(Quatorze heures cinq minutes)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue et vous informe que la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Fournier (Châteauguay); Mme Rochefort (Mercier) par M. Mulcair (Chomedey).
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous fais part de l'ordre du jour: à 14 heures, nous rencontrons l'Ordre des pharmaciens du Québec, 15 heures, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, à 16 heures, nous entendrons le Dr Luc Bessette, à 17 heures, la Fédération des médecins résidents du Québec, pour ajourner à 18 heures.
Auditions (suite)
Alors, sans plus tarder, nous recevons les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Je cède la parole à M. Paul Fernet, qui est président. M. Fernet, j'apprécierais si vous pouviez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, nous faire part de votre lecture de votre mémoire. Vous avez une vingtaine de minutes environ pour faire cette lecture. Je vous cède la parole.
Ordre des pharmaciens du Québec
M. Fernet (Paul): Merci, Mme la Présidente. Oui, ce sera un plaisir d'abord de commencer en vous présentant les gens qui m'accompagnent: alors, à ma droite, Mme Marie-Josée Papillon, deuxième vice-présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec; M. Jacques Gendron, premier vice-président.
M. Gendron (Jacques): Bonjour.
M. Fernet (Paul): À ma gauche, Mme Diane Lamarre, administratrice et chargée de cours en pharmacologie clinique, en pharmacie clinique à l'Université de Montréal; M. Pierre Ducharme, secrétaire général de l'Ordre des pharmaciens du Québec.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission des affaires sociales, l'Ordre des pharmaciens du Québec tient tout d'abord à vous remercier de l'opportunité qui lui est offerte de pouvoir participer au présent débat portant sur l'évaluation de l'avant-projet de loi sur la carte santé du Québec. Vous aurez sans doute remarqué, à la lecture de notre mémoire, que nous avons identifié un certain nombre de problématiques articulant au passage tantôt des critiques, tantôt des pistes de solutions destinées à l'amélioration de cet avant-projet.
La position de l'Ordre peut paraître sévère. Cela tient sans doute du fait que la mission de l'Ordre des pharmaciens du Québec réside dans la protection du public, et, donc, des citoyens qui recourent aux services du pharmacien et consomment des médicaments pour le maintien ou l'amélioration de leur état de santé.
Le projet d'introduction d'une carte santé-Québec à microprocesseur doublée d'une carte d'habilitation de l'intervenant est un projet ambitieux, porteur, mais coûteux. Dans l'état actuel du réseau de la santé, une introduction hâtive ou insuffisamment planifiée de ce nouveau système pourrait placer les professionnels de la santé dans un contexte de pratique de nouveau alourdi par des considérations administratives, au plus grand préjudice des soins prodigués à la population.
Au contraire, une introduction harmonieuse de cet outil technologique que nous pouvons maîtriser pourrait constituer le premier jalon d'une solution aux problèmes maintes fois soulevés de continuité des soins entre les établissements, le secteur privé et les divers intervenants du domaine de la santé et des services sociaux.
Voyons donc, dans un premier temps, les principes qui, de l'avis de l'Ordre, doivent être maintenus ou réaffirmés dans la conduite future de ce dossier. D'emblée, nous reconnaissons que l'avant-projet de loi comporte des dispositions intéressantes. Par exemple, nous sommes heureux de constater, à plusieurs endroits dans l'avant-projet de loi et dans le mémoire au Conseil des ministres, que les renseignements inscrits dans les résumés ne serviront qu'à des fins cliniques et ne pourront être utilisés pour restreindre l'accès du patient aux professionnels ou pour d'autres activités de contrôle de la pratique. De même, les catégories de renseignements retenus correspondent aux recommandations du projet de Rimouski, ce qui paraît de nature à procurer des renseignements valables aux professionnels. Nous espérons en outre la présence sur la carte d'une zone réservée aux renseignements à caractère privé, qui nous paraîtrait utile pour en favoriser l'utilisation et qui serait certainement plus facile à gérer qu'un consentement à la pièce.
D'autre part, compte tenu de l'importance d'obtenir l'adhésion du plus grand nombre de personnes possible dans les délais les plus brefs possible pour garantir le succès de l'utilisation de la carte et des coûts inhérents au modèle d'«opting in», nous nous rallions au principe de l'«opting out» tel que préconisé par le conseil d'administration de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Bref, l'Ordre des pharmaciens soutient le partage d'information clinique ayant pour objectif de favoriser une meilleure qualité et une continuité accrue des soins de santé.
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(14 h 10)
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La disponibilité d'informations cliniques, par exemple les résultats des tests de biologie médicale, les diagnostics et la médication, est essentielle pour rendre les interventions de professionnels de la santé plus éclairées et efficaces. Par contre, le présent avant-projet de loi comporte tant de zones grises et d'inconnues qu'il nous est tout à fait impossible d'affirmer que les objectifs poursuivis seront de quelque façon que ce soit atteints. Pire, une mise en opération de la carte Accès santé dont les paramètres d'application, actuellement inconnus, seraient déficients provoquerait ou risquerait de provoquer de graves effets tant chez les professionnels qu'au sein de la population. Dans les paragraphes qui suivent, nous évoquerons donc les difficultés qui surgissent à notre esprit à la lecture de l'avant-projet de loi et qui, si elles n'étaient pas prises en compte, seraient de nature à s'opposer à un déploiement harmonieux d'une telle carte au Québec.
Alors, premier point, les données cliniques: leur nature et leur fiabilité. Notre premier souci, comme nous le disions, qui découle de notre mandat de protection du public, concerne la nature et la fiabilité des données cliniques qui pourraient être éventuellement inscrites sur la carte. Nonobstant le fait que l'article 50 du règlement prévoit l'inscription sur la carte santé de 10 catégories différentes de renseignements cliniques, nous nous devons de souligner que nous ne pouvons encore comprendre comment, en pratique, certaines informations s'y retrouveront.
Par exemple, il est de notoriété publique que les médecins ne disposent pas, en général, d'équipements nécessaires pour procéder à de telles inscriptions ni possiblement du temps pour le faire. De plus, les résultats des analyses de biologie médicale seront souvent lacunaires, la carte du patient n'étant pas présente lorsque ce résultat est produit la plupart du temps. Ce que l'on risque de retrouver, donc, au résumé des renseignements de santé, c'est essentiellement la médication d'une partie de la population et possiblement une partie seulement de cette médication.
Pour le pharmacien, et on verra par la suite pour les autres intervenants de la santé, pour le pharmacien, donc, la disponibilité de ces autres informations constituerait un atout important dans l'exercice du rôle professionnel qui lui est maintenant reconnu, à savoir le monitorage de la pharmacothérapie. Le rapport d'étape du groupe de travail Bernier publié récemment confie, entre autres, aux pharmaciens les activités réservées suivantes, et nous citons: «de surveiller la thérapie médicamenteuse et d'ajuster la thérapie médicamenteuse selon une ordonnance».
En l'absence des diagnostics ou, le cas échéant, des intentions thérapeutiques et en l'absence des résultats d'analyse, ce rôle ne peut s'exercer avec la même efficacité. Comment identifier les contre-indications de certaines pathologies avec les médicaments en vente libre, par exemple des annexes 2 et 3 uniquement disponibles en pharmacie, en l'absence de ces renseignements? Comment surveiller la thérapie si on ne connaît pas l'intention thérapeutique des médicaments? Et, à titre d'exemple, ainsi que nous le mentionnions dans le mémoire, la seule prednisone comporte 85 indications officielles. Comment procéder à l'ajustement de posologie requis d'un anticoagulant comme la warfarine? Comment procéder à l'ajustement de la digoxine, d'un anticonvulsivant ou d'un antibiotique en l'absence des résultats des tests de la biologie médicale? Comment conseiller adéquatement le patient en continuité et en renforcement avec le médecin sans risquer de compromettre son lien de confiance avec son médecin en l'absence de tels renseignements cliniques?
Mais le problème n'est pas que pour les pharmaciens. Chez les autres intervenants de la santé, l'insuffisance des informations cliniques contenues dans la carte risquera d'entraîner des décisions professionnelles douteuses tant la pharmacologie doit s'interpréter dans un contexte clinique de connaissances au moins générales des diagnostics et des plus récentes données de laboratoire.
Nous sommes d'avis que l'implantation de la carte Accès santé dans un tel contexte amènera inévitablement les professionnels à se fier, parfois erronément, à son contenu. Bref, la mise en place d'un système de cartes d'accès santé et dont le principal contenu clinique se limiterait à une liste incomplète de médicaments ne représenterait aucun avantage réel global pour la population. Dans un tel contexte, le risque de désintéressement des professionnels envers la carte santé devient évident, puisqu'il devra, au mieux, de toute façon procéder à un questionnaire du patient pour compléter l'information manquante.
Quant aux modalités opérationnelles, les difficultés ne sont pas moins nombreuses, et les inquiétudes relatives aux modalités opérationnelles du projet sont les suivantes. Par exemple, le nombre de patients ne se présentant pas personnellement en pharmacie est élevé, d'autant plus que les patients consommant le plus de médicaments sont habituellement les moins mobiles. Comment s'effectuera la mise à jour de la carte pour les clientèles non ambulatoires? Depuis longtemps soulevée, cette question ne connaît pas encore de réponse.
L'avant-projet ne comporte également aucune modalité concrète sur la question de l'obtention des consentements des patients, lesquels, pour être libres et éclairés, doivent reposer sur une information souvent particularisée et adaptée à la réalité de tous et chacun. Les pharmaciens anticipent avec une appréhension certaine devoir jouer malgré eux un rôle pivot dans la transmission de ces informations dans un contexte où la pénurie de main-d'oeuvre afflige durement la profession et où les activités cliniques cognitives doivent trop souvent céder le pas à des tâches administratives. Je m'en voudrais ici de ne pas rappeler aux membres de la commission qu'on en est encore à expliquer dans bien des cas les modalités d'application du régime d'assurance médicaments introduit voici maintenant plus de quatre ans.
La surveillance du projet. Par son ampleur, par ses impacts sur la quasi-totalité de la population et des professionnels de la santé, ce projet mérite un suivi hors du commun. À cet effet, le rôle du comité de surveillance décrit à l'avant-projet nous semble essentiel pour assurer le respect des paramètres prévus par l'avant-projet de loi. Toutefois, nous nous interrogeons sur la capacité réelle de ce comité, constitué de six personnes, ne devant faire rapport au ministre de la Santé qu'une fois par année, d'exercer un réel rôle de surveillance à tous les niveaux impliqués dans le déploiement de la carte santé: organismes gouvernementaux, établissements de santé, régies régionales, cliniques privées et officines. Plus de précisions seraient nécessaires à cet égard. De même, les modalités de nomination du président du comité devraient exiger ou prévoir une certaine implication des ordres professionnels.
La gestion, maintenant, du projet. La gestion de la carte santé est confiée à la Régie de l'assurance maladie du Québec. Nous reconnaissons l'intérêt de la Régie dans ce dossier et son souci de le voir évoluer positivement. Toutefois, nous sommes obligés de constater l'ambiguïté que comporte le fait qu'un organisme-payeur ait la responsabilité d'un dossier de nature aussi clinique. Le recours à une instance indépendante de la Régie demeure à notre avis tout à fait essentiel afin que, devant l'importance de la protection des informations parmi les plus névralgiques qui soient pour la personne humaine, nous nous assurions que le cap sur les objectifs initiaux du projet ne soit jamais perdu. En ce sens, j'ajouterai que cette recommandation-là, de la mise en place d'un tiers indépendant, rejoint une présentation qu'on avait faite dans le cadre de la réforme de l'assurance médicaments, notamment en ce qui concerne les projets de revue d'utilisation de médicaments.
Les droits d'accès en lecture et écriture sur la carte. L'absence de détermination dans l'avant-projet de loi des droits d'accès par catégories de professionnels et d'individus nous semble surprenante. À notre avis, la quantité de travaux, de comités, de sous-comités qui se sont penchés sur le sujet au cours des 10 dernières années aurait dû amener à clarifier ces droits d'accès avant la tenue de la présente commission parlementaire.
Enfin, les risques d'une implantation globale. Le projet d'implantation de la carte santé du Québec est d'une ampleur peu commune et il comporte des coûts élevés. Un échec causerait non seulement des pertes financières élevées, mais également des dommages irréparables, d'une part, à la confiance de la population envers la capacité de notre système de santé de gérer les défis auxquels il est confronté et, d'autre part, la confiance des professionnels envers la faisabilité d'un tel outil de gestion de l'information, ce qui hypothéquerait sérieusement tout essai ultérieur.
Considérant, donc, les nombreuses zones grises et inconnues du projet, l'Ordre des pharmaciens suggère de procéder à un déploiement préalable limité au bénéfice de la totalité de la population d'une région administrative du Québec et en prenant le temps de procéder à une évaluation plus concrète des impacts, le tout afin de permettre l'introduction des améliorations nécessaires pour amener ensuite le fonctionnement de la carte jusqu'à un point proche de la perfection, y suivant un étalement à l'échelle provinciale.
En guise de conclusion, donc, et ainsi qu'il appert du mémoire que nous vous avons présenté, les principes sous-jacents sont maintenus, partagés et défendus par l'Ordre des pharmaciens du Québec. Devant l'importance de l'introduction d'un tel système et des coûts très importants d'une telle démarche, le volet clinique, qui est doublé d'un volet de gestion administrative amélioré, le volet clinique, donc, qui est le premier volet, il nous semble incontournable. On ne peut faire abstraction de ce volet-là. C'est celui qui commande l'investissement énorme, à la fois financier, et de ressources humaines, et de compétences, pour placer un tel système opérationnel au Québec. Ce que nous disons, c'est qu'à ce moment-ci on est rendu à l'étape où on doit absolument connaître beaucoup plus finement les modes organisationnels de déploiement, de collecte d'information, pour faire de ce projet un projet gagnant. À ces conditions, vous pouvez être assurés du support de l'Ordre des pharmaciens du Québec dans la poursuite de l'analyse de ce dossier. Et je vous remercie de votre attention.
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(14 h 20)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet, merci pour la présentation de votre mémoire. Alors, maintenant, M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, à vous la parole.
M. Legault: Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais vous remercier, M. Fernet, et les personnes qui vous accompagnent, et l'Ordre des pharmaciens, pour la très grande qualité de votre mémoire. Je note dans votre mémoire, donc, qu'au niveau des objectifs vous partagez les objectifs qu'on s'est fixés dans l'avant-projet de loi. Donc, vous nous dites dans le mémoire que, pour vous, c'est important, le partage de l'information entre les professionnels du réseau de la santé, et vous semblez aussi, malgré que vous dites que vous n'avez pas d'expertise dans ce domaine-là, être d'accord aussi avec le choix qu'on a fait de la technologie puis le choix aussi des renseignements qu'on a mis dans le résumé.
Par contre, vous nous faites certaines suggestions concernant l'application de ce projet, entre autres toute la question... Vous venez nous dire que vous êtes d'avis qu'un résumé qui se limiterait à une liste incomplète de médicaments n'aura aucun avantage réel global pour la population. Je sais que vous proposez quelque chose d'original, une zone réservée aux renseignements à caractère privé, mais est-ce que, de façon générale, est-ce qu'on pourrait dire que vous seriez d'accord avec la position, entre autres, du Collège des médecins pour que le résumé soit toujours complet, c'est-à-dire qu'on ne permette pas aux patients d'ajouter ou de ne pas ajouter certains renseignements? Quelle est votre position concernant le fait que le dossier soit ou non complet?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Merci. Notre position est à l'effet qu'on a souvent avancé le fait, en travaux préliminaires, qu'une information même incomplète était préférable à pas d'information du tout. À ce moment-ci, je vous dirai, M. le ministre, que notre réflexion nous a conduits à la conclusion qu'il y a quand même un minimum d'informations qui doivent se retrouver. Si l'information, elle est trop fragmentaire ou elle est trop parcellaire, au mieux elle va nous commander de faire le même travail qu'on fait actuellement, c'est-à-dire d'aller à la recherche d'informations au lieu des questionnaires et des historiques. Au pire, des professionnels pourraient être amenés à se fier à l'information incomplète et être induit en erreur par l'utilisation de la carte.
Alors, à ce moment-ci, ce qui nous inquiète beaucoup plus que la question de savoir si les patients pourraient ou pas ajouter des informations, c'est comment va-t-on faire pour s'assurer de retrouver actuellement à la carte et au moment de son introduction, les informations minimales essentielles pour bonifier la prestation de services professionnels. Et, dans notre mémoire, on indique en ce sens-là que les intentions thérapeutiques, ou les diagnostics, ou alors les tests de laboratoire, c'est un minimum avec lequel il faut compter dès le départ en plus de la médication.
Peut-être un mot complémentaire sur le projet de Rimouski. Entre autres, Mme Papillon était une intervenante, à ce moment-là elle pourra vous dire à quel point l'acceptation des patientes étaient répandue sur cet item-là. Et, question clinique, peut-être Mme Lamarre pourrait ajouter un petit mot là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Papillon.
Mme Papillon (Marie-Josée): Merci. Pendant le projet de Rimouski, au départ les profils d'accès des différents intervenants avaient été déterminés de sorte que les pharmaciens n'avaient pas possibilité de lire les diagnostics. En cours de projet, on a décidé de tenter l'expérience d'offrir aux patients la possibilité d'autoriser son pharmacien à consulter l'information et on s'est rendu compte que tous les patients consentaient à ce que le pharmacien accède à cette information-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme Lamarre.
Mme Lamarre (Diane): Ce que je comprends de votre intervention, M. le ministre, c'est, par exemple, notre demande d'offrir aux patients la possibilité de ne pas inscrire certains médicaments plutôt que de se retirer complètement du projet. Et ça, je pense que c'est important. On a, dans notre population, des gens qui ont certains diagnostics sensibles. Il faut se rendre compte que l'introduction de ce nouveau système va changer de façon dramatique et positive, j'espère, mais quand même, l'accès.
Un exemple très, très coloré, c'est qu'actuellement les dermatologues, qui sont des médecins, par exemple, n'ont pas accès à l'utilisation du Viagra par un de leurs patients. O.K.? On va avoir dorénavant ce genre de situation là. Donc, on va changer des profils d'accès.
Est-ce qu'un patient, parce qu'il utilise certains médicaments sensibles... Et j'utilise celui-là parce qu'il est un petit peu plus léger, mais on peut penser à des antidépresseurs, on peut penser à des antinauséeux qui sont tellement puissants qu'ils sont des indicateurs qu'un patient reçoit de la chimiothérapie. On peut penser à des situations de tests de grossesse qui vont avoir été faits avec une situation qui n'est pas suivie d'une grossesse. Il y a plusieurs indicateurs dans un dossier patient de pharmacie qui sont des indicateurs significatifs. Et ce serait dommage, et je pense que ce serait même vraiment priver une partie importante de la population de privilèges qui seront assortis à cette carte-là que de l'obliger à se retirer complètement sous prétexte qu'elle ne veut pas qu'un épisode de soins ou qu'une partie de sa médication soit inscrite dans le dossier de la carte santé.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Lamarre. M. le ministre.
M. Legault: Oui. Mais à ce moment-là comment vous verriez la gestion justement de cette information? Parce que M. Fernet disait: Bon, c'est important d'avoir un minimum. Qui déciderait ou qui devrait décider du minimum d'information qui devrait se retrouver au résumé, puisque... Bon, si c'est le patient, il pourrait, comme vous le dites, dans certains domaines, choisir d'exclure certaines informations. Mais est-ce que c'est le mieux placé pour faire ce choix? Puis comment vous verriez l'articulation pratique du choix de l'information qui doit ou non être incluse au résumé?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lamarre.
Mme Lamarre (Diane): Alors, je pense que ce qui avait été évoqué dans le projet de Rimouski, c'était la présentation d'une zone privée. Dans cette zone privée, on peut retrouver... Et je pense que, conjointement, le médecin, le patient ou le pharmacien et le patient, mais je pense que le patient a un rôle important dans cette décision-là, puisque aussi il peut y avoir des conséquences légales au fait d'inscrire ou de ne pas inscrire certaines informations qui pourraient avoir des conséquences sur les actes médicaux qui seront posés à son endroit. Je pense que cette décision-là peut se faire. Et, s'il y a du temps professionnel qui doit être investi dans l'explication de ce projet-là, je pense que c'est à ce niveau-là qu'il faut le réserver, c'est-à-dire faire valoir à un patient que tel épisode de soins peut ne pas s'inscrire dans l'ensemble de son dossier, mais qu'il demeure présent ? un épisode psychiatrique, par exemple ? entre le psychiatre et le patient, entre le pharmacien qu'il aura désigné ? non pas nécessairement tous les pharmaciens parce qu'on a des pharmaciens qui deviendront des pharmaciens traitants, tout comme on a des médecins traitants ? et, donc, je pense que cette zone-là... qui sera quand même indiquée, on peut indiquer une zone cachée. Donc, le médecin qui est à l'urgence et qui prend connaissance d'un dossier peut très bien réaliser qu'il y a une zone cachée, il y a une zone qui n'est pas accessible, mais cette zone-là, elle est convenue entre un médecin et son patient ou entre un pharmacien et son patient.
Donc, moi, je pense que c'est tout à fait réaliste, dans un contexte informatique, de prévoir cette zone-là, et ce sera bien sûr aux médecins et aux pharmaciens de faire en sorte que tout ne soit pas mis dans cette zone-là. Mais je ne pense pas qu'il soit de l'intérêt des patients de mettre beaucoup de choses, mais il y aura sûrement... Et, pour être avec des patients depuis 25 ans, je peux vous dire que chacun a une petite histoire qu'il ne tient pas à partager avec l'ensemble des intervenants de la santé qu'il côtoiera.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Lamarre. M. le ministre.
M. Legault: Oui. En fait, ce que vous nous dites, qu'il devrait peut-être y avoir des informations qui devraient être dans une section à laquelle tous les intervenants n'ont pas accès, ça m'amène peut-être à vous parler aussi des profils d'accès au résumé. Vous nous dites dans votre mémoire que vous déplorez l'absence de détermination, tout de suite, ici, dans le projet de loi, des droits d'accès par catégories de professionnels. Bon, nous, on avait pensé que le fait d'inclure ce choix par règlement, ça nous laissait ou ça laissait à tout le monde un peu plus de flexibilité. Parce que la profession évidemment va évoluer ? on le souhaite en tout cas ? et, bon... entre autres entre les médecins et les pharmaciens. Donc, on voulait se laisser cette flexibilité avec les ordres professionnels, par règlement, d'adapter les droits d'accès au fil du temps.
Bon, vous nous dites que vous préféreriez que ce soit tout de suite dans l'avant-projet de loi. Est-ce que vous pensez que vous pourriez vous entendre rapidement avec les autres corporations pour établir les normes de comment on pourrait gérer les droits d'accès? Ou est-ce que ce serait seulement une partie qui serait faite dans l'avant-projet de loi? Comment vous verriez ça?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Merci. Nous sommes d'avis, M. le ministre, que vous avez tout au moins partiellement raison, qu'il y a un certain travail qu'il va falloir reléguer à la dimension réglementaire parce que le fin ajustement, finalement, va suivre bien évidemment en un consensus global mais tout de même, je dirais, général. Dans ce consensus général là, il y a des choses, par contre, qui pourraient être affirmées ici, dès l'avant-projet de loi, ou dans un éventuel projet de loi, des principes de partage, si on veut, entre un certain nombre d'intervenants et une certaine nature d'information. La question précédente faisait état d'exceptions ou de cas particuliers, mais il ne faut pas perdre de vue qu'en marge de ces situations d'exceptions là, où on a souligné une façon pratique peut-être de pouvoir gérer le tout afin d'éviter des refus de consentement généralisés, il y a tout de même une situation générale globale qui, je pense, mériterait d'être éclaircie, si vous voulez, avant qu'on investisse aussi massivement dans un projet de cette amplitude-là, je dirais.
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(14 h 30)
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Alors, de façon à ce que, comme on le disait dans le mémoire, que les choses soient claires un peu dès le départ puis qu'il n'y ait pas de déception, je dirais, de la part des intervenants qui, par la suite, au moment de la mise en introduction soit dans une région ou soit à l'échelle du territoire... va faire en sorte qu'il va y avoir de la résistance de la part des professionnels de la santé, des déceptions de la part de la population qui n'obtiendra peut-être pas la qualité des services ou des résultats qu'elle est en droit de s'attendre au moment où on a fait les annonces. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit que, bien sûr, il y a un travail réglementaire qui doit pouvoir suivre, mais il y a des choses quand même centrales, des principes qui doivent pouvoir, selon nous, être affirmés dès le projet de loi.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le ministre.
M. Legault: Maintenant, concernant le rôle de la Régie de l'assurance maladie du Québec, vous nous dites, selon vous, que le recours à une instance indépendante de la Régie demeure tout à fait essentiel pour protéger l'information. Vous savez que la RAMQ possède déjà beaucoup d'information sur l'ensemble des services médicaux qui sont donnés à toute la population du Québec. Et, quand vous nous dites que c'est un assureur, d'abord il faut faire attention, l'assureur en bout de ligne, c'est le gouvernement du Québec, et la RAMQ n'est pas là pour faire des profits. Je voudrais savoir pourquoi, pour vous, la RAMQ, malgré la création du comité de surveillance, ne pourrait pas assumer la gestion des résumés de renseignements de santé dans le respect du droit à la vie privée? Pourquoi vous avez des inquiétudes face à la Régie à ce point-là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): C'est une question, M. le ministre, de vision globale du dossier et ce n'est pas, si j'ose dire, une question personnelle avec la Régie de l'assurance maladie du Québec qui est un organisme hautement compétent et dont la mission de contrôle des coûts et de gestion administrative ne fait aucun doute en termes d'efficacité.
La vision de l'Ordre des pharmaciens là-dessus, un peu comme je le mentionnais en cours de présentation du mémoire, date d'il y a déjà quelques années, au moment où on a discuté, par exemple, des revues d'utilisation de médicaments. Et, quand on souligne dans notre mémoire l'ambiguïté, on fait référence pas seulement à des questions de conflits d'intérêts, mais également d'apparence de conflits d'intérêts. La Régie est un organisme qui a des données actuellement administratives. C'est toujours ce qu'on a défendu, d'ailleurs, que ces données administratives là étaient gérées dans une perspective de contrôle des coûts mais ne devaient pas servir à contrôler les pratiques. La question du contrôle des pratiques est réaffirmée dans l'avant-projet de loi, mais on est ici, indéniablement, selon le terme même de l'avant-projet de loi, on est dans un projet clinique, on est avec des données cliniques, on est dans un continuum de soins entre des professionnels, entre le système du secteur privé, du secteur public. On transcende, à notre avis, la simple question des données administratives et de la facturation.
Or, pour les mêmes raisons qu'on avançait dans les revues d'utilisation des médicaments, la perception qu'aura la population, et surtout les intervenants, du rôle d'un organisme comme la Régie va porter à ambiguïté. C'est peut-être la marge qui sépare les conflits d'intérêts de l'apparence des conflits d'intérêts, si vous voulez. Et une façon différente de l'exprimer, qui est une image peut-être un peu grosse et qui a toujours ses imperfections, c'est comme si on confiait demain matin, pour la population du Québec, la responsabilité au ministère du Revenu d'élaborer les rapports d'impôts. On n'a pas de doute que le ministère du Revenu a la compétence pour remplir les rapports d'impôts, mais on tient à ce que les citoyens le fassent eux-mêmes. Les missions sont différentes. Et la Régie, il nous semble qu'elle traite des données administratives. C'est un organisme de gestion mais qui ne devrait pas s'impliquer dans la détention, dans la gestion de données cliniques qui sont, comme je le disais, beaucoup plus vastes et importantes en termes d'impacts auprès de la population que les seules questions de facturation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Fernet. M. le ministre.
