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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 28 mai 2002 - Vol. 37 N° 64

Consultations particulières sur le projet de loi n° 98 - Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions

Autres intervenants

 
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
M. Jean-Claude St-André
M. Henri-François Gautrin
M. Russell Williams
* M. Yves Lamontagne, CMQ
* M. André Garon, idem
* M. André Jacques, idem
* M. Jean-François Leprince, (Rx & D)
* M. Aldo Baumgartner, idem
* M. Alain Boisvert, idem
* Mme Jennifer Auchinleck, Coalition sur l'assurance-médicaments
* Mme Suzanne Gallagher, idem
* M. John Kinloch, idem
* Mme Louise Chabot, CSQ
* Mme Hélène Le Brun, idem
* M. Renald Dutil, FMOQ
* M. Jean Rodrigue, idem
* Mme Louise Roy, idem
* M. Gilles Taillon, CPQ
* M. Henri Massé, FTQ
* M. Réjean Bellemarre, idem
* Mme Monique Audet, idem
* M. Yves Millette, ACCAP
* M. Claude Leblanc, idem
* M. Yves Dugré, FMSQ
* M. Sylvain Bellavance, idem
* M. Paul Fernet, Ordre des pharmaciens du Québec
* Mme Diane Lamarre, idem
* Mme Louise Rousseau, idem
* M. Pierre Ducharme, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures sept minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales est réunie, comme vous le savez, pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Gautrin (Verdun); Mme Rochefort (Mercier) par M. Williams (Nelligan).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour: nous débuterons nos travaux par des remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons, à 11 h 30, le Collège des médecins du Québec; 12 h 15, les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. Nous suspendrons nos travaux à 13 heures pour les reprendre à 15 heures avec la Coalition sur l'assurance-médicaments; 15 h 45, la Centrale des syndicats du Québec; 16 h 30, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, pour suspendre à 17 h 15 afin de reprendre à 20 heures avec le Conseil du patronat du Québec; 20 h 45, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; 21 h 30, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.; 22 h 15, la Fédération des médecins spécialistes du Québec; 23 heures, l'Ordre des pharmaciens du Québec, pour ajourner à 23 h 45.

Remarques préliminaires

Alors donc, sans plus tarder, nous allons procéder immédiatement aux remarques préliminaires. Vous avez 30 minutes, c'est-à-dire 15 minutes du côté... C'est-à-dire, M. le ministre, vous avez 15 minutes, et, par la suite, la représentante de l'opposition aura également un 15 minutes. Alors, je vous cède la parole, M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue évidemment à nos collègues députés mais aussi à toutes les personnes qu'on va recevoir au cours de la journée, aussi les personnes qui sont venues assister à cette commission importante.

Mme la Présidente, on le sait, les médicaments constituent un élément central des soins prodigués aux Québécois et Québécoises, et ils sont de plus en plus utilisés, aussi bien pour le traitement que pour la prévention de la maladie.

Et, avant la création du régime public d'assurance médicaments par le gouvernement du Parti québécois en 1997, c'est important de rappeler qu'il y avait près de 1,5 million de Québécoises et de Québécois qui ne bénéficiaient d'aucune assurance médicaments. Donc, ces personnes pouvaient être confrontées à de graves difficultés financières si la maladie les contraignait à consommer des médicaments coûteux. Et, Mme la Présidente, je pense que c'est important de le dire: Il y a actuellement des médicaments qui coûtent 10 000, 20 000, 50 000 $ par année. Donc, c'est important pour la santé des gens de ne pas mettre cette santé en péril, et, donc, d'acheter les médicaments et d'avoir les moyens pour acheter les médicaments qu'on se fait prescrire par notre médecin.

n (11 h 10) n

Donc, pour remédier à ces problèmes, le gouvernement du Parti québécois a mis en place, il y a cinq ans maintenant, le régime d'assurance médicaments. Aujourd'hui, 3,2 millions de Québécois et de Québécoises sont couverts par le régime public, tandis que 4,2 millions de personnes le sont par des régimes privés collectifs.

La clientèle du régime public se compose d'abord de 900 000 personnes âgées de 65 ans et plus, de 600 000 prestataires de l'assistance-emploi, dont 200 000 enfants, et de 1,7 million d'adhérents, dont 400 000 enfants, qui, selon les règles prévalant avant 1997, seraient aujourd'hui sans assurance. Donc, ces citoyens, avant l'instauration du régime public, risquaient de se ruiner s'ils avaient besoin de médicaments pour eux-mêmes ou pour leurs enfants.

Donc, aujourd'hui, Mme la Présidente, lorsqu'un assuré du régime public achète un médicament, il doit débourser une contribution à l'achat, qui se compose d'une franchise mensuelle de 8,33 $ et d'une coassurance de 25 %. Et, pour limiter aussi le risque financier supporté par l'assuré, divers plafonds mensuels de contribution à l'achat ont été prévus. Selon le cas, ces plafonds varient de 16,66 $ à 62,49 $. Les personnes âgées qui ne reçoivent pas le montant maximal de supplément du revenu garanti, de même que les adhérents, sont appelés à verser aussi une prime annuelle établie en fonction de leur revenu. Le montant maximal de la prime se situe actuellement à 385 $ par année.

Dans le cadre du régime public, les enfants, les étudiants à temps plein âgés de 18 à 25 ans ainsi que les prestataires de l'assistance-emploi qui présentent une contrainte sévère à l'emploi n'ont rien à payer: ni contribution à l'achat ni prime annuelle. Le régime public comporte, outre son volet assurance, un important volet d'assistance, particulièrement dans le cas des prestataires de l'assistance-emploi et des personnes âgées recevant un supplément de revenu garanti.

L'État prend à sa charge la totalité ou une grande partie des coûts des médicaments des personnes vulnérables de notre société. Notre régime d'assurance médicaments est un exemple concret de l'esprit de solidarité des Québécois et des Québécoises. C'est un acquis social important dont on peut être fiers collectivement. Le régime fait cependant face, comme partout ailleurs dans le monde, à une importante croissance de ses coûts.

Depuis la création du régime public, le coût brut des médicaments a connu une croissance rapide de 16,6 %, en moyenne, par année. Cela s'apparente à ce que l'on observe aussi dans les régimes privés québécois qui ont connu, eux, des hausses annuelles moyennes de 18,3 % et ça s'apparente aussi aux hausses qu'on a connues dans le reste du Canada et aux États-Unis. Donc, puisque l'État constitue quand même la principale source de financement du régime public, la forte croissance des coûts a presque fait doubler la contribution de l'État entre 1997-1998 et 2001-2002; elle est ainsi passée de 715 millions à 1 352 000 000.

Cette croissance des coûts tient essentiellement à deux facteurs: la hausse de la consommation, qui représente environ 70 % de l'augmentation des coûts, et le coût par ordonnance, qui explique les 30 % restants. La hausse de la consommation s'explique par l'apparition sur le marché de médicaments qui permettent de traiter des maladies pour lesquelles il n'existait autrefois aucun traitement. Un autre facteur est l'utilisation accrue de médicaments à titre préventif. Par ailleurs, le nombre de personnes qui consomment des médicaments augmente chaque année, en raison notamment du vieillissement de la population.

Quels sont maintenant les facteurs qui expliquent la hausse du coût par ordonnance? D'abord, la mise au point de nouveaux médicaments qui sont plus dispendieux en raison des sommes investies en recherche et développement par les compagnies pharmaceutiques. Deuxièmement, les médecins ont tendance à favoriser les médicaments récemment introduits sur le marché. Ceux-ci peuvent être plus efficaces ou mieux tolérés que les produits plus anciens qu'ils remplacent mais ils sont généralement aussi plus coûteux. Donc, à partir des tendances observées jusqu'ici, on estime que la croissance du coût brut total des médicaments devrait atteindre 15,7 % par année d'ici 2005-2006 si on ne fait rien. Cela se répercutera inévitablement sur la croissance de la contribution du gouvernement au régime.

Or, compte tenu des ressources limitées de l'État et des besoins financiers pressants du régime public d'assurance médicaments, le gouvernement a la responsabilité de faire les choix qui s'imposent pour absorber la croissance prévue.

Le gouvernement a déjà annoncé qu'il reconduisait en 2002-2003 les crédits supplémentaires de 145 millions de dollars accordés à la fin de l'exercice 2001-2002. Cela ramène donc le besoin financier à 275 millions. Le gouvernement propose de le financer équitablement en mettant à contribution les compagnies pharmaceutiques, l'État, les professionnels de la santé et les citoyens couverts par le régime. Tous ont une responsabilité si on veut assurer aux citoyens un accès raisonnable aux médicaments.

Avant toute chose, il est impératif de s'assurer que les sommes dues au chapitre des primes soient effectivement versées. Cette récupération, estimée à 35 millions de dollars, répond non seulement à un objectif financier, mais surtout à un objectif d'équité envers tous ces assurés qui, eux, assument pleinement leur participation au régime public.

Par ailleurs, des mesures doivent être mises rapidement en place afin de mieux contrôler la croissance du coût des médicaments, tout en préservant l'accessibilité aux médicaments pour l'ensemble de la population québécoise. Or, à la suite des travaux qui ont été réalisés au cours des dernières années, le gouvernement a retenu les mesures suivantes: premièrement, la création du Conseil du médicament; deuxièmement, l'amélioration du suivi de l'utilisation des médicaments; troisièmement, la modification des critères de décision pour l'inscription des médicaments sur la liste, et, quatrièmement, la mise en place d'un plan d'action prévoyant la conclusion d'ententes de partenariat avec les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.

Ces mesures permettront de répondre de façon durable à la problématique de la croissance du coût des médicaments, tant pour le régime public que pour les régimes privés. Elles font appel à la participation des professionnels de la santé, médecins et pharmaciens et de l'industrie pharmaceutique, ce qui devrait en garantir le succès. En effet, nous estimons que ces mesures devraient permettre de réaliser une économie annuelle de 90 millions de dollars pour le régime public.

Une des mesures importantes est la création du Conseil des médicaments qui regroupera les organismes suivants: le Conseil consultatif de pharmacologie, le Comité de revue de l'utilisation des médicaments et le Réseau de revue de l'utilisation des médicaments.

Le Conseil du médicament assumera les responsabilités actuellement dévolues à ces trois organismes; de plus, il se verra confier des responsabilités accrues en matière de suivi et d'utilisation des médicaments.

Le nouveau Conseil du médicament aura les mandats suivants: augmenter le nombre de revues d'utilisation, élaborer et mettre en oeuvre avec les organismes concernés des stratégies de formation, d'information, de sensibilisation visant les professionnels de la santé et s'assurer de la diffusion des lignes directrices en ce qui a trait aux traitements médicaux et de l'évaluation de cette question. Et cela se fera de concert avec les organismes concernés, notamment le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Un fonds pour l'utilisation optimale des médicaments sera également créé et l'industrie pharmaceutique sera appelée à y contribuer. Par ailleurs, un projet-pilote sera mis en place concernant la mention de l'intention thérapeutique sur l'ordonnance. Le consentement des patients sera explicitement requis dans le cadre du projet.

Pour ce qui est de l'inscription d'un médicament sur la liste, les critères actuels, soit la valeur thérapeutique et la justesse des prix, sont devenus trop limités en raison de l'arrivée de médicaments de plus en plus complexes et coûteux. Les nouveaux critères seront donc: la valeur thérapeutique de chaque médicament; la justesse du prix et le rapport entre le coût et l'efficacité de chaque médicament; l'impact de l'inscription sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé et l'opportunité de l'inscription en regard de l'accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes.

J'en viens maintenant à une notion très importante, celle du partenariat. La recherche et le développement dans le domaine pharmaceutique ont rendu possible la mise en marché de médicaments innovateurs, ce qui a permis de réaliser des progrès considérables dans la maîtrise de traitement et la prévention de la maladie. Le recours accru à ces médicaments et son impact sur les coûts du régime ont renforcé la volonté du gouvernement de mettre en place des actions pour tendre vers une utilisation optimale des médicaments.

n (11 h 20) n

Le gouvernement ne peut agir seul à cet égard; les entreprises pharmaceutiques doivent aussi assumer leur part de responsabilités. Et un plan d'action qui inclut des engagements précis de la part des compagnies de recherche pharmaceutique sera mis en oeuvre, et la conclusion prochaine d'ententes de partenariat devra donner lieu à un plan d'action comprenant trois volets: d'abord, une contribution de 6 millions de dollars à un fonds pour l'utilisation optimale des médicaments, dont 5 millions provenant de l'industrie pharmaceutique et 1 million du gouvernement; l'engagement de l'industrie pharmaceutique à investir aussi 6 millions de dollars dans les revues d'utilisation des médicaments demandées par le Conseil du médicament et un investissement immédiat par l'industrie pharmaceutique de 2,4 millions de dollars en vue d'une meilleure utilisation de certains médicaments spécifiques, c'est-à-dire les anti-inflammatoires de type coxibs et les IPPs qui réduisent les problèmes gastriques. Donc, ce plan d'action fournira au nouveau Conseil du médicament les moyens nécessaires pour remplir les mandats qui lui sont confiés. Au total, c'est donc 14,4 millions de dollars qui seront prochainement investis dans ce plan d'action provenant, à près de 95 %, des compagnies de recherche pharmaceutique. Il est important de souligner que toutes ces mesures bénéficieront également aux citoyens qui sont inscrits dans les régimes privés. Le gouvernement a aussi une responsabilité envers ces citoyens; c'est pourquoi ces mesures sont nécessaires.

Malgré l'application des mesures relatives à la perception des primes d'assurance impayées et malgré un meilleur contrôle de la croissance des coûts, il demeure un solde de 150 millions de dollars qu'il faut financer afin d'équilibrer le budget du régime public en 2002-2003. Le médicament constitue un bien essentiel, il occupe une place de plus en plus importante; donc, c'est important de préserver cette accessibilité. Donc, le gouvernement propose de partager cette facture de la façon suivante: le gouvernement injectera une somme supplémentaire de 74 millions de dollars, tandis que, de son côté, la participation des assurés sera majorée de 76 millions de dollars.

Or, pour mettre en perspective cette contribution additionnelle de 74 millions de dollars du gouvernement, il faut rappeler que le régime public comporte un volet d'assistance et d'assurance, et, pour plusieurs citoyens, il s'agit essentiellement d'un programme d'assistance. Et, pour cette raison, les prestataires d'emploi, les personnes âgées qui reçoivent la prestation maximum du supplément de revenu garanti ne subissent aucune hausse. Et il existe aussi de l'assistance dans le cas des personnes âgées recevant une prestation partielle du supplément de revenu garanti ainsi qu'une partie des citoyens couverts, puisque leur prime est établie en fonction du revenu. Donc, l'assistance qui est accordée doit être prise en charge par l'État grâce aux taxes et aux impôts de tous les Québécois, puisqu'il s'agit d'aider les plus vulnérables.

Donc, en ce qui a trait à la hausse équilibrée rapportant 76 millions de dollars, le gouvernement a pris en compte le fait que les mesures visant une meilleure utilisation des médicaments de même que le partenariat avec l'industrie pharmaceutique devraient permettre de réaliser des économies annuelles de 90 millions de dollars. Or, en tenant compte de ces économies, le taux de croissance du coût des médicaments pour l'année est ramené de 14,6 % à 9,6 %. Donc, le gouvernement a choisi de faire bénéficier immédiatement les assurés du régime public du fruit de ces économies et donc de limiter à 9,6 % le montant de la hausse des paramètres de contribution ainsi que le montant de la prime payée. Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste peut-être une demi-minute.

M. Legault: Une demi-minute. Donc, Mme la Présidente, ce qu'on a choisi de faire, c'est d'indexer les paramètres de 9,6 %, ce qui amènera une hausse, en moyenne, entre 4 et 5 $, au total, pour les adhérents au régime. Donc, je pense que ce sont des mesures qui permettent justement d'avoir une approche qui soit équilibrée, qui soit équitable. Équilibrée, d'abord, parce qu'on demande la contribution des compagnies pharmaceutiques, des professionnels de la santé, aussi, bien sûr, du gouvernement mais aussi des assurés, et équitable parce que les moins bien nantis et les personnes plus vulnérables vont continuer à profiter de la pleine gratuité ou encore ne subiront aucune hausse.

Donc, oui, le régime d'assurance médicaments est un acquis social important. Les Québécois et les Québécoises y tiennent énormément, et le présent gouvernement est résolu à tout mettre en oeuvre pour le préserver. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député... M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux. Maintenant, la parole est à la députée de Laviolette.

Mme Julie Boulet

Mme Boulet: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde, à tous les intervenants qui vont venir nous parler, parce que je pense qu'on a encore beaucoup de choses à dire sur le régime général d'assurance médicaments.

Alors, ce que je voudrais dire pour commencer, c'est que c'est un régime qui a été mis en place pour permettre à certaines personnes d'avoir accès à leurs médicaments, des gens qui avaient un faible revenu et qui n'étaient pas protégés par une assurance privée ou une assurance quelconque. Alors, effectivement, ce régime-là a permis à certaines personnes d'avoir une protection pour pouvoir se prémunir, pour pouvoir avoir accès à leurs médicaments.

Là où il y a une chose qui est très importante à mentionner, c'est que ce régime a été, à la base, improvisé; il a été mal planifié, et le meilleur exemple de tout ça, c'est qu'au départ les primes étaient de 175 $, elles ont passé rapidement à 350 $, à 385 $; aujourd'hui, on en est à 422 $, et on ne sait pas jusqu'où on ira, jusqu'à quel montant ça se terminera, l'échelon de ces montants-là.

Il faut se rappeler qu'en 1996, je vous dirais que même avant 1996, ça ne coûtait rien pour nos personnes âgées et nos prestataires de la sécurité du revenu. C'était complètement gratuit pour avoir accès à leurs médicaments. À partir de 1996, ça coûtait 2 $ par prescription, pour un maximum de 100 $ par année. Aujourd'hui, on en est rendus à 1 244 $ par année pour ces personnes-là qui, il y a à peine cinq ans, avaient la complète gratuité. Alors, quand on dit que ce n'est pas mal planifié puis que ce n'est pas improvisé... Je ne le sais pas comment ça aurait été si ça avait été planifié, mais là, il y a un sérieux problème.

Le ministre, il nous dit souvent qu'il ne pouvait pas prévoir une telle hausse, et j'aimerais lui rapporter que le spécialiste qu'ils ont payé eux-mêmes ? le gouvernement ? M. Montmarquette, ils l'ont engagé comme spécialiste pour nous apporter des pistes de révision au régime d'assurance médicaments. Et, M. Montmarquette, il nous dit: «Les dépenses en médicaments connaissaient déjà une progression rapide en raison de la hausse du nombre d'ordonnances par patient et du coût par ordonnance en raison de l'introduction de médicaments plus coûteux mais toutefois plus efficaces. Et rien ne semblait vouloir freiner, à court ou moyen terme, cette tendance.» Alors, j'aimerais rappeler ce passage à M. le ministre parce qu'il nous dit souvent qu'il ne pouvait pas prévoir. Alors, tout le monde pouvait prévoir, sauf lui. Alors, il doit avoir un problème à ce niveau-là.

J'aimerais soulever les principaux problèmes du régime général d'assurance médicaments et je pense que le principal problème ? et tout le monde est d'accord avec ça, tout le monde est venu le dire en commission parlementaire ? c'est un problème de transparence. Alors, on nous dit souvent et même le ministre nous répète souvent qu'une assurance ça doit s'autofinancer, que les frais de l'assurance doivent se répercuter sur les utilisateurs. Et là où il y a un problème, un grave problème de transparence, c'est que dans cette assurance-là il y a deux enveloppes, et là, on ne fait pas la distinction. Alors, une enveloppe où on a l'assistance gouvernementale, et c'est pour les 900 000 personnes âgées qui habitent au Québec et les 600 000 prestataires de la sécurité du revenu, cette portion de gens qu'on appelle l'assistance publique pour qui le gouvernement du Québec a toujours fait une priorité, on a toujours dit: On va payer pour ces gens-là, ce sont des démunis, ils ont besoin de l'aide de l'État, et c'est correct comme ça, c'est une philosophie du peuple québécois, on est prêts, on est là pour les aider.

Le problème avec le régime général d'assurance médicaments, c'est qu'on combine cette assistance-là avec la nouvelle assurance qu'on a mise en place. Alors, on essaie de mettre les deux ensemble, et là, on dit que ça doit s'autofinancer. Alors, c'est une façon détournée... dans le cadre de la lutte au déficit, c'est une façon détournée que ce gouvernement a prise, un moyen détourné pour venir chercher de l'argent supplémentaire dans les poches des contribuables québécois. Et, aujourd'hui, on en a la preuve avec le projet de loi n° 98 qui vient chercher encore 76 millions de plus dans les poches des contribuables québécois.

Alors, rappelons-nous, en passant, que nous sommes déjà les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord et que c'est au Québec également que l'on investit le moins per capita dans les soins de santé. Alors, c'est une façon détournée... on a dit: Bien là, on va créer une assurance; une assurance, ça doit s'autofinancer. Mais là, on oblige ou on exige de la part des adhérents de payer pour les gens pour qui l'État a toujours payé via le fonds consolidé. Alors, on est venu chercher de l'argent puis on va venir en chercher encore davantage, et c'est ce qu'il y a probablement de plus inquiétant. On s'attend à ce que les adhérents paient pour la portion assistance, et c'est ce qu'il y a de complètement aberrant dans le système. Il faudrait montrer un niveau de transparence plus élevé. Ça serait important que la population comprenne bien, avec plus de discernement, comment le gouvernement fonctionne dans son régime général d'assurance médicaments.

n (11 h 30) n

Il ne faut pas oublier également que le régime général d'assurance médicaments a été mis en place en même temps que le virage ambulatoire. Et M. Montmarquette nous disait: «Le médicament constitue une technologie permettant de raccourcir la durée de séjour à l'hôpital, et, du même coup, de soutenir le virage ambulatoire.» Alors, on est passé d'une assurance hospitalisation qui était en place auparavant, qui était à 100 % publique vers une assurance médicaments qui est aujourd'hui partagée entre une portion du public et une portion pour le privé. Alors, il ne faut pas oublier que le médicament permet, entre autres, de diminuer les séjours à l'hôpital. Les gens quittent l'hôpital plus rapidement et doivent assumer personnellement le coût des médicaments quand ils sont de retour chez eux de façon, bien souvent, prématurée. Alors, ça, c'est le virage ambulatoire qui a occasionné ces dépenses-là.

Il y a également le fait que j'aimerais mentionner, c'est qu'aujourd'hui on ne pratique plus la même médecine qu'autrefois. Alors, au lieu de faire une médecine qu'on appelle curative, aujourd'hui on fait davantage une médecine préventive. Alors, il y a certaines maladies qui autrefois... Si on prend un exemple, le cholestérol, on disait aux gens: Bien, mangez mieux, prenez du lait écrémé, prenez de la margarine au lieu du beurre. Pour imager, on leur disait: Ça va faire baisser votre cholestérol puis ça va être correct, alors qu'aujourd'hui on s'est rendu compte qu'il faillait agir de façon beaucoup plus agressive dans le traitement du cholestérol, parce que, si on le soignait plus efficacement, on aurait une réduction des accidents cérébrovasculaires, une réduction des infarctus. Alors, aujourd'hui, on sait que la nourriture a une influence d'à peu près 10 à 15 % sur le taux de cholestérol et que le principal facteur est davantage l'hérédité. Alors, quand même qu'on dirait aux gens de mieux manger, ça ne réglera pas leur problème de cholestérol. Et, si on ne soigne pas avec des médicaments qui sont fort efficaces les taux de cholestérol qui sont trop élevés, bien on se ramasse avec des gens qui vont à l'hôpital, qui ont des accidents cérébrovasculaires, avec tous les coûts et les répercussions que ceci implique. Alors, il y a une économie qui se fait à ce niveau-là.

On peut prendre également l'exemple des ulcères gastriques. Aujourd'hui, on a des médicaments qui sont très performants pour soigner les ulcères gastriques, ce qui fait qu'on n'opère presque plus pour ce genre de problème là. Les gens ne se font plus opérer, ils sont très bien contrôlés par une médication qui est pleinement efficace.

Il y a également au niveau de la dépression. Avant, les gens allaient passer au minimum un trois semaines, un mois à l'hôpital. À tous les six mois, ils avaient besoin d'être contrôlés, d'être ajustés. Leurs médicaments n'étaient pas appropriés. Il y avait des nouveautés qui arrivaient, puis il fallait les tester, alors qu'aujourd'hui les gens ont des médicaments performants. Ils prennent ça chez eux et sont très bien contrôlés.

Alors, ce qui m'amène à dire que le problème également dans ce régime général d'assurance médicaments... Quand on blâme toujours les médicaments, il y a un problème au sein du gouvernement, c'est qu'on gère en silo. Alors, c'est qu'au lieu de parler des... Là, on parle à l'heure actuelle des frais médicaux, des frais hospitaliers et des frais médicamenteux. Alors, on met les trois en silo, séparément, sans convenir et sans calculer que le médicament a un impact fort considérable d'économies sur les autres composantes du réseau de la santé. Et ça, c'est quelque chose qu'on devrait être capable de mesurer, il y a un prix à ça. Et ça, malheureusement, quand je dis qu'on manque de transparence, malheureusement on ne nous en parle jamais. On aime mieux imputer une faute puis on aime mieux surtaxer les citoyens et dire que le médicament coûte cher, que c'est une assurance et qu'on doit taxer davantage le citoyen, alors que finalement le médicament, dans notre société moderne, est appelé à prendre une place de choix, et, au niveau économique, il faudrait considérer ses bénéfices autant que ses coûts.

Ce qui explique également l'augmentation des coûts, quand on parle de l'augmentation, l'explosion des coûts, c'est surtout ? et c'est important de le dire ? une augmentation de la consommation des médicaments. Alors, de 1995 à 1999, il y a eu des dépenses en médicaments qui ont augmenté de 15,5 %, et 75 % de cette hausse du prix des médicaments était due à l'augmentation du nombre d'ordonnances. Et cette augmentation du nombre d'ordonnances s'explique par plusieurs choses. Premièrement, on a un vieillissement de la population. Alors plus on vieillit, plus on consomme de façon générale. Également, parce qu'on a trouvé des nouveaux médicaments qui étaient appropriés à des maladies qu'avant on n'était pas capable de soigner. Alors, ces médicaments-là, il y a un coût important. On a également... Bon, la mise en place du régime général d'assurance médicaments fait en sorte qu'on a beaucoup plus d'adhérents, donc beaucoup plus de gens qui consomment parce que, désormais, ils sont protégés, ce qui fait qu'on augmente le nombre d'ordonnances. Et également parce qu'on a fait de la prévention beaucoup plus, comme je le disais, au préalable.

Alors, on est ici, mesdames et messieurs, pour trouver des solutions. Je pense qu'on est ici pour écouter les gens qui vont venir à la commission parlementaire. Ces gens-là ont sûrement des idées à nous proposer, des avenues qui seraient envisageables et qu'on aimerait entendre parler, parce que ces gens-là, ce sont vraiment les gens qui sont sur le terrain, qui vivent au quotidien soit dans les pharmacies, soit les médecins dans leur bureau de médecin, ou soit directement auprès du patient, auprès des gens démunis qui ont énormément de difficultés à payer ne serait-ce qu'une prescription mensuelle. Parce que vous savez que déjà il y a des gens qui vont se priver de manger pour acheter leurs médicaments ou qui vont décider de manger, mais, à ce moment-là, ils ne seront pas soignés adéquatement. Alors, ça, il y en a encore énormément de gens comme ça sur le terrain.

Ce qui est important dans les solutions qu'on devrait envisager, c'est qu'il faudrait principalement sortir la portion de l'assistance et dire que cette portion de gens qu'on a toujours décidé de couvrir, qu'on la garde au niveau du fonds consolidé. Ça, ça devrait être sorti du régime d'assurance et dire: Ces gens-là, on les a toujours pris en charge, on va continuer à les prendre en charge et on n'a pas à faire assumer aux nouveaux adhérents cette portion-là parce que, comme société, on l'a toujours décidé.

Il faut également faire une politique du médicament. Ça, M. Rochon... Dès qu'on a mis en place le régime général d'assurance médicaments, on a parlé d'une politique du médicament. Et M. Rochon préconisait cette politique du médicament, et on est toujours en attente de cette politique du médicament. Alors, on peut soulever l'inertie du gouvernement à pondre une politique du médicament qui serait, soit dit en passant, très appréciée et sûrement très valable. Ce serait important de faire une gestion thérapeutique et économique du médicament. Ce serait important également de revoir les brevets, de revoir également les questions, là, de tout ce qui est relié avec l'industrie, tout ce qui est le code d'éthique par rapport à l'industrie. En fait, ce serait important d'avoir également une vision de l'implication du médecin, du rôle du pharmacien dans tout ça, et on pourrait tout revoir ça si on faisait une politique du médicament qui serait véritable au lieu de faire un débat restreint, comme on va faire aujourd'hui, sur un projet de loi X qui ne parle en aucun temps d'une politique du médicament. Alors, on va faire un débat restreint de deux jours, trois à jours à peine, et on va passer en revue des choses qui sont dans un projet de loi, mais jamais il n'est question d'une politique globale du médicament, et c'est ce que la population attend, c'est ce que plusieurs intervenants vont venir nous dire, j'en suis convaincue. Mais, malheureusement, on n'a pas considéré que c'était la priorité avec ce gouvernement.

Il faut également cesser de considérer le médicament comme un corps étranger dans tout le réseau de la santé. Alors, il est temps qu'on considère ses bénéfices et qu'on considère le médicament comme une entité à part entière. À l'heure actuelle, on le compare à un corps étranger puis on dit: C'est un fardeau, alors qu'il ne faudrait pas agir comme ça.

Alors, le partenariat avec l'entreprise dont nous parle le ministre et qui se vante d'économiser 90 millions, j'aimerais dire qu'en fait l'entreprise pharmaceutique s'est engagée à dépenser 13,4 millions seulement. C'est un engagement réel de l'entreprise, c'est un bon pas, mais on est bien loin des 90 millions anticipés par M. le ministre, et c'est très utopique de sa part de penser qu'il va sauver autant de millions. Et, c'est loin d'être sûr, c'est loin d'être garanti, et il faudra voir, avec les mois et les années à venir, si ça se concrétisera.

Pour ce qui est du partenariat avec l'entreprise, au Parti libéral, on est très content. On pense que ce partenariat-là, il était nécessaire. Il faut qu'on revoie l'utilisation des médicaments, c'est important qu'on contrôle les médicaments qu'on utilise peut-être de façon abusive au Québec. Mais, entre dire qu'on va faire cette démarche-là et espérer sauver 90 millions, je peux vous dire que... Et même l'entreprise pharmaceutique met en doute ce chiffre-là. On ne sait pas où on l'a pris puis on ne sait pas comment on va parvenir à sauver autant d'argent. Alors, c'est important de le dire.

Il y a également au niveau du code d'éthique. J'aimerais dire que dans ça on parle d'une entente, on dit: «Le ministre peut conclure avec les fabricants de médicaments reconnus au sens de la présente loi.» C'est l'article 52. On parle de financement d'activités visant l'amélioration de l'utilisation des médicaments avec l'entreprise, mais on ne parle jamais d'encadrement ou de code d'éthique.»

Alors, concernant l'industrie pharmaceutique, là, on a juste à penser à l'exemple d'Aventis qui avait financé ou qui avait payé le salaire d'un pharmacien dans un hôpital, et, bien, là, on n'en parle pas. C'est comme si ça n'avait aucune espèce d'importance, c'est comme si ça n'avait pas besoin d'être encadré et qu'on pouvait laisser ces tactiques-là ou ces pratiques-là aller bon train et qu'on ne fait aucune mesure d'encadrement. Alors, dans le projet de loi, c'est vraiment un trou très important.

Il faut également revoir les critères de sélection pour l'adhésion des nouveaux médicaments. Alors, ça, il y en a... Là-dedans, on en parle, et on est d'accord avec ça. Ce que j'aimerais dire, c'est que nous avons invité le Comité consultatif pharmacologique et le Comité de revue d'utilisation des médicaments. On les avait invités à venir nous parler. J'aurais été très intéressée à les entendre, je pense qu'ils auraient eu des choses particulières à nous dire de leur vécu, de comment ils ont vu les dernières années, comment ça s'est fait, comment que les médicaments étaient acceptés sur la liste. Mais, malheureusement, le ministre leur a probablement suggéré de ne pas venir nous voir, et nous trouvons ça très désolant. Nous trouvons ça très déplorable, parce que je pense qu'ils auraient eu un apport considérable à la commission ici, à la commission sur...

n(11 h 40)n

M. St-André: ...Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...

M. St-André: Je crois que, dans ses dernières remarques, la députée de Laviolette impute des motifs indignes au ministre et qu'en conséquence elle devrait retirer ses propos.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée, s'il est vrai que... Il est vrai qu'on ne doit pas présumer que c'est le ministre qui a contacté l'organisme pour lui demander de ne pas venir à la commission. Tout ce qu'on sait, c'est que l'organisme s'est désisté. Alors, je vous demanderais, pour le bon fonctionnement...

Mme Boulet: Bon. Alors, je retire que ça vient du ministre, mais mes interrogations demeurent, et je considère que ces gens-là auraient été les bienvenus ici...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, s'il vous plaît, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: ...et je pense qu'ils auraient eu des choses fort intéressantes.

Et la dernière chose que j'aimerais dire, c'est que finalement tout le monde a demandé qu'on simplifie ce régime, et je pense qu'il n'y a pas de simplification. Il n'y a rien qui est apparu dans le projet de loi. On a demandé qu'il y ait une abolition de la franchise, parce que vous savez qu'il y a eu...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, Mme la députée.

Mme Boulet: Oui. Il y a eu 30 000 heures de temps supplémentaire pour essayer de comprendre ce que les gens faisaient avec la franchise, mais, malheureusement, il n'y a aucune, aucune voie vers une simplification du dossier du régime général d'assurance médicaments. Alors, je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, Mme la députée de Laviolette. Alors, sans plus tarder, je vais demander aux représentants de...

M. St-André: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député.

M. St-André: Une question à ce stade-ci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

M. St-André: J'ai regardé l'horaire des auditions et je me demandais si le professeur Lauzon, qui a produit une étude importante sur les profits des compagnies pharmaceutiques, a été invité à présenter un mémoire dans le cadre de cette commission.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le professeur Lauzon ne faisait pas partie des groupes dans la motion qui a été présentée par... à l'Assemblée nationale.

M. St-André: Est-ce que je peux me permettre de suggérer que ce serait une bonne idée si le professeur Lauzon était invité à présenter un mémoire à cette commission?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Remarquez que si on peut... Si c'est le voeu des membres et si on peut convenir d'un moment à l'horaire, à l'agenda, je veux bien. Mais, naturellement, il faudrait regarder aussi avec... Est-ce que ce serait le voeu des membres qu'il soit convoqué?

Mme Boulet: La liste, elle avait été acceptée, là, telle quelle, là, par les deux partis.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Parce qu'il y a une motion, finalement, qui a été déposée pour la convocation.

M. Gautrin: Mme la Présidente, il y a un ordre... Si je comprends bien, la liste a été faite par un ordre de la Chambre. C'est bien ce que je comprends. Donc, on ne peut pas déroger à l'ordre de la Chambre, à moins que je ne me trompe. Et je pense qu'il faudrait revenir à...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Remarquez qu'il y a toujours eu des... Il y a eu certaines dérogations. Si les membres de la commission décidaient de l'entendre, on pourrait toujours le faire. Mais encore faut-il aussi voir si on peut s'organiser avec l'ordre du jour.

M. St-André: Mme la Présidente, je maintiens que ce serait une bonne idée qu'on entende le professeur Lauzon. Et je suis convaincu que, avec le consentement des deux côtés de la table, on pourrait le faire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, est-ce qu'on pourrait y revenir? Si vous voulez y réfléchir, on pourrait y revenir à la fin de... Avant de suspendre les travaux ce midi, on pourra... Oui, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, Mme la Présidente, on trouve l'idée intéressante, mais peut-être aller trop loin sur quel groupe on veut ajouter ensemble. Peut-être, on peut voir... On va passer la journée ensemble et on peut discuter après, après la première journée des audiences.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Parce que je sais qu'il y a peut-être d'autres groupes qui auraient désiré aussi se faire entendre. Alors, à ce moment-là...

M. Williams: Oui, effectivement. Avant de commencer tout de suite avec des ajouts, est-ce qu'on peut au moins commencer? Et, peut-être, à l'heure du souper ou un peu plus tard, on peut discuter ça ensemble.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, il s'agirait peut-être d'en discuter. Puis, s'il y a d'autres groupes qui s'ajoutent, à ce moment-là on pourrait convenir d'un temps nécessaire.

M. Williams: Comme je souhaite le Conseil consultatif de pharmacologie aussi, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, sans plus tarder, à ce moment-là, je demande aux représentants du Collège des médecins de bien vouloir prendre place et je suspens les travaux pour quelques minutes seulement.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h 45)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue, Dr Lamontagne. Dr Yves Lamontagne, qui est président du Collège des médecins. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement de nos travaux. Et, bon, nous pourrons consacrer 45 minutes avec vous, dont 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, 15 minutes de chaque côté de cette Chambre. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole, Dr Lamontagne.

Auditions

Collège des médecins
du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, je voudrais d'abord vous présenter le Dr André Garon, qui est secrétaire général aux affaires extérieures au Collège, de même que le Dr André Jacques, qui est le directeur de la Direction de l'amélioration de l'exercice.

Avant de commencer, M. le ministre, je vous dirais que je suis d'abord content d'apprendre que votre volonté, c'est que le régime s'autofinance et qu'annuellement la RAMQ va définir ce que sera l'augmentation de la contribution s'il y a lieu. Et, cette semaine, un peu en boutade, je vous dirai sans exagérer de mon côté: Je vous félicite d'avoir ce courage politique. Ceci étant dit, nous en sommes à notre troisième présence en commission parlementaire sur ce sujet et on espère que celle-ci sera la bonne.

C'est donc en raison de sa mission, et plus particulièrement, bien sûr, parce que la prescription du médicament occupe une place importante dans l'exercice de la médecine, que le Collège s'intéresse de près à cette loi et à son application. Nos préoccupations ont toujours porté sur l'accès au médicament et sa bonne utilisation. Ainsi, le Collège a toujours insisté sur le respect de certains principes que nous tenons à nouveau à vous rappeler.

Le régime d'assurance doit couvrir tous les médicaments d'ordonnance qui sont médicalement requis; la contribution exigible des patients ne doit pas pénaliser les gens à faibles revenus ni limiter leur accès au régime; les médicaments prescrits à un patient doivent être accessibles, que les services soient rendus en établissement ou sur une base ambulatoire; le système doit permettre la collecte des données nécessaires à l'installation d'un mécanisme d'évaluation visant une meilleure utilisation des médicaments; et, enfin, le médecin doit pouvoir choisir le médicament qu'il juge requis par la condition du patient à l'intérieur de règles d'utilisation qui répondent, elles, bien sûr à des critères d'une bonne pratique professionnelle. Nous croyons toujours au bien-fondé de ces principes et nous avons examiné le projet de loi en tenant compte de ceux-ci.

L'économie générale du régime d'assurance médicaments nous convient à plus d'un titre. Le régime a pour objectif l'accès au médicament à tous ceux et celles qui en ont besoin. Parmi les mesures de protection sociale dont on dispose, c'est un atout parce qu'un bon médicament pris correctement peut faire beaucoup pour maintenir sinon recouvrer la santé.

La loi énonce le double objectif d'un accès raisonnable et équitable aux médicaments, deux caractéristiques essentielles qui obligent à mettre constamment à jour la liste des médicaments couverts par le régime et à revoir les paramètres de la contribution des payeurs de taxes et des consommateurs. Ces deux caractéristiques évoquent à la foi la solidarité face au risque de maladie et la modération dans la consommation. Elles font place à la responsabilité individuelle et collective, et ce à quoi, bien sûr, nous souscrivons aussi.

Le projet de loi maintient le caractère public et privé du régime d'assurance, ce qui nous semble réaliste et beaucoup plus équilibré qu'une position du type tout public ou tout privé. Il maintient aussi le caractère obligatoire de l'adhésion au régime général en même temps qu'il interdit la sélection de la clientèle qui serait fondée sur le risque de maladie, ce qui est important.

En ce qui concerne le financement, évidemment nous n'avons pas les compétences pour nous prononcer sur la justesse des montants de contribution exigibles du patient. Vous savez fort bien que certaines clientèles sont plus sensibles que d'autres au montant de la coassurance, par exemple. Notre intervention se limite à vous inciter à la prudence du fait que de brusques augmentations peuvent nuire à l'accessibilité. Il vous appartient de trouver le bon dosage de la coassurance. Nous sommes conscients que vous êtes placés devant un choix difficile et qu'il faut avoir le courage de le faire. Nous sommes, nous aussi, inquiets de ce que nous percevons être une accélération de la croissance du coût du médicament et de la place qu'occupe cette dépense parmi l'ensemble des dépenses de santé. Réduire l'accès pour contenir la croissance des coûts serait contraire à l'intérêt du patient, à l'éthique du médecin et à l'objectif principal de la loi.

Lorsqu'on décompose le coût du médicament, il y a son prix et l'utilisation que l'on en fait. Nous reviendrons sur cette question de l'utilisation, parce qu'elle participe à un exercice médical de qualité. Concernant notre capacité collective d'agir sur les prix, nous percevons, à tort ou à raison, un certain sentiment d'impuissance de la part de l'acheteur. Si la protection des brevets est synonyme de protection des prix, comment établit-on ces derniers? Quelle part du prix est relative à la recherche et au développement comparativement à la part relative à la commercialisation, c'est-à-dire au marketing? Bien que nous nous sentions concernés par l'utilisation du médicament, nous comprenons que, si des efforts consistants ne sont pas faits pour contenir le prix, nos interventions sur l'utilisation seront nécessairement compromises.

n(11 h 50)n

À propos de l'usage plus judicieux du médicament, le projet de loi, par l'article 14, propose d'ajouter l'article 52.1 à la loi actuelle pour habiliter le ministre à conclure avec des fabricants de médicaments des ententes ayant pour objet le financement d'activités visant à l'amélioration de l'utilisation du médicament. Lorsque viendra le temps d'appliquer cet article, nous vous soumettons ici deux recommandations auxquelles nous tenons beaucoup.

Tout d'abord, il y aurait lieu de s'assurer que les sommes versées dans le cadre d'une telle entente soient exclusivement consacrées à la réalisation d'activités d'éducation médicale continue et planifiées avec le concours du Conseil d'éducation médicale continue du Québec. Nous vous rappelons que ce Conseil existe depuis plus d'une trentaine d'années, fonctionne fort bien et se compose d'une brochette d'intervenants majeurs en éducation médicale continue provenant des quatre facultés québécoises de médecine, des fédérations de médecins omnipraticiens et spécialistes du Québec, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, du Collège québécois des médecins de familles, de l'Association des médecins de langue française du Canada, des compagnies regroupées au sein de Rx & D de même que le Collège des médecins du Québec. C'est d'ailleurs le Dr Jacques qui nous représente à ce Conseil.

En second lieu, lesdites ententes devraient renfermer une condition essentielle, à savoir le respect du code d'éthique applicable aux relations entre les organismes médicaux et les sociétés commerciales, aux fins d'éducation médicale continue. À ce propos, nous vous rappelons que, suite à un engagement pris ici, devant cette commission, envers votre prédécesseure, Mme Marois, en février 2000, nous avons mis au point ce code d'éthique avec le concours des entreprises pharmaceutiques regroupées au sein de Rx & D dans le cadre de travaux d'un comité qui est présidé par le juge Alan B. Gold. Ce code d'éthique est en voie d'être ratifié par Rx & D, comme l'ont ainsi fait les autres partenaires au sein du Conseil d'éducation médicale continue du Québec. Nous sommes d'avis qu'il contribuera à réguler les comportements de tous les partenaires qui investissent du temps et des énergies pour organiser des activités d'éducation médicale continue, c'est-à-dire des activités qui favorisent le respect d'une obligation déontologique essentielle à un exercice médicale de qualité, soit l'indépendance professionnelle.

Le projet de loi s'intéresse plus particulièrement à l'usage judicieux du médicament en précisant les responsabilités et les pouvoirs d'un nouvel organisme, le Conseil du médicament. D'abord, nous tenons à souligner que la fonction visant l'utilisation adéquate des médicaments sera en compétition avec une autre fonction essentielle du Conseil, soit la mise à jour de la liste des médicaments qui sont couverts par le régime d'assurance. Nous faisons remarquer que le poids de cette dernière est majeur et pourrait conduire à négliger l'autre si des mesures administratives n'étaient pas prises.

Nous avons noté que le contenu de l'article 57.2 de la Loi sur l'assurance médicaments, introduit par l'article 19 du projet de loi, aménage une certaine flexibilité pour permettre au Conseil de soutenir la réalisation d'activités de revue d'utilisation des médicaments, ce qui est nouveau. Nous avons également noté avec intérêt que deux mandats nouveaux sont confiés à ce Conseil: d'une part, celui de proposer le développement et la mise en oeuvre de stratégies d'information et de sensibilisation auprès de la population; et, d'autre part, celui de voir à l'évaluation des problèmes reliés à l'utilisation des médicaments et à la mise en place de mesures pour les prévenir et les corriger. Nous avons enfin noté que, pour réaliser chacun des mandats relatifs à l'utilisation adéquate des médicaments, le Conseil devra consulter au moins une fois l'an le Collège des médecins du Québec et l'Ordre des pharmaciens du Québec. Ce devoir de consulter répond évidemment, bien sûr, à l'une de nos attentes.

L'unique, mais sérieux élément de désaccord que nous entreprenons à l'égard de ce projet de loi provient de l'habilitation qu'il propose de donner au Conseil du médicament par le troisième alinéa de cet article 57.2. Notre objection n'est pas nouvelle, elle est bien connue du Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Nous nous opposons à ce que le Conseil obtienne des renseignements personnels sur la pratique des professionnels sans leur consentement. L'habilitation, telle que formulée, permettrait au Conseil d'obtenir sans plus de formalités de la Régie de l'assurance maladie du Québec, et sous une forme nominative, les renseignements concernant les prescriptions de chacun des médecins du Québec. Nous croyons que, pour bien faire leur travail, le Conseil n'a aucunement besoin des renseignements nominatifs sur les prescriptions faites par les médecins. La régulation de l'activité professionnelle des médecins est de la juridiction du Collège des médecins du Québec et, dans le cas d'une activité médicale en établissement, elle est aussi de la juridiction du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de cet établissement. À plusieurs reprises, nous avons réitéré aux autorités du ministère de la Santé et des Services sociaux notre ouverture à collaborer pour que nos agendas en matière de surveillance des bonnes pratiques d'utilisation des médicaments soient arrimés et pour que le Collège intervienne lorsqu'il y a lieu d'effectuer une démarche personnalisée à l'endroit d'un ou encore de plusieurs médecins.

Ainsi, nous n'avons pas objection à ce que le Conseil s'adresse à l'ensemble des médecins ou à une partie d'entre eux pour promouvoir la bonne utilisation du médicament ou d'une famille de médicaments. Nous sommes d'ailleurs tout à fait prêts à collaborer à ce genre d'intervention qui, d'ailleurs, ne nous est pas étrangère. Toutefois, quand il s'agit d'une intervention sur le profil de pratique d'un individu, le Conseil du médicament n'a fondamentalement pas la compétence pour le faire. Si l'esprit est vraiment à la collaboration, le projet de loi doit le refléter et doit favoriser la complémentarité des interventions du Conseil du médicament et des ordres professionnels plutôt que le chevauchement ou la discontinuité avec les risques de heurt inutiles et de paralysie que cela comporte.

Donc, si une intervention personnelle nous est nécessaire, le Conseil doit en convenir avec le Collège, puisque c'est son mandat de contrôler l'exercice professionnel de ses membres, la prescription du médicament faisant partie de l'exercice professionnel du médecin. En conséquence, au quatrième paragraphe du troisième alinéa, nous demandons que soient supprimés les mots ? j'ouvre les guillemets ? «le numéro ou, à défaut, le nom et l'initiale du nom du prescripteur». En contrepartie, on pourrait ajouter aux mots «la profession» les mots «la discipline, le code postal;». Ces modifications ont pour but de donner aux paragraphes 3° et 5° de l'article 57.2 de même qu'à l'article 42 du projet de loi une portée qui respecte la juridiction d'un ordre professionnel et la pratique actuelle. Ces amendements nous conduiront à vous assurer de la collaboration du Collège à la réalisation des mandats du Conseil du médicament.

Nous voulons aussi souligner que la transmission à la RAMQ de renseignements relatifs à l'intention thérapeutique associée à une prescription ne pourra s'actualiser sans que le médecin y participe, ce qu'omet d'annoncer l'article 42 portant sur la réalisation d'un projet-pilote. Vous devez donc le préciser, nous semble-t-il.

Enfin, nous vous soumettons qu'il y a lieu de clarifier certains éléments de la composition du Conseil du médicament à l'article 53 introduit par l'article 15 du projet de loi. On mentionne que quatre membres ne seront ni médecins ni pharmaciens. S'agit-il de membres du public, de membres provenant du monde des assureurs privés ou encore des entreprises pharmaceutiques? Nous n'en savons rien. Voilà donc, pour l'essentiel, les commentaires que nous voulions porter à votre attention.

Pour conclure, nous vous rappelons à nouveau et encore avec insistance que la présence d'outils d'aide à la décision clinique des médecins et des pharmaciens est aussi, à nos yeux, porteuse d'une meilleure qualité de soins aux malades et d'un suivi de l'évolution des coûts. On vous l'a déjà dit, le développement d'applications informatiques visant, d'une part, la connaissance par le médecin prescripteur de la médication prise par le malade et, d'autre part, l'accès à des aviseurs thérapeutiques sont des outils qui compléteraient à merveille nos efforts conjoints en matière d'éducation médicale. Sur ce, Mme la Présidente, je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci Dr Lamontagne. Sans plus tarder, je cède la parole au ministre.

M. Legault: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais remercier Dr Lamontagne pour sa présentation. Je voudrais aussi remercier le Dr Garon et le Dr Jacques. C'est un mémoire qui est plutôt favorable au projet de loi n° 98. Il y a comme deux remarques que je retiens dans le mémoire. D'abord, à la page 2, on dit: «À une exception près ? puis je vais revenir tantôt à l'exception ? nous sommes d'accord avec le contenu du projet de loi n° 98. Nous comprenons que l'intention du législateur de revoir un certain nombre de conditions inhérentes au régime d'assurance médicaments a pour but de favoriser sa viabilité à plus long terme. Dans notre esprit, ce travail devra être complété par d'autres démarches gouvernementales pour garantir sa viabilité à long terme. Ces démarches visent le rapatriement de points d'impôt pour financer le secteur de la santé à défaut d'une entente sur le niveau des paiements de transfert du gouvernement fédéral.»

