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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 6 novembre 2002 - Vol. 37 N° 87

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bon. Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales est réunie à nouveau afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) va être remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Lespérance (Joliette) par Mme Grégoire (Berthier); et Mme Rochefort (Mercier) par Mme Mancuso (Viger). Voilà.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour. Nous recevrons à 9 h 30, c'est-à-dire immédiatement, les représentants du Bureau de normalisation du Québec; à 10 h 15, les représentants et représentantes du Communautique; 11 heures, Corporation de développement communautaire de Laval, Table de concertation de Laval en condition féminine, Dimension Travail, et Mme Ginette Beauchemin.

Nous suspendrons nos travaux à 11 h 45, pour les reprendre à 15 h 30 avec les représentants de la Corporation de développement communautaire du Bas-Richelieu et Corporation de développement communautaire des Bois-Francs; suivies à 16 h 30 par la Centrale des syndicats démocratiques; 17 h 15 avec les représentants du Projet Genèse, et nous ajournerons nos travaux aujourd'hui, à 18 heures.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, j'accueille avec beaucoup de plaisir les représentants du Bureau de normalisation du Québec. Alors, je cède la parole au chef de groupe, M. Jean Rousseau. Et, M. Rousseau, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et je vous mentionne que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Bureau de normalisation
du Québec (BNQ)

M. Rousseau (Jean): Merci, Mme la Présidente. Donc, c'est ça, je suis chef du groupe de normalisation au Bureau de normalisation du Québec et je suis également chef du groupe Certification. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Daniel Langlais qui est normalisateur au Bureau de normalisation du Québec et, à ma droite, de M. Alain Trépanier qui est l'auteur du référentiel ECC sur la responsabilité sociale des entreprises.

Il y a une personne qui aurait aimé être présente ce matin, c'est M. Jacques Girard qui est directeur du Bureau de normalisation. Mais, malheureusement, il avait déjà un engagement à l'extérieur du Québec. Donc, il n'a pas pu être présent, mais c'est une cause qui lui tenait à coeur. Et il s'en excuse.

Je désire remercier les membres, donc, Mme la Présidente, et les membres de la commission de nous accueillir ici ce matin. Ça nous fait grand plaisir.

Donc, le BNQ a présenté, bien sûr, un mémoire. Nous avons présenté un mémoire parce que nous croyons que ce qu'on a en tant que programmes de certification, ça peut permettre de rallier, entre autres, le monde, avec les entreprises, à la cause de la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale.

Premièrement, quelques mots au sujet du Bureau de normalisation du Québec. Le Bureau de normalisation est en lien direct avec le gouvernement du Québec. Il y a un décret qui reconnaît le Bureau de normalisation comme étant l'organisme central de normalisation, de certification et de diffusion d'informations au sujet des normes et également le porte-parole auprès du Conseil canadien des normes.

Il a été créé en 1961. C'est un organisme qui élabore donc l'élaboration de normes consensuelles. Nous avons environ 300 normes dans différents secteurs de l'activité économique. Également, nous appliquons des programmes de certification de produits, de services et de processus, et nous faisons également de l'enregistrement de systèmes de gestion. On parle des normes de ISO 9000, ISO 14000, des normes au niveau de la qualification des laboratoires d'essai et ainsi qu'au niveau de la salubrité alimentaire. Comme je vous disais, nous sommes un partenaire avec le MAPAQ au niveau de la salubrité alimentaire. Et, dernièrement, nous sommes partenaires avec Tourisme Québec au niveau d'un programme de certification de la qualité des services dans l'industrie touristique. Vraiment, c'est avant-gardiste. Quand on regarde au niveau de ce qui existe dans le monde, je pense que le Québec peut être fier d'avoir déjà investi, via un organisme, dans l'établissement de normes au niveau de la qualité des services dans l'industrie touristique. Nous en sommes bien fiers.

Les exigences du programme de certification sont énoncées dans deux documents. Il y a un premier document qui est le référentiel; M. Trépanier va vous en parler dans quelques minutes. Ça donne... Ça établit les notions et les modèles de gestion, ainsi que les exigences qui doivent être satisfaites pour les différents niveaux de certification. Il y a également le protocole de certification qui établit les modalités liées à la certification d'une entreprise et au maintien de la certification au fil des ans. Alors, c'est bien important; un des aspects particuliers, c'est qu'il y a un maintien, au fil des temps, des exigences par les entreprises; sinon, bien, il y a une perte de certificat de conformité. Et ce document-là, le protocole, a été élaboré par un comité formé de représentants des milieux industriel, d'affaires, syndical et académique. Je cède donc la parole à M. Trépanier qui va vous parler du référentiel.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Trépanier.

M. Trépanier (Alain): Merci, Mme la Présidente. Alors, au niveau du référentiel, essentiellement, le référentiel couvre deux champs d'application, soit celui du développement des ressources humaines, et le deuxième champ étant le développement de la communauté. Et, pour ce qui est du développement des ressources humaines, on y retrouve cinq domaines, soit les suivants: la compétitivité; deuxièmement, l'employabilité; ensuite, flexibilité; sécurité, qui est le quatrième; et, enfin, équité et diversité.

Du côté du développement de la communauté, on y retrouve, finalement, deux domaines d'intervention, soit l'efficience et l'efficacité.

Alors, je vais brièvement vous décrire un peu de quoi il s'agit. D'abord, au niveau des ressources humaines, compétitivité: d'abord, essentiellement, compétitivité... Le programme vise à couvrir les pratiques de gestion qui sont mises en place par l'entreprise, qui visent, disons, à établir un lien étroit entre les objectifs d'affaires de l'entreprise et les compétences requises pour réaliser ces objectifs. Alors, essentiellement, le domaine compétitivité, c'est son objectif.

n (9 h 40) n

Employabilité: je crois que les membres de la commission sont très, très conscients de l'importance de la formation en entreprise, l'importance de donner à l'employé tous les outils nécessaires pour pouvoir, disons, poursuivre son emploi et même retrouver un emploi, s'il perd son emploi. Donc, l'employabilité, c'est le deuxième domaine. Il met l'emphase sur le côté de la formation, notamment, mais également d'autres éléments.

Au niveau de la flexibilité, c'est tout l'aspect de la flexibilité dans le milieu de travail, les heures flexibles, les heures réduites, le temps partagé.

Sécurité: on couvre par ce domaine, disons, l'impact du changement technologique, par exemple, sur les employés. Évidemment, on cherche ici à minimiser les impacts, donc on s'intéresse ici aux pratiques de gestion qui permettent justement à l'entreprise de faire les changements requis, notamment technologiques, et de minimiser les impacts au niveau de ses ressources.

Équité et diversité: l'équité, je crois que c'est un sujet bien connu ainsi que la diversité. Ici, c'est vraiment d'encourager l'entreprise si elle a des pratiques qui vont au-delà de la loi. Là, il y a une loi qui existe dans le domaine qui lui permet, justement, de gérer cet aspect-là.

Au niveau du développement de la communauté, il y a deux aspects: efficacité et efficience. Efficacité, c'est en fait la capacité de l'entreprise à recevoir des demandes et à les traiter, les demandes venant de la communauté. Ça peut être un organisme à but non lucratif. Et efficience: on veut ici s'adresser à la manière dont l'entreprise, finalement, répond aux besoins de la communauté. Autrement dit, on veut aller au-delà de la dimension «donner des fonds monétaires»: est-ce que, bon, ces fonds ont été vraiment... ont permis de régler les objectifs de l'entreprise au niveau de la satisfaction des besoins de la communauté visée par le programme de l'entreprise?

Alors, essentiellement, on a ces deux grands champs d'application avec cinq domaines d'un côté, deux domaines de l'autre, et le programme, finalement, ce qu'il apporte, c'est qu'il permet, si on peut dire, d'apporter une mesure. C'est-à-dire, si on veut mesurer la performance d'une entreprise par rapport à une autre, on a élaboré un ensemble de critères qui permet de situer une entreprise, ce qui, en fait, lui permet de mieux savoir où elle en est. Ça lui permet également de mieux voir quelles sont les prochaines étapes. Bref, c'est un genre de cadre qui lui permet vraiment d'évoluer au niveau de la gestion et de la responsabilité sociale.

Alors, au niveau comme tel, je dirais, des niveaux de réalisation de performance ? et ce sont ces niveaux qui sont reconnus et certifiés par le programme ? on parle des niveaux 1000, 2000, 3000, donc ce sont des chiffres, mais, essentiellement, chaque niveau apporte, disons, reflète un niveau de gestion réalisée par l'entreprise, et le niveau 1000, disons, est un niveau qu'on pourrait dire de base. Ensuite, les niveaux 2000, 3000 viennent se rajouter. Donc, c'est vraiment une progression un peu en forme d'escalier.

Alors, brièvement, je vais introduire ces niveaux. Au niveau 1000, ce que le programme cherche à mesurer, c'est s'il existe dans l'entreprise, si on peut dire, une infrastructure de base pour, justement... soit en ressources humaines et développement de la communauté. Je parlais tantôt du traitement, notamment, des demandes. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui est en place pour traiter les demandes? Des choses quand même assez de base. Alors, le niveau 1000 vise, disons, à reconnaître l'entreprise qui a mis ces pratiques de base qui touchent beaucoup, je dirais, l'ensemble, en fait un système de gestion très, très minimum, si on peut dire, qui est la base à partir de laquelle on peut bâtir les autres pratiques.

Le niveau 2000: on parle ici des pratiques maîtresses ? c'est le vocabulaire qu'on utilise ? et, essentiellement, c'est quoi, des pratiques maîtresses? Ce sont les pratiques, finalement, qui correspondent aux programmes, les programmes, là, qui sont mis en place par l'entreprise et qui visent effectivement à gérer comme telle la responsabilité sociale. Donc, pour ce niveau-là, on veut y retrouver des pratiques qui touchent trois des cinq domaines dans le champ du développement des ressources humaines et un des deux domaines au niveau du développement de la communauté. Donc, on met ici en application la grille dont je vous ai parlé tout à l'heure. Donc, au niveau 2000, on veut juste répertorier, puis le programme vise à vraiment reconnaître les réalisations au niveau des programmes comme tels. Alors, s'il y a un programme d'heures flexibles, bien, ça, c'est quelque chose qui correspond pour nous à une pratique maîtresse.

Le niveau 3000, nous les appelons les pratiques de sensibilisation. Effectivement, on peut avoir des pratiques maîtresses, mais ces pratiques ne sont pas nécessairement bien connues des employés, ces pratiques ne sont pas nécessairement bien appliquées. Alors, on a mis en place un niveau qui, finalement, cherche à mesurer dans quelle mesure ces pratiques sont bien communiquées aux employés. Donc, on les appelle les pratiques de sensibilisation. Une entreprise peut être très forte au 2000, moins au 3000, donc 2 et 3 ensemble voudrait dire que, finalement, on a des bonnes pratiques, des programmes qui sont vraiment bien appliqués dans l'entreprise.

Ensuite, nous allons au niveau 4000, nous les appelons les pratiques multiniveaux. Ici, on veut tout simplement... C'est un niveau de certification un peu plus grand, si on peut dire, plus on avance dans l'échelle. Les multiniveaux, c'est qu'on veut voir s'il existe une correspondance entre, par exemple, la politique d'équité, d'une part, et la politique de recrutement, d'autre part. Est-ce que ça fonctionne en silo? Ou ça fonctionne vraiment... Est-ce qu'il y a des synergies, autrement dit, entre les politiques de l'entreprise?

Un autre exemple, ce seraient, par exemple, les politiques au niveau des avantages sociaux compte tenu que, bon, l'entreprise a adopté des pratiques au niveau flexibilité des heures de travail. Est-ce qu'il y a une cohérence? Est-ce que les pratiques au niveau des avantages sociaux sont bien adaptées à cette réalité-là? Alors, le niveau 4000, c'est vraiment... On cherche à trouver des éléments qui permettent de croire qu'il existe des synergies importantes entre les pratiques dont je vous ai parlées un peu plus tôt.

Le niveau 5000 qui est le niveau le plus avancé, nous l'appelons les pratiques avancées. Essentiellement, pour pouvoir, disons, être à un niveau 5000, une entreprise doit avoir absolument une unité de gestion à l'interne qui gère de manière intégrée l'ensemble de sa responsabilité sociale par rapport aux ressources humaines et à la communauté. Donc, à ce niveau-là, on s'attend à retrouver les cinq domaines dont j'ai parlé un peu plus tôt et les deux... cinq pour les ressources humaines et les deux pour le développement de la communauté. Et, à ce moment là, on s'attend vraiment à ce qu'il y ait en place des mesures d'évaluation, bref, une unité de gestion avec tout ce que ça comporte. L'entreprise gère en fait ces éléments-là de manière intégrée et complète. Alors, c'est ce qui correspond au niveau 5000. Alors, je vais m'arrêter là-dessus et vous permettre peut-être de poser des questions après la présentation de M. Rousseau. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Merci, de nous avoir finalement... de mieux connaître les services que vous pouvez rendre non seulement au gouvernement, mais aux entreprises, de nous familiariser un petit peu plus avec quelque chose qui est un peu plus technique pour les membres de l'Assemblée nationale. Alors, sans plus tarder, je cède la parole maintenant à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Je suis très, très contente que vous soyez là, ce matin, que vous ayez pris la peine de faire une mémoire aussi et de nous apporter toute cette vision-là, dans le fond, de la responsabilité sociale. On a eu déjà l'occasion de se rencontrer. J'ai suscité cette possibilité-là de collaboration. On disait le terme ISO social parce que c'est quand même des termes un peu techniques que vous nous dites ce matin. C'est très intéressant. On a eu l'occasion quand même de s'en jaser des domaines, puis de comment on pourrait faire un programme de certification pour la responsabilité sociale des entreprises, d'une part. Je crois que c'est plus qu'important de le faire. Par contre, on a vu, dans le fond, dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté: il y a quand même un pan qui, au niveau des entreprises puis au niveau de, je pourrais dire, toute la part des petites et des grandes entreprises, parce qu'il faut quand même se dire que ce n'est pas tout à fait la même chose. Les grandes entreprises ont parfois plus de facilité d'instaurer ce genre de certification-là. La petite entreprise, c'est un autre aspect et on sait que le Québec est fait de beaucoup de petites entreprises.

Alors, comment aller susciter cette sensibilité-là des entreprises? Parce qu'il y en a beaucoup qui ont cette sensibilité-là, mais particulièrement dans la partie, je pourrais dire, d'implication peut-être dans la communauté parce qu'elles donnent à des fondations, parce qu'elles s'impliquent avec différents organismes de leur milieu, de leur quartier ou de leur territoire qu'elles desservent ou nationalement, dépendant des entreprises. Mais on voit que ce n'est pas suffisant. On voit qu'il y a une responsabilité sociale des entreprises qui doit être là, et, surtout, quand on regarde tous les mémoires qui sont déposés ici depuis cinq semaines, on voit toute cette importance-là de se mobiliser derrière la lutte contre la pauvreté puis que ça nous appartient tous, cette lutte-là. Qu'on soit un chef d'entreprise ou qu'on soit responsable d'un groupe communautaire ou qu'on soit un travailleur, bon, peu importe, je pense que c'est absolument important que les gens se sentent interpellés par la lutte contre la pauvreté, parce que c'est une responsabilité qu'on a quand même collectivement.

n (9 h 50) n

Votre programme de certification est un peu compliqué pour peut-être l'expliquer comme ça en peu de temps. Je peux comprendre, mais je vois dans les entreprises... Je regardais le Conseil du patronat, quand il est venu la dernière fois, il nous a quand même clairement établi que, comme c'est un créateur d'emplois, les entreprises font beaucoup déjà parce qu'elles créent des emplois, des programmes d'insertion au travail, des stages, de la formation. C'est, pour les entreprises, un pan important de leur collaboration puis de leur possibilité de faire un peu plus dans ces domaines-là. Je pense que beaucoup d'entreprises sont ouvertes, à ce niveau-là. Il y a toute la partie des conditions de travail évidemment, on peut toujours améliorer les conditions de travail. L'autre partie, qui est celle de la conciliation famille-travail. Ça, ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident parce qu'on peut être derrière les normes du travail, mais je pense que, dans les entreprises, ils peuvent faire plus parce que les normes du travail sont comme notre base universelle, là, je pourrais dire «nationale» pour se donner des critères de base puis des normes de base. Il y a, je pourrais dire, toute la partie que les gens sont venus nous parler, effectivement de conciliation famille-travail, mais ils rajoutaient vie personnelle et il rajoutaient, quelques-uns, vie citoyenne, participation citoyenne, que ce n'est pas tout concilier famille-travail: il y a cet autre aspect-là aussi d'être une personne qui est active dans la société puis qui participe à la société.

Alors, ce que je voudrais vous demander, c'est: Comment voyez-vous cette certification-là, particulièrement pour la petite entreprise aussi? Quelles sont les étapes, l'étape première, à part de ce que vous avez dit, bon, ce que vous avez élaboré ce matin? Mais comment on pourrait sensibiliser les entreprises, la petite entreprise particulièrement, à cette responsabilité-là, sociale?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Rousseau ou M. Trépanier?

M. Trépanier (Alain): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Trépanier.

M. Trépanier (Alain): Oui. D'accord. Première des choses, je crois que la PME comme telle... Le programme, effectivement, il peut paraître complexe, comme vous le disiez. Ce n'est pas évident, décrire en quelques minutes ce sur quoi nous travaillons depuis quelques années. Mais le sentiment qu'on a toujours eu depuis le départ, par rapport à la PME, c'est que, au fond, elle n'est pas nécessairement désavantagée par ce programme. Autrement dit, il se peut ? même, moi, j'ai tendance à croire ? que la grande entreprise peut même avoir plus de difficultés à atteindre la certification à certains niveaux que la PME. Autrement dit, je ne suis pas prêt ici à fonctionner sur la base, sur cette hypothèse que, bon, c'est intéressant, mais la PME... La PME, je crois qu'elle est quand même bien placée pour répondre aux exigences.

Deuxième élément: le programme vise à reconnaître, en fait, les entreprises qui font déjà... qui exercent déjà des pratiques de gestion souvent novatrices. Alors, au fond, l'idée ici, c'est de reconnaître ces pratiques et, à partir de la reconnaissance des entreprises ? des entreprises qui font de bonnes choses mais qui demeurent méconnues du public ? c'est d'encourager d'autres à faire davantage et à faire... disons même à s'engager dans les responsabilités sociales.

Alors, ça, je pense que c'est important de bien comprendre cet objectif. Comment faire participer davantage les entreprises? On a des entreprises qui contribuent déjà passablement, il y en a d'autres qui contribuent beaucoup moins. L'idée, c'est peut-être d'élargir la base d'entreprises qui participent à l'effort de développement des ressources humaines et de la communauté. Et le programme, en fait, ce qu'il a, c'est une façon ordonnée de s'impliquer. Lorsqu'une entreprise regarde le programme, elle y trouve un point d'entrée, elle y trouve aussi une façon de progresser à travers les niveaux. Elle peut faire des choix. Bref, c'est quand même une façon assez ordonnée de pouvoir progresser. Vous savez, la notion de responsabilité sociale... Vous avez tout à fait raison de mentionner que, pour des entreprises, elles disent souvent qu'elles font déjà beaucoup; effectivement, mais, en même temps, pour faire davantage, les entreprises, ce qu'elles manquent souvent, c'est tout simplement, disons, une façon simple de pouvoir s'engager et, disons, minimiser ou gérer le risque qui entoure la responsabilité sociale. Parce que, au fond, il faut se rappeler qu'une entreprise, son objectif, c'est quand même la performance économique, hein, ce n'est pas la performance, comme telle, sociale. Alors, c'est important pour elle qu'on puisse lui offrir une façon de s'y engager et qu'elle puisse y voir une façon qu'elle contribue et que ce soit à la mesure de ses moyens. Parce que, sinon, lorsqu'on demande à l'entreprise: Fais davantage. Ça veut dire quoi, ça, au juste? C'est très, très difficile de débloquer, finalement, les relations avec l'entreprise sur ce sujet-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Léger: D'abord, je vous réitère cette collaboration future avec nous. Je pense qu'il y a des choses à développer. On pourrait étroitement davantage, je pense, se donner, en tout cas, et vous et le ministère, des façons de faire. Et, en tout cas, j'entrevois qu'on pourrait encore mieux collaborer pour les prochaines semaines, prochains mois.

La Jeune chambre de commerce est venue ici ? je ne sais pas si vous l'avez entendue; on l'a entendue au mois d'octobre dernier ? et elle déploie beaucoup d'efforts, je pourrais dire, afin de répandre au sein de sa communauté d'affaires des valeurs propres à favoriser toute cette partie-là de plus grande responsabilisation des entreprises. Comment vous voyez... Est-ce que l'opinion... Vous avez vu l'opinion des gens d'affaires particulièrement, suite un peu à la Jeune chambre de commerce, qu'est-ce qu'elle a fait. Est-ce que vous pouvez davantage nous parler un peu de l'opinion des gens d'affaires ou des petites entreprises à votre programme de certification?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Trépanier.

M. Trépanier (Alain): Des gens d'affaires, en fait, on a fait un projet-pilote il y a quelques années déjà où on a travaillé avec des gens d'affaires dans des entreprises où c'est les dirigeants qui ont participé au projet, et la réaction a été très, très favorable. On a à l'époque, dans le cadre du projet-pilote, déposé même un genre de bilan ou ce qu'on appelle un plan d'action pour améliorer la responsabilité sociale, et ça a été très bien reçu dans l'ensemble des entreprises avec qui nous avions travaillé. À ce moment-là, on a également collaboré avec une ou deux PME pour quand même valider des choses, et la réaction a été très, très positive à cet effet-là.

Je pense que les entreprises y voient en fait un besoin de... Comment dirais-je? L'entreprise recherche toujours, à travers ses actions, une reconnaissance, en fait. Et je me souviens, il y a quelques années, on avait eu une table ronde avec des entreprises sur la question de la reconnaissance, et ce qui était sorti de la rencontre, c'est que les entreprises jugeaient que, malgré la présence de bien des programmes, elles ne se sentaient pas suffisamment reconnues pour ces actions. Alors, ça a été quand même assez surprenant, et, dans le contexte du projet-pilote où, en fait, les entreprises connaissaient que nous allions vers l'élaboration d'une certification avec un système d'audit qui viendrait s'attacher à ça, elles étaient très, très favorables; elles y voyaient une façon, effectivement, de pouvoir communiquer, disons, leurs réalisations. Alors, on n'a reçu à date que des commentaires positifs à cet effet-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci, Mme la Présidente. Eh bien, moi, je suis bien content également de votre présence. Je voudrais essayer de voir avec vous les retombées positives. Parce que vous parlez dans votre mémoire, à la page ? je ne sais pas quel numéro de page, mais à l'item 3 ? des outils pour répondre aux objectifs du projet de loi n° 112, puis, justement, votre programme qui est centré sur les normes, le programme de certification. Quel élément positif qui pourrait retomber, quel élément positif qui pourrait retomber à l'entreprise, le fait d'être reconnue, un exemple, ISO social ou avoir un programme de certification, là, quel élément positif ça pourrait... Qu'est-ce qui peut intéresser une entreprise d'embarquer dans un projet semblable?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Trépanier.

M. Trépanier (Alain): Moi, je crois que le premier élément positif, c'est au niveau, je dirais, de son image publique, et je crois qu'une entreprise qui finalement, disons, atteint un niveau de certification, l'élément... la certification comme telle lui permet de pouvoir communiquer à ce qu'on appelle les «stake holders» de la compagnie, soient les membres de la communauté, les gouvernements, ça lui permet de communiquer de façon simple ses réalisations en disant: Bien, moi, je suis une entreprise certifiée tel niveau qui, en fait, comporte une définition qui mérite quand même d'être connue du public.

Actuellement, ce n'est pas connu, mais si on présume qu'on puisse, disons, faire connaître au public davantage les mérites et ce que comporte finalement l'atteinte d'une certification, je crois qu'une entreprise à ce moment-là va y voir énormément d'avantages au plan d'abord de sa gestion interne à mieux organiser, parce que vous savez qu'il y a des sommes quand même considérables qui s'investissent par les entreprises, surtout dans la plus grande entreprise, des sommes considérables, et la certification leur permet, je dirais, de mieux organiser leurs activités, une façon disons de progresser et de mieux organiser, mais, en même temps, la certification permet à l'entreprise de pouvoir communiquer vers l'extérieur ses réalisations. Et je crois qu'il y a une valeur attachée à ça. L'entreprise y attache une valeur, et je crois que ça va au-delà, par exemple, d'une reconnaissance ou d'un prix qui est donné à l'occasion pour une réalisation particulière. Vous savez que la certification demeure avec l'entreprise. Ce n'est pas quelque chose qui est ponctuel, ça demeure avec elle aussi longtemps qu'elle rencontre la norme. Alors, je crois qu'il y a une valeur importante ici, qu'elle a. Et je suis très conscient que les entreprises qui vont s'engager dans la certification vont y trouver leur bénéfice de cette façon-là.

n (10 heures) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il vous reste une minute et demie, M. le député de Maskinongé, question et réponse.

M. Désilets: Oui, question et réponse, merci. Mais si on revient aux entreprises comme telles, quand vous touchez, là... D'après moi, c'est beaucoup plus facile une grosse entreprise, même une multinationale, d'appliquer vos projets parce qu'ils ont du personnel, ils sont capables de le faire, mais les petites entreprises, nos PME, c'est plus difficile, puis encore, ceux qui commencent, on est encore loin.

Puis, quand vous parliez tantôt de vos programmes de 1000 à 5000, effectivement, la première, la 1000, qui est la gestion minimum, il faut commencer par là; là, je pense que c'est important, mais à quelle vitesse qu'on peut, une fois qu'on a le 1000, arriver au 2000? Puis, à 2000, j'ai compris, là, qu'il y avait des pratiques pour gérer l'aspect social. On commence à 2000 mais quelle grosseur d'entreprise ou à quelle vitesse qu'on peut passer de 1000 à 2000 dans le temps à peu près ou la grosseur de l'entreprise?

M. Trépanier (Alain): Moi, comme je vous dis, je pars vraiment avec l'opinion que si, demain matin, nous allions dans les PME et que nous appliquions le programme, c'est-à-dire que nous y faisions un PERS qu'on appelle, un plan d'entreprise en responsabilité sociale, c'est-à-dire de répertorier ce qu'elle fait, etc., on serait surpris de voir les résultats. Les entreprises, souvent, même une PME, ce qu'elle a de différent, je dirais, peut-être qu'une plus grande entreprise, c'est qu'elle ne formalisera pas autant ses pratiques de gestion, hein, elle ne fera pas nécessairement des manuels et des choses comme ça pour, disons, établir ou décrire ses pratiques. Ça ne veut pas dire qu'elle n'en exerce pas au sein de l'entreprise.

On a pris bien soin, également, dans l'élaboration du programme, de ne pas apporter de critères du type comme la quantité de pratiques qui doit être en place, des choses comme ça. L'idée, c'est d'amener l'entreprise à participer, c'est l'objectif, et finalement, dans un premier temps, de reconnaître d'abord celles qui font des choses. Et je pense que, en fait, les petites entreprises peuvent y participer et elles ont des choses à montrer qui peuvent démontrer énormément, même par rapport à une plus grande entreprise.

Bon, pour aller à votre question plus spécifique, la progression 1000-2000, je crois que c'est une question de volonté de l'entreprise. Il n'y a pas, comme tel... Le programme n'exige pas un rythme, une entreprise peut, par exemple, élaborer son plan d'action, réaliser qu'elle est 2000 et rester 2000 pendant un an, deux ans, et par la suite décider de progresser. C'est vraiment des questions de choix et de décision qui restent avec l'entreprise.

Maintenant, l'idée ici, c'est d'amener le plus grand nombre d'entreprises dans le circuit, si on peut dire, et de là laisser l'entreprise décider. Il va y avoir des entreprises qui vont viser des hauts sommets. Je pense que ça fait partie de la nature humaine de vouloir être encore plus performant. Alors bravo! ça montre le chemin aux autres, mais une entreprise qui participe à un niveau 1000-2000, c'est très bien. Il n'y a pas comme tel... il ne faut pas voir ça comme... ce n'est pas un objectif, disons, d'atteindre le haut niveau.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue également, et c'est une discussion intéressante, un peu différente des discussions qu'on a eues jusqu'à maintenant, et c'est intéressant parce que ça permet de remettre sur la scène le rôle des entreprises et leur implication dans toute cette démarche de lutte à la pauvreté. Ça rejoint, comme le faisait souligner la ministre, un des éléments qui a déjà été amené ici par la Jeune chambre de commerce qui parlait du bilan social, et je comprends bien que la certification peut être un instrument pour l'octroi, en tout cas, pour l'établissement du bilan, finalement.

Et je comprends de la présentation que, pour l'instant, le projet se trouve en période de gestation, finalement, ce n'est pas encore opérationnel, il n'y a pas encore d'entreprises qui ont reçu une certification RSE. Et vous êtes en discussion actuellement, si j'ai bien lu le mémoire, avec le ministère du Travail et le ministre de la Solidarité sociale. Parlez-nous un peu d'où se trouvent ces discussions-là et comment est-ce que... qu'est-ce que c'est que vous cherchez comme façon d'opérationnaliser votre programme. Comment ça va s'opérer sur le terrain? Qui va visiter les entreprises? Qui va octroyer la certification? Qui va faire la suite des choses par après?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Rousseau? Oui? Vous avez la parole.

M. Rousseau (Jean): Oui. Bien, c'est ça, la façon que ça fonctionne, un programme de certification. Bon, il y a, premièrement, tel que c'est prévu actuellement, il y a le dépôt d'un plan en responsabilité sociale des entreprises, le PERS dont M. Trépanier vous parlait tout à l'heure. Donc, il y a un premier examen de documentation. Et, après ça, il y a un auditeur qui va se rendre à l'entreprise, donc un auditeur qui est qualifié pour ce domaine-là, et qui va aller évaluer les pratiques en question qui sont établies dans le plan. Et, après, bon, l'auditeur va situer à quel niveau l'entreprise est établie; on parle: Est-ce qu'on parle du niveau 1000? ou 5000? ou entre ces périodes-là? Et, à ce moment-là, dès qu'on a un niveau qui est atteint, bon, par exemple, un niveau 2000, bien, il y aura une certification qui sera... un certificat de conformité qui sera délivré par le Bureau de normalisation, toujours conditionnel à un audit, un audit annuel, qui sera fait au sein de l'entreprise pour s'assurer que... pour nous assurer qu'effectivement toutes les exigences du référentiel et du programme de certification sont bel et bien toujours rencontrées par l'entreprise.

Au besoin, si on découvrait, par exemple, des points qui ne seraient pas en conformité avec le niveau dont l'entreprise est certifiée, bien, on va demander à l'entreprise d'apporter des correctifs. Et, si les correctifs ne sont pas apportés, on va devoir retirer notre certificat de notre conformité. Donc, c'est la façon usuelle, comment ça fonctionne pour les organismes de certification. Que ce soit de la certification de produits, de services ou de systèmes, c'est la façon usuelle que... Autant au niveau des systèmes ISO 9000, ISO 14000, au niveau de l'environnement en certification de produits, c'est la façon que ça fonctionne comme ça.

Je vais peut-être passer la parole à M. Langlais, qui a, au niveau du plan qu'on entrevoit, justement les discussions qu'on a avec les gens du ministère de Mme Léger pour les prochaines actions à venir. Effectivement, il n'y a pas d'entreprises de certifiées actuellement. On voudrait certifier un premier contingent d'entreprises pour justement créer, démarrer une roue et créer un effet, une synergie à cet effet-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Oui. Alors, comme Jacques vient de vous le mentionner, notre objectif est de commencer par certifier un premier groupe d'entreprises pour créer un genre de masse critique qui va permettre de créer un mouvement d'entraînement envers d'autres entreprises. À ça, on va devoir également s'ajouter des efforts pour faire connaître, pour diffuser ce programme-là et le concept lui-même. La préoccupation de la responsabilité sociale des entreprises, ce concept-là devra être diffusé auprès d'autres entreprises et, également, auprès de partenaires, d'autres organisations qui pourraient tirer bénéfice, tirer profit de cette reconnaissance-là qui serait accordée aux entreprises. On peut penser à des... Bon.