M. Legault: Oui. Bon, je pense qu'il y a une différence avec votre image du ministère du Revenu. Parce qu'on ne demande pas à la Régie de décider ce qui aurait finalement... quel serait le sujet et quelles seraient les informations qui seraient à contrôler. On demande de gérer, d'appliquer ce qui sera décidé, entre autres, à l'Assemblée nationale. Et je ferai remarquer aussi que la Régie a déjà beaucoup d'information puis de données cliniques aussi sur les services médicaux qui sont données à toute la population. Et là où j'ai de la misère à vous suivre, c'est de dire... On a déjà une régie, on a déjà la Régie de l'assurance maladie qui a une administration, qui a une infrastructure. Vous, ce que vous nous demandez, c'est de recréer une autre structure. Ça veut dire ? il faut réaliser, là ? votre proposition, ça veut dire de mettre en place des coûts additionnels, de dire: On ne veut pas utiliser toute la structure qui est déjà en place à la Régie de l'assurance maladie du Québec, on va créer une autre structure, donc avec des coûts additionnels, pour atteindre les mêmes objectifs. Puis ce que je ne comprends pas, c'est: Est-ce que, vous, vous êtes au courant de certains problèmes de confidentialité qu'on aurait déjà eus avec la Régie de l'assurance maladie du Québec? Qu'est-ce qui vous fait douter de la capacité de la Régie de gérer ce projet en toute confidentialité?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Avec respect, M. le ministre, les problèmes de confidentialité ne sont pas propres à la Régie comme à d'autres organismes du gouvernement. Et, en ce sens-là, on comprend que les garanties les meilleures qu'on puisse obtenir technologiquement puis dans la gestion de nos systèmes, c'est celles qu'offrirait sans doute la Régie aussi. Non, ce n'est pas nécessairement au niveau de la confidentialité, je dirais, que le problème se joue. Quand on parle de l'apparence de conflits ou de l'ambiguïté des missions, c'est justement quand on tire des conséquences professionnelles et cliniques de données administratives, ce qui, historiquement, nous a déjà semblé ou a certainement teinté, je dirais, les relations des professionnels, historiquement, avec la Régie de l'assurance maladie du Québec. Alors, c'est toute la différence, par exemple, des premiers projets qu'on avançait qui, en termes de collecte de données, utilisaient justement les données de la Régie de l'assurance maladie du Québec, et il a fallu un très grand nombre de réunions et d'interventions de la part de praticiens pour expliquer que, des données administratives, on ne pouvait pas en tirer des résultats cliniques. Et c'est une chose donc qui nous interpelle particulièrement, cette question-là du trait d'union que l'on effectue entre les données administratives et les données cliniques. Et, d'autre part, si la Régie doit continuer de demeurer un organisme de contrôle des coûts et de gestion, on ne voit pas utile, je dirais, de confier un volet clinique qui, lui, va sans doute, nous l'espérons, toujours chercher à se développer davantage à un organisme dont la mission n'est pas celle-là à notre avis.
Maintenant, pour un dernier mot là-dessus, on ne propose pas, M. le ministre, de recréer un second organisme ayant l'amplitude de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Les qualités et compétences au plan technologique de la Régie, elles sont indéniables et on ne cherche pas à les recréer. C'est plus au niveau de la gestion du maintien du cap des objectifs, mais plus loin, si vous voulez, que le simple comité de surveillance qui est prévu à l'avant-projet de loi qui, à ce moment-ci, nous semble porteur. Dans une perspective de politique globale du médicament, la dimension des revues d'utilisation des médicaments, du maintien des objectifs d'une carte santé-Québec et une foule d'autres considérations qui concernent la santé des individus au Québec, il nous apparaît que c'est mieux de confier ça à un tiers sur lequel il y aura des intervenants, bien sûr du gouvernement, des principaux organismes comme la Régie, le Conseil consultatif de pharmacologie, les ordres professionnels, mais un forum neutre donc.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste une minute et demie, M. le ministre.
M. Legault: Donc, si je comprends bien, vous nous suggérez de créer un autre organisme qui ne serait peut-être pas une régie, là. Parce qu'il faut comprendre que l'information doit être accessible 24 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année, ce n'est pas simple là. Pour l'instant, la Régie serait en mesure de pouvoir gérer ce genre de dossier. Mais là, ce que vous nous dites, c'est qu'il devrait y avoir deux organismes: un qui gère les données administratives, ce serait la Régie, et qu'on crée... donc ça veut dire... vous réalisez, là, que les coûts qui sont impliqués dans la proposition que vous faites d'avoir un deuxième organisme qui serait comme une deuxième régie, peut-être que vous ne l'appelez pas «régie», mais qui serait capable de suivre cette information clinique 24 heures par jour, sept jours par semaine... Donc, c'est quand même gros ce que vous proposez là. Je veux essayer de comprendre pourquoi vous tenez à avoir un deuxième organisme, à récréer une deuxième structure, et actuellement, bien, c'est le cas aussi pour les médicaments.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Fernet, dernière intervention concernant les questions du ministre.
M. Fernet (Paul): Oui. Non, je dois dire, M. le ministre, que cette question-là mériterait sans doute d'être plus longuement expliquée entre le ministère et l'Ordre parce que la vision que nous avons n'est pas celle que vous décrivez, de reproduire à grands coûts un organisme parallèle à la Régie. Ce n'est pas du tout ça. On parle, au contraire, d'une structure beaucoup plus légère, pas très coûteuse, d'un organisme de gestion ? pas au niveau des opérations, mais au niveau de la gestion ? et un tel organisme de gestion n'entraînerait pas une duplication de toutes les compétences ou de toute l'organisation de la Régie de l'assurance maladie du Québec.
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(14 h 40)
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La mission de la Régie doit demeurer ce qu'elle a toujours été: les activités de nature clinique. Il faut trouver un véhicule, qu'on a proposé, dans un véhicule qui est relativement léger et qui est d'abord et avant tout un comité de gestion pour s'assurer qu'on ne perde pas le cap de nos objectifs en cours de route quand on réalise des projets d'une telle envergure. Mais je vous assure qu'on ne parle rien... on ne parle pas d'une structure lourde, coûteuse, qui irait à contresens, dans le fond, des réalités qu'on connaît dans le réseau à l'heure actuelle.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Fernet. Alors, M. le député de Châteauguay, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, je vous cède la parole.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Je vous salue. Je vais vous poser quelques questions tantôt. Mais, ma collègue de Laviolette étant membre de votre Ordre, il me semble plus à propos de lui laisser les premières interventions.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Laviolette.
Mme Boulet: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, messieurs dames de l'Ordre. Je voulais vous dire, dans un premier temps, que j'ai trouvé votre document très pertinent. Je pense que les pharmaciens sont un pivot principal dans ce projet-là et que ce qu'ils pensent de tout le projet de carte à microprocesseur, c'est très important de bien écouter ce que ces gens-là ont à dire parce qu'ils ont un gros boulot à faire dans toute l'application de cette carte-là.
Si on lit bien votre document, on voit que vous avez beaucoup d'inquiétudes, et que je partage également, au niveau de l'application. On ne sait pas... Un médicament peut servir à plusieurs maladies, il peut être identifié dans le dossier d'un patient, mais il peut avoir servi à de l'hypertension, il peut avoir servi à une panoplie d'indications thérapeutiques qui ne sont pas nécessairement les mêmes d'un patient à l'autre.
Il y a également le fait que le résumé puisse être incomplet. Les gens qui vont être aptes à faire les résumés, bien, est-ce que c'est possible qu'il y ait des oublis, qu'il y ait des choses qu'on pense que ce n'est pas important, mais que, dans le fond, elles le sont? Dans le processus de mise à jour des résumés, est-ce que ça va se faire adéquatement? Est-ce que le processus va se faire? Puis, s'il se fait bien, ça va demander des ressources humaines extraordinaires, ça va demander des gens qui vont ne faire que ça, à temps plein.
Il y a également le fait que le patient n'est pas toujours là. Souvent, à la pharmacie... la population, elle est vieillissante et il y a beaucoup de gens qui ne se présentent pas, jamais, à la pharmacie. Alors, si on n'a pas leur carte d'habilitation, ça va être difficile de faire une mise à jour du dossier, et ça, c'est très, très vrai. Alors, je me demande si... compte tenu de ces choses-là, c'est vrai que ça semble inquiétant, et je me dis que vous avez vécu des expériences dans Rimouski et à Laval, je pense, et vous êtes en mesure de nous en parler, peut-être mieux que quiconque.
Au niveau des coûts, je pense qu'on a sous-estimé les coûts dans le projet. Je pense que les coûts, que ça devrait coûter pour la mise en place de toute cette carte-là, ça va être de beaucoup supérieur à ce qui est évalué au niveau des ressources humaines et également au niveau du soutien informatique qu'on va devoir donner à tous les professionnels de la santé qui veulent adhérer ou qui veulent participer au réseau, qui n'auront pas le choix de toute façon. Alors, tout le soutien informatique n'est pas nécessairement calculé dans les dépenses.
Et le troisième point que je vous dirais, c'est le travail exigé par le pharmacien. Vous savez qu'aujourd'hui on vit une pénurie de pharmaciens. M. le ministre, vous savez ça comme moi, qu'il y a une pénurie de pharmaciens. Les pharmaciens ont, à l'heure actuelle, une lourde tâche administrative au niveau de... juste pour expliquer ce qu'est l'assurance médicaments. Ça fait quatre ans qu'elle est en place, comme M. le président le disait, et, à tous les jours, on explique encore cette assurance médicaments là à un paquet de monde et ils ne comprennent toujours pas même si on leur explique, il faut le réexpliquer une deuxième et une troisième fois. C'est très lourd, c'est très complexe, et les personnes âgées y ont vraiment beaucoup de difficultés. Alors, s'il faut que le pharmacien se ramasse avec cette surtâche administrative là, je pense que là on va avoir de sérieux problèmes, parce que les pharmaciens en font déjà beaucoup plus qu'ils devraient peut-être en faire à la base, ou ils ne sont peut-être pas utilisés à leur plein rendement. Je pense qu'ils devraient avoir un travail peut-être plus efficace au niveau de la gestion thérapeutique que de la gestion administrative gouvernementale. Alors, en gros, c'est le résumé.
Il y a une chose où j'accroche peut-être, je me dis... On parlait tantôt de la confidentialité des patients, il y a une zone grise qu'on peut peut-être permettre. Je comprends que les gens y tiennent. Moi, personnellement, j'y tiendrais. Je me dis: On a tous quelque chose qu'on ne tient pas à ce que ce soit partout sur la place publique. Mais je me dis: Si on cache des choses, comment le médecin peut bien soigner s'il n'a pas toutes les informations qui lui sont accessibles? Il a beau savoir qu'il y a une zone grise là, mais quelqu'un qui prend du Viagra peut avoir des problèmes cardiaques. Alors, si le médecin ne sait pas tout, je me dis, comment on peut permettre une zone grise aux gens en tenant compte de l'élément de confidentialité puis de l'élément que, bon, c'est propre à chaque individu? Comment on peut faire ça, leur permettre ça? Ce qui est très louable, là, parce qu'il y a beaucoup de gens qui n'adhéreront pas à la carte, selon moi, à cause de ça. Mais comment peut-on permettre cette zone grise si le médecin n'a pas tous les éléments en sa possession pour bien soigner un client qui va arriver, un exemple, à l'urgence? Je ne sais pas si on peut... Mme Bellemarre ou Mme Dionne, je ne sais pas si elle peut me répondre?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la députée de Laviolette. M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Je vais laisser la réponse à Mme Lamarre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lamarre.
Mme Lamarre (Diane): Bien, je pense qu'il ne faut pas oublier la situation actuelle à partir de laquelle on débute. Il y a actuellement des zones grises multiples et certaines d'entre elles sont préjudiciables effectivement à la population. Moi, je peux vous dire qu'en pratique communautaire, nos patients qui quittent l'hôpital, on a souvent à essayer de clarifier des ordonnances en se demandant: Qu'est-ce qui reste d'avant l'hospitalisation et qu'est-ce qui doit être changé? Il y a vraiment... et c'est sur ce principe-là que je crois beaucoup à la valeur ajoutée de la carte santé.
Par contre, je pense qu'il ne faut pas sous-estimer une valeur qui est fondamentale à notre société, qui est la protection d'informations personnelles. Et la personne qui considère que cette information-là est personnelle, pour elle, à ce point, je pense qu'elle doit être informée. Quand on parle d'un consentement libre, éclairé, spécifique et déterminé dans le temps, je pense que ce sont les conditions qui ont toujours été caractéristiques d'un vrai consentement, sinon on impose les choses et il ne faudra plus parler de consentement. Alors, la personne qui, volontairement, retirera certaines informations, elle s'attendra aussi à ce qu'il y ait certaines actions qui soient posées différemment dans des situations d'urgence. Mais je pense qu'on ne peut pas priver la société actuellement de ce privilège-là. Et je pense que de la priver au départ, c'est s'exposer à beaucoup de critiques, alors que, avec les années, le système aura fait ses preuves, la validité, la protection des renseignements, le système démontrera la valeur ajoutée, la fiabilité de cette confidentialité-là, et les gens adhéreront spontanément et demanderont de réinscrire des données qu'ils ont peut-être demandé d'éliminer ou, en tout cas, n'auront plus cette réserve-là. Mais, au départ, d'interdire, d'obliger, par exemple, un patient atteint d'une maladie comme le sida d'adhérer ou de ne pas adhérer, je pense que c'est vraiment quelque chose qui est très particulier et ça risque aussi d'influencer les champs d'accès.
Alors, c'est sûr que là on va peut-être priver aussi des professionnels, comme des optométristes, comme des infirmières, de certains champs d'accès en disant: Écoutez, vraiment, ces personnes-là n'ont pas accès, puisque ce diagnostic-là est potentiellement présent dans tous les dossiers où les gens adhéreront, qui n'auront pas la possibilité de l'extraire, mais ça peut limiter finalement des droits d'accès pour beaucoup d'autres informations qui seraient utiles auprès d'autres professionnels de la santé. Donc, je pense qu'on a intérêt à faire confiance à la population dans ce contexte-là à bien expliquer en quoi ces éléments-là sont préjudiciables pour elle. Et je pense qu'on aura une petite portion de la population qui se prévaudra de ce privilège-là, mais je pense qu'on y gagnera beaucoup en termes de valeur, de crédibilité de l'outil qu'on veut mettre en place.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Lamarre. Mme la députée de Laviolette.
Mme Boulet: Alors, ça veut dire que, finalement, ce que vous proposez, c'est d'y aller progressivement pour que les gens ne soient pas effrayés et pour ne pas qu'ils aient des craintes par rapport à la confidentialité de leurs renseignements. En y allant progressivement, de cette façon-là, finalement on leur permet de s'habituer et de vivre avec la carte à microprocesseur sans qu'on ait l'impression d'avoir un intrus dans notre portefeuille.
Je pense que c'est un peu le résumé également de votre mémoire. Vous notez ici que «l'avant-projet comporte tant de zones grises et d'inconnues qu'il nous est tout à fait impossible d'affirmer que les objectifs poursuivis seront de quelque façon que ce soit atteints». Alors, vous nous proposez et vous proposez au ministère d'y aller de façon progressive peut-être en établissant la carte à microprocesseur dans une région complète au Québec ou en y allant de façon progressive également au niveau de l'application de la carte à microprocesseur. Je pense que c'est ça, le résumé un peu, M. Fernet?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Je pense que la question de déploiement régional, elle est garante de nous donner le temps de procéder à des ajustements qui seront sans doute inévitables devant un projet qui est quand même très nouveau, je dirais, en termes de gestion de soins et, disons-le, d'un certain degré de complexité, je dirais, à la fois en termes de déploiement, à la fois en termes technologiques et en termes d'obtention corrects des consentements des patients, des bénéficiaires. Par contre, quand on parle de déploiement progressif, on est intimement convaincu que l'information qui doit se retrouver sur la carte au départ doit être d'une qualité, d'une disponibilité, d'une suffisance pour faire en sorte qu'on n'induise pas, malgré eux, les professionnels de la santé dans des mauvais jugements professionnels. Dès le départ, on doit avoir un minimum de conditions gagnantes pour faire un succès de ce projet-là qui, rappelons-le, est supporté par l'Ordre dans ses objectifs supérieurs: continuité des soins, partage d'information. On est de tous ces débats-là, et très positifs, et on croit que c'est une solution d'avenir. Mais prenons le temps de bien faire les choses. On n'a pas le droit à l'erreur dans ce genre de dossier là, selon nous. Mme Lamarre.
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(14 h 50)
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La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lamarre, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Lamarre (Diane): Oui. Tout simplement nuancer le mot «progressif». Je pense que ce qu'on propose, c'est vraiment d'expérimenter, avec toutes ses caractéristiques actuelles, le projet et, ensuite, de l'étendre en un seul temps à l'ensemble de la province. Il ne s'agit pas d'y aller progressivement dans différentes régions, mais je pense qu'il s'agit d'avoir un laboratoire réel de tous les paramètres qui vont êtres innovés par cette carte santé.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée de Laviolette.
Mme Boulet: Je vous remercie beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. On tente tous toujours, quand on reçoit des mémoires, des présentations, d'essayer de se faire un idée succincte en une seule phrase. Vous nous l'avez offerte dans votre conclusion: «Nous croyons que les pages qui précèdent exposent clairement cette opinion: oui au principe, non au projet tel que présenté et tel que nous le connaissons pour avoir participé à son développement.» Ça nous situe donc.
Et ma collègue soulevait tantôt certains questionnements que vous avez notamment sur la mécanique d'écriture puis sur le travail que les pharmaciens ont à faire. Vous nous rappelez le fait que vous avez été échaudés... enfin, que les pharmaciens ont été échaudés par l'application de l'assurance médicaments. Et, à ce passage sur lequel je reviendrai parce que ce n'est pas ma première question, mais juste qu'on le garde en mémoire dans le sens de la première question que je vais poser sur le paragraphe 5.5, sur les droits d'accès en lecture et écriture sur la carte d'habilitation, en fait, puis les comités qui se sont penchés là-dessus. C'est toute la question de la mécanique qui est compliquée.
Vous êtes l'Ordre des pharmaciens, et je n'ai pas pu m'empêcher, en me préparant pour la réunion d'aujourd'hui, de voir ce que d'autres pharmaciens avaient à dire mais qui n'étaient pas de l'Ordre. Et donc, je me suis inspiré du mémoire de l'AQPP qu'on va recevoir un peu plus tard et qui fait un passage assez important sur l'impact à l'égard de la responsabilité professionnelle. Et, puisque j'ai l'Ordre devant moi, je vais vous utiliser pour vous faire commenter ce qu'ils nous disent. Je cite deux paragraphes.
«En ce qui a trait au professionnel qui nous concerne plus directement, le pharmacien engagera vraisemblablement sa responsabilité lorsqu'il inscrira des informations au résumé de renseignements d'un patient. Il en sera de même lorsqu'il jugera, conformément à l'article 59 de l'avant-projet de loi, qu'un renseignement peut causer un préjudice grave pour la santé d'une personne et qu'il s'abstiendra d'inscrire ce renseignement au résumé de cette personne. Le pharmacien devra tenir compte de l'information à laquelle il aura accès à partir du résumé de renseignements de santé.» Je fais une pose avant de continuer. Ce que je mets en relief... On en a beaucoup parlé, le ministre en parlait tantôt, le Collège des médecins l'a dit: On est in ou on est out. Voulez-vous un résumé qui est magasiné ni plus ni moins par le patient? Ce à quoi j'ai cru comprendre que vous étiez plutôt favorables alors que d'autres l'étaient moins. En tout cas, le Dr Lamontagne est toujours très précis dans ses formules-chocs. Alors, in ou out, on comprenait que, lui, c'était: quand tu l'as, tu l'as puis tu le gardes. Mais là il y a une autre dimension qui est amenée par l'AQPP à partir de l'article 59, c'est que le magasinage ne se fait pas non seulement par la discrétion du patient, mais il se fait aussi par le jugement du professionnel qui peut décider s'il va y mettre ou non cette information-là. Tout ça nous amène à la suite: «Tout en comprenant que ce résumé ne remplace d'aucune façon le dossier patient que le pharmacien a l'obligation de tenir, il se trouvera sans doute des situations où l'information contenue au résumé et celle du dossier patient en pharmacie pourraient être différentes ou même conflictuelles.» Et ça les amène à amener comme recommandation que les lois professionnelles pertinentes soient examinées et adaptées à ce genre de situation.
J'aimerais que vous puissiez me commenter les craintes qu'ont... en tout cas, tout au moins l'AQPP à cet égard-là, en tant qu'ordre professionnel.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Merci de la question, M. le député. Il ne nous est pas apparu, comme ordre professionnel, qu'il y avait des difficultés importantes à ce moment-ci. Les inquiétudes sont légitimes. Cependant, le principe de la discrétion qui est accordée aux professionnels d'inscrire ou de ne pas inscrire un renseignement sensible ne s'écarte pas, en réalité, de la situation actuelle où les professionnels ont une marge de manoeuvre, si vous voulez, dans la divulgation d'information au moment où ils jugent que l'information divulguée serait encore plus préjudiciable au patient que le fait de la divulguer. En tout cas, c'est de la façon dont, nous, on a compris cette mécanique-là à l'avant-projet de loi, qu'il devait y avoir une très petite porte, mais qui existe, qui est celle-ci, à laquelle, je pense, on ne devrait pas, normalement, recourir très fréquemment, même très rarement. Mais, dans les cas où une information est toute particulière ou névralgique et que son inscription pourrait apporter des préjudices plus grands encore que de ne pas l'inscrire, je pense qu'il y a une discrétion qui est faite aux professionnels.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: On aura l'occasion d'entendre l'AQPP, mais je pense que leur position ne tient pas simplement compte de leur discrétion à inscrire ou pas inscrire, mais à la possibilité d'avoir une divergence entre le dossier patient pour le complet et le résumé succinct, magasiné un peu, là. Et ils disent: À cet égard-là, moi, quand je pose un geste professionnel, si je le fais sur la base d'un document qui n'est pas complet ou, en tout cas, qui manque d'information, est-ce que je suis responsable de ce geste-là? C'est ce qu'ils soulèvent. Dans la mesure où il fait son propre dossier patient, bien, il est responsable, c'est lui qui l'a fait. Mais là il va vivre avec un dossier patient constitué par de nombreux intervenants. Et je pense que ce qu'ils nous disent, c'est: À cet égard-là, là il y a probablement lieu de revoir les lois professionnelles.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Si j'entends bien votre question, M. le député, moi, j'opérerais une distinction à ce moment-ci entre les notions de responsabilité parce que je pense qu'à cet effet-là l'avant-projet de loi est clair: le résumé des données santé ne doit pas remplacer le dossier patient qui est tenu par chacun des professionnels de la santé. Je pense que la situation est claire, qui fait qu'en termes de responsabilités professionnelles, comme Ordre, on a à appliquer des notions de ce genre-là devant nos comités de discipline... Si un professionnel faisait preuve de négligence dans sa pratique en ne se fiant qu'à la seule information qui est disponible au résumé sans s'assurer d'obtenir correctement les informations complémentaires ou, pire encore, de tenir correctement son propre dossier patient, je pense qu'il y aurait une négligence puis je pense qu'il y aurait une responsabilité professionnelle.
Mais, nous, le terrain sur lequel on veut amener la réflexion des membres de la commission, c'est plutôt le fait que, au-delà des strictes questions légales de responsabilité professionnelle, il y a une dimension clinique. Un praticien qui rend des services cognitifs à un patient, son patient est en avant de lui, il doit réagir, il doit offrir des services dans un système, si vous voulez, où il y a de la pénurie, où les modes de fonctionnement commandent des interventions rapides, efficaces, de qualité et les plus sécuritaires pour le bénéfice supérieur de la population. Dans un contexte comme celui-là, si on veut assurer une transmission de l'information et si on veut s'assurer que les données contenues à la carte, minimalement, rendent service aux professionnels, il faut qu'ils soient, ces renseignements-là, en quantité suffisante pour au moins donner une indication utile de la route à prendre dans la décision professionnelle, quitte, le cas échéant, évidemment, à compléter l'information qui pourra, dans certains cas, ne pas être complète.
Cela étant, il ne faudrait pas que les situations d'exception viennent entacher le concept global, et le concept global, tel que, nous, nous l'avançons, pour être utile... c'est que l'essentiel de l'information doit être en quantité suffisante pour être utile, qu'il puisse y avoir des zones d'exception pour des données sensibles, et là vous avez fait allusion à l'exception du professionnel qui a une petite marge discrétionnaire, on a fait tantôt référence à l'exception du patient qui, lui, peut voir une donnée particulière, sensible ne pas être inscrite. Mais ne perdons pas de vue l'objectif général qui est de colliger l'essentiel de l'information clinique utile pour que les praticiens, dans des décisions rapides à prendre dans un système de dispensation de services courants à la population, puissent tirer des bénéfices de la carte.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste une minute et demie, M. le député de Châteauguay. Vous voulez...
M. Fournier: Bien, oui...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Un complément de réponse, Mme Lamarre? Oui.
M. Fournier: On vous fait venir, on vous donne le droit de parole. Allez-y.
Mme Lamarre (Diane): Je voudrais peut-être, avec ce commentaire-là, enlever un petit peu un aspect illusion autour de la carte santé. La carte santé ne sera jamais un dossier médical, ne sera jamais un dossier pharmaceutique. C'est un aide-mémoire clinique. Donc, on va y retrouver des informations qu'un patient, normalement, voudrait pouvoir transmettre mais ne pourra pas, à défaut de mémoire, à défaut de connaissance des grands termes qu'on utilise en médecine ou en pharmacie. C'est ça, principalement, l'objectif de cet outil-là. Il ne pourra pas se rappeler de ses données de laboratoire, même si on sait bien que, dans ce cas-ci, malheureusement, les données de laboratoire, on est très loin d'être sûr qu'on va avoir accès à ces paramètres-là, mais ce serait très souhaitable. C'est ça, l'objectif. Et ça ne se substituera jamais à un dossier d'un médecin ou d'un pharmacien. Et, même si on s'y fie beaucoup et même si on veut avoir le plus d'information possible, même si le patient, dans son dossier, on inscrit qu'il a pris des médicaments, qu'ils les a reçus, on n'est pas sûr qu'il les a consommés. Donc, ça n'empêchera jamais la responsabilité du pharmacien ou du médecin de vérifier: Est-ce que le patient a été observant à son traitement? Est-ce qu'il a fait remplir ses ordonnances correctement? Est-ce qu'il utilise bien la plus récente de ses ordonnances? On va avoir plus de paramètres pour porter un jugement là-dessus, mais ça ne se substituera jamais.
n(15 heures)n Et je pense que dans tous les gens que vous allez recevoir il y a des gens qui vont faire miroiter l'illusion de cette carte santé. Je pense que c'est une aide clinique mémoire, et ça a une valeur importante ? je ne veux pas la sous-estimer, je travaille avec une clientèle gériatrique qui, au quotidien, aimerait me donner plus d'information pour que j'aie une image plus éclairée, plus sérieuse, plus approfondie de sa compréhension de sa condition ? mais ce n'est pas un dossier médical, ce n'est pas un dossier pharmaceutique et ce ne sera pas un dossier infirmier non plus. Donc, je pense qu'il faut faire attention entre ce qu'on va véhiculer auprès de la population aussi comme acquis ou comme attentes par rapport à cet outil-là et les valeurs propres à cet outil, qui ont des limites mais qui ont quand même des bénéfices importants par rapport à la réalité actuelle.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. En conclusion, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui. Bien, les illusions, vous savez, ne sont pas entretenues seulement par les gens qui s'assoient au bout de la table là-bas, parfois elles viennent aussi du proposeur. Mais j'avais une dernière question à vous poser, je suis sûr qu'on me permettra de le faire. C'était, comme je l'avais annoncé tantôt, à la page 17, 5.5. Vous nous parlez de l'habilitation et vous nous dites: «À notre avis, la quantité de travaux, de comités et de sous-comités qui se sont penchés sur le sujet au cours des 10 dernières années aurait dû amener à clarifier ces droits d'accès ? à la lecture notamment de la carte ? avant la tenue de la commission parlementaire.» Et, à la fin, vous dites que vous avez participé au développement du projet finalement; comme Ordre, vous étiez impliqués sur différents comités directeurs soit de la Régie ou du ministère. Pouvez-nous dire si, à votre avis, il existe justement des projets ou des ébauches de ce qu'aurait l'air finalement la répartition de ces différentes habilitations aux différents professionnels? Est-ce qu'au cours des dernières années vous avez planché là-dessus avec d'autres? Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, M. Fernet.
