(Onze heures vingt et une minutes)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît. Alors, la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Alors, il n'y a pas de remplacement.
Je vous donne lecture de l'ordre du jour. Alors, nous allons rencontrer immédiatement l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux du Québec; à 12 heures, l'Association des établissements privés conventionnés-santé et services sociaux; nous suspendrons à 13 heures pour reprendre à 15 heures avec l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux; à 16 heures, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec; à 17 heures, l'Association pour la santé publique du Québec; à 18 heures, on suspendra pour reprendre à 20 heures avec l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec; à 21 heures, la Confédération des syndicats nationaux; à 22 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et, à 23 heures, la Centrale des syndicats du Québec; pour ajourner à 24 heures.
Alors, nous avons déjà un peu de retard d'accumulé, nous allons essayer, si vous le voulez bien, de prendre un peu de temps sur ce groupe et sur l'autre groupe, parce que je comprends qu'on doit terminer à 13 heures, mais je ne veux pas non plus pénaliser les gens qui ont pris le temps de venir nous rencontrer.
Auditions
Alors, je salue les représentants de l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux du Québec, M. André Brunelle, qui est président de l'Association et directeur général des centres jeunesse de la Montérégie, Longueuil. Vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, nous échangerons. Mais, avant de vous céder la parole, c'est-à-dire avant de faire la présentation de votre mémoire, j'apprécierais si vous puissiez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous cède la parole.
Association des directeurs généraux des services
de santé et des services sociaux du Québec
M. Brunelle (André): Je vous remercie, Mme la Présidente. J'allais effectivement vous présenter Mme Renée Lamontagne, à mon extrême droite, qui est secrétaire de l'Association et directrice générale du CLSC des Hautes-Marées, L'Ancienne-Lorette; à ma gauche, M. Julien Tremblay, trésorier de l'Association et directeur général du CLSC Richelieu et du centre Rouville, Marieville; et, à ma droite immédiate, M. Michel Denis, qui est le directeur général de notre Association.
L'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux du Québec, que nous nommerons l'Association, représente, comme son nom l'indique, l'ensemble des hors-cadres du grand réseau québécois de la santé et des services sociaux. Regroupés au sein d'une association professionnelle pour d'abord défendre leurs intérêts personnels, les directeurs généraux ont toujours tenu, étant les seuls à pouvoir le faire véritablement, à faire valoir leurs points de vue lorsque les conditions d'exercice de la profession étaient en cause, d'où l'intérêt manifeste de l'Association pour toutes ces questions liées à la gouverne du réseau et à l'imputabilité de ses principaux acteurs. Les directeurs généraux ne sont pas seulement des cadres de haut niveau, ils sont aussi les premiers responsables, sous l'autorité du conseil d'administration, de l'administration et du fonctionnement de tout établissement que le conseil administre. C'est donc à ce double titre de représentante, d'une part, des personnes soucieuses de préserver et d'améliorer leurs conditions de travail et, d'autre part, de gestionnaires préoccupés par l'organisation de base des établissements que l'Association se présente devant la commission et entend y intervenir.
Nous allons aborder d'abord quelques considérations générales. Quelques remarques sur le partage équilibré entre la démocratie représentative et la démocratie participative. Au-delà des pouvoirs et responsabilités accordés aux élus siégeant à l'Assemblée nationale, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, selon l'esprit de la dernière réforme Rochon-Côté, mettait l'accent sur la nécessité d'une démocratie participative dans la gouverne du réseau de la santé et des services sociaux. Cette orientation s'appuyait sur le principe de la nécessaire présence du citoyen au sein de chaque établissement, de chaque régie du réseau, pour apporter notamment un contrepoids au pouvoir bureaucratique des experts et de l'administration.
Après 10 années, il est possible que cette réforme accuse certaines faiblesses. Le mode électif retenu pour assurer la présence des citoyens aux conseils d'administration n'a pas toujours fonctionné. La présence des employés par la voie des élections a également suscité bien des difficultés. Cependant, il faut se questionner sur la pertinence de maintenir cette présence aux différents niveaux de décision du réseau. La nécessité du contrepoids évoqué plus haut demeure, dans notre système, si on souhaite que les usagers et les citoyens gardent le sentiment d'avoir un mot à dire sur les services qui leur sont offerts par le réseau. Le projet de loi n° 28 est reçu par les bénévoles siégeant aux différents conseils d'administration comme une gifle. Ils ne lisent pas que les modalités électorales sont inefficaces, mais bien que leur présence même n'est pas souhaitée. Si ce message n'est pas celui que veut envoyer le gouvernement, des modifications majeures s'imposent.
Il nous faut aussi rappeler la réalité inéluctable des multiples forces et pressions qui agitent ce réseau. Par souci d'efficacité et pour clarifier les lignes d'imputabilité dans le champ d'autorité de son réseau, le gouvernement peut, comme il le fait avec ce projet de loi, éliminer la présence de certains acteurs. Ce faisant cependant, il ne peut s'attendre à ce que ces acteurs se taisent ou disparaissent tout simplement. S'ils n'ont plus accès à la tribune que constitue le conseil d'administration de la régie ou de l'établissement, s'ils ne peuvent plus transmettre leur point de vue à travers ces mécanismes de médiation et de décision, ils utiliseront d'autres tribunes pour ce faire. Est-ce bien cela que nous voulons?
Troisième objet de réflexion: la méfiance et le mépris. Tous les dirigeants de ce réseau, à partir du ministre lui-même, ont à améliorer la confiance qui leur est accordée par la population comme par les autres instances politiques et gouvernementales. Nous avons été témoins trop souvent de la méfiance et du doute à l'endroit des dirigeants du réseau quant à leur compétence, quant à leur aptitude à assumer leur mandat dans le cadre actuel. Cette attitude cynique, voire méprisante, envers les décideurs et les gestionnaires en place occulte la complexité inextricable des difficultés actuelles du réseau... de la situation, alors que le réseau québécois partage les limites et les contraintes de presque tous les autres systèmes de soins occidentaux. Il est, hélas, trop facile de réduire la réalité actuelle à une affaire d'argent et de gestion. Nous croyons que la situation n'est, hélas, pas si simple.
Le projet de loi ne peut, dans sa réforme présente... dans sa forme présente, susciter une mobilisation des personnes parce que, entre ses lignes, on y ressent trop de cette méfiance et de ce mépris. Malgré des éléments fort positifs, malgré le consensus sur lequel il veut s'appuyer, il ne provoque auprès des directeurs généraux, comme auprès des membres actuels des conseils, que méfiance, suspicion et même colère, et ce, parce que le projet de loi semble jeter le blâme des difficultés du moment sur les seules épaules des membres des conseils et des directeurs généraux identifiés comme ceux à l'égard desquels il faut mettre plus de mesures contrôlantes et dont il faudra mieux s'assurer de leurs compétences de gestion.
Et haro sur ces baudets! On ajoute des bretelles aux ceintures pour mieux les contrôler, non seulement sur les résultats attendus, mais même sur les moyens, sur les comportements. Ce faisant, le ministre prend un risque majeur; pour satisfaire ceux qui exigent de lui un tel conformisme de son réseau, il s'expose à y enlever l'initiative, le goût du risque et la créativité, alors que ces attitudes sont éminemment nécessaires pour nous sortir de la crise actuelle.
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(11 h 30)
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Enfin, parlons-nous de la réciprocité de l'imputabilité. Le projet de loi n° 28 ne semble trouver son inspiration qu'aux seules préoccupations de la nécessaire maîtrise des coûts. Nous croyons que l'imputabilité doit aussi porter sur l'indispensable réponse aux besoins de la population, des clientèles particulières définies par les lois qui nous encadrent. Nous croyons que toute réforme portant sur la gouverne doit aussi comprendre un engagement clair et ferme du ministère et du gouvernement face aux responsabilités qui lui incombent au plan de la cohérence législative, des orientations et du financement des services. Nous nous appuyons, dans cette attente de réciprocité, sur notre compréhension de nos rôles respectifs, à savoir qu'il appartient à l'État de définir le panier de services garantis à ses citoyens et de le financer suffisamment pour répondre à la demande réelle, alors qu'il revient aux établissements d'assurer la prestation de ces services selon la planification d'ensemble et les standards de coûts déterminés.
En ce qui a trait à la place du directeur général, on voit bien que le gouvernement a peine à faire son lit. En effet, dans un premier temps, le gouvernement a jonglé avec l'idée de réserver aux régies régionales la nomination des directeurs généraux d'établissements. Il a révisé son point de vue sur cette question fondamentale pour les conseils d'administration, et c'est heureux. Mais, pour qui lit bien le projet de loi, la méfiance envers les conseils, le désir de contrôler, de contraindre les directeurs généraux d'établissements ne sont pas disparus.
Ainsi, le fait d'inclure dans le projet de loi un élément de procédure aussi trivial que la nécessaire obligation de consulter la régie avant la nomination du directeur général d'un établissement constitue un exemple frappant de la méfiance que nous évoquions plus tôt. Est-il utile de rappeler que la majorité des membres du conseil seront, si on s'en tient au projet de loi, eux-mêmes nommés par la régie et qu'ils coopteront une bonne partie de leurs collègues? Est-il utile de rappeler que le règlement régissant le processus de nomination des directeurs généraux prévoit que deux des cinq membres du conseil... du comité de sélection du D.G. sont déjà des représentants du ministre et de la régie? Quelqu'un croit-il vraiment que la régie et le ministère ont encore besoin de plus de moyens, d'une étape bureaucratique de plus pour que les nominations soient adéquates et politiquement correctes?
Cette modification proposée à l'article 193 du projet de loi amènera une inutile perte de temps et constitue une forme peu subtile de tutelle des conseils. Elle rappelle, de douce mémoire, les tentatives d'une administration précédente pour qualifier les directeurs généraux. La modification proposée doit être retirée.
Et que dire de cette étonnante proposition à l'article 182.6 qui donne au conseil d'administration le pouvoir, lorsqu'il considère ? notons ici l'élégance du terme ? que le directeur général ne s'est pas conformé à l'entente de gestion et d'imputabilité... il peut alors le suspendre de son engagement, réduire la durée de son engagement, le destituer et même le remplacer. Mais, rassurons-nous, le rédacteur a eu la sagesse de prévoir que ces mesures n'étaient pas limitatives. Il y a de l'espoir pour les partisans de la prison pour dettes. Voilà bien l'expression la plus flagrante et la plus insultante du mépris auquel certains vouent les directeurs généraux, pourtant les fers de lance de l'état-major du réseau.
Pourquoi le législateur dont on dit qu'il ne s'exprime jamais pour ne rien dire manifesterait-il une telle insistance sur le pouvoir de sanction du conseil envers son D.G., pouvoir qu'il conseille... qu'il possède déjà en vertu de la réglementation en vigueur? Pourquoi semble-t-il présumer que la sanction ne sera que négative alors que n'est proposée aucune forme de sanction positive suite à l'atteinte des résultats attendus? Qu'est-ce enfin que cet ajout aux mesures possibles, soit la réduction de la durée de son engagement, un ajout hautement discutable et très fragile légalement, compte tenu des ententes contractuelles à durée déterminée signées par les parties? Par là, on permettra à un conseil de mauvais poil de mettre abruptement fin au contrat qui le lie à son D.G. pour un motif brumeux, tout à fait inusité dans notre droit du travail.
Lorsque, le 12 avril dernier, le ministre Trudel est venu prononcer l'allocation de clôture au congrès annuel de l'Association, il s'est mérité, et à bon droit, une longue ovation debout de la part des très nombreux directeurs généraux présents dans la salle, en rappelant le rôle essentiel et pas assez reconnu du D.G. au pied du lit du malade, la complexité, à nulle autre pareille, de la tâche du directeur général dans notre réseau, les erreurs passées du ministère n'hésitant pas à faire son mea culpa personnel appuyé, la nécessité de part et d'autre de ne pas placer de mines dans nos jardins respectifs, l'absolue nécessité d'un partenariat franc, fraternel entre les D.G. et le ministère, et enfin son engagement à toujours récompenser, jamais punir. On a peine à reconnaître le même ministre dans son projet de loi.
Cet article 182.6 n'ajoute rien à la latitude essentielle que possède déjà le conseil à l'égard de son D.G. Il ouvre cependant une avenue inusitée et dangereuse en matière de droit. Cette disposition est inutilement blessante, insultante et n'aurait jamais dû être écrite. Nous demandons sans réserve son retrait immédiat.
Pour ce qui est de la nomination du président-directeur général à la régie régionale, nous sommes tout à fait favorables à la création d'un tel poste. Nous avons même recommandé d'étendre l'appellation et la responsabilité à l'ensemble des établissements. C'est ce qui se fait partout ailleurs au Canada; nous ne voyons pas ici l'utilité de se singulariser.
Ceci dit, il est de notre responsabilité de souligner que celles et ceux qui exercent actuellement la direction générale des régies doivent voir leurs droits respectés dans la modification législative qui s'annonce. L'article 120 du projet de loi prévoit que les directeurs généraux en fonction dans les établissements au moment de la formation des premiers conseils d'administration continuent d'occuper leur poste à tout le moins jusqu'à la fin de leur mandat. Or, une telle disposition n'a pas été prévue pour les directeurs généraux de régies maintenant devenus des P.D.G. Si nous pouvons comprendre que le gouvernement peut souhaiter quelques changements à la direction des régies, nous ne voyons pas pourquoi les directeurs généraux en poste ne pourraient pas voir leur contrat respecté. Si tel n'était pas le cas et comme il s'agit certes d'une réorganisation administrative majeure au sens du décret 1217-96, ces directeurs généraux ainsi évincés devraient pouvoir bénéficier des mesures de stabilité d'emploi prévues au règlement, lesdites mesures étant précédées du préavis prévu au contrat d'engagement des directeurs généraux.
Un mot sur les regroupements. Notre réseau a connu au cours des dernières années deux vagues successives de regroupements, de fermetures d'établissements, et cela n'a pas été sans laisser des séquelles. Comme réseau, nous n'avons pas toujours eu l'impression que ces bonds en avant avaient été précédés d'une analyse poussée. Et nous n'avons pas été témoins non plus d'analyses, d'études post facto qui feraient le bilan des regroupements, examineraient s'il y a eu ou non les économies d'échelle annoncées et les bénéfices en termes de services à la population.
Bien au contraire, dans certains cas, les fusions, regroupements n'ont pas résisté à l'épreuve du temps, d'où les réserves de plusieurs à voir un projet de loi qui permet de nouveaux regroupements, notamment à l'intérieur de l'île de Montréal et en particulier lorsque tel regroupement implique même un centre hospitalier de plus de 50 lits. L'article 126.2.1 permet même au ministre d'effectuer de tels regroupements de sa propre initiative.
Le projet de loi, ici comme ailleurs, doit viser à rassembler les dirigeants, les administrations locales et non à les cabrer. Aussi, à notre avis, ces possibles regroupements ne devraient s'effectuer que sur la base de paramètres clairs et déterminés, en relation directe avec des objectifs de résultat convenus alors qu'il y a des avantages évidents pour la population. Nous croyons qu'il est plus que temps en effet de prendre la mesure des effets obtenus des différentes initiatives réalisées à cet égard et de se donner un cadre décisionnel plus objectivé. Le projet de loi maintient encore un arbitraire potentiel inquiétant. Nous le déplorons même si on nous dit qu'un peu partout le modèle proposé par le projet de loi est la voie que l'on entend emprunter. L'histoire récente devrait nous démontrer que lorsqu'on force des communautés à des mariages forcés alors qu'elles ont souvent une très longue et très dynamique vie d'établissement ne mène à rien de bon, n'aboutit au mieux qu'à des années de tension. Par ailleurs, des regroupements initiés strictement sur des avantages purement conjoncturels n'ont pas toujours, sur les services à la population, les effets positifs attendus. Le projet de loi devrait donc être amendé en ce sens. Par principe, dut-il s'appliquer, pour l'heure, à un seul juste.
Dans le même sens, le projet de loi devrait s'abstenir de donner au ministre un pouvoir d'agir de sa propre initiative, envers et contre tous. En un domaine de services à la collectivité, il ne nous apparaît pas sain que le ministre soit seul à souhaiter un tel regroupement.
Il y aurait lieu enfin d'apporter des précisions quant à la nature, à la configuration des territoires considérés comme aussi de préciser jusqu'où le législateur entend se rendre dans sa décision d'un centre hospitalier de plus de 50 lits.
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(11 h 40)
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La composition des conseils. Évidemment, cette question de la composition des conseils a soulevé le plus de passions, particulièrement parce que le changement proposé est radical, mais surtout parce que, manifestement, le gouvernement, en s'appropriant les six ou sept premiers sièges par désignation directe par une régie qu'il contrôle par ailleurs, se trouve à prendre, de façon un peu trop voyante, le contrôle de tous les conseils d'établissement. Une perspective qui ne sourit guère, d'où le commentaire de plusieurs: Si telle est l'intention du gouvernement, pourquoi ne va-t-il pas jusqu'au bout de sa logique et ne supprime-t-il pas tous les conseils? Position que nous ne tenons pas personnellement.
Il y a donc, à notre avis, beaucoup trop de personnes nommées par le gouvernement ou l'entité régionale. Cela donne, en théorie, trop de risques de mainmise par l'État, trop de risques de partisanerie. Nous proposons donc qu'il y ait un meilleur équilibre entre les différents acteurs et que, d'une manière générale, le milieu ? et ici, pas strictement la population au sens large, mais aussi le milieu spécifiquement intéressé par l'avenir et la vocation de l'établissement ? garde le contrôle de son établissement.
Ainsi, selon les catégories d'établissements, le «milieu» s'entend comme des représentants des fondations, de la personne morale, des comités d'usagers, des conseils d'administration de première ligne ou des régies avoisinantes, de l'université ou des universités, de certains organismes ou sociétés intimement liés à la vie de l'établissement et de la communauté particulière à laquelle est traditionnellement lié l'établissement.
Les professionnels et les employés de la santé et des services sociaux peuvent aujourd'hui siéger à l'un ou l'autre des conseils d'administration du réseau comme représentants de leurs pairs. Ici, on nous permettra de le dire franchement, s'il y a eu de très nombreuses situations où les représentants des employés aux divers conseils ont été d'un apport positif, il y en a eu aussi où la situation était intenable, d'où les réserves sérieuses de plusieurs de nos membres quant à leur présence au conseil d'administration de leur établissement. Nous estimons à cet égard que le mode de nomination par voie de suffrage universel constitue à tout le moins une voie à abandonner au profit de mécanismes qui n'entretiennent pas implicitement un mandat de représentativité de l'ensemble du personnel. Et l'on pourrait faire les mêmes commentaires en regard des élections de certains membres au suffrage universel, de telles élections ne suscitant généralement aucun intérêt tout en créant une illusion démocratique.
Plus spécifiquement, tout en maintenant le nombre de membres du conseil à une quinzaine de personnes, il nous apparaît qu'une bonne formule serait d'avoir généralement, au sein d'un conseil, environ 30 % des membres désignés par la régie ou le gouvernement ? et ici, peut-on suggérer de retirer les mots «reconnues pour leur expérience et leurs compétences en gestion», non pas que la réalité nous pose problème, mais les termes donnent à penser que ceux qui siègent actuellement aux conseils n'ont pas de telles compétences ? 40 % des membres désignés par le milieu et 30 % des membres cooptés par les administrateurs déjà en fonction. Et, parmi ces cooptés, tel conseil d'administration pourrait décider, selon ses besoins particuliers, de désigner comme membre du conseil un employé, un médecin, une infirmière, un professionnel oeuvrant au sein d'un établissement et même de son établissement.
D'autre part, nous favorisons des mandats prolongés de trois ou cinq ans... si nous favorisons des mandats prolongés de trois ou cinq ans, nous croyons aussi que le législateur devrait prévoir des mécanismes pour que tous les administrateurs ne quittent pas leur poste en même temps.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse, M. Brunelle. Il nous reste environ une minute et demie. Comme on vient de recevoir le mémoire, je ne sais pas si j'aurais le consentement des membres pour que M. Brunelle poursuive sa lecture ? c'est sûr que ça va limiter les questions ? ou si vous préférez... est-ce qu'il y a possibilité peut-être de synthétiser? De toute manière, je laisse à votre convenance là... parce qu'il reste encore une minute.
M. Brunelle (André): D'accord.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): D'accord.
M. Brunelle (André): On va essayer de se ramasser... Vous avez le texte? Je termine ma phrase. Ainsi, lors de certaines nominations... lors des premières nominations, certains pourraient être nommés pour un an, d'autres pour deux ans et certains autres pour trois ans, ce qui maintiendrait une certaine continuité organisationnelles tout en assurant un renouvellement des membres.
Nous estimons qu'il n'appartient pas à l'Association qui représente des directeurs généraux du réseau de déterminer, de façon très pointue, ce que devrait être la composition particulière de chacune des catégories de conseil. Plusieurs sous-groupes se sont prononcés, mais, de façon générale, on vous propose un modèle.
En ce qui a trait au conseil d'administration de la régie régionale, il nous apparaît que le gouvernement renvoie trop brusquement le balancier de son côté. Que le nombre d'administrateurs soit sensiblement réduit, bravo! Qu'on nomme une bonne partie des administrateurs au conseil pour être bien certain que ses préoccupations soient entendues, soit. Mais faut-il pour cela qu'il les nomme tous? Encore ici, nous privilégions la formule des trois tiers: un tiers des membres nommés par le gouvernement, un tiers des membres nommés par des mandataires spécialement désignés pour délibérer et voter à une constituante équilibrée d'organismes actifs à la région et un tiers de membres cooptés par les autres administrateurs avec, comme réserve, d'éliminer toute candidature d'une personne qui peut être, de près ou de loin, en conflit d'intérêts.
Un mot sur la création de la commission infirmière régionale. Aujourd'hui, à l'heure de la déréglementation, le gouvernement propose une commission régionale infirmière. Une de plus, serions-nous amenés à dire spontanément. Sur cette lancée, on entend déjà les professionnels du secteur social exiger à leur tour une commission régionale du même type. Jusqu'où allons-nous aller dans la fragmentation, la consultation de tous ces groupes? Nous trouvons, sans médire de nos indispensables collaboratrices et en toute déférence, que cela fait une commission de plus. Comment s'arrimera-t-elle avec les autres commissions et instances? De quelle façon et de quelle source sera-t-elle financée?
Mais, au-delà de la complexité des structures, nous avons aussi de sérieuses réserves sur l'idéologie sous-jacente à ces formes de corporatisme. Alors qu'on crie à tous les vents qu'il faut supprimer les silos, travailler davantage en réseaux, en multidisciplinarité, le gouvernement ne va-t-il pas là, ici, à contre-courant? Nous estimons que la complexité de la gestion clinique commande en effet des lectures intégrées et transdisciplinaires qui s'élèvent par-dessus les intérêts particuliers.
Sur les ententes de gestion, nous n'avons rien à leur encontre, bien au contraire. Nous croyons qu'il faut effectivement un minimum de cohérence et de sens commun. Bref, si l'approche est renouvelée, partenariale, nous n'y sommes pas opposés. Des organisations et un réseau d'une telle envergure ne peuvent se gérer que sur la base d'une planification pluriannuelle qui tienne compte, d'une part, des services attendus, du financement et des conditions de fonctionnement requis et, d'autre part, d'un engagement à rendre les services. On aura compris que ces ententes de gestion ne peuvent porter sur la seule dimension budgétaire. Les parties doivent convenir ensemble de la nature et du volume des services à convenir, des standards de productivité à respecter. Et, lorsque l'équilibre budgétaire le requiert, il revient au ministère ou à la régie de déterminer quels services seront réduits ou supprimés. Et enfin, elle doit être signée, d'une part, entre l'établissement et, d'autre part, par la régie ou le gouvernement. Alors, dans ce sens, que l'on élimine ces engagements personnels du directeur général et ces sanctions loufoques à son endroit. Ou bien le D.G. est un P.D.G. qui a la haute main sur son organisation et s'appuie sur son conseil, ou encore le D.G. reste un D.G. nommé par son conseil et à qui il répond et alors, c'est l'établissement qui s'engage, à la rigueur par la signature de son directeur général.
Sur les pouvoirs d'enquête et d'examen, il n'est pas illogique que la régie régionale, investie d'un pouvoir accru de coordination, dispose de pouvoirs d'enquête. Cependant, nous nous inquiétons sérieusement de voir se multiplier les sources possibles d'enquête auprès d'un établissement, alimentées bien souvent par autant de plaintes autorisées et prévues à la législation, et nous déposons la liste des possibles enquêteurs dans nos organisations. Quelqu'un se lèvera-t-il un jour pour dire que c'est beaucoup, et que nous sommes en voie de décrocher la palme des contrôles à cet égard, et qu'un certain sarclage s'impose, une harmonisation minimale?
Sur le nombre des réunions du conseil, bravo! nous comprenons que ce n'est pas un objectif à atteindre, mais c'est plutôt... nous interprétons cette décision comme la reconnaissance de la latitude du conseil à arrêter lui-même son mode de fonctionnement. En conclusion, en matière de gouverne et d'imputabilité, notre réseau a besoin de certains ajustements. Nous avons souligné ceux qui, dans le projet de loi à l'étude, allaient dans le sens souhaité par les directeurs généraux soucieux d'offrir les meilleurs services à leurs concitoyens dans un climat organisationnel aidant et harmonieux. Mais il n'a pas besoin d'une autre réforme alors qu'il se remet à peine des dernières. Il a besoin d'air, il a besoin d'un projet mobilisateur. Et s'agissant des directeurs généraux, ils ont besoin d'un peu d'espace, d'un conseil d'administration énergique, impliqué, entièrement voué aux services à rendre, à la qualité des services à rendre. Le ministre, le gouvernement devraient retrouver la voie de la mobilisation et du grand projet qui galvanise le réseau et mettre un frein à toutes ces velléités de contraintes et de sanctions, particulièrement quand elles s'appliquent à ceux et celles qui, au premier rang de la gestion, ne demandent rien de mieux que de travailler au bien-être de leurs concitoyens, dans la clarté des rôles et avec les moyens adéquats. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Merci, M. Brunelle, pour la présentation de votre mémoire. Sans plus tarder, M. le ministre, à vous la parole.
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(11 h 50)
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M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. le président, et à toute votre équipe, M. le directeur général, Mme Lamontagne, monsieur du CLSC. Je regarde la représentation, vous contrôlez ça, cette affaire-là, les CLSC, hein. C'est vraiment la première ligne partout, hein. Moi qui étais ici, effectivement, il y a 10 ans, de l'autre côté, c'était pas tout à fait la même chose. C'était pas tout à fait la même chose, et je m'en réjouis. Il n'y a pas qu'une image dans ces présences-là, il y a un reflet de la réalité. La première ligne est devenue la première ligne, là. Ils s'en occupent, et ils s'en occupent comme une première ligne efficace, efficace. Et vous le savez très bien ? M. le président l'a souligné ? qu'à chaque fois que je vais avoir l'occasion, je vais toujours le rappeler, je vais toujours le rappeler, en dépit des efforts de certains pour faire passer les directeurs généraux et les directrices générales pour des irresponsables, qui font un travail assez exceptionnel, et c'est pour ça qu'on se retrouve aujourd'hui, sur 348 établissements, avec 237 qui sont en parfait équilibre, puis ça ne s'est pas fait en criant lapin, ça s'est pas fait, ça, en pensant par la pensée magique, là, c'est du monde qui ont travaillé, puis, quand il y en a 70 autres qui ont un déficit de moins de 1 % puis qui sont dans des plans, ça veut dire que c'est des gestionnaires compétents, de haut niveau et qui sont capables d'occuper la responsabilité qu'ils occupent dans un système qui doit être géré. Les choses ne se font pas toutes seules, et on a cette responsabilité-là.
Je voudrais vous interroger, M. le président, sur un diagnostic central de la commission Clair à l'égard de la gouverne. La commission Clair propose de hiérarchiser des services et de les mieux intégrer entre le palier local, régional et national quant à l'accès aux services de santé et aux services sociaux spécialisés et surspécialisés. Est-ce que vous êtes en accord avec cette orientation de la hiérarchisation des services par paliers?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle
M. Brunelle (André): L'Association ne s'est pas... n'a pas discuté sur le fond de cette question, mais je crois bien refléter la position de l'ensemble de notre membership en vous disant que, de façon générale, nous sommes tout à fait confortables avec cette recommandation de la commission. L'Association est particulièrement soucieuse de clarifier les mandats des établissements et de clarifier les mandats de ses directeurs généraux qui sont trop souvent écartelés entre des pressions émanant de sources diverses qui sont difficilement conciliables.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Bien, je pense que, pour un, vous employez le mot clé, «clarifier», rendre plus clair qui rend les services. Et c'était une recommandation centrale aussi au niveau de la gouverne de la commission Clair qui disait aussi: Tardez pas, tardez pas... Pas faire des changements de structure, il n'y a pas dans le projet de loi n° 28 des changements de structure, il y a des ajustements à l'égard de qui gère quoi et qui est responsable. À cet égard-là, je note que, dans vos affirmations, vous montrez un désaccord à ce que le gestionnaire régional de la santé et des services sociaux donne son avis au conseil d'administration local pour l'engagement de son D.G. En quoi un avis des administrateurs au niveau régional, de la région donnée, ne pourrait pas contribuer au niveau de la responsabilisation et aussi puisque ce D.G. aurait évidemment à travailler non seulement avec sa population, mais avec ses instances de coordination, plan régional et national... en quoi cela peut-il être nuisible?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
M. Brunelle (André): Il y a deux niveaux de réponse à votre question, M. le ministre. La première est à un niveau de l'ordre des principes. Lorsqu'il faut introduire dans un texte législatif ce qui nous apparaît être un élément de procédure qui, à la limite, pourrait être défini par voie réglementaire, on se pose la question du pourquoi il faut intervenir de façon législative à ce niveau-là, et ça donne... ça a tout à fait comme effet de soutenir l'impression et la perception de méfiance à l'égard des directeurs généraux. Et, dans notre mémoire, je pense qu'on explicite assez clairement qu'il s'agit là, à notre avis, d'une mesure supplémentaire inutile parce qu'il existe déjà différents mécanismes qui permettent à la régie régionale et au ministère de faire valoir leurs points de vue dans le mécanisme et d'être considérés de facto comme déjà consultés. Lorsqu'il y a déjà un membre de... un représentant de la régie et un représentant du ministère sur le comité de sélection de tout directeur général, il existe déjà un mécanisme de consultation à l'endroit de la régie. Pourquoi rajouter encore une étape supplémentaire et inutile? C'est ça, notre position.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: En notant qu'il s'agit donc pas d'une étape supplémentaire, puisque vous dites que ça existe déjà.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
M. Brunelle (André): Il existe déjà dans le règlement, cette mesure qui garantit la présence d'un représentant du ministère et de la régie au comité de sélection du directeur général. Alors, le projet de loi introduit une mesure supplémentaire où le conseil d'administration, après avoir reçu la recommandation de son comité de sélection, devra consulter, encore une fois, la régie régionale sur sa décision. Ça retarde le processus. Je vous rappellerai que déjà, actuellement, les processus de nomination de directeurs généraux sont des mécanismes relativement lourds, transparents, ouverts, mais qui prennent aussi beaucoup de temps parfois, et qu'on introduit là encore une mesure qui va réduire l'efficacité du processus, en plus que d'être blessante pour l'ensemble des acteurs du système.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Blessante pour?
M. Brunelle (André): Blessante parce qu'on semble croire que les gens qui sont... qui ont passé à travers ce processus-là comme décideurs n'ont pas la légitimité pour agir.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Le nouveau recteur de l'Université du Québec à Montréal, M. Roch Denis, doit être ultrablessé, il doit être meurtri, probablement, puisque chacun des professeurs de son établissement a été consulté, processus avec lequel j'ai vécu pendant... quatre fois, et ça m'a pas laissé de marquantes blessures. Parce que, quand on demande l'avis de ceux et celles avec qui on va travailler, ceux et celles avec qui on va coordonner notre action... je respecte l'opinion, mais je suis en désaccord sur le fait de dire que ça introduit une blessure, une blessure à la personne. C'est comme si on considérait que nous avons un système étagé et hermétiquement isolé d'un niveau à l'autre. Dans ce sens-là, est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir davantage de coordination avec les pouvoirs régionaux en santé et services sociaux, tel que le propose d'ailleurs la loi? C'est-à-dire, j'ai noté que vous êtes en désaccord avec les pouvoirs supplémentaires donnés à la régie régionale. Est-ce que, à tout le moins, vous estimez qu'il doit y avoir davantage de coordination?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
M. Brunelle (André): Mme la Présidente, si vous permettez, je demanderais à M. Denis de répondre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Denis, à vous la parole.
M. Denis (Michel R.): Mme la Présidente, très rapidement. M. le ministre, pour la coordination, on est tout à fait favorable, je pense que les directeurs généraux dans leurs recommandations... c'est certain que, si ça fonctionne pas avec la régie régionale, on a de grosses difficultés. Mais, sans entrer trop dans la procédure, le règlement actuel, qui n'est pas amendé, fait que, dans chaque établissement, il y a un comité de sélection composé de trois personnes émanant de l'établissement, une personne déléguée, mandatée par la régie régionale et une autre personne personnellement mandatée par le ministre. Ce sont ces cinq personnes-là qui composent une liste d'éligibilité. Et, si votre nom n'est pas sur la liste, vous n'êtes même pas soumis au conseil d'administration. Donc, il y a déjà là un tamisage extrêmement rigoureux, une procédure extrêmement rigoureuse. Alors, demander, par la suite, que le conseil d'administration, aillant fait son choix, déjà tamisé par la régie et par le ministre lui-même, par son représentant... on demande à nouveau à la régie régionale: Qu'en pensez-vous? on trouve que c'est de trop. C'est pas rejeter la coordination, mais que c'est de trop.
Deuxièmement, supposons que la régie régionale dise: Cet individu-là fait pas notre bonheur et que... et je comprends, comme c'est consultatif, qu'on pourra faire à notre tête pareil, si vous me le permettez, alors qu'est-ce qui va se passer? On apprend que... je ne sais pas qui ce sera... le conseil d'administration de la régie, la directrice générale, le directeur général de la régie dira: M. Untel, je ne l'aime pas; on trouve, pour toutes sortes de raisons, que c'est pas une bonne idée... on le choisira quand même, qu'est-ce qui restera de la crédibilité?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dernière question, M. le ministre?
M. Trudel: Oui, sur la désignation des membres au conseil d'administration de l'établissement, donc l'économie générale, c'est que chacun des établissements aura sa responsabilité de nommer les membres, y compris les membres issus de la population selon une procédure de consultation qui, pour l'instant, précisée au projet de loi, indique l'obligation de consulter tous les... les groupes socioéconomiques de la région concernée. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne orientation de laisser au conseil d'administration de l'établissement le soin de désigner les personnes issues de la population pour gérer l'établissement et, deuxièmement, de voir à ce que les processus prévus pour les catégories plus désignées, comme les médecins, les infirmières et les spécialistes, que ce soit le conseil d'administration de l'établissement qui en soit totalement responsable?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
n
(12 heures)
n
M. Brunelle (André): Mme la Présidente, M. le ministre, vous avez vu, à travers notre mémoire, que nous sommes d'accord généralement à ce que des administrateurs soient nommés, nous plaidons pour un équilibre et, en ce sens-là, nous favorisons effectivement qu'un certain nombre d'administrateurs soient désignés par voie de cooptation et par voie de nomination à travers la population du territoire visé. Il nous apparaît important que de ne pas tomber dans l'extrême qu'on semble reconnaître à certains égards dans le projet de loi, où systématiquement la majorité des gens sont nommés par la régie ou le ministère. On plaide pour un équilibre à cet égard-là et on pense qu'il n'est pas nécessaire que, pour que la voix de la régie et du ministère soit bien entendue à l'établissement, il n'est pas nécessaire que la majorité de ses membres soient nommés.
J'aimerais d'ailleurs à cet égard-là ajouter une dimension. Vous savez que je suis directeur général d'un centre jeunesse, et je tiens à mentionner que plusieurs de nos membres du côté social considèrent qu'il y a une relative absence de l'ensemble des professions du secteur social. Lorsqu'on considère les différents corps professionnels qui sont identifiés dans la loi, il y aurait là aussi matière à réflexion.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, merci, M. Brunelle. M. le député de Châteauguay, je vous cède la parole.
M. Fournier: Je pense que vous voulez rajouter un mot.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Denis.
M. Denis (Michel R.): Bien, je pense qu'il faut bien lire, on a essayé de ne pas être trop pointu, parce qu'il y a tellement de petits sous-groupes qui vont le déterminer, mais j'attire quand même votre attention sur la page 11 pour pas qu'il y ait d'ambiguïtés, on a mis ça en termes généraux mais ce n'est pas en termes législatifs. Quand on parle de trois ou quatre personnes désignées par la régie régionale, à notre avis ça peut être des gens de la population. On pense même que la régie régionale, à mon avis, va choisir des gens hautement impliqués, hautement crédibles, qu'on enlève ou non les mots «compétents et réputés» ...on imagine que ça va être ça. Donc, ça peut être des représentants de la population. On veut diminuer le nombre, mais on pense que la régie devra nommer des gens de la population crédibles.
Deuxièmement, dans tous les autres petits picots, les gens nommés par les comités d'usagers, par la Fondation, par la Corporation des propriétaires, par l'université, parce que c'est d'autres conseils d'administration, ce sont aussi des gens du milieu, et c'est pas simplement des gens du milieu en général, c'est des gens du milieu impliqués. Et ça, pour nous, c'est le deuxième bloc de personnes qui devrait être nommées là.
Et le troisième bloc, les cooptés par les précédents, dont les représentants à la régie sont en minorité, j'en conviens, mais dans les trois ou cinq cooptés, là aussi on l'a mis simplement, par les autres administrateurs, on n'a pas mis de balises, mais rien n'empêche qu'on souhaite même qu'il y ait des balises de consultation, pour pas qu'on nomme n'importe qui n'importe comment, et on pense que le conseil est habilité à nommer vraiment des gens du milieu, de la population.
Alors, pour nous, la population, elle est pas absente, elle est absente dans les gens que nomme la régie et elle est présente dans les cooptés, et tout le milieu est présent dans la Fondation, Corporation des propriétaires, qui sont déjà largement impliqués. Nous, ce contre quoi nous en avons, ce sont les élections, qui permettent, puis c'est pas simplement parce qu'il y a 1 % de la population qui va voter, c'est pas beaucoup, c'est un fait, mais qui permettent aussi des, pour passer... des «takeovers» ou des espèces de groupes d'intérêts, les 68 belles-mères du premier venu décident de se ramasser là, et, s'il y a 12 personnes qui vont voter, bien, il passe. Alors, cette personne-là, à l'occasion, et très souvent, est bien représentée de sa population, c'est évident, mais, dans certains autres cas aussi, tu ramasses ta clé et tu vas voter, il suffit que tu sois le seul à te présenter, tu vas être élu.
Alors, ça, à notre avis, c'est plus faux que de choisir avec un peu de rigueur les trois ou quatre cooptés qu'on prend pour en avoir des représentatifs de toute la population.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Trudel: Dieu...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je regrette, M. le ministre, M. le député de Châteauguay.
M. Trudel: Dieu et l'opposition...
Une voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Dieu, c'est vous?
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. J'ai noté...
Une voix: ...
M. Fournier: ...j'ai noté que le ministre a tenté de faire dire à son projet de loi ce que des groupes qui sont venus ici nous ont dit qu'il ne disait pas. Alors, il nous a dit que son projet de loi, c'était pas un projet de structures, mais plutôt qu'il réglait le problème de qui fait quoi. Je ferai pas un long laïus là-dessus, mais juste pour rappeler que la Conférence des régies et l'AHQ ont bien dit le contraire, qu'un des problèmes du projet de loi, c'est qu'effectivement on ne voyait pas au partage des responsabilités, pourtant ce qui était demandé par le rapport Deschênes, dont le rapport Clair, cinq ans plus tard, demandait qu'il soit mis à exécution. Alors, simplement pour faire cette correction.
Vous allez me permettre de vous poser quelques questions sur des aspects particuliers de votre mémoire, dont un, qui, à mon souvenir ? parce que j'ai eu la fin de semaine qui m'a permis de penser à d'autre chose ? mais, à mon souvenir, n'ont pas été soulevés ? et je vais vous amener à la page 8 ? n'ont pas été soulevés jusqu'ici, en tout cas, de cette façon-là. À la page 8, vous parlez de... des regroupements. Alors, vous nous parlez de l'article 126.2.1: «...permet même au ministre d'effectuer de tels regroupements de sa propre initiative. Le projet de loi, ici comme ailleurs, doit viser à rassembler les dirigeants, les administrations locales et non à les cabrer. Aussi, à notre avis, ces possibles regroupements ne devraient s'effectuer que sur la base de paramètres clairs et déterminés en relation directe avec des objectifs de résultats convenus ? convenus, j'imagine qu'on est plus qu'une personne ? alors qu'il y a des avantages évidents pour la population[...]. Le projet de loi maintient encore un arbitraire potentiel inquiétant.» J'ai compris de votre mémoire les aspects de centralisation, tout ça, qui sont contenus, mais parlez-moi de ? faisons avancer la science un peu ? comment on devrait et lorsqu'il faut envisager des regroupements, parce que peut-être que parfois il faut le faire, quels sont les conditions, les paramètres et le processus qui devraient être mis en place pour arriver à ces regroupements, si tant est qu'ils étaient nécessaires?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
M. Brunelle (André): Écoutez, notre préoccupation, c'est de constater que, depuis 10 ans maintenant, nous avons vécu plusieurs vagues de regroupements dans l'ensemble du réseau. Que ce soient les regroupements des CHSLD avec les CLSC, que ce soit toute la création même des centres jeunesse, que, moi, j'ai bien connue, on voit qu'il y a eu beaucoup d'initiatives qui ont été prises en ce sens-là, et même dans le secteur hospitalier également, des grands hôpitaux qui se sont regroupés, et qui, parfois, se sont déregroupés au fil des années.
Et nous constatons que, de tout cela, on ne semble pas prendre le temps de bien évaluer les impacts de ces décisions qui ont été prises au fil des années. Je comprends qu'il ne faut pas toujours attendre que tout soit évalué pour bouger, mais je pense qu'on possède un corpus d'expériences suffisamment solide pour retirer des 10 dernières années un certain nombre d'enseignements. Et c'est en ce sens-là que nous disons qu'avant de maintenir un cadre décisionnel qui est aussi flou, il serait peut-être opportun qu'on se penche sur un certain nombre de paramètres.
Quels sont ces paramètres? Je pense que les premiers paramètres doivent être la démonstration qu'un tel regroupement va avoir des effets bénéfiques sur les services à la population, que ça va effectivement avoir des effets sur les économies d'échelle attendues, sur la souplesse de la gestion. C'est des facteurs qui, je pense, sont à considérer, bien au-delà des opportunités conjoncturelles de dire: Bien, de toute façon, il fallait réduire les lits, ça fait que, bon, bien, on donne un coup puis ça viendra bien par s'ajuster par la suite, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, monsieur...
M. Tremblay (Julien): ...Tremblay.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Tremblay. Oui, allez-y.
M. Tremblay (Julien): Un autre exemple: quand on parle que la loi prévoit des hôpitaux... le regroupement des hôpitaux de plus de 50 lits. C'est sûr que l'esprit peut pas être un hôpital de 400 lits pour aller se chercher un CLSC, un CHSLD, mais la loi pourrait le permettre, à la limite. Alors, dans ce sens-là, c'est pas d'aller faire des espèces de gros supermarchés d'établissements. C'en est un, dans l'esprit.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je voulais aussi vous entendre parler du processus, parce que, là, en ce moment, le processus est assez simple, le ministre peut, à la limite, être seul ? Ha, ha, ha! ? dans le processus, puis le décréter. Vous, comme... comme spécialiste sur le terrain, quand vous voyez ces... De la façon que ça s'est passé dans le passé vous a instruit sur la façon dont ça devrait se faire à l'avenir, dites-moi comment vous souhaiteriez que cette disposition-là soit libellée, parce que je pense bien que le ministre va être assez raisonnable pour vous écouter.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...
M. Brunelle (André): ...si on respecte le principe de hiérarchisation qu'a évoqué le ministre tantôt, je pense qu'il serait... il serait souhaitable que soit inscrit dans la loi que la régie régionale puisse avoir... puisse avoir l'obligation de produire son avis sur cette question-là et être d'accord avec le projet.
M. Fournier: Donc, vous laisseriez ça comme ça, mais un simple avis de la régie?
M. Brunelle (André): Je dirais plus que ça, je dirais que la régie recommande et que ce soit sur recommandation d'une régie régionale que le ministre puisse procéder, de sorte que ça éviterait tout simplement... ça obligerait une implication de l'ensemble des instances locales devant le... devant le problème.
M. Fournier: J'ai...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...
M. Fournier: Je sais que le temps file, là, Mme la Présidente, puis je sais qu'il y a un autre groupe. Une petite dernière. Vous parlez, à la page 14, des ententes de gestion. J'ai toujours compris que les groupes qui sont venus ici ont dit: Oui, oui, des ententes de gestion, pas de problème, mais ça peut-u se faire dans les deux sens, la prochaine fois plutôt qu'avoir un fusil sur la tempe? D'une part. Et, donc, je vous laisserai peut-être commenter un peu sur l'aspect des dernières ententes, comment vous les avez vécues.
Et par ailleurs on parle de la planification triennale puis qu'il va être la responsabilité de l'établissement de dire: Bien, nous, à partir de tout de suite jusqu'à dans trois ans, voici comment on évolue. Est-ce que vous vous attendez, avec cette disposition-là, que le gouvernement vous informe des ressources financières qui seront à votre disposition pour la même période de trois ans?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
M. Brunelle (André): Vous... vous nous ouvrez là une... On souhaiterait tellement ça ? Ha, ha, ha! ? ça me renverse. Écoutez, ce qu'on vous dit, ce qu'on vous dit à travers ça, c'est que, comme gestionnaire de ce réseau-là, on ne peut pas faire une gestion intelligente et planifiée sur une perspective si on n'a pas cette lecture pluriannuelle non seulement des besoins de la population, des services à rendre, mais également des ressources qui nous seraient allouées.
Dans un monde idéal évidemment, je pense que ce réseau-là devrait être en mesure d'avoir une planification sur plusieurs années et de faire ses choix en perspective. Virer des paquebots comme les grands centres hospitaliers, comme les grands établissements de ce réseau-là et d'avoir des objectifs par ailleurs qui sont sur un certain nombre de mois, alors qu'on sait que pour tourner ça ça prend des mois et des années, ça nous prend une planification d'ensemble.
n(12 h 10)n En ce sens-là, les ententes de gestion, pour nous, la composante essentielle de ces ententes-là, évidemment ça serait une lecture pluriannuelle et des objectifs de résultat qui seraient étalés, et également un aperçu des ressources qui seraient à la disposition des établissements pour le réaliser. Donc, on peut très bien comprendre qu'il s'agit pas qu'il y ait une marge... une marge d'erreur ou une marge de... une latitude dans l'affectation des ressources. Je pense que, dans le privé, quand on fait des analyses de perspective, on se donne des... on se donne des perspectives, puis on a à les confirmer dans la réalité par la suite. Mais ces perspectives-là nous sont nécessaires pour véritablement faire notre travail de façon professionnelle.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dernière question, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Dernière question: Est-ce que vous seriez prêt à signer une entente de gestion qui n'aurait pas eu comme prémisse de base l'engagement par le gouvernement de l'allocation de ressources financières, avec évidemment, là, le bémol que je mets, à savoir que, comme dans le privé, il y a une actualisation annuelle qui se fait, mais je dirais, le cadre, hein, c'est vers ça qu'on s'en va? Est-ce que vous seriez prêts à signer une entente où il n'y aurait pas cet énoncé, cet engagement gouvernemental?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Brunelle.
M. Brunelle (André): Toute entente doit reposer sur l'engagement des deux parties. Et, nous... Comme on le dit dans le mémoire, une entente de gestion, ça repose sur la double imputabilité qui appartient, d'une part, à l'État de définir le panier de services qui doit être offert à une population, en qualité et en quantité, et, d'autre part, à l'obligation qui est faite à l'établissement de réaliser et d'offrir la prestation de ces services-là sur la base de paramètres, de «benchmarks» entendus quant à la réalisation de ces services-là. On ne peut pas, quant à nous, on ne pourrait pas... on ne dit pas que c'est ce qui s'est fait partout, là, mais on ne pourrait pas simplement s'entendre à signer des ententes de gestion qui nous obligeraient... qui porteraient toutes les obligations de résultats sur l'établissement sans engager par ailleurs l'autre instance qui est devant nous.
M. Fournier: Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. Alors, MM. Brunelle, Tremblay et Denis, Mme Lamontagne, nous vous remercions de votre participation à la commission.
Je demanderais aux membres, s'il vous plaît, de ne pas quitter, revenir rapidement, parce que je demande à l'Association des établissements de prendre place... privés, c'est-à-dire, de prendre place rapidement.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Leclair et M. Renaud, vous pouvez prendre place, s'il vous plaît. S'il vous plaît, nous n'avons pas suspendu les travaux.
Alors, nous allons maintenant entendre l'Association des établissements privés conventionnés ? santé et services sociaux. Alors, M. Daniel Leclair qui est président, de même que M. Jacques Renaud, qui est vice-président exécutif. Alors, sans plus tarder, M. Leclair, je vous cède la parole. Vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.
Association des établissements
privés conventionnés ? santé et
services sociaux (AEPC)M. Leclair (Daniel): Merci. M. le Président... ou plutôt madame, M. le ministre, les membres de cette commission, mesdames, messieurs. Nous vous remercions de nous fournir l'opportunité de formuler nos commentaires sur le projet de loi n° 28 modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
L'Association des établissements privés conventionnés que nous représentons regroupe 50 entrepreneurs indépendants... sur une base contractuelle gèrent des établissements de santé totalisant 6 500 lits à l'intérieur du réseau public. Notre relation avec l'État est essentiellement contractuelle. Nos membres sont présents dans 12 des 17 régions administratives du Québec. Pour la très grande majorité, nos membres opèrent des établissements de type centre d'hébergement et de soins de longue durée. Un centre hospitalier de réadaptation et un centre de réadaptation en déficience intellectuelle sont également gérés par nos membres. Nos établissements sont incorporés en fonction de la première partie de la Loi des compagnies, et par conséquent leurs conseils d'administration ne sont pas assujettis aux modifications proposées par le projet de loi n° 28.
Au plan de l'imputabilité, nos contrats prévoient que tout déficit est à la charge de l'entrepreneur, à moins qu'il y ait été convenu autrement suite à des ententes particulières. Ces contrats prévoient également un nombre d'heures cliniques fixes à utiliser pour répondre aux besoins en soins et services cliniques à la clientèle.
Nous sommes soucieux de la qualité des services que nous offrons, et notre gestion est conforme aux directives émanant du ministre de la Santé et des régies régionales. Entre autres, nos établissements sont assujettis à toute la procédure de plaintes qui prévaut dans le réseau. Ils ont également des comités d'usagers qui peuvent bénéficier du support des groupes d'entraide que l'actuelle loi prévoit pour soutenir le citoyen qui veut déposer une plainte. De plus, nos établissements, toujours sur la base de l'entente contractuelle, doivent obtenir un agrément certifiant la qualité des services qu'ils offrent pour voir leur contrat renouvelé.
Cette entrée en matière vise avant tout à vous signifier les règles du jeu qui régissent nos opérations. En conséquence, notre analyse est teintée de notre pratique. L'État, par le biais du MSSS et des régies régionales, assure la régulation, le contrôle des fonds qui sont confiés à nos établissements et la qualité des services. Une des structures de participation de la population est le comité des usagers ainsi que les groupes bénévoles.
La composition des conseils d'administration, à l'établissement. Comme nous l'avons mentionné précédemment, nos conseils d'administration n'ont pas la même structure que celle des établissements publics visés par la présente loi. Il nous apparaît très délicat de commenter cette mesure compte tenu des divers partenariats qui nous unissent tant au niveau des établissements publics visés par cette mesure qu'aux associations qui les représentent. La proposition de substituer en partie l'électorat des membres de conseils d'administration d'établissements publics par une désignation rejoint certaines observations que l'on retrouve dans la littérature à ce sujet.
La formule de représentation actuelle a une logique selon laquelle un conseil d'administration composé de membres élus par la population serait plus en mesure d'identifier et de répondre aux besoins de celle-ci par l'information, la conciliation et l'appropriation.
Selon les chercheurs qui étudient les systèmes de gouverne, dont Pierre-Gerlier Forest et collaborateurs, il semblerait que la présence d'élus au conseil d'administration d'un établissement de santé ne constitue pas la seule formule de participation des citoyens et ne garantit pas le développement et l'organisation de services en concordance avec les besoins spécifiques de la population desservie.
Toujours selon ces chercheurs, non seulement cette garantie n'est pas acquise mais les décisions issues d'un tel conseil d'administration peuvent parfois s'éloigner des besoins de la population et répondre davantage aux intérêts de groupes particuliers. Le fait de désigner les membres d'un conseil d'administration n'écarte pas cette dernière éventualité. Toutefois, les ententes de gestion et d'imputabilité devraient contribuer à éviter ces situations.
Il est important de retenir qu'aucun instrument de participation n'est parfait et que les auteurs de ces études recommandent davantage une combinaison de différentes approches afin de mieux couvrir les besoins auxquels voudraient répondre la participation de la population aux décisions. La mesure que vous mettez de l'avant à l'effet de fournir une expertise de gestion aux directeurs généraux par le biais de la formation des nouveaux conseils est sans doute une mesure qui les aidera à maximiser l'utilisation des dollars investis. Les directions générales de ces établissements seront également davantage imputables des choix budgétaires qu'elles effectueront par la formule des ententes de gestion.
Concernant le choix des directeurs généraux des établissements, nous suggérons que cette activité implique le conseil d'administration et non seulement la régie régionale afin d'assurer que la compatibilité de ce dernier avec les membres nommés ou élus est valable. Que ce soit par la composition proposée ou encore par la réduction du nombre de rencontres obligatoires pour un conseil d'administration, nous estimons qu'il s'agit d'une mesure qui allège les procédures auxquelles sont soumises les administrations et qui leur donneront plus de souplesse.
Au niveau des régies régionales. Compte tenu des centaines de millions, lorsqu'il ne s'agit pas de milliards, qui sont accordés à chacune des régions du Québec, il nous apparaît fondamental que des gestionnaires chevronnés composent ces nouveaux conseils de régies régionales afin d'assurer une utilisation maximale de ces argents si durement gagnés par nous tous et que nous confions à l'État pour nous donner des services.
Nous ne pensons que la modification de la composition du conseil d'administration d'une régie régionale viendra amoindrir sa capacité à identifier les besoins en soins et services de la population de la région. Nous pensons que la composition suggérée s'inscrit dans la logique de gestion serrée de nos argents dans un contexte de rareté. Ainsi que l'on donne le statut de président-directeur général aux actuels directeurs généraux des régies clarifie davantage la ligne hiérarchique avec le ministre et correspond mieux à la réalité déjà existante.
Comme le système de santé québécois est présent sur l'ensemble du territoire, que les missions de chacun des établissements sont bien définies et que nous en sommes à un stade d'intégration des services offerts par ce même réseau, nous pensons qu'il est important que les citoyens aient une voix dans les choix à faire.
Le projet de loi prévoit qu'un forum de citoyens assurera au président-directeur général de la régie régionale une vision terrain des besoins de la population qu'il doit desservir. Pour que les citoyens puissent influencer davantage l'adoption du plan triennal d'organisation et de prestation de services de la régie régionale, nous suggérons que la régie régionale soumette ce plan au forum des citoyens et obtienne un avis positif de cette instance avant le dépôt du plan au MSSS.
Les ententes de gestion. Ce principe d'entente contractuelle qui semble être nouveau pour bon nombre d'acteurs du réseau est le quotidien pour les établissements privés conventionnés. Depuis 35 ans, nos membres gèrent des établissements de santé et de services sociaux sur une base d'entente contractuelle avec l'État pouvant s'apparenter aux ententes de gestion proposées par le projet de loi, bien que les modalités relatives à ces ententes ne soient pas connues.
n(12 h 20)n Nous savons par expérience que l'application d'une entente contractuelle ne laisse pas le loisir de changer le programme de services d'un établissement au gré des pressions qu'il subit. Les ententes de gestion doivent être formulées et suivies de façon à ce que le MSSS et les régies régionales soient capables de mesurer des résultats et non d'évaluer les moyens utilisés pour y arriver. Laissons les moyens à ceux et celles qui ont l'expertise sur le terrain et qui sauront faire les choix judicieux. Nous ne savons pas à l'heure actuelle quel sera le contenu de ces ententes et quelles seront les modalités afférentes à ces contrats.
Nous voulons ici apporter un commentaire quant à la rigueur et au contenu de ces contrats. Selon nous, ils doivent être empreints de réalisme dans l'équation services à rendre et budget requis pour y arriver. Certaines clauses des conventions collectives impliquent des dépenses incontrôlables qui devraient être isolées des ententes et faire l'objet d'analyses indépendantes de l'atteinte des objectifs programme et équilibre budgétaire de l'établissement. Les dernières négociations nous ont marqués par l'introduction de la non-interruption des prestations en assurance salaire. Un autre exemple est certainement celui des griefs syndicaux pour lesquels la totalité de la facture incombe aux administrations, que cette dernière ait gagné le grief ou l'ait perdu.
