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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 9 mai 2000 - Vol. 36 N° 48

Consultations particulières sur le projet de loi n° 102 - Loi modifiant la loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives (titre modifié)


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Table des matières

Journal des débats

heures trente-quatre minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Voulez-vous prendre place, s'il vous plaît? Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales débute ce matin une série de rencontres concernant le projet de loi n° 102. Alors, elle est réunie afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur ledit projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Blanchet (Crémazie) sera remplacée par M. Kieffer (Groulx); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Gautrin (Verdun) pour la durée de l'examen de l'affaire; et Mme Leduc (Mille-Îles) par M. Rioux (Matane).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, nous débuterons avec des remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons la Régie des rentes du Québec de même que l'Institut canadien des actuaires, et nous compléterons, cet après-midi, avec le Conseil du patronat du Québec, Alcan Aluminium ltée de même que l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec. Alors, je vous rappelle que le temps consacré aux remarques préliminaires est d'une durée de 30 minutes, réparties 15 minutes pour le groupe ministériel et 15 minutes pour l'opposition officielle.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, M. le ministre, je vous cède la parole. Vous disposez, comme je le mentionnais, de 15 minutes pour vos remarques.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, Mme la Présidente, chers collègues députés, le débat des dernières semaines sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, nous a permis de constater que la sécurité financière des retraités actuels et futurs ne laisse à peu près personne indifférent. Cela, d'ailleurs, est fort compréhensible. C'est l'avenir financier de quelque 625 000 travailleurs et travailleuses et de celui de presque autant de retraités dont il est question dans ce projet de loi.

La Loi québécoise sur les régimes complémentaires de retraite existe sous une forme ou sous une autre depuis 35 ans. Elle encadre l'administration de quelque 2 200 régimes privés de retraite au Québec. Cette loi définit également aussi les droits des participants québécois à quelque 1 700 régimes de retraite encadrés par des lois des autres provinces.

Dans un effort de modernisation, les travailleurs et travailleuses ainsi que les retraités du Québec sont au coeur de notre intervention. Je suis déterminé à favoriser la mise en place de conditions favorables pour les aider à se préparer financièrement pour la retraite. Et cette détermination répond à deux impératifs. D'abord, il faut, de façon impérieuse, freiner la diminution du nombre de régimes complémentaires que nous observons présentement. Le statu quo actuel a des conséquences néfastes dans un contexte de vieillissement de la population comme celui qui s'amorce au Québec. La situation est préoccupante, voire même inquiétante. La participation dans ces régimes est en baisse. Il y a là bien sûr, à l'évidence, un signe d'un problème.

Il faut rappeler, Mme la Présidente, qu'en 1990 la proportion de salariés québécois couverts par un régime complémentaire augmentait régulièrement pour atteindre à peu près 50 %. Or, au cours de la dernière décennie, la tendance s'est inversée, le taux de participation a chuté à 45 %. Cette baisse, si elle se maintient, met en péril le niveau de revenu de retraite privée. C'est le signe évident d'un malaise, c'est le symptôme d'une perte de confiance, tant des employeurs que des employés, à l'égard de l'outil d'épargne qu'est le RCR. Et cela, ce n'est pas le ministre qui l'avance, mais bien les spécialistes de la question. Et cette crise de confiance a des impacts importants pour deux raisons.

La première, c'est que notre système de sécurité du revenu à la retraite est ainsi fait que les régimes publics, comme le Régime de rentes du Québec et le programme fédéral de sécurité à la vieillesse, ne versent qu'un revenu de base au moment de la retraite, un revenu garanti bien sûr, mais ça ne demeure toujours qu'un revenu de base, et, dans la plupart des cas, ce revenu n'est pas suffisant pour maintenir un niveau de vie comparable à celui qu'on avait avant de quitter le marché du travail. Le retraité qui, par exemple, a toujours versé le montant maximum de cotisation admissible au Régime de rentes tout au long de sa carrière recevra, en dollars courants, 15 000 $ des régimes publics de retraite cette année. C'est un bon début, mais vous comprenez à l'évidence que, s'il ne peut pas compter sur des revenus d'un régime complémentaire de retraite ou sur des revenus d'un REER, ce sera inévitablement une baisse importante de son niveau de vie à laquelle il sera confronté.

La deuxième raison, c'est que les sources de revenu de retraite privée stagnent au Québec, alors qu'elles augmentent en Ontario. Il n'y a actuellement que 45 % des personnes âgées de 65 ans et plus qui puisent un revenu d'un régime complémentaire ou d'un REER. Qui plus est, seulement 19 % du revenu des retraités provient actuellement de ces régimes, tandis qu'en Ontario quelque 27 % du revenu des retraités provient de ces régimes. Or, en 1981, le ratio Québec-Ontario était pratiquement identique. C'est donc dire le chemin qu'il nous faut faire.

En faisant le choix du projet de loi n° 102, en faisant le choix de proposer plusieurs avenues aux parties plutôt que d'en imposer une seule, en faisant le choix de davantage de transparence, en faisant le choix de mieux protéger les travailleurs mobiles, nous pensons pouvoir stabiliser et, nous l'espérons, voir augmenter le nombre de régimes au cours de la prochaine décennie. C'est pour cette raison, Mme la Présidente, qu'il y a un deuxième impératif, celui d'établir des règles claires en ce qui a trait à la gestion et au financement des régimes complémentaires de retraite. Ceci est dans l'intérêt des employeurs mais également des travailleurs et des retraités.

Mme la Présidente, j'ai parlé tout à l'heure de la baisse constante du nombre des régimes, cette baisse est particulièrement problématique dans le secteur privé. À peine un travailleur sur quatre profite d'un régime complémentaire. Au sein des PME qui sont créatrices d'emplois, il y a moins de 10 % des travailleurs qui ont la chance d'être couverts par ce genre de véhicule d'épargne-retraite. Ce sont donc deux impératifs qui commandent des actions immédiates. Ce qui est en jeu, c'est la popularité des régimes, la protection des droits des travailleurs et des travailleuses, et aussi des retraités bien sûr, et l'adoption de règles qui correspondent aux nouvelles exigences du marché du travail et aux nouvelles règles aussi qu'impose l'économie. Partout en Amérique du Nord, on a trouvé des réponses satisfaisantes et claires à la question des congés de cotisation. Je pense qu'il est temps d'en faire de même au Québec.

n(9 h 40)n

En réponse à ces deux impératifs, je propose quatre décisions. D'abord, je propose de lever les incertitudes qui entourent la question des congés de cotisation. Je propose de corriger la faiblesse des prestations de départ pour les travailleurs mobiles, ce qui touche davantage les jeunes. Je propose de permettre l'acquisition du droit à une rente dès l'adhésion du travailleur à un régime de retraite. Et je propose aussi que nous favorisions plus de transparence dans la gestion des régimes, en corrigeant, entre autres, des lacunes de fonctionnement qui alourdissent leur administration. Allons-y dans l'ordre.

Pour la première décision, celle qui concerne les congés de cotisation, chacun sait qu'il s'agit d'un sujet délicat qui suscite des avis contradictoires, selon les perspectives de l'employeur ou du travailleur. Mais, pour ces deux parties, il existe actuellement une incertitude juridique quant au droit de l'employeur de prendre un congé de cotisation lorsque le régime de retraite est en situation de surplus. Un régime de retraite est avant tout un contrat et, en outre, un contrat que l'employeur n'est pas tenu d'offrir à ses travailleurs. Il faut donc garder tous ces paramètres à l'esprit lorsqu'on tente d'élaborer une solution.

La volonté du gouvernement du Québec est de proposer une solution qui permettra aux parties de respecter des ententes déjà conclues, je dirais même de solidifier des ententes déjà conclues, tout en permettant aux employeurs de clarifier ou de faire confirmer leur droit à un congé de cotisation, sans toutefois statuer sur la propriété des excédents d'actif. À cet égard, nos proposons deux options à l'employeur qui désire clarifier son droit de prendre des congés de cotisation. Il s'agit, je le répète, d'options facultatives et que la loi n'obligerait pas la modification des régimes existants pour introduire une disposition particulière concernant les congés de cotisation. Des régimes de retraite qui n'appliqueront ni l'une ni l'autre des deux options de modification offertes pourront donc continuer à fonctionner comme ils l'ont toujours fait, mais, dans ce cas, l'employeur continuera de s'exposer à des risques... l'employeur et les employés, devrais-je dire, représentés dans les syndicats, les deux continueront de s'exposer à des risques de poursuite de la part d'un tiers parti.

Les employeurs qui voudraient se mettre à l'abri de tels recours et voudraient solidifier leur droit auraient deux possibilités. D'abord, une modification pourrait être apportée au régime pour prévoir expressément le droit de l'employeur de se prévaloir de congés de cotisation. La modification donnerait évidemment la possibilité de prévoir qu'un tel droit soit assorti de certaines conditions, comme l'amélioration préalable des prestations des participants. Une telle modification serait apportée par le ou les personnes investies des pouvoirs nécessaires en vertu des régimes de retraite. Par ailleurs, dans les régimes où les participants sont représentés par une association de travailleurs, cette association devra aussi consentir à la modification. Employeur et syndicat pourront donc en arriver à une entente quant au droit de l'employeur de prendre un congé de cotisation. C'est par entente.

La deuxième option qui s'offre aussi à l'employeur consiste à modifier le régime, mais ? j'insiste là-dessus ? de prendre, mais à condition d'améliorer les droits des participants et des bénéficiaires. En somme, par rapport au statu quo, nous venons introduire du droit nouveau et nous venons introduire une espèce de régime de droits minimaux sur la question des congés de cotisation et, par rapport au statu quo, il s'agit là d'une nette amélioration.

Cette option finalement se résume de façon simple: un employeur pourra prendre un congé de cotisation, mais à condition de faire en sorte, avec les dispositions qui sont inscrites dans la loi, que ce congé jamais ne se prenne ? vous allez me dire: à l'évidence, bien sûr ? sur la part de l'employé, mais, encore plus, sur le rendement de la part de l'employé. Il s'agit là d'une règle minimale que nous introduisons pour les congés de cotisation. Et je répète que cette option n'est possible, ne pourra être utilisée qu'uniquement s'il n'y a pas de dispositions tant dans le régime que dans les textes de conventions collectives ou dans d'autres ententes qui prévoiraient des dispositions sur l'utilisation des surplus.

La deuxième décision que nous prenons consiste à améliorer la prestation de départ offerte aux travailleurs qui cessent la participation active au régime plus de 10 ans avant l'âge normal de la retraite. Vous le savez, chers collègues, dans un régime où les prestations sont établies en fonction du salaire des meilleures années, la prestation de départ est déterminée en fonction du salaire gagné au moment où le participant cesse sa participation au régime. Or, ceci est nettement défavorable aux travailleurs qui changent d'employeur, donc à une grande partie des travailleurs d'aujourd'hui et de demain. Sans bonification actuelle, un travailleur mobile est susceptible de toucher à sa retraite une rente inférieure à celle du travailleur qui a les mêmes caractéristiques, mais qui est demeuré à l'emploi du même employeur. Le manque à gagner peut représenter, dans certains cas, jusqu'à 40 %. La correction que le gouvernement vise à apporter est donc cruciale, en particulier pour les jeunes travailleurs, et il en est de même d'ailleurs pour les autres bonifications.

La troisième décision concerne l'acquisition du droit à une prestation dès l'adhésion à un régime de retraite. Ce projet de loi introduit une autre bonification importante pour les travailleurs et travailleuses: l'acquisition du droit à une prestation dès l'adhésion au régime. À l'heure actuelle, un travailleur a droit à une prestation au titre de son régime de retraite s'il compte deux années de participation. Dans le but de restaurer la confiance des travailleurs envers les régime de retraite, puisqu'elle est aussi en cause, je pense qu'il faut éliminer les situations pour lesquelles le travailleur, qui a participé au régime, n'a droit à aucune contrepartie patronale. Le projet de loi prévoit donc éliminer les règles actuelles relatives à l'acquisition du droit à une prestation pour les remplacer par une seule: un participant a droit à une prestation dès son adhésion au régime. Une telle règle est un autre gain important pour les travailleurs, sans compter qu'elle permettra de simplifier la tâche des administrateurs.

Quatrième décision, la transparence et la simplification d'administration des régimes. Je l'ai indiqué plutôt, il m'importe de renforcer la protection des droits des travailleurs et des retraités. À cet effet, le projet de loi met l'accent sur de nouvelles règles d'information obligatoires préalables à l'une ou l'autre des modifications, peu importent les options qu'une personne choisirait. C'est un gain important par rapport à la situation qui prévaut, et nous préconisons que tous les participants soient informés des modifications qui les concernent. Par le passé, des congés de cotisation patronale ont parfois été pris sans que les participants soient informés. Ainsi, la réglementation actuelle sera modifiée afin que le relevé annuel de chaque participant et bénéficiaire contienne des renseignements sur les congés de cotisation.

Mme la Présidente et chers collègues, à l'occasion de cette commission, nous aurons l'occasion de soulever bien des questions. J'en indique deux qui, dès le départ, me préoccupent de façon particulière.

La première est celle de l'assemblée annuelle. Depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1990, la Régie des rentes a reçu de nombreux commentaires selon lesquels l'assemblée annuelle obligerait ou entraînerait souvent des dépenses indues en regard du peu d'intérêt qu'elle suscite auprès des participants. Nous avons donc cru bon, de bonne foi, dans le cadre des efforts de simplification de la gestion des régimes, de proposer de permettre aux comités de retraite de ne pas tenir d'assemblée annuelle sauf si au moins 10 % des participants et bénéficiaires manifestent la volonté d'en avoir une. Nous avons déjà entendu des gens nous dire que cette voie n'est pas avisée. Je pense qu'il y a lieu de discuter de cette question à fond.

L'autre question a trait à la portée du nouvel article 146.4. Dans mes discussions avec la CSN, on m'a fait valoir que cet article ne protégeait pas toutes les ententes négociées. Il faut donc aller au fond de cette question.

C'est donc, Mme la Présidente et chers collègues, avec ouverture que j'aborde ces questions. Je suis convaincu que ce projet de loi est un projet équilibré. Il est équilibré parce qu'il accorde aux travailleurs et aux retraités une meilleure protection au chapitre de la sécurité du revenu à la retraite; équilibré parce qu'il garantit une gestion plus transparente de ces régimes; équilibré parce qu'il permet aux employeurs plus de flexibilité dans le financement et la gestion des avantages qu'ils consentent à leurs employés.

Depuis le dépôt du projet de loi, nous avons rencontré de nombreux intervenants, et je souhaiterais laisser la parole à un d'entre eux, qui est l'éditorialiste de la revue Avantages, qui est le magazine de la gestion des caisses de retraite et des avantages sociaux au Québec, qui conclut un éditorial sur la question de la façon suivante, et je cite: «Il n'était pas facile de s'attaquer de front à ces questions. Il faut saluer la volonté politique et le courage du ministre qui a proposé ces mesures, dans l'ensemble bien accueillies par la communauté de la retraite. On y voit nettement le désir du gouvernement de protéger les employés tout en donnant à l'employeur la flexibilité dont il a besoin pour rester concurrentiel dans ce nouveau contexte économique qu'est celui de la mondialisation. Même si certains n'y trouvent pas leur compte, le projet de loi n° 102 nous paraît dans l'ensemble équitable et constitue une approche équilibrée qui devrait permettre à toutes les parties d'aborder la question de façon plus éclairée.» Je pense que nous devrions nous inspirer de ces propos pendant notre commission. Je vous remercie.

n(9 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Verdun. M. le député, je vous rappelle que vous disposez d'une période de 15 minutes pour vos remarques préliminaires également.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. D'emblée, je vais vous dire, les régimes complémentaires de retraite, ou tout mécanisme qui va faire en sorte qu'on puisse épargner en fonction de la retraite, sont absolument nécessaires. Et il faut bien comprendre que notre mécanisme de protection des revenus lorsqu'une personne arrive à la retraite est basé sur trois éléments: bien sûr, la prestation de retraite qui vient du fédéral; la contribution si la personne a travaillé et qui vient du Régime de rentes du Québec; et, en contrepartie, et les études ont été faites, si on veut réussir à maintenir un niveau de vie, c'est-à-dire à peu près à avoir 70 % du revenu, enfin que l'on a au moment où on prend sa retraite, il est nécessaire d'avoir soit un régime de retraite, soit une certaine épargne. Comprenons-nous bien, les régimes complémentaires de retraite ne sont que des véhicules, des véhicules financiers, pour justement être en mesure d'accorder ou d'apporter ces compléments de revenus.

L'inquiétude qui a été soulevée par le ministre, je la partage. 25 % seulement des travailleurs du secteur privé bénéficient actuellement d'un régime complémentaire de retraite. Parmi les régimes complémentaires de retraite ? et c'est important qu'on le comprenne, parce qu'on va avoir ce débat-là ? il y en a essentiellement deux, deux types de régimes complémentaires de retraite, et on les appelle ceux qui sont à cotisation déterminée et ceux qui sont à prestations déterminées.

Ceux à cotisation déterminée, pour simplifier un petit peu, c'est une forme de REER collectif dans lequel l'employeur et l'employé contribuent et, au bout d'un certain temps, lorsqu'on accumule et on place ces argents-là... au moment de la retraite, on peut acheter, à ce moment-là, un CRI, ou une rente, et qui est formé de l'ensemble des montants qui ont été épargnés.

Les régimes complémentaires de retraite à prestations déterminées, il y en a plusieurs. Il y a ceux qui sont sur le salaire de carrière, il y a ceux qui sont sur le salaire final, il y a ceux sur la moyenne des salaires finaux. Vous connaissez, par exemple, celui dont bénéficient actuellement les parlementaires, qui est un régime de retraite sur la moyenne des cinq meilleures années de contribution. C'est donc un régime de retraite à prestations déterminées. C'est probablement celui qui amène la meilleure protection, puisqu'il tient compte à ce moment-là du salaire en fin de carrière, ou souvent il tient compte du salaire en fin de carrière, et accorde une meilleure protection. On pourrait plaider qu'il accorde une meilleure protection que les régimes de retraite à cotisation déterminée.

Il est important aussi, Mme la Présidente, de bien comprendre que, dans une situation démographique qui va être la nôtre dans les 10 ou 15 prochaines années, où on peut, grosso modo, dire qu'il y aura deux retraités pour trois travailleurs, l'importance pour la croissance économique, pour les fonctions de consommation des régimes de retraite, ça va être absolument majeur dans l'économie québécoise, et ce qu'on fait ici aujourd'hui est fondamental pour le futur sur le plan économique. Faire en sorte que nos retraités puissent avoir un revenu décent, c'est bien sûr un geste social, mais c'est aussi un geste économique, il faut bien en être conscient. L'apport économique des retraités dans huit ou neuf ans va être fondamentale et faire en sorte qu'ils puissent avoir des revenus suffisants pour pouvoir consommer. C'est un geste important pour l'économie du Québec.

Il est important, Mme la Présidente, et vous le savez parfaitement, puisque vous faisiez partie de ce gouvernement, de rappeler que le gouvernement libéral a quand même travaillé sur les régimes complémentaires de retraite et, après avoir fait un moratoire en 1988, c'est en 1992 que le gouvernement, en ce qui touchait la partie des régimes de retraite qui terminaient... Et, si vous vous rappelez, le partage des excédents d'actif pour les régimes de retraite qui arrivaient en terminaison, à ce moment-là, le ministre d'alors qui était l'actuel... qui était toujours le député de Laporte, M. Bourbeau, avait donc proposé un mécanisme qui favorisait l'entente entre les parties lorsqu'il y avait une fin de régime et, lorsque l'entente ne semblait pas pouvoir être atteinte quant au partage des excédents d'actif, la loi qui était proposée par le gouvernement libéral d'ailleurs suggérait le recours à l'arbitrage obligatoire. Je ne ferai pas, pour le ministre, néanmoins la lecture des arguments qui avaient été amenés par sa collègue, Mme Harel, pour plaider contre le projet de loi de M. Bourbeau, ce serait un certain nombre d'arguments qu'on pourrait utiliser ici éventuellement pour plaider contre le projet de loi n° 102, mais je ne me permettrai pas de le faire. Mais je les ai s'il veut les avoir et les lire pour son plaisir ou pour avoir les arguments que Mme Harel amenait à l'époque contre le projet de loi proposé par le ministre Bourbeau, qui pourraient peut-être être encore pertinents actuellement.

Le projet de loi, à l'heure actuelle, touche ? le ministre l'a rappelé ? trois grandes questions: la question du droit à une prestation dès l'adhésion au régime, la question de la prestation de départ et la question des congés de cotisation. Je pense qu'il est important qu'on l'aborde dans un esprit d'équité.

Le ministre a insisté fortement sur un certain nombre de questions, dont la nécessité que les parties s'entendent. La réalité aujourd'hui, Mme la Présidente, c'est que les parties ne sont pas deux mais sont trois. C'est-à-dire que, lorsqu'on parle des régimes de retraite, vous avez bien sûr l'employeur qui est une partie incontournable, vous avez les participants actifs dans un régime de retraite qui sont une partie importante, mais vous avez ? et numériquement ils deviennent, dans beaucoup de régimes de retraite, de plus en plus importants ? les bénéficiaires, à savoir les retraités, qui sont aussi une partie importante des gens qui sont concernés quant à la disposition et qui ont des excédents d'actif dans un régime de retraite. En toute équité, Mme la Présidente, il va nous sembler qu'il serait juste de voir comment on peut tenir compte des intérêts parfois divergents de chacune de ces personnes. Mme la Présidente, donc, nous allons étudier, questionner mais nous assurer que le projet de loi assure l'équité.

Le ministre a beaucoup insisté, lorsqu'il parlait des excédents d'actif, sur les premiers articles de 146; il n'a pas parlé de 146.11. L'article 146.11, Mme la Présidente, touche les suppléments excédentaires et, selon les consultations que j'ai pu faire, c'est celui qui soulève le plus l'ire des bénéficiaires et des participants, à l'exclusion bien sûr des employeurs. L'article 146.11 dit, pour les régimes de retraite qui dépassent les limites fixées par la Loi fédérale de l'impôt, qu'il y a un droit unilatéral pour l'employeur de prendre un congé de cotisation. Il y aura lieu, Mme la Présidente, de discuter avec les personnes, ici, de la pertinence de maintenir cet article 146.11. Les différents mémoires qui nous ont été présentés proposent des alternatives, questionnent la pertinence même de le remettre.

En ce qui touche les travailleurs et la mobilité des travailleurs, le fait qu'il y ait un droit à une prestation dès l'adhésion au régime, ou la prestation de départ, essaye de répondre à un problème qui est de plus en plus présent, qui est celui de la mobilité des travailleurs. Les régimes complémentaires de retraite au début ont été conçus pour fidéliser aussi le travailleur, c'est-à-dire, on restait dans la même entreprise toute sa carrière, on travaillait 20 ans, 30 ans, 35 ans, on accumulait des droits à un régime de rentes. Ce n'est plus la réalité du marché du travail aujourd'hui où, bien souvent, les gens changent d'entreprise fréquemment. J'aurais souhaité beaucoup plus d'audace de la part de la Régie des rentes et du gouvernement pour développer un véhicule d'épargne ou un véhicule de retraite plus original pour tenir compte de cette mobilité des travailleurs. J'ai un certain nombre d'idées sur la question, nous en discutons à l'intérieur de notre propre parti, mais je trouve que ce qui est proposé pour essayer de palier au problème qui est celui de la mobilité des travailleurs est relativement timide. Mais on aura à voir, en échangeant avec nos invités, ce qu'ils en pensent.

n(10 heures)n

Il y a deux balises qui me semblent importantes, que nous devons avoir dans la tête. La Loi sur les régimes complémentaires de retraite devient de plus en plus complexe, au point que, si vous étiez, Mme la Présidente, un nouvel employeur, si vous partiez en affaires, vous ne choisiriez pas nécessairement ce véhicule pour offrir des bénéfices sociaux à vos employés, alors que le REER collectif est beaucoup plus facile à mettre sur pied, et vous auriez tendance à les offrir en utilisant le véhicule du REER collectif.

Il me semble donc, Mme la Présidente, utile de réfléchir aussi à la simplification de la loi pour la rendre plus facile d'application et plus facile d'utilisation par les différents employeurs qui veulent s'en servir pour offrir un véhicule d'épargne à leurs employés. La Régie des rentes avait commencé à réfléchir sur une version simplifiée de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Je n'en ai qu'un seul cahier, mais il y a deux cahiers comme ça, Mme la Présidente, sur la loi, et encore on va en ajouter, et on va avoir d'autres éléments sur lesquels on va pouvoir débattre. Il y aurait peut-être lieu de réfléchir sur une simplification de la loi.

Deuxième élément, Mme la Présidente. Il faut être conscient que nous vivons dans le contexte canadien. Dans le contexte canadien, chaque province s'est dotée de lois quant à la gestion des régimes de retraite, avec la complexité subséquente suivante: c'est que vous avez neuf provinces au Canada qui sont régies par un système de «common law» et vous avez une province au Canada qui est régie par un système de droit civil, avec tout le problème des concepts de fiducie qui, avant la réforme du Code civil, était différent dans un concept de «common law» et dans un concept civiliste. Donc, on est là dans une difficulté aussi sur le plan juridique, qui a été réglée en partie avec les modifications au Code civil, mais il faut être conscient que beaucoup des régimes de retraite que nous étudions actuellement ont été créés avant la réforme du Code civil, donc se trouvent encore dans cette situation-là.

Vous me disiez que mon temps arrive à échéance. Il m'importe aussi de voir à une forme d'uniformisation et une facilité pour les entreprises qui ont des travailleurs dans chacune des provinces de pouvoir quand même être en mesure de gérer leurs régimes de rentes. J'ai rencontré, par exemple, les gens d'Alcan qui ont deux régimes de rentes enregistrés au Québec, mais, théoriquement, chacun des employés est régi par la loi de l'endroit où il réside, et avec les différences qu'il peut y avoir entre les lois et les difficultés qu'il peut y avoir dans la gestion d'un régime de rentes.

Alors, Mme la Présidente, pour conclure, je dois vous dire qu'on va faire preuve d'ouverture, on va faire preuve d'écoute, mais on va s'assurer aussi que les principes d'équité entre, d'une part, les retraités, les travailleurs, et, d'autre part, les employeurs soient respectés, et ça va être une des lignes de notre questionnement, Mme la Présidente.

Auditions

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Verdun. Je cède maintenant la parole à M. Guy Morneau, président-directeur général de la Régie des rentes du Québec. M. Morneau, vous disposez bien sûr de 1 h 30 min. On me dit qu'il y a environ 40 minutes de consacrées à la présentation du mémoire et 50 minutes pour les échanges avec les membres de la commission. J'apprécierais que vous puissiez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Régie des rentes du Québec (RRQ)

M. Morneau (Guy): Merci, Mme la Présidente. Ça me fait grand plaisir de vous les présenter: Danielle Noël, à ma gauche, qui est responsable des communications à la Régie, et M. Denis Latulippe, qui est actuaire en chef et responsable de l'élaboration des politiques et des programmes à la Régie également.

Je vous remercie de me donner l'opportunité d'introduire le projet de loi n° 102 et, à écouter les notes préliminaires que vous avez fait valoir, je suis à même de constater que vous avez une connaissance très satisfaisante, j'allais dire, de ce secteur pourtant, malgré tout, très complexe. Je m'excuse pour la présentation, parce que les invités verront peut-être moins clair, mais je pense qu'on va distribuer, si ce n'est pas déjà fait, les copies de la présentation, ça vous permettra de suivre. Les dispositions de la salle étant ce qu'elles sont, ça nous rend un petit peu plus difficile la tâche.

Comme je le disais d'entrée de jeu, je pense qu'effectivement le secteur dans lequel on oeuvre ? vous l'avez souligné à juste raison ? est majeur et structurant pour l'avenir. Il a le défaut, par contre, d'être technique, d'être complexe et de soulever, comme on l'a dit, des enjeux parfois émotifs, parce qu'il s'agit d'une question importante qui touchent la vie des travailleurs et la vie des entreprises les trois quarts du temps. Alors, on comprendra, dans une perspective d'un Québec vieillissant, l'importance capitale que prend la question des régimes complémentaires de retraite dans l'édifice de la sécurité du revenu.

Alors, les propos que je voudrais tenir ce matin, d'entrée de jeu, à la commission ont pour but d'essayer de vous permettre de mieux comprendre, de mieux saisir et, j'allais dire, d'avoir accès à une information un peu plus stratégique sur ce qu'est le système des régimes complémentaires, le système de sécurité du revenu à la retraite, de donner de l'information la plus factuelle possible et la plus objective possible, parce que la Régie, de par son rôle de surveillance, a accès à certaines informations qui ne sont pas toujours accessibles. Alors, j'espère être en mesure de mieux traduire la sensibilité, la complexité, les rôles des intervenants et les grands paramètres de ce secteur d'activité là qui, comme je vous le dis, est un peu, malheureusement, beaucoup trop spécialisé et pas toujours accessible au commun des mortels.

Alors, on va y aller, si vous le permettez, tout de suite, en donnant, d'entrée de jeu, un des paramètres de base qui va influencer, je pense, dans l'avenir, la société québécoise, et vous l'avez souligné, c'est le contexte du vieillissement accéléré ou choc démographique que le Québec va vivre dans les prochaines années. L'acétate que vous voyez démontre, avec deux chiffres, juste pour illustrer, l'ampleur du phénomène. Si, dans les années soixante à aujourd'hui, on était parmi les sociétés les plus jeunes parmi les pays développés, bien, dans les prochains 25, 30 ans, on sera parmi les sociétés les plus vieillissantes. Alors, on va passer de 4,7 personnes actives pour un retraité à 2,1 en 2050. Vous aurez compris qu'un tel changement aussi important fait en sorte qu'on se ramasse dans une situation moins avantageuse que le reste du Canada et même les États-Unis. Donc, à cet égard-là, il faut prendre acte de ce renversement de tendance qui est des plus majeurs et des plus signifiants. Je ne sais pas trop quel grand économiste ou quel grand sociologue a dit à un moment donné: Une société est parfois et plus souvent qu'autrement déterminée par sa démographie. Alors, on a une idée du facteur qui nous attend, celui du vieillissement. Donc, réalité nouvelle à apprivoiser, adaptation nécessaire à faire dans un contexte comme celui-là.

Le deuxième élément qui caractérise cette situation-là et sur lequel je voudrais attirer également l'attention, c'est le rythme avec lequel ça va se produire. Vous le voyez dans le graphique précédent ou dans l'acétate actuel, le Japon est actuellement dans la phase où il est passé de 12 % de sa population qui représente les gens de 65 ans et plus à 24 %. Il va compléter cette phase-là aux alentours de 2015, 2018. Le Québec est la deuxième société au monde à entrer dans un processus de vieillissement aussi accéléré. Le Japon va le faire sur 25 ans; nous, on va le faire sur à peu près 35 ans. Alors, c'est un rythme d'adaptation qui est assez rapide dans l'histoire d'une société. Alors, pour toutes ces raisons, la nécessité de saisir vite et bien les enjeux que commande cette nouvelle donne démographique pose l'enjeu même du projet de loi qui est devant nous présentement.

Vous n'êtes pas sans savoir que cette réalité démographique là aura des conséquences ou fera des pressions énormes, d'abord sur les finances publiques; on pense au système de santé et on pensera au système de sécurité du revenu à la retraite. On pense aussi à l'importance, comme l'ont souligné les notes préliminaires d'entrée de M. Gautrin, à l'effet que les sources privées de retraite vont être de plus en plus importantes. Et l'intérêt pour les travailleurs, pour les arrangements de la retraite, va être en croissance. Ce n'est pas étranger que tout le monde s'intéresse de près à la question de la loi n° 102, c'est de l'avenir qu'on parle, de l'avenir de pas mal de monde.

Si on veut essayer de comprendre un peu comment se situe, j'allais dire, la place des régimes complémentaires, on va essayer de faire rapidement le tour du système de sécurité du revenu à la retraite en vigueur au Québec, comme au Canada d'ailleurs, parce qu'on a un régime qui est assez unifié, là, d'un océan à l'autre. On se plaît, à la Régie, de le présenter à peu près comme une maison à trois étages. La première partie est la partie qu'on appelle «assistance», qui, comme on en a fait également mention, est la partie de la sécurité de la vieillesse. Donc, on pense à la pension de sécurité de la vieillesse, au supplément de revenu garanti et à l'allocation au conjoint. Au deuxième étage, on a le Régime de rentes qui assure un régime de base: 25 % du traitement moyen ? si on résume vite là ? des travailleurs. Et le troisième étage, c'est les REER et les régimes complémentaires de retraite qui viennent compléter, j'allais dire, la place, dans cet édifice-là, des sources de revenu à la retraite.

Grosso modo, je pense que ce tableau-là résume assez bien la place des régimes publics. On voit que les deux premiers étages sont des régimes publics obligatoires, alors que le troisième étage n'est pas obligatoire. Il est optionnel. Il est à la charge des parties: l'employeur, les syndicats et les travailleurs.

n(10 h 10)n

On voit aussi que le financement de ces régimes-là est très variable. Le régime de premier niveau est financé par répartition, ce qu'on appelle là, bêtement, à même les impôts et taxes réguliers. Il n'y a pas de caisse, il n'y a pas de financement, il n'y a pas de capitalisation. Donc, très sensible au choc démographique qu'on va connaître. Le troisième étage, lui, est pleinement capitalisé, donc insensible à la variation démographique. Dans le milieu, on a le régime public: le Régime de rentes et le Régime de pensions du Canada qui sont équivalents. On a un régime, un financement qui est mixte. La formule est là juste pour amortir les variations de taux trop subites et trop fréquentes dues à ces variations économiques ou démographiques. Donc, dans l'ensemble, on voit bien que l'équilibre de la sécurité du revenu à la retraite au Canada passe par ces trois étapes-là, et c'est important, je pense, de le saisir.

Si on essaie de l'illustrer d'une autre manière sur un graphique, je pense que les actuaires et les gens de la retraite s'entendent assez bien pour dire: Si on veut maintenir le même niveau de vie à la retraite que pendant la période active, il faut chercher à remplacer environ 70 % de ses revenus avant la retraite. Alors, on a essayé de montrer, sur la courbe que vous voyez là, la place des régimes publics et la place des régimes privés. Ce qu'on constate, c'est que, si vous êtes des travailleurs qui avez des revenus plutôt bas, 20 000 $ et moins, on voit bien que les régimes publics suffisent ou comblent les besoins ou permettent de maintenir le même niveau de vie, parce que la protection accordée, du moins en théorie, selon ces principes, cet édifice de la sécurité du revenu, comble ces besoins-là. Par contre, plus vous vous déplacez dans la courbe, à partir de 30 000 $, 35 000 $, 40 000 $, on voit très bien qu'il faut compter sur au moins 30 %, 35 % des revenus privés pour être capables de maintenir, d'où l'importance d'avoir des règles claires, d'où l'importance d'avoir, je pense, un préjugé, j'allais dire, favorable aux régimes complémentaires, aux REER, parce que c'est du devoir du système de la sécurité du revenu à la retraite de faire en sorte que les employeurs, les employés et les travailleurs prennent en main cette responsabilité d'assurer ou planifier correctement leur sécurité de revenu à la retraite.

Donc, comme on peut le voir, à partir de ce graphique-là, il y a une importante responsabilité qui est impartie aux acteurs dans la prise en charge de leurs responsabilités à la retraite. Alors, si on veut que le système fonctionne, si on veut qu'il livre les produits attendus, bien, il faut que le monde le comprenne, il faut que les règles du jeu soient claires. Et je pense que c'est à peu près là l'objectif dans lequel on vit.

On va revenir, si vous le permettez, et pour illustrer, même si c'est bien parcellaire, la réalité telle qu'on l'observe présentement. On s'est livré, à la Régie, à l'analyse des revenus des personnes retraitées, donc de 65 ans et plus, juste pour les fins de la démonstration, pour essayer de voir quelle est la part de ces différents véhicules là dans le système actuel. C'est des données qu'on a compilées à partir des données du ministère du Revenu entre 1991 et 1996, les seules dernières données disponibles. Ce qu'on constate, c'est qu'effectivement le système, au moment où on se parle, livre la finalité prévue pour les travailleurs de 20 000 $ et moins. Effectivement, quand vous regardez les revenus de ces gens-là, on constate que le système vis-à-vis du revenu couvre ces besoins-là, assure le 70 %. Et plus vous vous déplacez, par contre, dans la courbe, on s'aperçoit que... la partie en jaune, c'est les régimes privés, donc REER et RCR, on voit tout de suite l'importance grandissante qu'ils doivent prendre, mais peut-être le petit manque à gagner qui pourrait être de nature à atteindre l'objectif final. Vous allez me dire: C'est normal, c'est un système qui est relativement jeune. Le système de la sécurité du revenu a été corrigé ou mis en place dans sa version un peu définitive à partir des années quatre-vingt-dix et le système fiscal, qui va avec les REER, en 1992, en 1993.

Ceci étant dit, c'est que, globalement, si on prend tout ça dans l'ensemble, sur la base des données disponibles au moment où on se parle, c'est 65 % à peu près des revenus des retraités, donc des gens de 65 ans et plus, qui est compensé ou qui est remplacé, ce qui n'est pas loin de l'objectif poursuivi. Mais il faut rester vigilant, il faut rester, j'allais dire, très aguerri, parce que l'avenir, il faut qu'il soit... On tend vers ce 70 % là, sinon, comme on l'a souligné, on se prépare des lendemains un peu difficiles comme société. La place et l'importance des retraités dans la société et leur pouvoir de consommation et leur pouvoir également d'utilisation de ces revenus-là vont être un peu à la remorque de la richesse collective.

Donc, en gros, si vous me permettez, je conclurais sur mes notes préliminaires avant d'aborder de front le projet de loi sur les enjeux de ce système de sécurité de revenu à la retraite là. Je vous l'ai dit, la réforme, le gouvernement, face à l'éventualité du phénomène démographique qu'on allait connaître, a commencé à adapter ses outils dans le système de sécurité de revenu. On a d'abord revu, on l'a souligné, la Loi des régimes complémentaires en 1990. On l'a fait sur des objectifs très clairs, à savoir établir un système de droits minima. Parce que la Loi des régimes complémentaires, on l'a souligné également, c'est une loi-cadre, c'est une loi d'intérêt public, qui ne vise pas à substituer aux parties, qui vise tout simplement à donner des règles de base que tout employeur ou tout syndicat désireux de créer un régime de retraite complémentaire doit respecter pour s'assurer, j'allais dire, d'un minimum de choses valables. Alors, ce système de règles minima là, et c'est un peu le devoir de la Régie et, dans ce sens-là, on est bien sûr très préoccupé par la défense des participants... c'est de voir au respect de ces règles de droit minima là. Je vais vous donner des exemples, juste sur le système de droits minima: la cotisation patronale minimale obligatoire sur le service fait après deux ans, sur les rentes minimales de 60 % au conjoint, sur l'acquisition de la part employeur après deux ans. Voici un ensemble de règles qui sont construites, édifiées, codifiées dans la Loi des régimes complémentaires, qu'il est obligatoire pour tout régime de respecter. La responsabilité de la Régie, c'est de s'assurer que ces régimes-là les respectent. Donc, dans ce sens-là, on l'a dit, je pense qu'on a une préoccupation ou un préjugé très favorable aux participants.