Du côté financier, il pourrait y avoir les fonds de retraite, les fonds de travailleurs qui peuvent être préoccupés à investir dans des entreprises qui seraient plus socialement responsables que d'autres. À un niveau plus grand, on connaît aussi... Il y a des fonds éthiques qui prennent de plus en plus d'ampleur. Donc, ça, ça peut être... C'est des groupes auprès de qui on aimerait faire connaître, faire bien connaître cette reconnaissance-là et les impliquer avec nous pour soutenir, pour motiver des entreprises à adhérer à ce programme-là.

Il y a aussi des groupes communautaires qui pourraient être intéressés à cette reconnaissance-là. Si on pense à, par exemple, Centraide Québec qui a déjà mis sur pied un prix ? je ne me rappelle plus du nom exact du prix ? un prix d'engagement social ? quelque chose comme ça ? qu'ils ont lancé l'an dernier, pour eux, ça pourrait devenir un indicateur supplémentaire pour sélectionner les entreprises qui pourraient être candidates à ce prix-là.

Le programme également peut permettre à ces organisations-là d'approcher des entreprises avec une structure qui pourrait faciliter la participation communautaire des entreprises envers leur cause et aussi leur donner des indications sur la façon de mieux coordonner, mieux gérer les pratiques ou les actions que les entreprises vont poser pour que ces pratiques-là soient instaurées d'une façon durable, dans le cadre d'une structure, et que, peut-être, aussi, ça demande moins d'effort à l'entreprise pour faire ces mêmes pratiques là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

n (10 h 10) n

M. Sirros: Moi, ce qui me frappe, c'est l'étendue du travail qui... Il y a des milliers et des milliers d'entreprises. Vous êtes un tout petit organisme finalement, je ne crois pas que vous avez une armée d'auditeurs ou de certificateurs, etc. Donc vous devrez, j'imagine, développer des méthodes de travail en lien avec des organismes qui sont sur le terrain quelque part. C'est ça que je n'ai pas saisi dans la présentation ou dans l'explication. Comment est-ce que ça va s'opérationnaliser sur le terrain?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Rousseau.

M. Rousseau (Jean): Donc, sur le terrain...

M. Sirros: Si vous permettez là, et vous en avez parlé, d'une couple d'incitatifs pour les grandes entreprises d'adhérer, de la possibilité, par exemple, d'être certifiées, de faciliter peut-être l'implication au niveau d'investissement de certains fonds, etc. Mais quels sont les incitatifs qu'on peut aussi mettre sur la table pour les entreprises de moindre taille? Parce que c'est à un niveau local aussi et vous l'avez fait remarquer, c'est au niveau local que ça peut aussi avoir un effet, au niveau de l'implication dans la communauté locale en particulier que ça peut être intéressant. Mais comment est-ce que ça va s'opérationnaliser et quel genre d'incitatifs supplémentaires est-ce que vous visez pour que ça donne une valeur à l'entreprise d'avoir cette certification-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Rousseau.

M. Rousseau (Jean): Pour le premier volet de votre question, la façon que ça fonctionne, c'est exactement le même modèle qui est opérationnel chez nous au niveau de la certification des enregistrements des systèmes ISO 9000, donc des systèmes de gestion de la qualité où, effectivement, ça prend une armée de monde. Mais l'armée de monde n'est pas nécessairement au sein du Bureau de normalisation du Québec, c'est des gens auxquels on fait appel, ce sont des pigistes. Ces gens-là doivent être, par contre, qualifiés par nous parce qu'on a des règles internationales à respecter. Donc, pour que notre reconnaissance en tant qu'organisme de certification demeure, on doit s'assurer que les gens qui vont aller sur le terrain, donc qui sont nos représentants, travaillent, font leur travail de façon à répondre. Entre autres, il y a un point très important qui est la notion de tiers indépendant. Donc, la personne qui va aller auditer l'entreprise ne doit pas être une personne qui aurait, par exemple, implanté les procédures au sein de l'entreprise, ne doit pas être quelqu'un au sein de cette entreprise-là. Donc, toutes ces notions-là sont régies par des règles internationales que nous appliquons au sein du BNQ. Donc, pour arriver à justement répondre à une demande importante sur le terrain, on fait appel à une équipe: des gens qui viennent de l'externe, qui sont qualifiés et qui peuvent venir de toutes sortes d'organismes qui sont en contact direct avec les gens et les firmes sur le terrain.

Pour le deuxième volet de votre question, je demanderais peut-être à monsieur...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Oui. On peut penser à quelque... Pour ce qui est des incitatifs, des retombées pour les entreprises, il y a des choses plus simples ou plus directes qu'on peut constater, et ça, c'est issu de réflexions qui se passent présentement au niveau international. On peut penser, par exemple, à l'image même de la compagnie face à ses clients, face aux consommateurs de ses produits, de ses services. Une entreprise qui va agir de façon responsable, qui va s'investir dans la communauté, risque d'avoir des clients qui vont lui être un peu plus fidèles, qui vont lui accorder plus d'attention. On peut penser aussi à la main-d'oeuvre dans l'entreprise, une entreprise qui exhibe des pratiques responsables, qui s'engage dans sa communauté, qui montre qu'elle a mis en place des pratiques de conciliation travail-famille, des choses comme ça, risque d'être plus attirante pour une main-d'oeuvre rare qui pourrait se chercher un emploi, finalement, qui pourrait être face à plusieurs possibilités d'emploi. Et, face à la main-d'oeuvre existante, ça peut être aussi une incitation à retenir cette main-d'oeuvre-là. Alors, il y a des incitatifs comme ça qui sont également présents pour les entreprises elles-mêmes, des incitatifs intrinsèques au programme.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Grégoire: Berthier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse.

Mme Grégoire: Ce n'est pas grave. Juste pour ne pas qu'on se mélange. Bien, premièrement, merci d'être là, je trouve ça fort intéressant. Je trouve ça intéressant que la ministre soit en mode de collaboration avec un organisme comme le vôtre, parce que, effectivement, dans un cadre comme la loi n° 112, je pense qu'on parle de responsabilités partagées entre l'État, la communauté et le citoyen. Chacun a un rôle à jouer, puis dans la communauté, les entreprises sont interpellées, et je trouve ça intéressant de voir qu'il y a des outils de motivation comme une norme comme celle-là.

Je me souviens, quand on a instauré... bien, pas instauré en fait, mais quand l'État a décidé que la norme ISO 9000 était importante, on a instauré une charte de la qualité, on a dit donc: Les entreprises devront... puis l'État a mis en place certains programmes pour reconnaître ces entreprises-là.

Alors, je pense que ça peut être un modèle qui pourrait être calqué facilement. La seule préoccupation que j'ai ? on en a parlé au niveau des PME ? c'est: Est-ce que la certification serait aussi... Parce qu'on sait qu'une certification 9000, c'est quand même assez lourd dans une entreprise. Est-ce que la certification, le processus de certification serait aussi complexe et aussi lourd? Parce qu'on sait que plusieurs PME, qui sont allées vers ISO 9000 ou ISO 14000, ont besoin de consultants, ont besoin donc de documentation. Je pense qu'ils vont y chercher un bénéfice, c'est de travailler mieux, d'instaurer une procédure, mais, quand même, je pense que c'est assez lourd dans les entreprises. Alors, comment vous planifiez faire ça de façon à ce que ce soit relativement souple pour que le rapport bénéfice-investissement ait du bon sens pour l'entreprise?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Trépanier.

M. Trépanier (Alain): Je pense que, là-dessus, je partage complètement votre préoccupation. Je pense que c'est un objectif pour ne pas alourdir inutilement, surtout pas avec les PME. Mais là-dessus, encore une fois, juste vous dire un peu la nature du programme. C'est que, au fond, essentiellement, ce qui se passe, c'est qu'on fait... on répertorie des pratiques, hein, qu'une entreprise gère. Une entreprise qui, finalement, à un niveau de complexité, genre 5000, c'est sûr que c'est plus long qu'un niveau 1000, hein.

Alors, moi, je crois que l'effort vient en proportion avec la taille de l'entreprise, au fond. Autrement dit, la démarche à effectuer, quand l'entreprise est plus petite, va être beaucoup plus courte que, lorsque l'entreprise, disons, possède, est beaucoup plus complexe au niveau de ses systèmes de gestion parce que là, il faut aller chercher les pratiques, les programmes, il faut les décortiquer, c'est un petit peu plus complexe. On l'a fait dans le cadre d'un projet-pilote et on a réussit à bien le faire, mais, dans le cas de la PME, il n'y a pas comme tel, je dirais, de... on n'a pas comme tel une approche, genre... qui est faite pour la grande, et qu'il faut l'appliquer dans la petite. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. La démarche, c'est que, au fond, on demande à l'entreprise de déposer ses pratiques. Et même, au fond, des pratiques ne sont pas écrites mais qui sont appliquées vont être déposées, puis ça peut se faire via la collecte d'informations par l'entreprise elle-même puis qu'elle peut... Donc, je crois que là-dessus... Et il y a beaucoup qu'on peut faire, mais la préoccupation est tout à fait légitime. Puis il faut quand même le garder à l'esprit. Il faut aussi développer des outils avec le temps, je crois, pour faciliter aussi au niveau de la PME. Ça, je pense, ça peut être un objectif intéressant aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): 30 secondes, Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Juste un commentaire. Mais je me dis: Dans les auditeurs que vous accréditerez, ce serait peut-être le fun d'aller voir les organismes communautaires aussi parce que ça pourrait être une façon peut-être de mettre en lien. Puis eux, ils comprennent qu'il ne faut pas que ce soit trop compliqué parce qu'ils sont habitués de gérer avec peu. Ça fait que ça peut être une piste de solution.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très intéressant. Malheureusement, il faut mettre fin à notre discussion. Alors, MM. Rousseau, Langlais et Trépanier, au nom de tous les membres de cette commission, merci d'avoir participé. Au revoir.

Je demanderais immédiatement aux représentants et représentantes du Communautique de bien vouloir prendre place, et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 19)

 

(Reprise à 10 h 20)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentantes et représentants du Communautique. Alors, je cède la parole à M. Claude Ouellet qui est le président. M. Ouellet, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, je vous cède la parole.

Communautique

M. Ouellet (Claude): Merci, Mme la Présidente. Donc, Communautique est heureux de participer aux travaux de cette commission parlementaire. Nous désirons vous remercier de nous donner l'occasion de présenter notre mémoire et de discuter du contenu avec vous. À ma gauche, vous avez Mme Monique Chartrand, qui est la directrice générale de Communautique, qui vient d'être engagée chez Communautique; Martin-Charles St-Pierre, secrétaire-trésorier de Communautique; Malika Alouache, du Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles qui est un organisme partenaire de Communautique dans le projet «Inforoute ? Points d'accès»; et moi-même, Claude Ouellet, président de Communautique. C'est Martin-Charles St-Pierre qui va commencer la présentation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, je vous cède la parole, M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Martin-Charles): Merci. Communautique est née d'une préoccupation qu'avaient l'Institut canadien d'éducation aux adultes, l'ICEA, et la Puce communautaire. Cette préoccupation touchait la problématique de l'écart qui ne cessait de se creuser entre les inforiches et les infopauvres. Les deux organisations fondatrices ont donc uni leurs compétences pour mettre sur pied Communautique comme un projet commun. Cela se passait en 1995 et, dès 1999, Communautique s'incorporait comme un organisme à but non lucratif.

Communautique, depuis ce temps, est devenue un organisme national avec un membership sans cesse grandissant. L'organisme compte une quarantaine de membres dont les trois-quarts sont situés dans plusieurs régions de la province. L'organisme s'est doté d'une mission qui vise à mettre les technologies de l'information et de la communication au service des milieux communautaires et populaires. Nous désirons aussi les mettre au service des citoyens et des citoyennes potentiellement exclus dans une perspective d'élargissement de la vie démocratique et de citoyenneté, le tout en contribuant au développement d'espaces communautaires sur l'inforoute.

Cette mission nous a amenés à nous doter d'objectifs spécifiques à notre mission tels que: accroître l'accès aux technologies de l'information et de la communication; favoriser la prise en charge et l'autonomie des groupes communautaires du milieu des citoyens et des citoyennes; développer une culture télématique démocratique; contribuer au développement de l'inforoute et des espaces télématiques communautaires; et, finalement, contrer l'exclusion sociale liée aux technologies de l'information et des communications.

Pour atteindre ces objectifs et actualiser notre mission, Communautique initie des projets et se développe selon trois grands axes. Ces axes-là sont la réflexion et l'analyse, la concertation et l'animation du milieu et l'accessibilité et la formation. Comme exemples de travaux et projets dans ces axes, on retrouve, dans celui de l'analyse et de réflexion, la réalisation d'une vaste enquête auprès de 450 organismes du Québec. Cette enquête visait à évaluer l'informatisation des groupes, de leurs expériences et obstacles, et à cerner l'impact que les technologies de l'information et des communications avaient sur l'organisation du travail et sur l'action de ces groupes.

Dans le deuxième axe qui est la concertation et l'animation du milieu, il y a eu la publication récente d'un recueil d'une trentaine de récits d'expériences innovatrices sur l'intégration des TIC aux pratiques des groupes communautaires. Toujours dans le même axe, on retrouve l'élaboration d'une plateforme québécoise de l'Internet?citoyens. Cette plateforme se veut rassembleuse des principaux enjeux et conditions à mettre en place pour le développement d'un Internet?citoyens. C'est un projet qui répond au souhait du milieu, de tous les groupes, qui touche de près ou de loin l'utilisation des TIC, pour faire reconnaître ce qui se fait partout au Québec et qui sert à développer une culture technologique emprunte de valeurs sociales et démocratiques.

Pour le dernier axe, le projet «Inforoute ? Points d'accès-Initiation de la population» est le fer de lance du troisième axe qui est l'accessibilité et la formation. C'est un projet d'envergure nationale, soutenu depuis trois ans par le Fonds de lutte contre la pauvreté et dont on va faire état dans notre dépôt aujourd'hui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, M. Ouellet.

M. Ouellet (Claude): Je vais continuer. D'abord, ce qu'on veut souligner, c'est qu'on veut saluer le courage du gouvernement de vouloir mettre en place un projet de loi, une stratégie pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. À l'instar de plusieurs autres acteurs et organismes, Communautique, on souhaite manifester notre appui à l'engagement pris par le gouvernement de mobiliser la société québécoise dans la lutte contre la pauvreté et tout en privilégiant une approche globale, intégrée et concertée. Pour réussir à mettre en place tout ça, il va falloir arriver à ça.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait inscrit sa volonté de favoriser l'appropriation sociale des technologies au coeur du projet de loi et de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Nous apprécions aussi la reconnaissance du rôle des organismes communautaires et d'économie sociale puisque nous sommes convaincus qu'ils ont un rôle majeur à jouer, compte tenu des enjeux liés à la fracture numérique, dont nous reviendrons plus tard là-dessus.

Nous souhaitons aussi que cette loi, née de la Stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, s'incarne rapidement dans un plan d'action structurant à la hauteur des aspirations et des espoirs qu'elle soulève. Communautique, par sa mission et son action, travaille sur cette nouvelle dimension de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, soit l'appropriation sociale et démocratique des technologies de l'information et de la communication. Notre intervention, dans le cadre de ce mémoire, portera sur cette dimension spécifique.

Pour faire quelques remarques générales, forts de nos résultats et de l'expertise développée, nous considérons important d'intervenir dans le cadre de cette consultation afin de partager notre vision des enjeux relatifs à l'appropriation sociale des technologies de l'information par tous les citoyens et citoyennes du Québec. Ces nouvelles conditions doivent être mises en place pour favoriser un plein exercice de la citoyenneté. Il faut améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles qui vivent dans la pauvreté ou qui sont exclues socialement. Il faut aussi réduire les inégalités qui peuvent les affecter, développer et renforcer le sentiment de solidarité et de cohésion sociale.

Globalement, nous nous reconnaissons dans tous ces buts. Nous sommes particulièrement sensibles aux orientations visant à prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement du potentiel des personnes, visant à favoriser l'engagement de l'ensemble de la société et visant à assurer à tous les niveaux la constance et la cohérence des actions, puisque sont au coeur de nos préoccupations, les actions identifiées, telles l'appropriation des technologies, la reconnaissance et le soutien aux activités communautaires qui contribuent à l'inclusion, à la participation citoyenne, au soutien et aux initiatives locales et régionales.

Les quelques enjeux qui sont liés à la fracture numérique dont je vous parlais tantôt. L'existence de cette fracture numérique là et la capacité d'utiliser les technologies nous interpellent tous parce qu'elles conditionnent de plus en plus de facettes de l'exercice de la citoyenneté et de la vie quotidienne des personnes: que ce soit en tant que parents qui veulent participer à l'éducation de leurs enfants qui, dès leurs premières années à l'école, apprivoisent l'informatique et Internet; en tant qu'employés ou personnes à la recherche d'emploi dans un monde du travail où une connaissance minimale de l'informatique et l'Internet devient une norme pratiquement incontournable; en tant que citoyens ou citoyennes constamment référés à des adresses électroniques, des sites Web, des terminaux informatiques pour obtenir de l'information. Il faut aussi se rappeler que tous les services gouvernementaux deviennent de plus en plus en ligne, et si on veut y avoir accès, il va falloir avoir des connaissances et un accès à cette technologie-là.

Je continue en parlant du droit à l'accès parce que, s'il y a des enjeux, il faut, selon nous, que le droit à l'accès devienne incontournable aussi. Dans ce contexte, Communautique croit que l'appropriation sociale des technologies doit être vue sous l'angle du droit à l'accès aux technologies. Ce droit doit être placé dans la même foulée que les droits humains, les droits à la communication, les droits à l'éducation et le droit pour tous et toutes de bénéficier des retombées du progrès technologique. À prime abord, la notion d'accès aux technologies réfère à une infrastructure, points et lieux d'accès individuels, collectifs et publics; équipements et logiciels. On ajoute rapidement à ça les habilités et les compétences techniques de base à acquérir par les utilisateurs et les utilisatrices. Une telle définition de l'accès doit être vue comme nécessaire mais non suffisante.

Doivent aussi être prises en compte les nombreuses barrières d'ordre économique, géographique, social, éducationnel, linguistique, physique, culturel, générationnel qui empêchent les citoyens et citoyennes soit d'accéder ou soit de contribuer au contenu véhiculé sur Internet.

Notre vision de l'accès combine non seulement la connectivité technique, la formation et l'initiation aux techniques de base, mais aussi l'animation du milieu, l'éducation, la sensibilisation aux enjeux, la formation continue, ainsi que la production d'une diversité de contenus pertinents et enrichissants, adaptés aux intérêts et aux besoins du public.

n (10 h 30) n

La fracture numérique au Québec, il y en a encore une. Malgré les progrès accomplis au cours des dernières années, les données publiées en 2002 démontrent la persistance d'un accès très inégal aux technologies de l'information et des communications tant au point de vue du branchement à la maison que de l'utilisation en divers lieux comme le travail, dans les bibliothèques et dans les écoles et autres endroits. Ainsi, les populations les moins branchées sont toujours celles qui utilisent le moins Internet, demeurent les populations à faibles revenus, des populations moins scolarisées, et beaucoup, beaucoup de personnes âgées s'y retrouvent. Les écarts importants subsistent toujours entre hommes et femmes ainsi qu'entre les populations vivant en milieux rural et urbain.

La fracture numérique et ses effets se vit aussi très concrètement sur le terrain. De nombreux acteurs les observent et tentent de pallier les risques d'exclusion que cela entraîne, qu'il s'agisse de listes d'attente pour obtenir l'accès à un ordinateur dans les bibliothèques publiques ou pour accéder à des activités d'initiation gratuites. Entre autres, dans notre projet Points d'accès ? Inforoute à la population, les listes d'attente dans la plupart des points d'accès atteignent deux mois. Le fossé numérique se vit au quotidien. Le caractère incontournable d'Internet et la familiarisation avec les technologies sont vivement ressentis par tous les citoyens et citoyennes.

Au travers tout ça, les groupes communautaires et l'économie sociale ont posé beaucoup d'actions et de gestes dans les dernières années. Le Québec compte plusieurs milliers d'organismes communautaires et d'économie sociale qui sont implantés un peu partout au Québec. C'est des acteurs dynamiques reconnus du développement économique social. Les groupes sont présents dans toutes les localités du Québec, ils travaillent avec des personnes démunies. Ils s'adaptent aussi à leurs besoins et connaissent bien la réalité du milieu et les besoins de la population qu'ils desservent. Ils possèdent une expertise unique car ils sont au coeur de l'innovation sociale. Les organismes communautaires et d'économie sociale se trouvent donc en première ligne pour mesurer la globalité des impacts et saisir les enjeux relatifs aux technologies pour les personnes avec lesquelles ils travaillent. Ils travaillent avec des populations qui sont potentiellement exclues.

Préoccupés par les risques que cette fracture s'ajoute aux autres fractures sociales et qu'elle génère de nouvelles formes d'exclusions, les organismes du Québec ne sont pas restés inactifs. On trouve ainsi au Québec tout un monde de nouvelles initiatives qui s'intègrent à ce vaste mouvement mondial constitué d'associations et de groupes de citoyens qui mettent à contribution les technologies pour créer des nouvelles solidarités, pour penser à de nouvelles façons d'agir et soutenir la participation citoyenne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...M. Ouellet.

M. Ouellet (Claude): Deux minutes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Deux minutes.

M. Ouellet (Claude): C'est beau. Ce que nous voulons, entre autres choses, c'est reconnaître et soutenir l'action du milieu communautaire et de l'économie sociale dans la démocratisation de la société de l'information et de la communication. La politique de reconnaissance de l'action communautaire constitue une avancée considérable pour l'ensemble du milieu. Tous les projets, organismes et initiatives citoyennes qui oeuvrent à démocratiser l'accès et à favoriser l'appropriation sociale des technologies devraient pouvoir bénéficier d'un financement suffisant pour assurer la viabilité à long terme de leurs projets. Par ailleurs, un financement de la mission de base stable et continue reconnaissant leur rôle devrait être octroyé aux organisations dont la mission centrale est l'appropriation des technologies.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, M. St-Pierre, parce qu'il nous reste une minute.

M. St-Pierre (Martin-Charles): Une minute en tout?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est ça.

M. St-Pierre (Martin-Charles): Oui? Oh! d'accord. Le genre de projet que Communautique a initié, c'est le projet national d'Inforoute ? Points d'accès ? Initiation à la population qui est un excellent exemple d'utilisation puis d'intégration d'éthique comme étant un outil de lutte à la pauvreté. C'est un projet qui a donné un salaire décent à des gens puis qui a donné aussi un droit d'accès à d'autres. C'est un droit d'accès qui a rejoint 30 000 personnes, puis il y a 30 000 personnes en deux ans, présentement. On est présentement dans notre troisième année. Ça a donné un emploi décent et un salaire décent à près de 100 personnes aussi en deux ans, et encore avec le Fonds de lutte, cette année, on est entré... on a débuté la troisième année. Ça a un impact sur les participants, ça a un impact sur les gens qui sont au retour du travail, puis, si on peut avoir un petit 30 secondes de plus, ça a un impact aussi sur les groupes communautaires qui reçoivent ces points d'accès Internet là. Et on a Malika, ici, qui est une des partenaires du projet, qui a un point d'accès et qui est responsable des points d'accès, puis c'est un bon exemple à entendre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que j'ai le consentement? Vous voulez prendre la parole, Mme Alouache?

Mme Alouache (Malika): ...si vous me la donnez.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que j'ai le consentement des membres pour dépasser? Ça fera moins de questions cependant, on aura moins de questions malheureusement. Alors donc, je vous cède la parole pour quelques minutes, Mme Alouache.

Mme Alouache (Malika): Merci. Moi, je travaille pour un organisme communautaire qui est implanté dans le sud-ouest de Montréal, connu pour sa pauvreté. Notre groupe est précurseur au niveau des technologies de l'information et de la communication. Ça fait près de sept ans qu'on se préoccupe de ces questions-là. Et, pour vous dire à quel point on s'en est préoccupé, c'est rentré par le biais du secteur alphabétisation. Donc, on a comme introduit l'informatique et l'apparition des interfaces électroniques dans les banques, et on a donc associé l'apprentissage notionnel avec un apprentissage technique, donc en introduisant l'informatique dans les ateliers. Donc, on fait ça depuis huit ans, mais on n'a jamais pu vraiment répondre à la demande dans le quartier et dans le sud-ouest. Donc, le projet Inforoute est venu vraiment comme à point nommé pour nous donner un petit peu plus de développement par rapport à l'accès, par rapport à la formation et à l'appropriation des technologies.

Au niveau de ce projet-là, c'est un projet absolument formidable pour les groupes communautaires du sud-ouest. Il n'y avait pas grand-chose hormis des points d'accès dans les bibliothèques. Il n'y avait pas de groupes communautaires vraiment qui offraient de l'accès aux participants. Donc, ça nous a donné du soutien dans notre développement, ça nous a permis de nous équiper, ça nous a permis d'offrir des activités de formation. Ça a également beaucoup, beaucoup contribué à tout ce qui est concertation, partenariat au niveau du sud-ouest, de se pencher sur un pacte des nouvelles technologies, sur du développement. Et tout le monde s'entend à dire que les nouvelles technologies sont là pour rester puis que c'est un facteur incontournable tant de la vie quotidienne que de la vie professionnelle. Donc, on s'entend là-dessus. Puis on dit que ça doit être accessible à tous.

Au niveau de la gestion du sud-ouest, on se rencontre assez régulièrement puis on a trouvé comme des solutions pour prolonger. On partage des ressources. On partage également les pratiques au niveau de l'appropriation puis au niveau de l'impact. Par rapport aux groupes, on est huit groupes et, à nos huit, on rejoint beaucoup, beaucoup, de monde. Il y en a qui sont en éducation populaire, qui travaillent en alpha, qui travaillent en francisation, qui travaillent avec des jeunes, avec des personnes handicapées ou avec des problèmes de santé mentale. Donc, on rejoint beaucoup, beaucoup de monde.

Et, au niveau des approches, c'est des approches qui sont également adaptées. Par exemple, avec des jeunes, on va travailler beaucoup en prévention contre le décrochage. Avec les groupes d'éducation populaire, on va travailler sur la vie démocratique, sur l'accès à l'information, sur les logiciels éducatifs. On travaille également avec des personnes âgées, on travaille également avec des centres d'employabilité. Et chaque activité est vraiment comme adaptée aux besoins de notre population. Et quand je dis que c'est un projet qui est une totale réussite, ce que disait Claude tout à l'heure, c'est que, dans la plupart des centres, les listes d'attente s'allongent.

L'aspect aussi du projet, qui est un projet qui fait... C'est un projet qui s'adresse à des gens en activité semi-individuelle. Donc, les gens viennent vraiment chercher ce dont ils ont besoin, puis on part à partir de leurs besoins. Ça peut être de l'initiation de base, ça peut être de la bureaucratique, ça peut être un soutien technique. On a formé beaucoup, beaucoup les intervenants dans les groupes communautaires, les membres des conseils d'administration, les bénévoles. Ça, ça a été au moins un impact absolument formidable.

Au niveau des animateurs et animatrices, ça, c'est un projet qui est financé par le Fonds de lutte. Donc, ça a permis comme d'engager des gens qui étaient eux-mêmes aux prises avec des problèmes d'emploi et des problèmes de pauvreté. C'est un projet sur 52 semaines. On a même réussi à trouver des financements dans la phase II pour prolonger en partie le contrat de ces animateurs-là. C'est 52 semaines avec de la formation, avec de l'encadrement, avec de l'intégration dans les groupes et des formations qui sont faites par Communautique et la Puce, des formations qui sont très, très complètes au niveau de l'emploi. Ces gens-là sont outillés. Une fois qu'ils finissent le projet, les outils qu'ils ont au niveau de leur formation, au niveau de l'animation, l'andragogie, c'est des outils qui sont facilement réutilisables sur le marché de l'emploi.

Puis, juste pour finir, dans le sud-ouest, sur les six animateurs, il y en a cinq qu'on a pu maintenir en emploi en allant chercher des financements à droite, à gauche. Et il y a une personne qui est comme plus ou moins retournée aux études. Donc, nous, c'est vraiment un projet... C'est un projet formidable. Puis on est nombreux à dire que ça ne peut pas s'arrêter. Ce n'est comme pas envisageable de s'arrêter là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Malheureusement, nous, il faut s'arrêter...

Mme Alouache (Malika): Moi, je vais m'arrêter là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Alouache, M. Ouellet, M. St-Pierre, merci pour la présentation de votre mémoire. Vous avez une expérience qui est intéressante. Alors, Mme la ministre.

Mme Léger: Alors, je comprends qu'on a un peu moins de temps là, 10 minutes à peu près.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, c'est ça. Vous avez 10 minutes.

Mme Léger: D'accord. Alors, bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Merci d'être venus présenter votre mémoire. Je voudrais d'abord souligner l'importante collaboration de votre organisme qui lutte vraiment particulièrement pour l'exclusion sociale en voulant donner accès, dans le fond, aux nouvelles technologies d'information et de communications, d'une part.

n (10 h 40) n

Votre mission: mettre les technologies de l'information et de la communication au service des milieux communautaire et populaire ainsi qu'au service des citoyennes et des citoyens potentiellement exclus. C'est votre mission principale, et vous cadrez tellement dans la stratégie nationale par deux choses, je pourrais dire: l'exclusion sociale, d'une part, mais aussi toute la partie d'action communautaire qui est fondamentale parce que vous oeuvrez avec les organismes, et, madame, qui est un organisme du sud-ouest, vous venez nous donner, nous dire un peu comment vous vous l'appropriez, cette façon de faire là.

Je veux vous dire que le gouvernement, c'est-à-dire qu'on déploie beaucoup d'efforts pour que les gens puissent se brancher, d'une part, pour soutenir toutes les nouvelles technologies, pour déployer une main-d'oeuvre qualifiée aussi dans ce domaine-là, pour être dans les chefs de file internationaux au niveau de la nouvelle technologie. Je vois, entre autres, que nous avons collaboré avec le premier Carrefour mondial de l'Internet citoyen, que vous avez été présent, qu'on a fait dernièrement, voilà pas très longtemps. Alors, c'est tout le carrefour international, toutes les nations dans le monde qui ont fait, je pourrais dire, cette sécurité-là de vous donner accès, aux citoyens, mais aux personnes aussi qui ne peuvent pas y avoir accès facilement.

Le savoir... parce que, quand voit l'Internet, c'est toute la révolution du savoir par l'Internet, par les nouvelles technologies, et on ne peut pas se permettre d'exclure les personnes qui n'y ont pas nécessairement accès directement.

Alors, je trouve très, très important le travail que vous faites et, quand vous regardez dans l'énoncé politique que nous avons mis de l'avant, dans la stratégie nationale, on peut y lire que, dans une perspective de lutte, le gouvernement entend explorer les avenues de solution, particulièrement à cause de... pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale et la fracture numérique, en faveur d'une plus grande accessibilité aux technologies de l'information et de la communication pour les personnes en situation de pauvreté. Cette inégalité d'accès aux technologies de l'information et des communications affecte aussi certains territoires. On sait qu'il y en a, il y a même des villages qui ne disposent même pas de câble. Il y a des territoires, certaines régions qui ne sont même pas branchées sur l'autoroute de l'information. Donc, on a quand même beaucoup de travail encore à faire.

J'aimerais savoir quelles sont les pistes d'action telles quelles que vous privilégiez afin de favoriser, dans le fond, l'accès aux nouvelles technologies aux personnes qui ne peuvent pas avoir accès?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Ouellet.

M. Ouellet (Claude): Dans les pistes d'action, il y en a plusieurs. D'abord, outre le projet dont je vous ai fait part, il y a soutenir l'animation des lieux d'accès et l'intégration aux pratiques communautaires ? pour l'ensemble du Québec, ce serait souhaitable.

