L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le lundi 1 juin 1998 - Vol. 35 N° 129

Consultations particulières sur le projet de loi n° 444 - Loi sur le tabac


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Documents déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Rémy Désilets
Mme Solange Charest
Mme Michèle Lamquin-Éthier
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Manuel Dussault, idem
*M. Gilles Lépine, ARSEQ
*Mme Marie-Josée Pineau, idem
*M. Michel Beauchemin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix-neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonsoir tout le monde. Je vous rappelle que nous en sommes à notre dernière soirée d'auditions sur le projet du tabac. Et nous assisterons aux remarques finales à la fin de ces auditions-là, ce soir.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum a été constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous rappelle le mandat: la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) va agir en remplacement de Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne); Mme Papineau (Prévost) sera remplacée par Mme Charest (Rimouski).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Vous avez eu l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, nous allons accepter cet ordre du jour. Je vous rappelle que j'apprécie qu'on fasse de courtes questions de façon à ce qu'on ait aussi de courtes réponses, de façon à ce qu'on permette à nos invités le plus d'échanges possible.

Nous débutons cette audition en recevant l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. M. Ponton, je vous invite à présenter la personne qui vous accompagne et à débuter votre mémoire.


Auditions


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, je suis accompagné du directeur de la recherche de l'Alliance des manufacturiers, M. Manuel Dussault.

(19 h 40)

Alors, M. le Président, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec désire d'abord remercier les membres de la commission des affaires sociales de lui permettre de participer à ses audiences sur le projet de loi n° 444.

Le projet de loi sur le tabac aurait un effet important sur nos membres, d'abord pour ceux qui feraient respecter la loi et la réglementation dans les milieux de travail, mais aussi pour ceux dont la prospérité est reliée à l'industrie du tabac.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec est vouée à l'amélioration continue de la compétitivité de l'industrie du Québec et à la croissance de ses exportations. Les manufacturiers représentent 18 % des emplois et 23 % du produit intérieur brut de l'économie du Québec, tout en ayant un impact indirect important. En 1997, les manufacturiers ont créé 40 000 emplois au Québec, ce qui représente la plus forte croissance de tous les secteurs de l'économie.

L'esprit du projet de loi, M. le Président, soit de promouvoir la santé publique et de protéger les générations à venir, recueille l'appui de l'Alliance des manufacturiers. Nous sommes cependant préoccupés par la rapidité avec laquelle ce projet de loi semble devoir être adopté alors que des changements doivent y être apportés. Il faut de plus rappeler que le gouvernement travaille depuis de nombreux mois sur ce projet de loi. Il y a donc une certaine iniquité à demander aux intéressés de réagir, d'évaluer et de proposer des solutions en quelques jours, surtout lorsque tous les documents de consultation ne sont pas nécessairement accessibles.

L'Alliance recommande donc que le projet de loi ne soit pas adopté avant que les questions importantes concernant le fardeau réglementaire des entreprises, principalement les articles 30 et suivants, l'harmonisation et l'impact sur la compétitivité, soient résolues de manière satisfaisante.

M. le Président, l'Alliance des manufacturiers appuie la nouvelle orientation du gouvernement d'interdire de fumer dans les milieux de travail, dont ceux manufacturiers et exportateurs, et d'offrir la possibilité d'aménager dans certains lieux des fumoirs ventilés et des aires où il sera permis de fumer. Le projet de loi constitue toutefois une occasion, dont il faut profiter, de mieux réglementer. Il y a d'ailleurs un consensus au Québec, depuis le Sommet sur l'économie et l'emploi, où on lit, dans les faits saillants de la page 9, que la mondialisation de l'économie crée un climat de concurrence et qu'il faut se préoccuper des charges imposées aux entreprises, notamment par la réglementation.

Dans une perspective de meilleure gestion des ressources humaines, du respect des droits des individus et de développement durable, l'Alliance croit ainsi que l'interdiction de fumer en milieu de travail bénéficiera à la société en général et aux entreprises en particulier. Le projet de loi offre, de plus, une certaine flexibilité à ceux qui désirent continuer de fumer. L'Alliance est consciente cependant que ceci entraînera parfois des frais supplémentaires pour les entreprises et les employés en ce qui concerne l'aménagement d'un fumoir ou d'une aire où il est permis de fumer.

Il ne faut surtout pas ajouter des frais supplémentaires aux entreprises qui ont déjà de telles installations et ont une politique du contrôle du tabagisme, soit, selon le document déposé par le professeur Crémieux, 11 % de toutes les entreprises du Québec et 25 % des grandes entreprises. Pour toutes les autres, il faut aussi limiter les effets négatifs de la réglementation. Afin de limiter les coûts, le fardeau administratif et les irritants de cette nouvelle réglementation pour les entreprises, l'Alliance recommande donc quatre mesures spécifiques.

Premièrement, que l'article 2, alinéa 8° ne puisse être mis en vigueur avant l'adoption des règlements prévus à l'article 12, afin de ne pas causer de vide juridique.

Deuxièmement, que le ministre s'engage à consulter les entreprises sur les règlements prévus à l'article 12, afin que ceux-ci soient harmonisés avec les règles de l'art existantes et la réglementation des juridictions concurrentes, dont les États-Unis, et que d'ici à la mise en vigueur de la réglementation le ministre de la Santé ait le pouvoir de donner un avis qui lierait le gouvernement à propos de projets qui lui seraient soumis, de manière telle que les entreprises qui doivent aller de l'avant avec des projets de construction ou de réaménagement puissent être informées rapidement et clairement des orientations du gouvernement.

Troisièmement, que la conformité à toute réglementation fédérale dans ce domaine soit considérée comme répondant aux exigences du gouvernement du Québec.

Quatrièmement, qu'en lieu d'une réglementation tatillonne le projet de loi prévoie qu'une entreprise puisse faire certifier son fumoir ou l'aire où il est permis de fumer par un professionnel compétent, axé sur les résultats et non pas sur les procédés, à l'effet que l'aménagement respecte les règles édictées, et que le professionnel devienne dès lors responsable de la conformité.

L'étude d'impact du gouvernement indique qu'il y aurait des coûts et des irritants administratifs pour les entreprises qui désirent mettre en place des fumoirs suite à la nouvelle réglementation. Il est donc important de faciliter cette transition pour ces entreprises et de ne pas nuire aux autres.

L'impact sur l'industrie du tabac. L'industrie manufacturière du tabac représente, suivant l'étude déposée par M. Crémieux, 2 105 emplois directs. À un salaire moyen de 47 000 $, on parle d'une masse salariale de plus ou moins 100 000 000 $ par année dans la province de Québec. L'on estime, dans le secteur manufacturier en général, que 100 000 000 $ de livraisons supplémentaires créent 974 emplois. De ceux-ci, 41 % sont chez les fournisseurs principalement, eux aussi du secteur manufacturier. Cette industrie joue donc un rôle économique important dans l'économie du Québec, dont le gouvernement doit tenir compte dans le projet de loi sur le tabac.

Certains éléments du projet de loi n° 444 sont préoccupants, M. le Président, quant à leur impact sur l'industrie du tabac. L'Alliance est particulièrement inquiète en ce qui concerne les articles 28 et 29 du projet de loi, qui n'ont pas fait l'objet de discussions dans l'étude d'impact du gouvernement. À ce titre, nous aimerions attirer votre attention sur l'arrêté en conseil qui fixe les règles sur l'allégement des normes de nature législative ou réglementaire et qui précise, à son article 1, que les présentes règles visent à assurer les avantages liés à l'adoption de normes de nature législative ou réglementaire en compensant les inconvénients ou les coûts et que l'adoption de ces normes procure un avantage net.

Un petit peu plus loin, dans le même arrêté en conseil, à l'article 3, paragraphe d, M. le Président, on prévoit que l'étude d'impact doit indiquer, pour chacune des solutions envisagées, les avantages escomptés et les coûts prévisibles comparativement au maintien du statu quo, ceux-ci étant évalués en termes quantitatifs.

Et un petit peu plus loin, dans le paragraphe in fine, M. le Président, au sous-paragraphe d, on prévoit que les exigences prévues doivent demeurer compétitives, principalement en regard du contexte nord-américain, et ne devraient pas être plus élevées que celles des principaux partenaires commerciaux du Québec, notamment l'Ontario et les États américains limitrophes. Or, M. le Président, la simple lecture de ces extraits d'un arrêté en conseil du gouvernement du Québec établit clairement que l'étude d'impact rendue publique – soit l'étude du professeur Crémieux – ne couvre pas tous les éléments prévus dans l'arrêté en conseil qui a été adopté suite au Sommet sur l'économie et l'emploi, à Montréal.

Dans les circonstances, nous avons poussé davantage notre investigation pour apprendre, de source sûre, qu'une étude beaucoup plus détaillée sur les impacts économiques du projet de loi et l'industrie manufacturière dans le domaine du tabac a été réalisée et nous souhaiterions, M. le Président, que par votre intermédiaire, pour la transparence du débat, cette étude puisse également être rendue publique. C'est une demande formelle que nous vous adressons.

Une réglementation uniquement québécoise des contenants, de l'emballage, de la présentation et de la composition du tabac pourrait nuire à l'économie du Québec. Cette question devrait donc être étudiée davantage, particulièrement en ce qui concerne le fardeau administratif, l'harmonisation des règles, les traités de droit international et l'impact sur la compétitivité.

Si le gouvernement du Québec jugeait qu'une réglementation était nécessaire dans ce domaine, il est clair que l'impact des règles existantes au Canada et dans les juridictions concurrentes est insuffisamment traité dans les dispositions proposées. Des changements devraient conséquemment être faits. L'adoption au Québec de règles différentes de celles du gouvernement fédéral et dans les juridictions concurrentes entraînerait un coût supplémentaire pour l'industrie et ses fournisseurs et nuirait à la compétitivité du Québec et aux emplois auxquels j'ai fait référence un peu plus tôt dans ma présentation. La possibilité même de règles différentes a aussi un impact sur l'investisseur qui tient compte des risques dans toute décision d'investissement.

Le gouvernement doit donc, M. le Président, prendre le temps nécessaire, en consultation avec les principaux intervenants, pour étudier les impacts des articles 28 et 29 du projet de loi car plusieurs problèmes se posent à leur sujet. Les impacts économiques potentiels sur l'emploi et l'investissement sont trop importants pour ne pas étudier ces questions à fond et procéder avec célérité à l'adoption du projet de loi.

(19 h 50)

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec appuie l'initiative du gouvernement afin de limiter l'impact de la fumée environnementale en milieu de travail. Le projet de loi ne doit cependant pas être adopté de manière précipitée. Certains amendements pourraient ainsi être faits au projet de loi n° 444, qui faciliteraient la transition dans les milieux de travail et qui démontreraient la volonté du gouvernement de mieux réglementer au Québec. L'Alliance est aussi préoccupée par l'absence de souci d'harmonisation avec la réglementation fédérale et celle de juridictions concurrentes, dans le projet de loi, et propose que cette question soit davantage étudiée. De sorte que, M. le Président, il serait fortement apprécié que les articles 28 et 29 du projet de loi ne soient pas immédiatement adoptés avant que les études complètes aient été réalisées sur le sujet.

M. le Président, en terminant, un des points mentionnés dans notre intervention, c'est que, parallèlement à l'étude d'impact rendue publique par M. Crémieux, nous avons de bonnes raisons de croire qu'une étude additionnelle a été réalisée au gouvernement du Québec, beaucoup plus complète, celle-là, sur les impact économiques du projet de loi. Et c'est le sens de la demande que nous vous adressons, par votre intermédiaire, de vous assurer que cette étude soit également rendue publique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Est-ce que vous avez terminé?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez parlé de deux études. Je veux être sûr de bien comprendre. L'étude à rendre publique, vous m'avez parlé de la première faite par M. Crémieux?

M. Ponton (Gérald A.): Celle-là, elle est rendue publique, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pierre Fortin et Ouellette. Elle est déjà rendue publique...

M. Ponton (Gérald A.): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et, pour nous, ça fait partie d'un mémoire.

M. Ponton (Gérald A.): C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Donc, il n'y a pas de problème. Et l'autre, voulez-vous répéter votre demande?

M. Ponton (Gérald A.): Ce serait un document, une étude qui a été réalisée au gouvernement du Québec et, celle-là, qui serait conforme en tous points à l'arrêté en conseil que le gouvernement a lui-même adopté concernant les règles sur les études d'impact, qui doivent accompagner les projets de loi, sauf les projets de loi de nature fiscale. Cet arrêté en conseil fait partie des consensus du Sommet sur l'économie et l'emploi de Montréal et, à notre avis, l'étude rendue publique par le professeur Crémieux ne répond pas en tous points aux exigences de l'arrêté en conseil.

Une autre étude d'impact aurait été réalisée à l'interne, au gouvernement, et celle-là n'aurait pas été rendue publique. Cette étude mesure de façon beaucoup plus détaillée les conséquences de l'application des articles 28 et 29 du projet de loi qui, eux, n'ont pas fait l'objet de l'étude du professeur Crémieux.

Alors, l'article 5 prévoit que ces documents, sous réserve des dispositions applicables en vertu de la loi sur l'accès à l'information, doivent être rendus publics en même temps, et c'est la raison pour laquelle je vous adresse la demande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À ce moment-ci, la seule chose que je peux faire, c'est prendre acte de votre demande, vérifier... M. le ministre semble avoir...

M. Rochon: Oui, parce que, je vous dis bien franchement, M. Ponton, je n'ai pas idée de quoi vous parlez comme autre étude. Alors, s'il y a une autre étude qui a été faite quelque part au gouvernement, aidez-nous à la trouver, donnez-nous vos sources. Sérieusement, à ma connaissance, l'étude que, nous, on a faite au gouvernement, il y en a une. Celle-là, d'ailleurs, elle a été établie... le protocole, le plan d'étude, à ma connaissance, a été établi avec le Secrétariat, qui l'a demandé, et a été produit selon les ententes faites, ce sur quoi le Secrétariat jugeait que devait porter l'étude.

Alors, je ne sais pas vraiment à quoi vous faites référence. À ma connaissance, il n'y a pas d'autre étude d'impact qui a été faite par le gouvernement.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, il y aurait lieu pour le président de vérifier, parce que, à notre connaissance, il y a une autre étude qui a été réalisée, M. le ministre.

M. Rochon: Bon, il faudrait qu'on se dise qui a dit quoi à qui, là, parce que...

M. Ponton (Gérald A.): Bien, vous comprendrez que, moi, je me fie...

M. Rochon: Ne pas faire de mystère.

M. Ponton (Gérald A.): ...à la présidence pour faire les démarches requises pour s'assurer de la disponibilité d'une autre étude sur le même sujet.