L'autre enjeu ou objectif sur lequel repose la Loi des régimes complémentaires, c'est la stabilité financière des régimes de retraite, la préoccupation majeure qu'on a. Donc, la loi contient un paquet de dispositions qui touchent aux questions financières du régime ? les normes de solvabilité, les normes de capitalisation des régimes ? et là-dessus soyez assurée que nos normes, telles qu'elles sont appliquées, telles qu'elles sont mesurées, sont très sévères et très strictes, à telle enseigne que jamais une situation qui va être un peu préoccupante ne mérite tout de suite des correctifs ou des actions et ne commande des ajustements obligatoires de la part des employeurs. Parce qu'il y en a, des régimes qui sont en surplus, oui, mais il y en a aussi qui sont en déficit. Quand ils sont en déficit, l'obligation est faite à l'employeur de provisionner les sommes requises. On y reviendra, si vous le voulez, plus tard.

Le troisième élément sur lequel est assise cette loi-là, c'est la transparence. Comme c'est un enjeu majeur, comme ça interpelle les travailleurs, comme ça interpelle les employeurs, il nous semblait et il nous semble toujours tout à fait pertinent que cette administration des régimes là soit d'une transparence exemplaire. On a créé les comités de retraite, on a forcé leur publication, on a forcé les avis, donc ces règles sont inscrites maintenant et codifiées dans le régime complémentaire.

L'objectif de la loi est aussi de promouvoir les régimes ? on a vu l'importance stratégique qu'ils occupent ? et, aussi, on le fait dans le respect du cadre général en vigueur, c'est-à-dire le respect des parties à contracter. Actuellement, dans notre régime, il y a des gens qui ont le pouvoir habilitant de créer et de modifier des régimes de retraite et c'est en support ou en continuation logique à notre régime des relations de travail en vigueur au Québec.

Donc, pour toutes ces raisons-là, voici les quatre, cinq grands principes qui ont été mis en place, comme on l'a souligné, aux années quatre-vingt-dix. Et, 10 ans plus tard, bien, c'est un peu une mise à niveau qu'on va essayer d'opérer.

Au même moment, à la même période, on a vu que, les régimes complémentaires étant un premier outil, il y a un deuxième outil, c'est les REER. Le législateur a prévu mettre sur le même pied fiscal les outils que sont les régimes complémentaires de retraite et les REER. Donc, on a introduit une réforme fiscale majeure en 1992-1993, qui est venue mettre sur le même pied les REER et les RCR ou le fameux système des facteurs d'équivalence. Donc, on donne le même crédit fiscal ou le même avantage fiscal, que ce soit un REER ou un RCR. Avant, c'était le contraire. Avant, les RCR avaient comme un préjugé favorable et bénéficiaient de largesses fiscales un petit peu plus larges que celles des REER. Maintenant, le législateur a dit: Comme c'est le devoir de tous et chacun de planifier sa retraite, on va mettre ces outils-là et donner la possibilité à tout le monde de se constituer un capital-retraite intéressant, que ce soit individuel ou que ce soit collectif, REER ou RCR.

Donc, c'est l'essentiel des réformes récentes. Je ne vous parlerai pas de la réforme du Régime de rentes, qui est venue assurer le provisionnement pour garantir la pérennité du régime, en 1998. On est venu toujours compléter l'adaptation de ce cadre-là, de la maison de la sécurité du revenu à la retraite, au contexte du vieillissement. Donc, la Loi des RCR est basée sur le respect des libres choix des parties contractées et la fiscalité est venue donner des avantages ou une certaine neutralité.

Parlons des RCR, maintenant. De quoi on parle quand on parle des RCR? Je pense que M. le ministre, en introduction, en a donné les grandes caractéristiques. Ce serait important de les rappeler, je pense, d'une façon un petit peu plus détaillée. Comme on peut le voir, actuellement, 45 % de la population active du Québec cotise à un régime complémentaire. Il y aurait possiblement de quoi se réjouir, surtout quand on se compare à l'Ontario qui est à 41 %. Mais ces chiffres-là cachent, comme on l'a dit, une certaine réalité. Le taux de couverture dans le secteur public est assez important ici, au Québec, il est de 100 %, alors que, dans le secteur privé, bien, c'est à peine un travailleur sur quatre, comme on l'a dit, qui est couvert par un régime complémentaire. Et ça, c'est un peu inquiétant, c'est un peu préoccupant, quand on constate qu'effectivement on s'en va vers une société vieillissante, qu'à peine un travailleur sur quatre puisse disposer de cet outil-là, de planification ou de préparation de sa sécurité de revenu à la retraite, qu'est un RCR.

On l'a vu dans le passé... donc, par rapport aux années soixante-dix, on est à peu près à la même place. On avait gagné un peu de terrain à la fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, comme l'a souligné M. le ministre, mais, depuis les années quatre-vingt-dix, on observe un certain recul de l'outil qu'est le RCR, et c'est un peu ça, je pense, qui justifie les interrogations qu'on peut avoir.

n(10 h 20)n

Du côté des revenus à la retraite, je vous l'ai expliqué tantôt, il faut au moins compter 30 % à 35 % de revenus qui viennent de sources privées, RCR, REER ou revenus de placement. Bien, dans une situation, comme on l'a souligné, qui était avantageuse ou comparable à celle de l'Ontario en 1981, 12 % des revenus des retraités venaient de ces véhicules-là versus 13 % en Ontario, on constate qu'il y a un écart qui, en 1995, commence à être assez important, où 19 % des revenus des personnes de 65 ans et plus proviennent des REER et proviennent des RCR alors que, du côté de l'Ontario, c'est 27 % qui est un peu l'enjeu qui est là-dedans.

Alors, on comprendra qu'il y a une espèce de préoccupation, une espèce de nécessité de s'interroger sur la performance de l'outil, sur la qualité, son caractère attractif et son caractère de simplicité pour permettre aux gens de se l'approprier. Moi, je pense que, dans un scénario comme celui-là, la meilleure des éventualités ou la meilleure des polices d'assurance, c'est d'avoir des règles claires, le moins d'incertitudes possible, pour deux, trois bonnes raisons. Je pense que le monde a droit à ce régime clair là et, deuxièmement, quand on parle de planifier, des règles claires et stables, c'est fondamental pour planifier. Si elles ne sont pas claires et elles sont instables, ça rend difficile toute planification. Puis, quand on parle de planification pour le revenu à la retraite, bien, c'est une planification qui est importante parce qu'on va être à la retraite 25, 30, 35 ans. Alors, c'est de sommes importantes qu'on parle. C'est des choses qui se planifient de longue haleine.

Parlons toujours des RCR. Quels sont les types de régimes? Je pense que M. le député de Verdun en a amplement parlé, et je pense qu'il témoigne très bien de sa connaissance. Il y a des régimes à prestations déterminées. Ce n'est pas étranger à ce que 85 % des participants sont d'abord couverts par des régimes à prestations déterminées pour une raison bien simple: ils savent ce qu'ils ont, ils savent ce qu'ils vont avoir. Ils disent: Bien, 1 %, 2 % de mon revenu, maximum, par année de service, maximum 70 %. Ils savent qu'ils vont avoir l'objectif qu'ils recherchent. Alors, le risque est assumé par l'employeur dans un scénario comme celui-là parce que l'employeur est responsable d'assurer le provisionnement du régime au-delà de la cotisation salariale. Et finalement, c'est le cas des régimes aussi où il y a des excédents, parce qu'il y a des prévisions à faire, il y a des planifications à faire, des fois il y a des hypothèses à mettre sur la table. Elles ne se réalisent pas toujours. Des fois, il y a des surplus et, des fois, il y a des déficits, et ça amène l'épineuse question de l'utilisation des surplus et à qui appartiennent ces surplus-là.

Il y a les régimes à cotisation déterminée aussi qui sont moins populaires, mais qui sont en regain de popularité pour les mêmes raisons, à cause que, on l'a dit, il y a beaucoup, j'allais dire, de mauvaise presse ou de mauvaise crédibilité des régimes complémentaires surtout à prestations déterminées. Il y a beaucoup de débats judiciaires, il y a beaucoup de poursuites, puis il y a beaucoup de mobilité. Les jeunes aujourd'hui sont, on l'a souligné, très, très, très mobiles, souvent des emplois précaires, donc ils se disent: Je ne suis pas intéressé à participer à un régime complémentaire à prestations déterminées, je ne ferai pas ma vie chez cet employeur-là, je ne veux pas être prisonnier de mon régime de retraite. Donc, ils sont un peu naturellement enclins à privilégier un régime à cotisation déterminée.

Je vous donne juste un chiffre puis que les experts vont probablement vous répéter dans le cadre des travaux. Si on veut prendre sa retraite à 65 ans, si on veut cotiser à un régime à cotisation déterminée, les spécialistes évaluent qu'il faut cotiser entre 8 % et 11 % de son salaire pour être capable de... à 65 ans, je le rappelle, et, si c'est 60 ans, parce qu'on entend souvent parler de ça aussi, bien, c'est de 11 % à 14 % qu'il faudrait cotiser. Or, la réalité nous dit que, actuellement, on cotise entre 6 % et 8 % dans un régime à cotisation déterminée. Donc, peut-être qu'on se prépare des lendemains un peu difficiles, tout ça encouragé par ces motifs de mobilité et aussi la perspective de rendement. Tout le monde pense qu'on va faire du 15 %, du 20 % et du 30 % comme rendement réel d'ici la nuit des temps. Moi, je pense que c'est un peu utopique que de penser ces choses-là. Mais disons qu'aujourd'hui il y a une certaine philosophie, qu'ils sont enclins à penser que c'est possible. Donc, encore là, je pense que le législateur a une certaine responsabilité de prudence, d'enseignement à dire qu'il y a des enjeux par rapport à l'un des véhicules versus l'autre: Faisons attention, donnons l'information juste, ayons des règles claires.

Finalement, je voudrais terminer sur les RCR en vous signalant à peu près là, au-delà des types de régimes, qu'il y a des régimes qui sont contributifs puis il y a des régimes qui sont non contributifs. Quand ils sont contributifs, et ça, toujours la même règle, c'est 85 % des régimes à peu près à prestations déterminées et à cotisation déterminée qui sont contributifs, l'employeur est justifié pour à peu près 60 % du financement du régime ? ça, je pense que c'est une donnée importante à retenir ? y inclus les congés de cotisation qu'il a pris. Donc, l'essentiel du financement vient, pour en grande partie, de l'employeur. Dans les régimes non contributifs, vous l'aurez deviné, c'est à peu près 100 % qui vient du financement de l'employeur.

On le rappelle, les régimes complémentaires, ce n'est pas obligatoire, c'est à la liberté, à la discrétion des parties d'en instaurer, de les mettre sur pied. Souvent, on a dit que les employeurs étaient voraces, souvent, on a dit que les employeurs avaient une préoccupation marquée pour les surplus puis le financement du régime. C'est assez facile à comprendre, ils le financent à 60 % et en sont responsables. Alors, ce serait de faire défaut à leurs responsabilités que de ne pas prendre les moyens appropriés pour assurer cette lourde responsabilité-là.

Parlons des RCR, finalement, en termes de population couverte. Actuellement, comme je dis, 45 % de la main-d'oeuvre active, c'est 1,3 million de Québécois et de Québécoises qui participent à un régime de retraite. Mais la Loi des régimes complémentaires ne s'applique pas toujours à ces 1 300 000 personnes là parce que c'est 625 000 dans les faits qui participent à un régime qui est assujetti à la Loi sur les régimes complémentaires. Et c'est important de le souligner ? je pense que vous l'avez fait ? on vit dans un univers ouvert, transparent. Les travailleurs sont mobiles, ils voyagent d'une province à l'autre. Alors, il y a 40 %, donc 240 000 Québécois, qui participent à un régime complémentaire de retraite qui est administré par plus qu'une juridiction, autrement dit. Chez nous, on administre, par exemple, 120 000 travailleurs qui travaillent en Ontario, mais la pluralité est au Québec. Donc, la loi des RCR s'applique. Mais il y a aussi 120 000, 130 000 travailleurs québécois qui participent en Ontario, où la loi québécoise s'applique, mais qui est sous le contrôle de l'organisme de surveillance de la loi ontarienne. Donc, la capacité d'innover, la capacité de faire du droit nouveau, la capacité d'adapter le cadre juridique, c'est sujet à cette contrainte-là, parce qu'on vit dans un univers où il faut éviter que des cloisons s'installent entre les différentes provinces.

Donc, la réalité, c'est qu'il y a 2 200 régimes qui sont surveillés par la Régie, il y a 500 000 participants qui sont sous notre surveillance directe. L'avoir, ou les actifs, global de l'ensemble du 1,3 million, c'est 100 milliards ? ce n'est pas des minces sommes ? et les actifs ? on l'estime ? des RCR sous la juridiction de la Régie des rentes, c'est de l'ordre de 50 milliards. Donc, moi, je voudrais juste que vous reteniez que, quand on parle des régimes complémentaires tels que définis, il n'y a pas de solution qui est simple. Il y a une pluralité de modèles, il y a une pluralité de régimes qu'il faut respecter. Il y a des historiques dans chacun de ces régimes-là qui sont le fruit de relations de travail, qui sont le fruit de discussions, qui sont le fruit d'échanges, qui sont le fruit de pensées, qu'il faut également respecter. Encore, ça, ça limite la capacité qu'on a d'intervenir parce que c'est une loi-cadre, c'est les parties qui sont souveraines là-dedans. Donc, ce n'est pas surprenant que cette loi-là, comme les autres, soulève des passions puis des enjeux, parce qu'on parle d'argent important, on parle d'une matière importante et on parle de choses complexes.

Mais on a beau essayer de présenter ce portrait-là, je pense qu'on ne peut pas cacher sous silence non plus un certain nombre d'enjeux qui interpellent les régimes complémentaires, et vous en avez fait amplement référence dans vos notes préliminaires, je vais juste les reprendre.

La couverture insuffisante. Un travailleur sur quatre dans le secteur privé, je pense que ça, il faut tout faire pour améliorer cette couverture-là. Aujourd'hui, effectivement, le projet de loi n° 102 vise d'abord à maintenir, à arrêter la pente descendante, et je pense que la première étape, avant de renverser la tendance, il faut stabiliser puis, après ça, espérer améliorer.

La stagnation du nombre de cotisants. Je vous l'ai dit, on a connu une hausse à la fin des années quatre-vingt, une baisse depuis les années quatre-vingt-dix. Aujourd'hui, à peu près au même niveau que les années soixante-dix, il serait important qu'on améliore cette question-là le plus rapidement possible.

Je vous ai parlé des rapports avec les REER puis avec les régimes à cotisation déterminée. Sur le plan fiscal, les deux outils ont la même valeur, donnent droit aux mêmes congés, ou aux mêmes abris, ou aux mêmes encouragements de la part de l'État sur le plan fiscal, mais ils ne sont pas soumis aux mêmes règles en termes d'immobilisation. Un REER est moins immobilisé qu'un RCR. Immobilisé, ça veut dire que vous pouvez plus facilement liquider un REER que liquider un RCR. Un RCR, il sert exclusivement pour la retraite, vous ne pouvez le prendre qu'au moment de la retraite.

Aujourd'hui, cet outil-là qu'est le REER est neuf, est jeune, et je pense qu'il y a de plus en plus de gens qui y contribuent. Il faudra surveiller de très près l'évolution de ces REER là pour voir: Est-ce qu'ils servent effectivement pour la retraite et est-ce que les sommes qui sont provisionnées là sont de nature à garantir les objectifs qu'on recherche dans le système de sécurité du revenu? Ça, c'est une question très importante, c'est une question à suivre d'une façon régulière. Un travailleur qui a travaillé toute sa vie à 25 000 $, 30 000 $, 35 000 $ peut avoir un REER de 100 000 $, 150 000 $ puis penser être riche; mais, quand il arrive pour le convertir, à un moment donné, en rente puis qu'il se fait dire par l'assureur: Bien, pour ton 150 000 $, tu auras 5 000 $, 4 000 $, oh! il découvre avec stupeur et consternation que, le risque, c'est lui qui l'assume, contrairement à un régime à cotisation d'un RCR où on dit: Tu as 70 % de ton salaire qui t'attend quand tu prendras ta retraite; tu gagnais 40 000 $, tu auras 28 000 $. Voyez-vous la nuance? Donc, la capacité de compréhension, la capacité de mesurer est très importante, donc la vulgarisation et la sensibilisation sont au coeur des enjeux qui concernent les RCR comme les REER.

n(10 h 30)n

On dit que les REER, les RCR doivent s'ajuster au marché du travail. On l'a dit, on vit dans un contexte de mobilité et de statut précaire, et je pense que le projet de loi voulait adresser un peu cet enjeu-là. La complexité de l'administration, vous en avez parlé. On a une loi qui est complexe, on a voulu essayer de la simplifier. De plus en plus, vous allez entendre des employeurs, des administrateurs qui vont venir nous dire: Ça coûte de plus en plus cher, gérer des affaires comme celles-là, à telle enseigne que, des fois, ça a envie de nous décourager d'en mettre sur pied. Je vous entendais donner le conseil à Mme la Présidente, si vous aviez à partir une entreprise et construire un RCR... Je pense que c'est une nécessité d'y réfléchir à deux fois. Alors, comme État et comme législateurs, on doit se préoccuper de cette simplification-là parce qu'il ne faut pas crouler sur la question. Mais il y a des droits individuels, il y a des droits collectifs, donc ce n'est pas toujours simple de trouver l'équilibre entre la complexité, les lois, la jurisprudence et, j'allais dire, la tendance observée dans le reste du Canada. Bref, c'est un secteur très difficile.

L'incertitude aussi, moi, je pense que c'est un gros enjeu qu'il faut combattre, parce que les règles ne sont pas claires, parce que la jurisprudence ne sera jamais d'une façon claire, j'allais dire, pour nous dire: Voici ce que ça dit. C'est du cas par cas à toutes les fois, il faut analyser chaque mesure, chaque régime cas par cas. Donc, l'incertitude au niveau des congés de cotisation, les droits en cas de terminaison, les prestations de départ, c'est autant de questions qui contribuent peut-être, j'allais dire, à ternir un peu l'image des RCR.

Finalement, vous avez l'intérêt des travailleurs à la retraite. Il est très grand, il va aller en grandissant. Quand ils voient tous ces débats-là, tous ces enjeux-là, toute cette contestation-là, tout ce contexte juridique et cette judiciarisation-là, c'est un peu comme s'ils perdaient confiance, ils perdaient la crédibilité des régimes complémentaires. Alors, je pense que, quand on veut travailler à simplifier puis à rendre les règles claires, on essaie de redonner la crédibilité à cet outil-là.

Dans cette perspective-là, la vision qui anime ce projet de loi, c'est accroître la transparence, offrir des moyens pour dissiper des incertitudes ? je dis «offrir», pas «imposer»; je vous ai dit que la loi renvoie à tellement de réalités différentes qu'il est impossible de penser trouver une solution simple et d'application universelle là-dedans ? adapter le système de droit au marché du travail ? on en a parlé, on y reviendra ? les prestations de départ et l'acquisition immédiate le plus rapidement possible, simplifier l'administration ? on a voulu faire un pas majeur, aller dans ce sens-là, et on verra plus loin quelles sont les étapes qu'on a franchies ? stabiliser le cadre juridique ? ça me semble fondamental ? avoir des règles claires, des règles stables, sinon il n'y a pas de planification possible, et promouvoir les RCR ? je pense qu'il faut sans cesse reprendre le bâton du pèlerin et faire en sorte que le monde comprenne l'urgence et la nécessité.

Alors, je m'excuse de ce long préambule qui donne un peu le contexte puis l'univers, les chiffres des données, mais je pense qu'il est essentiel qu'on situe bien les enjeux qu'il y a là-dedans, parce qu'on parle de cet univers-là, ce matin, quand on parle de la loi n° 102, et tous les intervenants que vous allez entendre dans les trois, quatre, cinq prochains jours vont faire référence tantôt à l'un ou l'autre de ces aspects-là et vont vous en parler avec passion et fougue de la même façon que je pourrais le faire.

Le projet de loi maintenant, tel qu'il est présenté. Je vais aller plus vite parce que je pense que M. Boisclair, dans ses notes préliminaires, a très bien expliqué les grands enjeux. On pense qu'il s'agit d'un projet de loi qui est équilibré. Il y a trois mesures ou trois ensembles de volets: l'encadrement des congés de cotisation, l'adaptation au marché du travail par l'amélioration des prestations de départ et l'acquisition immédiate de la rente et la simplification des ajustements. On pense qu'il est équilibré parce qu'il touche à la fois les employeurs, les employés, les retraités et les bénéficiaires.

Parlons maintenant de chacun de ces volets. Les congés de cotisation. Quel est l'enjeu des congés de cotisation? Juste à titre d'information, de 1984 à 1987, selon les informations dont on dispose, il y a eu pour à peu près 2,4 milliards de congés de cotisation qui ont été utilisés à même les surplus. Et ça, je tiens à le préciser, là, à même les surplus. Ça n'a jamais mis en péril les régimes complémentaires et le financement de ces régimes-là, c'est des surplus excédentaires, c'est des excès de provisionnement qui étaient là. Au même moment, on estime à 3,6 milliards la valeur des améliorations de prestations qui ont été faites à même ces surplus en cours de régime là. Donc, on peut le voir, les surplus en cours de régime ne servent pas principalement à prendre des congés de cotisation. Au contraire, ils servent principalement à améliorer le régime de toutes les formes: des conditions nouvelles de prise de retraite, tantôt des ajustements à la rente de retraite avec effet rétroactif ou pas d'effet rétroactif. Bref, l'ensemble des participants actifs et retraités peuvent y trouver leur compte, dans ces genres d'améliorations là. 40 % servent à des prises de congé de cotisation pour ramener le niveau de financement à un objectif qui est acceptable, des fois sous la pression des encadrements fiscaux, il faut se le dire.

Je vous l'ai dit tantôt, quand je regarde ça... Vous avez parlé tantôt, M. le député de Verdun, qu'en 1993 on avait introduit des règles pour les terminaisons de régime parce que, dans les faits, on ne peut parler de surplus qu'en terminaison de régime. En cours de régime, on parle de surplus mais c'est un peu un excès de langage, c'est une modalité de financement.

Comme je vous disais, ailleurs dans le Canada et ailleurs en Amérique du Nord, le principe généralement observé, c'est que la pratique du droit au congé est reconnu généralement. Je vous le dis, là, puis là-dessus, je vais être bien clair, les notions mur à mur, ça existe difficilement dans la complexité dont je vous ai parlé là. Techniquement parlant, ça ne cause pas de problème ni de débat ni d'enjeu comme ici on semble vouloir le faire au niveau de la pratique des congés de cotisation.

Et je regarde les résultats: 60 % pour la bonification, 40 % pour les congés. Ça, c'est l'expérience qu'on a observée depuis les 12, 13, 14, 15 dernières années. Je regarde l'expérience qu'on vit depuis la levée du moratoire, en 1993, où on a dit: Entendez-vous, en cas de terminaison, sur le surplus. À défaut d'entente, il y aura arbitrage et il sera final, il sera exécutoire. Bien, le résultat net de ces arbitrages-là, c'est qu'on s'entend. On s'entend et la proportion générale, lorsqu'on s'entend, c'est: 60 % va aux participants, 40 % va à l'employeur. Donc, ce qu'on fait en cours de régime n'est pas différent de ce qu'on fait en terminaison, et ça, je pense que c'est important de le dire. Rappelons-nous les grands chiffres: 60 % du financement vient des employeurs, 60 % des bénéfices ou des surplus en cours comme à la terminaison va aux employés ou aux participants du régime. Donc, c'est un peu cette réalité.

Qu'est-ce qu'on essaie de corriger dans le projet de loi? Pourquoi on veut le corriger? C'est que la loi actuelle n'établit pas explicitement le droit à l'employeur au congé de cotisation. Ça n'existe pas dans la loi. Vous lirez la loi des RCR, on ne reconnaît pas ça comme un droit, le congé de cotisation. Il n'y a pas une obligation non plus d'informer quand on prend un congé de cotisation. Et ça, moi, je pense que si on veut responsabiliser le monde, qu'il se prenne en main, il faudrait peut-être qu'il comprenne qu'il se passe des choses puis qu'il ait accès à cette information-là.

Les dispositions du régime, des fois, sont muettes ou ambiguës sur le droit ou non à un congé de cotisation. C'est écrit de façon, des fois, sibylline, et là bien ça prend un grand décodeur qui s'appelle un juriste ou un juge qui va nous dire c'était quoi, l'intention des parties. Puis là, bien, c'est là qu'on rentre dans le bal de la judiciarisation. Ceux qui espèrent une jurisprudence claire, bien, sachez que la jurisprudence, elle va être claire pour le cas que vous observez. Chaque cas est un cas d'espèce. Singer, Air Products, tous ces jugements-là ont toujours dit: Il n'y a pas de droit général là-dedans, il y a juste un droit particulier, cas par cas, disposition par disposition. C'est seulement quand on aura passé les 2 200 régimes qu'on aura une certitude sur le portrait général du droit ou non au congé de cotisation. Il me semble que c'est un peu abusif.

Il y a des risques de poursuites, il y a du monde actuellement qui, en vertu de notre Code du travail, a le droit de contracter, de convenir des conventions collectives, de disposer de conditions de travail importantes comme un régime de retraite, et qui peuvent se voir contester parce que des recours peuvent être pris contre ces règlements-là qui n'ont pas assez bonifié les régimes de retraite ou les retraités ou pas assez fait droit à certaines prétentions de certains. Ce n'est pas sain, je pense, pour le régime des relations de travail et ce n'est pas sain pour les régimes complémentaires de retraite qu'on laisse ouverte cette incertitude-là. Et, si possible, essayons de rendre ça le plus simple possible, donnons des règles sans qu'elles soient coercitives, trouvons le gros bon sens pour trouver notre équilibre là-dedans.

Et quand je vous dis la méfiance des travailleurs à l'égard des cotisations, bien, quand vous vivez ce constat constant à l'effet que des recours juridiques, les journaux sont inondés ? des cas Singer, des cas Simonds ? bien, l'image qui vous reste dans la tête, c'est que c'est dangereux. C'est dangereux, les régimes de retraite, c'est dangereux ci, c'est dangereux ça. Ça ne mobilise pas la confiance.

Alors, l'objectif visé par le projet de loi, c'est de dissiper ces incertitudes-là; favoriser l'entente entre les parties ? je vous l'ai dit, il n'y aura pas de conditions obligatoires; assurer plus de transparence; maintenir la sécurité financière des prestations et les règles actuelles de financement ? jamais aucune des mesures mises de l'avant ne devra avoir comme conséquence de mettre à risque le financement du régime, jamais, jamais, jamais, je pense que c'est la clé de voûte de la Loi des régimes complémentaires; offrir des solutions non contraignantes ? ça aussi, je pense que c'est le coeur du modèle.

Alors, c'est quoi, les solutions qui sont mises de l'avant? Première étape d'abord et qui est obligatoire pour tout le monde ? c'est la seule chose qu'on a osé imposer ? c'est la transparence. Donc, l'information à la participation, l'information des participants obligatoire, autant les participants actifs que les participants retraités. Dorénavant, ce qu'on dit, c'est que, quand vous changerez une clause sur le droit aux congés de cotisation ou quand vous prendrez un congé de cotisation, vous allez l'écrire, le dire et rendre ça public pour que le monde le sache et que vous soyez capable d'en disposer. Donc, il y aura une information annuelle, il y aura une information lors de la disposition ou de la modification des clauses pour prévenir tout le monde que la clause a changé, et voici la portée réelle de ce changement-là, les quatre dernières années, quel a été le portrait.

n(10 h 40)n

La deuxième étape, c'est: On va offrir de façon optionnelle aux parties la possibilité entre le statu quo, l'option 1, l'option 2 et finalement la règle spéciale sur la fiscalité. Le statu quo, bien, on le connaît. Je pense qu'on a fait le tour assez bien. Pour les parties qui sont satisfaites des règles du jeu, on ne voit pas pourquoi elles changeraient ça. Donc, elles ont la possibilité de maintenir sur l'erre d'aller. Ça permet toujours les maintiens des congés mais il y a une possibilité qu'il y ait des recours qui soient pris, si jamais des congés sont pris. D'autant plus qu'ils seront beaucoup mieux connus. Respecter les ententes convenues, je pense qu'il n'y a pas de problème de ce côté-là à partir du moment où on permet le statu quo, et l'information annuelle obligatoire. Donc, on pense que cette solution-là, si elle fait l'affaire des parties, bravo. Continuons dedans.

La deuxième option, qui vise à donner une plus grande certitude juridique quant au droit au congé, on dit: Bien, si vous voulez avoir cette certitude-là, soumettez-vous à un processus de clarification de la clause, lequel processus va être garanti imparti de transparence et sujet à l'accord entre les parties. Donc, le droit de l'employeur au congé pourrait être acquis si le régime est modifié selon le processus prescrit. Respecter le pouvoir de modification du régime. Qui a le pouvoir de modifier le régime: la partie patronale, la partie syndicale, les deux? Et primauté de la nouvelle clause dans le sens où effectivement cette clause-là viendra écraser les autres, dire que dorénavant ça ne sera pas contestable si le cas arrivait.

Dans ce cas-là, ça veut dire que ça prend le consentement pour introduire cette nouvelle clause là, le consentement de ceux qui ont le pouvoir de modifier les règles du contrat. Chaque association de travailleurs a son droit à dire là-dessus et chaque employeur également, s'il s'agit d'un régime interentreprises, devra donner son accord avant que la clause devienne efficace, pas besoin que le régime ait été négocié, que le régime soit établi par convention collective, et ça, c'est important. Il y a des intervenants qui vont vous dire que vous faites du droit nouveau puis qu'on est en train de donner une extension. Même un régime qui n'est pas prévu dans une convention collective devrait recevoir l'aval de la partie syndicale. Il nous semble que c'est une règle suffisamment majeure, qui mériterait qu'elle soit vue et comprise par tout le monde.

Je vous rappelle que de façon générale, actuellement dans les grands régimes, il y a des ententes, règle générale, qui balisent ou qui encadrent l'utilisation de ces surplus. Il y en a qui n'en ont pas. Mais, de manière générale, les grands employeurs ont tous des ententes qui balisent un peu. Donc, c'est possible de s'entendre, c'est possible d'avoir cette certitude-là si on est de bonne foi puis si on participe un peu à cette vision-là qu'il faut avoir des règles claires pour se prémunir un peu. Donc, le véhicule juridique qui va être proposé va donner cette certitude-là.

Finalement, l'autre option, c'est la modification par l'employeur, de son propre chef, qui dit: Moi, je ne peux pas m'entendre. J'ai essayé puis, pour une raison idéologique ou autre, on n'arrive pas à s'entendre, qui voudrait se donner ce droit-là. Bien, la loi va permettre, à certaines conditions ? et on va faire le tour. Elles sont quand même assez contraignantes ? à l'employeur de modifier la clause sans l'accord des autres parties. À cette condition cependant qu'il devra bonifier de façon importante les prestations des participants, lesquelles prestations vont dire: Bien, jamais tu ne vas prendre un congé de cotisation, à moins que tu ne garantisses que tu vas laisser à la cotisation salariale, donc de chacun de tes employés, non seulement sa cotisation, mais le rendement réel obtenu sur la caisse. Donc, si tu prends un congé de cotisation, ce n'est pas avec l'argent des travailleurs et des travailleuses de ce régime de retraite là. Si, ça, tu es capable d'établir ça, on va te donner le droit au congé de cotisation. Si jamais c'est trop compliqué, tu ne peux pas établir ça, on va te créer un autre devoir. Remplace ça par l'obligation de dire que, tous les bénéfices qui sont payables en vertu du régime, il y a au moins 50 % qui vont être financés par l'employeur, l'autre 50 % étant financé par la part de l'employé. Avec cette règle-là on est capable d'affirmer que, s'il se prend un congé de cotisation, ce n'est pas avec l'argent des travailleurs et des travailleuses, y compris les bons rendements obtenus sur cet avoir-là.

Pour ces raisons-là, on nous dit: Bien, si jamais c'est la possibilité, il n'est pas déraisonnable de donner à l'employeur la possibilité de se prendre un congé de cotisation s'il y a valorisation de façon importante de ces bénéfices-là. Mais, encore là, on n'a pas donné ce droit-là ? contrairement à ce que bien d'autres ont prétendu depuis quelques jours ? à tout le monde. Ce n'est pas donné à tous les régimes de pouvoir utiliser cette clause un peu exceptionnelle là. Elle est interdite d'application au cas suivant: Lorsque explicitement la clause interdit le congé de cotisation, on ne peut pas se prévaloir de l'option 2. Puis, si un employeur puis un syndicat ont convenu qu'il ne peut pas y avoir de congé de cotisation, l'employeur ne peut pas utiliser l'option 2. Lorsqu'ils ont déjà clarifié la clause de congé de cotisation, ils ne pourront pas se prévaloir de l'option 2. Lorsqu'il y a une convention collective qui est en vigueur au moment où la loi va être votée, il y aura au moins une négociation avant que l'employeur puisse s'en prévaloir, donc la chance donnée également aux employeurs ou aux syndicats de s'entendre pour prendre l'option 1 plutôt que prendre l'option 2.

Finalement, si l'employeur a déjà renoncé à son droit d'appliquer cette option, c'est évident qu'il ne peut pas y revenir puis dire: Je veux l'utiliser maintenant. Et, de la même manière, si l'employeur est commis de verser une contribution minimale, il devra verser cette contribution minimale nonobstant le scénario dont on vient de parler.

Or, pour toutes ces raisons, nous, on pense que c'est à peine 4 % ou 5 % des régimes qui vont pouvoir, à la limite, bénéficier ou disposer de cette ouverture qui est faite là, contrairement à certaines assertions qui disaient qu'on donnait 2,6 milliards de surplus en échange d'une bonification de 25 millions. Le 25 millions a été évalué en respectant l'ensemble de ces conditions-là, et on pense que seulement 4 % ou 5 % des régimes visés peuvent se le permettre.

Donc, vous le voyez, l'intention qui est derrière le projet de loi n° 102, notamment sur cette disposition-là, c'est d'essayer autant que possible de respecter les ententes convenues entre les parties. Ça se peut que le texte ne reflète pas ça, et je pense qu'on aura peut-être l'occasion de le préciser. Vous avez fait référence, M. le député de Verdun, à 146.11, où, comme c'est écrit là, effectivement on pourrait donner l'impression que, malgré le fait qu'on s'est entendu, bien, l'employeur qui est en surplus excédentaire pourrait avoir droit à un congé de cotisation. Parce que c'est des questions qui vont être regardées et débattues tout au long de la commission, je pense qu'il est important qu'on le fasse avec beaucoup de transparence et beaucoup d'ouverture.

Donc, j'en arrive finalement, très rapidement, sur la règle spéciale, c'est la règle dont on a parlé, la règle en cas de surplus excédentaire. Actuellement, la loi fiscale, quand un provisionnement dans un régime excède certaines normes... ils ne peuvent plus accepter ni les cotisations des employés ni les cotisations de l'employeur, souvent, à ce moment-là, obligation est faite de cesser de cotiser au régime. Alors, règle générale, la proposition était faite que, dans ces cas-là, il y a un congé de cotisation qui pourrait être pris de manière à se ramener à l'intérieur des limites fiscales. Et vous avez soulevé certains enjeux autour d'ententes existantes, et je pense qu'on aura l'occasion effectivement d'échanger sur mieux encadrer ou mieux baliser peut-être cette possibilité-là.

L'adaptation au marché du travail, M. Boisclair en a parlé, la nécessité de faire place à ces nouvelles réalités là des employeurs mobiles qui travaillent cinq, six, sept ans dans cinq, six emplois différents, qui vont se ramasser des fois avec un régime de 35 %, 45 % amputé par rapport à celui qui aura fait carrière. Alors, la mécanique qui est proposée dans le projet de loi vise à revaloriser ces bénéfices-là pour les employés qui quittent un employeur... Naturellement, les parties, autant patronale que syndicale, sont peu enclines à régler ce genre de question-là parce que, pour le syndicat, c'est un ex-membre, puis pour l'employeur, c'est un ex-employé. Je pense qu'il est du devoir de l'État de relever la barre et de faire en sorte qu'on assure une meilleure protection.

Vous auriez souhaité, M. le député, qu'elle soit plus complète, mais il faut se rappeler que c'est avec de l'argent qu'on fait ça, puis c'est avec l'argent souvent des employeurs, et il faut avoir leur accord par rapport à ça, et c'est des sommes relativement importantes dont on parle. Donc, ce qui est proposé, c'est de valoriser les prestations de départ de l'ordre de 50 % de l'IPC, maximum 2 % jusqu'à 10 ans de l'âge normal de la retraite, tout ça visant à assurer une meilleure protection, une protection plus grande aux travailleurs qui sont mobiles et qui quittent.

La dernière application qui est faite aussi, c'est la pleine acquisition dès le départ. Habituellement, vous devez travailler deux ans avant d'acquérir la part de l'employeur. Il est proposé maintenant qu'après 500, 600 ou 700 heures, là, maintenant, vous commencez à contribuer au régime et vous commencez à accumuler des bénéfices. Et, si vous êtes mobile, bien, déjà là, vous aurez déjà des débuts de morceaux de sécurité de revenu à la retraite qui seront mis en place.