Donc, vous allez comprendre que c'est comme un peu de la musique à mes oreilles d'entendre tout ça, mais maintenant j'aimerais vous entendre à savoir comment, quelle stratégie vous nous proposez pour rapatrier ces points d'impôt du gouvernement fédéral pour mieux investir en santé puis investir, entre autres, dans notre système d'assurance médicaments.

n(12 heures)n

M. Lamontagne (Yves): Bien, écoutez, je vais laisser peut-être le Dr Garon là-dessus. Mais je ne sais pas si c'est un vieux...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): ...un vieux geste de psychiatre, mais, vous l'avez remarqué, j'avais sauté ce paragraphe-là quand je l'ai lu tantôt. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): On ne voulait pas s'impliquer trop, trop dans la politique à matin, vous comprenez. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse. Écoutez, nous avons environ... pour équilibrer le temps correctement, nous avons environ une dizaine de minutes. Alors donc, je pense qu'on ne peut pas se permettre de perdre de temps, là. Alors, la question a été posée.

M. Garon (André): Ah! Bien, écoutez, M. le ministre...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Est-ce que c'est... Dr Garon.

M. Garon (André): On va devoir certainement faire court aujourd'hui, parce qu'on en aurait pour plus longtemps pas mal que la période qui nous est allouée.

Je vous dirais simplement que nous avons compris, au Collège, que c'était une volonté ? des deux côtés de la Chambre, je dirais ? de faire le nécessaire pour aller chercher ce qui nous revient et qu'on paie déjà. Alors, j'imagine que vous devriez être en mesure de vous entendre à tout le moins sur l'objectif. Sur les moyens à prendre, bien, là, on pourra se reparler.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Je suis au moins d'accord qu'on soit sur la même longueur d'onde sur les objectifs. Étant donné qu'on n'a pas beaucoup de temps, je vais passer sur ce que vous appelez, à la page 4: «L'unique mais sérieux élément de désaccord que nous entretenons à l'égard de ce projet de loi ? bon, concernant ? l'habilitation qu'il propose de donner au Conseil du médicament.» Bon.

Vous le savez, parce qu'on en a déjà discuté, ce qu'on vise finalement, c'est de pouvoir, avec le Conseil du médicament, mieux informer les médecins sur les prescriptions qu'ils font, sur les profils de prescriptions de ces médecins, de les comparer aussi avec un profil moyen. Et les spécialistes m'ont donné plusieurs articles, là, de la littérature scientifique ? peut-être que ça va vous dire plus quelque chose à vous qu'à moi, là: Soumerai, 1989-1994; Lexchin, 1998; Manning, 1986; Hux, 1999 ? et tous ces documents sont très clairs sur le sujet. On y dit que «une approche de rétroaction auprès des professionnels, par l'envoi de profils de prescriptions personnalisés à chaque médecin, avec suivi, constitue un moyen efficace pour modifier les comportements».

Donc, ce qui est visé, là, puis je comprends qu'il faut collaborer ensemble pour le faire, c'est de pouvoir informer les médecins de leurs profils de prescriptions, et, surtout ? bon, on en a déjà discuté ensemble ? certains produits comme les IPP et les coxibs. On en consomme 50 millions de plus au Québec qu'en Ontario; il n'y a pas de raison de penser que c'est justifié.

Donc, vous nous dites que vous êtes en désaccord avec cette transmission d'informations au Conseil des médicaments. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec une approche où on enverrait à chaque médecin son profil d'utilisation, là, de prescriptions des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Oui. Pour vous répondre, puis le Dr André Jacques va sûrement vous mettre quelque chose là-dessus aussi. Ça, c'est le rôle du Collège. Nous, on est là pour s'occuper de la qualité de nos membres; que ce soit fait en fonction avec le Collège, pas de problème. Le problème que je vois, c'est que je ne voudrais pas qu'un organisme, qui est en dehors des choses professionnelles et qui ne gère qu'une économie, vienne dire à un docteur: Ce n'est pas comme ça, parce que ça coûte trop cher, parce qu'il y en a trop, parce que c'est tout le monde comme ça.

Et ça, là, on l'a déjà fait avec la RAMQ. Je vous rappellerai ? c'est avant mon temps au Collège ? que, par exemple, la prescription d'anxiolytiques chez les personnes âgées, dans la région de Québec, était beaucoup plus haute que dans le reste de la province. Le Collège est allé voir, a investigué, a travaillé avec la RAMQ pour avoir les profils, et, de là, on a fait des lignes thérapeutiques qu'on a envoyées à tout le monde, et la consommation a rediminué.

C'est le rôle d'un ordre professionnel de gérer ses membres. Ce n'est pas le rôle de quelque chose en dehors d'un ordre professionnel, de dire à certains membres, pour des raisons économiques ou ce que vous voulez... à venir faire ça. Et ma crainte, c'est que cette pression économique soit mise sur le médecin pour ces sujets-là. Et le médecin n'est pas là pour répondre à une économie, le médecin est là pour donner le meilleur traitement à son malade, peu importe le prix. Je conçois que, comme société, on peut se dire: Jusqu'où on paie? Mais ça, ce n'est pas l'affaire du médecin. Je ne sais pas si André veut ajouter quelque chose là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Jacques, vous voulez compléter?

M. Jacques (André): Oui. Je pense qu'on connaît très bien ces études-là; d'ailleurs on les a utilisées, comme dit le Dr Lamontagne, dans le projet d'utilisation rationnelle des benzodiazépines, dans la région de Québec, pour les prescripteurs potentiellement inappropriés, et ça a très bien fonctionné. D'ailleurs, une publication va sortir prochainement, là, montrant une réduction de 15 à 30 % de l'utilisation de ces médicaments-là. Donc, ces études-là, oui, ça fonctionne. Mais ce qu'on dit, c'est que ça devrait être fait par la bonne personne, et, la bonne personne, à notre avis, c'est l'ordre professionnel ou les ordres professionnels, si on parle des pharmaciens. Parce que le message peut être mal reçu de la part du prescripteur si c'est fait par un agent payeur ou un autre organisme rallié au gouvernement. On pense que, en travaillant en partenariat avec vous, avec le Conseil, ce serait la façon la plus appropriée pour influencer positivement les prescripteurs qui sont les médecins, actuellement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Oui. Juste pour que je comprenne bien, là, soyons concrets. On a deux types de produits, les IPP et les coxibs, où on prescrit 50 millions de dollars de plus au Québec qu'en Ontario. Qu'est-ce que vous proposez? Là, bon, nous, on proposait entre autres d'être capables, via le Conseil du médicament, d'envoyer le profil de prescriptions à chacun des médecins, au moins qu'ils soient informés de leur profil, comparativement aux autres médecins au Québec. Quelle forme vous proposez d'intervention auprès des médecins concernant ces deux types de médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lamontagne ou Dr Jacques?

M. Lamontagne (Yves): Oui, tous les deux. D'une part, je ne m'embarquerai pas dans des commentaires au niveau de la recherche. Ce n'est pas parce qu'on prescrit plus au Québec que nécessairement on prescrit plus mal que dans les autres provinces; il y a d'autres variables qu'il faut évaluer, hein? S'il y a plus d'arthritiques au Québec, bien, il est normal qu'on en prescrive plus. Donc, c'est des variables qu'il faut évaluer.

Une fois que ça, c'est fait, bien sûr, si, à la grandeur du Québec, il y a ça, il y a des guides pratiques qu'on fait au Collège régulièrement, des lignes directrices, et on va s'arrêter, un peu comme on l'a fait dans le cas des benzos chez les personnes âgées, on va évaluer ça, et, évidemment, là, si on était arrimé avec le Conseil, quand eux détectent un problème, voici les données, nous, on va les regarder tout de suite et on va agir dessus.

M. Legault: Je m'excuse...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Je m'excuse, M. le ministre. Le Dr Jacques, je pense, veut ajouter quelque chose.

M. Jacques (André): Oui, juste compléter. Je pense qu'on n'a pas de problème à ce que le Conseil du médicament fasse de la rétroaction sur des utilisations collectives.

M. Lamontagne (Yves): Oui.

M. Jacques (André): Les généralistes, les gastroentérologues et je ne sais pas qui pourraient avoir leur portrait global. Lorsque est le temps d'intervenir au niveau individuel, je ne pense pas que c'est au ministère ou au Conseil du médicament à faire des lignes directrices. La crédibilité, elle revient aux ordres professionnels.

M. Lamontagne (Yves): C'est ça.

M. Jacques (André): Alors, si on envoie des profils, il faut également envoyer la bonne pratique, et ces lignes directrices là, normalement, doivent être rédigées par les ordres professionnels. Alors, il faut coupler les deux actions, et, ce qu'on dit: Si on veut être efficaces, il ne faut pas ? excusez le mot ? entacher leur rétroaction d'un aspect économique mais y attacher plutôt un aspect base scientifique, «evidence base», et c'est ça que le Collège ? et l'Ordre des pharmaciens dirait probablement la même chose ? peut faire de concert, en partenariat avec le Conseil du médicament.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste une minute, M. le ministre.

M. Legault: Oui. Est-ce que je dois comprendre donc que le Collège des médecins, après entente, pourrait, de son propre chef donc, accepter d'envoyer aux médecins un profil d'accès individuel avec une bonne pratique qui aurait été déterminée avec et par le Collège des médecins? Est-ce que vous seriez d'accord avec une approche comme celle-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Jacques.

M. Jacques (André): On est tout à fait d'accord. D'ailleurs, on le fait déjà depuis plusieurs années. Donc, ce ne serait pas quelque chose de nouveau pour nous. Il s'agirait de coordonner les travaux du Conseil du médicament maintenant avec le Collège pour s'arrimer davantage sur des projets communs.

M. Legault: Parfait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, bonjour. J'aimerais vous remercier, messieurs les docteurs Lamontagne, Garon et Dr Jacques, d'être présents avec nous, ce matin. J'aimerais revenir sur le dernier sujet.

Dr Lamontagne ou Dr Jacques, vous dites que ça se fait à l'heure actuelle sur une base... Est-ce que ça se fait à l'heure actuelle quand on veut suggérer à un médecin ou quand on a sa pratique? Ça se fait-u sur une base individuelle, dire: Tel médecin prescrit trop de tels, tels médicaments, ou vous lui suggérez une façon de... et ça se fait sur une base individuelle d'un médecin à un autre ou ça se fait de façon générale sur une gestion thérapeutique ou sur une...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Jacques.

M. Jacques (André): Alors, oui. Oui, ça se fait. D'abord ? et je vais vous expliquer, mais je ne veux pas prendre trop de temps ? mais la Direction de l'amélioration de l'exercice, qui est la direction qui s'occupe de ça au Collège des médecins, dont je suis le directeur, a un programme à trois niveaux: un programme de premier niveau qui est un programme qui vise à évaluer les médicaments dans ce cas-ci, mais les actes professionnels, la qualité de l'exercice par des indicateurs de performance, lesquels on retourne aux individus ou aux établissements leur performance, premier feed-back.

On sait que dans ces cas-là, il y a des gens qui changent, il y en a d'autres qui ne changent pas. Alors, quand on arrive à réévaluer ces programmes-là, parfois on tombe dans l'individu, et là, on va rencontrer cet individu-là. Parce que ce n'est pas parce qu'il prescrit beaucoup qu'il est nécessairement à côté de la... qu'il est déviant. Alors, ça peut être dépendant de sa clientèle, dépendant des facteurs de risque de sa clientèle, etc. Donc, on va aller vérifier par une visite d'inspection professionnelle, et on en fait plusieurs centaines par année pour aller vérifier si vraiment il y a un problème, et, s'il y a un problème, on prescrit la correction appropriée. Donc, on surveille pour améliorer. Et, évidemment, dans ça, il y a des programmes de médicaments: on en a fait sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, on en a fait sur les benzodiazépines, on en a fait sur les anti-angineux, on en a fait plusieurs. Évidemment, on ne fait pas juste ça sur des médicaments, là, parce que vous comprendrez que la médecine, il y a aussi d'autres choses: on en fait sur les activités des médecins pour respecter une bonne qualité. Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question.

n(12 h 10)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Oui. Ça répond tout à fait, sauf que le médecin restera toujours maître chez lui et il sera... Une bonne pratique, c'est quoi? Il faut toujours qu'il tienne compte de sa clientèle, il faut toujours qu'il... Alors, il y a tellement de facteurs qui entrent en jeu que ça... ça peut être une suggestion de votre part mais ça ne veut pas dire que... il ne sera pas, il n'y a pas d'obligation, il n'y a pas de... En fait, ce que j'aimerais dire également, là...

M. Lamontagne (Yves): J'espère qu'on n'en arrivera pas là, madame.

Mme Boulet: Ha, ha, ha! Non, il ne faudrait pas, c'est ce que je veux dire, Dr Lamontagne. C'est ce que je veux dire, c'est qu'il ne faudrait pas que la population se sente prise en otage avec des directives de cet ordre-là, là.

Ce que j'aimerais dire par rapport à ces inquiétudes-là: Il y a également la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui dit... Dans le même ordre que vous, ils disent: L'approche nominative du projet de loi quant aux médecins prescripteurs et aux pharmaciens nous laisse perplexes. Il y a également l'Association des pharmaciens propriétaires qui a soulevé cette inquiétude-là par rapport à l'intention thérapeutique.

Alors, je sais que, vous, vous en parlez ici, à la page 5: «Nous voulons aussi souligner que la transmission à la RAMQ de renseignements relatifs à l'intention thérapeutique associée à une prescription ne pourra s'actualiser sans que le médecin y participe.» Alors, tout ça pour vous dire que, moi, je suis entièrement d'accord avec vous: je pense que ça relève du Collège des médecins, effectivement.

Mon autre question, ça irait dans le sens, là... Vous dites, au début de la page 4: «La fonction visant l'utilisation adéquate des médicaments sera en compétition avec une autre fonction essentielle du Conseil, soit la mise à jour de la liste des médicaments couverts par le régime d'assurance.» J'aimerais que vous me donniez des explications, là, quand vous dites qu'il va y avoir une compétition dans les deux fonctions du Conseil du médicament.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Garon?

M. Garon (André): Oui. Écoutez, vous savez probablement comment était difficile la tâche que devait assumer le Conseil consultatif de pharmacologie. Il est sûr que l'organisation, qui au nom de l'assureur, doit revoir la liste, subit des pressions de toutes natures pour que soient incluses à la liste des nouvelles molécules qui valent leur pesant d'or, n'est-ce pas? Tout ça pour dire que, juste gérer ce domaine de révision, de mise à jour de la liste, ça représente beaucoup de travail, beaucoup de pression, beaucoup d'énergie, tellement qu'on se dit: Est-ce qu'il va en rester pour la bonne utilisation du médicament qui nous intéresse davantage, bien sûr, comme ordre professionnel?

Alors, on se dit au fond: S'il n'y a pas, à l'intérieur d'un même organisme désormais, s'il n'y a pas des mesures administratives qui permettent de protéger ces fonctions-là, de protéger les ressources allouées de part et d'autre, bien, on est presque sûrs qu'une fonction va avaler l'autre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Je peux laisser...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'ai une toute petite question à vous poser sur la recommandation que vous nous faites et qui m'inquiète quand même. Vous suggérez de biffer le numéro, le défaut, le nom et l'initiale du prénom du prescripteur, et je comprends parfaitement ce que vous voulez dire parce que vous voulez éviter qu'il y ait des analyses trop individualisées qui soient faites. Mais vous maintenez «remplacer par la discipline ? et ça, je ne pense pas ? jusqu'au code postal, le code postal étant une structure relativement précise qui parfois ira sur un territoire... le code postal à un seul médecin, où, à ce moment-là, ça équivaut à divulguer le renseignement personnel. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'être quand même plus général et parler de région ou de sous-région ou quelque chose comme ça? Le code postal m'a inquiété dans votre recommandation, dans l'esprit que vous l'avez faite.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Garon.

M. Garon (André): Écoutez, peut-être y aurait-il fallu marquer le code postal à trois positions.

M. Lamontagne (Yves): Ha, ha, ha!

M. Garon (André): Au fond, on s'est dit: En donnant le code postal, les gens vont comprendre l'idée, l'idée étant que... C'est intéressant d'avoir effectivement des profils, selon les territoires. Mais vous avez tout à fait raison de dire qu'il ne faut pas que cette donnée-là conduise à faire indirectement ce qu'on ne souhaite pas faire directement, qui est d'identifier l'unique dermatologue dans la région. Vous avez raison.

M. Gautrin: Je comprends.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun? Non, ça va? Mme la députée... Oui?

M. Gautrin: Non, ça répond à ma question. Il faudrait éventuellement l'amender, comme vous le suggérez, avec trois partie seulement, la moitié du code postal...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Vous parlez également, à la page 3 de votre document, du respect du code d'éthique, et vous allez dans le sens qu'il y a déjà un bon de chemin qui a été fait chez vous pour mettre en place un code d'éthique avec l'entreprise pharmaceutique. Est-ce que vous pensez que le gouvernement pourrait se baser sur le genre de travail que vous avez de fait à l'heure actuelle pour mettre en place un éventuel code d'éthique?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Bien, je vous dirai: Je ne sais pas si c'est à vous de faire ça, mais je peux vous dire qu'effectivement ça fait deux ans qu'on travaille sur le code d'éthique conjointement avec Rx & D. Vous pourriez me dire: Ça fait longtemps et il n'est pas encore actualisé. C'est à la veille d'être fait. Le Dr Jacques d'ailleurs pourra vous donner des détails là-dessus, dans les jours qui viennent. Et, notre intention aussi, c'est que, en partant du Québec, je ne vous cacherai pas, maintenant sont inclus dans ce projet de code de déontologie, l'Association médicale canadienne et le Collège royal, et nous voulons en faire un code de déonto pancanadien. Je ne vois pas pourquoi que, nous autres, on aurait quelque chose au Québec alors que les autres provinces ne l'auraient pas et inversement. Le Dr Jacques pourrait vous donner des détails précis là-dessus, puisque ça va être actualisé bientôt.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en réponse, Dr Jacques.

M. Jacques (André): Oui. En fait, les discussions ont été bon train. Je vous dirais que les unités médicales du code d'éthique ont presque entièrement approuvé le code. La section des compagnies pharmaceutiques, c'est à l'ordre du jour, qu'on m'a dit, le 19 juin, à la réunion des présidents des compagnies pharmaceutiques. Vous pourrez demander à nos successeurs, qui vont se présenter ici, où c'en est rendu. Mais j'ai bon espoir, pour avoir rencontré le directeur général de Rx & D que ça devrait aboutir à une entente, et, comme dit le Dr Lamontagne, non seulement au Québec, parce que, nous, c'est une affaire québécoise, mais on souhaiterait que les mêmes règles s'appliquent dans le Canada, parce que, dans le fond, c'est la bonne pratique partout.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste une minute et demie, Mme la députée de Laviolette. Ça va, oui?

Mme Boulet: Non, moi, ça va. C'est pour Russell. Est-ce que vous avez une question, Russell?

M. Gautrin: Mais moi, j'en ai une.

Mme Boulet: Ah bon! Ha, ha, ha!

M. Gautrin: C'est une toute petite. Vous parlez du code d'éthique, j'imagine qu'il s'harmonise avec celui que la FRSQ est en train de... a mis sur pied actuellement sur les fonctions de recherche.

M. Jacques (André): C'est différent parce que ? si vous permettez ? c'est que, ce code d'éthique, c'est pour les activités d'éducation médicale continue. FRSQ, c'est probablement pour les activités de recherche. Évidemment, les principes, les principes devraient être semblables, puisque l'éthique, à mon avis, ça doit être semblable.

M. Gautrin: À mon sens, c'est la même chose.

M. Jacques (André): Mais là, c'est vraiment, vraiment pointu pour encadrer les activités d'éducation médicale continue faites par l'industrie et faites par les organismes médicaux.

M. Gautrin: Très bien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je m'excuse auprès du député de Maskinongé, le temps est malheureusement écoulé. Alors, je voudrais vous remercier, Drs Lamontagne, Garon et Jacques.

Et je demanderais peut-être aux membres... si vous ne voulez pas trop perdre de temps, j'aurais souhaité que vous demeuriez à vos fauteuils. Je demande immédiatement aux représentants des Compagnies de recherche pharmaceutique de prendre place. On va suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

 

(Reprise à 12 h 19)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission reprend ses travaux. Peut-être pour les membres, les fins de... les membres de la commission, étant donné qu'on a très peu de temps, on a environ seulement que 45 minutes avec chaque groupe, j'inviterais les membres de la commission à demeurer à leur place lorsqu'on a un transfert de groupe parce qu'on perd énormément de temps.

Alors, je salue maintenant la présence des représentants de Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, M. Jean-François Leprince, qui est président. Je vous cède la parole. Je souhaiterais que vous puissiez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et, par la suite, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Les Compagnies de recherche
pharmaceutique du Canada Rx & D

M. Leprince (Jean-François): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada sont heureuses de présenter à la commission des affaires sociales leurs commentaires et recommandations à propos du projet de loi n° 98 modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et d'autres dispositions législatives.

n(12 h 20)n

Donc, comme vous me l'avez demandé, permettez-moi dans un premier temps de me présenter ainsi que les personnes qui m'accompagnent. Je m'appelle Jean-François Leprince, président d'Aventis Pharma Canada et président du conseil d'administration des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.

Je suis accompagné aujourd'hui des personnes suivantes: M. Aldo Baumgartner ? je devrais dire Dr Aldo Baumgartner ? président de Wyeth-Ayerst; M. Philippe Calais, directeur général de Servier Canada; Mme Reine Larose, directrice des Affaires publiques Bayer Soins de santé et coprésidente du comité Québec de notre organisation, et, enfin, M. Alain Boisvert, directeur des Affaires de l'entreprise de Merck Frosst Canada ltée.

Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada forment une association d'envergure nationale qui représente 21 000 Canadiennes et Canadiens, dont plus de 9 000 au Québec, à l'emploi de 65 sociétés de recherche pharmaceutique. Les membres de notre association ont tous en commun un objectif primordial: la découverte et la mise en marché de médicaments novateurs qui améliorent la santé et la qualité de vie de nos concitoyennes et concitoyens.

Une telle mission, couplée à la forte implantation de l'industrie pharmaceutique novatrice au Québec, fait de notre association un partenaire à part entière du système de santé québécois, d'où notre volonté d'offrir notre concours à la démarche menée par la commission des affaires sociales, relativement au projet de loi à l'étude.

Vous nous avez invités à formuler nos commentaires sur le projet de loi, et nous avons développé un certain nombre de thèmes; le premier nous est très cher, puisqu'il s'agit de la valeur des nouveaux médicaments. Il est impossible, de nos jours, de concevoir un système de santé de qualité qui ne s'appuie pas largement sur les progrès considérables qui résultent de l'innovation pharmaceutique. Notre association a produit sur ce sujet un autre mémoire intitulé La valeur des médicaments ? bénéfices thérapeutiques et économiques des nouveaux médicaments d'ordonnance, document de la Rx & D en 2001, document qui a fait l'objet de discussions avec des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux, de la Régie de l'assurance maladie du Québec, du Conseil consultatif de pharmacologie et du Comité de revue de l'utilisation des médicaments, au cours de ces derniers mois.

Sans reprendre ici le détail de cette démonstration, il nous apparaît essentiel de réitérer la valeur qu'ajoutent nos activités de recherche en santé et les nouveaux médicaments récemment découverts par nos entreprises à notre système de santé, et ce, aussi bien sur le plan thérapeutique que sur le plan économique. Car, à ce dernier égard justement, des doutes sont parfois émis. Du fait de la croissance importante des dépenses reliées à l'assurance médicaments, certains ont eu tendance, de façon erronée, à décrire les nouveaux médicaments comme un fardeau économique pour le système de santé plutôt que comme un outil technologique permettant de prévenir ou de réduire les coûts associés à d'autres types d'interventions en santé.

Le Québec a compris, mieux que la plupart des autres pays ou juridictions dotées de systèmes de santé comparables, la valeur de l'apport des nouveaux médicaments. Il a aussi choisi, notamment par ces politiques de santé et de développement industriel, de créer ici un environnement plus favorable que la moyenne à la recherche en santé. Ce faisant, il a fait le parti d'améliorer à la fois la richesse collective des Québécoises et des Québécois qui bénéficient des retombées économiques de cette industrie et les impacts thérapeutiques positifs que permettent les nouveaux médicaments au sein du système de santé.

Ce double pari implique toutefois un investissement dans le médicament. Comme nous le savons tous, les coûts du régime général d'assurance médicaments ont crû rapidement, au cours des dernières années. Le gouvernement du Québec, en gestionnaire responsable, ne peut l'ignorer. Il peut cependant se féliciter qu'une partie de cet accroissement des coûts soit liée au fait que l'ensemble de la population bénéficie désormais d'un accès universel aux médicaments, et il doit surtout soigneusement considérer les deux côtés de cette équation économique et le retour qu'offre aux Québécoises et aux Québécois l'investissement consenti au régime général d'assurance médicaments. Il ne fait aucun doute, selon nous, que ce retour sur l'investissement favorise le Québec, aussi bien sur le plan de l'économie que sur celui de la santé.

Le deuxième thème que je voudrais aborder est ce que nous avons appelé: Garder le cap. Le projet de loi n° 98 et le plan d'action ministériel qui l'accompagne ont, selon nous, le mérite de maintenir le cap que s'est donné le Québec au fil des ans sous tous les gouvernements. Ce projet de loi est en effet bâti sur les pierres angulaires de l'équilibre, du partenariat et de l'accessibilité équitable aux médicaments de valeur prouvée qui ont défini la politique québécoise à l'égard de l'assurance médicaments depuis 25 ans.

Ce régime constitue, comme le souligne à juste titre un document récemment publié par le ministère, un acquis social important. Parmi les constituantes de cet acquis, soulignons le caractère universel du régime et l'accès relativement ouvert qu'il permet aux nouveaux médicaments, la fréquence trimestrielle de ses mises à jour et l'existence de la règle de 15 ans qui, en plus de constituer un incitatif important à la recherche en santé, permet aux malades un accès prolongé à la marque de médicament de son choix. Il importe, selon nous, de préserver chacune de ces caractéristiques du régime, et le Québec trouvera à nouveau en notre industrie un allié dans sa tentative d'en assurer la pérennité.

Cette alliance se concrétisera par la mise en oeuvre d'un plan d'action basé sur une entente de partenariat entre notre industrie et le gouvernement. Ladite entente sera le fruit de plusieurs années de discussion entre nos deux parties. Elle permettra de tendre vers une utilisation optimale des médicaments prescrits, condition essentielle au maintien d'un régime d'assurance médicaments comme le nôtre.

Le coeur de cette entente est un engagement commun à effectuer un plus grand nombre de revues de l'utilisation des médicaments et d'en rehausser la valeur méthodologique. Ces revues de l'utilisation des médicaments permettront de poser des diagnostics exacts sur le caractère optimal ou non de l'usage des médicaments et de cibler précisément la nature et l'étendue de l'usage non optimal.

Il s'agira là d'un progrès considérable sur la situation actuelle. Jusqu'à maintenant, l'utilisation des médicaments a fait l'objet d'assez peu d'études rigoureuses. Il en résulte que les questions qui se posent à l'égard du caractère optimal ou non de l'usage des médicaments au sein du régime général font plus souvent l'objet de présomptions non vérifiées ou d'anecdotes que d'une évaluation rigoureuse basée sur des données probantes. Le plan d'action ministériel et l'entente qui accompagnent le projet de loi n° 98 solutionneront ce problème. L'accroissement du nombre et de la qualité des revues d'utilisation de médicaments, que cette entente permettre grâce entre autres à un meilleur financement et un recours plus fréquent aux meilleurs experts québécois, nous permettra donc de cibler avec précision les problèmes méritant une évaluation judicieuse de l'utilisation.

Un autre domaine que je souhaiterais aborder est les conditions de succès ou les facteurs critiques de succès du plan d'action ministériel. Le plan d'action qui nous est proposé dans la foulée du projet de loi n° 98 constitue pour ces raisons la meilleure orientation que peut donner le gouvernement au régime, dans les circonstances actuelles. En maintenant l'accessibilité raisonnable et équitable aux nouveaux médicaments, marques distinctives du régime québécois, tout en améliorant la qualité et la productivité de leur utilisation, le plan d'action ministériel met, selon nous, en place les conditions de la pérennité du régime. Cependant, le succès de ce plan d'action ambitieux reposera sur l'existence de quelques conditions à propos desquelles nous désirons attirer l'attention de la commission.

La première de ces conditions est que ce plan d'action doit en tout temps reposer sur un solide partenariat entre le ministère, le nouveau Conseil du médicament, les professionnels de la santé et l'industrie. La création et le maintien d'un tel esprit de partenariat ne doivent pas être pris pour acquis. Du fait du nombre important des partenaires et de la complexité des activités à réaliser en commun, ils constituent en fait un véritable défi auquel il faudra accorder toute l'attention requise. Le gouvernement devra particulièrement se prémunir contre la tentation de contrôler d'une façon unilatérale la prescription médicale ou les activités des entreprises pharmaceutiques par le truchement de l'entente. Une telle attitude deviendrait rapidement une pierre d'achoppement majeure du succès de celle-ci.

n(12 h 30)n

La présence et l'adhésion des professionnels de la santé à l'entente constituent la seconde condition du succès à propos de laquelle nous désirons attirer l'attention de la commission. Nous sommes persuadés qu'un plan d'action tel celui qui nous est proposé ne peut réussir qu'avec l'aval de ceux et celles, médecins et pharmaciens, qui en appliqueront les éléments sur le terrain auprès des patients. Or, ces professionnels n'ont malheureusement pas fait partie des discussions qui ont eu cours entre le ministère et notre association jusqu'à maintenant. Cette lacune doit être rapidement comblée.

Une troisième condition de succès du plan d'action sera la rigueur scientifique et méthodologique appliquée à chacune de ses composantes. Le Québec possède une expertise considérable en matière d'évaluation de l'utilisation des médicaments et de pharmacoéconomie. Il s'agit là de ressources que nous ne pouvons nous permettre de ne pas exploiter dans le cadre des activités des revues d'utilisation de médicaments ou de promotion de l'usage optimal des médicaments que nous déploierons lors de la réalisation du plan d'action. Le nouveau Conseil du médicament devra utiliser le plus souvent possible cette expertise externe qui sera gage de la crédibilité et du succès de ses démarches auprès des professionnels et du public.

Une quatrième condition de succès du plan d'action gouvernemental reposera aussi sur la faisabilité de programmes de gestion thérapeutique. Plusieurs de nos compagnies membres ont mis sur pied depuis quelques années déjà des programmes de gestion de la maladie. Ces programmes, qui font appel aux efforts concertés de l'industrie et des professionnels des soins de santé et du secteur public, ont comme objectif l'utilisation appropriée des ressources liées aux soins de santé et un usage optimal des médicaments d'ordonnance grâce à des initiatives de sensibilisation et à des programmes destinés à améliorer la prescription et sa conformité.

Parlons de la création du Conseil du médicament. Notre association est favorable au regroupement sous un même Conseil du médicament des compétences disponibles au sein des actuels Conseil consultatif de pharmacologie, Comité de revue de l'utilisation des médicaments et Réseau de revue de l'utilisation des médicaments. Ce regroupement est logique non seulement sous l'angle administratif, mais aussi sous celui de la concertation des activités de ces organismes.

La création du nouveau Conseil et les changements qui en découlent au niveau de la confection de la liste des médicaments soulèvent toutefois plusieurs questions qui nécessiteront réponse. La première de ces questions a trait aux membres qui composeront le Conseil ainsi que leurs qualifications ou leur expertise. Et, à ce sujet, je rejoins les propos tenus par nos confrères précédemment, le projet de loi est explicite quant à l'expertise requise par la plupart d'entre eux mais demeure vague à propos de quatre d'entre eux, qui ne sont ni médecins ni pharmaciens. La loi devrait, selon nous, exiger également de façon explicite que ces membres soient des éthiciens ou bioéthiciens de façon à éviter toute ambiguïté.

Le projet de loi n° 98 prévoit aussi de nouveaux critères d'inscription de médicaments à la liste des médicaments du Québec. Les deux nouveaux critères ajouteront de la précision aux deux qui servent présentement au Comité de consultation pharmacologique lors de la confection de la liste. Les critères actuels, valeur thérapeutique et justesse du prix, sont en effet tellement généraux et relatifs qu'ils peuvent, à toutes fins utiles, être utilisés à l'appui de toute décision quelle qu'elle soit.

Nous nous réjouissons, entre autres, de retrouver dans les nouveaux critères des notions comme celles d'accessibilité raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes et d'impact de l'inscription d'un médicament sur les autres composantes du système de santé. La reconnaissance de ces importantes notions au sein des critères de confection de la liste répond à deux préoccupations constantes de notre industrie, soit celle de l'existence d'un accès raisonnable aux nouveaux médicaments coût-efficaces et la reconnaissance que ceux-ci peuvent entraîner des économies ou des gains d'efficience considérables au niveau d'autres composantes du système de santé en dépit d'un coût plus important que celui des médicaments qu'ils remplacent.

Toutefois, même si les nouveaux critères sont plus explicites que ceux qu'ils remplacent, force est d'admettre qu'ils peuvent aussi être interprétés de multiples façons et que cette interprétation gagnerait à être clarifiée non pas dans le texte de la loi, mais par un document d'interprétation que le Conseil du médicament devrait publier afin de mieux partager avec le public, les professionnels de la santé et les entreprises de recherche pharmaceutique les bases de sa prise de décision. Nous suggérons donc que le Conseil crée, rapidement après sa constitution, un groupe de travail sur lequel siégeraient également des représentants des médecins, des pharmaciens et de notre industrie afin de produire un tel document d'interprétation. Cette façon de faire permettrait de souligner, notamment auprès des usagers du régime, la transparence et le caractère scientifique des décisions du Conseil.

Par ailleurs, notre industrie se questionne sur les impacts de la création du nouveau Conseil sur la fréquence de la mise à jour de la liste. Le nombre accru de membres au sein du nouveau Conseil de même que les nouveaux critères dont il devra tenir compte ne doivent pas accroître de façon indue les délais avant l'inscription d'un nouveau médicament sur la liste. Les quatre mises à jour actuellement en vigueur permettent de minimiser les différences entre les portions publique et privée du régime. Si le nombre de mises à jour de la liste doit être diminué, ces différences risquent d'être accentuées et de créer un régime à deux vitesses: rapide pour le privé et lent pour les malades couverts par la RAMQ. Il pourrait en résulter un certain nombre d'impacts négatifs, comme des retards dans l'inscription de médicaments offrant une valeur thérapeutique supérieure ou permettant de diminuer les coûts d'autres composantes du système de santé.

Enfin, le plan d'action prévoit que le Conseil du médicament constitue une table de concertation afin de l'assister dans ses activités d'optimalisation de l'usage des médicaments. Il s'agit là d'une approche souhaitable. Cette table de concertation pourrait contribuer significativement au lien entre le Conseil, les professionnels de la santé et les deux secteurs industriels concernés, soit le nôtre et celui de l'assurance. Nous souhaitons que cette table soit gérée de façon dynamique, de façon à ce qu'elle ne devienne pas un autre de ces comités statutaires laissés plus ou moins en marge de l'action. Elle pourrait, au contraire, servir de moteur à la réalisation du plan d'action ministériel, et c'est la direction que nous souhaitons lui voir imprimer. J'en arrive à la conclusion.

En conclusion, Mme la Présidente, Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada tiennent à réitérer leur appui à un plan d'action ministériel visant à sauvegarder la pérennité de cet acquis social important qu'est l'existence d'un régime général d'assurance médicaments qui permette l'accès équitable et raisonnable aux meilleurs médicaments requis par la personne malade. Nous tenons à souligner la clairvoyance du plan qui nous est proposé, lequel reconnaît la valeur des nouveaux médicaments pour notre système de santé et qui privilégie une approche de partenariat entre le gouvernement, les professionnels de la santé et l'industrie plutôt que l'approche de la restriction et la vision purement comptable qu'ont adoptée certaines autres provinces au Canada.

Le partenariat entre l'industrie pharmaceutique innovatrice et le gouvernement du Québec dans le cadre de ce projet de loi démontre une fois de plus que le Québec choisit de conserver le cap qu'il s'est donné il y a plusieurs années et qui lui a permis une approche doublement gagnante, à la fois sur le plan de la qualité de son système de santé et sur celui de l'accroissement de sa richesse collective par le développement d'une industrie de la recherche en santé dont la force contribue à celle de toute notre collectivité. Nous ne pouvons que l'encourager dans cette direction en poursuivant notre implication dans l'économie du savoir et dans l'économie de la santé au Québec.

Les membres des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada en profitent pour souligner la singularité d'une telle entente au Canada et le fait que celle-ci soit permise suite au dialogue ouvert qui sous-tend nos relations avec le gouvernement du Québec. Elles souhaitent aussi que cet accord permettra de renforcer des liens déjà privilégiés qui unissent notre industrie et le gouvernement du Québec, qui ont permis, entre autres, l'adoption de la règle dite «des 15 ans» et qui ont conduit le Québec à bénéficier d'un meilleur accès aux médicaments novateurs que les autres provinces. Ce contexte particulier a favorisé des investissements importants de nos compagnies membres au Québec, lesquels se sont traduits par la création des emplois dont nous avons parlé au début. Il va sans dire que nos compagnies souhaitent poursuivre des efforts soutenus dans ce sens.

n(12 h 40)n

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous remercie de votre attention, et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Leprince, pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre, à vous la parole.

M. Legault: Oui. M. Leprince, Dr Baumgartner, M. Calais, Mme Larose et M. Boisvert, merci. Merci pour la présentation du mémoire. Merci pour votre présence ici aujourd'hui.

Première question. Bon, je pense qu'on ne peut pas rencontrer les représentants des compagnies pharmaceutiques sans leur parler du marketing. On a vu plusieurs reportages au cours de la dernière année où on indiquait que certaines compagnies pharmaceutiques avaient un marketing très agressif pour la vente de leurs produits et que, dans certains cas, ça pouvait même aller en contradiction avec une utilisation, justement, optimale des médicaments. Moi, je voulais savoir, est-ce que l'industrie pharmaceutique se dote de règles d'éthique ou autres pour éviter un marketing trop agressif auprès des professionnels de la santé?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leprince.

M. Leprince (Jean-François): Alors, M. le ministre, d'abord, je dois vous dire que personnellement je bannis le terme «marketing», puisque notre rôle n'est pas de faire du marketing, mais nous faisons de l'information médicale. Et, en particulier, cela stigmatise les relations que nous avons avec les professionnels de la santé, et les médecins en particulier. Et je crois que ceux qui nous ont précédés à cette table ont insisté quant au caractère éducationnel qui sont celles des activités des compagnies pharmaceutiques. Néanmoins, il est clair que, comme vous l'avez souligné, le côté autodiscipline, puisqu'on parle d'autodiscipline dans le cadre des compagnies de recherche pharmaceutique, est toujours quelque chose qu'il est difficile de mettre en oeuvre, puisque, vous le savez comme moi, eh bien il est toujours difficile d'obtenir une certaine forme d'unanimité.

Je peux vous dire que des efforts, notamment dans le cadre de ma présidence cette année, ont été entrepris pour renforcer la mise en oeuvre de notre code d'éthique ? nous avons un code d'éthique qui est propre aux compagnies de recherche pharmaceutique ? et que nous avons décidé, afin peut-être de réduire la perception qui existe actuellement sur le marché quant à l'image des compagnies pharmaceutiques et qui est peut-être malheureusement véhiculée par un ou deux cas particuliers, que nous avons l'intention de mettre en oeuvre de façon la plus rigoureuse possible l'application de ce code d'éthique.

Et je peux vous donner quelques exemples. Vous savez qu'il y a des pénalités qui sont infligées aux compagnies pharmaceutiques quand celles-ci sont en infraction avec le code d'éthique. Eh bien, je peux vous dire que nous jouons de la transparence la plus totale, puisque ces infractions sont publiées publiquement. Donc, c'est quand même une certaine forme de reconnaissance du caractère autodisciplinaire que nous voulons appliquer au sein de notre association.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Donc, ce que vous comptez faire, si je vous comprends bien, c'est de renforcer votre code d'éthique ou l'application de votre code d'éthique pour éviter qu'il y ait à certains endroits un marketing... ou appelez-le de l'information qui soit trop agressive. Parce que, bon, il reste que, quand même, là, vous allez admettre qu'il y a de la publicité. Quand je vois la revue de L'Actualité médicale, qui a des pages complètes en couleur qui annoncent aux médecins les nouveaux médicaments, il y a quand même ? appelez ça un marketing ? une publicité, une information qui est faite auprès des professionnels de la santé.

Est-ce qu'il y a, à part du code d'éthique, d'autres mesures qui vont être prises par des compagnies pharmaceutiques auprès, par exemple, de leur département des ventes pour s'assurer qu'on travaille ensemble à une utilisation optimale des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leprince.

M. Leprince (Jean-François): Alors, en ce qui concerne le code d'éthique, bien sûr, ça concerne essentiellement, mais pas uniquement nos représentants médicaux ou nos délégués médicaux, donc ce que vous qualifiez comme étant le département des ventes. Je tiens également à signaler, puisque cela a été dit précédemment, que nous sommes sur le point d'aboutir en matière d'enseignement médical continu avec l'Ordre des médecins du Québec. Et je tiens à souligner que, nous aussi, nous voulons utiliser cet accord en matière d'enseignement médical continu comme une exemplarité au Canada qui devrait devenir ? et le terme a été utilisé ? pancanadien.

Maintenant, en ce qui concerne l'usage optimal du médicament, il fait partie de notre code de déontologie de promouvoir ou d'informer l'utilisateur, le prescripteur de médicaments de la façon la plus éthique possible, et cette information passe par les conditions qui doivent être celles du médicament et, en particulier, les conditions pour lesquelles le médicament a été enregistré, c'est-à-dire qu'on parle là d'une médecine qui est basée sur l'évidence clinique. Donc, je peux vous dire que, dans les compagnies pharmaceutiques, aujourd'hui, eh bien nous renforçons de nouveau les thèmes et ? comment dirais-je? ? le contenu de ce qui est le dialogue avec les personnes habilitées à prescrire les médicaments pour insister sur les conditions optimales qui doivent être celles de l'usage des médicaments.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Leprince (Jean-François): Est-ce que peut-être, Aldo, tu voudrais ajouter quelque chose dans ce domaine?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Baumgartner (Aldo): Non, je crois que je veux juste insister sur l'accord qu'on est en train de finaliser avec les associations professionnelles et avec les médecins. Et je pense que ça va établir le cadre de collaboration et d'interaction entre l'industrie du médicament et les médecins.

Nous avons aussi pris une initiative au niveau du conseil d'administration et nous avons demandé récemment à chaque directeur général de nos membres de signer une lettre comme quoi ils vont soutenir le code de notre association pas seulement en lettre, mais aussi en esprit. Moi, j'ai signé cette lettre il y a quelques jours, et je pense que la plupart sinon tous les membres de notre association, tous les directeurs généraux vont signer ça.

Et, finalement, je pense que, s'il y a des infractions, en général, ce sont les exceptions à la règle. Et, s'il y a des infractions, il faut les publier, et on les publie. Vous savez, on informe tous les gouvernements, les gouvernements fédéraux, les provinces, toutes les associations professionnelles. Et, depuis à peu près deux ans maintenant, on met les détails de l'infraction pour que les membres de notre association et les médecins prennent conscience de ce qui est permissif, ce qui n'est pas permissif.

Donc, je pense, une fois qu'on aura signé notre accord avec les médecins, on pourra contrôler ça d'une façon beaucoup plus agressive.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Oui. Maintenant, vous l'avez probablement vu dans le projet de loi, il y a un projet-pilote pour travailler sur l'intention thérapeutique. Donc, comme on en a déjà discuté, ce qui est visé, c'est de demander aux médecins de transmettre l'intention thérapeutique aux pharmaciens pour mieux profiter de l'expertise des pharmaciens. Bon, il y a des réticences, là, de la part de certains médecins de ce côté-là, puis on va comprendre pourquoi, mais je voulais vous entendre de ce côté-là. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait améliorer de façon importante l'utilisation optimale des médicaments avec une déclaration d'intention thérapeutique et une meilleure utilisation de l'expertise des pharmaciens?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leprince.

M. Leprince (Jean-François): Mme la Présidente, je ne connais pas les détails de ce projet, et peut-être que je vais passer la parole à M. Boisvert. Mais, un commentaire général, je crois que, si on veut adresser le problème d'usage optimal du médicament, il faut qu'on ait une approche qui soit multipartenariale. Donc, c'est le seul commentaire que je fais, mais peut-être, Alain Boisvert, vous voulez vous prononcer à ce sujet.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Boisvert.

M. Boisvert (Alain): Oui, écoutez, certainement que l'approche souhaitable ici en est une de partenariat, parce que l'essence même de l'intention thérapeutique, c'est d'améliorer la communication médecin-pharmacien, et ça, c'est dans le bénéfice de tous. Il faut s'assurer qu'on a l'adhésion des deux corps professionnels concernés et il faut s'assurer également que cette mesure-là ne sera pas, dans ses modalités, perçue comme une intrusion dans la relation médecin-patient. D'autre part, je pense que, si le projet-pilote et si les mesures qui en découleront sont bien articulés, il est possible d'éviter ces écueils, et, à ce moment-là, c'est une meilleure circulation d'information entre les deux professionnels concernés ici qui sera le résultat de ce projet-là. Donc, je ne pense pas que notre industrie voie de menaces majeures ou d'objections à ce projet-pilote sous réserve qu'on en voie cependant les détails, parce qu'on n'a que des informations de nature très générale à ce sujet-là au moment où on se parle.

n(12 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps est écoulé malheureusement. Merci, M. Boisvert et M. le ministre. Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, bonjour, messieurs, madame. Je vous remercie de vous être déplacés pour venir nous rencontrer. Alors, ma première question consisterait, là... Dans le projet de loi, là, le ministre parle d'une entente avec l'entreprise Rx & D. C'est une entente de 13,4 millions, je pense, qui a été conclue, et le ministre anticipe de sauver, là, ou d'économiser 90 millions de dollars. J'aimerais savoir: Est-ce que vous avez participé à l'évaluation de ce montant-là qu'il anticipe sauver suite à des revues d'utilisation, là? Est-ce que ce montant-là, vous avez travaillé à l'évaluer ou si ça vient du côté ministériel seulement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leprince.

M. Leprince (Jean-François): Bien sûr, madame, nous avons participé effectivement à l'évaluation de ces mesures d'économie, ce qui ne veut pas dire que nous y adhérons totalement, parce que, dans l'accord qui est le nôtre, eh bien nous avons répondu en tant que partenaires responsables pour assurer un certain nombre de moyens qui devraient conduire à des économies. Alors, il est vrai que M. le ministre a procédé à un examen très poussé de la valorisation des économies qui pourraient être engendrées. Nous, notre position, elle est bien sûr peut-être un peu plus prudente, et qu'on part d'un principe qui est qu'il faut d'abord s'assurer, en ce qui concerne les classes de médicaments concernés, que l'on parle d'un usage optimal. Donc, attendons de voir les effets de revue d'utilisation de médicaments, attendons de voir les effets des programmes qui vont favoriser l'usage optimal des médicaments auprès des prescripteurs pour avoir une idée plus précise des économies qui peuvent être engendrées.

Il est certain que la position qui est celle de l'industrie, c'est qu'effectivement... Et d'autres rapports le prouvent. Notamment, il y a un rapport récemment sur un usage non optimal des médicaments au Canada qui semble indiquer que des économies, des gisements d'économies potentiels sont de l'ordre de 6 à 7 milliards de dollars. Donc, on pense, en toute franchise, qu'il y a effectivement des économies à aller chercher, et c'est d'ailleurs l'intérêt de notre industrie, à partir, bien sûr, du moment où on accepte ce principe d'avoir une vision globale et de voir quels sont les bénéfices que les médicaments engendrent au niveau du système de santé en général et de toutes ses composantes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, comme vous n'avez pas participé à l'évaluation de ce montant-là, si le ministre a procédé à des études complètes, là, pour l'évaluer, j'aimerais ça, là, si jamais il peut nous les déposer pour voir comment il a compté ça, le 90 millions.

Dans un autre ordre d'idées, là, vous dites à la page 6... Vous parlez des programmes de gestion thérapeutique qui sont déjà en place, là, comme quoi que ça a des avantages. Je vais donner, entre autres, comme exemple le programme PRISM. Est-ce que vous êtes capable d'évaluer quelle économie on a eu grâce à ces programmes-là qui ont été mis en place et que je pense qu'ils sont très valables? Ils sont probablement sous-estimés, sous-utilisés, mais je pense qu'ils ont un bien-fondé, ils sont très pertinents. Mais est-ce qu'il y a eu des évaluations d'économies qui ont été réalisées grâce à ces programmes-là qui sont en place à l'heure actuelle dans les institutions?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leprince.

M. Leprince (Jean-François): Alors, en tant que compagnie ne participant pas au programme PRISM, je crois que je vais laisser la parole à M. Boisvert dont la compagnie participe au programme PRISM.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Boisvert.

M. Boisvert (Alain): Oui. Bien, en fait, l'entreprise que je représente ne participe pas à ce programme-là mais a participé à plusieurs autres programmes dits de gestion thérapeutique ici, au Québec, ou ailleurs au Canada. Je vous citerais un exemple peut-être en provenance de la province de la Nouvelle-Écosse qui est celui où on a les résultats les plus probants. Il s'agit d'un programme qui s'appelle ICONS, pour acronyme de Improving Cardiovascular Outcomes in Nova Scotia. C'est un programme qui a été lancé en 1997 en médecine cardiovasculaire et qui vise à assurer l'optimalisation de l'usage de toutes les thérapeutiques cardiovasculaires, aussi bien les médicaments que d'autre types de thérapeutiques. Un programme comme celui-là, après cinq ans, a permis d'augmenter de façon significative ? on parle de plus de 40 % ? le recours aux thérapeutiques les plus prouvées, et on a été en mesure de démontrer que ce recours aux thérapeutiques les plus prouvées, aux médicaments dont la valeur est la plus prouvée en termes de coût-efficacité permettait des économies de plusieurs millions de dollars dans le réseau hospitalier de la province de la Nouvelle-Écosse.

Au Québec, on a plusieurs de ces programmes. Vous avez mentionné PRISM, il y a aussi d'autres programmes dans l'asthme. On met sur pied présentement des programmes également dans le domaine de la rhumatologie, dans le domaine de la gastroentérologie. Ces programmes-là sont, dans le cas de certains, déjà déployés. On n'a pas encore, cependant, de résultats chiffrés, là, en termes d'économies parce que ces programmes sont plus récents. Mais, si l'exemple du programme de la Nouvelle-Écosse, qui est un peu le prototype de tous ces programmes de gestion thérapeutique là, semble encourageant, on peut, je pense, prédire que des économies semblables vont être enregistrées au niveau de l'ensemble du système de santé. Ça nous permet de maximiser l'impact positif du médicament, de prévenir des recours inutiles à l'hospitalisation, des visites inutiles à l'urgence, des visites inutiles chez le médecin par une meilleure adhésion des malades au médicament et aux autres thérapeutiques les mieux prouvées dans la littérature médicale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, merci, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présentation. J'ai trouvé ça un peu ironique, le commentaire du ministre sur la question de marketing quand je vois, jour par jour, les pages de marketing que le Parti québécois paie par les fonds publics dans nos journaux québécois. Avec ça, là, s'il y a des leçons à apprendre, je pense, je passe le message à lui. Avec ça, juste un bref commentaire sur le commentaire du ministre.