M. Fernet (Paul): Oui. Merci, Mme la Présidente. M. le député, on a eu beaucoup de réflexions et on a partagé beaucoup de réflexions notamment avec d'autres ordres professionnels, et vous comprendrez qu'on ne voudra pas s'exprimer ici pour ces autres ordres professionnels là. Mais non seulement on est intimement convaincus que les pharmaciens devraient être parmi les intervenants qui ont un accès très général aux données contenues dans la carte, en raison du rôle pivot qu'on joue, qu'ont à jouer les pharmaciens en première ligne... Et on sait que le médicament est, je dirais, le moyen le plus souvent utilisé en termes de prestation de soins, en général.
Alors, non seulement on est intimement convaincus que les pharmaciens devraient avoir un accès très général à l'information, mais, en plus, la preuve est faite que les patients le veulent, à travers les démonstrations qui ont été faites dans les projets comme Rimouski, et, en plus ? ne voulant pas parler pour eux, vous pourrez leur poser la question ? les travaux que nous avons en comité conjoint actuellement avec le Collège des médecins nous confirment de façon très précise que les médecins et les pharmaciens et d'autres intervenants, mais notamment en ce qui concerne le contrôle de la médication et de l'accès de l'information, les médecins et les pharmaciens travaillent de pair et doivent partager cette information-là. C'est tout aussi critique entre ces deux catégories de professionnels qu'entre le réseau privé et public, qu'entre les établissements, etc. C'est le but supérieur visé, je pense, de mieux transmettre de l'information qui ne se substitue pas au dossier mais qui est une information utile à partager entre les intervenants. Les pharmaciens sont là pour la recevoir et l'utiliser correctement, cette information-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Fernet, M. Gendron, Mme Papillon, Mme Lamarre de même que M. Ducharme, merci d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire.
Je suspends les travaux pour quelques minutes et j'invite les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec à bien vouloir prendre place s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 4)
(Reprise à 15 h 6)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission reprend ses travaux, la commission des affaires sociales, afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec.
Alors, nous recevons maintenant les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Dr Yves Dugré, je vous cède la parole. Veuillez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît. Et puis vous avez une période, par la suite, de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. À vous la parole.
Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)
M. Dugré (Yves): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires et membres de la commission parlementaire, la Fédération des médecins spécialistes du Québec désire remercier les membres de la commission des affaires sociales de l'occasion qui nous est offerte d'exprimer notre opinion sur l'avant-projet de loi sur la carte santé du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, du Dr Michel Lallier, conseiller au conseil d'administration de la Fédération des médecins spécialistes et médecin spécialiste en chirurgie générale pédiatrique; le Dr Jacques Provost, à ma droite, est neurochirurgien et directeur des affaires professionnelles à la Fédération; et Me Sylvain Bellavance, à l'extrême-gauche, directeur des affaires juridiques de la Fédération.
La Fédération des médecins spécialistes, comme vous le savez, regroupe 34 associations de médecins spécialistes représentant toutes les disciplines médicales et chirurgicales et de laboratoires exercées au Québec, soit un total d'environ 7 500 médecins spécialistes. La Fédération a le mandat de défendre et de promouvoir les intérêts économiques, professionnels et scientifiques de ses membres. Mais, au-delà de cette vocation, la Fédération est aussi fermement convaincue de son rôle social et politique et participe activement au maintien d'une accessibilité aux soins pour tous les Québécois.
Devant les tensions qui ébranlent notre système de santé, la Fédération des médecins spécialistes du Québec se sent directement interpellée à participer à tout effort pouvant contribuer à l'amélioration du modèle québécois en matière de santé. Intervenante privilégiée du milieu, la Fédération se fait l'écho de ceux et celles qui sont au coeur du réseau de la santé en proposant une vision éclairée et des moyens d'action qui reflètent une pratique moderne de la médecine spécialisée. C'est donc sous l'angle des soins à la population que la Fédération souhaite intervenir dans le cadre des discussions concernant le projet de loi sur la carte santé.
Comme vous avez pu le voir dans notre mémoire, nous allons présenter trois commentaires généraux sur la carte, en particulier les vertus mêmes de la carte santé qui ont amené à notre adhésion à ce projet, les moyens pour optimiser la partie clinique de cette carte santé et enfin la question des coûts.
D'abord, les vertus de la carte santé. D'entrée de jeu, nous souhaitons insister sur notre appui indéfectible à tout projet d'informatisation du réseau qui aurait pour effet de permettre l'intégration des divers lieux de prestation des services de santé et la transmission d'information clinique visant à optimiser la prestation des soins pour nos patients. Avec le modèle de pratique actuel, l'évolution de la médecine a fait qu'on peut constater d'emblée l'achalandage important des cliniques sans rendez-vous, l'engorgement des urgences et la relation patient-médecin qui a évolué vers une relation beaucoup plus entre patient et groupe de médecins, entre patient et établissement qu'avec une relation un à un où, antérieurement, le patient était connu de son médecin et le médecin connaissait son patient. Donc, devant cette situation, tout projet qui va amener une gestion moderne de cette relation-là doit être appuyé.
n(15 h 10)n Donc, il est primordial que les médecins disposent de renseignements de santé précis et à jour sur les patients qui les consultent afin de leur permettre de mieux assurer leur diagnostic et leur traitement. Ainsi, l'accès à des renseignements tels que les allergies, les vaccins, les diagnostics confirmés et les antécédents médicaux, la médication, les résultats d'examens de laboratoire ou de radiologie ainsi que les patients qui sont par exemple porteurs de bactérie résistante, qui est un phénomène en émergence dont il faut s'occuper... Je crois que c'est un renseignement très pertinent qu'il soit inscrit sur la carte quand le patient se présente à l'urgence d'un établissement, s'il est reconnu comme porteur d'une bactérie résistante. Donc, il est primordial, ce projet, afin de permettre un meilleur suivi et un traitement des patients.
Et d'emblée on doit dire aussi que sur le plan général l'entreprise qu'est le système de santé doit se comparer aux entreprises les plus performantes. Et, dans toutes les entreprises les plus performantes dans ce monde, elles se dotent d'un système d'informatisation adéquat, à date et qui est toujours en évolution. Différents projets ont déjà été lancés afin de faciliter l'accès aux renseignements cliniques et à leur transmission. Mentionnons à titre d'exemple le projet de carte santé, à microprocesseur à Rimouski, carte santé à Laval et projet Arc-en-Ciel de Sainte-Justine, etc.
Aujourd'hui, le gouvernement et le ministre de la Santé nous proposent le projet de carte santé tel qu'explicité dans l'avant-projet de loi déposé. Comme on a pu le constater, ce projet reçoit un accueil des plus mitigés. Et j'ai fait la lecture des rapports, des mémoires qui ont été présentés, ainsi que mon groupe, et, de mémoire, sans faire de jeu de mots, c'est dans ces mémoires qu'on retrouve le plus de points d'interrogation. Il y a beaucoup de points d'interrogation dans tous les mémoires, ce qui fait... et nous aussi, nous en avons.
Nous pouvons en effet nous poser plusieurs questions face au projet de carte santé: S'agit-il de la meilleure façon de parvenir au résultat souhaité? D'autres projets doivent-ils être évalués? La Régie de l'assurance maladie du Québec devrait-elle agir à titre de dépositaire des données? La confidentialité des renseignements de santé des patients est-elle assurée? Et autant de questions, autant de réponses.
Pour nous, la Fédération, les objectifs cliniques visés par ce projet de carte santé sont toutefois louables et auraient pour effet, si rencontrés, de permettre aux médecins de disposer de meilleurs renseignements de santé lors d'une consultation et ainsi leur permettre de prodiguer un suivi et un traitement optimum. Pour cette seule raison, le projet de carte santé s'avère prometteur et mérite d'être poursuivi. C'est pourquoi la Fédération est disposée à donner la chance au coureur et à croire aux vertus de ce projet et à y donner son appui.
Ceci étant dit, les médecins spécialistes ne sont toutefois pas dupes. Ce projet a depuis ses débuts été décrit et expliqué autant par les divers intervenants extérieurs que par ceux-là même qui l'ont élaboré comme un projet répondant à des impératifs de contrôle administratif plutôt qu'à des objectifs cliniques. Ainsi, on a fait miroiter des économies fabuleuses qui pourraient notamment découler du contrôle de l'admissibilité des patients. Or, la Fédération ne saurait adhérer au projet de carte santé si tel était l'objectif poursuivi. Dans l'état actuel des finances publiques et devant les besoins énormes auxquels est confronté notre système de santé, on ne peut cautionner l'octroi d'un budget de 159 millions à cette seule fin, il s'agirait d'une dépense injustifiée.
Ce n'est que récemment que le discours gouvernemental s'est ajusté et que l'on a commencé à insister sur les vertus cliniques du projet de carte santé. Certains croient qu'il ne s'agit là que de poudre aux yeux, que d'une tactique visant à obtenir le soutien des médecins et de la population. Il va sans dire que l'on peut être justifié de se questionner. Toutefois, au-delà de ces questionnements, il importe d'examiner les dispositions de l'avant-projet de loi. Il nous est alors permis de constater que la création d'un résumé des renseignements de santé et de l'information qui y sera contenue s'avérera bénéfique pour les patients québécois et leurs médecins. La Fédération est donc disposée à croire à la bonne foi du gouvernement et de son ministre de la Santé et à leur volonté de promouvoir d'abord et avant tout cet outil indispensable d'information qu'offre le résumé des renseignements de santé des patients québécois.
La Fédération entend toutefois suivre de près l'évolution de ce projet de carte santé afin que le gouvernement respecte cet objectif et agisse en conséquence. À ce niveau, bien des modalités demeurent à être définies et des investissements monétaires plus importants qu'estimés devront être effectués afin de garantir le succès de cette opération. C'est ce que nous désirons aborder maintenant. Donc, étant donné que nous y trouvons des vertus principalement à cause de son aspect clinique, l'adhésion de la Fédération... Et, s'il s'agit seulement d'un projet de contrôle administratif, nous ne sommes pas partie prenante à ce projet. S'il s'agit simplement d'un projet Régie de l'assurance maladie du Québec, évidemment non, ce n'est pas un projet administratif. Notre adhésion vient tout simplement qu'il s'agit d'un projet qui regarde les patients et les soins.
L'importance d'optimiser l'utilisation du résumé de renseignements de santé. L'examen de l'avant-projet de loi nous amène à nous poser plusieurs questions sur les modalités d'application du projet de carte santé et leur impact sur la pratique médicale. Quels seront les profils d'accès des divers professionnels appelés à obtenir une carte d'habilitation? Quel sera le rôle du médecin eu égard à la gestion du consentement du patient? Comment s'effectuera l'inscription des données au résumé de santé? Quelles données devront être inscrites relativement à chaque catégorie de renseignements prévue à l'article 50? Qui inscrira ces données au résumé: à l'hôpital, en cabinet privé?
Plusieurs éléments demeurent à être déterminés par règlement et nous empêchent donc de nous prononcer sur l'applicabilité de certaines des dispositions de l'avant-projet de loi. La Fédération invite le gouvernement à mieux définir ces modalités dans le cadre du projet de loi à être déposé. Le projet de carte santé s'avère des plus importants pour l'ensemble de la population, il importe donc de limiter le renvoi au règlement. À ce niveau, trois principes importants doivent nous guider dans la détermination de ces différentes modalités d'application. Premièrement, ces modalités doivent être développées de façon à optimiser l'utilisation de la carte santé et du résumé des renseignements de santé par les patients et leurs médecins. Deuxièmement, ces modalités doivent être définies de façon à s'adapter à la réalité de la pratique médicale et de la pratique professionnelle autant en établissement qu'en cabinet privé, et non l'inverse. Enfin, ces modalités doivent être déterminées en concertation avec les intervenants impliqués du milieu de la santé.
Devant les pénuries actuelles en effectifs médicaux et infirmiers, il importe de ne pas accentuer l'ampleur des tâches administratives des professionnels de la santé, lesquels ont déjà beaucoup de difficulté à satisfaire à la demande de soins de la population. Le rôle des médecins consiste d'abord et avant tout à soigner leurs patients, et on ne saurait remettre en question le temps consacré à cette fin. L'on doit donc faire en sorte de minimiser le travail administratif requis dans le cadre du projet de la carte santé et s'assurer que celui-ci peut être effectué par des auxiliaires compétents qui pourront assister les professionnels de la santé dans leurs tâches. Donc, l'optimisation de la carte dans son aspect clinique passe par une convivialité de l'utilisation pour les médecins et il est important de poursuivre le processus de consultation ? tel que les comités directeurs, les comités d'habilitation à la carte ? pour justement réduire le renvoi à un règlement et avoir une idée claire pour obtenir l'adhésion à la fois des patients et des médecins sur l'utilisation de cette carte.
Les coûts afférents au projet de carte santé. Le gouvernement a estimé le coût du projet de carte santé à un investissement initial de 159 millions et à un coût récurrent de 34 millions, le tout afin de permettre des économies d'environ 45 millions par année au titre de contrôle de l'admissibilité au régime. L'objectif de ce projet ne doit pas se traduire par ce genre d'économies mais plutôt en fonction de l'optimisation de la prestation des soins aux patients et de l'amélioration de leur suivi et de leur traitement. L'informatisation du réseau et l'accès à une meilleure information clinique vont dans ce sens.
L'atteinte de cet objectif nécessite toutefois un investissement beaucoup plus important que celui annoncé par le gouvernement et le ministre de la Santé dans le cadre de ce projet de loi. En effet, il est impératif d'assurer notamment l'informatisation des laboratoires et des centres d'imagerie médicale ainsi que la mise en réseau de l'ensemble des lieux de prestation, tels que les CLSC, les cabinets de médecins et les hôpitaux. À ce niveau, il nous faut déplorer le silence du gouvernement sur l'ensemble des coûts rattachés à ce projet. En ce qui a trait notamment aux cabinets privés de médecins, lesquels constituent une base importante du réseau de santé, on ne peut leur demander d'assumer les coûts reliés à l'acquisition d'équipements et de logiciels informatiques et à leur mise en réseau. Les médecins devront être compensés pour tous les coûts reliés à l'implantation de la carte santé.
Le gouvernement doit donc faire preuve de leadership, reconnaître dès maintenant tous les coûts reliés à l'implantation de la carte santé et du résumé des renseignements de santé et annoncer dès maintenant sa volonté d'effectuer les investissements nécessaires à ce niveau. À défaut d'agir de la sorte, le gouvernement ne fera que confirmer les appréhensions de plusieurs à l'effet qu'il n'entend pas promouvoir d'abord et avant tout les vertus cliniques du projet de carte santé. Le gouvernement ne doit pas laisser planer le doute sur l'aspect clinique de la carte Accès santé pour ainsi gagner l'adhésion de tous à ce projet.
n(15 h 20)n Quant aux commentaires spécifiques qui font partie du mémoire, je me limiterai à deux commentaires, Mme la Présidente. Premièrement, la carte Accès santé ne doit pas être plus compliquée et comporter plus de tracas administratifs que celle que nous avons actuellement, sinon l'adhésion et l'optimisation de cette carte peuvent en être compromises. Deuxièmement, il est important également ? et nous le faisons dans les commentaires spécifiques ? de connaître immédiatement les couleurs plutôt que de réglementer a posteriori les modalités d'application et donc de continuer le processus de consultation avec les intéressés, à savoir les patients et les médecins, les pharmaciens et autres collègues dans le domaine de la santé.
En conclusion, la Fédération réitère son appui à un projet de carte santé dont l'objectif premier et principal consiste à favoriser l'informatisation du réseau et la transmission des données cliniques de santé des patients. Cet objectif ne pourra être atteint que si les modalités d'application du projet de carte santé sont définies de façon à assurer la participation des patients et de leurs médecins à la création, à la mise à jour et à l'utilisation du résumé des renseignements de santé. De plus, ces modalités d'application devraient être élaborées en concertation avec les intervenants impliqués du milieu de la santé.
Finalement, le gouvernement doit s'engager à effectuer tous les investissements reliés à l'informatisation, à la mise en réseau de l'ensemble des lieux de prestation de services de santé, lesquels s'avèrent, croyons-nous, supérieurs à ce qui a été annoncé. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Dr Dugré. Maintenant, je cède la parole au ministre.
M. Legault: Oui. Bien, d'abord, je voudrais vous remercier, Dr Dugré, et ceux qui vous accompagnent, donc Dr Lallier, Dr Provost et Me Bellavance. Merci pour votre mémoire qui est de qualité, qui est très clair aussi, merci aussi pour l'appui sur les composantes importantes du projet. Je suis content de vous entendre dire, Dr Dugré, qu'une organisation performante commence avec des systèmes d'information performants. C'est bien, on se rejoint de ce côté-là. Je suis content de voir que la Fédération donne son appui de façon générale, là, à l'informatisation du réseau et aux objectifs aussi cliniques qui sont visés par le projet. Donc, vous nous dites que ce sont des objectifs qui sont louables, qui permettent aux médecins de disposer de meilleurs renseignements lors d'une consultation. Et je vous cite: «...ainsi leur permettre de prodiguer un suivi et un traitement optimums.» Vous dites que, «pour cette seule raison, le projet de carte santé s'avère prometteur, mérite d'être poursuivi».
Je suis content aussi de voir que vous nous dites que «la création d'un résumé des renseignements de santé et de l'information qui y sera contenue s'avérera bénéfique pour les patients et leurs médecins». Donc, sur tous les objectifs, je pense, cliniques, on s'entend, Donc, je pense que c'est un appui important, là, d'une fédération qui représente 7 500 médecins spécialistes qui sont membres de votre fédération.
Maintenant, au niveau des modalités, vous avez des commentaires entre autres sur les informations qui sont contenues dans le résumé, puis j'aimerais ça y revenir. Vous nous dites que c'est primordial que dans le résumé tous les renseignements y soient afin de permettre un meilleur suivi, un meilleur traitement des patients. Juste pour être bien clair: Est-ce que vous êtes d'accord avec le Collège des médecins qui est venu nous dire que le résumé doit être complet? Est-ce que vous êtes d'accord avec cette approche? Donc, ça serait une modification au projet de loi.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): M. le ministre, notre approche est la suivante, c'est d'optimiser le contenu clinique de cette carte et de ne pas la retarder. Donc, jusqu'à un certain point, nous sommes d'accord avec le Collège qu'il y ait le plus de renseignements, le plus de données disponibles dans la carte. Mais si c'est au prix d'un délai ou d'un report... Il y a plus de 10 ans et encore plus qu'on essaie d'avancer dans un projet d'informatisation de cet ordre-là. Les éléments qui apparaissent dans l'avant-projet de loi, qui sont les médicaments, le résumé, c'est des éléments qu'il faut commencer. Et la carte, croyons-nous, promet, nous permettra de rajouter par la suite.
Quant à l'approche du patient, à savoir est-ce que tout le dossier doit être dans la carte ou tout le résumé et qu'il n'y ait pas de zone grise ou de cachette ou d'éléments de retrait ou à la discrétion du patient, là on a à jouer une limite d'optimisation et de libertés individuelles du patient. Je pense que nos patients sont jaloux, avec raison, de certains renseignements. Mais il faut agir plutôt sur la vente, convaincre les patients que ce programme, cette carte est à leur bénéfice, et on aura un maximum d'adhésion. C'est notre position dans ce sens-là. D'obliger les gens à ce que tous les renseignements soient directement dans la carte, ce n'est pas notre position. Je pense qu'il y a une certaine liberté du patient à respecter, mais il faut minimiser les impacts négatifs de ce côté-là en rendant cette carte-là conviviale et que le patient l'achète spontanément parce qu'il va y voir un avantage.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Dugré. M. le ministre.
M. Legault: Donc, votre position, si je comprends bien, c'est de mieux expliquer ou d'expliquer à la population les avantages, disons, d'avoir toutes les information incluses au résumé, mais vous seriez d'accord, si je vous comprends bien, pour laisser le projet de loi comme il est là, c'est-à-dire de permettre à des patients qui choisissent que certains renseignements ne soient pas inclus au résumé, de pouvoir le faire. Est-ce que c'est bien ce que je dois comprendre?
M. Dugré (Yves): C'est notre position, mais il faut... C'est pour ça qu'on parle dans le mémoire de leadership, d'avancer le projet pour qu'il soit vraiment acceptable par la majorité des patients. Et je crois... Les gens qui sont ici sont en pratique et la majorité de nos patients sont d'accord avec ça, les études le montrent, les sondages également, mais il faut donc minimiser cet impact négatif là. Mais je comprends, dans le projet également, sur la carte apparaîtrait un signal si les renseignements sont incomplets. Et, comme nos prédécesseurs les pharmaciens l'ont dit: Ça n'enlève rien aux médecins dans la pratique actuelle de questionner le patient, même s'il arrive déjà avec son sac de médicaments, de lui demander s'il les a pris, etc. Donc, ça n'enlève pas le dossier actuel et la nécessité clinique du médecin actuel de questionner son malade et de l'examiner. C'est un outil parce que, comme on l'a exprimé, la pratique, aujourd'hui, l'arrivée à l'urgence dans une foule où il y a une liste d'attente, où il y a un débit, que ce soient les cliniques sans rendez-vous également, c'est important d'avoir le plus rapidement possible les renseignements de base par rapport à un patient. Est-ce qu'il prend des antiplaquettaires? Est-ce que c'est un hypertendu, etc.? Donc, il y a des actions concrètes et rapides à faire et, si on se réfère simplement au dossier d'assurance médicaments, la gestion même, l'optimisation de la prescription passe par un tel résumé au moins de la médication, en tout cas. Donc, c'est...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le ministre.
M. Legault: Maintenant, Dr Dugré, vous nous dites que vous souhaitez qu'on accélère donc la mise en place de cette carte à puce dont on parle depuis longtemps. Concernant la détermination des profils d'accès, vous nous dites, comme d'autres groupes d'ailleurs, que vous préféreriez qu'on détermine dans le projet de loi les profils d'accès plutôt que de le faire par règlement. La raison pour laquelle il était suggéré de le faire par règlement, c'était pour se donner une flexibilité puis aussi voir l'évolution des professions. Comme vous le savez, il y a des discussions actuellement qui ont cours concernant les différentes professions, entre autres, entre les médecins puis les pharmaciens. Est-ce que vous souhaitez absolument... Parce que vous souhaitez aussi être consultés, donc il faudrait comme faire une consultation sur la prédétermination des profils d'accès avant, pour pouvoir l'inclure tout de suite dans le projet de loi. Mais, juste pour que je comprenne, pourquoi vous tenez à ce que ce soit fait tout de suite? Est-ce que vous ne voyez pas certains avantages à se garder une flexibilité de l'ajuster selon l'évolution des pratiques au cours des mois, des années qui viendront?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Oui, M. le ministre. Un seul commentaire, et je vais passer la parole à mon collègue de gauche, Dr Lallier, qui a participé à la carte d'habilitation. C'est clair que, pour nous, on avait tellement de questions quand on s'est réunis pour écrire le mémoire, puis on s'est réunis également avec nos collègues omnipraticiens, résidents, etc., pour cerner toute la discussion, et le Collège également. Tout le monde autour de la table avait tellement de questions que ce n'est pas terminé, cette discussion-là, et on doit consulter. C'est le sens de notre propos.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Lallier.
M. Lallier (Michel): C'est en fait pour être certain qu'entre autres, si on parle d'«opting in» et d'«opting out» pour les patients... On n'a toujours pas de réponse à savoir qu'est-ce qu'il va y avoir pour les médecins sur la carte d'habilitation, entre autres. De ce que je comprends du règlement actuellement, de l'avant-projet de loi, on va être obligés d'en faire partie, on n'aura pas le choix. Si je suis dans un cabinet privé, puis que je ne fais pas de pratique hospitalière, et que je ne veux pas avoir ce contact-là d'informatique, est-ce que je peux me retirer de la carte d'habilitation? Tout ça, on ne les a pas là-dedans. C'est des questions qu'on va avoir. Si ça vient par règlement, c'est toujours un peu plus risqué. En tout cas, on trouve ça plus risqué. Entre autres, un des aspects par rapport aux médecins surtout est la carte d'habilitation qui n'avait pas été touchée à fond.
n(15 h 30)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Lallier. M. le ministre.
M. Legault: Oui. Donc, si je comprends bien, votre inquiétude, c'est davantage pour qu'on s'assure de vous consulter sur la détermination des profils d'accès, donc... Je pense, puis je peux vous le confirmer tout de suite: les règlements vont faire l'objet d'une consultation, entre autres auprès de votre fédération. Donc, est-ce que c'est quand même pensable, pour assurer peut-être une plus grande flexibilité, de la faire par règlement, donc, cette prédétermination des profils d'accès?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Bon. C'est évident qu'on veut avoir le plus de clarté puis on veut... Il y avait tellement de questions dont on n'avait pas de réponse que cette consultation-là, on n'en doute pas... Mais c'est beaucoup plus clair et beaucoup plus limpide quand c'est déjà... qu'on peut se prononcer sur un élément qui est sûr, ou sur un peut-être, après ça. Donc, c'est notre position, disons, on veut vraiment participer. Nous croyons que nous allons participer, on a confiance de ce côté-là. Mais, par contre, les règlements, c'est... la consultation, c'est après. Je veux dire, ça nous échappe un peu plus, cette partie-là. Donc, on veut vraiment être partie prenante au départ. Et, connaissant tous les aléas ou les tenants et aboutissants, bien, notre proposition va être d'autant plus solide.
Il y va de l'adhésion des médecins. Tout ça est dans le but d'avoir une adhésion plus grande des médecins. Si le projet... On voit l'adhésion des patients, qu'on a parlée dans l'intervention précédente, là on parle maintenant de l'adhésion des médecins ou des autres intervenants, de nos collègues. Donc, il faut ne pas laisser planer le doute, jamais, que ce sera à l'avantage des patients et du côté clinique et qu'il n'y a pas un tracas administratif supplémentaire. Donc, c'est dans un but d'optimiser la carte Accès santé, donc c'est de la rendre plus conviviale et que les médecins y adhèrent le plus facilement possible. C'est, nous croyons, c'est... la façon la plus simple, c'est que ce soit explicité le plus possible avant.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Legault: Maintenant, vous proposez de modifier le texte de l'article 90 en ajoutant les mots «ou de sa profession». Vous dites, là... Donc, le texte de l'article 90 se lirait, si je comprends bien, comme suit: «Une erreur ou une omission faite de bonne foi par une personne dans l'exercice de ses fonctions ou de sa profession ne constitue pas une infraction au sens de la présente loi.» J'essaie juste de comprendre pourquoi vous voulez ajouter «ou de sa profession». Qu'est-ce qui est visé par votre modification que vous suggérez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Permettez-moi de passer la parole à Me Bellavance.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Bellavance, vous avez la parole.