Favoriser la création de lieux d'échange et de mise en commun aussi des technologies, suivre l'évolution et l'appropriation des technologies de l'information et des communications. Le meilleur exemple de ça, c'est que, quand les organismes communautaires ont commencé à avoir des ordinateurs il y a 10 ans, 15 ans, on s'aperçoit aujourd'hui que ces appareils-là ne fonctionnent plus, que les gens n'ont pas suivi le dérapage technologique qu'il y a eu après, et ça pose des graves problèmes pour les citoyens et pour les groupes communautaires aussi.

Encourager aussi le développement de contenus. Il faut qu'il y ait du contenu sur Internet, il faut qu'il y ait du contenu francophone, d'une part, et du contenu qui permet aux personnes qui vivent des situations d'exclusion de pouvoir trouver des solutions à leur problématique.

Soutenir la création aussi de groupes de ressources techniques qui vont pouvoir donner un coup de main aux groupes communautaires ou aux entreprises d'économie sociale pour suivre la marche de l'évolution technologique. C'est bien beau, là, des appareils, mais il faut du support et des ressources humaines aussi pour permettre à tous ces groupes-là d'être à jour et d'être sur le même pied que le reste de la société.

Puis, évidemment, il reste tout le droit à l'accès, qui n'est pas complété. Le droit à l'accès est une chose qui... l'accès lui-même est une chose soit dans les régions ou soit par des facteurs économiques. Ce n'est quand même pas la majorité de la population au Québec qui est branchée actuellement et qui a accès à l'informatique et à Internet ? on parle de 40 %. Donc, il faut doter le milieu et les organisations d'équipements appropriés pour pouvoir avoir cet accès-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Je suis allée visiter l'école Le Virage que vous connaissez peut-être, une école à Laval ? je pense bien qu'elle est située à Laval, de mémoire ? une école dont la commission scolaire soutient, parce que c'est une école particulièrement de décrochage scolaire, donc des jeunes qui ont été exclus un peu des autres écoles et il y a une façon de faire dans cette école-là extraordinaire. Ça m'a beaucoup... J'ai été très impressionnée de comment ils réussissent dans leur milieu scolaire à donner le goût aux jeunes de compléter leurs études, d'une part. Mais il y avait des ateliers d'informatique assez importants dans cette école-là et les professeurs me disaient, entre autres, que ça fait très peur aux filles et que, comme c'est volontaire ? c'est volontaire d'aller suivre ces ateliers-là, ces cours-là ? c'était majoritairement des gars et que la partie des filles, quand elles voyaient l'ordinateur, elles paniquaient devant l'ordinateur, ne savaient pas trop quoi faire avec ça. Elles sont conscientes de tout, je pourrais dire, l'effort qui est mis à ce qu'elles puissent avoir accès à l'ordinateur. Est-ce que vous voyez de cette... parce que, quand on parle d'exclusion sociale, je fais le lien avec le décrochage scolaire, mais je fais le lien aussi avec les filles par rapport à toutes les nouvelles technologies de l'information.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Alouache.

Mme Alouache (Malika): Je peux répondre à cela. Effectivement, dans la plupart des statistiques qui sont faites, des sondages, on s'aperçoit qu'effectivement les femmes sont moins formées, s'approprient un petit peu moins les outils. En tout cas, moi, je parle beaucoup d'outils. Je pense que l'informatique est un outil au même titre que le livre, au même titre que la bicyclette ou le vitrail ou le tricot, le crochet. C'est une façon de rejoindre les gens à partir de ce qui peut les intéresser. Je pense qu'il faut partir des besoins des gens puis utiliser l'informatique comme support pour des projets dans lesquels les gens vont se reconnaître. Nous, on n'a pas vraiment ce problème-là. Il y a un engouement, je peux vous dire. Ça fait cinq ans que je coordonne le secteur informatique puis on a vraiment monté comme des projets. On a monté des projets avec des jeunes, on a monté des projets en francisation, on a monté des projets avec des personnes âgées pour un petit peu comme réduire l'écart générationnel entre les aînés puis les plus jeunes. Quand on parle des préoccupations des gens, des intérêts des gens, je pense que l'informatique, après, ça devient comme un outil.

Juste une petite anecdote: quand on apprend aux gens à se servir des périphériques, les gens utilisent la souris puis, souvent, quand on se concentre juste sur l'utilisation de la souris, les gens sont crispés. Ils ont la souris en main, puis il y en a même des fois où elle s'imprime sur leur main. Par contre, si on passe par le biais de jeux, il y a des petits jeux pour apprendre à utiliser la souris, cliquer, double-cliquer, les gens oublient. Ils se concentrent sur le jeu, ils se concentrent sur la façon de faire puis ils oublient l'aspect technique de la souris puis, une fois qu'ils ont réussi, bien, à ce moment-là, ils partent plus facilement. Mais ça demande de partir de l'intérêt et des besoins des gens. Je pense que c'est la seule façon comme d'intéresser les gens, d'imposer quoi que ce soit... J'avais imposé de la lecture à des gens qui n'aiment la lecture d'emblée ou d'imposer à un enfant de prendre une marche, on lui dit: On va se promener. On lui dit: Bien, écoute, tu aimes la musique, bien, il y a de la musique sur Internet. Il y a façon comme d'aller chercher ce qui t'intéresse. Je pense que c'est vraiment ce biais-là qui fait que les gens vont comme s'approprier des outils.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, une minute, le temps d'un commentaire, Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Vous dites dans votre mémoire que plusieurs projets d'accès public aux technologies au sein des groupes communautaires, mais qui sont intégrés à des stratégies de développement local. Pouvez-vous nous donner un exemple d'un projet?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...s'il vous plaît.

Mme Alouache (Malika): Par rapport à l'emploi, par exemple. Dans le sud-ouest, on a deux groupes. On a le RESO, la relance économique sud-ouest et le Centre Tyndale St-Georges qui sont des organismes qui travaillent à la réinsertion à l'emploi, le retour aux études, la formation de base ou de la formation professionnelle. Et l'informatique est faite, est intégrée dans ces activités-là. Par exemple, à Tyndale, tous les gens qui viennent pour la recherche d'emploi, qui participent à des ateliers où à un volet notionnel en informatique qui est lié à la création de c.v., à la mise de c.v. en ligne ou à la recherche d'emploi informatisée. On fait de l'accompagnement également dans les centres locaux d'emploi où il y a effectivement du matériel. Mais le problème souvent, c'est l'appropriation. Je sais que le Québec a mis beaucoup, beaucoup d'argent. Au fédéral aussi, on en a mis. Par rapport au matériel, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant parce que les gens sont un petit peu plus équipés mais ne sont pas appropriés, ne savent pas utiliser les outils. Puis ça, les enquêtes le prouvent puis on sait que c'est plus en passant par des groupes communautaires que les gens s'approprient l'informatique comme outil d'expression, comme outil de communication, comme outil d'information. Puis ça, c'est prouvé. Nous, on essaie toujours de faire le lien entre l'informatique et puis les besoins des gens. Je pense que c'est le projet qui me vient le plus en tête, mais je pourrais vous parler de projets également de décrochage. Il y a deux groupes communautaires qui travaillent...

n (10 h 50) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très rapidement, Mme Alouache, malheureusement. Merci. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Temps très court. Bienvenue. Intéressant. Je discutais tantôt et je me disais... je vous écoutais parler puis je place ça aussi dans le contexte de notre programme politique qui vise aussi l'installation d'un gouvernement en ligne, vraiment. Et je me dis, c'est évident également qu'on parle d'une loi de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. Plus la société va se développer vers une dépendance, si vous voulez, sur les technologies, plus le risque est grand pour les couches de la population qui sont un peu à l'écart au niveau de la pauvreté, etc., d'être encore plus à l'écart, d'avoir encore moins accès. Vous parlez déjà de seulement 40 % des maisons au Québec sont branchées. J'imagine le pourcentage est beaucoup plus élevé quand on visite les maisons des quintiles inférieurs ? pour reprendre ce terme-là.

Donc, je me dis: Nous, ça nous intéresse profondément de savoir comment est-ce qu'on va s'assurer que, avec la création d'un gouvernement en ligne, tous les citoyens aient accès véritablement. Donc, un premier volet de questionnement, ce serait: Comment est-ce qu'on peut joindre plus efficacement les groupes afin de faciliter l'accès de tous les citoyens aux services gouvernementaux qui se font de plus en plus en ligne? Et l'autre élément, c'est... On parle de lutte à la pauvreté également et on sait que, dans l'économie générale, de plus en plus, les connaissances technologiques sont un instrument d'accès à l'emploi aussi. Donc, dans le volet employabilité des gens, est-ce que vos groupes, vous, ou d'autres groupes que vous connaissez, vous avez une reconnaissance comme des agents de formation, si vous voulez, par rapport à toute la question de la connaissance technologique?

Alors, c'est les deux volets. C'est très court le temps qu'on a. Peut-être prenez le temps qu'il faut. Puis je sais, je vois qu'il y a d'autres collègues qui ont aussi le désir d'intervenir à l'intérieur de ces 10 minutes, alors j'arrête là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Martin-Charles): Oui. Pour la première question qui est: Comment rejoindre ces gens-là?, mais je pense que le projet Inforoute ? Points d'accès, c'est un exemple vraiment qui a fait ses preuves. Si on n'est pas capable de donner l'accès aux gens chez eux par faute de moyens financiers, il faut leur donner des endroits spécifiques dans les quartiers ou dans les villes ou dans les régions. Puis, à part de ça, en plus de leur donner du matériel, il faut vraiment leur donner la formation. Le projet, c'est ça, c'est vraiment fournir aux groupes communautaires qui sont déjà en action dans les milieux. Il ne faut pas tasser ce qui est déjà en place. Les groupes sont déjà en place, on leur donne le matériel, on leur donne le branchement, puis on leur fournit les ressources humaines pour donner la formation, à raison d'une quinzaine d'heures d'accès et de formation par semaine. On réussit à rejoindre comme ça environ, par ville, environ 2 000 personnes dans toutes les villes qui participent au projet présentement. Je pense que c'est un moyen facile de donner de la formation simple. On dit que c'est une initiation de base, c'est ce qui fait l'affaire aussi des gens. Il y a des gens que ça fait longtemps qu'ils sont exclus socialement ou monétairement. Ils ont une crainte face aux nouvelles technologies, il faut passer par-dessus cette barrière-là de la crainte. Et l'accès personnalisé, c'est un formateur avec deux personnes à la fois. Ce n'est pas trop... ce n'est pas une grosse barrière, ça, et ça fonctionne. Les gens, après trois séances de formation, sont, pour la plupart, aptes à naviguer de manière autonome et à faire du courrier électronique. Ça veut dire que ces gens-là sont capables après ça d'aller sur un site pour faire de la recherche d'emploi, ils sont capables d'envoyer du courriel pour envoyer un c.v.

Dans ces formations-là aussi ? ça va rejoindre un peu aussi sur le point d'employabilité ? on donne aussi des formations de base en bureautique, comment se servir d'un traitement de texte pour monter un curriculum vitae de manière décente. Après ça, avec le courrier électronique, pouvoir l'envoyer aux employeurs dans les banques d'emploi. C'est un projet qui a fait ses preuves. On a quelques cas de réussite de gens qui ont participé, qui étaient en dehors du marché de l'emploi, qui ont participé à ces séances de formation là et qui sont retournés sur le marché de l'emploi, autant chez les formateurs que chez les participants.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion, il vous reste une minute et demie.

M. Sirros: C'est juste un commentaire à ce moment-là. Moi, je trouve que... Je tiens à vous féliciter pour l'imagination que vous avez démontrée pour avoir développé ce créneau d'intervention au niveau des milieux défavorisés, si vous voulez, auprès de ces populations. Ce n'est pas évident que ça saute aux yeux de tout le monde de penser pauvreté, technologies ou... Mais je trouve que, effectivement, c'est un créneau qu'il faut supporter, qu'il faut appuyer, qu'il faut développer. Et, dans le contexte d'un projet qu'il y ait un gouvernement en ligne, je pense qu'il y a effectivement une place de choix que des groupes comme le vôtre peuvent jouer. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Bien, merci beaucoup. Moi, j'ai eu la chance de travailler avec vous autres dans mon autre vie et je sais à quel point le travail que vous faites est extraordinaire puis à quel point il reste encore beaucoup à faire.

Une des questions que, moi, j'avais, ça ressemble un peu à celle du député de Laurier-Dorion, par rapport au lieu d'accès, parce qu'on parle de tous les centres d'accès, il y a beaucoup de bibliothèques qui ont été ciblées, puis je me demandais si, ça, ce n'était pas, quand tantôt on disait: Si tu n'aimes pas lire, déjà que d'aller dans une bibliothèque pour te brancher, ce n'est pas évident, ce serait quoi le lieu idéal? Moi, je disais, les centres commerciaux. En 1998, quand on avait parlé justement du gouvernement en ligne puis des citoyens 100 % branchés, on voulait que tous les citoyens aient une adresse électronique avec un lieu d'accès, parce que le droit à l'accès, ce n'est pas nécessairement dans ta maison, chez vous, à cliquer, puis on espère que les outils vont se démocratiser. On parle de la télé Internet, on parle de différentes technologies qui s'en viennent, mais c'est quoi le lieu idéal?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Alouache.

M. Ouellet (Claude): Je vais répondre en partie. Ça va?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, ça va très bien, M. Ouellet.

M. Ouellet (Claude): Oui, bien, le lieu idéal, en fait, les lieux qui ont été choisis dans le cadre de ce projet-là, c'était les lieux où on pouvait rejoindre les populations les plus exclues. Donc, les bibliothèques, on peut dire que ce n'est pas nécessairement là qu'on va retrouver ces populations-là.

Pour rejoindre, par contre, l'ensemble de la population du Québec qui ne vit pas à l'heure des nouvelles technologies, c'est évident, je crois, que les bibliothèques municipales dans tous les villages maintenant sont branchées. Ça pourrait être un outil qui pourrait être développé.

C'est parce que notre projet, il faut le rappeler, ne couvre que neuf régions. On parle de 80 points d'accès, on est loin de rejoindre toute la population. Malgré tout ça, en deux ans, on a formé 20 000 personnes, mais il faudrait un effort un peu plus substantiel pour toucher la province au complet et donner la chance à tout le monde d'avoir accès à ça. Mais le lieu idéal comme tel, c'est de travailler là où sont les gens.

Mme Grégoire: ...que je trouve... Il me reste-tu encore un peu de temps?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, le temps d'un commentaire, Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: O.K. Bien, l'autre chose que je trouve intéressante, c'est votre approche justement de formation des gens qui travaillent dans le communautaire, parce que justement eux sont en lien direct souvent avec les personnes qui vivent l'exclusion, qui vivent la pauvreté. Puis, si le premier intervenant que tu rencontres est traumatisé par rapport à l'accès ou par rapport à l'outil, bien, c'est sûr qu'il ne va pas t'aider.

Alors, je trouve que c'est un travail extraordinaire puis ça s'appelle un peu les... C'est les différents flots, les différentes étapes, puis on va finir, je pense, par peut-être y arriver, comme je le disais, avec la démocratisation des outils, parce que, quand le téléphone se démode, devient un téléphone Internet, quand la télé devient... La télé, moi, je pense que ça peut être un outil qui va être intéressant parce que c'est un outil plus quotidien. Ça fait qu'il y aura encore là... Mais vous aurez du travail parce que là il faudra les rentrer dans les maisons pour aller former les gens, puis ça, ce sera un autre défi, j'imagine. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, M. Ouellet, M. St-Pierre, Mme Chartrand et Mme Alouache. Au nom de tous les membres, merci d'avoir participé à cette commission.

J'inviterais maintenant les représentants de la Corporation de développement communautaire de Laval, Table de concertation de Laval en condition féminine, de même que Dimension Travail et Mme Ginette Beauchemin à bien vouloir prendre place s'il vous plaît. Et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

 

(Reprise à 10 h 59)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants, que je vois, de la Corporation de développement communautaire. Alors donc, je laisse la parole à Mme Lippé.

Corporation de développement communautaire
de Laval (CDCL), Table de concertation
de Laval en condition féminine (TCLCF),
Dimension Travail et Mme Ginette Beauchemin

Mme Lemieux (Nathalie): Nathalie Lemieux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Pardon?

Mme Lemieux (Nathalie): Nathalie Lemieux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lemieux. Alors, c'est Mme Lemieux qui est la coordonnatrice de la Table de concertation de Laval en condition féminine qui prendra la parole en premier lieu. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui devront prendre la parole également?

Mme Lemieux (Nathalie): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui? Alors, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et je vous inviterais à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

n (11 heures) n

Mme Lemieux (Nathalie): O.K. Donc, les personnes qui m'accompagnent: entre autres, il y a deux citoyennes en situation de pauvreté, deux citoyennes de Laval: Mme Jeannine Brind'Amour, à ma gauche, et Mme Ginette Beauchemin, et il y a également Mme Christiane Lippé, coordonnatrice de l'organisme Dimension Travail de Laval.

Je me permets de vous présenter notre organisme, la Table de concertation de Laval en condition féminine, qui est un regroupement d'organismes communautaires publics et parapublics, ayant un préjugé favorable à l'égard des femmes. Et notre groupe travaille à la défense collective des droits.

En entrée de jeu, nous tenons à souligner que nous reconnaissons que le projet de loi n° 112 ouvre la voie à une avancée importante. Éliminer la pauvreté est avant tout un devoir politique et une responsabilité sociale. Mais, pour être efficace et tenir la route, nous devons nécessairement apporter à ce projet de loi des modifications. Nous soutenons le projet de loi dans le sens de son amélioration. C'est pourquoi nous apportons notre appui indéfectible au Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté ainsi qu'à leur huit propositions de modifications.

Aussi, nous voulons vous faire part de notre grand étonnement quant au silence du projet de loi concernant l'aspect de la pauvreté plus grande chez les femmes et l'absence de mesures différenciées, notamment des mesures visant à faciliter l'accès des femmes au marché du travail. Pour en parler plus particulièrement, je cède la parole à Mme Christiane Lippé, du groupe Dimension Travail.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À vous la parole, Mme Lippé.

Mme Lippé (Christiane): Bonjour. Je vais d'abord vous présenter l'organisme brièvement et puis je vais vous parler de la situation des femmes sur le marché du travail et vous proposer quelques pistes de réflexion.

Alors, Dimension Travail est un organisme à but non lucratif dont l'objectif principal est d'aider les femmes de Laval à acquérir une meilleure autonomie financière et personnelle par le biais de l'intégration à l'emploi, dans les meilleures conditions possible. Nous rencontrons 250 à 300 femmes par année. Nous avons deux programmes d'employabilité: alors, un programme de recherche d'emploi et de soutien au placement et une démarche d'orientation en groupe qui vise à faire connaître l'ensemble des possibilités du marché du travail et diversifier les choix professionnels des femmes.

J'aimerais d'abord vous dire que nous avons beaucoup d'enthousiasme et de reconnaissance devant cette entreprise de mettre en place une loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion; c'est un grand moment, et nous espérons son adoption rapidement.

Le chapitre II, à l'article 6, l'item 3, nous intéresse particulièrement. L'article dit qu'«afin d'atteindre les buts poursuivis», une des orientations devra «favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail». 55 % des personnes pauvres sont des femmes ? ce sont des chiffres de 1998 ? alors, nous allons vous parler de la pauvreté des femmes et de leur exclusion de 60 % des métiers du marché du travail.

Les femmes qui travaillent dans les métiers dits féminins, c'est-à-dire commerce, secrétariat, services sociaux, santé, esthétique ? elles sont à 82 % dans le secteur des services ? sont souvent pauvres parce que plusieurs de ces métiers accordent des mauvais salaires et des statuts précaires. L'écart entre le salaire des femmes et des hommes est considérable. En 2000, les femmes qui possèdent un diplôme d'études professionnelles obtenaient 378 $, en moyenne, par semaine, alors que les hommes recevaient 517.

Les femmes, peu nombreuses, qui accèdent à un métier non traditionnel sont plus souvent et plus longtemps en chômage, peu importe leur niveau de compétence, et elles abandonnent, dans une grande proportion, un métier qu'elles ont choisi par intérêt et qui pourrait les faire vivre décemment, épuisées de se battre pour se faire respecter.

Les femmes sur le marché du travail sont irremplaçables. Elles ont un taux d'activité de 54,2 % en 1999. Et, pourtant, elles sont souvent considérées comme un problème dans bien des secteurs d'emploi. Un de ces problèmes est qu'elles ont des enfants et qu'elles s'en occupent. C'est dérangeant pour les employeurs, et il n'est pas rare d'entendre dire, lorsque les micros sont fermés: Les femmes, je n'en veux pas dans mon entreprise.

Bien que loin d'être arrivés au but, de nombreux organismes et des institutions scolaires font des efforts pour éveiller chez les filles et les femmes leur intérêt aux métiers non traditionnels et améliorer leur connaissance de l'ensemble des possibilités du marché du travail. Les femmes ont le courage de se former, souvent malgré l'adversité. Cependant, une grande difficulté dont on parle peu se trouve dans le manque de préparation des entreprises à les accueillir, leur difficulté à créer un climat empreint de respect et qui permettrait aux femmes de prendre leur place, y compris par des promotions méritées. Il y a un immense travail à accomplir à ce niveau parce que, quand ça ne marche pas à cette étape de l'intégration, ce sont des années d'efforts donnés par les femmes elles-mêmes, les organismes, les écoles de formation, les gens d'Emploi-Québec et de la sécurité du revenu qui sont perdues. Il ne suffit pas de promouvoir la diversification des choix professionnels auprès des femmes: il faut aussi changer les mentalités des acteurs principaux que sont les employeurs et la population tout entière.

En parallèle, il faut des décisions pour faire reconnaître la valeur du travail des femmes dans les secteurs féminins. Pour avoir une incidence, la Loi sur la pauvreté et l'exclusion et le plan d'action se doivent de tenir compte de ces réalités et reconnaître les causes qui maintiennent les femmes dans la pauvreté par des mesures spécifiques qui viseront à une insertion durable et une juste rétribution de leur apport à l'activité économique. Il doit y avoir des mesures concrètes afin d'amener les employeurs à voir dans les femmes une main-d'oeuvre dont il vaut la peine de se préoccuper, les amener à prendre les moyens pour les intégrer correctement. Par exemple ? c'est des suggestions ? une mobilisation nationale pour former et sensibiliser les entreprises, les obligations incontournables pour faire cesser la discrimination à l'embauche dans les métiers non traditionnels, reconnaître à tous les salariés les même droits et avantages, peu importe leur statut, examiner la possibilité d'étendre la Loi sur l'équité salariale à tous les employeurs, puisque les petites entreprises sont ensemble des employeurs importants.

Merci de votre écoute.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme Lippé. Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Nathalie): Oui. Ce matin, la présence des citoyennes en situation de pauvreté vous confirme notre conviction quant à l'association des personnes en situation de pauvreté au projet de loi et quant à leur participation active au sein du processus du projet de loi. Avant de leur céder la parole, j'aimerais, si c'est possible, déposer ce matin un budget, un budget d'une citoyenne de Laval en situation de pauvreté, que j'ai ici avec moi. Donc, c'est possible?

Document déposé

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, on peut recevoir... Oui, on peut accepter le dépôt de votre...

Mme Lemieux (Nathalie): Merci. Je vais céder la place à Ginette Beauchemin, Ginette qui va vous témoigner de sa situation qui illustre très bien la situation de beaucoup trop de femmes au Québec. Et, par la suite, Mme Jeannine Brind'Amour va également vous témoigner de ce qu'elle vit, elle aussi. Elles vont particulièrement vous parler des mesures d'urgence et de la nécessité de les appliquer le plus rapidement possible.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Beauchemin, à vous la parole.

Mme Beauchemin (Ginette): Mme la Présidente. Année 2000, je prends ma retraite. En 1989, je travaillais, et on nous disait: Une retraite sans pauvreté. Mai 2001, je suis à la recherche d'un logement. J'ai constaté qu'il y avait une crise aiguë à Laval et aussi partout dans la province. Dans les quartiers de Sainte-Rose où je voulais habiter, tout près de mes deux enfants qui y habitent et mes petits-enfants, j'ai décidé de prendre un logement, un quatre et demie. Finalement, étant monoparentale, et avant... Donc, j'ai beaucoup de dettes, et aujourd'hui j'ai décidé de ne plus dormir dans un sous-sol. Ce qu'il y avait à m'offrir en mai 2001, c'étaient simplement des sous-sols à prix de 425 ou de 455, non chauffés ni adaptés pour personnes en perte d'autonomie. Et pour terrain ou terrasse pour se mettre au soleil, il n'y avait que le stationnement d'auto. L'intelligence est en haut, non au sous-sol. Le tombeau, c'est pour l'éternité. J'aimerais bien que les logements ne soient plus dans le sous-sol, et pour mes compagnes et mes compagnons.

n (11 h 10) n

J'ai dû louer un 4 pièces et demie à 470 par mois, non chauffé, au deuxième étage. Si à cela j'ajoute l'électricité, le total est de 530 $. Je téléphone à la Régie du logement et on me dit: C'est 25 % de ton revenu annuel pour le loyer si tu gagnes 16 482. Malheureusement, je gagnais 17 010, je n'ai pas droit au supplément du loyer. Le revenu pour une personne seule et retraitée devrait couvrir les besoins essentiels au minimum: nourriture, logement, médicaments, électricité, chauffage et habillement.

Aujourd'hui, le 6 novembre 2002, je demande, et pour tous ceux dans le besoin, un plan d'urgence et d'accorder de nouvelles subventions aux locataires dans le besoin; la mise sur pied d'un chantier de 8 000 logements au Québec, par année, avec des HLM, des coopératives et des OSBL; la médication gratuite, si je ne m'abuse, c'est très cher et aussi on a besoin de denturologiste et aussi on a besoin de lunettes; enlever la taxe sur les biens essentiels.

La citoyenne et le citoyen prennent leur place ? on nous l'a prise ? on nous a permis d'y être et on ne partira plus. Je suis à ma place, je me respecte, j'attends aussi de mes élus. Je demande l'adoption de la loi n° 112 avec la proposition du Collectif pour éliminer la pauvreté et l'exclusion sociale avant le 25 décembre 2002. Merci de m'avoir écoutée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, Mme Beauchemin, pour votre témoignage. Alors, est-ce qu'il y a d'autres... Oui, Mme Brind'Amour.

Mme Brind'Amour (Jeannine): Oui. Moi, ça va être un petit résumé, finalement, du cheminement jusqu'à ce que je suis aujourd'hui, là, bénéficiaire de l'aide sociale, malheureusement. Je suis monoparentale avec un jeune adulte de 18 ans, je suis dans la cinquantaine. À l'époque où mon fils était petit, grâce à différents programmes gouvernementaux, j'ai pu compléter mes études pour devenir secrétaire et aller chercher de l'expérience sur le marché du travail. J'ai fait comme bien des gens: je suis allée d'un programme à un autre en espérant déboucher sur un emploi stable.

Finalement, j'ai travaillé toute ma vie soit pour des PME ou différents organismes. Depuis quelques années, les subventions ayant beaucoup diminué, j'ai vécu avec un petit salaire sans aucun avantage social et surtout sans aucune sécurité d'emploi. À cause de mes dettes contractées durant mes périodes d'attente de chômage, j'ai décidé d'aller dans le privé afin d'améliorer mes finances. Là encore, un autre piège m'attendait: les employeurs m'engageaient pour une période de trois mois d'essai et, une semaine ou deux avant la fin de cette période d'attente, je me faisais remercier de mes services, et ce, même si précédemment on m'avait félicitée pour le travail accompli. Je n'ai aucun droit à aucun recours comme on m'en a informée aux normes du travail.

Finalement, je décide d'aller vers les agences de placement qui, eux, m'informent que je fais maintenant partie de la classe senior, un groupe moins demandé sur le marché du travail. Je n'ai toujours pas de sécurité d'emploi ni d'avantages sociaux et, malheureusement, toujours en attente de chômage entre les périodes où je ne peux avoir d'emploi ? excusez ? donc en situation de dettes continuelles.

Dernièrement, j'ai subi une opération où il y a eu des complications, de sorte que j'ai épuisé mes prestations de chômage pour me retrouver finalement, cet été, sur l'aide sociale, avec un revenu de 536 par mois. Fort heureusement pour moi, je fais partie d'une coopérative; j'ai eu la chance d'être réajustée au niveau de mon loyer. Mais là, comment faire mes démarches d'emploi? Je n'ai pas droit à un rabais pour les frais de transport et autres. Quand on fait des démarches d'emploi, c'est beaucoup de frais aussi. Alors, continuant toujours à améliorer ma condition, je demande de l'aide à un agent de l'aide sociale, s'il serait possible de m'aider à payer une formation en secrétariat dentaire, car après plusieurs démarches j'ai constaté que ce milieu accepte les femmes de mon âge. La durée de la formation: sept semaines seulement. Malheureusement, à cause de mon âge, ma demande a été refusée par l'agent. Convaincue de mon choix, j'emprunte la somme et je suis ma formation de la fin de juin au mois de juillet, période morte pour la recherche d'emploi. Nouvelle dette, nouvelle déception: durant mes démarches d'emploi, je réalise que c'est un milieu fermé qui exige un minimum d'un an d'expérience. Malheureusement, il n'existe aucun programme gouvernemental qui me permet d'acquérir cette expérience. Malgré tout, je me considère quand même privilégiée: j'ai fait un stage dans une clinique dentaire qui, eux, m'ont rappelée afin de travailler quatre jours dans le mois de septembre, quatre jours dans le mois d'octobre. Ceci a pour but que je peux me permettre d'aller chercher le 200 $ que l'aide sociale m'accorde de gagner par mois. C'est une chirurgien-dentiste qui a l'esprit ouvert et profondément humaine. Elle accepte de m'aider en attendant que je me trouve un emploi stable. Il y a deux semaines, j'ai réussi à trouver un emploi en clinique dentaire. Après deux jours d'essai, j'ai été congédiée: pas assez d'expérience, pas assez bilingue. Cela a eu pour conséquence que l'aide sociale m'a été coupée pour le mois de novembre parce que j'ai dépassé la somme permise par l'aide sociale. Pourtant, ce travail de deux jours m'a apporté des dépenses supplémentaires.

Juste pour finir, Mme la Présidente. Un pas en avant peut devenir pour une bénéficiaire de l'aide sociale deux pas en arrière, car freinée souvent par les coupures des règlements non conformes au droit de la personne et de la famille. La question que je me pose: Est-ce ainsi que naissent ceux que l'on nomme les parasites sociaux? Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Brind'Amour, pour votre témoignage. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la ministre.

Mme Léger: Bonjour, mesdames, bienvenue ici. Merci de déposer un mémoire. Vous êtes plusieurs groupes ensemble qui avez déposé ce mémoire-là. Je vois que vous accueillez de façon très positive le projet de loi n° 112. Vous dites que c'est une avancée remarquable en ce qui a trait au redressement de l'équité financière et de la justice sociale, d'une part.

Je vois dans votre mémoire que vous me dites... particulièrement je veux revenir à la région de Laval. Je vous remercie de vos témoignages, mesdames. Vous nous rendez sensibles à toute votre situation. Vous voulez vous en sortir, et je vois que vous voulez sortir de l'aide sociale, que vous voulez vous trouver du travail. Vous savez, dans notre stratégie nationale, il y a une action plus précise particulièrement pour les gens qui n'ont pas d'emploi, mais, à 45 ans et plus, on voit qu'il y a une problématique à ce niveau-là, qu'on ne peut pas retrouver nécessairement de l'emploi facilement parce qu'on a 50 ans ou parce qu'on a 55 ans. Et je voyais madame qui parlait particulièrement au niveau des femmes. D'une part, je pense que vous avez une longue expérience et que vous auriez pu nous faire plusieurs témoignages ici de tout ce qui se vit au niveau de la corrélation femme et pauvreté.

Je vois dans votre mémoire... Vous dites que la région de Laval particulièrement...: «La lutte à l'appauvrissement a été identifiée par l'ensemble des intervenants communautaires de la région de Laval à titre de priorité d'action pour la période de 2000-2002.» Est-ce qu'il y a une suite à ça ? ça, ça va être ma première question pour la suite des choses ? et particulièrement aussi dans le plan de la région telle quelle aussi de Laval? Parce que, là, je vois que c'est des intervenants communautaires de la région de Laval, mais est-ce qu'il y a aussi, au niveau de la région, la planification stratégique par les CRD, est-ce qu'il y a une emprise particulièrement à vouloir lutter contre la pauvreté?

