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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 13 novembre 2002 - Vol. 37 N° 90

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Auditions (suite)

Autres intervenants

 
M. Rémy Désilets, président suppléant
M. Gilles Labbé, président suppléant
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Nicole Léger
M. David Payne
M. Christos Sirros
Mme Cécile Vermette
Mme Manon Blanchet
M. Bernard Brodeur
* Mme Karine Triollet, Table de concertation Action-Gardien
de Pointe-Saint-Charles et Groupe anti-pauvreté de Notre-Dame-de-Grâce
* M. Jean Lalande, idem
* M. Michel Simard, Centre résidentiel et communautaire
Jacques-Cartier et Centre Le Havre de Trois-Rivières
* M. Sylvain Demers, idem
* M. Alexandre Piché, idem
* Mme Hélène Gravel, idem
* Mme Cécile Choinière, AQDR, section Granby et GASP de Granby
* Mme Hélène Plourde, idem
* M. Jean Tremblay, Café des Deux Pains de Valleyfield inc.,
CLSC Seigneurie de Beauharnois, BUPA et Partenaires pour
la revitalisation des quartiers anciens de Valleyfield
* Mme Sylvie Quenneville, idem
* M. Jacques Gagné, UTA MRC de L'Assomption
* M. Luc St-Georges, idem
* Mme Thérèse Allaire, idem
* M. Azzedine Achour, Solidarité Ahuntsic
* Mme Sandrine Cohen, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Désilets): Eh bien, bonjour. Bonjour, tout le monde. La commission des affaires sociales est réunie aujourd'hui afin de poursuivre sa consultation générale et ses auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Nous avons aujourd'hui, à 9 h 30, la Table de concertation Action-Gardien de Pointe-Saint-Charles et Groupe anti-pauvreté de Notre-Dame-de-Grâce; à 10 h 15, nous aurons le Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier et Centre Le Havre de Trois-Rivières; à 11 h 15, l'AQDR de Granby et le Groupe Actions Solutions de la Pauvreté, de Granby également; à midi quinze, il y aura la suspension; à 14 heures, on rencontre le groupe le Café des Deux Pains de Valleyfield, le CLSC Seigneurie de Beauharnois et Corporations Beauharnois, une place dans l'avenir et Partenaires pour la revitalisation des quartiers anciens de Valleyfield; à 15 heures, l'Université du troisième âge de la MRC de L'Assomption; et, à 15 h 45, Solidarité Ahuntsic; et, à 16 h 30, l'ajournement.

On est...

Une voix: ...

Le Président (M. Désilets): Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire? Merci de me ramener à l'ordre.

La Secrétaire: Merci, M. le Président. Alors, oui, M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion).

Auditions (suite)

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Et on est prêt à commencer avec le groupe Table de concertation Action-Gardien de Pointe-Saint-Charles et Groupe anti-pauvreté de Notre-Dame-de-Grâce. J'aimerais connaître qui présente le mémoire de même que les accompagnateurs.

Table de concertation Action-Gardien
de Pointe-Saint-Charles et Groupe
anti-pauvreté de Notre-Dame-de-Grâce

Mme Triollet (Karine): Bonjour. Donc, je m'appelle Karine Triollet, et c'est moi qui vais vous présenter le mémoire aujourd'hui. Alors, je m'adresse à vous en tant que coordonnatrice de la Table de concertation Action-Gardien de Pointe-Saint-Charles, qui est un quartier du sud-ouest de Montréal. Cette Table regroupe une vingtaine d'organismes communautaires et populaires qui travaillent ensemble pour l'amélioration des conditions de vie de la population et oeuvrent pour la justice sociale. Il s'agit donc d'un lieu de réflexion, de mobilisation, de concertation de l'action. La Table existe depuis plus de 20 ans et continue de représenter aujourd'hui la volonté des citoyens de prendre en main le développement de leur quartier.

Les groupes de Pointe-Saint-Charles ont été à l'origine de la campagne Pauvreté zéro et ont d'ailleurs soumis la question du barème plancher à l'attention de l'Assemblée nationale une première fois déjà en 1997 à l'occasion des auditions de la commission des affaires sociales sur le livre vert sur la sécurité du revenu.

Nous avons déposé le mémoire conjointement avec le Groupe anti-pauvreté de Notre-Dame-de-Grâce. C'est un organisme qui assiste les personnes à faibles revenus dans leurs démarches afin d'améliorer leurs conditions de vie. Nous n'avons malheureusement pas de représentant avec nous aujourd'hui.

Alors, je vais d'abord vous présenter l'essentiel de notre mémoire.

Et je suis accompagnée, donc, de Jean Lalande, qui est membre du Welfare Rights Committee et qui a été délégué par la Table Action-Gardien pour répondre à vos questions sur le mémoire.

n (9 h 40) n

Donc, le gouvernement nous convie à nous prononcer sur le projet de loi n° 112 qui constitue sa principale intervention sur les questions de lutte à la pauvreté. Comme beaucoup de monde, on s'est posé la question à savoir: Est-ce que le gouvernement aurait enfin décidé de s'engager sérieusement dans une lutte contre la pauvreté? Évidemment, on ne veut pas, a priori, présumer des bonnes ou des mauvaises intentions du gouvernement, mais vous comprendrez que nous restons vigilants et prudents, parce qu'on ne peut pas oublier que c'est largement la même équipe du gouvernement qui a, pendant des années, coupé à l'aide sociale comme aucun gouvernement auparavant.

Le projet de loi n° 112 ? et de nombreux groupes l'ont souligné ici, lors de cette consultation ? est surtout composé d'éléments qui restent à définir, d'intentions générales, de renvois à un plan d'action qui ne pourrait être connu que 60 jours après l'adoption de la loi. Alors, pour savoir si le projet de loi marque réellement le début d'une remise en question sincère des politiques passées du gouvernement et pour juger de sa bonne foi, nous avons choisi de ne pas analyser le discours du projet de loi afin de l'amender, de l'appuyer ou de le rejeter, mais de nous appuyer uniquement sur des faits concrets et sur les actions du gouvernement.

Nous invitons donc le gouvernement à faire dès maintenant un premier pas concret dans la reconnaissance des droits économiques fondamentaux des Québécoises et des Québécois. Selon nous, ce premier pas ne peut être que l'instauration d'un barème plancher à l'aide sociale afin de garantir la couverture des besoins les plus essentiels des personnes les plus pauvres. Ce premier pas pourrait être fait dès maintenant par un amendement à la loi existante sur le soutien au revenu. Cela donnerait le ton à toute la discussion sur le projet de loi n° 112. Cela nous permettrait de savoir si, oui ou non, le gouvernement s'en va dans la bonne direction et si, oui ou non, le projet de loi n° 112 mérite qu'on le prenne au sérieux.

Avant toute chose et pour éviter les confusions sur les termes, il est important de rappeler que l'instauration d'un barème plancher aurait pour effet d'établir un montant minimum à l'aide sociale. La loi établirait qu'il existe un montant minimum sur lequel pourront compter les personnes à faibles revenus qui se trouvent en situation de dernier recours et qui n'ont pas assez ou pas du tout de revenus pour couvrir leurs besoins vitaux. Ce montant serait calculé de façon à couvrir les besoins de base, notamment la nourriture, le logement, évidemment chauffé et éclairé, les vêtements et les médicaments. Il ne pourrait faire l'objet d'aucune saisie, ponction, pénalité ou coupure.

Nous rappelons ? mais vous devez le savoir ? que, suite aux réformes successives de l'aide sociale au cours des années, la loi ne prévoit aucun minimum spécifique et n'identifie pas les besoins devant être couverts par l'aide sociale. Pendant ce temps, des coupures pouvant aller de 50 à 300 $ peuvent s'appliquer sur les chèques sous toutes sortes de prétextes, dont, bien sûr, le refus du fameux parcours obligatoire. Évidemment, toutes ces mesures ont eu pour effet d'appauvrir les plus pauvres parmi les plus pauvres. Actuellement, on nous dit qu'on ne peut couper de plus de 50 % la prestation accordée à une personne. En réalité, c'est plus, mais admettons que ce soit ça. Quand on sait que le montant de base est de 537 $, dont la moitié au moins sert à payer le loyer, que reste-t-il si on coupe de 50 %? Ça veut concrètement dire que la personne dispose de 270 $ par mois pour vivre. Avec ce montant-là, je mets au défi n'importe qui de pouvoir couvrir ses besoins essentiels et même tout simplement de payer son loyer.

Le gouvernement est certainement conscient que de couper ainsi sans assurer un minimum vital, ça signifie que les personnes à l'aide sociale vivent continuellement sous la menace de devoir choisir entre perdre leur logement, ne pas payer leur facture d'épicerie, de téléphone ou d'électricité ou encore couper sur l'achat de médicaments. Il doit être aussi conscient qu'il place ces personnes en situation constante de lutte pour leur survie, en situation de stress et d'insécurité, et certainement pas en situation adéquate pour rechercher un emploi, développer leur potentiel ou pour participer au développement de leur communauté.

Nous sommes bien évidemment conscients que le barème plancher n'est pas une réponse suffisante pour résoudre le problème de pauvreté dans notre société, mais instaurer un barème plancher, c'est tout de même affirmer le droit à chacun à un minimum pour vivre. C'est donc le point de départ logique sans lequel aucun discours de lutte à la pauvreté ne pourra être crédible. Comment peut-on sérieusement prétendre lutter contre la pauvreté tout en refusant d'assurer que tous et toutes aient un toit, de la nourriture, des médicaments, tout en préservant le droit d'appliquer des sanctions à l'aide sociale sans minimum garanti? Ça n'a tout simplement aucun sens. Voilà pourquoi le barème plancher est un test infaillible et irréfutable pour s'assurer de la bonne foi du gouvernement. Si on regarde du point de vue des finances publiques, comment pourrait-on croire que le gouvernement puisse être disposé à allouer les sommes nécessaires à une lutte réelle contre la pauvreté tant qu'il refuse d'allouer même une fraction de ce montant pour garantir un minimum aux plus pauvres?

Par ailleurs, l'installation d'un barème plancher nous permettrait de revenir à une approche fondée sur les droits. Un minimum pour vivre, c'est une question de dignité humaine. C'est incompatible avec la façon actuelle d'attribuer la pauvreté à des causes intrinsèques à la personne. Vous devez savoir qu'il existe actuellement une sorte de discrimination à l'égard des prestataires de l'assistance-emploi. En effet, les lois garantissent aux citoyens un minimum vital en mettant une partie de leurs biens et revenus à l'abri de toute saisie ou de toute ponction, qu'on parle de la faillite, du dépôt volontaire, de saisie de salaire ou de biens, etc. Au Québec, les lois offrent ces garanties minimales à tous et à toutes sauf aux personnes les plus pauvres d'entre les plus pauvres, à savoir les personnes à l'aide sociale. Même Maurice Boucher peut être assuré qu'on ne le forcera jamais à choisir entre la nourriture et les médicaments dont il pourrait avoir besoin.

Alors, maintenant, si on regarde ce qu'il y a sur la question de l'aide sociale dans le projet de loi, on va y trouver des éléments déjà annoncés comme l'abolition de la coupure pour partage de logement. On va aussi y trouver des mesures qui ne nécessitent pas l'adoption d'une nouvelle loi. Le seul point plus précis, et qui serait effectivement un résultat de la loi n° 112 si elle était adoptée, il se trouve dans l'article 14b. On nous dit que le plan d'action doit proposer des modifications au programme d'assistance-emploi ? et je cite: afin «de fixer des règles de calcul permettant de verser une prestation minimale lors de l'application des réductions de prestations liées aux sanctions administratives ou à la compensation effectuée pour rembourser un montant dû».

Il est bien évident que tout cela va rester flou tant qu'on n'aura pas précisé les règles de calcul. Une lecture plus attentive du texte nous a convaincus que cet article 14b ne dit, en fait, pas grand-chose, et voici pourquoi. Dans la loi actuelle sur le soutien du revenu, le règlement... Enfin, avec le règlement 188, on nous dit que les sanctions et retenues sont calculées, jusqu'à un certain point, en fonction d'un pourcentage de la prestation. Donc, la nouveauté dans le projet de loi n° 112, c'est qu'on aurait des règles de calcul qui permettent de verser une prestation minimale, ce qui est effectivement différent à moins, bien sûr, que la règle de calcul de cette prestation minimale ne soit elle-même un pourcentage, puisque rien dans la formulation de l'article 14b du projet de loi ne l'empêcherait. Et, peut-être plus important encore, la nouvelle règle de calcul, qu'on ne connaît toujours pas, ne ferait que permettre ? et nous insistons sur ce mot ? de verser une prestation minimale. Il pourrait donc très bien ne s'agir que d'une mesure discrétionnaire et non de la garantie d'un minimum.

Enfin, ce que dit vraiment 112, si on relit attentivement, c'est que le plan d'action, qui ne pourrait être connu, rappelons-le, que 60 jours après l'adoption de la loi, est simplement tenu de proposer de telles modifications. Il n'y a aucune obligation de les adopter. Et, en plus, on rajoute à cela l'article 59 pour être bien sûr qu'il n'y ait aucun malentendu possible: «La présente loi ne doit pas être interprétée de manière à étendre, restreindre ou modifier la portée d'une disposition d'une autre loi.»

Regardons maintenant la règle de calcul que nous proposons avec le barème plancher. Le calcul permettrait de déterminer un montant servant à couvrir le coût de la nourriture, du logement, des vêtements et des médicaments. Les réductions sur le chèque seraient limitées par un barème, un montant dont la loi dirait explicitement et expressément qu'il doit couvrir les besoins essentiels. Si le projet de loi parle de verser une prestation minimale, alors pourquoi ne pas discuter de la proposition déjà existante? Le barème plancher est une revendication claire, efficace et très facilement compréhensible. Il ne s'agit pas d'une éventuelle prestation minimale sans obligation ni critère pour encadrer le calcul du montant. Avec le barème plancher, tout le monde sait de quoi on parle sans confusion possible. Il est donc possible de se prononcer clairement pour ou contre cette proposition.

Le Président (M. Désilets): Mme Triollet.

Mme Triollet (Karine): Oui.

Le Président (M. Désilets): Je vous rappelle qu'il vous reste cinq minutes pour votre présentation de 15 minutes.

Mme Triollet (Karine): O.K. C'est bien parfait.

Le Président (M. Désilets): Merci.

Mme Triollet (Karine ): Cette revendication n'est pas nouvelle. Elle a été mise sur la table dès 1997 par les groupes de Pointe-Saint-Charles. Elle a fait l'objet d'une importante campagne portée par l'Organisation des sans-emploi de la région de Montréal et le Front commun des personnes assistées sociales. La revendication a été appuyée par plus de 1 000 organisations, dont la Marche des femmes de l'an 2000, par plus d'une vingtaine de députés à l'Assemblée nationale. Elle a également fait l'objet de résolutions tant du Parti québécois que du Parti libéral du Québec. Alors, compte tenu de l'ampleur et de la nature des appuis enregistrés en faveur du barème plancher jusqu'au sein du parti au pouvoir, comment expliquer le fait que le gouvernement refuse même d'en discuter sérieusement? Comment se fait-il que, cinq ans après être venus ici même présenter cette revendication, nous n'avons toujours pas réussi à mettre cette discussion à l'agenda du gouvernement? Peut-être est-ce parce que, comme le disait une attachée du ministre Boisclair aux représentants de la Marche des femmes, l'instauration du barème plancher va à l'encontre du néolibéralisme. Peut-être aussi est-ce parce que, à la différence du projet de loi n° 112, l'instauration d'un barème plancher à l'aide sociale serait un geste qui engagerait vraiment le gouvernement.

n(9 h 50)n

En effet, les mesures que pourrait prendre le gouvernement d'ici les élections, par exemple, sur le nombre de logements sociaux ou sur des programmes de supplément au revenu ne seraient pas inscrites dans la loi et, toutes bienvenues qu'elles soient, elles pourraient être renversées par le gouvernement une fois traversée l'échéance électorale. L'instauration d'un barème plancher, en inscrivant, je le répète, dans la loi un élément permanent de protection des personnes, donnerait une bien meilleure garantie d'une orientation réelle du gouvernement.

Les réponses du gouvernement, jusqu'à aujourd'hui, sont très révélatrices, sans parler des nombreuses lettres sans accusé de réception. On pourrait aussi vous parler de l'absence flagrante de rigueur sur le sujet du barème plancher. Le ministre François Legault, lors du Sommet de la jeunesse, a parlé d'un montant de 17 milliards pour le barème plancher, tandis que le premier ministre de l'époque, M. Lucien Bouchard, l'avait rejeté parce que ça coûterait 500 millions de dollars. De son côté, la ministre Louise Harel, lors des dernières élections, semblait tout faire pour brouiller les cartes en vue d'un éventuel débat sur la question du barème plancher en mélangeant revenu de citoyenneté et barème plancher dans son argumentaire aux candidats du Parti québécois. Quant au premier ministre Bernard Landry, il semble avoir réglé la question une bonne fois pour toutes. Selon lui, le barème plancher, et je cite: «C'est du mur-à-mur, et les spécialistes, les gens qui sont vraiment favorables à la réinsertion disent que ce n'est pas la meilleure méthode.» Mais nous posons la question: Est-ce que priver quelqu'un d'un logement ou de médicaments est une meilleure méthode pour favoriser l'insertion à l'emploi? La question est pourtant fondamentale et relève d'un choix de société. Au nom de quelle logique le gouvernement, tout en prétendant lutter contre la pauvreté, insiste-t-il pour se réserver le droit d'appliquer des sanctions aussi dévastatrices à l'aide sociale et refuse-t-il de garantir des droits économiques et sociaux les plus élémentaires?

Le Québec adhère à des chartes internationales de droits économiques et sociaux. Le Québec se targue actuellement de vouloir siéger au concert des nations. Ne serait-il pas temps de commencer à respecter ses engagements ici même? Il va falloir statuer sur des principes sur lesquels on s'entend dans la société québécoise, et le premier principe sur lequel nous aimerions enfin avoir une réponse claire est: Est-ce qu'on pense que les gens devraient, oui ou non, avoir un minimum pour vivre? Si la réponse est oui, alors ça prend un barème plancher. Ainsi, en conclusion, nous invitons le gouvernement à nous donner un gage de sa bonne foi par un premier pas résolu dans la bonne direction en acceptant de garantir la couverture des besoins les plus vitaux des personnes les plus pauvres.

Le Président (M. Désilets): ...minute, Mme Triollet.

Mme Triollet (Karine): Oui. Nous saurions alors ce qu'il cherche à faire avec le projet de loi n° 112. Ce que je disais, c'est que, donc, le premier pas résolu dans la bonne direction, donc garantir la couverture des besoins les plus vitaux des personnes les plus pauvres, le gouvernement peut le faire dès maintenant ? au risque de me répéter ? indépendamment de la loi n° 112 en amendant la Loi sur le soutien du revenu. Si, au contraire, le gouvernement continue à parler de lutte à la pauvreté tout en refusant de garantir aussi peu que ces besoins vitaux, nous saurions alors ce qu'il cherche à faire avec le projet de loi n° 112. C'est tout simplement à nous amener en bateau, et le projet de loi pourrait bien alors apparaître comme un moyen de noyer le débat sur les droits économiques fondamentaux et sur une véritable redistribution de la richesse dans une vaste discussion sur le thème de la lutte à la pauvreté en général. Donc, lorsque le gouvernement aura lui-même tranché par son action ou par son inaction sur la question du barème plancher, il nous aura ainsi donné un signal clair de ses intentions. Alors là, et seulement là, nous pourrons juger si nous devons prendre le projet de loi n° 112 au sérieux. Là, et seulement là, nous discuterons de son contenu. Je vous remercie.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Je cède la parole maintenant à Mme la députée et ministre de Pointe-aux-Trembles, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Mme Léger.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Alors, merci d'être venus présenter votre mémoire. Merci aussi d'être un groupe d'action communautaire. Alors, on sait très bien comment vous oeuvrez auprès des personnes souvent démunies, parce que, vous, particulièrement, vous êtes à la Table de concertation et Groupe anti-pauvreté, d'une part. Donc, vous êtes très, très bien placés pour parler et vous exprimer par rapport à la lutte contre la pauvreté, d'une part.

Vous avez soulevé beaucoup de choses, particulièrement autour du barème plancher. Je vois que vous avez beaucoup de revendications, quelques-unes qu'on connaît évidemment depuis un certain temps. J'aurais plusieurs questions. Je ne sais pas lequel des deux va vouloir répondre. D'abord, vous dites que vous n'êtes pas sûrs du sérieux de la démarche. Vous dites que c'est des discours et pas nécessairement de la parole aux actes. J'aimerais quand même vous dire que, depuis les deux derniers budgets, il y a quand même plus de 1,34 milliard de dollars qui ont été donnés à la lutte contre la pauvreté. Je parle des logements sociaux, je parle d'indexation ? on va revenir sur l'indexation ? on parle du décrochage scolaire, sécurité alimentaire. Bon, il y a bien des éléments que je ne vous ai pas entendu soulever.

Effectivement, comme votre revendication est particulièrement autour du barème plancher, je vais vous poser la question de ce que vous pensez particulièrement du revenu de solidarité.

Et, dans un deuxième temps, vous faites toute la démonstration qu'on ne peut pas, comme gouvernement, lutter contre la pauvreté tant que nous n'avons pas réglé la question du barème plancher, donc ce qui veut dire que le projet de loi qui est sur la table, la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et le plan d'action qui viendra, les éléments que je vous ai dits tout à l'heure, de logements sociaux et de tout, vous considérez que ce n'est pas de la lutte à la pauvreté.

Le Président (M. Désilets): Mme Triollet ou M. Lalande? M. Lalande.

M. Lalande (Jean): Oui. O.K. Ce qu'on vous dit, ce n'est pas qu'il n'est pas possible de poser d'autres gestes contre la pauvreté, mais, si on parle d'une démarche qu'on veut inscrire dans une loi de lutte contre la pauvreté puis qu'on convie les groupes pour en discuter... Nous, ce qu'on dit, c'est que cinq ans après avoir amené cette question-là on ne comprend toujours pas l'acharnement à maintenir à tout prix la possibilité pour le gouvernement de priver les gens de logement ou de les forcer à choisir entre la nourriture et les médicaments, parce que refuser le barème plancher, ça veut dire qu'on insiste à tout prix pour conserver les dispositions actuelles qui permettent de priver les gens des moyens de couvrir leurs besoins les plus vitaux. Alors, c'est normal que, nous, on pose la question: Pourquoi?

Oui, il est possible d'agir contre la pauvreté indépendamment des lois, mais tout en contournant la question des droits économiques et sociaux fondamentaux. Ça peut vouloir dire, par exemple, que le gouvernement financerait plus de logements sociaux d'ici les élections, et on en serait bien content. Ce serait quelque chose dont les gens profiteraient. Même si c'était fait pour des motifs électoralistes et puis que ces politiques-là étaient abandonnées le lendemain des élections, ce seraient quand même des choses qui aideraient dans la lutte contre la pauvreté. Mais nous, ce qu'on dit: Si on veut faire une démarche vraiment sérieuse, à long terme, de lutte contre la pauvreté, ça doit... ça ne peut pas passer à côté de la question des droits économiques les plus fondamentaux, puis on ne peut pas s'expliquer dans ce contexte-là le refus de même discuter de la question de garantir la couverture. Comprenons-nous bien, est-ce qu'on peut parler de lutte contre la pauvreté en refusant de garantir aussi peu que la garantie des besoins les plus vitaux des personnes les plus pauvres? C'est ça qu'on pose.

On l'avait posé déjà quand on était venu à la commission des affaires sociales en 1997. Pour que ce soit très concret, on avait amené un test budgétaire. M. Sirros était là. Il s'en souvient parce que, bon, il y avait... À ce moment-là, il était présent quand on avait invité les membres de la commission... On avait invité les commissaires à nous démontrer: Est-ce que c'est possible, avec les montants existants ou avec les montants coupés, de couvrir des besoins essentiels qui sont indiqués ici? Alors, on a indiqué le loyer, l'électricité, le chauffage, la nourriture, le vêtement, les médicaments, bon, le dentiste, les soins personnels, buanderie, nettoyeur, produits nettoyants, téléphone, transport, électroménagers, si on a besoin de réparation, dépenses pour recherche d'emploi, et comment le faire avec 537 $ par mois? Comment le faire si on a une retenue de 112$ et une sanction administrative de 150$ puis qu'on a 275? Puis rappelez-vous que les gens peuvent recevoir encore moins. Et combien il serait nécessaire selon vous?

On va le distribuer. Parce qu'on l'avait distribué à l'époque, parce que ce qu'on se disait, c'est que ça permettait une discussion très, très concrète. Ça permettait vraiment une discussion très concrète de la question. Plutôt que de discuter, par exemple, du revenu de solidarité, qui est mentionné dans la stratégie de lutte, qui serait un montant de référence... C'est quelque chose dont on pourrait discuter, mais on préférerait discuter beaucoup plus concrètement des besoins précis que les gens doivent rencontrer, ceux de se loger, de se nourrir avec les montants tels que les lois existantes les prévoient.

Pourquoi on pense que ça permet une discussion plus concrète? Parce que, quand vous essaierez de remplir le budget, vous avez un montant puis vous essaierez de distribuer combien les gens doivent allouer à chaque poste de dépense. Il y a trois réponses possibles. Il y en a une qui est de dire: C'est possible et puis, à ce moment-là, d'indiquer comment on peut le faire pour que, nous, on puisse transmettre ces informations-là aux personnes qui sont frappées de sanctions puis de pénalités. O.K.? Puis, à ce moment-là, si on dit que c'est possible, il faut avoir l'honnêteté de démontrer comment, puis nous, on transmettra cette information-là aux gens. Mais sachez que personne ne nous a jamais dit que c'était possible. Quand on l'avait présenté en 1997, tous les commissaires avaient dit que c'était impossible à faire.

Ou encore la deuxième possibilité, c'est: On dit que c'est impossible et, en conséquence, on va s'attaquer aux problèmes, on va s'assurer que les gens aient un minimum pour couvrir au moins ces besoins-là, pour s'assurer que tout le monde soit assuré, quelles que soient ? comment je pourrais dire? ? quelles que soient toutes les autres discussions qu'on puisse avoir par ailleurs, pour qu'il soit clair que notre choix de société que tout le monde va pouvoir se loger, manger, se soigner soit assuré.

La troisième possibilité, c'est de dire: c'est impossible, mais on l'assume...

Le Président (M. Désilets): En conclusion, parce qu'on a d'autres questions.

n(10 heures)n

M. Lalande (Jean): Oui, en conclusion. Alors, la troisième possibilité, c'est de dire: C'est impossible de le remplir, mais c'est un choix qu'on assume, puis de le dire clairement à la population: On considère que le gouvernement est légitime de priver certaines personnes, dans certaines conditions, de logement ou de médicaments. Il y a d'autres législatures, d'autres États, d'autres politiciens qui disent ça clairement.

Ces trois possibilités-là, quant aux budgets types qu'on vous présente, ça correspond à trois positions sur le barème plancher. On pense que l'action du barème plancher pose de la façon la plus claire possible toutes les autres questions en termes de lutte contre la pauvreté. C'est pour ça qu'on pense que ce doit être le point de départ de la discussion sur la lutte contre la pauvreté.

Le Président (M. Désilets): Merci. Mme la ministre.

Mme Léger: Vous me dites... Je vois ce que vous m'apportez, c'est que, en même temps, il faut considérer ce qui a déjà été fait, mais effectivement on peut toujours faire mieux. Le fait de déposer une loi, une stratégie nationale et puis d'être capable de mettre sur la table, ce que je voudrais dire, un revenu de solidarité... c'est pour ça que je voulais faire le lien avec le barème plancher qu'un revenu de solidarité, c'est un seuil qu'on se met actuellement sur la table.

Mais je veux quand même vous dire... tout à l'heure on a dit que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a coupé l'aide sociale, vous allez me permettre de rectifier les tirs. C'est bien grâce à notre gouvernement qu'on a pu faire... d'abord, je vois ma collègue qui rentre, qui a tout fait la réforme pour la sécurité du revenu, Louise Harel, qui est ici présente. Mais on a toujours indexé d'abord, depuis que nous sommes au pouvoir, toujours indexé les personnes inaptes et les personnes aptes qui ont toujours eu l'indexation année par année. Et à partir de janvier 2003 ? je pense bien que c'est janvier 2003 ? ça va se faire automatiquement. Alors, d'avoir plus d'un montant supplémentaire, c'est une chose, mais de dire qu'on a coupé, ça, je dois rectifier les choses.

J'aimerais qu'on... Vous ne m'avez pas parlé du revenu de solidarité tel quel. Avant que je laisse la parole à mon collègue du comté de Vachon, j'aimerais savoir: Qu'est-ce que vous pensez du revenu de solidarité qui est un seuil qu'on se donne, qui va venir bonifier dans le fond l'aide de dernier recours que nous avons là, qui va venir mettre sur la table des discussions? Parce que le Comité consultatif et l'Observatoire vont se pencher aussi sur le revenu de solidarité, ça va permettre une meilleure équité, d'une part. Alors, ce n'est peut-être pas la notion du barème plancher tel quel, mais il y a quand même sur la table un revenu de solidarité. Alors, si vous me dites que depuis plusieurs années vous revendiquez le barème plancher, qu'est-ce que vous pensez qu'on met sur la table, le revenu de solidarité?

Le Président (M. Désilets): M. Lalande.

M. Lalande (Jean): Je vais commencer par le premier point sur les coupures. Sans faire un grand débat là-dessus, disons qu'en 1996-1997, dans ces périodes-là, il s'est passé... il y a eu plusieurs coupures, les plus importantes à l'aide sociale depuis que le régime de l'aide sociale existait. Par exemple, il y a eu l'abolition du barème disponible qui voulait dire que toutes les personnes descendaient de 50 $, en tout cas les personnes aptes au travail perdaient 50 $ au point de départ. Les pénalités pour... les sanctions administratives pour refus et abandon d'emploi passaient de 100 à 200 $, de 150 à 300 $. La retenue maximum pour une dette à l'aide sociale passait de maximum 112 à maximum 224, sans compter que les médicaments de prescription, qui étaient autrefois gratuits, n'étaient plus gratuits, il fallait que les gens paient quelque chose. Alors, quand vous additionnez tout ça, ça a fait reculer le droit à l'aide sociale de façon incomparable à quoi que ce soit qu'on ait vu auparavant.

Parce que, nous, vous voyez, la distinction qu'on fait... la question qu'on pose, c'est la question des droits des personnes dans tout ça. Il y a différentes mesures qui vont être adoptées selon la conjoncture économique puis selon la conjoncture électorale aussi, mais la question qu'on pose, c'est celui du choix qu'on fait comme société au-delà des conjonctures économiques ou politiques particulières, du choix fondamental qu'on fait, à savoir: Est-ce que les gens... Est-ce qu'on veut s'assurer que les Québécois et les Québécoises puissent tous se loger, manger, se soigner? On fait ce choix-là pour tout le monde, on le fait même pour les prisonniers, hein, on le fait pour les criminels. Alors, est-ce qu'on ne devrait pas le faire pour les sans-emploi? C'est ça, la question qu'on pose.

Le revenu de citoyen ne répond pas vraiment à cette question-là. Le revenu de citoyenneté, comme on a pu le comprendre, c'est une cible, ce serait un montant de référence, ce serait une cible à atteindre. Ce ne serait pas un montant qui serait assuré à toutes les personnes en situation de dernier recours. Et nous, dans le fond, ce qu'on ne comprend pas, ce qu'on ne comprend vraiment pas, c'est... Après des années où on a posé une question très, très simple, on pose la question d'amender la Loi sur l'aide de dernier recours pour assurer que les gens qui n'ont pas d'autres revenus aient au moins de quoi couvrir des besoins vitaux, ce qui serait, selon nous, le sens d'une loi de l'aide sociale. C'est très, très clair, puis ce qu'on ne comprend pas, c'est qu'avec les milliers de groupes qui ont appuyé ça, des dizaines de députés, des résolutions dans les congrès du parti, comment ça se fait qu'on n'en parle toujours pas?

Le Président (M. Désilets): M. Lalande, merci beaucoup. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Bonjour. Le projet de loi prévoit, comme vous le constatez, un élément qui est innovateur, le revenu de solidarité. En vous écoutant, j'ai l'impression que ça répond à vos préoccupations, mais les discours que vous tenez me semblent un peu disloqués dans le sens que vous parlez des droits économiques et sociaux comme s'ils existaient dans l'absolu.

Dans un monde de fiction, je voudrais bien que vous soyez ministre de l'Économie sociale pendant un mois pour vous rendre compte qu'il faut que ces droits économiques fondamentaux se trouvent le sens dans une vie réelle. Lorsqu'on doit se composer avec les créations, les bonifications que vous admettez, par exemple Emploi-Québec, ou je pourrais ajouter les autres mesures qui ont des fois un effet extraordinaire sur l'économie sociale, les garderies à 5 $, vous voyez tout de suite les conséquences, en partie responsables à cause de ça, des 100 000 emplois qui sont créés cette année, des nouveaux emplois, et une chute dramatique, je dirais même spectaculaire dans le nombre de prestataires d'aide sociale dans les dernières quelques années, je dirais même depuis la réforme que nous avons instaurée.

Autrement dit, le revenu de solidarité, c'est plutôt une série de mesures qui sont prises en compte, c'est le supplément de revenu de travail, en l'occurrence, les mesures d'intégration d'emploi préconisées, par exemple, par Emploi-Québec ou l'augmentation d'aide directe. Autrement dit, on va calculer c'est quoi, le seuil de pauvreté, mais ce n'est pas un absolu en soi. Si c'est ça, l'individu n'aurait pas d'obligation, à la limite, n'aurait pas d'obligation et, ça, ce serait l'anarchie sociale. Je voudrais avoir vos commentaires à ça... et expliquez de quelle manière vous pouvez vivre avec l'innovateur qui s'appelle le revenu de solidarité et en quoi ça différerait par rapport à ce que, vous, vous proposez.

Le Président (M. Désilets): M. Lalande, avant de répondre, je vous rappelle qu'il vous reste une minute pour répondre à la question, avant de passer l'autre 15 minutes au parti de l'opposition, puis répondre dans vos... maintenant dans le cadre d'une minute.

M. Lalande (Jean): O.K. Bon, je n'ai pas le temps de répondre à tout, puis je ne pourrais être ministre de la Solidarité sociale, mais, par contre, vous pourriez essayer aussi de passer un mois avec 275 $ par mois ou vous n'avez pas besoin de le faire, vous pourriez juste remplir ça pour nous prouver qu'un barème plancher à l'aide sociale n'est pas nécessaire, pour nous prouver que ce n'est pas nécessaire. Puis, nous, c'est ça qu'on se demande toujours: Pourquoi après cinq ans, alors qu'on est censé parler de la lutte contre la pauvreté? Est-ce que les gens au gouvernement peuvent nous expliquer pourquoi ils sont contre une mesure, qu'ils mettraient dans la loi, qui dirait que la loi de l'aide de dernier recours va comporter un montant en-dessous duquel on ne peut pas couper et que ce montant-là va être calculé de façon à couvrir certains besoins spécifiques qui sont identifiés? Alors, est-ce qu'ils peuvent nous dire pourquoi, après cinq ans, où des milliers de personnes et de groupes ont posé la question, est-ce qu'on peut nous dire pourquoi c'est inacceptable ou même pourquoi c'est inacceptable même de nous expliquer pourquoi ils sont contre? Parce qu'on n'a jamais même pu encore entendre un argument de la part de quelqu'un au gouvernement qui nous expliquerait pourquoi c'est irrecevable comme proposition.

Une voix: ...

M. Lalande (Jean): Mais ça n'a pas été posé en termes d'argent, l'objection, hein. Ça vient d'où, l'argent? Écoutez, si on fait une lutte sérieuse contre la pauvreté, vous pouvez imaginer les coûts. Alors, si on parle de couvrir seulement les besoins vitaux les plus élémentaires, c'est forcément une fraction de ce coût-là. C'est pour ça qu'on dit que ça indique le sérieux de la démarche ou non. Puis, en termes de choix de société ? vous parlez d'anarchie, tout ça ? moi, je dirais, au Québec, qu'on a fait un choix de société en général qui s'applique dans toutes les situations, où on s'assure que les gens aient de quoi couvrir leurs besoins vitaux. C'est pour ça qu'il y a des exemptions en cas de saisie de salaire...

