(Neuf heures trente-quatre minutes)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, à cette première journée de session parlementaire, je vous souhaite la bienvenue. Et, comme vous le savez, je vous le rappelle, la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Rochefort (Mercier) par Mme Mancuso (Viger).
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour: 9 h 30, nous rencontrerons les représentantes de l'AFEAS; 10 h 15, le Conseil du statut de la femme, suivi à 11 heures par les représentants de la Fédération des unions de familles ; 11 h 45, l'Union des municipalités du Québec. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour les reprendre à 16 heures avec la Chambre des commerce du Québec; à 16 h 45, le Front d'action populaire en réaménagement urbain; 17 h 30, M. Hector Ouellet, qui est professeur; et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.
Donc, sans plus tarder, je cède la parole à Mme Diane Brault, qui est présidente provinciale par intérim de l'AFEAS. Mme Brault, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Auditions (suite)
Association féminine d'éducation
et d'action sociale (AFEAS)
Mme Brault (Diane): Merci, Mme Tremblay. Alors, à ma droite, je vous présente Francine Raynault, première vice-présidente et Mariette Gilbert, deuxième vice-présidente; et, à ma gauche, Hélène Cornellier, coordonnatrice du plan d'action.
Mmes et MM. membres de la commission, je tiens à vous remercier, au nom de l'AFEAS, de nous donner l'occasion de participer au débat entourant l'adoption du projet de loi n° 112.
Dans ma présentation, je ferai ressortir les points majeurs du mémoire de l'AFEAS. Certains des points que nous y avons traités ne seront donc pas présentés comme tels ce matin. Cependant, nous répondrons volontiers à toute question qui pourrait y être rattachée. Il est à noter que notre mémoire se réfère au projet de loi n° 112 et à l'énoncé de politique tenant lieu de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Le projet de loi montre l'intention du gouvernement de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cependant, pour bien saisir cette volonté de politique, il faut en connaître le plan d'action et les engagements financiers adoptés par le gouvernement à cet effet non seulement lors de sa mise en oeuvre, mais aussi au cours de la prochaine décennie.
Rappelons que l'AFEAS regroupe 17 000 Québécoises qui travaillent bénévolement au sein de 400 groupes locaux répartis en 12 régions. L'AFEAS a pour mission la défense des droits des femmes et l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail au moyen de l'éducation et de l'action sociale concertée. Dans ses multiples dossiers, l'AFEAS vise l'autonomie des femmes sur le plan social, politique et économique afin qu'elles puissent participer de plain-pied à la vie démocratique du Québec à tous les paliers.
Notre objectif ici, aujourd'hui, est de contribuer à préciser la démarche entreprise depuis le dépôt du projet de loi n° 112 afin de s'assurer que les actions ciblées soient choisies avec et pour les personnes à qui elles s'adressent. N'oublions surtout pas que le projet de loi prévoit de lutter contre la pauvreté et l'exclusion et non contre les pauvres ou les exclus. En participant à ces auditions, nous tenons à faire reconnaître l'apport essentiel des femmes à la société afin d'en finir avec la situation de pauvreté dans laquelle une grande partie sinon la majorité d'entre elles vivent tout au long de leur vie.
D'entrée de jeu, le projet de loi n° 112 cible avec clarté l'objectif à atteindre et les acteurs pour y parvenir. En s'impliquant avec les collectivités dans cette démarche vers une société sans pauvreté, le gouvernement choisit judicieusement son approche, rejoignant ainsi la mission de l'AFEAS. C'est pourquoi nous nous réjouissons du souci de concertation dans la planification et la réalisation d'actions à ce sujet en autant que ce partenariat puisse s'actualiser dans une réalité observable.
Par ailleurs, l'AFEAS ne peut passer sous silence son inconfort devant l'apparente contradiction entre l'objet du projet de loi et l'énoncé de politique. La stratégie nationale laisse entendre que la motivation première de cette lutte est le développement économique du Québec plutôt que le bien-être de sa population. Pour l'AFEAS, se centrer d'abord sur les personnes amènerait des résultats probants à la fois sur le plan social et économique et assurerait un développement durable.
Nous constatons aussi que le projet de loi n° 112 et le document de stratégie rendent, à toutes fins utiles, invisibles les femmes et les groupes qui les représentent. L'AFEAS recommande d'inclure les femmes et les groupes qui les représentent de façon claire et concrète dans le projet de loi n° 112 et les instruments qui en découlent, notamment la stratégie nationale de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et son plan d'action.
Bien que l'on reconnaisse l'état de pauvreté des femmes au sein de plusieurs groupes de la population, pourquoi les dissimuler au sein de la famille, des jeunes et des groupes davantage touchés par la pauvreté? Pour l'AFEAS, on ne peut agir sur la pauvreté vécue par les femmes comme sur celle vécue par les hommes. Pour trouver des solutions viables, il faut tenir compte de leurs différents rôles dévolus à la fois par l'État, par la famille et par la société. Elles peuvent être à la fois personnes individuelles, mères de famille, aidantes, travailleuses rémunérées, bénévoles ou étudiantes.
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(9 h 40)
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En dépit des progrès accomplis, une grande partie des femmes québécoises sont pauvres et le resteront toute leur vie, particulièrement si elles font le choix d'avoir des enfants et d'aider leurs proches malades, handicapés ou en perte d'autonomie.
En lien avec le point précédent sur la place des femmes comme partenaires et cibles d'action, l'AFEAS recommande d'appliquer l'analyse différenciée selon les sexes au projet de loi n° 112, à la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et à son plan d'action, de même qu'aux structures qui en découlent dès sa mise en vigueur.
Selon nous, le projet de loi n° 112 ne peut faire l'économie d'instaurer dès le départ la lunette de l'analyse différenciée selon les sexes et de déterminer qui sera chargé de son application. Seul l'énoncé de politique en fait mention en traitant du rôle de l'Observatoire de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il s'agit d'une occasion optimale d'expérimenter l'analyse différenciée selon les sexes du début à la fin d'un processus et ainsi de prévenir les impacts non désirés au lieu de réagir dans trois ou dix ans à la suite de l'évaluation des résultats.
Par ailleurs, le projet de loi n° 112 définit expressément ce qu'il entend par pauvreté, mais non par exclusion sociale. Dans la définition de la pauvreté, les termes «un être humain qui est privé de manière durable» nous questionnent. Cette définition cerne une partie des personnes pauvres, celles qui ne s'en sortent pas. Quels critères seront utilisés pour déterminer la durée d'une situation de pauvreté qualifiée de durable? Pour l'AFEAS, il faut à la fois cibler les situations de pauvreté durables tout en travaillant sur celles qui le deviendront faute de les inclure dans la stratégie d'action dès maintenant.
À l'instar du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et du Conseil de la famille et de l'enfance, l'AFEAS recommande de définir la pauvreté dans le cadre de la présente loi de façon inclusive, non exclusivement liée à l'emploi, envers les personnes et les familles qui ne peuvent assurer leur subsistance, et ce, de façon temporaire, intermittente et permanente.
L'AFEAS recommande aussi de définir l'exclusion sociale afin de permettre une analyse et une évaluation adéquates des actions entreprises en fonction de la stratégie nationale. N'étant pas définie dans le projet de loi, il n'est pas clair si l'exclusion sociale est vue comme une des conséquences de la pauvreté, tout comme la maladie, le suicide, la toxicomanie, plutôt que comme un objectif en soi.
Le projet de loi n° 112, aux articles 3 et 4, institue une stratégie nationale composée d'un ensemble d'actions mises en oeuvre par différents partenaires, dont le gouvernement qui en sera le maître d'oeuvre. Nous en commentons les buts, identifiés à l'article 5, et les orientations, aux articles 6 à 11.
Les trois buts poursuivis par la stratégie nationale se veulent convergents. C'est dans cette logique que l'AFEAS veut y introduire le concept du travail non rémunéré dit invisible des femmes, son cheval de bataille s'il en est un. Ce concept devrait se retrouver en trame de fond de la stratégie nationale québécoise de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
À titre de définition, le travail non rémunéré se définit comme étant l'ensemble du travail au foyer accompli pour la famille, au domicile familial ou à l'extérieur, et du bénévolat réalisé dans la communauté, quel que soit le statut professionnel de la personne.
Pour l'AFEAS, le travail au foyer se caractérise par deux aspects, l'aspect privé et l'aspect social. Cet aspect social englobe à la fois le rôle parental auprès des enfants et le rôle de dispensatrice ou dispensateur de soins, aidante et aidant, auprès d'adultes non autonomes de façon temporaire ou permanente. C'est de cet aspect dont le projet de loi n° 112 doit tenir compte dans sa stratégie et son plan d'action.
L'énoncé de politique ose à peine y faire référence. Lorsqu'il fait état des groupes plus vulnérables, le document ne dit pas pourquoi il existe un écart ou une absence de rémunération chez les femmes âgées. La vie active de ces femmes a été et est encore, lorsque devenues âgées, au service des autres. En le prenant pour acquis, on refuse de reconnaître tout ce travail.
L'occasion est pourtant donnée aujourd'hui de contrer cette pauvreté systémique des femmes. C'est pourquoi l'AFEAS recommande de reconnaître la valeur sociale et économique du travail non rémunéré effectué auprès de la famille, des proches et de la communauté en l'intégrant au produit national brut et en mettant en place des mesures sociales et financières pour les personnes qui l'effectuent afin de contrer la pauvreté systémique.
En regard avec le premier but, améliorer la situation économique et sociale, l'AFEAS recommande de soutenir les travailleuses invisibles, au foyer ou en emploi, tout comme les personnes temporairement privées de revenus, et ce, à la fois financièrement et par des mesures sociales et d'aide à l'emploi.
Réduire les inégalités, l'AFEAS recommande de reconnaître le rôle d'aidante et d'aidant au sein de la famille dans la stratégie d'action pour lutter contre la pauvreté. Cette reconnaissance, dans le projet de loi n° 112, du rôle d'aidante et d'aidant, en plus du rôle parental, ferait preuve d'avant-gardisme et surtout de cohérence avec les changements qui commencent à prendre forme dans les lois du Québec, à preuve la révision en cours des normes du travail.
Développer et renforcer le sentiment de solidarité sociale, quelques mises en garde nous semblent pertinentes pour éviter de se retrouver avec de vieilles façons d'agir servies à la moderne. Ainsi, l'AFEAS recommande de considérer la personne dans toutes ses dimensions et dans tous ses rôles; s'assurer des moyens mis à la disposition des collectivités afin qu'elles soient capables de se prendre en charge; reconnaître véritablement les partenaires impliqués, notamment les femmes et les groupes de femmes, de même que les personnes visées par la stratégie d'action.
En commentant les cinq orientations et leurs axes d'intervention, nous vous présentons les grands principes liés aux recommandations soumises dans le texte de notre mémoire, incluant son annexe, afin de préciser des pistes d'action potentielles.
Dans le cadre de la première orientation, favoriser le développement du potentiel des personnes, et en lien avec la réalité des familles aujourd'hui, l'AFEAS recommande de reconnaître le travail effectué auprès des enfants ? rôle parental ? et des proches ? rôle d'aidante et d'aidant ? par des mesures universelles telles que les allocations non imposables et non récupérables à partir de barèmes actualisés déterminant les besoins essentiels, des crédits d'impôt remboursables pour la personne qui effectue ce travail et des congés de remboursement de prêts étudiants, capital et intérêts, pour les étudiantes et étudiants qui demeurent à la maison auprès des jeunes enfants.
Dans le cadre de la deuxième orientation, renforcer le filet de sécurité sociale et économique, nous commentons trois volets d'action. D'abord, l'AFEAS veut s'assurer que toute personne vivant au Québec ait un revenu décent et ainsi éviter que les familles soient favorisées au détriment de ses membres. À cet égard, le revenu de solidarité sera-t-il calculé sur le revenu individuel ou familial?
Dans un deuxième temps, en ce qui concerne l'accessibilité des services de santé, des services sociaux et d'éducation aux personnes en situation de pauvreté, les mesures particulières mises en place devront permettre aux familles à faibles revenus ou prestataires de la sécurité du revenu de s'en prévaloir et être adaptées à chacun des milieux.
Troisièmement, l'AFEAS recommande de s'assurer que chaque citoyenne et citoyen reçoive le revenu nécessaire et suffisant en dessous duquel aucune ponction, coupure, saisie ou pénalité ne puisse être faite, non seulement pour couvrir des besoins essentiels, mais aussi de permettre de développer son autonomie financière.
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(9 h 50)
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Dans le cadre de la troisième orientation, favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail, l'AFEAS recommande de soutenir de façon adéquate les personnes qui ne peuvent être en emploi de façon durable ou temporaire à cause de maladie ou de responsabilités personnelles ou familiales; s'assurer d'aider les personnes ayant eu un arrêt temporaire de travail à mettre à jour leurs compétences et à réintégrer le marché du travail, et ce, sans les appauvrir; s'assurer de la qualité des emplois pour que le revenu des travailleuses et travailleurs dépasse le seuil de pauvreté; inciter la mise en place des programmes d'aménagement du temps de travail pour permettre la conciliation travail-famille.
Dans la quatrième orientation, favoriser l'engagement de l'ensemble de la société, l'AFEAS recommande de supporter l'autonomie des organisations sans but lucratif en abolissant les taxes sur les biens et services produits ou utilisés par ces associations et en simplifiant les règles fiscales s'appliquant au paiement et à la récupération de ces mêmes taxes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, le temps est écoulé, mais, quand même, si vous pouvez conclure. Est-ce que c'est possible?
Mme Brault (Diane): Oui. J'ai pas mal... Il me reste une page et demie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, du consentement? Oui. Allez, vous pouvez continuer.
Mme Brault (Diane): Finalement, dans le cadre de la cinquième et dernière orientation, assurer la constance et la cohérence des actions, l'AFEAS recommande de diffuser régulièrement des informations sur la mise en oeuvre, l'évolution et l'évaluation du projet de loi n° 112 de même que sur les actions entreprises aux différents paliers.
En ce qui concerne le Comité consultatif et l'Observatoire de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'AFEAS se préoccupe des conditions dans lesquelles les membres travailleront afin de remplir leur mandat, particulièrement en ce qui concerne les bénévoles dont la candidature est soumise par les organisations communautaires et les groupes de femmes. Le défaut de rémunération empêche souvent la participation de personnes significatives ou, dans le cas contraire, appauvrit les groupes ou les bénévoles elles-mêmes. L'AFEAS considère donc essentiel que les bénévoles participant à ces instances soient rémunérés équitablement en plus de recevoir le remboursement des dépenses habituelles, incluant celles reliées aux frais de garde des enfants ou des proches en perte d'autonomie.
En regard du fonds spécial, le projet de loi n° 112 n'est pas clair sur les instances qui en détermineront l'utilisation. Les régions seront-elles responsables du financement des projets dans leur milieu?
En guise de conclusion, nous souhaitons que notre réflexion fasse avancer de façon concrète la démarche entreprise vers une société égalitaire pour les citoyennes et les citoyens et nous vous rappelons que le travail invisible, ça compte. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Brault, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille, à l'Enfance et ministre responsable de la Condition féminine et des Aînés.
Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames, Mme la présidente ainsi que vos collègues. Je tiens à vous remercier d'abord d'avoir pris le temps, comme vous le faites depuis de nombreuses années, à tout ce qui peut apporter des éléments de réflexion pour permettre à notre société de tenir compte de ces réalités au niveau de notre société. Je tiens à vous remercier. Et l'AFEAS, avec ses nombreux et nombreuses membres, fait toujours avancer les débats.
Je suis aussi extrêmement heureuse de voir que vous saluez le désir de coordination et de concertation pour lutter efficacement contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Également, vous avez exprimé, à la page 5 de votre mémoire, que l'objectif de notre projet de loi énoncé à l'article 1, qu'il rejoignait en tous points votre mission. Et je prends la peine de le rappeler, soit «promouvoir l'autonomie politique, sociale et économique des femmes». Ce projet de loi se veut justement pour permettre à ceux et celles qui vivent des situations de pauvreté de retrouver tous les éléments qu'il leur faut pour exercer leur citoyenneté, et on sait combien c'est important.
Il y aurait beaucoup de questions que nous aurions à vous poser dans votre mémoire, le temps est limité. Je m'attarderais, moi, à une seule pour, par la suite, passer la parole à mes collègues. Vous avez indiqué à plusieurs endroits dans votre mémoire qu'il est extrêmement important que les entreprises mettent en place des dispositions pour concilier famille, travail. J'aimerais, s'il vous plaît, vous entendre un petit peu, quels sont les meilleurs éléments que vous considérerez que les entreprises devraient mettre de l'avant pour mieux soutenir nos familles dans leur désir de concilier famille, travail?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Brault.
Mme Brault (Diane): Bien, moi, comme ayant déjà été sur le marché du travail, je pense qu'il est très important qu'on ait des temps... des congés pour nous aider à ce moment-là, quand on est soit pour nos parents, comme aidante, et aussi pour nos enfants. Et je pense que, quand on n'a pas de place pour s'occuper d'eux, bien on est obligé de remettre ça à d'autres bien des fois, mais ce n'est pas l'idéal. Puis je pense que, de plus en plus, avec nos parents, souvent, on est obligé de prendre en charge pour aller avec elle ou avec eux chez les médecins, bien ça nous prend des congés, là, puis je me dis... On demande, nous, 10 jours, mais ce n'est pas... C'est un début, mais je pense que ça prend beaucoup de place, là, pour avoir des congés, pour aider, pour concilier le travail puis la famille.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre.
Mme Goupil: Merci. D'ailleurs, en fin de semaine, Mme la Présidente, il y avait un sondage où on demandait: Est-ce que nous devrions tous, collectivement, avoir plus de journées de congé? Et ça a été à 96 % où tout le monde a été en accord pour nous...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...s'ils sont payés ou non.
Mme Goupil: Ou non, tout à fait. Mais il n'en demeure pas moins que c'est extrêmement pertinent. Bien, je vous remercie, mesdames, et je vais céder la parole à mes collègues.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je n'ai pas eu de... Oui. Alors, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la présidente, mesdames qui l'accompagnez pour représenter l'AFEAS, alors, je vous remercie beaucoup de participer à ce débat qui est important, important pour vous. On sait que l'AFEAS lutte depuis longtemps pour des mesures pour lutter contre la pauvreté. C'est aussi l'organisme qui regroupe le plus grand nombre de femmes au Québec et qui a aussi la plus grande longévité, et je vous en félicite. Ce qui est intéressant aussi, c'est que vous avez des assises dans toutes les régions du Québec. Alors, quand je vais poser ma question tantôt, ça va être relié un petit peu aux régions.
Vous soulignez tout à fait à juste titre, et, je pense, vous l'avez compris, l'importance de la stratégie finalement, c'est la cohérence. C'est de pouvoir s'assurer d'avoir des mesures, que nous soyons tout à fait concertés, qu'on puisse avoir des programmes qui se bonifient les uns avec les autres finalement. Vous avez rappelé l'importance de l'analyse différenciée selon les sexes, et je pense que c'est important de le redire, actuellement, au gouvernement, il y a sept ministères qui travaillent sur des expériences-pilotes, là, au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes. On devrait obtenir, en 2003, le résultat de ces expériences-là pour regarder ce qu'on devrait modifier, corriger pour pouvoir l'étendre à l'ensemble des ministères. Je crois profondément que, sans une analyse différenciée selon les sexes, c'est évident... Et je dis bien l'analyse, pas seulement des données ventilées, parce que, si on prend seulement des données ventilées, on peut complètement passer à côté de l'objectif. Il faut qu'il y ait une analyse pour apporter les bonnes solutions. Donc, il serait peut-être intéressant qu'au niveau des différents mécanismes, par exemple au niveau de l'Observatoire, au niveau du Comité consultatif, lorsqu'ils auront à donner des avis, ils tiennent compte effectivement de cette analyse différenciée. Je pense, c'est intéressant, cette mesure que vous proposez.
Vous rappelez aussi l'importance des normes du travail. Ma collègue la ministre responsable de la Condition féminine l'a rappelé tantôt au niveau des normes du travail, puisque, effectivement, c'est la convention collective des personnes qui ne sont pas syndiquées, et donc on y retrouve davantage, les deux tiers... On retrouve des femmes qui sont touchées par les normes du travail. Donc, les mesures que vous proposez seront analysées évidemment, là, dans un autre projet de loi qu'on attend bientôt.
Il y a toute la question aussi des personnes aidantes, prévention des grossesses précoces, que vous avez sûrement vue au niveau de la stratégie. Toute la question des études à temps partiel, une petite partie a été faite maintenant. Avant, au niveau des études à temps partiel, on ne pouvait pas avoir de prêt ni de bourse pour les étudiants, les étudiantes, et ça pénalisait particulièrement les jeunes filles. Maintenant, il y a une possibilité de prêt et une possibilité de bourse aussi lorsque c'est une chef de famille monoparentale.
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(10 heures)
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Vous avez parlé dans votre mémoire d'instaurer un barème plancher qui couvrirait les besoins essentiels et vous nous dites que ce barème plancher là devrait respecter les particularités des différentes régions. Alors, comme vous êtes dans toutes les régions du Québec, c'est sûrement une demande, là, qui vient au niveau de votre base. Comment vous l'établiriez? Quels seraient les critères dont il faudrait tenir compte? Donc, si je comprends bien, le barème plancher ne serait pas le même, par exemple, en Gaspésie que dans les Laurentides ou à Montréal. Sur quoi pourrait-on se baser, qu'est-ce qui pourrait définir ce barème-là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gilbert.
Mme Gilbert (Mariette): Oui, merci. Je pense qu'il faut tenir compte des disparités régionales et des distances qu'il peut y avoir à couvrir. Je vais plutôt vous l'illustrer avec un exemple.
Moi, je viens de la région Abitibi-Témiscamingue. Au niveau de la santé, les spécialités sont réparties dans trois centres plus principalement: Rouyn-Noranda, Val-d'Or et Amos. Mais les distances à couvrir et les possibilités de transport... Les distances sont très grandes. Alors, dans certains cas, ça peut signifier de quatre à cinq heures de route pour partir d'un secteur du Témiscamingue et se rendre à Val-d'Or ou Amos. Et le transport en commun est, à toutes fins pratiques, inexistant. Ce qui signifie que, très souvent, les gens doivent prendre trois jours pour pouvoir aller faire une consultation à un de ces centres-là. Alors, c'est une réalité qui influence énormément la vie des femmes qui ont à se déplacer.
Et il y a aussi la réalité qui fait que, entre autres pour les enfants, on doit souvent se déplacer pour les spécialités vers Montréal. Alors, ça aussi... C'est sûr qu'il y a un certain pourcentage du déplacement qui est remboursé, mais c'est tellement minime comparé à ce que les gens doivent débourser. Alors, ce qui arrive très souvent, ce qu'on constate, c'est que les femmes quittent temporairement ou de manière permanente leur emploi ou, dans certains cas, elles perdent leur emploi. Alors, ça a un effet important sur la pauvreté des femmes. Et la plupart des régions éloignées vivent cette problématique-là. Alors, je ne sais pas si ça répond à la question.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci. En fait, donc, on devrait tenir compte du critère distance, du transport existant. Est-ce qu'il y a d'autres critères qui vous apparaissent...
Mme Gilbert (Mariette): Le coût de la vie quand même; à certains points de vue, le coût de la vie, en général, est plus élevé du fait qu'on est... plus on est éloigné des grands centres.
Mme Caron: Je vous remercie. Alors, je vais laisser la parole à mes collègues.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça dépend, il faudrait peut-être vous adresser à la présidence, qui, naturellement, dépendamment des gens qui veulent parler, là... Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non. Mme la ministre déléguée à la Solidarité sociale et à... c'est-à-dire, je m'excuse, à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Mme Léger: Oui, merci. Alors, il nous reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste trois minutes.
Mme Léger: Ah bon! On va poser vite la question. Bonjour, mesdames. Vous parlez... Dans votre mémoire, aux pages 9 et 10, vous avez dit: «Ainsi donc, à l'instar du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et du Conseil de la famille et de l'enfance, l'AFEAS recommande» une telle définition de la pauvreté. Donc: «Définir la pauvreté, dans le cadre de la présente loi, de façon inclusive, non exclusivement liée à l'emploi, incluant les personnes et les familles qui ne peuvent assurer leur subsistance, et ce, de façon temporaire, intermittente ou permanente (durable).» Est-ce que c'est ça, pour vous, qu'est la définition de la pauvreté? Parce que, au niveau du projet de loi, la définition de la pauvreté était, est: «la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique et favoriser son inclusion active dans la société québécoise».
Alors, j'aimerais que vous me fassiez le parallèle dans ce que vous voyez dans le projet de loi et ce que, vous, vous donnez comme définition de la pauvreté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Cornellier.
Mme Cornellier (Hélène): Ce qu'on a mis dans le mémoire, ce n'est pas une définition de la pauvreté. On ne voulait pas s'embarquer là-dedans. Mais ce qu'on disait, c'est que, pour nous, les termes «privé de manière durable», précisément là-dessus, nous semblaient trop restreints. Parce que de qui on parle? On comprend que ce sont des gens qui sont dans une situation de pauvreté vraiment presque pour leur vie. «Durable», on ne sait pas ce que vous entendez par là, parce qu'on n'a ni plan d'action ni définition, en plus. Et donc, on ne voulait pas que ça se restreigne à ça pour ne pas se retrouver, dans 10 ans, avec des gens dont on aurait pu prévenir cette situation-là, parce qu'ils ont vécu du temporaire. Alors, si on ne balise que sur le durable, bon, est-ce que c'est une question financière dans un premier temps, etc.? Je ne sais pas, parce que, comme je dis, on n'a pas le plan d'action; on a une définition qui est là. Donc, c'était plus pour soutenir ce petit bout là de votre définition, aller plus largement, dans le fond.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...commentaire, Mme la ministre déléguée.
Mme Léger: Oui. Parce que la définition qu'on a dans le projet de loi, c'est une définition qui vient des Nations unies, là. Alors, c'est pour ça que je voulais voir auprès de vous comment... Mais je vois ce que c'est, effectivement, le terme «durable», vous voulez mieux le définir.
Mme Cornellier (Hélène): C'est parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir. C'est vrai en santé, c'est vrai ici aussi. C'était ça, l'intention, dans le fond.
Mme Léger: Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, permettez-moi de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue puis de vous dire que c'est intéressant de vous entendre parler avec insistance, beaucoup, sur le travail invisible des femmes.
J'ai comme le sentiment que vous voulez développer davantage, un peu, cette notion qui fait appel finalement, selon votre mémoire, de toute une panoplie de programmes puis de mesures allant des mesures sociales et financières pour soutenir ce genre de travail.
Moi, j'aimerais vous entendre un petit peu plus concrètement sur comment vous verriez la reconnaissance de ce travail. Vous voulez l'inclure dans le produit national brut. À partir de quelle mesure est-ce qu'on pourrait commencer à imaginer ce genre de possibilité?
Et je me suis dit que, si vous l'avez amenée ici, c'est pour profiter de l'occasion de nous sensibiliser davantage sur cette question.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Brault.
Mme Brault (Diane): C'est sûr que, nous, le travail invisible des femmes, c'est très important, parce qu'on est une bonne catégorie de personnes qui sont à la maison, qui ont, soit par... elles n'ont jamais été sur le marché du travail ou elles ont fait le choix. Alors, celles qui font le choix de rester à la maison ou qui n'ont jamais travaillé, à ce moment-là, elles ont besoin... quand elles arrivent à la fin, à leur fin de... à la retraite, elles n'ont rien devant elles. Alors, on demande qu'il y ait des mesures sociales comme des allocations familiales, des crédits d'impôt non récupérables ou remboursables, dans le cas des aidantes, puis tout ça. Alors, c'est des mesures sociales qu'on aimerait avoir au niveau des gouvernements et...
M. Sirros: Par exemple, on a vu, durant les dernières années surtout, un travail accru qui a été mis sur l'épaule des aidantes, finalement, au niveau par exemple du soutien pour les personnes en perte d'autonomie.
Est-ce que les propositions, qui sont mises de l'avant des fois par certains partis qui publient leur programme, à l'effet de donner par exemple des crédits d'impôt pour des tâches spécifiques que l'État assumait peut-être auparavant mais que des personnes décident d'assumer dans leur milieu naturel, des crédits d'impôt, des reconnaissances de mesures fiscales pour des choses, par exemple d'avoir une personne à la maison qui serait en perte d'autonomie qui est assumée par la famille ou par la femme dans la grande majorité des cas, de le voir reconnu dans des mesures fiscales... C'est ce genre de mesures...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Brault.
Mme Brault (Diane): Il y a ce genre de mesures mais aussi, lorsque l'aidante retourne au travail, bien, qu'elle soit capable de retrouver son poste ou, du moins, qu'elle n'ait pas tout perdu son ancienneté, qu'elle puisse retrouver son travail pour pouvoir continuer puis avoir des... participer à toutes les... au régime des rentes et des pensions des aînés, et tout ça. Ce n'est pas juste au niveau de... au moment où on est arrêtée, qu'on ait quand même des crédits d'impôt, mais aussi quand on retourne au travail. Si on a été longtemps, bien, que l'on puisse avoir de la formation pour réintégrer son travail adéquatement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Vous parlez aussi de la définition... Tantôt, vous parliez, vous mentionniez l'exclusion sociale qui n'est pas abordée dans le projet de loi comme tel au niveau de la définition. Et, à un moment donné, vous vous demandez si c'est une fin en soi ou une conséquence de la pauvreté. C'est quoi, pour vous? Est-ce que l'exclusion sociale n'est pas en fin de compte une conséquence de la pauvreté?
Mme Brault (Diane): Bien, disons que, si on regarde le titre de la loi, c'est «contre la pauvreté et l'exclusion sociale». Pour nous, c'est un objectif et non une conséquence, comme le suicide ou la toxicomanie. C'est un objectif. Alors, un objectif, c'est à atteindre.
M. Sirros: Donc, ça devrait être aussi défini dans le projet de loi, selon vous?
Mme Brault (Diane): C'est ça. C'est ce qu'on demande, que ce soit défini clair.
n(10 h 10)nM. Sirros: O.K. L'autre question que j'avais, c'était au niveau de... Vous dites: À l'instar des personnes âgées qui sont venues la semaine passée, qui disaient qu'elles aussi ne sont pas... on ne tient pas compte de leur réalité et de leur existence dans le projet de loi, vous dites à peu près la même chose pour les femmes. Vous dites: Les femmes sont rendues invisibles par le projet de loi n° 112 et elles ne devraient pas être dissimulées au sein de la famille, des jeunes et des groupes davantage touchés par la pauvreté.
Moi, j'aimerais vous entendre un peu sur le... On parle souvent de la pauvreté des enfants, on parle de la pauvreté des femmes, on parle de la pauvreté des familles. Quel est le prisme à travers lequel ce pourrait être le plus efficace de cibler la question de la pauvreté tout en ne perdant pas de vue les différents éléments? Est-ce que... Je pense que l'on a un sentiment que c'est la famille, à travers laquelle on la regarde, qui est composée de tous ces autres éléments, qui pourrait peut-être nous donner une façon de mesurer le progrès qu'on fait, en regardant la famille dans l'ensemble, sans oublier les femmes, les personnes âgées, les enfants, etc. Mais j'ai de la difficulté à voir comment est-ce qu'on peut tenir compte de chacun de ces éléments spécifiquement, dans le projet de loi, comme vous le réclamez.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gilbert. Je m'excuse, Mme Brault.
Une voix: Non, c'est correct.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une ou l'autre. Mme Gilbert.
Mme Gilbert (Mariette): Je pense que ce qu'il faut tenir compte, c'est que la pauvreté des femmes est quand même spécifique du fait des rôles qu'elles occupent, autant dans la famille que dans la société, des rôles qu'elles choisissent ou parfois qu'elles assument par-devers elles, et, à ce moment-là, il faut tenir compte de ces situations. On ne peut pas traiter la pauvreté des femmes de la même manière que la pauvreté des hommes, parce que les causes ne sont pas les mêmes. Et aussi, la majorité des femmes ont des revenus moindres que ceux des hommes quand elles en ont, des revenus propres. Alors, je pense qu'on ne peut pas absolument les regarder de la même manière, parce que les causes ne sont pas les mêmes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Est-ce que ça irait aussi loin que de dire que, dans les axes d'intervention que le projet de loi recommande ? il y en a cinq, je pense ? il devrait y en avoir un autre qui ciblerait davantage les femmes? J'essaie de voir concrètement comment est-ce qu'on peut le retrouver dans la loi?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gilbert.
Mme Gilbert (Mariette): Oui. Je pense qu'il faut tenir compte de la réalité des femmes, parce que c'est les femmes qui portent les enfants, qui jouent le rôle... qui assument une grande part du rôle parental de soins aux enfants et éventuellement aussi comme aidantes, et cette réalité-là augmente la pauvreté des femmes. Donc, on ne peut pas la traiter de la même manière que d'autres causes de pauvreté.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui.
M. Sirros: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout? Alors, mesdames, il me reste, au nom de tous les membres, à vous remercier pour avoir accepté de participer à cette commission.
Mme Brault (Diane): Est-ce que je pourrais avoir une petite minute?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.
Mme Brault (Diane): J'aimerais poser une question à Mme Goupil. C'est que vous avez dit que, à travers notre mémoire, on parle toujours du travail invisible, comme M. le député vient de parler, mais, nous, on aimerait savoir... Comment comptez-vous y remédier d'ici l'adoption de la loi...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bonne question.
Mme Brault (Diane): ...et dans le plan d'action?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Goupil: Je vous remercie d'abord de nous accorder le temps pour répondre. La stratégie de lutte à la pauvreté, elle a été amenée de façon à considérer plusieurs éléments, pas uniquement un seul élément. Alors, il est évident qu'il faut travailler sur plusieurs fronts. Ma collègue, tout à l'heure, secrétaire d'État à la Condition féminine, nous a indiqué qu'on travaille sur les normes du travail parce que, vous avez raison, il faut absolument que l'on puisse mieux concilier famille-travail qui est un élément extrêmement important.
On travaille aussi au niveau du soutien à la famille parce que, à juste titre, ce que vous avez indiqué tout à l'heure, c'est qu'on sait très bien ? et vous l'avez exprimé ? que les femmes vivent une réalité qui est particulière pour différentes raisons. Et le fait que nous souhaitons, dans le cadre de notre loi, avoir un lieu où on pourra donner des mandats spécifiques, justement pour être capable de répondre à juste titre aux questions que vous avez posées: Quel est l'impact chez les femmes de la pauvreté? Quel est l'impact chez les hommes? Et l'analyse différenciée selon les sexes, on a mis en place, au sein des ministères, cet outil qui va être extrêmement révélateur pour la suite des choses, parce qu'avant d'apporter de nouvelles mesures on veut être capable de mesurer quel va être l'impact sur un groupe de personnes plutôt qu'un autre.