Mme Lemieux (Nathalie): Écoutez...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, oui. Mme Lemieux.

n (11 h 20) n

Mme Lemieux (Nathalie): Excusez-moi. Pour ce qui est du mouvement communautaire, la Corporation de développement communautaire de Laval a mis sur pied un comité appelé Projets communs. Projets communs, à l'époque, avait ciblé le transport et le logement social. Depuis deux ans, ce comité-là, auquel la Table siège également, travaille sur le logement plus particulièrement et a incorporé dernièrement un projet d'habitation. Il travaille aussi en étroite collaboration avec le GRT de Laval. Et je peux juste faire aussi une parenthèse par rapport à ce projet d'habitation là. Il y a plusieurs projets d'habitation qui ont été acceptés sur le territoire et il y a une volonté municipale qui avait été nommée lors des élections dernières, l'année dernière, de réaliser 400 unités sur le territoire pendant les trois prochaines années. Notre projet d'habitation fait partie de ces projets-là. Par contre, ils sont loin de répondre aux besoins criants. On parle de 700 noms à l'heure actuelle, 700 noms sur la liste d'attente de l'Office municipal d'habitation. Et la particularité, pour ce qui est de la région de Laval, c'est que, les secteurs ciblés par la Société d'habitation du Québec, on vit un problème avec ces secteurs-là parce qu'il n'y a pas de terrains. Il y a une rareté de terrains parmi les secteurs ciblés. Donc, les projets d'habitation pour la plupart, qui sont dirigés, encadrés par le GRT de Laval, sont sur la glace parce qu'on n'est pas capables de trouver de terrains. Donc, ça ralentit énormément le processus. Nous, on tente de travailler pour déréglementer, sensibiliser la Société d'habitation et déréglementer. Ce qui serait l'idéal pour nous, c'est qu'on laisse la région cibler elle-même les secteurs en fonction de leurs propres connaissances du territoire et des terrains, justement, qui sont disponibles. Donc, au niveau du mouvement communautaire, il y a cette mobilisation-là qui est très active. Et il y a même une place aux citoyens dans le cadre de ce projet-là.

Suite au développement social, au Forum du développement social, le comité qui a organisé le développement social dans la région de Laval s'est transformé en comité de lutte à la pauvreté. Ce comité-là, en collaboration avec les différents acteurs, notamment le mouvement communautaire, travaille aussi à différentes mesures, entre autres le logement, il avait priorisé le logement aussi. Et ils ont tenté... L'été dernier, ils ont embauché une chercheure pour faire un portrait du parc immobilier au niveau du logement à Laval. Il devrait y avoir une présentation officielle d'ici peu, avant les Fêtes. Et qu'est-ce qui est intéressant du projet: il devrait y avoir aussi des recommandations de mesures innovatrices pour, justement, tenter de solutionner le problème de logement à Laval, parce qu'on parle d'un taux d'inoccupation ? on parle de 0,5 ? qui est quand même très faible. Depuis quatre ans, les quatre dernières années, il n'y a eu aucun investissement sur le territoire, en matière de logement social. Ça fait qu'on part de loin, là. On a un gros rattrapage à faire. Donc, je ne sais pas si je réponds à la question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Vous m'avez répondu particulièrement sur le logement, là, mais je sais que mon collègue le député de Vachon veut vous poser des questions. Alors, je pense que, comme vous répondez assez longuement, je vais lui laisser le temps de poser des questions pour qu'on soit sûr qu'il puisse vous poser les questions appropriées.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Vachon, vous avez la parole.

M. Payne: Merci. Bonjour. Vous dites que «le projet de loi n° 112 proposé par le gouvernement du Parti québécois fait une avancée ? et je vous cite ? remarquable en ce qui a trait au redressement de l'équité financière et de la justice sociale et que l'amélioration du revenu du cinquième le plus pauvre de la population est tributaire du courage politique et de la vision économique du gouvernement».

Il faut souligner que ça ne vient pas de voeux pieux mais que le budget, sous notre gouvernement, pour les organismes communautaires, a augmenté de 250 millions par année, de toutes instances, au milieu, a augmenté jusqu'à 494 millions de dollars ? c'est l'an passé, 2000-2001 ? donc a presque doublé.

Donc, quand vous dites que la reconnaissance effective des organismes communautaires... vous demandez la reconnaissance effective des organismes communautaires par l'octroi d'un financement de base adéquat, j'imagine qu'il s'agit là d'un cri du coeur, que vous ne pouvez pas survivre sans une aide essentielle de l'État.

Quand je lis aussi, dans votre mémoire, qu'il faut absolument, d'après vous, adopter le projet de loi avant les prochaines élections, j'imagine que vous avez des craintes que vos budgets, si jamais le pire arrivait... que les choses changeraient d'une façon dramatique. Et lorsqu'on entend le témoignage très touchant de Mme Brind'Amour, avec un budget méticuleusement préparé, une présentation que vous avez faite avec une dignité ? je peux me permettre de dire ? extraordinaire, le courage de venir devant la commission parlementaire, devant le grand public québécois, je dois dire que je pense que tous les membres de la commission vous sont reconnaissants de votre témoignage...

Ma question serait d'un ordre assez particulier. Le projet de loi préconise un fonds spécial pour soutenir les initiatives locales, régionales en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Avec votre vaste expérience, de quelle façon, vous, vous voyez l'administration de ce fonds si c'est adopté par le projet de loi?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Nathalie): Veux-tu répondre?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lippé.

Mme Lippé (Christiane): Oui. Laval est une région particulière. C'est une région où se côtoient des gens qui ont les meilleurs revenus au Québec ou à peu près et, en même temps, des quartiers extrêmement pauvres, avec une augmentation de l'immigration importante, significative, et un réseau de transport déficient ? la même problématique, je dirais ? qui appauvrit plutôt que d'aider, parce que ça coûte 2,75 $, un transport à Laval. Alors, pour une femme qui gagne, qui a un revenu comme madame, ça devient considérable; et, pour madame encore, quand on cherche un emploi, c'est encore plus désastreux. Et, en plus, le temps pour se rendre. Parce que ce n'est pas comme à Montréal, là: pour se rendre d'un point à un autre, où en automobile ça prendrait cinq ou 10 minutes, ça prend une heure et demie. Alors, juste pour vous donner une idée de la situation. Laval, c'est un milieu où il y a un centre d'achats à tous les coins de rue. Alors, quand on est pauvre, c'est d'autant plus confrontant.

Donc, pour revenir à votre question, en termes d'initiatives locales, moi, je suis particulièrement préoccupée par l'accès au travail des femmes, entre autres dans les métiers non traditionnels, et je reviens aussi sur la reconnaissance de l'effort que les femmes donnent à l'économie. Donc, je parle des secrétaires qui, en moyenne, gagnent autour de 20, 23 000 $ par année, et, si on peut dire, une réceptionniste, autour de 16 000. Je ne parle pas nécessairement du travail à temps partiel ici: je parle de femmes qui ont des enfants, je parle de femmes qui doivent aussi s'en occuper, à qui on demande du temps supplémentaire, souvent à la dernière minute, des conditions difficiles pour exercer leur droit au travail. Je parle aussi de discrimination à l'embauche dans les entreprises.

Moi, je suis une femme qui est assez optimiste en général, alors ce que je pense qu'il serait intéressant de faire localement, pour répondre plus précisément, je pense qu'il devrait y avoir quelque chose qui se... C'est des questions qui ne se passent pas seulement à Laval, mais, à Laval, c'est comme ignoré, je dirais. Je me fais souvent dire, parce qu'on avait à un moment donné un projet pour des femmes monoparentales, qui n'a pas fonctionné pour toutes sortes de raisons, puis aussi pour des femmes itinérantes, et là, je me faisais dire: Mais est-ce qu'il y a des itinérantes à Laval? Bien, voyons, tu sais. C'est comme: Il n'y en a pas, de pauvres, à Laval. C'est ça qui se dégage souvent de la perception des gens. Pourtant, il y a des quartiers où c'est très, très... Chomedey entre autres, pour ceux qui connaissent, Pont-Viau, Laval-des-Rapides.

n (11 h 30) n

Donc, ce qui se passe à Laval au niveau des budgets aussi pour répondre à ça, c'est qu'on est souvent confrontés, à Laval, à une politique de budgets normés, c'est-à-dire que Laval est considérée comme une région riche. Donc, quand il y a des coupures au niveau des budgets nationaux, eh bien, ça descend et, selon le poids des régions, Laval est coupée plus qu'ailleurs. Et ça, ça redescend au niveau des organismes en employabilité et au niveau des autres organismes communautaires. Alors donc, on n'arrive pas... en tout cas, je considère, moi, que Laval est en retard sur plusieurs aspects. On a parlé bon... Mais aussi, en considération, si on parle de tout ce qui se fait dans d'autres régions, au niveau des métiers non traditionnels, Joliette est plus avancée que nous autres. Sorel est plus avancée que nous autres. Baie-Comeau est plus avancée que nous autres. Québec, et je peux continuer comme ça longtemps. À Laval, le seul organisme qui s'occupe et se préoccupe d'aider les femmes à diversifier leurs choix, c'est nous. On est une équipe de six personnes et il y a une personne dans notre organisme qui s'occupe du groupe de la démarche d'orientation.

Alors, vous pouvez voir que ce qu'on peut faire, c'est tout petit. On n'est très loin en arrière par rapport aux autres régions. Alors, moi, je l'attribue évidemment à cette perception que, Laval, c'est une grosse ville et que c'est confortable. Donc, il faut faire attention dans ce sens-là. Moi, je pense que, quelqu'un est pauvre, il est pauvre de la même manière partout. Et là, je sais que... en tout cas, je peux créer des réactions, mais tant mieux si je change d'idée en sortant d'ici.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, Mme...

Mme Lippé (Christiane): Pardon?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): J'ai dit: Est-ce que vous pouvez conclure?

Mme Lippé (Christiane): Oui, je continue, j'en ai juste pour deux minutes. Alors, je pense, comme je le disais, je suis une personne plutôt positive, je pense que c'est important de valoriser les entreprises qui embauchent des femmes, de diffuser des capsules où on voit des femmes dans des métiers non traditionnels, de renommer tout ça. Parce que j'entends régulièrement des gens me dire: Il n'y en a plus de problème avec les femmes, elles peuvent faire ce qu'elles veulent, elles peuvent aller dans n'importe quel métier. Le travail doit se faire avant la formation, au niveau de l'école orientante et, tout ça, c'est très bien. Il doit se faire pendant la formation pour que les femmes soient supportées et respectées et il doit se faire après la formation, c'est-à-dire au niveau de l'embauche des employeurs, puis au niveau de leur permettre de travailler dans les entreprises. Parce que, si on prend, par exemple, les mécaniciennes, en 2000... dans le secteur de l'automobile plutôt, plus largement, il y a 50 % des femmes qui ont fait tout ce cheminement-là et qui débarquent, elles sont épuisées. Elles débarquent. Tout le monde, on a perdu notre énergie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je suis obligée de vous demander de conclure, madame. Merci. Mme la députée de Viger.

Mme Mancuso: ...Mme la Présidente, je voulais remercier Mme Beauchemin et Mme Brind'Amour, pour vos témoignages. Ça rend la matière beaucoup plus complète quand on a des témoignages comme les vôtres pour comprendre vos problèmes. Effectivement, on les voit souvent dans nos comtés quand on rencontre des gens aussi, mais c'est important, votre témoignage, ici, à la commission, parce que, ici, on a l'opportunité de discuter de plein d'idées, beaucoup d'autres idées. On a très peu l'opportunité d'entendre ces genres de témoignage. Donc, je vous remercie pour votre courage et on apprécie votre présence ici, ce matin.

Je voulais aussi faire mention de quelques éléments que nous proposons dans nos priorités d'action et je me ramène au budget de Mme Brind'Amour qui, au total, gagne à peu près 728 $ par mois, et je vois dans l'item pharmacie, prescriptions, qu'on indique zéro parce que ce n'est pas possible, ce n'est pas possible de se permettre d'acheter des médicaments. Je trouve ça une situation très, très dangereuse, d'une part, que, si une personne a subi une opération récemment et elle n'a pas les moyens de se payer des médicaments. c'est une situation assez dangereuse pour votre santé. Et nous, à l'opposition officielle, on demande souvent au gouvernement de rendre gratuits les médicaments pour les personnes qui sont des assistés sociaux. Donc, je voulais réitérer cette demande de notre part et de reconnaître que vous êtes dans une situation, comme plusieurs autres personnes, qui mérite une attention particulière et j'espère qu'on aura l'écoute du gouvernement pour pouvoir changer cela.

Deuxièmement, je voulais aussi vous mentionner que, dans notre plan d'action, on a des crédits d'impôt pour des maisons intergénérationnelles. À la page 5 de votre document, vous faites référence à la création de logements adaptés aux besoins des personnes... ah non! je m'excuse, à la création de logements pour répondre aux besoins de familles nombreuses. Donc, on voit que c'est une tendance, que les personnes âgées ont tendance de rester avec les membres de leurs familles. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider ces familles-là à faciliter leur vie dans ce sens, adapter les logements pour qu'ils puissent accueillir ces personnes dans leur maison? Et donc, on propose un crédit d'impôt pour les personnes qui peuvent garder leurs personnes aînées à la maison. Je voulais avoir une réaction de votre part à cet égard-là.

Et la dernière question, ce serait par rapport à la page 5 aussi, dans les revendications de la Marche mondiale, vous faites référence à l'application par le gouvernement de moyens concrets favorisant un réel accès des femmes des communautés ethniques et culturelles, des minorités visibles, des femmes autochtones et des femmes handicapées au marché du travail. Je voudrais savoir de votre part les obstacles qui peuvent exister, particulièrement pour les femmes des communautés culturelles. On n'a pas souvent l'occasion d'en parler. C'est un sujet dont on n'a pas parlé jusqu'à date. Donc, j'aimerais vous entendre à cet égard.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Nathalie): Oui. Avant, si je puis me permettre... J'ai un malaise parce que, ce matin, il devait y avoir trois témoignages, et il y a une dame, Linda Geoffroy, qui, dû à sa réalité de mère monoparentale, n'a pu se rendre... pouvait partir simplement ce matin. Et, à cause de la température, elle est arrivée en retard. Je me demandais: Est-ce que les membres de la commission peuvent entendre ce témoignage? Elle arrive de Laval ce matin. Ils ont fait je ne sais pas combien de temps de route...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Avec le consentement des membres.

M. Sirros: Mme la Présidente, il y aurait consentement de tous les membres, j'en suis certain.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous allons... Est-ce que vous avez une idée du temps que le témoignage de madame...

Mme Lemieux (Nathalie): C'est deux minutes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Pardon?

Mme Lemieux (Nathalie): Deux minutes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Deux minutes? Alors, à ce moment-là, oui, peut-être que vous pouvez tout simplement répondre à la question, rapidement, et j'accepterai volontiers le témoignage de Mme Geoffroy.

Mme Lemieux (Nathalie): Rapidement. Pour ce qui est des logements pour les familles nombreuses, nous, on parlait non pas des personnes âgées, mais on parlait plutôt des familles de communautés culturelles, qui est une réalité. À ce moment-là, c'était dans la construction, là, de s'assurer d'avoir des six et demi et peut-être des sept et demi, d'avoir cette préoccupation au niveau de la construction de nouveaux logements sociaux.

Pour ce qui est des obstacles rencontrés, moi, je ne peux juste nommer que le français, c'est un gros obstacle pour ce qui est des femmes, des citoyennes de Laval. Et Christiane peut sûrement compléter au niveau... Rapidement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

Mme Lippé (Christiane): Au niveau de la reconnaissance des acquis, c'est assez désastreux pour les immigrantes et immigrants et aussi un isolement, je dirais. Puis comme beaucoup de femmes immigrantes ? je parle plus des femmes parce que c'est plus... ? sont isolées, il y a une autre culture aussi, elles ne sont pas toujours encouragées à travailler et supportées là-dedans. Alors, je vais faire ça rapidement, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mme Geoffroy, c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons et je vous cède la parole.

Mme Geoffroy (Linda): Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier de me donner ce temps pour exprimer ce court témoignage. Je vais vous expliquer en gros ma situation, et c'est très bref. Je suis une mère monoparentale prestataire de l'aide sociale, inapte au travail à cause d'une dépression majeure. J'ai de la difficulté à payer les médicaments nécessaires pour mon état de santé. Ce mois-ci, mon chèque a été retardé à cause de la bureaucratie. Les circonstances de la vie font que je dois payer des frais de placement pour mes filles parce qu'elles sont placées en hébergement, sans avoir droit aux allocations familiales pour elles. Alors, je vois mon revenu déjà nettement insuffisant pour subvenir à mes besoins et à ceux de mon fils, qui sont très, très diminués. Alors, ma demande serait au nom de toutes les mères monoparentales: nous accorder un revenu décent, qui pourrait nous permettre de vivre dans une bonne dignité.

n (11 h 40) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Geoffroy, et je vous souhaite bon courage et des jours meilleurs. Alors, il nous reste encore du temps, je voudrais peut-être... pour un bref commentaire pour l'opposition et, par la suite, je céderai la parole à la députée de Berthier.

M. Sirros: Bien, peut-être juste avoir une précision sur le témoignage qui vient d'être fait. Quand vous parlez que vous avez des frais d'hébergement à défrayer, en plus du fait que les allocations familiales sont retenues, si je comprends bien, pouvez-vous l'explicité, c'est quoi, ces frais d'hébergement là? Et ils sont retenus sur votre chèque d'aide sociale ou... Comment ça fonctionne?

Mme Geoffroy (Linda): Parce que mes deux filles sont placées, malheureusement, par la protection de la jeunesse, alors ils m'ont coupé le chèque, pour mes filles, d'allocations familiales, sauf que, vu que mes filles sont placées, je dois payer 52 $ par mois pour leur placement.

M. Sirros: À qui vous le payez?

Mme Geoffroy (Linda): À la DPJ, pour justement... Vu que je suis la mère des enfants et que, bon, eux autres, ils mettent quand même un barème, et le barème étant que, moi, sur l'aide sociale, je ne peux pas payer le plein montant comme si quelqu'un aurait... travaillerait, bien, ils m'exigent quand même un certain montant qui est de 52 $ par mois.

M. Sirros: Si je peux juste poursuivre pour que je comprenne; l'allocation que vous recevez...

Mme Geoffroy (Linda): Est seulement pour mon fils.

M. Sirros: Non, mais de l'aide sociale, c'est une allocation comme personne seule ou comme...

Mme Geoffroy (Linda): Seule avec mon fils. Je reçois une allocation pour mon fils.

M. Sirros: ...qui est avec vous.

Mme Geoffroy (Linda): ...qui, lui, est avec moi. Oui.

M. Sirros: Mais, vous n'avez aucune allocation de quoi que ce soit par rapport à votre fille qui, elle, est placée.

Mme Geoffroy (Linda): À mes deux filles, non. Je n'ai aucun revenu pour mes filles. Mais je dois payer quand même pour leur placement.

M. Sirros: À un autre organisme de l'État.

Mme Geoffroy (Linda): Exactement, oui.

M. Sirros: C'est ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Merci.

M. Sirros: Intéressant dans le sens que ça n'a pas de bon sens. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Bien, moi, je vais m'enligner beaucoup... Je veux vous remercier premièrement d'être là. Puis je pense qu'on a effectivement beaucoup de travail à faire pour enligner les choses pour que ça devienne... pour que la vie puisse avoir du sens à un moment donné, le quotidien.

Je trouve ça intéressant que la députée de Viger parle des maisons intergénérationnelles; on ne vous a pas entendues beaucoup là-dessus. C'est un sujet aussi qui nous tient à coeur. Dans ma formation politique, on pense que c'est une façon de bâtir des ponts entre les générations. On parle de respect mutuel puis tout ça. Est-ce que c'est quelque chose, vous pensez... Je pense à la communauté de Laval, vous me dites que c'est une communauté qui est un peu différente. Vous disiez que c'est une communauté qui peut être aisée. La responsabilité face à nos aînés, une responsabilité toujours partagée, je trouve que, moi, c'est un modèle intéressant, celui d'avoir des maisons intergénérationnelles qui donnent donc des places... une place pour chacun, avec des crédits d'impôt. Donc, l'État encourage. J'aurais aimé ça... Tantôt, on en a peu parlé puisqu'on s'est retrouvés à parler du logement pour les communautés culturelles qui vivent dans une réalité différente. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Nathalie): La Table ne s'est pas penchée sur la question. J'imagine que les femmes, les femmes autant qui accueilleraient leurs parents ou les femmes âgées d'aller vivre chez leurs enfants, qui sont intéressées à avoir ce genre de soutien là financier pour vivre de cette façon-là, j'imagine que, oui, ça peut être intéressant. Mais je ne sais pas si Mme Beauchemin pourrait répondre à cette question.

Mme Beauchemin (Ginette): Une chose certaine, j'ai été éduquée pour être autonome. Donc, j'ai prodigué à mes enfants d'être autonomes. Je suis rendue à la retraite, j'ai des difficultés financières, mais je ne tiens pas que ce soit mes enfants qui me paient mes impôts quand même. Je voudrais bien être autonome encore. Ça fait deux ans que mes enfants me paient mes impôts. Ça m'enlève un mois de rémunération, que je pourrais dire, de ma pension. Alors, j'accumule tout le temps.

Pour ce qui est de vivre là, on veut être indépendants, mais on veut rendre service aussi. Il y a aussi, ce qu'on pourrait dire... On dit: Faire du bénévolat. C'est bien beau faire du bénévolat, mais il faut avoir les sous aussi pour aller... se transporter. Il faut avoir des commodités côté transport. Pour aller aider nos enfants, on garde. Mais, eux autres, ils vont travailler les deux ensemble aujourd'hui, puis les enfants sont dans les garderies. Alors, quand ils arrivent, le soir, la grand-mère, bien, elle laisse la place. Mais il faut qu'elle retourne chez elle.

Pour aller dans les résidences, parce que j'ai 64 ans, on me dit: Madame, vous seriez bien dans une résidence. Je ne veux pas aller dans une résidence; je ne suis pas prête à aller là, moi. Je veux être indépendante, je veux me coucher à l'heure, puis je veux rentrer à l'heure puis je veux sortir quand ça me plaît. Mais, par contre, je donne du bénévolat, je participe à la communauté. On demande de faire de la simplicité volontaire. Eh bien, aujourd'hui, il faut la placer.

Nos organismes nous aident. Moi, en tout cas, je félicite les organismes parce qu'ils m'ont aidée à venir parler aujourd'hui, à dire ce que j'ai à dire, mais j'ai un trémolo. Les ressources, il faut les garder. Il faut que les centres d'information, comme les centres de femmes, aient toujours l'opportunité de nous donner de l'information, à voir les besoins, les écouter puis fonctionner. Puis quand on a la formation, bien, j'espère qu'on va continuer à donner à la société parce que, là, c'est le capharnaüm.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, mesdames, il ne me reste, au nom de tous les membres, qu'à vous remercier pour votre participation.

Mme Léger: Est-ce que vous me permettez une précision?

M. Sirros: Je pense que ça vaut la peine, parce que je sais que la ministre veut savoir pourquoi cette madame-là paie le montant qui, en tout cas, selon les chiffres, n'a pas d'allure.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps de parole est accordé.

Mme Léger: Merci, Mme Geoffroy, merci de me permettre cette précision-là, parce que vous êtes prestataire de l'aide sociale et vous payez des frais d'hébergement. Mais on me dit que vous avez droit aux allocations familiales du Québec. Est-ce que, peut-être, il y aurait une précision qui peut se faire? Peut-être que c'est la prestation nationale pour enfants du fédéral qui est coupée. Parce que vous avez droit à l'allocation familiale du Québec.

Mme Geoffroy (Linda): Tout ce que j'ai d'allocation, là, je peux vous dire que j'ai, bon... le 1er du mois, j'ai 264,68 $, c'est ce que j'ai le 1er du mois, et le 20 du mois, je serais supposée de recevoir, et c'est là que le bât me blesse à quelque part parce que je serais supposée de recevoir, en tout et partout, 200... attendez un petit peu, 203,66 $ et malheureusement, à cause de la dette que j'ai accumulée à cause que mes enfants m'ont été enlevés, je m'ai accumulé une dette de 1 000 $, alors je dois payer cette dette-là.

Alors, le 20 du mois, je reçois juste 101,83 $ au lieu de 203 $ parce que je dois payer la dette. Alors, moi, le 20 du mois, je ne peux pas faire d'épicerie.

Mme Léger: Le 20 du mois, ce n'est pas l'allocation du Québec, c'est celle du fédéral. Vous avez droit à l'allocation familiale du Québec, vous avez droit aussi aux médicaments gratuits, alors, je ne sais pas, il y a un réajustement, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je pense qu'il s'agit d'un cas particulier qui pourrait être débattu peut-être à l'extérieur de cette commission.

Alors donc, mesdames, je veux vous remercier pour avoir participé à cette commission, au nom de tous les membres, et vous souhaiter un bon voyage de retour.

Alors, je suspends les travaux à 15 h 30 cet après-midi, dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

 

(Reprise à 15 h 32)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que nous rencontrons maintenant les représentants et représentantes de la Corporation de développement communautaire du Bas-Richelieu et la Corporation de développement communautaire des Bois-Francs.

Alors, sans plus tarder, nous avons une heure, c'est-à-dire vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. J'ai compris que vous allez diviser le temps en 10 minutes, 10 minutes. Alors, je cède la parole à M. Jacques Larochelle. M. Larochelle, je vous demanderais aussi de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, bien sûr votre 10 minutes pour... c'est-à-dire 20 minutes en tout pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Corporation de développement communautaire
du Bas-Richelieu (CDC du Bas-Richelieu) et Corporation de développement communautaire
des Bois-Francs inc. (CDCBF)

M. Larochelle (Jacques): Bonjour. À ma droite, il y a Mme Monique Roberge qui est présidente de la Corporation de développement communautaire du Bas-Richelieu. Moi, je suis Jacques Larochelle, je suis vice-président de la Corporation et aussi le secrétaire de la Table d'entrepreneuriat collectif qui est un des signataires du mémoire.

La Corporation de développement communautaire du Bas-Richelieu est un organisme à but non lucratif constitué en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies, le 2 avril 1987. Elle regroupe 56 groupes d'action communautaire autonome qui oeuvrent dans divers champs d'activité sur le territoire de la MRC du Bas-Richelieu. Sa mission est d'assurer la participation active du mouvement population au développement socioéconomique du milieu. La CDC prône dans son action les valeurs de justice sociale par l'autonomie et le respect de la dignité des personnes, la démocratie participative et la prise en charge collective dans une perspective de solidarité. À ce titre, elle agit en vue de l'amélioration des conditions de vie de l'ensemble de la collectivité du Bas-Richelieu.

La Table d'entrepreneuriat collectif du Bas-Richelieu fonctionne, quant à elle, comme une association de bonne foi depuis janvier 1993, et est un organisme à but non lucratif constitué en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies depuis le 26 février 1999. La TEC regroupe une vingtaine d'entreprises d'économie sociale et d'organismes engagés dans le support au développement de l'entrepreneuriat collectif dont, par exemple, le suivi aux entreprises d'économie sociale et des coopératives et de l'économie sociale dans le Bas-Richelieu. Elle a une triple mission de mettre en réseau les entreprises collectives, de mobiliser les ressources afin de leur apporter le support requis par leur développement, et de représenter ses membres dans les instances locale, régionale et nationale de développement.

Mme Roberge (Monique): Nous soumettons...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Roberge.

Mme Roberge (Monique): Nous soumettons à la commission des affaires sociales que nous appuyons formellement la position du Collectif pour une Loi sur l'élimination de la pauvreté et insistons particulièrement pour le renforcement de la portée de la loi. Comme le Collectif, nous pensons que la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale doit, pour devenir efficiente, avoir un statut de loi-cadre.

Le projet de loi n° 112 est un pas de plus pour la mise en oeuvre des objectifs de nos luttes historiques, mais il ne nous assure pas d'un changement certain de la situation des personnes vivant dans la pauvreté. Nous pensons que la loi doit avoir plus de vigueur et de fermeté dans son application et dans son rayonnement et aussi être sous la responsabilité de l'Assemblée nationale.

Dans le Bas-Richelieu, la lutte à la pauvreté exige que des mesures soient mises en oeuvre pour rehausser la condition des personnes appauvries, mais il faut aussi que l'ensemble de mesures collectives de développement prennent en compte la fracture sociale que nous vivons. C'est pourquoi nous partageons le point de vue du Collectif quant à sa portée. La pauvreté est certes économique mais elle est aussi sociale parce qu'elle va droit au coeur en isolant la personne. Elle a des répercussions disproportionnées. Elle touche l'être humain dans son ensemble, sa santé mentale et physique. Elle entraîne des dépendances développées pour se protéger. Elle marque toutes les actions de la vie quotidienne. La personne vivant dans la pauvreté ne peut être un citoyen ou une citoyenne à part entière à cause de ses limites, à cause de ses manques.

Les groupes d'action communautaire autonome et les groupes d'éducation populaire autonome sont des acteurs incontournables dans le développement local de leur collectivité. Ils savent mieux que personne identifier les besoins de leur région. Ils côtoient la pauvreté quotidienne. Ils sont porteurs d'actions novatrices pour les besoins des populations. Ils sont génétiquement programmés dans la lutte à la pauvreté et à l'injustice par leur naissance. C'est pourquoi nous établissons, comme le projet de loi, un lien entre l'élimination de la pauvreté et la reconnaissance de l'action communautaire autonome. La politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome est une piste d'action nécessaire à la réussite de cette loi. La reconnaissance des différents lieux d'insertion et d'éducation, la reconnaissance de l'expertise locale des groupes sont autant de gages de réussite.

M. Larochelle (Jacques): Le maintien et l'assouplissement du Fonds de lutte contre la pauvreté nous semble important, c'est-à-dire qu'il est parfois décourageant de réaliser que nos actions sont menottées par des programmes trop contraignants, par une vision discriminatoire de nos organisations, par le temps donné pour la réalisation de nos objectifs. Le Fonds de lutte contre la pauvreté obtient de très bons résultats, mais nous citerons l'exemple d'une femme monoparentale qui, avec bonheur, s'est fait engager sur une Fonds de lutte contre la pauvreté. Pendant une année, elle peut vivre, rembourser ses dettes, ne plus s'en faire pour demain. Mais, lorsque cela se termine, trop souvent le manque de ressources des organismes où elle pourrait travailler font qu'elle tombe sur l'assistance-emploi, donc coupure importante de ses revenus. De plus, elle se retrouve avec une allocation familiale coupée presque dans sa totalité, car elle a fait des efforts pour s'en sortir, l'année précédente. Dans la réalité, elle se retrouve plus pauvre qu'avant d'avoir pu profiter d'un emploi subventionné par le Fonds de lutte à la pauvreté.

Ces incohérences sont particulièrement agaçantes. L'emploi ne doit pas être un secteur d'exclusion. Le projet de loi ne va pas assez loin. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Malheureusement, la pauvreté conduit au désespoir. Il faut donner le temps aux personnes vivant dans la pauvreté et l'exclusion, le temps de reprendre espoir, de recommencer à rêver. La création d'emplois doit se réaliser dans une perspective de développement durable. Un retour à la case départ, malgré toutes les bonnes volontés, les besoins seront différents pour une personne à l'autre. Un cadre fermé ne convient pas. Il faut adopter les moyens pour que la réponse soit véritablement une solution à leur immense problème. Le Fonds de lutte à la pauvreté comme mesure d'insertion à l'emploi ou de soutien aux groupes communautaires devrait avoir plus de souplesse dans son application et sa durée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roberge, vous voulez à nouveau... Oui.

