(Neuf heures trente-quatre minutes)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales se réunit à nouveau ce matin pour procéder à une consultation publique et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Lespérance (Joliette) par Mme Grégoire (Berthier); Mme Rochefort (Mercier) par Mme Mancuso (Viger).
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour. Cette journée est consacrée, je dirais, pratiquement à la ville de Montréal... aux gens de la ville de Montréal ou de la région de Montréal. Alors, à 9 h 30, nous entendrons les représentants du Conseil régional de développement de l'île de Montréal; à 10 h 15, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre; à 11 heures, le Conseil scolaire de l'île de Montréal; par la suite, à 11 h 45, la Table de concertation sur la faim et le développement social de Montréal métropolitain. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour les reprendre à 15 heures avec la ville de Montréal; à 15 h 45, la Jeune Chambre de commerce de Montréal; à 16 heures, la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec; et, à 17 h 15, avec M. Paul Bernard, qui est professeur de sociologie à l'Université de Montréal. Et nous ajournerons nos travaux à 17 h 45.
Alors, sans plus tarder, c'est avec beaucoup de plaisir que j'accueille les représentants et représentante du Conseil régional de développement de l'île de Montréal. Je cède la parole à M. Pierre Desrochers, qui est président du conseil d'administration. M. Desrochers, je vous demanderais de nous... Oui, un instant, s'il vous plaît. Oui. Je m'excuse. M. le député de Vachon.
M. Payne: Je pense que ce serait opportun de souhaiter la bienvenue à la nouvelle députée de Berthier parmi nous, à cette commission très importante. On aurait bien voulu vous avoir avant, avec le consentement approprié, mais n'empêche que c'est très important, cette commission, et on se réjouit de votre présence pour discuter les enjeux de la pauvreté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, ceci fait, effectivement, nous avons accueilli hier Mme la députée de Joliette, qui est membre de cette commission, et, ce matin, vous êtes membre en remplacement de la députée de Joliette. Alors, bien sûr qu'on vous accueille.
Donc, M. Desrochers, je m'excuse. Je vous cède la parole. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Auditions (suite)
Conseil régional de développement
de l'île de Montréal (CRDIM)
M. Desrochers (Pierre): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes les ministres, Mmes, MM. les membres de la commission, je vous remercie de donner l'occasion au Conseil régional de développement de l'île de Montréal de vous présenter son mémoire sur le projet de loi n° 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Je suis accompagné ce matin de Mme Louise O'Sullivan, membre du comité exécutif de la ville de Montréal et membre du conseil d'administration du CRDIM; de M. Gilles Lépine, directeur général du cégep Marie-Victorin et membre du conseil d'administration du CRDIM; de M. André Gamache, ici, à ma droite, directeur général du CRDIM et président du Forum régional sur le développement social de l'île de Montréal; de M. Guy Cousineau, directeur du développement social et communautaire au CRDIM; et de M. Claude Vézina, coordonnateur au Forum régional sur le développement social.
Le mémoire du CRDIM fait ressortir l'importance que les acteurs sociaux et économiques sur l'île de Montréal accordent depuis plusieurs années au développement social et à la lutte contre l'appauvrissement comme élément moteur pour un développement durable et équitable de notre région et de l'ensemble du Québec. Notre plan stratégique pour la période 2000-2005 et le cadre de référence sur le développement social de l'île de Montréal adopté en 1999 reflètent ces priorités.
La pauvreté et l'exclusion sociale constituent un défi de taille pour notre région. Un prestataire sur trois de l'assistance-emploi au Québec habite sur l'île de Montréal, soit 140 000 personnes. Environ 30 000 de ces personnes sont inscrites à l'assistance-emploi depuis plus de 10 ans. La pauvreté touche toujours plusieurs quartiers centraux de l'agglomération mais a également tendance à s'étendre à de nouveaux territoires. La situation des familles monoparentales dont le chef est une femme dans 85 % des cas est particulièrement précaire. Il en est de même des nouveaux arrivants, des membres des minorités visibles et des personnes handicapées qui vivent de sérieux problèmes d'insertion sociale et économique.
Le grand nombre et la concentration des personnes vivant en situation de pauvreté sur l'île de Montréal, les difficultés d'insertion sociale et professionnelle de plusieurs catégories de personnes ainsi que les problèmes sociaux découlant de l'attractivité qu'exerce la métropole du Québec nécessitent, selon le CRDIM et ses partenaires, une attention particulière et surtout un effort soutenu et concerté à long terme. Le CRDIM accueille donc avec beaucoup d'intérêt les intentions du gouvernement du Québec contenues dans le projet de loi n° 112 et dans l'énoncé de politique sur la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Le mémoire du CRDIM contient un certain nombre de propositions qui sont de nature, selon nous, à bonifier le projet de loi et à susciter à l'échelle des régions un appui renouvelé en vue de la mise en oeuvre des orientations contenues dans l'énoncé de politique. Nous avons cru opportun de proposer à cet égard certaines modifications et ajouts au texte du projet de loi. Vous en trouverez une liste consolidée en annexe du mémoire.
Nous tenons à exprimer notre satisfaction générale sur la façon dont les préoccupations que le CRDIM et ses partenaires avaient soulevées dans le cadre de la consultation régionale de l'automne dernier ont été prises en compte. La mise en place annoncée d'un ensemble de mesures plus équilibrées afin de lutter contre la pauvreté et l'exclusion, la recherche d'une plus grande cohérence dans les politiques gouvernementales, le souci d'assurer une continuité dans les programmes et de favoriser l'intersectorialité méritent d'être soulignés. Ces principes devront toutefois trouver une application dans la pratique.
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(9 h 40)
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Le CRDIM est également heureux que les besoins particuliers et les situations de certains groupes soient mieux reconnus. C'est le cas notamment des femmes, des jeunes, des membres des communautés culturelles et des personnes handicapées. Il en est de même de certaines problématiques très présentes sur l'île de Montréal telles que la précarité des travailleurs et travailleuses à faibles revenus et occupant un emploi atypique, le décrochage scolaire, la situation du logement et l'importance d'un soutien intégré à la famille.
Le CRDIM note également avec intérêt la reconnaissance de l'importance accordée dans l'énoncé de politique à l'analyse différenciée selon les sexes. Nous proposons d'inscrire cette approche de façon spécifique dans le projet de loi. De manière globale, nous sommes aussi d'avis qu'il serait pertinent d'évaluer périodiquement dans quelle mesure les autres politiques gouvernementales contribuent à l'atteinte des objectifs de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
La mise en place de l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale ainsi que le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale reçoivent l'assentiment du CRDIM. Toutefois, il nous apparaît, conformément à l'esprit qui anime l'ensemble de la démarche gouvernementale, que le choix des indicateurs qui guideront notamment les travaux de l'Observatoire devrait être plus consensuel et transparent. Nous proposons que les critères élaborés par l'Observatoire fassent l'objet d'une analyse et d'une recommandation de la part du Comité consultatif au ministre responsable. Ce dernier devrait choisir les indicateurs à retenir parmi ceux recommandés par le Comité.
Par ailleurs, nous plaidons pour que tous les programmes et mesures qui découleront des orientations annoncées par le gouvernement du Québec en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale puissent être adaptés aux réalités et aux besoins spécifiques de l'île de Montréal et des autres régions. Nous demandons que toute la souplesse nécessaire soit introduite dans ces programmes et que les responsables régionaux des différents ministères aient la marge de manoeuvre requise pour recomposer de véritables partenariats dans l'action sur le terrain.
Le gouvernement du Québec appelle à une vaste mobilisation de toutes les forces vives de la collectivité afin de lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Dans cette perspective, il nous apparaît essentiel de miser davantage sur les consensus et les perspectives d'action qui se sont dégagés au cours des dernières années à l'échelle des régions. Ce dynamisme s'est notamment exprimé lors de la tenue des forums régionaux sur le développement social et à l'occasion de la tournée ministérielle de l'automne dernier.
Le CRDIM juge primordial de soutenir adéquatement les initiatives régionales et locales en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Il souhaite que le fonds qui sera mis sur pied à cet égard le soit pour une période de 10 ans afin d'assumer la continuité des efforts et des résultats durables.
Nous demandons que la région de l'île de Montréal bénéficie d'une enveloppe qui tienne compte du grand nombre de personnes vivant en situation de pauvreté sur son territoire et de la complexité des problèmes d'intégration sociale auxquels toute métropole est confrontée. Le CRDIM souscrit pleinement à la volonté manifestée dans l'énoncé des politiques de favoriser le recours au mécanisme des ententes spécifiques afin de mieux adapter aux besoins des régions les actions gouvernementales et de canaliser les efforts des différents intervenants. À cet égard, nous avons amorcé des travaux, de concert avec les partenaires régionaux, sur le soutien aux jeunes, sur le décrochage scolaire et sur l'appui aux familles.
Le CRDIM estime qu'un élément essentiel à la réussite de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est absent du projet de loi n° 112 et de l'énoncé de politique: un véritable mécanisme pour assurer la concertation et le suivi de la stratégie à l'échelle des régions à travers le Québec. L'énoncé politique souligne que, dans le cadre de la politique de soutien au développement local et régional, les conseils régionaux de développement sont les interlocuteurs privilégiés du gouvernement en région et que le niveau régional est le lieu de la concertation, de l'harmonisation et de l'élaboration de stratégies de développement.
Dans ce contexte, le CRDIM recommande que, dans chaque région du Québec, une instance de concertation, sous l'égide du CRD, ait le mandat d'assurer, en partenariat avec le gouvernement, le suivi de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. La plupart des CRD disposent déjà de mécanismes de concertation, soit les comités, forums, tables de partenaires, qui se préoccupent des divers aspects du développement social et de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Ces instances ont permis de mobiliser des acteurs régionaux et de créer des lieux de réflexion, d'analyse et de dialogue. Elles ont facilité au cours des dernières années l'émergence d'une culture du partenariat et de la collaboration qu'il conviendrait de mettre au service de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Afin d'assurer le suivi à l'échelle régionale de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, les CRD pourront opter, en consultation avec le gouvernement, d'avoir recours à une instance de concertation existante, en élargissant au besoin le mandat et la composition de cette instance, ou de mettre en place de nouveaux mécanismes de suivi adaptés aux besoins de la région. Une entente de collaboration devra être conclue entre le CRD et le gouvernement du Québec afin d'assurer à cette instance régionale de concertation les ressources nécessaires à l'accomplissement de ses tâches.
L'instance de concertation regrouperait et les représentants ou représentantes des différents acteurs régionaux, incluant les intervenants institutionnels, municipaux, communautaires et du secteur privé. Les responsables régionaux des différents ministères et agences gouvernementales appropriés participeraient aux travaux de l'instance de concertation.
Le mandat de l'instance régionale de concertation comporterait, à notre avis, les volets suivants: agir comme plateforme pour le partage de l'information sur l'élaboration et la mise en oeuvre dans la région des mesures inscrites dans la stratégie et le plan d'action de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale; assurer la mise à jour des données et des analyses sur les tendances de la pauvreté et de l'exclusion sur le territoire de la région, en partenariat avec des organismes spécialisés tels que l'Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé, OMISS; dresser un bilan annuel des actions de lutte contre la pauvreté et l'exclusion mises en oeuvre dans la région, identifier les obstacles rencontrés et faire les recommandations appropriées à cet égard aux différentes instances concernées; et finalement, favoriser dans la région la consolidation des actions efficaces et le développement de nouvelles approches innovantes en faveur des plus démunis ainsi que la diffusion de l'information sur les pratiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Les CRD seraient tenus de faire rapport annuellement au gouvernement des travaux de leurs différentes instances de concertation dans le cadre du suivi de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ces travaux alimenteraient ceux, à l'échelle nationale, du Comité consultatif et de l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale.
La démarche du suivi régional est de nature à renforcer la cohésion de l'action du gouvernement et des partenaires de la société civile ainsi que la concertation et la mobilisation à l'échelle régionale. Elle est faite dans l'esprit du mandat confié aux conseils régionaux de développement par le gouvernement du Québec et tient compte de leur expérience en matière de concertation et de partenariat. Elle témoigne en particulier de la volonté du CRDIM de jouer pleinement son rôle d'agir comme levier pour le développement de l'île de Montréal.
En guise de conclusion, je rappellerai que le projet de loi et l'énoncé de politique sur la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale convient tous les acteurs de la société à bâtir un Québec meilleur où chaque personne a sa place et où elle peut mener une vie digne et participer, selon ses capacités, à la vie sociale et au progrès collectif.
Des étapes importantes ont été franchies au cours des dernières années en vue d'assurer cette mobilisation des forces vives de la collectivité. Les différentes régions à travers le Québec ont, par le biais de leur planification stratégique et des forums sur le développement social, cerné les enjeux et identifié des pistes d'action afin d'améliorer la situation économique et sociale des personnes les plus démunies, de réduire les inégalités et, finalement, de promouvoir la solidarité et la participation citoyenne.
Parallèlement, le gouvernement du Québec a élaboré un cadre national d'intervention en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il recherche la complémentarité et l'intégration de l'ensemble des politiques et programmes pouvant influencer sur les conséquences et les causes de la pauvreté et l'exclusion.
La mise en place de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale par l'adoption du projet de loi n° 112 fournit une occasion unique de combiner les forces de ces deux processus et de forger, au bénéfice de nos citoyens et citoyennes les plus défavorisés, une alliance du gouvernement et de la société civile où les solidarités régionales pourront se déployer pleinement. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est moi qui vous remercie, M. Desrochers, pour la présentation de ce mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance, à la Condition féminine et aux Aînés.
Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Desrochers, je veux vous saluer particulièrement, Mme O'Sullivan aussi, ainsi que toutes les personnes qui vous accompagnent.
Je tiens d'abord à vous féliciter pour la qualité du mémoire qui a été présenté. Je vais vous dire, quand vous avez parlé particulièrement de toutes les relations entre l'État national et, je dirais, les régions du Québec, la réalité de la coordination et de la concertation qui s'est fait depuis de nombreuses années, ça a donné des résultats extraordinaires. Pensons, par exemple, à toute l'application de la politique familiale. S'il n'y avait pas eu ce partenariat-là, nous n'aurions pas pu réaliser autant de places. Il nous reste encore des défis à relever, mais c'est un exemple de décentralisation où, effectivement, vous avez été à même, à partir de votre connaissance exacte de votre territoire et des gens qui travaillent avec vous, vous avez été à même de donner des résultats assez extraordinaires.
Je voudrais aussi vous féliciter parce que, dans votre rapport, on indique clairement que vous avez identifié comme priorité dans votre plan stratégique régional 2000 à 2005 tout le développement social, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, je vous en félicite et j'ose espérer que ça donnera le goût aussi à d'autres régions du Québec ou à d'autres endroits au Québec. Je ne veux pas comparer Montréal aux autres régions du Québec; Montréal a sa couleur, a sa particularité, mais il n'en demeure pas moins que d'en faire une priorité au niveau d'un plan stratégique, je tiens à vous féliciter. D'abord, c'est une urgence aussi d'agir, nous le savons tous, mais de le faire de cette façon-là c'est assez extraordinaire.
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(9 h 50)
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Je vais me limiter dans mes commentaires, j'aurais beaucoup de choses à vous demander, mais je vais laisser la parole à ma collègue, à Mme Léger, et à la députée de Crémazie qui siège sur le CRDIM. Cependant, j'aimerais vous demander... Vous savez, actuellement il y a des négociations avec le gouvernement du Québec, la ville de Montréal et... pour la suite des choses, le contrat de ville qui est attendu, et tout ça. J'aimerais savoir, parce que vous avez fait part rapidement de comment vous perceviez votre rôle, vous avez parlé de concertation, d'harmonisation, et tout ça, mais, de façon plus spécifique, dans le cadre d'un contrat de ville, quelle pourrait être votre façon d'intervenir de façon spécifique pour assurer justement une meilleure coordination tant dans l'application des mesures que l'on va mettre de l'avant... Vous savez, notre projet de loi nous oblige à déposer un plan d'action. Vous avez parlé du suivi aussi à apporter par la suite. Mais j'aimerais connaître davantage comment vous voyez cet arrimage-là qui pourrait se faire dans le cadre d'un contrat de ville.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers.
M. Desrochers (Pierre): Merci beaucoup. Je pense qu'il y a plusieurs choses, pour répondre, ou plusieurs éléments qui permettraient de répondre à cette question-là. Bien entendu, à ce stade-ci, on ne sait pas ce que comprendra ce contrat de ville là, mais je pense que, indépendamment de ce qu'il pourrait y avoir dedans, le CRDIM peut jouer un rôle important à l'intérieur de ce contrat-là. Nous, ce qu'on croit, c'est que ce qu'on amène vraiment, et on a toujours voulu éviter la duplication entre les différents partenaires, et je pense que, ça, on l'indique et on veut absolument éviter cette chose-là... mais on croit qu'on apporte une valeur ajoutée, là, importante à la région de Montréal, et cette valeur-là se situe principalement au niveau de la concertation. On a une certaine expertise, on a développé avec le temps cette expertise-là, la connaissance du milieu, on a développé des partenariats avec plusieurs groupes, donc on a réussi à mettre sur pied plusieurs groupes, tables de concertation, et tout ça, et vraiment, ça, c'est notre spécialité. Et je pense qu'à l'intérieur d'un contrat de ville, c'est là où se situerait notre action principalement, assurer cette concertation-là entre les différents éléments.
Je pense que ce qui nous distingue dans cette démarche-là, c'est notre neutralité où on est en mesure, nous, de réunir tous les différents groupes et vraiment que ces gens-là soient à l'aise de s'exprimer, de discuter, de bonifier, de parler d'amélioration continue sans nécessairement que ce soit directement l'interlocuteur qui pourrait être la ville de Montréal, exemple, où les gens se sentiraient peut-être plus menacés. À l'intérieur d'un cadre comme celui du CRD, de nos tables de concertation, je pense qu'on amène cette neutralité-là qui doit absolument exister et qui rend tous les intervenants à l'aise de participer et de s'exprimer sur un sujet donné, et je pense que c'est là qu'est vraiment notre action et que notre action devait se concentrer.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Mme la ministre.
Mme Goupil: M. Desrochers, je vais vous dire, vous me faites sourire un peu quand vous parlez de neutralité parce que, vous savez, on ne peut jamais être neutre totalement, on a toujours des intérêts qui font qu'on va porter plus... on va porter un dossier plus fort dans notre coeur lorsque, effectivement, il nous préoccupe. Mais, quand vous parlez de coordination, c'est vrai, et je tiens à le témoigner. Dans plusieurs dossiers dont j'ai eu le privilège d'avoir la responsabilité depuis maintenant quatre ans, le partenariat qui a été développé de façon particulière avec les différents partenaires fait en sorte que ça a donné des résultats. Il n'en demeure pas moins qu'il faut aussi reconnaître que la ville, dans le cadre de son contrat, souhaite, elle aussi, être capable d'avoir de véritables outils nouveaux pour être capable de faire face aux défis. La région... pas la région, mais tout le territoire de Montréal, c'est 1,8 million de personnes qui s'y retrouvent. C'est complexe. La pauvreté n'a pas la même réalité à Montréal qu'elle peut l'être en Chaudière-Appalaches.
Alors, nous allons nous en inspirer grandement pour la suite des choses. Vous savez, dans toute négociation, notre préoccupation va être celle de mieux servir les femmes et les hommes que nous représentons. Et, dans ce contexte-là, je suis convaincue que vous allez trouver la façon de faire pour continuer à faire votre travail de partenariat avec une nouvelle réalité qui, je l'espère, ne pourra être que bénéfique pour les femmes et les hommes qui vivent des situations de pauvreté. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers, réaction?
M. Desrochers (Pierre): Oui, j'aimerais... Quand vous parlez de neutralité, je pense, je vais être obligé de réexpliquer encore notre position. C'est que le CRD de par nature est neutre. Évidemment, il y a des dossiers qu'on aime traiter plus que d'autres, ça, c'est certain, mais la façon dont on les traite, c'est vraiment d'en arriver à... c'est de la concertation qu'on fait et de dégager les consensus de tous les différents partenaires dans un territoire, et, de ce côté-là, on n'a pas un intérêt particulier d'y faire un enjeu précis, à l'intérieur d'un enjeu précis. Notre rôle, c'est vraiment de prendre tous les intérêts souvent divergents de différents groupes à l'intérieur d'un enjeu précis et tenter d'en arriver au consensus qui permettra à tous les gens finalement de se diriger dans la même direction. Et on sait qu'à l'intérieur de nos partenaires différents... ont différents intérêts, ce qui est normal, mais notre rôle à nous, c'est de prendre tous ces intérêts-là, tenter de les amener ensemble et faire dégager le consensus qui permettra à toute la région de travailler dans une même direction. Quand je parle de neutralité, c'est dans ce sens-là.
Mme Goupil: Merci. Je vais céder la parole.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Mme Léger: Bonjour, M. Desrochers, Mme O'Sullivan, M. Gamache, MM. Vézina et Cousineau. Alors, évidemment, je suis très contente que vous ayez déposé un mémoire, et ça fait suite évidemment à tous les forums de développement social et toute la suite du travail qui a été amorcé, là, par vous tous. J'ai eu des discussions avec Mme O'Sullivan effectivement, avec M. le maire de Montréal aussi, pour faire les liens aussi qu'il y a. Et je sais que ma collègue de Crémazie qui siège sur le CRDIM pour, en fin de compte, nous représenter, les députés du caucus, députés du Parti québécois, du caucus de chez nous à Montréal...
Moi, j'ai une question particulièrement sur le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. J'ai eu des discussions avec Montréal à ce moment-ci, mais il serait intéressant un peu d'avoir un peu plus votre position sur le fonds. Vous savez que le fonds... il y a des scénarios qui sont mis sur la table présentement. Vous dites que... bon, vous vous interrogez un peu sur le fonds qui doit avoir un peu plus de souplesse. Je vous rappelle, historiquement, le fonds a débuté en 1997 lors du Sommet de l'économie et de l'emploi et, de ce fonds-là, il y a eu une première phase, de 1997 à 2000, et ensuite, suite au Sommet de la jeunesse, les jeunes nous ont demandé de poursuivre ce fonds-là, de 2000 à 2003, donc il termine en mars 2003.
Sur la table actuellement, pour faire la suite, parce que la lutte contre la pauvreté est une grande priorité du gouvernement, il reste qu'il y a du travail, je pourrais dire même assez intense qui doit se faire aussi avec tous les partenaires, tous les collaborateurs, et il faut que tout le monde se sente, je pourrais dire, interpellé dans cette lutte contre la pauvreté. Alors, j'apprécie que... je pense que c'est un dossier qui vous tient à coeur.
Comment vous voyez la suite du fonds? Je pense que nous avons mis sur la table, nos collègues... Bon, il y a quatre volets précis, là, qu'on s'en irait probablement... des scénarios qui sont là. Celui, d'une part, de conserver l'objectif de l'intégration à l'emploi qui est absolument important pour les personnes en situation de pauvreté. De venir soutenir les actions locales et régionales... Lors des tournées de l'automne dernier, les gens nous ont dit: On a des projets sur la table, on est en train de planifier, ou même on a vraiment des actions que nous faisons localement ou régionalement, que le fonds puisse nous aider à faire cette suite-là. Donc, c'est le deuxième volet important. Le troisième, ce serait particulièrement pour les grandes villes du Québec, donc travailler à ces volets-là. Et le quatrième, un peu plus minime, mais pour les projets novateurs. Donc, il y aurait une place importante pour la ville de Montréal à ce niveau-là.
Comment vous voyez la suite des choses? Comment vous voyez la gestion du fonds? Comment vous voyez ce scénario-là qui est sur la table, les volets que je vous présente?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers.
M. Desrochers (Pierre): Merci. Plusieurs éléments de réponse. Premièrement, je pense qu'on a clairement indiqué qu'on voulait un fonds qui soit quand même sur une certaine période de temps. On voulait assurer ça, que dans le temps il y ait une durée, et que ce ne soit pas juste quelque chose, la saveur du mois, qu'on puisse vraiment et qu'on prenne un engagement à long terme vis-à-vis ça.
Ce qu'on a demandé également, c'est que ce fonds-là soit régionalisé et également qu'il soit flexible pour qu'il permette de s'adapter aux réalités régionales.
On a également demandé que ce fonds-là, évidemment, soit distribué en fonction de ces réalités régionales là. Évidemment, on comprend qu'à Montréal il y a à peu près 35 % des gens sur l'assurance emploi qui sont dans la région de Montréal et la distribution de ce fonds-là devra tenir compte de cette problématique-là. Et je pense que les gens de la région de Montréal s'entendent que... Souvent, on part du principe que ça devrait être 1/17. On sait bien que ce n'est pas comme ça que ça devrait se faire. Il faut que ce soit séparé puis que ça tienne compte des réalités.
Ce qu'on a demandé, et je reviens à ça, c'est qu'il puisse être régionalisé, tenir compte des problématiques régionales, et également être flexible pour permettre aux gens de la région de bien pouvoir utiliser ce fonds-là et de pouvoir l'appliquer selon leurs préoccupations.
Maintenant, à savoir qui devra le gérer à l'intérieur de la région, c'est un débat que, nous, on n'a pas tenu au niveau du CRD. La question du gestionnaire, à savoir qui va le gérer, je pense, c'est juste une question comptable, de savoir... Maintenant, je pense que, nous, on peut s'inscrire, et c'est là qu'on peut travailler. C'est qu'avec tous nos partenaires, s'entendre sur les paramètres, comment on va utiliser ce fonds-là, quelles seront les priorités et à quoi il va servir. Après ça, de savoir on va en donner tant à ci, à ça, là, c'est une autre question. Mais je pense que le CRD peut amener cette concertation-là et ce consensus-là sur la façon d'établir les priorités et sur les projets sur lesquels on devrait s'orienter en premier. La question à savoir qui va gérer l'enveloppe, pour nous autres, c'est peut-être un autre sujet.
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(10 heures)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Merci. Je vais laisser à ma collègue...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Mme la députée de Crémazie. Vous avez deux minutes et demie.
Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme O'Sullivan Boyne, MM. Desrochers, Gamache, Cousineau, Lépine et Vézina, bienvenue au CRD. Ça me fait plaisir de vous recevoir ici, ce matin. Je voulais, moi, aborder la question de l'Observatoire. Vous dites dans votre mémoire: L'Observatoire devrait jouir d'une plus grande autonomie possible, mais, en même temps, sa collaboration avec le Comité consultatif devrait être renforcée. Et, bon, vous parlez... D'ailleurs, ma collègue la ministre d'État, tantôt, y faisait référence, bon, la mobilisation des partenaires, effectivement, c'est important. Montréal, on en parle souvent, il existe l'Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé. Alors, comment vous verriez cet Observatoire-là que l'on aurait, nous, à Montréal, fonctionner avec l'Observatoire qui serait créé avec ce projet de loi là?
Et, aussi, petite question comme ça, il y a d'autres organismes qui nous ont dit: L'Observatoire pourrait peut-être être englobé ou les tâches que l'on voudrait donner à l'Observatoire pourraient être faites par un autre organisme, par exemple l'Institut de la statistique du Québec. Alors, est-ce que vous, vous le voyez vraiment de façon autonome, tel qu'il est proposé, mais en ajustant certaines de ses tâches, son travail? Et aussi, bien, comment on pourrait voir à faire fonctionner l'Observatoire montréalais avec cet Observatoire-là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers.
M. Desrochers (Pierre): Ce qu'on a dit dans le mémoire, c'est qu'on est d'accord avec un observatoire, mais on veut un organisme qui est léger et souple également. Maintenant, à l'intérieur, sous ce chapeau de l'Observatoire, comment on le forme, est-ce qu'on est obligé de faire quelque chose vraiment séparé ou utiliser les ressources actuellement existantes pour en arriver à fournir les données à cet Observatoire-là, la discussion est encore ouverte, là, sur ça.
Maintenant, je pense que ce qu'on trouve important, c'est qu'il y ait cet arrimage-là avec les régions et que l'Observatoire, oui, peut sortir des éléments au niveau national, mais qu'également on doit sortir des statistiques et avoir de l'information au niveau régional. Parce que souvent les problématiques ne sont pas nécessairement les mêmes, donc il faut être en mesure de bien comprendre la réalité régionale. Et, à ce moment-là, nous, à Montréal, on profite... On a l'OMISS, qui est un outil dont... lequel l'Observatoire pourrait puiser de l'information pas pour... mais qui, localement ou régionalement, nous permettrait d'obtenir également de l'information.
On a également suggéré que, au lieu de... de l'intention soit du Comité consultatif d'obtenir des informations de l'Observatoire et vice versa, je pense qu'on voudrait peut-être cerner ça et que ça devienne une plus grande obligation, que les deux puissent absolument échanger et tenir compte de l'avis d'un ou tenir compte de l'information que l'autre pourrait lui fournir et non sur une base de voeux pieux ou d'intentions. Je pense qu'on voudrait que ce soit un peu plus cerné.
Et ce qu'on vous dit également, c'est qu'il est important parce que... C'est pour ça qu'il faut le faire sur un base régionale, parce que beaucoup de ces statistiques-là ou de ces informations-là doivent être vues à travers la lorgnette, là, régionale plutôt que strictement nationale, et là les arrimages peuvent se faire entre ces deux niveaux d'organismes là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, les boniments d'usage d'accueil, bienvenue. Ça a été fait, notre temps étant limité. J'ai lu le mémoire avec intérêt. J'ai entendu la présentation également. Je constate une chose dans le mémoire, vous parlez souvent du projet de loi et la stratégie qui a été mise de l'avant ensemble et, finalement, vous aboutissez en faisant quelques recommandations précises par rapport au projet de loi au niveau des modifications, somme toute, de détail finalement sur l'Observatoire. Bon.
On vient d'avoir un débat qui a soulevé un questionnement intéressant à mon esprit sur le fond, qui est mentionné dans la loi, et vous parlez de... Ça ne vous dérange pas qui gère le fonds, mais généralement celui qui gère le fonds décide aussi. Alors... Et, on constate que tout est centralisé ici finalement, c'est le ministère des Finances qui gère, c'est le ministre responsable de la loi qui administre. Donc, on peut présumer que les décisions ultimes sur l'utilisation des sommes d'argent, l'affectation des sommes d'argent seront ultimement prises au niveau central.
Hier, il y avait l'Union des municipalités du Québec qui était ici, et on parlait avec eux dans le sens d'une décentralisation réelle où on disait... Et j'ai posé la question: Pourquoi, par exemple, même des sommes d'argent qui sont destinées pour le soutien de nos organismes communautaires ne pourraient pas être administrées sur le plan plus local ou régional par une instance avec une imputabilité aussi étant donné qu'il s'agit de sommes publiques, de fonds publics? Est-ce qu'on ne pourrait pas retrouver dans la loi, selon vous, des précisions de cette nature-là en identifiant clairement, par exemple, que ça pourrait être quelque chose qui serait administré de façon décentralisée, à partir d'une identification concrète, où des sommes d'argent seraient effectivement remises aux instances appropriées? On pourrait essayer ensemble de trouver ici... Vous n'en avez pas touché mot de cette chose-là, est-ce que c'est quelque chose qui a été discuté dans vos instances? Puis, je sais, c'est compliqué, le CRDIM. C'est compliqué. Dans ma carrière politique, c'est à peu près l'organisme le plus compliqué que j'ai rencontré au niveau de la façon que c'est géré.
Mais, ça étant dit, j'aimerais vous entendre sur cette notion d'une approche centralisée par rapport à une approche véritablement décentralisée étant donné que beaucoup des acteurs locaux sont aussi des gens qui sont pris directement avec la réalité. Vous mentionnez Montréal, un tiers des assistés sociaux, une particularité au niveau de la démographie puis le profil socioculturel de la population, etc., beaucoup mieux connue par les gens sur place que les gens ici, au ministère.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers.
M. Desrochers (Pierre): Je vais être obligé de répondre à la première question sur la complexité du CRD. Moi, je ne trouve pas ça. C'est-à-dire c'est toujours complexe de faire de la concertation et de réunir tous les gens, mais, comme organisme, je ne trouve pas qu'on est un organisme complexe. Au contraire, on est souple et on s'adapte rapidement.
M. Sirros: ...
M. Desrochers (Pierre): Pardon?
M. Sirros: Je n'ai pas dit rigide.
M. Desrochers (Pierre): Non, non, mais on est... C'est-à-dire les problèmes sont complexes, les enjeux le sont, mais de faire de la concertation avec tous les différents groupes, ça aussi, c'est compliqué. Mais je pense qu'on fait très bien notre rôle.
Deuxièmement, même si on n'a pas dit que ce soit inscrit dans la loi, notre mémoire est très clair là-dessus, c'est qu'on croit que l'enveloppe, que les fonds devraient être décentralisés. C'est très clair, c'est ce qu'on recommande et c'est ce qu'on suggère pour tenir compte...
M. Sirros: Mais, j'allais juste dire, à cet effet-là, pourquoi ne pas le suggérer? Est-ce que vous le verrez dans la loi, inscrit dans la loi?
M. Desrochers (Pierre): Bien, là, je vais vous dire, si c'est ça que ça prend, moi, je pense qu'on n'a pas de difficulté à dire que ce serait dans la loi. C'est aussi simple que ça. Même si on ne l'a pas fait, là, l'objectif... Je vais vous laisser le moyen, mais l'objectif, c'est que ce soit décentralisé pour qu'il puisse s'adapter aux réalités régionales, qu'il soit flexible, qu'il permette à la région d'identifier ses priorités et de l'appliquer en fonction de ces priorités-là. Je pense que, là-dessus, c'est très clair dans notre opinion, il n'y a aucune ambiguïté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier.
M. Sirros: Est-ce que je peux vous entendre un peu, à ce moment-là, sur l'instance appropriée que vous verrez?
M. Desrochers (Pierre): Bon, tantôt, vous avez fait référence entre la gestion, là, et celui qui prend les décisions, je pense qu'il y a un élément où ça va prendre sans doute une organisation qui va être en mesure... à partir du moment où les orientations seront données, les priorités seront établies, un organisme qui devra faire l'analyse du dossier, O.K., et qui aura les meilleures ressources pour faire cette analyse-là, parce que le fonds risque d'être important ? on espère qu'il va être important ? et donc qu'il va également générer une série de projets, et donc ça va prendre des ressources pour faire l'analyse de ça. À partir de ça, qu'on ait une instance de décision qui soit un conseil d'administration ou un groupe qui prendra les décisions, ça, ça peut être fait à l'intérieur d'un conseil d'administration d'un organisme. Mais, vous savez, ça peut être l'organisme A qui fait l'analyse des projets, puis après ça, bien, il y a une autre table ou une concertation qui fait la distribution des fonds, mais en fonction de l'analyse qui a été faite et des critères qui auront été développés en concertation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Dans la même lancée, cette notion de décentraliser la lutte à la pauvreté, finalement, au niveau de ça, ici... Parce qu'elle peut s'appliquer aussi très bien sur l'ensemble des choses, parce que, ici, finalement ce qu'on a, c'est une loi de portée générale qui identifie cinq axes d'intervention générale, et là je me dis: Bon, le plan d'action, pourquoi c'est le gouvernement qui devrait l'adopter et le publier? Pourquoi c'est le gouvernement qui devrait décider finalement du plan d'action pour l'ensemble du Québec si, véritablement, on est dans un esprit de décentralisation? Pourquoi ce ne serait pas encore une fois une instance appropriée au niveau régional ou local qui, à partir des principes qu'on aurait adoptés ici et en sachant quelles sont les ressources à sa disponibilité, pour un bon nombre d'orientations, prendrait les décisions nécessaires? Est-ce que vous avez réfléchi à ça aussi?
n
(10 h 10)
n
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers.
M. Desrochers (Pierre): Juste...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...il faudrait peut-être savoir qu'est-ce qu'il y a dans le fonds, est-ce que c'est un fonds... Est-ce que c'est une somme d'argent... bon, de l'argent neuf ou encore si on va décentraliser les budgets concernant la formation, la santé? Je pense que ce serait quelque chose qu'on aurait, à un moment donné, à rendre un peu plus clair, à savoir est-ce que les fonds qui sont déjà dans les ministères pour lutter contre la pauvreté feront partie du Fonds de lutte à la pauvreté. M. Desrochers, est-ce que vous...
M. Desrochers (Pierre): Oui. J'essaie de retrouver dans le mémoire où exactement c'est indiqué, là, mais il est clair que le plan d'action, on veut y participer, O.K., puis on veut être en mesure de développer ce plan d'action là, parce que je pense qu'il faut être cohérent. On a parlé de cohérence, on ne peut pas... Si on parle de vouloir, nous, établir nos priorités et définir les axes, les orientations, et tout ça de ce fonds-là, mais qu'il y a un plan d'action qui a été fait là, bien il faut qu'il y ait cohérence entre les deux. La meilleure façon, c'est qu'on puisse partir de la base et qu'on puisse, de là, développer ce plan d'action là en concertation avec les partenaires du milieu.
D'ailleurs, déjà une bonne partie... Si on regarde les recommandations qui ont été faites lors de la tournée ministérielle, les éléments du plan d'action pour la région de Montréal étaient déjà clairement définis par le Forum sur le développement social, qu'on avait déjà établis, et les orientations ont déjà été faites. Donc, pour nous autres, c'est assez clair où on veut se diriger ou comment on recommanderait de se diriger.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Combien de temps il me reste, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste cinq minutes.
