(Neuf heures trente-deux minutes)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): S'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Mme la secrétaire, nous allons donc commencer nos travaux de ce matin.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: M. Fournier (Châteauguay) en remplacement de Mme Rochefort (Mercier).
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous rappelle donc que la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec. Alors, aujourd'hui, nous terminons donc aujourd'hui ces auditions. Alors, ce matin, nous allons rencontrer M. François Marinier, la Centrale des syndicats du Québec par la suite, ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pour poursuivre, cet après-midi, avec l'Association médicale du Québec ainsi que la Chambre des notaires.
Auditions (suite)
Alors, M. Marinier, bonjour, bienvenue à cette commission. Alors, je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et que par la suite il y aura une période d'échange avec chacun des groupes parlementaires. Si vous voulez bien commencer, M. Marinier.
M. François Marinier
M. Marinier (François): Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais tout d'abord remercier les membres de la commission de m'avoir invité à présenter mon mémoire ce matin, que j'ai déposé à titre personnel, donc à titre de citoyen, d'usager du système de la santé au Québec.
Je voudrais aussi réaffirmer mon appui au gouvernement du Québec pour l'initiative dans son effort de modernisation du système de santé par les technologies de l'information. Je crois que c'est un, dans le contexte d'avant-projet, là, c'est un bon, un très bon, un excellent point de départ. On parle de la mise en oeuvre de technologies de carte à puce et d'infrastructures avec le public, qui sont, selon moi, les technologies de l'avenir pour les infrastructures de sécurité. Elles jouissent d'une reconnaissance relativement internationale. On voit la symbiose de ces technologies-là revenir constamment dans les études puis dans les projets de modernisation de santé dans plusieurs autres pays. Alors, c'est un bon mariage de technologies puis ça va permettre d'offrir une bonne infrastructure de base pour la sécurisation de la santé. Mais ça va aussi permettre... ça va être une base solide qui va aussi permettre au gouvernement de pouvoir sécuriser les nouveaux projets qui vont venir se greffer au fur et à mesure que... C'est un départ, là. Il va avoir d'autres... il va avoir une certaine progression au niveau de la mise en oeuvre, puis les technologies vont permettre justement de pouvoir sécuriser ces ajouts, au fur et à mesure, qui vont venir se greffer dans les projets de modernisation.
Alors, en résumé, mon mémoire traite principalement de sécurité informatique, sécurité des technologies de l'information. Puis, dans mes recommandations, je recommande la mise en oeuvre de mesures de sécurité à trois volets de la sécurité informatique: la sécurité du matériel, la sécurité de l'information comme telle et la sécurité du personnel.
Au niveau de la sécurité matérielle, ma recommandation se situe au niveau des cartes à puce comme telles, les cartes à microprocesseur. Il y a des normes de sécurité pour les cartes à puce en général et pour les modules cryptographiques qu'ils contiennent. Puis ces normes-là sont assez évoluées pour être capables de s'appuyer sur les exigences en matière de sécurité qu'ils spécifient. Maintenant, il y a certains problèmes au niveau de la disponibilité des cartes à microprocesseur qui répondent à ces exigences-là, qui pourraient peut-être créer certains problèmes. Mais je pense que la loi pourrait quand même promouvoir, si on veut, l'usage de cartes à microprocesseur qui répondent à ces exigences-là puis peut-être même spécifier les exigences de base que les cartes devraient répondre. Donc, c'est relativement de base, là, je n'ai pas grand-chose d'autre à redire sur cette recommandation-là.
Deuxième recommandation, au niveau de la sécurité de l'information comme telle, je crois fermement qu'on doit chiffrer les résumés comme tels à l'aide de clés de l'ICPG, de l'infrastructure à clés publiques gouvernementale. D'après moi, c'est la seule façon vraiment d'être capable de garantir, que le gouvernement puisse garantir le maintien et la confidentialité des résumés tout au long de leur cycle de vie. J'ai démontré dans mon mémoire qu'il y a une certaine prolifération des renseignements, des données informatiques dans les systèmes, puis ça peut être très difficile à tenter d'appliquer des mesures de sécurité constantes dans un contexte distribué. Donc, en appliquant la sécurité, le maintien de la confidentialité à la source même aux résumés, à ce moment-là on réduit beaucoup les risques. Une fois que le résumé est chiffré, il peut faire son cheminement dans les différents processus, à travers les différents systèmes, en garantissant un maintien de la confidentialité. Maintenant, ce que ça va exiger, ça va exiger d'abonner l'ensemble des usagers qui vont vouloir un résumé de santé. Il va falloir qu'ils soient abonnés à l'infrastructure à clés publiques gouvernementale. C'est certain qu'il y a des coûts, il y a des défis, certains défis qui doivent être traités, qui doivent être résolus, mais je crois quand même que c'est la marche à suivre, c'est la façon de garantir le maintien de la confidentialité.
Ça nous permet aussi, en chiffrant les résumés à la source, ça nous permet de régler beaucoup de problèmes au niveau de la conservation de ces renseignements-là. On a parlé beaucoup de banque de données centrale. En ayant des résumés chiffrés, on peut à ce moment-là les conserver dans une banque de données centrale en toute sécurité puis les distribuer aux différents points de services de santé. Des intervenants peuvent les consulter, les transferts peuvent se faire puis ils peuvent être déchiffrés à la source. Donc, le résumé est conservé dans la banque de données, on en extrait une copie, on la déchiffre sur le poste de travail de l'intervenant, là où la consultation aura lieu. Il y a des ajouts. Une fois que les ajouts ont été effectués, on peut rechiffrer le résumé puis le retourner à la banque de données centrale pour conservation.
Puis, moi, je parle de la confidentialité des renseignements. C'est certain qu'il y a deux autres volets de la sécurité de l'information qui devront être traités, l'intégrité, la disponibilité, que, moi, je n'ai pas traités dans mon mémoire. Mais il y a les trois éléments qui doivent être traités.
Le troisième volet que j'ai recommandé, c'est la sécurité du personnel. Donc, ça demande la mise en place d'un programme, programme de sécurité du personnel pour pouvoir effectuer des processus, des enquêtes afin d'établir la fiabilité du personnel.
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(9 h 40)
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Ça peut être difficile à justifier dans le contexte présent, là, dans le contexte de l'avant-projet, dans le contexte de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Normalement, c'est un programme qui doit être mis en place pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Ça peut être difficile à justifier, mais, quand on le regarde pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental, ça devient un petit peu plus facile à justifier, la nécessité d'un programme comme ça. Je veux dire, il y a plusieurs exemples, là. On a entendu parler récemment des fuites d'information à la Société de l'assurance automobile du Québec, qui est quand même la concrétisation de risques. C'est vraiment réel, ça, c'est arrivé.
Les enjeux, dans des risques comme ça, c'est la perte de vies humaines. C'est ça, l'enjeu. Puis ça démontre bien qu'il y a un besoin, une nécessité pour mettre en place un programme de sécurité du personnel, pour essayer de réduire ces risques-là. Puis, à travers les processus de vérification des antécédents, les enquêtes de sécurité, on est capable de déterminer, de réduire les risques puis de prendre certaines décisions par rapport aux personnels qui vont prendre des postes-clés avec des responsabilités quand même assez élevées par rapport au traitement des renseignements.
Je veux dire, c'est un programme... Si on regarde ça au niveau du gouvernement au complet, un programme gouvernemental, ça implique ? c'est un défi majeur, je l'admets ? ça demande la collaboration de plusieurs ministères, plusieurs organismes gouvernementaux. On peut parler de la Sûreté du Québec, bien entendu, qui serait un élément important, mais on doit aussi assurer la participation des syndicats, on doit assurer la participation de la Commission d'accès à l'information. Donc, ça serait vraiment un effort gouvernemental d'envergure. Puis, une fois que le programme est en place, bien, la Régie de l'assurance maladie du Québec pourrait s'assurer que le personnel et les intervenants aient les vérifications qui s'imposent pour vraiment augmenter, si on veut, ou assurer aux usagers la fiabilité des gens qui vont traiter leurs renseignements.
J'aimerais juste... Ce n'est pas unique, là. Je lisais justement des documents pour l'initiative d'amélioration du système de santé aux États-Unis. Puis, dans leurs normes, ils sont en train de développer des normes qui vont s'appliquer au secteur privé en santé, puis ces normes-là aussi comprennent des volets de sécurité du personnel. Alors, c'est un thème qui revient dans plusieurs projets de modernisation des systèmes de santé dans le monde, puis je crois que c'est absolument essentiel. Maintenant ? je vais le répéter, là ? c'est certain que ça peut être difficile à mettre en contexte du point de vue de l'avant-projet, du point de vue de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Il faut vraiment le prendre du point de vue d'un programme gouvernemental, donc à l'échelle de l'appareil gouvernemental.
Ça résume vraiment les grandes lignes de mon mémoire. Je n'ai vraiment rien à rajouter, là, pour ma portion de présentation, là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va. Je vous remercie, M. Marinier. Nous allons donc poursuivre avec la période d'échange. M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Oui. Je vous remercie, M. Marinier, pour cette contribution à nos travaux. Je constate donc que vous êtes plus d'accord, je dirais, avec l'initiative du gouvernement de moderniser ses mécanismes de gestion dans le secteur public par l'utilisation de technologies de l'information. D'ailleurs, votre présence ici aujourd'hui en témoigne et la façon dont vous faites votre présentation: on vous retrouve aujourd'hui à faire la présentation de votre mémoire avec votre PC juste à côté de vous. C'est pour moi une image importante dans le sens où effectivement nos outils de travail évoluent de plus en plus. Vous l'avez peut-être fait, je ne le sais pas, mais on peut même maintenant transmettre des mémoires, lorsqu'on s'organise pour le faire, même directement par voie d'Internet.
M. Marinier (François): Je l'ai fait, d'ailleurs.
M. Bertrand (Portneuf): Vous l'avez fait. Bon, vous voyez? Donc, c'est ça, les contextes changent sur le plan technologique, et je pense qu'on doit chercher le plus possible à en tirer le maximum de capacités et d'avantages pour la conduite des affaires publiques tout en étant prudent, cependant. Par exemple, vous exprimez ce point de vue là quant à la protection, par exemple, des renseignements personnels, vous exprimez des souhaits et en même temps des inquiétudes à cet égard. Donc, j'aimerais vraiment vous remercier pour votre contribution, et ça nous donne l'occasion de vous solliciter pour que vous partagiez votre expérience professionnelle en plus de votre expérience de vie, parce que votre mémoire fait référence également à une situation qui, sur le plan personnel, n'était certainement pas facile à vivre.
Ce que je retiens donc comme première question: Vous craignez donc que, pour aller à des points qui vous chicotent peut-être davantage, vous craignez donc que l'application des technologies ? et là je pense à respecter votre pensée ? mécaniserait, risque de mécaniser le non-respect des droits de la personne? J'aimerais ça que vous peut-être élaboriez davantage là-dessus parce que... moi, je considère toujours ces environnements-là qui se développent comme, à la fois, des nouveaux environnements à l'égard desquels il faut être très vigilant, hein, pour ne pas accepter n'importe quoi puis en faire n'importe quoi, mais, en même temps, comportant de grands bénéfices potentiels si on sait bien les utiliser. Est-ce que justement ces nouveaux environnements, ces outils, que rendent disponibles maintenant les technologies de l'information et les communications, ne permettent pas de sécuriser encore davantage justement les droits des usagers, notamment en ce qui regarde la protection des renseignements personnels, si on les utilise correctement?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Marinier.
M. Marinier (François): O.K. Du point de vue... Oui, c'est ça, j'ai parlé dans mon mémoire d'une certaine crainte au niveau de la mécanisation même du non-respect. Ce que je veux dire par là, puis, je veux dire, j'ai vraiment assez d'expérience au niveau de la mise en oeuvre de grandes applications, on établit un ensemble de critères, un ensemble d'exigences, un ensemble de besoins, puis, par la suite, on va informatiser les processus basés sur les spécifications qu'on va déterminer dès le départ. Puis, si les exigences, les devis sont mal spécifiés, alors on va tout simplement informatiser des processus qui, à la base, ont été mal spécifiés. Donc, la crainte vient du fait qu'on doit être vigilant au niveau des spécifications initiales du système pour s'assurer que les processus sont bien spécifiés dans le respect des droits, puis pour assurer justement une informatisation appropriée dans les processus comme tels.
Moi, au niveau de mon vécu personnel, j'ai été témoin plusieurs fois de mauvaises perceptions que certains intervenants peuvent avoir par rapport aux droits des usagers dans le domaine de la santé. Je pense qu'il y a encore de la sensibilisation à faire par rapport aux intervenants vis-à-vis les droits qui nous sont donnés par les lois, par les lois du Québec, donc... Puis c'est certain que, s'il y a une mauvaise perception des droits fondamentaux puis des lois, on peut spécifier des processus qui sont erronés puis on peut tout simplement informatiser ces processus-là. Donc, le commentaire que j'avais dans mon... ma crainte que j'ai exprimée dans mon mémoire, ça expose un peu pourquoi je... ce qui était à la base de ma crainte. Je veux tout simplement assurer que les processus sont bien spécifiés dans le respect des... dans la reconnaissance des droits pour assurer une bonne informatisation des processus par la suite.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): O.K. Je comprends. Vous dites: Ce sont des outils qui effectivement offrent probablement beaucoup de potentiel. Encore faut-il savoir bien spécifier nos paramètres, je dirais, pour s'assurer qu'on en tire le maximum d'avantages, notamment au plan de la sécurité, ce qui m'amène à un sujet qui est relié à cette question-là et qui a fait l'objet de beaucoup d'interventions à cette commission jusqu'à présent. J'aimerais l'aborder. Et, compte tenu de votre formation et de vos intérêts aussi, c'est toute la question d'avoir une banque de données centrale en opposition, je dirais, où une autre option pourrait être d'avoir davantage un réseau d'information distribué, réparti, avec tout le débat que ça pose sur la sécurité de l'information, et tout ça. Donc, en ce qui regarde ce point important de l'architecture du système, moi, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Certains prétendent qu'une base de données centrale est un peu une approche dépassée et qu'il serait préférable, donc, d'avoir des points de services, donc un réseau plus distribué. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, compte tenu de la technologie et de son évolution actuellement, et ce que vous en connaissez.
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(9 h 50)
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La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Marinier (François): Disons que j'ai deux réponses. Je peux répondre sur deux niveaux. Premièrement, je connais très peu... Ma compréhension du mandat actuel, c'est à travers l'avant-projet de loi. Je n'avais aucune connaissance avant ça du projet-pilote à Laval ou des autres travaux qui avaient été effectués. Donc, j'ai jugé l'initiative par l'avant-projet lui-même, par le texte de l'avant-projet. Puis ce que j'en ai compris, moi, c'est que c'est un système de gestion de résumés de renseignements de santé. À ce titre, au niveau de la base de données, ce qu'on ne veut pas créer, c'est une base de données de renseignements de santé dont les ensembles d'éléments sont associés aux usagers eux-mêmes. Ça, c'est très différent que d'avoir un dépôt, un dépôt de résumés de santé, des objets distincts que l'on emmagasine temporairement dans un dépôt central, qui peut être une base de données parce que, les bases de données, c'est des technologies qui sont quand même normalisées, qui nous offrent des interfaces normalisées qui sont déjà intégrées dans la plupart des outils informatiques. Donc, la réalisation, ce n'est pas une banque de données de renseignements de santé, c'est une banque de données de résumés qui doivent être conservés comme un objet distinct dans la base de données.
Une bonne façon de faire ça, de l'assurer, c'est justement de les chiffrer indépendamment. Donc, dans la réalisation, dans la conception de la base de données, vous vous retrouveriez avec un identifiant quelconque, une certaine quantité de renseignements pour pouvoir identifier à qui... le propriétaire des renseignements comme tels. Après ça, vous auriez un objet chiffré, distinct, qui serait emmagasiné dans la banque de données. À ce niveau-là, moi, je n'ai vraiment pas de problème à avoir une banque de données comme ça, une banque de données centrale.
Du point de vue sécurité, si on regarde les autres aspects, l'aspect disponibilité des renseignements, parce qu'on doit traiter de la disponibilité de ces renseignements-là, c'est beaucoup plus facile de garantir ou d'assurer la disponibilité des renseignements lorsqu'ils sont gérés dans un dépôt central. S'ils sont distribués, la gestion de la disponibilité devient difficile. Donc, toute la prise de copies de sauvegarde, parce qu'il va falloir les sauvegarder, les systèmes, ce n'est pas infaillible, ça brise, on a des risques que les serveurs flanchent, on doit récupérer les données, dans un contexte distribué, ça peut être... ça devient extrêmement difficile de sauvegarder les éléments distribués puis d'en assurer l'intégrité dans leur ensemble. Alors, en centralisant les données, c'est beaucoup plus facile, la gestion devient plus facile. La sécurisation devient aussi plus facile.
M. Bertrand (Portneuf): Je comprends très bien.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, M. le ministre?
M. Bertrand (Portneuf): Oui, bien, ça va, puis j'aimerais pousser sur une autre question un peu plus technique encore. Et vous m'en excuserez, Mme la Présidente, mais, puisqu'on a l'expertise de M. Marinier, j'aime en profiter, dans les circonstances.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, il y a beaucoup de temps encore, M. le ministre, à votre disposition.
M. Bertrand (Portneuf): Bon, très bien. Vous suggérez, dans votre mémoire, en ce qui regarde l'accès et le maintien de la confidentialité, l'accès aux données, maintien de la confidentialité, qu'on puisse l'assurer le plus possible en utilisant des clés publiques. C'est un aspect un peu plus technique. J'aimerais ça que vous m'éclairiez un peu là-dessus. Moi, je comprends bien qu'actuellement, dans notre projet, on ne prévoit pas une infrastructure à clés publiques gouvernementale pour chiffrer les informations du résumé parce que, m'explique-t-on, ça obligerait le gouvernement à rendre public un répertoire contenant le nom et la clé publique du chiffrement de tous les usagers du système de santé. Et le fait de conserver une double clé ? en double, c'était un double de la clé privée de chaque usager, dans le but d'en permettre la récupération en cas d'urgence ? est largement contesté par les défenseurs des droits et libertés de la personne. Donc, on s'en tient, bien sûr, dans les circonstances, à la signature numérique, qui ne présente pas ces problèmes.
Comment voyez-vous ça, de votre côté, cette espèce de dilemme qu'il y aurait entre une sécurité encore plus grande que votre proposition impliquerait, mais, en même temps, du point de vue de la protection des renseignements personnels, une levée de boucliers qu'on peut déjà anticiper si jamais on se dirigeait dans cette direction-là?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Marinier.
M. Marinier (François): Disons que la réponse, ma réponse, elle va être en deux volets. Je vais parler du répertoire pour commencer, après ça je parlerai de la clé privée de déchiffrement des usagers. Premièrement, les services d'infrastructure avec le public, vous devez déjà les mettre en oeuvre parce que vous en avez besoin pour les intervenants comme tels, donc les processus qui sont liés aux intervenants vont utiliser les services de sécurité d'infrastructure avec le public dans leur mise en oeuvre. Alors, l'infrastructure avec le public va déjà être là.
Pour le point du répertoire public, moi, en tant que citoyen, je suis prêt à faire certaines concessions pour garantir la sécurité de mes renseignements. Ce que je veux dire par là, c'est que je suis d'accord à ce que le gouvernement mette mon nom dans un répertoire central, qui n'est pas... qu'on dit public mais qui n'est pas accessible de façon... Il est public dans le sens que les composantes de l'infrastructure sont capables d'aller consulter le registre central, mais ce n'est pas quelque chose qui va être accessible directement de l'Internet, là, ce n'est pas quelque chose qu'on va publier, qu'on va rendre accessible à grande échelle. Il y a quand même certains risques de la constitution d'un registre comme ça, mais on va avoir un minimum de renseignements nominatifs. Je veux dire, nominatifs, un minimum de renseignements qui vont m'identifier, moi. Par contre, ce qu'on me donne, c'est une garantie absolue que mes renseignements de santé vont être protégés, donc que la confidentialité va être appliquée de façon... va appliquée à la source dès la création puis à chaque fois que le résumé va changer, va évoluer, puis que ce maintien-là va être assuré à la grandeur du système. Pour moi, c'est un bon compromis.
Je ne veux pas rentrer dans le débat par rapport à un registre comme ça, un répertoire. Ce que je peux vous dire, c'est que j'en fait déjà partie. Je ne nommerai pas la banque à laquelle je fais mes affaires, là, mais eux autres, ils ont une infrastructure avec le public depuis déjà 1997, en fait. Ça a été, pendant un bon bout de temps, une des plus... la plus grosse infrastructure avec le public au Canada avec... il y avait au-dessus de 100 000 abonnés à cette infrastructure-là. Puis j'avais mon nom sur un... en fait, un identifiant sur un registre central à la banque que mon poste de travail pouvait accéder, mais que, moi, je ne pouvais pas... ce n'est pas quelque chose qui était publié, c'était quelque chose qui était accessible. Il y a une grosse différence entre les deux. Par contre, l'avantage, c'est que j'avais un système de sécurité beaucoup plus avancé que ce que les autres banques peuvent offrir encore aujourd'hui, là. Il y a des différences fondamentales dans la sécurisation, dans l'offre de sécurisation qu'ils ont, puis ça me rassure, moi. Donc, c'est un certain compromis, puis, moi, je suis capable de vivre avec ça.
Du point de vue de la clé privée de chiffrement, oui, on aurait, dans une base de données, quelque part dans le système, là, une copie de ma clé privée qui servirait à déchiffrer mon résumé de renseignements de santé avec un... Premièrement, avec les lois qui garantiraient des processus rigoureux pour en avoir accès, pour en faire usage, puis avec des bons mécanismes de sécurité physique, sécurité du personnel, donc des couches de sécurité qui s'appliquent, je deviens de plus en plus rassuré qu'on en ferait usage juste lorsqu'il y a un besoin réel d'en faire usage. Donc, encore là, c'est un exercice de... J'utilise «compromis», je trouve que c'est un gros terme. C'est vraiment de gérer le risque, de reconnaître qu'on donne un petit peu, peut-être, d'un côté pour avoir une garantie de l'autre. En fait, du point de vue d'un citoyen, là, c'est ce que je vous réponds, là. C'est que, moi, je trouve que, pour garantir la confidentialité de mes renseignements de santé, je suis prêt à avoir mon nom et/ou un identifiant quelconque dans un registre qui serait accessible des postes... des points de services de la santé.
M. Bertrand (Portneuf): Peut-être une dernière question.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Une dernière question, M. le ministre, il reste quatre minutes.
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(10 heures)
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M. Bertrand (Portneuf): Bon, très bien. En fait, commentaire et question en même temps. Sur la gestion du consentement par l'usager, vous soulignez dans votre mémoire que la gestion du consentement prévue dans l'avant-projet de loi est réduite par l'obligation de divulguer son NIP à l'intervenant. Je tiens à préciser, là ? il y a peut-être une incompréhension à ce niveau-là ? qu'il n'est nullement question de permettre donc et encore moins d'imposer la divulgation du NIP d'un usager à quelque intervenant que ce soit. C'est dans l'interface entre la carte habilitante, si vous voulez, puis la carte de l'usager qu'on permet l'interconnexion, si je peux dire, entre le professionnel et le client.
Ceci étant dit, en ce qui regarde toute la question de l'«opting out», là, seriez-vous d'accord, vous, pour que l'inscription soit obligatoire sans autre forme de consentement? En tant que citoyen, êtes-vous confortable notamment... précisément sur la question de l'«opting out» pour l'adhésion au résumé?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Marinier (François): Oui. J'ai lu un peu les rapports, puis on a parlé beaucoup de l'élément discrétionnaire. Puis, moi, personnellement, je crois que c'est un concept difficile quand on parle juste d'un résumé de santé. Puis je serais prêt à autoriser justement l'option dont vous parlez, donc où on s'engage à recevoir l'ensemble des données dans le résumé de santé au début puis, par la suite, qui est constitué sans avoir l'élément discrétionnaire à l'inscription. C'est parce que l'élément discrétionnaire, vraiment, il est plus au niveau de la consultation par la suite, ce n'est pas un élément qui doit être appliqué à l'inscription. Les professionnels de la santé, ils ont quand même des responsabilités professionnelles, ils doivent s'assurer que les données sont bien inscrites dans les dossiers. Puis je sais que ça faciliterait aussi certains échanges entre certains points de services des intervenants.
Mais seulement dans le contexte du résumé de santé, de la minute qu'on commence à déborder puis au fur et à mesure qu'il va y avoir une modernisation plus grande des processus de santé, à ce moment-là on doit appliquer sévèrement l'élément discrétionnaire à la consultation. Donc, de la minute qu'on va avoir, disons, des rapports plus concrets qui vont venir se greffer à notre résumé, des choses qui sont un petit peu plus... bien, disons plus que des petits éléments de résumé, là. À ce moment-là, il va falloir envisager d'appliquer un élément discrétionnaire à la consultation. Donc, je devrais être en mesure, moi, de dire: Bien, je vous permets de consulter une certaine plage de mon résumé puis pas d'autres, parce qu'elles ne sont pas pertinentes dans un contexte de consultation. Donc, ça, je pourrais vivre avec ça, moi, j'en serais d'accord.
M. Bertrand (Portneuf): Très bien. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va. Merci, M. Marinier. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Je vais revenir à... Ma dernière question portera justement sur la discrétion à la consultation. Je trouve ça intéressant, ce que vous mentionnez, on pourra en discuter tantôt. J'ai une petite question pour commencer, qui m'a... Vous avez souligné ça et on est passé rapidement. Peut-être que c'est très marginal et ce n'est pas plus important qu'il faut et ça se règle facilement, mais vous avez mentionné qu'il pouvait y avoir ? des précautions ? des problèmes de disponibilité de cartes à microprocesseur. Vous êtes passé là-dessus. Je n'ai jamais entendu parler de ça, vous êtes le premier qui soulevez ce problème-là, qui est quand même assez majeur, si c'est vrai que ça peut exister. Voulez-vous nous dire qu'est-ce que vous voulez dire quand vous nous dites qu'il y a peut-être des problèmes de disponibilité des cartes?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Marinier.
M. Marinier (François): Oui, on a besoin de clarifier. Ce que j'ai voulu dire, c'est que si la loi exige que les cartes à puce répondent à des exigences, des critères en matière de sécurité de carte à puce, à ce moment-là, c'est parce qu'il y a très peu de fabricants qui investissent... Parce que c'est un investissement majeur de développer des produits qui répondent à ces exigences-là. Puis, en général, ils vont adopter les principes de base mais ils ne développeront pas leurs produits de façon formelle et les soumettre par la suite à des processus d'évaluation, de certification de produits. Donc, si la loi précise que les produits doivent être certifiés selon des normes qui sont déjà disponibles, à ce moment-là, ça pourrait créer des problèmes au niveau de la disponibilité des produits qui répondraient à ces exigences-là.
Maintenant, si la loi ne fait pas mention d'exigences par rapport à ça, bien, à ce moment-là, il n'y aurait pas de problème de disponibilité. Donc, il y a vraiment un exercice, là... il y a un besoin d'exercice par rapport à jusqu'où on peut spécifier dans la loi les exigences qu'on veut... les éléments qu'on veut exiger des cartes à puce par rapport à la sécurité sans pour autant se retrouver dans une situation où il n'y a aucun produit sur le marché qui réponde à ces exigences-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oublions la loi, ça pourrait être par règlement, ça pourrait être par directive, ça pourrait être par standard approuvé par je ne sais pas qui. Avec l'avant-projet de loi, avec le projet que vous voyez du gouvernement, est-ce qu'il y aurait une nécessité que les cartes qui seront utilisées répondent à des standards très, très particuliers qui vont forcer une production particulière et donc mettraient en lumière ce que vous nous avez dit, une possibilité de problèmes de disponibilité? Quand on regarde l'architecture qu'on a présentement, est-ce que vous imaginez que forcément le gouvernement va être obligé de dire: Bon, bien, il y a un tel type de carte qui répond à tels critères, qui doit nous être acheminé, et que vous, connaissant le marché, vous pouvez dire: Face à ce besoin-là, il risque d'y avoir un certain délai avant la disponibilité? Est-ce qu'on est dans un cadre d'architecture qui force à ce qu'il y ait des règles ou des standards bien spécifiques?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Marinier (François): Vous me posez la question en tant que... Si je réponds en tant qu'analyste en sécurité informatique, la réponse c'est que, moi, je crois qu'on devrait exiger la conformité à des critères en matière de sécurité. Je ne suis pas un spécialiste en carte à microprocesseur puis je ne suis pas à jour sur ce qui est disponible sur le marché. Je sais qu'il y en a, mais il y en a très peu qui répondraient à ces exigences-là. Mais il y a des disponibilités. Maintenant, est-ce que ça créerait des problèmes par rapport à l'architecture qui est envisagée au niveau de la fonctionnalité puis au niveau de la compatibilité avec ce qui a déjà été spécifié, là, je ne peux pas répondre, je ne suis pas au courant de votre architecture.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Moi non plus! Mais j'imagine que le projet qui est sur la table va nécessiter un certain nombre de standards bien particuliers, puis, bon, vous êtes un expert bien plus que moi puis vous me dites: Bien, oui, il faudrait qu'il y ait un certain nombre de paramètres très, très précis qui collent avec le projet, d'autant qu'il y a des notions, là, de protection de la vie privée qui sont très importantes et, bon. Donc, je suis dans un scénario, là, à vous entendre, où il y aura des critères bien spécifiques. Et vous me dites: Quand on regarde le marché actuellement, la disponibilité n'est pas très grande. Pour répondre à ça, c'est presque une commande spéciale. Je ne sais pas si je peux aller jusqu'à dire ça. Est-ce que vous entrevoyez qu'il y ait des délais donc importants pour répondre... Quand même, on parle d'entreprises, là. Ceux qui font ce genre de produits, ce n'est quand même pas des petites entreprises, là. Est-ce que vous envisagez qu'il y ait des délais qui sont longs avant de pouvoir se procurer les cartes comme telles?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Fournier: Ça dépend des critères. Disons qu'on n'a pas les critères. Alors, peut-être que ça a un rapport avec la production de la carte, là, j'imagine, mais essayez de me répondre. Je suis toujours sur le point où vous me dites: Il peut y avoir un problème de disponibilité. Alors, j'essaie juste de voir: Bien, un problème qui va durer deux mois ou qui va durer deux ans ou qui va durer cinq ans. C'est ce que j'essaie de voir.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Marinier (François): Disons qu'on peut reconnaître que les gouvernements, les grosses entreprises peuvent avoir un effet bénéfique par rapport à... un certain effet par rapport à la conformité, par rapport au développement de produits. Puis, c'est certain que, si le gouvernement décide aujourd'hui qu'ils vont prendre la ligne ou ils vont exiger la conformité à des critères particuliers, ça pourrait inciter les fabricants de cartes à microprocesseur à s'enligner vers l'évaluation de leurs produits.
Maintenant, les délais, ça peut varier beaucoup; ça dépend de l'approche initiale que la compagnie a prise, que le fabricant a prise, sa philosophie initiale. S'il a déjà déterminé que oui... Puis il y a les lois du marché aussi. En général, je dirais que, sans être un expert en carte à puce, je dirais qu'en majorité ils répondent aux critères de base: les éléments de la sécurité physique, les éléments de la sécurité logique puis les éléments des modules cryptographiques eux-mêmes, les exigences par rapport à ça, là. En général, il y a une bonne réponse dans l'industrie, c'est juste que ce n'est pas appliqué de façon formelle, donc ils ne vont pas voir des laboratoires reconnus mondialement puis soumettre leurs produits à un processus de certification. Donc, on le sait, que, bon, ils ont intégré les processus puis les mécanismes dans leur produit, dans leur carte à puce, mais on n'a pas l'opinion d'un laboratoire indépendant qui nous assure que, oui, ils ont bel et bien le travail.
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(10 h 10)
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Donc, en résumé, là, je pense que, en majorité, les fabricants de cartes à puce, ils répondent aux exigences, mais pas de façon formelle. Donc, la loi, le règlement, la directive, la norme, la façon qu'elle va être spécifiée devra prendre ça en considération. Maintenant, je dis ça puis il y a peut-être une carte, il y a peut-être plusieurs cartes sur le marché qui répondent déjà à l'ensemble des critères en matière de sécurité. Puis, à ce moment-là il n'y en aurait pas, il n'y aurait pas de... Donc, il faudrait vraiment étudier la question en profondeur pour voir exactement jusqu'où on peut aller sans vraiment se retrouver avec plus de carte, plus de disponibilité du tout ou des délais déraisonnables.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: On restera avec la question que vous nous avez posée d'entrée de jeu; on verra comment les réponses viendront sur la disponibilité.