Mme Roberge (Monique): Il faut nous assurer que la personne soit au centre des actions entreprises pour le mieux-être de la collectivité. La personne qui chemine est rentable pour la société tant au niveau de l'économie sociale que du secteur de l'entreprise privée. Les différents moyens d'intervention pour l'emploi devront être réalisés dans le respect des besoins de la personne avant toute chose. Des emplois stables bien rémunérés seront des gages de succès pour l'économie locale. Nous vivons actuellement avec des projets d'emploi de courte durée, peu rémunérés, qui ne sont certainement pas de conditions gagnantes pour relever l'économie. Ces projets nous font tourner en rond et sont souvent source de découragement pour les personnes qui se retrouvent dans le cercle infernal de mesures d'insertion toujours trop courtes pour leurs besoins. Si Québec a jugé utile de localiser les centres d'emplois, il devrait appliquer jusqu'au bout la logique qui veut que les décisions prises localement soient celles qui ont le plus de chances de correspondre aux besoins spécifiques sur lequel le milieu local fait consensus.

Il faut aussi un respect d'autonomie des organisations communautaires et organisations partenaires d'Emploi-Québec. Nous pensons qu'il faut entreprendre une révision des modes de fonctionnement d'Emploi-Québec afin qu'ils puissent aisément s'ajuster aux besoins locaux identifiés par les partenaires d'une politique active de main-d'oeuvre, niveau local.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est terminé?

n (15 h 40) n

Mme Roberge (Monique): C'est tout, merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Alors, maintenant, je cède la parole à Mme Charest. Mme Charest, je vous prierais de vous identifier pour les fins d'enregistrement de nos travaux, de même qu'identifier les personnes qui vous accompagnent.

Mme Charest (Chantal): Bonjour, Chantal Charest. Je suis coordonnatrice de la Corporation de développement communautaire des Bois-Francs, et je suis accompagnée de Jacques Langelier qui est membre du conseil d'administration de notre Corporation. Je vous présenterai très brièvement notre Corporation. D'abord, c'est la première qui est née au Québec, il y en a 35 autres qui ont suivi, donc le modèle a semblé être intéressant. Nous comptons 65 groupes membres qui regroupent 12 500 membres. Donc, à Victoriaville, sur 40 000 de population, vous comprendrez que ça commence à être beaucoup. Nous avons aussi en tout 400 emplois dans le milieu communautaire, ce qui faisait dire à l'ancien maire de Victoriaville que c'était probablement la plus grosse PME de notre coin.

Je voudrais d'abord saluer la Coalition qui a présenté ce projet de mémoire et qui a travaillé avec l'ensemble du milieu communautaire à travers le Québec, et saluer aussi Mme Léger qui a pris l'initiative de reprendre le projet de loi. Pour nous, c'est important qu'il y ait une continuité dans le travail de la Coalition et, à cet égard-là, ça nous fait beaucoup plaisir de venir apporter nos commentaires.

D'abord, pour nous, je vais situer très brièvement nos interventions et Jacques va les expliquer un peu plus précisément. Pour nous, la pauvreté, évidemment, vous comprendrez que, dans notre milieu, c'est quelque chose qui nous interpelle énormément, puisque les gens pauvres font beaucoup appel au milieu communautaire. Et vous vous souviendrez ? parce que vous êtes des députés et que vous voyez les jeunes de vos comtés ? vous vous souviendrez qu'il y a plusieurs années, on n'avait pas besoin de banques alimentaires, on n'avait pas besoin de restaurants populaires, on n'avait pas besoin d'hébergement pour les jeunes sans abri, on n'avait pas ce genre de problématique-là en région. Et maintenant, c'est quelque chose dont malheureusement on ne pourrait plus se passer. Et malheureusement encore, le nombre de gens en besoin augmente malgré que ce sont parfois des gens qui travaillent, mais qui travaillent à des salaires trop bas pour être capables de ne pas avoir recours à ce genre de service là.

Pour nous, la pauvreté touche trois clientèles plus importantes, je dirais: les personnes à l'aide sociale, bien sûr, les travailleurs et travailleuses à faibles revenus et les personnes seules. On a identifié... donc, par rapport à l'aide sociale, il y a des gens qui sont inaptes, et ça, je pense qu'il y a un consensus, tout le monde convient que ces gens-là, on devrait améliorer leur sort en garantissant un revenu un peu plus élevé pour eux. Et il y a aussi ceux qui sont aptes au travail mais qui ont malheureusement beaucoup d'incapacités. Ce qu'on calcule, c'est que... D'incapacités temporaires, j'entends. Ce qu'on voit beaucoup, c'est sur le nombre de prestataires d'aide sociale qui sont aptes au travail, beaucoup sont retournés en emploi, il y a des mesures qui ont marché, etc., mais ceux qui restent, c'est des gens qui ont toutes sortes d'incapacités et, pour eux, sans doute que ça prend des mesures sur mesure. Et c'est là qu'il va falloir, je pense, travailler le plus fort parce que là est le noeud probablement du problème d'être capable de faire presque du cas par cas pour les gens qui sont soit analphabètes ou qui ont des problèmes de toxicomanie ou qu'importe. De ce fait, on ne peut pas leur demander d'aller sur le marché du travail le lendemain matin. Et il y a bien d'autres cas aussi.

Pour les travailleurs et les travailleuses à faibles revenus et les personnes seules, ce qu'on pense, c'est qu'il faut qu'il y ait une réforme de la fiscalité qui, sans doute, aiderait ces gens-là à avoir un fardeau moins important. Il pourrait y avoir aussi du soutien au logement, comme les personnes âgées peuvent avoir accès. Pourquoi pas? Il y a la formule de logements sociaux, il pourrait peut-être y avoir autre chose.

Il peut y avoir aussi des mesures incitatives afin d'améliorer les revenus de travail. Vous vous souviendrez, dans le temps de l'OPDQ, par exemple, qui était la structure régionale de prêts aux entreprises, il y a eu à une époque une exigence que, si le gouvernement consentait un prêt à cette entreprise-là, elle devait acheter son matériel et ses matières premières au Québec et, si elle ne pouvait pas le faire parce que ça n'existait pas, bien là on consentait quand même le prêt, mais, si ça existait, elle devait le faire et il y avait une obligation. Et, à cet égard-là, on pense que le gouvernement pourrait peut-être mettre en place, penser à des mesures incitatives pour... on est dans une région, nous, je vous donne cet exemple-là parce qu'on est dans une région où les salaires sont très bas, et pourquoi pas être capable d'imaginer certaines mesures. Quand on aide des entreprises, bien, il peut peut-être y avoir des obligations. Bon, alors, avant d'épuiser notre 10 minutes, je vais laisser la parole à M. Langelier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À vous, M. Langelier.

M. Langelier (Jacques): D'accord. Merci. Comme Mme Charest vous le disait plus tôt, je suis membre du conseil d'administration de la Corporation communautaire des Bois-Francs mais également, puisque c'est un regroupement, coordonnateur d'un organisme qui est le Comité pour les droits des personnes assistées sociales et à faibles revenus de Victoriaville, communément appelé le CDPAS-Victo. Je suis donc en contact sur une base quotidienne avec les personnes en situation de pauvreté dans ma région.

J'aimerais continuer un peu sur la même piste que Mme Charest a élaborée, mais au niveau... cette fois, en traitant de la question au niveau des préjugés envers les personnes assistées sociales. Les bénéficiaires de l'aide sociale aujourd'hui qu'on appelle assistance-emploi, c'est certain, ne sont pas les seules à vivre pauvrement. Bon, on l'a dit, bon nombre de personnes âgées, travailleurs précaires ou à petit salaire, étudiants et autres vivent cette situation. Ce qui distingue les personnes à l'aide sociale des autres types de pauvres, pourrait-on dire, c'est qu'elles doivent en plus être la cible de nombreux préjugés dont le plus tenace est celui d'être payées à ne rien faire. Un sentiment de frustration anime encore une bonne partie de la population envers les bénéficiaires de l'aide sociale. Toute stratégie de lutte à la pauvreté devra inclure un volet éducation. Il nous faudra expliquer les mesures mises de l'avant à la population en général.

Dire que les assistés sociaux devraient aller travailler, c'est méconnaître la complexité du problème. Bon, prenons les statistiques actuelles sur l'aide sociale pour expliquer un peu la situation. La loi actuelle concernant les personnes assistées sociales, la loi n° 186, distingue trois types de prestataires: les personnes sans contrainte à l'emploi, les personnes ayant des contraintes temporaires à l'emploi et les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. Selon les dernières données disponibles ? celles de juillet 2002 ? il y avait au Québec 174 873 bénéficiaires sans contrainte, 104 585 avec contraintes temporaires et 125 483 avec des contraintes sévères, ce qui nous donne les pourcentages suivants. Donc, on se retrouve avec des bénéficiaires sans contrainte, il y en a 43,2 %, avec des contraintes temporaires, 25,8 %, et avec des contraintes sévères, 30,9. À eux seuls, les gens ayant des contraintes temporaires et permanentes représentent 56,7 de l'ensemble des bénéficiaires adultes de l'assistance sociale. Pour ces personnes, il est bien évident que la solution ne réside pas dans le marché du travail.

Il faut prévoir un régime de sécurité du revenu de sortie de la pauvreté. Sur ce point, je crois qu'il ne sera pas difficile d'établir un consensus. Le projet de loi va dans ce sens. Il nous reste donc les 43,2 % sans contrainte. Tous les gouvernements qui se sont succédé au cours du Xxe siècle au Canada, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des provinces, se sont butés à ce dilemme: comment inciter les gens à se trouver du travail tout en leur garantissant la sécurité économique? La réponse jusqu'à date aura été de privilégier l'incitation au travail en maintenant le filet social à sa plus simple expression. On sacrifie la sécurité économique au détriment de l'incitation au travail. Derrière ce choix, bien sûr, on présume que toute personne qui désire réellement travailler trouvera effectivement du travail. Or, la réalité quotidienne, et c'est confirmé dans nos pratiques, c'est que bon nombre de gens qu'on dit sans contrainte n'ont pas ce qu'il faut, en tout cas de façon immédiate, pour intégrer le marché du travail. Plusieurs contraintes liées à l'âge, à la scolarité ou d'ordre social sont un frein pour les personnes dites sans contrainte.

Comme on le voit, le problème est complexe. Le marché du travail ne peut, à lui seul, être une solution au problème de la pauvreté.

n (15 h 50) n

Dans le même ordre d'idées, l'intégration professionnelle n'est pas l'ultime panacée à l'exclusion sociale. La lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale appelle un ensemble de mesures. Les diverses mesures préconisées dans la loi n° 112, ainsi que par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté sont porteuses d'avenir en ce sens. Il nous reste maintenant à en assurer la réalisation. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire, vous quatre. Maintenant, je cède la parole à la ministre.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Merci d'être ici pour venir présenter votre mémoire et d'avoir accepté aussi de le faire ensemble pour représenter les CDC de Bois-Francs et du Bas-Richelieu. Mais je suis contente d'apprendre que vous êtes une des premières, sinon la première, que vous avez dit, CDC au Québec.

Vous savez, je voudrais quand même souligner l'apport remarquable de toute l'action communautaire au Québec dans la recherche puis dans la mise, je pourrais dire, de solutions aux difficultés que les gens peuvent vivre, tout l'apport inestimable au développement social du Québec. Je n'ai pas eu l'occasion vraiment de le dire à date même si ça fait cinq semaines qu'on est en commission parlementaire. Je crois au travail que vous faites. Notre gouvernement, vous savez, on a mis sur pied une politique de reconnaissance. Que vous aimeriez qu'elle soit encore plus rapide, je peux comprendre tout ça. Mais il reste que le travail des CDC, particulièrement, vous savez, je suis très, très... Je crois beaucoup aux CDC, le travail de concertation que vous faites, de collaboration avec le milieu. Vous développez des initiatives avec le milieu, avec les partenaires du milieu. Avec ça, vous êtes toujours à la recherche de solutions mais aussi d'informations, d'outils pour la communauté. Alors, vous faites un travail remarquable.

Et c'est sûr que le projet de loi pour lutter contre la pauvreté vient comme signifier, à travers tout ça, que vous n'avez pas ça juste sur vos épaules à vous puis ni sur les épaules d'un gouvernement. C'est un appel à toute la collectivité québécoise que la lutte à la pauvreté nous appartient tous. Et ça vient comme un peu rafraîchir, je pourrais dire, votre travail constant auprès des personnes souvent plus démunies, souvent en situation plus difficile que d'autres personnes. Alors, permettez-moi de vous dire ça d'entrée de jeu.

Et je sais qu'il y a encore des demandes, bien, en tout cas, qu'il y a des CDC qui sont en attente aussi, parce qu'une corporation... Vous parlez du nombre de membres que vous avez à travers le Québec. On a des CDC, mais il n'y a pas loin de 8 000 organismes communautaires au Québec, le gouvernement en soutient entre 4 000 et 5 000 organismes. C'est plus de 50 000 personnes qui y oeuvrent. Vous disiez tout à l'heure que vous avez 400 emplois. Bien, à travers le Québec, ce n'est pas loin de 50 000 personnes qui travaillent dans les organismes communautaires. Donc, c'est beaucoup de... C'est des mesures... C'est des gens, puis on ne peut pas calculer le nombre inestimable d'efforts qui se font par l'action communautaire au Québec pour aider notre... pour dynamiser, je pourrais dire, localement tout l'effort qu'il peut se donner dans les quartiers puis dans les territoires puis dans les municipalités au Québec.

Maintenant, vous avez mentionné un petit peu, vous l'avez abordé, mais j'aimerais en reparler davantage par rapport au Fonds de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, par l'insertion au travail, dont nous terminons... Et j'entendais, hier, le député de Laurier-Dorion mentionner un petit peu, par rapport au fonds spécial, ça va me permettre de rétablir un peu... Je n'ai pas eu le temps depuis hier de le dire là.

Alors, c'est sûr que le Fonds termine en mars 2003, les six années du Fonds de lutte contre la pauvreté. Les trois premières années, on se souvient, ont été faites dans ce qu'on a appelé notre «phase I». Et, lors du Sommet de la jeunesse, les jeunes nous ont demandé de le reconduire encore, ce Fonds-là parce qu'en premier il avait été fait lors du Sommet de l'économie et de l'emploi, où tous les acteurs y étaient, autant social, économique, syndical, de tout l'apport de la société, tous les leaderships de la société y étaient. Avec la clause d'appauvrissement zéro, il a été mis sur pied, ce Fonds de lutte là contre la pauvreté. Les jeunes nous ont demandé de le reconduire pour une deuxième phase, qui est la phase II. Et cette phase-là termine la troisième année, donc ça fait cinq, six ans en mars 2003.

Dans le projet de loi, on parle d'un fonds spécial. Ce fonds spécial là est un fonds pour faire la suite du Fonds de lutte à la pauvreté. Ce n'est pas nécessairement le fonds pour l'ensemble de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Alors, je reprécise ça au député de l'opposition à cet effet-là. Donc, ce nouveau fonds là, je suis allée faire quelques régions, celles du Centre-du-Québec, entre autres, pour aller un peu écouter les gens, les comités d'approbation des fonds qui... du fonds dans chacune des régions du Québec. Mais j'ai fait quelques régions pour connaître un peu la suite des choses, comment ils voient la suite des choses du Fonds de lutte par rapport à la prochaine année qui viendra. Est-ce que... Bon. Il y a des forces, il y a des faiblesses, il y a des irritants. Vous me parlez particulièrement d'avoir plus de souplesse dans son application et dans sa durée, j'aimerais vous entendre par rapport au fonds, pour voir comment mieux le circonscrire.

Et, si je regarde le dernier Fonds, en tout cas, les critères étaient particulièrement pour les femmes, d'une part, mais aussi 70 % des prestataires de la sécurité du revenu. Dans une région, si j'ai en tête celle du Centre-du-Québec, quand le taux de chômage est à 6 %, c'est sûr qu'il y a moins de personnes nécessairement qui sont prestataires de la sécurité du revenu. Donc, le bassin possible pour aider les personnes ne se situe pas nécessairement là. Donc, ça ne vient peut-être pas répondre nécessairement pour la suite de choses au Fonds de lutte, si on veut retrouver des façons pour sortir les gens de la pauvreté, mais particulièrement des prestataires de la sécurité du revenu.

On sait très bien aussi que ce n'est pas simplement des prestataires, il y a des gens qui sont à faibles revenus tout simplement, donc la stratégie nationale et le projet de loi viennent toucher ces gens-là aussi, particulièrement par un revenu de solidarité qu'on propose dans notre énoncé de politique, d'une part.

Alors, ce que j'aimerais savoir auprès de vous, comment, si on fait la suite des choses du fonds spécial du Fonds de lutte... On n'a pas trouvé de nom encore, on a dit le fonds spécial. Si vous avez des idées pour le nouveau nom, ce serait intéressant. Parce que, donc, il n'est pas nécessairement le Fonds de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale par la réinsertion au travail, ça peut être un autre nom. Nos gens du ministère ont trouvé toutes sortes d'appellations. On s'est amusé un petit peu aussi à trouver toutes sortes de noms qui pourraient correspondre vraiment à celui qui va faire la suite des choses. Alors, si quelqu'un...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Qui souhaiterait répondre à la première question? Alors, Mme Roberge, je vous cède la parole.

Mme Roberge (Monique): Au niveau du Fonds de lutte, nous autres, ce qu'on parlait au niveau de la durée... C'est important d'être adapté à la personne, que ce ne soit pas le Fonds qui s'adapte... que la personne doit s'adapter. C'est sûr qu'il faut qu'il y ait des critères au niveau de la pauvreté, un peu comme on parlait d'aide sociale, mais les femmes monoparentales et tout ça. Mais, effectivement, la classe, nous autres... J'en ai eu un dans le groupe dans lequel je travaille, et on avait peine à engager une femme monoparentale parce qu'on savait qu'elle aurait des problèmes après, si elle n'avait pas d'autre emploi.

Pour nous autres, ça a été un résultat extraordinaire le Fonds de lutte. Et ça, il faut le dire aussi. Ça a été une très belle expérience. Pour les personnes aussi. Elles se sont pratiquement toutes trouvé des emplois. Ça a été un bon tremplin. Les candidats ont des besoins par contre différents. Si on prend une personne qui est sur le point de sortir d'un projet d'insertion ou qui a déjà une prise en charge personnelle de prise, et qui arrive dans un Fonds de lutte, dans un programme, elle va avoir plus de chances de passer à travers quand même assez bien. Par contre, si on le prend très loin du marché, l'emploi ? puis très loin, je ne parle pas de quatre, cinq ans, je parle de peut-être deux ou trois ans ? là, il ne rentrera pas, même après un an. Il ne sera pas capable de se retrouver un autre emploi. Bien, c'est peut-être là au niveau des deux ans. Nous autres, on pensait plus à avoir deux ans en durée et applicable, selon les personnes, selon les besoins des personnes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Vous voulez ajouter un élément de réponse, M. Larochelle?

M. Larochelle (Jacques): Oui. D'autant plus que, dans certaines régions comme celle du Bas-Richelieu où il est très difficile de se trouver un emploi, on sort du Fonds de lutte, et ce n'est pas évident qu'on va se trouver un emploi deux ou trois, quatre ou cinq mois plus tard. D'autant plus que le Fonds de lutte s'adresse aux personnes qui sont plus loin du marché du travail avec les nouveaux critères, en tout cas, ce que j'en sais présentement. Pour ce qui est du nouveau nom, on pourrait peut-être faire tirer des paniers d'épicerie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre... Est-ce que vous vouliez intervenir Mme Charest?

Mme Charest (Chantal): Un petit élément que je voudrais ajouter par rapport aux salaires qui sont fixés. On engage les gens sur des fonds de lutte et on voudrait, par exemple, qu'ils aient, bon, 10 $ de l'heure, à titre d'exemple. Et parfois, ça nous est arrivé de nous faire dire: Bien, écoutez, on ne peut pas payer 10 $ de l'heure, puisque dans la région ce type d'emploi là est payé plus bas. Et je vous ramène à ce que je vous ai dit tout à l'heure que, dans notre région, tout est trop bas. Donc, on nivelle par le bas, et ça, ce n'est pas intéressant. Il faudrait avoir quelque chose qui est basé sur la capacité de la personne, le travail qu'on a à lui faire faire, plutôt que d'y aller selon... bien, si la région ne paie pas cher, on va payer pas cher. Ça, ce serait un élément, je pense, qui serait encourageant pour les gens qui sont sur les fonds de lutte. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Je suis sensible à ce que vous apportez, mais en même temps quand ? parce que le Fonds de lutte a été pour un an, particulièrement pour un an ? vous me dites: Il pourrait être pour deux ans ? il y a des groupes qui m'ont même dit: Ça pourrait être jusqu'à trois ans, dépendant de la personne; si on partait vraiment de la personne plutôt que du programme, il y a peut-être des choses qui s'assoupliraient plus facilement.

n (16 heures) n

Alors, je pense que c'est un peu dans ce sens-là qu'on devrait aller et s'adapter à la personne et les besoins qu'elle aura, parce que, dépendant des régions, si on a des régions qui ont spécifiquement une difficulté juste au niveau des bas salaires ou difficulté nécessairement du taux de chômage qui est un peu plus bas aussi ou même qui peut être plus haut, dépendant de la moyenne que nous avons, au Québec, qui est de 8,4 %.

Le suivi, l'encadrement, parce que j'ai eu quelques critiques à l'encontre des organismes communautaires parfois, qui disent qu'ils utilisent le Fonds de lutte particulièrement parce qu'il y a un problème de financement puis, ayant un problème de financement, bien, le Fonds de lutte vient aider à ce niveau-là, ce que je rétracte, que je ne suis pas nécessairement d'accord mais, parfois, on a ce genre, je pourrais dire, de commentaire qui se dit à ce niveau-là. Et si j'y vais à la suite du Fonds de lutte, il faut aussi un suivi puis un encadrement de la personne.

Donc, c'est sûr que le groupe communautaire... parce que c'est souvent les groupes communautaires qui font cette demande-là de Fonds de lutte, il faut aussi être capable de l'encadrer, cette personne-là et, en même temps, après à sa recherche d'emploi, l'aider à la recherche d'emploi. Et, parfois, même s'il est à l'emploi, ça ne veut pas dire que tout est réglé puis que tout va bien puis qu'il a pris son air d'aller, là, ce n'est pas nécessairement ça. Parfois, il a besoin aussi d'être accompagné dans son départ avec l'emploi qu'il a pu avoir.

Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire, dans le sens qu'il faut un suivi, un encadrement un peu plus...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Larochelle.

M. Larochelle (Jacques): Oui, tout à fait. C'est un peu l'approche des entreprises d'insertion. C'est-à-dire qu'ils prennent des jeunes sur l'aide sociale puis ils leur donnent le statut de travailleurs et puis il y a un suivi de deux ans après. C'est-à-dire que la personne qui finit un programme après six mois, il y a une période de deux ans où l'entreprise d'insertion suit la personne avec des téléphones sporadiques, ou la personne peut venir en suivi psychosocial ou venir faire de la recherche d'emploi à l'intérieur même de l'entreprise.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Léger: Je comprends que vous aimeriez qu'il continue, le Fonds de lutte à la pauvreté? J'imagine que vous voulez... que ça vient vous aider puis vous aimeriez qu'on poursuive à ce niveau-là. Je vais laisser la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, un commentaire concernant les gens de Bois-Francs. Mme Charest, M. Langelier, moi, je suis de la Mauricie et puis je sais qu'on a été longtemps en retard dans la Mauricie, en comparaison... dans tout ce qui touche le communautaire puis les organismes coopératifs. Victo, là, c'est La Mecque des gens qui s'organisent en concertation. Je voulais vous dire merci puis félicitations pendant que vous êtes là parce qu'on essaie de copier, vous êtes un... Chez nous, en Mauricie, on a copié ça souvent, ce que vous faisiez. On a entendu souvent parlé de vous, de Jacques, par le biais de Jacques Baril, puis on est en contact souvent avec des organismes chez vous. Mais vous nous aidez puis on va essayer de vous aider à la hauteur qu'on peut.

Tant qu'au Bas-Richelieu, ça, c'est Sorel-Tracy, ma ville... Je viens de là, moi, Sorel-Tracy. Je sais ce que vous pouvez vivre parce que je suis en exode, je suis maintenant rendu à Trois-Rivières, pour les études, puis je suis resté là. Mais c'est pour vous dire que je comprends un peu la problématique parce que j'ai vécu mon adolescence, ma jeunesse à Tracy avec les usines puis les usines qui ont fermé puis tout ce que ça a donné.

Mais quand vous parlez... Dans votre mémoire, vous parlez, à la page 6, d'Emploi-Québec et des mesures à modifier. Moi, j'aimerais savoir concrètement qu'est-ce qu'on devrait modifier, entre autres, à Emploi-Québec, pour essayer d'améliorer la situation pour corriger la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roberge, j'ai comme l'impression que vous voulez intervenir en premier.

Mme Roberge (Monique): Ha, ha, ha! Il veut me laisser la parole. Moi, je pense que c'est tout au niveau de l'autonomie d'Emploi-Québec d'avoir un plan d'action local, concerté, qu'il y ait des partenariats, des réels partenariats. Au niveau de la paperasse aussi, je pense qu'il y a des choses à changer là aussi. Avoir un comité de partenaires élus, je pense que c'est des choses qu'il faudrait changer. Au niveau des mesures, les mesures adaptées.

Au départ, avec Emploi-Québec, au niveau de la sécurité du revenu, c'était ouvert à tous en 1960. Aujourd'hui, on parle beaucoup plus d'emplois, ce qui fait qu'on exclut des gens qui sont très, très loin du marché du travail, oui, mais qui pourraient un jour avoir accès à ce qu'on parlait tout à l'heure. On appelle ça des personnes hors critères souvent parce qu'ils ne correspondent pas aux critères d'emploi immédiat et même à très court terme. Ça, je pense qu'il va falloir développer un endroit pour eux. Il y a, oui, la Régie des rentes pour les soutiens financiers, mais il y a des coûts sociaux vraiment réels si les gens ne sont pas en action. Il faut vraiment se dire que les gens ne sont pas là parce qu'ils voulaient. Quand on dit qu'on tombe sur l'aide sociale, on tombe, on tombe dessus.

Au niveau d'Emploi-Québec, moi, je pense qu'il y a, oui, une révision à refaire, un petit peu les contrats, des... mais c'est très, très... C'est vraiment...

Une voix: ...

Mme Roberge (Monique): Oui, bien, ce n'est pas juste là. Non, je pense qu'il n'y a pas juste local. Mais je pense qu'il va falloir qu'Emploi-Québec soit plus local, oui, parce qu'il y a des besoins selon les situations. Je regarde, nous autres, en Montérégie, le Bas-Richelieu, il est très à part de la Montérégie en général parce qu'il y a une disparité des régions qui est importante et, la nôtre, on se retrouve toujours en dernier lieu, la plus pauvre, la plus si... Ça devient un peu... Sauf que, quand on fait des projets au niveau des mesures ou quand on donne les prévisions budgétaires, les coûts là pour l'année à venir, je ne suis pas certaine que nos besoins sont toujours les mêmes que les gens qui sont tout de suite en périphérie de Montréal. Je pense qu'il faut vraiment y aller... ou de Granby ou de Valleyfield. Il faut vraiment y aller à certains niveaux, là. Il y a des clientèles qui sont présentes chez nous qui ne sont pas nécessairement présentes partout non plus, là, les quantités. Je pense que c'est là qu'il faut vraiment faire des changements.

M. Désilets: ...des associations, vous travaillez en concertation des fois avec d'autres régions? Je vous parle des Bois-Francs peut-être ou à la Mauricie ou à...

Mme Roberge (Monique): La Montérégie, on a une association au niveau de tous les groupes en action communautaire autonome, on se rencontre à peu près une fois par mois. Il y a le réseau employabilité. Il y a la commission du développement social du CRDM.

M. Désilets: Avez-vous des relations avec Emploi-Québec dans vos différentes rencontres?

Mme Roberge (Monique): Oui.

M. Désilets: Je vous le dis sérieusement, moi: Ce que je vis chez nous en Mauricie est complètement différent de ce que vous me dites. Il y a un marché des partenaires. Les partenaires, ils sont là pour donner les grandes lignes à Emploi-Québec, Emploi-Québec travaille avec le communautaire. Ça fait que c'est pour ça que ce serait le fun de...

Mme Roberge (Monique): On travaille avec le communautaire? Je ne suis pas sûre qu'on le reconnaît, par exemple.

M. Désilets: Pardon?

Mme Roberge (Monique): Je dis, oui, on travaille avec le communautaire; le centre local d'emploi effectivement travaille avec le communautaire mais... sauf qu'on nous demande un paquet d'affaires qu'on ne demanderait pas nécessairement à des partenaires autres, quand on travaille avec le communautaire sur des grosses choses là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste une minute et demie. Oui, Mme Charest.

Mme Charest (Chantal): Pour répondre à votre question aussi, on a, je pense, des relations très correctes avec le CLE. Il y a parfois quelques irritants, mais ça, avec qui que ce soit, c'est des choses qui arrivent. On essaie de régler ça avec eux.

Moi, ce que je ne regarderais pas, je n'aurais pas tendance à regarder le détail de ce qui ne va pas avec les centres locaux d'emploi mais beaucoup plus quel genre de pratiques on a, à quel objectif on veut répondre et comment on y répond. Et quand Jacques tout à l'heure disait qu'on doit s'attaquer, d'une certaine manière là, à un groupe, à un noeud, et un noeud de gens à l'aide sociale, à Emploi-Québec qui voudraient, je pense, moi, travailler si les conditions étaient réunies, à comment on réunirait ces conditions-là. Quels sont leurs besoins exacts? Est-ce que, dans le temps... Qu'est-ce que ça veut dire? Parce que, quand on a entendu la révélation du Conseil du patronat, évidemment ça a fait réagir tout le monde, le cinq ans, mais... et je ne pense pas qu'il faut le regarder en termes de temps. Je pense que l'objectif ultime, comme être humain qu'on a tout le monde, c'est d'aider ce monde-là à se remettre dans un milieu de travail, de se remettre en relation avec les autres et de leur permettre de regagner leur dignité.

Alors, ceci étant dit, ce sont de beaux mots, puis ça peut être aussi quelque chose qui reste creux. Mais comment on fait pour prendre ces personnes-là puis regarder exactement leurs besoins? Puis tantôt, c'est pour ça que je vous disais, des mesures sur mesure, est-ce qu'on serait capable de faire ça? Est-ce qu'on aurait les moyens de faire ça? Je n'en sais rien, mais ce qu'on prétend, c'est qu'il faut que, ces gens-là, on les prenne un par un pour être capable de... Parce que des mesures à grande échelle pour tout le monde, ça ne marche pas pour tout le monde, et ces gens-là, ça n'a pas marché pour eux. Alors, moi, les relations avec le CLE ou ce qu'on pourrait faire avec le CLE, c'est beaucoup plus large.

n (16 h 10) n

M. Désilets: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. À notre tour également, bienvenue et merci d'avoir jumelé un peu les présentations, ce qui nous donne la possibilité d'échanger avec des gens qui ont des expériences très semblables dans un contexte semblable aussi et de mettre à profit toutes vos connaissances.

Moi, je vais poursuivre sur la voie de toute la question des programmes d'employabilité, Emploi-Québec, les nécessaires changements, etc., parce que plus on progresse dans les consultations, plus il y a un thème récurrent qui vient tout le temps: lourdeur, complexité, rigidité, difficulté d'adaptation des mesures à la personne, manque de capacité d'individualiser les mesures, beaucoup de bonne volonté, beaucoup d'efforts qui sont mis de part et d'autre dans les centres, de la part des fonctionnaires, de la part des groupes communautaires. Mais il y a un constat qui revient constamment, c'est comme une frustration par rapport à l'atteinte de l'objectif voulu, ce qui permet peut-être à certains de dire qu'il y en a des gens qui ne veulent pas et d'arriver peut-être avec des formules chocs comme on en a eu.

Moi, je suis de ceux qui croient qu'effectivement les gens veulent, que personne ne cherche à être sur l'aide sociale. D'abord ? vous l'avez souligné aussi ? quand on tombe sur l'aide sociale, ce n'est pas quelque chose qui est un objectif, et que, de notre côté, nous avons une responsabilité comme société de s'assurer qu'il y a une aide pour les personnes qui se trouvent, à un moment donné dans leur vie, dans le besoin. Donc, il faut qu'on trouve une façon de répondre à ça.

