(Neuf heures trente-quatre minutes)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Cette commission parlementaire des affaires sociales est réunie aujourd'hui afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Labbé (Masson) par Mme Caron (Terrebonne); Mme Lespérance (Joliette) par Mme Grégoire (Berthier); et Mme Rochefort (Mercier) par Mme Mancuso (Viger).
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Je vous fais lecture de l'ordre du jour. À 9 h 30, nous rencontrerons le Comité régional des assistés sociaux de Lanaudière avec le Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain, c'est-à-dire, nous aurons une heure... suite à une entente avec les deux groupes, nous aurons une heure pour entendre chacun, c'est-à-dire les deux groupes en même temps; à 10 h 30, la Table des partenaires du développement social de Lanaudière et Table régionale des organismes communautaires de Lanaudière; suivies, à 11 h 30, de la Coalition contre l'appauvrissement de Rivière-du-Loup. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 15 pour les reprendre à 15 h 30 avec le Conseil régional de développement Lanaudière; à 16 h 15, le Mouvement ATD Quart Monde; à 17 heures, étudiantes et étudiants de 2e année en Techniques de travail social, cégep de l'Abitibi-Témiscamingue et Comité d'action contre la pauvreté de Rouyn-Noranda. Et nous ajournerons nos travaux à 18 heures. Alors donc, une journée bien remplie.
Auditions (suite)
Sans plus tarder, je cède la parole immédiatement... Je vous souhaite la bienvenue. En premier lieu, c'est le Comité régional des assistés sociaux de Lanaudière. Je comprends que, immédiatement lorsque nous aurons terminé cette demi-heure, vous serez remplacés par les représentants du Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain. Comme je ne suspendrai pas les travaux, je vous demanderais à ce moment-là de faire rapidement le transfert étant donné qu'on est un petit peu en retard dans le temps. Alors, je cède la parole à M. Denis Courtemanche, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Comité régional des assistés
sociaux de Lanaudière inc. (CRASL)
M. Courtemanche (Denis): Merci beaucoup. À ma gauche, c'est Evans Blanc, qui est un des bénévoles de notre organisme, et, à ma droite, c'est Luc Dugas, qui est aussi bénévole dans notre organisme. Nous sommes le Comité régional des assistés sociaux de Lanaudière, c'est un groupe de défense des droits des personnes assistées sociales. On a été fondé en 1976.
Compte tenu du temps qu'on a, d'une part on ne fera pas la lecture de notre mémoire. Je vais, par contre, vous lire les sept revendications que l'on a. Et on va, pendant notre présentation, porter votre attention sur la revendication n° 5.
Donc, la première revendication, c'est l'abolition immédiate des coupures de partage et de test de logement à l'aide sociale. L'aide sociale devrait prendre en compte les coûts réels d'un logement.
La deuxième revendication: un revenu de citoyenneté accordé à tous sans condition et qui sort les personnes de la pauvreté.
La revendication n° 3: la gratuité scolaire et l'accès aux soins de santé gratuits et universels doivent être rétablis de manière à éviter que les dépenses pour les médicaments viennent gruger le panier de provisions.
La revendication n° 4: que les exemptions de base à l'impôt soient révisées pour correspondre au seuil de faibles revenus tel qu'établi par Statistique Canada.
La revendication n° 5: que la loi n° 112 encadre l'ensemble de l'appareil gouvernemental pour mieux lutter contre la pauvreté et que, à cette fin, elle soit une loi-cadre, tel que le propose le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, de manière à ce qui est donné d'un côté ne soit pas enlevé de l'autre.
La revendication n° 6: l'État doit garantir à tous l'accès aux loisirs, la culture ainsi que le transport.
Et la revendication n° 7: l'État doit développer des moyens pour que les personnes vivant en milieu rural aient le même accès que celles vivant en milieu urbain pour ce qui concerne les soins de santé, l'éducation, la culture, les loisirs, etc.
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(9 h 40)
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Comme je l'ai dit, on va attirer plus votre attention sur la revendication n° 5. On aimerait souligner le caractère peu contraignant du projet de loi. L'article 59 du projet de loi mentionne: «La présente loi ne doit pas être interprétée de manière à étendre, restreindre ou modifier la portée d'une autre loi.» Nous craignons que cela fasse en sorte que cette loi ne soit une série de principes sans moyen pour les appliquer. On cherche encore la loi-cadre que propose le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté... Voyons... excusez-moi...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...
M. Courtemanche (Denis): Le titre du projet de loi, c'est Loi visant à lutter contre la pauvreté, alors que ce que le Collectif aurait souhaité, puis on le souhaite, nous aussi, c'est que ça vise plutôt à éliminer la pauvreté.
Je vais céder la parole à Evans Blanc qui va poursuivre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Courtemanche. M. Blanc, vous avez la parole.
M. Blanc (Evans): O.K. La question que je me posais hier soir, c'était: Comment, nous, on va faire pour combattre la pauvreté? Je me souviens, il y a quelques années, on parlait d'un Québec fier de ses enfants. On en a parlé pendant longtemps. Après, le bébé est devenu mort-né, on a cessé d'en parler. Après, on a parlé de la politique familiale qui visait à donner aux familles les moyens de s'en sortir. On en a parlé. C'était un autre bébé mort-né, on n'en entend plus parler. Aujourd'hui, on parle d'une loi contre la pauvreté.
On se demande quels sont les moyens que cette loi-là va nous donner pour nous permettre d'intervenir concrètement. Comme on dit, la loi ne sera pas une loi-cadre. Quand on sait que, alors, au cours des années, les parents reçoivent, disons, 90 $ au début de l'année pour son enfant qui, lui, est d'âge scolaire, et les parents dépensent presque 300 $, soit pour le transport que les parents dépensaient par an, et pour la garderie, les frais de garderie, etc., un tas de dépenses qui vient alourdir la responsabilité familiale sans que les moyens qui permettent aux enfants d'intervenir... leur permettent de faire face à cette musique-là.
Donc, c'est cela, c'est important... Quand on parle d'une loi, on dit: Bon, les gens doivent avoir un certain montant raisonnable reconnu qui... d'ailleurs, dans votre document, vous dites qu'une personne doit avoir aux alentours de 12 000 $ pour vivre décemment. Par contre, en regard de l'impôt, l'impôt ne reconnaît que 5 000 $ d'exemption, alors qu'il faut 12 000 $ pour vivre. Comment peut-on vivre avec 5 000 quand, d'un autre côté, on dit que c'est 12 000? On a l'impression que la main droite ne sait pas ce que fait la main gauche, quelque part. Ce qui est donné d'une main est enlevé de l'autre. Ce qui est important, c'est que la loi soit cohérente, c'est une loi que tout le monde souhaite, respecte, tous les ministères respectent. Et ça, il faut qu'on pose un pas. On dit: Quelles sont les conséquences que ce pas-là va avoir sur la vie des gens? Il faut que la personne soit d'abord... On parle de la personne d'abord. Quand on parle de l'assurance automobile, la personne d'abord. On a l'impression qu'on ne parle pas de la personne d'abord, c'est le système qui est d'abord, la structure qui est là avant tout.
Un autre exemple que je prendrais, regardez, une personne qui est accidentée du travail, le mari a un accident, le mari a un montant d'argent tant qu'il vit encore; aussitôt qu'il est mort, la femme n'a plus rien. C'est dire que c'est deux lois. Partout, on voit qu'il n'y a pas une loi d'avant, ce que son mari avait avant ou l'inverse. Dans le cas d'un accident de travail, aussitôt que le mari meurt, plus rien pour la femme, elle vit de l'aide sociale. C'est... Bien, on peut prendre des dizaines d'exemples où on fait une chose d'un côté et, de l'autre côté, on l'enlève.
Donc, une loi contre la pauvreté doit être cohérente: l'impôt doit en tenir compte, il faut que le niveau d'éducation en tienne compte aussi. Mais le parent qui est pauvre, qui a une culture de la pauvreté au cours des années, les enfants n'ont pas été à l'école pendant longtemps, il n'y a jamais eu de livres dans la bibliothèque, comment peut-on espérer que ces enfants-là aient des droits égaux à l'éducation, à la formation quand les parents sont dans la misère, pas seulement matérielle, psychologique? Donc, quand on parle de la misère... D'ailleurs, on parle de la pauvreté physique seulement,...la pauvreté, sa globalité, le droit aux loisirs, le droit aux détentes, le droit à avoir une vie... vivre une vie harmonieuse, c'est ça qu'on pense, et, dans cette loi-là, on ne voit pas. Si on n'arrive pas à répondre à cette question-là, on va avoir des voeux pieux qui ne donneront strictement rien par la suite.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il vous reste deux minutes. Monsieur, ça va? Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui... Non? Vous ne voulez pas intervenir. Alors donc, nous allons passer immédiatement à la période de questions. Je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Mme la ministre.
Mme Léger: Bonjour, messieurs. Merci d'être là pour présenter votre mémoire. Je salue les gens de Lanaudière. Je pense qu'on a beaucoup d'élus ici qui sont de Lanaudière, qui vont vouloir poser des questions.
D'abord, je voudrais rectifier deux éléments que vous avez apportés. D'abord, l'abolition du partage du logement, le test du logement, vous savez qu'on s'y est engagé en juin 2000. On a déjà aboli la moitié qui est le 50 $ du partage du logement, et la suite va se faire au 1er janvier qui viendra. Alors, ça, je pense, ça peut venir répondre à un des arguments que vous aviez au début.
Je voudrais rectifier aussi qu'on a une responsabilité au niveau du gouvernement du Québec sur nos programmes, nos politiques, mais on n'a pas le contrôle de tout, tout à fait, c'est-à-dire qu'on est toujours dans un système fédéral, et il y a des éléments que vous avez apportés, particulièrement sur l'assurance emploi, que nous n'avons pas tout le contrôle de l'assurance emploi ici, au Québec, et c'est une partie qui concerne particulièrement le fédéral. Mais, quoi qu'il en soit, vous nous l'avez noté, c'est ce qui est important aussi aujourd'hui, de pouvoir écouter ce que vous nous apportez puis de nous sensibiliser à tous ces effets-là.
J'ai une question peut-être un petit peu difficile. Je ne sais pas qui va avoir le goût de me répondre. On a eu beaucoup de mémoires, beaucoup de gens qui sont venus présenter ici, depuis plusieurs semaines, leurs réactions et leur appui particulièrement à notre projet de loi. Je vois que vous le saluez, le projet de loi que nous mettons sur place maintenant. Vous savez, il y a des gens qui sont venus nous dire, puis on l'a entendu par la suite, qu'il y a beaucoup de préjugés envers les assistés sociaux. Je pense que vous êtes... vous en avez entendu soit sur les lignes radiophoniques, dans des écrits, bon, de toutes formes. Et probablement dans votre quotidien aussi vous devez le vivre, des situations, des fois, pas nécessairement faciles et pas nécessairement confortables. Comment vous pensez que, nous, au gouvernement, et puis même l'ensemble de la société peut réussir à contrer ce genre de préjugés là envers les assistés sociaux?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Blanc, oui.
M. Blanc (Evans): Au départ, c'est que les préjugés... c'est un problème social, d'une part. Deuxièmement, il y a un côté institutionnel aussi. Quand la loi contribue à classer les gens... quand quelqu'un qui avait l'aide sociale toute sa vie a un problème, aussitôt qu'il arrive à avoir la pension de vieillesse, il n'y a plus de problème. Il a atteint le seuil de l'excellence parce qu'il y a tout un tas de lois qui font en sorte que l'assisté social... on leur fait des faveurs qui défavorisent l'assisté social. Ce n'est pas un droit que l'assisté social a, ce n'est pas une loi générale qui dit: Toute personne qui vit une situation temporaire a des droits. Là-dessus... C'est comme si c'était une faveur qu'on fait à l'assisté social. Et puis, on ne changera pas la mentalité en supprimant les changements institutionnels. Je ne demande pas une loi de faire les changements institutionnels pour changer la mentalité des gens. C'est une série de travail à faire, qu'on aura à faire dans le temps pour que notre société, qui se veut être démocratique, qui se veut juste, soit juste à tous les niveaux, pas seulement monétaire, juste en termes de relations, rapports qu'on a un avec l'autre. On ne pense pas qu'on va régler ça comme ça. C'est là le travail de toute une société, celui du gouvernement de faire en sorte que la loi parle de droits aux assistés sociaux et non de faveurs qu'on fait aux assistés sociaux. C'est pour les chômeurs aussi, c'est la même chose. Je ne peux donc pas répondre à cette question-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Dugas.
M. Dugas (Luc): Votre question dit: Comment le gouvernement peut faire sa part? C'est ça que j'ai compris?
Mme Léger: Pas nécessairement juste le gouvernement, là, parce que les préjugés sociaux, c'est toute la collectivité, là. Alors, comment, devant moi aujourd'hui, devant nous tous comme élus, comment vous pouvez nous sensibiliser à vouloir contrer ces préjugés-là? Est-ce que c'est par un gouvernement? Est-ce que c'est une... Bon, il y a des gens qui sont venus nous parler d'une campagne de sensibilisation à la lutte à la pauvreté, d'une part, mais aussi pour contrer des préjugés sociaux. Ça peut être de toutes formes, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Dugas.
M. Dugas (Luc): On touche une grande sensibilité quand on parle de ce domaine-là quand même. Mais je dirais, je m'attends... Comme on est ici dans ce beau salon, je dirais que je ne m'attends pas à exprimer des souhaits autres qu'à vous autres maintenant, dans ce sens que le gouvernement, quel qu'il soit, dans ses discours, l'exemple qu'on peut... parce qu'on parle des assistés sociaux, entre autres... Quand on parlait des programmes de création d'emplois, il y avait quelque part dans la littérature des textes, des lignes subliminales qui laissaient entendre que ceux qui n'utilisaient pas les programmes étaient peut-être des gens que... on va utiliser le langage qu'on a entendu souvent dans notre vie, qui avaient le cordon du coeur trop long. Alors, ça, dans ce sens-là, il y a aussi des propos qu'on peut tenir, pas d'une façon malveillante, mais qui peuvent prêter à intention, au même titre que j'entendais un de vos collègues dernièrement qui laissait entendre que notre système de santé était causé, entre autres, par le vieillissement de la population. Moi, je travaille, entre autres, aussi dans ma vie avec des personnes âgées qui me disent, qui me renvoient... parce qu'elles sont aussi une catégorie de personnes qui vivent la pauvreté, qui me disent: Coudon, la science a fait avancer notre vie, puis on nous reproche maintenant d'être trop vieux, parce qu'on coûte trop cher. Dans ce sens-là, le préjugé, il est sournois puis il nous guette, tout le monde. Mais je pourrais, puis on n'a pas le temps pour ça, là, mais on pourrait regarder toutes les littératures, puis sur une base littéraire, comment des textes de publicité portent à confusion et subtilement...
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(9 h 50)
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Je me rappelle toujours quand, bien avant vous autres, quand on avait enlevé des médicaments sur la liste des médicaments pour les assistés sociaux, on avait fait sortir que certains médicaments comme le shampoing étaient admissibles, était un médicament admissible. Évidemment, dans le pamphlet, on ne disait pas quelle sorte de shampoing c'était. Mais les gens avaient retenu que les assistés sociaux utilisaient des shampoings pour se laver les cheveux, et là on est parti avec des préjugés avec ça. Pourtant, si on avait dit que c'était un shampoing spécial pour les maladies de peau spéciales, etc., mais on ne l'a pas dit. Dans la publicité, on disait «shampoing» seulement. Le lendemain ? moi, je travaillais dans ce domaine à ce moment-là ? bien, on entendait dire que les assistés sociaux, ça n'a pas de bon sens, ils utilisent le shampoing pour se laver les cheveux. C'est pour ça que je vous dis que c'est toujours quelque chose de très délicat, et les mots prennent des proportions assez spéciales. Puis, ça, je vous le dis, c'est une affaire qui date de loin, mais ça nous guette tout le temps. Puis dans quelle mesure le message contient officiellement, dans les pamphlets publicitaires, dans vos messages publicitaires... ne porte pas à confusion et ne crée pas des choses qui vont à l'encontre de ce qu'on voudrait atteindre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste deux minutes... Oui, vous voulez ajouter quelque chose, M. Blanc.
M. Blanc (Evans): O.K. Moi, je vais faire une correction. Quand je parlais tout à l'heure de l'accidenté du travail, je ne parlais pas du fédéral. Je parlais de la province. C'est une loi de la province sur les accidentés du travail qui fait en sorte qu'un accidenté du travail qui ne peut pas travailler ou qui peut travailler, O.K... aussitôt qu'il est mort, sa femme n'a plus rien. Je ne parlais pas du fédéral. Je voulais faire la correction.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste une minute et demie, Mme la ministre.
Mme Léger: Alors, je vais laisser à un de mes collègues qui veut prendre la parole...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, le temps d'un commentaire, parce que je vais être obligée vraiment, dépendamment de la réponse, là... je vous suggérerais un commentaire, parce que, étant donné qu'on a deux groupes, là... Alors, ça va? Oui. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue dans ce beau salon, comme vous l'appelez, où, effectivement, on a l'opportunité d'entendre et de discuter. Je constate, en lisant votre mémoire, qu'il y a un certain cynisme qui s'installe face au processus démocratique, face aux élus, face à tout ça. Laissez-moi vous assurer qu'on a presque tous entendu les groupes et on entendra presque tous les groupes qui nous ont soumis des mémoires. Je pense qu'on a eu quelque chose comme 160 mémoires puis on va en entendre quelque chose comme 140, à la fin du processus. Donc, j'ai relevé dans votre mémoire le fait que vous doutiez que... qu'on va choisir mais juste ceux qui font notre affaire. D'abord, on n'a pas toujours les mêmes affaires, donc, de part et d'autre. On a un certain équilibre qu'il faut chercher, parce que, bon, nous, on a des points de vue différents de ceux du gouvernement sur certaines choses et, sur d'autres choses, on voit les choses de la même façon.
Mais, ça étant dit, vous êtes un regroupement de personnes qui travaillent... c'est le Comité régional des assistés sociaux de Lanaudière. Donc, soit vous travaillez avec des personnes assistées sociales, soit vous l'êtes vous-mêmes, mais vous êtes en contact direct avec la réalité que vivent ces personnes-là. Moi, j'aimerais qu'on discute un petit peu sur la nature même du programme d'aide sociale. D'ailleurs, on l'appelle toujours «aide sociale» même si, techniquement, on a changé le nom pour l'appeler «assistance-emploi». Mais je pense que, dans l'imaginaire et dans sa conception, c'est toujours un programme d'aide sociale qu'elle est par rapport surtout aux personnes qui sont sans contraintes à l'emploi.
Vous mentionnez aussi dans votre mémoire, vous touchez cette question de l'emploi et vous dites: Nos élus nous disent toujours que c'est plus payant de travailler que... c'est mieux de travailler que de rester sur l'aide sociale. Et vous dites: Mais il faut cependant apporter quelques bémols. Et vous faites une démonstration, et je pense que c'est à la page 6 de votre mémoire, vous faites quelques commentaires sur le fait que, des fois, ce n'est pas si évident que ça, que faire l'effort de travailler est vraiment payant, entre guillemets, soit sur le plan psychologique et peut-être sur le plan financier.
Moi, j'aimerais vous entendre sur cet aspect du programme. Est-ce que l'aide sociale ou l'assistance-emploi, ce n'est pas un programme qui doit être temporaire pour permettre aux gens de trouver une façon de s'en sortir et quelles sont les choses qu'on peut faire pour aider les gens mieux à s'en sortir? Une des choses qui nous viennent à l'esprit, par exemple, c'est de s'assurer que c'est toujours beaucoup plus payant de travailler que de ne pas travailler, non pas en nivelant vers le bas, mais en soutenant et en récompensant les efforts de travail. J'aimerais vous entendre un peu sur ça par rapport à la réalité des personnes. Je ne peux pas croire que les gens réclament le droit à recevoir des prestations qui vont faire en sorte qu'ils n'auront pas besoin de faire leurs propres efforts. Je pense que les gens cherchent de façon instinctive et automatique à se prendre en main, à chercher leur propre autonomie, et j'aimerais vous entendre un peu sur ça, quand ils ont la possibilité de le faire, d'ailleurs.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Courtemanche.
M. Courtemanche (Denis): Oui. Il y a deux choses. La première, il est bien évident que les personnes ne choisissent pas de se retrouver à l'aide sociale, et puis, d'ailleurs, l'expression «on tombe sur l'aide sociale», c'est couramment utilisé parmi les personnes qui sont à l'aide sociale. Quand on se retrouve sur l'aide sociale, on se retrouve dans une situation où à la fois on a une pauvreté économique qui est assez évidente, mais, en plus, on a l'ensemble des préjugés, O.K.? Donc, il n'y a personne qui souhaite se retrouver à l'aide sociale. O.K.? Bon.
D'autre part, dans différents programmes gouvernementaux, puis je pense en particulier à l'assurance médicaments, O.K.? les personnes se retrouvent dans une situation où, si elles sortent de l'aide sociale, elles ont des coûts supplémentaires, O.K.? Pour les personnes assistées sociales qui n'ont pas de contraintes sévères, c'est 16,66, le maximum à payer à chaque mois. Quand la personne sort de l'aide sociale, si ma mémoire est bonne, elle se retrouve à 82 et quelque chose à payer comme maximum à chaque mois. Vous parlez que le travail est plus payant? Là, on a un exemple où c'est tout à fait le contraire.
D'autre part, la personne qui sort de l'aide sociale, elle perd automatiquement les droits à l'ensemble des prestations spéciales de l'aide sociale: les lunettes, les dentiers, etc., O.K.? Donc, la personne, elle a à assumer ces coûts-là quand elle est sortie de l'aide sociale. Vous parlez que l'emploi est plus payant? Voilà un autre exemple que ce n'est pas le cas.
Quand la personne travaille, elle a aussi des frais inhérents au fait d'occuper un emploi qu'elle n'aurait pas, évidemment, si elle n'occupait pas d'emploi, ne serait-ce que des frais de transport, admettons, ou des frais de vêtements qu'elle n'aurait pas si elle n'occupait pas cet emploi-là, O.K.?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps d'un commentaire, M. le député de Laurier-Dorion, parce que je devrai céder la parole.
M. Sirros: Peut-être... Le temps d'un commentaire. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais un des aspects de notre programme qu'on propose, c'est justement, pour faire face à ça, d'avoir un programme de soutien des revenus de travail pour justement permettre à ce que les personnes gardent une plus grande partie de leurs revenus pour justement faire en sorte que c'est toujours plus payant de travailler. Donc, si je comprends bien, c'est ce que vous réclamez un peu, vous réclamez la possibilité, par exemple, d'avoir une graduation par rapport à ce qui est récupéré par l'État quand on travaille pour que, quand on additionne tous ces éléments-là, la personne n'arrive pas à la conclusion que: Ça me donne quoi de faire tous ces efforts-là? Alors, c'est juste le temps d'un commentaire, mais j'ai l'impression que vous aurez l'occasion de répondre suite à des questions de d'autres collègues.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vais céder la parole à la députée de Berthier.
Mme Grégoire: Merci beaucoup d'être là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez deux minutes et demie...
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(10 heures)
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Mme Grégoire: Oui, oui, je me dépêche, mais je veux quand même être polie.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Grégoire: Alors, ça me fait beaucoup plaisir de vous accueillir, comme mes collègues, puis je vais continuer dans le même ordre d'idées, effectivement. Vous proposez un revenu de citoyenneté. Nous, ma formation politique, c'est le moyen qu'on a vu comme étant la possibilité de permettre de justement valoriser le travail, de valoriser l'intégration. Vous parlez de, je pense que c'est 12 000 $ de seuil d'imposition. Vous parlez d'un revenu de citoyenneté. Cependant, dans un partage de responsabilités entre l'État, la communauté ? vous en faites partie, hein, vous êtes des gens engagés ? et le citoyen, comment vous pouvez voir l'engagement du citoyen dans une démarche de revenu de citoyenneté ou de revenu minimum du citoyen?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Qui veut répondre à cette question? M. Blanc.
M. Blanc (Evans): En tant que citoyen, on est individuellement responsable de la bonne marche dans cette société. Moi, je pars gagnant parce que j'ai toujours bénéficié d'un ensemble d'avantages, en termes de travail... J'ai eu des avantages que beaucoup de personnes n'ont pas. Mais, avant de parler de la responsabilité de l'enfant... il faut parler de la responsabilité de l'enfant, il faut parler de la responsabilité du père aussi, des parents aussi, c'est-à-dire que l'État a une responsabilité jusqu'à un certain point. O.K. L'État ne peut pas tout faire, on a une part à faire. Mais il y a un minimum. On parle du minimum qu'il faut que nos gens qu'ils fassent. Et ce minimum-là, ce n'est pas deux mille piastres. C'est ça qu'on dit. Quand on dit à quelqu'un, on lui donne 500 $ par mois, quand le loyer coûte quatre cents piastres, pour prendre un exemple... L'autre personne est responsable, il faut les moyens pour s'en sortir aussi. Il faut avoir une loi globale. Comme M. Sirros semblait le dire tout à l'heure, si la loi part, elle, d'un côté et ne tient pas compte de notre situation, il y a un problème. On a une responsabilité. On va déterminer cette responsabilité... C'est par un dialogue collectif qu'on va déterminer cette responsabilité-là. Nous, on s'en aperçoit. On vit une crise d'espoir. O.K.? Ce renouveau d'espoir dans la communauté, ensemble on va parler de quelle société qu'on veut, comment on va faire, mais il faut qu'on sente que l'État soit encore... l'État n'est plus responsable de rien. Si l'État n'est pas responsable de rien ? c'est une impression, je n'ai pas dit que l'État n'était pas... si l'État n'est pas responsable, un enfant qui est dans un milieu où le père... il y a de la violence dans la famille, comment l'enfant peut-il grandir sans être violent lui-même? Il faut qu'on ait une part de responsabilité collective. On a à faire notre part, l'État doit faire sa part aussi. Comment on va faire le dialogue? Il faut qu'il y ait un dialogue au-delà de ce qu'on dit ici, continuer à se parler entre nous pour le bien commun.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, malheureusement, le temps est écoulé. Il me reste, au nom de tous les membres, à vous remercier, MM. Courtemanche, Dugas et Blanc. Et je demanderais immédiatement aux représentants et représentantes du Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, très rapidement étant donné qu'on est déjà un peu en retard.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentantes et représentants du Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain. Comme vous le savez, nous avons une demi-heure. Alors, je cède la parole à Mme Lorraine Roy. Mme Roy, vous nous présentez les personnes qui vous accompagnent et vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Regroupement des assistés sociaux
du Joliette métropolitain (RASJM)
Mme Roy (Lorraine): Merci. Alors, je me présente. Mon nom est Lorraine Roy. Je suis intervenante au Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain, qu'on appelle aussi le RASJM, et je suis également formatrice en alphabétisation à ce même groupe. Je suis accompagnée, à ma gauche, de M. Raymond Ouellet, qui vient témoigner de son expérience en tant que personne tombée sur l'assistance sociale. Je suis également accompagnée de Mme Line Leblanc, à ma droite, qui est adjointe à la coordination au RASJM et impliquée aussi en défense des droits. Je suis aussi accompagnée, à ma gauche, à l'extrême gauche, de Mme Louise Breton, qui est une militante bénévole dans notre organisme.
Je ferai d'abord une brève présentation de notre organisme et de nos demandes et, ensuite, je vais céder la parole à M. Raymond Ouellet pour son témoignage. Je vais reprendre ensuite la parole pour conclure avant la période d'échange et de questions.
Alors, mesdames, messieurs, le Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain, qui existe depuis 1973, est le porte-parole des personnes à faibles revenus et des personnes analphabètes de la MRC de Joliette. Tout en répondant toutefois à des demandes d'information et d'aide qui nous proviennent de tous les coins de la région de Lanaudière, le RASJM travaille à l'amélioration des conditions socioéconomiques des personnes par le biais de l'information, de la défense collective et individuelle de leurs droits et par le biais aussi d'ateliers d'alphabétisation. Notre groupe est un lieu d'implication, de prise de parole, d'éducation, de formation qui encourage les personnes à s'exprimer, à prendre la parole, à participer aux décisions, à mener des actions et à participer aux activités qui s'y déroulent. Notre intervention repose pour une bonne part sur des principes pédagogiques du faire, faire avec et faire-faire, lesquels font appel à l'implication, la responsabilisation et l'autonomie. L'accueil inconditionnel des personnes et le respect de leur dignité sont au coeur de la réflexion des interventions et des actions qui sont menées au RASJM.
Nous voulons maintenant attirer votre attention sur les demandes que nous avons formulées en lien avec certains aspects du mémoire que nous avons présenté, demandes qui nous apparaissaient fondamentales dans le contexte du projet de loi n° 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Ainsi, nous demandons au gouvernement que les personnes appauvries soient entendues et présentes dans les différentes instances que le projet de loi prévoit mettre en place.
Nous voulons aussi que le gouvernement soit sensible aux besoins des personnes en matière d'emploi et y réponde davantage en pondérant les prérequis sur le plan académique et en reconnaissant aussi les compétences acquises ou développées tout au long de la vie.
En lien maintenant avec le slogan que nous avons au RASJM, soit Contraintes sévères ou temporaires, c'est pas l'affaire des fonctionnaires, nous souhaiterions que le gouvernement donne une directive aux fonctionnaires du ministère de la Solidarité sociale à l'effet de respecter les diagnostics des médecins et des psychiatres.
En matière de fiscalité, nous demandons que le gouvernement instaure des mesures qui soient à l'avantage du cinquième des personnes les plus pauvres.
En matière de logement, qu'il fasse en sorte que les personnes appauvries aient davantage accès au logement social, quand on considère que beaucoup de travailleurs à faibles revenus ou de personnes assistées sociales affectent de 50 à 70 % de leur revenu mensuel au logement, ce qui en laisse très peu pour les besoins essentiels.
En matière d'éducation, nous demandons que le gouvernement apporte un soutien financier important et accru aux groupes populaires en alphabétisation et donne aux personnes le droit de s'alphabétiser et d'accéder au savoir pour d'autres motifs tout aussi essentiels que celui de l'emploi.
En santé, on voudrait que cela demeure un droit et un service accessible aux personnes appauvries.
Que, aussi, dans un objectif d'éducation et de changement des mentalités, le gouvernement soit le promoteur d'une campagne d'éducation à l'échelle nationale avec des publicités sociétales visant à contrer les préjugés et à changer le regard que l'on porte à l'heure actuelle sur les personnes appauvries.
Je vais maintenant céder la parole à M. Raymond Ouellet pour son témoignage.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste quatre minutes, M. Ouellet.
M. Ouellet (Raymond): Quatre minutes, O.K. Bien, disons que ça peut paraître un peu bizarre, mais ça va faire peut-être l'occasion, comme madame disait tantôt, le moyen peut-être de changer la perspective que les gens ont du bonheur social. Bien, malheureusement, j'en suis un aujourd'hui. Puis là, bien, on m'a demandé... Je voudrais remercier M. Patenaude, du Rassemblement des assistés sociaux du Joliette métropolitain, qui m'a demandé, au début, de faire un travail pour joindre au mémoire. Ça n'a peut-être pas donné tout à fait ce qu'il voulait, en tout cas ça a fini sous forme de témoignage. Puis, dernièrement, il m'a demandé si je voulais venir témoigner ici. Bien, disons que je le fais avec coeur, puis je le fais surtout au nom de... en mon nom personnel, c'est une histoire personnelle que je vais vous conter, mais je suis convaincu qu'il y a beaucoup de gens à qui ça arrive, particulièrement dans mon groupe d'âge. Disons que c'est surtout ceux-là que je vise. Puis, en général, je vise les sans-voix, c'est-à-dire les gens qui, quand ils arrivent au comptoir, que ce soit à l'assurance chômage ou à l'assurance sociale... à l'assistance sociale, bien, la première chose qu'on leur demande, on ne leur demande pas leur nom, on leur demande leur numéro de dossier. Après, on demande leur nom pour vérifier si c'est le bon dossier. Ça fait que je voudrais parler au nom de toutes ces personnes-là.
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(10 h 10)
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Disons qu'au cours de ma vie... quand même, j'ai eu une bonne vie en général. J'ai travaillé pendant 27 ans à titre de technicien en génie civil pour différentes firmes dont, entre autres, la dernière, pendant 22 ans. Et puis, ça, ça a rapporté quand même un bon salaire. Disons, à la fin, je gagnais 21 $ de l'heure, 840 $, ça faisait 43 000, plus, disons, un peu de temps supplémentaire à l'occasion, ça donnait autour de 47 000, mettons. J'ai fait du bon temps, je l'avoue.
Puis, comme par hasard, au cours de la 22e année, bien, j'ai été remercié, puis ça a adonné que le remerciement... c'est-à-dire que la lettre est arrivée avant pour respecter les huit semaines officielles du Code du travail, si on peut dire, mais ça se terminait exactement la journée pile de mon 50e anniversaire, pas à 49 ans et 10 mois, pas à 51 ans et trois mois. Ça fait que, disons que ça, même si ça fait du temps, demandez-moi pas de l'oublier, surtout quand on dit qu'une compagnie inc., dans le code de loi, on appelle ça une personne morale. Je ne sais pas qui c'est qui a inventé ça, mais, de ma part, là, on devrait plutôt appeler ça une personne amorale puis quand ce n'est pas, des fois, des personnes immorales. Ça fait que je voudrais revoir... MM. les avocats, là, essayez de rajuster parce qu'on n'a pas le même dictionnaire. Quand on appelle une compagnie inc. une personne morale puis que ça agit de même, puis ça, c'est juste un exemple de ma part... regardez tout ce qui se passe autour puis, franchement, disons, permettez-moi d'avoir des restrictions.
Puis, en plus, cette journée-là, on a même eu le culot, disons le «politically correct» à la mode, de m'offrir une carte de joyeux anniversaire, signée par le président de la compagnie. C'est-à-dire que j'avais dans ma poche, ici, ma lettre de remerciements que je finissais la journée de mon cinquantième pile et on m'offrait une carte de bonne fête, puis ma fête, c'est deux jours avant Noël. Excellent. Ça fait que demandez-moi pas d'oublier ça dans ma vie, c'est marqué au fer rouge. O.K.