M. Rochon: Oui, mais il faudrait qu'on s'adresse à tous les ministères pour leur demander s'il n'y a pas un ministère qui aurait pris l'initiative de faire... Sincèrement, on ne cache rien, là. Je n'ai jamais entendu parler, sauf pour la première fois ce soir, que le gouvernement ou quelque instance officielle du gouvernement aurait fait une autre étude d'impact. Puis, deuxièmement, je suis un peu surpris des commentaires que vous faites sur celle qui a été faite, parce que, de mon souvenir, là – je vérifie ça – quand elle a été faite, elle a été demandée par le Secrétariat à la déréglementation, et on a dû établir avec eux ce sur quoi porterait l'étude. Et il y a eu une soumission de faite pour trouver des gens qui étaient prêts et capables de faire selon ce qui avait été fait. On a vraiment essayé de procéder, pendant toutes ces deux ou trois années, avec toutes les règles de l'art et de répondre à toutes les demandes et les requêtes qui étaient faites.

Alors, je ne demanderais pas mieux, moi aussi, d'abord, d'en prendre connaissance, s'il y a vraiment une autre étude qui existe quelque part, et sûrement aussi de la rendre publique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, on s'entend bien que l'étude dont, vous, vous parlez, c'est l'étude Crémieux, le rapport Crémieux.

M. Rochon: Ça, c'est l'étude qui a été faite par le gouvernement. C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, moi, je reçois la demande et je vais vérifier, un, si vraiment il existe une autre étude et, si oui, est-ce qu'elle peut être rendue publique.

M. Rochon: Parfait.

M. Ponton (Gérald A.): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Robert-Baldwin, avant que nous débutions l'échange.

M. Marsan: Oui, une très courte question sur le sujet: Est-ce que cette étude dont vous parlez aurait été faite par le ministère des Finances?

M. Ponton (Gérald A.): Pas à ma connaissance, non.

M. Marsan: O.K.

M. Ponton (Gérald A.): Je ne sais pas par qui elle a été réalisée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Alors, je prends acte et je vérifie, parce que je ne veux quand même pas qu'on prenne trop de retard dans nos auditions de ce soir. Tout en vous rappelant que je vais appliquer le principe de l'alternance, alternance par interventions et non par blocs de 20 minutes. M. le ministre, je vous invite à débuter l'échange.

M. Rochon: J'avais une question, essentiellement, parce que votre présentation porte beaucoup... D'abord, je voudrais vous remercier beaucoup d'avoir pris la peine de préparer le mémoire, de venir nous rencontrer. Je pense qu'on tient beaucoup à discuter, pendant cette consultation, avec tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin, ou directement ou indirectement par cette législation.

Une bonne partie de votre présentation porte sur les délais raisonnables et s'assurer qu'on a tout bien vérifié avant de faire chaque étape. Évidemment, cette loi-là est en préparation depuis un bon moment. Il y a eu beaucoup de discussions avec beaucoup de gens. L'étude d'impact a été faite, à peu près toutes les étapes ont été franchies. Et le sentiment qu'on a, c'est que, à un moment donné, il faut marquer une étape: le projet de loi.

Maintenant, un projet de loi comme ça est mis en application quelque temps après son adoption. Là, ça peut être... on parle de quelque chose qui peut être un délai de six à 12 mois, le temps que tout soit préparé justement pour que la loi soit mise en application. C'est le processus normal. Comme vous le dites, il y a certaines réglementations qui doivent être adoptées pour que la loi puisse être appliquée. Les modalités d'application tiennent dans certaines réglementations qui devront être adoptées avant. Dans le processus d'adoption d'un règlement, il y a tout un processus prévu aussi. C'est le Conseil des ministres qui approuve finalement un règlement, mais il y a une procédure de publication dans la Gazette officielle et un délai de 45 jours pour que les gens puissent réagir à un règlement qui est fait, qui est proposé.

En général, quand on prépare des règlements comme ça, il y a un minimum de contacts qui sont faits avec les gens du milieu qui auront à appliquer la réglementation. Donc, on comprend bien votre souci que tout ne peut être préparé puis finalisé en termes de réglementation au moment où la loi est adoptée. Je pense que c'est le processus normal qui se passe. Il y a un délai après, entre l'adoption et la mise en application de la loi, et ça, ça donne le temps d'apporter un bon nombre de précisions, que vous soulevez, qui doivent être apportées. Comme quand vous dites, par exemple, que les règlements prévus à l'article 12 pour l'application du 8° de l'article 2 devront être connus, c'est sûr qu'il faudra que les règlements de base nécessaires soient adoptés.

De plus, quand vous parlez des articles 28 et 29, ce que la loi prévoit, c'est que la loi donne le pouvoir de réglementation sur les sujets mentionnés en 28 et 29, pouvoir de réglementation qui peut être exercé, qui peut ne pas être exercé, qui peut être exercé éventuellement dans le temps. Et, ça aussi, je pense qu'on comprend qu'il est tout à fait normal, et qu'il serait impossible de procéder autrement pour que les règlements puissent s'appliquer, que, entre le pouvoir de réglementation donné, il faudra que le temps nécessaire soit consacré éventuellement. D'abord, ce n'est pas sûr que ce sera nécessaire de réglementer sur ces sujets, mais c'est important que la loi prévoie le pouvoir de réglementation au cas où on devrait pouvoir l'exercer. Puis, à ce moment-là, les règlements, là aussi, devront être préparés. Il devra y avoir consultation et il devra y avoir aussi harmonisation pour que ça s'applique. Et, dans bien des cas, ce genre de règlements là, me dit-on, ça demande une harmonisation même, de plus en plus, avec certaines ententes internationales à certains égards, parce que les biens circulent beaucoup.

Alors, moi, ça m'apparaît tout à fait correct, ce que vous dites, que ces délais-là doivent être pris, mais qu'on n'a pas besoin, qu'il ne faut surtout pas retarder l'application de la loi pour ça. Il faut qu'à un moment donné le jeu commence pour qu'on puisse préparer les prochaines étapes. On ne pourrait pas préparer des règlements si on n'avait pas la loi; ça devient un peu l'oeuf et la poule, à un moment donné. Alors, il faudrait peut-être un peu vous exprimer là-dessus, qu'est-ce qui, là-dedans, n'est pas satisfaisant.

(20 heures)

Puis je conclus. Un, il y a un temps prévu avant l'application de la loi pour préparer des règlements et, dans certains cas, c'est un pouvoir réglementaire qui est là, qui pourra ne pas être exercé. S'il est exercé, lui aussi devra pouvoir prévoir les délais normaux de préparation des règlements. Mais, pour ça, il faut qu'on commence quelque part. Il faut d'abord adopter la loi, semble-t-il.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ponton.

M. Ponton (Gérald A.): Je peux comprendre, M. le ministre. M. le Président, si vous me permettez, la loi pourrait être adoptée sans que 28 et 29 le soient, M. le ministre, parce que, vous-même, vous dites: Peut-être qu'on pourrait un jour réglementer, on ne le sait pas, ça va dépendre. Sauf qu'il faut réaliser que, en adoptant les articles en question, on suspend une épée de Damoclès en disant: Bien, il y a un règlement qui, possiblement, peut être adopté concernant, à titre d'exemple, les normes relatives à la composition et aux caractéristiques des produits du tabac fabriqués au Québec. À titre d'exemple, l'article 28, «des normes relatives au contenant, à l'emballage et à la présentation du tabac».

Alors, on a déjà eu l'occasion de vous souligner que ces normes-là, lorsqu'elles sont adoptées puis qu'elles ne sont pas réalisées, constituent des interrogations pour tout investisseur qui voudrait, par exemple, investir dans le domaine de la fabrication du tabac. Vous savez très bien qu'au Québec, pour réussir dans le secteur manufacturier, il faut qu'on exporte, qu'on s'ouvre sur le monde. Alors, un article qui viendrait réglementer la production dans le domaine de la fabrication de cigarettes et de produits connexes destinés à l'exportation sans savoir si, oui ou non, les règlements pourraient venir obliger à faire des changements dans l'investissement de la machinerie, pourraient obliger à modifier la composition des produits crée des situations très délicates en tout état de cause pour toute personne qui veut prendre une décision d'investissement.

Ce que l'Alliance vous recommande, c'est que, au lieu d'adopter ces articles-là alors que vous n'êtes – je pense, de votre aveu même – pas prêts à adopter tout de suite des règlements, c'est de ne pas les adopter et d'attendre que ces dispositions-là soient présentes à votre esprit pour être capable de procéder.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: J'avoue que j'essaie de suivre puis j'ai un peu de difficulté. À peu près toutes les législations de différentes juridictions qui sont intervenues dans le domaine du tabac... Normalement, une législation donne les pouvoirs de réglementation qui pourront être, dans l'immédiat, pour l'application de la loi, ou éventuellement, nécessaires, requis ou une bonne chose à faire, qu'on n'ait pas toujours à revenir sur celle-là pour dire: Là il faudrait qu'on intervienne sur tel sujet, on n'a pas eu une loi assez globale qui a assez prévu. Il peut y avoir des oublis puis qu'on doive réintervenir pour dire: Ah, il y a un pouvoir réglementaire qui devait exister. Mais, normalement, pour la suite des choses, on prévoit dans à peu près toutes les lois qu'on a pu voir que ça fait partie normalement d'une loi comme ça, d'avoir le pouvoir réglementaire qui pourrait être exercé au besoin.

C'est bien sûr qu'il y a peut-être des améliorations à faire, qu'on veut considérer pour que, dans les articles tels qu'ils sont écrits là... C'est pour ça qu'on a une consultation. Mais est-ce que, autrement, on ne ferait pas un procès d'intention à ceux qui éventuellement voudraient réglementer, qui ne le font pas correctement? Qu'ils ne le font pas dans un moment opportun? Qu'ils ne le font pas en faisant les harmonisations nécessaires et qui vont faire un règlement qui va mal s'appliquer, ou qui va être injuste, ou qui va causer un problème? On voudrait leur demander de pouvoir faire la démonstration d'abord qu'un règlement peut être acceptable avant d'avoir le pouvoir de légiférer. Il me semble qu'on se prend dans une espèce de – si vous me permettez l'expression – «catch 22» où on va tourner en rond puis on n'en sortira jamais.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, moi, je ne mets pas en doute la bonne foi du ministre de la Santé ou même du gouvernement, sauf que vous allez comprendre que, lorsque l'étude d'impact du professeur Crémieux ne traite pas des articles 28 et 29, de leur impact possible... Parce qu'on ne connaît pas le règlement. Si le ministre nous disait: Avant que ces articles-là soient proposés pour réglementation, nous allons déposer les études d'impact appropriées, peut-être que ce serait de nature à rassurer les investisseurs ou les entreprises impliquées dans le domaine. Et vous allez comprendre que l'article 29... «peut, par règlement, déterminer des normes relatives à la composition», c'est très large, M. le ministre, et ça embrasse énormément de choses.

M. Rochon: La loi fédérale a ça. Les lois sur le tabac ont toutes un article qui prévoit une capacité de réglementer sur ces questions-là éventuellement. Mais c'est sûr que, si c'est pour se faire, ça devra se faire correctement, si on décide de le faire. Mais là c'est parce qu'on dit un peu: Prouvez que vous êtes capables de réglementer correctement, puis là vous vous donnerez le pouvoir de le faire. J'essaie vraiment de suivre, là, puis...

M. Ponton (Gérald A.): J'essaie de vous sensibiliser au fait que l'industrie du tabac est surtout concentrée au Québec. Les usines de fabrication de tabac sont toutes chez nous. C'est une masse salariale importante, et je pense qu'il serait normal, aussi bien pour les employés dans le secteur que pour les entreprises qui investissent, que le ministre prenne des engagements clairs qu'avant d'arriver à des règlements... Vous parlez des règlements de la loi fédérale, mais elle s'adresse pour un volume canadien, à l'ensemble du Canada. Or, au Québec, le volume qui est fait est beaucoup plus concentré que ce qu'on peut espérer vendre à la grandeur du Canada, d'où l'importance et l'impact sur l'investissement.

Alors, si le ministre prenait l'engagement de s'harmoniser, d'adopter les études d'impact requises, moi, j'aurais moins de difficulté. Sauf que, à votre grand avantage, le Québec a déposé une étude d'impact. Au moins, il y a un document qui est là, qui ne mesure pas tout, là, mais qui mesure certains éléments de votre projet de loi, alors que le fédéral, lui, n'a déposé aucune étude d'impact, de son côté.

Alors, la préoccupation du secteur manufacturier que je représente – parce que les entreprises fabricantes de tabac sont membres chez nous au même titre que beaucoup d'autres entreprises manufacturières – c'est de s'assurer qu'une norme ne viendra pas nuire à la croissance de l'emploi et à la compétitivité de nos entreprises.

M. Rochon: O.K. Alors, je retiens bien ça. Je comprends votre point de vue. Je vous avoue que je suis plus motivé à m'assurer que 28 et 29 sont écrits pour donner des balises nécessaires qu'il faut que de les remettre aux calendes grecques. Mais on va prendre en considération ce que vous nous dites, là, parce que le souci de protéger l'emploi, on l'a, et surtout le souci – puis je pense qu'on l'a démontré jusqu'ici – d'agir avec souplesse et de ne pas prendre le monde par surprise. On l'a eu jusqu'ici à cet égard et à d'autres, et on va sûrement s'assurer que le projet de loi est fait de façon que les balises nécessaires soient là, si on a besoin d'en mettre.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, à la suite des propos du ministre, je vous remercie, mais il y a aussi un élément dont vous pourriez vous inspirer dans la réglementation. Parce que, dans l'arrêté en conseil auquel j'ai fait référence et que je vous invite à lire, on dit que la solution doit être axée sur des résultats plutôt que sur des moyens. Alors, si, dans la réglementation, vous habilitez le professionnel qui certifie qu'une aire d'aménagement est conforme à la loi et que ça engage sa responsabilité, vous allez nous éviter d'avoir à produire des plans faits par des ingénieurs, des architectes, engager vos fonctionnaires à réviser des plans qu'ils n'ont peut-être pas besoin du tout de réviser, si un professionnel, qu'il soit ingénieur ou autre, est habilité à les certifier et que ça engage sa responsabilité. À ce moment-là, vous vous inspireriez de principes modernes où vous iriez...

C'est quoi qui est important pour vous? C'est d'avoir un endroit où le fumoir sera aménagé comme le prescrit la loi. Ce n'est pas de contrôler toutes les étapes. Et je pense que le ministre pourrait faire confiance au professionnel qui serait appelé à certifier la conformité des lieux, de façon à éviter une réglementation tatillonne, parce qu'on en a beaucoup trop, au Québec, de réglementation de cette même nature.