M. Bellavance (Sylvain): Action juridique. Ha, ha, ha! Ce serait de l'exercice illégal du droit s'il y répondait. Écoutez, une revue, un examen rapide de l'avant-projet de loi démontre que, dans plusieurs articles, lorsqu'on qu'on fait référence à des intervenants, on en parle des fois en tant qu'intervenants qui exercent une fonction, mais, à d'autres endroits également, on parle d'intervenants qui... dans le cadre de leur profession. Alors, on semble, dans le reste du projet de loi, faire une différence entre la fonction et la profession. Alors, on dit toujours: Le législateur ne parle pas pour rien dire, s'il a fait une différence là puis il ne l'a pas faite aux pénalités ou au niveau de la présomption de bonne foi, ça peut être problématique. Alors, puisque ces termes-là se retrouvent déjà ailleurs ? je n'ai pas les articles précis devant moi, mais vous pourrez effectivement constater qu'on fait une référence au terme «profession» dans les articles antérieurs ? alors il s'agirait de s'assurer que le pendant soit fait au niveau des pénalités. Parce qu'il y a des pénalités qui sont importantes, et ce qu'on veut s'assurer à ce niveau-là, c'est que le médecin qui va commencer dans cette nouvelle ère, si on veut, de carte santé et qui va devoir s'adapter, qui va devoir suivre un peut tout ça, bénéficie de la même présomption que les autres à ce niveau.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.
M. Legault: Maintenant, peut-être une autre question pour Me Bellavance. Quand vous parlez de l'attestation de l'admissibilité, vous suggérez une autre modification, là, aux articles 93 et 110, vous suggérez de remplacer «s'il a préalablement obtenu de la Régie l'attestation de l'admissibilité et de la couverture de cette personne aux services assurés», vous proposez de remplacer ça par «si l'attestation de l'admissibilité et de la couverture de cette personne aux services assurés a préalablement été obtenue de la Régie». C'est peut-être bien subtil, mais peut-être m'expliquer. Quelle différence y a-t-il entre les deux?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Bellavance.
M. Bellavance (Sylvain): Dans un cas, c'est... Dans le premier cas, on voit que le médecin, parce qu'on parle à ce moment-là... ou le professionnel de la santé, parce qu'on est maintenant dans des dispositions qui réfèrent à la Loi sur l'assurance maladie, le professionnel de la santé on lui impose ces aspects, disons, qui restent dans le projet de loi sous contrôle administratif. On lui dit: Avant d'avoir droit à être rémunéré pour ses services, il doit avoir obtenu une attestation d'admissibilité du patient. Il doit l'avoir obtenue, «s'il». «S'il», c'est l'intervenant de la santé, «il». C'est moi comme... En fait, c'est eux, comme médecins, qui devront avoir obtenu ça. Alors, dans toutes les questions que le Dr Dugré a mentionnées tout à l'heure et qui restent pendantes, et on en a glissé un mot au niveau des profils d'accès, comment est-ce que ça va fonctionner en tant que tel, disons, à l'entrée à l'hôpital? On a eu des démonstrations à ce niveau-là qui peuvent laisser supposer qu'à entrée à l'hôpital ce seront des préposés à la réception qui vont obtenir le consentement et qui vont, à ce moment-là, peut-être imprimer le résumé de santé et le mettre dans le dossier, qui, lui, va circuler dans l'hôpital. Jamais le médecin ne sera intervenu pour obtenir quoi que ce soit à ce moment-là. Il y aura eu une attestation d'obtenue, mais ce ne sera pas lui qui l'aura obtenue. C'est une nuance qui peut être importante.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Me Bellavance. M. le ministre.
M. Legault: Oui. Bon, je pense qu'effectivement, là, on s'entend bien, en tout cas sur l'objectif. Dans le cas que vous précisez, ça serait à l'entrée et à la sortie où on aurait la vérification qui serait faite par un préposé, probablement. Donc, ça veut dire que les spécialistes qui seraient rencontrés pendant le séjour à l'hôpital, là, n'auraient pas à vérifier l'admissibilité. Donc, il faut voir, là, avec nos avocats si c'est nécessaire de faire les changements, mais je pense qu'on dit la même chose de ce côté-là. Je pense que ça fait le tour, Mme la Présidente, pour mes questions.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. C'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Il me fait plaisir de vous rencontrer à nouveau. Peut-être une question qui suit, là, les questions du ministre tantôt et surtout son engagement qu'il a pris vis-à-vis votre Fédération, et j'imagine l'ensemble des intervenants, à l'égard de la réglementation qui suivra à l'effet que vous serez consultés. On a entendu un peu plus tôt, avant vous, l'Ordre des pharmaciens qui nous rappelait que, depuis de nombreuses années, ils cheminaient avec le gouvernement sur le projet. Je pense que vous insinuez un peu la même chose.
Permettez-moi cette question: N'avez-vous jamais été consultés sur tout au moins des scénarios de profils d'accès? N'avez-vous jamais été consultés sur ce que vous nous dites, qu'on n'a pas toute l'information puis là on aurait aimé mieux l'avoir dans un projet de loi? Là, on vous dit: Ça va être un règlement, on va vous consulter plus tard. Mais vous n'avez jamais été sur une table, ou un comité directeur, ou quelque chose où on a parlé de ce genre de choses?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Madame, il y a deux têtes grises ici. Mon voisin de droite, le Dr Provost participe depuis longtemps à des projets depuis le début des années quatre-vingt-dix. Je vais le laisser parler sur ce sujet-là, parce qu'il a participé depuis longtemps.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Provost.
M. Provost (Jacques): L'Ordre des pharmaciens et l'Ordre des médecins, le Collège des médecins du Québec ont toujours entretenu entre eux des conversations sans nous inviter officiellement, et, lorsqu'on parle de, toujours, de déterminer des profils d'accès, ça a toujours été entre les ordres et non pas avec les fédérations.
M. Fournier: Puisque vous me renvoyez la balle avec les ordres et que les fédérations n'étaient pas les porte-parole, est-ce que les ordres auxquels vous référez étaient en discussion avec... soit avec la RAMQ à l'égard de cet avant-projet de loi ou avec le gouvernement lui-même? Et est-ce que, à votre connaissance, il y a eu des scénarios de profils d'accès qui ont été esquissés avant de mener le projet de loi?
Bon, je vais vous dire quelque chose comme je le vois. On a un avant-projet de loi qui nous arrive sur la table, à peu près tout le monde qui vient ici disent: C'est bien beau, mais il y a encore tellement de questions qu'on ne sait pas ce que ça veut dire. Moi, assis ici, je suis pris avec la question suivante: Ou bien personne n'a jamais pensé aux profils d'accès, auquel cas ça me semble être improvisé comme avant-projet de loi, ou bien quelqu'un y a déjà pensé puis on ne veut juste pas me les montrer, les scénarios de profils d'accès. C'est un des deux.
Alors, je vous pose la question: Est-ce qu'il y a des scénarios à quelque part, même si l'idée gouvernementale n'est pas arrêtée, ce qui est correct, on peut se le dire, quand les choses sont claires au moins on se comprend, ou bien il y a déjà eu des discussions qui ont eu lieu sur le sujet?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Provost.
n(15 h 40)nM. Provost (Jacques): Merci, madame. Les discussions antérieures ont eu lieu entre les ordres. Pour vous démontrer un peu les profils d'accès: lorsque le patient va se présenter à l'hôpital, quelqu'un de l'admission va lui demander sa carte, il va... bon, ils vont voir l'admissibilité, et immédiatement il va avoir un résumé papier des renseignements cliniques qu'on va glisser dans le dossier du patient à l'hôpital. Tous, qu'elles soient infirmières, qu'ils soient médecins omnipraticiens, spécialistes, pharmaciens, dentistes, tout le monde va avoir accès.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...un technicien.
M. Provost (Jacques): Alors, ça me semble très... ça me semble plutôt une détermination qui va être plutôt facile à faire, cet exercice.
M. Fournier: Vous parlez du résumé qui serait accessible à tout le monde?
M. Provost (Jacques): Oui.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Y compris la réceptionniste?
M. Provost (Jacques): Bien, oui.
M. Fournier: Je n'ai pas compris que c'était ça, le projet, là, remarquez bien, là.
M. Provost (Jacques): Bien, oui.
M. Fournier: J'ai compris que le résumé serait accessible à différentes catégories. Il y avait différentes parties du résumé qui seraient accessibles à différentes catégories de professionnels, là.
M. Provost (Jacques): Bien, non. Sinon, ça se... concrètement, pratiquement, dans la vie quotidienne dans les hôpitaux, ça ne sera pas vivable.
M. Fournier: Alors, ce que vous nous dites, c'est que le résumé accessible... dès qu'on arrive à la porte d'entrée de l'hôpital il va être accessible. Ce qui était inscrit dans le résumé va être accessible à tout le monde.
M. Provost (Jacques): Oui. Bien que... comme, si vous voulez, le dossier papier du patient, de chacun des patients est accessible à tout le monde.
M. Fournier: Oui. Non, je comprends la situation actuelle. En ce moment, il y a un dossier patient établissement, si on veut.
M. Provost (Jacques): Qui est beaucoup plus complet.
M. Fournier: Tout à fait.
M. Provost (Jacques): Alors là on avoir une aide qui s'appelle un résumé.
M. Fournier: Mais qui est néanmoins limité aux épisodes de soins à l'intérieur de cet établissement.
M. Provost (Jacques): Oui.
M. Fournier: Là, ce dont on parle, c'est des résumés multiétablissements, si on veut, l'ensemble de l'histoire est résumée. Et ce que vous me dites, c'est que, selon vous, votre interprétation, c'est que ce résumé-là va être accessible à tout le monde, peu importe la catégorie de professionnels à laquelle on parle... dont on parle. C'est ce que vous nous dites.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Provost.
M. Provost (Jacques): Oui. Merci. Et c'est ça qui va arriver dans la vie pratique quotidienne.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.
M. Fournier: On continuera de poser des questions là-dessus. M. Dugré, voulez-vous ajouter?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay. Oui, vous voulez un complément... vous voulez ajouter quelque chose, Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): S'il vous plaît. Évidemment, ça fait partie des questions. Ça fait partie des questions, comment ça va s'actualiser. Nous avons déjà demandé un prototype de fonctionnement à la Régie de l'assurance maladie. On nous a présenté une façon de fonctionner en cabinet. Mais, ce type de prototype là, comment ça va s'actualiser, ça fait partie de nos questions. Ça fait partie de nos questions dans ce sens-là: Comment ça va s'actualiser? Le patient se présente à l'hôpital avec sa carte, et est-ce qu'il la passe au bureau de l'admission? Qu'est-ce qui arrive dans le deuxième? C'est toutes des modalités qu'il s'agit de déterminer, qui doivent être précisées compte tenu de toutes les contraintes du patient, de la confidentialité du dossier et de la faisabilité, de la convivialité d'un tel résumé. Ce sont tous des éléments qu'on doit regarder.
M. Fournier: Permettez-moi cependant de vous dire que j'ai plutôt l'impression que j'ai eu une réponse tantôt plutôt qu'une question.
M. Dugré (Yves): Mais vous avez une réponse, c'est comme ça qu'on pense que ça devrait se passer...
M. Fournier: Ah, excusez. Excusez.
M. Dugré (Yves): ...mais, je veux dire, ce n'est pas nécessairement... Vous avez posé la question...
M. Fournier: ...
M. Dugré (Yves): ... ? je m'excuse, M. le député ? comment on pouvait voir ça, parce qu'on avait déjà réfléchi à la façon dont ça se passait, et je croyais...
M. Fournier: Je parlais... Peut-être que j'ai mal posé ma question. Ma question était: Votre lecture de l'avant-projet de loi vous fait-elle comprendre que le résumé sera accessible à tout le monde ou qu'il y aura des profils d'accès différents selon la catégorie de professionnel? Donc, je crois comprendre maintenant que la réponse que vous m'avez donnée, c'est ce que vous espéreriez.
M. Provost (Jacques): Oui.
M. Fournier: Et ce n'est pas ce que vous avez lu néanmoins dans l'avant-projet de loi.
M. Provost (Jacques): Bien non, parce qu'on...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Provost.
M. Provost (Jacques): Merci. C'est parce qu'on appelle... on va déterminer des règlements. Il va y avoir des rencontres entre les ordres qui vont se faire. Tout ça va se faire après l'avant-projet de loi.
M. Fournier: Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je voudrais revenir sur la page 6 de votre mémoire qui parle notamment de la question des coûts. Je fais brièvement, là, un retour en arrière: «À ce niveau, il faut déplorer le silence du gouvernement sur l'ensemble des coûts rattachés à ce projet[...]. Le gouvernement doit [...] faire preuve de leadership, reconnaître dès maintenant [...] les coûts reliés à l'implantation[...]. À défaut d'agir de la sorte, le gouvernement ne fera que confirmer les appréhensions de plusieurs à l'effet qu'il n'entend pas promouvoir d'abord et avant tout les vertus cliniques du projet de carte santé.» Bon, vous nous dites: Malheureusement, le gouvernement ne nous a pas dit quels sont l'ensemble des coûts envisagés par ce projet-là. De votre côté, parce que j'ai cru comprendre que vous vous posez des questions puis des fois vous vous donnez des réponses, est-ce que vous vous êtes donné une réponse à celle-là? Est-ce que vous avez... Approximativement, là, vous n'êtes pas en position pour donner un chiffre absolu, mais, selon vous, l'ensemble du projet informatisation, là, de toutes les sources d'information qui vont être véhiculées par la carte, c'est quoi?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Je ne me transformerai pas en spécialiste de la fiscalité et des coûts. Mais tout ce qu'on dit, c'est qu'il ne nous apparaît pas prévu dans ce projet et dans les coûts actuellement du projet l'informatisation des cabinets de médecins. Comment ça sera déterminé? Est-ce que c'est un PC par médecin ou par polyclinique? Comment ça va fonctionner? Ce n'est pas déterminé. On mentionne également que, si on veut dans l'avenir avoir une projection, il faut penser à informatiser les données d'imagerie médicale, si on veut avoir vraiment un bénéfice pour le patient, que le côté clinique se développe. Donc, ça prend également... Je vois qu'il y a de l'argent de prévu pour la mise à jour des données, mais qui va faire ça, comment ça va être fait, évidemment est-ce que c'est compris dans le coût? Nous avons plein de questions à ce point de vue là. On espère qu'on va avancer dans le dossier de l'informatisation des laboratoires. Je pense que nos collègues omnipraticiens, dans le projet actuellement aussi des groupes de médecins de famille, si on veut intégrer les groupes de médecins de famille, nos collègues omnipraticiens avec la deuxième ligne, et des éléments de laboratoire ou d'imagerie médicale qui sont faits à des cliniques de radiologie ou dans les laboratoires, c'est essentiel de le faire. Nous sommes rendus à cette étape-là. Donc, nous croyons que c'est de beaucoup supérieur à ça. Mais, si on n'annonce pas... notre position, c'est que, si on n'annonce pas qu'on va poursuivre dans l'optimisation du dossier clinique, c'est comme si, dans le fond, on va se contenter d'un petit dossier résumé peut-être sur les médicaments, et, dans un tel cas, le projet n'est pas nécessaire s'il est pour arrêter à ce niveau-là. C'est la position dans laquelle... qu'on présente aujourd'hui.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Donc, quand vous dites: Il faut poursuivre, il faut accélérer même ? je pense que vous n'avez pas dit «accélérer», tantôt...
M. Dugré (Yves): Pas ralentir, en tout cas.
M. Fournier: ...oui, pas ralentir ? c'est dans le sens où le processus ne doit pas s'arrêter au premier palier pharmaceutique mais se développer sur l'ensemble. Quand je vous ai entendu tantôt parler justement d'accélérer, entre guillemets, mais, en tout cas, de ne pas ralentir, je pensais à un autre groupe qu'on va recevoir tantôt, la Fédération des médecins résidents, qui... Et je vais citer un passage de leur mémoire: Dans le contexte actuel, compte tenu des enjeux auxquels est confronté le Québec pour maintenir un système de santé publique, la Fédération des médecins résidents du Québec suggère que l'on reporte le projet d'implantation de la carte santé. La Fédération est d'avis que beaucoup d'autres secteurs du réseau méritent une attention immédiate afin d'améliorer la qualité et l'accessibilité des soins accordés au patient, que ce soit en modernisant le parc technologique ou en favorisant le désengorgement des salles d'urgence ou la réduction des listes d'attente. Enfin, je pourrais continuer.
Vous avez l'esprit du mémoire, c'est à peu près ceci: C'est de se dire: Quel est le gros problème qu'on a au Québec en santé? L'accessibilité aux soins. Et, quand on parle d'améliorer les diagnostics ou d'assurer... là, on est plus dans... d'améliorer le soin lui-même, mais, en termes d'accessibilité aux soins, lorsqu'on regarde les budgets, là on se dit: Peut-être qu'il y a d'autres choses à faire. Et vous me dites: Difficile quand même de savoir l'ensemble des coûts que représente l'implantation de la carte à microprocesseur.
Comment réagissez-vous à la proposition des médecins résidents? J'ai cru comprendre tantôt que, autant avec les omnis que chez vous et que les résidents, il y a eu quand même quelques discussions autour de l'avant-projet de loi. Cette question-là est probablement venue sur la table. Comment les spécialistes réagissent à cette demande?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Nous avons participé, comme plusieurs d'entre vous également, à de multiples commissions, forums, assemblées, pour voir comment est... diagnostiquer, ausculter notre système de santé. Aucun de ces forums ou réunions n'a manqué de souligner le problème de l'informatisation du réseau. Quand on regarde les problèmes principaux auxquels nous sommes confrontés actuellement, on pense médicaments, on pense urgence, salles d'urgence, et dans ces deux domaines-là, c'est clair que l'informatisation est nécessaire si on veut avancer. Il y a besoin d'investissements, oui, mais commençons par informatiser si on veut vraiment venir qu'à le régler sur une base récurrente et avoir un système qui soit le plus efficient possible avec les ressources qu'on a. Donc, dans ces deux domaines-là qui nous préoccupent, et qui préoccupent certainement, on le voit à tous les jours dans les journaux, les urgences et les médicaments, à chaque fois ça passe par une informatisation meilleure, et c'est pourquoi nous croyons que ce projet-là est prometteur dans ce sens-là. Et nous ne nions pas les besoins d'investissements pour l'accessibilité sur les listes d'attente, ou que sais-je, mais, dans ces deux secteurs-là, je pense que l'informatisation est nécessaire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, monsieur.
M. Fournier: Une dernière question avant de passer la parole à ma collègue de Laviolette. Selon le Collège des médecins, je ne veux pas dénaturer leur pensée, mais ils nous présentaient l'avant-projet de loi sur la carte à puce ? ça s'appelait comme ça ? comme étant la phase III, et la phase I étant l'informatisation, c'est-à-dire le contenu à ce qui va être véhiculé dans le véhicule qui, lui, serait plus l'architecture de la carte à puce. Quand je vous entends parler d'informatisation, est-ce que je vous décode de la même façon que le Collège des médecins, c'est-à-dire qu'il y a un besoin d'informatisation avant de passer au véhicule, ou si ça se fait les deux en même temps, ou la carte à puce avant et puis on verra par la suite ce qu'on rentre dans le véhicule?
n(15 h 50)nLa Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Merci, Mme la Présidente. Je pense que nous avons tous les deux les mêmes objectifs. En tant que médecins nous faisons partie du Collège, et, quand le Collège parle, je pense qu'il a parlé en notre nom également, parce que, en tant que médecins spécialistes ou omnipraticiens, nous sommes tous membres du Collège. Donc, on parle d'une informatisation. Sauf que la position du Collège m'apparaît, sans vouloir la juger ici, comme étant... on veut avoir l'ensemble immédiatement. Et notre position est la suivante: le projet actuel est un acquis sur lequel on doit bâtir, et commençons-le dès maintenant, ça ne nous empêchera pas éventuellement d'inclure plus de renseignements cliniques. C'est un peu... On est dans la même direction, sauf que la modalité est différente. Nous, on dit: Si on fait une informatisation massive de dossiers patients partageables, par exemple, qui est un excellent concept, dans lequel... ça existe déjà dans d'autres pays, je veux dire, si on attend d'arriver à ça, ce n'est pas demain la veille. Il y a beaucoup d'éléments à réunir avant ça. Donc, commençons par ce projet-là qui, lui, est porteur, et prometteur, croyons-nous. Et c'est l'attitude qu'on défend aujourd'hui.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Dugré. Mme la députée de Laviolette.
Mme Boulet: Alors, bonjour, messieurs. Je vous souhaite la bienvenue. Alors, tantôt, quand j'écoutais M. le ministre, il semblait décrire votre position comme étant une position très enthousiaste par rapport à ce projet-là, alors que, moi, je pense plutôt que vous avez l'air très inquiets. Vous avez soulevé beaucoup d'inquiétudes. Vous avez dit que, dans la santé, il y avait des besoins beaucoup plus urgents, que, l'argent qui était investi dans ça, ce serait bon de l'investir également dans plein d'autres projets qui ont besoin énormément de financement à l'heure actuelle. Vous avez dit que ça ne doit pas être plus compliqué que la carte qu'on a à l'heure actuelle, qu'on doit connaître les modalités d'application, qu'on doit optimiser le contenu clinique de la carte. C'est toutes des choses que vous avez dites et que je partage entièrement.
Tout à l'heure, on a rencontré, avant vous, l'Ordre des pharmaciens, qui semblait nous dire que cette carte-là est en quelque sorte illusoire, dans le sens que, au ministère, on prétend que ça va être un outil miraculeux puis que ça va changer le monde, ça va révolutionner le domaine de la santé.
Alors, j'aimerais savoir: Pour vous, est-ce que vous pensez que ça va être si miraculeux ou que finalement ça va être un outil qui va être complexe, qui va être plutôt incomplet, qui va être discrétionnaire puis que finalement on va investir beaucoup d'argent, mais que l'impact ne sera pas nécessairement celui qu'on espère compte tenu des coûts qu'on va mettre dans ce projet-là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): J'ai eu l'occasion d'entendre l'Ordre des pharmaciens et sa position sur l'illusion de la carte. C'est clair que pour nous, médecins pratiquant auprès de nos patients, ça n'exclut pas le dossier clinique, la responsabilité du médecin d'avoir son propre dossier dans son cabinet et d'avoir un dossier complet également dans l'hôpital, et ce résumé-là est un outil afférent. Et je pense que l'intervenante, la pharmacienne qui a parlé pratiquait surtout au niveau... dans la gériatrie en tout cas, dans les patients âgés. Et, si on regarde la démographie actuelle, par rapport à cette population-là, celui qui ne croit pas que ça peut aider, d'avoir un résumé de dossier comprenant les médicaments, je pense qu'il n'a pas pratiqué, parce que, à tous les jours, c'est... il faut demander à des gens, c'est clair qu'il y a une confusion dans les médicaments.
Donc, c'est un outil. À ce point de vue là, nous n'avons jamais cru et ne croyons pas non plus que c'est un résumé complet, mais c'est une aide certainement efficace. Que ce soit seulement pour la médication, quand on regarde toutes les interactions médicamenteuses, nous l'avons dit dans l'assurance médicaments, en l'an 2000, on va revenir, je crois que nous allons être consultés de nouveau là-dedans, pour optimiser la prescription, entre autres l'interrelation des intervenants pharmaciens et médecins prescriveurs, avec un résumé de la médication, je pense que c'est essentiel aujourd'hui. Parce que, avoir, en temps réel... Si, dans une compagnie, on est capable de savoir quelle pièce d'auto, quelle pièce, n'importe où, est située dans l'inventaire, je pense qu'il est essentiel qu'un patient qui se présente dans une urgence, en urgence, on ait en temps réel et immédiatement quels sont les médicaments que théoriquement il peut prendre. Je suis d'accord qu'il ne les a peut-être pas pris même s'ils sont écrits sur sa carte, mais ça n'empêche pas le médecin de le questionner. Mais c'est essentiel.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes et demie, Mme la députée de Laviolette.
Mme Boulet: Bon. Mais, à ce que je comprends, votre préoccupation principale, Dr Dugré, c'est: vous voulez connaître le dossier médical dans le sens de ce qu'il prend comme médicaments, O.K., le dossier pharmaceutique. Mais là on est bien loin de ce que le projet nous présente à l'heure actuelle, là. Dans le projet, à l'heure actuelle, il y a des coûts considérables: on ne sait pas ce que ça va coûter, l'informatisation, on veut étendre ça à tous les intervenants du réseau de la santé, que ce soit dans les CLSC, que ce soit... Alors là ce n'est pas du tout la même chose, là. Que vous vouliez avoir accès aux médicaments que l'individu prend, votre patient qui arrive à l'hôpital en urgence, ou peu importe, c'est tout à fait légitime. Mais, dans le projet qui est là sur la table, c'est beaucoup plus complexe, beaucoup plus large comme application et, de par ce fait, c'est très onéreux et beaucoup plus complexe à gérer. Alors, il faut faire la distinction.
Moi, je suis d'accord avec le fait qu'on doive connaître la médication d'un patient, je pense que c'est légitime puis c'est très approprié. Mais il y a une lourdeur qui est dans le projet, une lourdeur administrative qu'on n'est pas en mesure d'expliquer, ni comment elle va se faire, ni comment elle va être... qu'est-ce que ça va impliquer comme coûts au gouvernement. Je pense qu'il y a une distinction très nette à faire en ce sens-là. Et, si c'est des montants qui sont deux fois puis trois fois le montant qu'on avance dans le projet actuel, bien, je pense que notre réseau a des besoins qui sont impératifs et très urgents qu'il faudrait peut-être mettre en priorité.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dugré.
M. Dugré (Yves): Notre position va même plus loin, on dit même que les coûts qui sont annoncés ne sont pas suffisants, même s'ils sont importants. Mais, malgré ça, il faut regarder pour optimiser donc le dossier non seulement les médicaments, mais on parle d'informatiser le réseau des cabinets de radiologie et même des établissements pour avoir des rapports d'imagerie médicale qui sont essentiels pour le suivi, le continuum de soins et également les diagnostics de laboratoire.
Donc, notre position, c'est: optimiser la partie clinique. Si on se résumait seulement à un minirésumé qui comprendrait, mettons, peut-être seulement les médicaments et le contrôle administratif, c'est clair qu'on n'a pas besoin d'une carte à microprocesseur. Juste pour les médicaments, on n'a pas besoin de tout ce projet-là. C'est pour ça qu'on dit: S'il y avait un signal que le gouvernement arrêtait d'investir et se contentait simplement d'une carte à microprocesseur pour contrôler l'admissibilité du patient et avoir la médication, on n'a pas besoin de tout ça, il y a d'autres techniques pour obtenir le même rendez-vous... les mêmes rendements.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, le temps mis à notre disposition est déjà écoulé. Dr Dugré, Dr Lallier, Dr Provost de même que Me Bellavance, nous vous remercions pour votre participation à cette commission.
Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps de permettre au Dr Luc Bessette de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 58)
(Reprise à 15 h 59)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous voulez prendre place, s'il vous plaît? Alors, la commission poursuit ses travaux concernant les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec. Alors, je souhaite la bienvenue au Dr Luc Bessette, qui est médecin d'urgence au CHUM, membre de la Table de concertation de la Régie de l'assurance maladie du Québec sur le dossier carte santé et du Comité du dossier médical du CHUM. Alors, bienvenue, Dr Bessette. Vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole.
M. Luc Bessette
M. Bessette (Luc): Merci beaucoup. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je suis médecin d'urgence. Comme plusieurs de vous le savent déjà, j'ai souvent été critique vis-à-vis le ministère des Affaires sociales, notamment en ce qui concerne la gestion des salles d'urgence. Personne ne peut me taxer de complaisance. Toutefois, je sais reconnaître une initiative ministérielle intelligente quand j'en vois une.
n(16 heures)n Recentrée sur le droit des individus aux meilleurs soins de santé, la carte santé pourrait fort bien en être une majeure et structurante. Assortie à un dossier médical partageable, elle pourrait effectivement constituer un outil clinique important et un instrument de développement de la société québécoise.
Ma pratique comme médecin d'urgence d'un hôpital universitaire aux prises avec une clientèle difficile, notamment les clientèles d'itinérance, de toxicomanie, de délinquance, de troubles psychiatriques et de misère socioéconomique, me positionne aux premières loges pour constater la nécessité d'un tel instrument. Le partage d'information favoriserait grandement une meilleure prise en charge des problèmes complexes de gens dont les informations médicales pertinentes sont disséminées de façon anarchique en plusieurs points du réseau.