Dans le contexte où nous sommes ici, en commission parlementaire, on parle d'une loi de lutte à la pauvreté, on sait que ce n'est pas la loi qui va régler quoi que ce soit finalement: la pauvreté ne va pas disparaître par magie. Tout au plus, elle va nous permettre d'orienter nos actions et de peut-être engager plus de personnes dans cette lutte à la pauvreté, objectif, je pense, que tout le monde partage.

Et d'ailleurs, je tiens à remarquer, parce que, ce matin, il y en a quelqu'un de l'autre côté qui essayait de faire dire: Si vous réclamez ça pour avant les Fêtes, c'est parce que vous n'avez pas confiance, si jamais il y avait un autre gouvernement d'élu. Je tiens à faire remarquer à ceux qui pensent comme ça que, jusqu'à tout récemment, le gouvernement refusait cette approche-là; que les premiers qui ont demandé et qui ont cogné un peu sur la porte pour ouvrir la porte vers une loi, c'était l'opposition officielle effectivement, en présentant des motions en Chambre, en menant des débats en Chambre pour demander au gouvernement d'emprunter cette voie-là.

Le Collectif a fait le gros boulot du travail avec un bélier, je dirais, pour défoncer la porte, mais là, le gouvernement a trouvé le courage de traverser la porte; elle est ouverte, et la preuve, c'est que nous partageons autour de cette table. Je ne sais pas la position de l'ADQ. Ils vont nous dire, j'imagine, à un moment donné, s'ils sont pour ou contre l'idée d'une loi. Nous, clairement, on approuve l'adoption d'une loi puis on fera ce qu'on peut faire pour que ce soit adopté rapidement parce que nous estimons que cette demande est faite en fonction de l'urgence de la situation quant à la pauvreté, et non pas par rapport à des choix partisans que les gens font, quand ils viennent témoigner ici, en disant qu'on veut que ce soit adopté avant les Fêtes. Nous estimons que la situation est effectivement urgente et il y a urgence d'agir, puis tant mieux.

Mais plus j'entends parler, plus je me sens à l'aise avec l'orientation qu'on propose quant à l'objectif d'offrir des programmes de protection, d'aide et de soutien pour les gens dans un processus continu de la dépendance à l'autonomie pour ces personnes-là parce que ? et c'est sur ça que j'aimerais qu'on revienne ? les efforts qui sont déployés, les argents qui sont investis même à l'heure actuelle ? et il faut investir plus, puis nous prenons également l'engagement de le faire ? me semblent conduire à un genre de constat de frustrations que je disais tantôt.

Et une première question, c'est: Est-ce qu'on a trop de fonds, d'actions, de places qui déterminent des programmes? On parle... Tu sais, le Fonds de lutte à la pauvreté a des programmes qui sont mis de l'avant pour des objectifs x; les centres locaux de développement ont aussi des sommes d'argent qui sont investies pour des programmes d'employabilité; il y a le Fonds de la main-d'oeuvre; il y a toute sorte de fonds finalement et toute sorte d'endroits ou des programmes sont conçus pour aider différentes clientèles.

Est-ce qu'il n'y a pas lieu, à un moment donné, de revoir l'ensemble de ces choses-là en fonction aussi d'un lien avec les personnes qui sont sur le terrain? Par exemple, êtes-vous associés avec Emploi-Québec à la conception des programmes? Et, sinon, est-ce que c'est quelque chose qu'on peut envisager? Bon. J'en ai assez parlé. Peut-être que vous pouvez prendre quelques temps de réaction.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Première réaction. Mme Roberge? Mme Charest, première réaction.

Mme Charest (Chantal): C'est une question que... Je n'y ai pas beaucoup réfléchi, M. Sirros, je vous l'avoue, mais on dit toujours ça, qu'il y a beaucoup de programmes, qu'il y a beaucoup de mesures, puis c'est drôle que, dans le quotidien, nous, on trouve toujours qu'il n'y en a pas assez. Maintenant, quand on regarde dans le livre, des programmes, effectivement il y en a beaucoup, ha, ha, ha! Et je pense que, dans n'importe quel cas, de toute façon il faut toujours que ce soit un peu revu tout ça parce que certains tombent caducs, certains ne sont pas appliqués ou, bon, etc. Mais je vous dirai que, généralement, on a accès... on fait appel au Fonds de lutte contre la pauvreté et on fait appel aux subventions salariales. C'est nos deux grands programmes sur lesquels les groupes communautaires appliquent.

Pour ce qui est des subventions salariales, il est bien sûr que ? vous voyez, on est en novembre ? et il n'y a plus de fonds chez nous depuis le mois de mai. Donc, le fonds est là mais on ne peut plus y accéder. Donc, c'est pour ça que je vous dis que, des fois, oui, il y en a beaucoup dans le livre, mais finalement, la possibilité d'en avoir reste... c'est plus étroit.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: Je m'excuse. Juste pour clarifier. Ça, c'est les fonds disponibles à travers les centres locaux d'emploi pour les programmes d'employabilité. Puis là, vous me dites que, depuis le mois de mai, il n'y a plus d'argent là-dedans, et ça, c'est les fonds aussi qui permettent ces emplois, ou ces programmes-là permettent aux gens de supplémenter quelque peu leurs prestations de base.

Mme Charest (Chantal): Oui.

M. Sirros: Donc, actuellement, vous dites que, dans votre région, même si quelqu'un veut, il ne peut pas.

Mme Charest (Chantal): Dans ce programme-là, effectivement.

M. Sirros: Parce que le budget est dépensé.

Mme Charest (Chantal): C'est ce qu'on nous a dit. Alors, de travailler plus étroitement avec les CLE, je pense que, oui, ce serait une bonne idée. Mais, maintenant, il faudrait bien établir auparavant ce sur quoi on peut travailler. Il ne faut pas non plus s'illusionner; je pense que les CLE, ce sont des organisations gouvernementales et ils ont des attentes et ils doivent répondre de leurs actes, donc, à leur ministère. Ça fait que, si on est capable d'encadrer quelque chose qui permettrait un travail commun entre les CLE et le milieu communautaire, bien sûr, on y participerait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je suis encore un peu abasourdi par cette information-là qui me dit que, dans votre région, les mesures actives, les sommes d'argent disponibles pour des mesures actives d'aider les gens à retourner sur le marché du travail finalement ? parce que c'est ça, le but des programmes d'employabilité ? sont épuisées depuis le mois de mai, ce qui veut dire après trois mois. Le budget, c'était... mars, normalement, l'année budgétaire? On a eu un budget de 18 mois, là, mars, avril, et c'est épuisé? En tout cas, il y aura des questions qu'il faudra qu'on pose, peut-être pas ici, mais il me semble que c'est quand même...

Est-ce que, à votre connaissance, c'est une situation qui est semblable dans d'autres régions ou est-ce que c'est un cas particulier?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je crois que M. Langelier voulait ajouter quelque chose peut-être avant de...

M. Langelier (Jacques): Moi, je sais que, chez nous en tout cas, dans les Bois-Francs, à Victoriaville, moi, c'est la même chose. J'appelle pour demander à pouvoir avoir un fonds de pauvreté pour embaucher quelqu'un puis là, on me dit: Ah! Le fonds est épuisé, on n'a plus d'argent. Donc, il y a des programmes qui sont mis en place, mais l'enveloppe ne suit pas ou elle est dépensée. Je ne sais pas comment ça se fait que le fonds, après tant de mois, il n'y a plus de fonds. Puis les gens ont des attentes envers ces programmes-là souvent parce que c'est annoncé. Donc, les gens espèrent aller sur un programme, mais les fonds sont épuisés, alors ce sera l'année prochaine. Vous nous rappellerez l'année prochaine. Je sais que, dans notre région, c'est ça. Je ne connais pas les autres régions, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce qu'on subit le même phénomène dans le Bas-Richelieu? Mme Roberge.

n (16 h 20) n

Mme Roberge (Monique): Pas vraiment. Non. Je dirai que non. À ce niveau-là, je pense qu'il y a encore des subventions salariales de disponibles dans la région. Nous autres, c'est les mesures d'insertion qui ont été un petit peu coupées, mais aux groupes communautaires. Ça fait que là, il y a eu un resserrement du budget. Mais, effectivement, il y a des années où il n'y a plus rien. C'est vrai qu'il y a des annonces, mais il n'y a rien dans l'enveloppe ou il y en a tellement peu que ça disparaît très, très vite.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: On disait... On nous faisait comprendre, dans d'autres présentations qu'on a eues, que, des fois, on sentait que, dans la fonction publique, les responsables des services publics d'emploi éprouvaient une certaine réticence à avoir recours à des services externes de main-d'oeuvre. D'abord, est-ce que c'est une constatation que vous partagez? Et, si oui, est-ce qu'il y a des façons d'améliorer la situation? Est-ce qu'il y a... Qu'est-ce qui explique, si c'est le cas, cette hésitation d'avoir recours à des services externes de main-d'oeuvre, via des groupes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Larochelle.

M. Larochelle (Jacques): Pour ce qui est du Bas-Richelieu, l'Atelier du chômeur, qui est une entreprise d'insertion par le travail, membre du Collectif des entreprises d'insertion du Québec, il n'y a pas de problème là de... À part un problème de respect mutuel là qui est au niveau d'une certaine ingérence de la part d'Emploi-Québec, il n'y a pas de mauvaises ententes. Il n'y a pas de réticence à faire en sorte que l'Atelier du chômeur soit reconnu comme entreprise d'insertion agréée par Emploi-Québec.

M. Sirros: Puis, au niveau des relations ? une dernière question peut-être ? avec Emploi-Québec, avec les CLE, est-ce que, par exemple, vous avez une relation qui fait en sorte que les gens sortent, viennent chez vous, voient des choses sur le terrain?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Roberge.

Mme Roberge (Monique): Moi, je dirais que oui. Oui, il y a une volonté. Des fois, il y a des limites mais il y a une volonté. Moi, je pense que c'est pour ça que ce serait intéressant de faire partie des prises de décisions, d'en faire partie avec... qu'il y ait des comités, ce qu'on parlait à un moment donné, un comité de partenaires locaux. Ça pourrait être intéressant à ce niveau-là. Mais je pense qu'il y a une volonté; on a formé une table de concertation, réseau employabilité, et Emploi-Québec, Sécurité du revenu sont dessus, CLSC est dessus aussi. Ça fait que c'est intéressant de pouvoir avoir de la concertation. La CDC est là pour ça au départ. Et on essaie vraiment d'avoir toujours tout le monde, et il y a une grande participation. Des fois, c'est dans les faits que ça ne se justifie pas toujours; mais, je veux dire, en se parlant, on essaie de régler tous ces problèmes-là. Mais, effectivement, ce n'est pas une affaire de personnes, c'est souvent des programmes.

M. Sirros: Ce n'est pas une question de vos relations, c'est une question des lieux de décisions finalement que vous sentez que vous n'avez pas d'influence au niveau des décisions qui sont prises dans des structures comme telles. Et, des fois, vous êtes mis dans une situation où vous devez conjuguer avec des décisions qui ne correspondent pas nécessairement à ce que vous constatez, vous. Je résume bien?

Mme Roberge (Monique): Tout à fait.

M. Sirros: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Larochelle, un complément de réponse?

M. Larochelle (Jacques): Oui. En fin de compte, c'est comme essayer de faire fitter quelqu'un dans un programme. Ce n'est pas évident; c'est souvent impossible, et cette personne-là, elle se ramasse devant rien finalement.

Mme Charest (Chantal): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors...

M. Sirros: Madame, je pense, veut ajouter quelque chose.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Charest.

Mme Charest (Chantal): Bien, pour répondre à votre question: à Victoriaville, pour les services externes de main-d'oeuvre, on en a deux grands, et ça fonctionne très bien avec le CLE; en plus des entreprises d'insertion là. Bien, évidemment qu'on voudrait peut-être un peu plus de sous pour les entreprises d'insertion; mais, avec les services externes de main-d'oeuvre, il y a des très belles choses qui se font. Il y a aussi Place au soleil qui vient de commencer; on a commencé lundi dernier chez nous, Place au soleil, un beau programme. Je pense qu'il a de l'avenir. Alors, ça, c'est une question qui va bien quand même.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, mesdames. Il n'y a pas d'autres interventions? Alors donc, Mmes Roberge et Charest, et MM. Larochelle et Langelier, au nom de tous les membres de cette commission, merci d'avoir accepté de participer.

Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes, en invitant les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 25)

 

(Reprise à 16 h 26)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, s'il vous plaît, à l'ordre, car la commission va poursuivre ses travaux. Nous accueillons donc les représentants de Centrale des syndicats démocratiques. S'il vous plaît! Alors, M. François Vaudreuil, M. Normand Pépin, bonjour. Bienvenue à cette commission. Alors, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et que, par la suite, il y aura la période d'échange. M. Vaudreuil.

Centrale des syndicats
démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): C'est bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais, dans un premier temps, vous remercier de l'invitation qui nous a été faite de participer à cette grande consultation qui est si nécessaire dans notre société pour toutes les personnes qui partagent et qui aspirent à une société plus juste, plus égalitaire.

Alors, s'attaquer à la pauvreté n'est pas une chose qui est simple car il s'agit d'un phénomène qui est à la fois complexe et multidimensionnel, pour lequel il est impossible de dégager un consensus, à travers notre société, sur ses causes. Mais ce qu'on sait puis ce qui est inéluctable, c'est que notre société a connu, au cours des dernières décennies, des changements sociaux-démographiques, des transformations des familles, des transformations du marché du travail qui ont fait naître de nouvelles formes de pauvreté. Que l'on songe au phénomène, par exemple, de la monoparentalité et des nombreux enfants qui ont de la difficulté à se nourrir; de l'augmentation de l'itinérance dans les grandes villes; de la précarité des emplois; des formes de travail atypique qui visent, entre autres, les jeunes; la discontinuité des emplois, c'est-à-dire que l'emploi permanent. L'emploi à vie est une chose, aujourd'hui, qui est devenue marginale et ce phénomène de discontinuité des emplois rend vulnérables aussi les travailleurs qui sont âgés. Mais, même si on ne s'entend pas sur les causes de la pauvreté, on retrouve toujours le chômage, le manque d'emploi, les bas salaires et l'inactivité, quand on parle de pauvreté.

La CSD est donc heureuse de constater l'intervention du gouvernement de se donner un caractère permanent à son action contre la pauvreté et l'exclusion sociale en l'inscrivant dans une loi. Ça représente, selon nous, un pas dans la bonne direction. À cette étape-ci, je voudrais souligner le travail exceptionnel qui a été fait par le Collectif pour l'élimination de la pauvreté, dont fait partie la CSD, qui plaide depuis qu'il a été formé que la pauvreté ne veut pas être éliminée si on ne se fixe pas des objectifs collectifs puis qu'on ne se donne pas des moyens pour les atteindre. En ce sens, le projet de loi dénote un changement radical de perspective de lutte à la pauvreté, au niveau gouvernemental.

n (16 h 30) n

Notre intervention d'aujourd'hui et notre mémoire, qu'on vous a remis, visent à améliorer le projet de loi pour nous assurer que le gouvernement démontrera sa volonté d'agir autrement qu'uniquement par les paroles. Le gouvernement doit accepter de se donner des cibles précises à atteindre d'ici 10 ans.

Alors, pourquoi appuyons-nous une loi pour l'élimination de la pauvreté? Il y a trois raisons qui militent en faveur de cet appui. Dans un premier temps, la loi va permettre d'atteindre les buts poursuivis par la stratégie de lutte à la pauvreté; dans un deuxième temps, aucun gouvernement, quel qu'il soit, ne pourra dévier de cet objectif ou retourner en arrière sans qu'il y ait un débat public; et la troisième raison pour laquelle nous appuyons une loi, c'est: même si elle ne va pas aussi loin qu'on l'aurait souhaité, elle établit certaines balises.

Alors, à cette étape-ci, je voudrais vous parler du contenu du projet de loi, de certains éléments, parce que, compte tenu de la période de 15 minutes qui est relativement courte, on ne veut pas évidemment tout présenter ce qui est dans le mémoire, mais je vais vous adresser certains éléments. Le premier élément dont je voudrais vous parler, c'est le préambule de la loi. Bon, évidemment, on trouve très intéressant et novateur l'inclusion d'un préambule dans la loi. C'est une chose qui est inhabituelle qu'on retrouve, réservée aux chartes. Or, bien que le préambule soit fondé sur des droits, il doit, selon nous, être amélioré en affirmant que non seulement la pauvreté peut constituer une contrainte, mais qu'elle empêche la réalisation de droits reconnus. Pour nous, c'est un principe fondamental qu'il faut reconnaître, c'est-à-dire reconnaître que la pauvreté empêche la réalisation de droits reconnus. Et nous aimerions aussi attirer votre attention à ce que le caractère de la loi cadre n'est pas, selon nous, clairement établi.

Le deuxième élément que je voudrais traiter avec vous, c'est la définition de la pauvreté. Or, on a beaucoup de réserves sur la définition qui est proposée de la pauvreté dans le projet de loi, pour deux raisons: d'abord, parce qu'on y retrouve des éléments qui renvoient clairement au cadre de référence gouvernemental qui considère le recours à la sécurité du revenu comme une dépendance; et, deuxième élément, c'est ensuite parce qu'il fait reposer la responsabilité de l'inclusion sociale sur les épaules des personnes exclues. À ce niveau-là, on n'est pas dans une société de plein emploi. Demain matin, même si on comblait tous les postes qui sont disponibles actuellement dans notre société, il n'y a pas assez d'emplois pour toutes les personnes au Québec. Et, à ce niveau-là, concernant la définition, ce qu'on vous propose, c'est de référer cette question-là au Comité consultatif avant qu'il y ait adoption définitive de la définition de la pauvreté, et, au Comité consultatif, qu'on puisse aussi associer à cette démarche les personnes qui vivent des situations de pauvreté.

Autre élément sur lequel on veut attirer votre attention ? et ça, ça nous déçoit énormément ? c'est qu'on ne retrouve pas dans la loi de clause d'impact des politiques, des lois, des règlements qui seront adoptés par le gouvernement pour les personnes en pauvreté. En 1996, au Sommet économique, il y a eu un consensus qui a nécessité des engagements formels de la part des centrales syndicales pour qu'on puisse mesurer les impacts économiques des législations, des règlements. Aujourd'hui, je pense que ce serait un juste retour des choses qu'on puisse faire la même affaire: quand on adopte une loi, qu'on puisse regarder l'impact que ça a sur la pauvreté. Et je vous réfère, par exemple, aux nombreuses abolitions de décrets de conventions collectives qu'on a vécues au cours des dernières années et, par exemple, les travailleuses de l'industrie du vêtement qui, depuis 1992, n'ont pas eu un sou d'augmentation. Alors, évidemment, pour nous, si on avait une clause d'impact dans la législation, on ne vivrait pas des horreurs comme on a vécues au cours des dernières années et qui font en sorte qu'on s'est retrouvés dans des situations où on regardait des gens s'appauvrir.

L'autre élément, au niveau du projet de loi, qu'on voudrait aussi attirer votre attention, c'est les buts. Les trois principes qui sont mis de l'avant dans la proposition du Collectif devraient, selon nous, se retrouver à l'article 5. Et, là-dessus, je vous réfère à la page 13 de notre mémoire où on reproduit les trois principes du Collectif.

Autre élément aussi sur lequel on a certaines interrogations, c'est concernant le supplément de revenus au travail, à l'article 8, paragraphe 2. Ça, c'est une question qui nous amenés, à la CSD, à se questionner sur les intentions du gouvernement au sujet du salaire minimum. Bien qu'on ne soit pas en désaccord sur l'établissement d'un supplément de revenus au travail, c'est qu'il y a des risques, il y a des risques, et il y aurait des risques où les entreprises, certaines entreprises, par exemple, qui paient des gens au salaire minimum, continueraient de les payer au salaire minimum plutôt que d'augmenter les salaires, sachant que l'État leur viendrait en aide. Dans le fond, ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut éviter la mise sur pied d'un cercle vicieux où des entreprises profiteraient de ces suppléments de revenus au travail pour se financer et même réaliser des profits à même les impôts qu'on paie et qui doivent être redistribués pour diminuer les inégalités. Donc, ça, là-dessus, on a certaines réserves. Et d'ailleurs, au sujet du salaire minimum, on prétend que le salaire minimum devrait être fixé à un niveau qui permet à une personne travaillant 40 heures par semaine de disposer d'un revenu équivalent au seuil de faibles revenus. Et, concernant le supplément de revenus au travail, notre proposition, c'est que, en plus de la définition de la pauvreté, ce serait un des premiers sujets qu'on devrait référer au Comité consultatif qui va naître si la loi est adoptée.

Autre élément sur lequel on voudrait vous faire un commentaire, c'est quand on réfère, à l'article 9.4, à la conciliation travail-famille. On voudrait vous rappeler qu'au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui réunit la CSD, la CSN, la CSQ, la FTQ et les regroupements patronaux ? le Conseil du patronat, l'AMEQ, la chambre de commerce ? il y a un consensus sur une définition de la famille qui est beaucoup plus englobante et qui inclut les responsabilités parentales, familiales et qui l'élargit au conjoint ou à des parents vieillissants. Donc, ce qu'on vous suggère, c'est de référer à cette définition qui est partagée par l'ensemble des partenaires qui siègent au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Je terminerais mon exposé en un commentaire général à propos du Comité consultatif et de l'Observatoire. À la lecture du projet de loi, il nous apparaît qu'il y a une concentration trop forte des pouvoirs du ministre ou de la ministre par rapport à l'autonomie à laquelle le Comité consultatif et l'Observatoire devraient avoir droit. Concernant le rôle du Comité consultatif, ce qu'on prétend à la CSD, c'est que son rôle ne doit pas se limiter à une simple... à conseiller: il doit être associé très directement à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de la stratégie nationale de pauvreté elle-même et non plus d'avoir simplement à mettre en oeuvre une politique qui a été discutée sans qu'on soit associés. Puis cette formule-là, elle existe au Québec, elle existe à la Commission des partenaires du marché du travail où on a un cadre législatif, où on travaille à l'élaboration, où on travaille à la préparation, conjointement avec la ministre ou le ministre qui assiste aux réunions et puis qu'on travaille.

n (16 h 40) n

Donc, ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait, au niveau du Comité consultatif... qu'il puisse être associé très directement à l'élaboration, à la mise en oeuvre et l'évaluation de la stratégie nationale. Et on pense aussi que, quand le Comité consultatif émet un conseil, un avis, des recommandations, il devrait les rendre publics dans les 30 jours suivants ces avis, ces conseils.

Dans le cas de l'Observatoire ? et je termine là-dessus, Mme la Présidente ? je vous dirais qu'on est très inquiets de l'indépendance de l'Observatoire à l'égard du ministre, parce que ce qu'on peut observer, c'est que l'Observatoire va proposer des indicateurs, la ministre ou le ministre va en retenir certains, et l'Observatoire ne pourra plus que travailler sur les indicateurs qui ont été retenus par la ministre ou le ministre. Évidemment, nous, on pense qu'un Observatoire, ça doit être indépendant du gouvernement puis ça doit être aussi doté d'un comité scientifique. Et un exemple qu'on a dans le société québécoise d'un modèle d'observatoire qui a su avoir cette indépendance et qui, d'ailleurs, est financé à même les fonds consolidés et qui ne dépend pas du ministère auquel il est assujetti, c'est-à-dire le MRI, c'est l'Observatoire sur la mondialisation.

Il faut absolument, quand on parle du Comité consultatif, quand on parle de l'Observatoire, que ces deux institutions puissent bénéficier d'une plus grande autonomie et d'une indépendance à l'égard du pouvoir politique. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc immédiatement aller à la période d'échange. Je cède donc la parole à Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Bonjour, messieurs. Bonjour, M. Vaudreuil, M. Pépin. Alors, bienvenue encore une fois dans une consultation comme celle-ci, du projet de loi n° 112. Je vois que vous l'accueillez favorablement. Je vois aussi, dans le début de votre mémoire, que vous avez eu en congrès... vos membres ont exprimé leur volonté de voir la CSD prendre à bras-le-corps son rôle d'agent de changement dans la société, donc pas nécessairement les seuls intérêts des travailleuses et des travailleurs syndiqués. Et, en même temps, je dois vous dire aussi que vous avez appuyé le Collectif depuis le début. Donc, vous, vous y croyez à une loi sur la pauvreté?

Vous me permettrez de répondre au critique officiel de l'opposition, tout à l'heure, quand il a parlé que le Parti libéral avait cru depuis longtemps à une loi et que, nous, c'est comme tout récemment. Vous allez me permettre de répondre: C'est trop facile de dire ça comme ça, ainsi. Alors, lors de la venue de notre premier ministre, Bernard Landry, nous avons, dans le mois qui suivait, rencontré le Collectif parce que le Collectif avait fait cette demande-là. Ils étaient, je pense, une douzaine, pas loin, en tout cas 10, 12 qui étaient là, qui représentaient le Collectif. On a rencontré le premier ministre et le premier ministre a dit à ce moment-là qu'il était ouvert à une loi. Alors, ce n'est pas d'hier. Je l'ai dit dans toutes les tournées régionales que je suis ouverte à une loi. Donc, ce n'est pas... ça n'arrive pas comme ça, la loi, d'une part.

Par contre, il est important que cette loi-là... Parce qu'il y avait le cadre de la loi qu'il faut voir, toute la consistance dans une loi, d'une part, sa définition, ses pouvoirs, il faut regarder aussi les mesures parce qu'on nous demandait des mesures urgentes, des mesures immédiates. Vous en parliez tout à l'heure. Il y a... il fallait l'intégrer. Ce n'est pas tout, d'avoir une loi. Les gens nous disent: On ne réglera pas la pauvreté nécessairement avec une loi. La loi vient nous donner des outils, c'est un outil important pour lutter contre la pauvreté. Ce n'est pas nécessairement qu'avec une loi; elle est accompagnée d'une stratégie nationale, donc il y a un énoncé politique. Il y a aussi un plan d'action qui suivra. Alors, je pense que ça fait partie d'un tout aussi. Donc, ce n'est pas nécessairement juste une loi, mais c'est quand même toute une loi. Ça, c'est important de le mentionner.

J'ai quelques questions. En tout cas, je vais commencer par une, d'une part, parce que vous avez soulevé beaucoup de choses, M. Vaudreuil. On ne pourra pas avoir cet échange-là pendant des heures, quand même. Mais il y en a une particulièrement. Les gens viennent, ils nous ont parlé, particulièrement les groupes communautaires, je pourrais dire, les groupes sociaux qui nous disent, entre autres: Pour sortir les gens de la pauvreté, d'une part, c'est sûr qu'il faut une approche globale, intersectorielle, etc., mais lorsque les gens sont prêts à faire cette intégration-là à l'emploi ou l'insertion au travail telle quelle, ils ne sont peut-être pas prêts nécessairement à s'engager dans un emploi selon ce que l'emploi demande tel quel. Parfois, il faut regarder au niveau du temps, qu'ils ne peuvent pas nécessairement faire du neuf à cinq pendant cinq jours nécessairement. Donc, la condition dans laquelle la personne est mise dans le milieu du travail n'est pas nécessairement celle où elle peut correspondre tout de suite. Ça prend quelquefois un certain temps et un accompagnement et un encadrement de cette personne-là dans l'entreprise ou dans l'endroit où elle travaille. Évidemment, il y a des endroits où particulièrement ce sont des entreprises qui ont le syndicat et que la plupart des travailleurs sont des travailleurs syndiqués et que eux ne correspondent pas tout de suite, dans le fond, ne veulent pas appartenir nécessairement tout de suite à un syndicat.

Alors, j'aimerais savoir auprès de vous: Comment vous voyez cette insertion-là au travail, comment vous pouvez accueillir, comment le monde syndical, le vôtre particulièrement, peut accueillir ces personnes-là dans une entreprise où vous avez des travailleurs syndiqués?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vaudreuil.

Mme Léger: Bien, ce n'est pas facile, ma question, là, mais...

M. Vaudreuil (François): Non, non, mais... Oui, pour répondre précisément à votre question, il y a toujours ? bon ? il y a toujours, évidemment, dans chaque milieu de travail, des mécanismes qui ont été définis par la négociation collective, donc la convention établit un mode de fonctionnement à l'intérieur de l'usine, accorde des droits aux gens. Quand on arrive avec des programmes ou des projets d'insertion, de façon générale ? pour ne pas dire unanime ? les gens ne s'y opposent pas, en autant que l'employeur ne les utilise pas comme du «cheap labor» ou empêche, par exemple, le rappel d'une travailleuse ou d'un travailleur qui aurait été mis à pied en raison d'un manque de travail. Et l'autre élément, c'est que, pour que ça fonctionne, il faut que ce soit négocié entre l'employeur et le syndicat, puis, à ce moment-là, il y a des modalités à prévoir et, bon, ça s'est déjà réalisé dans certains secteurs que je pourrais... comme dans des municipalités. On retrouve moins ça dans le secteur privé. Mais, pour que ça fonctionne, il faut qu'il y ait négociation entre le syndicat dans l'entreprise et l'employeur. Puis, de façon générale, en tout cas, quand on a débattu de ces questions, ou des régimes d'apprentissage, ou autres sujets comparables, il n'y a pas de fermeture des syndicats. Il n'y a pas de fermeture des syndicats, en autant que l'employeur ne l'utilise pas, comme je disais tantôt, comme du «cheap labor» ou bien non que ça prive une travailleuse ou un travailleur d'un rappel au travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Léger: Parce que je comprends aussi tout l'aspect des travailleurs syndiqués qui, bon, dans votre syndicat particulièrement puis certains autres où il y a des comités de lutte à la pauvreté, qui y travaillent avec acharnement, je pourrais dire, dans les différentes collaborations qui sont demandées avec la société civile ou, bon, à l'intérieur du milieu syndical tel quel, de vos membres aussi, vous travaillez à lutter contre la pauvreté en insistant sur la conciliation famille-travail, bon, de différentes conditions de travail ou que vous voulez mettre de l'avant puis que vous revendiquez aussi pour lutter contre la pauvreté. Ça, d'une part.

Mais il reste qu'il y a quand même des gens, qui sont démunis aussi et qui sont en situation de pauvreté, qui ne sont pas syndiqués tels quels, et votre apport syndical à ce niveau-là... parce que vous dites les agents de changement, dans le fond, de société. C'est évident que vous protégez vos membres, puis c'est correct aussi, c'est correct ainsi. Mais quel est l'apport que vous pouvez faire encore plus par rapport à ces gens-là qui ne sont pas syndiqués et que, je crois... Peut-être une éventualité aussi quand même syndicale parce qu'on a toute cette implication-là, cette intégration-là au travail, cette insertion à l'emploi, qu'on essaie de sortir ces gens-là de la pauvreté et qui arrivent dans un milieu qui n'est pas un milieu nécessairement où ils sont à l'aise, pas nécessairement un milieu où ils sont confortables, et où ils ont besoin d'encadrement.

On me dit, en général, que certaines entreprises sont prêtes à faire cet encadrement-là en autant qu'on les aide. Les groupes communautaires nous disent ou les groupes sociaux, qui souvent prennent sur leurs bras cette responsabilité-là, nous disent que, bon, il y a du travail à faire avec les entreprises pour mieux concilier cet aspect-là. Comment le milieu syndical, lui, peut aider même s'ils ne sont pas nécessairement des syndiqués?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vaudreuil.

n (16 h 50) n

M. Vaudreuil (François): Bien, le milieu syndical, bon ? je pense aux quatre centrales syndicales que je vous ai nommées tantôt ? on investit beaucoup de temps, beaucoup de ressources, entre autres à la Commission des partenaires du marché du travail et à des représentations, donc, qui se font au niveau national, à des représentations qui se font aussi au niveau régional. Il y a un grand apport qui est apporté justement pour favoriser les mesures d'insertion. Ça, ça se fait avec, bon, évidemment la machine d'Emploi-Québec, ça se fait avec l'Éducation, ça se fait avec les employeurs, ça se fait avec les groupes communautaires. Il y a quand même des lieux de concertation. On entendait tantôt les témoignages qui étaient faits. Donc, les centrales syndicales sont très ? et la CSD ? on est très actifs sur le terrain à cet égard, dans les régions et au niveau national.