Le Président (M. Désilets): M. Lalande...

M. Lalande (Jean): ...c'est pour ça qu'on a l'assurance maladie, c'est pour ça que les gens sont...

Le Président (M. Désilets): Je suis obligé, M. Lalande...

M. Lalande (Jean): Parfait.

Le Président (M. Désilets): ...de vous interrompre pour permettre à M. le député de Laurier-Dorion de poser ses... sa période de 15 minutes, de questions. Ça fait que merci beaucoup.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Et soyez assuré, M. Lalande, que vous aurez l'occasion de continuer parce que, en vous écoutant parler, je disais à la blague à mon assistant, ici, que je reconnais toute l'argumentation que je mets devant le gouvernement depuis au moins deux ans maintenant dans le sens suivant. Effectivement, c'est une question de choix, c'est une question de faire la démonstration du sérieux de la démarche et de se comprendre par rapport à l'objectif qu'on vise. Si on dit qu'on a un régime d'aide sociale qui est là comme un filet de sécurité sociale ? et c'est ce qu'on a toujours dit ? c'est comme ça que le régime a été conçu il y a maintenant, quoi, 40 ans à peu près, 30 ans, 40 ans, dans des situations différentes à l'époque, dans une culture même différente à l'époque, beaucoup de choses ont évolué.

Il me semble que, quand on va prendre compte d'où on se trouve aujourd'hui, on va faire un certain nombre de constatations. Vous avez fait en 1997 une démonstration très éloquente par rapport au montant minimal. Il y a d'autres constatations que, nous, on a faites. Et je vais vous mettre de l'avant l'analyse qu'on avait faite sans prétendre qu'on va se rejoindre sur tous les points ou sans prétendre qu'on a toutes les solutions à tout.

n(10 h 10)n

Mais, nous, on a, il y a deux ans et demi... Et, quand je dis nous, je veux dire l'opposition officielle. Et j'ai le privilège d'avoir une expérience qui m'a permis de voir effectivement, depuis les 22 dernières années ici, à l'Assemblée nationale, l'évolution de tout le débat de l'aide sociale, et ça a toujours été un dossier que j'ai suivi de près.

On a fait la constatation suivante. Il y avait trois éléments incontournables. Peu importe ce qu'on voudrait dire, il y avait trois éléments qu'on a identifiés, nous, comme incontournables au niveau de l'aide qu'on devrait accorder dans le régime que nous avons.

En premier, c'était la question de l'indexation. Et je vous rappelle qu'il y a deux ans et demi il n'y avait pas eu d'indexation pendant six ans au niveau des prestations d'aide sociale pour les personnes sans contrainte à l'emploi. Donc, ceux dont vous dites qu'ils recevaient 537 $, c'est 537 depuis six ans sans indexation, tandis que le coût de la vie montait à toutes les années, 2 %, 2,5, 1,5. Quand on faisait le cumul de six ans, ça donnait facilement 15, 20 % d'augmentation. Donc, un premier manque-à-gagner en quelque sorte. On a baissé, on a baissé les prestations pour ne pas les avoir indexées.

Deuxième chose qu'on a faite depuis les dernières années, c'est qu'on a ajouté une obligation aux personnes qui recevaient ce montant, qui n'était déjà pas assez pour couvrir le minimum, d'assumer en plus une partie pour les frais de leurs médicaments, chose qui n'existait pas avant.

Troisième chose qu'on avait faite, c'est qu'on a imposé, vous l'avez très bien démontré au niveau des pénalités puis des sanctions, comme du jamais vu auparavant... Et je recommanderais tout simplement à la ministre d'arrêter d'essayer de justifier cette question-là. C'est effectivement son gouvernement qui a rendu la plus grande coupure au régime d'aide sociale et pour les assistés sociaux.

Des fois, on est mieux d'essayer d'arrêter de défendre l'indéfendable, de faire son mea culpa, l'accepter et aller de l'avant. Et vous avez l'occasion de le faire parce que vous présentez un projet de loi qui se veut un projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et vous êtes mis aujourd'hui devant la logique de votre démarche.

Et la logique de la démarche, avec ce qu'on vient de dire, si vous présentez en même temps un projet de loi qui se veut autre chose que simplement du marketing politique, bien, à ce moment-là, il faut livrer quelque chose. Et là on nous dit ici: Le minimum qu'il faut livrer, c'est la notion du barème plancher. Ça soulève un certain nombre de questions qu'il faut regarder.

Nous, on a voté non seulement en conseil général, au caucus... Ça a été repris à toutes les instances au niveau de trois choses. L'indexation automatique, je pense qu'on a gagné finalement. On a gagné parce que, effectivement, devant une évidence aussi évidente, il y a maintenant ? et ce n'est toujours pas dans la loi ? ...mais il y a une acceptation que les prestations sont dorénavant indexées automatiquement au coût de la vie.

Deuxième engagement, il faut absolument rétablir la gratuité des médicaments. Ça, on ne passera pas à côté, et je mettrais ça même avant la question du barème plancher. Vous le couvrez parce que vous mettez les médicaments dans le barème plancher. Nous, on a pris l'approche de dire: C'est quoi, les problèmes? Assurance médicaments, il faut absolument le garantir. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, et c'est exactement la même argumentation que j'ai faite. J'ai dit au gouvernement: Vous ne pouvez pas être sérieux, quand vous parlez d'une loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, si vous n'êtes même pas capable... Oublions la question du député de Vachon pour l'instant: D'où viendra l'argent pour le barème plancher? Traitez simplement de la question de l'assurance médicaments. Vous ne pouvez pas être sérieux de faire une loi si vous n'êtes pas capables de garantir la gratuité des médicaments. Savez-vous c'était quoi, la réponse à ça? Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question d'équité. C'est une question d'équité, on me disait, c'est par principe qu'on fait payer les assistés sociaux. C'est la ministre de la Solidarité sociale, d'État, qui m'a répondu, en reprenant la même argumentation que l'instigateur du régime a faite il y a quelques années, en disant: Il faut aussi que les assistés sociaux paient une partie de leur franchise par équité vis-à-vis les travailleurs à faibles revenus qui, eux, doivent payer quelque chose. Alors, bon, c'est une autre conception de c'est quoi, l'équité; c'est l'équité par le bas. Troisième élément que nous avons pris des engagements, c'est: oui à un seuil minimal. On a délibérément choisi de ne pas l'appeler «barème plancher» parce que le mot «barème plancher» à l'heure actuelle comporte ce que vous voulez, une garantie pour la couverture des besoins essentiels avec l'octroi du barème plancher. Mais, minimalement, on se dit: Il doit y avoir un seuil minimal, un barème plancher. Sans ajouter à ce moment-ci quel est le montant qu'on rattacherait au barème plancher, on s'est engagé à ce qu'il y ait un montant à convenir, selon les disponibilités, selon un échéancier, je ne sais pas trop quoi, mais la logique, elle est là; la logique, c'est qu'il doit y avoir un minimum que la société décide, en bas de laquelle il n'y aura pas de coupure ? nous, on a dit: Sauf en cas d'exception de fraude... sauf en cas de fraude, parce qu'il y a quand même, bon, cet aspect-là dont il faut tenir compte.

Alors, ces trois éléments: un minimum, gratuité des médicaments, indexation automatique... je cherchais à un moment donné... parce que, précisément, vous avez dit que tant les députés du Parti québécois, tant les députés du Parti libéral que la société en général, je pense, auraient pu faire un consensus au niveau de ces trois éléments-là, sans identifier pour l'instant, je le répète, le montant qu'on accorderait à ce seuil minimal. Parce qu'il faudrait effectivement faire un débat puis, honnêtement, on n'est pas en mesure... personnellement, je ne suis pas en mesure, à l'heure actuelle, sans avoir les chiffres, sans savoir quels sont les autres choix qu'on peut faire, de vous dire... Ce serait irresponsable de ma part de vous dire: Oui, une décision, du jour au lendemain de l'élection du gouvernement libéral, ça va être 500 millions de plus, etc. Je n'ai pas accès aux chiffres, je n'ai pas accès... non, je n'ai pas accès aux chiffres à ce moment-ci. On n'a pas accès au fait, par exemple, qu'il y a eu des choix que ce gouvernement a faits, d'investir quelque chose comme 400 millions en termes de crédits d'impôt ? crédits d'impôt ? pour la nouvelle économie, le e-commerce, etc., la Cité du multimédia, etc. C'est des choix qui ont été faits de donner de l'aide ? on ne l'appelle pas «sociale», celle-là, on l'appelle «l'aide économique» ? pour des grandes entreprises qui font des profits, qui sont souventefois multinationales, etc. C'est des choix qu'on a faits pendant qu'on disait qu'on se préoccupait de la lutte à la pauvreté.

Le développement économique, on en convient tous que le développement économique est au coeur de ce qui va nous permettre effectivement de s'assurer qu'il y a de plus en plus de services pour les citoyens. Et nous avons le paradoxe, depuis sept ans, où on a passé une période de croissance économique, qui n'a rien à faire avec les actions du gouvernement, là, ça a été mondialement reconnu, la plus soutenue dans l'histoire récente, et où nos services ont dégringolé, où la pauvreté a été augmentée...

Le Président (M. Désilets): M. le député de Laurier-Dorion, je veux juste vous mentionner que ça fait 10 minutes que vous préparez votre question, c'est important...

M. Sirros: Je sais, M. le Président. Pour une fois...

Le Président (M. Désilets): Oui. C'est beau. Je fais juste vous le mentionner.

M. Sirros: Je suis tout à fait conscient, merci beaucoup. Pour une fois, durant ces cinq semaines, je vais faire ce qui est fait de l'autre côté, souvent, prendre beaucoup de temps pour resituer le débat, mais, je pense, le resituer correctement, M. le Président, selon ma perception des choses, et je vais laisser assez de temps, effectivement, pour que les gens puissent commenter et ce que je viens de dire et leur poser une question.

Mais tout ça étant dit, ça, c'est le tableau par lequel, nous, on approche aussi le projet de loi n° 112. Et, effectivement, vous avez raison de dire que pour l'instant, et ce n'est pas mauvais en soi, il y ait des principes et des orientations qui sont mis dans une loi qui serait adoptée par l'ensemble de l'Assemblée nationale. Je passerai sur le fait qu'on aurait pu envisager une démarche qui aurait pu mobiliser davantage de solidarité autour de la démarche.

n(10 h 20)n

Et je vais terminer en vous faisant remarquer et en vous permettant de commenter sur le fait que vous parlez de manque d'action concrète, et tout le monde commence à dire que c'est 60 jours après l'adoption de la loi. Je vous fais remarquer que l'article qui parle de la mise en application du plan d'action ne dit pas ça, ça dit qu'il sera mis en application à la date qui suit de 60 jours celle de l'entrée en vigueur du présent article, et la loi elle-même, elle sera en vigueur quand le gouvernement le décidera. Donc, au moment où on se parle, on ne sait pas exactement quand. On pourrait imaginer qu'il y aurait un processus qui ferait coïncider les choses avec d'autres échéanciers. Mais, moi, je reste là, puis en attirant sur cet aspect de la loi votre attention, en vous disant que, même à ce niveau-là, ce n'est pas clair; et, au niveau du revenu de solidarité dont on parle, il n'est pas dans la loi.

Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires, mais j'avais le goût de me défouler un petit peu.

Le Président (M. Désilets): M. Lalande, il vous reste trois minutes pour compléter ou répondre à la question du député de Laurier-Dorion.

M. Lalande (Jean): O.K. C'est juste parce que je n'avais pas eu l'occasion de le dire tantôt, j'ai revérifié encore le revenu de solidarité, qui n'est pas dans la loi n° 112, mais qui est dans la stratégie de lutte, et puis on en parle... Oups! Je vais le lire. Alors, c'est ça: «Ce revenu de solidarité constitue le seuil, variable selon la composition des ménages, qui servira de cible à l'amélioration du revenu des personnes en situation de pauvreté.» Alors, on ne parle pas de prestations. Et puis, tu sais, ça fait partie de ce qui nous rend perplexes un peu, parce que, nous, on a posé en toute bonne foi... depuis des années, on a posé une proposition, on dit: La loi de l'aide de dernier recours devrait être amendée pour inclure un barème plancher, un seuil minimal en dessous duquel on ne puisse pas couper, et que la loi établisse en fonction de quels critères ce montant-là est calculé. Ça, on peut être contre, on peut être pour, on peut en discuter.

Ce qui nous rend vraiment perplexes, c'est: Si le gouvernement désire discuter sincèrement de lutte à la pauvreté puis discuter avec les groupes, bien, bon sang, pourquoi c'est impossible de discuter de ça? Pourquoi on n'entend toujours pas en quoi c'est inacceptable qu'une aide de dernier recours comporte un seuil minimal puis que ce seuil-là soit calculé en fonction de besoins spécifiques et identifiés? Vous comprendrez que ça nous laisse perplexes, parce que refuser ça, ça veut dire clairement qu'on veut maintenir une situation où on peut priver les gens de logement ou les priver de médicaments puis ainsi de suite. C'est une position que d'autres politiciens et d'autres politiciennes assument. Je veux dire, le gouverneur de l'État du Michigan ou même des gens comme Ralph Klein ou Mike Harris, ils assument cette position-là, ils la présentent clairement aux électeurs et aux électrices. Je n'essaie pas de dire que les politiques sont les mêmes et que les orientations sont les mêmes, ce n'est pas ça que je dis. Mais ce que je dis, c'est que, si on veut avoir un débat clair, on pense que notre proposition permet de discuter clairement, beaucoup plus clairement que l'article 14b, par exemple, tu sais. Alors, c'est pour ça qu'on ne comprend pas pourquoi, en revenant ici même cinq ans après, on n'entend toujours pas de discussion là-dessus.

Ça nous laisse perplexes quant à toute l'entreprise, en fait, du projet de loi n° 112, parce que, vous comprendrez, ça nous passe par la tête. Nous, on ne veut pas faire de procès d'intention au gouvernement d'une façon ou d'une autre, mais, forcément, ça nous passe par la tête, parce que ça se pourrait que ce soit une démarche pour discuter de lutte à la pauvreté avec les groupes et d'étirer ça assez longtemps pour qu'on puisse traverser l'échéance électorale sans se commettre sur des mesures précises, c'est-à-dire les mesures incluses dans la loi ? je ne parle pas des dépenses qui peuvent être faites et pas répétées par la suite. On se pose la question: Est-ce que ce serait ça? Est-ce que ce serait une façon de noyer le débat sur... Parce que c'est un débat ? comment je pourrais dire? ? qui invite tout le monde ? les députés, mais tout le monde en général ? à se situer sur quelque chose de très fondamental: Est-ce qu'on considère que l'État devrait assurer les besoins vitaux de tous les citoyens et citoyennes, oui ou non?

Alors, on aimerait avoir un débat là-dessus. Mais ce qu'on a, ce n'est pas des objections face à notre position, ce qu'on a, c'est un évitement constant de ce débat-là, c'est que c'est constamment évité; même encore aujourd'hui, on ne vous entend pas en parler. Puis pourtant, il y a eu 1 000 groupes, 20 députés, les deux partis. Bon sang! Mais qu'est-ce que ça prend? Il y a eu la Marche des femmes, il y a eu... Mais qu'est-ce qu'il faut pour mettre une question à l'agenda?

Le Président (M. Désilets): M. Lalande, en tant que Président, j'ai la...

M. Lalande (Jean): Oui.

Le Président (M. Désilets): ...la tâche ingrate de vous arrêter de parler, de vous remercier de la présentation de votre mémoire, qui était quand même excellent, qui était une belle présentation.

Je vais suspendre les travaux pendant quelques secondes, le temps que les gens puissent aller vous remercier. Et j'inviterais, pendant ce temps-là, le Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier de même que le Centre Le Havre de Trois-Rivières à prendre place. Merci beaucoup. On va suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

 

(Reprise à 10 h 26)

Le Président (M. Désilets): On est prêts à recommencer nos travaux. M. Simard, je ne sais pas si c'est vous qui commencez ou qui...

Centre résidentiel et communautaire
Jacques-Cartier et Centre Le Havre
de Trois-Rivières

M. Simard (Michel): On avait convenu le contraire.

Le Président (M. Désilets): Ah! Vous avez... O.K. Je vais vous laisser aller. Vous commencez et vous présentez votre équipe?

M. Demers (Sylvain): O.K.

Le Président (M. Désilets): Oui, allez-y.

M. Demers (Sylvain): Alors, moi, c'est Sylvain Demers. Je travaille au Centre Jacques-Cartier, le Centre résidentiel et communautaire; je suis accompagné d'Hélène Gravel, qui est membre et résidente au Centre Jacques-Cartier, et d'Alexandre Pichette, qui est aussi membre et résident au Centre Jacques-Cartier.

M. Piché (Alexandre): Piché.

M. Demers (Sylvain): Piché, je m'excuse.

Alors, dans un premier temps...

Le Président (M. Désilets): Vous avez 20 minutes. Excusez-moi, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Demers (Sylvain): Ah, moins que ça, on me dit, là. On me parlait d'un 10 minutes parce qu'on est partagé à deux, hein.

Le Président (M. Désilets): Oui, oui, c'est ça.

M. Demers (Sylvain): O.K. Alors, dans un premier temps, on vous remercie de nous donner l'occasion de pouvoir s'exprimer sur la question de la lutte à la pauvreté. Le Centre Jacques-Cartier, pour vous situer ? parce que vous en voyez plusieurs défiler dans le cadre de la commission ? le Centre Jacques-Cartier, c'est un lieu destiné à des jeunes de 16-30 ans dans le but de les mobiliser, pour les accompagner dans un processus de changement de vie, dans le but de les soutenir pour qu'ils puissent enfin espérer avoir des jours meilleurs dans notre société et qu'ils soient capables de prendre leur place et de se faire respecter et d'être respectueux aussi par rapport à leurs pairs.

Donc, par l'ensemble de nos services dont le résidentiel, la question de la pauvreté est une question majeure, est un irritant essentiel à leur capacité de s'intégrer socialement, et, par la présentation du mémoire, vous allez voir tout particulièrement ce sur quoi les jeunes ont une volonté que le gouvernement inscrive des changements importants et significatifs pour eux. Donc, je laisse à Hélène le soin de présenter le mémoire.

Le Président (M. Désilets): Merci.

Mme Gravel (Hélène): Bonjour. Moi, je vais commencer...

Le Président (M. Désilets): Madame...

Mme Gravel (Hélène): Oui?

Le Président (M. Désilets): Gravel, oui?

Mme Gravel (Hélène): Gravel, oui. Moi, je vais commencer en vous disant que ce qui est rapporté dans le mémoire, c'est ce que j'ai pu palper dans mon entourage, en tant que membre du Centre Jacques-Cartier, et des gens pauvres que je rencontre dans mon entourage.

Aux membres de la commission des affaires sociales, en mon nom personnel et au nom du Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier, je tiens à faire valoir l'importance pour nous de rendre le projet de loi n° 112 vraiment clair et vraiment en lien avec les besoins réels et criants des démunis.

Nous considérons que la pauvreté est le maillon faible de notre société et le lot de trop de gens; ses conséquences au point de vue humain, tant au niveau individuel, familial que sociétal, sont telles que son maintien affecte négativement pauvres, riches et moins riches. Tous y perdent, d'une façon ou d'une autre, en dignité, en qualité de vie ou en capacités et moyens pour s'épanouir normalement, par exemple pour travailler, et en coûts sociaux stériles quand les objectifs publics de lutte à la pauvreté se limitent à donner bonne conscience aux mieux nantis au lieu de redonner leur dignité à ceux qui le sont moins. D'où la nécessité pour le gouvernement et les parlementaires d'éviter les bémols à répétition qui rendraient largement inopérant le projet de loi à l'étude, et ce, malgré sa raison d'être: contrer la pauvreté.

n(10 h 30)n

Par exemple, pour valoriser ceux et celles qui sont déterminés à améliorer leur sort et pour que l'État soit conséquent quand il dit vouloir favoriser leur employabilité, donc leur faire prendre pied sur le marché du travail en y réalisant des gains nets et non en s'appauvrissant, il devient impératif d'éviter toute pénalité ou réduction de prestation à un prestataire qui, par son travail, réalise des gains mensuels s'inscrivant malgré tout, aide sociale comprise, en deçà du seuil de la pauvreté. En clair, ça veut dire encourager les gens à travailler pour mieux vivre au lieu de plafonner bêtement leur ambition pour des considérations comptables et bureaucratiques à courte vue. Puis ça veut dire aussi ne pas embêter les employeurs des assistés sociaux par des contrôles qui les incitent à s'en tenir loin, contrôles qui ne se font d'ailleurs pas pour les travailleurs non stigmatisés par le x dans le front des assistés sociaux, au détriment, très souvent, des plus responsables d'entre eux.

Quant aux autres, dont le droit de vivre se limite à l'aide sociale souvent en raison de problèmes de santé ou par manque de formation pour accéder au marché du travail, il faut minimalement qu'un barème plancher leur assure la couverture des besoins essentiels non compressibles. Il faut même qu'à l'encontre de tel barème plancher aucune coupure, saisie, ponction ou pénalité ne puisse s'appliquer. Il y a d'autres moyens pour responsabiliser les gens visés par ces retenues à la source, et, pour ceux qui ont des enfants, l'appauvrissement de ces derniers n'y contribue certainement pas.

Ici, je vais faire un point de clarification. Quand on parle de barème plancher, on parle d'un montant que, nous aussi, on n'a pas indiqué en chiffres, qu'on a indiqué en besoins. Mais, par contre, on a fait une petite échelle d'évaluation. En fait, le barème plancher, que ce soit pour les gens aptes au travail ou pour les gens en formation ou inaptes au travail, devrait être un montant x. Et, à notre avis, on devrait permettre, pour donner une idée de grandeur, disons, 250 $ de plus à des gens qui ne pourront jamais ou très minimalement aller chercher des sous en supplément par le travail et permettre le double de ce montant-là aux personnes qui travaillent, qui peuvent aller chercher des revenus par l'emploi. Je ne sais pas si je suis claire. J'espère que je le suis, on pourra y revenir tout à l'heure. Je poursuis.

D'autre part, pour les uns et les autres, c'est-à-dire ceux qui peuvent travailler pour mieux se tirer d'affaire et ceux qui demeurent à l'écart du marché du travail pour des raisons qu'ils ne contrôlent pas, l'accès au logement décent doit être facilité par l'accroissement du logement social et des subventions au logement privé locatif, et ce, pour tous ceux qui doivent y consacrer une trop grande part de leurs revenus, ces deux composantes étant nécessaires en même temps dans le domaine du logement.

Ici, ce qu'on entend par logement privé, on entend que les sous soient remis directement aux personnes dans le logement de leur choix, ce qui faciliterait une plus grande ouverture pour un plus grand nombre de gens de bénéficier de ces mesures-là au lieu que ce soit remis dans un logement X, à un propriétaire X, dans un but déjà établi. Alex.

Le Président (M. Désilets): Il reste quatre minutes.

M. Piché (Alexandre): Quatre minutes? O.K. Je vais essayer de faire ça rapidement en continuant la lecture.

Une autre réalité à prendre en compte pour contrer les effets de la pauvreté a trait aux stages offerts aux assistés sociaux. En effet, les programmes de stage sont ainsi conçus qu'à chaque fois qu'un stagiaire devient productif il est invité, son stage étant terminé, à débarquer de sa chaise. Résultat, l'organisme qui bénéficiait de ses services depuis x mois doit s'en priver et recommencer à zéro avec quelqu'un d'autre, ce qui est contre-productif pour un organisme communautaire. Par exemple, un centre communautaire devant déjà investir une large part de ses énergies dans la recherche de financement pour la poursuite de ses activités alors que les organismes communautaires suppléent au désengagement de l'État et aux besoins de tant d'individus et de familles en difficulté.

Parallèlement, pour le stagiaire concerné, pour qui c'est souvent une première fenêtre ouverte sur le marché du travail après des années à l'écart de celui-ci, c'est le retour à la noirceur. Ce sont des espoirs déçus et une occasion manquée de trouver graduellement sa place au soleil, et ce, au moment où il venait de se faire dire qu'il était utile, qu'il rendait service et était productif pour l'organisme. C'est foutre à terre, par manque de vision sociale, la confiance inévitablement chambranlante dudit stagiaire que la vie a pu malmener plus souvent qu'à son tour. C'est à croire que de tels stages ne sont conçus, la plupart du temps, que pour améliorer artificiellement les statistiques publiques et non pas pour aider les gens mal pris à s'en sortir.

Ce qu'on en est venu face à ça, c'est qu'actuellement les stages soit communautaires ou dans les entreprises privées sont actuellement de six mois. Donc, on demanderait un prolongement à 12 mois pour favoriser l'expérience. Et puis, face au privé, aux entreprises privées, donc les stages subventionnés, on fait la proposition d'avoir trois stagiaires dans une entreprise sur cinq années et puis, à la fin de ces cinq années-là, on demanderait à l'entreprise privée d'employer un de ces stagiaires-là, donc, pour amener de l'expérience de travail et puis donner de la motivation aux gens qui font les stages.

Mme Gravel (Hélène): Je vais poursuivre. Bref, j'interviens à votre niveau pour soutenir le projet de loi...

Le Président (M. Désilets): Toujours Mme Gravel.

Mme Gravel (Hélène): Pardon?

Le Président (M. Désilets): Toujours Mme Gravel.

Mme Gravel (Hélène): Toujours Mme Gravel, en effet. Bref, j'interviens à votre niveau pour soutenir le projet de loi n° 112 dans le sens de son amélioration et pour qu'il contribue, avec votre concours, à un changement de regard et de mentalité quant aux pauvres et à la pauvreté. Au Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier, nous attachons beaucoup d'importance, vous le comprendrez, à l'affirmation suivante contenue dans l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Et, solidaire avec le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, j'affirme, en vous remerciant pour votre écoute, que c'est l'heure de faire jouer la raison, la conscience et les solidarités. Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Avant de donner la parole à M. Simard, je voudrais juste vous féliciter, M. Simard, avec votre équipe pour le bon déroulement de la Nuit des sans-abri.

M. Simard (Michel): Merci.

Le Président (M. Désilets): ...avec le groupe... de nombreux bénévoles, félicitations. Vous avez 10 minutes.

M. Simard (Michel): Oui. Alors, je suis Michel Simard, du Centre Le Havre. Et je suis accompagné de Diane Raymond, qui est ma compagne, mon soutien et qui est engagée dans la lutte contre la grande pauvreté depuis une quinzaine d'années avec moi. Alors, d'entrée de jeu, je voudrais vous dire que je trouve que le projet de loi sur la pauvreté est une initiative qui me réjouit, qui réjouit beaucoup de gens autour de moi. Je pense que ça ouvre à un espace de débat public dans lequel on peut réfléchir ensemble sur cette question difficile de la lutte à la pauvreté dans le monde dans lequel on est.

Alors, je suis, comme j'ai dit, directeur du Centre Le Havre de Trois-Rivières, qui est une ressource d'hébergement d'urgence ou un refuge, si vous voulez, pour les personnes sans abri depuis une quinzaine d'années, et je suis aussi président du Réseau solidarité itinérance du Québec qui regroupe des organismes des principales villes du Québec.

Or, la principale question que je veux apporter, en fait, c'est une préoccupation, une inquiétude que j'ai eue en lisant le mémoire, parce que la grande pauvreté est constituée de trois dimensions importantes: celle de l'économie, évidemment, et celle aussi des liens sociaux, et celle du sens... Ce que je veux dire par là, c'est qu'on ne peut pas adresser le problème de la grande pauvreté...

Une voix: ...

M. Simard (Michel): Oui. C'est parce que j'avais l'impression de parler tout seul.

Le Président (M. Désilets): Non, c'est...

M. Simard (Michel): Ça me dérange. Ha, ha, ha! Excusez-moi. Depuis, disons, 10 ans, je me promène à travers le Québec et je suis dans un désarroi assez grand devant la quantité de gens et la détérioration des personnes qui se retrouvent dans les refuges d'urgence. Vous savez ou vous pouvez savoir que, dans ces grands refuges, par exemple, à Montréal, vous avez des unités de 100 lits, de 50 lits dans lesquelles vous trouvez à peu près 60 ou 70 % des gens qui ont des troubles mentaux graves, qui ne sont même pas acceptés dans les hôpitaux. Et la plupart des refuges du Québec, aujourd'hui, fonctionnent sur un modèle qui est inspiré des refuges d'urgence élaborés à la fin du XIXe siècle, c'est-à-dire qu'on accueille les gens vers 4 heures de l'après-midi, on leur donne une douche, un bon repas, on les couche pour la nuit et, le lendemain, on les met dehors après le déjeuner. Or, si vous considérez que la grande majorité de ces gens-là sont des personnes très malades, coincées dans une misère parfois inimaginable et que ces ressources-là doivent opérer avec, parfois, une personne ou deux permanentes, un programme d'employabilité, un ou deux bénévoles, alors vous comprenez que les conséquences sociales, les conséquences humaines de cette situation-là sont catastrophiques.

n(10 h 40)n

Et l'expérience m'a montré que c'était possible de faire face à l'urgence sociale qui est grandissante au Québec. Et vous savez qu'elle a grandi ? moi, j'en suis témoin, et vous en êtes aussi certainement aussi témoins ? depuis les années quatre-vingt. Juste pour vous donner un exemple de cet ordre de grandeur, au Centre Le Havre, vous savez, au cours des années quatre-vingt, on accueillait environ 20 personnes, en moyenne, qu'on admettait en hébergement, par mois. Alors, on est maintenant autour de 50 personnes, en moyenne, par mois. Alors, cet ordre de grandeur là, vous le trouvez un petit peu partout au Québec. On a comme changé de niveau, et je crois que cette situation n'est pas quelque chose de passager, c'est-à-dire quelque chose qui est conjoncturel, qui est dû à des mauvaises politiques et qui va disparaître si on travaille comme il faut.

On a acquis, au Québec et un peu partout dans le monde occidental, des pouvoirs importants au niveau économique qui nous ont donné accès à une mobilité. On a acquis aussi des pouvoirs importants au niveau de nos relations sociales, ce qui fait qu'on peut choisir maintenant les gens avec qui on vit, on peut choisir le mode de vie qu'on veut avoir. Puis on a acquis aussi le pouvoir de penser par soi-même sa vie. Tout ça comporte et génère des risques importants de rupture: de rupture de se retrouver sans travail, de rupture de se retrouver sans lien social puis de rupture de se retrouver sans capacité de donner un sens à sa vie. Ça fait que la pauvreté, aujourd'hui, prend cette configuration, je dirais, tridimensionnelle. Et le mot «exclusion», pour moi, c'est ce qu'il veut dire. Il caractérise la pauvreté d'aujourd'hui comme une rupture et un retrait du monde, et les gens se retrouvent enfermés dans la nécessité du besoin et dans l'errance. Pour le comprendre comme il faut, lorsqu'on recule il y a une trentaine d'années, par exemple, disons les années cinquante pour être très clair, les risques, quelqu'un de très fragile, étaient très élevés de se retrouver enfermé dans un monde institutionnel. Aujourd'hui, les risques sont très élevés que les gens se retrouvent enfermés dans la rue.

Le temps avance vite, je vais aller à l'essentiel de mon propos. Je pense que le projet de loi a une faiblesse majeure, parce qu'il est essentiellement centré sur la question de l'emploi et de la précarité des personnes à l'égard de leurs revenus. Ces questions-là, j'en conviens, elles sont essentielles, et il faut les adresser. Par ailleurs, la dimension de l'urgence, les gens qui se retrouvent enfermés dans l'errance, enfermés dans la rue, en dehors des conditions minimales de la citoyenneté, n'est pas adressée par le projet de loi, et vous comprenez que ça m'inquiète et m'interroge beaucoup. Je suis conscient que c'est un problème difficile, qu'il n'y a aucun gouvernement qui peut adresser ce problème-là aujourd'hui avec légèreté, les moyens sont limités, mais j'ai la conviction que, si on s'y met tous ensemble, qu'on peut améliorer le sort et limiter la dégradation presque irrémédiable dans laquelle se trouvent de plus en plus de gens.

Donc, il faut adresser la question des grands refuges, de l'urgence sociale en général au Québec. Et ça, il n'y a rien qui vient donner un éclairage là-dessus, et je crois qu'il faudrait faire le pont avec le ministère de la Santé et interpeller le ministère qui a signé une entente avec le gouvernement fédéral qui a investi 56 millions. Malheureusement, le gouvernement du Québec est resté, à mon avis, passif et suiveux dans ce dossier-là, et il n'y a pas de raison, avec les ressources dont dispose le gouvernement, avec la richesse des gens au Québec, qu'on suive, comme ça, le chemin. On a une initiative à reprendre, et il me semble que l'heure est venue de le prendre. Il y a des outils qui sont en place, qu'on peut utiliser.

Dans les deux minutes qu'il me reste, je vais aborder un autre sujet que vous avez abordé dans le projet de loi et, à mon sens, qui était bien ciblé, celui du logement social. Il est vrai que faire du logement social l'ancrage de l'insertion est quelque chose d'incontournable et c'est viser dans la bonne voie. Ce qui m'inquiète... Et, bien que c'est mentionné que ça doit être pour les populations les plus fragiles, inscrit dans un soutien communautaire nécessairement, il est nécessaire que ce soutien-là soit bien attaché, parce que le financement de l'habitation et le financement du soutien relèvent d'organismes et de ministères différents qui sont souvent en rivalité les uns envers les autres. Alors, ça doit être attaché avant de descendre dans les régions. Il y a des modalités qui sont pensables, par exemple d'avoir un financement par porte ou un financement par volume de logements pour les clientèles les plus vulnérables, mais ça doit être assuré. Je sais que la Régie de Montréal-Centre ont fait des efforts dans cette direction-là, mais ce n'est que Montréal-Centre. Et, le Québec ce n'est pas Montréal-Centre, c'est d'autres régions aussi.

Et, dans la minute, maintenant, qui me reste, je sais que la question de la grande pauvreté ne peut être adressée d'une manière fragmentaire. Elle est nécessairement multidimensionnelle et elle s'articule au moins sur deux axes principaux: l'urgence et des solutions durables. Les solutions durables se conjuguent avec le logement, avec le travail et avec la formation; et l'urgence se conjugue avec le travail de rue, avec les refuges et les urgences. Ce premier volet là n'est pas adressé, et c'est nécessaire d'avoir une approche qui permette d'articuler ensemble l'urgence et les solutions durables lorsqu'on veut faire face au problème de la grande pauvreté. Et ça, il faut réfléchir sur les modalités de financement pour s'assurer que les gens ont intérêt et sont incités à travailler ensemble de par les modes de financement même de la lutte contre la pauvreté. Et ça, je n'ai pas vu de modalité qui permette d'envisager cette façon de faire là.

Le Président (M. Désilets): Bien, je vous remercie beaucoup, M. Simard. Je vais laisser la parole maintenant à Mme Léger, la ministre déléguée à la Lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Alors, merci, mesdames, merci, messieurs du Centre communautaire résidentiel Jacques-Cartier et Le Havre de Trois-Rivières d'être ici aujourd'hui, nous donner votre expérience et exposer votre mémoire devant nous tous.

D'abord, effectivement, M. Simard, vous êtes un homme très engagé, très éclairé, d'une certaine sagesse, comme on pourrait dire. Vous apportez des éléments très, très pertinents. D'ailleurs, votre mémoire est bien documenté sur la réalité de l'itinérance, d'une part, puis de la grande pauvreté, et vous dites que c'est une situation difficile à cerner, fortement complexe. Vous dites: Car «les contours de l'errance sont diffus et mouvants dans la population». Effectivement, quand vous dites qu'il faut, comme solution, d'une part, avoir une action concertée, c'est ce qu'on essaie de mettre sur table avec la stratégie nationale. Effectivement, il y a plusieurs facettes de la pauvreté, mais, pour s'y attaquer d'une façon très sérieuse, évidemment il y a ce qu'on appelle une approche plus globale, une approche intersectorielle. On peut bien travailler à Santé et Services sociaux, mais c'est tout l'ensemble des ministères et aussi tout l'appel à la mobilisation, comme vous-même et tous les groupes communautaires qui oeuvrent à tous les jours auprès des personnes démunies.