M. Rochon: Alors, si on a à faire des règlements, il faudrait que ce soient de bons règlements et des règlements faits de façon moderne. Je comprends bien ça.

M. Ponton (Gérald A.): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Je me permettrai peut-être juste de vous souligner que la demande de l'harmonisation et la discussion de l'harmonisation font partie de plusieurs groupes, depuis qu'on a débuté ces auditions-là. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous saluer, M. Ponton et M. Dussault, et de vous remercier de la présentation que vous nous faites ce soir. Vous nous avez toujours habitués à des mémoires de bonne qualité, et je pense qu'encore cette fois c'est très, très apprécié.

Première question concernant la réglementation, un petit peu suite au débat que vous venez d'avoir avec le ministre. Je remarque que, dans votre mémoire, vous parlez à un moment donné: «Le projet de loi constitue toutefois une occasion, dont il faut profiter, de mieux réglementer.» Un peu plus loin: «Il faut se préoccuper des charges imposées aux entreprises, notamment par la réglementation.» À un autre moment donné, vous parlez de certifier les fumoirs et les aires. Vous parlez de réglementation tatillonne. Les deux articles de loi que vous souhaitez qu'ils ne soient pas appliqués immédiatement, ce sont les deux articles où le gouvernement se donne, par règlement, des pouvoirs dans le domaine... d'établir des normes relatives à l'emballage et à la présentation du tabac, et des normes aussi pour prohiber ou restreindre, etc.

Alors, ma question, c'est: Est-ce que vous êtes favorables ou vous n'êtes pas favorables à l'utilisation de la réglementation? Des fois, j'avais l'impression que, quand ça fait votre affaire, peut-être que c'est plus demandé et, quand c'est un petit peu plus difficile, bien, vous dites: Peut-être qu'on ne devrait pas réglementer. Juste pour avoir un meilleur éclairage, s'il vous plaît.

M. Ponton (Gérald A.): De façon générale, moi, je vous dirais que le règlement tue l'emploi. Alors, ça, on part de là, nous, à l'Alliance des manufacturiers. Cependant, ceci étant dit, on réalise qu'une loi ne peut pas non plus contenir toutes les dispositions, malgré qu'il faille faire des efforts pour inclure le maximum dans la législation elle-même.

(20 h 10)

Dans la réglementation, ce que l'on propose, c'est vraiment d'être axé sur les résultats, c'est-à-dire – puis on a eu ces discussions-là de nombreuses fois avec le ministère de l'Environnement – quelle est la norme que vous voulez en bouts de tuyaux, à titre d'exemple, dans le domaine environnemental, et laissez-nous donc maîtres des procédés.

Alors, ce qu'on souhaiterait, c'est que la réglementation, au Québec, soit axée sur la dynamique de résultat et non pas sur la dynamique de contrôle des procédés, comme historiquement elle l'a toujours fait.

À titre d'exemple, si je reviens à l'exemple des fumoirs, si un professionnel certifie qu'un tel fumoir respecte les normes édictées dans le règlement, il engage sa responsabilité, puis ça se termine là. Je ne suis pas obligé de produire des plans. Je ne suis pas obligé de produire je ne sais combien d'analyses pour m'assurer qu'un petit espace qui coûte 6 000 $ ne coûte pas plus en réglementation et en honoraires professionnels que le coût que ça m'a pris pour le réaliser.

Alors, ça existe, des façons modernes de réglementer, mais souvent l'appareil étatique a de la difficulté à prendre la parole du représentant de l'entreprise ou du professionnel. Il a toujours le besoin d'aller vérifier par-dessus son épaule si tout ce qu'on lui a dit est effectivement exact et conforme, et là ça prend des normes beaucoup plus élaborées. Alors, je pense qu'une approche moderne, oui, on a besoin de règlements, mais des règlements qui vont aller sur les résultats et non pas sur les procédés.

M. Marsan: Mais vous êtes d'accord que le pouvoir de réglementation, aux articles 28 et 29, fasse l'objet d'études plus approfondies, notamment au niveau des études d'impact.

M. Ponton (Gérald A.): Dans le cas des articles 28 et 29, nous aurions souhaité que les impacts, allant de la disparition complète de l'industrie du tabac aux impacts mineurs sur cette industrie-là, soient déposés en commission parlementaire, compte tenu de l'importance économique que ce secteur-là a au Québec. C'est 100 000 000 $ de masse salariale par année, ce n'est pas rien. C'est 2 105 emplois. Malheureusement, l'étude de M. Crémieux ne porte pas sur les articles 28 et 29 du projet de loi, et c'est la raison pour laquelle on demande que ces articles-là ne soient pas adoptés.

M. Marsan: O.K. Je ne veux pas poursuivre trop longtemps ou indûment sur ces deux articles-là, mais je comprends que vous souhaitez qu'ils ne soient pas adoptés. La réponse du ministre est à l'effet que, lui, il préfère les garder, mais trouver peut-être des libellés qui pourraient avoir certains compromis. C'est ce que je décode, en tout cas. Pensez-vous la même chose?

M. Ponton (Gérald A.): Nous serons toujours disposés à lire les amendements article par article que le ministre déposera, mais, pour l'heure, nous ne pensons pas qu'il y ait péril en la demeure et ces articles-là pourraient ne pas faire l'objet d'inclusion dans le projet de loi final.

M. Marsan: Une autre question, M. le Président; c'est toujours par rapport à l'harmonisation. On espère tous qu'il pourra y avoir harmonisation avec le projet de loi C-71 du gouvernement fédéral, mais l'hypothèse est toujours plausible qu'il n'y en ait pas, d'harmonisation. À ce moment-là, qu'est-ce que vous allez recommander à vos membres de suivre, la loi fédérale ou celle du gouvernement du Québec?

M. Ponton (Gérald A.): Vous savez, les entreprises sont maîtres de leurs décisions, M. Marsan, et ce n'est pas moi qui vais leur dire de se conformer à l'une ou à l'autre, mais c'est bien évident qu'elles auront à se conformer aux deux réglementations, avec les conséquences que ça a sur l'investissement et sur l'emploi. En d'autres termes, lorsque des projets de modernisation d'équipement se présenteront, bien, ce n'est pas évident que ce sera la juridiction québécoise qui pourra en hériter, parce que les entreprises évaluent les impacts des investissements qu'elles font, leur rentabilité, en fonction des normes et des lois applicables. Et, malheureusement, avec la mondialisation, la planète est ouverte et il y a beaucoup de pays qui sont prêts à accueillir beaucoup d'investissements. Les décisions des entreprises se prennent dans ce contexte-là, sans pour autant dire que ça ne sera pas le Québec ou ailleurs. Mais il y a un phénomène de mondialisation qui vient brasser les cartes au niveau des pays disponibles pour recevoir des investissements.

M. Marsan: Un dernier commentaire, M. le président, non pas une question. Je demeure toujours intrigué par l'affirmation que vous avez faite à l'effet qu'il y aurait une étude d'impact qui ne serait pas portée à la connaissance des parlementaires. Alors, comme vous, j'espère qu'on pourra clarifier ce dossier. Vous avez fait la demande au président, alors c'est à suivre. Je vous remercie, M. Ponton.

M. Ponton (Gérald A.): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci beaucoup. Ce que je décode en prenant le temps de lire votre mémoire, c'est que, finalement, vous nous mettez en garde contre les excès de zèle que le gouvernement pourrait faire. Vous avez des craintes dans la réglementation excessive et, par le fait même, il faudrait retarder l'adoption du projet de loi. Moi, j'ai un peu de misère avec ça, parce que ça me fait référence au laisser-faire non interventionniste, et ça, ça me dérange un petit peu. Moi, je pense que, quand on est élu, c'est pour prévenir l'avenir, et il faut aussi orienter et prendre des décisions.

Le gouvernement doit prendre des responsabilités, comme en environnement, comme en sécurité publique ou autres. Il y a une orientation, il y a une décision, puis il faut qu'il intervienne. On ne peut pas laisser aller continuellement les choses. Puis même ici, en commission parlementaire, il y a certains employeurs qui nous demandent d'encadrer. Parce que ce n'est pas aussi facile qu'on pense, de gérer le personnel en disant: Écoute, là tu as le droit, là tu n'as pas le droit. Puis ça fait de la chicane, ce n'est pas bien, bien mieux non plus. Un encadrement, plusieurs nous en demandent un aussi. C'est dans ce sens-là qu'il serait important qu'ils nous demandent: Agissez, puis ça presse parce que c'est important.

Enfin, j'aimerais connaître de votre part si vous avez eu aussi certains de vos employeurs, certains de vos membres qui vous demandent un certain encadrement, «puis ça presse, là».

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, je pense que c'est le privilège de l'Assemblée nationale et de ses commissions de voter des lois. Ça, c'est un privilège que je ne conteste aucunement. D'ailleurs, ma présence ici atteste de ce fait-là. Sauf que ce qu'on vous demande aujourd'hui, ce n'est pas de ne pas adopter la loi. Je pense que la loi, on l'a dit, on la supporte puis on appuie cette dynamique-là, même d'interdire de fumer dans les lieux de travail. On appuie cette initiative-là. Mais ce qu'on vous précise, c'est que l'urgence d'agir, dans 28 et 29, elle n'est pas là, elle n'est pas immédiate. Et comme, à notre avis, M. le ministre, l'étude d'impact sur 28 et 29, aux termes de 3a, b, c, d de l'arrêté en conseil adopté par le Conseil des ministres qui dit: «L'étude d'impact doit:

«a) démontrer qu'il existe une situation problématique, décrire son ampleur sous l'angle des citoyens et des clientèles visés et signaler les insuffisances du droit existant, le cas échéant;

«b) démontrer que pour résoudre cette situation, des solutions non législatives ou réglementaires, telles l'information, l'éducation ou des mécanismes de type marché, ont été envisagés au même titre que la solution projetée;

«c) faire état des résultats de consultations menées relativement aux solutions possibles auprès des groupes concernés, notamment celui constitué par la PME;

«d) indiquer, pour chacune des solutions envisagées, les avantages escomptés et les coûts prévisibles»...

Nous, ce qu'on vous dit, M. le député, c'est que les impacts a, b, c, d, tel que prévu par l'arrêté en conseil voté par le Conseil des ministres, sur 28 et 29, n'ont pas été réalisés. Compte tenu de ça, comme il n'y a pas péril en la demeure, c'est de surseoir à l'adoption de ces deux articles-là mais de procéder avec le reste. Parce que, encore une fois, je pense que l'Assemblée nationale est souveraine pour adopter des projets de loi qu'elle décide, mais il faut qu'elle le fasse, à notre avis, en tenant compte de la compétitivité puis de la croissance économique et de la préservation des emplois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Désilets: Oui, ça va, mais c'était juste pour au moins mentionner aux téléspectateurs que l'article 28, ça concerne l'emballage, et le 29, c'est la composition des cigarettes comme telle. Juste pour qu'on se mette dans le portrait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Tout simplement, je vais revenir, parce que j'ai noté aussi que vous étiez d'accord avec l'objectif de santé publique dans le projet de loi, particulièrement empêcher nos jeunes de commencer à consommer des produits du tabac ou encore les empêcher s'ils ont commencé. Et aussi, il y a la partie de la législation en milieu de travail.

Je regarde votre recommandation 2, c'est l'article 2, alinéa 8°, et vous parlez d'un vide juridique possible si l'un vient avant l'autre. Pourriez-vous simplement nous clarifier la sorte de vide juridique? Vous semblez dire que le règlement devrait être adopté en même temps que la loi, dans ce cas-ci. Qu'est-ce qui arrive si ça ne l'est pas? Juste une clarification, s'il vous plaît.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, c'est que la loi interdirait de fumer dans un lieu de travail alors que le règlement donnerait les conditions en vertu desquelles ce serait possible de le faire, avec le fumoir. Donc, on ne peut pas adopter 2, 8° sans que 12 vienne en même temps, parce que là on crée un vide juridique où il serait illégalement interdit de fumer et, malgré les bonnes intentions du ministre, de permettre qu'on puisse le faire dans un fumoir aménagé. D'où la nécessité d'harmoniser 2, 8° avec 12 et de les adopter en même temps.

M. Marsan: C'est-à-dire qu'il y aurait une partie de la réglementation qu'il faudrait qu'elle arrive en même temps que la promulgation de la loi.

M. Ponton (Gérald A.): Sinon, on serait tous dans l'illégalité, puis ce n'est pas ce que le ministre poursuit, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le ministre.

M. Rochon: Oui, encore là-dessus. Je voudrais au moins qu'on se comprenne sur un minimum. On peut toujours finir par s'entendre qu'on ne s'entend pas, mais au moins se comprendre sur la cohérence de ce dont on discute. Bon.

(20 h 20)

Est-ce qu'on doit réglementer avant de faire la loi pour être sûr que la loi va être appuyée par des règlements qui sont ceux qu'on veut qu'on ait? À chaque fois qu'on vient, on reprend toujours cette discussion-là. Tout ce qu'on essaie de faire ici, c'est de dire: Il faut d'abord que la loi détermine qu'est-ce qui pourrait être réglementé et comment.

D'ailleurs, si on prend l'article 3, l'exemple que vous donniez pour la question des fumoirs qui peuvent être aménagés, l'article 3, dans son deuxième paragraphe, donne déjà un certain nombre d'indications qu'on ne parle pas de n'importe quoi comme fumoirs. Il est même fait un peu, si je le lis bien, dans le sens de ce que vous disiez, qu'on peut s'attendre qu'on va devoir avoir des règlements qui décrivent un résultat qu'on veut obtenir plutôt que des procédés tatillons. Parce qu'on dit: «Ces fumoirs ne doivent être utilisés que pour cette fin et doivent être munis d'un système de ventilation assurant que la pression de l'air est négative et permettant l'évacuation directe de la fumée vers l'extérieur du bâtiment.» Ça décrit très bien de quoi il s'agit, de quoi on parle, puis là, bien, on peut s'attendre qu'une réglementation va venir déterminer plus comment on procède pour faire ça. Là il faut se faire un minimum confiance, que le règlement ne viendra pas tout bousiller l'intention qui est donnée là-dedans.

Mais continuons aussi sur la fameuse question de l'étude d'impact. Supposons qu'on enlève 28 et 29 et, éventuellement, dans un an, deux ans, quatre ans, le gouvernement réalise qu'il aurait besoin de réglementer. Alors, pour pouvoir faire un règlement, il faudra d'abord qu'il en ait le pouvoir. Alors, il faudra qu'il amende la loi pour se donner le pouvoir de le faire. Mais là on recommencerait la même discussion qu'on a ce soir. On dirait: On ne peut pas faire ça dans la loi, on n'a pas l'étude d'impact sur le règlement. Bien, tu ne peux pas avoir une étude d'impact sur un règlement que tu veux faire si tu n'as pas le pouvoir de faire le règlement.