Et tout à l'heure aussi, on a expliqué comment on veut le faire. On veut le faire avec différents outils. On a réussi ensemble à augmenter le salaire minimum. Vous allez me dire: C'est modeste, comme geste, mais c'est déjà un pas dans la bonne direction pour être capable de reconnaître qu'il nous faut élever les salaires si on veut permettre à des gens de gagner dignement leur vie. Et on a un dossier avec lequel nous travaillons, le ministère de la Famille, le ministère des Finances et, également, avec notre collègue de Santé et Services sociaux, sur les aidants et aidantes naturelles.
Alors, ce sont plusieurs fronts que nous avons engagés depuis maintenant plusieurs mois, et, je vais vous dire, on est en voie de répondre. On ne pourra pas répondre à toutes les questions, mais, si on réussit ensemble, collectivement, à s'entendre qu'il nous faut intervenir globalement pour faire reculer la pauvreté d'au moins 50 % d'ici 10 ans en ciblant mieux quelles sont les personnes qui vivent cette réalité, bien, je pense que nous pourrons obtenir des résultats plus concluants et plus positifs. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la ministre. Alors, encore une fois, je vous remercie, mesdames. Je demanderais maintenant aux représentantes du Conseil du statut de la femme de bien vouloir prendre place, et je suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 16)
(Reprise à 10 h 17)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, au nom de tous les membres, nous vous saluons, Mme Lavallée, qui êtes présidente du Conseil du statut de la femme. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Conseil du statut de la femme (CSF)
Mme Lavallée (Diane): Très bien, merci. Bien, m'accompagnent Mme Nathalie Roy, à ma droite, qui est économiste professionnelle au Conseil, et Mme Betty Guedj, qui est la directrice de la recherche et de l'analyse au Conseil du statut de la femme.
Eh bien, bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mme la secrétaire d'État, Mmes, MM. les députés, ça me fait plaisir d'être ici et d'avoir l'occasion de présenter, en fait, le mémoire du Conseil du statut de la femme du Québec à l'égard de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et aussi du projet de loi n° 112, la loi qui vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion.
D'entrée de jeu, je tiens à souligner le caractère novateur du projet gouvernemental qui a la grande particularité de solliciter l'engagement de l'ensemble des membres de la société, de viser à prévenir la pauvreté, et cela, sans négliger bien sûr les actions à mener face aux problèmes actuels des personnes en difficulté. Il s'agit véritablement d'un coup de barre dans la manière d'envisager le problème de la pauvreté et, en soi, la stratégie constitue un pas en avant important parce qu'elle privilégie une manière différente de voir et de faire, et nous comptons bien sûr sur le plan d'action pour assurer sa véritable concrétisation.
Et nous avons, cependant, quelques commentaires à apporter. Donc, au regard de la stratégie de lutte contre la pauvreté et de sa pièce maîtresse, le projet de loi, on constate avec satisfaction que le gouvernement envisage de mettre en place de nouveaux outils: pensons, par exemple, à l'instauration d'un revenu de solidarité pour les personnes et les familles en situation de pauvreté même lorsqu'elles travaillent; à la création d'un fonds spécial et permanent qui soutiendra des initiatives tant nationales, régionales que locales; à la mise en place d'un observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale qui, selon nous, devra cependant prévoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes; et aux mécanismes de reddition de comptes. On trouve important de permettre d'évaluer les actions menées en fonction d'objectifs précis à poursuivre.
Le Conseil a toujours été préoccupé par la pauvreté et plus particulièrement ses effets néfastes sur le développement de l'ensemble de la société. Il est clair, cependant, que la pauvreté touche les femmes de tous les âges, et c'est ce qui nous préoccupe davantage; elles sont, vous le savez, moins nombreuses que les hommes à faire partie de la population active, et leur salaire moyen est inférieur à celui des travailleurs masculins. Elles occupent la majorité des emplois typiques qui s'accompagnent souvent de précarité. Elles sont majoritaires à travailler au salaire minimum et, par conséquent, à bénéficier des droits prévus dans la Loi sur les normes du travail.
n(10 h 20)n La pauvreté, ça ne fait aucun doute, présente de nombreux aspects sexospécifiques dont le gouvernement doit tenir compte dans le plan d'action qu'il devra mettre de l'avant pour lutter contre la pauvreté qui, rappelons-le, est présente bien sûr partout sur le territoire au Québec, autant en milieu urbain que rural. Et même dans des communautés ayant un fort potentiel économique se dissimulent parfois des poches de pauvreté dont il faut tenir compte. Les avis régionaux que nous avons effectués ont mis en lumière ce phénomène à plusieurs reprises. On n'a qu'à penser à la région de l'Outaouais où la prospérité n'est pas répartie équitablement, également sur le territoire. C'est la même chose dans Chaudière-Appalaches, certaines MRC, les fossés sont très grands entre une MRC ou l'autre, dans Lanaudière aussi. Les MRC plus urbanisées, en apparence plus prospères, présentent des fois une forte concentration de personnes défavorisées. Donc, pour analyser le phénomène, il faut forer très profondément et distinctement dans les MRC des régions. C'est ni plus ni moins, souvent, deux Québec en un qu'on y retrouve.
Nous sommes d'avis que la stratégie nationale doit prendre appui sur un plan d'action où l'on retrouvera des mesures très concrètes avec des objectifs précis, des mécanismes de suivi permettant de mesurer les résultats aux paliers tant national, régional que local. Selon nous, des suivis sont essentiels si l'on veut s'assurer de l'efficacité des actions qui seront menées. Et, par ailleurs, pour leur apporter un soutien efficace, on doit mieux guider les personnes à travers l'ensemble des services disponibles. Le personnel qui dispense les services d'aide devrait également recevoir une formation pour mieux accueillir les personnes, les orienter, les supporter adéquatement. Idéalement, le soutien matériel devrait être accompagné aussi d'un soutien psychosocial pour ces personnes.
Je tiens également à saluer l'initiative du législateur qui veut agir en amont du phénomène en s'attardant bien sûr à la prévention. Il faut agir, c'est sûr, sur les facteurs de pauvreté au niveau de la famille, miser sur l'éducation de notre jeunesse et se préoccuper aussi de la formation de nos adultes.
Concernant la pauvreté des familles, eh bien, pour réaffirmer le soutien de base que doit fournir la société aux familles dans le respect du rôle des parents, un régime d'allocation familiale universel doit, selon nous, être instauré. Ce régime pourrait être complété par des aides sélectives permettant de tenir compte des besoins particuliers de familles à faibles revenus. Nous demandons aussi que la pension alimentaire pour enfants ne soit pas considérée comme un revenu déductible de la prestation d'assistance-emploi.
Au chapitre du logement, nous savons qu'un nombre important de ménages consacrent une trop grande part de leur budget pour se loger. Donc, une famille québécoise sur cinq fait face à des dépenses de logement excédant 30 % des revenus. Dans ce contexte, nous sommes d'avis que le gouvernement doit ajuster ses mesures d'aide au logement. Il serait donc intéressant d'examiner la possibilité d'accroître les budgets consacrés au supplément de loyer et de soutenir la formule coopérative, un autre mode d'accès à la propriété.
Abordons maintenant les mesures prévues pour favoriser le développement du potentiel des personnes, notamment des jeunes. Comme il existe un lien indéniable entre réussite scolaire et réduction de la pauvreté, il faut tout mettre en oeuvre pour enrayer le décrochage scolaire dont les causes diffèrent selon le sexe et selon, bien sûr, les groupes sociaux. Bien que le décrochage scolaire soit supérieur chez les garçons et qu'il faille s'y attarder, il faut également prendre en compte les effets dévastateurs de ce phénomène chez les filles. Nous savons que les grossesses à l'adolescence chez les filles sont à la fois une cause et une conséquence du décrochage et, à cet effet, on a avancé plusieurs pistes de solution. Il serait en effet opportun de travailler à développer l'estime de soi et le respect de la personne autant chez nos filles que chez nos garçons, mais il faut de plus sensibiliser les jeunes à la réalité parentale et prévenir les grossesses précoces, repérer les étudiantes à risque d'abandon et leur offrir une aide très spécifique, coordonner les interventions du milieu scolaire et celles du réseau de la santé pour soutenir les étudiantes enceintes afin de leur permettre de poursuivre leurs études et s'assurer que des services d'interruption volontaire de grossesse soient disponibles, et ce, sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, les filles devraient aussi mieux être intégrées aux métiers traditionnellement masculins qui, vous le savez, offrent souvent de très bonnes perspectives d'avenir. À cet égard, nous nous sommes penchés à plusieurs reprises sur les moyens concrets qui pourraient être mis de l'avant pour favoriser la diversification des choix professionnels des filles et les inciter à choisir des formations qualifiantes. Un exemple de mesure concrète qui mise sur la concertation régionale et dont on fait état souvent dans nos avis régionaux, c'est d'interpeller les CRCD, les CLD et les conseils régionaux des partenaires du marché du travail, tout comme les commissions scolaires, les cégeps, les CLE, pour qu'ils développent des liens systématiques afin d'améliorer l'information scolaire et professionnelle aux élèves, une information bien sûr qui doit être à jour, pertinente et toujours en lien avec le marché du travail et les orientations, je dirais, de développement économique prioritaires de l'ensemble des régions du Québec.
Des mesures de soutien devraient être aussi prévues pour les entreprises qui accueillent ces candidates. Les métiers traditionnellement féminins évidemment doivent être rémunérés aussi à leur juste valeur, et nous souhaitons notamment que la Loi sur l'équité salariale permette d'atteindre cet objectif.
Par ailleurs, offrir aux adultes la possibilité de développer leurs compétences par la formation continue, c'est la meilleure assurance contre les risques d'exclusion du marché du travail tout particulièrement dans un marché caractérisé par la montée du travail atypique. La politique de l'éducation des adultes, dans une perspective de formation continue, nous semble cohérente avec le projet gouvernemental.
La stratégie prévoit également des mesures pour faciliter la reconnaissance des acquis scolaires et extrascolaires des personnes immigrantes, ce que nous appuyons d'ailleurs fortement. Il serait important que le gouvernement augmente les ressources consacrées aux mesures de formation pour qu'un plus grand nombre de personnes, même celles qui occupent déjà un emploi, puissent en bénéficier. On parle d'emplois plus précaires, bien sûr.
Au chapitre du travail maintenant, je profite de l'occasion pour saluer l'initiative gouvernementale qui vise la réforme de la Loi sur les normes du travail avec notamment la révision du mode de fixation du salaire minimum. Espérons qu'elle verra le jour sous peu. Ainsi, bien sûr, de voir intégrer dans cette loi une volonté de s'adapter aux nouvelles réalités du marché du travail en garantissant de meilleures conditions de travail aux personnes qui sont de plus en plus nombreuses à occuper un emploi atypique.
En ce qui concerne les entreprises, nous demandons que des moyens concrets permettent de reconnaître celles qui créent et maintiennent des emplois de qualité, peut-être une norme ISO sociale, on verra. Et maintenant, j'aimerais souligner encore une fois le caractère audacieux de cette stratégie gouvernementale qui a la particularité de faire participer des personnes en situation de pauvreté à la définition des actions, de reconnaître la responsabilité sociale des entreprises et d'associer les partenaires du marché du travail tout en soutenant les initiatives régionales et locales. La concertation, que nécessitera la mise en oeuvre de cette stratégie gouvernementale, révélera, j'en suis convaincue encore une fois, la forte solidarité qui unit les membres de la société québécoise afin d'enrayer le phénomène de pauvreté et d'exclusion sociale. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme Lavallée. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci. Bonjour, Mme Lavallée. Bonjour, chers collègues. Je voudrais d'abord vous remercier pour la qualité du mémoire. Quand je pense à tous les mémoires que vous avez produits, depuis un certain nombre de mois et d'années, pensons, par exemple, au mémoire que vous aviez déposé sur la mondialisation, pensons au travail où vous avez fait ressortir justement l'écart qui se retrouve entre les femmes et les hommes, Des nouvelles d'elles, quand on regarde de façon éloquente l'écart qu'il y a, et ça s'explique par différentes raisons. Je pense aussi au mémoire que vous avez déposé justement sur la réforme de la Loi sur les normes du travail, et extrêmement important, à l'avis que vous avez donné concernant le travail atypique et la précarité de l'emploi. Ce sont des avis qui nous permettent non seulement de consolider les propos que l'on peut tenir, mais qui sont aussi évalués. Ce qui a été extrêmement intéressant aussi par les avis régionaux que vous avez rendus, on est capable de connaître un peu la réalité de chacune des régions. Et tout à l'heure, l'AFEAS nous faisait part aussi qu'il nous fallait avoir cette souplesse nécessaire pour avoir des mesures qui puissent s'adapter de façon différente sur un territoire ou l'autre.
Ma collègue, Mme Léger, en faisant le tour de toutes les régions, a été à même de constater aussi que la réalité, pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ne se fait pas nécessairement de la même façon. On parlait tout à l'heure de Chaudière-Appalaches ? ma région ? on a identifié trois dossiers extrêmement prioritaires pour lutter contre la pauvreté: le transport en commun, le logement social et l'alphabétisation, parce que c'est une réalité qui est particulière à la région de Chaudière-Appalaches, et vous l'avez souligné d'emblée.
Il y a eu ce matin, et même la semaine dernière, où on a indiqué que la pauvreté, elle n'atteint pas les gens de la même façon et particulièrement les femmes. On a exprimé le désir de, voire, peut-être confier un mandat, qui pourrait être à l'Observatoire, de prendre un peu l'initiative qui a été faite pour l'analyse différenciée selon les sexes dans tous les programmes gouvernementaux, qu'on puisse peut-être l'utiliser justement pour être capable d'adopter des mesures qui répondent plus à cette réalité.
Quel est votre point de vue, Mme Lavallée, sur cette proposition-là qui a été faite par plusieurs personnes?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Moi, je pense que, oui, effectivement, il faut que l'Observatoire fasse des analyses différenciées selon les sexes s'il veut bien pister les bonnes actions. Mais, ce qu'on souhaiterait, c'est que, dans la loi, notamment pour s'assurer que cette préoccupation-là... de voir à ce que des actions qui sont très spécifiques pour les hommes et les femmes soient intégrées. Et je vous proposerais à cet égard-là que, dans l'article 4 qui porte notamment sur la nature des actions visées par la stratégie de lutte contre la pauvreté, ça se prête bien peut-être à une considération de ce type, parce qu'on pourrait insérer un troisième paragraphe à la fin de l'article qui permettrait de bien camper le principe.
n(10 h 30)n Le deuxième paragraphe de votre loi, là, propose un principe directeur, là, pour guider les actions que comporte la stratégie: intervenir à la fois sur les causes, sur les conséquences de la pauvreté et l'exclusion, là, pour que chaque personne puisse disposer du support et de l'appui. Un troisième paragraphe pourrait s'ajouter, qui compléterait l'article, et il pourrait se lire comme suit, là, on ne sera pas sur l'interprétation: «Les actions mises en oeuvre seront définies en tenant compte de la réalité propre aux femmes et aux hommes.» Donc, ça chapeauterait plutôt que d'en faire un axe additionnel. J'entendais tantôt des commentaires à cet égard. Moi, je pense que, si on l'établirait dans des principes de base de la loi, à ce moment-là on s'assure que les mesures qui sont mises de l'avant et qui seront envisagées pourront tenir compte d'une différence des hommes et des femmes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre. Merci.
Mme Goupil: Vous avez indiqué aussi tout à l'heure ? et je partage également votre point de vue ? toute l'importance du lien et de la coordination qui peut se faire en partenariat au niveau des régions avec les CRD, les CLD et les commissions scolaires, et tout ça. Vous avez été à même de constater un peu comment on a travaillé dans le dossier Solidarité jeunesse pour justement cibler la problématique des jeunes vivant une situation de pauvreté et comment on a réussi depuis maintenant deux ans où on a fait en sorte que les près de 8 000 jeunes qui étaient accessibles à ce programme, il y en a plus de 5 800 aujourd'hui qui sont en mouvement, et il y a eu cette coordination qui a été faite entre le milieu local, régional et national. Est-ce que vous trouvez que ce qui a été fait dans ce domaine-là pourrait être exportable à d'autres groupes de personnes?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Oui. Je pense que c'était salutaire de voir à ce qu'il y ait une concertation pour qu'on s'occupe des problèmes spécifiques d'intégration sociale de nos jeunes. Par contre, je serais surprise de savoir le pourcentage de jeunes filles qui en ont bénéficié versus le pourcentage de jeunes hommes. Ce qu'on sait par contre, c'est que dans les régions dites les régions-ressources les stratégies qui seront mises en oeuvre, indirectement, vont viser davantage souvent les garçons dans l'insertion sur le marché du travail, dans les emplois qui sont plus traditionnels, là, dans les régions-ressources. C'est pour ça qu'on a des préoccupations que toute politique qui soit mise de l'avant ait aussi une préoccupation sexospécifique pour les garçons et les filles, autant chez les jeunes que chez les personnes âgées, parce qu'on risque d'échapper, avec des données importantes d'intégration, un pourcentage important de jeunes. Mais de voir où se situent nos filles là-dedans, je pense qu'il faut avoir cette préoccupation-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Goupil: Je partage totalement votre point de vue, parce que ce qui a été fait en collaboration avec le ministère de la Solidarité sociale et le ministère de la Famille, ça a été Ma place au soleil qui, justement, était des programmes spécifiques qui touchaient des jeunes filles vivant une situation de pauvreté, parce que le fait d'avoir un jeune enfant et de pouvoir compléter des études, il faut bien sûr avoir un arrimage entre les différents ministères pour justement être capable de répondre à cette spécificité-là. Alors, Ma place au soleil, c'était de permettre à des jeunes filles qui étaient soit dans l'attente d'un bébé ou qui avaient un jeune enfant... Pour pouvoir compléter leurs études, ça a été de faire en sorte de mettre ces jeunes filles là dans une classe qui correspondait à leur réalité, et, je vais vous dire, ça a donné des résultats extrêmement positifs. Les jeunes femmes qui ont participé à Ma place au soleil dans le cadre de Solidarité jeunesse non seulement ont complété leurs études, mais en plus ont décidé de prolonger pour accéder à des études supérieures, tout en leur assurant bien sûr des services de garde à proximité pour leur enfant, ce qui les a aidées à améliorer leur condition. Alors, vous avez raison qu'il faut faire la différence entre les deux.
Alors, Mme la Présidente, je vais céder la parole à mes collègues qui veulent également poser des questions, mais je tiens à vous remercier sincèrement de la qualité du mémoire et de l'intervention globale que vous soulevez à plusieurs endroits et où vous rattachez exactement les éléments de la stratégie de lutte à la pauvreté où c'est... Il faut intervenir à plusieurs endroits, prendre la personne où elle est, mais l'accompagner puis avoir des mesures qui ne sont pas mur à mur partout, mais spécifiques à la réalité de chaque personne, dans chacune des régions du Québec. Alors, ça, je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Lavallée, les dames qui l'accompagnent, merci beaucoup de votre présentation, de votre mémoire. Et c'est évident que depuis... Ça va faire 30 ans, vous allez célébrer les 30 ans du Conseil du statut de la femme en 2003, l'expertise, l'expérience, les avis du Conseil du statut de la femme sont toujours évidemment scrutés à la loupe et inspirent les différentes politiques des gouvernements.
Vous avez 16 recommandations tout à fait pertinentes. Vous avez rappelé tantôt à juste titre la petite question sur Solidarité jeunesse et Ma place au soleil, je pense que c'est le plus bel exemple qu'on a que si on ne fait... qu'il est important de faire cette analyse différenciée là. Et, c'est ce qu'on a fait, on a mis deux programmes: un qui répond davantage aux jeunes garçons, mais aussi à certaines jeunes filles, qui répond davantage aux jeunes garçons; et l'autre programme qui répond tout à fait davantage aux jeunes filles, qui répond à quelques jeunes garçons aussi, mais qui est majoritairement mieux adapté au niveau des jeunes filles.
Au niveau de l'importance de la représentation, je pense, tant au niveau de l'Observatoire qu'au niveau du Comité consultatif, je pense, c'est important qu'il y ait une représentation équilibrée hommes-femmes.
La recommandation à l'article 4 est intéressante. Vous parlez beaucoup de l'importance de la prévention.
Moi, j'ai une question à vous poser sur votre dernière recommandation: «Que le plan d'action propose des moyens concrets de reconnaître les entreprises socialement responsables et d'encourager ainsi la généralisation des pratiques visant à soutenir et à maintenir l'emploi.» Vous avez une belle expérience là-dedans aussi avec le concours ISO familles. Vous avez donc une expertise que vous avez acquise à travailler avec les entreprises au niveau de la responsabilité sociale. Vous pensez à quel genre de moyens qu'on pourrait mettre en application? Parce que vous avez rappelé, tout de suite au début, que c'est important que ce soit l'ensemble de la société qui soit partenaire au niveau de cette lutte à la pauvreté. Des moyens concrets.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Bon, écoutez, nous, on a trouvé un moyen concret pour compenser les entreprises qui mettent de l'avant des mesures de conciliation travail-famille avec notre prix ISO familles qui, espérons-le, fera des petits encore cette année. Mais, rien n'interdirait de regarder des formules de ce genre-là, moi, je pense que les formules qui récompensent des initiatives sont toujours plus prometteuses, hein? Et tout le monde aime ça être pointé du doigt pour ses bonnes actions, et, dans ce sens-là, je ne le sais pas, ça pourrait être des genres de concours ISO social pour les entreprises, tu sais, que les entreprises qui ont peut-être créé le plus d'emplois, je dirais, de qualité... Parce que ce n'est pas tout de créer des emplois, il peut y avoir des grilles d'évaluation du type, là, d'emplois qui sont créés. Et, même, les entreprises qui ont permis de réinstaurer le plus de gens possible en emploi, des gens qui proviennent de milieux souvent plus difficiles, donc qui ont favorisé de la réinsertion en emploi d'une certaine catégorie de personnes, je pense que ça pourrait être très bien vu que ces entreprises-là se voient honorées comme étant des exemples. Moi, je pense que humanité peut très bien rimer avec productivité, puis je pense qu'au Québec on est capable de montrer qu'on sait faire aussi dans ce secteur-là et qu'on ne craint pas de demeurer concurrentiel tout en ayant des préoccupations d'ordre plus social. Et, moi, je pense que des initiatives dans ce genre-là pourraient très bien s'y prêter, mais il faudrait y réfléchir davantage.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Nous avons reçu, le 2 octobre, le président de la Fondation Chagnon qui nous rappelait les expériences qui avaient été mises sur pied à partir de son entreprise et qui étaient vraiment parties du milieu, donc de chacune des réalités des différentes régions. Alors, tantôt, l'AFEAS nous rappelait aussi l'importance de tenir compte des différents critères, des différences qui existent d'une région à l'autre finalement. On parlait même d'une différence concernant... pour définir le barème plancher. Qu'est-ce que vous en pensez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Moi, je pense que, si on veut éviter... En tenant compte des spécificités régionales, je pense que le souci, toujours, des gouvernements, c'est de s'assurer qu'il y ait moins de disparités, en fin de compte, et d'iniquité d'une région à l'autre. Et, dans ce sens-là, nous, on pense que non seulement le gouvernement, qui est interpellé dans la stratégie de lutte à la pauvreté, mais les régions et les intervenants locaux devraient aussi se donner des objectifs, donc, avec les partenaires et devraient aussi être imputables socialement des mesures qu'ils mettent de l'avant. Parce que ce qu'on exige du gouvernement central dans une stratégie de lutte à la pauvreté, qu'il travaille avec des partenaires, bien tout ce monde-là est imputable, puis vous n'avez pas nécessairement le contrôle et le pouvoir sur l'ensemble des intervenants régionaux. Et, dans ce sens-là, de voir à instaurer des mécanismes, je dirais, de reddition de comptes pour ce qui est de la stratégie de lutte à la pauvreté en fonction des initiatives qui sont prises soit localement ou régionalement, moi, je pense que ça pourrait faire partie de stratégies gagnantes à cet égard-là, où tout le monde se sent davantage interpellé quand tu dois publiquement débattre des stratégies que tu veux mettre de l'avant, des objectifs que tu vises, et surtout des actions que tu veux entreprendre, et que, systématiquement aux trois ans, quatre ans, cinq ans, tu en fais une évaluation, ou annuellement. Bien, je pense que ça, ça crée les pressions, les saines pressions, je dirais, pour tout le monde, pour se permettre de ne pas perdre de vue les objectifs visés et que chaque partenaire se sente toujours aussi impliqué.
n(10 h 40)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Ça va. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, Mme Lavallée et celles qui vous accompagnent, bienvenue dans cette enceinte où on débat de grandes choses des fois, et sûrement cette fois-ci. À vous entendre parler, j'ai comme l'impression, des fois, qu'on reçoit des gens qui nous adressent des propositions ? et je le constate dans votre mémoire aussi ? par rapport non pas à la loi comme telle, mais par rapport à ce qui va venir une fois la loi adoptée. C'est le plan d'action dont on parle, on ne parle pas de la loi comme telle. On aimerait voir telle chose, ou telle chose, ou telle chose, c'est un genre de... Et c'est bon, parce que, effectivement, chacun, de son point de vue, va nous apporter les propositions qu'ils aimeraient qu'on tienne compte ou que le gouvernement tienne compte quand ils vont finalement dresser un plan d'action, mais on passe par-dessus l'étape pour laquelle on a été convoqué. On a été convoqué pour discuter de la loi comme telle, et la loi comme telle, c'est l'instrument qui se limite finalement à faire en sorte qu'on ait un débat au parlement, en l'occurrence le salon rouge, éventuellement au parlement, au salon bleu, puis que périodiquement, à tous les trois ans, cinq ans, on va revisiter le sujet en regardant comment est-ce qu'on a progressé par rapport aux objectifs qu'on se serait donnés.
À part ça, la loi indique quelques axes d'intervention qu'on devrait favoriser à l'intérieur d'un éventuel plan d'action que le gouvernement va adopter et publier. Alors, je ne sais pas si l'objectif du gouvernement, en tenant cette commission, c'est de faire en sorte qu'il reçoit, de la part des gens qui veulent bien lui dire: Tiens compte de ci, tiens compte de ça dans le plan d'action, un genre de «wish list», que, effectivement, il décidera... Mais, moi, je suis venu parce qu'on m'a dit: Il faut qu'on parle de la loi et de ce que ça fait pour la société comme telle. Alors, au départ, je pense qu'on a tous dit que c'est un instrument qui va nous permettre de focusser un peu notre regard sur la question de la pauvreté. Elle va nous fixer cinq axes d'intervention éventuels. Ils sont assez généraux pour pouvoir être accommodants pour toutes sortes de mesures. Elle va nous créer deux structures: un comité consultatif et un observatoire.
Et, en fait, c'est à peu près ce que la loi fait, elle fait un genre d'orientation générale quant à une approche de lutte à la pauvreté en remettant à plus tard, sur le plan d'action, les mesures concrètes. Donc, je ne peux pas, aujourd'hui ? et je ne veux pas non plus ? discuter de mesures concrètes, qu'on n'a pas devant les yeux, si ce n'est que d'échanger avec des gens sur certains concepts intéressants qui pourraient éventuellement nous permettre d'avancer. Et c'est toujours très bien que les gens apportent leurs suggestions, et on prend bonne note de celles que vous apportez ici.
De façon plus spécifique sur la loi, l'Observatoire, moi, j'avais émis l'hypothèse qu'on pourrait très bien s'accommoder... Et on a besoin d'une façon de mesurer le progrès qu'on fait, de trouver des mesures de pauvreté et peut-être aussi des regards plus particuliers par rapport aux femmes, aux hommes et le progrès qu'on peut faire par rapport à tout ça, mais est-ce que c'est vraiment nécessaire, selon vous, d'avoir une structure indépendante, nouvelle, qui s'appellerait l'Observatoire ou est-ce que, comme d'autres ont évoqué l'hypothèse, le Bureau de statistique du Québec ne pourrait pas recevoir le mandat, ou le Conseil du bien-être? Est-ce que, en soi, l'existence d'une nouvelle structure est un instrument essentiel pour favoriser ce regard que la société veut se donner sur la question de la pauvreté?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Bon. Nous, effectivement, la loi, quand on l'a regardée... D'entrée de jeu, on trouve qu'une loi, c'est significatif de l'intention du gouvernement ou d'une société de vouloir s'attaquer à une problématique. Premièrement, de la reconnaître et de vouloir s'engager collectivement pour régler une problématique. Et, dans ce sens-là, c'est vrai qu'on a trouvé que la loi avait touché à peu près tous les volets que nous, on considérait, à première vue, importants de voir: la nécessaire concertation, les partenariats, bon, tout ce qu'on a énuméré.
Il y avait effectivement dans la loi peut-être deux aspects sur lesquels on proposait des modifications. Ce qu'on disait tantôt, d'intégrer l'analyse sexospécifique déjà dans l'article 4, là, de la loi, c'est peut-être à cet effet-là. Et l'autre, c'était dans l'Observatoire ? puis je vais revenir ? l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion pour qu'on fasse appel aussi à ce qu'il puisse y avoir une nomination des gens qui siégeront là-dessus qui tend vers une parité hommes-femmes, comme c'est d'ailleurs le cas prévu dans la Loi de la santé et services sociaux pour ce qui est de fournir des listes de personnes qui devront siéger ou être nommées pour siéger sur les régies régionales de la santé. Donc, ça existe déjà, ça, dans une loi québécoise, de montrer une volonté de faire des nominations qui tendent vers une égalité.
Ceci étant dit, nous, on pense qu'effectivement la question de l'exclusion sociale et de la pauvreté, comme ça appelle un ensemble de mesures de différents partenaires, tant gouvernementaux que sociaux, devrait être regardée à part. Les institutions, les organismes qui existent ont des fonctions, je dirais, différentes et ne voient pas l'ensemble nécessairement et ne voient pas à faire une analyse de l'ensemble des différents facteurs et d'interpeller l'ensemble des décideurs pour une problématique aussi vaste que la pauvreté, et, dans ce sens-là, on trouve ça salutaire qu'un organisme dédié qu'à cette fonction-là d'observer, sur le territoire québécois, l'évolution du phénomène de la pauvreté. Moi, je pense que c'est tout à fait salutaire, et ça fait référence aussi à des personnes, je dirais, qui peuvent provenir... qu'on peut retrouver comme profil dans différents organismes déjà existants, mais que c'est intéressant de mettre ensemble parce qu'ils ont des expertises et souvent des visions complémentaires. Et de créer un observatoire spécifique à la pauvreté, nous, on était tout à fait en accord avec cette option-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Il y avait aussi l'hypothèse que d'autres... Et, je pense, c'était le Collectif qui avait évoqué la possibilité de jumeler le Comité consultatif avec l'Observatoire, ce qui soulevait en mon esprit tout au moins un autre genre de questionnement, parce que, si l'idée de l'Observatoire, c'est d'observer de façon la plus neutre possible, si vous voulez, selon des critères que la société se serait donnés, dire: Voici ce qu'on aimerait que vous suiviez pendant les prochaines années en termes d'évolution et si on donne à un groupe particulier, qui est composé de représentants de divers milieux, le mandat d'orienter les études, est-ce qu'on ne risque pas à un moment donné d'avoir les études qu'on veut bien avoir? C'est-à-dire est-ce que... Comment je peux... Je ne sais pas si je l'exprime clairement, là, mais souvent on peut faire dire n'importe quoi aux statistiques. Alors, s'il y a des agendas que les gens ont ou apportent avec eux au niveau, par exemple, du Comité consultatif ? et c'est normal que les gens viennent avec leur propre point de vue ? à ce moment-là, si l'instrument de mesure découle de cette instance, est-ce qu'on ne risque pas d'avoir une orientation qui n'est pas nécessairement celle de l'ensemble de la société, si vous voulez?
Parce que je trouve que souvent on est pris dans des tiraillements qui nous sont amenés par des groupes de lobby et de pression, que ce soit pour des femmes, que ce soit pour des hommes, que ce soit pour tel groupe ou tel groupe, pour les syndicats ou les patrons, et souvent c'est celui qui réussit le plus, en tout cas, à avoir un plus grand levier de négociation, si vous voulez, qui réussit à faire avancer ses choses, et ce n'est pas nécessairement ce qui est au bénéfice de l'ensemble de la société au bout de la ligne. Je ne sais pas si c'est clair, mais, en tout cas, une tentative de... Allez-y.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Bien, moi, je pense que c'est important peut-être de garder le caractère indépendant de chacun des ces organismes-là. L'Observatoire doit conserver son caractère, je dirais, scientifique aussi, tandis qu'un comité consultatif, qu'il soit composé de groupes de personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion ou de représentants de ces groupes-là et différents acteurs, moi, je pense que c'est essentiel pour qu'on trace un portrait réel avec les personnes concernées. De là à jumeler l'Observatoire et le Comité consultatif, nous, on pense qu'il faut garder, je pense, l'objectivité relative de chacune de ces entités-là et surtout conserver le caractère, je dirais, scientifique qu'on veut aussi donner à l'Observatoire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Moi, ça va, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors donc, il ne me reste qu'à vous remercier, mesdames, pour vos précieux conseils. Et, bien sûr, je suspends les travaux pour quelques instants, le temps de demander aux représentants de la Fédération des unions de familles de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 10 h 51)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je salue maintenant les représentantes de la Fédération des unions de familles, Mme Louise Vanier, qui est présidente. Mme Vanier, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, en même temps, je vous renouvelle le fait que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.
Fédération québécoise des organismes
communautaires Famille (FQOCF)
Mme Vanier (Louise): Merci, Mme la Présidente. Mme Goupil, bonjour. J'aimerais rectifier que maintenant la Fédération s'appelle la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille. Effectivement, d'entrée de jeu, j'aimerais vous présenter Marie Rhéaume, qui est directrice de la Fédération. À ma droite, deux mamans qui représentent les familles à travers toutes les 17 régions qu'on couvre. Alors, vous avez Sarah, et Nicole à ma gauche.
Dans un premier temps, nous avons préféré leur donner la parole. Puisqu'on parle de la famille, on parle de pauvreté, on parle de projet de loi, je crois que c'est elles qui sont les premières concernées ? alors, je donnerais la parole à Nicole ? qui vont vous faire, chacune leur tour, un témoignage.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Cronier.