Après ça, disons que, comme par hasard, 11 mois plus tard... entre-temps, j'ai fait un peu de travail autonome ? on va en parler un petit peu après ? puis, 11 mois plus tard, comme par hasard, mon épouse, après 27 ans... 26, presque 27 ans de mariage, elle a décidé qu'elle ne m'aimait plus. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Je ne peux pas l'obliger, hein. Je ne peux pas la tordre par le cou: Aïe! aime-moi. Par hasard, elle ne m'aimait plus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste une minute. Je ne sais pas si...
M. Ouellet (Raymond): Il reste une minute! Oh, madame! Sacrifice! Bien, on va parler d'abord des clubs... Non, on va parler du bonheur social. En passant, avant de l'oublier, là, il y a quelqu'un d'un organisme patronal dernièrement qui a dit ici, je pense, en tout cas, moi, je l'ai entendu aux nouvelles, qu'il était en faveur du cinq ans maximum de bonheur social. Bien, moi, madame, je suis sur le bonheur social puis je voudrais que tout le monde l'entende ici, là, je suis 100 % d'accord avec cette proposition-là. Il y a juste une condition, à condition que tous les patrons du Québec, y compris tous les niveaux de gouvernement, soient capables d'offrir des jobs de cinq ans à un salaire raisonnable, pas des jobs yoyo comme je vois là, sur Emploi-Québec, là, à 7 $ de l'heure pour six mois, 35 heures-semaine, ce qui fait le 910 heures pour, là, transférer de la colonne statistiques bonheur social à statistiques travailleur. Puis là, au bout du six mois, bien, là, on renvoie puis on recommence, à 7 $ de l'heure. Puis on a le culot, madame, de demander des diplômes universitaires. Ça fait que, moi, là, ça, je n'appelle pas ça du travail communautaire, de l'économie sociale, j'appelle ça de l'hypocrisie sociale. C'est juste du transfert de statistiques. Ça fait que, moi, j'aimerais au moins que, si mon témoignage peut servir aujourd'hui, vous alliez voir qu'est-ce qu'il y a en arrière d'une statistique; il y a du monde comme moi, puis je sûr que je ne dois pas être le seul.
L'autre affaire que je voudrais toucher rapidement, c'est la question des drogues avec le bonheur social. Honnêtement, c'est pas mal difficile, je pense, de vivre avec 600 $ par mois. Mais là on a un système, madame, qui fait que... Je vais aborder ça sous deux façons... Bon, l'aspect financier. On n'est pas prêt à me donner plus, mais on est prêt, le même système est prêt à payer un fonctionnaire, qu'on appelle un psy, hein, à 50 $ de l'heure peut-être, pour que j'aille lui raconter pourquoi que je n'ai pas le goût de vivre... de sous-vivre dans ce système. Puis, lui, la solution qu'il a pour balancer mon budget: Voilà, tiens, monsieur, pas compliqué, voilà ? comment est-ce qu'il appelle ça, là? ? une prescription, des petites pilules ? bleues, blanches ou rouges, de la couleur que vous voulez ? puis avec ça, ça va balancer votre budget. Bien, madame, là, je ne sais pas, moi, j'en ai apporté de ces petites pilules là ? disons que ce n'est pas vrai, mais en tout cas ? au Métro ou ailleurs, puis il n'y a personne qui les a prises pour balancer mon budget. Je ne sais pas si nos gouvernements pendant 30 ans, c'était ça qu'ils trouvaient pour balancer le budget, de prendre des petites pilules. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça, puis je ne sais pas si c'est une nouvelle loi économique, mais checkez-la parce qu'elle ne fonctionne pas.
L'autre point, sur la question des drogues...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en conclusion.
M. Ouellet (Raymond): ...c'est qu'on vous dit qu'on est une société qui combat les drogues. J'ai lu un papier où on parlait qu'au Canada, en l'an 2000, on a dépensé 500 millions pour combattre la drogue. Bien, moi, je voudrais, à un moment donné, qu'on se parle entre quat'z'yeux, hein. Qu'est-ce qu'on fait? On gave nos enfants de Ritalin dans les écoles. Le bonheur social puis les aînés: Casse-toi pas la tête, pas de problème; les aînés dans les centres d'accueil, on n'a pas le temps, on n'a pas d'argent pour s'en occuper, on les bourre de Valium ? pareil comme on veut me faire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, M. Ouellet.
M. Ouellet (Raymond): Puis, après ça, bien, on vient nous dire qu'on est contre les drogues. Quand c'est des drogues légales, financées, payées par le gouvernement, c'est correct. Mais, si nos jeunes de 20 ans fument du pot, on est prêt à les mettre en prison. Bien, à un moment donné, il faudrait quand même être logique. Moi, des Valium et compagnie, c'est de la drogue pour moi. La seule différence, il y en a une qui est légale, puis le pot, il n'est pas légal. Dans le fond, je pense que le pot est peut-être bien moins pire que vos Valium que vous voulez nous faire avaler pour nous faire avaler le système qui n'est pas acceptable.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Ouellet, je m'excuse d'avoir à interrompre votre témoignage, mais je vous rappelle cependant que, étant donné qu'il est annexé au mémoire, les membres en ont pris connaissance ou en prendront connaissance pour ceux et celles qui ne l'ont pas fait actuellement. Alors, je veux vous remercier et remercier également Mme Roy, et, sans plus tarder, je laisse la parole à la ministre.
Mme Léger: Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Merci d'être ici pour venir présenter votre mémoire d'une part. Merci, M. Ouellet, d'être venu nous donner votre témoignage. Je pense que vous auriez encore eu beaucoup de choses à nous dire aujourd'hui.
M. Ouellet (Raymond): ...
Mme Léger: Oui. Vous dites: Qu'on se parle entre quat'z'yeux. Je pense qu'on se parle entre plus que quat'z'yeux, puis je pense que, tout le monde, ici, on vous a bien écouté.
Je vais laisser la parole à ma collègue de Lanaudière, parce que vous êtes un regroupement de Lanaudière, et la députée de Terrebonne, secrétaire d'État à la Condition féminine, aurait quelques questions à vous poser.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron (Terrebonne): Merci, Mme la Présidente. Alors, merci infiniment d'être venus parmi nous et soyez assurés que votre mémoire en entier et votre témoignage, nous les avons et nous allons effectivement les utiliser dans le travail que nous allons poursuivre.
Au niveau de votre mémoire, vous avez présenté énormément de propositions. Il y a aussi beaucoup de propositions qui peuvent venir du témoignage. Je voudrais revenir sur deux aspects. Du côté de l'importance, et je pense que vous le démontrez ce matin, d'avoir une représentation au niveau des différentes instances des personnes qui vivent elles-mêmes des situations de pauvreté. Alors, est-ce que la proposition qui est à l'effet d'accorder des sièges aux représentantes des personnes en situation de difficultés au sein de l'Observatoire et du Comité consultatif, est-ce que c'est une proposition avec laquelle vous seriez en accord?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roy.
Mme Roy (Lorraine): Oui, je veux dire, on serait en accord avec ça, mais on spécifie vraiment à toutes les instances, et surtout le fait qu'elles soient entendues aussi, parce que, pour nous, c'est comme deux choses. On veut vraiment qu'elles participent à toutes les instances mais qu'elles soient entendues aussi.
Mme Caron (Terrebonne): Merci. Une autre question. Dans les principales recommandations, vous y êtes revenue tantôt, vous avez parlé, dans la section 2.1 de vos recommandations, de toute la question du soutien en matière d'emploi et d'assistance, et vous avez précisé qu'il fallait procéder de façon plus judicieuse en matière de contraintes sévères et temporaires à l'emploi ? vous avez même donné votre slogan tantôt ? et vous avez fait référence à ce moment-là au respect des diagnostics. Est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous croyez qui seraient importants dans votre demande d'être plus judicieux au niveau des contraintes sévères? Est-ce qu'il y a d'autres éléments qu'il faudrait tenir compte outre la question du respect des diagnostics?
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(10 h 20)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roy.
Mme Roy (Lorraine): Mme Leblanc va répondre à cette question.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, parfait. Mme Leblanc.
Mme Leblanc (Line): Je pense que c'est l'aspect le plus important, parce que c'est un diagnostic qui est donné par le médecin, et on peut juger qu'il a sûrement une certaine valeur. Et, quand une personne arrive, comme ça nous est arrivé cette semaine, la personne nous dit: Je sors de chez mon médecin, et le médecin m'a dit que je dois arrêter pendant neuf mois, et que là, quand elle arrive à son agent d'aide sociale, c'est coupé à trois mois, là on se dit: Il y a quelque chose qui ne marche pas. Ça a un impact très grand, c'est comme si le pouvoir de décision était maintenant dans les mains des agents. Alors, là, c'est important que... c'est pour ça qu'on dit que les contraintes... Quand c'est le médecin qui les donne, est-ce que ça a une valeur ou est-ce que ça n'en a pas, là? Il faudrait s'entendre là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Madame.
Mme Caron (Terrebonne): Oui, Mme la Présidente. Est-ce, à votre connaissance, fréquent? Parce que, pour faire du bureau de comté comme députée depuis 13 ans puis attachée politique avant durant huit ans et demi, j'avoue qu'au niveau du respect des diagnostics je n'ai vraiment pas vu ça souvent qu'on ne respectait pas un diagnostic de médecin. Au contraire, on disait aux gens: C'est important, il faut que vous ayez votre diagnostic de médecin. Évidemment, si une agente décidait de changer le temps du diagnostic, je pense que... en tout cas, c'est facile, avec votre soutien ou le soutien du bureau du député, de faire la correction, parce qu'on n'a pas le droit ? en tout cas, je pense ? comme personne de modifier un diagnostic, vous avez tout à fait, parfaitement raison. Mais est-ce que c'est fréquent pour les gens que vous rencontrez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Leblanc.
Mme Leblanc (Line): C'est sûrement assez fréquent pour que ça en soit devenu un slogan et puis qu'avec d'autres groupes du Front commun c'est quelque chose qui est discuté. Ça veut dire que ce n'est pas juste chez nous, il y en a un peu partout dans les groupes, assez pour que ce soit apporté en congrès du Front commun et que ce soit discuté. C'est un problème qu'on retrouve un peu partout et c'est sûr que ce serait intéressant et même très important de regarder ça.
Mme Caron (Terrebonne): Je vous remercie infiniment. C'est effectivement un élément extrêmement important.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, il reste trois minutes.
Mme Caron (Terrebonne): Trois minutes? Ah bon! Parfait.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est-à-dire deux minutes.
Mme Caron (Terrebonne): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais venir aussi du côté de «autres recommandations» que vous avez. Vous trouvez important de pouvoir encourager ? puis c'est vrai que c'est ça qui est très important ? d'une manière bien concrète les projets, les initiatives qui viennent des personnes qui vivent des situations de pauvreté. À cet égard-là, pour soutenir ces initiatives-là, comment vous voyez le fonds? Parce que, dans le projet de loi, on parle qu'il va y avoir un fonds pour lutter contre la pauvreté qui va être différent de celui qu'on connaît, qui se termine au mois de mars. Vous le verriez comment? Est-ce qu'on doit le régionaliser? Est-ce que, même en le régionalisant, il y aurait d'autres éléments qu'il faudrait tenir compte pour s'assurer que ce fonds-là permette vraiment de répondre à votre demande de soutenir des initiatives des personnes directement concernées?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roy. Qui?
Mme Leblanc (Line): Je peux répondre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Leblanc.
Mme Leblanc (Line): L'important, je pense, c'est d'être à l'écoute des gens. C'est quoi qu'ils ont besoin, premièrement. Ils arrivent avec des bonnes idées, O.K., qui correspondent à des besoins réels. On a des fois des gens qui arrivent chez nous puis qui nous expliquent comment ils s'organisent. On a fait une journée le 17 octobre où on a laissé la parole aux personnes démunies, et là on s'est questionné ensemble le soir avec environ 100 personnes dans la salle: Comment font les personnes pour se débrouiller dans la vie de tous les jours? Et il est ressorti des idées très intéressantes. Maintenant, comment on peut aider les gens à les mettre en place? C'est sûr que c'est par l'économie, c'est sûr que c'est par de l'argent, puis ils en ont besoin, de l'argent. Mais, avant ça, ils ont besoin d'être entendus, ils ont besoin d'être entendus aux bonnes places.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue également de notre part, et merci pour la présentation. M. Ouellet, je dois vous dire d'entrée de jeu que votre cri d'angoisse, je pense qu'il a touché tout le monde, puis on saisit qu'il y a des situations particulières que les gens vivent devant lesquelles on se sent souvent très impuissant. Mais, tout au moins, je pense que vous avez eu une écoute très attentive de la part de tout le monde ici, puis ça peut servir pour la suite des choses au niveau des décisions qu'on peut faire pour modifier les choses comme telles. D'ailleurs, c'est le sens un peu de ces consultations et ce qui nous permet d'avoir la réalité amenée au salon rouge pour qu'on puisse mieux la saisir. Je vous remercie beaucoup.
Le temps est très court et très limité. Vous faites une recommandation précise par rapport à une campagne de sensibilisation que vous aimeriez voir vis-à-vis la perception que les gens ont quand on fait référence aux personnes pauvres. Vous dites qu'il est nécessaire que le gouvernement orchestre une vaste campagne d'éducation à l'échelle provinciale, avec des publicités sociétales visant à modifier l'image qui est véhiculée à l'heure actuelle. Si j'avais une question à vous poser pour l'instant: Selon vous, ce serait quoi, l'image que vous aimeriez voir véhiculée? Qu'est-ce que c'est que vous aimeriez voir comme résultat de cette campagne que vous souhaitez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, qui veut répondre à la question? Mme Roy?
Mme Roy (Lorraine): Oui, je vais répondre. Ça pourrait aller... en tout cas, il y aurait beaucoup d'éléments, mais ça pourrait aller dans le sens, par exemple, de faire voir aux gens qu'il faut regarder derrière, hein, derrière la première image qu'on voit ou qui nous vient à l'idée, il faut vraiment aller voir les causes, bon, les raisons, les motifs, et il y a beaucoup de situations. Parce que la pauvreté, on pourrait en parler longtemps... les personnes pauvres, on pense tout de suite aux personnes assistées sociales, aux personnes à très faibles revenus, mais c'est très vaste, hein, la pauvreté comment elle se manifeste, alors ce serait peut-être d'axer ça sur les différentes sortes de pauvretés et d'aller voir plus loin que la simple image où ce qu'on nous présente. Ce serait d'aller plus loin. Parce que l'ignorance, c'est la pire des choses, hein, quand on ignore des choses. Donc, il faudrait axer dans ce sens-là, je crois.
Je voudrais en profiter aussi, dans cette ligne-là, pour conclure aussi, parce qu'on voulait ajouter que nous aurons vraiment l'impression d'avoir affaire à un gouvernement responsable dans la mesure où celui-ci va endosser la responsabilité d'être à l'écoute des spécialistes de la pauvreté que sont les personnes démunies, la responsabilité aussi de voir à l'application du principe de l'équité pour une redistribution plus judicieuse des biens, et la responsabilité aussi de réduire de façon significative l'écart grandissant entre les riches et les pauvres.
J'espère que j'ai répondu assez bien à votre question. Et je voudrais aussi qu'à la fin de la période qui nous est allouée on puisse faire circuler ces photos qui illustrent bien la condition actuelle de M. Ouellet dans sa chambre qui est très réduite et la maison où il habitait avant. Alors, on aimerait ça que ça puisse circuler.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mme la députée de Berthier.
Mme Grégoire: Merci beaucoup d'être là. Merci, Mme la Présidente. Je trouvais ça intéressant, tantôt vous parliez de, puis là j'ai manqué un des «faire», mais il y avait faire, faire-faire, dans la quête de l'autonomie, puis je pense que c'est un des défis qu'on a. Tantôt, juste avant vous, on a parlé du revenu, justement, qui encourageait le retour au travail. On sait qu'il y a des gens qui sont plus ou moins éloignés du marché du travail. Il est clair qu'on souhaite que tout le monde puisse contribuer à la prospérité pour pouvoir mieux la partager, ça, c'est clair.
J'aimerais ça que vous me parliez... dans le quotidien, ça ressemble à quoi, l'accompagnement que vous offrez aux gens? Vous avez parlé d'alphabétisation, mais il y a sûrement d'autres démarches que vous faites avec ces gens-là. Des succès, parce qu'il n'y a pas juste des insuccès, il y a sûrement des succès. Puis, moi, j'aime beaucoup, je dis aux organismes chez nous: Parlez-moi de vos succès; comme ça, c'est une façon de montrer aux gens, d'enlever les étiquettes, de montrer qu'on arrive ensemble collectivement avec, des fois, c'est un petit pas, mais ça peut devenir des grandes enjambées quand on le fait tous ensemble.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roy.
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(10 h 30)
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Mme Roy (Lorraine): Je vais commencer, je souhaiterais que mes compagnes prennent la parole aussi, alors je vais faire vite. Je pense... Il y a un exemple qui me vient. Il y a des personnes qui nous accompagnent aujourd'hui et, parmi ces personnes, il y a, entre autres, une personne qui a connu et qui connaît la pauvreté, et tout ça, et qui est avec nous, partie prenante avec nous dans les décisions, dans notre équipe de coordination, qui apprend plein de choses, qui est sur un comité de défense des droits, qui va à une table régionale de défense des droits, et qui est ici aujourd'hui. C'est un exemple. Il y en a beaucoup d'autres. Les gens sont impliqués de A à Z, chez nous, dans les activités qui sont offertes, les mobilisations ou les actions, les réflexions aussi. Et c'est souvent ardu, mais on prend le temps de le faire. Est-ce que mes compagnes peuvent peut-être ajouter d'autres...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Rapidement, Mme Leblanc, puisque notre temps achève.
Mme Leblanc (Line): Je pourrais rajouter que cette même personne dont Lorraine vous parle a participé au comité de sélection pour l'embauche d'une personne chez nous. Et, comme c'est une personne qui a des problèmes en lecture et en écriture, bien, il a fallu adapter notre grille d'évaluation. Mais c'est sa présence qui nous a permis de l'adapter, justement, puis de la réviser, puis de voir à ce qu'elle soit vraiment adéquate à toutes les personnes. Ça fait que c'est un exemple de ce qu'on fait chez nous avez les gens.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, messieurs, dames, merci, au nom de tous les membres, d'avoir participé à cette commission et de nous sensibiliser à vos problématiques.
Alors, je demande immédiatement aux représentants et représentantes de la Table des partenaires du développement social de Lanaudière de même que... des organismes communautaires de Lanaudière de bien vouloir prendre place. Je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 33)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux en accueillant les représentantes et représentants de la Table des partenaires du développement social de Lanaudière et de la Table régionale des organismes communautaires de Lanaudière. Alors, je cède la parole à la coprésidente, Mme Isabelle Champagne. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Table des partenaires du développement social
de Lanaudière (TPDSL) et Table régionale
des organismes communautaires
de Lanaudière (TROCL)
Mme Champagne (Isabelle): Bien. Bonjour, Mme la Présidente. Avant d'aller plus loin, je ne voudrais pas faire vice de forme, mais nous avons préparé la présentation de notre mémoire et de nos recommandations avec la TROCL.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...20 minutes pour la présentation de votre mémoire étant donné qu'il est conjoint.
Mme Champagne (Isabelle): Merci. Parfait. Je suis accompagnée, à ma droite, de M. Yves Côté, coordonnateur de la Table des partenaires du développement social, ainsi que de M. Joseph Tyan, de la Table régionale des organismes communautaires de Lanaudière, et il a été convoqué de façon conjointe pour notre présentation. M. Tyan présentera ses recommandations ainsi que, par la suite, M. Côté et moi-même présenterons conjointement les recommandations de la Table des partenaires. Donc, je laisse la parole à M. Joseph Tyan.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tyan.
M. Tyan (Joseph): Bien, bonjour. Pour débuter, je vais présenter un petit peu la Table régionale des organismes communautaires de Lanaudière, la TROCL, qu'on représente, puis de 130 organismes communautaires autonomes. Et ces organismes oeuvrent dans plusieurs secteurs d'activité, la santé, les services sociaux, l'éducation populaire, l'alphabétisation et le soutien aux personnes démunies. La Table régionale des organismes communautaires est issue de la volonté des organismes autonomes de la région, elle est constituée en corporation à but non lucratif depuis février 1995, elle s'est taillée une place importante auprès de l'ensemble des instances de la région. La TROCL est considérée comme étant l'interlocuteur privilégié de la régie régionale et l'organisme structurant du CRD de Lanaudière.
Nos recommandations, on en a 11. Je vais vous les énumérer puis je vais vous les expliciter un peu plus pour que vous puissiez les comprendre. La première est de définir un seuil de pauvreté à partir d'indicateurs pertinents et cohérents, donc le coût de la vie réel, et que l'objectif du projet de loi soit d'enrayer complètement la pauvreté et non de l'atténuer. Le seuil de pauvreté doit tenir compte du panier de consommation, donc des fruits, des légumes et des viandes de qualité. Pour les régions éloignées, étendues, comme la région de Lanaudière, bien qu'on ait eu un comité ou une commission de transport qui vient juste de naître, bien, il faut tenir compte aussi du coût d'acquisition d'un véhicule et puis de l'entretien du véhicule aussi. Le coût réel du logement doit aussi être pris, en attendant la venue d'un plus grand nombre de logements sociaux, le chauffage, l'éclairage, les frais scolaires, les frais afférents.
La deuxième recommandation: Que le projet de loi définisse plus clairement l'exclusion et qu'il inclue la marginalisation involontaire. Il ne faut pas laisser les gens de la société se marginaliser contre leur gré. Il y a des individus qui se marginalisent volontairement. Je pense qu'on se doit en tant que société démocratique de respecter ça. Mais ceux qui sont exclus, c'est sûr qu'il faut tout mettre en oeuvre pour les soutenir davantage.
La troisième est de revoir la fiscalité provinciale pour qu'il y ait une réelle équité entre les plus pauvres et les plus riches et d'encourager, le plus possible avec l'appui des autres provinces canadiennes, le gouvernement fédéral à en faire autant. On constate qu'il y a un éloignement entre les classes sociales. Il y a une dichotomie qui s'est installée. Il est urgent de faire tout ce qu'on peut afin de l'enrayer et non pas juste de l'atténuer. Le système fiscal que nous avons présentement est complément désuet. Il faut que les impôts qui sont remis à l'État par les salariés soient compatibles avec le revenu. Il faut aussi ne pas oublier qu'il y a des citoyens qui paient de plus en plus d'impôt et l'entreprise de moins en moins. Par conséquent ? on constate ça depuis plusieurs années ? on pourrait peut-être mettre fin à cette tendance.
La quatrième est de soutenir les catégories de citoyens qui sont les plus susceptibles de se paupériser pour qu'ils s'en sortent réellement et non uniquement statistiquement. Toutes les catégories de citoyens, que ce soient les jeunes, les femmes, les familles monoparentales, les personnes âgées, les personnes vivant seules, les immigrants, les familles à faibles revenus, les prestataires de l'assurance emploi ou de l'aide sociale, les itinérants, les toxicomanes, les autochtones, donc tout le monde, bien, ils sont susceptibles de vivre un jour ou l'autre dans la nécessité. Il y a des organismes communautaires lanaudois et québécois qui les soutiennent. Toutefois, ces organismes sont souvent eux-mêmes défavorisés. Il faut les soutenir davantage afin qu'ils parviennent à aider les gens encore plus. Le projet de loi devrait aussi prévenir et anticiper ce qui entraîne un citoyen, tous groupes confondus, à se retrouver dans une situation de paupérisation. Il faut agir en amont des problèmes. De cette façon, on va réduire les coûts sociaux. On parle d'économie à long terme. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, semble aussi être restrictif. Il doit être ouvert à toutes les catégories de citoyens et être facilitant dans l'aide et le soutien que ces derniers peuvent obtenir des établissements gouvernementaux, des organismes communautaires institutionnels et autonomes.
La cinquième recommandation est d'octroyer une plus grande autonomie au comité consultatif et à l'Observatoire par rapport au gouvernement. Les recommandations, les observations du comité consultatif et de l'Observatoire devraient être disponibles et diffusées afin que toute la population du Québec soit sensibilisée aux conséquences de la pauvreté et qui comprennent aussi tout ce qui en découle et l'origine. Le comité consultatif devrait recevoir des avis, des recommandations des organismes communautaires qui oeuvrent auprès des plus démunis, ainsi il ne pourrait pas s'éloigner de la base, des gens de terrain qui travaillent tous les jours avec les plus démunis.
La sixième recommandation est d'adopter et d'appliquer dans les plus brefs délais la loi n° 112 avec les modifications recommandées. Ce qui veut dire que la loi doit répondre réellement aux besoins des moins nantis. Ainsi, la santé mentale, économique et culturelle de la société va s'en ressentir beaucoup mieux, elle va s'en porter mieux. Les organismes communautaires connaissent les besoins des plus démunis, ils font des miracles avec le peu de ressources qu'ils ont. On constate qu'il y a un essoufflement par contre chez la plupart d'entre eux.
La septième est de faire du projet de loi une loi-cadre; elle doit devenir une priorité du gouvernement et de l'État, et à tous les niveaux. Pour tous les acteurs gouvernementaux de tous les paliers, la loi n° 112 doit avoir préséance sur les autres lois. Le premier ministre doit être le seul répondant de la loi.
Il ne faut pas couper d'autres sources de financement qui servent présentement à soutenir les plus démunis et ceux qui les soutiennent. Les citoyens qui subissent la pauvreté sont présentement soutenus par des mesures gouvernementales insuffisantes, que ce soit Solidarité jeunesse, le revenu minimum garanti pour les personnes âgées, l'assistance-emploi ou l'aide sociale. Les programmes gouvernementaux de soutien aux organismes communautaires, comme le programme SOC en santé et services sociaux, devraient être bonifiés, améliorés pour qu'on lutte d'une façon horizontale contre la pauvreté tout en respectant l'autonomie des groupes, des organismes communautaires.
La neuvième recommandation est d'offrir un revenu décent et une amélioration des conditions de travail, donc un rehaussement des normes du travail et du salaire minimum.
La dixième est que le projet de loi ne soit aucunement restrictif pour aucune catégorie de citoyens. Toutes les catégories de citoyens vont avoir besoin un jour ou l'autre d'être soutenues, il faut en tenir compte, il faut les soutenir.
Il faut aussi encourager les solutions innovatrices tant au niveau régional que local. Les personnes qui oeuvrent dans les organismes communautaires, elles ne voient pas les méfaits de la pauvreté à tous les jours, elles la vivent avec les gens, elles la vivent avec leurs travailleurs, elles la vivent avec leurs bénévoles. Elles ont une expertise terrain, il faut la reconnaître.
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(10 h 40)
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Il faut que les recommandations nationales soient des objectifs pour tout le monde, ça va de soi, mais il ne faut pas empêcher le milieu de vie des gens de répondre aux besoins spécifiques de leur population. Le but ultime du projet est d'enrayer la pauvreté. Les gens de terrain connaissent les besoins de leurs usagers, leur travail est une vocation, il faut les laisser le poursuivre.
Pour terminer, bien, la Table régionale des organismes communautaires de Lanaudière souhaite que le gouvernement s'attarde à nos recommandations et à celles du collectif. Je vais laisser la parole à M. Yves Côté. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Côté.
M. Côté (Yves): Oui, merci. La Table des partenaires... Je vais reprendre un peu ce que Joseph a fait comme présentation au niveau de la TROCL, pour la Table des partenaires. La Table des partenaires du développement social de Lanaudière est un regroupement intersectoriel d'organismes régionaux et locaux qui a comme mandat de promouvoir le développement social, de concerter et de mobiliser les différents intervenants du milieu pour trouver des solutions aux problèmes identifiés dans les territoires tant à l'échelle locale et régionale. La Table est née en 1999 suite au Forum de développement social qu'il y a eu dans l'ensemble des régions, et Lanaudière est pratiquement la seule région qui s'est dotée d'une structure pour poursuivre les travaux qui avaient été effectués au niveau local et régional en développement social.
Nous tenons, en premier lieu, à souligner notre satisfaction au dépôt du projet de loi n° 112. Bien qu'incomplet, ce projet de loi démontre une volonté politique de permettre aux personnes marginalisées, exclues ou en situation de pauvreté de recevoir plus de soutien pour faire face à une situation qu'elles n'ont nullement choisie. Nous tenons aussi à rappeler que le développement social vise avant tout la mise en place de conditions favorisant le développement des individus et des collectivités tout en renforçant les liens entre le développement social, économique et culturel. Il est important de situer que, pour nous, une approche globale imbrique ces multiples facteurs. À la lecture du projet de loi n° 112, celui-ci nous semble miser davantage sur le facteur économique, emploi et formation continue, pour réduire la pauvreté et l'exclusion, alors que nous estimons que l'ensemble des facteurs sociaux devraient être pris en compte dans une véritable lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
La Table des partenaires travaille en concertation, en mobilisation et a comme un mandat de veille au niveau des problématiques ou des difficultés qu'on peut rencontrer en développement social dans la région, et c'est pourquoi nous souhaitons apporter les recommandations suivantes:
1° Un amendement à la Loi de l'aide sociale instaurant un barème plancher qui assure la couverture des besoins essentiels et en deçà duquel aucune coupure, saisie, ponction ou pénalité ne peut être faite;
2° Un retour à la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et les personnes âgées recevant le supplément du revenu;
3° De revenir à un niveau de construction de 8 000 logements sociaux par année dont une partie dans les régions et pas seulement dans les grands centres urbains;
4° De reconnaître les immenses besoins de logement dans les régions;
5° De permettre un véritable développement de logements sociaux et communautaires par le biais d'outils pertinents et appropriés pour les régions;
6° De s'assurer que les ministères harmonisent leurs politiques en fonction de permettre l'émergence de projets innovateurs et économiques en réponse aux besoins et initiatives du milieu;
7° Une meilleure protection dans les normes du travail des travailleurs précaires, à temps partiel, en situation de travail autonome dépendant;
8° De prévenir la pauvreté par une intervention majeure et soutenue auprès des familles et de leurs enfants;
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Champagne.
Mme Champagne (Isabelle): 9° De soutenir concrètement et financièrement les approches locales, territoriales et régionales du développement social, incluant la lutte à la pauvreté;
Concrètement, dans Lanaudière, ces approches-là, elles sont soutenues par l'animation locale, les tables de concertation, les organismes communautaires, les comités locaux de développement social, le comité régional de la valorisation et de l'éducation, pour n'en nommer que quelques-uns. Quant on parle ici de... Concrètement, on s'entend que financièrement, c'est assez concret, mais c'est plutôt au niveau des ressources humaines, en termes de recherche et de soutien, qui pourraient être fournies aux organismes par le biais de la régie régionale et du CLSC;
10° D'instaurer et appliquer un droit pour les personnes qui le demandent à des mesures d'orientation, de formation et d'intégration à l'emploi dans un cheminement continu et adapté à leur situation;
11° Une hausse du salaire minimum à un niveau de sortie de la pauvreté pour une personne seule;
12° D'instaurer un véritable système d'éducation gratuit;
Par exemple, je vous donne un exemple qui s'est passé, qui se passe dans différentes MRC. Chez nous, mais plus concrètement à Joliette, l'entrée scolaire 2002 a coûté entre 80 et 125 $ par élève en effets scolaires. Si on rajoute à ça les frais de surveillance à l'heure des dîners et du transport, et que les parents reçoivent le montant de la facture, on ne peut pas nécessairement appeler ça gratuit;
12° D'intervenir avant tout en amont des problèmes liés à la marginalisation, la pauvreté et l'exclusion, en tenant compte des réalités régionales et sous-régionales et en décentralisant les leviers de pouvoir et en allouant les ressources financières suffisantes et équitables ? M. Tyan a mentionné également cet item lors de sa présentation;
13° De supporter et consolider les structures déjà en place;
14° La création d'un fonds de développement social avec des budgets dénormés et adaptables aux besoins du milieu. Par exemple, l'exemple que je vais vous donner n'est pas nécessairement un fonds, mais un programme de mesures de sécurité alimentaire dans le cadre national.
Au niveau des items qui peuvent être subventionnés, l'item Équipements n'apparaît pas; cet item-là ne peut être subventionné dans le programme qui existe présentement. Je voudrais qu'on m'explique. Une cuisine collective, un de ses besoins en termes d'équipements, c'est entre autres la cuisinière, la cuisinière n'étant pas la personne qui fait à manger ? je veux bien qu'on s'entende ? mais plutôt l'appareil. Comment on peut soutenir à ce moment-là? Cet organisme-là, lui, ce qu'il a de besoin, c'est de cet outil-là. Alors, c'est un petit peu dichotomique.
Et, en conclusion, il est à craindre que le gouvernement fasse fausse route s'il persiste à voir la lutte contre la pauvreté et l'exclusion par la lorgnette du développement économique tout en minimisant les facteurs familiaux, sociaux et environnementaux des individus et des collectivités. Nous devrions plutôt insister sur la valorisation du potentiel des personnes et des collectivités, ce potentiel pouvant s'exprimer dans des activités autres qu'économiques mais qui permettent de tisser des liens et de renforcer le tissu social des communautés.
La Table des partenaires du développement social de Lanaudière ne peut qu'insister auprès du gouvernement pour que cette loi en soit une qui considère les individus et les collectivités comme étant ceux et celles qui sont à même de mieux répondre aux problèmes qu'ils ont identifiés. Cette loi doit aborder la lutte à la pauvreté et l'exclusion dans une approche intersectorielle et globalisante. Il faut que l'ensemble des ministères concernés puissent travailler en étroite collaboration et se dotent d'une vision où l'ensemble des facteurs sociaux devrait être pris en considération si nous voulons vraiment lutter efficacement contre la pauvreté. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas, et nous souhaitons que tous les différents ministères concernés par cette loi comprennent l'importance et l'urgence de travailler de façon intersectorielle pour assurer une meilleure mise en place de cette politique.