Je veux profiter de votre expertise à l'autre niveau, celui dont vous nous parlez dans le mémoire. Et vous avez noté tantôt la mauvaise perception des intervenants par rapport aux droits des usagers. Puis je vais vous demander de donner quelques précisions, si c'est possible. Si ce n'est pas possible, dites-moi: Ce n'est pas possible. Je vous explique pourquoi je pose la question: on a eu ici des représentants des donneurs de soins, des médecins ? on les a tous eus ? les spécialistes, les résidents, les omnis, le Collège des médecins, des représentants des usagers aussi qui sont venus nous voir. Et on voit bien qu'entre les deux, il y a comme un espace. Il n'y a pas, comment je dirais, un mariage facile. C'est deux angles d'une même réalité, mais c'est deux angles, deux côtés d'une médaille.
Et, pour bien comprendre, parce que, dans le fond... Puis, après vous, la CSQ va venir tantôt puis elle va soumettre que, dans le fond, on a un peu inversé. Le projet en ce moment vise à faire de la meilleure communication au profit surtout du donneur de soins pour qu'en découlent des bienfaits pour l'usager et va proposer plutôt que ce soit une meilleure communication dans les mains de l'usager face à son médecin, qui est forcément excessivement différent.
Donc, je reviens à ma question. Vous voyez ce que j'essaie de comprendre de vous. Vous avez une expérience par rapport à l'usager face au donneur de soins et vous venez dire: Bon, la perception n'est pas toujours claire. Or, on est ici dans un dossier où il y a lieu de mettre en lumière s'il y a des différends pour voir comment l'architecture doit être dessinée pour que tout le monde y tire le profit maximum.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Marinier (François): Je ne sais pas combien il me reste de temps, là, mais...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Une dizaine de minutes.
M. Marinier (François): En fait, je suis content de vous l'entendre dire parce que, moi, je vois vraiment... Ma perception, c'est qu'il y a vraiment deux systèmes. On a entendu, là, les gens du «medical establishment» qui ont parlé d'un système d'échange puis de gestion des renseignements entre les différents intervenants, les points de service du domaine de la santé. Ça, pour moi, je vois ça comme un système qui est vraiment indépendant de ce qu'on essaie de réaliser, là.
Puis, oui, je suis d'accord, c'est un outil. Le résumé de santé, moi, là, c'est un outil pour moi. C'est quelque chose que le gouvernement me donnerait, qui m'aiderait dans la gestion de ma santé puis dans la gestion de la santé de mes enfants. Je vais vous expliquer. Moi, je n'ai pas attendu le gouvernement, ça fait 15 ans que j'ai un résumé de santé pour moi puis pour les membres de ma famille. Ça, c'est mon résumé de santé à moi, mon résumé personnel. Ça, c'est le résumé de santé de mon fils, d'un de mes fils.
M. Fournier: ...
M. Marinier (François): Ça, c'est un résumé. Croyez-le ou pas, c'est un résumé. Donc, je fais ça depuis 15 ans, moi. Je gère. Je me suis intégré dans le système de santé. Des fois, ça n'a pas été facile, le système résiste, mais je me suis intégré quand même puis je me suis donné comme rôle, comme responsabilité la consolidation des résumés de santé de moi, personnellement, puis des membres de ma famille. Ça fait 15 ans que je fais ça.
Au début, ça a été très difficile. La résistance était incroyable. La reconnaissance des droits des usagers n'était tout simplement pas là. Ça s'est beaucoup amélioré aujourd'hui mais ça existe encore. Il y a des gens qui, je ne sais pas pourquoi là, mais ils ne comprennent, ils ne reconnaissent pas les droits des usagers, les droits d'avoir accès à ces renseignements-là. On parle strictement de gestion des données, la gestion des renseignements de santé. Ils ont des perceptions erronées de la relation de l'usager par rapport à ses propres renseignements.
La carte santé, l'avant-projet, pour moi, ça va remplacer ça. Ça, j'utilise ça, moi... Je vais vous donner un exemple concret, j'ai une expérience personnelle. Mon résumé de santé m'a aidé souvent à éviter d'être obligé de me soumettre à des examens, des examens que j'avais déjà faits, dont j'avais les résultats dans mon résumé. Donc, pour moi, c'est du concret, là, c'est un bénéfice concret que mon résumé de santé me donne parce que... Bien, premièrement, on peut passer à la deuxième étape de la consultation sans être obligé d'attendre puis de recommencer le processus pour les examens; puis, deuxièmement, j'ai sauvé des coûts au gouvernement régulièrement. Moins dans mon cas à moi, mais plus souvent dans le cas de mon fils. Je me présente avec son résumé de santé puis j'en retire des bénéfices concrets régulièrement. Je pourrais vous en sortir d'autres exemples; j'en ai plusieurs. Mais peu importe: le résumé de santé me donne déjà des bénéfices concrets depuis déjà plusieurs années. Puis, comme vous pouvez voir, moi, le papier, je le déteste, là, j'aime les données, j'aime les renseignements informatiques. Puis ça me permettrait de justement remplacer tout ça par un résumé numérisé, un résumé informatique qui, en bout de ligne, me donnerait à peu près les mêmes bénéfices que, ça, ça me donne.
M. Fournier: Je reviendrais, si j'ai le temps...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: ...je reviendrais peut-être sur la question que je posais. Je voudrais aborder tout de suite les documents que vous avez et le projet de loi comme tel, et je reviendrai sur la deuxième étape qui est le portable par rapport au papier, il y a quand même des gens qui sont venus nous en parler. Mais je fais le lien avec ce que vous avez dit tantôt: la discrétion non pas à l'égard de l'inscription, mais à l'égard de la consultation. Et là je regarde vos papiers puis je vous sens. Je peux prendre le portable mais prenons le papier que vous avez, puis là... Ça, je voudrais lui dire, au médecin, c'est les pages 4 et 5; mais, 8 et 9, je ne voudrais pas lui dire. 14, oui, mais pas 16. Alors donc, vous êtes en possession de votre outil. Vous décidez, à la consultation, ce que... C'est votre outil à vous.
L'avant-projet de loi ne fait pas ça, là, ne parle pas de ça. La gestion de la consultation est plutôt donnée sous l'angle des profils d'accès. Donc ? à moins que je ne me trompe, corrigez-moi ? l'impression que j'ai, c'est que c'est décidé de façon législative ou réglementaire, et, jusqu'ici, pas expliqué du tout; c'est juste un concept de profil d'accès. Mais lorsque vous allez donner votre carte et la carte habilitante, la carte habilitante va donner droit à un profil d'accès. Bon, un médecin en a un peu plus qu'une infirmière; une infirmière en a un peu plus que quelqu'un d'autre. Bon. Alors, ça chemine comme ça avec 200 000 personnes qui y ont accès et c'est leur profil d'accès qui décide ce qu'ils vont chercher dans le résumé centralisé. Donc, quand je vous écoute, est-ce que je dois comprendre que vous aimeriez que ce soit l'usager qui décide ce à quoi il donne droit de regard ou que ce soit le profil d'accès décidé centralement?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.
M. Marinier (François): L'élément discrétionnaire... Je suis d'accord avec vous que c'est difficile à mettre en application puis à concevoir, dans le contexte où on a simplement un résumé. Puis c'est vrai que c'est peut-être un petit peu plus qu'un résumé de santé, là, mais quand même. Moi, j'applique un élément discrétionnaire aux deux bouts: à la consolidation, puis j'applique aussi au niveau de la consultation. Donc, il n'est peut-être pas complet, je prends peut-être des décisions, mais j'en retire des bénéfices quand même. Puis, non, je ne donne pas l'ensemble de mon dossier au professionnel de la santé puis dire: Regarde, fais-en une photocopie. On a un échange ensemble, on en discute puis on va déterminer quels éléments, quels renseignements, dans mon résumé, dans mes résumés, il a besoin de consulter, puis à ce moment-là je les divulgue.
Je sais que, dans l'avant-projet, l'élément discrétionnaire, il en parle au niveau de l'inscription comme telle puis, après ça, c'est du tout ou rien. Ça serait très difficile d'appliquer un élément discrétionnaire à l'inscription et à la consultation dans le contexte du résumé tel qu'il est spécifié dans l'avant-projet. Puis, oui, je serais d'accord à faire certaines concessions par rapport au résumé de santé lui-même, tel qu'il est spécifié dans l'avant-projet, mais c'est certain que l'informatisation, la modernisation du domaine de la santé, il va se faire ? il y a des projets tout partout dans le monde ? puis éventuellement il va y avoir de plus en plus de renseignements qui vont venir se greffer à ce résumé-là. Puis, à ce moment-là, l'élément discrétionnaire va devenir de plus en plus important.
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(10 h 20)
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Ce que je vous dis, c'est que, oui, moi, à la consultation, je devrais être en mesure de dire: J'ai un volet pour une condition quelconque que j'ai eue: j'ai un problème cardiaque versus je m'en vais voir quelqu'un parce que j'ai mal au pied. Je devrais être en mesure de dire: Bon, bien, regardez, là, je vais vous donner accès à certains volets de mon... C'est ça, l'élément, le droit ? voyons, j'ai oublié les termes dans l'avant-projet ? mon droit de consentement à la consultation. C'est ça, c'est le droit de pouvoir déterminer, à l'intérieur des données de santé qui sont maintenues dans le résumé, à quel élément je vais donner accès, je vais permettre l'accès ou la divulgation puis quel...
Puis j'en parle aussi dans mon mémoire: il faut faire la différence entre le contrôle de l'accès, qui est fait par les habilitations, puis le maintien de la confidentialité, aussi. Puis, c'est certain que, dans le contexte de l'intervenant, bien, les deux veulent dire à peu près les mêmes choses, mais à travers les processus de déchiffrement, moi, je peux exercer mon droit de consentement. Maintenant, si on a juste un résumé avec quelques renseignements dedans, au niveau de la mise en application, ça va être très difficile à faire, ça va être des petits éléments de données puis c'est difficile. Mais au fur et à mesure que le système va avancer, il faut garder en ligne de compte que, éventuellement, l'élément de droit du consentement va devenir de plus en plus important, puis à ce moment-là il va falloir que le système puisse répondre à ces exigences-là. Je ne sais pas si ça répond bien à la...
M. Fournier: Je comprends qu'il n'y a pas de monde idéal.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste à peu près deux minutes, M. le député de Châteauguay, donc rapidement.
M. Fournier: Je comprends de votre réponse qu'il n'y a pas de monde idéal mais que, si on pouvait espérer quelque chose qui fonctionnerait pour le... Tout ça, dans le fond ? puis je veux plaider la bonne foi du gouvernement puis de tout le monde ? tout ça, le but ultime, c'est que les citoyens y gagnent, donc on devrait partir du même point que la conclusion: le citoyen devrait avoir l'outil dans les mains, il veut le contrôler. Parce que c'est pour lui. Alors, là où il y a une déformation, c'est que, à un moment donné, pour le bénéfice du citoyen, quelqu'un prend l'outil. Ça s'adonne en ce moment que c'est le gouvernement qui décide qu'est-ce qu'il met dedans, il décide des profils d'accès.
Et ma dernière question. On a appris que la façon dont ça va fonctionner, c'est assez simple parce que... C'est la question avec le portable et le papier. C'est des gens qui sont venus nous dire: Bon, bien, regardez... D'abord, les médecins spécialistes ont dit: Quand vous allez arriver à l'hôpital, vous allez donner votre carte, comme on donne une carte d'hôpital en ce moment. Bon, vous allez donner votre carte puis l'autre va arriver avec sa carte d'habilitation, on va sortir un «print» puis on vient d'ouvrir votre dossier. Alors, c'est beau, les profils d'accès, puis c'est beau, la confidentialité, mais la pratique... En tout cas, pour les 15 prochaines années, là, je ne lirai pas le résumé sur ma montre de médecin, là, tu sais, ça va être du papier qui va sortir, puis ça va être dans le dossier, puis tout le monde va le lire, puis ça va se promener autant que dure l'épisode de soins dans cet établissement-là en tout cas.
Ma question: Quand je vous entends parler de la confidentialité, la sécurisation puis tout ça, comment réagissez-vous quand, moi, les praticiens qui viennent nous voir disent: Bien, nous, ce qu'on va faire avec, on va sortir un «print» et voilà?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est à peu près tout le temps dont on disposait. Je vais vous permettre quand même le temps de répondre, M. Marinier.
M. Marinier (François): Bien, ce que je dirais, c'est que si les gens adoptent des pratiques comme ça alors que les lois disent qu'ils ne doivent pas, les gens vont contrevenir aux lois. Moi, personnellement, j'essaie en général de me conformer aux lois, là, puis j'imagine que si les lois sont plus claires... Il y a de la formation à faire, il y a de la sensibilisation à faire au niveau des intervenants, j'en parle dans mon mémoire. Il y en a, il y a un besoin de sensibilisation au niveau des intervenants qui doivent comprendre puis qui doivent accepter les droits des usagers. Puis ? je reviens à la sécurité du personnel ? je pense qu'on peut quand même améliorer la fiabilité globale du système, des processus, en s'assurant de la fiabilité des gens qui sont là; que, oui, c'est des gens loyaux, c'est des gens qui reconnaissent les lois puis qui sont prêts à les observer.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Merci, M. Marinier, pour cette participation à notre commission. Je vais donc suspendre quelques instants les travaux pour permettre à la Centrale des syndicats du Québec de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 24)
(Reprise à 10 h 25)
Le Président (M. Labbé): Alors, bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission parlementaire sur la consultation générale et les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec. Alors, nous recevons maintenant la Centrale des syndicats du Québec. Alors, sans plus tarder, j'inviterais, je pense, Mme la présidente ou la troisième vice-président ? c'est ça? ? à nous présenter la personne qui l'accompagne. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. À vous la parole.
Centrale des syndicats
du Québec (CSQ)
Mme Chabot (Louise): Bonjour. Merci de nous avoir reçus à cette commission. Je me présente, Louise Chabot, vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec, responsable des dossiers santé et services sociaux et infirmière de profession; à ma droite, Hélène Le Brun, conseillère syndicale à la Centrale particulièrement sur les dossiers vie professionnelle liés à la santé et aux services sociaux.
Vous connaissez probablement notre organisation. Je me permets quand même brièvement de vous la présenter. La CSQ, c'est une organisation syndicale qui représente près de 150 000 membres très fortement majoritaires dans le secteur public, donc éducation, santé et services sociaux, et, dans le secteur de la santé et des services sociaux, nous représentons toutes les catégories de personnels dans tous les types d'établissement du réseau. Nous avons aussi une association qui est l'Association des retraités de l'enseignement du Québec, qui sont en bon nombre et qui sont très préoccupés par les questions sociales qui touchent tous les domaines, et particulièrement la santé et les services sociaux.
Je ne sais pas si c'est une chance ou une malchance d'être à ces derniers jours, dernier jour même de cette commission parlementaire. En tout cas, du moins, vous avez déjà entendu plusieurs propos. Les propos qu'on va défendre ? d'ailleurs, vous avez déjà eu en main notre mémoire ? peut-être qu'il y aura des similitudes avec d'autres intervenants, mais ce qu'on souhaite par-dessus tout en cette journée, c'est de vous convaincre que l'avant-projet de loi qui est devant nous est à modifier et que les perspectives et les prospectives qui sont visées par cet avant-projet de loi doivent être radicalement changées.
On sait qu'en 2002, les avancées technologiques, c'est une richesse. C'est vrai pour notre environnement mais, en même temps, ça pose plusieurs défis, tant sur le plan éthique, sociologique, économique et politique. Et on sait que toute avancée technologique doit s'arrimer de façon harmonieuse dans nos vies, c'est-à-dire être redevable, acceptée, compréhensible, apprivoisée et sous notre propre contrôle. Comme nous sommes dans le secteur de la santé et des services sociaux, je pense que ces enjeux éthiques là et les besoins d'appropriation se posent encore de façon plus cruciale parce que ça touche intimement encore plus nos vies privées. Donc, toute conception et implantation technologique de masse doivent relever d'une évaluation rigoureuse des besoins et des modèles proposés qui engagent l'ensemble des acteurs à qui l'innovation technologique va être destinée.
Donc, on a des questions importantes à se poser. Est-ce que nous en avons besoin? Pour quelle finalité? Est-ce une nécessité? Est-ce qu'on respecte les besoins et les personnes? Est-ce que le débat public a été fait? Et est-ce une priorité dans le contexte actuel? Notre mémoire se présente sous quatre angles: les finalités, les besoins administratifs, les besoins cliniques et les coûts.
Si on parle des finalités de cet avant-projet de loi, on dirait qu'elles sont plutôt obscures. L'hypothèse d'une carte santé, on le sait, ça existe déjà depuis une bonne décennie. On dirait que, particulièrement depuis les dernières années, il y a de plus fortes pressions pour convaincre l'opinion publique qu'on a besoin d'un tel moyen pour assurer la survie du système de santé, ce dont nous ne sommes pas convaincus. Il y a plusieurs intérêts qui sont en présence dans ce projet-là, qui ne sont pas toujours convergents. Il y a des intérêts administratifs, des intérêts de recherche, des intérêts cliniques, des intérêts de préservation de la vie privée et des intérêts économiques.
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(10 h 30)
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On le voit par l'avant-projet de loi, que les besoins administratifs sont nombreux et que les besoins administratifs et les besoins cliniques sont très différents et, à notre avis, sont loin, non plus, de nécessiter les mêmes outils ou la même technologie. Il n'y a aucun rationnel théorique dans cet avant-projet de loi ou aucun document d'analyse qui n'appuie le choix de cette technologie en particulier, qui est une carte à puce à microprocesseur. L'avant-projet de loi ne permet pas non plus une appropriation des enjeux et des finalités. On se penche beaucoup sur un moyen, mais, d'habitude, le moyen sert les fins. Et là ce qui est assez étonnant, c'est de voir justement que les finalités ou les fins d'un tel projet sont loin d'être claires et loin d'être sécurisantes pour l'ensemble des citoyens et des professionnels à qui il s'adresse. On parle plutôt d'un chèque en blanc technologique pour des besoins administratifs qui sont même non déclarés. Les besoins administratifs actuels de la RAMQ, qui est l'assureur public, on comprend, qui a besoin d'information, ça ne devrait pas se limiter qu'à la vérification de l'admissibilité au régime public... ça devrait ne se limiter seulement qu'à ça, qu'à la facturation professionnelle et qu'à la collecte de données dénominalisées relatives à la prestation des services sociaux et de santé. À notre avis, il y a des outils qui existent déjà, qui peuvent servir à ces fins, qui sont très légitimes, et qui pourraient être bonifiés, et ça ne nécessite pas nécessairement la mise en place de ce qui nous est proposé.
La carte qui nous est proposée, c'est plutôt une sorte de puce en blanc qui peut aussi amener plusieurs autres applications. On parle de profil d'accessibilité à une partie des services assurés, de parcours de services, de couverture de la personne à des services, d'information sur la valeur monétaire individuelle des services reçus, d'accès à d'autres banques de données détenues par la RAMQ, de services d'identification contrôlés par la RAMQ ? on parle de l'index patient national et du numéro d'identification personnel ? et surtout d'une foule d'encadrements réglementaires qui vont être à déterminer ultérieurement.
Lorsqu'on met en lien ces futures applications avec les recommandations de la commission Clair qu'on connaît, comme la révision annuelle du panier de services suivant un monitorage du coût, le rationnement des services, une couverture des services qui est assujettie à des parcours intégrés spécifiques, un développement de régimes collectifs d'assurance ou de caisses spécifiques pour répondre à certains besoins, dont, entre autres, les groupes de médecine familiale, suivant des modèles de capitation, on est à même de se demander: finalement, cette foule de recommandations là qui sont issues de la commission Clair, si on met ça en lien avec la carte qui nous est proposée, ça nous laisse très perplexes actuellement sur les fins qui sont poursuivies par le projet. À notre avis, les finalités administratives sont multiples, non transparentes et mettent en péril même les valeurs d'universalité et d'intégralité du système.
Les besoins cliniques, maintenant, sont non satisfaits et inadaptés. Vous savez, comme citoyennes et citoyens ou comme usagères ou comme professionnels qu'on représente de la santé, ce qui est très important pour nous... c'est bien évident qu'on ne s'objectera jamais à tout moyen qui va permettre d'avoir une information plus soutenue ou à une circulation de l'information qui soit plus accessible dans l'objectif de répondre à une meilleure accessibilité ou qualité de soins pour les bénéficiaires. Mais, à notre avis, cet avant-projet de loi ne répond pas du tout à cet objectif-là.
Le besoin des professionnels et des patients est de pouvoir disposer d'un support informatique qui facilite la collecte, le traitement et le partage de renseignements cliniques qui visent, bien sûr, l'amélioration. Le support de données n'est nécessaire qu'à un nombre limité d'intervenants et dans un territoire qui est circonscrit. Il ne nécessite aucunement le recours à un mégafichier central qui va être géré, de surcroît, par la RAMQ.
Un dossier patient partageable restreint à un territoire donné ou à un réseau intégré de services répondrait, à notre avis, de façon beaucoup mieux adaptée à des besoins qui sont clairement identifiés par un milieu donné. D'ailleurs, il est démontré que 80 % des patients qui reçoivent leurs services à l'intérieur d'un territoire local... puis même, si on regarde le réseau actuellement, le réseau n'est pas du tout informatisé. Quand on regarde les arguments qui militent en faveur de ça, c'est-à-dire que ça pourrait venir soutenir un réseau intégré de services, que ça pourrait venir soutenir du service à domicile, que ça pourrait venir soutenir, finalement, différents concepts, ce n'est même pas actuellement implanté dans notre système de santé et des services sociaux, ça fait qu'il me semble qu'on met tout à fait la charrue avant les boeufs. De toute façon, les mécanismes de contrôle et de gestion des propres renseignements, pour les patients, de santé sont si complexes dans le modèle proposé par l'avant-projet de loi qu'en pratique ils vont échapper à leur propriétaire, et, de plus, le citoyen n'aura que très peu de pouvoir sur des règlements ultérieurs qui viendraient changer les règles du jeu.
Aussi, les besoins d'information de type clinique diffèrent, à notre avis, des services sociaux quand on parle de services de santé physique. Pour une personne, c'est peut-être important, dans ses besoins de santé, avec son médecin, que ce médecin puisse avoir tous les renseignements. Mais, des fois, le profil du patient, et même pour les intervenants dans les services sociaux, les besoins de connaissance de leurs patients sont très différents que les besoins de connaissance qu'on peut avoir dans le réseau de santé physique. Et ça, je pense que le système ne répond pas non plus à ces différences-là qui devraient être faites.
Le résumé des renseignements aussi de santé qui est proposé dans la carte est trop succinct et arbitraire. En pratique, il n'y a aucun professionnel qui pourrait s'y fier, surtout pas en situation d'urgence, et, en plus, quand le patient voudrait lui-même signifier quelque chose qu'il ne veut pas signifier, il y aurait une mention de dossier incomplet. À ce moment-là, ça peut porter à diverses interprétations de tout ordre et qui va nécessiter, effectivement, qu'on refasse au complet le contenu de son état de santé.
Je pense qu'on reconnaît les efforts pour assurer dans l'avant-projet de loi quand même une plus grande sécurité et confidentialité, mais, à notre avis, la RAMQ n'a aucune légitimité éthique de pouvoir détenir et gérer de tels renseignements de nature clinique. Et aussi, plus le nombre d'utilisateurs est grand, et plus le système est centralisé, et plus les possibilités de fuites ou les croisements de données sont possibles. Je nous pose sérieusement une question quand on parle d'habilitation des intervenants: En quoi, un ambulancier, par exemple, c'est très essentiel qu'il détienne l'ensemble du profil d'un usager et des renseignements cliniques quand on sait très bien c'est quoi, le type d'interventions qu'un ambulancier est appelé à faire, c'est-à-dire répondre à une urgence, stabiliser le patient et, de façon très concrète, répondre immédiatement à ses besoins?
Je pense que les finalités cliniques à l'appui des intentions du gouvernement ? soutien à la prestation et à l'organisation des services ? ce n'est pas démontré. Et, en tout cas, à notre avis, ça ne viendra en rien diminuer les listes d'attente, ça ne viendra en rien bonifier le réseau intégré de services qu'on attend toujours d'ailleurs. Il y a même un projet qui était d'envergure, comme le SIPA, dans la région de Montréal, qui a dû être abandonné faute de moyens. Ça fait que là il faut vraiment se poser les questions en termes de priorité.
Maintenant, les coûts, avant d'arriver à notre conclusion. L'estimation de la RAMQ, on le sait, est de 150 millions, mais ça n'inclut pas une foule de choses comme déjà ce qui est fait par Motus pour le développement du modèle, les équipements technologiques à être déployés partout, dans tous les établissements et dans les cabinets. Là, si vous nous demandez si les établissements ont les moyens de supporter ça, je vais vous dire non. Il y a une loi ici, au Québec, qui ne permet pas de déficit dans nos établissements de santé. Actuellement, c'est des exercices tout à fait laborieux pour réussir à avoir des budgets équilibrés et, souvent, ça se fait au détriment d'abandonner ou de prioriser certains services. Ça fait qu'il faut vraiment se poser la question, si on a les moyens de ça.
Le coût donc minimalement ? et ça, c'était une estimation du ministre Rochon à l'époque ? était de 350 millions et ça pourrait atteindre jusqu'à 1 milliard. Il faut penser aussi à l'investissement humain que ça nécessite, la formation, l'apprivoisement du système. Déjà, bon nombre de professionnels de la santé vous font part ? je pense que c'est des besoins criants ? des fardeaux de tâches, de la lourdeur de la tâche. Il faut se demander: Dans le réseau actuellement, est-ce que c'est la priorité? Est-ce que, lors de la nomination de nos trois ministres à la Santé et aux Services sociaux, est-ce que c'est les attentes effectivement qu'on doit répondre à court terme? L'investissement humain serait très important, et je pense que ce qu'il faut cibler, c'est l'amélioration de la satisfaction et de l'intervention, et, à notre avis, ce moyen-là ne répond pas du tout à ces objectifs-là. Donc, posons-nous la question: Est-ce que l'investissement passe la barre des priorités dans le contexte actuel et avec l'ensemble des autres besoins qu'on a dans notre système de santé et de services sociaux?
Donc, dans les perspectives qu'on vous demande de repenser, c'est que l'instauration d'une carte à puce reliée à un mégafichier central n'est pas nécessaire. Ses finalités et ses bénéfices n'ont pas été démontrés. Et le contenu de l'avant-projet de loi qui nous a été présenté ne passe pas le test des priorités. Le modèle proposé dans l'avant-projet de loi outrepasse les besoins administratifs de base et ouvre la porte à des applications futures qui mettent en péril les valeurs profondément ancrées dans notre système de santé que sont l'intégralité et l'universalité du système public. Le modèle proposé ne repose sur aucun rationnel théorique ni sur une étude rigoureuse des besoins chez les acteurs. Le processus, à notre avis, doit être repris dans son entier et reposer sur la transparence et la participation des acteurs à ce projet-là.
La CSQ, ce qu'on privilégie donc, tant sur le plan clinique que sur le plan administratif, ce sont des modèles qui s'implanteraient de façon graduelle, progressive et qui auraient fait l'objet préalablement d'une approche participative d'élaboration et d'une approche consensuelle sur les éléments prioritaires.
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(10 h 40)
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Il y a plusieurs avenues qui n'ont pas été explorées et des principes qui doivent être respectés, soit: une collecte et une analyse publiques des besoins; des documents d'information exhaustifs et pertinents; un débat transparent entre les différents acteurs afin de comprendre les intérêts de chacun; des finalités qui sont clairement définies ? après, on trouvera le moyen ? qui sont expliquées et exposées; des applications qui sont encadrées aux finalités retenues, c'est-à-dire vérifier l'admissibilité au régime actuel, une collecte de données dénominalisées, et qui ne permettent pas d'ouvrir à des applications futures sans qu'il y ait un autre débat public; la soumission de plusieurs scénarios correspondant aux besoins exprimés et la validation participative de ceux-ci; l'évaluation réelle des coûts; les mécanismes d'implantation sectorielle, graduelle et progressive; et des mécanismes de suivi et d'évaluation continue de l'implantation.
Pour la CSQ, il faut faire une distinction aussi très nette entre les modèles administratifs et cliniques. Leurs finalités et leurs réponses aux besoins étant de nature très différente, elles peuvent même se trouver en conflit d'intérêts. Ainsi, la garde des données puis la gestion devraient se faire de façon tout à fait indépendante. Et, sur le plan clinique, la CSQ pense qu'il ne peut y avoir de modèle unique de dossier patient numérisé. Je pense qu'on l'a répété, on vous l'a dit, c'est un modèle qui doit répondre à un besoin territorial, qui va permettre effectivement sur un territoire que l'information circule entre un patient et son professionnel. Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir de modèle national qui est proposé, mais je pense qu'il faut se fier aux besoins des milieux sur un territoire.
Et, dans tous les cas, ces modèles devront être centrés avant tout sur le patient; respecter la relation de confiance entre le professionnel et le patient; respecter aussi des règles de consentement éclairé en privilégiant des clés qui permettent l'autorisation par le patient à des accès sélectifs de catégories de renseignements. Le dossier peut être complet, mais l'accessibilité à l'ensemble des informations, il devrait y avoir des tiroirs, pour le dire plus concrètement, où des personnes habilitées pourraient avoir accès à un certain type de renseignements mais pas nécessairement à tout. Je vais vous donner un exemple. Chez le pharmacien, je trouve ça important, pour un pharmacien effectivement dans le réseau, qu'il connaisse la liste de médicaments, qu'il connaisse effectivement les intolérances et les allergies. Normalement, quand un médecin prescrit un médicament, il le fait en connaissance de cause, mais, quand on va chez le pharmacien, peut-être pour un médicament sans prescription, c'est important qu'il y ait un minimum de profil. Mais est-ce qu'il a besoin de connaître tout ton parcours dans les services de la santé? Même s'il y a beaucoup de publicités qui disent qu'on peut trouver même un ami chez les pharmaciens, là, il ne faut pas être ami jusque-là. Je pense qu'il y a une sélection d'informations ? je vais conclure ? qui, je pense, appartient au patient, puis il doit y avoir des clés. Ce n'est pas vrai qu'un profil pour un patient doit être réseauté, mis dans un mégafichier central accessible ? la liste d'intervenants est incroyable ? et que c'est, du point de vue de l'intervenant, nécessaire dans tous les cas d'avoir ces profils-là. Je pense qu'il faut être beaucoup plus modeste tout en visant l'efficacité.
Il faut donc accorder la propriété du dossier et le contrôle des informations au patient; garder le dossier là où il se trouve et permettre la circulation sécurisée de l'information au bon endroit et au bon moment; se doter d'un comité local de surveillance qui va assurer le suivi et l'évaluation continue du modèle territorial.
Donc, en conclusion, on pense que, tant au plan administratif que clinique, l'avant-projet de loi est loin de répondre à ces préoccupations, et les perspectives sont donc à repenser. Je pense qu'il est du devoir ici, dans la suite des choses, d'informer de façon transparente la population. On va peut-être nous répondre qu'il y a un sondage qui a dit que la population était prête à 72 % à une telle implantation, c'est bien évident. C'est bien évident que, comme citoyen, si ça m'est présenté comme étant la carte magique, que, quand je vais la présenter, ça va me permettre d'avoir accès plus facilement, ça va éviter des délais, ça va réduire la liste, parce que ça va être la petite carte magique qui va permettre, partout où je suis, que le professionnel de la santé va avoir mon profil puis que... C'est sûr que, présenté comme ça, ça peut paraître très, très alléchant. Mais je pense que, si l'ensemble des informations étaient données aux citoyens, peut-être qu'on aurait un son de cloche tout à fait différent. Donc, je pense que le rendez-vous technologique qui nous est proposé, c'est un rendez-vous qui est à l'aveugle et, pour la Centrale, on ne peut y souscrire dans sa forme actuelle.
Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, Mme Chabot au nom de la Centrale des syndicats du Québec, pour la présentation de votre mémoire. Sans plus tarder, maintenant je vais céder, pour la période de questions, la parole au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. J'aimerais remercier bien sûr à mon tour les représentantes de la Centrale des syndicats du Québec, notamment Mme Chabot pour cette présentation. Bienvenue également à Mme Le Brun. En fait, je commencerais peut-être par dire que je reçois avec beaucoup d'intérêt votre présentation, quoique vous comprendrez que je n'en partage pas nécessairement la lecture, certainement pas la lecture du projet. Je vais vous donner un exemple. Vous insistez dans votre présentation, à bon droit d'ailleurs, sur l'importance que certains intervenants dans le domaine de la santé puissent avoir accès aux bonnes informations lorsqu'ils doivent dispenser un service. Vous avez cité deux exemples, je vais les utiliser: technicien ambulancier et pharmacien.