M. Sirros: Bien, je pense qu'on va laisser... Moi, je pense que j'ai... Je pense que je vois la députée qui hochait de la tête en accord...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Berthier, vous avez des...
M. Sirros: ...alors je me dis que peut-être qu'il y a un...
Mme Grégoire: Bien, premièrement, je veux vous remercier d'être venus ici. Je connais moins, évidemment, le Conseil régional de Montréal, mais j'ai siégé au Conseil régional de Lanaudière pendant plusieurs années, ça fait que j'imagine que le fonctionnement est similaire et la concertation se développe à peu près au même niveau. En tout cas, je peux vous dire que les préoccupations que j'ai eues au dernier conseil d'administration du CRD de Lanaudière étaient assez similaires à celui de Montréal.
Et, effectivement, moi, j'aurais aimé voir dans le projet de loi encore plus de volonté de régionaliser les enveloppes et de régionaliser le plan d'action, parce que, effectivement, il y a un travail de terrain extraordinaire qui s'est fait dans les dernières années au niveau de la concertation entre les CLD, qui ont aussi cette mission-là, les CRD et les différents organismes communautaires qui doivent siéger, j'imagine, chez vous aussi, qui doivent avoir... Vous devez avoir une table aussi d'organismes communautaires. Alors, je pense qu'il y a là un noyau, quelque chose d'hyperintéressant qui peut aider à venir en aide directement aux gens qui en ont besoin sans passer dans des structures qui sont très lourdes.
Alors, quand vous nous dites: Peu importe qui gère, moi, je pense qu'il faut que ce soit géré en région, puis, là-dessus, je vous souffle la... Il faut que ce soit géré en région clairement, et je souscris à votre voeu d'avoir aussi des indices régionaux, parce que je crois qu'effectivement il va falloir partager la richesse, partager l'innovation. Parce qu'il y a des choses dans chacune des régions du Québec qui se font et qui permettent d'intégrer davantage des gens qui sont dans le besoin, de les intégrer à la population active, de faire un travail intéressant, et je pense que ça, ça va être indispensable de pouvoir partager les succès, mais aussi de valider un peu l'évolution de chacune des régions avec des indices qui seront, je pense, vous l'avez dit... qui seront clairs, qui seront fixés d'avance et qui seront quantifiables pour chacune des régions. Mais, je respecte aussi le fait que vous ayez mentionné qu'ils tiennent compte des hommes et des femmes, je trouve ça fort intéressant.
Alors, je pense que, là-dessus, on est pas mal en synergie, mais, effectivement, dans le fonctionnement, j'aimerais voir comment vous, vous voyez... Je regardais dans la proposition que vous amenez, je pense qu'à la fin de la page 24, dans votre annexe, quand vous dites qu'à l'échelle de chaque région du Québec, là, le suivi de la mise en oeuvre... Mais comment vous voyez le rôle du CRD? Êtes-vous le maître-d'oeuvre dans ce plan-là, dans la mise en oeuvre? Moi, j'aimerais ça, savoir comment vous voyez, avec vos partenaires, votre rôle.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Desrochers.
M. Desrochers (Pierre): Dans le suivi, effectivement, on pense que... Pour le suivi, là, on ne parle pas pour la gestion du fonds. Parce que je veux juste clarifier, là, pour nous, évidemment, la gestion du fonds, là, c'est un organisme... Quand j'ai dit n'importe quel... indépendamment, là, c'est une organisme régional, il faut s'entendre là-dessus, là. O.K.?
Une voix: ...
M. Desrochers (Pierre): Oui, oui. Si je ne l'ai pas dit, je le dis, là. Donc, évidemment, les mécanismes de suivi et de recommandation pourraient être faits... Je pense que le CRD, par l'intermédiaire de son Forum régional sur le développement social, qui pourrait même être élargi, O.K., pourrait effectivement être cet organisme de suivi là et qui nous permettrait annuellement de faire rapport au Comité consultatif sur ça. Et on suggère que le Comité consultatif tienne compte de ça dans ses analyses, dans ses propres recommandations. Donc, oui, le CRD, mais également par son Forum régional sur le développement social, serait, à notre avis, là, le véhicule pour faire ce suivi-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors...
M. Desrochers (Pierre): Excusez, peut-être un élément...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, un dernier commentaire. Alors, M. Gamache.
M. Gamache (André): Peut-être pour répondre à certaines préoccupations, il y a deux éléments qui n'ont pas été indiqués. Le gouvernement a instauré, dans le cadre des ententes-cadres de développement, un concept des ententes spécifiques. Une entente spécifique de développement, c'est une entente de partenariat entre certains ministères et la société civile ou le conseil régional. Un bel exemple dont la ministre connaît très bien, c'est l'entente spécifique qu'on a sur les services de garde qui, dans le fond, demande au niveau de la concertation, via une entente, de convenir sur même des choix, des priorités, des orientations. Par contre, la gestion, ça relève tout simplement du gouvernement, et c'est lui qui est imputable. Donc, on a un rôle conseil, on a un rôle aviseur. Et, pour exercer cette fonction-là, on doit utiliser, pour être efficace, l'ensemble de tous les partenaires. Donc, on a un comité qui s'occupe de cet élément-là et qui doit travailler sur le terrain avec les gens et amener un processus décisionnel à notre conseil d'administration, ainsi de suite. Alors, il y a une modèle qui existe actuellement.
Tout le monde aurait dit dès le début: Comment ça se fait qu'un conseil régional peut s'impliquer dans une entente spécifique au niveau des services de garde sur la ville de Montréal qui est un territoire immense, vous pouvez imaginer, en termes de population? On ne connaît pas trop encore les chiffres, mais, si on dit 40 ou 50 000 places en garderie, vous pouvez vous imaginer. Bien, le conseil régional n'a qu'un seul employé, ou deux, ou trois par entente, alors c'est très, très petit, et c'est un rôle de concertation. Alors, quand on... Les questions qui nous sont adressées au niveau de la gestion du fonds... Et, le contrat de ville dont on parle, M. Boisclair l'a très bien défini, c'est une forme d'entente-cadre. C'est une forme d'entente entre la ville et le gouvernement, mais le gouvernement demeure imputable, il y a une question d'imputabilité. Nous, ce qu'on apporte, c'est un rôle au niveau de concertation de la société civile qui apporte un peu cette contribution-là. Donc, c'est un rôle aviseur, c'est un rôle de veille, c'est un rôle de prospective, et ainsi de suite. Donc, c'est ce qui est la contribution.
Puis, au niveau de la gestion, peu importe c'est qui, à ce moment-là ça peut amener d'autres éléments qui sont des éléments d'une meilleure adaptation, d'une plus grande rapidité, d'une proximité de service auprès des citoyens, une écoute plus facile. Et là aussi, bien évidemment, on y mettait une ville, une région, alors il y a quand même une organisation, là, qui est déjà elle-même très imputable, qui peut donc... Alors, c'est un esprit de collaboration, le gouvernement, la région puis peut-être un autre joueur. Voilà.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est déjà terminé. Alors, madame, messieurs, au nom de tous les membres, merci infiniment d'avoir accepté de participer à cette commission.
Alors, je demanderais maintenant au Dr Richard Lessard, qui est directeur de la santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, de bien vouloir prendre place. Et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 19)
(Reprise à 10 h 21)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît.
Alors, la commission accueille maintenant le Dr Richard Lessard, qui est directeur de la santé publique. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui vous accompagne, Dr Lessard? Oui? Parfait. Alors, je vous demanderais, bien sûr, de nous identifier les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes, comme tout groupe, pour la présentation de votre mémoire.
Régie régionale de la santé et des services
sociaux de Montréal-Centre
(RRSSS de Montréal-Centre)
M. Lessard (Richard): Alors, Mme la Présidente, Mmes les ministres, Mmes, MM. les députés, bonjour et merci de nous accueillir. Je suis Richard Lessard, directeur de la santé publique à la Régie régionale de Montréal. Et je suis accompagné du Dr Marie-France Raynault, qui est médecin spécialiste en santé communautaire. Elle est aussi maintenant directrice du Département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et directrice de l'OMISS, l'Observatoire montréalais sur les inégalités sociales de la santé. Et je suis également accompagné de M. François Thérien, qui est économiste et conseiller en programmation à la Direction de santé publique.
Nous allons faire trois brèves interventions de cinq minutes hors texte, et nous sommes là pour répondre aux questions et participer à la discussion. Il y a une question qui est soulevée, je crois?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, non. Non, c'est à vous la parole.
M. Lessard (Richard): Ah bon. Alors, la Direction de santé publique s'est impliquée, en 1998, en publiant un rapport sur la pauvreté et la santé et...
Mme Goupil: ...mais, allez-y, je vous en prie.
M. Lessard (Richard): Ah bon. Bon, je... Et la raison, c'est qu'à l'époque, Montréal était considérée comme la capitale de la pauvreté au Canada, et on savait que, d'un point de vue de santé publique, la pauvreté a des impacts sur la santé. Et notre rapport portait justement sur l'impact de la pauvreté sur certains indicateurs de santé, et je vous en mentionne rapidement quelques-uns: la mortalité infantile, par exemple, qui est de 8 pour 1 000 dans les zones de faibles revenus, est à 5 pour 1 000 dans les zones à revenus élevés; la proportion de nouveau-nés de faible poids double chez les femmes qui sont sous-scolarisées; le taux de fécondité chez les adolescentes de 15 à 18 ans est huit fois plus élevé dans les zones défavorisées de Montréal ? donc, c'est une donnée intéressante, parce que, en principe, la fécondité, ce n'est pas un problème de santé, mais, chez des filles, des jeunes filles de 15 à 18 ans des milieux défavorisés, il y a tout un potentiel de difficultés pendant plusieurs années de la vie qui s'y présente; le suicide est deux fois plus important, le taux de suicide est deux fois plus élevé dans les quartiers défavorisés; et l'espérance de vie, même, à 65 ans... Donc, une fois qu'on est rendu à 65 ans, selon qu'on habite un quartier favorisé ou défavorisé... Notre espérance de vie est réduite si on habite un quartier défavorisé.
Donc, les inégalités sociales ont des impacts sur la santé à tous les âges de la vie, autant chez les jeunes enfants qu'en milieu de vie, qu'à l'âge adulte et à l'âge même plus avancé. Et c'est évident que c'était difficile de passer à côté d'une telle réalité du point de vue de la santé, et ça nous a amené à... Et, quand on regarde un autre indicateur qui représente l'espérance de vie tout court, où on regarde la différence de vie entre le CLSC des Faubourgs et le CLSC Lac-Saint-Louis où il y a une différence entre ces deux extrêmes de 11 ans d'espérance de vie tout court, là, donc c'est quelque chose d'assez énorme. Et le mandat de la Régie régionale et de la Direction de santé publique en particulier, c'est de voir à l'amélioration de la santé des citoyens. Alors, c'est évident, compte tenu de ces statistiques, que l'amélioration de la santé passe par une diminution des écarts socioéconomiques, et donc c'est un constat qu'il faut faire dans une perspective de prévention, dans une perspective où l'État veut continuer de jouer un rôle dans le domaine des services de santé.
Alors, ça nous a amenés à lancer un appel à tous. Parce que c'est évident que la santé joue un rôle important pour diminuer les écarts et diminuer la pauvreté, mais c'est l'ensemble des autres interventions de l'État qui sont extrêmement importantes pour donner un coup de main à la santé, pour être capable de pallier au fardeau. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on disait que le ministère de la Santé, c'est le ministère des conséquences. C'est que le ministre de la Santé ne crée pas la maladie ? mais, on pourrait dire, en vit ? mais le ministère de la Santé a à pallier, par les services qu'il a à mettre de l'avant, aux conséquences de politiques publiques, ou de comportements des citoyens, ou d'un ensemble de caractéristiques de notre environnement. Alors, la loi, dans ce sens-là, c'est extraordinaire, c'est vraiment une approche concertée, intégrée d'un ensemble de paliers gouvernementaux et de ministères pour donner un coup de main à la santé. Et, de ce point de vue là, une loi où on parle d'une approche intégrée, concertée, de support et d'aide au développement des personnes est une approche extrêmement intéressante que nous voulons souligner.
Le dernier point que je veux faire là-dessus, c'est que nous avons constaté, avec nos collègues du CRD, de la ville et d'un ensemble de partenaires à Montréal, qu'il est extrêmement difficile, dans certains quartiers, de résoudre le problème, si on veut. Et on s'est aperçu aussi que tous les quartiers n'ont pas les mêmes caractéristiques. Quand on parle d'un quartier de Montréal, il faut se rappeler qu'il y a plus de personnes qui vivent sous le seuil de faibles revenus à Montréal-Nord qu'il y a de personnes qui habitent la Côte-Nord. Donc, on parle de quartiers avec des nombres extrêmement élevés. Et, dans ce contexte-là, donc, on s'aperçoit qu'il y a des quartiers qui répondent à certaines caractéristiques et qui sont ce qu'on pourrait appeler, dans notre langage ? ou dans mon langage peut-être plus que... ? des quartiers «trappes», donc des quartiers où les gens viennent s'installer et où la pauvreté s'instaure ou se vit de génération en génération, alors qu'il y a d'autres quartiers qui sont peut-être davantage des quartiers «trampolines», c'est-à-dire des quartiers refuges pour les personnes qui vivent des difficultés temporaires, mais qui, au bout d'un certain temps, parce qu'elles retrouvent un emploi ou que leurs conditions de vie changent, déménagement et s'en vont ailleurs.
Mais ce qu'on remarque, c'est que les politiques et les programmes s'appliquent de la même façon, que le quartier soit un quartier «trappe» ou un quartier «trampoline». Et ce qu'on aimerait, c'est qu'il y ait beaucoup plus de souplesse dans l'utilisation, en particulier, du fonds et au niveau de la décentralisation, pour être capable d'ajuster les programmes. Au niveau, par exemple, d'un arrondissement, d'un quartier de CLSC ou d'un quartier de Montréal, d'être capable d'ajuster les mesures selon les problèmes que l'on y vit, alors qu'actuellement on a l'impression que les politiques sont les mêmes, que les gens dans un quartier vivent une situation temporaire ou une situation chronique. Donc, il faut qu'il y ait une certaine adaptabilité des programmes au niveau même de la... décentraliser d'un quartier pour être capable d'avoir la souplesse entre les partenaires gouvernementaux et les partenaires des milieux communautaires, et autres, pour être capable d'avoir des actions concertées et efficaces.
Alors, c'est le point que je voulais faire à ce moment-ci, et je passe maintenant la parole à M. François Thérien.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Thérien.
M. Thérien (François): Merci. Alors, mesdames, messieurs, comme vous pouvez le déduire de l'intervention du Dr Lessard, la Régie régionale et la Direction de santé publique de Montréal sont tout à fait acquis au principe général de la loi. Et, maintenant, nous aimerions mettre de l'avant quelques points particuliers qui nous apparaissent prioritaires et qui, à notre avis, devraient trouver place de façon plus explicite dans la loi ou, à tout le moins, dans le plan d'action qui suivra.
Alors, nous avons identifié quelques domaines hautement stratégiques où nous pensons qu'une intervention énergique devrait être menée. Mais, en préambule, il faudrait mentionner que des mesures urgentes sont requises pour tous ces prestataires d'aide sociale qui, avec les coupures et les pénalités qu'ils subissent, n'obtiennent pas le minimum des minimums pour subsister avec une certaine dignité.
Donc, pour le plus long terme, pour l'action sur les causes de la pauvreté, il nous paraît indispensable de préciser et d'enrichir le contenu de la loi si on veut que les orientations qui sont proposées mènent à des actions, des mesures, des programmes qui, vraiment, vont faire une différence, vont avoir un impact.
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(10 h 30)
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Primo, on est très content de voir que la première orientation concerne la prévention. Naturellement, c'est quelque chose qui converge avec le coeur de la mission d'un organisme de santé publique. Cette orientation-là, capitale pour le développement du potentiel des personnes, peut et doit donner lieu à des actions ciblées vers la petite enfance parce que c'est là que vont se jouer, comme tant d'études l'ont démontré, les conditions de la future réussite scolaire et de l'adaptation sociale en général. Concrètement, pour nous, ça implique, entre autres choses, combler sans délai l'ensemble des besoins en matière de services de garde et d'éducation préscolaire. Il ne faut pas que l'accès à une place de garderie requiert une planification de deux ans ou qui soit pensée très longtemps d'avance, un type de comportement, au demeurant, qui est souvent difficile pour les personnes à faibles revenus. Deuxièmement, il nous semble important d'assurer à tous la disponibilité de services de stimulation, et en particulier d'orthophonie, en milieu défavorisé, sans lesquels la réussite scolaire des enfants est par avance automatiquement compromise. On sait que, et c'est observé, les gens des écoles le voient constamment, les enfants qui arrivent à cinq ans à l'école et qui ont un déficit de langage important... et on peut prédire d'ores et déjà que c'est des décrocheurs à brève échéance.
Deuxième point particulier, c'est l'alimentation, qui constitue un domaine où les inégalités sociales font beaucoup de dommages, à court et à long terme, sur la santé et le bien-être des familles. Le monde de l'alimentation, c'est un domaine où, à l'évidence, le marché ne marche pas ou en tout cas ne marche pas très bien. Et, d'autre part, on sait que la formation de consommateurs avertis et compétents en matière d'alimentation est très peu soutenue par les institutions publiques. Tout ça conjugué au faible revenu amène une alimentation de deuxième classe pour les populations défavorisées, et qui ont des conséquences fondamentales sur la santé et le bien-être. Alors, nous pensons qu'il y a nécessité d'intervenir et d'inventer des pratiques novatrices qui rassemblent les partenaires du milieu, tant du milieu scolaire, agroalimentaire, de santé et services sociaux et du communautaire, pour que ce besoin-là, certainement le plus fondamental entre tous, soit comblé adéquatement pour l'ensemble de la population, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Troisièmement, le logement, et c'est un point que nos collègues et amis de la ville de Montréal vont développer dans leur mémoire aussi, la nécessité d'avoir du logement abordable et favoriser l'accès à la propriété. Le logement est évidemment un autre lieu très stratégique où les inégalités sociales pèsent lourdement sur la santé et le bien-être. Ici, on parle des conditions financières de l'habitation et aussi des conditions physiques ou environnementales qui font que la santé et le bien-être des familles trop nombreuses sont compromis. Alors, on aimerait retrouver dans la loi un engagement plus clair, plus ferme pour la construction de logements sociaux et aussi pour la mise en place d'autres formules d'aide au logement, peut-être inspirées de programmes européens, en particulier des mesures suédoises, et aussi des programmes de facilitation d'accès à la propriété. En plus, évidemment, il faudrait que les municipalités soient soutenues dans leur tâche d'assurer un minimum de contrôle sur l'état de salubrité et de sécurité du logement locatif.
Quatrième point, la question de l'emploi et des revenus d'emploi. On sait que l'accès à l'emploi et la valorisation du travail sont les voies fondamentales pour lutter contre la pauvreté, l'énoncé de politique et le texte de loi y font allusion aussi. Cependant, on sait par ailleurs que beaucoup de personnes travaillent sans que leurs revenus puissent les sortir de la pauvreté. À l'évidence, c'est une situation aberrante qu'il faut absolument corriger. Il y a la législation, qui est certainement indispensable, sur le revenu minimum et les normes minimales de travail, mais, par ailleurs, nous aimerions proposer qu'on examine la possibilité que l'État et ses dépendances instaurent une mesure sur le modèle du Living Wage Ordinance, qui a été passé par la ville de Baltimore en 1994 et qui, depuis, a été repris par près d'une centaine d'administrations locales et régionales aux États-Unis, une mesure qui fait que les municipalités ou enfin les instances publiques s'engagent à ne donner de contrats... donc à ne faire affaire pour des contrats ou des subventions qu'à des entreprises qui paient des taux de salaire et offrent des conditions de travail qui permettent aux personnes d'être au-dessus du seuil de pauvreté par un taux qu'on déciderait.
Enfin, le dernier point que je voudrais soumettre à votre attention, c'est la question du développement des actifs ou de la mise en place d'une stratégie cohérente, organisée de lutte à la pauvreté fondée sur le développement des actifs et des avoirs. On sait que les seules mesures de soutien du revenu, par elles-mêmes, peuvent soulager, mitiger une situation difficile, mais n'arrivent pas à changer les conditions qui génèrent la pauvreté. Alors, il faut mettre en place des stratégies. Ça veut dire des avantages fiscaux, des mesures d'éducation populaire et des mesures de facilitation de l'accès aux services financiers. Il y a peut-être 10 ou 12 %, on ne sait pas exactement le chiffre, mais de personnes démunies qui n'ont pas de compte de banque, donc le minimum des minimums en termes d'accès aux services financiers. C'est évident que ces gens-là sont dans une situation soit de leur fait ou soit parce que les institutions financières les refusent. Mais, chose certaine, pas d'accès aux services financiers, c'est un handicap fondamental pour sortir de la pauvreté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Thérien, en terminant, je vous prie.
M. Thérien (François): En terminant. Bon, la loi n° 112 y fait une allusion marginale, à la question des actifs, l'énoncé de politique y faisait une place plus grande, et nous pensons que la loi devrait revenir à ce qu'on trouve dans l'énoncé de politique. Sur ce, je passe la parole à ma collègue, Mme Raynault.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est tout le temps qui est mis à notre disposition, à moins que j'aie le consentement de la part d'autres... Peut-être que vous pouvez intervenir lors des discussions, Dre Raynault. Oui. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci beaucoup. D'abord, Dr Lessard, Mme Raynault et M. Thérien, je tiens à vous remercier d'abord d'avoir participé tout au long des tournées régionales de ma collègue, Mme Léger. Dans le cadre de ses tournées, il y a eu une grande participation, justement, des régies régionales de santé et de services sociaux, qui ont fait part de leurs commentaires et des éléments qui devraient être retenus dans le cadre d'une stratégie de lutte à la pauvreté.
M. Lessard, Dr Lessard, vous avez indiqué qu'il était extrêmement important de se donner une approche de concertation. Vous l'aviez soulevé pendant la tournée régionale, et on le retrouve dans le cadre de la stratégie et du projet de loi. Vous avez indiqué à juste titre les grandes inégalités qui se créent au niveau des personnes vivant cette pauvreté. Malgré que nous n'ayons pas des études qui soient tout à fait complètes en soi, on en a suffisamment pour la démontrer, cette réalité, à juste titre.
Vous avez indiqué qu'il était extrêmement important que nous puissions avoir cette décentralisation pour permettre justement, localement et régionalement, d'avoir les marges de manoeuvre nécessaires pour justement permettre aux gens de prioriser certains secteurs. Dans la loi, aux articles 16, 17 et 18, on indique clairement qu'on peut, à partir d'ententes spécifiques ou à partir, je dirais, de demandes qui ont été... qu'il était tout à fait possible de le faire, et c'est l'optique même du projet de loi.
Vous avez indiqué que, au niveau de... Et je sais que la Régie régionale, particulièrement par son intervention dans différents secteurs, elle dit à juste titre qu'il nous faut avoir une meilleure coordination, avoir une meilleure cohésion d'interventions au niveau des différents ministères et de nos différents partenaires. Quelle serait la meilleure façon d'assurer... Parce que les principes sont campés dans le projet de loi, ils le sont également dans la stratégie et dans le plan d'action, nous avons l'obligation de le déposer dans un délai qui est indiqué clairement. Mais plusieurs personnes sont venues nous dire: Cette coordination-là, que l'on voit dans la stratégie à laquelle on adhère, quelle serait la meilleure formule ou qui est le meilleur organisme ou la meilleure personne qui pourrait nous assurer du suivi par la suite? Parce qu'on interpelle dans la stratégie le ministère de l'Éducation au plus haut point, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de la Solidarité sociale et de la Famille. On a des comités interministériels avec lesquels nous travaillons et, dans notre... que ce soit au niveau du plan concerté pour les familles ou que ce soit pour la politique de la formation continue. Non seulement on fait nos arrimages entre ministères, mais la préoccupation des gens, à juste titre, et c'est notre préoccupation: Comment nous assurer correctement du suivi sur le terrain? Et, selon vous, de par votre expérience, qui est la meilleure personne ou le meilleur organisme pour le faire et quelles seraient les conditions essentielles pour qu'on puisse dire: Ça va fonctionner?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lessard.
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(10 h 40)
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M. Lessard (Richard): Merci pour la question. Écoutez, à Montréal, on a quelques expériences de concertation qui fonctionnent très bien où on a pu réaliser que ces problèmes-là existent, en particulier le Forum sur le développement social au CRD et la Commission administrative régionale dite sociale du ministère de la Métropole. Et les discussions avec les collègues du réseau gouvernemental et extérieur du réseau gouvernemental nous ont amenés à penser à quelques projets, dont un qui pourrait être un exemple de concertation, par exemple, dans un arrondissement de Montréal, qui s'appelle Montréal-Nord, l'ancienne ville de Montréal-Nord, où on retrouve sur le terrain une commission scolaire, un CLSC et un arrondissement géographiquement défini de la même manière. Et je ne sais pas s'il y a un organisme qui doit être responsable, mais c'est sûr qu'on voit un ensemble d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux travailler au niveau d'un territoire comme celui-là en concertation. C'est là que l'éducation, la santé, l'aide sociale, les pouvoirs municipaux et ses leviers, et, bon, il y en a d'autres qui ne me viennent pas à l'idée, mais c'est là que ça fait du sens de travailler ensemble.
Le niveau gouvernemental central est important pour donner les grandes orientations, il est important pour définir les niveaux de ressources qui sont accessibles, il est important pour répartir les argents entre les régions. Mais, au-delà de ça, je pense que c'est au palier régional, et, dans le cas de Montréal, un palier arrondissement ou un palier local, où vraiment ça se passe, parce qu'on a réalisé que ça prenait beaucoup de temps aux intervenants, dont nous-mêmes, pour développer de la confiance, travailler ensemble, échanger sur les problèmes.
Puis, à un moment donné, on a réalisé que, dans le fond, je ne sais pas trop comment le dire pour être politiquement correct, là, mais on travaillait tous avec la même liste de personnes, quel que soit le ministère dans lequel on était. La liste des personnes qui se retrouvent à l'aide sociale, c'est la même que... sans l'avoir mis ensemble, mais on peut penser que c'est la liste avec laquelle les commissions scolaires travaillent au niveau du décrochage, c'est la liste des personnes qui éventuellement vont se retrouver dans les urgences ou dans des services de la santé, et on peut y aller comme ça. Donc, malheureusement, on s'aperçoit qu'il y a une concentration de problèmes sur un nombre restreint de personnes ? restreint, ce n'est pas tout le monde, mais c'est quand même des nombres extrêmement importants ? et c'est à ce niveau-là que la concertation doit se faire. Et on a commencé à travailler sur quelques projets à Montréal, mais on s'aperçoit que rapidement on est gobé par la force centripète du gouvernement: les programmes centraux, l'administration rigide au niveau central qui exige que les programmes soit administrés de la même façon dans toutes les régions, sous-régions et même...
Alors, c'est sûr que l'idée, ce n'est pas de créer un autre palier où les programmes seraient différents. L'idée, c'est évidemment de respecter les orientations que l'État met sur la table. Et, dans l'administration quotidienne, je pense que le citoyen qui est aux prises avec tous les problèmes que j'ai mentionnés, lui, il est obligé de faire la coordination, il est obligé de subir la non-coordination de l'éducation, de la santé, de l'aide sociale, bon, puis mettez-en, mais ça tombe sur sa personne ou sur les gens qui sont autour de lui ou d'elle. Et, nous, il faudrait être plutôt là pour servir ce client-là qui a besoin de concertation que de l'imposer par nos silos, comme on le dit assez souvent. Vraiment, notre expérience sur le terrain, c'est: plus c'est décentralisé, mieux c'est.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup, Dr Lessard. Je vais laisser la parole à mes collègues qui veulent vous poser des questions. Mais je voudrais féliciter Mme Raynault de la création de l'Observatoire qui a été fait. Je sais que vous y avez contribué grandement, et on aura l'occasion ultérieurement d'échanger, parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ont soulevé l'Observatoire versus celui que l'on retrouve dans la loi pour voir si l'arrimage peut se faire entre ces deux organismes-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Vachon.
M. Payne: Merci. Il me plaisir, Dr Lessard, Mme Raynault, M. Thérien. Ça me faisait plaisir tantôt, Mme la Présidente, de souhaiter la sincère bienvenue dans cette quatrième semaine de travail de notre commission à la nouvelle... au nouveau membre de l'ADQ, mais on aurait souhaité qu'elle reste un peu plus longtemps. Et je sais que le règlement ne me permet pas de souligner son absence, alors je ne le ferai pas.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Vachon, à sa décharge, elle est venue me rencontrer pour me dire que malheureusement, comme il s'agit d'une première, elle avait d'autres engagements, mais qu'elle sera présente à compter de cet après-midi.
M. Payne: C'est ça. Oui, parce que c'est un débat important. Parce que, entre nous, les partis politiques, la lutte à la pauvreté, ça nous concerne tous. On ne peut pas rester indifférent. Il faut surtout être présent lors des débats. Et, vous surtout, la Régie régionale de la santé, vous êtes visés par ce parti politique qui viserait votre disparition. Peut-être que vous pouvez profiter de votre passage à l'Assemblée nationale pour souligner l'essentiel de votre mission et votre indispensabilité. Et surtout, dans mon expérience, peut-être vous pouvez souligner le travail, encore une fois essentiel, de partenariat que vous accomplissez auprès des organismes communautaires. À juste titre, vous indiquez qu'il faut attaquer les causes du problème de la pauvreté. Pour plusieurs, pas pour la majorité, mais pour quelques personnes, on semble vouloir imaginer qu'on est capable de réduire la pauvreté aux popotes roulantes, mais loin de là. La réalité de la pauvreté, c'est qu'il faut attaquer, comme dans d'autres pays, les causes de cela. Vous parlez, par exemple, de services à la petite enfance, vous parlez de logement, vous parlez de l'intervention sociale, de rémunération au travail, c'est essentiel. Pouvez-vous justement aujourd'hui mettre au clair pour le public québécois c'est quoi, votre mission, avec un regard particulier sur l'attention et la nécessité d'être partenaires dans la lutte à la pauvreté, vous, la Régie régionale de la santé? Dans un autre mot, serait-il concevable que vous puissiez disparaître, et avec quelles conséquences?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lessard.
M. Lessard (Richard): Comme le dirait le nouveau P.D.G. de la Régie régionale de Montréal, M. Levine, vous nous jugerez aux résultats et vous prendrez les décisions qui vous appartiennent pour le rôle de la Régie et sa présence.
Quant au rôle de la Régie dans le domaine de la lutte à la pauvreté, la Régie intervient par les CLSC et les médecins en prévention un peu dans le domaine du développement des personnes par des programmes de prévention. Et le programme national de santé publique que le gouvernement propose actuellement en consultation met de l'avant des moyens qui sont extrêmement intéressants et qui auront besoin d'être supportés par le gouvernement pour rejoindre tout le monde. Donc, il y a des programmes de prévention qui sont mis en place par les CLSC et les médecins au niveau du développement des tout-petits. Il y a aussi des interventions qui sont plus de l'ordre du curatif, qui arrivent un peu plus tard au niveau du réseau de la santé, par exemple avec les centres de la petite enfance et les CLSC.
Donc, on joue un rôle beaucoup de, comme je disais, de ramasser les pots cassés, malheureusement, et on s'aperçoit et tous nos intervenants dans le réseau s'aperçoivent que, si on pouvait plus et mieux faire en amont en concertation avec les autres, ça ferait beaucoup plus de sens. Et on le reconnaît, ça, on le dit et on espère pouvoir travailler davantage avec tout le monde. Et en général, en tout cas à Montréal, nous partageons tous, ceux qui sont préoccupés par cette problématique-là, cette façon de faire, et on a besoin du support du gouvernement central pour être capable localement de travailler encore plus ensemble.
M. Payne: La question de la pauvreté, il s'agit d'un sujet qui n'impressionne pas plusieurs parce qu'on ne voit pas les effets de l'investissement qui a comme but d'attaquer les causes du problème aussi facilement qu'on voudrait des fois. Souvent, comme je dis, des fois le ministre des Finances ne peut pas voir le «bottom line» facilement, le résultat de cet investissement. Donc, il y a un lien à souligner entre l'intervention, l'investissement nécessaire et l'éducation, la petite enfance, le préscolaire, et tout.
Ma question secondaire pour vous, ce serait: Est-ce que vous envisagez d'améliorer votre partenariat avec le communautaire, les organismes surtout communautaires, pour que vous puissiez répondre à ceux qui diront que souvent ce sont des bénévoles qui peuvent mieux et à bien meilleur marché que les structures administratives qui existent déjà?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lessard.
M. Lessard (Richard): Oui. Bien, je pense que vous avez raison, en ce sens que, dépendant de la tâche, un organisme peut faire mieux qu'un autre, dépendant de l'ampleur du problème. Je pense qu'il n'y a pas de groupes ou de sous-groupes dans la société qui ont le monopole de la bonne action à faire. Donc, c'est pour ça qu'on parle de partenariat puis de travail en groupe.
Mais j'aimerais passer la parole à Mme Raynault là-dessus, si vous permettez.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dre Raynault.
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(10 h 50)
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Mme Raynault (Marie-France): Moi, je voudrais souligner en réponse à cette question-là le rôle essentiel de l'État dans la réduction de la pauvreté. Quand on parle d'organismes communautaires, quand on parle aussi d'actions de remédiation en santé, on parle d'interventions qui sont très en aval et qui ne sont pas à même de réduire le nombre de personnes qui sont en situation de pauvreté mais plutôt d'améliorer leurs conditions de vie, et ce sont des actions qui sont essentielles mais qui sont loin d'être suffisantes. Et le genre d'actions que l'État se doit de mener, c'est vraiment de redistribuer la richesse. Il n'y a pas d'autre organisme qui peut faire ça que l'État. Et les travaux de l'Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé, que je dirige depuis deux ans, nous ont permis de constater que les sociétés qui avaient réussi à diminuer grandement leur taux de pauvreté, c'est-à-dire carrément le nombre de personnes pauvres, sont des sociétés où l'État a été très actif à implanter des programmes sociaux et à redistribuer la richesse. À l'opposé, les sociétés, et on a malheureusement un exemple à nos portes, qui ont compté sur la création d'emplois et le développement de la richesse pour lutter contre la pauvreté sans mettre en place de programmes sociaux qui étaient vraiment redistributeurs, ont constaté un échec de leur stratégie. Et je pense que le Québec qui, malheureusement, a les yeux tournés vers son voisin et bien informé de ce qu'il fait, devrait aussi regarder de l'autre côté de l'Atlantique puis voir des modèles de société qui redistribuent davantage et qui implantent des programmes sociaux.
Et, quand vous dites que le ministre des Finances ne voit pas souvent les résultats de son action, on peut voir, quand on surveille les taux de pauvreté comme on le fait à l'Observatoire, que la pauvreté des personnes âgées a diminué de façon sensible dans la dernière décennie, et à cause de l'action de l'État et pas à cause de la création d'emplois, il va sans dire. Par contre, au niveau des jeunes familles, les progrès sont plus récents et, encore là, l'action de l'État va être très importante. Les garderies à 5 $, notamment, sont un exemple de mesure universelle qui bénéficient à toutes les classes sociales et donc qui seront soutenues par toutes les classes sociales et qu'il serait opportun de mettre en place.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Je n'entrerai pas sur le terrain de l'abolition des régies régionales, je ferai remarquer simplement à mon collègue qu'il y a trois ans à peu près on avait proposé un mandat d'initiative à cette même commission pour qu'on puisse évaluer le rôle des régies, etc. Ça a été refusé par la partie ministérielle. Donc, on a procédé à notre propre réflexion, puis on est arrivé effectivement à la conclusion qu'il faut les abolir, il faut réduire les structures au niveau de la santé pour pouvoir effectivement être plus directement branché sur le citoyen. La multiplication des structures n'est pas nécessairement un gage d'efficacité au niveau de la livraison des services.
Et dernière anecdote, je me rappelle très bien du temps qu'on créait les régies régionales, j'étais moi-même à l'époque ministre délégué à la Santé, et la discussion était à l'effet qu'on devrait prendre les effectifs du ministère puis les mettre dans les régies. Et c'était ça. Alors, ce qui est arrivé depuis, c'est qu'on a gardé les effectifs du ministère puis on a multiplié les effectifs dans les régies, à tel point que nous avons le même nombre de personnes dans les régies actuellement qu'il y avait avant dans le ministère. Alors, on a doublé le nombre de fonctionnaires ou de personnes affectées à ce travail. Pas certain qu'on a des meilleurs services aujourd'hui.
Ça étant dit, j'ai été particulièrement frappé par ce que vous avez dit et que je partage, que...