Il nous apparaît essentiel d'isoler ces variables des contrats de performance auxquels le gouvernement veut soumettre les administrations publiques. De cette manière, il sera possible d'évaluer les administrations sur des variables qu'elles peuvent contrôler, bien qu'il faille travailler très fort pour réduire les coûts reliés à l'assurance salaire, griefs et autres dossiers du même genre.
La reddition de comptes. Nos ententes contractuelles et l'imputabilité financière qui en découle obligent les entrepreneurs à maintenir un suivi très serré de leurs budgets afin d'éviter les déficits. Ils n'ont pas d'autre choix; les règles du jeu sont définies à leur entente avec l'État, et tout déficit est à la charge de l'entrepreneur, répétons-le. De la même façon, les établissements privés conventionnés sont redevables du point de vue clinique par l'obligation contenue dans l'entente de respecter un nombre fixe d'heures cliniques ainsi qu'un taux d'occupation défini. Le non-respect entraîne des pénalités financières significatives pour l'établissement.
Dans un tel contexte, nous ne pouvons qu'être en accord avec le projet de loi qui préconise des ententes de gestion qui définissent les attentes et identifient les conséquences si on déroge de ces attentes. Nous ouvrons ici une parenthèse pour vous dire que nous sommes pleinement conscients qu'il y a des situations d'urgence qui peuvent faire éclater n'importe quel budget. Des problèmes organisationnels, des catastrophes ou des épidémies peuvent créer une surcharge démesurée sur certains établissements. On sait également qu'il y a actuellement au Québec une démographie avec une courbe vieillissante qui nécessite une injection massive de fonds pour répondre aux besoins des personnes âgées, entre autres. L'entente de gestion, même si elle ne peut prévoir l'imprévisible, doit être vue comme un outil supplémentaire d'imputabilité et de régulation auquel nous souscrivons.
L'équation entre l'offre et la demande de services doit faire l'objet de travaux en profondeur de la part du MSSS, qui est le principal pourvoyeur de fonds du réseau de la santé. Très peu d'établissements, sinon aucun, ne sont capables de satisfaire cette équation avec les budgets actuels. Les ententes de gestion doivent identifier le cadre de l'offre de services en fonction du budget disponible et des ressources humaines et matérielles en place.
La gestion des ressources professionnelles. Nous félicitons le gouvernement d'enchâsser dans la loi le principe d'une commission infirmière et infirmier régionale. Cette mesure mise de l'avant par l'Ordre des infirmières et qui s'était déjà actualisée dans certaines régions vient apporter un éclairage novateur sur des pistes de solution pour répondre à divers besoins de la population. La profession infirmière a besoin d'être revalorisée à sa juste mesure. Aussi, une commission régionale, une meilleure écoute de leurs besoins et de leurs recommandations sont des éléments qui aideront à revitaliser la profession infirmière, qui, avec le corps médical, est le principal moteur du réseau de la santé.
Pour ce qui est du pouvoir de contrôle des régies régionales apporté par le projet de loi quant au respect des plans d'effectifs médicaux des établissements, il s'agit d'un pas en avant vers une meilleure gestion régionale des effectifs médicaux. Il est entendu que le succès d'un tel projet dépend d'une adhésion formelle des associations médicales.
En conclusion, le projet de loi nous apparaît en continuité avec les recommandations du rapport de la Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux. En effet, on y retrouve l'importance de clarifier les rôles et de renforcer l'imputabilité des dirigeants par une modification à la composition des systèmes de gouverne ainsi que l'introduction d'ententes contractuelles de performance. Les mesures relatives à la gestion des ressources professionnelles s'inscrivent également dans le cadre d'une meilleure organisation des services et particulièrement en première ligne. La poursuite de l'actualisation des recommandations de la Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux devrait nous permettre de voir des améliorations significatives de notre réseau.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Leclair. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Leclair, M. Renaud. On a déjà eu l'occasion d'être en contact un peu avec les établissements que vous gérez vous-mêmes, et, ici, vous représentez cette variante dans notre système, qui, ma foi, m'apparaît être une très heureuse combinaison entre le secteur privé et, par ailleurs, des normes à convenir, conventionnées, hein, à convenir avec le secteur privé, que ce soit en termes de soins cliniques ou de services à rendre aux personnes que vous accueillez. Il faudra le dire à tous les membres de votre Association, à tous les privés conventionnés, que cette convention générale, État privé, elle marche. Elle marche, elle donne des résultats, je dirai, des résultats assez spectaculaires. Et il y a d'autres responsabilités à l'égard des services aux malades et aux personnes en détresse qui ne peuvent pas non plus être assumées par le secteur privé. Je pense que, ça aussi, il y a comme une convenance de sociétés qui a été établie quant à certains services qui ne sauraient se réaliser dans le milieu privé.
À lire votre mémoire, d'aucuns parfois souvent veulent accoler l'image de secteur privé, virage à droite. C'est certainement pas le ton de votre mémoire. C'est certainement pas le ton de votre mémoire. C'est le ton de la lucidité et celui de la... d'abord, d'abord, d'abord la reconnaissance des besoins des personnes et des personnels et du monde qui interviennent avec vous. Et je peux pas m'empêcher, M. le Président, je peux pas m'empêcher de conjuguer avec votre avant-dernier paragraphe, sur les infirmières et les médecins. Un tel élan mérite d'être souligné, rappelé, renforcé. Les infirmières, et je ne sais trop si vous avez pris la plume en plus pour écrire ce mémoire, M. le président, mais il y a quelqu'un qui a là une plume assez extraordinaire pour transmettre, oui, le sentiment de la société. «Une meilleure écoute de leurs besoins et de leurs recommandations ? des infirmières ? sont des éléments qui aideront à revaloriser la profession infirmière qui, avec le corps médical, est le principal moteur du réseau de la santé.» Bien dit, ces choses.
Sur le terrain de la participation, je vais vous demander, M. le président, plus en termes d'opinions, d'opinions d'un acteur du privé, d'un acteur du privé qui fréquente tout ce monde-là du secteur public ? c'est une cohabitation harmonieuse qui se fait. Sur la participation du public au système, vous faites référence à l'étude qui a été menée par des chercheurs de l'Université Laval, et un des éléments les plus fondamentaux du diagnostic de ces chercheurs, c'est que ? je vais lire la phrase ? s'il y a eu un rendez-vous manqué entre les régies régionales et la population, l'affaire s'est jouée sur le terrain de l'appropriation, l'appropriation de l'information. Est-ce que vous avez l'impression, comme citoyens, que nous avons réussi collectivement, en général, cette appropriation, vous, là, cette appropriation du rôle à jouer au niveau de la planification des services au plan de chaque région?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leclair.
M. Leclair (Daniel): Vous posez une question qui est très large, dans le sens que... Je serais porté à dire qu'il y a eu un bout de chemin de fait, et il reste encore un bout de chemin à faire. Je pense que... On sent pertinemment, parce que nous autres... C'est sûr que ma réponse va être teintée un peu de ce qu'on est, dans le sens qu'on est du réseau privé conventionné. Nous, on voit les choses avec nos yeux dans le sens qu'on a toujours la notion d'imputabilité qui est là, qui est présente, et puis on peut pas jamais passer à côté de ça parce que c'est directement nous qui seront impactés par une non-atteinte des objectifs.
Alors, quand on regarde certaines choses qui se passent, on dit que... on voudrait définitivement que le reste du réseau suive un peu la tendance que, nous, on a à suivre, et je pense que ce que c'est qui... ce qui est en train de se faire ou de se produire, on sent que ça rapproche de notre modèle de plus en plus. Peut-être que M. Renaud voudrait compléter?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Renaud.
n(12 h 30)nM. Renaud (Jacques): Dans cette optique là, je dirais que le système de santé québécois, depuis le début des années 1970, a vraiment mobilisé une bonne partie de la population, a intéressé les gens. Il y a eu des bagarres importantes qui se sont faites un peu partout au Québec pour s'assurer que les citoyens d'un territoire donné avaient les services dont ils avaient besoin. Qu'on pense au parachèvement du réseau des CLSC ou encore aux ententes de services qui ont pu se développer entre différents établissements. C'est probablement la première étape.
La deuxième étape, une fois que l'ensemble des citoyens sont assurés que les services peuvent être à proximité ? puis encore là il faut garder une relativité là-dedans, parce que je pense que beaucoup de gens aimeraient avoir l'ensemble des services chacun dans leur municipalité, ce qui n'est pas possible ? il y a eu aussi une énorme phase de dialogue qui s'est développée entre les établissements. Et, par la suite ? et je pense qu'on est rendu à cette suite-là ? après le choc de réaliser qu'on ne pouvait pas se payer tout ce qu'on souhaitait comme services et qu'on ne pouvait pas développer tout ce qu'on... ce qui pourrait être requis, dépendamment de la vision qu'on a, on est arrivé à dire... Et on doit faire davantage avec les ressources qu'on a, et, pour ça, il faut peut-être apporter une rigueur de gestion qui, bon, laisse place à l'amélioration, et je pense que l'idée du projet de loi est probablement celle-là. Alors, dans ce sens-là, je pense que le principe des ententes de gestion et la reddition de comptes sont importantes.
M. Trudel: Je voudrais vous interroger, aussi, si vous permettez, Mme la Présidente, sur un aspect de votre vie institutionnelle du secteur privé conventionné, qui est pas présent dans le mémoire ici mais qui a beaucoup d'importance. Du fait qu'on prononce le mot «privé» dans votre cas, je note que souvent vous êtes aussi victimes du contexte dans lequel vous vivez, c'est-à-dire que de multiples résidences privées ne sont pas conventionnées, donc ne sont pas soumises à des normes. Et je sais pertinemment que ça vous tombe souvent sur le dos, souvent sur le dos parce que, bon, il y a des gens... Les gens, et c'est normal, je pense, dans le flot d'informations, confondent «conventionné privé»... Bien, enfin, les termes sont tellement précis par rapport au privé.
J'ai annoncé, vendredi, que dorénavant on va requérir, en chaque région, de tenir un registre de chacune, de chacune des résidences privées pour personnes âgées et l'introduction de normes plancher à l'égard des personnes âgées en particulier qui vivent dans ces établissements-là. Est-ce que, pour vous, ça vous semble un élément qui est nécessaire et qu'il faudrait y aller rapidement compte tenu que de plus en plus de ressources privées se développent, je dirais, d'elles-mêmes dans le contexte, compte tenu du vieillissement de la population? Je voudrais avoir votre opinion là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Renaud.
M. Renaud (Jacques): Je vous remercie. Je pense, M. le ministre, qu'effectivement, de bouger pour avoir un minimum de contrôle sur ce qui peut se passer dans l'ensemble des résidences privées est une mesure qu'on salue avec beaucoup d'intérêt, dans le sens qu'il y a, on dirait, sur l'ensemble du territoire québécois, une forme de confusion chez les gens entre les termes «résidence», «CHSLD autofinancé» et «CHSLD privé conventionné».
Et, effectivement, compte tenu de la croissance démographique, il y a un certain nombre de citoyens québécois qui sont peut-être pas au bon endroit actuellement, et je pense que le réseau de la santé doit faire un effort pour cadrer à tout le moins les activités qui se passent dans ces résidences-là, et, à mon sens, ça ne serait qu'une mesure de départ car on devrait, le plus rapidement possible, tenter de connaître l'ensemble des citoyens en perte d'autonomie qui vivent dans ces résidences-là et qui sont un peu en attente soit de services plus complets de la part des CLSC en termes de maintien à domicile ou encore de places en CHSLD, parce que leur état le requiert, ou de toute autre formule de services intégrés qui pourrait leur être offerte.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leclair, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Leclair (Daniel): Oui. Je suis bien d'accord avec cette position-là parce que, dans un premier temps, nos établissements sont sujets maintenant, de par notre contrat, à passer un agrément. Bien que bien des établissements de notre type le possédaient déjà ou l'avaient déjà possédé dans le passé, c'est une marche additionnelle qu'on s'est entendu avec le ministère de monter, c'est-à-dire d'obtenir l'agrément... un agrément.
Et je pense que ça devrait être la même chose pour les autres établissements privés qui ne sont pas conventionnés, mais ça devrait être aussi la même chose pour les établissements publics. Alors, je pense qu'on devrait pas avoir nécessairement une distinction en disant qu'il faut qu'il y ait une certaine norme de qualité reconnue dans tous les établissements qui traitent la clientèle. Et puis la clientèle, c'est notre clientèle, c'est le peuple québécois finalement qui passe par ces établissements-là et il devrait y avoir une qualité reconnue dans tous les établissements dans lesquels ils passent.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Et que cela puisse être reconnu par le public, je veux dire, et en toute connaissance de cause.
M. Leclair (Daniel): Effectivement.
M. Trudel: J'en suis fort aise. Écoutez, vous avez aussi une remarque particulièrement pointue et intéressante à l'égard des forums du citoyen: Que l'organisme de gestion des services au plan régional, au plan de la planification des services, la régie régionale puisse soumettre au forum des citoyens son plan triennal d'organisation et de prestation de services. Je vous demande votre opinion sur davantage. Et ne devrait-il pas... La régie ne devrait-elle pas, pardon, rendre des comptes aussi annuellement sur l'état de réalisation de son plan triennal, à ce Forum de la population? Est-ce qu'il devrait pas y avoir, ce qui est dans l'économie générale du projet de loi mais qui devrait peut-être être précisé, une reddition de comptes populationnelle à tous les ans à l'égard du plan triennal qui, lui, devrait faire l'objet d'un avis positif, avez-vous mentionné, dans votre avis?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leclair.
M. Leclair (Daniel): Je serais porté à répondre dans un contexte de privé en tant que tel. Quand on regarde... Par exemple, je vais faire une connotation avec les entreprises cotées en Bourse. Ils prévoient d'avance certains objectifs, certaines attentes, et, à tous les trois mois, au niveau des entreprises publiques, ils sont attendus avec leurs résultats. Et si les résultats ne sont pas atteints, ils reçoivent, si on peut dire, une pénalité par leur cote en Bourse qui va prendre un bord ou l'autre. C'est un parallèle que j'essaie de faire en disant que, effectivement, de faire un plan triennal, s'il est pas suivi ou s'il est pas commenté ou s'il est pas critiqué à la fin... D'une certaine façon, on peut faire des beaux écrits mais, je veux dire, si on est jamais tenus de livrer ce qu'on a promis, je pense que ça vaut pas cher.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Très bien. Il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste une minute et demie environ.
M. Trudel: Bon, très bien. Écoutez, je vous remercie de votre présentation, elle est... se situe sur le terrain de la gestion au quotidien, à l'hebdomadaire, et de nous placer dans une perspective où ces établissements, ces unités se gèrent, ces situations se gèrent comme vous le faites dans le secteur privé avec une imputabilité, je dirais, non questionnable sur la dernière ligne de la fin de l'année par votre conseil d'administration ou vos actionnaires. Je n'ai remarqué sur une page qu'une seule toute petite remarque négative... Soyez craintifs, vous serez classés dans ceux qui sont opposés au projet de loi!
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: C'est tellement agréable de travailler avec ce ministre-là, Mme la Présidente. Quelle honnêteté intellectuelle qui l'habite!
Bonjour, bienvenue. Ça fait plaisir de vous avoir avec nous. J'ai lu votre mémoire. J'ai aussi lu le rapport du Conseil de la santé et du bien-être auquel vous faites référence. Vous me permettrez peut-être de faire quelques commentaires, quelques commentaires à cet égard. À la page 4, vous écrivez: «Il semblerait que la présence d'élus au conseil d'administration des établissements de santé ne constitue pas la seule forme de participation des citoyens et ne garantit pas le développement et l'organisation des services en concordance avec les besoins spécifiques de la population desservie», qui est un des éléments qui se retrouve dans le document.
n(12 h 40)n Il y en a un autre élément qui se retrouve dans le document. Vous avez pris soin de l'écrire aussi ? je vous en félicite ? deux ou trois, trois paragraphes plus loin: «Il est important de retenir qu'aucun instrument de participation n'est parfait et que les auteurs de cette étude recommandent davantage une combinaison de différentes approches afin de mieux couvrir les besoins auxquels voudrait répondre la participation de la population aux décisions.» Et vous concluez que vous trouvez que l'approche du ministre est la bonne, bien qu'il ait mis de côté l'aspect élections qui est pourtant une des approches dont l'étude parle de combiner les approches. Donc, il s'agit d'une combinaison par l'exclusion d'une des approches à la base de la réflexion, soit les élections.
Je dois vous avouer que j'ai de la misère à vous suivre, d'autant que, lorsque je lis certains passages ? vous en faites pas, je le lirai pas au complet ? certains passages de l'étude, notamment à la page 23, où on lit ceci: «Le Québec connaîtra sans doute lui aussi le mouvement d'intégration qui transforme les réseaux d'établissements en véritables systèmes pour lesquels doivent émerger de nouvelles structures de gouvernance. Si tel était le cas, la population y tiendra nécessairement une place plus grande ? notez bien que ce n'est pas "moins grande" ? que ce qui fut tenté dans les hôpitaux ou les CLSC du Québec au cours des 30 dernières années. Nous savons que l'élection n'est pas un processus inutile ? bien que là, pour prendre un langage populaire, il est flushé ? nous savons que l'élection n'est pas un processus inutile parce qu'elle force à sélectionner des candidats extérieurs à la sphère d'influence exclusive des administrateurs. Nous savons qu'il est important de maintenir des liens étroits et personnels entre les organisations du secteur de la santé et la communauté.» Je vous fais grâce des groupes qui sont passés ici, qui oeuvrent dans le secteur public, dont les actionnaires sont la population. C'est différent des actionnaires du régime privé qui, j'imagine, doivent avoir un droit de regard à quelque part et une certaine participation, à moins que je me trompe, dépendamment des institutions. Dans le système public, les actionnaires, c'est la population. Moi, par analogie, je trouve qu'ils auraient au moins une apparence de droit équivalente à celle du système privé. Donc, beaucoup sont venus nous dire que l'appropriation, un des éléments à envisager avec la combinaison des approches, l'appropriation passe par l'élection, bien qu'il y a d'autres moyens, d'autres mesures à ajouter, à combiner, d'autres approches, mais que l'élection n'est absolument pas rejetée. Et la conclusion de l'étude... À la conclusion de cette étude que vous citez, on lit ceci: «Ce qui serait regrettable, c'est de ne pas chercher à préserver la part du système qui se trouve dans l'espace public. La participation de la population est un aspect fondamental dans ce processus.» Je respecte votre opinion, j'ai aucun problème avec ça, mais je ne pense pas qu'on puisse faire dire à cette étude, de laquelle vous vous inspirez pour saluer le projet de loi, que le projet de loi s'appuyait sur ce rapport-là. Au contraire, je pense que le rapport fait état d'une chose, d'ailleurs, que vous avez notée. Ça, c'est la conclusion avec laquelle je suis pas d'accord, à l'effet qu'il faut améliorer la gouvernance, améliorer la gouverne en ajoutant des processus, en combinant des façons de faire et non pas en sabordant une des façons qui était l'élection, ne serait-ce qu'une partie des gens qui sont dessus le conseil d'administration à l'élection, par un forum de citoyens qui se réunit deux fois par année et qui de toute façon n'aura pas la connaissance appropriée pour poser les bonnes questions ou les questions qui concernent la population. Ceci étant, comme je vous disais, je respecte votre opinion, mais je voulais juste remettre l'étude dans son juste équilibre.
Peut-être avez-vous des commentaires? Je veux pas vous dire ça sans que vous ayez des commentaires. Si vous en avez pas, je vais passer à la question que je voulais vous poser précisément. Elle revient à la page 8 de votre mémoire et c'est à propos des ententes de gestion, de la reddition de comptes. À la page 8, le premier paragraphe: «L'équation entre l'offre et la demande de services doit faire l'objet de travaux en profondeur de la part du ministère qui est le principal pourvoyeur de fonds du réseau de la santé. Très peu d'établissements sinon aucuns ne sont capables de satisfaire cette équation avec les budgets actuels. Les ententes de gestion doivent identifier le cadre de l'offre de service en fonction du budget disponible et des ressources humaines et matérielles en place.» Avant toute chose, j'aimerais ça que vous m'expliquez ce que vous voulez dire à ce paragraphe.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leclair.
M. Leclair (Daniel): M. Renaud peut répondre et je pourrai compléter après.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Renaud.
M. Renaud (Jacques): En fait, la base de notre affirmation est le fait que, si on demande à un groupe, que ce soit un conseil d'administration, que ce soit un entrepreneur, de signer une entente contractuelle dans laquelle il va s'engager à un certain nombre de résultats à atteindre, il faut le faire en toute connaissance des ressources qui sont disponibles pour atteindre le résultat. Alors, comme, par exemple, au niveau de notre association, comme vous le savez, on négocie des modalités d'entente avec... dans les dernières années, c'est avec le ministère, les régies régionales, soumises à l'approbation du Conseil du trésor. Et, pour pouvoir répondre aux attentes qui nous sont signifiées, il doit définitivement y avoir un budget qui en concordance avec ces attentes-là. Alors, qu'on pense à tout le vécu des dernières années où, par exemple, dans le domaine des personnes âgées on a un manque d'argent qui est continuel pour arriver à donner un taux de satisfaction qui devrait être... ou de réponse qui devrait être à 100 %. On est actuellement à 72, 73 %, alors on peut pas s'attendre à ce qu'on en donne pour 100 % avec 73 %. Et, dans ce sens-là, ça doit définitivement faire l'objet de nombreuses discussions entre ceux qui devront livrer la marchandise et ceux-là qui doivent les équiper pour y arriver.
M. Fournier: Si...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.
M. Fournier: Si je comprends bien ce que vous nous dites ? et remarquez que je trouve que c'est bien logique, ce que vous nous dites ? si je comprends bien ce que vous nous dites, l'entente de gestion devra... la prémisse de base que vous amenez est la suivante: Très peu des établissements, sinon aucun, ne sont capables de satisfaire cette équation avec les budgets actuels. Prémisse de base que je partage. Je pense que le sous-financement est flagrant. Et même, pour rencontrer les coûts de système cette année, il y aura pas suffisamment d'argent. Ce que vous nous dites dans le fond, c'est: L'entente de gestion sera le mécanisme utilisé par les intervenants ? établissements, ministère, régie ? pour définir le panier de services.
M. Renaud (Jacques): Pour définir?
M. Fournier: Le panier de services. Pour définir... Parce que, pour l'instant, voilà le beau sujet tabou, hein. Personne ne parle de ça en ce moment. Alors, évidemment, tout le monde sait que s'il y a pas assez... La logique que vous avez appliquée: il y a pas assez d'argent, donc on peut pas offrir tous les services. Que le gouvernement ne nous demande pas d'offrir plus de services s'il ne nous donne pas plus d'argent. Sauf que le gouvernement dit qu'il donne tous les services, en ce moment. Alors, ce que vous dites, c'est que, si le gouvernement veut se lancer dans un processus d'entente de gestion, il devrait avoir la franchise de nous dire quels sont les services qu'il veut qu'on rende plutôt que de nous imposer tous les services avec pas d'argent pour les rencontrer. Donc, l'entente de gestion va devenir une espèce de... l'obligation finalement de décider quels sont les services, donc quel est le panier de services qu'on offre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Renaud.
M. Renaud (Jacques): Peut-être, pour répondre à votre question, je vais vous référer au mémoire qu'on a déposé à la commission Clair, et lequel mémoire prévoyait qu'un conseil d'administration couvrant l'ensemble d'un territoire puisse définir un ensemble de services qu'il veut livrer à sa population. Et, pour nous... En tout cas, la proposition qu'on faisait était d'aller en appel d'offres pour trouver les gestionnaires qui, à la lumière ou après avoir pris connaissance des attentes signifiées par le conseil, qui elles-mêmes doivent être en accord évidemment avec les politiques santé de la province et les grands objectifs qui y sont déterminés, une fois ça connu, une fois les budgets connus, les ressources matérielles disponibles, dans quel état elles sont, les ressources humaines qui sont disponibles, celles qui manquent, qu'on soit en mesure de dire: Oui, on peut livrer un ensemble de services complet avec ce qui nous est offert ou on peut pas.
Alors, si on ne peut pas livrer un ensemble à 100 %, il est important, selon nous, tant pour les gestionnaires, les professionnels et tout le monde qui va s'impliquer pour essayer de donner ou de donner vraiment les services à la population, de leur dire: Écoutez, l'attente, la barre est à, je sais pas, moi, 80 % de ce que serait une livraison idéale de services. Alors, qu'on dise ces choses-là de façon à ce que les résultats soient atteignables et puis qu'ils puissent aussi, en étant atteints, créer une motivation qui va amener une roue à tourner, où on va avoir un ensemble à la fois de gestionnaires et de professionnels qui vont être fiers de la livraison ou des... de la livraison de services qu'ils font et puis des ententes qu'ils auront prises en les ayant atteintes.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Est-ce que vous souhaitez que ces... que ce qui anime, la philosophie qui anime ces ententes de gestion soit un esprit de décentralisation, c'est-à-dire que, compte tenu qu'il y a pas assez d'argent pour offrir les services et qu'il va falloir choisir les services à offrir, qu'on en arrive finalement à ce que certaines... que les ententes de gestion soient différentes les unes des autres, et donc que, d'une région à l'autre du Québec, nous ne retrouvions pas les mêmes services pour les Québécois?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Renaud.
n(12 h 50)nM. Renaud (Jacques): Je vous dirais dans un premier temps: Je pense qu'il y a une gamme de services de base qui doit ? de base, là, je le prends pas strictement au niveau de première ligne mais à chacun des niveaux ? qui doit être offerte à l'ensemble de la population. Et puis je pense que justement, dans l'esprit de la régionalisation, il doit y avoir... il y a certaines variantes qui doivent être adaptées au vécu des populations locales, régionales ou sous-régionales, mais globalement, qu'on ait une... des services de base assurés à tous les citoyens, dans toutes les parties du Québec, m'apparaît essentiel. Par exemple, si on prend un cadre de CLSC qui a des services de maintien à domicile, qui a des services pour la petite enfance, qui a des services scolaires puis quelques autres, ça constitue le corpus de base d'un CLSC. Vient s'ajouter à ça peut-être l'organisation communautaire qui va prendre telle ou telle couleur dépendamment de la région du Québec où les choses vont se passer.
M. Fournier: Évidemment, vous comprenez qu'en répondant ça ? vous parlez de CLSC, jeunesse, maintien à domicile ? ils peuvent toucher à tous les buts, mais pas y toucher dans la même proportion, et donc laissant, d'une région à l'autre, des gens sans les mêmes services. Par exemple, une région peut décider, dans cette philosophie de décentralisation, de maximiser le maintien à domicile, donc d'y mettre le plus de ressources possible, pénalisant ainsi ? parce que, comme on n'arrive pas au montant optimum pour tout ? pénalisant ainsi, par exemple, les services jeunesse. On pourra donc prétendre que, d'une région à l'autre, tout le monde a droit à des services jeunesse, à des services de maintien à domicile, mais, dans la vie concrète, comme les ressources ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre, par cette gestion... cette entente de gestion décentralisée, on arrive au fait que certains sont sur des listes d'attente un peu plus longtemps pour les centres jeunesse.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Renaud.
M. Renaud (Jacques): Bien, excusez, mais je pense, que ça soit pour centre jeunesse ou personnes âgées, effectivement il risque d'y avoir des attentes qui se font. Par exemple, prenons au niveau des CHSLD, il y a une tendance pour se tenir aux alentours de 70, 72, 73 % partout dans la province. Alors, tout le monde a le service, mais il y a des listes d'attente qui sont là un peu partout. Est-ce que, à certains endroits, elles sont plus longues? Forcément, s'il y a une démographie qui est peut-être plus âgée que dans d'autres régions. Mais effectivement, quand on ne peut pas offrir 100 %, il y a à quelque part une difficulté de base.
M. Fournier: Le fait est que vous me retournez la prémisse qui était d'une philosophie de décentralisation de... de ces ententes de gestion. On en vient à une conclusion que tout le monde, toutes les régions vont suivre une certaine moyenne ou vont tendre vers une certaine moyenne. Alors, on se demande finalement, à vous écouter, si les ententes de gestion auront une couleur fondamentalement locale ou s'il n'y aura pas, peut-être parce que c'est le sens commun qui l'appelle ainsi... on va pas retrouver les mêmes ententes de gestion pour tout le monde.
M. Renaud (Jacques): Je pense qu'à ce niveau-là, c'est des questions qui relèvent pas de notre ressort comme tel. Nous, ce qu'on peut souhaiter, c'est qu'il y ait une implication des citoyens, que ça soit par les mécanismes qui sont proposés ou d'autres mécanismes qui pourraient être mis en place de façon à ce que les citoyens puissent donner leur avis sur l'offre de services qui sera la leur. Maintenant, je pense que ça relève davantage à la fois des travaux des parlementaires et des travaux des serviteurs de l'État d'arriver à nous proposer des éléments de base qui permettraient de mettre en marche des ententes de gestion.
M. Fournier: Je pense que c'était bien aussi ce qu'avaient en tête les gens du conseil de... de la santé et du bien-être, qui voyaient cette équation offre de services et financement. Et dans les conseils d'administration, où c'est le lieu privilégié pour faire ce débat-là, lorsqu'ils disent de combiner des approches et que, pour eux, ça ne voulait pas dire d'annuler les élections, c'est parce que ça aurait... et donc le projet de loi n° 28 a le défaut de déséquilibrer l'équation: service à offrir, discussion sur... débats sur le service à offrir, versus ou vis-à-vis la... les capacités financières d'y arriver. Forcément, avec la nouvelle façon de procéder, où ça part d'en haut pour aller vers en bas, cette équation-là est un peu pipée d'avance, et finalement, c'est beaucoup plus l'aspect financement qui arrive et la population aura moins de capacité, comme vous le souhaitez dans votre propos que vous tenez en ce moment, de faire entendre sa voix sur la fourniture des services. Enfin, c'est pas de votre... c'est pas de votre ressort puis ni du mien, le gouvernement décide d'aller de l'avant.
Mais il y a un autre aspect des ententes de gestion que vous soulevez, puis je voudrais aussi vous entendre là-dessus. Aux pages 6 et 7, dans le fond, vous nous dites: Les ententes de gestion... Parce que vous parlez, à ces pages-là, de... des décisions gouvernementales qui ont des effets au niveau local, notamment les conventions collectives qui sont signées, puis vous dites: Sortez de l'entente de gestion ce qui n'est pas, au niveau local, de notre ressort, ce qui n'est pas imputable à nous, et faisons une entente de gestion sur ce qui est dans notre marge de manoeuvre, dans le fond. Qu'est-ce que vous avez à nous dire là-dessus?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Leclair.
M. Leclair (Daniel): Ce que je comprends, moi, de votre question au niveau de ces choses-là, c'est que, au niveau négociation ou au niveau de... Quand vous négociez un contrat, on peut pas laisser nécessairement, quand le budget est fermé, des volets qui sont complètement ouverts où est-ce que c'est que... excusez-moi l'expression, mais qui deviennent «bar open», d'une certaine façon, puis qui viennent faire en sorte de créer pratiquement une hémorragie dans certaines affaires. Donc, ces volets-là, c'est les volets qu'on pourrait appeler comme étant les hémorragies potentielles, et, dans un contexte qu'on ne contrôle pas, ces négociations-là, dans le sens que c'est négocié à partir de l'État mais avec les syndicats, nous, on nous remet la convention disant que: Voici, applique-la. Alors, c'est des points qui peuvent, une année, coûter zéro, comme une année coûter 250 000.
Alors, c'est pas quelque chose qu'on peut arriver, surtout dans un contexte de non-déficit comme, nous, on doit se... qu'on est... qu'on est galvaudé, si on peut dire, à l'intérieur de ça. On ne peut pas dire... Écoutez, d'un côté, on va nous obliger à assumer des choses qu'on ne contrôle absolument pas puis qu'on n'a pas aucun mot à dire non plus dans la négociation, et, de l'autre côté, dire: Bien, le budget va être fermé, puis votre budget, c'est x, puis il y a pas moyen de faire autrement. Alors, d'un côté, il faut contrôler tous les... Si on veut avoir un budget fermé comme tel, il faut avoir tout le contrôle de ce que c'est qu'on va avoir à gérer. Mais c'est des choses qui sont carrément... qui sont pas dans notre giron, comme on dit, puis on ne peut pas... c'est pour ça qu'on les a distinguées. Puis je pense qu'il y a plus de points que ces deux-là, mais c'étaient deux exemples.
M. Fournier: Mais, je vous comprends bien...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dernière question, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui, dernière question. Je vous comprends bien lorsque vous dites: Les ententes de gestion qui sont envisagées vis-à-vis les établissements publics doivent être... les éléments qui sont inclus à cette entente de gestion doivent être ceux qui envisagent, qui concernent les marges de manoeuvre qui existent au niveau de l'établissement, et ne doivent pas... Il doit pas y avoir d'influence externe finalement qui vienne déséquilibrer celui qui est en contrat dans l'entente de gestion.
Parce que ça m'amène à penser aux gens qui sont venus dire qu'ils avaient déjà pas beaucoup de pouvoir au niveau local, d'influence sur l'ensemble des budgets, parce que beaucoup des décisions venaient de Québec, ça fait que l'entente de gestion risque d'être, dans ce cadre-là, plutôt d'effet limité.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Renaud.
M. Renaud (Jacques): Là-dessus, je dirais qu'on a voulu souligner ces éléments-là de façon à ce que nos collègues des établissements publics puissent avoir devant eux des ententes qui donnent pleine chance au coureur aussi de dire: Je livre la marchandise en fonction de ce que je peux contrôler. Et ça n'empêche pas évidemment de travailler très fort sur des dossiers aussi majeurs que ceux-là qu'on a cités, puis d'autres du même type, mais qu'il soit redevable, d'abord et avant tout, sur ce qu'il peut contrôler à partir de sa gestion.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors...
M. Fournier: Merci.
M. Leclair (Daniel): Et en même temps...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui?
M. Leclair (Daniel): Et en même temps, c'est peut-être aussi un bémol face aux négociateurs en disant que c'est bien beau de vouloir contrôler des budgets d'établissement, mais, en même temps, si de l'autre côté on nous enlève des éléments, dans le sens qu'on ouvre des portes béantes par lesquelles les fonds publics peuvent être évacués, on peut pas être tenus responsable de ça. Donc, je pense que c'est des exemples clairs sur des choses qu'il faudrait éventuellement resonger.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, MM. Leclair et Renaud, merci d'avoir participé à cette commission.
Je suspends les travaux à 15 heures cet après-midi, au même endroit.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 15 h 1)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Alors, nous entendrons, en premier lieu, l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux représentée par M. Réal Cloutier, qui est le président-directeur général. M. Cloutier, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission. Je vous mentionne que vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de vos mémoires et, par la suite, c'est suivi d'une période de questions de part et d'autre. Alors, je vous cède la parole, M. Cloutier.
Association des gestionnaires des établissements
de santé et de services sociaux
M. Cloutier (Réal): Merci, madame. D'entrée de jeu, je voudrais excuser M. Jacques Vézina, qui est chef de service au CHUQ de Québec et président de la région de Québec de l'Association, et Mme Lucie Racette, qui est conseillère en soins au Centre hospitalier de Lanaudière. Malheureusement, ils n'ont pas pu se libérer de leur travail, donc ça vous donne une idée des efforts qui sont faits par les gestionnaires dans ce réseau-là.
Alors, merci. Merci, madame. Merci de nous avoir invités à vous rencontrer pour donner nos commentaires dans le cadre de cette consultation particulière sur cet important projet de loi.
Notre Association représente 5 000 cadres intermédiaires, les cadres de premier niveau, dans l'ensemble de toutes les catégories d'établissements au Québec. En particulier, ces gens-là occupent des postes d'adjoint au directeur, de coordonnateur, coordonnatrice, de chef de service, de chef d'unité de soins, d'infirmière-chef, de chef de secteur et de conseiller ou conseillère en soins.
Le projet de loi n° 28, les changements proposés sont en général tout à fait conformes aux nouvelles réalités qui confondent nos choix collectifs. Devant cette volonté de promouvoir l'efficacité et l'efficience dans l'administration des soins de santé et des services sociaux, nous demeurons soucieux du respect de tous les partenaires au même titre que celui des membres que nous représentons. La viabilité globale du plan de transformation repose essentiellement sur la volonté et la capacité de tous les partenaires dont les gestionnaires de plans de soins et de services d'unir leurs efforts en ce sens. Les modifications proposées à la loi n° 28 doivent donc contribuer à favoriser l'atteinte d'un tel objectif.
Nous sommes intervenus à plusieurs reprises pour faire valoir la place que devront occuper les gestionnaires de première ligne, dans le cadre des dernières consultations publiques. En 1992, nous avons exprimé notre opinion dans le cadre de Un financement équitable à la mesure de nos moyens. En mai 1996, on est intervenu dans le cadre de la consultation sur la loi n° 116 au chapitre de la composition des conseils d'administration des régies. En octobre 1998, lors d'une vaste opération de nouvelles consultations lancées par les régies régionales dans toutes les régions du Québec sur le plan de consolidation des services 1999-2002, nous sommes intervenus à nouveau. Et, aujourd'hui, nous vous dirons des commentaires sur la loi n° 28 et, en particulier, à partir des commentaires de la Commission d'étude sur la santé et services sociaux, la commission Clair.
La commission Clair, en décembre 2000, a remis son rapport. Au chapitre de la gouverne et des conseils d'administration, sur plusieurs points, elle abonde directement dans le sens des critères que nous voulons défendre depuis longtemps. De plus, elle reconnaît l'importance d'impliquer, de mettre à contribution les gestionnaires de première ligne. Elle déclare, à la page 33, que «chaque établissement du réseau se donne un projet d'organisation qui associera les cadres, les professionnels et les autres employés à l'amélioration des services à la clientèle» et, à la page 117: «Notre réseau sera l'un des plus performants parce qu'il reconnaîtra que son adaptation et son avenir reposent sur la qualité de ses ressources humaines.» Aujourd'hui, brièvement, nous exposerons notre position et en particulier sur l'article 30.1. L'article 30.1 va obliger chacune des régies de créer la commission infirmière régionale. Celle-ci permettra, pour la première fois, à des membres de l'Association des gestionnaires d'avoir une mince chance de pouvoir faire partie des désignations pour siéger aux conseils d'administration des régies régionales ainsi qu'à ceux des établissements de santé ou services sociaux. À l'article 30.1, au deuxième paragraphe, on peut lire: «...deux personnes désignées par et parmi les gestionnaires des soins infirmiers des établissements de la région et visés à l'article 206 de la Loi sur la santé et les services sociaux.» Si on se réfère à l'article 206 de la Loi sur la santé et les services sociaux, on parle de nomination du directeur des soins infirmiers ou, «à défaut d'un tel directeur, le directeur général désigne une infirmière ou un infirmier responsable des soins infirmiers».
Notre position aujourd'hui est à l'effet de demander à la commission de prendre en considération que, lors de la mise sur pied de la première commission des infirmières régionale, Mme Lucie Racette, qui malheureusement ne peut pas être ici aujourd'hui, était l'instigatrice au niveau de la Table de concertation Laurentides-Lanaudière qui a débouché sur la première commission des infirmières qui est maintenant en place à Laurentides et à Lanaudière. C'est pourquoi, afin d'assurer une représentativité conforme à la réalité des défis qui confrontent les organisations, nous demandons que soient précisées à l'article 30.1, au point 2, au deuxième paragraphe, que les deux personnes désignées par et parmi les gestionnaires, une personne soit parmi les gestionnaires de niveau cadre supérieur et une personne parmi les gestionnaires de niveau cadre intermédiaire.
L'importance d'avoir une personne responsable des soins infirmiers membre de l'Association qui siège à la commission infirmière régionale se confirme davantage par le mandat de la commission qui est décrit à l'article 30, 370.3: «La commission infirmière régionale est responsable envers le conseil d'administration de la régie régionale ? en particulier le point 1 ? de donner son avis sur l'organisation, la distribution et l'intégration des soins infirmiers sur le territoire et sur la planification de la main-d'oeuvre infirmière, à la lumière des plans régionaux d'organisation de services visés à l'article 347.» De plus, il faudra s'assurer qu'il y a concordance en fonction de l'application de l'article 370.2: «Les modalités de désignation des membres de la commission infirmière régionale et de son président, la durée de leurs mandats et les règles de régie interne de la commission sont déterminées par règlement de la régie régionale.» Puisque le ministre a le pouvoir de désigner des administrateurs représentant des compétences du domaine de la santé et des services sociaux, nous souhaitons qu'il profite de l'occasion pour reconnaître les gestionnaires de niveau cadre intermédiaire membres de l'Association, tel que recommandé par la commission Clair. Leur compétence et leur pragmatisme en font un incontournable à valeur ajoutée pour tout conseil d'administration qui favorise une gestion participative efficiente dans le nouveau contexte d'imputabilité des administrateurs, et ce, dans toutes les régies régionales et les catégories d'établissements au Québec. Mesdames, messieurs, merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Cloutier. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Trudel: Je vous remercie, Mme la Présidente. Merci, M. Cloutier, de votre présentation. Oui, parfois, il y a des absences qui parlent, vous avez raison. Les cadres intermédiaires sont... le terme même l'indique, hein, je dirais: ils sont souvent pris entre deux feux, mais, en tout cas, sont toujours au travail et avec, je dois le dire, une identification et une reconnaissance publique qui est parfois perçue comme inversement proportionnelle au dévouement et au travail qu'ils font dans tout le réseau de la santé et des services sociaux. Et je voudrais bien que, d'entrée de jeu, vous transmettiez cela à vos membres: Cette oeuvre dans la pénombre n'est pas totalement inconnue au niveau du travail.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier... Excusez-moi, je pensais que vous aviez terminé, M. le ministre.
n(15 h 10)nM. Trudel: Non. Ça va, merci. Une question générale. Au niveau et de la régie régionale et de l'établissement, l'orientation générale basée sur la commission Clair, c'est qu'il y ait aux conseils d'administration le moins de personnes liées dans l'établissement ou dans un établissement, c'est-à-dire qu'on se retrouve avec des conseils d'administration où on a le moins possible des gens qui sont liés avec l'une ou l'autre des parties oeuvrant dans l'un ou l'autre des établissements. Et je comprends que vous nous faites une remarque là-dessus ici sur... ça prive un peu de l'expérience des cadres intermédiaires. On est donc en mesure, là, de vérifier la balance des inconvénients puis des avantages, c'est-à-dire d'avoir moins de groupes d'intérêts représentés et davantage de personnes en provenance de ces groupes oeuvrant dans le réseau de la santé et des services sociaux. Est-ce qu'en général, là, votre opinion, vous adhérez à cette idée de moins de personnes liées comme représentantes mais plus de personnes en provenance des différents groupes professionnels oeuvrant dans l'établissement de santé ou les établissements de santé lorsqu'il s'agit de la régie régionale?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Je peux vous répondre oui à cette question-là, c'est ce qu'on a confirmé lors de nos auditions à la commission Clair. Dans le cas de notre requête d'aujourd'hui, ce qu'on trouve important, c'est simplement de préciser, dans l'article 370.1, que les deux fameux gestionnaires dont il est question au paragraphe 2°, qu'on confirme tout simplement, qu'on précise qu'il pourra y avoir un cadre intermédiaire et un cadre supérieur. Parce que, lorsque vous référez à l'article 206 de la Loi de la santé et des services sociaux, l'article 206, c'est la nomination des directeurs de soins infirmiers qui sont essentiellement des cadres supérieurs. Pourquoi? Parce que je pense que, comme deuxième étape, si jamais la personne la plus représentative parmi les membres de la commission des infirmières régionale et cette fameuse personne là qui est cadre intermédiaire... ce que j'ai vu, moi, c'est que la commission des infirmières régionale pourra nommer, parmi ses membres, une personne pour la représenter au conseil d'administration. Alors, ça pourrait être, comme on dit, un siège à la régie par la bande, mais, avant tout, ce qu'on voudrait, c'est surtout d'être nommé, d'être précisé dans l'article 370.1 pour être certains que nos fameux responsables de soins infirmiers ou nos gestionnaires de soins ? à titre d'exemple, Mme Racette, qui devait être ici aujourd'hui, aurait pu vous parler un peu de ce qu'elle a vécu concrètement comme étant la responsable du comité dans Lanaudière... je pense que ça serait intéressant qu'il y ait une place, une place précisée au niveau des cadres intermédiaires.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: La vision générale de Clair, c'est: Allons chercher les personnes qui apparaissent comme les plus compétentes, les plus connaissantes; par exemple, dans ce domaine que vous soulignez, le domaine des soins infirmiers, les infirmières, allons chercher la personne qui semble le plus présenter... Est-ce que ce serait pas une espèce de... un petit excès d'encadrement si on précisait trop et si on allait au-delà de dire: Bon, il faut une personne en provenance de la catégorie profession infirmière? L'Association des centres privés conventionnés, ce matin, nous disait: Voilà une reconnaissance encore plus élevée du travail des infirmières dans les établissements. Est-ce qu'on doit pas laisser davantage de liberté plutôt que de l'encadrer d'une façon plus stricte?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Moi, je ne peux pas vous répondre oui à ça parce que je tiens mordicus à ce qu'on ait précisé par reconnaissance, effectivement, des cadres intermédiaires qui puissent être membres de la commission surtout par rapport au mandat, parce que ce que je trouve... Une absence importante présentement, c'est que, lorsqu'on discute de planification de main-d'oeuvre ? et surtout que le rôle de la commission... elle va jouer un rôle important au niveau de la planification de main-d'oeuvre ? on oublie la personne qui est très, très près de l'infirmière, qui est son chef immédiat, là, sa chef d'unité de soins. Alors, si on l'oublie... puis, effectivement... puis, à ce moment-là, au niveau du groupe, bien, il faudra quand même avoir des candidatures. Si on précise que cette personne-là, en étant cadre intermédiaire, sera la meilleure personne pour représenter le groupe d'une région... parce que, si j'ai bien compris les gens qui ont été consultés depuis une semaine, c'est pas toutes les régions qui sont favorables à la commission. Nous, on en veut une, commission, dans toutes les régions, mais on veut aussi avoir, si c'est possible, un poste. Je dirai pas un poste de réservé, parce que, dans les faits, je pense que les personnes vont devoir faire preuve d'expertise acquise avant de pouvoir être nommées par leur groupe, parce qu'ils appartiennent tous à la même corporation, qui est l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec. Que tu sois cadre ou infirmière, tu appartiens au même ordre, dans le fond.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: À la limite, on pourrait le préciser dans le règlement d'organisation de la commission infirmier... infirmière. Mais ce que vous dites, c'est qu'à la commission il faudra voir... il faudra faire en sorte que cadres supérieurs et cadres intermédiaires, les niveaux soient bien reflétés à la commission infirmière régionale.
Par ailleurs, je faisais plus allusion pour les conseils d'administration d'établissement et la régie régionale. Là, encore là, je voudrais avoir votre opinion parce que, s'il y a un courant très, très majoritaire... c'est vrai que tout le monde a pas dit qu'ils étaient d'accord, mais il y a un courant très, très, très majoritaire pour la reconnaissance d'une commission infirmière régionale qui, soit dit en passant, existe déjà bona fide, parce que ces personnes au plan professionnel se sont organisées... Il y a comme deux écoles de pensée, là, qui se sont dessinées en cours de route, c'est: prenons la présidente, ou le président ? la présidente surtout ? de la commission infirmière régionale et demandons-lui de siéger à la régie régionale plutôt que de dire: une infirmière du territoire concerné qui siégeait au conseil d'administration. Est-ce que, vous, vous avez une opinion là-dessus? Est-ce qu'on devrait, aux fins de la loi, désigner la présidente de la commission infirmière régionale comme siégeant au conseil d'administration de la régie, pour un cas, ou si on devrait se faire suggérer... faire suggérer une liste de personnes qui pourraient être appelées à servir, parce qu'elles sont infirmières, au conseil d'administration de la régie régionale?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Les personnes qu'on a consultées préfèrent plus le principe qui est écrit présentement, c'est-à-dire en fonction d'une liste qui est confirmée par la commission, que c'est à partir de cette liste-là qu'une personne est nommée au conseil d'administration de la régie. Alors, c'est sûr que, s'il y a une liste de six personnes... et peut-être qu'elle soit plus courte... Mais, nous autres, on préfère plus ce qui est écrit présentement dans votre projet de loi.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Très bien. J'aimerais bien connaître aussi votre opinion, parce que, évidemment, vos membres sont au quotidien, là, hein, très, très, très au quotidien, dans le travail de l'établissement... Et on a eu ici des affirmations assez étonnantes, vendredi soir ? même s'il était tard, elles étaient pas moins étonnantes, là ? sur la relation entre le conseil d'administration et les professionnels et les cadres qui oeuvrent dans l'établissement, dans le système de santé et services sociaux, mais dans l'établissement, en nous disant: Il y a pas... il y a pas beaucoup, il y a pas beaucoup de contacts entre conseil d'administration et les cadres, les cadres qui gèrent au quotidien, disons, et, à cet égard-là, on disait: Bien, appuyons-nous davantage sur les résultats recherchés ? on a appelé ça, ailleurs, ici, des contrats de gestion, des ententes de gestion ? plutôt que sur une relation étroite, là, suivie au quotidien, dans la gestion conseil d'administration, établissement. C'était à la fois étonnant d'entendre cela, parce qu'on sentait très bien une distance entre personnel-cadre, professionnels oeuvrant dans l'établissement et le conseil d'administration. Et par ailleurs, il y avait aussi des... il y avait là-dedans une idée de: confiez-nous-en davantage, en quelque sorte, parce que nous en avons la capacité professionnelle. À cet égard-là, est-ce que vous trouvez que la... Bon, vous dites que vous êtes en accord, en général, avec l'orientation du projet de loi. Est-ce que cela va être de nature à resserrer davantage les liens organisationnels au sein de l'établissement, conseil d'administration, professionnels, cadres, vous pensez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Merci, madame. Nous autres, ce qu'on vit, surtout ce qu'on a vécu beaucoup dans le cadre de la réforme, c'est que les conseils d'administration ont des leaders importants autour de la table, qui sont les représentants syndicaux. Je pense que la nouvelle façon de voir les choses au niveau de la composition, ce sera un peu différent. Donc, peut-être que les gens seront un petit peu plus bienvenus, et, entre autres, je pense que le conseil d'administration pourrait inviter un cadre... À titre d'exemple, s'il veut parler d'urgence, il pourra inviter la personne qui est responsable, la première responsable de l'urgence, c'est la chef-cadre intermédiaire. Et c'est sûr que les cadres ont jamais été bienvenus et ils font pas partie du même party où vraiment les unités syndicales sont présentes, là. Alors, ça crée un climat un petit peu... un petit peu...
n(15 h 20)n Alors, moi, je pense que les nouveaux membres au conseil d'administration, qui vont provenir d'ailleurs de groupes organisés, et même qu'on va désigner des gens, je pense, des bons gestionnaires d'entreprises... personnellement, je pense que ça va changer la relation avec les cadres et les professionnels. Mais c'est une espèce de groupe-tampon, hein. Alors, les gens de la base, syndiqués sont très bien représentés, parce qu'ils ont... en tout cas, dans l'ancienne loi, une façon d'être élus au conseil, et deux, trois postes, d'ailleurs. Entre ça, il y a des gens de la communauté qui s'y connaissent plus ou moins, donc le leadership est pris par les personnes des syndicats. Et les cadres, dans les activités où sont ces gens-là, malheureusement, on n'est pas toujours les bienvenus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: À l'égard des personnes en provenance de la population, le projet énonce que nous allons nous appuyer totalement sur le conseil d'administration de l'établissement. C'est le conseil d'administration de l'établissement qui, sur la base des groupes de la société civile constituée, va faire une consultation auprès des groupes socioéconomiques, culturels, communautaires pour faire en sorte que, bien, les personnes qui veulent servir la communauté, d'abord, soient issues de cette communauté-là et, deuxièmement, que tous les groupes puissent avoir droit au chapitre en termes de suggestions. Vous savez aussi que cela est un changement donc de trajectoire à l'égard du système qui a été mis à l'essai loyalement, je pense bien, loyalement, depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire des personnes qui pouvaient se porter volontaires et pour qui on allait se prononcer, ce qui a jamais amené une avalanche d'autobus cinq par banc, là, pour aller au conseil d'administration. Est-ce que vous pensez qu'on a davantage de chances d'identifier les personnes, les hommes et les femmes d'une communauté donnée en consultant tous les groupes socioéconomiques que la façon dont nous procédons actuellement, qui a connu ses limites, pense-t-on, de façon assez évidente?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Personnellement, moi, ce que je pense là-dessus, c'est malheureux parce que les... on est tout à fait d'accord là. Lorsqu'on a dit qu'on aurait maintenant des assemblées publiques, les assemblées publiques ont servi beaucoup plus de débats au niveau des coupures budgétaires à l'interne où on avait plus d'intervenants carrément reliés au travail à l'interne de l'établissement que des gens qui ont amené des idées nouvelles par rapport à la gestion. Moi, je pense que le procédé qui est dans votre projet de loi va devenir très intéressant à la condition qu'il y ait un processus équitable et surtout dépolitisé, je dirais, entre parenthèses, pour que la personne qui est vraiment intéressée à aller sur un conseil d'administration pour son expertise professionnelle et personnelle soit mise à contribution. Sans ça, on retourne, comme on dit, le vingt-cinq-sous de l'autre côté. C'est pas plus compliqué que ça.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: M. Cloutier, M. Cloutier, maintenant, je vais vous consulter sur un sujet délicat. C'est pour ça que je vous appelle «M. Cloutier». Jusqu'à maintenant, le projet de loi indique qu'au niveau des conseils d'administration il faudra retrouver un certain nombre de caractéristiques comme, par exemple... qu'il y ait une représentation territoriale, avoir les parties du territoire concerné, que les groupes d'âge soient représentés, que les groupes d'âge qui utilisent le système soient représentés, qu'il y ait aussi une représentation hommes-femmes, bon, qu'il y ait une représentation hommes-femmes qui se rapproche de ce qu'est la population, de ce qui est la situation qu'on retrouve dans la population. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de vos membres dans votre Association qui sont des professionnelles femmes. Moi aussi, j'attendais que... je pensais que vous viendriez avec d'autres personnes, avec vous, aujourd'hui, je leur aurais posé davantage la question. Mais il y a une idée, il y a une idée qui circule à l'effet que nous devrions aller plus loin et indiquer que les conseils d'administration devraient être composés d'au moins 50 % de femmes, comme reflet de la société dans laquelle nous nous inscrivons. Écoutez, là, je vous demande pas de vous prononcer au niveau de votre Association, vous avez pas consulté là-dessus, là. Quelle est votre opinion?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Je trouve que c'est une règle... c'est une règle très intéressante. Mais, vous savez, notre Association existe depuis 30 ans et c'est la première année, en 2001, qu'on a 50 % de représentantes des cadres du réseau, parce que notre Association est partout au Québec. C'est la première fois depuis 30 ans qu'on a réussi à avoir 50 % de femmes à notre conseil d'administration. Ce que je trouve important, c'est que vous pouvez édicter une règle qui dit que c'est 50 %, mais ça va vous prendre des gens en marketing, en promotion pour aller chercher ces personnes-là. Parce que, en particulier, si je regarde au niveau des conditions de vie des cadres que je représente, qui sont à 70 % des femmes, elles ont un horaire très chargé et sont souvent monoparentales. Donc, est-ce qu'elles vont être capables en plus de leur travail d'aller siéger sur un conseil d'administration? Alors, si on regarde la tendance de notre Association, que j'aille dans peu importe quelle autre organisation, que ce soit la Chambre de commerce ou autre, je suis pas convaincu. Mais je trouve que l'idée est bonne. L'idée est bonne de dire un minimum de 50, mais je sais pas qui va faire le recrutement ou qui va aller solliciter. Moi, je suis très préoccupé présentement par la relève, puis je peux vous dire qu'il faut avoir... il va falloir avoir un discours très marketing, comme on dit, pour avoir des gens qui vont venir à notre réseau.
Donc, au niveau des conseils d'administration, si on regarde la perception des chicanes des cinq dernières années au niveau des coupures et tout ce qui s'est passé, au niveau des fermetures et des fusions, la perception, c'est celle-là maintenant. Alors, si on a une perception qui dit: On veut changer des choses, on veut faire différemment, on veut surtout amener des idées nouvelles pour construire quelque chose de tout à fait nouveau, sûrement que, oui, l'idée de 50 % est bonne, mais c'est difficile, ça va être difficile à atteindre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Je regarde...
M. Cloutier (Réal): Par manque de candidatures.
M. Trudel: Je regarde, en particulier, la composition de votre propre association, il y a 70 % de femmes qui sont cadres intermédiaires.
M. Cloutier (Réal): Oui, exact.
M. Trudel: Et, évidemment, dans la population des 52-50, là, je comprends que ça demanderait un effort formidable, comme vous dites, il y a beaucoup de familles monoparentales, mais là, peut-être que, nous autres, les gars, il va falloir qu'on s'occupe... qu'on se mette à s'occuper des petits, là, peut-être, hein. C'est peut-être parce qu'on s'en occupe pas assez des petits, les gars, qu'il reste moins de temps, hein. Je pense qu'il y a là une responsabilité. Merci de cette opinion, elle est très précieuse.