Je vais commencer par vous dire ce que j'ai vécu personnellement au mois de janvier alors que j'ai accompagné une personne âgée à l'urgence, ici à Québec, dans des situations un peu... Oui, bien, c'est ça, mais c'est le terrain, je pense qu'il est important qu'on puisse faire aussi état du concret. O.K.? Bon. Alors, j'ai accompagné la personne qui devait prendre donc une ambulance pour se rendre à l'urgence d'un centre hospitalier, et le technicien ambulancier n'avait aucune information sur les paramètres pertinents à la personne en question: Est-ce qu'elle prend des médicaments... Vous savez, on en était simplement à chercher: Est-ce que madame a bien effectivement sa carte d'assurance maladie? ça va être important. Bon. On a posé quelques questions sur les médicaments, mais: Est-ce que madame prend des médicaments? C'est tout. Tu sais... Bon, on fait ce qu'on peut.
Justement, la carte d'habilitation reliée à la carte santé permettra à un professionnel ou à un intervenant dans le domaine de la santé d'avoir accès à l'information qui est pertinente au travail qu'il doit faire. Dans le cas du technicien ambulancier, le profil d'accès va discriminer certaines informations pour ne retenir que celles qui sont pertinentes au travail qu'il doit faire dans l'épisode où il est actif. Je prends l'exemple du pharmacien également, le profil doit circonscrire également dans les informations contenues au résumé celles qui sont pertinentes à son travail de pharmacien lorsqu'il doit remplir une ordonnance.
Donc, d'une certaine façon, vous nous dites: Nous, on pense qu'on doit prévoir un système qui permettrait essentiellement à ce que ma lecture, moi, du projet vise à permettre justement. Et cette question des profils là vise justement à rencontrer l'objectif que vous souhaitez être rencontré par un tel système. Parce que je comprends, par ailleurs, M. le Président, que, en ce qui regarde l'utilisation des technologies dans le domaine de la santé, vous en êtes aussi, vous dites: Oui, il faut le faire. C'est peut-être sur le modèle qu'on ne s'entend pas ou c'est peut-être sur la compréhension du modèle qui est proposé qu'on ne se rejoint pas. Sur un élément aussi évident que celui-là, comment est-ce possible qu'on ne puisse pas se rejoindre alors que c'est justement ce que le projet de loi, l'avant-projet de loi veut faire par les dispositions qui y sont contenues? Puis je reviendrai sur d'autres aspects tout à l'heure.
Le Président (M. Labbé): Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Bien, peut-être pour partir de l'exemple concret, il faut regarder ce qui se passe actuellement dans le milieu. À votre exemple d'un technicien ambulancier qui accompagne une personne âgée, en tout cas à ma connaissance actuellement, comme il va le faire s'il est appelé sur le lieu d'un accident avec quatre polytraumatisés dans une automobile... je ne pense pas qu'il ait le temps de prendre sa carte à puce puis d'aller voir son profil, il va s'assurer... Puis là je ne dis pas qu'on est contre la circulation de l'information, c'est une autre chose. Mais ce qu'il doit s'assurer effectivement, c'est répondre aux besoins du bénéficiaire pour le temps qu'il est avec lui, dans cette situation d'urgence. Donc, pour prendre l'exemple d'un polytraumatisé, je ne pense pas que, le technicien ambulancier, qu'il sache que ce patient-là est asthmatique, que dans l'immédiat ça va être d'aller voir son profil pour savoir toutes ces informations-là. Ce ne sera pas son premier acte, ce n'est pas le premier acte qu'on pose non plus dans une urgence, même dans une urgence hospitalière.
D'autre part, je veux bien comprendre...
M. Bertrand (Portneuf): Là-dessus, de quelle information a-t-il besoin dans un cas semblable?
Le Président (M. Labbé): Mme Chabot.
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(10 h 50)
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Mme Chabot (Louise): C'est parce qu'il faut le prendre à l'inverse. C'est deux choses. Quand vous dites... Parce que là je vous reprends, vous dites: Oui, c'est sur le moyen qu'on... Vous avez compris de notre intervention qu'on ne s'entendait pas sur le moyen. Je pense que c'est plus que ça, de notre intervention. On ne s'entend pas sur la finalité. Le moyen que vous proposez par l'implantation de la carte à puce ? on va le reprendre comme ça ? strictement vise... pas strictement, mais beaucoup, beaucoup d'information administrative. On voit la liste. Par la suite, il a été associé un résumé clinique des renseignements, c'est-à-dire que, quand je vais consulter, il y a un professionnel qui va faire un résumé de l'intervention. Ça, ça a été ajouté après, probablement parce que, effectivement, initialement, ce n'était peut-être pas pour les besoins cliniques qu'on voulait instaurer un tel moyen, mais plutôt pour des fins administratives.
Cela dit, est-ce que les informations dans l'avant-projet de loi que vous proposez sont assez complètes pour permettre les deux exemples que vous venez de nous donner? Si non, quel autre moyen il faudrait utiliser? Et est-ce qu'on a besoin de tout ça? Pour nous, ce qui est important, pour un professionnel de la santé comme pour un citoyen, c'est d'avoir cette espèce de relation là, privée, entre un patient et son professionnel, que le professionnel de la santé, qu'il ait l'ensemble des informations qui sont pertinentes, dans un territoire donné ? ça n'a pas besoin d'être à la grandeur du Québec ? et qu'un type de professionnel comme un pharmacien, par exemple, puisse avoir accès à une certaine forme de données cliniques mais pas à l'ensemble du parcours de l'usager. Donc, un technicien ambulancier, il faut regarder ce qu'il fait concrètement, là, dans son travail, je pense qu'il n'a pas les mêmes besoins que mon médecin de famille. Mais ça, ce n'est pas ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi. C'est un accès universel à l'ensemble des informations et ce n'est pas du tout notre lecture et, même, en plus, on pense que vous ne répondrez même pas aux besoins cliniques que vous avancez par l'avant-projet de loi.
Le Président (M. Labbé): Alors, si vous permettez, Mme Chabot, peut-être un éclaircissement de la part du ministre.
M. Bertrand (Portneuf): C'est ça, peut-être qu'on n'est pas assez clairs, d'une certaine façon, là-dessus. Mais ce qu'on croit, nous, avoir écrit, parce qu'on le pensait comme ça, c'est justement des profils d'accès qui permettent justement de découper dans les renseignements disponibles ce qui est pertinent pour l'exercice ? par exemple, bon, prenons le pharmacien ou un autre professionnel de la santé ? ce qui est pertinent pour que le professionnel puisse être le mieux informé possible dans les circonstances, pour lui permettre une meilleure prestation de services. C'est vraiment ça qui est l'objectif. Peut-être qu'on ne l'a pas dit de façon assez claire. En tout cas, on va revenir au texte, mais c'est vraiment, là, l'intention.
Le Président (M. Labbé): Si vous permettez, M. le ministre, il y a peut-être Mme Le Brun qui voudrait rajouter un commentaire.
M. Bertrand (Portneuf): Oui, Mme Le Brun.
Mme Le Brun (Hélène): Bien, sur l'aspect technique, en tout cas, pour avoir étudié le texte, au texte, l'avant-projet de loi avec plusieurs chercheurs universitaires et avec d'autres personnes, ce qui est proposé dans votre avant-projet de loi, c'est une boîte où, dans la même boîte, sont les renseignements administratifs et cliniques, et, les deux profils d'accès, il y en a un qui mène à l'administratif, l'autre qui mène au clinique. Donc, il est vrai qu'il y a deux profils d'accès, de sorte qu'un personnel de soutien qui n'aurait pas à avoir accès aux renseignements cliniques n'aura pas accès, sauf que le personnel habilité qui a accès aux renseignements du résumé de santé, lui, n'a pas de clé sélective, n'a pas de tiroir sélectif, a accès à l'ensemble du résumé de santé. Votre texte de l'avant-projet de loi, c'est ce qu'il propose.
Le Président (M. Labbé): M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Si c'est votre compréhension, j'aimerais que vous nous fassiez parvenir les textes ou les libellés qui vous amènent à conclure ça. Peut-être pas nécessaire de le faire ici, là, mais j'aimerais effectivement avoir vos indications à cet égard. O.K.?
Maintenant, je reviendrais à une de vos interventions, Mme Chabot, en ce qui regarde les finalités cliniques. Encore là, nous, on pensait avoir été assez clairs dans l'avant-projet de loi qui précise les objectifs visés en prenant soin, d'entrée de jeu, je dirais, d'expliciter la finalité de ce projet-là qui est donc d'adopter un certain nombre de dispositions technologiques de façon justement à ce que ça puisse servir à prodiguer les soins et à ne servir à aucune autre fin. Là-dessus, aussi, je vous avoue franchement, M. le Président, je pensais qu'on avait été clair.
Par ailleurs, au niveau du moyen lui-même, c'est-à-dire la configuration technologique de ce qui est priorisé en support à cet objectif-là, nous avons cru viser, je veux dire, dans la bonne direction, puisqu'on a pu se baser justement sur les expérimentations des 10 dernières années. Et, si vous croyez voir une accélération dans le projet, elle est dû simplement à l'évolution des choses dans le domaine technologique ou dans l'ensemble des activités dans la société. Les supports technologiques sont de plus en plus intégrés aux pratiques, et on veut faire la même chose dans le domaine de la santé en pouvant justement profiter de ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années. D'autre part, on a aussi pris en considération les consensus qui se sont dégagés dans les milieux qu'on a consultés sur, au fond, les finalités du projet, comment peut se faire l'informatisation, quels résumés de renseignements de santé sont les plus pertinents pour la pratique. Ces choses-là ont été faites par un tas de comités, etc.
J'ai encore de la difficulté à comprendre vos réserves en ce qui regarde l'orientation franchement clinique de l'avant-projet de loi de même que le sérieux, je veux dire, de la démarche, en ce qui regarde le ciselage ou le découpage des profils, parce que tout ça a été examiné de façon très, très approfondie avec des professionnels dont certains nous ont dit, quand ils sont venus ici, qu'eux autres, ils ont rien que hâte d'avoir ce genre d'outil là à leur disposition, notamment les médecins d'urgence. Je ne sais pas, il y a un bout où on ne se rejoint pas, je pense, dans la lecture de l'avant-projet de loi, et c'est pour ça que je dis... Je disais, d'entrée de jeu, tout à l'heure: J'ai l'impression qu'on... c'est moins sur la pertinence d'adapter notre façon de travailler en fonction des nouvelles technologies et éventuellement même de l'outil qui est proposé. J'ai l'impression que c'est dans la compréhension de ce qui est proposé qu'on ne se rejoint peut-être pas.
Le Président (M. Labbé): Alors, peut-être Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Probablement qu'on ne se rejoint pas. Écoutez, quand on s'adresse à vous en commission parlementaire, on s'adresse d'abord à partir des éléments qui nous sont soumis. On ne peut pas se baser sur des informations qu'on n'a pas. Donc, c'est à partir de l'avant-projet de loi qu'on vous a soumis notre texte, à partir de certaines expériences dont on a connu les conclusions beaucoup plus de façon publique que par une information qui est venue de votre part ? on pense au projet de Laval, au projet de Rimouski. On s'est basés aussi sur des expériences canadiennes qui ont voulu être un peu tassées puis qui ont été abandonnées. On s'est basé sur le fait que vous proposez un modèle unique où c'est tout ou rien, c'est-à-dire c'est centralisé, c'est dans un mégafichier, il y a un index national des patients, il y a un ensemble d'informations administratives et il y a un résumé des renseignements cliniques. Tout ça est accessible, tout ça devient réseauté, universel, centralisé, mais, dans cela, en même temps ce qu'on dit: Il y aura des réglementations futures.
Avec ça, avec cet avant-projet de loi là, on va pouvoir vérifier l'accessibilité à certains services. Ça nous a questionnés. Pourquoi vérifier ça? Est-ce que, dans notre régime actuel de soins, il y a des types de soins qui devraient être rationnés, ou qu'un bénéficiaire n'a pas le droit, ou qu'il faut contrôler? Ça nous est apparu beaucoup plus une mesure de contrôle administratif ? on ne se le cachera pas ? par la RAMQ dans une perspective où, effectivement ? puis là, on fait les liens avec d'autre chose, là ? où on nous parle de contrats de performance, on nous parle de rationner les coûts, on nous dit qu'il manque de l'argent, on nous dit qu'il faut mettre des sommes d'argent puis on n'a pas les sous pour le faire.
Et ce qu'on dit là-dedans, c'est que, pour un patient et un professionnel, on vous le concède, on vous le concède là-dessus qu'il y aurait probablement besoin d'un meilleur moyen pour permettre une meilleure circulation de l'information. Mais notre lecture de cet avant-projet de loi là ne répond pas à ça, à ce besoin clinique là pour les personnes et pour les professionnels, tant nos professionnels du milieu de la santé physique que tant nos professionnels du milieu des services sociaux, éducateurs spécialisés dans les centres jeunesse, travailleurs sociaux qui, à notre avis, n'ont pas besoin de connaître les mêmes informations sur leurs patients qu'un orthopédiste a besoin de connaître d'une personne âgée qui a une fracture de la hanche. C'est, en tout cas, notre lecture de ça. Puis, en plus, il y a beaucoup de règlements qui vont être proposés par la suite, qui vont être des règlements adoptés où on n'aura pas vraiment de contrôle, et, oui, on est inquiets par rapport à l'orientation de notre système de soins et de services, d'une application d'un tel moyen.
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(11 heures)
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Le Président (M. Labbé): Alors, peut-être en complémentaire, si vous permettez, M. le ministre, Mme Le Brun avait quelque chose à ajouter.
Mme Le Brun (Hélène): Oui. Bien, je vais faire un peu de chemin sur ces dernières phrases. Effectivement, je pense que nos réserves sur le plan administratif, Mme Chabot les a très bien énumérées. Sur le plan clinique, vous parlez d'un outil adapté. Or, je n'ai rien vu de moins adapté en carrière que le résumé de santé tel qu'il est présenté ici. Pour avoir travaillé dans beaucoup de milieux, dont l'enfance en difficulté, en déficience intellectuelle, avec des jeunes qui ont aussi des handicaps physiques, des adultes qui ont des handicaps physiques, etc., les renseignements de santé dont on a besoin quand on travaille dans ce type de réseau là sont tout à fait différents qu'un médecin de famille, par exemple, sont tout à fait différents qu'un médecin spécialiste. Et c'est pour ça, exemple, que l'hôpital Sainte-Justine a créé, un réseau d'information où circule une information tout à fait pertinente, complète, clinique, etc., qui va servir à la fois tant au psychologue, au physiothérapeute et pour laquelle le client a entièrement les clés sur qui va avoir quoi.
Alors, à notre avis, un système local ou territorial sur le plan clinique est de loin beaucoup plus souple, beaucoup plus adapté et je dirais même beaucoup plus complet sur le plan des informations disponibles. Celui-là, il n'y a aucun professionnel de la santé et des services sociaux qui engagerait sa responsabilité, et surtout pas en situation d'urgence, comme vous l'avez mentionné. Moi aussi, je suis montée dans une ambulance après un accident de voiture, et je vous jure qu'en deux minutes ils avaient eu le temps de faire bien des choses que je trouvais drôlement plus pertinentes que de pitonner sur leur informatique dans ma carte à puce.
Le Président (M. Labbé): Merci, madame. M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Ah! je pense que mon collègue voulait poser une question. J'aurais eu beaucoup d'autres questions à poser. Malheureusement, le temps est trop court.
Le Président (M. Labbé): Parfait, M. le ministre. Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au député de Maskinongé.
M. Désilets: Merci, M. le Président. Mme Le Brun, Mme Chabot, vous feriez quoi avec ce projet de loi là, avec cet avant-projet de loi, vous autres?
Mme Chabot (Louise): On vous demanderait de le mettre de côté, de reprendre les travaux probablement à partir d'études que vous avez déjà faites à l'interne, qu'il pourrait être pertinent qu'on connaisse, de faire un débat beaucoup plus large sur ce qu'on fait ici maintenant, que je trouve très important, puis de le recentrer, là. Mettons qu'on va oublier ce que la RAMQ, comme assureur public de notre système, a besoin, puis on lui en concède. Ce qu'on va regarder concrètement: c'est quoi, le besoin du patient, c'est quoi, les besoins des professionnels, et, à partir de ça, c'est quoi, l'organisation de nos services actuellement aussi, là. On va prendre la lecture de ça. Le réseau n'est même pas informatisé à la base, majoritairement.
On parle des réseaux intégrés. Je vous en ai parlé. On va regarder le système à la base puis on va regarder qu'est-ce qu'on a besoin pour répondre à ça, qu'est-ce qu'on a besoin, l'objectif étant de donner de meilleurs soins parce qu'on aura une information plus complète. Si c'est ça, l'objectif, quel moyen on doit utiliser? Est-ce que c'est, comme on le prétend, sur une base territoriale ou locale? Parce que, nous, notre prétention, c'est qu'une personne reçoit ses services à 80 % dans un territoire. Quand elle va extraterritorial, souvent, c'est parce qu'elle est référée par son médecin, référée par un spécialiste, puis à ce moment-là les informations suivent. Donc, sur un territoire donné... C'est toutes sortes de questions qu'il faudrait regarder à la lumière du vrai débat: pour l'amélioration des soins et des services, est-ce qu'on a besoin de quelque chose d'informatisé? Et, si oui, quel sera le moyen?
Le Président (M. Labbé): Alors, M. le député de Maskinongé, une courte question, s'il vous plaît.
M. Désilets: Oui. Mais il ne faut pas perdre de vue que c'est un avant-projet de loi, c'est une consultation avant d'en arriver même à un projet de loi, et l'objectif, c'est de consulter puis de prendre le pouls de la population puis de ceux qui travaillent dans le milieu pour essayer d'orienter davantage les suites du débat. Mais c'était un des objectifs qui semblent... Je ne sais pas si vous l'avez oublié, mais c'est un avant-projet de loi qui est important, et votre réponse en dit beaucoup, dans le sens que, sans le mettre de côté, on le revoit en fonction de tous ceux qui sont venus nous présenter leur rapport, leur mémoire. On doit revoir nos devoirs en écoutant les gens, en écoutant le constat des réponses et essayer de planifier, de peaufiner. Parce que gérer, c'est de planifier. Ce n'est pas juste dans le moment présent, dans l'immédiat, là, il faut regarder aussi dans cinq, 10, 15, 20 ans, là. Ça va ressembler à quoi, le système de santé? Il faut prévoir aussi, là. Si, dans la prévision, il faut acheter des ordinateurs un peu partout pour en arriver dans cinq, huit, 10 ans à avoir quelque chose, c'est ça qui est de gérer, c'est ça qui est de planifier. Mais quel genre d'instruments on doit acheter aujourd'hui pour qu'ils soient capables de répondre à la demande dans cinq ans? C'est ça aussi gérer. Et c'est pour ça que vos commentaires sont intéressants, vos réponses aussi.
Le Président (M. Labbé): Merci, M. le député. Un court commentaire, Mme Chabot, s'il vous plaît.
Mme Chabot (Louise): Bien, avec beaucoup de respect que le travail que vous faites, gérer c'est planifier, mais gérer, aussi, c'est des fois d'avoir à prioriser. Et je vous dirais que, avec ce qui est devant nous, peut-être qu'il faut penser dans 10 ou dans 15 ans puis commencer à le voir. On l'a vu comme un avant-projet de loi. Je ne vous cacherai pas qu'on est très inquiets aussi, c'est la dernière journée. Ce qu'on a entendu aussi, parce qu'on a suivi de près: qu'il y a beaucoup de controverse sur ce projet de loi là ? mais, en même temps on sent qu'il y a l'air à y avoir une volonté quand même d'aller de l'avant ? de la difficulté donc à comme cerner les vrais besoins. Puis cerner les vrais besoins, pour nous autres, c'est autour du patient. Puis il y a une question importante que vous n'avez pas abordée, qui est une question dominante aussi dans notre présentation: Est-ce que, dans le contexte actuel, c'est la priorité qu'on doit accorder au réseau de la santé et des services sociaux? Et, si oui, si oui, il y a une démonstration rigoureuse à faire à la population que c'est essentiel pour assurer une qualité de soins.
Le Président (M. Labbé): Merci, Mme Chabot. Alors, sans plus tarder, maintenant je vais céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. J'ai deux remarques préalables générales avant de vous poser quelques questions, et la deuxième de ces remarques portera sur le dernier point que vous venez de soulever; la première reviendra sur la difficulté de compréhension à laquelle j'ai pu assister entre le ministre et vous-même, à savoir la question des profils d'accès, ce que ça voulait dire, ce que ça contenait. Et je dois avouer qu'au fur et à mesure des délibérations j'avais compris que les profils d'accès qui étaient prévus par l'avant-projet de loi étaient en fonction des différentes personnes habilitées. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on en faisait l'énumération, de toutes ces personnes habilitées, parce qu'elles auraient plus loin des profils d'accès différents, donc n'auraient pas accès aux mêmes renseignements.
Ceci dit, j'ai aussi appris, puisqu'on travaille tous en interdisciplinarité, que tout le monde allait se partager ces profils d'accès, autrement dit l'information qu'il avait grâce à son profil d'accès. Il y en a même qui sont venus nous dire qu'il y aurait des «prints» initiales au triage, puis l'ensemble du résumé serait accessible à tout le monde même si on a des profils d'accès différents, alors je pense que vous aviez tous les deux raison, finalement.
Mais celui qui nous explique le mieux pourquoi il y a un débat en ce moment sur ces accès, c'est Pierrôt Péladeau qui avait fait une demande à la RAMQ, certaines questions qui avaient été demandées, dont celle-ci. Il voulait être informé, avoir les documents qui concernent les profils d'accès aux informations administratives et cliniques ainsi qu'aux informations dérivées de celles-ci par catégorie d'acteurs de même que les modes de gestion de ces profils. Réponse: Aucun document n'existe à cet effet.
Donc, finalement je retire ce que j'ai dit tantôt. Vous n'aviez pas tous les deux raison, vous aviez tous les deux tort parce que vous ne savez pas de quoi vous parlez, ni l'un ni l'autre. Parce que, si je me fie à la RAMQ, il n'existe rien sur les profils d'accès. Il y a une idée à l'effet qu'il va y avoir des profils d'accès, mais on n'a aucune idée de ce que seront ces profils d'accès ni comment ils seront gérés. Alors, voilà pour la première remarque que je voulais faire à l'égard du projet de loi.
L'accès aux services, deuxième remarque que je voulais faire, les pages 12 et 13 de votre mémoire. Vous allez me permettre de citer des passages parce que je pense que... Je vais le contextualiser, pourquoi je parle de ça. L'idée, c'est la suivante, et l'idée est bonne. L'idée, c'est la suivante: Avoir une meilleure circulation de l'information pour avoir de meilleurs diagnostics, pour mieux identifier les soins à donner. C'est ça qu'est l'idée. Ça, c'est une bonne idée. Le problème, c'est: Si vous avez une meilleure circulation de l'information pour avoir un meilleur diagnostic, pour avoir une meilleure évaluation des soins à donner, mais que ceux-ci sont inaccessibles, ça vous a donné quoi? Et le gros problème aujourd'hui au Québec, ce n'est pas l'information, c'est l'accessibilité aux soins.
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(11 h 10)
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Alors, je pense que, aux pages 12 et 13, lorsque vous nous dites: «Aucune carte à puce, en soi, aucun support informatique comme tel ne viendra éliminer ou même freiner les listes d'attente en chirurgie, les débordements dans les salles d'urgence, les besoins cliniques d'investigation diagnostique ou renforcer la disponibilité et la qualité des services à domicile»... Et vous continuez: «Si on demandait à la population de positionner la carte à puce sur une échelle de priorités qui comprendrait les services à domicile, les services d'urgence, les services sociaux à la jeunesse, les services en santé mentale, la lutte contre la pauvreté, la prévention et la promotion de la santé ? je sais que c'est un sujet qui est cher au ministre actuel, devant nous ? l'accessibilité aux services médicaux et sociaux, l'élimination des listes d'attente en chirurgie ou même le financement des ressources humaines, il est fort à parier que l'instauration d'une carte à puce, selon le modèle présenté, ferait piètre figure.» En fait, si on savait toute la vérité lors d'un sondage, il est à ne pas douter, il est à ne pas douter que l'idée arriverait, de la carte à puce; ça s'inscrirait certainement mais les gens en feraient une priorisation. Ils diraient: Commencez par me donner l'accès aux soins, après ça on va tout mettre les étapes pour que, quand on me dit: T'as besoin de ce soin-là, et il est bien identifié, j'y aie accès pour vrai. Et c'est le gros problème, je pense, de la priorisation, je pense que vous avez bien raison. La grande question qu'il faut se poser pour un gestionnaire comme le gouvernement du Québec à l'égard de la santé, c'est: Quelles sont mes priorités? Et le ministre de la Santé nous accuse souvent, nous, de l'opposition, d'avoir trop de priorités puis de vouloir mettre de l'argent partout. C'est donc, quand on prend les cas un par un, on se dit: Bien, nous autres, la priorité, ce serait l'accessibilité aux soins, c'est ça le gros problème. Là, on se fait répondre: Bien, c'est la carte à puce, alors... Bon.
Maintenant, l'autre question. Pages 7 et 9, je vais résumer, je ne vais pas citer ce qui est écrit, c'est sur l'étude des besoins et des moyens. Essentiellement, vous avez répondu au député de Maskinongé, je pense, que c'est le coeur, le deuxième coeur après la priorisation: Le projet de loi est désincarné des besoins des donneurs de soins et des patients. Et ça, c'est le premier problème. Puis le deuxième problème, c'est que les moyens, l'architecture technologique, évidemment, si ça ne tient pas compte des besoins, ne portent sur rien d'autre que sur une volonté initiale qui est arrivée à quelque part, qui ne colle pas sur le besoin, évidemment. Et ce que vous dites, c'est: Il faudrait commencer par regarder c'est quoi, les besoins. On va voir qu'il y a des besoins différents ? puis je reviendrai tantôt sur santé physique, santé sociale ? et qu'il y a peut-être différents moyens qui sont disponibles. Et là, vous nous parlez de Sainte-Justine. Vous en avez parlé dans le mémoire, vous venez d'en reparler.
Dites-moi pourquoi vous me parlez de Sainte-Justine. C'est-u parce que vous trouvez que c'est bon? C'est-u faisable? C'est-u une architecture, une technologie qui protège la confidentialité? Parce qu'on dit parfois que beaucoup de projets-pilotes qui existent ont un problème que, par ailleurs, la carte à microprocesseur du gouvernement... sur lequel l'opposition... La carte à puce a un avantage, celui de la confidentialité, celui du consentement qui est géré. Alors, parlez-moi de Sainte-Justine en ayant dans l'arrière-scène l'importance sur laquelle tout le monde s'entend, et nous-mêmes, à savoir qu'il faut qu'il y ait une question de consentement puis de protection de la vie privée. Parlez-moi un peu de Sainte-Justine dans ce cadre-là.
Le Président (M. Labbé): Peut-être Mme Le Brun?
Mme Le Brun (Hélène): Vous savez, la situation des technologies au Québec est suffisamment avancée ? très avancée ? pour qu'on puisse développer toutes sortes de systèmes de support informatique sur un dossier patient numérisé. Que ce soit le modèle de Sainte-Justine, le modèle de McGill, etc., la technologie permet une souplesse et une adaptation tant sur le plan des informations qu'on peut conserver que sur le plan de leur accès, que sur le plan de leur sécurité informatique, et actuellement il ne nous est présenté qu'un seul modèle, c'est un modèle centralisé. Et je pense que votre intervention au tout début aussi sur les aspects technologiques de la chose prouve bien que... Bon. Heureusement, on est face à un avant-projet de loi effectivement, heureusement.
Mais toutes les questions qu'on se pose depuis le début de notre audition prouvent bien qu'on a commencé par la fin, prouvent bien qu'on a avancé un modèle technologique. Cet avant-projet de loi là, ce n'est ni plus ni moins qu'un devis technologique. J'aurais fait un appel d'offres à différentes compagnies informatiques, j'aurais eu une compagnie informatique qui m'aurait donné un modèle comme Sainte-Justine, j'en aurais eu un qui m'aurait donné un modèle comme McGill, j'en aurais eu un qui m'aurait donné un modèle comme la carte de l'Ontario. J'en aurais eus plusieurs, mais chacun aurait dû être fait après une analyse de besoins tant cliniques que de la sécurité, effectivement. Si les patients, ils me disent... Tous les patients du Québec disent: Non, non, moi, mon profil clinique, je veux que tous les professionnels y aient accès? Bon, bravo.
Ça a été fait donc par la fin et on a donc devant nous un devis technologique qui a été commandé par une firme. Et, bon, voilà. Et ça nous place devant effectivement le choix de dire: Bien, recommençons. Recommençons avec toutes les questions que, tant du côté gauche et droit de la Chambre, vous posez depuis le début. Mais recommençons sur des bases solides, rationnelles, tant cliniques que technologiques.
Le Président (M. Labbé): M. le député.
M. Fournier: Oui. Si vous me permettez, je vais revenir sur Sainte-Justine et je vais ajouter à ce que vous dites. Parce que j'ai cru comprendre que vous disiez que ça ressemblait à ça dans le modèle de Sainte-Justine. La page 11. D'ailleurs, j'ai utilisé votre vision ni plus ni moins avec la personne qui vous a précédée tantôt. À la page 11, vous nous dites, dans le fond: on peut donner, on peut construire un outil informatique qui raconte l'histoire de cas au point de vue santé d'une personne au bénéfice de l'usager ou au bénéfice de l'administration ou du donneur de soins. Des deux côtés de la médaille.
Et, honnêtement, quand on y prête attention, à ce que vous nous écrivez à la page 11, on se dit: Oublions l'informatique et posons la question sur ce qui se passe aujourd'hui. Bien, ce qui se passe aujourd'hui, le porteur du dossier, quand il va voir son médecin, que ce soit à l'urgence, dans l'ambulance ou chez l'omni, c'est l'usager. C'est lui qui raconte ce qu'il a vécu, c'est lui qui est la mémoire de son histoire de cas. Et imaginons qu'on développe un outil, est-ce qu'on le donne à cette mémoire pour l'aider justement à présenter sa mémoire et son histoire de cas au donneur de soins ou on outrepasse cette personne, on va au-dessus d'elle et on va vers l'administration et le donneur de soins directement? Et, en ce moment, c'est plutôt cette théorie-là qui est avancée.
Et, remarquez bien, j'aime bien l'autre. Je me pose juste la question: Est-ce que techniquement, c'est faisable? Est-ce qu'on peut imaginer... Tantôt, M. Marinier, qui vous précédait, s'était bâti lui-même un résumé de renseignements de santé et auquel il choisissait lui-même de donner, consentait à distribuer l'information lui-même, comme on fait tous les jours lorsqu'on va rencontrer un médecin. Alors, je me pose la question, donc: Est-ce vraiment faisable de développer un outil qui sert d'appui à l'usager lui-même dans sa relation avec le médecin ou qui sert d'appui au médecin dans sa relation ? je résume là, je simplifie ? cette relation-là avec l'usager? Et je vous pose la question avec Sainte-Justine parce que vous m'avez dit, tantôt: Sainte-Justine, le patient choisit un peu là-dedans ce qui peut être distribué. Alors, à la lumière de ces deux éléments, pouvez-vous m'expliquer comment Sainte-Justine peut fonctionner, dans les faits, et où l'usager a une certaine discrétion de plus?
Le Président (M. Labbé): Alors, Sainte-Justine, veut dire Mme Le Brun, je présume?
Mme Le Brun (Hélène): Ha, ha, ha! Comme je disais tantôt, tout est faisable. Sainte-Justine est un modèle d'interdisciplinarité. Vont là des enfants qui ont de multiples problèmes cliniques, tant sur le plan physique, psychologique, médical, etc. Ce sont des enfants qui font affaire avec de multiples professionnels, tant des médecins, des médecins spécialistes que des orthophonistes, des physiothérapeutes, des orthothérapeutes, et, bon, le médecin local, parce que, souvent, c'est le médecin de famille qui réfère à Sainte-Justine et les territoires scolaires où ils ont aussi à adapter certains programmes.