Une grande partie de notre temps clinique, de celui des infirmières, des pharmaciens d'urgence et des travailleurs sociaux d'urgence, est consacrée à la reconstitution des histoires cliniques, pharmacologiques et sociales de ceux et celles qui consultent en urgence. Il ne fait nul doute dans mon esprit qu'un tel outil permettrait, s'il est conçu correctement, d'alléger cette problématique, de permettre de prodiguer de meilleurs soins plus rapidement et à moindres coûts.
C'est pourquoi j'ai cru important de faire partie de la Table de concertation visant à définir le contenu informationnel de ce dossier partageable. Malheureusement, il est vite apparu que la pertinence clinique de cet outil semblait devoir être inféodée au sécuritarisme appréhendé de la Commission d'accès à l'information. J'avais la curieuse impression d'être en visite chez quelqu'un qui, par crainte de son chien de garde, lui laisse le lit dans la chambre des maîtres et va piteusement se coucher dans la niche. Inutile de dire que, par le fait même, plusieurs collègues de la Table de concertation m'ont trouvé mauvais coucheur.
Nous en sommes arrivés à un consensus intégré à l'avant-projet de loi. J'ai manifesté à la Table de concertation que je pourrais vivre avec ce compromis en autant que des clarifications et modifications importantes soient amenées. En effet, l'introduction du principe du consentement du patient à consigner ou non des informations à son résumé de renseignements de santé et les nouvelles dispositions pénales référant à la divulgation non autorisée de certaines de ces informations modifient la présomption de bonne foi du patient et l'obligation de moyens du praticien de la santé. Or, les modifications et clarifications recherchées n'ont pas été amenées.
J'ai aussi manifesté à cette Table que je trouvais le consentement à la pièce technologiquement et méthodologiquement aberrant tout en étant contreproductif au niveau économique. Cette prise de position a depuis été confortée par celle du Collège des médecins du Québec et par le rapport Sicotte. Par ailleurs, plusieurs autres voix se sont élevées pour critiquer le projet de loi actuel. Certaines critiques m'apparaissent justes, d'autres me semblent mal fondées, voire même relever de la fabulation. Permettez-moi de les commenter pour en arriver à faire une synthèse constructive, quelques suggestions opérationnelles et y aller de ma recommandation principale.
Tout d'abord, j'aimerais disposer de l'objection qui veut que la carte santé ne soit qu'un instrument de contrôle électronique administratif déguisé sous forme d'instrument clinique. Non seulement un volet peut coexister avec l'autre, mais il me semble évident qu'une bonne gestion financière du réseau est essentielle au maintien de la qualité des services cliniques. De plus, il est vrai qu'il y a trop souvent duplication non nécessaire de tests de laboratoire ou d'imagerie et que surviennent aussi des maladies ou problèmes de santé iatrogènes, c'est-à-dire provoqués par des complications du traitement lui-même, notamment par des interactions médicamenteuses évitables. Si le déploiement de la carte santé permet de minimiser les coûts de santé associés et si ces coûts récurrents s'avèrent supérieurs à l'investissement de capital et à l'amortissement des 159 millions budgetés, l'ensemble de la société québécoise y gagnera. En effet, la même enveloppe budgétaire dévolue à la santé pourrait offrir tous les services actuels et en plus en financer d'autres à hauteur des sommes épargnées.
Malheureusement, il faut constater que la RAMQ a bien mal expliqué ces choses. En évitant cette dimension comptable et en se réfugiant derrière le résumé de renseignements de santé tout en retardant la publication d'un rapport d'évaluation critique, elle a alimenté la théorie du complot et de Big Brother. Toutefois, ce n'est pas parce qu'une démarche est malhabile qu'elle en perd sa pertinence.
La RAMQ n'a pas chiffré ses économies car elles sont impossibles à évaluer avec précision, faute d'instruments de gestion adéquats et performants. C'est d'ailleurs là, il faut se l'avouer, un des buts recherchés avec la carte: pouvoir mieux cerner en temps réel en quoi et pourquoi le réseau nous coûte 17 milliards chaque année. Malgré cette absence de données brutes, il apparaît plus que vraisemblable que les économies générées seraient nettement supérieures au coût imputé à la mise en place d'un tel système. Une estimation conservatrice des coûts de santé évitables, secondaires aux complications médicales et notamment aux interactions médicamenteuses, ne peut guère les évaluer inférieurs à environ 1 % des coûts de santé. Sur une enveloppe budgétaire afférente aux soins hospitaliers aigus de près de 6 milliards, cela représenterait 60 millions annuellement; en supposant que 50 % des coûts sont compressibles, cela fait 30 millions.
Citons aussi qu'une étude faite par le Dr Tamblyn, de l'Université McGill, avait évalué qu'une prescription médicamenteuse sur trois faites dans la région de Montréal est faite par un médecin qui ne connaît ni le patient, ni son histoire, ni ses antécédents. Et malheureusement beaucoup de ces patients ne connaissent pas non plus les mots pour décrire leur histoire médicale, leur médication, leur diagnostic ou même les résultats des examens qu'ils ont passés. De là viennent les risques d'erreur, la répétition d'examens, de tests de laboratoire et les visites de contrôle subséquentes pour informer les patients des résultats de ces tests.
Quels coûts seraient évitables, encore là, si la médication, les diagnostics ou les résultats de tests de laboratoire ou d'imagerie étaient disponibles en réseau? Difficile d'évaluer précisément, mais probablement de la dizaine de millions de dollars annuellement. En somme, il y a une logique comptable qui sous-tend l'implantation de la carte assortie d'un résumé de renseignements de santé. On n'a pas à soulever, comme certains, la théorie du complot et du contrôle étatique sournois pour justifier la décision d'investissement de la RAMQ; dommage pour les amateurs de X-Files. Il est vrai toutefois que la validité de l'argument économique dépendra de l'architecture choisie pour la mise en place du système. En effet, si on doit doter dès maintenant tous les établissements du réseau et les cliniques de systèmes d'information tout électroniques, il en coûterait plusieurs autres centaines de millions de dollars. Dans ces conditions, l'argumentaire ci-haut ne tiendrait plus. Or, rien de tout ça n'est vraiment nécessaire pour initier le projet. Cela m'amène donc à commenter le rapport Sicotte.
On a fait beaucoup de cas dans les journaux du fait que la RAMQ refusait de rendre disponibles des documents essentiels en faisant référence notamment au rapport Sicotte. À sa sortie, on a fait état d'un rapport dévastateur remettant en cause le principe même de la carte santé. Aussi, je me suis empressé de me le procurer et j'ai constaté à ma grande satisfaction que, sur l'ensemble, nos évaluations se rejoignent. Or, ce n'est pas tant la carte santé qui est remise en cause mais son application dans le cadre étroit de l'expérimentation conduite. Non, si le rapport Sicotte est dévastateur, c'est à mots couverts vis-à-vis l'encadrement tatillon, rigide et mal adapté des critères de sécurité et de confidentialité mis en place pour satisfaire la Commission d'accès à l'information. En effet, à la page 56 du rapport, le professeur Sicotte écrit: «L'élément le plus troublant du dossier carte santé demeure paradoxalement l'accent qui est mis sur la sécurité [...] et le contrôle complet donné au patient quant à l'alimentation et la consultation des données cliniques. Cette primauté donnée à la sécurité a pour effet de grandement diminuer, du point de vue des professionnels de la santé, l'utilité de ce système. L'objectif de sécurisation des données semble avoir pris le dessus sur l'objectif de constituer un système d'information utile et adapté aux exigences de la pratique clinique ainsi qu'aux exigences de la gestion du système de soins. Sur ce plan, une analyse plus complète envisageant le droit à la santé et non pas seulement le droit à la vie privée devrait être de mise.» Dans un langage moins diplomatique, les exigences que semble avoir commandées la Commission d'accès à l'information font partie du problème et non de la solution. Aussi, il faudra un profond recentrage des priorités pour que le projet de la carte santé gagne l'intérêt et l'adhésion des professionnels de la santé. En effet, le projet vitrine a permis de mettre en évidence trois facteurs responsables de la faible utilisation de la carte lors de cette expérimentation limitée: défaut de conception ? un carnet médical trop limité, contrôle discrétionnaire laissé au patient, incapacité d'accès aux données dénominalisées aux fins collectives de santé publique ? difficulté d'alimentation des systèmes informatisés en milieu clinique et, troisièmement, rigidité des choix technologiques en matière de sécurité et confidentialité. Malheureusement, deux des trois défauts de conception rapportés par le professeur Sicotte ont été maintenus dans l'avant-projet de loi sous prétexte d'exigences de sécurité et de confidentialité qui m'apparaissent nettement mal avisées, à savoir: le contrôle discrétionnaire laissé au patient sur le choix de l'information consignée au dossier partageable; deuxièmement, l'interdiction d'utilisation des données même dénominalisées aux fins d'analyses secondaires.
Il faut toutefois savoir que la Table de concertation, bien consciente des limitations du contenu du dossier carte santé expérimenté à Laval, avait opté pour une version évolutive de ce dossier médical partageable que recommande le professeur Sicotte. Cependant, trois considérations essentielles avaient aussi été prises en compte: La grande valeur ajoutée de la sommarisation de renseignements de santé disponibles immédiatement à partir d'une lecture unique. C'est-à-dire qu'en salle d'urgence, quand on doit voir quelqu'un ? comment je te dirais ? qui se présente à nous et qu'on veut pouvoir faire une intervention rapide, il est important pour nous d'avoir une image claire de sa situation en peu de temps. On ne peut pas avoir à consulter quatre ou cinq dossiers électroniques qui sont archivés à distance parce que le temps ne nous le permet pas.
La non-disponibilité avant plusieurs années de systèmes d'information numérisée accessibles à l'échelle de l'ensemble du réseau, cela fait en sorte qu'il est impossible de créer dès maintenant tous les pointeurs nécessaires à la création d'un dossier virtuel complet à partir des différents dossiers électroniques locaux d'un même patient. Autrement dit, le dossier virtuel partageable, tel que recommandé par le professeur Sicotte, est probablement intéressant, mais, dans les faits, il est impossible à réaliser présentement parce que les informations vers lesquelles on devrait pointer ne sont tout simplement pas encore numérisées.
n(16 h 10)n Troisièmement, l'inexistence d'un système expert intelligent apte à sommariser de l'information disparate distribuée sur des centaines de pointeurs pour établir un portrait fidèle de l'histoire médicale d'un individu et dont le temps de consultation est moins de deux à trois minutes. En langage clair, ça veut tout simplement dire que, si on voulait demander... Admettons qu'il existe, ce système, que tous les réseaux soient informatisés à l'échelle de la province, qu'on puisse faire des pointeurs sur tous les réseaux, bien, si on demande une information sur quelqu'un qui n'a pas un gros dossier médical, c'est facile, on va avoir rapidement une réponse qui va être constituée, qui va être une synthèse facile d'accès; si la personne est très malade ou a eu plusieurs dossiers à plusieurs endroits, il va y avoir un empilage de données, un peu comme quand vous faites sur le Web une recherche sur un sujet. Bon, prenons un exemple. Vous faites une recherche sur le Web sur moi, vous allez avoir peut-être quatre ou cinq entrées. Si vous en faites une sur le premier ministre Bernard Landry, vous allez en avoir des milliers d'entrées. Si vous voulez avoir une synthèse, un synopsis du parcours de vie ou des choses signifiantes au niveau collectif à propos d'un individu, si vous avez 2 000 entrées, c'est très difficile à faire. Alors, pour le médecin d'urgence ou pour une personne qui voit quelqu'un pour la première fois, consulter un dossier à partir d'un empilage de données, ce n'est pas toujours évident et ça ne serait même pas pertinent, souvent.
Pour toutes ces raisons, il a été établi que le dossier partageable évoluerait d'abord à partir de la consultation du dossier pharmacologique actif du patient complété par l'intégration de sommaires d'hospitalisation de façon à y inclure diagnostics confirmés et antécédents personnels et médicaux. À cela s'ajouteraient, au fur et à mesure de leur disponibilité, les informations pointables telles que résultats de test de laboratoire, d'imagerie médicale, accès à des informations locales pointables sur les systèmes d'information locaux d'établissements ou les serveurs dédiés à cet effet. Cette solution a l'avantage d'être immédiatement réalisable, évolutive et favorise à terme une intégration convergente des systèmes d'information disparates et de maturité variable. Alors, il est intéressant de noter que c'est là aussi une des voies envisagées pour intégrer les différents dossiers du CHUM en transition vers un dossier médical électronique unique en 2007. Autrement dit, ça peut être un bon élément de départ et, au fur et à mesure que les différents dossiers électroniques se compléteront localement dans tous les établissements du réseau, eh bien, on pourra, à partir de ce moment-là, compléter ce dossier ? comme je pourrais dire ? ce résumé de renseignements par les pointeurs qui vont faire référence sur les informations qui sont colligées ailleurs et accessibles en réseau.
Cette évolution progressive, notamment à partir de la création d'un dossier pharmacologique, répondrait ainsi à la demande du Collège des médecins qui, dans son mémoire, demande un outil de partage d'information sur la médication, auquel pourrait se greffer un aviseur thérapeutique.
Malheureusement, le projet de loi, en donnant au patient le contrôle discrétionnaire sur l'information consignée à son résumé de renseignements de santé, en invalide grandement la pertinence au risque de le rendre insignifiant. En effet, comment pourra-t-on savoir que l'aviseur thérapeutique nous suggère le bon traitement quand le patient a le loisir de nous dissimuler la nature d'une médication qu'il prend et qui peut interagir avec celle que nous voulons lui prescrire. Outre que cette disposition de l'avant-projet de loi invalide la valeur des aviseurs thérapeutiques, elle invalide aussi en grande partie l'argumentaire économique de l'implantation. Évidemment, si on n'est pas capable faire les économies des coûts de santé associés aux interactions médicamenteuses parce qu'on ne peut pas mettre un aviseur thérapeutique sur des dossiers qui sont fragmentaires, bien, ce que je viens de dire tout à l'heure à propos des économies ne tient plus. Et ça invalide aussi... Elle crée aussi des difficultés méthodologiques et technologiques importantes, voire insurmontables, et risque de susciter des imbroglios juridiques tels que décrits dans la première version de mon mémoire qui vous est parvenue et à laquelle je vous fais référence. Craint-on à ce point le pouvoir médical et le partage d'information sensible pour en arriver à penser qu'on serait mieux servi par un médecin ignorant et impuissant?
Une autre des dispositions contre-productives du projet de loi est l'incapacité qui est créée de pouvoir accéder à des données dénominalisées à des fins de santé publique ou d'analyses secondaires comme support à la recherche et au développement. Alors, les données dénominalisées, ce sont des données sur un dossier de santé dans lequel est enlevé le nom, l'adresse, le numéro de téléphone, enfin toutes les données qui peuvent permettre d'identifier un individu.
Voyons ce que dit de cette disposition dans le rapport Sicotte, à la page 33: «Un élément problématique du dossier carte santé demeure l'accent mis sur la sécurité des données. Ce souci a entraîné l'adoption de deux mesures de sécurité qui rendent inexploitables les données du DSC à des fins sociétales de santé publique... Compte tenu de cette impossibilité d'exploiter les données à des fins de santé publique, la rentabilité clinique, sociale et économique de maintenir un tel système est grandement affaiblie. Or, les expériences étrangères, tant européennes qu'américaines, adoptent une stratégie diamétralement opposée. Ils mettent en place des systèmes permettant les analyses secondaires. La confidentialité des données sensibles et le droit à la vie privée sont préservés grâce à des mesures de sécurité, la principale étant la dénominalisation des données versées dans les fichiers servant aux analyses statistiques... Les règles de confidentialité adoptées en la matière permettent d'obtenir un équilibre entre les intérêts individuels et les intérêts collectifs.» Évoquant le spectre du danger de potentiels recoupages d'information entre différentes banques de données, certains veulent, à contre-courant de ce qui se fait partout dans le monde développé, priver la société québécoise de banques de données riches de connaissances. On sait tous que le progrès comporte certains dangers: les villes, les autoroutes, la circulation automobile, l'électricité, des dangers que nous avons apprivoisés et circonscrits de façon effective. D'autres sociétés, par contre, ont choisi de refuser même de s'exposer à ces dangers qu'elles jugent inacceptables. C'est le cas des Amish, une société d'une grande moralité, mais, avouons-le, au rayonnement culturel et scientifique modeste. Voulons-nous vraiment comme société faire le choix d'être les Amish de l'information et des banques de données médicales?
Sans alimentation systématique de données, le résumé de renseignements de santé perd toute sa pertinence et devient vite périmé et sans grande signification. Cela a été relevé par le professeur Sicotte, et j'en conviens.
À l'article 59, le projet de loi oblige les intervenants habilités à inscrire les renseignements dans le résumé de renseignements de santé d'une personne dans la mesure où les ressources matérielles dont il dispose le lui permettent. Cet article n'est pas clair au niveau opérationnel et l'obligation qui est faite aux médecins se doit de tenir compte de l'environnement de travail. Que l'on pense notamment aux difficultés voire à l'impossibilité de procéder ainsi en salle d'urgence.
La mécanique discutée et entérinée à la Table de concertation avait le mérite d'être fonctionnellement réaliste. On constituait d'abord un dossier pharmacologique avec l'aide des pharmaciens, auquel s'ajoutaient les informations sommaires colligées en établissement à chaque épisode de soins. Ce procédé avait le mérite d'alimenter initialement les résumés à partir de données consignées par pharmaciens et archivistes. Puisque ceux-ci disposent déjà des outils informatiques et d'un environnement opérationnel leur permettant de le faire, on n'aurait pas initialement à y investir des dizaines de millions de dollars supplémentaires. Étendre l'obligation à tous d'emblée me semble naïf, contre-productif et pas du tout nécessaire. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire les mémoires du Collège des médecins du Québec et de la FMOQ. Au surplus, si le dossier est ainsi constitué et complet, libéré des défauts de conception notés plus haut, les médecins s'y intéresseront vivement, d'autant plus qu'ils pourront y joindre des aviseurs thérapeutiques réclamés.
En résumé, une alimentation systématique et complète débutant avec un dossier pharmacologique auquel s'ajouteraient progressivement les sommaires des épisodes de soins puis ultérieurement pointeurs et accès aux informations archivées à distance permettraient de lever la barrière à l'utilisation créée par le contexte clinique.
Rigidité des choix technologiques. Non seulement le professeur Sicotte note que c'est l'emphase excessive mise sur la sécurité qui a nui à la mise en oeuvre du système de carte santé, mais que cette sécurité apparente est en fait un leurre. À la page 78 de son mémoire, il écrit: «Le DCS, malgré les mesures de sécurisation strictes dont il fait l'objet, ne résout nullement les problèmes de sécurité et de confidentialité dans la mesure où les données servant à alimenter le DCS sont simplement recopiés et demeurent sur les systèmes sources.» En clair, cela se résume ainsi: Dans la logique du nouveau projet de loi, un résumé de renseignements de santé est constitué à partir de données consignées originellement au CHUM. Le patient pourra y faire omettre des données qu'il juge sensibles. Pour avoir accès à ce résumé de renseignements de santé, un médecin ou tout autre intervenant habilité devra avoir une carte d'habilitation et la carte santé du patient lui donnant droit à consulter ce résumé personnel. Une trace électronique de cette lecture de données par le médecin subsistera dans le système le rendant imputable de l'utilisation qu'il fera de ces informations résumées et desquelles le patient aura pu retirer préalablement ce qu'il ne veut pas communiquer. Fort bien!
Or, au même moment, faute d'autres moyens de communication, le dossier papier plus complet du même patient, constitué dans un des trois pavillons du CHUM, est encore acheminé par taxi ou messager à un autre pavillon du CHUM, s'il y est requis pour consultation. Et cela, sans journalisation, c'est-à-dire sans que quiconque sache qui voit quoi ni quand il le voit.
Ces dossiers contiennent des renseignements personnels et devraient donc tomber sous la coupe de la Commission d'accès à l'information qui administre la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Aussi, il m'apparaît extrêmement curieux de voir le zèle avec lequel la CAI veut enrégimenter la communication de résumés de renseignements médicaux, alors qu'elle semble se désintéresser à amener des solutions concrètes à la sécurisation de renseignements personnels de dossiers autrement plus détaillés et explicites. Dans ce contexte, le projet de loi tel que rédigé ne sert ni les impératifs cliniques ni même n'assure la sécurité et la confidentialité des renseignements personnels consignés aux dossiers médicaux. À l'évidence, le projet doit être modifié.
n(16 h 20)n J'ai déjà écrit dans les médias qu'avant le droit à la vie privée il y a le droit à la vie. J'ajouterais maintenant le droit aux meilleurs soins de santé collectivement disponibles. Ça devrait être là aussi le mandat du ministère de la Santé vis-à-vis la population du Québec. Le projet de carte santé aurait pu grandement y contribuer. Malheureusement, ce projet a été vicié à sa base en le subordonnant à l'intégrisme de l'apôtre de la vie privée. Dénaturé, il a tellement perdu de sa substance qu'il en est devenu un projet législatif actuel à peu près irréalisable et peu souhaitable. Ce qu'il y a de plus paradoxal, c'est que la sécurité et la confidentialité des dossiers médicaux, hospitaliers notamment, ne pourront être assurées que le jour où on aura développé et instauré des mesures d'imputabilité telles que le permettrait la journalisation des accès. Le projet de carte santé, avec son procédé d'habilitation et de signature électronique, devait à terme y conduire.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, mon propos est clair, il est grand temps de reprendre en main ce projet et de le recentrer sur le droit à la santé. Entre la peur du changement et le progrès, je choisis le progrès. Entre un risque minime de souffrir de voir exposée une information sensible ou le risque de m'exposer à l'erreur médicale, je préfère l'indiscrétion. Et si par bonheur on fait une loi qui permettrait de sanctionner non seulement l'indiscrétion par rapport à des renseignements versés à mon résumé de santé mais aussi par rapport aux renseignements versés à mon dossier médical, je me sentirai rassuré. Collectivement, nous devons savoir et vouloir nous en donner les moyens.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Bessette, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole au ministre.
M. Legault: D'abord, Mme la Présidente, je voudrais saluer Dr Bessette et le féliciter pour la clarté de son mémoire. Je pense que personne ne peut vous taxer de ne pas avoir été clair dans votre présentation. Merci aussi pour votre engagement, votre dévouement. Vous avez fait partie de la Table de concertation sur le projet de carte santé; donc, merci pour cet engagement. Votre témoignage est important parce qu'il est concret. Vous travaillez, comme vous l'avez dit tantôt, à l'urgence du CHUM. Vous nous avez dit que donc vous étiez d'accord avec la mise en place du résumé des renseignements de santé parce que, vous dites, ça permet une meilleure prise en charge des patients et aussi ça permet de faire un gain de temps dans la reconstitution des dossiers.
J'aimerais ça peut-être que vous nous expliquiez de façon pratique, dans vos opérations de tous les jours à l'urgence, comment ce résumé de renseignements pourrait vous permettre de faire des gains de temps et comment aussi il pourrait vous permettre d'améliorer votre pratique, comment vous voyez vivre ce dossier, l'apparition de ce nouveau résumé dans votre pratique.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Bessette.
M. Bessette (Luc): Merci. Alors, pour beaucoup de patients... Ce n'est pas le cas pour tous évidemment à l'urgence. Quand les gens ont un problème relativement simple, on n'a pas besoin de consulter le dossier antérieur. Souvent, les gens nous arrivent... Et puis le CHUM est encore beaucoup plus compliqué parce que, comme vous le savez, comme ministre de la Santé, très souvent une urgence est fermée dans un des pavillons et les patients qui consultent dans ce pavillon-là habituellement sont envoyés dans l'autre pavillon. Ils ont peut-être consulté la veille ou l'avant-veille ou même la semaine passée. Il y a des informations très pertinentes: de laboratoire, des tests qui ont été faits, une investigation qui est en cours et qui n'est pas disponible parce que les trois dossiers du CHUM ne communiquent pas ensemble, O.K.? Donc, on est souvent obligés, parce que le délai de transmission des données étant important, de répéter des examens de laboratoire, de répéter certains tests pour avoir une idée un petit peu plus claire de quel est le diagnostic ou la nature du problème.
Et, quand, par bonheur, ce patient est un patient qui était le nôtre auparavant, on attend le dossier antérieur qui nous est amené des archives pour avoir une idée claire de la problématique d'un patient qui nous arrive; au moins connaître son histoire antérieure. Très souvent même, depuis la dernière visite, le patient aura revu d'autres médecins ailleurs, en cabinet. De nouvelles médications auront été prescrites. Le patient, on lui demande, il ne sait pas quelles sont ces médications. On est obligés d'appeler à la pharmacie du patient, quand il se rappelle le nom de sa pharmacie, parce qu'il y en a souvent plusieurs.
Là, ce que l'on fait présentement en salle d'urgence, c'est qu'on demande au pharmacien de l'urgence de s'en charger, parce qu'on a un pharmacien à la salle d'urgence qui travaille en bonne partie à essayer de consolider l'histoire pharmacologique des différents patients qui nous arrivent. Ces patients-là peuvent avoir aussi une problématique sociale. Alors, le travailleur social est obligé d'entrer en contact avec son CLSC, d'entrer en contact avec les autres établissements où le patient est suivi pour pouvoir lui faire une orientation après son épisode de soins aigus à l'urgence. Parce que, à défaut d'avoir les informations, on est obligés de garder les gens plus longtemps pour savoir comment les orienter. Donc, c'est un facteur... Le manque d'information non seulement est une problématique qui crée des coûts, parce qu'on est obligé de répéter des tests; crée des engorgements, parce qu'on est obligé de garder des gens pour les réorienter quand on ne sait pas comment le faire; et qui peut nous exposer aussi, le manque d'information, à des erreurs de prescription qui elles-mêmes peuvent générer éventuellement des coûts de santé.
Alors, à plusieurs niveaux, on est dans un système. Et puis traiter en médecine, ce n'est pas juste traiter de l'information, mais c'est traiter aussi à partir d'informations. Et le processus de collecte d'information... Vous savez, à Rimouski, ce n'est pas un gros problème parce qu'il y a un hôpital. Comment je peux dire, il y a un laboratoire, il y a un centre de radiologie. L'information est consignée dans le dossier de Rimouski, on a toujours la chance de pouvoir y aller. Mais, à Montréal, les consultations sont éclatées. Et, comme je disais dans mon mémoire, Mme Tamblyn, qui avait fait une analyse épidémiologique sur les prescriptions médicamenteuses à Montréal, notait qu'une prescription sur trois est faite par un médecin qui ne connaît pas vraiment le patient à qui il prescrit. C'est énorme. Alors, vous vous imaginez ce que ça peut entraîner finalement comme coûts.
Alors donc, déjà on aurait l'histoire pharmacologique, on aurait un peu un sommaire des hospitalisations du patient, que, nous, ça nous aiderait énormément à pouvoir mieux l'orienter. Je ne vous dis pas que c'est suffisant, mais je pense que ça serait un énorme pas par rapport au vide informationnel dans lequel on est présentement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Bessette. M. le ministre.
M. Legault: Donc, je pense, avec les exemples que vous donnez, que c'est assez clair que les objectifs qui sont poursuivis par ce projet, c'est-à-dire de pouvoir avoir de disponible cette information concernant le patient, je pense que c'est difficile pour quelqu'un de dire: Non, ce n'est pas utile. Je pense qu'on va tous convenir que c'est utile puis vous en donnez des bons exemples.