En terminant, la démarche de mobilisation entourant les forums de développement social entreprise en 1997 a été, par la suite, malheureusement peu soutenue par le gouvernement. Le Comité ministériel de développement social a déjà travaillé à l'élaboration d'un cadre de référence en développement social. Celui-ci, s'il avait vu le jour, aurait peut-être pu intégrer une réelle démarche de concertation interministérielle dont le projet de loi n° 112 aurait été un élément-clé. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Sans plus tarder, je cède la parole à la ministre.
Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Bonjour, madame. D'abord, je suis heureuse de constater dans votre mémoire la satisfaction du dépôt du projet de loi n° 112 avec les éléments que vous apportez pour le bonifier, d'une part.
Effectivement, la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale a été une démarche, je pourrais dire, assez fructueuse de l'ensemble des ministères, de comités interministériels, de groupes-conseils, de, je pourrais dire, toutes les tournées aussi régionales sur le document Ne laisser personne de côté, et la vision de chacun des ministères dans leur domaine. Je prends l'exemple de l'éducation, tout le travail amorcé pour aider les écoles plus défavorisées, la lutte au décrochage scolaire, bon, alors, différents éléments comme ça, pour arriver effectivement au souhait que vous apportez, mais qui est la stratégie, celui d'avoir une approche intersectorielle.
Vous le dites vraiment d'une façon très précise. On est très, très conscients de ça. Ce n'est pas de la mauvaise volonté et de la mauvaise foi de personne, on veut travailler en intersectorialité et que ce soit une approche englobante, comme vous dites, qui est absolument essentielle parce que, on le voit, la pauvreté a beaucoup de facettes et que ce n'est pas nécessairement juste par l'intégration à l'emploi. Vous l'avez soutenu tout à l'heure, M. Côté ? c'est ça, M. Côté ? vous avez soutenu tout à l'heure que vous trouvez qu'il y a comme, je pourrais dire, une tendance plutôt vers l'emploi. Effectivement, c'est majeur, l'intégration à l'emploi, mais on sait pertinemment que ce n'est pas tout le monde qui pourront et qui peuvent être sur le marché de l'emploi, et c'est pour ça que la stratégie nationale vient se faire appuyer par le projet de loi qui est là, mais en même temps un plan d'action qui suivra par après.
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(10 h 50)
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Je vais vous dire, M. Tyan, vous avez parlé du seuil de pauvreté, d'une part, des indices. L'Observatoire, le Comité consultatif va être très important à ce niveau-là parce qu'on met sur la table un revenu de solidarité comme départ de discussion, je pourrais dire, pour être capables aussi d'évaluer tous les indices que nous avons actuellement. On parle de seuil de faibles revenus, on parle de mesures de faibles revenus, on parle de panier de consommation. Bon, il y a différents éléments sur la table qui sont avancés par différents milieux dont Statistique Canada, le Conseil de la santé et du bien-être, mais aussi l'Organisation mondiale, aussi les Nations unies. Bon, il y a plusieurs éléments d'indices qui sont sur la table.
Alors, nous, on propose un revenu de solidarité. Les gens peuvent y voir, pour plusieurs, je pourrais dire, plusieurs éléments dans ce revenu de solidarité là. L'Observatoire, il va être très important aussi, avec le Comité consultatif, pour être capables de vraiment trouver comment on pourrait mieux se donner des indices et mieux faire ce processus-là pour savoir qu'est-ce que c'est, un revenu de solidarité. Il y en a qui parlent d'allocation universelle, de revenu minimum garanti, de revenu de citoyenneté. Alors, il y a plusieurs affaires sur la table. Évidemment, ça fait partie de toutes les discussions qu'on pourrait avoir dans un débat un peu plus large.
Vous avez mentionné particulièrement que la fiscalité, M. Tyan, que la fiscalité, elle est, vous dites, désuète. Alors, c'est sûr que je vais vous demander de vous expliquer un petit peu plus sur ça. Quand on sait que 43 % ? je parle d'impôt particulièrement ? 43 % des gens, des citoyens au Québec ne paient pas d'impôt, 57 % paient de l'impôt, les gens qui paient de l'impôt au Québec, les 57 %, ces gens-là se sentent un peu compressés, sinon beaucoup compressés, et c'est là aussi d'où viennent tous les préjugés sociaux, particulièrement sur ceux qui ne paient pas, qui ne paient pas d'impôt. Alors, on doit comme gouvernement s'assurer, je pourrais dire, de cette cohérence-là mais en même temps de voir les aspects, tous les aspects qui peuvent être plus irritants.
On a un impôt progressif, ce qui veut dire que, bon, les gens qui ont un revenu familial ou un revenu plus grand paient plus d'impôts; les moins en ont pas... ne paient pas du tout d'impôt, donc un revenu de 16 %, 20 %, 24 %, donc à effet progressif, comme on peut dire. Je sais que la formation de l'ADQ nous parle d'un taux unique, 20 % à tout le monde. Vous savez qu'on est en désaccord avec ça, on le sait ? tout à l'heure, ils en parleront eux-mêmes s'il y a lieu ? en désaccord avec ça parce que, pour nous, les riches, comme on dit, on parle de cette façon de dire les choses, les riches actuellement paient plus d'impôts parce que c'est plus progressif. Alors, de le faire à 20 % à un taux unique, tout le monde, et les riches et les pauvres, tout le monde paie le même montant, nous sommes complètement en désaccord avec ça.
Alors, je veux vous entendre sur ce que vous dites quand vous dites que notre impôt... la fiscalité, particulièrement, elle est désuète.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, qui veut prendre la première question? M. Tyan.
M. Tyan (Joseph): Bien, pour commencer, je ne suis pas fiscaliste, je veux juste mettre ça au clair. Ce que ça disait ? puis je regarde mon mémoire en même temps ? c'est tout simplement de s'assurer que les impôts qui seront remis... Bon, vous me dites qu'il y a 43 % de la population qui ne paient pas d'impôt. C'est super. Je n'étais pas au courant puis je suis fort heureux de l'apprendre. Moi, ce que je dis, c'est juste de s'assurer que les gens soient soutenus, dans le sens qu'il y a des gens qui gagnent peut-être 30 000 par année, des trucs comme ça, puis ils ont... Bon, on a eu l'exemple dans les journaux, là, hier, du monsieur pour le 6 $ pour le programme APPORT ou je ne sais plus quoi, là. Non, c'était pour le logement. C'est peut-être de revoir puis de s'assurer qu'on puisse soutenir l'ensemble des citoyens qui ont besoin d'aide, puis que les règles soient souples. Ça fait que, si vous préférez, on peut retirer le mot «désuet» puis dire qu'il y ait une plus grande souplesse fiscale. Le mot était peut-être trop fort. Cependant, c'est juste ça. C'est juste de s'assurer qu'on réponde adéquatement puis que l'impôt qui est remis aux salariés... que les salariés remettent à l'État, bien, ça leur revienne sous forme de services; puis que les compagnies, comme je l'ai dit aussi, que les compagnies paient leur juste part d'impôt. Elles en paient de moins en moins, il ne faut pas se le cacher, c'est réel, pour diverses raisons qui sont peut-être bonnes, mais il faudrait peut-être revoir ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.
Mme Léger: Les entreprises vous diraient le contraire, qu'elles en paient de plus en plus, mais ça, c'est une autre discussion qu'on pourrait avoir dans un autre lieu.
Effectivement, j'aime mieux votre «plus souple» que «désuet». Les mots restent, hein, alors c'est important de bien les dire, de bien dire les mots.
Ma deuxième question, et M. Tyan aussi, excusez-moi pour les deux autres intervenants, c'est parce que vous avez parlé du programme SOC en santé et services sociaux où vous trouvez qu'il devrait y avoir des bonifications puis de l'amélioration. Vous parlez particulièrement pour les organismes communautaires parce que vous représentez, dans le fond, les organismes communautaires.
Qu'est-ce que vous voulez dire particulièrement à ce programme-là, qu'est-ce que vous voulez dire quand vous voulez dire «bonifier ou améliorer»? Est-ce que c'est au niveau du soutien financier tel quel? Donc, ça, c'est une question, mais est-ce que c'est autre chose?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tyan.
M. Tyan (Joseph): Bien, on était 5 000, le 23, à venir vous le dire, je ne sais pas si vous l'avez oublié. Le 23 octobre, on était 5 000 personnes devant le parlement, devant l'Assemblée.
Mme Léger: Pensez-vous que j'ai oublié ça?
M. Tyan (Joseph): J'espère que non.
Mme Léger: Non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tyan (Joseph): Je crois que toutes les revendications du mouvement communautaire, on vous les a dites cette journée-là. Je ne veux pas prendre trop de temps pour mes autres collègues non plus, mais c'est ça en gros, je veux dire, d'améliorer les conditions des organismes, de s'assurer qu'ils puissent vivre convenablement et rendre des services aux citoyens, et toutes les autres revendications qu'on a pu avoir, mais je ne les ai pas et je n'ai pas envie de les énumérer non plus, parce que je ne veux pas couper trop de temps.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.
Mme Léger: Je n'ai absolument pas oublié cette manifestation-là. C'est un appel à tous, que le gouvernement mais aussi toutes les formations politiques... de tout notre apport à l'action communautaire, d'une part. Et on peut toujours faire plus, mais on a fait quand même un bon bout de chemin avec cette politique de reconnaissance là qui est là, mais on pourrait avoir une autre discussion à ce moment-là.
Je vais laisser ma collègue, de votre région d'ailleurs, de pouvoir vous questionner.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Terrebonne, vous pouvez prendre la parole, oui.
Mme Caron (Terrebonne): Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup d'être parmi nous. Comme ma collègue a questionné surtout du côté de la TROCL, alors vous comprendrez, M. Tyan, que je vais questionner davantage du côté de la Table des partenaires du développement social.
Je tiens à souligner d'abord ? M. Côté l'a mentionné ? que c'est la seule Table des partenaires du développement social au niveau régional qui est maintenue depuis le Forum sur le développement social en 1997. Elle est maintenue parce qu'il y a eu une volonté extraordinaire dans la région de Lanaudière de participer d'abord à tous les forums qui ont précédé le Forum sur le développement social, et, pour y avoir participé moi-même, je dois dire que ça a été, je pense, l'élément le plus rassembleur qu'on a connu dans la région de Lanaudière. On a souvent eu certaines tensions nord-sud mais, pour le Forum sur le développement social et pour la suite des événements, pour la Table des partenaires, il y a vraiment eu des liens très forts qui ont été créés puis une volonté de poursuivre le travail non seulement au niveau régional, mais, vous l'avez bien dit aussi, Mme Champagne, au niveau local aussi. Donc, on a aussi des tables au niveau local, et c'est extraordinaire, le travail qui s'y fait. Alors, je veux en profiter pour vous féliciter.
Autant la TROCL que le développement social, vous avez rappelé l'importance d'une approche globale, de l'harmonisation, et je pense que la stratégie de lutte à la pauvreté, la stratégie vient rappeler l'importance de cette cohérence-là. Vous avez souligné l'importance au niveau des normes du travail, c'est M. Tyan tantôt, au niveau des normes du travail, le projet de loi doit être déposé très, très bientôt, et c'est donc un des éléments au niveau de la stratégie de lutte à la pauvreté.
Vous avez une expertise très importante au niveau du local et du régional. Alors, je vais vous questionner, au niveau de la Table des partenaires, sur le fonds spécial qu'on veut mettre en application, qui est déjà annoncé dans le projet de loi, un fonds spécial. Comment vous voyez la répartition? Vous nous dites que ça devrait être attribué par un organisme, au niveau régional, qui pourrait mandater un autre organisme, probablement le vôtre, je ne sais pas. Comment vous voyez ça, pour qu'on s'assure que le fonds spécial puisse être le plus productif possible?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Côté.
M. Côté (Yves): Oui. Le plus productif possible... Pour être le plus productif possible, il faut être collé sur les réalités, il faut avoir cette connaissance des problèmes et des réalités de chacune des MRC. Il y a six MRC dans Lanaudière. Vous avez parlé, Mme Caron, du nord-sud. Je ne crois pas qu'on ferait ? et c'est personnel parce que c'est une question qui n'a pas été partagée nécessairement par l'ensemble de la Table et du conseil d'administration... Si on y va par une répartition ? vous avez parlé de répartition ? au prorata de la population des MRC, c'est sûr qu'on pénalise quatre MRC sur six dans Lanaudière. On prend le cas de Lanaudière, dans le sens où il y a six MRC: il y en a deux dans le sud où il y a plus que 50 % de la population, tandis que, dans les quatre autres, qui sont plus dans le nord, il y a l'autre 50 % qui se répartit dans quatre MRC. Si on y va à un prorata de la population pour dire il y a tant de budget sur des projets qui va dans ces MRC là, c'est sûr que les MRC du nord sont pénalisées à ce moment-là, et, bizarrement, c'est les plus pauvres. Donc, on passe peut-être à côté de quelque chose à ce moment-là. Ça fait qu'on ne peut pas y aller sur une répartition équitable au prorata d'une population, il faut qu'on identifie très clairement...
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(11 heures)
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Et, je pense que, Mme Léger, le 2 novembre, on vous a rencontrée au CRD lors de votre tournée, vous aviez sur une table de travail une pile de documents qui faisaient à peu près huit pouces, 10 pouces, qui ressortent toutes les statistiques sur la pauvreté dans Lanaudière. Ça, on les a, on les connaît, et cette pauvreté, elle est plus accentuée... On ne nie pas qu'il y a des problèmes à L'Assomption ou des Moulins, mais ils sont plus accentués dans les autres MRC. Donc, il faut être collé plus à ces MRC là et il faut adapter les programmes, adapter... Ou plus de souplesse ? Mme la ministre a préféré le mot «souplesse» que «désuet» ? plus de souplesse dans les programmes ou les critères pour ces projets-là.
Est-ce qu'il faut que ce soit régionalisé? Nous, on a toujours pensé, à la Table des partenaires, oui, du moment... Plus d'action, plus de pouvoirs en région. Les problèmes sont en région, les solutions vont se trouver en région. Qu'il y ait des grandes lignes nationales, on est tous avec ça, on est d'accord, il faut qu'il y ait un gouvernement fort, il faut que les grandes politiques nationales restent, mais il faut qu'il y ait une souplesse dans l'application de ces politiques-là au niveau régional.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron (Terrebonne): Oui. Merci, Mme la Présidente. Bien concrètement, comme on le disait tantôt, il y a seulement dans Lanaudière qu'il y a une table régionale en développement social. Donc, est-ce que, bien concrètement, au niveau régional, au niveau du fonds spécial qu'on pourrait transférer... Est-ce qu'on passerait par l'instance habituelle du conseil régional de développement pour l'ensemble des régions, et le conseil régional de développement pourrait, dans les régions où il existe, donc dans Lanaudière, où il existe une instance plus particulière au niveau du développement social, pouvoir transférer la responsabilité, transférer le fonds?
M. Côté (Yves): Moi, je vous dirais oui de prime abord du fait qu'il n'y a pas nécessairement beaucoup de structures qui sont capables de prendre ces responsabilités-là, de gérer... Il y a un mot très populaire au gouvernement, l'imputabilité. Cette fameuse imputabilité, ce n'est pas la Table des partenaires qui peut la faire et qui... et ne veut pas faire cette allocation d'argent sur des programmes. Ce n'est pas le but de la Table des partenaires, bien au contraire. Est-ce que c'est les MRC comme telles? Il n'y a pas beaucoup d'organismes. Oui, ça peut être les CRD dans les régions. Je vous dirais par contre que, pour connaître très bien les FDR, les fonds de développement régionaux, les critères et la façon dont c'est quelquefois suivi et géré au jour le jour, il y a aussi beaucoup de... C'est très bien géré, l'argent du CRD. C'est très, très bien géré. Ça, ce n'est pas ça, le problème, c'est des critères...
Mme Caron (Terrebonne): On va leur dire cet après-midi, oui...
M. Côté (Yves): Oui, oui, dites-leur de notre part. Ha, ha, ha! C'en est même quelquefois difficile. Donc, on pense que c'est un organisme reconnu, qu'ils ont fait... l'expertise pour faire ce type de projets là. Ça peut être ça, ça pourrait être autre chose. Par contre, il n'y en a pas beaucoup, beaucoup dans les régions. Ça, il faut l'admettre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également de notre part. Et merci pour la présentation des deux groupes qui, finalement, se rejoignent au niveau des recommandations. Et, avec le temps qui avance dans nos consultations, il y a de plus en plus de consensus qui se dessinent au niveau des présentations qui y sont faites. Et, moi, je dois vous dire que je regarde les recommandations que vous avez faites, et, dans l'ensemble ? non pas toutes une par une, mais dans l'ensemble ? moi, je trouve que... Et, c'est ce que je trouve intéressant avec la démarche qui a été entreprise par le Collectif, reprise par plusieurs groupes comme vous, en fait, ce que vous dites... Pour plusieurs de ces recommandations-là, vous mettez la société face à ses propres contradictions et vous dites: Bon, vous dites telle chose, voici ce que vous faites. Le «vous», on l'utilise parce que vous êtes de l'autre côté de la table, mais, en fait, c'est nous, hein? En fait, c'est nous. Nous disons telle chose, voici ce que nous faisons. Et vous arrivez à la conclusion en faisant des recommandations pour combler l'incongruence, tu sais, corriger la contradiction.
C'est le cas quand vous parlez des besoins essentiels. C'est le cas quand vous parlez de l'assurance médicaments. Je ne les reprendrai pas tous un par un, parce que, sur quelques-unes, on pourrait avoir une discussion quant à si c'est vraiment une contradiction ou non. Et il y a deux réponses possibles face à ces contradictions. Il y en a une qui dit: On reconnaît que c'est un manque de la société, mais on n'est pas capable de le corriger financièrement, des ressources, etc. Souvent, quand les gens sont devant l'arbre, ils ne voient pas la forêt. Alors, les gens qui viennent sont souvent les gens qui sont devant l'arbre, ils disent: Bien, cet arbre-là, ça ne tient pas debout. Quand on recule puis on voit l'ensemble de la forêt, on dit: Oui, mais... Bon, vous comprenez ce que je veux dire. Une autre réponse, c'est de dire que ce n'est pas une contradiction, c'est justifié.
Et là je vais centrer mon intervention sur une de vos recommandations qui, d'ailleurs, est reprise avec raison, je dois dire, par tous les groupes et que... Je pense aussi que le Collectif en a fait un enjeu majeur sur lequel, moi, personnellement et au nom de l'opposition officielle, j'aimerais voir, à la terminaison de ces consultations, qu'il y ait un consensus qui s'établit ? et le gouvernement décidera si, oui ou non, il va le suivre ? sur au moins une chose, le retour à la gratuité des médicaments pour les personnes assistée sociales, pour les personnes âgées bénéficiant du revenu garanti. Parce que là on n'est pas devant la situation où on n'a pas les moyens de le faire, on a les moyens de le faire. On est devant la situation où la réponse pour maintenir cette contradiction, selon nous, c'est que de l'autre côté, du côté gouvernemental, on nous dit que c'est justifié pour des raisons d'équité. On nous dit que ce ne serait pas équitable envers les personnes ayant des revenus de travail faibles, qu'eux aient à payer quelque chose sans que tout le monde, y inclus les assistés sociaux sans contrainte sévère à l'emploi, n'aient pas à payer quelque chose.
Qu'est-ce que vous pensez de cette argumentation?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Monsieur... Alors, qui veut répondre à la question? M. Côté?
M. Côté (Yves): Oui, bien, je vais essayer, mais elle est un peu tendancieuse, la question.
M. Sirros: Très tendancieuse. Volontairement.
M. Côté (Yves): Non, mais, M. Sirros, nous, on vient dans un esprit aussi où on n'interpelle pas directement soit le gouvernement ou les partis d'opposition. On vient sur un mode aussi de rencontrer les élus, on vient pour rencontrer les gens qui siègent sur une commission et qui veulent entendre ce que les... J'ai été très heureux, ce matin, d'entendre que vous aviez presque 140 des 165 mémoires. Ça m'a fait plaisir. Avoir su ça, on n'en aurait peut-être pas fait, on ne serait pas ici avec des papillons, mais c'est autre chose. Ha, ha, ha! Mais c'est signe d'un bon exercice démocratique malgré tout.
Je ne pourrais pas répondre à votre question, je n'ai pas la réponse. Je pense que le Front commun des personnes assistées a eu un long débat avec vous sur l'assurance médicaments. Je pense qu'il y a d'autres organisations qui ont abordé cette question de façon claire. Ce qu'on peut dire, c'est que ce serait une mesure très concrète, très claire pour soutenir des personnes dans le besoin si elles retrouveraient la gratuité de l'assurance médicaments, parce qu'elles n'ont pas nécessairement... cette disponibilité-là, cette marge-là. On a parlé de la hausse du salaire minimum. Un salaire minimum à 40 heures semaine, là, il vous reste, par semaine, là, une fois que vous avez tout payé, là, environ 54 $. O.K.? Il ne faut pas que le petit perde ses lunettes ou ses gants trop souvent, parce que vous êtes dans la... Bien, c'est ça, dans certaines difficultés. Donc, moi, ce que je vous dis, ce serait une mesure très concrète, très précise pour soutenir des gens qui sont en difficulté économique de revenir... Est-ce que le gouvernement a les moyens pour le faire? Est-ce qu'il n'a pas les moyens? Moi, je vous parle d'individus, je vous parle de gens qui ne sont pas nécessairement capables d'assumer cette facture-là.
M. Sirros: D'accord. Je n'insisterai pas plus, mais tout ce que je veux dire, là, je ne vous demandais pas de vous prononcer sur si, oui ou non, on a les moyens de le faire. Moi, je prends pour acquis qu'on a les moyens de le faire, parce que nous, de notre côté, on est prêt à le faire en ayant fait notre cadre financier. Et tout ce que je remets sur la table, c'est qu'il y a une autre argumentation qui, elle, est plus difficile à combattre, parce que ce n'est pas un question de ressources, de disponibilité de ressources, c'est une question de choix, alors... Et je tenais juste, de façon tendancieuse, à vous faire comprendre aussi que, tu sais, il y a, des fois, des différences dans les choix qu'on veut faire de part et d'autre... Pas des fois, souvent des fois.
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(11 h 10)
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L'autre élément sur lequel j'aimerais explorer avec vous, qui rejoint beaucoup une approche que nous partageons, et ça se situe dans le cadre du fait que, bon, l'aide d'assistance-emploi ou l'aide sociale, communément appelée, c'est un programme de dernier recours, puis c'est un programme d'aide qui, normalement, est temporaire dans la vie d'une personne. Pas de la même façon que certains l'ont présenté ici, mais l'idée, c'est qu'on offre un filet pour permettre à la personne de ne pas tomber de façon trop raide. Mais il ne faudrait pas que le filet se transforme en genre de filet qui attrape les poissons puis les garde, mais un genre de tremplin qui, par la suite, permet à la personne de rebondir vers une intégration. Vous, vous avez une recommandation qui capte très bien cette façon de le voir où vous dites d'instaurer et d'appliquer un droit, pour les personnes qui le demandent, à des mesures d'orientation, de formation et d'intégration à l'emploi dans un cheminement contenu et adapté à leur situation.
J'aimerais vous entendre un peu plus sur ça, parce que, comme je vous dis, ça rejoint l'idée que, à partir de la situation de la personne, on adapte des mesures qui l'aident à faire cette transition vers l'autonomie qui, plus souvent qu'autrement, passe par l'emploi, et qu'une fois rendu en emploi aussi on la soutienne pour que l'écart entre sa situation en emploi puis la situation d'avant est grandissante. Alors, j'aimerais vous entendre un peu sur le fonctionnement actuel des programmes qui sont là, des modifications qui pourraient être apportées à partir de votre connaissance locale des choses.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Côté.
M. Côté (Yves): Oui. J'aurais peut-être le goût d'inviter nos amis d'en arrière. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Yves): Je m'excuse. La difficulté qu'on peut voir quelquefois, c'est que c'est... Joseph l'a nommée sans peut-être s'en rendre compte tantôt, c'est des normes, hein? Ça reste des programmes, des critères où c'est... La ligne, elle est tirée, et on ne peut plus nécessairement jouer avec cette ligne-là. L'exemple qu'il donnait de la famille qui gagnait 22 000 $, avec trois enfants, revenu, 22 000, ne peut pas avoir une contribution du programme de la SHQ parce qu'il y a 6 $ de trop. La ligne, est-ce qu'on peut la bouger un peu, des fois, s'adapter aux individus et ne pas faire en sorte que quiconque rentre dans un bureau de fonctionnaire soit traité selon le livre des règlements? Il y a des façons de faire, il y a des réalités ? je pense, M. Ouellet a essayé de discuter de son cas ? il y a des réalités qui, au jour le jour, font que ces personnes-là sont aux prises avec des problèmes qui sont différents d'une façon ou d'une autre, et il faut pouvoir avoir cette souplesse-là ou cette... Je n'oserais pas dire humanité, ce n'est pas un reproche. Ce n'est pas un reproche, là, mais, je veux dire, il faut être capable de considérer que c'est des humains qu'on a en face de nous et que c'est non des dossiers, comme il le nommait.
Donc, c'est de pouvoir permettre à ces individus-là d'exprimer ce qu'ils vivent présentement, les difficultés, pourquoi ils sont rendus là et qu'est-ce qu'ils ont besoin. C'est de la formation spécialisée? C'est de la formation d'appoint? Est-ce qu'on est capable de leur offrir ce qu'eux autres voudraient aussi et non pas simplement ce que le programme propose? Est-ce qu'on peut jouer quelquefois sans dénaturer le programme, sans être... On peut être délinquant, mais sans être illégal, quelquefois se mouvoir dans ça et permettre à l'individu... de lui donner simplement le coup de main qu'il a de besoin. Personne ne veut rester là. Ça, c'est très clair, il n'y a pas... À part les personnes... Bon, il y a des inaptes, on en a parlé, il y a des personnes qui ont des handicaps graves. Ce n'est pas de cette catégorie-là, je crois, que votre question s'adresse, c'est les individus qui ont besoin d'un coup de main, d'un petit coup de pouce pour s'en sortir, mais quelquefois ce n'est pas possible parce qu'ils ne cadrent pas nécessairement dans ce que le programme ou les critères proposent. Et, c'est cette souplesse-là qu'on parle souvent en région, est-ce qu'on pourrait avoir plus de souplesse, plus de latitude au niveau des programmes nationaux lorsqu'on tombe dans le régional, dans le local et quelquefois le sous-local où les réalités et les problématiques sont différentes de ce que le national aurait pu penser.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, 30 secondes pour un bref commentaire, M. le député.
M. Sirros: ...commentaire. J'ai l'impression que ce n'est pas juste, des fois, un petit coup de pouce que les personnes ont des fois... Elles ont besoin d'un grand coup de pouce, soutenu et intense. Alors, mon commentaire étant en fait, merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Berthier.
Mme Grégoire: Bien, merci beaucoup. Et, comme ma collègue de Terrebonne, je peux vous dire qu'on est donc fier de venir de Lanaudière. Je pense, c'est notre petit côté chauvin, mais ça nous fait plaisir. Puis, en quelque part, la députée de Terrebonne puis moi, on a contribué, chacune à notre façon, dans la région de Lanaudière, puis c'est le fun de voir que, tu sais, on a plein d'additions de contributions qui font qu'on arrive à quelque chose d'innovant, de différent puis qui répond aux besoins de notre milieu. Puis je pense que c'est un peu ça dont vous parlez aussi dans votre mémoire quand vous parlez des conclusions de la consultation, mais, juste avant, je trouvais ça intéressant quand on a parlé de fiscalité, parce que... Puis j'aime l'approche que vous avez eue, Mme la ministre, parce que c'est une approche très respectueuse sur les choix qu'on fait puis pour discuter des choix, pour qu'on puisse tous ensemble, je pense, en bénéficier, pour que la société du Québec et les gens, les moins nantis et les gens de la classe moyenne, puissent s'y retrouver.
Et le programme fiscal de l'ADQ, qui est décrié par certains, pour moi, c'est un plan fiscal qui est en trois parties, puis c'est important, je pense, qu'on s'en parle, ça inclut un revenu minimum du citoyen, oui, un taux d'imposition unique et aussi un ménage dans les abris fiscaux qui ramène l'équité, donc, pour les plus nantis. Et, pour nous, de cette façon-là justement, on fait en sorte que, en élevant le seuil avec un revenu minimum du citoyen, les gens qui gagnent 25 000 $ paieraient moins d'impôts qu'ils n'en paient aujourd'hui. Et, pour nous, c'est là où on a des efforts à faire autant que pour la classe moyenne. Puis c'est ce qu'on avait déposé en 1999, et ça répondait à un des scénarios. Parce que vous dites qu'elle est désuète, là, maintenant, on a dit: Pas assez flexible, mais il y a eu une discussion au Québec, comme on en a une maintenant sur 112. Il y en a eu une sur la fiscalité des citoyens, et le taux unique était un des scénarios qui étaient proposés par le gouvernement à ce moment-là. Alors, juste pour clarifier que, nous aussi, on souhaite une plus grande équité et que, pour nous, le plan fiscal qu'on dépose vise ça. Bien, vous pouvez... Et, les calculs, on peut les faire ensemble, on les a faits déjà.
Mais moi, ce qui m'intéresse par ailleurs, c'est d'appuyer... Vous parlez d'appuyer de façon claire non seulement les communautés défavorisées, les personnes exclues, mais aussi et surtout les différents territoires qui vont pouvoir trouver des solutions adaptées. Alors, tantôt, on a parlé de comment régionaliser le fonds, mais moi, ce que j'aimerais vous entendre dire, c'est comment vous travaillez ensemble de façon à ce que les personnes ne tombent pas dans la craque, parce que souvent dans la... De la concertation, parce que justement les besoins des individus ne sont pas uniques. Alors, tu ne rentres pas en quelque part, tu fittes dans la boîte. On a dit tantôt que c'était assez normé, tu ne rentres pas dans la boîte... Tu ne rentres pas là, et tu fittes dans la boîte. Alors, moi, j'aimerais ça que vous nous parliez du modèle, justement, de concertation qui a été développé dans Lanaudière de façon à ce que tous puissent trouver une porte, une voie d'accompagnement sans qu'ils se sentent ballottés. J'aimerais ça qu'on puisse s'en parler un peu.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Champagne.
Mme Champagne (Isabelle): La Table des partenaires du développement social de Lanaudière, ce n'est pas le seul lieu de concertation, mais c'en est un.
Une voix: ...
Mme Champagne (Isabelle): Mais c'est parce que je veux dire qu'il y en a aussi à d'autres niveaux dans la région, et mes collègues, je pense, ne seraient pas trop contents d'entendre qu'on prétend être le seul endroit à en faire. La démarche dans laquelle on a cheminé... Tantôt, Mme Léger mentionnait que l'intersectorialité ministérielle, vous en faisiez, mais on voulait juste aussi dire que c'est une démarche à long terme et, pour l'avoir vécue nous-mêmes, qui n'est pas nécessairement toujours facile. Ça fait que c'était, entre autres, dans ce sens-là.
Nous, ce n'est pas compliqué, la façon dont on fonctionne, il y a au-dessus de 20 partenaires qui se réunissent à tous les deux mois environ. Il y a un conseil d'administration qui chapeaute la Table, et les sujets qui sont discutés à la Table, c'est vraiment des sujets qui font vraiment l'unanimité, c'est-à-dire, entre autres, bon, on parle du logement social, des problématiques de la région, et l'ensemble des intervenants étant de milieux différents, ce qui rend la chose dynamique. Et, au niveau de la créativité, les solutions qui sont apportées nous permettent une meilleure ouverture et une façon de voir différente. Effectivement, ce n'est pas toujours facile, mais ce qu'on a pu développer aussi avec cette approche, c'est une meilleure connaissance, un, de notre région, deux, des gens avec qui on travaille et des gens avec qui on n'aurait peut-être même pas osé travailler pour régler un problème. Puis, déjà, ça, selon nous, c'est une solution gagnante.
Puis on parlait aussi au niveau du tissu social, bien c'en est une façon de faire, entre autres. Les gens qui sont autour de cette Table rapportent, je pense, le même type de fonctionnement au niveau de chacune des MRC, parce que chacune des MRC a une table locale. La majorité de ces tables-là ne sont pas reconnues comme étant des organismes à but non lucratif reconnus dans le sens de la loi, mais plutôt des tables de concertation où les acteurs de chacune des MRC se réunissent justement pour parler de leurs priorités aussi à eux. Bien, les priorités régionales, c'est une chose, mais il y a aussi, dans chacune des MRC, des priorités qui peuvent être complémentaires ou différentes de l'ensemble de la région, puis l'ensemble des priorités régionales, elles sont aussi portées et supportées par chacune des MRC. As-tu d'autres choses à ajouter?
M. Côté (Yves): Un complément d'information.
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(11 h 20)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Côté.
M. Côté (Yves): Un exemple peut-être un petit plus précis, ce qu'on appelle l'animation locale à partir des comités locaux de développement social. Il y en a un par territoire de MRC. Il y a eu des animations locales dans certains villages ou petites municipalités, dans D'Autray et dans Manawinie particulièrement. On réunit le CLE, le représentant du CLE, du CLD, de la SADC, des groupes communautaires de la Direction de la santé publique, on convoque la population, un petit village, 3, 4 000 personnes dans la salle communautaire. Ils sont invités un samedi et ils viennent discuter de qu'est-ce que le village pourrait être dans trois, quatre, cinq ans. Et, c'est par table, c'est par sujet, on se partage ça, l'animation. Les gens ressortent, en fin d'après-midi, avec des priorités identifiées, personnes âgées, femmes, jeunes, qu'est-ce que le village, on peut faire pour le village. Il y a des comités de travail qui sont faits, et, après ça, des membres du comité organisateur reprennent l'ensemble des éléments qui sont ressortis, ils vont retravailler avec le comité de citoyens qui s'est formé. C'est un exemple de concertation qu'on fait en région.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très brièvement.
Mme Grégoire: Oui. À Sainte-Émilie, ils ont appelé ça leur corvée d'idées. Ils sont arrivés justement avec une proposition de logement social. Et, quand on parle d'un milieu qui se prend en main, ils ont amassé je ne me souviens pas de combien de centaines de milliers de dollars ? presque 200, hein, c'est ça? ? et ils vont faire le projet pour que les personnes âgées puissent rester dans leur milieu. Alors, c'est vraiment une prise en main d'une collectivité qui est assez impressionnante.