M. Payne: ...
M. Sirros: Bien, c'est vrai au niveau du nombre, oui, c'est vrai.
M. Payne: ...réponse.
M. Sirros: Mais j'ai été frappé par le fait... et je partage avec vous la constatation que... vous avez cherché une façon «politically» correcte de le dire, vous avez dit: C'est souvent les mêmes personnes, on travaille souvent avec la même liste de personnes au niveau des problèmes que les gens rencontrent au milieu scolaire, au milieu de la santé, à d'autres endroits aussi, souvent dans les tribunaux, etc., et on cherche... On avait aussi l'idée à un moment donné que les CLSC auraient été l'endroit tout désigné en quelque sorte avec une approche multidisciplinaire, en équipe locale, branchée sur la prévention, à l'époque, pour pouvoir agir de façon plus immédiate, si vous voulez, sur les problématiques lourdes dans certains quartiers. Et, depuis ce temps-là, je pense qu'on cherche toujours à trouver comment est-ce qu'on peut agir de façon plus horizontale au niveau de ces milieux défavorisés qui génèrent... qui sont génératrices de plusieurs difficultés pour les gens qui vivent ces situations-là. Et je cherche une façon de voir comment est-ce qu'on peut mieux ajuster la relation qui existe dans les centres d'emploi par exemple, dans les centres d'emploi locaux, et la dispensation du chèque avec un volet aide sociale, ou assistance sociale, ou travail social, je cherche aussi la façon «politically» correcte de le dire. Et je me demande si vous avez des réflexions sur cette jonction d'aide personnalisée au niveau de permettre à ces personnes-là d'envisager un avenir avec plus d'espoir.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lessard.
M. Lessard (Richard): Oui. Bien, je pense qu'il y a des modèles qui existent où les CLSC en particulier, les centres locaux d'emploi et les écoles travaillent ensemble, à petite échelle dans certains endroits. C'est sûr que les CLSC continuent de travailler un peu comme on voulait qu'ils travaillent au début, mais il faut connaître aussi les contraintes qu'ont vécues les CLSC, en particulier au cours des sept, huit dernières années, et qui les ont amenés à travailler beaucoup plus dans le maintien à domicile que dans la prévention. Les chiffres sont là pour le démontrer.
Mais, écoutez, c'est ce qu'il faut arriver à faire, c'est que l'ensemble des organisations, au moins qui interviennent autour de la petite enfance et du primaire, travaillent ensemble à supporter le milieu dans lequel ces enfants et ces parents-là sont. C'est vraiment l'objectif à atteindre, parce qu'on ne voit pas trop comment, honnêtement là, on va faire mieux que ce qu'on a déjà fait si ce n'est que... C'est sûr que d'augmenter le niveau de revenu des gens qui vivent avec des revenus bas qu'ils ont actuellement, ça va les aider, c'est incontestable. Mais, au niveau de la dispensation des services que ces gens-là ont besoin, on ne peut plus fonctionner en tunnels qui ne communiquent pas ensemble. On ne peut plus dire, par exemple, que l'école finit au trottoir. On ne peut pas dire que le CLSC, ça commence à la porte du CLSC.
Il faut vraiment voir le milieu dans lequel évoluent les personnes et les familles comme un milieu où tout se passe, et tous ceux qui travaillent à faire progresser le milieu avec les gens qui sont là doivent travailler ensemble. Mais les modalités pour y arriver ne sont pas clairement connues honnêtement et ce qu'on voit... et ça prend des initiatives locales, ça prend des leaders locaux qui forcent la concertation. Par exemple, un directeur d'une école qui fait venir à l'école le responsable du CLSC, le responsable de l'aide sociale puis qui dit: Écoutez, moi, j'ai 10 problèmes ici, et puis vous allez travailler ensemble pour me les régler. Alors, vous voyez comment la concertation dans son milieu prend forme? Puis on y va par individu. Parce que les gens sont désespérés, puis ils voient bien que la concertation ne se fait pas comme ça devrait se faire. Ou d'autres approches qui disent: Bien, par exemple, on va se mettre ensemble, on va aborder le milieu, par exemple Montréal-Nord, puis on va voir comment on pourrait mieux utiliser l'argent qui arrive d'un côté et de l'autre à l'occasion pour cibler, pour mieux développer, pour consulter, puis faire quelque chose de structurant pour l'arrondissement.
Alors, peut-être que Dre Raynault veut rajouter un mot là-dessus.
Mme Raynault (Marie-France): Moi, ce que je voudrais ajouter, c'est que les personnes qui sont en situation de pauvreté ont de multiples problèmes qui demandent de multiples interventions, de multiples intervenants et organismes, mais tout ça, ça coûte cher. La pauvreté, ça coûte cher. Et les mesures qu'on met en place pour la prévenir, même si elles semblent coûter cher a priori, moi, je pense qu'à long terme, dans une société où on essaie de se voir dans 20 ans avec tout notre monde au travail, en compétition avec le reste du monde développé... il faudrait voir vraiment à prévenir plutôt que de ramasser ça comme... C'est parce que ça demande... C'est évident que la concertation, c'est essentiel et que l'action de différents organismes, c'est essentiel. Mais ça demande tellement, ça demande tellement d'initiatives que... Je plaide vraiment pour une prévention primaire puis une redistribution de la richesse qui vont nous servir à long terme, y compris aux personnes riches. D'ailleurs, on a de bonnes évidences internationales que, dans les pays qui sont plus égalitaires, l'état de santé est meilleur pour tout le monde, y compris pour les personnes riches, et aussi l'état de connaissances, les réussites en mathématiques, etc. Différentes choses dans les pays plus égalitaires sont meilleures, y compris pour les personnes en haut de l'échelle. Donc, tout le monde a à gagner par une réduction primaire de la pauvreté, pour prendre un vocabulaire de santé publique.
M. Sirros: Je pense qu'on ne le dit pas assez souvent. Puis, tout récemment, il y avait cette étude qui nous faisait prendre conscience du fait que les gens en situation de pauvreté vivent 14 ans de moins en santé que les autres. Bien, ça, ça a des coûts réels au niveau de la visite chez le médecin, à l'urgence, à l'hôpital, etc. Et je pense que, si on peut le voir comme ça...
M. Lessard (Richard): Écoutez, M. Sirros, au Québec, j'ai l'impression, des fois, qu'on est une société de guérisseurs. C'est que, quand on a un problème, on trouve du monde pour s'en occuper, mais c'est comme si on n'avait pas atteint le niveau où on se dit: On serait peut-être mieux de prévenir. C'est comme si c'est facile de trouver des intervenants puis de l'argent pour s'occuper d'un problème qui a été créé, mais on a de la misère à trouver de l'argent pour s'arranger pour que le problème n'arrive pas. Puis le «bottom line», là, du ministre des Finances, bien il se pose en termes de dépenses, puis on dit: Il faut dépenser moins, il faut dépenser moins, mais c'est comme si on ne regardait pas ce que ça coûte. On regarde ce que ça coûterait de plus pour prévenir, mais on ne regarde pas la quantité d'argent que ça coûte pour essayer de guérir avec des succès limités.
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(11 heures)
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Ça fait que moi, je trouve qu'on a un problème d'attitude comme société. Je ne veux pas projeter mes problèmes aux autres, mais j'aimerais ça que, de temps en temps, on se dise: Oui, on va s'occuper des gens qui ont des problèmes, mais, écoutez, à un moment donné, on essaie-tu de réduire le fardeau un peu? Et les moyens de prévention, en général, ils sont moins chers que ce qu'on veut mettre en place comme système pour essayer de guérir.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Non, je ne fais que dire que je suis tout à fait d'accord. À la décharge de ceux qui font ce qu'on fait, c'est souvent, tu sais, le... L'urgence prend le dessus souvent, puis quand ça arrive... J'ai passé quelques années dans un CLSC, puis c'était évident que l'approche était celle de faire de la prévention. Mais, avec le temps et le maintien à domicile et, par la suite, le virage ambulatoire, et tout le reste, c'est venu prendre le dessus sur cette approche de prévention. Puis c'est peut-être resté dans le discours quelque part, mais, à moins d'investir au niveau de la prévention également, en couvrant d'abord aussi l'essentiel, on ne réussira pas.
Mais, en parlant de l'essentiel, un dernier point. Je ne sais pas s'il me reste encore du temps, mais un dernier point...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Trois minutes, M. le député.
M. Sirros: Vous avez parlé de la nécessité de commencer par le commencement quand on parle de pauvreté et, tout au moins, minimalement couvrir certains besoins vitaux, je les appelle, même pas les besoins essentiels au niveau de l'ensemble. Je pense à l'assurance médicaments, la gratuité des médicaments pour les personnes en situation d'extrême pauvreté que sont ceux qui vivent totalement de l'aide sociale, et de finir aussi avec les coupures punitives, parce que les prestations sont déjà à un niveau... Je constate que vous le soulevez puis je tenais tout simplement à le souligner parce que je trouve que c'est un message important à repasser de l'autre côté, qu'on ne peut pas parler d'une lutte à la pauvreté sans avoir minimalement, minimalement arrêté ces... réparé ces deux trous béants dans le filet qui est déjà très minimal.
Dernier commentaire. Moi, je ne connaissais pas l'Observatoire sur les inégalités sociales, montréalais. On parle d'un observatoire ici, parlez-nous un petit peu de l'Observatoire. J'aimerais le saisir davantage.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en deux minutes, Dr Raynault.
Mme Raynault (Marie-France): Alors, l'Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé, c'est une initiative de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre qui, ayant constaté, là, notamment dans son rapport annuel, en 1998, que les inégalités sociales étaient le gros déterminant de la santé et que les gains à faire en santé des Montréalais seraient sûrement dans la réduction des inégalités sociales... Cet Observatoire-là a été créé pour trouver des... Une fois qu'on a dit ça puis qu'on a dénoncé la pauvreté comme on vient de le faire, il faut trouver des solutions et il faut conseiller les décideurs qui sont aux prises, notamment au niveau régional, avec les problèmes de pauvreté et d'intervention.
Et l'Observatoire vise à mettre en réseau des chercheurs, parce que la pauvreté, c'est un phénomène complexe, à multiples dimensions, et c'est sûr que la Direction de santé publique n'était pas en mesure d'héberger tous ces chercheurs-là qui avaient besoin d'être stimulés dans leur milieu intellectuellement puis pour leur méthodologie. Et l'Observatoire a essayé de faire des partenariats, d'amener les préoccupations de la Direction de santé publique aux chercheurs, de monitorer aussi les inégalités sociales de santé, la pauvreté, les différents indicateurs, de développer certains indicateurs, là, qui ont été développés à Montréal-Centre et de partager toute cette information-là avec des décideurs lors, notamment, de colloques, là, qu'on tient périodiquement où on invite les gens du CRD, les gens de la ville de Montréal, les gens des principaux ministères, du ministère de la Métropole et tous ceux qui veulent bien s'inscrire pour échanger, pour faire en sorte que la recherche soit plus adaptée, que les décideurs soient au courant aussi des grandes tendances et que les décisions qui sont prises soient plus informées.
Alors, c'est une initiative qui va bien dans la mesure où on nous dit qu'elle est appréciée, et beaucoup de gens viennent discuter. Je vous donne l'exemple de notre dernier colloque, qui était sur les impacts sociaux d'un revenu minimum garanti, et on s'est aperçu qu'il y avait des intérêts là-dedans chez beaucoup de décideurs qui sont aux prises avec des choses à régler, là, dans leur quotidien et qui bénéficient beaucoup de l'expertise des chercheurs qui, eux, sont très contents de la partager, de trouver une tribune de gens avec qui ils peuvent échanger, parce qu'ils ont souvent l'impression de publier dans des revues et puis qu'ensuite ça n'a pas d'impact sur la société. Alors, c'est comment mettre la recherche au service de la société pour réduire les inégalités sociales.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, au nom de tous les membres de la commission, Dr Lessard, Dr Raynault et M. Thérien, merci de nous avoir fait partager votre vaste expérience.
Alors, je demanderais immédiatement aux représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal de bien vouloir prendre place, et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 6)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): On a un peu de retard.
Alors, je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît, la commission poursuit ses travaux. Alors, je demanderais aux représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Alors, je vous souhaite la bienvenue. Et, bien sûr, je cède la parole à Mme Afifa Maaninou, qui est présidente du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Conseil scolaire de l'île de Montréal (CSIM)
Mme Maaninou (Afifa): Merci, Mme la Présidente. Je suis accompagnée par Mme Johanne Paradis, directrice générale du Conseil scolaire de l'île; M. Marcel St-Jacques, responsable des milieux défavorisés; et M. Juan Hernandez, président du Comité d'analyse, qui travaille sur les milieux défavorisés au niveau politique.
Mme la Présidente, Mmes les ministres Linda Goupil et Nicole Léger, Mmes, MM. les députés, je vous remercie, au nom de mes collègues, de nous avoir permis de nous exprimer devant vous aujourd'hui. Le Conseil scolaire de l'île de Montréal se réjouit de la volonté gouvernementale de faire reculer la pauvreté et l'exclusion. Le Conseil scolaire remercie la commission parlementaire des affaires sociales de l'occasion qu'elle lui a fournie d'exposer ses vues sur la réduction de la pauvreté et de l'exclusion sociale au Québec et de faire valoir l'expertise du Conseil scolaire en ce qui concerne la mesure de la pauvreté et l'éducation en milieu défavorisé.
Notre présentation se divise en trois parties: la première partie, ce sont les éléments de la stratégie nationale que nous partageons; ensuite, ce sera ce que nous souhaiterions y voir ajouter; et, enfin, nos recommandations.
Ce que nous partageons. Le Conseil scolaire est d'accord avec les valeurs fondamentales exprimées dans le modèle québécois de développement solidaire. Il participe au credo de valeurs communes d'une société québécoise qui, en route vers une société juste et solidaire, recherche l'équilibre entre le développement économique et le développement social.
Le Conseil scolaire partage la définition large de la pauvreté proposée dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il croit que les valeurs de partage et de cohésion sociale entraînent la recherche de la réduction des inégalités économiques et sociales et que la lutte contre la pauvreté et l'exclusion est une lutte pour les droits humains.
L'exposé de la situation de la pauvreté au Québec qui est fait dans la stratégie nationale se rapproche de celui qu'aurait pu faire le Conseil scolaire. Le Conseil scolaire croit qu'à la pauvreté matérielle, à laquelle il faut bien sûr s'attaquer, s'ajoutent la santé et l'éducation qui en sont les déterminants majeurs, mais aussi des leviers du développement personnel et social qui permettront aux personnes de sortir de leur situation de défavorisation. Il lui semble aussi qu'il faut accorder une attention particulière aux groupes à risque de pauvreté persistante et aux problèmes posés par la concentration territoriale de la pauvreté.
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(11 h 10)
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En s'appuyant sur les études portant sur le stress engendré par la pauvreté, le Conseil scolaire croit que, dès l'école primaire, les enfants des familles à faibles revenus présentent un plus haut niveau de stress que les autres enfants ainsi que davantage de troubles mentaux.
Il est bien établi que le décrochage scolaire, particulièrement élevé à Montréal, se produit bien plus souvent parmi les enfants de milieux défavorisés. La relation très forte qui existe entre le retard scolaire et l'abandon de l'école a été également bien démontrée. Nous voudrions y ajouter une précision sur le lien entre le retard scolaire et la pauvreté. Un récent document du Conseil scolaire portant sur les années 1998-1999 à 2001-2002 montre qu'il existe une relation forte et systématique entre la proportion d'élèves ayant un retard scolaire et le niveau de défavorisation de leur provenance résidentielle. Plus l'élève provient d'un milieu défavorisé, plus souvent il accuse un retard à l'école. Les élèves des déciles 1 et 2, les plus défavorisés, sont en situation de retard scolaire trois fois plus souvent que les élèves des déciles 9, 10, c'est-à-dire les plus favorisés. Rappelons qu'il s'agit ici d'élèves inscrits à l'école secondaire publique.
Au regard des interventions, le Conseil scolaire se félicite de ce que la première orientation proposée dans la stratégie nationale en soit une de prévention, celle de favoriser le développement du potentiel des personnes. On y affirme haut et fort que c'est par l'acquisition de compétences et de connaissances que les personnes peuvent espérer devenir autonomes et épanouies.
Le lien étroit entre sous-scolarisation et pauvreté est bien décrit dans l'axe 2 de la première orientation, qui vise à soutenir davantage la jeunesse. Le Conseil scolaire apprécie que le ministère reconnaisse la recherche en éducation comme une avenue de contribution à la réussite scolaire et souhaite que les actions concertées aident les intervenants scolaires à s'adapter aux besoins des milieux défavorisés.
De l'avis du Conseil scolaire, l'axe 2 de la deuxième orientation, qui vise à développer l'intégration sociale par le logement, semble particulièrement adéquat pour contrer la pauvreté persistante. Selon certains sociologues, on peut espérer qu'une telle intégration pourrait contribuer à réduire divers effets de milieu. Le développement de services et d'outils d'insertion sociale et professionnelle en conjugaison avec le point d'ancrage qu'est le logement social nous semble une solution prometteuse. En plus d'y impliquer les habitants et le réseau associatif, il faut y associer l'école de quartier de façon à ce que les interventions soient bien arrimées les unes aux autres. Nous croyons en une vision intégrée du développement local à condition de ne pas en faire une panacée et de se méfier des effets de ghetto.
Le Conseil scolaire est en accord avec la cinquième orientation de la stratégie nationale visant à assurer la constance et la cohérence de l'action à tous les niveaux.
Ce que nous souhaiterions voir ajouter. L'examen de la stratégie nationale et du projet de loi n° 112 laisse sceptique quant à la place occupée par l'éducation dans la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Tout en affirmant que l'éducation est un levier-clé dans la lutte contre la pauvreté, la stratégie nationale propose peu d'éléments qui prennent réellement en compte l'éducation. Il nous semble, au contraire, qu'on doit se servir de l'école pour lutter contre la pauvreté. Seul l'axe 2 de la première orientation porte, dans une certaine mesure, sur la formation des jeunes. Et, là encore, les mesures d'insertion en emploi tiennent une bonne place, au point qu'on peut se demander si certaines de ces mesures ne pourraient pas interférer avec le cheminement scolaire de certains jeunes.
Par exemple, pour des jeunes ayant abandonné l'école sans diplôme, rejoindre le marché du travail n'est pas une garantie de sortie de la pauvreté. Ils trouvent le plus souvent des emplois précaires, faiblement rémunérés où les possibilités de formation sur le tas sont quasi inexistantes. Le projet Solidarité jeunesse, qui vise à prévenir le recours à l'assistance-emploi, amène rapidement les jeunes de moins de 21 ans à se définir un plan d'action vers l'autonomie et il privilégie l'attachement au marché du travail. Ce projet ne risque-t-il pas de détourner certains jeunes des études qui mènent à l'obtention d'un diplôme? Il semble au Conseil scolaire qu'il vaut mieux faire en sorte que les jeunes acquièrent les compétences nécessaires pour intégrer le marché du travail dans le cours normal de leur scolarisation.
En matière d'intervention ? si vous permettez, je vais prendre une gorgée d'eau ? en matière d'intervention, le Conseil scolaire voudrait que la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale contienne un engagement plus clair pour que des ressources spécifiques et exclusives soient consacrées à l'intervention en milieu défavorisé. Favoriser la réussite et prévenir le décrochage scolaire supposent non seulement une intensification des interventions, mais une intensification des interventions dans les écoles les plus défavorisées, et cela, de façon récurrente. L'insistance du Conseil scolaire à cet égard est basée sur son expérience.
Dans le domaine de l'éducation, l'histoire récente témoigne d'une tendance lourde à voir s'étendre à l'ensemble des enfants du Québec des mesures qui avaient d'abord été réservées spécifiquement pour les enfants de milieux défavorisés, telles la maternelle cinq ans, la réduction de la taille des groupes, l'aide aux devoirs et aux leçons, la mesure enseignants-ressources. Cela signifie qu'à toutes fins utiles les ressources que certaines mesures apportaient aux milieux défavorisés ont été élargies à l'ensemble de la population scolaire québécoise.
Toutefois, la maternelle quatre ans, initialement conçue et réservée aux enfants des milieux défavorisés afin de leur permettre de combler leur retard, est devenue une mesure non évolutive depuis deux ans. Cette décision gouvernementale contribue à augmenter les écarts entre les enfants des milieux défavorisés et les autres. Bien que le ministère de la Famille et de l'Enfance assume la responsabilité de développer des services aux quatre ans par le biais des centres de la petite enfance, le manque de places à court terme engendre une situation qui s'avère pénalisante pour tous ces enfants. N'y aurait-il pas lieu de revenir à une mesure évolutive améliorée en encourageant l'augmentation des services et la mise en oeuvre d'une maternelle quatre ans à temps plein en milieu défavorisé?
L'universalisation des mesures contribue sans doute à accroître la qualité de l'éducation publique dans son ensemble, mais elle ne contribue pas à l'égalisation des chances et à la réduction des écarts. Il y a là, selon nous, une certaine confusion entre égalité et équité. Cette orientation gouvernementale a pour effet de réduire l'effort particulier qui est consenti dans les écoles défavorisées, ce qui nous semble être en contradiction avec la volonté exprimée dans la stratégie nationale de lutte de favoriser des actions soutenues et concentrées dans les milieux défavorisés. Le Conseil scolaire rappelle avec force que l'égalité des chances suppose l'inégalité des ressources en faveur des plus démunis.
Le Conseil scolaire porte à votre attention l'obligation de la fréquentation scolaire. Considérant l'âge auquel les enfants entrent à l'école, la dernière année pour laquelle la fréquentation scolaire est obligatoire correspond à la quatrième année du secondaire pour l'élève qui n'a pas de retard. Plusieurs élèves en retard atteignent leur 16e anniversaire alors qu'ils sont inscrits en secondaire III et ils peuvent se soustraire à l'obligation scolaire dès la fin de cette année. Il a été établi par ailleurs que le retard scolaire touchait bien davantage les élèves de milieux défavorisés que les autres élèves. Ne serait-il pas temps de songer à allonger la durée de l'obligation scolaire d'au moins une année de façon à favoriser l'obtention d'un diplôme d'études secondaires ou d'études professionnelles du secteur des jeunes par un plus grand nombre d'élèves? Pour en accroître l'effet, cette mesure devrait s'appliquer en combinaison avec d'autres interventions déjà proposées dans la stratégie nationale, tels la diversification des voies en formation et le développement de programmes de soutien au raccrochage des jeunes en difficulté.
Sur l'objectif de réduction de la pauvreté tel qu'exprimé dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le Conseil scolaire désire exprimer des réserves. La stratégie nationale propose de travailler à ce que, dans 10 ans, la pauvreté au Québec se classe parmi les plus faibles des sociétés développées, les pays de l'OCDE. Il faut s'assurer de mesurer réellement le chemin parcouru. Il serait plus judicieux de fixer un objectif de réduction de la pauvreté et des inégalités par rapport à la situation actuelle du Québec ou encore...
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(11 h 20)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Plus que deux minutes, Mme Maaninou...
Mme Maaninou (Afifa): ...de fixer un objectif visant à atteindre la situation observée dans les pays les plus avancés dans la réduction de la pauvreté.
Le Conseil scolaire est déçu de ne pas voir l'évaluation de la stratégie nationale inscrite en tant que telle dans le projet de loi n° 112. C'est sur l'absence d'un cadre général d'évaluation que le Conseil scolaire veut insister ici. Une évaluation visant à accompagner les acteurs sur le terrain dans la recherche et la réalisation d'actions efficaces de lutte contre la pauvreté et l'exclusion nous semblerait prometteuse. Ce type d'évaluation s'impose dans les situations de recherche-action et d'interventions participatives où l'innovation et l'adaptation au terrain sont de mise. Nous souhaitons que des évaluations soutenantes soient mises de l'avant dans les instances créées par la loi que sont le Comité exécutif et l'Observatoire. Pour ce faire, il serait préférable que le cadre législatif l'encourage nommément.
Ce que nous recommandons: Le Conseil de l'île recommande que le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion comprenne des membres du réseau de l'éducation de tous les ordres d'enseignement.
Il recommande également que soit étendue la durée de l'obligation scolaire d'au moins une année, jusqu'à l'âge de 17 ans, ou jusqu'à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires ou d'études professionnelles.
Il recommande que le futur Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale s'établisse à Montréal.
Il souhaite être retenu comme un des organismes les plus représentatifs en matière de lutte contre la pauvreté au sein du Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Et il désire également faire partie du comité de direction de l'Observatoire de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
En terminant, le Conseil scolaire de l'île, organisme unique au Québec, réaffirme qu'il faut se servir de l'école pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cette école poursuit sa lancée dynamique marquée il y a 30 ans par le souci de l'accès à l'école pour tous, marquée plus récemment par l'accès au succès de tous et maintenant orientée vers l'accès à la citoyenneté participative de tous sans laisser personne de côté ni en arrière.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme Maaninou, pour la présentation de votre mémoire. Je cède la parole maintenant à la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Maaninou, je vous remercie ainsi que toutes les personnes qui vous accompagnent, d'avoir produit un mémoire de grande qualité qui soulève des questions extrêmement pertinentes.
D'abord, au niveau de l'éducation, je peux vous rassurer tout de suite, comme nous l'avons indiqué dans le cadre de notre première grande orientation, prévenir, développer le potentiel des personnes en soutenant la famille, cellule de base, en soutenant les jeunes et en leur donnant accès à toutes les qualifications et en facilitant l'accès aux compétences tout au long de la vie et en particulier aux groupes qui n'ont pas la formation requise pour s'adapter à l'économie du savoir, alors, c'est le premier axe, ça a été exprimé par l'ensemble des différents partenaires, et je peux vous indiquer que l'éducation est évidemment l'élément le plus important pour lutter contre la pauvreté. D'ailleurs, on y retrouve, dans notre stratégie, toute la politique de la formation continue aussi qui fait en sorte que, tout au long de la vie, les personnes ont besoin de cette formation.
Je voudrais revenir au niveau de la réalité de la main-d'oeuvre, parce que, effectivement, vous avez soulevé dans votre mémoire concernant le programme Solidarité Jeunesse... Je voudrais juste vous rappeler que Solidarité jeunesse, lorsqu'il a été mis de l'avant, c'est à partir d'un constat et d'études qui avaient été faits de longue haleine par différents partenaires où nous nous adressions à une clientèle qui était très éloignée du monde scolaire, c'est-à-dire qui avait déjà quitté l'école, qui, pour la très grande majorité, n'était plus à l'école. L'autre élément, il faut se rappeler aussi que le constat était à l'effet que ces jeunes, lorsqu'ils arrivaient pour une première fois pour demander de l'aide de dernier recours, s'ils y demeuraient plus qu'un certain temps, quatre, cinq mois, avaient toutes les chances d'y demeurer une grande partie de leur vie. L'autre élément aussi était de constater que ces jeunes, lorsqu'ils venaient pour demander cette aide de dernier recours, ont été pris en charge par différents réseaux, par différents organismes pour accompagner le jeune, pour l'aider: d'abord, dans bien des cas, se refaire une santé; deuxièmement, être capable de retrouver l'estime de soi et le sens des responsabilités.
Et les résultats, permettez-moi de vous les rappeler, sont quand même extrêmement extraordinaires. D'abord, ce jeune participe volontairement à la définition de ce plan d'action qu'il travaille. Il y a actuellement 7 792 jeunes qui ont participé au programme jusqu'à maintenant et qui est offert aux jeunes de 18 à 21 ans. De ces jeunes, nous en avons plus de 6 748 ? c'est près de 86 % ? qui sont aujourd'hui en mouvement. Un très grand nombre sont retournés aux études, et un autre est sur le marché du travail pour justement être capable, ce que je dirais, de reprendre contact avec la réalité du marché du travail. Sur l'ensemble des jeunes qui ont terminé actuellement leur parcours, il y en a un très grand nombre qui non seulement avaient à récupérer un retard, à compléter parfois un secondaire II, III, IV et V, et un très grand nombre de ces personnes... Et je pense particulièrement aux jeunes filles qui ont été sélectionnées dans le cadre de Ma place au soleil où non seulement elles ont complété leurs études, mais elles ont aussi décidé de se donner une formation supplémentaire.
Il y a eu une certaine époque où, au Québec, à juste titre, on a tout fait pour valoriser l'éducation à tous les niveaux, mais on a aussi oublié, je pense, de soutenir des métiers plus traditionnels, que ce soient des métiers qui sont extrêmement nobles, que ce soit celui, par exemple, de menuisier, de charpentier. Quelqu'un pourrait travailler dans une entreprise au niveau de la mécanique, et tout ça, et ce sont des gens qui gagnent leur vie de façon extraordinaire, qui exercent leur pleine citoyenneté et qui... Pendant des années, on a laissé de côté toute cette formation professionnelle. Alors, il est évident que l'éducation, je dirais, la plus grande qualification que nous puissions avoir, c'est un gage de réussite tant personnelle qu'au niveau de notre société, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a aussi des gens qui ne se retrouvent pas nécessairement dans toutes ces nouvelles technologies du haut savoir et qui se réalisent pleinement dans un métier qui leur permet de gagner leur vie et qui ne va pas en contradiction avec ceux et celles qui ont le goût de continuer leurs études plus longtemps.
Alors, quand vous parlez justement de votre inquiétude par rapport à Solidarité jeunesse, bien, je voudrais vous rassurer, vous rassurer et vous inviter à participer et à suivre de très près le colloque de deux jours qu'il y aura le 24 et 25 octobre, si je ne me trompe pas ? c'est bien ça...
Une voix: ...
Mme Goupil: ...23, 24 ? où ces jeunes vont venir témoigner de ce que ça leur a permis dans leur vie, Solidarité jeunesse, une mesure volontaire où on leur a offert autre chose qu'un chèque d'aide sociale. Et ce que ces jeunes femmes et ces jeunes hommes témoignent, c'est que s'il n'y avait pas eu cette formule, ils n'auraient jamais repris le marché de l'école ou le marché du travail parce qu'ils en étaient trop éloignés. Alors, il est évident qu'on se retrouve avec une clientèle qui est déjà très éloignée du domaine de l'école, et il serait important... Et je vous invite à le suivre de très près, parce que c'est une réussite qui est soutenue par l'ensemble des différents partenaires. Je ne dis pas que c'est parfait, il faudra y apporter quelques ajustements, et le colloque va être là justement pour le faire. Mais ce n'est pas en contradiction avec le fait de soutenir l'éducation.
Je voudrais aussi... Vous avez fait référence au manque de places à court terme dans nos services de garde. Vous n'êtes pas sans savoir qu'effectivement c'est une mission éducative qui a été mise de l'avant où on a, à plusieurs égards, soutenu toute l'importance, le plus rapidement possible, d'offrir à nos jeunes et aux parents des services de garde de qualité qui permettent de répondre aux attentes et aux réalités d'aujourd'hui. On ne peut pas développer n'importe comment. On est près de 157 000 places, et ce qu'on souhaite faire, c'est bien sûr le faire plus rapidement, mais on ne peut pas le faire avec... Il faut le faire avec du personnel qui est aussi formé pour être capable de répondre à tout cela, et on ne peut pas aller beaucoup plus vite qu'on peut le faire, à moins, bien sûr, de récupérer les argents des contribuables du Québec qui nous permettraient d'accélérer peut-être au niveau du milieu familial où il y a des disponibilités actuellement. Et, encore là, il faut répondre aux besoins et aux attentes des parents.
En terminant, j'aimerais juste vous demander qu'est-ce que vous pourriez, vous, faire de plus dans le cadre d'une stratégie de lutte à la pauvreté pour être capable d'atteindre cet objectif ambitieux que nous nous sommes donné de réduire d'ici 10 ans de moitié le nombre de personnes se retrouvant en bas du seuil de revenu que nous allons déterminer ensemble et dans lequel on dit: Il faut qu'on permette à ces gens d'avoir plus rapidement accès à ce revenu de solidarité. Mais que pouvez-vous concrètement poser de plus comme geste pour nous permettre cet arrimage pour qu'on atteigne notre objectif ensemble?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Maaninou.
Mme Maaninou (Afifa): Ce qu'on pourrait faire de plus... Je vais rappeler brièvement qu'au niveau du Conseil scolaire nous avons déjà réussi à mettre ensemble cinq commissions scolaires de Montréal, à créer une solidarité à ce niveau. Comme vous le savez, comme nous percevons la taxe et nous la plaçons, les revenus de... les intérêts reviennent aux milieux défavorisés, et quatre commissions scolaires sur cinq font montre de solidarité en cédant une partie des revenus à la commission scolaire de Montréal, par exemple, où se retrouve le plus grand nombre d'écoles défavorisées. Donc, c'est quelque chose qui est, pour moi, très important, cette solidarité qui est créée.
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(11 h 30)
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Et ce qu'on peut faire de plus, c'est l'élargir à d'autres instances, parce qu'il ne faut pas que chacun intervienne à son niveau. Nous intervenons au niveau de l'éducation sur certains champs, pas sur tous. Il faudrait qu'il y ait plus de travail ensemble, de coordination et de cohésion des interventions, et il nous faudrait évidemment plus d'argent pour les milieux défavorisés sur l'île de Montréal, parce que même l'argent que nous allons chercher ne suffit pas et ne va pas permettre... il ne permet pas à ces gens, à leurs familles, de s'en sortir. Il faudrait que l'éducation se mette avec la santé, avec les gens du logement, pour qu'on puisse trouver une solution commune et avoir surtout les moyens, parce que je suis sûre qu'on est capable de travailler ensemble en cohésion et en concertation, mais il faudrait les moyens pour donner un coup de pouce qui va permettre de donner un élan pour que les gens puissent bien partir dans la vie.
Vous m'aviez parlé des maternelles quatre ans, je suis d'accord avec vous que vous ne pouvez pas tout faire en même temps, mais ce que je vous dis... je ne vous dis pas que ce n'est pas une bonne chose, bien au contraire. Ce que je vous dis: Il ne fallait pas empêcher les écoles d'ouvrir d'autres maternelles quatre ans en attendant que le problème soit réglé. Parce que, en attendant, des centaines, des milliers d'enfants de quatre ans dans les milieux pauvres sont à la maison. Ils ne peuvent pas payer les 5 $. Ils sont à la maison. Et, quand ils arrivent dans nos écoles, on a des gros problèmes. Ils ne parlent pas français, la plupart, et on investit encore plus d'argent et pour les franciser, et pour franciser leurs parents, et pour les socialiser, alors que ça aurait été tellement plus simple de donner une période transitoire aux commissions scolaires pour qu'elles ouvrent des maternelles quatre ans jusqu'à ce que les CPE puissent fonctionner correctement. Il n'y a aucun problème là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes et demie, Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Vous allez me permettre juste de saluer le Conseil, mesdames, messieurs, Mme Paradis, une ancienne collègue de l'éducation avec moi. Donc, je connais les priorités que vous avez dans votre mission d'éducation. Mais, comme on a peu de temps, je vais laisser la parole à mon collègue de Masson pour qu'il puisse vous poser une petite question avec ce qui restera comme temps.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes.
M. Labbé: Alors, merci, chère collègue. Merci, Mme la Présidente. Alors, peut-être juste un petit commentaire. D'abord, vous féliciter pour la qualité et la clarté de votre mémoire. C'est un excellent mémoire. Je tiens à le mentionner. C'est important de le dire.
Vous avez mentionné aussi, lors de votre allocution, Mme la présidente, que vous étiez inquiète par rapport à la concertation de pauvreté. Je sais qu'à Montréal ça existe beaucoup; il y a des endroits où c'est vraiment concentré. Je veux quand même vous rassurer parce que, dans l'article 16 du projet de loi, c'est prévu qu'il peut y avoir des ressources supplémentaires pour certains quartiers. Il y a quand même une marge de manoeuvre qui est là, qui est présente, qui existe. Alors, je pense que ça, il va falloir l'utiliser, surtout dans une agglomération comme Montréal où il y a des concentrations de pauvreté. C'est important de pouvoir l'utiliser.
Moi, je voudrais revenir plutôt sur la page 15 de votre mémoire qui est le cadre d'évaluation comme tel, si vous me permettez. C'est toute la question du choix, là, les objectifs généraux recherchés en termes de stratégie pour être capable de mesurer les progrès qui seront accomplis évidemment face à la lutte à la pauvreté. On sait qu'il y a quand même plusieurs articles qui y font référence, entre autres les articles 29, 41 et 56. Je ne ferai pas tout le détail parce que le temps m'est quand même très limité.
J'aimerais savoir de votre part quels indicateurs nous permettraient vraiment de mesurer adéquatement l'évolution de la pauvreté? Est-ce que vous avez une idée par rapport à ça? Parce que je sais que vous préconisez plutôt une mesure, une évaluation visant à accompagner plutôt les acteurs sur le terrain. J'aurais eu le goût de vous demander de me l'expliquer plus, puis on n'aura pas le temps. Mais j'aimerais savoir quels indicateurs, vous, vous privilégiez pour vraiment avoir une bonne statistique, pour que ce soit vraiment représentatif de la pauvreté, et quelle progression en termes de lutte à la pauvreté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, brève réponse, Mme Maaninou.
Mme Maaninou (Afifa): Comme on n'a pas beaucoup de temps, je préférerais que ce soit M. St-Jacques qui donne cette dernière réponse. C'est son domaine.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, alors M. St-Jacques, en quelques minutes... quelques mots, c'est-à-dire.
M. St-Jacques (Marcel): J'allais dire: Combien? Pour évaluer le temps un peu.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps est déjà écoulé, mais on va vous permettre de répondre à la question quand même.
M. St-Jacques (Marcel): Merci. Je pense que la plupart du temps, dans les évaluations, on prend... après une séquence de temps, on se dit: On avait telle situation et on évalue, et, après ça, on regarde le progrès. Ce qui est privilégié par le Conseil, c'est des évaluations en termes de développement. Autrement dit, au lieu d'attendre 10 ans, après deux ans ou trois ans d'essai dans un projet, on réajuste le tir pour arriver à des résultats.