Finalement, on va parler de l'ajustement, je vois que le temps file. On a passé, on a essayé de mettre le plus d'éléments de simplification. Il y a des règles qu'il faut respecter: la cohérence, la facilité d'application, la compétitivité des entreprises, les politiques gouvernementales en matière de déréglementation. Il y a des mesures où il y a des avancées importantes qui sont faites là-dedans. Et je pense que vous allez entendre, au cours des prochains jours, des gens qui vont vous dire qu'il y a eu un effort sérieux. Je vous donne des exemples: les terminaisons partielles. Du fait qu'on permet maintenant la pleine acquisition, on n'a plus besoin de terminaisons partielles. Une terminaison partielle, ça veut dire que là une entreprise ferme une section, par exemple, où il y a plus que 5 % ou 10 % de ses employés qui sont sous-traités ailleurs ou d'une manière ou d'une autre. Ça donnait droit à un processus de terminaison partiel, coûteux, long, pénible, et les droits étaient différents selon qu'on était en terminaison partielle ou pas. Maintenant, c'est fini. On abroge ça. Il n'y a plus de terminaison partielle.

La terminaison totale, avant, ça pouvait prendre jusqu'à deux ans, deux ans et demi, trois ans avant que des retraités ou des participants puissent avoir un règlement final. Bien, on a revu complètement la procédure de terminaison. On pense qu'on est capable de finaliser ça dans les cinq, six mois, à peu près, qui suit la terminaison.

n(10 h 50)n

Il y a une seule déclaration annuelle pour l'employeur. Actuellement, il doit produire un rapport à la Régie des rentes et en produire un à Revenu Canada. C'est compliqué, la formalité. Alors, on va essayer de faire en sorte qu'il n'en produise rien qu'un à une place, et les deux vont s'alimenter là et vont gérer leurs lois respectives en fonction de ça. Donc, voilà des éléments de simplification, l'assemblée annuelle en étant un autre qui est dans le but de simplifier, permettre ça, mais toujours en remplaçant par la transparence.

Donc, en gros, voilà les principaux enjeux, les principales caractéristiques du projet de loi tel qu'il est soumis pour étude ou consultation aujourd'hui. On a essayé de vous donner le contexte, on a essayé de vous donner les enjeux, on a essayé de vous donner, je pense, l'information pour être en mesure de mieux baliser l'équilibre, j'allais dire la justesse des propositions qui sont soumises devant vous. Et c'est à ce débat-là qu'on va se soumettre dans les prochaines minutes.

Je vous rappelle que ce qu'on cherche, c'est des règles claires. On mise sur la transparence, la responsabilité des parties. On ne veut pas de solution mur à mur, parce que la réalité est beaucoup trop complexe pour permettre une solution simpliste. Et, comme on parle d'ordre public, c'est d'une loi cadre qu'on parle, on ne peut pas intervenir aussi facilement que certains le souhaiteraient, par exemple, dans l'utilisation de ça, parce qu'il y a beaucoup d'histoire, beaucoup de passé.

Alors, je m'excuse pour mon petit débordement de quelques minutes et je me mets à votre disposition si vous avez des questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Morneau, je vous remercie pour votre excellente présentation. Nous allons maintenant amorcer les discussions avec les membres de la commission. Donc, je cède la parole à M. le ministre.

M. Boisclair: Je vais permettre au président de la Régie de boire un verre d'eau après cette présentation.

M. Morneau (Guy): Oui. Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Écoutez, on a souvent discuté du projet de loi ensemble, je laisserai surtout le soin à mes collègues d'intervenir. Mais je voulais juste que vous clarifiez un élément de votre présentation qu'on retrouve... Ce n'est pas paginé. Essentiellement, lorsqu'on parle de l'option 2, du coût estimé à 25 millions, on a vu des gens dire publiquement: Alors qu'il y a des surplus de plus de 2 milliards, en contrepartie d'un coût pour les entreprises de 25 millions, vous permettrez le congé de cotisation. Est-ce que vous pouvez bien nous indiquer, l'option 2, comment vous êtes arrivé au 25 millions, puis à quel pourcentage des caisses de retraite cette option 2 pourrait s'appliquer?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Effectivement, c'est à la page 27. Je ne sais pas si vous avez des chiffres, là. En gros, nous, quand on a mis l'option 2 sur la table, en disant: Ça prend un contrepoids à défaut d'entente, parce que, s'il n'y a pas d'entente, là, il y a comme un droit de veto de l'une ou l'autre des parties. On a remis les conditions qui encadreraient l'utilisation de l'option 2. On voit que ces conditions-là sont assez contraignantes, à telle enseigne que, par exemple, un régime à cotisation déterminée ne peut pas se prévaloir de l'option 2. Les régimes à cotisations et à prestations déterminées, par définition, également, ne peuvent pas s'en prévaloir. Les régimes à prestations déterminées comportant des gens à l'extérieur du Québec ne peuvent pas s'en prévaloir, parce que ça serait valable pour le Québec, ça ne serait pas valable pour le reste. Les régimes à prestations déterminées, où aucun participant n'est régi par une convention collective, il y a peu de chance qu'ils s'en prévalent, donc on pense que, à ce moment-là, ils vont utiliser l'option 1 pour clarifier leurs droits, il y a peu de chance qu'ils utilisent l'option 2.

En fait, il y a une série comme ça, et tout ça nous amène à croire que 25 millions, quand on regarde le solde puis qu'on présuppose que 90 % vont s'entendre puis 10 % ou 15 % qui ne s'entendront pas, pourraient être portés à utiliser l'option 2, c'est le coût maximal, on pense, qui va être requis pour bonifier les bénéfices qui sont prévus là. Mais, comme il s'agit de très peu de régimes... On parle de combien, 150, 200 régimes, maximum, auxquels on peut penser, donc 4 % à 5 % des régimes pourraient s'en prévaloir. Donc, on est loin des chiffres puis des manchettes qu'on a vus, 2,6 milliards en échange de 25 %. Ce n'est pas respectueux, je pense, des cadres ou des critères qu'on s'est mis, qui encadrent l'utilisation de cette option-là.

M. Boisclair: Est-ce que vous pouvez rapidement, en dernier lieu, à nouveau nous indiquer la liste des exclusions pour l'option 2, donc la liste des exclusions qui font en sorte qu'une entreprise ne pourra pas utiliser l'option 2? Moi, je veux bien la prendre en note. Je pense que les collègues aussi doivent bien la maîtriser. Est-ce qu'on peut avoir à nouveau cette liste?

M. Morneau (Guy): Alors, elles sont aux pages 25, 26 et suivantes.

M. Boisclair: Dans votre présentation?

M. Morneau (Guy): Effectivement. En gros, pas applicables aux régimes qui contiennent déjà une clause qui interdit le congé de cotisation.

M. Boisclair: Là, nous, on n'est pas paginé, on veut juste...

M. Morneau (Guy): Si elle n'est pas paginée, elle intervient juste après l'acétate qui parle des deux étapes de la solution: l'option 2, modifications de l'employeur. On vient bien dire que cette solution-là n'est pas utilisable pour un employeur... S'il a, par ailleurs, convenu dans son régime qu'il n'a pas le droit de prendre un congé, il ne peut pas utiliser ça. S'il a déjà clarifié sa clause de congé, en vertu de l'option 1 dont on a parlé avant, il ne peut pas revenir sur ce qu'il a négocié puis dire: Maintenant, je veux faire ça, parce que ça me semblerait avantageux. Il n'a pas le droit.

Il n'a pas le droit, lorsqu'il y a une convention collective qui est en vigueur, avant que cette convention collective soit renouvelée. Il n'a pas le droit non plus lorsqu'il accepte lui-même par entente de ne pas s'en prévaloir. Il n'a pas droit non plus... Ça ne lui enlèvera pas l'obligation de payer ses contributions minimales si son régime prévoit une contribution minimale. Exemple, dans le secteur municipal, il y a beaucoup de municipalités qui nous disent: L'employeur est tenu de verser au moins 7 % du salaire. À ce moment-là, il est obligé de verser le 7 % même s'il voudrait utiliser le scénario 2.

Et vous l'avez dit vous-même, M. le ministre, en ouverture ? et M. Gautrin l'a souligné ? l'intention qui est derrière cette option-là, c'est de respecter les ententes. Alors, dans la mesure où il y a des ententes qui balisent ou qui encadrent l'utilisation des surplus, l'intention voudrait être que normalement on respecte cette entente-là avant de donner l'option 2 en question. Alors, on aura l'occasion, je pense, dans le cadre des échanges avec les différents groupes à venir, de clarifier ces dispositions-là autant pour l'option 2 que pour l'option sur les congés excédentaires.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Donc, rapidement, pour des régimes qui contiennent une clause qui interdit explicitement le congé; pour une clause qui a déjà été clarifiée; pour une qui implique des travailleurs régis par une convention collective jusqu'à l'entrée en vigueur de la prochaine convention ? et là vous en ajoutez deux nouveaux qui n'étaient pas dans la présentation ? lorsqu'il accepte par entente de ne pas s'en prévaloir; et aussi, si le régime prévoit une contribution minimale, il ne peut donc s'en prévaloir puisqu'il doit verser sa contribution patronale minimale, particulièrement lorsque vous parlez du secteur municipal.

C'est important qu'on comprenne bien, que les gens qui nous écoutent jusqu'à la tribune de la presse comprennent bien ça aussi. Alors, je vous remercie, M. Morneau, ainsi que vos collaborateurs pour cette présentation. Mes collègues vont sûrement vouloir poursuivre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vois que le député de Gouin est un bon pédagogue, il est beau de répéter et de répéter pour que les gens comprennent. Je vais profiter, M. Morneau, de votre présence pour établir un certain nombre de balises qui vont nous être utiles après dans le débat. Un des arguments qui est utilisé pour justifier le droit au congé de cotisations, c'est le fait que l'employeur a la responsabilité éventuellement des risques à l'intérieur d'un régime.

Vous savez que lorsqu'on parle d'un régime de retraite, il y a trois types de déficit actuariel: il y a évidemment le déficit initial ? qui est bien sûr normal, et c'est pour ça que c'est maintenant qu'on parle de surplus actuariel, parce que, pendant tout le temps qu'un régime n'est pas arrivé à maturité, on a de la difficulté bien sûr à parler à ce moment-là de surplus; vous avez les déficits de modification ? autrement dit, si, de part et d'autre, on fait des modifications quant au régime, on est un peu comme une nouvelle situation de la situation initiale; et vous avez ce qu'on appelle des déficits d'expérience. Maintenant, vous avez changé le nom, vous les appelez «déficits techniques» dans l'article 126 ? je pense que c'est bien ça ? de votre loi.

Ma question, c'est: Dans les régimes que vous surveillez à l'heure actuelle, y en a-t-il, quel est le montant, quel est le nombre de régimes qui ont des déficits techniques? je fais bien attention à ma question, elle est très spécifique ? ou des déficits d'expérience, au sens que vous avez donné dans l'article 126 de la loi sur les FCR?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Si vous permettez, je passerais la parole à l'actuaire en chef, mais je ne suis pas sûr qu'on ait des détails aussi précis par type de déficit. Je peux vous donner les chiffres globaux sur les surplus et les déficits, mais la nuance ou la ventilation de ces expériences versus déficit antérieur versus déficit initial courant là...

M. Gautrin: Vous comprenez bien que c'est fondamental dans le débat?

M. Morneau (Guy): Oui, oui.

M. Latulippe (Denis): Ce que je préciserais là-dessus va dans le sens de ce que M. Morneau vient de mentionner. D'abord, pour vous situer, il y a actuellement deux régimes sur trois qui sont en surplus, mais un sur trois qui est en déficit. Il faut savoir aussi que, parmi les régimes en déficit, il y en a qui, par suite à des modifications, ont créé des déficits de modification ou même, à la création du régime, ont créé un déficit. On n'a pas le détail, la ventilation entre ce qui est dû à des déficits initiaux de modification ou d'expérience.

n(11 heures)n

Ce que je vous dirais, c'est sûr qu'on vit un peu l'âge d'or des régimes de retraite actuellement, c'est-à-dire que les dernières années, les caisses de retraite ont généré des rendements très importants, supérieurs à ce qu'on a connu si on réfère à une période plus longue. Donc, je pense qu'il faudrait faire attention aussi pour ne pas conclure trop rapidement en se basant sur la situation actuelle. Si je réfère à mon expérience personnelle, quand j'ai commencé a oeuvrer comme actuaire, puis on réfère au début des années quatre-vingt, la situation était passablement différente de ce qu'elle est actuellement. Donc, je n'ai pas les chiffres aujourd'hui puis nécessairement je n'ai pas les chiffres au début des années quatre-vingt, mais je peux vous dire que, même si actuellement la situation est favorable du point de vue de l'expérience qu'ont connue les régimes au cours des dernières années, il faudrait faire attention pour ne pas tirer des conclusions trop hâtives qui pourraient mettre en péril la sécurité financière des régimes dans une perspective de plus long terme. Parce que je pense qu'il faut toujours avoir à l'esprit qu'un régime de retraite, c'est un contrat à long terme, puis les gens ont des attentes au moment de leur retraite puis pour une durée de retraite qui est quand même souvent assez longue. Donc, je n'ai pas la réponse précise à votre question, je m'en excuse, mais je pense qu'il faut situer le débat...

M. Gautrin: Est-ce que vous pouvez l'obtenir?

M. Morneau (Guy): Je ne suis pas sûr qu'on peut l'obtenir. Nos données ne sont pas suffisamment raffinées pour être capable d'aller la chercher.

M. Gautrin: Vous n'êtes pas sûr. Très bien. C'est bon. Mais ce que je vais prendre de l'intervention de M. Latulippe, c'est qu'à l'heure actuelle il faut faire attention, il y a un certain nombre de surplus qui sont purement conjoncturels.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Latulippe.

M. Latulippe (Denis): Oui, effectivement. Il y a des surplus qui sont conjoncturels.

M. Gautrin: Ma deuxième question, si vous me permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Verdun, avec plaisir.

M. Gautrin: Vous comprenez bien, lorsqu'on parle des excédents d'actif, des surplus actuariels, bon, du partage des surplus, de la possibilité de prendre des cotisations, il y a un certain nombre de choses qu'il faudrait clarifier. Je vais m'adresser à vous un peu comme expert dans cette question-là, ce que je vais appeler les «surplus excédentaires».

Dans mon sens, les surplus excédentaires, ce sont les surplus qui dépassent ce qui est permis comme surplus dans la LCI, la Loi canadienne de l'impôt. Est-ce que vous êtes capable de me donner le montant à l'heure actuelle des surplus excédentaires, combien de régimes sont en surplus excédentaires, comment la chose se distribue?

Parce que vous insistez beaucoup dans votre présentation, et je pense que le ministre insiste aussi beaucoup, sur la possibilité de prendre des congés de cotisations pour éponger les surplus qui ne sont pas permis, si on peut dire, dans le cadre de la Loi canadienne de l'impôt. Mais ceux qui sont excédentaires, qui sortent de la Loi canadienne de l'impôt, ça représente combien, combien de régimes en sont, on parle de combien d'argent, on est où là-dedans? Autrement dit, entre vous et moi, ceux qui seraient couverts par 4.16.11 ou ceux qui sont...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Tout à fait. Je vais vous donner le chiffre parce que vous le demandez, mais, de façon générale, je n'aime pas beaucoup citer ces chiffres-là parce que c'est comme une photo qu'on prend à un moment donné.

M. Gautrin: Je suis d'accord avec vous. Ça, je suis bien d'accord.

M. Morneau (Guy): Les données qu'on a, elles ne sont jamais comparables d'un régime à l'autre parce qu'il y en a un pour qui l'évaluation actuarielle peut dater de deux ans, l'autre peut dater de trois ans, l'autre dater d'un an.

M. Gautrin: Puis il y a différentes manières de les faire, les évaluations actuarielles, je sais ça.

M. Morneau (Guy): Alors, je veux juste vous mettre les bémols qu'il faut sur les chiffres en général. De la même manière quand on parle qu'il y a 2,6 milliards de surplus accumulés dans les régimes excédentaires aujourd'hui, il y a 2,8 milliards de régimes qui sont déficitaires aussi. La partie des surplus qui est imputable à ce qu'on appellerait un surplus excédentaire au sens de la Loi de l'impôt, on l'évalue à à peu près à peine 280 millions. Donc, ce n'est pas l'essentiel du surplus qui est de type excédentaire ou surplutaire au sens de la Loi de l'impôt, et ça viserait à peu près 250 régimes, petits régimes, moyens régimes, en date du 31 août 1999, mais avec tous les bémols et toutes les nuances que j'aimerais qu'on fasse dans l'utilisation de ces données-là parce que...

M. Gautrin: Je suis prêt à prendre les bémols entre 281, 280...

M. Morneau (Guy): On s'entend très bien.

M. Gautrin: À quelques millions près, je suis prêt à... Ce que je veux dire, c'est que je veux parler à quelques millions près. Autrement dit, vous êtes réellement de l'ordre de centaines de millions, c'est-à-dire...

M. Morneau (Guy): 280 millions. C'est à peu près 10 % des surplus.

M. Gautrin: Ça pourrait être 10 % des surplus, actuellement. Donc, sur les 2 800 000 000 $ de surplus, il y en aurait la majeure partie, c'est-à-dire à peu près 2 500 000 000 $, qui sont des surplus touchés par les premiers articles, donc qui sont permis dans le cadre de la Loi canadienne sur l'impôt. Je vous remercie. C'est une donnée qui me semble importante.

J'ai une autre question et je voudrais que vous m'éclairiez. Vous connaissez bien les lois disons des régimes de retraite des autres provinces, j'imagine, vous échangez avec vos homologues des autres provinces. Il y a un point, vous me direz... J'essaye d'avoir la vérification, actuellement. J'ai comparé avec l'Ontario. Si ma mémoire est exacte, le gouvernement libéral de M. Peterson avait inclus dans la Loi des régimes complémentaires de retraite une clause d'indexation. Est-ce qu'elle a été maintenue? Où en est-on dans cette clause d'indexation? Qu'est-ce qui se passe avec la loi par rapport à l'indexation de ce qu'on trouve en Ontario pour l'utilisation des surplus actuariels?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): D'une manière générale ? avant de passer la parole à M. Latulippe qui s'est livré à l'analyse un petit peu plus pointue de chacune des dispositions ? je dirais que la loi d'encadrement des régimes complémentaires au Québec est assez avant-gardiste par rapport à ce qui se fait ailleurs au Canada au plan de la transparence, au plan des droits minimaux. Et, à cet égard-là, je dois vous dire qu'on a été souvent précurseurs. Ailleurs, ils nous suivent avec deux, trois, quatre, cinq ans de retard, des fois.

Mais pour la question de l'indexation, je vais passer plus particulièrement la réponse à M. Latulippe. Mais disons qu'à ma connaissance, d'une façon générale, en Amérique du Nord, la notion de droit à l'indexation est peu existante dans les régimes complémentaires ou dans les lois d'encadrement, plus particulièrement dans le cas de l'Ontario.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Latulippe.

M. Latulippe (Denis): Dans le cas de l'Ontario, ce que je préciserais, c'est que, quand la loi ontarienne a été adoptée, il a été précisé dans la loi que des dispositions minimales relatives à l'indexation des prestations de départ seraient prévues, seraient stipulées par règlement. Dans les faits, le règlement qui devait concrétiser ça n'a pas été adopté par la suite, pour différentes raisons. Donc...

M. Gautrin: Vous voyez à quel point les parlementaires de l'opposition ont raison de se méfier des tendances réglementaires des gouvernements et à quel point on veut limiter l'utilisation des règlements.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il faut au moins que les commissions puissent en prendre connaissance avec les membres.

M. Gautrin: En prendre connaissance. Donc, ce que vous me dites à l'heure actuelle, c'est qu'il est important que la loi précise qu'il doit y avoir un règlement qui fixe l'indexation. Par contre, le règlement n'a pas été adopté. Mais il faut dire néanmoins qu'il y a eu changement de gouvernement et que les libéraux ne sont pas encore revenus au pouvoir en Ontario.

M. Morneau (Guy): J'aimerais avoir un complément d'information au-delà des remarques que vous venez de faire, M. le député. Quand on parle...

M. Gautrin: Il y avait un peu d'humour dans mon...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morneau (Guy): ...d'indexation, M. le député, on parle de choses très coûteuses, c'est 30 % à 40 % du coût d'un régime. La notion même d'indexation dans le secteur privé ? et ça, je vais prendre un bémol, là ? est un peu, à sa face même, difficile à vendre et à convaincre. Je comprends pourquoi, en Ontario, ils ont peut-être eu de la misère à avoir une réglementation qui passe l'épreuve, parce que les entreprises vont vous dire: On ne veut pas s'engager sur des bénéfices et le financement de ces bénéfices-là sur lesquels on n'a aucun contrôle. Notre entreprise, elle n'est même pas certaine d'exister dans six mois, dans 12 mois, dans 15 mois, si on a peu de clients, si on n'est pas à jour. Donc, déjà, gérer les risques qu'on peut assumer, c'est une grosse épreuve, mais en prendre de plus qu'on ne peut pas faire, c'est plus difficile. Alors, c'est juste ce bémol-là que je voudrais mettre à l'effet que la notion d'indexation, même si tout le monde y souscrit, souhaiterait pouvoir le faire, pose des limites techniques et physiques quant à la capacité de l'actualiser comme principe général.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dernière intervention, M. le député de Verdun, avant que je cède la parole au député de Masson.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je vais me permettre d'échanger, là, je ne suis pas au niveau des questions. Je suis, bien sûr, tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire: le coût actuariel de mettre une clause d'indexation dans un régime de retraite fait en sorte que pratiquement elle n'a pas d'effet.

Néanmoins ? et voilà l'endroit où je veux venir avec vous ? le problème du maintien du pouvoir d'achat d'une rente est un problème qui est important et qui va devenir de plus en plus important dans le futur. Dans ce cadre-là, il peut y avoir des clauses ? et il y a un certain nombre de régimes complémentaires de retraite qui prévoient ces clauses-là ? qui disent que lorsqu'il existe un surplus, donc lorsque l'actuaire détermine qu'il y a un surplus dans le régime, la première chose qui devrait être faite quant à l'utilisation du surplus, ça serait prioritairement de voir a posteriori ? ce qui est bien différent d'une prévision a priori, vous en convenez avec moi ? à ce moment-là de voir à une indexation des rentes. Je me permets de vous dire que c'est ce débat-là qu'on aura peut-être à faire avec d'autres personnes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Parce que vous m'avez ouvert la porte, juste en complément. Du fait que les régimes dits indexés, au sens où on l'entend par exemple dans le secteur public et parapublic ou même municipal, sont plus courants parce qu'il y a un caractère de pérennité, bien dans le privé, ça n'existe pas. Quand on dit que 60 % des surplus utilisés ont servi à améliorer les régimes, bien, les rentes qui étaient payables ont été revalorisées, ce qui est une forme d'indexation sans le dire. Mais on met un chiffre puis une valeur absolue dans le privé là-dessus en disant: Je sais que je viens de m'engager pour x millions. Je prends ce surplus-là, je le dédie. Alors, il est dans le 60 % d'amélioration, dont je vous ai parlé tantôt, des régimes. On ne l'appelle pas «indexation», on ne l'appellera pas ça, parce que cette notion-là, pour les mêmes raisons dont j'ai parlé tout à l'heure, vous ne l'entendrez jamais nulle part.

n(11 h 10)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, monsieur. Oui, vous voulez ajouter quelque chose, M. Latulippe?

M. Latulippe (Denis): Oui, est-ce que je peux ajouter quelque chose? Par rapport aux commentaires de M. Gautrin, une des choses que nous disent les firmes d'actuaires-conseils, c'est justement d'éviter de lier les droits qu'on confère dans le régime, par exemple l'indexation, avec le financement du régime. C'est-à-dire que, ce que vous proposez, c'est que, s'il y a un surplus, on se doit d'indexer les prestations. C'est qu'on peut introduire des biais au niveau du financement. On pourrait inciter à un sous-financement, par exemple, pour éviter de générer des surplus puis on pense que ce n'est pas sain pour les régimes de procéder ainsi. C'est un commentaire qu'on a souvent des firmes d'actuaires-conseils qui nous disent: Ayez des droits minima dans votre loi, ayez des normes de financement qui garantissent la sécurité financière des prestations, mais évitez d'interrelier tout ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Latulippe. Je cède maintenant la parole au député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Morneau, félicitations pour votre présentation, ainsi qu'à vos collègues. Ici, on vous écoutait, à voir comment vous nagez bien là-dedans. Je pense que vous allez fausser les statistiques sur les retraites parce que vous ne la prendrez pas, vous avez l'air tellement à l'aise là-dedans, là. Chacun son domaine, comme dirait l'autre.

Moi, je voulais vous mentionner... En fait, M. le député, mon collègue de Verdun, tout à l'heure mentionnait l'importance de maintenir l'équilibre entre les différents corps, soit l'employeur, le travailleur et puis les retraités comme tels, au niveau des avantages des régimes complémentaires de retraite. La question que je me pose, je me dis, quand je vois les retraités actuellement qui revendiquent la prétention d'avoir droit aux surplus de retraite comme tels, comment vous percevez ça, de votre côté? Parce qu'eux autres, ils revendiquent quand même une partie importante de tout le surplus actuariel à ce niveau-là. Comment vous le percevez de votre côté? Comment vous verriez ça, un équilibre, là, à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): C'est une grosse question que vous posez là. Si j'ai l'air à l'aise, vous allez voir que je le suis beaucoup moins de traiter la question que vous me posez. Mais je vais essayer de la traiter d'une façon ? j'allais dire ? à la fois juridique puis à la fois, je pense, d'expérience.

Je vous l'ai dit au départ, moi, je pense que la notion de surplus n'existe qu'en cas de terminaison de régime, parce que là on connaît les obligations puis on connaît les engagements. En cours de régime, quand on parle de surplus, quant à moi, c'est des modalités de financement. On prend une photo, à un moment donné, puis on dit: Compte tenu de ce qu'on pense qu'il peut arriver, compte tenu des engagements, compte tenu de ceci, on pense que le provisionnement qui est là-dedans est à 100 %, 110 %, 115 % des normes exigées par le gouvernement. Bon.

Moi, quelle est ma réaction là-dedans? Ça n'empêche pas, ça, de commencer à utiliser ces marges-là pour bonifier puis améliorer le régime. On l'a vu, on l'a fait dans les 15, 20 dernières années: 60 % ont servi à améliorer les régimes, 40 % ont pris la forme d'un congé de cotisation qui, soit dit en passant, n'est pas une sortie d'argent du régime. L'argent reste dans la caisse, là; l'employeur cesse d'en mettre pour ne pas qu'elle monte trop haut à un moment donné.

Les améliorations qui ont été apportées au régime, on l'a dit tantôt, ont pris la forme de revalorisation de rente, des fois, des conditions de retraite ou de préretraite plus favorables, qui ont servi à permettre à des gens de quitter, qui ont servi à améliorer des rentes qui étaient faibles. Oui, c'est un fait. Mais je pense qu'on va assister de plus en plus à une quantification de ces choses-là.

Puis, moi, ce que je veux juste retenir ? je comprends très bien la légitimité de la revendication de l'indexation des retraités; si j'étais dans leur peau, je ferais exactement la même chose ? il y a eu un contrat de passé entre les parties. Ce contrat-là disait: Voici à quoi vous devez vous attendre. En cours de route, on peut le changer, le contrat, on peut l'améliorer, on peut faire valoir ses prétentions là-dedans. Les parties qui négocient sont à l'aise pour entendre ces choses-là et elles le font avec un certain respect. Quand je vous dis que 60 % ont servi à l'amélioration, 40 % au congé de cotisation, ça témoigne de cette sensibilité-là.

Et, plus que jamais maintenant qu'ils sont un nombre important, ils ont les possibilités de faire valoir ? ils sont au comité de retraite où se gère le régime ? auprès de l'employeur, auprès des représentants des syndiqués, des revendications qui me semblent légitimes. Mais de là à se traduire dans un droit absolu, comme on l'a dit tantôt, à la part du surplus ou à la part de ça, je pense qu'il faut faire une démonstration beaucoup plus exemplaire que ce qu'on fait là qu'il y a eu préjudice notoire.

À mon humble avis, j'ai le sentiment que le monde a été relativement raisonnable. Il faut rester vigilants, il faut rester sensibles à cette question-là, et je pense que dans l'avenir, la préoccupation de revaloriser les rentes des retraités qui n'ont pas une forme d'indexation, même partielle, va devenir importante à prendre en compte. Mais on la prendra en compte comme on le fait dans le présent.

Si, un jour, on nous dénonce des situations dramatiques où on témoigne qu'il n'y a aucune considération pour aucune de ces situations déplorables là, à ce moment-là, le législateur verra à intervenir pour voir comment on peut intervenir là-dedans, peut-être. Mais, à ce stade-ci, on ne voit pas très bien comment et pourquoi on viendrait introduire ces éléments nouveaux qui viendraient complexifier encore trop l'administration du régime telle qu'on la vit. On fait confiance au monde, à la transparence, à l'information puis aux parties pour être capables de trouver des solutions originales à leur vécu à eux. Et, je vous l'ai dit, il y a tellement de situations variables d'un régime à l'autre que c'est difficile de trouver une solution simple d'application universelle.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Masson.

M. Labbé: Peut-être une petite question, Mme la Présidente, qui est complémentaire à ce que vous venez de dire. Sur la notion de surplus, est-ce qu'il y a une façon de s'entendre sur c'est quoi la règle d'un surplus? Tout à l'heure, vous parlez de 2,6 milliards de surplus. Par contre, on a tant de déficit. Mais le vrai surplus, par rapport à la loi canadienne, serait aux alentours de 280 millions, à peu près, quelque chose comme ça. Quand on parle de négociation au niveau du surplus, je sais que quand les gens sont de bonne foi, qu'ils s'entendent, ça va bien. Mais, advenant le cas qu'il n'y ait pas d'entente possible, la ligne, elle s'installerait où dans un régime, par exemple, complémentaire? C'est-à-dire, on s'entend que le surplus, c'est ça. Ce serait quoi, d'après vous, l'application de ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): C'est là la difficulté de parler du surplus parce que, comme je vous dis, on est dans le monde du théorique ou du virtuel. Tu sais, je peux être de bonne foi avec vous, négocier une convention collective sur la foi que j'ai l'impression que ma norme de financement est à 10 % au-dessus de ce que j'ai déjà promis comme rente de retraite à mon monde. Je me revire de bord, il arrive un krach boursier puis je perds 10 %, 15 % de mon actif. Je ne suis plus en surplus, là, je suis en déficit. Puis ça peut se traduire, le lendemain matin, par une contribution additionnelle de l'employeur.

Alors, voyez-vous la prudence et l'exercice de rigueur qu'il faut faire dans l'utilisation de ces surplus-là? Alors, la preuve, c'est que l'histoire nous démontre qu'on ne les a jamais vidés. Les employeurs et les syndicats s'entendent assez bien pour être en mesure de gérer ça de façon responsable, de façon prudente. Parce que, ici comme ailleurs, je pense qu'aucun employeur ne souhaite être pris en défaut par rapport à ses obligations envers ses travailleurs. Alors, on n'a pas de vécu ici, au Québec comme ailleurs, de cas déplorables d'employeurs, j'allais dire, un peu véreux, qui n'ont pas honoré les promesses faites. Les employeurs se font un devoir d'honorer, comme les syndicats, de gérer de façon responsable l'actif patrimonial, j'allais dire, de la retraite, et ils le font avec une saine prudence comme le commande la loi, comme le commande l'équilibre général du monde là-dedans.

Viser 100 % de financement, c'est dramatique, on n'y arrivera pas, puis on met à risque les travailleurs, C'est rien que ça que je veux dire, moi. Qu'il y ait des surplus, je trouve ça souhaitable, je trouve ça sain, parce que ça prouve même que nos gestionnaires de régimes le font avec prudence et responsabilité. De vouloir tous les utiliser, je trouve ça inquiétant, parce que le jour où il y aura des situations un peu exceptionnelles ou difficiles, bien on vient peut-être de mettre à risque des travailleurs. Puis ça, je trouve que ça ne serait pas sain pour personne de le faire.

M. Labbé: Excellent. Merci, M. Morneau.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Merci, M. le député de Masson. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. M. Morneau, j'ai été frappé entre autres par le contexte dans lequel vous avez mis le projet de loi n° 102, le vieillissement de la population et l'impact sur le système de la sécurité du revenu à la retraite de trois paliers.

Dans la liste des enjeux relatifs aux RCR, à la tête de la liste est le commentaire: Il y a une couverture insuffisante. J'imagine en nombre de travailleurs mais également, j'imagine, en nombre ou en pourcentage de revenus de retraite de sources privées. Alors, dans un premier temps, comment est-ce qu'on explique qu'en Ontario 27 % des revenus de retraite viennent des sources privées tandis qu'au Québec, c'est 19 %? Et, dans un deuxième temps, comment est-ce que le projet de loi n° 101, n° 102, pardon ? 101 améliore très peu de chose ? va améliorer la couverture...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Excusez, si vous voulez respecter le droit de parole de notre collègue.

M. Copeman: ...insuffisante chez les travailleurs québécois? Avez-vous une cible? Quand vous dites que c'est insuffisant, est-ce que la loi n° 102 va améliorer la couverture et à quel niveau?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

n(11 h 20)n

M. Morneau (Guy): C'est des questions assez majeures et ouvertes que vous... D'abord, la première question, celle de l'écart entre le Québec et l'Ontario, il n'y a pas de réponse là, j'allais dire, objective et hors de tout doute, mais disons d'entrée de jeu que la préoccupation ou la sensibilisation des gens à la planification à la retraite est peut-être un peu supérieure, l'impression générale du moins qu'on en a en Ontario par rapport au Québec, parce que cette notion ou cette relation au placement, au REER, à la planification à la retraite est peut-être plus développée. Alors, on a un certain rattrapage à ce chapitre-là à faire. Mais c'est moins ça que, je dirais, la structure industrielle aussi en Ontario. La structure industrielle compte beaucoup de gros employeurs et quand on compte les gros employeurs, c'est là qu'on a souvent beaucoup de régimes de retraite, parce que les travailleurs s'organisent, en font une revendication et on le crée, on le met sur pied. Au Québec, on a une structure industrielle avec plus de PME et ces PME là, qui créent beaucoup d'emplois, peu rompues à l'exercice, j'allais dire, de régimes complémentaires de retraite et c'est à peine 10 % ou 15 % des gens qui sont dans une PME qui contribuent à un régime complémentaire.

Des fois, il y a des employeurs qui m'ont dit: J'ai offert ça, moi, aux employés. Ils m'ont dit: Non, non, c'est trop compliqué un régime de retraite. Donne-moi 2 %, 3 % de mon salaire, mon REER, puis je vais m'organiser, je vais être mobile, je vais être portable, je vais aller où je veux. Alors, il y a ces deux, trois, quatre réalités-là avec lesquelles il faut composer. Je pense que c'est par l'information, c'est par des débats comme ceux-là qu'on va avoir dans les prochains jours qu'on va sensibiliser à cette préoccupation-là.

La finalité, comme on l'a dit, c'est de crédibiliser l'audition. On a vu qu'on n'est pas beaucoup mieux qu'on l'était en 1970, mais qu'on est en perte depuis 1990. Ce qu'on voudrait faire, avec des règles claires, avec je pense moins d'incertitude, plus de valorisation de l'outil qu'est le régime complémentaire de retraite, arrêter la baisse, si possible, puis après ça peut-être relancer l'idée auprès des PME, relancer l'idée auprès, j'allais dire, des employeurs, de cette responsabilité sociale d'assumer ou d'aider à assumer la préparation à la retraite dans le cadre d'une sécurité de revenu qui est fondamental pour l'avenir de la société québécoise dans un contexte de vieillissement.

Une fois que j'ai dit ça, moi, je pense qu'il faut que le gouvernement fasse ses preuves avant en disant: Vous pouvez nous demander ça, mais mettez tout en oeuvre pour que les règles soient claires. Si elles ne sont pas claires puis si vous m'invitez à aller en Cour continuellement, je ne suis pas capable de me dire je me lance là-dedans puis je suis d'accord avec vous.

Je reviens finalement sur le troisième argument, c'est: Comment vous augmentez les cibles? La Régie a déjà développé un outil nouveau qui s'appelle le régime de retraite simplifié. Mais ça, je pense que le député de Verdun va comprendre un peu ce que je dis, parce qu'il a ouvert dans ses notes préliminaires en question là-dessus. Le régime de retraite simplifié actuellement est un outil qui n'est pas utilisé, pourtant il s'adapte. Il vise exactement les entreprises PME, les petites et moyennes entreprises. C'est un régime qui est simple en termes d'application puis d'administration. Il peut se faire via une institution bancaire, il est minimal en termes d'information. Mais, encore là, avant de marketer, si vous me permettez l'expression, ou de faire la promotion de ce véhicule-là, il faut un peu stabiliser les régimes actuels, la loi d'encadrement des gros régimes, puis après ça on pourra se dire: On est capable maintenant parce qu'on comprend le défi, on va aller voir de façon plus précise les PME et leur dire: Savez-vous, il existe des outils simples, peu couteux, qui ont comme objectif d'adresser l'enjeu de la retraite pour les futurs Québécois, peu importe leur âge et leur vie, alors allons-y gaiement, faisons-le.

Alors, ce qu'on vise là-dedans: des règles claires, stabiliser, crédibiliser l'outil puis enlever l'espèce de morosité. Je ne suis pas sûr qu'on va y arriver, là, parce que je vois la nature des débats des fois que soulève le projet de loi n° 102 et le climat dans lequel on en discute, ce n'est pas toujours serein, mais il serait souhaitable qu'on soit capable d'en parler d'une façon un petit peu plus calme par rapport à ces enjeux-là qui sont bien réels et qui ne changeront pas dans les prochaines années.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Morneau. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Si vous me permettez, Mme la Présidente, vous n'avez pas d'analyse ou d'évaluation plus précise quant à la portée de la loi n° 102. Est-ce que ça va engendrer une amélioration de 10 % dans la couverture, 5 %, ainsi de suite? Vous n'avez pas des analyses aussi poussées que ça?

M. Morneau (Guy): Je n'ai pas une quantification des objectifs. Mais je vous demande... Vous allez entendre, là, pendant les six prochains jours, des gens qui sont spécialisés là-dedans. Vous avez vu la firme Mercer qui a sorti un communiqué en disant: Voilà un projet de loi équilibré qui est de nature à restaurer la confiance des travailleurs et des employeurs face aux régimes de retraite et à possiblement infléchir... Alors, c'est des experts là-dedans qui gèrent des régimes de retraite partout dans le monde et qui semblent dire que c'est un geste qui irait dans le sens de recrédibiliser l'outil et le rendre plus populaire qu'autrement.