Puis, dans cette même ligne-là, dans les conclusions des consultations, vous dites de d'autres consultations qu'il y avait eu précédemment que le gouvernement reconnaisse, bon, les paliers régionaux et locaux comme moteur de développement économique et social. Comment ça peut se traduire? On a parlé du fonds, il y a les sous, mais moi, je pense qu'il y a aussi des pouvoirs délégués qu'on doit se donner, il y a aussi des moyens de signer des ententes entre les régions et le gouvernement. Comment vous voyez ça? Quels outils vous avez besoin pour agir en région davantage?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Côté.
Mme Grégoire: La liste, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est la dernière réponse.
M. Côté (Yves): Oui. Vous avez parlé d'ententes. Bon, il y a une mode, c'est les ententes spécifiques. On s'en va au Rendez-vous des régions la semaine prochaine, il y en a une dizaine pour Lanaudière qui sont sur la table de travail, qui soit sont à compléter ou à entamer. C'est une façon de faire. C'est une façon de faire qui demande un peu plus de souplesse en région. C'est un outil. C'est régionaliser les fonds.
On parle du Fonds Jeunesse. Que ça prenne quatre mois pour recevoir une réponse ou le chèque pour un organisme communautaire pour faire son projet, c'est inadmissible. Il y a trois ou quatre instances dans le Fonds Jeunesse qui voient à ce que l'argent, finalement, puisse être débloqué, il y a une perte de temps là. Il y a une perte, moi, je dirais, il y a comme... On nie un peu l'expertise dans les régions à ce moment-là, parce qu'il faut tout le temps avoir l'aval du grand salon rouge, là. Je m'excuse, mais c'est... Il y a comme... Non, mais c'est comme... Il y a un conseil régional, il y a un conseil d'administration, il y a des gens qui se sont formés au niveau du Fonds Jeunesse ? et, c'est un exemple, on peut l'employer pour d'autres fonds ? donc il faut reconnaître l'expertise de ces gens-là, la bonne volonté de ces gens-là et faire en sorte que l'argent soit déjà là, et les programmes là, et puis de faire aller plus rapidement, parce que j'ai vécu l'expérience avec l'entente spécifique en développement social où un groupe a dû patienter huit mois, mettre à pied la personne qu'on avait engagée parce que l'organisme n'a pas l'argent pour supporter un salaire supplémentaire, et le projet a été évidemment été retardé. C'est un exemple très courant, je dirais, très banal qui doit se vivre dans l'ensemble des régions avec la difficulté de ces fonds-là où on ne peut pas avoir accès rapidement... une fois que la réponse est donnée par l'interlocuteur, avoir l'argent en banque pour opérer le projet.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Côté, Mme Champagne et M. Tyan, merci, au nom de tous les membres, d'avoir accepté de participer à cette commission.
J'invite maintenant les représentants et représentantes de la Coalition contre l'appauvrissement de Rivière-du-Loup à bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
(Reprise à 11 h 25)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons maintenant avec beaucoup de plaisir les représentants et représentantes de la Coalition contre l'appauvrissement de Rivière-du-Loup. Alors, je cède la parole à...
Coalition contre l'appauvrissement
de Rivière-du-Loup
M. Cadrin (Raymond): Raymond Cadrin.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): D'accord, c'est M. Cadrin à qui je cède la parole en premier lieu. Vous avez 15 minutes, M. Cadrin, pour la présentation de votre mémoire.
M. Cadrin (Raymond): Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Et je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent également.
M. Cadrin (Raymond): Oui. Donc, les personnes qui se sont ajoutées, il y a, ici, Carmen Thériault; Ursule Thériault ? il n'y a aucun lien de parenté; et Berval Côté; et je suis Raymond Cadrin. On est tous membres de la Coalition contre l'appauvrissement de Rivière-du-Loup, donc des gens du Bas-du-Fleuve.
Donc, à titre de membres de la Coalition, nous apprécions de pouvoir contribuer aujourd'hui à cette démarche vers un Québec sans pauvreté et de pouvoir ainsi faire connaître notre position sur le projet de loi n° 112. On ne se considère pas des experts, on est plus des gens terrains avec différents vécus par rapport à ce qui est lié à la pauvreté.
En nous invitant... Bien, en nous disant, en nous informant que la Coalition a été retenue pour une présentation en commission parlementaire, on nous demandait nos noms et nos qualités. Nous avons repris ça un peu avec humour, d'une façon différente, en disant que notre principale qualité, c'est d'être des personnes déterminées pour plus de justice sociale et pour une société solidaire.
On est fier d'avoir été associé au mouvement de mobilisation du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté qui aura amené le gouvernement du Québec à remettre à l'ordre du jour la solidarité sociale pour un projet de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Donc, pour nous, c'est un pas important dans la bonne direction comme projet de société. Donc, on partage globalement la position du Collectif. On ne reprendra pas tout ça ici, mais je pense qu'on vise à ce que la loi n° 112 soit améliorée. On veut insister à notre façon sur quelques points et particulièrement, peut-être dans une dernière partie, toucher la situation des régions ou collectivités où la situation de pauvreté est plus importante. Ursule.
Mme Thériault (Ursule): Mme la Présidente, membres de la commission, de par la nature de mon travail, je suis en mesure d'observer que la question qui domine le plus la sphère sociale à l'heure actuelle est bien celle de la lutte à toutes les formes que peut adopter l'exclusion. Chez nous comme ailleurs, les individus touchés par la pauvreté et l'exclusion constituent une file d'attente nombreuse, mais invisible qui ne cesse de prendre de l'ampleur depuis une vingtaine d'années.
Comme personne engagée concrètement dans cette cause, je désire vous faire part de l'importance d'un changement d'approche dans la lutte contre la pauvreté. Plus précisément, il faut sortir de cette approche de dernier recours qui marginalise, qui crée l'exclusion et le décrochage social, qui alimente et maintient les préjugés et brime la dignité des personnes. Et le déploiement des activités reliées à cette approche affiche non moins un corollaire plus ou moins important, mais très discutable: en déterminant ceux qui font l'objet d'une attention particulière, les décideurs établissent du même coup ceux qui sont laissés pour compte.
Nous souhaitons vivement l'adoption de la loi n° 112, mais, par-dessus tout, que lui soient associées des mesures concrètes qui améliorent directement les conditions de vie et le revenu des personnes et des familles les plus pauvres. Nous parlons ici d'un régime plus universel dans sa condition, qui aura pour effet une couverture plus équitable des besoins essentiels. L'établissement d'un revenu de citoyenneté ou d'une garantie de revenu nous apparaît la voie à retenir et à suivre. Il faut savoir que, quelle que soit sa forme, l'exclusion s'accroît en conjoncture économique dépressive, résiste aux périodes fortes de création d'emplois et à presque toutes les politiques d'insertion sociale et professionnelle, si bien que le problème de la pauvreté revêt aujourd'hui de multiples visages.
Il faut faire le choix d'une redistribution plus équitable de la richesse, sinon une loi pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale sera inutile. Une révision en profondeur de la fiscalité viendrait sûrement assurer cette redistribution. Vous en avez tout à fait discuté tout à l'heure, donc ce serait bien.
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(11 h 30)
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Et, pour en finir avec la pauvreté quand on travaille, il faut éliminer les programmes de six mois qui font avancer d'un pas et reculer de trois, s'occuper du durable, affirmer la responsabilité des entreprises à l'égard de la pauvreté comme une juste façon de contribuer à la société. Ainsi, en matière d'emploi et de travail par exemple, la loi devrait prévoir une modalité d'augmentation régulière du salaire minimum à un niveau de sortie de la pauvreté, ce qui sera un petit peu plus intéressant d'aller travailler. La loi doit également fixer dans des règles l'amélioration des normes minimales du travail pour les travailleuses ou travailleurs à statut précaire.
J'ai avec moi Berval qui pourra vous témoigner des commentaires dont je viens de vous faire part à ma façon, mais que lui pourra vous faire part à la sienne, l'ayant vécu.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Côté.
M. Côté (Berval): Bonjour, Mme la Présidente et les membres du conseil parlementaire... de la commission parlementaire plutôt. Brièvement, j'aimerais vous parler de mon vécu actuel en tant que personne en situation de pauvreté. Depuis septembre dernier, je ne suis plus bénéficiaire de l'aide sociale, mais je l'ai été pendant un certain temps, pendant longtemps, ayant même développé une certaine dépendance à l'aide sociale, à mon regret. À cette époque, j'ai passé par de nombreux programmes d'intégration à l'emploi, programme EXTRA, programme PAIE, mais, à mon avis, de trop courte durée pour que je puisse m'implanter dans une entreprise. Il y a eu aussi des cours de formation, des stages en milieu de travail, mais ça n'a jamais débouché sur des emplois concrets à temps plein.
Et, en juin dernier, cependant, je me suis inscrit aux services GRIPE de Rivière-du-Loup, ce sont des ateliers de groupes pour les chercheurs d'emploi, et, en juillet et août derniers, j'ai pu occuper deux emplois d'été, plein temps. Et, en septembre, après avoir dépassé la barème de 1 500 $ prévu à l'aide sociale, je n'étais plus admissible à l'aide sociale donc pour la deuxième fois d'affilée en pas si longtemps. Actuellement, j'occupe deux emplois à temps partiel et un sur appel, mais ça ne satisfait pas, ça ne me permet pas de vivre avec si peu d'heures de travail; en tout, c'est de 13 à 15 heures de travail par semaine. Et, si j'occupe deux autres emplois à temps partiel, j'en serai à cinq employeurs. Donc, j'en ai déjà trois; en ajouter deux autres, ça ferait cinq employeurs. Alors, imaginez l'adaptation que ça va me prendre et les contraintes aussi qui vont avoir lieu.
Alors, je m'interroge, en terminant, sur la capacité réelle des petites entreprises à offrir aux travailleurs de ma région, des petites entreprises en bas de l'échelle comme moi, offrir des emplois durables, satisfaisants, permanents et qui vont vraiment satisfaire autant l'employeur que l'employé. Et je m'interroge aussi: à l'aide sociale, lorsqu'un bénéficiaire qui est apte au travail et qui est un peu au-dessus du barème du 1 500 $, ne serait-il pas possible, pourquoi ne pas... pourquoi lui enlever tout de suite l'aide sociale, mais vérifier avant s'il est en mesure de fonctionner d'une manière autonome après coup? Ça éviterait des inscriptions à l'aide sociale à répétition comme j'ai eu à passer récemment et aussi de dépenser le surplus d'argent par obligation.
Et aussi, on peut s'interroger également sur le problème du coût du logement parce que, étant à faibles revenus, on ne peut pas toujours se loger adéquatement. Il n'y a pas des logements qui... de coût de logement qui arrive à satisfaire, à rencontrer, nous, notre avoir, ce qu'on a comme argent. Alors, pourquoi ne pas s'interroger sur la nécessité d'une politique pour l'accessibilité à plus de logements sociaux?
Et j'insiste, en terminant, sur l'importance ou le rôle de l'État à redistribuer la richesse, à pouvoir autant, sinon d'une façon équitable, s'occuper des gens dans le besoin, en état de pauvreté comme aussi on s'occupe des gens qui sont plus fortunés. Alors, pourquoi ne pas gérer, comme c'est déjà fait, mais il y a toujours place à de l'amélioration, s'occuper autant des gens qui sont dans un état précaire que des gens qui sont à l'aise dans la société?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Côté. M. Cadrin.
M. Cadrin (Raymond): Oui. Pour faire un bref enchaînement à ce qu'a dit Berval et avant de passer la parole à Carmen, dans le fond, je pense que, dans notre mémoire, puis je pense que le Collectif l'a dit aussi à plusieurs reprises, pour donner une crédibilité à la loi n° 112 et donner un signal réel de lutte à la pauvreté, il va falloir des mesures concrètes, des mesures urgentes rapidement et qui touchent différentes catégories de populations qui sont touchées par la pauvreté. Donc, dans ce sens-là, il faut le faire dans un sens d'une plus grande solidarité. Et Carmen Thériault va nous parler, par rapport principalement aux gens qui reçoivent la sécurité du revenu, de certaines mesures qui peuvent être urgentes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Carmen Thériault.
Mme Thériault (Carmen): Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme la Présidente, de bien vouloir m'écouter, et tous les membres de la commission. Je fais un bref profil de notre situation de personne qui vit de la sécurité du revenu et qui connaît les affres insoupçonnées de la pauvreté, car, en l'an 2000, dire qu'on n'arrive pas à combler nos fins de mois pour les besoins essentiels tels que se nourrir convenablement, pouvoir payer des comptes souvent trop cher... car nous vivons dans des logements mal isolés, très détériorés, mais la peur nous empêche de demander plus. Si on change d'endroit, il y aura d'autres problèmes à peu près du même ordre.
J'ai 53 ans. J'ai fait une perforation majeure à l'intestin, en l'an 1993, qui a nécessité un mois d'hospitalisation, trois mois et demi de maintien à domicile. J'ai connu l'aide sociale à 502 $ par mois. J'avais un médicament d'exemption qui me coûtait 60 $ par mois et à payer, parce que ce besoin-là, ce médicament-là m'est essentiel à vie autant que le diabétique qui a besoin de son insuline. Suite à une alimentation inadéquate, j'ai fait une anémie à la vitamine B12 par malnutrition parce que j'ai une restriction alimentaire très, très, très grande due à ma condition de mes problèmes. Alors là j'étais obligée d'acheter et de payer moi-même 8 $ par semaine, pour les premières semaines, des fioles qui m'étaient injectées par mon médecin. Alors, disons que, si on compte qu'à 502 $ par mois, déjà, au départ, j'ai ça à payer, me nourrir, me vêtir et vivre convenablement, je voulais vous faire le calcul, on ne calculera pas longtemps.
Moi, je trouve qu'on nous donne une carte de médicaments pour nous dire que les médicaments sont payés. Ça semble un peu comme de l'eau de rose, mais on découvre vite les épines. Parce que je veux vous dire qu'on n'est pas capable d'assumer des frais... des revenus trop restreints quand on a à payer des médicaments de la sorte que j'en paye. Alors, j'ai demandé de l'aide de ma famille, mais ils savaient très bien que je ne pourrais jamais leur rendre l'argent. On perd nos amis parce qu'on ne peut plus avoir de loisirs avec les revenus qu'on a. Donc, déjà, on commence à vivre l'exclusion sociale.
En 1996, j'ai subi une deuxième intervention chirurgicale, et le même scénario a commencé, et j'ai dû... J'ai failli être réopérée encore en l'an 2001. Je m'excuse là, je sais qu'on me presse par le temps, mais, moi, je veux vider mon sac là pour la fois que j'ai la chance de le faire. Moi, je ne peux plus travailler à l'extérieur. Ça, c'est bien frustrant parce que où pensez-vous qu'on peut trouver de la valorisation quand on n'a pas de sous et qu'on se sent exclu? Donc, j'ai fait du bénévolat à la limite de ma capacité pour me donner le sentiment d'être encore utile à la société. Et la raison pour laquelle je suis présente aujourd'hui ici, je revendique ce droit à la dignité et je revendique aussi la garantie d'un revenu qui pourrait nous faire vivre convenablement, avoir des loyers pour les pauvres qui peuvent... à des prix qui pourraient convenir.
Puis, lorsqu'on a reçu l'autorisation d'une assurance... L'assurance médicaments là, les médicaments d'exemption, ils sont prescrits, et on doit les renouveler à chaque année. Et, quand ton pharmacien te dit... Le dernier mois que ton médicament, là, il est terminé ? je l'ai vécu cette année ? ça a pris trois mois avant que j'aie une réponse qui me permettait de le ravoir. Je revendique aujourd'hui que, quand le médicament d'exemption est accordé à un patient qui en a besoin, je voudrais qu'il soit à continuité tant qu'il ne sera pas changé par le médecin. Puis je me fais le porte-parole de tous les gens qui vivent la même maladie que moi... pas la même maladie, mais les mêmes problèmes. Je vais en enlever des bouts là parce que je sais que mon temps est dépassé. Mais je sais qu'il faut agir dans ce sens-là.
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(11 h 40)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le message est bien entendu, madame. Oui, M. Cadrin, en terminant.
M. Cadrin (Raymond): Un cri du coeur, de cette réalité-là. C'est sûr que je suis conscient qu'il ne reste plus de temps, mais je vous invite... Il me reste...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, si vous en avez pour quelques minutes seulement, à ce moment-là je peux toujours demander aux membres de consentir à réduire leur propre temps. C'est parce que ça fait moins de temps pour la période des questions.
M. Cadrin (Raymond): Ça va. O.K. Parfait. Donc, je vous remercie, Mme la Présidente. Dans le fond, le dernier aspect qu'on voulait insister... c'est sûr qu'on peut parler de pauvreté et d'exclusion de citoyens et citoyennes sur le plan personnel, mais l'autre dimension qu'on voulait aborder aussi, c'est la pauvreté de certaines régions, de territoires, de collectivités qui sont parfois en milieu urbain mais surtout en milieu rural, pour les milieux qu'on connaît.
Au moment où qu'on va, la semaine prochaine, tenir le Sommet des régions, je pense que c'est important d'insister sur les régions qui sont aussi plus en difficulté. Dans ce sens-là, la loi n° 112 devrait reconnaître davantage et insister sur ces réalités des régions et territoires en difficulté. Bien sûr, il existe certaines politiques de développement local et régional, la politique de la ruralité, mais il faut aller plus loin, avoir une attention et une sensibilité particulières à ces collectivités qui sont plus pauvres. Et il ne s'agit pas de reproduire à ce moment-là une formule d'assistance comme il y a au niveau de la sécurité du revenu, mais plus une solidarité essentielle entre les régions pour favoriser leur vitalité. Donc, dans ce sens-là, je pense que, concrètement, il faut ramener plus à la base ? puis on pense à ce moment-là au niveau des MRC particulièrement ? certains moyens d'action, des ressources financières qui sont déterminantes pour le développement des régions, des collectivités.
Chez nous, il y a une formule qui est intéressante, dans les communautés rurales, d'agents, d'agentes de développement qui mobilisent des gens dans les communautés. Donc, je pense que c'est une formule qui a développé au niveau, dernièrement, du Témiscouata... on veut aussi s'enligner dans cette direction-là, dans Les Basques aussi. Donc, au niveau de la région du KRTB, il y a comme un intérêt à cette formule-là d'agents de développement dans les communautés rurales. Mais il faut comme disposer, des fois, de moyens qui sont plus importants pour aller plus loin. Je pense, malgré toute la mobilisation et le dynamisme de certaines collectivités locales, il y a comme besoin, des fois, de moyens supplémentaires pour que, à ce moment-là, les communautés puissent avoir des chances égales de se développer.
Donc, on en parle souvent, on revient souvent à ça: plus de souplesse à différents niveaux dans les programmes d'emploi, qui doivent être mieux adaptés, qui doivent être peut-être même aussi plus élaborés localement; rendre la formation plus accessible ? quand on parle de normes, des fois, qui sont souvent trop mur à mur, bien, c'est sûr que, si on veut rendre la formation plus accessible en milieu rural, il faut comme imposer des normes qui sont différentes, en termes de nombre de personnes qui peuvent s'inscrire à des formations; l'importance aussi de tenir compte davantage de facteurs de dispersion de la population, de problèmes de transport, de facteurs de pauvreté aussi dans l'attribution de subventions de différents ministères.
Et je complète un peu en disant: aussi, il est important, sur des ressources financières particulières, pour des entreprises d'économie sociale qui créent des emplois dans des régions qui sont plus en difficulté, donc des emplois qui sont socialement utiles... Il y aurait beaucoup de perspectives d'emploi de ce côté-là, mais il faut un appui financier qui est plus continu. L'importance aussi d'un appui financier plus important à des organismes communautaires qui travaillent à un meilleur réseau social pour de l'accompagnement à différents niveaux. Bon, tantôt on en faisait référence, Mme la ministre, mais peut-être qu'il doit y avoir une attention plus particulière à certaines régions, certaines collectivités, certains milieux qui sont en difficulté, au niveau de l'aide financière accordée à des organismes communautaires, pour que ces organismes-là puissent aussi rendre des services plus près possible à des collectivités, entre autres des collectivités rurales.
Donc, en terminant, c'est dire que c'est tout un chantier de solidarité auquel on est convié au niveau de la société québécoise. Beaucoup de chemin reste à faire, qui nécessitera de la sensibilisation et une lutte importante aux préjugés qui demeurent beaucoup trop souvent.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, mesdames, messieurs, pour la présentation de ce mémoire. Mme la ministre.
Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Il y a beaucoup d'éléments intéressants dans votre mémoire. D'abord, évidemment, comme vous l'avez conclu, M. Cadrin, c'est vrai que c'est tout un chantier de solidarité sociale: tous les mémoires qui ont été déposés, la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et le projet de loi qui est sur la table présentement.
J'ai plusieurs questions, mais je vais commencer par une qui est celle des ressources financières. Vous parlez particulièrement pour la vitalité des régions, vous dites que vous aurez besoin de moyens supplémentaires. Vous faites le lien entre la politique de ruralité et la politique de développement local et régional. Vous savez qu'on a un fonds spécial dans le projet de loi qui va faire la suite au Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds spécial là va venir soutenir particulièrement les actions locales et régionales. Est-ce que ce fonds-là vient répondre à quelques-uns de vos souhaits que vous manifestez aujourd'hui?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cadrin.
M. Cadrin (Raymond): C'est sûr que je pense que ça peut être intéressant de retrouver un fonds. Là, on peut toujours se questionner aussi sur l'importance de ce fonds-là. On peut prendre des exemples quand on pense au Fonds de lutte à la pauvreté. Souvent, on essaie d'utiliser ces fonds-là pour réaliser différents projets, mais on sait qu'il manque d'argent souvent dans ces fonds-là. Donc, il va s'agir de voir l'importance de ce fonds-là. Est-ce que ça va aussi être un fonds qui va permettre de déterminer plus localement, dans les collectivités en difficulté, dans des régions plus en difficulté des règles qui sont particulières et qui s'adaptent bien aux régions, à ces collectivités-là? Je pense que ça va être important. Donc, suffisamment de ressources financières, donc d'argent disponible, mais aussi une capacité d'adaptation à ce moment-là à la réalité de chaque région pour, à ce moment-là, supporter et appuyer des projets qui sont intéressants.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Léger: Oui, effectivement, le but est de... l'objectif principal est effectivement de pouvoir... qu'il s'adapte aux réalités régionales. Mais, en même temps, vous savez, il y a tout un discours aussi entre la régionalisation et la déresponsabilisation de l'État. On dit que, oui, on veut des moyens: des moyens financiers, de l'aide, du soutien, pour venir nous accompagner dans toute cette démarche-là qui est celle de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Plusieurs, la plupart des régions du Québec ont déjà des planifications stratégiques et il y a des actions déjà très locales dans les MRC, dans les municipalités, mais qui sont déjà assez, je pourrais dire même avancées; il y en a qui nous ont parlé de transport collectif, bon, il y a de toutes sortes... je pense, toutes sortes d'actions qui peuvent être mises sur place, puis il y en a qui sont déjà amorcées.
Que pensez-vous du fait, quand on a un fonds et qu'on le régionalise tel quel, le fonds, que les communautés se l'approprient et gèrent ce fonds-là? Comment vous voyez l'idée de cette déresponsabilisation de l'État? C'est quand même des fonds publics, et les gens nous disent: Bien, c'est peut-être une façon de l'État de... Est-ce que l'État n'assume pas nécessairement son leadership à ce niveau-là et on laisse aux régions gérer ce genre de fonds?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cadrin.
M. Cadrin (Raymond): Là-dessus, je vous dirais que je pense qu'il faut faire comme la part des choses un peu. Je pense, de plus en plus les régions revendiquent un peu plus, je dirais, d'autonomie dans la façon de déterminer le travail qu'il y a à faire, les axes ou les orientations au niveau du développement, et ça, je pense que... C'est parce qu'on dit qu'il faut ramener à la base, au niveau des MRC, des régions, un peu certains pouvoirs parce que c'est là qu'on connaît plus les réalités et qu'à ce moment-là l'action peut plus s'adapter à cette réalité-là des régions.
Sauf que je voyais, puis ça tombait bien, cette semaine, dans Le Soleil, il y avait un article de Clermont Dugas qui, en tout cas, représente ? c'est sûr que je parle un peu personnellement ? représente assez bien ce que je pense dans le fond, où on dit que, malgré le dynamisme des résidents, des collectivités à travailler à leur développement, des fois ce n'est pas suffisant. Il ne faut pas à ce moment-là qu'il y ait une déresponsabilisation aussi de l'État et un peu... tantôt, on parlait de redistribution de la richesse, mais aussi un rôle de lancer des messages d'une solidarité aussi entre les régions qui est essentielle. Et c'est dans ce sens-là qu'il y a comme un peu... oui, plus de pouvoirs au niveau local, régional, mais aussi d'en arriver à ce que l'État ait des actions, des interventions qui sont importantes aussi, et, des fois, ça se traduit par des ressources financières dont doivent disposer davantage certaines régions qui sont plus en difficulté, et ce, sur le principe d'une plus grande solidarité et une reconnaissance de l'importance d'une vitalité de chaque région du Québec, hein, si on veut éviter... on a utilisé souvent l'expression «un Québec cassé en deux», on a souvent encore cette impression-là à différents niveaux. Donc, si on veut comme maintenir une cohésion comme pays, comme Québec, donc, à ce moment-là, je pense que c'est important que cette solidarité-là entre les régions qui est essentielle... mais plus de pouvoirs au niveau local et régional.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Léger: Oui. Elle est basée sur quoi, cette solidarité entre les régions? Comment on peut définir cette solidarité-là entre les régions? Chaque région a sa couleur, a sa spécificité, a ses forces, a ses faiblesses. Comment on peut déterminer qu'une région plus qu'une autre a des besoins plus soutenus, a des besoins plus criants? Comment vous le feriez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cadrin.
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(11 h 50)
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M. Cadrin (Raymond): Je pense que... J'irais spontanément, on le reconnaît actuellement quand on pense à la région de la Gaspésie, entre autres, je pense que c'est une région où le gouvernement actuellement considère important qu'il y ait comme une intervention énergique à ce niveau-là, et ça pourrait, je dirais... on pourrait dire que ça pourrait aller plus loin. Mais tout le monde au Québec reconnaît qu'il y a comme... c'est une région qui est particulièrement en difficulté comme d'autres régions au niveau du Québec le sont.
Je pense qu'il y a comme dans, je dirais, le discours, dans ce qu'on doit comme... La même chose, je ferais le parallèle avec, quand, tantôt, on parlait des nombreux préjugés envers les personnes qui sont, entre autres, sur la sécurité du revenu. Je pense qu'il y a des messages à passer, que ce soit en utilisant les médias, comme hommes et femmes politiques . Je pense qu'il y a comme gouvernement, comme partis de l'opposition, il y a comme des messages à passer sur une nécessaire solidarité entre les régions du Québec et que chacun doit avoir davantage sa place. Et ça, c'est à différents niveaux. Comme région, on a souvent l'impression que les médias de plus en plus sont centralisés dans les centres urbains et qu'on parle de moins en moins des régions, donc ça peut passer aussi par une plus grande place des différentes régions à l'intérieur des médias du Québec. Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il y a comme des messages qui doivent être véhiculés à différents niveaux.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.
Mme Léger: Effectivement, j'ai à côté de moi le directeur de cabinet de ma collègue Linda Goupil qui est de Rivière-du-Loup. Alors, il est très content de vous rencontrer aujourd'hui. Il me rappelle qu'effectivement, hier, notre premier ministre, quand il a dévoilé le plan d'action gouvernemental, entre autres, il y a toute la régionalisation de Télé-Québec qui est un pas important, dans le fond, dans toutes les régions du Québec, qui est demandé depuis très longtemps effectivement. Alors là il fait partie de notre plan d'action pour les prochaines semaines, les prochains mois. Je ne sais pas combien de temps qu'il me reste parce que je...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste, il vous reste...
Mme Léger: Quelques minutes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...six minutes.
Mme Léger: Ah! bon, c'est bien. Alors, j'ai une question à M. Côté. Vous avez parlé tout à l'heure de dépendance à l'aide sociale. Je ne veux pas nécessairement vous mettre inconfortable pour en savoir un petit peu plus à ce niveau-là, libre à vous de vous exprimer ou de vous faire soutenir aussi par ceux qui vous accompagnent. C'est une bonne discussion. Vous savez que, sur la table, tout en respectant, nous comme gouvernement, tout en respectant le cheminement personnel des gens, on a des discussions sur ce qu'on appelle les aptes et les inaptes. Les groupes viennent nous dire qu'on ne devrait pas faire cette distinction-là. En même temps, on a un objectif qui est important et qui est celui aussi de l'intégration à l'emploi, d'aider les gens à sortir de l'aide sociale pour vraiment faire le cheminement qui est le leur, dont celui de l'intégration à l'emploi qui est un pan absolument important. On sait aussi qu'il y a des gens qui, jamais, jamais, ne pourront être sur le marché de l'emploi et qu'on doit soutenir, puis qu'on doit bonifier l'aide sociale à ce niveau-là, et là on met sur la table ce qu'on appelle un revenu de solidarité ? on ne parlera pas de ça nécessairement là. Mais, aussi, il y a plein... il y a beaucoup de gens non plus... il y a beaucoup de gens, comme on parlait tout à l'heure de fiscalité, vous en avez reparlé un petit peu tout à l'heure, on a plus de 57 % de la population qui paient les impôts et qui veulent en avoir pour leur argent dans le sens... au niveau de la distribution de la richesse et voient l'aide sociale comme une aide de dernier recours. On a le Conseil du patronat qui nous a dit: Après cinq ans, les gens, qu'ils sortent de là, puis c'est tout. Alors, on a eu toutes sortes de commentaires, si vous avez suivi un petit peu.
Alors, il y a eu une discussion autour de la dépendance de l'aide sociale: Est-ce qu'on peut rester à vie sur l'aide sociale? On a un objectif, nous, de responsabilité aussi du gouvernement d'aider ces gens-là à s'en sortir et ceux qui ne peuvent pas nécessairement aller sur le marché du travail, de les accompagner et les aider pour qu'ils aient un revenu décent, qui soit à la hauteur de la dignité de ce que les groupes nous parlent. Alors, M. Côté, qu'est-ce que vous parlez quand vous dites «dépendance de l'aide sociale»?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Côté.
M. Côté (Berval): Bien, si j'en remonte... il y a un certain temps, lorsque j'ai fait une demande d'aide sociale, je me rappelle de... ma pensée première était: Je ne resterai pas plus d'un mois sur l'aide sociale, c'est comme assuré. Parce que j'étais quand même quelqu'un de... je suis quelqu'un qui aime travailler et je suis quelqu'un qui était prêt à faire des démarches pour me trouver du travail. Mais je me suis rendu compte qu'après six mois on aurait dit que je n'avais plus les outils que j'avais avant. Mon comportement était différent. Mon désir de travailler n'était plus le même. On aurait dit qu'on devient comme habitué à recevoir un chèque sans l'avoir gagné finalement et on prend plus notre temps avant de faire des démarches. Et il se crée par le fait même, durant cette période de dépendance, une certaine crainte, une certaine peur de retourner dans le monde de la société, chez les gens qui travaillent. La société change, mais, nous, finalement, nous restons exclus de cette société de travail et, à un moment donné, on finit par s'accrocher à des choses qui ne nous servent pas vraiment, dans le sens qu'on devient comme inconfortables en nous-mêmes, on semble ne plus avoir ce qu'il faut pour aller vers les employeurs, pour se chercher du travail. Alors, on s'exclut nous-mêmes en quelque sorte.
Moi, sur l'idée de «on devient dépendant», je n'accusais personne, mais c'est tout simplement sur l'idée que l'on nous donne de l'argent, et on est bien content d'en recevoir parce qu'on n'a pas d'autre moyen de vivre, mais sur l'idée de recevoir de l'argent sans l'avoir gagné et sans avoir travaillé ou occupé... ne pas avoir rempli une activité qui nous aurait permis de gagner cet argent-là en quelque sorte. Donc, on reçoit de l'argent à ne rien faire, ce qui n'est pas toujours une bonne chose.
Alors, je me demande s'il n'y aurait pas possibilité finalement, lorsqu'on octroie un certain montant d'argent, de trouver une activité qui rapportera à la société, qui permettra à ces individus de se sentir utiles et de sentir la satisfaction que, finalement, le chèque qu'on reçoit, on l'a mérité en quelque sorte, on l'a gagné, on a été utile à quelque chose.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes, Mme la ministre.
Mme Léger: Oui. C'est important ce que vous nous dites aujourd'hui parce que vous avez parlé tout à l'heure de préjugés sociaux, et il y a beaucoup de gens qui nous écoutent aussi aujourd'hui qui disent que les gens qui sont sur l'aide sociale ne devraient pas être sur l'aide sociale, puis, je veux dire, ils sont là, puis ils ne font rien, puis etc. Alors, c'est des préjugés très, très forts que nous avons dans la société. Et j'apprécie votre témoignage, de nous dire que vous n'êtes pas nécessairement heureux de recevoir un chèque puis de vous sentir peut-être inutile. Mais il y a des gens comme vous et comme d'autres qui sont des prestataires de la sécurité du revenu et qui n'ont... il n'y a pas autre chose pour les... il n'y a pas autre chose, dans le fond. Ce n'est pas par volonté de vouloir être nécessairement sur l'aide sociale. Par contre, il y a des gens qui sont sur l'aide sociale, c'est pour ça qu'on fait «apte et inapte», puis ce n'est pas nécessairement... C'est décrié par certains groupes. Puis, nous, c'est important aussi de soutenir puis d'accompagner les gens pour s'en sortir à travers tout ça.
Donc, tout dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et tout cet aspect-là d'accompagnement et de soutien, ça va se faire avec toute la collectivité, particulièrement les groupes communautaires qui sont d'une dynamique extraordinaire dans toutes les régions du Québec. On en a plus de 8 000 au Québec, de groupes communautaires. Alors, je vous remercie, monsieur, de votre témoignage. Oui, je pense...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très rapidement, M. Cadrin.