Première des choses, c'est d'amener les acteurs à évaluer, à déterminer comme il le faut des objectifs, et des indicateurs, et des critères, ce qu'on fait présentement à peine depuis deux, trois ans de façon scientifique, avec un instrument sur le terrain qu'on appelle évaluer pour évoluer justement. On aide les gens à préciser leurs objectifs, déterminer leurs critères et indicateurs, comme je l'ai mentionné, et non pas attendre après cinq ans pour voir, dire: Ça n'a pas donné les résultats qu'on attendait. C'est ça qu'on essaie de faire à la grandeur de l'île de Montréal dans les écoles des milieux défavorisés. Et, je pense, arriver à vouloir déterminer comment éliminer la pauvreté... on va au moins essayer qu'elle ne progresse pas, dans un premier temps. Et aussi, si on dit: se servir de l'école pour lutter contre la pauvreté, c'est d'assurer que les enfants se rendent au terme de leurs études, leur fournir les moyens aussi, et surtout aux intervenants de faire les projets qui leur donnent plus de chance de réussir. La question qu'on se pose, c'est: Dans ce qu'on fait, est-ce que ça augmente les chances des enfants de réussir? C'est la même chose pour les programmes ministériels qu'on met en place pour dire: Est-ce que, dans ce qu'on fait, on donne une chance de réussite aux personnes qui sont concernées par ces programmes-là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Votre réponse a été un peu plus longue, mais je suis persuadée que ça va permettre d'éclairer l'ensemble des membres.
M. St-Jacques (Marcel): Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à tout le monde également. En vous écoutant, je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir très bien, parce que, effectivement, nous avons choisi, de notre côté, de centrer beaucoup de nos actions futures, comme un éventuel gouvernement, autour de l'éducation. Dans le contexte où on se trouve, je pense qu'il ne fait pas de doute pour personne que le meilleur antidote durable à la pauvreté, c'est une bonne éducation, soit académique ou professionnelle, comme l'a dit très bien la ministre à un moment donné, parce que, ça, c'est quelque chose qui va rester avec nous et qui nous permet ? et les études le démontrent ? de faire face à différents événements qui peuvent nous arriver durant la vie.
J'aimerais peut-être juste discuter avec vous de cette idée que vous avancez, qu'on est peut-être rendu au point, au Québec, où on devrait amener l'âge obligatoire de fréquentation scolaire à 17 ans et le faire en lien avec la statistique que vous nous montrez à la page 6 de votre mémoire, parce que je me demande si l'approche d'obligation à la fin, elle est vraiment de mise avant d'avoir réglé les problèmes du début. Parce que je me dis ceci tout simplement: Si les retards sont cumulatifs, et il y a beaucoup de retards, on le constate: plus le milieu est défavorisé et plus il y a des retards scolaires que les enfants vivent... Ajouter une année supplémentaire obligatoire à l'école secondaire, des fois, ne créerait qu'une situation encore plus difficile pour les professeurs, pour les élèves, sans nécessairement faire en sorte que la personne va réussir. Donc, on va augmenter le... Je ne sais pas si je suis clair dans ce que je dis, mais je pense que vous saisissez ce que je veux dire. Et je me demande si, au lieu de mettre des énergies et de l'argent à ajouter une année obligatoire, ces mêmes énergies et argent ne seraient pas mieux utilisés dans une lutte véritable au décrochage scolaire qui pourrait agir au niveau des problèmes que les gens vivent et qui font en sorte qu'ils accumulent ce genre de retard.
Vous faites très bien remarquer également que nous sommes... au Québec, on a un taux de décrochage de 30 %, trois sur 10, et ça, c'est général, ça ne tient pas compte de la segmentation en regardant strictement les milieux défavorisés, où, si c'est 30 % pour l'ensemble, ça doit être plus élevé pour les milieux défavorisés, avec la statistique que vous avez ici.
Alors, 17 ans, obligatoire. Si vous avez les mêmes dollars à dépenser, est-ce que c'est 17 ans obligatoire que vous le mettez pour engager d'autre monde, etc., ou en action préventive par rapport au décrochage scolaire?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Maaninou.
Mme Maaninou (Afifa): Merci. Pour aller jusqu'à 17 ans, ça convient à une partie des élèves. Il y a des élèves qui ont besoin d'une année pour terminer, et le fait qu'ils se retrouvent à 16 ans à l'extérieur de l'école secondaire peut les pénaliser.
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(11 h 40)
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M. Sirros: On ne les met pas dehors à 16 ans.
Mme Maaninou (Afifa): Et, en plus, cette mesure que nous proposons ne coûte rien. Elle ne coûte pas d'argent.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous voulez ajouter un complément de réponse, Mme Paradis?
Mme Paradis (Johanne): Oui, certainement, Mme la Présidente, Mmes les ministres. Dans un premier temps, je veux rappeler que, sur l'île de Montréal, dans les écoles secondaires de milieux défavorisés, le taux de décrochage avoisine entre 40 et 50 %. Il faut donc s'assurer qu'on garde le plus longtemps possible les jeunes à l'école, à continuer leur formation, comme le disait Mme la ministre tantôt, que ce soit à l'enseignement général ou en formation professionnelle, qui est tout à fait, comme vous le dites, noble comme formation, pour plusieurs centaines d'élèves et milliers d'élèves, il va de soi.
Notre inquiétude, c'est que plusieurs élèves quittent. L'année charnière de décrochage, c'est la troisième année du secondaire. Certains attendent en quatrième secondaire. On a beaucoup d'élèves aussi qui prennent du retard scolaire qui sont dans des voies qu'on appelle de cheminement particulier de formation. Ce qu'on veut, c'est élever l'âge dans le régime pédagogique pour que ces jeunes-là terminent leur scolarisation à l'école secondaire et non pas ajouter une année de plus, puisque l'on dit dans le mémoire: 17 ans ou l'obtention d'un premier diplôme de formation générale ou de formation professionnelle.
Donc, tous les élèves, tous les jeunes qui sont en mesure d'arriver à cet objectif-là, c'est-à-dire d'obtenir le diplôme d'études secondaires ou d'études professionnelles, tant mieux. Mais, pour ceux qui ont des retards, pour ceux qui, dans les milieux défavorisés, ont des difficultés de réussite scolaire, ça leur permet de finir à l'enseignement des jeunes et non pas de sortir du circuit, qu'on ait de la difficulté à les ramener à l'école, qu'ils refassent le circuit par la formation générale des adultes où on retrouve actuellement un grand nombre de jeunes de 16 à 18 ans, à la formation générale adulte. Donc, pour nous, c'est une question de vouloir garder le plus longtemps les jeunes qui ont des retards, qui ont un parcours difficile à l'enseignement jeune et non pas de mettre en oeuvre une sixième année du secondaire. Donc, ajouter dans le régime pédagogique... modifier la législation pour que le jeune reste à l'école jusqu'à 17 ans ou jusqu'à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires ou professionnelles. J'espère que la réponse a été complète.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, c'est très clair, Mme Paradis.
M. Sirros: Oui, ça clarifie la question des coûts dans mon esprit. Mais je disais qu'on ne les met quand même pas dehors à l'âge de 16 ans. C'est-à-dire, s'il y a un retard, un retard accumulé, puis il veut continuer pour finir son école, il peut le faire. Le problème, c'est probablement que... les gens qui ont accumulé des retards vivent des difficultés scolaires, trouvent que le milieu n'est pas propice à leur... en tout cas, ils ne se sentent pas bien là-dedans, puis, étant donné que ce n'est pas obligatoire, ils quittent. Donc, ce que vous dites, vous, c'est: Rendons ça obligatoire pour faire en sorte que ce sera plus difficile pour ces gens-là de prendre cette décision de quitter et de nous donner une autre opportunité de les aider à terminer leur secondaire. Est-ce que je résume bien votre pensée?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Paradis.
Mme Paradis (Johanne): Tout à fait. Parce que c'est tout à fait l'esprit dans lequel on amène cette proposition, puisque les jeunes qui sortent... effectivement, ils ont des services, mais, quand ils décident de partir, vous savez, ce n'est pas souvent facile de les convaincre de rester. Alors, la réalité fait que nous devons ajouter des efforts via notre encadrement, une certaine souplesse, qui permettent que ces jeunes restent à l'école jusqu'à la fin de leur scolarité.
M. Sirros: ...qu'on a fait ça, il faudrait, je présume, s'assurer qu'ils vont retrouver également dans le milieu scolaire les services et les ressources nécessaires pour les aider à pallier aux problèmes qu'ils ont. Parce que ce n'est pas pour rien qu'ils ont accumulé des retards, il y a des problématiques. En particulier, je pense aux orthophonistes, aux conseillers d'orientation, à toutes les aides des professionnels d'encadrement qui ont beaucoup souffert ces derniers temps aussi au niveau de la présence des effectifs là. Donc, il y a aussi du travail à faire afin de rétablir un niveau correct d'aide appropriée. Et, si on tient compte de ce que vous disiez par rapport à: l'égalité des chances passe par l'inégalité des ressources, on devrait normalement trouver une concentration plus forte de ces ressources dans les écoles dans les milieux défavorisés.
Quelle est la situation à l'heure actuelle et est-ce que vous... Une réaction d'abord, puis une explication par la suite, si vous en avez, sur la situation dans les écoles dans les milieux défavorisés quant aux professionnels autres qu'enseignants.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Maaninou.
Mme Maaninou (Afifa): Oui. Si vous permettez, l'idée que nous amenons quand j'ai dit qu'elle ne coûtait rien, c'est parce que c'était permettre à un élève qui veut arriver au secondaire V et qui veut son diplôme de rester un peu plus. Mais il est évident que, dans la réalité, il y en a... ça ne va pas toucher tous les élèves, il y en a qui vont quand même quitter. Et, quand on dit qu'il y a des élèves, 16, 18 ans ou 16, 20 ans dans l'école d'éducation des adultes, c'est vrai, il y en a de plus en plus, parce que, souvent, ceux qui vont rester dans l'école secondaire, leur permettre d'y rester jusqu'à 17 ans, on va leur permettre d'avoir le secondaire V, mais il y en a beaucoup d'autres qui vont quitter et auxquels on doit offrir aussi ce qu'on offre en améliorant d'autres façons d'atteindre leur secondaire V.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui, Mme Paradis, en complément.
Mme Paradis (Johanne): Peut-être un petit complément, si vous me permettez, Mme la Présidente. Vous savez, les argents qui ont été investis dans les écoles de milieux défavorisés par le moyen de la taxe scolaire depuis 30 ans, c'est un financement stable des milieux défavorisés, c'est près de 123 millions, c'est ce qui nous a permis, comme vous le dites, M. Sirros, d'investir dans les services, pour les commissions scolaires de se doter, en plus de leur budget, de services plus adéquats et avec encore plus d'intensification dans les écoles de milieux défavorisés que dans les écoles régulières. Alors, l'aide particulière que nous apportons aux conseils, aux écoles du territoire de l'île de Montréal, dans les cinq commissions scolaires, c'est dans les écoles les plus défavorisées. C'est la raison pour laquelle on dit qu'on doit favoriser l'égalité des chances par l'inégalité des ressources, parce que la Loi de l'instruction publique dit: avant de répartir les ressources, tenez en compte les inégalités sociales et économiques. Alors, c'est un devoir d'éducateur et de gestionnaire de répartir les ressources là où on en a le plus besoin. Et c'est le travail qu'on a fait depuis 30 ans.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Paradis. Alors, un bref commentaire, M. le député.
M. Sirros: Il y avait M. St-Jacques qui voulait intervenir.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste une demi-minute.
M. Sirros: Moi, je n'avais pas d'autres questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non? Est-ce que vous vouliez ajouter... Est-ce qu'il y avait un complément de réponse? Vous êtes toujours à la toute fin, vous, monsieur.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est toujours intéressant. Je vous cède la parole.
M. St-Jacques (Marcel): C'est justement, l'argent qui est donné... Merci beaucoup. L'argent qui est donné pour les milieux défavorisés... ce sont les écoles qui déterminent leurs projets et, très souvent, ces projets-là se traduisent en termes d'achats de ressources, si on peut parler comme ça, au niveau des orthophonistes, pour intervenir dès la maternelle quatre ans. Souvent, les enfants ne se comprennent pas entre eux ou ils vont avoir des difficultés comme «je vais venir hier», tout l'aspect de la conscience temporelle qui est mêlée. Donc, les projets se traduisent énormément par des ressources: psychoéducateurs, orthophonistes, psychologues, etc.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, mesdames, messieurs, au nom de tous les membres, je vous remercie d'avoir participé à cette commission. Je demanderais au prochain groupe de bien vouloir prendre place. Et je suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
(Reprise à 11 h 50)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je demanderais aux représentants de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain de prendre place. Je vous accueille, je vous salue au nom de tous les membres. Alors, Mme Germaine Chevrier, qui est la directrice... Non? Alors, c'est M. Faniel qui prendra la parole. Oui? Alors, M. Jean-Paul Faniel, qui est le coordonnateur. Alors, je vous cède la parole. Je vous demanderais de nous présenter la personne ou les personnes qui vous accompagneront. Et, en même temps, je vous cède la parole pour une quinzaine de minutes.
Table de concertation sur la faim
et le développement social
du Montréal métropolitain
M. Faniel (Jean-Paul): Bonjour, Mme la Présidente, Mmes les ministres, MM. et Mmes les députés. Je suis Jean-Paul Faniel, de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain. Et je vous présente Mme Louise Bergeron, qui est du Collectif des groupes d'achats, du Groupe-ressource du Plateau Mont-Royal, et aussi qui est sur le C.A. de la Table de concertation.
À l'heure que nous passons, effectivement on va parler de la faim, hein. Peut-être que ça nous donne une petite idée de ce que c'est, mais pas vraiment, parce que je vous dirais que les 77 organismes que nous représentons et qui interviennent sur le front de la faim côtoient régulièrement une misère qui est un degré de plus dans la pauvreté. Quand on est rendu à solliciter des ressources au niveau de la faim, c'est donc que notre situation de pauvreté est rendue à un point tel qu'on sollicite des besoins essentiels parmi les plus vitaux.
Vous avez devant vous évidemment notre mémoire et vous voyez bien qu'on identifie des réalités qui font qu'avec aussi peu de moyens que 522 $ par mois, après avoir payé toutes les dépenses incompressibles de loyer, de chauffage, d'électricité, de vêtement, bien souvent plusieurs personnes, plusieurs milliers de personnes n'ont plus qu'autour de 50 $ par mois pour se nourrir, quand ce n'est pas moins. Évidemment, dans cette situation-là, il y a beaucoup de personnes qui se tournent vers le dépannage alimentaire qui n'est pas tellement, en ce qui nous concerne, une solution durable, en tout cas qui n'est sûrement pas une solution qui favorise le développement des personnes. Alors, c'est ce qu'on vise, c'est la mission qu'on a reçue de nos organismes membres qui étaient confrontés régulièrement au fait de gérer la pauvreté plutôt que de la combattre, et ils se sont dit, en 1986, qu'on devrait effectivement identifier des solutions beaucoup plus durables.
Le milieu de la faim, le milieu de l'aide alimentaire, c'est un des milieux qui a le plus d'expérience, en tout cas une longue expérience, c'est une expérience qui nous vient des communautés religieuses ou des paroisses qui s'occupaient de ça il y a déjà 100 ans, plus que ça même, et les groupes communautaires ont pris le relais. Et donc, il y a plusieurs personnes qui ont suivi ce parcours-là et qui, justement, sont à même de constater que le type d'intervention que l'on fait sont des interventions qui... qu'habituellement on fait en sécurité alimentaire, ce sont des interventions qui, justement, ne sont pas assez durables, ce sont des interventions qui visent à soulager la misère plutôt qu'à trouver des solutions à la pauvreté. Et donc, plutôt que de faire ça, on favorise, on cherche à développer des solutions durables.
C'est dans ce sens-là qu'on accueille la loi que le gouvernement dépose comme un pas en avant et on l'appuie vraiment, mais on aimerait effectivement l'améliorer. La façon dont on désire l'améliorer... On ne vous cachera pas qu'on fait partie du Collectif pour une loi sur l'abolition de la pauvreté, vous nous avez déjà rencontrés, et donc on souscrit entièrement aux différentes mesures que le Collectif propose pour améliorer le projet de loi. Je ne les répéterai pas, vous les connaissez: viser carrément à jeter les bases d'un Québec sans pauvreté; bon, fonder la stratégie sur les droits; se donner des cibles bien précises concernant...sur 10 ans pour qu'il y ait le moins de personnes en situation de pauvreté puis qu'il y ait le moins d'écart entre le cinquième le plus pauvre et le cinquième le plus riche; associer aux buts de cette loi les trois principes cités par le Collectif; introduire aussi dans les orientations de la loi des dimensions essentielles qui en sont absentes, puis vous les connaissez; renforcer le caractère-cadre et programme de la loi, donc avec une clause d'impact, ces choses-là; et faire figurer dans l'énoncé initial du plan d'action prévu par la loi certaines mesures urgentes que vous connaissez également.
Bref, on ajoute à ces propositions-là un aspect qui nous semble absent de la loi et qui, pour nous, est une certaine... nous étonne, c'est le fait qu'on s'attaque à la pauvreté sans prévoir de politique en sécurité alimentaire. Quant à nous, c'est un besoin essentiel. Et l'intervention gouvernementale dans ce domaine se fait par programmes, mais pas vraiment selon une politique claire qui viserait les personnes en situation d'urgence, les personnes encore fragilisées, qui sont sorties des situations d'urgence mais qui sont encore fragiles, et aussi une politique de sécurité alimentaire qui viserait la population en général, je dirais même une politique de souveraineté alimentaire, de telle sorte qu'autant les individus puissent reprendre du contrôle sur leur alimentation que le milieu, que la nation puisse reprendre du contrôle sur aussi ce qu'ils mangent. Dans ce sens-là, ça touche autant la question de la production agricole, qui prend une tournure d'exportation ces temps-ci, que la question aussi de la distribution alimentaire, qui semble de plus en plus nous échapper à cause du changement, que, aussi, les questions de savoir ce qu'on mange. Quand on parle d'aller chercher du contrôle, c'est la question aussi des OGM, entre autres, et de savoir si on mange des choses qui sont bonnes pour notre santé. Enfin, bref, il y a des questions qui se posent à ce niveau-là. Donc, toute une politique de sécurité alimentaire qui viserait les différentes personnes qui sont en situation de pauvreté, mais qui viserait aussi la population en général qui, elle aussi, a besoin d'être prise en considération.
Je passerai la parole à Mme Louise Bergeron pour la suite de la présentation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Bergeron.
Mme Bergeron (Louise): Oui. Il y aurait deux dimensions à ne pas séparer: l'action de l'État et celle de la société civile. Alors, état de la question. La société civile comprend trois générations d'initiatives relativement à la faim et à la pauvreté: un, l'aide alimentaire; deux, l'entraide alimentaire; et trois, la participation citoyenne. L'État est sensible à l'aide alimentaire d'urgence. On pense aux subventions données aux Moisson, aux banques alimentaires et à l'aide au petit-déjeuner. L'État subventionne certaines expériences de groupes dits «alternatifs». On se réfère à l'influx récent d'argent qui a été détourné au profit de concertations locales et régionales. L'État n'a rien prévu pour soutenir les efforts des groupes qui développent la participation citoyenne. L'État n'a pas évalué son aide dans les secteurs névralgiques: les petits-déjeuners, les mesures alimentaires, suite du plan Pagé. Aucune évaluation n'a été effectuée. Aucune étude d'impact sur les familles et le milieu. En amont, il n'existe pas de politique nationale de sécurité alimentaire. On travaille à la pièce. On aide les grands producteurs à exporter. On laisse faire les grandes concentrations prendre des initiatives, exemple, les OGM.
Or, cette absence de politique d'ensemble n'aide pas les groupes à combattre la faim et la pauvreté. Donner des millions à l'aide d'urgence ne change pas les conditions du monde du travail, qu'il s'agisse de ceux qui font partie du marché du travail précaire ou plus pointu, des parents qui n'ont pas les moyens de couper dans la nourriture à cause des frais élevés du loyer. Comme si le marché du travail n'avait pas changé et que nous n'étions pas entrés dans une pénurie du travail durable. Beaucoup de groupes se voient ainsi obligés de colmater momentanément la brèche qui s'agrandit dans la zone du sous-emploi précaire, si bien que toutes sortes de gens, assistés sociaux, chômeurs récents, travailleurs récents, précaires, occasionnels, sur appel, sont obligés de considérer l'aide alimentaire ou l'entraide alimentaire comme une solution nécessaire.
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(12 heures)
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Voilà pourquoi un revenu de base devient une solution nouvelle, ajustée à la nouvelle situation du marché du travail. Tout se passe comme si l'État avalisait la conception du monde du travail qui considère encore la société comme une société de célibataires, sans liens familiaux, comme si le logement faisait partie d'un marché comme un autre, alors qu'il est un bien essentiel et que son coût pesant pour les familles et leurs enfants... Comme si le logement faisait partie d'un marché comme un autre... Excusez-moi, je me répète. Comme si la population désemparée, issue de la désinstitutionnalisation et qui compte sur un repas gratuit dans de nombreux groupes, devait végéter et augmenter les coûts en santé, sans moyen assuré pour améliorer son sort et sa participation sociale. L'absence d'une politique de souveraineté alimentaire est en train de fragiliser des milliers de petits producteurs, de laisser aux étrangers les centres de décision. En bout de piste, ce sont encore les plus fragiles de la société qui seront les cobayes des produits des OGM, dont les invendus seront donnés à l'aide alimentaire.
M. Faniel (Jean-Paul): En conclusion, donc, nous appuyons les efforts gouvernementaux qui pourront changer ces situations. On accueille donc le projet de loi très bien. Nous appuyons aussi un train de mesures concrètes à court et moyen terme pour améliorer le sort des plus pauvres, dont les propositions qui ont été faites par le Collectif pour une loi sur l'abolition de la pauvreté. Nous espérons une évaluation des contributions gouvernementales dans le domaine de l'aide alimentaire, en milieu scolaire en particulier. Évaluations qui n'ont jamais été faites. On parlait tout à l'heure d'études d'impact sur les familles, d'études d'impact sur le milieu, là c'est des mesures alimentaires en milieu scolaire, le plan... Ce qu'on appelé longtemps le plan Pagé, mais aussi la question des petits déjeuners. Il faudrait être capable d'évaluer ce genre de choses là avant de pouvoir poursuivre. Enfin, il y a plusieurs programmes qui subissent des évaluations, hein, avant de poursuivre, d'aller comme ça.
Nous espérons que l'accent soit mis davantage sur les initiatives des groupes de citoyens et de citoyennes qui réinventent l'entraide alimentaire et qui, par ce truchement, favorisent des processus de participation à la vie citoyenne. La reconnaissance, évidemment, du communautaire pourrait être un point important dans cette direction, on en attend l'application.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Faniel, Mme Bergeron, merci d'avoir accepté de participer à cette commission. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup. Monsieur et madame, je vous remercie de votre mémoire. Et je vais céder la parole dans quelques instants à ma collègue, parce qu'on manque toujours de temps, mais il n'en demeure pas moins que votre mémoire est là et il est extrêmement instructif.
Moi, je vais vous dire, je trouve votre proposition extrêmement intéressante en regard de la politique de la sécurité alimentaire. Il est évident qu'actuellement on se fait reprocher souvent qu'on fait plein de politiques et qu'on n'est pas dans l'action, alors que les politiques, justement, nous amènent à poser de l'action qui est mieux coordonnée, et tout ça. Vous avez classé, je dirais... fait trois groupes de personnes, soit celles et ceux qui vivent des situations extrêmement urgentes, celles qui vivent des situations... des personnes fragilisées et aussi l'ensemble de la société pour les sensibiliser à toute l'importance de savoir qu'est-ce que l'on mange dans notre assiette, et tout ça. M. Pellerin, à juste tire, nous indique toute l'importance de la qualité des produits qui sont faits ici versus les défis que nous avons. Vous en avez mentionné quelques-uns. Et il y a actuellement certains endroits où effectivement ils font la différence au niveau des trois groupes de personnes et ils accompagnent des gens pour les aider, bien sûr, à avoir une meilleure connaissance de l'importance de l'alimentation, qu'est-ce que l'on doit retrouver dans notre assiette, et tout ça. Et il y a des organismes communautaires qui l'ont développé, puis on devrait s'en inspirer peut-être pour l'uniformiser un peu partout sur l'ensemble du territoire. Il y a un travail qui se fait avec peut-être un cadre de référence, et ma collègue y travaille de façon particulière.
Et vous soulevez qu'il nous faut avoir un meilleur arrimage. Tout à l'heure, des personnes sont venues nous dire qu'on intervient beaucoup en urgence, mais, en amont, on ne le fait peut-être pas suffisamment. Mais il faut en convenir que, quand ça crie beaucoup à un endroit ou à un secteur, parfois on est interpellé à faire des choix pour répondre rapidement à des situations dites d'urgence puis qui nous laissent un peu moins de place pour intervenir en amont. Et, dans le cadre de la stratégie, dans nos axes, le premier axe, c'est la prévention, et c'est évident que l'alimentation, elle est extrêmement importante. On a des pistes de solution intéressantes, il nous faudra aller plus loin. On ne peut pas tout faire en même temps, mais cette préoccupation, nous devons l'avoir, particulièrement pour les personnes pauvres, mais pour l'ensemble de notre société aussi. Alors, je vous remercie et je vais céder la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Merci. Bonjour, M. Faniel. Bonjour, Mme Bergeron. Alors, je vois que vous vous réjouissez du dépôt, quand même, du projet de loi n° 112, mais que, à vos yeux, il apparaît comme une avancée, je pourrais dire, un résultat de travail, entre autres, fait avec le Collectif. Je reconnais Mme Bergeron qui a travaillé, les derniers mois particulièrement en tout cas, pour faire avancer les idées du Collectif et pour s'assurer qu'il y ait un projet de loi. Alors, j'imagine que vous devez être contente d'être ici. Enfin, vous voyez que ça avance et que le projet de loi est là pour répondre, en tout cas d'une certaine manière, là, à toute la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Nous sommes en présence, avec ce que vous nous donnez comme mémoire, de deux concepts complémentaires qui sont la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et le développement social. Je sais, M. Faniel, que toute la partie développement social ? et la faim et l'exclusion sociale ? fait partie de vos grandes préoccupations, d'une part. Alors, comment voyez-vous le lien entre... Comment vous concevez les rapports entre le développement social, la lutte à la pauvreté et la faim?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Faniel.
M. Faniel (Jean-Paul): Mme la Présidente, Mme la ministre, on considère que, pour qu'il y ait une lutte à la pauvreté qui apporte vraiment des solutions durables, il ne faut pas se contenter de relever les revenus des personnes, ce qui est fondamental, mais il faut viser le développement des personnes. C'est ce qu'on considère être une des définitions du développement social, le développement des personnes et de leur milieu. À cet effet, si on ne veut pas développer une société qui crée des exclus et qui, par la suite, s'oblige à les réinsérer dans le processus de production, dans le processus social, il faut s'arranger pour que ces personnes-là ne soient pas d'abord exclues ? ce serait peut-être mieux que d'essayer de les remettre dedans ? et, à ce moment-là, il faut identifier des solutions quand on intervient face à des personnes qui le sont déjà exclues, des solutions qui font que les énergies qu'on dépense, les sommes d'argent qu'on dépense, l'attention qu'on leur donne soient des solutions qui permettent à ces personnes-là de se développer.
C'est dans ce sens-là où si on aide les personnes exclues à se réinsérer dans des groupes d'entraide citoyenne, dans des groupes de personnes qui... Mettons, je vais vous donner un exemple, des groupes d'achat ou des cuisines collectives, ce n'est pas juste pour que ces personnes-là puissent manger, c'est pour que ces personnes-là puissent, ensemble, relever des défis, se convaincre qu'elles ont une certaine capacité à les relever en le relevant, en le faisant, reprendre confiance en soi et, sur la base de ces réussites, être capables de se donner de nouveaux défis. C'est dans ce sens-là, et ces nouveaux défis là peuvent être des défis plus personnels, des défis comme retourner aux études, des défis comme se trouver un emploi, des défis, à toutes fins pratiques, qui font que la personne se rend compte qu'elle peut s'en sortir. C'est cette approche qu'on considère qui est la plus gagnante, c'est celle de dire: Recréons le tissu social en favorisant les dynamiques collectives à petite échelle où les citoyens et les citoyennes puissent, en le faisant, se rendre compte qu'ils sont capables effectivement de s'en sortir, qu'ils sont capables de réussir quelque chose dans leur vie même si c'est très peu.
On a eu des cas ? on pourrait dire des «success stories» ? des cas de réussite qui sont absolument extraordinaires, des gens qui étaient comme complètement exclus... Moi, je me rappelle d'une personne que j'allais reconduire après une rencontre d'un C.A., une personne qui avait des difficultés de santé mentale et qui pleurait à côté de moi, puis qui... Je lui demande: Bien, pourquoi? On vient de finir une réunion, bien content... Elle dit: Si vous saviez, M. Faniel, moi, j'étais convaincue que je n'étais pas capable de prendre du contrôle sur ma vie. Elle dit: C'est rendu que j'aide les autres. Et c'est avec cette dynamique-là que ces personnes-là s'en sortent un tant soit peu pour commencer et puis, par la suite, sont capables de pouvoir relever d'autres défis. On a d'autres cas de d'autres personnes qui étaient confinées strictement à la survie continuellement, leurs journées passaient à essayer ? mère monoparentale, trois enfants ? à essayer de trouver des comptoirs alimentaires d'un bord. Elle courait les comptoirs alimentaires d'un autre bord, les friperies, puis tout ça, et puis cette personne-là, elle était comme convaincue qu'elle ne valait pas plus que ça, parce que, de partout, même l'aide qu'on lui donnait la confirmait dans son impuissance.
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(12 h 10)
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Écoutez, je vais vous donner un exemple bien concret. À Noël, là, essayez-vous de donner un panier d'aide alimentaire à votre beau-frère devant toute la famille en dessous du sapin de Noël, je ne suis pas sûr, là, qu'il va bien, bien aimer ça. Il y a un message, hein, quand on donne de la nourriture, ce n'est pas la même chose que de donner un chandail. Quand on donne de la nourriture à quelqu'un, le message, c'est: T'es pas capable de le faire par toi-même. Puis ça, c'est une chose, d'après nous, que vous devriez être conscients, à savoir qu'il faut trouver des solutions qui respectent la dignité des gens et qui, au contraire, favorisent leur confiance en eux, parce que ce qu'on voudrait, c'est qu'ils soient capables d'apporter quelque chose à la société plutôt que de simplement recevoir d'elle.
Et, à ce moment-là, je terminerai en disant: Peut-être que, dans le fond, ceux qui s'appauvrissent le plus quand on exclut autant de gens, c'est peut-être la société elle-même qui repousse des milliers et des milliers de personnes avec une tonne de ressources, beaucoup d'expérience. Les pauvres, hein, c'est des personnes qui sont très débrouillardes, très, très débrouillardes. C'est le sens de la débrouillardise même si, des fois, ça peut... On peut regarder ça avec un certain sourire, mais il y a des solutions qu'eux autres trouvent qui sont, des fois, très originales. Mais il reste que toute cette ressource-là, on n'en profite pas. Ces personnes-là sont chez eux, elles sont exclues, on ne s'arrange pas pour que les solutions qu'on leur propose soient des solutions qui profitent, qui leur profitent puis qui leur permettent de se développer puis, par la suite, qui puissent profiter à la société.
Il me semble que, dans n'importe quelle entreprise, il n'y a pas un boss de compagnie qui accepterait d'investir autant à perte, à ce point-là. Il me semble que comme société, à un moment donné, on devrait être capable de réévaluer ce qu'on fait. Je ne veux pas dire qu'on ne doit pas donner dans les situations d'urgence, mais je veux dire qu'on devrait cibler beaucoup plus les solutions qui permettent aux gens de s'en sortir vraiment puis, donc, de soutenir les actions des groupes qui favorisent cette implication citoyenne, favorisent cette expérimentation-là de la réussite autour de petits défis autour de la vie des gens et investir, à toutes fins pratiques, dans ces réseaux citoyens pas pour dire: Le cas est réglé, on l'enlève de mon bureau puis on sort l'autre cas, mais pour se dire: On doit soutenir une façon de vivre ? parce que, dans le fond, c'est ça, ces réseaux-là, c'est des façons de vivre ? plus collective qui fait que les pauvres ne sortent pas obligatoirement de la pauvreté comme telle, mais au moins sortent de la misère, la misère criante. Et, à cet effet-là, quand ils se retrouvent dans des réseaux où ils peuvent se côtoyer puis s'aider mutuellement, ils réapprennent une certaine force qu'ils avaient perdue.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre, il vous reste trois minutes. Question-réponse.
Mme Léger: Ah, mon Dou! Je pense que nous sommes en accord avec ce que vous dites dans le sens que, je veux dire, il faut partir de la personne aussi, là. Alors, quand on dit que tous les gens, toutes les personnes au Québec ont droit à leur place et qu'ils peuvent exercer leur citoyenneté, ça fait partie de la stratégie nationale aussi, et je vois que, je veux dire, vous, vous avez développé vraiment cette approche-là. Et ça fait partie aussi de ce que vous disiez tout à l'heure des groupes d'entraide et toute l'action communautaire qui est à même, elle-même, de vraiment venir aider puis soutenir, puis il faut davantage les soutenir et les reconnaître. C'est ce qu'on a fait comme politique nationale de reconnaissance des groupes communautaires, mais on est à l'avancée, je pourrais dire, de se donner vraiment une action plus cohérente, et plus intersectorielle, et plus globale.
Tout en ayant des mesures urgentes... Parce que je me souviens des petits déjeuners, j'ai eu une discussion avec vous à ce moment-là, vous m'avez dit: Bon, bien, ce n'est pas tout de donner un petit déjeuner à l'enfant, son lait et ses céréales, le matin à l'école, c'est de savoir pourquoi, à la maison, la mère ou le père... qu'il n'a pas son petit déjeuner, pourquoi qu'il... alors, quelle est la cause de cette situation-là, puis je pense qu'on abonde tous dans ce sens-là.
Ma deuxième question, rapidement ? je dois aller vite, moi aussi ? alors, vous avez parlé de la politique de sécurité alimentaire, effectivement il y a un programme, dernièrement, qui a été mis sur pied, et vous l'avez un peu décrié, dans le sens que, bon, c'est peut-être une mesure urgente, ça répond... Je vois ce que vous m'apportez aujourd'hui comme réponse. Qu'est-ce que vous voyez dans cette politique de sécurité alimentaire? Comment on peut davantage soulager la misère par une politique que vous voulez mettre de l'avant?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très brièvement, M. Faniel.
M. Faniel (Jean-Paul): Oui. Bien, d'abord, ce serait au niveau des... Si on pourrait les regarder par pan, le premier point, vis-à-vis les personnes en situation d'urgence, s'assurer qu'il y en a partout, parce que souvent l'aide alimentaire d'urgence est dans les endroits les plus criants. Or, la pauvreté ne se concentre pas uniquement, ne se retrouve pas uniquement dans Hochelaga-Maisonneuve ou dans Pointe-Saint-Charles, la pauvreté se retrouve aussi dans l'Ouest-de-l'Île. Dans des proportions moindres, mais les personnes qui sont dans des situations d'urgence sont quand même dans ces situations-là. Et donc, à ce moment-là, s'arranger pour que ce soit une politique plus répartie, mais aussi que ce ne soient pas des citoyens de seconde zone. On trouve que ça n'a aucun sens que des gens mangent ce que d'autres ne veulent pas manger. Il y a 20 ans, il y avait un principe de base que personne ne transgressait, absolument personne, qui était: Je ne donnerai pas à manger ce que je ne mangerais pas moi-même. Présentement, sous couvert d'écologie, d'un recyclage alimentaire, de «rien ne se perd», bien, je veux dire, on scrape du monde, parce qu'il y a des gens qui sont atteints dans leur dignité. Il me semble que là-dedans il y a une intervention de l'État pour s'assurer de la salubrité des aliments. Première chose.
Deuxième chose, s'assurer aussi que les aliments qui sont donnés contribuent à la santé et ne la diminuent pas, cette santé-là. Il y a des études qui ont été faites qui démontrent que les personnes en situation de pauvreté sont plus à risque de développer le diabète avec un certain type de nourriture. Or, c'est justement le type de nourriture qu'on trouve dans les banques alimentaires. Et, donc, nous, on a déjà fait un débat là-dessus puis on s'est rendu compte que c'était assez effrayant, parce que, quand on est rendu à une situation où est-ce qu'on a besoin d'aliments puis qu'on va chercher notre panier, on n'est plus tellement dans une situation de choix, hein, on prend ce qu'on nous donne. Or, si ce qui est donné détériore la santé, là il me semble que ce n'est pas juste la personne qui reçoit qui a une part de responsabilité là-dedans, c'est aussi la personne qui donne, c'est les groupes qui donnent, et c'est aussi le gouvernement, d'après moi, qui devrait s'assurer qu'on ne crée pas des problèmes plutôt que de les résoudre. C'est un principe de base, quand on veut aider quelqu'un, ne pas détériorer, tu sais, ne pas nuire. Ça fait que ça, c'est la première chose.