Dans les milieux de travail, comme je vous l'ai dit tantôt, il y a une ouverture aussi des gens, mais en autant que, évidemment, ça n'enlève pas de travail à des gens. Tu sais, ça, c'est... Bon, mais pour aller plus loin, moi, je vous dirais, Mme la ministre: S'il y a des projets ou des propositions concrets pour nous associer, on va y être, là. On va y être puis on va s'engager dans ce sens-là. Il n'y a aucun problème là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Léger: Parce que vous convenez avec moi que... Bon, c'est sûr, tout ce qui est «cheap labor», comme vous avez dit tout à l'heure, mises à pied, là, mis à part tout ça, là, je veux dire, ce n'est pas nécessairement le but de personne dans cet aspect-là. Mais il y a des solutions concrètes qui pourraient se faire et qu'il faudrait regarder. Pour être novateurs, pour réussir vraiment à se donner comme objectif de réduire la pauvreté d'ici 10 ans de 50 %, il faut trouver des ? je pourrais dire ? des stratégies puis des actions qui vont au-delà de ce qu'on connaît. Il faut quand même se le dire. Est-ce que... On peut faire mieux sur bien des choses, mais il y a aussi des façons qu'il va falloir regarder, et je pense qu'il y a des choses qu'on peut faire ensemble avec le milieu syndical, d'une part. En tout cas, ces temps de transition là puis ces temps de... Parce qu'il y a beaucoup de gens qui viennent nous le dire: Il y a cet apport-là, puis qu'ils ne sentent pas nécessairement le milieu syndical nécessairement ouvert à cette approche-là, et, moi, je crois que oui. Je crois que oui, mais il faut trouver. Je pense qu'il y a une façon de collaborer pour trouver des façons qu'on puisse intégrer ces personnes-là parce qu'on est rendus, je pourrais dire... Quand on dit qu'on réduit la pauvreté de 50 % d'ici 10 ans, là, je pense que c'est tout un mandat puis c'est tout un défi, et cette loi-là nous amène à se mobiliser tous ensemble derrière, je veux dire, cette stratégie-là qui va nous amener a sortir le monde de la pauvreté.

Alors, je vais laisser quand même ma collègue poser des questions, mais j'aurais encore beaucoup de choses à vous parler.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Je pense, M. Vaudreuil, que vous aviez un commentaire.

M. Vaudreuil (François): Oui. J'aurais un commentaire sur votre intervention, Mme la ministre. Vous savez, dans la dernière décennie, on a vu l'émergence, en raison des formes atypiques de travail, on a vu l'émergence de ce que, aux États-Unis, ils appellent les «working poor». C'est-à-dire que la pauvreté, là, ce n'est plus juste des gens qui n'ont plus d'emploi, là, ce n'est plus juste des gens qui n'ont plus d'emploi. Et ça, il faut être bien conscients de ça. Il faut être bien conscients de ça. Et, à cet égard-là, tu sais, j'ai eu connaissance... Et justement cette semaine il y avait des discussions pour faire une coalition intersyndicale. On a discuté. Il y a des secteurs actuellement où les salariés, au renouvellement de leur convention collective, ont dû par exemple abandonner le maintien de leur assurance collective pour être capables de conserver leur maigre taux, leur maigre taux de salaire. Or, ça, c'est de la pauvreté. C'est de la pauvreté, c'est de la précarité puis, ça, ça se vit à tous les jours.

Tantôt, dans mon exposé, je vous ai parlé des gens du vêtement, que ça fait 10 ans qu'ils sont gelés, là, puis des taux de salaires qui sont gelés. Ça aussi, c'est une réalité qui est excessivement difficile. C'est-à-dire, on côtoie des situations de pauvreté puis la pauvreté, ce n'est plus réservé à ceux qui n'ont pas d'emploi. Or, ça, c'est dramatique aussi, là. Alors, qu'on veuille travailler à l'insertion, nous en sommes, mais il faut aussi travailler à faire en sorte qu'on puisse améliorer les gens qui sont au travail. Et auparavant, dans les milieux syndiqués, on en retrouvait très peu. Mais là, depuis ? je vous dirais ? ça s'est développé depuis une dizaine d'années et peu importe la centrale syndicale. Ce n'est pas une question de centrale syndicale, c'est une question structurelle.

Donc, ça aussi, ça va faire partie des débats qu'on aura à vivre concernant l'application de la législation par le Comité consultatif et puis par l'Observatoire de la mondialisation. Il y a sûrement des choses intéressantes qui vont sortir à ce niveau-là. Puis l'autre élément: les travailleurs âgés. Tu sais, on en parle très peu aussi, là. Quand on se retrouve avec des fermetures d'entreprises ou des rationalisations... On vit actuellement, à la CSD, là, la fermeture de la mine Jeffrey, à Asbestos. 97 % des gens ont 55 ans et plus. Ces personnes-là vont-elles être capables de vivre dans la dignité jusqu'au moment de leur retraite?

Puis, l'autre affaire, c'est que les programmes sociaux ont été coupés, le fédéral nous a coupé des programmes de soutien de revenus aux travailleurs âgés depuis 1997; il n'y a plus de PATA, le programme d'aide aux travailleurs âgés. On se retrouve dans des situations de pauvreté qu'on vit quotidiennement, quotidiennement.

Donc, oui, l'insertion, c'est louable, c'est noble, puis, oui, il faut y travailler, puis on n'est pas en désaccord, mais je vous dis que, quand il y a des réserves, ce n'est pas nécessairement, ce n'est pas idéologique, là, ce n'est pas les centrales syndicales qui s'y opposent par idéologie; c'est des gens sur le terrain qui s'appauvrissent puis qui ont de la difficulté à boucler leur budget, pas parce qu'ils s'administrent mal, c'est parce que les conditions du marché exercent des pressions telles qu'ils ne sont plus capables de maintenir leur niveau de vie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Crémazie... Oui, bon, bien, il reste exactement une minute, Mme la ministre. Donc, ça va être un commentaire, j'imagine.

Mme Léger: O.K. C'est beau. Oui, je veux juste vous dire que, effectivement, dans la stratégie, on ne parle pas juste des gens qui sont soit des prestataires de l'assistance-emploi, d'assurance emploi particulièrement, de la sécurité du revenu, je veux dire, mais il y a aussi tous les faibles revenus, comme vous dites, qui peuvent être des gens syndiqués, d'une part, et les 45 ans et plus qui sont... ou qui viennent de quitter un emploi parce qu'il y a une fermeture d'entreprise, alors c'est vraiment très, très explicite, je pourrais dire, là, dans l'énoncé politique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre l'échange avec M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à la CSD, M. Vaudreuil, M. Pépin. C'est intéressant de vous entendre insister sur la notion de pauvreté qui est plus large que strictement les personnes qui sont sans emploi et plus large que les personnes assistées sociales. C'est un aspect que je partage beaucoup, mais dont on a peu parlé, finalement, durant nos audiences ici, ça a vite dévié, pas dévié, mais ça a vite été focussé sur la situation urgente, criante des personnes qui sont plus que pauvres, si on peut parler ainsi, et c'est peut-être normal aussi que ça ait attiré beaucoup notre attention.

Mais je retiens vos inquiétudes aussi sur la question du programme de sécurité du revenu, c'est un des volets sur lequel, nous, on mise beaucoup parce que, effectivement, on veut cibler l'aide aussi aux travailleurs à faibles revenus. Parce qu'il ne s'agit pas, effectivement, comme vous l'avez dit, d'agir seulement vis-à-vis des personnes assistées sociales pour les insérer dans un autre genre de pauvreté: il faut aussi soutenir les gens pour qu'ils restent en dehors de la pauvreté, à un moment donné.

Et l'inquiétude par rapport à la responsabilité des entreprises puis l'impact que ça peut avoir au niveau du salaire minimum, on est conscients qu'il y a des formules qui ont un impact, il y a d'autres formules qui n'ont pas d'impact. Il faut choisir la bonne, puis il faut le faire aussi en consultation aussi avec les personnes concernées; donc, j'en suis certain, vous serez impliqués à un moment donné.

Votre mémoire, dans son ensemble, est clair, précis et aborde les enjeux qui ont été mis de l'avant par le Collectif et d'autres par rapport à la loi elle-même au niveau de sa... le poids réel qu'elle peut avoir. Parce que c'est une chose de faire une loi; c'est une autre chose d'avoir quelque chose qui a une conséquence réelle. Je ne reviendrai pas sur le sentiment que la ministre a ressenti, de défense par rapport à mes propos antérieurs, on aura d'autres moments pour faire ça, mais je voudrais revenir sur votre notion de la définition. Vous dites que la définition est prématurée pour l'instant. Sur deux choses que je veux revenir: la définition puis la question de la clause d'impact. Vous dites que la définition est prématurée, qu'il faudrait la référer au Comité consultatif qui, vous trouvez, d'ailleurs, n'a pas beaucoup d'autonomie, vous aimeriez avoir un comité consultatif avec un peu plus d'autonomie, et, j'imagine... au niveau de quoi? Au niveau des nominations? Au niveau de son fonctionnement? Ça, c'est aussi... J'aimerais vous entendre sur ça. Mais j'aimerais aussi connaître un peu comment vous verriez, vous, une définition de pauvreté. Et, après ça, on pourra revenir sur la clause d'impact.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci, Mme la Présidente. Bon, sur la définition de la pauvreté, ce qu'on indique dans notre mémoire, c'est que ? et c'est le gouvernement qui l'a affirmé ? à l'article 2, il s'inspirait des travaux récents d'un comité économique et social de l'ONU autour de cette notion. Bon.

n (17 heures) n

Quand on fait la lecture de cette définition, c'est-à-dire la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé, de manière durable, des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique et favoriser son inclusion active dans la société québécoise, bien, je vous référerais aux deux éléments que je vous ai cités dans ma présentation où... Ce qu'on pense à la lecture de cette définition-là, c'est que ça nous renvoie clairement à un cadre de référence du gouvernement qui considère le recours à la sécurité du revenu comme une dépendance. Et, dans une société où on n'a pas de plein emploi, où il n'y a pas d'emploi pour tout le monde, ce n'est pas vrai que la sécurité du revenu doit être considérée comme une dépendance. Si j'ai 59 ans, je travaille dans une usine de chaussures, j'ai une cinquième année puis, un bon moment donné, je dois recevoir de la sécurité du revenu pour me permettre de me rendre, par exemple, à l'âge de la retraite, parce que physiquement, en plus, je suis épuisé, je suis fatigué, on ne peut pas considérer ça comme une dépendance, voyez-vous? Puis ça, c'est, bon, le problème qu'on a avec ça.

Le deuxième élément, c'est que l'inclusion sociale, on ne peut pas faire reposer la notion d'inclusion sociale uniquement sur le dos des personnes exclues, parce qu'il y a des dispositions qui font que la personne n'est pas entièrement responsable, bon, et ça, c'est ce qui nous agace. On n'a pas tenté de... Dans notre mémoire, d'ailleurs, vous ne le retrouvez pas, puis c'est un choix qu'on a fait, c'est un choix qu'on a fait, on n'a pas risqué une définition, parce que... Mais on a ces deux inquiétudes-là et, vis-à-vis ces inquiétudes-là, ce qu'on dit, on dit: Mme la ministre, à l'adoption de votre projet de loi, référez donc la définition au Comité consultatif, en tenant compte aussi... pour qu'il y ait un débat avec les personnes pauvres. Et, après ça, après ça, on s'entendra au Québec sur une définition commune de la pauvreté. À moins que Mme la ministre nous dise: Il y a juste vous autres, à la CSD, qui avez des réserves sur la définition. Bien là, à ce moment-là, on dira: On est les seuls à avoir le pas dans la parade, donc on va se rallier. On n'a pas de problème là-dessus. Mais, ce qu'on prétend, c'est qu'il doit y avoir un débat sur cette question et que ce serait le premier mandat, en fait, du Comité consultatif.

Votre deuxième élément sur l'autonomie du Comité consultatif, bon, personnellement pour avoir vécu, par exemple, le comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, depuis que je suis à la présidence de la CSD, depuis cinq ans, pour avoir vécu la Commission des partenaires du marché du travail, une des grandes caractéristiques pour que ça fonctionne puis que la concertation se développe, parce que, s'il y a un modèle de concertation au Québec, c'est bien ce qui se passe à la Commission des partenaires du marché du travail, pour que ça fonctionne, il faut qu'on bénéficie d'une autonomie puis d'une indépendance à l'égard du pouvoir politique. À la Commission des partenaires, par exemple, la ministre vient nous rencontrer pratiquement ? demain matin, bon, on a un conseil d'administration ? à toutes les rencontres mais pas durant toute la rencontre. Je veux dire, on fait nos débats entre nous, mais elle vient nous rencontrer trois quarts d'heure, une heure à chaque conseil d'administration qu'on a.

Mais on bénéficie donc d'une autonomie, d'une indépendance et on a l'impression, non seulement l'impression, mais on élabore, on prépare des plans d'action, des projets de loi avec la ministre, avec les ministres qui ont précédé. Et toutes les interventions qu'on fait lorsqu'ils sont présents sont toujours notées et, quand habituellement le plan d'action ou la politique est lancé, il y a un consensus qui est établi autour de ça, de façon très, très générale.

Alors, c'est un modèle qui fonctionne. Mais là, de la façon que c'est fait, la façon que c'est fait, c'est que la ministre ou le ministre va contrôler le conseil consultatif, puis ça, ça ne peut pas se faire. Il faut qu'il bénéficie d'une indépendance, d'une autonomie, et puis on ne la retrouve pas dans ce projet de loi là, puis ça nous inquiète, puis personnellement on serait très intéressé, à la CSD, de travailler sur un comité comme ça. Mais, je veux dire, dans le cadre tel que c'est fait, je ne sais pas si on irait. Je ne sais pas si on irait, parce que le comité n'aura pas cet espace qui lui est nécessaire. Alors, si on veut apporter notre collaboration au débat dans la société, il faut être capable de bénéficier de cette indépendance et de travailler après ça avec la ministre ou le ministre qui est en poste.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je veux revenir brièvement sur ça parce que je pense que vous faites une comparaison qui peut être difficile à faire. Vous comparez le comité de ? comment on appelle ça? ? les partenaires, le comité des partenaires du marché du travail qui regroupent les syndicats puis les employeurs, finalement deux...

M. Vaudreuil (François): ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Ça regroupe les gens de l'éducation. Ça regroupe ? et je parle, bon, des commissions scolaires...

M. Sirros: Les instances gouvernementales qui exécutent les programmes avec les autres partenaires: les employeurs et les employés...

M. Vaudreuil (François): Les groupes communautaires.

M. Sirros: Et les groupes communautaires.

M. Vaudreuil (François): Oui.

M. Sirros: Mais, moi, je pense qu'un comité consultatif... En tout cas, à moins que vous réclamiez le changement de... l'instauration d'un groupe de partenaires quant à la lutte à la pauvreté plutôt qu'un comité consultatif. Là, ce serait plus clair pour moi parce que, un comité consultatif, c'est un comité consultatif. On a un groupe de personnes qui oeuvrent sur le terrain, qui donnent leurs conseils sur soit le fonctionnement des programmes, soit sur les orientations qui devraient être entreprises, soit sur des futurs programmes, etc. Mais le nom le dit aussi, c'est un comité consultatif, ce n'est pas une groupe de partenaires.

Une voix: ...

M. Sirros: Ce n'est pas une question de cogestion, on me fait remarquer. Et peut-être ce que vous réclamez, et ça serait peut-être intéressant de le voir, c'est un groupe qui pourrait faire de la cogestion des programmes de lutte à la pauvreté.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, si vous pouvez nous répondre assez rapidement, j'ai la députée de Joliette aussi qui a demandé la parole. M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): O.K. Oui. Donc, ce n'est pas des programmes de cogestion, là. Ce n'est pas des programmes de cogestion, mais ce qu'on veut, c'est que, d'une part, il ait une autonomie, une indépendance. On est en train, actuellement, de faire le même débat avec M. Rochon au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où M. Rochon nous consulte sur le fonctionnement futur du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Et là, au Conseil consultatif, ou CCTMO, il y a uniquement des représentants de syndicats et d'employeurs. Mais la Commission des partenaires, les groupes communautaires y sont, l'éducation. En fait, on est une vingtaine autour de la table, là, de différents milieux et on est uniquement cinq du côté syndical, sur une vingtaine. Donc, c'est une représentation de la société civile.

Mais ce qu'on a vécu au Québec ? et ça, c'est un exemple, à notre avis, qu'il faut tenir compte, en termes d'indépendance à l'égard du pouvoir politique ? est de travailler, d'être consultés sur l'élaboration, sur la préparation des politiques et des plans d'action. Puis, à notre avis, ça, ça fait partie d'un... Bon. C'est peut-être une conception plus large de ce que l'on retrouvait traditionnellement dans notre société au niveau des comités consultatifs. Mais, nous, on pense que c'est une formule participative, et puis c'est la formule gagnante. C'est la formule gagnante. Puis l'exemple que je vous donne, c'est les travaux de la Commission des partenaires du marché du travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste à peine trois minutes. J'aurais besoin cependant d'un consentement pour céder la parole à la députée de Joliette, madame a été remplacée ce matin. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Sirros: Si je pourrais avoir un consentement pour poursuivre juste deux minutes, Mme la Présidente, par après, moi, je n'aurais pas de problème, on donnera notre consentement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, Mme la députée de Joliette. Ah bien! moi, je ne peux pas vous garantir qu'il y aura consentement.

M. Sirros: Correct. Allez-y.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Joliette. De Joliette, oui, c'est ça.

Mme Lespérance: Joliette. Alors, merci beaucoup. Je suis très heureuse d'avoir entendu votre point de vue, parce que j'ai travaillé de concertation pendant des années avec différents syndicats, autant les syndicats des infirmières ou les CSN, et une chose que je trouve intéressante, c'est l'ouverture d'esprit que vous manifestez pour trouver des solutions durables.

n(17 h 10)n

Donc, dans la mesure où vous dites effectivement que la loi ne va pas assez loin, moi, je vous rejoins personnellement puis l'Action démocratique vous rejoint aussi, dans les sens où, nous, on pense que la loi doit aller plus loin et doit garantir, à l'intérieur de sa loi, ce qu'on appelle un revenu de citoyen. Elle doit garantir aussi des droits et des obligations envers le citoyen. Et, dans ce cadre-là, ce qui est intéressant, c'est que la question que vous a posée Mme la ministre rejoint aussi ma préoccupation. Ça veut dire que, lorsque l'État s'engage effectivement à donner un revenu de citoyen, l'État, avec tous ses partenaires, doit aussi s'engager à trouver des solutions durables pour que ces gens-là puissent réintégrer le monde du travail. Et actuellement on n'a pas beaucoup d'ouverture d'esprit de par, effectivement, les mouvements syndicaux pour intégrer ces gens-là. Qu'on prenne juste ce qu'on vit dans tout le secteur public, où les gens sont épuisés. Je suis d'accord avec vous qu'on ne doit pas utiliser... ces gens-là ne doivent pas devenir du «cheap labor» et qu'on doit se mettre des balises de sécurité, un plancher d'emploi...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, Mme la députée de Joliette, si vous avez une question, ce serait important de la poser, parce qu'il reste une minute. Si vous voulez une réponse, là.

Mme Lespérance: Alors, collectivement, je pense qu'on peut faire des choses, mais concrètement une de mes questions qui me vient en tête, c'est: Vous autres, en tant que syndicat, est-ce que vous avez pris déjà des mesures concrètes pour aider le membre individuel qui vit actuellement, dans notre régime, une situation de pauvreté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très rapidement, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Je dirais qu'on ne fait que ça à tous les jours. On ne fait que ça à tous les jours. Mais, quand je parlais de situation de pauvreté, puis là où on a des problèmes... L'exemple que je donnais tantôt de certains syndicats ? et ce n'est pas juste à la CSD, dans d'autres centrales syndicales aussi ? qui ont abandonné leur régime d'assurance collective... Je vous donne l'exemple du transport scolaire. Avec les réductions qui ont été faites du transport scolaire, quand les entreprises viennent pour négocier leur convention collective, les gens ont le choix: ou bien donc ils maintiennent leur régime d'assurance collective en diminuant leurs salaires ou bien donc, je veux dire, ils se départissent de leur régime d'assurance collective. Ça fait que, je veux dire, on n'est même pas capable, dans des situations comme ça, de maintenir un minimum décent. Ça fait que, quand vous me demandez, à tous les jours, ce qu'on fait, c'est évident, par toutes nos actions, c'est ce qu'on fait. Mais, je veux dire, on est interpellé à différents niveaux, puis il y a des endroits où on n'est pas capable de les atteindre, peu importe la centrale syndicale. Puis on se retrouve dans ces situations-là. Ça fait que, quand je disais que, au cours de la dernière année... les «working poor» qui se sont développés, ça, c'est un phénomène qui est très malheureux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, c'est sûr, on a un peu dépassé le temps. M. le député de Laurier-Dorion, vous aviez demandé s'il y avait consentement pour une précision. Si c'est rapide, parce qu'on a un prochain groupe qui est déjà...

M. Sirros: Sur la clause d'impact, la façon que vous la voyez, et... En tout cas, si vous voulez élaborer un petit peu plus sur la nécessité d'une clause d'impact. Je ne veux pas abuser du temps de la commission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Bien, pour nous, une clause d'impact, c'est une question... Bon. La CSD loge à l'enseigne de la lutte aux inégalités sociales puis la société où il y a le plus de justice sociale. Quand on regarde les effets, par exemple, pas de l'évaluation, mais du... des impacts... de l'étude des impacts économiques qui sont faits depuis 1996, ça a eu des répercussions au niveau social qui ont été coûteuses pour des milliers de femmes et des milliers d'hommes au Québec. Et ce qu'on dit, c'est que dorénavant on devrait mettre dans la machine, quand on fait nos analyses, quelle conséquence, quand on adopte une mesure comme ça, que ça va avoir sur le monde, hein? Parce que les députés sont élus par le monde, en principe pour le monde puis pour veiller aux biens communs de la société.

Ça fait que, pour nous, c'est excessivement important qu'il y ait une clause d'impact. Et puis ce qu'on retrouve dans le projet de loi nous a terriblement déçu, à l'effet que la ministre ou le ministre va tout simplement informer les autres ministres du gouvernement. C'est nettement insuffisant, nettement insuffisant. On a mis sur pied des comités de déréglementation qui se sont traduits après ça par des comités d'allégement réglementaire. Puis ça, on en était puis... On en était et on en est d'accord. On est encore là, on est d'accord avec ça. Mais il faut passer ça sous le filtre, hein, il faut ajouter un nouveau filtre des impacts sociaux. Et là il y a peut-être des gestes qu'on a posés par le passé qu'on ne poserait pas, puis il y aurait moins de gens qui souffriraient de situations qui ont été très pénibles au cours de la dernière décennie. Donc, pour nous, c'est absolument nécessaire, hein? S'il y a une nécessité, c'est bien qu'il y ait une clause d'impact social dans la loi pour qu'on puisse mesurer les impacts que ça va avoir sur le monde qui souffre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, on a largement dépassé. M. Vaudreuil, M. Pépin, merci de votre participation aux travaux de cette commission. Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

 

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Désilets): On peut reprendre nos travaux? On serait rendus, là, au Projet Genèse. Je demanderais à M. Daren Laine...

Projet Genèse

Mme Laine (Daren): Daren Laine.

Le Président (M. Désilets): Ah! Mme Daren Laine, madame. Vous pouvez présenter votre équipe, les gens qui vous accompagnent?

M. Lévesque (Denis): Simplement pour vous dire qu'il y a une quatrième personne qui s'en vient nous rejoindre, qui est Mme Denyse Lacelle, qui se débarrassait de la voiture quelque part pour nous rejoindre. Moi, je suis Denis Lévesque. Je vais vous présenter rapidement les gens qui sont avec moi.

Le Président (M. Désilets): S'il vous plaît.

M. Lévesque (Denis): Alors, vous avez déjà nommé Mme Daren Laine, qui est membre du Projet Genèse; M. Khokon Manirazzuram, que, par voie de simplicité, en toute amitié, on appelle Manir ? et ce sera peut-être plus facile pour vous aussi.

Rapidement, comment on pensait procéder, c'est d'abord vous présenter brièvement le Projet Genèse lui-même; ensuite, permettre à Manir de vous présenter un peu le contexte de notre mémoire et de grands enlignements sur la lutte à la pauvreté. Et, ensuite, Daren va y aller par des exemples plus spécifiques. Et, enfin, on va aborder peut-être plus des changements concrets qu'on verrait nécessaires dans la loi.

Le Président (M. Désilets): O.K. La façon de procéder, vous avez 15 minutes pour présenter votre projet; après ça, c'est 15 minutes pour chaque groupe parlementaire.

M. Lévesque (Denis): Parce que, là, j'avais une demande à faire. Manir et Daren sont plus à l'aise dans la langue anglaise. Est-ce que toutes les personnes ici présentes comprennent bien cette langue-là? Est-ce que c'est possible pour eux de s'exprimer en anglais?

Le Président (M. Désilets): Oui, c'est possible.

M. Lévesque (Denis): Si ce n'est pas possible, bien, on pourrait s'arranger pour une traduction libre, à mesure.

Le Président (M. Désilets): Oui, vous pouvez disposer.

M. Lévesque (Denis): Alors, rapidement, je vais simplement présenter le Projet Genèse avant de passer la parole à Manir. Le Projet Genèse est un organisme communautaire qui est installé dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, donc un quartier extrêmement multiethnique. En fait, je pense que c'est le quartier le plus multiethnique au Canada. Mme Denyse Lacelle, qui est aussi employée du Projet Genèse.

Le Président (M. Désilets): Enchanté, madame. Bienvenue.

M. Lévesque (Denis): Alors, le Projet Genèse travaille principalement avec les personnes à faibles revenus dans le quartier Côte-des-Neiges, comme je vous dis, des personnes de toutes les origines, de tous les pays. On travaille tous ensemble pour tenter d'améliorer les conditions de vie dans le quartier. Ce qui nous amène, d'une part, à offrir certains services d'information sur les programmes sociaux et les droits des personnes et d'intervenir aussi, dans des modes plus collectifs, sur des enjeux sociaux importants, comme la santé, le logement, l'aide sociale, les pensions de vieillesse, l'immigration ? juste pour vous donner un aperçu de ce qu'on fait.

n(17 h 20)n

Alors, aujourd'hui, on est venus parler plus spécifiquement de la lutte à la pauvreté. C'est un sujet qui nous concerne beaucoup. Puis, pour ça, pour débuter, je vais passer la parole à Manir qui va présenter quelques orientations de base.

M. Manirazzuram (Khokon): First of all, I apologize for speaking English. My French is not good enough, so I hope you will please forgive me.

You know, if you ought to fight poverty, there are other things which need to be taken into account which are not really fully covered in the draft law. We see that the conditions of work which include the standards of work: the minimum salary, the right to form unions, creation of employment, substantial improvement in the law relating to security of revenue, and a healthcare system which is public and of good quality, and adequate provision for social housing... We also note that there is a scope for substantial improvement in the law, particularly what you call giving a «loi cadre», which means, you know, we would say that it is... Also, it can be said that it's a clause to impact. That means we would like to see that any law that the Government proposes should have an impact study as it relates to the poverty situation.

We take the example of realizing in the sense that, when some big projects are undertaken, it can be like a big dam construction, a road construction or other kinds of big projects, an assessment for environmental impact is undertaken. So, similarly, we suggest that, for any law that the Government proposes, before it is finally approved, then we need to undertake an impact study to see how the poor people will be affected by the proposed law. So, I now pass on to Daren Laine who will give specific examples of what we mean by the things that we have just said.

Le Président (M. Désilets): Mme Daren Laine.

Mme Laine (Daren): Daren Laine.

Le Président (M. Désilets): O.K. C'est pour les fins d'enregistrement qu'on doit permettre de dire leur nom avant que vous puissiez commencer à nous expliquer les raisons de votre venue, votre mémoire.

Mme Laine (Daren): O.K. My name is Daren Laine from Project Genesis, and one of the committees I sit on is social welfare, the other one is social housing. I am one of the lucky people who live in a HLM, but I still suffer from some of the laws concerning poverty because, for instance, in December 1999, it was decided by the Québec Government that they would give an increase of $0.46 a month to people on welfare and the MNAs at the same time had voted for $10 000 increase that year for themselves. In actual fact, letters were sent out to the people who were able to work to return that $0.46 a month increase. And that was bad enough but, on top of that, medicare benefits were decreased and, for instance, I've been sick in the past two and a half months and I had to spend, this year, $56 on antibiotics where, last year, most of these, I would have had to spend only $12, because many of the drugs that were OK'd last year have been taken off the list as being paid for this year by welfare.

The other problem is: in working, we were allowed $200... I was allowed 200 $ extra not to declare on my welfare, and that was all right, except that when I gave them the amount of money that I had earned, they had to study it. So they held back the cheque for one month to study the 200 $ I had earned, that I had claimed, and we don't receive explanations about why we're not receiving our money. So, in the bank, I already have pre-authorized cheques for Bell Canada and for my rent to the HLM, and, of course, expecting the cheques on a regular basis, I wasn't prepared to pay the $32 for the two cheques that bounced, and $32 out of $600 for the month is a tremendous amount of money, besides the fact that I had to find out what had happened.

So, these are the two major problems at the time, but, I think, for poor people, when they see that even $0.46 a month was considered... it's not even the price of a stamp ? there's no word to describe the horrible feeling a person receives who has so little money in the first place. And then, when they read in the papers how much money the MNAs had voted for themselves, with the other benefits they have, it's so demoralizing that poor people feel like they're not part of society anymore and they're not cared for by anyone, nobody cares about them.

And, for those who aren't in social housing, I know I didn't... Ten years ago, I wasn't in social housing and I was on welfare, and, today, I don't know how I would have survived. Definitely, I would not have had the $56 to pay for my medication and perhaps not even the $32 for the telephone which is the basic rate today for a telephone.

So, I'm here not speaking only for myself, but for those who ? the majority ? live in private housing and have all the other problems. The $0.46 ? I still can't believe it when I say it because it costs $0.47 for a stamp to send out ? to tell us, to please, that you're not going to get the $0.46 anymore. So, I am here just to say how... just to give those two examples, unless I think of others later, but those were the two major things at the moment that I was asked to bring to you. Thank you very much.

Le Président (M. Désilets): Merci, Mme Laine.

M. Lévesque (Denis): Juste pour...

Le Président (M. Désilets): On poursuit avec Mme Lacelle, peut-être?

Mme Lacelle (Denyse): M. Lévesque.

Le Président (M. Désilets): Non?

M. Lévesque (Denis): M. Lévesque.

Le Président (M. Désilets): M. Lévesque.

M. Lévesque (Denis): Donc, juste pour résumer brièvement les propos de Manir et Daren, ce qu'il faut retenir, c'est qu'on pense qu'il convient d'avoir une intervention plus large pour lutter contre la pauvreté que simplement ce qui est porté par le projet de loi. Donc, c'est pour ça que Manir a énuméré beaucoup d'aspects aussi qu'on trouve extrêmement importants, et je pense que les exemples apportés par Daren aussi soulignent qu'il faut revoir en profondeur toute la loi d'aide sociale, qui n'est vraiment pas nécessairement une aide à sortir de la pauvreté de la manière dont elle est faite actuellement.

On voudrait aussi poursuivre peut-être sur les éléments du projet de loi qui nous semblent nécessiter des modifications. Notamment, il y a toute la question des indicateurs de la pauvreté. Dans le projet, c'est indiqué qu'il y aurait un comité qui serait chargé d'étudier différentes manières d'évaluer ou de mesurer la pauvreté et que le ministre aurait toute liberté de choisir, finalement, les indicateurs parmi ceux qui sont proposés par ce comité-là.

n(17 h 30)n

Nous, on pense que des indicateurs, il y en a déjà plusieurs, puis on ne pense pas que c'est heureux comme choix de simplement laisser le ministre choisir, selon les options politiques ou les orientations qu'il aura décidées, qu'est-ce qui est la meilleure manière de convenir de mesurer la pauvreté. À notre avis, peu importe la manière qu'on choisit, il y a quand même des grandes façons de voir ça. C'est assez clair quand même qui est affecté par la pauvreté. Nous, on n'a pas besoin de demander aux gens leurs revenus puis tout leur... quand ils rentrent au Projet Genèse, il y a des bonnes chances qu'ils viennent nous voir et qu'ils sont en situation de pauvreté. Mais si un comité se penche et évalue qu'il y a une manière plus pertinente qu'une autre de le mesurer, bien, que ce soit cet indicateur-là qui soit retenu, et pas nécessairement simplement le choix arbitraire du ministre qui sera en place à ce moment-là.