Une autre dimension, c'est la volonté de gérer par résultats, c'est-à-dire convenir d'ententes de gestion par la voix du chef de l'administration de l'établissement, le directeur général, avec l'instance de planification, la régie régionale de la santé et des services sociaux. Est-ce que, pour vous, de l'énoncer comme cela est une... d'abord, est-ce une dimension intéressante en termes de gestion? Et deuxièmement, est-ce que vous pensez que cela va nous amener à avoir une espèce de contrat de gestion avec l'équipe administrative? Même si elle s'exprime par la voix du directeur général, l'équipe administrative, parce que vous avez bien raison, c'est vos équipes de cadres intermédiaires qui sont, au quotidien, sur le plancher, en termes de gestion des unités, de gestion des secteurs d'activité... Est-ce que vous pensez que cela va être un élément de stimulant pour impliquer davantage les cadres dans la gestion des résultats à obtenir à chaque année?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Merci, madame. Je peux vous confirmer que, si, déjà, il y a plusieurs, plusieurs établissements au Québec qui ont commencé déjà à gérer par résultats, l'Association partage ce point de vue là. Sauf que ce qui est un peu ambivalent, c'est que, et je le répète toujours, moi, c'est qu'on lance un principe, puis, malheureusement, il y a pas de formation qui est appuyée avec ça.
Donc, oui, on gère. C'est quoi, gérer par résultats? Nous autres, on a toujours géré avec des réquisitions d'achats, on savait même pas le prix. Alors, je peux commander 375 paires de gants pour les médecins, je sais même pas le prix. Et du jour au lendemain, on a dit à mes cadres intermédiaires: Voici ton budget, voici ton budget de remplacement, voici tout l'argent, puis il faut pas que tu dépasses ça. Mais, en même temps, là... c'est pas des comptables. C'est une infirmière. Elle, elle donne des soins, puis elle va essayer de donner les meilleurs, les meilleurs pansements, puis les meilleurs produits, les meilleurs médicaments, puis en même temps... Alors, voyez-vous l'ambiguïté qu'on vit, là? Puis les ambiguïtés, je pense, il manque un peu de formation, mais c'est un incontournable.
Le réseau... présentement, moi, j'arrive d'une tournée depuis deux semaines, tout le monde sait que c'est un incontournable. Je suis allé expliquer votre boni au rendement dans ma tournée, dernièrement, et je leur ai dit: C'est terminé, là, le boni, c'est un vrai boni. Alors, si c'est un boni, il va falloir convenir préalablement, avec une gestion par résultats, comment on pourrait atteindre, tu sais. Puis je vais vous dire qu'il y a 30 % de mon monde qui sont sûrement rébarbatifs au boni. Parce qu'il faut changer de culture. On n'a jamais géré nos budgets, on n'a jamais géré nos horaires, on n'a simplement fait que, je le répète, signer des réquisitions. Et là les gens sont vraiment en possession de leur budget, ils connaissent leur budget, et ont des suivis fréquents. Il y aura sûrement besoin d'un ajout technique pour aider ces gens-là. Mais, de plus en plus... d'ailleurs, il y a des cadres qui sont un peu comme dépourvus de moyens, parce qu'ils ont jamais fait ça depuis 20 ans, gérer des budgets. O.K.?
L'autre principe qui est important, il faut aussi attacher la question du financement, je pense. J'ai participé à la commission Clair comme auditeur. Si le financement est différent, tu sais, s'il passe 200 personnes par jour dans une urgence qui a des budgets réels calculés sur une base zéro, qu'on appelle maintenant, là, qui fait qu'on est capable d'en desservir 105, les 95 autres, il va falloir qu'il y ait de l'argent. Parce qu'on nous a donné, depuis trois ans, le mandat de gérer à base zéro: Tu as un budget zéro, puis il faut que tu me dises, Réal, que, d'ici l'année prochaine, comment tu as vraiment besoin d'argent pour fonctionner. Alors, si je mets un budget de 2 000 heures de remplacement puis que ça m'en prend 4 000, puis je suis en pénurie, puis je paye plus de supplémentaire que de temps régulier, j'ai un problème... un problème. Donc, le financement est directement relié à la question de gérer par résultats.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
n(15 h 30)nM. Trudel: Et donc, ça fait appel aussi à ce que vous évoquez, l'information de gestion. Est-ce que, à votre avis, de ce que votre monde vous en dit, là, est-ce que c'est une... Ça m'apparaît être comme une carence majeure pour le gestionnaire de ne pas disposer de cette information nécessaire pour la réalisation de son travail. Est-ce que c'est ce que vous entendez sur le terrain?
M. Cloutier (Réal): Moi, je vous dirais: De moins en moins. Moi, je pense que 60 % des gens présentement sont plus en... vraiment connectés sur c'est quoi, leur réalité budgétaire. Il y a beaucoup de directeurs généraux, ou de ce qu'on appelle les fameux comités de régie, qui ont impliqué beaucoup les cadres intermédiaires. Ils les ont impliqués, hein, les... Alors, on leur a donné les vrais budgets. Mais encore une fois, je vous le dis, j'en ai qui sont dépourvus, soit qu'ils manquent d'outils... C'est pas tous les hôpitaux au Québec et tous les centres jeunesse ou de réadaptation qui ont les outils, à partir d'un ordinateur qui a de l'allure, avec un programme qui est dedans qui va m'aider à gérer.
Regardez simplement le nombre de cadres qui font leurs horaires à la maison, je pense que dans plusieurs établissements on a instauré des nouveaux systèmes informatiques adéquats. Alors, ça, il faut qu'il y ait un investissement majeur, parce qu'on a coupé... on était 12 000 cadres intermédiaires puis on est 6 800 aujourd'hui, au moment où se parle, là. Alors, quelque part, si t'as moins de personnes, moins de cadres, ça prend sûrement du technique, ou ce que j'appelle la quincaillerie, pour m'aider, sans ça je réussirai jamais à faire mon ouvrage.
M. Trudel: Et vous nous dites aussi qu'il faudra prévoir nommément des séquences de formation, de formation pour arriver aux résultats de la modernisation de la gestion dans nos établissements de santé et de services sociaux. Parce que ça s'improvise pas ça. Vous évoquez même une espèce de changement de culture, c'est-à-dire vous administriez des budgets, mais vous gériez pas des budgets à partir à partir non seulement d'objectifs de résultats, mais des moyens qui sont à la disposition... Sur ce volet formation, vous considérez donc que ça devrait accompagner immédiatement, là, l'effort qui sera réalisé pour la modernisation de la gestion du réseau?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Merci, madame. Remarquez bien, M. le ministre, c'est que, nous, on a appris durant 20 ans à gérer des activités en centre jeunesse, en centre hospitalier, dans tous les domaines. C'est ce qu'on gérait. C'est l'activité qu'on gérait, on ne gérait pas l'argent. Là, on nous dit: En même temps qu'on va préciser tes activités à gérer, je vais te donner l'argent qui va avec. Et cette partie-là, elle est inquiétante. Je vous le répète, quand t'as un bac en soins infirmiers, quand t'as un bac comme psychoéducateur, t'as pas un bac en comptabilité, O.K., puis balancer ton livre de banque, c'est déjà beaucoup, donc il va falloir apprendre des choses, là.
Et aussi des ententes, et je l'ai dit aussi aujourd'hui, ça fait pas partie de la commission, mais, quand tu gères comme chef d'un service huit syndicats différents, ça devient un peu compliqué au niveau de certaines règles, il y a certains budgets à gérer là. Alors, la question des primes, du temps supplémentaire puis toutes les ententes... De ce temps-ci, il y a des ententes extraordinaires pour l'été qui s'en vient, là. Alors, la personne qui va travailler cet été comme gestionnaire, ça va être assez compliqué, là. Elle va passer peut-être très peu de temps ou, du moins, elle va sûrement investir du temps personnel pour apprendre toute la complexité des ententes pour l'été, puis après ça essayer de gérer ça dans un contexte, tout le monde le sait, qui peut être un petit peu flou.
M. Trudel: Est-ce que, à l'égard des relations avec les paliers de gestion... Bon. On va augmenter, on va donner plus de pouvoir aux régies régionales de la santé et des services sociaux en termes de gestion des effectifs, en termes de gestion financière, en termes de gestion des personnels, des processus, il va y en avoir davantage qui vont se faire au niveau régional. C'est pas tout le monde qui voit ça d'un oeil... en tout cas, du même oeil, disons ? pour ne pas mettre de qualificatif ? de donner plus de pouvoir aux régies régionales de la santé et des services sociaux. Chez vous, quand vous êtes entre cadres intermédiaires et que vous en causez, vous en discutez, est-ce que ça vous apparaît comme une des dimensions importantes de la modernisation de la gestion de notre réseau de santé et de services sociaux?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'était la dernière question, M. le ministre. M. Cloutier, vous pouvez répondre.
M. Cloutier (Réal): Oui. Merci, madame. Je vous dirais, M. le ministre, un point de vue strictement personnel parce que j'ai une vision du réseau, je suis un administrateur du réseau depuis déjà 30 ans. Personnellement, je crois beaucoup qu'il faut abonder dans une structure comme le réseau, qui a une fonction d'autorité, que j'appelle. Alors, moi, j'ai toujours dit, comme éducateur spécialisé avec des jeunes en difficulté: Pourquoi je mettrais une règle si je peux pas la faire respecter? Je ne mettrai pas de règle dans ma résidence de groupe de jeunes si je suis pas capable de faire respecter la règle.
J'ai lu plusieurs articles de la loi qui parlent... au lieu de dire «peut», «doit». Ça, j'aime ça, parce que la notion de devoir est différente de la notion de pouvoir, j'ai un devoir, il y a le devoir. Et la nouvelle notion qu'on tente d'inculquer à nos membres comme association, c'est celle de la reddition de comptes. Et ça, c'est tout nouveau, là, c'est pas... Tu sais, on est un réseau de... j'appelle ça un réseau de sociaux. Alors, un réseau de sociaux, c'est pas habitué à se dire: Il y aura une fonction à quelque part d'autorité.
Moi, je suis un peu déçu personnellement de voir comment les régions ont pas réussi à faire lever le leadership. Alors, si malheureusement il faut imposer ? en tout cas ? de nouveaux rôles aux régies, ce que je souhaite par contre, c'est qu'ils raffinent leur leadership par rapport à réussir à réseauter, à faire un réseau. Il n'y a pas de réseau. C'est pas vrai qu'il y a un réseau. Tout le monde essaye de sauver sa peau, tout le monde fait des choses que l'autre au côté veut pas transporter parce que ça vient pas de lui ou il est capable de faire mieux. Mais il y aurait des choses extraordinaires qui seraient transportables.
Moi, je visite les 16 régions du Québec depuis 10 ans comme président. Il y a des choses fantastiques, mais c'est comme... Ça se transporte pas. On veut pas transporter ça. Alors, on va réinvestir. On va même des fois réengager les mêmes consultants dans une autre région pour faire le même processus plutôt que d'avoir pris... Ton intermédiaire qui travaille sur... Regarde, de ce temps-ci, j'ai un ami comme... Jacques, qui devait être ici aujourd'hui, qui travaille sur un projet de brancardiers centralisés, au CHUQ de Québec. Mais ça se faisait déjà à l'hôpital Laval. Bien, regarde: Viens voir à Laval, là, puis essaye donc de voir si tu peux pas faire ça au CHUQ, pour le fun. Là, il y a une ouverture qu'on voyait pas il y a quatre, cinq ans.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): O.K. M. le député de...
M. Trudel: ...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue parmi nous. Écoutez, je vous écoutais puis j'avais une question qui me venait, comme ça: Comment, sur les conseils d'administration des établissements, comment vous voyez dans... pas le passé récent mais le présent, depuis quelques années, comment vous voyez le rôle de la population lors des élections, mais lors aussi des assemblées, des conseils d'administration? Vous en avez touché quelques mots tantôt, là, lors de réunions qu'il y a eu sur les coupures, et tout ça, puis qu'il y avait des gens... Selon vous ou selon votre association ? puisque vous parlez au nom de l'Association ? comment l'Association voit le rôle de la population sur ce palier, qui est le conseil d'administration des établissements?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Merci, madame. Moi, je vous dirais, monsieur, que ce qu'on vit, nous, comme cadres intermédiaires... En particulier, on est toujours pris à partie lorsqu'il y a des plaintes du citoyen qui a été mal servi, O.K., par un hôpital. Parce que le processus de plaintes, quand quelqu'un est pas satisfait, il demande: Où c'est qui est le chef? Où c'est qui est le boss? Alors, la personne qui se présente, c'est le cadre intermédiaire. De là, je vous dirais que je suis un peu surpris de comme il y a deux sons de cloche. C'est qu'il y a beaucoup de gens qui disent que ça a pas d'allure, puis d'autres... En fonction des plaintes qui sont traitées, et, même si je regarde la relance que font souvent plusieurs fondations, c'est un peu comme contradictoire, ça.
Mais ce que je souhaite, par contre, au niveau des nouveaux conseils d'administration, c'est qu'on aille vraiment chercher les bonnes personnes. C'est embêtant, je dirais, politiquement parlant, au niveau de dire: Le ministre va nommer, le ministre va désigner. Mais, moi, je pense que, si on y croit vraiment, il faut avoir des gens qui sont vraiment concernés, qui y croient vraiment, hein? En fin de semaine, j'écoutais Enfant Soleil. Je me disais: Comment on a réussi à intéresser autant de gens à un téléthon comme ça pour les enfants, qui sont pas du tout des éducateurs ou des gens concernés? Alors, c'est ce souhait-là que je fais. Comme je dis, moi, ça va prendre un groupe de marketing et de publicité pour aller chercher les bonnes personnes dans la nouvelle composition des nouveaux conseils, dans... comment on va les faire, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Comment vous... À la question que je vous ai posée, vous me répondez par: Les cadres intermédiaires sont surtout visés par la plainte de l'usager. J'ai quasiment le goût de revenir sur le sujet que vous avez abordé et je reviendrai plus tard sur la question que je posais. Est-ce que... Et vous dites... Bien, remarquez, je suis d'accord avec vous, c'est tout à fait normal finalement, c'est vous qui êtes le chef de la place où s'est passé le sujet de plainte. Évidemment, le projet de loi ne changera pas ça. Est-ce que vous ne trouvez pas ça normal, de toute façon, que ce soit comme ça? Est-ce que vous êtes favorable à ce que ça n'existe plus, cette situation où les gens peuvent se plaindre du service? Si plainte, il y a à faire?
M. Cloutier (Réal): Au contraire. Sauf que le parallèle que je fais avec votre question, c'est que, dans les faits, cette situation-là ne se rendra pas au conseil d'administration. Si elle se rend là, c'est parce qu'il y a un problème à quelque part de gestion. D'après moi, le conseil d'administration est fait pour gérer l'ensemble de la mission et de s'assurer que...
M. Fournier: Très bien. Alors, bon, on est sur la plainte de l'usager. Vous dites: Ça n'a pas à aller au conseil d'administration, le conseil d'administration ne fait pas que toucher les plaintes de... n'est pas qu'un cumul de plaintes d'usagers, il agit pas nécessairement, et la plupart du temps ? je dirais à 95 % ? n'agit pas a posteriori, c'est-à-dire qu'une fois qu'il y a eu un problème que, là, le C.A. s'en occupe. C'est plutôt en termes de développement pour l'avenir, comment est-ce qu'on fait, par exemple, pour offrir les services avec les ressources qu'on a? Et dans ce sens-là ? je reviens avec ma question initiale ? comment voyez-vous le rôle d'une communauté avec son établissement à l'égard de cette vision annuelle ? on dirait pluriannuelle si on voulait prendre ce qu'il serait logique de faire ? par les intervenants de la population, qu'il y ait une certaine partie du pouvoir décisionnel qui leur soit dévolu? Est-ce que vous trouvez que c'est pas la place?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
n(15 h 40)nM. Cloutier (Réal): Bien, moi, j'ai vu comme étant positif que... en parallèle à ça, c'est les fameuses audiences publiques que vont tenir, entre autres, les régies régionales, où on aura un son de cloche de la région comme telle. Et ce que j'ai vu aussi, c'est qu'il y aura quand même encore des assemblées publiques des conseils d'administration.
M. Fournier: Mais à l'égard des forums dont vous parlez, trouvez-vous que deux forums, ça permet aux personnes qui vont être là d'avoir suffisamment d'information, d'avoir suffisamment d'avis pour pouvoir proposer des solutions différentes que celles qui leur sont amenées par la régie? Est-ce que vous trouvez que deux par année, c'est suffisant ou, qu'au contraire votre expérience vous démontre qu'ils risquent d'être soumis à la moindre information qui leur est donnée, sans qu'il ait la possibilité de contre-expertiser, si on veut.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Moi, je dirais que oui parce que... mettons, ce que j'ai comme image dans ma tête, puis que j'ai vu réellement, c'est que, si je vais dans la région de la Gaspésie, puis j'ai assisté à des assemblées en Gaspésie par rapport à Québec ou Montréal, c'est très différent. La population se comporte pas de la même façon. La population en région, en périphérie de Québec ou Montréal parle plutôt de dire: Combien de distance j'aurai à faire pour avoir tels services. Je regarde dans votre région, M. le ministre, c'est la même chose. O.K. qu'est-ce que je fais là? Si le seul service qui est offert dans une spécialité, c'est à Rouyn-Noranda, puis je demeure à Val-d'Or, j'ai un problème de distance. C'est plus ça que la population est préoccupée.
Moi, je pense que le meilleur forum pour l'exprimer, ça pourrait être par les membres du conseil d'administration. Mais où je suis pas convaincu: qui, parmi les membres du conseil d'administration, peu importe de quelle provenance il est? Est-ce qu'on va dire: Regarde, cette personne est rejoignable? Est-ce qu'on a la liste, est-ce que la liste est publique? Est-ce que n'importe quel citoyen peut s'adresser à un membre du conseil d'administration pour lui soumettre son dossier? Bien, tant mieux. Mais, c'est pas ce que j'ai comme image. C'est pas là que ça se passe.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je comprends pas là, vous me dites que... actuellement ou différent avec le projet de loi?
M. Cloutier (Réal): Avec le projet de loi, d'après moi, ça va être différent.
M. Fournier: Vous pensez que les gens vont pouvoir appeler les administrateurs pour leur dire quelles sont leurs préoccupations?
M. Cloutier (Réal): Je sais pas, mais je pense que oui. Si, moi, je m'en vais dans le rapport annuel de tel établissement, j'aurai sûrement la liste des administrateurs, puis, si je sais que c'est M. Beaulieu qui est président du club Optimiste, je vais dire: Regarde, moi, Roger, ça fait un mois qu'il y a des choses qui sont pas à mon goût, est-ce que tu peux voir ça?
M. Fournier: Je ne veux pas vous interrompre, vous semblez... ça, c'est une des nouveautés que vous percevez dans le projet de loi, que les gens...
M. Cloutier (Réal): Bien la nouveauté, c'est...
M. Fournier: ...vous me permettez, les gens vont maintenant être en mesure d'identifier les administrateurs, alors qu'aujourd'hui ils peuvent pas le faire.
M. Cloutier (Réal): Aujourd'hui, ils peuvent le faire encore, oui, ils peuvent le faire.
M. Fournier: Ils peuvent le faire, donc c'est pas une nouveauté?
M. Cloutier (Réal): C'est pas une nouveauté. Par contre ce qui est une nouveauté, c'est la qualité des gens qui vont être sur le conseil d'administration, qui est différente d'avant.
M. Fournier: Vous trouvez qu'ils ne sont pas compétents en ce moment?
M. Cloutier (Réal): Bien, non, non. Parce que, en ce moment, ça, c'est différent. En ce moment, je vais vous dire sincèrement, puis j'ai assisté à plusieurs conseils d'administration et puis je l'ai dit tantôt: Si la moitié de l'assemblée du conseil est à l'effet que c'est les trois syndicats ou les quatre syndicats qui sont présents autour de la table qui interviennent... on parle pas des bonnes affaires. On parle du train-train de tous les jours, et c'est pas ça le rôle d'un conseil d'administration.
M. Fournier: Même si la Conférence des régies, l'Association des hôpitaux, je ferai pas la nomenclature de tous les groupes qui sont passés ici, on a plutôt prétendu que ? je veux pas dire qu'il y a pas des cas d'exception, par exemple, je veux pas dire qu'ils l'ont pas dit qu'il y avait pas de cas d'exception ? mais, que de façon générale, ils trouvaient que la formule actuelle permettait, d'une part, d'avoir des gens compétents, de pouvoir s'adresser aux vrais débats, et de développer une appartenance avec la communauté qui permettait, notamment aux dirigeants d'établissements, de s'associer la communauté, qu'ils trouvaient là quelque chose d'intéressant. Vous, vous dites, qu'au contraire c'était plutôt des incompétents qui entouraient le D.G.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): J'ai pas, j'ai pas... excusez madame, j'ai pas dit qu'ils étaient incompétents. Je vais dire, entre autres, que je veux que ce soit le vrai débat où... Ce que je peux dire, mon opinion personnelle là-dessus, c'est que, nous, comme gestionnaires de première ligne, ce qui se passe au conseil sincèrement et ce qui s'est passé au conseil depuis cinq ans, ça servait à une chose surtout, à couper 50 % des postes de cadres intermédiaires. Et à part ça je le sais pas ce que ça a fait. Mais des idées nouvelles... Moi, je veux que le conseil d'administration des établissements amène des idées nouvelles. Et, pour avoir des idées nouvelles, il faut avoir des... j'appellerais ça des administrateurs futuristes. Et, moi, ce que j'ai vu, ma perception à moi, on a traité beaucoup plus de ce qui se passait dans la réforme; c'était correct, c'était ça qu'on vivait. Mais là c'est terminé. En tout cas, moi, on me dit que c'est terminé. Alors, si c'est terminé puis on regarde vers le futur, il faut avoir des nouvelles personnes autour de la table qui vont amener ce que j'appelle des idées nouvelles, des idées nouvelles puis qu'on projette ça dans le futur.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je pense à tous ceux qui ont traversé les dernières années et dont vous dites qu'ils n'ont pas eu d'idées nouvelles et qui ont été obligés à chaque mois, à chaque année de faire face aux coupures et de trouver les moyens d'offrir des services grâce à votre aide, entre autres, et à l'ensemble des gens dans le réseau, d'offrir les services à la population, alors que c'était coupure sur coupure. Je pense à ceux qui sont encore là aujourd'hui, qui ont à faire face à des compressions budgétaires parce qu'il y a pas encore suffisamment de sous pour rencontrer les coûts de système. C'est pas moi qui le dit, c'est l'Association des hôpitaux du Québec qui le dit. J'ai pas de raison croire qu'ils ont tort.
Mais on peut toujours leur reprocher de pas avoir discuté d'autres choses alors qu'ils étaient monopolisés sur comment on peut rendre des services à la population avec pas assez d'argent. Je suis pas prêt à dire que les gens qui vont être nommés par le gouvernement via soit les gens de la régie directement ou indirectement par la régie qu'ils sont, un, assurément plus compétents, moi, personnellement je ferai pas ce pas en avant, là, que vous faites, mais vous avez le droit de le faire, évidemment, et, deuxièmement, de quoi parleront-ils? Dites-moi quels sont les pouvoirs que le projet de loi n° 28 donne aux conseils d'administration des établissements de plus que ceux qu'ils avaient avant et surtout de différents de ceux du régional et du national?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Cloutier.
M. Cloutier (Réal): Bien, premièrement, j'ai pas fait une étude très exhaustive de cette partie-là, parce que c'est pas la partie sur laquelle on voulait intervenir, mais ce que je tiens à vous dire, c'est: C'est sûr, puis je le comprends, j'ai même des amis qui sont impliqués, lorsqu'on a géré dans les dernières années la décroissance du réseau, c'est-à-dire, la décroissance, c'est-à-dire qu'on avait un objectif zéro à atteindre, c'est différent. Maintenant que l'ouragan est passé, pour tenir un peu mon langage, on dit: Maintenant, en plus de ça, on va maintenant nommer des gens différents d'avant sur les conseils d'administration.
Je comprends les associations d'établissements ou les associations qui étaient concernées préalablement à ça d'être terriblement déçues puis de pas être satisfaites de ça. Mais, au niveau du... que, moi, je représente, je vous dirais que l'image que j'en ai présentement, du nouveau conseil, elle n'est pas là pour discréditer celui qui était là avant, mais, ce qu'on veut, c'est amener une composition différente. À part ça, j'ai pas d'autre opinion.
M. Fournier: Est-ce que vous pensez que les nouveaux administrateurs vont être plus en lien avec le ministre qu'avant ou plus en lien avec la population qu'avant?
M. Cloutier (Réal): Moi, j'espère qu'ils vont être plus en lien avec la population puis j'espère aussi qu'il y aura beaucoup de monde qui vont poser leur candidature. Moi, j'ai pas lu beaucoup là-dessus, là, mais j'espère que ça sera une question de candidatures.
M. Fournier: Des candidatures à quelle élection?
M. Cloutier (Réal): Bien, c'est-à-dire... Candidatures à quelle élection, que ce soit à la régie ou à l'établissement, avant de les désigner, sûrement que quelqu'un va devoir ce que j'appelle faire un C.V. Moi, j'ai été désigné représentant des cadres au comité de retraite. Il a fallu que je soumette ma candidature avec mes compétences, ce qui fait que, bien, c'est peut-être la meilleure personne.
M. Fournier: J'ai pas beaucoup d'autres questions, simplement pour vous dire que, personnellement, je ne partage pas votre point de vue au niveau des forums de citoyens, je pense pas que ça va rapprocher des... la population, je pense pas que deux occasions vont suffire à des gens de devenir des professionnels. Je partage pas votre point de vue non plus à l'effet que les nouveaux administrateurs vont être plus en lien avec la population, puisque vous accordez votre appui à cette formule-là, alors que maintenant ça va être beaucoup plus d'en haut que par le bas. Par exemple, avant il fallait fonder, former les C.A. d'établissements avant de faire celui de la régie, parce que c'est l'établissement qui fournissait de la ressource humaine pour la régie. Maintenant, c'est l'inverse, le ministre nomme la régie, et la régie fournit des gens dans les établissements. Alors, forcément la vision du réseau est inversée.
À la question que je vous posais, qui me semble la plus importante «Est-ce que vous croyez qu'il est plus utile qu'il y ait une représentation de la population ou du ministre?», vous me répondez: La population. On poursuit les mêmes objectifs. Au niveau des moyens, on est en désaccord, mais la vie est ainsi faite. Elle est si belle quand on peut au moins parler entre nous et nous échanger nos façons de voir les choses. Je vous remercie beaucoup de votre participation.
M. Cloutier (Réal): Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Cloutier. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur ce point de vue?
M. Cloutier (Réal): Non, madame. Merci aux membres de la commission de nous avoir reçus. C'était très agréable.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est nous qui vous remercions, M. Cloutier, pour votre participation.
M. Cloutier (Réal): Merci, madame.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je suspends les travaux de la commission pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 50)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant certaines dispositions législatives.
Alors, nous entendrons maintenant la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Alors, je souhaite la bienvenue... je vous souhaite la bienvenue et je cède la parole à M. Renald Dutil. M. Dutil, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent et vous aurez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec (FMOQ)
M. Dutil (Renald): Très bien. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, merci de nous accueillir. Alors, je vous présente, à ma droite, Me Pierre Belzile, qui avocat au contentieux de la Fédération et, à ma gauche, le Dr Jean Rodrigue, qui est directeur de la planification et de la régionalisation à notre fédération.
Alors, nous avons préparé un mémoire, court, mais qui, je pense, enfin essaie de bien résumer la position de la Fédération dans les questions soulevées par le projet de loi n° 28. D'emblée de jeu, on vous dit qu'on a noté que le gouvernement semblait privilégier une formule de désignation et de nomination qui excluait la plupart du temps un processus électoral. J'ai entendu certains commentaires dans les médias, et il semble que cela sera révisé. Mais la Fédération serait... se réjouirait de maintenir un mode électoral. Même si on convient qu'il y a une faible participation de la population aux élections dans le secteur de la santé, on pense que c'est quand même important de s'en référer à un processus électoral, particulièrement lorsqu'on parle d'imputabilité face à la population et aux instances gouvernementales.
On se réjouit également que le projet de loi n° 28 donne suite à des demandes maintes fois répétées par notre Fédération, à savoir de prévoir la présence de médecins aux conseils d'administration d'établissements qui comptent un conseil des médecins et dentistes ou encore un service médical. Alors, il y a là des éléments intéressants pour notre Fédération.
Cependant, on aura des observations à vous faire quand même sur cette présence de médecins. Une première que je vous fais, c'est celle que, dans les CHU, où le projet de loi de mentionne qu'il y aurait présence d'un médecin spécialiste. Nous, on pense que cela devait être modifié par présence d'un médecin. On y reviendra, puisque dans les CHU, on pense qu'un seul médecin ne serait pas suffisant non plus.
Il faut savoir que dans les CHU les médecins omnipraticiens sont bien présents. Ils sont présents comme médecins cliniciens. Il y a un département de médecine générale dans nos CHU. Mais ils sont présents également au niveau de la formation des résidents. Les résidents en médecine familiale, c'est plus de 50 % de nos résidents, et ils sont formés en bonne partie dans nos CHU, d'où l'importance de retrouver au conseil d'administration la présence d'un médecin qui puisse être aussi un médecin omnipraticien.
La procédure de désignation des médecins au conseil d'administration. On a été surpris que, dans le projet de loi, on parle souvent de médecins... soient désignés par le département de médecine régionale, si on parle de CLSC, CHSLD ou de petits hôpitaux de moins de 50 lits. Nous, on croit que l'expertise médicale dans chacun de ces établissements où existe un service médical ou un CMDP, elle est là, et il est important que le médecin qui siège au conseil d'administration puisse s'appuyer sur une connaissance intime de l'établissement dans lequel il travaille.
Donc, on recommande que le médecin qui est membre d'un conseil d'administration de l'établissement soit désigné, on retient le mot «désigné» parce que les mots suivants en font une forme élective finalement, soit désigné par et parmi ceux qui exercent leur profession dans tout centre exploité dans l'établissement. S'il y avait faute de ressource médicale disponible, il arrive dans les petits établissements où l'équipe médicale est quand même faible et qu'aucun médecin ne pourrait être disponible, à ce moment-là il appartiendrait au département régional de médecine générale de désigner parmi les médecins du territoire un médecin. Ça, c'est dans les cas des CLSC, CHSLD et CHSGS, là, hôpitaux de moins de 50 lits.
Dans les autres établissements, on pense également que le médecin ou les médecins qui siègent au conseil d'administration devraient être désignés par et parmi les membres du conseil de médecins et dentistes.
Il y a cinq recommandations qui suivent dans notre mémoire. Recommandations 1 à 5, je ne les reprendrai pas textuellement, mais on revient toujours sur le même principe: désigné par et parmi les médecins de l'établissement; s'il y en a pas de disponible, le chef de département de médecine régionale intervient dans certains établissements. Dans les établissements, les hôpitaux de plus de 50 lits, c'est un médecin désigné par et parmi les médecins qui exercent leur profession dans tout centre exploité par l'établissement. C'est la même recommandation pour les CHU, mais on ajoute une cinquième recommandation, la recommandation 5. On croit nous que l'importance de l'expertise médicale au sein d'un conseil d'administration justifie la présence d'un autre membre du conseil de médecins et dentistes, donc en sus du médecin désigné par...
Parmi les médecins de l'établissement, on recommande également une personne désignée par le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l'établissement choisie par et parmi ses membres. Un conseil des médecins et dentistes, ça peut comporter des pharmaciens ou des dentistes et ça comporte bien sûr des médecins. Alors, il y aurait lieu de désigner une personne parmi les membres de ces conseils.
Et au niveau des établissements universitaires, la Fédération appuie la demande la Fédération des médecins résidents du Québec, à savoir qu'il y ait un médecin résident membre du conseil d'administration de ces établissements.
La composition des conseils d'administration des régies régionales, désignation de leurs membres. Nous avons toujours fait des représentations pour accroître la présence médicale au sein des conseils d'administration de ces organismes. Nous croyons toujours aujourd'hui qu'il nous faut prévoir une représentation et une représentation à la fois des médecins omnipraticiens et des médecins spécialistes. Les médecins spécialistes, la majeure partie de leurs activités se déroulent à l'hôpital. Les médecins omnipraticiens ont une bonne part de leurs activités dans les hôpitaux également, dans les établissements, mais ils ont également une activité très large, beaucoup plus large que celle des médecins spécialistes dans la communauté, au niveau des territoires.
Alors, on reprend une recommandation qu'on avait déjà faite, là, à l'occasion du dépôt du projet de loi n° 404, à savoir que le chef du département régional de médecine générale siège au conseil d'administration de la régie régionale. On pense que les responsabilités qui incombent à ce département et à son chef justifie amplement sa présence au sein du conseil d'administration.
Alors, c'est le sens de la recommandation 6. La recommandation 6 qui dit que le chef du département de médecine générale et le médecin spécialiste agissant, selon le cas, à titre de président ou de vice-président de la CMR puissent tous deux siéger au conseil d'administration, ce qui nous permettrait d'avoir une représentation à la fois des médecins omnipraticiens et des médecins spécialistes.
Quant à la composition, la Commission médicale régionale et la désignation de ses membres, nous ne voyons pas l'opportunité de modifier les procédures actuelles d'élection et de nomination de ses membres. La CMR fut introduite, là, en 1991; elle répond, je pense, adéquatement à ses responsabilités, et nous n'avons pas eu de représentations à l'effet que le mode d'élection ou de nomination actuel causait problème. Alors, on recommande donc d'abroger l'article 53 du présent projet de loi.
Le Conseil des médecins et dentistes des établissements. Très rapidement. On est en désaccord avec l'article 38 du projet de loi. On pense que le choix de maintenir un ou plusieurs CMDP pour l'ensemble des établissements qu'un conseil d'administration unique administre doit être laissé au choix des médecins et des personnes membres de ces CMDP. On a vécu beaucoup d'expériences avec cela ces dernières années. Et, même si des hôpitaux sont presque voisins, il y a des cultures organisationnelles assez différentes parfois, et la fusion forcée au sein d'un seul conseil des médecins et dentistes a apporté beaucoup plus de problèmes que d'effets positifs.
Alors, on pense, nous, que, lorsqu'il s'agit d'un C.A. unique, on ne parle pas de fusion d'établissements dans ces cas-là mais un C.A. qui administre, par exemple, deux établissements, il y a deux CMDP. Pour des raisons qui leur appartiennent, on veut maintenir ses deux CMDP. On pense que ça devrait être permis. Comme le choix inverse pourrait l'être, également.
n(16 heures)n Effectifs médicaux, l'autre grande question soulevée par le projet de loi. On est d'accord que le plan des effectifs médicaux soit respecté dans chacune des régions et dans chacun des établissements. On est fort soucieux, nous aussi, d'en arriver à une meilleure répartition des effectifs à travers la province. Mais la gestion de ce plan n'est pas une chose simple. Il faut savoir que la planification des effectifs en médecine générale, elle est particulière au niveau d'un établissement. Elle est particulière au niveau d'une région aussi. La plupart des médecins omnipraticiens y travaillent à temps partiel, dans les établissements, et une autre fraction de leur activité, c'est au niveau des territoires. Alors, dans la gestion du plan des effectifs d'un établissement, il faut en tenir compte. Si nous avons, par exemple, un médecin plein temps qui quitte et qui pourrait être remplacé par deux médecins omnipraticiens à temps partiel, il faut que nos plans soient suffisamment souples pour le permettre, puisque c'est la réalité et c'est bénéfique aux établissements également de pouvoir permettre une telle chose.
Ce avec quoi nous sommes en profond désaccord dans le projet de loi, c'est de faire porter les pénalités qui peuvent survenir, lorsqu'il n'y a pas respect du plan des effectifs, de faire porter ces pénalités, dis-je, aux médecins. Alors, nous ne pouvons pas adhérer à un projet de loi qui viendrait sanctionner le médecin qui, en toute bonne foi, a demandé et obtenu une nomination auprès d'un établissement. Alors, on désapprouve totalement les modifications qui sont proposées par les articles 43, 99, 101 du projet de loi et ? sans aller dans le technique, là ? par l'article 112, tel qu'il est libellé.
Alors, on recommande donc d'abroger de tels articles. On pense, nous, que ce sont les établissements qui sont responsables de la nomination des médecins. Déjà, dans la loi actuelle, l'article 239 prévoit que ces nominations sont susceptibles d'être de nullité absolue si le plan des effectifs médicaux et dentaires de l'établissement est atteint, à moins que celles-ci n'aient été approuvées au préalable par la régie régionale. Alors, ce qu'on propose, plutôt, c'est des modifications qui auraient pour effet d'assurer une meilleure gestion des plans d'effectifs médicaux, tant au niveau des établissements, de la régie régionale puis de l'ensemble du territoire québécois.
Alors, au niveau de l'établissement, nous jugeons nécessaire de préciser les obligations qu'a le directeur général envers le médecin qui fait une demande de nomination ? c'est l'article 237, je pense, de la loi actuelle. Et le non-respect de cette obligation devrait être sanctionné. Aussi, on vous recommande, là, d'amender l'article 237 et de l'écrire comme suit: «Le directeur général, sous peine de sanction, doit, dans les 30 jours de la réception de la demande de nomination du médecin, l'informer par écrit de son irrecevabilité et, le cas échéant, de sa suspension lorsque le plan des effectifs médicaux et dentaires de l'établissement est atteint ou lorsque le plan d'organisation n'a pas été approuvé par la régie régionale.» Je fais tout de suite une remarque. Dans le projet de loi, on fait intervenir la régie régionale tout le long du processus de nomination, dès le départ. On est en désaccord avec une action aussi prématurée de la régie régionale. On pense qu'une régie régionale, ça doit approuver les plans de croissance ou de décroissance; ça doit approuver, en bout de piste, les plans d'effectifs. Mais, lorsqu'un établissement, lorsqu'un hôpital se situe à l'intérieur de son plan d'établissement et qu'il y a une demande de privilège faite par un médecin, si elle est à l'intérieur de son plan d'établissement, cet établissement peut nommer, accorder des privilèges à ses médecins sans devoir passer par la régie régionale. On pense que la régie régionale ne devrait intervenir que lorsqu'il n'y a pas respect du plan des effectifs médicaux ou encore lorsque ce plan n'a pas été encore approuvé. Mais, en dehors de ces circonstances, nos établissements ont toute... devraient avoir toute la marge de manoeuvre pour nommer ou pas un médecin.
Alors, je passe rapidement sur les recommandations suivantes, qui sont davantage techniques mais qui viennent confirmer ce que je viens de dire: imputabilité au directeur général de l'établissement et bien sûr éventuellement au conseil d'administration de l'établissement. S'il y a non-respect, le médecin n'a pas à être sanctionné, la décision de le nommer a été prise par le conseil d'administration de l'établissement. Bien préciser les devoirs du directeur général d'informer le médecin dès le départ, lorsqu'il présente une demande de nomination, de la situation des effectifs médicaux dans son établissement, et, s'il ne le fait pas et qu'il y a, là, dérogation au plan des effectifs sans que ce soit justifié, bien, les sanctions devraient s'appliquer à ce moment-là au directeur général et éventuellement à l'établissement.
Au niveau régional. Au niveau régional, on pense que les responsabilités de la régie régionale, du département de médecine générale et de la commission médicale régionale en matière de planification des effectifs médicaux, ils sont bien définis dans la loi actuelle. La Fédération cependant estime que certaines lacunes demeurent quant aux moyens dont disposent les régies régionales pour s'assurer du respect des obligations imposées aux établissements. Alors, nous avons certaines recommandations, entre autres, la recommandation 182.5. Nous croyons qu'il y a un cadre de gestion et d'imputabilité et que la régie régionale doit faire respecter ce cadre de gestion et d'imputabilité. Au niveau national, nous proposons que la loi reconnaisse le rôle important que jouent déjà les organismes représentatifs avec lesquels le ministre conclut des ententes en vertu de l'article 19 et 19.1 de la Loi sur l'assurance maladie. Ce sont les fédérations médicales: la Fédération des médecins omnipraticiens, celle des médecins spécialistes et la Fédération des médecins résidents.
Alors, nous croyons qu'il devrait y avoir une disposition pour bien reconnaître ce rôle et nous en arrivons à la recommandation 16 qui dit: «Dans l'élaboration de son plan régional, la régie régionale doit tenir compte des objectifs de croissance et de décroissance que lui signifie le ministre suite à la consultation de l'organisme représentatif avec lequel le ministre a conclu une entente en vertu de l'article 19 ou 19.1 de la Loi sur l'assurance maladie, des activités médicales des médecins qui pratiquent dans la région et qui reçoivent une rémunération de la Régie de l'assurance maladie et du nombre de postes fixé par le ministre, qui doivent être réservés pour des médecins ayant pratiqué dans d'autres régions.» Et le deuxième alinéa dit que «...le plan régional, accompagné des parties des plans d'organisation des établissements qui ont servi à son élaboration, doit être soumis au ministre qui l'approuve avec ou sans modification, suite encore une fois à la consultation de l'organisme représentatif avec lequel le ministre a conclu une entente.» Donc, les deux fédérations. La Fédération des médecins spécialistes a un comité de gestion qui lui permet, là, d'être consultée, notre fédération a déposé une demande analogue, mais nous avons déjà dans notre entente générale un article qui a créé un comité consultatif sur la répartition. Alors, nous pensons, nous, que dans toute cette mécanique d'approbation des plans de croissance et de décroissance, autant en amont qu'en aval, les organismes représentatifs des médecins doivent être consultés.
Enfin, les règlements sur l'organisation et l'administration des établissements. Nous pensons qu'il faut remplacer l'actuel Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements, compte tenu de sa désuétude et des problèmes d'application qu'il entraîne. Aussi, on recommande que, dans les meilleurs délais, soit publié pour consultation un projet de règlement qui remplace le Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements. On vous le signalait, d'ailleurs, dès le début, dès la première page de notre mémoire, qu'il y avait deux points qui méritaient une attention particulière, c'est que le Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements n'a toujours pas été remplacé, et malgré les modifications qui ont été apportées à la loi en 1992. L'autre point dont on attire votre attention, c'est: Le projet de loi a comme un pouvoir d'enquête important aux régies régionales, qui ne se justifie pas. Et, là-dessus, on recommande d'abroger l'article 76 du projet de loi. On pense que l'article 500 de la loi actuelle donne déjà tout le pouvoir requis au gouvernement. Alors, Mme la Présidente, je conclus là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Dr Dutil, pour votre intervention. Je cède maintenant la parole au ministre.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Dr Dutil. Dr Rodrigue, l'aviseur légal, bienvenue. Bon. Prestation devant la commission à l'égard du projet n° 28 qui est extrêmement importante avec ce que vous nous apportez comme commentaires et pistes pour en arriver à peut-être, éventuellement, modifier un certain nombre d'articles en regard, en particulier, effectivement donc, de la pratique médicale.
n(16 h 10)n Une question générale, d'abord, pour essayer de dégager une piste. Vous nous suggérez que le médecin au conseil d'administration de l'établissement, en gros, il provienne du médecin pratiquant dans l'établissement, provenant du CMDP plutôt que du Département régional de médecine générale. Vous ne pensez pas que cela va comme continuer à ne pas engager le médecin ou les médecins ne pratiquant pas en établissement dans la région donnée, le fait de ne pas l'inviter en quelque sorte ou qu'il puisse être invité au conseil d'administration? Ou, d'autre part, est-ce qu'on se prive pas de là de ressources humaines qui pourraient être particulièrement, particulièrement aidantes au niveau du conseil d'administration? Et en même temps, la question est la suivante, c'est que l'économie générale de la commission Clair, c'est de dire: Tentons de nous retrouver autour du conseil d'administration de l'établissement et de la régie avec des personnes qui ne sont pas liées par leur travail ou leurs intérêts professionnels directement pour qu'on ait davantage des conseils d'administration axés sur l'administration plutôt que la représentation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): Oui. Écoutez, M. le ministre, oui, sans doute que d'inviter des médecins, qui ne font pas partie des établissements en cause, à siéger sur le conseil d'administration de tels établissements pourrait les sensibiliser davantage à la vie en établissement. Sans doute, je ne le nie pas. Mais, moi, je regarde les effets aussi inverses, c'est que les médecins qui travaillent déjà dans ces établissements, dont ce n'est pas l'activité unique là... on parle de petits établissements: C.A., CLSC, CHSLD, hôpitaux de moins de 50 lits, on y retrouve de petites équipes de médecins qui n'y travaillent que sur une base très partielle. Ces médecins-là ont une appartenance à l'établissement, ont une connaissance intime également des problèmes de cet établissement-là.
Et les C.A. de ces petits établissements-là doivent souvent s'attarder à des problèmes qui peuvent paraître bénins pour certains mais qui sont très importants pour les résidents: par exemple, la qualité de la nourriture; par exemple, la qualité du ménage qui est fait dans le CHSLD, et ainsi de suite. Alors, les médecins qui y travaillent comme médecins ont une connaissance beaucoup plus intime de ce qui se passe dans cet établissement-là. C'est comme moins les médecins du territoire qui n'ont pas aucune activité dans le même établissement. Si le but recherché par le législateur, c'est d'intéresser davantage les médecins omnipraticiens ou spécialistes, selon le cas, à la vie des établissements de leur milieu, on peut suggérer au législateur plusieurs autres moyens pour y arriver.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: On va certainement y revenir avec ce que vous appelez «certaines lacunes», à la page 10, j'imagine. Maintenant, allons sur une question cruciale que vous avez évoquée et qui fait l'objet de plusieurs recommandations dans votre mémoire: les effectifs pour rendre les services. Bon. Parce que, dans tout le mémoire et toute la mécanique qui pourrait s'ajuster, cela évidemment réfère à un point de départ essentiel: qu'il y ait des plans d'effectifs médicaux en omnipratique. Sans cela, tout le restant, c'est de la poésie. C'est pas un article de gestion. On peut en arriver à gérer les balises qui n'existent pas.
Au Québec actuellement, Dr Dutil, il y a 7 095 omnipraticiens. Il m'est avis qu'avec ce que l'on entend depuis un très grand nombre d'années, il y a crise de la pratique médicale au Québec. Pour moi, c'est une évidence qui se confirme: il y a crise de la pratique médicale au Québec. Je donne une illustration qui est parfaitement conforme à la réalité. Vous savez combien de fois, dans des rôles antérieurs, j'ai eu l'occasion d'échanger avec vous comme président sur, disait-on, et à juste titre, la pénurie d'effectifs médicaux ? on va prendre l'exemple très concret ? à Rouyn-Noranda. Il y a 15 jours, sur un plan d'effectifs de 38, il y en a 39 en poste à Rouyn-Noranda. Cependant, un médecin omnipraticien déclarait, de façon très juste à mon avis: «Et on n'a pas accès à un médecin.» Il y a plus de médecins que le plan d'effectifs en prévoit et on n'a pas accès à un médecin.
Vous le savez probablement, c'est un lieu commun maintenant, c'est un lieu commun au Québec, on dit: Il y a plus de médecins par 1 000 habitants que n'importe quelle autre province au Canada. Il y a davantage donc de professionnels et il y a pas d'accès à la profession médicale. Il y a une crise de la pratique médicale au Québec, ça me semble assez évident. Partons donc du point de départ. Pensez-vous, Dr Dutil, comme président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, qu'il y a lieu de conclure une entente formelle avec le syndicat des médecins omnipraticiens du Québec sur la répartition des 7 095 médecins omnipraticiens au Québec?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): Nous avons déjà beaucoup d'ententes, M. le ministre, qui traitent de la répartition des effectifs médicaux; il y a également beaucoup de propositions qu'a faites la Fédération pour en arriver à une meilleure répartition des effectifs sans qu'elle ait obtenu de réponse du ministère de la Santé. Alors, quand on parle d'une entente, là, je veux dire, on peut épiloguer longuement, mais il faudrait d'abord commencer par donner suite à bien des propositions et bien des travaux qui ont été faits chez nous, chez vous également, là, bien des efforts qui ont été faits. Mais vous avez cité l'exemple de Rouyn-Noranda, qui a corrigé beaucoup son plan d'effectifs. Pourquoi y a-t-il pas encore d'accessibilité? C'est une autre question, on peut y revenir, mais les dernières mesures que nous avons négociées dans notre accord cadre sont loin d'être étrangères au fait que nous avons maintenant, en Abitibi-Témiscamingue, davantage d'effectifs médicaux.
Il faut faire attention de dire que le Québec est la province la mieux pourvue en effectifs du Canada. Les chiffres, on leur fait dire ce qu'on veut. La plupart des provinces canadiennes se plaignent d'ailleurs exactement du même problème que nous. Les modèles de pratique ont changé ces derniers 15 ans, le corps médical a changé, l'organisation des soins a changé, les tâches dévolues aux uns et aux autres ont changé, et ainsi de suite, c'est-à-dire, vous... lors d'une rencontre que j'avais eue avec vous et certains présidents de CMR, on vous disait: Le vieux docteur qui est parti, chez nous, à sa retraite, bien, ça en prend deux pour le remplacer parce que personne va accepter de travailler 70, 80 heures comme il l'a fait tout le temps. Alors, c'est pas sans influer, bien sûr, sur le nombre de médecins requis.
Alors, comment en arriver à une meilleure répartition des effectifs? Nous misons encore sur l'organisation des soins. Et, si je parle des médecins omnipraticiens, l'organisation des soins touche les médecins omnipraticiens mais aussi les médecins spécialistes, parce que, dans beaucoup de régions rurales et éloignées, on confie aux médecins omnipraticiens bien des tâches qui, en d'autres milieux, sont assumées par des médecins spécialistes. Les médecins omnipraticiens développent des habiletés particulières, ça les valorise de le faire bien sûr, mais, je veux dire, ils ne peuvent pas être partout, et on manque de médecins de famille dans la communauté. C'est un problème qu'on voit souvent dans les régions rurales et éloignées, mais pas uniquement éloignées, où on demande aux médecins omnipraticiens de remplacer presque à pied levé le pédiatre ou le psychiatre en établissement, et ce médecin quand même est un médecin de famille dans son milieu et a moins d'activité... a moins de disponibilité pour son milieu. Alors, il y a des problèmes d'organisation de soins. L'heure n'est pas commencée à jeter des blâmes aux uns et aux autres. La plus grande plainte que j'ai des médecins, moi, c'est de trop travailler et de ne pas être assez nombreux. Mais on peut pas effacer les conséquences de décisions qu'on a prises aussi dans le passé. On a très mal planifié nos effectifs, M. Trudel, puis on a mis à la retraite au-delà de 10 % du corps médical québécois il y a à peine trois, quatre ans; même pas quatre ans. Alors, on en subit les conséquences actuellement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Dr Dutil, il faut que je revienne, parce que tout le restant, on peut pas parler de la gestion des effectifs médicaux si on n'a pas de plan d'arrêté, c'est de la théorie, c'est de la... on n'est pas basé sur une réalité. J'insiste, Dr Dutil, parce que, vous avez raison, ce matin, je pense qu'on a signé ensemble, par personnes interposées, la lettre d'entente n° 846, entre vous et moi, là, hein ? alors, on en a des ententes, mettons, hein ? la lettre d'entente numéro... je pense qu'elle portait le n° 846, celle-là. Écoutez, Dr Dutil, il y a 7 095 médecins omnipraticiens au Québec, vous présidez cette organisation-là. Est-ce que vous pensez, pour donner suite à votre suggestion et à la perche que vous tendez à la page 11 de votre mémoire... à la page 11 de votre mémoire, «au niveau national, la Fédération des médecins omnipraticiens propose que la loi reconnaisse le rôle que jouent déjà les organismes représentatifs». Moi, M. Dutil, c'est oui si vous prenez également la perche. Les médecins omnipraticiens du Québec sont-ils capables de s'entendre avec l'État pour la répartition de 7 095? Et, en retour, je vous garantis que je saisis cette perche-là et que je vous le mets dans la loi. Je vous le mets dans la loi, cette représentation formelle. Parce que c'est la réalité, vous avez absolument raison, Dr Dutil. Vous avez absolument raison, c'est déjà convenu comme cela.
n(16 h 20)n Mais on ne pourra pas gérer notre main-d'oeuvre médicale et la pratique médicale parce que... La semaine dernière ? même reflet que vous, Dr Dutil ? la semaine dernière, un de vos collègues de la région de Trois-Rivières, hein, disait dans Le Nouvelliste... Le porte-parole de l'opposition a cité vendredi soir, tard: Quand il m'arrive du monde de Sherbrooke, qu'il arrive du monde de Québec ou de Montréal, je leur dis: Laissez pas votre médecin, vous trouverez pas un médecin de famille. Il y a quelque chose qui va pas dans notre affaire, là. J'ai pas dit «dans votre», mais «dans notre», dans notre affaire. Est-ce que vous convenez, Dr Dutil, qu'il doit être réalisé au Québec des plans d'effectifs médicaux en omnipratique, en respectant, en tenant compte de tous les éléments, par exemple, que vous avez illustrés, de la féminisation de la profession, etc.? Est-ce qu'on peut en arriver... Et, moi, je vous le dis, je saisis votre perche de la page 11. Si des médecins omnipraticiens du Québec veulent conclure avec l'État ? avec l'État ? une entente de répartition des médecins omnipraticiens sur le territoire québécois, je suis preneur, et je suis preneur pour la suggestion que vous nous faites dans la loi.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): M. le ministre, nous sommes d'accord avec des plans d'effectifs, nous l'écrivons à de multiples reprises dans notre mémoire. Nous avons déposé à notre table de négociations, il y a déjà près de deux mois, un projet de lettre d'entente pour un comité de gestion des effectifs médicaux en omnipratique ? un tel comité existe chez les médecins spécialistes depuis déjà deux ans ? bon, mais, nous allons répartir ce qui existe et non pas ce qui n'existe pas. Peu importe les ententes qu'on va se donner, ça ne créera pas un médecin de plus.
Et, si la région Centre-du-Québec, Mauricie, est en très grande pénurie d'effectifs, j'ai le même problème à Chaudière-Appalaches. À Montréal même, le tiers de la population se cherche un médecin de famille, et il y a 200 médecins de famille de moins à Montréal depuis 1995. Et on est dans une grande région urbaine. La seule région au Québec qui, au niveau du plan des effectifs, est en équilibre, qui dépasse même légèrement, c'est la région 03. La région 03, c'est Québec. Mais il y a des problèmes de répartition intrarégionale: Allez à La Malbaie, allez à Portneuf, vous avez également là des problèmes d'effectifs; il y a des problèmes également de pénurie d'effectifs dans certains secteurs de pratique de la ville de Québec. Mais en nombre absolu, eu égard au plan d'effectifs de cette région, c'est la seule région qui actuellement atteint son plan.
Notre situation est un peu différente de celle des médecins spécialistes en ce qui concerne les plans d'effectifs. Ailleurs, on est en pénurie partout, des pénuries plus grandes dans certains endroits que dans d'autres, c'est évident. Mais, je veux dire, on est prêt à travailler là-dessus, c'est pour ça qu'on vous a proposé un projet d'entente, un cadre de gestion des effectifs. On est prêts à travailler là-dessus, on vous fait beaucoup de propositions pour bonifier cela. Il faudra toujours avoir en tête une chose: de ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, on ne fait que transposer le problème ailleurs.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Mais comme disait... comme disait l'autre dans d'autres contextes: Que diable, diantre, doit-il y avoir un problème à quelque part, là! Parce que, je veux bien, Dr Dutil, que l'on gère, mais gérer quoi? Et là, l'invitation... Parce que toute l'économie générale, l'économie générale de votre mémoire, que j'accompagne en général, mais cela est virtuel si nous n'avons pas, par entente, une gestion des effectifs médicaux en tenant compte des particularités de la profession, des particularités régionales, des besoins régionaux. Je veux bien des activités, bien sûr, dans les différents centres d'activités professionnelles des médecins; je pense que ce qui est réclamé de nous dans... et manifesté dans le projet de loi, c'est que nous convenions, qu'il soit convenu d'une entente pour indiquer là où devraient pratiquer ? et ça se gère ? les 7 095 médecins omnipraticiens au Québec. Et il faut que ce soit la première étape qui soit réalisée.
Parce que parler d'augmentation d'effectifs, diantre, s'il y a 18 % de plus, puis avec un niveau de féminisation qui est plus élevé, qui est plus élevé que les autres provinces canadiennes, et aussi des modèles de pratique qui sont légèrement différents... mais cela se gère, cela se gère par entente. Est-ce que vous êtes d'accord pour que soit convenue, entre l'État et les médecins omnipraticiens, et les omnipraticiens au Québec, une entente qui va nous déterminer là où devraient... ? et on le gérera ensemble ? les 7 095 médecins omnipraticiens du Québec.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il s'agissait de votre dernière question, M. le ministre. Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): Oui. M. le ministre, je veux dire, une grande entente miracle, fourre-tout, où on règle tous les problèmes, je n'y crois pas, le problème est beaucoup plus complexe que cela. Mais je vais vous rappeler les initiatives de notre fédération depuis 1996. Nous avons proposé un département régional de médecine générale. Pourquoi l'avons-nous proposé? Pour lui permettre de définir un plan des effectifs médicaux à l'échelle de la région. Les omnipraticiens n'exercent pas uniquement dans des établissements, ils exercent aussi dans la communauté, hein. Alors, c'est nous qui avons proposé cela et ça a été inscrit dans la loi. Ce département régional commence à fonctionner. Il est en place partout actuellement. Or, ça manifestait l'intention de la Fédération de s'impliquer dans une meilleure gestion de nos effectifs médicaux. Et ces départements régionaux de médecine générale auront besoin de leviers. Bien sûr, ils en ont quelques-uns, nous les supportons beaucoup.