M. Cadrin (Raymond): Oui, rapidement pour dire que, dans le fond, je pense qu'il faut insister que, peu importe si les gens sont aptes ou inaptes, ils ont des besoins réels pour vivre, hein. Donc, de ce côté-là, c'est comme si on doit reconnaître ces besoins-là et, ensuite, il y a comme des besoins d'accompagnement qui varient dépendant des gens. Je pense que ce que Berval mentionne, c'est... des fois, c'est comme un sentiment de décrochage social, d'une part, et aussi peut-être d'une meilleure reconnaissance de la contribution diversifiée que des gens pourraient avoir à la société, hein. Bon, que ce soient les gens qui ne sont pas nécessairement en mesure de travailler mais qui peuvent s'engager socialement. Il faut peut-être reconnaître davantage ça. Et ce que des gens ont surtout besoin, c'est peut-être de voir des perspectives d'améliorer leur situation, et c'est souvent ce qui manque avec, des fois, des programmes d'emploi qui sont trop limités, tout ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également. Très intéressante cette discussion, surtout la dernière partie et quand on parlait de... avec M. Thériault, sur la question de la dépendance et l'aide sociale, et le fait de recevoir un chèque qui arrive comme ça sans avoir fait quelque chose pour l'avoir gagné... oui, je pense que vous avez dit. Et ce sentiment de dévalorisation qui s'installe par ce fait. Je me sens en opposition avec certaines réclamations qui sont faites, et qui ont peut-être elles-mêmes été présentées ici, à ce que tout le monde puisse avoir droit à un chèque comme ça. Et je pense que vous soulevez, parce que c'est la position d'un parti politique, je pense que vous avez à peu près parlé d'une garantie de revenu dans votre présentation au départ et vous dites: Il faut changer cette façon de faire, il faut donner un droit à tout le monde, un genre de garantie de revenu à tout le monde. Et je dois vous dire que, bon, il y a une complexité dans le système actuel qui fait en sorte que c'est tentant de regarder de ce côté-là, mais ce n'est pas quelque chose qui est prêt à être proposé comme solution réaliste au niveau d'un gouvernement qui veut gouverner véritablement. Ce n'est pas mauvais d'étudier les choses.
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(12 heures)
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Mais je reviens sur ce que M. Thériault disait parce que ce n'est pas nouveau, cette idée, non plus, celle d'un revenu minimum garanti, etc. Ça fait au moins 30 ans que ça se discute. Je le sais pour l'avoir regardé avec la question quand même. Il y a eu des études qui ont été faites au niveau du Sénat, il y a eu des études qui ont été faites au niveau même du gouvernement ici. Et un des éléments qui reviennent constamment comme empêchement, c'est cette question de... le lien entre ça et l'incitation au travail, le lien entre ça et la dépendance, le lien entre ça puis... Mais, du même côté, je me dis: Dans le système actuel, ce que M. Thériault nous apporte, moi, ça soulève d'autres questions également.
Ça soulève la question de l'aide qu'on offre réellement à l'heure actuelle. Vous me parlez des programmes de six mois, qui sont des programmes, on dit, d'employabilité, où on trouve une démarche à une personne qui intègre une entreprise avec une subvention salariale pour six mois. Après six mois, c'est fini. Et on a l'impression que, durant six mois, on a comme dit à la personne: On te laisse tout seul; on t'aide, on te donne six mois d'aide, on te met dans une situation de travail, débrouille-toi par après. Et, souvent, ce que la personne a besoin, j'ai l'impression, c'est une aide continue qui n'est pas nécessairement une aide qu'elle va avoir juste dans la participation au marché du travail, mais peut-être plus une aide plus individualisée, etc.
Alors, s'il y avait des changements à faire dans le concret, dans l'immédiat avant qu'on puisse tout revoir ça dans un monde idéal tel que, je pense, on le souhaite tous, est-ce qu'il y en a qui pourraient nous dire, à partir de leur connaissance de la réalité dans votre coin, quels sont les changements que vous aimeriez voir au niveau de l'aide qui vous est offerte à l'heure actuelle? Est-ce que, au lieu d'avoir, par exemple, ces programmes de six mois avec des subventions pour intégrer le travail et en sachant fort bien que le six mois correspond souvent au temps requis pour accumuler assez pour avoir l'assurance chômage et partir le cycle, est-ce qu'il faudrait changer cette approche-là en une approche beaucoup plus individualisée, à partir des besoins personnels du monde qui se retrouve dans une situation difficile à un moment donné dans leur vie parce que... En tout cas, comment est-ce qu'on pourrait essayer d'améliorer la situation actuelle?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Thériault, Ursule, hein?
Mme Thériault (Ursule): Oui. Merci, madame. C'est à peu près tout ce que vous venez de dire qu'il faut revoir. Le dernier recours, le recommencement, le précaire, mettez-les tous dans le même sac, brassez-les et vous retrouvez quelqu'un qui se retrouve à zéro après son six mois. Donc, ce qu'il faut faire... en tout cas, nous, on l'expérimente actuellement, mais c'est de l'accompagnement dont ces gens ont besoin. Vous savez, et Berval en a parlé tout à l'heure, cette réadaptation continue. À chaque fois qu'on revient puis qu'on recommence, je veux dire, pensez pas que c'est très bon pour l'estime de soi. Et il faut comprendre, dans les propos de Berval, la dépendance, ce n'est pas vraiment la dépendance au chèque, c'est vraiment l'impact sur l'individu et sur l'estime de soi que tous ces recommencements font... Les impacts sont dévastateurs. On parle de drames humains quand on vit ces situations-là. Je pèse mes mots, là, je ne vous conte pas de blagues. On travaille tous les jours avec ces gens. Ces gens vivent des drames humains quand ils sont confrontés à toujours recommencer. Imaginez, refaire une demande d'aide sociale. Je vous dirais qu'il n'y a pas pire humiliation pour un individu d'aller faire une demande d'aide sociale. Ils nous le disent continuellement. On les côtoie, on leur parle et on est obligé.
Et, quand ils nous parlent des deux ou trois employeurs, ce qu'il faut penser... Tout à l'heure, on parlait aussi de préjugés et, quand les programmes sont faits en fonction d'inaptes ou d'aptes, bien, on installe cette mentalité dans notre population et on l'installe aussi surtout sur nos employeurs. Actuellement, nous, on travaille depuis un certain temps, un certain nombre d'années à supporter ces gens dans l'entreprise, et je vais vous dire que le travail ne fait que commencer, avec la perception et les préjugés, les paradigmes qui, je dirais, emprisonnent les employeurs ou les gens, pour insérer convenablement les gens. Ils sont ouverts. Par contre, on est reçus avec une ouverture. Mais c'est l'ensemble de tout ça, de ce que vous venez de décrire qui est important d'un peu resituer ou de... d'arrêter de parler de dernier recours, puis d'inaptes, puis de ces choses-là.
M. Sirros: Mais ce que je pense que c'est important aussi de faire ressortir, et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a besoin criant de reformuler les programmes que nous avons en fonction plus de l'individu, de façon beaucoup plus flexible, l'adapter à des situations personnelles des gens, dans une démarche continue de soutien vers le travail, parce que je...
Mme Thériault (Ursule): Les revoir, mais peut-être de nous laisser, nous, les organismes communautaires, le moyen de mieux les accompagner.
M. Sirros: Mais, quand on dit «revoir», peut-être... pas peut-être... un des éléments qui devrait être mis dans l'équation de la revisite de ces programmes, de leur réinvention, si vous voulez, c'est la participation des gens de façon directe, qui sont sur le milieu, à titre de partenaires dans la conception de ces programmes.
Mais ce que je veux faire ressortir aussi, c'est qu'il y a un danger avec l'approche d'une garantie de revenu. Et le danger, c'est que... Parce que c'est proposé beaucoup aussi dans les milieux de droite, parce que ça permet justement de se déresponsabiliser comme société en mettant de côté les autres... les programmes d'aide et les programmes spécifiques, etc., en se disant: Bien, tu sais, on leur donne quelque chose, qu'ils s'arrangent. C'est une autre façon de... Alors, ça, c'est...
Mme Thériault (Ursule): Moi, je ne vois aucun danger.
M. Sirros: Pardon?
Mme Thériault (Ursule): Il n'y a aucun danger à donner un revenu à une personne qui en a besoin.
M. Sirros: Aucun, c'est un peu fort.
Mme Thériault (Ursule): Ça fait déjà partie des préjugés...
M. Sirros: Non... mais on ne se comprend pas, là. On ne se comprend pas.
Mme Thériault (Ursule): ...M. Sirros, au niveau des dangers.
M. Sirros: On ne se comprend pas. Je ne parle pas de donner un revenu à des personnes qui sont dans le besoin. Je parle de donner un revenu universel...
Une voix: À tout le monde.
M. Sirros: ...inconditionnel, à tout le monde, comme le propose l'ADQ, qui... O.K. Bien, soyons clairs.
Une voix: ...
M. Sirros: Soyons clairs. En tout cas, c'est ce que j'ai lu dans leur programme.
Mme Thériault (Ursule): Je vais laisser mon collègue, parce que je ne veux pas m'embarquer dans ça. Ha, ha, ha!
M. Sirros: Et je vous répète que c'est aussi l'équivalent du revenu de citoyenneté qui est réclamé par beaucoup de personnes. Soyons tout au moins conscients qu'il y a... Au-delà des autres complications de cette façon de faire pour l'instant, il y a un danger de déculpabilisation de certains milieux qui diront: Bon, on a ça, alors arrangez-vous.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très brièvement, M. Cadrin, parce que je devrai céder justement...
M. Sirros: Parce qu'on a déjà entendu ce genre de...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...je devrai céder justement la parole à la députée de Berthier par la suite.
M. Cadrin (Raymond): M. Sirros, je vous dirais rapidement que, en tout cas, moi, je crois beaucoup en la nature humaine et que je pense que, si les gens ont un revenu de base, un revenu de citoyenneté, ce qu'ils vont vouloir, c'est d'améliorer leur situation, hein, que, dans le fond, les gens veulent gagner un peu plus d'argent pour avoir un niveau de vie qui va être meilleur. Donc, il y a comme... Moi, je pense qu'on a un système qui est fait pour ça, qui est comme un côté incitatif en soi, de reconnaître ce revenu-là de base qui est important pour combler les besoins essentiels. Mais je pense que toute personne est intéressée, en général, d'améliorer sa situation. Et, moi, je crois à ça en partant, donc il n'y a pas trop de danger.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Berthier.
Mme Grégoire: Bien, merci beaucoup...
Mme Thériault (Carmen): Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.
Mme Thériault (Carmen): Est-ce que vous me permettez d'ajouter un...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Complément de réponse, Mme Carmen Thériault.
Mme Grégoire: Oui, allez-y. Moi, je vous cède mon temps.
Mme Thériault (Carmen): Moi, j'aimerais dire qu'on s'était fixé, en discutant, environ 10 000 $ par année. Je vais vous dire que, si on reçoit moins que ça, on est déjà en danger. Ça fait que je ne comprends pas que vous dites: Où est le danger? Moi, je suis déjà en danger.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme la députée de Berthier.
M. Sirros: Je comprends que je n'ai pas été compris.
Mme Grégoire: Merci. Mais ce n'est pas grave, ça arrive des fois. Ça m'arrive souvent.
Mme Thériault (Carmen): Non, non, je comprends, mais j'avais ça à dire, moi.
M. Sirros: Pardon?
Mme Grégoire: J'ai dit: Je comprends ça, être pas compris, ça m'arrive souvent.
Alors, écoutez, moi, je vous remercie d'être là. Moi non plus, je n'aime pas les étiquettes. Alors, je préfère grandement contribuer ouvertement à cette discussion-ci qui permet, en fait, d'ouvrir un débat qui... Je veux vous remercier d'avoir ouvert sur un sujet qui est un peu tabou ? puis je pense que tout le monde en convient ? la dépendance par rapport à l'aide sociale. Vous avez mis le doigt sur quelque chose que peu de gens osent nommer puis peut-être que, vous, parce que vous y avez été, vous avez... je pense que vous avez été capable de nous l'expliquer puis, avec le complément d'information qu'on a eu au niveau justement de l'estime de soi, d'être obligé de retourner, de prendre son petit courage à deux mains en disant: La mesure est de six mois, elle est terminée, puis ça n'a pas marché finalement, je n'arrive pas à me relocaliser dans un autre emploi...
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(12 h 10)
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Je suis curieuse de savoir... Il y a de l'accompagnement, mais le Centre d'action bénévole, chez nous, parlait de réintégration en milieu de travail. Eux, ils sont un lieu de travail d'accueil, puis, eux, ils ont des mesures de deux ans maintenant. Avec le centre d'emploi, avec le CLE, ils ont négocié des ententes spécifiques puis ils ont une intégration de deux ans, et ils disaient qu'ils avaient des résultats beaucoup plus performants. Pensez-vous que c'est quelque chose qu'il faut regarder, donc d'allonger, ou il faut plus investir dans l'accompagnement puis garder les temps qu'on a là?
Mme Thériault (Ursule): Il faut investir dans l'accompagnement et dans la croyance dans l'être humain, de un.
Mme Grégoire: Ça, il n'y a pas de trouble.
Mme Thériault (Ursule): La principale chose qu'on devrait penser, c'est d'abord la croyance fondamentale dans les capacités de l'humain et, à partir de là, comme mon collègue Raymond, bien, on sera en mesure de dire: Oui, c'est l'accompagnement qui est d'abord primordial, qui doit être privilégié. Ces gens-là ont besoin d'être accompagnés, vraiment besoin.
M. Cadrin (Raymond): Mais dans le temps aussi. Rapidement. Ce matin, on en parlait en s'en venant. C'est sûr qu'on peut penser que des programmes de deux, trois ans, c'est une période plus significative pour que des gens reprennent confiance en eux autres mêmes et puissent à ce moment-là avoir une expérience qui est valable pour continuer de travailler peut-être dans l'organisme, dans l'entreprise pour laquelle ils ont travaillé, ou d'aller ailleurs, hein, donc...
Mme Grégoire: Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, madame, avez-vous terminé?
Mme Grégoire: Oui.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, messieurs, dames, merci pour la présentation de votre mémoire, merci également pour...
Mme Thériault (Ursule): C'est terminé? Du tout...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bien, écoutez, vous voulez ajouter quelque chose? Vous avez encore le temps, madame.
Mme Thériault (Ursule): Je prendrais à peu près une minute, pas plus. En termes d'accompagnement...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, oui, sûrement.
M. Cadrin (Raymond): ...10 secondes, moi.
Mme Thériault (Ursule): O.K.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, vous avez la parole.
Mme Thériault (Ursule): En termes d'accompagnement, vous savez, actuellement, les gens qu'on réinsère en emploi, chez nous, avec la contribution d'un paquet... L'important, c'est de ne pas faire de scission entre les interventions que le milieu peut avoir avec cette personne. Si cette personne a besoin d'un soutien, d'un travail social, il faut que mon CLSC travaille avec moi. Donc, l'accompagnement est global, n'est pas nécessairement ciblé sur un point précis, l'insertion en emploi ou l'intégration en emploi. Mais l'accompagnement, en tout cas, pour nous, oui, il faut qu'il soit ciblé dans le temps. Mais je vous dirais qu'il y a des gens qui reviennent après deux ans, après un an. Mais le global, vous savez, voir l'humain dans sa globalité, ne pas... une fois que, je ne sais pas, j'ai un problème, je dirais, d'intégration sociale, on ne doit pas sortir la personne de son milieu de travail pour y présenter un programme d'insertion sociale, ça se fait en même temps, ça se fait en même temps, l'individu comme être global.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous pouvez ajouter quelque chose, M. Cadrin, vous avez le temps.
M. Cadrin (Raymond): S'il vous plaît, Mme la Présidente. Je me suis toujours dit que je rêvais de pouvoir souligner ça. Ça va être un message un petit peu plus à connotation politique d'une certaine façon. Je pense que c'est la bonne occasion de le dire. Ça m'a toujours frappé quand M. Landry, à un moment donné, qui était ministre des Finances, disait qu'il avait l'impression de recevoir du gouvernement fédéral avec la péréquation... d'être considéré comme étant un assisté social. Il n'avait pas de l'air vraiment à aimer ça, hein. Et je pense que c'est un sentiment qui n'est vraiment pas plaisant. Et, dans ce sens-là, c'est important de le reproduire aussi quand on parle de la situation de pauvreté, c'est un sentiment qui est vraiment déplaisant à avoir, et c'est pour ça qu'il faut reconnaître plus, davantage le droit aux humains d'avoir un revenu décent pour vivre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, au nom de tous les membres, messieurs, mesdames, merci, non seulement pour vos témoignages, mais également pour la présentation de votre mémoire.
Mme Thériault (Ursule): ...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Sûrement. Alors, je suspends les travaux à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 14)
(Reprise à 15 h 47)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Nous accueillons maintenant avec un peu de retard ? nous nous en excusons ? M. Marc Valade, qui est directeur général, de même que M. Pierre Lafontaine, conseiller aux communications du Conseil régional de développement de Lanaudière. Alors, je vous invite immédiatement à prendre la parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Conseil régional de développement
Lanaudière (CRDL)
M. Lafontaine (Pierre): Mme la présidente, Mmes, MM. les ministres, Mmes, MM. les députés, mesdames, messieurs, je vais procéder tout d'abord à une mise en contexte de ce qui nous a amenés à produire un mémoire et M. Valade présentera les principaux points à retenir.
Je rappellerai qu'en septembre 2001 il y avait eu la formation d'un comité de partenaires régionaux dans le cadre de la consultation Ne laissez personne de côté. À cette occasion-là, on avait eu la chance de recevoir Mme Léger pour une consultation en région, et tout ce processus-là avait donné lieu à la production d'un document qui s'appelait Au-delà des mots, passons maintenant à l'action. La volonté des partenaires, à ce moment-là, c'était vraiment de tabler sur des actions concrètes qui pourraient se développer tant au niveau régional, local que sous-régional, et avec le leitmotiv qui était derrière ça. C'était où se vivent les problèmes que doivent se développer aussi les solutions, et c'était dans cette optique-là que le comité avait travaillé.
À ce moment-là, d'ailleurs, les partenaires qui étaient présents, il y en a certains que vous avez déjà entendus en commission, la Table des partenaires du développement social de Lanaudière, le Conseil régional, qui était là naturellement, la Table régionale des organismes communautaires de Lanaudière, la Table de concertation des groupes de femmes de Lanaudière, la Direction de la santé publique, et on avait été appuyé dans notre démarche par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale au niveau des statistiques, entre autres, pour le travail du comité. Et c'est ce même comité-là qui s'est penché une fois de plus sur le dépôt du projet de loi n° 112.
D'entrée de jeu, je dois dire que, et de la part des partenaires et de la part du Conseil régional de développement, on accueille très favorablement ce projet de loi là parce qu'on considère que c'est vraiment une avancée importante au niveau de la lutte à la pauvreté et à l'exclusion. Ça nous semble vraiment refléter les préoccupations qui avaient été apportées à l'automne 2001 par la région et par les partenaires. Ça reprend beaucoup d'items qui sont présents dans notre document régional, qui avait été adopté d'ailleurs par le conseil d'administration du Conseil régional.
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(15 h 50)
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Dans le fond, ce qu'on veut apporter aujourd'hui, c'est davantage des précisions sur le fond du projet de loi plutôt que de le commenter article par article. On laisse ça aux personnes qui sont aptes à le faire plus que nous. Dans le fond, je pense que ce qu'on souhaite apporter ? vous allez le voir, M. Valade va vous présenter les principaux points ? c'était vraiment d'associer à ce projet de loi là des pouvoirs réels pour l'appliquer de façon efficace dans son ensemble. Je vais laisser la parole à Marc.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Valade.
M. Valade (Marc): Alors, merci. Alors, je continuerai la présentation à partir de la page 8 de notre mémoire. Par toute politique ou stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, nous pensons qu'un gouvernement doit éviter de tenter d'implanter des solutions mur à mur. Nous souhaitons qu'en légiférant le gouvernement précise un cadre facilitant qui permette aux régions de coordonner les actions réalisées localement, c'est-à-dire là où se vit la pauvreté et l'exclusion.
Un territoire comme celui de Lanaudière est formé d'un ensemble de différences qui rendraient caduque et non avenue toute solution basée sur un modèle unique. Notre paysage régional passe de l'urbain au rural par un territoire autochtone. Cette situation nous pousse à trouver des solutions adaptées à chaque réalité, d'où l'importance du palier local pour agir sur les besoins spécifiques de la communauté en considérant l'interrelation des différentes problématiques.
Ainsi, les balises tracées par l'application d'une loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion doivent être, à notre sens, horizontales et avoir un pouvoir d'obligation pour chaque ministère. Bien au-delà des avis ministériels prévus par l'actuel projet de loi, nous pensons que le gouvernement devrait inclure des obligations d'atteinte de résultats et que le gouvernement devrait aussi se doter de moyens efficaces afin de fixer des objectifs précis et des moyens de les atteindre.
L'adoption d'une loi contre la pauvreté et l'exclusion doit donc donner au gouvernement et à ses différents ministères de réels pouvoirs d'action. Une telle loi se doit d'aller au-delà des simples intentions et orientations. Cette loi, donc, selon nous, devrait être assortie de pouvoirs réels, de mécanismes de sanction, s'il le faut, et d'interpellation des différents acteurs et actrices. De plus, le gouvernement doit lui-même appliquer cette même rigueur. Nous sommes d'avis qu'il en va pour l'ensemble des acteurs et actrices impliqués dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion: les organismes communautaires, les établissements de santé et de services sociaux, les entreprises privées, les institutions financières.
Les choix réalisés par le gouvernement, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé et des services sociaux, de la famille et de l'enfance, des relations fédérales-provinciales ou tout autre champ de compétence, ont tous des impacts sur la qualité du tissu social et, par conséquent, sur l'exclusion et la pauvreté. Certains éléments du projet de loi vont dans ce sens mais pourraient, selon nous, aller encore plus loin dans l'obligation formelle, comme je le disais, d'atteindre des résultats. En effet, au-delà des rapports triennaux, entre autres, au niveau des indicateurs de résultats, c'est un suivi constant qui doit être porté aux actions.
Il est donc essentiel qu'il y ait, selon nous, un ou une ministre d'État à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion avec de réels pouvoirs sur l'horizontalité des actions. De plus, une loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion devrait être sous la responsabilité de l'ensemble du gouvernement et non pas sous la responsabilité d'un seul ministère. En ce sens, le ou la ministre responsable devrait avoir l'obligation et les pouvoirs de veiller à l'application des actions par l'ensemble des ministères. En fait, il devrait s'agir d'une loi-cadre.
Les différents acteurs régionaux ont un important rôle de coordination des actions. C'est à ce niveau que doivent se mettre en oeuvre les actions découlant des politiques nationales. À quelques endroits dans le projet de loi, il est fait mention que le gouvernement «peut prévoir la conclusion d'ententes entre le ministre et ses partenaires nationaux, régionaux et locaux», et on se pose la question à savoir si on fait référence par cet article aux ententes spécifiques de développement qui pourraient être aussi un outil très utile dans ce cadre.
Il est également mentionné que la réalisation du plan d'action sera déterminée en tenant compte des priorités nationales, mais nulle part il n'est mentionné que le gouvernement doive tenir compte des priorités régionales et locales. Ceci représente, selon nous, un réel danger dans l'application désordonnée de solutions mal adaptées aux réalités régionales et locales, entre autres à cause des disparités locales dont on parlait.
D'ailleurs, bien que le projet de loi prévoie la formation d'un comité consultatif, il n'est pas fait mention que des membres issus des régions puissent y siéger. Pourtant, ce Comité aurait comme principal mandat de conseiller le ministre dans l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des actions. Si tel était le cas et qu'un tel comité était effectivement sur pied, nous pensons que la participation des régions y est essentielle. Aussi, il nous semble que le projet de loi devrait inclure la régionalisation des leviers nécessaires pour permettre l'élaboration d'actions concertées sur le territoire de la région. La possibilité d'agir réellement sur nos leviers régionaux permettrait de supporter efficacement les actions portées par le milieu même auquel elles s'adressent.
Dans le projet de loi, au chapitre de la définition des actions, il est fait mention de «soutenir les initiatives locales et régionales spécifiques». Ce même article mentionne aussi l'importance de «soutenir de manière durable, aux niveaux régional et local, l'innovation et l'adaptation [...] et développer la concertation». Ceci démontre une certaine reconnaissance de ce qui se fait régionalement et localement. Toutefois, il importe qu'une loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion soit assortie de mécanismes d'application décentralisés vers les communautés et axés sur le soutien aux actions déjà menées plutôt que sur la création de nouveaux programmes ou structures non adaptés aux réalités du milieu.
Les actions menées contre la pauvreté et l'exclusion doivent, en effet, tenir compte de la présence des ressources déjà existantes dans le milieu et qui déploient d'ores et déjà des actions et énergies. En fait, le dépôt du projet de loi ou son adoption ne marque pas le début des actions menées contre la pauvreté et l'exclusion mais s'inscrit plutôt dans un continuum d'actions déjà amorcées.
Comme nous le mentionnions plus avant, la lutte à la pauvreté et l'exclusion doit se faire d'abord et avant tout là où se vivent les situations. À cet effet, il importe d'axer les actions sur la prise en charge de la communauté par elle-même. Certes, les paliers national et régional sont essentiels dans la coordination des actions et des programmes. Cependant, c'est d'abord sur le terrain que les actions doivent être menées.
Comme déterminants importants, nous mentionnerons, entre autres, la lutte au décrochage scolaire, l'importance de la création de logements sociaux abordables, de qualité et en nombre suffisant, l'importance, en région, de développer un réseau de transport collectif et un réseau routier adéquat, l'importance de déployer des services de première ligne accessibles sur l'ensemble du territoire et, particulièrement, de supporter l'action communautaire autonome de façon adéquate, suffisante et récurrente.
C'est dans cette optique qu'il importe de bien circonscrire les responsabilités inhérentes des paliers de responsabilité. C'est donc dans l'esprit d'une réelle complémentarité et d'un réel partage des responsabilités qu'une telle loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion devrait être appliquée.
En ce qui a trait aux mécanismes assortis à la loi, en termes d'évaluation d'impact et de mesure des résultats, les mêmes principes de proximité avec le milieu doivent être appliqués. Qu'il s'agisse d'un ministère, d'un comité consultatif, d'un observatoire, la structure envisagée doit demeurer légère, non contraignante et respectueuse de l'innovation. D'ailleurs, nous sommes d'avis que toute structure mise en place pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion ne doit pas contribuer à centraliser, à étatiser et à éloigner davantage les solutions des causes du problème.
Il importera aussi que les mesures d'atteinte des résultats souhaités soient faites à partir d'indicateurs adéquats. Ces indicateurs doivent tenir compte de l'ensemble des besoins des personnes et ne doivent pas servir qu'à diminuer les statistiques. Par exemple, quand il est question de logement, on y inclut le chauffage, l'électricité, etc.
Il importera aussi que l'ensemble des données recueillies, qu'il s'agisse de dresser un portrait de la situation actuelle ou encore de mesurer les impacts des actions qui seront entreprises, soient accessibles à tous, tant au niveau national, régional que local. La lutte contre la pauvreté et l'exclusion doit se faire dans un esprit de collaboration et de transparence. Il ne s'agit pas de se donner collectivement bonne conscience, mais bien de se donner collectivement la chance d'éliminer les situations de pauvreté et d'exclusion. Et, je paraphraserais une publicité que nous voyons: C'est dans notre intérêt à tous. Je le prendrais sur le plan du développement intégral.
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(16 heures)
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En conclusion, il s'avère de toute première importance de s'assurer de la cohérence gouvernementale dans les différents programmes de lutte à la pauvreté et d'une souplesse dans l'application de ces mesures, selon les besoins identifiés par les régions et les communautés. Il faut aussi s'assurer que les territoires et les communautés locales disposent des budgets suffisants et équitables pour pouvoir initier ou consolider les actions et les moyens les plus efficaces pour réduire la pauvreté et ses conséquences.
Le Conseil régional de développement Lanaudière vient d'adopter un plan d'action régional issu de son plan stratégique régional 2000-2005. Lors des travaux ayant mené à l'adoption de ce plan d'action, une commission sur la mise en valeur du capital humain a fait ressortir un ensemble de priorités pour les prochaines années. Déjà, des actions concrètes sont identifiées pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Je mentionnerais une priorité sur la valorisation de l'éducation et la lutte au décrochage scolaire, une priorité sur le développement et le soutien des organismes développeurs de logement social. Et je mentionnerais aussi une priorité concernant le soutien à l'action communautaire et, entre autres, aux capacités de concertation du mouvement communautaire au niveau local. La richesse, donc, des interventions prévues repose sur l'expertise présente dans notre région.
En matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, il ne s'agit pas de réinventer la roue, nous désirons simplement la faire tourner rondement en mettant en commun les forces en présence et en appliquant les principes mêmes de la politique de développement local et régional, soit régionalisation, décentralisation et subsidiarité. Cohérence, souplesse, moyens et soutien aux efforts existants, innovation, transparence, cibles concrètes, mobilisation, inclusion sociale, régionalisation, concertation locale, régionale et nationale résumeraient en quelques mots les ingrédients essentiels à la réussite d'une telle stratégie, afin d'en éviter le technocratisation et s'assurer qu'elle donne réellement les résultats escomptés.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Valade, M. Lafontaine, pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Valade et M. Lafontaine, je veux vous saluer. Je m'excuse d'être arrivée un peu en retard. Il n'en demeure pas moins que nous avions été bien sensibilisés par votre mémoire avec notre collègue députée de Terrebonne.
Nous avons 10 minutes, Mme la Présidente? Alors, vous comprendrez que nous allons devoir nous restreindre. Je voudrais d'abord vous féliciter puis vous dire que votre région, on la compare souvent à la région de Chaudière-Appalaches. C'est des défis, parce qu'on a beaucoup de choses qui nous interpellent de la même façon. Vous avez priorisé dans votre région la lutte au décrochage, le logement social, le transport collectif, ce sont des dossiers qui, particulièrement, ont un lien direct sur la pauvreté et l'exclusion sociale.
Vous avez aussi soutenu toute l'importance d'avoir des obligations de résultat. J'aimerais ça, tout à l'heure, vous pourriez nous dire comment on pourrait... comment, concrètement, vous voudriez qu'on puisse la déterminer, cette obligation de résultat formelle. Vous avez parlé beaucoup de suivi, comment le suivi était important dans les mesures qu'on se donne. Qu'est-ce que vous priorisez comme suivi? Et je voudrais vous rassurer, parce que c'est véritablement une loi-cadre. Cette loi, elle interpelle l'ensemble du gouvernement. Mais votre préoccupation est surtout de dire: Dans le suivi, pour la suite des choses, qui en sera responsable, qui va s'assurer de cette cohésion, de cette cohérence qu'on veut se donner?
Au niveau de... Vous avez dit aussi toute l'importance du collectif, comment il est important que collectivement nous nous préoccupons du mieux-être individuel des femmes et des hommes. Et un projet comme celui-là, bien sûr, ça interpelle l'État, mais c'est l'ensemble de la société. Dans la stratégie aussi, la loi, elle oblige, vous le savez, une vision d'ensemble et une stratégie cohérente, le moyen de soutenir toute la prise en charge régionale et locale. Elle est extrêmement importante. Il y a déjà une expérience de vécue, et c'est d'être capable de l'adapter à d'autres mesures. J'aimerais savoir comment on peut s'assurer justement, selon vous... Du reste, qu'est-ce qui fait qu'on respecte cette prise en charge? Et qu'est-ce que vous priorisez aussi au niveau de la prise en charge? Alors, après ces réponses, je vais céder la parole à ma collègue. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Valade.
M. Valade (Marc): Oui. Je vais tenter quelques réponses à Mme Goupil. Peut-être, M. Lafontaine pourra compléter aussi. En ce qui concerne l'obligation de résultat, on était assez formel dans ce cadre-là, c'est qu'on voulait s'assurer que les résultats visés débordent la perspective d'une durée de trois ans. C'est sûr qu'à partir du moment où on aura élaboré les indicateurs et qu'on se sera entendu sur des objectifs il va falloir travailler sur le terrain pour les faire avancer, mais on souhaite et on trouve important de voir des étapes en cours de route. On a vu quand même dans le projet de loi qu'il y avait rapport à faire annuellement, les plans d'action. C'est une bonne nouvelle, et je pense que c'est nécessaire, mais on se demandait dans quelle mesure il serait possible de voir l'évolution de ces indicateurs-là en même temps. Est-ce que c'est quelque chose de possible? On ne le sait pas à ce stade-ci, mais on pense que c'est quelque chose d'important. D'autre part, que ces indicateurs-là aussi ne soient pas variables, ne soient pas changeants pour qu'on puisse, au cours des années, évaluer le suivi de cette politique-là sur les mêmes bases, ça nous apparaît important aussi.
Pour ce qui est des suivis, c'est sûr que comme conseil régional de développement puis en lien avec nos partenaires que vous avez vu aussi passer en commission cette semaine, on s'entend tous dans notre région pour dire qu'on est en mesure de partager, d'une part, nos expertises, mais aussi nos énergies à mettre en commun une telle stratégie dans notre région. Alors, on trouverait important, du moment qu'on aurait un plan d'action national et gouvernemental, qu'on puisse, à partir de ce plan-là, l'adapter à des priorités régionales et, d'une certaine façon, convenir avec le gouvernement d'un plan régional d'action qui pourrait être supporté par un comité de coordination qui ferait un suivi local et régional. Avec les acteurs, têtes de ces réseaux, qui sont déjà réunis autour du comité, on sent cette volonté-là de vraiment accompagner la stratégie sur le terrain.