Vous me permettrez, avant de vous poser la question, de rectifier un peu l'envolée du critique de l'opposition libérale tout à l'heure sur le barème plancher. J'aimerais bien savoir s'il s'engage au barème plancher, parce que, dans le Réinventer le Québec qu'on a entendu tout à l'heure... qu'on a entendu dernièrement de son chef quand il voulait particulièrement investir dans la santé et l'éducation et baisser les impôts, ce sont ces trois éléments-là qui sont mis sur la table, je n'ai pas vu nécessairement qu'il y avait un barème plancher qui est là, puisque, si on investit en santé et en éducation, je ne sais pas où il va aller chercher l'argent. On croit qu'ils vont couper dans la famille, dans la solidarité sociale, le transport, l'habitation, et mettez-en. Tous les autres ministères, je pense qu'ils n'existeront plus avec Réinventer le Québec du Parti libéral. Alors, je me rappelle aussi que c'est à leur époque qu'il y avait les boubous macoutes. Je pense qu'il faut s'en souvenir de cette époque-là. Alors, c'est tout le respect qu'ils avaient pour les assistés sociaux du Québec.

n(10 h 50)n

On parle toujours d'assurance médicaments, le critique libéral parle d'assurance médicaments. Je tiens à lui dire que c'est nous qui avons instauré un régime d'assurance médicaments au Québec, d'une part, où il y avait 1,5 million de personnes qui n'avaient pas de médicaments, dont plusieurs à faibles revenus et sans couverture d'aucune assurance. Et, quand on regarde l'ensemble des personnes qui sont couvertes gratuitement, c'est tous les enfants, les étudiants à temps plein âgés de 18 à 25 ans, tous les prestataires avec contraintes sévères à l'emploi. Là, vous me parlez probablement, quand on fait des nuances, aux prestataires qui sont avec contraintes. Effectivement, il y a un montant de franchise de 8,33 $ qui est là, mensuel, et une contribution maximale jusqu'à 200 $ par année. Mais je tiens quand même à dire que ces personnes-là n'auraient pas eu, de toute façon, d'assurance ailleurs ou à moins d'aller dans un régime privé. Alors, je voudrais rectifier les choses.

Je reviens particulièrement à vous, M. Simard. Quand vous dites... Vous nous avez parlé particulièrement que nous devons apprendre à vivre dans un monde où le niveau de risque de rupture sociale est élevé ? vous avez un peu parlé de ça tout à l'heure ? il faut donc mettre en place des protections contre ces risques et leurs conséquences. Dans un tel contexte, là, quelles seraient les protections les plus pertinentes, là, à mettre en place?

Le Président (M. Désilets): M. Simard.

M. Simard (Michel): Oui. Ce qui me semble le plus urgent, c'est toute la question des grands refuges et de l'hébergement d'urgence, parce que les gens qui se... On n'a pas réfléchi du tout au Québec sur cette question-là, et bientôt ça peut nous sauter en pleine face. Heureusement, on a certaines politiques sociales, ici, qui sont plus généreuses, par exemple, que l'Ontario, j'en suis conscient, et on voit les désastres qui se produisent à Toronto actuellement à cet égard-là. Mais il est temps et urgent d'agir. Or, comment, par exemple, amorcer un plan de transformation des grands refuges pour leur donner les moyens d'agir, leur transférer les connaissances, l'expertise pour développer leur pratique pour qu'ils soient capables de répondre aux besoins les plus criants des gens qui sont malades? Et ça, c'est pour moi l'élément le plus urgent à faire là-dessus.

Le Président (M. Désilets): Vous en avez parlé de prévention. Mme la ministre.

Mme Léger: Oui, tout à l'heure, vous avez glissé un petit peu sur le comité technique en logement social qui a été mis en place, composé des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux et de la SHQ qui vont nous déposer leurs recommandations au Conseil des ministres. Est-ce que vous pensez que ces éléments-là de grands refuges vont être abordés?

M. Simard (Michel): Non. Ils sont en dehors de la question du logement social, et c'est un des problèmes... Vous le savez qu'on vit un peu dans des modes, hein? Il y a eu, quelques années, la mode de suivi communautaire qui allait tout régler. Bon, ça a réglé des choses, mais ça n'a pas tout réglé. Maintenant, on est dans la mode du logement social et, évidemment, on espère que ça va tout régler. Ça ne le fera pas, et les problèmes vont durer.

La question de... Et je ne dis pas par là... Je ne dénigre pas ? vous comprenez bien, hein ? la question du logement ni du suivi, elles sont essentielles, et on est loin d'avoir atteint ce qu'il faut au niveau du logement social. Mais le point d'achoppement dans la question du logement, c'est la question du soutien communautaire, si on parle des populations les plus vulnérables, et c'est ça qu'il faut attacher. C'est difficile parce que ça implique des coûts, parce que ça implique différents ministères ensemble, mais il faut absolument l'attacher si on veut atteindre des résultats pour avoir des solutions durables pour les populations les plus fragilisées. Et ça, on y est tous gagnants, parce que, lorsqu'on met en place des solutions durables, bien on voit diminuer les problèmes des gens et finalement les fréquentations des hôpitaux, les refuges d'urgence et les problèmes sociaux qui sont associés à ça.

Mais on a un problème d'accueil des gens qui sont dans les situations de désorganisation grave au Québec, et ce, dans les principales villes de la région, et il faut commencer à réfléchir sur les conditions de cet accueil-là pour éviter que de plus en plus de gens s'enlisent dans l'errance, dans l'itinérance et qu'ensuite ça devienne un coût social énorme. Et il est encore temps, au Québec, de faire le tour. Vous savez que, par exemple, à Toronto, ils sont pris maintenant avec un problème d'épidémie de tuberculose comme ils n'ont jamais connu dans leur histoire, mais ils ont laissé traîner le problème depuis cinq ans. Tu sais, tous les gens qui sont proches de ça... Moi, il y a quelques années, j'étais à Toronto puis je parlais avec des médecins qui travaillent dans ces principaux refuges là, et on le voyait venir, le problème. Alors, ils ont été passifs.

Et je me dis: On a une occasion. Je sais que le gouvernement fédéral est prêt à investir de l'argent maintenant, alors saisissons l'occasion puis abordons le problème de front. Il va falloir envisager une certaine récurrence au niveau des ressources humaines, peut-être des transferts, pour permettre aux gens qui travaillent avec les gens qui sont les plus malades, les plus démunis d'avoir les ressources. Il y a quelque chose de scandaleux lorsque vous pensez que les gens avec les problèmes les plus graves... Plus vous descendez dans l'échelle, plus vous rencontrez les gens avec les problèmes graves, moins vous avez de ressources. C'est des bénévoles. On travaille avec des ressources bénévoles, avec les gens que les institutions publiques, actuellement, ne peuvent pas gérer et ne pourront pas non plus. C'est une illusion de penser que les hôpitaux, comme ils sont construits maintenant au Québec, vers où on s'en va avec la technologie médicale, avec l'exigence de résultats, une performance qu'ils ont, vont être capables de faire face aux problèmes des gens qui se retrouvent bloqués dans l'errance. Parce que ces gens-là souffrent dans leur âme, ils souffrent dans leur vie sociale, tout est éclaté, un hôpital, aujourd'hui, ne peut pas faire face à ça. C'est une illusion.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup.

Mme Léger: Oui. Vous savez que la préoccupation ministérielle...

Le Président (M. Désilets): Il vous reste pour quatre minutes.

Mme Léger: ...en regard de l'itinérance a toujours été présente. Bon, on parle de différents programmes, particulièrement ceux de la toxicomanie, santé mentale, mais ce sont des programmes très ciblés.

J'aimerais vous rappeler... Je ne sais pas si vous avez déjà entendu le candidat à la chefferie ? vous parliez de l'Ontario tout à l'heure ? du Parti conservateur de l'Ontario, Jim Flaherty, qui a proposé de faire de l'itinérance un acte criminel dans le cadre de sa campagne. On est loin de ça ici, au Québec, hein? Je pense que c'est important de le mentionner.

Je vais laisser la parole à mon collègue qui a une question aussi à vous poser.

Le Président (M. Désilets): Oui.

M. Labbé: Merci, M. le Président. Alors, d'abord, merci aux deux équipes pour la qualité de votre présentation. D'abord, je commencerais, si vous permettez, avec justement les personnes... Justement, c'est M. Simard, c'est ça, qui est directeur du Centre Le Havre de Trois-Rivières. M. Simard, vous avez... Je vais profiter de votre expérience ou votre sagesse ? vous êtes encore jeune, il n'y a pas de problème ? par rapport aux itinérants justement. Parce que vous avez mentionné que les refuges, maintenant, sont encore adaptés selon des règles, vous avez mentionné, de 1900 où, dans les faits, on reçoit les itinérants aux alentours de 16 heures, la fin de la journée, dans le fond, on leur donne une douche puis un bon repas, ils sont couchés puis ils doivent repartir vers les 8 heures, le matin, après un déjeuner possiblement. Mais vous avez suscité mon interrogation quand, à un moment donné, je me disais: Bon, bien, écoutez, si on vous donnait tous les moyens ? on rêve, là, tout le monde ensemble ? si on avait tous les moyens possibles pour s'occuper des itinérants... J'ai comme senti que vous vouliez nous dire: Bien, peut-être qu'on pourrait faire quelque chose entre ce 8 heures là et ce 16 heures là. Je ne sais pas si j'ai bien compris.

J'aimerais, en tout cas, vous entendre pour dire qu'est-ce qu'on pourrait faire justement pour, entre autres, les itinérants, pour justement les aider, parce qu'on sait qu'on les a sortis des hôpitaux comme tels. Il y en a qu'on n'aurait peut-être pas dû, mais, par contre, je pense, entre les deux, c'est mieux, ce qu'on vit aujourd'hui par rapport où avant tout le monde pouvait se faire hospitaliser sur à peu près rien puis qu'à un moment donné on les perdait dans le système, et ça n'avait pas d'allure. Alors, dans ce temps-là, c'était ça. Maintenant, on les a sortis. Il y en a malheureusement à l'intérieur de ça qu'on est conscient qu'on en a perdu beaucoup. Ce n'est pas facile, on les voit, c'est plus apparent. Donc, il faut créer d'autres mécanismes. Est-ce que vous, vous avez quelque chose à nous proposer, si on n'avait pas de limites budgétaires, là, entre cette période-là... ou que vous verriez en termes de solution pour ces itinérants-là?

Le Président (M. Désilets): M. Simard, dans les quatre prochaines minutes.

M. Simard (Michel): O.K. Je pense qu'on pourrait commencer par établir un plan sur une période, disons, quinquennale de transformation des refuges pour les amener progressivement, du moins le plus grand nombre, à avoir des ressources d'hébergement d'urgence qui sont ouvertes 24-7, parce que la fonction d'un hébergement d'urgence première, c'est de donner la sécurité à une personne, lui donner la stabilité en deuxième puis de lui permettre de se réinscrire socialement en troisième.

Alors, j'ai passé du temps, moi, avec des gens qui dormaient dans la rue, hein? Ils n'allaient pas dans les refuges. Et, je me suis arrêté puis je leur ai demandé, j'ai dit: Pourquoi tu ne vas pas dormir dans un refuge? Il me répond, il dit: C'est dangereux. Alors, vous comprenez que ça, c'est... Je pense, il n'y a pas de meilleure évaluation de l'échec de ces structures-là lorsque le lieu qui a pour fonction d'assurer la sécurité est le lieu qui est identifié comme étant dangereux: Je peux me faire voler, je peux me faire agresser.

n(11 heures)n

Alors, sur un plan, il faut se donner du temps. C'est sûr que je suis conscient que le problème est assez haut, mais je suis persuadé que progressivement, si on prenait les choses en main, avec l'expertise que les gens ont développée maintenant... Les choses ont évolué beaucoup, vous savez, depuis à peu près trois, quatre ans, parce que le choc de voir arriver des gens dans les refuges, qui ont des problèmes de santé mentale graves, au début, était terrible, parce que ces personnes-là n'étaient pas préparées à faire face à ça. La première réaction, ça a été de dire: Bien, ce n'est pas à nous autres à s'occuper de ça. Envoyez-les à l'hôpital. Après, les gens ont compris que finalement ça ne servait à rien. Et je vous parle de l'expérience que, moi, j'ai vécue, là. Ça fait 15 ans que je vis dans cet environnement-là. Mais, si on fait un bout de chemin là-dedans, c'est sûr qu'on pourrait... et ça, j'ai l'expérience, parce qu'au Centre Le Havre où je travaille, nous, on est un refuge et on renvoyait les gens à la rue le lendemain.

Alors, on a pris des décisions difficiles, mais aujourd'hui on opère 24/7. On a une équipe qualifiée qui est présente 24 heures par jour, sept jours semaine. On a une équipe mobile qui va dans la communauté. L'expérience que j'ai, c'est que la plupart des gens ? et on a ciblé les gens les plus vulnérables, les plus démunis ? sont réinscrits dans un réseau de solutions durables. On a développé un réseau de logement subventionné. On a développé aussi des organismes qui s'occupent du travail. On a 139 personnes, au moment où je vous parle, qui travaillent dans différentes organisations. Les résultats de ça, c'est que, avec la croissance que je vous ai parlé, au niveau de l'hébergement d'urgence, la durée de séjour au Havre a diminué. Il y a quatre ans, on refusait à peu près 150 personnes faute de place, parce qu'on était constamment en débordement. Aujourd'hui, cette année, on a refusé trois personnes faute de place. L'année prochaine, ça va être zéro personne, et on a diminué le nombre de lits. On opérait avec 20 lits, aujourd'hui on opère avec 16 lits.

Alors, ces résultats-là sont possibles ailleurs. Il faut avoir une vision, une pratique qui correspond aux besoins puis qui est adaptée à la réalité des personnes les plus vulnérables. Mais évidemment, si on réussit ça, c'est insuffisant, parce qu'un hébergement d'urgence en soi, c'est un cul-de-sac. On reproduit l'asile. Or, il faut déboucher sur des solutions durables et il faut articuler les deux ensemble. Les solutions durables, c'est à travers le logement nécessairement lié avec le soutien communautaire, relié avec des passerelles vers des emplois ou des capacités de travailler. Or, ces choses-là sont à travailler. Je sais qu'il y a des organismes qui travaillent là-dessus. Et je suis arrivé à...

Le Président (M. Désilets): Oui. Je suis obligé de vous arrêter encore, c'est dommage, mais j'aimerais ça que vous repreniez tantôt. Est-ce que rêver, comme vous venez de rêver, c'est rêver en couleur ou c'est un rêve réalisable? Si vous me répondez, je suis obligé de prendre le temps de l'opposition, mais vous prendrez... si vous trouvez la place tantôt pour poser... répondre à la question tranquillement, si vous me permettez. M. le député de Laurier-Dorion, je vous laisse la parole.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président, et je trouve que vous n'avez pas abusé. Alors, si, de temps en temps, vous voulez poser une question, sentez-vous libre, soit sur mon temps, soit sur celui de la ministre. Et bienvenue également aux deux groupes qui sont ici. C'est intéressant d'entendre les deux parler de deux réalités différentes mais qui ont des points en commun au niveau de la pauvreté.

Je vais m'excuser deux secondes auprès de vous parce que je ne peux passer sous silence la remarque que la ministre faisait, sans répliquer à l'ensemble de son argumentaire que je laisserai de côté. Il y a une chose sur laquelle j'aimerais tout simplement, tout au moins, qu'on dise les choses comme elles sont: Quand la ministre dit que les assistés sociaux n'auraient pas pu être couverts par aucune autre assurance, effectivement, sauf qu'ils étaient déjà couverts avant. Alors, n'argumentez pas que c'est une bonne chose d'avoir couvert un certain groupe de personnes en ayant découvert un autre groupe de personnes et acceptez le fait qu'il y a un minimum et que l'assurance médicaments, les médicaments gratuits, pour les personnes qui ne sont pas en mesure de s'offrir... minimalement, même pas les besoins essentiels, ce n'est pas défendable. Arrêtez d'essayer de le défendre avec les clichés qui ne résistent pas à l'analyse sur d'autres éléments de programme.

Cela étant dit, j'aimerais tout simplement revenir aux deux réalités et j'aimerais commencer peut-être, si vous le permettez, avec les jeunes qui sont ici et que je salue d'ailleurs et que je tiens à remercier particulièrement pour l'effort qui a été fait et la clarté des arguments qui ont été apportés et la clarté de l'image que vous nous avez transmise ici par rapport à la réalité que vous vivez.

Et j'aimerais peut-être focusser un peu plus et vous donner l'occasion de remettre devant nos yeux et nos oreilles la réalité que vous vivez au niveau de la question de la démarche d'employabilité. Vous avez beaucoup insisté sur l'aspect des tracasseries. On a le sentiment, vous l'avez dit comme tel, qu'il y a comme un gros x sur le front de certaines personnes assistées sociales qui leur causent des ennuis, et c'est clairement indiqué aussi que c'est quelque chose sur lequel vous voulez vous défaire. Et vous parlez de tracasseries vis-à-vis les employeurs des fois. Les deux ou un des deux, mais j'aimerais ça que vous nous reparliez un peu des problèmes que vivent les jeunes qui sont dans des situations semblables à la vôtre et qui essaient de s'en sortir.

Mme Gravel (Hélène): En fait...

Le Président (M. Désilets): Mme Gravel.

Mme Gravel (Hélène): Oui, merci.

Le Président (M. Désilets): C'est pour les fins d'enregistrement, tout simplement.

Mme Gravel (Hélène): Ha, ha, ha! Oui. Pour ce qui est... En fait, nous, on parle des jeunes, là, via notre organisme, sauf que je pense que c'est quelque chose qui concerne les jeunes et les moins jeunes. C'est une pratique courante que j'ai dû vivre, moi, à quelques reprises, que, quand on se trouve un travail, il y a un papier qu'on doit remettre à notre employeur pour dire on fait combien d'heures et à partir de quelle date on vient de commencer à travailler. Et je pense, effectivement, que c'est une réalité que les employeurs ont tendance à se tenir loin des assistés sociaux par ces contrôles-là qui se font, qui se font quand même trois mois après le début de l'emploi: Es-tu toujours là? Fais-tu toujours le même nombre d'heures? Donc, c'est quelque chose de présent dans la réalité, qui se fait systématiquement.

M. Demers (Sylvain): Juste rajouter, là. C'est Sylvain Demers.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Désilets): Oui. C'est beau, vous avez bien compris.

M. Demers (Sylvain): Je veux ajouter là-dessus que, au-delà des tracasseries administratives typiques à l'employeur, ce que, nous, on demande en arrière de ça, c'est qu'il faut qu'il y ait de la création d'emplois, c'est-à-dire que toutes les mesures qui cherchent à expérimenter des jeunes puis qui cherchent à les former, il faut que ça se traduise en création d'emplois.

Puis qu'est-ce qu'on constate souvent, dans l'entreprise privée en particulier, c'est que les jeunes qui ont transigé par une subvention salariale quelconque en entreprise privée se retrouvent dans un cul-de-sac après avoir épuisé sa subvention salariale. C'est-à-dire que l'employeur le remercie après six mois: On est très heureux de votre participation et nous vous rappellerons un jour.

Et ça, il faudrait que ça arrête, il faudrait que, en quelque part, ce qui pour nous devient comme des subventions déguisées à l'encouragement au travail et au «cheap labor» jusqu'à un certain point, là, il faudrait que ça arrête, ça. Il faudrait qu'il y ait des mesures de contrôle qui disent, quelque part, quand tu as utilisé x nombre de jeunes attitrés à une subvention salariale, bien, que tu sois obligé d'en embaucher un à un moment donné.

Puis, quand on veut que le délai soit augmenté ? parce qu'on parle d'une subvention salariale de six mois généralement, là, dans l'entreprise privée ? c'est parce qu'on veut que, pour les jeunes, ça se traduise dans une expérience significative. Parce que six mois, c'est trop court aussi. Puis on veut que ce soit quelque chose qui permette au jeune non seulement d'être capable de capitaliser là-dessus pour dire: Voilà, j'ai fait un apprentissage puis je suis capable de le démontrer clairement, mais on veut que ça lui serve aussi comme tremplin pour être capable de dire: Bien, voilà, j'ai un peu d'expérience aussi.

Mais, attention. Quand on dit qu'il faut supporter nos jeunes sur la capacité de s'intégrer dans le marché du travail via des mesures comme celles-là ? il y en a d'autres, là, je pense que... complètement... je n'irai pas très loin sur la question de la formation, mais c'est essentiel aussi. Mais la sortie de la pauvreté, pour les jeunes, ne passe pas exclusivement que par la création d'emplois non plus. C'est pour ça que, moi, je veux ramener la nécessité d'avoir un plancher, un barème plancher qui permet aux jeunes, comme n'importe quel citoyen ou citoyenne du Québec, de pouvoir accéder à un revenu décent pour rencontrer ses besoins de base. On a tous besoin d'habiter au Québec, on a tous besoin de se nourrir, on a tous besoin de se vêtir, de prendre soin de nos enfants, de prendre soin de soi, et un petit peu de se ventiler l'esprit par rapport aux difficultés qu'on rencontre. Et ça, c'est essentiel au même titre que l'accession au travail, etc., et on pourrait l'appeler... nous, on l'appelle «barème plancher», mais on pourrait l'appeler «revenu à la citoyenneté», on pourrait l'appeler de bien des façons, là, ce que vous disiez, Mme la ministre, par rapport à un revenu de solidarité ou peu importe. Mais, il faut avoir en tête qu'il y a un minimum, il y a un seuil de base qui fait que les gens vivent dans la misère, et il faut absolument qu'on leur permette d'accéder à un revenu pour être capables...

n(11 h 10)n

Parce qu'il y a une facture sociale à tout ça, vous le savez, hein. On parle d'itinérance, ça coûte cher à notre société, l'itinérance. Les revenus, au niveau de la santé, si c'est des gens qui sont malades... La pauvreté de l'avoir conduit à la pauvreté de l'être. Et quand tu es rendu à appauvrir les individus par rapport à ce qu'ils sont, par rapport à leur dignité, il y a un coût d'accompagnement qui va se générer là-dedans, qui va être gigantesque; et on l'a atteint, on le voit dans l'itinérance, là. Alors, ça, ça ne donne rien de se rendre à cette limite-là parce que socialement, si vous parlez d'économie puis vous cherchez à faire des économies, socialement, vous allez le payer de toute façon. Ça fait qu'il y a des choix politiques à faire là-dedans, hein, et il faut se mettre en amont, il faut se mettre dans un cadre de prévention, il ne faut pas attendre que les choses se placent dans cette situation-là, où là tu vas créer le cercle infernal du vice à la pauvreté qui va se transmettre de génération en génération, etc., là. Alors, c'est une facture sociale importante.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je pense que le point que vous apportez, moi, je le situerais dans le cadre d'un élément qui revient souvent dans le débat, la question des perceptions puis des préjugés. Je pense que, si on faisait un travail plus ciblé par rapport... plus soutenu par rapport aux coûts de la pauvreté, pour que les gens saisissent c'est quoi, véritablement, les coûts, au-delà de l'image de la pauvreté, de l'image au niveau des préjugés, mais que les gens comprennent qu'on a tous véritablement un intérêt, même au niveau pécunier, de faire la lutte à la pauvreté, je pense qu'on pourrait faire un pas vers l'élimination ou le changement, en tout cas, des perceptions face à la... le positionnement qu'on a tous et chacun vis-à-vis la pauvreté. Et je vous remercie beaucoup pour cette insistance sur la question des coûts de la pauvreté.

Et j'ajouterais, s'il y en a un, moment, dans l'âge de l'être humain où le potentiel de réussite est le plus grand, c'est bel et bien celui des jeunes. Donc, en corollaire, peut-être que c'est là où l'investissement serait plus rentable, entre guillemets. Donc, s'il y a lieu de cibler au niveau des mesures supplémentaires, si on parle de barème plancher ou peu importe, là, l'admissibilité au gain d'emploi, peut-être il y a lieu d'imaginer des programmes particuliers pour les jeunes comme d'ailleurs celui qui a été mis de l'avant, Solidarité jeunesse, comme une approche adaptée aux jeunes.

Cela étant dit, je vous remercie encore une fois pour la présentation que vous avez faite et je vous encourage à rester éveillés aux démarches qui se font pour effectivement changer la situation des personnes en situation de pauvreté.

Au niveau de l'itinérance puis de l'autre élément qui a été apporté ici, moi, ce qui m'a frappé dans votre argumentation ? vous l'avez repris beaucoup dans votre présentation ? c'est le fait que, effectivement, notre approche face à la grande pauvreté, comme vous l'appelez, elle date et reste collée à ce qui se faisait à la fin du XIXe siècle finalement. Et ce que je comprends de vous, c'est qu'on n'a pas vraiment beaucoup réfléchi au niveau de l'organisation des services ou de l'aide, etc., c'est très embryonnaire pour l'instant, et que la loi comme telle ne traite pas de façon spécifique des éléments dans le grand dossier de la pauvreté, ne traite pas des différents éléments, mais l'aborde par le biais des principes généraux, et que vous avez peut-être une crainte à l'effet que, ce faisant, on risque de continuer avec le momentum que nous avons, c'est-à-dire de maintenir une situation qui date d'il y a très longtemps et de ne pas vraiment s'attarder sur une problématique très spécifique.

Et là où j'aimerais aussi avoir vos commentaires, c'est que vous avez dit que ça fait 15 ans que vous travaillez dans le milieu. Mais 15 ans, ça coïncide à peu près, plus ou moins, avec tout le mouvement de désinstitutionnalisation qui a commencé ici, au Québec. Et j'aimerais avoir vos commentaires sur l'impact que ça a eu et sur les réussites ou les échecs de cette politique sur la question de la grande pauvreté.

Le Président (M. Désilets): Alors, M. Simard.

M. Simard (Michel): Oui, merci. Alors, la stratégie de lutte contre la pauvreté déjà nous mène, juste par le mot de la «pauvreté», à chercher des solutions autour de l'emploi et l'accès à l'emploi, et je pense qu'il faut faire ça. Par contre, ça nous pose une limite et ça nous met parfois dans un paradoxe important, parce que... Je posais la question: Est-ce que c'est possible, dans ce monde-ci, pour quelqu'un, d'avoir une place en dehors de l'emploi salarié? Moi, je côtoie des gens pour qui la perspective de l'emploi salarié est en dehors de leur horizon possible. Et, pourtant, ce sont des êtres humains, ce sont des enfants, des filles, des personnes qui aspirent comme nous à avoir une identité positive, à avoir une valeur, à se sentir utiles dans le monde. Et, lorsque je les rencontre, la question qui se pose, c'est: Est-ce que je peux leur dire que c'est possible pour eux d'être quelqu'un dans ce monde-ci, même si le réseau d'emplois salariés est en dehors de leur horizon?

Alors, réfléchir sur la lutte à la pauvreté en dehors et, je dirais, en incluant évidemment la dimension de l'emploi mais en incluant aussi la fragilité des liens sociaux dans lesquels on est, en incluant la difficulté d'être capable de donner un sens à sa vie, ça pose un défi colossal. Et je pense qu'on peut le relever.

Je ne peux pas m'étendre beaucoup là-dessus, là, mais vous mentionnez la question de la désinstitutionnalisation. La désinstitutionnalisation, c'est sûr qu'elle est importante: on est passé... on avait 20 700 lits au Québec dans les hôpitaux psychiatriques en 1965, on en a probablement autour de 2 500 maintenant. Alors, ça veut dire que les gens aujourd'hui vivent dans la communauté et, évidemment, on ne pourra pas aller en arrière.

Par ailleurs, ce qu'il faut comprendre, je pense, c'est deux choses: un, la plupart des gens actuellement qui vont aller dans les refuges, qui vont aller dans les hébergements d'urgence ? et je peux vous parler du centre Le Havre ? ne sont pas des gens institutionnalisés ou, disons, désinstitutionnalisés, des gens qui auraient été dans les institutions publiques et qu'on aurait sortis. La majorité des gens ont fréquenté la psychiatrie seulement à travers l'urgence ou un séjour hospitalier de quelques jours; alors, ce n'est pas des gens institutionnalisés. Alors, c'est une première chose.

L'autre élément: il faut se rendre compte des risques du monde dans lequel on est. Les gens... par exemple, quelqu'un qui est schizophrène paranoïde, qui a à vivre aujourd'hui, même si on l'entoure, même si on a un service hospitalier, même si on a un suivi psychiatrique, vit dans un monde où les défis pour être quelqu'un sont énormes. Ils sont énormes pour nous, et vous comprenez qu'ils sont extrêmement difficiles pour lui. Alors, il faut... Et ça, ça ne changera pas.

Alors, ce qui peut changer, c'est que, si on a des politiques qui sont cohérentes, qui sont bien centrées et efficaces, on peut réduire les risques que les personnes les plus vulnérables se retrouvent coincées dans des voies totalement sans issue et viennent grossir ce qu'on appelle «l'itinérance» qui est en fait, je dirais, l'image de notre honte collective, de voir enfermés des gens qui mangent dans les poubelles. C'est des gens qui sont malades actuellement. Il y en a des milliers au Québec.

Et ce que je crains, c'est qu'on s'habitue à ce paysage-là. Ça m'a choqué à Toronto parce que je me suis rendu compte que les gens s'habituaient à marcher par-dessus des gens qui couchent dans la rue devant l'hôtel de ville. Alors, on a cette capacité un peu étrange d'être capable de s'adapter à l'intolérable et de vivre avec. Alors, je refuse qu'on tolère et qu'on laisse aller cette détérioration-là.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup. Le temps est déjà écoulé, M. le député.

M. Sirros: Je veux juste dire que je pense que l'image que vous évoquez et ce refus d'accepter l'inacceptable, je pense qu'il est partagé puis il faut qu'on le maintienne, cet acharnement à le refuser. Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Moi, je voudrais remercier Mme Raymond, M. Simard, du Havre, du Centre Le Havre à Trois-Rivières, de même que M. Piché, M. Demers, Mme Gravel, du Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier. Merci beaucoup.

Et j'inviterais l'AQDR de Granby de même que le Groupe Actions Solutions Pauvreté de Granby à prendre place, s'il vous plaît.

Je vais ajourner pour quelques secondes, le temps de permettre... Je vais suspendre quelques secondes pour permettre aux groupes de prendre leur place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 20)

 

(Reprise à 11 h 22)

Le Président (M. Labbé): Alors, nous sommes maintenant prêts à reprendre nos travaux. Alors, sans plus tarder, c'est avec plaisir que nous accueillons l'AQDR de Granby, avec Mme Luce S. Bérard, et le Groupe Actions Solutions Pauvreté de Granby. Alors, sans plus tarder, j'en ai compris que Mme Choinière va avoir le plaisir de débuter. Vous êtes deux groupes représentés, donc on peut présumer que vous avez 10 minutes chacun pour faire vos présentations, mais libre à vous selon votre entendement. Alors, Mme Choinière, je vous cède la parole.

Association québécoise de défense des droits
des personnes retraitées et préretraitées (AQDR), section Granby, Mme Luce S. Bérard et Groupe Actions Solutions Pauvreté (GASP) de Granby

Une voix: Il y a un petit détail qu'on va essayer de rectifier tout de suite, c'est qu'on est trois, on a trois mémoires.

Le Président (M. Labbé): Excellent! Alors, allez-y, madame. Alors, il n'y a pas de problème.

Mme Choinière (Cécile): Bonjour, distingués membres de la commission. À l'AQDR de Granby, nous avons pris connaissance de ce projet et du document de stratégie. Eh bien, la pauvreté et l'exclusion des aînés nous inquiètent grandement. Nous regrettons de constater que nulle part dans le texte de loi les personnes âgées ne sont désignées comme groupe cible pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale. Le texte de stratégie diffusé ne mentionne qu'une fois les personnes âgées comme groupe à faibles revenus, sans créer aucune orientation et axes d'intervention pour ces personnes.

Savez-vous que les aînés forment un groupe à haut taux de pauvreté et d'exclusion? En plus, cette population est sujette à croître dans l'avenir. Qu'en Montérégie, le taux de vieillissement est de 109 % alors que la moyenne est de 79 dans la province? Que, parmi les aînés, ce sont les femmes qui sont les plus pauvres? Que la province de Québec a le plus haut taux de pauvreté de toutes les provinces du Canada pour les aînés vivant seuls, de 39 pour nous et de 8 à 24 ailleurs? Donc, ailleurs, le 24 appartient à Terre-Neuve. Savez-vous que tout ajout fiscal et toute coupure au niveau de la santé défavorisent les personnes âgées, parce que les revenus des aînés n'augmentent presque pas?

Un point important dont il faut tenir compte: que la pauvreté est un facteur de risque sur le plan du vécu social et du psychosocial, de la maltraitance, de l'exploitation, et aussi, il ne faut pas minimiser l'isolement et la maladie; que le premier ennui d'une personne retraitée, c'est le manque d'argent.

Comment voulez-vous atteindre cet objectif ? en rapport au plan d'orientation et du projet de loi ? social? Parce que vous passez en grande partie par le travail.

Sachant que les aînés de 65 ans et plus ne se retrouvent pas d'emploi en majorité, ou peut-être un chanceux par ci, par là, sachant que les aînés de 50 à 65 ans connaissent des taux de chômage et de pauvreté plus élevés que la majorité des travailleurs, ils se voient forcés d'utiliser leurs économies de retraite pour être sur l'aide sociale, ce qui les appauvrit maintenant et plus tard, à 65 ans, une fois à leur retraite. Il faut prévenir la pauvreté, nous sommes très d'accord avec ça.

Considérant que les aînés, et en particulier les femmes âgées, sont pauvres, en partie à cause d'un manque de contribution aux rentes du Québec, par défaut d'y avoir contribué dans leur vie active au moment où elles élevaient leurs enfants ou au moment qu'elles agissaient comme aidantes d'adultes en maintien à domicile sans reconnaissance aucune ou si peu de leur travail;

Considérant que les femmes occupent des emplois sous-payés ou précaires, si bien qu'elles ne peuvent avoir accès à un plan de pension employeur-employé;

Considérant que les personnes adultes en âge de travailler mais sans emploi ne contribuent pas aux rentes et seront donc plus pauvres à la retraite;

Nous, membres de l'AQDR de Granby, demandons aux distingués membres de la commission de bien vouloir faire une priorité de ces six points:

Premièrement, reconnaître le groupe des personnes âgées tel un groupe à haut taux de pauvreté et d'exclusion sociale et ajouter la désignation de ce groupe aux deuxième et troisième paragraphes de l'article 21 du projet de loi n° 112 ainsi qu'en autres lieux pertinents du texte après la révision;

Développer des orientations et des axes d'intervention pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale spécifiques aux personnes âgées de façon à prévenir leur appauvrissement hâtif avant 65 ans, de façon à compenser les frais qui s'ajoutent à leurs charges pécuniaires en cours de vieillissement ainsi qu'à compenser leur isolement propre et leur vulnérabilité à l'exploitation;

Spécifier les efforts concertés du provincial et du municipal dans l'établissement du développement du logement social abordable pour les personnes âgées, situer l'impact de ce mode de logements sociaux sur la pauvreté et l'exclusion sociale des aînés;

Indiquer les programmes conçus pour favoriser l'inclusion sociale des aînés dont celui de rendre accessibles les édifices publics, lieux de sécurité alimentaire, résidences pour les aînés et les personnes handicapées, celui d'organiser des transports adaptés à l'âge avancé selon la condition du handicap dans les milieux ruraux et urbains;

Reconnaître le droit de tout citoyen de contribuer à un fonds de retraite, tel un bien fondamental et irrévocable, adopter une politique en matière de pension pour les personnes en âge de travailler qui protège universellement la masse des personnes à la retraite contre la pauvreté et l'exclusion au moment du vieil âge;

Développer au sein de la stratégie nationale et du plan d'action gouvernemental de la loi n° 112 des orientations et axes d'intervention qui soient spécifiques aux aînés et adaptés à leur forme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, ainsi que de faire rapport des progrès et lacunes persistantes sur la pauvreté et l'exclusion sociale des aînés dans le rapport triennal du ministre responsable, surtout aux articles 56 et 57.

Nous demandons donc aux distingués membres de cette commission de bien vouloir prendre en considération nos arguments et veiller à concrétiser nos recommandations dans le texte final des politiques propres aux aînés. Pour nous, c'est une responsabilité personnelle et collective.