D'ailleurs, si je ne me trompe pas – j'essayais de vérifier ce à quoi vous vous référez, le décret qui établit les règles de jeu – est-ce que ça ne dit pas justement que ce n'est pas juste pour une loi, mais que, si le gouvernement veut réglementer et qu'il peut y avoir, pour son règlement, un impact au-delà de – puis il y a des limites qui sont données – il doit procéder à une étude d'impact? Moi, j'ai l'impression que les balises sont déjà là, si je ne suis pas mal informé, qu'il faut d'abord décider que, si on pense qu'on doit réglementer éventuellement, qu'on peut devoir réglementer, d'abord, premier geste; il faut que le pouvoir réglementaire existe. Autrement, on va reprendre la même discussion. On ne peut pas se mettre à faire un règlement puis des études d'impact sur un règlement si on n'a pas le pouvoir de le faire.

Le pouvoir étant fait, il y a des balises qui existent pour dire: Le jour où vous voudrez réglementer, là il faudra faire une étude d'impact si les impact prévisibles ont telle, telle, telle caractéristique. Alors, j'ai l'impression qu'on n'essaie pas de dire différemment, qu'on est d'accord que tu ne peux pas faire des règlements sur des sujets importants sans que les étapes nécessaires aient été faites, mais il faut d'abord faire une première étape qui est la loi. Puis, éventuellement, si on décide de réglementer, là ce sera le temps de faire l'étude d'impact, puis on a déjà des balises qui nous prescrivent ça. Non?

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, je me dois d'être en désaccord avec le ministre, parce que ce n'est pas moi qui l'ai adopté, l'arrêté en conseil, c'est votre gouvernement, M. Rochon. Et là-dedans, on dit: À l'adoption de normes de nature législative ou réglementaire. Si on disait juste «réglementaire», vous auriez raison.

M. Rochon: Non, mais «ou», «ou».

M. Ponton (Gérald A.): Mais on dit «de nature législative...

M. Rochon: Ou réglementaire.

M. Ponton (Gérald A.): ...ou réglementaire». À titre d'exemple, dans l'étude d'impact du professeur Crémieux, vous précisez le coût de construction des fumoirs, mais vous n'évaluez pas l'impact de 28 et 29. Alors, dans le cas des fumoirs, vous n'avez pas plus de règlement, mais vous évaluez le coût de construction. Puis, dans 28 et 29, l'étude ne dit mot.

Moi, M. le ministre, je vous dis que le procédé que vous...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il faut que vous vous adressiez au président, tel que nos règles le veulent bien.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, je suggérerais de dire au ministre qu'on devrait...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ponton (Gérald A.): ...amender la loi, déposer un règlement et déposer l'étude d'impact en même temps. C'est la façon dont, je pense, on devrait fonctionner si on veut respecter l'esprit et le consensus du Sommet. Ce n'est pas l'Alliance, au Sommet, qui a proposé ça, les études d'impact sur toutes les lois et tous les règlements adoptés au Québec, sauf les lois de nature fiscale avec des impacts de 10 000 000 $ et plus, c'est l'ensemble de la société qui était présente, une centaine de personnes autour de la table. Et, moi, je vous dis, je m'en fais l'écho aujourd'hui, que, si on l'a décidé, on devrait au moins l'appliquer.

M. Rochon: Un dernier commentaire, parce que j'ai l'impression qu'on essaie de dire la même chose. Législative ou réglementaire. Dans le projet de loi qui est ici, par exemple, la loi décide, pour les restaurants – je prends cet exemple-là – qu'il devra y avoir des aires non-fumeurs fermées, et le reste. Alors, là, c'est la loi, c'est la législation qui décide et il a fallu que l'étude d'impact s'adresse à ça parce que c'était dans la loi.

Ce n'est pas le règlement, éventuellement, qui va décider si les restaurants devront ou non avoir des aires fumeurs, non-fumeurs. La loi dit: Ils devront en avoir. Donc, l'étude d'impact devait regarder ça. Dans le cas de 28 et 29, la loi ne dit pas qu'on a des règles de jeu... On ne met pas des règles de jeu différentes sur la production ou la composition. On dit: Éventuellement, on pourra réglementer. Alors, là, c'est le «ou réglementaire» qui s'applique.

Dans le cas où la loi dit: Il faut faire telle chose, donc, l'étude d'impact doit être faite avant la loi. Si on dit: Éventuellement, par règlement, on pourra, bien, là, ce n'est pas législatif, c'est le réglementaire qui s'applique. Non?

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, est-ce que M. le ministre serait prêt à amender 28 et 29 pour dire «sujet à la production des études d'impact appropriées»? Il va probablement me dire non parce que c'est limiter l'autorité de l'Assemblée nationale.

Mais, moi, je dis, M. le Président, au ministre que la conséquence de 28 et 29, ça va être de maintenir une épée de Damoclès sur des normes possibles qui peuvent venir changer l'organisation de la production dans une usine, et je vous dis que ce n'est pas sain pour l'investissement puis la promotion des emplois dans le secteur manufacturier. C'est ce que je vous dis, M. le ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. On va continuer sur la lancée, M. Ponton, parce que je pense qu'on touche un point qui est important. Je comprends bien que vous défendiez qu'on ait les règles les plus souples possible pour les entreprises. Je pense que c'est votre rôle et, si je ne me trompe pas, à chaque fois que je vous ai entendu intervenir, c'était plutôt pour nous mettre en garde contre une réglementation trop sévère qui nuise à la compétitivité. Je pense que c'est le discours que vous tenez, et je le reconnais bien, et je le comprends.

En même temps, il me semble que, si on veut un projet de loi qui ait un peu de caractère – si on peut dire ça pour un projet de loi – il faut bien qu'il légifère pas simplement en ce qui concerne les lieux où on peut ou ne peut pas fumer; il faut aussi qu'en amont il légifère sur les produits et sur la présentation des produits, sinon ce serait un projet de loi qui essaierait, en aval, de régler des problèmes mais qui n'aurait pas vu ou qui n'aurait pas éventuellement de prise sur l'origine des problèmes.

Ce que je comprends, c'est que l'article 28 dit que le gouvernement peut déterminer des règles concernant l'emballage et la présentation. Donc, il pourrait éventuellement les modifier par règlement, sans toucher à la loi, mais en s'adaptant... Comme on l'a fait, d'ailleurs. Si on regarde la réglementation concernant l'emballage quand, nous, on était jeunes – je suppose qu'on a été jeunes à peu près au même moment – on avait une réglementation qui était beaucoup plus discrète en ce qui concerne l'emballage, alors que nos enfants, s'ils fument, ils ont vraiment un emballage qui est beaucoup plus parlant pour ce qui est des risques associés au tabagisme. Donc, la réglementation, elle peut évoluer avec différents types de sensibilisation.

La même chose pour la composition. Ce qu'on dit ici, c'est qu'il faut qu'un projet de loi, pour qu'il ait un peu de dents, puisse légiférer sur la composition quand on jugera que c'est important. Je comprends bien que vous disiez: Ça peut être une norme inquiétante pour l'industrie du tabac. D'ailleurs, ils sont venus nous le dire, puis je pense que vous avez sûrement entendu parler de leurs commentaires. Ils sont venus nous dire, même, qu'éventuellement, s'ils ne pouvaient plus faire d'affaires ici, ils verraient s'ils pourraient en faire ailleurs. Mais je ne vois pas comment on pourrait, dans un projet de loi qui est fait au nom de la santé publique, légiférer quant à la production et à la consommation de tabac, éliminer ce qui touche, donc, à l'origine même du problème... Si on enlevait ça, moi, je pense qu'on aurait un trou énorme et qu'une réglementation postérieure ne pourrait probablement pas arriver à corriger.

Alors, bien sûr, on ne vous donne pas le détail ici, parce que c'est une réglementation qui, d'ailleurs, pourrait se faire avec des études d'impact plus spécifiques, plus approfondies, le cas échéant. Mais, à ce moment-ci, il me semble que, pour avoir un projet de loi qui se tienne, il faut parler de ce qui est à 28 et 29 dans ces termes-là, assez globaux, mais, en même temps, on comprend bien ce que ça veut dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ponton.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, moi, je n'ai pas de problème en autant que l'étude d'impact évalue les conséquences économiques puis que l'Assemblée nationale décide une fois qu'elle aura été saisie des conséquences économiques des décisions qu'elle prend. Je n'ai aucune espèce de problème, si c'est le choix démocratiquement que nos élus prennent, puis tout le monde va s'y conformer. C'est ça, les règles dans notre société.

Sauf que 29 dit «les produits fabriqués au Québec». Pourquoi ne pas dire «les produits du tabac», point? Puis les produits qui sont faits au États-Unis, qui sont faits en France, les Gauloises, les Winchester, «whatever», qui sont produits aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, quand ils sont vendus chez nous, ils doivent respecter des normes de façon à ce qu'il y ait un équilibre qui se fasse.

Là, vous identifiez «fabriqués au Québec». Qu'en est-il des produits importés, qui viennent d'ailleurs? On ne pourra pas les vendre parce qu'ils ne respectent pas les normes? Alors, peut-être que 29 gagnerait à être explicité davantage ou amendé pour dire «les produits du tabac en général». Pourquoi cibler les produits fabriqués au Québec puis pas fabriqués aux États-Unis, ou fabriqués en France, ou ailleurs?

(20 h 30)

Alors, il y a des problèmes, dans le texte de loi, qui n'ont pas été, à notre avis, M. le Président, quantifiés et évalués correctement par l'étude du professeur Crémieux, qui est bien faite mais qui n'est pas complète parce que, encore une fois, elle ne respecte pas les principes que le Conseil des ministres lui-même s'est donnés pour évaluer les impacts des normes législatives ou réglementaires. Ce n'est pas moi qui ai adopté ça, madame, ça a été publié dans la Gazette officielle du Québec puis c'est disponible pour tous les citoyens du Québec qui en font la demande. Alors, moi, M. le Président, je vous soumets bien humblement qu'il n'y a pas péril en la demeure et, s'il y a péril, qu'on étudie les impacts que 28 et 29 amènent puis que, en dernier lieu, on limite ça aux produits du tabac et non pas uniquement aux produits fabriqués chez nous, parce que, de la façon dont 29 est structuré, ça s'applique uniquement aux entreprises du Québec, et ça, je trouve que c'est un non-sens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, Mme la députée?

M. Ponton (Gérald A.): M. Dussault... M. le Président, M. Dussault aimerait rajouter un mot.

Mme Malavoy: Je ne m'attendais pas arriver à une harmonisation totale, alors ça va aller pour le moment.

M. Rochon: Mais on s'achemine, on s'achemine.

Mme Malavoy: On progresse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais on reconnaît tous quand même que le but de faire des auditions, c'est justement de consulter les gens qui viennent nous voir. Alors, on est très ouvert, dans ce sens-là. Oui, M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): Oui, pardon. Pour préciser aussi, c'est le rôle, c'est le but de l'étude d'impact de démonter qu'il existe une situation problématique, d'analyser la nécessité de réglementer, et même pour les pouvoirs de réglementer. Donc, vous voyez bien, dans la description de ce que doit contenir l'étude d'impact, qu'il aurait fallu une étude d'impact sur les articles 28 et 29.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, nous recevons vos remarques. Là-dessus, ça termine cette audition-ci, et, en vous remerciant au nom des membres de la commission, j'invite les représentants et la représentante de l'Association régionale du sport étudiant de Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. Nous recevons maintenant l'Association régionale du sport étudiant de Québec. Je vous salue au nom des membres de la commission, et, M. Lépine, c'est vous qui allez nous présenter les gens qui vous accompagnent, est-ce que c'est vous aussi qui débutez le mémoire?

M. Lépine (Gilles): Je vais, oui, le commencer, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, allez-y.


Association régionale du sport étudiant de Québec inc. (ARSEQ)

M. Lépine (Gilles): Alors, sans plus tarder, bonsoir. Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. On est un peu nerveux, une première fois dans une telle commission. Il me fait grandement plaisir ce soir de venir vous parler au nom des jeunes, du sport et de la santé.

Donc, mon nom est Gilles Lépine. Je suis directeur général du Sport étudiant de la région de Québec et porte-parole pour la Fédération québécoise du sport étudiant, donc pour l'ensemble de la province. J'ai avec moi M. Michel Beauchemin qui, lui, est porte-parole pour la Coalition Chaudière-Appalaches/Québec contre le tabagisme et pour la santé. Aussi, en l'absence d'Isabelle Côté, notre porte-parole, qui, malheureusement, avait de la mortalité dans sa famille, nous avons avec nous Marie-Josée Pineau, qui remplace donc, comme porte-parole des jeunes, Isabelle Côté.

Sans plus tarder, un bref aperçu de ce que c'est que le Sport étudiant et la Coalition. En quelques minutes, en à peu près 120 secondes, je peux vous dire que le Sport étudiant, ça regroupe tout ce qu'il peut y avoir comme écoles dans la province au niveau du sport, que ce soient les 740 écoles secondaires, les 2 300 écoles primaires, les 65 collèges et les universités, ce qui totalise, vous le savez, au-delà de 1 500 000 jeunes Québécois âgés entre cinq ans et 25 ans.

On a aussi la Coalition régionale qui, elle, regroupe plus de 80 organismes dans la région de Québec– Chaudière-Appalaches. Nous sommes, depuis trois ans, les deux organismes, très actifs au niveau des jeunes et dans la lutte au tabagisme. Dans un premier temps, nous voulons féliciter le gouvernement et M. le ministre pour ce dépôt de loi. Nous sommes tout à fait en accord avec cette loi et nous espérons qu'elle pourra passer pour le bienfait des jeunes.

Je prendrai donc la parole pour introduire, dans un premier temps, l'impact de la commandite chez les jeunes, qui est certain, et je pense que vous en êtes tous conscients maintenant. On a bien tenté longtemps de faire croire que la publicité et la commandite n'avaient pas d'impact chez les jeunes, mais on le réalise, surtout lorsqu'on voit que, dans les quatre dernières années, on a pu passer de 18 % à 38 % de jeunes fumeurs.