Alors, ce n'est pas nécessairement lourd comme mécanique, c'est en même temps une reconnaissance de ce qui est existant comme structure de concertation autour du Conseil régional de développement, et le Conseil est prêt à jouer ce rôle-là. Tout comme on faisait allusion aussi à la possibilité de signer des ententes spécifiques, on croyait que la loi pouvait faire allusion, dans l'article 17, à cette éventualité-là. Notre Conseil, avec tous les engagements qu'il a pris dans le passé, la nature du plan d'action régional qu'il a concocté avec ses partenaires, va certainement avoir une volonté à s'impliquer activement aussi et logistiquement dans l'application d'une telle stratégie, à continuer à mobiliser les partenaires régionaux en lien aussi avec les ministères impliqués dans la région.
Pour ce qui est de l'importance du collectif, dans le fond, on pense que c'est cette reconnaissance d'une structure de coordination, le suivi régional en concertation avec nos partenaires qui vont faire état de la mise en commun et des expertises, des efforts et de la connaissance des réalités pointues dans chacune des localités et, d'une certaine façon, la mise en commun d'un esprit de lutte à la pauvreté qui soit porté collectivement et non pas simplement en silo, comme on pourrait s'attendre par l'application de programmes. Et les gens des milieux ont souvent cette tendance à voir venir de nouveaux programmes avec des... d'atteindre des résultats spécifiques en lien avec chacun des programmes. On veut et on souhaite voir les liens entre tout ce qui va être mis sur la table pour faire en sorte qu'on puisse s'assurer d'adapter ces interventions-là aux réalités régionales et locales.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En complément de réponse, M. Lafontaine?
M. Lafontaine (Pierre): Complément de réponse, oui. Moi, ce que je dis, c'est que finalement, dans Lanaudière ? Mme Caron peut en témoigner ? on a une cohésion régionale très forte. Peu importent les secteurs d'intervention, on a réussi à asseoir ensemble des gens de différents milieux, des gens des ministères, des gens de députation, des gens des municipalités, des gens des MRC, du communautaire, peu importe, et ça, je pense, que ça fait une richesse d'expertise qu'il ne faut pas sous-estimer.
On a une région qui est particulière en termes de disparités territoriales. La MRC de Matawinie, qui a très peu de densité de population, avec un territoire qui est immense, par rapport à des Moulins, par exemple, où il y a une forte densité de population. On est une des régions où on est en plus forte hausse démographique au Québec. On est en termes de rattrapage aussi sur plein de secteurs, de services. Je pense que ça, l'expertise qui est développée dans le milieu, on ne peut pas passer à côté. On regardait simplement des statistiques, de dire, par exemple, certaines MRC du littoral, pour paraphraser mon président, qui semblent être des MRC où le revenu annuel moyen est dans les plus élevés... Par contre, si on va regarder dans ces municipalités-là, il y a des zones, des quartiers qui sont très pauvres. Et, même à l'intérieur d'un quartier qui est riche, entre guillemets, là, tu as une rue qui va être très pauvre par rapport à une autre. Et ça, cette expertise-là peut venir seulement du milieu. C'est l'expertise de la communauté. C'est dans ce sens-là qu'on disait que, au niveau des indicateurs, il ne faut pas négliger non plus ça et de dire que, en termes d'atteinte d'objectifs, il faudrait se fixer carrément un objectif clair de baisser le pourcentage de la pauvreté et de l'exclusion en dedans de tant de temps et de voir, au bout de tant de temps, si on a atteint l'objectif fixé.
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(16 h 10)
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C'est dans ce sens-là qu'on parle d'horizontalité d'action aussi. On revient... Et, dans le milieu, c'est très fort en termes d'action silo. Les gens disent que ce n'est pas comme ça qu'on va réussir. Donc, je pense que c'est en complément, là, vraiment à ce que M. Valade...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il reste deux minutes. Deux minutes, Mme la députée... Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Alors, il est plaisant de vous recevoir ici, au salon rouge, pour votre mémoire.
Vous êtes d'avis que le dépôt du projet de loi représente pour vous une importante ouverture de la part du gouvernement dans sa reconnaissance de l'urgence d'agir contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Vous considérez aussi que, dans le projet de loi, il reflète bien les interrogations et les constatations que vous avez présentées lors de la tournée que j'ai effectuée avec mes collègues, particulièrement pour la validation du document Ne laisser personne de côté! Vous dites que votre région a une cohésion très forte, que ma collègue la députée de Terrebonne est très, très consciente de ça. Plus que ça, elle est très dynamique, très passionnée pour sa région. Je pourrais dire qu'elle est très, très importante, la région de Lanaudière, pour ma collègue. Alors, je pense que vous avez une députée très, très dynamique.
Vous parliez tout à l'heure, vous avez glissé l'entente... Vous êtes en train de négocier une entente spécifique particulièrement pour renforcir les structures de concertation que vous avez, locales et régionales, mais aussi particulièrement pour le mouvement communautaire. Alors, vous l'avez glissé tout à l'heure, mais j'aimerais en savoir un petit peu plus par rapport au mouvement... Vous parlez d'un comité de coordination, mais vous voulez renforcir, dans le fond, l'action du mouvement communautaire dans l'application de la stratégie. Est-ce que vous pouvez l'élaborer un petit peu plus?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très brièvement, M. Valade.
M. Valade (Marc): Alors, brièvement, c'est... Le mouvement communautaire, bon, vous le savez, c'est un mouvement constitué de personnes bénévoles engagées souvent par conviction, avec peu de moyens, à qui on demande une implication, concertation énorme sans avoir les moyens de le faire. Alors, on souhaite pouvoir leur donner de meilleurs moyens à la fois de renforcer et consolider leur concertation locale dans chacune des MRC, mais au niveau régional aussi pour faire en sorte que leur apport à cette coordination de lutte à la pauvreté va être effectif et va bien rayonner, parce que ça prend des joueurs et des joueuses dégagés pour faire ce travail-là avec eux et en leur nom. C'est dans ce sens-là qu'en complémentarité on visait une entente spécifique de soutien à la concertation du communautaire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également. On semble être fixé sur Lanaudière aujourd'hui, d'après ce que je comprends, pas mal. Et, je sais qu'un collègue veut aussi questionner, donc très peu de temps, une couple de questions.
Vous insistez beaucoup dans votre mémoire sur la notion de la régionalisation. Vous voulez que ce soit régionalisé davantage et vous énumérez une série de choses qui devraient être des choses, des décisions prises au niveau régional. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur le comment de tout ça, par quelle voie est-ce qu'on va pouvoir opérationnaliser cette régionalisation, à quel niveau décisionnel, par qui, comment, comment gérer les fonds publics, c'est-u décisionnel ou juste consultatif, et les décisions prises, tu sais, à la centrale.
Et, deuxième point ? et je veux vous donner le temps de répondre aux deux ? vous énumérez aussi une série d'écueils à éviter par rapport à l'approche de lutte à la pauvreté. Alors, la question, c'est: Est-ce que selon vous, dans sa forme actuelle, la loi, telle que proposée, évite ces écueils de façon satisfaisante?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valade.
M. Valade (Marc): Pour ce qui est de la mécanique de régionalisation, M. Sirros, évidemment, on ne prétend pas vouloir accaparer la gestion de programmes publics. On pense que, via la décentralisation, les ministères impliqués dans une stratégie et concertés avec les acteurs du terrain vont jouer leur rôle adéquatement. Quand on parle de régionalisation, on souhaite, à ce niveau, pouvoir adapter un plan d'action national à une réalité régionale, c'est-à-dire, à ce moment-là, constituer, avec les partenaires du terrain et les ministères agissant dans notre région, un plan d'action régional qui va dire de quelle façon on entend, dans notre région, réaliser les objectifs du plan national et, de cette façon-là, contribuer concrètement sur le terrain à la lutte à la pauvreté.
Mais, d'autre part, il y a des outils qui vont être nécessaires pour appuyer ce travail-là, et il est possible qu'on ait besoin de soutien à l'innovation à des projets. Et donc, dans les pratiques actuelles de la politique de régionalisation, lorsqu'il y a des fonds qui puissent être appliqués dans de tels cas, il est souhaitable, à notre sens, que ces fonds-là soient régionalisés et, à ce moment-là, qu'on en remette une partie de la gestion et de la décision, de l'analyse des projets qui pourraient être soutenus à des comités régionaux qui connaissent bien la réalité locale et régionale et qui, par surcroît, posséderont leur plan d'action régional. Ils seront en mesure de déterminer où pourront être mis les accents en termes de soutien financier à ce qui va être mis en oeuvre sur le terrain.
Pour ce qui est des écueils, on a apporté quelques éléments. D'une part, on a eu une réponse intéressante au niveau de la nature cadre de cette loi-là. Ce qui était pour nous le plus important à éviter, c'est qu'on en reste au niveau des intentions. C'est vraiment qu'on se donne les objectifs de résultat et un pouvoir qui va avec pour atteindre ces résultats-là, des obligations, de la part du gouvernement, d'interpeller chacun des ministères dans les décisions qu'il va prendre. Je peux prendre l'exemple des autochtones qui, en général, disent dans leur philosophie qu'on ne prend pas une décision sans s'être posé la question des conséquences sur les sept prochaines générations. On pourrait paraphraser puis dire: Est-ce que chacun des ministères va être appelé à se poser des questions sur les choix de programmes, ou d'applications qu'il va faire, ou de nouvelles politiques qui vont être mises en oeuvre, à savoir si on va créer la pauvreté, l'encourager ou lutter contre la pauvreté, et l'éradiquer, et favoriser l'inclusion des personnes? Donc, c'est la perspective horizontale qu'on amène à ce niveau-là. On pense qu'on a les éléments nécessaires ici, dans ce projet de loi là, et il y a certains éléments qu'on voulait simplement renoter pour aller au bout de cette idée-là et s'assurer vraiment qu'on va donner le signal de toute la cohérence voulue.
M. Sirros: ...vous semblez dire que vous aimeriez ça, avoir une analyse des impacts et, du même coup, vous dites que, selon vous, la loi actuelle rencontre cette... c'est suffisant, ce qu'il y a dans la loi par rapport à l'analyse...
M. Valade (Marc): Dans la compréhension qu'on en a.
M. Sirros: Je veux juste comprendre, si la loi, dans sa forme actuelle, elle est satisfaisante pour vous.
M. Valade (Marc): Au niveau de l'analyse des impacts, ici, on cible un rapport triennal. Donc, ce que nous, on souhaiterait puis ce qu'on expliquait tantôt, c'est qu'on puisse voir l'évolution de façon annuelle de ces impacts-là à partir des indicateurs qu'on aura identifiés. On ne sait pas si ça, c'est possible, on le souhaite. Mais on pense que ce sera important de donner un signal annuellement de l'évolution de la stratégie pas seulement au niveau de la réalisation des actions, mais au niveau aussi des impacts sur les populations.
M. Sirros: Si j'ai du temps...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, très rapidement, M. le député.
M. Sirros: Très rapidement, mais... Parce que c'est... Là, vous référez à l'article 56, qui parle du suivi, etc., mais toute la latitude, à l'heure actuelle, est laissée au gouvernement de choisir les indicateurs qu'il va demander à l'Observatoire de rapporter. Vous n'aimeriez pas voir quelque chose de plus concret dans la loi par rapport aux indicateurs, par rapport aux objectifs à atteindre? Ce ne serait pas dans la loi? Parce que, actuellement, c'est dans la stratégie que c'est mis, puis ça, c'est décidé strictement par le gouvernement. On sait qu'il y a beaucoup de groupes qui demandent effectivement que ce soit plus contraignant et qu'il y ait, de plus, une clause d'impact comme telle dans la loi. Vous ne semblez pas les suivre de ce côté-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valade.
M. Valade (Marc): On ne s'est pas penché formellement sur la question sous cet angle-là. Ce sur quoi on s'est penché, c'est de s'assurer que, dans ce Comité-là et cet Observatoire, il y ait une représentativité des régions pour faire en sorte que, dans la détermination des impacts et des atteintes de résultat, des objectifs, on tienne compte des réalités vraiment locales et régionales. Donc, pour nous, c'est une assurance que le travail qui va être fait ensuite va rendre compte des objectifs que nous avons.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Puisque la députée de Joliette m'a demandé la parole, mais qu'elle s'est fait remplacer ce matin par sa collègue de Berthier, puis-je avoir le consentement des membres pour... Ça va. Alors, vous pouvez aller, Mme la députée de Joliette.
n(16 h 20)nMme Lespérance: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez trois minutes.
Mme Lespérance: Trois minutes? Je vais essayer d'être brève. J'ai apprécié particulièrement quand vous faites l'élaboration des problèmes les plus criants. Et, à mon avis à moi, les problèmes sont tous en lien direct avec un que vous avez bien identifié, c'est-à-dire le sous-financement au niveau de la région. Et un sous-financement, à mon avis, amène effectivement une situation précaire, sous-scolarisation, manque de logements abordables. C'est tout interrelié, et j'apprécie énormément que la région, en mode de survie, ait formé une cohésion très, très forte.
Maintenant, si on allait plus loin dans notre réflexion et qu'on pensait à un modèle idéal où on a une décentralisation et une régionalisation vraiment complètes, comme on l'a demandé lors du sommet régional, à votre avis, quelles seraient les balises de distribution des enveloppes régionales? Est-ce que le CRD a commencé à se pencher là-dessus, parce qu'il n'y a pas juste la région de Lanaudière qui réclame une inéquité et qui réclame effectivement une redistribution des enveloppes régionales autant en santé qu'en éducation, qu'en développement de main-d'oeuvre et en développement régional? Est-ce que vous autres, vous avez commencé la réflexion? À savoir, demain matin, si on vous disait: On va vers la décentralisation des budgets, comment vous voyez ça?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valade.
M. Valade (Marc): C'est sûr, comme je disais tantôt, on ne prétend pas, au CRD, vouloir devenir les gestionnaires des programmes puis des services gouvernementaux publics, mais nos partenaires de notre région, historiquement, nous le rappellent constamment, nos groupes structurés qui siègent à notre conseil d'administration sont ceux qui se font les porte-voix des besoins au niveau de l'équité dans l'ensemble de ces services-là, puis on ne se cachera pas que la région de Lanaudière a toujours décrié et a toujours revendiqué une certaine équité dans ces services publics qui ont été mis en place depuis sa constitution en 1987.
Maintenant, je ne pourrais pas rentrer dans les détails en termes de réponse à votre question, tout simplement parce qu'il y a plusieurs de ces secteurs-là qui sont encore en étude, et de façon concrète, au niveau de leurs besoins en équité, que ce soit dans la culture, la santé, l'éducation. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est qu'au Rendez-vous des régions, la semaine prochaine, la région de Lanaudière arrive avec une proposition pour travailler à l'équité dans laquelle on va retrouver ces différents secteurs là représentés.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, un bref commentaire, Mme la députée de Joliette. Trente secondes.
Mme Lespérance: Alors, merci beaucoup. Ça a répondu à ma question.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Valade, M. Lafontaine, merci d'avoir accepté de participer à cette commission au nom de tous les membres de la commission. Alors, je demanderais maintenant aux représentants et représentantes du Mouvement ATD Quart Monde de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
(Reprise à 16 h 24)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous poursuivons nos travaux et nous accueillons maintenant les représentants et représentantes du Mouvement ATD Quart Monde. C'est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons à cette commission parlementaire. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, identifier également les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Mouvement ATD Quart Monde
M. Reboul-Salze (Benoît): Bonjour, Mme la Présidente. Mon nom est Benoît Reboul-Salze. Je suis accompagné de M. Pierre Chaput, de Mme Lise Boulanger, Mme Madeleine Caron, Mme France Fournier et M. Guy Demers, tous membres du Mouvement ATD Quart Monde dans différentes régions du Québec.
Mme la Présidente, vous le savez certainement, le Mouvement ATD Quart Monde est un mouvement international de lutte contre la pauvreté et la misère qui a le statut d'organisme consultatif I auprès du Conseil économique et social des Nations unies. C'est de son histoire d'engagement en partenariat avec les personnes en situation de pauvreté sur tous les continents, en essayant toujours de rejoindre les plus pauvres d'entre elles, qu'est née, par exemple, la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté à laquelle vous avez vous-mêmes fait écho le 17 octobre dernier, journée au cours de laquelle nombre d'entre vous, vous vous êtes arrêtés pour écouter ce que les personnes vivant la pauvreté avaient à dire.
Dans 28 autres endroits au Québec, des personnes se rassemblaient dans le même sens pour écouter les témoignages comme celui de cette dame: «La pauvreté, pour moi, c'est de vivre dans la misère, dans un trou noir où tu es inutile dans la vie. Tu es complètement à la merci des autres. Ils font ce qu'ils veulent avec toi. Dans tous les sens du mot. Préjugés, bonne à rien, etc. C'est une démolition de l'être humain.» Présents depuis 20 ans au Québec, notre priorité est de chercher à ce que notre société s'enrichisse du savoir de chacune et de chacun de ses membres, y compris et surtout de celles et ceux qui en sont exclus. Ainsi, rechercher la participation des plus pauvres représente l'essentiel de notre action pour que les droits et la dignité de tout être humain soient respectés. C'est pourquoi nous sommes membres actifs du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et nous appuyons ses recommandations.
Notre mémoire a donc été préparé avec des personnes vivant la pauvreté et s'est enrichi de la dimension internationale de notre mouvement. Les uns après les autres, nous reprendrons ici des constats pour en souligner ensuite quelques recommandations.
Je commencerai en donnant la parole à M. Chaput.
M. Chaput (Pierre): Je voudrais vous parler de personnes que je connais qui vivent la pauvreté. Leur seule dépense est le téléphone, un loyer, un peu sur le prix du marché, manger à un bon resto à 2,50 $ par repas. Elles ne boivent pas, ne fument pas et, même, à la fin du mois, elles n'ont plus les moyens financiers de payer le téléphone et la carte du bus. Elles doivent aller à Old Brewery pour finir le mois.
Je connais aussi des gens qui partent du quartier Hochelaga pour aller à la campagne, à Saint-Calixte par exemple, parce que les loyers sont moins chers. Elle se retrouvent dans de vieux chalets mal isolés, avec une vieille auto qui ne marche plus, coupées de tout. Et, pourtant, dans le quartier Saint-Michel où j'habite, ces pauvres qui n'ont pas ce qu'il faut pour assurer leurs besoins essentiels, ce sont eux qui soutiennent le quartier en participant aux organismes communautaires. Je parle de la nécessité d'assurer la sécurité matérielle des personnes vivant la pauvreté, mais, en même temps, il faut parler maintenant de la nécessité de changer de regard.
M. Reboul-Salze (Benoît): Je voudrais maintenant donner la parole à Mme Fournier.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Fournier.
Mme Fournier (France): Oui. Il faut changer de regard sur les pauvres. Je voudrais qu'on voie la fleur dans le champ d'orties. Il y a tellement de préjugés, tellement d'orties. Il n'y a pas une journée que le monde ne te parle pas de son préjugé. Y a-tu moyen de nous voir autrement? Tu vois dans ton cadre à toi, mais, dans son cadre à elle, elle contribue à la société. On n'est pas des assistés de la société, mais des participantes et participants qui apportent courage et espoir à d'autres. Mais tout ça, on ne le reconnaît pas. On le reconnaît seulement à ceux qui ont des diplômes dans une valise. Mais ton savoir, il n'est pas comptabilisé. Il y a une perte de potentiel humain. Pour une société, c'est du gaspillage.
M. Reboul-Salze (Benoît): Mme Boulanger va continuer.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...bienvenue. À vous la parole.
n(16 h 30)nMme Boulanger (Lise): Il faut reconnaître le positif des gens, pas toujours le négatif. On a le droit d'être positif et de vouloir avancer, mais il faut prendre le temps et se donner du temps. Il faut reconnaître le droit à l'accompagnement et aussi à la formation qu'on a choisie. On ne sort pas de la misère du jour au lendemain. On a le droit d'être quelqu'un. Les gens sont dans une démarche qu'on doit reconnaître et appuyer. On demande aux pauvres de changer, de faire des pas, d'être responsables, mais nous devons nous changer nous-mêmes; à partir de là, l'autre va changer. Si on a une attitude de regard par le mépris, alors ils vont rester de même. Ce n'est pas aux pauvres de faire les plus grands pas, c'est nous qui devons faire l'effort de les connaître. On demande d'être reconnus comme des personnes à part entière. À l'école, on traite les parents pauvres comme des parents incompétents. Comment un enfant qui grandit dans ce non-respect de la dignité, comment être étonné qu'il se ramasse à la rue, en prison? Par une attitude négative, on fabrique une personne négative. On demande aux pauvres de changer, de faire des pas, mais nous devons nous changer nous-mêmes pour les rejoindre dans leurs efforts.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Salze.
M. Reboul-Salze (Benoît): C'est pourquoi, outre les recommandations contenues dans notre mémoire et celles qui reprennent les recommandations du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, nous voudrions insister sur les suivantes, que vous présente Mme Caron, suivie de M. Demers.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Caron, à vous la parole.
Mme Caron (Madeleine): Il y a de bonnes avancées dans le projet de loi n° 112, mais il faut donner une impulsion supplémentaire pour que, selon l'expression du Collectif, l'ascenseur se rende au deuxième étage. Comment faire pour que la loi permette la réalisation des droits pour tous et toutes? On constate que la référence aux droits n'apparaît que dans le préambule. Ce que l'on sait, par ailleurs, c'est que la pauvreté est un empêchement à la réalisation des droits reconnus à tous, lesquels sont indissociables et interdépendants. Or, on sait que, si on ne s'attaque pas à ce problème-là, la réalisation des droits ne se fera pas. On veut que l'on puisse suivre et mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des droits: se nourrir, avoir un logement convenable, s'éduquer, se former, travailler, se soigner, avoir accès à la culture, aux loisirs, exercer son droit au respect de la dignité, exercer sa liberté d'expression, exercer ses responsabilités parentales ou citoyennes. C'est pourquoi nous demandons qu'il y ait un raccord dans le texte de la loi qui marque cet engagement.
Nous proposons aussi que la définition soit retranchée et travaillée ultérieurement avec des personnes en situation de pauvreté. Nous avons pris connaissance des débats de cette séance attentivement et c'est pourquoi nous recommandons aujourd'hui de modifier le deuxième alinéa de l'article 4. Le texte se lirait ainsi, c'est-à-dire le deuxième alinéa: «Ces actions doivent permettre d'intervenir à la fois sur les causes et sur les conséquences de la pauvreté de sorte que chaque personne puisse réaliser les libertés et droits qui lui sont reconnus et participer activement à la vie sociale.» Comment faire pour parvenir à un changement de regard? Certains ont suggéré des campagnes de sensibilisation. À notre avis, cela n'est pas suffisant, car le but est de permettre à tous, et particulièrement aux personnes qui professionnellement auront des contacts avec des personnes en situation de pauvreté, de faire un apprentissage de partenariat avec ces personnes et d'acquérir une meilleure connaissance de la vie et de l'histoire des pauvres. Cet enseignement et cette expérimentation devraient, selon nous, faire partie de l'éducation civique dans les écoles et des programmes de formation professionnelle.
Il faut aussi développer au sein des services gouvernementaux et paragouvernementaux une approche qui ne soit plus fondée sur le contrôle social, mais une approche fondée sur le respect de l'autonomie et de la dignité. De même, il faut développer une approche globale de la famille qui reconnaisse et soutienne les responsabilités familiales.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Demers.
M. Demers (Guy): Si l'on veut que cette loi permette de vrais changements, qu'elle donne confiance, elle doit se doter de moyens efficaces. En voici deux.
L'Observatoire est nécessaire, mais il ne doit pas être fixe comme un périscope, il doit aller de place en place, rejoindre les pauvres eux-mêmes là où ils sont et travailler avec eux. Nous croyons nécessaire d'associer les personnes vivant la pauvreté à tous les processus prévus par la loi. C'est seulement en le faisant que nous pourrons nous assurer que personne ne sera laissé de côté.
Il faut également renforcer le caractère de la loi comme loi-cadre en y ajoutant une clause d'impact, c'est-à-dire une disposition qui assurera que toute proposition de loi et toute décision gouvernementale sera examinée à la lumière de son effet sur la pauvreté, de sorte que les décisions du Parlement comme du gouvernement actuel et des gouvernements futurs ne puissent aller à l'encontre des fins poursuivies par la loi.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. Reboul-Salze.
M. Reboul-Salze (Benoît): Dans la loi, l'Assemblée nationale pourrait marquer son engagement de viser un Québec sans pauvreté en reconnaissant le 17 octobre de chaque année comme la Journée québécoise pour l'élimination de la pauvreté, dans le respect de l'histoire de cette journée.
Enfin, pour conclure, nous aurions envie que vous vous posiez une question: Quand je vote la loi, est-ce que le plus oublié sera encore le plus oublié? Aujourd'hui, en termes économiques, l'eau de la fontaine ne retombe pas sur le premier barreau de l'échelle. Alors, pour aller jusqu'au bout de ce projet pour une société plus solidaire, plus égalitaire à laquelle nous réfléchissons ensemble aujourd'hui, demandons-nous: Est-ce que nous atteignons tout le monde? Est-ce que je n'ai oublié vraiment personne? Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, mesdames, messieurs, merci pour la présentation de votre mémoire. Sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Alors, merci beaucoup, mesdames et messieurs, d'abord de l'excellent travail que vous avez fait ensemble. On voit vraiment que c'est un travail d'équipe. Je tiens aussi à vous féliciter parce que les témoignages que vous apportez permettent jour après jour, pour des personnes qui ne seraient pas encore aussi sensibilisées à cette réalité de l'exclusion et de la pauvreté, ça permet, je pense... c'est une des façons de faire en sorte de faire diminuer les préjugés, puis j'espère un jour qu'on les réduira à leur plus simple expression.
Vous avez beaucoup insisté sur les préjugés, puis j'utilise le terme, vous avez dit «démolition de l'être humain», et ce que vous avez exprimé, c'est comment elle est extrêmement importante, la participation de chaque femme et homme de cette société pour justement faire en sorte d'exercer pleinement sa citoyenneté.
Comment changer le regard, comment changer les préjugés, vous avez soumis quelques éléments de réflexion. D'abord, vous avez indiqué qu'une campagne de sensibilisation peut-être que ce ne serait pas suffisant puis, en soi, ce n'est pas simple de composer une campagne de sensibilisation pour lutter contre les préjugés.
Vous avez parlé d'un partenariat, la connaissance des pauvres, l'éducation civique. J'aimerais que vous puissiez m'indiquer, peut-être, avec des exemples très concrets comment ce partenariat pourrait s'exercer dans le quotidien.
Vous avez également indiqué qu'il fallait avoir une approche sociale et non pas un contrôle social. J'aimerais que vous puissiez m'indiquer qu'est-ce qui vous fait utiliser ce terme de contrôle social, plutôt qu'une approche. Vous avez parlé de l'approche globale de la famille, et nous sommes parfaitement d'accord avec vous. Vous savez, dans la Stratégie de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, le premier élément, la prévention, puis de soutenir la famille dans son ensemble, c'est le premier axe qui est ciblé.
Et quand vous parlez de l'Observatoire, vous avez dit: «Cet Observatoire ne doit pas être fixe, mais rejoindre les pauvres, travailler avec eux», et vous avez ajouté qu'à chaque étape du processus il faudrait que l'on y retrouve une personne vivant une situation de pauvreté. J'aimerais aussi que vous puissiez concrètement m'indiquer comment on pourrait le faire. Parce que de nommer des personnes sur ces comités et tout ça, c'est déjà acquis, on a travaillé avec les membres du Collectif pour qu'on y retrouve des personnes vivant cette situation de pauvreté, mais vous indiquez qu'il faudrait à chaque étape qu'il y ait cette personne-là.
Finalement, vous avez indiqué ou vous avez souhaité qu'il puisse y avoir, le 17 octobre, une Journée québécoise de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Depuis maintenant deux ans, l'Assemblée nationale a reçu et accueilli des personnes vivant des situations de pauvreté. Cette année, au niveau d'un déjeuner, il y a eu des parlementaires qui étaient présents pour entendre les gens et tout ça. Je vais vous dire, c'est une excellente idée. Il y a des motions qui se font à l'Assemblée nationale, mais peut-être qu'on pourrait aller plus loin aussi.
Et finalement, j'aimerais que vous puissiez... parce qu'on entend à plusieurs reprises que l'on souhaite que cette loi, qui est au premier étage, puisse aller au deuxième étage. Ce qu'on souhaite d'abord, c'est, par cette loi-là justement, d'être capable... que l'ensemble de la société se sente interpellée et mobilisée, parce qu'en même temps il faut convenir que la société québécoise, elle vit des réussites extraordinaires dans bien des secteurs, alors que dans d'autres secteurs, on en convient, malgré beaucoup d'efforts qui ont été faits, on est à l'heure où on doit arrimer notre action différemment. Et quand vous dites: On voudrait qu'elle se rende au deuxième étage, vous avez parlé de modifications et tout ça, mais, pour être capable de faire en sorte que l'on puisse être solide sur le premier étage, j'aimerais savoir, de votre côté, qu'est-ce qui pourrait être fait davantage pour que l'ensemble de la société... Parce que plusieurs personnes sont venues ici nous indiquer... témoigner du travail qu'elles font. Mais, selon vous, il faudrait commencer par quoi, demain matin, pour faire en sorte qu'on puisse atteindre encore davantage la population? Je vous ai posé plusieurs questions, j'ai essayé de le faire lentement. Et je céderai la parole à mes collègues par la suite. Je vous remercie.
n(16 h 40)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...ces cinq questions, vous pouvez partager les réponses. Je vais commencer par M. Reboul-Salze, je pense qu'il souhaiterait intervenir.
M. Reboul-Salze (Benoît): Nous allons effectivement essayer de partager les réponses. Peut-être commencer par la question de l'approche sociale, et je donnerais la parole à Mme Fournier pour commencer à... l'approche sociale et le contrôle social que vous avez posés, et je proposerais à Mme Fournier de commencer à répondre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Fournier.
Mme Fournier (France): Quand, à mon agente d'aide sociale, je me présente et qu'elle me demande toujours et incessamment: Produis-moi ton carnet de dépenses, cenne par cenne, je me sens ? et pour beaucoup de personnes ? une personne en situation de justification de ce qu'elle est, de ce qu'elle a surtout, et qu'est-ce que tu as le droit d'avoir, qu'est-ce que tu n'as pas le droit d'avoir. Elle ne te pose pas la question où tu t'impliques, quels sont tes intérêts, si tu t'impliques au niveau communautaire, l'aide que tu apportes à ta voisine, le soutien que tu fais en tant que... dans une coopérative, ta contribution. Et tous ces petits gestes et ces petits pas ne sont pas reconnus, et je suis persuadée au plus profond de moi-même que c'est là la contribution citoyenne de beaucoup d'individus auxquels on ne reconnaît pas... Et je me dis que ce que je reçois comme aide sociale n'était que le salaire de mon bénévolat. Parce que, moi, je me dis profondément que tout le temps bénévole au Québec est une richesse, et vous nous dites: Ah oui! Oui, mesdames, oui messieurs, nous le reconnaissons, nous le reconnaissons. Mais ça ne paraît jamais ou, en tout cas, rarement. À l'action communautaire, vous savez, on était 4 000 ici devant vous. Et puis, pour tous ceux et celles qui étaient là et tous ceux qu'on ne voit pas et qui sont dans l'ombre, la partie bleue de cette petite épinglette, je crois que ça vaut la peine. Et qu'on sent un contrôle, pas une personne, un contrôle.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Fournier. Mme Caron.
Mme Caron (Madeleine): Moi, je vais compléter peut-être ce que France vient de dire. Ce que les gens souhaitent, c'est d'être soutenus dans leur démarche et non de se faire imposer un modèle tout fait. Comme je vous ai dit tantôt, on a suivi les travaux de la commission parlementaire, et il y a un sociologue de l'Université de Montréal, M. Bernard, qui a employé une expression: «Les gens veulent devenir les pilotes de leur sortie de la pauvreté.» Et je pense que c'est ça qu'on veut dire, respecter les choix des personnes, respecter l'autonomie qu'elles ont déjà. Le projet de loi est plein du mot «autonomie». On dit qu'on veut amener les personnes à leur autonomie et, pour les amener à l'autonomie, il faut déjà reconnaître qu'elles en ont une, autonomie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Reboul-Salze.
M. Reboul-Salze (Benoît): Je compléterais en... J'ai en tête, sur cette question, une phrase que disait une dame de Rouyn-Noranda, elle disait: «Il n'y a rien de pire que quelqu'un qui veut ton bien à ta place.» Et je crois qu'en complémentaire de ce que disait Mme Caron, c'est vraiment ça. Comment on s'assoit ensemble, qu'on regarde ce que font les gens et qu'on détermine ensemble les prochaines étapes à venir, quels programmes ça peut être, comment ça peut se faire, mais sur une base de... où on dialogue ensemble. Et quand vous parliez du partenariat tout à l'heure, c'est vraiment à ça qu'il faut arriver. Comment on peut arriver à croiser nos savoirs? Les gens qui vivent la pauvreté ont un véritable savoir, le reste de la société a un savoir aussi, mais ces savoirs ne se mélangent pas aujourd'hui. Alors, ça implique de se donner des outils ? très concrètement, l'Observatoire en est un, les groupes communautaires en sont d'autres ? pour vraiment croiser ces savoirs et faire en sorte qu'ils influencent les politiques et même l'avenir de nos sociétés.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mme la ministre.
Mme Goupil: Moi, je voudrais revenir sur un élément extrêmement important. Vous avez parlé... on veut être respectés dans nos choix, dans notre autonomie. Je reprends ce que madame a mentionné tout à l'heure parce qu'il est évident que, dans la façon d'exercer non pas un contrôle, mais à partir du moment où on vit dans une société, au niveau de l'imputation des deniers publics, on s'attend dans cette société à voir cette rigueur, cette constance pour s'assurer de l'utilisation qu'on peut en faire. Ça ne justifie pas une attitude qui soit arrogante ou comme vous l'avez décrite, mais il est évident que, avec les lois, les règles qu'on s'est données dans cette société, il y a des outils pour être capable de vérifier l'utilisation qu'on en fait.
Est-ce que, avec le témoignage que vous avez fait, vous venez nous dire que le choix qui serait exercé, d'accompagner ou de faire des choses, ferait en sorte que ce choix serait une reconnaissance faisant en sorte que, dans un revenu de solidarité, on arriverait à dire: Si quelqu'un fait ce choix-là, on va le soutenir financièrement, directement par soutien financier, indépendamment des réalités que cette personne peut vivre, tout simplement au nom du choix? J'aimerais... Justement, quand on parle de ces mots-là, qu'est-ce qu'on veut dire exactement?