Je veux terminer par cette pensée, je pense, qui résume très bien: Nul ne peut trahir le vieil âge sans se déshonorer lui-même et sans que notre société toute entière recule en humanité. Merci de votre attention.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme Choinière. C'était très dynamique et très vivant. Merci beaucoup. Alors, c'est Mme Plourde maintenant, je présume?

Une voix: ...

Le Président (M. Labbé): Non. Mme Bérard, à vous la parole.

Mme Bérard (Luce S.): En cette seconde partie de l'exposé, je vais vous parler à titre personnel, étant moi-même du groupe des 50-65 ans appauvri par le non-emploi et aussi isolé socialement. Je vais encore vous parler à titre de personne récemment formée en éthique appliquée. Dans le passé, j'ai été 20 ans chercheur scientifique.

L'éthique veille à tout l'humain chez tous les humains. L'éthique est donc exhaustive, elle voit à toutes les dimensions de la personne et elle place la personne comme sa finalité. L'éthique est aussi inclusive, elle voit à ce que tous les gens dans la société soient considérés.

n(11 h 30)n

Il y a deux formes d'éthique, l'éthique déontologique, celle qui est inscrite dans des lois et règlements et qui donne lieu à sanction, mais l'éthique sur laquelle je mets le focus et que je veux voir insérée dans la loi, c'est l'éthique réflective, ce qui incite la personne à réfléchir, à penser de façon à poser des actions qui vont enrichir en humanité, en particulier en regard de la pauvreté et de l'exclusion.

Je vais directement aux solutions que propose mon mémoire pour que la loi n° 112 soit plus éthique et aussi qu'elle soit plus près de la base citoyenne. Je demande à ce que l'on crée un poste de commissaire à l'éthique de l'équité. Et, ici, le mot «équité», c'est plus qu'équité salariale, ça inclut l'égalité des chances de toutes sortes pour que tout citoyen puisse maximiser son potentiel.

Le commissaire à l'éthique exécute des tâches de conseil. Il émet des avis éthiques. Il rappelle la visée éthique de la loi. Il s'assure qu'il y ait une éthique du dialogue et de la discussion en différents lieux, dont au Comité consultatif, au comité de direction de l'Observatoire et aussi dans les comités d'éthique de la recherche. À l'article 40 de la loi, on évoque que l'on fera de la recherche qualitative et quantitative.

Le commissaire, à nouveau, peut agir sur des commissions parlementaires ou en d'autres lieux et il peut aussi fixer des objectifs éthiques au plan annuel d'action. Il surveille les usages de fonds du fonds spécial. Il peut enquêter au besoin, référer à une autorité sanctionnelle compétente. Mais l'originalité du premier commissaire nommé sera de produire un énoncé de politique éthique sur la pauvreté et l'exclusion sociale, lequel énoncé va servir à implanter au niveau local des comités d'éthique de l'équité. De plus, le commissaire fait la promotion de l'éthique par éducation populaire ou encore en se concertant avec les maisons d'enseignement universitaires ou autres.

Particularités: le commissaire à l'éthique ne relève pas du ministre responsable, mais de l'Assemblée nationale; et il n'est pas payé par le fonds spécial, mais par le ministère des Finances pour éviter des positions de conflit d'intérêts ou que celui-ci soit juge et partie.

Ce que je vous propose ici n'est pas à 100 % nouveau. On retrouve déjà, dans Loi sur la transparence et l'éthique, la création d'un commissaire à l'éthique et au lobbyisme. Et, aussi, un énoncé de politique éthique existe pour le secteur de la recherche scientifique, l'énoncé de politique des trois conseils. Et, dans cet énoncé, ça sert à créer des comités d'éthique de la recherche. Entre autres, chez nous, dans notre municipalité, à Granby, l'hôpital a un comité d'éthique de la recherche, si bien que les subventions qu'il demande ont reçu la certification éthique de ce comité.

J'arrive donc au mécanisme de mise en oeuvre de la loi n° 112 qui est celui-ci. Toute demande de subvention au fonds spécial devrait avoir reçu la certification éthique d'un comité d'éthique de l'équité local avant d'être acheminée au subventionnaire. Par la suite, quand le fonds sera alloué, il y aura un suivi éthique. De cette façon, on fait travailler la base citoyenne et on s'assure d'un changement des valeurs et attitudes à l'égard de la pauvreté et l'exclusion.

Quand j'ai analysé la loi n° 112, j'ai vu qu'il y avait des lacunes et des pièges éthiques. Il y a, entre autres, nécessité d'expliciter la visée éthique de la loi à l'article 1, nécessité de définir ce qui est inclusion sociale, nécessité d'avoir de la cohérence morale dans le texte et aussi, en passant des mots aux actions, nécessité d'impliquer la base citoyenne et nécessité d'impliquer tous les députés. Aussi, le dernier palier décisionnel ne devrait pas être le ministre responsable mais être l'Assemblée nationale, avec le premier ministre comme dirigeant de ces débats.

Les pièges éthiques, j'en vois au niveau de l'indicateur de pauvreté, de l'encadrement par la statistique et aussi du fait qu'aucune autre loi n'est modifiée. Mais le pire piège que je vois c'est à l'article 46, item 3, où on prévoit des dons et legs au fonds spécial. D'abord, la mission de l'État est publique, de redistribuer la richesse par voie des taxes et impôts et non pas de recueillir des dons comme s'il était une simili fondation privée. L'autre point critique dans ça, c'est que, en faisant une caisse recevant des dons et legs, on en fait comme une simili caisse électorale avec sollicitation, par exemple, du député local pour avoir une subvention du fonds spécial, ce qui déclasse la personne pauvre qui devrait être placée au premier plan. Là, ici, elle est réduite à être un moyen de gratification.

Je termine donc en disant que cette loi n° 112 plus éthique assurera une meilleure aide pour la collectivité du Québec, mais aussi, dans le contexte où le Québec est l'un des premiers États à se donner une loi, une telle loi éthique est aussi un moyen de rayonnement international par son humanité. Merci.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, Mme Bérard. Je passe maintenant la parole a Mme Plourde, enfin. Ha, ha, ha!

Mme Plourde (Hélène): Alors, bonjour. Moi, je suis l'agente de liaison, de recherche et d'animation du groupe Actions Solutions Pauvreté et je représente 20 organismes de différents secteurs. C'est ce qui fait la particularité du GASP à Granby, il y a des gens du milieu politique, il y a des gens du milieu économique par le biais de l'économie sociale, il y a des gens du milieu associatif, communautaire, institutionnel et pastoral. Alors, on est tous ces gens-là qui se rencontrent une fois aux six semaines, puis on essaie de trouver des solutions à la pauvreté à Granby.

Là, actuellement, je suis sur un projet de Fonds de lutte à la pauvreté. Par contre, il n'y a pas de récurrence, et mon contrat se termine à la fin du mois, ce qui fait que le Groupe va être très au ralenti dans les prochains mois parce qu'il n'y aura pas d'autres subventions. On est à la recherche, en ce moment, de subventions. Parce que, moi, je fais vraiment un travail avec les comités, et ils ont besoin d'une personne-ressource pour que le travail se continue.

Alors, laissez-moi vous parler un petit peu de la situation en Haute-Yamaska. La pauvreté continue à croître malgré une prospérité économique certaine. Les faibles salaires en Haute-Yamaska et le niveau de scolarisation très bas ne permettent pas aux gens de se sortir de la pauvreté. La création d'emplois spécialisés ne permet pas à tous les travailleurs d'améliorer leur condition économique. Il y a une migration de la population, par exemple, de la Gaspésie et puis la Côte-Nord. Les gens viennent espérant trouver du travail à Granby parce qu'on croit que c'est une ville prospère, mais là ils se butent à un mur parce qu'ils n'ont pas les qualités requises. Alors, on voit aussi à ce moment-là une augmentation des demandes d'aide, entre autres chez SOS, l'organisme d'aide en sécurité alimentaire. Il y a eu 30 % d'augmentation. Il y a aussi la question du logement, comme vous avez sans doute entendu parler depuis le début du dépôt des mémoires, qui est très importante. Il y a des gens qui attendent, des familles monoparentales qui attendent des logements, des aînés. Alors, on voit, la ville a priorisé l'élimination de la dette, mais il n'y a pas de développement social. Ils ne sont pas encore prêts à investir directement dans la lutte à la pauvreté. Alors, on rencontre aussi des résistances auprès des partenaires socioéconomiques, mais on croit qu'une loi efficace pourrait nous aider à surmonter cet obstacle.

La loi n° 112 devrait créer aussi une culture de la solidarité sociale qui responsabilise davantage les intervenants de l'ensemble du milieu et pas seulement les gens du communautaire. Le gouvernement pourrait tenir compte du travail qui est fait sur le terrain et de l'expertise, parce qu'on a une grande expertise. Et on aimerait aussi surtout qu'il y ait une augmentation du financement, parce qu'on voit, des fois, que le gouvernement fait du dédoublement.

Au niveau de la loi, le comité d'étude a étudié et a conclu à des recommandations. D'abord, on est d'avis que la loi est structurée pour fonctionner en circuit fermé. On a de la difficulté à imaginer le citoyen qui est en situation de pauvreté et qui va siéger aux commissions, dans les comités et puis à l'Observatoire. Alors, sa présence n'est pas reconnue, pas très importante. On voit que la base citoyenne a très peu de moyens d'être informée.

Les recommandations suivantes sur la loi:

Alors, on suggère que la loi n° 112 responsabilise tous les parlementaires;

Que l'Assemblée nationale débatte des rapports dont la loi n° 112 prévoit la soumission dans l'esprit même de la visée que nous attendons de cette loi, c'est-à-dire jeter les bases d'un Québec sans pauvreté dans le respect des droits fondamentaux et en impliquant toute la société;

Que le premier ministre soit le ministre responsable de la loi pour plus de coordination et d'efficacité interministérielle;

Que la base citoyenne puisse davantage participer aux décisions concernant la lutte contre la pauvreté;

Que le pouvoir consultatif créé par le Comité consultatif et le pouvoir d'experts créé par l'Observatoire soient complétés par le pouvoir exécutif du gouvernement et un pouvoir judiciaire pour que cette loi-là puisse être mise en oeuvre;

Et, dernièrement, que la loi n° 112 ait préséance sur les autres lois afin que sa visée se réalise pleinement.

Nous souhaitons aussi un plan d'action plus efficace. Il faudrait réajuster la cible, ne pas se limiter à intervenir que là où il y a des poches de pauvreté. Toute personne pauvre ou exclue a le droit d'être considérée dans sa dignité, quel que soit son milieu.

Nous souhaitons aussi que vous enleviez complètement l'article 14 du chapitre III, puisque ce sont des moyens limitatifs. Le comité suggère au Conseil d'imaginer d'autres solutions dans l'approche d'«empowerment», plus en termes d'orientations que de moyens.

Ensuite, il faudrait aussi adopter les mesures urgentes bien sûr et à court terme comme le barème plancher, la gratuité des médicaments, les allocations familiales qui ne devraient pas être considérées comme des revenus, la question des logements sociaux puis les mesures d'orientation, et de formation, et d'intégration à l'emploi qui sont très importantes. Et tout ça devrait être complété de mesures générales efficaces au niveau de la fiscalité, et des actions, et du travail.

n(11 h 40)n

Par rapport au fonds et legs, nous sommes en profond désaccord avec ce qui est proposé. L'État ne devrait pas se substituer au privé, et Mme Bérard l'a très bien expliqué tantôt.

Alors, il y a aussi que la loi devrait avoir préséance sur les autres lois et s'exercer en priorité. Le texte du projet de loi ne peut être mis en oeuvre tel que décrit actuellement. Il doit y avoir une clause d'impact et obligation de résultat. Sinon, à quoi servirait-elle?

Alors, nous reconnaissons que le gouvernement a fait une belle avancée en nous soumettant ce projet de loi là, mais nous nous questionnons, nous avons des doutes sur la volonté politique réelle de faire que cette loi soit efficace. Alors, la pauvreté est un défi social. Si le gouvernement a mis tant d'énergie à essayer de diminuer le déficit, il devrait pouvoir en mettre autant à diminuer l'écart entre les riches et les pauvres. Ceci termine mon exposé. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, Mme Plourde, pour votre présentation. Merci, mesdames, pour la qualité de votre présentation. Alors, sans plus tarder, nous allons maintenant passer à la période d'échange. Alors, j'inviterais la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion à bien vouloir prendre la parole. Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Alors, bienvenue ici, au salon rouge. Et merci de la présentation de vos mémoires respectifs qui sont, je pourrais dire, dans trois créneaux différents, mais, bon, comme on est tous quand même ici pour lutter contre la pauvreté...

Vous dites d'ailleurs, Mme Choinière, que c'est une avancée, mais vous aimeriez qu'on aille encore plus loin. Vous doutez un petit peu qu'elle soit efficace. Vous savez, une lutte contre la pauvreté va être efficace quand tout le monde va lutter contre la pauvreté. Ce n'est pas toujours que l'affaire d'un gouvernement, que l'affaire de groupes sociaux, communautaires, qui ont beaucoup sur leurs épaules, ça appartient à toute la société de vouloir lutter contre la pauvreté. On peut parler de mesures plus concrètes, plus urgentes, mais il y a aussi tout l'aspect de prévention que beaucoup de groupes sont venus nous parler. Et tout l'investissement de vouloir lutter contre la pauvreté, bien, effectivement, c'est aussi un investissement économique quand on regarde un peu plus à long terme.

Pour les aînés particulièrement, vous me permettrez de vous poser quelques questions, madame. D'abord, dans l'énoncé politique, vous retrouvez des éléments ? je ne sais pas si vous l'avez lu ? des éléments qui font partie de la stratégie, des éléments particulièrement sur les aînés. Je vous réfère aux pages 18 et 19: «Il reste beaucoup à faire en matière de pauvreté chez les aînés bien que, sur le plan économique, celle-ci a passablement reculé dans les dernières décennies relativement à ces personnes. Certains sous-groupes demeurent néanmoins plus vulnérables. C'est notamment le cas des femmes seules, âgées, qui disposent de revenus inférieurs à ceux des hommes ? vous l'avez un petit peu soulevé tout à l'heure. Cet écart est attribuable à l'absence de rémunération ou d'une rémunération moindre durant leur vie active, ce qui leur donne moins souvent accès à des revenus en provenance des régimes privés ou collectifs de retraite. Ainsi, les revenus disponibles sont fréquemment limités aux seules pensions de l'État, et deux femmes aînées sur trois sont admissibles au supplément de revenu garanti compte tenu de leur situation précaire.»

Un petit peu plus loin, on dit: «Les aînés et leur bien-être constituent certainement une priorité pour le Québec. Leurs besoins sont nombreux et, avec une augmentation de la population vieillissante, ils risquent de devenir criants. C'est notamment dans cette perspective qu'ils méritent toute l'attention du gouvernement.»

Des groupes d'aînés nous ont dit qu'ils auraient aimé, implicitement, que ce soit mis dans le projet de loi. Alors, j'imagine que c'est pour ça que vous apportez ça aujourd'hui. Vous savez qu'on a déposé tout un dernier plan interministériel, particulièrement sur l'engagement et perspectives 2001-2004, en réponse, en fin de compte, aux besoins des aînés ? on dit: Un Québec engagé envers ses aînés ? puis qui vise actuellement à contribuer à la lutte contre l'exclusion des aînés. On y prévoit plusieurs mesures, que je vais vous nommer ici, qui sont destinées notamment à favoriser le développement de relations intergénérationnelles, la participation à la vie collective, la lutte contre les abus, l'aide aux proches aidant à la formation du personnel dispensant des services aux personnes âgées.

Quelles autres, peut-être, pistes d'intervention suggérez-vous pour améliorer en fin de compte l'inclusion sociale des personnes âgées outre que celles qu'on a mises dans l'engagement et perspectives 2001-2004?

Le Président (M. Labbé): Alors, je présume que c'est Mme Choinière. Mme Choinière, on y va avec vous.

Mme Choinière (Cécile): Bien, nous, qu'est-ce qu'on vous a dit... Parce que, par la pauvreté, nos gens, nos personnes se sentent comme coupables. Ils sont... Ils vivent tellement d'humiliations, c'est un repli, c'est de l'inquiétude. Ces gens-là... Les personnes qui vivent dans... Vous savez, il faut se mettre... Vous savez, quand on vit autonome, c'est difficile d'aller se placer pour dire: Je vis comme une personne qui n'est pas autonome, qui souffre de pauvreté. Nous, il me semble, on pense à quelque chose, on dit: Ah, ça doit être facile faire ça. Non, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile, parce que ces gens-là sont tellement angoissés, vivent tellement de dépression et de maladie. Vous savez, quand on est rendu qu'il faut couper sur nos médicaments, couper sur notre nourriture, c'est par rapport à un revenu insuffisant, vous savez, ce n'est pas vivable. Ce n'est pas vivable. Ce n'est pas une charité qu'on vient demander. Vous savez, comme moi, vous êtes... Comme moi, je suis grand-mère, donc la naissance d'un enfant c'est une joie, c'est de l'avenir. Mais, quand on arrive à parler de personnes âgées, il n'y a plus rien. Mais pourquoi on ne mettrait pas de la reconnaissance? Moi, je trouve ça.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme Choinière. Mme Bérard, je pense, en complément.

Mme Bérard (Luce S.): Je voudrais ajouter un cas très concret qui s'est créé à Granby. On a eu des coupures à l'hôpital, et les personnes hémodialysées, en grande partie des personnes âgées, ont dû se déplacer pour aller à Sherbrooke ou à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ceci représentait, aux coûts du transport par le Centre d'action bénévole, 400 $ par mois. Quand on a uniquement le revenu de pensions Canada, ceci appauvrit la personne à ce point qu'ils ne pouvaient pas manger. Choisir entre manger maintenant ou ne pas aller... La survie d'un hémodialysé non traité est de cinq jours. Et les coupures en santé sont une cause d'appauvrissement des aînés. Si on a un remède à faire, c'est: soyez respectueux des aînés dans ces coupures en tous domaines. Le cas de l'hémodialyse se reproduit aussi dans d'autres secteurs.

Les autres facteurs d'appauvrissement, c'est les augmentations de loyer dans les résidences privées. Parfois, il y a de l'exploitation. Ça va jusqu'à l'exploitation de la vulnérabilité de la personne âgée à ce point qu'elle paie, qu'elle paie... À un moment donné, elle ne sait plus dénoncer et elle a besoin de soutien.

Le Président (M. Labbé): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Merci pour ce témoignage-là. Les aînés, c'est une richesse. Alors, évidemment, je pense que vos préoccupations que vous amenez aujourd'hui... On sait que la société est de plus en plus vieillissante, alors c'est évident que vous êtes, d'une part, plus qu'importantes pour l'avenir du Québec.

Mme Bédard, vous avez parlé un petit peu du fonds spécial tout à l'heure, vous avez glissé, là... Puis, je le reprends dans votre mémoire, vous dites que le fonds spécial, c'est un piège, un piège éthique, nommément celui de devenir une simili caisse électorale. Bon, là, j'aimerais ça, qu'on en reparle un petit peu, parce que le fonds spécial, c'est la suite du Fonds de lutte contre la pauvreté et l'exclusion par réinsertion au travail que nous avons mis sur pied depuis 1996. Nous sommes actuellement à la fin du Fonds de lutte tel quel qui va terminer en mars 2003, et le nouveau fonds spécial vient faire cette transition-là pour la suite du Fonds de lutte contre la pauvreté. Donc, le fonds spécial... Si vous avez vu comment fonctionne le Fonds de lutte à la pauvreté, là, on veut le bonifier, alors on... Plusieurs personnes nous ont demandé... puis nous ont donné leurs recommandations pour la suite des choses. Alors, le Fonds de lutte, actuellement, il est fait... Il y a des comités d'approbation régionaux faits par les gens et du monde communautaire et des gens d'Emploi-Québec, Sécurité du revenu qui prennent ces décisions-là. Alors, je ne sais pas où vous voyez la simili caisse électorale et j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça, là.

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Oui. J'ai employé une image pour désigner ça. Ici, on indique, à l'article 46: «Le fonds est constitué des sommes suivantes», et l'item 3: «Les dons, legs et autres contributions». C'est sur le fait qu'on fasse des dons et legs pour nourrir le fonds que je trouve qu'il y a ambiguïté. Et on ne respecte pas la mission du gouvernement, parce que, généralement, les dons et legs sont faits à des fondations privées et non au gouvernement. Peut-être que je n'ai pas lu tout l'ensemble de la documentation qui concerne la création de ce fonds spécial, mais, pour moi, on devrait réserver le secteur des dons et legs aux fondations privées qui sont, dans le cas où on a un refus de subvention du gouvernement, le second recours pour les groupes communautaires pour survivre, pour pouvoir avoir des petits programmes et agir sur le terrain.

Le Président (M. Labbé): Mme la ministre.

Mme Léger: Donc, ce n'est pas nécessairement par rapport... Ce n'est pas le fonds spécial, c'est le fait des dons et des legs dans le fonds spécial.

Mme Bérard (Luce S.): Justement. Justement.

Mme Léger: Je veux juste vous dire que ça existe déjà. C'est déjà là, les dons et les legs, ce n'est pas nouveau nécessairement particulièrement au fonds spécial. Le Fonds de lutte ou les autres fonds, il y a déjà des dons et des legs, et il n'y a pas eu vraiment, je pourrais dire, d'anomalie particulière à ce niveau-là. Mais, je comprends l'idée que vous apportez, il y a d'autres groupes qui nous... Centraide, entre autres, sont venus nous dire un peu les mêmes choses.

Je vais laisser la parole à mes collègues, je pense qu'ils veulent aussi...

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme la ministre. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la députée de Marie-Victorin. Mme la députée.

n(11 h 50)n

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, je ne suis pas une habituée de votre commission, mais je connais très bien le problème de la pauvreté parce que je suis dans un comté où il y en a passablement. 34 % de la population vivent sous le seuil de la pauvreté, donc je sais de quoi on parle ici, et de la problématique aussi. Alors, mesdames, aussi, je suis dans un comté, Marie-Victorin, qui est une partie de la ville de Longueuil et qui a beaucoup de personnes âgées aussi que je côtoie énormément, et je connais pas mal la problématique. Ce que vous avez ressorti en ce qui concerne les personnes âgées, effectivement, un des principaux problèmes, c'est l'isolement de ces gens-là. Ils sont terriblement seuls, ils sont gênés de dire ce dont ils vivent et, souvent, aussi n'ont pas le support des leurs, de leur famille, de leurs proches. C'est difficile pour eux quelquefois aussi parce qu'on sait très bien la violence faite aux personnes âgées. Des fois, ça part par la famille et non pas nécessairement par des gens qui prennent soin d'eux, qui seraient susceptibles finalement de cette forme de violence là faite aux personnes âgées.

Je voudrais revenir sur un point que mon collègue, qui est le critique officiel pour l'opposition, a soulevé, nos approches ressemblent aux approches du XIXe siècle, ou, en tout cas, pratiquement la même chose, qu'on évolue rarement dans notre approche d'aider les gens qui ont de la pauvreté, ou, en tout cas, on s'améliore, on s'ajuste, si vous voulez, aux nouvelles problématiques, mais, dans le fond, ça se maintient toujours, il y a toujours un écart entre pauvres et riches et, finalement, on se retourne toujours vers un gouvernement pour demander de réduire, rétrécir cet écart-là. Mais est-ce que vous pensez... Comment on fait pour atteindre les principaux acteurs outre que le gouvernement pour qu'ils se sensibilisent aussi à ces différents aspects de la pauvreté? Parce que ce dont vous avez parlé tantôt, que seraient-ce les soins de santé, que seraient-ce, en tout cas, les soins qu'on devrait donner pour sortir les gens de l'isolement, le transport pour recevoir ces soins de santé, dans le fond, c'est une organisation de société, c'est un appel à l'ensemble de la société d'ici, et il n'y a pas que le gouvernement comme acteur. Comment voyez-vous ça, cette organisation sociale là face à la lutte contre la pauvreté?

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Bérard, je vous cède la parole. Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Oui. J'aimerais situer une situation très particulière à laquelle on ne réfléchit pas souvent, c'est qu'au XIXe siècle, la religion catholique avait un quasi-monopole, et les raisons pour lesquelles on luttait à la pauvreté, c'était souvent pour des valeurs spirituelles, pour gagner son ciel. Il y avait des gens, à ce point, qui s'engageaient en communauté, ils faisaient voeu de pauvreté eux-mêmes et allaient agir. Aujourd'hui, en 2002, 2003, quand s'appliquera la loi, on est dans un contexte de pluralité de valeurs. D'un côté, on a certains groupes communautaires qui sont très aidants et compréhensifs ? et je pense que M. Simard, tantôt, nous a fait un beau témoignage ? mais, de l'autre côté, on a des personnes... Comme on a vu le patronat venir vous parler et venir blâmer la victime, de couper son aide sociale si elle ne se trouve pas d'emploi, puis on a même des gens dans la spéculation financière néolibérale qui nient complètement la pauvreté. Ces valeurs très, très différentes obligent aujourd'hui à user des moyens nouveaux.

Et, deuxièmement, il faut que tous les citoyens à la base se requestionnent au niveau moral, parce que le premier moteur d'action avant de décider si on fait du transport ou si on fait autre chose, c'est notre valeur morale. Dans cette pluralité de valeurs morales, avec une loi qui a une visée éthique, on est capable d'aligner les choses et faire que, dans ma petite MRC, quand on aura un comité d'éthique, qu'on se sera penché en commun ? on fait déjà de l'intersectorialité au GASP ? on va arriver à démarrer des choses nouvelles et on va rentrer dans notre XXIe siècle.

Mme Vermette: Alors, est-ce que...

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Alors, moi, je trouve que votre message est très vibrant et je pense que vous êtes très concernée par ce que vous avez dit aussi. Alors, comment, avec cette loi-là, on peut rejoindre le plus de monde possible? En fait, c'est un peu votre préoccupation. C'est ce que j'ai bien compris?

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Avec les valeurs, c'est-à-dire à l'essence même de la racine de nos actions.

Mme Vermette: Oui. Alors, est-ce que vous croyez qu'actuellement... C'est un commencement, c'est un début. Il n'y en avait pas, on en fait une. Donc, j'imagine, toute loi pourrait être améliorée, bonifiée. Pensez-vous que c'est un bon début malgré ses lacunes?

Le Président (M. Labbé): Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Oui, tout à fait. On peut prendre l'expérience d'un énoncé politique éthique qui se retrouve en recherche scientifique et, depuis les années soixante-dix, c'est implanté non seulement au Canada, mais à travers le monde. Et ce premier modèle nous permet, en fait, d'aller chercher toute la dimension humaine sans nécessairement avoir une loi très prescriptive qui fait que le citoyen n'adopte juste que le comportement légal minimal. Ici, ce sont les citoyens à la base qui réfléchissent sur un comité et qui peuvent aller dans la noblesse morale vis-à-vis du respect du pauvre et de l'exclu aussi haut que possible, et je pense que c'est la façon la plus élégante de mettre la loi n° 112 en oeuvre. Et ce que l'on fait... Parce que présentement je le vois pour le Québec, mais je ne le vois pas à l'extérieur, mais on pourrait être le modèle international, la même chose que l'énoncé de politique sur la recherche est répandu à la grandeur du monde.

Mme Vermette: Vous considérez que l'approche puis la façon dont on va faire en sorte... connaître cette loi-là ou le langage qu'on va utiliser pour mettre en application cette loi-là est très importante.

Le Président (M. Labbé): Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Tout à fait. Tout à fait.

Le Président (M. Labbé): Merci. Alors, merci, Mme la députée. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. J'aimerais adresser ma question plus particulièrement à Mme Plourde. Dans votre mémoire... Et vous en avez fait la nomenclature de vos recommandations à la fin de votre présentation, particulièrement, en disant: Bon, la base citoyenne ? je reprends vos mots ? a très peu de moyens d'être informée et de participer au processus d'édification d'une société digne, juste et solidaire, et vous vous questionnez sur les pouvoirs ou actions que pourraient poser et le Comité consultatif et l'Observatoire.

Moi, je voulais vous demander justement... Tel que décrit à l'article 21, qui nous parle du Comité consultatif, on parle de la composition de ce Comité-là. Il y aurait particulièrement cinq personnes en provenance d'organismes ou de groupes représentatifs en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Est-ce que, pour vous, cette façon de signifier des places, si on veut, au Comité à des gens qui sont de la population... Est-ce que ce serait un moyen, pour vous, de début pour permettre à la base d'être mieux informée et de se sentir participante à la vie?

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Plourde.

Mme Plourde (Hélène): Oui, c'est certain que c'est un début, mais les gens qui travaillent dans le communautaire ne sont pas nécessairement des gens qui vivent eux-mêmes la situation de pauvreté. C'est certain qu'il y en a là-dedans qui sont subventionnés, des gens qui sont subventionnés, mais c'est des gens aussi, des fois, qui ne sont peut-être pas déconnectés, mais ce n'est pas nécessairement des gens qui vivent la situation de pauvreté, puis moi, c'est à ce niveau-là que je me questionnais, c'est d'être plus... Qu'il y ait plus de gens qui la vivent pour pouvoir témoigner de leur situation davantage.

Le Président (M. Labbé): Mme la députée.

Mme Blanchet: Oui, je comprends, mais... Peut-être qu'effectivement, souvent, les représentants ne sont pas nécessairement des gens qui vivent la pauvreté, mais les gens vivant la pauvreté sont habituellement partie prenante de ces divers organismes là, là, depuis... Les 100 et quelques groupes ou personnes qui sont venus nous voir depuis plusieurs semaines, certains vivent des situations de pauvreté malheureusement mais sont actifs à même un organisme X, Y, là, peu importe où il se trouve au Québec. Donc, il y en a aussi qui s'impliquent pour justement se sortir. Alors, ces personnes-là pourraient être désignées.

Mme Plourde (Hélène): Oui, effectivement, si elles pouvaient être désignées à l'occasion pour siéger sur la commission et puis à l'Observatoire, je trouverais ça intéressant, qu'il y ait peut-être une alternance pour que les gens puissent davantage se faire entendre, que ce soit vraiment plus un contact direct avec le citoyen. Merci.

Mme Blanchet: Mme Bérard.

Le Président (M. Labbé): Oui, Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Moi, j'aimerais ajouter... C'est que souvent les personnes pauvres sont très contraintes, et elles pourraient participer, par exemple, à un comité d'éthique local. Mais se déplacer pour aller à un comité consultatif qui est quelque part au Québec où on a cinq personnes pour représenter toute la collectivité des pauvres, qui est à peu près 20 % de la population, ce n'est pas très représentatif. Et, souvent, les groupes communautaires sont tellement occupés qu'une fois revenus la diffusion vers les milieux et surtout vers les gens pauvres eux-mêmes n'est pas facile. C'est beaucoup mieux d'avoir un lieu de participation local.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme Bérard. Malheureusement, le temps est déjà écoulé pour la partie ministérielle. Sans plus tarder, nous passons maintenant au porte-parole officiel de l'opposition. J'ai nommé le député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue également de ma part et de la part de l'opposition officielle. Je vous remercie pour le vibrant plaidoyer que vous faites par rapport à la place des aînés dans nos considérations et nos préoccupations. Vous revenez à la charge en insistant beaucoup sur le fait qu'il faut absolument qu'on tienne compte de cette réalité sans trop facilement se dire que nous avons fait des progrès du côté de l'amélioration des revenus des personnes âgées. Parce que ça aussi, ça a été soulevé, puis, je pense, c'est un fait, on a quand même fait un certain nombre de progrès. De là à dire que c'est réglé, c'est loin d'être réglé, et je pense que c'est le point que vous marquez avec beaucoup d'insistance.

Mais, pour la suite des choses, je pense qu'il y a quelqu'un qui vous connaît très bien et qui vous représente, je vous dirais, très bien au niveau du comté de Granby, qui m'a indiqué qu'il voulait être présent puis faire la suite des choses. Alors, je passerai la parole, M. le Président, à mon collègue le...

Le Président (M. Labbé): Alors, M. le député de Shefford.

M. Sirros: De Shefford.

n(12 heures)n

M. Brodeur: Merci. Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. C'est toujours un plaisir de vous voir, autant dans le comté qu'ici.

Je vais adresser ma première question à Mme Plourde. Justement, la députée de Crémazie venait de poser une question en ce sens-là, concernant, en fin de compte... comment permettre au citoyen qui est pauvre d'intervenir dans le processus. Parce qu'on sait, puis vous le vivez tous les jours, que, souvent, celui qui est pauvre, et ce n'est pas étranger à notre région non plus, est isolé, donc est replié sur lui-même, et ça fait en sorte que c'est difficile à ces gens-là de leur demander de s'impliquer dans le processus décisionnel. Et vous disiez tantôt qu'on pourrait peut-être modifier la loi ou faire en sorte que ces gens-là aient droit au chapitre, en fin de compte. De quelle façon pourriez-vous proposer... de quelle façon on pourrait amener ces gens-là à s'impliquer dans le processus, en fin de compte, à essayer d'influencer le mode de décision en leur faveur, alors que, par définition, ils sont souvent isolés, puis on l'a vu, on l'a vu partout au Québec?

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Plourde.

Mme Plourde (Hélène): C'est certain que ce n'est peut-être pas concrètement facile, mais, comme le disait Mme Bérard, s'il y avait des comités au niveau local qui étaient créés, je pense qu'il y aurait moyen d'aller rejoindre ces gens-là. Et aussi, il y a tout l'aspect de l'éducation, parce que, à travers les organismes communautaires, on peut essayer davantage... on peut rejoindre ces gens-là et puis les conscientiser, et puis, à ce moment-là, pouvoir les écouter et aussi transmettre leur message après, dans une deuxième étape. Alors, il faudrait que ça commence peut-être plus au niveau local, ce serait plus réaliste.

Le Président (M. Labbé): Est-ce que, Mme Choinière... Je pense que vous avez un complément d'information? Mme Choinière.

Mme Choinière (Cécile): Moi, je trouve qu'il faudrait commencer par le grand public, le grand public en général, qu'il comprenne mieux le phénomène du vieillissement. Parce que le public en général ne comprend pas le vieillissement. Et puis vous voyez que les personnes âgées sont exclues, elles ne sont pas utilisées à leur juste valeur. Combien de personnes, rendues à 50, 60 ans, pourraient continuer et faire des choses encore extraordinaires? Mais non, on les met de côté, elles ne sont plus productives, donc: Ôtez-vous de là. C'est simple, c'est comme ça.

Le Président (M. Labbé): Merci, madame. M. le député.

M. Brodeur: Oui, justement, puis pour le bénéfice de la commission, on sait que la région de Granby et le comté de Shefford, Brome-Missisquoi en général, on a une recrudescence de personnes âgées, parce que c'est une capitale régionale et on sait qu'il y a beaucoup de résidences privées qui sont installées, les gens partent de la campagne, la population vieillissante, s'installent à Granby. On a vu qu'il y a des problèmes qui sont soulevées. D'ailleurs, La Voix de l'Est, le quotidien La Voix de l'Est, a plusieurs articles qui vont venir, et à partir d'hier, qui indiquent que ça occasionne des problèmes. Parce qu'on sait souvent que la personne âgée ? on parlait d'isolement tantôt ? est souvent encore plus isolée, et on a vu à plusieurs reprises des problèmes engendrés par le vieillissement de la population. Et d'ailleurs, l'AQDR, sa mission, c'est de défendre les personnes âgées.

Vous avez indiqué dans votre mémoire, donc vous soulignez le manque de reconnaissance concernant les personnes âgées, ce groupe d'âge là, et vous indiquez aussi que vous aimeriez modifier, entre autres, l'article 21. J'aimerais vous entendre là-dessus. Considérant que vous représentez une région où il y a énormément de personnes âgées, que le problème s'accentue, de quelle façon doit-on indiquer clairement dans le projet de loi ou dans la loi, intervenir, donner droit au chapitre à ces gens-là? Avez-vous une suggestion à nous apporter, en fin de compte, pour régler en grande partie des problèmes que l'on vit dans la région que vous représentez?

Le Président (M. Labbé): Alors, c'est Mme Choinière?