Deuxième chose, un peu dans la même question sur la gestion thérapeutique, qui m'intéresse beaucoup... Et, peut-être, je demande avant un dépôt du document que vous avez mentionné à la première partie de votre présentation, La valeur des médicaments ? Bénéfices thérapeutiques et économiques des nouveaux médicaments d'ordonnance. Plus tard... Je pense, tout le monde a reçu ça sauf l'opposition officielle. Avec ça, ça va être peut-être assez intéressant d'avoir une copie. Merci beaucoup.

Mais ça m'intéresse beaucoup, l'impact, et je crois qu'une stratégie d'utilisation optimale, une gestion thérapeutique, c'est une bonne approche, sauf, pour sauver de l'argent dans notre système, souvent ça prend beaucoup de temps. Et je voudrais vous entendre un peu plus sur ça, parce qu'il y a les budgets annuels qu'on doit tous respecter, et souvent, quand on met un programme d'utilisation optimale et gestion thérapeutique, oui, on peut peut-être prouver avec vos documents qu'on peut, «long term», sauver de l'argent, mais je voudrais vous entendre un peu plus sur la stratégie court, moyen et long terme, l'impact de cette approche, comment on peut... Je voudrais vous entendre un peu plus sur la gestion thérapeutique et l'impact sur le système de santé en général.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leprince.

M. Leprince (Jean-François): Bien, si vous voulez, sans entrer dans trop de détails, je dirais que, quand on parle de coûts de médicaments, nous, notre réponse, c'est déjà de répondre... Quand on veut comparer le coût d'un médicament, il faut parler efficacité, quelle est l'efficacité du médicament. Déjà, un médicament efficace est un médicament qui, cliniquement, est efficace, c'est-à-dire qu'il soigne des gens. Et ça, c'est quelque chose qui est quantifiable.

Ensuite, les économies de l'efficacité d'un médicament, elles peuvent être engendrées aussi au niveau d'autres domaines du système de santé. Et, notamment, nous avons de multiples exemples qui indiquent, par exemple, que des économies à court terme sont faites avec, par exemple, des réductions du nombre et de la durée des hospitalisations. Vous avez actuellement des maladies qui n'étaient traitées qu'à l'hôpital et qui sont maintenant traitées totalement en ambulatoire.

Et puis, je suis d'accord avec vous, le dernier élément qu'il faut pouvoir saisir, c'est cette notion de coefficacité ou d'efficience, c'est-à-dire l'effet économique à long terme du médicament ainsi que son effet indirect à long terme dans les autres composantes du système de santé. Pourquoi? Parce qu'il favorise la productivité du système de santé. Donc, je vous donne trois pistes ici, qui sont d'ailleurs couvertes en détail dans le rapport, dont je me ferai un plaisir de vous remettre une version.

M. Williams: Merci. Je vais lire ça avec intérêt.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps est écoulé, M. le député de Nelligan, malheureusement.

M. Williams: Oui. Bref...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps de remercier nos invités. Malheureusement, c'est déjà...

M. Williams: Non, mais l'opposition officielle a utilisé combien de temps?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): J'ai coupé, j'ai dû couper les deux, alors donc... Puis vous aviez environ neuf minutes, 9 min 30 s environ, alors là il vous reste environ... Il vous reste environ une demi-minute parce que nous ajournons à 13 heures. Alors, malheureusement, c'est très, très court étant donné que nous avons 45 minutes. C'est la raison pour laquelle je vous demandais tout à l'heure de ne pas vous lever. Bien sûr, c'est toujours intéressant d'aller saluer nos invités, mais on perd un peu de temps.

Alors, sur ça, je vais devoir suspendre les travaux jusqu'à 15 heures, dans cette même salle, et remercier, bien sûr, nos invités d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire, et peut-être que vous pourrez échanger en dehors de la commission.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et d'autres dispositions législatives.

Nous rencontrons maintenant les représentantes et les représentants de la Coalition sur l'assurance-médicaments. Alors, je cède la parole à Mme Jennifer Auchinleck. Mme Auchinleck, j'aimerais... si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes. Est-ce que c'est vous ou si c'est M. Kinloch qui fait la présentation?

Coalition sur l'assurance-médicaments

Mme Auchinleck (Jennifer): Ça va être partagé entre nous trois.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui? Alors, c'est vous qui allez commencer, Mme Auchinleck?

Mme Gallagher (Suzanne): Bien, je peux présenter...

Mme Auchinleck (Jennifer): Je pense que Mme Gallagher va commencer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui? Alors, d'accord. Et, donc, c'est Mme Gallagher. Vous pouvez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes et vraiment 15 minutes, étant donné que le temps est très court, alors, pour permettre une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous cède la parole.

Mme Gallagher (Suzanne): Oui. Mon nom est Suzanne Gallagher, de la Coalition sur l'assurance-médicaments. Je vous présente aussi John Kinloch et Jennifer Auchinleck. Malheureusement, Mme Yvette Martin n'a pas pu se présenter pour raisons de santé.

La Coalition sur l'assurance-médicaments a été mise sur pied en juillet 1996, un mois avant l'entrée en vigueur de la loi no° 33. Nous sommes appuyés par plus de 200 groupes communautaires, populaires, regroupements et fédérations, à travers le Québec. Nos interventions depuis 1996 sont fondées sur notre expérience quotidienne de travail auprès de nos membres: des personnes âgées, des personnes assistées sociales, des personnes ayant des problèmes de santé mentale et d'autres personnes à faible et moyen revenus. Nous voyons au jour le jour l'impact du régime d'assurance médicaments sur le terrain.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'affirmation du ministère dans le document de consultation, à savoir que les médicaments soient une composante-clé du système de santé. Pour nous et pour les personnes avec qui nous travaillons, un régime d'assurance médicaments est une partie intégrale des soins de santé. Il s'agit d'un programme social d'une importance fondamentale. On ne peut garantir l'accès aux soins de santé à chaque Québécoise et Québécois sans assurer l'accès aux médicaments.

Malheureusement, si notre Coalition existe six ans après la réforme majeure de l'assurance médicaments, c'est parce que nous voyons des problèmes importants à plusieurs niveaux. Afin de régler ces problèmes, notre Coalition revendique depuis plusieurs années:

un, la mise sur pied d'un régime universel et public d'assurance médicaments avec, comme première étape, l'instauration de la gratuité des médicaments pour toutes les personnes vivant en dessous des seuils de faible revenu de Statistique Canada; deux, le développement d'une politique globale en matière de médicaments comprenant des mesures de contrôle de coûts et de l'industrie pharmaceutique, des mesures visant à améliorer les pratiques des médecins en matière de prescriptions. Une réforme du régime d'assurance médicaments doit avoir comme priorité d'assurer l'accessibilité des médicaments et de contrôler les coûts afin d'assurer la viabilité du programme.

Pour nous, le projet de loi n° 98 ne répond aucunement à ces priorités et va nous conduire à exactement la même place, l'année prochaine.

Mme Auchinleck (Jennifer): Alors, nos critiques se situent à trois niveaux: au niveau de l'accès aux médicaments, au niveau du contrôle des coûts et au niveau d'un régime universel et public d'assurance médicaments.

Moi, je vais commencer avec la question de l'accessibilité. Là encore, il y a plusieurs niveaux de préoccupations. Notre premier constat est que, encore une fois, le gouvernement choisit d'ignorer les problèmes critiques d'accès aux médicaments auxquels font face les personnes à faible revenu, actuellement. Donc, avant 1996, notre Coalition et d'autres groupes à travers le Québec ont prédit que l'abolition de la gratuité des médicaments pour les personnes assistées sociales et les personnes âgées aurait un impact très sévère sur la santé. Et, depuis cette réforme, donc pendant six ans maintenant, nous voyons dans nos groupes un problème urgent et concret qui exige une solution, c'est-à-dire des milliers de personnes qui sont prises avec des choix impossibles entre les médicaments, la nourriture et les autres besoins essentiels.

Le rétablissement de la gratuité des médicaments en 1999 pour les personnes dans la catégorie «contrainte sévère à l'emploi» à l'aide sociale a réglé le problème pour ces personnes mais il reste quand même 302 000 personnes assistées sociales et 412 000 personnes âgées qui sont dans une situation très difficile. Et, bien que la réforme de 1996 constitue une amélioration pour les personnes à faible revenu qui n'avaient pas de couverture auparavant, on voit quand même beaucoup de personnes qui trouvent les contributions trop élevées et pour qui le régime représente un recul, une mesure appauvrissante, au lieu d'un avantage.

En fait, on s'est posé la même question à la dernière commission parlementaire, en 2000: C'est quoi la preuve que ça prend pour convaincre le gouvernement qu'il y a un problème? D'un côté, il y a le rapport Tamblyn, commandité par le gouvernement du Parti québécois en 1998, qui a démontré que l'abolition de la gratuité des médicaments a provoqué 1 946 événements indésirables, ce qui voulait dire hospitalisations, institutionnalisations et décès, 16 000 visites médicales, presque 13 000 visites aux urgences, et tout ça dans les 10 premiers mois de l'application du régime. C'est une étude qui venait confirmer de nombreuses autres études qui démontrent que même une petite contribution peut entraîner des effets néfastes sur les personnes à faible revenu.

On sait encore qu'il y a de nombreux sondages effectués par les groupes communautaires ? il y en a dans nos mémoires ? et que, six ans après la réforme, c'est toujours une préoccupation constante dans les groupes communautaires à travers le Québec. Et on sait aussi que six ans après la réforme il reste toujours des programmes de dépannage pour les personnes qui ont de la difficulté à payer les médicaments et que pour certains programmes il y a toujours une liste d'attente.

Donc, pour nous, le problème est définitivement toujours là. C'est un problème qui est urgent, que le gouvernement et que cette réforme en fait ignorent cette situation, ignorent les faits. Pour nous, c'est nettement inacceptable.

Deuxièmement, au niveau de l'accessibilité, malgré les déclarations du gouvernement qu'on a vues, pour nous, c'est clair que le gouvernement, avec ce projet de loi, se prépare à empirer la situation pour des centaines de milliers de personnes à faible revenu. Donc, l'augmentation qui est prévue pour les personnes âgées avec le supplément partiel et pour l'ensemble d'autres personnes à faible revenu ne peut que restreindre encore plus l'accès aux médicaments pour ces personnes. Et on vous rappelle que pour certaines personnes âgées on a vu une augmentation de contribution de 100 $ en 1996, jusqu'à 1 244 maintenant; c'est quand même une augmentation très, très importante.

Mme Yvonne Martin, qui devait assister aujourd'hui, et, malheureusement, qui ne pouvait pas venir, c'est une madame qui est membre... de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, excusez-moi, à Montréal, voulait quand même qu'on lise une partie de son témoignage.

n(15 h 10)n

Ce qu'elle nous dit, c'est qu'elle est une personne âgée avec une pension et un supplément de revenu garanti partiel et elle est mariée. Elle et son mari ont une prescription mensuelle de 91 $, et, «parce que nous avions des difficultés à payer chaque mois, nous avons partagé les pilules: lui, une journée, moi, l'autre journée. Lorsque j'ai rencontré mon médecin, je lui ai dit cela. Il m'a dit que je mettais ma santé en danger. D'autres fois, je me rends à la pharmacie pour aller chercher des médicaments et je dois revenir à la maison chercher de l'argent. Je disais à mon mari: Ça coûte tant, et, lui, il était surpris, parce que la même prescription coûte plus cher. La situation est très difficile pour nous, déjà. Cela n'a pas de bon sens du tout.»

C'est clair que les augmentations vont exacerber sa situation et la situation d'autres. Il y a le niveau humanitaire évidemment qui est un problème. Il y a aussi le fait que les gens ont besoin de plus de services de santé. C'est un investissement aussi, la gratuité des médicaments.

Finalement, toujours au chapitre de l'accès aux médicaments, en se donnant le droit d'augmenter les primes, les franchises, les coassurances et les plafonds par règlement à chaque année ? ce qu'on propose dans l'article 28.1 ? le gouvernement assure dans le fond un transfert du fardeau envers les citoyens à chaque année, sans débat public. Évidemment, nous nous opposons farouchement à cette mesure. Pour nous, il n'y a qu'une façon de régler les problèmes d'accessibilité de médicaments: c'est la gratuité des médicaments qui s'impose immédiatement pour l'ensemble des personnes vivant en dessous des seuils de faible revenu.

Ce qui est également clair pour nous, c'est que le gouvernement dispose de ressources pour le faire. À titre d'exemple seulement, selon le rapport annuel de la RAMQ, le rétablissement de la gratuité des médicaments pour les personnes âgées avec le supplément au maximum ne coûterait que 7 millions de dollars par année et que, pour les personnes assistées sociales, ça coûterait 16 millions par année. Une politique d'achat au plus bas prix, dont les économies sont estimées à environ 25 à 30 millions par année, pourrait facilement, facilement financer cette mesure. Bien d'autres solutions sont possibles, et la gratuité pour toutes les personnes à faible revenu est un objectif réalisable. Ce qui manque, c'est la volonté politique.

M. Kinloch (John): Moi, je vais continuer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Kinloch.

M. Kinloch (John): Oui, avec la question du contrôle des coûts. Le contrôle des coûts est soigneusement évité. Le projet de loi et le document de consultation et le communiqué de presse du gouvernement annoncent un effort important au chapitre et sur le contrôle des coûts. Cependant, une analyse du projet révèle que ces mesures sont plutôt hypothétiques que réelles.

Premièrement, le projet de loi prévoit la mise en place d'un plan d'action prévoyant la conclusion d'ententes de partenariats avec les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, dont l'objectif est d'économiser de l'argent. Pour nous, il est évident que les compagnies pharmaceutiques, qui ont comme mission d'accroître leurs profits, ne seront pas d'accord pour des mesures qui ont un impact significatif. De toute façon, l'article, paru dans La Presse du 14 mai 2002, titré, Assurance médicaments: l'industrie pharmaceutique rejette tout partenariat avec Québec, confirme l'inutilité de cette démarche.

Deuxièmement, la participation de l'industrie pharmaceutique à la table de concertation crée un conflit d'intérêts évident, pendant que les citoyens sont entièrement exclus. Et, si le fonds pour l'utilisation optimale des médicaments est financé par l'industrie, qui peut croire que ces études seront objectives?

Concrètement, il est essentiel que le gouvernement fasse tout ce que ce projet évite soigneusement de faire: instaurer de vraies mesures de contrôle des coûts. Le gouvernement reconnaît que l'augmentation des coûts est due au prix élevé des nouveaux médicaments et à la consommation de médicaments. Il faut donc établir une politique qui, d'un côté, contrôle les coûts, une politique d'achat au plus bas prix; des mesures pour encadrer strictement les pratiques de promotion et de marketing des compagnies pharmaceutiques, etc.

De l'autre côté, la politique doit cibler les pratiques des médecins en matière de prescriptions pour assurer la pertinence des ordonnances à la prescription des médicaments les plus efficaces et les moins chers, des sources objectives d'information, un prix de référence, etc. Chose certaine, les compagnies pharmaceutiques faisant des profits encore plus élevés que les banques, il y a une marge de manoeuvre importante.

Un régime universel et public ? la meilleure solution ? n'est même pas sur la table. Notre Coalition déplore le fait qu'encore une fois le gouvernement refuse même de débattre la meilleure option pour les Québécoises et Québécois, un régime universel et public d'assurance médicaments.

Rappelons que, lors de la commission parlementaire sur l'assurance médicaments en février 2000, une majorité d'organisations avait prôné l'adoption d'un régime universel et public d'assurance médicaments. À la fin de la commission, la ministre de la Santé à l'époque, Mme Pauline Marois, a mis sur pied un comité afin d'étudier la faisabilité et la pertinence de cette mesure. Mais le comité Montmarquette, chargé de cette étude, a redéfini son mandat, considérant qu'il ne pouvait ni ne devait limiter ses réflexions à la seule pertinence et à la faisabilité d'un régime universel. Le mandat a ainsi été tellement modifié qu'on ne retrouve dans le rapport aucune hypothèse ou illustration, même défavorable, d'un éventuel régime public et universel.

La présente commission rejette cette option dans une annexe sur la base d'éléments qui ne sont ni logiques ni crédibles. Pour la Coalition sur l'assurance-médicaments, un régime universel et public d'assurance médicaments, accompagné d'une politique en matière de médicaments, est la seule façon d'assurer l'accessibilité, l'équité et une maîtrise des coûts. En termes d'économie, cette option permettra d'éliminer les frais élevés d'administration, la marge de profits et la marge de marketing dans les régimes privés, de partager davantage les ressources entre les personnes nanties et moins nanties dans notre société et de négocier les meilleurs prix pour les médicaments.

Le rapport Gagnon, du gouvernement du Québec en 1995, a déjà démontré qu'un tel régime est faisable et a conclu qu'il s'agit du meilleur système pour le Québec. Le Forum national sur la santé en 1997, rapport canadien qui étudie les régimes à travers le monde, est arrivé à la même conclusion. Des chercheurs comme le Dr Joel Lexchin, de l'Université York en Ontario, se sont déjà penchés favorablement sur la faisabilité et la pertinence d'un tel programme. Comme il a déjà été démontré en 2000, des organisations populaires, communautaires et syndicales à travers le Québec appuient cette option et attendent que le gouvernement procède.

Mme Gallagher (Suzanne): Essentiellement, nous faisons face à un choix: soit nous pouvons continuer avec le statu quo et nous nous retrouvons avec exactement les mêmes problèmes l'année prochaine ou nous pouvons procéder à une vraie réforme du système qui assurerait l'accessibilité et la maîtrise des coûts dans les années à venir. Il s'agit d'un choix de société.

Afin d'assurer l'accès aux médicaments, la maîtrise des coûts et la viabilité du régime, la Coalition sur l'assurance-médicaments exige donc, un, le retrait du projet de loi n° 98; deux, la mise à jour du rapport Gagnon; trois, la mise sur pied d'un régime universel et public d'assurance médicaments avec, comme première étape, l'instauration de la gratuité des médicaments pour toutes les personnes vivant en dessous des seuils de faible revenu de Statistique Canada; quatre, le développement d'une politique globale en matière de médicaments comprenant: a. des mesures de contrôle de coûts telles qu'une politique d'achat au plus bas prix et des mesures pour encadrer les pratiques de promotion et de marketing de l'industrie; b. des mesures visant à améliorer les pratiques des médecins en matière de prescriptions telles que des sources objectives d'information indépendantes de l'industrie et un prix de référence.

En conclusion. Depuis 1996, ce sont les compagnies pharmaceutiques et les compagnies d'assurance qui ont tiré leur épingle du jeu dans le dossier de l'assurance médicaments au grand détriment de toute la population et en particulier les personnes assistées sociales et les personnes âgées. La santé est clairement une préoccupation fondamentale pour les citoyens et les citoyennes. Il est donc temps que la santé des citoyens et citoyennes soit une priorité pour le gouvernement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

M. Legault: Oui. Mme Auchinleck, Mme Gallagher et M. Kinloch, merci pour votre présentation, pour votre mémoire. Bon. Rapidement, vous nous demandez finalement... Je pense que la recommandation la plus importante, c'est de demander la gratuité pour les personnes qui vivent sur les seuils de faible revenu. Bon. Vous parlez de 16 millions. Je pense que c'est 16 millions, si on parle de la partie contribution, mais il faudrait ajouter aussi la partie prime, si je comprends bien votre proposition. Bon.

Peut-être juste vous rappeler ? puis je suis certain, là, que vous le savez déjà ? qu'on a un régime où les prestataires sans contraintes et même ceux avec contraintes n'ont pas d'augmentation dans le projet de loi n° 98. Les personnes âgées qui reçoivent le maximum de soutien au revenu, non plus, n'ont pas d'augmentation. Donc, on parle des personnes âgées qui reçoivent soit un SRG partiel ou soit les adhérents réguliers qui ont une augmentation, là, d'à peu près... on évalue, en moyenne, ça va donner, prime et contribution, 3,50 $, en moyenne par mois. Bon. C'est peu et c'est beaucoup.

Maintenant, bon, on investissait, comme gouvernement, 715 millions par année dans le régime il y a quelques années; on est maintenant rendu à 1 352 000 000. Qu'est-ce que vous proposez comme source de revenu pour être capables justement, là, de pouvoir assumer ces demandes de gratuité additionnelles? Est-ce que vous proposez d'augmenter les primes et les contributions de ceux qui ont des revenus plus élevés? Qu'est-ce que vous proposez, là, comme source de revenu pour assumer ces coûts-là, de la gratuité?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Auchinleck.

Mme Auchinleck (Jennifer): Premièrement, j'aimerais faire le point que... Bien, je ne sais pas si vous savez, M. Legault, c'est quoi le revenu mensuel d'une personne assistée sociale. Avez-vous une idée c'est quoi? Donc, une personne assistée sociale, pour ceux et celles qui ne le savent pas, vit sur 537 $ par mois, et on demande une contribution de 16,66 $ par mois pour les médicaments. Je comprends qu'il n'y a pas d'augmentation pour ce groupe de personnes. Mais ce que nous disons, c'est que la situation actuelle est inacceptable. Et, quand je l'ai utilisée comme exemple tantôt, quand j'ai dit, dans le cas de personnes assistées sociales, que ça coûterait 16 millions, ça serait 16 millions, parce que les personnes assistées sociales ne paient pas de prime. Donc, je voulais juste clarifier que nous trouvons important ? c'était la même chose à la dernière commission parlementaire ? tout le monde veut sauter l'étape de parler de ce qui s'est passé pour ces personnes qui ont perdu la gratuité des médicaments, pour dire: Bon, ce n'est pas si pire, c'est une petite augmentation, il n'y a pas d'augmentation. La situation actuelle est inacceptable, et c'est ça, le point qu'on voulait faire, premièrement.

n(15 h 20)n

Deuxièmement, c'est vrai qu'on a donné plusieurs revendications et que la revendication de la gratuité des médicaments est importante. Mais, pour nous, ça va tout ensemble, les trois revendications que nous avons. Donc, quand on parle de possibilité de financement pour la gratuité des médicaments pour les personnes à faible revenu, une partie importante de la solution, c'est la mise sur pied d'un régime universel et public d'assurance médicaments parce que c'est un moyen d'avoir toutes sortes de personnes, tout le monde, dans le fond, avec différents revenus, ensemble, pour pouvoir se financer, partager un peu le risque de financement de ce que nous avons actuellement: un système à deux vitesses.

On a généralement ? et je sais que M. Montmarquette n'était pas d'accord, mais, en tout cas, on a plein de choses qu'on peut argumenter là-dessus ? dans les régimes privés, des personnes généralement à revenu plus élevé, généralement en meilleure santé; dans le public, généralement plus en pauvreté, en plus mauvaise santé. Si on était tous ensemble, on aurait des possibilités de partage. Actuellement, on perd les contributions des personnes dans le privé; ça s'en va vers les compagnies d'assurances.

Donc, ce que je veux dire, c'est qu'on peut regarder différents niveaux. La mise sur pied d'un régime universel et public, ça serait un pas important. La politique de médicaments et de vraies mesures de contrôle de coût ? et, comme John l'a mentionné tantôt, on pense qu'il faut aller beaucoup, beaucoup plus loin sur cette question ? nous permettraient également de pouvoir financer ça. À part ça, c'est évident qu'il y a des mesures de fiscalité générales. On a procédé avec des baisses d'impôts, pas mal de gens dans la population n'étaient pas d'accord avec. Ce sont des choix politiques. Il y a des abris fiscaux, il y a la politique fiscale, en général.

Ce qu'on ne peut pas nous dire dans le fond, c'est que dans notre société actuellement, avec les compagnies pharmaceutiques qui font d'énormes profits, ce n'est pas possible de trouver l'argent pour mettre sur pied un vrai programme social.

M. Legault: Oui. Juste pour essayer de vous suivre dans votre proposition concernant le régime universel public. Comme vous disiez: M. Montmarquette recommande de ne pas aller vers un régime public universel, parce qu'il nous dit finalement: On perdrait la contribution de l'employeur; finalement, on se retrouverait avec un manque à gagner de quelques centaines de millions de dollars.

Quand vous nous dites, là, que les personnes ? vous avez sûrement vu ça aussi dans le rapport Montmarquette ? que les personnes qui sont sur le régime public consomment davantage que celles qui sont sur le régime privé, ce n'est pas ce que conclut M. Montmarquette. M. Montmarquette dit: Si on exclut les personnes âgées, il y a une consommation équivalente entre les adhérents au régime public et au régime privé.

Ce qui nous coûte cher finalement, c'est la partie assistance, là; c'est le fait qu'on paie pour les personnes qui ont des plus bas revenus.

Moi, je voulais essayer de comprendre comment, en mettant en place un régime public qui irait chercher finalement tous ceux qui sont couverts par le régime privé payé par les employeurs, comment ça pourrait nous aider à mieux financer notre régime public? C'est ce que j'essaie de comprendre dans votre proposition.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Auchinleck.

Mme Auchinleck (Jennifer): Bien, premièrement, un commentaire sur le rapport Montmarquette. Je veux juste souligner la déception que notre Coalition avait face au travail de ce comité. Je suis certaine que vous l'avez lu. Pour nous, c'est très clair ? et ça le dit même dans le début du rapport ? que ce comité a décidé de changer son mandat et de ne pas évaluer, dans le fond, un régime universel et public. Donc, il n'y a pas d'hypothèse de financement, il n'y a pas de scénario, contrairement au rapport Gagnon, de 1995 ? je ne sais pas si vous le connaissez ? mais là, on a regardé en détail: Ça coûterait tant, tant, tant pour telle personne; voici comment ça pourrait marcher.

Pour nous, la question de la contribution des employeurs, il n'y a rien qui nous dit... Et notre vision d'un régime universel, ça comprend une contribution de la part des employeurs. S'ils contribuent maintenant pour les régimes privés déjà actuellement, bien là, ils peuvent contribuer à un éventuel régime public d'assurance médicaments. C'est clair que le fait qu'on change le type de régime, ça n'exclut pas la possibilité qu'on puisse exiger des employeurs de maintenir une contribution.

Ce que je veux souligner aussi, c'est que le rapport Gagnon par exemple, on aurait pu le mettre à jour, ce rapport. M. Montmarquette aurait pu regarder qu'est-ce que ça donnerait, maintenant, comme possibilité.

Ce que nous trouvons très, très difficile, c'est que le gouvernement a peur de mettre la question sur la place publique, on a peur de faire le débat. Si M. Montmarquette avait dit: Voici le scénario, voici l'hypothèse, ça va vous coûter tant, tant, tant; ça va être ça, ça va être ça. Et là, ensemble, on avait dit: Ça n'a pas d'allure; ou il y avait un débat, ou il y avait des gens qui étaient pour et contre, ça aurait été une chose.

Mais ce n'est même pas sur la table, la question. Toutes les questions de combien ça coûterait par personne, on ne peut même pas avoir ce débat parce que le travail de ce comité n'a pas été fait. Pourtant, le rapport Gagnon l'a fait, l'a démontré que c'est faisable au Québec. Il y a plein de pays qui ont un régime. Il y a le Forum national sur la santé qui démontre que c'est possible et qui arrive à la conclusion que c'est la meilleure façon. Ça prend la volonté de le mettre sur pied. Je n'ai pas toutes les réponses, c'est certain, mais qu'on procède à une évaluation sérieuse d'exactement ce que ça peut vouloir dire, mais c'est le minimum qu'on attendait du comité Montmarquette.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Oui. Écoutez, moi, quand je vois... quand je lis le rapport Montmarquette, là, pour moi, ça me satisfait qu'il y a comme une démonstration que ça ne coûterait pas moins cher aux adhérents, aux cotisants d'avoir un régime public, là, à moins qu'on décide de taxer davantage soit les entreprises ou soit ceux qui ont des revenus plus élevés. Étant donné que les risques sont comparables selon Montmarquette, je ne vois pas comment on pourrait avoir un avantage, là, pour le cotisant.

Mais je voulais vous poser une dernière question, parce que le temps file. Vous proposez, là ? puis, il y a certains groupes qui proposent ? d'avoir une politique du médicament. Bon. Il était prévu déjà à l'article 51 de la loi d'avoir une politique du médicament, mais dans cette politique on devait parler d'accessibilité. On a mis en place quand même ce régime public puis la liste de médicaments. On parlait d'utilisation adéquate des médicaments. Là, je pense que dans le projet de loi, avec la création du Conseil des médicaments, le suivi, la revue d'utilisation des médicaments, on répond en partie. Puis on parlait aussi du renforcement des activités d'information et de formation. On en parle aussi dans le projet de loi. Bon.

Vous nous dites: Il faudrait peut-être mieux encadrer les pratiques de promotion et de marketing de l'industrie pharmaceutique. J'aimerais ça peut-être vous entendre là-dessus. Mais qu'est-ce que vous verriez de plus dans une politique du médicament que ce qu'on retrouve dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Auchinleck.

Mme Auchinleck (Jennifer): Premièrement, il y a deux options qui étaient sur la table à la commission parlementaire en 2000, qui ne sont pas sur la table maintenant, c'est-à-dire la politique d'achat à plus bas prix... qu'on abolisse... il y avait aussi le scénario d'un programme de prix de référence qui n'est toujours pas sur la table, non plus.

Ce que, nous, on a vu quand on a regardé les documents, c'est... Bon. On a dit: On a l'espoir d'économiser 90 millions de dollars par année avec des ententes avec l'industrie pharmaceutique. Quand on est allé plus loin, bon, les chiffres qu'on trouvait, il y avait un total de 14,4 millions; donc, c'est loin d'être 90 millions. Il y avait effectivement la possibilité d'étude de l'utilisation et tout ça; c'est une bonne chose. Mais, quand c'est financé par l'industrie, comment est-ce qu'on peut avoir confiance que ça ne va pas être dans les intérêts de l'industrie au lieu d'être dans les intérêts de la population?

Dans le fond, pour nous, bien, il y avait l'office que John a soulevé tantôt, que la semaine après le dépôt du projet de loi... On a lu dans La Presse que de toute façon l'industrie ne voulait rien savoir de ces attentes et du 90 millions de dollars; ça n'inspire pas la confiance, mettons.

Mais, pour nous, ce qui est clair, c'est que les intérêts de l'industrie pharmaceutique ne sont pas les mêmes que la population. Les intérêts de l'industrie... ils sont là pour faire de l'argent, c'est leur objectif, et je ne critique pas dans le sens où c'est leur objectif. Pour nous, ce n'est pas le même objectif pour les citoyens, c'est évident. Et, si on veut vraiment contrôler les coûts, ils ne peuvent pas être là, ils ne peuvent pas être impliqués, ils ne peuvent pas financer les démarches. Il y a un conflit d'intérêts qui est très clair.

Donc, pour nous, ça prend des mesures avec des dents, comme on dirait en anglais: politique d'achat au plus bas prix, tout de suite. Ça veut dire qu'on dépense moins pour les médicaments, on achète plus le générique, il y a une économie. Prix de référence en Colombie-Britannique, il y a eu des économies très, très importantes. Encadrement des pratiques de marketing ou de promotion de l'industrie, mais là, on travaille avec des médecins qui nous disent comment ça marche. Ce n'est pas approprié, ce ne sont pas des biens comme n'importe quoi, ça fait partie du système de santé. Il faut aller plus loin avec des mesures très spécifiques, et ce n'est pas «vouloir», «l'industrie peut».

n(15 h 30)n

Tout ce qu'on lit dans le projet de loi, c'est «le gouvernement peut conclure des ententes» avec ça; «peut faire» ci, «le Comité peut» recommander ça. Ce n'est pas ça que ça prend. C'est: Il faut faire ça. Il faut les obliger de faire ça. Il faut les encadrer, point.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste une minute et demie, M. le ministre.

M. Legault: Oui. Mais, justement, quand vous dites encadrer les compagnies pharmaceutiques, bon, d'abord juste vous rappeler que les discussions avec les compagnies pharmaceutiques, bon, il a été question dans un certain temps, à un certain moment, de mettre en place des listes d'exception pour qu'on puisse, à chaque fois qu'un médicament coûteux est prescrit... qu'on puisse être obligé d'exiger l'approbation du ministère de la Santé. Les compagnies pharmaceutiques ont proposé d'elles-mêmes de s'autoréglementer, mais il y a une obligation de résultat quand même dans ce qui est proposé sur la table. On a évalué ces objectifs-là à 90 millions en incluant aussi le travail qui est fait auprès du Conseil du médicament avec les nouveaux critères d'inscription des nouveaux médicaments.

Mais j'aimerais, vous, là, que vous nous disiez qu'est-ce que vous proposeriez comme mesures pour justement encadrer ces activités-là des compagnies pharmaceutiques.

Mme Auchinleck (Jennifer): Si le gouvernement voulait nous montrer qu'il avait une vraie volonté de contrôler les coûts, si le gouvernement commençait avec la politique d'achat au plus bas prix, ce serait un bon départ, ça serait... On aurait au moins le sentiment qu'on essaie de faire de quoi de sérieux.

Pour ce qui est des questions comme les listes, le prix de référence, et tout ça, si c'était complètement indépendant de l'industrie, si c'était qu'on obligeait quasiment aux médecins de prescrire un certain médicament, sauf dans des cas où il y avait vraiment des exceptions, peut-être que ça pourrait marcher. Mais nous, ce qu'on ne voit pas, en fait, dans le fond, c'est que nous ne voyons pas comment les gens qui doivent commencer à payer encore plus à partir du 1er juillet devront vraiment croire, avec ce qu'il y a dans le document, ce qui est pour nous très, très vague... Comment est-ce qu'on peut croire vraiment que ça va se faire?

Si vous étiez arrivé avec: Bon, voici un exemplaire d'une entente, c'est conclu, voici, vous pouvez le voir... Il n'y a pas d'échéancier pour les ententes, il n'y a rien dans le projet de loi. Par contre, les gens à faibles revenus commencent, le 1er juillet, à payer plus. Je pense que c'est ça, il faut voir très spécifiquement c'est quoi qui se passe. Nous, c'est clair qu'on n'est pas à l'aise si on ne peut pas voir c'est quoi. Et les exemples qu'on a à vous donner... Comme la politique d'achat au plus bas prix n'est pas là, sur la table. Donc, c'est ça, notre problème.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Legault: J'ajouterais juste une petite remarque, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très rapidement.

M. Legault: On est pris un petit peu dans un jeu de l'oeuf et la poule, là, parce que, pour pouvoir signer des ententes avec les compagnies pharmaceutiques... On les a convenues, on a même signé comme des intentions, des lettres d'intention, mais, pour pouvoir signer les ententes, ça prend d'abord un projet de loi qui nous permet de signer ces ententes-là. Donc, on est pris un petit peu à tourner en rond, là, mais on n'a pas de raison de croire que ces ententes-là, on ne pourra pas les signer dès que le projet de loi va être approuvé, puisqu'on a déjà une lettre d'intention. Puis je pense qu'on a vu, ce matin, les compagnies pharmaceutiques venir nous confirmer leur intention aussi.

Mme Auchinleck (Jennifer): Si vous...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vais devoir passer la parole immédiatement à Mme la députée de Laviolette, et puis peut-être que vous pourrez répondre à ce moment-là.

Mme Boulet: Moi, ça va. Si vous voulez répondre, ça me fait plaisir de vous...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...d'accord. Alors, sur son temps.

Mme Auchinleck (Jennifer): Je voulais juste répondre avec une question: Pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas avoir la politique d'achat à plus bas prix? Les ententes, si vous voulez, on peut évaluer dans une année. Mais, si vous voulez démontrer la volonté de contrôler les coûts, pourquoi ne pas avoir cette politique? C'est un minimum, minimum, c'est une petite mesure qui pourrait nous aider à commencer à régler les problèmes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, bonjour, ça me fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui. Et, c'était fort intéressant, vous avez parlé au début et vous dites à plusieurs reprises que le projet de loi, tel qu'il s'en va, là, on va empirer ou diminuer encore plus l'accessibilité aux médicaments pour les gens qui sont démunis, pour les gens qui sont peut-être même des adhérents au régime, mais qui ont des revenus qui ne sont pas très élevés. Et, dans le rapport Tamblyn, ça disait entre autres que, depuis qu'on avait chargé des frais aux personnes âgées puis aux prestataires de la sécurité du revenu, que plusieurs personnes avaient réduit significativement leur consommation de médicaments suite à l'entrée en vigueur du nouveau régime dans lequel on leur demande de cotiser en partie pour l'achat de leurs médicaments. On dit également qu'il y a beaucoup de familles et que les aînés, les plus âgés, les prestataires, les jeunes femmes ont, en général, réduit davantage leur consommation.

Alors, ça confirme ce que vous venez nous dire aujourd'hui, et je peux vous dire que c'est vraiment ce qui se passe. Moi, j'en vois des gens que même un 16 $, même si ça semble peu... Pour beaucoup de gens, ça prend une place importante dans leur portefeuille, et surtout à la fin du mois. S'ils ne sont pas venus les acheter au début du mois, bien, à la fin du mois, ils ne disposent même plus de cette somme-là. Alors, souvent, ils vont s'en passer ou ils vont essayer d'emprunter à quelqu'un, mais, tu sais, c'est vraiment pénible souvent.

Alors, le ministre parle souvent puis il nous dit: Bien, l'augmentation, ça représente environ à peine 4 ou 5 $ par mois. Je pense que, quand on augmente de 10 %, bien ça représente peut-être... Ça peut aller jusqu'à 10 $ par mois, et 10 $ par mois, c'est significatif pour beaucoup de personnes, là. Alors, son 3 ou 4 $, là, il faudrait faire le correctif, ça peut aller jusqu'à 10 $ par mois.

Alors, moi, j'aimerais vous poser une question par rapport à l'indexation, parce que, dans le projet de loi, on parle d'indexer la prime, la coassurance et la franchise à chaque année. On ne nous dit pas sur quelle base, on ne nous dit pas à quel taux et on est encore loin de dire ? et ce n'est pas mentionné en nulle part ? qu'à chaque fois on va consulter. Alors, il semble que ça va être aux guises et aux volontés du gouvernement, et je me demandais si vous, vous aviez des inquiétudes par rapport à cet article de la loi.

Mme Auchinleck (Jennifer): C'est évident. Enfin, moi, je voulais juste poser une question: Est-ce que le ministre va revenir ou est-ce qu'on peut...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, oui, oui, sûrement. Quelques secondes seulement.

Mme Auchinleck (Jennifer): Est-ce qu'on peut attendre à ce qu'il revienne?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bien, malheureusement, le temps continue à courir. Alors, étant donné que c'est la députée de Laviolette qui vous a posé la question...

Mme Auchinleck (Jennifer): On va attendre...

Mme Boulet: Si vous aimez mieux qu'il soit là pour vous écouter, ça me fait plaisir.

Mme Auchinleck (Jennifer): C'est une question importante.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que vous avez une autre question à ce moment-là, Mme la députée de Laviolette?

Mme Boulet: Oui, mais... Ah, bien, je peux en poser une autre, mais là ça va être la même affaire, elle va préférer que le ministre soit là, hein?

Mme Auchinleck (Jennifer): ...c'est loin.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, si vous voulez...

Mme Boulet: En fait, c'est... Bien, je peux...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mais c'est parce que, si on suspend les travaux, vous comprendrez qu'il faut quand même terminer à 15 h 45. Alors, je n'ai pas...

Une voix: ...suspendre quelques minutes, le temps que le ministre revienne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): On peut suspendre quelques minutes, sauf que je vous rappelle que le temps à notre disposition est jusqu'à 15 h 45 et que je devrai à ce moment-là céder la parole à un autre groupe. Alors, si...

M. Williams: On peut dépasser le temps par consentement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, malheureusement, parce qu'on a un autre groupe par la suite. Alors donc, à moins que vous vouliez... C'est parce que là c'est un décalage. À moins que vous vouliez terminer plus tard, suspendre plus tard que 17 h 15, et là je ne me suis pas... je ne connais pas l'agenda du ministre.

M. Williams: Oui, mais, par consentement, on peut dépasser quelques minutes, et je présume... Je ne suis pas ici de défendre le ministre, mais, je présume, il va retourner dans quelques instants.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je suspends pour quelques minutes, là, pour deux minutes, deux ou trois minutes, et puis...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Par contre, comme je vous dis, à 15 h 45, je devrai quand même à ce moment-là... Mais à moins que j'aie consentement, là, mais...

(Suspension de la séance à 15 h 38)

 

(Reprise à 15 h 43)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...poursuit ses travaux. Alors, Mme Auchinleck, la question était posée, alors je vous cède la parole pour la réponse.

Mme Auchinleck (Jennifer): O.K. Je pense que je vais laisser mon collègue John répondre à la question.

M. Kinloch (John): La question posée était plutôt: Est-ce qu'on est...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que vous vous rappelez de la question?

M. Kinloch (John): Oui, oui, c'était: Est-ce qu'on est inquiet de ce qu'il y a dans la loi en ce qui concerne les augmentations dans l'avenir?

Mme Boulet: L'indexation des trois critères, là, la prime, la coassurance et la franchise, sans qu'on nous avise sur quelle base sera faite cette indexation-là et sans non plus qu'on propose un débat public, ça veut dire qu'à la guise du gouvernement, à chaque année, ça va être augmenté selon leur bonne volonté, et est-ce que ça vous inquiète?

M. Kinloch (John): Bien, justement, parce que l'année prochaine le gouvernement va éviter de suivre un processus comme celui-ci, éviter une commission parlementaire, il va juste faire l'annonce des augmentations puis où est-ce qu'on est rendu avec ça, aucun débat public.

Mme Boulet: O.K. Et ça vous inquiète, là, particulièrement?

M. Kinloch (John): Ça nous fait réfléchir aussi.

Mme Boulet: O.K. L'autre chose également, c'est que... Bon, il y a une chose qui est claire dans ce régime-là, c'est qu'il y a une portion assistance puis il y a une portion assurance. Moi, je pense que, si on était capable de faire la distinction entre les deux secteurs, entre les deux grandes catégories et qu'on remettait la portion assistance au fonds consolidé du gouvernement, parce que comme société on a toujours décidé de payer pour ces gens-là qui étaient démunis... Est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait être la solution?

Parce que là ce qu'on fait avec ce projet de loi là, là, on met un plasteur sur un bobo. D'une année à l'autre, on va augmenter les primes, l'assurance, la franchise, mais on n'aura jamais réglé le problème à la base, on n'aura jamais diagnostiqué la maladie, puis on n'aura jamais fait un traitement curatif. On fait juste, là, patcher, là, on fait juste dire: Bon, bien, là, pour cette année, pour éponger le déficit, on va faire ça. Est-ce que vous pensez que si on était capable de séparer l'assistance de l'assurance... Est-ce que vous pensez que si on avait un processus plus transparent... Est-ce que ça serait une solution?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Auchinleck.

Mme Auchinleck (Jennifer): Je pense que, pour nous, la solution passe par une réorganisation totale de la chose. Donc, pour nous, ça veut dire un régime universel et public, ça veut dire tout le monde ensemble. Pour nous, ça veut dire un programme social pour tout le monde comme l'assurance maladie. C'est la même chose pour tout le monde, tout le monde a droit. Peu importe son statut, peu importe si on est pauvre, si on est riche, on est là, on fait partie du programme. Pour nous, c'est, en fait, la seule façon d'assurer, d'un côté, l'accessibilité, l'équité et aussi la maîtrise des coûts. Alors, le plus qu'on sépare en assistance et assurance, le plus qu'on utilise le modèle de charité, je pense que le plus qu'on s'éloigne de la vraie solution. Pour nous, la vraie solution, c'est un vrai programme social pour tout le monde, pour tous les Québécoises et tous les Québécois. C'est un régime universel et public accompagné d'une politique de contrôle de coûts.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Bon. Une politique, là, de... Je vais revenir sur la politique du médicament. C'est parce que le ministre, il nous dit: Bien, on ne peut pas... Il faut passer un projet de loi avant de mettre des choses en place. Mais, même si le projet de loi n'est pas passé, il peut nous dire ce qu'il entend faire comme partenariat. Et là vous pensez que les mesures qui sont mises en place là-dedans sont loin d'être suffisantes si j'ai bien compris, là. Je veux dire, le partenariat avec l'industrie, autant la politique du prix du médicament, tout ce qu'il en est, là, la relation finalement... Ce qu'on nous a dit à matin, c'est qu'il ne peut pas avoir de partenariat juste entre l'industrie puis le gouvernement, puis juste entre le... Il faut que ça soit les médecins, les pharmaciens, l'entreprise et le gouvernement. Si on n'a pas tous ces acteurs-là qui sont d'accord pour jouer dans le même sens et pour agir au niveau économique pour que ça ait un impact, si on n'a pas tout le monde qui est d'accord avec ça, si on n'a pas une politique du médicament qui est révisée de fond en comble, on fait des gestes, là, qui sont dans le vide un peu.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Auchinleck.

Mme Auchinleck (Jennifer): Oui, mais surtout si on n'a pas de mesures concrètes, concrètes sur la table, on n'a pas d'assurance que le problème va être réglé. Donc, comme j'ai dit tantôt, par exemple, si on n'a pas une politique d'achat à plus bas prix, mais on n'a pas la preuve que le gouvernement est sérieux par rapport au contrôle des coûts. Et, c'est clair pour nous, ce qu'il y a sur la table, c'est plutôt des mesures hypothétiques en termes de contrôle de coûts, là, pas de mesures qui vont vraiment régler les problèmes. Puis, en même temps, on demande tout de suite aux personnes à faibles, et à moyens revenus, et à revenus élevés aussi de payer tout de suite. Pour nous, ce n'est pas acceptable.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: En fait, à la fin, vous nous donnez dans vos recommandations, là... C'est simple, c'est clair, c'est le retrait du projet de loi n° 98. Alors, vous aimeriez mieux, vous, là, que ça... Le projet de loi, il est à revoir totalement selon vous. Tu sais, on n'est pas parti de la bonne base, là. Même si tous les spécialistes au niveau économique prétendent qu'un régime universel ne serait peut-être pas la solution non plus, vous pensez que là il y a là-dedans, là... Finalement, on tourne en rond avec un projet de loi comme celui-là?

Mme Auchinleck (Jennifer): Mais, surtout, c'est le fait qu'on procède avec des augmentations qui vont toucher des personnes à faibles revenus puis à moyens revenus. Il n'y a pas moyen d'aller de l'avant avec ça sans restreindre encore plus l'accès aux médicaments pour ces personnes. Pour nous, c'est inacceptable. C'est clair aussi que ce projet de loi ne répond pas à nos revendications. Si ça répondait à nos revendications en termes de personnes à faibles revenus, il y aurait la gratuité de médicaments au moins pour quelqu'un en quelque part même si c'était juste un petit groupe de personnes. Il n'y a rien au niveau du régime universel et public. Pour nous, ça ne règle pas les problèmes et ça va nous amener à exactement à la même place l'année prochaine.

Mme Boulet: Moi, c'est tout. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, notre temps est écoulé. Est-ce que... Bon, alors, on vous remercie infiniment, Mme Auchinleck et Mme Gallagher de même que M. Kinloch. Merci de la présentation de votre mémoire, d'avoir participé à cette commission.

Alors, je demanderais aux membres de bien vouloir rester assis pour qu'on puisse ne pas perdre trop de temps et demander immédiatement à l'autre groupe, c'est-à-dire les représentants de la Centrale des syndicats du Québec, de prendre place, s'il vous plaît.

Mme Auchinleck (Jennifer): ...merci de votre compréhension.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue à cette commission.

n(15 h 50)n

Je cède la parole immédiatement à Mme Louise Chabot, qui est une vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise): Bonjour, et merci de votre invitation à cette consultation sur l'avant-projet de loi. Je vous présente, à ma gauche, M. André Goulet ? M. Goulet est président de l'Association des retraités et retraitées de l'enseignement du Québec, un groupe très important au sein de la CSQ qui représente plus de 35 000 membres; et Mme Hélène Le Brun, à ma droite, qui est conseillère à la vie professionnelle à la CSQ.

Très, très brièvement, vous présenter la Centrale. Vous savez que la CSQ représente 150 000 membres, regroupe 13 fédérations et près de 250 syndicats. Principalement, nous sommes fortement majoritaires dans le domaine de l'éducation, mais aussi très présents dans le domaine de la santé et des services sociaux, loisirs, culture et communications et aussi le secteur des garderies. Donc, les questions qui touchent la santé et les services sociaux nous préoccupent grandement, tant du point de vue des professionnels qu'on représente que des usagères et usagers que nous sommes au quotidien.

Vous avez reçu tout récemment, je crois, notre avis. Donc, je vais tenter de l'expliquer dans ses grandes lignes. Premièrement, on doit vous dire que les éléments fondamentaux qui étaient contenus dans notre mémoire lors de la révision du régime, en l'an 2000, demeurent toujours, c'est-à-dire on fait toujours la promotion d'un régime entièrement public, d'une politique du médicament, de mécanismes qui sont rigoureux de contrôle des coûts et de même que la révision des règles de protection provinciales et fédérales des médicaments brevetés.

Cependant, dans le projet de loi qui nous est présenté, il y a un certain nombre de nouveautés qui méritent qu'on s'y attarde, car, à notre avis, elles sont des pas dans la bonne direction. Et là on pense particulièrement à la création du Conseil du médicament, l'intention ministérielle de conclure aussi des ententes avec les fabricants de médicaments et les nouveaux critères de décision pour l'inscription des médicaments.

Toutefois, ce qui nous inquiète grandement, c'est qu'on a l'impression qu'on fait encore du contrôle de dommages, que le gouvernement réussit à peine à éviter de nouveau le pire, et on est loin d'être en contrôle général de la situation. Ça nous inquiète parce que ça ne laisse rien présager de bon pour l'avenir du régime d'assurance médicaments. Et, de toute évidence, même si la volonté gouvernementale est explicite dans son document qui a accompagné le projet de loi à l'effet de préserver les acquis d'un régime général d'assurance médicaments, il reste qu'il plane au-dessus du pouvoir public un nuage noir de fatalisme, voire d'impuissance, dans la capacité de contrôler l'inflation débridée des coûts des médicaments et surtout la capacité de contrôler les pouvoirs de l'industrie pharmaceutique.

C'est donc sous cet angle-là du contrôle public par le pouvoir public d'un régime d'assurance médicaments que la Centrale développe son avis. Il y a quatre points particulièrement, c'est-à-dire les principes fondamentaux à mettre de l'avant, la question de la hausse des coûts des médicaments, les mandats qui seront délivrés au Conseil du médicament et à la table de concertation et, enfin, les pratiques disciplinaires qui pourraient être susceptibles d'améliorer la situation.

Au niveau des principes, le médicament, ce n'est pas un produit de consommation comme les autres, c'est un bien public. Et, en ce sens, c'est un bien commun qui est étroitement associé au maintien et au développement de la santé et du bien-être de la population. Donc, la gestion du médicament doit faire partie intégrante des politiques publiques de prestation des services sociaux et de santé, et son contrôle doit donc relever entièrement des pouvoirs publics. Il existe une certaine dichotomie actuellement entre les intérêts supérieurs de la population au regard de la thérapie médicamenteuse et des intérêts, qui sont purement marchands et fortement lucratifs, des compagnies pharmaceutiques. Donc, nous croyons que la santé et l'intérêt public exigent que le pouvoir de contrôle sur la gestion et les pratiques relatives à la fabrication, à la prescription et à la vente des médicaments relève du pouvoir étatique dans le respect de l'autonomie et des compétences des professionnels de la santé.