Alors, leur programme permet de réseauter toutes ces personnes là et que le patient puisse donner un consentement. Je n'ai pas passé 10 jours à Sainte-Justine, là, il serait sans doute préférable de contacter une personne professionnelle directement de Sainte-Justine pour avoir tout le détail de cela. Ce que je dis, c'est aussi ? et c'est pour ça que je vous ai fait cette réponse-là d'entrée de jeu ? tout est faisable sur le plan informatique.
n(11 h 20)n Des résumés de santé clinique, en carrière, j'ai dû en monter, de façon manuscrite, une bonne vingtaine. Des modèles différents. Je suis persuadée que tous ces modèles là auraient pu s'informatiser pour répondre à ce type de besoin là. Ce qu'on dit, c'est que c'est beaucoup mieux quand c'est adapté aux besoins d'un milieu en particulier. Donc, il n'y a pas un modèle miracle, unique. Il n'y en a pas. On ne peut même pas prévaloir Sainte-Justine sur la place publique parce qu'ils ne feraient pas, au Centre de cardiologie de Sainte-Justine, ils ne feraient pas ailleurs. Et on pense donc que c'est pour ça que c'est beaucoup plus utile d'outiller. de supporter les milieux locaux, territoriaux, à faire en sorte que leur modèle clinique qu'ils développaient de façon manuscrite puisse servir tant aux cliniciens qu'aux patients usagers tout en sécurisant l'information. Et actuellement, dans le résumé de santé qui est proposé ? puis je pense que plusieurs autres vous l'ont dit aussi ? un simple carnet de santé, inscrit manuellement entre le patient et chaque professionnel, s'il traînait ça dans sa poche, serait plus vite accessible et aurait des renseignements plus pertinents que le résumé de santé qui est proposé.
Il n'y en a pas, de modèle unique. Vous ne me ferez pas vanter cette... Ha, ha, ha! L'exemple illustrait qu'on pouvait en faire des adaptés, des souples et que la technologie permettait de répondre à de véritables besoins cliniques, et que, à notre avis, il n'y a aucune légitimité que ce soit centralisé à la RAMQ, qui est un assureur public, qui n'est pas des cliniciens.
Le Président (M. Labbé): M. le député.
M. Fournier: Si j'étais le ministre et j'étais porteur du projet de loi qu'il a sous la main... Il vous répondrait sans doute: Mais, si on en développe plusieurs... Parce qu'il m'arrive parfois de poser des questions en me mettant dans ses souliers. Comme il n'y a pas un seul modèle et qu'il faut, selon votre thèse, plutôt définir le modèle selon les particularités du territoire ? bon, par exemple, Sainte-Justine pour les enfants, cardiologie ailleurs ? chacun aurait ses particularités. On se retrouve en bout de compte avec une multitude de manières différentes de monter des dossiers, de se bâtir des réseaux qui ne communiqueront peut-être jamais les uns avec les autres. Donc, la conclusion que vous nous offrez ? dites-moi si je me trompe ? c'est: À quoi devons-nous répondre? À tout le monde ou à chacun, selon les particularités: l'hôpital pour les enfants puis un pour le coeur, et que vous apposez une interconnexion entre les deux, dans votre modèle à vous? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Chabot, peut-être.
Mme Chabot (Louise): Bien, nous, on parle... Si on avait pu inventer le modèle... Effectivement, on le dit dans notre mémoire, qu'il n'y a peut-être pas de modèle unique. Par contre, on est tout à fait en accord de se dire: Peut-être qu'il y a des critères qui pourraient être définis au niveau national, de quel type d'information, les règles de confidentialité, ou tout ça, là. On ne va pas jusqu'à dire que c'est autant de multiplications, mais je pense que l'objectif ? puis, en tout cas, comme professionnel dans le réseau aussi ? c'est de pouvoir suivre son patient. C'est de pouvoir, à partir du patient, de ses informations de santé qui sont pertinentes, quand il a besoin d'une autre ressource dans le réseau que son médecin immédiat, de le consulter, c'est que, pour un autre professionnel, il ait les éléments essentiels pour connaître son patient. Et ce qui n'est pas essentiel, c'est peut-être là qu'il y a une difficulté à adapter une technologie, mais je pense que, comme disait Mme Le Brun, tout peut être regardé, puis là, c'est les profils d'accès.
Ce qui est pertinent à un professionnel doit se limiter là et ce qu'un ensemble d'autres informations qu'un autre professionnel doit avoir, il doit pouvoir l'avoir. Ça doit être une relation quand même qui peut être soutenue par un réseau informatique. Il ne faut jamais perdre de vue que c'est une relation privilégiée de vie privée d'un patient avec son professionnel et que c'est à lui qu'appartient, sans se faire taper sur les doigts, de donner des informations et de décider que, telle information, un autre professionnel n'a pas besoin de savoir ça. C'est donc un peu comme ça qu'on voit la mise en place d'un réseau informatique.
Le Président (M. Labbé): M. le député.
M. Fournier: Merci, M. le Président. Il ne me reste pas beaucoup de temps. On a beaucoup parlé... Mon collègue de Maskinongé vous demandait ce qui devait être fait, l'étude des besoins. Une fois que les besoins sont analysés, sont répartis, il y a peut-être différents moyens ? peut-être un, peut-être différents moyens ? qui sont choisis pour répondre à ces besoins-là et vous terminez ? vous n'en avez pas beaucoup parlé, c'est pour ça que je veux vous faire parler là-dessus ? vous terminez votre mémoire en disant: Une fois que les besoins ont été identifiés, que les moyens peuvent coller à ces besoins, une implantation graduelle. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous souhaitez que ça procède ainsi, comment vous voyez cette implantation graduelle, ce que ça signifie pour vous.
Mme Chabot (Louise): Je vais être très claire, je pense qu'on n'a pas les moyens de partir dans un projet autant d'envergure que ce qui nous est présenté sans connaître si ça va réellement répondre aux besoins. C'est aussi clair que ça. D'ailleurs, les projets qui ont été abandonnés, souvent c'est à cause qu'il n'y avait pas de contrôle des coûts puis que finalement ça ne répondait pas aux besoins. Puis, si on n'a pas les moyens de ça, c'est bien ça. Donc, quand on parle d'un réseau qui répond aux besoins, après ça, regardons-le sur une base graduelle. Ce n'est peut-être pas un projet... On peut peut-être aller plus loin qu'un projet-pilote dans un établissement, le regarder sur une base territoriale puis regarder est-ce que, oui, ça répond, puis on ira un peu plus loin par la suite. Puis, comme on le disait, on est prêt à dire: S'il y a des informations administratives qui sont nécessaires, regardons les outils que nous avons, bonifions-les, les informations qui sont légitimes pour notre assureur qui est la RAMQ, et, au niveau des besoins cliniques, bien, c'est un autre modèle qui doit être développé. C'est d'un autre ordre et il doit être totalement géré différemment. C'est pour ça, une implantation graduelle, là. Parce que démolir quelque chose qui ne fonctionne pas après y avoir investi beaucoup d'argent...
M. Fournier: M. le Président, je voudrais remercier les gens de la CSQ. Je pense qu'ils donnent une bonne réponse au député de Maskinongé sur les étapes qui viennent et je suis persuadé que le gouvernement vous aura entendu, même si c'est la dernière journée de la séance.
Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Chabot, Mme Le Brun, de la Centrale des syndicats du Québec, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation. Alors, je suspends quelques minutes pour permettre aux gens de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de bien vouloir prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 26)
(Reprise à 11 h 32)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux. Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle, Me Marois, que vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et que par la suite il y aura période d'échange. Je sais que ce n'est pas votre première en commission parlementaire. Auparavant, avant de présenter votre mémoire, j'apprécierais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent.
Commission des droits de
la personne et des droits
de la jeunesse (CDPDJ)
M. Marois (Pierre): Bien sûr! Avec plaisir. Merci, Mme la Présidente. Alors, à ma droite, je suis accompagné de Me Pierre Bosset, qui est le directeur du Service de la recherche et de la planification à la Commission, et, à ma gauche, de Me Daniel Carpentier, qui est de la même direction.
Alors, merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, bien sûr, dans un premier temps, c'est dans le cadre de la consultation sur l'avant-projet de loi que nous allons vous présenter nos commentaires, mais c'est également ? et je me permets toujours de le rappeler, et c'est important de le rappeler, me semble-t-il ? c'est également en fonction du mandat qui nous est confié par l'Assemblée nationale, premièrement, d'assurer par toutes les mesures appropriées la promotion et le respect des principes contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne et de procéder à l'analyse de la conformité des dispositions législatives aux droits et libertés que nous formulons nos commentaires.
Je présenterai quelques commentaires plus généraux, plus globaux, plus englobants. Mes Bosset et Carpentier reviendront sur certains aspects plus précis. Et, s'il me reste quelques minutes à la fin, je tirerai quelques conclusions.
D'abord, évidemment, les technologies de l'information se sont développées à un rythme tel qu'on ne pouvait pas l'envisager il y a une vingtaine d'années. Tout projet dès lors qui est relatif maintenant, aujourd'hui, à l'échange d'information de nature clinique ? on parle du domaine de la santé ? compte tenu de la nature hautement sensible des informations de santé, implique forcément une analyse de la nécessité de leur transmission d'abord, de la protection de la confidentialité des renseignements à communiquer et du consentement de la personne concernée à leur cueillette et leur communication.
On peut aisément convenir à cet égard-là, en principe, qu'un accès direct à des renseignements cliniques pertinents et à jour par un intervenant de la santé devrait permettre à ce dernier d'obtenir plus rapidement les renseignements utiles à son intervention. À cet égard, le principe ? le principe, je dis bien ? de l'utilisation des technologies de l'information afin de permettre aux patients et aux professionnels de la santé de faciliter la transmission d'information clinique pertinente ne peut être que favorisé. Le principe.
Le choix du support technologique de la carte à microprocesseur apparaît également approprié compte tenu des éléments de protection des renseignements personnels qu'elle permet de mettre en place, notamment en regard du contrôle qu'elle permet à un usager d'exercer sur l'expression de son consentement. Mais ? mais ? la carte à microprocesseur demeure un outil, non pas une fin, mais un outil, et un simple outil, et c'est l'analyse des modalités du système du partage des informations auquel elle sert de support qui permettra de constater si les potentialités de protection qu'offre cette carte se matérialisent ou pas.
La Commission d'accès à l'information ? il nous semble important de le rappeler ? avait énoncé, à la suite de son évaluation du projet-pilote de Rimouski, des principes directeurs. Également, plus récemment, dans le cadre de ce qui a été appelé le projet PRSA, mais, pour que le monde comprenne, Programmation régionale des services ambulatoires de Laval-santé, également 10 principes directeurs ont été retenus. En ce qui concerne Laval, ces principes directeurs là se retrouvent à l'article 46 de l'avant-projet de loi, mais nous reviendrons dans des commentaires plus particuliers sur certains des principes directeurs retenus concernant Laval.
Mais, concernant les principes directeurs qui avaient été retenus par la Commission d'accès à l'information, nous vous affirmons tout de suite que nous constatons qu'entre les principes directeurs identifiés par la Commission et ceux décrits dans l'avant-projet de loi il existe des disparités. Le principe de la nécessité, la pertinence et l'exactitude des renseignements eu égard à la finalité n'est pas repris. Le principe qu'aucune modification de finalité ? de finalité ? ne doit être apportée lors de l'utilisation de la carte devient dans l'avant-projet de loi un principe de transparence. Ce n'est plus la même chose. C'est un principe de transparence, c'est-à-dire, les personnes devant être informées des finalités si tant est qu'on les change en cours de route. Le projet, l'avant-projet de loi maintenant permet de les changer.
Un mot sur la banque de données centralisée. Les caractéristiques qui sont propres aux deux projets relatifs à des cartes à microprocesseur qui ont été réalisés à Rimouski et à Laval diffèrent passablement et ces différences nous amènent à formuler des commentaires sur le choix effectué dans le cadre de l'avant-projet de loi relativement à la conservation des renseignements cliniques. En fait, on s'est davantage basé sur le projet Laval. On sait qu'il y a eu, au Québec, d'autres concepts qui ont été développés également, certains appliqués, certains expérimentés, d'autres pas. Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins. La SOGIQUE en a développé un autre. Laval, on s'était appuyé sur le système d'information de la Programmation régionale des services ambulatoires. Mais, dans ce cas-là, à Laval, hein, une fois que les données ou l'épisode de soins était terminé, les données utilisées, elles étaient récupérées et ramenées par la banque centrale. C'est une différence importante. Tous ces exemples démontrent une chose, c'est que plus d'une architecture est possible et que la concentration des données dans une banque unique n'est pas la seule solution possible.
Le Comité de surveillance, d'ailleurs, du projet vitrine de Laval, dans son rapport sur le consentement, avait formulé une mise en garde importante à l'égard de la sécurité du système de la Banque de données dites anonymes, la BDA, qui comportait une faille majeure parce qu'il était possible de reproduire le dossier carte santé et de le verser dans un dossier clinique. Ça avait pour effet de rendre à toutes fins pratiques inutile toute forme de règle interdisant la communication du dossier carte santé dans la pratique. Cette brèche serait, nous dit-on, colmatée, à première vue, par les articles 64 et 67 de l'avant-projet de loi et les dispositions pénales prévues aux articles 85 et suivants. Mais on peut s'interroger sur l'efficacité de telles interdictions dans plusieurs circonstances. Comment, par exemple, va-t-on différencier un renseignement inscrit dans le dossier clinique par l'intervenant de celui qui est retranscrit au dossier à partir du résumé? Qu'en sera-t-il du renseignement ainsi transcrit et qui aura été retiré du résumé par la suite comme le permet l'article 57? Qu'en sera-t-il également du renseignement transcrit dans le dossier clinique lorsque la période durant laquelle il demeure inscrit au résumé est écoulée? On ne le sait pas.
n(11 h 40)n L'avant-projet de loi propose la constitution de la banque centralisée de données, le résumé des renseignements de santé, pour l'ensemble de la population québécoise qui utilise des services de santé assurés, qu'il s'agisse d'assurance maladie ou d'assurance médicaments. La constitution d'une banque contenant des renseignements aussi sensibles que les renseignements sur la santé de la quasi-totalité de la population ne peut ? ne peut; c'est notre conviction profonde, confirmée par au moins une récente déclaration publique depuis la tenue de vos dernières consultations publiques, parue dans La Presse du 13 mars, si ma mémoire m'est fidèle ? ne peut qu'être l'objet d'une très, très grande convoitise. Cette convoitise pourrait se traduire non seulement par des tentatives non autorisées d'accès aux renseignements de santé, donc de percer les mesures de sécurité mises en place, mais aussi par la tentation, et c'est évident que, dès qu'on met sur pied une telle banque, il y a des tentations incontournables, je ne reviendrai pas sur ce qui vient de vous être mentionné en plus, quand on tient compte des coûts et de la tentation de vouloir les rentabiliser, ce qui est plein de bon sens, mais avec les conséquences que ça implique... donc de percer les mesures de sécurité mises en place, mais aussi par la tentation de permettre des accès aux renseignements contenus dans la banque pour des motifs autres que cliniques, donc de modifier les restrictions d'accès aujourd'hui proposées dans l'avant-projet de loi.
La solution retenue dans l'avant-projet de loi, malgré les mesures de sécurité qu'elle peut comporter sur le plan structurel et malgré les garanties législatives limitant son accès, pourrait aussi comporter d'autres lacunes, aujourd'hui insoupçonnées, puisque l'évaluation du projet prototype à la base du modèle retenu n'a pas fait l'objet d'une évaluation sur le terrain, à notre avis, suffisamment longue et diversifiée. Compte tenu de l'impact que pourrait avoir sur la protection des renseignements personnels la constitution d'une mégabanque de renseignements aussi sensibles que les renseignements de santé, la Commission estime que l'expérimentation de cette approche devrait être complétée et que l'examen d'autres solutions architecturales devrait aussi être fait avant de l'implanter.
Quelques commentaires plus pointus et plus particuliers de la part de Me Carpentier.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): Merci. D'abord, sur le contenu du résumé des renseignements de santé qui est proposé dans l'avant-projet de loi, on voit d'abord l'article 50 qui identifie 10 catégories de renseignements de santé qui feraient partie du résumé. On remarque que chacune de ces catégories pourra comprendre les renseignements déterminés par règlement du gouvernement. De plus, on ajoute une catégorie de renseignements: toute autre catégorie de renseignements qui pourra être prévue par règlement. Donc, le contenu du résumé des renseignements de santé sera en bonne partie déterminé par règlement. Compte tenu qu'on n'a aucun projet de règlement qui accompagne l'avant-projet de loi, on peut se demander quels pourront être ces renseignements ainsi déterminés.
De plus, toujours à cet article 50, on dit que ce règlement peut également déterminer les catégories de renseignements pour lesquelles l'inscription d'un renseignement au résumé nécessite préalablement le consentement de la personne à la consultation de son résumé et peut également prévoir la période durant laquelle ces renseignements demeurent inscrits dans le résumé. On peut penser, par rapport à la consultation, une lecture préalable avant d'inscrire, que, bon... par hypothèse, pour inscrire une médication dans le résumé, ça peut nécessiter de consulter la catégorie «allergies ou intolérance». Cependant, pourquoi le patient doit-il consentir à la consultation de l'ensemble de son résumé si seulement le besoin, la nécessité, c'est de consulter une catégorie de renseignements? Et, quant à la période durant laquelle un renseignement demeure inscrit, qui serait prévue par règlement, bien, encore ici, un élément important qui permet d'évaluer ce qu'implique la constitution d'un résumé de renseignements de santé n'est pas précisé.
On retrouve, dans le consensus établi au sein du comité directeur qui accompagne le mémoire au Conseil des ministres, une description un petit peu plus pointue de ce que pouvait être le contenu de ces catégories. Alors, pourquoi on ne les retrouve pas, ces précisions, à l'avant-projet de loi? Est-ce qu'on n'est pas d'accord avec ces précisions-là? En tout cas, on n'a pas de réponse à ces questions.
Donc, le fait que ces importants éléments qui constituent le résumé... on en a un portrait très incomplet et ça ne nous permet pas de cerner adéquatement la portée de ce résumé. Ces éléments importants et ces règles devraient pouvoir faire l'objet du débat public que permet la consultation, comme la présente consultation, en commission parlementaire et ce que ne permettrait pas la voie réglementaire. La Commission estime donc que le texte d'un éventuel projet de loi devrait préciser les éléments constitutifs du résumé et les règles relatives à l'inscription et à la conservation des renseignements.
Ensuite, sur les droits de la personne concernée, il y a toute la question du consentement. On a abordé la question de consentement à la constitution, à l'inscription ou à la lecture du résumé de renseignements de santé. Ce résumé que propose l'avant-projet de loi dans le fond crée un nouveau type de dossier médical. Ce n'est pas le dossier médical qui doit être tenu par un professionnel. Son objectif, ce n'est pas de consigner les informations requises d'un professionnel de la santé. On comprend que son objectif est plutôt de permettre la communication à un autre professionnel ou à un autre établissement de certains renseignements de santé qu'ils ne possèdent pas. Il s'agit donc d'un moyen qui permet de remplacer une communication de copies de renseignements plutôt que de constituer un nouveau dossier de santé.
Par rapport au consentement, on voit au niveau de la constitution du dossier, du résumé, l'article 47 qui prévoit que la RAMQ établit un résumé de renseignements pour toute personne à qui elle délivre une carte santé, à moins que cette personne ne manifeste son intention de ne pas avoir un tel résumé. L'adhésion au résumé des renseignements de santé est donc présumée pour toute personne assurée par la RAMQ. L'avant-projet de loi propose donc, quant au consentement relatif à l'adhésion, une approche d'«opting out». On a automatiquement un résumé.
Pour ce qui est du consentement à l'inscription ou à la consultation, on prévoit des modalités distinctes, soit globale ou ponctuelle. Toutefois, on comprend que le deuxième alinéa de l'article 53 prévoit que le consentement à l'inscription de renseignements au résumé est donc par défaut un consentement général préalable. Il faudra là également qu'une personne déclare qu'elle ne veut pas qu'il y ait une inscription automatique des renseignements. Quant à la consultation, les règles du consentement semblent un peu mieux respectées dans le sens que, à chaque fois, la personne devra donner son consentement. À notre avis, le critère du consentement, le critère du fait qu'un consentement doit être manifeste n'est pas rencontré par l'approche par défaut ou de l'«opting out» lors de l'adhésion et lors du choix de modalité applicable à l'inscription.
Cette approche suscite également des questions à l'égard du consentement libre et éclairé. On peut se demander: Est-ce que les millions de personnes qui recevront une carte santé auront toutes pris connaissance du fait qu'à défaut de compléter à deux occasions un formulaire précis accompagné des renseignements et documents prévus par règlement ? encore une fois ? elles auront consenti à l'établissement d'un résumé et à l'inscription automatique des renseignements?
Vu que le temps file rapidement, je vais aborder plutôt la question du projet de loi qui prévoit, l'avant-projet qui prévoit la mention qu'un résumé est incomplet. C'est à l'article 57 qu'on prévoit qu'un résumé de renseignements de santé va comporter une dimension à l'effet qu'il est incomplet. Encore là, c'est un règlement qui va prévoir les cas, la durée, la teneur de la mention et dans quelles conditions un résumé est incomplet. On peut se demander comment quelqu'un, parce que... est-ce qu'on va mentionner qu'un résumé est incomplet si quelqu'un qui rencontre un professionnel de la santé n'accepte pas que soient inscrits certains renseignements? On peut même se demander comment est-ce qu'on va inscrire que c'est incomplet si on n'a pas donné le consentement à l'inscription de quoi que ce soit. Est-ce que le médecin va quand même pouvoir l'inscrire ou si c'est la RAMQ qui va pouvoir l'inscrire? On peut se poser quand même de nombreuses questions là-dessus.
n(11 h 50)n Ensuite, puisqu'une personne a le droit de consentir ou non à l'inscription d'un renseignement et que ce consentement est nécessaire à la divulgation d'un renseignement confidentiel protégé par le droit au respect du secret professionnel, est-ce que la mention que le résumé est incomplet ne vient pas enfreindre ce droit ou à tout le moins grandement le fragiliser? Qu'en sera-t-il des situations où une personne cherche à obtenir une deuxième opinion médicale indépendante? Il va y avoir une mention qu'elle a déjà consulté un autre médecin?
Et, comme on l'a mentionné précédemment, les renseignements de santé n'ont pas tous la même importance, certains sont plus sensibles que d'autres, on pense par exemple aux renseignements sur la santé mentale, l'avortement, la toxicomanie, les maladies transmissibles sexuellement. Est-ce que tout ça doit apparaître tout le temps sous... sinon, c'est un dossier incomplet? Alors, dans l'état actuel de l'avant-projet de loi, à savoir l'absence de précisions sur les conditions relatives à l'inscription du caractère incomplet, la Commission ne peut y être favorable.
Deux mots sur les profils d'accès. On voit qu'il y a de nombreuses catégories de professionnels et d'autres intervenants du milieu de la santé qui auront des profils d'accès. On ne connaît pas les profils d'accès. L'article 26 nous dit encore une fois que c'est prévu par règlement après consultation des ordres professionnels. Encore ici, un élément important du système proposé est inconnu. Comment évaluer actuellement la portée du consentement d'une personne à inscrire un renseignement dans son résumé si on ne connaît pas, on ne peut pas évaluer quels vont être les profils d'accès? Est-ce que ces accès seront autorisés en fonction des catégories de renseignements ou en fonction de renseignements particuliers? Encore là, d'autres questions.
M. Marois (Pierre): En guise de conclusion, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion. Il reste une minute, Me Marois.
M. Marois (Pierre): ...il me reste l'équivalent d'une demi-minute et trois quarts. L'objectif comme tel donc poursuivi, on l'aurait dit en conclusion, ça ne peut être que favorisé. Mais, par ailleurs, les choix technologiques et d'organisation du système proposé, en tout cas à la lumière des renseignements que nous donne l'avant-projet de loi, supposent, à notre avis, une réflexion beaucoup plus approfondie. Et, quant à la finalité du projet de loi, vous me permettrez au nom de la Commission de dire qu'en ce qui concerne la création du résumé de renseignements de santé, on ne sait vraiment pas trop, en lisant l'avant-projet de loi, s'il tend plutôt vers un dossier clinique virtuel, forcément incomplet, ce qui en fera un dossier peu fiable pour les professionnels, ou plutôt vers une sorte de bracelet MedicAlert virtuel qui serait des plus utiles en cas d'urgence, et, dans cette dernière hypothèse, si c'est le cas, le résumé contient beaucoup d'informations qui ne sont absolument pas nécessaires.
En conclusion, tel que présenté... On a fait état des droits fondamentaux des articles 5 et 9, je n'y reviens pas. En résumé, tel que présenté, l'avant-projet de loi ne nous permet pas, à la Commission, conformément à notre mandat, de nous prononcer sur la conformité de ce projet de carte santé et du résumé de renseignements qui l'accompagne aux droits fondamentaux. Il comporte trop d'imprécisions et de règles à être définies par voie de législation déléguée ou règlement pour nous permettre de conclure que le système proposé serait respectueux du droit à la vie, du droit au respect de la vie privée et du droit au respect du secret professionnel. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, messieurs. Nous allons donc procéder à la période d'échange. M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. Donc, j'aimerais remercier les représentants de la Commission, notamment son président, M. Marois, pour votre présentation. J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'essentiel de vos propos, bien sûr, en plus d'avoir pris connaissance de votre mémoire. Je dois vous dire que les indications que nous fournit la Commission à ce moment-ci sont pour nous d'une très grande importance, bien sûr. Je pense que les conseils que vous... et les recommandations que vous nous faites seront prises en très sérieuse considération.
J'aimerais aborder avec vous deux points plus particuliers: la question de la concentration des renseignements à la RAMQ, d'une part, et, d'autre part, la question aussi de la mention «dossier incomplet» qui est peut-être un peu plus pointue mais à l'égard de laquelle je suis un peu embêté suite à la position que vous nous exprimez.
Sur la question de la concentration des renseignements, et notamment à la RAMQ, j'aimerais rappeler d'une part que les travaux de la commission ont porté vraiment sur l'ensemble des scénarios qui me semblent être technologiquement disponibles aujourd'hui, c'est-à-dire, effectivement, centralisation, distribution ou décentralisation des renseignements, et que la proposition qui est contenue au projet de loi tient compte, en tout cas de notre point de vue, de l'ensemble des avantages et inconvénients des différentes formules, et ça nous apparaissait être celle qui représentait le plus d'avantages ou le moins d'inconvénients, celle justement d'une banque centralisée, notamment pour tenir compte du contexte d'utilisation du résumé qui fera l'objet de consultations dans à peu près quotidiennement 300 000 situations.
Donc, cette centralisation des données qui est reçue ou qui est retenue suite à de nombreux avis qui nous ont été produits et qui nous semble répondre à des exigences impérieuses, justement, de confidentialité, de respect de la vie privée et, en même temps, de capacité de pouvoir gérer les contours, par exemple, à titre d'illustration, des profils... Et je reçois très bien les commentaires ou les réactions que vous avez émis, M. Carpentier, relativement à des choses qui devraient être précisées et éventuellement faire l'objet d'un débat aussi, quant à ces précisions-là contenues ou pas à un éventuel projet de loi. Les mécanismes de sécurité également qu'une grande organisation comme, je pense, la RAMQ est capable d'assurer; en tout cas, on peut le penser; il ne faut pas juste le penser, il faut s'en assurer. Mais je pense que l'expertise de la RAMQ là-dedans est déjà, je pense, un indice de sécurité, quant à moi.
Donc, le choix technologique, c'est la conséquence, au fond, des études et des avis qu'on a eus là-dessus. À la RAMQ, et c'est peut-être la partie qui m'embête le plus à ce moment-ci, à la RAMQ, oui, parce que c'est notre système d'assurance, c'est notre compagnie d'assurances à nous, elle est du domaine public, elle appartient à l'ensemble des Québécoises et des Québécois, et, franchement, je m'interroge un peu sur la suspicion que je sens dans beaucoup de groupes sur la concentration de la RAMQ. Je vais vous dire pourquoi. La RAMQ n'a pas comme responsabilité de déterminer les services et les programmes. Elle n'a pas, comme une compagnie privée, la capacité de sélectionner les risques parmi les clientèles, elle couvre tout le monde, sans exception. Et elle gère en notre nom, au nom de la collectivité, ce système d'assurance d'une certaine façon, sans pour autant pouvoir dire: On a droit à tel service, on n'a pas droit à tel autre. Si on touchait, par exemple, le panier des services, je peux-tu vous dire que ça ferait l'objet de débat assez fort et ce ne serait pas la RAMQ qui l'initierait ni qui conclurait. Ce serait lors de débats très vifs qu'on aurait probablement, notamment au sein de telle commission.
Alors, sur l'un aspect comme sur l'autre, M. le président, est-ce que vous estimez que, technologiquement, la solution qui est retenue, celle d'une banque centralisée, demeure à ce moment-ci la plus sécuritaire? Et, deuxièmement... C'est un peu embêtant, je vous... de poser un jugement sur ? ha, ha, ha! ? une organisation du domaine public. Mais en même temps est-ce que justement la RAMQ n'est pas, si on doit centraliser une telle banque quelque part, l'organisme le mieux positionné pour en assumer, je dirais, la gestion, la probité, la sécurité?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Marois.
M. Marois (Pierre): Me Carpentier, Mme la Présidente, avec votre permission.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Me Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): Merci. Bon, écoutez, d'abord, je pense qu'on ne met pas en doute la probité et la capacité de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Je pense que ce n'est pas l'objet des commentaires de la Commission dans son mémoire. Je pense que c'est beaucoup plus sur le choix d'une banque centralisée. Mais, par rapport à la Régie de l'assurance maladie, il faut quand même concevoir que c'est un organisme qui a un rôle d'assureur, c'est un assureur public au Québec qui gère un régime universel, et là on veut lui confier un rôle de gardien d'informations cliniques. Je pense qu'on lui confie un nouveau rôle, d'une part. C'est une question, en tout cas, qui permet de s'interroger éventuellement, peut-être suite à un autre débat public, comme vous le dites, de dire: Bien, oui, l'assureur, comme il a aussi ces informations-là, bien, il peut peut-être faire autre chose avec ça. Ça, c'est une possibilité qui est, comment je dirais, plus concevable que si on l'a à deux endroits différents.
n(12 heures)n Mais, préalablement à ça, je pense que la position de la Commission est beaucoup plus de se questionner sur le choix d'une banque centralisée. Et, bon, je pense que nous n'avons pas l'expertise sur les développements technologiques, mais on a pu lire... Il y a des gens qui sont venus en parler ici. On pense qu'il y a d'autres moyens tout aussi sécuritaires, puisque, de toute façon, dans ce qui est envisagé, il faut informatiser les lieux où on va utiliser la carte santé. Il faut l'informatiser, sinon vous ne pouvez pas l'alimenter. Donc, on va informatiser partout.
Le choix technologique des transferts ou des accès interreliés... On sait qu'on a un réseau de transmission de télécommunications sécuritaire au Québec, le RTSS. C'est des questions qu'on peut se poser: Pourquoi choisir la banque centralisée, puisque, de toute façon, les dossiers médicaux sont confidentiels, les dossiers cliniques, là, que les professionnels doivent tenir, ils sont confidentiels? Des lacunes, oui, mais ils le sont actuellement. Est-ce que, de toute façon il ne faudra pas les sécuriser là aussi.
Et là de concentrer l'ensemble des informations, si... en tout cas, à partir de ce qu'on peut voir de la description de ce qu'il va y avoir dans le résumé des renseignements de santé, c'est beaucoup de choses. Et ce sera pour l'ensemble de la population, ça va se trouver en un lieu. On y voit des risques de divers niveaux, ce qu'on vous a exposé, mais c'est fondamentalement sur ce plan-là qu'on a des difficultés, avec le choix sans une expérimentation plus poussée, sans avoir testé d'autres modalités. On l'a dit, les changements technologiques, c'est venu rapidement, mais ça va encore plus rapidement aujourd'hui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Oui. En suivi de votre intervention, quand on parle de nécessité d'une expérimentation, je dirais, plus longue ou plus poussée et plus diversifiée, on joue dans quel ordre de grandeur? Qu'est-ce qui vous apparaîtrait être quelque chose qui pourrait contribuer à avoir une bonne lecture de ce que devrait être un tel système, une fois implanté dans l'ensemble du Québec?
Et, deuxièmement, est-ce que je peux conclure de votre réaction également que la RAMQ, si on la retient, en aucun cas ne devrons-nous permettre de près ou de loin qu'elle ait finalement quelque chose à faire dans le contenu du régime, d'une certaine façon, par exemple, dans la liste des services assurés, mais qu'elle ne soit qu'un gestionnaire d'informations cliniques et rien d'autre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Carpentier ou Me Marois.
M. Carpentier (Daniel): Écoutez, sur la durée, je ne suis pas en mesure de vous donner une durée. Tout ce que je sais, parce que j'ai participé au Comité de surveillance du projet Laval... On n'a même pas pu voir là-dedans un échange de données croisées, là, qui sont venues d'un établissement et utilisées par un autre professionnel. On n'a pas pu le constater. C'était beaucoup trop court. Comment voir l'utilité, voir qu'est-ce qu'il faut ajuster, voir les écueils qui pourraient se produire et... Ça a arrêté. Bon, c'était un projet relativement restreint, bien sûr, mais on n'en a pas vu, on n'a pas vu, on n'a pas pu évaluer l'impact social, sociosanitaire, si on veut, sur une population donnée qui utiliserait un tel système.