Une voix: ...
Mme Goupil: Excusez-moi, j'aimerais ça que Mme Caron puisse revenir aussi là-dessus, parce qu'on en a parlé à plusieurs reprises.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...cependant, là, dépendamment des réponses, mais... Alors, Mme Fournier.
Mme Fournier (France): Moi, je crois que, quand on est du côté le plus pauvre, le choix nous est un peu moins facile, tandis que, quand on est plus... Je ne veux pas être préjugée là-dessus, mais je constate bien que, quand on a un peu plus de richesse, le choix est un peu plus là. Et j'oserais espérer qu'on ait le plus ce choix-là, d'avoir droit à la beauté, à la culture, à la santé un peu plus. Toute la publicité nous en parle. Il s'agit juste comme d'ouvrir les yeux et les oreilles, on en a plein d'exemples. Ce n'est pas comme l'annonce de Clarica, ce n'est pas si clair que ça, mais...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui?
M. Reboul-Salze (Benoît): Je pourrais proposer à Mme Boulanger de répondre à cette question, en complémentaire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, brièvement, Mme Boulanger.
Mme Boulanger (Lise): Oui. Quand on parle d'une approche sociale, c'est une façon aussi de voir les gens différemment. C'est que, la plupart du temps, les gens qui veulent s'impliquer, ils font du bénévolat, ils vont avoir des responsabilités, des tâches de responsabilité, ils vont faire un travail de coordonnatrice, ils vont faire un travail de relationniste, tout ça, mais la minute où il doit être payé, on dit: Oh non! on ne peut pas t'engager, tu n'as pas un diplôme universitaire. Donc, la personne qui travaille pour se sortir de la misère, elle fait des efforts, elle s'implique, elle apprend, elle fait un travail d'une personne universitaire, mais pas payé. Donc, on pense que la personne, vu qu'elle est pauvre, elle est bénévole, on peut lui demander n'importe quoi, elle n'est pas responsable, mais aussitôt qu'elle doit prendre des responsabilités de faire le même travail, ce n'est pas la même histoire. Donc, on ne reconnaît pas ces personnes-là. Donc, le bénévolat, c'est une approche sociale qu'on développe. On dit aux gens: Faites du bénévolat, faites du bénévolat, c'est valorisant, l'estime de vous augmente, mais demandez-leur un salaire par la suite, pour se faire engager, ce n'est pas la même histoire.
Donc, il y a aussi ce qu'on pense des personnes. On les regarde, les personnes, puis on leur dit: Ah, oui, mais cette personne-là, si elle ne fait pas du bénévolat, elle ne fera rien. Donc, on juge la personne, on la condamne. Et puis ces personnes-là, elles font des efforts pour pouvoir s'en sortir, mais toujours on leur tape sur la tête. Donc, comment voulez-vous qu'une personne puisse réussir à se sortir de la misère si on ne lui donne pas vraiment des chances positives à s'en sortir?
n(16 h 50)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, peut-être que vous pourrez répondre tout à l'heure à partir de la question qui vous sera posée.
M. Sirros: Très rapidement, bienvenue également. Mais, juste pour...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: ...poursuivre directement sur cette ligne-là... Parce que je trouve la discussion intéressante: on parle des efforts que les gens font, on parle du sentiment que c'est plus du contrôle social qu'on reçoit plutôt que de l'aide sociale. C'est ce que j'ai compris. Et pourtant, j'ai l'impression que ce qu'on cherche à faire, c'est d'aider socialement les personnes. Je pense qu'il y a une constatation qu'on reçoit de façon constante et régulière à travers tous les témoignages qu'on a reçus qu'effectivement le système manque le bateau par rapport à l'aide que ça peut apporter, que c'est plus une notion de contrôle quand on donne de l'argent, et il y a des justifications pour ça également, mais ça ne change pas le fait que c'est reçu de façon très accablante par les gens puis ça les démotive et dévalorise davantage.
Vous parlez du bénévolat puis des efforts que les gens font pour s'en sortir. Pouvez-vous être plus spécifiques? Qu'est-ce que vous cherchez, là, concrètement quand vous dites: On ne reconnaît pas les efforts de bénévolat qui sont faits? Est-ce que le bénévolat est un moyen de sortir pour ces personnes-là ou est-ce que c'est un lieu d'apprentissage pour éventuellement pouvoir intégrer un milieu qui donnerait un revenu quelconque? Comment vous voyez cette aide sociale qui devrait être apportée, que ce ne soit pas un contrôle, que ce soit une aide?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Reboul-Salze.
M. Reboul-Salze (Benoît): Oui. Je voudrais faire une première réponse puis je passerai la parole après à mes collègues.
On a proposé dans notre mémoire d'améliorer la loi n° 112 notamment en parlant de formation de l'ensemble de la société mais aussi des professionnels qui sont en lien avec les personnes vivant la pauvreté, parce que je crois que ce regard dont vous parlez, cette question d'avoir un regard social, elle n'est de la faute de personne, c'est lié à la manière dont on a appris les choses. Je crois qu'on doit changer de cadre de référence, on doit vraiment apprendre à voir la lutte contre la pauvreté autrement. Et c'est pour ça qu'on propose une formation de tous les intervenants et de l'ensemble des citoyens pour apprendre à non plus voir les gens comme des gens qu'il faut aider, mais des gens qui sont déjà actifs et qu'il faut accompagner, avec qui il faut cheminer dans les efforts qu'ils font déjà. C'est là un regard, une manière de voir l'action sociale complètement différente, mais ça implique qu'on se forme dès l'école et qu'on se forme avec les personnes qui vivent la pauvreté, parce que ce sont eux, les experts, ce n'est pas nous.
M. Sirros: Vous avez parlé de cheminement, vous avez dit qu'il faut aider les gens dans leur cheminement. Un cheminement vers quoi?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Reboul-Salze.
M. Reboul-Salze (Benoît): M. Demers.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. Demers.
M. Demers (Guy): Je crois que ce que les personnes vont dire le plus souvent, c'est qu'elles sont étiquetées, à tort ou à raison. Elles sont étiquetées, et souvent plus à tort, parce qu'on ne tient pas compte de ce qu'elles ont fait comme valable pour justifier... Du moment qu'on a un programme, on a des conditions. C'est normal, il faut toujours vérifier si les conditions sont remplies. Mais est-il nécessaire de le faire avec une approche méfiante? Et c'est bien plus souvent l'approche qui est vraiment le poids que vivent les plus pauvres que la condition elle-même, et cette approche-là prend du temps. C'est un peu comme... On va dire qu'on voudrait bien aussi que le médecin prenne du temps pour considérer la personne dans tout ce qu'elle vit. Mais, quand on est pauvre et qu'on vit dans l'urgence, tout ce qu'on vit devient encore plus important. Alors, l'agent d'aide sociale ou quel qu'il soit, il doit aller vite aussi, il doit vérifier, etc. Donc, ça, ça fait vraiment partie. Et, lorsqu'on demande à quelqu'un de faire un cheminement vers l'emploi, on ne peut pas lui mettre sur le dos de créer les emplois dans son propre milieu. Mais c'est un peu comme si on lui faisait porter ça. À un moment donné, ça n'a plus tellement de bon sens.
Donc, c'est pour ça qu'on parle de changer le regard, parce qu'on parle d'attitude plutôt... On ne dit pas que la loi est mauvaise, mais on dit que l'attitude derrière est méfiante. Alors, ça ne se fait pas du jour au lendemain, ça se fait à travers un cheminement et un temps et ça se fait à travers la reconnaissance que la lutte à la pauvreté, c'est la responsabilité de tout le monde. Le plus pauvre porte une grosse charge sur lui; la plus pauvre, le plus pauvre aussi. Donc, je ne sais pas comment on peut aller plus loin, expliquer ça, pour dire ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.
M. Sirros: Si vous permettez, juste avant que l'autre personne intervienne, moi, ce que je...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boulanger? C'est Mme Boulanger qui veut ajouter quelque chose?
M. Reboul-Salze (Benoît): Mme Caron.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Caron. Je m'excuse.
Mme Caron (Madeleine): Je dirais, un, d'autres l'ont dit, il faut prendre le temps, et parfois la première étape pour s'en sortir ? justement, on parle beaucoup de bénévolat ? c'est la participation aux organismes communautaires. Ça, c'est très important de le respecter.
Ensuite, pour ce qui est de cheminer vers où, la question que vous avez posée, ce qu'on dit, c'est... Vous dites: Aider les gens à quoi? Aider les gens à se forger un projet personnel qui soit adapté au point où ils en sont rendus puis à leurs goûts, jusqu'à un certain point, et à leurs talents, jusqu'à un certain point.
M. Sirros: Pour qu'ils soient autonomes financièrement?
Mme Caron (Madeleine): Tout le monde veut être autonome financièrement, hein. Je pense qu'il n'y a personne qui a le goût de passer sa vie à 500 $ par mois. Mais il y a des étapes à respecter avant qu'on puisse le faire; dans les six mois, ce n'est pas toujours possible, dans l'année, ce n'est pas toujours possible.
M. Sirros: Ce qui m'amènerait juste à compléter avant que... je ne sais pas si j'ai du temps, mais ce que je retiens, moi, de votre témoignage et d'autres et un peu des orientations qui sont là depuis... en tout cas, des constatations qu'on a depuis bon nombre d'années dans nos bureaux de comté, etc., c'est que ce qui est mis sur pied à l'heure actuelle en termes de programmes d'aide est beaucoup plus effectivement administré de façon à contrôler les fonds publics que d'aider les personnes, en se disant, tu sais, le transfert monétaire et l'aide, et il faut le contrôler par la suite, tout en ayant des programmes de six mois, etc., afin que les gens puissent avoir une aide, entre guillemets.
Mais il manque l'aide humaine individualisée, adaptée. Il manque l'aide où la personne peut se tourner vers quelqu'un pour dire effectivement: Aidez-moi à compléter mon projet de cheminement personnel vers une autonomie financière. Ça, je pense que c'est ce que je retiens de vos interventions puis d'autres aussi.
M. Reboul-Salze (Benoît): Est-ce que M. Chaput pourrait ajouter un mot, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, brièvement, M. Chaput, parce que je veux passer la parole...
M. Chaput (Pierre): Moi, je pense que c'est ça qui est le problème, parce qu'on ne peut pas juger. Exemple: je viens d'un quartier comme Saint-Michel, voisin de chez vous. Il y a des gens qui sont des ingénieurs algériens qui arrivent avec beaucoup de diplômes, il y a des gens aussi qui arrivent avec... Eux ont juste besoin d'une aide adaptée peut-être, là, de savoir... Dans six mois, un an, ils vont peut-être s'en sortir assez vite de l'aide sociale.
Il y a des gens qui sont aujourd'hui sur ? je ne connais pas le nom ? les anciens programmes Extra. Eux autres, c'est sûr qu'ils ne s'en sortiront pas dans six mois, un an. Ça va prendre peut-être deux, trois, quatre ans, mais il faut un travail global, à la fois de la formation technique et à la fois de la formation psychologique et sociale. Ces gens-là partent avec beaucoup de handicaps sous toutes leurs formes. Même si on voulait les remettre sur le marché du travail demain matin, strictement par la loi du marché, personne ne va les employer. Il faut leur donner un suivi, à mon avis, global.
Aussi, il faut voir, il faut peut-être... C'est là que l'économie sociale peut jouer un rôle: les organismes communautaires, les mettre en réseaux sociaux, de les faire vivre dans les réseaux sociaux dont ils ont besoin.
Ils ont une autre forme aussi: l'itinérant ou l'itinérante qui ont des problèmes de psychiatrie. Il est clair que ces gens-là partent d'encore plus loin. Vous avez peut-être trois étapes vraiment. Il y a des gens qui ont juste besoin d'un petit coup de pouce, ils vont être repartis, mais d'autres, le problème est plus difficile que ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Berthier. Merci, M. Chaput.
Mme Grégoire: J'ai combien de temps, à peu près, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Quatre minutes.
Mme Grégoire: O.K. Bien, merci beaucoup d'être là. Je continue dans le même ordre d'idées où on parle de choix, je pense, de responsabilités aussi, parce que ce que j'entends, c'est ce que vous dites, c'est que les gens veulent avoir le choix dans leur cheminement mais ils sont aussi prêts à être responsables de leur cheminement avec des coups de pouce à différents niveaux et tout ça.
Alors, ce qu'on dit ? puis j'essaie de savoir si j'ai bien compris ? c'est qu'on voudrait que nos efforts puis notre accompagnement soient évalués en fonction de nous, et non pas en fonction de programmes, donc quelque chose d'un peu plus flexible qui permettrait, oui, d'aller chercher de l'accompagnement, mais qu'ensemble, avec, par exemple, l'accompagnateur qu'on a, on se fixe nos indicateurs de performance, qu'on ait un indicateur qui reconnaisse nos... tantôt, on parlait de nos talents, de nos goûts, je pense, de notre éloignement ou de notre rapprochement au milieu du travail, notre engagement. Est-ce que c'est ça?
n(17 heures)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Reboul-Salze.
M. Reboul-Salze (Benoît): Oui. Ce qui est sûr, quand on parle de responsabilités, c'est que les gens ne nous ont pas attendus, ils en prennent, et déjà ne serait-ce que pour survivre. Parce que, aujourd'hui, les gens qui vivent la pauvreté sont dans la survie, tant pour se nourrir, que pour se loger, que pour se soigner, sans parler des droits civils, des droits culturels auxquels ils n'ont pas du tout accès. Donc, ce que les gens veulent ? je vais essayer de répondre à votre question comme ça ? c'est: Aidez-nous à tenir nos responsabilités ensemble. Passons d'une approche individuelle, qui est celle que les gens vivent maintenant et ressentent maintenant, aide-toi, bouge, à une approche collective, on va s'aider ensemble. Et c'est vraiment vers ça qu'on propose que cette loi aille.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Caron.
Mme Caron (Madeleine): Je voudrais ajouter un petit quelque chose. Je vais répéter ce que j'ai dit tantôt, pour certains... Puis, ça complète un peu ce que Pierre disait, pour certaines personnes, elles ne sont pas capables, là, tout de suite d'envisager... d'entrer dans un travail. Et puis, on a parlé beaucoup du communautaire, là, tout au long de cette commission parlementaire, et ce bénévolat dans les organismes communautaires, si on en était privé du jour au lendemain, là, ça n'irait pas bien, hein? Puis ces gens-là n'ont pas la capacité de faire ça en plus de travailler 35 heures par semaine. Alors, je pense qu'il faut respecter cette partie du cheminement des personnes puis prendre le temps encore une fois.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. Demers.
M. Demers (Guy): Je vais revenir sur l'Observatoire. Connaître ce que vivent les pauvres, connaître notre relation avec eux et elles, c'est très, très important. Le rôle de l'Observatoire est crucial, et c'est évident qu'un observatoire qui est composé d'universitaires ou de personnages qui sont des experts peut aussi vivre dans une bulle, et ça arrive. Si on veut sortir de la bulle et rejoindre les gens, on le fait comment? Et on le sait qu'on ne va pas rejoindre les gens les plus pauvres avec des questionnaires. On a parlé de gens très pauvres qui sont très engagés dans le bénévolat, mais beaucoup sont cachés, beaucoup ne veulent pas être identifiés. Moi, je vis dans une région rurale, beaucoup vivent au fond des rangs dans des conditions impossibles.
Alors, quand, tout à l'heure, vous avez posé la question: Comment, à travers l'Observatoire, les rejoindre? D'abord, l'Observatoire doit les rejoindre, sinon nous ne le saurons jamais, c'est quoi, la réalité vécue. Comment les rejoindre? C'est prendre du temps, oui. Et par quel moyen? C'est peut-être à travers toute une série de programmes et d'activités qui leur permettent de sortir de leur isolement, de trouver confiance à se rencontrer, pas seulement autour de leurs problèmes, autour du plaisir d'être ensemble. Cela prend du temps. Le Collectif a identifié ça comme sa priorité. Il consacre une grosse partie de ses énergies dans un projet qui s'appelle le projet AVEC, parce qu'on a beaucoup à réfléchir là-dessus. Donc, rejoindre les gens, ce n'est pas que par des questionnaires pour un rapport annuel, c'est par un programme de soutien et d'appui aux rencontres entre les gens les plus pauvres, sachant que, là où ils sont, ils se cachent et que ce n'est pas du jour au lendemain qu'on sort de sa cachette.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en terminant... Le temps est déjà écoulé, peut-être une brève intervention. Mme Boulanger ou...
Mme Boulanger (Lise): Moi, j'aimerais aussi rajouter... C'est que quand on dit toujours qu'il y a du travail pour tout le monde, ça, c'est un préjugé que les gens ont. Ce n'est pas vrai. S'il y aurait du travail pour tout le monde, on se serait pas ici, aujourd'hui, à essayer de débattre puis à essayer de trouver un moyen pour éliminer la pauvreté. Ça fait que c'est faux de dire qu'il y a du travail pour tout le monde, puis c'est parce qu'ils ne veulent pas aller travailler. Et puis, aussi, il ne faut pas infantiliser les personnes qui sont pauvres puis leur dire: On va faire un encadrement, puis là il va falloir que tu fasses ça, ça, ça. Ils sont responsables, ils sont autonomes, puis ce n'est pas des enfants, c'est des êtres humains, c'est des adultes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, M. Reboul-Salze. Je sais que vous souhaitez...
M. Reboul-Salze (Benoît): Oui. Je voudrais revenir, en fait, sur la conclusion de notre introduction, puis ça fait le pont avec ce qui vient d'être dit précédemment. Il y a un talent des gens qui vivent la pauvreté, c'est de nous faire connaître ceux qui sont encore plus pauvres qu'eux. Et, si on veut s'assurer que cette loi définisse des droits pour tout le monde, on ne peut pas passer à côté de travailler avec les gens qui vivent la pauvreté, parce que c'est eux qui vont être capables de nous dire, qui vont être en mesure de nous dire: Oui, on a atteint nos objectifs ou non, on ne les a pas atteints; oui, on est dans une société juste, égalitaire, solidaire ou non, on ne l'est pas.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il me reste, au nom de tous les membres, messieurs, mesdames, à vous remercier pour avoir participé à cette commission, de nous avoir fait partager votre expérience de tous les jours. Merci.
Alors, j'inviterais immédiatement le prochain groupe à bien vouloir prendre place et je suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 5)
(Reprise à 17 h 6)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants et représentantes des étudiantes et étudiants de deuxième année en Techniques de travail social, cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, et Comité d'action contre la pauvreté de Rouyn-Noranda. Alors, nous changeons de région.
Alors, bienvenue ici, à cette commission parlementaire. Alors, j'inviterais la première ou le premier porte-parole à bien vouloir s'identifier et nous identifier en même temps les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour la présentation du mémoire. Vous pouvez, bien sûr, partager ce temps que nous mettons à votre disposition.
Étudiantes et étudiants de deuxième année
en Techniques de travail social au cégep
de l'Abitibi-Témiscamingue et Comité d'action
contre la pauvreté (CACP) de Rouyn-Noranda
Mme Mercier (Christine): Merci, Mme la Présidente. MM. et Mmes les députés, MM. et Mmes les ministres, Mme la Présidente, bonjour. Je me présente, je m'appelle Christine Mercier et je suis accompagnée de Mmes Sabrina Arcand et Marie-Christine Turgeon, toutes trois étudiantes en deuxième année en Techniques de travail social au cégep de l'Abitibi-Témiscamingue à Rouyn-Noranda.
J'aimerais ça vous spécifier qu'on est extrêmement nerveuses. C'est la première fois qu'on participe à ce genre d'événement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Soyez très à l'aise, nous sommes ici pour vous écouter.
Mme Mercier (Christine): Merci beaucoup. Alors donc, nous, aujourd'hui, nous sommes venues en tant que porte-parole du Comité d'action contre la pauvreté de Rouyn-Noranda, et ce, pour deux raisons, car les auteurs du mémoire ont l'impression que tout a déjà été dit sur la problématique et sentaient un certain découragement face à la présentation de la situation vécue dans la région, soit l'Abitibi-Témiscamingue. Et, de plus, les gens vivant en situation de pauvreté étaient intimidés de venir ici présenter leur mémoire et, de plus, n'avaient pas les moyens financiers de pouvoir venir ici, partir de l'Abitibi et venir à Québec pour le présenter.
Le Comité d'action contre la pauvreté de Rouyn-Noranda est formé de représentants de groupes communautaire, de représentants du CLSC Partage des eaux, de bénévoles et, évidemment, de personnes en situation de pauvreté. Le Comité est beaucoup impliqué, notamment dans leur propre milieu, soit par des activités de sensibilisation face à la pauvreté, et ils sont impliqués depuis le début dans le processus du Collectif pour une loi pour la lutte... sur l'élimination de la pauvreté. Pour terminer, le Comité appuie donc la position du Collectif face à la loi sur l'élimination de la pauvreté et supporte les huit améliorations qu'il propose.
Je laisse donc la parole à Mme Sabrina Arcand, qui nous fera part de témoignages de personnes en situation de pauvreté qui ont été recueillis par le Comité.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Arcand, vous avez la parole.
Mme Arcand (Sabrina): Merci. Je vais enchaîner cette présentation en vous parlant de la réalité des gens pauvres à Rouyn-Noranda sur le plan de l'alimentation, de l'emploi et des programmes de supplément de revenu.
Les prix des denrées sont plus souvent élevés en région et nettement trop élevés pour les moyens financiers des personnes pauvres. Ceci amène une alimentation insuffisante en quantité, en qualité et en variété. Ce n'est pas facile quand ces personnes doivent faire le choix entre acheter des médicaments ou faire une épicerie convenable pour toute la famille. Pour ce qui est des supermarchés, ceux-ci ont des ventes une semaine avant ou une semaine après le chèque d'aide sociale, ce qui fait que ces gens pauvres ne peuvent pas bénéficier des spéciaux pour économiser sur l'épicerie. Finalement, l'essentiel est trop cher. Donc, l'actualisation de ces personnes est impensable si leurs besoins de base, telle l'alimentation, ne sont pas comblés. Les enfants ont faim et les adultes n'en peuvent plus.
n(17 h 10)n Les emplois disponibles pour ces femmes sont, comme ailleurs en province, moins bien rémunérés que ceux offerts aux hommes. Arrêtez de couper dans les emplois, on demande à des employés de faire la job pour deux. Le bénévolat, c'est bien, mais ça pourrait donner un emploi. Pour ce qui est des programmes de supplément de revenu, ces personnes pauvres ne sont pas toujours informées de leur existence. Ces programmes sont très difficiles à comprendre et ils comportent plusieurs clauses qui font que plusieurs pauvres en sont exclus.
Je vais maintenant laisser la parole à ma collègue Marie-Christine Turgeon.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Turgeon.
Mme Turgeon (Marie-Christine): Merci. Afin de continuer de vous dépeindre le portrait de la réalité des gens pauvres en Abitibi-Témiscamingue, j'aborderai les sujets des soins de santé, des loyers, de la rentrée scolaire et des événements publics.
Premièrement, les montants fournis au niveau des soins dentaires et visuels ne tiennent pas compte de la réalité économique des personnes pauvres.
Deuxièmement, la rigueur du climat fait en sorte que l'itinérance est difficilement vécue. De plus, les logements non chauffés demandent davantage de revenus vu le temps froid qui s'amorce plus tôt.
Troisièmement, les montants alloués à la rentrée scolaire sont moindres que l'exige la réalité. Aussi, ceux-ci coïncident avec l'arrivée du temps froid qui demande l'achat de vêtements chauds. Il est à noter que les centres familiaux sont de plus en plus défavorisés vu l'expédition des vêtements récupérés dans des pays acheteurs.
Pour finir, la vie sociale des personnes démunies est bafouée vu la tenue des événements dans leur période creuse du mois.
Bref, les montants donnés ne tiennent pas compte de la réalité des personnes vivant de la pauvreté. Je cède alors la parole à Mme Christine...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme Mercier, hein?
Mme Mercier (Christine): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Voici donc la conclusion qu'apporte le Comité à leur mémoire. Si vous avez pris le temps de lire et d'écouter les témoignages intégrés dans la présentation et le mémoire de ces personnes en situation de pauvreté, vous avez pu constater que cela ne peut plus continuer ainsi. Ces personnes ont besoin d'un changement concret et à court terme. Le Comité espère que vous saurez répondre à ceux qui soutiennent que le projet de loi n° 112 va trop loin, et que la réalisation de leurs droits ne peut plus attendre. L'adoption d'une loi améliorée grâce aux suggestions du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté comprenant des mesures concrètes pourrait faire en sorte de redonner du courage et confiance à ces personnes tant au niveau de l'action gouvernementale, de leur place dans la société québécoise et de la valeur de leur vie.
J'aimerais souligner que les témoignages ont été recueillis par Mme Diane Blais, du Comité d'action pour la pauvreté.
Maintenant, je vais céder la parole à nos collègues de notre groupe de travail social pour la présentation du mémoire Objectif, pauvreté zéro. Alors, je laisse la parole à M. Jean-François Richard,
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Richard, vous avez la parole.
M. Richard (Jean-François): Merci, Mme la Présidente. Donc, moi, je suis accompagné de Mme Lyne Bergeron et Mme Cindy Sigouin. Nous sommes tous étudiantes, étudiants en techniques de travail social, en deuxième année, cégep de Rouyn toujours. Nous sommes ici pour représenter notre groupe de 21 étudiantes, étudiants ainsi que notre professeure, Mme Mireille Hubert.
D'abord, on voudrait vous dire qu'on est désolé... Bon, on est très fatigué, le voyage a été long, on n'a pas dormi beaucoup, donc... Aussi, on n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer, là, tant dans la présentation que pour trouver des fonds pour venir, trouver de l'argent. Par la suite, on voudrait exprimer qu'on trouve un peu inadéquat le fait que la commission nous demande de se présenter ici, à Québec, nous qui sommes de région éloignée, aussi qui, bon, sommes pauvres, d'autant plus lorsqu'il est question d'un sujet telle la pauvreté. Mais on voudrait aussi souligner que nous sommes très heureux, tout de même, de venir ici et vous exprimer nos sentiments à l'égard du projet de loi n° 112.
Premièrement, on voudrait souligner que nous sommes des étudiantes et étudiants, citoyennes et citoyens québécois, qu'on n'est pas des experts. Donc, à ce titre, on tient à souligner notre solidarité face aux personnes les plus pauvres du Québec. Les conditions de vie de l'ensemble de la société nous tiennent à coeur, puisque, de un, on en est membres et, de deux, parce qu'on ne sait pas ce que le futur nous réserve. C'est pour ça qu'on tient à supporter toute initiative visant l'élimination de la pauvreté, parce qu'on croit que celle-ci est causée en partie par le fonctionnement social et économique actuel de notre société.
Je rajouterais aussi qu'on est conscientes et conscients que la pauvreté est présente au Québec, surtout dans notre région, en Abitibi-Témiscamingue, et aussi que cette problématique-là est vécue chez certains d'entre nous.
Donc, je cède la parole à ma coéquipière, Mme Cindy Sigouin.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme Sigouin.
Mme Sigouin (Cindy): Merci, Mme la Présidente. Avant d'aborder notre opinion à propos du projet de loi, j'aimerais vous donner un bref aperçu de la situation de pauvreté en Abitibi-Témiscamingue et l'orientation de notre position dans notre mémoire.
Premièrement, le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue mentionne que les femmes sont les plus touchées par la pauvreté, et elles sont suivies par les enfants et les familles. Plus précisément, ce sont les femmes aînées vivant seules dans la région qui sont les plus pauvres au Québec. Ceci, on tenait que c'est important de le mentionner.
Par la suite, nous tenons à vous dire que nous sommes d'accord avec l'idée d'un tel projet de loi sur la pauvreté, puisqu'il permettra ou avancera le Québec à lutter contre la pauvreté. Par contre, nous croyons qu'il ne vise pas l'essentiel, l'élimination de la pauvreté. Nous croyons que la loi cible le changement de comportement des individus plutôt que le changement social, une réalité grandissante qui, à partir de nombreuses études, démontre l'impact des conditions de vie au Québec. Nous croyons que la loi est basée sur une vieille expression: Si tu veux, tu peux. Une expression tenant l'individu entièrement responsable de son sort, et cela est contre notre perception de voir la pauvreté. Toute personne a le droit de vivre décemment, c'est-à-dire de répondre à ses besoins de base comme manger adéquatement, se loger convenablement, se vêtir confortablement selon le climat. Notre position serait donc d'établir un niveau de vie de base pour tous. C'est pourquoi nous appuyons fortement les huit propositions du Collectif qui visent l'élimination de la pauvreté. De plus, elles proposent un changement de perception des individus face à la pauvreté, un aspect très important de leurs propositions.
Maintenant, je vais poursuivre avec ce que nous avons trouvé plus ou moins adéquat dans la loi et ce que nous proposons. Tout d'abord, la loi vise la réduction de la pauvreté, mais les faits démontrent que le gouvernement redonne aux riches lors de surplus. Il y a donc des contradictions entre les propos et les buts contre la pauvreté de la part du gouvernement ou... à moins que le gouvernement envisage de cesser cette manoeuvre. Sur ce, nous recommandons que le gouvernement répartisse la richesse équitablement lors d'impôts.
Je donne maintenant la parole à ma coéquipière Lyne Bergeron.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme Bergeron.
Mme Bergeron (Lyne): Merci, Mme la Présidente. Je poursuis sur ce point, la loi vise à réduire l'exclusion sociale des pauvres. Cependant, l'on vise la construction d'immeubles d'habitation, de logements sociaux, ce qui aura pour conséquence la concentration de personnes pauvres dans un même lieu, soit une forme de ghetto, ce qui entraînerait l'isolement de ces personnes. Nous recommandons que le gouvernement prenne entente avec les propriétaires d'immeubles pour qu'il y ait des logements sociaux dans les différents immeubles. Ces logements seraient payés une partie par l'État et l'autre partie par les locataires.
Considérant que le gouvernement donne la responsabilité aux organismes communautaires de travailler avec la pauvreté, mais qu'il ne leur donne pas les subventions adéquates pour la réponse efficace aux besoins, les travailleurs sont souvent victimes de pauvreté, car leur travail est souvent de type contractuel et temps partiel, et souvent avec des rémunérations insuffisantes. Nous croyons que des subventions adéquates qui seraient calculées en fonction des besoins de la population de chaque secteur du Québec permettraient aux organismes d'offrir des postes à temps plein et des salaires équitables pour ces travailleurs.
Nous savons également que le gouvernement fédéral n'alloue pas le maximum de fonds prévus dans la loi pour les prestations d'assurance emploi. Nous recommandons que le gouvernement du Québec continue ses pressions auprès du gouvernement canadien pour qu'il remette aux Québécois leur part des programmes sociaux.
Les allocations d'assistance sociale se situent sous un seuil minimal de pauvreté selon le coût de la vie au Québec, et cela entraîne l'exclusion des gens qui en bénéficient. Nous recommandons de définir un seuil de pauvreté adéquat et acceptable pour mener une vie décente et augmenter les prestations à ce seuil de confort.
n(17 h 20)n Le salaire minimum est en dessous du seuil de pauvreté et n'est pas adapté au coût de la vie du Québec. Nous recommandons que le salaire minimum soit réajusté en fonction de ce seuil acceptable pour le coût de la vie au Québec.
Le projet de loi veut valoriser l'aide aux familles, mais cela en proposant des congés parentaux sans solde. Par cela, les parents pauvres ne pourront pas se les permettre. Nous recommandons de favoriser les congés parentaux avec solde, car ainsi les parents peuvent rester plus longtemps avec leurs enfants au lieu qu'il y ait un manque de places en garderie. De plus, il faudrait augmenter l'accès aux garderies à 5 $.
Aussi, il faudrait reconnaître le travail des parents comme un travail à temps plein, car, pour un travail reconnu, il faut un salaire équitable. Nous soulevons l'idée d'un revenu de citoyenneté pour tous les Québécois.
Le projet de loi est présenté d'une façon qui nous pousse à nous demander à quoi veut-on en arriver, puisqu'on n'énonce aucun moyen d'atteindre des objectifs précis. Qu'est-ce qu'on cautionne? Rien ne décrit les actions qui seront faites pour lutter contre la pauvreté. Nous recommandons que le plan d'action soit présenté avant l'adoption de la loi.
Pour terminer, nous souhaitons que le gouvernement réoriente son action vers un but d'élimination de la pauvreté. Je cède la parole à mon coéquipier, M. Richard.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Richard.
M. Richard (Jean-François): Merci, Mme la Présidente. Pour faire une brève conclusion, nous, nous croyons que le projet de loi n° 112 devrait plutôt pris en main par le Collectif, puisque celui-ci connaît bien les besoins de la population cible. Aussi, le Collectif, il est plus près d'eux, donc plus apte à reconnaître ce qui leur manque afin de réduire leur exclusion sociale. Bref, le Collectif représente mieux, selon nous, la population dans le besoin, en situation de pauvreté.
Finalement, nous voulons resouligner que nous sommes étudiantes et étudiants, non pas des experts. Donc, ce que vous venez d'entendre est loin d'être, si on peut appeler, un diagnostic précis et clair, mais plutôt un cri du coeur de la part de nous autres.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je veux vous remercier, mais je veux également vous féliciter. Je trouve quand même encourageant de voir que des étudiants et étudiantes aient pris le temps de préparer un mémoire, de faire un aussi long voyage pour venir le présenter dans la maison qui est aussi la vôtre. Alors, merci encore. Et, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, je joins ma voix et je suis convaincue que tous les membres parlementaires, ici, vont joindre la voix de Mme la Présidente. Parce que, tout à l'heure, vous disiez que c'est votre première fois, vous savez, il y a toujours une première fois à tout. Et je voudrais, à mon tour, vous rassurer, parce que, malgré des personnes qui viennent pour plusieurs depuis... plus souvent, on apprend toujours des choses.