Le contrôle public des coûts des médicaments. Le gouvernement du Québec paie cher son virage ambulatoire si on le regarde sous l'angle de la facture des médicaments. S'il est certain qu'on réalise des économies par diverses mesures de réduction des durées de séjour dans les établissements, de politique de maintien à domicile, toutefois je pense qu'on peut observer qu'il y a de lourdes dépenses qui sont transférées au chapitre des médicaments, dépenses que l'État ? c'est vrai et c'est bien ainsi ? assume pour plus de la moitié, surtout en raison de la portion assistance du régime d'assurance médicaments. Mais il faut voir aussi que le poste de médicaments, c'est le poste qui a connu la plus forte augmentation parmi les soins de santé au Québec.

Là, on se pose une question ? on est en bas de la page 8, là ? très honnêtement. On sait que, dans les établissements du réseau public de la santé, ils peuvent bénéficier de taux avantageux, c'est-à-dire d'un prix public de médicaments. Dans nos recherches, ce qu'on constate, mais peut-être qu'on a tort, c'est que pour le gouvernement, dans sa portion assistance, les coûts du régime, le gouvernement paie le... ne bénéficie pas de ce prix public là, donc un prix plus avantageux, mais paie le prix, le coût réel. Est-ce que ça ne serait pas souhaitable, si notre analyse est juste, que, pour la partie assistance du régime d'assurance médicaments, que le gouvernement puisse aussi bénéficier et payer d'un coût public?

Dans le document d'accompagnement du projet de loi, il est avancé aussi ? et c'est surtout là qu'on parle de fatalisme ? que même que le rythme d'inflation du coût des médicaments va se poursuivre comme une sorte de fatalité irréversible. C'est vrai que le programme médicaments, vu sous l'angle du contrôle des coûts, semble intouchable, et c'est ça qui nous questionne fortement. Est-ce que c'est un parti pris envers l'industrie et son soi-disant apport économique ou c'est par impuissance étatique qu'on ne peut pas bouger cela?

Même si le gouvernement évite le pire cette fois-ci en conservant l'exonération des primes pour les personnes prestataires de l'assistance-emploi, les enfants et les personnes âgées qui bénéficient du supplément maximal de revenu garanti, même si l'État paie près de la moitié de la facture du déficit accumulé, il reste que Québec va privilégier la voie de l'augmentation des contributions, donc de la hausse des coûts, avec une indexation automatique à celle, qu'il pourrait privilégier, du plafonnement des coûts des médicaments et des profits des compagnies pharmaceutiques.

L'augmentation de 9,6 % a été jugée par plusieurs raisonnable, mais il reste que ça peut s'avérer très difficile à assumer pour près de la moitié des adhérents au régime. On sait que, dans l'ensemble, la rémunération moyenne annuelle est environ de 32 300 $, et plus particulièrement pour les personnes aînées, dont 75,8 % ont un revenu de moins de 20 000 $ et 88,5 %, un revenu de moins de 30 000. Donc, l'indexation des paramètres de façon automatique, sans débat public et sans qu'on puisse donner notre avis, pour la centrale, on demande le retrait de cette mesure-là du projet de loi.

Les compagnies pharmaceutiques brevetées, pendant ce temps-là, ils vont se classer au premier rang des profits réalisés. Au chapitre des dépenses, ils dépensent trois fois plus en termes de marketing que dans la recherche et le développement, et on sait que les activités de marketing vont jouer un rôle très grand au niveau de la prescription médicale, donc influencent les médecins. Et même, selon la Coalition des médecins pour la justice sociale, ça représenterait à peu près l'équivalent de 20 000 $ par médecin, au Québec, qui serait investi par les compagnies pharmaceutiques.

C'est sûr que le gouvernement compte puiser une économie de 90 millions avec des ententes de partenariat avec les compagnies pharmaceutiques. Sauf qu'on a vu les journaux, je pense qu'ils ont même, eux, mentionné qu'ils n'avaient pas adhéré à l'objectif financier. Ça nous semble une bien molle approche, parce que ça n'assure en rien une constance dans le contrôle des coûts, et le gouvernement va avoir très peu d'emprise sur la pérennité à long terme de telles ententes qui sont très vulnérables et à la bonne volonté ou même à la comptabilité politique entre les deux parties. Je vous dirais sur ce point, M. le ministre, que la CSQ serait favorable à des contrats de performance avec les compagnies pharmaceutiques. Ha, ha, ha!

Au niveau, maintenant, du Conseil du médicament de et la table de concertation, je pense qu'il y a un rôle à renforcer. Je réitère qu'on a accueilli favorablement ce chapitre. Donc, vous allez retrouver à la page 11, au niveau de la composition du Conseil du médicament, une approche qui pourrait être différente de notre point de vue, c'est-à-dire un partage égal des professionnels tant médecins que pharmaciens et, au niveau des deux disciplines, que les personnes viennent autant en provenance du milieu pratique que du milieu de l'enseignement.

Au niveau de l'élargissement des critères qui conduisent à la mise à jour de la liste des médicaments, on pense aussi que c'est un pas dans la bonne direction, les mandats d'amélioration du suivi de l'utilisation du médicament aussi, et on croit que la loi devrait accorder le pouvoir au Conseil du médicament de donner des avis aussi au ministre sur la base de sa propre initiative.

n(16 heures)n

Et, pour garantir ? et je vous dirais que c'est l'essence même de notre avis, là ? des retombées concrètes pour la pérennité du régime et pour garantir un contrôle futur accru du gouvernement, on pense que les rôles et mandats du Conseil du médicament devraient être renforcés dans le sens suivant: donner le mandat au Conseil d'élaborer à moyen terme, en conjonction avec la table de concertation, une politique globale du médicament à soumettre à la consultation publique; donner mandat aussi au Conseil du médicament d'élaborer à moyen terme également, en conjonction avec la table de concertation, un plan d'action qui vise à atteindre des objectifs de plafonnement des coûts des médicaments et à déterminer des stratégies et les lois nécessaires pour assurer un contrôle publique sur la gestion et les pratiques de l'industrie pharmaceutique.

On pense aussi que les activités du Conseil, les rapports d'activité doivent être rendus publics annuellement.

Et nous accueillons favorablement l'instauration de la table de concertation, et vous retrouverez une proposition de la Centrale sur la composition de cette table où on y verrait ajouter un professionnel de la santé publique, un représentant expert du domaine de l'éthique sociale de la santé et un représentant citoyen.

Au niveau des pratiques disciplinaires, ce qu'on propose essentiellement... On sait que, dans la dépense, il y a 70 % lié à la consommation, un 30 % lié à la hausse des coûts des médicaments. Au niveau de la consommation, je pense qu'il y a un rôle important à jouer au niveau de ceux qui prescrivent les médicaments, donc les médecins. Je pense que le Conseil va avoir un rôle d'avis auprès de ces professionnels-là. Nous, on propose d'aller un peu plus loin en disant aussi que ça pourrait relever des facultés universitaires et des ordres professionnels concernés, de jouer un rôle dans la formation continue auprès des professionnels pour finalement s'assurer qu'il y ait finalement une éducation dans ce sens-là.

On favorise aussi, au niveau d'une approche interdisciplinaire, au niveau national, une meilleure concertation entre pharmaciens et médecins. On trouve aussi que ça devrait se reproduire au niveau régional ou local, parce que, même s'il y a peut-être un meilleur contrôle au niveau des institutions publiques de ces questions-là, on sait que la pratique privée, peut-être qu'on a besoin d'un renforcement dans ce sens-là en termes de partenariat.

En conclusion, finalement, je vous dirais que c'est difficile de ne pas croire à une certaine complicité entre le pouvoir étatique et l'industrie pharmaceutique, parce que, depuis l'instauration du régime, régime auquel on croit et que nous tenons, ce fut difficile, à toutes les fois où on est revenu en commission parlementaire, avoir une garantie et avoir un certain contrôle ou un certain espoir que, sur le coût des médicaments, il y aura un contrôle des compagnies pharmaceutiques qui, pour une large part, y contribuent. On pense que c'est une dérive marchande qui n'est pas de nature à préserver une vision de santé et de bien-être dans l'utilisation de la thérapie médicamenteuse, et, à notre avis, la tendance doit être absolument renversée. Il faut absolument redonner tout l'espace propre au pouvoir public d'adopter des politiques publiques qui répondent au maintien et au développement de la santé de la population, et la gestion du médicament fait partie de cette responsabilité.

Et je termine en disant que, de l'avis de la Centrale, un régime d'assurance médicaments entièrement public favoriserait ce contrôle public, mais, avant tout, l'État doit se doter absolument à court terme de conditions de contrôle de la thérapie médicamenteuse, et cela passe, entre autres, par l'adoption de principes fondamentaux, incontournables à l'effet que le médicament est un bien commun public et qu'il fait partie intégrante des politiques de prestation des services sociaux et de santé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Chabot, pour vos remarques. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Legault: Oui. Merci, Mme Chabot, Mme Le Brun, M. Goulet. Ça fait toujours plaisir de revoir les représentants de la CSQ.

Ma première question, d'abord, bon, vous nous suggérez, vous aussi, un régime universel public et vous proposez aussi, comme le groupe qui vous a précédés, là, la gratuité pour les personnes qui vivent sous le seuil de faibles revenus. Je voulais juste essayer de voir, là... Bon, on a... Disons que, dans un deuxième temps, on parlera des compagnies pharmaceutiques, là, mais, si on parle de la contribution de l'État et de la contribution des cotisants, est-ce que, pour vous, dans un régime universel public... Est-ce qu'il y aurait une modélisation qui serait différente au niveau de la contribution selon le revenu ou est-ce que ce serait la même contribution de l'État? Comment vous voyez que, pour le cotisant du régime public, par exemple, qu'il pourrait y avoir un impact s'il y avait un régime universel public? Comment vous les dessineriez, la partie assistance puis la partie assurance?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Essentiellement... D'ailleurs, ça me permet de vous dire ? on ne vous l'a pas dit ? qu'on déplorait un peu que, dans votre document d'appui au projet de loi, que ce soit juste une page, là, qui explique qu'on n'ait pas retenu cette avenue-là ou, au moins, qu'on n'étudie même pas sérieusement le scénario. Enfin, on espère qu'un jour, dans les études, on pourra le faire.

Lorsque nous avons proposé ? et proposons toujours ? un régime universel public, pour la Centrale, la partie assistance de l'État demeurait sous la forme que vous le faites actuellement, et on incluait... Hélène pourra me corriger si je fais erreur, pour les enfants, on parlait des enfants de 21 ans et moins. Au niveau des adhérents et adhérentes du régime, ce qu'on proposait, c'était un régime où il y avait une contribution des adhérents et des adhérentes pas en fonction de l'âge, mais en fonction du niveau de revenu. Et le régime incluait aussi soit une prime, une coassurance et une franchise, et donc cela était fait en fonction des revenus des personnes. Et, donc, c'était, globalement, la façon dont on présentait... Et, pour nous, un régime universel public, ça permettait effectivement de répondre aux trois objectifs qui sont importants dans le régime depuis qu'il est instauré, c'est-à-dire accessibilité, équité et universalité.

Par ailleurs, comme on vous le mentionne dans ce présent avis, à notre avis ? et c'était le cas aussi lorsqu'on l'avait présenté ? c'est que ça ne peut pas se faire seul. Il faut absolument que soit combiné à un tel régime un contrôle sur le coût des médicaments, parce que ce qu'on déplore en termes de coût des médicaments, qui affecte l'État dans sa portion assistance, qui affecte les adhérents en termes de prime et qui affecte aussi les adhérents qui sont dans des régimes privés, ça concerne l'ensemble, finalement, des assurés au Québec, quels que soient le régime et la fonction de l'État. Puis, à notre avis, c'est un coup de barre qu'il faut donner immédiatement et c'est ce qui pourrait donner l'assurance qu'il n'y a pas fatalité et que, oui, on prend le taureau par les cornes, comme on dit, puis on veut agir pour freiner cette hausse de coût là des médicaments.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Bon, venons-en justement à comment freiner cette hausse du prix du médicament, puis je peux vous dire qu'on a essayé, au cours des derniers mois, là, d'explorer toutes les avenues, toutes les solutions possibles.

D'abord, juste quelques précisions. Quand vous nous dites que le prix des médicaments est plus élevé au niveau de notre réseau public, je vous rappellerai que, depuis 1993, le Conseil consultatif surveille le prix des médicaments et qu'actuellement le prix payé par le pharmacien pour chaque médicament qui est inscrit sur la liste doit toujours être inférieur ou égal à ce qu'on retrouve dans toutes les autres provinces canadiennes. Donc, on se retrouve dans une situation où le prix qui est payé dans notre régime public est même plus bas que celui qui est payé parfois dans le régime privé. Donc, de ce côté-là, là, il n'y a pas de prix qui sont plus élevés dans le régime public.

Maintenant, je reviens à l'entente avec les fabricants de médicaments d'origine. D'abord, bon, il y avait eu effectivement un titre qui était trompeur dans le journal La Presse où on disait, le 14 mai: L'industrie pharmaceutique rejette tout partenariat avec Québec. Bon, évidemment, là, il y avait un article le lendemain qui était beaucoup plus petit où c'était écrit: «Précisions: Contrairement à ce qu'un titre erroné laissait entendre en page A4 de notre numéro d'hier, les fabricants d'origine ne rejettent pas le partenariat avec le gouvernement du Québec sur le contrôle du coût des médicaments. Les deux parties ont convenu de travailler en partenariat», bon, etc. Juste pour vous dire, là, que... En tout cas, c'était, de l'avis même des compagnies pharmaceutiques, un titre erroné.

Maintenant, je veux revenir à ce que vous proposez justement. Vous dites: Il faudrait contrôler l'augmentation des prix. J'aimerais ça, vous entendre de façon concrète: Comment vous verriez ce contrôle de l'augmentation des prix?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Oui. Avant de vous répondre, vous avez... Le prix public, est-ce que je peux y revenir? Peut-être qu'on... La question ? je vais essayer d'être plus claire, là, puis on le retrouve à la page 8 de l'avis ? c'est que si on prend les institutions publiques, les hôpitaux, là, les hôpitaux, leur prix qu'ils paient au niveau de la pharmacie, c'est un prix qui est moindre ? c'est là qu'on parle de prix public ? que le coût dans une pharmacie, chez un ami, comme je disais sur la carte à puce, Jean Coutu, par exemple. Et, nous, ce qu'on croit, peut-être de façon erronée, c'est que l'État, le gouvernement, pour la portion assistance où il paie un prix, lui, il paie le même prix qu'un adhérent ou un citoyen qui va s'acheter des pilules à la pharmacie, contrairement aux établissements de santé publics, qui paient un prix différent. Et notre question, c'est à savoir est-ce que le gouvernement, si c'est vrai, ne devrait pas payer le même coût que les établissements publics du réseau pour le programme d'assistance.

n(16 h 10)n

Au niveau des ententes de partenariat, effectivement le titre était erroné. Nous avions bien lu que les compagnies pharmaceutiques n'étaient pas contre, mais ce qu'on a lu, par contre, c'est qu'elles ne s'étaient pas engagées dans les objectifs financiers qu'on leur demandait. Je pense que ça n'a pas été démenti non plus.

Et, au niveau du contrôle des coûts, les diverses suggestions qu'on émet par rapport aux compagnies pharmaceutiques, c'est le contrôle des profits, aussi un prix de référence au niveau des médicaments, un contrôle, finalement, de la part qui est accordée au marketing et un contrôle aussi sur les... Il m'en manque peut-être quelques-uns, mais, essentiellement, je pense que c'est...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Oui. Bon, effectivement, il y a des avantages à regrouper les achats dans les hôpitaux pour profiter de prix plus bas. Même, je pense que, dans certains cas, les compagnies pharmaceutiques acceptent, justement pour mieux faire connaître leurs produits, de les vendre un peu moins cher dans les centres hospitaliers. Par contre, ce que je tenais à dire, c'est que dans les pharmacies communautaires, si on veut, là, chez notre ami, on a des prix qui ne sont pas plus élevés que ce qu'on retrouve dans les autres pharmacies communautaires, dans les autres pays industrialisés. Donc, de ce côté-là... Puis il faut quand même comprendre, là, que ce sont des entreprises privées qui offrent un réseau de distribution, puis on souhaite aussi que les hommes et les femmes qui ont besoin de médicaments puissent y avoir accès près de chez eux. Donc, pour être capable... que ce soit vraiment accessible, ça suppose des coûts d'inventaire, de marketing, d'espace, et puis, bon, on sait ce que c'est dans l'entreprise privée.

Mais je veux revenir quand même sur... Bon, vous nous dites: Peut-être que, si on avait une politique du médicament, ça pourrait aider. Il y a quand même des choses, là, qu'on fait, il y a des mesures qui sont annoncées, avec lesquelles vous semblez d'accord, comme la création du Conseil du médicament, avec plus de revue pour une utilisation optimale des médicaments. Il y a une stratégie aussi avec les compagnies pharmaceutiques, bon, avec laquelle vous êtes peut-être moins d'accord. Je voulais juste savoir, là, qu'est-ce que vous, vous proposez de façon concrète pour essayer de freiner cette augmentation des prix? Parce que je ne pense pas que, dans nos pharmacies communautaires, on puisse penser avoir des prix totalement différents de ce qu'on retrouve dans toutes les pharmacies, partout dans le monde, là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Bien, écoutez, est-ce qu'il n'y a pas des mesures plus rigoureuses qu'on peut prendre à l'endroit des compagnies pharmaceutiques, effectivement, pour faire en sorte que ce ne soit pas les profits qui soient le plus important dans la fabrication et dans la vente des produits que plutôt ce rapport-là, qualité-efficacité, qu'on recherche dans un médicament, et selon un prix de référence, et si possible à moindre coût? C'est vraiment un coup de barre, bon, on en convient. Peut-être que les ententes de partenariat vont permettre aux compagnies de mettre l'épaule à la roue, mais il nous semble qu'ils ont le total contrôle sur la gouverne, finalement, du médicament, à partir de sa fabrication jusqu'au moment où on le vend, puis c'est là-dessus qu'on dit: Est-ce que les compagnies pharmaceutiques ne pourraient pas être plus responsables en termes sociaux au niveau de la population pour freiner finalement... Si les chiffres sont exacts, qu'on a devant nous... On parle beaucoup de la recherche, de l'importance des compagnies pharmaceutiques pour la recherche et le développement. Mais, ce n'est pas son principal budget, c'est du marketing pour faire valoir toujours le meilleur médicament.

Vous avez effectivement... On a accueilli favorablement les questions qui parlent d'efficacité-coût, donc de la revue aussi des médicaments. Je pense que ça va être des mesures importantes. Mais, en même temps que vous annoncez ça, ce qui nous semble manquer ? c'est pour ça qu'on demande, à moyen terme, qu'il y ait des rapports ? c'est ce genre de compte rendu régulier auprès de la population à savoir que le gouvernement s'attaque de façon définitive à freiner le coût des médicaments plutôt que de convenir que c'est inévitable, que ça va être des hausses de 15 à 16 %, c'est comme ça au Québec, c'est comme ça au Canada, c'est comme ça aux États-Unis, bon, puis c'est comme ça, le marché, puis c'est donc comme une fatalité où on ne pourra pas bouger. Ça fait que, donc, ce qu'il vous reste comme solution, c'est de dire aux citoyens: On indexe ça, on ne fait plus de consultations publiques, ça va être un automatisme. Nous, on pense qu'il y a moyen de contrôler encore plus pour faire en sorte que la hausse qu'a connue le régime se plafonne puis qu'on arrive à un meilleur équilibre.

M. Legault: Mais ce que j'essaie... Puis, je vous laisse aller ensuite, là, ce que j'essaie de vous dire, là, c'est que quand même les outils qu'on a comme gouvernement au Québec, avec sept millions et demi d'habitants, dans un marché mondial où on s'est quand même assuré que les prix au Québec ne sont pas plus élevés qu'ailleurs au Canada, aux États-Unis, dans les pays industrialisés... Ce que vous faites appel, finalement, indirectement, c'est une mobilisation mondiale ou internationale pour interpeller les compagnies pharmaceutiques, mais ce que je veux dire, là, c'est que ce n'est pas dans mon pouvoir, moi, comme ministre de la Santé au Québec, d'aller imposer des prix aux compagnies pharmaceutiques, là. Les compagnies pharmaceutiques, à partir du moment où on s'assure qu'ils ne vendent pas leurs produits plus cher au Québec que partout ailleurs dans le monde, c'est difficile, pour le gouvernement du Québec, d'aller plus loin, là. On parle d'une mobilisation qui est plus internationale si je comprends bien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Le Brun.

Mme Le Brun (Hélène): Bon, vous êtes allé effectivement sur le terrain, là, que je présentais. De votre intervention, je comprenais effectivement que Québec n'est pas seul là-dedans, là, et c'est sûr que dans un contexte de mondialisation il est vrai qu'il y a beaucoup de pouvoirs et de stratégies qui dépassent Québec. Ceci dit, Québec est quand même un pouvoir politique, est un pouvoir démocratique qui peut faire des démarches tout à fait concrètes, politiques pour conduire de façon transparente des stratégies qui disent qu'est-ce que ça nous prendrait au Québec, au Canada pour que le pouvoir public reprenne ce contrôle politique là sur les compagnies pharmaceutiques. Je pense que juste de baisser les bras et de les laisser aller, bien on va les laisser aller longtemps.

Et, oui, on en appelle à une mobilisation, c'est bien certain, mais je pense que, si vous n'avez pas le pouvoir, comme pouvoir public, d'avoir le plein contrôle là-dessus, vous avez au moins le pouvoir, comme pouvoir public, de dénoncer cela et de mettre de façon transparente en avant ce qu'il prendrait comme mesures législatives, québécoises, canadiennes et même de libre-échange, sans doute... Ce qu'il prendrait de mesures législatives pour en arriver à un constat concret qu'il y aura contrôle des coûts et non pas inflation, là, faramineuse et qu'ils sont seuls sur le marché.

Et je vous dirais que, là-dessus, la mobilisation, même internationale, comme vous dites... Il reste qu'il y a certains pays qui ont réussi à les contrôler, les compagnies pharmaceutiques. Il y a certains pays en Europe qui ont quand même réussi à faire un plafonnement du prix et il y a certains pays beaucoup plus pauvres et en voie de développement, comme l'Afrique du Sud, l'Inde et le Brésil, qui ont quand même réussi à faire un énorme blocus aux compagnies pharmaceutiques en disant: Nous, chez nous, on a la capacité de produire du générique et nous allons le faire. Et les compagnies pharmaceutiques ont reculé parce qu'ils ont eu des pouvoirs de la population. Et soyez certain que la CSQ vous donnerait et, je suis certaine, la Coalition de l'assurance médicaments aussi vous... Bon, on va vous en mettre des personnes dans la rue pour réclamer cela. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il reste 15 secondes, M. le ministre.

M. Legault: Oui. Bien, juste vous dire que, bon, vous voyez que, dans les nouveaux critères qu'on a inscrits au Conseil du médicament, on a mis ce critère justement de coûts-bénéfices, c'est-à-dire que le coût qui est chargé, il doit être en rapport avec le bénéfice que le nouveau médicament apporte. Mais je veux quand même vous inciter à faire vos démarches au niveau mondial, parce que je pense que, à moins de me tromper ou à moins de ne pas être au courant de certaines situations, si on exclut l'aide humanitaire qui peut être donnée dans certains pays à des coûts réduits, je ne pense pas qu'il y ait aucun pays qui ait des prix de médicaments qui seraient inférieurs au Québec, là, hein?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, bonjour et bienvenue, Mme Chabot, Mme Le Brun puis M. Goulet. On apprécie votre présence. Je pense que tout ce que vous nous avez apporté, c'était très pertinent. Dans le premier paragraphe de votre introduction ? et vous y êtes revenus à plusieurs reprises ? je pense que la CSQ, ce qu'elle aimerait, là, en fait, c'est un régime entièrement public. Moi, j'aimerais ça, savoir, là... C'est que, bon, on parle de ça souvent, mais j'aimerais ça que vous m'expliquiez, là, ce qui vous permet de croire que ce serait avantageux, là. Est-ce qu'en quelque part il y a eu des études dont vous avez eu connaissance? Un. Et, deuxièmement, est-ce que vous pensez que, pour nos démunis... Parce que le problème, c'est principalement au niveau de nos démunis ou des faibles salariés, là, qu'on dit tout le temps: Bien, ils ont de la difficulté à rencontrer le paiement, là. Est-ce que ça nous permettrait d'avoir un meilleur service si on avait un régime entièrement public? Puis est-ce que vous pensez que le gouvernement ou l'État est en mesure de prendre tout ça à sa charge? J'aimerais ça, savoir, parce que j'aimerais ça avoir des explications là-dessus.

n(16 h 20)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Bon, est-ce que le gouvernement serait en mesure de... Oui...

Mme Boulet: Bien, j'ai deux, trois questions, là.

Mme Chabot (Louise): Excusez-moi.

Mme Boulet: Qu'est-ce qui vous permet de croire que ce serait avantageux, là? Est-ce qu'il y a des études dont vous avez eu connaissance qui vous expliquaient comment pourrait fonctionner un régime entièrement public? Est-ce que ce serait avantageux pour nos démunis par rapport à ce qu'on a à l'heure actuelle? C'est comment que vous voyez ça un régime entièrement public? Parce que j'ai de la misère à voir concrètement, tu sais, là, aujourd'hui, dans le quotidien de M. Tout-le-monde. Ça avantagerait qui? Et est-ce que ça serait quelque chose qu'on peut accepter financièrement parlant, là? Est-ce que l'État peut prendre tout ça en charge?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Bien, d'abord, il faut repartir du principe... Pour nous, quand on a réclamé une assurance universelle médicaments, c'est à partir du principe où que le médicament fait partie des soins et des services. Ce n'est donc pas à partir d'un principe où les médicaments sont à côté. Et, de plus en plus, effectivement, surtout quand on pense que, de façon générale, c'est un plus que de tenter, pour la population, d'être moins hospitalisé, d'être moins institutionnalisé, donc d'avoir une meilleure qualité de vie, la thérapie médicamenteuse joue un rôle important. Et ça, on y croit. Et, dans une approche universelle d'assurance médicaments, bien il y a deux principes qui seraient très clairs et assurés, c'est l'accessibilité puis l'universalité, au même titre que notre régime public de soins de santé. Donc, c'est un des avantages.

Au niveau des coûts, bien c'est bien certain que de mettre l'ensemble des adhérents qui sont actuellement dans des régimes privés avec les adhérents qui sont actuellement dans les régimes publics et avec une fonction toujours très importante de l'État d'assistance pour les personnes les plus démunies et plus largement... Je pense que ça permettrait effectivement d'assurer, au niveau des citoyens du Québec, un régime où, probablement, on se donnerait un meilleur contrôle de ce régime-là. Le fait qu'il soit public, donc il ferait partie d'un contrôle public aussi où le gouvernement, l'État, finalement, aurait des comptes à rendre sur l'avancement de ça. On croit effectivement... Puis là il y a des études qui nous démontraient que les risques sont moins élevés au niveau des adhérents des régimes privés par rapport aux risques au niveau des adhérents des régimes publics. Donc, c'est une des raisons.

Cependant, je dois vous dire qu'au niveau des études, là, c'est ce qu'on a maintes fois revendiqué. Et, en l'an 2000, c'était un des engagements du gouvernement en mettant en place le comité Montmarquette, pas nécessairement de nous dire: Oui, c'est correct, on s'en va vers là, mais au moins de faire l'étude, puis que ce soit un scénario qui soit étudié avec ses avantages et ses inconvénients, où nous, on faisait valoir les avantages, bien sûr, mais on était prêt à regarder l'ensemble. Et on n'a jamais eu depuis ce temps... Et, à notre avis, des études publiques sur la question, il existait un rapport, le rapport Gagnon, mais qui n'a même jamais été, je pense, officiellement rendu public. Donc, on pense que les études sont à faire, et il y aurait un bénéfice que le régime soit universel, à notre avis.

Et il y a une objection majeure que je tiens à souligner, la part employeur dans les régimes privés, qui, à notre avis, n'est aucunement une objection. Dans le réseau de la santé et des services sociaux, les contributions de l'employeur, c'est 0,50 $ par semaine. Ça fait que ce serait très facile de transposer les parts employeur, actuellement, dans un régime public. Donc, voilà essentiellement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: O.K. Alors, ce serait intéressant de faire les études, mais, à l'heure actuelle, on n'a pas de données plus tangibles. Au niveau des risques, là, c'est prouvé aujourd'hui, là, que les adhérents... Il n'y a plus de groupes vraiment plus à risque que d'autres, là, ça a été prouvé, ça, que les gens qui bénéficient d'une assurance privée ne seront pas nécessairement moins consommateurs. Et ça, ça a été prouvé, là.

Il y a également un fait qu'il ne faut pas oublier dans l'assurance privée, c'est que ces gens-là, ils couvrent l'assurance hospitalisation, les soins dentaires, les lunettes, les appareils pour l'audition, et ça, là... C'est ça, ça serait d'arrimer tout ça, là. J'aimerais ça, moi aussi également, qu'il y ait une étude de faite dans ce sens-là, ce serait fort intéressant.

À la page 8, là, de votre mémoire, vous dites: «La santé et l'intérêt publics exigent que le pouvoir de contrôle sur la gestion et les pratiques relatives à la fabrication, à la prescription...» Alors, ce matin, on a eu l'association des médecins, le Collège des médecins, qui sont venus nous voir, et là, eux, puis avec raison, je pense, ont un problème avec ça, là, la gestion et le contrôle de la prescription et ils prétendent que ce... En fait, que ça ne doit pas dépendre de l'État, que l'État ne peut pas se permettre de gérer un médecin, lui dire quoi prescrire, quand le prescrire, comment, puis pourquoi, puis... Je ne sais pas, vous le marquez là comme étant une piste de solution, mais vous pensez qu'on peut... Vous aimeriez que votre médecin soit contrôlé ou géré par l'État par rapport aux médicaments qu'il doit vous prescrire? Est-ce que vous pensez que les citoyens ne se sentiront pas brimés dans cette pratique-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Bien, on ne parle pas que... Je ne pense pas qu'on ait voulu dire qu'on veut que l'État contrôle les médecins dans leur partie. D'ailleurs, ce qu'on dit très bien au paragraphe suivant, c'est dans le respect de l'autonomie professionnelle. Je pense que le jugement clinique des professionnels demeure très important. Ce qu'on souhaite surtout, c'est, dans l'acte de prescrire, qu'il y ait plus de rigueur et que les médecins soient mieux informés des coûts-bénéfices justement de tel médicament et qu'ils soient aussi mieux conseillés, et qu'on agisse mieux sur tout l'impact du marketing par rapport à leur acte de prescrire. C'est ça, essentiellement, qu'on revendique dans le mémoire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée.

Mme Boulet: Parce que, dans le projet de loi, il y a effectivement un article de loi, là, qui donne cette ouverture-là, une porte ouverte au ministre, là, ou au gouvernement d'aller jouer un rôle au niveau de...

Mme Chabot (Louise): On est en accord avec ça.

Mme Boulet: Et là les médecins avaient d'énormes craintes, là, par rapport à ça, là.

Après ça, j'aimerais ça vous dire que votre remarque par rapport au prix des médicaments dans les institutions puis par rapport au privé, là, c'est une remarque qui est très pertinente, là, en passant. C'est sûr que l'entreprise... On représente un très petit marché pour l'entreprise pharmaceutique, alors ce serait difficile de prétendre qu'ils pourraient... En fait, ils sont là, eux autres aussi, pour vivre et ils ne pourraient pas... Les prix dans les institutions publiques sont ridiculement bas, et je ne pense pas qu'on pourrait... Il n'y a pas une compagnie pharmaceutique qui vivrait si ces prix-là étaient étendus partout, là. Il y a une différence énorme entre le prix en institution puis le prix en milieu communautaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Le Brun.

Mme Le Brun (Hélène): Oui. Actuellement, dans certains cas, effectivement, il y a des différences de 100 %.

Mme Boulet: C'est épouvantable, oui.

Mme Le Brun (Hélène): Mais, entre 10 % et 100 %, vous serez d'accord avec nous qu'il y a quand même une large marge de manoeuvre. Et, à mon avis, actuellement, les compagnies pharmaceutiques ne sont pas celles qui sont à plaindre par rapport à un programme public d'assistance. Et, à notre avis, si les prix dans les établissements publics sont ridiculement bas, bien il reste que les prix d'assistance assumés par le gouvernement du Québec sont affreusement hauts.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Non, non, c'est correct, votre remarque.

L'autre chose que j'aimerais dire, vous dites ici... Dans le paragraphe, là, ici, vous dites: «Si l'industrie pharmaceutique se montre incapable d'une éthique sociale, il faudra bien lui appliquer des mesures de rééducation et de contention.» Je ne sais pas, je trouve le mot un peu fort, là. Je ne sais pas si vous êtes capable de me l'expliquer, je ne comprends pas nécessairement le sens. On a parlé d'un code d'éthique à matin, et je pense que l'entreprise est ouverte à ça. Elle a déjà fait un bon bout de chemin à ce niveau-là, là, j'aimerais juste que vous m'expliquiez au niveau de votre contention.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Le Brun.

Mme Le Brun (Hélène): Je vais le faire parce que je suis la coupable de ces mots. Ha, ha, ha! C'est ça. Non, c'est... Simplement, effectivement, nous sommes d'accord avec tout l'aspect qu'il faut entreprendre, oui, une raison d'éthique sociale auprès des compagnies pharmaceutiques. Sauf que, comme l'a expliqué Mme Chabot, il reste que des ententes sous la forme de la bonne foi, du volontariat, etc. Il reste que ça a peu de pérennité, on a peu de garanties de constance par rapport à ça. Ce n'est pas une garantie de financement. Or, c'est ça, on pense... Je vous l'accorde, là, que le mot «contention» était plutôt lyrique, mais on pense quand même que ça prend des mesures un peu plus rigoureuses, voire législatives dans la mesure du pouvoir de Québec, législatives dans le mesure du pouvoir du Canada également, mais que tout ça, s'ils n'entrent pas de façon volontaire... Et, actuellement, on n'a aucune preuve de voir que les compagnies pharmaceutiques ont un sens de l'éthique sociale, de la justice sociale, de l'équité sociale, parce que les médicaments brevetés ne feraient pas autant de profits si c'était le cas, là. Ils ne nous arriveraient pas avec des augmentations de 16 % par année s'ils avaient un sens de l'éthique sociale.

n(16 h 30)n

Oui, il faut effectivement ? nous, on dit les éduquer ? les rééduquer dans ce sens-là, mais, s'il n'y a pas de preuve tangible à court terme, à moyen terme, qu'ils entreraient dans cette espèce de consensus social là que le médicament est un bien commun public auquel ils ont à collaborer, à coopérer... En faisant des profits, bien sûr! Oui, nous sommes pour le développement économique mais, en même temps, en ayant un rationnement de profits qui est quand même de l'ordre du raisonnable. Et, à ce moment-là, s'ils n'ont pas ce sens de la justice sociale là, ça va prendre des mesures plus rigoureuses.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Il faut toujours faire attention avec le pourcentage parce que, ce matin, on a dit, là, qu'il y avait à peu près 75 % de la hausse du coût des médicaments qui étaient dus à une augmentation du nombre d'ordonnances. Alors, il faut toujours faire attention, là, cette distinction-là, elle est très importante. Il y a effectivement une hausse de coûts, mais 75 % de la hausse des coûts est principalement due à l'augmentation du nombre d'ordonnances. Les gens consomment plus parce qu'ils ont une assurance, parce qu'ils vieillissent, parce qu'on fait une médecine préventive.

Alors, pour ma dernière question, j'aimerais juste vous demander... Vous parliez, là, pour le comité du médicament, le Conseil du médicament, là, qu'il y aurait peut-être lieu d'ajouter des gens: un professionnel de la santé publique, un représentant d'associations d'aînés, un représentant du domaine d'éthique. Ce que je me posais comme question, c'est que ça fait beaucoup de monde autour d'une table. Et vous n'avez pas peur, vous n'avez pas certaines craintes par rapport au fait que, s'ils sont trop nombreux, ça devienne très lourd à gérer et que, déjà, déjà ce qu'on vivait à l'heure actuelle... Il y a beaucoup de gens qui sont en attente de l'acceptation de leurs médicaments sur la liste. Il y a des gens qui sont obligés de défrayer des coûts de médicaments importants parce que le médicament, il ne vient pas à bout d'être accepté sur cette liste-là. Et, je ne le sais pas, en augmentant davantage le nombre de personnes, est-ce que vous ne pensez pas qu'on risque d'alourdir le processus administratif encore davantage?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Ce n'était pas notre lecture...

Mme Boulet: O.K.

Mme Chabot (Louise): ...de ce qui était devant nous, et je vous souligne... Peut-être que je vous ai mal comprise. L'ajout qu'on demande, c'est particulièrement pour la table de concertation au niveau du Conseil des aînés et non du Conseil du médicament où il a un rôle peut-être plus pointu.

Mme Le Brun (Hélène): Parce que, au niveau du Conseil du médicament, c'est une personne de plus, là. C'était un équilibre différent entre les représentants, pharmaciens, médecins, issus de l'enseignement supérieur, mais ce n'était pas des ajouts de personnes.

Mme Boulet: ...vous disiez, devrait être élargi.

Mme Le Brun (Hélène): Donc, il y avait simplement l'éthique sociale, là, un éthicien qui était peut-être... qui était un ajout.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va?

Mme Boulet: Ça va. O.K.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps qui était à notre disposition est déjà écoulé. Mmes Chabot et Le Brun, merci, M. Goulet, merci d'avoir accepté, dans un laps de temps relativement court, de vous présenter à cette commission.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Dr Dutil, nous vous souhaitons la bienvenue de même qu'aux personnes qui vous accompagnent. J'apprécierais si vous vouliez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Dutil (Renald): Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs. D'abord, les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, le Dr Louise Roy qui est directrice adjointe à la formation professionnelle à la Fédération et, à ma gauche, le Dr Jean Rodrigue qui est directeur de la planification et de la régionalisation.

Alors, je vous remercie de recevoir la Fédération des médecins omnipraticiens. Nous vous avons transmis un bref mémoire, mais un mémoire qui est complété, en annexe, par celui que nous avions présenté en 2000 et nous y avions fait des recommandations qui nous semblent encore pertinentes.

Alors, rapidement, je vous dis que les omnipraticiens sont satisfaits de la décision gouvernementale de maintenir le régime général d'assurance médicaments. C'est un régime qui contribue à améliorer l'accessibilité aux soins de santé pour de nombreux Québécois, particulièrement les personnes âgées, les prestataires de l'assurance emploi, les personnes à faibles revenus et toutes celles et ceux qui ne participent pas à un régime privé analogue.

La Fédération comprend les inquiétudes du gouvernement et les partage d'ailleurs sur l'évolution du coût du régime mais également sur l'évolution des coûts liés à l'utilisation des médicaments. Ce ne sont pas des phénomènes uniques au Québec et au régime général. Les régimes privés d'assurance médicaments, vous le savez fort bien, font face aux mêmes problématiques et de nombreux systèmes de santé ailleurs dans le monde éprouvent les mêmes difficultés. Des mesures doivent être prises si l'on veut préserver les acquis de notre société en matière de services de santé. Je peux vous dire immédiatement que la Fédération va collaborer à de telles mesures, car il nous apparaît important de sauvegarder ce système.

En février 2000, je le disais en introduction, nous avions déjà soumis aux membres de la commission certaines pistes de solution et nous allons reprendre certaines de ces mesures suggérées. D'abord, l'objet visé par le projet de loi nous apparaît très clair, c'est un meilleur contrôle de l'évolution de coûts, et les actions que le gouvernement envisage sont multiples mais assez bien ciblées. Une augmentation de la prime des adhérents nous semble inévitable, on le regrette, mais tout de même on constate que le gouvernement accepte d'augmenter sa contribution, une contribution supplémentaire de 74 millions de dollars, soit environ 50 % des coûts d'augmentation. Ça répartit ainsi le fardeau sur l'ensemble des contribuables. C'est plus que 150 millions, là, l'augmentation des coûts, mais il y a un 150 millions qui serait réparti à 50 % au gouvernement et 50 % aux assurés.

Pour favoriser une utilisation plus rationnelle des médicaments, le gouvernement entend regrouper ses organismes consultatifs en matière d'utilisation des médicaments au sein du Conseil du médicament. Je reviendrai sur cette question. La Fédération est convaincue de la nécessité d'impliquer tous les partenaires dans une démarche d'utilisation rationnelle des médicaments, des partenaires qui incluent les compagnies pharmaceutiques: celles impliquées dans la recherche et le développement de nouveaux produits et celles qui produisent des médicaments génériques.

Alors, sur la création d'un Conseil du médicament. Nous accueillons favorablement le projet d'intégrer au sein d'un seul organisme qui s'appellerait le Conseil du médicament. Serait ainsi intégré l'ensemble des activités du Conseil consultatif de pharmacologie et du Comité de revue de l'utilisation des médicaments. C'est une mesure qui favorisera, nous le croyons, une meilleure concertation dans la prise des décisions qui touchent l'évaluation des médicaments et leur utilisation. La composition du Conseil, telle que présentée dans le projet de loi, nous apparaît également adéquate. Il y a quatre médecins dont deux omnipraticiens et d'autres professionnels de la santé.

L'évaluation d'un médicament. Le projet de loi prévoit l'ajout de deux aspects dont devra tenir compte le Conseil dans l'évaluation d'un médicament pour l'inscrire à la liste: l'impact de l'inscription de ce médicament sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé; et la garantie d'une accessibilité raisonnable et équitable aux médicaments requis.

Ce sont des propositions importantes qui nous apparaissent pertinentes puisqu'elles tranchent avec l'attitude habituelle et traditionnelle de notre réseau de prendre des décisions en silo sans se soucier des effets de ces décisions sur le fonctionnement des autres composantes du système de santé. Cette proposition reconnaît également le droit à une accessibilité aux médicaments requis. Mais la Fédération croit que le gouvernement doit baliser clairement le caractère raisonnable et équitable de cette accessibilité.

n(16 h 40)n

On juge ambigu le mandat que l'on veux confier au Conseil du médicament. Certaines dispositions de l'article 19 du projet de loi pourraient avoir pour effet de transformer ce Conseil en organisme de contrôle et d'enquête. Par exemple, la possibilité pour le Conseil d'avoir accès à la profession, au numéro ou, à défaut, au nom et à l'initiale du prénom du prescripteur, lorsqu'on regarde les alinéas 3 et 5 de l'article 57.2, lui donne ce pouvoir. Et comment concilier ce pouvoir avec le mandat du Collège des médecins du Québec d'évaluer la compétence des médecins et celui de la Régie de l'assurance maladie du Québec de procéder à des enquêtes administratives? Et comment pourrait-on prétendre à la confidentialité pour la personne à l'égard de qui un médicament a été fourni lorsqu'on connaît sa date de naissance, son sexe, sa pharmacie, son pharmacien, son médecin et la date à laquelle le service a été dispensé? Il y a des modifications qui devraient intervenir à cet égard pour préserver bien davantage la confidentialité des données cliniques.

Le législateur, dans les dispositions qui concernent les stratégies de formation, semble ignorer les mécanismes stricts dont se sont dotés les médecins québécois dans ce domaine:

1° le Collège des médecins procède à l'agrément des organismes qui souhaitent offrir des activités de formation continue;

2° il y a plus de 30 ans a été formé le Conseil de l'éducation médicale continue qui regroupe ces organismes agréés; notre Fédération est l'un de ces organismes, la Fédération des médecins spécialistes aussi, l'Association des médecins de langue française, les Facultés de médecine, le Collège québécois des médecins de famille, et il y a également un représentant des compagnies Rx & D, recherche et développement, qui siège sur ce Conseil;

3° le Conseil de l'éducation médicale continue est chargé d'élaborer les règles que doivent respecter tous les organismes de formation médicale continue afin de pouvoir accorder des crédits de formation aux médecins participants; et

4° le Conseil de l'éducation médicale continue s'est doté d'un code de déontologie que doivent respecter tous les organismes agréés dans l'organisation et la tenue de leurs activités.

Cet organisme, je rappelle ses mandats et cette procédure, parce qu'il m'apparaît bien important eu égard à certaines dispositions du projet de loi qui visent à une meilleure formation des médecins et des pharmaciens pour une utilisation optimale des médicaments.

Alors, la Fédération souhaite que la place et le rôle du Conseil de l'éducation médicale continue et de ses organismes agréés soient reconnus dans la loi, notamment à l'article 57.2, à l'alinéa 2, et dans les ententes que le gouvernement prévoit conclure avec les compagnies pharmaceutiques.

En outre, nous tenons à souligner que nous offrons déjà, par l'entremise de notre direction de la formation professionnelle, des activités de formation continue en pharmacologie et en pharmacoéconomie à l'intention des médecins omnipraticiens. Certaines de ces activités font appel à une approche multidisciplinaire et sont offertes aux autres professionnels de la santé. La Fédération entend maintenir et même intensifier ses interventions dans ce domaine.

Nous comprenons l'intention louable derrière l'implantation de projets-pilotes visés à l'article 42 du projet de loi, mais on s'interroge sur plusieurs aspects de ce projet, notamment:

- la confidentialité des données au moment des transferts d'informations du médecin au pharmacien et de ce dernier au Conseil du médicament;

- la difficulté, en médecine familiale, d'établir une intention thérapeutique exclusive ? on parle de diagnostic ici ? devant un tableau clinique imprécis ou complexe;

- l'interprétation et l'application que pourrait apporter le pharmacien quant aux informations médicales fournies sur l'ordonnance;

- la faisabilité de tels projets également lorsque l'adhésion de tous les médecins prescripteurs est essentielle.

On ne connaît pas encore toutes les modalités de tels projets-pilotes mais, dans des discussions antérieures qu'on a eues, il semble qu'on choisirait au hasard, peut-être, là, un territoire ou une région où s'appliquerait ce projet-pilote, mais que tous les médecins de ce territoire ou de cette région devraient à ce moment-là collaborer à ce projet-pilote. Ils devraient inscrire l'intention thérapeutique ou le diagnostic sur la prescription si leur patient est d'accord. Je pense que, de procéder ainsi, on va se heurter à d'énormes difficultés et, entre autres, le médecin, peu heureux d'être choisi pour un tel projet-pilote sans qu'il puisse s'en exempter, serait un bien mauvais vendeur auprès des patients.

Il faudra trouver d'autres modalités. La Fédération ne s'objecte pas à ce qu'on établisse des projets-pilotes qui nous permettent de conduire une revue de l'utilisation des médicaments, bien au contraire, mais il faudra trouver des modalités qui nous permettent de respecter, là, entre autres, tout le volet confidentialité qui entoure la prescription de médicaments, comme on le fait dans nos établissements par exemple. Bien sûr, on a, dans nos établissements, accès, via les archives, au diagnostic, via le dossier, mais on n'a absolument pas besoin du nom du prescripteur et du nom du patient pour faire une revue de l'utilisation des médicaments. En pratique, vous avez un diagnostic d'asthme, et on regarde comment est traité... quels sont les médicaments prescrits dans cet établissement pour ce problème et, bien sûr, on compare les profils de prescriptions des médicaments ou la façon dont on traite l'asthme dans un établissement aux lignes directrices qui se basent sur des données probantes, et on peut évaluer, à ce moment-là, si les médecins prescripteurs dans cet établissement donné sont conformes aux lignes directrices dans le traitement de l'asthme. C'est la façon dont on fonctionne dans les établissements, et il nous apparaîtrait intéressant qu'on puisse fonctionner de la même façon hors des établissements. Donc, faire une revue d'utilisation des médicaments semblables, mais tout en respectant, là, le volet confidentiel que le diagnostic et la prescription de médicaments comportent.

Alors, la question de responsabilité civile également que la transmission de l'intention thérapeutique soulèverait inévitablement et la pertinence d'une stipulation législative générale pour répondre à un besoin particulier d'un devis spécifique de recherche. Est-ce qu'on a évalué d'autres devis possibles? La Fédération pose la question.

Alors, en 1997, nous avions déjà proposé un ensemble de mesures pour en arriver à une utilisation davantage optimale des médicaments. Malheureusement, certains y ont vu une action syndicale et des problèmes éthiques potentiels. Nous serions prêts à relancer une telle campagne et, bien sûr, en faisant les adaptations nécessaires pour qu'il n'y ait aucun problème d'éthique lié à une telle initiative. Mais, brièvement, les mesures que nous vous proposions à cette époque portaient sur l'information, sur la formation médicale continue, sur l'information au médecin sur sa réalité de médecin prescripteur ? souvent, il la connaît fort mal ? et nous serions prêts à nouveau à regarder de telles mesures.

Alors, on est conscients que la démarche actuelle du gouvernement vise un plus grand nombre d'intervenants et qu'elle s'inscrit dans un climat d'urgence sur le plan économique. Les actions gouvernementales risquent toutefois de soulever des débats semblables à ceux que nous avons connus si l'on confond le moyen, le contrôle des coûts du régime et l'objectif, un objectif que nous partageons avec le gouvernement, c'est-à-dire d'assurer une accessibilité raisonnable et équitable aux médicaments requis à l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

Alors, je termine là-dessus. La Fédération assure le gouvernement que ses membres sont prêts à collaborer à l'amélioration de l'utilisation des médicaments avec tous leurs partenaires du système de santé québécois, notamment les pharmaciens, ceux des établissements, ceux des pharmacies communautaires, les médecins spécialistes, le Collège des médecins, le ministère de la Santé et des Services sociaux et les compagnies pharmaceutiques, particulièrement celles impliquées dans la recherche et le développement de nouveaux produits et, également, celles qui produisent des médicaments génériques. On est assez silencieux sur ces compagnies dans le projet de loi.