On nous disait: C'est une vitrine technologique. Oui, mais on vous l'affirme, ce matin, on vous l'a écrit, c'est des données extrêmement sensibles, les données de santé. On ne peut pas que considérer le volet technologique.
Écoutez, le rôle de la RAMQ, bon, on peut toujours écrire une garantie de cloisonnement, là, mais l'expérience en matière de protection de renseignements personnels au cours des 20 dernières années... On a vu que le principe de cloisonnement... Il y a eu beaucoup de décloisonnements dans le passé. Alors, c'est toujours un risque.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Et, effectivement, et si on a pu en observer quelques-uns, peut-être beaucoup dites-vous, c'est parce que, justement, dans le secteur public, je pense qu'on est bien équipé d'organismes de surveillance et de différents mécanismes de contrôle qui permettent d'avoir certainement le maximum ou, en tout cas, beaucoup de sécurité à cet égard.
Je transformerai peut-être ma question, celle à laquelle vous venez de répondre, de la façon suivante: Dans un système, prenons pour hypothèse pour l'instant, là, que l'option de centraliser demeure la meilleure, par hypothèse, j'en conviens, pour l'instant, quel autre organisme ou quelle autre forme de gestion d'une telle banque vous apparaîtrait acceptable? Avez-vous... Si ce n'est pas la RAMQ, pour mettre ça clair, ça pourrait être quoi d'autre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marois.
M. Marois (Pierre): M. le Président, à cet égard-là, c'est extrêmement difficile de donner une réponse très circonstanciée à la question que vous posez parce que ce qui est devant nous, pour l'instant, c'est un avant-projet de loi sur la carte santé, et, à première vue, il y a une logique à penser à la Régie de l'assurance maladie du Québec. Mais ce qui ? là, c'est plus du domaine à la fois des perceptions, mais également à l'examen des textes ? peut alimenter et contribuer largement à alimenter une méfiance, pour reprendre votre expression, pas particulièrement plus à l'égard de la RAMQ qu'à l'égard tout court du fondement même du projet, là, si on va jusqu'au bout de la démarche et de la réflexion et qu'on dit franchement les choses, c'est, d'une part, ce que nous avons évoqué, par exemple, en ce qui concerne le résumé, le contenu du résumé.
L'article 50 établit la liste de 10 éléments, hein, contenus, mais il en ajoute un onzième. Si je prends le texte, là, pour l'essentiel, il dit, le onzième paragraphe: Toute autre catégorie de renseignements prévue par règlement. Bien, moi, je ne sais pas ce que ça veut dire. Ce sera «toute autre».
Si on va plus au fond des choses et qu'on revient sur ce que j'évoquais tout à l'heure, sur la finalité, la Commission d'accès à l'information vous disait ? et nous partageons cette conviction ? que, compte tenu de l'aspect particulièrement sensible, hein ? il faut bien comprendre que les gens, là, voient qu'il s'agit de données concernant leur santé ? si on regarde la finalité telle que définie dans le projet de loi, il y a ce petit mot «notamment». «Notamment» veut dire qu'on peut forcément, notamment, mais non exclusivement, hein, c'est le sens de «notamment». Et on peut, par règlement, extensionner la finalité.
La Commission recommandait, dans ses principes directeurs, que, non, la finalité devrait être là, clairement définie et arrêtée, et ce ne serait que par changement, par voie de conséquence, par interprétation, que par changement du projet de loi qu'on modifierait la finalité. Or, la finalité, le principe de cette finalité telle que définie dans le principe directeur devient maintenant un principe de transparence. On pourra changer la finalité, en informer les citoyens de ces dits changements de finalité, d'où les interrogations qui viennent par la suite, compte tenu de cette banque, peu importe où on la localise en un certain sens, compte tenu que... Il ne faut jamais perdre de vue qu'une carte de cette nature-là à microprocesseur, dans le contexte de l'évolution très, très rapide, la carte habilitante va contenir la signature numérique. La signature numérique a la même valeur juridique que ma signature tout court. Ça, si on le recoupe avec un certain flou, que certains peuvent interpréter quant aux finalités, eh bien, ça amène forcément des gens à réfléchir et à se poser la question de savoir s'il ne s'agit que d'un aspect, que d'un premier pas d'application de la loi n° 161 sur le cadre juridique des nouvelles technologies de l'information. Et, dès lors, de là, éventuellement, on voit tout le potentiel.
n(12 h 10)n Quand on disait: Vous savez, c'est à la fois très sensible, et que ça peut susciter beaucoup, beaucoup d'intérêts ? entre guillemets, au pluriel ? de toute nature, économique et autre, c'est bien évident que, quand on le pose dans les termes, comme je viens de le faire... Vous me direz peut-être: Non, non, mais ce n'est pas le sens du projet. Peut-être. Peut-être que ce n'est pas le sens. Peut-être que ce n'est pas... C'est vraiment une interrogation que nous avons, comme d'autres. Mais on peut comprendre, dès lors, par voie de conséquence... Pensez aux utilisations potentielles que pourraient en faire notamment les banques, le ministère du Revenu, je ne sais pas, moi. Ça s'arrête où? Et le projet, juridiquement, n'est pas suffisamment serré à cet égard-là pour nous permettre de dire, nous: Non, non, ne vous énervez pas personne, on se calme, on respire par le nez; la finalité juridique est complètement serrée, enveloppée et, dès lors, on ne pourra pas en sortir. Donc, il s'agit là certainement d'un élément qui vient amplifier sur une certaine, pour reprendre toujours votre première expression, sur une certaine, pas inquiétude, vous avez dit...
M. Bertrand (Portneuf): Méfiance.
M. Marois (Pierre): ...méfiance, pas particulièrement à l'égard notamment de la Régie, dans le contexte, là, où c'est présenté, mais du projet comme tel. C'est probablement ça. Donc, c'est à cause de zones d'ombre davantage que d'autres choses.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste une minute, M. le ministre.
M. Bertrand (Portneuf): Oui, à peine une minute, donc...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va être un commentaire?
M. Bertrand (Portneuf): ...en 30 secondes, en toute justice, je vais vous laisser 30 secondes. D'une part, pour vous rassurer, effectivement, j'ai pris bonne note de vos remarques en ce qui regarde notamment le principe de finalité, le notamment dont vous venez de parler. Effectivement, j'en prends bonne note, O.K.? Principe de finalité qui devient principe de transparence. On va regarder ça de très près. Par ailleurs, juste une brève question.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Avec une courte réponse.
M. Bertrand (Portneuf): Oui. Vous nous dites, d'une part, que le résumé doit être complet pour être fiable aux yeux des professionnels puis, d'autre part, que, si ce résumé pouvait être incomplet, on ne devrait pas en faire explicitement mention. Je suis un peu dans un cul-de-sac, là, quand vous me présentez ça de même.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): Oui. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il doit contenir des données pertinentes, fiables, à jour, d'accord? Mais la base, c'est que, à moins que vous constituiez un dossier médical, et là il faudrait le dire clairement... Mais là c'est un résumé de renseignements de santé. On veut doter les gens d'un outil pour permettre la communication. Mais là on veut que cet outil-là soit complet et les gens n'ont pas le choix et, s'ils veulent retirer ou ne pas mettre quelque chose dedans, il va y avoir une lumière qui s'allume. Et, à chaque fois qu'une personne va rencontrer un professionnel de la santé, il va y avoir cette lumière-là qui va s'allumer, et on peut craindre sur la qualité de la relation entre un professionnel de la santé et un patient.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Me Carpentier. Alors, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue parmi nous. Je pense que la Commission permet toujours de donner un éclairage ? surtout dans une matière comme celle-ci, en matière de santé, puis lorsqu'on pense aux patients ? qui est très utile. Vous allez me permettre de faire un commentaire général, quelques commentaires généraux, mais que vont m'inspirer les pages 4 et 5 de votre présentation, notamment lorsque vous vous appuyez sur les principes directeurs, là, du projet de Rimouski. Et elles m'amènent certaines réactions qu'on a eues ici, en commission, des idées qui me viennent à la lecture même. Je voulais vous les offrir et nous les offrir en rétrospective, puisque c'est notre dernière journée. Premier sujet... Je vais prendre les cinq premiers.
Premier sujet: «La transparence: le projet, ses principes, ses objectifs et finalités doivent être clairement énoncés et expliqués.» Jusqu'ici, on nous a beaucoup dit combien la lacune principale était l'absence d'étude des besoins, l'absence d'analyse des moyens en fonction des besoins qui n'ont pas été étudiés et le secret sur les coûts. Forcément, à l'égard de la transparence, il y a quelques lacunes qui ont déjà été soulevées à l'égard du projet.
Deuxièmement: «La finalité: doit être déterminée et légitime. Aucune modification de finalité ne doit être apportée lors de l'utilisation de la carte.» On vient d'en parler, de finalité pas serrée ou trop floue. Moi, je vous dirais, à la lecture de l'article 33: Finalité volontairement élastique. Et je vais prendre la peine de lire l'article 33:
«L'utilisation par les intervenants abonnés à l'infrastructure à clés publiques gouvernementale de leurs clés et de leur certificat de signature numérique n'est pas limitée à l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions dans le secteur de la santé et des services sociaux.»«N'est pas limitée à» signifie «peut servir à tout». Et on a appris tout récemment que l'objectif du gouvernement à l'égard du projet de loi, ce n'est pas nécessairement une carte Accès santé ou une carte d'habilitation, c'est une carte multiusage. Ça, on nous a même appris que la première étape, c'étaient les 200 000 personnes qui avaient la carte d'habilitation et, les autres, c'était l'étape qui suit. Ça, c'est ce que les médias nous ont appris dernièrement. On n'en avait pas encore parlé; maintenant, c'est clair.
Troisième point, toujours dans les points directeurs du projet de Rimouski: «La nécessité, la pertinence et l'exactitude des renseignements.» On a aussi discuté de ça. Les pharmaciens en établissements sont venus nous dire que, parfois, les renseignements qui sont inscrits, colligés dans les rapports sont erronés. On nous a même dit que 30 % des renseignements sur les allergies étaient biaisés. Alors, je pense qu'il faut garder tout ça en arrière-scène lorsqu'on parle de ce sujet-là.
Dans la même point: «L'exactitude des renseignements implique une méthode de mise à jour.» Vous allez me permettre... À la première journée ? on est à la dernière, je l'ai reçue ce matin ? à la première journée des audiences, l'Association des archivistes médicales est venue, et je leur avais posé une question supplémentaire. Je vais déposer la réponse, Mme la Présidente. C'était sur le délai que ça prend pour remplir les papiers pour faire un rapport ? parce qu'on va faire des résumés; ça prend du temps, faire un résumé ? de trouver une espèce de comparable. Ça prend combien de temps faire les signatures dans les dossiers qui existent dans les établissements? Et je vous lis ceci: «En moyenne, on peut compter jusqu'à trois [...] mois pour avoir toute l'information versée au dossier de l'usager.»Document déposé
Je vais déposer, pour le bénéfice de la commission, la réponse qui nous est venue suite à leur venue chez nous, mais, bon, on avouera que, dans le concret de ce qui existe actuellement, les mises à jour c'est des mises au mois.
Quatrième point, la confidentialité. On en a parlé tantôt, beaucoup sont venus nous en parler. Mais vous savez qu'il y a des gens qui nous ont dit: Dans le concret, nous autres, ce qu'on va faire, c'est un «print». Au triage, quand les gens vont arriver à l'hôpital, au triage, on va faire un «print» du renseignement. Bon, là, c'est à... Imaginez que l'infirmière a un profil d'accès non identifié encore mais qui serait moindre peut-être que celui du médecin. Alors, elle pourrait sortir un «print» b, je dirais, parce que le a serait le médecin, alors b, puis là tu t'en vas chez le médecin, deux pieds plus loin, à l'urgence. Lui pitonne pour sortir ce qu'il manque pour avoir le a, c'est-à-dire le dossier au complet. T'as un «print», et c'est versé au dossier. Et j'y reviendrai, là-dessus.
Cinquième point: «L'accès et la rectification: le patient a droit de prendre connaissance des renseignements et peut exiger la rectification des renseignements inexacts, incomplets.» Ce qu'on est venu nous dire ici, c'est qu'il ne pourrait peut-être pas demander la correction des commentaires de son médecin ou des observations de son médecin. Il pourrait changer parce que la jurisprudence actuelle fait en sorte qu'on peut modifier, dans des dossiers médicaux, ce qu'on y apporte nous-mêmes, mais ce que de tierces parties apportent n'est pas changeable. Alors, à cet égard-là, il commence à y avoir une multitude de questions qui se posent.
Je voulais faire ces éléments qui m'interpellaient, peut-être aurez-vous des réactions, mais je vais vous permettre de faire des réactions en posant une question inspirée des commentaires que vous faites à la page 8 sur ce que j'appelle l'effet domino de la transcription des renseignements, puis un peu inspirée de ce que je viens de vous dire sur le «print».
n(12 h 20)n Dans le fond, là, le dossier médical, le dossier patient de l'établissement va toujours contenir les informations du résumé de renseignements. Pourquoi je dis ça? Vous allez à la clinique, vous voyez le médecin. Le médecin, en ce moment, il a en face de lui un patient qui lui dit des choses, et cela constitue, bâtit son dossier. Demain, il va avoir devant lui un patient qui arrive avec une carte, qui ouvre un écran, et ça constitue aussi, ça, des informations qui l'amènent, lui, à poser un diagnostic et, lui, à engager sa responsabilité professionnelle. S'il ne l'écrit pas dans son dossier, mais qu'il s'inspire de ce qui est écrit, là, moi, je pense qu'il va être en danger, là. Il est obligé, forcément, d'aller le chercher.
Alors, puisque vous avez abordé cette question de la transcription, et peut-être pour les autres points que j'ai soulevés, je comprends bien que la loi dit: On ne peut pas les transcrire, mais, pratiquement, là, ç'a-tu de l'allure? Les gens ne vont-ils pas, les donneurs de soins ne vont-ils vouloir l'inscrire? Autrement dit, je dirais... Je vais résumer ma question: Ne faudrait-il pas utiliser l'information? Parce que, dès le moment où ils l'utilisent, il faut qu'ils l'inscrivent parce que, sinon, ils risquent d'engager la responsabilité. Et, si on me dit qu'ils ne l'utiliseront pas, alors, pourquoi lancer tout ce débat-là, pourquoi faire toute cette réforme?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marois.
M. Marois (Pierre): Je vais laisser la parole à Me Carpentier. Exactement, le dernier volet de votre question sur la transcription, ça a été étudié dans le cas de l'expérience de Laval, et Me Carpentier participait aux travaux du Comité de surveillance. Et, justement, ça a été soulevé. Je vais donc lui laisser la parole. Je reviendrai après sur d'autres aspects que vous avez soulevés.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): C'est ce qu'on a... Bon. Dans le cadre de l'expérience de Laval, effectivement, on s'est posé la question s'il était possible justement d'imprimer ce qui était ? c'est le DCS ? le dossier carte santé, qui est, bon... Ce n'est pas tout à fait la même chose, en tout cas. C'est difficile de le comparer, compte tenu qu'on n'a pas tout l'éclairage sur le projet qu'on a ici, mais, en tout cas, à ce qu'on pouvait voir, c'est un projet qui évoluait aussi dans le temps. On s'est posé la question: Est-ce qu'il était possible donc d'imprimer le DCS, qui est le résumé des renseignements de santé? Et on nous dit que c'était faisable. Donc, si c'est faisable, ça va se faire, parce que, effectivement, la technique autre serait de dire: Vous utilisez ce moyen de communication pour prendre connaissance de renseignements de santé, et là quelqu'un les transcrit. Alors, je pense que ce n'est pas réaliste dans un contexte technologique comme celui-là. Effectivement, la pratique et l'efficacité amènerait à l'imprimer. Donc, les garanties de non-divulgation aux employeurs ou assureurs du résumé... Bien, les employeurs et assureurs peuvent avoir accès au dossier médical sur consentement de la personne. Et, si vous avez une impression du résumé, bien, il va être dedans, ils vont y avoir accès. Donc, c'est pour ça que les... Je pense que la question, c'est qu'on crée un nouveau dossier de santé. Je ne sais pas comment le qualifier, appelons le résumé, mais c'est comme un dossier de santé. Donc, c'est encore un nouvel élément qui s'ajoute plutôt qu'interconnecter ou de permettre la communication de renseignements de santé qui...
Bon, aujourd'hui, ça pose des problèmes. Les gens l'ont dit, c'est difficile d'avoir accès au dossier physique qui est dans un autre établissement ou dans une clinique. Ça peut prendre du temps. Parfois, on en a besoin de façon un peu plus urgente. Effectivement, ça, ce sont des moyens technologiques de transférer de l'information. Mais là, pour la transférer, on crée un nouveau dossier. Donc, il va se multiplier, il va apparaître partout, forcément. Et là, c'est pour ça qu'il faut voir...
On voit bien que le projet de loi en fait une interdiction qu'il soit communiqué. Il ne sera pas communiqué comme tel, mais quelqu'un qui demande un accès au dossier médical et qui obtient le consentement de la personne concernée, bien, va finir par l'avoir.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marois, vous vouliez ajouter?
M. Marois (Pierre): Oui, assez rapidement, parce que, les autres commentaires formulés par le député, nous y revenons de façon passablement élaborée dans notre mémoire, aux pages 4, 5 et suivantes. Mais, effectivement, les principes directeurs qui avaient été émis par la Commission d'accès à l'information et les principes directeurs tels qu'ils devraient guider tout autre projet de carte santé à microprocesseur ? et là il y avait la liste ? nous, on constate un écart entre ces principes qui devraient... et auxquels on pense, auxquels on souscrit, un écart entre cette liste de principes directeurs qu'on peut reprendre et ceux qu'on retrouve dans le projet de loi. Vous en avez relaté un certain nombre, comme nous.
Et il y a plus que ça. Effectivement, par manque de temps ou... J'avais aussi encerclé l'article 33. Il y avait le «notamment», il y avait... Bon. Et j'aurais pu débouler une longue liste, mais il y avait aussi l'article 33. Je n'en reprendrai pas la lecture, le député en a fait la lecture, mais, tel qu'il est libellé, eh bien, il y a une ouverture à une utilisation qui déborde. Est-ce que, par cette ouverture, on vise encore une fois une sorte de nouvelle carte multiservice? Est-ce qu'il serait possible d'envisager d'aller plus loin? Et là, ça recoupe la finalité.
Vous avez parlé des coûts. Bon, ce n'est pas l'approche d'abord de la Commission des droits. La Commission des droits se dit: Dans la mesure où l'informatique et l'évolution de l'informatique pourraient permettre de contribuer à faire progresser le droit le plus fondamental, le plus incontournable sans lequel il n'y en aurait aucun autre au Québec, c'est le droit à la vie, tant mieux. Je vous rappelle que la Commission est sortie, j'espère avec poids, dans la foulée des événements du 11 septembre, justement sur cette question du droit à la vie. Et, si le droit à la vie n'est pas là, bien, ne parlons plus des autres. Mais, quand on parle de protéger et de contribuer par la technologie ? ce qui est souhaitable ? à faire avancer et protéger le droit à la vie et contribuer à sauver davantage des vies, encore faut-il faire bien attention à la nature des informations qu'on rend disponibles.
De quoi parle-t-on? Qu'est-ce qu'on veut exactement faire? On a souvent entendu, dans des témoignages et dans des échanges, puisqu'on a suivi à distance, par la fameuse merveille de l'électronique d'aujourd'hui, de l'informatique, les débats de la commission... L'expression «urgence» est revenue très souvent. L'urgence. De quoi parle-t-on quand on parle de l'urgence? N'importe qui qui est allé dans une salle d'urgence, bien, par définition, quand ça rentre là, c'est urgent. Donc, si on peut se servir de l'informatique pour faire en sorte que l'information pertinente, pointue, à jour soit transmise pour faire en sorte que les soins appropriés et pertinents et que la problématique soient saisis plus rapidement, bien, tant mieux. Mais il y a d'autres types d'urgences qu'on voit dans les urgences qui ne sont pas des urgences pantoute.
Alors là de quoi parle-t-on et qu'est-ce qui doit être contenu et transmis? Attention! Attention! Attention! Il y a un danger, à la fois dans des commentaires ou des remarques, de verser dans une sorte de ? comment je dirais ? de simplisme ? passez-moi l'expression, là; je devrais être plus nuancé que ça, plus subtil, là, ça ne me vient pas, ce matin ? et une sorte de potentielle porte ouverte et qui suscite une inquiétude naturelle sur beaucoup plus que ce qui serait strictement nécessaire, tout dépendant des objectifs qu'on vise. Et c'est à cet égard-là, quand on prend l'ensemble, on vous l'a dit, qu'on a de la difficulté à cerner.
Pour nous, dans l'état actuel des choses, on dit: Oui, on souscrit aux objectifs, ça va de soi, mais on soulève des questions auxquelles, pour l'instant, il ne nous semble pas qu'on ait les réponses nous permettant de vous donner une opinion qui est notre mission et notre rôle de vous dire si, oui ou non, de notre point de vue, du point de vue des commissaires de la Commission nommés et choisis par l'Assemblée nationale, c'est ou pas conforme, tout en respectant le droit à la vie, au respect de d'autres droits fondamentaux de la Charte, qui est la loi quasi constitutionnelle du Québec et qui est la somme des valeurs de société auxquelles nous souscrivons. Et attention que, par un simple passage technologique, on ne risque pas de bazarder, d'affecter, d'égratigner substantiellement certaines valeurs sociétales inscrites dans la Charte et qui correspondent à des droits.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
n(12 h 30)nM. Fournier: Je ne sais pas s'il me reste...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste quatre minutes.
M. Fournier: Quatre minutes. Alors, je poserai une simple question qui va porter à l'intérieur de la page 20 du mémoire, mais je vais la faire précéder d'une remarque, puisque vous avez abordé la question des coûts. Et je veux vous dire que je présume ? et je pense parler pour beaucoup de monde ? qu'il est possible d'imaginer, il serait possible d'en faire la démonstration que, après une bonne étude des besoins, après une analyse pointue des mécanismes, des architectures, on peut arriver à avoir une meilleure circulation de l'information pour le bénéfice des patients. Moi, je pense qu'on est capable ou on devrait être capable de faire ça comme démonstration.
Ce n'est pas fait en ce moment parce qu'on n'a pas analysé ni les besoins ni les architectures, mais ça, c'est la lacune à laquelle le gouvernement doit répondre. Mais je pense que c'est possible. Donc, on est capable d'arriver à un moment donné à une espèce d'étude coûts-bénéfices, coût-efficacité qui permet de dire: Est-ce que c'est le geste qu'on doit poser en ce moment?
Parce que, sur la question des coûts, j'ai encore en mémoire les débats que nous avons eus à l'Assemblée nationale sur votre rapport que vous avez rendu public, je pense que c'était en décembre dernier, qui porte le titre assez marquant d'Exploitation des personnes âgées. Et, lorsqu'on regarde les soins, les services à donner, on ne peut pas dire que les Québécois en ont pour ce qu'ils devraient avoir. N'oublions pas de dire ceci: Une meilleure circulation de l'information pour avoir de meilleurs diagnostics, pour mieux identifier les soins à donner, si, à la fin vous n'avez pas d'argent parce que vous êtes en sous-financement, pour donner les soins, ah, ah, bravo, votre carte, mais le citoyen, lui, il lui reste quoi?
Alors, dans la question des coûts, je pense que cette question-là doit revenir, et je pose donc ma question sur le dernier paragraphe. Vous parlez des personnes, vous dites: Certains renseignements sont plus sensibles que d'autres. Vous pensez à un renseignement sur la santé mentale, l'avortement, la toxicomanie, les maladies transmissibles sexuellement. Et on a déjà été avisé de ça et je pense que, la Commission des droits, c'est à elle qu'il faut qu'on pose la question. Qu'est-ce qu'on fait avec des cas comme ceux-là? Quelle est la solution pour faire en sorte que l'outil qui doit faire du bien n'engendre pas un mal encore plus grand chez ceux qui sont déjà les plus affectés par des problèmes de santé, soient-ils de santé mentale ou de santé physique?
Parce qu'il y a toujours des gens qui disent: Hé! il y a 80 % du monde pour qui ça va être utile. Oui, mais, pour le 20 % qui sont les plus affectés, si, eux autres, ça endommage leur situation, je suis loin d'être convaincu que c'est le geste qu'on doit poser. Alors, à cet égard-là, qu'est-ce que vous proposez pour ce 20 %, peut-être, qui est le plus affecté?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il vous reste à peine une minute. Alors, j'espère que...
M. Marois (Pierre): Oui, très, très, très rapi-dement. Il y a des mécanismes technologiques qui effectivement nous permettront de faire le choix de les mettre ou pas. Mais, encore là, ça rejoint forcément l'autre question, celle du consentement. Le droit à ma relation avec mon professionnel, le droit à ma vie privée, c'est ça qu'il faut concilier, là. C'est ça qu'il faut concilier. Il n'y a rien d'inconciliable sur le plan technologique si on cerne bien les morceaux.
Mais là vous avez relevé un certain nombre d'éléments, la question se pose: Est-ce que, oui ou non, ça doit être là? Mais, dans l'état actuel des choses, là, on n'est pas capable de donner une opinion là-dessus, c'est ça, notre fichue difficulté. On veut bien mais... Hein?
Le Comité, si vous regardez à la page 21, on le dit, le Comité de surveillance du projet vitrine de Laval recommandait au ministre «que soit ? et je cite ? examinée la possibilité que certains renseignements de santé ne soient jamais inscrits au dossier aide mémoire clinique en raison de leur caractère sensible et potentiellement préjudiciable». Bon, c'était une recommandation qui était faite. À la lecture du projet de loi, dans l'état où il est actuellement, on est incapable de répondre à cette question-là ? qui est posé de façon très pertinente, je dois dire.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposions. Me Marois, Me Carpentier, Me Bossé, merci pour votre présentation et votre participation à cette commission. Je vais suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, après la périodes des affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise à 15 h 52)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Puisque nous avons quorum et que les avis ont été bien donnés, la commission va donc reprendre ses travaux. Je vous rappelle que nous poursuivons... Excusez, un instant, là. Nous poursuivons donc la consultation générale ainsi que les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec.
Alors, ce sont les mêmes remplacements que ce matin, Mme la secrétaire; nous allons donc procéder le plus rapidement possible avec l'Association médicale du Québec. Alors, madame, monsieur, bienvenue à cette commission. J'aimerais que la personne qui va nous présenter le mémoire se présente, nous présente la personne qui l'accompagne. Je vous rappelle que vous avez une dizaine de minutes pour nous présenter votre mémoire.
Association médicale
du Québec (AMQ)
Mme Duclos (Claudette): Parfait. Merci beaucoup. Mon nom est Claudette Duclos, je suis directrice générale de l'Association médicale du Québec, et je suis accompagnée de M. Luc Provost, qui est le responsable des affaires professionnelles à l'Association.
Je tiens d'abord à remercier Mme la présidente et les membres de la commission pour avoir accepté de nous recevoir cet après-midi et je tiens aussi à excuser le président, le Dr Stanley Vollant, de l'Association médicale du Québec, qui est un chirurgien très impliqué sur la Côte-Nord et qui, malheureusement, n'a pu se rendre ici aujourd'hui. Et je vais présenter à sa place la position des membres de l'Association, et je vais tenter de le faire aussi au meilleur de ma connaissance. Je vous prierais de m'excuser si jamais, à la période de questions, il y avait certaines questions où ce serait plus difficile pour moi de répondre et je trouverai des moyens pour vous apporter des éclaircissements. Alors, merci pour toute cette attention.
L'Association médicale du Québec, que l'on nomme souvent l'AMQ, occupe une place quand même unique dans le paysage québécois depuis 1922. C'est une organisation non syndicale qui regroupe plus de 6 500 membres médecins, omnipraticiens, spécialistes, résidents et étudiants. Notre organisation est structurée en région, donc nous représentons toutes les régions administratives du Québec. Et, dans chacune des régions, nous avons un médecin qui est président d'un comité exécutif et aussi président de sa région, et ces régions-là forment notre conseil d'administration. Et nous avons aussi plusieurs mécanismes de consultation à l'intérieur de cette structure-là pour pouvoir consulter régulièrement nos membres.
Au cours des dernières années, l'AMQ a pris des positions favorables au développement technologique en santé, notamment dans le cadre de la commission Clair et aussi, dernièrement, la commission Romanow, où nous avons pu réaffirmer que la santé était de compétence provinciale. Notre souhait, comme association, est de voir émerger des conditions propices au niveau de l'innovation dans l'organisation des systèmes de santé au bénéfice de nos patients et au bénéfice aussi de nos professionnels de santé.
L'AMQ est convaincue qu'une meilleure circulation de l'information clinique entre les professionnels de la santé entraînera d'importants bénéfices cliniques. L'AMQ croit aussi que l'informatique est un outil privilégié. Et, pour ce faire, je peux peut-être commencer par essayer de vous positionner un petit peu plus les recommandations auxquelles on aimerait s'attarder: donc, comme première recommandation, nous voudrions que le médecin ait accès à une information clinique de qualité; l'idée de la zone privée, qui a été rapportée autant dans votre projet de loi que dans certains dépôts de mémoires, doit être étudiée selon nous; l'accès, l'utilisation des données du résumé devraient se limiter selon nous uniquement aux professionnels de la santé qui fournissent des soins de santé; on aimerait qu'on puisse procéder aussi à une étude rigoureuse qui remet en question l'architecture centralisée versus décentralisée; si le gouvernement optait pour une solution centralisée, nous croyons que la gestion des résumés de renseignements de santé devrait être confiée à un organisme indépendant de l'appareil gouvernemental, comme de raison; et, arrimée aux systèmes existants, nous croyons que la carte santé pourrait tout probablement mieux fonctionner; les projets-pilotes qui ont été identifiés, nous trouvons que ça peut être aussi un bon outil pour réussir à implanter avec tout le succès désiré un tel projet; les médecins désirent aussi s'impliquer, donner leur avis à chacune des étapes du processus d'informatisation de leur pratique; et que le gouvernement finance les coûts supplémentaires qu'assumeront les médecins dans le cadre de l'introduction de la carte santé.
Alors, je reviens un petit peu au contenu. C'est sûr que l'AMQ se montre en faveur de l'informatisation des dossiers cliniques et de leur mise en réseau dans la mesure où cela appuie le processus de prise de décision clinique, celle du médecin. La carte à microprocesseur nous apparaît comme une technologie porteuse pour réaliser ce virage, en quelque sorte un catalyseur de changements. L'introduction d'un système à double carte, l'une pour le patient, l'autre pour l'intervenant, entraînera forcément des changements importants dans la production des soins et plus particulièrement dans l'activité clinique du médecin. Le présent mémoire s'inscrit dans une volonté de moderniser les systèmes d'information clinique de façon éclairée, notamment en tenant compte des besoins des usagers et des professionnels de la santé. Plus particulièrement nos commentaires s'articulent autour de trois composantes, dont le résumé de renseignements de santé, les scénarios technologiques et les coûts.
Concernant les résumés de santé. L'avant-projet de loi propose la création d'un résumé de renseignements de santé sur tous les titulaires d'une carte santé. Les rubriques d'information que l'on retrouve semblent a priori pertinentes. Tel que présenté, le résumé de renseignements de santé suscite pour nous certaines interrogations. D'abord, comme première interrogation, la qualité de l'information. Le projet de loi reconnaît à l'usager le pouvoir de refuser que certains renseignements soient portés à son dossier. Les médecins craignent que ceci puisse affecter la qualité des informations et qui, éventuellement, pourrait amener les professionnels à ne pas s'y fier et à ne pas consulter ces dossiers, mais retourner aux dossiers traditionnels. Donc, nous, nous pourrions recommander, là, que le résumé soit complet et qu'il le demeure aussi.
Une autre interrogation qui ressort des consultations auprès des médecins, ça concerne le consentement du patient. Est-ce que le patient consentira toujours à ce que toutes les informations se retrouvent sur ce dossier? Afin de gagner la confiance et du professionnel de santé et l'adhésion des usagers, l'AMQ vous suggère que le contrôle du résumé par l'usager se limite à la communication des tiers et non à l'entrée de données.
n(16 heures)n Comme troisième interrogation, elle concerne la création d'un résumé de renseignements de santé à la RAMQ en lien avec le niveau d'informatisation des établissements et des cliniques privées. On sait que, lorsqu'il y a informatisation des systèmes cliniques, ceux-ci ont souvent été développés de façon isolée, de sorte qu'ils ne communiquent pas entre eux. Dans quelle mesure le gouvernement pourrait-il soutenir les établissements et les cliniques médicales, en particulier pour permettre l'entrée de données à la base? Alors, c'est une interrogation qui reste pour nous avec une nécessité d'éclaircissement.