Mme Cronier (Nicole): Merci. Pauvreté: triste réalité. Réalité: maudite pauvreté. Elle naît à Gaspé de parents pauvres. À six mois, elle quitte la Gaspésie, et voilà c'est parti. À 10 ans, ses parents se séparent. Ça se vit dans la violence, comme les années précédentes: père alcoolique. Manquant de tout, les choses essentielles comme la nourriture, les vêtements et la chaleur, vivant beaucoup de stress et de peurs, l'effet de la drogue et de la boisson remplit l'insécurité qu'elle vit. Gelons les émotions, la colère surtout. Elle est toute mêlée en dedans. Dans sa tête, dans son coeur et dans son âme, ça dit que ce n'est pas ça, la vie. Vie d'adolescente complètement manquée, mauvais passage pour la vie adulte.
Vingt ans, elle rencontre un garçon, le bon gars, le père de ses enfants. Après plusieurs peines, beaucoup de pleurs, de cris, de suivi, de détresse, séparation pour elle aussi, comme son arrière-grand-mère, sa grand-mère et sa mère avant elle. Alors, moi, je crie: Non et non! Mes enfants ont besoin d'encouragements pour l'école, pour le travail, ce travail qui est tellement valorisant. Je leur ai donné ce que je n'ai pas eu, beaucoup d'amour, d'attention et d'écoute. Aussi, je leur ai donné l'envie de rêver de la réussite et d'avoir des buts.
Par contre, sans aide, je ne peux pas y arriver. Je suis sur le BS, je ne peux même pas avoir quelqu'un pour aider à payer le loyer non subventionné. Et les coupures aussi. Après un an, ce quelqu'un devient conjoint, donc responsable de moi et mes enfants. Parce que je m'entends bien avec quelqu'un, vous le foutez responsable?
Revenons à mes enfants. Est-ce leur faute si je n'ai pas eu la vie facile? Est-ce leur faute si leur père a décidé de payer une pension alimentaire, que vous nous coupez, plutôt que de rester? Est-ce leur faute si je n'ai pas su avant? Non. Comment puis-je leur donner le meilleur? Comment puis-je? Je vous le demande.
Avec des maisons de la famille comme la nôtre, nous, adultes, pouvons mieux aider nos enfants à grandir, à s'épanouir et à savoir. Nous sommes loin d'être tous des imbéciles, des épais, pas capables d'élever nos enfants. Non, nous savons, nous voulons, mais vous nous freinez avec vos projets qui tournent en rond, avec le retour aux études qui est très difficile pour certaines d'entre nous.
Pourtant, ces enfants de pauvres ont droit à l'éducation que vous dites gratuite. Vous nous aidez, oui, le premier mois. Ce n'est pas assez. Pourtant, les vêtements ? à la mode, s'il vous plaît ? les passes d'autobus qui sont à tous les mois, les dîners à tous les jours ? à la maison, nous mangeons, nous autres aussi. Presque tous les à-côtés de la vie, les cinémas, les sorties avec les amis, les cours de musique, je dis non. Permettez-moi de leur dire oui de temps en temps. Permettez-leur de rêver, de réaliser ce rêve qui deviendra un but, car tout rêve non réalisé est un échec de plus à surmonter pour ces enfants de la pauvreté. Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Cronier, pour ce témoignage. Mme Tizzart.
Mme Tizzart (Sarah): Issue d'une famille gagnant des revenus moyens, elle ne manque de rien. Tous ses besoins sont comblés. Ne vivant aucun luxe, elle n'a aucun souci pour la nourriture, les vêtements et l'amour de ses parents.
Vers l'âge de 12 ans, ses parents divorcent, et sa mère, dans l'obligation de fuir très loin, se retrouve dans un foyer pour femmes violentées. Sa mère, vivant nombre de problèmes de santé depuis très longtemps, est maintenant seule pour élever ses deux enfants. Déjà pleine de dettes de son union, un logement très cher et un maigre revenu, peu de temps a fallu à maman pour sombrer dans la dépression. Accablée par ses sentiments, maman commence à boire, à consommer et à fumer, tout ça dans le but d'alléger toutes ses frustrations, sa peine, son désespoir et ses souffrances.
Maman n'était plus apte à prendre soin de ses enfants et commence à négliger. Les dettes s'accumulent. Elle et son frère manquent de nourriture, manquent de vêtements, manquent d'encadrement, d'appui et d'amour. Donc, elle commence à se désintéresser. Les absences à l'école se font plus fréquentes jusqu'à ce qu'elle soit totalement absente. Elle commence à avoir de mauvaises fréquentations, prend de la drogue, commence à boire et à fumer. Elle manque tellement d'amour que, lorsque le premier homme veut lui en donner de la mauvaise façon, elle s'abandonne totalement, car elle ne sait pas autrement et n'a aucun encadrement de sa maman. Elle se retrouve enceinte à 15 ans et, pour une deuxième fois, abandonne ses études. L'homme avec qui elle est arrive à tout lui enlever ce qui lui restait: sa dignité et le peu de fierté qu'elle avait. Au bout de quelque temps, ils ont eu un autre enfant. Une relation qui a duré sept ans, une relation remplie de violence verbale et mentale.
Elle réussit à le quitter après tout le contrôle qu'il avait et à la suite de nombreuses menaces de mort qu'il lui avait faites. Comme sa maman, elle se retrouve pleine de dettes, un logement trop cher, avec deux enfants à élever seule et un maigre revenu. Elle ne sombre pas dans la dépression, elle va plutôt chercher des ressources. L'une de ces ressources, une maison de la famille. Là-bas, elle y retrouve un peu de répit et beaucoup de valorisation pour son travail de mère. Très vite, les gens l'encouragent, l'appuient, la soutiennent et l'aident, ces petits gestes qu'elle avait manqués avec sa maman. Tous ces gens lui donnent tellement de force, d'amour et de rêve.
Après quelque temps, elle décide de suivre un programme de préemployabilité parce qu'elle aimerait bien aller sur le marché du travail. Comme ses enfants sont jeunes ? en bas de cinq ans ? elle reçoit un supplément de 100 $ de l'aide sociale pour être à la maison avec les enfants. Mais, comme elle ne reste pas à la maison, l'aide sociale lui coupe ce 100 $. Pourtant, elle en aurait besoin, mais l'aide sociale a sûrement présumé qu'il n'était pas important et plus nécessaire d'avoir ce montant à présent. Pourquoi? L'aide à l'emploi lui verse 30 $ par semaine pour l'aider financièrement, mais expliquez-moi comment une personne, du jour au lendemain, fait pour arriver avec 120 de plus lorsque, d'un autre côté, on vient de lui enlever 100 $? Si mon calcul est bon, elle gagne environ 20 $ par mois, et ce montant doit défrayer les coûts de lunch de ses enfants et les siens, et tout le monde sait bien que c'est beaucoup plus que 20 $ par mois pour les petits jus, les viandes froides, le pain, les petits desserts, les petites collations et les petits contenants en plastique.
Elle garde la tête haute et continue mais s'endette toujours tranquillement, petit à petit. Voilà qu'elle est coupée à nouveau par l'aide sociale à cause de la pension alimentaire. Elle ne gagne pas plus, bien sûr. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien faire avec 200 $ de plus par mois? Bien habiller ses enfants, s'offrir une épicerie qui pourrait contenir davantage de bons aliments, avoir suffisamment d'argent pour assurer toutes ces dettes qu'elle avait accumulées pour justement bien habiller ses enfants et bien les nourrir, puisque l'une de ses priorités est que ses enfants ne subissent pas ce qu'elle a manqué par le passé. Peut-être même qu'elle pourrait s'offrir une sortie mémorable avec ses enfants et ainsi avoir de beaux souvenir à partager avec eux, et les enfants avoir quelque chose de bien à raconter à leurs camarades de garderie et de classe.
Voilà qu'une autre coupure arrive parce que l'aide sociale a fait une erreur. Pendant 18 mois, ils avaient omis de couper une partie de la pension alimentaire, une dette de 1 400 $ qu'elle est dans l'obligation de payer. Aucune excuse de leur part, aucune. Juste un paquet de lettres qui expliquent qu'elle est dans l'obligation de rembourser ce montant à raison de 55 $ par mois, avec une petite note qui explique que, si elle croit que la décision rendue n'est pas conforme à la loi, elle a 90 jours pour demander une révision et à la toute fin de chaque lettre: Recevez, madame, nos salutations distinguées.
n(11 heures)n Donc, en plus d'avoir été coupée pour cette partie de pension alimentaire, elle est coupée de ce montant additionnel de 55 $ pour rembourser la dette. Avec tout ce stress, elle commence à faire des attaques de panique et, à son tour, sombre dans la dépression. Mais, attendez, elle continue de s'occuper de ses enfants et poursuit le programme de préemployabilité. Voilà que le professeur note un problème de vision chez sa petite puce de cinq ans, et elle doit porter des lunettes. Un achat de 200 $, mais l'aide sociale n'en donne que le tiers. Je continue dans les coupures. À cinq ans, elle perd totalement le supplément de 100 $. Et, à sept ans, il paraît que les enfants coûtent moins cher, alors, là encore, elle fut coupée.
Elle, c'est moi. C'est moi qui dois lutter pour apporter à mes enfants fierté, soutien, appui, courage, amour, joie de vivre, encouragement et confort. Je dois aussi lutter pour leur apporter la nourriture, de beaux et bons vêtements et assurer qu'ils aient tout pour s'épanouir et avoir le goût à la vie. Combien de fois j'ai souhaité m'endormir pour ne plus jamais me réveiller? Mais, je fonce, j'avance tranquillement, mais avec maintenant la conviction que je suis capable de tout ce que veux. Si j'ai réussi jusqu'à présent, c'est grâce à tous ceux qui ont cru en moi, qui ont été là pour entendre mes souffrances et mes douleurs, pour écouter mes cris de désespoir lorsque, financièrement, c'était l'enfer.
Tout ce courage et ce goût de foncer la tête haute dans la vie, c'est à Interaction familles que je l'ai trouvé. Je ne suis pas la seule ainsi, mon histoire n'est qu'un vécu parmi tant d'autres. Beaucoup de femmes luttent au moment même où je suis ici à vous raconter mon histoire, et demain la lutte recommencera, les mêmes inquiétudes. Je me lèverai demain matin avec encore toutes mes dettes, mes enfants à bien nourrir et mon courage à passer la journée sans trop avoir mal à la tête. Je retourne aux études après une absence de deux mois et j'ai hâte parce que j'ai la soif d'apprendre et d'avancer. Elle, elle est très forte aujourd'hui, mais qu'est-ce qui l'attend encore?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, pour ce touchant témoignage, et je vous souhaite bonne chance dans vos études. Est-ce que vous voulez compléter, madame? Il vous reste trois minutes et demie. Mme Vanier.
Mme Vanier (Louise): Non. Je crois que, si nous avons opté pour avoir ces témoignages-là, en quelque part c'est la réalité du quotidien dans les organismes communautaires qu'on retrouve à travers les 17 régions. C'est tous les jours qu'on entend ces histoires, c'est tous les jours qu'on soutient, et ce que je... Dans le peu de temps qu'il me reste, là, ce que j'aurais le goût de dire, c'est: Pouvons-nous aujourd'hui, en l'an 2000, ne pas redéfinir la famille, mais la reconnaître dans ses capables... dans ses audaces, dans son courage? Est-ce qu'on peut la valoriser dans son rôle sans des modèles préfabriqués sur lesquels il faut qu'ils se modèlent? Je crois qu'ils sont de très bons parents, mais avec leurs limites, mais avec aussi leur grande créativité, puis leur originalité, puis leur courage. Et qu'on ait un soutien.
Je crois que, dans les deux témoignages, des exemples de coupures, il y a quelque chose d'irréaliste. Alors, quand un Québec veut se doter d'une loi pour contrer la pauvreté, je crois qu'elle doit partir de ces réalités-là et leur donner des moyens réalistes pour que, en quelque part, chaque individu ait le droit d'avoir des enfants et le droit d'avancer dans la vie.
Je ne sais pas si, Marie, tu...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, merci, Mme Vanier. Est-ce que vous voulez... Vous n'avez pas de... Vous ne voulez pas intervenir, madame? Non? D'accord.
Alors, je cède maintenant la parole à la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. D'abord, Mmes Cronier et Tizzart, je tiens à vous remercier de ces témoignages. Je voudrais vous dire que pendant que j'ai pratiqué le droit de la famille, pendant près de 15 ans... Ça m'a rappelé beaucoup de témoignages de femmes qui venaient me voir dans leur quotidien pour me faire part de cette réalité. Et, aujourd'hui, on se retrouve justement pour être capable de démontrer que cette pauvreté, elle a de multiples visages, que c'est complexe en soi et qu'il faut aussi être capable de mieux comprendre ce qui amène des gens à vivre des situations de pauvreté. Le témoignage que vous faites aujourd'hui, ce sont... La plupart des jeunes qui utilisent le programme Solidarité jeunesse se retrouvent, pour certains, dans des situations comme vous vivez.
Vous savez, d'avoir la chance de regrouper au sein du ministère de la Solidarité sociale la famille, l'enfance, nos aînés, la condition féminine, c'est comme si c'était tout le visage humain du Québec. Et, avec mes collègues, vous savez, nous ne nions absolument pas ce que vous venez d'exprimer, c'est une réalité. C'est la raison pour laquelle il faut absolument nous doter d'une loi, qu'il y ait une intervention qui soit globale et dont l'ensemble de la société doit se sentir interpellé individuellement et collectivement, et aussi être capable que le chemin qu'on a parcouru dans le passé... Il y a eu des gestes qui ont été posés, des gestes qui ont aidé, mais il faut reconnaître aujourd'hui, en 2002, que ça ne peut plus fonctionner de la même façon, nous ne pouvons plus travailler en silo. Dans le cadre de cette loi-là, ce qu'on y retrouve, c'est des axes d'intervention qui font en sorte qu'on prend la personne où elle est, dans sa réalité et qu'on a pas des mesures mur à mur partout, parce que la réalité des femmes, des hommes, des personnes aînées qui vivent la pauvreté n'est pas la même.
Et, votre témoignage aujourd'hui vient confirmer d'abord une chose, c'est d'être capable d'enlever tous les préjugés qui peuvent exister à l'effet que les personnes qui vivent une situation de pauvreté, c'est de leur faute, elles ne font pas d'efforts pour s'en sortir et que, finalement, elles aiment bien être dans la situation dans laquelle elles sont, ce qui est totalement faux. Et d'avoir le courage aujourd'hui de raconter ce que vous vivez individuellement... Je peux vous dire que toutes les personnes qui travaillent au niveau des CLE qui reçoivent les personnes pour recevoir de l'aide, il est évident que la très grande majorité se retrouvent aujourd'hui devant une problématique qui est complexe. La pauvreté, elle est complexe, et ce n'est pas une seule mesure qui va répondre à cette réalité.
Vous avez parlé tout à l'heure, Mme Tizzart, comme parent, mère d'enfants et vous aussi, madame, cette réalité fait en sorte que, dans notre politique, on veut non seulement prendre la personne où elle est, mais on veut aussi tenir compte de sa réalité. Est-ce que cette personne a besoin d'être mieux logée? Est-ce qu'elle a besoin d'un meilleur soutien financier? Est-ce que cette personne, elle étudie? Est-ce qu'actuellement elle veut faire autre chose? C'est d'être capable de regarder la personne dans ce qu'elle vit, dans son quotidien et être capable que l'ensemble de notre société se sente interpellé pour qu'on ait des résultats pas dans 10 ans, mais qu'on en ait maintenant.
Et je voudrais revenir à ce qui a été dit tout à l'heure, parce que, oui, ce projet de loi là est un projet de société qui est extrêmement important, et il ne peut pas demeurer uniquement ici, au niveau de l'Assemblée nationale, il faut que, lorsque nous quittons cette Assemblée nationale, avec les gens qui viennent témoigner... Vous savez, on a près de 145 mémoires de femmes et d'hommes qui viennent dire: Oui, il faut que nous ayons une loi, qu'on se donne des objectifs précis et qu'on ait des mesures d'intervention globales qui prennent la personne où elle est, la famille, et qu'on soit capable de les soutenir, et surtout avoir un regard différent sur les personnes qui vivent cette réalité, et faire en sorte que, que ce soit au niveau de l'école, que ce soit au niveau du travail, que ce soit au niveau du communautaire, au niveau du local, qu'on soit là pour accompagner les personnes et qu'on réussisse ensemble à leur donner cette bougie d'allumage pour que ces femmes qui sont venues témoigner aujourd'hui soient convaincues qu'il soit possible de s'en sortir.
Et je terminerais en vous disant que je sais que les choses ne vont pas toujours à la vitesse que vous le voulez, et nous non plus, ça ne va pas toujours à la vitesse qu'on le voudrait, mais on a une belle occasion actuellement au sein de notre société de se poser comme question: Quel est le sens véritable de notre vie au sein de la société et comment pouvons-nous faire en sorte d'accompagner les personnes qui vivent des situations de pauvreté pour que, à tout le moins, elles soient capables d'avoir un revenu qui n'est pas la richesse, mais un revenu décent pour leur permettre d'avoir l'estime de soi, assumer leurs responsabilités pleinement et exercer leur citoyenneté?
Alors, le projet de loi qui se retrouve devant nous est extrêmement important. Les gens qui viennent ici, en commission, viennent nous dire: Il serait important de faire plus attention à ceci, plus faire attention à cela, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a encore beaucoup de femmes et d'hommes au Québec qui ne sont pas au fait de ce que ces deux mères de famille sont venues témoigner aujourd'hui, et il est de notre devoir dans cette commission de faire en sorte que ce qui est proposé par cette stratégie de lutte à la pauvreté, nous soyons capables de convaincre solidairement notre société de la nécessité d'y investir des sommes d'argent extrêmement importantes.
Vous savez, Mme la Présidente, on a parlé d'un budget de 1,5 milliard, est-ce qu'il sera suffisant? Je pense que nous devrons tous faire ce qui est au maximum pour aller de l'avant, parce que là on parle d'humains, de femmes et d'hommes, et, dans le projet de loi, c'est un projet de loi qui interpelle toute la société. Nous avons des organismes communautaires qui font un travail extraordinaire, qu'on en convient que le financement n'est pas suffisamment adéquat, mais, quand on regarde toutes les sommes d'argent qui ont été investies jusqu'à maintenant, est-ce que nous pourrions ramasser tout ça et faire en sorte d'avoir une intervention qui soit plus globale? Eh bien, je suis convaincue, Mme la Présidente, que le témoignage de ces deux femmes va venir nous donner ce que j'appellerais un élément positif supérieur pour que les gens qui ont entendu le témoignage de ces femmes aient aussi une lecture différente de ce qu'est la pauvreté au quotidien, et que notre intervention comme gouvernement ne peut pas se faire seule, mais qu'il faut qu'il y ait l'apport de la société, des entreprises, du communautaire, du local pour que ces personnes qui font des efforts pour s'en sortir soient soutenues tout au long de leurs efforts pour s'en sortir et faire en sorte qu'on ait moins de personnes vivant cette situation de pauvreté d'ici les 10 prochaines années.
n(11 h 10)n Alors, je vous félicite d'avoir laissé la parole à ces femmes, et à toute l'équipe ça nous donne la conviction profonde que ce projet de loi là doit aller au bout de cette... Il faut qu'on soit capable ensemble de le faire adopter, mais il faut qu'on soit convaincu aussi qu'il va donner des résultats. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Vous voulez intervenir, Mme Rhéaume?
Mme Rhéaume (Marie): Oui. Moi, mon intervention porterait de façon plus spécifique. Vous avez dit que la loi sur la pauvreté amenait un regard différent au niveau des personnes qui vivent cette réalité-là. Nous, en tant que fédération regroupant des organismes qui travaillent avec des milieux de familles, on aurait aussi une préoccupation supplémentaire, parce que, dans les mesures que vous avez annoncées, il y a des actions qui sont liées à la prévention et qui touchent directement les familles, et puis je pense que, avec la structure qu'on a actuellement d'un ministère Solidarité, Famille et Enfance, il y aurait une nécessité urgente de se doter d'un... penser agir famille, O.K.? Parce qu'il y a des intervenants qui vont être amenés à travailler avec les familles dans toutes les communautés, dans toutes les régions du Québec, puis je pense que ce serait important, très important qu'on se dote de moyens pour voir les familles non pas comme des problèmes, mais aussi comme des éléments de solution dans ces situations-là.
Actuellement, il y a beaucoup d'intervenants, avec toute leur bonne volonté, qui sont lancés dans ce champ-là et qui n'ont pas nécessairement, je dirais, les mentalités nécessaires. Parce qu'on peut parler d'améliorer la perception qu'on a des pauvres, mais il y a aussi la perception qu'on a des familles, et puis on dénote trop souvent la tendance de traiter la famille comme vraiment la source des problèmes, puis ça, ça n'aide pas, parce que, à partir du moment où on le conçoit comme ça, bien, c'est simple, on va retirer les enfants des familles, puis on va s'en occuper. Je le sais que ce n'est pas ça qu'on veut faire, mais souvent les familles se sentent dépossédées dans leur rôle, et, selon nous, c'est primordial de travailler à ce niveau-là.
Il y a déjà eu il y a quelques années, avant la politique familiale, là, telle qu'on la connaît... Il y a des groupes qui avaient travaillé et qui avaient justement élaboré toute une grille de penser et agir famille, il faudrait peut-être réactiver ça et donner de la formation à tous les gens qui sont sur le terrain pour se doter vraiment d'une vision d'intervention auprès des familles.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie d'avoir, Mme Rhéaume, rappelé les critères qui ont été basés pour penser et agir famille. Vous savez, Un Québec en amour avec la famille, ce plan concerté qui interpelle tous les intervenants, est partie prenante. Il n'en demeure pas moins que, si nous voulons être capables de lutter efficacement contre la pauvreté, vous avez raison de rappeler... Et les deux dames qui ont témoigné tout à l'heure, leur réalité de leur quotidien et leur réalité de famille les rejoignent comme femmes, comme mères de famille et dans leur réalité de tous les jours. Alors, il est extrêmement important... Puis, tout à l'heure, le Conseil du statut de la femme était là. Depuis maintenant cinq ans, vous savez, on a posé des gestes. Et je ne dis pas qu'ils sont parfaits, mais il n'en demeure pas moins qu'on s'est créé un ministre de la Famille, on s'est donné une politique, on a posé des gestes.
Il nous faut faire encore mieux, parce que, actuellement, les familles ne sont pas toutes des familles vivant la situation de pauvreté, mais, particulièrement, les gens qui sont venus témoigner... Je pense à la fondation M. Chagnon où ils ont dit: Si vous avez une priorité que nous devrions faire, c'est être capable d'intervenir auprès des familles et des jeunes enfants, parce qu'on sait comment c'est important. Vous avez parlé tout à l'heure, mesdames, de l'estime de soi, le sens des responsabilités, être capable de transmettre ça aux enfants, donc d'avoir un soutien de tous les intervenants de la société pour être capable de soutenir ceux et celles qui ont le désir d'enfants en 2002, puis des les accompagner, puis de les soutenir pour que les choses se passent le mieux possible, parce que c'est l'avenir d'une société, ses familles et ses jeunes.
Alors, là-dessus, là, vous avez non seulement mon appui et notre appui total, mais il est évident qu'il nous faut ensemble faire en sorte de mieux comprendre et mieux cibler l'intervention. Mais, je pense qu'il y a consensus social actuellement, tous les intervenants sont venus témoigner en disant que les axes d'orientation de la stratégie nationale de lutte à la pauvreté en couvrent large justement pour permettre d'intervenir sur plusieurs points en même temps, et pas non... et non seulement une seule intervention, mais plusieurs.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre déléguée.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que vous voulez intervenir suite aux commentaires de Mme la ministre? Non?
Une voix: Non.
Mme Léger: Alors, bonjour. Merci aussi de vos témoignages. Je vois que le nom de la Fédération vient de changer dernièrement, «des organismes communautaires Famille».
J'ai une question à vous poser, parce que ma collègue Linda Goupil vous a quand même, je pense, signifié un petit peu tout, je pourrais dire, l'entrée en matière de pourquoi il y a une loi et toute l'inspiration derrière cette loi du gouvernement. Dans la page 3 de votre mémoire, vous recommandez, entre autres, de transformer le programme d'allocations familiales en un régime universel. Je crois que la question peut être à Mme Rhéaume, mais vous déciderez, là. Vous dites que ça devrait... une allocation universelle devrait, dans le fond, offrir une meilleure couverture pour les familles à faibles revenus. Pour y parvenir, vous suggérez de simplifier le soutien financier aux familles en regroupant l'allocation familiale, les crédits d'impôt non remboursables, le programme APPORT et la réduction d'impôts pour la famille en une allocation universelle et en une seule prestation ciblée au parent qui prend soin des enfants. Donc, vous suggérez une allocation universelle ciblée au parent qui prend soin de l'enfant, mais que pensez-vous d'une approche qui serait centrée essentiellement sur la fiscalité qui rejoint les familles?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Vanier ou Mme Rhéaume? Mme Rhéaume.
Mme Rhéaume (Marie): Sur la fiscalité qui rejoint les familles, bien c'est parce que la fiscalité, ce n'est pas toutes les familles qui paient de l'impôt. Donc, il y a comme une partie importante des familles... Tu sais, je ne sais pas, là, moi, je ne suis pas fiscaliste non plus, ce n'est pas... Si c'est sur la fiscalité... Bon, nous, ce qu'on réclame, à la Fédération, c'est des mesures de soutien universelles. On sait que les services de garde, actuellement, sont une mesure de soutien universelle, mais on réclame des mesures de soutien universelles pour l'ensemble des familles qui ont la charge d'enfants. Donc, les services de garde, ça s'arrête quand même à un certain niveau, ce qui fait que les familles avec des adolescents n'ont pas de soutien. Quand on parle de mesure universelle, on parle de mesure qui reconnaît l'apport des parents au fonctionnement de la société québécoise.
Maintenant, bien, c'est ça, ce n'est pas une question facile à répondre oui, non, là, j'espère que ce n'est pas ce que vous me demandez. Mais, oui, il y aurait la possibilité de faire comme c'était autrefois le cas avec les allocations familiales, de la récupération par la fiscalité pour les familles qui sont plus favorisées, disons, là. Je ne sais pas si c'est le sens de votre question.
Mme Léger: ...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une minute, le temps d'un commentaire.
Mme Léger: ...pas parler à une fiscaliste, effectivement, là, vous avez bien raison, mais je sais que ça fait quand même depuis plusieurs années, là, que vous oeuvrez dans le milieu aussi puis par rapport particulièrement à l'allocation universelle... Et, bon, l'allocation familiale a été faite en 1997... a été remodifiée en fonction d'aider particulièrement les familles à faibles revenus, puisqu'elle est modulée en fonction d'un enfant biparental, monoparental, etc., ce qui anciennement était universel. Alors, je vous vois souvent dire que vous aimeriez qu'elle soit universelle, mais, quand je fais le lien avec la fiscalité, c'est que comme il y a beaucoup de soutien financier qui est donné aux familles dans différentes strates, que ce soit par le programme APPORT, ou soit par le soutien, ou soit par la fiscalité telle quelle, ma question était dans le but de... Est-ce que regrouper tout ça pour regarder la famille telle qu'elle est et de faire un apport par la fiscalité de soutien aux familles...
Mme Rhéaume (Marie): Si c'est ce que vous voulez dire, oui.
Mme Léger: O.K.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, avant de céder la parole à mon collègue, je me permettrais... Oui, Mme Vanier, vous voulez intervenir?
Mme Vanier (Louise): Juste une petite... Oui, je peux?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.
Mme Vanier (Louise): Merci, Mme la Présidente. Mme Léger, c'est parce que vous parlez du programme APPORT, puis tout ça. En tout cas, dans les témoignages, je crois que tout ce qui est ressorti, et il y aurait pu y en avoir de plus longs, hein, on s'entend... Je pense à quelqu'un de chez nous, là, Isabelle qui, parce qu'elle a gagné un petit, maigre 19 000 $, parce qu'elle est sur un programme de Fonds de lutte, hein, alors... Puis, elle a deux enfants, elle a des services de garde à payer, le programme APPORT, elle n'y a pas le droit. Ça fait qu'en quelque part toutes les mesures sur lesquelles on dit qu'on soutient la famille puis qu'on l'aide, bien il y a toujours des manquements ou, en tout cas, des conditions qui font qu'en quelque part ça répond à une minorité de personnes, mais tous les autres... Et puis c'est tous des gens qui tentent de faire des efforts puis de s'intégrer, mais ils s'intègrent dans un programme, et on coupe dans l'autre; ils s'intègrent dans deux autres programmes, on coupe dans trois. Mais, partout, de toute façon, il y a comme un aller et venue de tout ça, et ils se retrouvent toujours dans une espèce de tourbillon où, en quelque part, ils n'ont pas plus.
n(11 h 20)n Là, on parle de familles plus pauvres et très pauvres, mais je dirais que c'est presque pire pour la classe... Bien, la classe moyenne, je pense qu'il n'y en a même plus, là, mais dont les parents, les deux travaillent. D'abord, c'est la course. C'est des frais de partout, et ils sont acculés au pied du mur avec une somme considérable à payer pour l'ensemble de la société quasiment, là, tu sais. Et ça, ça couvre quand même 70 %, au moins, de la population qui n'est pas riche, là. On peut s'entendre que, quand on dit une société qui veut lutter contre la pauvreté, c'est beaucoup, beaucoup du monde, là, et je trouve qu'on fait porter beaucoup à la classe dite moyenne, là, beaucoup les frais de l'ensemble. Mais, dans nos familles pauvres, parce que c'est celles que je connais le plus mieux, il n'y a rien, il n'y a vraiment aucun recours. À chaque fois qu'on leur donne quelque chose, c'est enlevé de l'autre côté. Et, quand on demande un régime universel, bien je crois que c'est une piste de solution qui, effectivement, aiderait, mais qu'on parle d'APPORT ou qu'on parle d'autres choses, moi, je pense que ça aide, dans le fond, très peu de gens.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, dans les témoignages que nous avons entendus tout à l'heure, vous nous disiez, mesdames, que vous vouliez que vos enfants aient un peu de rêve, rêve. Moi, je pense que ce n'est pas seulement que du rêve dont ils ont besoin, mais c'est aussi une vie et une vie normale. Il faut le souhaiter. Il faut aussi que ça réussisse à un moment donné.
Cependant, je me rends compte que c'est compliqué lorsque, par exemple, on ne peut pas avoir l'aide de ses propres parents, parce que souvent notre problème vient du fait que nos parents, pendant un certain temps, ne nous ont peut-être pas tout à fait donné, pour toutes sortes de raisons, remarquez, ce qui aurait été souhaitable ou à cause de mauvaises expériences. Cependant, avant qu'on aille aux familles d'accueil, suite à votre expérience, est-ce que, par exemple, d'autres membres de votre famille, des grands-parents ou encore d'autres tantes, oncles ou quoi que ce soit... Si, par exemple, ils avaient eu l'aide ? l'aide financière, souvent c'est ce qui fait défaut ? est-ce que vos enfants ou les enfants auraient pu être dans ces familles au lieu, par exemple, dans des familles d'accueil? Et comment, par exemple, aussi les parents peuvent aider? Parce que c'est toujours une période... Comme vous avez réussi à vous en sortir, ça a été une période parfois, pour plusieurs, plus ou moins longue, et cette dérive, parfois, elle est plus longue pour certains que d'autres. Moi, je vous félicite d'avoir réussi à vous en sortir, et de vouloir vous en réussir, et de bûcher pour y arriver. Et je suis persuadée que vous allez y arriver, mais, en même temps, il y a aussi des suites et il y a aussi des enfants qui doivent être pris à la base, parce que, si ces enfants-là ne reçoivent pas très tôt dans leur jeunesse, même à partir de la prématernelle, de la maternelle et ainsi de suite... ils auront peut-être certains problèmes.
Alors, pouvez-vous me dire si, par exemple, d'autres membres, entre autres, de la famille pourraient aider dans des cas comme ça? Une ou l'autre. Oui, Mme Tizzart.
Mme Tizzart (Sarah): Bien, moi, premièrement, je n'ai pas de famille au Québec.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah bon.
Mme Tizzart (Sarah): Ils sont tous à l'extérieur, très loin à Terre-Neuve, donc je n'ai que ma mère et mon frère. Mon frère est reparti là-bas, donc je n'ai aucun appui. Le seul appui que j'ai réussi à trouver, c'est justement en allant dans les maisons de la famille comme Interaction familles.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Et Mme Cronier.
Mme Cronier (Nicole): Pour ma part, la famille, il en reste très peu en Gaspésie. Les autres sont pas mal tous à Lachine sur l'aide sociale aussi. Il n'y a plus de grands-parents, il n'y a plus... Ma mère, qui nous a élevés, est aussi sur l'aide sociale, donc qui est la grand-mère de mes enfants, qui ne peut pas faire bien, bien plus. Mais je pense que, si maman aurait eu les moyens de nous laisser aller à l'école plus longtemps, qu'elle l'aurait fait avec plaisir. Si j'ai lâché l'école, c'était pour aller travailler pour effectivement apporter de l'argent à la maison. Donc, il a fallu que je laisse l'école. Puis ça n'avait jamais été vu important à la maison, mais, s'il y aurait eu l'aide qu'on peut retrouver aujourd'hui dans des maisons comme Interaction familles, ça lui aurait fait énormément plaisir que je continue à aller à l'école puis que j'aie un métier.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mais comment peut-on aider les enfants, par exemple, dont la mère, qui est monoparentale bien souvent, qui, bon, a un problème de drogue, entre autres... Comment peut-on faire... Alors que la famille n'est pas là, la famille est absente, comment peut-on faire à part aider ces enfants dans des familles d'accueil, par exemple, les placer dans des familles d'accueil lorsque dans... C'est un peu à la limite, là, mais qu'est-ce qu'on peut faire? Est-ce qu'il y a d'autres solutions? Mme Rhéaume.
Mme Rhéaume (Marie): Moi, ce que j'aurais envie de répondre, le Conseil canadien de développement social a fait une étude à la fin des années quatre-vingt-dix où on évalue que finalement ce qui a le plus d'impact sur l'ensemble des difficultés que les familles peuvent rencontrer, c'est d'avoir un revenu décent qu'eux établissent à 40 000 $ annuellement pour une famille de quatre personnes. Donc, quand on voit des familles qui se débattent avec des revenus en bas de 15 000 $, je pense que, dans la société actuelle, il y a comme un problème qui est déjà juste structurel au niveau du revenu minimum dont ces personnes-là disposent, là. Alors, dans cette étude-là, ils étudiaient 28 facteurs, dont les problèmes de drogue, les problèmes... Et il y avait une réduction de l'incidence de ces facteurs-là à 80 % à partir du moment où les revenus étaient un peu plus consistants.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Vanier, un complément de réponse.