D'autre part, à travers tout le projet de loi ainsi que, aussi, la stratégie nationale qui a été présentée en même temps et à laquelle le projet de loi fait référence, on retrouve constamment la fameuse distinction entre les personnes aptes au travail et les personnes inaptes au travail. Alors, on pense, nous, que cette distinction-là, elle est complètement inopportune et arbitraire, d'une part; et, d'autre part, elle engendre elle-même des problèmes de discrimination importante. Je dirais même qu'à la limite elle entraîne de la pauvreté pour plusieurs personnes.

Le Président (M. Désilets): M. Lévesque, il nous reste à peu près une minute pour conclure.

M. Lévesque (Denis): Oui. Peut-être... Je ne sais pas si... Denyse, veux-tu...

Mme Lacelle (Denyse): Oui, je vais conclure.

Le Président (M. Désilets): Alors, Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Oui, Mme Denyse Lacelle, organisatrice communautaire au Projet Genèse. Alors, dans la minute, ce qu'on veut rajouter par rapport à ça, c'est que, si on veut être sérieux avec un projet de loi qui porte sur la lutte à la pauvreté, il faut y mettre des moyens, de un; il faut y mettre des engagements concrets, de deux. La population a plusieurs bonnes raisons d'avoir de moins en moins confiance en ses gouvernements, parce que ça ne vaut pas juste pour celui du Québec. Si le gouvernement veut être convaincant dans sa volonté de lutter contre la pauvreté, il doit prendre les engagements clairs qui vont, demain matin, changer de quoi sur la quantité de margarine qu'on peut mettre sur nos toasts. C'est la première chose.

Deuxièmement, au-delà d'engagements clairs et immédiats et urgents, il faut qu'une stratégie, un plan d'action de lutte à la pauvreté, soit dotée de réels moyens. Cela suppose qu'on ne remette pas en balance la lutte à la pauvreté avec les autres priorités nationales qui sont le maintien du déficit zéro et l'engagement de continuer à baisser et à baisser et à baisser toujours plus les impôts tant des particuliers que des entreprises. Pour nous, ce sont là deux objectifs incompatibles et, comme société, il faut trancher. Si on maintient la première orientation, la deuxième, c'est des farces. Voilà.

Le Président (M. Désilets): Bon. On vous remercie beaucoup. Je laisserais la parole maintenant à Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, Mme Léger.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs, dames. Welcome here. Je suis un petit peu impressionnée par la conclusion, un petit peu abasourdie, je pourrais dire, par la conclusion, en nous disant qu'on n'est peut-être pas sérieux. Alors, je pense qu'on est sérieux. On est ici actuellement en train de travailler sur un projet de loi, n° 112, qui est la loi sur la lutte contre la pauvreté. On a eu plus de 160 mémoires à être déposés ici.

Ce n'est pas tout d'avoir la volonté gouvernementale ou des groupes sociaux communautaires. Il faut aussi une mobilisation collective. Et ça ne dépend pas juste d'un gouvernement de faire cette lutte contre la pauvreté, mais ça dépend aussi du monde syndical, du monde patronal, de la société civile et de tout le monde du Québec. Alors, je pense que c'est important de vous dire ça.

D'autre part, on nous dit beaucoup, dans la lutte contre la pauvreté, que ce n'est pas tout de faire une loi, mais il faut une stratégie qui soutient tout ça et il faut aussi un plan d'action. Je peux comprendre que vous aimeriez qu'un plan d'action puisse avoir été nécessairement dans la loi, qu'on aurait pu y voir des mesures, tout de suite, urgentes et criantes. Il y en a des mesures urgentes et criantes qui ont été mises sur place. Je parle juste de celui des logements. Même si nous sommes en pénurie de logements telle quelle, particulièrement à Montréal, parce que c'est dans la Côte-des-Neiges, de ce que j'ai pu voir de votre groupe, du Projet Genèse, il y a des choses qui sont sur la table.

On a quand même 43 % des gens qui ne paient pas d'impôts au Québec. Il faut que j'écoute aussi puis, comme gouvernement, on doit aussi écouter les 57 % des gens qui paient de l'impôt et qui nous disent qu'on en paie déjà beaucoup d'impôts, même si on y a mis pas loin de 11 milliards de baisses d'impôts depuis que nous sommes là au pouvoir.

Alors, j'aurais beaucoup de réponses à vous donner à ce que vous m'avez apporté tout à l'heure, mais là n'est pas la question. J'ai d'autres questions à vous poser. Particulièrement, bon, je suis heureuse que vous puissiez être ici parce que vous avez plus de 25 ans, je pense, le Projet Genèse, d'expérience. Je vois, dans votre mémoire, que vous vous dites un organisme qui oeuvre auprès de plusieurs communautés culturelles, je pense que c'est plus de 125, 135, vous avez dit dans votre mémoire où vous êtes situé dans Côte-des-Neiges particulièrement.

Vous avez parlé dans votre mémoire, vous abordez la question des territoires de concentration de pauvreté. Vous n'avez pas eu le temps tout à l'heure tout à fait d'en parler, là. Cela retient mon attention particulièrement sur... Vous avancez que cette approche territoriale là, il conviendrait de faire un bilan honnête de l'approche des quartiers ciblés et sensibles de Montréal. Et vous ajoutez que votre expérience ne permet pas de croire que les résultats soient si concluants, des quartiers sensibles que je parle.

Nous souhaiterons vous entendre un peu plus sur cette question-là, dans le sens: Comment vous... Pourquoi vous êtes sceptiques à l'égard particulièrement des quartiers sensibles à Montréal? Parce que, ça, c'est une entente que nous avons avec la ville de Montréal, nous, particulièrement pour développer de l'action plus locale, donc des stratégies plus locales avec des groupes communautaires, avec des partenaires. Parce que chaque projet qui a été étudié dans les quartiers sensibles, 11 quartiers sensibles à Montréal, ça ne veut pas dire que ce n'est que là qu'il y a de la pauvreté là, mais c'est 11 quartiers sensibles et c'est pour davantage venir soutenir des projets qui sont bien particuliers, bien spécifiques dans ces territoires-là.

Le Président (M. Désilets): Mme Denyse Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Oui, Denyse Lacelle. On ne prétend pas pouvoir vous offrir un bilan, si c'était le cas, on n'aurait pas dit: Il faudrait faire le bilan. Mais on a quelques impressions à voir, des projets qui se sont développé sur notre territoire dans Côte-des-Neiges, comme dans d'autres quartiers. Il y a de tout là-dedans, de tout: des projets bien, bien intéressants puis de la bouillie pour les chats aussi. On fait partie des organismes qui sommes intervenus auprès du ministère de la Métropole dès le départ avant que le projet soit officiellement annoncé pour mettre de l'avant qu'il y ait des critères de sélection importants, ce qu'évidemment la ville n'avait pas l'air de vouloir défendre. Il y avait des intentions de la municipalité qui nous inquiétaient fort, puis on a insisté pour que Métropole ne fasse pas juste transférer l'argent mais pour que Québec ait son mot à dire et c'était finalement le cas. On en est fort heureux parce que ce n'était pas parti de même.

Par ailleurs, on fait face à une situation où est-ce que les groupes communautaires de façon assez systématique sont sous-financés et donc se garrochent avec n'importe quel projet qui pourrait fitter avec n'importe quel programme de subventions sans nécessairement que les projets soient ceux qu'autrement on identifierait comme étant prioritaires pour nos quartiers pour nos villes.

Le programme des quartiers sensibles est arrivé comme ça celui-là aussi. Donc, on s'est empressé de ficeler toutes sortes de propositions qui avaient l'air de fitter avec le genre d'affaire que le gouvernement voulait financer, mais, si on nous avait demandé notre avis sur: Ce serait quoi un bon programme pour intervenir localement sur la pauvreté, ce n'est peut-être pas ça qu'on vous aurait proposé. C'est sûr que, d'élargir les possibilités d'une cafétéria communautaire, d'intervenir puis de rejoindre plus de monde, ce n'est pas une mauvaise chose. Ce n'est pas un mauvais projet. Ce n'est pas quelque chose de répréhensible. Mais, est-ce que c'est la meilleure chose à faire si on veut éviter de prolonger la dépendance face à des cafétérias communautaires? Il y a lieu de se questionner. On ne dit pas que ce n'est pas bon. On dit: Il y a des questions à se poser. Est-ce que de... Un des critères de ces programmes-là, c'est que les projets soient pondus en partenariat avec le maximum de partenaires possible. Bien, s'il y a un mot qui est à la mode depuis quelques années, c'est bien celui-là au point d'en avoir perdu beaucoup de son sens. Ça fait que tu as toutes sortes de groupes qui se sont garroché des projets ensemble, mais sans avoir nécessairement eu l'occasion d'approfondir leurs liens, de rendre cohérente leur culture d'intervention puis que ça donne après ça en chemin toutes sortes de problèmes parce que ce n'était pas ça que l'un puis l'autre avait compris. C'est juste quelques exemples pour vous dire qu'on n'est pas sûr que c'est une bonne idée, la manière que ça marche, la manière qu'il y a les appels de projets.

L'autre affaire sur l'intervention territoriale, on est fort conscient que, de concentrer des énergies sur un territoire donné, ça peut donner d'excellents résultats. Ça a été le cas notamment dans notre quartier avec, il y a plusieurs années, la politique de la municipalité d'achat systématique d'immeubles dans des rues qui faisaient dur, notamment la rue Barclay, où est-ce que la ville a acheté bien, bien, bien des blocs. Ça l'a permis de régler, par une intervention d'ensemble, des problèmes de criminalité, de toxicomanie, ainsi de suite qui étaient importants. Ceci dit, cette intervention-là sur la rue Barclay, elle exclut d'une intervention ou d'un soutien le monde de la rue Plamondon juste à côté. Il y a des problèmes avec ça aussi. Où est-ce que tu traces la limite? À partir de quel poteau de téléphone? Entre tel puis tel, on va t'aider puis tel puis tel autre, on ne t'aide plus, alors que tu vis des situations qui sont absolument pareilles. Il y a des problèmes avec ça. Ça fait qu'il y a des limites à l'approche territoriale. Mais je ne voudrais pas qu'on passe trop de temps là-dessus, mais peut-être plus appeler à ce qu'on puisse en discuter davantage dans un autre moment.

Le Président (M. Désilets): Mme la ministre.

n(17 h 40)n

Mme Léger: Oui. Est-ce que vous avez... sur le territoire Côte-des-Neiges, comment vous la voyez, cette lutte contre la pauvreté là, telle quelle, d'une façon plus locale?

Le Président (M. Désilets): Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): En fait, notre approche n'est pas tellement locale, vous l'aurez constaté à lire notre mémoire. On ne se prend pas pour un groupe national mais quasiment. Notre point de vue, c'est que, oui, il faut tenir compte des spécificités locales et régionales puis le restant du Québec nous attendrait avec une brique puis un fanal si on disait qu'il ne faut pas tenir compte des besoins des régions. Mais notre point de vue, c'est que, d'abord et avant tout, avant d'adapter des programmes à des réalités locales ou régionales, il faut d'abord et avant tout avoir des programmes de qualité qui répondent à tous.

Oui, c'est intéressant d'avoir des agents d'aide sociale qui sont mieux formés sur la Loi de l'immigration dans un quartier comme le nôtre puis qui ne demandent pas l'IMM1000 à tort et à travers à n'importe qui qui n'est pas blanc, tu sais, en disant: Tu es peut-être un réfugié, tu n'as pas droit. Bon. C'est important chez nous de former les agents de l'aide sociale à cette réalité-là, puis ça l'est peut-être moins en Beauce-Sud. Mais ça prend d'abord un bon régime d'aide sociale et, pour nous, la priorité, elle est là.

Oui, ça peut être intéressant de pouvoir intervenir sur les paramètres d'AccèsLogis pour que, dans le quartier Côte-des-Neiges où est-ce qu'on a des grosses familles, on puisse avoir des subventions qui s'ajustent pour pouvoir faire des grands logements. Mais d'abord, ça prend AccèsLogis, puis ça prend AccèsLogis avec pas mal plus de budget que ça a. Donc, notre approche, elle est d'abord là: assurer la base pour tout le monde puis, après ça, on parlera des détails qu'il faut ajuster dans une place puis dans une autre.

C'est sûr qu'à cause de la particularité de notre quartier on va intervenir sur l'importance, par exemple, d'accélérer les processus de reconnaissance des diplômes acquis à l'étranger et des expériences acquises à l'étranger puis des pressions sur les corporations professionnelles, ce qui va être moins une préoccupation dans Hochelaga, mettons. Oui, il y a des affaires comme ça. Mais, d'abord et avant tout, ça prend de la création d'emplois puis une meilleure place pour tout le monde.

Le Président (M. Désilets): Merci, Mme Lacelle. Mme la ministre.

Mme Léger: On manque de temps, madame a beaucoup de choses à dire de ce que je peux voir. Alors, je vais laisser mon collègue pour qu'il ait le temps aussi de pouvoir poser des questions.

Le Président (M. Désilets): Oui, M. le député de Vachon.

M. Payne: I am going to seize the opportunity, Mr. Speaker, rare that it is, to speak in English. If you have expressed the wish to address us in English, I'd be happy to share a few ideas with you. You congratulate the PQ Government for its efforts in the last seven or eight years intervening in the Housing allocation allowances, Medication Insurance Program, the development of the $5 day care. And you say: «Une chose est claire de l'intervention gouvernementale au cours de ces deux mandats du Parti québécois: une volonté de soutenir le passage de l'aide sociale à l'emploi et de soutenir le revenu du ménage travailleur à faibles revenus.»

But what follows is, I have to say, a little bit of misinformation. You say that, and I translate, in 2002 you have to pay now for «assurance médicaments», for Medication Insurance. Tell me if I'm wrong but it's my information that one does not have to pay, somebody who is inapt, unable to work, does not pay any franchise. But that's not what you say in your brief. You can answer in a second if you wish. But it's important because I hear these things on the radio, specially in English, and it's misinformation because I think the figures are something like 1.4 million beneficiaries of this program who didn't have insurance before who now have insurance. So, it's a major step forward. One can discuss the merits of it, but the facts are indisputable in terms of the coverage.

Une voix:...

M. Payne: They tell me it's not 1.4 million but 1.7 million, even more, which is very impressive.

Then, you go on to tell about the reduction of jobs ? cela va plaire à l'ADQ, écoutez ça. «C'est pourtant ce que fait le gouvernement du Québec avec constance depuis des années, que ce soit par les coupures dans le nombre de ses propres employés.» But it's not my experience that the Government has been cutting jobs. There's been a degree of attrition. I think there's a general consensus in society that we should limit the size of the State, of Government whether it's in Alberta, whether it's in Saskatchewan, whether it's in California or Florida. There's a general tendency to reduce the weight of that. I can take that a little bit, but I don't think it's quite true.

But what I find very, very problematic is that you deplore the lay-off in places like, you say, Nortel, Pratt & Whitney, Canada Bombardier, GM, Vidéotron, almost as if the Government had a certain responsibility to maintain these jobs. And the insinuations, subtle though it might be, which I'm getting from your brief, is that we should support these jobs artificially.

What we are trying to do in this commission is to perceive and favor, nurture if you like, a consensus in society around the question of poverty and social exclusion. But I think it would be difficult if we put into that equation a necessity for a government to support jobs artificially.

And when you say that it's regrettable, very regrettable that the Government didn't table at the same time an action plan at the same time as we tabled the bill, I would have thought that was very disingenuous to the democratic process. We have a bill and your presence here is a good indication of the hearings that are going on, it's precisely because of that to those hearings that we can prepare together, all members of this House and with you, from the consensus which has been established, that kind of action plan.

Would you like to comment on some of the things I've brought up?

Le Président (M. Désilets): Mme Denyse Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Sur l'assurance médicaments, nous reconnaissons que la mise en place d'un régime général d'assurance médicaments est une excellente chose. Il n'y a aucun doute là-dessus. Cependant, c'est un des programme... puis vous le savez très bien, on est venu ici, puis à plusieurs reprises, et dans la rue devant pour dire que c'est bon, mais il y a deux bogues. Le premier, c'est que le monde qui sont en meilleure santé puis qui ont les moyens de payer des plus grosses contributions, on les laisse au privé, hein. Nous avons une assurance collective à mon travail, la compagnie privée qui encaisse mes primes encaisse mes primes les débourse rarement pour mes pilules; une fois en 10 ans. Ça, c'est un problème.

Et deuxièmement, les personnes à très faibles revenus qui autrefois voyaient la gratuité des médicaments ou presque, dans le cas des personnes âgées, ne l'ont plus maintenant. Suite à beaucoup de pressions et à des études qui ont démontré le catastrophisme de la chose, le gouvernement est revenu en arrière et a rétabli la gratuité pour les personnes assistées sociales inaptes au travail, qui sont sur le Programme de soutien financier. Mais les gens qui sont à plus faibles revenus encore, qui ont les plus petits chèques, qui ne sont souvent pas en bien meilleure santé, loin de là, doivent toujours payer. On voit du monde qui disent: Si j'ai besoin d'antibiotiques le 28, c'est bien de valeur mais je toffe jusqu'au 1er sans mes antibiotiques parce que le 28, je ne l'ai plus, le 16 $.

M. Payne: C'est 8 $ par mois, hein.

Mme Lacelle (Denyse): Seize: 8 de coassurance et 8 de franchise. Ça fait 16.

M. Payne: Pour les aptes au travail, c'est 8 $ par mois.

Mme Lacelle (Denyse): Non, c'est 16.

M. Payne: Qui est subventionnable aussi.

Le Président (M. Désilets): En tout cas, Mme Lacelle, je vous dis que le temps est écoulé. Il nous resterait maintenant la période de...

M. Sirros: ...et je remercie d'ailleurs le député d'avoir amené ce sujet. Welcome. Interesting discussion. Mais j'aimerais juste finir la discussion sur ça parce que ça, c'est un de mes bogues aussi. Je trouve ça complètement inacceptable qu'on ait fait quelque chose qui est allé couvrir des personnes qui n'avaient pas quelque chose mais en le faisant, on a découvert d'autres personnes qui sont les plus vulnérables.

Alors, 16 $, il faut tenir en tête que c'est sur 530. 8 $... Quoi? Le député me dit non. Je veux juste rétablir que, pour la réalité des choses, et c'est confirmé par les gens qui le vivent sur le terrain, les personnes qui sont aptes au travail sans contrainte à l'emploi qui sont sur l'aide sociale, prenons l'exemple d'une personne seule dans cette catégorie, la personne reçoit 530 $ par mois puis, si elle est malade, elle va défrayer 8 ou 16, là, 16,60 et quelque chose par mois sur 530. Alors, prenez le pourcentage que ça représente pour une personne puis vous allez comprendre le choix douloureux dans lequel sont placées les personnes.

Et quand, de surcroît ? et là, sur ça, je me choque chaque fois que je l'entends ? quand, de surcroît, on justifie cette mesure, ce choix que le gouvernement a fait par un appel à l'équité envers les travailleurs à faibles revenus en disant: Bien, c'est juste équitable, il faut que tout le monde mette la main dans la poche ? et ce n'est pas plus tard qu'hier qu'on a eu ce genre d'argumentation de la part de la ministre ? je sors de mes gonds. Je ne comprends plus rien parce que ce n'est pas ma conception de l'équité de dire à quelqu'un qui est déjà incapable de subvenir à ses besoins essentiels: Il faut que tu sois équitable. Paie davantage, donc crève davantage. Excusez cet écart de langage. Mais, premièrement... Bon. Cela étant dit, je ne peux pas m'empêcher parce que je trouvais que le député ouvrait grand la porte...

n(17 h 50)n

Une voix: ...

M. Sirros: Qui n'a pas dit ça? Je m'excuse, la députée me dit que ce n'est pas ça qu'elle a dit. La personne nous dit qu'il y a 16 $ par mois qui sont payés par les personnes qui sont sans contraintes à l'emploi, qui reçoivent de l'aide sociale. Ce que j'ai dit par rapport à la défense, c'était mot à mot presque ce que la ministre nous a dit hier, ce que M. Rochon, qui a instauré le programme, nous a répété ad nauseam quand il l'instaurait, quand on lui faisait remarquer, dès le début, que c'est inacceptable de faire ça. C'est une bonne chose d'avoir un régime d'assurance médicaments, personne ne le remet en question, mais on ne peut pas dire que c'est parce qu'on a fait quelque chose de bien, ça nous justifie de faire quelque chose de mal. Et c'est quelque chose de mal qui a été fait par rapport à certaines clientèles. Ça, c'est sur le sujet de l'assurance médicaments parce que, vraiment, et ce n'est pas pour rien que tous les groupes le reprennent comme une demande criante, comme une mesure urgente qu'il faut corriger.

Tous les mémoires quasiment qui sont venus ici de tout le monde réclament des mesures urgentes. Qu'est-ce qu'ils réclament? Ils réclament le rétablissement de la gratuité des médicaments pour les personnes assistées sociales, toutes les personnes assistées sociales, donc qui inclut celles qui sont sans contrainte, et les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti. Ils réclament également la création d'un barème plancher dans le sens d'avoir un seuil sous lequel il n'y aura pas de ponction qui sera faite. Et, après ça revient toute la discussion sur les besoins essentiels: Est-ce que ce barème plancher couvre les besoins essentiels ou est-ce que les besoins essentiels sont couverts par d'autres engagements que la personne entreprend?

Et ça nous amène peut-être à regarder toute la question des aptes et des inaptes que vous avez amenée sur la table comme une des choses qui, vous estimez des fois, entraîne même la pauvreté, vous avez dit.

Peut-être avant ça... Just a couple of words to those of you and forgive me for sort of deviating this way, but I felt the need to react to the notion that somehow people that are on welfare, that have no constraints towards employment, are covered by... in terms of their medication, totally; they're not.

That having been said, thanks for taking the time to sensitize us to some of these questions. Both of you, I think, made some points that are worth looking at in terms of the approach that we have for one and some of the decisions that we make here, in the National Assembly, that seem rather incongruous when put into the context that you live. And I understand that very well. I'm referring to the $0,47 and our raises. And you've touched something obviously that raised a lot of questions in a lot of people's mind. This isn't perhaps the place to explain all of it but that having been said, thank you for making those points here.

J'aimerais peut-être, dans les quelques minutes qui me restent, vous redonner la parole sur la question des aptes et des inaptes. Le programme actuel, de toute façon, est basé sur une notion d'insertion à l'emploi, comme vous l'avez bien souligné. Il y a aussi des réalités différentes que les personnes vivent, je pense on ne peut pas le nier. Ce n'est pas la même réalité qu'une personne qui a un handicap permanent, par exemple, qui l'empêcherait d'aspirer au même genre de degré d'autonomie que quelqu'un d'autre qui n'aurait pas ce genre d'handicap. Je pense vivre une réalité bien différente et il faut en tenir compte.

L'idée initiale de cette distinction était justement d'aider mieux certaines catégories de personnes. Quand vous dites que ça entraîne de la pauvreté, ça me force à vous demander: Donnez-moi des exemples, expliquez-moi, parce que ce n'était certainement pas l'intention quand ça a été instauré.

Le Président (M. Désilets): M. Lévesque.

M. Lévesque (Denis): Juste pour commenter sur une chose avant de répondre spécifiquement à votre question. C'est toujours fatiguant, quand on vient parler d'aide sociale, ici ou dans la rue ou dans les médias, parce qu'on est toujours en train de se battre et de s'obstiner pour des 8 $ puis des 16 $ alors qu'en réalité il manque des centaines de dollars chaque mois à des personnes pour boucler leur budget. On se bat pour des 0,42 $, puis des 0,46 $, puis une indexation pour suivre le coût de la vie, puis des affaires plates de même. Puis il faut mettre une tonne d'énergie pour, des fois, en gagner pendant que, d'un autre côté, on se fait couper autre chose. Et la réalité, elle est critique, c'est 537 $ par mois. Ça ne permet pas de boucler un budget avec un loyer, avec la nourriture, avec des médicaments puis avec les simples besoins de base.

Pour arriver un peu plus sur la question de apte et inapte ? et ma collègue me complétera ou mes collègues me compléteront ensuite ? vous dites: On a fait cette distinction-là pour justement aider mieux les personnes dans des choix de programmes puis tout ça. Est-ce que c'est aider mieux des personnes supposément aptes au travail de leur donner un niveau de revenu qui est encore plus faible que même le minimum nécessaire pour boucler le budget? Est-ce que c'est vraiment ça qui va les aider à se remettre sur pied, se trouver un emploi? J'en doute fort. Quand on met les gens en mode de survie parce qu'on leur coupe toutes les ressources, bien, moi, je m'étonne d'entendre que cette distinction-là, elle a été pensée pour aider les gens. J'en suis extrêmement surpris.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Permettez-moi de vous expliquer parce que j'avais quand même un petit peu la... non pas la paternité, mais j'avais quelque chose à faire avec l'idée initiale, il y a une vingtaine d'années. C'était surtout destiné à reconnaître que ceux qu'on appelle aujourd'hui des «personnes avec contraintes sévères à l'emploi» étaient catégorisés comme des assistés sociaux. Et on voulait faire quelque chose pour... faire deux choses: augmenter leur niveau de revenu et sortir cette catégorie de personnes de ce genre de stigmatisation, si vous voulez, en agissant comme une société qui reconnaît un manque d'autonomie et compense dans la mesure de ses moyens pour ce manque d'autonomie.

Restait la question des personnes avec contraintes à l'emploi et, au début tout au moins, ce n'était pas... en tout cas, je ne veux pas revenir sur l'histoire, mais c'était ça, l'objectif, c'était d'aider une catégorie de personnes. Et, si l'effet pervers est finalement que, avec le temps... Et on a vu que, hier, on nous disait que, par exemple, depuis 1995-1996 et aujourd'hui, il y a eu une diminution des revenus des prestataires d'aide sociale et, en particulier, ceux sans contrainte à l'emploi, de plus de 10 % au niveau réel à cause de la non-indexation pendant des années, etc., et des coupures, des pénalités, etc. En tout cas, c'était juste pour clarifier que l'idée, c'était d'aider au moins une catégorie et ne pas faire ce qui a été fait avec l'assurance médicaments aussi, en aidant les uns en pénalisant... par pénaliser les autres. Et, moi, je pense que mon temps est écoulé, hein?

Le Président (M. Désilets): Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Denyse Lacelle. Effectivement, monsieur, dans les objectifs de la réforme de la sécurité du revenu de 1987, on pouvait lire ces objectifs; j'étais là moi aussi. Ceci dit, ça n'a pas marché. Ça n'a pas marché pantoute. De un, on a reconnu à du monde qui n'ont pas de job, qu'il fallait répondre à leurs besoins de base puis, à d'autres, pas; de deux, les personnes considérées comme inaptes au travail ? je dis bien «considérées comme» ? des personnes qui sont classées «soutien financier» et les associations de personnes handicapées n'ont pas fait défaut de le rappeler à votre gouvernement, comme au suivant.

Il y a plein de monde qui ont des handicaps sévères, mais qui pourraient pareil travailler s'ils ne faisaient pas face, d'une part, à une discrimination systématique à l'embauche; de deux, s'il y avait du transport adapté puis l'accès universel aux bâtiments; et, de trois, un petit coup de main pour adapter des postes de travail.

Donc, c'est plein de monde qui, comme ça, pourrait travailler, et qui veulent travailler, qu'on met de côté de la société parce qu'on ne veut pas faire le petit effort comme société pour leur permettre de le faire. Ça fait que, ça, c'est un premier bogue avec le monde inapte, soit dit entre guillemets.

Pour le monde tout aussi, entre guillemets, apte, ça ne marche pas non plus, puis souvent c'est par le bout opposé. Il y a plein de gens qui ne sont pas considérés comme soutien financier par le docteur du gouvernement ou par leur docteur, mais qui, malgré qu'ils n'ont pas le bon «rubber stamp», malgré qu'ils n'ont pas le bon rapport médical ou parce qu'ils n'ont pas pu bien expliquer leur cas ou parce qu'ils ne savent pas exactement comment ça marche, bien, ils ne sont pas capables de travailler, mais ils ne sont pas dans cette catégorie-là. Ils sont dans la catégorie «aptes». Ça fait qu'il y a plein de monde comme ça qui sont, quelque part, mal classés eu égard aux petites cases gouvernementales, les vôtres ou les leurs, c'est pareil pour le monde, là. Tu as un système qui est comme ça. Donc, ça ne fitte pas avec les gens, puis s'il y a une place que ça mal dans la vie quand tu essaies de t'expliquer, c'est à un bureau d'aide sociale. Tu sais, pendant un bout, les règles n'arrêtaient pas de changer. Comme, à un moment donné, c'était aux deux mois. Les agents d'aide sociale étaient tout aussi mêlés que tout le monde là. Ce n'est pas de leur faute. Non, non. Il y a des problèmes comme ça.

n(18 heures)n

Par ailleurs, cette logique de soutien à l'emploi, puis de parcours, puis de démarche, puis de... bon, ça marche des fois. Ça ne marche pas tout le temps, loin de là. Puis je ne voudrais pas faire mal à personne en rappelant l'épouvantable cafouillage d'Emploi-Québec, mais, tu sais, c'est une illustration de quelque chose qui ne marche pas là. Puis on est passé, avec les transferts des programmes EXTRA et etc., à Emploi-Québec et ses affaires plus larges, à quelque chose qui était trop limité, cadré puis que plein de monde ne fittait pas là-dedans. Tu sais, tu as besoin de finir trois cours pour avoir ton cégep; mais non, on t'envoie dans un programme EXTRA. Ça ne fitte pas avec le monde.

Ça fait qu'on a dit: Ça prend plus de latitude aux agents qu'ils puissent mieux adapter la personne; on a tout rechangé ça. Là, ça donne que l'agent va t'aider ou ne va pas t'aider selon qu'il reste de l'argent dans la caisse ou pas. Mais là c'est quoi ça, comme droit pour les personnes? On leur dit: On ne te donne pas beaucoup d'argent parce qu'on va t'aider. Mais, si on dit qu'on va l'aider la personne, qu'on l'aide là. Ou bien donc on l'aide pour vrai, ou bien donc on la laisse tranquille puis on lui donne de quoi vivre. Mais on fait ni l'un ni l'autre. Ça fait que ça ne marche pas ça là, là.

Puis ce n'est pas la première fois que la réforme... que l'aide sociale est réformée, c'est arrivé une couple de fois. On a réorganisé les programmes à plusieurs reprises.

Il y a eu des évaluations qui ont conclu... des évaluations faites par le gouvernement qui ont conclu que les mesures d'aide à l'emploi, les précédentes, avant le taux Emploi-Québec, en termes de différence sur: ça prend combien de temps pour qu'une personne assistée sociale se trouve une job, de un; ça prend combien de temps pour que...

Le Président (M. Désilets): Mme Lacelle, je vous amènerais à conclure. Je vous amènerais à conclure, s'il vous plaît.

Mme Lacelle (Denyse): ... ? oui ? puis combien de temps elle la garde, de deux; il y a une différence de 0,8 semaines. Tu sais, franchement!

Conclusion. On a à faire beaucoup mieux. Puis je pense qu'on a à sortir de ces carcans, de ces visions de: il y a des bons pauvres puis il n'y a pas des bons pauvres. Les bons pauvres, tu sais, ce n'est pas de leur faute, on va les aider. Les mauvais pauvres vont être pénalisés jusqu'à ce qu'ils mettent leur culotte puis qu'ils sortent travailler. C'est ça l'approche du gouvernement depuis des années. Ça a assez duré!

Le Président (M. Désilets): Bon. On vous remercie beaucoup de votre présence. Et j'ajourne les travaux à demain, jeudi, le 7 novembre 2002, 9 h 30, ici même, à la salle du Conseil législatif. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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