Vous savez, le Sport étudiant, un organisme qui existe depuis 30 ans, on lutte pour que les jeunes soient dynamiques, soient en santé, aient une meilleure qualité de vie. On réussit, quand ça va bien, à avoir à peu près entre 35 % et 40 % de jeunes qui font du sport dans les écoles, et on en est très fiers. Et notre principal concurrent, c'est le tabac. Lorsqu'on est rendu à 38 % d'adeptes de cette activité parascolaire, c'est inquiétant.

Nous avons d'ailleurs, l'Association régionale du sport étudiant, lancé une étude auprès de 42 écoles primaires de la région Québec–Chaudière-Appalaches, donc 42 institutions où nous avons rejoint plus de 3 931 jeunes qui viennent de cinquième et sixième primaire, et nous leur avons posé certaines questions. De ces questions, quelques-unes touchaient effectivement le tabac. Une de ces premières était: Est-ce que vous avez essayé le tabac et à quel âge? Et les réponses nous ont un petit peu foudroyés. Donc, c'est 24 % des jeunes qui ont répondu que, oui, ils ont essayé le tabac, et ce, avant leur séjour au primaire.

Vous devez considérer qu'ils l'ont rempli devant leur enseignant en éducation physique. Peut-être par une certaine timidité, certains n'ont pas complété le questionnaire. Et d'autres – il faut comprendre aussi que ça s'est rempli en janvier et février – il leur restait encore quatre mois ou cinq mois de vie active à l'école primaire, où on tente bien des choses avant le secondaire. Donc, c'est un minimum, et un minimum – je souligne le mot – de 24 % de jeunes qui essaient la cigarette avant leur séjour au primaire. Pour un produit défendu avant 18 ans, ce qui est quand même inquiétant.

Nous avons aussi posé des questions, à savoir quelle était leur vedette sportive. Vous avez bien compris que, par là, on voulait savoir quel était, par exemple, l'effet Jacques Villeneuve. Bien sûr, le hockey, notre sport national, est, loin devant, le premier. Bravo! Et, chez les jeunes garçons de cinquième, sixième année, ce qu'on réalise, c'est que, finalement, même devant l'effet Michael Jordan, le basketball, qui est présent partout, dans toutes les écoles à peu près du Québec, c'est Jacques Villeneuve qui l'emporte. Alors, c'est un petit peu paradoxal, quand vous savez pertinemment que le hockey, il y en a partout dans les arénas, un peu partout dans les paroisses, que du basketball, il y en a dans les écoles, dans toutes les rues, mais des circuits de formule 1, il n'y a pas partout, dans toutes les cours d'écoles, croyez-moi. Donc, c'est vraiment l'effet commandite promotionnelle de cet événement-là qui fait de notre héros national, qui, au plan sportif, le mérite très bien... Donc, ce type de héros, pour les jeunes, est une belle idole à regarder.

Toutefois, lorsqu'on compare le message qu'il projette devant les jeunes, ce n'est certainement pas Le lait franchement meilleur qu'il a d'écrit dans le front, mais bel et bien le Fumez pour le plaisir . Et, quand on sait que lui ne peut pas se payer le loisir de fumer – vous ne pouvez pas maintenir 185 de pulsations cardiaques pendant deux heures et quelques de course et ne pas être en forme, vous ne pouvez pas vous permettre ça – donc, il passe un message qui est tout à fait contradictoire avec les millions qu'il empoche avec les gens de l'industrie du tabac. Donc, ça commence à être inquiétant pour nous.

Donc, on travaille énormément fort auprès des jeunes. On tente effectivement, avec nos tire-pois contre les bazookas des entreprises, de parer et de faire des actions qui soient constructives et efficaces auprès des jeunes. Nous avons lancé des pétitions, etc.

Mais, sans plus tarder, j'aimerais passer la parole à notre représentante des jeunes pour ce soir. Donc, au nom d'Isabelle Côté, je demanderais à Marie-Josée Pineau de bien vouloir nous livrer le mot d'Isabelle et peut-être son mot personnel, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mlle Pineau, tout en vous souhaitant la bienvenue à votre première fois.

Mme Pineau (Marie-Josée): Merci. O.K. Bien, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, à la demande d'Isabelle, j'aimerais lire ce qu'elle aurait bien aimé vous adresser ce soir.

Si je suis présente ici aujourd'hui, c'est pour vous dire au nom des jeunes qu'il est temps de promouvoir la santé. Selon moi, ma génération et celles qui ont précédé ont grandi avec l'idée que la cigarette était quelque chose de tout à fait normal et, encore plus, quelque chose d'associé au plaisir, à la fête ainsi qu'à des événements sportifs et culturels qui sont souvent très appréciés par les jeunes. Nous avons été avant tout incités à fumer bien avant d'avoir été informés ou d'avoir réalisé les conséquences de la cigarette au point de vue de sa dépendance et des maladies parfois mortelles qu'elle peut causer. Ce que je souhaite, c'est que les jeunes soient plutôt incités davantage à se préoccuper de leur santé et qu'ils soient informés sur la façon de la conserver au lieu de la détruire. Donc, quel beau moyen de véhiculer ces messages par le sport et la culture. Puisque cette occasion s'offre à nous, alors agissons.

(20 h 40)

En terminant, j'aimerais peut-être juste souligner que, bien que ce texte ne soit pas le mien, je suis totalement en accord avec les idées d'Isabelle. Puis, si je peux me permettre de dire mon opinion, j'aimerais peut-être juste insister sur l'illogisme de l'association du tabac avec le sport, parce que, bon, pour moi, le sport, c'est le symbole de la santé, c'est le symbole du bien-être, tandis que le tabac, c'est tout à fait le contraire, ça peut justement détruire la santé et le bien-être que tout le monde recherche. En plus, cette association, je pense que c'est inconcevable parce que, bon, ça atteint les jeunes non seulement parce que ça les incite subtilement à fumer, mais ça peut les inciter, par exemple, à choisir telle ou telle marque de cigarettes juste parce que, bon, leur héros est le porte-parole d'une telle sorte de cigarettes.

En plus, je pense que ça normalise le fait de fumer en banalisant les effets, les impacts que ça a sur la santé. Puis je pense que c'est tout à fait normal, on voit un sportif avec un paquet de cigarettes à la main ou presque, on est loin de voir un poumon malade ou un cancéreux sur son lit de mort. Je pense que ça ne donne pas une image de la réalité, de ce que l'impact de la cigarette est pour la santé. Donc, je pense qu'il faut agir, il ne faut pas laisser faire ça. Et quels moyens qu'on pourrait utiliser? Bien, je pense que, en sensibilisant les jeunes à conserver leur santé, il n'y a pas un meilleur moyen de le faire qu'en les sensibilisant au sport puis à la culture. Donc, je pense qu'il faut agir vraiment. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. La glace est brisée.

M. Lépine (Gilles): Alors, si je me permets de continuer, je peux vous dire que, effectivement, donc, l'Association régionale du sport étudiant et la Coalition, nous avons lancé un vaste mouvement dans l'ensemble des écoles secondaires, collégiales, universitaires de la province. Nous avons recueilli plus de 34 000 signatures. Il y a une pétition qui a été remise. Vous avez d'ailleurs, en page 12 du mémoire qu'on vous a déposé, la photo d'Isabelle remettant formellement, donc, au vice-premier ministre de la province, M. Landry, ces 34 000 signatures qui disent que les jeunes veulent qu'on utilise des sous pour faire la promotion de la santé, un peu à l'instar de ce qui se passe en Australie.

Là-dessus, je passerais la parole à M. Beauchemin pour nous parler du besoin d'avoir un fonds au Québec.

M. Beauchemin (Michel): Bonsoir, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. M. Lépine vient de vous le signaler, il y a une pétition qui a circulé, qui a été déposée en main propre à M. Landry au lendemain de l'annonce qu'il a faite concernant le 12 000 000 $ qu'il se préparait à réserver pour l'éventuel projet de loi.

En fait, la question qu'on s'est posée dans le débat qui a été tenu autour de l'adoption du projet de loi C-71, un projet de loi fédéral, c'est: Où sont les jeunes? Comment peut-on les impliquer? Et quels points de vue peut-on aller chercher et essayer de les mobiliser sur un dossier à première vue pas si intéressant que ça pour faire des manifestations? Et ce qu'on leur a proposé, c'est une approche positive du dossier. Et je vous lis simplement la partie de la pétition qui dit: «Ce que nous voulons, nous, soussignés: que le gouvernement du Québec récupère à même l'industrie du tabac 60 000 000 $ pour la commandite d'événements sportifs et culturels associés à la prévention du tabagisme chez les jeunes.»

Les jeunes, ils ont besoin de cohérence, on l'a dit, pas d'incohérence. Ils ne sont pas fous, ils les aiment, les événements culturels et sportifs. Ils sont aussi intelligents que tout adulte. Si on leur dit que, en voulant régler un problème de santé publique, on va détruire des institutions, ils n'embarquent pas. Mais, si on leur dit: Donnons-nous les moyens pour les préserver et allons plus loin, faisons un véritable chantier de promotion de la santé qui va viser le tabac et bien d'autres problèmes, ils embarquent. Une pétition, deux mois, 34 000 signatures. S'il avait fallu qu'elle dure un an puis qu'on n'ait pas de verglas, j'aime autant vous dire qu'on en aurait eu plus. Mais on est très content de ça, et, quand Isabelle a donné ça en main propre à M. Landry, dans le fond, elle faisait une première au Québec, ce n'était jamais arrivé.

Quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, la commandite atteint les jeunes. Si nos petits jeunes du primaire, en quatrième année, maintenant, reconnaissent en Gilles Villeneuve une idole, ils sont aussi capables de vous dire de quelles marques de produits il est porteur. Une journaliste qui m'a passé en entrevue la semaine dernière, parce qu'on a lancé ces chiffres-là publiquement dans la région, me disait: Mais, M. Beauchemin, je ne comprends pas, les jeunes d'aujourd'hui, il me semble qu'ils en ont, de l'information à l'école, il me semble qu'ils en savent plus sur les produits du tabac, mais, tout d'un coup, il y a une augmentation. J'ai dit: Madame, ce que vous perdez de vue, c'est justement ce qu'on ne voit plus, personne. C'est tellement rendu normal que, dans la forêt de la publicité et de la commandite, le tabac soit pénétré partout qu'on ne le voit plus.

Par contre, depuis deux ans au Québec, de façon systématique, on s'est organisé en lobby pour faire pression sur la santé. Et ça, on l'entend, ça, c'est nouveau. Et ce dont vous dites qu'on entend tant parler, des effets sur la santé, ça ne remonte pas à 25, 30 ans, ce n'est pas vrai. Les premières campagnes ont commencé dans les années soixante-dix, et c'étaient des nouveautés qu'on voyait ici et là. Les vrais campagnes de conscientisation et d'éducation sont à peine amorcées. Il n'existe pas encore à l'école un programme éducatif complet, et ce n'est pas les stratégies de communication publique qui arrivent une fois toutes les deux ans par le ministre de la Santé qui ont de l'effet. Ça, les jeunes, ils ne l'écoutent même pas; ce qu'ils veulent, c'est des messages qui vont passer par les événements commandités.

Au mois d'octobre de l'année passée, on a créé le Mouvement pour un fonds québécois pour la culture, le sport et la santé. On avait un seul objectif, c'est s'assurer que les événements commandités par le tabac poursuivraient l'extraordinaire performance de promotion qu'ils font, qu'on ne les laisserait pas tomber puis qu'on serait capable d'introduire dans ces événements-là de nouveaux messages associés à la santé. Ce n'est pas suffisant. Ça va prendre un fonds qui va aller plus loin que ça. Il y a beaucoup d'autres organismes, au plan local, régional, et même provinciaux, qui ont refusé la commandite du tabac. J'ai l'exemple de Go-Kart de la capitale, là, qui fait une course prochainement. Ils ont refusé. Ils ont dit: On n'ira pas chercher de l'argent de la commandite du tabac. Ils sont venus nous voir, mais, nous, on n'est pas un organisme subventionnaire.

On en a fait, un exemple, on a pris le championnat scolaire basketball midget AAA, on l'a subventionné pour 20 000 $ – on ne tombera pas en bas de notre chaise, là – pour l'événement qui s'est passé au PEPS au mois de mars. On a fait une association avec RDS puis on a vraiment monté qu'est-ce que ça donnerait, un match de basketball financé avec une perspective de santé. Vous l'avez dans les documents qui vous ont été distribués, il s'agit d'une cassette qui a 4 min 45 s. Vous regarderez ça chez vous quand vous en aurez le loisir. Dans cette cassette-là, vous allez voir les messages, vous allez comprendre c'est quoi, l'ambiance et jusqu'où on peut aller avec des événements commandités qui ont un angle de santé. Ce pourquoi on a fait ça, c'est pour illustrer. Parce que, quand on demande aux gens: C'est quoi, ça, un fonds québécois pour la culture, le sport et la santé? Ça prend des exemples concrets.

Ce qu'on vous demande, on le retrouve à la page 15 du document. On a simplement deux recommandations, et c'est sur ça qu'on voudrait échanger avec vous, et d'autres points. Ce qu'on veut particulièrement, c'est d'amender l'article 74 de la façon suivante: «...perdent une partie de leur financement», on ajoute: «Le gouvernement peut également accorder une subvention à d'autres événements sportifs ou culturels dans le cadre d'un programme gouvernemental de réduction du tabagisme.» On s'est même permis d'imaginer le nom du programme, ça s'appellerait «STOP»: santé, tabagisme, prévention. On n'a rien inventé, ce n'est peut-être pas le bon nom, mais c'est comme ça qu'on a monté notre image marketing de l'événement. Vous le retrouvez également dans une des pages du mémoire qui vous est remis.

Ce qu'on veut, c'est un programme gouvernemental de réduction du tabac qui va prévoir un fonds auquel des organismes culturels, sportifs, d'éducation et de la santé vont s'être associés, un organisme à but non lucratif. Si on veut, il y aura même un caractère de fondation. La modalité reste à trouver, mais c'est à ce mécanisme-là que l'avenir peut travailler. Et c'est ça, nous, qu'on souhaite qui soit mis en branle, et ce que la loi nous permet actuellement, c'est d'aller vers ça. Ce qu'on vous recommande dans le deuxième, c'est cette idée-là. Il faut qu'il y ait un organisme à but non lucratif formé au Québec qui prenne en charge ce fonds-là. On n'a pas voulu l'apporter en amendement, on l'a simplement mis en recommandation parce qu'on n'était pas convaincu que ça le prenait absolument dans la loi, mais l'idée est là, et ça va prendre plus que 12 000 000 $, c'est certain. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Est-ce que ça va? Il vous reste encore quelques minutes.