M. Brodeur: Mme Choinière, oui.

Mme Choinière (Cécile): Bien, moi, je pense que ça revient... Vous savez, la personne qui est pauvre, elle, elle est dévalorisée, elle n'a pas d'estime de soi-même, elle est isolée ou bien... Par défaut de tous ces manques de moyens là, elle n'a pas de loisirs, elle s'exclut pour ne pas être identifiée comme pauvre, elle camoufle son état, elle se donne des défaites de tout genre: Je ne vais pas là, je n'irai pas là. Même, elle se prive d'aller voir ses enfants, ne reçoit même pas ses enfants. La personne retraitée, elle est très, très vulnérable face aux coupures, face au système de santé. Puis, si, un jour, disons, ses enfants doivent la placer dans une institution, elle risque d'être encore plus isolée, parce que, elle, elle n'a pas de sous pour échanger avec les autres; donc, ses activités, ses distractions, vous savez, elle n'en a pas, elle n'en a vraiment pas. Vous savez, vivre une retraite déprimante, là, ce n'est pas bien, bien considéré, pour moi, là, comme vraiment social. La pauvreté, ça aggrave la maladie, puis la maladie aggrave la pauvreté. Et donc, c'est un cercle vicieux tout le temps, tout le temps, tout le temps. On n'en sort pas. Et les personnes âgées... il faut que d'autres personnes se... Parce que eux autres se sont tellement fait refuser tout, ils ne veulent pas parler, ils ne veulent pas faire ci, ils se retirent complètement. Il faut aller les chercher au compte-gouttes.

Le Président (M. Labbé): Merci, madame. M. le député de Shefford... Oh! Mme Bérard, je m'excuse. Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Oui. Moi, je vais répondre à votre question de façon très, très, très précise. À l'article 21, paragraphe 3, on indique les groupes qui composent la société qui seront présents sur le Comité consultatif et là on dit nommément: «les jeunes, les immigrants et les minorités visibles», auxquels j'ajoute les personnes âgées. Parce que, en éthique, ce que l'on ne met pas en mots n'existe pas, et c'est là qu'on manque de reconnaissance. Il faut le mettre en mots dans la loi. Dans mon mémoire, à l'article 21, j'ai aussi spécifié de façon très précise cette désignation.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme Bérard. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui. Justement, Mme Bérard, j'ai l'occasion de vous lire à l'occasion dans votre chronique dans La Voix de l'Est, qui est fort intéressante. Je sais que vous êtes une spécialiste en équité. Vous avez tantôt émis l'opinion qu'il faut absolument arriver avec une éthique, autant dans l'équité, pour mesure... en fin de compte, pour mesure préventive. On a vu souvent les gouvernements intervenir à tous niveaux, souvent, pour instaurer un système d'équité plutôt par mesure cosmétique que mesure préventive. Je pense que le cas qui nous occupe... et je pense que Mme Bérard, ici, avec qui j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter, propose justement une politique d'éthique et de l'équité. J'aimerais vous entendre un peu plus que ça sur ce que vous pouvez proposer comme mesure préventive. D'ailleurs, je peux le suggérer à la ministre, peut-être: Doit-on aller dans un projet-pilote dans notre région? Je lui en fais la proposition. Mais j'ai eu l'occasion de vous lire à quelques reprises, j'ai d'ailleurs quelques-uns de vos articles ici. Mais j'aimerais vous entendre: De quelle façon on pourrait instaurer un programme semblable, par exemple ? puis je le suggère à la ministre ? peut-être un projet-pilote dans la région?

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Bérard.

Mme Bérard (Luce S.): Je serais très ouverte à l'idée de faire un projet-pilote à Granby, d'une part, parce que c'est une ville régionale qui est éloignée de deux grands centres où nos chefs d'entreprise, un ensemble de décideurs sociaux se trouvent à vivre dans la même collectivité où il se passe des lieux de travail, des lieux d'éducation. C'est donc un bel endroit pour agir. Deuxièmement, si on regarde la qualité de nos acquis déjà en matière de lutte à la pauvreté, on a déjà Groupe Actions Solutions Pauvreté qui fait de l'intersectorialité. J'ai apporté ici des copies de presse, parce que, au 17 octobre, on a tenu une réunion où on a convoqué tous nos acteurs sociaux, et il y a eu, entre autres comme constat... c'est qu'on était rendu au fait qu'avoir seulement l'argent, ça ne marche pas. Il faut travailler nos valeurs et, par la suite, ajouter au financement.

J'ai fait justement... Moi-même, personnellement, je fais de l'éducation populaire et l'éthique, parce que j'ai une chronique dans La Voix de l'Est, qui est le journal local à Granby, un quotidien, et aussi, le fait d'avoir un quotidien au niveau local, c'est un bon outil de développement social et de conscientisation, parce que, à l'heure du break, peut-être qu'on rentre dans plusieurs usines sans le savoir auprès de décideurs sociaux, et ainsi de suite. On a beaucoup d'outils. Je dois vous dire que, personnellement, je viens de diplômer en collation des grades d'octobre de l'Université de Sherbrooke et je pourrais très bien faire ce petit pas, puisque, si on veut développer un énoncé de politique éthique, il faut avoir de l'expérience et tirer cette expérience des projets-pilotes. Je pourrais très bien le faire. Dans le passé, j'ai été chercheure scientifique, j'ai travaillé en recherche quantitative et aussi qualitative. Et vous pouvez voir la diversité de nos mémoires. En fait, on a chacune partagé l'une l'autre les mêmes secteurs. On sait travailler en équipe, on sait agir ensemble, et c'est une belle qualité dans notre milieu. Puis ça pourrait se faire, ce serait nourrissant, et on serait fières de contribuer à un énoncé de politique sur la pauvreté au niveau national.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme Bérard. Mme Plourde, en complément.

Mme Plourde (Hélène): Oui. Moi, j'aimerais ajouter quelque chose d'intéressant qui se passe à Granby. C'est que, suite au 17 octobre, justement, on a comme tenté de faire le pont entre l'économique et le social, et là on sent qu'il y a une petite ouverture à ce niveau-là. Quand, tantôt, Mme la ministre, vous disiez: Est-ce qu'il y avait d'autres moyens que le gouvernement pour changer les choses? je crois qu'il y a un espoir du côté des intervenants du milieu, des décideurs, des gens d'entreprise pour mettre la main à la pâte, comme on dit, et puis participer davantage. Alors, c'est de mobiliser les gens. Ce n'est pas seulement de se fier au gouvernement, effectivement. Chez nous, je peux dire qu'il y a déjà une amorce de travail qui se fait en ce sens-là, et là on va former des groupes de travail très bientôt et on va vraiment essayer de travailler sur des choses concrètes, pour que les gens continuent d'être mobilisés et pas seulement que ce soient des écrits.

n(12 h 10)n

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme Plourde. Alors, monsieur... Oui, Mme Choinière, en complément, oui.

Mme Choinière (Cécile): Ah! bien, moi, ce que je voulais dire... bien, c'est parce que, moi, je ne sais pas, à l'article 5, moi, je trouve que, dans la loi, je trouve que... Premièrement, c'est un travail d'éducation auprès du public qu'il faudrait faire en général, parce qu'il faut changer ces clichés-là. Ça n'a pas d'allure, ils sont vraiment inexacts.

Vous parlez avec les gens, des plus jeunes ou... des jeunes, ils disent: Ah! la vieillesse, ça égale maladie; vieillesse, ça égale pauvreté; vieillesse, sénilité, même dans les mots croisés, hein, sénilité. Ce sont des stéréotypes qui excluent socialement les aînés. Ils font d'eux des proies faciles aux abus. Il faut offrir aux aînés des moyens d'avoir des endroits pour se documenter, de la documentation intéressante, des mesures de prévention à prendre. Des ressources, il y en a. Il y en a, des ressources, dans le milieu. Vous voyez, on travaille, on est plusieurs ensemble pour les aider à garder leur estime de soi, leur autonomie physique et financière. Ça, c'est très, très important.

Et je peux vous dire aussi que, nous, à Granby, pour la reconnaissance des aînés, par des subventions que nous avons obtenues... l'an passé, nous avons travaillé sur l'abus et violence faite aux aînés, à l'AQDR. Nous avons donné 35 conférences dans les différents organismes pour parler de l'abus et violence faite aux aînés. Et, cette année, par Mme Goupil, nous avons eu une autre subvention et nous avons commencé, cette semaine, avec les aînés, le groupe de théâtre des aînés, et les jeunes dans les écoles, à donner des représentations sur le respect, la dignité et la reconnaissance des aînés. Et nous allons donner 22 représentations d'ici au 10 décembre et nous allons atteindre 92 classes de 5e, 6e, première et deuxième secondaire. Ça, c'est un travail qu'on fait chez nous pour les abus et violence aux aînés.

Le Président (M. Labbé): Mme Choinière, un petit commentaire. J'ai juste le goût de vous dire que, quand vous me parlez des aînés, comment ce n'est pas évident et pas facile, vous ne me rassurez pas. Mais, quand je vous vois et je vous écoute, ça me rassure. Je n'ai pas peur d'être un aîné. Alors, dans ce sens-là, c'est rassurant. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Mme Plourde et d'ailleurs je pense que tous les intervenants étaient à votre colloque du 17 octobre ? j'ai eu la chance d'y assister aussi ? colloque fort intéressant qui réunissait des acteurs économiques et des acteurs sociaux de la région, où vous avez, en définitive, mis le point sur plusieurs problèmes régionaux. On parlait de transport régional, de logement social, d'éducation. On a fait état également de nouveaux besoins qui sont nombreux et qui sont reliés souvent, par exemple, au problème régional. On parlait d'augmentation de personnes âgées dans la région. On parlait aussi, également, de personnes qui arrivaient d'autres milieux, parce qu'on sait que Granby a la réputation de devenir La Mecque économique presque de la région chez nous. Donc, ça amène des gens de partout qui arrivent en grand nombre dans la région. Est-ce que vous pouvez ? tantôt, vous avez soulevé ce point-là... Quels sont ces nouveaux besoins là qui vont dorénavant être des besoins primordiaux pour les villes-centres en tant que telles? Parce que ça attire aussi non pas seulement la richesse économique, mais également aussi la pauvreté venue d'ailleurs, là.

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Plourde.

Mme Plourde (Hélène): Alors, ce qu'on entendait par nouveaux besoins, c'étaient des besoins qui ne peuvent pas être comblés par les systèmes qui sont en place. Alors, on appellerait ça des trous dans le système finalement. Et là, avec des gens comme un propriétaire, entre autres, de pharmacie, les pharmacies Jean Coutu, qui a décidé de s'impliquer... Ça peut être des questions très concrètes, comme des enfants qui ne réussissent pas à avoir de soins dentaires, qui n'ont pas l'argent pour se faire soigner. Alors, ce serait d'aider de différentes façons, avec les gens du privé, pour essayer de trouver des moyens plus concrets. Les colonies de vacances qui ont disparu... C'est vraiment des exemples très précis, les dossiers sur lesquels on va travailler.

Puis là, c'est sûr qu'à l'heure actuelle on n'a pas commencé encore le processus, mais c'est parce que les gens, ils pensent à tellement de choses. Il y a les aînés aussi dans les centres d'accueil, il manque de bénévoles parfois. On demandait finalement aux gens: Est-ce que c'est possible de s'impliquer une demi-heure par semaine pour réussir à trouver comment aider, avec ces nouveaux besoins là qui sont créés depuis quelques années et qui n'existaient pas autrefois. Mais là, c'est ça, on va travailler à les déterminer. Je sais que les gens du CLSC nous ont dit qu'ils ne fournissaient pas et puis qu'il y avait justement des failles dans le système et qu'il fallait essayer de trouver des moyens de s'aider.

Le Président (M. Labbé): Merci, madame. Alors, Mme Bérard, en complément peut-être, parce qu'il reste quelques minutes, pas beaucoup de temps.

Mme Bérard (Luce S.): Bon. Il y a un besoin là qui s'accentue avec la venue des aînés, ce sont les aidants naturels qui sont souvent des gens de 50-65 ans qui... Quand on fait un renvoi de l'hôpital de façon précipitée, finalement ils coupent des coûts de main-d'oeuvre à l'hôpital. Mais c'est qui qui fait le ménage, qui fait à manger, tout ça? Ce sont les aidants. Puis, là, il y a un besoin d'aide, sinon ces personnes doivent quitter leur emploi, s'appauvrissent et elles-mêmes seront plus tard pauvres à la retraite. Ça fait que j'identifie qu'on a parmi nos organismes, sur le GASP, un regroupement d'aidants naturels. J'identifie là un besoin qui va devenir massivement important avec la génération du baby-boom.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme Bérard. M. le député de Shefford, en conclusion.

Mme Choinière (Cécile): ...bien reconnu...

Le Président (M. Labbé): Mme Choinière.

Mme Choinière (Cécile): ...parce que ça n'a pas de bon sens que ces gens-là tombent puis ils n'auront pas de rente du Québec après. C'est inconcevable.

Le Président (M. Labbé): Bien, excellent. Mesdames, malheureusement, tout le temps est épuisé. Alors, on vous remercie beaucoup de votre prestation, de votre présentation. Alors, Mme Plourde, Mme Choinière, Mme Bérard, merci au nom de vos organismes. Et on suspend les travaux, si vous permettez, jusqu'à 14 heures cet après-midi, ici même. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux afin de tenir la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, nous accueillons maintenant les représentants et représentantes de quelques groupes qui ont accepté de fusionner, c'est-à-dire le Café des Deux Pains de Valleyfield inc., le CLSC Seigneurie de Beauharnois, les corporations Beauharnois, une place dans l'avenir et Partenaires pour la revitalisation des quartiers anciens de Valleyfield. Alors, nous vous souhaitons la bienvenue, Mme Sylvie Quenneville, qui est la coordonnatrice du Café des Deux Pains de Valleyfield, de même que M. Jean Tremblay, qui est organisateur communautaire du CLSC Seigneurie de Beauharnois. Alors, M. Tremblay, je pense, hein? Je vous cède la parole. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, bien sûr, vous pouvez diviser le temps entre vous deux. Alors, je vous cède la parole.

Café des Deux Pains de Valleyfield inc.,
CLSC Seigneurie de Beauharnois, Beauharnois,
une place dans l'avenir (BUPA) et Partenaires
pour la revitalisation des quartiers
anciens de Valleyfield

M. Tremblay (Jean): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la ministre, mesdames, messieurs, alors il me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui. C'est une occasion en or qui se présente à nous pour venir mettre l'emphase sur certains aspects en particulier du projet de loi, ainsi que la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Je le fais non pas à titre d'intervenant communautaire, mais représentant du CLSC Seigneurie de Beauharnois et aussi à titre de membre fondateur, administrateur des corporations Beauharnois, une place dans l'avenir et Partenaires pour la revitalisation des anciens quartiers de Salaberry-de-Valleyfield. J'ai eu l'occasion justement de recevoir Mme Léger dans sa tournée il y a quelques mois déjà de ça.

Alors, avant d'aller plus loin dans la présentation du mémoire commun qui a été produit par les trois organisations, je vais d'abord céder la parole à Sylvie Quenneville, qui va vous illustrer un petit peu le travail terrain de l'organisme du Café des Deux Pains.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme Quenneville.

Mme Quenneville (Sylvie): Bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Je voudrais vous présenter un petit peu l'organisme Café des Deux Pains. Nous sommes un organisme d'aide alimentaire et d'éducation populaire qui oeuvrons dans notre localité depuis plus de 20 ans. La population que nous rejoignons, c'est environ 40, 50 000 personnes, et, dans notre région ? je pense que Jean pourrait vous expliquer plus en détail ? la pauvreté est très présente. On pourrait citer de nombreux exemples de cas vécus par les gens qui fréquentent notre organisme. Mais la raison pour laquelle nous avons présenté un mémoire pour une loi n° 112 améliorée, c'est un petit peu pour expliquer en quoi, pour nous, il est important d'avoir justement une loi qui vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion.

Il est bien évident qu'on est confronté quotidiennement à des situations qui sont très difficiles pour les usagers de notre organisme. On voyait dans les énoncés de la loi des pas importants pour permettre aux gens d'intégrer le marché du travail. Seulement, nous, ce que l'on constate, c'est qu'il faut développer aussi beaucoup... C'est bien de vouloir envoyer les gens travailler, sauf que, à la base, les compétences qu'ils ont sont très insuffisantes. Quand il faut seulement leur apprendre à se lever le matin pour aller travailler, ou encore ça fait 20 ou 30 ans qu'ils sont décrochés du marché du travail, ou ils n'ont jamais fréquenté ce marché-là, ces personnes-là doivent partir de très loin, très, très, très loin. Alors, il est difficilement pensable, dans un avenir rapproché, pour une catégorie de personnes démunies de réintégrer le marché du travail sans un soutien plus constant.

Nous, au Café, on vise beaucoup, par l'éducation populaire, à permettre à ces personnes-là d'améliorer leurs conditions de vie. Les améliorer, on parle... c'est sûr qu'on parle au niveau du travail, mais aussi familial, social, développer leur citoyenneté, leur expliquer un petit peu c'est quoi, être un citoyen aujourd'hui et qu'est-ce qu'ils peuvent faire pour être un citoyen à part entière. Je pense que Mme la ministre... Mme Léger, dans la visite qu'elle a faite dans notre région l'an dernier... on avait permis aux usagers d'exprimer leur sentiment à une question qui était très, très simple. On leur demandait, si eux, aujourd'hui, étaient le ministre de la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, ce qu'ils feraient. Et, dans un document qui a été produit, qui a été remis, vous avez des énoncés très intéressants par des personnes qui la vivent au quotidien, cette situation-là.

Je ne sais pas ce que je pourrais vous dire de plus. Jean, je pense qu'il va vous faire... M. Tremblay va vous faire un portrait de la situation sur notre territoire, dans notre localité.

n(14 h 10)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Quenneville. M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Merci. Peut-être juste illustrer un petit peu en quoi un organisme qui intervient surtout en aide alimentaire à nos centres d'éducation populaire, sur une multitude de problèmes vécus par les personnes pauvres... Bien, c'est grâce au soutien du Café des Deux Pains et la participation active d'usagers du Café des Deux Pains qu'une ressource comme le Comité logement de Valleyfield a vu le jour, et vous allez pouvoir le constater à même l'histoire que je vais vous raconter concernant la revitalisation des quartiers anciens, que, localement, les initiatives peuvent aller très loin et sont porteuses de changement et d'espoir, même si elles se situent au niveau de la communauté locale. En fait, c'est le point de vue essentiel des quelques minutes que je vais prendre, c'est-à-dire l'importance de soutenir les initiatives locales, particulièrement dans les communautés de petite et moyenne taille. Alors, je salue l'initiative du gouvernement à cet effet, puis je le fais au nom des trois organisations que j'ai mentionnées tantôt.

Nous travaillons sur les mêmes réalités locales avec les mêmes acteurs, pas juste le CLSC, mais aussi le centre local de développement, le centre local d'emploi, la commission scolaire, etc., donc toujours avec la même ferveur, avec des approches différentes que je vais vous décrire.

Donc, ce qu'il faut comprendre ? vous allez pouvoir le constater aussi, je pense que je ne suis pas le premier à le dire ? la pauvreté, ce n'est pas juste une question de personnes, c'est une question de contexte, de conditions de vie autrement dit, mais aussi de structures ou de ressources qui finissent par manquer. C'est aussi quelque chose qui n'est pas simple. Au Café des Deux Pains, ils le constatent à chaque jour. C'est une addition de problèmes, qui s'accumulent les uns aux autres, mais aussi devant lesquels les interventions habituellement sectorielles aboutissent à des culs-de-sac. On va pouvoir le constater à même les caractéristiques de notre territoire.

Donc, pour pouvoir s'en sortir comme communauté marquée durement par la pauvreté ? ce que sont les villes de Beauharnois et de Valleyfield en particulier ? il faut avoir une compréhension plus globale, donc pas juste au niveau de la perception de soi qui est importante, l'estime de soi, la valorisation. Mais, aussi, traiter localement la pauvreté, c'est avoir une approche culturelle ou anthropologique, si vous voulez, créer des opportunités, faire face à du stress, tenir compte aussi des facteurs organiques, les fameux bébés de petit poids qu'on retrouve en forte proportion sur notre territoire, ainsi de suite. Donc, là-dessus, on peut souligner l'importance effectivement qu'on accorde aux communautés de stimuler la solidarité et la cohésion sociale. Mais faire ce genre de travail là puis porter des fruits à long terme, ça prend de la patience et ça prend plein de choses. On pense, nous, spécifiquement à Beauharnois comme à Valleyfield, avec les expériences qu'on a mises de l'avant, malgré le peu de support qu'on a, le peu de permanence qu'on a, on a réussi à marquer des points là-dessus.

On attire... Je ne dirai pas grand-chose parce qu'il y a une panoplie de chiffres, ce qu'il faut juste rappeler, c'est l'importance d'accorder une attention aux petites communautés ou aux communautés de taille moyenne. Taille moyenne, pour ce qui est de Valleyfield, c'est 40 000 habitants; Beauharnois, c'est 12 000 habitants maintenant que c'est fusionné. Ce qu'on peut constater, puis c'est une multitude de chiffres qui le démontrent, une multitude de sources aussi, c'est qu'il y a une forte concentration de pauvreté, et le phénomène de la défavorisation et de l'exclusion ne se vit pas uniquement dans les grands centres urbains comme Montréal.

Donc, récemment encore, la Direction de la santé publique de la Montérégie, en mai 2002, classait notre territoire de CLSC au dernier rang des CLSC en Montérégie en fonction de 40 indicateurs socioéconomiques, sociosanitaires, etc. Donc, ces réalités-là finissent par questionner la pratique, et je pense que localement, tant à Beauharnois qu'à Valleyfield, on est arrivé à innover un peu. Il y a encore beaucoup de choses à faire, ce n'est pas encore construit solidement, mais il y a une tendance au travail intersectoriel, une forte tendance à la participation citoyenne qui s'est mise en place.

Là-dessus, l'approche que, nous, on préconise, c'est des choses que vous mentionnez dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, entre autres en faisant référence à l'expérience de Baltimore, mieux connue aussi sous le vocable de Moving to Opportunity, qui est une série de sites aux États-Unis qui ont été étudiés et qui démontrent qu'intervenir sur des territoires, c'est aussi important comme stratégie que d'intervenir auprès des personnes comme telles. Ils ont pris des familles, ils les ont déménagées dans d'autres quartiers, et ça a eu des impacts positifs en fonction de changement: dans le ménage; la réussite scolaire s'est portée mieux; les revenus ont augmenté; le chômage a diminué; la détresse sociale aussi. Donc, je pense que c'est des expériences qui sont venues nous influencer.

Alors, le travail qu'on a pu faire en ce qui concerne Beauharnois, c'est depuis 1994; pour ce qui est de Valleyfield, c'est depuis 1998. Ça s'inspire des stratégies de développement social urbain en Europe, par exemple, ou Villes et Villages en santé, plus près de nous, ou des expériences comme Communities That Care aussi qui ont décidé, par exemple, de dire: quand les ressources sont limitées mais qu'on voit qu'il y a un paquet de facteurs de risque ? si on prend ce vocabulaire-là ? qui se concentrent au même endroit, dans une même aire géographique ? ce qui est notre cas en particulier ? bien, vaut mieux prendre le territoire en général puis faire une démarche avec l'ensemble des acteurs de ce territoire-là. C'est ce que, nous, on propose, et on se reconnaît un peu dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté quand le gouvernement veut s'attarder aux territoires, aux vieux quartiers centraux de certaines communautés. On se demande cependant quelle est spécifiquement la stratégie sur cette question-là, mais on sent que, localement, on peut aussi se conformer aux orientations proposées par la stratégie comme telle.

Essentiellement, je pourrais vous dire rapidement... juste pour vous dire où on en est rendu. Il y a des caractéristiques spécifiques pour les quartiers anciens de Valleyfield ? je vous épargne la chose. Juste vous rappeler que la communauté de Salaberry-de-Valleyfield, elle est largement handicapée socialement, économiquement, à tous les niveaux, que ce soit en création d'entreprises, en création d'emplois, en décrochage scolaire, en bébés de petit poids, en négligence pour les enfants, etc. Donc, là-dessus, on adhère, on souhaite en tout cas qu'il y ait une attention particulière qui va être portée aux petites communautés comme à Beauharnois comme telle.

Il y a eu une étude qui a été faite par le Comité logement, en 1998, qui portait sur les conditions de vie des quartiers anciens. Cette étude-là, par la suite, a été présentée à la ville et au CLSC qui ont accepté de prendre la relève et de convoquer à une assemblée, le 9 décembre 1998, une quarantaine d'organisations; plus de 33 organisations différentes étaient présentes et ont confirmé le diagnostic. Il faut arrêter la roue de la pauvreté tout le monde ensemble, avait-on entendu à ce moment-là, et rapidement les gens avaient souhaité un plan d'ensemble avec un porteur de dossier, s'attarder aux vrais problèmes, avec une participation de tous les acteurs du milieu.

On arrive aujourd'hui, quelques années plus tard, avec un cadre d'intervention qui a été signé en mai 2000 ? donc, quelques années, c'est vite dit, là, en mai 2000. Huit partenaires importants, dont le centre local d'emploi, le centre local de développement, le CLSC, la commission scolaire, la pastorale sociale, la Sûreté des Riverains, la corporation de développement communautaire ? bref, en tout cas, il y en a huit, là, j'en oublie peut-être ? ont signé un plan de match commun avec des objectifs très précis à atteindre. C'était une démarche qui a été échelonnée sur 10 ans. On n'a même pas encore fini notre première phase de trois ans. Mais ça va assez bien. On travaille la vie scolaire et on travaille la salubrité des logements. À cet effet, on a obtenu une subvention de Santé Canada de 230 000 $ pour les 24 prochains mois qui va nous permettre d'implanter dans les cinq écoles des quartiers le concept qui est préconisé aussi par la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, qui est l'École en santé.

Du côté des caves en terre battue, en fait, qui est une problématique bien spécifique, là, liée au logement ouvrier qu'on retrouve en forte concentration sur le territoire de Valleyfield, on a obtenu l'appui, la participation active de la Direction de la santé publique ainsi que la Société d'habitation du Québec qui a bien voulu nous désigner une architecte qui va travailler avec nous pour les prochains mois sur cette question-là. En tout cas, il y a tout un protocole qui a été monté. Mais ça démontre juste que le travail intersectoriel qui est proposé, l'approche milieu, là, qui est proposée en ciblant des territoires fortement défavorisés, nous, on l'a appliquée à Beauharnois, mais particulièrement, avec l'exemple que je vous donne, à Valleyfield depuis un certain temps.

Donc, il y a beaucoup de choses qui se font du côté de la participation citoyenne: par exemple, fêtes de quartier ? à la deuxième édition ? un local de quartier aussi, la mise sur pied d'une association de quartier. Donc, il y a toute une stratégie qui s'appuie sur une démarche aussi de recherche et de développement ? c'est drôle à dire. Dans le fond, si on veut réduire la pauvreté, il faut savoir où on s'en va avec des interventions qui peuvent être efficaces, prometteuses ou, en tout cas, qui permettent de régler les vraies affaires. C'est sûr que mon propos aujourd'hui, je tiens à le dire, j'ouvre une parenthèse, ça ne néglige pas, loin de là, la nécessité pour les gouvernements, l'État de faire des interventions plus globales. Ce que j'essaie de démontrer, c'est que, localement, il y a une marge de manoeuvre, il y a une possibilité de faire un travail intersectoriel, puis je pense qu'on l'a démontré avec les années.

n(14 h 20)n

Donc, juste pour vous dire... Un autre exemple, Ma Place au soleil, qui est aussi un élément de la stratégie à envisager. À Valleyfield, ça participait assez bien avec le centre local d'emploi. Nous, ce qu'on a réussi à faire, c'est de réunir autour de Ma Place au soleil une dizaine de partenaires supplémentaires pour créer un projet de logement social pour familles monoparentales avec services. Et ça, ça se fait avec l'Office municipal d'habitation et, évidemment, la participation de la ville, et, là aussi, la commission scolaire et d'autres partenaires, Centre des femmes, etc. Et ça s'implante, ces logements-là, dans les quartiers anciens. Le député, quand est venu le temps ? M. Deslières ? d'implanter la garderie CPE La Campinoise, a privilégié aussi l'implantation du CPE dans les quartiers anciens. Donc, on sent qu'on a installé là toute une mobilisation du milieu en fonction de cibles précises.

Pour ce qui est de Beauharnois, une place dans l'avenir, l'histoire a commencé en 1994 à la suite d'un pacte de suicide de deux jeunes et, aussi, ça faisait suite à des faits marquants, dramatiques pour la communauté: fermeture d'usine, etc. Donc, à un moment donné, la Table de concertation sur la pauvreté s'est questionnée sur la manière de faire les choses. Ça a arrivé au même moment où circulait dans les airs une proposition de la municipalité de Val-des-Monts qui disait vouloir faire travailler les personnes assistées sociales en échange de leur chèque d'aide sociale. La Table de concertation avait vivement réagi. Ils trouvaient que ce n'était pas une manière de revitaliser une communauté en forçant le monde à travailler comme ça. On voulait davantage miser sur la fierté des gens à prendre soin d'eux-mêmes puis de leur communauté puis d'être actifs dans le développement et dans le changement.

Donc, on a rencontré le conseil de ville qui s'est plus ou moins montré intéressé. Par la suite, pour faire une histoire courte, on a fait une tournée de 300 personnes et on est arrivé à aller chercher l'adhésion du CLSC, qui s'est vu porteur de dossier, mais aussi de la commission scolaire et de la ville de Beauharnois qui ont décidé de créer une corporation qui s'appelle Beauharnois, une place dans l'avenir. Cette corporation-là a assis son travail sur une planification stratégique qui reposait sur trois forums échelonnés... séparés de deux mois à chaque fois: un premier forum sur les constats, un deuxième forum sur les idées de projets, puis le troisième forum sur les projets comme tels. Ce qu'il est important de retenir sur l'expérience locale quand il faut travailler sur la question de la pauvreté: ça prend des lieux de débats, ça prend aussi du temps, mais ça prend aussi une capacité de rentrer en dialogue puis de gérer les tensions. Parce que, quand vient le temps, comme communauté, de soutenir des initiatives locales, il faut avoir un langage commun, puis ça, ça ne se gagne pas par magie.

Donc, quelques années plus tard, Beauharnois, une place dans l'avenir... ce que je peux vous dire, c'est que Beauharnois, une place dans l'avenir a toujours été soutenu par les trois organisations, mais aussi les gens d'affaires, les groupes communautaires, les citoyens et citoyennes. On est arrivé à organiser un autre forum portant particulièrement sur la question du patrimoine parce qu'on a constaté que, dans la planification stratégique, on avait identifié les atouts de la communauté et on disait que, par le développement des atouts de la communauté, par le développement récréotouristique, on peut aussi utiliser les projets d'insertion pour permettre aux jeunes de trouver une place puis de prendre part au développement de la communauté.

Ce qui fait que, avec Beauharnois, une place dans l'avenir, on a développé le Bois Robert, depuis sept ans maintenant, avec la collaboration de l'entreprise PPG, une multinationale qui investit 15 000 $ par année dans le bois. Ça permet aussi l'utilisation d'un programme, Service Jeunesse Canada, en souhaitant qu'il y ait un équivalent au Québec, un beau programme qui permet à des jeunes décrocheurs d'être suivis et conseillés par un coordonnateur, un conseiller. Et ils ont une allocation par semaine, ils ont une bourse s'ils persévèrent. Là, ça, c'est un aménagement. Donc, d'année en année, il y a des travaux qui sont faits, il y a des aménagements, il y a de l'animation qui sont faits.

Juste pour vous donner un exemple ? sauter dans le temps, une ellipse... Le vendredi suivant l'Halloween, il y a eu une organisation d'activités avec les jeunes décrocheurs. Donc, ils avaient l'occasion d'être en contact avec les gens, de pratiquer, d'être en... pratiquer parce qu'ils ont à développer leurs compétences de base puis leur habileté en communication. Ils ont organisé le site. Il y a plus de 500 personnes qui sont venues dans le bois, qui venaient de Saint-Constant, de Montréal, de Vaudreuil-Dorion. Donc, rattaché à une dimension culturelle, on peut faire des activités d'insertion. Rattaché à des activités d'aménagement du territoire, on peut faire de l'insertion. Et ça permet aussi, à travers ce projet-là, d'impliquer les entreprises dans des projets de revitalisation et d'insertion.

Autre élément important au niveau de Beauharnois, une place dans l'avenir, c'est qu'on a créé une entreprise d'économie sociale, Coup de pouce des Moissons, à partir de Beauharnois, et maintenant l'entreprise vole de ses propres ailes et gère des services pour le territoire de Châteauguay, Huntingdon et Valleyfield. Donc, il y aurait beaucoup de choses à dire, mais je sens que mon temps est terminé. Il reste quand même qu'avec ces quelques exemples-là, je peux vous dire que les choses s'enlignent bien, dans la mesure où on peut être soutenu adéquatement puis qu'il y a un certain décloisonnement, une certaine marge de manoeuvre, une certaine souplesse dans les mesures que le gouvernement entend prendre dans la stratégie que le gouvernement entend matérialiser. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, M. Tremblay. Je me rends compte que vous ne chômez pas dans votre région, vous avez plein d'idées. Alors, ça va sûrement aider pour l'avenir. Alors, sans plus tarder, je cède la parole maintenant à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Tremblay, Mme Quenneville. Merci de venir présenter vos mémoires, parce que, en fin de compte, vous représentez beaucoup d'organisations, là. À vous deux, vous en avez... vous avez, je pense, le CLSC, les corporations Beauharnois, une place dans l'avenir... Bon, en tout cas, vous en avez déjà énuméré quelques-uns. La présidente l'a dit, ma collègue aussi, vous ne manquez pas d'idées effectivement. Elle a eu la même réaction que vous, Mme la Présidente, la députée de Crémazie.

Votre mémoire témoigne, en fin de compte, d'un modèle, je pourrais dire, d'intervention qui rejoint en tous points l'approche souhaitée dans l'énoncé de la politique, de la stratégie nationale. Vous reconnaissez l'importance de tout le développement social, je dirais, qui mise sur une approche globale, sur le partenariat, la participation des citoyens, et, évidemment, toutes les initiatives locales et régionales.

Ce que je vous poserais comme question au départ, parce que, avec tous les projets que vous mettez sur pied ou que vous participez, puis tout le partenariat puis les collaborations que vous allez chercher... Quelles sont-elles, les conditions facilitantes, pour permettre de lutter contre la pauvreté telle quelle, là? Ce que vous nous présentez un peu... parce que vous avez quand même élaboré un peu ce que sont vos projets, mais, si on revient directement à la lutte contre la pauvreté, quelles sont les solutions que vous apportez puis les approches plus facilitantes pour faire cette collaboration-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Oui. Bon, évidemment, je pense que le fonds spécial pour l'émergence de stratégies locales, c'est une bonne chose, encore faut-il que le fonds renforce les choses qui existent déjà. On a plutôt tendance, des fois, à partir en neuf. D'ailleurs, très souvent, les opportunités qui se présentent à nous, quand elles se présentent ? elles sont plutôt rares, ceci dit ? c'est toujours des fonds destinés à l'innovation: on innove, on innove, on innove, et finalement, au bout du compte, on ne peut jamais continuer les choses qu'on a avancées. Ça fait que, ça, c'est la première chose, je pense qu'il faudrait stabiliser les affaires puis reconnaître que le développement social, ça prend du temps, puis, si on veut que ce soit porteur de changement réellement, c'est un financement triennal puis c'est un financement même à plus long terme. Même, dans le fond, pour les communautés, parce que cette logique-là, elle vaut aussi pour les communautés en difficulté. On pourrait poser cette question-là aux municipalités. Mais je pense qu'en Europe... je pense que c'est en train de se travailler ici, à Québec, si mes informations sont bonnes, mais toute la question, par exemple, des contrats de ville qui permettent à des communautés d'avoir un budget plus libre, une marge de manoeuvre et un travail sur du plus long terme, c'est des choses...