Maintenant, la prochaine question qu'on peut se poser, c'est: Est-ce que le véhicule qui a été utilisé puis la technologie qui a été proposée dans le projet est la bonne? Vous avez fait référence tantôt au rapport Sicotte. La semaine dernière, on en a beaucoup parlé. Puis, bon, le professeur Sicotte nous dit: La technologie qui est proposée ici, c'est-à-dire d'avoir une banque centrale, ce n'est pas la bonne technologie. Il faudrait plutôt avoir un genre de fureteur qui irait. via Internet ou le Web, aller chercher partout, dans tous les établissements où le patient s'est déjà présenté, toutes les informations. Qu'est-ce que vous pensez de la suggestion du professeur Sicotte concernant la technologie qui est proposée ici, dans ce projet?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bessette.
M. Bessette (Luc): J'ai trois éléments de réponse vis-à-vis ça, premièrement dépendant de quelle technologie on va choisir. Si on choisit l'avant-projet de loi tel qu'il est fait, malgré mon enthousiasme vis-à-vis la carte santé, je vais vous dire; Mettez votre argent ailleurs parce qu'il n'est pas viable pour toutes sortes de raisons. Et je vous ai parlé des défauts de conception. Et, sur ça, le professeur Sicotte a tout à fait raison. O.K. Il n'est pas viable. Et elle n'est pas nécessairement, socialement, si utile que ça. Parce que, moi, s'il m'arrive un patient à l'urgence et que je ne peux pas faire confiance à son résumé de renseignements médicaux, je suis obligé de tout répéter.
Alors, ce que me donne éventuellement le petit drapeau qui s'allume disant: Le résumé n'est pas complet, ça va m'obliger de tout refaire. L'autre chose aussi, c'est, comme j'expliquais, je n'ai pas d'aviseur thérapeutique à mettre dessus; ça, c'est une des choses. Et, l'autre chose, c'est que, si j'ai quelqu'un comme ça qui me dit: Je te cache des informations... Une des grandes questions que j'avais soulevée à la Table de concertation: Quelle est mon obligation de moyens? Puis j'aimerais qu'on réfléchisse à ça aussi, parce que personne n'a amené cette histoire-là, sauf peut-être un peu le Collège des médecins. On a une relation contractuelle, entre un médecin et un patient, qui est basée sur une présomption de bonne foi. Là, on introduit un nouvel élément: le droit à la dissimulation d'informations. Est-ce que mon obligation de moyens, comme praticien de la santé, reste la même? O.K. Alors, ça, c'est un élément sur lequel on devrait réfléchir. Parce que, en plus... Puis je vais vous dire une chose: Un des argumentaires qui arrivent avec ça, c'est que, admettons qu'on garde la loi telle qu'elle est puis qu'on oblige le médecin à dire: Tu donnes les soins de santé même si le patient veut te cacher des informations. Qu'est-ce qu'il va faire? Il va vouloir se prémunir en demandant plus de tests et plus de consultations. Donc, vous perdez toute la pertinence économique, encore là, comme je vous ai dit, du projet. C'est clair. Parce que je ferais ça. Je sais que mes collègues feraient la même chose. Donc, le contrôle discrétionnaire est une aberration, pour toutes sortes d'autres raisons aussi, mais on pourra y revenir plus tard.
n(16 h 30)n Deuxièmement, là où le professeur Sicotte a raison aussi, c'est de parler des bases de données dénominalisées. Un des énormes avantages ? et puis personne n'en a parlé, pas les fédérations ni même le Collège ? c'est la mine de connaissances, c'est la capacité de développement au niveau de tout ce qui est biopharmacologie, connaissances génétiques, possibilité même d'enseignement des banques de données dénominalisées. Dans l'enseignement, ça nous permettrait, au niveau médical, de pouvoir rechercher certaines maladies rares, de pouvoir les présenter à partir ? comment je pourrais dire? ? de cas existants, réels dans le réseau, sur lesquels on pourrait éventuellement pointer, sans que personne ne sache qui est exactement l'individu qui possède ça. O.K.? Puis il y aurait toutes sortes de choses à faire, toutes sortes de recherches à faire au niveau épidémiologique, au niveau recherche, enseignement, au niveau développement.
La technologie qui a été choisie par la carte santé ne le permet pas présentement, et non seulement elle ne le permet pas, la loi dit: On vous refuse de même essayer de le faire parce qu'on vous refuse d'utiliser le résumé de renseignements de santé, ou même la base de données sur laquelle il sert, à toute autre fin que des fins cliniques. O.K.? À mes yeux, c'est une très grave erreur. C'est une erreur. Puis, quand je parlais, tout à l'heure, un petit peu avec un petit peu d'humour, des Amish de l'information, nous sommes à contre-courant avec ce projet de loi de tout ce qui se fait ailleurs dans le monde sur les bases de données dénominalisées. O.K.? Alors donc, si vous me demandez, dans ces conditions-là, est-ce que je suis pour le projet de loi, je vais vous dire non carrément.
Par contre, sur l'esprit, le projet de loi est excellent. Je pense que je suis 100 % d'accord avec. Et là où je ne suis pas d'accord avec le rapport Sicotte... Le rapport Sicotte dit: Allons vers le fureteur, le dossier virtuel. Il y a beaucoup de gens dans le domaine des technologies qui vont vouloir vous vendre ça parce qu'il y a une fortune à faire derrière. Ce n'est pas nécessaire d'emblée. Puis, si vous voulez faire ça d'emblée, ça va vous coûter des centaines de millions derrière parce qu'il faut informatiser tous les réseaux. Puis, dans ce cas-là, le projet n'est pas plus viable O.K.?
Les réseaux vont éventuellement s'informatiser, les immobilisations vont venir dans le réseau. D'ici une dizaine d'années, probablement que tous les établissements de la santé seront informatisés. Ce qu'il faut, c'est en arriver à s'amener à ça. Et, en partant avec le projet de carte santé que l'on a, en le modifiant structurellement, en privilégiant... comment je peux dire, en ramenant aussi certains droits à la santé des patients, en ramenant certaines utilisations sociétales des banques de données, je pense qu'on peut avoir un instrument de développement tout à fait intéressant. Sur ça, je suis tout à fait d'accord.
L'autre chose du professeur Sicotte... on disait: Donc, non seulement l'informatisation de tout le réseau, on parle, au CHUM... le CHUM, on parle de 50 millions pour l'informatisation de notre réseau informatique. Mettez qu'il y a quatre CHU, on parle de 200 millions; ensuite, vous avez 90 autres établissements au Québec. Bien, écoutez, vous allez facilement pas loin de 500 millions en investissements. On n'a pas les moyens comme société de faire ça demain matin. Ce n'est même pas nécessaire.
L'autre argumentaire qu'on entend avec nos amis des syndicats de médecins, puis je suis tout à fait d'accord avec mes collègues des syndicats qui veulent utiliser éventuellement, comment je vais dire, le forum pour améliorer les conditions de leurs membres, c'est de dire: Écoutez, vous nous amenez un ordinateur, vous nous amenez éventuellement, comment je pourrais dire, un lien et vous nous payez pour l'entrée de données. Ce n'est pas nécessaire de faire ça au tout début, comme je l'ai dit dans mon rapport. L'entrée de données au tout début, celles dont on a besoin... Parce que le premier but du résumé de renseignements médicaux, ce n'est pas pour le médecin traitant qui connaît le patient, c'est pour le médecin qui ne l'a jamais vu, le patient. O.K.? Et la majeure partie des informations pertinentes, graves et significatives que l'on doit connaître, elles sont confirmées par des tests de laboratoire, par des tests d'imagerie ou par une hospitalisation ou une investigation. Donc, elles vont se retrouver comme sous-produits des informations qui auront été colligées dans les hôpitaux. Dans un premier temps, c'est de ça dont on a besoin, plus la médication.
Alors, résumé. Le résumé ne peut pas se faire, il n'y a pas de système expert intelligent qui existe présentement dans le monde qui est capable de vous faire un résumé à partir de 200 ou 500 entrées, sinon ça existerait déjà comme fureteur sur le Web. Si vous faites une recherche avec un Google ou un AltaVista, que vous le faites sur quelque chose qui a... il y a eu beaucoup d'apparitions sur le Web où vous allez avoir 500, 600, 800 entrées. Pour quelqu'un qui ne connaît pas un patient et qui veut éventuellement avoir une idée du patient, on ne peut pas commencer à consulter le dossier médical électronique de cinq hôpitaux, à aller voir qu'est-ce qui a été fait, d'autant plus que ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils sont mis de façon séquentielle au tout début. Alors, il faut avoir une espèce d'image, je dirais, succincte de la nature de l'individu. Ça, les informations colligées à partir des sommaires d'hospitalisation peuvent le faire; la médication peut donner une idée; les allergies à certaines choses peuvent le faire. Il est sûr qu'au fur et à mesure que les réseaux vont s'informatiser on pourra la compléter, cette chose-là, mais on se donne au moins, comment je pourrais dire, un coeur vivant à partir duquel on pourra greffer les choses.
Donc, pour répondre à votre question sur les trois points: Oui, la sommarisation a une valeur ajoutée; il n'existe pas de système expert qui est capable de faire la sommarisation présentement; et troisièmement, même s'il en existait un, pour informatiser tous les établissements pour pouvoir mettre en oeuvre ce système expert là, ça coûterait au bas mot 500 millions de dollars, et ça ne se ferait pas avant, comment je dirais, quelques années.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Bessette. M. le ministre.
M. Legault: Donc, si je vous comprends bien, ce que vous nous dites, vous dites: Le résumé est important, mais il doit être complet; on ne peut pas permettre au patient de choisir des renseignements, de les inclure ou non; le dossier du résumé doit être complet. Ça, c'est une des recommandations que vous avez dans votre mémoire.
Deuxièmement, vous nous dites: On devrait en profiter pour utiliser les bases de données dénominalisées. On devrait les utiliser, malgré les craintes de certaines personnes au niveau des informations.
Pour revenir à la technologie, donc, si on a à faire le choix entre ce qu'il y a dans le projet de loi, c'est-à-dire une banque centrale qui est quand même peu coûteuse, ou utiliser un fureteur mais qui suppose à ce moment-là que tous les établissements, incluant les cliniques privées, rentrent toute l'information, donc qu'elles soient toutes informatisées, vous dites: On n'est pas prêt pour cette technique-là. Donc, ça veut dire que la technique qui est proposée ? si je regarde juste la technologie ? d'avoir une banque centrale, vous êtes d'accord que, pour l'instant, c'est la meilleure technologie qu'on puisse utiliser compte tenu des circonstances.
M. Bessette (Luc): La seule viable économiquement qui ne donnerait pas justification aux gens de dire: Écoutez, on n'a pas d'argent pour faire ce projet-là. Parce que, autrement, vous allez dans un... Ça devient un stade olympique, cette histoire-là. O.K.? Alors, ça devient des jeux olympiques. Alors, il faut commencer par quelque chose dont on peut circonscrire les coûts, et, à partir de... Vous savez, l'autre avantage des pharmacies puis des archivistes, c'est que, des ordinateurs, ils en ont partout. Le réseau, ensuite, partout à l'intérieur du réseau hospitalier, maintenant, vous l'avez à l'intérieur de la santé, le RTSS existe. Alors donc, il y a déjà une infrastructure. Le RTSS n'existe pas dans les cliniques privées. Par contre, il y a des technologies de la lecture, vous allez dire, dans les cliniques privées, et ainsi de suite. Mais comment les gens vont faire pour lire? Bien, oui, ça peut se faire. Il existe des technologies qui ne sont pas coûteuses, si on ne fait pas nécessairement d'entrées de données au tout début; qu'on parle de ce qu'on appelle le «Web phone» ou d'autres choses qui peuvent permettre de lire, et on ne parle pas d'investissements faramineux à ce moment-là.
Pour en revenir à votre question: Oui, je pense, la centralisation au tout début est une des bonnes façons de pouvoir amorcer les choses. Est-ce que c'est la façon avec laquelle on devra être dans 10 ans? Je ne vous dis pas ça. Je pense que oui, mais, encore là, conditionnellement aux deux restrictions que je vous ai données.
Puis d'autres éléments sur le fait que le contrôle discrétionnaire n'est pas intéressant, je vais vous en donner deux autres, une qui est très intéressante au niveau médicolégal. Il y a un patient qui m'arrive à l'urgence, qui souffre de sida et de toxicomanie, il fait 40° de fièvre. On arrive... Comment je peux dire? On est obligé... On le traite, on lui fait toutes sortes d'investigations, il a son congé de l'hôpital. Il dit: Moi, je ne veux pas que ça apparaisse dans mon résumé de renseignements médicaux que je suis sidéen et que je suis toxicomane. C'est bien beau. Par contre, on garde, parce qu'on est quelques années plus tard, on garde sa formule sanguine, sa radiographie pulmonaire, son échocardiogramme, toutes ces choses-là qui ont toutes certaines particularités qui peuvent être associables à la maladie.
Imaginons finalement qu'il est vu quelques semaines plus tard, dans une clinique, par un médecin qui ne le connaît pas, qui voit le résumé de renseignements médicaux par lequel on a enlevé sida et toxicomanie, puis là qui voit qu'il y a une formule sanguine perturbée, qu'il y a des tests de laboratoire qui sont perturbés, qui sont suggestifs qu'il aurait éventuellement le sida et toxicomanie, et qui lui dit: Monsieur, ça fait combien de temps que vous êtes sidéen ou que vous êtes toxicomane? L'autre le regarde, il dit: Comment ça se fait que vous savez ça? Qui la CAI va poursuivre? Sur quelle base? Parce que là vous avez indirectement quelqu'un qui a été capable de poser un diagnostic par inférence. Comment allez-vous, au niveau technologique, empêcher ça, maintenant? Il n'existe pas de systèmes intelligents experts qui sont capables d'éliminer les inférences. Est-ce que vous allez être obligés de demander à tous les archivistes, à tous les gens qui vont faire l'entrée de données d'avoir un cours de médecine puis d'expliquer au patient son consentement pour avoir un consentement éclairé? Impossible. Ça ne marche pas. C'est un voeu pieux. Ça ne marche pas. La seule solution possible, c'est l'«opting out».
n(16 h 40)nM. Legault: Ça va. Merci beaucoup, Dr Bessette.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Dr Bessette, c'est très intéressant votre présentation. Je dois avouer qu'à la lecture du texte je trouvais des choses intéressantes, mais je trouve ça beaucoup plus intéressant de vous entendre plaider que de vous lire. Mais je vais quand même vous dire ce que je voulais vous dire avant de vous rencontrer, avant de vous entendre. C'est que je pense que vous placez bien le débat lorsque vous dites qu'il faut équilibrer tout au moins ? ce n'est pas ce que vous dites, j'interprète ? mais qu'il faut ajouter, dans l'équation, au droit à la vie privée, le droit à la santé, et vous... En tout cas, je pense que vous insistez de façon importante là-dessus, et c'est une donnée qu'on oublie. Malheureusement, je vais vous ramener sur l'autre volet tantôt, parce qu'on a beaucoup parlé de ça, et votre présence me permet de tester ce qu'on s'est fait dire. Vous arrivez avec un peu l'autre côté de la médaille.
Le ministre, à juste titre, profite de son droit de parole pour pouvoir essayer de voir où on est rendu dans la discussion. Alors, il a pris de ce que vous avez dit ce qu'il avait compris. J'ai aussi compris que, selon vous, l'avant-projet de loi, tel qu'il est là, est mort-né et qu'il doit être revu. Ce n'est pas au niveau des objectifs, c'est au niveau de la mécanique. Quant à vous, il ne correspond pas à ce qui doit être fait. Je comprends aussi que ce que vous dites, c'est: Si on envisageait l'implantation de la façon dont on nous le propose en ce moment, ça demande des ressources financières massives, et il serait mieux de voir un plan de match à long terme dans ce que vous nous proposez. Que le gouvernement nous expose le plan de match, c'est pour une telle période de temps, et on pourrait voir, à ce moment-là, les ressources matérielles qu'on doit affecter à ce genre de projet. Ce qui m'amène au «Web phone».
Je dois vous poser toute la question sur le «Web phone». Admettons que le gouvernement se fait un projet à long terme, disons sur 10 ans, pour implanter son projet au complet, qui n'est pas juste de doter le monde d'une carte mais que la carte donne un résultat, et qu'on voit ça sur 10 ans. Vous, vous êtes gouvernant et vous avez à prendre la décision si, dans les cliniques médicales, on va financer le «Web phone», qui est moins cher mais qui permet la lecture, mais qui ne permet pas cependant de faire de l'écriture. Est-ce que vous trouveriez que c'est la bonne décision à prendre au départ?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Bessette.
M. Bessette (Luc): Il y a plusieurs éléments à votre question. Je vais essayer d'y répondre de la façon la plus complète possible. La grande question, puis ce qu'on a entendu par le mémoire de la FMOQ puis, implicitement, par le mémoire de la FMSQ, c'est: On est pour; s'il vous plaît, payez-nous notre ordinateur, qu'on achète éventuellement notre ligne d'accès, et puis pour le temps qu'on va y investir pour y mettre les données. C'est de bonne guerre. Étant moi-même syndiqué, comment je pourrais dire, de la FMOQ, je suis tout à fait pour ça.
Ceci étant dit, est-ce que c'est nécessaire, d'emblée? Je pense avoir répondu dans le mémoire qu'au tout début ce n'est pas nécessaire, parce que je pense qu'une grande partie de l'information pertinente peut être amenée déjà par les informations, comment je peux dire, à caractère hospitalier. Est-ce qu'un jour il faudra y arriver? Oui. Vous avez raison. Un jour, à un moment donné, il faudra y arriver. Est-ce que c'est nécessaire maintenant? Non. Est-ce que, ce jour-là, les médecins auront, à cause du coût des ordinateurs, et ainsi de suite... Parce que, écoutez, ce n'est quand même pas la fin du monde; un ordinateur, on est capable d'en avoir pour 2 000 $. Ce n'est pas comme si c'était, comment je peux dire, une fortune. Éventuellement, l'accès, si on est en mode texte, ça ne coûte pas nécessairement une fortune. Si on veut aller en multimédias, pour avoir les images, et tout ça, il faudra aller à haute vitesse, et c'est un petit peu plus cher. Mais, même à ça, on ne parle pas encore, comment je pourrais dire, de montants si exorbitants que ça. On peut parler d'à peu près 2 000 $ par année. Je ne pense pas que ce sont des montants, ça, qui sont tout à fait non envisageables à partir de la pratique médicale si on s'aperçoit que ça peut nous donner une meilleure efficacité. Et, à partir du moment où les médecins... Parce que, vous savez, une grande partie de notre temps aussi est pour essayer de colliger certaines informations importantes. On parlait tout à l'heure, puis le Dr Dugré y a fait référence, chez les patients âgés, savoir quelle est la médication qu'ils prennent, et tout ça. Si on est capable de l'avoir, ça peut augmenter aussi notre efficacité, parce que le temps de questionnement peut être un petit peu plus court. Alors, l'arbitrage entre quels seront les gains de productivité que les médecins pourraient avoir avec cet instrument-là par rapport à quels sont les coûts supplémentaires qu'ils doivent éventuellement encaisser pour pouvoir l'utiliser devra se faire.
Ceci étant dit, le plus gros du coût, à mes yeux, ne viendra pas du tout des établissements, des cliniques de médecins, à moins qu'on parle de cliniques intégrées avec radiologie et laboratoire, ce qui est quand même très peu fréquent. Le plus gros du coût viendra, dans les prochaines années, à partir de l'informatisation et de la numérisation des systèmes d'information hospitaliers ou d'établissements. Et là on parle de coûts extrêmement importants, qui peuvent être finançables à partir des enveloppes d'immobilisation, en partie, des hôpitaux. Quelle sera l'autre portion que le gouvernement devra consentir pour éventuellement amener ces technologies-là à l'intérieur des hôpitaux? Je ne sais pas exactement comment se fera l'arbitrage, encore là, par rapport aux coûts d'immobilisation des hôpitaux qui sont budgétés et les nouvelles sommes qui devront éventuellement être amenées.
M. Fournier: Je vais profiter de votre expérience. La semaine dernière, on a eu l'occasion d'entendre une représentante des archivistes médicales qui venait nous expliquer ? parce que limitons-nous donc à cet aspect hospitalier dont vous nous parlez ? qui venait nous dire... parce qu'elle se posait elle-même la question, comment était pour être fait le résumé. Alors, je vais vous la poser, cette question-là aussi: Comment vous pensez qu'il va être fait, le résumé? Mais on lui demandait aussi... puis là, vous pouvez nous aider, parce qu'elle va nous revenir avec des données sur l'ensemble, en faisant une moyenne de ce qui se passe au Québec sur la conception du rapport médical, du dossier médical, parce que ça ne semble pas si instantané que ça puisse paraître. Tantôt, vous avez fait référence, dans votre utilisation de cette carte-là et du moyen de partager de l'information, que, finalement, ce qu'il est important de savoir, c'est souvent ce qui s'est passé la semaine d'avant ou la veille même. Dans quelle mesure et comment... quelle est la mécanique? Parce que, jusqu'ici, je dois vous dire que tout le monde qui sont venus sont venus nous dire qu'ils ne savaient pas comment c'était pour être constitué. Mais je comprends que vous avez fait partie de différents comités plus proches de ce projet de loi là. C'est quoi, la mécanique qui fait que, dans l'épisode de choix où on en a besoin, on a l'information pertinente des dernières heures, je dirais, ou des derniers jours? Comment, selon vous, ça fonctionne?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Bessette.
M. Bessette (Luc): Toute la question, et puis votre question est très pertinente parce qu'elle vient... ça pose la grande question de tout ce qui est... c'est la grande faiblesse de tout le dossier carnet santé qui n'est pas... qui doit être constitué. C'est la problématique de la mise à jour, de fait. Alors, la problématique de la mise à jour est essentielle pour la pertinence ? vous l'avez très bien manifesté ? c'est-à-dire que, si les informations d'il y a un mois ne sont pas consignées, ce qui est le plus important pour nous en salle d'urgence, c'est l'épisode le plus récent par rapport... des fois, l'épisode antérieur, c'est intéressant aussi, mais savoir quelle était la condition la plus près d'aujourd'hui, ça nous permet de savoir dans quelle direction les choses vont. Oui.
C'est sûr que, si on voulait le faire maintenant, avec le nombre d'archivistes et avec la problématique des archives dans le réseau présentement, ce n'est pas possible. Il manque d'archivistes, il y a un délai important dans la saisie de données parce qu'il y a une pénurie de personnel. Et puis l'autre problème aussi, c'est que des fois les médecins se font peut-être un petit peu tirer l'oreille pour compléter leurs sommaires d'hospitalisation, et puis les archivistes ne créent pas l'information médicale, ils la transcrivent. O.K.? Alors, oui, il y aurait une mécanique procédurale qui devrait être implantée dans les établissements et qui demanderait vraisemblablement au gouvernement l'introduction de personnel nouveau, des archivistes, pour pouvoir satisfaire la demande.
Ceci étant dit, si on voulait regarder en termes de coûts ce que ça peut représenter par rapport aux coûts de l'informatisation mur à mur de tous les établissements de santé, c'est bien moindre. Est-ce qu'on a le personnel nécessaire présentement, comment je peux dire, qui serait vacant, qui pourrait éventuellement faire ça? La réponse ? j'avais déjà questionné l'Association des archivistes médicaux ? c'est oui. Et puis, donc, ce n'est pas impensable. Si on est capable de mettre en place une mécanique procédurale, ça pourrait se faire.
M. Fournier: Pouvez-vous nous expliquer un peu plus comment ça fonctionne? Parce que vous avez dit: Bon, des fois, les médecins se font tirer un peu l'oreille. La responsable des archivistes qui est venue nous voir nous a dit à peu près la même chose aussi. Mais, dans le concret, comment ça se présente? Moi, je ne suis pas là, là. Pouvez-vous nous dire combien de temps ça prend pour qu'il ait signé le papier ou rentré les documents pour que l'archiviste puisse constituer quelque chose?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Bessette.
n(16 h 50)nM. Bessette (Luc): Ça dépend. Ça peut être très rapide comme ça peut être effectivement long, dépendant... Mais la problématique présentement est une des suivantes: c'est un peu l'oeuf et la poule, là. C'est que, s'il y a un intérêt pour les médecins à vouloir remplir ces formulaires-là, qu'ils considèrent comme des formulaires administratifs, parce qu'ils vont avoir une valeur ajoutée à le faire parce que éventuellement ils vont avoir ce dossier sommaire qui leur sera disponible, je pense que ça va être relativement facile de justifier un traitement beaucoup plus rapide. Présentement, les gens le font avec des délais parce qu'ils disent: Écoute, ça ne change rien au traitement, il n'y a rien de plus, c'est juste une corvée supplémentaire.
M. Fournier: Je m'excuse d'insister, mais je ne connais pas ça. Des délais, c'est deux, trois heures ou deux, trois jours?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Bessette.
M. Bessette (Luc): Ça peut être deux, trois semaines.
M. Fournier: Ça peut être deux, trois semaines. Oui. Et votre exemple de la veille, là... Ha, ha, ha!
M. Bessette (Luc): Non, non, vous avez... non, vous avez raison que c'est... mais on a deux choix. La problématique... À moins qu'on le fasse juste sur les médicaments, si on veut rentrer les sommaires d'hospitalisation, il va falloir penser à un moment donné à une mécanique. L'autre solution, certaines personnes voudraient que l'on photocopie les feuilles sommaires. Mais ça ne change rien au problème. C'est qu'il faut que les feuilles sommaires soient effectivement, comment je pourrais dire, produites. Elles seront produites dans la mesure où tout le monde y trouvera un peu son avantage. Mais, d'une façon ou d'une autre, on en revient toujours à l'oeuf et la poule.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui. J'entends l'argument, là. Il n'y a pas de difficultés. Je constate, pour moi... je ne savais pas combien de temps que ça prenait, puis je pense que c'est un élément important du dossier de la carte à puce. Dans le fond, si on veut partager quelque chose, encore faut-il savoir comment cette chose à partager est constituée. Et, si elle ne l'est pas dans le délai qui est le plus pertinent, ça nous pose un certain nombre d'autres problèmes qui doivent être mis sur la table. Je suis sûr que le ministre va s'intéresser à cette question-là.
Je vous amène sur un autre volet de votre mémoire, dont on a déjà entendu parler avec le prédécesseur du ministre actuel, à l'égard de la Loi sur la santé publique qui a été révisée à l'automne dernier, et c'est lorsque vous parlez des banques de données dénominalisées. On en a parlé abondamment à ce moment-là parce que, en santé publique, c'est une préoccupation, de recherche, d'investigation, faire des profils régionaux, puis... Bon. Je dois vous avouer qu'on m'avait pas mal vendu la salade à l'époque. Je trouvais que ça avait beaucoup d'allure. En tout cas, profane comme je suis, je trouvais qu'en termes de prévention c'est probablement un geste qu'il faut poser. La personne qui nous a le mieux expliqué ça est maintenant le directeur national de santé publique, qui était, à l'époque, sous-ministre, à l'époque sous-ministre et directeur national de la santé publique du Québec actuellement. Il nous avait bien expliqué. Et je veux savoir si, selon vous, c'est exact que des banques dénominalisées pouvaient être renominalisées grâce à un certain recoupage avec d'autres banques. Donc, lorsqu'on dit qu'on peut avoir accès à une banque dénominalisée et que, profane comme je suis, ça m'amène à dire: Bien, il n'y a pas d'atteinte à la vie privée, puisqu'il n'y a pas rien de caractère nominatif là-dedans... Si on oublie de me rajouter l'autre petit bout que le directeur national de santé publique m'a dit, que c'est possible de les renominaliser, là il me semble qu'il me manque un petit bout d'information. Alors, peut-être que vous allez me dire qu'on m'a mal informé. Est-ce que c'est renominalisable, ces banques dénominalisées?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Bessette.