Mais je ne pense pas que personne va pouvoir vous dire avec certitude que si on passait le projet de loi tel qu'il est là, même amélioré, c'est 10 % ou 15 % de plus. Mais au moins on pourrait dire: Si jamais on continue à baisser, ce n'est pas parce que les règles ne sont pas claires. Ce n'est pas parce que le cadre juridique n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui; au contraire, on a fait des gros efforts pour le faire. Le problème qu'on a, c'est peut-être un problème de design du système de sécurité de revenu à la retraite. Ce n'est peut-être pas utopique ou c'est peut-être rêver en couleur que de penser que c'est via ces outils-là que les citoyens ou citoyennes vont avoir recours abondamment... Peut-être que ça va être les REER, peut-être que ça va être l'épargne personnelle, les placements, peu importe, ça va nous obliger à suivre ça de près pour voir si effectivement les objectifs qu'on poursuit sont atteignables.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, il nous reste environ cinq minutes. Je cède maintenant la parole au député de L'Assomption.

M. St-André: Oui. Merci, Mme la Présidente, simplement quelques questions informatives sur la mise en contexte préparée par la Régie. La première, j'aimerais savoir la proportion des retraités au Québec qui ne reçoivent qu'un revenu de la sécurité de la vieillesse ou du supplément de revenu garanti. Est-ce que vous avez une idée de...

M. Morneau (Guy): De façon générale, comme on a dit, il y a 45 % à peu près des gens qui reçoivent un revenu de retraite RCR ou REER. Ça veut dire que 55 % n'ont pas ce genre de revenu. Je dois dire qu'au Québec contrairement à bien d'autres au Canada on a un fort pourcentage de gens qui ont du supplément de revenu garanti et une pension de vieillesse, un fort pourcentage.

M. St-André: Mais vous n'avez pas la proportion exacte.

M. Morneau (Guy): Je ne sais si on l'a.

M. Latulippe (Denis): Ce que je pourrais vous dire...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Latulippe.

M. Latulippe (Denis): Merci, Mme la Présidente. Ce que je pourrais vous dire, à brûle-pourpoint, c'est que les sources de revenu à la retraite qui proviennent des régimes publics, c'est-à-dire soit la PSV, la SRG ou incluant le Régime de rentes du Québec, ça représente actuellement plus de la moitié des revenus des personnes retraitées, soit autour de 55 %.

Pour ce qui est, si vous voulez, d'une ventilation en termes de nombre de personnes, je pourrai vérifier puis vous revenir avec l'information.

M. St-André: O.K. Donc, si je comprends bien, vous dites: Environ 55 % des retraités vivent des prestations de la sécurité de la vieillesse, de la sécurité du revenu et du RRQ.

M. Latulippe (Denis): C'est que la moitié des retraités tirent plus de la moitié de leurs revenus des régimes publics de retraite.

M. St-André: Plus de la moitié de leurs revenus des régimes publics.

M. Latulippe (Denis): C'est ça.

M. St-André: O.K.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. St-André: Deuxième question: En Ontario, est-ce qu'il existe un programme similaire à celui des rentes du Québec, la Régie des rentes du Québec?

M. Morneau (Guy): Le Régime de pensions du Canada.

M. St-André: O.K. C'est le Régime de pensions du Canada. J'aimerais savoir: Au Québec, quelle est la proportion de retraités qui reçoivent une rente du Québec?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Du Régime de rentes?

M. St-André: Oui.

M. Morneau (Guy): On est pratiquement à maturité. Je n'ai pas le chiffre mais il me semble que c'est 85 %, 90 % des gens admissibles qui ont une rente du Régime de rentes. Ils n'ont pas...

M. St-André: 90 % des retraités au Québec reçoivent un chèque de la Régie des rentes du Québec?

M. Latulippe (Denis): Oui, effectivement. C'est que le Régime a été mis en vigueur en 1966. On a commencé à payer des rentes dans les années qui ont suivi. À terme, on va avoir pratiquement 95 % des gens, âgés de 65 ans et plus, qui vont toucher une rente du Régime des rentes du Québec. Donc, toute personne qui aura travaillé à un moment donné dans sa vie touchera une rente. Actuellement, on n'est pas encore tout à fait à maturité mais c'est une large majorité des personnes âgées de 65 ans et plus qui touchent une rente du Régime de rentes du Québec, actuellement.

Ce qui se produit, par contre, actuellement, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui touchent des faibles rentes du Régime de rentes du Québec parce qu'ils n'ont pas cotisé pendant toute leur carrière, mais le Régime de rentes du Québec a déjà une très bonne couverture puis il y aura une couverture quasi universelle, si on veut, dans quelques années.

M. St-André: O.K. Je vais poser ma question autrement ou une autre question: Quelle est la proportion des revenus de retraite qui vient du RRQ? Avez-vous une idée de ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Bien, comme je vous dis là ? on l'a dit tantôt ? 50 % des revenus de retraite viennent des régimes publics: PSV, pensions de vieillesse.

M. St-André: Oui, mais ça, c'est sécurité du revenu, pension de vieillesse, mais juste le RRQ?

M. Morneau (Guy): Moi, je dirais facilement 15 % à 20 % des revenus des retraités.

M. Latulippe (Denis): Ah oui, oui, comme il faut. Parce que, en fait, on peut même situer ça par rapport aux objectifs qu'on poursuit. On dit: On vise à remplacer 70 % du revenu de travail ou du revenu avant la retraite par le biais des différents étages. Pour un travailleur à revenu moyen, il y en a 40 % qui viennent des régimes publics, donc tant ceux qui sont du volet fédéral que le Régime de rentes du Québec. Ce 40 % là se ventile comme étant 25 % par le Régime de rentes du Québec puis 15 %, si on veut, par les régimes fédéraux.

M. Morneau (Guy): Alors, 90 % de 25 %, ça fait 18 %, 20 % à peu près des revenus des retraités.

M. Latulippe (Denis): C'est ça.

M. St-André: Une autre question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, dernière intervention, M. le député de L'Assomption.

n(11 h 30)n

M. St-André: J'aimerais avoir deux autres questions, si c'est possible. Ça va être bref. Tantôt, dans votre présentation, vous avez dit: Les régimes à prestations déterminées versus les régimes à cotisation déterminée, 15 % des participants sont à un régime à cotisation déterminée. Bon, vous dites: Pour leur assurer un 70 % de leur revenu annuel en prestations de retraite, il faudrait qu'ils contribuent, pendant leur durée de travail, 8 % à 11 % de leur revenu, pendant...

M. Morneau (Guy): Pour constituer le capital...

M. St-André: Oui.

M. Morneau (Guy): ...pour combler l'écart entre les régimes publics et les régimes privés puis atteindre la norme de 70 %, les actuaires... puis je pourrais citer l'étude de Morneau Sobeco qui dit: Normalement, quelqu'un qui veut prendre sa retraite devrait accumuler 8 % à 11 % de son salaire dès qu'il commence à travailler...

M. St-André: Mettre de côté 8 % à 11 % de son salaire...

M. Morneau (Guy): Part employé et part employeur, les deux, là.

M. St-André: Oui.

M. Morneau (Guy): 8 % à 11 % s'il veut quitter à 65 ans et 11 % à 14 % s'il veut quitter à 60 ans.

M. St-André: O.K. Puis il faut qu'il cotise pendant combien de temps?

M. Morneau (Guy): Toute sa vie active. Donc, mettons qu'il commence à...

M. St-André: Ça, c'est au moins 30 ans de vie active.

M. Morneau (Guy): Au moins 30 ans, 35 ans de vie active...

M. St-André: O.K.

M. Morneau (Guy): ...pour constituer le capital.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de L'Assomption...

M. St-André: Si vous me permettez, une dernière question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...c'est terminé, malheureusement.

M. St-André: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, peut-être que vous pourrez poser vos questions au président par la suite. Alors, je veux bien sûr remercier M. Morneau, M. Latulippe et Mme Noël pour leur présentation.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants de l'Institut canadien des actuaires de prendre place.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Institut canadien des actuaires. Je cède la parole à M. Marc Fernet. Je vous demanderais bien sûr de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Institut canadien des actuaires (ICA)

M. Fernet (Marc): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et messieurs, ça nous fait plaisir d'être ici, devant la commission, ce matin. Je suis un ancien président de l'Institut. Le président actuel, M. Stuart Wason, s'excuse, il ne pouvait pas être présent, il est à l'extérieur du pays. Alors, il m'a demandé de le remplacer ici, ce matin.

L'Institut est assez bien connu, mais, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, c'est l'organisme professionnel des actuaires au Canada. Il y a une proportion non négligeable, même assez forte, d'actuaires qui oeuvrent dans le domaine des régimes de retraite. Vous en avez trois ici devant vous. Même si, moi, je n'oeuvre plus dans le domaine des régimes de retraite, j'ai passé toute ma carrière dans ce domaine-là.

Un des objectifs de l'Institut, à cause de son intérêt dans les régimes de retraite, c'est de tenter d'assister les législateurs dans le développement d'une législation en matière de régimes de retraite dans le meilleur intérêt des intervenants, et les participants et les parrains de régimes. Le mémoire que nous avons présenté sur le projet de loi vise, entre autres, à exposer notre opinion sur les objectifs principaux du projet de loi, à présenter des commentaires et observations sur certains points particuliers, et nous nous sommes même permis de suggérer certaines améliorations à la loi qui n'étaient pas touchées par le projet de loi.

L'Institut remercie la commission de l'opportunité de commenter le projet de loi et d'être présent ici, ce matin, pour présenter le mémoire et répondre à vos questions. Pour présenter le mémoire, j'ai ici deux collègues: Monique Tremblay, qui est un membre du Conseil de l'Institut des actuaires, et Louis-Georges Simard, qui est un membre de la Commission de liaison avec les pouvoirs publics en matière de régimes de retraite et de sécurité sociale. Vous comprenez que je ne peux pas prononcer ça sans regarder ma feuille, parce que ce n'est pas une chose qu'on retient de mémoire très facilement. Pour ces deux personnes, vous avez presque 50 ans d'expérience dans le domaine des régimes de retraite. Évidemment, Louis-Georges en a un peu plus, mais Monique le talonne de près. Sur ce, je vais céder...

M. Gautrin: Elle a commencé au berceau, alors.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun...

M. Fernet (Marc): Je vais céder immédiatement la parole à Louis-Georges qui vous fera la présentation partielle du mémoire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Simard.

M. Simard (Louis-Georges): Merci, Marc. Ce que Marc n'a pas dit, c'est que, à lui tout seul, il a presque 50 ans d'expérience dans le domaine des régimes de retraite.

Donc, dans notre mémoire, on n'avait pas fait de prélude pour promouvoir l'épargne dans un environnement de régime de retraite privé au Québec. Mais, bien sûr, les grandes préoccupations dont le président de la Régie, M. Morneau, a fait mention plus tôt, nous les partageons essentiellement entièrement. Il est bien important de penser que, pour pouvoir avoir une retraite décente, c'est qu'il faut la préparer sur plusieurs, plusieurs années de vie active pour pouvoir avoir des économies suffisantes, pour avoir un revenu décent à la retraite. Et les pourcentages, apparemment élevés, dont M. Morneau parlait plus tôt, soit de 8 % à 11 %, retraite à 65 ans, et de 11 % à 14 %, retraite à 60 ans, justifient qu'on doive être extrêmement prévoyant dans ce domaine-là. Donc, il est important d'avoir des règles claires dans ce domaine-là.

Dans un premier temps, je vais toucher au domaine des congés de cotisation, qui est un élément crucial, évidemment, du projet de loi. Dans notre mémoire, on fait mention de l'état d'incertitude qui existe au Québec relativement aux congés de cotisation. Dans les juridictions à l'extérieur du Québec, le droit des employeurs aux congés de cotisation a été largement réglé par suite de la décision de la Cour suprême du Canada, en 1994, dans la cause Air Products. Cependant, au Québec, ce droit demeure largement incertain depuis, en particulier, le jugement de la Cour d'appel dans la cause Singer dont tout le monde a entendu parler. Et, quand on dit «juridictions à l'extérieur du Québec», il faut bien le réaliser ? puis M. Morneau y a fait allusion un peu plus tôt ? on ne parle pas seulement de travailleurs extérieurs au Québec. Il y a, en pratique, tout près de 225 000 travailleurs au Québec, dont à peu près 100 000 qui sont sujets à la loi fédérale ? donc, on parle des banques, des compagnies de transport ? qui, eux, sont dans une juridiction extérieure au Québec. Et, en plus, il y a à peu près 125 000 participants dans des régimes dont la supervision est à l'extérieur du Québec, puisque la pluralité des membres est là. Donc, on a un groupe important de participants québécois où la notion de congé de cotisation est particulièrement claire.

En pratique, ce qui est arrivé dans le passé, même s'il y a eu les ambiguïtés du jugement Singer, les employeurs québécois ont continué, pour plusieurs, à prendre des congés de cotisation. On a eu un environnement donc qui a créé de la méfiance chez les travailleurs. Quant aux employeurs, le risque de poursuite est demeuré une préoccupation. Donc, tout cet environnement un peu inquiétant ou non clair a influé ou influe sur les décisions de capitalisation du régime et donc sur la santé financière du système en général ou des régimes en général. Évidemment, on souscrit fortement au fait que, pour avoir des régimes privés sains, il faut avoir des règles qui sont claires et précises, ce qui est déjà le cas dans les autres juridictions à l'extérieur du Québec, et même au Québec, dans une grande mesure, pour les participants qui sont sujets à d'autres lois.

n(11 h 40)n

Dans un deuxième temps, on se penche sur le fonctionnement d'un régime de retraite, et là on parle des régimes à prestations déterminées. Donc, dans ces régimes-là, il y a des prestations qui sont établies par formule, en fonction de laquelle, par exemple, un participant va recevoir x pour cent de son salaire préretraite lorsqu'il va atteindre la retraite. La loi exige qu'une caisse de retraite soit créée pour financer ces prestations-là, d'où la distinction fondamentale entre les prestations de retraite, qui sont prévues dans le régime, et le financement qui est là pour supporter les prestations et s'assurer que les prestations soient payées à la fin de la journée.

L'administrateur des régimes doit demander à l'actuaire de faire préparer périodiquement une évaluation actuarielle qui va établir la situation financière du régime ainsi que le coût annuel des prestations et, s'il y a un déficit, la loi exige que des paiements additionnels soient faits pour amortir le déficit. S'il y a des cotisations de participants, ces cotisations-là, généralement, elles ne sont pas modifiées par la situation financière du régime. C'est donc l'employeur qui va supporter le risque de fluctuations de cotisations qui vont résulter de l'expérience du régime. Et une chose est certaine, c'est qu'il va y avoir des fluctuations dans l'expérience, parce que, lorsqu'on fait une évaluation actuarielle, on doit faire plusieurs hypothèses pour évaluer, plusieurs, plusieurs années dans le futur, des prestations qui sont promises par le régime. Évidemment, quand on a des hypothèses à faire pour des grandes périodes de temps, on est certain de se tromper. Tout ce qu'on peut faire, c'est des estimés de ce qui va se passer. Donc, si on se trompe dans le bon sens, il y a des gains qui vont résulter, puis, si on se trompe dans le mauvais sens, il y a des pertes qui vont résulter.

Et l'aspect qui est important, je pense, ici, à cause des périodes de temps longues où les prévisions doivent être faites, il va y avoir des marges pour expérience défavorable qui vont être incluses dans la capitalisation. Et, de fait, pour se conformer aux normes actuarielles, l'actuaire devrait inclure de telles marges dans une évaluation actuarielle ou, s'il ne le fait pas, il doit justifier la décision. Et, moi, dans mon expérience, je n'ai jamais vu d'évaluation actuarielle où un actuaire va produire ce qu'on pourrait appeler une évaluation qualifiée et où est-ce qu'il dit: Bon, bien, je n'ai pas mis de marges parce que je crois que ce n'était pas nécessaire. Donc, il est presque inhérent au principe actuariel qu'il va y avoir des marges qui vont être incluses.

Malgré ces marges-là, à cause des fluctuations à court terme, il est possible quand même qu'il y ait des pertes d'expérience, mais, à long terme, il est probable qu'il y ait des surplus qui vont se dégager, dans la mesure où les marges ne sont pas nécessaires pour supporter l'expérience. Donc, dans ce contexte-là, il est extrêmement, extrêmement important, pour que ce type de régime là continue à croître, que les règles quant à l'utilisation des surplus en cours d'existence du régime soient bien claires. Et c'est dans ce contexte-là que le geste du gouvernement pour adresser cette question, nous croyons, est bien approprié.

En fait, dans une lettre adressée à Mme Harel, qui était alors ministre de la Sécurité du revenu, le 2 septembre 1997, on disait: «Une telle clarification ? on parlait de clarification des règles relativement aux congés de cotisation ? aiderait à promouvoir ou au moins à maintenir l'existence des régimes complémentaires au Québec.» Donc, on était déjà très préoccupé à ce moment-là concernant cette question de clarification là. Il faut bien comprendre que, dans tout cet environnement-là, on doit promouvoir, mais l'obligation d'un employeur d'avoir un régime de retraite n'est pas là dans la loi, et c'est le cas également dans le reste du Canada et en Amérique du Nord de façon générale. Donc, c'est bien important d'avoir un climat qui est incitatif.

Un cadre législatif qui est équitable pour toutes les parties, qui comporte des règles claires, est donc requis pour la promotion des régimes. Le projet de loi n° 102 atteint cet objectif tout en contribuant à une plus grande uniformité pancanadienne en mettant les employeurs du Québec sur un pied d'égalité avec ceux du reste du Canada quant à l'utilisation des congés de cotisation. De plus, le projet de loi n° 102 propose une démarche qui favorise l'entente entre les parties au régime. La solution proposée est assez flexible pour s'adapter aux différentes situations. Et on en a parlé beaucoup ce matin, quand M. Morneau a fait sa présentation, lorsqu'il y a un syndicat d'impliqué, le changement ou la clarification des règles va se faire dans un contexte où le syndicat peut ou devra donner son approbation. Nous appuyons donc fortement les dispositions du projet de loi n° 102 relativement aux congés de cotisation.

Maintenant, quelques points techniques du projet de loi. Dans l'option 1, quand on parle de d'obtenir les consentements nécessaires, je pense que l'intention, c'est de s'assurer que la personne qui a le droit de modifier le régime le modifie. Donc, on pense que les mots pourraient porter à confusion parce que «consentements nécessaires», ce n'est pas exactement clair, qu'est-ce que ça pourrait inclure d'autre. Donc, on suggère de clarifier ceci.

Dans l'option 2, pour ce qui est d'étendre la règle du 50 %, le coût minimal de l'employeur, aux retraités ou aux gens ayant terminé, ou encore de créditer rétroactivement le taux de rendement de la caisse ou les cotisations des participants, on est d'accord finalement avec le principe, sauf que, au niveau de l'application pour des personnes qui ont pris leur retraite depuis plusieurs années, ça pourrait être extrêmement difficile à appliquer. Donc, ce qu'on suggère, c'est un moyen pour pouvoir faire en sorte que, dans les quelques cas où on devrait se servir de l'option 2, c'est qu'elle puisse être utilisée ou qu'un employeur ne soit pas incapable de l'utiliser à cause de considérations pratiques comme celle-là. Et, comme suggestion, ce qu'on avance, c'est qu'on pourrait y aller avec une amélioration dont la valeur globalement, pour les retraités et les gens ayant terminé avec droits acquis, soit à peu près équivalente à l'amélioration pour les actifs. Et on pourrait demander à l'actuaire d'émettre une opinion à cet effet-là.

L'article 146.5, pour ce qui est de la question de l'application rétroactive du 50 % minimum payé par l'employeur, c'est encore une question extrêmement technique. Le problème qui se pose, c'est qu'on demande quand même de faire un calcul en supposant que la règle va être appliquée rétroactivement uniquement à 1990 et, en plus, on dit: On va l'appliquer également pour tout le service, pour s'assurer que, en l'appliquant à tout le service, ça ne donne pas moins que si on l'appliquait uniquement rétroactivement au service jusqu'à 1990. Il y a peut-être quelques cas où ça pourrait donner un petit peu moins, mais, pour simplifier tout ça, on suggère de s'en tenir à l'application rétroactive seulement qui inclurait tout le service. Autrement, l'administration devient juste trop complexe.

L'article 146.11, on en a parlé un peu plus tôt ce matin, on est d'accord avec le principe, sauf que, au lieu d'essayer de reproduire les dispositions de la Loi de l'impôt dans l'article, ce qu'on suggère, c'est de référer directement à la Loi de l'impôt en disant que, lorsqu'il y a un surplus excédentaire, l'employeur n'a pas à cotiser.

Prestations de départ. D'une façon générale, plusieurs actuaires reconnaissent que les prestations de départ, c'est une faiblesse importante des régimes. Par ailleurs, la question de savoir: Est-ce que le gouvernement devrait légiférer pour améliorer les prestations de départ? c'est que c'est là que le bât blesse ? je pourrais m'exprimer comme ça ? et on n'est généralement pas d'accord pour que le gouvernement légifère, mais on préférerait plutôt que ce soit laissé entre les parties.

L'autre préoccupation évidemment qu'on a, c'est le fait que, si on légifère, au Québec, en faisant des choses qui sont bien différentes de ce qui se fait dans d'autres provinces, ça complique l'administration des régimes. Par exemple, on peut mentionner qu'il y a 1 600 régimes qui sont administrés, opérés en dehors du Québec, qui ont des participants au Québec, et qui devront être modifiés pour reconnaître ce changement-là pour les participants québécois. Et, au point de vue administratif, c'est quelque chose qui est préoccupant.

Mais, ceci étant dit, compte tenu du fait que le gouvernement a présenté un projet qui est balancé, on peut comprendre que, pour régler dans l'ensemble les congés de cotisation, c'est que le gouvernement puisse avancer cette particularité-là où est-ce qu'on voudrait améliorer les prestations de départ.

Acquisition immédiate. On est d'accord avec le principe, sauf qu'au niveau de l'administration il pourrait y avoir beaucoup d'employés qui vont quitter avec peu de service, ce qui va exiger des calculs nombreux pour des montants qui sont petits. Donc, on dit: Oui, faisons-le, sauf qu'on préférerait que l'admissibilité au régime puisse être faite un peu plus tard ? on suggère 24 mois ? de façon à ne pas multiplier le nombre de calculs pour des montants qui sont petits. Encore là, ce n'est pas une question de principe, c'est une question pratique. Il est bien important d'avoir un environnement qui est aussi convivial que possible pour les administrateurs des régimes.

n(11 h 50)n

Évaluations de solvabilité. Je vais passer rapidement sur ce point-là. La préoccupation qu'on a, c'est en ce qui touche les situations où les régimes ont ce qu'on appelle des clauses de fermeture. Présentement, ces clauses-là n'avaient pas à être capitalisées directement. Il y a une norme actuarielle qui prévoit que l'actuaire peut émettre une opinion ou faire une scénario, émettre un scénario raisonnable, à savoir: Est-ce que le régime va être terminé en même temps que l'usine, par exemple, ou la mine? Et, dans ce cas-là, c'est que, si le scénario, c'est à cet effet-là, les dispositions sont capitalisées. Autrement, c'est que, si le scénario est à l'effet que le régime va être terminé avant la fermeture de l'entreprise, les dispositions ne seront pas capitalisées. Donc, on suggère au gouvernement de s'en maintenir à cette norme actuarielle là plutôt que de forcer la capitalisation qui, dans certains régimes... Il y a peu de régimes affectés, mais, pour les régimes affectés, on peut parler comme ça d'implication financière majeure particulièrement reliée au test de solvabilité.

Donc, je vais laisser ma collègue couvrir rapidement les autres éléments du projet de loi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste environ deux minutes et demie.

Mme Tremblay (Monique): Alors, je parle plus vite dans ce temps-là. Alors, je vais m'en tenir aux points les plus essentiels du reste de notre mémoire. Je pense que, dans l'ensemble, vous avez pu le constater, l'ICA est très à l'aise avec l'intention de ce qui est dans le projet de loi, mais on a relevé un certain nombre de points techniques où la clarté était insuffisante, où il y a des situations qui ne sont pas prévues qui peuvent avoir l'effet contraire de ce qui est souhaité. Alors, il y a des exemples dans ça.

Par exemple, la revalorisation en cas de rupture de mariage. On considère que c'est une innovation dans le projet de loi du Québec d'introduire cette notion-là. Mais on a vu des points qui ne sont pas clairs, qui ne fonctionnent pas et on a suggéré des solutions dans ce sens-là. La même chose au niveau d'une forme optionnelle qui prévoit une garantie. Encore une fois, ça rend dans le moment la situation très difficile à administrer pour les employeurs avec les outils qu'ils ont et de la même façon pour les participants de le comprendre. Alors, on souhaite que, tout en respectant l'intention, le législateur ajuste les modalités prévues de manière à ce que ça atteigne l'effet voulu.

En ce qui a trait au financement, qui est notre point f de notre mémoire, on a, entre autres, parlé des évaluations partielles ou intérimaires, lorsqu'un régime est modifié, entre les évaluations qui sont déposées au gouvernement. Alors, on trouve que la mesure qui est proposée est trop restrictive dans la mesure où elle prévoit que le plein coût de la modification doit être reconnu et financé par l'employeur même si le régime disposait d'excédent dans la dernière évaluation et que ça n'a pas été reconnu et que ça ne peut pas être utilisé. Alors, on considère que c'est seulement la situation nette qui devrait être reconnue, encore une fois pour des fins de simplicité.

Enfin, un point que nous jugeons important, au point g, la terminaison de régime. C'est que le gouvernement veut accélérer le processus de terminaison, et on sait que, présentement, ça peut prendre des années dans certains cas et sous certaines juridictions. Mais on pense qu'il y a quand même un point d'équilibre à atteindre. Et il ne faut pas se dépêcher au détriment de l'exactitude ou de s'assurer de l'équité des droits des participants qui ont droit à des prestations. Alors, on est un peu préoccupé par la période trop courte pour la complexité du travail qui est requis. C'est parce qu'on parle de degré de précision et, dans le cas d'une terminaison, bien, c'est le dernier calcul qu'on fait, puis on ne peut pas se tromper puis on ne veut pas léser personne. Alors, on veut être sûr d'avoir le temps de bien faire les choses.

Enfin, sur les points que le projet de loi n'adresse pas et qu'on juge importants, il y a les transferts entre les régimes parrainés par un même employeur. Alors, lorsqu'un individu reçoit une promotion, par exemple, qui passe d'un poste d'employé de col bleu ou de col blanc et qui devient un cadre, bien, il ne faudrait pas que, à cause des modalités de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, on lui dise: Félicitations, mon ami, tu as une promotion, mais dommage, tu es obligé de transférer ton régime de retraite et tu vas perdre des droits. Alors, on voit des problèmes techniques dans l'énoncé de la loi telle qu'elle est présentement et on voudrait s'assurer que les modalités prévoient que l'employeur qui veut bien favoriser ses employés est en mesure de le faire.

Enfin, il y a un délai très court aussi pour déposer les évaluations actuarielles. On trouve qu'une période de six mois, c'est vraiment très court pour des gros régimes en particulier où le travail d'évaluation est complexe, et on préférerait voir une limite de neuf mois ou au 30 septembre pour les régimes dont l'année d'évaluation correspond à l'année civile.

Enfin, quelques améliorations ou simplifications lorsque les individus résident à l'étranger pour une longue période et l'ajournement de la rente, qui sont des points que vous pouvez voir dans le mémoire.

Donc, en conclusion, l'Institut canadien des actuaires considère que le gouvernement du Québec agit de manière responsable en déposant un projet de loi équilibré qui permettra d'éliminer les ambiguïtés relativement aux congés de cotisation. Sur les autres points, nous espérons que, avec les améliorations que les différents intervenants vont proposer, on va arriver à une solution qui va faire que les régimes de retraite à prestations déterminées vont continuer de prendre beaucoup de place, car ça répond à un besoin de notre société. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Tremblay. M. le ministre.

M. Boisclair: Alors, il me fait plaisir, M. Simard, de vous souhaiter la bienvenue, de saluer aussi la présence parmi nous de M. Fernet et de Mme Tremblay. Je voudrais vous remercier donc pour cette présentation.

D'abord, vous donner une assurance que l'ensemble des recommandations que vous nous avez faites seront très correctement analysées. Je dois vous dire que vous soulevez ici d'importantes questions qui méritent toute notre attention. J'ai pour sept pages de commentaires sur votre mémoire. Je pourrais revenir sur l'ensemble des recommandations que vous nous faites et vous dire très certainement qu'il y a plusieurs questions que vous soulevez qui sont tout à fait pertinentes et qui méritent très certainement que le législateur y accorde l'attention nécessaire. Je pourrais faire une liste des recommandations que vous nous faites, mais je pense qu'on pourrait, dans un autre contexte, discuter des questions techniques, que nous allons correctement étudier. Je vais vous proposer d'ailleurs un mécanisme par lequel, d'ici la suite des choses et la discussion en commission parlementaire, on puisse dans un autre contexte se revoir pour échanger avec vous sur les points de convergence.

Il y a quelques points de divergence. Ce délai pour les actuaires, six à neuf mois, on n'en fait pas un grand cas. Je pense qu'on peut se rapprocher de la norme canadienne. On fait le choix aussi de la plus grande transparence possible quand on voudra que l'information se retrouve dans les relevés de participation, dans les rapports annuels. L'objectif, c'est de faire en sorte que, quand il se prend un congé de cotisation par les membres du comité de retraite, les participants, qu'ils soient actifs ou pas, soient aussi informés. Donc, là-dessus, il y a vraiment un choix de politique publique qui est clairement fermé.

Sur les autres dispositions, dans certains cas, je pense qu'on peut vous rassurer sur le libellé. Parfois, vous questionnez l'interprétation. C'est le cas, par exemple, des consentements requis. S'il faut clarifier, on va clarifier. Sur les améliorations requises par l'option 2, on regarde très attentivement ces questions-là. Puis là je pourrais défiler.

Mais, essentiellement, vous êtes des spécialistes en la matière, vous êtes ceux qui conseillez des associations de travailleurs, vous conseillez des entrepreneurs dans l'élaboration de ce type de régime. Vous avez donc une expérience qui peut tous nous enrichir. Et je voudrais aborder rapidement avec vous la question d'une éventuelle disposition dans la loi qui ferait en sorte de nous amener, puisque c'est ce que les aînés réclament et les retraités réclament, à introduire une disposition sur l'utilisation des surplus. Quand on a regardé cette question-là ? et la raison pour laquelle je pose cette question, c'est parce que c'est au coeur du projet de loi ? on a fait un choix de politique publique, qui est de respecter la libre négociation entre les parties. On s'est dit qu'il n'appartient pas à l'État de venir fixer dans la loi des dispositions sur l'utilisation des surplus. Donc, tout le discours sur le respect des ententes, qu'elles soient dans le cadre du texte fondateur du régime, dans la convention collective ou sous une autre forme d'entente, on respecte ça.

Il y a des gens dans notre société qui pensent que le législateur devrait s'engager puis devrait dire de quelle façon on devrait utiliser les surplus; par exemple, prévoir une disposition dans la loi où on devrait indexer d'un certain pourcentage ou d'une quelconque méthode la rente des retraités lorsque vient le temps de disposer des surplus. Moi, ma compréhension, c'est que, si on se lance dans cette aventure puis si le législateur fait le choix de se substituer aux parties puis de mettre dans la loi des dispositions sur l'utilisation des surplus, j'ai l'impression que mon projet de loi, il aurait une durée utile de vie d'environ 24 heures, parce que, pendant ces 24 heures, et le patronat et les syndicats grimperaient dans les rideaux. Puis, à la limite, ce que bien des gens viendront nous dire, c'est que si, malgré une opposition, déjà on persistait, les employeurs décideraient tout simplement de fermer les régimes puis de transformer ça en REER collectifs, par exemple.

n(12 heures)n

Donc, vous avez une expérience pratique du terrain. Il y a de vos membres qui conseillent des entreprises, d'autres de vos membres qui conseillent des employeurs. Est-ce que le jugement que je porte est raisonnable? Est-ce que le législateur est justifié de ne pas vouloir s'immiscer dans les relations entre les parties? Et avant de vous recéder la parole, je voudrais vous rappeler puis vous remercier de vos contributions. On m'apprenait qu'il y a 11 ans jour pour jour votre association était représentée alors que le député de Laporte, à l'époque ministre responsable de la Régie des rentes, ouvrait la commission parlementaire qui traitait du projet de loi 116 qui est venu revoir la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Alors, je vois que vous êtes fidèles dans votre engagement à conseiller les députés et les gouvernements, et je vous en remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. M. Fernet ou est-ce que...

M. Fernet (Marc): Je dirais que l'attitude du gouvernement est non seulement raisonnable, mais elle est sage parce que, en tout cas, nous, l'Institut, nous avons toujours considéré que la meilleure façon de régler les problèmes des régimes de retraite était de laisser les intervenants négocier librement les dispositions du régime, et même le financement s'ils veulent, plutôt que de se voir imposer ça par l'extérieur.

Vous avez mentionné les retraités. Évidemment, c'est facile pour des retraités de réclamer parce qu'ils n'ont rien à perdre dans les conditions de travail. Mais pour les employés actifs, le régime de retraite n'est qu'une partie de leur rémunération et il y a toujours un échange qui se fait, là, quelque part. Alors, plus le régime de retraite est généreux, moins il y a d'argent ailleurs, et vice et versa. En tout cas, nous nous excusons d'être démocratiques, mais ça a toujours été, comment je dirais ça, que la meilleure façon était encore de laisser les parties déterminer ce qu'elles veulent, combien elles veulent mettre dans le régime, combien elles veulent mettre ailleurs et combien elles veulent répartir, à l'intérieur du régime, les argents qui sont mis dans le régime. Parce qu'il y a d'autres clauses aussi qui tentent beaucoup les gens, entre autres les clauses de retraite anticipée, les prestations de départ, etc.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup, et mes collègues, je présume, voudrons poursuivre la discussion.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. Je vais profiter aussi de votre présence. Je souscris complètement à votre dernière intervention en disant qu'il est bien préférable d'avoir une entente entre les parties que toute imposition qui puisse être faite par la loi.

Dans ce cadre-là, en ce qui touche les suppléments d'actif, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de se dire: La partie qui est réellement problématique, c'est ce qui dépasse les surplus et ce qu'on appelle des surplus excédentaires, donc il faut avoir une mesure pour disposer, et que tout le reste pourrait, dans le fond, être soumis à la négociation ou à l'entente des parties? Est-ce que vous pensez qu'il est nécessaire que la loi se précise à ce niveau-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fernet? M. Simard?

M. Simard (Louis-Georges): Je pense que de faire une distinction comme celle-là, c'est un peu mêler les cartes en ce sens que la raison d'être de cette disposition-là, c'est une préoccupation de l'impôt qu'il n'y ait pas trop d'argent qui soit cotisé à la caisse. Donc, c'est une préoccupation fiscale. Et, à partir de là, pour en faire une préoccupation, on dit: Tout d'un coup, là, on va commencer à établir un principe où le financement du régime va en avant des prestations. Et, nous autres, c'est un principe, je pense, qu'on défend fortement, c'est il faut distinguer deux choses, il faut distinguer les prestations du financement du régime.

Donc, les prestations, elles sont prévues au régime. Maintenant, il s'adonne, comme ça, qu'il y a trop de financement et il y a des mécanismes qui sont prévus dans la loi pour adresser la question. Mais de là à dire tout d'un coup, que c'est ce financement-là qui va établir un certain niveau de prestations, c'est extrêmement préoccupant. Et je pense que si on déborde de ce côté-là, à cause du fonctionnement intrinsèque des régimes à prestations déterminées, ça va devenir des régimes qui vont être potentiellement problématiques parce qu'ils vont avoir une partie cotisations définies.

Parce que, ça existe, des régimes où c'est la santé de la caisse. C'est s'il y a des meilleurs rendements qui va déterminer si oui ou non on va avoir plus de prestations à la fin de la journée. C'est des régimes à cotisations définies qui sont comme des REER collectifs dans le contexte de la loi. Donc, ce que je dis, c'est que dans le type de régimes qu'on connaît, de mêler financement et prestations, c'est préoccupant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je m'excuse, ce n'était pas le but de ma question. Je vais la répéter, si vous me permettez. Ce que je visais, c'étaient les surplus excédentaires qui, eux, doivent avoir une mécanique pour être absolument... on doit les régler. Et d'ailleurs le projet de loi les règle, et on fait la distinction entre l'article 4.16.11 et les autres surplus dont on peut disposer, on n'a pas à disposer suivant qu'il y ait entente ou non. Et c'est ça, que je me demandais. Et vous sembliez, disons, favoriser les ententes entre les parties; or, le projet de loi va plus que favoriser les ententes avec les parties, il dit: S'il n'y a pas d'entente, on préconise un mécanisme avec un certain nombre de balises. Alors, c'est ça que j'avais du mal à comprendre, pourquoi vous acceptiez ce principe qu'il puisse y avoir un élément où il n'y a pas entente entre les parties.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Simard.

M. Simard (Louis-Georges): Bien, au niveau du projet de loi, je présume qu'au niveau des politiques, c'est qu'il y avait quelques... bien les choix qu'il y avait, c'était de dire: Si effectivement il y a un surplus excédentaire, c'est que les parties l'adressent. Ou encore de dire ce qui correspond, je pense, à la pratique des autres juridictions: S'il y a un surplus excédentaire, c'est la Loi de l'impôt qui se trouve à primer et les cotisations ne peuvent juste pas être remises à la caisse. C'est une question qui est difficile, votre question. Maintenant, dans les choix que le gouvernement a faits pour encore, je pense, promouvoir une espèce d'uniformité canadienne, disons que je trouve que la décision du gouvernement est appropriée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'ai deux autres questions sur d'autres sujets. Parce que, vous comprenez, on est obligé de se presser, parce qu'on est limités par le temps. Vous dites qu'il y a uniformité sur les lois canadiennes. Pourtant, l'analyse légale qui a été faite par le cabinet du ministre fait entendre qu'il y a quand même trois types essentiellement de lois au Canada qui touchent les surplus, les excédents d'actif. Vous avez la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick qui disent à peu près: Vous ne pouvez pas y toucher si ce n'est pas prévu. L'Alberta qui dit: Si ce n'est pas interdit, vous pouvez y toucher. Et l'Ontario et les autres provinces qui ont une espèce de flou juridique, un peu comme le Québec. Est-ce que vous avez la même lecture que ce que j'ai actuellement comme analyse des lois dans les provinces?