Le deuxième volet, c'est sur la question des personnes fragilisées. On l'a dit tout à l'heure, le type de solution, d'après nous, c'est de soutenir les réseaux citoyens pour que ces personnes-là puissent se reprendre en main et vivre, d'une certaine façon, de façon à côtoyer... à se recréer un réseau, un tissu social. Et, dans ce sens-là, l'investissement, ce n'est pas un investissement comme on le connaît ailleurs ou comme même, souvent, le gouvernement fait, parce que vous êtes appelés à faire ça, c'est-à-dire répondre aux besoins essentiels. Bon, la personne, elle redevient normale, si on peut dire, puis là elle retourne devant sa télévision, puis toute seule dans son coin. Ce n'est pas ça. Les types de solution qu'on propose, c'est des types de solution plus collectifs ou c'est une nouvelle façon de vivre, une nouvelle façon de faire son marché, régulièrement. Comme une coopérative de logement, ce n'est pas quelque chose... Ce n'est pas une solution qu'on prend puis qu'on arrête à un moment donné, c'est une façon de vivre le rapport au logement. C'est la même chose pour ça.
Puis, pour ce qui est de la situation plus globale pour la population, bien il nous semble, effectivement, que là ça interpelle beaucoup plus que ça, c'est-à-dire ça interpelle toute la question de la production, de l'agroalimentaire au niveau de sa distribution, et, à ce moment-là, c'est quelque chose de beaucoup plus global et, forcément aussi, ça touche toute la population. Il y a là une question non simplement de sécurité alimentaire, mais, comme je disais tout à l'heure, de souveraineté alimentaire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci.
M. Faniel (Jean-Paul): Je pense que c'est un terme que vous connaissez.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, du consentement du porte-parole de l'opposition, je vais permettre à la ministre d'intervenir.
Mme Goupil: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je remercie le député.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une brève intervention.
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(12 h 20)
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Mme Goupil: Oui. Je voulais vous dire que vous nous interpellez au plus haut point quand vous parlez de la qualité des aliments. D'abord, il n'y a pas personne au Québec qui devrait être assez irresponsable pour donner de la nourriture à des gens si cette nourriture-là n'est pas acceptable. Je vous le dis, là, il y a un sens de responsabilité et de devoir, et la très grande majorité des gens qui interviennent au niveau des banques alimentaires, ce sont des personnes de bonne volonté et qui, je suis convaincue, ne feraient pas par exprès pour donner à des gens une nourriture qui ne correspond pas à la réalité.
L'autre élément que je voudrais soulever aussi auprès de vous, c'est le fait que, même au niveau de nos écoles, ils sont obligés d'écrire des lettres aux parents pour leur demander leur collaboration pour ne pas donner des produits trop sucrés aux enfants, parce que, effectivement, on sait que l'alimentation, elle a un effet direct.
Alors, vous avez raison quand vous dites que toute la préoccupation alimentaire interpelle l'ensemble de notre société et qu'au niveau de l'alimentation, de plus en plus qu'il se fait de partenariat avec les organismes communautaires, on apprend aux gens à pêcher plutôt que leur fournir leur poisson justement pour leur assurer d'avoir une alimentation qui soit de qualité.
Mais je ne voudrais pas qu'on se laisse, Mme la Présidente, sur cette note, en disant que nous donnons collectivement des aliments à des gens qui ne sont pas des aliments de qualité et qui feraient en sorte que nous n'accepterions pas, nous aussi, autour de la table, d'en manger. Et, si c'est le cas, il faut les dénoncer vivement parce que c'est inacceptable.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la ministre. Alors, curieusement, comme vice-présidente de la Commission de la coopération et développement des parlementaires francophones, j'ai eu à rédiger et à proposer un rapport sur justement la sécurité alimentaire pour les pays sous-développés, en voie de développement, mais j'avoue que c'était sous un angle tout à fait différent, alors qu'on veut essayer de conserver les produits que l'on cultive plutôt que de les exporter étant donné que, six mois par la suite, six mois plus tard, on est obligé de racheter ces mêmes produits à des prix assez élevés. Alors, ce matin, la sécurité... je me rends compte que la sécurité alimentaire est aussi importante dans la ville de Montréal. Mme la députée de Viger, je vous cède la parole... Oui.
M. Sirros: Moi, c'était juste pour dire qu'effectivement vous nous interpellez non seulement au plus haut point par rapport à la sécurité alimentaire, mais vous nous ramenez aussi sur terre avec vos commentaires qui sont au niveau du sol, finalement, de la réalité quotidienne des gens, et ça nous oblige à se questionner sur comment est-ce qu'on peut traduire dans nos décisions... prendre des décisions qui vont permettre à des gens comme vous de voir les effets sur le plancher finalement.
Et, juste un petit commentaire, il y a peut-être aussi des parties de notre propre société qui sont sous-développées, Mme la Présidente, et je pense que c'est de ça dont il s'agit. Mais ma collègue va surtout poursuivre le questionnement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Viger.
Mme Mancuso: Oui. Je poursuis dans cette veine. Je voulais vous remercier d'être ici aujourd'hui pour nous donner un peu la perspective de votre table de concertation sur la faim. Comme députés, on est interpellés à agir souvent dans nos organismes communautaires, et j'ai constaté, depuis que je suis élue, que la pauvreté, ce n'est pas juste, comme vous avez dit tantôt, à Hochelaga-Maisonneuve, ce n'est pas juste à Pointe Saint-Charles. Dans mon comté aussi, à Saint-Léonard, il y a de la pauvreté. À Montréal-Nord, il y a de la pauvreté, à LaSalle. Donc, c'est quelque chose que... Et il va falloir qu'on travaille. Je crois qu'on a un mécanisme qui pourrait éventuellement servir au besoin de concentrer nos efforts.
La question que j'avais, c'était au niveau des nouveaux immigrants, parce que dans mon comté, particulièrement, c'est une réalité. Les services d'alimentation sont particulièrement concernés par les nouveaux immigrants. Alors, je voulais savoir, dans votre expérience, comment est-ce que vous voyez cette problématique-là et comment est-ce qu'on pourrait la résoudre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Faniel.
M. Faniel (Jean-Paul): C'est une problématique qui est souvent biaisée par la question de l'intégration de ces personnes-là, à savoir qu'il y a une concentration... Les gens se concentrent souvent dans leur propre réseau ethnique, et on a pour notre dire, nous, que l'intégration, pour nous autres, c'est de les traiter comme des citoyens comme tous les autres citoyens, à savoir de ne pas faire des groupes d'aide alimentaire spécialement pour ces personnes-là, mais, au contraire, de leur ouvrir les portes le plus largement pour que ces personnes-là puissent faire partie des réseaux de tous les autres citoyens comme tels. Par contre, c'est clair que ça demande une approche particulière pour justement dépasser, si on peut dire, les murs ethniques qui, souvent, existent dans la tête des uns et des autres, et uniquement dans leur tête. Alors, à ce moment-là, il faut savoir développer des approches plus particulières. Souvent, on est confronté à des personnes qui non seulement ont un choix alimentaire différent... C'est souvent ce qu'ils disent, hein? Nous autres, on ne veut pas aller dans votre groupe d'achat, mettons, parce que vous ne mangez pas la même chose que nous autres. Bon, nous autres, on considère que c'est un aspect enrichissant plutôt que le contraire, et donc, dans ce sens-là, ce n'est pas un obstacle pour nous autres, sauf qu'il faut être capable de pouvoir répondre à ça.
Il faut être capable aussi de se rendre compte que, dans certaines cultures, les hommes ne laissent pas souvent sortir leur femme pour aller participer à des groupes. C'est aussi des problématiques auxquelles on est confronté et qu'il faut être capable de développer des approches particulières. Dans ce cas-là, on invite le monsieur en même temps que la madame pour qu'il se rende bien compte qu'il n'y a pas trop de danger, là. Bon, enfin, bref, il y a toutes sortes d'approches qui sont appropriées. Il y a des personnes qui sont des Cambodgiens puis qui ne savent pas un mot de français, puis, bon, bien il faut être capable de quand même leur communiquer les choses en question. Mais, comme je vous dis, c'est des approches particulières qui visent simplement non pas à créer des groupes spécifiques pour ces personnes-là, mais plutôt à les insérer, à les inviter à faire partie des réseaux de tous les citoyens à toutes fins pratiques. On pense que c'est la façon de faire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Viger.
Mme Mancuso: Oui, effectivement, je crois que le travail qu'il faut faire avec les nouveaux immigrants, c'est de les sensibiliser aux organismes qui existent pour leur permettre de les utiliser, parce que je pense que c'est les renseignements qui sont clés.
M. Faniel (Jean-Paul): Je dirais quand même qu'il y a une vigilance qu'on doit avoir. Plusieurs de nos groupes se sont rendus compte que ces personnes-là arrivent... Dans leur pays d'origine, elles n'ont pas d'aide de l'État et d'organismes qui leur donnent de la nourriture. Ils ont appris à se débrouiller et ils ont un gros potentiel à ce niveau-là. Sauf qu'ils apprennent très vite les règles du jeu ici, et malheureusement, des fois, il y a des groupes qui ne se rendent pas compte qu'ils défont tout ce trésor-là, c'est-à-dire qu'ils n'en tiennent pas compte. Il y en a d'autres, par contre, qui en tiennent compte, qui disent: On a devant nous des gens qui sont plein de ressources, comme d'ailleurs nos bons Québécois de souche aussi, mais il y a des plis qui n'ont pas été pris, et, à ce moment-là, je veux dire, on va chercher à mettre en valeur ces ressources-là.
Je pense à un groupe comme les Petites-Mains qui donnait de la bouffe dans le quartier Côte-des-Neiges et qui, à un moment donné, a décidé: Non, on arrête, on demande aux gens: Qu'est-ce que vous pouvez faire ? les femmes qui étaient là? Puis, bien, ils se sont rendu compte que tout le monde était capable de faire un peu de couture. Et puis, bien, on a accentué cet aspect-là de leurs ressources, on leur a donné une formation pour qu'elles puissent faire de la couture industrielle, et maintenant je pense que c'est 75 personnes par année qui sortent, et qui sont accompagnées par la suite durant un an de temps, et qui retrouvent un emploi. Donc, vous voyez qu'il y a des approches qui doivent tenir compte du potentiel des gens, et c'est ce qu'on essaie de faire non seulement avec les personnes issues de l'immigration, mais aussi avec la majorité de la population.
Pour répondre, par contre, à ce que madame disait tout à l'heure ? Mme la Présidente, vous parliez de la question de la sécurité alimentaire dans le tiers-monde ? c'est de là que vient le concept. Il y a eu comme une dérive avec le temps qui a fait qu'on a individualisé un concept qui était très politique. On parlait de sécurité alimentaire pour une nation et pour... On parlait surtout de souveraineté alimentaire dans ce cas-là, là, si on veut être assez clair, et on l'a individualisée et, d'une certaine façon, on l'a psychologisée, on en a fait une insécurité alimentaire, et il nous semble qu'on a perdu ce caractère politique en chemin qui fait que la sécurité alimentaire dépend d'un contexte, dépend d'un milieu, dépend de règles qu'on se donne et dépend de priorités et de certaines valeurs qu'on veut garder, entre autres ? et là on se rejoint ? entre autres la question de produire chez nous, de s'arranger pour qu'on ait une souveraineté sur ce qu'on mange.
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(12 h 30)
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Dans les débuts du gouvernement du Parti québécois ? c'était dans le temps du ministre Garon ? c'était effectivement quelque chose de très important. Les choses ont évolué autrement, et on le déplore. Je pense que, comme nation, il va falloir qu'on se donne cette vision-là où on ne crée pas dans le milieu agricole des personnes appauvries parce qu'on les a mises en faillite, à toutes fins pratiques, et aussi qu'on voie à ce qu'au niveau de la distribution alimentaire on puisse aussi rapatrier ce qui est en train de nous échapper.
Enfin, j'aimerais qu'on puisse garder de notre intervention le fait qu'on appuie le projet de loi, parce que c'est de ça dont il est question, et qu'on voudrait qu'il soit amélioré dans le sens, effectivement, des propositions qui sont avancées par le Collectif. C'est quand même quelque chose de déterminant, ça joue en amont de la sécurité alimentaire, et je crois que, on a beau chercher à aider les citoyens qui cherchent à se prendre en main, il y a quand même des limites à essayer de faire l'impossible avec presque rien. Il faut y voir.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Faniel et Mme Bergeron, au nom de tous les membres, merci d'avoir accepté de participer, de nous avoir donné un éclairage tout à fait différent, de votre expérience finalement.
Alors, je suspends les travaux à après les affaires courantes, c'est-à-dire vers 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission reprend ses travaux, je dirais avec beaucoup de retard, la commission des affaires sociales, afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Alors, comme nous avons tout près d'une heure de retard, je demanderais, en premier lieu, aux membres de la commission de demeurer à leur place lorsqu'on fera un changement de groupe et aussi, bien sûr, pour permettre aux quatre groupes que nous devons entendre d'ici 18 heures, s'il y a possibilité peut-être de concentrer un petit peu au niveau de la présentation étant donné que nous avons fait lecture des mémoires et, pour la suite, pour permettre quand même des échanges entre les membres de la commission. Oui, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Mme la Présidente, je constate que notre agenda initial était qu'on arrête nos travaux à 17 h 45. Je proposerais qu'on puisse aller jusqu'à 6 heures. Malheureusement, de notre côté, je ne pourrais pas dépasser 6 heures, mais en essayant de faire ce qu'on peut avec ces 15 minutes supplémentaires.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je pense qu'il doit y avoir consentement aussi pour qu'au moins nous nous rendions jusqu'à 18 heures et, par la suite, on verra si jamais il y a quelque chose.
Alors, sans plus tarder, nous recevons maintenant les représentants et représentantes de la ville de Montréal, avec beaucoup de plaisir. Mme Louise O'Sullivan, je vous cède la parole et je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, bien sûr, de nous faire lecture de votre mémoire.
Ville de Montréal
Mme O'Sullivan Boyne (Louise): Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre Léger, Mmes et MM. les députés et membres de la commission parlementaire, mes premiers mots sont évidemment pour vous remercier de votre invitation à comparaître ici aujourd'hui et à participer aux consultations et aux réflexions de la commission parlementaire qui se penche sur le projet de loi n° 112 sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur comme conseillère du district Peter-McGill, au coeur du centre-ville de Montréal, et, bien sûr, comme membre du comité exécutif de la ville de Montréal, responsable, entre autres, du dossier du développement social et communautaire. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Guy Hébert, à ma droite, directeur général adjoint au Service du développement social et communautaire de la ville de Montréal; de M. Marc Boucher, directeur du développement social et communautaire, et de M. Jacques Savard, directeur du développement communautaire, tous deux du Service du développement social et communautaire.
M. Hébert abordera, dans quelques minutes, les aspects plus techniques quant au projet de loi, sa teneur et sa mise en oeuvre. De mon côté, j'aimerais soulever avec vous les points saillants du mémoire que la ville de Montréal a déposé, et nous comptons évidemment que la période d'échange qui suivra nos remarques plus formelles nous permettra de discuter plus avant certaines des questions qui sont soulevées.
D'entrée de jeu, je vous dirais que la ville de Montréal est d'accord avec l'ensemble du projet de loi et, surtout, nous nous réjouissons de voir que le gouvernement du Québec a choisi d'adopter une approche globale en élaborant ses orientations, d'une part, et, d'autre part, de la volonté qu'il montre d'assurer à la grandeur du territoire, et ce, à tous les niveaux, la complémentarité et la cohérence des actions envisagées. Nous nous réjouissons aussi de l'intention annoncée du gouvernement de soutenir les initiatives locales et régionales pour contribuer à la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Ceci étant dit, nos commentaires porteront sur trois grands aspects du projet de loi n° 112, et ce, afin de reconnaître la situation et les problématiques particulières à Montréal et ce qui a trait à la pauvreté et à l'exclusion: le fonds spécial et sa maîtrise d'oeuvre, l'urgence d'agir et les instruments d'action.
Le fonds spécial et sa maîtrise d'oeuvre. Montréal vit une situation particulière en regard de la pauvreté et de l'exclusion, et les problématiques sont aussi particulières sur notre territoire. D'abord, malgré la croissance économique des dernières années et la prospérité qui s'ensuit, Montréal a la triste distinction de compter plus du tiers des personnes en situation de pauvreté au Québec sur son territoire. Plus d'une personne sur trois vit sur le seuil de faibles revenus à Montréal, alors que, pour l'ensemble de la province, la proportion est moins de 25 %. Aussi, près de 35 % des prestataires de sécurité du revenu du Québec vivent à Montréal. De plus, la pauvreté touche fortement les locataires à Montréal alors que plus du quart de ceux-ci doivent consacrer la moitié, et souvent même plus, de leurs revenus au paiement du loyer à chaque mois.
Les problématiques sociales sont aussi particulières du fait que Montréal est un milieu urbain qui accueille une forte population d'immigrants qui s'installent au Québec et que la pauvreté n'est pas répartie également sur le territoire. Certains quartiers ont plus que leur part de mauvaises conditions de logement, de dégradation d'infrastructures, des services publics, du décrochage scolaire et de sous-scolarisation, et le chômage atteint des proportions alarmantes.
À la lumière de ces facteurs et compte tenu de la loi n° 170 qui oblige la ville et les arrondissements à se doter d'un plan d'action en développement social et communautaire et qui implique donc un engagement municipal dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, nous demandons que le fonds spécial soit doté d'un budget total adéquat dont la part octroyée à Montréal soit de 35 %, puisque c'est le pourcentage des prestataires de la sécurité du revenu qui habitent Montréal, et que nous ayons la maîtrise d'oeuvre de ces argents. Nous devons gérer des argents pour développer des actions et des mesures pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion appropriées à la situation particulière de Montréal, avec ses problématiques d'itinérance, de décrochage scolaire, de toxicomanie, de violence, de prostitution et d'intégration des nouveaux arrivants. Nous pourrions ainsi intervenir rapidement et efficacement en fonction des priorités locales.
L'urgence d'agir. Dans un second temps, nous demandons que l'échéancier du plan d'action prévu dans le projet de loi n° 112 soit écourté. En effet, le projet de loi prévoit le dépôt, dans les 60 jours suivant l'adoption et l'entrée en vigueur de la loi, d'un plan d'action précisant les activités envisagées pour atteindre les buts fixés. Ce délai est beaucoup trop long étant donné la situation très précaire dans laquelle vivent un grand nombre de personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion. La ville de Montréal demande donc que les mesures transitoires puissent être mises en place plus rapidement pour avoir un impact direct sur les personnes visées, comme, par exemple, des modifications au programme d'assistance-emploi pour augmenter les revenus des ménages les plus démunis.
Autre instrument. Le projet de loi prévoit la mise sur pied d'un comité consultatif et d'un observatoire. La ville de Montréal salue ces deux initiatives et formule les commentaires suivants.
Nous sommes vivement intéressés à siéger au Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Étant donné les problématiques particulières que nous vivons sur notre territoire et les expertises que nous avons développées au fil des ans, nous sommes convaincus que nous pourrions apporter une contribution importante aux travaux et réflexions du Comité consultatif.
Quant à l'Observatoire, deux remarques. D'abord, l'Observatoire devra jouir de beaucoup d'autonomie pour être efficace et crédible. Ensuite, la ville de Montréal propose que l'Observatoire et le Comité consultatif travaillent en étroite collaboration et forment un partenariat fructueux et efficace. Alors que le projet de loi, à l'article 42, par exemple, prévoit la possibilité pour l'Observatoire de consulter le Comité consultatif, nous croyons plutôt qu'il devrait être tenu de le consulter afin que soient établis des liens plus formels et mieux définis. La ville propose aussi que l'Observatoire travaille en partenariat avec des organismes bien implantés et comptant sur une expertise reconnue, comme c'est le cas notamment pour l'Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé, OMISS.
Conclusion. Voilà l'essentiel des commentaires que je voulais formuler aujourd'hui. Résumons donc. Nous, de la ville de Montréal, saluons le travail du gouvernement en marge du projet de loi n° 112. Nous voulons nous assurer que le fonds spécial de lutte à la pauvreté et à l'exclusion disposera d'un budget adéquat. Pour reconnaître les problématiques particulières à Montréal, le fait qu'une importante proportion des personnes les plus démunies se trouvent sur notre territoire, nous demandons qu'au moins 35 % du budget total soit alloué à Montréal et que nous ayons la maîtrise d'oeuvre de ces fonds pour agir rapidement et efficacement en tenant compte des priorités locales. Nous croyons aussi que l'échéancier de mise en oeuvre de 60 jours devrait être raccourci pour les clientèles les plus démunies ou à tout le moins que les mesures transitoires soient instaurées. Enfin, la ville est prête à siéger au Comité consultatif et souhaite qu'il y ait des liens étroits entre le Comité consultatif et l'Observatoire sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
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(16 heures)
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Je vous remercie encore une fois de votre invitation à participer aux travaux de la commission et de votre accueil, et, après les remarques de M. Hébert, nous serions très heureux d'échanger avec vous et de répondre à vos questions. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme O'Sullivan, pour la présentation de votre mémoire et surtout pour votre bonne compréhension. Alors, Mme la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme O'Sullivan Boyne...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oh! M. Hébert, est-ce que vous vouliez compléter?
M. Hébert (Guy): Oui, on voulait compléter en traitant du caractère beaucoup plus spécifique de Montréal, du Sommet de Montréal également où la problématique de lutte contre la pauvreté est sortie très forte, notamment par... Il y a eu des consensus autour des cinq grands volets d'intervention. On parle de l'insertion de mesures de lutte contre la pauvreté dans le cadre d'une approche de revitalisation urbaine et intégrée, des actions sur les problématiques socio-urbaines, des moyens pour favoriser la réussite scolaire et l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, la mise sur pied d'un plan d'action en sécurité alimentaire et l'élaboration d'une stratégie visant à proposer aux jeunes, notamment à ceux qui sont en voie de déposer une demande de sécurité du revenu et à des groupes à risque de chômage prolongé, des mesures préventives, des alternatives à l'assistance-emploi.
On pense spécifiquement aux jeunes qui ont moins de 18 ans, des gens qui sont sur l'aide sociale sur une base intergénérationnelle, qui n'ont pas de bons exemples au niveau de la vie. Ils n'ont pas d'espoir et d'estime d'eux autres et ils sont affectés. Ça fait qu'on parle de Solidarité jeunesse, de Ma place au soleil, de programmes de stages, de programmes... de présence au niveau des écoles, pour en donner des exemples, des camps d'été, et de faire ça toujours en interrelation avec les partenaires gouvernementaux et sociaux, les commissions scolaires, la police communautaire, les différents services municipaux, comme les loisirs, la culture, et évidemment l'habitation.
Cette proposition s'inscrit tout à fait dans l'esprit du projet de loi n° 112 et la stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion qui y fut associée. Nous en sommes maintenant à donner suite le plus rapidement possible au plan d'action auquel l'ensemble des partenaires montréalais ont adhéré. La participation du gouvernement du Québec au Sommet fut exceptionnelle et sa contribution à la concrétisation de ces actions, que nous souhaitons voir intégrées dans le contrat de ville, est bien sûr essentielle.
En plus de la nécessaire reconnaissance du caractère spécifique de Montréal, le rôle que la ville de Montréal doit jouer dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale doit être reconnu. La loi n° 170... l'énoncé de politique qui accompagne la loi identifie les nouvelles grandes villes comme des acteurs incontournables dans la mise en place des actions visant à contrer la pauvreté et l'exclusion. Cette volonté d'associer les grandes villes à l'implantation de la stratégie nationale s'inscrit bien dans la logique de la loi n° 170 sur la réorganisation municipale qui, obligeant la nouvelle ville et ses arrondissements à se doter d'un plan d'action en développement social et communautaire, vient en quelque sorte confirmer l'implication municipale dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
La décentralisation est très importante à la ville. J'ai apporté ici quelques copies de l'organigramme de la ville et d'un schéma du partage des responsabilités entre la ville centrale et les arrondissements. Il est évident que, en s'engageant dans la lutte à la pauvreté, le point central où il y aura l'agir, c'est l'arrondissement. On a le projet qui a été soulevé par le Dr Lessard plus tôt, à Montréal-Nord, où tous les intervenants allient leurs efforts pour pouvoir contrer des problématiques sociales qui sont importantes. Et le gestionnaire du projet, bien, c'est le directeur d'arrondissement Montréal-Nord, Daniel L'Écuyer.
Cette intention d'impliquer les grandes villes est aussi conforme à la déclaration conjointe du gouvernement du Québec et de la nouvelle ville de Montréal signée à l'occasion du Sommet de Montréal, qui convient d'établir les règles d'un nouveau partenariat afin notamment de réduire la pauvreté et l'exclusion sociale. Par ailleurs, la ville est bien placée pour connaître les besoins de ses citoyens et proposer des solutions qui touchent à la fois le renouvellement des infrastructures publiques, l'habitation, l'environnement, le développement culturel, l'amélioration des milieux de vie. Par exemple, en adoptant une approche de revitalisation urbaine intégrée, la ville rénovera un parc en y associant les citoyens et les organismes du milieu, dans le but d'améliorer la qualité de vie et la qualité de l'environnement urbain.
La ville de Montréal estime enfin avoir la compétence nécessaire pour assumer ces responsabilités avec plus d'autonomie et de marge de manoeuvre. La ville a mis en place une structure organisationnelle lui permettant de répondre aux besoins du citoyen de la façon la plus efficace possible. Elle est en mesure de mobiliser ses ressources à travers ses services centraux et ses arrondissements de façon à aborder globalement les problèmes de pauvreté et d'exclusion et de leur trouver des solutions qui ne soient pas exclusivement sectorielles. Plusieurs services et les arrondissements travailleront en collaboration, en interdépendance étroite au profit des personnes démunies.
Des solutions particulières pour Montréal. En conséquence, la ville de Montréal estime que le caractère particulier demande la mise en oeuvre de solutions particulières. Ces solutions passent d'abord par la prise en charge par la ville de l'ensemble des moyens d'intervention lui permettant de contrer efficacement la pauvreté et l'exclusion sur son territoire, dont le fonds spécial est un élément essentiel. Ces solutions demandent ensuite que ces moyens d'intervention soient gérés avec un maximum de souplesse et une autonomie décisionnelle. Pour réaliser ces interventions et pour s'assurer de leur réussite, la ville demande qu'il y ait un budget qui soit établi en fonction de la proportion de prestataires de la sécurité du revenu vivant à Montréal par rapport à l'ensemble du Québec, soit près de 35 %. Cette proportion nous semble mieux refléter la nature et les dimensions de la problématique montréalaise de pauvreté et d'exclusion auxquelles l'attribution des ressources au simple poids relatif de la population ne répond tout simplement pas. Ces solutions particulières appellent enfin à la reconduction de l'entente de la sécurité du revenu et l'harmonisation des conditions d'intervention sur tout le territoire de l'île.
La prise en charge par la ville de l'ensemble de ces moyens d'intervention lui permettra d'assumer pleinement les responsabilités qui lui sont confiées dans le cadre de la loi n° 170, de bénéficier des leviers financiers nécessaires pour agir sur son territoire et d'assurer des services mieux adaptés aux besoins de ses clientèles les plus démunies. Cette prise en charge favoriserait aussi une gestion de proximité arrimée aux priorités régionales et locales et stimulerait le renouveau socioéconomique de la nouvelle ville.
De façon plus concrète, ces moyens d'intervention donneront l'occasion à la ville de maintenir et de renforcer son action en matière de lutte contre la pauvreté. La stratégie municipale s'articulerait notamment autour des axes suivants: la mise en oeuvre d'un plan de revitalisation urbaine intégrée dans un minimum de 20 secteurs défavorisés et l'intégration des préoccupations d'accessibilité, d'équité pour les différentes clientèles à risque, notamment les personnes handicapées; le soutien à l'habitation, notamment en développant des logements communautaires et des logements, aussi, assistés, là, pour essayer de contrer le problème d'itinérance qu'on vit dans le centre-ville, et en préservant le parc de logements sociaux existants; des actions préventives et curatives pour faire face aux problématiques majeures, surtout dans le préventif, que sont l'itinérance, la prostitution, la toxicomanie et les jeunes de la rue, qu'on voit tous les jours; des actions pour favoriser la réussite scolaire et l'insertion sociale et professionnelle des jeunes; la mise en oeuvre d'un plan d'action de sécurité alimentaire; le renforcement du soutien à la vie communautaire par le biais des tables de concertation; le soutien à la famille et à la petite enfance; et finalement, la sécurité urbaine.
Toutes ces actions seront conçues et réalisées en interdépendance avec nos partenaires gouvernementaux, communautaires et institutionnels. La ville ne veut pas s'approprier des responsabilités de ses partenaires.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Merci, M. Hébert. Mme la ministre.
Mme Goupil: Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme O'Sullivan Boyne, ainsi que M. Hébert et les membres qui vous accompagnent, d'abord, je voudrais vous féliciter du sérieux avec lequel vous avez travaillé dans ce dossier-là. Vous le faites dans tous vos dossiers, mais particulièrement on a été à même de rencontrer plusieurs personnes de Montréal, des gens qui occupent des fonctions politiques, d'autres administratives, et vous avez fait un travail de longue haleine justement pour être capables de commenter à juste titre la stratégie et le projet de loi.
Je me réjouis également de votre plaidoyer en faveur de deux choses particulièrement: cette approche globale, cette concertation qui est nécessaire et, finalement, la prise en charge par le milieu. Vous parlez de la maîtrise d'oeuvre de la ville sur cette stratégie dans le cadre du développement social.
Vous savez, je prends comme exemple le Fonds de lutte à la pauvreté qui a été mis de l'avant suite à deux sommets particulièrement. Et vous savez que le Vérificateur général, à juste titre, fait part de ses commentaires pour s'assurer que, au niveau de l'imputabilité des deniers publics, qui appartiennent aux femmes et hommes du Québec... ils nous font des commentaires, parfois nous ne les partageons pas toujours, mais qui sont toujours pour améliorer, je dirais, l'utilisation des deniers publics.
Advenant que, effectivement, pour la suite des choses, Montréal soit véritablement le maître d'oeuvre, comme il se doit dans le cadre de la loi n° 170, et suite au Sommet aussi, où vous avez convenu consensuellement de l'importance de travailler dans certains dossiers, quelle est votre vision sur la reddition de comptes? Parce que, vous savez, comme ce sont... Nous, c'est face à l'Assemblée nationale; entre autres, je parlais du Vérificateur général. Mais il y a d'autres mesures qui ont été mises de l'avant. Comment vous la voyez, cette reddition de comptes, qui, d'abord, se doit d'être faite, d'où l'importance de le faire, quand vous demandez 35 % des budgets qui correspondent, je dirais, aux femmes et aux hommes qui utilisent actuellement les services de l'État?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Hébert.
M. Hébert (Guy): La reddition de comptes, c'est bien certain, ça va dépendre des différents types de projets puis des ententes qu'on va avoir avec nos partenaires provinciaux. La reddition de comptes doit être... On parle d'une reddition basée sur le résultat puis a posteriori. Ça fait qu'il est évident que, à chaque programme puis à chaque projet qu'on va avoir, on va déterminer c'est quoi, nos objectifs, et on va les mesurer à la fin. Ces redditions de compte là sont prévues être faites à toutes les années.
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(16 h 10)
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Mme Goupil: Et j'ajouterais un autre élément rapidement, parce que je vais laisser la parole à ma collègue. Ce matin, nous avons entendu le CRD de Montréal qui effectivement nous a à juste titre, dans le cadre de son mémoire, indiqué toute l'importance de maintenir la concertation, la coordination qui s'est effectuée au cours des dernières années. Comment voyez-vous... Dans le cadre, bien sûr, de nouvelles ententes-cadres entre la ville et le gouvernement du Québec et aussi avec cette nouvelle, je dirais, cette nouvelle géographie maintenant avec les arrondissements, et tout ça, comment voyez-vous l'arrimage pour la suite des choses?
M. Hébert (Guy): On pense que le CRD devrait conserver son rôle de concertation puis qu'on devrait séparer en fait les gens qui gèrent les programmes, qui les dépensent, les gens qui possèdent les budgets de ceux qui consultent puis qui font de la concertation avec le milieu. On a déjà eu des discussions avec le CRD dans ce sens-là. On voit nos rôles complémentaires puis on les trouve corrects comme ça.
Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup. Puis je vais laisser du temps... Je vais vous saluer parce qu'on m'a dit qu'on restait à nos places. Alors, merci beaucoup, c'est un excellent mémoire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Oui. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. On va aller rapidement aux questions. Les dernières années, vous avez eu une entente qui s'est faite entre le ministère de la Solidarité sociale, en fin de compte, des Affaires municipales et aussi la ville de Montréal pour ce qu'on appelle le projet des quartiers sensibles. Onze quartiers ont été ciblés. Ce qui est intéressant des quartiers sensibles, ça a été particulièrement l'approche des complémentarités, de concertation des projets d'une part. Tous les acteurs socioéconomiques du quartier de sont donné la main pour vraiment arriver avec une approche plus globale pour davantage lutter contre la pauvreté.
Je sais aussi pertinemment votre volonté de développement social mais particulièrement la lutte à la pauvreté, et, lors du Sommet de Montréal, vous nous l'avez dit. Les gens particulièrement ont dit que la lutte à la pauvreté était la priorité, une des priorités à Montréal. Suite à ça, souvent, au niveau des objections qu'on avait, particulièrement aux quartiers sensibles, les gens nous disaient: Ça devrait s'étaler partout sur Montréal, que ce n'est pas nécessairement où on peut parler du curatif et du préventif, mais aussi de faire les choses en amont. Il reste qu'effectivement il y a beaucoup de quartiers à Montréal, il y a les arrondissements de Montréal qui, partout sur l'île, devraient aussi avoir une priorité de la lutte à la pauvreté. Je vois ma collègue à côté qui dit un oui, là, parce que... dans Crémazie, qui n'a pas été nécessairement ciblé. Bon, je vois aussi... à Pointe-aux-Trembles, comme députée de Pointe-aux-Trembles, les gens... Puis sûrement que mes collègues en avant aussi, vont dire la même chose. Alors donc, il faut une approche globale, intersectorielle évidemment, mais aussi complète, de la lutte à la pauvreté, un enjeu important à Montréal.
Vous parlez d'une stratégie... ici, je vois une stratégie municipale d'intervention. Comment vous pouvez avoir... préoccupation d'une approche qui peut être intersectorielle et globale, comme on a dans la stratégie nationale, et s'assurer d'atteindre les objectifs et les défis que je vous mentionnais, des quartiers sensibles ou d'autres aspects, tout en maintenant les problématiques que le CRDIM nous a apportées aussi aujourd'hui, ce matin, quand on les a entendus, qu'ils ont bien cerné aussi, les problématiques qui sont plus, je pourrais dire, sectorielles, que ce soient les problèmes de santé mentale, les jeunes de la rue, la prostitution. Je sais que Mme O'Sullivan, vous êtes beaucoup impliquée, là, dans toutes ces problématiques-là, toxicomanie, etc. Alors, comment s'assurer que, autant qu'on peut travailler au niveau sectoriel au niveau de la ville de Montréal, parce que je sais que c'est une grosse priorité ? en parlant avec le maire aussi, c'est la même chose... des priorités... vraiment, si on parle de prostitution ou toxicomanie, mais qu'en même temps on fait cette lutte-là à la pauvreté dans une stratégie aussi qui peut être nationale au niveau... je veux dire, montréalaise. Comment vous voyez les choses?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Hébert.
M. Hébert (Guy): Bien, écoutez, au niveau des programmes de quartiers sensibles et ciblés qui se terminent cette année, on touchait aux neuf arrondissements de la ville de Montréal. Pour le nouveau programme de renouveau urbain, il y a déjà 20 secteurs qui ont été sélectionnés, puis on a établi une carte de la pauvreté ou des quartiers qui sont en demande par rapport aux quartiers sensibles, puis je pense qu'elle a déjà été présentée au ministère des Affaires municipales, on est en discussion avec eux autres pour la baliser. Ça, c'est le premier. Quand on rentre dans un quartier sensible, tous les gens, en fonction des problématiques qui sont vécues par ce quartier-là, on va aller sélectionner l'ensemble des intervenants, autant municipaux ? on pense à la police, on pense aux loisirs, à la culture, au développement social évidemment ? qu'aux différents paliers de ministères puis aux gens du milieu.
Pour l'autre aspect, on a un aspect développement social. Même si, au niveau, par exemple, de l'Ontario, où on a un problème de drogue, on a des problèmes de prostitution, on a des problèmes de violence également... s'ils ne sont pas ciblés à l'intérieur du renouveau urbain, on aimerait disposer d'argent ou de ressources pour pouvoir essayer de contrer avec le milieu les problématiques et amener une forme d'équilibre au niveau d'une ville. La prostitution, on sait que c'est un problème qui est difficilement réglable, hein, c'est vieux comme le monde. Ça fait qu'essayer de sensibiliser les gens autant au niveau de la prévention que pendant que la prostitution a lieu que par après.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps nous... 30 secondes.
M. Hébert (Guy): ...et des quartiers sensibles et des problématiques qui sont spécifiques.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Trente secondes pour un commentaire, Mme la ministre.
Mme Léger: Oh, mon Dou! Ha, ha, ha! Je reste un petit peu perplexe, je pourrais dire, pour la partie que ma collègue vous a posé comme question face aux arrondissements puis le CRDIM. Je sais qu'il y a un arrimage à faire à ce niveau-là. Qu'est-ce qui est de concertation? Qu'est-ce qui va vraiment nous assurer qu'il va y avoir une action régionale qui va se faire tout en ayant l'intervention de la ville et tout en même temps de faire les défis des arrondissements? Alors, c'est un beau défi qui vous attend, et je pense qu'on a les yeux vers vous tout autant qu'on les a vers le gouvernement, mais ça fait partie de nos prochains défis.