M. Bessette (Luc): Oui. Écoutez, il y a deux façons de le faire. Ça dépend toujours. C'est sûr qu'elles peuvent être renominalisées éventuellement si on veut vraiment les renominaliser. Prenons un exemple. Si on fait une banque de données... Idéalement, si on veut faire un serveur de banque de données dénominalisées, on fait un serveur avec un identificateur qui donne une identification numérique d'un patient, 1, 2, 3, 4, 5, 6, et les champs nominalisables, c'est-à-dire l'adresse, le numéro de téléphone, et tout ça, peuvent être sur la carte ? comment je peux dire? ? du patient ou éventuellement un autre serveur. Et il peut y avoir un recoupement qui pourrait être essentiel pour avoir le dossier sommaire, entre autres, parce que le médecin va vouloir avoir le nom du patient qu'il a, il ne peut pas juste avoir 1, 2, 3, 4, 5, 6. Donc, il est important qu'elles soient renominalisables dans la prestation clinique.
Il y aurait une autre façon de le faire aussi. C'est qu'on peut prendre les données nominalisées, les dénominaliser, les mettre complètement hors réseau de façon à ce qu'elles ne soient pas renominalisables.
Mais, écoutez, la grande question qui se pose toujours vis-à-vis tout ça, parce que... Et, quand on parle de sécurité, soyons bien honnêtes, si on veut s'assurer qu'il n'y a aucun risque d'électrocution d'un enfant dans une maison, on peut aussi bien mettre les prises à huit pieds dans les airs, les plinthes électriques au plafond, puis, éventuellement, comment je pourrais dire, s'arranger pour qu'il n'y ait quasiment... avoir une veilleuse plutôt qu'une lampe, et tout ça. C'est que la sécurité absolue, ça n'existe pas. La seule sécurité absolue, c'est la mort. En dehors de ça, il n'y en a pas. Ce qui est important, ce n'est pas la sécurité. Ce qui est important, c'est l'imputabilité. À partir du moment où on sait qui a accès à quoi et comment on peut éventuellement le sanctionner, c'est important. Parce que ce n'est pas l'indiscrétion qui est le problème. Le problème, c'est éventuellement l'usage néfaste de l'indiscrétion. Ça, c'est la première des choses. Et ce que je dis dans mon mémoire, c'est: Écoutez, si on veut chercher la sécurité absolue ? on ne la trouve pas... Quelqu'un pourrait toujours partir avec le serveur, quelqu'un peut toujours partir avec un dossier, on peut rentrer dans un hôpital puis aller chercher le dossier de quelqu'un. La question, c'est: Comment pouvons-nous rendre imputables les gens de leurs actes? Et, je vous dis, ce qui est aberrant dans ce débat-là sur la sécurité, c'est que les mesures de sécurité qui pourraient être prises pour un résumé de renseignements seraient tellement plus importantes que celles qui existent présentement dans les hôpitaux, où il n'y en a à peu près aucune... et, à ce que je sache, ça ne fait pas Le Journal de Montréal à tous les jours que quelqu'un est allé voler des renseignements médicaux dans un hôpital puis il les a mis sur la place publique et a fait dommage à quelqu'un. Alors, je n'en ai à peu près jamais entendu parler. Et laissez-moi vous dire, c'est quelque chose d'hyperfacile à faire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui, bien, en terminant, pour reprendre l'exemple de l'électrocution... D'abord, commençons par la fin, parce que, si je suis d'accord avec l'utilisation maximum des informations santé qui devraient pouvoir nous permettre de mieux adapter nos pratiques, je ne suis pas non plus aveugle et sourd à l'appel de nombreux groupes, et notamment ceux qui représentent les plus... Parce qu'on dit souvent qu'il y en a peut-être juste 20 % qui ne seraient pas d'accord, tu sais, puis qui sont préjudiciés par la diffusion, ce sont souvent ceux qui sont les plus démunis. Alors, nous, comme représentants, c'est notre travail de s'assurer que ces 20 % là, ils pèsent pour leurs 20 %, puis un petit peu plus, parce que c'est souvent ceux qui ont le moins de voix au chapitre, sont le moins équipés et qui sont les plus défavorisés à l'égard de leur état de santé. Disons que je pense qu'il faut être attentif à ça, et je dirais que...
Moi, j'ai une fille de quatre ans, et il se vend des petits bidules pour mettre dans les prises de courant pour être sûr que ma fille de quatre ans ne met pas ses doigts dans les prises, et je pense que j'ai fait une bonne chose en les achetant. Je pense que les gens, quand ils nous disent: Interrogez-vous sur les facteurs de sécurité, ils nous disent: Assurez-vous de prendre tous les moyens. Donc, dans l'équation, la question de confidentialité persiste. Elle n'a pas à être oubliée parce qu'on doit aussi s'intéresser, ce avec quoi je suis tout à fait d'accord avec vous, s'intéresser aussi au droit à la santé, et ça, parfois, c'est peut-être mis trop en mineur, il faut le soulever.
Mais je conclus en vous remerciant d'être venu, en vous disant que se poser ces questions-là ne doit pas nous faire perdre de vue non plus... Dans le retour du balancier, ce qu'il faut viser, c'est le juste milieu. Si on part d'un pendule trop fort vers la confidentialité et qu'on veut le ramener vers des droits à la santé, il ne faut pas non plus perdre le juste équilibre, il faut plutôt viser le milieu. Donc, à l'égard des questions de dénominalisation et de banques de données, il faut s'interroger là-dessus. Par exemple, lorsqu'on prend l'exemple du Journal de Montréal qui ne parle pas tous les jours des vols de dossier d'un patient, c'est probablement parce qu'il n'y a pas d'intérêt d'aller voler le dossier d'un, ou deux, ou des patients de la même rue. Mais, à partir du moment où tous les dossiers des patients sont à la même place, dans la même banque, bien là peut-être qu'il serait d'un intérêt pour quelqu'un d'aller commencer à jouer dedans et là peut-être que Le Journal de Montréal en parlerait. En tout cas, il en parle à l'égard d'autres systèmes centralisés qui ont ces banques de données là. Alors, je pense qu'il faut continuer de poser des questions là-dessus, en bénéficiant quand même du point de vue que vous nous avez fait sur l'importance de penser au droit à la santé, ce avec quoi je pense qu'on est tous favorables. Je vous remercie beaucoup de votre participation à nos travaux.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous voulez commenter, Dr Bessette?
M. Fournier: Vous avez le droit, certainement. Bien sûr, vous êtes là pour participer avec nous. Allez-y.
M. Bessette (Luc): Je peux répondre à ça. Je suis tout à fait d'accord avec... D'ailleurs, c'est ce que je dis. Ce que je disais, c'est que, à ce moment-là, trouvons-nous les moyens de rendre imputables tous les gens qui ont accès à des renseignements médicaux et non pas juste à notre résumé de renseignements médicaux. Pour ce faire, on va avoir besoin de cartes d'habilitation. Ça, c'est la première des choses que je dis.
Deuxièmement, ce que vous dites, on pourrait voler un serveur où seraient toutes les informations, si l'information est dénominalisée, j'ai volé quoi? Je ne sais pas qu'est-ce que j'ai volé. Et il faudrait que je vole deux serveurs, celui avec... est dénominalisée puis l'autre ? comment je peux dire? ? où j'ai la correspondance nominalisée pour pouvoir éventuellement faire la fusion des deux puis essayer de savoir c'est qui.
n(17 heures)n Écoutez, un, ce n'est pas évident, ce n'est vraiment pas facile. Dans les banques, si c'était si facile, ce genre de chose là, bien, il y aurait du vol de banques électroniques à tour de bras, on pourrait aller chercher des informations. C'est tellement plus facile, si on veut avoir des renseignements sur quelqu'un, de soudoyer la personne qui lui donne des soins qu'éventuellement d'aller chercher des informations dans des banques de données qui seront sécurisées de toute façon. Et, habituellement ? soyons bien honnêtes ? la problématique que vous avez eue, au ministère du Revenu ou à la Société de l'assurance automobile du Québec, ce n'est pas des gens qui ont eu accès à distance, de l'extérieur du réseau, c'étaient des gens qui étaient dans le réseau qui ont été soudoyés puis qui ont vendu des informations. C'est ce qui est, de loin, le plus probable. Pour éviter ça, qu'est-ce qu'on fait? On crée de l'imputabilité.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Bessette. Je dois vous avouer que j'ai beaucoup apprécié vos propos. Et on se rend compte finalement... vous avez fait la démonstration qu'il y a beaucoup de coûts inhérents à tout ce qui...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): La commission n'est pas... Je n'ai pas terminé.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): S'il vous plaît. Je n'ai pas encore terminé. Alors, je voudrais tout simplement vous dire qu'il y a des coûts qui sont inhérents justement au fait qu'on ne puisse pas transférer l'information d'un hôpital à l'autre. Et je dois vous dire que, dans la région de l'Estrie, à Sherbrooke entre autres, on vit exactement la même chose que vous vivez au CHUM, avec un hôpital qui a été fusionné avec le CHUS, et on est incapable actuellement... on n'a pas les moyens de compléter le système informatique pour pouvoir transférer ces données. Alors, je pense qu'il y a une base, je pense qu'on doit peut-être commencer par ce début. Et, par la suite, on pourra peut-être se doter d'une carte de santé. Je vous remercie.
Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 5)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux afin de tenir les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec. Alors, nous recevons maintenant les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec. Alors, je vous salue, entre autres le Dr Jean-Sébastien Delisle, qui est le président. Alors, je souhaiterais que vous puissiez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.
Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)
M. Delisle (Jean-Sébastien): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre d'État, Mmes et MM. les commissaires, mesdames et messieurs, bon, tout d'abord, à ma droite, M. Jean Gouin, directeur général de la Fédération; Me Jacques Castonguay, juste à ma gauche, notre conseiller juridique; et Mme Marie-Anik Laplante, notre coordonnatrice aux relations de travail.
Donc, comme vous le savez, la Fédération des médecins résidents du Québec, ou la FMRQ, compte à peu près 2 000 membres, soit des résidents en médecine familiale et en médecine spécialisée qui pratiquent dans tous les centres universitaires, instituts et centres affiliés du Québec, souvent jusqu'à 72 heures par semaine ? même, c'est une moyenne. Et, en tant que dispensateurs de soins, souvent en première ligne dans ces établissements, les médecins résidents sont à même de constater au quotidien les problèmes du réseau. La Fédération est donc heureuse de participer à cette commission parlementaire pour faire connaître le point de vue de la relève médicale sur le projet de carte santé du Québec. D'ailleurs, la FMRQ avait déjà exprimé son opinion à cet égard dans le cadre de diverses consultations publiques. À ce moment-là, elle s'était plus particulièrement penchée sur la question du respect de la confidentialité des renseignements. Le dépôt de l'avant-projet de loi sur la carte santé a amené la FMRQ à s'interroger davantage sur la nécessité pour le réseau de santé québécois de se doter d'un tel outil, compte tenu des enjeux auxquels est confronté le Québec présentement pour maintenir un système de santé public.
Après l'étude du projet de loi, la FMRQ en est rapidement venue à la conclusion que le projet d'implémentation de la carte santé doit être reporté. Cela ne veut pas dire que le projet que propose le gouvernement soit dénué d'intérêt, et loin de là. Son efficacité n'a pas été démontrée par des études effectuées au Québec ? nous le pensons ? ou par des projets semblables ailleurs dans le monde. Il implique un investissement financier considérable ainsi qu'un investissement humain qui repose en grande partie sur la profession médicale.
Au cours des derniers jours, nous avons pris connaissance des mémoires des principaux intervenants du réseau, notamment de ceux qui nous ont précédés à cette tribune. Tous les professionnels de la santé s'entendent pour confirmer la nécessité de partager l'information de manière plus efficace entre les établissements et intervenants du réseau. Mais la carte santé à microprocesseur est-elle vraiment ce qu'il nous faut? C'est à voir.
Le ministre a dit que la carte était essentielle, destinée à des fin... était essentiellement, pardon, destinée à des fins cliniques. Toutefois, la majorité des intervenants ? et nous en sommes ? constatent que, dans l'avant-projet de loi, les intérêts administratifs ont préséance sur les propriétés cliniques de la carte. Selon nous, il faudrait évacuer du projet de loi qui s'ensuivra toute référence à l'aspect administratif.
Par ailleurs, bien qu'il existe un intérêt quant à l'aspect clinique ? et cet intérêt-là est réel ? la FMRQ ne croit pas que ce soit le moment actuellement d'aller de l'avant avec le projet seulement sur cette base, compte tenu qu'aux coûts d'implantation déjà élevés s'ajouteront des coûts de formation, d'entretien, de mise à jour dont il n'est nullement question dans l'avant-projet de loi.
La carte santé devrait servir uniquement à l'amélioration des services à la population. Elle ne devrait surtout pas être utilisée pour permettre à l'État un plus grand pouvoir administratif, que ce soit pour revoir la pratique médicale ou pour contrôler la gestion de la répartition des effectifs médicaux sur les territoires.
D'abord, j'aimerais revoir avec vous les coûts. Dans la forme suggérée par l'avant-projet de loi, la FMRQ doute que le rapport coûts-bénéfices d'une carte santé soit significatif. Selon la RAMQ, la carte santé permettrait de récupérer quelque 40 millions par année en réduction de dédoublements d'examen et en contrôle des fraudes. En regard de telles économies, le montant prévu pour l'implémentation de la carte, soit 159 millions de dollars, peut paraître à première vue adéquat. Toutefois, si on considère les coûts de réalisation des projets-pilotes des dernières années, cette somme paraît nettement insuffisante. Ainsi, le projet-pilote mené à Laval a nécessité un investissement de 11 millions pour 12 cliniques. De surcroît, ce projet n'a touché que 3,5 % de la population visée, soit environ 60 personnes sur un potentiel de 1 698.
n(17 h 10)n L'Allemagne, la France et la Belgique ont tenté l'expérience d'une carte à puce il y a quelques années. Ces trois pays d'Europe ont dû se rendre à l'évidence que les bénéfices cliniques d'une telle carte n'étaient pas au rendez-vous. Elle n'y est plus utilisée qu'à des fins administratives, rôle que notre carte d'assurance maladie avec photo, pour laquelle des sommes importantes ont été déboursées il y a à peine 10 ans, remplit déjà en grande partie. D'ailleurs, lors de la journée d'ouverture de la commission parlementaire, le 19 février dernier, le ministre lui-même a rappelé à plusieurs reprises que l'objectif premier de la carte était un objectif clinique, et je cite: «On cherche à pouvoir transmettre l'information à travers ce réseau, qui est complexe [...] avec un objectif important: donner des meilleurs soins aux patients.» Le ministre indiquait de ce fait que toute référence à des fins administratives se retrouvait au second plan.
Plus près de chez nous, le gouvernement de l'Ontario annonçait, en janvier dernier, qu'il mettait fin à son projet de carte à puce en raison des coûts trop élevés que ce projet-là entraînait, après avoir néanmoins dépensé 12,5 millions de dollars en recherche et en évaluation du dossier. De plus, le niveau actuel d'informatisation des cabinets de médecins est pour le moins inégal. L'installation et la mise en réseau entre les laboratoires, la RAMQ, les établissements et les cabinets risquent, selon nous, d'exiger un investissement plus élevé que celui qui est prévu, sans compter les coûts de formation du personnel de même que ceux liés à l'entretien et la mise à jour de l'équipement. Rappelons-nous à cet égard les dépenses de plus en plus élevées liées à la gestion du régime d'assurance médicaments, par exemple.
Par ailleurs, l'investissement humain nécessaire à la mise en place de la carte santé a aussi des conséquences sur l'accessibilité aux soins. La FMRQ estime que l'entrée des données initiales et la mise à jour du résumé des renseignements du patient entraîneront un important travail de la part des médecins et de leur personnel. La Fédération croit donc que les médecins qui arrivent difficilement à rencontrer les exigences de dispensation des soins en raison des pénuries, entre autres, n'auront pas le temps de maintenir les renseignements à jour sans affecter davantage l'accessibilité et la qualité des soins.
En ce qui concerne la fiabilité des renseignements au dossier de chacun des patients, nous sommes sceptiques. En effet, l'avant-projet de loi propose de permettre aux usagers de demander le retrait de certaines données de leur dossier s'ils le désirent. La FMRQ est d'accord avec ce principe. Cependant, en permettant aux usagers le retrait des informations de leur résumé de santé et si l'intervenant n'est tenu d'y inscrire un renseignement que s'il dispose des ressources matérielles pour ce faire, il faudra envisager que ces résumés de santé puissent rapidement devenir incomplets et, finalement, probablement inutiles. La confidentialité risquera alors de compromettre la validité du dossier et, par conséquent, la qualité des soins.
De plus, l'intégration des données initiales comprises au dossier du patient, la mise à jour et le transfert de cette information au dossier central constituent autant d'opérations et de manipulations de renseignements qui, en plus d'exiger une opération cléricale additionnelle pour le médecin, risquent d'entraîner des erreurs. Dans ces circonstances, le concept même de la carte santé du Québec perdrait sa raison d'être. La non-fiabilité des renseignements la rendrait inutilisable.
Rappelons, par ailleurs, que la migration des patients d'une région à une autre invoquée comme étant l'un des arguments en faveur de la carte santé est faible, si on exclut les patients qui nécessitent des soins ultraspécialisés qui sont dispensés dans les centres hospitaliers universitaires. Est-il alors nécessaire de recourir à une carte à puce pour partager les renseignements cliniques? Encore une fois, un doute mérite d'être soulevé. La FMRQ croit qu'une mise en réseau permettant l'échange d'information sur les médicaments et la transmission électronique des requêtes et des résultats d'examens de radiologie ou de laboratoire répondraient davantage aux besoins des médecins. De tels systèmes existent déjà dans certaines régions et on pourrait s'en inspirer. De plus, il importe de doter le Québec d'un réseau de télémédecine qui augmentera le degré d'efficacité et d'efficience du système de santé.
Avant de songer à implanter la carte santé, il nous apparaît donc beaucoup plus urgent de mettre en place d'autres mesures de réorganisation du réseau, dont le renouvellement du parc technologique, l'embauche de personnel pour pallier les pénuries croissantes et le financement de projets en cours dont l'efficacité a été démontrée, comme, par exemple, le projet SIPA, le service intégré aux personnes âgées en perte d'autonomie, qui fut mis au rancard en raison d'un financement inadéquat ou encore le régime d'assurance médicaments que l'on a voulu abolir récemment et dont les coûts réels ont largement, largement dépassé les coûts estimés.
À cet égard, est-il nécessaire de rappeler qu'avant de mettre un tel projet en marche il faudrait aussi s'assurer d'un financement adéquat pour les 10 prochaines années, et pas seulement pour en permettre la phase d'implémentation? Sinon, on ne réussira qu'à démobiliser et à démotiver les ressources du réseau. Qu'on se rappelle les départements régionaux de médecine générale, DRMG, créés en 1998, ou encore les groupes de médecine familiale, les GMF, annoncés par le ministre de la Santé et des Services sociaux il y a plus d'un an, qui sont encore au stade de démarrage. En conséquence, la FMRQ croit que l'État devrait, pour le moment, reporter son projet de carte santé et consacrer ces sommes à l'amélioration immédiate des soins à la population. Par ailleurs, si le ministre persistait à légiférer dans ce sens, la FMRQ estime que le projet de loi à être adopté devrait bénéficier de nombreuses modifications dont il est utile de parler.
En ce qui concerne plus particulièrement les médecins résidents et l'octroi de la carte d'habilitation, la FMRQ souhaite présenter des recommandations précises aux membres de la commission. Ainsi, selon les articles 4 et 17 de l'avant-projet de loi, les résidents en médecine devraient obtenir leur carte d'habilitation du gestionnaire de l'utilisation concernée, c'est-à-dire du directeur général de l'établissement où il travaille. Il s'agirait ainsi d'un système d'attribution de cartes différent de celui prévu pour les médecins, dentistes, pharmaciens et optométristes qui, eux, devront plutôt s'adresser au gestionnaire des clés et certificats, c'est-à-dire de la RAMQ, tel qu'exprimé à l'article 4, sous-paragraphe 1°, et à l'article 17.
On associe de cette façon les résidents en médecine à tous les autres employés des établissements dont l'accès à l'infrastructure est régie et contrôlée par leur employeur. Ainsi, comme le précise l'article 20, c'est le directeur général qui décidera de leur profil d'accès à l'intérieur du réseau. Il devra ensuite transmettre au gestionnaire des clés et certificats certains renseignements à l'égard de ces employés, ainsi que toute modification à ce sujet pouvant survenir en cours d'emploi.
La grande majorité des employés d'un établissement possèdent un statut bien défini et la plupart de ceux à qui on attribuera une carte d'habilitation ont un emploi à caractère permanent. La Fédération peut comprendre qu'un tel système d'attribution de cartes puisse fonctionner adéquatement avec des employés réguliers.
Pour les résidents en médecine, cependant, la situation est très différente. En effet, certains résidents peuvent changer d'établissement aussi souvent que cinq fois dans une année. Est-ce que les directeurs généraux de ces établissements pourront, sans interruption et sans délai, annuler une carte d'habilitation pour en activer une autre? Et qu'arrivera-t-il lorsqu'un résident changera d'établissement tout en continuant de recevoir son salaire du précédent? Car des fois le salaire est centralisé à un établissement même si des stages s'effectuent ailleurs. Devra-t-on désactiver sa carte malgré tout? L'adresse professionnelle de ce résident-là deviendra quoi exactement? Et qu'arrivera-t-il lorsqu'un résident en médecine devra fournir des services dans plus d'un établissement, comme c'est souvent le cas? Aura-t-il alors plus d'une carte d'habilitation?
Selon la FMRQ, en raison du profil de pratique des résidents en médecine, il serait essentiel qu'ils obtiennent leur carte d'habilitation directement du gestionnaire des clés et certificats, comme les autres professionnels mentionnés au sous-paragraphe 1° de l'article 4. De cette manière, la RAMQ, qui fournit déjà aux établissements les sommes requises pour le paiement des salaires des résidents et qui exerce donc de ce fait un certain suivi sur leurs déplacements, pourrait leur accorder une carte d'habilitation valable pour toute l'année à venir, laquelle serait préprogrammée en fonction des stages qu'ils doivent effectuer. En plus d'être nettement plus efficace, cette approche permettrait d'éliminer les risques d'erreurs qui pourraient survenir à chaque changement de stages et qui devraient faire l'objet de modifications à la carte d'habilitation. Le Collège des médecins pourrait fournir à la RAMQ toutes les données relatives aux résidents que celle-ci ne possède pas déjà. La RAMQ pourrait ensuite émettre la carte d'habilitation avec un minimum de risques d'erreurs et de délais inutiles.
n(17 h 20)n Par ailleurs, la FMRQ croit qu'il faut limiter encore plus l'accès aux données que ce qui est actuellement prévu à l'avant-projet de loi. En effet, la Fédération s'interroge sur l'utilité d'accorder une carte d'habilitation à un employé d'une régie régionale ou un employé du ministère de la Santé et des Services sociaux ? article 5, sous-paragraphes 1° et 2°. Si, selon l'article 45, la Régie ne peut utiliser les renseignements de santé d'une personne pour gérer des effectifs médicaux, cette garantie n'apparaît pas à l'égard des employés du ministère et des régies régionales. De plus, quelle véritable protection l'article 45 accorde-t-il si la Régie peut, selon l'article 43, leur communiquer les renseignements obtenus? La carte santé devrait servir uniquement à l'amélioration des services à la population. Elle ne devrait surtout pas être utilisée pour permettre à l'État un plus grand contrôle de la pratique médicale ou de la gestion et la répartition des effectifs médicaux sur le territoire. D'autres avenues ont été mises en place pour ce faire en collaboration avec l'ordre professionnel pour ce qui concerne l'acte médical et avec les fédérations médicales en matière de gestion des effectifs médicaux.
Dans le même sens, quelle est l'utilité d'accorder à un préposé d'un ordre professionnel une carte d'habilitation? À nouveau, en quoi cela serait-il susceptible d'améliorer les soins à la population? À notre avis, les ordres professionnels ont tous les pouvoirs d'enquête et de vérification pour leur permettre d'exercer un contrôle efficace sur la pratique de leurs membres. Si, malgré tout, le législateur jugeait opportun d'augmenter cette emprise des corporations professionnelles, la FMRQ ne croit pas que ce soit la manière appropriée pour le faire.
Donc, en conclusion, juste peut-être un petit mot sur la confidentialité des renseignements. Bien qu'elle soit soucieuse du respect de la confidentialité des renseignements personnels qui pourraient être obtenus avec la carte santé, la FMRQ s'interroge sur l'accessibilité aux renseignements en l'absence du patient. À quel moment les intervenants auront-ils accès aux résumés des renseignements de la carte d'une personne? Est-ce uniquement lorsque l'usager remet sa carte? Si c'est le cas, l'avant-projet de loi ne le précise aucunement. Doit-on plutôt comprendre que l'intervenant pourra en tout temps avoir accès au dossier de son patient? Dans ce cas, la FMRQ croit que la confidentialité des renseignements contenus sur la carte santé pourrait être compromise. Par ailleurs, la FMRQ croit que l'accès aux renseignements par les ordres professionnels est particulièrement problématique. L'article 38 introduit une liste de renseignements personnels qui devra accompagner l'octroi d'une carte d'habilitation. La plupart de ces renseignements sont considérés comme étant à caractère public. Or, les autres renseignements prétendument confidentiels ne le sont plus dans le cas des professionnels, puisque ceux-ci pourraient être transmis par la Régie au bureau, au comité de discipline ou au comité d'inspection professionnelle de l'ordre. Pourquoi les professionnels du secteur de la santé seraient-ils soumis à une divulgation publique plus large de renseignements que celle qui existe pour les autres professionnels, ingénieurs ou avocats, par exemple?
De plus, selon les articles 51, au sous-paragraphe 6°, et 70, la Régie pourrait transmettre au bureau de l'ordre professionnel du médecin, à son comité de discipline ou à son comité d'inspection professionnelle des renseignements personnels concernant son état de santé. Encore une fois, qu'est-ce qui pourrait justifier qu'une corporation professionnelle soit dotée de tels pouvoirs à l'endroit de ses membres? Présentement, il existe des mécanismes prévus par certaines lois québécoises qui permettent d'obtenir des informations confidentielles, et ce, dans le plus grand respect des droits individuels. Tel que rédigé, l'avant-projet de loi sur la carte santé laisse croire que l'on pourrait passer outre des mécanismes déjà prévus par les lois actuelles. L'introduction d'une carte santé ne devrait pas permettre de déroger à ces mécanismes.
Toujours à propos de la confidentialité des renseignements obtenus avec la carte santé, comment peut-on justifier l'article 66 tel qu'il est libellé? En effet, cette disposition interdit à l'intervenant qui pratique exclusivement dans le domaine de l'expertise ou pour le compte d'un assureur de consulter le résumé de santé d'une personne. Qu'en est-il de celui qui n'agit pas exclusivement dans ce domaine? Il semble que l'interdiction devrait être claire, complète, non équivoque. Un assureur ou un employeur ne devrait d'aucune façon pouvoir puiser des renseignements dans le résumé d'une personne.
Conclusion et recommandations, donc, très brièvement. La Fédération des médecins résidents du Québec croit que l'établissement d'un processus permettant un accès rapide aux renseignements concernant le patient constitue un pas dans la bonne direction. Ça, il faut le noter. Elle n'est cependant pas d'avis que la carte à puce soit la solution à tous les maux ni même une solution viable permettant présentement d'améliorer notre système de santé.
Le projet de carte santé du Québec apparaît comme étant beaucoup trop coûteux pour les bénéfices que l'on peut en espérer, particulièrement dans un contexte où l'équipement médical fait défaut, le nombre de professionnels est insuffisant, les listes d'attente s'allongent, les salles d'urgence débordent, les projets comme SIPA sont délaissés.
La Fédération des médecins résidents croit qu'il y a lieu de s'interroger sérieusement sur l'intérêt de mettre en place un outil qui n'a pas démontré sa valeur dans trois pays d'Europe et où ils ne servent plus qu'à des fins administratives.