M. Simard (Louis-Georges): Disons que je ne prétends pas ou on ne prétend pas être des avocats, et c'est un terrain qui est glissant, peut-être, pour des actuaires. Je peux vous parler uniquement de la pratique parce que, je veux dire, on est souvent en contact avec ce qui se passe à l'extérieur du Québec. Le débat qu'on a ici, au Québec, sur les congés de cotisation, à l'extérieur du Québec, c'est qu'ils n'existent pas. En pratique, dans toutes les juridictions, les employeurs, disons, vont prendre des congés de cotisation lorsqu'il y a des surplus. Évidemment, il y a tout le processus, comme ça, également de négociation qui a libre cours, mais il n'y a pas la préoccupation qu'on a au Québec, par suite du jugement Singer.

M. Gautrin: O.K. J'ai encore d'autres questions, si vous permettez. Je comprends qu'au Québec vous êtes préoccupés à cause du jugement Singer qui reste derrière vous. Est-ce que ? vous qui êtes quand même des experts au niveau de l'établissement de ce qu'on appelle les excédents d'actifs ? on peut déterminer ce qui revient, qui est dû, disons, aux contributions des actifs des participants et ce qui est la part qui revient ou qui est due aux retraités? Vous allez me répondre: Ça dépend quelle technique actuarielle vous prenez. Je peux vous en suggérer une qui le permet, d'autres qui ne le permettent pas.

M. Simard (Louis-Georges): La réponse à ça, c'est presque non, là, pour peut-être quelques raisons. La première chose, c'est le mode de fonctionnement du régime. Alors, si on comprend bien, c'est qu'il y a une formule en vertu de laquelle on établit les prestations et ces prestations-là ont à être financées. Typiquement, c'est que les employés, parfois, ont à cotiser, mais dans beaucoup de régimes, surtout syndiqués, les employés ne cotisent pas.

Donc, il y a deux données, comme ça, qui sont fixes, à savoir: les prestations et les cotisations des participants, s'il y en a. Et ce qu'il s'agit d'établir, c'est combien d'argent l'employeur devra cotiser pour réussir, en sus des cotisations des participants, s'il y en a, pour financer les prestations. Dans un modèle comme ça, c'est difficile de pouvoir arriver à répartir. Peut-être que je veux faire une autre référence...

n(12 h 10)n

M. Gautrin: Attendez. Mais, quand même, quand vous faites une évaluation actuarielle, si vous prenez une technique comme les modèles d'étalement des prestations, vous êtes capables d'établir les valeurs individuelles...

M. Simard (Louis-Georges): Des passifs. O.K.

M. Gautrin: Oui, oui, ça devient individuel à chaque fois, si vous me permettez, et ensuite, c'est la somme des choses qui reprend, les besoins du régime, puis vous voyez les éléments qui sont capitalisés. Donc, vous êtes capables, à ce moment-là, de voir ce que le régime...

M. Simard (Louis-Georges): Bien, on aimerait ça être capables, mais c'est parce que... Vous avez raison au niveau des passifs, on connaît les passifs individuels, mais, au niveau des actifs, c'est que vous avez une caisse, puis vous n'avez pas d'actifs individuels.

M. Gautrin: Je suis d'accord.

M. Simard (Louis-Georges): Dans un régime, ce qu'il va falloir déterminer, c'est le mode de fonctionnement du régime.

M. Fernet (Marc): Un excédent d'actifs est produit par diverses choses dans le régime. Un rendement excédentaire en est une, peut-être la plus connue, mais il y a toutes sortes de choses qui interviennent. Par exemple, la mortalité.

M. Gautrin: Mais bien sûr.

M. Fernet (Marc): Il y a plus ou moins de gens. Bon, bien, si vous avez un gain de mortalités... en tout cas, peut-être qu'un avocat pourrait décider à qui...

M. Gautrin: S'il y a un gain de mortalités, vous augmentez le passif.

M. Fernet (Marc): Pardon? Non, non, s'il y a un gain de mortalités, on diminue le passif.

M. Gautrin: C'est-à-dire, si...

M. Fernet (Marc): C'est-à-dire, si vous avez, par exemple...

M. Gautrin: Non, non, mais si vous augmentez, s'il y a plus de gens qui...

M. Simard (Louis-Georges): Un gain de mortalité, c'est un décès prématuré.

M. Fernet (Marc): Si vous avez plus de retraités qui sont décédés que ce qu'on attendait...

M. Gautrin: Ah! c'est ce que vous appelez un gain? D'accord.

M. Fernet (Marc): Oui, c'est ce que j'appelle...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Alors, moi, je pensais que, au contraire, si vous augmentez... O.K., ça marche.

M. Simard (Louis-Georges): Un régime de retraite, ça va bien quand les gens décèdent.

M. Gautrin: Ça marche. Je comprends.

M. Fernet (Marc): Alors, un gain du genre, ça appartient à qui, ça? Même chose pour les départs, les retraites prématurées. Alors, peut-être que le rendement excédentaire serait plus facile à répartir, mais les autres éléments...

M. Gautrin: Je suis assez d'accord avec vous sur la difficulté que vous avez. Et, une caisse de retraite, ce n'est pas uniquement, strictement, statique; il y a un élément dynamique à l'intérieur d'une caisse de retraite, il y a toujours des gens qui partent, qui sont des actifs et qui deviennent après des retraités en cours de route. Mais il y a quand même une réflexion à faire entre nous sur ? disons, en termes d'équité ? la part ou le poids de plus en plus important, dans les caisses de retraite, des retraités qui sont parties au contrat mais ne sont pas nécessairement représentés dans les modifications de contrat. Je ne sais pas si vous avez réfléchi sur cette question-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Simard.

M. Simard (Louis-Georges): Une chose qui est intéressante, c'est que, dans le projet de loi, on peut dire que les futurs retraités aussi n'ont pas de bonification automatique. Le gouvernement, pour présenter un projet de loi balancé, a ou propose d'améliorer les prestations de départ, donc pour les gens qui vont partir avant la retraite. Mais, pour les retraités, en pratique, comme ça, il n'y a rien ? pour les futurs retraités comme les retraités actuels ? précisément qui est prévu.

Je pense que, dans le projet de loi, finalement... Et je dois dire qu'il me semble que, de dire qu'on veut présenter un projet équilibré et le faire, c'est difficile, sauf qu'il y a une mécanique qui existe au...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Louis-Georges): C'est difficile, mais je pense qu'on l'a quand même assez bien réussie. Il y a un environnement, au Québec ? il y a des choses comme ça qui sont saines ? il y a une pratique qui existe, c'est d'améliorer les rentes des retraités. Il y a plusieurs employeurs comme ça qui l'ont fait; la Régie parle de 60 % utilisés pour améliorer les prestations, et il y a des montants importants qui ont été pour les retraités. D'après nos études, nous autres, il y a à peu près un participant sur deux, dans les cinq dernières années, qui a bénéficié d'amélioration.

Donc, il y a un intérêt, pour l'employeur, à faire ça, en ce sens que ? puis je pourrais peut-être demander la confirmation à Marc ? l'actif actuel, il va... Regardez comment les retraités actuels sont traités. Et, dans la mesure où est-ce qu'un employeur va bien traiter ses retraités, il va voir ça comme étant un élément positif, pour lui aussi, un jour. Donc, je pense que cette mécanique-là, elle marche présentement. Donc, pourquoi interférer avec ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Fernet (Marc): Mais, si vous me permettez, il y a quelque chose ? je cherche le terme, là ? pas malsain, mais enfin ce n'est pas indiqué de lier les améliorations pour les retraités avec les excédents d'actif. O.K.? De lier les améliorations pour les retraités avec les excédents d'actif, parce que, quand il n'y a pas d'excédents d'actif, ça veut dire qu'il n'y a pas d'amélioration malgré le besoin. Et, moi, j'ai vu de mes clients faire des améliorations dans un régime qui était en déficit. Ils cotisaient davantage puis c'est tout, parce qu'il y avait un besoin.

M. Gautrin: Je suis assez d'accord avec ce que vous dites. J'aurais une dernière question. Vous soulevez la question des problèmes des prestations de départ. Je voudrais bien que vous nous expliquiez la situation. Si je comprends bien, à l'heure actuelle, vous avez un même régime dans une compagnie qui a des employés dans différentes provinces du Canada. Si ces employés font partie du même régime, mettons un régime qui est enregistré ici, au Québec, mais c'est la loi de l'endroit où ils travaillent qui s'applique. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Morneau (Guy): C'est exact. En fait...

M. Gautrin: Alors, prenons, par exemple...

M. Simard (Louis-Georges): Excusez, c'est que, pour les employés qui travaillent au Québec, c'est la loi du Québec qui s'applique pour les prestations de départ. Maintenant, il y a plusieurs régimes, qui sont sujets à la supervision à l'extérieur du Québec, qui devront être amendés pour le participant québécois.

M. Gautrin: Non, non, mais je prends, par exemple, un régime qui est sous supervision ici, au Québec; la prestation de départ ne s'appliquerait que pour les travailleurs au Québec. Mais si vous avez un travailleur qui est, par exemple, en Alberta ou... ce n'est pas le cas. Donc, si, en quelque sorte, vous avez une compagnie qui bouge son travailleur d'une province à une autre et qu'il décide de quitter la compagnie lorsque justement il se trouve en Alberta, il n'aurait plus le droit à la prestation de départ s'il quitte la compagnie lorsqu'il est en Alberta. Il a le droit s'il quitte au Québec et inversement. C'est ça les problèmes que vous nous soulevez avec le mécanisme de la prestation de départ. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Merci, M. Simard. Je cède maintenant la parole au député de Champlain.

M. Beaumier: Oui, merci, Mme la Présidente. Deux petites choses. Moi, je voudrais clarifier. Tantôt il s'est dit, quant aux surplus excédentaires, que ça avait une réalité un peu conjoncturelle, chacun en convient aussi. On a même parlé que c'était virtuel dans un certain sens, mais du point de vue de l'orthodoxie actuarielle, est-ce que effectivement les surplus sont réels, puisqu'ils sont réaffectés soit par le biais de congé de cotisation ou par une amélioration, une bonification des régimes? Alors, je voulais savoir: Quelle est la dureté de ces surplus excédentaires? Sont-ils conjoncturels, virtuels ou réels?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Simard.

M. Simard (Louis-Georges): Bien, les surplus, c'est quelque chose qui existe à la terminaison du régime. Et ça, le gouvernement, dans le passé, l'a bien réglé avec un processus là: on s'entend ou on s'en va en arbitrage. Puis ça, c'est intéressant, c'est quelque chose qui existe au Québec, il marche très, très bien. Maintenant, avant ça, on parle de financement. Et, dans le processus de financement, c'est que nécessairement ce n'est pas un processus exact. Il y aurait peut-être moyen d'en faire un processus exact, ce serait d'aller voir une compagnie d'assurances puis d'acheter des rentes différées, comme ça se faisait dans le passé, pour des prix qui sont exorbitants. Là, on est sûr qu'on va arriver à la fin de la journée, mais, au lieu de nous coûter 5 %, ça va nous coûter comme 6 % ou 7 % pour la même prestation, et ça, il faut bien comprendre que c'est un processus qui est là parce qu'il y a un risque quand on parle à long terme. Ce n'est pas parce que les compagnies d'assurances ne faisaient pas ce qu'elles devaient faire. Donc, nécessairement dans un processus de financement, c'est qu'il va y avoir des hauts et des bas.

On sait, on l'a mentionné tantôt, qu'au cours des dernières années les rendements ont été extrêmement bons. Donc, ça amène une situation aujourd'hui où les régimes ou les caisses sont relativement favorisés. Mais, dans un processus à plus long terme, d'espérer qu'on va continuer à avoir des rendements comme on a connus dans les dernières années, c'est extrêmement optimiste. Donc, le balancier peut et va probablement retourner. Donc, le surplus, c'est que ça se veut quelque chose qui est mouvant, qui n'est pas solide, excepté quand on arrive à la terminaison du régime.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Champlain.

n(12 h 20)n

M. Beaumier: L'autre question, on a signalé tantôt qu'il y avait des régimes qui étaient déficitaires; il y en avait le tiers, je crois, des régimes qui étaient déficitaires, j'imagine, pour un certain nombre de raisons. J'imagine parce qu'ils ne recourent pas assez probablement à vos compétences, je ne le sais pas trop, mais est-ce que vous avez un tableau de ces régimes, des secteurs dans lesquels les régimes sont déficitaires?

M. Simard (Louis-Georges): Brièvement, un des problèmes qui est arrivé récemment, malgré les succès des rendements des caisses de retraite, c'est que ça a été la baisse dramatique des taux d'intérêt. Et moi, si on recule de trois ans, si on m'avait dit que les taux d'intérêt à long terme allaient baisser en bas de 6 %, je me serais dit: Il y a plusieurs régimes de clients qui vont avoir des problèmes majeurs de solvabilité. La solvabilité, c'est un test, ça, qu'on fait en regardant, comme ça, la valeur marchande des passifs qu'on compare à la valeur marchande de nos actifs. Il faut comprendre que le taux d'intérêt, en baissant, automatiquement la valeur marchande de nos passifs augmente considérablement.

Mais ça n'a pas été si pire que ça finalement parce que les taux de rendement des caisses ont été très, très bons et ont compensé dans plusieurs cas l'augmentation drastique ou dramatique des passifs. Maintenant, il y a des régimes, souvent des régimes négociés à prestations forfaitaires, qui sont généreux quant à la retraite anticipée, qui promettent des rentes après 30 ans de service avec une rente, un supplément de transition. Ces régimes-là sont sujets à la baisse du taux d'intérêt et il y a plusieurs de ces régimes-là qui ont des déficits qui font mal à des employeurs.

M. Beaumier: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Matane.

M. Rioux: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord souligner que, cet après-midi, j'aurai l'occasion de revenir peut-être sur des aspects plus fondamentaux du projet de loi. Mais je voudrais juste avoir des clarifications de la part de l'Institut lorsque vous parlez dans votre texte des problèmes que n'aborde pas le projet de loi. Et vous faites référence là-dedans à tout ce que j'appelle les «options de transférabilité» qui doivent être accordées à un travailleur qui aurait changé de job, de poste, c'est-à-dire à l'intérieur de la même entreprise: il passe du statut de travailleur syndiqué à cadre, par exemple. Donc, il entre de la sorte dans un autre régime.

Alors, mise à part la question de calcul que vous évoquez et les problèmes de communication que ça peut engendrer entre l'employeur et l'employé, là, moi, je voudrais savoir: Est-ce que vous interpellez le ministre pour que finalement il amende la loi et qu'on règle cette question-là? Parce que, si un travailleur est pénalisé à cause d'un changement de régime, c'est assez inquiétant, et s'il n'est pas forcé au transfert, je me dis que ça le devient peut-être davantage. Alors, moi, je voudrais avoir un petit peu votre analyse là-dessus parce que, finalement, ça peut devenir très important. Si vous avez pris la peine de l'évoquer, c'est parce que chez vous ça pose un problème.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Monique): Effectivement, on considère qu'on peut finalement, en faisant quelque chose de plus simple... La façon dont en pratique on souhaiterait le faire, c'est qu'un individu qui se déplace d'un régime de retraite à un autre, qu'il soit traité d'un point de vue de ce qu'on appelle un «service continu», donc les services qui déterminent l'admissibilité à ses prestations, soit en fonction de son lien avec l'employeur. Donc, s'il a été par exemple 10 ans dans un régime, 10 ans dans un autre et 10 ans dans un troisième régime, et que, après ça, il s'en va, au bout de 30 ans, il va avoir 10 ans de calcul de prestations dans chacun des régimes auxquels il a participé en fonction de sa situation finale.

Donc, au total, il a 30 ans pour regarder quelle règle de retraite anticipée s'applique pour lui, quel salaire est utilisé pour le calcul de sa rente, etc. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des moyens plus simples d'arriver à un objectif qui finalement va permettre de ne pas pénaliser l'individu. Alors, on trouve que la loi, telle qu'elle est rédigée présentement, est trop restrictive et trop complexe, et, en plus, elle pénalise. Donc, ou souhaite que l'opportunité soit prise de régler ce problème-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Matane, terminé? Oui, M. le ministre.

M. Boisclair: Tout simplement, on regarde ça attentivement et on comprend qu'il y a de vraies questions que vous soulevez dans votre mémoire, et je serais à 90 % d'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va?

M. Rioux: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est moi qui vous remercie.

M. Boisclair: À 91 % plutôt. Je devrais dire à 91 %. C'est une bonne moyenne.

M. Rioux: On a déjà eu 92 %!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun, il vous reste cinq minutes.

M. Gautrin: Ah, mon Dieu! j'avais d'autres questions, mais...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que les membres ont d'autres questions? Non? Alors, ceci met fin, bien sûr, à nos discussions. Je vous remercie, messieurs, madame, pour votre participation.

Alors, nous suspendons nos travaux à cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

 

(Reprise à 15 h 22)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais de prendre place. Alors, la commission des affaires sociales reprend ses travaux pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Je salue M. Gilles Taillon, président du Conseil du patronat. J'imagine que vous êtes accompagné de M. Garon et M. Girardin. Alors, sans plus tarder, M. Taillon, je vous cède la parole. Vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, vous ne vous êtes pas trompée dans les invités qui m'accompagnent.

Une voix: ...

M. Taillon (Gilles): Exactement. Et vous m'enlevez la tâche de vous les présenter. Mais ça me fera plaisir d'utiliser ces personnes- ressources au moment de la période de questions.

Donc, le Conseil du patronat du Québec tient à vous remercier, à remercier la commission des affaires sociales de le recevoir et de lui donner l'occasion de commenter le projet de loi n° 102 modifiant la Loi des régimes complémentaires de retraite. Ce projet de loi comprend près de 200 articles. Et vous comprendrez, Mme la Présidente, que nous ne couvrirons pas la totalité des mesures, mais je me contenterai de vous faire certains commentaires généraux et de tenter de bien positionner ce que le Conseil souhaite pour le futur de ce projet.

Nous tenons d'emblée, et ce n'est pas une cachette, je pense, parce que nous nous sommes déjà commis publiquement, nous tenons donc à préciser que ce projet de loi, au-delà des aspects très techniques, apporte des modifications à la Loi des régimes complémentaires de retraite qui ont un caractère social et qui, selon nous, favorisent le développement de régimes complémentaires de retraite, notamment des régimes à prestations déterminées. C'est d'autant plus important que ces derniers sont précisément conçus pour offrir de la sécurité aux futurs retraités.

Dans un contexte démographique où le vieillissement de la population deviendra un problème de plus en plus aigu au cours des prochaines années, il est clair que les prestations de retraite qui seront accordées aux futurs retraités par les gouvernements ne suffiront pas à garantir un niveau de vie adéquat, d'où l'importance de mettre en oeuvre, de promouvoir un encadrement légal de régimes complémentaires privés et à prestations déterminées qui encourage leur prolifération, puisque actuellement seulement un travailleur sur quatre participe à un régime de retraite dans le secteur privé. Maintenir la situation actuelle, compte tenu des incertitudes et de l'épée de Damoclès qui pèse sur la tête des employeurs, n'a rien pour encourager ces derniers à mettre en place des régimes. On constate d'ailleurs que ces régimes sont actuellement à tout le moins en diminution, pour ne pas dire en perte de vitesse.

Depuis de nombreuses années, les réunions entre représentants patronaux et syndicaux, dans le cadre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui ont justement eu pour objet de discuter de ces régimes complémentaires, ont donné lieu à plusieurs points de divergence ? je pense que le ministre en est bien conscient, le président de la Régie aussi ? mais aussi à certains points de convergence, notamment celui de rejeter toute législation qui serait une ingérence dans les relations du travail. À ce titre, nous pensons, malgré certaines imperfections à ce projet, qu'il encourage la négociation entre employeurs et syndiqués et qu'il constitue un cadre minimal d'intervention.

Parmi les éléments les plus précieux pour le patronat, nous retrouvons les congés de cotisation patronale. Selon nous, et peut-être là y a-t-il une divergence dans le libellé de ce qu'on appelle le congé de cotisation patronale par rapport au projet de loi, selon nous, le congé de cotisation patronale consiste simplement à arrêter de cotiser au régime puisqu'il y a suffisamment d'argent dans la caisse pour garantir pleinement toutes les prestations promises par le régime de retraite, donc une caisse qui est bien capitalisée et qui garantit aux retraités tous les bénéfices promis par le régime. Il est important de faire cette distinction parce qu'on retrouve sur la place publique... nous, on trouve beaucoup de charriage avec le fait que les employeurs pourraient partir avec les caisses de retraite ou utiliser les surplus à leurs propres fins. Je pense que ce n'est pas le cas. Quand un employeur prend un «congé de cotisation», il arrête tout simplement de verser dans une caisse qui est suffisamment bien provisionnée pour respecter les engagements qu'il a contractés.

Selon la Régie des rentes, nous sommes dans un contexte où les deux tiers des régimes à prestations déterminées sont en situation d'excédent d'actif et, déjà, 2,3 milliards de dollars ont été utilisés au cours des dernières années pour des congés de cotisation. Il est important de noter que les surplus ont été utilisés de la façon suivante, selon une propre étude de la Régie des rentes: 60 % pour des améliorations aux régimes de retraite et 40 % à des fins de congés de cotisation patronale. Il est donc faux de prétendre ? nous tenions à le souligner ? que tous les surplus ont été utilisés au seul avantage des employeurs. Il est donc très important, à l'égard du congé de cotisation, de rappeler que l'employeur peut le prendre strictement lorsque le régime est pleinement capitalisé et attesté par des intervenants indépendants, les actuaires indépendants. Ce n'est pas donc à la guise de l'employeur.

Il faut aussi bien cerner, bien comprendre que nous avons tout intérêt, je le soulignais tantôt, à promouvoir la prolifération de ces régimes-là, mais aussi à se rappeler que, dans le contexte des régimes complémentaires de retraite, l'employeur est un promoteur de régimes d'assurance retraite, d'avantages sociaux. L'employeur est donc ici un promoteur. Et, dans un régime qui garantit des prestations déterminées, il n'est pas anormal, si l'employeur est responsable d'assurer une pleine rentabilité de la caisse et, lorsqu'il y a des déficits, de la renflouer, il n'est sans doute pas anormal de lui permettre, lorsqu'il y a des surplus, de prendre un congé de cotisation.

Certains groupes demandent que les employés puissent avoir leur droit de regard sur les surplus. Rappelons que c'est un contrat auquel l'employeur s'est engagé librement, qui consiste à offrir certains bénéfices. Nul régime ailleurs, à notre connaissance, ne donne ce droit aux employés et aux retraités. Donc, nous pensons que le Québec, qui doit innover dans plusieurs secteurs, devrait se garder ici d'être un innovateur, mais respecter, pour les raisons que je viens de vous souligner, dans le fond, la pleine maîtrise pour les employeurs de la gestion de ces régimes, bien sûr en collaboration avec les employés.

n(15 h 30)n

Pour nous, la loi n° 102 est une loi-cadre minimum qui ne doit pas interférer dans les ententes qui interviennent entre les parties. Ce projet vient clarifier l'absence de législation qui laisse pendre au-dessus de la tête des employeurs un danger. Ces régimes sont en baisse. Nous croyons qu'il s'agit là d'une forme de projet de compromis minimum pour nous.

Je pense que vous devez réaliser comme parlementaires que le Conseil du patronat et les employeurs du Québec adhèrent à cette proposition en ne la considérant pas nécessairement comme la meilleure des propositions. Je viens de vous le signaler, ça nous apparaît un compromis, mais un compromis qui accorde aussi des prestations indexées aux employés, aux travailleurs, et nous sommes en accord avec cela, mais c'est un peu un précédent par rapport à ce qu'on connaît au niveau des autres provinces. On se rappelle les débats qui ont eu cours en Ontario à l'effet contraire.

Donc, je pense que nous voulons que vous preniez note que nous sommes d'accord avec un projet qui ne nous apparaît pas être la meilleure formule, mais qui garantit une certaine pérennité et un certain développement à des régimes complémentaires qui sont essentiels au développement de la société québécoise si on ne veut pas que les régimes publics craquent dans quelque temps et si on ne veut pas surtout imposer aux générations futures des obligations qu'elles ne pourront pas rencontrer.

Nous souhaitons, Mme la Présidente, que vous en arriviez à apporter certains amendements au projet ou à corriger certains aspects qui, pour nos membres, posent problème. Sans remettre en question le fondamental du projet, nous pensons qu'il y aurait sans doute lieu d'être très prudent avant d'ajouter un membre au comité de retraite, puisqu'on a la certitude que cela va alourdir considérablement le système. Compte tenu de la composition des comités de retraite, nous pensons que l'ajout d'un membre va entraîner l'ajout de plusieurs membres et donc ça risquerait d'alourdir le système.

Il y a des problèmes à régler aussi. Certains de nos membres ont écrit au ministre là-dessus, il faut régler le problème ? et je pense que ces personnes-là auront l'occasion d'être entendues ? régler le problème de transfert d'un régime à l'autre. Il serait prudent d'éviter d'émettre des relevés à un employé, surtout lorsque l'employé ne cesse pas d'être chez un même employeur. Il faudrait le faire strictement lorsqu'il quitte l'employeur.

On nous a signalé aussi, particulièrement du côté du secteur minier, qu'il était important, dans le calcul des prestations spéciales dans le cas de fermeture, d'amortir ces prestations-là sur une période de 10 ans plutôt que de cinq ans. Il semble que c'est la pratique pour l'ensemble des autres avantages et, dans le secteur minier, cela pourrait mettre en péril le développement de ce secteur-là au Québec, un secteur qui est déjà en situation passablement difficile.

Bref, Mme la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, cette refonte de la Loi sur les régimes complémentaires, nous l'accueillons favorablement. Nous pensons qu'elle va accroître la sécurité financière des prestations et les améliorer. Elle exige, nous en sommes conscients, plus de transparence et permet de dissiper une fois pour toutes les incertitudes quant au congé de cotisation patronal. Nous adhérons à ce besoin de transparence et nous pensons que l'absence de transparence dans un encadrement légal a peut-être été la cause de la mauvaise réputation qu'ont en certains milieux les régimes complémentaires de retraite. Nous pensons que le projet de loi vient permettre d'améliorer sans doute l'apparence de ces régimes; je dis bien «l'apparence», parce que, somme toute, ce sont d'excellents régimes, et il y a dans la plupart des milieux au Québec des comportements fort louables quant à leur existence et à leur conduite.

Nous pensons aussi que l'État, par ce projet, reconnaît qu'encourager les employeurs à développer volontairement des régimes, particulièrement ceux à prestations déterminées, ajoute un élément important pour la sécurité des futurs retraités, c'est-à-dire les travailleurs d'aujourd'hui. Au risque de me répéter, ça nous apparaît extrêmement important de dire que c'est un objectif de société important au Québec. Je vous dirais à la blague que c'est assez rare que vous entendez le Conseil du patronat promouvoir des causes dites sociales. Nous pensons que, dans ce cas-ci, c'est une excellente cause que d'assurer aux générations futures... Quand je vois le ministre hocher la tête négativement, je suis très, très fier de lui. C'est vrai que nous sommes très, très progressistes. Mais, au cas où vous en doutiez, nous voulions vous le rappeler et vous dire que, là-dessus, nous pensons que, pour les générations futures et pour l'ensemble des gens qui aspirent à une retraite et qui n'ont pas de régime complémentaire de retraite, il est important d'avoir un projet de loi cadre dans la facture de celle que nous connaissons, avec les quelques modifications que nous vous avons présentées.

Il est important de ne pas s'en tenir aux stricts discours de ceux parmi les retraités qui ont bénéficié de ces régimes complémentaires. Il faudrait écouter ceux qui n'en ont pas et qui nous appellent fréquemment pour nous appuyer dans nos efforts pour promouvoir ce type de régime, qui est bien supérieur à tout ce qui pourrait exister, notamment de participation à des REER ou à des REER collectifs.

Donc, dans l'ensemble, Mme la Présidente, avec les amendements que nous souhaitons, nous pensons que le projet de loi n° 102 doit être appuyé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Taillon, pour la présentation de votre mémoire.

M. Taillon (Gilles): Avec mes partenaires, ça me fera plaisir aussi de répondre aux questions des parlementaires.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Taillon, pour la présentation de votre mémoire. Je cède la parole maintenant au ministre.

M. Boisclair: Oui. M. Taillon, M. Garon, M. Girardin, je voudrais vous souhaiter la bienvenue dans votre Assemblée.

Peut-être revenir sur un élément de fond, parce que c'est d'abord ce débat qui est donc difficile à faire transpercer dans l'opinion publique, de faire porter dans l'opinion publique, qui est celui du revenu de retraite privée des futurs retraités. Et la principale motivation du gouvernement, de la mienne, celle d'un jeune pour qui la retraite apparaît comme quelque chose de bien loin...

M. Gautrin: Ça vient vite, ça vient vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Si le chapeau vous fait, portez-le, monsieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun, la parole est au ministre.

M. Boisclair: Mais il y a très certainement une problématique importante qui se pose avec d'autant plus d'acuité lorsqu'on tire quelques enseignements de la présentation que la Régie des rentes nous a faite ce matin. Il y a aujourd'hui pour chaque retraité cinq personnes qui travaillent. Pour chaque retraité dans 50 ans, il y a deux personnes qui travaillent. Alors, imaginez la pression sur les programmes sociaux, imaginez la pression sur l'État pour maintenir et voir développer ce genre de programme et la pression qu'auront à supporter les travailleurs actifs. Imaginez, si, aujourd'hui, on a de la difficulté à financer le système de santé, qu'est-ce que ce sera dans 20 ans alors que davantage de personnes seront âgées et davantage de personnes requerront des soins de santé? Donc, il y a là une vraie question de fond pour l'avenir, et c'est d'abord la motivation du gouvernement du Québec de voir à faire en sorte de crédibiliser un outil, un bon outil, qui est celui des RCR.

Je tiens à rappeler que je m'inscris en faux contre des propos de certaines personnes qui se sont exprimées publiquement et qui ont critiqué le comportement des employeurs. 60 % des congés de cotisation qui se sont pris ont servi à bonifier le régime, et on comprend qu'il y a un intérêt objectif tant des employeurs que des employés d'utiliser le régime dans un contexte de négociations: l'employeur qui veut diminuer ses coûts de main-d'oeuvre, qui cherche à mettre sur pied des programmes de départs assistés, et des employés qui parfois sont intéressés à d'autres perspectives sur le plan de la carrière et sont intéressés à se prévaloir du droit à la retraite.

Donc, je pense que, de façon générale, vos membres se sont comportés de façon plus que correcte et l'enthousiasme dont vous semblez témoigner à l'endroit des conséquences du projet de loi me rend encore plus confiant pour la suite des choses. Donc, je voudrais vous remercier de cette contribution.

Vous soulevez deux questions. La première, qui est celle du membre de plus sur le comité de retraite, nous souhaitons, par cet ajout, faire en sorte d'assurer un meilleur transfert de l'information chez les employés et chez les retraités. Nous prenons bien note de votre commentaire, on le trouve pertinent. Peut-être pouvons-nous, par d'autres fins, arriver aux mêmes objectifs, mais il est clair que c'est une question que nous allons regarder.

n(15 h 40)n

Vous soulevez aussi la question de l'information aux participants et aux retraités. Sur cette question, je veux être bien clair avec vous. Nous sommes d'avis que tant les participants actifs que les non-actifs ont le droit d'être informés des modifications à ce qui est leur régime de retraite, et nous voulons donner à l'ensemble des participants, actifs ou pas, le droit d'avoir et de faire valoir leur point de vue et de pouvoir l'exprimer avec l'information correcte. Donc, c'est une courte réponse aux deux préoccupations que vous avez soulevées.

Moi, je voudrais vous amener sur un autre terrain. Ce sont deux éléments que j'ai fait valoir au moment de l'ouverture des travaux de la commission. Le premier, c'est sur la question de l'assemblée générale. On remplace la règle de l'assemblée générale obligatoire par une règle qui s'inspire d'une autre disposition qui permet à des actionnaires de convoquer une assemblée spéciale en ayant 10 %. C'est de là qu'il vient, le 10 %. Vous nous dites dans votre mémoire qu'il n'est pas suffisamment élevé et, cet après-midi, nous entendrons des gens, dont Yves Michaud, de l'Association des épargnants, qui va venir nous dire que c'est un droit fondamental, qu'il ne faut pas toucher à cette question. Je voudrais vous entendre sur cette question. Est-ce que c'est, pour vous, un élément qui est déterminant dans votre appui au projet de loi? Première question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Boisclair: Et... Oui, on va y aller comme ça. Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse.

M. Boisclair: J'en aurai une deuxième, je reviendrai.

M. Taillon (Gilles): Donc, question par question. Je voudrais vous remercier, M. le ministre, d'abord de vos commentaires. Je prends bonne note de votre préjugé favorable au patronat. J'espère que ce sera le cas dans l'ensemble des actions gouvernementales pour le futur.

M. Boisclair: C'est un préjugé favorable pour l'intérêt public.

M. Taillon (Gilles): Quant à la question sur l'assemblée générale, je vais demander à Jacques d'y répondre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui. Mme la Présidente, M. le ministre, le point a été soulevé, c'est qu'on s'est aperçu depuis un certain nombre d'années qu'en fait la convocation de ces assemblées annuelles pour les régimes de retraite, plus souvent qu'autrement, c'était le fait de quelques personnes et que ça coûtait excessivement cher à un organisme pour très, très peu de résultats. Alors, oui, c'est vrai que, bon, 10 %, ça paraît peut-être... Je comprends parfaitement que vous vous inspirez d'un ensemble de règles qui existent déjà dans le secteur privé de toutes les façons. La seule question qu'on se posait vis-à-vis de cette proposition, c'est simplement: Est-ce que 10 %, c'est raisonnable ou pas? Si on maintient 10 %, ce ne sera certainement pas quelque chose sur quoi on va s'opposer fondamentalement, c'est simplement le fait de reconnaître que, jusqu'à maintenant, ces assemblées, ça a donné lieu à une réunion sociale plutôt que de discuter fondamentalement et de propager l'information correcte aux participants.

M. Boisclair: Dans un contexte où les retraités sont de plus en plus éveillés sur leurs droits, où des gens vont sans doute être mieux informés, donc vouloir en débattre, ce que je vous demande là, c'est: Si on enlève cette disposition puis si on remet, par exemple, l'obligation de tenir l'assemblée annuelle, est-ce que ça vient ébranler les colonnes du temple chez vous, là?

M. Garon (Jacques): Si vous enlevez cette disposition, ça ne changera rien au fait que ça n'a pas donné grand-chose jusqu'à maintenant. Je crois qu'il est beaucoup plus pertinent de trouver des moyens, comme il est suggéré dans d'autres dispositions d'ailleurs, de faire obligatoirement parvenir l'information à tous les membres, actifs et non actifs. Là, il n'y a pas de problème avec ça. Mais est-ce qu'on a besoin d'une assemblée annuelle juste pour ça? Que l'information pertinente soit dirigée vers les participants actifs et non actifs, aucune discussion là-dessus. Mais le fait de réunir en assemblée annuelle, ce n'est pas le bon motif de cette réunion de distribution... L'information doit être distribuée avant et après, et d'ailleurs au temps où il y a des modifications quelconques.

M. Boisclair: C'est parce que...

M. Taillon (Gilles): On serait très déçu, M. le ministre. Retenez qu'on serait déçu.

M. Boisclair: Je prends note. Sur la question maintenant des ententes. Certaines personnes nous ont fait valoir que, dans le libellé du projet de loi, certaines dispositions n'étaient pas suffisamment claires, particulièrement lorsque nous parlons du respect des ententes convenues entre les parties, syndicats-patron, ententes, selon l'interprétation plus restrictive que certains vont donner, faisant référence davantage aux textes de conventions collectives, aux textes qui sont fondateurs du régime, et que, en parallèle, il a pu, dans certains cas, se prendre des ententes qui auraient peut-être une nature juridique différente, mais qui n'en demeurent pas moins des ententes de gré à gré, d'échange de correspondance. Si nous élargissions de façon très spécifique dans la loi la portée de l'article 146, est-ce qu'il y aurait un malaise chez vous?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Oui, je vais demander à M. Girardin.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Girardin.

M. Girardin (Pierre): Dans quel sens que vous...

M. Boisclair: Bien, qu'on veut couvrir toutes les ententes, pas uniquement les conventions collectives, pas uniquement ce qui peut se retrouver dans les régimes, mais parfois des ententes qui ont pu se prendre à l'extérieur d'un cadre de négociation ou d'une réflexion qui a pu se faire sur l'administration du régime.

M. Girardin (Pierre): Notre problème avec ça, c'est qu'on ne veut pas non plus que ça devienne un débat. Le régime de retraite, c'est un contrat, la loi le dit. S'il y a des ententes, bien, le moins que les parties devraient faire, c'est de les documenter dans le contrat. Là, si on commence à essayer d'interpréter le texte du régime, c'est le comité de retraite qui est chargé de surveiller l'administration, comment il peut savoir si l'employeur peut prendre un congé de cotisation s'il n'a pas un document qui est complet en lui-même? Je pense qu'on devrait plutôt discipliner les parties à documenter le contrat, qui est le régime de retraite, que d'essayer d'étendre ? comment je dirais ça, là ? la portée de l'article. Je ne vois pas ça d'un très bon oeil. S'il y a vraiment une entente entre les parties, il devrait y avoir facilement l'entente de mettre cette entente-là dans le contrat, qui est le régime de retraite. Comme ça, on va savoir vraiment, quand on va regarder le texte du régime, c'est quoi, la portée réelle, par exemple, des ententes entre les parties sur le fameux congé de cotisation, s'il y en a.

M. Boisclair: En ce moment, il y a des ententes qui ne sont ni dans les textes du régime ni dans les conventions collectives. Qu'est-ce qu'on en fait? Est-ce qu'on les...

M. Girardin (Pierre): On devrait les intégrer dans le texte du régime de retraite. Comme je vous dis, c'est ça qui est le contrat. Si on commence à tout éparpiller les choses, ça n'a pas de bon sens. Ou si les syndicats prétendent qu'ils ont échangé des prestations, qu'il y a des ententes particulières, bien, documentez-les dans le texte du régime de retraite. Il devrait y avoir la discipline. Si l'entente existe, il ne devrait pas y avoir de problème. Je pense qu'on va plus créer de problèmes si on a des choses toutes éparpillées. Le plus gros problème qu'on peut voir dans le secteur, comme un expert, c'est justement que les documents ne reflètent pas ce qu'est réellement le contrat; là, ça va mal dans ce temps-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Girardin. M. le ministre, c'est terminé?