M. Hébert (Guy): On est déjà en plein partenariat avec le CRDIM. On a cinq personnes qui sont sur le conseil d'administration puis, en termes de fonctionnaires, on participe pleinement avec eux.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme O'Sullivan.
Mme O'Sullivan Boyne (Louise): Je siège au CRDIM et, si vous avez remarqué, j'ai accompagné M. Desrochers, et je l'ai fait, comme geste, pour vous démontrer que la ville de Montréal est partenaire avec tous les groupes communautaires ainsi que les gens qui veulent intervenir. On est là pour écouter, mais aussi pour agir. On a du leadership à la ville de Montréal.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, M. le député de Laurier-Dorion, je devrai vous couper deux minutes. C'est malheureux, mais... Alors donc, je demanderais des préambules courts.
M. Sirros: Non, il n'y aura pas de grands préambules à part les salutations de bienvenue à tout le monde.
Moi, j'aimerais que vous me parliez des négociations que vous avez à l'heure actuelle avec le gouvernement du Québec sur la gestion et l'administration des gens qui administrent la sécurité du revenu. On sait que c'est des employés de la ville de Montréal, l'ancienne ville de Montréal. Alors, qu'est-ce que c'est que vous réclamez à l'heure actuelle et dans quel cadre est-ce que vous voyez l'évolution de cette responsabilité que vous voulez garder?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Hébert.
M. Sirros: Très court, hein.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très court. Merci.
M. Hébert (Guy): Les négociations, actuellement, portent sur l'ancien territoire de la ville de Montréal. Au niveau du développement social, on traite d'harmonisation des services qui pourraient être rendus au niveau de la population, parce que, dans les huit CLE qui ne sont pas sous la juridiction de Montréal, mais qui sont sur l'île, il y a des problématiques sociales qui peuvent être importantes. On pense à Verdun, à Montréal-Nord ou bien à ville Saint-Laurent. Ça fait qu'on va travailler avec nos confrères de Québec au niveau de l'ensemble de l'île dans le cadre du contrat de ville. Ça fait que le contrat de ville, les sous qui vont être acheminés à Montréal ne serviront pas seulement pour les CLE de Montréal, mais pour les CLE de l'île au complet.
M. Sirros: ...d'avoir l'ensemble de l'île, les CLE pour l'ensemble de l'île?
M. Hébert (Guy): Pas la gestion de l'ensemble de l'île, la gestion des 21 CLE qui sont à l'intérieur du territoire de l'ancienne ville de Montréal, mais une harmonisation des services qui sont offerts avec les huit CLE additionnels qui sont sur l'île de Montréal.
M. Sirros: Là, dans un contexte de lutte à la pauvreté puis de la loi qui parle aussi de valorisation du travail, donc une orientation insertion vers le marché du travail, je lis les axes d'intervention que vous proposez pour faire la lutte à la pauvreté et je ne trouve pas un axe qui parle de valorisation de l'emploi ou intégration dans le marché du travail. De l'autre côté, vous réclamez l'administration de l'ensemble des CLE pour l'ensemble de l'île de Montréal. Est-ce que c'est strictement dans le sens des mesures passives d'émission de chèques, est-ce que c'est juste une question de négociations syndicales pour garder les employés, ou est-ce que vous visez aussi un volet qui viendrait s'ajouter à ce que vous proposez ici qui ferait en sorte qu'il y aurait une intervention au niveau de l'insertion à l'emploi?
M. Hébert (Guy): C'est ça. Tantôt, quand je parlais des actions que la ville veut faire en termes de prévention auprès des jeunes qui ont moins de 18 ans, en fait, notre objectif, c'est qu'ils ne se rendent jamais au CLE, c'est qu'ils se trouvent un emploi puis qu'ils retrouvent une estime d'eux autres avant d'arriver au CLE.
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(16 h 20)
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Par rapport au contrat de la sécurité du revenu, il nous sert énormément au niveau de la connaissance de notre clientèle, et, avec les années, il y a eu quelques projets qui ont été adoptés au niveau de la ville, notamment concernant le projet ALLO, par exemple, un projet à Parc-Extension, où on a 80 % de la population qui est d'origine ethnique, 20 % qui ne parle ni français ni anglais. Ça fait qu'on a adopté, versus le CLE, un projet pour faciliter l'intégration de ces gens-là. On pense à Sainte-Marie puis à Saint-Alexandre, où on a des projets de développement social. C'est particulièrement dans ces deux secteurs-là où on a beaucoup de problèmes de prostitution et d'itinérance. C'est deux CLE qui touchent le centre-ville de Montréal. Ça fait qu'on travaille de pair avec les refuges, avec les CLSC, avec la régie régionale pour essayer d'améliorer les conditions de vie de ces gens-là.
Ça fait que les CLE, d'un côté, nous donnent le pouls de la clientèle de chacun des arrondissements, parce qu'elle varie d'un arrondissement à l'autre. Tantôt, quand je disais qu'on décentralisait les actions à l'intérieur des arrondissements plutôt qu'au service central, c'est qu'il y a tellement de disparités d'un arrondissement à un autre que c'est beaucoup mieux de supporter l'arrondissement que de se faire supporter par celui-ci dans le développement de certains projets.
Et enfin, on travaille en partenariat étroit avec Emploi-Québec, hein. À l'intérieur des CLE... Emploi-Québec est présent dans chacun des CLE, puis, en termes de... comme partout ailleurs au Québec, en termes d'employabilité, c'est fait en équipe.
M. Sirros: Bien, c'est justement ça que je ne saisissais pas, là, le travail qui peut être fait à partir des centres locaux d'emploi. Bon, il y a le volet où les gens... le chèque a été envoyé, où l'admissibilité de la personne est déterminée, etc., mais il y a aussi un volet qui est dans l'autre module du centre local d'emploi, mais ce qu'on appelle les mesures actives.
M. Hébert (Guy): ...la sécurité du revenu va procéder par analyse des dossiers par référence à Emploi-Québec pour essayer de rendre les gens en mouvement.
M. Sirros: Et là on embarque souvent dans un genre de dédale administratif difficile pour plusieurs personnes à suivre et, souvent, l'individu se perd à travers tout ça, d'où l'idée de certains d'essayer de rendre ça plus cohérent, tout en essayant de regrouper des mesures passives avec des mesures actives. Et ma question, je voulais savoir si, dans votre vision de l'exercice du pouvoir quant à l'administration de la sécurité du revenu, vous voudriez aussi rapatrier les mesures actives. Autrement dit, est-ce qu'à la ville de Montréal... vous voyez la question de la lutte à la pauvreté. Est-ce que, vous, vous dites: Nous, on veut agir de façon globale sur le dossier: lutte à la pauvreté, Montréal, c'est la ville de Montréal? C'est-u ça, votre...
M. Hébert (Guy): Oui, on veut agir de façon globale sur la pauvreté à Montréal, mais pas en substituant aux autres. Actuellement, à la sécurité du revenu, on calcule que ça nous apporte beaucoup d'informations puis une force de frappe par rapport à la lutte contre la pauvreté. Au même titre, par exemple, que la régie régionale travaille de proche avec nous, notamment au niveau du logement, au niveau du traitement des itinérants puis des programmes pour les prostituées, on ne veut pas s'approprier des responsabilités de la régie régionale. Ça fait que c'est l'interdépendance qui est importante, ce n'est pas nécessaire de déplacer ces gens-là.
M. Sirros: O.K.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est déjà terminé. Le temps d'un commentaire seulement, Mme la députée de Viger.
Mme Mancuso: Oui, j'avais juste une autre question dans la même veine. On parle de décentralisation vers les arrondissements, vous avez dit que vous avez un organigramme. Je voulais vous entendre un peu plus sur ce sujet-là parce que, présentement, sur le territoire, il y a des arrondissements qui peuvent offrir certains services et d'autres qui ne peuvent pas les offrir. Juste un exemple. On a parlé des jeunes tantôt. Il y a une maison de jeunes dans mon comté qui ne reçoit pas de subvention de la ville parce que, antérieurement, ils ne recevaient pas de budget de leur arrondissement, de leur ville. Donc, comment est-ce que vous prévoyez éventuellement stabiliser tout ça à la ville? Est-ce que vous êtes en train de le regarder?
M. Hébert (Guy): Oui. On est en train de le faire. Avec l'implantation de la nouvelle ville, ce qui a été décidé l'an dernier, c'est de conserver les mêmes services à l'intérieur des différents arrondissements puis de faire une analyse. C'est certain que le Sommet de Montréal a donné des grandes orientations à l'administration municipale pour qu'elle puisse appliquer des programmes qui sont métropolitains.
Pour ce qui est des anciennes villes de banlieue, c'est certain qu'il va y avoir avec les années une harmonisation qui va être faite. Et on compte beaucoup sur le contrat de ville, en fait, pour partir dans ces anciennes villes là toute la question du développement social. Quand on parlait de Montréal-Nord tantôt puis du gros projet qu'on est en train de faire là-bas, il n'y avait rien qui était fait en développement social à Montréal-Nord avant que ce soit une ville. Mais le cadre de développement social, avec l'arrondissement, avec la ville, a décidé d'agir dans ce quadrilatère-là qui représente une grosse somme de problématiques sociales.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, malheureusement... Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, M. Boucher?
M. Boucher (Marc): Dans le fond, la grande différence, c'est que, dans les villes de banlieue à Montréal, il n'y avait pas d'unités de développement social. Donc, dans le fond, la préoccupation de développement social pour les villes de banlieue, c'est une responsabilité gouvernementale, ce n'était pas une responsabilité municipale. Alors, comme le disait M. Hébert, ce qui est visé dorénavant, c'est une harmonisation.
Bien, dans le fond, dans le cadre du contrat de ville, dans des zones... Même dans Saint-Léonard, Anjou, il y a des zones de pauvreté. Il y a des organismes qui interviennent auprès des jeunes, qui interviennent auprès des familles, qui interviennent auprès des décrocheurs aussi. Ça fera partie des priorités identifiées dans le fonds de l'arrondissement, ça va pouvoir faire partie des projets qui seront priorisés, puis ça va faire partie des sommes d'argent qu'on va décentraliser vers les arrondissements. À partir de la dynamique locale, dans le fond, les priorisations qui seront faites, les tables de concertation locales qui seront probablement mises en place dans ces arrondissements-là, une maison des jeunes pourrait très bien être supportée dans ce cadre-là pour être capable d'intervenir, dans des actions qui sont intégrées, qui sont en interdépendance, qui sont intersectorielles puis qui touchent l'ensemble de la problématique.
Ce qu'on ne vise surtout pas, c'est reproduire des modèles en silo où on interviendrait auprès des jeunes sans intervenir auprès des familles. Ça, on pense que ça ne donne rien. On pense qu'il faut intervenir auprès des jeunes avec les parents de ces enfants-là ou de ces jeunes-là pour leur faire comprendre l'importance de se maintenir à l'école, l'importance de progresser par rapport à... faire un cheminement personnel qui va leur permettre, dans le fond, de briser l'interdépendance. Alors, c'est un petit peu tout ça là qu'on est en train de travailler, puis évidemment, pour le faire, ça prend des leviers, les leviers, puis les leviers, bien, dans le fond, c'est du financement. Alors, c'est un petit peu là-dessus qu'on travaille actuellement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est malheureusement tout le temps mis à notre disposition. Il me reste, au nom des membres, de vous remercier, surtout vous remercier d'être venus, mais aussi de votre collaboration.
Alors, je vais demander immédiatement aux représentants de la Jeune Chambre de commerce de Montréal de bien vouloir prendre place. Et je suspends pour 30 secondes.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 26)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux avec le prochain groupe, c'est-à-dire Mme Dominique Anglade, qui est présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal, de même que M. Patrick Goudreau, qui est vice-président, affaires publiques. Alors, je cède la parole à Mme Anglade. Vous avez, Mme Anglade, normalement 15 minutes, mais, bien sûr, étant donné qu'on est un petit peu coincé par le temps, je laisse à votre discrétion soit de... étant donné que tous les membres ont déjà lu le mémoire, à ce moment-là, de peut-être raccourcir, mais c'est à votre disposition. Alors, je vous cède la parole.
Jeune Chambre de commerce
de Montréal (JCCM)
Mme Anglade (Dominique): Merci beaucoup. Nous allons respecter le délai de 10 minutes. Donc, nous allons brièvement présenter notre prise de position sur le projet de loi qui a été déposé.
Alors, brièvement, j'aimerais rappeler ce qu'est la Jeune Chambre de commerce de Montréal. C'est un organisme de 1 400 membres qui représente les jeunes gens d'affaires âgés entre 18 et 40 ans. C'est un organisme qui est souverain et qui a 70 ans d'existence, qui s'implique depuis plusieurs années au niveau des affaires publiques et qui prend différentes positions publiques, notamment en matière de responsabilité sociale des entreprises.
La mission de l'organisme, c'est de développer personnellement et professionnellement les membres, c'est de représenter leurs intérêts et c'est aussi de contribuer à l'essor de la communauté dans laquelle on évolue, et c'est dans ce cadre-là qu'on a décidé donc de soumettre un aspect qui était important pour nous, c'est la responsabilité sociale des entreprises. Et c'est le volet qu'on va toucher plus particulièrement aujourd'hui parce que nous pensons que, dans l'ensemble du projet de loi, il y a un élément qui est très important, c'est tout l'aspect de partenariat avec le secteur privé, avec les entreprises, et nous voulons que cet aspect-là soit particulièrement mis de l'avant dans le projet qui a été soumis.
L'implication sociale de la Jeune Chambre de commerce. En 1997, rappelons que nous avons créé la charte sur la responsabilité sociale des entreprises qui permet aux individus et aux entreprises de voir ce qu'est la responsabilité sociale de leur organisme. En 1998, on créait un prix qui reconnaissait l'excellence dans le domaine de la contribution sociale des jeunes gens d'affaires. Et nous avons fait notre bilan social l'année dernière.
Maintenant, ce que nous voulons, c'est un leadership marqué de la part du gouvernement en matière de responsabilité sociale des entreprises, et nous avons des objectifs précis qui ont été soumis dans le rapport qui a été déposé et dont vous avez pris connaissance. Et pour parler précisément des objectifs qui ont été déposés, je vais céder la parole au vice-président, affaires publiques, de la Jeune Chambre de commerce, qui va présenter ces points. Alors, M. Patrick Goudreau.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Goudreau.
M. Goudreau (Patrick): Oui. Bonjour. Merci. Merci, Dominique. Alors, trois points résument la position de la Jeune Chambre. Alors, on parle de production et de diffusion d'un bilan mais de façon non imposée. L'aspect «non imposé» est important pour nous, parce que ce que l'on cherche, c'est une stimulation au niveau des entreprises et non d'imposer une norme qui sera pénalisée. Alors, on vise plutôt à ce que les entreprises trouvent un intérêt à embarquer et emboîter le pas sur le bilan social. Et pour les aider à ce faire, deux autres éléments. D'abord, une norme nationale, une norme qui permettra d'établir qu'est-ce qu'un bilan social, ce qu'on devrait y retrouver, et, en même temps, permettre aux entreprises de stimuler une réflexion sur les démarches à l'intérieur même de leur entreprise. S'ils rencontrent ces objectifs-là... Plusieurs entreprises réaliseront qu'ils n'ont pas pris connaissance que c'était important, différents facteurs, et permettront, à l'intérieur même de l'entreprise, une réflexion. Alors, c'est l'un des objectifs.
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(16 h 30)
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Et le dernier et non le moindre, et là ça touche davantage le gouvernement, c'est d'imposer maintenant un stimulus économique qui ferait en sorte que les entreprises qui ne déposent pas de bilan social ne seront plus admissibles à certaines subventions gouvernementales ou ne pourront plus déposer d'offres pour obtenir des contrats qui sont donnés par le gouvernement. Alors, c'est l'aspect, je dirais, coercitif, c'est l'aspect stimulation. Alors, les entreprises qui emboîteront le pas seront avantagées sur les autres. Un peu comme la norme ISO est déjà incluse dans la façon de faire, certains projets gouvernementaux exigent que les entreprises soient déjà qualifiées sous la norme ISO particulière. Alors, c'est ce que l'on vise.
Je vais arrêter ma présentation sur ces trois points majeurs là. Sans reprendre une à une les motivations, je pense qu'on pourra répondre spécifiquement au questionnement que vous avez.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, j'apprécie énormément et je vous remercie. Ça va nous donner plus de temps pour pouvoir avoir des questions, pour permettre aux membres de poser des questions. Alors, Mme la ministre d'État, je vous cède la parole.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Anglade ainsi que M. Goudreau, qui est le vice-président, je tiens à vous remercier d'abord pour votre participation tout au long de l'élaboration de cette stratégie de lutte à la pauvreté. Ce n'est pas la première fois qu'on a l'occasion d'en parler. Et certaines personnes ont pu penser que ça pouvait être un peu long qu'on en arrive à cette stratégie et au projet de loi, mais il n'en demeure pas moins que la pauvreté, elle est complexe, et nous avons travaillé en collaboration avec les différents partenaires, leur vision. Et je tiens à vous remercier pour vous y être engagés et avoir apporté des commentaires qui nous ont permis, je pense, de préciser davantage l'action.
Je veux aussi vous féliciter parce que les initiatives que vous avez mises de l'avant, j'ose espérer qu'elles inspireront d'autres entreprises à faire de même, parce que ce sont des mesures qui sont innovatrices, qui démontrent à quel point il nous est possible justement de poser des gestes de développement social qui ne mettent pas en péril l'entreprise privée et qui confirment que, lorsque l'on investit dans un développement social solide, on permet à une société d'avoir un développement économique durable. Alors, je trouve que c'est formidable.
Ce qui est intéressant dans vos recommandations, vous proposez une production et diffusion du bilan social, et vous avez indiqué «non imposées», justement en proposant des mesures, je dirais, incitatives qui auraient pour effet justement de reconnaître ceux et celles qui font des efforts et finalement d'inciter par le fait même d'autres entreprises à emboîter le pas. Alors, ça, c'est extraordinaire.
Quand vous parlez de «la production du bilan social de l'entreprise doit être un critère en matière d'attribution de subventions et de contrats d'approvisionnement gouvernementaux», je trouve que c'est extrêmement intéressant et cela se doit d'être analysé. Je fais référence à ce que M. Audet, le représentant de la Chambre de commerce, indiquait, que déjà, au niveau des entreprises, il y avait différentes mesures ou recommandations qui étaient faites, et il insistait sur le fait qu'il y avait déjà beaucoup de choses. Est-ce que... Comment pourrions-nous faire pour justement faire en sorte qu'il y en ait davantage d'entreprises? Et, comme gouvernement, quand vous dites: Il faudrait, dans l'attribution des contrats, par exemple, exiger qu'il puisse y avoir ce bilan social au niveau des entreprises. Vous le voyez dans quel secteur? Lequel pourrait être le plus facilitant pour commencer?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Hébert? M. Goudreau, pardon.
M. Goudreau (Patrick): Oui. Alors, au niveau de l'attribution des contrats gouvernementaux, je ne pense pas qu'il y ait, de façon ciblée, d'industries ou de secteurs économiques particuliers. Je pense plutôt que ce qui est important, c'est d'être en mesure, d'une part, d'établir une norme que les entreprises vont d'abord connaître et que le gouvernement va reconnaître, et cette reconnaissance-là aura une signification réelle parce qu'elle donnera un avantage compétitif par rapport aux entreprises qui ne l'ont pas. Alors, c'est dans ce sens-là que l'on voit l'intérêt. Est-ce qu'on pourrait le faire d'une façon progressive en ciblant un secteur particulier? Peut-être, parce que ça permettrait de mettre en place et de vivre le succès et l'échec et d'adapter, dans un premier temps. Mais je ne pense pas que c'est si complexe à établir et, si on donne la souplesse voulue à un mécanisme, on pourra émettre, je dirais, une certification qui soit légitime et reconnue, parce qu'il ne faut pas que cette certification-là soit donnée simplement sur la présentation d'un document qui ne fait aucun sens. Alors, c'est pour ça que ça nous prend des normes, des critères d'attribution et, par la suite, cette reconnaissance-là, le gouvernement va véritablement y donner suite en permettant qu'il y ait soit des contrats ou soit des subventions pour ces entreprises-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Goupil: Je voudrais vous demander quelle est votre réaction par rapport à un projet-pilote, qui a été instauré depuis un certain nombre d'années dans la région de Trois-Rivières, que l'on appelle COMSEP, qui est un organisme qui bien sûr a aidé et soutenu des gens à se réintégrer au niveau du marché du travail. Ce qu'ils sont venus nous dire, ces gens-là, c'est que, lorsqu'il y avait ? ils ont appelé ça le mûr, là ? des personnes qui étaient, par exemple, âgées de plus de 45 ans, qui avaient une scolarisation qui était plus faible, qui étaient éloignées du marché du travail depuis un certain nombre d'années, ils nous ont démontré, à juste titre, qu'il était possible bien sûr en accompagnant ces gens, en leur permettant de reprendre confiance en elles et en eux, en les accompagnant pour de la formation... Cependant, il faut convenir que ces employés, malgré tous les efforts, se retrouvent avec une capacité, disons, productive inférieure qu'une personne, qui n'aurait pas ces contraintes-là, ne rencontre pas. Ce qu'ils indiquaient, c'est qu'il était nécessaire que nous puissions subventionner l'entreprise pour compenser la perte de productivité du fait que la personne, malgré toute sa bonne volonté, ça lui prend un temps supplémentaire pour effectuer une même tâche. Quelle est votre réception par rapport à ce genre d'aide ou de soutien qui pourrait être apporté auprès des entreprises que vous représentez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Goudreau.
M. Goudreau (Patrick): En fait, je ne crois pas qu'il est nécessaire de subventionner les entreprises qui mettraient en place une norme sociale qui viserait à intégrer de la société des gens qui, pour une raison ou pour une autre, ont décroché parce qu'ils ont éduqué leurs enfants, parce qu'ils ont fait un réenlignement dans leur carrière, peu importe. Il pourrait y avoir un programme ou un autre qui viserait, sur une courte période donnée, une période de formation, d'intégration, mais je ne pense pas qu'on doit subventionner un emploi sur la base d'une productivité. Je pense qu'une personne, prenons l'exemple, comme vous dites, de 45 ans qui a été en arrêt de travail pour x années, elle a d'autres avantages qu'un employé qui, à 20 ans, a d'autres carences, n'a pas l'expérience, n'a pas la maturité. Alors, je pense qu'on ne peut pas subventionner des emplois sur le cadre de la productivité. Je ne pense pas que c'est là l'objectif du bilan social, et ce n'est pas ce qu'on préconise.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Goupil: Je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Oui, bonjour, Mme Anglade, bonjour, M. Goudreau, bienvenue au salon rouge et merci pour votre mémoire. Parce que, évidemment, vous appartenez quand même à un secteur qu'on dit économique, de gens d'affaires, alors c'est intéressant de voir votre préoccupation au niveau de cet arrimage-là entre l'économique et le social, vous avez une préoccupation sociale. Et ma question, évidemment, s'adresse à cette préoccupation-là.
Vous êtes la jeune relève. Comment vous voyez... Si on rêvait un peu, comment vous voyez la société de demain, où vous êtes pleinement actuellement, mais qu'on pourrait davantage solliciter les entreprises, et comment les amener, les entreprises, à faire cette lutte-là contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui parfois est la leur quand... Particulièrement, c'est à titre personnel souvent qu'un dirigeant d'une entreprise a le goût de s'impliquer. Alors, comment on pourrait voir, comment on pourrait davantage être inspiré à aller chercher le milieu économique dans cette lutte contre la pauvreté?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Anglade.
Mme Anglade (Dominique): Je vais répondre à la question. Écoutez, c'est une question qu'on se pose tous les jours, comment interpeller les entreprises. Mais, moi, je vous dirais, à titre d'exemple, que, lorsqu'on a décidé de lancer l'idée d'un bilan social et qu'on a décidé d'interpeller, comme Jeune Chambre de commerce, simplement comme Jeune Chambre de commerce, le milieu des affaires, on a eu 25 entreprises puis pas n'importe lesquelles, on parle du groupe Jean Coutu, on parle des Grands Ballets canadiens, de Réno-Dépôt, de Samson Bélair. On a eu 25 réponses positives du milieu des affaires dans ce domaine-là. Donc, je pense que, après réflexion, de la part de la Jeune Chambre, on arrivait à la conclusion qu'on a besoin maintenant d'un leadership du gouvernement. Et, si le gouvernement arrive à montrer ce leadership-là, arrive à dire que, pour nous, c'est important et qu'il va falloir que... à faire affaire avec le gouvernement, que les bilans sociaux soient faits, à ce moment-là, il va y avoir une réelle motivation et vous allez avoir des groupes, notamment le nôtre évidemment, à vous appuyer dans cette démarche-là, parce qu'on pense que c'est avec ce leadership-là qu'on va être capable d'y arriver.
Et, encore une fois, les gens sous-estiment ce qui a été fait par le passé. Souvent, on nous demande pourquoi est-ce qu'on ne va pas avec un projet de loi où on oblige les entreprises à déposer leur bilan social? Parce qu'on a vu par le passé, par notre expérience, que les gens les ont déposés quand on le leur a demandé, et c'est un petit organisme qui a décidé de s'impliquer. Donc, on pense réellement qu'avec la volonté du gouvernement on va être capable de le faire, notamment avec les propositions qui sont amenées dans le document.
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(16 h 40)
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Mme Léger: C'est quoi, concrètement, le bilan social? On peut s'entendre sur certains aspects. Est-ce que ça... Bon, ma collègue a peut-être parlé d'insertion. Bon. On connaît différentes avenues, mais j'aimerais avoir la vôtre. Qu'est-ce que c'est, vraiment, un bilan social? Qu'une entreprise dépose un bilan social, ça veut dire quoi concrètement?
Mme Anglade (Dominique): Concrètement, dans la charte d'ailleurs qui a été déposée par la Jeune Chambre de commerce ? on pourra vous faire parvenir un exemplaire ? ça présente les différents aspects. Il y a trois volets qui sont importants. C'est le volet avec évidemment les employés, le volet avec la communauté puis le volet avec tout ce qui s'appelle les actionnaires. Et, quand on parle concrètement, c'est... Quand on regarde les employés, à titre d'exemple, quelle est la formation qu'ils ont reçue? Quel est le taux de rétention que l'on a? Quelles sont les facilités que l'on donne à nos employés? Quel est l'intérêt que les employés ont à rester avec l'entreprise? Il y a différentes mesures qui ont déjà été mises en place par plusieurs entreprises pour évaluer ça.
Au niveau de la communauté, ce n'est pas tout que de donner de l'argent dans différents organismes. Qu'est-ce que vous faites pour la communauté? Est-ce que les gens s'impliquent bénévolement? Donc, tous ces aspects-là doivent être documentés et pas juste documentés pour le fait d'être documentés, documentés pour que, l'année suivante, lorsque vous faites votre bilan social, vous soyez en mesure de dire: Par rapport à l'année passée, voici les projets que nous avons faits, voici les objectifs que nous nous donnons dans le futur. Et c'est forcer la réflexion à l'intérieur de l'entreprise qui va permettre la création de ce bilan. Ce n'est pas... Encore une fois, ce n'est pas quelque chose de farfelu, c'est quelque chose qui a été documenté à plusieurs reprises, et il y a des exemples très concrets de ce que ça peut être dépendant des secteurs qu'on touche plus particulièrement, notamment les liens avec les fournisseurs, quel genre d'entente on a, quel genre de partenariat avec les fournisseurs, etc.
Mme Léger: Et votre troisième aspect? Vous dites les actionnaires.
Mme Anglade (Dominique): Bien, c'est les actionnaires, c'est vraiment les détenteurs... le lien qu'on a avec nos actionnaires, parce que, ultimement, une compagnie quand même est là pour s'assurer d'un minimum de productivité puis livrer la marchandise au niveau des revenus. Mais au-delà de ça, il y a l'aspect employés et communauté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, dernière question.
Mme Léger: Qu'est-ce que vous avez... Quand vous parliez tout à l'heure que vous avez interrogé certaines entreprises, quelle était votre question, qu'est-ce que vous leur demandiez exactement?
Mme Anglade (Dominique): Quand on a parlé aux entreprises, on leur a demandé de déposer leurs bilans sociaux. Ce qu'on a fait, en fait, c'est qu'on a demandé aux entreprises de déposer à la Jeune Chambre de commerce leur bilan social. Il y a eu 25 entreprises à avoir déposé leur bilan social à la Jeune Chambre de commerce et elles ont établi différents critères. Et le problème maintenant dans lequel on se retrouve, c'est que, pour pouvoir évaluer les bilans sociaux, il faut qu'il y ait des normes, parce que chaque entreprise va déposer. Elles déposeront bien ce qu'elles veulent, les entreprises. Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait des normes qui soient implantées et qu'on puisse comparer, à ce moment-là, les bilans sociaux puis qu'on puisse avoir vraiment une meilleure visibilité sur ce qui est fait et sur le progrès qui est fait, d'où l'importance de la norme pour établir les balises et, après, évidemment, le leadership du gouvernement pour s'assurer qu'il y ait des bilans sociaux qui soient faits. Donc, c'est vraiment leur demander de déposer leurs bilans, et ils l'ont fait.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme la ministre. Malheureusement, le temps est écoulé. Alors, oui... alors...
M. Sirros: Non. J'aillais dire qu'on pourra poursuivre peut-être directement sur la même voie, parce que d'abord la ministre a volé ma question, c'était quoi au juste le bilan social, mais, en vous écoutant, ça m'amène à comprendre que finalement ce sont des gestes que l'entreprise peut poser afin d'avoir un impact positif dans la communauté vis-à-vis ses employés, qui vont au-delà du strict «bottom line». C'est quoi, mes profits? Comment je peux au maximum... Bon. Et, dans ce sens-là, bon, on peut envisager des actions comme le mentorat ou les stages, si on veut faire un lien avec un programme de lutte à la pauvreté comme tel. Ça pourrait être le genre de choses qui permettent à une entreprise d'avoir un bilan positif.
Peut-être que vous pourriez élaborer un petit peu plus sur où est-ce qu'on se trouve, au Québec, par rapport aux autres provinces canadiennes quant à ce genre d'activités. J'entends des fois parler de l'engagement communautaire qu'on demande à des employés de grandes entreprises. On comptabilise même le nombre d'heures de bénévolat qu'ils font pour telle ou telle activité. Des fois, ça a des conséquences un peu drôle, là, mais quand même... Où est-ce qu'on se trouve? Est-ce que vous êtes ceux qui sont en train de mousser cette idée, les seuls? Est-ce que ces 25 entreprises, c'est le noyau initial? C'est quoi, le bilan, finalement, de...
Mme Anglade (Dominique): Alors, pour moi, ça va être difficile ? vous allez comprendre ? ça va être difficile, pour moi, de répondre à la question, parce qu'on n'a pas toutes les données au niveau canadien de ce qui se passe. Ce qu'on peut vous dire, par contre, c'est que, lorsqu'il y a eu la Commission sur la démocratie canadienne et la responsabilité sociale des entreprises, qui a été menée, entre autres, par... coprésidée par M. Ed Broadbent, on est allés présenter notre perspective par rapport à la responsabilité sociale des entreprises, et la réaction qu'on a reçue, c'était de dire: On a eu très, très peu de personnes à nous parler de ça et un seul groupe à nous parler particulièrement de l'élément du bilan social. Ce qui me porte à croire que les autres groupes qui ont présenté leur mémoire à travers le Canada n'ont pas présenté cet aspect-là. Donc, il faudrait que je revoie qui a été présenter ça. Mais ils nous disaient qu'on était les seules personnes à avoir amené cette idée de bilan social. Donc, c'est la seule réponse que je pourrais vous fournir pour l'instant. On n'a pas les données pour répondre plus amplement à la question, malheureusement. Mais c'est une question pertinente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, vous reliez justement la production du bilan social à l'octroi, à l'attribution de subventions et de contrats d'approvisionnement gouvernementaux. Ça me fait penser à l'obligation contractuelle. Vous vous rappelez que, suite au Programme d'accès à l'égalité, on avait créé l'obligation contractuelle, c'est-à-dire que, dans les années 1989-1990, je pense, on obligeait les entreprises qui avaient 100 employés et plus et qui avaient un chiffre d'affaires... c'est-à-dire qui avaient un contrat du gouvernement de 100 millions et plus, si ma mémoire est fidèle, ou 100 000 $, pardon, 100 000 $, à produire ce qu'on appelait l'obligation contractuelle, c'est-à-dire s'assurer d'avoir des programmes d'accès à l'égalité. Alors, ça me fait penser un petit peu à ça, la production du bilan social.
Cependant, j'avoue que j'ai de la difficulté à le mettre en application. Je ne sais pas comment, vraiment, on peut le mettre en application. Et je me demandais si, par exemple, au niveau des entreprises, il y a un coût comme tel à produire. Est-ce que vous avez évalué le coût pour une entreprise à évaluer... c'est-à-dire vous avez évalué le coût d'un bilan social? Et j'ai un peu de difficultés, concrètement, là, à savoir ou à m'imaginer ce que ça peut... ce que c'est vraiment que le bilan social, malgré ce que vous nous avez dit, là. Concrètement, pour une entreprise, est-ce que ça signifie, par exemple, qu'on incite ou qu'on invite ses employés à s'impliquer socialement au niveau de la communauté civile pour aider justement à enrayer la pauvreté? Est-ce que ça signifie que l'entreprise crée un fonds pour aider, naturellement, la pauvreté dans son milieu? Je ne sais pas, j'ai un petit peu de difficultés à le saisir. Peut-être que vous pouvez me donner plus d'explications.
M. Goudreau (Patrick): Bien, en fait, le terme le dit, c'est un bilan. Alors, la première des choses, c'est de faire un constat, un constat de ce que l'entreprise fait. Alors, c'est une prise de conscience à l'intérieur même de l'entreprise. Alors, comme je l'ai mentionné, plusieurs entreprises ne réalisent même pas que peut-être plusieurs de ces employés sont impliqués dans la communauté de façon indépendante, non organisée, qu'ils ont des politiques familiales ou non, qu'ils ont un projet de garderie flottant ou non. Il y a des employés qui veulent, d'autres qui ne veulent pas. En fait, il y a plein de questions sociales que l'entreprise ne se pose pas tout simplement. La première démarche va être de réaliser ce constat-là et, ensuite, on s'en va dans une direction d'amélioration. Alors, les normes qu'on veut qui soient établies viseront cette amélioration-là, viseront à, d'une part, prendre conscience.
Et, deux, ce que l'on veut, c'est une motivation des entreprises à s'impliquer. Alors, on n'impose rien. L'entreprise qui déposera un bilan social vierge, bien, elle aura la honte de déposer un bilan vierge. Alors, ce qu'on veut, c'est que ces bilans-là aient une forme publique. Alors, une entreprise de moindre envergure qui fait zéro implication sociale, zéro programme pour ses employés, ils viendront cogner à la porte du gouvernement pour avoir une subvention ou un programme x, bien, peut-être que le gouvernement dira: Faites vos devoirs, revenez nous voir plus tard.
Alors, il y aura là certains éléments de motivation, mais il reste encore à voir à l'application. Et vous m'avez dit: Comment on va mettre ça en oeuvre? Je pense que le gouvernement a été ingénieux, dans le passé, sur l'application de normes progressives en fixant des barèmes plancher et en les élevant au fur et à mesure des expériences, ciblant des employés, de x employés et, ensuite, on augmente ou vice et versa. Je pense qu'on peut utiliser cette expérience-là également pour ce projet-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Là où je vous suis moins bien, c'est... Je me rends compte que le bilan social est aussi dépendant de l'implication de ses employés. Alors, comment, à ce moment-là...
M. Goudreau (Patrick): Ses employés.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Comment le gouvernement peut-il, par contre, priver une entreprise de subventions ou de contrats d'approvisionnement, n'étant pas le seul maître d'oeuvre, finalement, de ce bilan social, puisqu'il dépend également non seulement de l'entreprise, mais aussi de ses employés? J'ai un petit peu de difficultés d'application.
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(16 h 50)
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M. Goudreau (Patrick): Si vous permettez, en fait, l'entreprise vit par ses employés, mais je pense qu'une entreprise peut favoriser l'implication sociale sans la forcer. Je pense que c'est de la nature d'une implication en favorisant x heures, en déchargeant les employés de certaines tâches ou... Je pense qu'on peut, dans une entreprise, favoriser l'implication sociale, mais ce n'est pas une obligation que de le faire. Je pense qu'une entreprise pourrait avoir un bilan social très positif sans avoir d'employé qui fait nécessairement une implication dans sa communauté. Mais, par contre, toutes sortes d'autres éléments de son bilan...Je pense que c'est beaucoup plus complexe qu'une simple... que le bénévolat que les employés vont faire dans la communauté. Je pense que c'est beaucoup plus complexe que ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. M. le député de Laurier-Dorion, vous avez encore cinq minutes. Il y avait le député de Maskinongé qui avait une question également. Alors, je peux lui permettre, si vous... Oui?
M. Sirros: Ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Maskinongé.
M. Désilets: Je ne sais pas quoi dire. Merci, Mme la Présidente. Je remercie le député de l'opposition. D'accord, merci beaucoup.