Nous avons proposé ensuite un modèle d'organisation de soins. Nous l'avons proposé à la suite d'un rapport qui s'appelait rapport SECOR, mais le modèle que vous retrouvez dans les recommandations de la commission Clair, lisez le rapport SECOR et vous allez le retrouver textuellement. Et vous allez le retrouver textuellement dans le mémoire qu'on a remis également devant la commission Clair, toujours en ayant en tête une meilleure organisation qui va nous aider à gérer de façon plus efficiente la main-d'oeuvre médicale actuelle. Parce que malheureusement nos pénuries, il va falloir y faire face avec la main-d'oeuvre médicale actuelle avant qu'on réussisse à l'augmenter avec les nouvelles admissions en médecine. On a quand même quelques années devant nous. Or, je pense que la maladie n'attend pas aussi longtemps. Toute la population, peu importe où elle réside, elle a droit à des soins médicaux et surtout des soins de base, lorsqu'on parle de soins médicaux généraux, là. On pense que ça devrait être accessible dans chacune des localités.
Mais on a beaucoup de travail à faire sur les modèles d'organisation et on l'a suggéré. Bon, les groupes de pratique en médecine familiale, les premiers groupes, on va travailler là-dessus. On s'en est parlé longuement, mais on ne pourra pas négliger, là, tout ce qui se passe à côté de ces groupes. Si on arrive à mettre une dizaine de groupes fonctionnelles d'ici quelques mois, on va se féliciter mutuellement, mais ça ne fera tout de même qu'une centaine de médecins omnipraticiens et la rivière va continuer à couler pour tout le monde. Il va falloir, à côté de ça, s'occuper davantage des réseaux d'accessibilité de soins. On en a fait bien des représentations à notre table de négociations, mais en dehors des tables de négociations aussi. On ne s'intéresse pas uniquement à la négociation, on est toujours impliqué dans l'organisation. Et ça, on n'a jamais voulu dissocier l'un de l'autre parce que ça ne se dissocie pas.
Alors, vous n'avez pas à me sensibiliser sur l'importance des plans d'effectifs, nous avons été les premiers à vous proposer, via le DMRG, d'inclure tous les médecins omnipraticiens dans les plans d'effectifs et non pas uniquement les omnipraticiens qui travaillent dans les établissements.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, est-ce que... Oui?
M. Belzile (Pierre): Je voudrais juste apporter une précision, ça m'apparaît important actuellement. Il y a pas de problème de répartition des omnipraticiens au Québec, il y a des problèmes de pénurie. Il y a pas de problème de répartition. Actuellement, on peut dire que les omnipraticiens se sont répartis de façon pratiquement équitable à travers toutes les régions du Québec. On peut dire que le ratio omnipraticien par population est d'à peu près en moyenne de un pour 1 000, un pour 900, un pour 1 000 pour le Québec, et ça varie dans les régions de un pour 850 jusqu'à un pour 1 500. Alors, c'est quand même pas une marge très, très importante. Les endroits où la proportion est la plus faible, où le ratio est le pire, vous l'avez mentionné, c'est le centre du Québec et la Mauricie. Mais ce sont aussi et surtout les régions qui sont périphériques aux zones urbaines, comme par exemple la Montérégie, Laurentides et Lanaudière.
Et pourquoi le ratio est mauvais là-bas, c'est pas parce que les médecins n'y sont pas allés, c'est simplement parce qu'il y a pas assez d'omnipraticiens. À cause de l'explosion démographique qu'il y a eu dans ces régions-là, qui sont les régions banlieue de Montréal, on a encore un ratio qui est d'à peu près un omnipraticien pour 13, 14 ou 1 500. Alors donc, le problème de répartition des effectifs en médecine générale est quand même... On peut pas dire que le problème est très important, il y a un problème de pénurie. Pourquoi il y a un problème de pénurie? En bonne partie parce que les omnipraticiens couvrent un secteur important au niveau de la deuxième ligne.
n(16 h 30)n Et probablement, M. le ministre, vous le savez pratiquement mieux que nous, dans une région comme l'Abitibi, il y a sept salles d'urgence pour à peu près 150 000 de population. À Montréal, là, vous auriez à légiférer sur l'organisation des établissements pour 150 000 de population, vous leur donneriez probablement un gros CLSC avec deux, trois points de service. Mais, pour la région de l'Abitibi ? puis il faut que ça soit comme ça ? il y a sept salles d'urgence, il y a quatre hôpitaux avec un centre de santé. Toutes ces places-là ont besoin d'effectifs médicaux pour fonctionner. Ce qui fait que les médecins à Rouyn-Noranda, c'est vrai que leur plan d'effectifs est de 39, mais il est de 39 parce que c'est eux autres qui sont obligés de faire la pédiatrie, c'est eux autres qui sont obligés de faire les soins intensifs, c'est eux autres qui sont obligés de faire les tapis roulants en cardiologie, c'est eux autres qui sont obligés de faire plein d'activités qui ne relèvent pas nécessairement de la médecine générale. Alors donc, il faut distinguer le problème de répartition géographique à l'échelle du Québec qui est pas si important que ça, mais où il y a un problème de pénurie... Et je distingue, là, la notion de pénurie de la répartition. Et il faut aussi voir la question que parfois la difficulté qu'on a à avoir un médecin de famille en première ligne, c'est parce que le médecin est obligé de s'occuper de l'hôpital, il est obligé de s'occuper de l'urgence, il est obligé de s'occuper du CHSLD. Alors donc, il y a là aussi un problème au niveau de l'organisation des services qui est pas nécessairement un problème de répartition des effectifs. Alors, je pense que, là-dessus, il n'en reste pas moins que, comme l'a dit le Dr Dutil, on pense que c'est important de gérer des plans d'effectifs. Il faudrait pas non plus penser que, s'il y a des régions actuellement au Québec qui manquent de médecins, proportionnellement parlant, ce n'est pas l'Abitibi ni la Gaspésie, c'est la Montérégie, c'est Laurentides-Lanaudière, et c'est le Centre-du-Québec, et la Mauricie.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Me Belzile. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui, ben, coudon, provenant d'un député qui vient de la Montérégie, je peux difficilement ne pas parler de cette question-là qui a été soulevée. Écoutez, je vais revenir tantôt sur l'article 43, là, puis les aspects légaux qui sont contenus, que vous mentionnez dans votre mémoire. Mais, au-delà de ça, là... D'abord, bienvenue, merci d'être là. C'était très intéressant de vous entendre. Parfois, ça vaut la peine de se faire redire des choses. On les lit dans les journaux, mais je pense que les mieux placés pour nous dire quelle est la situation aujourd'hui en termes de ressources humaines, c'est probablement vous, et vous nous dites que le problème, c'est pas la répartition, c'est la pénurie. Et j'espère que le ministre a bien capté le message. On aura l'occasion... il aura l'occasion bientôt de faire ses choix quant aux recommandations de la Table des effectifs. On se souvient que l'an passé, et là je remonte pas aux départs massifs à la retraite, on se souvient qu'encore l'an passé la Table recommandait 55 nouvelles admissions et il n'y en a eu que 30 parce que le gouvernement a décidé de limiter la chose. Alors, maintenant que vous lui avez rappelé que c'était de la pénurie et que c'est pas par une entente de gestion qu'on va inventer des nouveaux omnis, probablement qu'on va les inventer de la même façon qu'on les inventait il y a 10 ans, puis il y a 20 ans, puis il y a 30 ans, c'est en les envoyant à l'école puis en les faisant sortir des facultés, donc en augmentant les admissions. J'espère qu'il a capté ce message. À long terme, ça nous aiderait peut-être.
Dans la façon dont le ministre et le projet de loi envisagent de veiller à la meilleure répartition, j'ai compris, et dites-moi si je me trompe, j'ai compris du projet de loi qu'il s'agit de jouer sur le dépassement du plafond. Alors, il y a un plan d'effectifs. On dit: Nos besoins sont de tant. Tant que le besoin n'est pas comblé, le projet de loi entre pas en action. Le projet de loi entre en action lorsque, dans une région donnée, il y a plus... des médecins notamment... plus de médecins qu'au plan d'effectifs. Et donc, à ce moment-là, il peut faire la répartition en refusant que le médecin aille à l'endroit mentionné. Est-ce que c'est comme ça que vous lisez les nouveaux... Parce que, si c'est le cas et que vous nous dites qu'on est dans une situation de pénurie où il y a peut-être un endroit... vous avez dit: La région de Québec, il y a encore, pour regarder l'ensemble, là... ça veut dire que l'article comme tel, la disposition ou le mécanisme est inutile. Si je me trompe pas en disant qu'il s'agit d'un mécanisme de répartition qui n'entre en vigueur que lorsqu'on est au-delà du plafond, mais que vous nous dites que. sur le terrain, actuellement, tout le monde est en dessous du plafond, ma question, c'est: Est-ce que ce mécanisme est utile?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): Oui, il faut faire une distinction entre les établissements et la région. Ça, c'est assez important. Il faut faire une distinction aussi entre les effectifs spécialisés et les effectifs en omnipratique. Et ça aussi, c'est important. À la rigueur, à court terme, on se sentirait pas concerné par bien des dispositions du projet de loi pour ce qui est des effectifs en établissement parce que le problème n'est pas au niveau des omnipraticiens dans les établissements. On est en pénurie à peu près partout. Alors, c'est pour ça qu'il y a ces distinctions-là à faire. Je veux dire, on peut avoir des effectifs en omnipratique dans les établissements, dans un établissement qui soit complet, oui, mais une pénurie à l'intérieur même de la région, ou l'inverse. Québec, par exemple, on a un équilibre à l'intérieur de la région 03, mais on a des pénuries à l'intérieur des établissements si je parle des omnipraticiens. Mais, dans les effectifs spécialisés, et les médecins spécialistes, je le rappelle, la plupart de leurs activités ont lieu à l'hôpital, la situation est quand même différente.
Et, nous, on le dit d'emblée dans notre mémoire, on n'est pas en désaccord avec une gestion plus rigoureuse des plans d'effectifs. C'est pas ce qu'on vous dit, là. C'est au niveau de la mécanique qu'on a des représentations à faire. Mais on n'est pas en désaccord avec une gestion plus rigoureuse. On voit pas pourquoi la régie régionale interviendrait à l'intérieur d'un processus normal d'un établissement quand le plan n'est pas complet et permet de nommer un médecin omnipraticien et spécialiste. Par ailleurs, si le plan est complet et qu'on le nomme pareil, je pense que, oui, la régie régionale doit intervenir, oui, il doit y avoir des pénalités, et les pénalités, c'est à l'établissement, parce que c'est l'établissement qui est fautif là-dedans.
Je veux dire, les plans d'effectifs, c'est pas hier qu'on les a inventés. Ça fait des années qu'ils existent. Mais on ne les a jamais tellement appliqués, les plans d'effectifs. On n'a jamais appliqué les articles 237, 239, par exemple, de la loi actuelle. Bien, je veux dire... Alors, qu'on commence par appliquer nos articles de loi, resserrer peut-être ces articles-là, et puis on va arriver à une gestion plus rigoureuse. Alors, c'est ça, notre message. On ne vous dit pas: Ayons du laxisme vis-à-vis des plans d'effectifs. On vous dit: Gérons-les avec rigueur mais sans venir pénaliser ceux ou celles qui ne sont pas fautifs. Bon. Nous, comme omnipraticiens, on est obligés d'élargir, d'aller en dehors des établissements et de vous dire: Il y a aussi la région et il y a aussi la répartition des omnipraticiens à travers les diverses régions du Québec, les divers territoires d'une même région. Chaudière-Appalaches, il y a une crise aiguë d'effectifs dans les MRC Etchemins et Bellechasse. Bon. À Lévis, je veux dire, tout le monde travaille très fort, mais on peut pas parler qu'il y a pénurie d'effectifs. Ils sont pas en surplus, mais il y a pas pénurie d'effectifs, là.
Comment est-ce qu'on peut en arriver à ce qu'il y ait un meilleur équilibre à l'intérieur même d'une région? C'est pour ça qu'on a voulu avoir des départements régionaux de médecine générale, se créer une imputabilité vis-à-vis le plan des effectifs et la gestion de ce plan des effectifs. Et c'est nous qui l'avons proposé, ce département régional, je le rappelle encore, parce qu'on laisse entendre parfois qu'on est insensible aux plans des effectifs. C'est pas du tout le cas. C'est les plaintes les plus fréquentes que je reçois de mes membres, d'être en pénurie d'effectifs. Mais on s'est donné des mécaniques, il va falloir donner les leviers qu'il faut cependant, là, au département régional de médecine générale. C'est pas une structure de la Fédération, ça. C'est une structure qui relève de la régie régionale. Mais, je veux dire, il faut se donner les bonnes mécaniques et non pas arriver avec des mesures qui peuvent paraître, là, faciles d'application, mais qui créent davantage d'effets pervers que d'effets positifs.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay...
M. Rodrigue (Jean): Un exemple...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Rodrigue.
M. Rodrigue (Jean): ...juste un exemple, une technicalité. Actuellement, on confond... quand on parle d'effectifs, on confond souvent les individus puis les équivalents temps plein. Et il faut savoir que les omnipraticiens, par exemple, dans la plupart des cas, consacrent à peu près le tiers de leur temps en établissement et ils se répartissent la tâche. Par exemple, il y a des gens qui vont faire de l'hospitalisation une semaine sur quatre, mais, dans beaucoup de régions, la comptabilisation des effectifs, c'est par tête de pipe. Alors donc, on dit: Par exemple, à Rouyn-Noranda, le plan d'effectifs de l'hôpital, c'est 39 omnipraticiens, c'est 39 têtes de pipe. Mais, quand on ramène ça en équivalents temps plein, ça peut être 10 équivalents temps plein dans l'hôpital, sauf que ça en prend 39 pour faire l'équivalent de ces 10 équivalents temps plein. Alors, d'inclure dans la loi un mécanisme qui sanctionnerait les médecins alors que, dans le fond, c'est une planification de l'établissement, ça poserait un problème. Et ça poserait un problème sûrement pour les quatre, cinq ou six prochaines années tant qu'on n'en sera pas arrivé à une planification des effectifs médicaux qui soit uniforme à travers le Québec et qui tienne compte finalement qu'on mesure les mêmes choses. Quand on parle d'une tête de pipe, on parle d'une tête de pipe, puis, quand on parle d'un équivalent temps plein, bien, on parle d'un équivalent temps plein. Alors, ça, c'est encore plus important pour ce qui est des médecins omnipraticiens. Dans le cas d'un médecin spécialiste, la plupart du temps il va être temps plein, ou presque, dans son hôpital. Mais, comme je vous dis, pour la... il y a à peu près 4 000 omnipraticiens qui travaillent en milieu hospitalier; pour la plupart de ces 4 000 là, ça équivaut à peu près à 1 000 équivalents temps plein. Alors, la planification ne se fait pas de la même façon. Alors, si on applique des sanctions sur les individus qui ne connaissent pas la mécanique de l'établissement dans lequel ils sont là, on dit... on tire sur la mauvaise cible.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Rodrigue. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je vais commencer par parler de l'article 43, puis je vais revenir sur la question de tantôt, puis vous allez me dire en quoi la loi touche différemment les omnis des spécialistes.
n(16 h 40)n Mais revenons sur les articles 240, 240.1 et 240.2 qui sont introduits par l'article 43, simplement pour vous dire ce que j'en pense. «...le conseil d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges [...], demander l'approbation de la régie...» L'obligation, ici, est faite à l'établissement, au conseil d'administration, de voir à ce que tout est conforme. C'est pas au médecin qu'on fait l'obligation de voir que tout est conforme, c'est à l'établissement. Si, d'aventure, il y a une erreur ou un problème, appelons ça un problème, dans la machine, c'est le médecin qui est touché et non pas l'établissement, qui a pourtant une obligation. Même, je vais vous dire, vous êtes pas les premiers qui soulevez ça. À moins d'une explication qui n'est pas encore venue, qui me permettrait de changer d'idée, je suis persuadé que le ministre va changer d'idée. Parce que tu peux pas donner à quelqu'un une obligation et à quelqu'un d'autre la sanction pour l'irrespect de l'obligation qu'il avait. À quelque part, là, à moins qu'il y ait un bout qui m'échappe... c'est toujours possible qu'il y ait un bout qui m'échappe, mais, jusqu'à preuve du contraire... et je veux que vous le sachiez, vous êtes pas les seuls qui nous avez soulevé ce fait-là... le ministre va ou nous expliquer ou changer cette disposition-là parce que ça serait comme un précédent, me semble-t-il, assez dangereux.
Je reviens à la question que je vous posais tantôt. Vous m'avez dit: Il faut pas mélanger les omnis puis les spécialistes. J'ai pas de problème à les mélanger. Dans la loi... qu'est-ce qu'il y a, dans le projet de loi actuellement qui est déposé, qui concerne la répartition des effectifs pour les omnis? Où sont les dispositions qui vous touchent? Parce que j'ai compris que vous parlez de l'article 43, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Rodrigue... Je m'excuse, Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): Je vais passer la parole à Me Belzile. Mais, au niveau de la loi, il n'y a pas de distinction entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes. C'est qu'on parlait... dans le concret, là, la situation se présente différente, de façon très différente. Effectivement, dans plusieurs établissements, les effectifs spécialisés, le plan est atteint, surtout dans les milieux urbains, et on a dépassé souvent les plans, puis les plans n'ont pas été appliqués. Alors, chez les omnipraticiens, on vit pas ces situations-là. Mais la loi touche autant les omnipraticiens que les médecins spécialistes, elle ne fait pas de distinction au niveau de l'article 43 du projet de loi. Me Belzile.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Belzile.
M. Belzile (Pierre): La lecture que vous faites de l'article 43, en fait, les articles 240, 240.1 et 240.2, cette lecture-là, quant à moi, est la bonne lecture effectivement, en ce sens que ce qu'on amène, nous, finalement, comme vision des choses, c'est de dire que, dans l'état actuel de la loi, les établissements ont déjà l'obligation de transmettre aux régies régionales leur plan d'organisation en termes d'effectifs médicaux. Cette obligation-là existe déjà. À partir du moment où la régie régionale l'a approuvé, à ce moment-là, si on veut, la sauce est liée. Au niveau du médecin... alors, le médecin qui, lui, fait une demande de nomination au sein de l'établissement n'a pas à subir les contrecoups des maladresses administratives qui auraient pu être commises à un niveau supérieur, à savoir au niveau de l'établissement, du D.G. ou de la régie régionale. Et c'est dans ce sens-là où on s'oppose fermement à cette dynamique-là qui ferait en sorte qu'au bout de la ligne ce soit le médecin qui paie la note. Et je vous dirais même, là, sans vouloir être prophète de malheur, mais il n'en reste pas moins que, si une telle disposition était adoptée, on pourrait certainement voir poindre à l'horizon de possibles contestations judiciaires, et je suis loin d'être convaincu qu'un recours comme celui-là serait frivole, bien au contraire.
Alors, je pense qu'il faut plutôt renvoyer ou, du moins, contourner le problème ou le voir d'une autre façon, et c'est de se dire tout simplement: Bien, allons-y. Comme Dr Dutil l'expliquait d'ailleurs fort bien, c'est que l'imputabilité soit mise au niveau de l'établissement, par la voix de son directeur général dans un premier temps, le C.A. dans un deuxième temps, qui, lui, répond au niveau de la régie régionale, le cas échéant, si on a à dépasser bien sûr... si on a dépassé le plafond au niveau du plan des effectifs médicaux. C'est dans ce sens-là qu'il faut le voir, puis vous avez, je pense, une bonne lecture.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je veux juste tirer la conclusion parce que je sais que le ministre aime bien prétendre que son projet de loi lui permet d'appliquer... qu'il a trouvé une solution pour la répartition des effectifs. Et les gens à Lac-Etchemin comme à Acton Vale se demandent, lorsque le projet va être en vigueur, si ça va régler leur problème. Comme le projet de loi vise à toucher, par 43, ceux qui dépassent le plafond, le plafond qui est prévu dans les plans d'effectifs, et que vous nous dites par ailleurs qu'il y a pas de dépassement de plafond parce qu'on est dans une pénurie, je ne peux qualifier autrement que d'une solution virtuelle pour les gens de Lac-Etchemin et d'Acton Vale. Pour eux autres, ça donnera pas grand-chose, là, au niveau des omnis en tout cas.
M. Dutil (Renald): Le projet de loi stipule sur les effectifs dans les établissements. C'est pas un projet de loi sur la répartition des effectifs comme tels, là, il faut bien s'entendre là-dessus. Il stipule sur la répartition des effectifs à l'intérieur des établissements. Quand je vous parle, moi, au nom des médecins omnipraticiens, quand je parle de Lac-Etchemin ou de Bellechasse, ce qu'on veut avoir, c'est des médecins de famille qui assurent de la prise en charge et du suivi. Que ce soit dans un centre de santé CLSC ou que ce soit en cabinet d'une clinique médicale, on veut avoir accès à un médecin de famille. Je veux dire, là-dessus, le projet de loi est silencieux. On parle d'établissements, ici.
M. Fournier: Et donc, la conclusion que vous tracez, si je comprends bien, c'est que le projet de loi propose des solutions virtuelles à l'égard des établissements et aucune solution à l'égard de ceux qui pratiquent dans les cliniques, quels qu'ils soient. C'est ce que vous nous dites.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil.
M. Dutil (Renald): C'est votre conclusion, M. Fournier.
M. Fournier: C'est pas la vôtre? C'est pas la vôtre?
M. Dutil (Renald): Non, je ne pourrais pas signer une telle conclusion.
M. Fournier: Bien, faites-en une autre! Faites-en une autre! Faites-en une autre!
M. Dutil (Renald): Ce que je vous dis, il y a des amendements à faire dans le projet de loi pour en arriver à une gestion plus rigoureuse des plans d'effectifs, ce avec quoi nous sommes d'accord. Mais les modalités qu'on présente dans ce projet de loi là, nous ne sommes pas d'accord parce que... D'abord, lorsqu'on parle de la gestion puis des pénalités qui s'ensuivent si on n'a pas respecté le plan des effectifs, on ne fait pas porter les pénalités sur les personnes morales qui sont responsables de faire appliquer le plan des effectifs. Ça, on est en désaccord avec ça.
M. Fournier: Oui, ça, je vous ai bien suivi là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez d'autres questions, M. le député de Châteauguay?
M. Fournier: Une petite dernière peut-être, juste pour m'expliquer... ce que vous vivez, en fait. Vous avez parlé pour les C.A. qui gèrent plus qu'un établissement, et que vous souhaitez que les CMDP ne soient pas nécessairement liés, qu'ils peuvent être multiples à cet égard-là. Juste pour me donner des cas précis, dans le concret, de ce que ça représente, le vécu de ces... Pourquoi c'est difficile? Y a-tu des fois que ça a marché, des fois que ça a pas marché?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Dutil ou Dr Rodrigue.
M. Rodrigue (Jean): Bien, en fait, ce qu'on peut dire par rapport à ça, c'est qu'on ne peut pas revenir sur la question... même, on dit qu'on peut pas revenir; on est revenu à Hull... Mais on ne peut pas revenir vraiment sur la question des fusions. La seule chose où il y avait encore une marge, une possibilité, c'était dans les établissements où il y avait un C.A. unique. Et là on dit: Dans ces C.A. uniques là, il y aura un seul CMDP. Nous, l'expérience qu'on a eue avec les fusions, l'expérience qu'on a eue avec les C.A. uniques, c'est que dans beaucoup, beaucoup de cas, c'est difficile de concilier des vocations différentes.
Alors, prenons l'exemple d'un petit hôpital et d'un CHSLD avec deux équipes différentes ou d'un CLSC avec un CHSLD qui ont des vocations complètement différentes puis des équipes différentes. Il est parfois possible, au niveau du conseil d'administration, de gérer ces deux établissements là. Par contre, au niveau des CMDP, les CMDP ont à... je dirais, à superviser une pratique médicale qui est dans des milieux complètement différents. Alors, nous, on pense qu'il n'y a pas... actuellement, à la lumière des expériences de fusions ? pensons à Jonquière?Chicoutimi ? on pense qu'il n'y a pas intérêt à... je dirais, à persister et signer dans les gaffes qu'on a pu faire ou dans des erreurs de... je dirais, organisationnelles ? plutôt qu'une gaffe, je dirais une erreur organisationnelle ? et on dit: Bon, bien, écoutez, dans ces endroits-là, ils ont encore la possibilité d'avoir deux CMDP. Est-ce que vraiment on aide ces gens-là de les obliger à ne faire qu'un seul CMDP? Alors, on dit: Permettons à ces endroits-là qui ont deux CMDP de continuer avec deux CMDP, s'ils le désirent, ou de n'avoir qu'un seul CMDP. Alors, c'est beaucoup plus parce que ces endroits-là ont vraiment des vocations... c'est deux CMDP qui s'occupent de pratiques complètement différentes, là. Pensez aux soins chroniques, soins aigus; soins chroniques, soins de CLSC. Alors donc, il y a lieu de respecter, si on peut dire, l'équipe... les deux équipes.
Le Président (M. Beaumier): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, bien sûr, bien sûr.
n(16 h 50)nM. Copeman: Oui, merci, M. le Président. Dr Dutil, vous faites l'argumentation qu'il n'y a pas de problème avec la répartition des médecins omnipraticiens au Québec, de façon générale. J'ai cru comprendre, et de la part de diverses interventions que vos collègues ont déjà faites dans le passé, et par des chroniques dans les journaux, et ainsi de suite, qu'il est excessivement difficile de trouver un omnipraticien sur l'île de Montréal si vous avez pas un omni présentement. L'expérience anecdotale confirme, je pense, cette hypothèse. Si jamais une pratique ferme en cabinet privé, essayez donc de trouver un omni par la suite. Cette situation difficile pour une grande ville, la métropole du Québec, s'explique comment, selon vous? On dira que la pénurie d'effectifs touche beaucoup d'autres régions? J'ai déjà entendu dire le ministre, il me semble, qu'il y a... selon les chiffres, il dit: C'est impossible d'avoir une pénurie de médecins sur l'île de Montréal.
Le Président (M. Beaumier): Alors, nous aurions droit à une réponse, deux minutes peut-être. S'il vous plaît.
M. Dutil (Renald): Écoutez, on a fait une distinction entre pénurie et répartition parce qu'elle s'impose. Et votre question, elle l'illustre fort bien, dans un grand milieu urbain, où, partout, sauf à Montréal, on pense qu'on est en surplus d'effectifs à Montréal, on a beaucoup de difficultés à avoir accès à un médecin de famille, même à Montréal, parce qu'il y a effectivement une pénurie. Je ne prétendrai pas que la pénurie est aussi grande dans chacune des régions du Québec; le Centre-du-Québec ou les Etchemins, pour ne nommer que ces deux endroits ? je pourrais en nommer bien d'autres ? vivent des pénuries plus importantes qu'à Montréal, certainement plus importantes. Mais, je veux dire, il n'en demeure pas moins qu'on a une telle situation de pénurie dans à peu près toutes les régions du Québec.
Pourquoi Montréal, grand milieu urbain? Il y a des facteurs qui l'expliquent. Les programmes à la retraite. Je veux dire, Montréal est une région, comme Chaudière-Appalaches d'ailleurs, où on a le plus de problèmes dans le moment, est une région qui a vécu beaucoup de départs à la retraite des médecins de famille. Et c'étaient des médecins de famille, ceux-là, qui ont quitté, souvent, après 30, 35 ans de pratique, à un âge relativement jeune, là, je veux dire, dans le milieu de la cinquantaine, tout début de la soixantaine ? c'était pas la tradition de mettre fin à sa carrière médicale à ces âges-là. Bon. Et ç'a créé, bien sûr, un vacuum assez important. Les jeunes médecins s'installent beaucoup moins à Montréal également, à cause d'un décret qui réduit de 30 % leur rémunération. Et, particulièrement dans les cabinets privés, ils ont pas les moyens d'assumer les frais de pratique avec une rémunération réduite de 30 %. Alors, quand ils viennent travailler à Montréal, ils travaillent à la pige. Ça ne fait pas des médecins de famille dès leur première année de pratique, et ça, je trouve ça bien malheureux. Bon.
Alors, on pourrait vous citer beaucoup d'autres causes, mais, si, dans un grand milieu comme Montréal, qui a tout ce qu'il faut pour attirer quand même des médecins qui recherchent une certaine qualité de vie, même un milieu comme ça vit des problèmes de pénurie, c'est qu'on est... on est en pénurie, globalement. On n'a pas tenu compte, dans nos efforts de planification, de tous ces nouveaux modèles de pratique et ces nouveaux facteurs qui influent sur la disponibilité médicale.
Chez nous, l'arrivée des jeunes femmes omnipraticiennes, c'est près de 65 % des nouveaux omnipraticiens qui sont des omnipraticiennes, des femmes jeunes, qui ont des grossesses, qui ont des maternités, donc elles doivent s'absenter pendant leur grossesse, elles doivent aussi être disponibles après la grossesse. On est encore dans une société où... je peux pas le dire très fort, mais où souvent la femme est davantage interpellée que l'homme par certaines tâches domestiques, surtout par les soins aux jeunes enfants, et ainsi de suite. Bon. C'est ça aussi, la réalité pour les jeunes femmes médecins, elles ne sont pas différentes des autres femmes de notre société, alors elles sont obligées de réduire leur disponibilité professionnelle de médecin. C'est 65 %, ça, des nouveaux effectifs en omnipratique. Dans certaines régions, c'est la majorité des omnipraticiens.
Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, M. Dutil, M. Rodrigue et M. Belzile également.
Alors, j'inviterais l'Association pour la santé publique du Québec à venir se joindre à la table. Et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
(Reprise à 16 h 58)
Le Président (M. Beaumier): Alors, la commission reprend ses travaux avec les représentants et représentantes de l'Association pour la santé publique du Québec. Alors, je comprends que c'est M. le président, oui. M. Bujold, vous êtes accompagné de?
Association pour la santé
publique du Québec (ASPQ)
M. Bujold (Renald): De Mme Lori Kirschner, qui est assistante... adjointe administrative à l'Association pour la santé publique, et je suis accompagné d'un ami qui me suit toujours, qui s'appelle Charles. C'est mon animal fétiche. Il m'aide à être pas nerveux. Il me dit quand je dépasse les bornes, même quand je fais un peu trop passionné ou que je fais un fou de moi.
Le Président (M. Beaumier): ...pas de réserve pour moi, par exemple? Non? Ça va?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Beaumier): Alors, allons-y.
M. Trudel: Il s'appelle comment?
M. Bujold (Renald): Charles.
Le Président (M. Beaumier): Ou Charlie.
M. Trudel: Charles. Le mien, il s'appelle Douceur. Le mien, il s'appelle Douceur, je l'amène demain.
M. Bujold (Renald): On sait que vous êtes fatigués, vous entendez beaucoup de choses, c'est une situation complexe. En fin d'après-midi, on a pensé faire un peu d'humour au départ.
n(17 heures)n Bien, je suis Renald Bujold. Je tiens à vous remercier beaucoup de nous donner cette opportunité de nous présenter devant la commission. Et même si on n'a pas eu de temps, beaucoup de temps, et on n'est pas une grosse équipe, donc dans notre mémoire, c'est possible, il y a des coins mal arrondis. Si on avait eu une semaine ou deux pour dormir dessus, quelque temps peut-être pour ajuster des choses, mais on est ici pour échanger finalement des idées avec vous. On porte un jugement d'une certaine façon assez sévère sur certains aspects, beaucoup surtout en ce qui concerne les conseils... la gouverne du système de services et les changements qu'on trouve importants. Alors, comme une idée, comme des images valent mille mots, pour illustrer ça, on a apporté, comme c'est un jugement sans condamnation, on a apporté certaines pièces à conviction. Alors, rapidement, on va vous les montrer. Lori, si tu veux sortir les... Bon, la première pièce à conviction, si vous voulez, c'est un autobus, mais c'est pas vraiment un autobus, ça représente le système de santé. C'est peut-être un autobus qui s'en va vers les États-Unis, on sait pas. Dans tous les cas, il est plein de monde, il est plein de gens, il y a des gens dans les corridors, il y a des gens sur civière, il y a des gens qui ont des pansements, d'autres qui ont des béquilles, d'autres en chaise roulante, puis à la porte il y a un paquet de monde qui attend pour embarquer. Et le conducteur commence à trouver la situation difficile, et, comme on entend parfois dans les autobus de Montréal, là, il dit au monde: Avancez par en arrière, mesdames et messieurs, avancez par en arrière. Tout le monde, on part.
Alors, deuxième pièce à conviction, deuxième pièce à conviction, c'est un bateau. Mais encore une fois, c'est pas tout à fait un bateau, c'est le système de santé aussi. Puis, ça, ça me rappelle du temps d'un moussaillon, ou d'un mousse, ou d'un apprenti capitaine qui s'appelait Rochon. Moi, j'étais étudiant en santé communautaire, et au DSC du CHUL, et dans le même édifice au-dessus de nous, on rochait justement, parce que la commission siégeait dans cet édifice-là. Et le professeur Rochon était venu nous donner une conférence et nous avait dit, il avait pris sa craie et au tableau il nous avait dessiné un bateau, puis il avait dit: Ça, c'est le système de santé, et, s'il continue comme ça, le système de santé, il va tomber dans le précipice, il va tomber dans l'abîme. Alors, il a dit: Ce qu'on veut faire à la commission, c'est lui donner un angle comme ça, de telle façon qu'avec le temps il va continuer et il va éviter l'abîme. Il ne faut surtout pas brusquer les choses.
Troisième pièce à conviction, bien, ça, c'est un camion. C'est une benne, elle est bleue, hein, je l'ai achetée chez La Baie, j'ai dit: J'ai tombé sur la bleue, elle aurait pu... ça serait mieux si elle avait été bleue et rouge, mais elle bleue et blanche. Et la benne en question, bien, c'est une benne, hein, mais ça pourrait représenter un fardier, hein, ou un train routier avec d'immenses capacités, et... Bon, c'est ça, c'est une benne.
L'autre pièce à conviction, c'est le rapport Rochon. Mais c'est pas le rapport Rochon seulement. C'est des filières, des filières et des filières, des piles de papiers qu'on a écrits dans les années passées et qui parlent finalement de l'avenir du système de santé, de la concertation et de la participation. Alors, on le met là-dedans pour le moment tous les papiers.
Et l'ultime pièce à conviction, c'est une poubelle, mais c'est pas une poubelle. C'est comme un dépotoir ou encore un cimetière d'éléphants blancs. On dit, dans la commission Clair qu'on est bon, au Québec, pour écrire de nombreux rapports, de nombreux papiers, des politiques mais pas avoir de suivi vraiment. Alors, c'est un peu, la... ce qui arrive, c'est que, ce qu'on fait avec tout ça, on les met dans les cimetières à documents.
Alors, ceci étant dit... Quoi? J'ai-tu dit quelque chose? Oui, il me dit que, bien sûr, bien sûr, il me dit que c'est une caricature, hein? C'est exagéré, bien sûr, c'est une caricature, mais ça donne un peu l'impression du sentiment qu'on a ou de l'inquiétude qu'on a vis-à-vis certaines façons. On sent qu'il y a un changement d'orientation profonde et peut-être constante et on va essayer d'illustrer ça.
D'abord, moi, je dois vous dire qu'en plus de m'appeler Renald Bujold et d'être président de l'Association, bien, j'ai touché à pas mal de choses dans le système: j'ai été médecin sur la Côte-Nord, une région éloignée, j'ai connu ça, les problèmes d'effectifs; j'ai été directeur des services professionnels à l'hôpital de Sept-Îles; j'ai été... ensuite, je suis allé me former en santé publique aux États-Unis, j'ai pu voir le système de santé américain pendant deux ans; par la suite, j'ai été médecin en santé... en promotion de la santé sur la Côte-Nord et j'ai travaillé beaucoup avec les municipalités dans un projet de villes et villages en santé, là, pour une Côte-Nord en santé; par la suite, j'ai été directeur de santé publique sur la Côte-Nord; et maintenant je suis à Montréal en promotion de la santé, je travaille avec les quartiers en santé. Alors, tout ça est pertinent un peu à la prise de position, puis... Bon.
L'Association de santé publique, j'en dirai pas long, vous avez un texte que vous avez peut-être lu. C'est évident que les valeurs de l'Association, comme association multidisciplinaire, qui croit beaucoup aux valeurs de participation, d'«empowerment», vont se refléter dans notre mémoire.
Donc, on a divisé notre... Globalement, on pense qu'il y a... pour la gouverne en santé publique, il y a un pas dans la bonne direction, mais, si on modifie pas l'article, c'est un pas qui est pas mal, pas mal... qui nous maintient pas mal au statu quo, concernant la gouverne. Pour la gouverne du réseau de services, on pense que... l'Association pense que ça a l'air d'annoncer un recul, par rapport en tous les cas, à nos valeurs, à notre... à ce à quoi on croit. Donc, si on regarde la gouverne en santé publique. Bien, pour nous, qu'est-ce qui est important en santé publique dans les prochaines années, c'est de pouvoir agir sur les inégalités sociales de la santé pour réduire les inégalités sociales de la santé, et ça, on fait ça par les grandes politiques de santé. Donc, c'est l'action beaucoup au niveau national, au niveau des grandes politiques de l'emploi, de la lutte à la pauvreté, de la protection de l'environnement. C'est vraiment ça qui est important.
Et, pour nous, il y a un autre pôle aussi qui est important, c'est le pôle de développement des communautés, donc le pôle local. C'est les deux cibles importantes pour nous si on veut vraiment affecter la santé publique de la population québécoise dans les 10 prochaines années.
Entre les deux, il y a le pôle régional qui sert un peu d'engrenage de la circulation, de canal de transmission d'énergie, d'un à l'autre. Mais vraiment, à nous, notre focus ou notre intérêt est beaucoup au niveau des politiques.
Et la conception de la santé qu'on a justement au niveau des politiques, c'est... Ce que M. Auclair fait avec l'eau potable, c'est de la santé, ce que M. Chevrette fait avec la prévention des traumatismes, c'est de la santé, et ce que M. Rochon fera possiblement en sécurité, je sais pas, en politique, là, de sécurité du revenu ? je pense que c'est lui qui est responsable de ça ? c'est aussi de la santé. Et pour nous, c'est pas exactement vrai que la santé, c'est la responsabilité du ministre de la Santé. C'est curieux, hein? Le ministre de la Santé serait responsable des services de santé, donc il a une contribution à la santé, mais les autres ministres qui travaillent sur ces grandes politiques, c'est important. Donc, pour la gouverne de la santé publique, il faut tenir compte de ça.
Et maintenant, à l'autre pôle, c'est les processus qui se passent au niveau des communautés, qui peuvent, avec l'aide, l'appui des grandes politiques, changer des choses au niveau local pour améliorer la santé et la qualité de vie des populations. On n'en parlera pas beaucoup parce que le projet de loi ne nous en donne pas l'occasion, parce qu'il y a à peu près rien qui peut relier... qui parle de la santé publique au niveau des CLSC. C'est un grand questionnement pour nous, on peut penser qu'elle est menacée.
Donc, en ce qui concerne la gouverne de la santé publique, est-ce qu'il y a des problèmes de gouverne de santé publique au Québec? Oui. Oui. Est-ce que le problème, c'est que le sous-ministre adjoint à la santé publique ne peut pas contrôler certains directeurs de santé publique qui pratiqueraient mal leur fonction de médecins de population? Non, c'est pas ça, le problème. C'est pas ça du tout. Il est où, le problème? Bien, c'est qu'on a un système de santé publique très complexe. Moi-même, j'ai de la misère à expliquer à ma famille qu'est-ce que je fais dans ce réseau-là. Bon. Je suis médecin à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, je travaille à la Direction de santé publique de Montréal, qui appartient à la Régie de la santé. Et M. le sous-ministre, lui, ici, il est déjà médecin en santé publique; par contre, il est dans un contexte très politisé parce qu'il est très proche du pouvoir, il dépend d'un sous-ministre en titre qui dépend du ministre. Et, à la moindre petite chose qui bouge, il s'agit de trois ou quatre cas de méningite dans une population qu'il faut décider de vacciner, on en parle au Parlement.
Mais, pour moi, c'est pas une bonne façon de gouverner la santé publique, qui est une chose professionnelle d'expertise. Et M. le sous-ministre adjoint à la santé publique, qui est médecin, a très peu d'expertise, enfin, sous ses ordres. La promotion de la santé, je peux vous dire actuellement, il lui reste peut-être une personne vraiment attitrée à la promotion de la santé en général pour s'occuper du développement des communautés ou d'autre chose comme ça.
Et l'expertise, où elle est? Bien, elle était dans le réseau antérieurement, puis elle est encore en grande partie dans le réseau, mais on a créé l'Institut national de santé publique et on a de la misère à le faire lever, cet institut-là, parce qu'il y a toutes sortes de tensions. Il faut aller chercher l'expertise, par exemple, à la Direction de santé publique de Montréal, l'amener là.
Ça fait qu'aujourd'hui, si on regarde dans le réseau, on se tourne de bord, les personnes ont plusieurs chapeaux. Tu regardes à l'Institut, tu regardes l'organigramme, docteur, docteur, docteur, tu regardes à la direction publique, docteur. Et un peu... Bon. Finalement, il y a les directions de santé publique qui ont... 18 directions de santé publique, 18 directeurs qui relèvent... qui ont deux chapeaux. Ils sont médecins de population ici. Ils sont supposés de traiter la population, d'informer la population sur sa santé, mais en même temps ils relèvent de la régie régionale.
n(17 h 10)n J'appelais à Chaudière-Appalaches, hier. J'appelais quelqu'un et la réceptionniste, le message, c'était: Service de santé au travail de la Direction de la santé publique de la planification et de l'évaluation de Chaudière-Appalaches. Donc, il y a même des directeurs de santé publique aujourd'hui qui sont directeurs de planification et d'évaluation. Alors, c'est un conflit, de gérer les services en même temps que d'être médecin de population. Et je le sais, au début, en 1993, j'étais directeur de santé publique, il y a eu beaucoup de discussions.
Alors, cette complexité fait qu'on doit se concerter beaucoup. Alors, il y a une table nationale de concertation qui implique l'Institut, le ministère et les directions... et les conseils des directeurs et, en plus de ça, il y a une multitude de comités pour concerter tout le monde. Donc, c'est bien, ça évolue, tout le monde commence à s'entendre, mais c'est complexe. Disons que, si on voulait améliorer la gouvernance, on devrait améliorer quelque chose là-dedans, bon, pas nécessairement changer tout, mais il faudrait améliorer quelque chose.
Alors, l'article... si on regarde ce qui est prévu, oui, à un poste de directeur national de santé publique nommé par le gouvernement, oui, on approuve ça, c'est un pas dans la bonne direction. Par contre, il y a beaucoup de confusion au niveau de l'article. Il est nommé par le gouvernement pour conseiller le sous-ministre en titre et le ministre responsable de la santé publique. Donc, il est nommé par le gouvernement. Est-ce qu'il est imputable au gouvernement? Est-ce que ses fonctions, c'est seulement de conseiller? Est-ce que, comme le directeur général... régional de santé publique, il est responsable d'informer la population? Est-ce qu'il serait responsable, par exemple, comme le suggérait la mission... la commission Clair, de procéder... de coordonner l'analyse critique des politiques publiques... de l'impact sur la santé des politiques... tantôt? C'était souhaité, on donnait cette responsabilité au ministère de la Santé.
Alors, s'il avait cette... Si, avec l'article qu'il y a là, on fait seulement de le nommer et que ça reste à peu près la suggestion actuelle, il y a rien de changé au point de vue de la gouverne. Je suis à peu près sûr que, si on modifie pas l'article au moins pour préciser qu'il a le pouvoir d'informer la population, il va être encore pris dans le jeu de décider: Oui, est-ce qu'on doit informer la population qu'on n'a pas assez de vaccins? Non, le cabinet de ministre va dire: Bien, ça, c'est risqué de dire ça. Bien, comme médecin, peut-être que je devrais le dire. Et les experts lui disent: Tu devrais peut-être le dire, ça aiderait la population peut-être à se calmer. Alors, ça, c'est des problèmes de gouverne qui ne seront pas réglés par ça.
Maintenant, s'il n'y a pas de sous-ministre, il ne devrait pas être sous-ministre, il devrait pas être au ministère, il devrait répondre au gouvernement. Alors, s'il n'est pas au ministère, s'il n'est pas sous-ministre, où est-ce qu'on le met? Bien, je pense qu'on doit le mettre où est l'expertise, parce que c'est une question d'expertise, la fonction d'être médecin. C'est une question d'expertise, c'est une logique professionnelle. Et où est l'expertise? Elle est à l'Institut national de santé publique. Donc, on devrait, on devrait d'après moi, ça devrait être la tête possiblement de l'Institut national de santé publique, et, bon, ça signifie beaucoup plus que modifier ce projet, ça signifie un... à la Loi de l'Institut national de santé publique.
Maintenant, c'est évident que, si on veut régler le problème au complet, le fait qu'on fait ça au niveau provincial, il faudrait faire ça aussi, il faudrait faire quelque chose comme ça au niveau régional. Il faudrait qu'au niveau des régions on libère les directeurs de santé publique des responsabilités de gestion, de gérer des programmes, de l'argent, qui le mettent justement en conflit avec son rôle de professionnel, de médecin de population qui doit parler à un moment donné dans l'intérêt de la population, puis que ça peut être contre, ça peut être, aller contre ce que fait, par exemple, la régie régionale. Et ça supposerait, comme on propose dans notre mémoire, peut-être des centres de santé publique régionaux qui seraient... qui auraient une assez large autonomie par rapport aux régies régionales, mais qui, par contre, seraient en réseau, un réseau avec une imputabilité plus grande qu'actuellement, avec l'Institut national dirigé par le médecin-chef de la population au niveau national.
Et là il me semble que, si on avait ça, on aurait une cohérence, on aurait une meilleure façon pour gouverner. C'est pas facile à passer, mais il me semble que c'est ça qu'il faut dire. Puis, ça, ça se disait en 1992, avant qu'on décide de faire ce qu'on a fait. Donc, c'est pas quelque chose de nouveau, c'est quelque qui est là.
Alors, en attendant, c'est certain qu'il faut... on vous propose de modifier l'article 105 pour préciser, c'est quoi... à qui il est imputable, pour préciser ses fonctions comme médecin-chef de la population au Québec. Pas seulement conseiller le ministre, il a des fonctions sur sa tête que professionnellement il doit exercer, et il faut le préciser. Il faut préciser... Je pense aussi, qu'on recommande aussi qu'il soit responsabilisé pour procéder à l'analyse de l'impact sur la santé des politiques publiques et qu'il puisse aussi interpeller, d'une façon professionnelle, les autres ministères, comme le ministre de la Santé lorsqu'il est question d'évaluer l'impact sur la santé d'une politique.
Et, si on faisait ça, on... bon, dans ce contexte-là, au moins, il y aurait ce mandat-là. Il faudrait qu'il le vive quand même dans un contexte difficile. S'il demeurait sous-ministre, ça serait très difficile de passer ? sous-ministre adjoint ? de passer par-dessus tous les couloirs hiérarchiques pour arriver à faire ça. Il serait obligé de faire beaucoup de négociations, beaucoup de compromis, comme il le fait probablement déjà. Alors, c'est un peu ça pour la santé publique. Puis aussi il y a évidemment tout... il y a d'autres choses qu'on approuve, mais c'est dans le mémoire.
Mais vous voyez que, ce qu'on propose pour la santé publique, ça s'appelle une logique professionnelle. C'est une logique professionnelle d'expertise, pas une logique démocratique ni une logique politique. Et ce qu'on accepte pas, nous, pour les régies régionales: des présidents-directeurs généraux. On pense qu'en santé publique, parce que c'est une logique professionnelle, bien c'est évident que l'Institut national de santé publique serait dirigé possiblement par un médecin-chef, qui serait une sorte de président-directeur général, qui pourrait avoir un conseil autour de lui de gens de multiples secteurs pour l'aviser, mais ce serait... Et dans chacune des régions aussi. Ça veut pas dire que ce serait des bureaux de la Direction de santé publique. Il pourrait y avoir autour des directeurs régionaux de santé publique, un conseil mais qui serait aussi d'un genre différent.
Maintenant, si on parle de la gouverne dans le... Bon, il y a assez de logique professionnelle, maintenant on embarque dans la gouverne du réseau de services comme tel. Oui.
Le Président (M. Beaumier): Je m'excuse, il resterait peut-être un deux, trois minutes d'exposition, alors...
M. Bujold (Renald): Oui, O.K. Alors, je pense j'ai parlé de l'essentiel dont je voulais parler. Pour le réseau de services, on parle d'une logique démocratique. Donc, pour nous, il n'est pas acceptable, par exemple, que ce soit pas les conseils d'administration qui soient l'autorité suprême. Il n'est pas acceptable qu'ils ne contrôlent pas le directeur général, que ce soit un président-directeur général. Il n'est pas acceptable qu'il y ait pas... qu'on ait vidé des conseils d'administration à peu près toutes... tout ce qui peut s'appeler MRC, municipalités. On ne parle même pas dans la rapport Clair, en particulier, on semble avoir éliminé complètement.
Alors, pour nous, ça semble aller contre évidemment le courant... qu'on s'en allait vers une forme de gouvernement. Alors, notre proposition centrale se trouve dans le rapport Rochon, qui disait qu'il remplaçait les CRSSS par des régies... des conseils d'administration de régies régionales, qui éventuellement, à moyen terme, auraient le pouvoir de taxer. Et là on lirait vraiment responsabilité, imputabilité et ressources, parce que en ce qui concerne la gouverne, c'est difficile de se prononcer parce qu'on a aucune information sur la gouverne au niveau du ministère, la rénovation du ministère n'apparaît pas et on n'a aucune information sur le financement.
Ce qu'on nous propose nous apparaît seulement orienter d'après nous à donner au ministère le pouvoir d'appliquer la loi antidéficit, et ça nous apparaît une fenêtre très étroite pour aborder le problème de la gouverne et ça nous apparaît que ça ne donnera pas les résultats escomptés.
Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. Bujold. Alors, on va procéder aux échanges. Alors, M. le ministre.
M. Trudel: Merci, Dr Bujold et madame Kirschner de votre présentation. Ajoutez-nous donc un petit peu, c'est qui qui est membre de l'Association de la santé publique du Québec? Ça regroupe qui ça?
M. Bujold (Renald): Nous sommes formés de... C'est une association formée au départ, en 1943, par des médecins, mais qui en 1975, après l'abolition des unités sanitaires, a ouvert ses portes à beaucoup de... toutes les disciplines des sciences sociales. Donc, c'est une association multidisciplinaire qui est formée de beaucoup de gens, peut-être 50, 55 % des gens, qui travaillent quand même dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais aussi des gens qui viennent des universités, des groupes communautaires et du privé. Et il y a des membres institutionnels, qui sont environ 80, et nous avons environ 180 membres ou 160 membres individuels.
M. Trudel: Vous recommandez que les régies régionales. On devrait aller beaucoup plus loin que cela encore. Vous recommandez que les régies régionales soient dotées de pouvoirs de taxation.
M. Bujold (Renald): Bien, en somme, je vous... Il y a un certain principe qui nous dit: Si on te donne une responsabilité, si on rend imputable de faire quelque chose, faut donner les ressources. Alors, je vous dis: Dans la loi actuellement, dans la réforme annoncée, le financement, qu'est-ce que ça va changer? On le sait pas. Alors, si t'as pas les moyens, bon...
Alors, je pense qu'une des façons de créer un nouveau dynamisme, vraiment une façon réelle de créer un nouveau dynamisme, c'est qu'une partie, c'est de rendre les régies responsables de prélever auprès des gens de leur territoire une partie des argents dont ils ont besoin. Ce qui vraiment créerait évidemment... Lorsqu'il s'agit d'imposer, bien, les électeurs, les... excusez, mais les citoyens qui paient des taxes vont être plus intéressés à ça. Ils vont être... Donc, on créerait une certaine démocratie, et davantage.
n(17 h 20)n Et, bon, évidemment il y a les commissions scolaires. On n'entend jamais parler que les commissions scolaires font des déficits. Peut-être qu'ils en font, là, mais y... Peut-être pas qu'y a un haut taux d'élection, mais il y a pas... peut-être leur taux de vote est pas haut, mais quand même il y a des gens qui postulent pour être commissaire, puis ils dirigent leur affaire, puis, bon, c'est un... Je suis pas un spécialiste de ces questions-là, mais c'était une idée faite par les gens de la commission Rochon, puis vous savez, il y avait des personnes là-dessus très capables de penser, là, et... C'était une idée qu'ils suggéraient à moyen terme; il me semble que 12 ans après, ça doit être le temps d'y penser. Ça peut être complexe, mais...
M. Trudel: Mais, vous n'êtes pas économiste, là, puis on vous demande pas de faire cela, mais vous pensez pas que ça va rajouter par-dessus un autre niveau de taxation, là? Ça va rajouter, parce qu'il faut additionner le total. C'est comme l'ancien slogan dans le magasin, là, C'est le total qui compte.
M. Bujold (Renald): Oui, mais il faudrait peut-être en taxer moins en haut et en... Je veux dire, c'est peut-être un transfert, hein? Je sais pas, là. On parle entre le provincial et le fédéral de transfert de points de taxation. Peut-être qu'on pourrait imaginer qu'il y a moins d'argent perçu par... Ça fait pas nécessairement de l'argent de plus pour les citoyens, sauf qu'il viendrait de leur poche plus immédiatement et ils auraient un meilleur contrôle sur ceux qui veulent les taxer.
M. Trudel: Vous estimez aussi, si j'ai bien compris le message à l'égard de la santé publique, là, vous avez pratiqué sous différents chapeaux, là, à différents endroits, expertise américaine, etc... Est-ce que vous estimez que la Loi de la santé publique, la loi sur la protection de la santé publique, doit être revue, parce que vous en avez rempli la benne du camion, de situations à l'égard de la santé publique, évidemment on parle pas de votre collègue mais... en santé publique, on ne personnalise pas les choses, est-ce que vous estimez qu'on doit revoir la loi?
M. Bujold (Renald): Bien, je pense qu'elle est en train d'être révisée, là. J'ai pas suivi beaucoup le dossier, mais je pense qu'elle est en train d'être révisée et dans le sens de donner une vision assez large de la santé publique. Avant c'était une loi de protection de la santé publique; maintenant, je crois que c'est une loi de la santé publique dans laquelle on a inclus aussi les éléments de promotion. C'est qu'on veut vraiment donner au médecins de santé publique la capacité d'agir sur tous les déterminants de la santé, pas seulement les déterminants... les agents microbiens, et les toxines, et les... dans l'eau mais aussi sur les déterminants socioéconomiques. Et c'est nécessaire, je pense, de la réviser, ça faisait un...
Puis, par contre, il y a un aspect qu'on pourrait régler, là-dedans, je le sais pas, j'ai pas regardé, mais j'ai parlé tantôt de l'absence... l'absence... Les CLSC, c'est important. En tout cas, pour nous, les CLSC, en santé publique, c'est très important et officiellement... Des fois, on travaille avec des organisateurs communautaires puis on... parfois on leur donne des missions de santé publique, d'autres fois, c'est de l'action communautaire. C'est là que ça se rejoint, et ça serait important de préciser... Dans notre mémoire, on indique qu'il y a un moyen... on est... on trouve que la question des contrats de performance, s'il y avait des éléments incitatifs dedans aussi, c'est une bonne idée, ça pourrait être une bonne idée, et qu'au niveau des CLSC et de la régie il devrait y avoir dans ces contrats de performance, des objectifs de santé publique, de promotion et de prévention, d'action communautaire aussi, parce qu'on craint que, avec tout le virage ambulatoire et la pression qu'on met sur les CLSC pour les services, que ce qui est sacrifié finalement, c'est la promotion et la prévention. Et, pour le primaire, en tous les cas, pour agir plus au niveau de donner des soins, ce qu'il faut faire aussi.
M. Trudel: Il y a mon... je reviendrai. C'était mon collègue, je pense, qui vous a demandé.
Le Président (M. Beaumier): Oui, d'accord. Alors, M. le député de Bertrand.
M. Cousineau: Oui, juste une petite question. Bonjour, M. Bujold. Bonjour, Mme Kirschner? Oui. Vous avez semblé déplorer tantôt, là, dans votre exposé, le manque de participation, au niveau des régies régionales, des MRC puis des communautés locales. La mise en place d'un forum de la population, là, ça semble pas compenser pour l'absence?
M. Bujold (Renald): Vous savez, j'ai été parent dans le temps... J'ai été parent, je suis encore parent, mais j'avais des jeunes enfants dans le système scolaire dans le temps qu'il y avait les comités de parents, et ça me fait penser un peu à ça. Un comité de parent, c'était qu'on convoquait les parents puis le directeur d'école dirigeait le comité de parents puis, bon.
À moins que je me trompe, c'est qu'on a changé ça dans le système scolaire, on a mis un conseil scolaire qui a beaucoup plus d'impact, de pression. Alors, je pense que ça donne l'impression que le forum de population est... mais c'est le président-directeur général, le sous-ministre en région, comme on dit, ou encore presque le tuteur permanent, qui va le diriger. Et il est consultatif puis, si tu veux, une fonction de la régie elle-même, de consulter, hein? Elle l'a toujours fait, puis je pense qu'elle l'a fait de différentes façons puis ils l'ont fait... Bon. Est-ce que ce forum...