M. Boisclair: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. J'ai beaucoup de questions à vous poser, je vais commencer peut-être par la plus simple pour essayer de résumer votre position. Si je comprends bien, vous avez un problème, du moins les gens que vous représentez ont un problème avec les menaces de poursuites juridiques quant à des congés de cotisation. Il y a eu l'arrêt Singer-TSCO. Et vous dites: Même si nous avons pu prendre 2,6 milliards de cotisations, il reste une épée de Damoclès sur nos têtes, et nous souhaiterions voir ça clarifié dans la loi pour permettre de faire en sorte que ce qui se passe actuellement devienne absolument légal. Est-ce que c'est ça, votre position?

M. Taillon (Gilles): Vous avez très bien compris. J'ai fait l'image tantôt, l'épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête des employeurs. C'est exactement cela. Important pour les régimes existants, important de clarifier aussi la situation pour les régimes à venir.

M. Gautrin: Pour les régimes à venir. Et vous dites: Puisque cette loi-là nous permet cette chose ou clarifie au moins cette chose-là, nous sommes prêts à accepter même des choses, disons, un peu plus difficiles ou un peu plus pénalisantes pour les employeurs, comme les prestations de départ qui posent un certain nombre de problèmes pour vos membres, je pense plus spécifiquement aux gens comme Alcan à qui ça peut poser des problèmes. Est-ce que je comprends votre position?

M. Taillon (Gilles): Vous comprenez très bien notre position.

M. Gautrin: Là, dans tout ce débat-là et maintenant que je comprends votre position, à l'heure actuelle reste un joueur, qui est un nouveau joueur, que sont les retraités. Vous avez insisté beaucoup sur la dimension contrat, ce que c'est qu'un régime de retraite. Mais un régime de retraite, c'est bien sûr un contrat. Mais la question, et vous avez écouté, j'imagine, et certains d'entre vous vont écouter lorsque l'Alliance des retraités va témoigner demain... eux, ils se considèrent comme partie au contrat. C'est-à-dire que les parties au contrat incluent à la fois les employeurs, les employés actifs, les retraités, que les parties au contrat ont créé une fiducie, j'ai appris le terme, une fiducie civiliste ? je deviens bon, maintenant que je connais ce terme-là ? qui a comme responsabilité de verser les prestations de retraite, mais que le contrat lui-même prévoyait des cotisations, dans les régimes de retraite à contribution ? je sais qu'il y en a qui n'ont pas de contribution, je le sais bien ? mais des contributions de chacune des parties, et le plaidoyer de la part des retraités, c'est de dire: On ne pourrait pas modifier le contrat sans que, nous, nous y soyons au minimum concernés. J'ai l'impression que vous ne partagez pas ce point de vue là.

n(15 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Écoutez, on comprend ce point de vue là. Il est évident qu'il peut être intéressant pour des retraités de dire: Il serait très le fun d'augmenter les bénéfices. Mais ce que nous disons, c'est qu'à partir du moment où le régime, les engagements pris au régime sont respectés, que les retraités reçoivent leurs prestations, tel que convenu, il n'appartient pas à ceux qui bénéficient du régime, les retraités donc, de venir renégocier les conditions du régime. Ça appartient à ceux qui vivent, dans l'entreprise, la situation du régime complémentaire de retraite. On est d'accord avec la transparence. Si les choses ne sont pas claires, il y a une possibilité, au comité de retraite, d'en jaser. Mais pas question de remettre les... On ne peut pas tirer, dans le fond, profit des deux mondes. Il faut donc accueillir les bénéfices reçus. Il y a, dans le projet, indexation des prestations, mais, au-delà de ça, je pense qu'il faut arrêter.

M. Gautrin: Je comprends, mais je ne voulais pas ici me faire leur interprète parce qu'ils vont venir témoigner demain devant la commission, mais je dois vous dire qu'ils ont un point de vue légèrement différent du vôtre en disant qu'ils sont partie au contrat depuis... et que la cessation du lien d'emploi avec l'employeur...ça ne cesse pas non plus, le fait qu'ils sont partie au contrat, dans le contrat qui établit la fiducie qui est la caisse de retraite. Écoutez, je dis: J'ai cru comprendre cela à la lecture de leur mémoire. Je vais leur poser la question demain. Mais c'était leur position strictement sur le plan juridique.

M. Boisclair: Quelle est la vôtre?

M. Gautrin: À l'heure actuelle... mon cher ami, je vous dirai après quelle est la mienne. Pour l'instant, je suis rendu à questionner, et c'est un point intéressant. Vous allez la connaître en temps et lieu, ne vous inquiétez pas.

M. Taillon (Gilles): Je prends bonne note, Mme la Présidente, puis je suis d'accord avec M. Gautrin, notre point de vue est sans doute différent de celui des retraités.

Maintenant, nous avons une petite analogie peut-être pour faire comprendre un peu la situation, notre position, et je demanderais à Pierre de vous l'illustrer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Girardin.

M. Girardin (Pierre): C'est ça. Si on prend c'est quoi, un régime de retraite, on l'a dit tantôt, c'est un contrat, il y a une caisse, oui, mais, dans le fond, aussi, on peut voir ça exactement comme une compagnie d'assurance-vie qui promet des rentes à des retraités. La caisse de retraite est là pour garantir les prestations. Ça serait la même chose avec une compagnie d'assurances, disons, privée, qui a des contrats avec des gens pour leur donner des rentes. Alors, dans un tel exemple, si la compagnie d'assurances fait des profits records parce que les placements ont été merveilleux sur le marché, les retraités ne vont pas voir le président de la compagnie d'assurances lui demander de bonifier les rentes qu'ils reçoivent. Le contrat est respecté. Dans le cadre d'un régime de retraite, parce qu'il y avait un lien d'emploi avec le promoteur du régime, soit l'employeur, les gens se sentent de plein droit de demander des prestations supplémentaires s'il y a des surplus dans la caisse. C'est la nature humaine, je pense, qui est comme ça, sauf qu'il faut bien comprendre quelle est la nature du contrat. Ça fait que ça, c'est l'analogie qu'on voulait faire.

Mais, dans un deuxième temps, il ne faut pas oublier aussi que la plupart des employeurs du secteur privé sont très conscients des besoins de leurs retraités, sont très sensibles, et la majorité d'entre eux augmentent les prestations de façon ad hoc, qu'on appelle. Autrement dit, ce n'est pas garanti dans le texte du régime. Le régime de retraite est modifié régulièrement pour améliorer les rentes en fonction de l'augmentation de l'indice des prix à la consommation et aussi en tenant compte de la capacité financière de l'entreprise. Mais, si, demain matin, le gouvernement, dans une loi-cadre, veut obliger l'indexation automatique des rentes, c'est sûr que vous allez tuer des régimes de retraite. Mais ça se fait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Soyez sûr que la loi est déjà assez complexe comme ça, elle est déjà un incitatif à ne pas créer des régimes complémentaires de retraite, que rajouter des éléments là-dedans, ce serait un incitatif encore de ne pas créer des régimes complémentaires de retraite.

Je comprends votre exemple, M. Girardin, avec une petite nuance, si vous me permettez, parce que je vais encore me faire une dernière fois l'interprète de ce que je crois être la position des retraités. Ils prendraient le même argument que vous feriez, mais en disant qu'ils verraient votre régime d'assurance sur une base coopérative, dans lequel ils seraient un des coopérateurs, dans le régime d'assurance, ils seraient dans un régime de type mutuel plutôt. Alors, je me permets de le dire. On pourrait reprendre le même argument, et je suis sûr qu'ils pourraient reprendre le même argument et l'utiliser dans ce sens-là.

M. Girardin (Pierre): Je peux répondre aussi à ça.

M. Gautrin: Allez-y.

M. Girardin (Pierre): C'est qu'il n'y a pas de problème. À ce moment-là, il s'agit simplement de modifier le contrat pour prévoir le partage des excédents d'actif lorsqu'il y a lieu.

M. Gautrin: Absolument.

M. Girardin (Pierre): Il existe des régimes de retraite dans certains secteurs qui prévoient de telles dispositions. Le RREGOP, le régime des employés du gouvernement, prévoit de telles dispositions spéciales. Ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas dans une loi-cadre que le gouvernement doit imposer des règles du jeu. Si les parties veulent s'en donner volontairement, si l'employeur veut donner 100 % du surplus aux employés, il n'y a pas de problème, mais libre à lui de le faire, ce n'est pas au gouvernement à l'imposer.

M. Gautrin: Au niveau de l'imposition par le gouvernement, je commence à être d'accord avec vous à ce niveau-là.

Est-ce que j'interpréterais votre position correctement si vous me disiez que les régimes complémentaires de retraite sont difficiles à gérer pour un employeur, pour vous ou vos membres ? la preuve, c'est qu'on n'en a pas créé vraiment depuis une dizaine d'années ? et que, si la loi est trop rigide, beaucoup de vos membres risqueraient de mettre fin à leur régime à prestations déterminées pour éventuellement en créer un à cotisation déterminée qui est beaucoup plus souple comme administration, avoir un REER collectif qui, à ce moment-là, est encore beaucoup plus souple comme administration? Est-ce que je comprends de la part de vos membres qu'ils nous disent: Écoutez, la loi est assez difficile pour nous que, si vous la rendez trop difficile, on va dire: Bien, elle n'est même plus adaptée pour nos besoins, puis on prendra un autre véhicule pour protéger nos employés pour les effets de retraite?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Si on ne clarifie pas dans une loi, dans le fond, l'exercice de la mise sur pied ou de la gestion d'un régime complémentaire, oui, c'est le risque qu'on court, définitivement. Et des régimes à cotisation déterminée, c'est beaucoup moins avantageux, on le sait, qu'un régime à prestations déterminées.

M. Gautrin: Absolument. Ça, je comprends ça. Mais est-ce que vous pensez ? moi, je me pose une question d'appréciation de votre part ? qu'avec la loi n° 102... Imaginons qu'on passe la loi n° 102. Croyez-vous qu'il va y avoir des nouveaux régimes qui vont se créer, à prestations déterminées, ou va-t-on éviter la fermeture des régimes existants?

M. Taillon (Gilles): C'est difficile, là, parce qu'on serait obligé de sortir la boule de cristal. Ce qu'on sait, c'est que la situation actuelle fait en sorte qu'il y a une désaffection. On pense qu'avec ce projet de loi là, qui est un pas dans la bonne direction, qui n'est pas parfait, on risque sûrement de préserver les régimes existants et sans doute d'en voir se créer de nouveaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Taillon.

M. Gautrin: Je vous remercie. Ça clarifie mon questionnement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Taillon, bienvenue, et messieurs. Peut-être une question, en fait. Vous avez mentionné tout à l'heure que les plus grands promoteurs finalement des RCR, des régimes complémentaires de retraite, c'étaient les employeurs. Vous avez mentionné aussi, entre autres, que la mauvaise réputation du régime actuel qu'on vit, c'est peut-être ce qui fait finalement que c'est difficile de le vendre comme tel. J'aimerais vous entendre, parce que vous n'en avez pas parlé, sur peut-être quelques exemples qui faisaient qu'à un moment donné c'était difficile pour les employeurs, peut-être, d'en faire la promotion. Et comme petite question ou sous-question, peut-être me dire: Est-ce que vous pensez que celui qu'on a actuellement, comme projet de loi, est un produit qui va être plus facile à vendre comme tel? Est-ce que les employeurs vont y adhérer plus? L'objectif qu'on vise finalement, est-ce qu'on va pouvoir l'atteindre à ce niveau-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais essentiellement que ce sont les employeurs qui sont les promoteurs et, dans le fond, qui mettent sur pied des régimes complémentaires. Je vous dirais ? je pense que je l'ai signalé au député de Verdun ? qu'on pense que ce projet de loi là est un pas dans la bonne direction. Il va certainement faciliter les choses. Quant à quelques exemples, bien, Pierre, sans mentionner de noms, pourrait peut-être vous donner quelques exemples de ce qui existe.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Girardin.

M. Girardin (Pierre): Oui, c'est ça. Je pense que dans le passé, avant 1990 encore plus, avant la loi n° 116, il y avait très peu d'information qui était divulguée au niveau des régimes de retraite. C'était un peu comme la boîte noire pour les employés, ils savaient très peu ce qui se passait dans le régime de retraite. Certains employeurs étaient encore plus drastiques, c'était: Tu poseras des questions quand tu auras 55 ans, on te donnera un calcul estimatif, ou des choses comme ça.

n(16 heures)n

La loi n° 90 a fait des grands pas dans la bonne direction. Avec la création du comité de retraite, on a un représentant des participants actifs, un représentant des participants non actifs et donc les gens voient la participation au comité de retraite... Notre firme a fait un sondage sur l'appréciation des comités de retraite. C'était perçu très positivement tant par l'employeur que par les participants. Puis le seul point négatif du sondage, c'était la fameuse assemblée annuelle où même des syndicats ont dit qu'ils devraient enlever ça. Il n'y a pas assez de participation, ce n'est pas un bon moyen pour informer les gens.

Malheureusement, la loi n° 90... Certains ont encore eu tendance à ne pas dévoiler complètement la situation au niveau des congés de cotisation. C'est malheureux, on a toujours eu, au niveau du Conseil du patronat ou des autres associations patronales, le désir d'informer les gens de la situation, qu'il n'y ait pas de cachette à ce niveau-là. Il n'y a rien de sorcier, si un employeur arrête de cotiser à un régime de retraite. Donc, le projet de loi n° 102 qu'on a ici vient corriger cet aspect-là des régimes, ce qu'on applaudit sans problème.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Girardin. M. le député de Masson.

M. Labbé: Peut-être en complémentaire, Mme la Présidente. Et la non-participation, justement ? parce qu'on est transparent ? vous l'attribuez à quoi finalement, le fait que les gens... Parce que c'est quand même, là, sur un volume... Vous parliez à un moment donné que le 10 %, c'est peut-être même un peu petit par rapport aux chiffres. Vous auriez peut-être souhaité dans votre mémoire que ça soit augmenté un petit peu. Alors, il semblerait qu'il y a certaine quantité de gens qui viennent... On me parle plutôt d'une soirée sociale que d'autre chose. Qu'est-ce qui fait que les gens sont... C'est-u un manque d'information, ils ne comprennent pas ce qui se passe?

M. Taillon (Gilles): C'est probablement parce que ça ne va pas si mal que ça.

M. Labbé: Oui, c'est ça.

M. Taillon (Gilles): Je pense que c'est un signe, dans le fond, d'une certaine santé, maturité de ces régimes-là chez les employeurs. Jacques.

M. Garon (Jacques): Oui, si vous me permettez juste de rajouter quelque chose, c'est extrêmement complexe d'expliquer à un profane et même à quelqu'un qui étudie le projet de loi ? moi, je dois vous dire que ce n'est pas facile ? alors, pour des travailleurs, moi, j'ai l'impression que c'est excessivement difficile. Alors, c'est pour ça que ces réunions annuelles sont le prétexte à des genres de promotions sociales, de réunions sociales, plutôt qu'autre chose, et c'est pour ça que nous disons: Il faut faire un effort. Et ça, ça appartient en principe, comme responsabilité, au comité de retraite, de faire le maximum de vulgarisation; pas à l'extrême, de charrier, mais de donner la bonne information, mais dans des termes que les travailleurs vont comprendre. Et plus ça sera transparent, plus il y aura de communication dans ce sens et plus j'ai l'impression que là on va remplir le mandat que tout le monde cherche à remplir, à savoir que les gens soient bien informés.

M. Labbé: Est-ce que vous considérez à ce moment-ci que le projet de loi n° 102 va être un outil promotionnel qui va être plus intéressant, plus facile à vendre comme tel? Je sais que ce n'est pas parfait, vous l'avez mentionné à quelques reprises, mais est-ce que vous sentez que c'est une bonne amélioration?

M. Taillon (Gilles): Oui, définitivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Masson...

M. Girardin (Pierre): Peut-être en complément.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Girardin.

M. Girardin (Pierre): Je pense que ce que ça prendrait, c'est un genre de loi sur la planification financière de la retraite obligatoire. Dans le fond, ce qu'il est malheureux de constater, c'est que les gens commencent à vraiment être sérieux avec la retraite vers 50 ans, alors qu'il est beaucoup trop tard. Ça fait qu'il y a une grosse job de bras à faire pour intéresser les gens à planifier financièrement leur retraite. Ce n'est pas dit que, parce qu'ils ont le Régime de rentes du Québec, qu'ils ont un régime de retraite complémentaire, que 100 % de leurs besoins sont comblés. Donc, là-dessus, il y a un gros travail à faire de sensibilisation, puis ce n'est pas le projet de loi n° 102... C'est sûr qu'il le fait... Puis les employeurs ne font pas une job parfaite là-dedans, c'est certain aussi. Ça fait que les gens ont très peu d'intérêt naturellement, ils se fient beaucoup au fait: Ah, j'ai un régime de retraite. Il est-u bon? Ah, ça doit. Ils ne le savent pas, tu sais. Ils ne le savent même pas, s'ils ont un régime de retraite à prestations déterminées, ils ne lisent pas les relevés annuels. Il y a beaucoup de travail à faire au niveau communication.

M. Labbé: D'accord. Merci beaucoup, messieurs.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Masson.

M. Taillon (Gilles): Ce n'est pas une annonce publicitaire, ça.

M. Girardin (Pierre): Non plus, non plus. Ha, ha, ha!

M. Labbé: Non, non, non, c'est bien. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Ce matin, messieurs, on a eu une présentation de la Régie des rentes du Québec qui a fait part du vieillissement de la population, des difficultés auxquelles il faut faire face, notre système de sécurité de revenu à la retraite, comme Québécois et Québécoises. Il me semble que vous dites essentiellement qu'une des raisons pour laquelle ou des raisons pour lesquelles il y a une certaine désaffection des régimes complémentaires de retraite et même possiblement un obstacle au développement futur de tels régimes sont un peu l'incertitude juridique qui règne autour, entre autres, de l'utilisation des sommes excédentaires d'actif et la complexité du système. Et vous croyez qu'en partie le projet de loi n° 102 va améliorer cette situation. Mais il doit être vrai également, évidemment, pour un employeur, que mettre sur pied un régime complémentaire de retraire représente des coûts. Et j'imagine que ça pourrait être des coûts assez importants aussi.

Est-ce que vous pensez que le projet de loi n° 102 va rendre la tâche de mettre sur pied d'autres régimes complémentaires de retraite plus facile pour les employeurs? Parce que, comme j'ai dit tantôt, on nous a dit ce matin qu'il y a une couverture insuffisante pour la population québécoise, qu'on n'a pas maintenu assez de progrès face à d'autres juridictions au Canada et que, deux, même les prestations qui proviennent des sources privées sont insuffisantes évidemment pour assurer une retraite désirable pour la population québécoise. Est-ce que la problématique n'est pas plus importante qu'uniquement des changements proposés dans la loi n° 102?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je vais laisser M. Garon.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui. Vous avez raison, M. le député, c'est un problème systémique social, au fond. Et c'est un peu paradoxal qu'on ait des revendications pour changer la nature du contrat, je veux dire le régime de retraite pour ceux qui ont participé durant leur vie active à la caisse de retraite. Le problème fondamental, ce n'est pas celui des retraités, le problème fondamental, c'est la pyramide des âges qui fait en sorte que les jeunes, qui sont en voie de disparition, comment est-ce qu'ils vont faire ? et le ministre y a fait allusion tout à l'heure ? pour avoir un régime complémentaire de retraite adéquat si un travailleur sur quatre en ce moment participe à un régime complémentaire de retraite?

Et la seule façon de le faire... Enfin, peut-être pas la seule façon mais, en tout cas, une façon d'améliorer les choses, c'est d'avoir des incitatifs pour les employeurs et pas seulement les multinationales ? parce que le Québec industriel, ce n'est pas composé de multinationales mais des petites entreprises ? à aller donner de la sécurité aux futurs retraités par le biais de régimes complémentaires de retraite à prestations déterminées, parce qu'il est très facile de mettre sur pied des REER collectifs ou des régimes à cotisations déterminées. On s'en lave les mains, mais ça ne garantit pas la sécurité future et financière des travailleurs jeunes d'aujourd'hui.

Alors, dans ce que nous disons au fond, on inverse peut-être la problématique et nous disons: Ne transférons pas de façon intergénérationnelle une problématique qui commence déjà à pointer du doigt aujourd'hui et prenons ça en considération. Alors, c'est pour ça que ces balises qui sont contenues là-dedans nous semblent des conditions minimales qui pourront ? et nous l'espérons ? voir développer les régimes à prestation déterminée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Garon.

M. Taillon (Gilles): Ça pourrait dans le fond être un bon outil promotionnel de départ et surtout ça vient sécuriser l'administration des régimes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Ça va, monsieur? Alors, M. le ministre de la Solidarité sociale.

M. Boisclair: Écoutez, bien simplement, là, on peut aussi ? j'entends mes collègues de l'opposition poser des questions ? deviser très longtemps, mais il me semble qu'on a entre nous un test de réalité à s'imposer. Nous sommes les seuls en Amérique du Nord à nous farcir un débat sur l'utilisation des surplus; partout ailleurs, cette question, elle est réglée. Il est clair que l'incertitude qui subsiste actuellement même sur des ententes signées patron-syndicat à la satisfaction de tous, ces ententes sont à risque de contestation par un tiers. On ne peut pas laisser un flou juridique sur cette question.

Deuxièmement, lorsque j'entends des gens demander à des entreprises du secteur privé d'avoir des régimes complémentaires de retraite qui prévoient des dispositions sur l'indexation, par exemple une pleine indexation des rentes, ça, c'est tuer les régimes. Il n'y a pas un employeur au Québec, quel qu'il soit, qui va s'engager à inclure dans les textes du régime des clauses d'indexation qui, en cas d'inflation, pourraient l'amener à mettre la survie de l'entreprise en question, puisque l'employeur est le seul à assumer le risque en cas de déficit. Il faut être capable de prendre ça en note.

n(16 h 10)n

Troisièmement, proposer des règles sur l'utilisation des surplus. Le député de Laporte, il a essayé ça de bonne foi. Il a essayé de dire dans une loi de quelle façon on devrait utiliser les surplus. La proposition, elle a vécu 24 heures. Pourquoi? Parce que et les patrons et les syndicats sont venus nous dire que ça n'avait pas de bon sens, ils voulaient qu'on laisse ça à la négociation. Et je souhaite qu'on comprenne bien que l'alliance qu'on voit en ce moment entre les syndicats et les retraités est quelque peu une alliance contre nature parce que ce n'est pas pour les mêmes raisons que ces personnes posent des questions au sujet de la pertinence du projet de loi.

En fin de semaine, au congrès de mon parti, j'ai vu un représentant d'une centrale syndicale ? Jean Lapierre, pour ne pas le nommer, président du syndicat des cols bleus de la ville de Montréal ? dans un atelier où on a discuté de cette question, où il m'a battu sur une proposition, sur la question de l'utilisation des surplus. Une chance, en plénière, on a poursuivi le débat puis on a remis les choses. Quand je l'ai vu arriver avec trois, quatre de ses collègues, je me demandais qui avait pris le contrôle de l'atelier.

Mais rappelons-nous une chose. Lorsqu'on demande aux syndiqués s'ils sont d'accord à ce qu'on inclue un tiers parti des retraités dans le cadre de négociations, Jean Lapierre, dans l'atelier, il a voté contre. Puis les syndicats vont venir nous dire sans doute... puis on va leur poser la question: Est-ce que vous êtes pour qu'on inclue dans les tables de discussion les retraités? C'est sûr qu'ils vont nous dire que non.

Puis faisons attention de confondre: les retraités là, ils ne parlent pas tous d'une même voix. Il y a des retraités qui sont là depuis longtemps, qui parfois ont subi une perte de leur pouvoir d'achat, et je comprends leur désir, puis il est légitime, ce désir. Mais il y a des retraités aussi qui viennent de prendre leur retraite, qui étaient bien contents de pouvoir bénéficier des primes, des incitations à la retraite, des programmes de mise à la retraite qui ont été essentiellement financés par les surplus.

Alors, moi, je pense qu'on a la responsabilité d'enrichir ce projet de loi. Je l'ai dit, il y a des pistes qu'il nous faut regarder. Vous nous en suggérez. Mais, à travers tout ça, il y a une grille qu'il faut nous imposer; au-delà des questions idéologiques dont on peut débattre, il y a un test de réalité. Là, je suis dans le pratico-pratique. Il n'y a personne qui peut garantir que demain, si la loi est adoptée, les régimes vont croître à la vitesse grand V. Mais on sait aussi qu'il y a des gens qui nous menacent. On entend dire des gens. Pas qui menacent mais qui nous disent qu'ils sont à deux doigts de transformer le régime en REER collectif. Puis là, faute d'avoir agi de façon responsable, c'est le monde sur le terrain qu'on va pénaliser.

Moi, je voudrais vous remercier pour cette présentation et nous allons poursuivre la discussion. Nous prenons note de vos commentaires et nous pensons que le projet de loi est un projet de loi qui est équilibré. Je comprends que nous avons pris deux décisions qui vous interpellent particulièrement: le droit à une rente de retraite dès l'adhésion, la question des prestations de départ aussi. Lorsqu'on corrige les faiblesses des prestations de départ, il y a une charge nouvelle. Et je maintiens que ce projet de loi n'est pas un cadeau qu'on fait à qui que ce soit, c'est un projet de loi qui est équilibré et qui va dans le sens de l'intérêt public. Le statu quo, pour nous ? puis on n'a aucune hésitation à le dire puis ça n'a pas pris de temps pour se brancher ? est inacceptable.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. Oui, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Peut-être une dernière question ou commentaire, Mme la Présidente. M. le ministre a répondu un peu à certaines de nos préoccupations d'entrée de jeu, mais n'a pas parlé du secteur des mines. Vous êtes en réflexion?

M. Boisclair: Bien, regardez, j'ai reçu quelques correspondances, et c'est une question que nous regardons attentivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, M. le député de Verdun, il vous reste quatre minutes.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Après la grande sortie du ministre actuellement sur les questions d'indexation, je prends note des changements de position de son parti. Je viens justement de relire ce qui s'est passé dans les séances de cette commission, en 1989 et en 1992, où sa collègue, qui est actuellement ministre des Affaires municipales, s'était vertement opposée au projet de loi qui était proposé par M. le député de Laporte à l'époque parce que justement il n'y avait pas de question de clause d'indexation.

Mme la Présidente, le cas échéant, je pourrai donner les références au ministre...

M. Boisclair: Je suis d'autant plus à l'aise que le congrès a tranché sur cette question. Je n'ai aucune difficulté à défendre cette position-là.

M. Gautrin: Non, non, mais c'est intéressant, c'est un changement d'orientation. Nous en prenons acte. Et c'est un fait, à l'heure actuelle. Votre congrès a peut-être tranché sur cette question, ce n'était pas la position à l'époque de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mais nous en prenons acte.

Je voudrais prendre les quelques minutes qui me restent ? on a beaucoup parlé des questions des surplus ou des excédents d'actif ? je voudrais rentrer sur la question de la prestation de départ. Est-ce que ceci pose des problèmes ou pas?

J'ai rencontré certains de vos membres, parce qu'il y a des membres qui ont des fonds de pension enregistrés au Québec, par exemple, des membres qui vont se trouver dans plusieurs provinces et qui, lorsqu'il n'y a pas uniformité entre les différents régimes de retraite, vont se trouver en difficulté.

Est-ce exact que, par exemple, une compagnie qui a des employés à la fois au Québec et en Alberta ? un seul régime de retraite mais que les employés qui travaillent au Québec sont régis par la loi du Québec, ceux qui travaillent en Alberta par la loi albertaine ? si jamais ils quittaient, ils bougeaient du Québec à l'Alberta, ils changeraient de loi qui régirait leur régime de retraite, et, si jamais ils quittaient la compagnie en Alberta, ils n'auraient pas droit à la prestation de départ tandis que, s'ils quittaient au Québec, ils auraient droit à la prestation de départ? Est-ce que je fais une bonne lecture actuellement du projet de loi?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Girardin.

M. Girardin (Pierre): Oui, c'est exact. Au niveau des prestations de départ, l'amélioration qui est proposée, comme l'indexation, va être applicable aux employés qui travaillent au Québec. Donc, si l'employé transfère en Alberta, il n'aurait plus cette protection-là pour ses années de service qu'il va faire en Alberta mais il va la garder pour ses années qu'il fait au Québec.

C'est sûr que c'est une complexité supplémentaire ? M. Taillon l'a mentionné ? sauf qu'on avait une drôle de problématique. Les employeurs étaient sensibles à la problématique des travailleurs mobiles. On se doutait qu'il y avait des interventions de l'État qui arriveraient bientôt. Ça fait que, là, on évitait de faire des mesures qui ne seraient pas identiques à celles qui pourraient être éventuellement imposées. Du côté des syndicats, ils ne défendent pas trop les droits de ceux qui s'en vont. Donc, c'est là que, nous, on a dit: On reconnaît au gouvernement le rôle qu'il s'est donné d'une loi de normes minimales, d'imposer des prestations minimales améliorées pour ceux qui quittent le régime de retraite avant la retraite.

M. Gautrin: Je comprends. Mais vous comprenez qu'on aurait pu être un peu plus original que d'avoir cette chose qui va créer, pour les compagnies qui agissent sur plus d'une province, cette énorme complexité.

M. Girardin (Pierre): C'est la beauté du Canada qu'on vit actuellement, c'est-à-dire que chacune des provinces...

M. Gautrin: Et où nous souhaitons rester, hein?

M. Girardin (Pierre): Je ne me prononce pas là-dessus. Je dis tout simplement que c'est une problématique. C'est au promoteur du régime de décider s'il applique cette disposition-là du Québec à tous ses employés. Dans plusieurs des régimes de retraite, les employeurs ont décidé d'uniformiser en appliquant les dispositions d'une province à l'ensemble de ses participants. C'est un choix qui demeure à l'employeur mais ce n'est pas un choix qui est imposé. C'est à lui de décider s'il fait cette décision-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Girardin. Alors, MM. Taillon, Garon et Girardin, je vous remercie pour votre participation, et je demanderais sans plus tarder aux représentants d'Alcan Aluminium ltée de bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je cède maintenant la parole aux représentants d'Alcan Aluminium. Vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire. Je cède la parole à M. Le Breton. M. Le Breton, j'apprécierais que, pour les fins de l'enregistrement, vous nous présentiez... Est-ce que c'est bien M. Méthot qui est avec vous?

M. Le Breton (Clermont J.): Oui, c'est bien ça.

n(16 h 20)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Alcan Aluminium ltée

M. Le Breton (Clermont J.): Merci. Alors, bonjour. On voudrait, nous aussi, remercier le ministre de nous fournir l'opportunité d'être ici aujourd'hui afin de partager nos points de vue sur ce projet de loi important.

M. Gautrin: C'est la commission!

M. Le Breton (Clermont J.): Voilà, c'est la commission. Alors, Alcan s'est toujours montrée très intéressée au projet de loi touchant les régimes complémentaires de retraite, et déjà nous comptons deux présences en commission parlementaire, soit lors de l'adoption de la loi 116, en 1989, et également lors de l'adoption de la loi 30, sur les règlements des surplus en cas des terminaisons de régimes.

Alors, nous avons accepté l'invitation du ministre de venir partager nos vues, car nous supportons l'objectif du gouvernement de mettre en place un environnement qui favorisera davantage le développement des régimes privés de retraite dans l'avenir. Les données démographiques, qui nous sont fournies par la Régie des rentes, sur le vieillissement accéléré de la population québécoise, également le faible niveau de travailleurs du secteur privé qui participent à des régimes de retraite, ce sont des phénomènes inquiétants et devraient nous inciter à mettre en place un encadrement qui encourage les régimes privés.

Alors, nous voulons d'abord vous indiquer que nous supportons dans l'ensemble les objectifs poursuivis par ce projet de loi tel que nous les comprenons. Nous croyons que le ministre veut clarifier, il veut améliorer et il veut simplifier. Et, si on réussit à atteindre ces objectifs, nous pensons que les régimes complémentaires de retraite au Québec seront davantage assurés. Nous accueillons positivement l'introduction de règles clarifiant le droit des employeurs aux congés de cotisation. Nous avons à maintes reprises dans le passé exprimé le besoin de clarifier davantage le droit de l'employeur à faire varier ses cotisations selon les besoins de la caisse, compte tenu évidemment de ses obligations à l'égard de ses membres.

Chez Alcan, au Canada comme au Québec, le régime de retraite fait partie intégrante de la rémunération globale. En fait, le régime de retraite que nous avons, c'est un des moyens-clés pour attirer et retenir les compétences requises pour pouvoir rencontrer nos objectifs d'affaires. Il y a un contrat qui s'établit entre l'employeur et l'employé, et ce contrat comprend la rencontre d'obligations à long terme.

Un employé, par exemple, qui entre chez nous ? assumons, à 25 ans, ingénieur, on a beaucoup d'ingénieurs ? nous avons un taux de roulement très faible, on peut prédire qu'il passera peut-être 30, 35 ans chez nous. Donc, à 60 ans, il prend une retraite, et nos actuaires nous indiquent que, lorsqu'on prend une retraite à 60 ans, notre espérance de vie est d'environ 20 ou 25 ans. Alors, c'est donc un contrat qui s'échelonne de 50 à 60 ans. C'est ça la réalité d'un régime de retraite, et c'est pour ça que la lecture ponctuelle d'un régime à une date donnée et à un mois donné peut être très dangereuse et très erronée. Voilà.

Nous ne sommes pas dans la nouvelle économie où on nous dit que les employés changent de poste aux trois ans ou aux cinq ans, la tendance que nous avons n'est pas celle-là. Pour s'embarquer, se commettre dans un contrat à long terme comme ça, il est très important que les règles soient claires et presque incontestables, sinon les employeurs et les employés ne se sentiront pas à l'aise dans cet encadrement.

Alors, ce que nous voyons là-dedans, c'est que les employés actifs vont voir cet encadrement, vont le recevoir. Les retraités ? la question était posée dans le groupe précédent ? leurs principales revendications, leurs principales pressions, c'est au niveau de l'indexation, et l'indexation comme il a été cité: s'engager dans une pleine indexation au nom de nos actionnaires est un terrain dangereux. Par contre, quand nous avons des excédents d'actif et que les retraités sont au courant que nous avons ces excédents d'actif, c'est évident qu'ils veulent nous voir combler le plus possible l'inflation.

Aujourd'hui, nous aimerions adresser deux autres sujets: un qui vise la simplification des régimes, et nous voulons aussi parler des pensions surcomplémentaires. Parlons de l'assemblée annuelle. Notre expérience des 10 dernières années est à peu près la suivante: l'intérêt des membres, à date, n'a pas été très élevé, et malheureusement, la participation à ces assemblées chez Alcan est de moins de 1 % de ses membres. Le cycle de planification est très exigeant et administrativement lourd: hôtels, voyages, audio-visuel, traduction. Nous avons fait beaucoup d'efforts. Nous nous sommes déplacés en tant que comité. J'ai été personnellement président de ce comité pendant cinq ans. Nous nous sommes déplacés, soit dans la région de Montréal, la région de la Mauricie, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, où nous avons des concentrations importantes de membres. Malheureusement, le «turnover», si on peut appeler ça ainsi, est resté faible.

Les membres nous indiquent que l'information qui les intéresse en très grande majorité est déjà incluse dans le relevé individuel annuel qu'on leur prépare et ils ne voient pas de valeur ajoutée à participer à la réunion annuelle. Nous avons fait certains sondages, nous avons essayé de savoir qu'est-ce qui pourrait les intéresser davantage, etc., et c'est un peu le genre de réponses que nous avons eu.

De plus, au tout début, nous avons mis en place un scrutin par correspondance et un système de mise en candidature qui donne l'occasion à tous les participants de se prononcer sur le choix de candidats sans se présenter à l'assemblée. Alors, c'est peut-être un autre des phénomènes qui fait que nous n'avons pas une très grande participation.

Alors, devant ces faits, nous nous interrogeons sur la pertinence de tenir une assemblée annuelle ou de façon annuelle, et la règle du 10 % proposée dans le projet de loi ne fera, à notre avis, qu'alourdir le processus. Nous n'y avons pas réfléchi très longtemps mais il nous semble en effet assez complexe de déterminer par quels moyens nous pourrions déterminer si 10 % ou plus des participants désirent avoir une assemblée ou non. Nous croyons que le comité de retraite, qui représente tous les membres, est très bien placé pour décider de la pertinence et de la fréquence des assemblées des participants, dépendamment des agendas, dépendamment des changements qui auraient pu survenir.

Le comité de retraite, chez Alcan, comprend sept membres. Quatre sont désignés par Alcan, deux sont élus représentant les membres actifs et les membres non actifs, et un indépendant. Je crois que c'est assez représentatif des comités qui existent présentement au Québec. En termes d'imputabilité du régime, de l'imputabilité d'Alcan, nous croyons important que l'employeur maintienne une majorité au comité, et c'est comme ça que nous l'avons constitué. L'ajout d'un autre membre actif, selon nous, résulterait en l'ajout d'un autre membre désigné par Alcan, donc nous venons d'ajouter deux autres membres au comité. Nous pensons que le processus en sera alourdi. Nous devons faire l'entraînement des nouveaux membres, nous devons faire de la formation sur la compréhension des régimes de retraite, etc., et nous ne voyons pas personnellement, chez Alcan, de valeur ajoutée à augmenter le nombre de membres sur le comité.

Un autre point qui est suggéré, c'est les avis de notification. L'obligation de faire parvenir un avis de modification à tous les participants non actifs est une charge administrative, il faut le réaliser, énorme et nous ne sommes pas convaincus qu'elle ajoute de la transparence réelle au régime. Il faut bien se rappeler que la plupart des changements n'ont aucun intérêt pour les participants non actifs, et cette information non pertinente est souvent la source d'inquiétude et d'anxiété soulevée pour rien.

Il faut être dans des bureaux où les gens, par exemple, ont des contacts avec les retraités chaque jour pour réaliser, à chaque fois qu'il y a une communication, qu'il y a un changement qui est fait ou qu'on veut leur expliquer quelque chose, le montant d'anxiété, d'incompréhension, d'appels téléphoniques, etc.

n(16 h 30)n

Donc, nous pensons que si on faisait parvenir à tous les membres, actifs et non actifs, l'information qui est requise, que nous devons présenter au comité de retraite, nous croyons que ce serait suffisant. Et, évidemment, s'il y a des changements qui sont vraiment pertinents pour les retraités, nous serions vraiment très positifs et nous devrions les informer.