Mme Vanier (Louise): Oui. Peut-être un complément de réponse auquel ici vous n'êtes pas habitués, là, mais on va aller au niveau des valeurs et des connaissances que j'en... J'ai 30 ans de vie communautaire avec les familles, et les familles qu'on dit exclues autant ici, au Québec, qu'en tiers-monde, et mon expérience, si minime soit-elle pour l'ensemble de la communauté ici, moi, j'y tiens à cette expérience et à cette expertise que j'ai développée. Et, malgré les difficultés majeures que les familles peuvent vivre, jamais... Je n'ai jamais rencontré une famille, une mère, un père qui ne voulait pas le meilleur pour ses enfants et qui ne voulait pas à tout prix se doter de tous les moyens, les outils. Et, malgré une famille, oncle, tante, bon, en tout cas, distants ou, en tout cas, peu présents, ils ont toujours trouvé, entre eux... Parce que la famille, ça peut être une famille élargie, là, hein, la famille des organismes communautaires, la famille d'un quartier, la famille d'un village, ils ont toujours trouvé entre eux des sources de soutien et de support.
Mais la seule chose qu'ils ne veulent pas... Et ça, c'est clair, on ne veut pas qu'on leur enlève leurs enfants. Et on ne veut surtout pas qu'on les prenne pour des cruches qu'on remplit et qu'on ne leur donne pas ce potentiel, cette richesse, cette reconnaissance qu'ils sont capables de donner à leurs enfants. Ils sont capables d'enseigner à leurs enfants, ils sont... Il faut un soutien, mais bien légitime, bien limite à la rigueur, parce que, dans nos organismes communautaires ? et, moi, je le dis toujours ? il n'y a pas une journée que je n'apprends pas de ces gens-là. Et ils apprennent les uns des autres, comme nous, on apprend d'eux autres. Et c'est ma fierté de me coucher à tous les soirs en ayant cette certitude-là que, malgré tout l'emphase de leurs problèmes, ils sont quelqu'un.
Et je crois qu'une société qui se tiendrait debout, ce serait aussi une société qui les reconnaîtrait comme quelqu'un et non pas en les bourrant d'intervenants et de ressources extérieures, mais en les soutenant pour graver ensemble cette famille-là et maintenir cette famille-là. Et tous les enfants qu'on a mis en famille d'accueil, je l'ai souvent dit qu'ils sont retournés chez eux, parce que malgré un... C'est le regard de la société qui fait que leur père ou leur mère ne sont pas considérés, mais, pour des coeurs d'enfants, leur mère, ça demeure toujours leur mère. Et c'est un cri du coeur que ces enfants-là disent: On veut rester dans notre famille. Et j'ose espérer qu'on le comprend et on va tout faire pour les soutenir, pour les aider pour qu'ils restent en famille.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je constate que vous avez une définition beaucoup plus élargie de la famille, qui est la grande famille communautaire également, dont on doit avoir, à un moment donné, le support. Alors, mon collègue, je vous cède la parole, collègue député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Moi, chaque fois qu'on a des témoignages comme celui que vous apportez ici, je me sens ? et je pense que je parle au nom de l'ensemble de mes collègues ici ? très, très humble, parce que finalement le courage que ça prend de non seulement venir puis en faire part, mais de passer à travers la réalité que vous vivez, c'est un courage qui relativise beaucoup le travail qu'on fait ici, et ça nous ramène sur l'essentiel. Et l'essentiel, c'est: Qu'est-ce que, de façon concrète, on peut faire pour que des personnes qui vivent des situations comme celles que vous nous apportez ici puissent commencer à sentir un certain espoir?
Parce que, à travers les témoignages, moi, ce que j'ai senti, c'est comme si les efforts que vous êtes prêts à faire... que vous êtes découragés finalement. Vous tournez à gauche et à droite, et il n'y a pas d'appui, il n'y a pas de support. Vous vous sentez laissés tout seuls.
n(11 h 30)n En dépit de tous les beaux discours qu'on peut faire ici, et je n'entrerai pas dans... Parce que la pire chose qu'on pourrait faire, à mon point de vue, c'est de vous dire qu'on va adopter une loi, et tout va être réglé. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, il va rester énormément de problèmes. C'est une bonne affaire que la société puisse commencer, de façon structurée, à regarder la question de la pauvreté, mais il faut qu'on arrête de dire aux gens aussi que, tu sais, on est beau, puis on est fin, puis on va tout régler, parce que ce n'est pas vrai.
Et quand je constate le désespoir... Pas le désespoir, l'acharnement avec lequel vous voulez garder l'espoir, moi, je dis: La seule chose qu'on peut faire, c'est de vous demander, de façon concrète, dans la réalité... Et vous avez mentionné, par exemple, le fait que, chaque fois qu'on va chercher un revenu supplémentaire, bien on l'enlève de l'autre côté. Ça, on l'a identifié. Il y a quand même des choses qu'il faut absolument qu'on change, nous, de ce côté-ci, parce qu'il faut que ça devienne payant, entre guillemets, de sentir qu'en faisant une démarche qui nous amène vers une autonomie financière de continuer dans ce sens-là. Et on voudrait effectivement reformuler, refondre tous les programmes dans un seul programme qui vise à faire un genre de continuum entre une situation de dépendance totale, si vous voulez, où tout est reçu de la part de l'aide sociale vers un travail autonome en facilitant l'accès à des instruments qui permettent aux gens de sortir de ce cercle vicieux qu'est souvent l'aide sociale et, de plus, d'être appuyé une fois sur le marché ou s'en allant vers le marché financièrement pour que les gens sentent que ça vaut la peine de continuer ces efforts-là.
Et je constate aussi qu'il y a un genre de sentiment de complexité épouvantable par rapport à la bureaucratie qui est là, donc vous vous tournez vers des gens qui vivent des mêmes situations, les groupes communautaires, et vous réclamez à juste titre que ces groupes, dont vous, soient associés à l'élaboration de ces programmes-là. Est-ce que vous avez des... Comment je peux dire, là? Cette recherche d'aide, où est-ce que vous pourriez la trouver le plus facilement? Et est-ce qu'on pourrait, par exemple, donner plus de compétences et de pouvoirs aux groupes communautaires, peut-être selon certains modèles qu'on a déjà expérimentés ici, pour qu'ils aident les gens à se prendre en charge eux-mêmes? Ou est-ce que... En tout cas, j'aimerais juste vous donner un peu le plancher sur cette...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, qui veut répondre à cette question? Mme Rhéaume, oui.
Mme Rhéaume (Marie): Bien, il y a deux questions. La première question, c'est au sujet des différentes mesures. Ce matin, en s'en venant, Sarah nous racontait qu'il y avait une mesure, actuellement, qui consistait à soutenir des gens qui étaient sur l'aide sociale et qui se retrouvaient en emploi où on avait 300 $ la première année, 200 $ la deuxième année et 100 $ par mois de soutien supplémentaire pendant la troisième année, et il semblerait que cette mesure-là va être coupée alors que c'était justement une mesure qui était nettement incitative, là, pour le retour au travail. Ça, c'était la première question.
La deuxième question, ça concernait le rôle que les organismes communautaires pouvaient jouer ou... Je crois que ce qu'on a comme exemple, nous, à la Fédération, dans les 17 régions du Québec, c'est des organismes... Soit dit en passant, on regroupe 190 organismes, c'est quand même un échantillon valable, là. Il y a des gens qui font, avec les maigres budgets qu'ils ont, un soutien inestimable dans leur communauté auprès des familles, qui aident ces familles-là à se reprendre en main, à se reprendre en charge. Je ne sais pas de quelle manière, là, je pourrais... Je ne sais pas si Louise pourrait donner des exemples, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Rapidement, puisque que le temps mis à notre disposition est déjà écoulé. Oui, Mme Vanier.
Mme Vanier (Louise): Ah, je voulais juste dire que c'est bien sûr qu'en me posant la question comme ça vous m'ouvrez la porte à dire que les organismes communautaires familles, particulièrement ceux-là, pourquoi ils ont un taux de fréquentation, un taux aussi de... Parce que Sarah et Nicole ont témoigné, c'est parce qu'elles ont été dans des lieux comme ça qu'elles ont pu retrouver l'énergie, la force et le courage. Je pense que c'est toute une question de regard qu'on porte sur les gens.
Dans les maisons de la famille, c'est un milieu de vie. Alors, un milieu de vie, ce n'est pas une aide matérielle, mais c'est vraiment un regard qu'on porte sur les personnes. Elles s'entraident entre elles, et ça en fait ? et la preuve est ? des meilleurs citoyens et des meilleures personnes engagées au niveau de leur école, au niveau de... parce que le regard qu'on leur porte, c'est qu'on les regarde comme étant des gens capables, avec du potentiel, du savoir-faire, du savoir-être. Et on n'est pas seulement dans la gestion des problèmes, parce que, d'abord, ils ne sont pas des problèmes, ils ont des problèmes. On n'est pas dans la gestion des problèmes, on est dans la reconnaissance de toutes les qualités et du potentiel. Et on sait très bien qu'il faut une réussite à un moment donné dans sa vie, si minime qu'elle soit, pour donner un élan pour confronter tout le reste de notre vie. Et, quand elles trouvent ça dans les maisons de la famille, bien c'est assez fort pour, malgré les obstacles, qu'une Sarah continue à étudier. Maintenant, on espère toujours qu'il y aura une formule d'école plus souple et plus adaptée, là, mais je dirais que les maisons de la famille, c'est un milieu de vie, un haut lieu où les personnes s'identifient, se reconnaissent et se réimpliquent dans la société, et ça, c'est un... Ils se reconnaissent comme des citoyens et citoyennes à part entière comme l'ensemble des gens.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Vézina. Alors, M. le député de Laurier-Dorion, j'ai bouffé une bonne partie de votre temps malheureusement, alors le temps mis à votre disposition... Maintenant, il ne me reste qu'à vous remercier au nom de tous les membres et vous dire que nous avons entendu votre cri de coeur, et nous vous souhaitons bonne chance et espérons qu'on trouvera solution à vos problèmes. Merci.
Alors, je demanderais aux représentants de l'Union des municipalités du Québec de bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 11 h 38)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je salue les représentants de l'Union des municipalités du Québec représentée par M. Bernard Gagnon, qui est maire de Saint-Basile-le-Grand et président ex officio de l'UMQ, de même que Mme Aline Laliberté, conseillère en politique de main-d'oeuvre, Direction des politiques.
Alors, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, je cède la parole à M. Gagnon.
Union des municipalités du Québec (UMQ)
M. Gagnon (Bernard): Merci, Mme la Présidente. Mmes les ministres, secrétaire d'État, Mmes et MM. les députés, effectivement, je vous remercie de nous donner la possibilité d'exprimer, au nom de l'Union des municipalités du Québec, notre point de vue relativement à ce projet de loi là. Je suis accompagné de Mme Laliberté, comme Mme la Présidente vous l'a bien mentionné, donc, conseillère aux politiques et en main-d'oeuvre à l'Union des municipalités du Québec.
Je pense que tout le monde a reçu une copie du mémoire comme tel. D'entrée de jeu, j'aimerais peut-être attirer l'attention de la commission sur un élément plus général, mais qui apparaît même au niveau du projet de loi comme tel, qui est la définition qu'on accorde au mot «pauvreté». Alors, à son article 2, on y indique que la pauvreté est «la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique et favoriser son inclusion active dans la société québécoise».
n(11 h 40)n Alors, il nous est apparu un certain inconfort avec cette partie de la définition qui dit «privé de manière durable», ce qui implique une certaine idée de constance, de permanence, de stabilité, de profondeur, de persistance, de ténacité, d'enracinement également important, réduisant ainsi, à notre point de vue, un peu le champ d'activité où la loi pourrait trouver application, indiquant également du même coup que ça semble éliminer la pauvreté plus conjoncturelle, plus ponctuelle et qui, par ailleurs, pourrait être même sur une base conjoncturelle ou ponctuelle... pourrait être fréquente et même récurrente, donc laissant en plan un pan important des personnes que l'on veut aider. Bien sûr, l'ensemble des actions et des décisions qui sont prises en vertu de la loi le seront par probablement réglementation, directives, décisions, et si on assoit carrément l'ensemble des interventions de la loi sur une définition qui nous apparaît exclure une partie importante des personnes qui pourraient bénéficier d'une aide comme telle... Je ne crois pas que c'est l'objectif, mais ça nous est apparu nous donner un certain inconfort de voir que cette définition-là aille jusqu'à parler de «condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable». Je pense que le terme «durable» m'apparaît fort dans les circonstances et, possiblement, devrait être nuancé.
Globalement et d'entrée de jeu, je représente l'Union des municipalités. Donc, avec ses quelque 200 membres et comptant plus de 6 millions de citoyens, l'UMQ représente le monde municipal dans toute sa diversité. Elle appuie et supporte ses membres en intervenant en leur nom et en les tenant informés sur les développements de la scène municipale, en leur donnant la possibilité d'influencer ensemble le cours des décisions dans le meilleur intérêt des citoyens. Reflétant en cela de plus l'évolution de la pensée et de l'action municipale des dernières années, l'Union mène à bien différents mandats de services auprès de ses membres, favorisant ainsi une saine gestion des deniers publics.
D'entrée de jeu, Mme la Présidente, je tiens à vous dire que l'Union des municipalités du Québec partage la vision du gouvernement du Québec et qu'elle donne son appui au projet de loi n° 112 avec les commentaires qu'on vient vous livrer ici aujourd'hui. Toutes les municipalités québécoises, mais certaines plus que d'autres, sont mises en présence de groupes sociaux à risque de pauvreté. Elles connaissent bien les conséquences sociales du chômage ou de l'itinérance, puisqu'elles sont sollicitées à tous les jours et qu'elles doivent, de ce fait, initier une multitude programmes pour satisfaire les besoins de la collectivité. Elles deviennent donc partenaires avec le réseau de la santé et des services sociaux dans la prestation de services aux citoyens aux prises avec des problèmes de pauvreté.
Bien qu'il appartienne au gouvernement supérieur de répartir la richesse collective, les municipalités, en tant que moteur de développement économique, sont fortement préoccupées par l'activité économique de leur territoire et de leur région et particulièrement touchées par les faibles niveaux de revenus et les hauts taux de chômage.
Est-il besoin de le rappeler, que le monde municipal a connu des transformations majeures au cours des dernières années, des dernières décennies? Les structures politiques, le transfert des responsabilités du palier supérieur au palier local, la facture visant l'atteinte du déficit zéro, la fiscalité, l'évolution des besoins des citoyens, pour ne nommer que ces quelques sujets, ont considérablement modifié le visage des municipalités québécoises. Aujourd'hui, elles sont amenées à intervenir sur le front de la diversification économique, des services adaptés à une population vieillissante, de soutien à la famille et de la rétention de la population pour contrôler l'exode des jeunes en région, et j'en passe.
Les fonctions des municipalités, liées à l'origine aux services à la propriété, ont fait place depuis longtemps à des fonctions de services aux personnes. Elles ont été amenées à oeuvrer en étroite collaboration avec les niveaux supérieurs de gouvernement dans les domaines sociaux comme l'assistance publique, l'hygiène, la santé publique. Les nombreux transferts de responsabilités du gouvernement provincial en matière sociale, environnementale et économique et une demande accrue des citoyens pour des services spécifiques ont fait en sorte que les municipalités offrent un éventail de services qui n'a plus aucune commune mesure avec les services offerts il y a 25 ans, je dirais même il y a 10 ans.
L'amélioration de la qualité de vie du citoyen fait maintenant partie de la gestion quotidienne des municipalités. Les mesures mises en place pour aider certains groupes démontrent qu'elles sont déjà bien engagées dans des actions pour aider leur population et, par ricochet, pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Pensons tout simplement aux nombreux centres de bénévolat qui existent partout sur le territoire québécois, l'ensemble des politiques de subvention des municipalités à différents groupes sociaux, communautaires, l'intervention des municipalités dans les secteurs jadis réservés uniquement au niveau du gouvernement. Les premiers répondants médicaux, par exemple, en sont des exemples.
Il va de soi que la redistribution de la richesse appartient majoritairement à l'État. Cependant, les moyens doivent relever des individus des instances organisationnelles qui sont les plus près des citoyens, c'est-à-dire les municipalités. Il n'existe pas de solutions faciles pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Les municipalités sont confrontées à une économie insuffisamment diversifiée, à un contexte mondial difficile dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles et une globalisation des marchés. Malgré tout cela, elles doivent demeurer compétitives sur les marchés internationaux afin d'attirer et de conserver les entreprises et les talents.
Ainsi, en matière de développement économique, les élus ont vu leur rôle évoluer de celui de gestionnaire de services à celui de développeur. Les municipalités apportent une large contribution tant pour l'aide technique aux entreprises, pour la création et l'entretien des parcs industriels, pour la participation des fonds d'investissement que pour la promotion économique et touristique. Lorsqu'elles attirent des investisseurs créateurs d'emplois, celles-ci jouent un rôle actif dans l'économie locale. En revanche, elles n'ont pas accès aux incitatifs qui compenseraient leurs efforts, leur permettraient plus de souplesse financière et fiscale pour concevoir des programmes et services spécifiques qui répondraient aux attentes de leur communauté. Les municipalités, condamnées à fournir de plus en plus de services de toutes sortes, voient en même temps leur principale source de revenus de taxation foncière subir un ralentissement de la croissance de ses bases, alors que finalement l'ensemble des coûts d'opération augmentent, on le voit très bien expliqué à l'intérieur du mémoire.
Qui plus est, les actions du gouvernement en matière de décentralisation se sont traduites au cours des dernières décennies par la superposition d'une multitude de structures et par l'adoption d'un volume sans précédent de textes législatifs et réglementaires, et les décideurs municipaux sont désormais confrontés à adapter les structures municipales et à les doter de compétences et de pouvoirs suffisants pour répondre avantageusement à l'enjeu majeur de maintenir et d'accroître la vitalité et la prospérité des collectivités. En un mot, pour assurer pleinement leur rôle, dont celui de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, les municipalités doivent obtenir de nouvelles sources de revenus fiscales qui mettraient fin à leur fragilité financière et renforceraient leur capacité de développement. C'est sur cette toile de fond que je vous ferai maintenant part brièvement de la position de l'Union vis-à-vis les cinq orientations proposées dans le projet de loi n° 112 à son l'article 6.
Alors, au niveau de la première orientation, qui est de favoriser le développement du potentiel des personnes, l'UMQ partage les orientations gouvernementales quant au développement du potentiel des personnes. Pour nous, la formation est une mesure absolument nécessaire pour lutter contre la pauvreté. L'acquisition de connaissances et le développement de la compétence sont les assises de l'accessibilité au marché du travail qui amène, dans la majorité des cas, une atténuation des inégalités sinon une amélioration des conditions de vie, une intégration du citoyen à la vie collective et un moyen de parvenir à l'autonomie financière. Le gouvernement doit consentir un effort soutenu au décrochage scolaire et mettre en place des mesures qui favoriseront la réussite des jeunes à l'école.
Mais le développement des compétences et du potentiel des individus ne se fait pas seulement sur les bancs d'école. À ce titre, les municipalités sont d'importants employeurs d'étudiants et offrent des stages en milieu de travail, permettant ainsi l'acquisition de compétences et l'insertion en emploi. En offrant une place aux jeunes, elles contribuent à développer leur sens de la citoyenneté.
Par contre, l'Union rappelle que plusieurs opportunités d'emploi sont gâchées en raison de contraintes contenues dans les conventions collectives des travailleurs municipaux. Le principe d'exclusivité des tâches prévu dans les conventions collectives cantonne le travail aux seuls salariés de la municipalité. Pour obtenir plus de souplesse, l'Union demande que des modifications législatives permettent aux employeurs municipaux de jouer un rôle encore plus actif dans le développement des compétences. Ces modifications permettraient l'embauche d'étudiants et de stagiaires pour des travaux qui ne sont pas exécutés habituellement par les travailleurs municipaux. Actuellement, de telles initiatives sont tributaires d'une acceptation dans chacun des cas par la partie syndicale.
Enfin, pour les activités qu'elles organisent, les municipalités mettent sur pied des conditions favorables à la réussite scolaire en offrant aux jeunes des activités éducatives, culturelles, sportives qui les aident à développer leur potentiel, à se structurer et à se présenter correctement à l'intérieur du grand cadre de la société.
Deuxième orientation, renforcer le filet de sécurité sociale et économique. Bien que les municipalités aient compétence en matière d'habitation et contribuent par différents programmes à permettre de nombreux ménages à faibles revenus d'accéder à un logement, le gouvernement exerce un rôle prédominant dans le domaine du logement en général et du logement social en particulier. Nous en avons beaucoup entendu parler au cours des derniers mois, les grands centres urbains connaissent une crise du logement. Toutes les prévisions, tant du gouvernement du Québec que des constructeurs d'habitations, laissent penser que la pénurie de logements locatifs s'aggravera au cours des prochaines années, et ce, malgré les programmes de construction de logements à prix abordable mis en oeuvre par les gouvernements provincial et fédéral.
Nous croyons que des incitatifs financiers et fiscaux favorisant les entrepreneurs en construction devraient être envisagés afin que ces derniers puissent construire des logements à prix abordable. Une croissance dans le domaine de la construction ferait en sorte que le coût de telles mesures serait nul pour le gouvernement compte tenu des autres rentrées d'argent qu'elles provoqueraient.
Aussi, pour favoriser également l'accès à la propriété, l'Union des municipalités du Québec demande, à l'instar des mesures qui sont en vigueur présentement aux États-Unis, d'adopter des dispositions législatives pour permettre à une catégorie de citoyens de déduire de leur déclaration d'impôt sur le revenu les taxes foncières ainsi que les intérêts des prêts immobiliers. Cette mesure aurait pour effet de limiter le niveau d'endettement des ménages accédant à la propriété et pourrait être une mesure préventive, justement, à la pauvreté.
n(11 h 50)n Troisième orientation, favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail. L'Union appuie cette orientation et considère que la vitalité et le développement de notre société passent par une économie qui offre de bonnes perspectives d'emploi. Il faut toutefois rappeler que les municipalités qui soutiennent le développement économique de leur région sont toujours en attente d'un retour sur l'investissement qu'elles ont consacré au dynamisme régional. La réforme municipale, on s'en souviendra, de 1997 a effectué, dans les coffres des municipalités, une ponction de plus d'un milliard de dollars. En 2000, le gouvernement s'est approprié la taxe sur les entreprises de télécommunications, le gaz et l'électricité qui représente une perte annuelle de revenus de 380 millions de dollars pour les gouvernements locaux. Les municipalités ont donc été franchement pénalisées par cette réforme, puisque les dépenses consacrées au développement économique, dépenses qui avaient un effet de levier sur l'économie, ont été taxées par le gouvernement. Effectivement, la facture Trudel, comme on s'en rappelle, faisait payer une partie estimée à 5,8 % des dépenses moins les endettements des municipalités. Plus on dépensait, plus on était donc taxé dans l'ensemble des activités d'intervention économique dans nos localités respectives.
Les grandes orientations de la Politique nationale de la ruralité visent aussi à stimuler et à soutenir le développement durable et la prospérité des collectivités rurales par la consolidation et le développement de l'emploi dans ces collectivités. Cependant, si les retombées des investissements effectués par les municipalités ne se concrétisent pas, l'Union craint que certaines municipalités se retrouvent dans une situation difficile au niveau de leur plan de rentabilité économique et, par conséquent, de l'ensemble de leur plan concernant la taxation foncière.
Quant à la conciliation travail-famille, en mai dernier, l'Union des municipalités du Québec mentionnait, dans ses commentaires sur le document de consultation intitulé Revoir les normes du travail au Québec: un défi collectif, que les employeurs municipaux étaient sensibles et ouverts à cette problématique de conciliation du travail avec des responsabilités familiales et la vie personnelle. Plusieurs d'entre elles ont mis en place des mesures et adopté une politique familiale favorisant la famille. Nous croyons que la conciliation travail-famille permettra à notre société de mieux faire face au phénomène du vieillissement de la population et peut devenir pour un employeur l'opportunité de contribuer à améliorer le climat de travail et à renforcer le lien d'appartenance de ses travailleurs. La conciliation travail-famille doit devenir le leitmotiv des employeurs, donnant ainsi aux jeunes travailleurs le choix de concevoir des enfants avec la certitude qu'ils seront appuyés en cela par des mesures qui leur permettront d'assumer entièrement leur rôle parental.
Au niveau de la quatrième orientation, qui est de favoriser l'engagement de l'ensemble de la société, en adoptant sa Politique de soutien au développement local et régional, le gouvernement veut permettre aux milieux locaux et régionaux de prendre en main leur développement et d'assurer l'adaptation locale des politiques et des programmes gouvernementaux. L'histoire a démontré que des projets issus du milieu et appuyés par celui-ci avaient un taux élevé de réussite. Une réforme globale de la fiscalité des municipalités est cependant essentielle pour donner aux décideurs les outils requis pour le développement social et économique de leur collectivité. On donnera certains exemples dans les conclusions à la fin.
L'UMQ tient à souligner que les municipalités ont consacré des efforts énormes au développement de la qualité de vie de leurs citoyens. L'organisation des loisirs et l'accessibilité aux bibliothèques ont été les premiers jalons du développement social de la communauté. L'engagement de milliers de bénévoles en milieu municipal a permis à des citoyens de sortir de leur isolement social et de participer à la vie municipale. Outre le fait que ces activités contribuent à améliorer la qualité de vie des citoyens, elles permettent de contrer l'isolement social, de prévenir la délinquance et ont un effet certain sur le développement physique et mental de la population.
Quant à l'implication des municipalités dans l'action communautaire, de nombreux projets en collaboration avec les organismes communautaires ont permis la mise sur pied, entre autres, de projets de cuisine ou de jardins communautaires, de comptoirs familiaux, d'activités de rencontre, de formation, et j'en passe. Ces activités favorisent, on le sait bien, la participation des citoyens et rejoignent les personnes en situation de pauvreté.
Au niveau du dernier élément, assurer la constance et la cohérence de l'action à tous les niveaux, l'UMQ est satisfaite que le gouvernement veuille associer tous les partenaires pour la création d'un comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale où des représentants seront issus, entre autres, du milieu municipal. Les élus municipaux sont les leaders de leur collectivité et ils connaissent bien les besoins de leur population. Les représentants des municipalités sont disponibles pour travailler à préciser les enjeux soulevés par l'énoncé de politique déposé par la ministre et veulent s'assurer que les programmes et les mesures mis en place en matière de développement économique des régions, de logement ou d'aide à la jeunesse et aux aînés se traduiront par des résultats concrets pour leur population.
Pour rencontrer l'objectif de mobilisation collective et pour une question d'efficacité et de saine gestion des fonds publics, l'Union des municipalités du Québec souhaite que l'Observatoire de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale soit constitué de professionnels et d'employés déjà à l'emploi des différents ministères et organismes intervenant en matière de lutte contre la pauvreté. Les ressources doivent, à notre point de vue, être concentrées d'abord et avant tout sur la problématique et non sur les structures et l'administration.
Bien sûr, d'entrée de jeu, j'ai fait le commentaire, donc, que refais en conclusion, concernant la définition du terme «pauvreté», que l'on retrouve à l'article 2. L'Union aurait souhaité probablement avoir une définition qui soit plus englobante. Cette dernière nous semble éliminer la pauvreté plus conjoncturelle, plus ponctuelle, mais qui, par ailleurs, pourrait être fréquente et même récurrente dans plusieurs cas, causant des problèmes aussi importants que ce qu'on appellerait pauvreté qui est la situation dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable. Je pense que les deux comportent leur lot de problèmes.
Alors donc, dans un premier point...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagnon, s'il vous plaît, en terminant.
M. Gagnon (Bernard): Oui. En terminant, en fait ce sont les conclusions et ce sont les différentes mesures. Bien sûr, d'obtenir, pour les municipalités, les ressources fiscales adéquates pour faire l'intervention; que l'État consente un effort soutenu au décrochage scolaire; que le gouvernement adopte des modifications législatives permettant aux employeurs municipaux d'embaucher des étudiants et des stagiaires; que des incitatifs financiers et fiscaux favorisent les entrepreneurs en construction et qu'il y ait des dispositions législatives qui permettent à une catégorie de citoyens de déduire de leur déclaration d'impôt sur le revenu les taxes foncières ainsi que les prêts sur les emprunts immobiliers; que la conciliation travail-famille soit privilégiée; et qu'un siège soit réservé au monde municipal, notamment au niveau de l'Union des municipalités du Québec, sur le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté; et que l'engagement des municipalités à travailler à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale n'entraîne pas un désengagement de l'État.
Alors, globalement, Mme la Présidente, de façon forcément résumée et avec une élocution un peu rapide, voici, je vous remercie de...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, M. Gagnon, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Mme Léger: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Gagnon. Bonjour, Mme Laliberté. Alors, merci pour votre mémoire et d'être ici présents. Et, dans toute cette... je pourrais dire, cette démarche d'un projet de loi visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, il est évidemment important que l'Union des municipalités soit là, soit présente puis collabore dans toute cette lutte-là. Souvent, on instaure nécessairement au gouvernement, ou à des groupes communautaires, ou à des groupes sociaux toute cette lutte-là contre la pauvreté, mais, effectivement, il y a beaucoup de monde qui peuvent lutter contre la pauvreté et, particulièrement, les municipalités. Vous êtes un milieu de vie gouvernemental, disons, qui est le plus près des familles, en fin de compte, le plus près de leur communauté, alors il est doublement important que... Vous, vous êtes interpellés comme collaborateurs et partenaires importants pour cette lutte contre la pauvreté.
Vous avez participé aussi à plusieurs... je pourrais dire, plusieurs étapes de cette stratégie-là, mais aussi de toute la partie famille, là, que je reviendrai tout à l'heure. Vous avez mis, les municipalités, beaucoup... Vous avez instauré quand même beaucoup d'incitatifs, celui de la famille particulièrement, mais aussi du soutien aux familles plus démunies par des tarifs familiaux, par du transport, par l'aide assez importante, parfois, des groupes communautaires qui vont souvent voir les municipalités pour avoir davantage de soutien, que ce soit des infrastructures, que ce soit, bon, de toute forme.
Dans votre mémoire, vous vous préoccupez de l'amélioration, vous dites, de la qualité de vie du citoyen dans l'éventail de services qui leur sont offerts, mais cette orientation va aussi dans le sens de la nouvelle législation municipale qui demande aux grande villes, entre autres, d'établir des plans de développement social, économique, culturel et communautaire. Dans notre orientation, particulièrement, afin de favoriser le développement du potentiel des personnes, vous soulignez que l'intérêt au développement des compétences et du potentiel des individus doit se faire ailleurs qu'à l'école. Tout ça en sachant que vous dites aussi que c'est important que le gouvernement... souhaite que le gouvernement donne des efforts, en tout cas, encore plus soutenus pour favoriser la réussite scolaire.
Donc, c'est deux... Ils ne sont pas contradictoires un et l'autre, autant que ça doit se faire ailleurs qu'à l'école, mais autant aussi de favoriser cette réussite scolaire là. On sait, comme gouvernement, qu'au départ, bon, les commissions scolaires linguistiques ont été mises sur pied; amélioré le curriculum, là, tel quel, les programmes au niveau de l'éducation; la formation continue, la politique de formation continue qui vient d'être mise sur pied; la lutte au décrochage scolaire qui est importante puis qu'on retrouve dans la stratégie nationale; les programmes professionnels et l'aide particulièrement aussi aux écoles plus défavorisées.
Alors, j'aimerais vous entendre particulièrement sur c'est quoi... Comment vous voyez davantage d'efforts soutenus que vous voulez que le gouvernement fasse davantage pour la réussite scolaire? Tout en vous amenant aussi... Qu'est-ce que vous voulez dire particulièrement, doit se faire ailleurs qu'à l'école? Vous proposez qu'il y ait des étudiants, il y ait des jeunes, des emplois et des stages en milieu de travail en tant qu'employeur. Donc, je vais vous demander un peu d'élaborer à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagnon.
n(12 heures)nM. Gagnon (Bernard): Merci, Mme la ministre. Écoutez, globalement, c'est certain que le monde municipal n'est pas spécialisé dans l'ensemble des questions qui touchent la formation. Ce n'est pas un de nos sujets de préoccupation, un de nos sujets de juridiction comme tel.
C'est clair que, d'entrée de jeu, la formation est un élément majeur. Les municipalités interviennent, d'abord et avant tout, surtout à cet égard-là, en termes de stages ou d'expériences pertinentes plus ponctuelles au niveau de ceux qui auront un jour à se trouver un emploi sur une base plus régulière au niveau de la société. Et c'est à cet égard-là que les commentaires vous sont faits au niveau du mémoire de donner effectivement, sur une base peut-être législative, la possibilité aux municipalités de recevoir de ces jeunes en formation, en complément de formation pratique ou en formation pratique tout simplement au niveau municipal pour des périodes estivales, pour des périodes temporaires, pour des périodes à l'essai, de donner aux municipalités cette possibilité-là. Parce que, actuellement, globalement, même s'il y a une volonté municipale de faire une intervention en formation sur le tas, en formation pratique comme telle, il est difficile souvent, quand c'est possible, et il est souvent impossible de recevoir ces gens-là dans le contexte des conventions collectives connues. Il y a beaucoup d'enfarges à cet égard-là, et c'est toujours complexe, et c'est de retourner à chaque fois aux autorisations très ponctuelles de cas à cas, ce qui empêche, finalement, dans une certaine mesure, une planification et une approche municipale de formation pratique globale. Ça nous place dans des situations où on travaille davantage à permettre l'établissement d'une personne, qu'on va travailler sur le fait de vouloir recevoir les gens en formation pratique au niveau municipal.
Donc, dans ce contexte-là, les municipalités se sentent un peu encarcanées, se sentent contraintes par une situation de relations de travail existantes et donc ont beaucoup plus de difficultés, le cas échéant, à présenter, à adopter des programmes complets en matière de formation pratique et qui peuvent être très intéressants, il faut le dire, pour les municipalités aussi. Énormément de travail ponctuel est nécessaire et requis à certains égards. Nous n'avons pas besoin nécessairement d'une main-d'oeuvre régulière, mais une main-d'oeuvre ponctuelle dans des circuits et dans des créneaux très précis est toujours bienvenue à l'intérieur de l'ensemble des municipalités du Québec, mais avec les problèmes auxquels on fait référence. Si on est pour avoir une politique globale, autant soulever les irritants. C'est ce qu'on fait dans notre mémoire à cet égard-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.