Je dois vous dire qu'on s'oppose pas à ce qu'il y ait un processus de nomination, là. C'est pas tellement le processus de nomination qui nous inquiète, là, en soi. Ça nous inquiète, là, mais je veux dire, ce qui est pire, c'est cette question de mettre le conseil... c'est plus un vrai conseil d'administration, trouvons-nous, s'il y a un président-directeur général qui dirige ça, nommé par le ministre. Ça, ce serait... C'est ça.
Qu'il intervienne un processus de nomination intermédiaire quelque part, mais il faudrait avoir un processus qui permet des débats, de la compétition pour les postes, peut-être au niveau de ce forum, qu'il faudrait changer complètement, qui deviendrait... peut-être qu'on élirait ou les gens trouveraient une... il y aurait des débats puis ils éliraient sur ce forum des gens, des leaders du milieu, parmi lesquels serait choisi... Et, moi, je pense qu'il faut rester le patient branché, comme je dis dans le rapport, là, de toute façon. Le patient est moribond, il y a des énergies régionales, on le débranche de ça. C'est pas ça qu'il faut faire. Il faut survolter, il faut lui...
En santé publique, on travaille de plus en plus avec les partenaires du milieu. On travaille pas seulement... Les conseils d'administration dans le projet de loi prennent une tournure très, très technocratique. Technocratique du côté de la gestion, technocratique du côté de la santé. On met médecins, infirmières qui sont bons en gestion, puis on met des gestionnaires, puis on diminue la proportion de gens qui ont l'expertise de vivre les problèmes de santé. Et ça, je pourrais vous en parler longtemps. Mais c'est une expertise aussi.
Et, par exemple, en particulier je glisse rapidement que, sur ce qui est proposé pour le conseil d'administration, on met une infirmière, on met un médecin, mais il y a pas de représentant professionnel des sciences sociales, et, à moins que je me trompe, on est un système de santé et de services sociaux. Et juste ça, là... Mais on dit, nous: Il faudrait faire attention quand même d'avoir un déséquilibre en faveur de représentants qui viennent du milieu, qui sont choisis parce qu'ils représentent...
Quand j'étais sur la Côte-Nord, on avait sur le conseil d'administration un M. Gagné, qui était préfet de la MRC de Sept-Rivières, et évidemment ça changeait beaucoup parce qu'il était maire d'un petit village, mais c'était un homme qui avait une crédibilité, et il était au conseil d'administration, il était sur des commissions. Au point de vue de démocratie, ça veut dire quelque chose, ça.
Alors, je pense qu'il faut vraiment... On pourrait peut-être imaginer un mécanisme où pourrait intervenir un processus de nomination, mais ça me semble très compliqué. Il me semble que le moyen le plus simple, ce serait d'améliorer... enfin ce qu'on a proposé tantôt, là, ça améliorerait le processus électoral. Mais ça serait d'essayer de travailler.
Ensuite, ce qu'on a pas fait, ce qu'on a jamais fait vraiment, je pense, c'est de promouvoir cette forme... c'est de faire de l'éducation. Mais on l'a peut-être pas fait, l'État devrait peut-être le faire plus, mais les régies régionales l'ont fait. Et je pense qu'il faudrait pas arrêter, il faudrait poursuivre. C'est l'idée du bateau, c'est l'idée du rapport Rochon.
Retournons au rapport Rochon, regardons, il y avait de l'analyse là-dedans, beaucoup d'analyse. Le rapport a tous les mérites que le rapport Clair. On nous demandait pratiquement, hein, de pas trop penser au problème, d'arriver avec des solutions émergentes, et on est arrivé avec des solutions. Mais, oui, si on bâtit ça sur toute l'analyse qu'on a faite, c'est pas totalement désuet. Alors, c'est évident qu'on gagnerait à aller dans le sens... en tout cas, ce serait un nouveau dynamisme qu'on créerait si on allait dans le sens de ce que la commission proposait ? rochon ? proposait il y a 13 ans.
Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le ministre.
n(17 h 30)nM. Trudel: Mme Kirschner, tantôt j'ai été obligé de poser la question à un homme, je vais poser la question à une femme. Dans cette question de davantage de représentativité en général de la population, représentativité au sens de la situation réelle, il y a des idées qui circulent pour aller plus loin que ce qui est inscrit au projet de loi actuellement, c'est-à-dire que chaque conseil d'administration devrait assurer, devrait assurer dans le contexte actuel une représentation adéquate territoriale, des couches d'âge, démographique, ethnoculturelle, socioculturelle, linguistique et aussi, et aussi une représentation adéquate quant à la population du territoire des hommes et des femmes. Si le projet de loi... Certaines donc indiquent que le projet de loi devrait mentionner qu'au moins 50 % de femmes devraient composer les conseils d'administration des établissements et des régies régionales. Est-ce une idée, madame, dans votre opinion, qui ferait progrès?
Mme Kirschner (Lori): Bien, forcer qu'il y ait 50 % de femmes pour le fait de dire qu'il y en a 50, je dis que ça serait pas un plus nécessairement. Moi, je dirais plus que c'est important d'avoir la vision de femmes en général, mais si ces personnes ne sont pas qualifiées, qu'elles ne sont pas représentatives de leur milieu, de leur profession, je trouve que ça enlèverait peut-être la place à d'autres qui mériteraient d'avoir leur place et leur parole finalement, leur expertise. Alors, je dirais que je serais contre pour avoir la politique de seulement avoir une représentation de 50 % de femmes pour le fait de dire qu'il y a un équilibre.
M. Trudel: Mais si l'objectif était d'aller puiser davantage dans le réservoir, d'aller puiser dans ce qui existe dans la population, par l'équilibre même qui existe dans la société hommes-femmes, vous avez l'impression ? on peut avoir nos opinions là-dessus ? qu'on ne trouverait pas suffisamment de ressources pour faire en sorte qu'il y ait un reflet plus exact de la société dans les conseils d'administration d'établissements en santé et services sociaux, vu que les services s'adressent évidemment à l'ensemble de la population, puisqu'il s'agit d'un système public, vous pensez qu'on aurait un peu de difficulté?
Mme Kirschner (Lori): Je pense que le fait de s'assurer qu'il y a une représentation de tous les facteurs qui comprennent la santé, je pense que dans plusieurs milieux... D'ailleurs, je peux nommer la périnatalité entre autres. Si on va chercher de l'expertise là-dedans, majoritairement c'est des femmes qui travaillent en périnatalité. Il y a aussi la problématique du poids qui est une problématique qui est pas seulement liée aux femmes mais qui comprend les hommes aussi, c'est... majoritairement, les intervenants là-dedans, c'est des femmes.
Alors, je pense qu'en s'assurant qu'il y a une composition adéquate de toutes les facettes sur toutes les problématiques autour d'une table, automatiquement, dans la majorité des cas, on va s'assurer d'avoir une représentation de femmes; peut-être moins que dans les autres problématiques, mais, au moins, il va y avoir un minimum de représentation de femmes. Je voudrais dire que... Je pense qu'on pourrait s'assurer qu'il y a une représentation adéquate. Je dis pas que, peut-être dans d'autres milieux, il y aurait peut-être pas moyen d'avoir certaines représentations de femmes quand c'est des gens qui méritent un porte-parole, mais je pense qu'il vaut mieux regarder le mérite de la personne puis le professionnel de son expertise au lieu de son sexe, tout simplement.
M. Trudel: Je reviens sur d'autres questions. Dr Bujold, vous recommandez que nous créions en quelque sorte 18 instituts de santé publique, enfin un dans chacune des régions du Québec... Ça m'apparaît un petit peu gros.
M. Bujold (Renald): On met... Si vous lisez bien, on a mis un doute, hein. On dit: «Le Québec n'aurait probablement pas, possiblement pas besoin de 18 instituts de santé publique.» À ça, je risque de pas me faire aimer, là, mais c'est une question qui a été posée autour de la table quand on a... Parce qu'on a discuté en groupe. C'est évident, lorsqu'on parle d'institut de santé publique... Je donne un exemple dans mon rapport à un moment donné, dans notre rapport du... L'Université du Québec, est-ce qu'il y en a une dans chaque région? Bon. Est-ce qu'il faudrait en avoir une, Université du Québec de Laval, celle de Montérégie, celle de Montréal? Par exemple, Montréal pourrait avoir un centre de santé publique ou un institut santé publique en regroupant...
Bon. Ça peut être lié à la question des régies régionales. La commission Clair n'a pas voulu... n'a pas recommandé d'avancer là-dessus, mais il y a des propositions de fusion de régies régionales, on a des propositions, puis il y en a aurait seulement quatre, cinq, six. C'est évident que la question devra être regardée. Ça serait peut-être... Moi, ça m'apparaît un peu difficile de justifier un institut ? ça serait un gros nom, en tous les cas ? un institut de santé publique de la Côte-Nord. Mais, c'est évident que ce qu'on propose là, c'est assez... Il faut comprendre qu'on divise un peu le système de santé selon deux logiques: une logique d'expertise des professionnels qui s'appliquerait à ce que ça s'appelle la santé publique, qui se brancherait directement sur le gouvernement, sur le Conseil des ministres ou sur l'Assemblée nationale. Bon. Disons sur le Conseil des ministres. Et il y a une logique démocratique qui... il y a un système de services de santé et de services sociaux, qui inclut des services préventifs aussi, qui, lui, a une logique plus démocratique qui se branche sur le ministère de la Santé, dont c'est la responsabilité principale.
On dit: Dans chacune des régions, il faudrait retrouver un peu cette représentation où les directeurs de santé publique ne seraient plus les cadres des régies régionales. Ça peut être énorme pour certains directeurs de santé publique qui ont pris goût à être des cadres des régies. Mais, en 1993, c'était presque la position majoritaire, c'était même la position majoritaire des 32 chefs de DSC d'avoir une organisation comme ça parce qu'on voulait pas entrer dans les régies. Et c'est évident qu'il y a une diminution possible. Et, enfin, il faudrait regarder simplement l'hypothèse d'avoir des instituts nationaux.
On reconnaît que dans que cette proposition-là il y a une certaine... on accepte une plus grande imputabilité en santé publique, les politiques, programmes de santé publique, imputabilité au directeur national de santé publique, et donc il y a... On reconnaît ça parce que, comme on disait tantôt, l'action en santé publique qui importe, ça va être beaucoup l'action sur les grandes politiques, et il faut s'organiser pour ça, et ça va être le volet local qu'il va falloir développer selon une autre dynamique, mais... et le volet régional devient un peu un engrenage, un canal. Donc, il pourrait y avoir moins, mais tout le monde est pas d'accord à ça dans mon milieu. Même autour de ma table, tout le monde est pas d'accord avec ça parce qu'ils disent que ça peut être important de regarder, bon, des directions de santé publique ou... dans chacune des régions parce que les dynamiques sont différentes, etc.
Alors, pour les mêmes raisons qu'on s'oppose à la fusion des régions, pour les mêmes raisons possiblement on s'opposerait, on aurait de la réticence à faire accepter ces propositions, là, par certains.
M. Trudel: Mais vous êtes conscient que les directeurs de santé publique dans chacune des régions ne relèvent pas du directeur de la régie régionale, ils ne relèvent pas des régies régionales. Elles sont logées dans l'unité administrative qui s'appelle la régie régionale de la santé et des services sociaux mais elles ne dépendent pas des régies. C'est un lien fonctionnel pour, disons, faire la paye et ces choses-là, mais ce ne sont pas des cadres de la régie régionale en soi.
M. Bujold (Renald): Ce sont des cadres des régies régionales.
M. Trudel: Ce sont des cadres qui sont là, mais il y a pas de relation... ils ont pas de relation d'autorité.
M. Bujold (Renald): Parce que, comme M. Luc Boileau est, en Montérégie, directeur de la santé publique et de la planification et de l'évaluation, il est responsable... Il est le directeur de la Direction de la planification, donc il est cadre de la régie. Et même comme directeur de la santé publique ? c'est tout un débat, hein, à démêler ça ? il est responsable... En tant qu'il gère les ressources de santé publique de la Direction, il dépend du directeur et du conseil d'administration. Lorsqu'il veut parler de la santé de la population, surtout dans les cas de protection, il dépend du ministre pour les urgences, donc ça, c'est la fonction professionnelle. Et je l'ai vécue, c'est la difficulté de vivre cette dualité de fonctions dans une même personne; c'est difficile à vivre. Moi, personnellement, je...
Le Président (M. Beaumier): Peut-être vous pourrez continuer par après, mais je dois passer la parole, là, au député de Châteauguay.
M. Trudel: ...
M. Fournier: On aura l'occasion de revenir sur le sujet que vous venez de mentionner dans un deuxième temps ou troisième temps. D'abord, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est de faire un lien entre l'impact sur la santé publique... Ça va être différent, là, mais ça m'a fait penser à l'impact qui nous a été mentionné concernant les fondations d'hôpitaux, le fait de distancer de plus en plus la population de ses institutions. Je vais partir du point suivant. Donc, vous nous dites: «Nous avons l'impression que le projet de loi n° 28 ne vise qu'à donner au ministère la poigne nécessaire pour appliquer la loi antidéficit adoptée il y a peu de temps, donc satisfaire une préoccupation uniquement comptable.» Vous parlez ensuite de la démocratie, vous dites... À juste titre, vous parlez de Saddam Hussein. Je m'étendrai pas plus longtemps... pour attirer l'électeur, pour aller voir votre mémoire. Et vous dites une phrase qui, à mon avis... Et déjà, je pense l'avoir dit dans mes mots, mais je partage tout à fait ce que vous dites: «La démocratie s'exprime par un vote, oui, mais aussi et peut-être plus ? tout à fait d'accord avec vous ? par l'existence d'espace pour débattre des enjeux. Au lieu de tuer la démocratie au niveau local et régional, le gouvernement doit la renforcer et faire ce qu'il a jamais fait, en faire la promotion et éduquer la population.» Je veux juste vous dire: Je suis tout à fait d'accord.
n(17 h 40)n Je vous pose la question puis dites-moi s'il y a un certain lien à faire. J'ai toujours pensé que la santé publique, bien que je sois pas un expert là-dedans, c'est comme un petit jeu à deux. C'est un peu comme une représentation théâtrale que vous nous faites tantôt, vous voulez nous passer un message avec des objets et vous dites: Voici ce qu'ils représentent. Vous nous passez un message, vous cherchez à nous parler à nous. La santé publique cherche à parler à la population, cherche à ce que la population développe des habitudes ou soit avisée des gestes qu'elle peut poser ou ne pas poser pour le bénéfice soit individuel ou un bénéfice collectif.
Est-ce que vous pensez que plus la population est impliquée dans le système de santé en général, plus elle sera ouverte à des manifestations par des gens comme vous, des gens de santé publique, à leur égard, par des représentations à leur égard, par des démarches, une espèce de pédagogie là des us et coutumes de tous les jours qu'on devrait apprendre? Est-ce que vous pensez qu'en dissociant de plus en plus la population du système de santé votre message de santé publique en région va se rendre plus facilement ou moins facilement?
M. Bujold (Renald): Je pense qu'en lisant ce que le Conseil de santé et bien-être a publié, la recherche sur la participation de la population, on distinguait qu'il y avait comme trois rôles utiles qu'avait joué... Le fait qu'au Québec on avait... D'abord, c'est que l'information, l'information que détient la population arrive davantage aux décideurs et l'information aussi peut être véhiculée dans la population peut-être mieux par ces gens-là. Il y avait la conciliation des points de vue, mais il y avait, ce qui répond peut-être à votre question, l'appropriation. Dans la mesure où les gens participent au système de santé, ils s'approprient, ils le font un peu plus leur et effectivement ils comprennent mieux les problématiques et ils peuvent être plus réceptifs.
Mais ce que je proposais pour la santé publique... Puis ça fait longtemps que personnellement je pense ça, même à l'époque de la commission Rochon lorsque j'étais étudiant et que je regardais ce qu'on écrivait, tout ce qu'on voulait faire faire au système de santé, tout ce qu'on voulait faire faire au ministre de la Santé et au système de la santé, en particulier regardant les politiques intersectorielles, parce que c'est ça qui influence la santé, il y a un éditorialiste du Devoir qui avait écrit: Ça n'a pas de bon sens. Le système de la santé, là, il devrait soigner, guérir, répondre aux gens qui sont malades et la question de la santé publique, c'est une question plus large, une question de société. Et j'avais répondu... J'étais en accord à ce moment-là avec ça, parce que je réalise bien qu'on demande beaucoup au système de santé.
Donc, nous, la santé publique, je la plaçais tantôt... moi, je la plaçais dans... Je pense, on demandait non pas de la sortir complètement, mais, en tant qu'outil de promotion de la santé et pour agir sur les grands déterminants de la santé, pour essayer d'expliquer que la question de l'emploi, la question de préserver l'environnement, la question du support social, du soutien social, tous les grands déterminants de la santé qui sont des choses civiles sont... ont des conséquences pour la santé, et la promotion de la santé porte beaucoup là-dessus. Donc, à ce moment-là, nous, en santé publique, on agirait davantage avec les grandes forces, les autres partenaires et avec, bien sûr, le volet protection aussi plus... Alors, c'est évident que le fait... la question est pertinente, d'une certaine façon, mais dans le modèle qu'on proposait, quand même, il me semble que la population d'emblée...
Lorsqu'on s'insère dans des processus de développement local ? comme je travaille au niveau de ça ? lorsqu'on se sert des processus de développement social, les gens nous accueillent volontiers, parce qu'on va pas leur prêcher un message de changer leurs habitudes de vie, on va participer à des processus pour qu'ils soient orientés vraiment à produire, que la société qu'ils vont construire produisent la santé automatiquement. Donc, je pense que la population est réceptive au message de la santé si on se place sur leur terrain. Le message éducatif comme tel est plus difficile à faire passer.
M. Fournier: Tantôt, vous parliez des MRC, des municipalités qui sont, dans le fond, des autorités réglementaires assez importantes. Je reviendrai tantôt sur l'Institut et sur le rôle que vous voyez dévolu au directeur national et la vision de santé publique qui dépasse le ministère de la Santé, vous venez de le dire encore. Est-ce que, pour la santé publique ? encore une fois je reviendrai au national tantôt ? au niveau de la région, est-ce que pour la santé publique il était utile d'avoir des décideurs municipaux? Il y a des autorités qui font des règlements là puis qui parfois peuvent toucher la santé des gens, là, jouer sur les déterminants, est-ce que vous croyez que de les enlever va créer une distance entre et la réflexion et le message de santé publique et les autorités réglementaires au niveau local que sont les municipalités?
M. Bujold (Renald): Bon. Est-ce que les municipalités ont encore des activités réglementaires qui touchent la santé? Probablement, en ce qui concerne l'eau et, je pense, la gestion de l'eau et tout ça, alors les municipalités doivent, je pense, demeurer... En partie, vont avoir à participer à ces décisions-là. Moi, je parlais plus de la participation des municipalités en tant que... en tant que des gens qui, enfin... Enfin, les élus politiques qui participent, qui amènent l'information du gouvernement. Si votre question, c'est: Est-ce que le projet de loi...
M. Fournier: ...Vous avez un représentant... On va être bien, bien pratique, là, on va laisser faire les théories que vous mettez dans le camion puis qui s'en vont à la poubelle. Soyons bien pratique: J'ai un conseiller municipal de ma ville qui est à la régie régionale, donc il siège là, il sait qu'est-ce qui se passe, puis vu qu'il est là, il y a un intérêt qui se développe. Il apprend qu'il y a une division de santé publique, il comprend que c'est un peu à part, mais, dans le fond, c'est dans la même bâtisse, puis c'est un peu la même chose, bon, pour reprendre ce que vous disiez tantôt. Et puis, il découvre, en étant là, que le logement social, c'est un peu lié à la santé. Et puis il revient dans sa ville, puis il commence à parler de ça au conseil de ville, puis la décision qui était prise de pas laisser un terrain pour construire une habitation à loyer modique va l'être, parce qu'il était à la régie et qu'il a été avisé par ça.
Ma question, c'est: Si ces gens-là n'ont plus ce lien privilégié, est-ce que vous pensez que ça va affecter les décisions? Puis on est loin de l'eau, là, puis pourtant on sait qu'il y a un impact avec la santé. Est-ce que vous pensez qu'en les dissociant, qu'en fermant la porte à ces représentants municipaux de la régie, on ne risque pas de créer un problème ou, en tout cas, d'avoir un incitatif de moins à l'égard d'un des éléments qui peut être important pour la santé de la population?
M. Bujold (Renald): Je crois que oui, en général, selon le principe d'appropriation. Si les gens sont pas là, se désintéressent de la santé, ne participent pas aux débats, surtout s'ils ne sont pas exposés aux problèmes qui se discutent, c'est évident que, bon, les liens avec les logements sociaux et la santé, peut-être qu'ils les verront pas, alors... Donc, de façon générale, ils vont se sentir rejetés ou délaissés, ils s'intéresseront moins. Tandis que s'ils sont impliqués, le rôle d'un conseil... Les gens qui participent au conseil d'administration, qui voient les... ce qui se passe, bien, ils sont éduqués.
Mais je dois vous dire, par expérience, pour avoir été dans une régie régionale et pour entendre ce qui se dit, que c'est relativement... que les conseils d'administration traitent quand même relativement rarement la santé publique, il faut faire exprès pour se rendre au conseil d'administration des régies. Parce que l'intégration, dans beaucoup de régions, l'intégration de la santé publique à l'intérieur des régies n'est pas très grande. On peut travailler dans une régie régionale sans presque... en santé publique, actuellement, sans presque avoir jamais de relations avec les autres directions.
Peut-être dans les petites régions... Sur la Côte-Nord, où j'étais, c'était différent, c'était presque une famille, puis beaucoup d'interrelations. Mais dans une Direction de santé publique comme Montréal... Donc, il y a pas tellement... Les débats de santé publique, sauf s'il y a une urgence ou quelque chose, là, il y a un dossier qui va monter, le directeur va faire monter au conseil d'administration un dossier, va proposer des prises de position, ça peut être un moyen d'éducation. Mais je pense pas que si la santé publique était pas dans les régies régionales, était une institution autonome, il y aurait pas de lien entre votre question, là, puis cette situation, parce que la santé publique continuerait d'exister dans la région et, un de ses rôles principaux, ça serait de bâtir des partenariats avec ces gens-là, de travailler avec eux, de les informer, de les sensibiliser, donc ils feraient le travail. Et le conseil d'administration de la régie deviendrait moins pertinent pour cette éducation-là.
Donc, c'est pas vraiment des motifs, c'est que c'est très... ça signifie une coupure. Je parle dans mon rapport, à un moment, du projet qu'on avait quand même de s'en aller soit... qu'on soit dans un parti ou dans un autre, dans le Québec des régions ? appelons ça comme ça ? où il y a plus de pouvoirs aux régions. On va se développer. Évidemment, plus de décisions vont se prendre dans les régions, peut-être une forme de gouvernement intermédiaire entre le local... Bon. Il me semble que le projet nous indique qu'on s'en va dans une autre direction complète. On dit à ces gens-là: Vous avez rien à faire dans la santé. Alors, l'apport, ce qu'ils pourraient apporter, eux, qui est plus intéressant pour nous probablement que ce que, nous, sciemment, comme réseau de services de santé, on peut leur donner, alors c'est surtout l'apport que eux peuvent apporter comme gens du milieu, élus, en crédibilité et aussi en connaissance du milieu et en lien avec toutes les forces du milieu.
n(17 h 50)nM. Fournier: D'entrée de jeu, avant de poser une autre question, je vous dirais que je suis pas sûr qu'il faut tenir compte des six, cinq, six dernières années de débats dans les régies régionales pour tirer ou pour finir l'analyse de ce qui peut se passer ou ce qui se passe vraiment dans les régies. Au même titre que dans les établissements les débats ont lieu beaucoup plus autour de comment on fait avec moins. Et c'est pas propice pour discuter d'enjeux sur qu'est-ce qu'on fait de différent, de mieux, comment intervient la santé publique là-dedans. Je suis pas sûr non plus qu'on l'ait mis sur la table de façon très ouverte et très intense, et probablement que ça aurait été une bonne... une bonne chose de le mettre sur la table de façon plus intense parce qu'il y avait là, autant la régie... puis d'avoir aussi jusqu'à un lien même dans les établissements. Il y a donc des gens qui étaient là, de la population, qui sont autant de porte-voix qui vont refléter ces discours-là jusque dans leur... leur milieu propre à eux: que ce soit le monde municipal, que ce soient les organismes communautaires, que ce soient les gens qui venaient des établissements de santé, qui sont obligés de véhiculer ça. En tout cas, à mon avis, je pense qu'on perd ? vous l'avez un peu dit aussi ? je pense qu'on perd une dimension en éloignant la population et les différents groupes locaux à leurs institutions de santé, soit tel établissement, régie... On leur dit, dans le fond: Nous, on prend les décisions au niveau central, on va vous dire qu'est-ce qui est bon. Si vous captez le message, c'est parfait. Si vous le captez pas, bien tant pis.
Je voudrais revenir sur le directeur national de santé publique. Vous êtes le deuxième groupe, dans le fond, qui en parle. C'est pas étonnant, évidemment vous êtes assez concernés, mais le Collège des médecins en a parlé aussi. Et le Dr Lamontagne nous a dit que, lui, il voyait dans cette proposition-là... Remarquez bien, je vais être nuancé parce que, après ça, il disait un peu moins la même chose, mais, d'entrée de jeu, il nous a dit: C'est un peu comme le «Surgeon General» aux États-Unis. Et je lui ai demandé si le «Surgeon General» aux États-Unis était comme un sous-ministre adjoint ou s'il avait une distance à l'égard de l'autorité qui le désigne. Et, à tout événement, il semble qu'aux États-Unis, il y a bonne distance entre les deux. J'aimerais savoir de votre part: Est-ce que vous croyez qu'il serait plus approprié d'avoir un directeur national de la santé publique ? soit-il fixé à l'institut ou sous-ministre adjoint, si dans les deux cas il a le rang du sous-ministre adjoint, il est adjoint au sous-ministre qui, lui, est le sous-ministre du ministre, là ? est-ce que vous espérez ou vous souhaitez qu'il y ait une distance plus grande, une plus grande autonomie ou que le fait qu'il soit un employé qu'on nomme et qu'on peut destituer, c'est correct?
M. Bujold (Renald): Bien, je pense qu'on dit clairement dans notre rapport qu'il ne devrait pas être sous-ministre. Ça, c'est clair. Selon nous, notre préférence idéale pour nous ? et après discussion avec d'autres, je ne suis pas seul à avoir trouvé ça ? on pense qu'il devrait pas être sous-ministre parce que, du fait qu'il est sous-ministre, il a le devoir de réserve puis, bon, il peut être... Il va être médecin de population. Supposons qu'on précise dans la loi qu'il doit informer la population, puis c'est son... informer la population. Mais il va... S'il est sous-ministre, il répondra du sous-ministre.
Même sur la Côte-Nord ? si vous voulez que je vous donne un exemple ? sur la Côte-Nord, quand j'étais directeur de santé publique, un jour j'ai eu à décider si j'approuvais ou non l'arrosage de pesticides sur le territoire. Bon, il y a eu des commissions au BAPE, ça a pas été si simple que ça. Mais, consultés par les docteurs de la région, on a donné un avis scientifique, on recommandait d'utiliser, pour détruire la végétation sous les lignes, d'utiliser des forces mécaniques: des bras humains, des scies, pas des pesticides. Bon. La décision a été prise au ministère de l'Environnement d'arroser, avec l'accord donné par le ministère de la Santé. Il y a eu probablement des pourparlers en hauts lieux. Et le BAPE avait recommandé qu'il n'y ait pas d'arrosage, et la décision a été prise d'arroser quand même. Bon. Et, en plein coeur de l'été, il y a eu un arrosage. On m'a avisé quelques jours avant.
Les journalistes m'ont demandé qu'est-ce qu'on pensait. J'ai dit que je regrettais la décision, que je trouvais ça déplorable, pas plus, c'est eux autres qui l'avaient prise... Je ne faisais pas une catastrophe de ça, là, mais que ça allait contre la volonté que les gens avaient exprimée, puis je le disais sur ma tête. Mais là il y a une lettre, pas longtemps après, qui est partie du ministère puis qui s'en allait vers le directeur général de la régie, puis: Faites taire votre directeur, de quoi il se mêle de parler? C'est ça dont je veux parler, là, quand je parle de... Moi, comme professionnel, je me sentais... C'est ça que je devais dire dans ma situation. Sur place, comme médecin, si vous voyez que la population... C'était mon patient, pour faire l'analogie. Je devais dire ça, mais il y avait ingérence politique. Ça s'est pas passé... Parce que mon directeur général de régie a dit: C'est pas la régie régionale qui a pris cette position-là, c'est le directeur de la santé publique. C'est une opinion professionnelle. Parce qu'il comprenait ça. Mais c'est pas toujours aussi facile que ça et c'est pas tous les directeurs généraux qui comprennent ça, là. Puis c'est pas tous les sous-ministres qui comprennent ça non plus.
Et je vais vous dire que la lettre en question, très sévère, je l'ai jamais vue, parce que la sous-ministre à la santé publique, Mme Collin... elle était signée, elle l'a attrapée comme ça, et c'est des gens du ministère qui me l'ont conté. Mais il reste quand même que, quelque temps après, il y a une autre lettre qui est arrivée à mon directeur général, qui disait moins sévèrement, mais qui disait un peu: Bien, ça nous dérange que votre directeur de santé publique parle publiquement contre des décisions qui ont été prises. Et cette situation de conflit entre le professionnel et le politique, c'est évident que ça se vit aussi. Pourquoi nos directeurs généraux de santé publique ? il y en a 18 au Québec ? pourquoi qu'ils sont pas ici pour vous parler? Autrefois, dans le temps des DSC, ils auraient pu probablement être ici. Ils ont écrit une lettre au ministre pour donner leur position, et, bon, je... Pourquoi ils ont pas été plus loin? Hein? Je me demande... Qu'est-ce qu'ils ont dit? Il ont dit: Oui, ils approuvaient le poste du directeur, mais ils ont pas analysé, ils ont pas... Je le sais pas, mais j'ai l'impression qu'il y a... Pas parce qu'ils sont pas intelligents, pas parce qu'ils ont pas ces idées-là, mais il y a un devoir de réserve qu'ils expriment vis-à-vis tout leur encadrement administratif pour pas... ils viennent... ils pourront pas venir... Si j'étais directeur de service dans une régie régionale aujourd'hui j'aurais pu difficilement vous tenir le discours que je vous ai tenu. C'est sûr que c'est parce que je le fais dans le cadre d'une association qui est en dehors un peu, une association autonome qui peut parler, mais... alors qu'un directeur de santé publique, qui est un médecin de population, devrait être capable de dire parfois des choses.
Quand j'étais... Quand j'ai fait ma maîtrise en santé publique à San Francisco, c'était le temps des... du sida qui commençait. Le directeur de la santé publique était... avait une certaine autonomie quand même et qui dépendait du conseil municipal, avait décidé... La mairesse avait décidé qu'elle fermait les saunas. Le directeur de la santé publique était... trouvait que c'était pas une mesure de santé, il était contre ça, on l'a limogé. Bon, il a perdu sa job, mais après ça, on a créé une commission pour faire un tampon entre le conseil municipal purement politique et le directeur de santé publique pour que ces choses-là ne se reproduisent pas. Parce que, si quelqu'un pense, pour des raisons de santé publique, que telle mesure n'est pas indiquée, bien, c'est ce qu'il faut qu'il dise selon son éthique professionnelle puis selon l'expertise qu'il a, alors, il a... Ce qui guide le professionnel finalement, c'est l'éthique et la science, et, dans les situations douteuses, il va essayer de choisir le moindre mal des deux solutions.
Dois-je vacciner cette population-là? Scientifiquement, les experts de l'institut me disent que c'est pas indiqué du tout, mais je regarde les gens, je dis: Ça m'est arrivé aussi à Fermont, une communauté isolée. Faut-il vacciner? Oui, il faut vacciner dans ce cas-là. Et j'ai pris ma décision comme médecin de population sur la Côte-Nord, à Fermont, pour cette population-là. J'ai appelé le directeur de la protection de la santé publique, évidemment, il m'avait dit qu'il me laissait la décision. Le comité provincial disait que, dans ces cas-là, non, il faut pas vacciner ? c'était en 1992-1993, ça, la dernière épidémie ? s'il y avait pas de cas dans la communauté, on vaccine pas. Alors, j'ai... on a décidé de vacciner, et le directeur de la protection de la santé m'a laissé faire. Il était pas content, mais... Dans une nouvelle... dans une structure plus politique, si on préserve ça, bien, on pourra difficilement conserver cette manoeuvre, cette marge de manoeuvre.
Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. Bujold.
M. Fournier: En terminant et peut-être en votre nom, M. le Président, vous remercier...
Le Président (M. Beaumier): Oui.
M. Fournier: ...de votre présence. C'était très intéressant, la présentation que vous nous avez faite, et elle saura sans doute marquer nos réflexions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Beaumier): Merci également. M. Bujold, notre secrétaire compétente trouvait que son petit neveu aimerait voir certainement votre bateau, votre camion...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Beaumier): ...et puis votre autobus. Ça m'avait tenté de demander un dépôt de documents, mais je pense que je le ferai pas.
M. Bujold (Renald): Je me suis endetté, aussi!
Le Président (M. Beaumier): Ha, ha, ha! Merci beaucoup.
Alors, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 4)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, s'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre! Alors, la commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant certaines dispositions législatives.
Alors, nous entendrons dans un premier temps les représentants de l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec, donc M. Alain Tremblay, qui est vice-président, Mme Andrée Gendron, directrice générale, de même que Me Ginette Taillon qui est conseillère juridique. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Et je cède la parole à M. Alain Tremblay pour la présentation de votre mémoire. Vous avez une vingtaine de minutes environ et par la suite nous procéderons par des questions. Alors, je vous cède la parole.
Association des CLSC et des CHSLD du Québec
M. Tremblay (Alain): Merci. Alors, M. le ministre, Mme la Présidente et membres de la commission des affaires sociales, je tiens d'abord à vous remercier pour l'opportunité qui nous est donnée aujourd'hui de présenter et déposer notre mémoire portant sur le projet de loi n° 28.
J'aimerais dans un premier temps vous prier d'excuser le président de l'Association, M. Jacques Lemire, qui est à l'extérieur et n'a pu se rendre disponible aujourd'hui pour cette présentation.
D'entrée de jeu, nous devons déplorer la précipitation dont fait preuve le gouvernement au niveau de l'étude de ce projet de loi dont l'impact est majeur, particulièrement sur le plan de l'organisation des établissements locaux et de la gouverne des établissements et des régies régionales. Les conséquences pouvant découler des modifications proposées sont telles qu'il faut, selon nous, prendre le temps nécessaire pour les analyser sérieusement. Pour les motifs que nous exposons dans le chapitre premier de ce mémoire, nous demandons donc le retrait de toutes les dispositions du projet de loi portant sur les matières énoncées ci-haut et la mise en place à l'automne prochain d'une réelle consultation sur le sujet de la gouverne des établissements et des régies régionales.
Un projet de loi en porte-à-faux avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Depuis longtemps, nous savons que la participation des citoyens et des citoyennes aux décisions concernant leur santé et leur bien-être constitue un des facteurs d'amélioration de l'état de santé et de bien-être d'une population. En inversant la pyramide et en opérant un changement de paradigme en regard de la loi actuelle, le projet de loi n° 28 ne fait pas que modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux, tel que son titre semble l'indiquer, mais il la dénature dans ses fondements. Les modifications qu'il propose place le réseau de la santé et des services sociaux sous la tutelle complète et permanente du ministre, puisqu'en raison de l'effet domino, c'est lui qui aura en pratique la main haute sur la composition des conseils d'administration des établissements qui, de ce fait, auront peu de légitimité vis-à-vis la population et se sentiront peu imputables envers cette dernière, puisqu'ils ne seront pas issus de la base démocratique. En quoi la loi lui permettra-t-elle dorénavant de participer activement au choix des orientations, à l'instauration, à l'amélioration, au développement et à l'administration des services?
Nous comprenons difficilement les raisons qui justifient ce virage à la fois soudain et brusque, qui émanent du projet de loi n° 28. À notre avis, il n'y a pas péril en la demeure. Il serait injuste en effet d'imputer les carences actuelles du système de santé et de services sociaux aux hommes et aux femmes qui, depuis de nombreuses années, n'ont ménagé aucun effort dans un contexte de restriction budgétaire pour maintenir l'accessibilité et la qualité des services dispensés par les établissements. Nous sommes toutefois conscients du peu de participation de la population au processus démocratique, mais, au lieu d'abandonner le principe, nous proposons de réfléchir sur les moyens à prendre pour améliorer cette participation lors des élections des représentants au sein des conseils d'administration des établissements. D'aucuns ont déjà avancé certains moyens, dont la tenue des élections dans les établissements de façon simultanée avec les municipalités et les commissions scolaires.
Par ailleurs, nous estimons que la désignation par le ministre de l'ensemble des membres des conseils d'administration des régies régionales constitue une mesure inutilement centralisatrice qui dépossède les régions de leur influence en matière d'organisation des services dans leur territoire respectif. Nous croyons qu'un certain équilibre devrait être privilégié entre les désignations faites par le ministre et celles provenant du milieu.
La mise en place d'un réseau homogène d'établissements locaux. Plusieurs amendements apportés à Loi sur les services de santé et les services sociaux au cours des dernières années, dont l'article 126.1, visaient comme objectif de regrouper les établissements exploitant un CLSC, un CHSLD et un CH de moins de 50 lits, modifiant ainsi l'orientation prise lors de l'adoption de la loi en 1991, où étaient instaurés des conseils d'administration pour administrer des centres ayant une mission spécifique. Ce changement d'orientation de la part du législateur découle d'une croyance, dans l'esprit de certains, que la continuité des services peut être mieux assurée par l'intégration de ces missions au sein d'un même établissement.
n(20 h 10)n Un nouvel amendement introduit par le projet de loi n° 28 propose d'accorder au ministre le pouvoir de regrouper sous la responsabilité d'un même conseil d'administration un CLSC, un CHSLD et un CH de 50 lits et plus. Ce faisant, le législateur propose d'abandonner les quelques balises permettant le développement d'un réseau cohérent d'établissements locaux de services primaires.
Dans le cadre des nombreux débats qui ont entouré l'adoption de l'article 126.1 en 1996, un consensus a été établi à l'effet de limiter les regroupements de centres hospitaliers avec un CLSC et un CHSLD dans le seul cas où le CH comptait moins de 50 lits. Rien ne justifie aujourd'hui la disparition de telles balises, et nous estimons que les raisons pour lesquelles elle apparaît à l'article 126.1 sont toujours valables en l'absence de démonstration de l'effet contraire.
Le temps est venu pour le ministre de présenter des orientations favorisant à l'échelle du Québec la mise en place d'un réseau d'établissements locaux homogènes axés sur les besoins de leur communauté respective afin de pouvoir enfin mettre un terme au brassage de structures et se concentrer dorénavant sur les services à rendre à la population.
Comprenons-nous bien, il ne s'agit pas d'instituer des établissements locaux identiques qui dispenseront tous les services mentionnés précédemment, car tous ces services n'existent pas actuellement dans tous les territoires. L'objectif recherché est d'apporter de la cohérence dans le système de santé et de services sociaux en créant un réseau homogène d'établissements locaux, ce qui permettra à la population de s'y retrouver.
La configuration d'un tel réseau d'établissements locaux ne devrait pas se faire de façon précipitée et désordonnée. Les régies régionales, en concertation avec les établissements concernés, devraient élaborer à l'intérieur d'un certain délai un plan d'organisation des services dans lesquels les établissements... dans lequel les établissements locaux se verront confier, pour le territoire qu'ils desservent, la responsabilité des services de santé et des services sociaux de première ligne, des services d'hébergement et de soins de longue durée, et, le cas échéant, des services hospitaliers dans des installations comptant moins de 50 lits.
Dans le cadre de cet exercice, les régies régionales devront tenir compte des territoires actuels de CLSC auxquels s'identifient depuis plusieurs années les communautés locales afin de préserver et de développer encore davantage le sentiment d'appartenance de ces communautés vis-à-vis leur établissement local. Pour avoir une approche populationnelle articulée, qui réponde le mieux possible aux besoins d'une communauté, il est important que le territoire desservi par l'établissement local repose sur des facteurs historiques ainsi que sur l'existence de caractéristiques qui distinguent cette communauté d'une autre.
La commission Clair a très bien reconnu le lien qui existe entre la responsabilité populationnelle et la notion de territorialité, et je cite: «À la base, le modèle de réseaux de services de première ligne suppose la responsabilité et le suivi d'une population donnée. Un premier niveau de responsabilité est donc exercé par les établissements de première ligne. La territorialité soutient l'approche populationnelle. Dans la mesure du possible, le territoire correspond à un espace géographiquement délimité où vit une population, une communauté.» Il s'agit d'un territoire d'appartenance auquel s'identifient aisément les communautés qui y vivent et où se trouve un certain nombre d'institutions. En région, le territoire local correspondra généralement au territoire du CLSC. Dans les grands centres, le territoire local de référence sera défini en fonction de la proximité de services et tiendra compte des caractéristiques des milieux urbains densément peuplés.
Le respect des valeurs démocratiques et la composition des conseils d'administration. Nous avons proposé précédemment que les dispositions concernant le mode de nomination, de désignation ou d'élection des membres de conseils d'administration des établissements et des régies régionales soient retirées du projet de loi n° 28 et qu'une consultation véritable à cet effet soit entreprise à l'automne.
Comme nous l'avons déjà souligné, il n'y a pas d'urgence à légiférer sur cette question à ce moment-ci, d'autant plus que les élections pour les établissements ne sont pas prévues avant l'automne 2002. Les commentaires et recommandations qui suivent s'inscrivent dans le contexte où les recommandations que nous faisons au premier chapitre ne soient pas retenues. Dès lors, il nous apparaît que des changements importants devraient être apportés au projet de loi actuel quant à la composition et au mode d'élection ou de désignation des membres des conseils d'administration.
La composition du conseil d'administration des établissements, des représentants de la population. La seule présence de citoyens et de citoyennes sur les conseils d'administration des établissements et des régies régionales ne suffit pas pour conférer à ces organismes un caractère démocratique. Encore faut-il que ces personnes soient représentatives de la population. Pour ce faire, elles doivent être élues par la population. Au risque de nous répéter, cette condition est encore plus fondamentale dans le cas des établissements locaux si l'on veut que la participation des citoyens et des citoyennes y trouve son sens. Comme le disait la commission Clair: «Le lieu le plus important pour le citoyen est l'endroit où il reçoit les services dont il a besoin.» Les représentants du personnel et des professionnels. Nous sommes en désaccord complet avec les changements proposés par le projet de loi à l'effet que c'est la régie régionale qui, à partir d'une liste déterminée par le département régional de médecine générale, désignera un médecin pour siéger au conseil d'administration des établissements. Nous sommes profondément convaincus que l'expertise clinique sur le plan médical peut être valablement apportée par les médecins qui exercent leur profession dans l'établissement et qui sont les mieux placés pour connaître les besoins de la clientèle. Nous proposons donc de modifier le projet de loi pour que ce soit le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l'établissement qui désigne parmi ses membres une personne pour siéger au conseil d'administration. Le même raisonnement vaut pour la désignation d'une infirmière par la régie régionale, à partir d'une liste proposée par la commission infirmière régionale. Nous proposons donc que ce soit le conseil des infirmières et infirmiers de l'établissement qui désigne parmi ses membres une personne pour siéger au conseil d'administration de l'établissement.
Enfin, le projet de loi évacue la représentation des autres professionnels à l'emploi de l'établissement. Nous le déplorons fortement car nous y voyons encore une fois une insensibilité à l'égard de ces personnes dont l'apport est inestimable en matière de qualité des services. Nos établissements ne dispensent pas uniquement des services médicaux et des services infirmiers, ils donnent également toute une panoplie de services professionnels dans divers champs d'activités professionnelles. Nous proposons donc qu'une personne du conseil d'administration de l'établissement soit élue par et parmi les membres du conseil multidisciplinaire.
Une représentation adéquate des usagers. Nous sommes opposés à la réduction du nombre de représentants des usagers pour siéger au conseil d'administration des établissements, particulièrement en ce qui concerne ceux qui exploitent un CHSLD. Les résidents desservis par ces établissements, lesquels constituent dorénavant leur milieu de vie, ont le droit d'être représentés adéquatement et d'avoir une voix significative au sein des conseils d'administration, puisqu'ils sont la raison d'être de ces établissements. Nous proposons donc de maintenir le nombre de sièges réservés actuellement aux représentants des usagers, soit deux personnes.
CHSLD desservant une clientèle particulière. Certains CHSLD dispensent des services à des clientèles particulières sur les plans socioculturels, ethnoculturels et linguistiques. Comme nous l'avons souligné précédemment, ces établissements devraient bénéficier d'une dérogation et maintenir un conseil d'administration autonome sans être regroupés ou fusionnés avec le CLSC de leur territoire dans le cas où le ministre retiendrait les propositions que nous avons formulées au deuxième paragraphe... au deuxième chapitre, excusez. Des modalités devraient, de plus, être prévues dans la loi pour assurer une représentation adéquate de ces communautés, et ce, peu importe le mode d'élection ou de désignation retenu.
n(20 h 20)n Les effectifs médicaux. Bien que le Québec ait le ratio médecin-population le plus élevé au Canada, la population fait face à un manque important d'accessibilité aux services médicaux selon les régions, selon les groupes de population, par exemple les personnes âgées, et ce, pour toutes les catégories d'établissement, CLSC, CHSLD, centres de santé et CH.
Si la modification proposée par l'article 240 de la loi permet peut-être de régulariser la répartition des médecins spécialistes qui ont besoin des infrastructures hospitalières pour pratiquer, nous croyons par ailleurs que ces mesures ne régleront en rien les difficultés auxquelles sont confrontés les établissements en matière de recrutement et de rétention des effectifs médicaux d'omnipratique.
Le projet de loi ne règle pas non plus le problème de la répartition intrarégionale des effectifs médicaux. Rappelons que la majorité des médecins de famille exercent en cabinet et qu'ils ont toujours la possibilité de se désengager des établissements. Donc, une partie importante des médecins n'est pas concernée par les amendements à la loi. Or, il est essentiel que des dispositions législatives prennent en considération tous les paramètres de l'organisation des services médicaux, sinon une telle mesure peut avoir l'effet pervers de dissuader les médecins omnipraticiens de venir travailler en établissement et rendre plus difficile le recrutement et la rétention des effectifs, accentuant encore les difficultés vécues à ce jour.
La mise en place de groupes de médecine de famille aura le potentiel de résoudre un certain nombre de difficultés. Cependant, d'ici à ce que cette réforme s'actualise sur tout le territoire québécois et que les effets bénéfiques escomptés se produisent, les problèmes de répartition persisteront et les établissements ne seront pas en mesure de répondre aux besoins de la population qui s'adresse à eux. Par conséquent, nous estimons primordial que le gouvernement, avec la collaboration des organisations médicales et des établissements, définisse les services médicaux prioritaires devant être rendus accessibles dans l'ensemble du Québec.
En terminant, nous insistons donc sur un financement approprié des établissements de première ligne pour contribuer à créer des conditions de pratique adéquates pour les professionnels et, en définitive, favoriser la rétention des médecins qui y oeuvrent et en faciliter le recrutement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, monsieur...
M. Tremblay (Alain): En conclusion...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse. Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Alain): Excusez. En conclusion, nous nous sommes limités, pour les fins de notre présentation, sur les aspects qui ont été priorisés par nos membres, soit la participation de la population, la composition des conseils d'administration, les regroupements d'établissements et les effectifs médicaux. Nous invitons toutefois les membres de la commission à lire notre mémoire qui traite, quant à lui, de l'ensemble des différentes mesures contenues dans le projet de loi. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions, et je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Tremblay, pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède la parole au ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. On voit bien le souci dominant de votre mémoire. Et je pense qu'à cet égard-là, il faudrait, si vous êtes d'accord, partir de ce que Michel Clair, la commission Clair disait à la page 230. On va essayer d'y voir clair sur les intentions. Vous êtes d'accord, j'imagine, à ce que le directeur général soit nommé par le conseil d'administration?
M. Tremblay (Alain): Absolument.
M. Trudel: Très bien. Vous êtes d'accord aussi à ce qu'une infirmière, parmi les infirmières du territoire local, soit nommée par la Commission infirmière régionale?
M. Tremblay (Alain): Non. Ce qu'on dit, c'est que ce soit nommé par le conseil des infirmières et infirmiers de l'établissement.
M. Trudel: O.K. Alors, désaccord avec Clair.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Ça va? Merci. Un médecin ? ce que dit toujours Clair ? un médecin parmi les médecins du territoire local, nommé par le département régional de médecine générale?
M. Tremblay (Alain): Encore là, nous spécifions que ce devrait être le conseil des médecins, pharmaciens et dentistes de l'établissement qui nomme.
M. Trudel: Alors, désaccord avec Clair. Deux administrateurs externes, nommés par la régie régionale, dont un représentant des professions de la santé et un représentant des professions à caractère social, ces administrateurs ne devant pas être à l'emploi d'un établissement?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tremblay.
M. Tremblay (Alain): Oui, sur cet aspect...
Mme Gendron (Andrée): Alors, nous vous...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, maître... Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Mme Gendron. Nous, on demande, dans le fond, qu'il y ait un troisième représentant du personnel de l'établissement qui provienne des professions sociales et qui soit désigné par le comité multiprofessionnel à l'intérieur.
M. Trudel: O.K. Allons-y en désaccord avec Clair là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse, M. le ministre. Je pense que Mme Gendron n'a pas terminé.
M. Trudel: Ah! je m'excuse, je m'excuse.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous aviez terminé?
Mme Gendron (Andrée): Non. On a laissé par contre... Et on l'a pas mentionné ici, mais dans notre mémoire vous allez voir que, oui, on laisse tout à fait libre la régie régionale de désigner sur notre conseil d'administration deux personnes, mais en fonction des caractéristiques qu'elle voudra bien pour compléter les expertises déjà existantes sur les conseils d'administration locaux.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Donc, c'était la prochaine catégorie, les deux administrateurs externes nommés par la régie régionale, résidant sur le territoire et reconnus pour leur expérience et leur compétence en matière de gouverne?
Mme Gendron (Andrée): C'est-à-dire que ça, oui, mais on les spécifie pas comme étant compétents en gestion parce qu'on considère aussi qu'à l'intérieur de l'établissement il y a des gens compétents en gestion. Nous, on laisserait plus libre la régie régionale de venir compléter les expertises en fonction déjà des expertises qui se regroupent sur le conseil d'administration local.
M. Trudel: On met ni oui ni non, bien au contraire?
Mme Gendron (Andrée): Entre les deux, un bon compromis. Ha, ha, ha!
M. Trudel: Un représentant des usagers?
Mme Gendron (Andrée): Deux.
M. Trudel: Deux. Et cinq représentants de la population, selon le processus en vigueur. Bon. C'est là qu'est l'os pour ici. Très bien. C'est parce que je note aussi, avec le rapport Clair là, ce qui se retrouve dans le projet de loi, qui est dans cette direction très, très nettement, et qui a fait l'objet d'une commission et d'une consultation pendant une très longue période, là. Et ça m'amène à ceci parce que la commission Clair... Et je voudrais bien savoir quelle est votre orientation à cet égard-là. Et voici... On va retrouver la citation: «Plusieurs personnes et groupes ont fait part de la confusion régnant dans la répartition des rôles et responsabilités entre les établissements. Ils trouvent la situation inacceptable et demande de faire le ménage dans cette organisation, surtout au plan local près de chez lui. Par ailleurs, plusieurs personnes ou groupes ont souligné les difficultés de gouverne rencontrées lorsque des employés siègent au conseil d'administration. Il survient des conflits de rôles qui nuisent au bon fonctionnement du conseil et qui remettent en question la légitimité du conseil. Par ailleurs, on nous a aussi déclaré que les conseils d'administration, en plus de compétences administratives, doivent absolument conserver leurs compétences cliniques.» Je comprends que vous n'acceptez pas cette affirmation de Clair suite aux consultations?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Écoutez, M. le ministre, il y a deux volets. Peut-être que je vais commencer par le deuxième volet où est-ce que, effectivement, ce qui était mentionné, c'était une difficulté de représentation du personnel sur le conseil d'administration parce que, à ce moment-là, c'était un corps électoral. Là, ce qu'on voit et ce qu'on vous propose, c'est de faire en sorte que ce soient des gens désignés par les comités cliniques internes parce que leur préoccupation au sein du conseil d'administration, ça va être d'améliorer l'offre de services. Donc, au lieu, comme Clair le disait, je pense, de faire référence au DRMG régional pour nous nommer quelqu'un qui est professionnel à l'extérieur de l'établissement, nous, on trouve que c'est une motivation, que c'est une implication et que le personnel qui agit à l'intérieur de l'établissement est le plus qualifié pour savoir comment améliorer l'offre de service et la qualité aux clientèles qui le reçoit.
Alors donc, on vient un petit peu comme de réguler ça dans le sens que ce sont nos comités professionnels dûment créés par la loi, à savoir trois comités professionnels, qui désigneraient sur notre conseil d'administration. Il y a des avantages parce que, entre autres, vous savez que très souvent on a eu des problèmes à un moment donné à avoir des médecins sur un conseil d'administration ou on avait des problèmes à avoir certains professionnels. Alors donc, en privilégiant une nomination par les conseils professionnels, bien, on vient de privilégier le fait que ces gens-là, qui sont directement impliqués auprès de la population, aient un siège.
Concernant le premier volet, M. le ministre, je pense que vous nous... C'est un petit peu sur, si vous vous rappelez bien, au niveau de l'offre de service des établissements locaux. Est-ce que c'est ça que j'ai bien compris?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Oui. Non, mais je faisais... Ici, là, on indiquait dans le rapport Clair que «plusieurs groupes et personnes ont souligné des difficultés de gouverne rencontrées lorsque des employés siègent au conseil d'administration. Il survient des conflits de rôles qui nuisent au bon fonctionnement du conseil et qui remettent en question la légitimité du conseil. Par ailleurs, on nous a aussi déclaré que les conseils d'administration, en plus de compétences administratives, doivent absolument conserver des compétences cliniques». Alors...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
n(20 h 30)nMme Gendron (Andrée): Oui. On le rejoint très bien. La seule chose, c'est du personnel à l'intérieur de l'établissement parce qu'on les trouve plus qualifiés pour bien connaître la population qu'ils desservent, parce qu'ils les rencontrent... et ils sont nommés en fonction des compétences cliniques. Donc, on vient effectivement de s'intégrer à l'intérieur de cette recommandation-là, mais en l'adaptant.
M. Trudel: Il y a quand même un gros morceau, là, qui dit... Il survient des conflits de rôles qui nuisent au bon fonctionnement du conseil.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tremblay.
M. Tremblay (Alain): Oui, mais il peut y avoir peut-être certains problèmes à certains endroits, mais on est conscient qu'on peut pas régler sur... si 2 % de problèmes sur 98 %, c'est ça... c'est ce qu'on se dit. Dans toute organisation, c'est normal qu'il y ait à l'occasion quelques lacunes dans certains endroits, mais sauf que, si on vient légiférer pour l'ensemble à cause d'une minorité, on crée un déséquilibre complet pour l'ensemble du réseau, et c'est ce qu'on veut éviter.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Bien là, je fais une réflexion avant de passer à la question suivante, c'est: Évidemment, il faut choisir un peu, là, entre la philosophie diagnostiquée par Clair et celle que vous véhiculez. Parce qu'on ne parle pas de gestion de problèmes à la marge, je pense qu'effectivement ça peut s'expliquer là. Mais là on peut pas dire une chose et son contraire. Ce que vous dites est contraire à cela et il faudra choisir en quelque sorte au niveau de l'effet général entre ce que dit Clair sur la gouverne des établissements à partir de la page 224 de son rapport suite aux consultations et ce que vous nous dites dans vos observations ce soir. C'est parce que tout le mémoire n'est pas inspiré de Clair, là. C'est clair qu'il y a des fois... il va à l'opposé, hein. Une chose claire. Il faut appeler une chose par son nom.
Par ailleurs, à la page 5 de votre mémoire, après avoir fait le tour au niveau de la représentation populationnelle: «Nous sommes conscients que des correctifs doivent être apportés pour permettre au réseau de voguer sur une mer plus stable.» Pourriez-vous me parler de ces quelques correctifs qui nous amèneraient sur les flots bleus plus calmes?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): O.K. Dans le fond, M. le ministre, si on parle beaucoup... Écoutez, il y a eu des modifications qui ont été apportées dans les structures mêmes des services de première ligne, je crois. Et, à un moment donné, on s'est vu, à partir de regroupements de conseils d'administration, arriver rapidement à des fusions, lesquelles fusions, entre autres, ont pris différentes formes à l'occasion, et on a vu aussi la création à un moment donné de différents noms. On a un réseau de première ligne à un moment donné qui... il y a eu des noms comme Complexe Regroupement, bon. Nous, ici, on vous interpelle pour, dans le fond, dire: Bon, bien, si le Québec est rendu au moment où on doit établir son réseau d'établissements locaux de première ligne, on a une attente à ce que le ministère donne des orientations très claires et qu'on puisse le baliser, de sorte aussi que la base du système, un petit peu aussi comme le disait Clair, devienne ces établissements primaires, que la population s'y retrouve, en matière d'accessibilité que ce soit un plus, et que ces établissements primaires là deviennent complémentaires à des établissements spécialisés qui sont régionaux ou sous-régionaux.