Je vais vous donner une anecdote. M. Gagnon m'aurait accompagné, qui est président, qui a été d'ailleurs reconnu comme grand bénévole de l'année par l'Assemblée nationale, M. Gagnon, à un moment donné, il s'est fait dire par le gouvernement fédéral: Vous recevez plus que 50 % de votre financement par Québec. Alors, il y a une loi, là, rattachée au Conseil du trésor, ou je ne sais pas trop, en tout cas, on est allé chercher sur Internet cette loi-là, parce qu'on est un organisme provincial, puis, bon, financé par Québec aussi. Bref, en tout cas, c'est un bénévole qui a fait des pieds et des mains pour faire des démarches à travers une multitude de portes, avec différents téléphones, c'est le bénévole lui-même qui informait les fonctionnaires de Québec qu'une telle disposition existait. Il y a donc ces affaires-là.

n(14 h 30)n

Mais, essentiellement, ce que je pourrais vous dire, c'est qu'il faut aussi, conséquemment, un peu comme vous le dites dans votre stratégie, il faut aller un peu plus loin dans le sens que ça prend du travail à long terme. Ça prend la concertation pour l'emploi. Le fameux programme Concertation pour l'emploi, concertation locale pour l'emploi, que vous mentionnez en page 44 de la stratégie, bien, il faut le bonifier. Nous, on avait parti une stratégie au niveau du récréotourisme axée sur l'intégration sociale et professionnelle des jeunes avec des partenaires, puis on est allé chercher du financement de l'Alcan, de la PPG, on avait à notre table la Voie maritime du Saint-Laurent. Dans le mémoire, c'est tout présenté, ces partenaires-là. On avait une occasion en or. Sauf que, pour arriver à développer le récréotourisme puis d'en faire un créneau d'emploi ? c'est vrai, c'est porteur d'emplois, que ce soit au niveau de l'agriculture, qui est un de nos atouts, etc. ? bien, ça prend du temps, puis les résultats prennent du temps. Moi, je pense que, si on veut vraiment encourager l'initiative locale axée sur le développement social avec une approche intégrée ou globale, peu importe, il faudrait revoir un peu la question de l'évaluation, il faudrait revoir ce qu'on entend par gestion de résultats, ce qui est souhaité, là, dans la stratégie nationale, parce que de quels résultats on parle? Je pense qu'il va falloir revoir un peu nos exigences de ce côté-là.

Parce que finalement, pour revenir au projet Concertation locale pour l'emploi, on se l'est comme fait réduire drastiquement entre la deuxième et la troisième année parce qu'on n'avait pas abouti à créer des emplois. Bien, on était en train de mettre en place les affaires. On avait des concepts, on avait fait même des études de marché, on avait un plan directeur, on avait un comité des partenaires, je vous dis, composé d'une trentaine d'organisations, puis là, du jour au lendemain, les critères d'Emploi-Québec étaient resserrés au niveau du programme Concertation locale pour l'emploi, puis oups!

Par contre, je pourrais vous dire que le programme Concertation locale pour l'emploi, il marche très bien à Valleyfield, on est à notre troisième année aussi, sauf que là notre troisième année, elle finit en mars. Puis, on a mobilisé le milieu à Valleyfield, la permanente m'a dit ? bien, Anyze, qui travaille présentement à Valleyfield, n'a pas pu venir ici ? il y a plus de 200 personnes... il y a 200 organisations différentes qui, de près ou de loin, ont pris part à la revitalisation des quartiers anciens. Donc, on parle de Canadian Tire ? là, je ne veux pas faire de publicité, mais... ? des partenaires publics, privés, etc., une école de quartier, une caisse populaire, mais si on n'a pas de permanence...

Bien ce genre de projet là, une approche globale... Je ne vous apprends rien ici, là, mais une approche globale intégrée, là, qui couvre plusieurs fronts, hein, parce que l'idée, dans le fond... Pour lutter contre la pauvreté, il faut agir sur plusieurs fronts en même temps, être capable de faire des affaires concomitantes. Puis, quand tu fais un travail sur la salubrité des logements, tu en profites pour faire du travail d'insertion avec des jeunes qui pourraient... sous forme de compagnonnage, pourraient accompagner des entrepreneurs, etc. Bien, ça, ça ne fitte pas nécessairement selon les cadres gouvernementaux ou les approches en silo. Donc, la non-récurrence, l'approche en silo, les différentes résistances des organisations... Moi, je pense que, si on veut vraiment être conséquent dans l'organisation du développement social puis de la lutte à la pauvreté puis d'amener, comme vous dites, les instances, les organismes publics à s'associer à des partenaires locaux, ce qui a été fait par le Centre local d'emploi, tant à la sécurité du revenu qu'à Emploi-Québec, bien ils ne peuvent pas embarquer sur le C.A. parce qu'ils sont en conflit d'intérêts. Bon, mais ils embarquent, il y a une possibilité, mais...

Moi, mon CLSC, à Beauharnois, quand on a commencé Beauharnois, une place dans l'avenir, il y avait deux infirmières, trois intervenants communautaires. Il faut dire qu'il y avait une crise sociale parce qu'il y avait un suicide. Là, on parlait de deux suicides, hein, puis ça a tout déclenché ça. Il y a à peine un mois, là, il y a eu six suicides à Beauharnois en l'espace d'un mois. Le profil de ces gens-là, c'est qu'ils avaient tous des problèmes importants au niveau de l'emploi. C'étaient des instables, mais aussi il y avait une multiplication de problèmes qui est décrite souvent par le Café des Deux Pains, c'est-à-dire ils consommaient aussi: toxicomanie, pratiques de toxicomanie. Je ne connais pas l'ampleur. Mais, pour revenir à Beauharnois, une place dans l'avenir, en 1994, il y avait deux infirmières, trois intervenants communautaires, un cadre. Finalement, la représentation du CLSC, c'est moi qui l'assume. Ce que je veux dire par là, c'est que très souvent, une fois que l'affaire est partie, il y a une pression des services sur le CLSC ? je vais parler de mon exemple ? qui fait qu'on passe vite au train-train quotidien puis on finit par abandonner une stratégie qui était pourtant porteuse de changement.

Donc, moi, je pense qu'il faut adapter la gestion des organisations à ces formes nouvelles là qu'on nous invite à mettre en place ou qui existent déjà. Il faut aussi quand même amener ces organisations-là, amener les communautés à des exigences de résultat, parce qu'on peut avoir un danger ? puis c'est le danger avec la stratégie nationale ? d'avoir des voeux pieux. C'est très vertueux, mais les mécanismes qu'on sent qu'on veut implanter au niveau national, il faut aussi les revoir au niveau local pour pouvoir amener ce virage-là qui est pourtant nécessaire dans la lutte à la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Merci. Ça va vous permettre de respirer un petit peu. Ha, ha, ha!

Alors, vous avez beaucoup de choses à nous dire. Très, très intéressant, d'ailleurs. Vous m'avez interpellée un petit peu aussi pour le fonds spécial et vous vous demandez... Vous vous dites: Espérons que ce ne sont pas nécessairement juste des projets innovateurs, etc., puis qu'on va venir soutenir... Le fonds spécial, c'est la suite du Fonds de lutte contre la pauvreté, et donc il y a un temps de transition pour mettre ce nouveau fonds spécial là. Et, si on veut venir soutenir les actions locales et régionales, on avait, je pourrais dire, quatre tranches pour ce nouveau fonds là, les scénarios qui sont sur la table présentement, là. Il y a un certain montant qui serait pour l'intégration en emploi des personnes en situation de pauvreté, donc poursuivre quand même cet élément-là de l'emploi. Il ne faut quand même pas négliger ça qui était un des premiers objectifs du Fonds de lutte actuel. Alors, on conserverait l'intégration en emploi. Puis l'autre partie, c'est toute l'intervention... nos interventions locales et régionales, donc venir soutenir les projets comme le vôtre, donc pas réinventer la roue, puisqu'il y a déjà des actions locales ou, en tout cas, des solutions et des plans et, je pourrais dire, des initiatives qui sont déjà très louangeuses. On a aussi une partie qui sera davantage pour les quartiers à concentration de pauvreté ou sur l'ensemble des territoires des grandes villes, d'une part, qui est un autre aspect, et un petit peu aussi pour les projets novateurs au niveau national qu'il faudra toujours appuyer. Bon. Donc, je pense que ça vient répondre à ce que vous apportiez tout à l'heure, d'une part. Comment vous réagissez à ce que je vous ai dit?

M. Tremblay (Jean): Bien, je pense que c'est bon. Évidemment, je pense, les initiatives quotidiennes comme les organisations communautaires ont l'habitude depuis tellement longtemps de travailler, elles doivent encore être soutenues évidemment, puis de manière encore plus avantageuse pour elles, parce que le Fonds de lutte contre la pauvreté, il avait aussi ses rigidités, le fait, par exemple, qu'on limite la participation des gens à un an, des choses comme ça. Bon, il y avait l'aspect positif de la formation, etc., mais ça, c'est indispensable que le financement des groupes soit maintenu et développé.

Maintenant, je pense qu'effectivement on peut être heureux d'entendre que des initiatives intersectorielles globales comme celles que je viens de décrire pourraient faire l'objet d'un soutien, parce que, je peux vous dire, nous, on a fait une demande, à Beauharnois, une place dans l'avenir, au SOC, ça a été refusé. Pourtant, bon, ils nous référaient à la Direction de la santé publique parce qu'on avait une approche de prévention-promotion. Alors, on s'est retourné vers la santé publique, puis il n'y avait pas de financement. Donc, là, curieusement, la santé publique, c'est un peu le discours... On se l'approprie aisément, hein, le discours du développement social, mais, quand vient le temps de proposer un projet de développement social, il n'y a pas de case non plus en santé publique parce que c'est des programmes assez normés. On s'est retourné vers le Secrétariat à l'action communautaire autonome et on s'est fait refuser aussi. Là, je ne sais pas qu'est-ce qui va advenir de notre prochaine demande compte tenu qu'on est sans port d'attache, mais que, bon...

Bref, moi, je pense qu'un fonds comme celui que vous proposez est intéressant parce qu'il y a là un manque important. Comme je vous dis, nous, on a un travail qui se fait, tant à Valleyfield qu'à Beauharnois, en lien avec les instances propres à développer le milieu, que ce soit au niveau de la santé puis du bien-être comme le CLSC, ou la commission scolaire, ou le centre local de développement, par exemple, ou le centre local d'emploi. On ne dédouble pas personne, là, on essaie juste de poursuivre le travail, de rendre encore plus accessibles ces ressources-là dans les milieux.

Ce qu'il faut comprendre aussi, l'approche ? puis c'est propre aussi au Café des Deux Pains ? c'est que nous, on fait une intervention de milieu axée sur vraiment... Quand on sait c'est quoi, les quartiers anciens ou les quartiers pauvres, là, bien c'est du même ordre, à Valleyfield en particulier, tu ne rentres pas là n'importe comment puis tu n'arrives pas comme ça en disant: Aïe! Je veux te sortir de la pauvreté, là. Il y a un lien de confiance à bâtir, il y a une culture à saisir puis il y a une force vive, là, il y a une fierté, il y a des talents à mettre en évidence. Ça a l'air de rien, là, mais organiser une fête de quartier, là, ce n'est pas de l'occupationnel. Ça l'a peut-être été il y a une dizaine, une quinzaine d'années ou 20 ans, mais nous, on l'a élaboré pour mettre en valeur les talents. Puis on n'a rien inventé, parce que c'est des expériences comme ça dans d'Hochelaga-Maisonneuve. C'est pour ça que je dis que, des fois, c'est juste une question de recherche puis de développement. Mais si un fonds comme ça soutient, reconnaît, facilite l'existence de ces initiatives-là puis qu'il vienne finalement...

Écoutez, on a été très bien reçu par le ministère des Régions en Montérégie, hein? Il y a plus d'une vingtaine de personnes, là... Le maire, le directeur de la commission scolaire, le centre local d'emploi étaient là, tous les acteurs, là, qui ont pris part au projet des quartiers anciens puis de Beauharnois, une place dans l'avenir, belle réception, mais finalement l'aide des ministères n'est pas venue. Pour le moment, il faut toujours courir. Puis, même quand on arrive à une porte, ça ne fitte pas. Ça fait que, si le fonds a cette souplesse-là, c'est bien intéressant pour ça.

n(14 h 40)n

Le souhait que je ferais, c'est aussi... Une autre chose qui pourrait nous faciliter la tâche... Moi, je suis interpellé de bien des manières. Il y a le programme national de santé publique qui mise sur la sécurité des quartiers, hein? Il y a un programme, là, qui vient de sortir, il y a un volet en annexe du programme national de la santé publique destiné à la sécurité des quartiers. En même temps, tu as le programme Renouveau urbain du ministère des Affaires municipales qui a des éléments qui nous touchent dans la revitalisation des quartiers anciens. Tu as le plan local d'action concertée en économie et emploi qui s'élabore, qui touche aussi des éléments de compétence de base... Nous, là, c'est des chômeurs de longue durée, là, ça prend du temps à sortir puis ça prend du temps à les amener sur le marché du travail. On a une stratégie. Puis, par ailleurs, le CLSC, il doit élaborer son plan local de santé publique. Autrement dit, là, présentement, encore à l'heure actuelle, malgré l'intention du gouvernement d'avoir une approche globale, tout ça se mène de front, puis je ne suis pas sûr que, en quelque part, localement, il y a une cohésion, puis je ne suis pas sûr qu'au niveau régional il y a une cohésion, puis je ne suis pas sûr qu'au niveau national il y a une cohésion même s'il y a un comité interministériel sur le développement social. Je pense que ça va prendre plus que le fonds pour régler ce problème-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il nous reste trois minutes, questions et réponses.

Mme Léger: Alors, écoutez, le fonds, en tout cas, va venir soutenir l'action locale et régionale. Ça, c'est important. Ça n'enlèvera pas que régionalement il va falloir avoir une planification régionale de où seront nos actions, est-ce que c'est dans nos MRC les plus pauvres, est-ce que... Bon, quels sont les projets? Est-ce que c'est un projet de transport collectif pour la région ou pour une municipalité particulière? Bon, ça, évidemment, ça sera la région qui en décidera.

Vous avez parlé un petit peu de tout l'aspect de votre organisation qui est sans port d'attache. Tout à l'heure, vous avez mentionné ça. Vous savez qu'on est dans la période de tous les transferts, présentement, des organismes dans la nouvelle politique de reconnaissance. Nous sommes en train de la mettre en oeuvre, on s'est donné trois ans pour la mettre en oeuvre. On est dans notre deuxième année, alors là on est dans un temps assez fort, je pourrais dire, du temps des transferts, et les sans port d'attache, si vous n'étiez pas nécessairement assurés, là, je veux vous rassurer que les sans port d'attache, c'est directement au SACA maintenant. Donc, vous n'avez pas une mission compatible nécessairement à un ministère tel quel si... Ça devrait être un ministère parrain. Donc, si vous n'avez pas une mission particulière, vous vous retrouvez avec le SACA qui a les groupes de défense collective des droits, vous avez les sans port d'attache et toujours les financements plus particuliers de... Alors, je voulais quand même vous rassurer à ce niveau-là.

On n'a pas le temps de faire la suite des choses. J'aurais aimé encore vous entendre un petit peu plus sur... Peut-être que vous allez avoir l'occasion, avec le député de l'opposition libérale, de savoir un peu plus comment vous réussissez, chez vous, à faire cette concertation-là avec vos partenaires, parce que je vois... Ça me semble évident aujourd'hui de vous entendre à comment vous réussissez à faire cette collaboration-là autant avec le monde institutionnel, que ce soit la santé, éducation, peu importe, autant vos partenaires vraiment de groupes communautaires, tous les projets, municipalités, etc. Je ne sais pas si vous en avez un peu plus au niveau du milieu économique, là, ça serait intéressant... Je vous ai entendu parler un petit peu, tout à l'heure, de certains, là, mais comment vous réussissez à le faire? Alors, vous me répondrez tout à l'heure, là, peut-être, si vous réussissez, quand l'opposition vous posera une question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, une réponse qui reste en suspens pour le moment. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À notre tour, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue, vous dire qu'on est bien impressionné du foisonnement d'activités et d'idées qui ont lieu sur le territoire. Et, bon, c'est certain que vous ne chômez pas, mais les problèmes sont grands aussi sur le territoire d'après ce qu'on a pu voir ici.

Vous avez dit et vous avez fait la démonstration très évidente qu'il y a une mobilisation réelle autour de l'enjeu de la pauvreté, autour des enjeux qui regroupent plusieurs intervenants, qui les font travailler ensemble. Vous faites le listing de tout ce monde-là. Et vous avez dit, en concluant presque votre intervention, que ça peut marcher en autant qu'il y a du soutien, du décloisonnement puis de la souplesse. Par la suite, dans les échanges, vous venez de faire ressortir toutes les difficultés que vous avez justement à avoir du soutien, de voir un réel décloisonnement puis de la souplesse.

Mettez-vous à la place de quelqu'un qui pourrait suggérer comment le faire, et nous écrire... Ha, ha, ha! Bien, c'est pour ça qu'on vous invite. On dit aux gens: Venez nous expliquer comment vous voyez les choses puis, à partir des expériences, ça prendrait quoi pour s'assurer qu'il y ait du soutien, de la souplesse et un décloisonnement réel qui permettraient aux initiatives locales de vraiment aboutir vis-à-vis leurs objectifs et de canaliser, harnacher toute cette énergie évidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Merci. Bon, c'est évidemment une question essentielle. Je pense, il y a des préalables à ça. Je vais vous donner une anecdote. Localement, ce n'est pas gagné d'avance. Ça prend quelqu'un ou plusieurs personnes qui vont faire de l'animation, qui vont faire de l'animation économique, de l'animation culturelle, bien, globale, donc pour permettre à tout le monde de se rattacher les uns aux autres. Le langage commun va arriver dans la mesure où on s'entend sur des diagnostics communs. Alors, nous, on l'a vécu à Beauharnois par la planification stratégique puis par l'assemblée publique le 9 décembre. Juste pour vous dire que, le 9 décembre 1998, à Valleyfield, ça a été suivi par quatre «focus groups» au mois de mars, à chaque mercredi, et on invitait des spécialistes du terrain, des spécialistes aussi au niveau national pour pouvoir avoir une lecture, mais aussi une compréhension sur la dynamique, comment intervenir pour que cette dynamique de pauvreté là puisse être stoppée. Donc, je pense que ça, c'est une des conditions. Moi, je pense qu'il faut avoir la possibilité d'être soutenu pour ça.

Maintenant, je ne sais pas, là, il y aurait beaucoup de choses, mais je peux vous dire que, entre autres, le Conseil de la santé et du bien-être, via ses travaux et particulièrement un document qui s'appelle... Je pense, c'est l'appropriation du développement par les communautés, a identifié les facteurs favorables ou les facteurs défavorables à ce lien-là, à ce soutien-là. Mais je pense que, ultimement, que ce soit au niveau du territoire ou des valeurs apportées, il faut... C'est l'idée du contrat, je pense, qui est dans les airs, un contrat qui amène les gens, autant les instances gouvernementales que les acteurs de la société civile, à établir des objectifs et des modalités. Il faut rendre des comptes, il faut évaluer les affaires, mais même, je pense, dans l'évaluation, tu dois faire partie du contrat en question. On peut peut-être davantage préconiser l'évaluation participative qui amène les gens à élaborer eux-mêmes leurs indicateurs, à dire un peu comment les choses devraient se faire. Donc, je pense qu'il y a un dialogue comme tel qui est à bâtir et une certaine souplesse. Je n'ai pas de mécanique comme telle, là, sinon juste de dire qu'il y a du silo.

Puis, je pourrais dire, il y a le facteur humain aussi. Moi, je ne règle pas mon cas en disant ça, mais ce que je veux dire, c'est qu'au-delà des organisations on aurait des belles missions, là, proches des citoyens et des citoyennes, mais, s'il n'y a pas des individus qui sont dans ces organisations-là, soutenus par l'appareil, puis qui sont formés, qui sont renouvelés dans leur approche, bien on va avoir des résistances. Ça fait qu'il faut travailler autant sur les appareils, sur la manière d'être en contact. Moi, je pense... Je ne suis pas spécialiste de politiques sociales, mais je pense que le renouveau au niveau des politiques sociales va se faire sous forme de contrats ou une implication plus active des communautés. Est-ce que c'est la forme de contrats de ville, qu'on retrouve souvent en France ou...

En tout cas, je peux vous dire, le côté compliqué de l'affaire avec une approche comme la nôtre à Valleyfield puis à Beauharnois, c'est que si on voulait prendre part à la planification stratégique de la Montérégie, qui a pourtant un volet développement social, il n'y a pas de place pour une approche intégrée, là, tel que ça a été envisagé dans la planification. Il y a une petite ouverture pour une entente spécifique portant sur le développement social, mais l'ouverture, là, moi, il faut que je passe par Sorel, Saint-Hyacinthe, Granby. Autrement dit, il faudrait quasiment que je mobilise toute la Montérégie sur la question du développement social intégré, là, ou l'approche globale pour pouvoir penser à avoir une entente spécifique sur le développement social. Ça fait que, moi, je n'ai même pas assez de temps pour soutenir Beauharnois, une place dans l'avenir puis les quartiers anciens, là.

Ça fait que je trouve que, effectivement, dans l'idée de contrats entre l'appareil gouvernemental puis les communautés qui voudraient faire l'objet d'un projet d'approche de développement intégré, bien il faudrait qu'il y ait une entente qui va au-delà de la région, là, ou qu'on facilite plus la région pour qu'on nous livre des affaires plus rapidement. Mais, moi, avant d'avoir une entente spécifique en développement social, il faut que je convainque l'ensemble des membres de la Commission de développement social que le développement intégré est important, puis que ça marche, puis qu'il y a des expériences intéressantes, parce que c'est beaucoup galvaudé, le développement social, puis on n'a pas la même perception. Ça fait qu'il y a beaucoup de travail encore à faire.

n(14 h 50)n

Je trouve que c'est intéressant, parce qu'il y a des avancées, mais les appareils ne suivent pas nécessairement, les personnes qui sont dans ces appareils-là ne suivent pas, puis ça prend des énergies pour tout faire virer en même temps. Ça fait que... Donc, il y a un travail à faire pour amener les appareils à soutenir davantage les initiatives, là. Il y a un mécanisme de souplesse que je ne connais pas, là. Je ne sais pas comment, dans l'imputabilité ou dans la reddition des comptes, ça peut se définir, mais c'est clair qu'il faut négocier quelque chose avec le terrain, c'est clair qu'il faut s'entendre sur un minimum. Moi, je pense, il y a un secret peut-être, c'est que du côté des appareils gouvernementaux l'étude qui a été faite auprès des projets expérimentaux par le Conseil de la santé et du bien-être auprès de 23 expériences locales, ils ont dit: Immanquablement, le centre local d'emploi est là, la commission scolaire est là puis le CLSC est là. Ça fait que pourquoi, en fonction de la stratégie nationale, on ne dirait pas très clairement: Travaillez ensemble?

Je peux vous dire, l'École en santé, là, avec la dynamique qui est installée présentement avec la réforme scolaire, là, ce n'est pas facile, parce que chaque école est un château fort. Tu ne rentres pas là n'importe comment. Ce n'est pas du jour au lendemain, là, qu'on fait un arrimage école-ressources communautaires et milieu. Je peux vous dire, là... En tout cas, si j'avais d'autres minutes, je vous dirais comment on a vécu ça, puis c'est de la stratégie, puis ce n'est pas facile. Mais le résultat de la subvention de Santé Canada va nous amener à rapprocher les ressources. Mais, imaginez-vous, si on travaillait déjà les ressources rapprochées, ce serait encore plus formidable, les résultats.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. C'est fascinant, parce qu'il y a un élément territoire qu'il faut définir, d'une part, parce que là vous avez soulevé toute la question d'un contrat avec qui et, pour l'avoir, passer à travers des territoires tellement grands que, finalement, ça mobiliserait... juste le temps de cela. Donc, il y a la notion de territoire que j'aimerais que vous donniez un peu plus d'informations sur qu'est-ce qui pourrait être un territoire approprié. Vous venez de mentionner trois entités qui sont, ni plus ni moins, toujours impliquées dans ce genre de discussion ou d'action: la commission scolaire, le CLSC, le centre local d'emploi. Est-ce qu'on a là le noyau d'un territoire autour duquel on peut mobiliser les forces vives dans cette communauté?

Deuxièmement, si on veut envisager une approche qui permet d'avoir des contrats, comme vous appelez, pour faire du développement social, il faut aussi, je pense, avoir un point de vue plus global. Disons, il faut avoir un point de vue global et d'éviter d'avoir des engagements ou des contrats spécifiques avec des secteurs dans un milieu donné, mais d'avoir un objectif avec l'ensemble du milieu et d'arrêter également de multiplier toutes les expériences et les innovations. Vous avez très bien dit tantôt... Je riais, vous avez dit: On innove, on innove, on innove puis, au bout de la ligne, on oublie de continuer ce qui marche.

Donc, j'aimerais avoir vos commentaires sur la notion de territoire et sur la notion de avec qui on négocierait. Quelle est l'entité appropriée pour mandater ou déléguer la responsabilité de cet aspect du développement social qu'on cherche pour faire la lutte à la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Oui. Bien, le territoire, moi, spontanément, je vous dirais, c'est sur une base de CLSC ou de MRC. Dans le cas qui nous concerne, on n'a pas le même territoire. Il nous manque, le CLSC, deux petites communautés, mais je pense qu'on s'entendrait aisément là-dessus, parce que à peu près tous les partenaires ont ce territoire-là, sauf la commission scolaire qui a un territoire du double parce qu'il va rejoindre la MRC du Haut-Saint-Laurent ou le CLSC Huntingdon. Donc, justement, sur la question de la réussite scolaire, les partenaires, bien là ils ont développé l'idée de travailler en consortium. Ça fait que ça finit par être compliqué. Le découpage administratif ne nous aide pas nécessairement. Mais, c'est sûr qu'il y a un sentiment d'appartenance, c'est sûr qu'il y a une cohésion, c'est sûr qu'il y a une identité plus facile, il y a des convergences plus évidentes quand on regarde la question du territoire de MRC ou du CLSC. Parce que, peu importe, là, que je regarde le CLSC ou la MRC, les indicateurs socioéconomiques sont les mêmes, là, on est au dernier rang.

Le contrat, avec qui? Je ne le sais pas, mais il faudrait que le gouvernement le sache. Ce que je veux dire, c'est que moi, je pense que spontanément il y a des instances intéressantes, le conseil régional de développement, mais particulièrement, pour ce qui est du gouvernement, le ministère des Régions qui peut mobiliser la Conférence administrative régionale. Tel était le souhait d'ailleurs du sous-ministre à la Montérégie de nous faire rencontrer la Conférence administrative régionale, particulièrement le Comité sur le développement social. Bien, on ne l'a jamais rencontré, puis ce n'est pas... Je ne pense pas... Le monsieur a fait tout ce qu'il fallait pour nous aider, mais je pense qu'il va falloir, une fois qu'on aura identifié qui, c'est comment on se met en branle puis c'est quoi, le roulement puis... Il faut qu'il y ait des conditions d'accès facilitantes, là. Mais, la politique de développement local et régional assoit bien les choses, je pense que ça pourrait être intéressant. Sauf que ce que je comprends, c'est que le conseil régional de développement, c'est une chose, mais le travail du centre local de développement au niveau local, c'est autre chose. Les deux affaires, les deux instances peuvent être séparées. Ça fait que là j'ai un peu de misère, mais... Donc, le point de vue global du développement du milieu se perd un peu là-dedans. Mais les acteurs qui constitueraient le noyau, c'est clair à mes yeux désormais, je pense, en même temps, on pourrait inclure les groupes communautaires via des corporations de développement communautaire, le CLSC, le centre local de développement, la commission scolaire, le centre local d'emploi, ça, c'est sûr.

Mais ce qu'il ne faut pas oublier ? puis, je pense, c'est un des principes, même, de la stratégie nationale ? c'est aussi la place aux citoyens puis aux citoyennes. À cet effet-là, effectivement il y a les groupes communautaires qui sont un bel exercice de citoyenneté, mais, je pense, dans la communauté, quand vient le temps d'organiser l'aménagement d'un quartier ou des services, la participation citoyenne peut se faire autrement que par des groupes communautaires. Donc, je pense que les résidents d'un territoire donné, ils peuvent aussi être reconnus comme partenaires. Donc, il faut s'arranger pour qu'il y ait des mécanismes qui font en sorte que les gens puissent avoir droit de cité dans la cité, que ce soit par une association de quartier ou des assemblées comme telles, formellement reconnues. Mais, je pense, c'est l'occasion d'ailleurs, parce que la question est posée via la commission qui fait le tour sur la réforme et les assemblées délibérantes, là, puis démocratiques. Je pense qu'il y a une occasion de renouveler les choses.

Mais nous, au conseil d'administration des partenaires pour la revitalisation des anciens quartiers, il y a un siège pour les résidents. Le local de quartier, c'est une manière pour les gens de s'approprier l'espace public, mais aussi d'avoir accès aux ressources. Ça a l'air de rien aussi, local de quartier, là, si vous voulez, là, les fondements, j'ai un document là-dessus qui vous détaille l'affaire, mais les régies de quartier, en France, là, il y en a plus d'une centaine à travers la France, puis ça permet de faire un rapprochement entre les ressources publiques ou communautaires et les résidents, très souvent, démunis. Tu sais, ce n'est pas pour rien que souvent on parle de «reaching out» ou d'approche... Il y a une distance culturelle, là, entre les gens pauvres puis les dispositifs d'aide censés aider les personnes pauvres. Les locaux de quartier, c'est pour donner du pouvoir au monde sur leurs conditions de vie. On va tenir des séances d'information sur la salubrité des logements, on va faire des affaires de fêtes de quartier, mais ça va être aussi des cliniques de vaccination. Par exemple, peux-tu le dire, qu'est-ce qui se passe, là? Puis c'est la même approche, là, qu'on veut mettre dans le local de quartier qui se vit avec le Café des Deux Pains du CLSC au niveau de la clinique de vaccination, puis on réussit à rejoindre du monde là qu'on ne rejoignait pas autrement. Les gens ne venaient pas au CLSC se faire vacciner.

Mme Quenneville (Sylvie): Le Café...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, à la vous la parole, Mme Quenneville.

Mme Quenneville (Sylvie): Merci. Le Café est beaucoup vu par la population démunie comme une porte d'entrée pour les services. Alors, on a profité de la tribune qui nous est donnée auprès de ces gens-là pour leur offrir une clinique de vaccination, comme Jean dit. Une clinique de vaccination pour des personnes qui, généralement, n'iraient pas vers les services qui leur sont offerts parce que trop encadrés, parce qu'ils en ont peur, parce que, parce que... Il y a toujours beaucoup de raisons.

n(15 heures)n

On en profite aussi, puisqu'ils sont chez nous, pour leur offrir des ateliers, style, je vous dis, la bourse ou la vie. C'est un atelier qui leur explique c'est quoi, un prêteur sur gages. C'est un fléau dans notre coin, les prêteurs sur gages et les «shylocks». On leur offre plein de possibilités comme ça de développer leur compétence pour améliorer leur condition de vie. Jean parlait de salubrité dans le logement, sécurité dans le logement également. Les médicaments, ces gens-là sont très médicamentés. On pense à la réforme qui a eu lieu au niveau de la gratuité des médicaments, bon, bien, ça a une influence très, très importante sur la condition physique et mentale des gens qui fréquentent une ressource comme la nôtre. On a constaté une grande détérioration des conditions de vie de ces gens-là. Il y a plein d'exemples d'ateliers qu'on leur offre pour leur permettre d'améliorer leur condition de vie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Quenneville. Alors, un bref commentaire parce que le temps est déjà écoulé.

M. Sirros: ...juste comme commentaire, j'ai l'impression que, chez vous, ce n'est pas une lutte à la pauvreté que vous faites, c'est une guerre à la pauvreté.

M. Tremblay (Jean): Bien, peut-être, juste, si vous me permettez...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, très brièvement, M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Oui, l'intervention de M. Sirros. C'est-à-dire que le contrat, je pense que c'est important comme mécanisme, et il ne faut pas perdre de vue les normes nationales aussi, là, pour avoir suivi de près la question du rapatriement du financement du logement abordable, en tout cas l'entente entre Québec et Ottawa, puis l'éventuelle décentralisation des budgets au niveau du logement social. C'est important d'avoir des balises nationales pour avoir un point de vue global, pour ne pas perdre de vue puis aller dans trop de spécificités, quand, à un moment donné, on perd une prise comme collectivité ou comme société sur ce phénomène-là, parce que, dans le fond, la pauvreté, ça dépasse largement les communautés locales, et de créer un lieu d'échange comme tel parce que c'est une amorce, là, mais il y a peu de choses encore qui est fait de ce côté-là. Les projets de revitalisation se sont rencontrés récemment à Trois-Rivières, mais il y a encore beaucoup de choses à faire en termes de formation, de liaison.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Quenneville, M. Tremblay, merci pour avoir accepté de participer à cette commission. Vous nous avez sans aucun doute démontré votre intérêt pour le sujet.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants et représentante de l'Université du troisième âge de la MRC de L'Assomption de bien vouloir prendre place. Et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

 

(Reprise à 15 h 4)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant avec beaucoup de plaisir les représentants et représentante de l'Université du troisième âge de la MRC de L'Assomption. Alors, sans plus tarder, je cède la parole au porte-parole ou à la porte-parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous demanderais de vous identifier et d'identifier les personnes qui vous accompagnent. C'est à vous la parole.

Université du troisième âge de la MRC
de L'Assomption (UTA MRC de L'Assomption)

M. Gagné (Jacques): Bonjour, Mme la Présidente. Je m'appelle Jacques Gagné, je suis responsable de l'UTA ou Université du troisième âge de la MRC de L'Assomption, mais nous sommes ici en tant que... je suis ici en tant que responsable des séminaires de l'UTA de la MRC de L'Assomption. C'est un groupe de réflexion et d'analyse. À ma droite, une collègue des séminaires, Mme Thérèse Allaire, et, à ma gauche, M. Luc St-Georges.

Tout d'abord, je voudrais vous donner une impression générale, Mme la Présidente. Je suis retraité, j'ai été enseignant pendant 32 ans et je vous vois ici, tout le monde, et vous me faites penser au moment où on passait des examens pendant des semaines à nos étudiants, et, à la fin de la journée, c'était fatigant. Alors, je vous promets une chose, on va essayer d'être intéressant.

Tout d'abord, l'UTA, c'est une université donc de la MRC de L'Assomption pour le troisième âge. On offre des cours, une quinzaine de cours, qui vont des cours d'informatique aux cours de philosophie. Mais, ici, ce sont les séminaires. Pour les présenter, nos séminaires, qu'est-ce qu'on fait, M. Luc St-Georges.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. St-Georges.

M. St-Georges (Luc): Mme la Présidente, voici l'engagement des aînés dans notre société. Dans nos séminaires, plus de 15 sujets furent étudiés. En voici trois.

En avril 2001, le Sommet des Amériques et le Sommet des peuples nous ont fortement questionnés. À ce moment, notre action fut d'acheminer aux deux sommets notre position sur la démocratie, l'environnement et le partage équitable de notre richesse collective entre toutes les nations. Ensuite, une conférence de presse a été organisée avec les journaux locaux. Nous demandons aux nations les mieux nanties de partager les biens avec les plus pauvres, sinon la planète va éclater.

Dans un second, il fut question du choc du 11 septembre 2001 qui a changé le rythme de la terre. Notre action fut d'envoi d'une réflexion sur la paix mondiale à différents organismes d'aînés et de coopération internationale. Nous sommes convaincus que, s'il y avait plus d'égalité entre les nations, il y aurait moins de terrorisme dans le monde.

À un troisième séminaire, cela a porté sur la Journée de la Terre qui s'est tenue le 22 avril dernier. Nous avons préparé notre position sur l'environnement et sur la paix dans le monde. Notre action fut double: un rassemblement d'aînés à l'Agora de l'UQAM à Montréal, où nous avons présenté notre point de vue, et, deuxièmement, une marche de sensibilisation, avec affiches, sur la paix et la protection de l'environnement, et elle s'est déroulée sur le boulevard René-Lévesque, à Montréal.

Alors, ici, aujourd'hui, nous ne vous parlons pas de la répartition des richesses entre les nations, mais entre les citoyens de chez nous. Nous sommes contre l'idée de donner davantage à ceux qui en ont plus, comme trop souvent on le fait dans notre société. Maintenant, nous en arrivons à la sérieuse réflexion qui porte sur la pauvreté. Pensons globalement et agissons localement. Je repasse la parole à M. Jacques Gagné.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagné.