Pour nous, les mesures les plus importantes ? je les résume très rapidement ? visent une optimalisation des médicaments qu'on prescrit. Il y a des nouvelles molécules très coûteuses, on sait fort bien que ces nouvelles molécules peuvent avoir des effets fort bénéfiques dans certains cas spécifiques, mais pas nécessairement dans tous. Alors, quand on parle, là, d'une prescription optimale, c'est de tenir compte du rapport qualité-coût. Notre objectif sera toujours de prescrire le meilleur médicament à un patient donné, mais nous sommes conscients que le meilleur médicament n'est pas le médicament le plus coûteux. Alors, je termine là-dessus, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Dr Dutil, pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier, Dr Dutil, Dr Roy, Dr Rodrigue, de votre présentation et de votre présence ici cet après-midi. Bon, d'abord, je suis content de voir que la Fédération des omnipraticiens du Québec est en général d'accord avec les solutions financières, d'accord avec le Conseil du médicament. Mais vous avez, entre autres, deux réserves sur lesquelles je voudrais revenir.

n(16 h 50)n

D'abord, la transmission du profil de prescription de chacun des médecins, on en a discuté ce matin avec le Dr Lamontagne du Collège des médecins. Je comprends, là, puis je pense qu'on a pu même en convenir avec le Dr Lamontagne que le Collège des médecins doit être impliqué lorsqu'il s'agit de communiquer avec un médecin sur son profil de prescription. Mais, de façon générale, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la transmission au prescripteur, donc à chaque médecin, de son profil de prescription, c'est un moyen efficace de favoriser une meilleure utilisation des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Oui. Vous avez raison, c'est un moyen efficace. Je l'ai vu utiliser à Londres, assez loin d'ici, mais, quand même, dans un contexte qui nous ressemble, il y a quelques années. C'est un moyen efficace, mais il faudra être bien prudent. Il faudra être bien prudent, il ne faudra pas que ce profil individuel de prescription serve par la suite à des mécanismes de contrôle et d'enquête, sinon on va totalement, je veux dire, dévier de l'objectif qu'on s'est donné. C'est un moyen de sensibiliser un médecin à sa propre réalité comme médecin prescripteur, ce qu'il ignore souvent. Il l'ignore, par exemple... De façon assez précise, il l'ignore: Est-ce que je prescris davantage d'anti-inflammatoires ou d'antibiotiques coûteux par rapport au groupe de médecins avec lequel je travaille ou... Bon. Alors, ces profils individuels de prescription, tels qu'ils ont été faits dans un autre milieu, permettent au médecin de connaître sa réalité comme médecin prescripteur et de se comparer à un groupe comparable de médecins, tout cela sous le pli de la plus stricte confidentialité. Mais le malaise qu'on peut avoir avec une telle formule, c'est que ce profil individuel de prescription serve éventuellement à d'autres fins. Et, si nous utilisions une telle mesure, il faudrait être extrêmement vigilant pour ne la faire servir qu'aux fins qu'on souhaite, c'est-à-dire de permettre au médecin de connaître sa réalité, d'identifier peut-être ses besoins en termes de formation médicale continue, pharmacologique et pharmacoéconomie, et, parce qu'il a identifié ses besoins, de participer à des ateliers de formation qui répondent à ces besoins-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: D'accord. Maintenant, la deuxième réserve que vous aviez, c'est sur la question de faire connaître l'intention thérapeutique. Vous en avez parlé tantôt. Bon. Je vous rappelle que, dans le projet-pilote qui est proposé, il faut d'abord avoir le consentement de l'usager de façon explicite avant de corriger l'intention thérapeutique.

Mais ce qu'on vise finalement avec ce projet-pilote, c'est un peu deux objectifs. Le premier objectif, c'est de faciliter la réalisation d'études, de revues sur l'utilisation des médicaments. Et la deuxième intention, c'est de profiter de l'expertise des pharmaciens un peu comme on le fait dans nos établissements de santé, dans nos hôpitaux. Les pharmaciens ont accès aux données sur le patient, et ce qu'on me dit, c'est que ça permet, dans certains cas, de corriger la prescription, dans d'autres cas, de faire des excellentes revues d'utilisation du médicament.

Donc, j'essaie de comprendre pourquoi vous avez des réserves aussi fortes, compte tenu du fait, en plus, qu'on assure qu'il devrait y avoir dans tous les cas consentement des usagers de façon explicite à ce qu'on transmette cette intention thérapeutique dans le projet-pilote.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Mais ça, il faut bien s'entendre. On n'est pas contre l'idée, contre l'initiative, c'est au niveau des modalités qu'on a d'énormes réserves. Alors, on n'est pas contre les fins poursuivies, là. Les fins poursuivies, c'est de faire une revue d'utilisation des médicaments intelligente, et, bien sûr, on a besoin de connaître le diagnostic pour savoir si le médicament prescrit est le bon, eu égard aux lignes directrices qui existent. Alors, c'est au niveau des moyens, des modalités qu'on a des réserves. Que le pharmacien puisse connaître l'intention thérapeutique, je n'ai pas de problème avec cela. Il y a eu des contentieux qui sont loin d'être résolus dans tous les milieux, M. Legault, à cet égard. Mais je pense que, dans un contexte, si vous voulez, de partage d'informations pour mieux traiter nos patients, oui, le pharmacien est un professionnel qui a un rôle très important à jouer à cet égard. Par contre, son rôle n'est pas de corriger la prescription du médecin, où il peut fort bien être en désaccord avec une prescription et, à ce moment-là, appeler le médecin et discuter avec lui. Il n'a pas tout l'ensemble du dossier médical pour juger de la pertinence ou non du médicament.

M. Legault: J'aurais dû dire: Proposer une correction.

M. Dutil (Renald): Alors, je veux dire, il y a un échange qui doit se faire. Nos réticences par rapport à l'article 42 portent sur la méthodologie. Tel qu'on nous l'a expliqué, peut-être qu'on a mal saisi, mais on nous dit: Une région, un territoire serait choisi au hasard, mais tous les médecins de cette région ou du territoire devraient inscrire le diagnostic sur une prescription. Alors, sur le terrain, là, il faut voir comment ça pourrait être vécu. D'abord, souvent il y a plusieurs médicaments prescrits en même temps parce que le patient souffre de diverses pathologies. En première ligne, on est souvent confronté avec des diagnostics imprécis au départ, qu'il nous faut préciser bien sûr avec d'autres moyens, mais on a souvent des diagnostics provisoires qui nous obligent quand même à prescrire parfois, à court terme, certains médicaments. Alors, ça, c'est une chose.

Ensuite, le médecin qui est obligé de participer à un tel projet-pilote ne sera pas heureux de recevoir une lettre venant du Conseil du médicament, par exemple, pour lui dire: Dorénavant, vous inscrirez les diagnostics sur votre prescription. Je pense qu'il va y avoir énormément de réticence, et ce médecin-là devra obtenir le consentement des patients concernés. Je peux vous dire par expérience, comme médecin, là, que les patients vont en général avoir beaucoup de réticences à ce qu'on inscrive le diagnostic sur la prescription, pour différentes considérations, mais il faut le comprendre. Alors, est-ce qu'il n'y a pas moyen de trouver des modalités qui nous permettent d'apprivoiser un petit peu cette idée-là, d'être très vigilants par rapport à la confidentialité qui doit entourer cette procédure pour arriver aux même fins? Je ne sais pas si mon collègue, Dr Rodrigue, peut ajouter des choses là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Rodrigue.

M. Rodrigue (Jean): Bien, j'ajouterais juste sur la confusion que ça risque de créer entre un Conseil du médicament, qui doit être un conseil, je dirais, un peu d'experts, et ces fonctions-là où... Par exemple, vous parliez tantôt du profil de prescription des médecins. Ça n'a pas nécessairement besoin de passer par le Conseil du médicament, la Régie de l'assurance maladie peut très bien transmettre le profil des médicaments prescrits sans que ça passe par le Conseil du médicament. L'impression que ça va donner au médecin, puis peut-être au pharmacien, là, c'est que non seulement le Conseil du médicament juge de la pertinence des médicaments, mais aussi il contrôle la façon dont chaque médecin prescrit, et ça, à un moment donné, ça peut nuire à la crédibilité du Conseil. Alors donc, nous, là-dedans, vraiment, on se dit: Il faut peut-être bien distinguer la fonction du Conseil qui est celle finalement de voir à une meilleure utilisation des médicaments, mais qui n'est pas nécessairement une fonction d'enquête.

Et il y a ce risque de confusion là autant dans les projets-pilotes qui ne sont pas très bien décrits. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il va y avoir des projets-pilotes. La seule chose qu'on sait, c'est qu'il va falloir mettre l'intention pharmaceutique et que l'information va devoir être divulguée. Alors, on se dit: Bien, est-ce que c'est vraiment nécessaire de mettre une stipulation législative pour permettre un projet-pilote éventuel? Est-ce qu'il n'y aurait pas plutôt lieu de dire: Le Conseil pourrait éventuellement faire des projets-pilotes et solliciter la participation et des médecins et des pharmaciens plutôt que de déjà donner l'impression que le Conseil du médicament... en plus de ses fonctions de voir à une meilleure sélection des médicaments et une meilleure utilisation de l'ensemble des médicaments, de lui accoler une espèce de fonction d'enquête à laquelle beaucoup de médecins vont être allergiques, là. Et je vous rappellerai juste certaines des réactions des médecins par rapport finalement à l'information qui est diffusée par certaines compagnies sur l'utilisation des médicaments et qui n'est pas sans créer des heurts à plusieurs endroits.

Alors, je pense qu'il y a un danger là. Et, nous, on dit: Avant de mettre des stipulations législatives, il y a peut-être lieu de voir un peu où on veut aller avec ça. Et je ne crois pas que vous ayez besoin de ces stipulations législatives là pour faire vraiment des projets-pilotes, dans le champ, en allant chercher la collaboration des gens et des pharmaciens et des médecins. Parce que, dans le fond, ça va prendre... on ne pense pas qu'une obligation législative va être suffisante pour que les médecins ou les pharmaciens participent.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

n(17 heures)n

M. Legault: Peut-être, d'abord, les inquiétudes que vous pouvez avoir. D'abord, vous dites: Il pourrait y avoir une réticence de la part du patient. Je pense que c'est bien inscrit, là, qu'il faudra avoir un consentement explicite des usagers. Donc, je pense, de ce côté-là, on peut se rassurer. Maintenant, Dr Dutil disait: «Ça peut être lourd pour les médecins si on décidait, dans une région de demander systématiquement l'intention thérapeutique.» D'abord, juste préciser que ça se fait seulement pour un médicament, là; on ne le ferait pas pour tous les médicaments puis toutes les prescriptions de ce médecin-là. Ce serait pour faire le suivi de l'utilisation d'un médicament.

Mais est-ce que vous ne pensez pas, en quelque part, que c'est absolument nécessaire que... Est-ce que c'est possible finalement de réaliser une bonne revue d'utilisation des médicaments sans connaître l'intention thérapeutique?

M. Dutil (Renald): On ne peut pas faire une revue de l'utilisation des médicaments sans connaître l'intention thérapeutique, c'est évident. Bon. Ça va bien dans les hôpitaux parce qu'on a des archives; les dossiers médicaux sont là, on peut les consulter, tout en préservant toute la confidentialité qui l'entoure. Mais c'est sûr qu'en ambulatoire on est dans un contexte différent. Mais on ne peut pas faire une revue d'utilisation des médicaments, là, telle qu'on l'entend, sans connaître l'intention thérapeutique.

Je vous dis qu'il va falloir s'asseoir ensemble et regarder quelle modalité pourrait permettre une telle revue des médicaments. Mais, tel que ça nous apparaît dans l'article 42, ce n'est pas rassurant, l'article 42. Et il n'est pas sûr qu'on ait besoin, là, d'une disposition législative pour réussir à mettre en place des modalités qui nous permettent d'aller de l'avant avec une revue de l'utilisation des médicaments.

Et, quand vous me dites que les patients seraient réticents à donner un consentement libre et éclairé, oui, M. Legault, beaucoup de patients vont être réticents à donner un tel consentement. Parce qu'il y a toujours cette crainte, qui n'est pas sans fondement, là, de dire: Où est-ce que ça va aller, là? Sur la prescription, il y a mon nom, il y a le problème dont je souffre puis le médicament qui est prescrit en conséquence. Qui va se servir de ça? Il y a toujours cette préoccupation qui est présente et dont on doit tenir compte.

Et, encore une fois, je ne vous dis pas que tous les médecins ne tenteraient pas de donner une information très, très éclairée aux patients, mais plusieurs médecins vont être, au départ, réticents avec cette formule. Ils ne seront pas des très bons vendeurs pour aller chercher ce consentement éclairé auprès de leurs patients parce que ça va demander plus qu'une simple phrase d'explication. Alors, il nous faut trouver des modalités qui soient plus rassurantes, tant pour le médecin que pour le patient.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est terminé, M. le ministre.

M. Legault: Mais... Oui. O.K.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, ça va? Oui.

M. Legault: Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, moi, j'ai une brève... Bien, je vais revenir un peu sur ce qu'on vient de discuter parce que je pense que c'est un point très important. En fait, le Collège des médecins est venu nous dire la même chose ce matin; l'Association des pharmaciens propriétaires va venir nous dire la même chose demain. C'est qu'on pense finalement... c'est qu'avec l'intention thérapeutique puis... c'est que tout ça finalement, l'intervention qui va se faire avec les professionnels de la santé, elle ne doit pas, selon moi, se faire via le Conseil du médicament mais elle doit se faire via les ordres professionnels.

Je ne sais pas si c'est un peu dans ce sens-là que vous le voyez. Mais je pense que le pharmacien ou le médecin ne tient pas à dépendre ou à être géré ou à être contrôlé par soit le ministère soit le Conseil du médicaments mais il peut, à la limite, être supervisé par le Collège des médecins, par la FMOQ ou par l'Ordre des pharmaciens, mais je pense que c'est vraiment une question d'ordre professionnel. C'est comme ça que vous le voyez, je pense, hein, Dr Dutil?

M. Dutil (Renald): C'est exactement comme ça que nous le voyons. Je ne prête aucune mauvaise intention au futur Conseil des médicaments qui serait formé de professionnels tout à fait crédibles; là n'est pas la question. C'est le message, la perception qu'on risque de créer, que, maintenant, le gouvernement, par l'intermédiaire d'un conseil du médicament qui relève quand même du ministère de la Santé et du gouvernement, veut contrôler la prescription du médecin, donc venir limiter sous, je veux dire, le prétexte d'une prescription de plus grande qualité, veut venir limiter son droit de prescrire. C'est ça, l'inquiétude qu'on a.

On s'est donné, comme société, une organisation professionnelle qui doit être respectée. La compétence, la qualité des actes dispensés par les médecins, c'est la prérogative du Collège des médecins de l'évaluer, et la qualité de la prescription fait partie de la qualité des actes d'un médecin.

Mme Boulet: Et, moi, je pense, Dr Dutil, que c'est un irritant majeur, à ce point qu'il peut y avoir un manque de participation ou une mauvaise... Moi, je sais bien qu'en tant que professionnelle de la santé ça m'irriterait puis probablement que je ne répondrais pas de façon amicale à une requête de ce genre-là si ça venait du Conseil du médicament. Je pense que les professionnels de la santé, ils peuvent être gérés par leur ordre professionnel, mais de là à être gérés par un ordre du Conseil du médicament, je ne suis pas certaine.

Et je trouve que c'est un excellent point à soulever, et je vais laisser la parole à mes confrères, à mes collègues, ils ont des questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je vais revenir sur une de vos remarques... que je vous ai trouvés relativement doux, et surtout sur l'article 19: articles 57.1 et 57.2.

Je suis d'accord avec vous, le Conseil du médicament doit être un conseil d'experts, de personnes, qui doit être là pour donner des avis. Mais regardez les éléments qui pourraient arriver. Il doit se prononcer sur la justesse et le rapport entre le coût et l'efficacité de chaque médicament.

Vous avez dit: Oui, il peut y avoir des médicaments qui coûtent moins cher. Mais est-ce qu'on pourrait arriver à un point où on ne met pas un médicament sur la liste, même s'il est efficace, parce qu'il coûte trop cher? Ça, c'est une question que je vous pose: Est-ce que ce n'est pas une peur que vous pourriez avoir?

Deuxième élément. Je regarde 57.2, où on intervient directement auprès du professionnel de la santé: «formuler aux différents intervenants impliqués et aux professionnels de la santé, dans le respect de leurs responsabilités respectives, des recommandations susceptibles d'améliorer l'usage des médicaments; et, «voir à l'évaluation des problèmes reliés à l'utilisation des médicaments.»

Est-ce que ça ne pourrait pas arriver jusqu'au point où on risque de remettre en question la sacro-sainte période de 15 ans, qu'on risque, à l'heure actuelle, de se dire, parce qu'il existe des génériques qui sont relativement semblables: On vous recommande fortement d'avoir le générique plutôt que le médicament d'origine, et là, rentrer dans le choix que le professionnel de la santé doit faire entre le générique ou le médicament d'origine? Moi, je vois des craintes à ce niveau-là. Je ne sais pas si vous les voyez comme moi de cette manière-là, dans les pouvoirs qu'on donne au Conseil du médicament.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil? Dre Roy?

Mme Roy (Louise): Pour ce qui concerne le retrait de certains médicaments à cause de leur prix, de la liste, du formulaire, c'est justement notre remarque, où on dit que nous considérons que le gouvernement doit s'interroger le plus clairement possible sur le caractère raisonnable et équitable de l'accessibilité aux médicaments, que ce soit au niveau de la personne ou au niveau de la société. Et il y a tout un questionnement à avoir là-dessus; ça nous semble quelque chose de très important.

M. Gautrin: Mais iriez-vous jusqu'à dire... parce que vous êtes quand même, vous, dans votre rôle de médecin, de dire: Même si le médicament coûte cher, nous devons pouvoir peut-être le prescrire s'il a une certaine efficacité. Et vous iriez jusqu'à limiter ce droit que vous avez?

M. Dutil (Renald): C'est à dire que, nous, quand on parle, là, d'utilisation optimale des médicaments, c'est le meilleur rapport qualité-prix. Si, à prix égal, je veux dire, un médicament est supérieur, je vais prescrire le médicament supérieur; je n'ai pas de problème là-dessus.

Mais, si un médicament est très coûteux ? et on en a beaucoup d'exemples ? et un autre beaucoup moins coûteux, mais, en termes d'efficacité thérapeutique pour le problème que j'ai à traiter, ils sont égaux, il nous apparaît, nous, qu'on devrait prescrire le médicament qui coûte le moins cher. C'est ça la prescription optimale. Je ne nuis pas à mon patient, là, et j'aide le régime d'assurance maladie général à survivre. Bon.

M. Gautrin: Iriez-vous jusqu'à obliger le médecin à faire ça?

M. Dutil (Renald): Non, on sera toujours extrêmement sensibles au respect de l'autonomie professionnelle du médecin. Mais il est évident que, si un médecin n'a aucune de ces préoccupations-là, il peut y avoir des problèmes, et, pour nous, il nous apparaît que c'est à l'ordre professionnel de rappeler à l'ordre ce médecin-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Dutil. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Dutil, pour votre présentation.

Peut-être sur un niveau un peu plus pratique, vous avez parlé de l'autonomie professionnelle des médecins, vous avez mentionné que vous avez des craintes, dans le projet de loi, d'interférence de votre droit de faire des prescriptions; on parle de la garantie d'accessibilité raisonnable et équitable.

Mais je voudrais vous entendre sur la liste des médicaments d'exception actuelle. De plus en plus, il y a des médicaments sur la liste des médicaments d'exception. Même, plusieurs de vos membres chargent pour remplir les formulaires, parce que c'est assez complexe et ça prend du temps. Même, un médicament sur la liste des médicaments d'exception, il y a souvent une sous-division de deux types de malades, deux types de patients: un peut avoir l'accès et l'autre ne peut pas.

n(17 h 10)n

Il me semble qu'au moment où on parle le gouvernement est actuellement en train de faire exactement ce que vous voulez arrêter: il questionne l'autorité professionnelle, il questionne la décision d'un médecin. Je voudrais vous entendre un peu sur la réalité sur la liste des médicaments d'exception. Parce que, selon mon information, et peut-être que je n'ai pas de raison, mais dans plusieurs autres provinces, une fois que le médecin prescrit un médicament, c'est accepté et on accepte la décision du médecin.

Je voudrais vous entendre sur la liste des médicaments d'exception parce que, pour moi, je trouve, au moment où on parle, il n'y a rien dans le projet de loi qui pense que ça va changer. Qu'est-ce qui se passe? Et je voudrais avoir vos commentaires sur l'utilisation des médicaments sur la liste des médicaments d'exception comme une barrière d'accès à des médicaments optimaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Oui, Je vous avoue que la question est importante parce que c'est un irritant de plus en plus souligné par les médecins, là, la lourdeur de la procédure utilisée dans les médicaments d'exception.

Vous savez, surtout un médecin omnipraticien en première ligne qui a une salle d'attente surchargée ? et c'est le cas de presque tous les médecins depuis ces dernières années où on manque d'omnipraticiens ? de devoir remplir un assez long formulaire pour prescrire un médicament, communiquer avec la RAMQ parce que, parfois, il y a urgence à ce que le patient ait ce médicament-là, ça devient très, très coûteux, en termes de temps. Et il arrive également que, pour certains médicaments, la Régie de l'assurance maladie, qui a à gérer ce programme-là, je veux dire, demande des informations complémentaires. Parfois, c'est un véritable résumé de dossier qu'on demande au médecin pour qu'on puisse accorder, là, le médicament d'exception au patient.

C'est une procédure qui est de plus en plus irritante pour un très grand nombre de médecins, et, si on allonge la liste des médicaments d'exception, nous devrons faire des représentations vigoureuses à cet effet parce que ça sied bien mal dans le cadre d'une pratique fort achalandée, comme c'est le cas aujourd'hui. Et c'est de plus en plus vu, l'ajout à la liste d'exception, comme étant un moyen un peu déguisé pour forcer le médecin à ne plus prescrire le médicament qui est très coûteux et qui pourtant paraît au médecin comme celui qu'il devrait prescrire. Alors, là-dessus, il faut faire attention, là, de ne pas, sous un prétexte, une procédure administrative, dans les faits venir limiter l'autonomie professionnelle du médecin à prescrire le meilleur médicament.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui. Avec ça, si j'ai bien compris, vous souhaitez l'abolition de la liste des médicaments d'exception, remplacer par un autre moyen ou... Je ne veux pas mettre les mots dans votre bouche, non plus.

M. Dutil (Renald): Non. Je ne vous dis pas que je souhaite l'abolition de la liste des médicaments d'exception. Mais je serais certainement très préoccupé par un allongement indu de la liste des médicaments d'exception. Je pense que, si on veut vraiment atteindre les fins qu'on se donne, soit une meilleure utilisation des médicaments et particulièrement les nouvelles molécules qui sont fort coûteuses, c'est au niveau de la formation qu'il faut investir.

Information et formation: information du médecin sur sa réalité de médecin prescripteur et formation médicale continue. Vous abordez ce volet dans votre projet de loi. On vous fait plusieurs commentaires, nous, que vous n'avez pas relevés mais qui sont très importants pour nous, parce qu'il semble que le gouvernement ignore les règles qu'on s'est données en matière de formation continue pour bien s'assurer de l'impartialité de cette formation et de la rigueur, également, scientifique de cette formation.

Une formation médicale continue commandée ou téléguidée par le ministère, même si elle passe par un Conseil du médicaments, sera teintée d'un biais, elle sera rejetée par les médecins. Je vais demander au Dre Roy de commenter là-dessus, puisqu'elle est particulièrement impliquée en formation médicale continue et toute l'andragogie qui entoure cela depuis des années.

Mme Roy (Louise): Alors, si vous me permettez...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dre Roy.

Mme Roy (Louise): Merci, madame. En fait, nous avons affaire ici avec des adultes apprenants, autonomes et non des élèves à l'université qui doivent absolument recevoir telle information, telle information.

Le médecin de famille choisit le type de formation répondant à ses propres besoins de formation, qu'il a lui-même identifiés. Alors, si on lui propose une formation préparée, téléguidée et qui se base sur des besoins qui ne correspondent pas aux siens, il n'ira tout simplement pas à cette formation.

C'est pourquoi le Conseil d'éducation médicale continue, dont la FMOQ fait justement partie, s'est donné des critères très rigoureux pour préparer des formations pour les docteurs de famille, la même chose qui arrive dans les autres professions pour les médecins spécialistes ainsi que les pharmaciens. Et, de ces critères-là, à partir des besoins des médecins, c'est quelque chose de primordial si on veut atteindre justement cette population-cible. Ça, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas parler de médicaments au médecin. Mais, pour le médecin, ce qui est important, c'est son patient et le problème de santé qu'il va présenter.

Et nous avons dans notre opinion qu'il faut partir justement, dans ces formations-là, des besoins d'information de nos médecins sur les maladies et y adjoindre par la suite, au moment de la formation, des informations sur les médicaments et leur bon usage. Mais une formation... J'ai vu, dans certains projets, à l'automne 2002, une formation sur les AINS et les coxibs, sur ce thème-là, et je ne pense pas que les médecins accrocheraient pour aller suivre de tels types de formation. Je crois que ce serait beaucoup mieux de partir sur les problèmes que voient les omnipraticiens dans leur pratique, et justement de suivre les critères, là, de formation qui ont été développés par le Conseil d'éducation médicale continue du Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors...

M. Gautrin: Et dans tous les éléments de formation continue, quels que soient les professionnels.

Mme Roy (Louise): Oui. Tout à fait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, sur ça, je veux vous remercier, Dr Dutil, Dr Rodrigue et Dre Roy. Merci de votre participation.

Et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir, dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

 

(Reprise à 20 h 7)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun! Alors, je vous demanderais de... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et d'autres dispositions législatives.

Alors, en premier lieu ce soir, nous rencontrons le Conseil du patronat. Alors donc, je salue M. Gilles Taillon, président, de même que M. Pierre Prévost, vice-président exécutif. Alors, vous avez, M. Taillon, 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, ce 15 minutes sera suivi d'une période de questions et d'échanges entre les deux parties. Je vous cède la parole.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, nous tenons à vous remercier de nous donner la possibilité de faire valoir notre point de vue sur le projet de loi n° 98. Comme vous n'avez pas eu l'occasion de recevoir le texte à l'avance, compte tenu du rythme accéléré des travaux parlementaires, et que c'est un texte très, très court mais, je pense, substantiel ? en tout cas, on pourra en juger en discutant ? je vais faire la lecture du texte. Ce n'est pas notre habitude mais on va le faire, compte tenu que le texte est court.

Les modifications à la Loi sur l'assurance médicaments proposées dans ce projet de loi permettent au régime de se financer plus adéquatement à l'avenir, et nous évaluons dans l'ensemble qu'il s'agit là d'une bonne proposition. Le CPQ s'était inquiété à l'automne de certains desseins visant soit à instaurer une taxe de mutualisation de prime d'assurance collective à verser au Fonds de l'assurance médicaments, soit à instituer un régime universel public. Il ne nous apparaît pas utile de reprendre nos arguments, qu'on avait rendus publics à l'époque, à l'encontre de ces avenues, puisque le ministre ne les a pas retenues dans le projet de loi n° 98. Toutefois, nous tenons à souligner qu'elles ne constituent toujours pas des pistes intéressantes pour faire face à la croissance des coûts. Déjà, plusieurs mesures du projet de loi concourent à assurer une évolution mieux contrôlée pour l'avenir.

Nous allons faire donc trois remarques, trois commentaires, eu égard au projet, et, ensuite, ouvrir sur une perspective plus large que ce que contient le projet.

Premier commentaire. Les ajustements aux modalités concernant la participation financière des assurés se comparent sensiblement aux primes payées dans le secteur privé. Le régime apparaît donc équitable, compte tenu que les clientèles les plus vulnérables seront exemptées de cette hausse. La provision à l'effet d'ajuster les paramètres du régime au 1er juillet de chaque année pour tenir compte de l'augmentation des coûts est nécessaire pour garantir le financement adéquat du régime. On ne précise pas cependant quel sera l'indice de référence pour ces ajustements, laissant là un peu de flou sur l'ampleur prévisible ou sur le caractère discrétionnaire de la décision à prendre. Vous avez compris donc de ce commentaire que nous aurions souhaité plus de transparence quant aux paramètres qui seront pris en compte.

n(20 h 10)n

Deuxième commentaire. Le resserrement des mesures pour s'assurer que toutes les primes du régime public soient effectivement perçues procède d'une volonté d'équité essentielle à la pérennité du régime. Il s'agit là d'une mesure de bonne gestion que nous appuyons.

Troisième commentaire. Les différentes propositions mises de l'avant pour garantir une meilleure utilisation des médicaments en partenariat avec l'industrie pharmaceutique nous semblent prometteuses et susceptibles de produire des économies pour le régime public. À la composition du nouveau Conseil du médicament, il est prévu que quatre membres sociétaux seront choisis pour leur expérience. Nous nous permettons, sur ce troisième commentaire, de vous faire une suggestion: Compte tenu que le projet demeure muet sur les qualifications requises quant à la provenance de ces quatre personnes, donc nous recommandons que deux personnes de l'industrie pharmaceutique et deux personnes du secteur des assurances soient présentes au Conseil du médicament pour apporter la vision de ces deux industries-clés du secteur privé. Déjà, en 1996, avant l'instauration donc du régime public, le rapport Castonguay recommandait que ces industries soient représentées au Comité de revue de l'utilisation des médicaments, qui est remplacé par le nouveau Conseil.

Voilà pour les commentaires sur le projet de loi lui-même. Maintenant, je vous annonçais tantôt que nous souhaitons que, comme parlementaires, vous alliez un peu plus loin, pas nécessairement dans ce projet de loi là mais dans les mesures que vous allez prendre à l'avenir, les législations que vous allez adopter, à l'avenir.

Or, voici notre commentaire: Malgré les efforts mis de l'avant pour assurer un financement plus adéquat du régime, nous demeurons préoccupés par la forte pression que ce régime exerce et exercera sur les finances publiques. Les médicaments constituent un instrument de combat de première efficacité dans l'arsenal du maintien en bonne santé. Ils constituent une solution de rechange à des actes médicaux plus coûteux, comme l'hospitalisation ou la chirurgie. Ils contribuent donc à éviter des coûts pour le système de santé, en ce sens qu'ils présentent un mode de traitement pour les gens qui n'ont pas à s'exclure de leur vie normale ou à souffrir du rétablissement d'un choc opératoire, par exemple. Donc, économie en coûts directs évités, économie aussi en termes de coûts indirects pour les patients. Tout cela, bien sûr, en autant qu'il y ait propension chez les intervenants de la santé de procéder au choix de la meilleure thérapeutique. Or, nous croyons qu'actuellement l'absence d'information entre les médecins sur le dossier du patient et le mode de rémunération des médecins ne constituent pas des incitations au recours à la meilleure thérapeutique. Selon les études commandées par le Forum national de la santé, dans son rapport de 1998, qui faisait un recensement des meilleures pratiques quant au contrôle des coûts des médicaments, les pays qui ont le mieux réussi à contrôler leurs coûts sont ceux qui ont opté pour des mesures d'incitation financière ? retenons des mesures d'incitation financière négatives ? et qui ont abandonné progressivement la formule de rémunération à l'acte, parce que les pays ont réalisé qu'il était impossible de contrôler les prix si on ne modifiait pas la rémunération des médecins.

Le CPQ croit donc qu'il est urgent de mettre en place un dossier de santé informatisé pour le patient ? donc nous apportons notre appui là-dessus ? et d'aborder une réforme en profondeur du financement du système de santé, notamment la constitution de cliniques intégrées et la capitation. Nous sommes conscients qu'il s'agit là d'une toute petite phrase, très ramassée mais qui demande un certain courage et beaucoup d'action.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Mais nous pensons que c'est possible et qu'on en est rendus là. De façon imagée, disons qu'à l'avenir le dossier médical et l'argent devraient suivre le patient. Mme la Présidente, mesdames, messieurs, voilà l'essence de nos propos.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Taillon, pour vos remarques. Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Legault: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais remercier M. Taillon d'être ici ce soir avec nous, avec M. Prévost, de venir nous présenter son mémoire.

Je vais peut-être commencer par la conclusion que l'argent doit suivre le patient. Je pense que le Conseil du patronat va sûrement être satisfait de l'entente qui sera annoncée demain, où on va revoir la méthode de financement des régions et des établissements, pour le faire en fonction du volume, et je pense que c'est un des choix qu'on doit effectivement faire.

Par contre, pour ce qui est de toute la proposition qui est faite concernant les changements de mode de rémunération à l'acte qui devrait être modifié pour des mesures d'incitation financière, j'aurais besoin, pour le moins que je puisse dire, d'information additionnelles pour savoir exactement ce qui est proposé. Ha, ha, ha!

Mais, je veux aller quand même sur le fond du dossier concernant l'assurance médicaments. Bon. Vous semblez dire: Le médicament, ça fait partie des différentes façons qu'on a de traiter un patient. Et donc, comme vous le savez, on a ici un système de santé qui est gratuit, universel, et on a un système d'assurance médicaments où les cotisants paient leur part ou leur juste part, en fonction de leur revenu, pour le coût des médicaments.

Donc, comment vous voyez, dans une perspective à moyen terme, le financement de l'assurance médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Mme la Présidente, je pense que nous avons un système actuellement qui, du côté des médicaments, établit un bel équilibre entre la responsabilité individuelle, la responsabilité collective. Moi, je pense que de ce côté-là on ne devrait pas modifier globalement le mode de fonctionnement du régime d'assurance médicaments. Je pense qu'il faut rester avec un régime privé et un régime public, avec l'exemption pour les clientèles les plus démunies, avec le fait dans le fond qu'on fait participer d'une certaine façon les patients au financement du régime, bien sûr en autant qu'on établit une capacité de contrôler surtout ? comme vous le signalez dans vos documents qui accompagnent le projet de loi ? je dirais, quant à la quantité de médicaments consommés. Donc, je pense qu'il faut rester avec ce type de régime là, il faut établir de bons systèmes de contrôle, et nous pensons que, s'il y a un dossier informatisé qui suit le patient, et, s'il y a un régime de rémunération qui permet de responsabiliser davantage le corps médical, on pourrait réussir à atteindre de bons résultats.

Le médicament est, à notre avis, une thérapeutique prometteuse beaucoup moins coûteuse que les traitements habituels: l'hospitalisation, etc., et le patient y trouve son compte. Si on réussit à faire fondre une pierre ? plutôt qu'à opérer ? avec un médicament, je pense qu'on a fait plaisir au patient puis on a sauvé pas mal de coûts pour le régime, globalement.

M. Legault: Et donc, ce qu'on...

M. Taillon (Gilles): Donc, on dit: Bon système, bon régime. Il faut par contre que le coût du secteur public, excluant ceux qui sont exemptés, corresponde aux coûts du régime privé. Et on sait que le régime privé ? hein? ? il y a une forme de mutualisation quand même, parce qu'on sait que dans le régime privé il y a des taxes qui sont payées sur les primes, qui rapportent à l'État 300 millions. C'est noyé dans le fonds consolidé, mais c'est quand même une contribution du secteur privé au régime global, là, de gestion de l'assurance médicaments au total.

M. Legault: Parfait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Maintenant, concernant les pistes de partenariat qu'on propose dans le projet de loi avec l'industrie pharmaceutique. Bon. Vous avez sûrement entendu ou vu dans certains reportages... On a parlé ce matin, avec l'industrie pharmaceutique, d'un marketing agressif. Bon. L'industrie pharmaceutique s'est bien défendue de faire un marketing agressif en nous disant que c'était plutôt une façon d'informer les médecins, donc, les professionnels de la santé.

Je voulais avoir votre opinion, à savoir: Est-ce que vous pensez que les façons de faire de l'industrie pharmaceutique, lorsqu'il vient le temps de faire la promotion de leurs produits auprès des médecins, devraient être davantage encadrées?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Alors, je vous dirais que, d'abord, je pense qu'il faut du marketing. On a démonisé beaucoup le marketing, mais je pense qu'il faut faire attention. Vous l'avez souligné, M. le ministre: Le grand problème dans la consommation, c'est le manque d'information souvent des médecins. Alors, je ne pense pas que d'autres personnes que les chercheurs, les compagnies qui font la recherche puissent bien informer, et les médecins et les patients, des nouveaux médicaments, de ce qui existe sur le marché. Il faut ce marketing-là. Maintenant, est-ce qu'on est obligés de faire les séances d'information au Mexique ou en Californie? Ça, pas sûr.

n(20 h 20)n

Donc, avant de réglementer, moi, je pense que j'aurais une bonne discussion dans la collaboration que vous participez avec l'industrie pharmaceutique, avec les industries pharmaceutiques, avec les associations qui les représentent, pour déterminer ce qui est du bon marketing et ce que j'appellerais du marketing peut-être discutable, en termes d'investissement en coûts.

Mais, dans l'ensemble, il faut arrêter de dire que le marketing est mauvais. Le marketing est aussi important que la recherche, en autant que ce soit un marketing qui soit balisé. Je ne pense pas qu'on soit à l'étape de réglementer mais on est peut-être à l'étape d'en discuter. Et nous, pour avoir jasé avec plusieurs membres de l'industrie, je pense qu'il y a des gens qui ne pratiquent pas ce type de marketing abusif et qui seraient très heureux qu'il y ait des ententes avec les collègues là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Oui. Maintenant, on propose dans le projet de loi certaines avenues pour réduire l'augmentation annuelle du coût des médicaments. On propose, entre autres, la création du Conseil du médicament, la révision de certains critères pour l'inscription des nouveaux médicaments; on propose un partenariat avec l'industrie pharmaceutique.

Est-ce qu'il y a d'autres approches, d'autres avenues qu'on aurait oubliées qui pourraient nous permettre de mieux contrôler l'augmentation du coût des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Moi, je vous dirais que je pense que vous avez là un bon arsenal d'outils. Maintenant, il faut aussi travailler sur l'autre partie: c'est toute la question de la consommation qui représente ou qui contribue pour 70 % de l'augmentation des coûts. On peut toujours avoir un bon contrôle sur la qualité, sur l'utilisation des médicaments, sur les listes de médicaments utilisables, mais je pense qu'il faut aller plus loin, et c'est un peu ce qu'on vous soulignait. Mais, quant à l'arsenal visant à contrôler, on dit: C'est bien.

Maintenant, on vous fait une suggestion au niveau du Conseil des médicaments. On vous dit: Il serait intéressant que la partie privée, et les compagnies pharmaceutiques et les assureurs, puissent être vos experts, les quatre membres donc représentant la société sur le Conseil.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Et, concernant les médecins, quand vous dites: Il faut peut-être avoir un meilleur suivi de l'utilisation ou de la prescription des médicaments, de l'utilisation de façon générale, comment vous voyez les interventions qu'on pourrait avoir soit auprès des médecins soit auprès des patients? Est-ce qu'il y aurait d'autres avenues qu'on aurait oubliées d'explorer, selon vous?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Bien, selon nous, je pense que l'avenue que vous n'exploitez pas, qui est la plus prometteuse, selon ce que la littérature enseigne, selon les pratiques des autres pays, c'est de toucher au système de rémunération des médecins. Autrement, le système de contrôle soit par incitatifs financiers négatifs ou tout ça, vous pouvez faire un bout avec ça, mais, fondamentalement, c'est de faire en sorte que les médecins aient une propension à choisir la meilleure thérapeutique, y incluant le médicament, pour traiter le patient. Et, là-dessus, il n'y a pas beaucoup de formules meilleures que la capitation, à ce que nous dit la littérature scientifique là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Mais comment vous verriez une formule de rémunération par capitation? Parce qu'évidemment que dépendamment du type de patients que chaque médecin... il peut y avoir des consommations très différentes d'un médecin à l'autre, selon sa clientèle de patients. Donc, j'essaie juste de comprendre comment on pourrait...

M. Taillon (Gilles): Bien, il s'agit dans le fond de créer des cliniques; dans le fond, des systèmes intégrés avec, bien sûr, la constitution d'une liste, avec l'attribution d'un financement pour cette liste de patients là, et faire en sorte que la clinique ait la responsabilité de traiter le patient à partir du financement attribué en vertu d'une méthode per capita, et de laisser jouer la dynamique de la concurrence et du meilleur traitement pour le patient X. En général, ces méthodes-là, je pense qu'on pourrait aller plus loin, là, puis discuter la faisabilité, comment faire, mais ces méthodes-là ont démontré qu'il y avait une très grande propension à faire beaucoup plus de prévention que de faire du curatif, et les pays qui ont réussi ont adopté ces méthodes-là. Peut-être partiellement, peut-être pas tout d'un coup, peut-être pas y aller avec une capitation totale mais un mode progressif où on introduit cette dynamique-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez encore cinq minutes, M. le ministre.

M. Legault: C'est correct.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va? Alors, merci. Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Bonjour, M. Taillon, M. Prévost. Merci beaucoup d'être présents parmi nous.

M. Taillon, j'aimerais ça que vous me précisiez, là, votre rémunération par capitation. Je ne comprends pas trop. Si un traitement est très onéreux, il n'y a pas un danger qu'un patient vienne voir son médecin puis que le médecin, au lieu de lui prescrire le médicament qui est vraiment le médicament approprié... mais, parce qu'il est plus dispendieux, il n'y a pas un danger qu'on soit tentés de lui prescrire la solution alternative au lieu d'aller vers la troisième génération de médicaments, qu'on lui prescrive la deuxième sous prétexte que, par rapport à sa rémunération, par rapport à la capitation, le médecin en perd des avantages, il n'y aurait pas un danger qu'on néglige la qualité des soins offerts aux patients? Je ne sais pas, là, mais, moi, je ne connais pas ça, ce système-là, et je ne suis pas convaincue qu'on aurait le meilleur service au niveau des indications thérapeutiques, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Oui. Je vous dirais, Mme la Présidente, que dans le fond il faut bien se comprendre: On parle d'un système par capitation à partir d'un financement public; on n'a pas parlé d'un financement privé. On dit que c'est un mode qui fait en sorte que l'équipe médicale choisit le meilleur traitement. Mais l'équipe n'est pas laissée seule: il y a toujours un contrôle étatique, puisqu'il y a un financement public. Mais on est à peu près certains que, dans un contexte comme celui-là, compte tenu de la responsabilité professionnelle des médecins, on choisirait la meilleure formule, et on ferait en sorte d'avoir une population en meilleure santé.

En fait, on pense que c'est une meilleure alternative à la situation qu'on connaît actuellement au Québec, où, dans le fond, ça coûte plus cher au Québec que dans les autres provinces canadiennes. On a plus de ressources au Québec que dans les autres provinces canadiennes puis on a une moins bonne performance au niveau du taux de mortalité puis de l'espérance de vie.

Donc, on pense qu'un changement ce n'est pas nécessairement négatif quand les résultats ne suivent pas l'investissement. On dit: Il faut l'essayer. Des pays l'ont essayé, et les pays qui sont dans les premiers rangs de l'Organisation mondiale de la santé ont des formules de concurrence interne dans la façon de rétribuer les médecins, et ça produit un meilleur état sanitaire pour la population. Il faut y aller, ça, c'est clair; on n'a pas le choix.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: O.K. Dans un autre ordre d'idées, vous nous dites, à la page 1... En fait, là, c'est clair que vous semblez contre un régime universel public. J'aimerais juste ça que vous m'entreteniez un petit peu là-dessus parce qu'il y a beaucoup de groupes qu'on va rencontrer, il y en a déjà eu deux, je dirais, même, à l'intérieur de la journée, là, qui nous ont parlé qu'eux préconisent le régime universel public; qu'il y aurait, selon eux, de cette façon-là, un partage plus équitable par rapport à nos démunis.

Pourquoi... êtes-vous capables... Parce que personne n'est capable de nous dire le pour ou le contre du régime universel public, les avantages ou les inconvénients. Pourquoi vous êtes contre? Est-ce qu'il y a eu des études de faites? Sur quels facteurs vous basez-vous pour dire que vous êtes contre? C'est quoi que vous voyez comme inconvénient majeur?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Écoutez, d'abord, on n'est pas dans un contexte au Québec où c'est la loi de la jungle qui s'applique dans notre système d'assurance médicaments.

D'abord, les plus démunis sont protégés. On dit: Un système qui ferait en sorte que ce soit à la charge de l'État, ça nous inquiète énormément parce qu'il n'y a plus de capacité, là, il n'y a plus d'incitatifs personnels d'abord à contrôler l'utilisation des médicaments par la ou les personnes, et il y a actuellement, dans la dynamique du système qui n'est pas universel, une capacité de gestion des employeurs par exemple qui paient des primes et des employés qui paient des primes, à contrôler l'utilisation. Il y a un deuxième contrôle outre celui qui est fait par les pharmaciens et les médecins. Donc, un régime qui deviendrait étatique, ça risque d'être le bar ouvert, ça risque d'être un système qui est très difficile à contrôler, et on a des expériences de régime universel qui coûtent très cher, au Québec. Donc, on veut être très, très prudents là-dessus.

On vous dit donc: Comme employeurs, nous qui payons une partie des primes... On dit: Demain matin, si c'est un régime universel, on ne paiera plus de primes; on va payer certainement les coûts du régime sans être capables d'en contrôler les inputs. Donc, il y a beaucoup d'inquiétude de ce côté-là, et il y a certainement les mêmes inquiétudes du côté des employés.

Et je vous disais tantôt, en dernier élément de conclusion: Il faut faire attention, il faut rappeler à ceux qui disent que le secteur privé ne participe pas au financement du régime public ? il faut bien leur rappeler ? que, indirectement, ils participent, puisque sur les primes d'assurance, ce qui est unique, on donne 300 millions à l'État. Si l'État veut rendre visible le 300 millions qui est donné par le secteur privé pour favoriser la contribution, ils n'ont qu'à rendre visible ce 300 millions là dans les écritures comptables et le verser au ministre Legault. Il va être fier, lui, d'avoir 300 millions de plus. Il n'aura plus à se battre au Trésor pour aller en chercher 90 ou 96, chaque année. Ça, c'est l'argent que paie le secteur privé, les individus puis les employeurs, sur les primes d'assurances puis l'autre partie aussi. Donc, vous avez un ensemble d'arguments, Mme la députée. Il y en a d'autres aussi mais je vous ai donné les principaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée.

Mme Boulet: Donc, le 300 millions, selon vous, il aurait avantage à être mis dans le Fonds de l'assurance médicaments plutôt que d'aller dans le consolidé général. Ça serait comme un partage équitable de tout le monde pour la...

M. Taillon (Gilles): Bon, bien, ça éviterait à des gens d'oublier que le secteur privé ou que le régime privé paie en partie pour le secteur public.

n(20 h 30)n

Mme Boulet: C'est ça.

M. Taillon (Gilles): C'est un bon argument de marketing puis, ensuite, ça sauverait des énergies au ministre de la Santé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. C'est bon de rappeler les taxes sur les primes. On connaît ça. Bon, il remarquait qu'il y a une partie TVQ et il y a une partie TPS, il y a une partie qui retourne au fédéral, etc., dans le 300 millions.

M. Taillon (Gilles): Je parle de la taxe directe.

M. Gautrin: La taxe directe.

M. Taillon (Gilles): La taxe directe. Je ne parle pas de TPS et TVQ, je parle du 9 %, là.

M. Gautrin: O.K. Le 9 %.

M. Taillon (Gilles): Oui, oui, qui est carrément une taxe dédiée.

M. Gautrin: O.K. Maintenant, je reviens sur le fait que, dans le régime d'assurance médicaments, comme vous l'avez rappelé, il y a une partie... pour la partie gouvernementale. Il y a une partie qui est réellement assurance et il y a une partie qui est une partie de soutien, en quelque sorte, aux personnes qui sont démunies, qui ne peuvent pas payer leur prime. Et là on demande en quelque sorte au régime de s'autofinancer, alors que ceux qui paient des primes, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas... qui ne contribuent pas à un régime privé, dans le fond, paient en quelque sorte pour un régime qui doit s'autofinancer et qui est une partie de soutien aux personnes les plus démunies.

Est-ce que vous seriez d'accord avec le fait qu'on pourrait concevoir que le régime public soit tel que, pour les personnes qui ne peuvent pas payer de prime... Et je ne suggère pas que les gens doivent payer des primes. Et on prend, par exemple, les personnes qui sont les personnes âgées, les jeunes enfants. Le gouvernement verse dans la caisse du régime l'équivalent des primes qu'ils auraient versées de manière qu'on arrive, à ce moment-là, à avoir un régime qui soit réellement un régime tout à fait... où on calculerait le risque d'une manière réelle et sans difficulté. Alors que le déficit du régime d'assurance médicaments est en partie un faux déficit parce qu'on demande aux gens qui paient des primes dans le secteur public d'assumer la contrepartie d'aide. Et, croyez-moi bien, je ne suis pas quelqu'un qui dit qu'il ne faut pas faire l'aide, mais la contrepartie qui est réellement un régime d'assistance pour les gens qui ne peuvent pas payer un régime d'assurance santé.

M. Taillon (Gilles): Je pense que vous avez là une formulation technique de l'utilisation possible du 300 millions et je pense que ce serait faisable. Ce serait même souhaitable.

M. Gautrin: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. D'autres questions, Mme la députée de Laviolette?

Mme Boulet: Bien...

M. Gautrin: Non, non, mais je ne reviendrai pas sur la capitation parce que là, à ce moment-là, on ouvre un grand...

M. Taillon (Gilles): On pourrait faire un débat, on pourrait tenir une commission parlementaire strictement là-dessus.

M. Gautrin: On pourrait quasiment avoir un débat sur les avantages et les inconvénients de la capitation parce qu'il y a des endroits où ça a bien marché et il y a des endroits où ça a été un peu moins bien. La possibilité de choisir...

M. Taillon (Gilles): Là où ça a moins bien marché...

M. Gautrin: En Angleterre.

M. Taillon (Gilles): ...la capitation, c'est dans le secteur où la capitation était assortie à un financement privé du régime. Il faut faire attention.

M. Gautrin: Oui.

M. Taillon (Gilles): Là où la capitation est soutenue par un régime public de financement, il n'y a pas de problème.

M. Gautrin: Mais, est-ce que la capitation...

M. Taillon (Gilles): Les HMS aux États-Unis, par exemple, c'est qu'il y a un financement privé là-dessus. Donc, il faut faire attention, on mélange deux types de propension.

M. Gautrin: Je suis d'accord. Mais, est-ce que vous arrivez jusqu'au point où les gens... Prenons le système anglais où les gens doivent avoir l'obligation... en fonction de leur lieu de résidence, du choix de leur médecin.

M. Taillon (Gilles): Oui. Je pense qu'il faut aller là d'abord, dans un premier temps, pour configurer le régime, mais avec...

M. Gautrin: Et avec la liberté de choix après.

M. Taillon (Gilles): ...avec une possibilité d'«opting out».

M. Gautrin: O.K. De manière à choisir avec une libre concurrence entre...

M. Taillon (Gilles): C'est ça. Voilà!

M. Gautrin: ...entre les médecins, etc.

M. Taillon (Gilles): Une libre concurrence entre les cliniques ou entre les listes de clients intégrées.

M. Gautrin: Parce que je m'aurais étonné de voir que vous ne soyez pas en faveur de la concurrence.

M. Taillon (Gilles): Absolument!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, d'autres questions?

M. Gautrin: Non, j'ai terminé, moi. Peut-être mon collègue?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, MM. Taillon et Prévost, il ne me reste qu'à vous remercier pour votre participation à cette commission. Alors...

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, je vais suspendre les travaux pour quelques minutes seulement, le temps de permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 34)

 

(Reprise à 20 h 35)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît, en silence.

Alors, la commission poursuit ses travaux avec maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Alors, je salue M. Henri Massé, qui est président, de même que les personnes qui vous accompagnent, M. Massé. Alors, je souhaiterais que vous puissiez nous présenter les personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement de nos travaux, et puis vous aurez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): À ma gauche, Mme Monique Audet, du service de la recherche de la FTQ, et, à ma droite, Réjean Bellemare, du même service.

D'abord, on voudrait, Mme la Présidente, remercier les membres de la commission de nous donner l'opportunité de présenter notre point de vue là-dessus.