Alors, c'est un petit peu ça. C'est surtout pour la population, parce que, suite à des phases de fusion, à des phases de regroupement, on trouve que la population actuellement dans certaines régions puis même quand elle voyage d'une région à l'autre du Québec, souvent elle a des difficultés à s'y retrouver.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Par ailleurs, cela nous amène sur la piste des conseils d'administration unifiés sur une base territoriale, incluant lorsqu'il y a des centres hospitaliers de plus de 50 lits. Je ne vous citerai pas Clair, mais vous connaissez, je pense, sa recommandation, il nous indique de prendre des dispositions pour aller davantage dans cette direction. Par exemple, on a déjà, vous le savez très bien, 33 centres de santé au Québec qui intègrent ces dimensions-là. Vous pensez qu'on ne devrait pas aller aussi loin que Clair, sa recommandation de tendre vers les conseils d'administration unifiés sur une base territoriale? Et là j'aimerais ça dans votre réponse, si c'est possible, que vous me réconciliez avec l'affirmation de la nécessité du bon encrage territorial, du bon encrage territorial, si c'est la volonté des populations et que cette population est desservie par un centre hospitalier de proximité, si tant est qu'il est à 75 ou 80 lits, un CLSC, un centre d'hébergement et de soins de longue durée. Donc, ma question, c'est: Là non plus, vous allez pas dans la direction de Clair et comment vous réconciliez ça avec la notion de la nécessité du rattachement sur la base territoriale?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Oui. Écoutez, M. le ministre, je vous dirais que, dans notre lecture à nous, on va dans le sens de Clair justement, parce que Clair, en page 227, parle d'hôpitaux locaux ne disposant que d'un nombre restreint de lits. La proposition qu'on vous fait actuellement, qu'on vous fait dans notre rapport, ce n'est pas de résister à la création d'un établissement local, parce que l'établissement local, on voit qu'il faut l'établir au Québec, dans lequel on retrouve le CLSC, le CHSLD quand il y en a un sur le même territoire et, éventuellement, quand il y a sur le même territoire un CH de moins de 50 lits. D'accord? Là où est-ce qu'aujourd'hui, nous, on vous met vraiment des inquiétudes mais très grandes, c'est le fait qu'il se pourrait que ce ne soit plus balisé, et que le nombre de lits dans le secteur hospitalier ne soit plus une des balises, et qu'on pourrait se retrouver avec un centre hospitalier régional d'importance de 500 ou de 600 lits de courte durée, et qui serait regroupé, d'abord parce que... Aussi, ma préoccupation, c'est qu'on passe par un regroupement de conseils d'administration, et l'histoire nous montre très bien que le regroupement demeure sur un laps de temps très court, souvent inférieur à un an, pour finir par une fusion.
Donc, notre préoccupation, c'est de faire en sorte que les services primaires qui sont d'une nature puissent demeurer des services primaires qui soient sur une base territoriale pour correspondre aux besoins d'une communauté précise et puissent s'adapter et qui deviennent la base du système et qu'on puisse travailler en complémentarité avec des services spécialisés de deuxième ligne. Mais pas faire en sorte que cet établissement local de services primaires soit, au gré des gens, des personnes ou des décideurs, différent et perde le caractère homogène qui est tellement bien demandé dans la commission Clair à un moment donné, où est-ce que la commission Clair demande que nos établissements locaux aient une plus grande homogénéité dans leurs services pour s'assurer que la population puisse toujours aller à une porte d'entrée, ait une réponse et ait un service ou sinon référée à un service spécialisé.
C'est un peu ça qu'on vous offre, M. le ministre. Et ce qu'on aimerait, c'est que, si vous êtes d'accord avec ça, c'est que les balises actuelles soient au contraire gelées au lieu d'avoir plus de souplesse, que vous marquiez d'une manière très claire vos orientations et que, une fois ces orientations-là, d'établir un réseau de services primaires d'établissements locaux sur des bases territoriales au Québec, que ce soit demandé aux régies régionales de faire un plan de régionalisation avec les établissements parce qu'il y a des adaptations qu'il faut faire, il y a des composantes. Tout à l'heure, on vous parlait des composantes socioculturelles, ethniques des gens. Je pense qu'il y a lieu de faire un plan et de voir, s'il y a des restructurations, des regroupements, à ce que les gens en soient partie prenante et que ça se fasse, ça aussi, avec notre personnel et avec les conseils d'administration. Alors donc, je ne pense pas que ça aille à l'encontre, bien au contraire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Je vais être obligé de relire encore une vingtaine de fois, parce que c'est pas tout à fait ça qu'il nous dit, c'est pas tout à fait ça qu'il nous dit, Clair. «La Commission a recommandé la mise en place, pour une population donnée, de réseaux de services de santé et de services sociaux de première ligne d'accès facile à tous. À ce jour, dans plusieurs territoires, l'unification des conseils d'administration des CLSC et des CHSLD a donné des résultats appréciables, dont une concrétisation de l'approche de population, une meilleure intégration des services, etc.» Et là il nous arrive à la fin de sa recommandation et il nous dit ici: «Il ne s'agit pas de fusionner les établissements à moins que les parties en conviennent d'un commun accord. Ce que l'on vise, dans les faits, c'est briser la logique contre-productive de l'administration en silos.»Mme Gendron (Andrée): Oui, et c'est ça qu'on vous propose, M. le ministre, c'est d'établir l'établissement local et composé de services primaires, soit les services de CLSC, de CHSLD et de centres de moins de 50 lits, mais avec la balise de centres de moins de 50 lits. Parce que, si on introduit des fusions potentielles avec des établissements de deuxième ligne spécialisés, que ce soient des centres jeunesse, des centres de réadaptation ou des CH spécialisés, on vient de mettre deux systèmes en contre-production. Alors donc, nous, ce qu'on vous propose, c'est d'être même partie prenante de l'établissement d'une première ligne de services primaires dans des établissements locaux sur une base territoriale et de faire en sorte que, oui, ces établissements-là soient en complémentarité avec des établissements spécialisés.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
n(20 h 40)nM. Trudel: Vous seriez probablement d'accord, j'imagine, avec une définition courte, qui est en relation avec la recommandation n° 3, la recommandation n° 3 à la page 11: «L'établissement local, une porte d'entrée médicale et sociale 24 heures sur 24.» Si on veut être la porte d'entrée, il va bien falloir à quelque part y avoir un corridor vers la courte durée en hospitalisation. Et, à cet égard-là, que l'établissement ait 55, 60 lits, 75 lits, si on veut que les citoyens aillent à la porte d'entrée des services médicaux et sociaux, encore une fois, je répète, il va bien falloir que le corridor de l'autre côté de la porte, il inclut les services de première ligne et la référence aux services de deuxième ligne. Alors, je comprends mal pourquoi... je dis «je comprends mal»... je comprends pas qu'on veuille trancher ça à 50 quand vous allez accueillir le citoyen ou la citoyenne et que vous allez devoir diriger ce citoyen ou cette citoyenne, le diriger vers les services qu'il a besoin, non pas en fusionnant les établissements, mais en établissant la voie d'entrée... la porte d'entrée et la voie dans le corridor pour atteindre l'endroit où il a besoin du service requis par son état de santé ou sa condition de malade ou de personne en détresse. Je comprends qu'il y a comme une réaction de peur d'être avalé par le gros santé. C'est-u ça?
Mme Gendron (Andrée): M. le ministre, je vous dirais: Écoutez, aujourd'hui, ce qu'on offre un petit peu, c'est notre collaboration pour établir ce réseau de services primaires, mais un service primaire... excusez-moi, mais, dans mon langage, ça peut pas être n'importe quoi. Je veux dire, c'est pas la peur d'être avalé par un centre jeunesse, puis on verrait mal un centre jeunesse dont on regrouperait le conseil d'administration avec l'établissement primaire puis qui, ensuite, deviendrait fusionné. Donc, c'est la nature même des services à offrir, c'est l'expertise qu'il faut et c'est l'encadrement pour assurer la sécurité de la population.
Alors donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est: les services primaires seraient inexistants. Dans un sens, ce sont les services généraux dans lesquels on retrouve les services de prévention et de promotion, les services généraux. On a aussi nos services de longue durée. Et, dans les petits établissements locaux, pour citer Clair qui disait: Les petits établissements locaux qui ont peu de lits, bien, c'est parce qu'on ne trouve pas là des services spécialisés qui demandent une expertise pointue des plateaux techniques. Parce que l'expertise pointue des médecins, comme les plateaux techniques, demande, pour assurer la sécurité de la population, un encadrement particulier, c'est un établissement de première ligne qui a à la fois le social et la santé, qui a à la fois la prévention... ne peut pas offrir, sinon on va devenir avec un établissement de première ligne avec un encadrement très lourd que nécessite, de par ses fonctions, un CH ou un établissement de spécialité.
Alors donc, nous, ce qu'on vous offre plus aujourd'hui, c'est d'être partie prenante de l'établissement d'un réseau de services de première ligne, des établissements locaux bien identifiés pour la population, où la population pourrait se rendre et trouver là une réponse, en matière effectivement des services que l'on retrouve en CLSC, en centres d'hébergement de soins de longue durée et d'anciens petits hôpitaux locaux, de moins de 50 lits, dans lesquels on retrouve... Et on en a beaucoup actuellement dans les régions, et c'est des projets qui vont très bien, qui sont bien gérés. Ceci étant dit, une fois qu'on aura bien campé cette première ligne, M. le ministre, ça va nous permettre aussi d'avoir des corridors de services avec une deuxième ligne, qui fait vraiment une deuxième ligne, et ça va être juste plus facilitant parce que la barre ne sera pas fractionnée. Il va y avoir une réalité dans ce type d'établissement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il s'agissait de votre dernière question, M. le ministre.
M. Trudel: Je suis preneur...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je cède maintenant...
M. Trudel: ...mais à part la largeur du corridor, je le veux plus large que haut.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je cède la parole au député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Mesdames, monsieur, merci beaucoup d'être avec nous. Le problème avec les consultations comme celles-là, c'est que ça passe très vite. On vient déposer un mémoire, on le lit en même temps que vous venez nous voir, et les questions orientent beaucoup ce qu'on retient du mémoire. Si vous me permettez, je vais prendre quelques passages pour voir ce que vous avez dit d'entrée de jeu. Et ça a peut-être été mis de côté pour l'instant.
Je comprends que, à part l'introduction qui explique un peu qui vous êtes et la démarche que vous avez faite pour faire votre texte, le texte commence, en fait, à la page 3 et dit ceci: «Depuis longtemps, nous savons que la participation des citoyens et des citoyennes aux décisions concernant leur santé et leur bien-être constitue un des facteurs d'amélioration de l'état de santé et de bien-être d'une population.» Dans le même ordre d'idées qui vous préoccupent, dès le début, on peut lire, à la page 5: «Il faudrait notamment réfléchir sur les moyens à prendre pour améliorer la participation de la population lors des élections de ses représentants au sein des conseils d'administration des établissements.» Il en va de même à la page 13, où on peut lire: «La seule présence de citoyens et de citoyennes sur les conseils d'administration des établissements et des régies régionales ne suffit pas pour conférer à ces organismes un caractère démocratique. ? En fait, nous sommes tous citoyens et citoyennes. ? Encore faut-il que ces personnes soient représentatives de la population. Pour ce faire, elles doivent être élues par la population.»
Et plus loin, vous allez dire ce que d'autres groupes ont dit d'ailleurs, que, plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain, il serait peut-être mieux de regarder ce qu'on pourrait faire pour améliorer l'aspect de la participation à ces élections.
Je le dis, d'abord parce que, à vous écouter, on aurait dit que ça faisait plus partie de votre mémoire; vous l'avez dit en tout début, mais je pense qu'il faut insister là-dessus, c'est le point majeur du mémoire. Le point majeur du mémoire, c'est de dire que la population doit être partie prenante, qu'il y avait depuis bon nombre d'années cette approche-là et qu'il faut mettre en garde le gouvernement d'y renoncer. Je le dis d'autant plus que, depuis tantôt, le ministre essaie de faire des comparaisons avec le rapport Clair. Soit dit en passant, c'est pas parce que le rapport Clair existe que c'est la bible. Je comprends qu'on peut s'en inspirer, mais ça veut pas dire que c'est lui qui va décider tout. Mais, si on le cite, on est aussi bien de le citer au complet, par exemple. Et, à l'égard de ce que vous avez soulevé, moi, je suis obligé de retenir les propos de Michel Clair lui-même qui disait... il parlait à ce moment-là des hôpitaux, mais ça s'applique, à plus forte raison, pour votre réseau, et il disait ceci, c'est en date du 12 mai, ça fait pas tellement longtemps, c'est lorsque le ministre faisait ses consultations: «La participation des citoyens est un des piliers de nos recommandations. Nous suggérions que, dans les grands hôpitaux, seulement deux des 13 membres du conseil d'administration soient nommés et les autres choisis par mode ? tenez-vous bien, là, c'est un mot qui, semble-t-il, doit être banni ? mais par mode électoral.» Ça, c'est Clair qui dit ça. «"Nous n'avons jamais recommandé qu'ils soient tous nommés", s'exclamait M. Clair, hier, devant un auditoire plus que captif.» Et l'attention du ministre n'a malheureusement pas été captée à cette occasion.
Mais je tiens juste à vous dire que ce que vous soulevez à l'égard du caractère démocratique, de la participation de la population, énormément de groupes, là, sont venus répéter ça, sont venus demander au ministre... Enfin, tu sais, quand on regarde l'AHQ puis votre Association, on parle à des établissements qui jouent dans le domaine de la santé. Vous êtes tous venus dire au ministre: Au minimum, retarde, au minimum, laisse-nous le temps d'expliquer quelles sont les conséquences qui s'en viennent. Et parfois, ça a été plus que «retarde», ça a été: Oublie ça, on reprendra à neuf un peu plus tard.
Alors, juste pour vous dire: Quand on essaie de vous mettre en relation avec le rapport Clair, ne vous sentez pas pris dans un jeu. On peut tous jouer à ce jeu-là, on peut tous trouver un aspect de Clair qui fait notre affaire ou fait pas notre affaire. Vous avez une position, vous avez le droit d'avoir cette position-là, et je dois vous dire que vous n'êtes pas les seuls à avoir cette position-là, et au contraire, je pense bien que, sur l'aspect démocratique, le ministre est plutôt seul de son côté. Alors, je voulais d'entrée de jeu retenir cette notion-là qu'il y a dans votre mémoire qui est très importante.
Maintenant, si je pense à certaines questions que m'a soulevées votre mémoire, je m'en vais à la page 19, où vous nous parlez des effectifs médicaux et de la répartition. Vous parlez notamment, là, en milieu de texte: «Nous estimons que ceux-ci ? les mécanismes ? risquent même d'avoir des effets pervers importants sur la rétention des ressources médicales en établissement.» Je dois avouer d'ailleurs qu'en bas de page, où vous nous dites que «l'article 240 de la loi permettra, peut-être, de régulariser la répartition des médecins spécialistes», j'aime autant vous dire que, ça, c'est pas tout à fait vrai, enfin selon les groupes qui sont venus nous voir, parce que les mécanismes de répartition jouent sur ce qui est excédant le plafond qui serait les plans d'effectifs. Or, très rares sont ceux qui vont au-delà des besoins. Alors, même là, cette mesure-là peut être vue comme virtuelle.
Mais ceci étant, si j'oublie celle-là dans votre mémoire, j'aimerais ça que vous m'expliquiez de façon plus détaillée comment vous voyez des effets, parce que c'est bien la dernière chose qu'on voudrait avoir, là, des effets pervers, on a déjà assez de problèmes... Comment vous voyez ce qui peut arriver et comment on pourrait l'éviter?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Tremblay? Mme Gendron?
n(20 h 50)nMme Gendron (Andrée): Oui. Étant donné que, dans nos établissements, on a surtout besoin de médecins de famille, de médecins généralistes ou omnipraticiens, et vous savez que la grande majorité des omnipraticiens, aujourd'hui, travaillent en cabinet et ne sont pas couverts par cette loi, de rigidifier la gestion des médecins en établissement via les primes qui touchent uniquement des établissements pourrait, selon nous, en plus désinciter les médecins généralistes qui ont d'autres options actuellement d'aller travailler justement à l'extérieur de ces établissements-là, alors que le but recherché, selon nous, par une meilleure gestion des plans régionaux d'effectifs médicaux, est de combler avec nos effectifs les besoins de la population. Donc, c'est d'inciter aussi les médecins d'un territoire à répondre aux besoins de la population. Et, dans le fond, c'est pour ça aussi qu'on avance plus loin et on se dit: Bien, en matière d'omnipratique, il faudrait aussi voir à ce que les médecins qui pratiquent en cabinet fassent partie des plans régionaux, parce que, surtout quand on est en train de monter les GMF, les gens peuvent pratiquer soit en établissement, soit en cabinet, mais ils vont être... ils seraient rapprochés ensemble de manière virtuelle, donc ils font partie des plans. Donc, c'est un petit peu à cet effet-là. Et, si on ne considère que les effectifs qui sont en établissement, on a peur que, s'ils sont trop... s'ils se sentent trop encadrés, on va les perdre, alors qu'on a des problèmes de rétention actuellement aussi bien en CHSLD qu'en centres de santé et qu'en CLSC.
M. Fournier: Est-ce que je dois comprendre que, si on intègre les cliniques médicales au plan, et donc, lorsqu'il y en a plus que le plan en cliniques médicales, à ce moment-là ça conférerait le pouvoir, disons, à la régie d'empêcher l'installation d'une nouvelle clinique, par exemple, ou un ajout d'omnipraticiens dans une clinique déjà existante? C'est ce que vous envisagez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Compte tenu du volume important de médecins de famille qui pratiquent en cabinet, je pense que oui, parce qu'on a une préoccupation, qu'on soulève ici, qui nous importe beaucoup, c'est... Il y a une recherche actuellement dans le projet de loi d'avoir une meilleure équité interrégionale, ce qui est vrai, mais ce qu'on réalise, nous, de plus en plus, et on a souvent alerté le ministère, c'est: On voit de plus en plus les problématiques d'équité intrarégionale, c'est-à-dire que même un centre urbain à l'intérieur d'une région peut avoir une concentration de médecins et dans une région qui aurait un plan d'effectifs comblé, mais, par contre, on voit qu'il y a des territoires où on n'arrive pas à aller chercher des médecins. Donc, si les médecins de cabinets étaient aussi couverts par ça, on saturerait le milieu urbain puis, à un moment donné, on pourrait aussi les attirer en périphérie ou déconcentrer.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Comme on n'a pas beaucoup de temps, je suis obligé de passer d'un sujet à l'autre. À la page 21, vous nous dites: «En terminant, nous insistons donc sur un financement approprié des établissements de première ligne pour contribuer à créer des conditions de pratique adéquate pour les professionnels et, en définitive, pour la population.» La raison pourquoi je vous pose une question là-dessus, c'est... elle revient, à mon sens, à la décision première pourquoi il y a un projet de loi. Je pense qu'on ne peut pas trouver coupables les membres des conseils d'administration de quelque établissement que ce soit pour des décisions qui ont été prises ailleurs, notamment celle du financement, et il y en a eu un bon nombre dans le passé qui ont travaillé des grosses heures à recevoir la pression, la vraie pression, du public. À l'Assemblée nationale, ici, les gens sont dans les galeries, puis, quand ils tapent des mains ou ils crient: Shoo! le président les sort dehors. Alors, il y a moins de pression. Mais, dans des assemblées de conseils, quand la population descend à 600 puis crie: Shoo! il fait chaud. Et puis souvent, c'étaient pas eux qui avaient pris ces décisions-là, et aujourd'hui, on leur tape sur la tête. Moi, je voudrais savoir: Quand vous me dites que vous insistez sur un financement approprié, est-ce que je crois comprendre que le financement n'est pas approprié présentement?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Écoutez, de manière générale, vous savez que la première ligne souffre d'un sous-financement. Si on regarde la situation en centres d'hébergement de soins de longue durée, nos ressources sont vraiment limites, et aussi, en matière de soins infirmiers, ils sont vraiment très limités. Ce qui fait qu'on a des problèmes à recruter des médecins qui ont besoin aussi... et on sait que les médecins sont des ressources... Ils ont besoin de s'appuyer sur une équipe clinique pour assurer une sécurité aussi à notre population. Alors donc, souvent, on entend nos médecins qui trouvent que nos établissements CHSLD, il y a actuellement un climat qui est difficile à vivre parce que... à cause de ce manque de ressources.
Et, d'autre part, en CLSC, il faut se souvenir qu'en CLSC, depuis qu'on a eu des médecins, il y a jamais eu les frais afférents à la pratique médicale qui ont été inclus aux budgets et, compte tenu des limites de budgets actuellement, on voit souvent que des médecins ? puis, malheureusement, on essaie d'éviter ça ? mais ils sont utilisés à faire des tâches des fois, parce qu'on n'arrive pas à assumer le secrétariat ou autres. Alors donc, on pense que, s'il y avait des... si ces établissements-là étaient mieux budgétisés et que les milieux de travail étaient plus supportables pour les médecins par des équipes professionnelles suffisantes puis par aussi des équipes de soutien qui peuvent faire des tâches secondaires, bien, ce serait aidant.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Avez-vous déjà évalué quel était ce financement dont vous avez besoin?
Mme Gendron (Andrée): Non, pas dans cette matière-là.
M. Fournier: Dans l'ensemble des matières?
Une voix: Bien sûr.
M. Fournier: J'ai pas entendu la réponse.
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Gendron (Andrée): Pardon?
M. Fournier: J'ai pas entendu la réponse. Quel était ce besoin? Je peux relire peut-être.
Mme Gendron (Andrée): Les besoins en financement?
M. Fournier: Oui.
Mme Gendron (Andrée): Écoutez, ces besoins en financement, on les a déjà ? écoutez ? quantifiés...
M. Fournier: Oui, et je vous encourage à nous le rappeler à la mémoire.
Mme Gendron (Andrée): Pardon?
M. Fournier: Je vous encourage à nous le rappeler à la mémoire.
Mme Gendron (Andrée): Écoutez, au niveau des CHSLD, si on veut être capable, avec la clientèle que l'on a actuellement, qui a des besoins très lourds... si on voulait être capable de répondre à 100 % de leurs besoins, incluant les services de réadaptation, et tout ça, on en avait fait une évaluation qui était de l'ordre de 350 millions. Et, en matière de services à domicile, cette évaluation-là, si on voulait arriver au même niveau que les autres provinces, c'était de l'ordre de 250 millions.
M. Fournier: De?
Mme Gendron (Andrée): 250...
M. Fournier: 250.
Mme Gendron (Andrée): ...en services à domicile.
M. Fournier: Merci de cette précision qui nous éclaire.
À la page 7, vous nous parlez de regroupements, c'était ce que le ministre abordait tantôt avec vous, les regroupements. Je vais essayer de... D'abord, j'ai lu votre dernier paragraphe. Il m'arrive parfois de donner raison au ministre. Le ministre a résumé votre dernier paragraphe en disant: Vous avez peur d'être avalés. C'est écrit dans votre dernier paragraphe, c'est ça qui est écrit. Vous avez peur d'être mêlés avec des établissements qui sont plutôt loin de votre mission, et que ces établissements-là sont en grande demande de différents services, différents équipements, qu'il y ait dilution de votre mission par rapport à celle des autres. Donc, je voulais juste... je voulais dire que je pense que vous étiez en accord avec le ministre sur le danger d'être avalés.
Vous parlez d'une porte, et il parlait d'un corridor. J'ai l'impression que votre position est plutôt à l'effet qu'il y ait une porte qui donne accès à un certain nombre de services et que, soit, c'est ce qu'on appelle la hiérarchisation, et oui, il y aurait peut-être un corridor qui donnerait sur une autre pièce. Et votre position, elle est, à mon avis, assez conséquente avec ce que le rapport Clair disait à cet égard-là, et le ministre essaie d'étirer l'élastique un petit peu. Moi, je pense que j'ai très bien compris ce que vous avez dit. On regroupe les gens qui ont des affinités et encore faut-il qu'ils soient partie à cette décision-là.
Ce que je vous demanderais, c'est... En ce moment, le regroupement peut être un peu... un peu beaucoup dicté par une seule personne en haut. Comment, vous, vous voyez ces regroupements-là? Quel processus devrait être adopté normalement pour que ça fonctionne? Parce que des représentations nous ont été faites en disant que, lorsque c'était forcé, parfois ça donnait pas la meilleure union possible, il y avait des parties qui étaient un peu moins consentantes dans l'affaire, et ça commençait déjà en boitant. Vous, comment vous verriez une modification au projet de loi qui ferait en sorte qu'on peut regrouper ce qui est regroupable et, si c'est bon, ça vaut la peine de le faire? Mais comment? Quel processus vous mettriez de l'avant?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Oui. Écoutez, nous, ce qu'on propose ici, parce que, ici, on a proposé un moyen... Ce qu'on voit actuellement, c'est qu'il y a beaucoup de regroupements et il y a des regroupements qui, des fois, se sont faits sur des formes aléatoires, et d'enlever les balises actuellement, ça nous inquiète beaucoup. Oui pour ça, mais, disons, tous les services spécialisés, là. Tout à l'heure, je disais les hôpitaux, mais parlons aussi des centres jeunesse ou parlons de la réadaptation. Ce serait le même problème, parce que c'est pas des services de même nature. Nous, ce qu'on propose ici, c'est que le Québec est probablement rendu au moment où est-ce qu'il faut son réseau d'établissements locaux de services primaires. Donc, il faudrait qu'on le décrive très bien, que des orientations très claires soient données et que, par la suite, par la suite... Et ça ne comprend pas tout et n'importe quoi. Ce sont des établissements primaires où est-ce qu'on retrouverait, dans le fond, les services que l'on retrouve actuellement, CLSC et CHSLD, et ce que j'appelle le petit hôpital local, et qu'à ce moment-là, avec un échéancier donné, peut-être de l'ordre de deux ans ou trois ans, on demande aux régies régionales de faire leur plan de restructuration en y impliquant les établissements pour qu'on puisse aussi le faire avec le personnel, avec les membres des conseils d'administration et qu'on puisse aussi... Parce que, ici, nous, on parle d'un réseau homogène. Mais ça veut pas dire du mur-à-mur. Parce que, à un moment donné, il faut absolument travailler sur la base de notre territoire. Il y aurait des établissements qui... uniquement CLSC, parce qu'ils n'ont pas de CHSLD, on va pas en créer. Quand le CH de moins de 50 lits est pas là, il sera pas là. Mais ce complexe de l'établissement local où est-ce que les citoyens vont, ils sont sûrs d'avoir une réponse, ils sont sûrs d'avoir tel type de services, c'est ça qu'il faudrait établir avec des orientations, mais en donnant des orientations.
n(21 heures)n Et, à cet égard-là, quand on parle de gouverne, nous, on trouve que c'est au niveau du ministre et du ministère à donner une orientation claire de qu'est-ce que c'est qu'un établissement local sur une base territoriale adapté à une communauté et que, par la suite, demande soit faite aux régies régionales de travailler avec leurs établissements pour faire un plan, peut-être que sur une période de deux ans, et qu'à la suite de cet échéancier-là bien que ce soit réalisé. Et, nous, on pense que ça peut être porteur de sens. Parce que la situation actuelle nous inquiète beaucoup, parce que ce qu'on voit, c'est que la situation actuelle permet beaucoup de choses, sans être balisée nécessairement.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une dernière question, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Une dernière question. Je dois avouer que je lisais le texte puis je comprenais pas quel était le danger ou le problème. C'est à la page 31, la santé publique, il y a des nouvelles responsabilités au directeur régional; vous les citez et vous dites: «À cet égard, le plus grand risque pour les CLSC face à l'introduction de cette disposition est d'être interpellés sur tout événement jugé ou perçu comme dangereux ou pouvant porter atteinte à la santé de la population.» À quoi vous faites référence? Quels genres de cas? Et comment ça peut être problématique pour les CLSC?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Ça, je demanderais à...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Taillon.
Mme Taillon (Ginette): Ce qui nous inquiète beaucoup au niveau de la santé publique, c'est que ça règle pas le problème des responsabilités de la régie, qui a des responsabilités en santé publique, et du directeur de santé publique régional. Alors, des fois il y a une dualité, et les commandes viennent de partout, et des fois, ils sont même contradictoires. Alors, nos établissements locaux ont à répondre à ça. Et dans ce sens-là on croit que, pour les responsabilités de santé publique d'urgence et propres à la santé publique qui doivent relever du ministre et du sous-ministre à la santé publique, on n'a pas de problème avec ça, mais, par rapport aux responsabilités régionales de santé publique, de promotion, de développement, de programmes-cadres, et tout ça, il y a quelque chose à clarifier là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Une dernière question. Il reste deux minutes.
M. Fournier: Vous avez peur qu'il y ait une duplication et que, face...
Mme Taillon (Ginette): Qui existe déjà, qui existe actuellement.
M. Fournier: Et qui est maintenue selon vous?
Mme Taillon (Ginette): Oui. Et qui, avec une modification où en plus on peut proposer des mesures et intervenir dans les programmes, ça peut nous inquiéter si c'est pas balisé autrement.
M. Fournier: Est-ce que vous qualifieriez ça de problème de gouverne?
Mme Taillon (Ginette): Oui, effectivement. C'est dans la bonne loi.
M. Fournier: Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Gendron et Me Taillon et M. Tremblay, je vous remercie pour cette participation à la commission.
Alors, j'inviterais la Confédération et les représentants de la Confédération des syndicats nationaux de bien vouloir prendre place, et je suspens quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 2)
(Reprise à 21 h 4)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous entendons maintenant les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, alors: Mme Denise Boucher, qui est vice-présidente de la CSN; M. Michel Tremblay, président de la Fédération des professionnels; M. Louis Roy, président de la Fédération de la santé et des services sociaux; de même que M. Gilles Bégin, conseiller à la recherche au Service des relations de travail. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je cède la parole à Mme Denise Boucher, qui est vice-présidente à la CSN. Mme Boucher, vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme Boucher (Denise): Alors, merci, Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission. Alors, le 18 avril dernier, il y avait un projet de loi qui était déposé, le projet de loi n° 28. On remercie donc la commission des affaires sociales de l'invitation qu'elle nous a fait pour que nous puissions nous prononcer sur la gouverne. Cependant, nous espérons, devant cette commission, convaincre le ministre qu'il ne faut pas aller de l'avant avec ce projet de loi, avant tout qu'il ne faut pas modifier le système de gouverne sans qu'un véritable débat ait pu avoir lieu au sein de la société.
Je vous cacherai pas que l'engagement de la CSN sur les questions de santé ne datent pas d'hier. Nous allons fêter nos 80 ans d'existence au mois de septembre, et depuis 1947 on réclamait que l'État prenne sous sa responsabilité les services de santé. Rappeler aussi que les grands principes de démocratisation de la santé de même... qui incluent la démocratisation des services sociaux et de santé constituent depuis toujours le fil conducteur qui relie entre elles l'ensemble des préoccupations et des revendications de la CSN en matière de santé et de services sociaux.
Nous sommes donc ici à titre de CSN, comme centrale qui a des représentants et des travailleuses et des travailleurs en son sein. Majoritairement aussi, nous composons le personnel syndiqué du réseau de la santé et des services sociaux et de plus nos représentants... nous représentons les travailleuses et les travailleurs qui sont aussi des usagères et des usagers du réseau du service.
Pour nous, l'Organisation mondiale de la santé disait très clairement à un moment donné, lors d'une de ses déclarations, que le citoyen doit être au centre des actions visant la promotion de la santé et du processus décisionnel pour les réaliser si on veut qu'ils soient efficaces. La CSN réitère sa conviction qu'il faut promouvoir un grand contrôle de la population sur sa santé. De plus, la CSN considère qu'une véritable solution des problèmes qui hantent le système de santé et des services sociaux passe impérativement par une transformation de l'organisation du travail, par le développement du travail en équipe et de l'interdisciplinarité.
Mais avant nous voudrions souligner la reconnaissance par le ministre de la volonté des syndiqués des régies de voir négocier leurs conditions de travail dans le même cadre que les autres syndiqués du réseau, ce qui apparaît dans le cadre de ce projet de loi. Pour nous, la consultation est un préalable. Pour nous, il est important aussi qu'après à peine 10 ans de l'entrée en vigueur de la loi 20 le présent projet de loi n° 28 constitue un recul encore plus important, sinon une mise à mort de ce projet de décentralisation et de démocratisation qui est présenté par le projet de loi.
Le projet de loi n° 28 introduit trois grandes modifications à la gouverne du réseau. Premièrement, il propose un retour à une centralisation du réseau et un renversement de l'imputabilité des conseils d'administration. Ce renversement de l'imputabilité s'actualise dans le retrait de l'élection des représentantes et représentants de la population au sein des conseils d'administration des établissements. Deuxièmement, il vise l'exclusion des représentantes et représentants des travailleuses et des travailleurs, des conseils d'administration des établissements. Finalement, le projet de loi consacre une hiérarchisation et une domination du médical sur le social. Le consensus social, une forte participation publique comme dimension essentielle du réseau de la santé et des services sociaux, est donc brisé.
De plus, le mode de consultation et l'absence d'invitation à certains groupes est très critiquable. Nous pensons à des groupes qui auraient dû être entendus, des groupes comme la Coalition Solidarité Santé, à la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires, qui, certes, en ont fait la demande mais qui n'ont pas été écoutés et qui ne seront pas écoutés.
Force est de constater que le débat sur la forme de gouverne que désire la population pour son système de santé n'a pas été fait. Devant le tollé quasi général de protestation soulevé par le projet de loi n° 28, par respect pour les divers groupes impliqués depuis longtemps au système de gouverne actuel et qui ne seront pas entendus, la CSN demande au gouvernement de surseoir à son intention d'adopter l'actuel projet de loi avant la fin de la présente session parlementaire, de voir très rapidement à la tenue d'une véritable consultation publique sur la gouverne dans le réseau de la santé et des services sociaux devant traiter notamment des questions d'imputabilité, de participation et d'appropriation des citoyennes et citoyens de leur système de santé.
n(21 h 10)n Sur l'organisation du palier régional, entre autres sur les modifications proposées au mode de nomination, deux modifications fondamentales viennent transformer le mode de nomination des régies régionales. Premièrement, l'absence des membres des conseils d'administration des régies régionales. Premièrement, l'absence... des membres des conseils d'administration des régies sont dorénavant nommés directement par le gouvernement; deuxièmement, lorsque la nomination se fait parmi une liste de noms proposés par des groupes, soit socioéconomiques, communautaires, syndicaux, etc., c'est le ministre qui détermine ceux éligibles à proposer les noms.
Le premier danger est le retour d'un pouvoir central omniprésent qui risque d'éliminer la médiation entre la vision de la population et celle de l'État. Deuxième danger, perte de légitimité des décisions prises vis-à-vis la population et les établissements, une distanciation entre la population et son système de santé. La tentation ne serait-elle pas trop forte pour le ministre d'exclure les groupes socioéconomiques, communautaires ou syndicaux trop dérangeants et d'éviter les débats sur les candidatures elles-mêmes? Les membres des conseils d'administration changeront-ils en fonction du parti au pouvoir? Nous nous opposons donc au renversement complet de l'imputabilité introduit par le projet de loi n° 28, notamment au mode de nomination des membres des conseils d'administration des régies régionales.
Ce mode de nomination tendra à la déresponsabilisation des populations envers leur système de santé et fera de plus en plus du citoyen un simple consommateur de services. Nous pensons qu'il faut montrer plus de transparence dans les processus décisionnels et augmenter les espaces publics de débat, en plus de favoriser un mode de régulation démocratique du réseau des établissements. Alors que, sous la pression de la volonté des régions elles-mêmes, une forte tendance vers la décentralisation et la régionalisation se manifeste au Québec, que la volonté d'un développement endogène s'affirme de plus en plus, le ministre nage à contre-courant.
Concernant les modifications proposées à la composition des conseils d'administration des régies: premièrement, l'élimination du collège électoral des membres des conseils d'administration des établissements ? c'est plutôt les régies qui nommeront la majorité de ces derniers; deuxièmement, l'élimination des représentantes et représentants du monde municipal; troisièmement, la majorité des membres sont des gestionnaires choisis par le gouvernement sur des critères flous ou à partir d'une liste de groupes prédéterminés par le ministre; quatrièmement, une représentante de la profession infirmière dont un représentant du milieu syndical.
D'une part, la composition révèle une vision économiciste de la santé. L'arrivée massive de gestionnaires extérieurs au réseau public de santé constitue une menace éminente à une pression vers la privatisation du système de santé et des services sociaux. L'article 397.2 est assez paradoxal. Ainsi, les gestionnaires nommés par le gouvernement, reconnus pour leur compétence en gestion et leur connaissance du milieu des services de santé et des services sociaux, ne peuvent par ailleurs oeuvrer dans le réseau. De qui s'agit-il donc? De cadres retraités du réseau, de professeurs, de pharmaciens propriétaires? Pour la première fois, il peut théoriquement y avoir des travailleuses et des travailleurs du réseau qui participent aux conseils d'administration des régies, mais cet accès est réservé à des producteurs de services du domaine médical.
Quant à l'arrivée d'une représentante ou représentant du milieu syndical, nous voyons d'un très mauvais oeil que cette personne, tout comme pour les autres membres des conseils d'administration des régies, soit nommée par le ministre à partir d'une liste de noms suggérés par les organisations syndicales qu'il considérera significative. Cela fait plusieurs années que nous réclamons un siège spécifique aux conseils d'administration des régies pour les organisations syndicales. Cependant, nous continuons de penser que ce poste devrait être élu par un collège électoral syndical représentatif. La composition même du conseil d'administration révèle d'une vision soignante et pas globale de la santé.
Quelques remarques sur d'autres modifications. Forum des citoyens. Le Forum des citoyens part d'une intention louable. Toutefois, en distinguant la participation des citoyennes et des citoyens du processus de décision de la régie, elle devient complètement désincarnée.
Sur le pouvoir d'intervention de la régie et sur le plan des effectifs médicaux des établissements, c'est un pas en avant, mais nous réitérons notre suggestion de régionalisation de l'enveloppe RAMQ afin d'assurer une meilleure répartition des effectifs médicaux en région. Cette orientation est présente depuis au moins la commission Rochon, demandée par un nombre important de groupes depuis ce temps, notamment par ceux des régions périphériques. La commission Clair relevait légalement ce quasi-consensus, mais, sans aucune explication, n'a pas retenu cette orientation. La CSN demande au gouvernement de maintenir l'utilisation de collèges électoraux représentatifs dans l'établissement de la composition des conseils d'administration des régies. Il devrait en être de même pour le nouveau siège réservé au milieu syndical.
Sur la réorganisation de la gouverne des établissements, sur le mode de nomination au conseil d'administration des établissements, première caractéristique, le projet de loi n° 28 inverse le processus en faisant en sorte que ce sont désormais les régies qui contrôlent la nomination et les cooptations d'une quasi-totalité des membres des conseils d'administration des établissements, en première comme en deuxième ligne. Deuxième caractéristique, le projet de loi n° 28 évacue le mode électif des représentants de la population pour le remplacer par un mode de cooptation contrôlé majoritairement par les membres désignés par la régie.
Un commentaire sur le mode de nomination des infirmières au sein des conseils d'administration des établissements. Les infirmières qui participeront ne sont pas nécessairement originaires de l'établissement, même si elles le peuvent. Elles ne sont plus nommées par les travailleuses et travailleurs des établissements mais par la régie, à partir d'une liste proposée par la nouvelle commission infirmière régionale. Celle-ci est d'ailleurs majoritairement composée de non-syndiqués, et la présidence est assumée par une infirmière du cadre du réseau. C'est un peu un système qui tourne sur lui-même et qui génère une concentration du pouvoir. À peine 10 ans après l'adoption de la loi 120, on met enfin, avec ce projet de loi... on met fin, avec ce projet de loi, à la participation directe des citoyennes et citoyens à la gestion de leur établissement. La vision étatique du système sera de moins en moins confrontée à la vision portée par les citoyennes et citoyens.
En ce qui a trait à la composition des conseils d'administration, la première caractéristique est l'expulsion de représentants élus par la population. Cela fait en sorte que les conseils d'administration des régies régionales dont les membres sont eux-mêmes nommés par le gouvernement nomment la quasi-totalité des membres des conseils d'administration d'établissements de première ligne et de deuxième ligne.
Deuxième caractéristique du projet de loi n° 28: l'exclusion des représentants des travailleuses et des travailleurs du conseil d'administration de leur établissement. Les seuls producteurs de services qui peuvent provenir de l'établissement sont les médecins et les infirmières. Précisons que cela n'assure pas qu'ils proviennent de leur établissement; ce qui compte, c'est leur statut professionnel. Troisième caractéristique: la nomination de deux gestionnaires directement par la régie sans aucun critère précis, si ce n'est que leur résidence principale soit sur le territoire.
Le projet de loi n° 28 cherche aussi à assurer un meilleur réseautage et une meilleure hiérarchisation des services de première et de deuxième ligne par la représentation au conseil d'administration des établissements à vocation régionale d'un représentant choisi par et parmi les membres des conseils d'administration des établissements de première ligne. Sous réserve de l'opposition que nous avons exprimée quant au rôle... mode de nomination des conseils d'administration des établissements de première ligne, nous pensons que cette idée favorisant la clarification des rôles de chacun serait à retenir. Il faut aussi saluer l'arrivée d'une personne émanant des services à la petite enfance au sein des conseils d'administration des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, des centres de réadaptation pour jeunes et mères en difficulté d'adaptation, même si encore là le mode de nomination est à revoir.
Pour la CSN, le projet de loi n° 28 remet en cause une des pierres d'assise du système: la prise en charge par la population de ses institutions de santé et de services sociaux. Nous croyons que les efforts pour s'engager dans un processus de décentralisation et de prise en charge par la population de leurs institutions de santé et de services sociaux n'ont pas été faits.
Nous considérons le retrait de la participation des travailleuses et des travailleurs au conseil d'administration de leur établissement comme une véritable gifle quant à l'implication de ceux-ci dans leur milieu. Cette expulsion des représentantes et représentants des travailleurs des lieux de décision sonne comme un désaveu, une non-reconnaissance de leur contribution pourtant si nécessaire à l'amélioration des services dispensés par leur établissement. Ceci est à contre-courant de toute tendance moderne de gestion, qui cherche à associer plus étroitement les travailleuses et travailleurs aux décisions concernant l'avenir de leurs entreprises ou de leur institution et à l'organisation de ses services.
n(21 h 20)n La CSN demande au gouvernement qu'une large place demeure réservée à des représentantes et représentants élus par la population et les usagères et usagers dans la gestion des établissements du réseau et que la participation publique demeure un des fondements du système de santé et de services sociaux. La CSN considère que le gouvernement devrait chercher à développer l'appropriation par la population de ces institutions publiques plutôt que de chercher à les en éloigner. La CSN demande au gouvernement de rétablir la présence des représentants des travailleuses et travailleurs choisis par et parmi eux au conseil d'administration des établissements.
La CSN demande au gouvernement de revenir à une représentation combinée des citoyens, des travailleurs, des usagers, des professionnels et des administrateurs du réseau, car cela permet qu'il y ait une conciliation des intérêts et un développement d'une forme de régulation démocratique et collective du système de santé et de services sociaux. Par sa composition même, cette forme de gouverne permet d'assurer le caractère public du régime.
Enfin, avant de conclure, les modifications que le projet de loi n° 28 apporteraient à l'organisation de la santé publique, compte tenu du peu de temps que nous avons eu pour réagir au projet de loi, nous nous restreindrons donc à deux commentaires sur ces modifications.
L'article 103 du projet de loi ajoutant le mandat de réaliser les activités et d'effectuer toutes les tâches qui lui sont confiées à l'Institut national de santé publique est problématique à nos yeux. Nous voudrions signaler à la présente commission que, lors de la mise en place de l'Institut, nous étions d'accord avec la fonction d'administration des laboratoires nationaux lui étant confiée. Cependant, la présente modification va au-delà de l'administration des laboratoires et, à partir d'un mandat confié à l'Institut, peut permettre l'impartition d'activités gérées par les DSP et les CLSC.
L'article 58 du projet de loi est aussi problématique à nos yeux. Nous nous inquiétons, entre autres, de l'ajout d'un mandat donné à la direction de santé publique d'informer et de conseiller la régie sur les services préventifs utiles à la réduction de la mortalité et de la morbidité évitables. Alors que la DSP supervise et planifie déjà ces services offerts par les CLSC, nous craignons que cette modification apportée par le projet de loi n° 28 permette aux régies de se sous-contracter ces services préventifs aux entreprises privées ou organisations communautaires.
Alors, je termine là-dessus, Mme la Présidente, en indiquant que les camarades qui sont avec moi pourront répondre à des éléments particuliers spécifiques aux questions du ministre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Boucher, pour la présentation de votre mémoire. Vous voulez ajouter quelque chose?
M. Roy (Louis): Oui. Mon nom est Louis Roy, président de la Fédération de la santé et de services sociaux de la CSN. Si vous permettez, il nous reste deux minutes dans le cadre de notre présentation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.
M. Roy (Louis): Alors, j'aimerais en profiter pour dire deux petites choses très rapidement, mais malheureusement, très crûment. Il y a deux points qui sont positifs dans le projet de loi n° 28 selon nous. Il y a la question de la volonté d'une meilleure répartition des médecins dans les régions, ce avec quoi nous sommes en accord, et la modification du régime de négociations pour les personnes syndiquées des régies régionales. Ça nous apparaît deux modifications intéressantes.
Malheureusement, pour le reste, nous considérons que tout le reste doit absolument être mis au rancart et faire l'objet de discussions beaucoup plus sérieuses que celles qui ont été faites par la commission Clair. Parce que nous pensons que le projet de loi est vicié dans son essence, dans le sens où il part de considérations qui ont été faites dans le rapport de la commission Clair, par exemple sur la participation des personnels, alors qu'il n'y a jamais eu aucun bilan sérieux et intelligent de fait sur cette question-là, et que le ministre, malheureusement pour lui, s'est basé sur des informations qui sont fausses au départ et que c'est sur ces informations-là qu'il expulse à la fois et les citoyens et les personnels des conseils d'administration, alors que, s'il y a des gens qui aident à faire en sorte que le réseau puisse avancer et maintenir ses orientations de santé globale, ce sont justement les gens qui représentent la population et les gens qui représentent le personnel aux conseils d'administration.
Alors, nous, on pense que le projet de loi est mal basé. Il est basé sur des affirmations fausses qui sont effectivement incluses, on l'a vu tout à l'heure dans la présentation des CHSLD et CLSC, dans le rapport de la commission Clair, mais qui n'ont jamais été étayées et qui, en aucun cas, ne se sont avérées. Donc, il faut qu'on prenne le temps de revoir le projet de loi en y incluant cette fois-ci la participation sérieuse des citoyens sur cette discussion-là et du personnel. Je vous remercie, Mme Gagnon-Tremblay.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, M. Roy. Je cède maintenant la parole au ministre.
M. Trudel: Merci à la CSN de sa présentation et de sa lecture... de sa lecture de la situation. Il y a quand même une expérience terrain qui nous amène à scruter avec détail, attention, précaution ce que vous.. ce que vous nous donnez comme réflexion à l'égard de l'évolution de la question de l'administration, parce que c'est de ça qu'il s'agit en soi, de l'administration de notre système de santé et services sociaux, son évolution historique et le point où on en est rendu.
Prenons cette première tranche qui s'est globalisée, qui s'est illustrée par les mots «élus de la population», les élus de la population. J'étais de l'autre côté de la table, vous le rappelez dans votre mémoire longuement, en 1990-1991, et je me rappelle parfaitement que le ministre à l'époque avait indiqué: Nous allons faire un essai loyal. Nous allons faire un essai loyal. Parce que le ministre convenait à l'époque que ce n'était pas de la décentralisation, que, tout au plus, c'était de la déconcentration, et qu'une véritable décentralisation eut impliqué, par exemple, un pouvoir de taxation au niveau régional, parce que ça va de pair. Ça va de pair. Et le ministre d'emblée avait indiqué... le gouvernement avait indiqué à cette époque qu'il fallait faire un essai loyal avec les assemblées publiques, les collèges électoraux et la possibilité que la population aille porter leurs voix jusqu'au conseil d'administration.
Le résultat net, le résultat net... Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à une assemblée publique annuelle, là. Moi, j'ai fait ça, puis pris un bon café avec ma voisine, j'ai pris un bon café avec ma voisine puis avec quelques amis, et c'est à peu près tout. Et finalement tout le monde convenait qu'il s'agissait là d'un lieu... Bon, il y avait eu un essai loyal. C'était pas trop pire, c'était un essai loyal. Ç'a pas fonctionné. Bon. Élus de la population, on s'est fait dire des choses à la commission, ici, qui sont dites dans la commission Clair et qui sont illustrées un peu partout.
Là, vous me direz pas que vous avez pas vu passer les autobus jaunes, vous autres, là. Vous me direz pas ça. Vous avez vu ça, vous autres, rien qu'en masse. Vous avez vu ça, comment ça se faisait, des élections, par 0,2, 0,3, 0,4 % de la population? C'est pas compliqué. Il y a quelqu'un qui nous a conté ça vendredi soir tard, à 11 heures, ici, là. Il nous a fait rire un peu. Il nous a descendu... il nous a illustré ça, là. Il m'a dit: C'est pas compliqué; j'ai décidé de porter mon nom, puis je me suis paqueté un autobus, puis j'ai fait le tour, puis je suis allé au conseil d'administration.
Qu'est-ce qui fait qu'on défend un système? Il faut bien regarder la réalité en face. Non seulement il n'a pas donné des résultats, mais il prête ? je pense qu'on peut dire ça entre nous ? il prête flanc au noyautage. Et de prétendre par après qu'on est représentants de la population, vous ne trouvez pas ça un petit peu fort?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boucher.
Mme Boucher (Denise): M. Trudel, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Il y a peut-être eu effectivement des assemblées de régie où il y n'avait peut-être pas beaucoup de monde, mais j'ai participé à des assemblées de régie où il y avait beaucoup de monde et où il y avait beaucoup de monde qui était préoccupé sur ce qui allait se passer dans leur agglomération: la Régie régionale de la santé et des services sociaux à Québec, le Centre mère-enfant, qui a mobilisé, je vous dirais, assez largement la population, où même les gens de la régie qui participaient avaient même pris une décision démocratique qui n'a pas été retenue par la ministre de l'époque.n(21 h 30)n Or, vous savez, les gens... Vous nous dites: C'était un essai loyal. Les gens qui sont allés là, pour eux autres, ce n'était pas un essai. Pour eux, ils croyaient à ce qu'ils faisaient; ils y allaient pour représenter la population, ils y allaient aussi à la connaissance de ce qu'ils avaient entre les mains pour juger. Alors, je suis un petit peu... Mais en même temps je suis déçue parce que c'est de banaliser l'effort que des citoyens et des citoyennes ont fait pour participer à la vie active qui était celle, entre autres, de prendre en main leur système de santé, leur réseau de santé. Mais, en même temps qu'on a fait cet essai loyal là, je voudrais qu'on se rappelle aussi qu'on l'a fait dans des moments où on a fait des compressions aussi importantes, et on a demandé à ce monde-là de faire une job de compression. C'est ça aussi.
Et, quand vous dites aussi, parce que, là on parle des régies, mais vous avez dit aussi que, souvent, les travailleurs, même dans les établissements, allaient là pour répondre juste à leurs propres intérêts, bien il y avait du monde qui était assis là, qui regardait leurs propres intérêts puis c'étaient pas juste les travailleurs. Puis on risque d'en retrouver dans ce qu'on va revoir dans les conseils d'administration d'établissement. Alors, je sais que M. Roy voulait intervenir là-dessus, là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Roy, en complément de réponse.
M. Roy (Louis): Merci, Mme la Présidente. Bien, vous savez, on dit moins de 1 %, mais, vous savez, parfois 1 % de votes ou de participants, ça peut faire toute la différence entre un oui ou un non, hein? Et ça, c'est quelque chose qui est extrêmement sensible.
Les gens qui participent au début à un processus démocratique, il est parfois malheureusement pris dans des situations comme celle que vous évoquiez, de noyautage. Mais je voudrais... Sans vouloir faire de démagogie, ce n'est pas parce qu'on a raté une élection en Haïti qu'on va jeter la démocratie avec l'eau du bain, là.
Alors, toutes ces questions-là, nous, on considère que, oui, il y en a et il y en avait, des problèmes là-dessus. Mais, en même temps, dans le cadre de l'organisation des services de santé et de la participation citoyenne, on est aux balbutiements de la participation des citoyens et des citoyennes. Et elle est extrêmement difficile, tellement que l'Organisation mondiale de la santé, à chaque année dans son rapport, précise qu'il faut augmenter cette participation citoyenne là.
On ne peut pas s'attendre à ce que des gens se prennent en main sur leur organisation de santé du jour au lendemain, surtout si, comme gouvernement, on ne les soutient pas dans cette participation-là. Ce n'est pas facile pour des gens, là, d'aller se présenter au conseil d'administration d'un hôpital ou d'une régie régionale. C'est extrêmement complexe et difficile. Je l'ai vécu pendant plusieurs années moi-même. Et il me semble qu'il y avait depuis quelques années justement une nouvelle sorte de participation où les gens, peut-être à cause des compressions budgétaires, se sont rendu compte que leurs décisions avaient beaucoup d'impact sur l'organisation des services de santé. Ils en étaient parfois désolés, mais, au moins, la prise de conscience, elle était beaucoup plus grande. Il me semble que le gouvernement aurait dû tabler sur cette nouvelle prise de conscience pour faire en sorte que, maintenant qu'on est sorti des compressions budgétaires, de faire en sorte que les citoyens et les citoyennes participent encore plus.
La question électorale, vous le savez, vous êtes d'ailleurs plus familier avec ça que moi, mais la question électorale, susciter l'élection, c'est quelque chose qu'on fait assez bien dans nos partis politiques, dans nos élections provinciales, fédérales, un peu moins bien dans les élections municipales, un peu moins bien au niveau scolaire, et, au niveau de la santé et services sociaux, on est aux balbutiements.
Et, sur la question de la participation, écoutez, je m'en excuse, là, mais de dire qu'on va arrêter la participation citoyenne parce qu'il y a peu de présence aux assemblées, moi, je viens, je suis venu ici voir l'Assemblée nationale, je pense qu'il y a pas beaucoup de monde qui vient vous voir travailler en direct et ça vous empêche pas de continuer à maintenir tout ce système-là. Alors, que des gens viennent participer à des assemblées sur la question de l'organisation des services, c'est tout à fait normal que ces gens-là viennent quand ils ont un problème particulier à régler. Moi, j'ai vu des personnes handicapées physiques venir à mon assemblée de CLSC parce qu'ils avaient un problème avec les services à cette catégorie de personnel là. Parfois, ce sont les employés; parfois, ce sont d'autres types de gens, mais on ne peut pas, comme la commission Clair le fait, dire que, parce qu'il y a parfois une ou deux personnes dans les assemblées, que les citoyens se désintéressent de la question. Moi, je ne suis pas d'accord avec l'idée de faire ce lien direct là et, s'il y a un devoir du gouvernement, c'est bien de susciter cette participation-là.
Et, nous, on pense que de sortir à ce moment-ci des représentants de la population, eh bien, c'est de tuer cette participation-là pour plus de 10 ans parce que ça a pris 10 ans à commencer à monter cette nouvelle... ce nouvel intérêt, pardon, et on va l'éteindre maintenant; c'est tout à fait inadmissible.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Les assemblées publiques, les assemblées des conseils d'administration des établissements et des régies régionales, tel que l'indique le projet de loi, seront toujours publiques. C'est indiqué dans le projet de loi. On faisait plutôt référence à l'assemblée annuelle, à l'assemblée annuelle qui a été, faute de participants, annulée en 1996. Il n'y avait pas de participants. Les réunions de conseil d'administration des établissements publics étaient publiques et seront publiques. Elles vont toujours continuer à être publiques pour que les gens puissent s'y exprimer.
Qu'est-ce qu'il faudrait changer, à votre avis, pour qu'il y ait intéressement? Parce que, là, qu'est-ce que vous voulez, on s'obstinera pas des heures et des heures, là. Il y a un système en place qui invitait la population et puis il y a 1 % seulement. Ce qui est présenté ici, c'est: Demandons à la société civile constituée ? ça existe, ça, hein, n'est-ce pas? ? la société civile constituée en groupe d'indiquer quelles sont les personnes et que les personnes de la communauté elle-même, le conseil d'administration de l'établissement, cooptent les membres de la communauté pour administrer l'établissement. Qu'est-ce qu'il faudrait faire? Puisqu'il y a beaucoup d'établissements, je sais, j'ai été à Hochelaga-Maisonneuve, Alors, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'efforts ont été faits pour susciter la participation et puis il y a pas personne à blâmer, y compris qu'on peut pas introduire le syllogisme de dire: Parce qu'il va y avoir un mode de désignation autre, ça blâme celles et ceux qui ont été là. C'est un syllogisme qui ne résisterait pas à la dissertation. Qu'est-ce qu'il faudrait mettre en place pour faire en sorte que ça puisse produire une élection au suffrage universel qui, par exemple, permettrait à la majorité de la population de s'exprimer?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boucher. Oui, M. Roy.