M. Gagné (Jacques): Merci, Mme la Présidente. À l'heure où le pays le plus puissant de la planète s'apprête à larguer ses bombes sur l'Iraq pour prouver au monde qu'il est le représentant du bien, qu'il peut à lui seul et sans le lui demander faire appliquer les résolutions de l'ONU quand elles ne visent pas ses pays amis, à l'heure où, chez nous, les multinationales du pétrole tentent, à coups de millions et de désinformation, de faire avorter notre projet de signer le protocole de Kyoto, à cette même heure, on voit ici des députés, des ministres qui, depuis un mois et demi, n'ont pas peur de s'attaquer à un grand problème de chez nous, la pauvreté. Ça nous fait du bien de voir qu'ici il y a des gens qui mettent autant de temps pour se préoccuper de ce problème.

n(15 h 10)n

Tout d'abord, selon nous, la loi qui va être votée doit s'inscrire dans un projet global, un projet d'ensemble qui a déjà été élaboré par l'ONU et par le Sommet des Amériques, l'an dernier, à savoir qu'il faut absolument que la pauvreté partout dans le monde diminue de 50 % d'ici 2015. D'après ce qu'on a lu, nous sommes capables, au Québec, de le faire en 10 ans, d'atteindre cet objectif en 10 ans, et je pense qu'en plus de le vouloir... personnellement, je crois que ce qui se passe très souvent dans les grandes, grandes, grandes assemblées, ce sont souvent des voeux pieux qui sont votés, mais, nous, nous avons confiance qu'ici les représentants du peuple s'engagent à le faire en 10 ans et qu'on puisse le mesurer chaque année. Ce qui veut dire qu'il faudra trouver des mesures concrètes pour vérifier si la pauvreté diminue par exemple de 5 % par année. Il y a différents barèmes que l'on peut utiliser: soit comparer le dixième plus pauvre face au dixième plus riche; un autre barème consiste à prendre le 20 % plus pauvre en le comparant au 20 % plus riche. On ne nous a pas prouvé que la deuxième suggestion soit la plus valable. On croit qu'en prenant des extrêmes, soit les 10 % plus riches versus les 10 % plus pauvres, il y aurait possiblement, auprès de la population, une action plus pédagogique; les gens verraient beaucoup plus les extrêmes qui sont dans notre société et peut-être qu'au bout de six mois, un an, deux ans la population en général participerait de plus en plus à ce projet de lutte contre la pauvreté.

Il est sûr qu'une des priorités devrait être le logement social. Je sais qu'il y a eu une commission parlementaire là-dessus dernièrement. Vous savez, j'ai entendu dire, et beaucoup d'entre nous aussi, que pour les personnes, pour les exclus qui sont en voie de réintégration dans notre société, les appartements supervisés sont un des véhicules les plus importants, aujourd'hui, depuis qu'on a sorti tant de personnes psychiatrisées de nos institutions. Il faudrait qu'il y ait de ces logements supervisés en nombre suffisant... non seulement en nombre suffisant, mais aussi avec un personnel compétent d'encadrement. Vous savez, je connais plusieurs personnes qui travaillent dans le domaine social, et l'une d'entre elles me disait dernièrement: Si vous saviez la joie d'un père de 40, 50 ou 60 ans quand il reçoit, pour la première fois depuis 20 ans, son enfant dans son appartement.

J'aimerais raconter quelque chose qui s'est passé dans nos séminaires. Vous allez dire que c'est une histoire inventée; en tout cas, je vous raconte. Quand on a commencé à étudier la pauvreté, en septembre, c'était un vrai champ, on ne savait pas quoi discuter. Il y avait l'itinérance à Montréal, un peu partout, il y avait la pauvreté des personnes âgées, il y avait la pauvreté des enfants, la pauvreté des célibataires. Il y avait tellement de pauvreté qu'on ne savait plus par quel bout commencer. Alors, M. St-Georges a eu l'idée, il nous a dit: Photographions la pauvreté et regardons-la. Justement, ma collègue, Mme Allaire, avait un polaroïd spécial, vous savez, celui qui peut photographier un peu tout avec un grand angle. Ça a été trop difficile, on ne voyait que des champs de pauvreté. Alors, elle a sorti de son sac un zoom, on a installé le zoom et on a regardé. Et qu'est-ce qu'on a vu? On a vu une mère célibataire, une mère monoparentale avec un enfant et un couple avec deux enfants. On a fait le tirage, et c'était extraordinaire, on a dit: C'est ça, c'est ça qu'on va prendre, c'est la pauvreté des enfants. Mais, en regardant de près dans les yeux des trois enfants, on a pu voir, écrit en lettres blanches, le mot «S.O.S».

Notre premier projet qu'on doit vous présenter, c'est un projet concret, c'est Mme Allaire qui va vous le présenter. Vous savez, on vient de l'écrire. Est-ce que vous voulez, Mme la Présidente, qu'on vous remette les feuilles par après ou maintenant? Par après?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous pourrez les déposer par la suite, oui.

M. Gagné (Jacques): Mme Allaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Allaire, il vous reste cinq minutes.

Mme Allaire (Thérèse): Mme la Présidente, comme Jacques vient de le dire, croyant fermement que nos enfants forment la relève de demain, permettez-moi de vous présenter notre projet les concernant, projet en trois volets s'intitulant Projet de création d'allocations familiales spéciales pour combattre la pauvreté.

Premier volet: pourquoi ne pas accorder à toutes les futures mères les mêmes allocations familiales mensuelles qu'elles pourraient recevoir à partir du cinquième mois de leur grossesse, et ceci, jusqu'à la fin de l'âge convenu des allocations familiales? Volet deux: allocations scolaires. En août, allocation spéciale pour la rentrée scolaire de 75 $ pour les enfants du primaire, par enfant, et allocation de 125 $ par enfant pour les enfants du secondaire.

Et volet trois: allocation-vacances. Allocation de 100 $ par enfant pour que la famille puisse jouir d'une journée de vacances.

Alors, je passe la parole à M. Jacques Gagné.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. Gagné.

M. Gagné (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Notre deuxième projet, c'est celui-ci ? on en a entendu beaucoup parler depuis 20 ans ? un revenu minimum garanti. C'est clair, je pense, dans l'esprit de beaucoup de gens qu'il n'en est pas question maintenant. Cependant, comme je vous le disais tout à l'heure, vous avez déjà investi tellement de temps, un mois et demi, les représentants ici, à parler de pauvreté qu'il faudrait peut-être penser à entrouvrir cette voie, quitte à ce que, à moyen terme, dans cinq ans ou dans 10 ans, on l'ait, le véritable revenu minimum garanti.

Notre proposition est la suivante: c'est le projet REMISE, le projet de revenu minimum pour les personnes salariées avec enfants.

Pour une famille monoparentale avec un enfant, nous vous proposons 18 000 $ de revenu minimum; avec deux enfants, 20 000; et 2 000 $ par enfant supplémentaire. Pour participer à ce programme, le parent devra avoir travaillé au moins l'équivalent de cinq mois durant l'année. Pour une famille biparentale avec un enfant, 23 000 $; avec deux enfants, 25 000 $; et 2 000 $ par enfant supplémentaire. Pour pouvoir participer à ce programme, un parent devra avoir travaillé au moins 10 mois ou le temps combiné de travail effectué par les deux parents devra atteindre un minimum de 10 mois.

Nous vous suggérons aussi d'intégrer à ce programme un supplément au revenu minimum pour favoriser le travail et pour encourager les gens à ne jamais abandonner leur travail. Un supplément de 5 000 $ sera accordé à la famille monoparentale si le parent travaille au moins 10 mois et un supplément de 5 000 $ sera donc accordé à la famille biparentale si le temps combiné de travail des deux parents est l'équivalent de 20 mois.

n(15 h 20)n

La logique derrière ce programme qu'on vous suggère, c'est de commencer quelque part un revenu minimum pour les personnes salariées sans qu'il soit éparpillé dans une multitude de programmes, que ce soit l'allocation au logement ou ainsi de suite. Vous savez, ce n'est qu'un projet...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...M. St-Georges, malheureusement. Vous pouvez conclure cependant. Je m'excuse.

M. Gagné (Jacques): En conclusion, nous allons vous laisser une pensée, Mme la Présidente. La grandeur d'une nation se mesure souvent à son PIB, à la puissance de son armée ou de ses équipes sportives. Pour nous, la grandeur d'une nation se mesure d'abord au support qu'elle accorde à ses minorités, surtout les plus vulnérables. Elle se mesure aussi à l'aide qu'elle apporte à ses démunis, ses marginaux et ses exclus. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Allaire, M. St-Georges et M. Gagné, merci pour la présentation de votre mémoire. Je serais portée à vous donner un A pour votre examen, mais j'ajouterai peut-être une étoile à la toute fin, après la période des questions. Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Alors, merci pour votre présentation. Vous dites dans votre mémoire que vous croyez que le peuple québécois et ses représentants sont bien sensibilisés à la problématique de lutte contre la pauvreté, mais, selon vous, il manque une chose essentielle: c'est une action énergique du gouvernement et l'appel, dans le fond, aux forces vives de notre société.

Je vais vous poser la première question, à savoir: Qu'est-ce qui vous a interpellés, vous, l'Université du troisième âge de la MRC de L'Assomption, par rapport au projet de loi n° 112 et la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, en étant ici aujourd'hui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. St-Georges.

Une voix: ...

M. Gagné (Jacques): Comme M. St-Georges l'a dit tout à l'heure, dans la présentation de nos séminaires, toute question d'ordre social, environnemental ou international vient nous interpeller, et c'est pour ça qu'on n'est pas venu parler d'agriculture ou de clonage pour le moment. Alors, le projet de la pauvreté, c'est peut-être, chez nous, pour nous là, en tout cas, avec l'environnement, le problème qui nous touche le plus. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Léger: Oui, ça répond très bien. On s'est donné comme objectif ? vous l'avez mentionné tout à l'heure ? de se doter, dans le fond, pour les 10 prochaines années... de réduire de 50 % la pauvreté telle quelle au Québec. Vous dites que ça s'inscrit dans un mouvement international, mais, évidemment, ici, au Québec, on s'est donné ce défi-là en déposant le projet de loi et l'énoncé de politique et toute la stratégie qui vient, donc le plan d'action qui suivra.

Vous avez parlé tout à l'heure du 10 % le plus riche et 10 % le plus pauvre. Donc, les deux excès, je pourrais dire, les deux extrémités. Vous savez que plusieurs sont venus nous parler plutôt du quintile. Donc, vous avez parlé du 20 % tout à l'heure, j'imagine que c'est à ça que vous faites référence, entre le 20 % le plus... le quintile le plus pauvre et le quintile le plus riche, de diminuer l'écart. Alors, pour vous, celui-là, je veux dire, c'est un scénario, mais vous préférez celui du 10 %.

M. Gagné (Jacques): Oui, mais nous acceptons volontiers aussi le 20 %, si telle est l'intention du gouvernement, mais je crois qu'il serait sage... Quand il y a un projet de lutte contre la pauvreté comme celui-là... Vous savez, quand on va parler de finance ou de fiscalité ? j'espère qu'il va y avoir des questions là-dessus ? très souvent, quand on touche la classe moyenne, qu'est-ce qu'elle regarde, la classe moyenne? Encore nous qui sommes taxés! Et ils sont portés tout de suite, tout de suite, à regarder vers la classe inférieure pour dire: Encore vous qui en profitez, au lieu de regarder ailleurs ? vous devinez tous où. C'est ça, le problème. Alors, est-ce que le fait de regrouper 20 % parmi les plus pauvres par opposition à 20 % parmi les plus riches, est-ce que ce serait la meilleure action pédagogique qu'un gouvernement comme le nôtre pourrait instaurer? Vous savez, quand on réussit à mettre des extrêmes, parfois les gens visualisent de façon beaucoup plus évidente le problème.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: C'est évidemment un regard qu'on peut porter, des indices qu'on peut se doter, et c'est pourquoi dans le projet de loi on parle particulièrement d'un comité consultatif et aussi d'un observatoire pour être capable de mesurer aussi et de se comparer internationalement aussi.

Vous avez parlé tout à l'heure aussi du revenu minimum garanti tel quel. Bon, c'est sûr que tous ces termes-là, vous savez: revenu de citoyenneté, allocation universelle, revenu minimum de citoyenneté, revenu minimum garanti, sont toutes des thématiques qui sont sur table présentement et il faut vraiment être capable de bien saisir qu'est-ce qu'on veut dire chacun, parce que tout le monde n'a pas la même interprétation de ce que c'est.

On met sur la table, nous, un revenu de solidarité. Je ne sais pas si vous l'avez regardé. Le revenu de solidarité est quand même un seuil qu'on peut se prévaloir. De ce seuil-là, ça ne touche pas nécessairement juste les gens qui sont les prestataires de la sécurité du revenu, donc tous les aptes et les inaptes qu'on met, qu'on parle, qui est bien défini. Le revenu de solidarité, évidemment, va venir bonifier les prestations particulièrement à ceux qui sont inaptes, ceux qu'on dit des gens qui, de toute façon, ont des difficultés un peu plus, je pourrais dire, permanentes. Et ça touche aussi les gens qui ne sont pas prestataires, donc les gens de faibles revenus, des gens qui sont des salariés, des petits salariés. Alors, le revenu de solidarité vient aussi aider à bonifier le revenu de ces gens-là. Donc, ça vient toucher ce que vous nous apportiez tout à l'heure. Non, vous me dites que vous êtes...

M. Gagné (Jacques): Est-ce que vous voulez parler...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Gagné.

M. Gagné (Jacques): Bon. Vous voulez parler du programme APPORT, notamment?

Mme Léger: Non, pas du tout.

M. Gagné (Jacques): Et l'autre revenu de solidarité qui est prévu à la loi?

Mme Léger: Le revenu de solidarité qu'on prévoit, là.

M. Gagné (Jacques): Ce qui est important pour nous, Mme la ministre, c'est que tous les gens, petits salariés et les gens qui vivent aussi sous l'assistance sociale, puissent bénéficier de ça. Mais, nous, dans le projet qu'on vous présente, c'est un projet, un brouillon, hein. C'est un projet qui vient dire à tous ceux qui travaillent au moins cinq mois: Vous êtes sûrs que vous aurez un minimum. Il faut absolument prévoir ce minimum pour tous les salariés. Et, plus les gens travaillent, augmentez ce minimum de revenu.

N'oubliez pas, je vous ai raconté une histoire sur le zoom. Nous, on a axé seulement notre réflexion sur les personnes salariées avec enfants, mais on a vu tous les autres, hein, dans le champ de la pauvreté. Vous savez, on a vu les personnes âgées, on a vu les gens sur le bien-être social, qui vivent de l'assistance sociale. On a vu plein, plein de monde. Mais on a axé notre projet que sur ça pour entrouvrir la voie au revenu minimum. Et, si c'est l'intention, par exemple, du gouvernement et que l'opposition, les différents partis l'acceptent, ce serait extraordinaire. Mais il faut avoir... C'est trop important, ce projet de loi, il faut qu'il ? permettez-moi un mot ? accouche d'un revenu minimum dans un domaine précis. Peut-être pas pour tout le monde. Commençons par quelque chose, un embryon, et on sait ce que ça devient, un embryon, madame.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Bonjour, ça me fait plaisir de vous saluer également. Pour une université, vous jouez très efficacement votre rôle de pédagogue, et je me permets de le dire, et vous dégagez beaucoup d'énergie dans votre présentation.

Quand vous dites ? juste quelque chose en passant ? quelque chose comme... que vous espérez que le combat sera aussi le combat de tous les partis politiques et vous suggérez, et ce n'est pas avec naïveté, je pense que c'est avec une conviction que c'est possible, vous suggérez que les partis, les différents partis politiques puissent développer une approche commune face à la lutte à la pauvreté. Vous avez sans doute remarqué, comme nous tous, que le Parti québécois a été le seul parti à déposer un mémoire devant cette commission. Et d'ailleurs la présence d'un autre, troisième parti, ce n'est pas à souligner, mais on a des mauvaises pensées des fois sur les motivations de leur absence. Il faut effectivement dépasser, je pense, le cadre de nos positions partisanes. Un bon exemple de ça, ce serait, par exemple, toute la question de déséquilibre fiscal, hein? Parce qu'un grand tort pour le développement économique et social du Québec, il faut le dire en toute objectivité ? d'ailleurs, c'est souligné par un ancien ministre libéral, Séguin, dans son analyse ? ça été le déséquilibre fiscal.

n(15 h 30)n

Vous mentionnez aussi ? et toute analyse est très politique nécessairement ? vous dites: Au Canada, on évalue à plusieurs milliards par année les surplus d'assurance emploi qui vont au remboursement de la dette depuis cinq ans. Notre idée ? c'est vous qui parlez ? notre idée est la suivante, que les surplus de l'assurance emploi soient consacrés à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Bien, enfin, vous serez d'accord avec moi que ce serait un peu difficile avec la loi, parce que la loi devrait être modifiée. Celui qui contourne la loi pour sa propre fin, c'est bien sûr le gouvernement d'Ottawa qui, comme vous dites à juste titre, envoie les surplus dans les fins pour lesquelles la loi n'a aucune disposition. Ça, c'est grave, c'est-à-dire l'insensibilité du gouvernement d'Ottawa qui fait en sorte de constituer un handicap de taille contre la lutte à la pauvreté.

Ma question pour vous, ce serait: De quelle façon la société «at large», comme on dit en anglais, et votre groupe en particulier puissent travailler... Parce que vous soulignez beaucoup la nécessaire sensibilité, comment vous pouvez contribuer à ce débat tellement important qui implique tous les Québécois?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagné.

M. Gagné (Jacques): Alors, je vais présenter ma position, la position du groupe, et mes collègues pourront réagir. Je dois dire a priori que les surplus budgétaires, les surplus financiers d'Ottawa, pour nous, nous n'entrons pas dans ce domaine-là. Pour nous, c'est un champ politique. Cependant, quand il s'agit de surplus de l'assurance chômage auxquels nous avons contribué, nous aussi, 840 $, je me souviens très bien, chaque année... On avait la sécurité d'emploi, mais on partageait, entre guillemets, avec les autres pour que les gens puissent avoir un surplus quand il y avait un problème au niveau du travail. Mais ce qui se passe et ce qui est... On a parlé, vous savez, dans les journaux de hold-up, de détournement de fonds. Moi, je n'emploierai jamais ces mots-là, cependant à quoi servent les milliards d'assurance chômage qui sont en surplus? Honnêtement, je ne connais pas les subtilités de la loi, ça doit servir aux travailleurs qui sont mal pris. On a déjà connu des projets de travail partagé, vous savez, où l'assurance chômage a joué un rôle. Dans le projet de revenu minimum garanti que nous vous proposons pour les petits salariés, pour ceux qui travaillent à temps partiel, pour ceux qui ont des emplois à statut précaire, les surplus d'assurance chômage, au lieu d'aller au remboursement de la dette, qui devrait être partagée par tous les citoyens et non pas seulement les travailleurs et leurs employeurs... Mais tous les citoyens qui en ont profité devraient la rembourser, cette dette-là. Pourquoi excuser certaines personnes?

Alors, ces surplus-là, M. le député de Vachon, ce serait extraordinaire, s'il y avait une ouverture au niveau de la Loi de l'assurance chômage et que les travailleurs... On l'a dit dans notre texte, il faut quand même que les travailleurs puis leurs représentants l'acceptent, mais on aimerait que certains vendent ce projet-là, parce que ça fait six ans qu'ils se battent, les travailleurs et même les employeurs, et on leur dit non. Mais, s'ils y croient à ce projet-là et s'ils y vont, les travailleurs, calmement... Ce n'est pas nécessaire de défoncer des portes, vous savez, ça ne donne rien, mais, s'ils y vont le réclamer pour les petits salariés, pas juste pour le Québec, pour le Canada aussi parce que, nous, on aurait une part de 25 % peut-être, sur 6 milliards, ça nous donnerait 1,5 milliard. Madame qui est responsable de la lutte à pauvreté, avec 1,5 milliard, on pourrait faire des choses. Mais, il ne s'agit pas que de ça, on a d'autres propositions qu'on pourra vous donner tout à l'heure. Parce qu'il ne faut pas toujours aller quêter à Ottawa non plus, hein, on est capable de faire des choses soi-même ici, je crois.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, une minute, M. le député de Vachon, le temps d'un commentaire.

M. Payne: Et vous aurez l'appui unanime, je pense, du parti ministériel pour vos propos. Puis je vous remercie beaucoup, monsieur, de votre exposé remarquable.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. le député de Vachon. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour également, bienvenue. Je trouve ça fort intéressant que vous avez décidé de vous constituer comme groupe autour du nom Université du troisième âge, parce que souvent on dit: Il y a beaucoup de connaissances qu'on ne met pas au profit de la société de la part de nos aînés finalement, et vous contribuez... Et vous avez choisi le domaine de la pauvreté et de l'environnement comme les deux sujets qui attirent votre attention, autour desquels vous organisez des séminaires. Vous avez entamé une réflexion et vous nous apportez le fruit, un peu, de ces réflexions avec des propositions concrètes qui, je pense, vont nous amener à réfléchir sur quelques éléments, tout au moins, de ces propositions-là, que ce soit au niveau des coûts réels, des modalités d'application, etc.

Mais, cela étant dit, moi, j'aimerais prendre le temps que nous avons un petit peu pour qu'on puisse réfléchir ensemble sur un certain nombre de choses qui nous ont été soumises comme faisant problème par les groupes et les personnes qui vivent la pauvreté. Vous, vous avez choisi de focusser avec votre zoom sur la question des personnes travaillant, ayant des revenus de travail, avec enfants, et un des problèmes qui nous a été souvent mentionné ici de la part d'une catégorie qui n'est pas celle-là, mais qui est celle des mères monoparentales recevant une pension alimentaire pour leurs enfants de la part de leur ex-conjoint...

Et, je vais faire le parallèle suivant, la catégorie que vous voulez regarder de plus près, il y a quelque temps, était dans la situation suivante. Un couple se séparait. Il avait des enfants. Plus souvent qu'autrement, ils restaient avec leur mère. Le père, dans l'entente de séparation ou de divorce, versait une pension alimentaire pour la garde des enfants, donc sa contribution, en quelque sorte, pour la garde des enfants, ou l'alimentation, ou le soin de ses enfants. La mère avait, elle aussi, une partie de ses revenus qui allaient pour l'enfant, mais, quand la mère recevait la pension alimentaire, elle se voyait taxer, ou on le traitait comme un revenu, donc... Et, en contrepartie, le père, lui, déduisait sa contribution de la part de la fiscalité. Alors, la mère, tout d'un coup, se trouvait, celle qui travaillait... se trouvait à avoir moins d'argent par rapport à ce qu'on avait convenu étaient les besoins des enfants que les deux allaient partager. À force de faire ressortir l'illogisme de ça, ça a été changé. Donc, actuellement, la même situation est la suivante. La mère reçoit une pension alimentaire. Elle a ses propres revenus de travail. Elle garde la totalité de la pension alimentaire, et ça va pour l'enfant. Puis elle contribue aussi, par ses revenus de travail, à l'enfant.

Sautons maintenant... Changeons de portrait maintenant, revenons à ceux qui nous ont apporté le problème suivant. La même mère, à un moment donné, n'a plus de revenus de travail, elle est obligée de recourir à l'aide sociale. Elle continue de recevoir la pension alimentaire du père, mais là, au lieu de ses propres revenus pour subvenir aux enfants, elle a l'aide sociale. Et, pour l'enfant, elle reçoit de la part de l'État non pas son allocation d'aide sociale, elle reçoit une allocation familiale. Donc, ça, ça va à l'enfant. Mais, quand elle reçoit la pension alimentaire maintenant, la même qu'elle recevait avant, elle se voit déduire le même montant de la part de l'allocation qu'elle a comme aide sociale. Donc, non seulement elle a subi une diminution de sa situation économique, mais, en plus, elle subit une diminution, par la suite, de la question de la pension alimentaire, et plusieurs réclament qu'on arrête de considérer comme un revenu pour la mère la pension alimentaire qui est destinée à l'enfant.

Est-ce que votre Université du troisième âge, sur-le-champ, comme ça, pourrait nous fournir quelques éléments de réflexion, ou comment vous le voyez, comment vous réagissez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Allaire.

n(15 h 40)n

Mme Allaire (Thérèse): Je vous dirais que, premièrement, prendre le temps de réfléchir. Et, moi, au premier abord, je serais portée à penser que, si notre bon gouvernement ou notre justice a déjà réfléchi au point de dire que c'était injuste que la mère ait à entrer dans la fiscalité la pension alimentaire que lui versait son ex-époux... Je ne vois pas pourquoi qu'elle aurait à entrer dans son revenu ce que la quête sociale lui verse. Je ne le vois pas du tout, du tout pourquoi au premier abord. Mais j'aurais à réfléchir, là, sur le sujet, parce que je ne vois pas pourquoi ce serait un revenu taxable à ce moment-là. Au premier abord, comme je le dis.

Et j'ai eu à subir ce que vous dites, et c'était très injuste. Je peux vous dire que mon revenu, à ce moment-là, était de 12 000 $ par année, alors que monsieur avait un revenu de 60 000 $ par année. Et je faisais vivre quatre enfants, et monsieur ne les prenait même pas une journée par année avec lui. Alors, je n'ai pas besoin de pleurer sur mon sort, là, mais je peux vous dire que c'était très injuste que ça s'ajoute sur mon revenu.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: ...je ne sais pas ce qui est arrivé aux tribunaux pour que ça arrive, mais on a jugé que c'était injuste et on a effectivement vu qu'il y avait quelque chose là qui avantageait seulement le fisc, le ministère du Revenu, et que finalement ça a été changé pour que, effectivement, ce qu'un couple conviendrait était nécessaire pour les enfants par la contribution du père ? tout au moins en partie, parce que la mère, elle aussi, contribue, que ce soit par le fait qu'elle ait la garde, offre maison, logis, etc. ? reste à l'enfant.

Et je pense que votre premier instinct, sur-le-champ, sur le coup, comme ça, il est le même que plusieurs ont. Et je pense que, si je prends la peine de le souligner, c'est parce que je trouve que c'est un des dossiers sur lesquels, moi, pour un, j'ai été problématisé par rapport aux témoignages qu'on a eus. J'espère que ça rejoint aussi les députés ministériels pour qu'effectivement le gouvernement arrête de contester une décision qui a été rendue par le Tribunal administratif du Québec et de permettre de la mettre en application.

Mais je vois que vous avez aussi, semble-t-il, quelque chose à dire parce que M. Gagné...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagné, est-ce que vous avez un complément de réponse?

M. Sirros: Sur ça?

M. Gagné (Jacques): Non, pas sur...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, pas sur ça?

M. Gagné (Jacques): Pas sur ce problème précis.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: L'autre élément que j'aurais, c'est: Comment est-ce qu'on pourrait mieux mettre à profit les connaissances que beaucoup de personnes ont? Vous, vous avez décidé de vous regrouper pour au moins réfléchir ensemble. Une fois la réflexion faite, qu'est-ce qui arrive? Et comment est-ce qu'on peut mieux arrimer ces connaissances qui sont là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagné.

M. Gagné (Jacques): Mme la Présidente, si vous saviez le nombre de personnes retraitées et qui ont comme mis leurs connaissances dans le garde-robe et n'ouvrent plus jamais la porte... Et c'est triste pour une société, vous savez. Il y a un domaine sur lequel on va travailler sûrement un jour, là, je présume qu'on va en discuter. Il y en a, comme nous, une trentaine d'universités du troisième âge au Québec. C'est évident qu'on a été les premiers à dire: Ce n'est pas des cours qu'on veut, des séminaires, là, nous allons faire les cours nous-mêmes, entre nous. C'est ça, le rôle des séminaires. Donc, il faut aller chercher des gens qui le veulent. Donc, c'est une expérience-pilote, et vous en avez, en quelque sorte, un exemple ici aujourd'hui. Mais si on pouvait connaître le nombre de gens qui seraient prêts à faire de telles expériences... Il faut quand même le goût de le faire, il faut le structurer, les structurer, ces séminaires-là. Et puis, aussi, tout ce qu'on fait au niveau de l'Université du troisième âge, c'est une porte qui s'ouvre, là.

Là, il va falloir que la société, au niveau de l'éducation, éventuellement, encourage de telles initiatives. Vous savez, nous, on est venus parce qu'on y croit, hein? Moi, je présume que les groupes qui viennent ici le font sur leur temps de travail ou autre puis ont des petits frais de déplacement, là. Je veux juste vous dire que nous, ce qu'on fait, c'est parce qu'on y croit qu'on est là. On n'a aucun organisme qui nous patronne ou qui nous subventionne, aucun. Si, à un moment donné, la société juge que les aînés peuvent parler de d'autres choses que des maladies ou des pilules, ce serait peut-être important qu'on y réfléchisse.

M. Sirros: ...j'essayais de me rappeler... Vous me faites penser qu'un des créneaux ou des voies vers lesquels on devrait regarder plus, et c'est précisément dans ce sens-là que, dans le plan d'action qu'on a mis de l'avant, on examine puis on peut faire la promotion, par exemple... Et ce qui me fait penser à ça, c'est votre passé en éducation. Vous avez dit que vous avez été enseignant. Il doit y avoir un moyen de mettre à profit les connaissances de bon nombre de personnes âgées vis-à-vis, précisément, les plus jeunes au niveau de la pédagogie, puis de l'école, puis de la réussite scolaire, puis de la lutte au décrochage, si ce n'est que par, par exemple, l'implication de ceux qui ont la capacité dans des programmes de grands frères, ou de grandes soeurs, ou grands-pères, ou tu sais... Et je pense à des projets comme des maisons des grands-parents qui peuvent aussi être orientés plus précisément vers, par exemple, le décrochage scolaire, qui est aussi une façon de lutter contre la pauvreté, parce qu'on sait très bien que la réussite en éducation, c'est aussi un gage de réussite ultérieure par rapport à la vie tout entière. Merci beaucoup pour vos témoignages.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. En conclusion, M. Gagné.

M. Gagné (Jacques): En conclusion, Mme la Présidente, on sait que ça va coûter des sous, oui, beaucoup de sous, alors trois ou quatre suggestions. Ce ne sont que des suggestions, mais nous y croyons. Il faut arrêter d'étrangler la classe moyenne, il faut imposer 75 % des gains en capital, comme ce l'était avant l'an 2000.

Il faut créer un impôt minimum pour les différents paliers de revenus personnels. Je rêve du jour où le gouvernement pourrait dire: 80 % des salariés québécois paient de l'impôt, même s'ils ne paient que 10 $. Vous savez, on a de la dignité, au fond, chacun d'entre nous, une fierté. Ce n'est pas d'avoir zéro impôt à payer qui compte. Si on paie 10 $, peut-être qu'on se dit: Bien, peut-être qu'il y a 4 $ là-dessus qui va à la santé, il y a 3 $ qui va à l'éducation. C'est peut-être à y penser.

Il faut créer un impôt minimum pour les compagnies. Mme la Présidente, imaginez-vous, je dois donner l'exemple, il y a un impôt minimum des compagnies aux États-Unis. Ce n'est quand même pas le pays le plus réputé pour être anti-compagnies.

Et, le dernier, il faut travailler de concert, le Québec, le Canada, les différents pays qui fraient avec le Québec, le Canada pour éliminer nos chers paradis fiscaux et où il y a des milliards qui s'envolent, et qu'on arrête de faire la chasse aux sorcières à nos petits salariés qui magouillent avec des 50 $ ou des 100 $. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, Mme Allaire, MM. St-Georges et Gagné, d'avoir accepté de participer. Sûrement que les membres vous accordent cette étoile à votre examen. Alors, merci beaucoup, et bon voyage de retour. J'inviterais maintenant les représentants et représentantes de Solidarité Ahuntsic à bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 50)

 

(Reprise à 15 h 51)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous poursuivons maintenant nos travaux avec les représentants de Solidarité Ahuntsic, M. Azzedine Achour, qui est coordonnateur, de même que Mme Sandrine Cohen, qui est chef de projet, Maison Fleury.

Alors, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je cède la parole à M. Achour. C'est bien ça? Alors, vous avez la parole, M. Achour.

Solidarité Ahuntsic

M. Achour (Azzedine): Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, Mme la députée du comté de Crémazie, notre députée. Bonjour, M. le député de Laurier.

Je vous demande d'être indulgents parce que j'ai beaucoup de trac. Je viens d'un pays où l'exercice démocratique n'est pas dans nos moeurs, mais je l'ai appris. Et je voudrais profiter de l'occasion, parce que ça fait longtemps que ma famille et moi-même cherchons à remercier le peuple québécois ? vous êtes une représentante, vous êtes tous des représentants du peuple québécois qui sont ici ? pour vous remercier de l'énorme aide que vous nous avez apportée pour nous établir. Et je crois que nous n'avons pas vécu beaucoup de difficultés dans notre parcours pour nous établir ici, au pays. Ça fait quand même huit ans que nous sommes...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous savez sûrement, M. Achour, qu'on vous reconnaît comme une richesse pour le Québec.

M. Achour (Azzedine): Merci beaucoup, Mme la Présidente.

Ceci dit, c'est ça, je suis coordonnateur de Solidarité Ahuntsic. Je suis la personne qui commet la permanence d'une table de concertation. Une table de concertation locale, je n'ai pas besoin de m'étaler là-dessus, je crois que c'est relativement populaire maintenant. Ce sont des regroupements d'organismes et d'institutions, de citoyens, et, bon, ils travaillent pour le développement social de leur quartier.

C'est le cas pour Ahuntsic. Mais, juste pour l'anecdote, Ahuntsic signifie chez nous, en tout cas d'après la légende populaire, petit, vif et frétillant. C'est juste pour bien situer Ahuntsic. C'est un petit peu ce qui caractérise notre organisation. C'est vrai que nous sommes petits même si on a 110 membres. Mais c'est juste une table de concertation locale. Vifs, parce que nous considérons que notre style de travail, c'est de fonctionner toujours dans le sens contraire à l'inertie, c'est-à-dire essayer de toujours travailler des dynamiques à mettre en place. Bon, frétillants, ça, c'est un peu ce qui nous caractérise, parce que nous ne sommes pas très loin de la rivière à côté. Donc, on est, disons, un petit peu inoculés par cela. Mais ça, c'est une anecdote.

Solidarité Ahuntsic, donc, c'est un organisme qui regroupe 108 membres. Nous avons pendant longtemps souffert d'un problème majeur, c'est de vivre dans un quartier qui a une réputation de quartier riche. C'est un peu le sens du mémoire que nous avons proposé. C'est un mémoire tout à fait modeste. C'est mémoire dans lequel nous faisons deux choses. On dit que nous saluons l'initiative du gouvernement de Québec d'avoir pris la responsabilité de présenter un projet de loi et, donc, par ce mémoire-là, nous lui signifions notre soutien. Et puis, en même temps, marquer notre appui au Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté dont nous sommes membres. On est même membres de la permanence de Montréal.

Alors donc, pendant longtemps, le quartier Ahuntsic a souffert de cette réputation de quartier riche, et nous avons attiré votre attention justement là-dessus dans notre petit mémoire. On vous dit qu'on sait très bien qu'une fois que la loi va passer ? je l'espère, nous l'espérons ? un plan d'action va être mis en place, c'est ce qui est prévu, donc des ressources vont être affectées. Ce qui a toujours posé problème, c'est que dans l'affectation des ressources on tient souvent compte de l'indice de pauvreté, et Ahuntsic affiche un indice de pauvreté qui la place, qui place le quartier parmi les quartiers riches. Pourtant, la pauvreté existe.

Je pense qu'on avait déjà... Je ne sais pas si Mme Nicole Léger se souvient, elle a déjà visité une des poches de pauvreté d'Ahuntsic. On a tenu une discussion là-dessus, on lui avait même présenté un projet. C'est une des huit poches de pauvreté qui existent ? je les appelle poches de pauvreté parce qu'elles sont enclavées, hein ? donc, une des huit poches de pauvreté qui existent dans le quartier Ahuntsic. Alors, à cause de cette réputation, disons que nous avons souffert aussi du manque ou de l'injustice dans l'affectation des ressources au quartier. Mais c'est une chose qui a évolué depuis les cinq dernières années, disons, sauf qu'on continue à en souffrir quand même.