Quatrièmement, on doit s'attendre à ce que la création d'une banque centrale contenant les résumés de santé de la population québécoise suscite de la convoitise. Donc, si la Régie, la RAMQ, jouit d'une excellente réputation dans la gestion sécurisée des renseignements de santé, il n'en demeure pas moins que la décision de confier la gestion du résumé de renseignements de santé à cet organisme peut paraître contestable. Donc, en raison de sa position unique, nous croyons que l'Association médicale du Québec pourrait collaborer à résoudre ce problème en participant à des travaux sur cette question.
Concernant les scénarios technologiques, nous nous demandons s'il est obligatoire, du point de vue technologique, de le centraliser. La centralisation des résumés de renseignements est-elle vraiment un gage de sécurité? Existe-t-il d'autres façons de faire circuler les renseignements cliniques? Par exemple, l'interconnexion et l'interrogation des dossiers locaux, a-t-on analysé cette façon de faire sérieusement? L'AMQ recommande donc la réalisation d'une étude rigoureuse au sujet de l'architecture centralisée versus décentralisée.
Le déploiement progressif. Nous croyons qu'il est nécessaire de poursuivre les analyses en cours pour mieux définir les aspects technologiques de ce système. Comme bien d'autres organismes, l'AMQ suggère un déploiement clinique progressif du système de la carte de santé. Selon nous, la réalisation de véritables projets-pilotes combinant les volets clinique et administratif sont des avenues qu'il faut prendre en compte très sérieusement. En termes de coûts de déploiement, vous savez qu'en pénurie d'effectifs médicaux il serait absurde et injuste que les médecins soient pénalisés financièrement, alors qu'ils sont des acteurs essentiels dans les systèmes d'information à mettre en place. L'AMQ recommande que les médecins soient compensés pour tous les coûts supplémentaires qu'ils auront à assumer dans le cadre de l'introduction de la carte santé.
Et, finalement, en guise de conclusion, nous croyons que les enjeux sont complexes, et, à cet égard, les médecins doivent être partie prenante et donner leur avis à chacune des phases du processus d'informatisation de leur pratique. L'utilisation efficace de la carte santé dépendra non seulement de son acceptation par la population et les usagers, mais aussi de la confiance qu'en auront les praticiens et de l'utilité qu'ils y verront. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Duclos. Nous allons donc procéder à la période d'échange. Alors, M. le ministre, je vous rappelle que vous avez 10 minutes. C'est 10 minutes du côté ministériel et 10 minutes du côté de l'opposition.
M. Legault: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais remercier Mme Duclos et M. Provost d'être venus cet après-midi échanger sur donc le projet de carte à microprocesseur. Évidemment que votre présentation est importante, là, vous représentez 6 500 médecins. Bon, je suis content de voir que l'Association est convaincue qu'une meilleure circulation de l'information clinique entre les professionnels de la santé entraînera d'importants bénéfices cliniques et économiques. Donc, je suis content qu'on arrive ensemble à cette même conclusion.
Maintenant, vous nous dites dans votre présentation que vous avez certains doutes sur certains sujets et, entre autres, vous avez des doutes au niveau du résumé de renseignements. Bon, effectivement, dans l'avant-projet de loi qui est présenté et qui demande juste à être bonifié, on a proposé d'avoir un fichier centralisé avec toute l'information. Il y a différentes personnes, entre autres le professeur Sicotte, qui ont proposé d'avoir plutôt accès à toute l'information dans les 10 000 établissements au Québec, avec un genre de carte pointeur où on pourrait aller chercher toute l'information.
Ce que j'aimerais savoir de votre part, là, c'est: Comment vous pensez, si on allait vers une proposition qui était plus décentralisée dans les 10 000 points de services, comment on pourrait s'assurer, dans chaque établissement, de garantir à la fois que toute l'information est disponible à chaque jour, qu'elle soit à jour aussi, et comment pourrait-on s'assurer de la sécurité de l'information? Parce que, ce qui nous a amenés justement à aller vers une banque centralisée, c'est qu'on s'est dit: À des coûts raisonnables, ça va être très difficile de sécuriser toute l'information puis de s'assurer qu'elle soit à jour dans les 10 000 établissements. Dans votre conception, là, quand vous vous posez des questions, comment vous verriez ça, un réseau où on irait chercher de l'information dans les 10 000 points de services à chaque jour?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Duclos.
Mme Duclos (Claudette): Vous me posez une question dont un architecte de données serait peut-être plus en mesure que moi de répondre. Je pense que c'est du côté de l'ingénierie. Par contre, il faut peut-être regarder aussi l'approche par région, qui existe déjà. Et, par rapport à l'organisation même de la banque de données centrale, est-ce que ça demande, ça nécessite aussi aller chercher l'information dans, comme vous dites, vos 10 000 points de services? Mais, tout probablement, j'ai quelqu'un qui pourrait m'aider à compléter sur ce sens-là, si vous me le permettez.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Provost.
M. Provost (Luc): Merci. En fait, si vous nous dites que pour vous c'est une étape vers les dossiers locaux, d'aller chercher les 10 000 points d'établissements, c'est une chose. Mais on ne le voit pas comme tel, là. J'ai l'impression que vous créez une banque, et on va être pris avec cette banque de données là centrale pour longtemps. Alors ça, ça mériterait peut-être un éclaircissement. Parce que l'objectif, pour nous, nous, on dit: Travaillons ? et on n'a pas toutes les facilités que vous disposez, les moyens que vous disposez ? essayons de penser autrement les choses. Puis peut-être qu'on ne sera pas capable d'y arriver du jour au lendemain, ça prendrait du temps, mais l'approche de travailler avec des professionnels, avec les médecins, à la base, avec des projets-pilotes, c'est un peu l'approche qu'on a, qu'on propose. C'est qu'on construit par la base le système et non pas par le haut. Alors, c'est ça, la... Je pense que, pour nous, à l'AMQ, une des lignes de force de notre argumentaire dans à peu près tout ce qu'on dit, c'est qu'on travaille d'abord avec les professionnels. On n'impose pas de nouvelles structures par-dessus. Si on le peut, là, c'est dans la mesure où on est capable de le faire et de façon sécurisée et de façon à permettre le consentement libre et éclairé des patients.
Mais, de toute évidence, il semble y avoir deux visions différentes, là, dont on parle. Il y a une vision centralisée, où il y a création d'une nouvelle affaire, et puis il y a l'utilisation des banques existantes dans les établissements ou dans les régions. Alors, nous, on a un biais favorable à l'approche du terrain et non pas à la création d'une nouvelle entité. C'est à peu près ça qui est... Maintenant, au niveau technologique, ça, on ne peut pas se suppléer à ceux qui ont l'expertise dans ces affaires-là, mais, comme association, on a un biais de ce côté-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Legault: Oui. Peut-être, si on revient davantage sur la sécurité de l'information, la RAMQ et le ministère ont consulté des spécialistes, là, qui connaissent ça beaucoup plus que moi, là, des compagnies importantes comme Cognicase ou comme CGI. Et ce qu'on nous a dit, c'est que, si on voulait assurer la sécurité de l'information, c'était préférable de l'avoir à un endroit plutôt que de laisser l'information dans les 10 000 points de services, parce que, si vous vous rappelez bien, là, dans le projet qui est présenté, on a une carte d'accès, une carte d'accès pour l'intervenant puis une carte d'accès aussi pour le patient. Pour avoir accès à l'information qui est centralisée, effectivement il faut avoir les deux cartes d'accès.
Si on allait vers votre proposition, là, vous, vous proposez qu'on regarde d'aller dans les 10 000 établissements, comment vous feriez, dans votre conception, là, de votre projet, pour vérifier si les intervenants qui vont chercher cette information-là ont bien le droit d'aller chercher cette information-là? Étant donné que ça ne serait pas centralisé, il faudrait comme mettre des sécurités dans les 10 000 points de services, ce qui amènerait, selon nous, des coûts exorbitants. Je voulais juste voir, dans votre conception, comment vous voyez qu'on peut s'assurer de la sécurité, là, en ayant de l'information dans 10 000 points de services.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Provost.
M. Provost (Luc): Dans le fond, nous, la proposition que vous nous présentez ne nous convainc pas que vous avez plus de sécurité avec une banque centrale qu'avec une banque locale, qu'avec des banques locales. On n'est...
M. Legault: Pourquoi?
n(16 h 10)nM. Provost (Luc): Parce que les risques de créer... Il y a d'énormes risques à mettre dans les mains d'un organisme, que ce soit la RAMQ ou autre, ces quantités de données cliniques là, même si l'entrée... Je comprends ce que vous nous dites, l'entrée, dans le fond, en mettant ça dans une seule place, c'est plus facile de contrôler les entrées et les sorties, là, c'est un peu ça que vous nous dites, en disant que, quand c'est plus décentralisé, là, il y a plus d'entrées et de sorties possibles. Peut-être avez-vous raison d'emblée, mais on a entendu aussi d'autres points de vue là-dessus, où, quand tu centralises, tu crées des grosses banques, mais il y a d'autres dangers au niveau de la sécurité et de la gestion de ces banques-là qui sont créés. Donc, dans le fond, il y aurait probablement des points de vue différents qui circulent à ce sujet-là. Puis, sans être des experts nous-mêmes de ces questions-là, l'approche Internet, le Web, est un exemple de banque de données très bien décentralisée, et il y a des mécanismes qui existent pour sécuriser les entrées et les sorties aussi là-dessus.
Alors, on n'est pas convaincu que c'est l'approche... pour l'Association, le projet ne nous convainc pas que c'est la meilleure façon de sécuriser les données. Par contre, il y a des affaires positives quand même, là, mais ça, pour ça, pour ce point-là, on n'a pas été convaincu, à notre analyse, là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre, très rapidement. Il reste deux minutes.
M. Legault: Oui, bien, peut-être rapidement, vous faites des remarques aussi sur les coûts qui pourraient être assumés par des médecins, entre autres, en cabinet privé. Bon, comme on le sait, là, le projet qui est sur la table propose de tout fournir, l'infrastructure et les programmes, pour l'application de la carte à microprocesseur, mais exigerait que l'utilisateur ait un ordinateur. Bon, il n'y a pas de problème dans les établissements du réseau, mais il peut y avoir des problèmes dans certaines cliniques privées.
Vous avez probablement pris connaissance, dans l'enquête 2001 qui a été faite auprès d'un certain nombre de médecins, puis on nous dit que l'échantillon est fiable à plus ou moins 5 %, 19 fois sur 20, là, comme les échantillons habituellement, on nous dit que 71 % des médecins disposent d'un ordinateur sur leur lieu de pratique. Et, quand il vient le temps de leur demander: Qui doit payer ? je voudrais peut-être le retrouver, là, attendez une petite seconde, ce ne sera pas long... On dit: Le gouvernement devrait-il payer les frais liés à l'informatisation des cabinets? Et il y a trois catégories de réponses pour les médecins: 27 % disent que c'est le gouvernement qui devrait payer en totalité, il y a 57 % qui disent que ça devrait être payé en partie par le gouvernement, en partie par eux, puis 13 % qui disent: Le gouvernement ne devrait pas payer. Donc, au total, 70 % qui disent qu'ils seraient prêts à en payer une partie. Puis, si on regarde chez les plus jeunes médecins, c'est 80 %. Qu'est-ce que vous pensez de ça, là? Je sais que, dans votre recommandation, vous dites que ça devrait être tout le gouvernement qui paie à 100 % pour les ordinateurs dans les cabinets privés. Pourquoi vous avez une position différente de la majorité des médecins?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, cela mettra fin aux questions du côté ministériel. Une réponse rapide, s'il vous plaît.
M. Provost (Luc): Notre recommandation à cet effet, c'est que le médecin ne doit pas être pénalisé parce qu'on lui impose, dans une clinique médicale, par exemple, on lui impose une nouvelle façon de transiger soit avec la RAMQ, soit avec d'autres... leurs pairs. Et c'est dans cette optique-là qu'on dit: S'il y a des frais puis on lui impose quelque chose, ce serait injuste qu'il ait à payer.
Si, par ailleurs, vous arrivez avec un scénario où il est gagnant, probablement... Puis c'est pour ça que le sondage, c'est une question bien précise là-dessus. Si on demande aux médecins... si les médecins gagnent, ils vont vouloir participer. Encore une fois, la preuve doit être faite par ceux qui proposent un nouveau système qu'ils vont être gagnants au niveau de leur rapidité de voir des patients. On parle surtout dans les cliniques médicales, hein, parce que, effectivement, vous l'avez bien mentionné, dans les établissements publics, la situation est différente. Dans les établissements privés, les cliniques médicales, où c'est les médecins eux-mêmes qui doivent défrayer... Déjà, vous savez que les cliniques médicales ont de la difficulté au Québec. La situation n'est pas rose au niveau des cliniques médicales. Dans plusieurs régions, les cliniques ferment, les moyens, donc, sont difficiles à rassembler pour se payer les ressources humaines, les ressources financières, etc., les ressources matérielles. Si vous arrivez avec des nouveaux systèmes qui coûtent de l'argent, vous n'aidez pas les cliniques médicales.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Provost. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. On s'excuse pour le léger retard. Permettez-moi de faire quelques remarques avant de vous poser une question. Malheureusement, on n'aura pas beaucoup de temps. D'abord, j'ai écouté l'échange avec le ministre sur le caractère de confidentialité mieux assurée ou moins bien assurée par la centralisation. Vous avez répondu que vous n'avez pas été convaincu. Force est d'admettre que personne ne pouvait être convaincu parce que aucune démonstration n'a été faite. C'est d'ailleurs ce que la Commission d'accès à l'information regrettait et peut-être qu'une des pistes pour l'avenir, c'est justement qu'il y ait plusieurs hypothèses différentes qui soient soumises et qu'on nous explique quels sont les avantages et inconvénients des uns et des autres, ce qui n'a pas été fait.
Je pense que, dans l'échange avec le ministre, vous avez bien compris que le choix du gouvernement, c'est de mettre à la disposition des médecins, notamment, et de l'ensemble des gens habilités un résumé des renseignements et non pas un dossier patient partageable. Et je comprends de plus en plus du ministre qu'il est hors de question qu'il y ait informatisation du réseau pour d'autres choses qu'un accès à un point central. Il nous dit même que lui, il trouverait ça dangereux que les dossiers des établissements, qui vont continuer d'exister, puissent être informatisés parce que, si je comprends bien ce qu'il nous dit, la confidentialité, les mesures de sécurité ne seront pas là. Alors, autant pour vous, qui plaidez, comme la commission Clair, pour un dossier patient partageable, enfin, pour un dossier où on a l'ensemble des informations, qu'on ne traite pas nécessairement juste comme un urgentologue, c'est la même chose pour le Collège des médecins et bien d'autres qui sont venus nous voir ici. Eux, ils découvrent, à la dernière journée de la commission, que ce qui était envisagé n'est pas ce qui est compris ou, en tout cas, désiré par le gouvernement. On l'apprend de plus en plus.
Autre remarque. À la page 8 de votre mémoire, vous nous dites que l'AMQ, comme bien d'autres organismes, se demande d'ailleurs comment s'effectuera la mise à jour du résumé de santé dans la situation actuelle. Peut-être, pour vous informer et informer le ministre, j'ai déposé ce matin ? il en avait reçu une copie ? une lettre de l'Association des archivistes médicales, à la question que je posais, à savoir combien de temps que ça prend en ce moment pour faire le dossier, même s'il est papier... pour qu'on ait un comparable. En moyenne, évidemment, la moyenne étant que des fois c'est plus court, des fois c'est plus long, là, mais la moyenne là, c'est trois mois. Alors, la mise à jour, là, c'est une mise à mois. C'est comme ça que ça fonctionne pour l'instant. Alors, je ne suis pas sûr que l'exemple qu'on prend souvent de la personne qui a un accident à Chicoutimi puis qui arrive à Québec le lendemain trouverait une très grande utilité si ce sont ces délais-là qui se perpétuent.
Je voudrais attirer notre attention à tous à certaines des recommandations que vous faites. Vous les faites d'entrée de jeu, puis j'imagine que ça vaut la peine qu'on s'y arrête. C'est aussi important parce que ça répond à la question du député de Maskinongé qui demandait, ce matin, qu'est-ce qui devrait être fait. Et vous comme d'autres répondez au député de Maskinongé, vous dites, à la page 1: «Que l'on procède à une étude rigoureuse qui remet en question l'architecture centralisée proposée dans l'avant-projet de loi au profit d'architectures décentralisées.» Voilà déjà une chose, on vient d'en parler tantôt, une chose qui doit être faite. «Que la gestion des résumés de renseignements de santé soit confiée à un organisme indépendant de l'appareil gouvernemental, si le gouvernement optait pour une approche centralisée.» Alors, déjà, même si on dit oui vers le centralisé, il y a un problème avec l'organisme qui aurait à gérer ça, selon vous. «Que le déploiement clinique de la carte santé se fasse de façon progressive, en commençant par la mise en oeuvre et l'évaluation de véritables projets-pilotes.» Vous n'êtes pas les premiers qui venez parler de ça. Et: «Que l'on évalue de façon précise les coûts et les bénéfices totaux du projet de carte santé», ce qui n'a pas été fait. En ce moment, autant les besoins que les moyens, que les coûts n'ont pas été mis sur la place publique. C'est difficile de convaincre, dans un cas comme celui-là.
Ma question va porter sur la discrétion au contenu. Je dirais ce que... la proposition que vous faites, c'est de passer du contrôle de l'inscription au contrôle de la consultation. À la page 7, vous nous disiez «que le contrôle du résumé par l'usager se limite à la communication à des tiers, et non à l'entrée de données». Incidemment, cette question-là a été abordée ce matin comme proposition pour ne pas vivre les problèmes de «mention incomplète» ou... Vous dites: Quand on joue le jeu, on rentre tout, sauf que l'usager va décider de ce à quoi il donne accès. C'est un peu ça que vous dites.
Expliquez-moi comment cela peut fonctionner dans un contexte de projet de loi où ce qui est privilégié, c'est plutôt un profil d'accès, c'est-à-dire que la consultation se fait en vertu de normes légales ou réglementaires, je dirais plus, là, parce qu'on ne les connaît pas, et non pas en vertu du consentement. Ce n'est donc pas le consentement de l'usager qui donne accès au dossier, c'est la règle qui sera établie, donnant accès selon les personnes qui sont habilitées. Quel mécanisme voyez-vous pour changer ce contrôle gouvernemental à un contrôle usager?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Provost.
n(16 h 20)nM. Provost (Luc): Écoutez, je pense que là-dessus on soulève la question, et je pense que c'est le pourquoi aussi, une des raisons principales qui nous amènent à dire qu'on n'est peut-être pas prêt encore à y aller avec un déploiement aussi généralisé. Avec des projets-pilotes qui nous permettraient de mieux comprendre cette relation-là qui existe, qui doit exister, de confiance, entre le professionnel et le patient dans un cadre d'accès et de circulation de données cliniques, pour nous, c'est important qu'on étudie ce phénomène-là, et je ne pense pas que le projet de Laval, nous ne pensons pas que ce qui a eu lieu à Laval ou même à Rimouski il y a plusieurs années nous a permis de résoudre ce problème-là. C'est tellement important que ça mérite encore un petit peu plus d'études spécifiques sur cette question-là. On n'a pas la réponse au niveau technologique, ce n'est pas à ce niveau-là qu'on situe notre mémoire. Par contre, le problème est important, effectivement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Duclos. Est-ce que vous vouliez ajouter?
Mme Duclos (Claudette): Non, ça va aller.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va aller? Alors, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je parle à l'Association médicale. Pour vous, vous trouveriez avantageux que l'outil, peu importe lequel, de support à l'information pour le diagnostic pour la suite du dossier soit sous contrôle de l'usager plutôt que sous contrôle centralisé du gouvernement. C'est ce que je comprends de votre position.
Voyez-vous, ce matin, on discutait avec un spécialiste d'ailleurs des questions de technologie, qui avait aussi une expérience personnelle dans le réseau de la santé, et on mettait les deux côtés de la médaille. Alors, il y a le médecin qui veut avoir l'outil pour lui, hein, qui veut utiliser ça comme support pour lui, et il y a le patient qui aimerait pouvoir avoir le support pour lui et que lui dévoile au médecin, comme il le fait en ce moment, dans le fond, le support soit à l'usager vers le médecin plutôt qu'un support au médecin directement qui, jusqu'à un certain point, demande des confirmations à l'usager de ce qu'il voit sur l'écran.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Provost.
M. Provost (Luc): Merci. On n'est pas en mesure de trancher là-dessus, mais on sait très bien que le médecin a besoin de l'information de qualité ? je pense que ça, c'est la ligne de force de notre mémoire ? de qualité en tout temps. Et ça, c'est très, très important.
Mais on comprend aussi qu'il doit y avoir de la part du patient une relation de confiance qui doit s'installer: pas toutes les informations pour n'importe qui. Il n'y a pas juste des... Les données vont circuler. Est-ce que ce sera tout l'ensemble du... Là-dessus, on n'a pas été convaincu que c'est juste les médecins qui vont avoir accès à ces données-là, il y a peut-être d'autres groupes qui pourraient éventuellement avoir accès à des données. Et le patient, lui, n'acceptera pas d'embarquer là-dedans.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Châteauguay, il vous reste deux minutes.
M. Fournier: En terminant. Il y en a 200 000 personnes qui vont avoir des cartes d'habilitation, là. Je pense que ça dépasse le nombre des médecins un peu. Par ailleurs, je voudrais vous demander de me dire comme médecin, comme association, si... Un médecin est face à son écran et voit le dossier, parce qu'il y a un profil d'accès qui lui montre le résumé au complet, et qui lui marque «mention omise», là, ou «dossier incomplet», parce qu'il y a une possibilité pour l'usager de refuser que des éléments soient inscrits à son dossier. Quelle est la réaction du médecin dans ce temps-là? Est-elle de poser plus de questions pour comprendre qu'est-ce qu'on lui cache parce que peut-être que ce qu'on lui cache aurait une influence sur le diagnostic qu'il a à poser? Ou est-ce que c'est de faire comme s'il ne l'avait pas lu, puisque, de toute façon c'est marqué que c'est incomplet et que, si quelqu'un a jugé de ne pas le mettre, c'est parce qu'il n'avait pas à le voir? Quelle est la réaction du médecin?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, rapidement, Mme Duclos.
Mme Duclos (Claudette): À travers les dernières années, sur plusieurs dossiers sur lesquels nous avons travaillé avec les médecins, pour eux la relation patient-médecin est quand même très importante, et, à plusieurs égards, c'est revenu souvent sur les tables de concertation que nous avons à l'intérieur. Et la relation de confiance avec le patient est très importante.
Mais, par contre, quand vous voyez un médecin qui reçoit 1 500, 2 000 patients par année ou des patients inscrits alentour de lui, c'est sûr que c'est une relation qui doit s'installer en termes de services et de bien prendre les décisions nécessaires au diagnostic du patient. Et la plupart disaient que la relation qui se développe entre les deux fait qu'il y a une relation de confiance qui s'installe et qu'une zone privée... Ils pouvaient quand même peut-être... Certains médecins disaient qu'ils pouvaient être confortables avec ça, et ça permettait un peu d'approfondir la relation, et d'autres aussi qui voyaient la responsabilité vers le patient lui-même aussi d'assumer ces informations. Donc, c'est pour ça que, nous, on arrive ici, puis on dit: Peut-être qu'il y aurait lieu d'aller un petit peu plus loin là-dedans pour essayer d'avoir une meilleure compréhension par rapport vraiment aux besoins des professionnels.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Duclos, M. Provost, merci de votre participation. C'est malheureusement tout le temps qu'on pouvait ajouter à cette commission pour avoir la chance d'échanger avec vous. Alors, je vais suspendre quelques instants pour permettre aux représentants de la Chambre des notaires de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 26)
(Reprise à 16 h 28)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...donc reprendre ses travaux. Nous accueillons donc les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Alors, Me Marsolais, bonjour, bienvenue à cette commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Et, bien sûr, auparavant, j'apprécierais si vous pouviez nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Chambre des notaires
du Québec (CNQ)
M. Marsolais (Denis): Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Denis Marsolais, je suis le président de la Chambre des notaires du Québec, et je suis accompagné aujourd'hui de Me Bertrand Salvas, notaire et spécialiste des nouvelles technologies, ainsi que de M. Richard Gagnon, directeur général à la Chambre des notaires du Québec.
Alors, l'avant-projet de loi sur la carte santé constitue, vous en conviendrez, une réforme majeure de la gestion des soins de santé au Québec. Le mémoire que nous avons déposé aborde plus particulièrement une question qui a été soulevée par de nombreux autres intervenants. Nous avons en effet concentré notre réflexion initiale sur la sécurité entourant le déploiement de l'utilisation de la carte à puce dans le domaine de la santé. Cependant, à la lecture des propos tenus par l'ensemble des intervenants devant les membres de cette commission, nous avons jugé, pour notre présentation d'aujourd'hui, qu'il pourrait être utile que la Chambre des notaires fasse part de notre expérience en matière d'intégration des nouvelles technologies. Je cède, en premier lieu, la parole à Me Bertrand Salvas afin qu'il résume l'essentiel de notre mémoire.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Salvas.
n(16 h 30)nM. Salvas (Bertrand): Oui, Mme la Présidente. Les usages prévus de la carte santé, tels que présentés à l'article 8 de l'avant-projet de loi, sont louables. Et, comme ils impliquent cependant la mise sur pied d'un système de partage en ligne d'informations sur la santé des Québécois, ils appellent à la plus grande prudence. Nous pouvons affirmer, quant à nous, que, de façon générale, l'avant-projet de loi répond à nos principales craintes à cet égard. En effet, il intègre des dispositions assurant aux individus la possibilité de contrôler l'étendue de leur participation au projet et de circonscrire l'accès aux informations contenues au résumé des renseignements de santé.
Nous sommes d'accord avec le principe général qui s'en dégage et qui veut que l'individu doive consentir à la constitution de son résumé, à l'ajout d'informations à ce dernier et à sa consultation par un intervenant habilité. Dans la même foulée, l'inscription d'un droit de retrait de l'individu comportant une obligation de destruction du résumé constitué sur lui s'avère très importante. Premièrement, ce droit de retrait peut rassurer la population face à de telles technologies et, deuxièmement, permettre de se conformer aux obligations générales du droit en matière de respect des finalités de la collecte.
Nous remarquons également avec satisfaction que l'article 46 reprend des grands principes qui se retrouvent déjà en droit québécois et qui ont guidé la rédaction des lois encadrant la gestion des banques de données et d'informations personnelles tant dans le secteur public que dans le secteur privé. La présence de ces dispositions est capitale dans la recherche d'une protection juridique satisfaisante des renseignements personnels que contiendront les résumés des renseignements de santé.
Nous nous attarderons maintenant à souligner les principales observations, commentaires et interrogations contenus au mémoire que nous vous avons présenté. En premier lieu, concernant l'expression du consentement, nous considérons que la notion contenue à l'article 8, prévoyant que la carte santé pourra notamment servir à manifester son consentement ? et nous citons ? dans le cadre d'une opération télématique ou informatique du secteur de la santé et des services sociaux ? fin de la citation ? est un peu trop large. Elle gagnerait à être précisée, par exemple, en stipulant que de tels usages additionnels ne seront possibles que si un règlement l'autorise. Ceci permettrait d'éviter que la carte santé ne soit adoptée comme mode d'identification par défaut pour tout service ou ressource rattachée au secteur de la santé dès que des outils technologiques sont en cause. L'usage de la carte santé à ces fins devrait être mesuré pour éviter les abus.
Quant à l'inscription de renseignements au résumé, nous avons quelques réticences à l'égard du choix du consentement général comme mode de fonctionnement par défaut. Non seulement cette méthode apparaît plus risquée, mais, en plus, elle s'inscrit difficilement dans les objectifs de transparence mis de l'avant dans le projet. Il nous semble donc important de prévoir des mesures destinées à informer ceux qui n'auraient pas fait de choix volontaire spécifique entre les deux modes afin que toute situation indésirable soit évitée.
L'autre question ayant attiré notre attention au chapitre de l'inscription des renseignements au résumé se retrouve à l'article 59. Cet article stipule, à son deuxième alinéa, que l'intervenant habilité conserve la discrétion de ne pas inscrire un renseignement au résumé d'un individu «lorsqu'il est d'avis qu'il résulterait vraisemblablement de l'inscription d'un tel renseignement un préjudice grave pour la santé de la personne concernée». Cette disposition pourrait, selon nous, être enrichie d'une obligation pour l'intervenant d'informer l'individu concerné de la situation et de sa décision de ne pas inscrire un renseignement à son résumé, et cela, toujours dans un souci constant de transparence. L'ajout d'un certain droit de regard de l'individu sur cette décision pourrait même être considéré.
Enfin, plusieurs mesures contenues à l'avant-projet de loi permettent de protéger la confidentialité des informations recueillies et consignées au résumé. L'article 64, par exemple, contient une stipulation interdisant la communication des renseignements à des tiers en toutes autres circonstances, même si l'individu lui-même consent à une telle communication. Cette dernière exception nous étonne, puisque l'avant-projet de loi consacre le droit d'accès de l'individu à son résumé et que le principe général de confidentialité des données a justement pour but de protéger l'individu. En des circonstances où il voudrait que tout ou partie du contenu de son résumé de renseignements de santé soit communiqué à un tiers, par exemple un assureur, son procureur, un employeur, nous comprenons mal pourquoi il ne pourrait obtenir que la Régie procède à une telle communication avec son consentement exprès.
Qui plus est, nous constatons que l'avant-projet de loi est peu loquace sur les modalités entourant la communication du contenu du résumé à l'individu lui-même. L'article 46 introduit dans l'avant-projet de loi les grands principes du droit de la protection des renseignements personnels en stipulant que le droit d'accès absolu de l'individu à son résumé de renseignements de santé «selon les modalités prévues au présent titre», fermez les guillemets... Nous constatons que ces modalités ne sont pas détaillées comme nous l'aurions espéré. L'individu pourra-t-il obtenir une copie ou un extrait, certifié ou non, de son résumé ou ne pourra-t-il que le consulter à l'écran? Les règles entourant la protection et la communication de telles copies ou extraits du résumé des renseignements de santé se retrouvent un peu partout dans l'avant-projet de loi sans qu'aucune disposition ne vienne encadrer leur émission proprement dite.
Un autre aspect de cette question nous laisse perplexes, il s'agit de l'article 66 à nouveau qui stipule notamment l'interdiction faite à un intervenant habilité pratiquant dans un domaine où il ne rend aucun service social ou de santé, à un assureur ou à un employeur de demander, d'exiger ou de recevoir de quiconque une copie ou un extrait du résumé des renseignements de santé d'une personne. Ici encore, dans l'éventualité où un individu aurait pu obtenir une telle copie, il ne pourra la remettre de son propre chef à son employeur ou à son assureur en raison d'une interdiction faite à ces derniers de la recevoir. Ici encore, nous nous interrogeons sur les motifs de l'interdiction.
Soulignons finalement que l'article 66 pourrait prévoir que l'interdiction stipulée à l'intervenant habilité qui ne rend pas de services de santé d'accéder au résumé des renseignements devrait obligatoirement être inscrite à son propre profil. De cette façon, l'architecture technique même du système pourrait assurer l'application de cette mesure lorsque des intervenants habilités seront concernés.
Bref, de façon générale, nous constatons la volonté du ministre de tenir compte, dans son avant-projet de loi sur la carte santé du Québec, des principes qui fondent le droit de la protection des renseignements personnels. Cependant, quelques accommodements et ajustements à l'avant-projet de loi sont, à notre avis, nécessaires pour améliorer le texte préliminaire. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marsolais.
M. Marsolais (Denis): Nous aimerions maintenant partager avec les membres de la commission notre expérience en matière d'intégration de nouvelles technologies et de déploiement d'une infrastructure à clés publiques. Nous croyons en effet que le chemin parcouru au cours des dernières années par la profession notariale en matière d'adaptation aux nouvelles technologies s'apparente à ce qui est actuellement proposé au secteur de la santé. Je cède donc maintenant la parole à M. Richard Gagnon.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon.
M. Marsolais (Denis): Richard Gagnon.
M. Gagnon (Richard): Merci, Mme la Présidente. Alors, le notariat, par tradition, est une profession centrée sur le conseil juridique et la rédaction et la conservation d'ententes. Qu'on parle de contrats d'affaires, contrats de mariage, testaments, contrats de vente, d'achat d'une maison, la manipulation de papiers semble le sens même de la profession notariale. Cette perception est pourtant bien loin de la nouvelle réalité et du nouveau contexte technologique, social et économique qui entourent la pratique du notariat. Dès la première demie des années quatre-vingt-dix, la Chambre des notaires du Québec a réalisé que le déploiement de nouvelles technologies de l'information allait inévitablement modifier les façons de faire, parfois séculaires, qui constituaient alors les assises de la profession de notaire. Les nouvelles technologies, particulièrement l'avènement du World Wide Web, et la généralisation de l'accès au réseau Internet promettaient dès lors des échanges plus rapides de documents entre les parties. La profession notariale a alors dû amorcer une réflexion fondamentale sur sa capacité de s'adapter à cette réalité nouvelle où le monde virtuel dominerait éventuellement le monde papier. La question se résumait ainsi: Comment le notariat peut-il assumer, dans un monde technologique, les responsabilités professionnelles inhérentes à son rôle de juriste, de conseiller juridique et d'officier public?