M. Roy (Louis): Bien, écoutez, d'abord et avant tout, les élections dans le système de santé et des services sociaux, il a été d'une certaine manière un peu éparpillé. Il y a des années où les élections ont été reportées d'une année à l'autre. Donc, la première chose, si on veut intéresser les gens à un système électoral, surtout dans ce genre d'endroit là, bien, ça prendrait d'abord un système stable, fixe, mais aussi un soutien populaire.
On ne peut pas demander aux gens de s'installer sur un conseil d'administration comme ça. Il faut une certaine formation, un certain support. Est-ce que ça peut passer par les groupes constitués sur un territoire, par exemple? Donc, un support en termes administratifs d'abord de dire à ces organisations-là: Il y a des élections, par exemple, je sais pas, à tous les deux ans, trois ans, quatre ans, c'est telle date, premier lundi de novembre ou premier dimanche de novembre, et, après ça, les intéresser et leur rappeler leurs responsabilités sociales. Parce que là on a beaucoup compté sur l'apport d'individus.
Moi, je me souviens, la première année, aux régies régionales, on a vu une grosse bataille politique sur l'élection de l'assemblée constituante, là, hein? Et vous étiez, vous, les deux partis politiques, assez impliqués dans ces questions-là. Alors, pourquoi ne pourrait-on pas, au-delà des questions de partisanerie, intéresser la population à son propre avenir au niveau de la santé et des services sociaux? Mais, évidemment, penser que ça va se faire par l'opération du Saint-Esprit, tout seul comme ça, c'est totalement illusoire.
Moi, je dirais, vous avez dit tantôt que c'était un essai loyal de M. Marc-Yvan Côté, moi, je pense qu'au départ, oui, l'idée a été de faire un essai loyal. Malheureusement, sur le terrain, elle n'a pas été soutenue par la suite. Et impliquer les gens ? moi, je travaille en prévention de la santé quand je travaille au CLSC Hochelaga-Maisonneuve ? impliquer les gens dans leur propre santé, c'est un travail de quasi tous les instants ? personnelle, leur santé personnelle ? alors, les impliquer dans l'administration de la santé, si on veut le faire, bien, il va falloir le faire beaucoup plus intensivement que ce qu'on a fait dans le passé.
n(21 h 40)n C'est évident que, si on prend une photo, cette année ou l'automne dernier, de la participation citoyenne, on peut être déçu et penser qu'il n'y a plus d'espace citoyen, que les gens ne s'y intéressent pas. Et, même si c'était vrai, il me semble que les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé devraient nous amener à dire: Bien, oui, ils ne s'intéressent pas, mais que pouvons-nous faire pour les y intéresser? plutôt que de dire: Bon, ce système-là fonctionne pas, mettons-en un autre. Parce que la participation citoyenne, elle est d'abord et avant tout quelque chose qui fait en sorte que notre société a un avenir ou pas. C'est vrai dans les élections pour nos représentants politiques, mais ça devrait théoriquement être vrai partout. Et ça n'est pas un discours rhétorique. Je comprends, par ailleurs, que ça peut paraître un discours théorique, mais, en même temps, il faut se donner comme avenir politique cette vision-là de faire en sorte que les gens se prennent en main. Et là c'est le choix du gouvernement: se prendre en main administrativement ou se prendre en main individuellement sur les notions de santé. Nous, on pense qu'on doit y aller sur les deux volets et pas uniquement sur la responsabilisation personnelle face à leur état de santé. Donc, oui, leur responsabilisation sociale, collective sur l'administration des soins. Et c'est dans ce sens-là que vont nos recommandations dans le document.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes, M. le ministre.
M. Trudel: Forum, forum, forum, forum. Forum des citoyens, toujours parce que vous avez bien raison, tantôt, là. Vous avez dit en gros, vous vous êtes inspirés beaucoup de Clair. Oui, oui on est dans la foulée du résultat de l'examen. Ce qui n'amène pas à adopter automatiquement tout le rapport, mais on est dans cette foulée-là. Donc, l'invitation à créer des forums régionaux, est-ce que vous pensez que nous pourrions introduire des variantes régionales quant à l'organisation même de cette voie pour les citoyens en santé et services sociaux dans chaque des régions? Je donne comme illustration, on va prendre les deux bouts du continuum ? Mme la Présidente, je vais aller rapidement ? par territoire de régie régionale, ça veut dire l'île de Montréal, d'une part, puis la Gaspésie, d'autre part. Est-ce qu'à votre avis on pourrait introduire une géométrie variable dans ces forums de la population pour favoriser davantage dans un autre cadre, là, mais qui favorise quand même, favorise davantage l'expression des besoins de la population et la mesure de leur satisfaction quant à la réponse donnée?
Mme Boucher (Denise): Moi, je répondrais là-dessus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boucher.
Mme Boucher (Denise): Mme la Présidente, moi, je vous répondrais là-dessus: Si j'avais à poser cette question-là, moi, chez moi, à la CSN, les gens diraient: On n'est pas capables de faire du mur-à-mur. Ça existe pas, le mur-à-mur. Alors, c'est sûr que la problématique de ce qui se passe en Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, c'est pas celle qui se passe sur l'île de Montréal. Alors, j'ose espérer, parce que le modèle du forum n'est pas très clair non plus, bien, j'ose espérer que, si vous l'implantez, vous allez tenir compte des dynamiques régionales, effectivement. Et c'est pour ça qu'on disait tout le temps: Il faut que les gens, qu'ils aillent dans cette décentralisation, dans cette déconcentration. On aurait aimé qu'elle soit... Il y a toujours la dynamique entre décentralisation, déconcentration, là, mais on aurait... on aimerait que la population puisse bien prendre en compte ses besoins de santé et qu'elle puisse dicter c'est quoi, les besoins dont elle a.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. le ministre.
M. Trudel: Merci beaucoup.
Mme Boucher (Denise): Merci.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je cède maintenant la parole au député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. À cette heure-ci, des fois, on se demande d'où on vient. Bonjour à tous. Merci beaucoup pour votre mémoire.
D'entrée de jeu, je voudrais parler du sujet qu'il a été question depuis le début. Je pense que, à cet égard, si, pour les CLSC, on avait un peu mis de côté le premier sujet, qui était le processus démocratique et les élections, dans votre cas, je pense que c'est clair dans le mémoire; le ministre l'a aussi abordé passablement. Je remarque, notamment à la page 9, que vous le posez en termes de médiation entre la vision de la population et celle de l'État. C'est ce que, moi, j'appelais l'équation entre les services à donner et le financement pour ces services-là. Si on débalance l'équation et qu'il y a juste l'aspect ressources financières qu'on a et on doit se gouverner en conséquence, bien, l'information de la population ou l'input de la population sur les services à recevoir n'étant plus là, il y a un débalancement, et je pense que c'est ce que vous soulignez. Je veux juste vous dire que je partage votre point de vue.
Pour ce qui est des autobus jaunes, je disais hier: En démocratie ? vous connaissez ça dans le monde syndical aussi ? lorsqu'il y a des élections, bien, ça s'organise. Et, à moins que le ministre me dise que, dans son comté, il ne fait pas de pointages puis il n'appelle pas le monde pour aller voter ? ça se peut, je ne sais pas ? de manière générale, lorsqu'il y a des élections, bien, le monde s'organise. D'ailleurs, plus il y a de monde qui va s'impliquer au niveau de la santé, ça n'amènera pas un débalancement ou une réduction du nombre d'utilisations d'autobus jaunes ou de monde qui s'implique. Ce qu'on vise, c'est que les gens embarquent de plus en plus. Vous n'êtes pas les premiers qui disent finalement: On n'est pas là pour jeter le bébé avec l'eau du bain, là. S'il y a eu un essai... Puis, encore là, est-ce que l'essai est probant ou pas? Bon, le ministre nous a dit que c'était 0,9 %, là on est rendu à 0,4 %. D'ici à demain soir, j'ai l'impression qu'il va y avoir moins de monde qui a voté que ceux qui ont été élus. Mais peu importe, il y a eu... C'est qui? c'est la Conférence des régies ou je ne sais pas trop qui est venue nous expliquer que, à l'égard des régies régionales, quand les collèges électoraux, là, les institutions, les services communautaires, tout ça... on pouvait parler de 40 à 80 % des organismes qui sont visés dans les collèges qui participaient.
À l'égard du point 9, il fallait tenir compte du fait qu'il y avait un bon nombre de gens directement concernés par la santé qui n'avaient pas le droit de vote. Ça change pas mal le portrait, et la conclusion finale, c'est que, si on croit vraiment que c'est important d'avoir le pouls de la population, on s'arrange pour leur donner un forum pour qu'ils puissent s'exprimer, et ce forum-là, c'est, un, des élections, deux, la capacité de se présenter devant un conseil d'administration où les gens ont le mandat de cette population.
Parce que c'est beau de dire que tout le monde... Dans le fond, tout le monde est membre de la population, les gens que le ministre va nommer, c'est des citoyens qui sont membres de la population. Jusqu'à un certain point, on peut dire que voilà des gens de la population qui sont là. Mais de qui sont-ils redevables? À qui devront-ils répondre? Poser la question, c'est y répondre, hein? Comme je vous disais hier: Le pouvoir de nommer contient et comporte le pouvoir de destituer. Alors, c'est tout dire à l'égard du pouvoir du ministre.
Tout simplement, pour poser la question bêtement, vous parlez de la pyramide inversée: Est-ce qu'on veut avoir des conseils d'administration qui, dans l'équation, continuent de répercuter ce que le citoyen voudrait de son système de santé? Je pense que vous l'avez bien mentionné tantôt, à savoir que, si on veut les amener à mieux assumer de nouvelles responsabilités comme citoyens à l'égard de leur propre santé dans le domaine de la santé publique, une bonne clé pour ça, c'est de leur ouvrir la porte à ce qu'ils puissent aussi être concernés par l'ensemble des services pour la collectivité. Le reste, c'est une question de... c'est une question de dosage. Enfin, j'ai toujours pensé que le citoyen était un ? pour prendre cet exemple-là ? un actionnaire du réseau, et c'est pas le ministre qui est l'actionnaire, c'est les citoyens qui le sont, et puis ils ont différents moyens de s'exprimer. Un des moyens, c'est des élections provinciales; un autre moyen, c'est des élections au niveau des établissements locaux. Et je pense qu'on doit pas perdre ça de vue. Vous êtes pas le premier groupe qui le dit, puis j'espère que le ministre va finir par comprendre cet élément-là. D'ailleurs, je rappelle toujours que le rapport... que Michel Clair ne se retrouve pas dans le projet de loi; lui-même souhaitait que le processus électoral soit maintenu.
Ceci étant, ça m'amène à deux questions que j'ai concernant votre mémoire, où on ? parce qu'on a pas beaucoup de temps ? vous avez pas pu élaborer plus qu'il faut, mais j'aimerais ça, moi, comprendre un peu plus. C'est à la page 17. Lorsqu'on regarde la participation des travailleurs, vous nous dites notamment que «le développement de l'interdisciplinarité et du travail en équipe est essentiel à l'amélioration des services et de l'intervention clinique dans les services sociaux et de santé. Si l'information est de plus en plus reconnue comme ressource stratégique et source de pouvoir au sein des organisations, son corollaire nécessaire, la participation des producteurs de services l'est beaucoup moins et est pratiquement bannie de notre système de santé».
J'aimerais que vous me parliez un peu plus de la participation. Comment s'exprime la participation des travailleurs sur les conseils d'administration. Je sais, j'ai entendu beaucoup de choses qu'on pourrait appeler parfois des préjugés. Il y a des histoires qui existent. Sont-elles vraies ou si ce n'était pas nécessairement toujours là? J'ai une... Je viens pour vous... Juste pour vous aider ? ça m'aide aussi en le disant: En venant de Châteauguay, j'ai un hôpital chez nous, qui est l'hôpital, le centre hospitalier Anna- Laberge, qui... dont on m'a dit, les gens de l'interne ? et d'ailleurs, autant des gens... des travailleurs syndiqués que de l'administration ? combien ça allait bien au niveau de leurs relations et que la coparticipation, si on pouvait dire, de l'ensemble des intervenants à l'administration de l'établissement avait été profitable.
Alors, peut-être que je suis un cas à part chez nous puis que, dans tout le réseau, ça va mal puis, chez nous, ça va bien ou peut-être des cas comme chez nous, ils se répètent ailleurs. Alors, je voudrais vous entendre: Sur l'ensemble de l'oeuvre de votre participation, est-ce que les histoires qu'on raconte, notamment dans Clair, sont vraies? Et qu'arrivera-t-il si les travailleurs n'y sont plus?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boucher.
Mme Boucher (Denise): Je vais demander à M. Roy de répondre.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Roy.
n(21 h 50)nM. Roy (Louis): Bien, écoutez, premièrement, ça fait 30 ans que les personnels du réseau participent sur les conseils d'administration des établissements. Or, de se faire mettre à la porte à ce moment-ci, au moment où on nous dit et toutes les études confirment que les gens se sentent délaissés, ce qui crée une certaine morosité dans le réseau, on pense que c'est une gifle tout à fait inacceptable. Et je ne voudrais pas médire de M. Clair, là, mais M. Clair est un administrateur de centres, d'établissements privés où il n'y a pas de représentants du personnel du réseau. Et, nous, nous avons développé une mécanique de support aux personnes qui le veulent bien. Parce qu'il faut bien comprendre, là, que les personnes qui sont élues représentantes du personnel ne sont pas des personnes automatiquement représentantes des syndicats. Il y a beaucoup de mythes autour de cette question-là. Et, personnellement, moi, ça m'a pris dix ans à me laisser convaincre qu'il fallait qu'on soit là comme représentants du personnel. Parce que, moi, personnellement, je pensais qu'il y a une distinction à faire entre la gestion et le personnel syndiqué. Alors, après m'avoir convaincu en 1983, on arrive aujourd'hui à nous dire que c'est tout à fait inutile que les personnels siègent là, à l'exception, là, de ceux et celles qui seraient nommés représentants des infirmières.
Alors, écoutez, moi, je pense qu'il y a une lecture ? et c'est ce que je disais au tout début ? tout à fait fausse sur laquelle repose le projet de loi. Et c'est pour ça qu'on en demande le retrait. Parce que ce n'est pas vrai que les personnels nuisent à l'administration des établissements. Et la journée où ça sera vrai, bien on se tirera dans le pied, comme personnel du réseau. Qu'on nous dise qu'on n'est pas toujours d'accord, et surtout en période de compressions budgétaires... bien, écoutez, c'est pas une secte, un conseil d'administration, hein? Les gens n'ont pas à tous être d'accord sur les orientations et sur les votes. Que, nous, nous assistions, comme personnel, dans un conseil d'administration et que nous tentions de faire en sorte de faire avancer certains points de vue, c'est tout à fait normal. Et qu'un directeur général ou qu'un directeur du personnel d'un établissement fasse la même chose, c'est tout à fait normal. Et, à ma connaissance, il n'y a jamais eu de conseils d'administration qui se sont embourbés dans des procédures où les gens auraient inscrit leurs dissidences et faire en sorte que l'administration se soit totalement arrêtée, ça n'a jamais été le cas.
Mon propre établissement, en 1989, a été mis en tutelle par le ministère sous prétexte que le conseil d'administration refusait d'appliquer les sanctions de la loi 160 au personnel syndiqué qui avait fait la grève, le conseil d'administration considérant que les gens avaient rendu des services essentiels tout à fait conformes à l'esprit de la loi. Et le conseil d'administration a été mis en tutelle.
Alors, de se faire dire que les représentants du personnel ont fait en sorte de nuire à l'avancement du développement, de la gestion et de l'administration du réseau, c'est tout à fait insultant. Les gens du personnel qui siègent sur les conseils d'administration donnent le point de vue interne, donnent le point de vue de ceux qui vivent le réseau au quotidien à des gens qui viennent de l'extérieur, représentants de la population qui, eux, n'ont pas cette chance ou cette malchance ? dépendamment du point de vue où l'on se place.
Alors, il me semble qu'il y avait là un certain équilibre à maintenir, comme il pourrait y avoir, par exemple, un équilibre à maintenir entre un éventuel forum de citoyens ou de citoyennes et la structure actuelle d'élections. Pourquoi l'un remplacerait-il l'autre? On élit des gens. Il me semble que, l'idée étant de soutenir cette participation-là, le forum de citoyens pourrait être une de ces idées-là pour faire en sorte qu'il y ait un endroit, un lieu d'échange, annuel ou autrement, qui permettrait aux représentants de la population d'aller se faire confirmer ou d'aller se faire dire par d'autres personnes de la population: Bien, écoutez, on pense que oui ou on pense que non. Sans que ça devienne un collège électoral électif, ça peut quand même être un lieu intéressant de consultation. Mais pourquoi les opposer et les mettre incompatibles l'un à l'autre? Nous, on pense qu'il n'y a pas d'incompatibilité. Il pourrait y avoir une certaine symbiose entre les deux, mais pas les mettre en opposition; ça ne nous apparaît pas pertinent.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Je vous écoutais parler de la façon dont vous assumiez votre fonction sur un conseil d'administration. Je pense que c'est le Conseil des malades... de protection des malades qui disait que, de temps à autres, mais assez fréquemment, les représentants des travailleurs de l'établissement et les représentants de la population, élus par la population, se trouvaient à être du même côté dans l'équation ? toujours la même équation dont on parle ? parce que, eux, ils regardaient le service à rendre soit de la façon qu'il était rendu dans l'établissement par les professionnels qui sont là, les gens qui travaillent dans l'établissement, soit par la population qui voit le service auquel elle a droit quand elle ouvre la porte puis elle rentre dans la bâtisse et que, ça, ça permettait de faire un contrepoids à l'ensemble des normes, des règles qui arrivent de haut lieu et en nombre assez considérable et qui vient dicter la façon de faire, surtout en termes budgétaires. Et, moi, ce que je pense, c'est que ? et je pense que vous aussi ? c'est que l'objectif ici est de restreindre ceux qui parlent en termes de dispensation de services pour maximiser ceux qui parlent en termes de budget et d'équilibre à atteindre dans le budget.
Et, moi, bien franchement ? même le ministre devrait accepter ça ? ça fait partie de l'imputabilité d'avoir à rendre des comptes lorsque deux groupes ont des visions différentes au sein d'une unité de décision. À un moment donné, bien, l'imputabilité, c'est que quelqu'un va trancher. Vous savez, ici, à l'Assemblée nationale, on n'est pas toujours d'accord d'un côté et de l'autre, et il arrive à un moment donné où il y a des élections et les gens, étant informés, j'espère, le mieux possible, ont ce choix à faire.
Mais tout ça commence par l'information et, à partir du moment où on biaise le processus à sa base en écartant les gens qui ont une vision plus de dispensation des services, à savoir s'ils sont tous offerts, de quelle façon ils sont offerts, on vient déjà de corrompre le processus à sa base parce que tantôt, même ici, à l'Assemblée nationale, lorsque les choix sont faits dans une équipe ou l'autre, elles ne sont plus faites de façon aussi éclairée qu'elles pouvaient l'être avant parce que l'équation est brisée dès le départ. Mais enfin.
Je voudrais revenir sur une dernière question peut-être que j'ai le temps de vous poser. Je vais vous la poser en vrac. À la page 19, vous nous parlez de l'Institut national de santé publique et des dangers d'impartition et du DSP, des pouvoirs de la régie et encore une fois de la possibilité de sous-contracter des services préventifs. J'aimerais ça si vous pouviez... Vous le dites vous-même, c'est une conclusion. Vous avez pas eu le temps de vous allonger plus là-dedans. J'aimerais ça comprendre plus ce que vous voulez dire, quels sont les risques par rapport à aujourd'hui, ce qui existe, ce qui va arriver demain et les conséquences qu'il risque d'y avoir.
Mme Boucher (Denise): Ça va être M. Tremblay parce que vous avez pu remarquer qu'on est très collégiaux. Alors, on a les représentants de nos deux Fédérations qui oeuvrent dans le réseau. Alors, M. Tremblay va répondre à votre question.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Michel Tremblay.
M. Tremblay (Michel): Michel Tremblay de la Fédération des professionnels. Alors, brièvement, dans le cadre de ce qui est proposé par rapport à la santé publique, c'est un des aspects du projet de loi où on touche directement une mission de la santé et des services sociaux. Et donc on vient un peu triturer ou jouer dans un domaine où il y a des services, où il y a de la consultation, où il y a de la planification qui est faite par plusieurs établissements.
Donc, on parle autant d'interventions de l'Institut national de santé publique, de la Direction de santé publique d'une régie régionale, dans certains cas du centre hospitalier parce qu'il y a des régions comme Montréal et Québec où les services de santé publique sont donnés par les CH et, en bout de piste, par les CLSC, de sorte que l'analyse des articles, des modifications proposées peut avoir des impacts, par vases communicants, d'un établissement à l'autre, et c'est cette analyse-là qui est assez difficile à faire présentement.
Donc, à titre d'exemple, on soulève deux ou trois éléments. Je vous référerais peut-être à l'article 370.3 ou davantage l'article 73. Dans l'article 58 du projet de loi où on modifie l'article 373: «...d'assurer une expertise en prévention et en promotion de la santé et de conseiller la régie régionale sur les services préventifs utiles à la réduction de la mortalité et de la morbidité évitable.» Donc, c'est déjà le rôle de la Direction de santé publique de s'assurer de ça auprès des CLSC. On comprend mal tout d'un coup la justification de conseiller la régie régionale qui est pas un dispensateur de services dans ce domaine-là.
Et le quatrième alinéa est encore plus... ouvre davantage la question: «Identifier les situations où une action intersectorielle s'impose pour prévenir les maladies, les traumatismes ou les problèmes sociaux ayant un impact sur la santé de la population et, lorsqu'il le juge approprié, de prendre les mesures qu'il juge nécessaires pour favoriser cette action.» Moi, je vous dirais qu'à première vue ça semble très avant-gardiste et je trouve ça assez intéressant. Cependant, ça demande clarification. Jusqu'où un directeur de santé publique peut prendre des mesures qu'il juge nécessaires pour réduire l'impact des loteries vidéo sur son territoire ou pour réduire la pollution des véhicules quatre-par-quatre dans une ville, par exemple? Si c'est ce que le texte veut dire, on est tout à fait d'accord, mais il faudrait en mesurer les impacts.
n(22 heures)n Au niveau de l'Institut national de santé publique où on modifie l'article 4. L'article 4 était assez exhaustif sur les services donnés ou gérés par l'Institut national de santé publique en termes de laboratoires, et là on faisait l'énumération: Laboratoire de santé publique du Québec, Centre de toxicologie et Service provincial de dépistage par laboratoire, Centre antipoison, et administrer tout autre laboratoire ayant une mission de santé publique à portée nationale. Le nouveau texte, que je cherche...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je ne voudrais pas trop vous presser, M. Tremblay, mais, étant donné qu'on a presque terminé, alors je vous demanderais de conclure.
M. Tremblay (Michel): Alors, le nouveau texte élargit totalement la portée des services gérés par l'Institut plutôt que de les rendre énumératifs.
M. Fournier: ...où ça dit: «L'Institut a aussi pour fonctions de réaliser les activités et d'effectuer toutes les tâches qui lui sont confiées par le ministre.»M. Tremblay (Michel): C'est ça.
M. Fournier: Vous voyez, dans cette clause omnibus ou générale, la possibilité de faire faire là ce qui se faisait ailleurs. Ça fait que...
M. Tremblay (Michel): ...qui mériterait une plus grande vérification.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Malheureusement, c'est tout le temps qui était mis à notre disposition. Alors, Mme Boucher, MM. Tremblay, Roy et Bégin, je voudrais vous remercier pour votre participation à cette commission. Et je demanderais immédiatement aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de bien vouloir prendre place. Je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 2)
(Reprise à 22 h 5)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Nous entendrons les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, M. René Roy, qui est secrétaire général. Alors, M. Roy, vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent? Et vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Roy (René): Oui. Alors, merci, Mme la Présidente, et bonsoir à tous et à toutes. Alors, à ma gauche, Mme Nicole Bluteau, qui est vice-présidente à la FTQ; à ma droite, Mme Louise Valiquette, coordonnatrice des affaires sociales du SCFP-FTQ; et, à la droite de Mme Valiquette, Mme Amélie Samson, qui est l'ajointe à la coordonnatrice au SCFP.
Alors, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, qui représente environ 40 000 membres dans le secteur de la santé et des services sociaux, affiliés au Syndicat canadien de la fonction publique, SCFP, et au Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298, tient ici à présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 28, pas seulement parce que nos membres sont concernés au plus haut chef par vos propositions, pas seulement parce que nous croyons que nos membres, en s'occupant au quotidien du bien-être des bénéficiaires québécois, ont une expertise dont le milieu de la santé et des services sociaux ne peut se passer, mais aussi parce que l'ensemble de nos membres sont des citoyens et citoyennes qui partagent avec toute la population du Québec une vision de leur réseau de santé et de services sociaux.
Nous n'avons pas l'intention de commenter dans le détail le présent projet de loi, mais voulons cibler notre intervention sur deux questions précises: la centralisation déguisée qui teinte tout le projet de loi et l'abandon de la démocratie dans le réseau de la santé et des services sociaux au profit d'une approche gestionnaire, occultant à toutes fins utiles la nécessité de se préoccuper du bien-être des bénéficiaires.
Qui plus est, nous ne sommes pas d'accord avec l'analyse du ministre voulant qu'un consensus sur la gouverne se soit dégagé des travaux de la commission Clair. Si nous avons bon souvenir, cette commission avait pour mandat d'étudier l'organisation et le financement des services de santé et des services sociaux. C'est de son propre chef qu'elle a aussi décidé d'étudier la gouverne de ces services, sans pour autant avoir fait le consensus dont parle le ministre.
Il y a des éléments du projet de loi n° 28 que nous trouvons intéressants tout en ayant des questions sur leur objectif ou leur application pratique. Par exemple, le contrôle des régies régionales sur les demandes de privilèges des médecins ou des dentistes nous semble une formule intéressante pour le respect des plans d'effectifs. Nous espérons seulement que les conseils d'administration des régies régionales sauront garder l'indépendance suffisante pour faire respecter une véritable répartition des effectifs médicaux sur tout leur territoire sans trop d'interférence du ministère ou du ministre. Mais nous reparlerons de ce problème un peu plus loin.
Que le ministère souhaite un meilleur contrôle de l'efficacité et de l'efficience du réseau nous semble tout à fait légitime. À cet égard, l'obligation pour chaque régie nationale d'élaborer un plan stratégique triennal est fort intéressante. Nous tenons cependant à souligner au ministre que, en l'absence d'un horizon budgétaire similaire, la mission dont peuvent se doter les régies sera accrochée dans les airs. Des établissements du réseau n'ont pas attendu une telle obligation pour développer des plans stratégiques parfois même quinquennaux, une opération qui s'est avérée périlleuse et bien souvent inutile, puisque le budget annuel de ces mêmes établissements n'était en aucune façon conséquent avec les objectifs définis dans les plans stratégiques. Si le passé est garant de l'avenir, nous craignons donc fortement que la planification stratégique et les ententes de gestion et d'imputabilité qui doivent en découler ne soient qu'un exercice de façade, sans résultats concrets pour répondre aux besoins réels de la population.
Si nous ne pouvons être en désaccord avec la création des forums de la population qui peuvent jouer un rôle consultatif intéressant et additionnel à ce qui n'existe actuellement que de façon ad hoc, nous pensons cependant qu'ils ne doivent pas se substituer à une représentante de la population dans de véritables lieux de pouvoir, les conseils d'administration des régies et des établissements.
J'ajoute aussi un élément qu'on appuie sous réserve... sans réserve, c'est le fait que le personnel des régies régionales sera assujetti à la Loi sur le régime de négociations.
n(22 h 10)n Une centralisation à peine déguisée. En ce qui concerne notre impression d'une forte centralisation, nous tenons d'abord à rappeler que la FTQ a toujours été très sceptique face à la décentralisation que semblait vouloir opérer le gouvernement québécois dans les suites de la commission Rochon. En juin 1988, nous nous exprimions ainsi: «Dans le contexte actuel de sous-financement chronique du système, la décentralisation apparaît suspecte: c'est une façon commode de refiler aux régions les problèmes budgétaires du gouvernement. Avec les mêmes budgets et suite à des coupures dont les effets se font encore sentir, comment espérer que les régies fassent mieux que l'État central? Ne sera-t-on pas tenté de couper certains services, de rogner sur la qualité des soins ou de faire appel au secteur privé? Autrement dit, de refiler l'odieux des compressions budgétaires aux régions.»
Ce que nous avions prédit s'est produit, malheureusement. Les années quatre-vingt-dix ont entraîné des coupures encore plus grandes et les inégalités régionales se sont accrues. Ces derniers mois, lorsque le gouvernement a dû réinvestir, il l'a fait d'en haut, du bureau de la ministre d'abord... d'alors, en passant par-dessus les régies régionales.
De nombreuses dispositions du présent projet de loi nous font croire que le gouvernement s'apprête à faire un exercice de recentralisation sans cependant vouloir l'avouer clairement. De fait, le contrôle du ministre sur les régies régionales sera tel que ces dernières ne seront plus, à bien des égards, que des succursales du ministère. Ainsi, le ministre veut contrôler à l'extrême le processus de domination des membres du conseil d'administration des régies. On donne l'apparence d'une démocratie consultative en précisant que le choix du ministre se fera à partir d'une liste de noms fournie par des organismes socioéconomiques, communautaires, syndicaux et du milieu de l'enseignement. Mais le ministre se réserve le droit de sélectionner lui-même les organismes qui auront le pouvoir de lui recommander des candidats. Ajoutons que le gouvernement reconnaît enfin clairement qu'une personne du milieu syndical pourra siéger au conseil d'administration des régies régionales, mais à quel prix? En procédant par nomination plutôt que par élection d'un collège électoral, on peut sans peine imaginer les négociations de coulisses qui entoureront la préparation des listes et les nominations elles-mêmes, dans tous les types d'organismes, y compris dans le milieu syndical.
La FTQ croit que le gouvernement doit à tout le moins être transparent et annoncer clairement ses couleurs sans faire croire à la population qu'elle aura encore un véritable pouvoir au sein des régies régionales, autrement qu'en tentant de se faire entendre aux forums de la population.
Nous nous inquiétons aussi des pouvoirs additionnels que s'accorde le ministre en matière de fusions d'établissements qui pourront maintenant s'exercer sur l'ensemble du territoire québécois au lieu d'être limités aux secteurs où existent à la fois une faible densité de la population et une grande étendue de territoire. La FTQ ne s'oppose pas d'emblée à toute fusion, mais croit que le ministre doit laisser les établissements en décider. Nous disons donc non aux fusions forcées. Dans le même ordre d'idées, le ministre pourrait permettre, si désiré par le milieu, la fusion des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens ou du conseil des infirmières et infirmiers d'établissements par ailleurs non fusionnés. C'est ainsi qu'un CLSC en milieu urbain et un ou deux CHSLD pourraient décider de fusionner leur CMDP ou leur CI sans pour autant renoncer à leur statut autonome.
Les régies régionales, contrôlées par le gouvernement, contrôleront à leur tour les nominations des membres des conseils d'administration des établissements. Et le ministre a tellement peur du mode électif que le projet de loi prévoit même que les membres des commissions médicales régionales seront désignés par et parmi les médecins omnipraticiens ou spécialistes au lieu d'être élus par et parmi. De la même façon, dans les conseils d'administration des établissements, les représentants des usagers et usagères ne seront plus élus, mais désignés par les comités d'usagers. La différence est si subtile que nous ne la comprenons pas, sauf pour penser que le ministre a voulu faire disparaître le mot «élu» de toute la loi.
Au-delà du processus de nomination où les commentaires précédents portant sur les régies régionales s'appliquent tout autant aux conseils d'administration des établissements, il nous semble important de relever trois points.
Premièrement, la transparence dans la gestion des établissements sera grandement réduite, puisque le nombre de réunions annuelles publiques passe de 10 à six. Une bonne partie des réunions du conseil d'administration pourront en effet avoir lieu à huis clos.
Deuxièmement, des membres de la population ne seront plus présents dans tous les types d'établissements, notamment dans les différents centres de réadaptation et dans les centres hospitaliers. Là où il y en aura, ils seront cooptés par les autres membres du conseil d'administration, avec le risque qu'ils les choisissent à leur image.
Troisièmement, et plus important encore, le gouvernement met l'accent sur deux types de compétences pour la nouvelle composition des conseils d'administration: compétences de gestion et compétence clinique.
Dans le premier cas, il nous apparaît qu'un choix clair est fait en faveur des gestionnaires plutôt que des bénéficiaires. Il est difficile de s'expliquer que nulle part le ministre n'indique une primauté du bien-être des bénéficiaires.
Dans le deuxième cas, l'accent mis sur la compétence clinique nie les compétences des autres personnels des établissements. En effet, sauf pour les médecins et les infirmières, le gouvernement exclut du conseil d'administration d'un établissement tous ses travailleurs et travailleuses. Nous sommes en profond désaccord avec une telle approche qui nie l'apport que ces personnes... que ces personnels peuvent apporter à la bonne gestion de l'établissement ainsi qu'à une meilleure connaissance des réalités et des besoins des bénéficiaires avec qui elles et ils travaillent au quotidien. Ce n'est pas dire que le directeur général de l'établissement ne peut pas être porteur de cette compréhension. Selon nous, cependant, il a trop souvent une vision partielle des choses, ne travaillant pas au quotidien avec les bénéficiaires et, dans le cas d'établissements fusionnés, n'ayant que peu de contacts avec les établissements qui ne sont pas le siège social.
Actuellement, des centaines de nos membres et de ceux d'autres centrales, qui sont ni médecins ni infirmières, siègent au conseil d'administration de leur établissement. Ces sièges sont également accessibles aux cadres et, dans bien des cas, ce sont les directrices de nursing qui occupent ces postes et non des infirmières qui travaillent directement avec les bénéficiaires.
Sans l'apport de représentants et représentantes de tous les personnels des établissements, la FTQ craint que le conseil d'administration ne soit coupé de la réalité des besoins des bénéficiaires et de celle des conditions de vie et de travail dans leur établissement. Nous savons que la présence de tels représentants et représentantes peut être dérangeante pour les autres administrateurs et administratrices des établissements de santé et des services sociaux durant les dernières années de compressions, mais nous sommes profondément convaincus qu'elle aura, dans bien des cas, permis d'éviter des décisions déshumanisées.
Pour la FTQ, c'est aussi une question de démocratisation des milieux de travail où l'apport des personnels doit être considéré d'abord comme un avantage dans le processus de décision. Rappelons-nous que l'une des orientations issues de la commission Clair est la mobilisation des personnes... des personnels. Est-il bien sage de tasser ainsi les personnels? On peut facilement imaginer le sentiment de dévalorisation qui en découlerait.
Alors, avant de conclure, aussi je voudrais rajouter que la FTQ déplore que la Coalition sur la Solidarité Santé n'ait pas été convoquée par la présente commission parlementaire.
En conclusion, la FTQ croit que le gouvernement doit refaire ses devoirs et reconsidérer sa décision de limiter la démocratie dans le réseau de la santé et des services sociaux. L'argument selon lequel la population n'est que très peu intéressée par ce processus démocratique ne tient pas plus dans ce secteur que dans le milieu scolaire ou municipal. Le rôle du gouvernement québécois est de tout mettre en oeuvre pour favoriser la démocratie dans toutes les sphères de notre vie sociale et économique plutôt que de la faire disparaître aussi brutalement dans l'un ou l'autre secteur.
La FTQ demande donc au gouvernement de faire un moratoire sur ce projet de loi, le temps de conduire une réflexion globale sur le renforcement de la démocratie dans nos diverses institutions. Si celle-ci avait lieu, la FTQ se voudrait alors propositionnelle. Ne pourrions-nous pas alors réfléchir aux motifs expliquant la faible participation de la population? Y a-t-il, en d'autres pays, des façons de faire qui favorisent une plus grande participation à la vie démocratique à tous les niveaux, dont nous pourrions nous inspirer? Peut-être que la multiplication des temps de démocratie est un facteur explicatif important d'une faible participation? Et, si cela était le cas, peut-on penser à jumeler, en un seul temps, les élections dans diverses structures, qu'elles soient municipales, scolaires et du réseau de la santé et des services sociaux?
Nous n'avons pas toutes les réponses à ces questions, mais nous croyons important que le gouvernement se les pose avant d'adopter un projet de loi qui détruirait un fonctionnement démocratique qui, même non idéal, mérite cependant qu'on tente de l'améliorer, un fonctionnement qui permet encore de ramener à l'avant-plan les besoins des bénéficiaires et de la population. Merci bien.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, M. Roy, pour la présentation de votre mémoire. Sans plus tarder, je cède la parole au ministre.
M. Trudel: Merci, M. Roy, mesdames. C'est la première fois qu'il y a un groupe où c'est en majorité des dames.
M. Roy (René): Ça change des fois.
M. Trudel: Alors, vous ne serez pas fâché, M. Roy, si on pose des questions aux dames aussi, hein?
M. Roy (René): Non, absolument pas. Elles sont ici pour...
n(22 h 20)nM. Trudel: Je vous remercie de votre mémoire et de votre présentation, surtout de constater que vous avez une dimension... Parce qu'il ne faut quand même pas, là, éluder ce qui constitue une trame de fond de votre mémoire; vous semblez, en général, très d'accord avec le fait qu'on donne plus de pouvoirs aux régies régionales. Vous mentionnez la question de la répartition des effectifs médicaux ou de la gestion des effectifs médicaux, mais il faudrait noter aussi les rôles accrus qui vont être dévolus aux régies régionales en termes de véritable responsabilité de gestion du réseau régional, le réseau régional. Bon.
À cet égard-là, il nous faut revenir avec ce sur quoi nous avons échangé avec vos compatriotes aussi, des autres centrales, sur le mode actuel, le mode actuel qui est basé sur la proposition de personnes de la population par rapport à un modèle où on dit: On va s'appuyer dorénavant sur les groupes de la société civile constituée. Est-ce que ça vous apparaît pas comme une... ça va nous appeler davantage de possibilités pour que les groupes dans la société, puisque chacun de ces groupes, on a l'obligation de les consulter et qu'ils nous proposent des noms... À la limite, je dirais, et je vous demande de ne pas attacher trop d'importance au mot que je vais employer, est-ce que c'est pas un peu factice actuellement et de le remplacer par un système où c'est les gens du milieu qui vont proposer, à travers les groupes de la société civile constituée, au conseil d'administration de l'établissement, de l'hôpital, du CLSC, du centre d'hébergement, qui vont proposer: Nous, on pense que telle femme ou tel homme pourrait contribuer à administrer notre système? Vous pensez pas que c'est plus conforme à la réalité de notre quotidien de travailleurs et travailleuses et de participants dans notre société? On est tous membres de groupes de la société civile et on est peut-être en train de prendre un détour, je l'ai qualifié tantôt, et ça, c'est un mot que je tire du contexte historique, d'un essai loyal qui a été fait. Il ne faut jamais parler d'échec, on parle d'un résultat qui n'était pas à la hauteur de nos attentes collectives. Est-ce qu'on pourrait pas s'appuyer davantage sur les groupes de la société civile?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Roy? Mme Valiquette?
M. Roy (René): Mme Valiquette, oui.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Valiquette.
Mme Valiquette (Louise): Bien, écoutez, je vous dirais d'abord... vous avez vu le titre du mémoire qui dit: On est loin d'un virage humain. Je pense que c'est ça qui teinte un petit peu, même la question que vous posez maintenant. Vous nous dites dans le fond: Pourquoi ne pas gérer ça comme si c'était une business? Alors, pourquoi ne pas amener plus de gestionnaires puis moins de monde de la population parce qu'ils sont peut-être pas assez... ils sont peut-être pas assez bons parce qu'ils passent pas à travers un groupe. Moi, je pense que vous devez avoir, et nous avons et vous devez avoir une préoccupation plus... de mettre au centre de tout ça le bien-être des bénéficiaires plutôt que la gestion de la business, parce que ce n'est pas une business qu'on a dans le réseau. C'est vrai qu'il y a de l'argent à gérer, on peut en convenir, mais ça prend un équilibre. C'est pas une shop de bottines. Donc, on va devoir faire cet équilibre-là, et il nous semble que cet équilibre-là est perdu dans ce que vous nous suggérez.
M. Trudel: Oui, mais, Mme Valiquette, j'ai pas employé ces mots-là: y a pas personne qui ne réussissait pas à passer la... Mais les groupes de la société civile constituée, ça existe, ça, là, dans votre région, dans ma région, dans toutes les régions. Ça existe, des regroupements de personnes. On dit: Appuyons-nous sur les groupes de la société civile constituée pour que ces personnes nous indiquent lesquelles seraient, à leur avis, les meilleurs et que la désignation de ces personnes soit faite par les membres du conseil d'administration de l'établissement qui vont se coopter. Ça vous apparaît pas un processus, je dirais, qui va être... oui, plus simple par rapport à un système qui... qu'est-ce que vous voulez, on le déplore tous, il fonctionne pas, puis il prêtait flanc, il prête toujours flanc à du noyautage. Parce que vous le savez, là, vous l'avez observé, hein, vous l'avez observé. Puis, quand je dis «noyautage», là, en tout cas, c'est toujours bien pas vous autres qui avez fait du noyautage, On peut se dire ça, hein, très clairement. Mais vous avez bien vu sur le terrain, là, vous êtes pas venus au monde de la dernière pluie. Est-ce qu'on n'est pas mieux d'avoir un système plus ouvert?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Valiquette.
Mme Valiquette (Louise): Bien, oui, on est mieux d'avoir un système plus ouvert, et je pense pas que la façon dont vous le posez le rende plus ouvert, tout simplement. Il faut inscrire la proposition que vous faites dans l'ensemble du projet de loi que vous présentez, à moins que vous ayez changé d'idée, là, depuis le début des audiences. Ça part du ministère et ça se rend jusqu'en bas. Il y a, en bonne partie, une fois que vous avez nommé le monde dans les régies régionales aux conseils d'administration, qui, eux, nomment d'autre monde aux conseils des établissements, qui, eux, cooptent des gens... Je veux dire, le constat, en bout de piste, c'est de dire: Pourquoi des conseils d'administration? L'équipe de gestion suffit amplement, puis la régie ira les visiter une fois de temps en temps. Mais on est loin d'un exercice démocratique où la population peut penser qu'elle a une mince voix dans un lieu de pouvoir là-dedans.
M. Trudel: Une?
Mme Valiquette (Louise): Une voix dans un lieu de pouvoir.
M. Roy (René): Les groupes de la société civile, dans le processus démocratique, ils sont là. Que vous appeliez ça, là, concocter... on est là, dans le processus démocratique, encore, les gens de la société civile, puis on peut influencer. En tout cas, d'éliminer tout le personnel des établissements, ça fait pas notre affaire pantoute. C'est quelque chose qui existait depuis fort longtemps et puis ça faisait notre affaire. Maintenant, ce processus-là, nous autres, on le voit plus en l'améliorant, en lui permettant d'avoir peut-être des montants fixes ou avoir des élections, des moments avec d'autres élections. C'est ça qu'on essaie de dire là-dedans. Un peu un système, sans que ce soit... sans que j'aie fait l'étude, là, on comprend aussi, des fois, dans d'autres pays où, à un moment donné, ils votent pour... ils s'en vont voter pour l'élection d'un député puis ils votent pour différents facteurs, différents facteurs. Donc, ça pourrait en être un. C'est une manière qu'on voit d'augmenter la participation de la population dans ces élections-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Bien, ça existait... on peut pas non plus... employer une expression à propos d'une autre dimension tantôt, vous dites: Nous ne pouvons pas être en désaccord. Exprimé comme cela, là, on peut pas non plus être en désaccord avec une volonté d'amélioration à partir de la volonté des citoyens d'administrer leurs établissements. C'est la mécanique qui est différenciée, parce que je pense que personne ici n'aura à l'esprit que, par exemple, les membres syndiqués des syndicats de la CSST nommés par le gouvernement, je pense pas qu'ils soient à la solde du gouvernement, hein. Je penserais pas.
M. Roy (René): On est d'accord avec vous là-dessus.
M. Trudel: O.K. Correct. Revenons sur une dimension particulière qui a pas beaucoup été évoquée ici, mais qui a son école de pensée, c'est pour ça que j'ai fait la remarque tantôt que j'étais... il y a des femmes ici. Le projet de loi indique que les conseils d'administration devront tenir compte de la proportion hommes-femmes. Or, la proportion hommes-femmes dans notre société, elle est, en gros, de 50-50. Est-ce que ça vous apparaîtrait réaliste, est-ce que ça vous apparaîtrait un progrès si le projet de loi indiquait que les conseils d'administration doivent être composés d'au moins 50 % de femmes?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Bluteau.
Mme Bluteau (Nicole): Oui, 52 % de femmes au Québec?
M. Trudel: Oui.
Mme Bluteau (Nicole): Alors, moi, ça me réjouit que le gouvernement ait une préoccupation pour les femmes. Bon, cela étant dit, je pense que c'est les personnes les plus compétentes qui doivent être là et, si ce sont des femmes au-delà de 50 %, bien, ça devrait être des femmes au-delà de 50 %, tout simplement. Que vous mettiez ça dans le projet de loi, qu'il y ait une parité, je pense que ça me semble important.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Roy.
M. Roy (René): Mais, une fois qu'on est d'accord avec le 50-50, une femme du Conseil du patronat, c'est pas une représentante du mouvement syndical non plus. Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ha, ha, ha! C'est ça, il faut pas faire dire aux choses ce qu'elles ne sont pas. Très vrai.
n(22 h 30)n Forums de la population, Forums de la population, donc, il y a deux dimensions, je sais bien qu'on prend les choses à grand trait parce qu'on a fort peu de temps, là, mais les forums ne sont pas... ne seront pas là uniquement pour l'expression des besoins. Ils vont être là aussi pour la mesure de la satisfaction de la réponse en termes d'organisation de services qui va avoir été faite dans le territoire régional, et dans ce contexte-là d'autres nous disaient autour de la table: Il serait peut-être, il serait peut-être souhaitable que l'on indique plus formellement, plus formellement que l'organisme régional de gestion de la santé et des services sociaux puisse avoir l'obligation d'aller présenter sa planification triennale et son plan annuel d'activité devant le forum des citoyens. Est-ce que, vous, ça vous apparaît quelque chose qu'il faudrait renforcer dans ce que nous indiquons comme ligne générale à la base de la création des forums de citoyens, Forum de la population?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Roy.
M. Roy (Louis): Bon. Oui, la préoccupation qu'on a avec le forum évidemment, c'est un organisme de consultation, là, qui... qu'on peut pas être contre, parce que, là, il y a un organisme de consultation auprès de la population. Ce qui nous préoccupe là-dedans, c'est de la manière qu'est nommé le forum. Le forum est nommé un peu par ceux qui doivent le consulter. Alors, est-ce qu'il y a... est-ce que c'est une relation incestueuse qu'il y a là, on le sait pas. Ça, on aimerait peut-être des explications de votre part, parce que le forum qui est nommé... si je me nomme un forum, à moi, pour me juger, moi, je vais choisir mes chums certain, je vais avoir tendance à choisir mes amis. Maintenant, d'aller consulter... Votre question, en fait, d'aller le consulter, on peut pas être en désaccord avec ça. Tu veux rajouter quelque chose? Ça va?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Valiquette, ça va? M. le ministre.
M. Trudel: Bon. Je comprends la préoccupation de... Bon, d'abord, davantage d'éclaircissements sur les modes de désignation du Forum de la population, parce que en tout cas je peux vous indiquer une chose tout de suite, là, la volonté du législateur dans la préparation du projet n'est pas que ce soit un organisme qui soit dépendant, dépendant de l'organisme régional. C'est un organisme qui doit appartenir à la population. Bon, maintenant trouver les mécaniques pour ce faire, il faut bien que quelqu'un, là, les désigne, les confirme, ça peut... on peut raffiner cette... raffiner cette mécanique-là. Parce qu'il faut que ce soit vraiment un lieu d'expression de la population, même que des gens nous ont fait remarquer que le seuil d'un minimum de deux rencontres annuelles, c'est pas suffisant. C'est pas suffisant parce que d'aucuns ont dit que ça pourrait se traduire par... ça pourrait se traduire par la présentation du plan annuel et du rapport annuel. Et il faut qu'il y ait, entre-temps, interaction avec les gens qui seraient à gérer et qui organiseraient la réponse, la réponse au besoin. En même temps, je fais deux choses, je lis une phrase, là, ici... Je vous dis là-dessus, en tout cas, ça mérite réflexion très sérieuse, ce que vous nous dites à l'égard de la dénomination, là, et de la désignation des membres du forum de citoyens.
J'ai pas trop compris: «Ajoutons que le gouvernement reconnaît enfin clairement qu'une personne du milieu syndical pourra siéger au conseil d'administration des régies régionales, mais à quel prix.»
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Roy.
M. Roy (Louis): Bien, il y a plusieurs centrales syndicales au Québec. Lorsque vous nous dites qu'il va y avoir une personne du mouvement syndical qui va siéger, alors il faut à un moment donné essayer de trouver quelle personne, de quelle organisation syndicale, et c'est toujours compliqué. Je sais pas si vous avez vécu dans d'autres endroits où est-ce qu'on doit nommer quelqu'un d'une centrale sur un organisme. Nommer une personne d'une centrale, c'est toujours compliqué. C'est dans ce sens-là qu'on parle. Mme Bluteau, voulait rajouter quelque chose?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Bluteau.
Mme Bluteau (Nicole): Bien, c'est tantôt quand vous parliez, M. le ministre, des forums, c'est qu'on disait que, oui, là, qu'on n'était pas en désaccord, mais il fallait pas oublier là-dessus que, nous, on veut pas de substitution à une représentation dans des véritables lieux de pouvoir, c'est-à-dire que nos gens des établissements qui siègent actuellement sur des conseils d'administration, on y tient, peu importe que vous fassiez des petits forums ou pas, là, on y tient, c'est primordial pour nous.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une dernière question, M. le ministre.
M. Trudel: Oui. Alors, une dernière question. À l'égard de la représentation de la population ? c'est à la page 7 de votre mémoire, le quatrième paragraphe ? «...la population ne seront plus présents dans tous les types d'établissements, notamment dans les différents centres de réadaptation et dans les centres hospitaliers», là, surtout cette catégorie-là, là. Et là je sais qu'il faut aller dans les raffinements puis je vais essayer de faire rapidement. Les établissements de plus de 50 lits qui ne sont pas fusionnés avec un CLSC ou un CHSLD, ces centres hospitaliers ont généralement des vocations, en tout cas, supralocales. J'ose pas dire régionales parce que, des fois, c'est pas tout à fait juste non plus.
Il y a là comme un problème d'identifier qui, dans la population, devrait être au conseil d'administration. Et, sauf erreur, c'est là qu'on avait demandé à la régie régionale de faire ce travail de, suite à des listes qui viendraient de la région, de s'assurer que la population soit là. Est-ce que ça vous... Ça vous apparaît pas encore suffisant, là, que ce soit au niveau régional que soient désignées les personnes qui, dans les centres hospitaliers, qui ont des vocations plus que très localisées, que ce soit ces gens-là qui, soit à partir de listes toujours des groupes de la société civile constituée, désignent les membres de la population sur les conseils d'administration? On va prendre cette catégorie-là pour faire simple, là, les centres hospitaliers.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Valiquette.
Mme Valiquette (Louise): Écoutez, je pense qu'on va revenir encore une fois à la même logique. Ce qu'on souhaite, nous, c'est qu'il y ait encore une démocratie à l'intérieur de ça, avec des élections par des collèges électoraux. Je pense qu'il faut être clair là-dessus. C'est un peu ce qu'on dit dans un peu tout le mémoire, pour toutes les raisons qu'on l'a dit... qu'on a dites. Alors, que vous nous disiez: Oui, ça peut être intéressant, bien, oui, ça peut être intéressant, entre le plus mauvais puis le plus pire, je vais peut-être prendre le plus mauvais, si vous me posez la question comme ça, mais je sais aussi qu'il y aurait le meilleur quelque part ailleurs.
M. Trudel: Mais le meilleur, ça serait le suffrage universel?
Mme Valiquette (Louise): Ah, bien, le suffrage, ça, on peut... On n'a pas ? puis on l'indique également dans la conclusion ? on n'a pas fait les réflexions sur quel serait le meilleur système à faire. On a des personnes, chez nous, qui ont des expériences, qui ont vu des choses qui se passent dans d'autres pays qu'elles ont trouvé fort intéressantes puis qu'on serait prêt à partager avec vous autres, et même à réfléchir à tout un système. Mais ça, évidemment, on l'a pas fait pour les besoins de la cause maintenant. Entre une convocation le 28 mai et le 5 juin, là, on n'a pas inventé de grands systèmes, compte tenu, entre autres choses, qu'on vivait assez bien avec l'équilibre qui était là-bas.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Valiquette.
M. Trudel: ...propositionnel.
Mme Valiquette (Louise): Voilà. Si vous me permettez aussi...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.
Mme Valiquette (Louise): ...je voudrais juste mentionner...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est parce que le temps est terminé. Oui, vous permettez? Oui, allez.
Mme Valiquette (Louise): Deux secondes. C'est sur un aspect qui est pas souligné dans le mémoire mais que je pense qu'il vaut la peine de mentionner également, puisque vous en tiendrez compte sans doute, le changement d'appellation des régies régionales, qui nous trouble, je dois dire, puisque ces organisations-là ont changé évidemment quelquefois de mandat, mais le plus souvent de nom simplement, et que là... Est-ce que ça nous tente vraiment de refaire la papeterie? Je pense que c'est une question à se poser, et de remélanger la population sur où sont les régies régionales.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Valiquette. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui, merci, Mme la Présidente. Merci à vous, bienvenue à cette commission. J'aurai une question, mais je voudrais néanmoins faire un petit peu le tour de ce qu'on retrouve dans votre mémoire. Effectivement, la question démocratique, je dirais, est très présente dans le mémoire, elle fait presque... c'est ce qu'on retrouve le plus, mais il y a des éléments que je voudrais, ne serait-ce que pour la transcription des débats, reprendre pour ne pas les oublier.
n(22 h 40)n À la page 7, vous soulevez un point qui a été peu ou pas soulevé jusqu'ici, bien qu'il ne doit pas nous échapper. Vous dites: «Premièrement, la transparence dans la gestion des établissements sera grandement réduite, puisque le nombre de réunions annuelles publiques passent de 10 à six. Une bonne partie des réunions du conseil d'administration pourront en effet avoir lieu à huis clos.» Je pense que, lorsque le législateur parle, il parle pas pour ne rien dire, et, s'il a choisi de diminuer le nombre de séances publiques, je pense que vous faites bien de présumer que c'est pour donner de l'espace pour des séances non publiques, et d'autant qu'on peut s'en douter, là, que ça faisait partie des intentions préliminaires du ministre. Alors, je pense qu'il faut être... se prémunir face à ça.
À la page 8, vous écrivez: «Nous savons que la présence de tels représentants et représentantes ? hein, des représentants des travailleurs ? peut être dérangeante pour les autres administrateurs et administratrices des établissements de santé et des services sociaux durant les dernières années de compression. Mais nous sommes profondément convaincus qu'elle aura, dans bien des cas, permis d'éviter des décisions déshumanisées.»
Permettez-moi une analogie. Peu importe le parti formant le gouvernement à l'Assemblée nationale, j'imagine que l'opposition est toujours dérangeante. C'est souvent beaucoup plus facile d'y aller sans qu'il y ait grand monde devant soi, mais l'histoire, pour celles ou ceux qui la suivent de façon précise, rapporte que de nombreuses améliorations ont eu lieu à l'égard de projets de loi ou de décisions parce qu'il y a eu des échanges de points de vue qui, au départ, étaient différents, mais qui, à la fin, ont fini par faire émerger une solution qui était meilleure que celle qui était mise sur la table. Alors, je veux juste dire que ce que vous écrivez n'est pas tellement loin de la réalité que nous devons vivre ici, à l'Assemblée nationale, et que le ministre doit reconnaître, puisqu'il a eu la chance, que je n'ai pas, d'avoir occupé les deux côtés de la Chambre.
À la page 3, vous citez quelque chose qui a été abordé avec plusieurs groupes à propos des horizons... des plans triennaux et de l'importance avec ce plan de connaître l'horizon budgétaire que le gouvernement met de l'avant. J'aurai l'occasion d'en parler avec la CSQ tantôt, puisque... Je ne me souviens pas pour vous, mais je me souviens de la CSQ qui avait soulevé, à l'occasion de la commission Clair, le fait que tout ce débat à la commission Clair se faisait en l'absence d'une donnée essentielle: Quelles sont les marges de manoeuvre de l'État? On discutait de bien des choses, mais ce qui manquait de la part du gouvernement, c'était: Voici ce que j'ai, ce que j'envisage comme planification budgétaire au cours des prochaines années. J'écarte pas ici la capacité obligatoire, essentielle, de pouvoir l'actualiser à chaque année, là, c'est évident, hein, il faut qu'on s'adapte, mais d'avoir au moins un horizon qui permet une planification qui a de l'allure.