Un système informatisé d'échange des requêtes-résultats serait plus approprié aux besoins des médecins, à leurs patients à cette étape-ci et probablement plus réalisable. Donc, la surcharge pour les professionnels et les personnels du réseau viendra annuler beaucoup des avantages de cette carte en réduisant leur disponibilité pour la dispensation de soins à la population. Donc, nous croyons que le gouvernement doit reporter le développement de cet outil et chercher à développer des mécanismes ou des outils qui viendront directement aider la population. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Delisle, pour la présentation de votre mémoire. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Legault: Bon, écoutez, d'abord, merci, M. Delisle, et donc à toute la Fédération des médecins résidents du Québec. Je vais vous dire que je suis énormément surpris de votre présentation. Je n'aurais jamais pensé qu'un groupe de jeunes ? parce que c'est ça; en tout cas, il y a au moins M. Delisle qui est un jeune, là ? ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Legault: ...qui nous fasse une présentation comme celle-là, une présentation où vous venez nous dire... Là, je suis en train d'être inquiet. Je me demande, je me dis: Je pense que je vais aller parler au ministre de l'Éducation. Je me dis: Est-ce que dans vos cours vous savez l'importance des systèmes d'information en 2002? Parce que... Attendez une minute, je vais vous poser une question, là, après quelques commentaires. Vous allez me permettre, là... Parce que je n'en reviens pas de votre position, de la position surtout qui vient des jeunes, de jeunes médecins qui sont l'avenir, là, que vous pouvez tenir une position comme celle-là en 2002.
Vous avez entendu, tantôt, il y a des médecins qui sont venus juste avant vous, là, Dr Dugré, Dr Dugré, qui n'est quand même pas le dernier venu, le président de la Fédération des médecins spécialistes, qui vient nous dire: Une organisation performante, ça doit avoir un système d'information performant. Il nous a dit ça tantôt, je ne sais pas si vous étiez là. Juste avant vous, le Dr Bessette, qui travaille à l'urgence, il est venu nous expliquer qu'à l'urgence, quand on reçoit un patient, bien, c'est souhaitable d'avoir de l'information, le plus d'information sur le passé médical de ce patient-là.
Puis, vous, vous venez nous dire: Ce n'est pas une priorité, ce n'est pas une priorité, là, vous ne nous avez pas démontré... Puis là, je ne sais pas, vous arrivez avec une explication un peu comptable, là. On dirait que c'est l'Ordre des comptables qui est devant nous plutôt que les médecins. Puis là vous nous dites: Le rapport coûts-bénéfices n'a pas été démontré.
Là, vous nous arrivez avec des arguments qui... C'est faible. Il y a des graves lacunes dans votre présentation. Vous nous dites: La formation n'a pas été incluse. Je m'excuse, là, c'est faux, la formation est incluse dans le coût de notre projet. Vous nous dites après ça: Bien, si on fait une projection à partir du projet de Laval, ça donne plus que 159 millions parce que le projet de Laval a coûté 11 millions. C'est faux. Le projet de Laval, si on parle le volet carte santé, c'est 1,7 million. Donc, c'est faux, ce que vous nous dites. Vous nous dites après ça: L'Ontario a mis de côté son projet de carte santé. Faux, le projet de carte santé va être accéléré en Ontario, c'est le projet de smart card pour tous les différents départements qui a été mis de côté.
Puis vous ne nous parlez pas du tout des bénéfices cliniques. On dirait que c'est comme si ça n'intéressait pas la fédération des jeunes médecins de dire... Comment vous pouvez penser qu'en 2002, là, ce n'est pas prioritaire pour un médecin qui travaille dans un hôpital d'avoir toute l'information sur le passé médical des patients? Comment vous pouvez venir nous dire ça? Moi, j'aimerais ça, savoir, là, comment vous pouvez arriver avec une telle position. Je ne comprends vraiment pas, là. Je comprends qu'il y a d'autres priorités dans le système de santé, là, puis on est d'accord là-dessus, mais de dire que d'avoir un système d'information en 2002, ce n'est pas prioritaire puis qu'on devrait remettre ça à plus tard, je ne vous suis pas du tout, du tout, là. J'ai de la misère à vous suivre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Dr Delisle, j'imagine que vous avez été inspiré par la sagesse ou l'expérience des plus âgés. Alors, maintenant, on vous cède la parole en réponse aux remarques du ministre.
M. Delisle (Jean-Sébastien): Au niveau strictement clinique pour leur choix pour les technologies de l'information, je dois cependant exprimer ma dissidence. Bon. Pour ce qui est des coûts, je ne m'éterniserai pas. Bon, les coûts, toutes les études... Premièrement, est-ce qu'on a vu toutes les études? Je ne crois pas qu'à la Fédération on ait pu examiner toutes, toutes, toutes les études. Les chiffres que vous mentionnez me surprennent, je dois vous le dire, là, me surprennent. Il me semble que ce n'est pas l'information qu'on avait eue. Donc, bon, ce serait à revoir.
n(17 h 30)n Maintenant, c'est intéressant quand vous dites que, nous, les jeunes, un projet d'informatique ne nous branche pas. En fait, c'est qu'il faut voir que... On ne dit pas que le projet est dénué d'intérêt, ce n'est pas vrai. Avoir les renseignements cliniques de base quand un patient se présente à l'urgence, ce serait un plus, ça, c'est clair. Nous travaillons à l'urgence, nous travaillons dans différents départements. C'est tellement difficile d'aller chercher de l'information dans un autre centre hospitalier. C'est sûr que ça peut aider.
Maintenant, où on exprime des réserves, c'est au niveau des coûts. Qu'arrive-t-il avec le développement de la télémédecine au Québec, qu'un surspécialiste à Montréal puisse voir l'imagerie en Abitibi? C'est encore flou. Est-ce que ça ne serait pas plus utile d'y aller petit à petit? Informatiser le système, ça, on est tous d'accord, mais d'avoir un système de requêtes-résultats qui puisse fonctionner, d'être... pouvoir... être branché avec les pharmacies pour obtenir les médicaments. Si on est sérieux au sujet de la confidentialité et du respect de la confidentialité, nous devrons admettre que les dossiers sur la carte à puce seront incomplets. Et, là je vais suivre ce que mon prédécesseur a dit, donc, cet après-midi, le Dr Bessette, a dit: Et, si ça prend deux, trois semaines, de toute façon, inclure ces résultats-là, qui risquent d'être partiels, en plus, quelle est l'utilité? L'utilité va en être diminuée. Souvent, c'est dans la première semaine ou dans les premières deux semaines où on doit savoir qu'est-ce qui s'est passé avec le patient, et on va avoir de la difficulté à rencontrer ces délais-là.
Donc, non, la technologie... Nous supportons un essor technologique significatif pour le milieu de la santé au Québec, c'est très clair. Est-ce que la carte à puce est l'outil qui va nous permettre d'accomplir ce que la technologie peut faire? Absolument pas. Nous croyons qu'améliorer le parc technologique, améliorer ce qui a déjà été mis en place devrait être priorisé. Aussi ? et là où je dois dire que le... Bon, pour ce qui est du bénéfice clinique, notre souci, notre souci, au niveau du bénéfice clinique de la carte, ça dépasse le gadget. Ce n'est pas parce que c'est informatisé que c'est nécessairement meilleur. Il faut comprendre que, nous, ce qui nous préoccupe en tant que jeunes médecins, jeunes ou vieux médecins, ce qui nous préoccupe, nous, c'est de voir que, nos patients, on n'est pas capable d'obtenir une résonance magnétique avant trois mois, qu'on n'est pas capable de s'occuper de ces patients-là de la meilleure façon possible. C'est très, très difficile de dire à notre patient: Je suis inquiet, vous avez besoin d'une résonance magnétique, mais vous ne l'aurez que dans trois mois. C'est intenable, cette situation-là. Donc, c'est là qu'on devrait investir. Oui, la technologie peut nous aider. Est-ce que la carte à puce est le meilleur outil? Nous en doutons.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Delisle. M. le ministre.
M. Legault: Bien, écoutez, Mme la Présidente, d'abord on dit qu'au niveau de la télémédecine, il y a 57 hôpitaux au Québec qui ont une console pour la télémédecine. Les médecins ne l'utilisent pas. On comptait sur les jeunes médecins pour pousser l'utilisation de la télémédecine, mais, à voir l'intérêt de M. Delisle pour les systèmes d'information, moi, je ne suis pas rassuré. En tout cas. Je n'ai pas d'autres questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Eh bien! Chers amis les résidents, merci d'être venus. Je ne sais pas si vous aurez l'occasion de relever le dernier point sur la télémédecine, puis c'est de la faute des médecins qui ne l'utilisent pas, là...
M. Delisle (Jean-Sébastien): Ah bien, c'est à voir. Bon, je sais que tout ce qui est informatisé est abondamment utilisé par les résidents. Donc, oui, à chaque fois qu'il y a un ordinateur, à chaque fois qu'il y a un système de résultats dans un hôpital, il est abondamment utilisé par les résidents. Bon. Est-ce que la sensibilité pour ce qui est de la télémédecine n'a pas été faite? Est-ce qu'on a sensibilisé les médecins? Bon. Je ne le sais pas. Écoutez, le doute qu'on met dans notre génération de vouloir, bon, relever les défis liés aux technologies de l'information, écoutez, c'est des allégations, je crois, un petit peu gratuites à l'heure actuelle, parce que, oui, la technologie... D'ailleurs, si vous suivez ce que la FMRQ a publié, nous avons toujours supporté l'essor technologique et l'amélioration du parc technique, c'est clair.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.
M. Fournier: Ça ne fait pas de doute dans mon esprit, et je suis sûr que le ministre va s'engager à nous déposer très prochainement les documents sur lesquels il s'appuie pour dire qu'on est suréquipé en télémédecine et que ce sont les médecins qui ont décidé de ne pas les utiliser. Enfin, c'est ce que j'ai compris de ce qu'il a dit. On va sûrement revenir sur la question parce que j'ai plutôt entendu le point de vue contraire. Mais, en tout cas, peu importe.
Je suis très content que vous ayez déposé votre mémoire. Il m'arrive, en commission parlementaire, d'avoir des représentations qui ne vont pas tout à fait dans le sens que je le souhaite, mais je me dis toujours que je ne suis pas élu pour imposer mes vues, et surtout à une commission, je suis surtout élu pour entendre ce que les gens disent. Et, même si, d'aventure, ça ne me plaît pas tout le temps, j'essaie toujours de le faire avec respect et d'apprécier ce qui est dit, et je me dis que c'est toujours ce qui devrait être fait.
Et dans le cas qui nous occupe, c'est un peu plus facile. Je crois que ce que vous dites... Et j'avais lu votre mémoire avant de faire mes remarques préliminaires, la semaine dernière, et je dois dire que votre mémoire m'avait particulièrement interpellé, surtout que je l'ai lu en même temps que j'avais lu celui du Conseil pour la protection des malades, et je me trouvais à avoir... Et les spécialistes et les amis, enfin, tout le monde, étaient dans les mêmes eaux, là, ou à peu près, ils s'inquiétaient sur une des grandes questions qui est de se dire, bon: Quand on avance un projet de loi qui est une priorité ni plus ni moins exprimée par un législateur, est-ce que ça répond à la grande problématique? Je me souviens de m'être posé les mêmes questions sur le projet de loi n° 28. On est à quelques mois après le rapport Clair, puis le gouvernement avance son premier pion: 28, la gouverne, comme si c'était la grande question soulevée même à Clair, comme si c'était la grande préoccupation. La réponse, évidemment, c'était: Non.
Là, on nous avance la carte à puce comme deuxième pion. En quoi est-ce que cela va répondre ? et ce sera une première question ? en quoi cela va répondre à la grande problématique qui s'appelle l'accès aux soins? Des deux côtés, de tous les côtés de la Chambre, tout le monde le dit au Québec en ce moment, les médecins et les infirmières, les préposés, tout le monde qui oeuvre dans le milieu, ils sont des professionnels, ils travaillent très bien, puis les sondages le disent: Quand tu as des soins, tu es content. Le problème, c'est quand tu poses la question: Avez-vous eu accès aux soins dans un délai raisonnable? Vous parliez de trois mois, là, même la présidente était ici pour dire: Des fois, la résonance, c'est six mois. Je vous dirais que j'ai déjà entendu que c'était pire. Mais, quand on pose cette question-là, là, les gens, c'est: l'accès aux soins.
Et une des questions que vous soulevez dans votre mémoire, en parlant de la mécanique d'inscription, vous nous dites que peut-être... Parce que ce qui est avancé chez certains, c'est que la carte à puce va nous permettre d'avoir un meilleur accès aux soins. Et, vous, ce que vous nous dites, c'est que c'est possible que la mécanique notamment d'écriture va peut-être nous pénaliser en termes d'accès. Alors, là-dessus, j'aimerais ça vous entendre, parce que je veux que vous sachiez que, tant qu'à moi, le gros problème, c'est l'accès. Alors, on pourrait parler de plein d'autres projets de loi que celui-là, mais, si celui-là en plus nous pénalise en termes d'accès, là, on a un sérieux problème.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Delisle.
M. Delisle (Jean-Sébastien): Effectivement, au-delà de l'informatisation et de tout le reste, l'accès reste la question fondamentale. Ça, je crois que tout le monde, tous les intervenants s'entendent là-dessus. Maintenant, au niveau de la carte santé, est-ce que ça peut améliorer l'accès? On dit qu'en principe, en principe, oui, ça pourrait améliorer, bon, faire en sorte qu'on ait un plan d'intervention, un plan d'intervention plus rapide. C'est vrai. Maintenant, nous croyons cependant que les bénéfices vont être noyés dans un... Bon, dans tout ce qui caractérise le réseau à l'heure actuelle, c'est souvent, bon, une difficulté au niveau du personnel, bon, des tâches cléricales qui vont être difficiles à remplir, et tout ça, bon, viendra probablement alourdir le processus. Et ce ne sera pas aussi simple que, bon, on branche la carte et on a tout ce qu'on veut, là. Donc, oui, il va y avoir des délais. De un.
Dans sa structure actuelle, en fait, c'est des informations assez rudimentaires qu'on inclurait dans la carte santé. En fait, je ne crois pas que tout le monde se soit arrêté, mais on parle, bon, de diagnostics importants, médicaments, allergies. C'est quelques informations, mais ce n'est pas toute l'histoire, là. Le médecin devra toujours aller revoir le patient, reposer des questions. Ça peut contribuer à l'histoire médicale, mais c'est loin d'être révolutionnaire, là. Et nous ne croyons pas que, dans le contexte actuel, ça pourrait grandement améliorer l'accessibilité aux soins.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je sais que le ministre s'intéresse à ce qu'on entend généralement sur les clichés à l'égard des jeunes. On se demande comment vous prenez votre position. Je crois comprendre que, vu que vous ne le trouvez pas révolutionnaire, c'est peut-être pour ça que vous ne lui donnez pas votre appui.
Mais vous parliez tantôt de... on parlait dans votre mémoire du résumé des renseignements. Et je dois vous poser la question. Je pense que j'ai compris ce que vous voulez dire, mais la phrase me laissait quand même perplexe. «L'avant-projet de loi propose de permettre aux usagers de demander le retrait de certaines données de leur dossier, s'ils le désirent. La FMRQ est d'accord avec ce principe.» Et une fois que vous établissez être d'accord avec le principe, vous dites: Mais si c'est ça qu'on fait, ça ne marchera pas.
n(17 h 40)nM. Delisle (Jean-Sébastien): Bien, effectivement, c'est... Ce qu'il faut réaliser, c'est que, si on respecte le choix du citoyen, si on le respecte... Et je crois qu'on est obligé de le faire en tant que société. Quelqu'un qui dit: Je ne veux pas que ça soit sur ma carte santé, on est obligé de faire en sorte que ça ne soit pas sur la carte santé. Moralement, je trouve qu'on aurait une difficulté à la source. Maintenant, un coup qu'on a accepté ça, il faut aussi accepter que l'outil devient un outil sous-optimal et il faut le prendre comme tel. C'est quelque chose qui peut aider, mais ce n'est pas quelque chose qui va faire tourner le monde plus vite ou qui va nécessairement régler tous nos problèmes. Ça va être un outil imparfait. Est-ce qu'on peut encore travailler avec un outil imparfait, est-ce qu'un outil imparfait peut encore nous aider? Certainement. À 159 millions, quand il y a tant d'autres choses à régler dans le réseau, nous croyons que ce n'est pas le temps.
M. Fournier: Le Collège des médecins, Dr Lamontagne ? vous avez sûrement entendu ? dit: «You're in or you're out», mais, une fois que t'as dit: J'embarque dans le résumé, bien, ça va être le résumé complet, là, tu ne feras pas de... tu ne magasineras pas les informations que tu mets dedans. Est-ce que ça vous paraît être une façon d'appliquer le principe du consentement du citoyen et, en même temps, d'optimiser le résumé?
M. Delisle (Jean-Sébastien): C'est difficile à tenir parce qu'un patient voudrait probablement que, bon, certains des renseignements médicaux soient inclus, mais, bon, laisser de côté un autre. Il faudrait qu'à ce moment-là il... Bon, il y a des dispositions prévues à cet égard-là qu'au moins on indique, qu'au moins on indique, bon, le dossier est incomplet. Au moins, ça permet au médecin d'aller reposer des questions. Ça, c'est compris et ça, bon, c'est essentiel.
Cependant, bon, l'«opting out», on croit que, bon, c'est difficile à tenir. Nous, ce qu'on dit, c'est que, bon, dans le principe, là, c'est que chaque Québécois pourrait avoir sa carte, sauf qu'en choisissant ce qu'il y a sur la carte, bon, il y a une espèce d'«opting out» automatique, là. Un patient, par exemple, pourrait choisir qu'il n'y ait aucune information sur sa carte. Donc, je ne crois pas que la position du Collège des médecins soit viable dans ce sens-là parce que, à mon sens, un citoyen a toujours le droit de dire: Bien, peut-être que, ma dépression voilà 20 ans, je ne veux pas qu'elle soit là.
M. Fournier: Je pense que ce que le Dr Lamontagne disait, grosso modo... Si j'essaie de concilier les deux parties, ce serait de dire ceci: En implantation de la carte, les gens font un premier choix: je veux, je ne veux pas. Alors là on a un groupe. Si je me fie au sondage que le ministre invoque, 77 % peut-être des gens embarqueraient, et on peut facilement comprendre l'autre 20 % qui ont un certain nombre... un historique qui explique pourquoi ils ne voudraient pas le faire. Puis on n'a pas à le juger, au contraire, ils ont des bonnes raisons. Ce 77 % qui décide de participer embarque: Oui, tu mets ça dans mon résumé, oui, cet événement aussi, cet épisode de ça aussi. Et arrive un épisode qu'ils ne veulent pas qu'il soit inscrit, et là ils pourraient faire, je dirais, un débarquement, un «opting out» complet. Et là on dit: Bien là, à partir de maintenant, je ne l'utilise plus et je ne veux plus. Alors, autrement dit, l'important étant pour le médecin qui voit la carte arriver, là, qui se dit: Est-ce que j'ai affaire à un résumé qui est complet ou j'ai affaire à quelqu'un qui n'a pas de résumé du tout?
M. Delisle (Jean-Sébastien): Moi, c'est là où je ne suis pas d'accord, parce que je crois qu'encore une fois, avec les données partielles, avec le patient qui choisit qu'il n'a pas besoin de débarquer complètement, avec le patient qui peut choisir ce qui est là, on peut encore l'aider, ce patient-là, avec la carte même si c'est un outil incomplet. Donc, dans ce cadre-là, moi, je crois que «t'embarques complètement ou tu débarques complètement» n'est pas tenable.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui. Je voudrais revenir sur une autre piste. Vous avez parlé tantôt, et on en parle beaucoup, le Dr Lamontagne... C'est parce que le Collège des médecins en avait parlé aussi, mais vous avez parlé tantôt de l'accès. Ce qui était primordial, dans le fond, pour vous, c'est les résultats de tests, les médicaments. Et le Collège des médecins nous a dit qu'il était possible d'avoir accès à ces informations-là sans mettre en place toute la mécanique de la carte à microprocesseur. Pouvez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Delisle.
M. Delisle (Jean-Sébastien): Merci, Mme la Présidente. La raison pour laquelle nous avons proposé ça aussi, c'est que, bon, on est conscient que l'outil... bon, l'outil de la dissémination de l'information ou n'importe quoi qui peut être utilisé à cette fin-là est utile. On a choisi justement ces exemples-là parce qu'il y a déjà une espèce de mécanisme en place. Donc, les coûts humains, les coûts d'informatisation seraient probablement moindres, et on pourrait obtenir là aussi une information de qualité. Il existe en effet des systèmes d'échange d'information. Si on pouvait globaliser ça à la grandeur du Québec, nous croyons que nous pourrions faire des économies significatives. Encore une fois, le calcul n'est pas fait, mais c'est intéressant de s'y pencher. Et on pourrait faire probablement des économies significatives, comparativement à la carte à microprocesseur, en utilisant une technologie qui est en place, donc qui ne nécessite pas de développer, bon, d'autres technologies et qui serait, bon, d'une utilité, bon, relative mais d'une utilité réelle. Donc, ces systèmes-là existent. Donc, pourquoi pas les utiliser, prendre ce qu'il y a déjà dans le réseau. C'est d'ailleurs ce que nous voulions souligner avec notre mémoire. C'est qu'il y a beaucoup de choses qui sont en défrichage dans le réseau puis on a l'impression que rien n'aboutit: le projet SIPA, bon, l'assurance médicaments qui a été questionnée, les groupes de médecine de famille, les DRMG de voilà deux ans. On sent qu'il n'y a rien qui démarre, et puis là on a un autre projet. Pourquoi pas reculer, regarder ce qu'il y a en place et tenter de l'optimiser.
M. Fournier: Juste pour résumer, parce que je partage pas mal votre point de vue, mais je l'avais déjà signifié autrement, ce qui manque, c'est un plan de match. C'est de dire: Si je m'en vais avec les DRMG, je veux m'assurer qu'au bout de la ligne ça marche et puis que je me donne des délais pour. Les GMF, la même chose. Si je veux les lancer, bien, je me donne un délai pour les négocier parce qu'il faut que je voie la rémunération. Je me dis: À terme, quand je suis rendu là, à cette étape-là, une fois que tu l'as annoncé au départ, tu ne te questionne pas après un an pour dire: Pourquoi ça n'a pas avancé? Si on avait eu le plan de match, on saurait si on est dans les délais ou pas. Évidemment, là, on saurait que la négociation a commencé un an après le coup, mais ça, c'est d'autre chose. Ce qui nous manque souvent, c'est le plan de match. À l'égard de la carte, c'est un peu la même chose. Mais permettez-moi de vous... Vous me dites: Le système existe à l'égard de ces données pour la pharmaceutique et pour les résultats de tests, ça existe. Parlez-moi de cette mécanique qui existe et dites-moi, en me l'expliquant, si elle répond aussi aux critères de respect de confidentialité?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Monsieur... Dr Delisle.
M. Delisle (Jean-Sébastien): C'est une excellente question. Effectivement, il faudrait régler beaucoup de choses au niveau de la confidentialité parce que, oui, même si l'infrastructure technologique peut exister, il pourrait se développer davantage. C'est vrai, le problème de la confidentialité n'est pas complètement réglé. Donc, il faudrait penser à un mécanisme où l'usager permet à son médecin d'utiliser, ou permet au réseau, ou au système, d'utiliser ces données-là. Est-ce qu'on a besoin d'une carte à microprocesseur pour ça? Probablement pas. Mais, oui, puisque nous nous soucions énormément du respect de la confidentialité et du droit du citoyen à l'égard de ses informations médicales, nous pensons qu'il faudrait penser à un mécanisme pour protéger la confidentialité. Et ça, naturellement, ça n'a pas été abordé à l'heure actuelle. Il faudrait s'y pencher sérieusement, parce que, bon, je vous dirais que les craintes que vous pouvez avoir à ce sujet-là sont justifiées.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je voudrais terminer, avec mes notes finales, en vous remerciant d'être venus, en vous disant que j'ai eu l'occasion, vous l'avez peut-être eu aussi, de regarder l'ensemble des mémoires, des présentations qu'il y a eu ici. Et le ministre nous a dit tantôt... Il vous a isolés un peu en disant: Les autres ne pensent pas comme vous, vous êtes isolés. Je voudrais juste vous dire que vous êtes dans le même courant de pensée qu'à peu près tout le monde qui est venu ici, à commencer... Le ministre parle de M. Dugré, Dr Dugré, des spécialistes, je pourrais vous citer des passages de son mémoire, qui, lui, se demande encore comment c'est possible qu'on ne nous ait pas dévoilé les coûts, lesquels existent, et les études sur les coûts sont faites, elles sont juste pas diffusées.
Malgré que le ministre nous ait dit en remarques préliminaires, il disait ceci: En conclusion, Mme la Présidente, il demeure essentiel pour un ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux que l'exercice majeur de consultation mené par cette commission parlementaire se fasse en toute transparence, or les données sur les coûts associés... les coûts, de l'ensemble des coûts. Je ne parle pas juste de l'émission des cartes, on parle de l'informatisation à gauche et à droite et d'un bon nombre de secteurs que vous avez soulevés, que d'autres ont soulevés. Ces coûts-là ne sont pas connus. Et même M. Dugré s'interrogeait là-dessus.
Et je pense qu'on vous doit beaucoup de respect pour avoir justement posé la bonne question. Peut-être, pour tous les médecins d'avoir plus d'information, c'est vous qui allez en bénéficier au premier titre, mais vous dites: Parmi tous les besoins que j'ai, il y en existe beaucoup d'autres qui appellent à être répondus aussi, et on a peur, puisqu'on ne connaît pas l'ensemble des coûts de ce projet-là, de cette carte-là, on a peur que ça nous hypothèque pour l'ensemble des autres.
n(17 h 50)n Et donc, ce que vous appelez, c'est un plan de match global du ministère de la Santé pour dire: Quelle est la vision pour les cinq, 10 prochaines années? Quels sont les enjeux? Où on va mettre les sous? De ce temps-ci, on entend beaucoup ? bien, on entend beaucoup parce qu'on est chanceux ? on a plusieurs ministres qui peuvent parler et qui peuvent nous dire quelles sont chacune des orientations qu'ils veulent prendre. On n'en a pas beaucoup encore sur comment ils vont y arriver. Mais ça, c'est des choses que, nous, c'est notre travail de faire, et on va sûrement le faire en pensant aux gens qui sont sur le terrain, et qui posent les bonnes questions, et qui espèrent que le ministre aura. S'il avait peu de questions, il avait quand même une écoute à ce qui s'est dit. Alors, merci beaucoup, pour votre venue.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous voulez ajouter quelque chose, docteur? Oui?
M. Delisle (Jean-Sébastien): Oui. Je voudrais juste terminer en disant que, bien qu'on nous ait isolés, nous ne nous sentons pas isolés. Nous ne le sommes pas, nous sommes appuyés, nous sommes... Les gens ont émis souvent des réserves qui étaient très proches des nôtres, et tout le monde s'entend pour dire que l'accessibilité, c'est vraiment ça qui compte. Et puis je crois qu'il y a quand même un certain consensus au sein des intervenants du réseau pour dire que les priorités doivent être déterminées avec justesse, avec attention, nous devons être très méticuleux avec l'argent qu'on dépense, et que l'accessibilité doit être mise au premier plan. Donc, dans ce cadre-là, on a beau être jeunes, l'accessibilité, ça restera toujours meilleur que des bidules. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Dr Delisle, M. Gouin, Me Castonguay et Mme Laplante, merci pour avoir accepté de participer à cette commission et d'éclairer nos débats. Alors, j'ajourne la commission à jeudi, le 7 mars 2002, 9 h 30, à cette même salle du Conseil législatif.
(Fin de la séance à 17 h 52)