M. Lépine (Gilles): Non, c'est terminé. On est donc disponible pour les questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Alors, merci beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Oui. Bien, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer, d'avoir pris la peine de préparer un mémoire qui semble – on l'a regardé rapidement, là – bien étoffé et qu'on va prendre le temps de regarder plus en détail après cette rencontre.

J'aurais une première question qui n'est peut-être pas directement reliée à votre présentation, mais un peu par incidence. On a dit qu'une législation comme celle qui est proposée nous semble une pièce maîtresse importante mais qu'il faut évidemment qu'il y ait autour de ça un programme de santé publique qui comprenne l'information, l'éducation, et le reste. Avec ce que vous dites... Puis, moi, ça fait longtemps que je n'avais pas vu une étude récente pour des jeunes de moins de 12 ans, juste ce groupe-là, et c'est assez effarant. Si on sait que les jeunes de 15 ans et moins fument à peu près à 38 %, ça a doublé; 24 %, que vous nous dites, de 12 ans et moins qui fument.

Une voix: Qui font le test. Ce n'est pas des fumeurs réguliers.

M. Beauchemin (Michel): C'est ça, ils font le test.

(20 h 50)

M. Rochon: C'est ça, qui ne seront pas nécessairement des fumeurs réguliers mais qui ont essayé. Dans votre contact avec les jeunes et surtout peut-être plus les sportifs – mais, à cet âge-là, la plupart des jeunes, à un moment ou à un autre, pratiquent des sports – pensez-vous que les jeunes sont conscients, savent le risque que représente pour leur santé la cigarette? Parce que vous avez l'air de dire qu'on ne fait pas assez pour les informer, que ce n'est pas une campagne de temps en temps qui va faire la chose. Ce que vous nous dites un peu, c'est que les jeunes ne sont pas vraiment conscients de ce que ça représente. Est-ce que c'est ça?

M. Lépine (Gilles): M. le ministre, effectivement, à 11 ans, vous êtes immortel, vous êtes invincible, jusqu'à un certain point, aussi, vous essayez toutes les limites, vous essayez de briser toutes les barrières. Vous voulez vous avancer, vous voulez vous prouver que vous êtes un homme ou une femme. Et quel est le plus beau moyen que de se prendre pour un adulte? Bien sûr, je pourrais peut-être essayer la boisson, mais les règlements sont très sévères, je ne pourrais pas rentrer au dépanneur, à 11 ans, et tenter d'acheter une bière, on aurait beaucoup de difficulté. Par contre, quand on sait qu'au moins 82 % des dépanneurs, et plus, fournissent finalement des cigarettes aux jeunes ou finissent par en vendre aux mineurs, ça devient un moyen accessible de s'afficher comme un grand, et les problèmes de santé qui vont avec absolument pas. Et, moi, je serai capable, comme jeune, à 11 ans, de me décrocher finalement d'une drogue qui est aussi forte sinon plus forte que la cocaïne ou le crack, etc., comme taux d'adhérence... alors, comme de dépendance. Donc, pour les jeunes de 11 ans, effectivement, quand on dit que vous risquez de perdre huit, neuf ans de votre vie à fumer, c'est loin dans l'avenir, ça, c'est quelque chose qui n'est effectivement pas «voyable» pour eux autres.

M. Rochon: Je présume, dans les activités que vous avez, vous ne permettez pas... Au moins, vous encouragez sûrement fortement les jeunes à ne pas fumer. Ils s'y complaisent assez facilement ou s'ils trouvent le moyen de fumer en cachette?

M. Beauchemin (Michel): Nous distinguons deux groupes de population: les adolescents et les enfants du primaire. Nous, ce qu'on a regardé, c'est les enfants du primaire. Votre question, c'est: À quoi les enfants du primaire sont sensibles? Et ce qu'on réalise, c'est que la commandite se rend jusque-là, et c'est ça qui est grave, parce que, quand on demande aux jeunes – parce qu'on leur a posé d'autres sortes de questions qu'on a moins mesurées en termes statistiques, mais on est dans les écoles quasiment toutes les semaines – à quels produits réfère l'athlète, les jeunes le savent. Et on va même leur demander: Trouvez-vous ça correct que cette personne-là fasse la promotion de... Ils disent non. Mais ils répondent comme leurs parents, ce sont des enfants. Mais l'information rentre.

Quand on arrive à l'adolescence, c'est un autre phénomène qui se passe, c'est le phénomène de réaction, de contestation, le goût du risque, et là il se passe d'autres aspects. Mais, si déjà dans ma petite enfance j'ai été préparé... Parce que, dans le fond, la commandite, qu'est-ce que ça fait, ça prépare le terrain, ça ne dit pas que tout le monde va fumer. Ce n'est pas parce que quelqu'un voit du Maurier au festival qu'il va aller fumer une cigarette, c'est une aberration. Ce n'est pas ça que ça fait, ça prépare le terrain. Ça prépare la clientèle, d'autant plus qu'ils commencent tous à fumer en dedans de l'âge de 20 ans. Mais ça se prépare tout jeune. Une paire de souliers Nike, si on peut l'introduire chez un enfant de cinq, six ans, vous pouvez être garanti que, à l'âge de 15, 16 ans, les Nike, il va s'en souvenir. C'est la même chose avec le tabac. Donc, ceux qui, rendus à l'adolescence, vont avoir le goût du risque, ils connaissent déjà leur marque, ne vous en faites pas. C'est de même que ça se passe. Ça n'a pas d'effet, la commandite? Je me le demande.

Puis là ce qui m'inquiète encore plus, c'est que les commandités du tabac, qui sont venus vendredi dernier, nous disent: On a besoin de cinq ans parce qu'on va tous sortir en même temps puis on va s'ajuster. Est-ce que je suis en train de comprendre qu'ils nous demandent que, encore pendant cinq ans, on va faire de la commandite de ce produit-là? Ça, ce que ça veut dire, c'est que les enfants de quatre ans aujourd'hui vont savoir quoi fumer dans cinq ans. Je vais vous dire, comme intervenant dans une école, comme parent, j'ai comme une perte de moyens là-dessus, je me dis: Sibole! j'ai beau faire la meilleure éducation chez nous, mais il y a en quelque part quelque chose que je ne contrôle pas.

Évidemment, on ne contrôlera pas tout, puis ce n'est pas ça, l'idée, mais le tabac est un produit légal dangereux qui exige des mesures très sévères et explicites. C'est ça, le contrôle d'un produit. C'est pour ça que votre projet de loi est là, qu'on l'appuie puis qu'on vous dit: Ce que vous avez suggéré, de deux ans avec, après ça, un ajustement à trois ans, c'est parfait. Tenez votre bout, c'est excellent. Parce que, nous autres, là, deux ans... Si on s'en va sur cinq ans pour entendre encore de la promotion, là, bien, c'est ça, on ira chercher d'autres sondages dans cinq ans puis on s'apercevra qu'il y en a encore plus qui connaissent Gilles Villeneuve puis Carpentier, et d'autres, puis ça va être tout correct, ça va faire partie de notre société. On a un problème avec ça parce que nos mesures d'éducation n'ont pas d'efficacité aucune. On n'est pas capable, dans les écoles, actuellement, d'arriver avec des programmes qui font arrêter et baisser le taux de tabagisme. On est menotté actuellement, et à raison, parce qu'on n'a pas les moyens pour travailler. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, ça va?

M. Rochon: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, à mon tour de vous remercier bien sincèrement pour une présentation vraiment des plus intéressantes. Alors, merci, M. Beauchemin, M. Lépine et vous aussi, Marie-Josée, et vous allez transmettre nos remerciements à Isabelle également. Peut-être un petit commentaire à vous: La valeur n'attend pas l'âge. On vous remercie, vous faites une excellente présentation, et votre témoignage est quand même très important pour nous.

Ma première question: Je pense que tout le monde est d'accord – et vous aussi – sur l'objectif du projet de loi: d'empêcher les jeunes de commencer à consommer ou de les arrêter. Est-ce que vous pensez que le projet de loi dans sa forme actuelle, tel qu'il est rédigé et, supposons, qu'il est appliqué... Est-ce qu'on atteint vraiment l'objectif qu'on s'est fixé puis que nos jeunes, ils ne fumeront plus dans les années à venir, ou est-ce qu'il faudrait associer d'autres décisions, d'autres moyens, en plus du projet de loi, pour y arriver?

M. Beauchemin (Michel): Je peux me permettre de donner un élément de réponse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Michel): Dans la littérature, M. le Président, ce qu'on apprend de plus en plus, c'est que, pour s'attaquer à un problème aussi complexe que le phénomène du tabagisme, il faut l'attaquer de tous les fronts en même temps. Les jeunes qui vont avoir commencé à fumer et qu'on n'aura pas réussi à influencer assez fort, plus tard, quand ils vont arriver dans les milieux de travail et ailleurs, ils vont être contraints d'aller fumer à l'extérieur. L'approche environnementale est efficace, l'approche financière est efficace, l'approche de restriction, d'être pris. Tu sais, un jeune de 12 ans, quand il sait que, s'il se présente au dépanneur, il va se faire virer de bord – puis de 14 ans – bien, il y en a que ça les décourage assez, puis ils se disent: Moi, je ne fume pas, c'est trop compliqué. C'est tout ça qu'on cherche. Il y en aura toujours, des jeunes qui vont fumer, c'est certain. On ne veut pas empêcher tous les jeunes, on veut en avoir le moins possible. Quand on sera rendu à 10 %, là on va avoir gagné une grosse victoire.

Ce projet de loi met sur la table le chantier dans lequel il faut s'embarquer. Il manque des moyens. Nous autres, on vous dit: Ça va nous prendre un fonds au moins de 60 000 000 $ si on veut gagner une bataille comme celle-là, puis à tous les ans pendant 10, 15, 20 ans. Si l'industrie met 60 000 000 $ au Canada, c'est parce qu'elle a compris que ça valait la peine de préparer sa clientèle. On vous demande la même chose. On est des commandités de la santé, on a besoin d'argent.

Et M. Létourneau a dit quelque chose de fort intéressant vendredi. Il a dit: On a un problème avec plusieurs compagnies ou l'industrie. Ils n'ont pas saisi tout à fait le rôle de ce que peut faire une commandite. Je suis d'accord avec lui, mais, moi, j'aimerais ça, faire un bout avec lui au cours des cinq prochaines années pour en trouver d'autres. Je suis convaincu qu'on va en trouver d'autres. Mais c'est vrai que ce n'est pas donné à toutes les industries d'avoir expérimenté cette partie-là, parce que ce n'est pas toutes les industries qui visent les jeunes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lépine, un commentaire additionnel?

M. Lépine (Gilles): Oui. Bien, j'allais dire, effectivement, que ça nous a pris presque 20 ans à atteindre le taux qu'on avait en 1991, à peu près 18 %. Et, en moins de quatre ans, on a démoli à peu près tout ça, vous le savez, avec l'expansion qu'il a pu y avoir, la commandite, l'«exposure», finalement, de la cigarette, la normalisation pour les jeunes. Il est normal de voir une jeune fille de 13 ans fumer dans la rue. Si elle se promenait avec un verre de bière, on la ferait presque arrêter immédiatement. Pourtant, les deux produits sont défendus avant 18 ans. C'est banalisé. On a été – excusez-moi, je suis peut-être un peu sévère, là – en 50 ans, tout le monde, vous et moi compris, je suppose, crétinisés par ça, par le mouvement du tabac qui fait que c'est normal, maintenant, pour un jeune et que c'est tout à fait acceptable dans la société. Et il faut faire de quoi, il faut se réveiller. Est-ce qu'on aime mieux le spectacle, finalement, de quelques tours de piste – il faut le voir, bravo! – de la formule 1 ou le spectacle de 12 000 décès par année? C'est à nous de choisir, finalement, mais il faut faire quelque chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin, ça va?

M. Marsan: Je voudrais revenir – non, non, j'aurais d'autres questions – sur le fonds dont vous parlez, là, un minimum de 12 000 000 $. Je ne sais pas si vous êtes comme nous, mais vous mentionnez que ce fonds, bon, devrait servir à remplacer les commandites, etc., et vous ajoutez d'en confier la gestion et l'administration à un organisme à but non lucratif autonome. Est-ce que c'est parce que vous ne faites pas confiance au gouvernement?

M. Beauchemin (Michel): Non, ce n'est pas une question de confiance, c'est que, comme il y a une partie de promotion qui doit être prise en charge par le milieu, je vous dirais, moi, que, quand je regarde le dynamisme de beaucoup d'associations à but non lucratif, de fondations, il y a là un potentiel extraordinaire par rapport à la promotion de la santé. Le message que les gens du monde de la culture, du sport, de l'éducation, qu'ils nous ont dit, c'est que ça serait plus intéressant pour nous de sentir que l'on a cette autonomie-là, mais pas gratuite. On ne fera pas n'importe quoi avec cet argent-là, d'où le fait d'avoir un programme gouvernemental de réduction du tabac qui donne les balises et les enlignements.

Mais le fonds, là, moi, j'aimerais ça qu'on s'associe avec l'industrie. Il y a des groupes actuellement qui nous ont approchés puis qui auraient été intéressés. Le mouvement en faveur du fonds québécois, c'est ça qui est véhiculé comme fond d'esprit, c'est-à-dire un mécanisme privé, mais en lien avec un programme. C'est juste ça qu'on demande, dans le fond, du fonds.

M. Marsan: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Marsan: Je ne sais pas si le casino ou le bingo, c'est un sport au sens où vous l'entendez. Je ne pense pas. Cependant, le projet de loi permet et donne toute la latitude aux différents casinos et aux centres où il peut y avoir des jeux de bingo de fumer à volonté. Alors, nous, on manifeste quand même un peu de surprise, où le grand-père de la famille, là, celui qui est le gouvernement de tout le monde, bien, quand c'est ses organisations à lui, il ne faut pas y toucher. J'aimerais ça, avoir vos commentaires là-dessus.

(21 heures)

M. Beauchemin (Michel): C'est une partie que, nous, on n'a pas jugé de regarder. On était préoccupés par cette dimension-là dont on vous a documenté dans le mémoire qui est ici. Il y a certainement d'autres organismes qui ont certainement dû bien vous dire qu'est-ce qu'ils pensaient de ces aspects-là et pourquoi ils n'auraient pas dû suivre la même lignée que les autres.

Moi, ce que je vous dirais, c'est que je pensais que vous étiez pour me demander: Est-ce que les casinos ou les bingos pourraient nous aider à financer? J'aurais dit: Oui, mais en autant qu'ils deviennent sans fumée. Mais on n'a pas vraiment documenté cette partie-là, d'autant plus que les casinos ou les bingos, ce n'est pas là que les jeunes se tiennent trop, trop. Donc, ce n'est pas une partie qui nous a vraiment intéressés. Je m'excuse si je ne peux pas vous en dire plus à ce sujet-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lépine, est-ce que vous avez un commentaire là-dessus, sur cette partie-là?