Mme Léger: Oui. Parce que vous parlez de main-d'oeuvre ponctuelle, c'est pour ça que vous l'associez particulièrement aux jeunes, aux jeunes particulièrement, par des emplois ou par des stages, là, le lien que vous voulez faire.
Vous avez participé quand même beaucoup dans le plan concerté pour la famille. Les municipalités ont beaucoup collaboré à comment davantage aider les familles puis à trouver, dans le fond, ensemble à ce qu'on puisse être un petit peu plus... plus de cohésion, plus de concertation, je pourrais dire, autour de la promotion de la famille, de la reconnaissance de la famille, etc.
Je voulais vous poser une deuxième question particulièrement dans vos commentaires, sur votre mémoire, sur le logement qui sont surtout centrés, vous dites, sur des mesures... Vos commentaires, en tout cas, sont surtout centrés sur des mesures visant le marché privé. Vous dites, à la page 8 de votre mémoire, vous préconisez la mise en place d'incitatifs financiers et fiscaux qui favorisent les entrepreneurs en construction. Comme vous le savez, dans notre énoncé de la politique, la question du logement social occupe une place importante et, en particulier, le logement communautaire. Comment les villes peuvent-elles être mises, dans le fond, à contribution dans ce développement-là de projets de logements qui favorisent l'insertion, etc.?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagnon.
M. Gagnon (Bernard): Bien, écoutez, globalement, on l'est déjà dans l'ensemble des programmes qui sont existants. Les municipalités sont parties prenantes et sont participantes également actuellement dans l'ensemble des programmes qui existent. Je vous rappelle qu'au mémoire on parle de deux éléments: bien sûr, favoriser la construction de logements locatifs par des incitatifs liés aux promoteurs, mais aussi, dans un deuxième temps, favoriser l'accès des personnes qui, par ailleurs, auraient de la difficulté à avoir un accès au logement comme tel, donc par des mesures fiscales qui rendraient déductibles de leurs revenus, par ailleurs, certains éléments comme la taxation, certains éléments comme les intérêts sur le capital emprunté pour effectivement avoir accès à la propriété, qui sont des éléments qui sont importants puisque, on le sait, la pauvreté, ce n'est pas nécessairement d'avoir zéro, c'est d'avoir une difficulté à faire face à un ensemble de besoins comme tels. Donc, la somme d'argent est relative, à cet égard-là, dans une certaine mesure, et avoir des mesures de cette nature-là ferait en sorte de donner une possibilité aux personnes directement impliquées, par des mesures fiscales, d'arriver elles-mêmes à l'obtention d'un logement comme tel. Et ça, ce n'est pas négligeable non plus, puisque ça pourrait viser ? je ne sais pas si on a des statistiques à cet égard-là ? mais ça pourrait viser un nombre important de personnes qui pourraient par ce mécanisme-là avoir accès, donc, au logement hors les cadres de subventions directes ou de programmes comme ceux qui existent maintenant.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Masson, il vous reste quatre minutes.
M. Labbé: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Gagnon, Mme Laliberté, je me permets de vous saluer et de vous remercier pour la qualité de votre mémoire que j'ai lu attentivement. Alors, on vous reçoit, M. Gagnon, je vous connais comme gestionnaire et comme représentant fort habile de l'Union des municipalités comme telle, quand vous parlez entre autres, mais je ne vous parlerai pas de ça, rassurez-vous, là, de toute la question du transfert de responsabilités. On pourrait en parler longuement, je pense qu'on a notre côté, vous avez votre côté, peut-être qu'on arriverait finalement à quelque chose qui serait équitable pour les deux côtés en termes de responsabilités, c'est ce qu'on souhaite en tout cas.
L'autre élément, aussi, j'ai remarqué que, dans votre mémoire, il y a beaucoup d'éléments qui reviennent comme... et c'est normal, et je pense qu'il faut le prendre, mais ce n'est pas là-dessus que je veux revenir, c'est toute la question que les municipalités veulent avoir plus de ressources fiscales, veulent avoir des incitatifs financiers, veulent aussi qu'on ait des mesures fiscales qui soient allégées, etc. Ça, ça revient régulièrement, on le comprend aussi.
Mais je veux vous parler de quelque chose que vous connaissez bien dans votre municipalité, de un, puis je pense que c'est une préoccupation que vous avez, toute la notion de la reconnaissance de la famille dans chacune de nos municipalités du Québec, la valorisation, la promotion de la famille comme telle. On sait qu'on a eu, il n'y a pas tellement longtemps, l'Année internationale de la famille, on a vu beaucoup de projets qui sont sortis de chacune des municipalités, mais on a l'impression qu'après ça il n'y a plus grand-chose qui se fait, on n'en entend plus parler beaucoup, c'est ça que je veux valider peut-être un petit peu avec vous. D'abord, l'Union, comment elle se positionne par rapport à ça?
Parce que je vais vous donner un exemple fort simple que j'ai vécu. Comme ancien collègue, je pense que j'ai eu le plaisir de le faire, on a les semaines d'embellissement, et il me semble qu'on entend parler plus des semaines d'embellissement dans chacune de nos municipalités par des reconnaissances, des conférences de presse, des prix qu'on remet, et tout le monde ses publicités, des affiches quatre par huit, je pourrais vous en nommer beaucoup. Puis, par contre, je vois rarement où l'on parle «bienvenue à nos familles» autrement que le fait de dire: Bien, ça amène de la nouvelle construction dans chacune des municipalités, ça amène de l'évaluation. Mais, un coup que ces familles-là, on les a attirées par une qualité de vie, par beaucoup de choses qui sont implantées, on a l'impression qu'elles sont laissées un petit peu à eux autres.
Et quand je regarde par des mesures qui sont drôlement importantes en termes de mobilité pour les enfants ? on parlait de décrochage scolaire tout à l'heure ? on parle de transport en commun, on parle de services-familles après, on parle d'accès aux différentes activités. Souvent, on voit des municipalités qui vont dire: Bien, le troisième, le quatrième enfant, c'est gratuit, vous payez seulement pour les deux premiers. Mais le problème, c'est qu'on a un taux de natalité où on s'en tient presque exclusivement souvent à deux enfants. Alors, toute la question du logement social où les municipalités... Souvent, je m'interroge, je me dis: On a l'impression qu'il y en a beaucoup qui ne veulent pas toucher au logement social de peur que ça forme des ghettos, ou peu importe, ou que ça crée des problèmes au niveau de la sécurité publique, etc., etc., etc.
Je pourrais en parler longuement, ça fait partie un petit peu de mon vécu. Moi, j'aimerais voir d'abord avec vous, l'Union des municipalités du Québec, la priorité famille, elle la situe où dans tout cet éventail-là comme tel? Y a-t-il des actions ou des succès qui ont été... que vous avez repérés? Puis, est-ce qu'il y a une stratégie au niveau de l'Union, par exemple, pour les faire connaître, pour que ça se prolonge pendant 365 jours dans l'année, qu'on ait cette préoccupation-là famille, ou si, pour vous, il y a encore beaucoup à faire à ce niveau-là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Gagnon.
M. Gagnon (Bernard): Bon, il y a eu beaucoup de commentaires, puis là il nous reste juste trois minutes, donc on ne pourra pas répondre à tous ces commentaires-là dont j'aurais probablement apprécié un échange plus soutenu à ces égards-là.
Quand on parle d'embellissement, bien sûr, on parle de programmes gouvernementaux, un qui est Fleurir le Québec, donc, c'est certain, moi, je suis d'accord avec ce que vous dites relativement à toute cette question-là d'ordre de priorité entre différents programmes gouvernementaux. Personnellement, on ne participe pas nécessairement à ces activités-là qui, finalement, sont plus du tape-à-l'oeil que des opérations qui vont porter des fruits, si on se donne des priorités. Alors, je suis d'accord avec vous sur cet aspect-là. Et je sais que de nombreuses municipalités également décident sciemment de ne pas participer à ces programmes-là, tellement que des fois on reçoit deux, trois lettres d'invitation pour participer à ces programmes-là un peu partout pendant la tenue de ces programmes-là.
Bien sûr, vous posez une question tout à fait intéressante avec laquelle on ne peut pas faire autrement que d'être d'accord, toute la question des politiques familiales à être adoptées dans les municipalités, plus que des aides très ponctuelles comme telles qui, effectivement, peuvent se faire une année, deux ans, un mandat, deux mandats, trois, mais disparaître éventuellement. Je pense que nous avons besoin d'une approche beaucoup plus structurelle que ça, la politique familiale est un de ces éléments-là, et vous avez raison, probablement, de dire que, si on avait à faire un relevé partout au Québec, ça existe à plusieurs endroits, dans des municipalités très importantes, puis je vous dirais aussi que tel type d'intervention ou tel type de travail, d'adopter et de vivre une politique familiale, n'existe pas probablement dans une majorité de municipalités au Québec. J'avance ça mais je ne pense pas que je me ferai contredire sur cet aspect-là.
n(12 h 10)n Et, effectivement, une action déterminante en termes de politique familiale serait probablement un geste tout à fait pertinent dans le contexte: rentrer dans les moeurs municipales l'approche des besoins des familles, comprendre que les familles, ce n'est pas seulement non plus les tout jeunes, mais également ceux qui ont fait leur tour puis qui sont à leur pension maintenant, qui ont d'autres types de besoins, qui font toujours partie d'une famille et à qui on doit rendre des services, comme tels, de plus en plus maintenant. Et c'est clair, dans le contexte qu'on connaît, il y aura de plus en plus de personnes qui vont se déplacer d'un bout de l'échelle à l'autre bout de l'échelle. Donc, la politique familiale va être un outil fondamental.
Bien sûr, il existe toutes sortes d'éléments de solution: les taux préférentiels, pas seulement au troisième, au quatrième puis au douzième enfant, mais des taux préférentiels concernant l'ensemble de l'approche familiale. Mais la politique familiale actuellement, je pense, au niveau municipal, en est à ses premiers pas. Bien que ça existe, bien que ce soit très bien structuré à certains endroits, ce n'est pas le lot collectif de l'ensemble des municipalités, et vous avez raison de dire que c'est probablement un élément sur lequel on devrait insister davantage. Ça, j'en suis persuadé. La position de l'Union relativement à cette question-là bien sûr est d'encourager l'ensemble des municipalités à avoir un tel type d'intervention qui est structuré et qui risque... et qui va porter des fruits plus que sur un programme ou une activité en particulier, plus que sur une année et un mandat, mais entrer dans les moeurs et dans l'administration municipale.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, monsieur. Alors, je regrette, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Gagnon, Mme Laliberté, bienvenue. Une partie des questions tout au moins que j'avais ont été reprises par la ministre tantôt, mais j'ai deux aspects sur lesquels on pourrait peut-être échanger. Un premier touche la définition que vous avez pris la peine à deux fois de ramener ici. Vous dites que vous avez des inquiétudes par rapport à l'inclusion de la notion de «durable» dans la définition de pauvreté, et je n'ai pas eu l'occasion ou l'opportunité de questionner ceux qui ont conseillé la ministre sur l'inclusion de ce genre de définition mais, de deux choses l'une, soit une définition est très large et, à ce moment-là, elle mesure peut-être trop de choses, soit elle est trop restrictive puis elle laisse tomber trop de choses dans la définition. Avez-vous réfléchi un peu sur comment est-ce qu'on pourrait aborder cette question-là? Est-ce que... Parce que le durable, effectivement, est-ce que c'est durable deux ans, cinq ans, 10 ans, pour toujours? Si c'est pour toujours, qu'est-ce qu'on fait ici?
Par contre, de simplement essayer de mesurer les choses, des instances passagères qui risquent, de toute façon, de n'être que conjoncturelles et de disparaître, peut-être camoufle la réalité très difficile que vivent une bonne partie des personnes. Alors, je ne sais pas, avez-vous réfléchi un peu sur cette question-là?
M. Gagnon (Bernard): Écoutez, M. le ministre... M. le député, globalement, pour répondre à votre question, je pense qu'effectivement cette définition-là nous apparaît davantage restrictive dans la mesure où c'est de demander énormément que de vouloir qu'un être humain se trouve dans une situation qui est prévue de manière durable. Le terme «durable» implique des idées aussi fortes que la constance, comme j'ai dit tout à l'heure, la permanence, la persistance, la ténacité et l'enracinement, si on se réfère aux définitions des dictionnaires. Et donc, on limite, à mon point de vue, ou on ne rend pas applicable, à mon point de vue, l'ensemble de ces prescriptions-là pour viser la pauvreté qui, à son contraire, serait plus conjoncturelle, plus ponctuelle dans le temps, mais qui pourrait arriver fréquemment comme telle. Il n'est pas dit qu'une personne ne se retrouvera pas dans des situations difficiles au niveau conjoncturel, puis il n'est pas dit que ça n'arrivera pas plus d'une fois dans sa vie comme telle et n'engendrera pas des situations où on pourrait dire effectivement qu'elle est touchée par la pauvreté comme telle.
Mais, si on se réfère à la définition prévue ici, on pourrait également dire que ce n'est pas de manière durable où elle est touchée de cette façon-là, donc ne pas vouloir rendre applicable une série de programmes qui, par ailleurs, pourraient l'être et éviteraient peut-être un glissement à cet égard-là, qui pourraient faire en sorte que la personne qui se retrouve d'une façon plus conjoncturelle ou plus ponctuelle dans un tel type de situation... pour empêcher qu'elle continue de se retrouver dans la même situation toujours, ne devienne durable et, là, donc, admissible. Alors donc, opérer en prévention aussi, dans une certaine mesure, et peut-être rendre l'application de la définition de «pauvreté» plus large. C'est le commentaire.
M. Sirros: Si on va se donner des instruments de mesure par le biais de l'Observatoire en particulier, est-ce qu'on perdrait de quoi s'il n'y avait pas de définition, dans la loi, de la notion de «pauvreté»? Qu'est-ce que ça ajoute, selon vous? Est-ce que ça ajoute quelque chose d'avoir une définition comme telle du concept de «pauvreté», que tout le monde instinctivement connaît?
M. Gagnon (Bernard): Bien, basé sur l'impression que j'en ai, effectivement, si ça rend plus restrictive l'application de la loi, bien sûr, ça va avoir des effets de maintenir un tel type de définition dans l'ensemble de la réglementation ou des directives. Possiblement que les bénéfices de la loi pourraient ne pas s'appliquer à quelqu'un qui ne se retrouve pas dans une situation de pauvreté, qui est privé de manière durable. Alors, on pourrait se retrouver... Oui, ça pourrait avoir des effets.
Alors, ça nous est apparu comme étant une notion qui rejetait quand même une réalité très importante qui est la pauvreté qui ne se retrouve pas de manière durable, qui peut se retrouver de manière ponctuelle, conjoncturelle, puis récurrente aussi à certaines occasions. Ce n'est pas exclu, ça, ces questions-là, puis c'est tout aussi dommageable comme conséquences que celle qui est installée depuis plus longtemps.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.
M. Sirros: Dans un autre ordre d'idées, les municipalités sont reconnues comme un palier institutionnel de gouvernement qui a des liens assez évidents avec des groupes communautaires dans plusieurs secteurs. Je pense, par exemple... et, sur du concret, je pense, par exemple, à des municipalités qui aident des groupes communautaires avec la mise en place des maisons de jeunes, par exemple, en participant avec eux soit au niveau des bâtisses ou à travers leurs services de loisir et services communautaires.
On constate également, à travers votre mémoire et la présentation que vous avez faite, un genre de crainte. Chat échaudé craint l'eau froide. Vous avez eu le sentiment des fois d'avoir été privés de ressources financières. D'ailleurs, vous commencez vos recommandations en disant: Donnez-nous des ressources financières appropriées pour qu'on puisse jouer véritablement notre rôle de développement de notre communauté.
Il y a plusieurs millions de dollars qui sont redistribués par le gouvernement dans des organismes communautaires, chacun oeuvrant dans des milieux particuliers. Est-ce que les municipalités seraient prêtes à assumer une responsabilité accrue par rapport à la gestion de ces fonds-là ou à la répartition de ces fonds-là dans leur propre milieu?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagnon.
M. Gagnon (Bernard): Oui. Écoutez, globalement, je trouve intéressant que vous nous voyez comme étant un palier institutionnel et peut-être même gouvernemental, l'Union des municipalités. Je trouve intéressant... Ce n'est peut-être pas nécessairement la réalité maintenant. Mais, à cet égard-là, oui. À cette question-là, oui. Je pense que le monde municipal, dans un contexte où il a à assumer des responsabilités nouvelles de services aux citoyens plus que des services aux immeubles qu'il a assumés pendant très longtemps, l'ensemble du milieu municipal est certainement très ouvert, entre autres, dans ces questions qui touchent la pauvreté, à avoir, je vous dirais même plus loin, des responsabilités même additionnelles à ces égards-là, mais dans un contexte où, financièrement, on est capable d'adresser ces préoccupations-là.
Et je vous dirais que le palier d'organisation de l'administration locale est probablement celui qui est le mieux placé pour faire face à ces responsabilités à plusieurs égards. Et non seulement il est le mieux placé, mais il est actuellement, à mon point de vue, très volontaire dans cette démarche, dans ce secteur, comme dans d'autres secteurs qui ne sont pas l'objet des discussions ici, mais dans un contexte où, effectivement, l'ensemble de la donne des responsabilités et des nouvelles sources de revenu pour assumer des nouvelles responsabilités est discuté et mis sur la table.
À cet égard-là, on est... on devra, on a l'impression, dans un très court laps de temps, arriver à un tel type de discussion pour probablement faire davantage avec ce que l'on a maintenant, comme ensemble de ressources financières. Et le monde municipal a cette impression-là d'être bien placé pour le faire et d'avoir une volonté de le faire, mais dans un contexte où il est clairement bien servi.
D'ailleurs, dans le mémoire, on voit bien que, à cet égard-là, 91,4 % des municipalités sont prêtes à assumer de nouvelles responsabilités dans un contexte de nouveau partage financier avec le gouvernement du Québec. Donc, il y a une volonté claire. Il suffit de s'en servir, il suffit de se servir également de l'ensemble des administrations qui sont déjà en place, de la connaissance qu'elles ont des milieux comme tels pour faire une série d'interventions, probablement très pertinentes et très actives, notamment, au niveau de la pauvreté et d'autres secteurs éventuellement, qui ne sont pas l'objet des discussions aujourd'hui.
n(12 h 20)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Gagnon. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Peut-être une dernière question sur la même lignée. Donc, dans le domaine des actions communautaires qui visent la lutte à la pauvreté, si on peut le résumer ainsi, est-ce que c'est votre constatation que, de plus en plus, les municipalités s'impliquent? Ou est-ce que les groupes ne viennent qu'en dernier recours voir la municipalité, quand ils ont épuisé tout le reste? Est-ce que c'est une tendance qui fait en sorte que les municipalités deviennent un acteur plus présent dans le dossier?
M. Gagnon (Bernard): Écoutez, c'est certain que, au tout début, je pense que les municipalités sont un peu intervenues par la nécessité des choses, sans nécessairement de plan d'action, hein. C'est certain qu'on pense aux maisons des jeunes, aux centres de bénévolat qui ont été installés pour donner à manger à ceux qui ne pouvaient pas le faire, pour faire des paniers de Noël aussi. On est intervenus sur la base de besoins très ponctuels.
Mais l'ensemble de la donne changeant systématiquement, les municipalités étant appelées de plus en plus à avoir une action directe au niveau des services aux citoyens ? on parlait de la politique familiale, des familles aussi ? les municipalités se sentent de plus en plus interpellées dans un plan qui les amènera plus qu'à répondre à certains besoins, mais à agir sur une base structurée et structurante pour faire face à des nouvelles réalités.
Encore là, si nous avions ces ressources financières pour être capables de nous faire opérer cette transition-là, qui en est une de dire: Bien, avant, on constatait des problèmes, on y répondait; maintenant, on va essayer d'intervenir avant ou en solution globale d'une situation problématique... Ça prend des visions, ça prend des plans, ça prend des moyens financiers pour faire face à ça. Et on est actuellement rendus à cette transition-là. Pour peu qu'on puisse avoir l'encouragement, au niveau de la capacité financière, d'interagir, il y a une volonté clairement exprimée de la part des municipalités au Québec d'agir et de mettre au service de l'ensemble d'une problématique tout ce que l'on a. Ce que l'on n'a pas, on ne peut malheureusement pas le donner; ça, c'est clair. Par contre, on sait qu'on va devoir intervenir d'une façon beaucoup plus structurante qu'on le fait maintenant à certains égards. Mais l'aspect pécuniaire est celui qui est manquant maintenant.
M. Sirros: Merci beaucoup, M. Gagnon.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Gagnon et Mme Laliberté, au nom de tous les membres, nous vous remercions d'avoir accepté de participer à cette commission. Et je suspends les travaux à 16 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
(Reprise à 16 h 14)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux concernant la consultation générale et la tenue d'auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, vous me permettrez de saluer la présence de la députée de Joliette, nouveau membre de cette commission. Bienvenue.
Mme Lespérance: Je vous informe que je représente Marie Grégoire qui ne peut être présente cet après-midi, mais que c'est le dossier de Marie. Comme député indépendant, on peut se faire remplacer sur une commission. Donc, dans la répartition des tâches, c'est Marie Grégoire qui va piloter ce dossier-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, quand même, comme membre, vous pouvez toujours aussi, comme députée, à n'importe quel temps, faire partie de n'importe quelle commission. Il y a certaines règles cependant, au niveau de la votation, mais vous avez toujours le droit de parole.
Mme Lespérance: Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, comme membre de l'Assemblée nationale, et non pas comme membre de la commission.
Alors, sans plus tarder, nous allons maintenant... nous accueillons M. Michel Audet, qui est président de la Chambre de commerce du Québec, de même que Mme Louise Marchand, qui est avocate, vice-présidente, coordination des politiques. Bienvenue. Ça nous fait plaisir de vous accueillir. Alors, M. Audet, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui sera suivie bien sûr d'échanges. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Chambre de commerce du Québec (CCQ)
M. Audet (Michel): Merci, Mme la Présidente. Je ne lirai pas au complet le texte, justement, parce qu'il pourrait dépasser le temps imparti. Alors, je vais peut-être aller à l'essentiel. Et, en plus, j'ai beaucoup de difficulté à lire des textes, je suis... Donc, j'aime mieux en sortir quitte... parfois, on me dit être moins bon, mais je vais prendre cette chance-là encore aujourd'hui.
Alors, comme tous les acteurs de la société québécoise, la Chambre de commerce du Québec ne peut qu'être sensible donc à la situation des milliers de citoyens qui sont en situation de pauvreté et d'exclusion sociale. Et, en vertu de notre mission, la première mission de la Chambre, c'est justement, comme regroupement d'affaires dans toutes les régions du Québec, de participer activement à la vie des collectivités dont ces chambres émanent. Et un des premiers objectifs de ces hommes et femmes est de promouvoir la vitalité économique et sociale de leur milieu de vie en général.
Et je tiens à signaler que dans toutes les régions du Québec et partout où il y a des chambres de commerce locales ? ça m'a frappé ? il y a à peu près 3 000 ou 4 000 bénévoles, ce sont souvent les mêmes gens qu'on retrouve d'ailleurs dans les organismes sociaux et dans les organismes d'aide humanitaire qui sont dans ces régions-là. Donc, je pense que notre intervention, de ce point de vue là, prend encore plus de pertinence.
La Chambre avait plaidé plusieurs fois, justement, que toutes les interventions gouvernementales devraient être destinées à relever le niveau de vie de l'ensemble des citoyens en créant un environnement économique et fiscal qui favorise la création d'emplois de qualité, donc, et même qui crée une émergence d'une culture entrepreneuriale locale. Car l'objectif fondamental de tous les citoyens en âge de travailler est d'occuper un emploi. C'est une question de dignité et d'équité. Ce sera le trait dominant, en fait, le leitmotiv un peu de notre présentation aujourd'hui justement.
Dans cette perspective, la Chambre adhère donc certainement aux objectifs généraux du préambule du projet de loi qui sous-tendent d'ailleurs la stratégie de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Ce sera peut-être au niveau des moyens que nous aurons justement un certain nombre de commentaires à formuler.
Les orientations et les axes d'intervention développés dans la stratégie, qui se traduisent dans le texte de l'article 6 du projet de loi, sont des idéaux à poursuivre. La Chambre estime également judicieux de forcer le gouvernement à regrouper, coordonner, veiller à la cohérence entre les programmes des différents ministères, à être plus efficace et efficient dans la gestion des fonds alloués à la lutte et à rendre compte donc quant à l'atteinte de ces objectifs de réduction de la pauvreté et de l'exclusion par la publication d'un rapport aux trois ans.
En fait, cette volonté de donner des chances égales à tous les citoyens par la création et le partage de la richesse est la toile de fond sur laquelle les gestes de tous les gouvernements devraient s'inscrire. D'ailleurs, André Pratte écrivait récemment: «Quel gouvernement ? et je cite ? loi ou pas, ne cherche pas à prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement potentiel des personnes ou en favorisant l'engagement de l'ensemble de la société?», soulignant toutefois que le projet de loi actuel avait, somme toute, une valeur de symbole.
Je pense que cet avis-là, nous le partageons largement, en ajoutant qu'il faudrait justement éviter de voir dans ce projet de loi une solution globale, une sorte de panacée. C'est peut-être un piège d'ailleurs qu'il faut chercher à éviter parce que, en fait, ce n'est pas en légiférant sur une matière aussi complexe qu'on va nécessairement trouver la solution à la nature, à sa source même, de la lutte à la pauvreté. Je pense que ça tient à des phénomènes et à des facteurs qui sont très difficiles à viser par une loi, même si on la veut très généreuse et très large. En fait, c'est comme si on avait une loi pour dire que, finalement... pour abolir le chômage, un peu. Donc, ça n'empêchera pas le chômage d'exister. Je pense que la loi n'empêchera pas la pauvreté d'exister. Mais, je comprends, et on partage cet objectif, que l'objectif principal, c'est d'y orienter et d'y voir à établir une cohérence entre les gestes que va poser le gouvernement. Et, de ce point de vue là, je pense que nous partageons largement cet objectif.
Donc, un des avis... des premiers buts à poursuivre pour véritablement sortir des individus et des ménages du cercle infernal de la pauvreté devrait être ? et c'est un point majeur pour nous ? de valoriser le travail justement, de créer des conditions favorables à la création d'emplois. C'est vraiment... Je pense qu'il n'y a pas d'autres solutions, à notre avis, bien sûr, qu'on peut trouver. On peut trouver par le filet de sécurité sociale, pour les personnes qui ne peuvent pas véritablement occuper un emploi, une sorte de compensation temporaire, mais ce n'est pas une des solutions permanentes.
À cet égard, d'ailleurs, les politiques qu'on a actuellement nous semblent constituer un filet de sécurité tout à fait acceptable. L'énoncé de politique démontre en effet que le gouvernement s'est doté d'un régime de soutien de revenu depuis près d'un demi-siècle et que ce système est loin d'être parfait. Même s'il est loin d'être parfait, il répond néanmoins à la majorité des besoins essentiels.
n(16 h 20)n En outre, comme tous les Canadiens, les citoyens du Québec ont accès à un système de santé gratuit, malgré toutes les imperfections qu'on y découvre tous les jours, mais il faut reconnaître qu'il y a quand même là un phénomène qui facilite certainement la vie à tout le monde, particulièrement à la classe plus pauvre de la société. Ils peuvent également recevoir gratuitement leur éducation primaire, secondaire et collégiale, et les frais des études universitaires sont les moins élevés en Amérique du Nord. Il faut le souligner. D'ailleurs, je pense que c'est quelque chose qui aurait besoin peut-être d'être ajusté un jour, comme on va le dire plus loin, car les jeunes qui vont à l'université sont les principaux bénéficiaires de cet investissement.
Un filet de sécurité... un filet social ne peut qu'être un substitut, comme le sont les mesures fiscales qui permettent d'exempter les contribuables à bas revenus. L'objectif fondamental de lutte à la pauvreté et à l'exclusion doit être d'augmenter donc la population active en emploi et de diminuer le nombre de ceux qui sont aptes au travail et qui ne peuvent intégrer le marché du travail faute d'emplois disponibles. Là-dessus, je voudrais citer... Ce matin, justement, il y avait un article de Jean-Robert Sansfaçon qui illustrait assez bien... On les donne, on en donnait dans notre mémoire, justement, mais qui dataient de quelques mois. Je pense que, si on avait le même taux de population en emploi que la moyenne canadienne, le Québec aurait 145 000 emplois de plus actuellement et, si on avait le taux comparable, le même taux d'emplois qu'en Ontario, on aurait 223 000 emplois supplémentaires, donc, de personnes en activité au Québec. C'est quand même très important parce que ces personnes-là contribueraient à l'assiette fiscale au lieu d'être, finalement, des récipiendaires d'aide sociale.
Nous savons que le gouvernement du Québec s'est fixé d'atteindre le plein-emploi comme objectif premier d'ici les trois prochaines années. Le premier ministre a en effet annoncé un plan d'action qui vise la création de 360 000 emplois, ce qui ramènerait le taux de chômage de 8,4 à moins de 5 %. C'est un objectif qui est très ambitieux et il faut rappeler, il faut noter que ces emplois sont créés par le secteur privé. C'est pourquoi on va insister justement pour dire que, pour que le secteur privé crée ces emplois, il faut que les conditions qu'on fait au secteur privé soient favorables. Donc, sur ce plan-là, il me semble que l'approche privilégiée par le Québec depuis quelques années ne favorise pas toujours l'investissement et la création d'emplois. On a noté, on a déploré, et la ministre des Finances l'a reconnu dans son dernier budget notamment, que la fiscalité qu'on a sur le capital nuit à l'investissement pour les entreprises, particulièrement les PME.
D'autre part, pour ce qui a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers, j'ai cité la semaine dernière, au Forum sur le déséquilibre fiscal, justement quelques chiffres. À 20 000 $-- ? ce n'est pas riche, là, c'est la classe la plus basse de revenus, hein ? il faut rappeler qu'à 20 000 $ donc, l'impôt, le contribuable québécois va payer pour le fédéral et le provincial ? mais le fédéral, c'est le même en Ontario, au Nouveau-Brunswick et partout ? donc, la différence, c'est l'impôt provincial. Donc, un contribuable qui gagne 20 000 $ ? donc, il est sorti du seuil de pauvreté à peine ? il va payer donc 3 640 $, alors qu'en Ontario il va payer 2 724 et, au Nouveau-Brunswick, 3 176. C'est 33 % de plus qu'en Ontario, donc, et 14 % de plus qu'au Nouveau-Brunswick, et je signale qu'au Nouveau-Brunswick... évidemment, l'Ontario est beaucoup plus riche que le Québec, mais ce n'est pas le cas du Nouveau-Brunswick. Donc, la moyenne canadienne devrait être la cible et, maintenant, on devrait même dire: Le Nouveau-Brunswick devrait être une cible qu'on cherche pour tous les contribuables et même les catégories à bas revenus.
Je fais une parenthèse pour dire qu'un des grands problèmes évidemment de notre fiscalité ? puis je sais que ce n'est pas facile à régler à ces niveaux-là ? c'est que, pour les gens qui retournent en emploi, qui rentrent en emploi, le taux de fiscalité est parfois extrêmement décourageant et une partie importante de leurs revenus y sont consacrés. Donc, il faut trouver le moyen, à notre avis, de rendre la fiscalité moins lourde de façon générale, mais particulièrement pour ceux qui rentrent sur le marché du travail, avoir des mesures incitatives pour les amener encore plus à réintégrer le marché du travail.
Un autre domaine sur lequel on insiste ? on donne beaucoup d'éléments dans notre mémoire, mais je vais aller plus court, puisque ce n'est pas l'objet de cette commission-ci, on en a parlé déjà à la commission des finances publiques ? c'est toute une série d'allégements réglementaires qui pourraient être apportés. On en apporte régulièrement. Je dois signaler que le gouvernement a apporté... a fait un certain nombre de mesures depuis quelques années pour essayer de simplifier la vie des PME, mais il faut toujours rappeler que 90 % de nos entreprises au Québec ont moins de 20 employés. Donc, quand on frappe, on frappe. C'est la masse, ça, c'est plus de 30 000 entreprises qui sont dans cette catégorie-là et ce sont ces entreprises-là qu'il faudrait... à qui il faut... qui vont créer des emplois, qui créent des emplois et qui trouvent malgré, encore une fois, les efforts qui ont été faits... Et je le signale parce qu'il y a eu des mesures qui ont été prises, notamment, il y en a encore qui sont prises par le ministère du Revenu pour faciliter la vie de ces entreprises-là. J'ai encore tous les jours des plaintes à l'effet que c'est extrêmement complexe, et ces gens-là sont incapables souvent de remplir tous les questionnaires et les rapports qui leur sont soumis régulièrement. Et je pourrais faire une liste importante de ces rapports, mais on n'a qu'à donner l'exemple d'une loi qu'on vit actuellement. Beaucoup de ces entreprises-là actuellement doivent faire le rapport, par exemple, sur la Loi sur l'équité salariale. Elles sont incapables de le faire, le rapport, parce qu'elles n'ont pas les ressources pour le faire.
Alors, c'est le cas également de beaucoup d'autres lois et règlements. Alors, je pense qu'il faudrait porter une attention très étroite à ces entreprises, ces PME, qui sont particulièrement visées par les règlements et qui n'ont pas les ressources pour y faire face. Donc, il faudrait toujours distinguer la grande entreprise, qui est structurée pour le faire, de la PME.
Un élément sur lequel je veux insister beaucoup, où je voudrais insister davantage, c'est celui de l'éducation. On dit que c'est de donner la primauté à l'éducation. La meilleure façon, en fait, de combattre la pauvreté, je pense que c'est évidemment de relever le niveau d'éducation. Je sais que c'est une préoccupation qui nous est familière. Mme Goupil, on a l'occasion de se voir à la Commission des partenaires du marché du travail. On travaille beaucoup dans la réinsertion justement des gens en chômage. Mais c'est quand même une grande difficulté, à mon avis, c'est particulièrement au niveau des jeunes qui décrochent. Là, il y a un travail majeur à faire, le contingent... Et on le dit, on donne des chiffres ici. Le Québec, par exemple, dans la population de 25 ans et plus, en 2001, 31 % des Québécois n'ont pas complété leurs études secondaires, comparativement à 21 % en Ontario. C'est énorme, quand on met ça, 10 % sur les 7,5 millions d'habitants, c'est énorme comme volume, et c'est évident que ce n'est certainement pas, à mon avis, étranger au fait que notre taux de chômage soit plus élevé justement que la moyenne canadienne. Mais là on peut comprendre qu'il y a des contingents, il y a des études qui ont été faites là-dessus, de gens qui sont plus âgés, qui affectent ces statistiques-là. Mais ce qui est inquiétant, c'est de voir quand même, encore aujourd'hui, le taux de décrochage scolaire et le taux des jeunes qui laissent leurs études trop tôt et qui, finalement, cependant... véritablement, pour passer leur vie dans le régime justement que l'on veut combattre par le régime de lutte à la pauvreté.