Bon, il faut bien critiquer un peu quand on vient en commission parlementaire. On déplore un peu le fait que cette consultation-là est menée très rapidement et en dernière heure. Il y a des questions qu'on aurait aimé fouiller passablement plus. On pourra y revenir un peu plus tard.

Je me souviens, moi, lors de la présentation de notre mémoire à la création du régime en 1996, on avait reproché la précipitation avec laquelle le projet de loi a été présenté puis le peu de temps à notre disposition à ce moment-là, puis on aurait aimé avoir un moratoire d'un an sur le projet pour bien fouiller cette question-là. En février 2000, lors de l'évaluation générale du régime, on trouve que le ministre, à ce moment-là, a battu des records, parce qu'il a fait connaître ses pistes de solution à peine huit jours avant la remise des mémoires.

Et nous souhaitions à ce moment-là qu'un groupe de travail mette l'épaule à la roue et produise une analyse détaillée du régime dans tous ses aspects scientifiques, thérapeutiques, économiques et sociaux, et on trouve qu'il n'y a pas grand-chose qui a été fait. Là, le ministre nous a annoncé, il y a quelques semaines, ses intentions de modifier le régime général d'assurance médicaments, et c'est à quelques jours d'avis seulement qu'on a mis notre monde à l'oeuvre là-dessus. Et ce qu'on veut soulever ici, c'est qu'une question aussi importante qu'un régime qui est à caractère universel puis les modifications qu'on doit y apporter, ça ne peut pas être fait à la pièce puis ça ne peut pas être fait à la va-vite.

En 1996, on vous disait déjà que les coûts du régime n'étaient pas contrôlés et que, s'ils n'étaient pas contrôlés de façon efficace dès les premières années, cela pourrait entraîner un risque réel d'éclatement du régime. Je pourrais vous dire qu'on en est presque là, et nous, à la FTQ, ça nous fait mal, parce que la plupart de nos membres sont couverts par des régimes collectifs qu'on a négociés à travers les années, qui contribuent à l'état de santé de l'ensemble de la population québécoise, et, lors de la création du régime général, on a accepté, nous, même si ça n'apportait rien à nos membres ou pratiquement rien à nos membres, sauf quelques-uns très, très rares, parce qu'on avait déjà des bonnes couvertures de régime, on savait que ça augmentait nos cotisations d'assurance de 5 % puis on a appuyé ça, parce qu'on disait: On va couvrir tout le monde, ceux qui sont au salaire minimum puis qui n'ont pas les moyens à l'heure actuelle. Mais, si on fait ces efforts-là, en même temps on veut être écouté puis on veut avoir un régime qui va passer à travers le temps puis qui va avoir une certaine pérennité.

Dans les solutions que vous nous proposez aujourd'hui, on a une augmentation de 9,6 %, qu'on trouve extrêmement importante, et une coassurance, là, si on la regarde bien ? puis on pense qu'on ne se trompe pas dans nos calculs, on l'a fouillé puis on l'a refouillé ? on pourrait se ramasser dans cinq ans avec une coassurance qui serait rendue autour de 40 ou 45 % au lieu de 25 %. C'est extrême, ça, et, si on se trompe dans nos calculs, dites-nous-le, mais on pense qu'on ne se trompe pas. Ça fait qu'on sait qu'il y a des problèmes, qu'il y a des données alarmistes autour de ça, puis nous, on pense qu'il faudrait faire une nouvelle évaluation puis regarder vraiment ce qu'il est possible de faire.

n(20 h 40)n

C'est vrai que, dans votre proposition, vous épargnez les prestataires d'assurance emploi, les personnes âgées recevant la prestation maximum de supplément du revenu, mais les autres, là, ceux et celles qui ont un petit salaire, les personnes âgées avec un petit supplément ou sans supplément, ceux et celles qui se voient refiler la facture d'une hausse des primes de la coassurance dans les régimes respectifs, on peut penser facilement que ça va diminuer sérieusement leur accès aux médicaments mais aussi au régime collectif. Pour nous autres, l'accès aux services de santé, ça englobe l'accès aux médicaments nécessaires. Il me semble qu'au Québec, là, ça devrait être un droit fondamental, puis on ne devrait plus être obligé d'exercer un choix entre manger et acheter ses médicaments. Et malheureusement, ça va être le cas.

Nous pensons qu'il est possible de gérer une partie des coûts en surveillant, par un nouveau Conseil du médicament, l'opportunité d'inscrire un nouveau produit en retenant le critère d'accès raisonnable et équitable et par un suivi renforcé de l'utilisation des médicaments. Mais nous croyons qu'une des tâches fondamentales, c'est de mettre en place une véritable politique du médicament pour tout le Québec. Et là-dessus, moi, il y a un élément qu'on avait soulevé à la commission parlementaire, au moment de l'entrée en vigueur du régime, c'était le fait que le gouvernement devait se servir de son pouvoir d'achat, un certain rapport de force, pour faire en sorte que le coût des médicaments au privé soit ramené au même coût que le public. On évalue, avec ce qu'on a lu un peu partout, une réduction, à ce moment-là, des coûts des médicaments pour le privé de 9 % ? 9 %. Et on ne comprend pas que ça ne se fasse pas. On ne comprend pas que ça ne se fasse pas. On l'aurait soulevé au moment de la commission Clair, qui parlait de... qui reprenait l'ensemble des problèmes dans le service de santé au Québec, et ça n'a pas été retenu non plus à la commission Clair. Et dans une rencontre que j'avais avec M. Clair, je demandais pourquoi ce n'était pas retenu.

Ce n'est peut-être pas exact, ce que je vais vous dire, mais, moi... on voudrait avoir un peu plus de transparence autour de cette question-là puis voir exactement où on s'en va. Il nous a répondu textuellement: Les médicaments au Québec, les médicaments au Canada sont moins chers qu'aux États-Unis, et il y a même des représentants à la Chambre des représentants, aux États-Unis, qui menacent des fois d'introduire un projet de loi, parce qu'ils prétendent que les grandes sociétés américaines vendent leurs produits, leurs médicaments moins chers au Canada puis au Québec, puis il y a une menace. Donc, si on se servait de notre rapport de force, au niveau public, pour encore diminuer la qualité des médicaments, on serait dans le trouble. Bien, si c'est vrai, qu'on le regarde attentivement; si ce n'est pas vrai, c'est autre chose. Mais je vois que... Dans le rapport, on cite, par exemple, le rapport Lauzon qui dit que les coûts des médicaments auprès de ces entreprises-là sont trop élevés. Il faudrait qu'on fasse le vrai débat puis qu'on sache où on s'en va, là-dessus. Nous, à la FTQ, on pense que le gouvernement devrait se servir de son rapport de force et diminuer le coût des médicaments.

On pense aussi que les taxes sur les primes, la taxe de 9 % entre autres, devraient être abolies. Et là on ne rêve pas en couleur, là ? vous allez me dire: À quelle place qu'on va prendre l'argent? ? on sait que l'argent ne pousse pas dans les arbres. Mais il y a beaucoup de pression, à l'heure actuelle, beaucoup de pression sur nos régimes d'assurance, nos régimes négociés. C'est de plus en plus difficile ? de plus en plus difficile ? de négocier des régimes d'assurance, ce n'est quasiment plus négociable, parce que les coûts sont à la hausse, il y a des taxes par-dessus, et là on va faire péter le régime public, mais on va aussi avoir des difficultés dans nos régimes privés.

Puis on est conscients, là. Nous, on dit que le coût des primes devrait augmenter de 2 %, soit l'augmentation du coût de la vie. On est conscients que c'est insuffisant, on est conscients qu'il y a d'autres choses à faire. Mais, si vous regardiez la question des... cette taxe-là, entre autres, de 9 %, l'enlever, la mettre ailleurs ou la faire de façon plus générale, mais enlever un peu de pression sur les régimes d'assurance. Ça crie au secours dans nos rangs, ça crie au secours partout, dans nos syndicats, puis c'est un sujet, à chaque fois qu'on a une instance dans la centrale, c'est un débat: Qu'est-ce qu'on est en train de faire avec nos régimes d'assurance? Ça nous prend de l'oxygène à ce niveau-là, puis il faut être capable de le trouver collectivement. Puis encore une fois, bien, je suis convaincu que c'est un déplacement d'argent, globalement, mais il faut être capable de trouver une solution à ça.

Donc, je reprends très, très rapidement l'ensemble de nos recommandations. Nous, on pense que c'est le respect des principes d'équité et de solidarité. Il faut maintenir la coassurance à 25 %, on pense que c'est assez, et aller au-delà de ça, c'est dangereux. Bon, il y a 35 millions qu'on dit qui échappent, là, en prime. On devrait simplifier les règles, puis on est d'accord d'aller chercher ce 35 millions là qui normalement devrait être payé. O.K. pour le Conseil du médicament, mais avec un vrai mandat d'élaboration d'une politique de médicaments. Il faut en parler, de la politique de prix, le plus bas, de référence, qu'on vient de discuter, médicaments brevetés versus génériques; la durée des brevets; l'étude d'impact du prix des nouveaux médicaments; politique de suivi de l'utilisation des médicaments; critères de décision d'inscription des médicaments sur la liste.

Contribution de l'industrie à un fonds? Bien, oui, on est d'accord, mais encore, je vous ramène encore au niveau de... Nous, on préférerait l'autre solution qui est de négocier des prix vraiment plus bas pour l'ensemble des médicaments, et ça, c'est beaucoup plus que ce qu'on peut retrouver dans ces fonds-là. En gros, c'est nos recommandations.

Et, face aux difficultés de financement actuelles, là, on est contre la hausse généralisée de 9,6 %. Si on arrivait avec ça demain matin, je pense qu'on est en difficulté, puis la coassurance, 25 à 27,4 mais ensuite une possibilité de se rendre à 40 ou 45... je pense que, la coassurance, on devrait être très, très, très strict, très rigide là-dessus, la maintenir au niveau qu'elle est là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Massé. M. le ministre, à vous la parole.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier, M. Massé, Mme Audet, M. Bellemarre, pour votre présentation ici, ce soir. Bon, ce que vous nous dites... Je pense, d'abord, là, qu'on va regarder la question de la différence des prix des médicaments entre les régimes privés et publics. On n'avait jamais, je pense, cru bon d'intervenir, étant donné qu'il y a un régime privé, il y a des compagnies pharmaceutiques et des pharmacies communautaires privées. Mais peut-être que, effectivement, il faudrait intervenir pour peut-être venir appuyer les compagnies privées. Donc, je pense que ce sera quelque chose peut-être qu'il faudrait effectivement regarder.

Maintenant, là où j'ai un petit peu de difficultés à suivre, là, c'est que vous nous dites... si je comprends bien, vous, vous n'êtes pas pour un régime universel public.

M. Massé (Henri): Ça, là-dessus, lorsqu'on a présenté notre mémoire au moment de l'entrée en vigueur du régime, on était pour un régime mixte, le régime qu'on a là. D'abord... puis on a des débats encore dans nos instances: devrait-il être un régime universel ou... À date, là, on a réussi à continuer le débat tranquillement, pas de tourner les angles trop rapidement. D'abord, il a combien d'années, le régime? Trois ans? Cinq ans? Bon. Cinq ans. Quand on embarque dans quelque chose, il faut faire attention pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, là. On commence là-dedans, il y a peut-être des ajustements à amener plutôt que de dire: On va tout virer ça à l'envers.

Il y avait une autre question qui nous préoccupait aussi sur la question du régime mixte: Si on avait un régime universel au niveau de l'assurance médicaments, qu'est-ce qui arrive avec nos compagnies d'assurances au Québec? Il y en a deux, trois, des québécoises, là. On se les pose, ces questions-là. Il y a des emplois là-dedans au Québec, 7, 8 000 emplois. Question qu'on est obligé de regarder puis attentivement. On ne dit pas qu'on ne devrait pas arriver à un régime universel. Et à la FTQ, encore une fois, on a un débat là-dessus, c'est partagé. Mais je dirais que, majoritairement, le monde disent: Y a-t-il moyen de donner une chance au régime mixte, de corriger les affaires qu'on doit corriger, puis de le faire vivre? Et là, bien, si ça ne marche pas, c'est bien sûr...

Mais c'est pour ça, quand je reviens sur le prix des médicaments publics/privés, nous, chez nous, on le considère quand même... même si c'est un régime mixte, on le considère comme un régime universel. Parce que, encore une fois, on n'en avait pas demandé, nous autres, pour notre monde, parce qu'on avait déjà des régimes d'assurance. Quand on a embarqué là-dedans, c'est parce qu'on trouvait qu'il y avait trop de monde au Québec qui n'étaient pas assurés puis que ça n'avait aucun bon sens. Ça fait que, quand on le regarde dans sa philosophie ? lâchons les technicalités puis les colonnes de chiffres ? quand on le regarde dans sa philosophie même, c'est un régime universel mais qui est mixte. Mais on vise à couvrir tout le monde.

M. Legault: Mais à partir du moment où on décide de garder les régimes privés, ce que vous nous faites comme recommandation, c'est de ne pas augmenter les primes dans le régime public. Donc, ce que ça veut dire, on sait que, bon an, mal an, dans les dernières années ? puis on prévoit que ça va être la même chose dans les prochaines années ? il y a eu une augmentation d'environ 15 % par année du coût des médicaments surtout due, pour 70 %, à l'augmentation de la consommation des médicaments. Si on n'augmente pas les coûts du régime public, finalement, on va se trouver à faire payer deux fois vos employés dans vos syndicats qui ont des régimes privés, parce que les augmentations de 15 %, elles vont être assumées dans les régimes privés, et le régime public, si on décide qu'on le finance à même le fonds général, avec les impôts de tout le monde, ça veut dire que vos employés, qui sont dans vos syndicats et qui ont des régimes privés, vont payer deux fois: ils vont payer pour leur assurance puis ils vont payer leur part pour l'assurance de ceux qui sont dans le régime public. C'est là que j'ai de la misère à suivre votre proposition.

n(20 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Bellemarre.

M. Bellemarre (Réjean): Effectivement, à la longue, c'est ce qui arriverait. Ce qu'on a demandé, nous, la dernière fois, en l'an 2000, c'est d'avoir une étude complète du régime d'assurance médicaments, y inclus son inscription dans l'offre de services en soins de santé au Québec. On ne pense pas que le régime d'assurance médicaments doit être pris de façon très comptable ? on regarde nos revenus, nos dépenses, on essaie d'équilibrer ? mais doit être ramené dans les soins de santé. Et, avant de se prononcer pour l'évolution d'un régime mixte, une évolution plus universelle vers un régime, on pourrait parler d'expériences communes des régimes privés et publics, on pourrait parler de transferts d'un régime à l'autre. Il y a différentes formules, mais on ne regarde pas le régime dans sa globalité, on regarde tout le temps l'exercice comptable: Est-ce qu'on est capable d'équilibrer les rentrées et les sorties de fonds dans le régime public? Et ça arrive à des aberrations semblables.

On ne pense pas que les gens vont pouvoir ? les retraités, les bas revenus ? suivre des hausses de 16 % par année ou même des hausses de 9 %. Puis, dans le cas de la coassurance, le 40 % dont on parle, c'est tout simplement dans les autres suggestions ou autres mesures qui étaient annoncées dans le document du gouvernement. On parle d'une indexation annuelle sans parler vraiment de la formule, mais, si on applique la même formule à 9 % par année, on est à une coassurance de 40 % dans cinq ans. Et, pour nous, ce n'est pas la voie, on s'en va vers un cul-de-sac. Il faut réfléchir sur tout le concept même du régime et comment il s'intègre avec les régimes privés.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Mais il n'y a pas quelque part un problème d'équité? Parce que quand un employé, dans une entreprise, s'en va négocier avec, disons, la FTQ pour son ensemble de conditions de travail, c'est certain qu'il y a une enveloppe sur la table. L'employeur, s'il doit assumer 15 % d'augmentation pour les primes de l'assurance médicaments, bien, c'est de l'argent de moins qui va arriver comme augmentation de salaire. Donc, l'employé dans l'entreprise va assumer cette hausse-là, indirectement, du coût des médicaments. Est-ce qu'il n'y a pas un problème d'équité si l'employé qui a un régime privé assume indirectement la hausse et conduit les autres qui ont un régime public... Là, on le sait, au Québec, il y a 4,2 millions de personnes qui ont un régime privé, 3,2 millions qui ont un régime public.

Mais, est-ce qu'il n'y a pas un problème de dire: Ceux qui ont un régime privé, on va leur faire assumer la hausse indirectement dans leurs négociations de conventions collectives, mais ceux qui sont sur le régime public, ils n'auront pas d'augmentation, puis ça, bien, c'est tous les Québécois qui vont payer via leurs impôts et leurs taxes? Est-ce qu'il n'y a pas un problème d'équité en refusant l'augmentation dans le régime public?

M. Bellemarre (Réjean): Si vous permettez, il y a déjà un problème d'équité avec le fait que ces régimes, dans le privé, sont taxés. Il y a déjà un problème d'équité parce qu'on paie les médicaments plus cher. C'est deux mesures qu'on demande de corriger. Donc, il y a un peu de variation. On pourrait améliorer la situation des régimes privés en éliminant la taxe sur les régimes privés et en éliminant le double prix sur les médicaments. Ça nous donnerait un peu de jeu, le temps de revoir le régime. On pense vraiment qu'on a besoin de regarder le régime dans sa globalité. Mais, pour ce qui est du court terme, assommer les gens avec une augmentation de 9 %, on pense qu'on doit aller vers d'autres issues, et ce n'est pas... À long terme, on pense que c'est non vivable de s'en aller vers ce chemin-là.

M. Legault: Mais qu'est-ce que ça peut être... Juste pour me donner une idée, là, ça peut être quoi, les autres issues, là? On dit: Il y a une augmentation à chaque année de 15 % du coût des médicaments. Au Québec, aux États-Unis, dans tous les pays, il y a une augmentation de 15 % par année. On dit: On veut regarder d'autres pistes, on ne veut pas augmenter les primes ou les contributions des cotisants sur le régime public. C'est quoi, les autres pistes que vous voyez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Audet?

Mme Audet (Monique): Oui, je vais essayer de répondre. Bien, c'est-à-dire que, là, on dit: Actuellement, on observe une hausse des prix des médicaments de l'ordre de 15 %. Nous, on dit... Dans votre document, vous dites: Si on ne change rien, c'est à une hausse comme ça qu'on va s'attendre dans les prochaines années. Nous, on dit: Bien, si on agit, ce n'est peut-être pas à des hausses de 15 % qu'on va assister dans les prochaines années. Donc, nous, ce qui nous fait beaucoup peur, c'est de dire: Aujourd'hui, on va, dès maintenant, inscrire dans la loi une politique d'indexation dont on ne définit pas les indices de référence. Et nous, c'est à partir de vos hypothèses, du fait que vous dites qu'on peut s'attendre à la même augmentation dans les années qui viennent, qu'on en arrive à des pourcentages aberrants comme 40 %.

Nous, on dit: On pense qu'on peut agir aujourd'hui, dans les années qui viennent, pour faire en sorte qu'on n'assistera pas à une augmentation de 15 % des médicaments. On pense que... Enfin, on n'a pas la réponse complète mais, si on arrivait à définir effectivement une vraie politique du médicament qui considère le médicament non pas en vase clos, comme ça a été dit souvent aujourd'hui, mais plutôt dans l'ensemble du système de santé, en tenant compte des économies directes et indirectes que l'administration des médicaments occasionne, bien, si on considère que le gouvernement peut utiliser son pouvoir de négociation pour imposer des prix plus bas partout, bien, on dit: Peut-être qu'on va agir, on va réussir à agir pour faire en sorte que le prix des médicaments va augmenter beaucoup moins qu'on peut le penser aujourd'hui. Et donc, c'est sûr que ça ne se fera pas en criant lapin, que c'est une question qui va prendre peut-être une, deux, trois années, mais on pense qu'on préfère dire: On mise là-dessus, sur un véritable travail du Conseil du médicament, qu'on appuie par ailleurs, et sur la formation et sur les séries de mesures qui sont mises de l'avant dans le projet pour dire: Attendons avant de, bon, canner ? pour utiliser un terme ? les choses puis de faire en sorte que ce qu'on est en train de faire, c'est de risquer de faire éclater le régime plutôt que de l'améliorer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: La question des prix, là, vous avez dit tantôt que dans le régime privé, effectivement, parfois les prix sont peut-être plus élevés. Je ne sais pas si c'est 9 %, ça semble beaucoup.

Une voix: Bien, c'est ça qu'on dit.

Mme Audet (Monique): En 2000.

M. Legault: Mais dans le régime public, parce que c'est dans le régime public que vous recommandez de ne pas augmenter ni les primes ni les contributions, dans le régime public, on a fait des analyses et on est convaincu qu'il n'y a pas des prix plus élevés au Québec qu'ailleurs dans le monde au niveau du prix des médicaments.

Or, comment peut-on penser qu'au Québec, 7,5 millions d'habitants, on va réussir à convaincre les compagnies pharmaceutiques mondiales, qui sont toutes des internationales, de nous offrir des prix plus bas? Est-ce que vous pensez que c'est réaliste de viser un objectif comme celui-là?

M. Massé (Henri): Bien, on pense que c'est réaliste en partie. C'est un régime, encore une fois, même si on dit que c'est un régime mixte, c'est un régime que je considère comme universel. Si le gouvernement se sert de son pouvoir d'achat, certains rapports de force, on pense qu'on peut négocier des prix qui sont mieux que ça pour les médicaments.

Mais la question, M. le ministre, qu'il faut se poser puis qu'on se pose, nous autres, là, je vais être franc, je vais vous la poser directe: Moi, je pense que... Quand on regarde les solutions que vous mettez sur la table, je suis convaincu que, si on avait eu ces solutions-là du gouvernement ? parce qu'on l'a dit au début, nous autres, quand on a mis le régime sur pied: Attention, on va trop vite puis on pense qu'il y a des coûts qui sont mal évalués ? si on avait ces données-là, si on avait eu ces données-là, il y a cinq ans, puis on avait dit au monde: Voici où est-ce qu'on s'en va avec le régime d'assurance médicaments, je pense qu'on n'aurait pas de régime d'assurance médicaments. Le monde aurait décidé: non.

Et là on est face à ça: Qu'est-ce qu'on trouve comme solution? On peut bien faire une espèce de fuite en avant puis dire: Bien là on va augmenter la coassurance, on va augmenter les primes de 9 % par année. Quand est-ce qu'on va arrêter? On va arrêter... Puis, moi, je considère... Je suis convaincu qu'on va arrêter ce ne sera pas trop, trop long. Il va y avoir un mécontentement énorme autour de ça.

Et là on dit: On ne veut pas refiler la facture complètement au gouvernement puis dire... Ce n'est pas ça qu'on est venu vous dire à soir; encore une fois, on sait que l'argent ne pousse pas dans les arbres. On a dit: Bon, on est prêt... la coassurance, il ne faut pas y toucher; augmentons les primes autour de 2 % par année. On vous dit ça en commission parlementaire, mais on est convaincu qu'il va falloir les augmenter un peu plus que ça.

Le privé, on peut faire nos efforts aussi en disant... Bon, c'est pour ça qu'on vous demande un peu d'air puis un peu d'oxygène du côté des assurances, ce qui pourra être pris de façon plus globale mais, au moins au niveau des régimes d'assurance, on va dégager un petit peu de marge de manoeuvre puis on va enlever de la pression sur le système. Il y a une pression féroce à ce moment-ci. Et, si on ne fait pas ça, bien, moi, je pense qu'on n'ira pas très, très loin dans l'autre voie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste deux minutes, M. le ministre.

M. Legault: Deux minutes. Bien, peut-être, d'abord, un commentaire. Quand vous dites: Peut-être qu'il y a cinq ans, si on avait connu les coûts d'aujourd'hui, on n'aurait pas mis en place ce régime-là. Je ne suis pas d'accord. On a besoin d'un régime comme celui-là parce qu'aujourd'hui il y a des médicaments qui coûtent 10 000, 20 000, 50 000 $ par année, donc on ne peut pas se permettre d'avoir des personnes qui, parce qu'elles sont malades, se retrouvent en faillite parce qu'elles n'ont pas l'argent pour payer leurs médicaments. Il faut avoir un régime d'assurance public. En tout cas, je pense que tous les groupes sociaux qu'on a vus, même ils trouvent que le régime est tellement bon qu'on devrait même avoir un régime universel.

Mais je ne pense pas que la question, c'est de savoir: Est-ce qu'on devrait ou non avoir un régime? La question, c'est de dire: Il y a une augmentation des coûts de 15 % par année. Ça, c'est un fait de la vie. Puis, quand on parle de fuite en avant, je pense que c'est plus de la fuite en avant, justement, de se dire: On va continuer d'analyser ça, d'analyser ça. Je veux dire, à un moment donné, on a beau l'analyser sur toutes les coutures, il reste que partout dans le monde, dans tous les pays, il y a une augmentation de 15 % par année. Les prix au Québec, dans le régime public, ne sont pas plus chers qu'ailleurs dans le monde. À un moment donné, il faut faire face à la réalité puis décider: Est-ce que c'est le gouvernement qui paie? Quelle partie il paie? Est-ce que c'est les cotisants qui paient? Quelle partie ils paient? Et c'est là que ça devient une question d'équité aussi, parce que vos employés, là, les 4,2 millions d'employés qui ont un régime privé, ils ont, eux autres, à payer le 15 % à chaque année. Donc, il faut être équitable avec ce monde-là aussi, tu sais. C'est comme ça qu'on le voit.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Massé.

n(21 heures)n

M. Massé (Henri): Oui, mais, moi, là, je ne suis pas en train de remettre en doute la nécessité d'une assurance médicaments; ce n'est pas ça du tout, là. On est convaincus puis on l'a dit, là. On a appuyé ce projet-là, malgré que ça n'apporte rien à nos membres, puis on a accepté de payer plus cher, malgré que ça n'apporte rien à nos membres.

Mais, ce qu'on dit, c'est que, au moment où on a fait ce débat-là, on a soulevé des questions très importantes, puis on s'est caché la tête dans le sable puis on n'a pas regardé les vraies questions. Et, si on avait regardé les vraies questions... L'augmentation de coûts, là: ce n'est pas d'hier, les augmentations de coûts en assurance médicaments, en assurance santé, en assurances privées de toutes sortes dans nos conventions collectives. Ce n'est pas d'hier, ça fait sept, huit ans qu'on a des problèmes énormes avec ça. Puis on est venus le dire en commission parlementaire qu'il fallait englober ça d'autres solutions plus larges.

Et, ce que je veux dire puis je vais le redire honnêtement: Si on avait mis ce régime d'assurance là avec les montants qu'on propose, les coassurances aussi élevées et des coûts aussi élevés, je suis convaincu que, politiquement, on n'aurait pas été capables à ce moment-là d'instaurer un régime mixte pour couvrir l'ensemble du monde au Québec. Mais là, aujourd'hui, une fois qu'il est instauré, on dit: Pour essayer de sauver les meubles, on va faire ça. On ne pense pas que c'est la bonne solution. On ne pense pas que c'est la bonne solution.

On dit: Il y a un changement de cap à prendre là-dedans, la politique de santé, la politique... Les médicaments, ça fait partie d'une politique générale de santé, puis il faut regarder une politique plus large. Dégagez-nous des marges de manoeuvre au niveau de l'assurance. Il va falloir regarder pour taxer un peu plus large, ailleurs peut-être, pour récupérer la taxe que vous allez perdre là-dessus. Mais donnez-nous une marge de manoeuvre. On est rendus dans un corset qui est trop, trop serré. On le vit, nous autres, au quotidien, là.

M. Legault: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, je vous souhaite la bienvenue, M. Bellemarre, Mme Audet et M. Massé. Je voudrais, dans un premier temps, vous féliciter pour votre grande franchise et votre grande honnêteté. Je pense que vous avez dit les vraies choses ce soir, et c'est très apprécié.

J'aimerais dire au ministre, en passant, que ce serait intéressant de savoir, si on n'avait pas les médicaments dans notre système actuel, combien ça coûterait dans la santé. Si les gens se ramassaient à l'hôpital, si les gens... on avait à payer pour remplacer le médicament, à des niveaux de soins médicaux, je ne suis pas certaine qu'on ferait une grande économie.

Également, quand on dit que le régime est tellement bon que plusieurs organismes voudraient le rendre universel, ce n'est pas parce qu'il est tellement bon mais c'est parce qu'il y a tellement de monde qui crève de faim que c'est pour ça qu'on veut le rendre universel; ce n'est pas tellement parce qu'il est tellement bon.

Alors, c'est vrai qu'il y a des inquiétudes au niveau de la coassurance; qu'elles montent sans cesse, les primes, les franchises et les coassurances. Ils parlent, dans le projet de loi, qu'ils vont l'indexer, qu'ils vont l'indexer, année après année, puis on ne sait pas sur quelle base ils vont l'indexer. Ça va rester au niveau du gouvernement. Ils vont décider que, par règlement, par projet de loi, l'année prochaine, on va passer de 27,5 à 30, à 32, à 34. Et vous avez tout à fait raison: Tout le monde craint, tout le monde est inquiet par rapport pas nécessairement aux chiffres auxquels on est rendus aujourd'hui, mais où va s'arrêter l'échelon, où ça va s'arrêter, la hausse des trois facteurs. Alors, les gens sont très inquiets.

Quand le régime a été mis en place, M. Massé, le ministre Rochon a dit: On va penser à faire une politique du médicament. Et là, je reviens à ce que vous dites à la page 14. Ce que je voulais vous demander, c'est: Est-ce que vous pensez que, si on était capables de savoir... Parce que, là, on gère en silo les frais médicaux et les frais hospitaliers.

Si on était capables de savoir: un, dans un premier temps, l'économie que le médicament permet d'apporter dans les autres composantes du système de santé, et, deux, si on était capables également de séparer la portion assistance puis qu'elle soit payée à même le fonds consolidé du gouvernement, et que l'assurance constitue un système d'assurance comme dans le privé, que les adhérents paient une portion de la partie assurance mais qu'on sorte de cette portion-là tous les gens qui sont des assistés, pour qui le gouvernement a toujours payé.. Alors, est-ce que vous pensez que, si on faisait cette distinction-là, ça nous aiderait, ça rendrait le système, le régime plus transparent puis plus clair? Puis est-ce que vous pensez que ça aiderait dans l'administration du régime?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemarre.

M. Bellemarre (Réjean): Bon. En partie, je pense que vous avez raison, mais on n'est pas certains. À la limite, on en parlait tantôt, c'est peut-être la partie assurance qu'il faut faire disparaître, puisque, dans... On parle d'un régime universel d'assurance santé qui inclut les médicaments. Et donc, si on élimine la partie assistance qu'on donne au gouvernement et qu'on garde un régime d'assurance public qui se veut comme les autres, on va quand même faire face à des hausses, et, tranquillement, il y a de plus en plus de gens pauvres ou qui sont à la marge qui vont tomber dans la partie assistance. Là-dessus, je partage l'opinion... À moins qu'il y ait des gros changements, les coûts des médicaments vont continuer à augmenter, et il faut regarder ça dans son ensemble, l'économie sur les autres systèmes, et de s'assurer que tout le monde va y avoir accès dans les années qui viennent.

Est-ce que c'est la partie assurance qui va donner l'accès à tout le monde? Peut-être. Est-ce que c'est la partie assurance? On n'est pas certains encore qu'on a le meilleur système. Tel qu'il est là, il est universel et mixte, c'est bien, mais est-ce qu'il est viable à long terme? Et c'est là-dessus qu'on aimerait qu'on réfléchisse en incluant tout et non pas par silo, par pur aspect comptable mais en incluant tous les soins de santé du Québec. Ça fait que, non ? en tout cas, je peux parler pour moi, là ? mais ce n'est pas une position de la FTQ. La partie assurance me semble intéressante mais peut-être pas la solution. On aurait besoin de plus de temps pour analyser cette partie-là aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Oui. J'aimerais également revenir à la page 17. Vous parlez de la complexité du régime, et je peux vous dire que beaucoup de gens partagent le fait que le régime général d'assurance médicaments soit fort complexe. Beaucoup de gens ne le comprennent pas, même après ses cinq ans d'application. Il y a eu 30 000 heures de temps supplémentaire à la Régie pour tenter d'expliquer tout plein de choses. Parce que les pharmaciens ont décidé d'en expliquer un peu moins parce que ça devenait une tâche administrative très lourde, Alors, comment vous voyez ça, vous? Le système, est-ce que, dans votre catégorie à vous, il est fort complexe? Est-ce qu'il aurait eu avantage à être simplifié pour que les gens le comprennent plus aisément?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Massé.

M. Massé (Henri): M. Bellemarre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemarre.

M. Bellemarre (Réjean): Deux choses: sur le 35 millions, on est d'accord avec la récupération. Ce qu'on mentionnait cependant, c'est que, peut-être pour beaucoup de gens, ce n'est pas évident de comprendre s'ils ont besoin de payer ou non une prime à la fin de l'année, et, dans ce sens-là, on pense que la complexité du système lui-même fait en sorte que peut-être il y a eu beaucoup de fausses réponses au niveau des rapports d'impôts. Donc, oui, il faut aller chercher 35 millions, Il ne faut penser qu'on fait face avec autant de fraudeurs. C'est peut-être une incompréhension.

La difficulté du régime aussi vient aussi du fait que, d'une prescription à l'autre, pour quelqu'un qui ne suit pas ça de très proche, il n'aura pas le même remboursement à la pharmacie, et ça devient très complexe. On se fie aux pharmaciens pour nous rembourser, et, dans ce sens-là, le régime est complexe. C'est une réalité du régime tel qu'il est, ce qui pourrait être simplifié probablement. Coassurance, franchise, est-ce qu'on devrait en éliminer un des deux puis se concentrer sur l'autre? Ce n'est pas évident, cependant. Mais il est complexe; pour être complexe, il est complexe.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Vous parlez également, à la page 21, du partenariat avec l'entreprise pharmaceutique et vous dites: Les mesures qui ont été prises, nous les trouvons très timides. Et, par ailleurs, le ministre, lui, il pense qu'avec des mesures de ce genre-là il va être capable d'économiser au régime général d'assurance médicaments, en tout cas, d'amener... il anticipe qu'il va aller chercher des économies de 90 millions de dollars, ce que l'entreprise pharmaceutique est loin de... elle ne s'engage pas dans cette avenue-là. Elle, elle s'est engagée par rapport aux 13 millions, là, par rapport à des revues d'utilisation.

Mais le chiffre de 90 millions, on n'a pas eu d'étude. Est-ce que vous pensez que, avec des mesures ou, je ne le sais pas... Est-ce que vous pensez que ce sont des mesures suffisamment strictes, suffisamment bien pensées pour qu'on aille chercher une économie qui est réelle et substantielle, là, au niveau du régime?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemarre.

M. Bellemarre (Réjean): Sur la valeur de l'économie, je ne pourrais pas non plus le dire, on n'a pas eu accès aux mêmes études, comme vous peut-être ou peut-être que vous les avez vues. Mais le type de mesures prises dans ce point-là, dans cette orientation-là nous semble beaucoup plus prometteur que d'augmenter les primes, d'augmenter la coassurance.

À notre point de vue, on parle de mesures timides, parce qu'on pense qu'il y a beaucoup plus d'argent des compagnies pharmaceutiques qui est présentement dirigé vers le marketing pour les médecins, qui pourrait être utilisé pour faire des études globales d'utilisation des médicaments, des études sur leur performance, sur la formation des médecins, une formation plus neutre qui viendrait d'un organisme gouvernemental. On pense qu'il y a beaucoup plus d'argent à aller chercher là pour des mesures semblables et, oui, qui devraient amener une meilleure utilisation des médicaments et une réduction du coût.

Une voix: ...aurait un complément de réponse, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Audet.

Mme Audet (Monique): Oui. Bien, moi, je voudrais juste dire que... Enfin, ce n'est pas une réponse, mais ça ajoute au fait qu'on trouve que c'est encore précipité puis qu'on manque de données et d'études.

Moi, quand j'ai lu les transcriptions des débats de la commission des affaires sociales du 18 avril dernier, j'étais très contente de voir le ministre dire des choses, que je vais rapporter, là, mais qui ont une incidence qu'on ne connaît pas mais qu'on voudrait bien connaître.

n(21 h 10)n

Le ministre s'interrogeait lui-même sur le fait, par exemple, que... Bon. Il disait: «Les compagnies pharmaceutiques ont peut-être une responsabilité dans le dossier de l'augmentation du coût des médicaments.» En fait, il était en train de les interpeller. «Les compagnies pharmaceutiques font peut-être trop de promotion pour certains médicaments, essaient peut-être d'inscrire des médicaments qui n'apportent pas vraiment de valeur significative, essaient de convaincre les médecins de prescrire davantage», etc.

Alors, ces questions-là, on se les pose, et, ce qu'on trouve, c'est qu'il serait intéressant d'avoir la réponse à ces questions-là avant de prendre des décisions qui sont, disons, fondamentales et qui bouleversent un peu trop, à notre goût, le régime.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Audet. M. Massé.

M. Massé (Henri): Il y a toute la question de politique de prévention. On va peut-être dire: Vous rêvez en couleur, mais on ne s'est jamais donné une véritable politique de prévention en santé, au Québec; on l'a toujours déploré.

Il y a quelques années, moi, j'étais en Argentine, et il ont des hôpitaux de guerre, tu sais. Je pense que je n'enverrais pas opérer ma chatte dans un hôpital, là-bas. Et la technologie, là, moi, j'ai vu des dortoirs pour les médecins. On n'a même pas ça dans nos camps de bûcherons; c'est mieux que ça.

Mais, sur la politique de prévention, ils mettaient les bouchées doubles. Quelqu'un qui fait du cholestérol quelque part ou du diabète, ils passent la famille au complet puis ils regardent ça puis ils regardent les habitudes alimentaires. Moi, je fais un peu de cholestérol. Je passe chez mon médecin il y a un an et demi: Bon, il y a un nouveau médicament pour le cholestérol. On me l'a offert. J'ai dit: Bon, ça a-tu des effets secondaires? Ils ont dit: Bien, c'est dur sur le foie, un peu. Je suis reconnu pour un gars qui taxe déjà son foie pas mal; j'ai laissé ça de côté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Puis j'ai continué mon régime, puis je n'en fais pas, de cholestérol, aujourd'hui. Mais, tu sais, toute la politique de prévention ? puis on n'y reviendra jamais assez ? ça fait partie aussi des coûts de santé. Je ne veux pas dire pour demain matin, là, puis dans un an, un an et demi. On aurait l'air simplistes de dire ça. Mais, là aussi, il y a des coûts à sauver à long terme, puis ça, on passe au côté. C'est pour ça qu'on dit... Il faut le regarder dans le cadre d'une politique globale, aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Massé. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Brièvement, parce qu'il reste peu de temps. Je pense qu'il y a un certain nombre de choses sur lesquelles on est tous d'accord. Un, le principe d'avoir un régime qui permette d'avoir un accès aux médicaments. Je pense que vous êtes d'accord là-dessus. Deuxièmement, que le régime est mixte, c'est-à-dire privé et public. Je pense que vous réfléchissez. On est à peu près un peu d'accord.

On distingue entre deux problèmes: il y a le problème du coût du médicament ? vous avez rajouté un troisième qui est le problème de la prévention, mais on va le laisser de côté ? puis, après, l'autre, c'est, dans le régime d'assurance, comment on partage les responsabilités et les coûts.

Vous avez éliminé rapidement, M. Bellemarre, tout à l'heure la question qui a été posée par ma collègue de Laviolette. Est-ce que vous ne pensez pas à l'heure actuelle qu'il y a une injustice un petit peu dans les coûts? Vos employés des régimes privés contribuent dans un régime. En plus, ils sont surtaxés de l'ordre de 900 millions de dollars, parce qu'il y a une prime sur le 9 milliards, à peu près, de plus qu'ils paient. De l'autre côté, il y a le régime public qui augmente, on se comprend, et puis il y a les gens qui sont assistés, c'est-à-dire qui ne paient pas.

Si on avait un régime public où le gouvernement devrait payer au régime public l'équivalent des contributions des personnes où, socialement, on choisit qu'elles ne doivent pas payer leur contribution... C'est normal. Je ne suis pas en train de dire qu'elles doivent payer, on se comprend bien, mais on dit: L'État paie leur contribution. Et, d'un autre côté, je suis d'accord avec vous, la taxe de 9 % est une partie injuste de ce côté-là; elle taxe indûment le régime public.

Autrement dit, si notre travail ne serait pas plutôt, d'un côté, de trouver un équilibre dans les gens qui contribuent au régime d'assurance médicaments, puis, l'autre problème, c'est comment contrôler les coûts des médicaments, ce qui est un problème différent. Je comprends, la prévention en est un, le partenariat avec les compagnies pharmaceutiques en est un autre, l'auto-éducation en est un autre moyen, le Conseil des médicaments peut être un moyen, quoique je commence à en douter, mais, enfin, on pourrait en débattre.

Mais, strictement sur... Vous ne croyez pas qu'à un moment il s'agirait d'établir la réalité des coûts dans ces régimes d'assurance au moment où on accepte qu'il doit être universel, qu'il doit couvrir tous les besoins de tout le monde mais qu'il soit plus équitable qu'il n'est actuellement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemarre.

M. Gautrin: Et j'ai trouvé un peu bizarre, M. Bellemarre, que vous aviez un peu de réticence face à ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemarre.

M. Bellemarre (Réjean): Plus ou moins. D'entrée de jeu, on a dit qu'on appréciait énormément toutes les propositions du ministre, qui étaient le gel des coûts pour les personnes en difficulté. Donc, c'est d'avoir une partie assistance subventionnée par l'État; ça, on est plutôt... On est pour, on l'a dit dès le départ.

M. Gautrin: Je me permets de vous interrompre. Il n'est pas subventionné par l'État. Parce que, en même temps, le discours du gouvernement est de dire: Il faut que le régime soit autofinancé. Lorsque vous dites que le régime est autofinancé, le programme d'assistance est payé en quelque sorte par ceux qui contribuent, qui n'ont pas un régime privé. Si le régime est...

M. Bellemarre (Réjean): En tout cas, à moins de me tromper, j'ai vu des hausses de...

M. Gautrin: Je m'excuse, on aura le débat là-dessus. Si le régime doit être autofinancé, il faut bien que quelqu'un le paie. Ne me dites pas non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il nous reste une minute et demie.

Des voix: ...

M. Gautrin: Est-ce que vous êtes prêts à remettre dans la caisse l'équivalent? Actuellement, vous vous plaignez à chaque fois parce que vous avez un déficit.

M. Legault: C'est ce qu'on fait.

M. Gautrin: Vous payez actuellement 74 millions, et, en disant: On a un déficit et que le gouvernement...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il nous reste une minute, monsieur.

M. Legault: 1 352 000 000 $.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun, il nous reste une minute. Alors, si vous voulez poser votre question, il nous reste une minute.

M. Gautrin: Non, mais je continue, là. C'est...

M. Massé (Henri): Je commençais à être content. Je pensais qu'on avait réussi à sacrer la chicane.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: On y arrivera; ne vous inquiétez pas.

Mme Boulet: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bellemarre (Réjean): Non. De façon générale, ma réponse tantôt n'était pas au fait que le régime de la partie assistance n'était pas pris en charge par le gouvernement; je crois qu'il y a des mesures dans ce sens-là. Mais c'était au fait que la partie assurance s'en allait vers un cul-de-sac si on ne travaillait seulement qu'à équilibrer les revenus et les dépenses, et qu'il fallait regarder plutôt les autres mesures annoncées par le gouvernement qui étaient d'inclure les compagnies, d'aller vers une meilleure utilisation des médicaments et de regarder... surtout dans notre cas, le gros point, c'est de regarder le régime universel d'assurance médicaments dans le cadre d'une offre de santé aux Québécois et aux Québécoises.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps mis à notre disposition est écoulé, malheureusement. Alors, M. Massé et Mme Audet et M. Bellemarre, merci d'avoir accepté de participer à cette commission.

M. Massé (Henri): Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 21 h 17)

(Reprise à 21 h 19)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Verdun, à l'ordre!

Alors, nous poursuivons nos travaux avec les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

Je vous salue. entre autres, M. Patrick Delisle. J'apprécierais si vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, je vous cède la parole.

Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes inc. (ACCAP)

M. Millette (Yves): Alors, je suis Yves Millette. C'est moi qui préside la délégation; je suis vice-président principal aux affaires québécoises de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. M'accompagnent ce soir M. Patrick Delisle qui est directeur principal Ventes, Réseau collectif, Groupes publics et parapublics chez Desjardins Sécurité financière, et, à ma gauche, M. Claude Leblanc qui est vice-président régional, région de l'est, pour l'Assurance collective, à la Financière Sun Life.

Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, les assureurs de personnes sont favorables au projet de loi n° 98, dans l'ensemble. Il s'agit à notre avis d'un projet responsable.

Les paramètres de contribution au régime ont été revus dans le but de favoriser un financement adéquat. Les mesures proposées pour essayer de contenir la hausse des coûts ainsi que le mode de financement nous semblent orientées dans la bonne direction.

n(21 h 20)n

Au Québec, grâce au régime général d'assurance médicaments, aucune personne malade ou à faible revenu ne se voit privée des médicaments que requiert son état de santé.

On peut donc affirmer sans l'ombre d'un doute que le régime a atteint son objectif principal qui est d'offrir un accès universel aux médicaments.

La principale force du régime d'assurance médicaments réside en son caractère mixte public-privé, comme l'a d'ailleurs démontré le rapport Montmarquette. En effet, des sommes considérables sont prélevées à même les régimes privés. Elles sont perçues sous forme de taxe sur les primes d'assurance médicaments, de taxe de vente et d'impôt sur l'avantage que constitue la contribution des employeurs à la prime d'assurance médicaments de leurs employés.

Ces sommes sont évaluées à plus de 300 millions de dollars seulement pour l'année 2000, et ces revenus ? on aime bien le rappeler ? croissent au même rythme que les coûts du régime, c'est-à-dire d'à peu près 15 % par année.

Cet argent représente une importante contribution des assurés des régimes privés au fonds consolidé et donc à la partie assistance du régime. Évidemment, ça s'ajoute aux autres impôts que les gens du secteur privé vont payer, comme tous les autres citoyens du Québec.

De plus, comme le précise d'ailleurs le rapport Montmarquette, la cotisation des employeurs au régime d'assurance médicaments de milliers de travailleurs permet de libérer des ressources publiques et donc d'offrir une couverture plus complète à la population québécoise.

Un régime universel public ne pourrait trouver d'équivalence aux avantages du régime mixte actuel que dans une hausse de primes ou de l'impôt.

De son côté, l'État permet d'offrir une assistance importante aux personnes à faible revenu à même le fonds consolidé. Ce programme d'assistance, conforme à notre tradition de solidarité, permet de combler la différence entre le coût réel des médicaments que nécessite l'état de santé de ces personnes et ce qu'elles peuvent raisonnablement contribuer, selon leur capacité financière.

Cette assistance, nous l'avons exprimé à maintes reprises, doit être supportée par l'ensemble des contribuables à travers les taxes et les impôts. Il n'appartient pas à un fonds d'assurance, financé à partir des primes perçues, d'assumer cette assistance.

Cela nous amène à nos premières observations à l'égard du projet de loi.

Depuis la commission parlementaire sur les pistes de révision du régime en février et mars 2000, nous avons formulé différentes recommandations au gouvernement pour favoriser la viabilité à long terme du régime.

À l'instar de ce que préconise le rapport Montmarquette, l'un des premiers gestes à poser était, à nos yeux, de rendre le régime d'assurance médicaments plus transparent, précisément en séparant l'assurance de l'assistance fournie aux personnes démunies. Le fonds d'assurance doit recevoir des revenus suffisants pour remplir son rôle véritable, c'est-à-dire le remboursement des frais de médicaments et de services pharmaceutiques ainsi que les frais d'administration du régime.

Nous sommes heureux de constater que le projet de loi n° 98 va dans ce sens et qu'il favorise dorénavant la gestion du fonds de l'assurance médicaments selon les principes habituels d'un fonds d'assurance.

L'État compte ajouter aux sommes déjà prévues par les lois en vigueur, notamment aux primes perçues, des sommes provenant du fonds consolidé pour combler le manque à gagner dû au fait que les assurés ne paient pas tous la même prime.

Grâce à cet équilibre financier, le fonds d'assurance médicaments pourra couvrir l'ensemble des obligations prévues. Il sera également plus facile, de cette façon, d'avoir une idée précise de la situation financière réelle du fonds de l'assurance médicaments.

Le projet de loi prévoit aussi une hausse de l'ordre de 9,6 % de la participation financière des assurés du régime public cette année, une hausse qui tient compte de la capacité financière des clientèles.

Afin d'assurer une réception la plus positive possible de ces changements au sein de la population, est-il nécessaire de rappeler que le gouvernement a tout intérêt à ce que les mesures soient faciles à communiquer, à comprendre et à appliquer, et, par conséquent, le régime doit être le plus simple possible.

Il est stipulé qu'un ajustement annuel systématique des paramètres de contribution aura lieu dans l'avenir, ce qui est logique et encore une fois responsable. Le projet de loi ne précise toutefois pas sur quelle base cette révision annuelle aura lieu.

L'objectif de ces ajustements est de maintenir l'équilibre du régime, soit l'équilibre entre les revenus versés au fonds d'assurance et les dépenses qu'il doit couvrir.

Par conséquent, il nous apparaît clair que les révisions devraient être basées uniquement sur l'évolution des clientèles du régime et sur leur consommation à partir d'hypothèses actuarielles, comme on le fait pour les régimes privés.

Une révision qui tiendrait compte par exemple de l'indice d'augmentation du coût des médicaments uniquement ou, encore pire, de l'indice des prix à la consommation serait, à notre avis, mal avisée.

Il serait par ailleurs déplorable qu'en raison de la hausse importante et continue des coûts ainsi que des pressions politiques l'État en vienne à ralentir le rythme des révisions ou qu'il les remette en question.

Nous avons toujours recommandé une révision régulière des paramètres de contribution. Sans cela, c'est non seulement l'équilibre du régime qui se trouve automatiquement menacé par l'augmentation des coûts, mais aussi l'équilibre entre les régimes privés et le régime public.

En effet, avec les ajustements proposés cette année, les parties publique et privée du régime général d'assurance médicaments appliqueront les primes moyennes comparables. Cet équilibre évite les glissements d'assurés de la partie privée à la partie publique. L'absence de révision pendant une année viendrait de nouveau briser l'équilibre, comme on l'a connu, il y a quelques années, avec la prime à 175 $.

Enfin, nous voyons d'un bon oeil que le mécanisme de révision des paramètres soit déterminé par règlement, au lieu d'être inclus dans la loi. Il s'agit, une fois de plus, d'une mesure responsable car elle facilitera l'application de la révision.

Comme nous l'avons déjà mentionné à nos interlocuteurs, assurer la perception des primes non déclarées nous apparaît essentiel. Pour des raisons d'équité entre tous les Québécois, nous trouvons donc tout à fait souhaitable la collaboration prévue avec le ministère du Revenu, à cette fin.

Cela dit, nous souhaitons attirer votre attention sur quelques éléments en particulier.