M. Lépine (Gilles): Ça va dans le même sens, effectivement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dans le même sens.

M. Lépine (Gilles): Si on pouvait avoir plus d'endroits au Québec où il serait défendu de fumer, ça serait tant mieux pour tout le monde. Mais je n'aimerais certainement pas embarquer dans ce débat-là, compte tenu qu'effectivement ma préoccupation première, ce sont les jeunes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci. D'abord, je voudrais vous féliciter pour la qualité de votre rapport, de votre travail. C'est excellent, c'est bien fait. Et puis, oui, étant un ancien éducateur physique à l'élémentaire, au primaire, pour avoir participé à l'Association du sport étudiant, pour avoir fait plusieurs sondages aussi, je connais le sérieux dans lequel vous travaillez, et on n'a pas souvent l'occasion de se rencontrer. J'en profite pour vous féliciter, parce que, dans nos écoles, l'Association rentre bien, et on essaie de bien le rendre sur le terrain. D'ailleurs, 34 000 signatures, ça a été vite, et puis vous avez un bon plancher d'écoute dans chacun des éducateurs physiques au Québec.

Ma question concerne plus le fonds. Un organisme à but non lucratif, ou une coopérative, ou peu importe quoi, mais il serait géré de quelle façon? Ça, j'aimerais avoir un petit peu plus d'éclaircissements sur ce dossier-là. Parce que, pour moi, l'avenir serait là. Il y aurait une porte importante. Je ne sais pas à quelle vitesse qu'on va pouvoir répondre à ce dossier-là, mais c'est majeur. Et puis comment qu'on pourrait... Parce que les explications ne sont pas claires, claires. Vous en parlez dans le dossier; c'est quand même vague, c'est global. Mais avez-vous juste des idées un peu plus dans le particulier? Oui?

M. Lépine (Gilles): Tout à fait. Oui, on a beaucoup d'idées. Pardon, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Lépine (Gilles): Alors, oui, effectivement, il y a plusieurs idées, à l'instar de ce qui se passe présentement en Australie. Alors, vous savez que la plupart des provinces australiennes ont utilisé un tel fonds. On pense au sud de l'Australie, effectivement. Alors, on a créé des fonds qui sont administrés avec des minimums requis, par exemple pour ce qui a trait à l'administration, des minimums requis pour ce qui a trait au remplacement des organismes ou des événements commandités et aussi des minimums requis pour la recherche et le développement et les campagnes promotionnelles. Donc, un peu ce que vous avez comme image dans le document qu'on vous a remis, où vous allez retrouver les deux sous, effectivement... vous allez voir le graphique qui illustre rapidement, de façon très, très schématique, à quoi pourrait ressembler un tel fonds. Mais il est certain qu'on pourrait prendre un minimum pour l'administration, une somme peut-être possiblement décroissante pour remplacer les commandites du tabac, et il faut toujours poursuivre avec un programme de promotion et d'éducation au tabagisme. Donc, oui, il y a des possibilités.

Les gens pourraient venir de différents organismes, que ce soit la culture, du sport, du gouvernement, des gens de la santé, de l'éducation, qui pourraient ensemble faire, finalement, une immense entreprise de commandite qui verrait à investir les sous de l'État, nos sous à nous autres et les sous, donc, du gouvernement le mieux possible pour en faire la promotion auprès des jeunes, et toujours en focussant sur les jeunes et en faisant une promotion pour la santé et contre le tabagisme.

Donc, on voit un immense organisme de communications et de promotion, commanditaire d'événements au Québec. Et, en autant que ça rapporte, autant on le fait pour la commandite du tabac, autant on chercherait, donc, à avoir le profit santé avec ce mouvement-là. J'espère avoir répondu, grosso modo, à ces questions-là. Et il existe, donc, des exemples, depuis 10 ans maintenant, qui sont en Australie et qui sont pour le moins efficaces. Et on a de belles images à aller chercher, de beaux schémas à aller chercher là-bas, des exemples. Et ils ont aussi, eux autres aussi, connu certaines erreurs ou ajustements, et on pourrait très bien s'en servir pour nous, pour faire mieux encore.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauchemin, des commentaires additionnels?

M. Beauchemin (Michel): Je vous inviterai à prendre connaissance de l'annexe qui accompagne le mémoire, qui détaille de façon très succincte un certain nombre d'exemples qui ont été faits, tant dans quelques États – au Massachusetts, en Californie – qu'en Australie. C'est vraiment du modèle australien dont on s'inspire quand on vous parle d'un fonds québécois constitué de représentants venant de plusieurs milieux.

Et il y a différents modèles. Nous, il y en a un qu'on préfère, c'est davantage celui du modèle Victorian Health, qui a créé le programme Quit, programme dont vous avez des exemples de promotion à l'intérieur du document, entre autres deux clubs de basketball qui sont financés, et on voit derrière, dans l'image, le programme Quit qui apparaît. Et c'est la Fondation, la Victorian Health Foundation, qui gère tout l'argent qui, soit dit en passant, vient d'une taxe spéciale sur le tabac. Alors, le 0,10 $ du paquet qui a été annoncé et qui correspond à 60 000 000 $, nous, c'est exactement le montant qu'on attendait. Et on est toujours disponibles. Mais ça reste à créer, au même titre que la loi actuellement. Ce qu'elle crée, c'est qu'elle amorce le démarrage, mais la création de cet organisme-là serait une étape subséquente à constituer.

Et j'entendais les commandités, vendredi, dire qu'ils étaient intéressés à approfondir davantage de quelle façon ils pourraient ajuster leurs besoins. Mais, moi, je pense qu'il faut qu'ils soient là avec nous, il faut qu'on soit là ensemble. Et, même si on peut avoir des divergences de vues sur l'effet de la commandite – on l'a bien vu, ils ne croient pas à ça, ils sont convaincus que ça n'a pas d'effet – ça ne veut pas dire qu'on ne travaillerait pas ensemble pour sauvegarder la richesse de ces expériences-là, de ces manifestations-là et qu'on ne chercherait pas à en créer d'autres.

Mais on n'a pas été plus loin que ça dans le détail. Vous comprendrez qu'on a eu peu de temps pour aller aussi loin.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lépine.

M. Lépine (Gilles): Je voulais seulement ajouter un certain commentaire, M. le Président. Ils ont réalisé une chose en Australie, effectivement: c'est qu'au départ, dans certains cas, ce n'était qu'un fonds de remplacement. Ils ont remplacé, donc, les commandites existantes. Mais les autres organisations ou événements qui, eux, n'avaient pas accepté la commandite... Prenons l'exemple du Cirque du Soleil ou le Festival d'été de Québec: d'un côté, on n'a pas accepté, par question de principe, la commandite du tabac, et, de l'autre côté, on l'a fait. Donc, des gens se retrouvent avec les sous de l'État qui viennent renflouer leur manque à gagner sur la commandite, tandis que d'autres continuent à faire leur petit chemin puis à chercher de la commandite.

Donc, si un groupe est intéressé à faire la promotion de la santé, il se retrouverait au même pied qui ceux qui sont déjà présentement commandités par le tabac. Alors, c'est un fonds de remplacement, oui, mais pas qu'un fonds de remplacement. Il faut que ce soit aussi un fonds de promotion et d'éducation, une lutte au tabagisme concrète et réelle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé, est-ce que ça va?

M. Désilets: Oui. C'est tout simplement pour dire que j'apprécie, parce que vous le voyez d'une forme globale et non juste pour une cause bien, bien précise, mais une vision globale, et ça m'intéresse passablement.

M. Lépine (Gilles): On en est enchantés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Marsan: Non, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non? Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Je vous dirais merci pour votre témoignage dans votre mémoire. Je retrouve là un sens de l'éthique auquel, moi, en tout cas, je tiens. Et je suis persuadée que les professionnels de la santé, c'est ce qui sous-tend leurs interventions.

Dans le fond, je n'ai pas de question nécessairement à vous poser, parce que c'est très clair, c'est très explicite, ce que vous nous proposez. J'ai, par ailleurs, un commentaire à faire. Je déplore tout simplement le fait que... En tout cas, sans vouloir insulter personne, je me dis: Coudon, est-ce qu'ils ne sont pas assez «glamour» pour que les médias d'information ne soient pas tous là? Parce que, vendredi, ce que l'on avait, c'étaient les caméras et tous les médias. Tout à l'heure, il y avait un journaliste dans la salle et il a quitté. Alors, je trouve ça un peu particulier que, lorsqu'on apporte un point de vue de santé, on n'ait pas la même attention des médias pour transmettre aussi ce point de vue. Et, moi, je le déplore et j'insiste pour le déplorer parce que je pense que, ça aussi, c'est un problème auquel on fait face lorsqu'on a autre chose à vendre que le tabac comme tel.

C'était un commentaire que je voulais souligner, parce qu'ici c'est enregistré et les caméras de l'Assemblée nationale retransmettent à l'ensemble de la population. Et je veux que la population sache qu'elle n'a pas toute l'information sur le dossier, parce qu'elle n'est pas couverte de façon similaire, je dirais, pour tous les intervenants qui viennent nous voir en commission parlementaire. Et ça, je le déplore grandement. Alors, je tenais à le dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée. Oui, je vois qu'il y a des commentaires tout de suite. M. Lépine.

M. Lépine (Gilles): Mme la députée, je suis tout à fait dans votre lignée. Comment peut-on lutter avec un organisme qui dépense plus de 25 000 000 $ en commandites? Si vous me donnez 25 000 000 $ demain matin, je vais m'engager une firme de communications drôlement efficace, et les journalistes seront en arrière avec moi, vous pouvez être certaine de ça. Comment je peux, avec entre 5 % et 7 % de ma tâche, réaliser, de façon quasi bénévole, les actions et avoir un adjoint à demi-temps pour faire le travail, comparativement à des firmes de communications professionnelles? On réussit quand même à vous livrer des documents de qualité et à venir s'exprimer de façon publique, et de façon de plus en plus forte, parce qu'il y a de la conviction derrière nous. M. le député, ancien éducateur physique, le sait: on est apôtres dans l'âme, mais, avec toute la conviction qu'on y met, avec toute la bonne volonté qu'on a, effectivement, les moyens – je le disais en introduction tout à l'heure – on ne les tire pas face à des bazookas. Et on va tenter de tirer à la bonne place avec nos tire-pois, vous pouvez être certaine.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauchemin.

(21 h 10)

M. Beauchemin (Michel): Admettons qu'on l'a, le fonds, puis qu'on l'a, le 60 000 000 $, puis qu'on opère puis on est rendus dans cinq ans, et que, tout d'un coup, le gouvernement décide de couper le fonds. Je suis sûr, sûr, sûr qu'il va exister le rallye des commandités de la santé qui vont venir ici à tour de bras défendre... Et il va y avoir des caméras, vous allez voir, comme jamais il n'y en a eu. C'est exactement le contraire qu'on vit actuellement.

Par contre, à bout de se battre, on arrive à intéresser de plus en plus les journalistes, et vous avez dans votre document, le document synthèse du mémoire, les deux dernières pages, deux couvertures de presse qui ont eu lieu la semaine dernière, parce que nous avons convoqué les journalistes ici même, à Québec, au restaurant Second Cup Coffee – ça me fait plaisir de faire la publicité, parce qu'il est complètement sans fumée – et c'est la première fois qu'on le faisait là, et on a eu une couverture qu'on trouve, nous, intéressante, compte tenu du peu d'intérêt qu'on attire habituellement. Et c'est exactement le sens des propos qu'on a tenus aujourd'hui. Mais on a le même sentiment que vous, c'est parfois déplorable et triste.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

Mme Charest: Oui, j'ai une petite question: Est-ce que vous avez une firme de consultants qui vous supporte et qui vous aide dans vos démarches? Est-ce que vous avez une firme de consultants qui est financée par quelqu'un ou par un groupe quelconque...

M. Lépine (Gilles): Ce qu'on a réussi à...

Mme Charest: ...pour défendre votre point de vue, défendre le vôtre?

M. Lépine (Gilles): ...nous n'en avons pas, madame. C'est la firme de consultants Sport étudiant, région de Québec inc....

Mme Charest: O.K.

M. Lépine (Gilles): ...dont je suis directeur. Ha, ha, ha!

Mme Charest: O.K.

M. Beauchemin (Michel): Et, dans notre cas à nous, la Coalition, c'est l'Association régionale, c'est la Société canadienne du cancer, c'est l'effort qu'on met ensemble. Et, quand on se ramasse un petit peu d'argent, parfois on peut faire appel à un agent de communications qui nous prépare une petite conférence de presse. Ça se limite à peu près à ça.

Mme Charest: Parce que je pense que les points de vue qui s'expriment ici, c'est clair qu'ils sont supportés par des groupes différents. C'est normal, on est en démocratie, et tout ça va toujours exister. Mais j'ai comme sentiment que les moyens sont très différents d'un groupe à l'autre, et c'est un peu ça que je voulais mettre en lumière en vous demandant qui vous paie pour dire ce que vous dites. Alors, c'est ça, et c'est pas plus que ça ni moins que ça. Mais je pense que c'est important qu'on sache ce genre de chose. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Une voix: J'apprécie, madame. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, Mme la députée?

Mme Charest: Oui, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? O.K. Je vous remercie. Peut-être deux petites choses avant de passer la parole à un autre député. Le document est très, très bien fait. C'est avec beaucoup d'attention qu'on va prendre connaissance, évidemment, de la cassette. Je veux quand même souligner, par exemple, pour la question des journalistes, que, étant donné que tout est... C'est en direct ce soir, d'une part, et, d'autre part, souvent les gens réfèrent à... Je ne veux pas minimiser le point de Mme la députée et votre point à vous autres, simplement pour, quand même, l'information des gens qui nous regardent, c'est quand même disponible, ça.

Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. J'ai des petites questions, parce que je sens que vous êtes très, très convaincus et convaincants de ce que vous présentez, mais des petites questions pour bien comprendre. D'abord, quand vous souhaitez, au cours des prochaines années, un système qui fasse augmenter de façon progressive les parts données aux organisations, et ensuite, de façon dégressive, les parts des commandites, est-ce que vous voyez ce système-là comme s'équilibrant spontanément, si on peut dire, c'est-à-dire qu'à chaque tranche qui est rajoutée d'un côté il y a une tranche qui est enlevée de l'autre? Et est-ce que vous voyez ça sur cinq ans? Est-ce que votre horizon à vous, c'est cinq ans, ou, dans d'autres pays, l'expérience a montré que ça prenait plus de temps que cinq ans?