Alors, moi, je pense qu'il faut davantage... si on veut attaquer le problème à la source, c'est là qu'il faut l'attaquer. Et sur ce plan-là, dans cette perspective-là d'ailleurs, la Chambre de commerce du Québec et le réseau des chambres locales, il y a déjà, mettons, près de deux ans, avaient accepté l'invitation de M. Boisclair, qui était ministre à l'époque, de travailler comme partenaires dans le cadre du programme de Solidarité jeunesse. Je ne sais pas quels sont les résultats, je pense qu'il y a un bilan qui va être fait prochainement, le résultat de tout l'ensemble, mais je pense que plusieurs milliers de jeunes peut-être ont pu éviter de décrocher comme ça et se trouver un emploi dans des entreprises ou, en tout cas, être intégrés dans des stages ou éviter de tomber dans ce piège. Et, moi, je pense que c'est majeur de les raccrocher à l'éducation et, également, de les embarquer en emploi avant qu'ils tombent sur le régime de l'aide sociale. Ça devient souvent une façon de vivre après ça, et je pense que le reste de la vie y passe. Et à ce sujet-là d'ailleurs, je ne suis pas gêné de le dire, beaucoup de gens d'entre nous ne seraient pas devenus ce qu'ils sont, parce qu'on était tous jeunes, il y a 40 ans, beaucoup des gens autour de cette table, je suis sûr, étaient dans un état beaucoup de ce qu'on pourrait appeler de pauvreté. Ils en sont sortis ? et pour moi, le premier ? grâce au régime d'éducation et au système d'éducation et à une éducation supérieure.
Je pense que c'est important de le dire aux jeunes ? et moi, là-dessus, je le mentionne ? on est prêt à collaborer à ça pour expliquer aux jeunes dans les écoles, avant qu'ils décrochent justement, qu'ils sont en train de se piéger eux-mêmes et qu'il y va de leur avenir. Je pense que c'est un dossier majeur sur lequel on ne reviendra jamais assez, à mon avis, et j'ai l'impression d'ailleurs de reprendre un thème qu'on discute justement à l'occasion au Conseil des partenaires mais je pense qu'il est tout à fait pertinent aujourd'hui.
n(16 h 30)n Un commentaire, à la fin, sur les organismes qui sont créés par la loi. On crée évidemment trois organismes, un comité consultatif de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, un Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale et un fonds spécial pour, en fait, financer je ne sais pas quel programme. C'est d'ailleurs une question qui nous préoccupe beaucoup. Alors, je pense qu'on aurait besoin d'avoir un peu plus d'explications là-dessus, on a des préoccupations. On va créer encore une fois des organismes. Je pense que le Comité consultatif est tout à fait légitime et légitimé, à mon avis, il y a déjà... Là-dessus, c'est très important que les groupes qui sont associés ou qui sont dans... qui vivent ces phénomènes soient associés autour d'une table pour justement donner des conseils à la ministre sur ces différents sujets et être consultés sur les politiques.s
J'ai un peu de réserve, finalement pas mal de réserve sur la façon dont on veut créer un observatoire pour étudier ce phénomène-là. Je pense que ou bien donc c'est intégré au Comité consultatif lui-même, ce qu'on évoque là, ou bien donc ça fait partie d'un mandat de l'Institut de la statistique du Québec. Je siège également au conseil de Statistique Canada, par exemple...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en conclusion, M. Audet.
M. Audet (Michel): ... ? oui ? et, à chacune de nos réunions, on nous pose une étude justement sur l'évolution... des chiffres sur l'évolution de la pauvreté au Canada. C'est un phénomène qui, donc, préoccupe certainement l'Institut de la statistique du Québec. La loi... Une loi prévoit qu'on pourra lui confier la gestion, mais la question se pose: Pourquoi créer effectivement un organisme complètement distinct et ne pas confier ce mandat de façon plus claire à l'Institut de la statistique?
Et, enfin, le fonds spécial, bien, justement, on se pose la question: Est-ce qu'on veut y rajouter encore une fois... ou rendre permanentes des taxes qui avaient servi à financer le Fonds de lutte à la pauvreté? Ça nous préoccupe, et on aurait certainement des questions à poser à cet égard. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est moi qui vous remercie, M. Audet, pour la présentation de votre mémoire. Alors, Mme la ministre d'État.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Audet, et je veux saluer également Mme Marchand qui vous accompagne.
M. Audet, je vais vous brasser la cage un peu. Ha, ha, ha! Je vais vous dire, vous avez fait quelques allégations tout à l'heure qui me surprennent au plus haut point. D'abord, dans un premier temps, si on fait un peu d'historique, depuis 1994, vous savez, on a réduit de près de 28 % le nombre de personnes prestataires de l'aide sociale. Et savez-vous comment on a réussi collectivement à faire ça? Et, je dis bien collectivement, c'est que les gens se sont mis ensemble pour être capable d'identifier quel était le nombre d'emplois qui pourraient être disponibles dans chacune des régions du Québec, être capable de donner de la formation aux personnes pour être capable d'occuper ces emplois, et être capable aussi de reconnaître que, lorsque les gens font des efforts pour s'en sortir, il nous faut les soutenir pour leur permettre d'avoir à la fois un revenu décent, un logement pour se loger et avoir ce qu'il leur faut pour être transportés au niveau de leur emploi. Alors, on a réussi ça ensemble, collectivement, depuis 1994.
On est passé aussi d'un taux de chômage, souvenons-nous, qui était quand même assez élevé... Et on se retrouve aujourd'hui avec, vous avez raison, un taux de chômage où on n'est pas satisfait comme gouvernement, mais je prends, par exemple, la région Chaudière-Appalaches où on a presque le plein emploi, à 5,6, 5,8 %, et où les entreprises ont demandé d'avoir du soutien nécessaire pour que leur personnel soit formé de façon à occuper les emplois. Et, pour être capable de former des gens adéquatement, il faut être capable de prendre la personne où elle se situe. Alors, il est évident qu'on a fait, je dirais, des expériences pour nous permettre de nous dire: Est-ce qu'on est dans la bonne direction?
Alors, en même temps qu'il nous a fallu réduire le taux de chômage, réduire la dette que nous avions et réduire également les impôts... Parce que, tout à l'heure, vous parliez des impôts avec l'Ontario, de réussir à diminuer de 15 milliards les impôts au Québec sur une période de moins de cinq ans, c'est près de 20 %, c'est du jamais vu dans l'histoire du Québec. Alors, ça, on a réussi à le faire ensemble, et il a fallu qu'il y ait ce consensus social pour le faire. Il y a une loi, la Loi sur l'équilibre des finances publiques, qui nous a permis, comme société... Puis, ça a été dur à faire, il a fallu que toutes les personnes de notre société soient partenaires pour livrer, je dirais, cette commande nécessaire pour la suite des choses.
Vous avez parlé, tout à l'heure, de Solidarité jeunesse. Vous avez dit: Je ne sais pas trop les résultats. Bien, je suis surprise que vous ne les sachiez pas, parce que, dans chacune des régions du Québec, il y a eu le bilan partout, avec tous ceux et celles qui ont signé. Et je vais vous dire que, depuis deux ans, sur les près de 8 000 jeunes qui étaient admissibles, on en a 7 792 jeunes qui ont participé aux programmes et qui ont offert aux jeunes de 18 à 21 ans autre chose qu'un chèque d'aide sociale. Et là il y a eu l'engagement des réseaux gouvernementaux, de la communauté, des entreprises et des organismes communautaires. De ce nombre, M. Audet, il y en a 6 748 jeunes, plus que 86 %, qui sont en mouvement, qui sont autonomes financièrement. Ou qu'ils sont aux études ou qu'ils occupent un emploi.
Et pourquoi ça a réussi, ça? C'est parce que ça a été tout le monde qui s'est donné la main pour dire: On va prendre le jeune où il est, on va regarder quelle est la situation, puis on va le soutenir dans sa formation. Et il y a des entreprises qui ont répondu oui. Et il y a des entreprises qui répondent oui parce qu'elles acceptent d'accompagner des gens qui n'ont pas le même degré de productivité que quelqu'un qui a eu la chance d'avoir des études comme vous et moi, qui a été en pleine forme, qui a une famille qui l'a stimulé, mais qui réussissent à s'engager à un rythme qui est peut-être un peu moins rapide que ce que nous pourrions faire, mais qui a fait en sorte que cette personne gagne sa vie aujourd'hui, elle est reconnue comme citoyen, comme citoyenne. Et l'entreprise, elle a accepté aussi de faire cet engagement social pour avoir une main-d'oeuvre pour répondre à ses besoins, mais aussi être capable de l'accompagner et de la soutenir.
Vous avez aussi indiqué dans votre mémoire que vous indiquiez que, au niveau de toutes les mesures pour concilier famille-travail, qu'il faudrait qu'on soit mis en garde comme gouvernement pour ne pas nuire aux PME. Bien, je vais vous dire qu'actuellement toutes les entreprises qui ont posé des gestes concluants pour soutenir mieux famille-travail ont un taux de personnes qui déménagent moins d'une entreprise à l'autre, on a aussi une productivité qui est plus grande, puis on a des entreprises qui ont démontré hors de toute doute qu'à chaque fois qu'on soutient les personnes dans leur désir d'avoir des enfants qu'on donne des résultats extrêmement positifs. Et ce que les entreprises sont venues nous dire et qu'on a entendu, ça a été de ne pas faire des mesures mur à mur parce que les entreprises ne sont pas toutes les mêmes. Vous avez des petites et moyennes entreprises, vous en avez des grandes. Mais, de dire qu'il nous faut absolument être mis en garde pour tout ce qui peut soutenir des mesures pour protéger les travailleurs et travailleuses atypiques, je vais vous dire, je suis surprise, là, M. Audet, parce que les entreprises qui font attention à leur personnel, qui les soutiennent dans leur désir d'avoir des enfants donnent des résultats extrêmement positifs.
Et je terminerais aussi sur l'aspect fiscal. Quand vous avez indiqué que, toutes proportions gardées, les gens du Québec paient plus d'impôts que les gens qui sont à la province à côté, l'Ontario, ils ont une richesse collective qui est 20 % supérieure à celle du Québec, et, quand on regarde les mesures sociales qui sont pour accompagner les entreprises, que ce soit au niveau de la formation, du soutien et que ce soit aussi en termes de mesures sociales, nos services de garde à 5 $... Vous savez, M. Audet que, d'ailleurs, notre politique familiale a fait en sorte que la ville de Québec a été reconnue comme une des plus belles villes où il fait bon vivre à cause de la qualité de vie, de l'environnement et des services de garde.
Et quand vous dites aussi que l'écart au niveau fiscal... Vous n'êtes pas sans savoir, M. Audet, que, quand on se retrouve, le Québec, actuellement, avec un remboursement d'une dette de 6 milliards que nous avons fait après avoir travaillé avec les entreprises du Québec où on a réussi à faire l'équilibre des finances publiques... Je peux vous dire, M. Audet, que le projet de loi qui est sur la table se veut un projet de loi où chacun et chacune va se sentir interpellé, parce que, où vous avez raison, la lutte à la pauvreté ne peut pas être que l'affaire de l'État, elle ne peut pas être que l'affaire des régions, elle doit être l'affaire de tous et de toutes.
Je vous dirais aussi qu'au niveau des entreprises... Vous n'êtes pas sans savoir, M. Audet, qu'ici, au Québec, c'est l'endroit où, après le Japon, notre population va vieillir le plus rapidement possible, et ça a déjà commencé depuis 1990 où on se retrouve actuellement... où on aura un besoin à combler de 600 000 emplois au cours des trois prochaines années. Si nos petites et moyennes entreprises, qui font la réussite du Québec en grande partie, veulent avoir des personnes en santé, qui sont capables d'exercer pleinement leur citoyenneté et répondre aux besoins et aux attentes, il nous faut absolument les sortir de la pauvreté. Parce que, quand tu es pauvre, comment peux-tu occuper un emploi décent si tu n'as pas suffisamment d'argent pour nourrir ta famille, te nourrir toi-même, te loger et même te transporter?
Alors, je terminerais en vous disant que j'aimerais connaître votre point de vue sur l'importance de ce projet de loi, parce que, à la lecture de votre mémoire, je ne vous sens pas tellement... Je ne sais pas si vous êtes pour ou si vous êtes contre.
n(16 h 40)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, on a tous reconnu qu'il s'agit d'une question principale et de plusieurs complémentaires.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Audet, je vous cède la parole pour le temps que vous le désirez pour y répondre finalement.
M. Audet (Michel): Je vais être très bref, si vous voulez. Ce matin, Jean-Robert Sansfaçon, qui avait, je pense, une bonne analyse de la situation, là, à la fois dans ses... qui intitulait son éditorial Une performance réjouissante, concluait, et je cite, il dit... Il nous parle malgré tout... Évidemment, il dit: Si on avait une recette pour avoir le taux de chômage le plus bas du Canada, ça se saurait. Mais, malgré tout, nous pouvons constater que, là où les taux d'imposition sont bas, le système d'éducation performant, les infrastructures et les services publics bien développés, l'initiative des individus récompensée, l'activité économique est aussi plus forte, le taux de chômage plus bas et le niveau de vie plus élevé. Donc, je pense que ça résume un peu, je pense, sans... Là, il a été écrit aujourd'hui, le mémoire a été écrit il y a plusieurs semaines. Je pense qu'il reprend, dans le fond, en quelques mots, quelques phrases un peu le thème général de notre projet de loi.
Ce qu'on a voulu mentionner ? et, je pense, vous l'avez vous-même noté ? c'est que dans les réglementations ou dans les nouvelles lois qui sont faites, et je ne suis pas... Au contraire, je suis pour la conciliation travail-famille, pour tout ça, et personne n'est contre le principe de ça. Mais, quand ça se manifeste dans une réglementation ou dans des... Si on mettait en garde, là, c'est des mesures... On veut avoir des mesures qui incitent, qui facilitent. Ça, on est tout à fait d'accord. Mais des mesures qui imposent des nouvelles contraintes ou des paperasses aux PME, particulièrement, on dit: Il faut s'en méfier parce que ça peut avoir l'effet contraire, souvent, de les décourager. Donc, c'est à ça qu'on faisait référence là-dessus et non pas sur les mesures de conciliation. D'ailleurs, Louise Marchand participe à des tables sur ce sujet-là.
L'autre commentaire que je voudrais faire...
Mme Goupil: ...je voudrais juste...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est parce que, Mme la ministre, malheureusement, il faut laisser le temps à M. Audet de répondre. Vous pourrez intervenir tout à l'heure.
Mme Goupil: Peut-être juste sur le point, si vous me permettez, Mme la Présidente, pour les mesures conciliation famille-travail, ça a été d'ailleurs ce que nous avons convenu avec les partenaires du marché, les petites et moyennes entreprises, justement de ne pas faire des mesures mur à mur. Un Québec en amour avec la famille, ça a été de permettre d'avoir des mesures adaptées à la réalité, et on n'a adopté aucune mesure contraignante. Solidarité jeunesse aussi, il n'y avait pas de mesures contraignantes, et ça a donné des résultats.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous cède la parole.
M. Audet (Michel): Tout à fait. Alors, c'est de ça dont je voudrais parler, Solidarité jeunesse. Au contraire, je vous cite, là aussi, le communiqué qu'on a émis aujourd'hui qui dit justement que «le réseau des chambres a assumé sa responsabilité sociale en s'impliquant dans le programme Solidarité jeunesse qui vise l'insertion des jeunes en emploi. Des milliers de jeunes ont pu ainsi retrouver le travail au lieu d'entrer dans le cercle vicieux de l'aide sociale.» Donc, on ne peut pas être plus favorable qu'on ne l'a été, on a 30 chambres de commerce locales qui travaillent étroitement avec les carrefours jeunesse-emploi et avec le ministère de l'Emploi sur ce sujet-là. Ce n'est pas toujours facile, parce que c'est des cultures différentes, il y a parfois des choses à peaufiner, là, dans le détail. Et il y a eu, donc, un effort qui a été fait là-dessus, et je pense que ? je n'ai pas de crainte de le dire, là ? c'est un programme qu'on a appuyé. Au contraire, j'ai mentionné qu'on l'avait même supporté.
Ce que j'ai dit cependant, c'est que je sais qu'il va y avoir un bilan qui va être connu publiquement. C'est parce que je sais qu'actuellement il y a des bilans qui sont faits régionaux, mais le bilan global, vous m'en faites état, je ne le connaissais pas. Je m'excuse, là, j'avais... Mais c'est un chiffre que je ne connaissais pas. Je sais qu'on m'a dit que les objectifs étaient... en tout cas, avaient presque été atteints, et c'est tant mieux, parce que c'est quelque chose qu'on a salué, ce programme-là. Et, ça a été le sens de mon intervention, c'est justement pour éviter que les jeunes tombent sur l'aide sociale. C'était justement l'objectif du programme, et c'est pourquoi nous l'avons supporté. Alors, si vous avez lu ça dans notre mémoire, bien je pense que ce n'était pas l'intention du tout.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...il vous reste trois minutes, Mme la ministre.
Mme Goupil: En fait, ce que je vous disais, c'est que l'été dernier, lorsque nous avons fait le point au niveau national et région par région, ça a été clairement indiqué, les résultats. Mais, dans le cadre de la stratégie de lutte à la pauvreté, cette expérience de Solidarité jeunesse vécue depuis deux ans, nous voudrions l'exporter à toutes les clientèles, parce que, avec juste titre, la pénurie de main-d'oeuvre dans des champs d'activité fait en sorte qu'on ne peut pas se permettre de laisser personne de côté. Et ces mesures-là étaient des mesures non contraignantes, qui étaient davantage incitatives, pour permettre à des gens de s'engager dans un processus volontaire, mais avec des résultats extrêmement positifs. Est-ce que vous seriez d'accord, M. Audet... Parce que, dans le cadre de notre stratégie et dans la loi, c'est cette formule de Solidarité jeunesse que nous voudrions utiliser pour les autres clientèles, est-ce que vous seriez en accord avec cela?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Audet.
M. Audet (Michel): Écoutez, moi, je pense que l'expérience qu'on a eue, c'est encore une fois un programme qu'on a supporté, et je pense qu'il faudrait voir les détails. Nous, on est prêts certainement à collaborer encore une fois. Je pense que si c'est le choix que vous faites... Au fond, vous voulez l'élargir aux clientèles et pas seulement ces clientèles visées. C'est ça que vous disiez. Évidemment, peut-être... Je vais me faire l'avocat du diable, le risque, c'est qu'évidemment les clientèles qu'on ciblait vont peut-être se retrouver, peut-être, en queue de ligne plutôt que, comme actuellement, au début. C'est peut-être la seule crainte que j'aurais. Autrement, je pense que c'est certainement un programme qui est d'arrimage entre l'offre et la demande, qui est certainement louable.
Mme Goupil: Je voudrais vous rassurer du fait que, à partir du moment où les personnes sont ciblées... C'est-à-dire que dès la première fois que tu fais une demande tu es pris en charge immédiatement. Et l'objectif n'est pas de laisser tomber, mais déjà les résultats nous indiquent que, lorsque les personnes sont prises à temps, qu'on est capable de les accompagner dans leur problématique, parce que parfois c'est de la formation, parfois c'est un problème de santé, parfois ça peut être une autre problématique... C'est qu'on a accompagné des personnes, et, aujourd'hui, ces gens sont en mouvement et ne sont pas retournés prestataires.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, ceci met fin, Mme la ministre...
Mme Goupil: C'est terminé?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, c'est terminé.
M. Audet (Michel): Si vous me permettez, j'aurais un dernier petit point au sujet... Vous me parliez tantôt au sujet du projet de loi. Si j'ai manifesté un peu en disant qu'il ne fallait pas que ce soit présenté comme une panacée, c'est que l'impression qu'on a... Et, notamment, il y a un article, là, pour vous donner un exemple, où l'Observatoire va... Bon, je cite, on dit que... va évaluer, va étudier «l'amélioration de la situation économique et sociale des personnes et des familles en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale».
Ce que je lisais là-dedans, un petit peu la crainte que je manifestais, c'est que ce n'est pas un phénomène statique, la clientèle. On parle des personnes. En réalité, ce n'est pas les mêmes personnes qui vont se retrouver là, et c'est à espérer que ce ne soit pas les mêmes. Un peu comme le chômage, comme la création d'emplois, quand on dit que, cette année, Québec va créer plus de 100 000 emplois, en fait il va avoir créé peut-être 400 000, mais il en a perdu 300 000. C'est le net qu'on crée. Et, c'est le même phénomène dans la pauvreté, c'est que vous allez avoir... C'est un phénomène qui est extrêmement mouvant, et ce n'est pas les mêmes personnes qui sont... Et la crainte qu'on a, c'est qu'on s'attaque à regarder finalement par un prisme un créneau, en quelque sorte, de population, mais alors, en fait, que c'est toute la société qui est interpellée par ça, selon ce que vous vivez dans votre milieu. Alors, c'est pourquoi je mentionnais tantôt que l'étude, justement, de l'Observatoire devrait être élargie, pas strictement cette clientèle-là, mais à l'ensemble justement des facteurs qui font que les gens perdent leur emploi, qui font qu'ils peuvent se réinsérer sur le marché du travail, qui font qu'ils créent de la richesse.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Audet. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Audet, Mme Marchand, bienvenue. Il me fait plaisir de vous avoir ici, parce que, pour moi, ça témoigne de l'intérêt de la Chambre de commerce du Québec sur le dossier. Il me semble que, l'autre jour, au Forum sur le déséquilibre fiscal, j'ai entendu la Chambre de commerce et le Conseil du patronat, d'ailleurs, identifier la lutte à la pauvreté comme la priorité qu'il faudrait cibler. Donc, je suis surpris d'entendre la ministre dire qu'elle n'est pas certaine si vous êtes pour ou contre le projet de loi et de, en tout cas, s'en prendre à des affirmations que vous faites.
Je pense que ce qui est important ici, c'est de comprendre que vos membres, finalement, sont au coeur de ce qui fait progresser l'économie, et avec le progrès de l'économie ? je pense que c'est simpliste ce que je vais dire là ? le progrès de l'économie, ça va créer des emplois. En créant des emplois, ça va attirer du monde qui ne travaille pas. Vous nous comparez avec l'Ontario, vous dites: Si on avait le même taux d'activité, il y aurait 188 000 personnes de moins sur le chômage, etc., ça se répercute.
Et on partage beaucoup avec vous l'approche de valorisation du travail comme élément central d'une stratégie de lutte à la pauvreté. Il faut quand même admettre, je crois bien, que ce n'est pas tout même si c'est l'essentiel. Il y a quand même des clientèles qui sont... Le projet de loi parle d'une définition de pauvreté durable, il y a des gens qui ont vécu une pauvreté durable pendant des années qu'il faut aussi viser. Il ne faut pas prendre une approche fataliste qui dit: Il va toujours y avoir de la pauvreté, donc oublions une partie de la population. Et, à ce moment-là, il faut aussi créer des conditions qui vont permettre à ces gens-là de sortir de leur isolement, donc de mettre sur pied une approche plus individualisée qui va permettre à ces gens-là de retrouver la capacité de se prendre en charge et éventuellement progresser vers le marché du travail. Et, dans ce sens-là, ce que vous amenez ici, ça dresse un bilan de ce qui a été fait et ce qui devrait être fait pour permettre aux entreprises de créer davantage d'emplois afin d'éventuellement être là pour ces gens-là.
Moi, j'aimerais vous entendre un peu sur le rôle des entreprises quant à leur implication sociale au-delà de leur propre «bottom line». Est-ce qu'il y en a une? Comment est-ce qu'on se compare avec les autres provinces, par exemple, au niveau des cotisations des entreprises pour des causes en dehors de leur objectif premier d'avoir des profits? Et quel est le lien qu'on peut établir avec les entreprises de façon plus étroite afin de s'assurer que les objectifs de réduction de la pauvreté ne sont pas incompatibles avec la compétitivité, mais qu'en même temps la nécessaire compétitivité ne devienne pas non plus une excuse pour les entreprises de ne pas faire leur part de l'effort social qu'elles doivent faire?
n(16 h 50)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Audet.
M. Audet (Michel): Oui. Vous me permettrez de répondre par quelqu'un d'autre dans un certain sens. En fin de semaine, je lisais un livre que m'envoyait un ami, Paul-Arthur Fortin, qui est bien connu, qui était président, justement, de la Fondation de l'entrepreneurship. Et il vient de sortir un livre qui s'appelle La culture entrepreunariale, un antidote à la pauvreté, justement, et c'est très pertinent. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un... Justement, au tout début du livre, c'est: «L'entreprise crée la richesse et l'emploi.» Ça s'appelle comme ça, et, d'entrée de jeu, une première affirmation s'impose: «L'entreprise crée des emplois, mais elle crée aussi de la richesse. Faut-il le répéter, la richesse est un bien collectivement nécessaire pour la santé, l'éducation, les soins aux personnes âgées, l'entretien du réseau routier, bon, etc. Les pays latins ? et j'inclus le Québec ? ont trop souvent sous-estimé le bien-fondé moral de la richesse. Il faut considérer la richesse de façon positive en la voyant comme elle est, un instrument de libération individuelle et collective.» Je pense qu'il y a dans cette citation-là... Je pense qu'il y a un peu là la réponse en ce qui a trait à la responsabilité sociale. On a eu, la semaine dernière, justement, ou il y a quelques semaines, une commission parlementaire sur ce sujet-là, et finalement... D'abord, on a évoqué le fait... Je pense que c'était peu connu de la commission. Je ne le reproche pas, là, mais notre organisation, la Chambre de commerce du Québec, depuis 1980, a, dans ses programmes d'action, un texte qui comprend 18 éléments justement pour la responsabilité sociale des entreprises, qu'on diffuse aux entreprises. On l'a fait encore cette année, lors du congrès, à toutes les chambres locales qui l'envoient à leurs membres. Mais les deux éléments premiers de ça... Le premier, c'était justement le respect des lois, hein? La première responsabilité d'une entreprise, c'est respecter les lois. Et respecter les lois... Avec le corpus législatif qu'on a au Québec, quand tu as fait à peu près le tour de toutes les lois qu'on a maintenant, puis on encadre même... Vous savez, même, dans une certain sens, il y a des lois qui se donnent des normes, qui sont normatives, qui vont donc très loin. C'est déjà une grande responsabilité. Et, on touche l'environnement, on touche... On donne toute la liste des lois, bien sûr, qui sont impliquées.
Et le deuxième, c'est justement la rentabilité de l'entreprise. Et c'est la première... Puis je pourrais donner, on en a 18, là... Mais pourquoi la rentabilité? C'est que si l'entreprise, au-delà de des profits... Si l'entreprise n'est pas rentable, si elle ne fait pas de profit, elle ferme ses portes. Et on vit un cas dramatique actuellement à Murdochville d'une entreprise qui n'est plus rentable dans cette région, une exploitation qui n'est plus rentable et qui ferme ses portes. C'est dramatique. Ça, c'est un problème... Ce n'est pas un problème de manque de responsabilité sociale d'entreprise, mais ça montre que, quand l'exploitation n'est plus rentable, elle ne peut plus faire ses frais, l'entreprise, évidemment, doit mettre la clé dans la porte, et ça, c'est dramatique pour une population. Donc, la première chose à faire, c'est de s'assurer que l'entreprise ne soit pas acculée à ça. Parce qu'il n'y a pas seulement des entreprises de ressources naturelles qui sont obligées de le faire, tous les jours il y en a d'autres. Et je pense que c'est encore là une perception de dire que le but des entreprises, c'est de faire des profits. Faire des profits, c'est la seule façon de réinvestir pour justement recréer d'autres emplois et de la richesse dans l'entreprise, puis de payer plus ses salariés, puis d'en embaucher plus.
Alors, il y a une dynamique économique qui est fondamentale, et c'est un peu, là, le piège là-dedans quand on dit: Il faut que les entreprises, en plus de tout ce qu'elles font, fassent leur responsabilité sociale. Je vous jure que, quand les entreprises, justement, remplissent tout ce qui leur est demandé sur le plan de la responsabilité, actuellement, sociale par justement le respect des lois, des règlements, le respect encore une fois... couvrir leurs frais et donc payer, traiter correctement leurs employés, enfin, nommez-les, respecter l'environnement ? on pourrait citer les 16 points qu'on a et que, finalement, les entreprises sont tenues de respecter ? elles font ce travail-là.
En plus de ça ? et ça, c'est connu ? il y a des entreprises plus grandes, cependant, ou des gens d'affaires ? je dois dire, grandes ou petites ? qui s'impliquent davantage dans la communauté. Et là c'est autre chose, l'implication sociale de certains individus, que la responsabilité des entreprises. Je pense qu'il faut distinguer les individus ou les chefs d'entreprise des entreprises elles-mêmes. Et là ce sont souvent des chefs d'entreprises qui peuvent s'impliquer davantage que d'autres. Et ça, évidemment, c'est leur choix et c'est basé sur leurs valeurs, etc. Et ça, je pense que tout le monde n'a pas les mêmes valeurs à cet égard. On souhaiterait que tout le monde les ait, mais, malheureusement, ce n'est pas toutes les entreprises ou les chefs d'entreprise qui ont ces mêmes valeurs.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Oui. Dans la même veine, au niveau de la valorisation du travail, il y a quand même des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi qui ne peuvent... en tout cas, qui peuvent difficilement, même très difficilement, bénéficier d'une approche de valorisation du travail comme porte de sortie de la pauvreté. Comment vous voyez cette distinction-là, est-ce que... Ces personnes-là, vous les placez où dans votre analyse? Et, on a souvent entendu des gens qui réclament l'abolition des différentes catégories ? aptes, inaptes ou contraintes, sans contraintes ? avez-vous réfléchi sur ça?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Audet.
M. Audet (Michel): Moi, je pense que la société a établi des programmes d'aide sociale généreux, mais, en contrepartie, les gens qui les reçoivent ont aussi une responsabilité à l'égard de ceux qui paient. Et la responsabilité, c'est: lorsqu'ils sont capables de travailler, qu'on leur trouve un emploi, c'est de travailler. Et je pense que, là-dessus, ce n'est pas de la répression que de penser ça, c'est de la défense légitime, là, de l'intérêt des contribuables.
Alors, moi, je pense qu'on distingue très bien, à mon avis, apte et inapte au travail. Ce n'est facile. Ça s'est toujours fait, avec parfois des grincements de dents. Ce n'est pas d'hier que ça existe, en effet, mais, moi, je crois que c'est nécessaire. On ne peut pas traiter une personne handicapée qui est incapable de travailler comme une personne qui est capable de travailler, qui peut prendre des cours pour justement se recycler et retrouver un emploi après en avoir perdu un. Je pense que c'est deux dynamiques différentes, et on n'a pas à les traiter de la même façon.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Peut-être un dernier point, vous mentionnez... Quelque part dans votre mémoire, vous effleurez la notion d'un revenu minimum garanti en disant que vous ne savez pas, vous êtes perplexe, parce que, à votre avis, les finances publiques ne permettent pas d'envisager de telles mesures. On peut se donner un revenu minimum garanti, mais, si on le met à un niveau tellement bas que ça veut ne rien dire, on peut l'assumer. À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des études sur cette question-là que vous avez regardées? Et comment est-ce que vous vous placez face à cette approche, le droit à un revenu de citoyenneté?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Audet.
M. Audet (Michel): Je dois vous dire que mon sentiment... Et, encore une fois, là, vous me prenez sur une question un peu à chaud, là, on n'a pas fait d'analyse justement très fouillée là-dessus, c'est plus une intuition que je vais vous donner, mais le régime d'aide sociale qu'on a développé et qui, finalement, est versé aux gens sans qu'on fasse d'analyse nécessairement de tous leurs besoins, etc., est une forme de revenu minimum garanti. Trompons-nous pas, là, on peut l'appeler autrement, là, mais on donne aux gens qui sont dans... On donne d'abord des prestations de chômage. Par la suite, on donne un support, un supplément de revenu à l'aide sociale pour justement ces personnes-là. On en donne un.
Là où j'aurais des problèmes, c'est justement qu'on structure, en quelque sorte, dans la société justement des revenus précisément pour les gens qui ne travaillent pas et qui pourraient travailler. Et c'est le risque, évidemment, de ces régimes-là. Ceux qui les ont étudiés... Je sais qu'aux États-Unis il y a eu un adepte de ce régime-là, c'est... Friedman l'a proposé et s'est rendu compte que ça ne menait pas, je pense, très loin. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de pays, je pense, qui ont expérimenté ce régime-là et qui en ont trouvé, je pense... En tout cas, qui ont trouvé que ça réglait le problème. C'est une façon de... Peut-être que, sur le plan intellectuel, c'est intéressant, là, d'établir des barèmes, mais moi, je pense qu'il faut considérer que les gens qui ont des besoins parce qu'ils ne sont pas en emploi, qu'ils sont en difficulté temporaire doivent être aidés, mais de façon toujours temporaire, à moins qu'ils aient des déficiences, encore une fois, ou des problèmes chroniques. Et, à ce moment-là, il y a un programme, c'est pour distinguer aptes et inaptes. Et, si on met tout le monde dans le même pied puis qu'on dit: C'est le revenu minimum, bien là je pense que ça va coûter, à mon avis, très cher et je pense que l'effort au travail, encore une fois, ne sera pas là. Pourquoi je travaillerais si je peux avoir 15 000 $ assurés? Si je gagne 22 000 $ et que j'en paie 3 000 $ à l'impôt, ça me donne quoi? Alors, immédiatement, je pense poser la question, c'est y répondre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Audet et Me Marchand, au nom de tous les membres, merci d'avoir participé à cette commission.
Alors, je demande maintenant aux représentants du Front d'action populaire en réaménagement urbain de bien vouloir prendre place et je suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 heures)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux. Alors, madame, monsieur, bienvenue à cette commission. Je demanderais au responsable de bien vouloir se présenter et de nous présenter la personne qui l'accompagne. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura échange avec les groupes de parlementaires.
Front d'action populaire
en réaménagement urbain (FRAPRU)
Mme Poirier (Lucie): Bonjour. Mon nom est Lucie Poirier. Je suis organisatrice au FRAPRU, le Front d'action populaire en réaménagement urbain. Et, à ma gauche, vous le reconnaissez sûrement, François Saillant, coordonnateur du FRAPRU.