Alors, ces commentaires, ce sont les commentaires sur la clarification et la simplification, et je demanderais maintenant à Michel Méthot d'adresser plus particulièrement la pension surcomplémentaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Méthot.

M. Méthot (Michel): Merci. En fait, le projet de loi, en plus de lever l'incertitude sur le droit de l'employeur de faire varier sa cotisation selon les besoins du régime, se veut une mise à jour de la loi à la lumière des 10 années d'expérience acquises depuis son adoption, en 1989. Alors, on souhaite profiter de cette révision pour suggérer une solution à un problème qui a déjà commencé à poindre et qui, à notre avis, prendra de l'ampleur au cours des prochaines années, il s'agit des pensions en excédant des limites fiscales, qu'on appelle ici surcomplémentaires.

Lors de sa refonte en 1989 de la Loi des régimes complémentaires, il avait été décidé d'exclure du champ d'application de la loi les prestations de retraite qui excédaient celles qui pouvaient être financées par le biais d'un régime de retraite enregistré au sens de la Loi de l'impôt. On sait que la Loi de l'impôt a un objectif qui diffère de celui de la Loi des régimes complémentaires qui est de circonscrire les avantages fiscaux liés à l'épargne-retraite, tandis que la Loi des régimes complémentaires a pour objectif de protéger les prestations de retraite en imposant des normes minimales, particulièrement quant à son provisionnement.

Alors, dans le contexte de 1989, il s'avérait effectivement peu pratique d'imposer des normes sévères de provisionnement dans le cadre de la Loi des régimes complémentaires sur des parties de pensions qui ne pouvaient pas être provisionnées dans le cadre de la Loi de l'impôt, ce qui aurait résulté, si ça avait été le cas, dans des déductions non déductibles de la part de l'employeur et de l'imposition sur le revenu de la caisse. Alors, il s'agissait à ce moment-là d'une exclusion qui avait et qui a, encore aujourd'hui, l'appui des employeurs. Soyons pratiques, il n'y aurait pas lieu, encore aujourd'hui, d'imposer les normes sévères de la loi à ces prestations excédentaires.

Toutefois, la dimension du problème a beaucoup évolué depuis 1989, la pension maximale qui peut être versée d'un régime de retraite a été fixée en 1976, en vertu de la Loi de l'impôt, en dollars courants de ce moment et ne sera pas indexée avant 2005, soit 30 ans de durée pendant lesquels la prestation maximale sera demeurée la même en dollars. Ce qui était au départ une exclusion de la partie de la rente qui touchait uniquement les dirigeants de l'entreprise s'appliquera dorénavant et de plus en plus à une partie de la rente, dans notre cas, qui touchera la plupart de nos professionnels.

On compte environ 500 professionnels dans notre cas et, si on extrapole à la dimension du Québec, on peut parler de plusieurs milliers ou sinon des dizaines de milliers de personnes pour lesquelles une partie de leur rente ou leur rente sera limitée à ce qui est payé par le régime enregistré, aussi bien au sens de la Loi de l'impôt que de la Loi des régimes complémentaires de retraite.

Alors, évidemment on n'est pas ici, en commission, pour discuter de la pertinence des limites fiscales à l'épargne-retraite, c'est un autre débat. Toutefois, nous croyons qu'il serait à propos que la Loi des régimes complémentaires de retraite permette, au choix de l'employeur, d'assujettir les prestations en excédant des limites fiscales aux normes de la Loi des régimes complémentaires de retraite en utilisant un seul patrimoine. Il s'agirait d'une mesure qui serait intéressante dans le cas de régimes en surplus, aussi bien pour l'employeur, qui pourrait l'affecter, ce surplus, au financement de cesdites pensions, que pour les participants qui verraient la partie qui peut être payée de ce régime augmenter et qui la verraient mieux régie par des normes sévères, celles de la Loi des régimes complémentaires de retraite. Notre mémoire donne plus de détails sur notre proposition et suggère une modification à la Loi des régimes complémentaires de retraite.

Un ou deux autres problèmes particuliers ? et ce point a été soulevé au cours de la présentation précédente ? à savoir, quels doivent être les employés qui font partie du processus de confirmation du droit de l'employeur à prendre un congé de cotisation. Le libellé du projet de loi comme il existe actuellement fait intervenir tous les participants qui sont représentés par une association de travailleurs. Nous croyons que c'est une expression qui laisse beaucoup trop libre à l'interprétation et qui risque en somme de flouer le processus de confirmation, c'est-à-dire que l'employeur sera pris dans une situation où, ayant le choix entre le statu quo et toutes les incertitudes qui l'entourent et un processus de confirmation qui risque d'être jugé par la suite comme ayant été faussé ou pas 100 % suivi, il se verra confronté à une autre forme de contestation. Alors, on remplacerait l'incertitude d'un statu quo par l'incertitude d'un processus de confirmation, et avec toutes les poursuites judiciaires qui pourraient s'ensuivre dans deux, trois, cinq ou 10 années plus tard.

Ce que nous proposons, c'est que, plutôt que d'utiliser la forme proposée ici, dans le projet, à savoir une référence à des participants qui sont représentés par une association de travailleurs, nous proposons que la loi utilise une formule qu'elle utilise déjà ailleurs dans le texte de loi, à savoir tous les régimes où des dispositions ont été l'objet d'une négociation ou d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale. Alors, ça définirait le groupe...

M. Boisclair: ...sentence arbitrale?

M. Méthot (Michel): En fait, on la retrouve, je crois, dans l'article 26 de la loi quand on parle de l'obligation de communiquer, de donner un avis lorsqu'il y a modification. On identifie à cet article une exception à l'obligation de distribuer cet avis, c'est dans le cas où le régime a des dispositions qui sont établies par conventions collective de travail ou sentences arbitrales. Alors, ce qu'on suggère, c'est qu'on retienne ici la même expression dans tous les articles de la loi qui y réfèrent.

Ça termine et je laisse...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Méthot et M. Le Breton.

M. Méthot (Michel): Peut-être que M. Le Breton va...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, en terminant.

M. Le Breton (Clermont J.): ...résumer, Mme la Présidente. Alors, en résumé, Alcan appuie la proposition d'encadrement visant à lever les incertitudes sur le droit des employeurs au congé de cotisation. Elle reconnaît également le rôle que l'État doit jouer dans l'établissement et le renouvellement des normes minimales en matière de régimes de retraite, particulièrement pour tenir compte de la plus grande mobilité de la main-d'oeuvre. Je l'ai dit, que ce n'était pas pour nous un problème particulièrement, mais nous croyons que, dans d'autres sociétés, ça l'est.

Nous estimons par contre que la simplification de l'administration des régimes n'est pas suffisamment poussée et que certaines modifications proposées vont peut-être à l'encontre de l'objectif visé. On en a parlé au niveau des comités de l'assemblée annuelle. Alors, enfin, nous proposons d'étendre la juridiction de la loi RCR aux prestations de retraite qui exceptent les limites fiscales au choix de l'employeur de manière à augmenter la protection des participants et minimiser les coûts pour l'employeur d'offrir de telles prestations.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci pour la présentation de votre mémoire. Maintenant, je cède la parole au ministre de la Solidarité sociale.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier pour votre contribution. Vous avez une riche expérience dans la gestion des régimes complémentaires de retraite, vous en gérez un important, et certainement que les membres de la commission vont prendre toute l'attention nécessaire pour étudier vos propositions.

Je note aussi que l'outil RCR, pour vous, est plus qu'un avantage à fournir à vos employés. L'offre de contribution à un régime complémentaire de retraite est pour vous une véritable stratégie de gestion de la main-d'oeuvre de l'entreprise qui vous permet, si j'ai bien compris, d'assurer un plus faible taux de roulement de vos employés, où vous êtes capables de fidéliser davantage vos employés. Il y a certainement là une piste de réflexion qui est intéressante et qui vous distingue, en tout cas, dans la qualité de la gestion des ressources humaines chez vous.

n(16 h 40)n

Donc, je voudrais vous remercier pour votre contribution. Je pense qu'on s'entend sur l'essentiel, sur le fond des choses.

Il y a juste un élément où là j'ai peine à comprendre votre point de vue, puis je voudrais juste qu'on soit bien clair, puis je vais demander M. Morneau de la Régie des rentes de valider ce que je vais dire, là. Vous craignez, avec la disposition du 10 % pour l'assemblée annuelle, que je vienne alourdir les choses. Ma compréhension, c'est que c'est le comité de retraite qui va prendre la décision de tenir ou pas une assemblée générale. Si 10 % des participants, qu'ils soient actifs ou retraités, demandent une assemblée, il y en aura une, mais au départ, la décision, elle appartient au comité de retraite.

M. Morneau (Guy): C'est ça.

M. Boisclair: C'est ça, hein? Donc, on ne vient pas alourdir les choses, on vient, par rapport à la situation actuelle, certainement les simplifier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Méthot.

M. Méthot (Michel): En fait, la problématique qu'aurait le comité, c'est qu'à partir du moment où le comité aura pris la décision de ne pas tenir une assemblée, compte tenu de la possibilité que 10 % s'y opposent, ne devra-t-il pas, en tant que fiduciaire et pour défendre les droits des membres, être proactif et donc, par exemple, envoyer un avis à tous les employés, tous les participants, à l'effet qu'une assemblée ne sera pas tenue cette année et par: Voici une enveloppe-retour, si vous souhaitez manifester votre opposition, s'il vous plaît retournez-la à l'adresse ci-jointe. Parce que c'est assez difficile dans un encadrement où on offre un droit de ne pas lui donner l'outil de l'exercer. Et c'est la problématique à laquelle serait confronté le comité.

M. Boisclair: Je vais le regarder très attentivement. La source du droit est la convocation d'assemblées spéciales d'actionnaires, mais je présume qu'il y a des procédures, là... Nous, on a fait ça pour simplifier les choses, certainement pas pour les compliquer. Mais si jamais on les complique, on va les regarder à nouveau.

Vous étiez présents lorsque j'ai posé la question au Conseil du patronat: Est-ce que, si nous avions à retirer cette disposition et à maintenir le statu quo, ça vient ébranler les colonnes du temple, ça vient ébranler l'essentiel de vos positions? Les gens m'ont dit qu'ils seraient déçus, mais, bon, il y a d'autres enjeux. Et j'ai bien hâte tout à l'heure, après vous, sera présent un représentant bien connu de l'Association des épargnants du Québec. Peut-être serait-il utile que vous assistiez à sa présentation pour avoir des discussions ensuite dans les corridors.

Mais très certainement, j'ai indiqué d'entrée de jeu ce matin qu'il y a une question là qui se pose et qu'on va correctement l'évaluer. Je comprends les charges que cela vous impose et je comprends de façon générale la difficulté qui se pose à vous.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Méthot.

M. Méthot (Michel): En fait, si je peux me permettre un commentaire sur la tenue de l'assemblée annuelle, on vous a fait part du processus triennal qui mène au vote des deux représentants par correspondance. Compte tenu de la faible participation aux assemblées, là où ça pourrait, je dirais, ébranler, c'est qu'on donnerait des pouvoirs, à une assemblée où se présentent 50, 100 personnes, ou des droits qui viendraient renverser ou tout au moins annihiler tout le processus de consultation, de vote par correspondance qui aurait impliquer des milliers de personnes. Alors, il y a le rôle de l'assemblée annuelle qui en est un d'information, il en est un autre qui est de choisir des membres, et il ne faudrait pas qu'une assemblée qui implique toute personne renverse le processus qui a été prévu dans le régime, par exemple, du choix des deux participants. Je pense qu'à ce moment-là ça poserait des problèmes.

M. Boisclair: Mais en tout cas, c'est la situation actuelle.

M. Méthot (Michel): C'est la situation actuelle et, jusqu'à date, on n'a pas eu de problème avec ça, effectivement.

M. Boisclair: Je termine là-dessus, Mme la Présidente. Sur la question de l'inclusion des prestations surcomplémentaires, on analyse plus en profondeur votre demande et les gens de la Régie et de mon cabinet demeurent à votre disposition pour poursuivre cette discussion. On a bien pris note de vos points de vue.

Vous avez aussi soulevé la question des ententes par opposition à des dispositions qui seraient soit dans le régime ou dans une convention, dans une sentence arbitrale. Bon. Il y a là une vraie question aussi qu'il nous faut regarder. Je comprends que vous souhaitez que les règles soient le plus clair possible et qu'à la limite, s'il y a des ententes, qu'elles soient correctement incluses dans des textes qui feraient véritablement office ou qui témoigneraient de la qualité de l'entente.

C'est une question qui est loin d'être simple, il s'agit de voir où est-ce qu'on tire la ligne, parce que je veux vous rappeler: Un des objectifs du gouvernement, c'est celui de favoriser les ententes et de respecter les ententes. Et, dans certains cas, il y a des ententes qui se sont prises de gré à gré à l'extérieur d'un contexte de négociations ou à l'extérieur des textes fondateurs du régime. Là, qu'est-ce qu'on fait avec ces textes-là? Par exemple, les cadres? Dans certaines entreprises, il y a des ententes qui se sont prises. Les cadres ne sont pas représentés dans une unité syndicale accréditée au sens du Code du travail. Il y a des associations qui existent. Vous voyez combien cette question est complexe.

L'objectif que nous recherchons ? si les dispositions de la loi demandent à être précisées, elles le seront ? est de faire en sorte de respecter les ententes. D'abord de les favoriser; et les favoriser, ça veut dire les respecter, et c'est à partir de cette grille d'analyse que nous allons poursuivre notre réflexion. Je vous remercie pour votre présentation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie de votre présence ici. Vous avez commencé votre présentation en signalant que, pour Alcan, le régime de retraite était partie intégrante de la rémunération globale des employés, que vous cherchez des règles claires en matière d'affectation des excédents d'actif. Est-ce que, dans le passé, Alcan a été amenée à prendre des congés de cotisation parce qu'il y avait des excédents d'actif?

M. Méthot (Michel): Oui.

M. Gautrin: Est-ce que ça s'est fait par entente, sans difficulté?

M. Méthot (Michel): Il n'y a pas eu d'entente. Ça s'est fait sans difficulté, sans entente. On a eu une contestation qui a été, dans le cadre de la «common law», abandonnée suite au jugement de la Cour suprême...

M. Gautrin: Concernant les...

M. Méthot (Michel): ...concernant les congés de cotisation puisqu'on avait un libellé qui se lisait exactement comme celui qui avait été interprété comme permettant des congés par la Cour suprême.

M. Gautrin: Vous aviez un libellé, c'était, ce dont vous parlez, la cause d'Air Space.

M. Méthot (Michel): Air Products, oui.

M. Gautrin: Air Products, excusez-moi, la cause d'Air Products. Vous aviez un libellé qui, en termes de ce que, disons, l'actuaire pouvait décider... il devait prendre en considération, lorsqu'il fixait la cotisation...

M. Méthot (Michel): Voilà.

M. Gautrin: ...l'état du régime. Donc, pratiquement, la loi ne vous apporte rien.

M. Méthot (Michel): C'est-à-dire que c'est un jugement de la Cour suprême qui a été donné dans le contexte de la «common law» et c'est toute la problématique ou l'incertitude qui est créée ici. Est-ce que le même texte interprété dans la «common law» veut dire la même chose lorsqu'il est interprété dans le Code civil? Et il n'y a pas encore de réponse à cette question, d'où l'incertitude. Elle est d'autant plus fantastique, cette incertitude, s'il fallait que ce soit interprété différemment pour un même régime qui couvre des employés dans plusieurs provinces...

M. Gautrin: Oui, je comprends. Mais vous comprenez le peu de probabilités qu'une chose comme ça puisse arriver.

M. Méthot (Michel): Vous avez entendu parler de la Loi de Murphy?

M. Gautrin: Oui, j'ai entendu. Enfin, disons que je comprends votre situation, mais d'après les études de jurisprudence que j'ai regardées, si on fait référence au cas Singer contre TSCO, à ce moment-là, il n'y avait pas cette provision qui était présente dans le cas d'Air Products par rapport à la latitude que l'actuaire avait de pouvoir tenir compte de l'état du régime pour fixer la cotisation et on pourrait inférer que la décision de la Cour suprême a été basée sur cet élément qui était présent à l'intérieur du contrat dans le cas d'Air Products.

M. Méthot (Michel): Exact, oui.

M. Gautrin: Donc, vous, essentiellement le projet de loi ne vous touchera pas. Vous soulevez, disons, une épée de Damoclès peut-être légère mais pratiquement à l'heure actuelle vous avez pu fonctionner, prendre des congés de cotisation sans nécessairement avoir le projet de loi?

n(16 h 50)n

M. Méthot (Michel): On n'exclut pas la possibilité néanmoins de le clarifier, de le confirmer par un processus de confirmation tel qu'il serait proposé pour s'assurer que, quelle que soit la province, il n'y ait pas de contestation.

M. Gautrin: Je comprends. J'ai soulevé votre cas, j'en ai parlé, et je le resoulève avec vous. Vous gérez deux régimes qui sont au Québec, mais vous avez des employés qui sont dans l'ensemble du monde, mais en particulier dans l'ensemble du Canada. Et chaque employé membre de votre régime va être régi par les lois de la province où il travaille. C'est bien ça?

M. Méthot (Michel): C'est bien ça, oui.

M. Gautrin: Donc, si on adopte le principe de la prestation de départ, soit que vous décidez de l'étendre à tous vos employés pour éviter d'avoir des difficultés, sinon, les gens qui sont dans le même régime, suivant l'endroit où ils travaillent, ils risquent d'y avoir droit ou de ne pas y avoir droit.

M. Méthot (Michel): Exact.

M. Gautrin: Mais la tendance a toujours été, chez vous, de prendre la norme maximale des bénéfices et de l'étendre à tous vos employés.

Vous nous avez dit aussi que vous avez eu une tendance, dans le passé, à tenir compte du fait que vous aviez des excédents d'actif pour indexer a posteriori les rentes de vos retraités.

M. Méthot (Michel): C'est-à-dire qu'on a utilisé les surplus qui existaient...

M. Gautrin: Les surplus de la caisse.

M. Méthot (Michel): ...pour financer ces ajustements des rentes aux retraités, oui.

M. Gautrin: Est-ce que vous l'avez négocié avec vos syndicats ou ça a été une décision que votre direction ou votre conseil d'administration a prise?

M. Méthot (Michel): C'est une décision du conseil d'administration.

M. Gautrin: Est-ce que je peux vous poser une question? Pourquoi un conseil d'administration prend une telle décision qui est un geste social, qui n'est pas un geste qui bonifie en quelque sorte les profits de la compagnie? Vous ne le savez pas?

M. Méthot (Michel): C'est un geste social, mais c'est un geste... Il faut réaliser ? quoi que ce n'est pas la seule raison pour laquelle nous opérons dans des communautés où nous sommes le principal employeur ? qu'on peut difficilement imaginer une situation où rien ne serait fait pour nos retraités après la retraite, ce sont les pères de nos employés d'aujourd'hui.

M. Gautrin: Je comprends.

M. Méthot (Michel): Mais outre ça, c'est également un message qu'on envoie à nos employés actifs, aujourd'hui, que la pratique est de réviser de temps à autre les prestations en cours de paiement, qu'on le fait pour le retraité actuel et que cette pratique, de par son historique, sera répétée lorsqu'ils seront à la retraite, et qu'il n'est nul besoin dès lors de prendre une position offensive sur ce sujet-là.

M. Gautrin: Je comprends. J'ai encore deux autres questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Vous demandez que la partie des régimes surcomplémentaires soit assujettie à la loi. Est-ce que je comprends bien?

M. Méthot (Michel): À la demande de l'employeur, oui.

M. Gautrin: À la demande de l'employeur. Ça, c'est pour faciliter la gestion, si je comprends bien. C'est-à-dire que vous dites: Pour l'employé comme tel, dans le fond, il ne fait pas de distinction dans son régime entre la partie qui est soumise au régime complémentaire de retraite et la partie qui vient du régime surcomplémentaire, donc pour faciliter la gestion de l'employeur et la compréhension de la situation pour l'employé, qui est une même gestion. Est-ce que je comprends bien?

M. Méthot (Michel): C'est bien ça. Également, les normes minimales s'appliqueraient à cette pension-là, donc l'acquisition immédiate, l'indexation, dans la mesure où on vient de l'identifier, l'avis de modification, le relevé annuel, etc. Ils bénéficieraient de tous les avantages connexes, et évidemment de la garantie du provisionnement de ladite rente surcomplémentaire qui pourrait être faite par le biais du surplus.

M. Gautrin: Je comprends, mais je reviens encore à ma question. À part la facilité ? je comprends la dimension de facilité, mais quel avantage? ? vous n'avez pas l'avantage de...

M. Méthot (Michel): Pour l'employeur?

M. Gautrin: Pour l'employeur.

M. Méthot (Michel): Oui, ce serait l'utilisation du surplus actuel. Plutôt, le surplus actuel servirait à financer la...

M. Gautrin: Vous pourriez utiliser le surplus pour aider...

M. Méthot (Michel): À financer la partie.

M. Gautrin: ...à financer une partie du régime surcomplémentaire.

M. Méthot (Michel): Oui, oui, c'est là, l'avantage.

M. Gautrin: Je comprends cet élément-là. Bien, je vous remercie de votre présentation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Verdun. M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, Mme la Présidente. Je réfère à la page 6 de votre mémoire, ça concerne l'obligation amenée par l'article 26 de faire parvenir un avis ? j'imagine que c'est un avis préalable, là ? de modification...

M. Méthot (Michel): Oui.

M. Beaumier: ...à tous les participants non actifs. Et vous dites que, bon, c'est à la fois peut-être inutile, puis donc ça représente une charge administrative additionnelle.

Je veux juste comprendre. Je ne suis pas, à premier abord, d'avis avec ceci, en ce sens où les non-actifs seraient peut-être intéressés à savoir, par exemple dans les cas où il y a des surplus excédentaires ? si je comprends bien, là ? que le régime de retraite dans lequel ils sont, même s'il n'y a plus d'obligation légale par rapport aux non-actifs, je pense que ça serait important que les gens qui ont participé dans leur temps actif possiblement à ces surplus-là soient informés puis qu'ils puissent faire des représentations, ne serait-ce qu'auprès de leur syndicat actif actuel. Il me semble qu'il y a un intérêt à ce que les non-actifs, même s'ils ne sont pas visés par les modifications ou par ce qui arriverait en raison qu'il y a des surplus excédentaires, aient leur mot à dire, ne serait-ce que de ne pas les oublier. Alors, moi, je trouve qu'il y a un défaut, là, qui...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Méthot.

M. Méthot (Michel): En fait, en termes d'information, il y a un avis de modification et ensuite il y a la communication de la modification, une fois qu'elle a été effectuée. L'avis de modification vient avant et la description de la modification vient par la suite. Et il y a aussi l'information sur la situation financière du régime. Notre réserve porte non pas sur la communication des modifications qui ont été effectuées, mais bien sur le préavis, en somme, qui serait présumément envoyé.

Maintenant, regardons la situation actuelle, en fait, regardons quelle est la nature de ce préavis ou de cet avis. C'est un avis qui, en une phrase, résume le but de la modification, et ensuite indique à la personne qui reçoit l'avis où elle peut lire l'amendement. D'accord? Alors, c'est un avis qui dit que l'amendement a été déposé à tel endroit et qu'il peut être consulté au loisir de la personne, étant entendu que cet amendement ne doit pas être à plus de... Présentement, c'est x kilomètres de l'endroit où l'employé travaille, puisque l'avis n'est envoyé actuellement qu'aux employés qui travaillent.

Alors, il ne se passe pas une année sans qu'il y ait une, deux ou trois modifications, souvent mineures, au régime. On a 8 000 retraités, alors ça, ça voudrait dire qu'on envoie un préavis, une lettre à 8 000 retraités les avisant qu'une modification a été apportée au régime pour permettre la retraite progressive et que l'amendement qui y donne suite est déposé à l'usine à tel endroit, qu'il peut consulter.

Alors, ces 8 000 retraités là, dont l'âge est entre 50 et 100 ans dans notre cas, recevront ce préavis qui n'aura aucune, mais alors aucune pertinence à leur situation. Et, ce qu'on dit, c'est que de ces 8 000, vous allez en avoir des centaines qui vont téléphoner, ils vont dire: Mais qu'est-ce que ça veut dire, ça, qu'est-ce qu'il y a pour moi? Et qu'est-ce qu'on peut leur répondre? On répond: On est forcé de vous l'envoyer. C'est du «junk mail», jetez ça, ça ne vous touche pas.

Une voix: Ha, ha, ha!

n(17 heures)n

M. Méthot (Michel): Il y en a régulièrement, de ces amendements-là. Présentement, pour les employés actifs, on n'est pas obligé de leur envoyer à la maison. On peut, avec la permission de la Régie, qui nous est accordée habituellement, afficher à l'usine un avis à cet effet-là, sans passer par le processus des enveloppes chez chaque personne, la correspondance. Alors, il y a une grosse différence, vous voyez, dans l'approche et pour des résultats, à toutes fins pratiques, en autant que les retraités sont concernés, où il n'y a qu'un seul amendement qui les intéresse, c'est l'amendement qui augmente leur pension pour compenser en partie ou en totalité pour l'inflation. Et c'est bien évident que, dans ces cas-là, on leur envoie une lettre individuelle avec le montant en question. Donc, nous, on pense que le relevé annuel qui comprendrait une description des modifications qui ont été effectuées est suffisant, puisque l'avis de modification ne donne aucun droit de vote. C'est tout simplement un objectif d'information.

M. Beaumier: Pour certaines modifications qui sont apportées qui, de toute évidence, n'ont aucun impact sur les non-actifs, ça, je le comprends. Mais je prenais l'exemple très précisément, dans l'optique où il y aurait des modifications à faire au régime de retraite suite à des surplus excédentaires. Moi, je pense qu'il est d'intérêt, même s'il n'y a pas obligation, pour les gens qui sont non actifs, c'est-à-dire qui sont retraités, de savoir en amont et non pas en aval, après qu'une modification ait été faite, ce qu'il en arrive. Et, à ce moment-là, ils peuvent faire des représentations, et qui me paraissent être légitimes, au niveau au moins de leur syndicat, dont ils ont fait partie, sinon de l'entreprise. Est-ce que je me trompe ou si...

M. Méthot (Michel): Je comprends votre point et peut-être qu'il y a possibilité de circonscrire les avis pour certains événements. Vous parlez de syndicats. Je vous rappelle que la loi, comme elle est libellée, je crois, actuellement, dit que, lorsque le régime est assujetti à une convention collective de travail, il n'y a pas d'obligation de distribuer un tel avis.

M. Beaumier: Je ne parle pas d'obligation. Justement, tantôt, j'ai dit qu'il n'y avait pas de lien, de droit non plus, qui était attaché là. Mais il y a, il me semble, une information qui, sans être obligatoire, peut être d'intérêt pour les gens qui sont retraités et qu'ils pourraient intervenir, s'ils le jugent à propos, sur ce qu'ils pensent être un peu leurs avoirs aussi. Sans obligation, il peut y avoir cet intérêt. Je ne parle pas de générosité, mais il me semble qu'en termes non pas de droit mais en termes d'information ils y ont droit. Alors, j'attends une réponse.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Méthot.

M. Méthot (Michel): En fait, à ce moment-là, nous, ce qui nous préoccupait, c'est l'aspect lourdeur administrative de communiquer, surtout à une population de retraités aussi grande que la nôtre, sur des sujets qui sont des vétilles.

M. Beaumier: Non, non. Des vétilles...

M. Méthot (Michel): Vous me dites: Il y aurait peut-être lieu de le faire uniquement dans certaines circonstances, et j'abonde dans votre sens, dans ce que vous dites.

M. Beaumier: C'est beau, on se comprend bien. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Matane.

M. Rioux: Merci, Mme la Présidente. Juste pour clarifier les choses, on a l'impression qu'il se dégage de vos propos que vous faites la distinction très nette entre un syndicat accrédité selon le Code du travail et une association représentative des employés à l'intérieur d'une boîte. Je voudrais prendre comme exemple les syndicats de boutique ou encore les conventions de cadres. Le syndicalisme de cadres ici, au Québec, n'est pas reconnu encore. C'est peut-être une mauvaise affaire, mais, enfin il n'est pas reconnu encore. Ça viendra peut-être. Avec un gouvernement social-démocrate, il faut s'attendre à ça. Peut-être qu'un jour ça peut exister. Mais ce que je voudrais vous demander... Vous incluez également dans vos propos la notion de sentence arbitrale. Est-ce que, selon vous, la sentence arbitrale se fait selon le Code du travail ou selon un arbitrage voulu ou consenti par les parties?

M. Méthot (Michel): En fait, c'est le mot à mot de ce qui existe actuellement dans la loi. Il n'y a aucune arrière-pensée. Quand on a écrit ces mots-là, on a cité des mots qui sont utilisés actuellement dans la loi n° 116. Et je signalais particulièrement l'article 26, je crois, qui fait spécifiquement référence à cette phraséologie de dispositions qui ont été établies par convention collective ou sentence arbitrale. Et je crois qu'il y avait même déjà la référence à un décret. Alors, j'ai tout simplement repris ces mots-là, qu'on a insérés dans le texte...

M. Rioux: Sans plus.

M. Méthot (Michel): ...sans plus, l'idée étant que, si vous avez un concept qui est retenu quelque part dans la loi, pourquoi créer un nouveau concept? Si on crée le concept d'association de travailleurs, techniquement parlant, c'est qu'on veut dire autre chose qu'une autre expression. Alors, la question se pose, à ce moment-là: Mais qu'est-ce qu'on veut dire d'autre par «association de travailleurs» qui n'était pas déjà inclus dans «convention» ou «dispositions régies par une convention»? Alors, ça pose la question et il faut y apporter une réponse, et souvent, bien, on la soumet au juge. Alors, on vient tout fausser le processus de confirmation en ajoutant des complications quand on voulait clarifier un statu quo.

M. Rioux: Est-ce qu'on doit comprendre que vous préférez qu'il n'y ait pas de référence aux lois du travail?

M. Méthot (Michel): Non, au contraire.

M. Rioux: Au contraire.

M. Méthot (Michel): Au contraire.

M. Rioux: Expliquez-moi ça.

M. Méthot (Michel): Dans le sens que tout ce qui est directement ou indirectement lié à une convention collective de travail doit être considéré comme étant soumis au processus de consultation proposé par la loi n° 102. Et voilà une norme qui est claire: Est-ce qu'il y a un syndicat reconnu qui est impliqué dans la négociation de certaines dispositions du régime? Oui, non. Non? Alors, je n'ai pas à aller chercher son consentement. Oui, mon processus de confirmation doit passer par là.

M. Rioux: Mais qu'est-ce que vous faites avec le personnel d'encadrement, qui, lui, n'est pas syndiqué, ou encore les travailleurs qui sont membres de syndicats jaunes, c'est-à-dire des syndicats de boutique?

M. Méthot (Michel): On n'en a pas de ceux-là.

M. Rioux: Non, non, mais je voudrais avoir votre opinion. Qu'est-ce que vous pensez d'une situation semblable?

M. Méthot (Michel): Pour ce qui est des cadres, c'est un contrat d'adhésion. En fait, la question que vous posez au nom d'un cadre pour le régime de pension pourrait également se poser pour sa rémunération ou ses avantages sociaux. C'est un contrat individuel et c'est un contrat d'adhésion. Il adhère à un régime qui prévoit certaines prestations et où l'employeur doit verser la cotisation qui est nécessaire pour rencontrer son obligation et en vertu d'un régime où l'employeur a le droit d'amender ou de terminer en tout temps le régime. Ce sont les termes généraux du contrat avec le cadre. Alors, en autant qu'on ne modifie pas les dispositions du régime, qui pourraient constituer les modifications à ses conditions d'emploi, avec toute la législation qui entoure les règles touchant les conditions de modifications des conditions d'emploi, alors, en autant qu'on ne modifie pas ces prestations-là, il n'y a pas changement des conditions d'emploi.

M. Rioux: O.K.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, ceci met fin à l'intervention des représentants d'Alcan. Je vous remercie, M. Le Breton et M. Méthot, pour votre collaboration.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): Alors, on reprend nos travaux. Je voudrais souhaiter la bienvenue à l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, bien sûr à M. Michaud. Bienvenue, M. Michaud, et peut-être nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes ? c'est bien ça ? pour l'exposé.

Association de protection des épargnants
et investisseurs du Québec (APEIQ)

M. Michaud (Yves): Alors, M. le Président, je suis accompagné du vice-président de l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, APEIQ, Claude Alarie, et de Me Rachel Didier, membre du conseil d'administration de notre Association, qui est une des rares spécialistes en droit des retraités au Québec, un droit nouveau qui apparaît dans la constellation du monde juridique canadien et québécois.

n(17 h 10)n

Je dirais: Chères consoeurs et chers confrères, je suis heureux de témoigner devant vous parce que vous aurez l'insigne honneur, un jour, que je souhaite le plus tard possible, de porter cet insigne, que j'ai au rabat de ma veste, des anciens parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec. Alors, je me permets donc de dire «chères futures consoeurs et chers futurs confrères».

Je ne vous parlerai pas de l'Association. Ce que je vais faire, c'est que je vais demander à Me Didier de vous donner le bulletin de notre Association qui vous présente les objectifs. Comme ça, ça économisera du temps de la présentation de notre Association et de l'activité que nous menons depuis cinq ans pour la démocratie d'entreprises, les droits des actionnaires, l'imputabilité des dirigeants, et le reste. De toute façon, vous y trouverez un coupon de cotisation, pour ceux-là qui ne sont pas membres de notre Association; ça fait une petite sollicitation par le biais. Vous pourrez toujours y trouver profit à la lecture de chevet de.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Michaud (Yves): Nous intervenons, à propos de la loi n° 102 des régimes complémentaires des caisses de retraite, à la marge et à la périphérie de la loi. Je m'explique. Notre Association, qui est la seule au Canada et au Québec exclusivement vouée à la protection et à la défense des intérêts des actionnaires, compte une bonne proportion sinon la majorité de ses membres qui sont des retraités, donc des actionnaires. Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, il y a des millions de Québécois qui sont actionnaires, via la Caisse de dépôt qui gère les avoirs du régime de retraite public, parapublic, et nous sommes tous des actionnaires, et c'est à ce double titre là, comme retraités actionnaires, que nous intervenons.

Nous intervenons sur deux points principaux: un, l'obligation de tenir l'assemblée annuelle des caisses de retraite, obligation absolument impérative, et le deuxième point, l'absence de représentation équitable des retraités au comité de gestion des caisses de retraite. Ces deux seuls points là, et je vais les aborder rapidement.

L'assemblée annuelle. Alors, une disposition de la loi fait disparaître ? pas tout à fait, parce que, si un certain nombre de retraités demandent la convocation d'une assemblée annuelle, il y aura obligation de la tenir ? pour les quelque 2 200 caisses de retraite du Québec, de tenir une assemblée annuelle au cours de laquelle les représentants des comités de gestion sont tenus de rendre compte de leur administration. L'assemblée annuelle, vous allez le voir, ça va faire deux choses. Ça va faire parader les membres du comité de gestion de la caisse de retraite devant les retraités, qui sont mutatis mutandis à peu près 50 % des propriétaires des avoirs de la caisse, qui doivent avoir un petit mot à dire sur la gestion des caisses de retraite, sur les fonds éthiques, par exemple; ils vont peut-être demander aux gestionnaires de ne pas investir dans une entreprise qui pourrait faire travailler des enfants dans les mines à l'âge de sept ans, d'investir dans des fonds éthiques qui rapporteraient un peu plus, etc. Donc, tenue de l'assemblée annuelle des associations de retraités.

Il n'y en aurait-il qu'un seul, à l'association de l'assemblée, qui poserait des questions intempestives, investigatrices aux gestionnaires de la caisse que cela serait déjà une chose de gagnée. Je parle en connaissance de cause. Il y a cinq ans, j'étais seul, solitaire et glacé devant l'assemblée des actionnaires de la Banque Royale du Canada, le seul à interpeller la plus grande puissance financière du pays, il y a cinq ans, et maintenant il y a une douzaine de propositions que j'ai pu faire, qui ont été acceptées et qui font que la démocratie d'entreprise se porte un peu mieux dans toutes les banques du Canada et dans toutes les sociétés cotées en Bourse.

Je dis donc: l'assemblée annuelle. La raison invoquée est le peu d'intérêt qu'auraient des groupes de retraités à l'égard de la gestion de leurs avoirs dans leur régime. Il suffirait, selon la loi, pour ceux que ça n'intéresse pas, de leur faire venir un rapport annuel, et la cause serait entendue. Je viens d'entendre le représentant de l'Alcan. Ils disent qu'ils ont 8 000 retraités, puis ça ne sert à rien de leur envoyer les papiers parce que ça ne les intéresse pas. Mais leurs actionnaires, il y en a 170 000. Un actionnaire qui a une action de l'Alcan, par la loi fédérale, reçoit la brique de rapport annuel de l'Alcan, l'avis de convocation à tous les actionnaires, aurait-il une action de l'Alcan à 40 $. Alors, on va traiter différemment les retraités? Dans la loi québécoise, on verra une loi d'exception pour empêcher, pour faire en sorte que l'assemblée annuelle ne serait pas obligatoire? Le gouvernement du Québec ferait adopter une loi qui serait moins démocratique que la Loi sur les banques, improprement appelée «sur», la Loi des banques? Vous savez, on dit «toutes des lois sur». Bon, ce n'est pas des lois sur, c'est la Loi des banques. Alors, le gouvernement du Québec serait moins social-démocrate que le gouvernement fédéral canadien dans la Loi canadienne des sociétés par actions et dans la Loi des banques? Horresco referens! Je tremble en me référant à une telle hypothèse!

Alors, cette disposition de la loi, elle devrait disparaître parce qu'elle est abusivement hostile et contraire aux principes élémentaires de la démocratie d'entreprise et de la démocratie tout court. Elle confisque à tout retraité son droit inaliénable de regard, d'inventaire, d'examen et d'interpellation concernant la gestion des fonds auxquels il a contribué pendant sa vie active de travail. Nous ne pouvons souscrire à pareil détournement de démocratie et recommandons avec la plus grande fermeté et insistance la stricte obligation de la tenue de l'assemblée annuelle de chacune des caisses de retraite au Québec, de petite, de moyenne et de grande taille, il y en a 2 200.