Et, à de nombreuses reprises, j'ai eu l'occasion de demander au gouvernement s'il n'avait pas l'intention d'aider tout le monde, notamment le ministère de la Santé, en dévoilant la planification sur cinq ans, les budgets, les marges de manoeuvre. Malheureusement, c'était à une autre époque, c'était l'automne passé, mais tout ça change maintenant. On nous annonce qu'il y aura des budgets sur au moins des horizons de trois ans. J'ai hâte de voir ça. Vous savez que les centres universitaires se demandent encore c'est quoi, leur budget de l'année passée. Alors, je ne sais pas comment ça va sortir pour l'avenir.
Le paragraphe juste au-dessus, et ce sera la question que je vais vous poser. Vous dites: «Le contrôle des régies régionales sur les demandes de privilèges des médecins ou des dentistes nous semble une formule intéressante pour le respect des plans d'effectifs.» Alors, j'aurai une additionnelle, comme on dit dans notre métier, mais dites-moi pourquoi vous trouvez que le contrôle sur les demandes de privilège est une formule intéressante pour le respect des plans d'effectifs.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Valiquette.
Mme Valiquette (Louise): Bien, écoutez, c'est sûr que la régie, quant à nous, doit avoir un plus grand mot à dire que ce qu'elle a présentement sur les privilèges des médecins dans les établissements. Un des problèmes qu'on a dans le réseau actuellement, c'est la répartition des médecins. Je suis certaine que ça gagnerait pas un concours de popularité auprès des médecins, mais on est convaincu qu'il y a du travail à faire de ce côté-là, du côté de mieux répartir les effectifs municipaux. Donc, dans ce sens-là ça va nous permettre de mieux encadrer des plans d'effectifs régionaux, puis on espère jusqu'à un certain point que les régies vont se parler entre elles aussi pour qu'on voit ça sur un plan plus global au niveau de l'ensemble de la province.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.
M. Fournier: Vous savez sans doute que la technique qui est utilisée par cet article-là, c'est de viser une impossibilité pour un établissement, notamment, d'avoir plus d'effectifs que la planification le prévoit. Autrement dit, le seul moyen de répartition, c'est lorsqu'on dépasse le plafond. La question a été posée à de nombreux groupes qui ont passé juste ici et tous ont dit que... bon, peut-être un ou deux cas dans l'ensemble du Québec, mais que ça existe pas, des endroits où on dépasse le plafond. Alors, je me pose la question: Est-il vrai qu'il s'agit d'une formule intéressante pour le respect des plans d'effectifs si en fait la méthode qui est choisie, c'est d'éviter les dépassements de plafond, de manière à répartir ces dépassements de plafonds? Là où, dans une société comme la nôtre, il n'y a pas de tels dépassements de plafond, en quoi la formule peut-être intéressante?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Valiquette.
Mme Valiquette (Louise): Notre lecture du projet de loi nous faisait comprendre dans... évidemment toujours mis dans l'ensemble de ce que c'est, que... la situation que vous décrivez, c'est la situation actuelle et que pour l'avenir les régies régionales auraient les pouvoirs de placer ces choses-là. Mais c'est sûr, là, si on peut être d'accord avec vous, qu'il n'y en a pas assez de médecins, là.
M. Fournier: Lorsque...
Mme Valiquette (Louise): Ça, on ne s'obstinera pas là-dessus.
M. Fournier: Non, mais c'est sûr, mais c'est parce qu'entre le passé ou l'avenir, la question est la suivante: Y a-t-il, ça, il n'y a aucune loi qui va changer ça, y a-t-il des dépassements de plafonds? La réponse à cette question-là est non. Et, si la réponse à cette question est non, est-ce que le moyen qui est là est une formule intéressante? Bon, je comprends ce que vous voulez dire, en théorie on a regardé ça, puis on dit: Bon, bien là il va avoir des plans puis quelqu'un va les suivre. Il serait temps quelqu'un les suive, ça je comprends ça. Mais dans le concret il semble que la formule ne fonctionne pas, puisqu'elle est basée sur un dépassement de plafond et que personne n'est au plafond. Alors, en tout cas à court terme, disons pour les dix prochaines années, c'est pas la... ça ne peut être que virtuel. Je voulais juste partager cette information avec vous. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci beaucoup, M. Roy, Mmes Valiquette, Bluteau et Samson. Merci pour votre participation surtout à une heure aussi tardive, merci de votre collaboration, surtout.
Alors, je demanderais aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec de bien vouloir prendre place. Et je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 47)
(Reprise à 22 h 49)
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales reprend ses travaux. Nous entendrons les représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Alors, je cède la parole à Mme Monique Richard. D'ailleurs, je vous souhaite la bienvenue, de même que les gens qui vous accompagnent. J'apprécierais, Mme Richard, si vous vouliez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Richard (Monique): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, les personnes qui m'accompagnent: la vice-présidente Louise Chabot, responsable politique du dossier de la santé et des services sociaux à la Centrale.
Mme Chabot (Louise): Bonsoir.
Mme Richard (Monique): Mme Hélène... bon...
Une voix: Le Brun.
Mme Richard (Monique): Le Brun, c'est... c'est pas l'âge, c'est l'heure. C'est les deux.
Une voix: C'est l'heure.
Mme Richard (Monique): C'est les deux. Ha, ha, ha! Hélène Le Brun, conseillère à la Centrale en santé et services sociaux. Et trois présidences de fédération qui nous accompagnent aussi: Mme Nicole Boudreau, présidente de l'Union québécoise des infirmières et infirmiers; M. Pierre Boily, président de la Fédération des personnels de la santé et services sociaux, qui regroupe des gens des centres d'accueil, centres jeunesse, éducateurs, éducatrices, employés généraux d'hôpitaux aussi; et René Beauséjour, professionnel du réseau de la santé et des services sociaux, donc autour de 10 000 membres à l'intérieur de notre organisation.
n(22 h 50)n Je vais commencer par une petite boutade, en vous disant qu'à cette heure-ci habituellement il y a une prime d'inconvénient pour le dernier chiffre de 4 % avant minuit et de 14 après minuit. Alors, vous avez bien fait de nous convoquer avant. Ha, ha, ha!
Une voix: ...
Mme Richard (Monique): Non, on y tient pas. Ha, ha, ha! Alors, bon, je pense que c'est un moment important. Je vous dirai que c'est assez particulier de se retrouver en commission parlementaire à cette heure-ci avec le rythme de travail que ça demande, un projet de cette nature. Je sais pas si c'est raisonnable, mais on porte à votre attention qu'on trouve particulièrement ardu... non pas que les heures de travail pour nous sont restreintes, d'aucune façon, mais un projet de cette importance d'être traité dans des conditions... on trouve ça particulièrement difficile. On voulait quand même vous indiquer ces réserves que nous avions quant au fonctionnement de la commission actuelle et aux horaires surtout suggérés.
D'entrée de jeu, je pense important de vous indiquer que le projet de loi qui nous est présenté ne nous satisfait d'aucune façon et qu'on va demander au gouvernement de surseoir à ce projet de loi, de surseoir à son adoption.
Il y a une tendance de plus en plus présente en santé et services sociaux, tendance au contrôle économique qui est de plus en plus présente plutôt que de verser dans des préoccupations de nature qualitative. Bien sûr, on ne veut pas d'un système de santé débridé en termes de coûts, mais on veut quand même un système de santé qui réponde adéquatement aux besoins, à la qualité des services requise et qui ne fasse pas autant de place au contrôle économique ou à la vision économiste des choses. Dans ce sens-là, on trouve que le projet de loi qui nous est proposé, c'est un peu... se centre autour de l'efficience, c'est-à-dire une efficacité bien sûr mais dans un cadre économique et financier restreint. Pour nous, on trouve ça particulièrement difficile et non acceptable.
On nous a acceptés à beaucoup de termes depuis un certain temps: compression, privatisation, communautarisation, loi antidéficit. On monte d'un autre cran maintenant en parlant d'expert en gestion, de contrat de gestion, d'imputabilité. Nous en sommes de l'imputabilité, mais de l'imputabilité financière, oui, mais en lien avec la qualité et la nature des besoins de la population.
On parle de reddition de comptes, bien sûr reddition de comptes, mais encore une fois aussi reddition de comptes au niveau des besoins de la population et de notre capacité de répondre par des services à ces besoins plutôt que de tout quantifier en termes de chiffres et de préoccupations financières.
Deux grandes constantes dans ce projet de loi qui s'inscrit en suivi, je dirais, je ne sais pas si je peux dire en continuité, en suivi d'une réforme de la santé qui avait comme thème Le citoyen au coeur du système de santé. Et les deux constantes qu'on note dans le présent projet de loi, c'est un musellement certain des acteurs présents dans ce réseau, des acteurs habitués à y participer, avec bien sûr des lacunes au niveau de la participation, on va y revenir mais, quand même, avec le droit à la parole, à la représentation.
Et une deuxième constante, un contrôle ministériel centré sur un rationnement budgétaire omniprésent dans tout le texte du projet de loi. Pour continuer de façon plus détaillée au niveau des grands enjeux, je vais céder la parole à Mme Chabot et je reviendrai en conclusion.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez la parole, Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Bonsoir. Bien, avant de rentrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner aussi que la CSQ est membre de la Coalition Solidarité Santé, une coalition qui est présente au niveau des débats en santé et services sociaux au Québec depuis 10 ans. Nous sommes 34 organismes membres de cette Coalition et nous déplorons le fait que, dans le processus actuel d'audition, que la Coalition n'ait pas que le droit au chapitre parce qu'on pense que... je vais vous le dire comme ça, même si des fois on n'apprécie pas le ton ou la façon, la Coalition Solidarité Santé est un organisme critique, et son fonctionnement, c'est de vouloir faire avancer sur le plan démocratique et sur le plan de la qualité les questions de la santé. Il aurait été souhaitable qu'elle soit entendue. Et, lorsque je verrai M. Trudel, je vous remettrai à la fin le mémoire de la Coalition Santé.
Bien, il y a deux parties que vous avez reçues à notre mémoire. En première partie, c'est important de vous parler de toute la question de la démocratie. À notre avis, le projet de loi, c'est un net recul sur la gouverne démocratique. Mme Richard l'a mentionné tout à l'heure, en 1991, puis on pourrait remonter plus loin, mais particulièrement lors de la commission Rochon, on a placé le citoyen au coeur du système. Bien, pour nous, une gestion active du système implique aussi cette participation-là, du citoyen. Au niveau du personnel, on pense aussi que, pour mobiliser le personnel, particulièrement dans un contexte où la démobilisation est grande, la participation du personnel au processus de gestion et au processus d'organisation et de fonctionnement de notre système de santé est très importante. Pour nous, la santé et les services sociaux, on doit concevoir ça comme une vision globale systémique, multidisciplinaire, et dans ce sens-là la participation de tous est très importante.
Le projet de loi actuellement sur la gestion du réseau, nous semble un monopole ministériel, tant par la composition des conseils d'administration, les désignations plutôt que des élections, la préférence qui semble accordée aux gestionnaires dans leurs compétences de gestion plutôt que dans leurs compétences sur la connaissance du réseau ou leurs connaissances du système de santé en termes de qualité. Effectivement, dans le projet de loi on voit des concepts comme: conseil d'administration désigné, éliminer les représentants des travailleurs sur les conseils d'administration des établissements; éliminer les représentants de la population sur le conseil des régies régionales. On voit aussi qu'on aplanit au niveau des régies les distinctions entre le volet technique et le volet politique, parce qu'on évacue la présidence élue pour la remplacer par des P.D.G. et on institue un Forum de la population, dont ce sera aussi une désignation, donc un contrôle sur les nominations.
Pour la Centrale, ce n'est pas notre vision démocratique d'une gestion participative, et c'est donc pas notre vision non plus du système. Parce qu'on pense que le système de la santé, ça ne repose pas et ça ne concerne pas que les experts. D'ailleurs, le Conseil de santé et de bien-être ? puis on le mentionne un peu à la page 9 du mémoire, je pense qu'on y fait référence ? a fait une étude sérieuse sur la participation de la population et des décisions dans notre système de santé. Puis ce qu'on a trouvé important de relever ? puis je pense que le Conseil de santé et de bien-être contribue aussi, je pense, à conseiller le ministère dans son approche, je pense que ça vaut la peine qu'on le cite... a pris la peine de dire que «la participation publique est une condition nécessaire du renouveau de la gouvernance, car elle permet de rétablir le lien de confiance entre les citoyens et les principaux services publics».
Puis, quand on parle du lien de confiance, il faut se le dire, que ce lien de confiance là est très, très fragile maintenant par rapport à notre système. Plus récemment, depuis 1995, avec la réforme, sous l'enseigne de fortes compressions budgétaires, avec ce qu'on sait qui ne va pas bien, avec l'impact que ça l'a sur le personnel, à notre avis, s'il y avait des mots d'ordre à donner ou s'il y avait une direction à donner à un nouveau projet de loi, ce serait la stabilité, la consolidation et le renforcement de notre système de santé. Je pense que c'est de ça qu'on a besoin actuellement. Après une période de turbulence si grande, je pense que c'est pas le moment venu de faire un projet de loi où on remet totalement en question la gouverne du réseau. Donc, pour nous, ça nous apparaît important qu'il y ait un changement de cap.
Au niveau justement de l'abolition finalement d'un processus électoral dans la désignation, on pense que c'est un principe important en démocratie, le principe électoral. Donc, plutôt que... Parce qu'il y a des difficultés, on en convient. M. le ministre va nous rappeler certainement que les élections, c'est moins de 1 % de la population. Mais il y a un principe important. Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas trouvé les moyens d'améliorer le processus électoral qu'on doit ? excusez mon anglais ? scraper le principe? Je pense que le principe demeure important. Et on n'a peut-être pas inventorié tous les moyens pour satisfaire cette participation-là, des citoyens aux élections.
n(23 heures)n Je regarde actuellement l'actualité au niveau... au niveau du monde municipal, au niveau des élections scolaires. Je pense que c'est des modèles qui sont beaucoup plus vieux que dans le réseau de la santé et je pense que tout le monde s'interroge sur ça serait quoi, la meilleur façon de faire. Moi, je vais vous dire, comme citoyenne, quand la seule façon de me repérer, c'est dans mon journal quotidien, où je vois un encadré qu'il y aura des élections dans tel établissement telle journée, puis il y en aura d'autres quelques jours plus tard ailleurs... C'est un exemple, un exemple qui est peut-être pas aidant à une participation des citoyens aux élections.
Il y aurait peut-être des modèles qui sont connus au Québec, on pourrait peut-être effectivement inventer des choses, mais ce qu'on dit là-dessus, c'est que, avant d'éliminer le processus démocratique et d'enlever les élections sur la participation des citoyens aux conseils des établissements, prenons le temps de faire les bilans, prenons le temps de regarder ce qui va bien, ce qui va mal, la Centrale est prête à contribuer là-dedans, puis je suis certaine qu'on pourrait trouver des moyens pour améliorer le processus.
Au niveau du forum des citoyens, là aussi je vais vous ? on va le voir dans les recommandations ? je vais vous dire qu'on a une ouverture sur le principe, mais là encore on déplore que ce soit des membres désignés avec des moyens très limités. Et je pense qu'ils vont avoir des mandats importants, donc, de consultation et de référence auprès du public pour savoir si la qualité des services ou les services sont répondus. On pense qu'ils pourront pas avoir l'influence représentative voulue s'ils sont désignés; on va plutôt privilégier, vous allez le voir, de mettre en place un forum de citoyens, mais où les principaux organismes représentatifs socioéconomiques et les regroupements associatifs soient présents et élus par eux.
Aussi, au niveau de la représentation des travailleurs au sein des conseils d'administration, je l'ai mentionné tout à l'heure, on évacue aussi, puis à notre avis c'est très important que les représentants du personnel demeurent. C'est actuellement trois représentants au niveau des conseils d'administration des établissements, et à notre avis on ne doit pas du tout enlever cette représentation-là, qui est importante pour la motivation du personnel.
Là, je m'enflamme, c'est que j'ai une collègue qui me rappelle que j'ai trois minutes. Peut-être que je vais être capable de faire ça en vous amenant direct aux recommandations, parce que je pense que les pages 11 et 12 relèvent de ça.
Vous avez un bloc de recommandations, avant de parler de la gestion, qui a 12 recommandations. Les trois premières concernent la composition et le fonctionnement. Ce qu'on vous demande, c'est de surseoir à l'adoption de votre projet de loi, de maintenir la composition actuelle tant des conseils d'administration des établissements que des régies afin de faire une étude sérieuse, tant sur le fonctionnement que sur le mode de composition des conseils d'administration, accompagnée d'une consultation qui serait large.
Au niveau du forum des citoyens, vous allez retrouver deux recommandations, la quatrième et la cinquième. Ce qu'on propose, c'est, oui, de l'instaurer, mais avec une représentation de délégués élus qui aurait des regroupements associatifs et des citoyens parmi divers groupes socioéconomiques.
Au niveau des commissions régionales ? et là je vais insister ? vous instituez une commission d'infirmières et infirmiers régionale. Vous allez retrouver les recommandations 6, 7, 8 et 12 à cet égard-là. On n'est pas contre cette création-là, mais on pense que la représentation d'infirmières doit être élue et non désignée par et parmi les membres des conseils des infirmières des établissements, ça doit tenir compte des différentes missions et aussi des réalités géographiques, et, dans les postes d'observateurs que vous proposez, on vous soumet qu'ils pourraient être attribués aux accréditations syndicales d'infirmières, qui sont représentatives au sein de la région.
On demande d'exclure la planification de la main-d'oeuvre du mandat, parce qu'on pense que la planification de la main-d'oeuvre, ça relève à la fois des organisations syndicales mais aussi d'une table de travail qui a été mise en place par le ministère puis qui doit avoir son pendant dans les tables régionales. Ça fait qu'on pense que ça doit rester tout à fait dissocié.
Ce qu'on veut aussi, c'est qu'on puisse établir au sein de la régie une commission multidisciplinaire, au même titre qu'on le retrouve au sein des conseils des établissements. On a toujours privilégié une approche multidisciplinaire dans le réseau. Donc, il y a déjà la direction des médecins et le conseil des infirmières, ça fait que ce qu'on vous propose: qu'il y ait une commission multidisciplinaire qui regroupe les professionnels et les techniciens et qui soit élue par les pairs et un mécanisme d'interaction pour donner vraiment une vision globale au niveau des régies régionales.
Au niveau de la gestion, bien, ce qu'on peut voir avec les contrats de performance ? j'appelle ça comme ça ? les contrats de gestion et d'imputabilité, c'est une forte tendance à ce que, la gestion, que ce soit tout à fait des tendances économiques qui gouvernent une gestion, donc, tout à fait économique du système au détriment de la qualité. Je pense qu'on sent une direction très claire.
D'ailleurs, juste d'appeler Régie régionale de la santé et des services sociaux Québec, pour après rajouter le nom, on voit qu'il y a une forte centralisation, un monopole. On s'oppose tout à fait à ça. Pour nous, on n'est pas contre qu'il y ait des indicateurs, effectivement. Mais les indicateurs doivent d'abord prédominer sur les indicateurs de qualité des services, de réponse aux besoins de la population plutôt que des indicateurs comptables.
Quand on voit la loi antidéficit, quand on voit qu'on veut instaurer un palmarès en santé et services sociaux de nos établissements, comme on le fait dans l'éducation, puis comment qu'on dénonce ces palmarès-là parce que c'est pas basé sur des critères ou des indicateurs de qualité mais plutôt de performance économique, ça nous inquiète. Ça nous inquiète grandement. Oui à de la surveillance, oui à une forme de contrôle, mais le tout: de la qualité, de la réponse aux besoins de la population. Puis, ça, il y a un bon bout de chemin à faire.
Donc, vous allez retrouver effectivement dans les recommandations 13 et 14, 13 à 17, pardon, nos recommandations sur la question de la gestion. Donc, on demande de retirer les ententes de gestion locale et régionale, le retrait de la surveillance de l'équilibre budgétaire, mais on demande d'ajouter, par contre, des pouvoirs de surveillance pour la responsabilité d'assurer la qualité des services et la réponse aux besoins. Et on demande aussi, donc, d'avoir des indicateurs de qualité dans ce sens-là. Et on demande le retrait des fusions obligatoires des établissements. Je pense que, ce qu'il y a eu à faire, c'est fait, et on ne voit pas comment on pourrait aller autrement. Je sais que j'ai dépassé mon temps. Monique.
Mme Richard (Monique): La conclusion, très brève. Bien, vous noterez d'abord un attachement de la CSQ aux valeurs de responsabilités sociales, d'équité et de justice. Et dans ce sens-là je pense qu'on ne doit pas précipiter l'adoption d'un projet de loi qui laisserait présumer qu'on veut modifier la notion de services publics par celle d'entreprise d'État. Je pense qu'il faut prendre le temps de réfléchir aux enjeux ou aux défis portés par le projet de loi, de faire des constats, des évaluations pour être en mesure ensuite de proposer un certain nombre de choses. Et, comme Mme Chabot le disait, on est prêt à contribuer à cette réflexion. Mais, pour nous, ce projet de loi nous entraîne dans un modèle dont on ne veut pas.
Et on veut être en mesure de bien se dire, entre nous, et de se comprendre qu'un bon État en santé, c'est un État qui a la responsabilité publique d'une vision des services qui doit nous permettre d'atteindre, de maintenir un meilleur état de santé et de bien-être des personnes et de la collectivité. Et dans ce sens-là je pense qu'on doit reprendre l'exercice, en arriver à d'autres propositions pour être en mesure d'avoir un service de santé et services sociaux de qualité, qui permettent aux personnes d'intervenir, qui permettent la critique, qui permettent de dire les choses, les dénonciations, mais qui permettent en même temps une contribution constructive au débat par le biais de l'apport que les personnels comme la communauté et les citoyens et citoyennes peuvent apporter dans le cadre de la gestion des services publics, une gestion participative, démocratique, qui est beaucoup plus garante de succès que celle qui nous est proposée.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Richard. Merci, Mme Chabot. Mme Chabot, je veux tout simplement vous souligner que le mémoire de la Coalition comme tous les autres mémoires des groupes qui n'auront pas été entendus seront déposés ici et copie sera remise à l'ensemble des membres de la commission. Alors, sans tarder, je laisse... je cède maintenant la parole au ministre.
M. Trudel: Merci. Oui, c'est toujours une présentation rapide quand on n'a que 20 minutes avec un mémoire aussi dense. Alors, on va essayer de creuser ensemble quelques éléments et en se disant aussi que chacun de ces mémoires est relu ligne par ligne pour y retenir tous les messages.
Vous parlez d'évacuation des citoyens des conseils d'administration. On peut s'entendre pour dire qu'il s'agit d'une modification quant à la... quant à la... au mode de désignation sur ces conseils, parce qu'il y aura toujours, dans tous les conseils, et c'est prévu au projet, des citoyens, des citoyennes qui vont être au conseil d'administration.
n(23 h 10)n Je prends dans... Prenons l'exemple, au premier niveau, d'un CLSC par exemple. Sur 15 personnes, il va y en avoir neuf, il va y en avoir neuf directement issues de la population et non pas de leur groupe professionnel ou de leur lien avec l'établissement, soit comme fondation, soit comme usagers ou comme membres d'une corporation fondatrice, là, les personnes morales. Neuf personnes sur 15, des citoyens qui seraient choisis par l'établissement elle-même, à partir de listes de la société civile constituées. Ça vous apparaît pas... Compte tenu des difficultés que nous avons tous eues, on a employé le mot, avec d'autres groupes, d'un essai loyal. On a tous fait un essai loyal sur la volonté d'ouverture, en disant: Bon, on va ouvrir ça, et les gens pourront se présenter eux-mêmes, et là on va inviter les citoyens à venir donner l'aval.
Alors, une réflexion à deux volets. Vous trouvez pas qu'on joue un petit peu avec les mots lorsqu'on dit: Des élus au conseil d'administration, quand ces gens... Ce qui en fait pas des gens de moindre qualité, hein? Ça fait des gens, comme personnes, d'une très, très, très, très grande qualité. Vous trouvez pas que ça dénature un peu? À tout le moins pourrions-nous dire les mots, en disant: Ce sont des élus, ce sont des élus... Parce que élus correspond généralement au suffrage universel avec une proportion qui... importante de la population qui s'y prononce, qui va se prononcer. Est-ce que vous avez pas l'impression qu'on galvaude un petit peu cela, ce mot «élu», et, d'autre part, qu'on pourrait davantage s'appuyer sur les groupes constitués de la société civile et que ce soient les membres du conseil d'administration qui cooptent ces personnes pour administrer l'établissement dans le territoire local donné, là?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Richard.
Mme Richard (Monique): La notion d'élus nous renvoie aussi à qui on est redevable, à qui... qui peut nous interpeller aussi dans le cadre du mandat qu'on exerce. Et, quand on est nommé par un conseil d'administration, même choisi à l'intérieur d'une liste, on est quand même nommé par des personnes et d'après moi on se sent redevable à ces personnes beaucoup plus qu'aux citoyens et aux citoyennes de façon large. Bien sûr que le pourcentage de participation aux élections peut amener un certain questionnement, mais, nous, on n'est pas prêts à payer le prix d'un processus électoral pour des nominations parce qu'il y a pas beaucoup de participation. On veut s'engager dans des modalités de mise en place d'un processus électif qui va être garant, qui va nous permettre d'augmenter le taux de participation à cette élection, pour ne pas faire... pour ne pas passer à côté d'un processus électoral qu'on qualifie de beaucoup plus démocratique et qui dans les faits l'est.
Alors, quand la population sait que, dans son conseil, dans ses gens qui les représentent, il y a des personnes qui ont été élues, qu'ils aient participé ou pas ils se sentent d'après moi beaucoup plus de légitimité pour les interpeller que si ces personnes ont été nommées. Et, moi, je suis une personne élue, j'ai été élue par un certain nombre de personnes. Si j'avais été nommée, je me sentirais pas la même légitimité d'intervention que j'ai en étant une personne élue, avec les pour et les contre à l'intérieur d'un vote. Je pense que ça ne porte pas la même façon de traiter les questions ou de répondre à certaines questions des citoyennes et des citoyens. Je vais permettre à Louise de compléter.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Bien, c'est tout un concept, de décider que, dans notre gestion démocratique du réseau, on décide de nommer, de désigner plutôt que d'élire et choisir. Je pense que... En tout cas, on le sent comme ça, là. Il y a le... Même si dans les CLSC, on dit qu'il y en aura neuf, mais parmi une liste, ce sera quoi, les critères de désignation parmi une liste? Notre représentant de la Coalition Solidarité Santé le dit, Marie Pelchat: Peut-être que, si je vais me mettre sur une liste, j'ai pas trop, trop de garantie que, moi, je vais être désignée. Donc, ça va être quoi, les critères de désignation? Tu sais, au niveau d'un... je pense que...
C'est une partie que j'ai pas eu le temps de parler, du mémoire, mais vous êtes pas devant l'organisation syndicale, là, qui est la plus friande de décentralisation à tout prix, là, hein? Le ministère joue un rôle important. On a toujours fait valoir le rôle du ministère dans les grandes orientations nationales en santé et services sociaux. On a toujours cru au rôle de l'État pour la répartition de ces services-là, mais aussi on a misé dans notre réseau sur une régie régionale, qui a bien sûr dans ses mandats de poursuivre cette mission-là nationale, mais avec dans ses rangs, au même titre que dans les établissements, une diversité de personnes qui sont là aussi pour contribuer pas juste à la gestion mais à la réponse, à l'imputabilité devant la population puis le citoyen.
Fait que ça peut leur amener un rôle soit d'être en accord avec ce qui se passe, soit d'être en désaccord. Ça crée une pression effectivement qui est pas nécessairement de la contestation, comme on a pu le lire dans le rapport de la commission Clair, que ça devrait pas avoir de la contestation mais du partenariat, mais ça joue un rôle critique qui est important. Puis, ça, à notre avis, ce concept-là d'élection puis de personnes redevables, ça a pas le même... ça a pas le même... de même nature que de la désignation.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: Mais à 1 %, puis faut pas non plus... je veux pas en faire un magistère avec cela, là, à 1 %, on n'est pas non plus redevable. Parce que, vous, vous avez été élue par plus que 1 % de vos membres, parce que, vous savez, ça... vous tirez votre légitimité aussi de l'universalité plus élevée dans votre collège, dans votre... dans votre... dans le syndicat, dans la Centrale, des membres qui se sont prononcés plus largement.
Et on se demande parfois si cette mécanique un peu lourde n'a pas rebuté un certain nombre de citoyens, je le dis comme je le pense, là, n'a pas rebuté un certain nombre de citoyens et citoyennes, qui disent: Moi, là, moi, là, aller m'embarquer là-dedans, là. Mais, si quelqu'un vient me voir, et dit: Bon, bien, vous êtes... vous êtes au centre de femmes de tel endroit, et il serait intéressant que vous soyez à la régie régionale parce qu'on voit ce que vous faites dans votre centre de femmes, ça vous apparaît pas une méthode de cooptation qui, dans une société civile ouverte, nous permet de rejoindre, je dirais, les mêmes objectifs avec des approches plus simples? En évitant les pièges, les pièges, parce que vous savez aussi qu'il y a eu du... il y a eu du noyautage à des endroits. Mais c'est pas ça que le projet de loi cherche à vouloir atteindre comme objectif, dénoyauter. Vous savez qu'il y en a eu. Parce que c'est toujours la même chose. Quand il y a un très petit nombre, évidemment, c'est toujours plus facile de jouer avec le petit nombre.
Mais, que ce soient les membres du conseil d'administration qui cooptent à même les organisations de la société civile, ça vous apparaît pas comme une garantie suffisante, là, au niveau de la... de la... de la repréentation de la population, si je peux employer ce terme-là, sur le conseil d'administration de l'établissement?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Il y a une chose que je voudrais ajouter là-dessus. Si j'étais élue par 1 %, je remettrais pas en cause le processus électoral, mais je l'organiserais autrement pour mettre les gens à contribution beaucoup plus largement.
Deuxièmement, si j'étais approchée par un organisme, qui me disait: Tu pourrais te présenter à tel ou tel poste, je me présenterais, je me ferais élire. Alors, ça empêche pas qu'on contacte des personnes. Et ça s'est fait d'ailleurs dans le processus actuel, pour être en mesure... Mais ces personnes, quand même, passent par un processus électif, qu'on doit améliorer en termes de qualité. Je vous dis pas que le statu quo est parfait. On l'a critiqué nous autres aussi, le mode d'élection, parce que manque de participation. On l'a fait aussi au niveau des commissions scolaires, manque de participation. On a travaillé pour être en mesure de donner de l'information pour créer de l'intérêt autour de l'implication des citoyennes et des citoyens dans les services publics, que ce soit en éducation ou en santé, c'est un peu la même problématique.
Donc, travaillons à trouver des solutions pour l'intérêt et la participation. Louise disait tout à l'heure: Quand la seule information qu'on a sur un processus électif, c'est un petit paragraphe dans le journal de la région, il y a pas beaucoup d'incitatif là-dessus. Puis je dis pas non plus qu'en mettant des incitatifs, là, ça va être l'effervescence en attente des élections non plus, là. Il y a un juste milieu là-dedans. Mais je pense on est capable, si on se creuse les méninges, de trouver des moyens pour soulever de l'intérêt. Et je pense que le questionnement autour des services publics, la capacité qu'on veut comme population, ici, de les protéger, services publics de qualité en santé et en éducation, on va faire en sorte que... je pense qu'il y a des sensibilités autour de ces questions-là et qu'on est capable de prendre les moyens pour mettre les citoyens et les citoyennes à contribution dans ce processus.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
n(23 h 20)nM. Trudel: À la page 10 de votre mémoire, il y a comme une... à propos des forums des citoyens, il y a quelque chose, là, qui fascine, je dirais. «Le concept d'un Forum de citoyens en est un intéressant en soi.» Suivi des mots suivants: «L'avenue privilégiée serait d'abord d'y renforcer les espaces démocratiques de parole et l'apport spécifique des groupements associatifs directement ciblés par les décisions relatives à l'organisation et la prestation des services sociaux et ? des services ? de santé.»
Je ne sais pas si nous avons mal écrit l'intention du législateur ou si nous ne l'avons pas suffisamment explicitée, mais je vais vous dire que la volonté derrière la création des forums de la population, c'est à peu près exactement celle-là, c'est-à-dire favoriser les espaces démocratiques de parole. D'abord, je trouve que c'est des beaux mots, si vous me permettez de vous le dire, là, c'est des beaux mots que vous utilisez. Oui, créer des lieux de parole qui facilitent non seulement l'expression des besoins, mais aussi la discussion du résultat des services qui sont organisés, la prestation des services... «les décisions relatives à l'organisation et la prestation des services de santé et de services sociaux».
Est-ce que je comprends aussi, donc, qu'à l'égard du forum des citoyens, vous souhaiteriez davantage de balises quant à la constitution? Et comment on pourrait... Bien là vous êtes pas obligés de me donner la recette par coeur à cette heure-là, mais comment... Quelles sont les balises?
Mme Chabot (Louise): C'est pour ça qu'on vous demande de surseoir votre projet de loi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Non, non. Moi, j'ai des idées...
Mme Richard (Monique): La porte était trop bien ouverte.
M. Trudel: ...je vais vérifier avec vous. Mais comment on pourrait... Quelles sont les balises principales que vous souhaiteriez y voir apparaître?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Bien, là...
M. Trudel: Des exemples.
Mme Chabot (Louise): Oui. Très honnêtement, ce qu'on a vu, actuellement dans la forme actuelle que vous proposez, au-delà peut-être de la vision que vous avez, c'est là aussi un forum qui sera désigné et non élu par les pairs qui seront présents. On n'a pas vu dans le concept qu'il y aurait de moyens particuliers, et financiers, et techniques pour répondre à leur mandat. Donc, ils seront désignés pour répondre ce qui nous a semblé une commande un peu plus précise dans le mandat de consulter... le mandat de consultation publique sur certains aspects d'orientation des régies régionales puis un mandat d'aller recevoir... d'aller tâter le pouls, je vais le dire comme ça, le pouls du terrain. Mais on se demande, dans la formule actuelle, si ça ne sera pas plutôt des boucs émissaires ou des boucliers pour recevoir les insatisfactions, ou les satisfactions peut-être, de la population puis juste devoir en faire état à la régie. On se demande si... Parce qu'on met ça en lien, hein? Les régies régionales, c'est un monopole assez important du ministère, là, en termes de désignation de rôles. Là, on crée un forum à côté qui est aussi désigné, ça qui semble à jouer comme un rôle plus proche de la population, mais pas vraiment non plus avec de légitimité de représentation. Fait que ce qu'on dit: Le concept est important, des mécanismes de consultation qui puissent procéder à ça, mais, eux autres aussi, ils devraient être élargis pour y représenter divers groupes, ils devraient être élus par ces groupes-là, donc dûment mandatés, et jouer leur rôle auprès de la régie et de la population. Mais, dans sa forme actuelle, on pense pas que ça va répondre à la vision que vous en avez.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.
M. Trudel: En tout cas, j'ai saisi cela... je saisis cela parce qu'il y a là des indications de balises. Ce que vous venez de mentionner, vous le dites en d'autres mots aussi, là, c'est le cas des associations d'aînés, par exemple des groupes de femmes et des groupes de défense des citoyens vulnérables qui doivent y retrouver leur place dans ce lieu d'espace démocratique de parole pour l'expression.
Et, si, pour l'ensemble des lieux de gestion, de décision dans notre système ? je saisis au passage les mots qui sont indiqués ici ? si la volonté était de refléter ce qu'est la population, si le législateur indique que tous les conseils d'administration des établissements et des régies régionales devraient être composés d'au moins 50 % de femmes, comment vous réagiriez?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Richard.
Mme Chabot (Louise): On peut pas pas être d'accord. C'est une bonne idée.Mme Richard (Monique): D'accord. On va en trouver puis on va en faire élire.
Mme Chabot (Louise): Pas de problème.Une voix: Femmes élues.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: C'est ça.
Une voix: On va en faire élire.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): On pourra vous donner des trucs, mesdames.
M. Trudel: Ha, ha, ha!
Mme Chabot (Louise): On a des politiques dans nos organisations.La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, merci M. le ministre. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue à cette heure tardive, et on comprend que ce n'est pas nécessairement facile. Je voudrais vous dire d'entrée de jeu que nous aurions souhaité, nous aussi, et on l'a proposé, que la Coalition Solidarité Santé soit entendue. Malheureusement, autant cette demande que celle d'avoir des audiences générales a été refusée.
Je voudrais soulever certains passages de votre mémoire, ne serait-ce que pour que ça attire encore plus l'attention. À la page 10, vous écrivez: «L'avenue privilégiée serait d'abord d'y renforcer les espaces démocratiques de parole et l'apport spécifique des groupements associatifs directement ciblés par les décisions relatives à l'organisation et à la prestation des services sociaux et de santé. C'est le cas des associations d'aînés, par exemple, des groupes de femmes et des groupes de défense des droits de citoyens vulnérables. Ces groupements sont souvent considérés comme des empêcheurs de tourner en rond. Ils sont pourtant au coeur de la réalité et des besoins. Ils véhiculent des visions fort contributives, de nature à améliorer grandement le système de services.» J'ai toujours tendance à croire ? je le disais tantôt avec la FTQ qui vous a précédée et je pense l'avoir dit avec d'autres groupes ? j'ai toujours tendance à croire que la démocratie avait d'ailleurs ceci de bien, c'est qu'elle permettait une confrontation d'idées, qui, à la fin, permettaient... on peut peut-être dire que, parfois, on passe à côté, mais, de façon générale, ça permet de voir émerger, pour reprendre le mot de Clair, de voir émerger une solution qui serait la plus optimale. Si on renonce à l'avance de faire cette confrontation d'idées... On peut trouver ça déplaisant à l'occasion, mais ça, si on veut avoir les avantages, il faut aussi payer le prix. Et, si on renonce à l'avance, bien, c'est accepter à l'avance de ne pas avoir les solutions optimums ou, tout au moins, de mettre de côté pas mal de monde qui aurait pu contribuer. Et je pense que c'est important que vous le souleviez, surtout que vous avez fait référence, vous aussi, à l'étude du Conseil de la santé et du bien-être.
Je voudrais en lire rapidement deux passages. «Le Québec connaîtra sans doute, lui aussi, le mouvement d'intégration qui transforme les réseaux d'établissements en véritables systèmes pour lesquels doivent émerger de nouvelles structures de gouvernance. Si tel était le cas, la population y tiendra nécessairement une plus grande place que ce qui fut tenté dans les hôpitaux ou les CLSC du Québec au cours des 30 dernières années. Nous savons que l'élection n'est pas un processus inutile ? nous autres, on a donné le conseil au ministre, puis, lui, il a compris que c'était inutile ? nous savons que l'élection n'est pas un processus inutile parce qu'elle force à sélectionner des candidats extérieurs à la sphère d'influence exclusive des administrateurs. Nous savons qu'il est important de maintenir des liens étroits et personnels entre les organisations du secteur de la santé et la communauté.» À la conclusion de cette étude... D'ailleurs, Clair dit la même chose. Même si on essaie de lui faire dire, à Clair, qu'il était contre les élections, il nous a bien précisé dans les journaux dernièrement qu'il voyait que des élections, c'était important. À la fin, on dit: «Ce qui est regrettable, c'est de ne pas chercher à préserver la part du système qui se retrouve dans l'espace public. La participation de la population est un aspect fondamental dans ce processus.» Je pense que c'est important de le rappeler, on le dit peut-être pas assez souvent, parce qu'on s'en va sur d'autres dispositions du projet de loi, mais le coeur même du projet de loi, c'est de dire à la population: Si vous êtes intéressée par l'affaire, ça me dérange pas, mais soyez intéressée chez vous, ne venez pas nous le dire, ce que vous aimez ou n'aimez pas, c'est pas... nous, on n'est pas là pour savoir ce que vous voulez, on est là pour vous dire ce qu'on veut, puis ça va le faire comme ça. Et c'est sans doute ce qu'il y a de plus décourageant pour l'ensemble de la population.
J'ai une question, après ça je vais passer à un autre sujet. J'ai une question concernant ? à la page 12 ? qui est une des recommandations que vous faites, la principale et par la suite d'autres en découlent. Vous dites qu'il serait important de faire des «études sérieuses et rigoureuses pour faire le bilan du fonctionnement et des modes de composition des conseils d'administration suivi d'un débat large sur la question».
J'aimerais vous demander, à vous, admettons qu'on commence à faire cette étude et ce bilan, quel serait le vôtre, en quelques mots?
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Au niveau de notre participation au niveau des conseils d'administration? Bien, comme organisation syndicale...
M. Fournier: Vous pouvez parler de votre participation, vous pouvez parler aussi, puisque vous en avez une connaissance, de la participation des autres, de l'ensemble du fonctionnement. Est-ce que ça fonctionne mal, et, donc, il faut tout saborder, ou si ça peut être amélioré, ou ça fonctionne bien?
Mme Chabot (Louise): Bien, on a trouvé parfois que, dans le fonctionnement, tant des deux conseils d'administration, qu'on avait peut-être de la difficulté, avec tout ce que vous venez de dire, malgré tout, à se faire entendre, soit au niveau public, soit par rapport au fonctionnement des conseils d'administration des régies, même dans les séances publiques où les périodes de questions étaient au début, puis, donc, même si on participait toute la soirée à l'échange, on pouvait comme pas interagir. Il y a des modes... Parce que, faut dire que dans la période de réforme, là, on a participé beaucoup, hein, dans les conseils d'administration pour faire valoir les points de vue, comme vous disiez, et, donc, ç'a été des mécanismes importants.
Ça fait que notre bilan, c'est qu'il y aurait du fonctionnement à améliorer pour assurer encore plus la participation de la population aux questions de la santé, puis je pense que ça les intéresse beaucoup.
n(23 h 30)n Au niveau des élections, bien là on n'a pas fait les statistiques mais, si, effectivement, il y a moins de 1 % ou très peu de personnes qui assistent aux élections, bien, notre bilan, ce serait déjà de se dire: Bien, on se met en route puis on renforce le modèle. Ce serait pas de dire: On l'arrête.
Effectivement, dans le renforcement du modèle ? puis là je le réitère ? on est prêt à y contribuer. On n'a pas la recette miracle aujourd'hui, mais un exemple comme: Est-ce qu'on devrait pas tenir les élections toutes la même journée? Est-ce qu'on devrait pas combiner les élections de la santé avec les élections scolaires ou du municipal? Bon, c'est des choses sur lesquelles il faut se pencher. Si oui, ça serait quoi, les avantages, et ça serait quoi, les inconvénients? Je sais pas ce que M. Trudel en pense, mais... Voilà. Je pense qu'il y a des bilans effectivement critiques, mais somme toute, somme toute, ce qui est gagnant, c'est quand même sur des règles démocratiques que ça s'appuie, avec un processus électoral, avec des opinions différentes. Puis ça, je pense qu'il faut préserver le principe. Il reste maintenant à trouver d'autres moyens.
M. Fournier: Je veux juste vous dire que vous êtes pas les premiers qui parlez de trouver un mécanisme, des mécanismes pour favoriser une hausse de cette participation. Je pense bien que de l'accrocher à une autre élection permettrait d'associer un plus grand nombre à la capacité d'aller voter.
Il est bien évident que, si on regarde les dernières années... Moi, j'ai pas été membre d'un conseil d'administration, mais, pour avoir suivi un peu ce qui s'y passait, c'était pas jojo pour les gens qui étaient sur les conseils d'administration. On dira ce qu'on voudra sur la participation; par bouts, ça participait pas mal. Parce que la participation ne se limite pas à la journée du vote. La participation, il faut tenir compte du fait que les citoyens qui, au courant du fait qu'il y en a quelques-uns là qui ne peuvent pas leur dire: Écoute, moi, je suis un fonctionnaire du gouvernement, c'est le ministre qui décide... il y en a quelques-uns qui sont là puis ils sont obligés de répondre: Bien oui, moi, j'ai été élu par le monde puis, ma job, c'est de répondre à vous. Ça incite les gens à y aller parce qu'ils savent qu'il y a des gens qui sont là pour les représenter. Il y en a qui descendaient en joyeux groupes. Et ça devait pas être jojo pour les gens des conseils d'administration qui devaient dire: Écoute, là, on n'a pas assez de moyens et on doit trouver des solutions. Et le débat sur les moyens s'était fait ailleurs, là où les gens n'ont pas à... À part nous, les élus, qui pouvons poser des questions, avec les réponses qu'on donne, les gens dans les galeries n'ont pas le droit de dire quoi que ce soit.
Alors, déjà, au niveau de l'amélioration du processus électoral, il y a celui de la participation au vote. Il y a celui aussi de l'attraction de gens qui veulent participer à ces décisions des conseils d'administration. Elles sont loin d'être évidentes, parce que la marge de manoeuvre qu'ils ont est pas...dans le passé, elle était pas si claire.
Mme Richard (Monique): Moi, je voudrais peut-être attirer l'attention sur le fait que, dans notre société, on a des services publics qu'on défend qui doivent évoluer avec le temps, qui doivent évoluer avec un certain nombre de contraintes. Mais, en même temps, comme personnel, qu'on soit en santé, ou en éducation, ou ailleurs, quand on est impliqué, qu'on a notre mot à dire, qu'on est respecté, qu'on est considéré, même si on n'obtient pas gain de cause sur toutes les questions, on sent au moins qu'on a droit au chapitre, qu'on a un rôle à jouer puis qu'on peut s'impliquer. Et on peut être amené à ce titre à considérer des situations financières difficiles, des situations sociales difficiles, des situations économiques difficiles, à prendre ça en considération et à mettre de l'eau dans notre vin ou à proposer un certain nombre d'alternatives. Mais, pour ça, il faut être au jeu, il faut avoir un... il faut être en mesure d'assumer un caractère de représentation des gens qui sont avec nous et être en mesure de dire les choses comme on le pense. Et justement, du choc des idées ou avec l'interaction des différents groupes dans la communauté, si on a à coeur de protéger notre service de santé et services sociaux, bien on va être au jeu puis on va être présent.
Vous avez raison de dire que la participation, ce n'est pas que la journée des élections. On a des membres chez nous qui participent dans les conseils d'administration dans les régies, dans les différents comités. Ils y mettent du temps, ils y mettent de l'engagement sur une base professionnelle et bénévole, en dehors de leur temps de travail, et ils le font à cause de l'intérêt qu'ils ont dans le cadre de ces services de santé et services sociaux. On va leur expliquer maintenant que ça demeure la panacée des gestionnaires et que de temps en temps on les consultera par le biais d'autres mécanismes. Alors, non. Il faut protéger des acquis en termes de démocratie publique, corriger, améliorer. Bien sûr, on en est puis on va travailler sur des propositions, mais, en même temps, ne faisons pas fi de l'impact qu'a la participation ou l'implication dans un processus, que ce soit au niveau d'un conseil d'administration dans une institution de santé ou dans une régie régionale. Je pense qu'on sacrifierait beaucoup de motivation, d'engagement et d'intérêt.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Richard. M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Sur un autre ordre d'idées, je ne peux pas m'empêcher de vous citer un bout de votre mémoire à la commission Clair, ne serait-ce que pour vous remettre vos droits d'auteur, que j'ai utilisés un peu. Mais je pense que nous visions le même objectif et surtout que maintenant qu'on nous parle de planification triennale ? certains parlaient de cinq ans, mais, puisque le projet de loi parlait de planification triennale ? ça implique ? tout le monde le dit, là ? que le gouvernement va être obligé de nous dire, au moins sur trois ans, quelles sont ses possibilités financières. On accorde tous la possibilité, et c'est normal, au gouvernement d'avoir une actualisation annuelle de ça, mais, au moins, que les gens sachent on s'en va vers où, ce qui n'était pas nécessairement très clair au cours des dernières années.
Mais je voudrais quand même citer, pour le bénéfice du ministre qui, à l'époque, s'occupait de l'Agriculture, ce que la CSQ disait à la commission Clair. Je prends en milieu de phrase: «...à la différence du gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec ne juge pas opportun de présenter des évaluations sur les excédents prévisibles et de rendre explicites ses marges de prudence. Comment peut-on dès lors affirmer que la capacité collective de financer le système public est insuffisante? Comment peut-on apprécier la pertinence des options évoquées? Est-il prudent de s'en remettre aux intuitions du ministère des Finances, celui-là même qui a sous-estimé ses revenus de 2 175 000 000 $ l'année dernière et qui n'a même pas senti le besoin de puiser dans la réserve de 841 millions en provenance de la fiducie du Transfert canadien pour la santé et les programmes sociaux pour boucler l'année?» En fait, ce que vous disiez à la commission Clair, c'est qu'on peut bien se poser 23 questions ou 2 000 questions, la première question qu'il faut se poser, c'est: Quels sont les moyens de l'État face à la santé? Et, après ça, on va pouvoir discuter des différentes façons de faire: Est-ce qu'il faut envisager d'autres alternatives, d'autres avenues?
La commission Clair a pris le point de départ: On n'arrive pas. D'ailleurs, tous les jours, c'est ce qu'on nous dit: On n'arrive pas. Et il faut donc couper ? parce que, encore une fois, cette année, on va couper. Moi, je me dis: Peut-être... je suis même pas sûr, pour être bien franc, je suis même pas sûr que le gouvernement va respecter la parole qu'il semble être en train de donner en ce moment, qu'il va donner ses prévisions sur trois ans. Peut-être que le défi que le ministre pourrait relever tout de suite, c'est de nous dire que, dans les prochains jours, il va nous donner les horizons sur trois ans de son ministère. Puisqu'il sera capable de le faire l'année prochaine, pourquoi n'est-il pas capable de le faire tout de suite? Je suis sûr, de toute façon, qu'il y a des scénarios à cet égard-là qui ont déjà été dressés à la Santé, et il pourrait les rendre publics. Ça nous permettra de prendre peut-être un peu plus au sérieux les éléments de planification triennale.
Je souligne au passage que vous aviez fait une évaluation de ces marges de manoeuvre sur cinq ans, vous les aviez évaluées à 20 milliards. J'ai pas besoin de vous rappeler comment le gouvernement a rejeté du revers de la main vos évaluations, alors que, pourtant, Pierre Fortin arrivait à 13 milliards sur cinq ans et McCallum à 15 milliards. Bon, il y a une année de différence, là, mais dans les mêmes eaux à l'égard de cinq ans. Le gouvernement ne semble pas vouloir discuter de cette question-là avec nous, ni avec vous, ni avec l'ensemble de la population. Ce serait drôlement intéressant. Je vous demande juste quelques commentaires sur la planification triennale et l'obligation qui devrait être faite et respectée par le gouvernement de nous dire quelles sont ses marges de manoeuvre. Est-ce que vous souhaitez que ce soit fait même sans l'adoption du projet de loi?
n(23 h 40)nMme Richard (Monique): Je pense que c'est important de la part du gouvernement d'avoir un peu, en termes de perspectives... leur vision en termes de projections dans les systèmes publics, dans le service public, particulièrement dans le réseau de la santé et des services sociaux, compte tenu... Comme vous le dites, la commission Clair a presque mis en préalable le fait qu'on n'aurait plus les moyens d'un système de santé. Et, nous, on a effectivement fait valoir ce que vous apportez. Et, quand on dit dans l'introduction de notre mémoire, qu'on parle de compressions, de privatisation, de contrats de gestion, de reddition de comptes, et ainsi de suite, on a l'impression qu'on va demander ? puis on ne demande qu'à être détourné de cette impression ? aux gestionnaires de gérer au minimum, parce qu'on n'a jamais, supposément, de marge de manoeuvre... qu'on retrouve quand même de budget en budget une marge de manoeuvre financière assez importante. Alors, dans ce sens-là, c'est bien sûr qu'une projection, c'est toujours intéressant, ça nous permet aussi de voir où on s'en va et comment on peut être en mesure d'améliorer... Mme Chabot parlait de stabilité, de consolidation du réseau. Ça nous donnerait aussi des poignées, je dirais, pour être en mesure d'intervenir dans ce cadre-là.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Oui, parce que ce sera garant, en tout cas, d'un minimum de transparence. Je pense que c'est important. Vous vous rappelez, à la commission Clair, on disait que ça partait d'une fausse prémisse, donc que le Québec n'avait plus les moyens. On a voulu démontrer que, avec un minimum de rigueur, de transparence et aussi par des chiffres, on aurait peut-être les moyens de faire face justement à cette augmentation-là des coûts du système de santé.
Mais ça me permet effectivement de dire qu'on a dit aussi plus que ça à la commission Clair, puis là je fais le lien avec le projet de loi. Je l'ai dit au début, on a été, tout le monde là, les travailleurs, les citoyens, brassés pas à peu près avec la réforme depuis 1995. Là, on a besoin de moyens dans le fonctionnement puis dans l'organisation pour renforcer le réseau. Il y a déjà des lignes de force avec lesquelles ces moyens... Bon. Puis je sais que le ministère entend aller de l'avant avec la première ligne, les services à la jeunesse, les questions comme ça. Je suis pas sur la façon. Je veux dire, il y a déjà des affaires importantes en termes de services intégrés qu'il faut mettre en place, de consolidation d'une réforme qui est inachevée. Puis là, avec un projet de loi comme ça, qui vient remettre en question un des fondements importants qui est la démocratie dans notre réseau, ça semble laisser traduire que, parce que ça va mal, c'est un peu à cause de la gestion qu'on a eue du réseau jusqu'à maintenant, et donc, les travailleurs qui y participent, les citoyens qui sont élus, est-ce qu'ils seraient en cause? Donc, on fait le ménage, puis on désigne les personnes, on les nomme, puis on s'en tient à la ligne qu'il faut être performant, etc. Il me semble là qu'il y a un double discours. Il y a un double message. Et, s'il y a une priorité à mettre de l'avant, ça serait la priorité de renforcer les services puis pas de faire... encore prendre des mois pour s'entendre sur un mode de fonctionnement démocratique, qui, somme toute, malgré des bilans qui sont peut-être à revoir, est pas totalement à remettre en cause.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une dernière question, M. le député de Châteauguay.
M. Fournier: Oui, bien, il y a... Je vous écoutais... je vous écoutais parler. Lorsqu'on parle, pour le gouvernement, de transmettre l'information sur ses marges de manoeuvre ou sur sa planification, même pas sur ses marges de manoeuvre, tout le monde voudrait le savoir, ses marges de manoeuvre, mais... mais, même sur sa simple planification à l'égard de la Santé pour les trois prochaines années, le problème pour le gouvernement, c'est que ça amène les gens à le savoir quand il leur dit. Et, s'ils le savent, là ça les implique dans le débat, là ils peuvent émettre une opinion: Est-ce que c'est le bon montant? Ça peut être plus? Comment ça pourrait être fait? Où l'argent irait? Et ça devient embêtant pour un gouvernement d'avoir trop de monde qui participe à cette discussion-là et c'est beaucoup plus simple quand tu es seul à avoir l'information et à prendre les décisions.
Et, moi, je vous dirais que, lorsque le gouvernement, on lui a demandé de faire ses énoncés de prévisions sur cinq ans ? à l'époque, c'est ce qu'on demandait ? déjà on voyait poindre la même philosophie qui est dessous le projet de loi n° 28, c'est-à-dire: je suis l'actionnaire de ce réseau, je serai le décideur du réseau, et vous vous plierez à ce que je vous dis. Et je veux juste souligner avec vous que ce serait passablement utile que le gouvernement fasse oeuvre de plus de transparence à cet égard-là, et surtout... on pourrait toujours prétendre que c'est une question de payeurs de taxes, mais j'irais plus loin que ça, là, pour essayer de se rappeler qu'on parle de la santé. C'est même plus une question de taxes, c'est une question que les gens ont le droit de savoir qu'est-ce qui va se passer avec eux. C'est leur réseau à eux.
Ceci étant, je voudrais terminer avec une question très précise. J'aimerais ça vous entendre parler... Parce que c'est abordé mais très rapidement, c'est celle des présidents-directeurs généraux de régies. Je voudrais savoir... J'essayais de voir là comment vous vous positionnez à l'égard des P.D.G. Vous êtes pour? Vous êtes contre? Puis pour quelles raisons vous seriez l'un ou l'autre?
Mme Chabot (Louise): On est contre. On est contre le concept puis on est contre le nom aussi. Je pense que c'est très clair actuellement au sein des régies régionales puis je pense que ça a un rôle important. Il y a un rôle qui est dévolu aux directions générales, donc aux directeurs généraux, qui est un rôle, je pense, plus administratif, je vais le dire comme ça, puis un rôle politique dévolu au président du conseil d'administration. Puis, à notre avis, ces deux rôles-là, la distinction doit être maintenue et on doit maintenir, à ce niveau-là, la composition actuelle, telle que nous la connaissons.
M. Fournier: Dans la mesure où... Si je peux me permettre, en terminant...
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.
M. Fournier: Dans la mesure où le gouvernement a décidé de nommer tout le monde, y va-tu y avoir une grande différence entre le président qui a un rôle plus politique alors que sa nomination, et donc sa destitution, est entre les mains du ministre?
Mme Chabot (Louise): Bien, ça, ça fait partie de l'analyse qui nous amène à dire que le gouvernement ne devrait pas nommer tout le monde. Donc, effectivement, c'est dans une vision où les personnes sont nommées qu'on a ce concept-là et, nous, on est tout à fait contre parce que ça témoigne, je pense, effectivement, d'un type de gouverne ou de direction qui ne correspond pas à la vision qu'on a de la gestion du système.
M. Fournier: Je voudrais vous remercier de votre visite à Québec.
La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Ceci met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Mmes Richard, Chabot et Le Brun, merci de votre participation à une heure aussi tardive. Votre réflexion va sûrement alimenter... va sûrement nous alimenter. Et j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 46)