Pour le notariat, il est vite apparu que l'adaptation aux nouvelles réalités technologiques était une question de survie pour la profession de notaire. C'est pourquoi, dès 1995, la Chambre des notaires adoptait donc un plan d'intégration technologique. La prémisse de ce plan est à l'effet que la spécificité et la confidentialité des informations échangées dans le monde juridique font en sorte que l'informatisation des échanges de documents entre le notaire, ses partenaires, ses clients ne peut s'effectuer en dehors d'un cadre normatif précis et d'une infrastructure technologique tout à fait fiable. C'est donc lors de la préparation de ce plan que nous avons fait le choix de mettre en place une infrastructure à clés publiques de laquelle viendrait s'appuyer le développement technologique de la profession.
Le plan d'intégration technologique comptait trois phases de réalisation. La première consistait en la mise en place d'un réseau de communications sécuritaire. Pour ce faire, il a fallu soutenir l'informatisation des études et relier les notaires en un vaste réseau Intranet. En novembre 1996, nous lancions l'inforoute notariale, un réseau de communications sécurisé réservé aux membres de la Chambre des notaires. Ce réseau permet de relier les notaires du Québec entre eux et avec leurs partenaires d'affaires. Le réseau est également utilisé pour transmettre aux notaires de l'information stratégique reliée à l'exercice de leur profession.
La deuxième phase du plan visait l'intégration des outils de technologie à la pratique notariale. C'est alors que la Chambre déploya, en 1998, son infrastructure à clés publiques. Les notaires sont ainsi devenus les premiers professionnels au Québec comme au Canada à pouvoir utiliser une signature numérique à haut degré de sécurité. Ils ont pu dès lors débuter l'échange sécuritaire de documents informatisés dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ils ont notamment commencé à mettre à profit leur rôle d'officier public dans le monde virtuel, tantôt à titre de vérificateur de l'identité des individus désirant se procurer les clés et les certificats nécessaires pour accéder, par voie électronique, au Registre des droits personnels et réels mobiliers, tantôt lors de la transmission pour inscription de leurs rapports au registre des testaments et mandats de la Chambre des notaires.
n(16 h 40)n La troisième phase vise à consolider la place du notaire dans les échanges et le commerce électronique. Les notaires bien informatisés peuvent maintenant mieux s'affirmer dans divers champs de compétence. Depuis le déploiement de la signature numérique, les notaires peuvent transiger de façon sécuritaire et confidentielle avec leurs partenaires d'affaires et entre eux. Outre le Registre des droits personnels et réels mobiliers, la signature numérique de la profession notariale est mise à contribution pour la réalisation de plusieurs projets, notamment l'intégration des fonctionnalités de la signature numérique aux plateformes technologiques déployées par les institutions financières pour le traitement des dossiers liés au droit immobilier résidentiel. L'utilisation de la signature numérique est également un pivot important dans le processus d'informatisation des bureaux de la publicité des droits amorcé à l'automne 2001. La Chambre des notaires discute même de certification croisée avec les notaires de France, ce qui permettrait de garantir la sécurité des transactions réalisées entre les parties situées au Québec et en France.
Sept ans après l'adoption de notre plan d'intégration technologique, nous pouvons certifier que la profession notariale a relevé avec succès les défis inhérents à sa transition du monde papier au monde virtuel. Ce virage technologique bien sûr ne s'est pas effectué sans embûche, mais il a permis aux notaires du Québec de conserver le contrôle de leur profession malgré les développements technologiques que l'environnement leur impose. La technologie, une fois apprivoisée, est devenue pour les notaires une pierre d'assise remarquable pour le développement de leur profession. Elle permet maintenant et notamment au notaire de mieux se concentrer sur l'essentiel de ses activités professionnelles, soit le conseil juridique, la recherche en droit et son rôle d'officier public.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marsolais.
M. Marsolais (Denis): Merci. Compte tenu de ce qui précède, vous comprendrez notre déception lorsque nous avons pris connaissance de l'alinéa 4° de l'article 11 de l'avant-projet de loi. Cet article confie la vérification de l'identité des intervenants de la santé qui se verront émettre une carte d'habilitation aux archivistes médicaux. Vous comprendrez l'importance que revêt la vérification de l'identité dans le cadre de la mise en place d'une infrastructure à clés publiques, particulièrement dans le secteur de la santé. C'est pourquoi nous nous permettons d'attirer votre attention sur le fait que le gouvernement du Québec peut déjà compter sur des officiers publics reconnus pour certifier de l'identité des entreprises et des individus.
La vérification de l'identité des intervenants qui se feront émettre une carte d'habilitation constitue un enjeu majeur dans le cadre de l'avant-projet de loi. Il s'agit là en effet d'un élément essentiel à l'émission de clés publiques et à la protection des renseignements personnels. Aussi, nous sommes étonnés que le ministre de la Santé n'a pas cru bon de confier cette tâche on ne peut plus fondamentale aux officiers publics que sont les notaires. Il ne s'agit pas ici, il faut bien le comprendre, de discréditer les fonctions des archivistes médicaux, il s'agit plutôt de rappeler que les notaires, à titre d'officiers publics, sont les seuls professionnels qui détiennent déjà les attributs assurant à l'État comme aux individus le plus haut niveau de compétence, de sécurité, de confidentialité en matière de vérification d'identité. En effet, le notaire est le seul professionnel qui intègre toutes les caractéristiques pour jouer efficacement le rôle d'agent vérificateur d'identité, communément appelé AVI, dans le cadre de l'infrastructure à clés publiques gouvernementale. D'abord, compte tenu du degré de sécurité recherché, l'AVI doit être un officier public. Or, le notaire détient ce statut au Québec depuis plus de 150 ans. Ce statut constitue d'ailleurs la marque distinctive du notaire dans la grande majorité des activités professionnelles qu'il réalise.
Une deuxième caractéristique essentielle est la compétence en vérification d'identité. Or, la vérification d'identité fait partie intégrante des fonctions et des devoirs du notaire. Elle est une composante inhérente à la mission du notaire qui, de par son rôle d'officier public et de conseiller juridique, recueille toute l'information pertinente à la constitution et à la bonne marche du dossier qui lui est soumis. Son indépendance et son impartialité constituent une garantie contre toute intrusion extérieure et contre toute influence. Les notaires officiers publics procèdent quotidiennement à la vérification de l'identité de milliers de personnes. Ils ont la connaissance pour le faire en fournissant toutes les garanties de rigueur, d'efficacité et de sécurité que leur simple intervention est à même d'assurer. De plus, la nouvelle Loi sur le notariat intègre l'obligation pour le notaire de dresser par acte notarié un certificat d'attestation d'identité des personnes ayant requis son intervention à ces fins. Le législateur a ainsi voulu profiter des avantages liés à la conservation et à la communication des actes notariés.
Une troisième caractéristique tient à la compétence des vérifications d'identité dans le cadre de l'infrastructure à clés publiques gouvernementale. À ce chapitre, seuls les notaires ont développé les programmes de formation requis pour agir comme AVI, selon les règles imposées par le Conseil du trésor dans le cadre de l'ICPG. Déjà, les notaires agissent en ce sens pour le Registre des droits personnels et réels mobiliers et dans le cadre d'un projet-pilote de la Société de l'assurance automobile du Québec.
Enfin, on parle ici d'identification d'identité pour l'émission d'une signature numérique. Les notaires sont les seuls professionnels au Québec qui détiennent une signature numérique, et ce, depuis près de quatre ans. Ils savent donc mieux que quiconque de quoi il est question. De plus, quel que soit le contexte, et tout particulièrement en matière de vérification d'identité, les informations recueillies par le notaire sont protégées par le secret professionnel auquel il est tenu. Ces informations ne peuvent être transmises à quiconque, sauf sur demande formelle de la personne qui les livre. Il est donc impossible d'envisager une situation où des informations pourraient circuler librement. Il s'agit là, vous en conviendrez, d'un avantage indéniable, surtout lorsqu'on cherche à éviter que des organismes chapeautés par la même autorité puissent effectuer des recoupements de données.
Les bénéfices associés à la conservation des actes notariés sont également considérables. Le notaire est titulaire d'un greffe constitué des actes notariés en minute qu'il reçoit. L'attestation de l'identité d'une personne est consignée dans un certificat reçu en minute. Il sera donc conservé à tout jamais par le notaire lui-même ou par un dépositaire ou cessionnaire de son greffe. Vous l'aurez facilement constaté, les attributs du notaire dépassent largement ceux de tout employé d'un établissement à qui on accorde le statut d'officier public pour les besoins de la cause. Ce n'est pas la fonction qui donne le statut, ce sont les attributs attachés au statut qui déterminent les fonctions et les responsabilités qui en découlent.
Il est essentiel de bien saisir toute l'ampleur de la responsabilité professionnelle liée au rôle d'AVI et de mesurer les conséquences qui en résultent. S'il s'agissait d'une simple formalité à remplir, sans autre obligation, la fonction d'AVI pourrait alors être accordée à n'importe qui travaillant au sein d'une organisation qui veut transiger électroniquement avec l'État. Une courte formation indiquant les étapes à suivre suffirait à faire de la moitié de la population du Québec les AVI de l'autre moitié. Mais, plus sérieusement...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En conclusion, Me Marsolais, parce qu'il reste à peine une minute. Est-ce que c'est possible de conclure? On va poursuivre avec l'échange.
M. Marsolais (Denis): J'y arrivais. Mais, plus sérieusement, le Registre des droits personnels et réels mobiliers, le registre foncier et, à titre de projet-pilote, la Société de l'assurance automobile ont choisi de confier ces responsabilités seulement au notaire en raison de ses attributs. Ne faut-il pas en déduire que le gouvernement reconnaît déjà l'importance de la vérification d'identité, une importance qui justifie de la confier à des officiers publics dont les attributs vont bien au-delà de la simple possibilité d'émettre des copies authentiques et des certificats d'identité?
Nous vous suggérons de vous livrer à la même réflexion à laquelle ces organismes gouvernementaux se sont livrés. Nous vous demandons donc de reconsidérer votre décision et de confier aux notaires cette importante responsabilité d'attester de l'identité des intervenants de la santé. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Me Marsolais. Nous allons donc procéder à la période d'échange. M. le ministre.
M. Legault: Oui. Mme la Présidente, d'abord, je voudrais remercier Me Marsolais, M. Gagnon et Me Salvas pour leur présence ici cet après-midi et la présentation de leur mémoire.
Je note dans votre présentation que vous nous dites que, d'abord, la réforme qui est proposé est souhaitable pour tirer profit des immenses capacités offertes par les nouvelles technologies pour mieux servir la population. Et vous constatez aussi ? je suis content de ça ? que la Chambre constate la volonté manifeste du législateur de tenir compte des principes qui fondent le droit de la protection des renseignements. Donc, de ce côté-là, je suis content de voir que vous reconnaissez qu'on a tenu compte de ces points-là dans le projet de loi.
Maintenant, vous nous dites que vous êtes favorables à l'idée que l'usager ait le contrôle sur son résumé de renseignements. On a eu plusieurs présentations durant cette commission où certains intervenants sont venus nous dire qu'il y avait un risque au niveau de la responsabilité professionnelle du médecin si on laissait trop de contrôle entre les mains de l'usager sur son résumé de renseignements. Étant donné que vous êtes des juristes, j'aimerais ça vous entendre sur ce que vous pensez être l'incidence de laisser ce contrôle dans les mains de l'usager sur la responsabilité professionnelle du personnel médical.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Salvas.
n(16 h 50)nM. Salvas (Bertrand): Merci. Je crois qu'à ce niveau-là, en ce qui concerne nos observations, c'était justement le fait que, dans l'avant-projet de loi, on avait le choix entre un consentement général... Parce qu'il faut un consentement à la base. Tout simplement pour se conformer aux principes généraux au niveau de la constitution d'un dossier de renseignements personnels, ça prend à la base un consentement. Dans l'avant-projet de loi, il y a le choix entre un consentement général ou un consentement à la pièce, et puis il y a un mode par défaut qui est mentionné: si un individu n'a pas fourni ses instructions de façon spécifique entre un ou l'autre, de mentionner que, par défaut, ce sera le consentement général.
Maintenant, au niveau de la responsabilité des intervenants, on fait peut-être plus référence aussi au niveau de l'article, là où on mentionne qu'un intervenant a le choix de ne pas inscrire s'il y a quelque chose, un problème au niveau de la... comment dire, si l'inscription d'un renseignement peut causer un problème au niveau de la situation ou de la santé de l'intervenant. Je crois à quelque part, personnellement, sans avoir fait vraiment un examen approfondi de la question de la responsabilité au moment des discussions ou de la préparation de ce mémoire-là, que c'est une... mon sentiment personnel, c'est qu'on ne peut pas complètement occulter la responsabilité du médecin, ou peu importe, parce que, présentement, les renseignements qui sont consignés au dossier, ils sont consignés par les professionnels de la santé quand même.
Mais ? comment dire? ? notre intérêt, nous, au niveau de la loi, au niveau de la protection des renseignements personnels, c'est que le consentement soit toujours obtenu. On a entendu déjà une intervention disant que le consentement au niveau de l'entrée des données ne devrait pas être requis. Ça, je ne suis pas convaincu de ça, parce qu'à quelque part il faut consentir à la constitution de ces données, de ça. Maintenant, la constitution ou le consentement à la pièce me semble, moi, personnellement, peut-être un peu plus problématique en pratique. Je ne suis pas non plus un spécialiste au niveau de la façon dont les systèmes de santé sont administrés, mais le point que je veux soulever, c'est vraiment l'importance d'avoir un consentement au moment de la constitution.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Legault: Si je comprends bien, a priori, là, vous pensez que, lorsqu'une personne donne son consentement, ça devrait être une fois pour toutes; le patient ne devrait pas, à la pièce, choisir si on inclut ou non des renseignements; vous dites: Peut-être qu'il pourrait y avoir des impacts, justement, sur la responsabilité professionnelle des médecins. En tout cas, vous reconnaissez qu'il faudrait fouiller cette question-là.
Maintenant, je veux prendre les minutes qu'il nous reste... parce que vous nous avez fait une grande recommandation tantôt, en nous disant que ça devrait être vous, les notaires, qui devriez effectuer le travail de vérification de l'identité, et vous dites aussi dans votre mémoire que vous n'êtes pas d'accord avec la désignation des archivistes médicaux comme officiers publics. Donc, vous nous demandez de vous conférer l'exclusivité pour cette fonction-là. Est-ce que vous pensez que, de façon pratique... est-ce que les notaires au Québec pourraient assumer cette opération de vérification d'identité sur une grande échelle, dans tous les établissements au Québec, et puis sur une base permanente aussi, là, 24 heures par jour, sept jours par semaine? Est-ce que vous pensez que c'est applicable de façon pratique, là, votre recommandation?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marsolais.
M. Marsolais (Denis): Écoutez, j'en suis profondément convaincu, puisqu'on le fait déjà, évidemment dans un autre contexte. On le fait au niveau du RDPRM où les notaires sont appelés de façon exclusive à vérifier l'identité, dans ce cas-ci, des entreprises, et donc le processus ou l'implantation des avis à la grandeur de la province existe déjà. Vous savez sans doute aussi que les directives et les normes du Conseil du trésor relativement au rôle d'avis et au processus de vérification d'identité sont assez imposantes et lourdes, obligent le professionnel ou la personne qui procède à la vérification d'identité non seulement de faire la vérification d'identité en soi, mais d'expliquer les conséquences et la portée des obligations du titulaire de la carte d'habilitation, par exemple. Alors, il y a un aspect de conseil juridique lorsqu'on procède à la vérification d'identité. Et c'est un peu pour ces raisons-là que de nommer un certain groupe de personnes officiers publics, bien, ça ne s'improvise pas nécessairement, là. Alors, il y a un aspect de conseil, il y a un devoir de conseil qui est relié au processus d'accréditation et au processus d'identification que nous possédons.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Legault: Donc, et je vais terminer là-dessus, ce que vous nous dites, là... On dit que, lors de l'implantation de la carte à microprocesseur, il faudrait assez rapidement attribuer des droits d'authentification, donc d'identification, à plus de 50 000 professionnels de la santé. Vous, vous ne voyez pas de problème logistique à ce que les notaires soient exclusivement responsables de cette authentification?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marsolais.
M. Marsolais (Denis): Écoutez, dépendant des modalités de déploiement qui vont être instaurées par le ministère, je n'ai pas l'impression que le déploiement va se faire tout dans la même journée là, quand même. Il existe actuellement dans tous les endroits du Québec des notaires, il existe un certain nombre de notaires qui sont AVI au moment où on se parle, leur formation est déjà en cours, et, nous, on va être prêts.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui. Essentiellement, deux questions. La première... Bonjour, pour commencer. Vous êtes nos derniers que nous entendons avant de clore ces travaux. Je vous remercie de vous joindre à nous. Dans le sommaire de votre mémoire, ça commence tout de suite comme ça, le premier point: «L'extension des utilisations possibles de la carte santé comme mode d'identification des usagers pour d'autres fins se rapportant au domaine de la santé devrait être mieux balisée.» Je veux vous parler ensuite... Là, vous parlez de l'article 8. Je veux que vous m'en disiez un peu plus long. Sachez que ce que je veux finalement vous faire parler, c'est de l'article 33, non pas sur la carte santé, sur la carte d'habilitation. Mais parlez-moi d'abord de la carte Accès santé, de ce que vous voulez dire par l'espèce d'élastique d'utilisation, l'élasticité de l'utilisation que vous voyez à l'article 8.
M. Marsolais (Denis): Si vous me permettez, Mme la Présidente, je vais céder la parole à Me Salvas.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, maître, d'accord. Me Salvas.
M. Salvas (Bertrand): Donc, au niveau de l'article 8, ce que nous avons souligné dans le mémoire, c'était justement l'espèce de clause filet ou de mention filet qu'il y avait à la fin du troisième alinéa, l'alinéa 3°. Quand on mentionnait, au niveau des fins d'utilisation de la carte santé, où on dit «de supporter l'expression du consentement de son titulaire ou de son représentant légal», et, à la fin, on dit «lorsque son utilisation est prévue à cette fin dans le cadre d'une application télématique ou informatique du secteur de la santé et des services sociaux», ça nous semblait... C'était peut-être une intervention plus au niveau de la rédaction. Ça pouvait être extensible ou, en tout cas, qu'on pouvait au moins clore cette phrase-là ou inclure une mention qu'il devait y avoir une disposition réglementaire ou législative qui devait le permettre, là, un petit peu pour fermer... pour éviter, avec l'implantation graduelle de différents modes technologiques dans le domaine de la santé, que l'on puisse récupérer ça à d'autres fins. Alors, c'était plus, comment dire, une intervention au niveau de la rédaction même de la clause.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Avez-vous pris connaissance de l'article 33 qui parle plus de la carte d'habilitation et sur l'élasticité de son utilisation? Et surtout, comme proposeurs d'une séance de reconnaissance, d'authentification de signature électronique et de carte d'habilitation et de déclaration des droits et des obligations qui vont avec, j'imagine que vous devriez indiquer aux gens qui seront devant vous pour prendre possession de la carte d'habilitation leurs droits et obligations et ce qu'ils peuvent faire. Comment interprétez-vous l'article 33? Imaginez que vous avez une infirmière devant vous qui vient prendre possession de sa carte d'habilitation, et vous lui lisez l'article 33. Qu'est-ce que vous lui dites?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Salvas.
M. Salvas (Bertrand): À la lecture de cet article-là, ce que j'en avais compris la première fois, c'est que ça pouvait être justement... donc, l'exercice de la profession étant la consultation, j'imagine, du résumé des renseignements de santé au moment d'une consultation, du résumé d'un individu, qu'il pouvait y avoir d'autres ... en disant que ce n'était pas limité par l'exercice de la fonction, s'il pouvait y avoir d'autres objets au sein du système de la santé requérant l'identification ou l'usage d'une communication par le médecin ou par l'intervenant dans le système. Autrement dit, on avait besoin de... on pouvait l'utiliser pour l'identifier et non pas seulement pour confirmer qu'il avait droit à accéder au résumé d'un patient, mais pour l'identifier pour d'autres fins dans le système. Donc, c'est un petit peu, comment dire, le même genre de clause filet qu'on peut retracer.
M. Fournier: Dans le système, vous êtes bien bons, parce que...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Excusez. Dans le système, vous êtes bien bons...
M. Salvas (Bertrand): Ça va plus loin, sûrement.
M. Fournier: Je lis l'article 33, je n'ai pas vu où la limitation dans le système était incluse.
M. Salvas (Bertrand): À première vue, ça pouvait être ça.
M. Fournier: À première vue.
M. Salvas (Bertrand): Mais c'est bien évident que ce n'est pas...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marsolais.
M. Marsolais (Denis): C'est d'autant plus important que la vérification de l'identité soit à un niveau de sécurité tel, parce que, si cette carte d'habilitation peut être utilisée à d'autres fins ? c'est ce que je crois comprendre ? il faut s'assurer que la carte d'habilitation qui va être remise à madame X soit bien madame X et que la portée des obligations de madame X, eu égard à la réception de sa clé, qu'elle puisse être en mesure de mesurer l'ensemble de ses obligations et de ses responsabilités. Tout est là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je sais qu'on n'a pas grand temps, je vais terminer avec une dernière question.
n(17 heures)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, il vous reste encore un peu de temps.
M. Fournier: Vous savez que, à l'égard de l'article 33, on a appris tout dernièrement par la voie des médias ? je pense que c'était en fin de semaine dernière ou, en tout cas, au courant de la semaine ? que, dans le fond, ce que ça vise, c'est que la carte d'habilitation peut devenir... Dans un premier temps, d'ailleurs, la carte d'habilitation peut devenir une carte multiusage, une carte bancaire. Et ce qui est envisagé par la RAMQ ? c'est ce qu'on lisait dans les journaux; ce n'est pas dans l'avant-projet de loi, c'est ce qu'on lisait dans les journaux ? c'est que la deuxième étape, c'est la carte Accès santé. C'est les 7 millions, là. Le premier coup, c'est les 200 000, où la carte devient une carte multiusage; et, par après, l'idée, c'est que la carte Accès santé soit elle-même aussi une carte bancaire comme ça. Et, ce que vous nous dites, c'est que cela met encore plus en relief l'importance de votre présence.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.
M. Gagnon (Richard): En fait, si je peux me permettre, Mme la Présidente, depuis la mise en place des premiers rudiments de l'ICPG, on a accompagné le développement de l'infrastructure à clés publiques gouvernementale, notamment en y étant impliqués dès ses débuts au registre des droits personnels réels mobiliers et on voit que l'ICPG se développe. Les obligations de vérification d'identité qui étaient anticipées au départ, les obligations confiées aux AVI, prennent des proportions honnêtement qui sont beaucoup plus sérieuses aujourd'hui. Et on a trop vite tendance à banaliser ce qu'est un agent vérificateur d'identité. Ce n'est pas que quelqu'un qui va vérifier quelques pièces et dire: Parfait, tout est correct. Il y a de plus en plus ? et les nouvelles directives du Conseil du trésor sont très claires ? des obligations très serrées.
Quand on voit que, notamment à l'article 33, la carte qui va être confiée, d'habilitation, la carte qui va être confiée à une personne peut servir à d'autres fins, vous vous imaginez que, encore là, on va ajouter un peu d'obligations au niveau devoirs de conseil, devoirs d'information très serrés à la personne à qui on va remettre cette carte. Donc, tout ça milite dans le fait que ce premier maillon de sécurité dans l'infrastructure à clés publiques, il ne faut surtout pas l'escamoter et croire qu'il s'agit d'une vérification d'identité qui est vite faite et banale.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va?
M. Fournier: Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député, une dernière question.
M. Fournier: Mon second ordre de questionnement met en relief votre qualité de conseiller juridique. On a beaucoup parlé ? vous en parlez dans le mémoire ? de la constitution du résumé de renseignements de santé, de la capacité ? c'est là-dessus que je termine ? de la capacité pour l'usager de faire corriger les informations qui se trouveraient à l'intérieur du résumé de renseignements de santé. On nous a plaidé devant nous qu'en ce moment les renseignements qui sont connus dans le dossier patient, qui est évidemment une chose complètement différente du résumé de renseignements de santé... Dans le dossier patient en ce moment, un usager qui veut faire corriger ne pourra jamais faire corriger les observations, les diagnostics, les perceptions, ce qui vient du médecin ou de la tierce partie. Il peut faire corriger ce qui vient de lui. L'information qu'il aurait donnée et qui serait consignée, qu'il a donnée lui-même, celle-là, elle peut être corrigée, mais l'avis, l'observation qui en découle par le médecin, elle, ne peut être corrigée dans l'état actuel du droit.
Et on nous a dit qu'à l'égard du résumé de renseignements de santé il n'y avait pas de dispositions suffisamment claires dans cet avant-projet de loi qui permettaient à l'usager de faire un correctif qui serait plus large que ce qui existe présentement. Autrement dit, la même jurisprudence s'appliquerait au résumé de renseignements de santé. Est-ce que c'est une question que vous avez regardée? Et, si oui, est-ce que vous conseillez, à l'égard du résumé de renseignements de santé, qu'il y ait une possibilité de correction plus grande que ce qu'il y a à l'égard du dossier de l'établissement? Il faut bien voir que le dossier patient, à l'établissement, a toujours été confectionné pour l'établissement. parce que c'est le dossier de l'établissement sur le patient. Mais là on nous présente le résumé de renseignements comme étant l'outil de l'usager. Alors, dans ce cas-là, moi, ma question est la suivante: Est-ce qu'on ne doit pas avoir une possibilité plus large de correction pour l'usager, si tant est que la carte en question, le résumé en question, c'est à lui en premier lieu?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, une réponse relativement rapide. Me Salvas?
M. Salvas (Bertrand): Oui, c'est ça. Je ne peux pas vous dire que j'ai fouillé cette question-là très, très longtemps. Je peux vous dire cependant qu'à première vue la distinction que je peux voir entre le dossier patient... Comme on dit, c'est les observations du médecin, donc il n'est pas appelé nécessairement à être public à un point aussi grand que ce qui serait consigné au résumé des renseignements de santé. Je ferais un petit peu l'analogie entre un dossier bancaire conservé dans une banque par un agent de crédit qui peut avoir certaines annotations sur son client versus ce qui sera déclaré dans un bureau de crédit, qui pourrait être accessible à d'autres personnes. Donc, on ne peut pas prévoir comment la jurisprudence pourra trancher, parce qu'ils vont toujours essayer de comparer des comparables, là, au moment de le déterminer. Est-ce que le fait, sans que ce soit nécessairement public, que ce soit appelé à être partagé ou que ce soit consulté par plusieurs personnes implique nécessairement le... vient expliquer entre autres le plus grand pouvoir de l'usager pour y faire apporter des correctifs, des rectificatifs? Est-ce qu'on va venir apporter la même limite que sur le dossier patient? Je pense que c'est au niveau de l'analogie entre les deux, là, le caractère plus confidentiel de l'un ou de l'autre ou la diffusion, le degré de diffusion serait différent de un à l'autre. Je pense que c'est là que ça vient se jouer, s'expliquer, d'après moi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Marsolais, Me Salvas, M. Gagnon, merci de votre participation aux travaux de cette commission. Je vais suspendre quelques instants, le temps de vous laisser... pour qu'on puisse par la suite procéder aux remarques finales.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 7)
Mémoires déposés
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre. Avant de procéder aux remarques finales, je vais donc déposer les mémoires que nous avons reçus, puisque les gens ne sont pas venus échanger avec nous pour rendre publics ces mémoires-là. Il y a donc le mémoire de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, celui de la Fédération de l'âge d'or du Québec, celui de Giesecke & Devrient, Office des personnes handicapées du Québec, celui de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal.
Remarques finales
Alors, nous allons donc procéder aux remarques finales, et je suis prête à reconnaître M. le député de Châteauguay.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Oui. Merci, Mme la Présidente. Dans ces remarques, je me permettrai d'abord de remercier les groupes qui sont venus faire des représentations devant nous. Je pense qu'on en a eu de toutes les couleurs, de tous les genres, qui sont allées dans toutes les directions, et ce fut très instructif, et j'en ai, et je pense que l'ensemble des collègues en ont retiré de bonnes leçons pour l'avenir. Et voici comment je peux camper ce que j'en ai compris et surtout comment je crois que l'on doit orienter les démarches à venir. Les remarques finales que je ferai visent donc à faire un diagnostic sur l'avant-projet de loi mais surtout, dans un esprit constructif, à proposer une démarche pour la suite des choses.
D'abord, au niveau du principe même, rappelons que le rapport de la commission Clair a déploré la faiblesse des systèmes d'information clinique de notre réseau de la santé. On peut lire, à la page 106, et je cite: «Tous ont insisté sur la nécessité de se doter de systèmes d'information clinique efficaces et sécurisés. C'est l'une des conditions pour que le réseau de services soit vraiment intégré et pour mettre en place une approche populationnelle. Mise à part la création du réseau de télécommunications sociosanitaires, des expériences de télémédecine et du développement de certaines applications, on a fait peu de progrès dans le cadre des opérations médicohospitalières. Près de 50 % des établissements n'ont toujours pas de système d'information clinique, les cabinets de médecins ne sont pas reliés au RTSS et le dossier médical informatisé partagé est, dans les faits, inexistant ? remarquez bien que j'ai parlé ici de dossier médical informatisé partagé et non pas de résumé de renseignements de santé. Or, avec le virage ambulatoire, dit la commission Clair, le patient se déplace mais l'information ne le suit pas.» Disant agir dans la foulée du rapport de la commission Clair qui tendait vers la création d'un dossier patient partageable, le gouvernement nous a conviés à une commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur la carte santé. Le rapport Clair soutenait le principe d'une meilleure circulation de l'information clinique entre les intervenants du réseau de la santé. C'est notamment sur ce principe que plusieurs groupes et individus sont venus s'exprimer.
n(17 h 10)n D'entrée de jeu, ils nous faut souligner le consensus existant quant à la nécessité d'une meilleure communication et d'une meilleure information entre les intervenants du domaine de la santé en vue du meilleur diagnostic. Ce qui anime ce consensus, c'est le souhait ultime que cette meilleure information contribuera à améliorer les soins aux patients grâce à un meilleur diagnostic et aux soins les plus appropriés. Il est apparu au cours des délibérations que, bien que l'avant-projet de loi nous soit vendu comme permettant de concrétiser ce grand principe, il omet de tenir compte des besoins différents. En ce sens, l'avant-projet de loi est réducteur. Par ailleurs, le projet a des visées de développement économique en initiant une carte multiusages. En ce sens, l'avant-projet de loi est trop large dans un contexte de renseignements de santé face à la nécessaire protection de la vie privée.
D'autre part, le ministre s'est souvent servi d'un sondage réalisé au sein de la population pour démontrer que son projet recueillait un appui considérable, de l'ordre de 75 %. Sans vouloir nier la valeur de ce sondage, je me dois toutefois de mentionner que, bien que les gens savent peut-être que nous sommes présentement à travailler à l'élaboration d'une carte à puce, parce qu'ils l'ont vu à la télé ou dans les journaux, peu de gens au Québec connaissent la réelle nature du projet, à savoir la création d'un résumé de santé. Comme les participants à la commission Clair l'espéraient, les citoyens croient probablement que c'est une formule de type dossier patient partageable dont il est question et c'est à ce principe qu'ils donnent leur appui. Le rapport Bédard d'aujourd'hui est dans la même foulée. Malheureusement, il ne pourra voir ses demandes remplies avec l'avant-projet de loi. Laissez-moi donc douter des résultats de ce même sondage si on expliquait que c'est d'un résumé magasiné, non obligatoire et qui ne remplace pas le dossier patient dont il est question.
Parlons maintenant des besoins. De l'aveu même de la RAMQ, il n'y a pas eu d'étude sur l'évaluation des besoins des différents groupes d'individus, patients et donneurs de soins qui sont appelés à interagir avec la carte santé. Des demandes d'accès à l'information ont même été effectuées auprès de la RAMQ pour obtenir ces évaluations, mais la réponse fut à l'effet que de telles évaluations n'existent tout simplement pas. C'est donc dire que la RAMQ et le gouvernement, par le fait même, ont passé les dernières années à travailler à l'élaboration d'un projet sans ne jamais se demander à quels besoins il devait répondre, et pire encore, sans ne jamais se demander s'il correspondait aux besoins des citoyens, des professionnels, des hommes et des femmes qui devraient intégrer cet outil à leur vie de tous les jours. Il n'est donc pas étonnant de constater l'inadéquation entre, d'une part, les besoins qui nous ont été exprimés ici au cours des dernières semaines et, d'autre part, les mesures avancées par le projet de loi.