Le projet de loi stipule que les régimes privés devront prévoir le transfert, au cours d'une même période de référence, du cumul des sommes contribuées par un individu au sein du régime vers un nouveau régime, lorsqu'il va changer d'emploi, par exemple. De cette manière, l'individu n'aura pas à recommencer à contribuer à partir de zéro, comme ça pouvait être le cas dans les régimes privés.

Bien que nous soyons favorables à cette mesure, le libellé du texte peut porter à confusion. En effet, pour l'application de la franchise et de la contribution maximale, ce sont tous les coûts des services pharmaceutiques et des médicaments couverts par le régime général assumés par une personne admissible pour une période de référence qui devront être pris en compte.

Selon nous, le projet de loi devrait tenir compte du cumul effectué selon les modalités du contrat de départ plutôt que des modalités générales du régime. Les régimes privés diffèrent les uns des autres, tout en étant au moins aussi généreux que le régime public.

Nous proposons donc que l'amendement prévu à l'article 5 soit modifié pour prévoir les coûts des services pharmaceutiques et des médicaments couverts «par le régime d'origine et selon les modalités qui lui sont propres», plutôt que «par le régime général», afin de faciliter la gestion de la mesure proposée. C'est une mesure purement administrative.

L'article 21 du projet de loi rend applicable au secteur privé le programme communément appelé «Patients d'exception».

Il précise, et je cite: «La liste présente les cas, les conditions et les circonstances dans lesquels le coût de tout autre médicament est couvert, à l'exception des médicaments ou catégories de médicaments qu'elle indique.»

Nous sommes d'accord pour que le programme s'applique à nous, et nous comprenons que ces normes seront sous la responsabilité du futur conseil du médicament, mais nous apprécierions que ces normes soient divulguées, afin d'en permettre un suivi adéquat.

Nous sommes cependant en désaccord avec le libellé de la fin de cet article 21 qui dit que ces normes peuvent varier selon qu'il s'agit de la couverture assumée par la Régie ou de la couverture assumée en vertu d'une assurance collective ou d'un régime d'avantages sociaux.

Il nous apparaît primordial de nous assurer que le programme Patients d'exception soit appliqué d'une façon neutre, peu importe que le patient soit couvert par la partie publique ou la partie privée du régime. Ce programme ne doit pas devenir une voie de contournement des normes devant guider la décision de défrayer ou non un médicament.

Nous proposons donc que la deuxième partie du paragraphe 3° de l'article 21 soit modifiée comme suit: «Ces normes sont appliquées uniformément pour tous les assurés du régime, que ceux-ci soient couverts par la partie publique ou la partie privée du régime.»

n(21 h 30)n

Concernant la constitution du Conseil du médicament, il est prévu que le Conseil se compose notamment de quatre personnes qui ne sont ni médecins ni pharmaciens. Nous voulons nous assurer que ces personnes seront représentatives du secteur socioéconomique de manière à compléter l'expertise des autres membres du Conseil.

Passons maintenant au chapitre du contrôle des coûts. L'ensemble des mesures prévues pour optimiser l'utilisation des médicaments nous apparaissent prometteuses. C'est à moyen et long terme que ces mesures feront réellement sentir leur effet, d'où l'importance de les mettre de l'avant le plus rapidement possible. Comme nous l'avons déjà fait valoir dans le passé, la collaboration des médecins est essentielle au contrôle des dépenses, puisque ce sont eux qui les prescrivent. Les médicaments sont leur principal outil pour lutter contre la maladie, et ce, à titre curatif comme à titre préventif. Il nous semble donc particulièrement important de miser sur une meilleure formation des médecins en pharmacologie. Surtout, il faut instaurer un mécanisme de formation continue sur la base d'une information neutre et objective pour les aider à maximiser l'usage des nouveaux médicaments qui entrent sur le marché. Le projet de loi appelle à la collaboration des médecins et des pharmaciens pour améliorer le suivi de l'utilisation des médicaments. L'expertise des pharmaciens au niveau des revues d'utilisation des médicaments est reconnue. Nous trouverions aussi positif qu'elle soit davantage utilisée en complémentarité avec celle des médecins. Les pharmaciens ont une connaissance complète de la pharmacologie et sont davantage en mesure de suivre son évolution rapide. Leurs compétences sont cependant grandement sous-utilisées.

Nous notons qu'un projet-pilote sur la mention de l'intention thérapeutique sur l'ordonnance est prévu. Un tel projet faciliterait la concrétisation d'un exemple de collaboration que nous avons maintes fois mentionné. Nous avions suggéré que, pour certaines maladies, les médecins omnipraticiens donnent le diagnostic et la classe de médicaments à prescrire, tout en laissant au pharmacien le choix du médicament le plus adéquat dans cette classe.

Nous tenons par ailleurs à formuler une mise en garde à l'égard de l'utilisation des économies qui seront générées par l'ensemble des mesures visant un meilleur usage du médicament. Ces économies devront d'abord servir à maintenir les primes d'assurance médicaments des régimes public et privé au plus bas niveau possible pour en assurer la pérennité. Un autre moyen d'aider les médecins et les pharmaciens, et qui n'est pas abordé dans le projet de loi mais qui a été discuté dans une autre commission parlementaire antérieurement, serait de mettre en place un système informatique interactif qui puisse les aider dans la prise de décision thérapeutique et d'améliorer la qualité des ordonnances. Nous réitérons notre appui à la mise en place d'une carte santé.

En terminant, nous reconnaissons que le régime d'assurance médicaments est confronté à des défis économiques et sociaux de taille en raison de l'apparition sur le marché de nouvelles molécules plus performantes mais aussi souvent plus dispendieuses et du vieillissement de la population. Il nous incombe à tous et à toutes de travailler à contenir la hausse des coûts, et nous entendons continuer d'oeuvrer dans ce sens. Mais, devant l'ampleur de la tâche, il ne faudrait jamais perdre de vue que tous les efforts sont le prix à payer pour doter les Québécois d'un régime aussi exemplaire. À cet égard, les décisions prises par le gouvernement nous apparaissent, une fois de plus, aller dans la bonne direction et démontrent un certain sens des responsabilités.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Millette, pour votre présentation. Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Legault: Oui. Je voudrais vous remercier, M. Millette, M. Delisle, M. Leblanc, pour cette présentation qui, on va tous en convenir, est assez flatteuse pour le projet de loi. Donc, vous nous dites que vous êtes favorable au projet de loi dans son ensemble. Vous dites que c'est un projet responsable. Vous êtes d'accord avec la constitution du fonds, vous êtes d'accord avec l'augmentation des paramètres. J'étais content aussi de dire que vous constatez qu'il y a une équité entre les primes qui sont payées dans le régime public et dans le régime privé. Je pense que ça vient justement confirmer que les primes qui sont reflétées dans l'assurance publique ne représentent que la partie assurance, puisque vous, évidemment, vous n'avez pas la partie assistance. Donc, je pense que c'est une belle démonstration, là, qu'on a réussi à séparer la partie assurance de la partie assistance.

Vous nous dites aussi que les mesures de contrôle des coûts sont prometteuses. J'aimerais vous entendre un petit peu, là, sur ces mesures. Il y a le Conseil du médicament qu'on crée, mais aussi il va y avoir des nouveaux critères pour l'inscription des médicaments. Il y a ces ententes de partenariat avec les compagnies pharmaceutiques. Pour vous, là, comment vous voyez, là, qu'on... Quelles sont les mesures parmi celles-là qui sont les plus prometteuses justement pour avoir une utilisation optimale des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Millette.

M. Millette (Yves): Nous pensons que ce sont toutes des mesures qui s'emboîtent les unes dans les autres et sont essentielles les unes aux autres. Je pense que chacune prise séparément ne pourrait pas atteindre les objectifs visés, mais je pense que les unes et les autres, et incluant la carte santé, si jamais le projet de loi en question revient, devraient permettre d'avoir une possibilité d'étudier globalement l'évolution de l'augmentation de l'utilisation des médicaments. Parce qu'on sait qu'avec le vieillissement de la population le coût des médicaments va continuer à augmenter, et une bonne façon de parvenir à le maintenir, c'est de voir l'évolution de notre consommation et d'être en mesure d'intervenir là où cette consommation pourrait être trop grande ou il pourrait y avoir des mesures qui pourraient être utilisées, par exemple, avec une meilleure prévention ou des choses comme ça.

Donc, je pense que l'outil de base pour pouvoir permettre d'étudier l'évolution des coûts, ce sont les différentes mesures que vous proposez dans le projet de loi n° 98.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Bon. Maintenant, justement, je pense que c'était le but principal qui était visé dans le plan d'action puis dans le projet de loi, de limiter au minimum l'augmentation des primes cette année puis dans les prochaines années, donc de contrôler au maximum l'augmentation du coût des médicaments.

Est-ce qu'il y a d'autres mesures qu'on n'aurait pas envisagées, qu'on aurait oubliées, que vous verriez qu'on pourrait ajouter pour mieux contrôler l'augmentation du coût des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Millette.

M. Millette (Yves): Moi, je pense qu'on doit faire l'essai de ces mesures-là au départ. Je pense qu'il serait prématuré de revoir d'autres mesures à ce moment-ci. Mais nous croyons que celles que vous mettez en place valent la peine d'être essayées, de voir le résultat. M. Leblanc pourrait peut-être ajouter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Leblanc, un complément de réponse.

M. Leblanc (Claude): Oui, merci. On a discuté tantôt, on a présenté l'élément d'un système d'information Aide à la prise de décision lors de la prescription d'un médicament, qui viendrait aider les médecins à avoir une meilleure approche. Je pense que c'est impossible de demander à quelqu'un de retenir 5 500 DIN, avec les effets secondaires, et d'avoir ça dans la tête constamment quand on rencontre un patient. Et l'outil électronique aujourd'hui qui existe et qui permettrait d'avoir une meilleure utilisation dans le mode de prescrire serait la formulation la plus structurante pour s'assurer des économies à long terme. Du moins, on aurait moins de gaspillage potentiel à ce moment-là, parce que vous allez avoir deux éléments: un élément d'aide de décision lors de la prescription et un élément d'observation, après ça, suite à l'achat et la confiance avec le médicament. Alors, ça vous prend les deux éléments pour être capable de vraiment mesurer l'impact d'efficacité du médicament et des dépenses faites en milieu médical.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Qu'est-ce que vous pensez du projet-pilote qui est inclus dans le projet de loi où on veut, sur une base régionale, sur certains médicaments, regarder l'intention thérapeutique et pouvoir justement avoir, avec les pharmaciens, une meilleure évaluation de l'utilisation des médicaments? Est-ce que vous pensez que, ça aussi, c'est prometteur?

M. Millette (Yves): Bien, les revues d'utilisation des médicaments ont fait leurs preuves en milieu hospitalier, et nous pensons qu'effectivement il faut trouver une façon de transporter cette expérience-là dans le régime général au niveau du public, ce qui est beaucoup plus compliqué, hein, parce qu'on est en milieu ouvert. Et donc, je pense qu'un projet-pilote comme celui-là va être de nature à cerner les problèmes qui peuvent exister dans le marché.

M. Legault: On a eu des représentants des médecins qui sont venus nous dire qu'ils étaient réticents à mettre en place ce genre de projet-pilote et qu'ils pensaient aussi surtout que les patients seraient réticents à participer à ce genre de projet-pilote. Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Millette.

M. Millette (Yves): Écoutez, c'est difficile pour nous de vraiment qualifier quelle va être la participation des patients, mais nous pensons que, si c'est bien expliqué, ça devrait pouvoir fonctionner.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leblanc, en complément de réponse.

M. Leblanc (Claude): Je pense que, dans les projets semblables, ce qui est important, c'est la communication avec les citoyens ou les patients, dépendant du statut que vous voulez traiter vos gens quand vous préparez votre projet. Mais aujourd'hui, dans le domaine de l'assurance privée, je vous avoue qu'on passe au-delà de 30 % de notre temps à préparer des communications pour que les gens comprennent les programmes. Et on a investi quelques milliards à travers les 40 dernières années en éducation dans la province. Alors, on pense que la population est pas mal plus capable de comprendre qu'on l'estime au départ, et prendre le temps de bien préparer la communication permet à ces programmes-là d'exister et d'avoir des résultats favorables.

n(21 h 40)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va. Merci. Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, je vous remercie, M. Millette, M. Delisle et M. Leblanc, d'être parmi nous ce soir et de nous avoir exposé vos vues sur le régime. J'aimerais revenir, en fait, à la page 8, quand vous parlez, aux pages 8 et 9, des patients d'exception, quand vous dites: «Ce programme ne doit pas devenir une voie de contournement des normes devant guider la décision de défrayer ou non un médicament.» Je ne comprends pas, là. Êtes-vous capable de me... Oui. Ha, ha, ha!

M. Leblanc (Claude): Oui. Alors, le programme de patients d'exception, c'est un programme qui va permettre à un patient d'accéder à une gamme de produits pharmaceutiques qui ne sont pas nécessairement sur le formulaire reconnu et généralement utilisé dans l'industrie. Alors, ce qu'on ne veut pas qu'il arrive, c'est que le programme de patients d'exception fasse en sorte que l'accessibilité aux médicaments va être différente dépendant quelle poche qui paie le médicament.

Mme Boulet: C'est ça. O.K.

M. Leblanc (Claude): Et ce serait nuire à l'État. Un patient n'est pas plus malade ou moins malade lorsqu'il est assuré par un régime public ou un régime privé. Un patient est malade, il a droit à un protocole pharmaceutique. Alors, il faut s'assurer que le protocole va être offert sans égard au payeur, sinon on vient défaire complètement l'équité des soins de santé.

Mme Boulet: Peut-être que vous savez, à l'heure actuelle, pour des médicaments qui sont relativement nouveaux et dispendieux, il y a des compagnies d'assurances privées qui les défraient, alors qu'ils ne sont pas encore inclus sur la liste du gouvernement.

M. Leblanc (Claude): Ça peut arriver quelquefois que, pour des questions d'exception, les compagnies fassent ça, oui.

Mme Boulet: O.K. Oui?

M. Millette (Yves): Oui. Je pourrais ajouter que certains régimes ajoutent les médicaments au fur et à mesure de leur arrivée sur le marché, mais ce n'est pas la règle, ça reste l'exception, surtout dans des nouveaux médicaments qui étaient très expérimentaux. Donc, il peut s'écouler un certain temps avant que de tels médicaments se retrouvent sur la liste, même la liste des assureurs privés, par exemple en attendant les renouvellements de contrats ou des choses comme ça. Donc, il y a toujours une période de temps où, sauf quelques exceptions où les médicaments sont ajoutés automatiquement à la liste de la compagnie d'assurances... Généralement, il va s'écouler un certain temps, entre quelques semaines et un an, avant que le médicament se retrouve sur la liste, à moins qu'il se retrouve sur la liste publique. À ce moment-là, il est obligatoirement sur la liste. Mais il va toujours s'écouler une certaine période de temps, et c'est pour ça que le programme de patients d'exception existe, c'est pour que ce médicament-là, dans un cas précis, humanitaire le plus souvent, puisse être donné à la personne qui en a besoin.

Mme Boulet: Mais les compagnies d'assurances privées n'attendent pas pour autant que le médicament soit autorisé sur la liste des médicaments, il y en a qui vont décider de le couvrir pareil, monsieur?

M. Millette (Yves): Non, non, non, non. Lorsque le médicament a reçu son autorisation, mais il n'est pas nécessairement, dès ce moment-là, ajouté à la liste publique, parce que la liste publique du régime d'assurance médicaments du Québec n'est pas mise à jour à tous les jours, elle est mise à jour périodiquement. Donc, que ce soit au privé ou au public, il s'écoule un certain nombre de mois entre le moment où le médicament a reçu son approbation et le moment où il va se retrouver sur une liste après la décision du Conseil du médicament.

Donc, pendant cette période-là, il y a un certain nombre de patients qu'on appelle les «patients d'exception» qui pourraient vouloir recevoir le médicament. À venir jusqu'à maintenant, il était donné sur une base humanitaire. Le gouvernement avait un fonds particulier pour le donner sur une base humanitaire, alors que, dans le régime privé, c'était laissé à chacun des régimes. Ce que le projet de loi propose, c'est d'uniformiser la façon d'appliquer le régime aux patients d'exception, et on est tout à fait d'accord.

Mme Boulet: Non, ce que je veux dire: C'est très bien que les compagnies d'assurances privées le fassent, parce que, à l'heure actuelle, l'adhésion de certains médicaments sur la liste du gouvernement, c'est de plus en plus long, de plus en plus fastidieux, et je peux vous dire que, personnellement, il y a bien des gens qui bénéficient d'une assurance privée qui a le courage de le payer, et ça, c'est chapeau pour les compagnies d'assurances privées.

M. Millette (Yves): Merci.

Mme Boulet: Également, à la page 10, vous parlez d'une meilleure formation des médecins en pharmacologie. Dans le projet de loi, il n'y a rien qui fait de l'encadrement au niveau des codes d'éthique, parce qu'on sait que la formation au niveau des médecins en pharmacologie, à l'heure actuelle, c'est beaucoup les compagnies, l'industrie pharmaceutique qui la fait via des séminaires, via toutes sortes de choses. Mais le trou qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est qu'on ne parle pas de code d'éthique, d'encadrement de cette formation-là. Et vous ne pensez pas que, si on laisse ce vide juridique là, l'information, elle peut être biaisée, et ça peut inciter des médecins à prescrire ou peu importe? Est-ce que vous ne pensez pas qu'on aurait besoin d'un code d'éthique ou d'une mesure plus spécifique concernant la formation des médecins qui relèverait, à la limite, du Collège des médecins et peut-être même davantage par rapport à...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leblanc.

M. Leblanc (Claude): Je connais peu de médecins qui ne prendront pas le temps de bien comprendre la portée de leur acte professionnel. On a quand même un corps médical extrêmement pointu et professionnel.

Je pense que l'outil informatique auquel je faisais référence précédemment, avoir un outil de prescription électronique qui leur permettrait d'accéder à de l'information appliquée au cas patient qu'ils ont devant eux, serait beaucoup plus utile qu'un encadrement juridique. Ça ne donne pas d'information pour prendre les bonnes décisions médicales, un encadrement juridique. Ça leur prend un outil électronique pour leur donner accès à la bonne gradation des thérapies nécessaires lors d'un traitement avec un patient. Mettez l'argent là-dessus. C'est plus important qu'un encadrement juridique pour l'instant. Les patients ont besoin de soins.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Un complément de réponse, M. Millette?

M. Millette (Yves): Oui. Parce qu'en fait le code d'éthique vise, si vous me permettez, les cas délinquants. Mais je pense qu'il est important d'avoir d'abord l'ensemble ou la masse des médecins, d'avoir accès à une meilleure information ou à une meilleure formation en matière de pharmacologie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. Vous représentez les compagnies d'assurances privées. Je serais tenté de vous poser une question qui déborde un peu le projet de loi comme tel.

Est-ce que vous seriez capable, le secteur privé, d'assurer l'ensemble des Québécois et des Québécoises? Et, compte tenu du fait qu'à ce moment-là, le cas échéant, l'État aurait strictement à payer les primes et, à ce moment-là, on aurait à débattre le partage des primes, comment on fait?

M. Millette (Yves): Très bonne question. Peut-être que les compagnies d'assurances seraient capables d'assurer les Québécois, mais sûrement pas de leur fournir de l'assistance. Et le régime d'assurance médicaments actuel comporte plus d'un milliard de dollars d'assistance par année.

M. Gautrin: Mais je me permets, monsieur, de reposer ma question. Êtes-vous capable d'assurer l'ensemble des Québécois et des Québécoises, de trouver le véritable coût de la prime, y compris l'ensemble des personnes à l'heure actuelle qui doivent et qui paient une prime?

Je connais actuellement des personnes qui paient, celles qui ont un régime d'assistance. Je connais quand même la différence. Je voudrais connaître le véritable coût de la prime compte tenu de l'expérience de la population et des paramètres actuariels qu'il y aurait, quitte à ce que le gouvernement ou le fonds consolidé, le cas échéant, assurerait le cas échéant la manière de payer la prime pour ces cas-là et de la cotiser pour certaines personnes et de ne pas la cotiser, le cas échéant, pour d'autres personnes suivant les politiques sociales que l'État, collectivement, veut se donner.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Millette.

M. Millette (Yves): Les techniques d'assurance permettent de le faire. D'ailleurs, on recommande que la Régie de l'assurance maladie à l'avenir le fasse.

La première façon de le faire, c'est de s'assurer que les fonds requis sont là. Donc, dans le Fonds de l'assurance médicaments, que les argents nécessaires soient là, qu'ils viennent des primes ou qu'ils viennent de l'assistance que le gouvernement accepte de donner à ces gens-là.

À partir du moment où le Fonds de l'assurance médicaments comporte toutes les primes nécessaires pour rencontrer les dépenses et en appliquant les principes qui sont appliqués dans le secteur privé depuis toujours, ça devient un très gros contrat pour le privé. Donc, il devrait probablement être partagé en groupes. Mais ça devient possible, oui, effectivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Et ça serait quelque chose qui serait donc faisable et qui arriverait à avoir une certaine forme d'équité, l'État n'ayant simplement, pour ceux qui ne paient pas d'eux-mêmes une assurance, c'est-à-dire qui ne contribuent pas directement par leur choix ou par le phénomène qu'ils sont employés dans une entreprise, etc. Mais l'État ne devient, pour tous ceux qui ne sont donc pas employés, que la fonction de collecteur de primes, et vous auriez, vous partageriez les responsabilités de l'assurance.

M. Millette (Yves): Je pense que vous faites référence à deux réalités. La première réalité, c'est les gens qui participent au régime public parce qu'ils ne peuvent pas participer à un régime privé à cause de leur emploi. Par exemple, ils sont travailleurs autonomes ou autre. Mais vous ne parlez pas à ce moment-ci des personnes âgées ou des prestataires d'assurance sociale.

M. Gautrin: Je m'excuse. Non, non. J'inclus absolument la totalité des gens qui ne contribuent pas, par choix ou par...

Une voix: Obligation.

M. Millette (Yves): Ou par impossibilité, oui.

n(21 h 50)n

M. Gautrin: ...ou par obligation à un régime privé actuellement. Donc, je prends tout, j'essaie de voir si je ne pourrais pas en quelque sorte donner la fonction d'assurance au secteur que vous représentez, que vous faites très bien d'ailleurs, et laisser à l'État strictement le principe de se partager les primes, de se partager les collectes de primes, d'exempter de primes une certaine partie de la population pour des raisons sociales que l'on pourrait choisir; je comprends les personnes âgées, je comprends les enfants. Et j'accepte les choix sociaux que l'on fait actuellement, mais de vous laisser globalement, à ce moment-là, les responsabilités et de ne pas nous mêler dans ce secteur-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Millette.

M. Millette (Yves): Premièrement, j'aimerais dire que la Régie de l'assurance maladie, si on lui en donne les moyens, est capable de faire un très bon travail aussi, là. Je pense que, à partir du moment où les fonds sont là et à partir du moment où on utilise des techniques d'assurance, c'est possible de le faire, y compris dans le système privé, effectivement.

M. Gautrin: Alors, à ce moment-là, est-ce que... À l'extrême limite, je pourrais inverser ma question: Est-ce qu'on pourrait strictement vous faire disparaître?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Millette (Yves): Ha, ha, ha! J'imagine que, logiquement, ça pourrait être fait, mais...

M. Gautrin: Logiquement, si je crois. En ce moment, j'inverse la question. Si vous dites que le système d'État est parfaitement capable de le faire seul, et aussi bien que nous, et que nous...

M. Millette (Yves): Il manquerait un élément à un régime étatique, c'est la compétition qui aide et qui est très intéressante pour réussir à maintenir les niveaux de primes.

M. Gautrin: C'est bien ce que j'attendais de votre part et que je m'attendais que vous justifiiez, à ce moment-là, qu'un élément puisse permettre d'arriver à un meilleur équilibre à leur système, etc.

M. Millette (Yves): C'est pour ça qu'on est satisfait du régime actuel qui introduit un élément de compétition entre le secteur privé et le secteur public.

M. Gautrin: Remarquez que ce que je vous ai suggéré augmenterait l'élément de compétition.

M. Millette (Yves): Effectivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun, j'ai comme l'impression que c'est faisable, mais il ne semble pas y avoir nécessairement de l'intérêt. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Il s'agit simplement de connaître la réalité des coûts.

M. Millette (Yves): Disons que c'est un gros morceau parce que, avec des augmentations de coûts de 15 % par année, c'est beaucoup. Mais c'est faisable, et on peut se pencher sur la question. Il n'y a rien d'impossible pour le secteur privé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette, il reste deux minutes.

Mme Boulet: À la page 10, vous dites... En fait, vous parlez qu'on pourrait considérer davantage l'utilisation ou les compétences des pharmaciens. Et vous dites, entre autres, qu'on pourrait faire le diagnostic puis, après ça, la classe de médicaments, le pharmacien pourrait décider s'il prend la classe... la première génération, ou la deuxième génération, ou la troisième, compte tenu du diagnostic, compte tenu des effets secondaires. Bon. Le pharmacien, là, aurait un rôle important à jouer. Est-ce que vous pensez que c'est réalisable? Est-ce que vous pensez que les médecins seraient ouverts à laisser autant de latitude aux pharmaciens à l'heure actuelle? Je ne sais pas, là, je vous trouve bien gentils, mais je ne suis pas sûre que, dans la pratique, c'est quelque chose qui est...

M. Millette (Yves): Je pense que, si on ne le suggère pas, ça ne se réalisera pas. Mais je pense qu'il faut vraiment essayer d'utiliser au meilleur escient possible toutes les compétences qui existent. Si on prend la gestion du régime, comme on l'a fait entre le secteur privé et le secteur public, je pense qu'on a utilisé le meilleur des compétences du secteur privé et du secteur public. J'imagine que, dans ce domaine-là, on doit être capable d'arriver à l'utilisation des meilleures possibilités. C'est une question de volonté et de vouloir le faire, purement et simplement.

Mme Boulet: Parce que vous savez qu'il y a des nouvelles molécules qui arrivent sur le marché et que, finalement, des fois, elles reçoivent un brevet mais elles n'ont pas nécessairement de valeur thérapeutique ajoutée. Des fois, c'est très peu ou, en tout cas... Et souvent, il y a des coûts qui sont très importants. Le médecin va avoir comme tendance à tout de suite donner la nouveauté, et peut-être que l'autre que le patient prenait déjà depuis cinq ans, peut-être que ça faisait encore l'affaire tout à fait. Effectivement, si on faisait une sélection à l'intérieur des classes de médicaments, des générations, peut-être qu'il y aurait une économie substantielle à aller chercher à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leblanc.

M. Leblanc (Claude): Oui. Je pense que votre point est très valable. Effectivement, les thérapies par étapes, ça existe, puis ça doit se faire. Je dirais un élément important qu'il faut savoir: Quelle est la meilleure personne pour juger non pas seulement de l'application thérapeutique, mais aussi le contexte socioéconomique de la personne? Parce que, dans les molécules nouvelles, il y en a plusieurs que ce sont des traitements, comme en formule de relâchement lent, ce qui permet de prendre une seule pilule par jour au lieu d'en prendre trois ou quatre. Si quelqu'un travaille dans une usine ou dans un milieu de construction ? je prends cet exemple-là ? ce genre de médicament là, qui coûte plus cher, a un avantage parce que ça améliore son suivi médical. Par contre, pour une personne plus âgée, par exemple, ou qui a un horaire très fixe avec un lieu de travail fixe, c'est peut-être une dépense inutile parce qu'elle est capable de gérer sa prise de prescription.

Alors, je pense qu'il y a un élément important dans la gestion de l'application des médicaments, c'est d'aller aussi ajouter l'élément socioéconomique du patient qui permettrait des économies, parce que ce n'est pas vrai que c'est tout le monde qui a besoin du dernier cri. Ce n'est pas tout le monde qui a besoin d'une Mercedes pour se rendre à son travail, alors c'est la même chose dans ce domaine-là. Ça n'enlève en rien la qualité du traitement, mais ça permet une application plus intelligente des sommes d'argent dont on dispose.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Leblanc. Ça met fin à notre participation. Alors, MM. Millette, Leblanc et Delisle, merci pour votre participation à cette commission.

Je suspends les travaux quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 21 h 56)

 

(Reprise à 22 heures)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. Alors, la commission poursuit ses travaux avec les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je vous souhaite la bienvenue.

Alors, Dr Yves Dugré, vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)

M. Dugré (Yves): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, la Fédération des médecins spécialistes du Québec désire remercier d'abord les membres de la commission des affaires sociales de l'occasion qui nous est offerte d'exprimer notre opinion sur le projet de loi n° 98.

Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Richard Leblond, qui est médecin nucléiste et secrétaire de la Fédération des médecins spécialistes; du Dr Pierre Laberge, microbiologiste infectiologue et conseiller au conseil d'administration et de Me Sylvain Bellavance qui est directeur des affaires juridiques à la Fédération.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec regroupe 34 associations de médecins spécialistes qui représentent toutes les disciplines médicales et chirurgicales et de laboratoire exercées au Québec, soit environ 7 500 médecins spécialistes.

La Fédération a le mandat de défendre et de promouvoir les intérêts économiques, professionnels et scientifiques de ses membres. Et, au-delà de cette vocation, la Fédération est aussi fermement convaincue que son rôle social et politique... participe activement au maintien d'une accessibilité aux soins pour tous les Québécois.

Nous sommes particulièrement fiers de nous présenter devant cette commission pour parler du médicament, qui fait partie d'un outil indispensable dans le traitement de nos patients, et nous allons l'aborder en général en disant que de façon globale nous appuyons le projet et les suggestions qui y sont proposées en soulignant entre autres certains aspects qui doivent être soit améliorés ou soit renforcés.

D'abord, le régime général d'assurance médicaments est un atout majeur comme mesure sociale pour les Québécois et les Québécoises. La médication est de plus en plus efficace et traite les maladies qui, autrefois, ne pouvaient pas l'être autrement soit que par la chirurgie ou définitivement par des moyens palliatifs. Donc, on ne peut que constater que la médication est de plus en plus efficace. Par contre, l'escalade des coûts, qui vient à la fois soit de la consommation accrue ou de l'augmentation des indications et des coûts par ordonnance, nous porte à s'interroger de façon sérieuse sur la pérennité du système.

Les médecins spécialistes, travaillant principalement en deuxième et troisième lignes, sont à même de constater les changements majeurs qui sont intervenus dans le traitement de certaines maladies qui, autrefois, avaient un effet dévastateur pour les patients. À titre d'exemple, certaines pathologies cardio-vasculaires, dans le domaine digestif, la cancérologie et la santé mentale maintenant traitées de plus en plus ambulatoire permettent justement à la fois non seulement des guérisons, mais à la fois une meilleure condition de vie pour nos patients. Et, à la fin, les indications: Il est tout à fait normal que de plus en plus d'indications se greffent, ce qui explique le coût des médicaments qui augmente. Nous constatons donc une évolution des coûts et à la fois de plus en plus de meilleurs médicaments pour traiter les maladies que nos patients rencontrent dans leur vie.

Ce constat nous porte donc à faire les constats suivants, à titre d'introduction: Oui, les médicaments sont un apport non discutable par rapport à l'outillement ou dans le coffre d'outils que les médecins ont dans leur armamentarium thérapeutique. Le rôle du médecin est de prescrire le médicament approprié pour les conditions de son patient et non pas nécessairement comme premier but de voir au contrôle des coûts. Mais, devant l'escalade des coûts qui peut mettre en péril ce programme, nous devons participer ? et nous le faisons ? à maintenir la pérennité du programme.

Dans les suggestions émises dans le projet de loi, je voudrais parler d'abord du Conseil du médicament. Lors de la présentation que nous avons faite à cette commission en l'an 2000, nous nous étions interrogés justement sur la logique économique et la logique professionnelle, et nous craignions que la logique économique ne prenne le pas et mette en péril l'impartialité du jugement par rapport aux médicaments.

Par contre, oui, nous sommes en faveur du Conseil du médicament. Sa composition nous rassure. Nous sommes d'accord avec le mandat qui lui est donné, d'autant plus qu'il est appuyé par une table de concertation qui devrait faire un lien, établir un lien nécessaire entre les professionnels qui sont confrontés avec la prescription et la délivrance des ordonnances et pour s'assurer que le Conseil du médicament ne devient pas une machine bureaucratique de plus mais qu'il soit vraiment confronté et toujours en lien avec la réalité des patients et que son jugement soit impartial et non pas seulement sur une commande économique éventuelle du Conseil du trésor.

Si, parfois, le Conseil recommandait l'utilisation de plus en plus grande des listes d'exception, il ne s'agit certainement pas du premier choix des médecins spécialistes. Il s'agit d'un embarras de plus dans une surcharge de travail, et nous devrions voir à soit alléger ce fardeau, et, du moins entre autres, à compenser pour le travail supplémentaire pour remplir ce type de formulaire.

Je voudrais aborder maintenant les pouvoirs qui sont dévolus au Conseil du médicament. Oui, il s'agit de donner des moyens supplémentaires à ce Conseil pour optimiser la prescription des médicaments. Le profil de prescription des médecins est certainement un outil qui peut être utile, mais nous nous interrogeons sur le fait que le Conseil ait le pouvoir d'avoir une approche nominative du prescriveur, c'est-à-dire du médecin, et du pharmacien dans cette approche.

Est-il vraiment nécessaire que ça soit une approche tout à fait nominative pour atteindre les buts que nous voulons obtenir par rapport à une prescription optimale du médicament? Il s'agirait probablement de baliser davantage cette approche nominative, soit s'il s'agit, comme on le verra plus tard, de l'approche par projet-pilote ou vraiment dans un contexte vraiment précis, et que, dans le projet de loi, on retrouve ces balises nécessaires pour l'approche nominative. On ne doit pas, eu égard à des contraintes économiques, faire fi non plus des droits de la personne à la confidentialité.

Ce Conseil du médicament doit avoir les moyens d'agir. Dans un programme dont l'ampleur financière est importante ? 1,6 milliard ? nous devons avoir des évaluations et un outil d'évaluation de la performance qui soient à la hauteur de ce budget. Dans le passé, le Conseil, le CCP ou le CRUM n'avaient pas ces outils ni les moyens d'évaluation nécessaires. Les évaluations qui ont été faites par ces deux organismes étaient trop peu fréquentes, je dirais même rares, mais tout à fait pertinentes lorsqu'elles étaient faites. Donc, il faut donner à ce Conseil un budget adéquat qui corresponde à l'ampleur du programme général d'assurance médicaments.

La composition du Conseil du médicament. Nous sommes d'accord avec la composition. Nous nous posons des questions sur les personnes sociétales. Nous n'avons pas la connaissance de qui sont ces personnes, mais nous devons miser, dans ce Conseil, davantage sur l'expertise, par rapport à la prescription du médicament que par rapport à l'expérience, et je crois que ce sera un garant que ce Conseil puisse réellement rendre les services auxquels on s'attend.

Nous avons dit que le rôle du médecin, c'est de prescrire le médicament le plus pertinent et le plus approprié concernant les conditions de son patient et c'est toujours le premier principe en avant-garde. Mais nous sommes d'accord aussi pour une meilleure utilisation des médicaments, et force est de constater qu'il y a possibilité d'amélioration.

Et, dans ce cadre, le plan d'action du partenariat avec l'industrie pharmaceutique, nous ne pouvons que saluer cette approche novatrice, et le fait de créer un fonds d'utilisation pour optimiser les médicaments et la prescription est certainement louable. Cependant, le mode de financement de ce fonds, sur une approche contractuelle ou à terme, nous pose la question de la pérennité du financement. Et nous avons dit tout à l'heure que nous croyons important que ce Conseil et ces méthodes pour promouvoir la meilleure utilisation du médicament soient financés d'une façon plus certaine dans le futur.

n(22 h 10)n

Le financement des revues d'utilisation plus fréquentes est certainement très désirable, mais la disposition des médecins et des outils est très importante pour contrebalancer, croyons-nous, la force de frappe importante de l'approche de l'industrie pharmaceutique, qui est dans un marché libre et qui agit tout à fait légalement mais qui a une force de frappe tout à fait importante. Et nous devons également faire circuler une approche impartiale et des données plus impartiales aux médecins. L'approche de ce fonds pour financer également des programmes ou des activités de formation médicale continue, c'est certainement une bonne façon également de promouvoir une meilleure utilisation des médicaments.

Nous ne pouvons passer sous silence les remarques de M. le ministre à propos de rappeler à l'industrie d'avoir une cohérence entre les forces de vente et les ententes proposées dans ce partenariat. Et nous croyons que le médicament est un produit mais il n'est pas un produit comme une télévision ou comme une automobile. Alors qu'il interpelle la santé des gens dans un système public, il faut avoir cette cohérence de toujours avoir le meilleur médicament dans les meilleurs circonstances.

Cette force de frappe est, je vous le rappelle, très puissante. Et nous savons tous, je le crois, que le médecin, lorsqu'il rencontre un représentant pharmaceutique ou un représentant pharmaceutique le rencontre, tout le type d'information qui circule actuellement à la fois sur le médecin, son type de prescription. Donc, cette force de frappe est vraiment importante, et nous devons nous interroger concernant ces moyens qui sont mis à la disposition. Et il est certain que l'histoire et la réalité nous montrent l'impact de plus en plus grand des moyens qui sont mis à la disposition pour les compagnies pharmaceutiques et des représentants pour promouvoir la vente des médicaments. Nous devons tout à fait contrebalancer. Il s'agit quand même de moyens légaux, il s'agit d'une méthode normale de mise en marché, mais, par rapport à cette situation, nous devons fournir les informations les plus impartiales pour que le médecin puisse disposer d'informations pour porter un jugement sur la réelle utilité de certains médicaments ou de certaines molécules.

Donc, de meilleurs outils mis à la disposition des médecins avec une diffusion plus grande, une meilleure information. Et notre suggestion est peut-être de s'inspirer de ce qu'on appelle La Lettre médicale, qui est une information périodique sur différents problèmes de santé. Ça pourrait être La Lettre pharmaceutique ou que sais-je, et cette lettre pourrait être produite par le Conseil du médicament.

Le support aux différents offices de développement professionnel et de maintien de la compétence des diverses fédérations est certainement quelque chose à supporter. Les fédérations et la Fédération des médecins spécialistes se préoccupent de la formation médicale de ses membres et de ses 34 associations. Et on sait qu'il y a toujours des coûts. Il est important de supporter ce type d'organisme qui promouvoit la qualité de la pratique de la médecine et de la prescription.

Le développement dans les outils pour davantage mettre à la disposition des médecins la présence et la disponibilité d'aviseurs thérapeutiques, de développer des logiciels encore pour voir à l'interaction des médicaments, la pathologie, et nous pourrions développer ce type, et mes collègues ont ici avec eux des programmes-pilotes où on voit déjà des programmes, et c'est utilisé déjà par les médecins internes et les résidents dans les hôpitaux.

On pourrait ajouter un programme plus spécifique avec les coûts réels ici, au Québec. Parce que, dans les logiciels actuellement, à ce que j'en sais, ce sont les prix américains; le logiciel n'est pas développé. On pourrait joindre dans ces logiciels le prix du médicament ou le prix par traitement, et donner le plus d'informations disponibles. Et les outils modernes sont à notre disposition, il s'agit de développer ce type de logiciel.

La distribution de profils de pratique est certainement un outil à considérer. Il s'agit de voir dans quelles conditions on le fait, soit sur une base nominative. Il s'agit de mesurer la sensibilité collective de la société par rapport à cette approche nominative, mais il y a peut-être des études à poursuivre dans ce domaine avant d'arriver à ce résultat. Mais beaucoup d'entre nous croyons qu'un profil de pratique individuel doit s'harmoniser dans un ensemble de données, dans un ensemble de représentations et d'informations scientifiques.

L'avenir de la carte Accès santé, nous l'avons dit ici, dans cette Chambre, est certainement un atout important de développement pour permettre une meilleure utilisation du médicament. Un accès rapide à l'information dossier pharmacologique du patient, nous l'avons exprimé ici, sera certainement un outil supplémentaire pour optimiser la prescription des médicaments, et l'informatisation des cabinets dans un système d'intégration complète du système de santé avec l'hôpital et la pratique en cabinet serait également quelque chose de désirable, éventuellement pourra déboucher sur un dossier partageable, et tous ces éléments de technologie qui sont à notre portée vont certainement aider une prescription optimale du médicament. Donc, nous avons un certain nombre de moyens à notre disposition; il s'agit de les valoriser et de les développer.

Le médecin spécialiste est habitué de pratiquer en milieu hospitalier; 80 % de notre activité se fait à l'hôpital. Les médecins spécialistes sont habitués de travailler avec un comité RUM, de travailler en collégialité avec les pharmaciens à l'hôpital, et, pour nous, ce n'est rien de nouveau. Nous devons nous inspirer le plus possible, dans la pratique ambulatoire, d'une approche semblable où on travaille dans une équipe et de faire participer davantage, dans une approche multidisciplinaire, nos collègues professionnels et pharmaciens et de développer chez eux une approche professionnelle davantage et de valoriser l'approche dite intellectuelle et non pas seulement de marchand, mais vraiment de professionnel et de conseiller et de faire partie d'une équipe du côté de la prescription. Dans ce cadre-là... Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en conclusion, Dr Dugré. Malheureusement, le temps est... Vous pouvez conclure, s'il vous plaît?

M. Dugré (Yves): Oui, je vais conclure. Je voudrais juste dire que, du côté du projet-pilote, l'article 42, l'intention thérapeutique rentre strictement dans cette ligne de pensée et devrait avoir comme effet secondaire vraiment cette participation intégrale dans une équipe.

Donc, ce qui nous préoccupe, c'est, d'une part, que oui, le médicament est essentiel; oui, il est de plus en plus efficace, mais la pérennité du système nous inquiète, et, si nous devons taxer davantage le patient utilisateur, nous devons nous garder... et de préserver les gens qui sont plus vulnérables. Disons, nous devons être cohérents, et, s'il y a plus de prescriptions, nous devons nous questionner dans certains projets de loi, par exemple la révision des codes de profession, d'augmenter le nombre de prescripteurs, alors que nous sommes dans un programme qui est en péril.

Mme la Présidente, je vous remercie. Nous sommes disposés à répondre aux questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, c'est moi qui vous remercie, Dr Dugré, pour la présentation de votre mémoire. Je cède la parole au ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier, Dr Dugré, Dr Leblond, Dr Laberge, Me Bellavance, d'être venus ce soir ici nous présenter le mémoire sans prime de nuit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: Donc, je suis content de voir que dans votre mémoire vous êtes d'accord avec la création du Conseil du médicament avec les mandats qui y sont confiés, d'accord avec les solutions financières, d'accord avec le partenariat.

Concernant la déclaration du nom du prescripteur, vous nous dites que vous demandez, à la page 5, si, d'abord, il ne devrait pas y avoir une approbation de votre part. Vous dites que vous êtes d'accord avec la transmission du profil de prescription au médecin, mais vous demandez pourquoi il faudrait transmettre le nom du prescripteur, donc du médecin. J'essayais de comprendre, là, parce que, justement, le but qui est visé, c'est d'envoyer à chaque médecin son profil de prescription. Donc, pourquoi vous hésitez à transmettre le nom du prescripteur?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Bien, le but visé, c'est d'avoir un profil de prescription. Est-ce qu'il est absolument nécessaire? La démonstration n'est pas faite qu'il est nécessaire d'avoir l'approche nominative à la fois du pharmacien et du médecin ? on comprend que le nom du patient demeure sur une base anonyme ? pour obtenir les résultats nécessaires. Il s'agit, croyons-nous, quand même d'une approche très nominative et très personnelle par rapport à la prescription et par rapport au dossier médical, et nous avons des interrogations.

n(22 h 20)n

Dans le cadre de ce projet de loi, il y aurait peut-être lieu de le baliser, les cas où ça devrait avoir une approche nominative. Est-ce que c'est pour mettre en rapport avec le projet-pilote d'intention thérapeutique? Nous avons peut-être fait le lien avec ce projet-pilote. Est-il nécessaire, dans un cadre de projet-pilote, d'avoir une approche nominative? Est-ce qu'on doit modifier la loi dans un cadre de projet-pilote? Donc, nous avons des interrogations par rapport à cette approche-là.

On sait que, éventuellement, peut-être que la société sera prête à ce qu'on ait une approche nominative éventuelle. Mais, à ce stade, nous, nous avons des réticences à dire: Oui, nous sommes parfaitement d'accord à ce qu'il y ait une approche nominative. Et nous disons: Le profil de prescription, il pourrait être autrement... il pourrait être de façon dénominalisée; il pourrait y aller par groupe, on pourrait émettre des guides de pratique, on pourrait y aller par région ou que sais-je. Mais on pourrait atteindre les mêmes buts sans avoir une approche nominative.

M. Legault: Mais, disons... Je reviendrai tantôt pour parler de l'intention thérapeutique, mais parlons des médicaments comme les coxibs, les IPP, là, qu'on consomme plus au Québec qu'en Ontario.

Si on voulait faire un bon suivi pour une utilisation optimale de ces médicaments, ce qu'on m'explique, là, c'est que la littérature scientifique est assez claire sur le sujet que, quand on a une approche de rétroaction auprès de chaque professionnel par l'envoi de profil de prescriptions personnalisées à chaque médecin ? pour qu'il y ait un suivi, là, pas pour qu'il y ait un contrôle ? pour qu'il y ait un suivi, c'est un moyen efficace pour modifier les comportements des médecins.

Donc, est-ce que vous ne pensez pas, là, que c'est une approche qu'il faut... On en a discuté avec le Collège des médecins, un peu plus tôt aujourd'hui. Ils souhaitaient qu'eux autres soient impliqués dans le dossier, que ça passe par le Collège des médecins. Mais je pense qu'il y avait quand même consensus, là, pour dire qu'il y avait des bénéfices à avoir un profil personnalisé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Nous disons que nous sommes en faveur d'une meilleure prescription du médicament. Cependant, l'approche nominative, nous ne sommes pas convaincus à 100 % que ce soit nécessaire pour obtenir ce but-là; c'est l'interrogation que nous posons. Et nous disons: Cette approche nominative là devrait être balisée davantage: Est-ce que ça doit être tout à fait nominalisé? Est-ce que toute la prescription doit être de façon nominale? C'est l'interrogation que nous voyons dans le projet. Nous n'avons pas l'évidence pour nous actuellement que ce soit nécessaire d'y aller mur à mur, par rapport à ça. Et il y aura peut-être lieu de le baliser davantage. C'est notre commentaire.

M. Legault: Mais est-ce que vous êtes en train de nous dire ? bon, parce qu'on aurait deux choix effectivement ? de choisir les médecins qui, disons, semblent a priori prescrire trop certains médicaments, ou de le faire systématiquement, de l'envoyer, le profil, à chacun des médecins, de façon systématique? Vous, est-ce qu'il y a une des deux approches qui vous plaît davantage?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Me Bellavance.

M. Bellavance (Sylvain): Merci, Mme la Présidente. Je peux laisser le Dr Dugré répondre sur quelle approche il aime le plus, mais simplement pour faire une mention. Vous semblez indiquer, M. le ministre, que la raison pour laquelle le Conseil a cette information nominative là, le but, c'est d'envoyer cette information aux médecins. Je ne retrouve pas ce but-là en tant que tel dans le projet de loi.

Si tel est le cas, à ce moment-là à tout le moins, balisons l'article et disons simplement que les médecins ont le droit d'obtenir leur profil de pratique individuel à chaque année. Ça peut être envoyé directement par la Régie, à ce moment-là. Pourquoi est-ce que le Conseil a besoin de l'avoir lui-même si l'objectif est simplement de faire en sorte que les médecins le reçoivent?

Il n'y a pas de balises, présentement. On dit simplement: Le Conseil peut obtenir des données nominatives sur le profil de prescriptions des médecins. C'est tout. On ne mentionne pas d'autre but.

M. Legault: Bien, la raison pour laquelle on inscrirait un rôle pour le Conseil du médicament, c'est justement dans le choix des médicaments qu'on souhaite suivre.

D'ailleurs, je voyais que vous proposez, pour des classes de médicaments coûteux, comme justement les coxibs, les IPP, de fournir des guides de prescription aux médecins. On a eu des bonnes discussions tantôt avec le Collège des médecins, le Dr Lamontagne.

Qui, selon vous, devrait réaliser ça, ces guides de prescriptions aux médecins: Est-ce que ça devrait être le Conseil du médicament ou le Collège des médecins, un organisme autre? Qui devrait préparer ce guide?

M. Dugré (Yves): Bien, quant à nous, là, le Conseil du médicament devrait le faire. Et, notre point pour lequel on appuie ça, c'est qu'il est appuyé par une table de concertation.

Nous ne voulons pas, probablement à l'instar du Collège des médecins, développer une bureaucratie et que le Conseil du médicament devienne un organisme gouvernemental avec une notion tout simplement économique et qu'il perde cette impartialité par rapport à la prescription du médicament et que ce soit la logique économique qui l'emporte par rapport à la logique professionnelle.

Nous croyons que le fait d'avoir doublé le Conseil du médicament d'une table de concertation qui, d'ailleurs, n'apparaît pas dans le projet de loi en tant que telle... La création de cette table de concertation là, c'est une interrogation que nous avons également pour être certains que cette table puisse exister. Il s'agit d'une doublure. Il s'agit quand même d'un forum dans lequel les professionnels vont pouvoir s'exprimer, et pas nécessairement porter un jugement, mais fournir des explications, faire un lien entre les professionnels et le Conseil du médicament.

Et donc, à votre réponse, que ce soit le Conseil du médicament, avec la composition qu'il ait, doublé d'une table de concertation où les professionnels vont pouvoir s'entendre, nous n'avons pas de problème avec cet aspect.

On sait que la pratique médicale et la qualité de l'acte médical, ça relève du Collège des médecins. Est-ce que le Collège des médecins doit avoir les moyens nécessaires pour le faire? Il s'agit vraiment... Le but est le même, de notre côté. Mais, ayant un conseil du médicament, nous appuyons davantage que ce soit le Conseil des médicaments, avec la composition qu'il a, le mandat est doublé d'une table de concertation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: O.K. Maintenant, concernant le projet-pilote sur l'intention thérapeutique, vous dites que vous êtes d'accord avec le projet mais vous voulez participer à l'élaboration du protocole.

Vous avez parlé tantôt... Vous dites: 80 % des médecins spécialistes travaillent dans les hôpitaux, on est habitués de travailler avec les pharmaciens. Puis, effectivement, nous aussi, quand on constate le travail qui se fait entre les médecins puis les pharmaciens qui sont dans les hôpitaux, on voit qu'on peut vraiment faire une bonne revue d'utilisation optimale des médicaments, grâce aux pharmaciens.

Comment vous voyez l'implication des pharmaciens lorsque vient le temps de prescrire certains médicaments qui sont à ce moment-là consommés à une pharmacie communautaire? Comment vous voyez l'implication, là, et l'ouverture, de ce côté-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): D'abord, il s'agit d'une approche à développer. À l'hôpital, c'est une équipe. On dit: C'est sûr que la revue d'utilisation des médicaments ne repose pas seulement sur les pharmaciens mais repose sur une équipe, une approche d'équipe.