En fait, en pensant venir faire notre présentation aujourd'hui, on était conscient qu'on serait une note un peu discordante des interventions d'il y a deux semaines, mais je vous avoue que, suite à l'intervention de M. Audet, si on reste dans les termes musicaux, ce sera sûrement une gamme différente de propos que vous allez entendre pour les prochaines 15 minutes.
Pour nous ? et je pense que vous l'avez déjà entendu ? pour nous, une loi pour lutter contre la pauvreté doit être plus qu'une loi. Une loi comme telle doit avoir un contenu, et, à l'heure actuelle, pour ce qui est de la loi qui est sur la table, ça ne nous donne pas cette impression-là. Pour démontrer, pour le gouvernement, une volonté réelle que la loi influence les politiques futures d'un gouvernement, elle doit avoir des échéanciers clairs et des mesures contraignantes, ce qu'on ne retrouve pas, à notre avis, dans ce projet de loi. D'ailleurs, si on prend un exemple, si on gardait le projet de loi tel qu'il est, le prochain gouvernement, qu'il soit le PQ, le Parti libéral du Québec ou l'ADQ, pourrait en faire ce qu'il en veut, et, pour nous, on croit qu'il est important d'avoir des modifications majeures. On n'en demande pas une panoplie, on en demande quelques-unes, trois, mais, pour nous, elles sont cruciales pour s'assurer que cette loi-là puisse avoir un impact quelconque pour le prochain gouvernement.
De plus, malgré l'adoption d'une telle loi, nous savons qu'il y a un plan d'action qui va être déposé très bientôt, et, pour nous, ce plan d'action doit contenir des mesures immédiates qui vont augmenter les revenus et la qualité de vie de toutes les personnes. Ce plan d'action doit avoir les moyens financiers nécessaires pour le faire, sinon, malgré l'adoption d'une telle loi, ça va vouloir dire que, pour les personnes à faibles revenus, la loi ne voudra rien dire, parce que, dans leur vie de tous les jours, ils ne verront pas de différence.
Le FRAPRU est membre du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté depuis maintenant l'an 2000. On a appuyé l'idée d'un projet de loi pour lutter contre la pauvreté parce que cette loi avait des objectifs, des échéanciers clairs, des mesures immédiates et une approche qui était fondée sur les droits, des items qui, malheureusement, manquent à la loi qui est sur la table.
Si on veut que cette loi-là soit efficace, nous proposons trois modifications, trois ajouts, en fait. Pourquoi trois? Parce que, pour nous, ce sont les ajouts les plus cruciaux pour s'assurer que cette loi-là puisse justement avoir un impact.
Le premier, nous souhaitons voir l'ajout de cibles précises à atteindre pour lutter contre la pauvreté, dont la diminution des écarts entre le quintile le plus riche et le quintile le plus pauvre. Dans la stratégie, on le voit, on parle d'amener d'ici 10 ans aux normes des nations industrialisées qui comptent le moins de personnes pauvres... Pourtant, la loi, qui est censée encadrer la stratégie et amener des objectifs et des échéanciers, ne le fait même pas. Donc, la stratégie, en ce sens-là, va plus loin que la loi qui, elle-même, est censée l'encadrer. À notre avis aussi, il faut se comparer pas seulement avec les autres nations, mais entre nous-mêmes, et c'est pour ça qu'il faut regarder les écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Entre 1994 et 1999, il y a une augmentation des écarts de 8 % entre ces deux derniers quintiles.
Comme deuxième ajout, nous voulons absolument que l'une des orientations soit la couverture des besoins essentiels de tous et toutes. Dans la loi, on parle de renforcer le filet de sécurité sociale. Pour nous, c'est trop peu et c'est vague. Il faut absolument s'assurer que toute personne au Québec ait les moyens financiers nécessaires pour manger, se longer et se vêtir. En dessous de ça, on n'est pas en train de lutter contre la pauvreté et on est en train de laisser les personnes à plus faibles revenus dans leur situation actuelle.
Finalement, pour donner un peu de dents à cette loi, nous souhaitons voir insérer une clause d'impact qui visera à s'assurer que toute mesure gouvernementale, y compris d'ordre fiscal, n'aille pas à l'encontre de l'objectif de lutte à la pauvreté que veut se fixer ce gouvernement et de diminuer les écarts. Par exemple, dans la loi, on parle qu'on veut assurer à tous les niveaux la constance et la cohérence de toutes les actions pour lutter contre la pauvreté. Eh bien, pour faire ça, il faut s'assurer que toutes les mesures proposées, pertinentes par d'autres ministères soient aussi examinées à la lecture de cet objectif-là pour s'assurer qu'on ne pas va pas aller à l'encontre de ça. Et, pour ce faire, nous croyons qu'il est primordial d'avoir une clause d'impact dans la loi. Je vais passer la parole à François.
M. Saillant (François): Bonjour. Pour nous autres, une loi sur la pauvreté, c'est utile en autant que ça permet d'encadrer l'action sur la question de la pauvreté et d'en assurer la pérennité. Donc, dans ce sens-là, on se sent obligé d'aborder la stratégie gouvernementale de lutte à la pauvreté et le plan d'action, l'éventuel plan d'action, même si on sait que ce n'est pas l'objet direct de la commission.
Pour le FRAPRU, une stratégie gouvernementale de lutte à la pauvreté doit d'abord une chose, c'est être fondée sur une approche de droits. Je rappellerai juste que le Québec a adhéré en 1976, si ma mémoire est bonne, au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels dans lequel il s'est engagé à reconnaître et à assurer progressivement le droit à un revenu suffisant, un niveau de vie suffisant pour toute personne et sa famille pour assurer son droit de se loger, de se vêtir, de manger, de ce qu'on appelle en d'autre termes le droit à une alimentation, à un vêtement et à un logement suffisant. Et les droits... Je pense que le Pacte est comme l'ensemble de la Charte sur les droits de la personne, c'est... Les droits qui sont reconnus là-dedans, c'est des droits qui sont interreliés, c'est des droits qui sont indissociables. Et, si quelqu'un est privé, par exemple, des droits reconnus dans le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels, entre autres, le droit à un niveau de vie suffisant, il est en même temps privé ou il a de la difficulté à exercer d'autres droits, dont les droits civils et politiques.
La stratégie qui nous est présentée par le gouvernement a une autre approche que ça. Ce n'est pas une approche qui part des droits, c'est une approche qui part d'une division des personnes, division des personnes pauvres entre les aptes et les inaptes, entre les bons pauvres et les mauvais pauvres, et les méritants, les non-méritants. Donc, on ne part pas d'abord d'une reconnaissance de droits, on divise les personnes et on s'ajuste en conséquence.
Une autre chose qu'une stratégie doit faire, c'est permettre une répartition plus équitable de la richesse. Les gens sont pauvres, oui, ils sont pauvres en soi parce qu'ils ne subviennent à leurs besoins, mais ils sont aussi pauvres relativement au reste de la société. Et tu ne peux pas lutter contre la pauvreté si tu ne répartis pas plus équitablement la richesse. Donc, ça prend pour nous autres... Ça doit aller de pair, une loi sur la pauvreté, avec des modifications au niveau fiscal, une révision de la fiscalité. Mais là vous comprendrez, évidemment, qu'on ne parle pas de la même révision de la fiscalité dont M. Audet vous parlait tout à l'heure.
Troisièmement, toute stratégie de lutte à pauvreté, pour nous, doit aller de pair avec une politique globale d'habitation. Bon, évidemment, on est intervenants dans ce domaine-là, on lutte pour le droit au logement. On reconnaît que, dans la stratégie qui est présentée, il y a des pas qui sont faits qui sont intéressants dans le domaine de la reconnaissance du fait que le logement, l'aide au logement... Et je vous cite la stratégie: «L'un des moyens les plus importants pour assurer la sécurité sociale et économique des Québécoises et des Québécois est leur garantir un niveau de vie décent.» C'est un grand pas. On avoue aussi que le gouvernement du Québec, contrairement aux gouvernements des autres provinces, a toujours maintenu une intervention dans le domaine du logement social et on pense que c'est un acquis.
Sauf qu'on ne vous surprendra pas en vous disant qu'il faut aller plus loin encore, qu'il faut d'autres investissements dans ce domaine-là, mais aussi... Et ça, c'est peut-être... En tout cas, je pense qu'on ne se le dit pas assez, mais il y a l'autre commission qui parle de ça en bas, ça prend une politique globale en matière d'habitation. Ça fait 25 ans qu'il se parle de politique globale en habitation, et on continue d'intervenir plus à la miette, plus par des plans d'action, des interventions qui peuvent être intéressantes, mais qui ne font pas partie d'un plan, d'une politique globale qui permet, entre autres, de mettre à contribution pas juste la Société d'habitation du Québec, pas juste la Régie du logement, mais l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux.
Finalement, ce que ça prend, c'est des mesures immédiates ? on vous en parlait tout à l'heure ? mesures immédiates qui doivent disposer de moyens financiers suffisants. On en propose cinq dans notre mémoire, j'attirerai juste l'attention sur trois.
D'abord, le financement de 8 000 logements sociaux par année. Demain, on va donner une conférence de presse où on va expliquer, entre autres, en quoi la création de 8 000 logements sociaux par année permettrait de combattre la pénurie qu'on connaît présentement et assurer l'accessibilité financière des logements qui vont être réalisés. Évidemment, on ne vous cachera pas non plus ? ça, on ne s'en est jamais caché au FRAPRU ? que ça prend une intervention plus forte du gouvernement du Québec dans ce domaine-là, mais aussi que ça prend une intervention fédérale, que ça prend des sous de la part du gouvernement fédéral de façon beaucoup plus importante que c'est le cas présentement.
n(17 h 10)n Deuxième mesure, les prestations d'assurance emploi doivent assurer le respect des besoins essentiels de toutes les personnes qui sont à l'aide sociale sans exception. Moi, quand j'entends les gens nous dire que le programme d'aide sociale qu'on s'est donné est assez généreux, j'ai un problème. Je serais curieux de voir les gens qui disent ça de vivre avec le montant qui est donné à l'aide sociale. Essayons de vivre avec 500 $ par mois, voir si c'est généreux.
Finalement, la gratuité ? troisième mesure sur cinq ? la gratuité des médicaments, je pense que là il n'y a pas de grande démonstration à faire comment, entre autres, pour les personnes qui sont reconnues comme n'ayant pas de contraintes permanentes à l'emploi... comment le fait que les médicaments ne soient pas gratuits, ça représente une entrave. Et, souvent, les gens doivent choisir entre payer le loyer, se loger et se soigner. On attend avec impatience le plan d'action qui nous est promis en espérant que ces mesures-là vont s'y retrouver. Il ne faudrait pas ? et je termine là-dessus ? il ne faudrait pas que la loi et la stratégie gouvernementale sur la pauvreté qu'on a réclamées au FRAPRU, pour lesquelles on s'est impliqué, entre autres au sein du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté... que cette loi et stratégie là soient une occasion ratée. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Saillant. Je vais donc céder immédiatement la parole à la ministre d'État à la... aux Affaires sociales, c'est ça.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Solidarité sociale. Je suis désolée.
Mme Goupil: Oui. Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, M. Saillant, Mme Poirier, je veux vous remercier également d'avoir déposé un mémoire. Ce qui est assez extraordinaire en commission parlementaire, c'est qu'on est à même de constater que la perception des gens n'est pas la même nécessairement en fonction des personnes qu'on représente. Et c'est là le débat parlementaire démocratique au Québec qui nous amène à entendre des gens qui ont des points de vue extrêmement importants et qui nous permettent d'aller plus loin dans nos discussions puis de nous aider à prendre les meilleurs choix.
Je voudrais vous rassurer tout de suite, parce que, quand vous avez indiqué tout à l'heure des méritants, des non-méritants, et tout ça, en aucun cas la loi qui est devant vous actuellement fait l'objet de caractéristiques à savoir est-ce qu'il y a des gens qui méritent ou ne méritent pas d'aide. On part du principe suivant, c'est qu'il y a un groupe de personnes qui, au Québec, se situent en deçà d'un seuil de revenus nécessaires pour leur permettre d'avoir accès à un logement décent, à se nourrir correctement et avoir ce qu'il leur faut finalement pour exercer leur pleine citoyenneté.
Ce que l'on propose... On n'a pas la prétention de vouloir tout régler, mais d'être capable de toucher des personnes qui se trouvent dans une situation de pauvreté. Et on indique à peu près trois catégories. Il y a, bien sûr, les personnes qui sont prestataires, qui vivent des situations extrêmement difficiles. Vous avez les personnes qu'on pourrait qualifier de presque pauvres, qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier des programmes et qui se situent avec un revenu qui peut parfois être celui du salaire minimum ou un peu plus puis, malgré toutes leurs bonnes intentions, se retrouvent dans une situation extrêmement difficile. Et il y a une troisième catégorie de personnes qui sont ceux et celles qui, à un moment de leur vie, après avoir passé 10 ans, 15 ans ou 20 ans à occuper un emploi, perdent leur emploi et se retrouvent aujourd'hui devant des emplois disponibles, parce qu'on a une demande énorme au niveau de l'emploi, mais qui n'ont pas les qualifications pour être capables d'occuper ces emplois. Et ce sont ces trois groupes de personnes que l'on retrouve dans la stratégie et que l'on retrouve dans le projet de loi.
Vous avez indiqué aussi qu'il faudrait avoir des mesures immédiates pour tout le monde, tout de suite. Il est bien qu'il y ait des gens qui réclament tout ça, parce que ça fait un juste équilibre entre ceux, parfois, qui pourraient demander qu'il y en ait moins puis d'autres qui en veulent plus. Le rôle d'un élu, c'est de toujours se rappeler que nous avons le privilège de prendre des décisions au nom des femmes et des hommes qui nous ont choisis pour les représenter, et il y a un point sur lequel les gens sont d'accord, c'est d'aider les personnes qui, malgré tous les efforts, ne réussiront jamais à s'en sortir soit par des problématiques de santé ou autres. Et ce que les gens nous disent: Il faudrait être capable de donner un coup de barre pour les aider davantage.
Cependant, on a aussi les hommes et les femmes du Québec qui viennent nous dire: Des gens qui n'ont pas aucune... je dirais, aucune difficulté, qu'elle soit physique ou intellectuelle, qu'on leur offre un emploi demain matin, comment se fait-il que ces gens-là n'acceptent pas ces emplois? Et là je vous interpelle directement, parce que ceux et celles qui occupent un emploi à un bas revenu, au salaire minimum ou même un peu plus, qui, dès qu'ils améliorent leurs conditions salariales... Parfois, leurs coûts de loyer augmentent d'autant, alors il faut en convenir que ces gens-là ne font pas de gains. La stratégie de lutte à la pauvreté veut être capable, lorsqu'on aura défini collectivement, ensemble, c'est quoi, ce revenu de solidarité... être capable de les aider de façon à ce que chaque effort qu'ils vont faire, ça va être justement de leur permettre d'améliorer leur situation.
Et, il faut en convenir, là, avec ce projet de loi, ce n'est pas de faire en sorte que les femmes et les hommes du Québec deviennent riches demain matin. Nous le souhaiterions tous, mais il faut d'abord être capable de se donner une perspective pour corriger les personnes qui vivent actuellement des situations de pauvreté. Alors, quand vous dites des mesures immédiates pour tout le monde, la réalité de la pauvreté, bien, les trois catégories de personnes que je vous ai mentionnées tout à l'heure, elle n'est pas la même. Vous avez quelqu'un qui, physiquement, demain matin, n'a pas aucune possibilité de s'en sortir, et cette personne-là, les gens nous disent tous collectivement: Il faudrait être capable de lui aider davantage. Vous avez une mère de famille qui, elle, occupe un emploi, a un revenu au salaire minimum, qui, elle, elle dit: Moi, ce que je voudrais, c'est avoir mieux de soutien, une allocation familiale plus généreuse, avoir un logement qui me coûte moins cher. Alors, ses besoins, à cette personne, ne sont pas les mêmes que la première catégorie. Et, finalement, le travailleur ou la travailleuse qui perd un emploi et qui se retrouve dans une situation où il a besoin de formation, cette personne, ce qu'elle nous dit: Bien, je ne voudrais pas être obligé de manger ? j'utilise le terme ? c'est-à-dire utiliser toutes les épargnes que j'ai avant de suivre ma formation, parce que, sinon, je vais me retrouver dans une situation de pauvreté et je ne serai plus capable de m'en sortir. Alors, la raison pour laquelle ce n'est pas des mesures immédiates pour tout le monde, mur à mur, c'est parce que la réalité des personnes n'est pas la même.
C'est certain que si, demain matin, nous avions collectivement tous les budgets pour répondre à tout ça dans un seul coup, on ne serait pas ici, personne, puis on serait dans un autre forum pour la faire, mais ce n'est pas la réalité. Alors, je voudrais... Quand vous nous indiquez à juste titre qu'il faut être capable de tenir compte de la réalité des personnes les plus pauvres de notre société versus les personnes les plus riches, il y a M. Langlois qui est venu nous démontrer par une étude à l'effet ? puis le but, là, c'est qu'on soit capable d'en discuter ensemble ? où il indique à juste titre que si on prend les revenus les plus élevés... Parce que, disons, plus de 100 000 $ au Québec, d'abord c'est un pourcentage très petit de personnes qui ont ces revenus, et on peut avoir quelqu'un qui soit millionnaire qui soit comptabilisé dans cette tranche du cinquième, je dirais, les plus riches.
Alors, quel est votre point de vue? Quelle serait la mesure que l'on pourrait considérer la plus juste possible pour être capable d'éviter, je dirais, ces écarts qui sont grands, il faut en convenir, mais qu'il ne faudrait... Avec ce qu'il nous a dit, c'est qu'on peut ne pas avoir les bons calculs si on prend le cinquième des personnes les plus riches et le cinquième plus pauvre. Quelle est, selon vous, la meilleure mesure que nous pourrions utiliser pour faire en sorte que l'on ne se retrouve pas dans des écarts qui seraient contestables, par exemple, au niveau de l'Observatoire ou au niveau de recherches qu'on veut se donner, typiquement québécoises.?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saillant ou Mme Poirier. M. Saillant.
M. Saillant (François): Bien, peut-être juste d'abord sur la première partie de la question, quand on reconnaît un niveau de vie suffisant à l'ensemble des personnes qui vivent la pauvreté, qui sont en situation de pauvreté, ça ne veut pas dire que tu empêches une amélioration par après du sort de ces gens-là, que, par le travail ou par d'autres moyens, ils peuvent améliorer leur sort de façon encore plus grande, mais ça veut dire que tu reconnais que, comme société, on a une responsabilité d'assurer un certain nombre de choses. Et ce certain nombre de choses là, ça veut dire la capacité qu'ont les personnes de se loger, de se nourrir, de se vêtir, d'avoir un minimum de choses. C'est tout simplement... C'est reconnaître un plancher, à un moment donné, en dessous duquel, comme société, on pense qu'on ne peut pas descendre.
Et, pour moi, j'ai l'impression que cette mentalité-là, elle n'est pas récente, là, c'est depuis les années quatre-vingt peut-être qu'on voit les choses de cette façon-là. On a divisé d'abord entre plus les jeunes... On donnait des prestations moindres aux jeunes de moins de 30 ans. Par après, on a fait la distinction apte-inapte, qu'on a transformée un peu. Il faudrait faire le bilan de ça à un moment donné. Ça fait 20 ans qu'on fonctionne sur cette base-là. Est-ce qu'on peut considérer que c'est un succès d'avoir fonctionné sur cette base-là? Est-ce qu'on peut considérer qu'une personne qui est privée de besoins essentiels, de sa capacité d'atteindre les besoins essentiels est vraiment dans une bonne position pour améliorer son sort? Est-ce qu'elle est dans une bonne position? Est-ce que tu es dans une bonne position pour penser à améliorer ton sort quand tu vis avec 500 $ par mois ou moins? Parce que tu peux avoir beaucoup moins que 500 $ par mois. Moi, je ne pense pas. Je ne pense vraiment pas.
Mme Goupil: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Poirier, vous vouliez ajouter?
Mme Poirier (Lucie): Au niveau des écarts de richesse et des indicateurs, à notre avis, c'est le premier qu'on mentionnait effectivement, regarder les écarts entre le cinquième le plus riche et le plus pauvre. On constatait avec nos chiffres qu'effectivement il y avait un écart grandissant de 8 %. Mais, que ce soit un indice, qu'il soit le quintile, il faudra voir peut-être les chiffres. Ce qui est clair, c'est que dans la dernière décennie la plupart des politiques gouvernementales sont venues accroître l'écart entre les gens qui avaient plus d'argent et ceux qui en avaient le moins.
n(17 h 20)n Qu'on parle de la venue de la TVQ, qui est une taxe régressive, qui fait en sorte que, proportionnellement, quelqu'un qui est à plus faibles revenus, va payer plus cher de taxes pour une pinte de lait qu'une personne... Une pinte de lait, on ne paie pas de taxe là-dessus, je vais prendre un autre exemple. Pour les couches, par exemple, donc va payer plus de taxes que quelqu'un d'autre qui a les plus hauts moyens. Ensuite de ça, lors de la lutte au déficit, les gens à faibles revenus ont vu leurs revenus diminuer, ont vu aussi des services diminuer. Et, lorsque, finalement, le gouvernement du Québec avait les moyens financiers pour rétablir la situation, ce qu'on a fait, c'est qu'on a baissé les impôts de 11 milliards de dollars dans les dernières années, et le 40 % de la population qui ne payait pas d'impôts n'a pas vu son revenu augmenter. Et, donc, on pourrait déjà dire que, en partant, il faudrait arrêter d'accroître les écarts. Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut aller plus loin que ça, il faut commencer à les diminuer, et on peut sûrement trouver des indicatifs très sûrs qui peuvent nous permettre de voir, dans trois ans, dans cinq ans, dans six ans, dans sept ans, est-ce qu'on a atteint ces objectifs-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.
Mme Goupil: Oui. Peut-être juste ajouter avec ce que vous venez de dire, il est vrai que nous nous retrouvons avec près de 44 % des gens qui ne paient pas d'impôts. Il faut en convenir que c'est un choix que nous avons fait. Quand on parle de la réduction d'impôts de 11 milliards, il faut reconnaître que, si ces mêmes personnes vivraient en Ontario, par exemple, elles se seraient vu maintenir des impôts, même avec des revenus très faibles. Alors, vous avez raison qu'il faut le dire, mais c'est un choix de société qui a été fait, un choix de gouvernement pour faire en sorte que des personnes ici, au Québec, parce qu'on considère que leurs revenus ne sont pas suffisants, sont exemptes de payer de l'impôt. Ça, c'est un choix qui a été fait.
L'autre élément que vous avez soulevé, c'est au niveau des mesures qui ont été exprimées. C'est sûr qu'en maintenant un régime universel au niveau de la santé, de l'éducation, soutien aux familles, etc., toutes les personnes de notre société s'attendent à pouvoir en bénéficier, et c'est important qu'on puisse le maintenir, parce qu'on a tendance à ne pas le dire suffisamment que les personnes pauvres, c'est des coûts sociaux au niveau de la société extrêmement importants. Au niveau de l'éducation et le décrochage scolaire, lorsqu'on a des familles... Puis on a eu des témoignages, ce matin, de deux mères de famille qui le vivent dans leur quotidien, puis elles nous ont raconté ce qu'elles vivent, il est vrai que c'est difficile de vouloir maintenir à la fois l'intérêt pour l'école et soutenir auprès de ses enfants.
Quand vous dites qu'au niveau de toutes les mesures... Je reviens à ce que vous avez dit tout à l'heure, parce que ? et surtout M. Saillant ? il est le temps, au Québec, qu'on se donne des mesures pour mesurer l'impact des gestes que nous allons poser dans la suite des choses pour justement éviter qu'il y ait cet écart entre les personnes riches et les personnes pauvres. Est-ce que par rapport à la création de l'Observatoire... Il y a plusieurs personnes qui sont venues dire ici que peut-être qu'il ne serait pas nécessaire que ça puisse être la création d'un observatoire, mais qu'on puisse le faire, par exemple, par l'Institut de statistique, de la recherche du Québec ou par une autre forme. Quel est votre point de vue par rapport à cela?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Poirier.
Mme Poirier (Lucie): Évidemment, le FRAPRU est membre du Collectif, donc appuie le projet de loi pour éliminer la pauvreté du Collectif, et il y a un observatoire dans le projet de loi. Par contre, c'est sûr que pour nous c'est secondaire comme mesures qui peuvent être dans le projet de loi. Les mesures les plus importantes, à notre avis, en termes d'ajout, sont celles qu'on a mentionnées. Et, j'irais même plus loin, si les mesures qui sont demandées aujourd'hui par le FRAPRU, les trois mesures à rajouter ne sont pas là, le FRAPRU ne pourra pas appuyer l'adoption du projet de loi, parce que, à notre avis, justement, ce projet de loi là ne pourra pas contraindre le prochain gouvernement, quel qu'il soit.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre déléguée, je vous rappelle qu'il reste trois minutes, à peu près, à la partie ministérielle.
Mme Léger: Mon Dou! Mon Dou! Merci. Bonjour, M. Saillant. Bonjour, Mme Poirier. Évidemment, c'est important que vous soyez ici aujourd'hui puis que vous ayez déposé un mémoire. J'apprécie votre mémoire et, particulièrement, tout le travail qui se fait au niveau de l'habitation qui est, dans le fond, dans la stratégie nationale, d'une part, qui a un volet important sur l'habitation.
Mais je veux revenir un petit peu, là, au début. Avec le peu de temps qu'on a, là, à travers tout ça, vous dites, au départ, que vous allez soutenir le projet de loi dans le sens de son amélioration et que... Le FRAPRU, dans votre communiqué, vous dites, revendique des ajouts importants à cette loi pour qu'elle devienne plus qu'un contenant sans contenu. J'ose espérer que vous ne pensez pas que ce qui est sur la table n'est qu'un contenant et qu'il va avoir juste contenu si ça répond à des mesures immédiates, comme vous disiez tout à l'heure. Mais, pour qu'il y ait des mesures immédiates, il faut aussi un plan d'action, et le plan d'action vient... le projet de loi vient nous... de se doter, en fin de compte, le gouvernement, de se doter que cette loi-là vise, dans la fond, une vision d'ensemble puis qu'on ait une stratégie cohérente.
Je voyais des éléments, Mme Poirier, que vous apportiez tout à l'heure. Une des raisons d'avoir une loi, c'est d'avoir une stratégie, mais d'avoir aussi que... nous obligeant, comme gouvernement, d'avoir une cohésion puis une cohérence dans ce qu'on va faire. On instaure des principes fondamentaux dans le préambule, ce que vous ne voyez pas dans beaucoup de lois; des obligations de résultat; un engagement dynamique de la société civile; un engagement des communautés locales et régionales par un fonds spécial, ce que les régions nous ont demandé, d'avoir un fonds spécial puis de décentraliser pour qu'on puisse permettre de soutenir les actions locales; un outil de mesure de nos progrès, comme ma collègue vous a parlé tout à l'heure, de se donner comme défi de ramener progressivement le Québec, d'ici 10 ans, au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres. Et vous me dites aujourd'hui que malgré cela... Vous dites que c'est peut-être juste un contenant sans contenu. J'ai besoin que vous m'expliquiez un peu mieux ça, parce que, pour moi, il y a des avancées extraordinaires qui sont là. Il n'y a pas de loi semblable à travers le monde, alors comment vous dites qu'on n'avance pas?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre déléguée, je vous rappelle que le temps de réponse est compris dans le temps qui est alloué à la partie ministérielle. Alors, il resterait à peu près une minute, si possible, pour vous donner une réponse. Mme Poirier.
Mme Poirier (Lucie): Oui. Au printemps, deux documents ont été déposés: un document très clair, avec beaucoup d'informations sur les volontés gouvernementales; un autre document qui a des objectifs assez vagues, assez imprécis ? je me permettrai de le dire ? qui fait en sorte qu'on a de la difficulté justement à voir qu'est-ce qui pourrait être contraignant au niveau de la loi pour le gouvernement.
Dans la stratégie, on donne l'échéancier, comme vous nous dites, dans 10 ans d'arrivée, au niveau des nations industrialisées, qu'il y ait moins de pauvres. On ne le retrouve pas dans la loi. Pourtant, c'est une loi qui devrait contenir ces objectifs-là. Dans la stratégie, on dit que la loi doit l'encadrer dans le temps, on ne parle pas de temps dans la loi. Et, donc, lorsqu'on parle dans la stratégie de ce qu'il devrait y avoir dans la loi, ce n'est malheureusement pas là.
Quand vous me parlez de plan d'action, on regarde l'article 14, où on devrait avoir une bonne idée de ce qu'il devrait avoir dans le futur plan d'action, et, malheureusement, la première mesure est déjà une mesure qui est annoncée, qu'on salue par ailleurs, au niveau de l'abolition pour la coupure partage de logement, et les prochaines, on ne les retrouve pas nécessairement. Le fait qui, pour nous, est très important, de s'assurer que toute personne au Québec puisse avoir un revenu pour couvrir ses besoins essentiels... Quand Mme Goupil parlait tantôt d'augmenter les revenus de tout le monde, on parle de, premièrement, s'assurer que tout le monde ait un revenu suffisant pour couvrir les besoins essentiels. Donc, ça, c'est vraiment... Et ça, c'est un ajout qui est important, pour nous, dans la loi, pour s'assurer que les personnes les plus pauvres ne soient pas laissées de côté dans ce document pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous allez peut-être pouvoir poursuivre, puisqu'on va poursuivre...
M. Saillant (François): J'ai un tout petit point...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, j'aurais besoin d'un consentement à ce moment-ci. Vous consentez qu'on prenne du temps pour...
M. Saillant (François): Bien, vraiment très, très...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Allez, M. Saillant.
M. Saillant (François): Vraiment très, très bref. Si vous voulez savoir à quoi ça pourrait ressembler une loi sur la pauvreté qui, pour nous autres, aurait vraiment des contraintes, regardez la loi sur les déficits qui a été adoptée, avec des échéanciers, des orientations très précises et même des obligations, que, si une année tu n'atteignais pas le résultat, tu étais obligé de faire du rattrapage. On ne voit rien de ça dans ce projet de loi là. On en voit, par contre, dans le projet de loi du Collectif, qu'on appuie. Ça ressemble plus à ça.
M. Sirros: Si vous permettez, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup. Si vous me permettez, pour ouvrir un peu sur un autre ton suite à cette discussion, ce que nous avons, c'est un parti qui est celui de gauche, qui présente une proposition de loi libérale; un parti de droite qui propose les solutions dites de gauche. Alors, c'est un peu le monde à l'envers. Et vous avez raison, bien, de dire qu'il n'y a rien dans la loi qui entraverait notre programme à nous. Et, dans ce sens-là, on l'avait dit au départ, à la ministre, on trouve qu'elle s'accommode très bien des valeurs libérales. Et, si j'ouvre comme ça, c'est parce que vous venez de conclure avec une autre proposition de loi qui a été un concept libéral, le projet de loi antidéficit, avec effectivement des échéanciers, puis des contraintes, puis des choses qui doivent arriver après la constatation d'un déficit, puis il faut qu'on se reprenne.
Et vous avez raison de dire que, dans la loi telle quelle, c'est une loi qui donne une orientation, qui permet de structurer peut-être un débat autour de la question de la pauvreté, mais sans emprise réelle par rapport aux objectifs à atteindre, ni beaucoup de clarification sur le processus à entreprendre pour finir ce débat-là. Tout ce qu'on dit pour l'instant, c'est qu'on va déposer des rapports, puis ce sera référé en commission parlementaire. Moi, je pense qu'il y a peut-être lieu de voir davantage de concret autour du processus de ce débat, plus de concret au niveau possiblement des objectifs à atteindre.
n(17 h 30)n Et avec ça, j'aimerais revenir sur vos trois recommandations que vous faites, parce que vous en faites trois de façon plus précise. Une fois que vous avez dit: Finalement, on n'aura pas l'approche qu'on veut, on n'aura pas une approche de droit, hein, basée sur les droits, parce que ce n'est pas une loi qui a une approche de droits, ce que vous réclamez au départ ? idéologiquement, vous êtes assez distincts de ce qui est présenté ? vous réclamez... vous êtes fondés sur une approche de droits, dont le droit à un revenu décent et le droit au logement. Bon.
Une fois que vous acceptez finalement que ce n'est pas dans la loi, vous retombez sur trois propositions concrètes et vous dites: On veut des cibles précises à atteindre pour lutter contre la pauvreté, dont la réduction des écarts entre le 5e le plus pauvre et le 5e le plus riche. Moi, je vous avoue que j'ai pensé un peu à la lutte des quintiles, en quelque sorte. C'est une approche qui, je trouve, oppose les uns aux autres, et ce n'est pas nécessairement ce qu'il y a de mieux au niveau de la capacité de la société de maintenir une solidarité afin de sortir les gens de la pauvreté. Et je suis d'accord avec vous quand vous faites la distinction entre pauvreté et... vous n'utilisez pas le mot «misérabilisme», mais c'est à peu près ça, les misérables et les pauvres.
Et j'aimerais comprendre pourquoi d'abord vous insistez beaucoup sur cette notion de quintiles inférieurs, quintiles supérieurs, la comparaison, c'est ça, et, si on réussit à faire la lutte à la pauvreté, on aurait réussi à réduire ces écarts, plutôt que de demander à ce qu'on mette dans la loi, par exemple, ce que vous relevez dans la stratégie qui a été déposée, de viser d'ici 10 ans d'être l'endroit industrialisé, la société industrialisée qui aurait le moins de personnes pauvres. Alors, là, c'est un objectif un peu plus ? comment je pourrais dire? ? objectif sans nécessairement faire le lien avec ce que j'appelais la lutte des quintiles en quelque sorte. O.K.? Commençons avec ça, puis j'aurai deux autres questions sur les deux autres points.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saillant. Alors, Mme Poirier? Mme Poirier.
Mme Poirier (Lucie): Oui, d'accord, merci. En fait, lorsque vous regardez la première mesure qu'on demande comme rajout, on dit bien: Ajout de cibles précises à atteindre pour lutter contre la pauvreté dont la réduction des écarts. Donc, ça veut dire que c'est un exemple de cible précise qui pourrait être utilisée.
Et même, quand on lit plus loin dans le mémoire, on mentionne qu'effectivement on trouve ça intéressant que la stratégie se donne cet objectif-là d'arriver aux 10 nations industrialisées où il y a le moins de pauvres, donc on salue cet objectif-là et on espère qu'effectivement ça pourrait être l'une des cibles.