L'argument invoqué du désintéressement, il est fallacieux. S'il fallait tenir ce raisonnement, le gouvernement devra abolir la tenue d'élections dans les commissions scolaires, les conseils d'administration dans les hôpitaux, les CLSC, une foule d'autres instances démocratiques où les quelques misérables pourcentages des inscrits habiles à voter atteignent les profondeurs abyssales du désintéressement. Mais non, c'est bon que les lois soient là, la démocratie s'exprime, ne serait-ce qu'à 6 %, 7 %, 8 %, à 10 %. Là, c'est à l'ensemble de la société civile de faire en sorte qu'on s'occupe plus de nos affaires. Alors, s'il fallait que le gouvernement maintienne sa position sur cette question, il les placerait en retrait du fonctionnement démocratique des entreprises par les lois fédérales, je viens de le dire.

Pour ne citer qu'un exemple, la Banque Royale du Canada compte 400 000 actionnaires. Et savez-vous quel est le quorum? Dix. Dix actionnaires ? sur les doigts de la main. C'est 450 000 actionnaires. La présence physique des actionnaires à la plupart des grandes sociétés ouvertes cotées en bourse se situe dans une fourchette variant de 0,1 % à 0,2 %, c'est-à-dire à peu près 1 000 sur les 400 000, ou 2 000. Alors, serait-il légitime pour autant que le législateur fédéral devant cela jette à la poubelle l'obligation de la tenue annuelle des assemblées d'actionnaires?

Les administrateurs et les dirigeants seraient alors dans l'ivresse d'une joyeuse exaltation: pas de comptes à rendre, pas d'examen de rapport annuel, pas de propositions ou de questions gênantes de la part des actionnaires, le bonheur total, quoi. Et, nous, notre Association, bien, on enverrait à pertes et profits les efforts qu'on a déployés depuis cinq ans pour démocratiser les institutions financières de régime fédéral et on baisserait la garde pour la plus grande satisfaction des copains d'abord qui parasitent les conseils d'administration où, dans un kilomètre carré, à Bay Street... il y a quelques centaines de personnes compactées dans un kilomètre carré qui contrôlent 80 % de l'économie canadienne.

Alors, je le répète, et je termine sur ce premier point, il est inconcevable et hérétique qu'un gouvernement, en théorie préoccupé de démocratie sociale et économique, se fasse le complice d'un appauvrissement aussi criard dans notre vie collective en enlevant l'obligation de l'assemblée annuelle. Pourquoi? Parce que c'est là que va se jouer le deuxième point que nous voulons traiter: la représentation équitable des retraités au comité de gestion. La loi n'en parle pas, il faudrait qu'elle en parlât, à forte et audible voix et de façon concise.

n(17 h 20)n

Il n'entre pas dans notre intention, dans mon intention, soyons clairs, de rentrer dans la querelle byzantine de la propriété effective des caisses de retraite ni dans les lacis et les entrelacs d'un vide juridique qui n'a pas encore disposé de cette question fondamentale, encore que des jugements de cours inclinent à conclure que les prestations de retraite soient une forme de rémunération, etc. Mais ça, ce n'est pas nos oignons pour cet après-midi. Nous sommes fondés à croire que cette question cruciale sera abordée demain par l'Alliance des associations de retraités. Et là on assiste actuellement, au Québec, à l'émergence d'un nouveau pouvoir, le pouvoir gris. Avant le congrès plénier, le Congrès national du Parti québécois auquel j'ai participé, tout le monde le sait, ou à peu près, j'ai été invité à parler devant les associations de retraités au sanctuaire Sainte-Marie-Reine-des-Coeurs, à Montréal. Je pensais qu'il y aurait 50, 60 personnes. Il y en avait 1 200 dans la salle. Pourquoi? Parce que, en mai de l'année dernière, les retraités du Québec ont commencé à se constituer en associations, ils sont 70 000. Il y a 350 000 retraités au Québec, c'est quand même un poids politique assez important. Qu'à Dieu ne plaise, je ne suis pas dans les instances du pouvoir et je n'ai pas à me préoccuper de ces vulgaires questions électorales, mais il est évident que, heurter de front 350 000 retraités, aucun gouvernement soit-il, aucun parti soit-il n'a intérêt à le faire.

Or, ce qui nous inquiète sur le deuxième point, c'est que la représentation équitable des retraités, dits des non-actifs, aux comités de gestion... Bien, ils ne sont pas là. Je vais vous donner un seul exemple. Le représentant de l'Alcan est venu parler. Au comité de gestion de l'Alcan, de la caisse de retraite ? des milliards de dollars; on n'est pas dans les centimes, là, hein ? le comité de gestion est composé de sept personnes: quatre, des employeurs; deux, des syndiqués, des actifs; et un retraité, alors que les retraités ont contribué à peu près 50 % de la richesse du fonds, de l'avoir du fonds. Et ça se passe comme ça, on pourrait citer des exemples à l'infini, où les comités de gestion de caisse de retraite, l'employeur est majoritaire, il y a le syndicat, une ou deux personnes, et là on va chercher un retraité qui fait figure de porcelaine, élément décoratif là-dedans, mais soi-disant retraités qui sont représentés au comité de gestion.

Or, à l'assemblée annuelle... le fondement du suffrage universel ferait en sorte, à l'assemblée annuelle des associations de retraités, qu'ils éliraient ? et la loi devrait en tenir compte ? leurs représentants au comité de gestion de la caisse de retraite en proportion équitable des avoirs qu'ils ont dans le fonds. Et, quand je dis bien «proportion équitable», avec l'espérance de vie qui se rallonge, il est fort possible qu'un jour les retraités soient en majorité sur le comité de gestion. Aujourd'hui, ils pourraient être à 30 %, 40 %, 50 %, mais qu'ils aient une représentation équitable en fonction de l'argent qu'ils ont investi.

Ce qui nous préoccupe, c'est que, souvent, on nous a raconté ? et le fait est avéré, il est avéré puis il est inquiétant ? que les syndicats négocient une convention collective avec le patron. Le jeune syndicaliste qui est président du syndicat depuis un an, deux ans, est là, il a mis 600 $ dans le fonds de retraite, alors que le retraité en a mis 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $. Lui, il dit: Patron, de 15 $ de l'heure, donne-moi 18 $ de l'heure; prends congé de cotisation, je vais prendre congé de cotisation; les retraités, dans la chasse d'eau, allez dans les poubelles de l'histoire, allez dans les eaux usées, on ne s'en occupe pas.

Une voix: Vous rentrez dans le débat.

M. Michaud (Yves): Non, non, je ne rentre pas dans le débat. Alors, je vais vous dire, M. le ministre, évitez la fracture sociale, faites en sorte qu'il n'y ait pas de fracture sociale, n'opposez pas les 350 000, les 400 000 bientôt puis le demi-million bientôt de retraités par opposition à leurs confrères au syndicat qui seront les retraités de demain. Parce qu'il y a des querelles sanglantes presque, en tout cas viriles, entre les associations de retraités et les syndiqués. Qu'une convention collective ne se fasse pas sur le dos des retraités parce que cela n'est ni juste, ni équitable, ni acceptable. Les retraités qui ont peiné sous le poids du jour et de la chaleur pendant 30 ans de leur vie ou davantage, contribué à l'enrichissement collectif ? c'est quand même eux qui ont bâti le Québec d'aujourd'hui ? ont le droit inaliénable d'être participants à la gestion de leur caisse de retraite. Leur représentation doit être validée par le suffrage de leurs pairs et non ou par une magouille, ou un accommodement, ou une décision arbitraire et unilatérale des employeurs et des employés. Agir a contrario de ce principe démocratique fondamental est une entorse grave et condamnable à la légitimité du processus électif de représentation.

Nous recommandons instamment que le législateur mette en place, ayant force de loi, un mécanisme incontournable de représentation équitable des retraités sur les comités de gestion des caisses de retraite selon les principes énoncés ci-dessus. La véritable solidarité sociale n'a un sens que si tous les participants à la vie économique et démocratique ont leur juste part de représentation dans les affaires les concernant. Exclure ou minimiser la participation des retraités à la gestion de leur caisse serait une forfaiture et indigne d'un législateur dont le premier devoir est de veiller à l'intérêt public et surtout éviter que des citoyens soient plus égaux que d'autres dans la gouverne et l'administration de leurs biens collectifs.

Je vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Michaud. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Alors, je voudrais vous remercier, vous et vos collaborateurs, pour cette présentation.

Je voudrais d'abord corriger une erreur de fait sur la qualité de la désignation des représentants des retraités. Je tiens simplement à vous rappeler l'actuel libellé de l'article 166 où il appartient au groupe de participants actifs et au groupe de participants non actifs, donc les retraités, de décider s'ils désignent ou non un membre du comité de retraite et, dans l'affirmative, de procéder à sa désignation soit suivant le mode que peut proposer le comité soit, s'il n'en est aucun de proposé ou si le groupe refuse celui proposé, suivant le mode qui, décidé par le groupe, permet de procéder à cette désignation à l'assemblée même. Toute décision relative à une matière susmentionnée est prise à la majorité des voix exprimées par les participants et les bénéficiaires de chaque groupe. Donc, il est actuellement possible par la loi que les retraités désignent leur représentant au comité de retraite, et je pense qu'il faut nuancer quelque peu les affirmations sur cette question que vous avez faites.

Je voudrais vous demander, vous qui avez une longue expérience et qui développez une expertise juridique sur un droit que vous appelez un droit nouveau, si vos services et les gens qui vous accompagnent ont fait une étude sur la réalité québécoise par rapport à la réalité ontarienne sur la qualité de la démocratie dans les comités de retraite et sur la qualité de la démocratie dans l'administration des régimes complémentaires de retraite. Est-ce que vous pourriez instruire les membres de cette commission sur la réalité canadienne et la réalité québécoise?

M. Michaud (Yves): M. le ministre, comparaison n'est pas raison. Nous n'avons pas étudié le fonctionnement des caisses de retraite ontariennes. On a étudié la situation québécoise, c'est-à-dire, on a étudié, nous, là... Là, vous entrez dans un débat, vous sortez des deux points sur lesquels nous avons insisté.

M. Boisclair: Je vais m'y mettre.

M. Michaud (Yves): On a dit: L'assemblée annuelle et la représentation équitable des retraités au comité de gestion de la caisse. Nous n'interviendrons pas dans d'autres sujets que ceux-là que je viens de citer.

M. Boisclair: Je tiens tout simplement, pour le bénéfice des membres de cette commission et pour le bénéfice de vos membres, à rappeler que le Québec fait figure d'exception, et ce n'est qu'au Québec qu'il y a une assemblée annuelle, ce n'est qu'au Québec qu'il y a des comités de retraite. Partout ailleurs au Canada, l'administration des caisses de retraite est confiée aux employeurs, et je pense qu'il faut d'abord prendre connaissance de ce fait avant de critiquer et de proposer d'autres modèles. En matière de démocratie, dans la gestion des caisses de retraite, le gouvernement du Québec, par la qualité de sa loi, proposée sous une autre administration, et nous le reconnaissons, fait, à cet égard, figure d'exception, et je pense que les gens peuvent bien s'en réjouir.

Le pourquoi de ce comité de retraite et de l'assemblée annuelle, c'est d'abord et avant tout dans une volonté de transparence. L'assemblée annuelle est pour le législateur un moyen pour informer les gens, pour que de l'information puisse être divulguée, puisse être débattue entre les responsables du comité de retraite qui a une responsabilité importante, entre autres, celle de veiller à la politique de placements à laquelle vous avez fait référence, et nous convenons qu'il s'agit là d'un geste qui est important.

La proposition du projet...

M. Michaud (Yves): Si je comprends bien, vous maintenez l'assemblée annuelle.

M. Boisclair: Non, je n'ai pas dit ça.

M. Michaud (Yves): Ah bon!

M. Boisclair: Je n'ai pas dit ça.

Le Président (M. Beaumier): On va laisser le ministre continuer.

M. Boisclair: Je viens tout simplement rappeler pourquoi l'assemblée annuelle est là et pourquoi le comité de retraite est là. Les deux sont là pour que nous puissions gérer ces fonds avec davantage de transparence.

Il y a une proposition qui est sur la table. Cette proposition, elle n'est pas construite, elle n'est pas venue d'une quelconque réflexion matinale, improvisée. La disposition que nous retenons et que nous proposons dans le projet de loi s'inspire du droit, je présume, qui est prévu à la Loi des compagnies ou dans un autre texte de loi, qui permet la convocation d'une assemblée spéciale d'actionnaires. La règle du 10 %, c'est de là qu'elle vient, c'est de là que vient la source du droit et, à cet égard, il y a donc un parallèle à faire.

n(17 h 30)n

Maintenant, j'ai bien entendu vos commentaires, M. Michaud, et je sais qu'ils portent à conséquence. Je sais que bien des gens de bonne foi sont de votre avis, sont de votre opinion, et c'est pour cela que, dès ce matin, à l'ouverture de la commission, j'ai indiqué la volonté du gouvernement d'aller au fond de cette question, de l'étudier correctement, d'en débattre avec les membres de la commission, d'en débattre avec les représentants syndicaux. J'ai commencé déjà à questionner chacun des représentants patronaux sur la pertinence du maintien ou de la modification de cette disposition, et soyez assuré que cette préoccupation nous animera pour la suite des choses.

Nous en sommes à la première journée d'auditions, et il reste encore quelques jours, d'importants partenaires à consulter. Mais je tiens à vous assurer que nous avons pris bonne note de vos commentaires. Il s'agit là d'un vrai débat, et je suis convaincu que votre contribution vient éclairer les membres de la commission et que nous pourrons, au terme de cette commission, prendre des décisions que nous espérons les plus avisées possible, dans le respect du choix québécois que nous avons fait il y a quelques années, à l'Assemblée nationale, qui est celui d'avoir la plus grande transparence possible dans la gestion des fonds de retraite. Le Québec a innové en créant ces comités de retraite, en créant l'obligation de l'assemblée annuelle, et nous sommes très certainement attachés à la qualité de ce patrimoine de droit que nous accordons tant aux participants qu'aux employeurs et qu'aux retraités.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Alors, M. Michaud.

M. Michaud (Yves): M. le ministre, je vous remercie de l'accueil que vous faites à nos propositions, du fait que vous allez les examiner, les regarder en commission parlementaire. Et je suis disposé à répondre à toutes les questions de vos collègues, si tant est qu'ils aient l'intention de m'en poser.

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Bien, peut-être, oui, sur une question. Tout à l'heure, j'ai soulevé... vous êtes entré rapidement dans le débat sur la question des...

M. Michaud (Yves): J'en suis sorti vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Oui, vous en êtes sorti vite. Mais j'aurais bien aimé que vous assistiez à la présentation que les actuaires nous ont faite, où ils nous ont mis en garde du danger de lier l'indexation d'une rente versée à un retraité à la présence ou pas d'un surplus, parce qu'il se pourrait très bien, dans un contexte d'inflation, sans qu'il y ait de surplus, qu'ils soient avisés de bonifier la rente d'un retraité. Je veux aussi vous rappeler la mise en garde importante que l'Association des actuaires nous a faite, une Association qui représente tant des actuaires qui représentent des parties syndicales que des actuaires qui représentent des parties patronales, qui sont venus nous dire: Attention! si le législateur se mêle de l'utilisation des surplus plutôt que de laisser libre place à la négociation, vous pouvez être assurés que des gens vont remettre en question la pertinence de leur régime et que la conséquence sera que des gens vont fermer des régimes et les transformer en REER collectifs, et ça, ce sont les gens qui seront les perdants. Alors, c'est une question qui est éminemment complexe, et je comprends la réserve que vous vous imposez.

Le Président (M. Beaumier): M. Michaud.

M. Michaud (Yves): Il y a un bémol à la réserve que je m'impose. Je suis un retraité de la fonction publique et parapublique, en ayant ajouté les années où j'ai été député à l'Assemblée nationale. Pour beaucoup de retraités de la fonction publique et parapublique, l'indexation commence à 3 %.

M. Boisclair: On est dans le secteur privé, là.

M. Michaud (Yves): Hein?

M. Boisclair: On est dans le secteur privé, ici. Je ne touche pas au secteur public.

M. Michaud (Yves): Non, non. On parle du secteur public, là. Vous allez avoir un problème un jour.

M. Boisclair: Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.

M. Michaud (Yves): Oui, mais ça ne fait rien, vous y penserez. Une pension de 20 000 $ ? c'est la moyenne, à peu près, la pension ? au bout de 20 ans, elle vaut 10 000 $. On est en dessous du seuil de la pauvreté.

M. Boisclair: Mais, M. Michaud, pensez-vous sérieusement qu'il y a une entreprise privée...

M. Michaud (Yves): Il y a une paupérisation des retraités. On en parlera ailleurs.

M. Boisclair: Pensez-vous très sérieusement ? vous êtes aussi un homme d'affaires avisé ? qu'une entreprise privée au Québec, qui n'a pas l'obligation de mettre sur pied un régime complémentaire de retraite, accepterait de le faire et qui, en plus, dans les textes du régime, accepterait d'avoir une clause d'indexation, alors que l'entreprise est la seule à avoir l'obligation de financer un éventuel déficit? Il n'y a pas un entrepreneur au Québec qui prendrait ce genre de risque et il n'y a pas un actionnaire qui autoriserait les gestionnaires d'entreprises à prendre ce genre de risque.

Il y a un test de réalité que nous devons nous imposer. Au-delà de ce que nous pouvons souhaiter, au-delà de ce que nous pouvons espérer, il y a le test de la réalité. Et souhaiter l'indexation, bien sûr. Plaider pour la défense des retraités avec davantage d'informations et en établissant des droits minimaux plus riches que ceux qui existent, c'est une chose que le législateur retient. Mais risquer de mettre en cause l'avenir des régimes complémentaires de retraite, alors que le revenu de retraite privée des Québécois stagne, ce serait un geste irresponsable que longtemps nous regretterions. Et c'est pour ça que j'entends bien les points de vue des retraités et je souhaiterais leur donner raison, mais je sais très bien que, au-delà de ces difficultés, il y a un test de réalité et je ne suis pas plus avancé si, en donnant raison aux retraités, les employeurs et les syndicats qui ne veulent pas l'introduction d'une tierce partie aux tables nous disent: M. le ministre, votre projet de loi, c'est à la poubelle. Un député à l'Assemblée a déjà essayé ça. L'ancien ministre, et de bonne foi, a fait une proposition, tentant, lui aussi, de trouver un consensus sur la question de la gestion des surplus, puis il a fait dire au législateur de quelle façon les surplus devraient être utilisés. Bien, ça n'a pas pris 24 heures que le projet de loi a été condamné tant par les patrons que par les syndiqués. Dans un contexte où le contrat d'un régime complémentaire de retraite est un contrat volontaire, auquel l'employeur n'est pas obligé de souscrire, donc de proposer à ses employés, il faut comprendre que le législateur ne peut pas, au-delà de la volonté des parties, discipliner des gens de façon à mettre en cause la pérennité des entreprises et la pérennité des régimes.

Alors, la discussion va se poursuivre. Certainement, nous serons davantage éclairés vu la qualité de votre intervention, et je vous en remercie.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Après l'intervention du député de Gouin et ministre, j'aurais le goût d'entrer dans ce débat, mais je vais me limiter aussi à quelques bémols. Il n'est pas inutile de rappeler que les parties au contrat qui ont constitué une caisse de retraite sont bien sûr les employeurs, sont les participants actifs, mais aussi les retraités qui sont partie au contrat et qui ont créé une fiducie qui devient à ce moment-là la caisse de retraite. Je pense qu'on aura l'occasion d'échanger demain sur cette question-là.

Je voudrais revenir, monsieur, avec... Je ne toucherai pas à la question des assemblées, disons, des bénéficiaires. Le ministre vient de régler cette question avec vous. Je vais toucher le deuxième élément de votre présentation. Vous avez choisi délibérément de limiter votre présentation à deux cas, donc je me limiterai au comité de retraite.

Première question: Vous voulez réellement qu'une élection au comité de retraite se fasse par un mécanisme par la poste ou un mécanisme qui permette à chaque personne de s'exprimer et que le poids, le vote de chaque participant soit pondéré en fonction de sa participation, de la part de sa participation au régime. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Michaud (Yves): C'est bien cela.

M. Gautrin: C'est bien cela. Dans votre réflexion ? vous avez donc réfléchi sur le rôle des comités de retraite ? est-ce que les comités de retraite doivent se limiter à être strictement un gestionnaire de la caisse, en quelque sorte, ou pourraient-ils avoir un rôle un peu plus important, être un conseiller ou, éventuellement, voir aux modifications à apporter, le cas échéant, voir à faire des recommandations quant à l'utilisation éventuelle des surplus? Dans votre esprit.

M. Michaud (Yves): Je vais laisser la parole au vice-président de notre Association, Claude Alarie, si vous permettez.

Le Président (M. Beaumier): M. Alarie.

M. Alarie (Claude): Vous demandez si le rôle du comité de retraite devrait être plus large, à notre avis, que celui seulement de siéger...

M. Gautrin: Pas seulement de siéger. J'ai compris que vous souhaitez une participation au comité de retraite, vous souhaitez que la participation au comité de retraite soit pondérée en fonction de... pas ce qu'il fait, et je comprends tout à fait la logique qui vous a amené à dire qu'éventuellement il pourrait même y avoir une majorité de retraités dans les comités de retraite. Mais est-ce que vous allez plus loin, voir que le projet de loi puisse étendre le rôle des comités de retraite?

n(17 h 40)n

M. Alarie (Claude): Actuellement, le rôle des comités de retraite, dans les comités de retraite réguliers, couvre beaucoup de points; par exemple, l'établissement de la politique de placements, l'établissement des règles d'attribution de rentes, etc. Et c'est l'employeur, bien sûr, qui est majoritaire au comité de retraite, qui a toujours le dernier mot, mais il reste que la présence des participants actifs et retraités peut apporter beaucoup là-dedans. On n'a pas approfondi le fait qu'on doit changer et on n'a pas demandé de changer le rôle des comités de retraite... du comité de gestion de la caisse.

Par contre, je dois corriger une petite remarque, corriger ou préciser une remarque de M. le ministre, tout à l'heure, quand il a dit que c'est le comité de retraite qui peut désigner les personnes. Bien sûr, mais, malheureusement, il est arrivé la plupart du temps que, le comité de retraite étant dominé par l'employeur, et arriver avec le fait que ce soient les employés actifs qui ont le contrôle du comité de retraite, il nomme la personne et il décide de la manière dont elle sera nommée. Et ce comité n'en arrive jamais à faire que ce soient les retraités qui élisent leurs représentants, ne serait-ce qu'un seul. Alors, ça, ce point-là, ça existe maintenant. Mais c'est le comité qui décide. Alors, vous voyez qu'il peut bien décider de la manière qu'il veut, sur la nomination des personnes. Alors, le comité de retraite... Pardon.

M. Michaud (Yves): Si vous permettez. Notre proposition, M. le député de Verdun, nous allons beaucoup plus loin, nous demandons de faire un grand pas en avant dans la démocratie de la gestion des avoirs du comité de retraite en faisant en sorte que les retraités, par le suffrage universel, élisent leurs représentants et qu'ils ne seront pas à la merci d'une nomination qui vient de nulle part, de la part de l'employeur ou même de la part du syndicat qui peuvent s'entendre comme des larrons en foire sur le dos des retraités. C'est que nous voulons que l'assemblée annuelle des associations de retraités, des 2 200, fasse le procès, si vous voulez, de la gestion de la caisse de retraite, d'une part, et, d'autre part, qu'ils élisent leurs représentants par le cens électoral, le suffrage universel, au comité de retraite, et que ça n'appartienne pas à l'employeur et au syndicat.

M. Gautrin: Ça, j'avais bien compris.

M. Michaud (Yves): Vous avez bien compris ça. Ça n'existe pas dans la loi. On souhaiterait que la loi soit plus démocratique.

M. Gautrin: J'ai essayé d'explorer avec vous si vous aviez pensé ou réfléchi à la question d'étendre les pouvoirs du comité de retraite non pas seulement à la gestion du comité, mais voir à faire des recommandations quant à des modifications éventuelles au contrat, voir à l'utilisation éventuelle de surplus ou d'excédents d'actif dans la caisse, qu'il n'ont pas actuellement comme pouvoir.

Le Président (M. Beaumier): M. Alarie.

M. Alarie (Claude): Non, dans cette démarche-là, on n'a pas demandé de modifications au rôle du comité de retraite. Et on pense que l'intervention des retraités là-dedans serait déjà un acquis important, en ayant une représentation pour qu'ils puissent suivre les dossiers et vraiment faire valoir leurs remarques en nombre et en...

Parce que, vous savez... Permettez-moi un petit commentaire encore. Je suis ici depuis ce matin, et je suis nouvellement retraité, moi, et j'ai trouvé ça pénible, j'ai trouvé pénible, je n'aurais jamais pensé de ma vie devoir défendre mon existence en tant que citoyen. Les seules choses qu'on a, comme citoyens retraités... On n'est plus des travailleurs; à 65 ans, on en arrive peut-être à être reconnus comme des personnes vieillissantes. Mais les retraités qui vivent de leurs rentes avec leurs épargnes n'existent pas dans la société, et la seule place où ils pourraient exister, c'est dans leur fonds de pension, et la loi les empêche de participer à la gestion de leurs épargnes.

Alors, je termine ici ma frustration. Je ne croyais jamais devoir défendre ici, au nom de tous les retraités, l'existence dans leur société. Et on n'existe pas actuellement dans la gestion des caisses de retraite et on a mis toutes nos épargnes là-dedans.

M. Boisclair: Vous existez au point que vous avez l'occasion et vous aurez le grand privilège que personne n'a eu pendant cette commission, c'est de venir vous exprimer deux fois en commission parlementaire: une fois avec l'Association puis une autre fois au nom de l'Alliance.

M. Alarie (Claude): Est-ce qu'il y a une restriction là-dessus, monsieur?

M. Boisclair: Non, pas du tout, mais je vous reconnais, c'est quand même...

M. Alarie (Claude): On me reproche ça, là, quoi?

M. Boisclair: Vous êtes assez privilégié.

Le Président (M. Beaumier): Alors, on s'adresse au président, je suis payé à l'intervention.

M. Gautrin: M. le Président, il est déjà arrivé que, par exemple, des actuaires se sont fait représenter. Ils sont partie dans l'Institut des actuaires, puis ensuite vont venir témoigner dans le cadre... Lorsque Mercer ou Towers, Perrin viendront, peut-être que des personnes pourront venir avec un double chapeau. Donc, ce n'est pas une question, parce que M. Alarie est membre de deux associations, qu'il puisse venir s'exprimer ici et faire valoir à la commission son point de vue.

M. Michaud (Yves): Pourrais-je ajouter, M. le ministre, que l'étude que nous avons faite des conseils d'administration à Toronto, il y a 160 membres de conseils d'administration qui siègent sur 1 800 conseils d'administration, c'est-à-dire que chaque personne à Toronto... Prenez les banques, prenez les grandes sociétés, il y en a 150 qui siègent sur 1 800. Ils ont 18 conseils d'administration par mois, ils n'ont pas le temps de travailler.

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. le député de Verdun, c'est vous qui aviez...

M. Gautrin: Je voudrais vous remercier pour votre présentation. Comme votre présentation est volontairement limitée sur deux points, je ne voudrais pas sortir... les deux autres points, je les ai compris, je vous en remercie.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce qu'il y a d'autres demandes d'intervention? Oui, M. le ministre.

M. Boisclair: Je comprends que, dans la composition du comité de retraite, vous ne remettez pas en cause la majorité des employeurs.

Je veux juste connaître...

M. Michaud (Yves): Que le législateur prenne ses responsabilités.

M. Boisclair: Je veux connaître le fond de votre pensée. Les employeurs...

M. Michaud (Yves): Le fond de ma pensée, c'est que l'employeur, à mon avis, ne devrait pas être majoritaire sur le comité de gestion de la caisse de retraite. Que ce soient les syndiqués et que ce soient les retraités. Parce que vous voulez mon opinion? La caisse de retraite, c'est un salaire, et on ira jusqu'en Cour suprême là-dedans un jour, mais ça va être déterminé comme ça. Il y a déjà deux jugements dans ce sens-là. Alors, il semble se dessiner un droit que le fonds de pension ? mal nommé, «pension funds»; la caisse de retraite, en français ? c'est un salaire, ça doit être administré par ceux qui ont investi.

M. Boisclair: Mais vous savez pertinemment aussi, M. Michaud, que la Cour suprême et les tribunaux qui se sont prononcés sur des questions importantes, Singer, Air Products, ces causes dont on discute beaucoup, d'abord, c'était en cas de terminaison de régime.

M. Michaud (Yves): Des régimes terminés, je sais.

M. Boisclair: Et nous sommes ici en cours de régime. Et les spécialistes de la question sont venus nous dire que les surplus en cours de régime sont souvent des surplus théoriques, puisque les gestionnaires des caisses de retraite ont l'obligation de les gérer en ayant en tête non pas du court terme mais du moyen et du long terme. Et un surplus aujourd'hui peut, demain, après l'écrasement de cours boursiers, se transformer en déficit dont l'employeur est le seul qui a la responsabilité. Et il faut faire attention à la façon dont on tire des conclusions des jugements qui ont été rendus. À cet égard, les spécialistes de cette question n'en arrivent pas aux mêmes conclusions.

Je veux aussi vous rappeler que, lorsqu'on regarde la provenance des sommes dans les régimes de retraite, le président de la Régie des rentes, ce matin, est venu nous dire que, de façon générale, 60 % des sources de revenu des fonds venaient de la part des employeurs et, dans certains cas, il y a des régimes qui sont à 100 % financés par les employeurs. Nous pouvons sans doute discuter longtemps du sens à donner à cette contribution de l'employeur, mais, au-delà de ce débat théorique très intéressant, il y a un test de réalité. Est-ce qu'on veut renforcer la confiance des entreprises? Est-ce qu'on veut renforcer la confiance des travailleurs? Puis est-ce qu'on veut, en bout de course, favoriser le développement de ces régimes-là?

Tout le monde est venu nous dire que l'incertitude, elle causait préjudice, et elle cause préjudice à d'éventuels retraités qui ne pourront pas bénéficier des RCR. Et, quand le gouvernement plaide avec acharnement le contenu de son projet de loi, il le fait parce qu'il est conscient qu'un travailleur, le moindrement qu'il gagne plus de 22 000 $ par année, a besoin d'un revenu de retraite privée pour assurer un niveau de revenu à la retraite qui le met à l'abri d'une perte de pouvoir d'achat. Je ne viens pas défendre ici des gens qui gagnent 100 000 $ par année, je parle de petits travailleurs qui gagnent 22 000 $, 25 000 $, 30 000 $ par année, qui ont besoin d'un outil efficace comme celui d'un RCR pour canaliser l'épargne.

Et la question qui se pose au législateur... Alors que le revenu de retraite des Québécois stagne et que le nombre de RCR va en diminuant, nous avons beau discourir et deviser sur le sens de l'intervention puis sur le sens de la propriété des surplus, mais, pendant ce temps-là, on prive des travailleurs d'un outil, d'un outil pourtant efficace, et on les prive pour deux raisons: parce que, d'un côté, les employeurs nous disent qu'il y a de l'incertitude, ils sont venus tous ici en témoigner, et, d'un autre côté, des employés...

M. Michaud (Yves): Ah bien, l'incertitude, vous savez, là, j'ai déjà entendu parler de ça.

M. Boisclair: Oui? Bien, allez demander à Henri Massé ce qu'il pense lorsqu'il conclut des ententes de bonne foi puis qu'elles ne sont pas à l'abri d'un recours juridique et de l'intervention d'un tiers. Ça, c'est de la vraie incertitude, là, M. Michaud. Puis on ne peut pas faire dire aux mots n'importe quoi.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Beaumier): M. Michaud.

M. Michaud (Yves): Mais, M. le ministre, tout ce qu'on dit, c'est: Associez les retraités dûment élus par leurs pairs. Vous pensez que des retraités ne sont pas des ignares; ils vont nommer des anciens actuaires, des anciens gestionnaires de caisses de retraite qui vont enrichir la gestion de leur caisse.

M. Boisclair: Mais trop fort casse, et le choix du législateur...

M. Michaud (Yves): Faites les pondérations.

M. Boisclair: Trop fort casse, et le choix du législateur, c'est d'intervenir en proposant des droits minimaux pour qu'on puisse... alors qu'il se prendrait un congé de cotisation et qu'on peut le prendre sans qu'il y ait de disposition qui vienne dire de quelle façon on doit l'utiliser, pour 5 % des régimes, où un employeur n'est pas contraint soit par une entente, ou des dispositions d'une convention collective, ou une disposition d'un texte de régime, un employeur pourra prendre un congé de cotisation. Mais il devra bonifier le régime par rapport à la situation actuelle. C'est une nette amélioration. Peut-être qu'elle n'est pas suffisante.

Puis j'entends le point de vue des retraités. Je l'entends très bien, ce point de vue. Mais le choix du législateur, plutôt que de se substituer aux parties, c'est de venir établir une espèce de droits minimaux, et, par la suite, faisons confiance aux gens qui négocient, sans quoi, si, moi, je me substitue aux parties, et les employeurs et les employés vont venir me dire: Mettez ce projet de loi à la poubelle. Et ce test-là, moi, je dois me l'imposer, c'est un test de réalité, et, au-delà des questions philosophiques sur la propriété des surplus... Si, d'un côté, j'ai des employeurs qui me disent que ce n'est pas bon puis des syndiqués qui me disent que ce n'est pas bon, il y a des chances que ce soient eux qui aient raison.

Alors, j'ai confiance que le projet de loi est un projet de loi équilibré, M. Michaud, qui répond aux demandes de bien des gens dans notre société. Je pense qu'il renforce les droits des retraités. On fait le choix de la transparence, on fait le choix de bonifier des régimes en introduisant un régime de droits minimaux, et je pense qu'en bout de course tout le monde sera gagnant et qu'on n'en arrivera pas à cette confrontation que vous anticipez, ou dont vous nous mettez en garde de ne pas y arriver, entre de jeunes travailleurs qui souhaitent un outil adapté à leurs besoins et des retraités qui, légitimement, tentent de protéger leur pouvoir d'achat.

M. Michaud (Yves): Ces droits minimaux, M. le ministre, dont vous parlez avec tellement d'éloquence, et là je vois que le titre de député de Gouin que vous portez est bien représentant...

M. Boisclair: Je veux faire honneur à mon prédécesseur.

M. Michaud (Yves): ...puisque j'ai été le premier à porter ce titre-là. Mais élargissez un peu. Vous parlez de droits minimaux, donnez des droits à des retraités à leur assemblée annuelle et à désigner leurs gestionnaires au comité d'une caisse de retraite.

Je n'interviens pas, nous n'intervenons pas dans la question de l'administration des surplus. Tout ça, je pense que vous allez amplement en entendre demain. Ce que l'on demande, c'est: Ajoutez à ces droits minimaux deux choses très modestes, finalement, que l'on vous demande: l'obligation de la tenue de l'assemblée annuelle et la représentation des retraités quand même dans la gestion des milliards ? il y en a pour 200 milliards actuellement au Québec, public et parapublic tout confondus ? qu'ils aient leur mot à dire dans la gestion de la caisse de retraite. Je ne dis pas qu'ils soient majoritaires. Que l'on fasse des études, vous aurez à peaufiner... Non, non, non. J'ai dit: Il se pourrait qu'éventuellement, si on est proportionnels, mais faites la pondération des choses et assurez leur présence, élus par le suffrage universel par leur pairs, au comité de gestion de la caisse de retraite et dans des proportions raisonnables, plutôt que d'avoir des éléments décoratifs et des retraités de service qui seront toujours sous le joug, qui courberont la tête et courberont l'échine devant les décisions patronales. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Bien, je voulais ramener, M. le Président, M. Michaud sur la question de la désignation du représentant des retraités sur le comité de gestion, mais je pense qu'il l'a bien fait lui-même. Quand le ministre dit: Trop fort casse, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre que, en élisant directement un représentant des retraités sur un comité, quelque chose va casser en quelque part. Je me trompe peut-être, mais c'est parce qu'on a été peut-être dévié par cette discussion de la composition du comité. Alors, M. Michaud, oui, je pense que vous avez exprimé certaines balises qui pourraient s'appliquer dans le futur en ce qui concerne la composition du comité en provenance des sources, mais, minimalement, vous demandez l'élection par suffrage universel de cette personne qui va représenter les retraités. Si le ministre croit que ça va casser quelque chose, bien, il va falloir qu'il en fasse la démonstration.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? On m'a dit qu'il ne restait plus de temps du côté de l'aile parlementaire ministérielle.

M. St-André: Tant pis pour les parlementaires ministériels.

M. Michaud (Yves): Ce n'est pas du terrorisme procédurier, là?

M. Gautrin: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Beaumier): Pardon?

M. Michaud (Yves): J'ai connu ça en d'autres circonstances.

Le Président (M. Beaumier): M. Michaud, je vous dis, c'est tout simplement que je respecte le droit de parole des députés ici, alors ce n'est pas du terrorisme.

M. Gautrin: Moi, c'est avec plaisir que... Il nous reste peut-être un peu de temps, quelques minutes, on peut laisser un peu de temps au député de L'Assomption.

Le Président (M. Beaumier): Oui, alors, sur consentement, il n'y a pas de problème, sur consentement.

M. St-André: Juste une question.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. M. Michaud, d'après vous, à qui appartient la responsabilité d'assurer une retraite décente à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses et, je dirais, des citoyens aussi?

M. Michaud (Yves): À qui appartient la responsabilité d'assurer une retraite décente?

M. St-André: Une retraite décente, oui.

M. Michaud (Yves): Décente. Au pouvoir public, à l'État.

M. St-André: Merci.

M. Boisclair: C'est ce qu'on fait avec les crédits d'impôt pour les REER, c'est ce qu'on fait avec les déductions fiscales pour les contributions au RCR...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: C'est moins évident qu'il y aura consentement.

Le Président (M. Beaumier): Là, je comprends...

Des voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Non, excusez-moi, je comprends, M. Michaud... là, je sais que vous comprenez certainement pourquoi j'étais intervenu tantôt.

M. Michaud (Yves): Bien sûr. Mais ça m'étonne. Habituellement, c'est l'opposition qui est plus diserte que le pouvoir, et là le pouvoir n'a plus de temps de parole. Alors, c'est l'opposition...

Le Président (M. Beaumier): Quand on reçoit des invités, nous avons des règles de respect et d'équilibre.

M. Michaud (Yves): Nourri dans le sérail, j'en connais les détours, M. le Président, et je connais vos règles.

Le Président (M. Beaumier): Je le sais bien. C'est pour ça que je vous surveille.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, M. Michaud, M. Alarie, Mme Didier. Alors, nous ajournons nos travaux à mercredi, 10 mai 2000, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 57)



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