Je fais référence, tantôt, à ce que vous parliez. Autant vous disiez que la crédibilité, puis l'expérience, puis les recherches ont démontré l'implication sociale de l'entreprise, autant, tantôt, ce que... la ministre nous parlait du groupe COMSEP concernant leur implication. Je vais juste vous montrer, là, vous donner quelques points. Donc, ça ne s'adresse pas à n'importe quel travailleur. Les travailleurs qui pourraient être soumis à un créneau plus particulier, ce sont des personnes qui ont moins d'une quatrième année du secondaire, secondaire IV et moins; ce sont des personnes qui ont 45 ans et plus; ce sont des personnes qui ont reçu de l'aide sociale depuis au moins quatre ans; ce sont des personnes ayant été éloignées du marché du travail depuis longtemps; puis ce sont des personnes qui sont aussi chefs de familles monoparentales.
Donc, les recherches, ça, c'est une étude qui a été déposée aussi et qui a été élaborée après... je pense que c'est deux ou trois ans de recherche avec un groupe cible, à long terme, sur deux ans, et puis on s'est rendu compte que ces personnes qui ont ce profil-là n'arrivent pas, par la suite, à se trouver un emploi dans une usine ou n'importe où. C'est dans le sens qu'un employeur, quand il voit arriver ce type de personne là, il dit: Écoute, là, moi, je n'en veux pas de ces personnes-là chez nous. C'est dans ce sens-là que le gouvernement a un rôle.
Moi, je dis: Si on peut forcer les gens... parce que, normalement, ce sont des gens qui ne seront pas aussi rentables que quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui a été sur le marché du travail tout le temps, qui est à l'aide sociale depuis un an ou deux, ce n'est pas le même profil, là. Donc, ce n'est plus le même type de clientèle. Parce que c'est dans ce sens-là que je vous dis: Si on arrive, si on propose d'assumer une partie du salaire de ces gens-là, est-ce que les employeurs, est-ce que les gens que vous représentez seraient réfractaires à ce genre de projet là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gaudreau.
M. Gaudreau (Patrick): Oui. Alors, ce que j'ai mentionné tout à l'heure, c'est que notre proposition ne vise pas directement cet aspect-là. Par contre, il peut y avoir un aspect complémentaire qui vise, dans un premier temps, des aspects d'éducation et de formation, parce que je pense que lorsqu'un individu est décrit selon les critères mentionnés, son problème, c'est un problème de culture d'entreprise de façon générale. Il n'a pas vécu ce qu'est une entreprise, un travail, se lever, être fonctionnel, concentré. Alors, il y a là ce qu'on pourrait dire une formation.
Est-ce que ça doit entrer dans ce cadre-là? Peut-être, mais... Et est-ce que, oui, ça pourrait être dans le bilan social? Oui. Mais, est-ce qu'on doit l'accompagner d'un support financier? Nous, on n'a pas abordé cette question-là, mais je ne pense pas que ce soit nécessairement dans le cadre actuel que ça peut se faire. Et si oui, bien, c'est une redistribution des sommes, parce que... est-ce que c'est un programme qui doit découler de l'assurance chômage, qui doit découler de l'aide sociale, qui doit découler du ministère de l'Éducation, je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est qu'il y aura une redistribution d'une ressource qui va être affectée à cet élément-là. Mais je ne pense pas qu'il faut que ce soit le critère qui doit être établi dans les normes. Est-ce que j'ai embauché un individu de cette catégorie-là? Je ne pense pas que ça devrait être dans les normes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Maskinongé, j'espère que ça répond à votre question, puisque le temps mis à notre disposition est terminé. Il ne me reste, au nom de tous les membres de... Oui, Mme Anglade.
Mme Anglade (Dominique): J'ai deux commentaires avant de terminer, parce que vous avez posé la question par rapport au bilan et ce que c'est techniquement. Il existe un livre, Faites le bilan social, qui a été écrit par Jérôme Piché et Philippe Béland. Ce livre-là décrit exactement comment faire le bilan social et ce qui est inclus là-dedans. C'est le premier point.
Le deuxième point, c'est par rapport aux coûts... J'aimerais qu'on garde en tête, lorsqu'on parle de coûts associés au bilan social, que beaucoup de choses sont premièrement déjà faites et pas recensées. Mais deuxièmement, il y a une diminution des coûts associés au recrutement et à la rétention des employés évidemment qui n'est pas négligeable, surtout lorsqu'on sait que le rapport qui a été présenté par le Conference Board cette année, il montre que les problèmes organisationnels, de manière première, sont des problèmes de recrutement et de rétention. Donc, ça, ce sont des coûts directs qui sont associés... des coûts qu'on éliminerait à cause du bilan social. Évidemment, l'amélioration de la productivité des employés, c'est un impact qui n'est pas à négliger, surtout sachant les résultats en matière de productivité au Canada. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Anglade, M. Goudreau, merci infiniment de nous avoir éclairés sur ce nouveau modèle.
Et je demanderais immédiatement aux représentants de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec de bien vouloir prendre place et je suspends pour 30 secondes.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 16 h 57)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons maintenant les représentants de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, son président, M. Jean-Marie Doyon. Alors, M. Doyon, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et, bien sûr, normalement vous avez 15 minutes, mais, si vous pouvez résumer, ça nous permettra un meilleur échange entre tous les membres. Je vous cède la parole.
Fédération des locataires d'habitations
à loyer modique du Québec (FLHLMQ)
M. Doyon (Jean-Marie): Bonjour, Mme la Présidente. Merci. Pour commencer, je voudrais vous présenter... moi, mon nom, c'est Jean-Marie Doyon, je suis président de la Fédération des HLM du Québec; à ma droite, vous avez Mme Louise Lafortune, de Montréal, et Mme Manon Jean, de Saguenay?Lac-Saint-Jean. À ma droite, ici, vous avez M. Pilon, de Montréal, et M. Eugène Giroux, de Saint-Jean du Haut-Richelieu. Ce sont des membres du conseil d'administration de la Fédération.
La Fédération regroupe 250 associations de locataires de HLM répartis sur tout le territoire du Québec. Elle représente 30 000 ménages à faibles revenus dont une grande proportion sont des familles à 70 % monoparentales. Ces ménages ont, pour la plupart, des revenus inférieurs à 10 000 $ par année qui proviennent essentiellement de prestations de la sécurité du revenu, du Régime de rentes du Québec et du Régime de sécurité de la vieillesse du gouvernement fédéral.
Pour réussir à se loger convenablement, nos membres ont besoin de programmes sociaux en habitation. Ceux-ci sont une aide précieuse pour les soulager du poids des loyers trop élevés pour leurs maigres revenus sur le marché privé et contribuent à les sortir de situations de très grande précarité. Avoir un toit stable à un prix que tu peux payer et qui est en bonne condition est un bon début de sécurité sociale, mais c'est encore insuffisant pour sortir de la pauvreté.
Les HLM sont des milieux de vie. Plusieurs de nos membres y investissent temps et énergie pour en faire des lieux dynamiques et apporter des réponses aux besoins et aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Des dizaines de projets sont développés et pris en charge tous les jours par nos membres, qu'il s'agisse d'aide aux devoirs, de cuisine collective, de cantine populaire, de lieux de loisirs pour les jeunes et les moins jeunes, etc.
Nous représentons des communautés qui veulent se prendre en main mais nous avons besoin de plus de moyens pour le faire. C'est donc avec grand intérêt que nous avons pris connaissance du projet de loi n° 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et que nous vous soumettons notre avis sur les modifications à apporter pour en améliorer l'impact.
La Fédération appuie l'adoption de la loi n° 112 dès cet automne parce qu'on reconnaît qu'elle serait une avancée pour la société québécoise. Nous avons été heureux de constater la reconnaissance qui est faite du travail de réflexion et de mobilisation citoyenne du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, dont nous sommes membres et de qui nous sommes solidaires.
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(17 heures)
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Nous retenons comme éléments positifs de la proposition gouvernementale que nous voulons voir maintenus dans la proposition finale: l'idée même d'une loi; le texte du préambule qui situe la loi dans le cadre des droits reconnus dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et qui reconnaît la capacité d'agir des personnes en situation de pauvreté; l'abolition des réductions de prestations pour partage du logement et le test logement; la permission de cumuler des actifs; la révision systématique du niveau du salaire minimum; et, bien évidemment, la reconnaissance du logement social comme moyen d'assurer la sécurité sociale et économique des Québécois et Québécoises.
Notre expérience nous démontre, en effet, que le logement social est important pour améliorer la sécurité sociale et économique des personnes. Nous sommes donc heureux de voir ce moyen de lutte à la pauvreté reconnu nommément. Devant la crise du logement qui sévit dans plusieurs grandes villes du Québec, le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour assurer la réalisation de 9 000 logements déjà annoncés et s'engager à investir davantage pour la création de 8 000 logements sociaux par année, dont la moitié en HLM dans l'avenir.
Toutefois, pour permettre une réelle amélioration du niveau, de la qualité de vie des personnes et des familles pauvres, la proposition de la loi n° 112 et l'énoncé de politique qui l'accompagne doivent être améliorés par les propositions suivantes:
Rendre incontournable la couverture des besoins essentiels pour toute personne qui vit au Québec, avec priorité à l'augmentation jusqu'à ce niveau du revenu des personnes à l'aide sociale, peu importe leur statut, dès la mise en application de la loi;
Renforcer le caractère contraignant de la loi par l'ajout d'une clause d'impact qui assurera que toute loi et tout règlement proposés par le gouvernement seront examinés à la lumière de leur effet sur la pauvreté;
Prévoir des mesures volontaires d'insertion sociale et économique qui reconnaissent la diversité et la complexité de la situation des personnes et proposent des solutions adaptées et adaptables, sans multiplier les programmes, qui font confiance aux personnes en situation de pauvreté, à leur volonté de s'en sortir et d'améliorer leur situation;
Donner deux cibles à la loi sur 10 ans: l'atteinte de la couverture des besoins essentiels pour toute personne au Québec; une diminution importante de l'écart du revenu disponible entre le cinquième le plus pauvre et le cinquième le plus riche.
Concernant le plan d'action du gouvernement, nous recommandons un barème plancher à l'aide sociale qui couvre les besoins essentiels et en deçà duquel aucune coupure, saisie ou pénalité ne peut être faite; la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et les personnes âgées bénéficiant du supplément de revenu garanti; la construction de 8 000 logements sociaux par année, dont la moitié en HLM; des mesures structurantes volontaires à long terme pour la réinsertion sociale et économique des personnes; l'amélioration des normes du travail et du salaire minimum; l'augmentation des revenus de la fiscalité afin de diminuer l'écart de revenu entre les plus pauvres...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Pilon.
M. Pilon (Robert): Merci. Bonjour. Écoutez, moi, j'aimerais intervenir plus particulièrement... J'imagine, ce qu'on vous dit là, vous l'avez déjà entendu de certains organismes, sinon de plusieurs, bref de tous les membres du Collectif. J'aimerais peut-être intervenir plus spécifiquement également sur ce qu'on veut dire par des mesures structurantes de réinsertion sociale au niveau des HLM, puisque ce sont nos membres. Vous savez, la Fédération, un de nos objectifs premiers, c'est de promouvoir les gens qui habitent en HLM. Donc, comment est-ce qu'on peut faire ça, faire la promotion des familles monoparentales avec enfants qui vivent dans les HLM-familles et la promotion des personnes âgées pauvres qui habitent dans les logements de personnes âgées à travers la province? Comment on peut faire cette promotion-là?
En même temps qu'on se présente ici aujourd'hui, c'est un peu drôle, c'est que demain on doit également se présenter à la commission sur l'aménagement du territoire qui a produit aussi un document de consultation dans lequel on cite un exemple d'un projet américain qui s'appelle le projet Hope ? pour espoir ? Hope VI, que nous, on trouve très intéressant au niveau des objectifs. Ce projet-là américain se donne trois objectifs principaux. Le premier, c'est de réduire la concentration de pauvreté en encourageant une certaine mixité sociale et en incitant notamment les familles ouvrières à s'installer en HLM. Donc, il y a toute la notion qu'une certaine mixité sociale peut aider à résoudre certains problèmes de pauvreté, pas seulement en... Ça ne veut pas dire d'expulser les pauvres, puis, comme ça, il y a moins de pauvreté, mais ça veut dire qu'il peut y avoir un effet bénéfique à la coexistence de gens qui travaillent et de gens qui ne travaillent pas dans les mêmes habitations. Ça, c'est le premier objectif du projet Hope VI.
Nous, ça nous rejoint, cet objectif-là, parce que ça fait 10 ans qu'on réclame des différents gouvernements qui se sont succédé à Québec qu'on rétablisse une mixité sociale en HLM, tant au niveau de la façon d'attribuer les logements qu'au niveau de la façon de fixer les loyers. Le Vérificateur général du Québec, en 1994-1995, dénotait le fait qu'il y avait à peine 8 % de ménages travailleurs qui habitaient en HLM alors qu'il y a près de 26 % de ménages travailleurs sur les listes d'attente. Donc, il y a un problème. Non seulement les ménages travailleurs n'ont pas suffisamment accès aux HLM ? quand je parle des ménages travailleurs, c'est les femmes chefs de familles monoparentales au salaire minimum ? mais en plus, lorsqu'ils y accèdent, ils vont quitter rapidement les HLM à cause de la politique de fixation des loyers. Donc, c'est un premier problème.
Le deuxième objectif du projet... Je reviens au projet Hope VI aux États-Unis, le deuxième objectif, c'était de fournir des services de soutien à la population résidente, comme des programmes d'éducation, de services à la petite enfance. Ça, pour nous, c'est une lacune actuellement dans les HLM du Québec. Il existe une multitude de programmes pour financer des organismes communautaires pour donner ces services-là, sauf que, dans les HLM, c'est déficient. On a 250 associations membres qui sont composées exclusivement de bénévoles, et ces gens-là n'ont pas accès aux différents programmes de financement de l'action communautaire. Alors, on est désavantagé pour diverses raisons. Il n'y a pas de méchanceté là-dedans, sauf que, comme les gens sont tous bénévoles ? il n'y a pas de permanents comme moi, je suis le seul permanent d'ailleurs à la Fédération ? pour faire des demandes de financement, les gens n'ont pas le tour, donc très peu de nos associations qui ont des projets réussissent à les faire financer dans les différents programmes existants. On dirait que ce n'est pas fait pour eux autres. Les gens ne sont pas de taille pour remplir des beaux formulaires comme les travailleurs de CLSC sont capables de le faire. Donc, je vais revenir tantôt sur la question des services parce que c'est important.
Le troisième objectif de Hope VI, c'était d'intégrer les résidents dans la gestion globale de leur milieu de vie. Et ça, cet objectif-là, on peut dire que le gouvernement du Québec l'a atteint en avril dernier lorsque vous avez adopté le projet de loi n° 49 qui a dit que dorénavant, dans les HLM, les résidents allaient pouvoir s'impliquer, être consultés, un peu comme les parents dans les écoles avec les comités de parents.
Donc, il y a deux objectifs du programme Hope VI, je pense, qui sont rejoints par certains... Bien, qui sont rejoints... Il y en a un qui est rejoint, c'est celui-là, celui de la participation des résidents à la gestion. Sur la question de la mixité sociale en HLM, on a des pas à faire et on espère que la Société d'habitation du Québec et que le ministre concerné vont les faire, parce que la mixité sociale peut avoir un effet important pour développer l'entraide des gens.
Je m'arrêterais sur la question des services. Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il existe un programme de soutien à des projets communautaires réservé aux HLM. Dans la stratégie nationale, on cible les HLM comme une cible prioritaire d'intervention. C'est intéressant, mais on ne précise pas comment. Nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que les résidents, les associations de résidents... On pense que c'est eux qui sont les mieux placés pour dire à quels problèmes sociaux prioritaires ils sont confrontés. C'est-u la délinquance? C'est-u le décrochage scolaire? C'est-u les problèmes de cohabitation interethnique? Donc, on pense que c'est les associations de résidents qui sont les mieux placées pour établir les priorités et ensuite pour définir ça devrait être quoi, les initiatives communautaires qui sont prises, les services qu'on devrait se donner pour faire face à ces problèmes-là. Et, donc, on souhaiterait donc que ce soit ça qui soit soutenu.
Et, troisièmement, on se dit: Si les gens... Puis, si une communauté est prête à se mobiliser en disant: C'est ça, la solution, il faut faire telle ou telle activité, il faut se donner tel ou tel service, bien ça peut être une forme de réinsertion sociale, mais aussi une forme de réinsertion à l'emploi. Mais tout ça doit être facilité par les différents ministères. Et je pourrais vous faire une liste très longue des différents programmes qui existent, et vous constateriez que les associations de résidents de HLM n'ont jamais véritablement accès, que ce soit aux programmes du MRCI, aux programmes du Secrétariat à l'action communautaire, aux programmes d'action civique qui existent au ministère de la Famille. Bon, il y a quelques exceptions, mais, règle générale, on en est exclu. C'est pour ça qu'on en vient à réclamer dans le plan d'action, si c'est possible, un programme spécifique aux HLM où on pourrait évidemment faire en sorte que les principaux acteurs, ce soient les résidents eux-mêmes.
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(17 h 10)
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Là-dessus, je vais m'arrêter. J'aimerais passer la parole à... On a un témoignage, c'est un M. Eugène Giroux, de Saint-Jean-sur-le...
M. Giroux (Eugène): Richelieu.
M. Pilon (Robert): Avec les fusions, ça a changé de nom?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste deux minutes. Je vous cède la parole, M. Giroux.
M. Giroux (Eugène): Oui, ça devrait. Je vais essayer d'être très court. C'est juste pour justifier que les associations de personnes âgées n'attendent pas toujours les subventions, mais on est placé vis-à-vis des faits que nous n'en avons pas d'aide. Vous avez des programmes que vous retournez de l'argent à des groupes, mais c'est toujours les personnes monoparentales ou familles. Nous autres... Ça fait quatre ans, moi, que j'en demande, puis j'ai reçu zéro.
On a démontré que nous autres, les personnes âgées, on est capable de faire quelque chose de nos mains. On a parti une cuisine communautaire chez nous. Le pourquoi de ça, c'était de sortir les gens de leur logis, de les faire lâcher le beurre de pinottes puis les bananes puis venir manger des repas qui ont de l'allure. Il faut qu'ils s'habillent pour venir à la cuisine, chez nous. Donc, ils ont lâché les médicaments pour un certain temps. Quand ils viennent, ils sont au moins une heure, une heure et demie dans notre cuisine. Quand ils retournent, ils ne pensent pas aux pilules, ils s'en vont se coucher, ils sont fatigués. Puis on fait ça quatre jours par semaine. On le ferait cinq jours, six jours, mais on n'a pas les moyens. Il faut payer une cuisinière pour faire ça, nous autres. Le restant, c'est tout bénévole, il n'y a personne de payé à part la cuisinière.
On a fait des meubles, on a percé des murs, on a tout fait pour faire une salle à dîner puis une cuisine. Ça a été fait bénévolement par des gens qui demeurent dans les HLM. On a établi des transports gratuits pour emmener des gens des autres HLM dans la ville. Parce que ça a commencé dans Iberville, le secteur d'Iberville du district Saint-Jean, ça a commencé là, et, par contre, on voudrait étendre plus loin, parce que, avec la fusion, il y a 785 logis qui pourraient être atteints, mais on n'a pas les moyens de les transporter, on n'a pas les moyens de les financer. On demande que le gouvernement pense à favoriser un peu, dans les finances, les associations de personnes âgées. À ce moment-là, on pourrait continuer, on pourrait donner des services, rendre des services sûrs, sûrs à des personnes âgées et les garder le plus longtemps possible dans les HLM au lieu de les envoyer dans des maisons qui coûtent une fortune à l'État. Nos personnes âgées, on en a jusqu'à 92 ans dans nos HLM, nous autres. Ça fait que c'est à peu près mon exposé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Giroux, je veux vous féliciter pour cette heureuse et belle initiative. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Doyon ainsi que ceux qui vous accompagnent et M. Giroux, je voudrais, à mon tour, vous remercier pour le mémoire, la reconnaissance du fait que c'est une avancée extrêmement importante pour notre société, ce projet de loi et la stratégie, bien qu'en soi rien n'est parfait dans ce monde, mais il n'en demeure pas moins qu'on a été capable, comme société... être capable à la fois de rédiger une stratégie qui rejoigne les gens et un projet de loi qui, effectivement, vient démontrer qu'il y a un consensus social, il y a eu la société civile qui s'est mise derrière cela, puis que c'est important que, comme parlementaires, nous nous y attardons pour que, comme société, nous allions de l'avant.
Moi, je vais vous dire, l'expérience américaine que vous avez relevée, j'aurais le goût de vous dire en toute humilité, il y a une expérience locale dans ma circonscription, à Lévis, avec le projet Hypolite Bernier, que vous... Je ne sais pas si les gens sont ici, mais il n'en demeure pas moins que c'est un vécu d'expérience où une communauté, un conseil d'administration, des gens au sein de cette organisation... C'est plus de 100 locataires où ils vivaient des particularités et des difficultés énormes, où il y a eu un soutien d'un intervenant qui a été là pour les accompagner, non pas leur dire quoi faire. Il y a une fondation qui s'est jointe, la fondation Pat Bourque qui s'est jointe justement pour les soutenir financièrement, et, je vais vous dire, c'est un des plus beaux projets au sein de la circonscription, en tout cas, moi, comme élue, dont je suis particulièrement fière. Je ne savais pas que les gens étaient ici, mais je tenais à vous le témoigner, parce que ça a donné des résultats extraordinaires. On a investi autre chose que dans le béton. Et, j'inviterais n'importe quel citoyen, citoyenne du Québec à venir faire un tour pour aller visiter ces appartements, je vais vous dire, c'est une réalité extraordinaire où on a fait autre chose que d'investir dans le béton.
Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte à la pauvreté, particulièrement aux pages 39 et suivantes, ce qu'on indique, c'est que «les actions en matière de logement doivent aller bien au-delà du béton pour inclure une approche axée sur la prise en charge et le développement social. De nombreuses expériences ici et ailleurs montrent que le développement de services et d'outils d'insertion sociale et professionnelle, en conjugaison avec le logement, constitue une approche très prometteuse auprès des groupes davantage touchés par la pauvreté persistante.» L'autre élément que vous avez soulevé, et que nous partageons totalement, c'est de faire en sorte qu'il y ait une mixité. Nous ne vivons pas en vase clos, les jeunes avec les jeunes et les personnes âgées avec les personnes âgées, les hommes dans un côté, les femmes... Notre société, elle est composée d'être humains qui ont besoin de vivre ensemble, et c'est cette richesse qui nous permet justement d'éviter les ghettos.
Il y a un élément, par exemple, où j'aimerais vous entendre, parce que, vous savez, le fait de permettre à des gens, à un moment donné, d'avoir accès à un loyer décent à un coût... fait en sorte que lorsqu'une personne améliore sa condition... Et je ne dis pas l'améliorer de façon minimale, parce que, dans le cadre de la stratégie, on veut justement faire en sorte que lorsque quelqu'un augmente ses revenus jusqu'au revenu de solidarité... On ne veut pas que son logement soit augmenté d'autant parce qu'on veut permettre à cette personne de s'en sortir. Cependant, il faut convenir qu'actuellement on retrouve certaines particularités avec lesquelles, je vous dirais, que je suis un petit peu mal à l'aise, parce qu'il y a des personnes qui nous disent ? et qui sont dans le réseau depuis longtemps ? qu'il y a certaines personnes qu'elles améliorent leurs conditions de vie, mais il n'en demeure pas moins qu'elles continuent à habiter parfois des loyers à prix modique où ces personnes pourraient... Parce qu'ils ont réussi à se sortir d'une situation de pauvreté, qu'ils ont réussi, je dirais, à se refaire une santé puis qu'ils ont réussi finalement, comme membres de cette société, à se sortir de cette réalité, ils ont les capacités finalement d'occuper un loyer qui coûte un peu plus cher.
Comment on pourrait justement... Parce que c'est toujours ces cas d'exception là qu'on nous met en plein visage et qui font remettre parfois en question une orientation qu'un gouvernement peut prendre pour soutenir au niveau du logement social, alors quelle est la mesure qui nous permettrait justement de dire à juste titre que les personnes qui demeurent dans les logements à loyer modique y demeurent parce qu'elles en ont besoin, mais qui nous assurerait encore cette transition qui avait été mise de l'avant au départ lorsqu'on a créé les logements à prix modique pour permettre à des gens finalement, dans une période transitoire, de bénéficier sur une année, deux années d'un loyer plus abordable avant qu'ils puissent accéder à un loyer qui coûtera un peu plus cher, mais qu'ils auront les revenus pour payer également?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Pilon.
M. Pilon (Robert): Oui, si vous permettez, c'est une question sensible pour les gens qui vivent en HLM, des fois, de constater que certaines personnes qui ont un peu plus de moyens demeurent, mais, je vous dirais, il y a différentes solutions. La première, dans le cas des familles, on a obtenu de votre gouvernement, d'ailleurs, là, du temps de Mme Harel, l'établissement d'un loyer plafond pour une période de trois ans. Donc, pendant trois ans, une famille qui se met à travailler ou ses enfants se mettent à travailler... Parce que c'est souvent le cas, hein, la mère a des enfants, les enfants deviennent ados, à un moment donné ils se mettent à travailler, puis il y en a une, deux, trois qui ont 20, 22 ans qui demeurent encore... Parce que c'est le cas, hein, les enfants demeurent plus longtemps. On les aime bien, mais bon... Ils se mettent à... Donc, pendant trois ans, il y a un loyer plafond. Donc, le loyer d'une famille, par exemple, peut être gelé à 500 ou à 600 $ pendant trois ans. Et, après ça, si la famille décide de demeurer là, bien c'est 25 % des revenus bruts du ménage qui vont être considérés dans le coût du loyer. Là, le loyer peut monter à 700, 800 $.
Donc, il y a un loyer plafond qui permet aux familles qui améliorent leur situation ? puis c'est ce qu'on veut ? de se remplumer, mais, après ça, ils ont une décision à prendre. S'ils demeurent, ils paient plus que ce que le gouvernement coûte à l'État. Donc, encore là, c'est sûr qu'ils occupent un logement qui pourrait être occupé par une autre personne, mais je ne pourrais pas dire qu'il y a un véritable scandale, puisque ces gens-là paient plus que ce que ça coûte à l'État pour financer ce logement-là.
Et là il y a l'aspect en même temps... Vous savez, le Code civil ne permet pas de chasser quelqu'un de son logement, puis, bien, c'est aussi une mixité sociale intéressante d'avoir une mère avec ses trois enfants qui travaille à côté si elle paie plus que ce que ça coûte au gouvernement. C'est un modèle positif.
Dans le cas des personnes âgées, c'est plus embêtant. Des fois, tu as des personnes âgées qui, pour diverses raisons, vont payer, dans un HLM, un prix de fou, hein? Ils vont payer un 500, 600, 700 $, payer même plus que sur le privé. Ils demeurent là pourquoi? C'est pour d'autres motifs, parce qu'ils aiment le monde, parce qu'il y la tranquillité, la sécurité. Des fois, c'est le seul immeuble dans le village qui a un ascenseur. Et, encore là, donc c'est un peu mal aisé de dire: Ces gens-là, on devrait les mettre dehors, vous savez. Donc, c'est pour ça que je disais que c'est une question sensible.
n(17 h 20)nMme Goupil: Mais, si vous me permettez, je vous remercie de clarifier tout cela, parce que, qu'on le veuille ou pas, il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas au courant de cette réalité-là. Et, aujourd'hui, vous permettez de clarifier des choses et qui permet à l'ensemble de la société qui entend le travail qui est effectué... Parce que l'objectif de ma question n'était pas de contester ces choses-là, mais de faire ressortir qu'effectivement il y a des gens qui paient plus, même s'ils habitent un HLM, pour différentes raisons et que l'objectif est de permettre à des gens, sur une période suffisamment longue... pour leur permettre d'acquérir une autonomie puis de se refaire dans tous les sens du terme. J'aurais beaucoup d'autres questions à vous poser, mais je sais que ma collègue veut vous en poser. Je tiens à vous remercier de votre présentation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Crémazie.
Mme Blanchet: ...bienvenue à tous et à toutes. Je pourrais vous dire que je connais bien le milieu des HLM, puisque mon bureau de circonscription est situé dans les Habitations Ahuntsic, à Montréal. D'ailleurs, vous avez une représentante qui est avec vous, Mme Hulsman, qui habite le HLM où j'ai mon bureau et, jusqu'à tout récemment, était la présidente de l'association de locataires chez nous mais a décidé de laisser sa place pour justement travailler avec vous à la Fédération. Et veux souligner son travail, puisqu'elle est toujours bien engagée.
Aussi, parce qu'il y a différents... Il y a plusieurs HLM dans la circonscription, des HLM-familles, des HLM pour, disons, les retraités, les nouveaux retraités. Et, vous parliez d'expériences tantôt, M. Pilon, il y a le Centre des jeunes Saint-Sulpice, chez nous, qui est intégré dans un des HLM du Domaine Saint-Sulpice et qui, entre autres, donne de l'aide aux devoirs, Dans d'autres, ils ont des intervenants qui se promènent, soit au HLM Meunier-Tolhurst, celui du Domaine André-Grasset aussi. Alors, ça vient un peu rejoindre justement une de vos demandes ou suggestions de créer un programme de services. Bon, je sais qu'eux, le Centre des jeunes Saint-Sulpice, fonctionnent avec des sous reçus du SOC de la régie régionale. Moi-même, comme députée, avec mon support à l'action bénévole, sûrement comme tous mes collègues, on en donne un peu aux différentes associations aussi dans les HLM, mais c'est clair que nos quelques 100 $ que l'on donne, ça permet de tenir quelques activités sociales dans l'année, mais pas pour faire des projets comme chez M. Giroux où on en fait.
Alors, quand vous dites qu'il faudrait créer un programme, évidemment, bien, on parle de dollars. Dans un contexte où on fonctionne quand même... le gouvernement du Québec fonctionne avec les sous qu'il a pour l'instant, ça voudrait dire combien pour toutes vos associations dans tous vos HLM? Parce que là ensuite il faudrait voir comment on sépare le magot, mais ça pourrait dire combien un programme comme celui que vous souhaitez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Pilon.
M. Pilon (Robert): Nous, ce qu'on souhaitait, c'est un programme qui pourrait coûter environ 5 millions par année pour l'ensemble des 543 villes et villages où il existe des HLM. Et, c'est clair, c'est plus pour financer des projets, je vous dirais, à titre expérimental pour pouvoir démontrer justement les retombées positives au niveau du soutien aux familles, au niveau aussi de la réinsertion à l'emploi.
Je veux juste en profiter... Pour nous, ce serait un programme à deux volets. Le volet de 5 millions de dollars, ce serait vraiment pour soutenir des projets de résidents, pour se donner des services qui n'existent pas. Évidemment, on ne parle pas de dédoubler là où il y a une maison de jeunes ou un groupe communautaire du secteur qui offre les services, mais donc dans des endroits ou il n'existe pas de tels services et que les résidents en ont besoin. On parle d'un 5 millions de dollars.
L'autre volet du programme, ça rejoint... Vous parliez, je m'excuse, du groupe Concept de la Mauricie, et lui, j'ai plus de difficultés à le chiffrer, mais ce qu'on souhaiterait... C'est que les offices municipaux d'habitation, comme propriétaires, administrent 65 000 logements, et ça, c'est beaucoup de travail d'entretien et de conciergerie. Ce qu'on souhaiterait, c'est que les offices puissent engager des résidents à ce titre-là, donc comme concierges résidents, ce qui ferait beaucoup l'affaire des résidents. Vous savez, à Montréal, quand tu as un immeuble de 100 logements, les gens déplorent qu'il n'y a pas de concierge qui habite là. Donc, on souhaiterait, comme ça, que des bénéficiaires de la sécurité du revenu puissent se réinsérer à l'emploi petit à petit comme concierges, donc qu'il y ait une formation qui leur est donnée.
Mais ça pose le problème justement de la productivité. C'est sûr que ces personnes-là qu'un office accepterait d'engager comme concierges en leur donnant de la formation ne seront pas aussi productives, en partant, que de véritables concierges. Donc, ça prendrait une subvention. Il faudrait que la Société d'habitation du Québec puisse subventionner un peu plus les offices pour qu'ils puissent engager puis faire de la réinsertion à l'emploi de ces personnes-là. Et, on ferait d'une pierre deux coups, les résidents auraient des meilleurs services, feraient plus attention à leur logement, parce que c'est du monde de la place qui en prendrait soin, et, en même temps, on pourrait... Bien, vous voyez, donc, il y a un coût d'associé à ça. Les offices, actuellement, refusent de le faire pas parce qu'ils ne sont pas fins, mais parce qu'ils disent: Voyons donc, ça va nous coûter plus cher, et on n'a pas cet argent-là. Donc, ils ne participent pas à l'oeuvre sociale de réinsertion. Donc, ça pourrait être, selon nous, le deuxième volet, là, du programme qu'on vous suggère.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. M. Pilon et les autres, bienvenue. Puis, en vous écoutant tantôt, ce qui ressort clairement, c'est une certaine frustration par rapport à la difficulté que vous ressentez, que vous vivez à ne pas avoir la possibilité d'avoir accès à des fonds et du support pour les activités de soutien social que vos membres font. Je pense qu'il n'y a pas un député qui ne connaît pas les associations de locataires des HLM dans leur district électoral. Probablement, l'ensemble de nous, on finance quelque peu ces associations-là au niveau des activités ponctuelles, surtout pour le bénéfice des locataires entre eux. Mais, moi, ce qui me frappe toujours avec les HLM, c'est que ce sont des milieux de vie qui permettent d'avoir un ensemble de personnes qui, souvent, si elles seraient laissées toutes seules, détérioreraient beaucoup plus rapidement et se retrouveraient rapidement en centre d'hébergement. Et, à côté de ça, c'est vrai, ce que vous dites, qu'il y a peu de structures vraiment, à part l'association des locataires qui, souvent, fonctionne comme ci, comme ça, qui soutiennent ou qui veillent, si vous voulez, au bien-être des membres.
Vous avez parlé d'un concierge résident. Verriez-vous, ajouté à ça, un genre de rôle d'animateur ou de point de repère? Parce que souvent... Moi, ce qui m'a toujours frappé, c'est comment les voisins, entre eux, se soucient l'un de l'autre par rapport, par exemple, à la visite du CLSC. S'ils ne sont pas venus à temps, un autre appelle pour dire, tu sais: Madame n'a pas répondu aujourd'hui, ou le CLSC a manqué leur rendez-vous, etc. Mais il n'y a comme pas personne à qui on peut s'adresser, ni comme député ni comme le CLSC, à part la présidente de l'association ou le président de l'association des locataires. Mais, comme je vous dis, c'est très aléatoire. Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous voyez la possibilité de mieux structurer cet effort?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Pilon.
M. Pilon (Robert): On me passe les messages. Ha, ha, ha! Deux exemples de ça. Le premier, c'est: la régie régionale de Laval ? c'est la seule qui fait ça au Québec ? finance deux animateurs dans les grandes tours personnes âgées de Laval, et le bilan qui est fait par le CLSC local... C'est que ces deux animateurs-là sont là pour aider les associations de résidents à offrir des services d'entraide aux personnes âgées, et le bilan qu'ils font est extrêmement positif dans le sens où ces gens-là font beaucoup de référence, sont beaucoup aidants, et ça coûte beaucoup moins cher à la régie régionale de la santé en bout de ligne. Toute l'entraide qui se développe, bien c'est des travailleurs de CLSC qui n'y vont pas, c'est des infirmières qui n'ont pas à y aller, c'est beaucoup moins de rendez-vous. Donc, eux ont fait le calcul que c'était très économique, mais ça, c'est resté... C'est un rapport de la régie régionale de Laval, et ça n'a pas été généralisé à l'ensemble de la province.
L'autre exemple, c'est ce qui se passe à Lévis. Il y a un projet formidable à Lévis ? on n'a pas le temps d'en parler, c'est malheureux ? mais où des adolescents délinquants qui n'ont jamais rien fait de bon dans la vie puis qui se voient comme des pas bons, du jour au lendemain, ils deviennent parrains de plus jeunes qu'eux pour les aider dans leur réussite scolaire. Puis, s'ils font bien ça, bien il y a une récompense au bout de la ligne. Ça, si on se mettait à calculer les économies que ça amène dans la lutte contre le décrochage, puis la lutte contre le vandalisme, puis la DPJ, puis la police, puis amenez-en, tu sais, c'est beaucoup d'économies.
Par contre, c'est difficile de reproduire un projet comme celui de Lévis dans plein d'autres HLM-familles parce qu'il n'y a pas les facilités financières, là. Ça a pris un tour de force d'un directeur d'office connecté à un ancien de la régie de la santé pour vendre sa salade. Mais, pour le pauvre monde dans les HLM, de vendre cette salade-là, ce n'est pas facile. Donc, oui, on souhaiterait un programme facilitant, mais qui ne se ferait pas seulement par les associations de résidents. Nous, on pense que ces personnes-là doivent être au coeur pour identifier les besoins et les initiatives à prendre, mais, évidemment, ça devrait se faire ensuite en partenariat avec la commission scolaire, la régie de la santé, les organismes communautaires du secteur. Mais ce qui devrait être au coeur, les pionniers de ça, ça devrait être les résidents eux-mêmes pour que ça marche vraiment.
n(17 h 30)nM. Sirros: Mais c'est tout à fait vrai, ce que vous disiez tantôt quant au fait que, souvent, ça dépasse les gens, comment faire la demande pour des subventions. Même dans le cadre de nos propres budgets qui sont très faciles d'administration, les gens, souvent, c'est nous autres mêmes, tu sais... J'appelle pour dire: Vous n'avez pas envoyé votre formulaire cette année. Et c'est comme... il n'y a pas de structure de suivi. Et la question que j'avais, c'était: Qu'est-ce qui peut être fait pour faciliter davantage l'accès à des subventions qui existent ou des fonds qui existent? Est-ce que c'est...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Pilon.