Donc, il y a une question d'efficacité, de coûts, et il y a des règles qui sont émises dans l'hôpital pour expliquer aux gens que c'est tel antibiotique qu'on prescrit dans tel cas, dans tel cas. Donc, il s'agit vraiment d'une approche avec les gens qui sont familiers.

Mais dans la pharmacie communautaire, la création d'une équipe est un peu plus problématique. Ce que nous disons, c'est que nous devons nous en inspirer. S'agit-il de regrouper un certain nombre de pharmacies communautaires et d'avoir une approche un peu plus sous-régionale ou par quartier, que sais-je, de faire des études? Il s'agit quand même de développer.

Je sais que, pour avoir participé et avoir soumis un mémoire aux états généraux de la pharmacie, nous avons supporté une approche professionnelle et possiblement, disons, une rémunération pour supporter cette approche intellectuelle. On sait que, quand un patient prend plus d'un certain nombre de médicaments, il y a une rémunération, je crois, pour la consultation avec le médecin. Il s'agit peut-être de valoriser cette approche professionnelle avec vraiment des moyens, disons, pratiques pour que la consultation se fasse au détriment ni de l'un ni de l'autre mais toujours au bénéfice du patient. Donc, c'est dans cet égard-là.

On ne peut pas reproduire en ambulatoire l'approche hospitalière, parce que, évidemment, les lieux sont différents, les gens se connaissent moins, n'ont pas à interagir. Mais il y a quand même beaucoup d'éléments à obtenir. La mise en réseau va certainement en être un, le fait qu'on ait en direct le profil thérapeutique du patient avec la carte Accès santé, la mise en réseau des cabinets éventuellement, essayer d'uniformiser peut-être l'approche, selon les différentes bannières concernant la gestion du médicament. Donc, il y a plusieurs pas qui peuvent être faits.

Sans vouloir... sans être capables de reproduire ce qui se passe à l'hôpital, les médecins spécialistes vous disent ce soir que, oui, une approche combinée, une approche de partenariat ou une approche multidisciplinaire dans ce cas-là va certainement aider; il s'agit de la développer. Ça se fait déjà dans certains cas, il s'agit de l'étendre davantage, et nous sommes prêts à participer à ça.

M. Legault: Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, je voudrais vous saluer, Dr Dugré, Dr Leblond, Dr Laberge et Me Bellavance. Je vous remercie infiniment d'être présents parmi nous, ce soir.

n(22 h 30)n

J'aimerais revenir un tout petit peu sur la formation des médecins, la formation continue. J'aimerais ça que vous m'expliquiez, dans un premier temps, à l'heure actuelle, ça consiste... Comment les médecins, là... Est-ce qu'il y a une formation qui se fait, là, après que vous ayez terminé vos études? Comment se fait la formation continue à l'heure actuelle des médecins spécialistes au Québec? Est-ce qu'elle se fait via les compagnies pharmaceutiques qui vous offrent des séminaires ou est-ce que ça se fait via un ordre professionnel?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Oui. Dans le code d'éthique du médecin, il a l'obligation de maintenir sa compétence et de maintenir ses études à niveau. La Fédération des médecins spécialistes, entre autres, a un office de maintien de la compétence. Nous avons un directeur à plein temps sur ce sujet qui accrédite auprès du Collège et des organismes accréditeurs les programmes de formation médicale continue de chacune des 34 associations. Ces 34 associations-là... je dois vous dire qu'en pathologie il n'y a pas beaucoup de compagnies pharmaceutiques dans ce domaine. Donc, la formation médicale continue ne repose pas exclusivement sur les compagnies pharmaceutiques, mais on sait que, dans certaines autres associations, il y a certainement des subventions, mais les associations cotisent elles-mêmes et participent à leur propre formation avec l'aide, dans certains cas, évidemment, de subventions de toutes sortes, soit pour faire venir un conférencier à leur réunion d'association, mais c'est le rôle de... Chacune des associations est impliquée dans la formation médicale continue.

Mme Boulet: Dans votre document, Dr Dugré, vous semblez être d'accord sur le fait que ce soit le Conseil du médicament qui dorénavant va s'occuper de stratégie et de formation, de sensibilisation pour améliorer la prescription. Le Collège des médecins et la Fédération des médecins omnipraticiens étaient un peu réticents par rapport à ça. Ils semblaient dire, eux autres, que ça devait passer essentiellement et uniquement par un ordre professionnel et qu'il ne fallait pas que ce soit contourné, là, ils ne semblaient même pas avoir d'ouverture à ce niveau-là. Il y a deux articles de loi qui disent que le Conseil du médicament va pouvoir faire ça, et même, on ouvre une porte à de la formation avec l'industrie pharmaceutique. Mais le Collège des médecins était, comme je vous dis, fortement opposé à ça, comme si on les by-passait, comme si on faisait une formation qui était hors de leur contrôle. Vous, vous ne voyez pas de problème avec ça, tel que je le lis?

M. Dugré (Yves): Pour nous, nous ne voulons pas réduire le rôle de notre Collège dans ce cadre-là. Mais ce que nous disons, c'est que, oui, nous sommes d'accord à mettre à la disposition des médecins des outils supplémentaires pour avoir une vision, une approche impartiale par rapport à la prescription du médicament. Nous disons que la force de frappe des compagnies pharmaceutiques est importante, les enjeux sont importants. Le Collège aussi a beaucoup de choses et beaucoup de travaux à faire, et il ne s'agit certainement pas de réduire le rôle du Collège, mais d'augmenter justement la présence d'outils mis à la disposition des médecins prescriveurs pour avoir une approche impartiale sur la validité ou non d'un médicament. Dans ce cadre-là, nous ne voyons pas d'incompatibilité par rapport au rôle du Collège.

Mme Boulet: Également, j'aimerais savoir, Dr Dugré... Parce que je sais que les médicaments d'exception, vous travaillez certainement beaucoup avec ça, tous les nouveaux médicaments qui sortent sur le marché, que je pense à Enbrel, Remicade, en tout cas, peu importe, toutes les nouvelles molécules, là, qui tardent à être acceptées sur la liste, et celles qui sont acceptées par le processus de médicaments d'exception, c'est souvent fastidieux pour vous au niveau administratif. Comment vous voyez ça, la liste de médicaments d'exception? Est-ce que vous auriez des conseils à donner au ministre par rapport à cette liste-là? Et comment on doit soit accélérer ou prioriser ou faire en sorte... Parce que, là, on reçoit des lettres ? moi, en tout cas, à tous les jours, et mes collègues également ? de patients qui sont en attente d'avoir un traitement qui serait comme, je dirais, un peu miraculeux par rapport à ce qui se fait à l'heure actuelle dans la médication traditionnelle, et il y a une lourdeur, là, il y a une lenteur administrative qui fait que ces gens-là attendent trois mois, six mois. Mais, vous savez, dans la vie d'un patient arthritique, le six mois qu'il souffre de douleur chronique aiguë, c'est pénible. Alors, comme spécialistes, c'est sûrement vous, les intervenants de première ligne pour travailler avec ces médicaments-là. Comment vous voyez ça? Comment vous décrivez la situation actuelle, et avez-vous des suggestions pour améliorer la...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Oui. Je vous remercie de me poser cette question, parce que c'est certainement une préoccupation pour plusieurs de nos associations. Je citerais tout simplement, de façon non exhaustive, les neurologues dans certaines maladies, que ce soit l'Alzheimer ou autres maladies, et les rhumatologues qui demandent à être exemptés d'avoir à remplir des demandes de prescription de médicaments sur la liste d'exception parce que, pour eux, il s'agit de médicaments habituels et leur type de patients ont généralement besoin de façon fréquente de ces médicaments.

Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est qu'il ne s'agit certainement pas d'une approche privilégiée des médecins spécialistes d'augmenter le nombre de médicaments sur la liste d'exception. Mais la réalité nous touche. Est-ce qu'on doit choisir, nous avons à prioriser, par rapport à cet élément-là, la pérennité ou la continuation d'un système qui donne plus d'accès aux médicaments? Et, dans ce cadre-là, il y aura probablement lieu de réduire, peut-être, le fardeau administratif, parce que ça ne touche pas seulement le médecin. Le médecin est déjà surchargé, mais le patient qui attend, lui, et qui doit faire face souvent à des attentes pour avoir sa médication, c'est certainement un problème. Il y aura probablement lieu, avec le Conseil du médicament, de mieux baliser et d'avoir la meilleure certitude de la prescription du médicament opportune, de nouvelles molécules qui sont sur le marché, qui sont annoncées à grands frais, qui sont certainement excellentes, mais je veux dire qu'il s'agira de baliser davantage pour que la population soit en mesure... et les patients et les docteurs qui prescrivent les médicaments soient les plus rassurés par rapport à l'opportunité, vraiment, d'y aller avec un médicament.

Mais c'est les coûts du système qui nous portent à penser... Et aussi, nous avons un système, il faut le dire, qui est plus généreux que toutes les autres provinces du Canada dans ce cadre-là. Il y aura probablement lieu de voir à faire un choix pour que le système puisse continuer. Évidemment, nous l'avons dit d'emblée, la prescription du médicament, l'accessibilité à ces nouvelles molécules qui sont vraiment efficaces doit primer. Il s'agit d'un choix de société, un choix pour que le système puisse se perpétuer.

Mme Boulet: Ma dernière question. Après, je vais passer la parole à mon collègue. Au niveau de l'intention thérapeutique, là, l'article 42, ça semble, en tout cas, ambigu. Les médecins ne semblent pas tous d'accord avec ça. Et je me demandais, moi: Vous n'avez pas certaines inquiétudes par rapport à... si un pharmacien décide de mettre une intention thérapeutique ou décide, de concert avec le médecin, là, au niveau de la responsabilité professionnelle, je ne sais pas... Une intention thérapeutique, vous savez que ça peut être vague, ça peut être très large, c'est très complexe. Souvent, ça dépend d'une multitude de choses, de facteurs dans le dossier d'un patient. Ce n'est pas toujours très évident. Quand on porte un diagnostic, on peut penser que c'est ça, mais, dans le fond... Vous ne trouvez pas que c'est engageant et qu'il peut y avoir un problème au niveau de la responsabilité professionnelle des gens qui sont les médecins, les pharmaciens, effectivement, là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Sans doute, madame. C'est pourquoi nous demandons à participer et nous avons dit: Oui, le Conseil du médicament, oui surtout au fait qu'il y ait une table de concertation pour que les médecins, les pharmaciens, les gens qui sont impliqués, les professionnels impliqués puissent avoir droit de regard et puissent participer à l'élaboration d'un tel projet-pilote pour qu'il soit fait de façon convenable. On sait que la responsabilité professionnelle, nous sommes touchés grandement par ce sujet. On voit que l'évolution de la pratique et le travail de plus en plus en équipe, en multidisciplinaire, autant en milieu hospitalier qu'en milieu ambulatoire, nous appellent et nous demandent de regarder de nouveau, justement, les implications de la responsabilité professionnelle dans un monde où le patient a plusieurs thérapeutes et il fait partie davantage plutôt à une équipe qu'avec un rapport de un à un, soit son pharmacien ou soit son médecin. Mais, maintenant, c'est une équipe, on s'en va dans des groupes de médecins. À l'hôpital, c'est déjà fait. Donc, il s'agit de revoir tous les éléments de la responsabilité par rapport à ça. Donc, une participation des professionnels à la mise sur pied de ce projet serait certainement souhaitable.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Nelligan.

n(22 h 40)n

M. Williams: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Dugré, pour votre participation. Peut-être que je peux retourner à la question sur la liste des médicaments d'exception. Je voudrais juste bien comprendre votre position, que vous avez mentionné que vous souhaitez une utilisation optimale des médicaments. Vous avez parlé d'indépendance du médecin et de votre acte professionnel. Mais vous avez aussi parlé des coûts, du respect des coûts.

Imaginez que vous êtes le ministre de la Santé ? il va y avoir un changement bientôt «anyway», là, avec ça ? imaginez que vous êtes le ministre de la Santé. Je voudrais bien comprendre. Est-ce que vous aller abolir la liste de médicaments d'exception, et, si oui, qu'est-ce que vous allez faire comme... Vous allez remplacer ça avec quoi pour les nouveaux médicaments, le rôle des médecins? Je ne veux pas mettre les mots dans votre bouche, que vous avez dit que vous voulez l'abolir, mais je voudrais mieux comprendre la position, parce que, pour moi, je pense que c'est remettre en question vraiment une décision des médecins. Je voudrais vous entendre un peu plus sur ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Dugré.

M. Dugré (Yves): Je vais vous dire, nous participons, vous l'avez dit, dans le milieu hospitalier, à des revues d'utilisation du médicament avec une prescription optimale du médicament dans les hôpitaux, et ça ne coûte pas moins cher. Donc, toutes les méthodes que nous faisons actuellement d'une meilleure optimisation de la prescription du médicament vont déboucher inévitablement par une augmentation des coûts quand même, parce qu'il y a une augmentation de l'indication, il y a une augmentation de la consommation, il y a une augmentation de nouvelles molécules qui vont devenir aussi indispensables dans l'avenir.

Donc, il s'agit de méthodes nécessaires. Nous devons regarder la prescription optimale du médicament. Mais ça se fait déjà à l'hôpital, et on voit les budgets d'hôpitaux, il y a une loi antidéficit et, à chaque fois, un des éléments, ce n'est pas nécessairement l'huile à chauffage, mais c'est aussi la prescription du médicament.

Donc, dans l'avenir de l'assurance médicaments, nous devons inévitablement regarder qu'il y ait une bonne prescription du médicament mais nous devons aussi... nous sommes inquiets du système en tant que tel parce que, inévitablement, les coûts vont augmenter quand même.

Donc, ce n'est pas notre premier choix en tant que médecins. Dans un monde idéal, notre patient qui est malade, qui a besoin d'un médicament qui est sur une liste d'exceptions devrait y avoir accès dans un monde idéal. Malheureusement, il y a un certain nombre de choix à faire, nous devons réellement possiblement être obligés d'avoir une liste d'exceptions, mais il s'agit que ce soit le minimum de tracas, à la fois pour le patient et pour le docteur, pour atteindre les buts qui sont visés dans ce système.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous resterait deux minutes, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, Mme la Présidente. Une brève question. À la page 15 de votre document, vous avez déploré que le projet de loi n'ait pas réduit la complexité du régime. Vous avez même parlé des deux niveaux de franchise ou coassurance.

Qu'est-ce que vous voulez suggérer pour la simplicité du régime, quand vous parlez des deux niveaux de franchise et coassurance?

M. Dugré (Yves): Nous faisons certainement un constat. J'aimerais ça que vous parliez au citoyen non malade ou non patient et lui expliquer comment ça fonctionne, le système d'assurance médicaments. Ce n'est pas évident.

M. Williams: Bonne chance!

M. Dugré (Yves): Bonne chance à tout le monde.

M. Williams: Bonne chance!

M. Dugré (Yves): Ça fait qu'il faut s'y prendre à deux fois. Dans ce cadre-là, je veux dire, tout ce qu'on dit, c'est qu'il me semble qu'il y aurait moyen de le simplifier de toute façon ou de l'expliquer davantage. Mais ce n'est pas vraiment évident, parce que les gens disent: 1,7 million, le régime général, le système d'assistance, la coassurance, la franchise, etc., donc... Bon. Tout ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas évident pour le contribuable et, pour lui, ce n'est pas évident qu'il va prendre une décision éclairée par rapport à ce système-là.

M. Williams: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Drs Dugré, Leblond et Laberge, et Me Bellavance, merci d'avoir accepté de participer à cette commission.

Je suspends pour quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 22 h 44)

 

(Reprise à 22 h 45)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): S'il vous plaît, voulez-vous prendre place? Veuillez prendre place, s'il vous plaît! Alors, je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît, et, si vous avez d'autres conservations, les faire dans le corridor, s'il vous plaît.

Alors, la commission doit poursuivre ses travaux. Alors, nous accueillons maintenant les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Je vous souhaite la bienvenue. Alors, c'est M. Paul Fernet, qui est président, à qui je cède la parole. Vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole.

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Fernet (Paul): Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais vous présenter tout d'abord, à ma gauche, Mme Louise Rousseau, pharmacienne, conseillère en économie de la santé; encore plus à ma gauche, Mme Diane Lamarre, pharmacienne, professeure adjointe de clinique à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal; à ma droite, M. Pierre Ducharme, pharmacien, secrétaire général de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, l'Ordre des pharmaciens du Québec tient tout d'abord à vous remercier de l'opportunité qui lui est offerte de pouvoir participer au présent débat portant sur l'évaluation du régime d'assurance médicaments québécois. Le régime d'assurance médicaments est une pièce maîtresse du système de santé au Québec. Ainsi que le dévoile le document publié par le ministère intitulé L'assurance médicaments: un acquis social à préserver, la proportion des dépenses en médicaments depuis 20 ans a triplé dans l'ensemble des dépenses de santé au Québec, pour atteindre près de 3,5 milliards de dollars dans l'exercice financier 2000. Et comme le médicament représente l'outil technologique de choix si on le compare à des méthodes d'intervention plus invasives, il est raisonnable de croire que la part de l'investissement au chapitre du budget de la santé ira sans cesse en croissant.

Nous avons mentionné l'investissement et non la dépense, car, en contrepartie de notre apparente impuissance au contrôle de la hausse des coûts, nous pouvons à peine imaginer quel serait l'état du réseau sans le recours à la pharmacologie, laquelle a permis, dans une très grande mesure, la réduction du séjour hospitalier, la réduction de la morbidité, le virage ambulatoire et le maintien à domicile. Nous vous soumettons que les pharmaciens doivent en tout temps être considérés comme des intervenants essentiels pour tout ce qui a trait aux médicaments, qu'il s'agisse de travaux de réflexion ou de l'implantation de mesures destinées à améliorer l'utilisation de ceux-ci. L'Ordre des pharmaciens du Québec estime donc que le régime représente globalement pour les citoyens une amélioration claire de leurs conditions de vie, même pour les Québécoises et les Québécois qui n'utilisent pas actuellement de médicaments, ne sachant jamais à quel moment de notre vie la maladie nous atteindra.

Abordons maintenant certaines difficultés qui semblent devoir être signalées. Tout d'abord, sur la question de la contribution financière. Sur cette question de la contribution financière de la population, nous pensons qu'en général les citoyens n'y comprennent rien. Bien sûr, les Québécoises et les Québécois savent qu'ils sont assurés, mais l'enchevêtrement de l'administration d'une franchise, d'une coassurance, d'un plafond et d'une prime, le tout modelé en fonction de différentes considérations socioéconomiques, fait en sorte que bien malin celui ou celle pouvant prédire le montant de sa facture lors d'une visite à la pharmacie.

La correction apportée au système par la gestion de la durée de traitement éliminera une difficulté, soit celle des périodes de pointe en début et en fin de mois. Les volumes de prescriptions médicales délivrées par les pharmaciens pouvaient passer du simple au triple durant ces périodes, menaçant la qualité des services pharmaceutiques, créant des difficultés techniques à la Régie de l'assurance maladie du Québec, privant le gouvernement de la juste contribution des citoyens. Par contre, le moyen choisi aggravera un autre problème, soit celui du traitement administratif par les pharmaciens du régime, les citoyens étant en droit de recevoir des réponses à leurs questions inhérentes à la facturation.

Nous avions proposé dans des présentations récentes l'abolition de la franchise. Nous comprenons que cette solution n'a pas été retenue par le ministère, ce qui ne signifie pas, de l'avis de l'Ordre, qu'il faille cesser de chercher à tout prix à doter le régime d'une plus grande transparence dans le respect du citoyen, tout en allégeant le fardeau administratif des pharmaciens qui, dans l'actuelle situation de pénurie, doivent impérativement consacrer toutes leurs énergies à la dispensation de soins pharmaceutiques.

n(22 h 50)n

La politique du médicament. Force est d'admettre, comme l'ont souligné d'autres intervenants depuis le début des travaux, que l'absence d'une politique du médicament nous a souvent fait cruellement défaut par le passé. Qu'en est-il des disparités régionales, du fait que, selon que l'on réside à Chicoutimi ou à Montréal, notre traitement pour le cancer sera ou non offert par le centre hospitalier et donc sans frais pour le patient ambulatoire? Comment expliquer que, selon que l'on soit traité à Rimouski ou à Québec, nous serons référé à des intervenants du milieu communautaire ou pris en charge par l'établissement avec des iniquités pécuniaires qui en découlent? Et, évidemment, on vise ici le principe des circulaires malades sur pied.

Par ailleurs, une telle politique du médicament nous permettrait sans doute de considérer le médicament avec une vision élargie et permettrait également d'aborder le concept maintes fois dénoncé des approches silo. Sans chercher à entrer dans les calculs et les colonnes de chiffres, l'Ordre des pharmaciens estime qu'il serait pour le moins pertinent de considérer les transferts de budget inhérents à la réalisation, par exemple, du virage ambulatoire dans l'appréciation générale de la performance du Fonds d'assurance médicaments.

Le Conseil du médicament. En établissant le Conseil du médicament, le projet de loi se rend à de nombreuses recommandations antérieures. Nous en appuyons donc le principe, tout en émettant quelques réserves sur divers aspects de cette création.

D'emblée, nous notons que le Conseil du médicament comportera un nombre élevé de membres, soit 15, en incluant son président. Nous croyons que la lourdeur d'une telle structure porte en elle-même le gêne d'une relative inefficacité.

D'autre part, nous constatons que, de façon statutaire, les professionnels de la santé, pharmaciens et médecins, ne constituent que 40 % des membres du Conseil. Il est évidemment concevable que certains des autres membres puissent être, de fait, des professionnels de la santé. Il demeure que, théoriquement, une majorité des membres du Conseil pourraient être étrangers au domaine qui fait l'objet du mandat du Conseil ou, à tout le moins, étrangers à la réalité clinique qui entoure l'utilisation des médicaments dans notre société.

Toujours en ce qui concerne la composition du Conseil, nous considérons enfin inacceptable que la représentation des médecins et des pharmaciens au Conseil ne soit pas paritaire. Considérant le mandat du Conseil et l'expertise unique des pharmaciens en ce qui concerne les médicaments, les services pharmaceutiques qui y sont reliés et les revues d'utilisation des médicaments, nous estimons que notre profession doit être représentée au Conseil au même niveau que la profession médicale dont la participation est par ailleurs tout à fait indispensable.

La revue d'utilisation des médicaments. Tous sont d'avis de l'utilité d'un tel outil appelé «les revues d'utilisation des médicaments». Le projet de loi propose de confier au Conseil du médicament le mandat de réaliser ces activités visant une meilleure utilisation des médicaments. Que ce soit par les patients ou par les soignants concernés par ces revues, l'Ordre est d'avis que, afin d'éviter toute confusion inutile selon laquelle l'administration de la santé risque de compromettre l'indépendance de l'exercice du jugement professionnel, il faut la mise en place d'un organisme totalement indépendant, celui que nous appelions LIRUM ou l'Institut de revue de l'utilisation des médicaments, dans des présentations antérieures, et dont la simple logistique pourrait être confiée aux ordres professionnels par exemple. Nous continuons de penser que les revues d'utilisation des médicaments, processus de contrôle de la qualité des actes professionnels, doivent se faire principalement par les pairs et dans un contexte où la perspective de contrôle administratif cède le pas au contrôle de la qualité de l'acte professionnel. Sur ce point, nous sommes d'avis que l'expérience des CMDP des établissements, tels que les centres hospitaliers du Québec, prouve hors de tout doute que la concertation interprofessionnelle en milieu de pratique est garante de succès.

L'industrie pharmaceutique. Le projet de loi fait une place à l'industrie pharmaceutique dans le financement d'activités ayant pour objet l'amélioration de l'utilisation des médicaments, à l'article 14. Cependant, cette place est peu explicite et il faut référer au document L'assurance médicaments: un acquis social pour apprendre la création d'une table de concertation qui précisera la nature de cette place. Il nous paraît d'emblée que, si cette table de concertation paraît indispensable, il y aurait lieu de l'intégrer au projet de loi lui-même.

Sans nier que les fabricants de produits pharmaceutiques constituent des intervenants incontournables quand il s'agit de discuter du coût des médicaments, sans nier également qu'ils ont un intérêt à ce que les produits qu'ils développent et mettent en marché soient bien utilisés, nous devons aussi rappeler que la première priorité de toute entreprise de cette nature se situe ailleurs.

Nous croyons qu'une mise en garde s'impose. Il faut notamment éviter que l'implication de l'industrie pharmaceutique dans les activités décrites à l'article 14 en vienne à favoriser indûment l'utilisation de médicaments coûteux, une utilisation qui serait certes meilleure, mais qui se ferait au détriment du recours à une médication parfois moins coûteuse. Le choix des priorités d'études pourrait être compromis si trop de place est accordée à l'industrie pharmaceutique comme source de financement.

En conclusion, nous voudrions simplement réitérer, d'une part, notre appui au régime d'assurance médicaments et, d'autre part, rappeler que des ajustements plus importants que ceux qui y sont actuellement apportés demeureront nécessaires.

Nous rappelons en particulier notre intérêt à participer à un groupe de travail restreint et dont le mandat serait de discuter et d'étudier, le cas échéant, les mesures qui contribueraient à faciliter, pour les assurés, la compréhension du régime et, pour les pharmaciens, à en réduire les impacts sur leurs activités quotidiennes. Comme nous l'avons dit plus haut, c'est une question non seulement d'efficacité, mais aussi de respect pour l'un et l'autre groupe. Et nous vous remercions de votre attention.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, M. Fernet, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier, M. Fernet, Mme Lamarre, Mme Rousseau, M. Ducharme, pour votre présentation. Le premier sujet dont je voudrais parler, c'est évidemment un sujet qui vous touche directement: le projet-pilote sur l'intention thérapeutique, quoique je comprends que vous préférez parler d'accès aux diagnostics et résultats.

Le Collège des médecins est venu nous dire aujourd'hui qu'il n'était pas d'accord pour qu'on les incite à transmettre des intentions thérapeutiques. D'ailleurs, j'ai été surpris de voir la députée de Laviolette, qui pourtant est pharmacienne, qui disait qu'elle était d'accord avec les médecins. Je voudrais savoir qu'est-ce que vous pensez des réticences des médecins à transmettre cette intention thérapeutique.

M. Fernet (Paul): Merci, M. le ministre, de votre question. Je vous propose l'explication suivante: c'est qu'il faut distinguer le principe du comment. Si j'en réfère à la récente commission parlementaire sur la carte Accès santé Québec, je pense que la plupart des intervenants, y compris les médecins, étaient tout à fait en faveur d'un plus grand partage d'information entre les professionnels. J'entendais, il y a quelques instants à peine, les représentants aussi de la...

M. Legault: De la Fédé des spécialistes.

M. Fernet (Paul): ...c'est ça, de la Fédération qui étaient tout à fait du même avis. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, au niveau des principes, il n'y a pas de questions, je pense. L'ensemble des professionnels viendront vous dire qu'il faut trouver une façon de mieux partager l'information. Quant au comment y parvenir, il est clair, de notre avis, à l'heure actuelle, que les pharmaciens sont un grand pas en avant en termes de collecte de données, en termes d'informatisation et donc en possibilité rapidement d'échanger de l'information, ce qui ne semble pas être le cas, de façon très répandue en tout cas, du côté du corps médical. Alors, je pense que les réticences qui auraient pu être exprimées par le Collège doivent référer plutôt au comment qu'au principe lui-même.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: O.K. Donc, vous, vous êtes évidemment d'accord avec le fait qu'on essaie, via un projet-pilote qu'éventuellement on pourrait poursuivre, de mieux utiliser l'expertise des pharmaciens en demandant aux médecins... bon, exiger, c'est un grand mot, mais, en tout cas, en demandant aux médecins ou en incitant les médecins, je devrais dire, à donner l'intention thérapeutique avec le médicament.

M. Fernet (Paul): Non seulement nous sommes en faveur du principe, mais je pense que la population du Québec maintenant est rendue là. On a d'abord une première expérience, qui remonte à il y a quelques années maintenant et qui était le projet de carte à puce de Rimouski, où 100 % des patients, moyennant une simple explication du pourquoi du transfert d'information entre professionnels, avaient tous consenti donc à voir l'intention thérapeutique ou le diagnostic acheminé aux pharmaciens.

Mais, plus récemment, à travers les états généraux de la pharmacie, nous avons tenu un sondage important auprès de la population et où un pourcentage extrêmement significatif... Peut-être que quelqu'un pourrait me rappeler la donnée. C'était au-delà de 75 ou...

Mme Lamarre (Diane): 76 %.

M. Fernet (Paul): ...76 % de la population qui, même sans aucune explication, se disait d'emblée consentante à partager toute l'information du dossier médical envers leur pharmacien. Alors, ça nous démontre que la population est prête maintenant, et, pour nous, c'est essentiel, je pense, les pharmaciens et pharmaciennes du Québec, pour pouvoir jouer un rôle plus significatif et s'assurer d'une meilleure utilisation des médicaments.

n(23 heures)n

M. Legault: Deuxième question. Concernant l'abolition de la franchise. Vous proposez d'abolir la franchise. Bon. Une des raisons pourquoi on garde la franchise, c'est pour avoir un plus grand nombre de personnes qui contribuent à l'assurance médicaments, puisque, juste la franchise, ça représente 80 millions de dollars par année. Donc, les gens qui ont fait des calculs nous disent que, si on abolissait la franchise, il faudrait augmenter la coassurance à autour de 40 %, donc on se retrouverait dans une situation où il y a des gens qui disent: Ce n'est plus de l'assurance, rendu à 40 %. Et il y aurait aussi un problème important d'accès aux médicaments, là, surtout pour la clientèle à plus faibles revenus. Vous, quand vous proposez d'abolir la franchise, c'est pour la remplacer par quoi?

M. Fernet (Paul): Encore une fois, M. le ministre, j'oserai avancer ma réponse sous l'axe du principe et du comment. Le principe que nous défendions et que nous continuons de défendre derrière l'abolition de la franchise, ce n'est pas l'abolition de la franchise en soi, mais ça nous était apparu comme un moyen direct de simplifier, si vous voulez, l'administration du régime.

Nous avons eu des discussions, notamment, du côté du ministère, on nous a fait valoir que l'abolition de la franchise risquerait de transporter le régime vers un régime catastrophe. On est très respectueux d'une décision qui est de nature politique et qui veut maintenir un régime sans le faire permuter, si vous voulez, vers un régime catastrophe.

Cependant, et sans être des actuaires et sans être des spécialistes des chiffres, nous, comme cliniciens, nous vous réitérons qu'il faut à tout prix trouver une solution à ce problème-là. Le système tel qu'il est actuellement, avec les rehaussements qu'on comprend dans le projet de loi, demeure extrêmement complexe d'application et demeure incompréhensible pour la population du Québec. Alors, que ce soit par l'abolition de la franchise, que ce soit par un report de la contribution financière mais plus au niveau du rapport d'impôt, si vous voulez, quelle que soit la méthode, on pense qu'il faut trouver une solution. Et le souhait qu'on exprime et qu'on exprimait en conclusion, c'est de pouvoir peut-être, d'un projet de loi à l'autre, contribuer significativement pour vous apporter notre expérience terrain avec les problèmes qu'on vit dans le régime. Ça devrait, à notre avis, en tout cas, demeurer une priorité absolue dans le cadre d'un prochain projet de loi qui viserait à améliorer la performance du régime.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Je suis d'accord que ça vient complexifier le régime mais, en même temps, bon, il faut comprendre aussi qu'on recherche à financer ce régime et que c'est difficile de trouver des alternatives.

Mais j'avais une autre question concernant les nouveaux critères de décision dans le projet de loi, là, pour l'inscription des nouveaux médicaments, surtout les critères qui concernent les coûts-bénéfices, l'impact sur la santé de la population, sur les autres composantes du système de santé, un accès aussi raisonnable et équitable aux médicaments. Qu'est-ce que vous pensez de ces nouveaux critères qu'on propose de mettre en place pour l'inscription des nouveaux médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.

M. Fernet (Paul): Je vais demander à Mme Rousseau de répondre, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Louise): Alors, évidemment, d'ajouter des nouveaux critères pour l'évaluation des médicaments, c'était quelque chose qui était souhaité depuis longtemps, donc, c'est quelque chose d'intéressant. La seule réserve qu'on peut avoir, c'est de dire: Comment... Quelle sera la prépondérance qu'on accordera à un critère par rapport à l'autre? Parce que ces critères-là ne donneront pas tous les mêmes résultats, et il peut arriver qu'ils arrivent en conflit les uns avec les autres. Alors, à ce moment-là, comment les gens en arriveront à prioriser un critère par rapport à l'autre? Si on avait un cadre plus large, par exemple dans une politique de médicament qui accorde déjà des priorités en termes de critères à privilégier, ce serait probablement plus simple, mais dans ce cas-ci ce sera de voir, là, dans l'application de ces critères-là, parce qu'en soi ce sont d'excellents critères.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Legault: Une dernière question: Vous nous dites que l'accès aux services pharmaceutiques et aux médicaments dans notre système reçoit un traitement qui est fort différent de celui qui est accordé au service diagnostic dans l'hospitalisation. Quand vous nous faites cette déclaration, est-ce que vous êtes en train de nous suggérer qu'on devrait... ou que vous demanderiez la gratuité des médicaments?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Monsieur... madame... Mme Lamarre.

Mme Lamarre (Diane): Non, je pense que... En tout cas, à ce moment-ci, j'aimerais me faire le porte-parole, peut-être, un peu plus de la population. Je pense que la population a accepté de contribuer au financement des médicaments, je pense qu'elle y voit un intérêt et elle consent assez facilement à contribuer à ça. Mais je vous certifie que, dans le quotidien, ce que les gens ne peuvent pas accepter, c'est de ne pas être capable de comprendre leur facturation.

Et tantôt, vous parliez de la contribution qui pouvait aller, par exemple, dans le cas de la coassurance jusqu'à 40 %. C'est vrai que ça peut sembler être un montant important mais, dans la mesure où on maintient un maximum mensuel ou un maximum par période de 30 jours, là, je pense qu'on peut arriver à faire comprendre ça. Ce qui est important pour le patient, c'est que les 30 comprimés qu'il va se procurer, du même médicament au même dosage, qu'il puisse anticiper qu'à un moment donné, dans un mois, ce produit-là lui coûte le même prix; et quand il arrive à la gratuité parce qu'il a atteint son maximum, bien, il est d'accord pour dire que, là, c'est gratuit. Mais avant ça, je pense qu'il faut qu'il y ait une constance, et ça, ça va être respectueux de la population, de sa capacité de comprendre.

Vous travaillez beaucoup avec une population, et nous travaillons avec une population gériatrique pour qui chaque dollar a sa valeur et qui veut comprendre à quoi ça sert. Donc, il ne s'agit pas de minimiser la contribution des citoyens, il s'agit tout simplement d'aménager des façons qui la rendent plus acceptable pour elle.

M. Legault: Mais vous comprenez en même temps que d'avoir une franchise, bon, c'est un petit peu comme un élément contrôlant pour s'assurer qu'il n'y ait pas surconsommation ou, en tout cas, que ce soit des consommations qui soient nécessaires. Mais, en même temps, l'alternative de dire: On élimine la franchise, mais on augmente la coassurance à 40 %, est-ce que c'est une formule que vous pensez qui serait plus facile à expliquer aux gens puis qui serait plus acceptée par les gens? Parce qu'on sait, par contre, que les cotisants à faibles revenus en subiraient des conséquences plus fortes au niveau du coût qu'ils paieraient pour les médicaments.

Mme Lamarre (Diane): Le coût moyen d'une ordonnance se situe autour de 30 $. Si on parle d'une coassurance de 40 %, on va avec un montant de 12 $ qui est un montant qui est accessible pour la plupart des gens. On ne parle pas d'un montant de 70 $, on parle d'un montant de 10, 12 $, je pense que c'est tout à fait réaliste pour les gens. Et, comme je vous dis, la constance, la capacité de retrouver un montant prévisible par rapport au prix d'un médicament, je pense que c'est vraiment significatif pour eux. Et, s'il y a un écart, si le 40 % semble vraiment trop important, comme on vous dit, il y a peut-être l'ajustement sur la prime d'assurance qui sera une contribution.

Pour ce qui est de limiter la surconsommation, je ne serais pas portée à penser ? je ne sais pas, vous avez sûrement évalué l'impact ? mais je ne pense pas que la franchise soit en elle-même un élément très dissuasif. Si on a des patients qui vraiment ont tendance à surconsommer, ce serait seulement sur la première prescription que ça s'appliquerait, alors ça a peu d'impacts. Donc, je ne pense pas que ce soit un mécanisme...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Legault: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, bonsoir, messieurs et mesdames de l'Ordre. Alors, M. Fernet, Mme Lamarre, Mme Rousseau et M. Ducharme, merci d'être parmi nous ce soir. Il est tard, ce n'est pas toujours drôle pour vous.

Moi, en fait, je partage entièrement ce que vous avez dit. Quand vous dites que les gens n'y comprennent rien, je peux vous dire que, sur le terrain, ils ne comprennent rien. Même si ça fait cinq ans que le régime est là, on passe énormément de temps encore à expliquer le pourquoi et le comment des factures. Et je ne crois pas qu'ils saisissent, même si on l'explique de la meilleure façon possible, je ne pense pas, la fois d'après, ils reviennent puis ils ne comprennent toujours pas pourquoi le médicament ne coûte pas le même prix. Alors, je partage ça, moi, je pense qu'on passe un temps fou, en tant que pharmaciens, à expliquer ça.

Je vais poser juste une question. J'aimerais que, M. Fernet, vous me donniez... parce que vous parlez d'une véritable politique du médicament et, d'autre part, vous dites également qu'«il faut toutefois se rappeler qu'une utilisation optimale des médicaments ne se traduit pas nécessairement par une économie au niveau des coûts reliés aux médicaments». Alors, si on fait une politique du médicament dans le but d'avoir une intervention au niveau économique, comment vous la mettez en place, votre politique du médicament? Quels facteurs vous allez toucher ou que vous allez tenter de mettre autour du médicament pour dire: On va changer tout ça, puis on va remettre des bases plus solides, puis on va repartir de zéro?

Parce que, là, quand on a un projet de loi comme celui-là, on a l'impression que c'est un plasteur sur le bobo, qu'on a augmenté le coût mais que, bon, l'année prochaine, on va avoir le même problème puis on va encore augmenter le coût. Alors, moi, je pense que la politique du médicament, c'est vraiment la base, on aurait dû partir de là, comme l'avait demandé le ministre Rochon à l'époque. Mais quels sont les éléments que vous entreriez dans cette politique-là qui pourraient avoir un impact au niveau économique, qui pourraient être avantageux pour le gouvernement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.

M. Fernet (Paul): Merci, Mme la députée, de votre question. Oui, nous sommes tout à fait d'avis que la politique du médicament est une réalité manquante au Québec. C'est peut-être même, en fait, la première pièce de l'édifice qu'on aurait dû placer. Il n'est pas trop tard cependant, évidemment, pour se doter d'une politique du médicament, mais plus on considère, si vous voulez, les croissances de coûts, la performance et la bonne utilisation des médicaments, plus on réalise qu'elle est importante, cette politique du médicament là.

n(23 h 10)n

Je vais vous donner deux exemples de ce qui pourrait bien illustrer la nécessité d'une politique du médicament. Je vais vous donner un exemple peut-être plus terrain, clinique, et je vais vous donner un exemple plus système, au niveau large, si vous voulez, d'une telle politique.

Au niveau terrain, un des exemples qu'on a soulignés d'ailleurs dans notre mémoire, c'est la constitution d'un institut de revue de l'utilisation des médicaments. Alors, si on place la bonne utilisation des médicaments avec le meilleur usage clinique et qu'on vient pondérer la question du coût des produits à travers la sélection de produits pour apparaître à une liste, vous n'obtiendrez pas le même résultat selon la pondération que vous avez donnée à chacun de ces deux critères-là, par exemple. Comme il n'existe pas de politique du médicament, c'est difficile à ce moment-là de mesurer, si vous voulez, l'impact de chacune de ces réalités-là, et il y en a plusieurs autres, mais je n'en ai donné que deux qui se contrebalancent en quelque sorte, si vous voulez. Et donc, sans connaître l'importance relative de ces critères-là ni même en faire un détail exhaustif de chacun de ces critères-là, ça devient très difficile de se guider, si vous voulez, et de ne pas perdre nos objectifs. Si on prend, par exemple, qu'une liste, c'est un moyen, alors quel est l'objectif qu'on veut atteindre en bout de ligne?

Je vais vous donner un autre exemple système maintenant, cette fois-ci, et c'est des questions purement politiques qui appartiennent vraiment au gouvernement du Québec. On parle du coût des produits, mais on parle aussi souvent, et on est heureux de pouvoir parler de ces considérations-là, d'investissements majeurs, par exemple, en haute technologie, quand une industrie importante fait du Québec un des fleurons, je dirais, de la recherche en pharmacologie. Mais quel est le poids relatif qu'on veut accorder dans la question du coût des médicaments à des investissements de cette nature-là? Alors, on en vient à avoir de la difficulté à soupeser les avantages et les désavantages de l'introduction ou de la non-introduction d'une molécule, et donc ça réfère un peu, si vous voulez, en même temps à ce qu'on appelait les approches silo, à un moment donné, où est-ce qu'on ne regarde qu'une dépense, mais on ne voit pas, de l'autre côté, qu'est-ce que ça peut apporter comme bénéfice au niveau du citoyen, au niveau de l'économie, au niveau de la population du Québec.

Alors, tout ceci nous semble être des exemples, mais on pourrait les multiplier, d'éléments qui devraient être intégrés dans une réflexion pour en arriver à une politique du médicament et, ainsi, on saurait mieux comment se guider.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Parce qu'on sait tous, M. Fernet, qu'il y a des molécules qu'on appelle des jumeaux, qui n'ont pas de valeur thérapeutique réelle ajoutée et qui sont brevetés et qui arrivent sur le marché puis qui ont des coûts qui sont très importants, qui sont très significatifs, mais ils n'apportent pas nécessairement d'ajout au niveau médical. Puis souvent, le brevet d'une molécule se termine et l'autre entre... ils se chevauchent, finalement, puis le brevet, il se trouve à être prolongé d'une façon un peu détournée. Ça, ça se fait à l'heure actuelle, c'est des choses qu'on voit.

M. Fernet (Paul): Bien, je pense que vous faites référence à l'industrie du générique. Et quand on dit qu'il n'y a pas de valeur ajoutée, bien, il y en a une très certainement au niveau des coûts parce que, évidemment, le coût de ces produits-là est moins important. Est-ce que c'est ce à quoi vous faites référence?

Mme Boulet: Non, je ne parle pas des génériques, là. Je parle des molécules, là...

M. Fernet (Paul): Ah, Me2. O.K. Bien, peut-être... À ce moment-là, je vais laisser Mme Lamarre compléter la réponse.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lamarre.

Mme Lamarre (Diane): Bien, je pense qu'il y aurait lieu de se pencher effectivement sur la valeur ajoutée de ces molécules-là, quelque part de donner des indicateurs aussi au niveau de l'industrie pharmaceutique sur les cibles à privilégier. On est toujours préoccupé, quand on pense aux patients, à la recherche qui devrait se faire en ce qui concerne le traitement de maladies pour lesquelles il n'y a pas une population très grande. On sait que le système cardiovasculaire, ça va bien de ce temps-ci, le système gastro-intestinal aussi, mais il y a toutes sortes de maladies beaucoup plus rares qui sont moins visées par la recherche dans l'industrie pharmaceutique.

Je pense qu'il faut garder... il faudrait développer des moyens pour stimuler l'investissement vers des molécules qui sont vraiment des innovations et trouver un juste milieu par rapport à ce deuxième niveau de molécules qui, effectivement, prennent beaucoup, beaucoup de place et, je pense, qui devraient être pondérées au niveau de l'évaluation de l'investissement et de la recherche.

Il y a aussi la troisième catégorie, à laquelle M. Fernet faisait allusion, qui est la portion des génériques qui, parfois, se retrouve avec un prix de vente à 60, 80 % du prix du médicament original, ce qui nous apparaît, dans un contexte où la recherche n'a pas été faite, être quelque chose qui, en tout cas, mérite réflexion aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Fernet (Paul): Pardon, Mme la Présidente. Avec votre permission, Mme Rousseau ajouterait un petit mot, un court mot là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, sûrement. En complément de réponse, Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Louise): Oui, justement, tantôt on parlait du Conseil du médicament et des critères. C'est un beau défi, ces choses-là, pour le Conseil du médicament, parce que ces molécules-là auxquelles vous faites référence, quand les compagnies vont présenter des analyses coût-efficacité, ce qui est un des critères retenus, c'est clair que ces molécules-là sont la plupart du temps coût-efficaces. Donc, comment le Conseil du médicament va pondérer ces questions-là avec les critères qui lui sont donnés? Ça devient un beau défi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: En fait, j'espère que le Conseil du médicament va être capable de considérer tous ces facteurs-là parce qu'à l'heure actuelle on avait un CCP puis les molécules passaient pareil, là. Il y avait comme une absence au niveau de l'évaluation de la valeur thérapeutique ajoutée, là. Et, bon, c'est à souhaiter que dans le Conseil du médicament qu'il va y avoir de mis sur pied, c'est à souhaiter qu'on va considérer ces données-là. Je vais laisser la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. Dans votre mémoire, il y a une annexe, cette annexe introduit l'Institut pour la revue d'utilisation du médicament. La grande distinction... On reviendra après sur les fonctions, mais la grande distinction entre l'Institut et le Conseil, c'est le rôle des pairs. L'Institut essentiellement est issu des deux... Même s'il doit être indépendant des deux ordres, il est issu et accompagné ou généré ou démarré en quelque sorte par l'Ordre des pharmaciens et l'Ordre des médecins, tandis qu'ici le Conseil ? et c'est quand même assez important ? est un organisme qui est nommé par le gouvernement. Est-ce que je comprends bien que, là, il y a un problème, pour vous, important quant au Conseil et à la légitimité que le Conseil pourrait avoir?

M. Fernet (Paul): Oui. D'ailleurs, je vais demander à M. Ducharme de compléter dans un instant. Mais, outre la question de la représentation, sur laquelle on a déjà donné un avis, deux pharmaciens sur l'actuel Conseil du médicament, ça nous semble tout à fait, bon, impossible.

M. Gautrin: Vous demandez la parité.

M. Fernet (Paul): Mais, outre ça, il s'agit réellement de l'indépendance que je qualifierais d'institutionnelle d'un tel organisme. Mais M. Ducharme pourra peut-être compléter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, à vous la parole.

M. Ducharme (Pierre): Oui. Merci. C'est que la revue d'utilisation des médicaments, c'est un processus délicat, c'est un processus complexe et c'est un processus qui fonctionne bien quand il est géré par des pairs, effectivement, qui ne se sentent pas en situation de vulnérabilité par rapport au processus mais, au contraire, qu'ils voient comme un processus d'amélioration continue de la qualité. Et, dans ce sens-là, il nous apparaissait qu'effectivement une structure qui serait distincte de toute autre structure serait plus efficace. C'est le modèle qui a été adopté antérieurement pour le réseau de revue d'utilisation des médicaments qui est en quelque sorte une créature qui est issue d'organismes promoteurs dont l'Ordre, dont l'Association des pharmaciens des établissements de santé, dont l'Association des hôpitaux qui ont bâti en quelque sorte cette structure-là qui ne relève de personne d'autre finalement que des gens qui y participent.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'ai encore quelques minutes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Dans votre mémoire, vous dites: Oui, on est d'accord avec les mandats que devrait remplir le Conseil de révision de l'utilisation des médicaments. Mais j'ai cru comprendre que vous n'êtes d'accord que dans la mesure où ce Conseil est formé par des pairs. Ou, est-ce que vous êtes d'accord quelle que soit la composition du Conseil? Et, à ce moment-là, si vous dites: Oui, je suis d'accord quelle que soit la composition du Conseil, je vous poserai la question quant à certaines fonctions du Conseil qui ont soulevé des questions par rapport à d'autres ordres médicaux comme le Collège des médecins et la Fédération des médecins, en particulier 57.2, 3° et 5°, où, là, le Conseil va pouvoir formuler aux divers intervenants impliqués et aux professionnels de la santé, dans le respect de leurs responsabilités respectives, des recommandations susceptibles d'améliorer l'usage des médicaments et voir à l'évaluation des problèmes reliés à l'utilisation des médicaments et à la mise en place de mesures pour les prévenir et les corriger.

L'inquiétude que des gens qui étaient venus avant vous nous disaient: Si c'est une responsabilité de l'Ordre, voire d'un organisme indépendant, ça ne nous pose pas de problème; si c'est un organisme gouvernemental, ceci peut poser un problème. Est-ce que vous partagez ce point de vue là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.

M. Fernet (Paul): Vous avez bien résumé, M. le député, un peu la vision que nous avons à l'Ordre des pharmaciens du Québec. Le Conseil du médicament en soi est un organisme qu'on croit amener une meilleure concertation, si vous voulez, de compétences. Donc, c'est une bonne chose en soi, le Conseil du médicament, sa création, exception faite de la dimension des revues d'utilisation des médicaments.

Alors, pour les autres fonctions, si on résume notre commentaire quant à la création du Conseil du médicament, on croit que c'est une bonne idée, on supporte cette idée-là dans la mesure, évidemment, où la représentation des pharmaciens y trouve une plus juste expression.

n(23 h 20)n

M. Gautrin: Et que ce soit un organisme de pairs indépendant du gouvernement.

M. Fernet (Paul): Dans le volet de la revue d'utilisation des médicaments, qui est une des tâches confiées, si vous voulez, dans le Conseil du médicament, dans cette dimension-là, on croit que non seulement il y a un problème de représentativité des pharmaciens, mais on croit même que ce serait mieux ? et c'est ce que nous avions déposé à notre précédent mémoire ? que ce soit exclu et que ce soit confié à un organisme indépendant principalement composé de pairs, organisme indépendant sur lequel, par contre, on est tout à fait d'avis que pourraient siéger différentes instances administratives.

M. Gautrin: Vous aviez soumis à l'époque une représentation où il y avait une majorité, évidemment, de médecins et de pharmaciens en parité, mais pouvaient y participer des économistes de la santé, mais en personnel de support.

M. Fernet (Paul): Oui, des représentants du ministère et de la Régie et tout, ça, il n'y a pas de problème. Mais vous avez tout à fait raison, M. le député, c'est la vision que nos... Les revues d'utilisation des médicaments à un organisme indépendant, constitution du Conseil du médicament pour les autres volets, mais dans lequel on va rehausser pour tenir compte de la vraie réalité.

M. Gautrin: Le concept de parité, etc.

M. Fernet (Paul): C'est ça.

M. Gautrin: Je vous remercie, ça clarifie. Donc, vous n'êtes pas totalement d'accord avec le Conseil sous sa forme, telle qu'elle est dans le projet de loi.

M. Fernet (Paul): Tout à fait.

M. Gautrin: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Verdun. Il ne me reste qu'à vous remercier, M. Fernet, Mme Lamarre et Mme Rousseau, de même que M. Ducharme, d'avoir accepté de participer à cette commission à une heure aussi tardive.

Alors, j'ajourne les travaux de la commission à demain, mercredi, à 15 heures, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 23 h 22)


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