Mais on se dit que, oui, on peut se comparer aux autres nations, mais il faut aussi se comparer entre nous, et c'est pour ça qu'on rajoute cet autre aspect-là à mesurer parce que, effectivement, malheureusement, dans les 10 dernières années, la plupart des politiques gouvernementales sont venues augmenter les écarts entre les plus riches et les plus pauvres, et on espère réduire cet écart-là au lieu de continuer à le voir s'accroître.
M. Sirros: ...où l'écart n'est pas générateur de tensions sociales, hein, de tensions de... qu'ils ne sont pas tels, les écarts, et qu'on a réduit la pauvreté à un point tel où les écarts, ça ne génère pas... ça peut générer, en tout cas, des tensions sociales qui débordent. C'est quoi, le problème fondamental?
Et deuxième chose... mais, en tout cas, allez-y avec ça, parce que je viens de perdre mon idée deuxième.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Poirier.
Mme Poirier (Lucie): Je vais répondre puis, ensuite, vous pourrez peut-être l'avoir.
En fait, la notion de réduction des écarts, on parle bien de... et vous l'avez dit, au niveau de la stratégie, c'est au niveau de la redistribution de la richesse et de la fiscalité. Et les choix fiscaux ont fait en sorte... dans les dernières années, effectivement, on a baissé les impôts, on a fait des choix au Québec où maintenant 44 % de la population ne paient pas d'impôts, mais ça a quand même... les dernières baisses d'impôts ont quand même eu pour effet de faire en sorte qu'il y a des gens qui ont vu leurs revenus augmenter, alors que d'autres n'ont pas vu de différence dans leur portefeuille. Et il y a des services qui n'existent plus: la gratuité des médicaments, par exemple, que les gens avaient, ils ne l'ont plus. Donc, c'est au niveau de la fiscalité. Quand on parle de la réduction des écarts entre les différents quintiles, c'est au niveau de la fiscalité qu'on croit qu'on doit intervenir.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Je reviens sur cette question-là parce que c'était... je viens de retrouver le fil que j'avais, et c'était lié avec la question des impôts, la baisse des impôts, puis les mesures fiscales. Mais, moi, quand je constate qu'il y a des individus qui ne sont pas riches mais qui paient encore beaucoup plus d'impôts que le même individu à côté... Bon, on avait l'exemple tantôt de quelqu'un qui gagne 20 000 $, il paie 3 000 $ d'impôts, 33 % de plus qu'il paie en Ontario, et que cette personne se sente étouffée, ce n'est pas une personne riche, ça.
Mais on a eu d'autres choix qu'on a faits, comme société, qui ont enrichi... Par exemple, je prends un collègue à moi qui en a parlé publiquement en disant: Merci beaucoup au gouvernement pour ces garderies à 5 $ parce que, ça, ça m'a permis d'empocher 1 800 $. Ça a aidé et c'était à un niveau de revenu familial de 80 000, 100 000 ou quelque chose comme ça. Mais, je veux dire, il y a des choix, et ce n'est pas juste les mesures fiscales. Mais les mesures fiscales, c'est aussi une... On opère dans un contexte de compétitivité nécessaire. On opère dans un contexte où on se compare avec d'autres au niveau de ces niveaux de taxation et où la taxation a aussi quelque chose à faire avec la création d'emplois et la création d'emplois a aussi quelque chose à faire, dans le système capitaliste, avec la réduction de la pauvreté. Mais ce n'est pas tout. Alors, encore une fois, pourquoi ne pas cibler les efforts sur la question de la réduction de la pauvreté sans nécessairement aller dire cette opposition des classes?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saillant.
M. Saillant (François): Parce que, pour nous autres, il est en jeu une question de priorités, de choix sociaux et de ressources. Où tu mets l'argent dont tu disposes? Le gouvernement, s'il veut dépenser plus ? et, à mon avis, il doit dépenser beaucoup plus pour combattre la pauvreté ? a des choix qui se posent. Est-ce qu'on fait le choix de se priver de revenus et donc d'avoir moins de possibilités d'intervenir sur la pauvreté? Je pense que c'est le choix qui a été fait malheureusement avec les surplus budgétaires dont on disposait au Québec. On a fait le choix d'abord de réduire les impôts quitte à avoir moins de ressources à mettre pour lutter contre la pauvreté. Et c'est ce choix-là qu'on remarque. C'est le choix qu'on n'a pas choisi de réduire les écarts, mais les politiques qu'on a eues, au contraire, ont eu pour effet d'augmenter ces écarts-là. Et je rappelle juste ce que je disais tout à l'heure, tu es pauvre en soi, mais tu es aussi pauvre en relation avec une société. Et dans une société riche, être pauvre, ça ne signifie pas la même chose que dans une société pauvre. Tu es dans une société où il y a suffisamment de ressources. La question, c'est: Est-ce que tu te donnes les moyens d'aller chercher ces ressources-là? Et je pense que tout le débat de la fiscalité, c'est celui-là.
Dernier point sur la question. J'étais heureux de vous entendre dire tout à l'heure que vous trouvez que la loi manque de mesures concrètes, un peu comme la Loi sur le déficit en avaient. J'espère qu'il y a des amendements qui vont être proposés par l'opposition officielle au projet de loi et j'espère... c'est une chose de proposer des amendements, mais j'espère aussi qu'on va prendre l'engagement formel de la part du Parti libéral de faire en sorte que, si jamais on prend le pouvoir, les amendements qu'on a proposés, on va les mettre en application dès l'entrée au pouvoir du Parti libéral.
M. Sirros: Moi, je peux vous dire déjà que c'est un engagement qu'on a pris et on ne s'est pas gêné à le prendre, puis je répéterais, par exemple, que ça rejoint les mesures concrètes. C'est insensé de faire payer les assistés sociaux aptes au travail pour leurs médicaments. C'est complètement insensé, et ça n'aurait jamais dû exister, puis il faut le corriger, puis on s'est engagé à le corriger, puis on le corrigera.
Même chose pour ce qui est des coupures supplémentaires à l'heure actuelle, à partir des barèmes actuels, pour ces mêmes personnes. Vous citez même un rapport quelque part qui parle du «workfare» au Québec. J'imagine que c'est ça qu'ils ont en tête. C'étaient les Nations unies, je pense, auxquelles vous référiez, qui citent le Québec comme l'endroit où il y a du «workfare» actuellement avec un gouvernement soi-disant de gauche. Et ça aussi, c'est insensé. Et ça vient toucher la question des besoins essentiels par la suite. Actuellement, si je comprends bien, les gens qui sont inaptes, entre guillemets, au travail ou avec contraintes sévères à l'emploi reçoivent plus ou moins le montant nécessaire pour les besoins essentiels, selon les calculs du ministère. Et votre réclamation, c'est que la même chose s'applique pour les autres personnes. Je pense qu'autour de la table ce serait probablement une question de sous et de disponibilités financières au bout de la ligne, si on peut s'assurer du même coup qu'il y aura toujours une incitation au travail; parce que je pense que ce que, nous, on met de l'avant tout au moins, c'est, oui, il y a des droits que la société donne à des gens, mais il y a aussi des responsabilités que les citoyens doivent assumer quand ils exercent ces droits-là. Et s'il y a un droit de recevoir un montant qui couvrirait les besoins essentiels, il doit y avoir une façon de s'assurer que la responsabilité qui incombe à la personne, c'est de sortir de cette relation de dépendance.
Donc, dans la mesure où on peut s'assurer qu'il y aura toujours une valorisation du travail qui fera en sorte que ce sera toujours plus payant de travailler que de ne pas travailler, et dans la mesure de notre richesse collective, je pense que personne ne va dire qu'on veut garder les gens dans la misère et qu'on ne couvrirait pas les besoins essentiels. Mais c'est une question finalement d'équilibre et de choix, et, dans ce sens-là, je ne sais pas si on vous rejoint quand on dit ça.
n(17 h 40)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, rapidement, M. Saillant.
M. Saillant (François): C'est justement parce qu'on a besoin de sous que, pour nous autres, il y a des choix qui sont à faire entre favoriser le quintile qui est dans... le quintile ou la partie de la population, je ne veux pas m'enfarger sur la méthodologie, la partie de la population qui est démunie ou favoriser celle qui est la plus pauvre financièrement. Et là-dessus, on se rejoint. Il y a une question de sous, là, et, pour nous autres, il faut s'organiser pour avoir le maximum de ressources là où les besoins sont les plus criants.
M. Sirros: Souvent, parce que le système est ouvert, il faut s'assurer que ça continue à générer de la richesse puis accroître la richesse. Donc, pour faire ça, il faut aussi tenir compte de certains paramètres économiques qui... tels les taux d'imposition, etc.
Dernière chose, la clause d'impact.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très rapidement, M. le député. Il reste une minute et demie.
M. Sirros: Vous réclamez une clause d'impact du même style que les clauses d'impact qui existent à l'heure actuelle, par exemple, sur l'environnement?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Poirier.
Mme Poirier (Lucie): Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors voilà. Alors, M. Saillant, Mme Poirier, merci de votre participation à cette commission. Je vais suspendre quelques instants pour permettre à M. Ouellet de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 42)
(Reprise à 17 h 43)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre nos travaux. Il me fait plaisir d'accueillir M. Hector Ouellet, professeur à l'Université Laval. Alors, M. Ouellet, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura la période d'échange.
Avant, je demanderais, puisque, à 6 heures, on va devoir... normalement, je vais avoir besoin d'un consentement. Je le demanderais tout de suite pour ne pas interrompre. J'imagine que la commission consent à ce que nous poursuivions après le 6 heures réglementaire.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, vous pouvez y aller, M. Ouellet.
M. Hector Ouellet
M. Ouellet (Hector): Merci, madame. Le petit mémoire qui vous a été soumis est plus technique, plus limité que, j'imagine, la majorité des mémoires qui vous ont été soumis jusqu'à date. Essentiellement, j'ai voulu insister sur quatre idées particulières. Une première est à l'effet que, à mon point de vue, il faut saluer cette initiative du gouvernement du Québec. C'est une initiative qu'on ne voit pas souvent au Canada, qui est unique d'ailleurs à travers le Canada et qui est assez unique, je crois, à travers le monde. Je crois qu'il a fallu du courage pour présenter un tel projet de loi et je crois aussi, cependant, qu'il va en falloir encore beaucoup pour l'implanter dans la réalité, le rendre contraignant pour le gouvernement, car il n'est peut-être pas inutile de rappeler que, par exemple, en 1989, le gouvernement du Canada avait pris l'engagement devant les instances internationales de mettre fin à la pauvreté des enfants pour l'an 2000. Or, force est de constater qu'en l'an 2000 non seulement la pauvreté des enfants n'a pas disparu, mais elle s'est accrue de façon considérable, et ceci, malgré une période de croissance économique très importante de 1990 à l'année 2000. Donc, il m'apparaît, d'entrée de jeu, souhaitable de saluer une pareille initiative.
Ce projet de loi cependant met en lumière deux enjeux particuliers sur lesquels je voudrais revenir. Le premier réfère à la mesure de la pauvreté. Le second réfère à l'orientation qui est présentée à l'effet de considérer l'accroissement du revenu comme étant la principale sinon la mesure exclusive de solution à la pauvreté.
Concernant la mesure de pauvreté. Contrairement à ce qu'on aurait pu laisser entendre, il n'y a pas, il n'y aura pas dans le futur de mesures objectives de la pauvreté ? et j'insiste sur le mot «objectives» ? plus objectives de la pauvreté les unes que les autres. Il n'y aura, à mon point de vue, que des mesures plus ou moins sévères et qui ne se justifieront que par leur utilité ou par l'utilisation qu'on voudra en faire pour le besoin qu'on en a.
Une image que j'ai l'intention d'utiliser est la suivante: la pauvreté, à mon point de vue, c'est l'équivalent d'une coque de bateau qui fait eau et les passagers qui résident au pont inférieur ont les pieds dans l'eau. Un analyste, un observateur pourra considérer la situation comme étant un peu sérieuse lorsque les passagers auront les pieds dans l'eau jusqu'à la cheville. Un autre pourra ne prendre en compte que les passagers qui sont à risque de se noyer. Et là on ne peut pas facilement éviter de penser aux prises de position de l'Institut Fraser sur cette question-là. Un autre pourra considérer aussi que les pieds sont mouillés simplement quand ils sont mouillés. Il n'y a là-dedans... Aucun des analystes en question n'est plus objectif que l'autre. Ce sont toutes des mesures qui peuvent être utiles dépendamment de l'utilisation qu'on va en faire. L'enjeu, d'ailleurs, ne devrait pas être un enjeu de sévérité ou de mesure de la pauvreté mais des conséquences qu'on est prêt collectivement à tolérer, conséquences sur les individus qu'on est prêt collectivement à tolérer. Et plus notre tolérance sera élevée, plus la mesure sera sévère et moins donc il y aura de pauvres, parce qu'on joue sur la mesure.
Deuxième enjeu, la question du revenu. Bien sûr, la pauvreté, c'est une question de revenus, c'est une insuffisance de revenus et, plus concrètement, c'est l'insuffisance de revenus qui prive des individus de la satisfaction de besoins essentiels ou qui, vu autrement, prive des individus de... qui empêche des individus de correspondre aux attentes que la société a sur eux ou elles. Bien sûr, ça, c'est fondamental lorsqu'on parle de pauvreté.
Cependant, une chose, un facteur de pauvreté qui, à mon point de vue, m'apparaît avoir été négligé dans le projet de loi, c'est celui de ce que j'appelle le rendement inadéquat des systèmes de services et, par là, j'entends la santé, services sociaux, éducation, justice, l'ensemble du système de services, finalement, qui est prévu pour l'ensemble de la population. Donc, le rendement inadéquat des systèmes de services par rapport aux populations défavorisées.
C'est un phénomène, à mon point de vue, qui est majeur, extrêmement important et qu'on doit considérer comme étant un facteur de pauvreté. Pour l'essentiel, mon argument est le suivant: non seulement les besoins des populations dites défavorisées ou en situation de pauvreté sont plus importants et probablement plus fondamentaux que ceux de la population moyenne... C'est, je crois, dans ces rapports avec les populations défavorisées que les systèmes de services ont les moins grands succès, pour ne pas dire leurs plus grands échecs. Et, pire, on peut facilement penser que ce système de services est relativement peu au fait de ses insuffisances par rapport aux populations défavorisées. Bon.
Bien sûr, tout le monde le sait, avec le revenu vient... Le revenu est un très bon indicateur de la longévité, de la morbidité, des conditions de vie plus ou moins agressantes, des taux d'échecs scolaires, de la santé dentaire, etc. Quelqu'un me disait que le revenu est un aussi bon indicateur de la santé dentaire et de la consommation de sucre. Par contre, pour des raisons qu'on peut très bien comprendre, on n'a que très peu d'informations sur qui utilise les services, pour quels besoins spécifiques et quel genre de services on leur rend parce que, tout simplement, on n'avait pas jusqu'à tout récemment l'information suffisante, de sorte qu'on ne pouvait pas savoir facilement ? par exemple, je prends le cas d'un CLSC ? quelle est la proportion de la population dite défavorisée qui utilise les services d'un CLSC, pourquoi, pour quel genre de problèmes, qu'est-ce qu'on fait avec eux ou elles et quels sont les résultats de ce genre de... de ces analyses, de ces interventions. C'est parce qu'on n'avait pas d'information.
n(17 h 50)n Depuis récemment, en collaboration avec l'Institut de la statistique du Québec, un dénommé Robert Pampalon a développé trois indices ? je m'excuse, j'hésite sur le mot ? indices de défavorisation qui permettent maintenant de caractériser des clientèles à partir de leur territoire d'origine sans avoir à demander bien sûr le revenu à quelqu'un qui vient de se séparer ou encore qui a des problèmes de relation conjugale. Donc, à partir de maintenant, c'est une chose qui est possible. Encore faudra-t-il cependant que ces informations soient utilisées. Et il est... Je ne serais personnellement pas particulièrement surpris que ce ne soit pas utilisé ou que ce soit très peu utilisé ou utilisé à des fins autres que pour l'analyse dont on parle ici. Bon.
Je termine mon bref mémoire par une suggestion qui copie une décision qu'avait prise le gouvernement du Québec suite à la quatrième Conférence mondiale des Nations unies sur les femmes, à Beijing, en 1995, où le gouvernement du Québec avait adopté l'approche dite de l'ADS, par là veut dire analyse différenciée selon le sexe, en anglais, «gender-based analysis». Cette approche a été décrite comme un processus, et je cite ici, «qui vise à discerner de façon préventive, en cours de conception et de l'élaboration d'une politique, d'un programme ou de toute mesure, les effets distincts que pourra avoir son adoption par le gouvernement sur les femmes et les hommes ainsi touchés, compte tenu des conditions sociales, culturelles et économiques différentes qui les caractérisent».
À l'instar de l'ADS, ne pourrait-on pas implanter une approche que nous appellerions l'AIDR, soit l'analyse et l'intervention différenciées selon le revenu, au niveau de l'ensemble des interventions gouvernementales et paragouvernementales, et j'entends l'ensemble du système de services publics essentiellement.
Cette approche consisterait en un processus qui viserait, lors de toute intervention entendue au sens large, à tenir compte des différences de besoins et des perceptions des clientèles ainsi que des effets différents d'intervention sur elles, selon leur statut socioéconomique.
À mon sens, ça pourrait... une telle proposition pourrait être au coeur du mandat de l'Observatoire sur la pauvreté. Merci. J'ai terminé.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie, M. Ouellet. Alors, Mme la ministre d'État à la Solidarité sociale.
Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Ouellet, je veux vous remercier d'abord d'avoir accepté de déposer un mémoire dans le cadre de cette commission. Vous avez particulièrement indiqué à juste titre que les mesures pour mesurer la pauvreté et tout ça, il est évident que c'est complexe en soi. Les critères que nous avons utilisés jusqu'à maintenant sont les trois mesures reconnues au niveau international.
Ce que l'on souhaiterait pouvoir faire, c'est être capable de se donner... pas la mesure la plus juste possible, mais à tout le moins, considérant la réalité du Québec, considérant la réalité des personnes qui habitent ce territoire, pourrions-nous avoir une mesure qui corresponde davantage à notre réalité et qu'on puisse comparer. Alors, c'est l'objectif un peu que l'on cherche à toucher.
Vous avez indiqué qu'on devrait davantage regarder, avoir des mesures pour savoir un peu quelles sont les conséquences de la pauvreté sur les personnes. Ça, je partage totalement ce point de vue parce qu'on parle souvent à juste titre que ça a des impacts importants au niveau de la santé, au niveau de l'éducation, au niveau des familles, sans être capable de les mesurer exactement.
Mais il n'en demeure pas moins que l'on sait, avec les études que nous avons, que les personnes vivant des situations de pauvreté vivent moins longtemps, ont des problèmes de santé beaucoup plus importants. Donc, les conséquences de la pauvreté, vous avez raison, il faut qu'on soit capable de s'y attarder davantage.
Vous avez aussi indiqué les attentes de la société à l'égard des gens. Qu'attendons-nous des gens? Et j'aimerais ça tout à l'heure vous entendre parler un peu avec quel angle vous l'abordez.
Vous avez parlé aussi du rendement inadéquat des services par rapport à la population défavorisée; ça aussi, j'aimerais ça avoir peut-être quelques exemples qui vous viennent à l'esprit.
Et, finalement, quand vous dites: Qui utilise et pour quels services spécifiques? Nous avons deux... il y a deux dossiers qui sont sous ma responsabilité ? bien, un qui ne l'est plus mais qui l'a été ? où on voulait savoir qui utilisait, par exemple, les services de garde. Parce que l'objectif de cette politique de services de garde avec mission éducative était bien sûr pour permettre aux enfants, indépendamment de la réalité soit de leurs parents ou de leur milieu... Nous avons basé cette politique sur l'intérêt de l'enfant et, indépendamment des milieux, pour que les enfants y aient accès.
Dans l'analyse des besoins, on voulait savoir qui utilisait nos services de garde, parce qu'on véhiculait que les personnes prestataires utilisaient davantage les services de garde pendant que d'autres personnes qui travaillaient ne bénéficiaient pas de ce système-là. Quand on a fait l'analyse spécifique des besoins qui utilisaient nos services de garde, on a été à même de constater que les personnes prestataires, toutes proportions gardées, le nombre de personnes qui sont prestataires versus le nombre de personnes qui utilisent les services de garde, c'est la même... Alors, ce n'était pas vrai de dire ou de véhiculer que beaucoup de personnes vivant cette situation les utilisaient en plus grande partie.
Quand on regarde, au palais de justice, en matière de droit criminel, il y a certaines études qui ont constaté que les personnes que l'on retrouve devant les tribunaux, en matière pénale ou criminelle, sont souvent des personnes qui vivent des situations d'extrême pauvreté: rupture familiale, pauvreté dans tous les sens du terme, à la fois monétaire, et intellectuelle, et tout ça. Donc, il y a eu... On n'est pas capable de le quantifier, mais ceux et celles qui, au quotidien, travaillent avec ces personnes sont à même de constater qu'elles émanent beaucoup d'une situation de pauvreté. Alors, quand vous dites: Qui utilise et pour quels services spécifiques? Ce serait intéressant, dans chaque service, qu'on puisse le quantifier. Ça nous aiderait à mieux intervenir.
Et, finalement, quand vous parlez d'analyse différenciée selon les sexes et que vous en avez fait la lecture, c'est parce que ce n'est pas évident encore pour tout le monde de comprendre exactement ce que ça signifie. Mais, quand les ministères qui ont accepté de s'engager dans l'analyse différenciée selon les sexes... Les travaux qui ont été effectués jusqu'à maintenant nous amènent déjà à avoir une compréhension différente de l'intervention qu'on doit faire. Par exemple, par rapport au décrochage scolaire, pourquoi les garçons décrochent-ils et pourquoi les filles ou les jeunes femmes le font? Puis ce n'est pas parce que les garçons décrochent plus que les jeunes femmes sont nécessairement plus avantagées. La réalité des jeunes femmes mères de famille, chefs de famille monoparentale et parfois très jeunes, ce matin, on avait le Conseil du statut de la femme qui venait en parler, de ça.
Alors, ce que vous avez apporté comme élément de réflexion, l'angle avec lequel on peut l'apporter, soyez assurés qu'il va être considéré, parce que c'est extrêmement pertinent ? et je vais devoir quitter tout à l'heure, mais pas par manque d'intérêt; mais je suis obligée de quitter. Mais, dans votre mémoire, entre autres, ce qui m'a particulièrement touchée, moi, ça a été le fait d'indiquer qu'actuellement il y a des services qui ne sont pas accessibles à certains groupes de personnes et que, ça, on devrait s'en préoccuper davantage. Et j'aimerais ça que vous pourriez nous donner quelques exemples concrets.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Ouellet.
M. Ouellet (Hector): Je commence par ça, sur cette question-là du rendement inadéquat du système de services, en ouvrant un peu sur ce que vous venez de mentionner. Essentiellement, il faut penser que les mêmes mots peuvent ne pas signifier la même chose selon les classes sociales. Je vous réfère ici à un travail de Ginette Paquet, entre autres, où elle analysait deux populations, Outremont et Pointe Saint-Charles, sur la notion de maladie et de santé. Pour des gens d'Outremont, la santé, c'est un patrimoine sur lequel on a un certain pouvoir et, donc, on peut prévenir, jusqu'à un certain point, la maladie. À Pointe Saint-Charles, la maladie, c'est une fatalité. On ne peut donc pas prévenir. Et, être en santé à Pointe Saint-Charles, c'est avoir une job et être capable de la faire. Ça se limite à ça. De sorte que des gens peuvent être sérieusement amochés et se considérer en santé. Donc, ce sont deux notions différentes.
Une de mes étudiantes regardait un phénomène dans le cas des programmes OLO, un programme pourtant qui est fait pour des femmes de milieux très fortement défavorisés. Les mots, quand la nutritionniste parle de bien manger, elle parle de repas équilibrés. Les femmes à qui elle s'adresse parlent de steak, manger du steak. Elles n'ont pas les moyens de bien manger. Bon. Il faut se rendre compte de ça.
Il faut se rendre compte aussi des réactions différentes à des choses qui, pour nous, peuvent relever du sens commun et qui ne le sont pas pour, entre autres, ces femmes-là. Bon. Par exemple, dans le cas du programme OLO, pourtant un programme, supposément, conçu pour elles, les femmes se présentaient là sans n'avoir aucune idée un peu précise de qui va être là, pourquoi est-ce qu'on va là et on va se faire raconter quoi.
Très souvent, par exemple, dans le cadre de ces programmes-là, les activités s'appelaient des cours. Or, il arrive que ces femmes-là ont une histoire scolaire qui n'est pas particulièrement valorisante. Elles ne sont pas intéressées à aller passer pour connes encore une autre fois. Elles n'y vont pas. Bon. Ou, encore, si elles y vont, c'est en ayant beaucoup, beaucoup de craintes. Donc, c'est tout ça qu'il faut regarder: Comment est-ce qu'on est perçu? Bon.
n(18 heures)n Par exemple, une travailleuse sociale ou un travailleur social, c'est perçu comme un placeur ou une placeuse d'enfants. Il faut le savoir, parce que les individus vont réagir en fonction de cette image-là. Donc, je pense, si on porte une attention à ça, on peut étendre à l'ensemble des interventions cette préoccupation-là et de constater un certain nombre d'échecs qu'on fait sans s'en rendre compte parce qu'on n'a pas compris les perceptions que les clients ou les clientes ont de nous. Comme je suis travailleur social, pour ma part, donc c'est ce genre de choses là.
J'aborde la question des conséquences de la pauvreté. Bon, pour moi, ce que j'ai voulu dire, il ne s'agit pas uniquement de déterminer qui est pauvre et qui ne l'est pas. Ce qu'on sait.... Et, quand on place sur une courbe, revenus de la famille et un certain nombre de problèmes, le Conseil canadien de développement social a fait une liste, on en a une trentaine de problèmes, on a toujours une courbe... Ici, j'inverse ça pour être face à vous, vous avez une courbe... Chaque fois, quand vous mettez le revenu en bas et la probabilité pour les enfants d'expérimenter le problème, vous avez une courbe qui descend comme ça partout. Le rythme peut être différent, la pente peut varier. Grosso modo, il y a une chute qui se produit et qui se stabilise aux environs de 30 000 $ par année. Bon, pourquoi c'est comme ça? Je n'ai aucune idée, mais il reste que ce qui est important, c'est... Bien sûr, il faut mesurer la pauvreté puis il faut être capable de quantifier. Bien sûr. Cependant, l'important, c'est quelles conséquences... Quand on choisit une mesure, on choisit aussi les conséquences qu'on permet à des individus d'absorber. C'est ce que je veux dire. Donc, il faut faire très attention à ça.
Quant à la mesure comme telle, vous dites, Mme la ministre, c'est complexe, et il faut trouver une mesure plus adéquate. À mon point de vue, il n'y a pas de mesure qui va être adéquate en soi. Les mesures sont là pour aider à comprendre le phénomène, à le quantifier, et les mesures vont varier selon l'utilité ou l'utilisation qu'on veut en faire. Bon, par exemple, si on veut comparer divers pays, on va utiliser comme mesure ce qui s'appelle le MFR, là, qui réfère à la médiane, la moitié de la médiane, bon, parce que ça va mieux que le seuil de faibles revenus avant ou après impôts. Bon, dans certains cas, le seuil de revenus avant impôts est meilleur, à mon point de vue, qu'après impôts. Dans d'autres cas, c'est l'inverse. Ça dépend de ce qu'on veut mesurer. Bon, par exemple, la grande faiblesse, à mon point de vue, du seuil de faibles revenus après impôts, c'est le fait de ne pas tenir compte... Il fait baisser, bien sûr, après impôts... Il fait baisser le taux de pauvreté si on compare avant impôts versus après impôts. Cependant, il y a des mesures... Si on ajoutait, ce qu'on devrait faire à mon point de vue, les taxations, taxes à la consommation là-dedans, on ferait remonter le taux de pauvreté, de sorte qu'il n'y a pas, pour moi, de mesure meilleure qu'une autre.
La mesure du panier de consommation, c'est une mesure qui peut être plus fine, sauf que c'est probablement la moins objective de toutes parce qu'elle s'assoit sur un jugement porté par des individus. C'est probablement la meilleure mesure pour qualifier, pour quantifier les services qu'on devrait offrir à une personne ou à une famille, sauf qu'on ne peut plus comparer dans le temps parce qu'on ne connaît pas un panier de consommation de 1990, par rapport à 2000, qu'est-ce qu'il vaut. Comment est-ce qu'on peut le comparer si la pauvreté, selon cette mesure-là, a varié? Est-ce que c'est la mesure simplement, ou signification de la mesure qui a varié, ou si c'est les faits? De sorte qu'il n'y a pas de mesure parfaite.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, monsieur, on dépasse un petit peu le temps, là, de la partie ministérielle. Je pense que les échanges vont pouvoir se poursuivre. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: ...merci beaucoup. C'était dans le même sens. Je trouvais que ce serait intéressant de... D'abord, rebienvenue. Vous étiez ici avec Centraide, merci d'être revenu nous parler plus précisément de cette notion de mesure et de l'autre aspect. Mais continuer un peu sur les mesures, parce que, moi, je trouve que vous avez tout à fait raison, ça dépend qu'est-ce qu'on veut mesurer et quel est le niveau qu'on trouve tolérable ou pas tolérable pour identifier c'est quoi, la pauvreté. Et j'aimerais vous entendre aussi sur les mesures, les instruments de mesure puis la définition qu'on retrouve dans la loi, parce que, généralement, si on mesure quelque chose, c'est à partir d'une compréhension qu'on a du phénomène. Normalement, on essaie de le définir pour bien décrire qu'est-ce que c'est et on le mesure à partir de la définition que nous avons. Alors, vous en avez une définition dans la loi. Je ne sais pas si vous l'avez avez vous, mais...
M. Ouellet (Hector): ...pas sous les yeux, là.
M. Sirros: ...en tout cas, ça nous parle d'une pauvreté... C'est «la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable», mais qui est privé «des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique et favoriser son inclusion active dans la société québécoise». Cette pauvreté, est-ce qu'elle est mesurable selon vous? Et comment?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Ouellet.
M. Ouellet (Hector): C'est-à-dire les mesures, c'est toujours insuffisant. Ça ne prend qu'une facette ou qu'un nombre très limité de facettes. Et c'est toujours nécessaire, toujours comme ça que ça se produit. Prenons des choses très... On est porté à dire, comme je le pense... On est porté à dire: Bon, la pauvreté, c'est difficilement mesurable, c'est trop complexe, etc. La santé, est-ce que c'est moins complexe? À partir de quand est-ce qu'on dit qu'on est malade, à partir de tel degré sur le thermomètre, ou à partir du fait que quelqu'un nous a déclaré malade, ou à partir de fait que, ce matin, j'ai de la misère à me lever? On pourra dire, à partir simplement de ce que je viens de vous dire, que la santé, c'est une notion ambiguë. Pourtant, on dépense au-delà de 15 milliards par année pour le maintien de la santé de la population. Bon, ce n'est pas... Quand un médecin mesure la santé d'un individu, il le fait à partir d'une batterie de mesures différentes qui vont donner des significations différentes, et, je me dis, il n'y en a pas une bonne, elles sont... Je pense que ce qu'il faut faire, c'est ? et ça, je crois que c'est le mandat de... ça devrait être le mandat de l'Observatoire ? de toujours fonctionner avec un éventail de mesures de façon à présenter le portrait le plus global possible de l'évolution de la situation. Bon.
Si on veut, par exemple, établir des barèmes d'aide sociale, je pense que la mesure du panier de consommation pourrait être intéressante comme façon de penser. Si on veut comparer l'évolution avec la France ou les pays scandinaves, on va utiliser la mesure de faibles revenus. Encore là, il y a des problèmes. Par exemple, le même 30 000 $ n'a pas la même signification si vous êtes obligé de payer vos services de santé, ou votre garderie, ou non. Mais, quand même, ça donne une certaine mesure de distribution. Et il n'est pas vrai, en passant, que de dire que, si on prend une mesure comme celle-là, on se condamne à avoir toujours des pauvres. Ce n'est pas vrai, parce qu'on peut très bien n'avoir personne en bas de la moitié du seuil de... la moitié de la médiane. On peut très bien avoir ça, ou encore avoir un nombre marginal.
Et, donc, il n'y a pas de bonne mesure, à mon point de vue, il n'y a que des mesures qui sont adéquates par rapport à l'utilisation qu'on veut en faire et ce qu'on veut mesurer comme phénomène. Bon, par exemple, les mesures, habituellement, de pauvreté ne tiennent pas compte de la profondeur. Par profondeur, j'entends que c'est une chose que d'être en bas du seuil de faibles revenus puis d'être proche du seuil du faibles revenu, et c'en est une autre d'être au tiers du seuil de faibles revenus. La durée, aussi, de la pauvreté est un phénomène qui est majeur, dont les mesures ne tiennent pas compte, mais on a besoin de tenir compte de ça aussi. De sorte que je me dis, il faut avoir une panoplie de mesures et tenter d'approcher le phénomène sous divers angles pour être capable de se dire: On progresse ou non. Je ne sais pas si ça...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Dernier point. Vous mentionnez l'Observatoire, qui serait possiblement chargé de suivre l'évolution. Le Bureau de la statistique du Québec et de recherche pourrait faire ça bien, selon vous? Vous connaissez peut-être mieux que moi quelles sont les exigences d'un tel travail.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellet.
M. Ouellet (Hector): J'ai entendu M. Langlois là-dessus ? je vais y aller rapidement, là ? j'ai entendu M. Simon Langlois là-dessus, je pense que son argument faisait du sens. Il faut que l'organisme qui va mesurer, qui va faire des recommandations ait un accès privilégié, facile et très, très large aux statistiques produites par StatCan. Bon, si c'est la seule façon d'avoir ça que de passer par l'Institut de la statistique du Québec, oui. Moi, pour ma part, j'hésiterais à me prononcer sur l'une ou l'autre des formules, je me dis, le raisonnement qu'on doit tenir là-dedans, c'est le raisonnement d'efficacité, strictement d'efficacité, quelle est la formule, quelle est la structure qui va être la meilleure, la plus efficace. Pour moi, c'est le seul... Et je ne saurais pas dire laquelle des formules est la plus efficace à ce moment-ci.
M. Sirros: Merci beaucoup, M. Ouellet.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va. Alors, M. Ouellet, merci d'être venu échanger avec nous dans le cadre de cette commission. Vous avez le mot de la fin.
Alors, j'ajourne donc les travaux à demain, mercredi 16 octobre, dans cette même salle, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 9)