M. Pilon (Robert): Ce qu'on souhaitait, et peut-être qu'on se trompe parce que, vous savez, des fois, on est dépassé par la complexité des différents ministères, mais... puis, des fois, il y a des choses qui sont à la mode. Comme là, on parle beaucoup d'intersectorialité. Nous, ça fait cinq ans qu'on demandait: Est-ce qu'Emploi-Québec, est-ce que les principaux ministères intervenant dans les HLM, Emploi-Québec, le Secrétariat à l'action communautaire, les régies régionales de la santé, est-ce que vous ne pourriez pas venir dans chaque région, dans chaque localité, venir vous asseoir, les fonctionnaires principaux, vous asseoir avec les associations de résidents? On va vous faire part des besoins sociaux qu'on a, des solutions qu'on entrevoit, et vous nous direz si vous pouvez, d'une quelconque façon, faciliter ça. Bon, c'est ça qu'on a appelé un... Est-ce qu'on pourrait avoir un programme spécifique de soutien aux HLM en ne sachant pas trop quel... est-ce que c'est dans le plan de lutte qu'on pourrait le financer? Est-ce que c'est en convainquant ? et ça, l'expérience qu'on a, c'est que c'est très difficile ? est-ce qu'on peut convaincre la SHQ, le MFE, Emploi-Québec, donc plein de fonctionnaires, de venir s'asseoir dans chaque localité avec les associations de résidents? Pour moi, ce serait un tour de force si on peut faire ça. Peut-être que c'est possible maintenant, parce que c'est dans le nouveau courant d'idées, mais ça nous prend une solution comme ça, aidante, où c'est les fonctionnaires qui vont venir dans les HLM, au devant des gens pour les écouter, voir le besoin puis les aider. Parce que l'inverse ne sera pas vrai. Il y a beaucoup de gens qui sont incapables d'aller se retrouver dans ces dédales-là.
M. Sirros: Bon. Nous, on appelle ça l'État au service du citoyen. C'est le titre de notre programme. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est malheureusement tout le temps qui est mis à notre disposition, et, mesdames, messieurs, je veux vraiment, au nom de tous les membres, vous remercier et vous féliciter pour toutes ces belles initiatives, et c'est rafraîchissant quand même d'entendre... On se rend compte qu'il y a des difficultés, mais il y a également des solutions, des solutions concrètes que vous proposez. On l'apprécie énormément.
Alors, j'inviterais immédiatement M. Paul Bernard, qui est professeur de sociologie à l'Université de Montréal, à bien vouloir prendre place, et je suspends pour 30 secondes.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise à 17 h 34)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales accueille maintenant M. Paul Bernard qui est professeur de sociologie à l'Université de Montréal. Alors, Pr Bernard, vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, par la suite, nous procéderons à des échanges. Je vous cède la parole.
M. Paul Bernard
M. Bernard (Paul): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'ai écrit, dans le mémoire que vous avez tous, que c'étaient un projet de loi et une stratégie dont l'inspiration me semblait assez remarquable de justesse et de justice, en particulier par le lien qui est établi entre le développement économique et le développement social. La question est posée correctement, c'est-à-dire dans des relations bilatérales entre les deux termes. Donc, on ne se demande pas combien de développement social notre développement économique nous permet-il d'avoir, mais on se demande si on a les moyens de ne pas faire un développement social qui contribuera aussi au développement économique en une espèce de cycle vertueux.
Ou une autre façon de dire ça encore, c'est de demander: Mais combien nous coûtent les pauvres? Et il y a deux façons complètement différentes de poser la question. La mauvaise, à mon avis, une façon comptable qui dit: Ça coûte tant dans les budgets, etc., et la bonne qui dit: Mais combien ça nous coûte si on ne fait rien?
Et la dynamique de ces deux documents, du projet de loi et de la stratégie, c'est une dynamique d'inclusion sociale qui, je pense, puise à ce qu'on a de meilleur comme source de connaissance sur les phénomènes qui sont abordés, de pauvreté, d'inégalité et d'exclusion. Et j'aborde, dans mon mémoire, trois thèmes en disant... On l'aborde correctement parce qu'on l'aborde dans une perspective longitudinale, une perspective de temps; deuxièmement, dans une perspective intégrée où on tient compte de l'ensemble des aspects de la vie des gens; et, troisièmement, dans une perspective de participation.
On n'a pas, au Québec, malgré qu'on soit à tout le moins une société distincte, ce qu'il faut vraiment pour analyser cette perspective-là, on n'a pas les moyens, et le mémoire parle d'observatoire et de... enfin, le moyen à mettre en route pour mieux comprendre, et on n'a pas les moyens de comprendre les effets des politiques spécifiques que nous avons qui touchent à toute cette immense problématique là. On n'a pas de base de données longitudinales qui nous serait propre et qui permette de servir tout ça. Mais cela dit, on peut quand même s'inspirer de ce qu'on connaît des littératures canadiennes et des autres pays occidentaux pour faire d'abord trois constats sur la perspective longitudinale. Quand on se met à penser au phénomène de la pauvreté et de l'exclusion dans une perspective de temps, on s'aperçoit... les deux premiers sont relativement connus, le troisième est peut-être un peu plus... il n'est pas propre, mais il est moins souvent mis en relief. Le premier, c'est que la plupart des gens qui sont pauvres à un moment donné de leur vie ne le sont plus à un autre moment donné, on s'en sort. La deuxième, qui est aussi relativement classique, c'est qu'il y a quand même une proportion qui n'est pas du tout négligeable de gens qui justement ne s'en sortent pas, qui sont pauvres pendant pas mal de temps ? et il y a des statistiques que je rapporte dans mon mémoire. Le troisième phénomène qui est moins souvent mis en relief, c'est la... ? et c'est, au fond, le mauvais côté du bon côté. Quand on a vu qu'il y avait une mobilité économique, on s'est dit: Bien, oui, dans le fond, ce n'est pas très grave. Les gens entrent en pauvreté, ils sortent de la pauvreté; la plupart d'entre eux, il y a un petit résidu, mais le reste, ça va.
Mais quand on regarde ça, les mêmes faits, dans une perspective symétrique en quelque sorte, on s'aperçoit que la proportion des gens qui, dans leur vie, à un moment donné, sont touchés par la pauvreté, qui ont au moins une année de pauvreté, bien, en gros, ça fait 30 à 40 % de la population, et donc ce n'est pas du tout négligeable. Et ce que ça dit, en même temps, quand on voit ça dans cette perspective-là, c'est qu'on ne peut pas opposer si facilement le problème de la pauvreté sur lequel on pourrait agir, on pourrait attaquer, et puis, de l'autre côté, le problème de l'inégalité qui est un problème beaucoup plus vaste sur lequel on ne peut pas faire grand-chose.
Parce qu'en fait ces données longitudinales nous révèlent qu'il y a des tas de gens qui sont pauvres, un moment donné, puis, un autre moment donné, ils sont sortis, alors ils ne sont plus pauvres; donc, d'une certaine façon, ils ne préoccupent plus une loi qui serait mal conçue, à mon avis, qui ne s'occuperait que de la pauvreté en termes de fétichisme du seuil, disons, et puis il y a des gens qui sont en haut et qui vont replonger en bas. Donc, il y a beaucoup plus de mobilité. On ne peut pas dire: Bon, il y a des pauvres et puis il y a nous, les gens que ça ne touchera à peu près jamais.
D'ailleurs, je dis un peu plus loin que je reprends ces constats pour en tirer des leçons en quelque sorte. La première relative au premier constat, c'est donc qu'il y a de l'espoir de sortir de la pauvreté. L'idée que les pauvres, il y en aura toujours, on ne peut rien faire, ils sont pauvres depuis toujours, ils seront toujours pauvres, etc., c'est absolument, totalement faux. Il faut une aide appropriée cependant.
La deuxième, c'est qu'il y a effectivement des situations de pauvreté qui touchent une minorité de gens, mais qui n'est pas négligeable, pour lesquels ça devient vraiment de l'exclusion ? et la loi touche l'exclusion et pas seulement la pauvreté ? et là il faut des interventions différentes et plus soutenues qui doivent aussi être efficaces.
Et la troisième, que je tire de mon troisième constat, c'est que la pauvreté ne concerne pas seulement ces gens-là, une petite minorité, là-bas, là. Dans le fond, ce n'est pas nous, ça, ça ne nous touchera jamais. Ça touche beaucoup de gens, et pensez-y en termes plus personnels. Avez-vous des pauvres dans votre entourage? Moi, j'en ai, et je ne suis pas pauvre, et les chances que je le devienne, franchement, et probablement pour la plupart d'entre vous, sont relativement faibles. Et pensez à votre parenté, pensez à vos voisins, pensez à vos anciens camarades de travail, pensez à vos anciens camarades de classe, vous allez voir, vous ne raterez pas très longtemps pour en trouver. Ça touche tout le monde.
Mais c'est un grand défi parce que, à la fois, ça nous touche et ça ne nous touche pas. On est tous, quand on y pense, soumis à des aléas qui peuvent précipiter des événements de mobilité économique descendante. On peut perdre son emploi, et ça arrive à des gens qui pensaient bien qu'ils arriveraient à une retraite heureuse. On peut avoir un accident, on peut être malade. Les ruptures d'union sont une des causes principales qui précipitent les gens dans la pauvreté. Un enfant, qui est un événement heureux en soi, peut parfois aussi avoir des effets délétères de ce point de vue là. Et, bon, par rapport à ça, il faut donc recréer une espèce de contrat social, ou repenser notre contrat social, ou refaire des choix de société, comme on dit, en y incluant les classes moyennes. Si ça touche, après tout, la pauvreté, à un moment donné 30 ou 40 % des gens, ça va finir par toucher, ça ne touche pas rien qu'un petit groupe, ça touche aussi les classes moyennes qui sont, de fait, extrêmement inquiètes en particulier par ce que la performance dont dépend leur niveau de vie, leur style de vie, leur façon de vivre, elle dépend non seulement des aléas de la vie, mais elle dépend aussi d'un effort soutenu pour travailler fort, se tenir à jour dans ses connaissances, élever ses enfants comme ça a du bon sens.
n(17 h 40)n Et les classes moyennes sont inquiètes, et il faut les inclure dans cette perspective. Je trouve que la stratégie le fait en disant: Ce n'est pas quelque chose pour les gens là-bas, c'est quelque chose qui touche tout le monde, qui touche tout le monde parce que, un, ça pourrait être vous ou des gens proches; qui touche tout le monde aussi pour deux autres raisons: d'abord, parce que, c'est très connu, la pauvreté affecte les inégalités plus généralement, affecte profondément la santé et l'atteinte d'un niveau de compétences, de toutes sortes de compétences, en particulier la littératie. Et à cet égard, les expériences sont... enfin, les études internationales sont extrêmement... sont saisissantes: être pauvre et être à bas revenu, ce n'est pas bon pour la santé. Mais plus que ça: les sociétés inégalitaires sont des sociétés où le niveau d'ensemble de santé est plus faible.
Et, pour reprendre du côté de la littératie, on voit des pays où les classes moyennes réussissent relativement toujours bien à l'école, il n'y a pas tellement de problèmes. Mais, si on prend la littératie chez les 16-25 ans ? pas les pépés qui ne sont pas allés à l'école parce qu'il n'y en avait pas dans leur rang ? les 16-25 ans, on voit que la Suède, chez les enfants de classe populaire, permet d'atteindre un niveau de littératie qui est bien supérieur à celui du Canada. Évidemment, comparaison habituelle, quand on se compare aux États-Unis, on n'est pas si pire, mais on pourrait être beaucoup mieux. Il y a moyen de faire des choses. On n'est pas si mal non plus, mais... Et ça, ça a des retombées pour tout le monde. La pauvreté, c'est important pour tout le monde parce qu'on peut être pauvre, c'est important pour tout le monde parce que, dans une société où les gens sont en santé et où les gens ont des compétences, notre développement d'ensemble et notre développement économique vont beaucoup mieux.
Finalement, le dernier aspect, la concentration de la pauvreté. On a eu un colloque récemment, de l'Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé, sur la spatialisation de la pauvreté. On n'est pas trop mal de ce point de vue là, on n'est pas à Détroit, on n'est pas à Chicago, on n'est pas dans les ghettos, on n'est pas dans une situation où les pauvres vivent de leur côté et les riches ailleurs avec d'immenses autoroutes sur lesquelles il peut arriver toutes sortes de choses, comme on le sait. Mais, quand même, il y a des signes inquiétants. Il y a des signes inquiétants. Montréal n'est pas la capitale de la pauvreté au Canada, ce mythe a été détruit, mais on n'est quand même pas dans une situation où tout va très bien. Et la raison pour laquelle on n'est pas la capitale de la pauvreté, c'est parce que le logement ne coûte pas cher.
Moi, j'ai vaguement le sentiment, sans être un expert de la question, mais en lisant, par exemple, le dernier document que publiait la Société d'habitation du Québec, que la raison pour laquelle on a peu de pauvres, c'est parce que le logement ne coûte pas cher, puis on ne sait pas trop pourquoi, puis on ne sait pas trop non plus s'il ne va pas se mettre à coûter bien plus cher. La structure de la propriété est en train de bouger. Je vous le dis, je ne suis pas un expert là-dedans. Moi, je regarderais ça de proche parce que ça a l'air que c'est ça, notre bonne fortune relative.
Deuxièmement ? j'abrège ? Une perspective intégrée, c'est un document qui tient compte à la fois d'un ensemble de phénomènes, et vous avez par devers vous un document, je ne reviendrai pas longuement, mais qui montre bien ? quand on y pense, c'est l'évidence ? que toutes les politiques se tiennent et tous les aspects de la vie des gens... D'ailleurs, les gens le savent bien. Les gens, ils savent qu'ils vivent dans le longitudinal, qu'ils viennent de quelque part, ça définit les moyens qu'ils ont pour construire leur avenir. Ils savent aussi qu'ils vivent dans un univers où ils sont les travailleurs, ils sont les parents, ils sont les étudiants, ils sont les enseignants, ils sont tout ça à la fois. Ils sont aussi des soignants, ils sont aussi des malades. Et tout ça se tient. Et dans ce tableau, on voit bien comment toutes ces politiques s'interinfluencent ? certainement dans la vie des gens, tous ces aspects s'interinfluencent ? et comment toutes ces politiques devraient se tenir ensemble et assurer une cohérence.
Ce qui m'amène à faire deux commentaires par rapport à cette perspective intégrée. La première, c'est que je ne suis pas sûr que le projet de loi... c'est sûr que c'est intéressant d'avoir un ministère, un ministre qui éventuellement s'engage à dire: Ça, c'est mon affaire, et je vais le pousser et je vais vraiment y aller vigoureusement. Mais en même temps, si effectivement lutter contre la pauvreté et l'exclusion ça veut aussi dire intervenir dans les centres de la petite enfance, ça veut aussi dire intervenir à l'éducation, ça veut dire intervenir dans la santé, ça veut dire intervenir au ministère du Travail, dans les normes du travail, etc., peut-être que la structure qu'il faut mettre en place exige beaucoup plus de coordination que ce qui semble être le cas.
La deuxième, c'est qu'il y a un passage remarquable dans la stratégie ? deuxième chose sur l'intégration ? When the Bow Breaks. Cette fameuse expérience menée par les chercheurs de l'université McMaster qui montre que les programmes sont souvent, pour les gens, un dédale. Nous-mêmes, quand on a à organiser quelque chose, acheter une maison, un mariage ou n'importe quoi, on a de la misère à ramasser tous les bouts pour que ça aboutisse au bon endroit au bon moment. Imaginez-vous, quand vous avez relativement peu de moyens, vous ne savez pas trop d'où va venir votre prochain repas et que vous devez vous battre avec une série d'intervenants, etc., je pense que l'intégration est importante. À cela aidera la participation des gens, d'abord parce que c'est absolument logique, si on doit aider les gens à regagner leur autonomie, il faut d'abord reconnaître qu'ils en ont une certaine, ensuite en faisant intervenir les collectivités locales, les groupes communautaires et en reconnaissant leur autonomie. À cet égard, on peut trop embrasser et mal étreindre si, dans une volonté un peu trop généreuse de coopération, on finit par contraindre le secteur communautaire. Il faut qu'il ait son autonomie en même temps. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Alors, c'est intéressant. Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a à notre disposition. Alors, Mme la ministre d'État.
Mme Goupil: Je vous remercie, Mme la Présidente. On pourrait discuter encore longtemps avec M. Bernard, parce que vous avez présenté une vision extraordinaire du travail qui a été parcouru au cours des dernières années. Quand vous avez indiqué, de façon éloquente, que la pauvreté touche tout le monde, vous avez, à juste titre, posé certaines questions qui sont très pertinentes, mais j'y ajouterais aussi un élément que, même si nous n'en n'avons pas ou que nous ne vivons pas cette réalité, la problématique de quelqu'un qui vit de la pauvreté à côté de chez soi, si tu as quelqu'un qui perd son emploi, qui devient chômeur, qui n'a plus de revenus, que sa famille éclate, ça devient forcément une problématique de communauté et sociale.
Lorsque je pratiquais le droit de la famille, plusieurs chercheurs et personnes qui ont tenté, par tous les moyens, de faire en sorte que des adultes qui choisissent librement de mettre fin à leur vie de couple... souvent les statistiques disaient deux personnes vivant au sein d'une même famille, normalement vivant assez bien financièrement, lorsque la rupture arrive, souvent on se retrouve avec deux familles vivant la pauvreté, parce qu'on vient dédoubler les logements, les dépenses, et tout ça, alors... Et comme, au Québec, il y a une famille sur deux qui connaît la rupture, 85 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes seules avec des revenus inférieurs à 20 000 $, on se retrouve avec des situations extrêmement difficiles et précaires.
Moi, j'y vais tout de suite sur... Et je trouve extraordinaire aussi quand vous soulevez que, quand on se compare avec d'autres endroits, le reste du Canada ou avec les États-Unis, il est évident que nous n'avons pas des ghettos. Pensons, par exemple, à une ville comme Vancouver où on retrouve regroupées dans un quartier des personnes qui vont là presque pour mourir, finalement, et ça n'a pas de bon sens, au sein d'une société, qu'on se retrouve de cette façon-là. Et vous dites, sans être alarmiste, qu'il faut s'en inquiéter parce que, effectivement, nous avons des indices actuellement qui font en sorte que, malgré que nos étudiants réussissent de façon extraordinaire dans les pays de l'OCDE, on se retrouve avec des endroits, particulièrement à Montréal, où le taux de décrochage scolaire va jusqu'à du 40 et 50 %. Alors, oui, nos étudiants réussissent bien. On est des pays de l'OCDE, mais on a cette réalité.
Pensons aussi au taux de suicide extrêmement élevé que l'on retrouve alors qu'on vit dans une société qui, en 2002, pourrions-nous penser qu'on connaîtrait ce phénomène qui est extrêmement préoccupant. Et, quand on regarde... lorsque les analyses sont un petit peu plus poussées, on sait qu'effectivement les personnes vivant des situations d'extrême pauvreté aussi se retrouvent avec un pourcentage plus élevé au niveau des personnes mettant fin à leur vie.
Vous avez fait deux commentaires ? structure de coordination ? et vous avez dit: C'est complexe au niveau des programmes. Alors, par exemple, comme Solidarité jeunesse, ce qui a été fait, ça a été de prioriser le jeune, où on a dit: Ce n'est pas le jeune qui va cogner à 17 portes pour avoir de l'aide ou du soutien, mais ce sont les organismes gouvernementaux et la société civile qui se sont mis au service de ce jeune, et ce qui nous a permis d'atteindre des résultats. Solidarité jeunesse, les fonctionnaires sont venus nous dire que ce qui leur a donné le goût, plus que jamais, d'embarquer dans ce programme-là, c'est parce qu'on a priorisé l'intérêt de la personne humaine. Et, quand on propose ce défi-là sans obliger personne à le faire, les gens ont répondu oui à cette invitation, parce que, sur une base volontaire, chacun convenait qu'il fallait s'engager pour sortir ce jeune de l'aide sociale, et ça a donné des bons résultats.
Mais vous dites: Structure de coordination qui doit être encore plus efficace. Selon vous, Me Bernard, qui avez... M. Bernard, qui avez fait beaucoup d'études sociologiques, est-ce que vous pensez actuellement, avec les expériences que nous avons eues, particulièrement au cours des cinq dernières années... est-ce que nos institutions, l'école, santé, services sociaux, la justice, est-ce qu'ils sont prêts à revoir leur façon pour qu'on puisse véritablement se donner une meilleure coordination?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bernard.
M. Bernard (Paul): Je me permettrai trois remarques sur ce que vous avez dit. La première, c'est sur les ruptures d'unions et la pauvreté. La première source qui précipite les gens dans la pauvreté est plus que le chômage. Il y a une étude fascinante qui a comparé un dilemme absolument similaire: la Suède et les États-Unis. C'est fascinant. Aux États-Unis, la rupture d'union plonge les femmes et les enfants dans la pauvreté et affecte peu la situation des hommes. En Suède, les enfants ne sont absolument pas touchés, et les coûts sont encaissés également par les hommes et par les femmes. C'est possible de faire les choses différemment. On n'a pas de données comparables au Québec mais... Bon!
n(17 h 50)n Sur la structure urbaine, les ghettos, etc., on a des indications qui vont vraiment dans les deux sens: d'un côté, des chercheurs qui ont fait ce qui s'appelle de l'écologie factorielle à Montréal, Mayer- Renaud, ont montré que, assez curieusement, il y a une tendance à ce que les gens des niveaux socioéconomiques différents ne s'éloignent pas forcément les uns des autres et parfois s'empilent un peu. Alors que Myles et Picot de Statistique Canada ont montré que, par ailleurs, dans beaucoup de métropoles canadiennes, et en particulier à Montréal, il y avait quand même une tendance à l'hétérogénéisation des quartiers, à ce que les quartiers deviennent plus différents les uns des autres. Et peut-être que le thème à retenir là, c'est que la gentrification a mauvaise presse parce que la gentrification, c'est toujours les belles classes moyennes comme nous autres qui arrivent, la petite bourgeoisie décapante qui vient, qui chasse les pauvres, qui prend les bonnes vieilles maisons des années trente, etc. Je me demande si une notion comme la gentrification partielle ne peut pas être intéressante, c'est-à-dire si on peut assurer une population mixte, disons, qui permet que, dans des quartiers qui ont perdu de leur vitalité économique, arrive un peu d'argent mais sans que par ailleurs on chasse complètement les gens.
Quelqu'un de la ville de Montréal, du service de l'évaluation, me disait, par exemple: Pour calibrer ce qu'on permet... ou de la Régie du logement me disait: C'est très compliqué pour calibrer ce qu'on permet comme rénovation dans une maison. Si on permet de mettre une piscine, un sauna, etc., on vient de sacrer dehors tous les gens qui n'ont pas les moyens. O.K.? Mais, si on ne permet aucune amélioration locative, les logements se détériorent et, donc, on reste avec seulement les pauvres. Comment on fait pour assurer l'équilibre? Je pense que c'est les notions auxquelles il faut songer.
Dernièrement, est-ce que les organismes sont prêts à revoir leurs façons? J'imagine, Mme la ministre, que vous avez beaucoup plus d'expérience que moi par rapport à ça, mais j'ai l'impression que c'est quand même dans la logique générale des organisations que de se fixer des buts propres, et c'est assez difficile de les sortir de leur... Je pense que ça prend une volonté politique extrêmement affirmée au départ et puis une action quotidienne. Par exemple, aux États-Unis, les expériences de «workfare» qui sont très décriées, disons, dans leur brutalité d'ensemble et dans leur froideur mathématique, ont quand même donné lieu à des applications complètement différentes quand on est en Alabama ou au Wisconsin. Au Wisconsin, on a fait une démarche d'accompagnement. C'est encore des moyens de pression, en quelque sorte, mais on est arrivé à prendre le dossier, et c'est un peu ce qui est repris dans When the Bow Breaks où on dit, bon: On va vous la donner, la chance, on va vous la donner pour vrai, on ne va pas prétendre qu'on vous donne une chance. Écoutez, démêlez-vous, là, sinon, bien, on vous coupe. On va vraiment vous aider à vous démêler.
Le résultat est toujours assez paradoxal, je pense que c'est assez typique de ce genre de chose là. Dans la moitié des cas, ça marche; et puis, dans l'autre moitié, même ça, ça ne marche pas, il faut s'y reprendre encore autrement. Je pense qu'il faut une grande patience, il faut éviter, je pense, des jugements trop pessimistes comme, à la limite: Les gens qu'on a aidés, ils s'en seraient sortis de toute façon, puis, les autres, il n'y a rien à faire. Je pense qu'il ne faut jamais lâcher, un peu comme les médecins le font ou comme dans d'autres professions. C'est la mission, je pense, des politiciens et des fonctionnaires, etc., bon, par exemple, en partageant avec des gens comme mes prédécesseurs, là, des expériences, de dire: Bien, c'est difficile, les organisations n'ont pas cette logique de partage, d'intersectorialité, mais vous n'avez pas le choix, il le faut.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, 30 secondes pour un commentaire, Mme la ministre.
Mme Goupil: Oui. M. Bernard, je vous remercie. D'abord, je peux vous rassurer parce que j'ai confiance, moi, avec le constat que j'ai vécu depuis seulement 1998. Avec ce qui a été fait comme intervention auprès des fonctionnaires qui ont travaillé dans mes responsabilités ministérielles, je vais vous dire: Il y a beaucoup de bons résultats. Malheureusement, les bonnes histoires ou les réussites ne sont pas extrêmement populaires. Ce que l'on entend parler malheureusement, c'est toujours le dossier qui, malheureusement, pour différentes raisons, a fait l'objet d'un dérapage. Mais c'est vraiment à la marge. Et je peux vous confirmer que, avec le travail qui a été fait, cette stratégie de lutte à la pauvreté n'aurait pas pu se réaliser s'il n'y avait pas eu ce partenariat qui avait été fait avec les différents ministères, ceux qui ont développé des expertises. Mais il nous faut être capables de le faire connaître davantage. Ce qui n'est pas connu n'existe pas; donc, il se tait.
En terminant, je voudrais vous remercier et vous demander: Vous qui avez à juste titre déposé un mémoire de grande qualité, qui avez un bagage de formation et de connaissance assez exceptionnel, qu'est-ce que vous pourriez faire de plus pour que d'autres membres de la commission puissent, dans les mois à venir, être au fait de votre connaissance que vous faites au niveau des études sociologiques, pour que l'ensemble de la population puisse être davantage au courant de ces grandes orientations, de ces grands principes qui finalement démontrent l'urgence d'agir pour la pauvreté et l'exclusion sociale?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très brièvement, M. Bernard. Puisqu'on a déjà dépassé largement le temps mis à la disposition de la ministre, je devrai passer la parole à l'opposition.
M. Bernard (Paul): Je pense que, pour répertorier et diffuser vos bonnes histoires aussi bien que les moins bonnes, vous avez un instrument qui s'appelle l'«Observatoire», et il devrait faire des bilans de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Cela me paraît intéressant. Et qu'est-ce que je peux, moi, personnellement, faire? Bien, toutes les fois que j'ai une tribune où je peux exprimer ce genre d'idées, je suis absolument disponible pour le faire. Je considère que cela fait partie de mon métier de professeur d'université, je suis tout à fait prêt à le faire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Et vous en faites une partie de ce travail-ci aujourd'hui, parce qu'on vous écoute, par notre entremise les citoyens vous écoutent, et je trouve qu'effectivement vous avez abordé le sujet avec une perspective de sociologue que je trouve fort intéressante.
Moi, le peu de temps que nous avons, j'aimerais recentrer la discussion sur un des aspects que vous avez soulignés, et c'est le point 5 dans votre... cette interrelation et la nécessaire solidarité qu'il faut qu'on garde entre tous les éléments de la société, finalement, pour qu'on puisse cheminer ensemble et pour que les gens ne prennent pas leurs billes, comme vous dites, pour partir chacun pour soi. Vous faites référence surtout à la classe moyenne, qui est très inquiète, vous faites référence à cette inquiétude et cette incertitude que beaucoup de gens vivent et à la nécessité de consolider les acquis financiers. C'est comme ça que vous le mentionnez. J'avais fait la remarque, lors de l'ouverture de nos travaux, que je sens ? et ça rejoint précisément ce point-là ? qu'il y a un étouffement que les citoyens sentent à l'heure actuelle et, par rapport à la classe moyenne, un genre d'étouffement au niveau fiscal et un sentiment de ne pas en avoir pour leur argent non plus au niveau des services et qui risque, à moins qu'on réussisse à répondre à cette inquiétude et à cet étouffement...
Nous, on propose un certain nombre de choses: remettre le système de santé sur les rails, une baisse des impôts, etc. Mais, à moins qu'on réussisse à répondre à cette inquiétude, il y a un risque qu'une demande supplémentaire de solidarité envers un objectif social comme la lutte à la pauvreté risque de trouver des réponses du style: Non, non, non, ça nous prend un système de santé à deux vitesses parce que, moi, j'ai de l'argent puis je veux payer pour et je veux passer avant l'autre parce que j'ai gagné mon argent puis j'ai droit à faire ça. Et on voit qu'il y a effectivement naissance d'un mouvement qui va dans ce sens-là au Québec. Moi, ça m'inquiète grandement, et je ne vois pas que c'est inconciliable de traiter la lutte à la pauvreté dans une perspective longitudinale, comme vous dites, où on tient compte aussi des autres composantes de la société. J'aimerais juste vous donner le plancher, pendant les quelques minutes que nous avons, pour peut-être élaborer davantage sur cet aspect de la nécessaire solidarité qui vient, je crois, du fait que les gens sentent qu'ils ont chacun quelque chose qu'ils retirent de la société en vivant en commun et qu'ils sont donc, à ce moment-là, prêts à redonner.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bernard.
M. Bernard (Paul): Oui. Vous posez, à mon avis, la question probablement la plus importante, en tout cas, de mon point de vue: Comment il y a moyen de refaire une alliance autour de ces thèmes-là? Les réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, animés par Mme Maxwell, ont fait des consultations nombreuses, en particulier sur la santé, récemment, et je pense que le résultat de ça est assez frappant.
C'est sûr que, si vous demandez à n'importe qui s'il souhaite payer moins d'impôts, la réponse, on la connaît: Bien oui, moi le premier! O.K. Mais ce n'est pas comme ça que le problème se pose vraiment. Les gens, ils veulent, comme vous dites ? je pense que c'est très juste ? en avoir pour leur argent, ils veulent que ça fonctionne, O.K. Et, en particulier, ils ont parlé de santé, mais je pense qu'on peut aussi amener le thème de la pauvreté, qui est très étroitement lié à celui de la santé et à l'éducation, au même niveau de discussion. Les gens disent: Si c'est pour marcher, il n'y a pas de problème, on va payer pour, il le faut, et on va en tirer les bénéfices individuellement et collectivement. C'est, au fond, une question de confiance dans les institutions, et, effectivement, c'est toujours extrêmement fragile, cette affaire-là.
Il y a plusieurs façons de poser cette question de la confiance et cette question de qui doit faire quoi. J'ai étudié cette question-là. Il y a tout un courant de recherche auquel je me joins qui étudie les régimes providentiels, qui prend les sociétés occidentales... Il ne s'agit pas de comparer toutes les sociétés du monde, mais les sociétés les plus avancées ? qui sont toutes, remarquons-le, des sociétés de marché, des sociétés capitalistes, il n'y a pas de problème ? à l'intérieur desquelles subsistent des différences assez considérables quant à l'articulation des responsabilités entre le marché, l'État et, on pourrait dire, la société civile, mais plus particulièrement la famille. Il y a aussi les organismes non gouvernementaux.
n(18 heures)n Si vous êtes en Suède, il y a une pression beaucoup plus grande pour contrebattre, par une action de l'État, les inégalités qui sont générées par le marché du travail, qui sont des inégalités croissantes là aussi, si vous voulez. Et puis il y a une volonté aussi de partager, avec les familles, le fardeau à travers des congés parentaux, enfin, toutes sortes d'autres choses qui sont relativement bien connues, le fardeau d'élever des enfants.
De fait, la Suède est parvenue à remonter son taux de fécondité au taux de remplacement, autour de 2,1, non pas en convainquant les femmes d'abandonner la marge de liberté que leur a donnée l'activité professionnelle ? parce que, ça, ça ne marchera jamais; certainement pas ici, puis probablement pas en Suède non plus; même si je ne les connais pas beaucoup ? mais en leur disant: Voulez-vous nous faire des enfants? On va vous créer des conditions telles que vous allez pouvoir combiner tout ça. Bon. Quand on est Suédois, ça ne change pas beaucoup. Ils viennent de réélire un gouvernement de même tendance. Au fond, il y a un ethos qui va avec ça puis il y a une certaine façon d'articuler. Bon.
Quand on est dans des pays, par exemple, de régime familialiste, qui sont beaucoup en train de changer, mais, disons, les pays ex-catholiques de l'Europe du Sud, la famille devient pratiquement l'agence de service social numéro 1. Il n'y a pratiquement pas, en Italie, par exemple, d'assurance chômage. C'est absolument fascinant. Les jeunes Italiens dépendent de leur famille. Qu'est-ce qu'on fait? L'État intervient pour consolider la sécurité d'emploi du gagne-pain principal masculin, parce que tout le monde dépend de lui, et donc force les entreprises. Donc, on articule ça d'une façon différente. Quand on est Italien, on a tendance à... Je ne dis pas que rien ne change jamais, mais la division sexuelle du travail, l'articulation va être très différente.
Quand on est aux États-Unis, c'est plutôt le pôle de la liberté du marché qui fonctionne. Et, au fond, chacun voit à ses besoins et on ne prend en charge qu'au minimum les gens qui ont des besoins absolument indispensables. C'est une autre façon de faire. L'État est beaucoup plus minimal. Les gens se débrouillent. C'est très bien pour les gens qui se trouvent plutôt vers le haut de la pyramide. On me demandait... Par exemple, je posais à mes étudiants: Mais, si on est une femme, au fond, est-ce qu'on est mieux d'être Suédoise, Italienne ou Américaine? Et la question est un peu absurde, parce que, les Américaines de classe moyenne, elles se débrouillent assez bien merci; mais, quand on est une pauvre monoparentale noire, on a plus de misère. Bon. Donc, c'est une autre façon d'organiser.
Ce que ça dit, je pense, c'est deux, trois choses: premièrement, qu'il y a des modèles, et c'est dans ce cadre-là... Et c'est des modèles qui sont relativement stables. Nous, on a un modèle qu'on aime bien distinguer des États-Unis; je pense qu'il est distinct. Mais, quand on regarde ça à l'échelle des pays occidentaux, je dois vous dire que les différences sont un petit peu moins évidentes. Mais on arrive à faire sortir des petits aspects un peu européens, un peu sociaux-démocrates, quand on se force un peu. De la même façon que l'Alberta a des... est un peu plus ultralibérale, comme les États-Unis, si vous voulez.
C'est dans ce cadre-là, je pense, que les gens pensent le deal social, le contrat social. Et on est habitués, nous, quand même... Même si on est proches des États-Unis, on est quand même habitués de compter sur une implication publique financée centralement, avec des écoles qui ne sont pas toutes d'égale qualité mais raisonnablement égales, un réseau de santé accessible. Il y a des exceptions, il y a des problèmes mais, en gros, bon, un réseau de santé publique. Je pense que c'est dans ce cadre-là, il faut dire aux gens: Mais qu'est-ce qu'on veut? Puis chacun va pousser à la roue. Ce que les gens ne veulent pas, c'est d'être les dindons de la farce: moi, je paie, puis les autres profitent. Les deux vitesses, les machins comme ça, ça a l'air de rien au début, ça a l'air de respecter la liberté, mais ça peut entamer le système.
Je pense qu'il faut... Mais il faut poser, en tout cas... C'est une démocratie. Il faut les poser au public. Et elles sont posées, ces questions-là, avec force par les temps qui courent ? je ne vous apprends rien. La question: Quelle sorte de deal qu'on veut? Et on a des éléments là-dedans, certains sont remis en question. Il faut dire aux gens: On va trouver un deal où il n'y a personne qui paie, qui a une contribution sans une rétribution, fut-elle sous forme de police d'assurance. Tout le monde sera très heureux de ne jamais être pauvre dans sa vie et de ne jamais avoir besoin d'assistance sociale. Personnellement, je ne tiens pas à avoir des prestations. Je suis prêt à payer, par contre, pour ne pas avoir de gens qui sont dans une pauvreté et qui ne font plus partie de ma société.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Pr Bernard, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. C'est très intéressant. Au nom de tous les membres, je vous remercie d'avoir alimenté notre réflexion.
Alors, j'ajourne les travaux à demain, le jeudi 17 octobre, à 9 h 30, dans cette même salle. Et j'avise aussi tous les membres qu'il y a un petit-déjeuner demain matin, à 8 heures, au Parlementaire, sur la pauvreté. Alors, vous êtes tous invités.
(Fin de la séance à 18 h 4)