Bien que pour certains profanes les besoins peuvent paraître tous les mêmes, les témoignages entendus nous ont démontré que le «one size fits all» ne convient pas quand il est question de santé. On a vu chez les usagers des besoins différents. Il suffit de penser aux personnes qui ont un passé psychiatrique pour qui la mémoire de l'informatisation ferait en sorte que leur passé serait toujours présent et qui craignent donc d'être traitées différemment et de voir leur accessibilité à des soins de santé altérée. Pour certains d'entre eux, la crainte de voir leur vie privée étalée au grand jour est tellement grande qu'ils souhaitent se retirer d'un projet de carte à puce le jour venu. Certes, on pourra rétorquer qu'il ne s'agit là que d'une infime portion de la population. Mais, comme je l'ai déjà dit, c'est justement à eux qu'il faut penser quand on bâtit des projets d'une telle envergure, car ils sont déjà sans voix et souvent stigmatisés. S'il y en a 20 % qui ne veulent pas, il est possible que ce soient les 20 % qui ont le moins de voix et les même 20 % qui sont les plus affectés au regard de leur santé et de leur condition sociale. Notre première fonction, c'est de s'occuper de ceux qui ont le moins de moyens de s'exprimer. Nous, législateurs, représentants de la population dans cette commission comme à l'Assemblée, nous sommes le dernier rempart de ces gens.
Si l'on peut évaluer que les plus défavorisés au plan de la santé représentent, par exemple, 20 % de la population, il ne faut surtout pas tomber dans le piège de concevoir un projet en se félicitant qu'il réponde à 80 % des besoins, puisque, de toute évidence, ce sont à ceux qui sont gravement malades que nous devons d'abord penser; autrement, on aura une carte santé sans efficacité optimum parce qu'inutile pour les plus malades. Il en va de même pour les donneurs de soins qui, eux aussi, ont des besoins différents. Pendant que le Dr Bessette est venu nous dire que dans son travail d'urgentologue le résumé de renseignements serait un outil utile, le Collège des médecins nous a un peu dit: Faites ce que vous voulez, mais, nous, on veut le dossier patient partageable et un accès aux tests diagnostics et à la médication. De leur côté, les médecins résidents ont mis en doute l'intérêt de l'outil proposé dans un contexte d'inaccessibilité des soins pour les patients.
Puisque aucune évaluation des besoins n'a été réalisée, on ne s'étonne pas que la différenciation entre l'approche sociale et l'approche santé soit aussi absente de l'avant-projet de loi. Si un médecin à l'urgence a effectivement besoin de connaître certains renseignements précis avant de traiter un patient, il en va tout autrement pour l'intervenant psychosocial pour qui la relation avec le patient repose davantage sur un lien de confiance qui se bâtit. À l'instar de Pierrôt Péladeau, de l'Institut de recherches cliniques de Montréal, une psychoéducatrice, Mme Mino, a d'ailleurs bien résumé le point de vue de l'approche sociale en nous disant: En santé, on ne peut pas obliger une relation de confiance; ça ne s'oblige pas, ça s'acquiert. Ça s'acquiert par le respect. La Centrale des syndicats du Québec a dit la même chose ce matin.
Encore une fois, le «one size fits all» passe à côté des besoins combien différents. S'il est vrai qu'il faille tracer la ligne à quelque part, puisqu'on ne peut avoir une multitude de cartes différentes, il faut également effectuer des compromis et faire preuve d'écoute et de souplesse dans la confection de l'outil, si l'on souhaite qu'il soit utilisé.
Le Collège des médecins a lancé la présente consultation en nous disant que le gouvernement avait commencé par la phase 3 pour ensuite tenter de faire les phases 1 et 2 du projet. Remarquez que je ne suis pas certain que la phase 1 et 2, qu'eux considéraient être l'informatisation du réseau, soit même envisagée par le gouvernement, actuellement. Cette constatation aura servi de trame de fond à nos travaux, alors qu'à mesure qu'ils défilaient devant nous, les acteurs du réseau de la santé, tant les patients que les donneurs de soins, sont venus nous dire que cet avant-projet de loi ne correspondait pas à leurs besoins et qu'on aurait dû commencer par évaluer ceux-ci avant de se lancer dans une opération de vente d'un projet qui manifestement ne cadre qu'avec les objectifs de la Régie de l'assurance maladie. Nous croyons donc qu'il faut partir du début, évaluer les besoins des gens impliqués, besoins qui deviendront une grille d'analyse permettant de peser le pour et le contre pour les citoyens. Cette évaluation constitue un préalable à l'identification de la meilleure technologie, cela va de soi, ce qui nous amène aux moyens, Mme la Présidente.
À partir du moment où on exprime le désir de doter notre réseau de santé et de services sociaux d'un système efficace d'échange d'informations il faut en toute logique faire l'examen des avenues technologiques disponibles afin de porter notre choix sur celle qui permet la meilleure atteinte des objectifs fixés, le meilleur rapport coût-efficacité. Or, dans le cas qui nous préoccupe, on est devant un gouvernement qui s'est menotté au projet de la Régie de l'assurance maladie, qui est elle-même menottée à l'architecture que lui propose Motus Technologies dont la RAMQ est actionnaire. Le fait que ce soit Motus Technologies qui soit le maître d'oeuvre du projet est questionnable et plusieurs l'ont d'ailleurs questionné. Mais on pourrait s'en accommoder si Motus avait la meilleure technologie, celle qui permette la meilleure réponse aux différents besoins à concilier, celle qui justement offre le meilleur rapport coût-efficacité. Or, on ne saura jamais si les autres options seraient de meilleurs choix, on ne saura jamais si on a fait fausse route en choisissant cette architecture qu'est le résumé de santé sur une banque centralisée à la RAMQ, à laquelle 200 000 personnes auront accès grâce à une carte d'habilitation qui, soit dit en passant, deviendra ultimement une carte de transaction pour les employés du réseau de la santé.
Peut-être s'agit-il du choix le plus judicieux et le plus porteur d'avenir. Mais on ne peut pas, à titre de membres de cette commission et de législateurs, porter un tel jugement, puisque nous ne disposons pas d'information sur les autres choix qui ont été balayés du revers la main par la RAMQ. Comme on le disait plus tôt cet après-midi, personne ne peut être convaincu parce qu'il n'y a eu aucun exercice de démonstration.
Le professeur Sicotte est d'ailleurs venu nous faire état d'une autre façon de faire, celle d'un fureteur qui permet d'avoir accès à des banques de données réparties à travers les établissements. Je ferai d'ailleurs une parenthèse pour rappeler l'accueil qu'a reçu le professeur Sicotte alors que le ministre a commencé son 20 minutes de questions en lui demandant de réciter son curriculum vitae, histoire de tester sa crédibilité. Malheur en pris au ministre, M. Sicotte a tellement de crédibilité que c'est son propre ministère qui l'a embauché pour réaliser l'évaluation du projet de Laval. Ce n'était pas chic.
D'autres nous ont parlé de la carte portefeuille qui contiendrait les informations de santé des individus, procédé que l'on pourrait assortir d'une banque de sauvegarde pour répondre à la problématique des 200 000 perdues chaque année.
D'autres options sont certes envisageables. Que l'on pense au réseau de Sainte-Justine, aux expériences de Brome-Missisquoi-Perkins et d'autres encore. Et, bien que je ne sois pas un expert, j'estime que le gouvernement avait la responsabilité de les examiner, de les évaluer en tenant compte des besoins préalablement identifiés et de les soumettre au débat public, ce qui n'a pas été fait.
Pour être crédibles dans leur cheminement de ce projet, on doit donc, comme le disait le Collège des médecins, retourner aux phases 1 et 2, analyser les besoins et explorer les technologies qui peuvent y répondre. La présidente de la Commission d'accès à l'information résumait d'ailleurs le point de vue de plusieurs témoins devant cette commission, lorsqu'elle nous disait, et je cite: «La Commission constate qu'il peut exister différents systèmes de partage de l'information de santé. À titre d'exemple: l'index patient, le dossier patient partageable, les mémoires portables, résumés de santé, cartes index ou cartes pointage.» Elle demande que soit examinée et poussée à fond la réflexion sur différents modèles afin d'épingler celle qui atteindrait à la fois les objectifs répondant aux besoins des patients et des professionnels et la protection des renseignements personnels des patients. Elle propose qu'au terme de cette analyse un projet-pilote d'envergure suivi d'une évaluation soient réalisés.
Le ministre a aimé nous parler de consensus. Eh bien, aujourd'hui je lui demande d'être attentif à ce consensus auquel la Commission d'accès à l'information a fait écho. Car, non seulement les groupes et les citoyens nous ont dit craindre la nouvelle technologie, parfois pour les utilités qu'on lui attribue, parfois pour l'inutilité dont on l'affuble d'ores et déjà, ils nous ont aussi dit qu'ils auraient aimé en savoir plus sur les autres moyens qui pourraient être déployés.
n(17 h 20)n Voilà pour la réponse à la question qu'a posée le ministre à chacun des groupes pour arriver aujourd'hui et nous dire que tout le monde est d'accord avec le principe qui sous-tend son avant-projet de loi. Or, ce qu'on a devant nous, c'est l'obligation de se demander quels sont les besoins de chacun, quels sont les besoins des gens atteints de diabète, quels sont les besoins des gens au passé psychiatrique, quels sont les besoins des urgentologues, des médecins de famille, des spécialistes. Un survol rapide nous permet de constater que la vaste majorité ne veulent pas se limiter à un résumé de renseignements de santé, ils doutent de sa valeur thérapeutique, de son utilité et de son impact sur la qualité des soins, et plusieurs nous préviennent déjà qu'ils ne s'en serviront pas.
Allons-nous engloutir 159 millions ? c'est le chiffre officiel ? qui, s'il est vrai, signifie que le gouvernement a décidé de ne pas informatiser le réseau de manière à ce que les différents acteurs puissent échanger entre eux. Allons-nous mobiliser les énergies et les ressources déjà à bout de souffle pour bâtir une infrastructure qui risque de décevoir? Les gens sont venus ici pour dire de ne pas agir de la sorte, de prendre le temps qu'il faut pour bien faire les choses. Les gens sont venus ici dire au gouvernement de refaire ses devoirs étape par étape, et de les faire en toute transparence et dans le respect des besoins de ses partenaires.
Ce ne sont pas là des mesures dilatoires, ce sont des mesures préparatoires que le gouvernement du Parti québécois a négligées depuis au moins les cinq dernières années. Il serait bien mal venu maintenant de nous accuser de vouloir reporter le projet car, ce que nous souhaitons, c'est de lancer un vrai projet, utile, ancré dans le quotidien des patients et des donneurs de soins.
Parlons maintenant des coûts, Mme la Présidente. Dans un contexte où chaque dollar doit compter, particulièrement dans un réseau de soins de santé aux prises avec un sous-financement chronique, nombreux sont ceux ? et nous en sommes ? qui ont mis en doute la nécessité du projet présenté et sa pertinence à ce moment-ci. Quant au surplus, le gouvernement garde secrets les coûts reliés audit projet. Il entretient le flou et l'inquiétude. Mis à part le ministre, personne ne croit que les 159 millions annoncés suffiront à bâtir l'infrastructure discutée. Personne non plus ne semble s'illusionner quant au gain escompté par la RAMQ, de l'ordre de 45 millions par année. Mais encore une fois on ne peut se prononcer avec certitude puisqu'on refuse de nous en dire davantage. On refuse de nous dévoiler les évaluations qui ont été faites sur l'ensemble des coûts. Comme dans le cas des besoins, s'ils n'ont pas été évalués, c'est un scandale; et si on refuse de les rendre publics pour les fins du débat, c'est donner raison à ceux qui accusent le gouvernement d'agir en catimini, forcés de constater que, dans les deux cas, un sérieux doute pèse sur la crédibilité du projet.
Bien que le ministre ait traité de comptables les médecins résidents qui nous ont dit que, pour eux, il y avait des besoins plus criants afin d'améliorer l'accessibilité aux soins pour leurs patients, il n'en demeure pas moins que d'autres leur ont emboîté le pas. Pensons seulement au Conseil pour la protection des malades qui a dressé une liste des problématiques prioritaires auxquelles le projet de carte à puce n'apporte aucune réponse, notamment en ce qui a trait aux listes d'attente et au manque de soins à domicile.
L'un des obstacles majeurs au consensus généralisé auquel a tenté de faire croire le gouvernement est le manque d'information qui entoure le présent débat. On ne compte plus les commentaires dénonçant le manque de transparence dont ont fait preuve la RAMQ et le ministère dans le cheminement de ce projet. Bien qu'on ne s'étonnera pas que l'opposition officielle ne détienne pas tous les renseignements sur un projet gouvernemental, il en va tout autrement quand on assiste aux mêmes points d'interrogation de la part de groupes qui siégeaient au comité directeur et aux autres tables de discussions qui ont précédé le dépôt de l'avant-projet de loi: Quels seront les profils d'accès? Qui inscrira les données au résumé? Combien de temps cela prendra-t-il? Qu'adviendra-t-il des soins prodigués à domicile et des prescriptions livrées chez les personnes âgées sans qu'elles ne se présentent à la pharmacie? Est-ce qu'on procédera par «opting out» ou par «opting in»? Que vise vraiment l'article 33? Une carte bancaire en santé?
La liste est longue des questions auxquelles personne ne peut donner réponse et pour lesquelles les inquiétudes sont vives. Et c'est sans parler des réponses comme celle des médecins spécialistes qui laissent entendre que l'accès au résumé de santé sera accordé au moment de l'arrivée à l'hôpital; une impression papier circulera, et tant pis pour la notion de profil d'accès. Bien que le ministre ait tenté maintes fois de dissiper ces inquiétudes en répétant que c'est d'abord et avant tout un outil clinique que l'on vise à bâtir, force est d'admettre que l'historique dudit projet et les déclarations de ses prédécesseurs continuent de le hanter. Quand on apprend que cette carte deviendrait éventuellement une carte multiusage pour les intervenants de la santé d'abord et tous les Québécois ensuite, on ne peut que comprendre que ces mêmes doutes demeurent.
Le gouvernement a pourtant reçu plusieurs appels à la transparence: de l'opposition officielle, de chercheurs, de ses partenaires du réseau, mais il a maintenu le cap, entretenant la méfiance. J'ose espérer que, si le gouvernement écoute l'appel que lui ont lancé ses partenaires à procéder à un vrai débat, on aura alors droit à toute l'information nécessaire à une prise de décision éclairée. Afin d'ajouter à mon appel, je lui citerai la présidente de la Commission d'accès à l'information, Mme Stoddart, qui affirmait, et je cite: «Il me semble idéalement qu'il n'y a aucune raison de ne pas rendre toutes ces études transparentes. Il y a beaucoup de joueurs: il y a tous les ordres professionnels, il y a tous les patients, il y a tous les gens qui travaillent dans le système.» Oui, avant de poser un geste qui peut être aussi irréversible que de créer un nouveau mégafichier, s'il faut le faire, on saurait pourquoi, mais on n'aurait pas de regret de ne pas avoir exploré à fond d'autres modèles.
Au cours des dernières années, le gouvernement s'est lancé dans un processus d'informatisation de notre réseau de santé et de services sociaux sans savoir exactement où il allait, notamment parce qu'il ne s'est jamais demandé où il voulait aller. À la lumière des témoignages, des recommandations, des mises en garde et des appels qui ont été émis au cours de ces 41 heures de consultation sur l'avant-projet de loi sur la carte santé, nous serions mal venus de demander de reporter le principe d'une meilleure information aux calendes grecques. Nous croyons fermement à ce principe, comme le rapport Clair et comme tous ceux qui se sont présentés parmi nous, et nous croyons qu'il doit viser à donner de meilleurs soins aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Je crois cependant qu'on ne peut s'engager dans un projet comme celui qui nous est soumis. Trop d'étapes ont été oubliées et trop de questions n'ont pas été correctement répondues, à commencer par celle qui doit guider toutes les interventions du législateur: Comment ce projet va-t-il contribuer à mieux desservir la population et répondra-t-il vraiment aux besoins des citoyens qui seront touchés?
J'invite donc le ministre et le gouvernement à répondre à l'appel que lui ont lancé les partenaires du réseau de la santé et des services sociaux de même que les citoyens, premièrement, en procédant à l'analyse des besoins auxquels une informatisation des renseignements de santé devra répondre; deuxièmement, en mettant sur la table toutes les avenues technologiques qui sont possibles en tenant compte notamment des initiatives qui existent déjà au sein des établissements; troisièmement, en confiant à un tiers indépendant, par exemple, l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, l'évaluation des coûts-bénéfices cliniques et économiques de ces options en lien avec les besoins auxquels on souhaite répondre. Une fois ces étapes franchies, le gouvernement aura en main toute l'information pour procéder, tel que le recommande entre autres la Commission d'accès à l'information, à un projet-pilote d'envergure dans une région donnée. On pourra ainsi tester le degré de recevabilité du projet chez les patients et chez les donneurs de soins et effectuer les ajustements préliminaires à un déploiement.
Il va sans dire que ces étapes doivent être marquées du sceau de la transparence qui a tant fait défaut jusqu'ici, sans quoi la commission des affaires sociales se réunira à nouveau dans quelques mois pour constater la déception des intervenants qui auront cru à ce projet. D'ici à ce que le gouvernement ait fait ses devoirs et soit prêt à déployer une éventuelle informatisation des renseignements de santé, j'invite le gouvernement à profiter de ce délai pour financer davantage la santé et aussi pour la financer mieux. Un sous-financement chronique récurrent comme celui que connaît notre réseau de la santé pose le problème central d'accessibilité auquel sont confrontés les Québécois et les Québécoises, et le fait d'inscrire leurs renseignements de santé sur un résumé qui sera imprimé et ajouté à leur dossier ne diminuera pas l'inquiétude de ne pas avoir accès rapidement aux soins auxquels ils ont droit. Il ne changera sûrement pas non plus le taux de réponse aux besoins des personnes âgées en hébergement et ne donnera pas de réponse au rapport de la Commission des droits de la personne sur l'exploitation des personnes âgées. Finalement, il ne changera rien au fait que nous sommes au dixième rang des provinces quant au financement de la santé et des soins à domicile.
Soyons clairs, si une meilleure circulation de l'information de santé doit permettre un meilleur diagnostic et une meilleure identification des soins à donner, encore faut-il s'assurer que nos concitoyens aient réellement accès à ces soins. L'accès aux soins constitue pourtant le problème majeur de notre réseau aujourd'hui. Tant que le gouvernement du Québec décidera de laisser le Québec croupir au dernier rang des provinces canadiennes en ce qui concerne le financement de la santé, le meilleur diagnostic, carte à puce ou pas, mènera tout droit à un cul-de-sac: l'inaccessibilité aux soins. Voilà, Mme la Présidente, pour mes remarques finales.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Je cède donc la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.
M. François Legault
M. Legault: Oui. Mme la Présidente, à mon tour je voudrais remercier d'abord tous les collègues, autant le parti ministériel que le parti de l'opposition, qui ont passé de nombreuses heures ici à entendre de façon, je pense, positive tous les groupes qui sont venus présenter leur position pour essayer de bonifier cet avant-projet de loi concernant la carte à microprocesseur. Et je pense que, bon, au-delà des critiques qu'on a pu avoir sur certaines parties de cet avant-projet de loi, il faut toujours se rappeler, Mme la Présidente, que le but qui est visé, c'est de permettre d'améliorer la qualité des soins qui sont donnés aux Québécois et aux Québécoises. Donc, à tout moment, les Québécois peuvent avoir besoin de soins, et ça peut être différents intervenants qui, à ce moment-là, que ce soient des médecins de famille, urgentologues, médecins spécialistes, même, dans certains cas, des infirmières, ont à donner des soins dans les 10 000 points de services qu'on a au Québec.
n(17 h 30)n Et je pense qu'il y a quand même un consensus important pour dire que des informations précises sur le passé médical de chacun des patients, bien, c'est important pour prendre en charge ces patients, pour les soigner rapidement et efficacement.
Et je pense que c'est utile aussi de rappeler qu'effectivement ? et puis le député de Châteauguay en parlait tantôt ? lors de la commission Clair, qui a fait aussi consensus, on en a parlé et on a recommandé d'implanter des technologies de l'information pour être capable de partager l'information entre les professionnels et avec aussi les patients. Et tout le monde qui est venu ici en commission, tout le monde a insisté pour dire que c'était important pour bien soigner les patients d'avoir le plus d'information possible. Et puis je vous donne quelques citations, parce que le député de Châteauguay semble dire qu'on voit un consensus qui n'est pas réel. Je les prends un par un. L'Ordre des pharmaciens du Québec qui a dit, et je cite: «La disponibilité d'informations cliniques, par exemple les résultats des tests de laboratoire, les diagnostics et la médication sont essentiels pour rendre les interventions des professionnels de la santé plus éclairées et plus efficaces.» Ensuite, le député de Châteauguay parlait tantôt du Collège des médecins. Le président du Collège des médecins, le Dr Lamontagne, est venu nous dire, et je cite, que c'est un outil que les gens attendent depuis longtemps. Il nous a dit: «Un outil de partage de l'information entre le médecin et le pharmacien sur la médication prise par le malade, un système de requêtes-résultats de laboratoire permettant d'éviter la duplication des analyses et d'obtenir plus rapidement l'information nécessaire au diagnostic, donc, est nécessaire plus que jamais.» Le député de Châteauguay nous a parlé de l'urgentologue Bessette, qui est venu ici, qui travaille au pavillon Notre-Dame du CHUM, qui nous a dit, et je cite: «C'est important d'être mieux informé pour mieux servir et guérir.» Et il nous donnait l'exemple qui est quand même incroyable en 2002 où il nous dit que parfois il est obligé de faire venir des dossiers de ses patients qui arrivent à l'urgence à Notre-Dame puis qui ont déjà été soignés à Saint-Luc, de les faire venir en taxi, de faire venir le dossier carton en taxi, de Saint-Luc à Notre-Dame. En 2002, Mme la Présidente. Je pense que c'est quand même presque inquiétant.
D'ailleurs, les urgentologues qui sont venus ici nous ont dit: «Nous sommes souvent aveugles quant aux antécédents, aux médicaments, aux allergies, aux résultats de laboratoire des patients qui se présentent. Nous devons, dans un très court laps de temps, prendre des décisions dictées par les conditions parfois critiques de nos patients. Ces décisions peuvent avoir des impacts énormes sur la santé des Québécois et des Québécoises et elles doivent se prendre avec un lot minimal d'information, quand ce n'est pas une absence totale d'information.» Donc, il y a quelque chose à corriger là, il y a un besoin d'information. Les médecins spécialistes ? c'est quand même important, c'est la moitié des médecins ? sont venus nous dire que la carte à puce, et je cite, «pourrait permettre aux médecins de disposer de meilleurs renseignements de santé lors d'une consultation et ainsi leur permettre de prodiguer un suivi et un traitement optimum». Fin de la citation. Donc, je pense que de ce côté-là, c'est clair qu'il y a un besoin.
Maintenant, le député de Châteauguay nous parle des modalités. C'est vrai, il y a des personnes qui sont venus nous dire ici, entre autres, M. Sicotte, que peut-être ce serait mieux d'avoir un système plutôt que d'avoir une banque centralisée avec un résumé de renseignements, qu'on serait mieux d'avoir un fureteur qui irait chercher toute l'information dans les 10 000 établissements. Il y en a d'autres qui sont venus nous dire le contraire, Si je me souviens bien, je pense que c'est le Dr Dutil qui nous a dit: Nous, on n'a pas le temps d'aller tout avoir l'information, il faut avoir un résumé. Donc, il n'y a pas consensus de ce côté-là sur les modalités mais, bon, il faut voir qu'est-ce qui est l'objectif visé, là. Ce n'est pas d'avoir un outil parfait, c'est d'avoir au moins quelque chose avec lequel commencer et aussi tenir compte de l'équilibre important avec la sécurité de l'information. Parce que, oui, on aurait plus d'information si on avait un fureteur qui allait dans les 10 000 établissements, mais comment fait-on pour sécuriser l'information dans 10 000 établissements, s'assurer qu'elle soit à jour? Je pense que ça pose des questions et des questions auxquelles... Moi, je ne prétends pas être un expert, là, c'est pour ça qu'on a embauché des experts. On a embauché des firmes comme Cognicase, comme CGI, qui sont des experts qui ont analysé le dossier puis qui nous disent: Bon, nous, on recommande d'avoir une banque centralisée puis un résumé de renseignements.
Le député de Châteauguay nous dit: Il faudrait faire plus d'études. On pourrait en faire encore pendant 10 autres années, des études. Ça fait 10 ans que ce projet-là est sur la table. Il a été d'ailleurs commencé avec les libéraux au début des années quatre-vingt-dix. À un moment donné, il va falloir aboutir. Puis on pourrait continuer effectivement des expériences et des expertises, mais il faut être capable de trouver à un moment donné un équilibre, puis c'est ce qu'on va essayer de faire, là. On a un avant-projet de loi; notre responsabilité, ça va être maintenant de bonifier ce projet de loi, de trouver un équilibre.
Je pense que, bon, une des inquiétudes qui est venue, c'est toute la question de la protection de la vie privée. Bon. Des gens, là, sont inquiets de protéger la vie privée. Donc, ils voudraient avoir le choix de retirer certaines informations de la banque centrale. Il y a des médecins qui sont venus nous dire: Ne faites pas ça, ça a des conséquences. Si le dossier n'est pas complet, ça peut poser même des problèmes de responsabilité professionnelle. Donc, on va avoir à trancher. Là, c'est un des aspects où il n'y a pas consensus. Doit-on avoir un dossier complet ou peut-on permettre d'avoir des dossiers incomplets où, pour protéger leur vie privée, certaines personnes peuvent décider qu'elles ne veulent pas donner de l'information s'ils sont atteints de maladies comme le sida ou s'ils utilisent des médicaments comme le viagra ou des choses comme ça. Mais là, c'est de trouver l'équilibre finalement entre la vie privée mais aussi le meilleur traitement qu'on puisse donner au patient.
Le député de Châteauguay nous dit: Oui, mais c'est quoi, l'objectif, le vrai objectif, là? Il est revenu deux, trois fois tantôt en nous disant: L'objectif, c'est d'avoir une carte multiusage. Mme la Présidente, ce n'est pas ça, l'objectif, là, ce n'est pas... Bon. Puis c'est vrai qu'il y a peut-être des ajustements à apporter dans l'article 33 quand on parle... Le député parlait tantôt d'une carte bancaire. Bon. On a voulu faciliter pour certains professionnels l'abonnement et le paiement à certaines revues. Peut-être que c'est mieux d'éliminer ça pour éclaircir parce que, c'est certain, là, qu'il y a des médecins ? plusieurs, je dirais ? qui sont venus nous dire: On est inquiets qu'il pourrait y avoir des finalités administratives, donc qu'on pourrait contrôler nos pratiques professionnelles. Il y en a qui nous ont dit aussi: Est-ce que ça ne pourrait être une carte de citoyenneté que vous êtes en train de bâtir là? Je pense que c'est trop facile, là.
Je veux, aujourd'hui, à titre de ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, rassurer tous les Québécois et les Québécoises: ni le gouvernement du Québec ni personne ne songe de quelque façon que ce soit à détourner les finalités du projet. Puis, si jamais quelqu'un osait le faire dans les prochaines années, bien, ça demanderait un débat public; on ne peut pas faire ça comme ça, là. À un moment donné, on ne peut pas avoir des objectifs cachés. Donc, c'est en ce sens-là que je dis: La carte, le projet de carte santé au Québec, c'est exclusivement pour le secteur de la santé et, sa finalité, c'est très simple, c'est une finalité clinique, c'est pour améliorer les soins et les services de santé, de la même façon d'ailleurs que la finalité de la carte-soleil actuellement est clairement définie, elle ne peut pas servir à d'autres fins. Ça va être la même chose pour la nouvelle carte santé.
Donc, en conclusion, Mme la Présidente, on a reçu 47 mémoires. J'ai pu participer à la présentation d'un certain nombre de mémoires. Je veux en profiter aussi pour remercier mon collègue le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, Roger Bertrand, qui est venu ici aussi recevoir certains groupes. Je me suis enquis de ce qui s'est passé pendant ces périodes d'échange, mais je demeure convaincu d'une chose, c'est que, d'abord, cette carte santé, on en a besoin. On ne peut pas en 2002, dans un réseau qui gère 17,5 milliards de dollars, qui a 10 000 points de vente, où il y a 400 000 personnes qui travaillent, dire: On va continuer à avoir des dossiers carton puis se promener avec des cartons dans des taxis au Québec, Mme la Présidente. Donc, il reste des choses à faire.
Il y a un point que le député de Châteauguay a mentionné concernant les coûts-bénéfices. On a évalué les coûts à 159 millions. C'est vrai que c'est beaucoup d'argent, 159 millions. Il faut tenir compte, par contre, qu'il y a 125 millions de dollars qui dort dans un compte qui a été déposé par le gouvernement fédéral pour des technologies de l'information. Je suis certain que le député de Châteauguay va être d'accord avec moi qu'il faut aller chercher cet argent-là, puis il faut arrêter d'ailleurs d'avoir ces empiétements du gouvernement fédéral. Puis j'étais très content de voir son chef dire clairement à la commission Romano: La santé, ça relève de l'Assemblée nationale puis le fédéral n'a pas d'affaire là-dedans. Mais il y a 125 millions qui est disponible, qu'il va bien falloir à un moment donné utiliser.
n(17 h 40)n Maintenant, doit-on évaluer davantage les bénéfices? C'est revenu souvent, à savoir, bon, il va y avoir des bénéfices. Peut-être que, étant donné qu'il va y avoir un résumé, bien, les patients n'auront pas besoin peut-être de refaire faire les mêmes radiographies ou les mêmes analyses plusieurs fois, il va y avoir des économies. Est-ce qu'on devrait chiffrer ces économies? On va le faire d'ici à ce qu'on présente le projet de loi. Pourquoi on ne l'a pas fait? Parce que l'objectif premier est un objectif clinique. Il faut être cohérent. Ce qu'on vise, c'est de mieux soigner, ce n'est pas de dire: On va sauver de l'argent. Puis est-ce que c'est payant d'implanter la carte? Il faut avoir un outil en 2002 pour mieux soigner les gens.
Donc, je termine en vous disant, Mme la Présidente, que je pense que, sur les principes, sur les principes de base pour l'importance de partager l'information, il y a un consensus chez la grande majorité des groupes qui sont venus ici. Il y a malheureusement deux genres de groupes qui sont venus puis qui ont des inquiétudes. Je les résumerais comme ça, deux genres de groupes. Il y a un premier groupe qui a peur que le gouvernement profite de l'occasion pour contrôler le travail des équipes médicales puis il y a un deuxième groupe qui a peur qu'on empiète dans la vie privée des gens en concentrant l'information. Donc, ça va peut-être être notre priorité d'ici au projet de loi, de s'assurer qu'on réduise ces craintes, mais en ne perdant jamais de vue, même si on va essayer de le bonifier, le projet de loi, qu'il faut garder notre objectif final qui est de mieux soigner la population.
Et je terminerais en répétant peut-être une phrase importante qui a été mentionnée par le Dr Dutil, le président de la Fédération des omnipraticiens, quand le député de Châteauguay lui a dit: Oui, mais c'est-u vraiment une priorité de mettre 159 millions là-dedans? Est-ce que, la priorité, ce n'est pas l'accès aux soins plutôt que l'accès à l'information? Et le Dr Dutil a répondu, et je cite: «L'accès à l'information, c'est aussi l'accès aux soins et, si on améliore l'accès à l'information, je suis persuadé qu'on va améliorer l'accessibilité à ces soins.» Fin de la citation. Et je pense que c'est ça, le défi qu'on a. Donc, on va travailler à bonifier ce projet de loi pour continuer à faire ce que je fais à tous les jours: essayer de travailler à offrir les meilleurs services puis les meilleurs soins possible à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est bien, M. le ministre. À mon tour de remercier les collègues membres de la commission pour leur excellente collaboration. Je voudrais aussi, bien sûr, remercier de façon plus générale tous ceux qui se sont donné la peine de répondre à l'appel de la commission, qui ont envoyé des mémoires et qui ont participé, qui sont venus échanger avec nous. Je pense que ça a été enrichissant et je pense qu'on a une bonne réflexion à faire pour les quelques mois qui viennent. Alors, là-dessus, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux donc à demain, mercredi ? oui, M. le député de Châteauguay ? le 10 avril, mais, cette fois-ci, sur un autre mandat.
(Fin de la séance à 17 h 43)