Et je tiens aussi à vous féliciter, parce que vous disiez tout à l'heure que vous vous étiez exprimés et inspirés de ce qui se véhiculait à partir d'organismes qui existent. Vous avez parlé du CRCD, vous avez parlé également de données statistiques parlant, entre autres, que les femmes pauvres, les femmes aînées... Alors, vous avez des données, là, qui sont assez extraordinaires parce qu'elles sont confirmées par des chercheurs, des gens qui se penchent sur la pauvreté depuis plusieurs années.
Ce que vous avez fait aussi par votre présence ici, c'est justement continuer à travailler pour que l'ensemble de notre société puisse avoir un visage et une perception différente de ce qu'est la pauvreté. Parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des centaines de millions de dollars qui appartiennent aux femmes et aux hommes, je dirais même des milliards, en soutien à la famille qui sont redistribués, mais qui, malgré des réussites dans des secteurs extraordinaires, font qu'on retrouve des personnes vivant des situations de pauvreté. Et, vous savez, comme élus, là, ce n'est pas facile en soi, parce que les gens qui viennent ici légitimement, ce qu'ils demandent, non seulement c'est légitime de le demander, mais quand vient le temps, financièrement, de répondre à tout ça...
Vous avez rappelé beaucoup d'éléments, par exemple le fait qu'il y avait certaines contradictions entre le fait que nous aidions davantage les personnes riches que les personnes pauvres. Vous savez qu'au Québec nous sommes rendus à près de 44 % des gens qui ne paient pas d'impôts parce que le choix collectif qu'on a fait, c'est un impôt progressiste, faisant en sorte que des gens qui n'avaient pas suffisamment de revenus, on a considéré, comme société, comme gouvernement, qu'on laissait aux gens ces minces revenus plutôt que d'aller les chercher puis de les reverser d'une autre façon.
Vous avez parlé tout à l'heure d'un thème: Si tu veux, tu peux. Bien, je vais vous dire que la stratégie de lutte à la pauvreté, c'est La volonté d'agir, la force de réussir. Et ce que les gens disent: Ce n'est pas à l'État seul à faire les choses, c'est à l'ensemble de la société de contribuer pour dire que collectivement il nous faut absolument, au Québec, se donner une intervention plus globale pour faire reculer la pauvreté et l'exclusion sociale.
Vous avez fait référence au Collectif, disant: On voudrait qu'ils soient associés parce qu'ils reconnaissent la pauvreté, et tout ça, et ils nous ont accompagnés tout au long de ce processus où on s'est inspiré, on a travaillé avec elles et avec eux. Et il y a des choses qui sont demandées que l'on ne retrouve pas actuellement nécessairement dans le projet de loi et dans la stratégie parce que, justement, le plan d'action est justement pour venir ajuster peut-être certaines choses à la suite de ce que nous avons entendu ici. Il y a près de 167 mémoires de gens qui sont venus nous dire: Vous devriez faire plus ça, plus autre chose, pour que nous essayions de prendre les meilleures décisions, et votre mémoire, aujourd'hui, vient dire très clairement à celles et ceux qui pourraient dire ou qui ont la perception que les jeunes ne sont pas préoccupés par la pauvreté et l'exclusion sociale... Vous êtes les témoins par excellence d'une équipe qui a considéré que ça valait la peine pour apporter vos éléments de solution. Alors, à cet égard, c'est assez extraordinaire.
Quand vous dites aussi qu'il y a des... On ne doit pas avoir des approches ghetto, hein? Vous avez dit: Le logement social, c'est important qu'on ne retrouve pas... Bien, justement, toute cette politique, avec la stratégie, c'est de faire en sorte que les personnes aient des logements, mais pas uniquement des logements pour les personnes âgées, des logements pour les jeunes, des logements pour les familles, mais faire en sorte qu'on construise des logements dans lesquels on y retrouve l'ensemble de notre société. Donc, c'est l'axe qui est privilégié, mais il faut aussi que les intervenants, comme dans votre région, fassent des choix sur leur plan d'aménagement pour que ces logements-là soient sur un territoire où vous souhaitez qu'ils puissent être.
Vous avez indiqué que, au niveau des organismes communautaires, on leur demandait beaucoup de choses. Il est exact, mais ma collègue pourrait vous parler que, au Québec, on s'est donné une politique pour soutenir les organismes communautaires. On voudrait aller encore plus loin, puis vous avez raison qu'on n'en fait pas assez, mais, en même temps, vous avez soulevé quelque chose d'extrêmement important, vous avez dit: Au niveau du fédéral, il y a des sommes d'argent qui ne reviennent pas aux femmes et aux hommes du Québec. Unanimement, les trois partis politiques, les femmes et les hommes qui partagent des choix différents, ont dit que c'était inacceptable qu'au Québec on ne respecte pas les femmes et les hommes... Les surplus, au gouvernement fédéral, ont cumulé 45 milliards au niveau de l'assurance emploi, et c'est de l'argent qui appartient aux femmes et aux hommes pour une grande partie au Québec.
Vous avez parlé du congé d'assurance parentale. Parce qu'on voulait soutenir celles et ceux qui ont des enfants indépendamment de leur réalité, les trois partis politiques ont dit, au sein de cette Assemblée nationale, qu'il était inacceptable que les Québécois et Québécoises ne retrouvent pas leur argent. Je vais vous dire, les jeunes, particulièrement, sont sensibles à tout ça. Si on veut être capable d'aller plus loin... Parce que, malgré toute la reconnaissance du travail qui a été fait par plusieurs femmes et hommes, puis on ne veut pas se l'attribuer seuls, parce que c'est vraiment l'ensemble de la société... Si on veut être capable de répondre plus vite aux demandes légitimes que vous faites, il va falloir qu'on soit capable ensemble, démocratiquement, d'aller chercher aussi ce qui nous appartient pour répondre légitimement à ce que vous soulevez. Puis il n'y a pas personne ici qui n'aimerait pas être capable de dire: Oui, on va aller plus loin dans ce qui est demandé, parce que, financièrement, on a besoin de ces sous.
Alors, Mme la Présidente, je sais que j'ai pris un peu plus de temps, mais on a le privilège d'avoir des jeunes qui font partie de cette relève de notre société. Nous sommes tous encore jeunes, on a besoin les uns des autres. Mais j'aimerais ça... Vous qui êtes partis de l'Abitibi pour justement venir à l'Assemblée nationale, la maison du peuple, pour vous faire entendre, qu'est-ce que vous pensez que nous devrions faire, les trois partis politiques, pour que la Stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale... pour que nous soyons capables d'aller récupérer le maximum pour qu'on soit capable d'en mettre davantage? J'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut prendre cette question? Oui, Mme Sigouin.
n(17 h 30)nMme Sigouin (Cindy): Ce que, nous, on considère, c'est que, dans la population, il y a beaucoup de préjugés. La population a tendance à dire que les pauvres ne veulent pas travailler, et je crois que c'est pour tout le monde. Ce que nous, on aimerait à la base qu'il arrive, c'est justement un changement à ce niveau-là, parce que, en démontrant à la population ce que vraiment le monde vit et ce qui... Parce que je considère que, dans l'immédiat, on ne montre pas tout à fait, des fois, ce qui est la réalité, et je connais beaucoup de personnes qui ont beaucoup de préjugés contre ça. Nous considérons que, premièrement, à la base, ça se ferait là parce que, si le monde verrait la réalité, il serait peut-être plus sensible à la situation de ces gens-là.
Par la suite, qu'est-ce qui serait peut-être bien, c'est justement qu'on parle des entreprises. J'ai ici devant moi un document qui me dit que la plupart des entreprises... Bien, les données ne sont pas vraiment récentes, et je ne sais pas si ça a changé mais, pour ma part, ce que nous avons vu, c'est que 368 000 personnes ont déclaré des revenus de 60 milliards, en moyenne 163 000 par personne, sur lesquels elles n'ont payé dans les faits que 18 % d'impôt fédéral. Tout à l'heure, vous avez abordé que 44 % avait diminué, si j'ai bien compris?
Mme Goupil: Ne payaient pas d'impôt ici, au Québec.
Mme Sigouin (Cindy): O.K. Mais, moi, je considère que ce serait peut-être aussi important d'aller voir sur le côté des personnes qui ont les moyens, qui sont aisées dans leur vie, si elles ne pourraient pas peut-être donner un petit peu plus. Parce que ce que je vois à travers les personnes qui ont un salaire élevé et qui... les entreprises, premièrement, les impôts sont reportés, et qui font des profits exorbitants, si je peux dire ça comme ça, je considère qu'elles ont une grosse part là-dedans. Donc, c'est cela. Ça fait que, moi, je pense qu'à partir de là, ce serait déjà bon.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.
Mme Goupil: Une chose est certaine, c'est que, de par votre témoignage avec autant d'assurance, vous contribuez à faire en sorte d'éliminer les préjugés, de les diminuer.
Alors, plus nous seront nombreux et nombreuses... Parce que, vous savez, quand on a lancé le projet de loi au mois de juin, il y en a eu des belles choses qui ont été dites par rapport à ce projet de loi, qu'effectivement lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale qu'est-ce qui en est? On va aller doubler le salaire des BS, etc. Vous avez entendu ça aussi, ces choses-là.
Il fallait convenir ensemble, comme société, que nous avons du travail à faire aussi pour informer les femmes et les hommes de cette société. Vous avez parlé de chiffres, d'être capable d'indiquer clairement: Voici ce qu'on souhaite faire, voici comment on voudrait mieux le faire avec des gens qui viennent dire: Oui, il faut y aller.
Parce que, je vais vous dire, on n'a pas entendu personne ici venir dire qu'ils étaient contre cela. Ce qui a été dit, c'est: Allez plus loin, faites davantage, corrigez un peu à droite ou à gauche. Mais tout le monde, unanimement, ont indiqué qu'il fallait, comme société, lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Et le fait qu'on soit ici en commission parlementaire puis que vous vous soyez déplacés... Qu'est-ce que vous allez faire en revenant chez vous, à partir du beau travail que vous avez fait, pour justement continuer, je dirais, à réduire ces préjugés puis à faire connaître la nécessité de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Arcand.
Mme Arcand (Sabrina): Bien, nous, c'est sûr que, depuis qu'on est en techniques de travail social, on avait des préjugés, puis je pense qu'on essaie de travailler. Je pense que tout le monde a des préjugés. Puis on s'est rendu compte aussi que beaucoup de monde avait des préjugés contre les assistés sociaux. Puis je pense que c'est ça.
Qu'est-ce qu'on fait puis qu'est-ce qu'on va continuer à faire en tant que groupe en techniques de travail social, c'est de démontrer aux gens que ce n'est pas tous des fraudeurs, puis qu'ils en ont besoin, puis que ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est que des fois ils n'ont pas les ressources nécessaires pour s'en sortir. Puis on va continuer à essayer d'inculquer ces valeurs-là aux gens puis essayer de défaire les préjugés le plus possible. Je pense que c'est ce qu'on peut faire, nous, en tant qu'étudiants. On n'a pas vraiment d'autres moyens de le faire. On va continuer dans cette voie-là.
Mme Goupil: Bien, je vous remercie beaucoup, parce que c'est d'excellents moyens. Vous savez, toutes les revendications des jeunes... Si notre société, elle est comme elle est, c'est parce qu'il y a eu beaucoup de jeunes à un moment donné qui ont milité puis qui ont demandé qu'on puisse avancer. C'est ce qui fait progresser une société. Alors, je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente, et...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Alors, très contente de vous voir ici. Votre très grande conscience sociale... Vous dites que vous arrivez d'Abitibi, et je dois vous dire qu'on a de la compassion. On est 125 députés qui, à toutes les semaines, doivent s'en venir ici, au parlement. C'est notre travail, effectivement, mais on doit venir ici à toutes les semaines, parce que c'est la maison du peuple, comme on dit, c'est le parlement; c'est là qu'a lieu, dans la capitale nationale... il y a des décisions, de la législation qui se fait quand même ici.
J'aimerais savoir ? vous êtes de deuxième année du cégep ? qu'est-ce qui arrive des premières années, des troisièmes années. Comment ça se fait que vous vous êtes retrouvés... J'imagine que les troisièmes années sont en stage, ils sont peut-être moins... ils ont peut-être moins... Ils sont moins au cégep tel quel. Comment ça se fait que vous vous êtes retrouvés à venir présenter un mémoire? Qu'est-ce qui vous a amenés à ça? Moi, je veux connaître le pourquoi que vous avez eu cette conscience sociale là de venir présenter un mémoire.
Vous savez qu'un des objectifs du projet de loi n° 112, d'une part, et de toute la stratégie nationale, c'est cet appel-là à la mobilisation. Ça n'appartient pas juste à un gouvernement puis ni juste à des groupes sociaux ? je vois que vous avez quand même le Comité d'action contre la pauvreté qui doit suivre ça quand même de très près ? à lutter contre la pauvreté. C'est des gens comme vous qui êtes là aujourd'hui. Moi, j'ai une grande satisfaction de sentir que vous êtes intéressés puis interpellés par la lutte contre la pauvreté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Mercier.
Mme Mercier (Christine): Oui. Merci, Mme la Présidente. Comme Mme Arcand disait au début, depuis qu'on est rendus en travail social, on a beaucoup travaillé sur nos préjugés puis tout ça, puis nos professeurs nous ont beaucoup aidés aussi, parce que c'est des gens qui vivent avec les gens qui sont en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale et dont une en particulier qui, on peut dire, nous a transmis une certaine flamme de la politique ou de s'intéresser à ce que vous, les députés et les ministres, prenez comme décisions et discutez, que c'est important de se renseigner, de prendre position, parce que c'est comme ça que ça va avancer puis que ça va faire changer les choses.
Pourquoi les premières années puis les troisièmes années ne sont pas là? Je ne pourrais pas vraiment dire. Peut-être parce que le projet ne leur a peut-être pas été offert, puis peut-être qu'ils seraient venus avec nous aussi. Mais, on est un groupe qui se tient beaucoup. On est un groupe qui, je crois, peut changer beaucoup de choses. En n'étant seulement qu'un groupe de 21 personnes, on se tient. On est conscients de ce qui se passe dans la société... puis pour mobiliser le plus grand nombre de personnes afin que les changements se fassent et se fassent le plus rapidement possible.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Un complément de réponse, M. Richard?
M. Richard (Jean-François): Juste peut-être préciser que c'est dans le cadre de notre cours Politiques sociales et pratiques sociales; donc, on peut voir un lien assez rapidement avec le projet de loi n° 112. Donc, c'est notre professeure, Mme Mireille Hubert, qui nous a initialement proposé... Bien, d'abord, elle nous a mis au courant qu'il y avait un tel projet de loi qui allait avoir lieu. Puis, par la suite, comme c'est un sujet qui nous tenait à coeur, elle nous a proposé de bien vouloir faire un mémoire. On savait qu'on n'avait pas beaucoup de temps encore, mais, bon, on a embarqué, puis je pense qu'on en est bien fiers.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Oui. Félicitations à votre professeure aussi, à travers ça, qui a sauté sur l'occasion, parce que c'est vrai que c'est assez historique d'avoir un projet de loi sur la pauvreté. Si on compare ça aussi à travers le monde, il n'y a pas vraiment de loi comme ça à travers le monde, et reliée dans une stratégie et un plan d'action.
Et vous dites qu'elle vous a donné l'intérêt aussi pour la politique. C'est pour vous dire que ce n'est pas si mauvais que ça, la politique, non plus. Vous dites que les médias ne rapportent pas toujours la réalité; bien, nous aussi, on se plaint de ça régulièrement. On ne voudrait pas qu'ils prennent juste nos petits bouts de oui puis juste nos petits bouts de non. On a des choses à dire qui sont au-delà juste d'un petit spot à la télé.
Alors, je vous remercie beaucoup de votre intérêt. Et puis j'espère que vous allez le poursuivre, parce que c'est quand même... Le travail social, c'est quelque chose que, je pourrais dire... c'est quand même... Tout le développement social du Québec aussi, parce que la lutte à la pauvreté, c'est une chose; il y a beaucoup de facettes à la pauvreté puis il y a beaucoup d'éléments dans la pauvreté qui donnent... qui peuvent vous donner des créneaux assez intéressants dans le travail social que vous pouvez faire avec les gens que vous aurez à côtoyer tout le long de votre cheminement. Alors, merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre d'État.
Mme Goupil: M. le député de Laurier et Mme Grégoire, je pense que ce serait important, hein, que nous ayons tous un cours au niveau du cégep. Peut-être que ce serait une façon d'inciter les gens à suivre une formation sociale, peut-être que ça nous aiderait à sensibiliser davantage. Alors, c'est une petite blague, mais peut-être que ce serait bien d'y penser, d'inciter à tout le moins d'avoir au moins un petit cours qui aiderait. Je vous remercie, Mme la présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le cours 101.
M. Sirros: Ce n'est pas tellement une blague, parce que j'étais pour commencer en disant que, des fois, l'arrivée en politique commence par un choix d'aider les personnes à s'aider elles-mêmes. Après ça, tu constates qu'il faut que tu ailles un peu plus loin pour aider à mettre sur pied les programmes qui vont aider les personnes à trouver des conditions meilleures. Puis, après ça, tu dis: Bien, non, il faut que j'aille un peu plus haut encore pour devenir député pour que je fasse changer les choses à un niveau plus haut, pour que les conditions changent. En tout cas, c'est le cheminement de certains d'entre nous, en tout cas, ici.
n(17 h 40)n Alors, on ne sait jamais où ça peut mener, les apprentissages que vous avez, surtout l'apprentissage au niveau de l'écoute, au niveau de la relation d'aide que vous apprenez, et je pense que c'est extrêmement encourageant de voir qu'il y en a qui prennent la peine de faire le lien entre le travail qu'ils ont à faire éventuellement, sur le terrain, auprès des individus puis la réalité politique qui est vécue aussi. Parce que la politique n'est rien d'autre chose que la vie quotidienne de tous les jours, finalement, encadrée, décidée, etc. Puis les décisions qui sont prises ici ont un effet réel, ultimement, au niveau des gens.
Et le fait que c'est vous qui vous êtes déplacés ici plutôt que nous chez vous... Personnellement, sur un dossier comme celui-ci, j'avais suggéré qu'on puisse aller directement en région. Ça s'est déjà fait, puis on aurait pu le faire. Maintenant, ce n'est pas la fin du monde non plus. Vous êtes quand même venus, et je suis très heureux. Peut-être qu'on aurait pu avoir l'occasion, si c'était nous qui nous étions déplacés, de rencontrer d'autres de vos collègues puis de voir encore un plus grand échantillon de l'avenir du Québec que vous incarnez en quelque sorte.
Moi, à part les félicitations, etc., je pense que vous avez apporté quelques éléments de réflexion. J'aimerais échanger un petit peu sur cet aspect que vous avez apporté en disant que vous trouvez que le projet de loi et l'approche finalement gouvernementale sont empreints d'une attitude de «si tu veux, tu peux» qui conduit souvent à un genre de stigmatisation des personnes en leur plaçant sur le dos la responsabilité de leur condition. Par contre, du même coup, vous êtes en train d'apprendre aussi que tout changement ne peut que commencer par une volonté de l'individu concerné de se prendre en main. Donc, c'est en quelque sorte plutôt que «si tu veux, tu peux», peut-être que ce qu'on devrait essayer de dire, c'est: si tu veux, je peux t'aider à t'aider. En tout cas, nous, de notre côté, c'est un peu comme ça qu'on aimerait le voir.
Et vous étiez ici aussi avec le groupe précédent et avec les témoignages que des gens nous ont apportés par rapport à la situation qu'ils rencontrent quand ils rencontrent un agent. Et, moi, j'ai eu le réflexe, quand vous êtes arrivés ici, en me disant... Bon. On avait juste avant vous la clientèle, entre guillemets. Là, on a les professionnels en quelque sorte. Parce que, peut-être, un des endroits où vous allez exercer la profession, c'est peut-être bien comme agent d'aide sociale, entre guillemets.
Mme Goupil: Le relève, c'est ça?
M. Sirros: Bien... En tout cas, je ne sais pas. Et on nous faisait remarquer que ça s'opère plus dans un contexte de contrôle social que d'aide sociale. Ce avec quoi je pense... je suis d'accord avec cette constatation-là non pas parce que les gens sont méchants puis ils veulent contrôler le monde, non pas que, vous, demain matin, vous allez vous transformer en agent de contrôle, mais peut-être parce que le système dans lequel vous allez être placés pour exercer le travail ne sera pas équipé pour que ce soit une relation d'aide que vous entreprenez et que ça va être plus une relation d'autorité que vous allez avoir, parce que ça va être entre vos mains, la décision si, oui ou non... si c'est là que vous exercez le travail. Alors, j'aimerais vous entendre un peu sur: Comment vous verrez, vous, votre rôle futur comme professionnels dans cette relation d'aide, mais peut-être dans un contexte comme celui qu'on nous a décrit tantôt? Comment vous voyez ça?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, qui veut intervenir? Mme Sigouin.
Mme Sigouin (Cindy): Je vais tenter ma chance. Je vais commencer, premièrement, par... Justement, vous avez parlé du titre La volonté d'agir, la force de réussir. Je vais être franche avec vous, notre vieil adage, «si tu veux, tu peux», on l'a pris là. Parce que la volonté...
M. Sirros: Ça, ce n'est pas notre slogan, c'est le slogan de la ministre. Moi, j'ai dit que peut-être on devrait voir ça comme «si tu veux, je peux t'aider à pouvoir».
Mme Sigouin (Cindy): O.K. Non, mais je ne voulais pas viser personne en disant ça, mais c'est parce que...
M. Sirros: On se chicane facilement ici puis, quand même, on peut se parler après.
Mme Goupil: On ne se chicane pas, on diverge d'opinions. C'est différent. Il n'y a pas de chicane.
M. Sirros: ...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mais faites-vous en pas, je ne les ai pas expulsés encore.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Sigouin (Cindy): O.K. Parce qu'on a considéré, nous, qu'en disant la volonté d'agir, la volonté, elle a beau être là, mais c'est parce qu'on considère que tu as beau avoir la volonté, si tu n'as pas les outils pour travailler, tu ne peux pas construire. Donc, en disant la volonté d'agir, on a pris conscience que ça voulait dire «je veux».
Ensuite, la force de réussir, c'est que, quand tu veux, tu peux, mais, encore là, si tu n'as pas les outils, tu ne peux pas construire. Donc, la force de réussir, il faut qu'elle soit aussi accompagnée d'outils.
Ensuite, vous avez parlé de contrôle social. Moi, je... Oui, excusez. Nous, on n'est pas vraiment pour le contrôle social. C'est sûr que... Où on s'en va, c'est sûr qu'il va falloir en faire quelque part. Mais je veux en venir à ça, que, quand on parle de l'aide sociale, on parle beaucoup de contrôle: bon, on va vérifier leurs dépenses, qu'est-ce qu'ils font avec leur argent, tout ça. C'est pour ça qu'on appuie le Collectif en disant: Ce serait bon d'avoir un revenu de citoyenneté pour qu'ils aient une marge de liberté, justement, pour qu'ils soient capables de s'instruire, qu'ils soient capables de voir le monde autrement, qu'ils soient capables de sortir de chez eux et de dire: Je vis. Alors, c'est ça.
Et, de plus, ça va pouvoir amener le monde... L'argent, ça a l'air stupide, mais c'est un grand outil, surtout dans la société où on vit aujourd'hui. Si tu n'as pas d'argent, tu ne peux pas faire grand-chose. Donc, on considère que c'est un des plus grands outils pour s'équiper, pour avancer dans la vie. Et je crois que toute la population a une grande influence...
Une voix: ...responsabilité.
Mme Sigouin (Cindy): Oui, c'est ça, une grande responsabilité.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste trois minutes, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: D'accord. Même s'il y avait pourtant, disons, un revenu de citoyenneté, il y aurait quand même un besoin d'aide finalement, et ce n'est pas ça qui va régler le problème d'un grand nombre de personnes. Donc, ce n'est pas simplement une question de transférer plus d'argent. Oui, il y a les besoins urgents qu'il faut essayer de combler puis, bon, il faut faire des choix, etc., mais même à ça...
Et c'est pour ça que j'amenais la notion qu'au lieu d'avoir une relation d'autorité qui est basée sur un genre de contrôle social finalement qu'on opère à travers nos centres locaux d'emploi, dans la relation qu'ils ont avec les prestataires, les bénéficiaires, appelez-les comme vous voulez, comment est-ce qu'on peut transformer ça dans une relation d'aide pour que, quand la personne vient...
Moi, je trouve... D'abord, personne n'a le droit de demander à quelqu'un: Montre-moi ton carnet de dépenses. Si c'est ce qui se fait, je pense que quelqu'un n'a pas bien appris ses cours. Mais la question était plus: Comment est-ce qu'on peut transformer ça? Si, demain matin, vous avez à travailler avec les personnes que vous avez, par exemple, entendues ici, tantôt, mais dans le contexte de la situation actuelle, de l'aide sociale actuelle, des centres locaux d'emploi, etc., comment est-ce que, vous, vous pourriez... qu'est-ce que ça vous prendrait pour que vous soyez à l'aise dans une relation d'aide? Ou est-ce que, tranquillement, vous aussi vous allez, avec les années, arriver à dire: Montre-moi ton carnet?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Durcir les positions. Alors, qui veut répondre à cette question?
Mme Arcand (Sabrina): Moi, j'aurais peut-être une réponse.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Arcand.
Mme Arcand (Sabrina): Nous, si je me réfère aux cours qu'on a, qu'on apprend présentement, la manière qu'on intervient justement avec les personnes, nous, on intervient avec la personne, mais ce qui est bien important pour nous, c'est de regarder son réseau social, de regarder les outils que Cindy a amenés tantôt.
C'est sûr que la personne, si elle ne veut pas s'aider... c'est sûr qu'elle a une part à faire, sauf que, si la personne n'a pas l'argent pour s'aider, si la personne n'a pas les outils pour avancer, ça va être dur, là. C'est ce qui nous bloque.
Ça fait que, nous, c'est pour ça qu'on s'investit dans des choses comme ça, des mémoires. On pense que, peut-être plus tard, mais qu'on finisse l'école, qu'on soit diplômé, peut-être qu'il y a quelque chose qui va avoir changé au niveau du changement social puis autour de la personne.
Ça fait que je pense que, nous autres, on regarde aussi les besoins de la personne mais on regarde alentour les outils qu'elle peut avoir pour réussir à s'en sortir, réussir à intervenir avec elle. Il y a la personne mais aussi il y a l'entourage qui l'entoure, son réseau social.
n(17 h 50)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui, en complément de réponse, Mme Sigouin.
Mme Sigouin (Cindy): J'aimerais juste rajouter un point. Bien, elle a parlé justement de qu'est-ce qu'on apprenait dans notre cours. Justement, en intervention, on apprend à donner... on ne va pas donner la réponse à la personne, on va essayer de l'amener à dire la réponse d'elle-même. Donc, on considère qu'une personne a tout déjà les outils en elle, il faut juste qu'elle soit capable d'aller la chercher et, nous, on est là pour ça. Et je considère qu'à partir de notre intervention on va être capables de faire rendre compte à la personne quelle a des habiletés puis qu'elle va être capable d'avancer dans la vie.
Je considère aussi que... Moi, si je me mets à la place de quelqu'un qui est pauvre puis que je vois... dans la société qu'on vit, je peux ressentir du découragement puis de l'infériorité, parce que c'est gros, comme monde. Tu sais, le monde, il roule, mais moi, je ne roule pas. Ça fait qu'en ayant quelqu'un qui t'aide à ne pas juste faire ton calcul puis voir qu'est-ce que tu dépenses, mais d'aller voir ce que tu es capable de faire pour la société puis pour toi-même, je crois que là est la bonne intervention.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Berthier.
Mme Grégoire: Alors, comme tous mes collègues, je suis bien contente que vous ayez surmonté les difficultés, parce que c'est sûr que ce n'est pas évident. Je me demande si vous avez rédigé une lettre à votre député pour avoir une aide du Fonds d'aide à l'action bénévole, parce que souvent on est porté à encourager justement des démarches comme ça, des démarches qui viennent contribuer à tout ce qu'on fait. Et je pense que c'est le but aussi, quand on fait de la politique, de contribuer à améliorer les choses.
Mais, moi, ce que je trouve ? d'autant plus que le député de Laurier-Dorion en a parlé ? ce que je trouve d'autant plus intéressant ? je ne sais pas si ça a été agencé comme ça ? mais les gens qui étaient juste avant vous proposaient d'avoir un programme national d'éducation, de familiarisation à la pauvreté et tout ça. Et là, vous, vous arrivez puis vous êtes donc la relève au niveau de ceux qui vont accompagner les personnes en situation de pauvreté puis vous avez déjà une sensibilité qui est probablement différente de celle de vos aînés, parce que vous venez ici, vous prenez la peine de venir dire ce que vous avez à dire, puis je trouve ça bien chouette.
Pour revenir à ce qu'on disait tantôt, on parlait du niveau, de la façon dont vous allez intervenir avec les gens quand vous allez être là. Vous parlez que les gens ont les outils en eux, mais c'est quoi, l'outil de l'intervenant? Parce que l'État, quand il met un programme en place, il peut aussi donner des outils d'intervention. Et là je me dis: C'est quoi, le meilleur outil d'intervention? Tu sais, des fois on a des moyens ? puis je ne parle pas nécessairement des lois ici ? ça peut être des moyens coercitifs mais ça peut être aussi des moyens d'accompagnement. Tantôt, je parlais d'un indicateur qui était établi entre quelqu'un comme vous puis la personne. Comment on peut faire pour que les programmes d'accompagnement répondent plus aux besoins des gens? Puis de quels types d'outils les gens comme vous, qui allez les accompagner, avez besoin? C'est-u bien compliqué? Je ne voulais pas... Le but, c'est...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Madame... Alors, vous pouvez répondre à deux également, aussi, si vous voulez. Mme Arcand.
Mme Arcand (Sabrina): Moi, je dirais que les outils d'intervention... Moi, je crois... Notre outil d'intervention, quand on travaille dans le communautaire, c'est, premièrement, d'avoir des sous pour que... Si on prend, par exemple, une maison pour femmes violentées, les centres entre-femmes, ces choses-là, si ça, ça ne roule pas, puis si on n'a pas de subvention pour faire avancer ça, on ne peut pas donner les services aux personnes. Ça fait que, ça, c'est un peu notre outil d'intervention, parce qu'on est bloqué si on n'a pas de subvention finalement. Ça fait que, moi, je pense que, ça, ça serait déjà un pas de plus peut-être...
Mme Grégoire: Un réseau communautaire solide...
Mme Arcand (Sabrina): Peut-être plus solide. Exactement.
Mme Grégoire: ...dans la communauté, qui est reconnu, dont la mission est reconnue. Mais comme individu qui intervient avec un autre individu, parce que des outils, c'est aussi ça. C'est un peu ça aussi, ma question: Comme individus, vous autres, qu'est-ce que vous avez le goût? Plus de flexibilité dans les normes, plus...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Sigouin?
Mme Grégoire: Excusez. Moi, je me prends pour... Je m'excuse, je suis rendue que...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Probablement qu'avec l'expérience on pourrait avoir des réponses plus faciles, là, j'imagine.
Mme Grégoire: C'est ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Sigouin.
Mme Sigouin (Cindy): Bien, oui. Justement, vous apportez un bon point, parce que l'expérience, on serait plus capables de répondre à cette question-là. Mais, si je me fie, à date, à l'expérience que j'ai, parce qu'on a déjà fait un stage... moi, j'ai fait un stage dans un milieu communautaire où justement il manquait de subvention ? donc je vais suivre un peu son idée. Il manquait de subvention. Qu'est-ce qui est arrivé? C'est qu'il y a des services qui ont été coupés et c'est à ce moment-là que la population s'est rendue compte qu'ils en avaient besoin, de ça, ça fait qu'ils se sont battus. Ils ont fait un paquet de démarches pour ravoir les services.
Par la suite, je considère que le meilleur outil, en nous, pour aider le monde, c'est de croire en eux, premièrement, parce que tout le monde a une habileté quelque part. Mais ce qui arrive, c'est justement l'emploi. Si je parle de ma région, l'emploi n'est pas tout à fait là. Il y a beaucoup de coupures. Le monde, ils déménagent. Je ne pourrais pas vous dire statistiquement, mais je vois qu'est-ce qui se passe un peu dans mon entourage, puis il manque d'emploi. Donc, les personnes ne peuvent pas s'actualiser là-dedans.
Alors, je considère que, quand le monde voit qu'on a confiance en eux, ils sont encouragés de travailler pour justement... On est comme la facette de la société, nous, c'est ça, on veut que le monde voie ce que la société est capable de leur donner et qu'est-ce qu'ils seraient capables d'apporter à la société.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Richard.
M. Richard (Jean-François): Mlle Sigouin soulignait que c'est important d'avoir confiance en eux, mais aussi je pense qu'un des outils importants serait d'apporter... d'amener l'individu à croire en lui aussi, d'y redonner le pouvoir, de dire: Bon, tu n'as peut-être pas le contrôle sur tout qu'est-ce qui t'arrive, mais tu as une part de gestion que tu pourrais faire toi-même et, de ce fait-là, pour amener des changements importants.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Sigouin. Je vais vous permettre d'intervenir à nouveau.
Mme Sigouin (Cindy): O.K. Lui amener l'aspect individuel, mais en lui démontrant qu'il a une responsabilité. Comme je disais, c'est important d'y montrer aussi la responsabilité de la société. Donc, ça va l'encourager comme à informer le reste de la société, et c'est important aussi de voir que la société, elle a une grosse responsabilité; si on parle des conditions de vie, ça a une grosse pression sur les personnes. Donc, notre travail, ce serait de sortir le monde de là, mais ce n'est pas évident, parce que, moi, je considère que ce n'est pas...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, au nom ? malheureusement, c'est le temps qui est mis à notre disposition ? de tous les membres, je veux vous remercier pour avoir participé à cette commission parlementaire, vous souhaiter bonne chance dans vos études ? peut-être qu'on vous reverra plus tard dans d'autres commissions parlementaires ? et bon voyage de retour.
Alors, j'ajourne les travaux à mardi 12 novembre 2002 à 9 h 30 dans cette même salle.
(Fin de la séance à 17 h 58)