Ce qui se passe, c'est que compte tenu du fait qu'il ne soit pas riche, bien on est passé à côté, parfois, d'initiatives auxquelles on ne pouvait pas souscrire dans certains programmes gouvernementaux. Et, ceci n'est pas juste le cas des programmes gouvernementaux, c'est aussi... Une fois que le quartier est réputé riche, c'est aussi les fondations privées, c'est d'autres bailleurs de fonds qui considèrent que la communauté étant riche, elle doit donc se prendre en charge et se débrouiller avec ses pauvres. C'est pour ça que dans notre mémoire nous avions voulu attirer votre attention.

À ma gauche se trouve ma collègue, Sandrine Cohen. En réalité, si je l'ai invitée ici, ce n'est pas juste pour figurer, pour faire oeuvre de figure, là, mais c'est surtout pour qu'elle vous fasse un exposé sur justement cette expérience alternative que nous avions développée dans le quartier compte tenu du fait que, disons, la plupart des organismes ou des institutions qui travaillent dans le quartier géraient les problématiques avec des ressources, disons, qui ne soient pas à la hauteur, donc, des besoins de la population.

Pendant longtemps, on avait cru que, en convainquant les décideurs, que ce soient gouvernementaux ou d'autres sources de financement comme des bailleurs de fonds privés, etc. On avait constitué toutes sortes d'initiatives, par exemple un comité des ambassadeurs pour parler de la pauvreté dans Ahuntsic, etc. En réalité, pas beaucoup de choses ont bougé avec ce genre de méthode même si on a gagné beaucoup de terrain à faire prendre conscience de la situation de pauvreté dans le quartier et qu'il fallait évidemment ne pas s'arrêter juste aux moyennes statistiques, parce qu'on sait que les statistiques, les moyennes, c'est dans les papiers, entre voisins on ne se partage pas les richesses... ces moyennes-là. Donc, on a dû prendre des initiatives pour nous débrouiller avec... dans les huit poches de pauvreté, nous débrouiller avec des initiatives, mais avec les ressources, même précaires, mais avec les ressources dont nous disposons.

C'est un peu ce qui s'est développé comme vision tranquillement autour de notre table, et puis c'est devenu une pratique courante, c'est-à-dire ramasser régulièrement un certain nombre d'organismes, de personnes ou de représentants d'institutions qui sont intéressés à travailler ensemble sur des problématiques ciblant une population dans une de nos poches de pauvreté et développer des activités, déployer des initiatives, des initiatives qui ciblent les personnes, mais dans un travail de proximité.

Si on prend l'exemple du projet ou de l'activité que Mme Nicole Léger avait déjà visitée dans Saint-Benoît, on constate que c'est un milieu multiethnique où il y a une forte concentration d'immigrants, où les horizons sont complètement bouchés, très peu d'infrastructures sociales, une paroisse qui représentait pratiquement le coeur des activités communautaires, où il y a beaucoup de distribution d'aide de toutes sortes, une attitude très passive de la population par rapport à ça parce qu'ils viennent chercher l'aide, et puis aucune perspective, etc.

n(16 heures)n

Alors, tout ça nous a réveillés un jour. On se dit: Bien, il faut faire de quoi, parce qu'il faudra peut-être présenter à cette population une alternative à la situation passive dans laquelle elle se trouve, à la force des perspectives. C'est un peu comme ça qu'on a donc développé... Ça, c'est un exemple. On ne le prend pas parce qu'on veut faire la promotion de ce projet, mais c'est un exemple de pratique que nous souhaitons voir encourager à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi n° 112.

Alors, j'ai donc... Mme la Présidente, je vous demande de bien vouloir inviter Sandrine à... On commence déjà à appeler Ahuntsic.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste cinq minutes, Mme Cohen.

Mme Cohen (Sandrine): Mme la Présidente, bonjour. Mme la ministre, bonjour. Bonjour à tous. Bien, comme Azzedine vous en a parlé, c'est un projet qui vise à lutter contre la pauvreté dans différentes poches de pauvreté dans Ahuntsic et c'est dans une perspective très particulière, c'est une perspective de développement social. Donc, c'est une initiative locale assez inédite qui est née d'une démarche concertée de différents organismes qui étaient déjà présents dans le quartier autour de la Table de concertation Solidarité Ahuntsic et qui travaillaient chacun sur des problématiques très particulières, qu'il s'agisse de l'immigration, qu'il s'agisse de la recherche d'emploi, qu'il s'agisse du décrochage scolaire. Et, plutôt que de travailler chacun séparément sur une problématique en particulier, l'idée, c'est de travailler ensemble auprès de la personne qu'on veut aller rejoindre, une personne qui vit la pauvreté et qui subit les problématiques liées à la question de la pauvreté, qu'il s'agisse bien sûr de l'immigration, des problèmes d'intégration dans la société d'accueil, la ghettoïsation, puisque c'est des questions qu'on connaît, parce qu'on rejoint une population nouvellement arrivée essentiellement, puis aussi la question de la recherche d'emploi, parce que ce sont souvent des personnes qui sont sans emploi ou qui n'ont même jamais eu d'expérience d'emploi sur le marché du travail ici, au Québec, c'est la question de la violence aussi dans les familles, parce que ça se ressent d'autant plus quand on est chez les populations immigrantes qui, très souvent, ne connaissaient pas la violence dans leur pays d'origine, qui vont connaître la violence quand elles vont venir ici pour des raisons très diverses, c'est la question du décrochage scolaire, des gangs de rue, etc.

Donc, ce qu'on décide de faire, nous, c'est vraiment de travailler avec ces personnes-là dans une perspective de développement social, c'est-à-dire qu'on crée des activités qui permettent à ces personnes d'être en présence des intervenants, de pouvoir exprimer leurs besoins et, nous, en fonction des besoins, on va pouvoir agir avec elles. On considère que la personne fait partie...En tout cas, on incite la personne à s'impliquer dans la résolution de ses problèmes. Mais aussi, en créant des activités, on permet à ces personnes-là, qui très souvent vivent l'isolement, de connaître d'autres personnes du quartier, de créer des réseaux d'entraide, donc de créer des liens dans le quartier. En même temps, on agit aussi bien sur la personne que sur la vie du quartier que sur son environnement.

Donc, c'est en quelque sorte et en quelques mots tous les objectifs de ce projet qui vise à lutter, d'une façon alternative, sur la question de la pauvreté.

M. Achour (Azzedine): Ce qui est important aussi à ajouter à cela, c'est que, comme c'est une démarche qui s'adresse à des poches de pauvreté où la population est souvent multiethnique et où il y a une forte concentration d'immigrants, même la démarche d'intégration des immigrants est revisitée, revue, parce qu'on considère que l'effort qui est fait déjà par le ministère des Relations et de l'Immigration pour aider les quelques organismes d'aide à l'établissement, etc... Plus ou moins, ces organismes arrivent, disons, à contacter ces gens, à les aider à se loger, à scolariser leurs enfants, etc., puis ils ajoutent à ça quelques petites rencontres et quelques sessions d'information. On a toujours considéré que c'est une démarche incomplète. On ne peut pas considérer que c'est une démarche véritablement d'intégration.

Alors, on s'est tranquillement acheminé, en tout cas, dans cette réflexion. On se dit: Bien, quand on cible des milieux de vie, l'atout que nous avons là-dedans, c'est aussi de faire un travail de proximité, y compris en direction des immigrants, et la meilleure façon de les intégrer, c'était de les approcher là où ils vivent plutôt que de se contenter juste de quelques sessions d'information. C'est pour ça qu'on trouve important que la loi permette, dans son plan d'action, de soutenir ce genre d'initiatives sans qu'on attende à ce que ces initiatives-là s'arriment à des programmes gouvernementaux qui existent déjà. On a eu beaucoup de misère. On a jusqu'à maintenant à trouver les fonds pour soutenir ce genre d'initiatives. Il y en a sept ou huit qui sont dans notre plan de travail. L'année dernière, c'était le projet de la Maison Fleury dans Saint-Benoît. Dans les quelques mois qui vont venir, nous sommes en train d'organiser une concertation qui va aboutir le 5 décembre, en principe, à l'entente d'une huitaine d'organismes avec les institutions qui sont sur place, CSDM, CLSC, l'école, etc., dans un projet qu'on va appeler la Maison de la visite. Puis il y a six autres projets qui sont planifiés sur les trois prochaines années, mais on n'a aucune possibilité de financement qui colle aux programmes gouvernementaux qui existent.

La loi... C'est ça, la question qu'on se pose: Est-ce que la loi n° 112 va pouvoir permettre... Une fois que la loi est adoptée, le plan d'action adopté, est-ce que ça va permettre de soutenir ces projets-là sans que nécessairement ces projets soient arrimés à des programmes préexistants? Ça, c'est la première question. Mais je me demande si c'est dans l'usage de poser des questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Allez-y.

M. Achour (Azzedine): La deuxième question, c'est... Bon, on est un peu travaille maintenant, on connaît la position du gouvernement du Québec, on a quelque chose qui a été écrit, il y a un projet de loi que nous avons sous les yeux. On peut l'accepter, on peut le critiquer, on peut faire ce qu'on veut, mais on le sait. On sait qu'il y a un parti qui n'est pas là ? comment ça s'appelle? ? l'ADQ n'est pas là. C'est une position claire. Le Parti libéral est là, mais on a... À ma connaissance, excusez-moi de ma naïveté peut-être, je n'ai pas vu la position encore du Parti libéral. Est-ce qu'il va soutenir cette loi, est-ce que... S'il prend le pouvoir, est-ce qu'il va la faire? Pourquoi on se pose ces questions-là? Parce que, vous savez, on est dans un quartier, nous sommes des locaux, hein, on réfléchit localement. Même si nous ne sommes pas naïfs non plus, on sait que des solutions les plus importantes, ce sont celles qui viennent, qui concernent l'ensemble du peuple québécois, particulièrement ceux qui sont pauvres, parce qu'elles les ciblent, hein.

Alors, on se pose des questions là: Est-ce qu'il va y avoir une poursuite? Est-ce que c'est juste un parti politique qui est au pouvoir qui présente ce projet de loi ou est-ce que c'est partagé par l'ensemble?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, les questions sont posées. Je pense que vous aurez réponse. Effectivement, c'est un petit peu différent. Généralement, on pose les questions, vous y répondez. Mais, de toute façon, je pense qu'il va pouvoir y avoir un échange. Alors, Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Achour, bonjour, Mme Cohen. Ça me fait plaisir de vous recevoir ici. Effectivement, je suis allée chez vous, à la Maison Fleury, Mme Cohen, voilà quelque temps, lors de toute la tournée l'automne dernier, d'une part, de faire valider le document qui s'appelait Ne laisser personne de côté, qui est le départ, dans le fond, de toute la stratégie nationale. Alors, c'est vos rencontres et les rencontres d'autres groupes comme vous qui ont fait que nous avons accouché, comme gouvernement du Parti québécois, d'une stratégie nationale, d'une part.

Je vois que vous saluez l'initiative du gouvernement de se doter d'un projet de loi, d'une part. Je sais aussi qu'on devait se rendre au centre communautaire le 11 septembre, hein. Si on se souvient, le 11 septembre même, l'année dernière, nous étions... tous les collègues de Montréal, du caucus ministériel de Montréal, on devait se rendre chez vous et, en fin de compte... Le 11 septembre, on était en haut du stade olympique, si je me souviens, en haut du stade olympique. Alors, on est redescendu assez rapidement, cette journée-là. Ça a un peu tout perturbé la suite des choses par après. Alors, c'est pour ça que je me rappelle tout ça en vous voyant aussi, en même temps.

Vous nous posez des questions, vous en avez posé à l'opposition. Effectivement, ce sont des bonnes questions que vous posez. Vous m'avez posé, à nous, comment on va soutenir les projets qui sont déjà en marche. J'ai bien aimé votre deuxième question aussi, à savoir si les partis de l'opposition vont appuyer le projet de loi tel quel. Il y a beaucoup de bonifications que les gens nous apportent effectivement, mais c'est assez... je pourrais dire...

On assume notre leadership de pouvoir aller plus loin dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et de s'assurer d'une stratégie nationale, donc avoir une approche intersectorielle globale et venir soutenir les actions qui sont dans les localités, dans les municipalités, dans les quartiers. On a le fonds spécial qui est là, sur place, dans le projet de loi. Ce fonds-là va venir soutenir les actions qui seront prises, aussi, régionales et locales telles quelles. Donc, des actions pour lutter contre la pauvreté font partie vraiment des objectifs de ce fonds spécial là.

n(16 h 10)n

Le fonds spécial fait suite au fonds de lutte contre la pauvreté. Le fonds de lutte contre la pauvreté venait encourager les initiatives pour aider et sortir les gens... particulièrement des prestataires de la sécurité du revenu à 70 %. Les scénarios qui sont sur la table pour celui-ci, c'est, oui, d'aider l'intégration à l'emploi, d'une part, mais de soutenir les actions locales, de soutenir aussi le développement social par des initiatives qui sont plutôt en milieu urbain aussi. Alors, on aura l'occasion peut-être de s'en parler avec votre députée aussi.

D'ailleurs, votre députée m'a mentionné très souvent, dans la lutte contre la pauvreté... Ma collègue, à ma droite, qui dit souvent: Comment est-ce qu'on calcule, ça, les fameuses poches de pauvreté? Ça n'a pas de bon sens. Chez nous, à Ahuntsic, on en a. On vit des choses puis on est toujours considéré comme un quartier riche. Ce n'est pas... Je vous l'entends dire aujourd'hui, mais je veux vous dire que votre députée me l'a souvent dit et elle propose souvent des initiatives pour qu'on tienne compte de la réalité qu'elle vit, elle, comme députée, et vous tous, dans le quartier Ahuntsic. Et la stratégie nationale, effectivement, il y a des territoires à concentration plus de pauvreté qu'il faut s'occuper dans une stratégie aussi qui peut se faire dans une planification stratégique d'une région, mais tout ça n'exclut absolument pas ? c'est tout le contraire ? d'inclure toutes les personnes qui ont des projets et des actions, qui veulent des initiatives qui sont très locales et qui viennent, dans le fond, aider à la lutte contre la pauvreté.

La question que j'aimerais vous poser avant de laisser la parole à ma collègue aussi qui va vouloir vous poser des questions... Vous mentionnez particulièrement l'importance de cette approche globale et intégrée, mais vous dites aussi que cette approche globale et intégrée soit dans... qu'elle soit durable. Alors, quels seraient les moyens à privilégier dans un milieu comme le vôtre afin de favoriser cette intégration-là sociale et le mieux-être des personnes pour lutter contre la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Achour.

M. Achour (Azzedine): Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas pensé à la question réellement, sauf que, bien, l'une des pratiques qu'on a développées autour de notre Table, c'est de travailler sur déjà un consensus sur ce qu'on doit faire dans un quartier sur trois ans. C'est très difficile, hein, de faire cet exercice-là parce qu'on a des visions complètement différentes. Vous savez, nous sommes 108 membres, 108 membres. Là-dedans, il y a à peu près une soixante d'organismes communautaires et une quarantaine de représentants d'institutions installées dans le quartier, puis il y a des citoyens, donc des visions de toutes sortes.

Ce qu'on développe, nous, d'abord, c'est de se donner une vision de développement social dans le quartier à long terme. Je pense que ce genre d'exercice, alors que nous manquons de moyens... Vous savez que, souvent, on travaille sur des statistiques, on a besoin de chiffres, on a besoin de savoir parce qu'on connaît plus ou moins la réalité, mais on ne sait pas comment la calibrer, si nous n'avons pas en face de nous des chiffres, des statistiques. Savez-vous que le nombre de pauvres dans Ahuntsic, c'est à peu près 23 355, si ma mémoire est bonne. Ce n'est pas à peu près, c'est juste, ça, c'est les statistiques de 1996. C'est autant de pauvres, à la limite, que dans Hochelaga, pourtant la réputation est... Je ne répéterai pas ce que j'avais dit, mais c'est juste pour vous dire qu'on a une tendance d'abord à nous faire une tête commune localement sur une vision à long terme, sur les gestes à poser avec les personnes concernées. Le seul exercice qui... là où il est difficile, c'est à ce niveau-là, c'est-à-dire les gens qui sont dans des situations de pauvreté ou d'exclusion ou de toutes sortes de problématiques. Aller fouiller là-dedans quelles sont les personnes significatives pour qu'elles donnent leur avis, qui ont une influence dans leur milieu ou dans leur communauté, et travailler ensemble sur une vision.

C'est un peu un exercice qu'on fait déjà l'année dernière, pendant une année, avec une série de rencontres, des journées de réflexion, etc., très légères mais qui portent sur des sujets précis pour vider les sujets. Donc, on se donnait une journée de réflexion ou deux, parfois, plusieurs groupes de travail. Et donc, on construit une vision lentement mais sûrement. Ça a abouti, par exemple, sur un plan triennal d'action, pour ce qui concerne notre Table, où il y a un consensus sur les priorités de tout le monde là-dedans. Donc, on se dit: Construisons ça dans le temps, trois ans, mais avec toutes les incertitudes que ça comporte, parce que, quand on dit mettre en oeuvre un plan d'action, ça signifie qu'on travaille avec des personnes qui représentent des organismes qui, aujourd'hui, sont là, mais qui vivent dans la précarité. On n'est pas sûr que, dans un an, ils seront là, ou dans deux ans, ils seront là. Bon. On est toujours surpris de voir, trois ans plus tard, je ne sais pas, un organisme comme Pause-Famille ? je ferme la parenthèse ? continuer à exister avec des bénévoles qui, je ne sais pas, moi... Je ne sais pas comment ils font. On se pose toujours la question: Comment ils font pour continuer à exister et rendre des services importants à la population? Donc, on compose avec un milieu incertain mais on se donne quand même une vision sur la manière d'intervenir et sur les priorités à se donner comme plan d'action.

Je ne sais pas si j'ai répondu à ça. En partie, en tout cas, cela signifie que, localement, il serait important, par exemple, de soutenir des initiatives de réflexion sur des visions à long terme de développement des milieux de vie, d'une part, de soutenir aussi, évidemment, les ressources qui se mobilisent autour de ça pour enrayer ou pour tenter... ou pour contribuer à la résolution des problématiques qui se posent au milieu.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Mme Cohen, M. Achour, bienvenue. Vous disiez tantôt, M. Achour, que le quartier Ahuntsic a une réputation de quartier riche, ce qui fait que ça joue malheureusement, souvent, contre nous lorsqu'on est à la recherche de projets ou d'initiatives auprès des bailleurs de fonds, puisque cette réputation-là nous suit. Moi, ça fait une quinzaine d'années en tout et partout que je travaille dans Ahuntsic, et j'ai vu un grand changement, justement, l'arrivée de beaucoup de gens issus de l'immigration, ce qui fait que le quartier change.

Depuis plusieurs semaines que l'on reçoit des groupes et des individus qui viennent nous présenter des mémoires, on réfléchit tous ensemble à savoir comment on pourrait faire en sorte que les préjugés, les fameux préjugés qui existent face aux personnes vivant des situations de pauvreté, comment on pourrait faire en sorte que, du jour au lendemain, ces préjugés-là disparaissent ou que les gens aient vraiment la bonne évaluation de la situation, du pourquoi et du comment telle personne, justement, vit une situation de pauvreté.

Chez nous, on a vu que ça change, l'implication de plusieurs citoyens, justement, à la table de Solidarité Ahuntsic. On a peut-être aussi un petit peu de difficultés, je pense, avec, par exemple, les gens d'affaires du quartier qui n'osent pas trop dire, peut-être, qu'effectivement il y a de la pauvreté, même si eux personnellement la voient. Comment vous pensez, localement, qu'on pourrait organiser... Est-ce que ce serait une campagne de sensibilisation? C'est le terme qui est revenu souvent depuis les dernières semaines, à savoir: Qu'est-ce qu'on pourrait faire, chacun chez nous dans nos coins de pays et, évidemment, aussi nationalement? Auriez-vous des suggestions pour justement faire en sorte que ces préjugés-là, les préjugés que les gens ont, disparaissent ? certains vivent vraiment des situations précaires, ce pour quoi ils sont souvent dans des situations de pauvreté ? et qui pourraient faire en sorte que ça pourrait régler une partie du problème, je dirais?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste deux minutes, M. Achour, pour y répondre.

M. Achour (Azzedine): Moi, je pense qu'il y a deux niveaux d'intervention. Il y a bien sûr tout le travail de sensibilisation à faire, j'allais dire, au plan macro, c'est-à-dire des campagnes, etc., bien sûr. Mais je ne suis pas sûr que les grandes campagnes sont efficaces ou produisent des effets durables. Ça peut, peut-être, interpeller certaines personnes ou certains groupes pendant une petite période, mais, passé l'effet du tapage publicitaire, etc... Bon. C'est pour ça que j'avais abordé la question tout à l'heure en disant que, pour la question, par exemple, de l'intégration des immigrants, il ne faut pas se suffire juste des organismes d'accueil qui donnent des services de première ligne et puis qui organisent quelques sessions d'information.

Si on prend, par exemple, la question des préjugés face aux immigrants, c'est le travail de proximité, parce que les petits milieux de vie... Quand on prend ? je ne sais pas, moi ? le milieu de La Visitation, on sait qu'il y a des incompréhensions entre les communautés. Les Québécois catholiques et blancs qui sont là depuis quatre siècles, qui ont une école, qu'est-ce qui se passe lorsqu'ils se trouvent du jour au lendemain minoritaires dans une école et qu'ils n'ont pas été préparés à cela? Ils vont faire fuir leurs enfants pour aller dans d'autres écoles, mais la réalité les rattrape dans l'autre école et ainsi de suite. Il y a un désarroi à ce niveau-là. Alors, c'est pour ça qu'on développe un projet pour ça. On se dit donc que le travail de proximité est beaucoup plus simple à faire. C'est pour ça que je demande qu'il y ait des initiatives de ce genre-là qui soient soutenues, parce qu'elles ont un visage humain. Le travail contre les préjugés, ce n'est plus un discours, mais c'est une personne qu'on met en présence d'une autre personne qu'on rencontre quotidiennement dans une Maison de la famille ou dans une Maison du citoyen qu'on se donne. C'est un petit peu la maison de la visite qui va offrir ça comme autre alternative. C'est ce genre d'initiative localement qu'on peut faire et qui, par notre possibilité de le faire, parce que nous avons... Nous connaissons les personnes qui ont peur et qui ont des difficultés à se parler quand elles sont d'origines différentes.

n(16 h 20)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Achour et Mme Cohen. Il me fait plaisir de voir que vous participez à ce processus hautement démocratique et, effectivement, vous êtes certainement bienvenus à poser toutes les questions que vous voulez poser. Puis je pense que c'est très légitime aussi de les poser, parce que ce n'est pas évident que tout le monde suit nos débats, même ceux qui viennent présenter un mémoire, qui suivent tous nos débats pour savoir exactement où se loge tout le monde. Mais ça me permet peut-être de prendre l'opportunité de vous faire le portrait réel d'où est-ce qu'on se trouve, de part et d'autre. Parce que vous avez parlé du fait qu'on sait où le gouvernement loge avec le projet de loi n° 112. Vous étiez en manque d'informations, si j'ai bien compris, par rapport à notre position, et vous avez dit: Quant à l'autre parti, bien, ils sont absents. Moi, je ne répondrai pas pour eux autres.

Une voix: ...

M. Sirros: Pardon?

Une voix: ...

M. Sirros: Non, le règlement nous dit qu'on ne peut pas indiquer l'absence d'un député, mais d'un parti politique dans un enjeu majeur, je pense que c'est quelque chose qu'on peut souligner. Et d'ailleurs, je pense que c'est dans un contexte d'un choix que les gens vont exercer lors d'une prochaine élection, puis ils auront réellement un choix à faire. Mais le choix réel va se situer entre les deux partis que vous avez ici, parce que c'est les deux partis d'expérience, les deux partis qui ont la capacité de gouverner de façon réelle à partir des choix qui seront faits au moment de l'élection, et vous êtes tout à fait légitimés de demander où est-ce qu'on se trouve et où est-ce qu'on se situe chacun par rapport à un enjeu aussi majeur que celui-ci.

J'aimerais donc prendre l'opportunité que vous me donnez pour vous mettre au courant du fait, par exemple, qu'il y a deux ans nous avons proposé à l'Assemblée nationale... le Parti libéral du Québec a proposé à l'Assemblée nationale que le Québec se donne une loi basée sur les principes et les objectifs mis de l'avant par le Collectif pour lutter contre la pauvreté. Le gouvernement et les membres du Parti québécois n'ont pas voté pour cette motion, leur premier ministre, à l'époque, ayant rejeté du revers de la main l'idée d'une loi.

Par la suite, on a continué à insister sur des éléments de lutte à la pauvreté qu'on estime essentiels et qu'on maintient toujours comme étant essentiels et qu'on a réaffirmés à l'intérieur de toutes nos instances; par exemple, qu'il faudrait réinstaurer la gratuité des médicaments pour les personnes qui sont des assistés sociaux ou des personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti. On trouve que ce n'est pas parce qu'on adopte une loi sur l'assurance médicaments qui couvre des personnes qui n'ont pas été couvertes qu'il faut découvrir des personnes qui ont déjà été couvertes et qui se trouvent parmi les plus vulnérables de la société. On trouve inacceptable que le gouvernement impose des frais pour l'achat des médicaments de la part des assistés sociaux.

On trouve également inacceptable ? et on insiste là-dessus... Et d'ailleurs, sur le premier point, on a, à maintes reprises, essayé de faire bouger le gouvernement, et ils ont refusé jusqu'à aujourd'hui. Ils refusent constamment de couvrir cette question-là.

L'autre chose qu'on trouve inacceptable, c'est que, au niveau des prestations actuelles de l'aide sociale... Et vous travaillez avec des personnes pauvres, vous travaillez avec des personnes qui reçoivent des prestations d'aide sociale, qui sont sans contrainte à l'emploi, et vous savez qu'elles reçoivent 537 $ par mois, et donc vous savez que c'est impossible, en plus de ça, de leur demander d'assumer des coûts de leurs médicaments puis, en plus, de subir de possibles coupures, non pas juste pour le partage du logement, mais pour la non-participation à des mesures, etc. Et ce matin, on avait une démonstration éloquente de ce que ça veut dire, quand on nous demandait, un groupe nous demandait de remplir le budget de quelqu'un qui reçoit 537 $ par mois et quelqu'un qui reçoit 537 moins les coupures qui sont imposées.

Alors, nous, de notre côté, on a déjà pris position puis on s'est engagés à établir un barème minimal au niveau... minimalement, pour l'instant, là, au niveau des prestations actuelles, donc d'abolir toutes les autres coupures possibles, sauf pour les cas de fraude, au niveau du barème actuel. Sur ça aussi, le gouvernement refuse de nous suivre.

Par la suite, tout d'un coup, au mois de juin passé, avec un autre premier ministre désigné, celui-là, en constatant qu'ils sont en chute libre à gauche et à droite sur toutes ? et je dis bien à gauche et à droite ? ...sur les éléments de leur programme, ils arrivent avec l'idée d'une loi qui est déposée à la dernière minute. Et là on la regarde bien, la loi, puis, très franchement et très rapidement, je vais vous dire ce que j'ai dit dès le début des audiences: Oui, oui, on va l'appuyer, la loi, il n'y a pas de problème. Au contraire, on trouve qu'elle est inspirée de beaucoup de valeurs libérales, sauf celle que je vous mentionnais tantôt, parce qu'une autre libérale, c'est de joindre les mots à l'oeuvre, de non pas seulement parler, mais d'agir, et, quand on examine la loi pour laquelle on va voter pour, je dois vous dire qu'il y a très peu de gestes concrets qui sont mis dans la loi.

Alors, cela étant dit, moi, j'aimerais vous poser la question à ce moment-là, parce que je pense que j'ai répondu aux questions que vous avez par rapport à la position du parti sur la loi. J'ai supplémenté avec d'autres éléments quant à la position du parti, mais il n'y a pas de problème, au contraire, on va même proposer des bonifications à la loi. On va même proposer des bonifications à la loi puis on verra où se situera par la suite le gouvernement.

Mais, moi, la question que j'aimerais vous poser, c'est inspiré du mémoire qui a été présenté ce matin par, entre autres, la Table de concertation Action-Gardien de Pointe-Saint-Charles et le Groupe anti-pauvreté de Notre-Dame-de-Grâce. Et ils ont dit, ni plus ni moins, à peu près ce que je répète à chaque occasion que j'ai au gouvernement: «Si vous mettez de l'avant une loi et vous voulez qu'on vous prenne au sérieux, ajoutez-y des gestes concrets.» Le Groupe a proposé un barème plancher couvrant les besoins essentiels. Moi, je ne leur demande même pas de faire ça pour démontrer une bonne volonté.

Est-ce que vous ne trouveriez pas que ça rendrait beaucoup de crédibilité à la loi, si, en même temps qu'on adopte la loi unanimement à l'Assemblée nationale ? et j'imagine que l'autre parti va suivre ? on règle la question des prestations de l'assurance médicaments et on règle la question du minimum tout au moins au niveau des prestations actuelles?

Vous ne trouveriez pas que ces deux gestes concrets ajouteraient une crédibilité réelle aux paroles qui sont faciles à tenir quant à la lutte à la pauvreté? Et est-ce que ce n'est pas quelque chose que votre Table de concertation et d'autres tables de concertation et d'autres groupes qui oeuvrent dans cette démarche de lutte à la pauvreté qu'on veut accentuer... Vous ne trouvez pas que ce serait peut-être quelque chose que vous apprécieriez de la part de tous nos élus?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Achour.

M. Achour (Azzedine): Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas beaucoup de difficultés à répondre à cette question parce que, quand on a examiné tout le processus ? dans lequel d'ailleurs on a pris part modestement ? d'élaboration de la proposition du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, on a eu à aborder évidemment les gestes concrets à poser à court terme. Dans la proposition du Collectif, on se dit: Bien, il faut évidemment un plan d'action. Il faut bien distinguer le plan d'action à court terme du plan d'action à long terme dans la loi même.

On se demande... Bien sûr qu'il faut que tout soit articulé. Parce que ce qui me pose problème, personnellement, en vous entendant... Vous avez parlé bien sûr de la revendication du Parti libéral ? même si je ne fais pas généralement de politique, là, mais c'est parce que je vous parle ? sur la gratuité des médicaments, sur la question des prestations de l'aide sociale et des coupures qui sont décidées à défaut de participation à des mesures. Bref, à un certain nombre de mesures que vous avez revendiquées, on se dit: Bien, oui à ces mesures-là à condition, évidemment, qu'elles soient articulées dans une perspective, dans une stratégie.

C'est pour ça que nous soutenons le projet de loi d'ailleurs. On se dit: Bien, le projet de loi est là et les modifications qu'on voudrait apporter, c'est celles qui sont proposées par le Collectif qui, lui, intervient pour dire qu'il faudrait évidemment des... Il faudra qu'il y ait des gestes concrets qui soient posés pour ça, oui, bien sûr, d'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

n(16 h 30)n

M. Sirros: Et je trouve d'ailleurs que... Je n'ai pas voulu aller plus loin, je me suis limité à ces gestes concrets. Mais je ne veux pas vous laisser avec l'impression que c'est l'ensemble du programme parce que, au contraire, au contraire, dans le plan d'action qu'on a dévoilé le 12 septembre, un des volets, avec la santé et l'éducation qui reçoivent une attention très soutenue de la part d'un prochain gouvernement libéral, l'autre élément qui reçoit aussi une attention très soutenue avec des investissements substantiels qui y sont rattachés, c'est la notion de reformuler l'ensemble des programmes qui existent dans un programme qui vise à faire trois choses: de protéger les plus démunis par l'instauration de ces éléments que je vous mentionnais tantôt, et ils sont repris dans le plan d'action; d'aider, dans une démarche d'insertion vers le marché du travail, les personnes avec des problématiques particulières en instaurant des programmes individualisés et adaptés d'insertion à l'emploi; et de soutenir, une fois rendues au travail, par des programmes de supplément au revenu de travail pour que le travail demeure toujours plus motivant, plus payant, si vous voulez, qu'une démarche de non-participation. Donc, une démarche globale en trois étapes: protection, assistance, soutien, en couvrant également le filet de sécurité sociale, en remplissant les trous qui sont là, en les réparant finalement, parce que ce dont je vous ai parlé tantôt, c'était la réparation essentielle à des trous qui existent actuellement au filet de sécurité sociale.

Et je reviens à ma question: Est-ce que ça ne donnerait pas plus de crédibilité à la loi, minimalement, de régler la question du filet de sécurité sociale par le biais de ces deux éléments-là minimalement: l'assurance médicaments puis un minimum sur lequel on pourrait s'entendre à un moment donné?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous retenez votre réponse quelques instants, M. Achour, puisque j'ai une question de règlement de la part du député de Vachon.

M. Payne: C'est en vertu de l'article 213, Mme la Présidente, parce qu'il y avait beaucoup d'allusions, beaucoup d'insinuations depuis le début de la journée. Est-ce que le député de Laurier-Dorion peut nous informer qu'ils ont fait un engagement formel de la part de l'opposition officielle pour ce qui concerne le barème plancher?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors...

M. Sirros: Oui. Mme la Présidente, sur 213, d'ailleurs, je pense qu'en fonction de... Oui, je vais répondre à ça. Mais, en fonction de ce que nous avons, le 213 s'applique quand on aura terminé, mais j'étais dans un dialogue, si vous voulez, avec des invités. Alors, si vous voulez attendre que les gens terminent, il me fera plaisir de répondre au député.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vais laisser répondre... M. Achour, vous avez la parole pour compléter la question qui vous avait été posée par le député de Laurier-Dorion.

M. Achour (Azzedine): La question de M. le député est très fine. Est-ce que les mesures qui sont proposées vont apporter une crédibilité à une loi, plus de crédibilité, parce qu'il aura été décidé à l'unanimité de prendre ces mesures immédiatement? Je vous ramène juste à la proposition du Collectif que nous partageons sur les mesures urgentes qui doivent être prises et qui doivent être distinctes des actions à long terme. Vous ne pouvez pas me demander plus, je vis avec ce monde-là.

Mais, très brutalement, je vous le dis, c'est que tout ce qui va dans le sens de l'allégement des souffrances des personnes qui sont en situation appauvrie et que j'espère, en disant cela, «appauvrie» et pas «pauvre», c'est parce qu'on ne veut pas qu'elles restent dans cette situation définitivement. C'est qu'on se dit: Bien, il faut des gestes effectivement concrets, bien sûr, pour alléger leurs souffrances, mais on est conscient aussi que ces gestes-là ne sont pas suffisants du tout, que toute la crédibilité vient de la stratégie qui est annoncée dans ce projet de loi que nous soutenons.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Alors, en réponse au député de Vachon, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Mme la Présidente, pour l'information du député de Vachon qui essaie de jouer... en tout cas, je ne prête pas de motif, il a posé une question. La question, c'est: Est-ce qu'on a pris un engagement formel à établir un seuil minimal? La réponse est clairement oui. Et on a toujours dit, puis ça a été défendu publiquement partout, et je l'ai répété encore aujourd'hui... Si vous étiez ici, en tout cas, peut-être que vous l'avez manqué, je l'ai répété aujourd'hui devant le groupe qui était ici. L'engagement est le suivant: Nous nous sommes convenus qu'il faut qu'il y ait un minimum en bas duquel il n'y aura pas de coupures sauf pour les cas de fraudes...

Une voix: ...

M. Sirros: ...de coupures, des pénalités. Par exemple, à l'heure actuelle, il y a des pénalités que votre parti impose.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il ne faudrait pas entreprendre un débat. On répond à la question. Sinon vous envoyez le programme au député de Vachon, et ça va clore la discussion.

M. Sirros: D'accord, je vais envoyer le programme. Mais, pour qu'il soit au courant...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est parce que notre temps... Le temps qui est mis à notre disposition est terminé bien sûr. Alors, je vous demanderais d'échanger, peut-être d'échanger les programmes entre vous deux; peut-être que ça pourrait régler la situation.

Alors donc, aux invités qui sont venus nous rencontrer, M. Achour et Mme Cohen, au nom de tous les membres, je veux vous remercier pour votre participation à cette commission. Alors, j'ajourne les travaux à 9 h 30, demain le 14, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 16 h 36)


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