M. Lépine (Gilles): Eh bien, écoutez, lorsqu'on parle de progressif et de dégressif, d'un côté, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des droits acquis, par exemple, pour les gens présentement commandités. Donc, des sommes seraient garanties à ces gens-là. Ça ne les empêcherait pas de se retrouver à la même ligne, au même départ, finalement, que les autres organismes et autres événements qui, eux, ne sont pas commandités. Je prenais tantôt l'exemple, donc, du Cirque du Soleil ou du Festival d'été de Québec. Si, dans un premier temps, un, on lui réserve des sommes parce qu'il était commandité du tabac, tant mieux, on lui réserve un certain montant. Mais ça ne l'empêche pas, après ça, de se retrouver à la même ligne, au même départ, au même jugement, donc, où pourrait se retrouver le Cirque du Soleil après ça pour demander des sous au gouvernement pour faire la promotion de la santé. Donc, ce qui est garanti, ce n'est pas seulement cette somme-là pour les commandites du tabac, mais c'est qu'un montant minimal est réservé à ces gens-là pour remplacement. Ça ne veut pas dire que ces gens-là ne pourraient pas en avoir en supplément s'ils veulent bien faire la promotion, comme d'autres organismes voudraient le faire. Donc, c'est ça, le régressif-progressif qu'on pourrait retrouver entre les deux.

Pour le reste de la question: Est-ce qu'il faut que ce soit cinq ans et quelques années? On vous l'a dit tout à l'heure. En tout cas, à notre point de vue, d'allonger encore le débat, on continue encore à faire la promotion, finalement, du tabagisme, avec les effets que l'on connaît présentement, qui sont dévastateurs chez nos jeunes. Vos jeunes, mes jeunes, mes deux enfants risquent encore d'être exposés au tabac pour les cinq prochaines années. Plus on prolonge ce débat-là et plus, effectivement, on expose nos jeunes à cette publicité et à cette commandite.

Mme Malavoy: Je comprends bien...

M. Lépine (Gilles): Alors, j'aurais donc tendance à le raccourcir, pour répondre à votre question, madame. Plutôt que d'aller au-delà même du cinq ans, j'aurais tendance, personnellement, à vouloir le raccourcir. Mais là c'est un discours de quelqu'un qui vous parle comme éducateur et comme père de famille qui veut limiter le plus possible les effets nocifs de ce produit mortel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauchemin, un commentaire additionnel?

M. Beauchemin (Michel): Pour compléter ce que M. Lépine dit, Mme la députée, il faudrait comprendre la différence entre le projet de loi qui, actuellement, dans un article, dit que pour les commandités du tabac, dans cinq ans, dans deux ans, c'est fini, puis après ça ils ont trois ans pour finaliser les choses. D'un programme gouvernemental de réduction du tabac qui, lui, doit avoir une portée beaucoup plus lointaine, facile d'imaginer un 10 à 15 ans. Et le fonds doit être vu dans cette perspective-là. On peut commencer par la période qui régit la fin des commandites, qui pour l'instant parle de cinq ans. Mais, moi, ma perspective, c'est celle d'un programme. Et le programme qui devra surgir du projet de loi devrait nous enligner sur une perspective d'au moins entre 15 et 20 ans. En bas de ça, on ne réussit pas à changer des comportements aussi difficiles auxquels on est confrontés. Je parle de comportements de société, là, des individus, oui, mais de société. C'est long à changer. Tu sais, les Tennis du Maurier l'a dit: Ça fait 14 ans, nous autres, qu'on a financé. Bien, il faut vivre aussi avec ça. C'est pour ça que la perspective, elle est lointaine.

Mais, par rapport au projet de loi et la fin des commandités du tabac, ça, il faut dire: Ça arrête dans deux ans, puis ils ont trois ans après pour s'ajuster. Et tout le fonds est commencé, là, l'ajustement se fait. Et on a une formule à trouver ensemble. Moi, j'ai trouvé intéressant les commandités quand ils ont dit: On aurait peut-être une formule à trouver parce que, tout ensemble, ça va peut-être être serré. Bien, ça, là, moi, je pars du principe, comme M. Lépine, qu'ils ont droit à une clause grand-père. Au départ, ils sont là. On fait un choix dans la société d'arrêter ça, bien, ils ont un droit acquis, mais il s'agit de trouver avec eux de quelle façon on peut l'ajuster. Mais pas cinq ans encore à avoir de la commandite du tabac, puis dans cinq ans on n'en aura plus. Savez-vous ce que ça veut dire? Ça veut dire que dans cinq ans ils vont revenir à une rencontre ici puis ils vont vous arriver avec des nouveaux arguments. C'est certain, c'est sûr, sûr, sûr.

Mme Malavoy: Ils risquent surtout de souhaiter qu'on ne soit plus là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: On ne sait jamais.

M. Beauchemin (Michel): Moi, je suis convaincu de ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, oui.

Mme Malavoy: Une autre petite question. Vous englobez dans votre fonds les événements nationaux, des événements locaux et également des programmes. Donc, ça devient quand même une articulation assez complexe. Si ce n'est pas simplement trouver un fonds pour remplacer des commandites, là, ça devient quelque chose de beaucoup plus vaste qui est réparti sur l'ensemble du territoire. Je suppose que ça nécessitera des règles du jeu pour gérer ce fonds-là avec des critères, avec des calendriers, avec, je ne sais pas, toutes sortes de règles pour que ce soit viable, parce que le fonds, il risque de susciter beaucoup, beaucoup d'envie. Alors, je veux juste... Je ne vous demande pas de me dire de façon trop précise comment ça va marcher, mais, quand même, à quoi avez-vous pensé à ce moment-ci?

M. Lépine (Gilles): Bon, alors, si on regarde en Australie, par exemple, ils ont ensemble édicté des règles bien précises. Tant de pour cent, 8 % représentent l'administration, 7 % vont pour la course automobile, tant de pour cent vont pour des événements culturels, tant pour les événements sportifs. Il y a donc des contraintes, des cases très précises qu'on s'est données, des balises qui permettent à tout le monde de cheminer. Et, à l'intérieur de ces balises-là, tout le monde se dit: Finalement, où est notre profit santé, où doit-on investir le mieux possible pour faire la popularité du programme? Est-ce qu'on doit le mettre sur les bandes du Centre Molson, finalement, le programme de lutte au tabagisme? Ou est-ce qu'on doit le placer sur des jeunes scouts, ou peu importe le mouvement qui sera fait: chocolat, basketball? Alors, on pourra déterminer, mais avec des balises précises pour chacun des secteurs, entendues avec les groupes que sont la Santé, l'Éducation, les événements culturels et sportifs.

Alors, il y aurait moyen de, en partant, se donner, comme vous l'avez dit, des règles très précises, finalement, de fonctionnement, un cadre de fonctionnement, des balises pour que tout le monde puisse s'y retrouver et ainsi limiter, qu'on puisse effectivement jouer dans le jardin l'un de l'autre et s'assurer d'une représentativité pour tout le monde.

Mme Malavoy: Y compris une représentation régionale, par exemple, parce que, là, donner un pourcentage au sport, à la culture, c'est une chose, mais ensuite être capable de financer des événements locaux, par rapport à des besoins nationaux et... Est-ce que, ça, ça se fait ailleurs ou bien c'est...

M. Lépine (Gilles): Madame, mon expérience dans le milieu du sport depuis, en tout cas, 20 ans maintenant, me prouve que, par exemple... Prenez les subventions données aux clubs sportifs. Il y a des enveloppes régionales données à chacun des groupes dans chacune des régions, et les gens du milieu se réunissent ensemble et ensemble décident où on distribuera les sous, avec, là encore parfois, des balises à donner pour telle, telle discipline ou telle sorte d'activité, handicapés, ou peu importe les sports choisis. Donc, il y a certainement moyen, hors région, de se faire des groupes de travail qui, eux, avec une portion du fonds, peu importe le pourcentage qu'on aura décidé qui va en région, pourront déterminer, eux, comment ils l'utilisent au meilleur de leurs fins, pour la région, pour la promotion de la santé. Et on a tous les professionnels dans chacune des régions pour faire un tel travail. Donc, il y a des possibilités et des parallèles. Il existe déjà des mécanismes gouvernementaux dans d'autres ministères qui permettent de le faire et de façon efficace. Alors, moi, j'y crois sincèrement.

Mme Malavoy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. M. le ministre.

(21 h 20)

M. Rochon: Oui. Une dernière question dans le sens de cette recommandation que vous faites, là, qui est intéressante, autour du fonds. On a déjà, au ministère de la Santé, peut-être pas autant qu'on aurait dû le faire, pratiqué un peu de commandite, si je peux m'exprimer de cette façon-là, dans l'ensemble de notre programme de santé publique, d'information à la population. On a exploré parfois d'utiliser la voix de la commandite. Et c'est sûr que, même avant et même si on n'avait pas un fonds dans l'immédiat, je retiens dans votre idée que, si on se donnait plus le mot – plusieurs ministères, l'Éducation, les Affaires municipales, qui sont responsables des loisirs, la Santé, bien sûr, il y a peut-être plus de communications que font les ministères, de toute façon, de différentes façons – on pourrait accorder une plus grande proportion peut-être à la commandite de certains types d'événements et d'activités bien choisis.

Maintenant, l'idée que vous avez avait déjà été formulée. C'était des gens de ministères, en santé publique, qui avaient aussi pensé que, si on peut avoir un fonds suffisamment bien garni et qu'on peut aussi l'utiliser pour faire le pendant et faire un peu de la commandite santé, comme vous le dites, ou qu'éventuellement on peut le maintenir, ce fonds-là, après la période, comme on avait dit, de sevrage, le compléter et l'orienter vers d'autres fins... Dans ce cadre-là, avez-vous une idée de ce que peut représenter le sport étudiant comme tel, comme marché de commandite? Vous parliez de 60 000 000 $ tout à l'heure. Ça, vous pouvez estimer que c'est le contrepoids de ce que l'industrie du tabac fait à travers le pays. Ce n'est peut-être pas une chose que vous avez étudiée, mais je prends une chance, là, si jamais vous aviez une estimation de ça.

M. Lépine (Gilles): Non. On n'a certainement pas une évaluation, à savoir est-ce qu'il faudrait mettre tant de millions, peu importe le sport étudiant ou peu importe les organismes, mais il est certain qu'il y a des gens qui ont déjà fait des études sur l'impact que ça peut avoir.

Prenez, par exemple, MacDonald. Ils ont certainement évalué ce que ça veut dire, mettre en route un Manoir Ronald McDonald ou de mettre une bande au Centre Molson. Alors, ils savent que, si ça vaut 50 000 $, ça va certainement rapporter des sous.

M. Rochon: Excusez-moi. Ma question n'était pas dans ce sens-là. Le Sport étudiant pourrait utiliser, ou souhaiterait, ou aurait besoin... jusqu'à quel niveau de financement qui pourrait être satisfait par la commandite, par exemple? Ce n'est peut-être pas une estimation que vous avez, ça non plus, mais il serait peut-être intéressant de le faire éventuellement.

M. Lépine (Gilles): Par voie du ministère des Affaires municipales, présentement, le gouvernement du Québec soutient le sport étudiant, et ça lui coûte 1 200 000 $ seulement pour soutenir tout l'ensemble de l'appareil.

M. Rochon: Ah bon!

M. Lépine (Gilles): Vous pouvez multiplier par huit, ce qui est multiplié par les budgets des associations de la Fédération, et vous pouvez certainement multiplier presque par 15 ou 20 ce que les écoles doivent investir dans le sport. Donc, présentement, pour la promotion du sport et de la santé dans toutes les écoles du Québec, du primaire jusqu'à l'universitaire, ça coûte présentement au gouvernement 1 200 000 $, et on est en lutte – vous ne le savez peut-être pas – au ministère des Affaires municipales, justement, pour ce 1 000 000 $ qui est réparti sur l'ensemble des régions du Québec au complet, et de la Fédération. Alors, ce n'est pas beaucoup pour investir, et on essaie de le multiplier, comme je vous le disais, donc, par huit et par 10, si on le peut, l'argent investi par l'État.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Michel): On pourrait ajouter à ça tout le domaine culturel, qui n'est pas présent ici parce qu'on n'a pas eu la possibilité au cours des dernières semaines de pouvoir établir la même richesse de partenariat. Mais je sais personnellement – parce que ma fille est dans le théâtre – que c'est un milieu qui est prêt et qui n'attend que ça.

Mais ma réponse est peut-être un peu bébête, mais mon raisonnement, là, il ne se pose pas dans le sens que vous l'avez demandé, M. le ministre. Si l'industrie met 30 000 000 $, nous autres aussi, on pose le même raisonnement: ça vaut 30 000 000 $ d'aller chercher les jeunes, d'aller leur rentrer tout doucement des valeurs, des objets, des produits reliés à la santé. S'ils mettent 30 000 000 $, c'est parce qu'eux autres, ils l'ont faite, l'étude d'impact. Moi, je n'en ferai pas, je n'en ai pas besoin. Je suis sûr qu'elle est bonne, la leur, parce qu'ils en font, de l'argent. Ils sont riches comme Crésus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Pas d'autres interventions? Alors, je vous remercie beaucoup au nom de toute la commission.

J'invite maintenant le groupe de MM. Lemieux, Migué et Palda.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons MM. Pierre Lemieux, Jean-Luc Migué et Filip Palda. M. Lemieux, si j'ai bien compris, c'est vous qui présentez, pour fins d'enregistrement, les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez débuter votre mémoire.


MM. Pierre Lemieux, Jean-Luc Migué et Filip Palda

M. Lemieux (Pierre): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, pour ceux qui ne les connaîtraient pas, les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite, Jean-Luc Migué, professeur titulaire d'économie à l'École nationale d'administration publique, et, à ma gauche, M. Filip Palda, professeur agrégé d'économie à l'ENAP, aussi. Mon nom est Pierre Lemieux. Je suis présentement professeur associé à l'Université du Québec à Hull.

L'étude que nous avons déposée comme mémoire devant cette commission a été réalisée à la demande du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. Il visait à évaluer l' Étude d'impact sur le projet de loi sur le tabac , réalisée pour le gouvernement. Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac nous a demandé, et je cite ici les termes exacts de notre mandat, je cite, donc: «Une évaluation professionnelle, indépendante, scientifique et objective de l'étude d'impact, en fonction des principes méthodologiques et des conclusions de la science économique.» Fin de la citation.

(21 h 30)

Il est bien évident que les opinions que nous exprimons correspondent aux conclusions de nos analyses et ne représentent pas nécessairement celles du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. En présentant notre évaluation de l'étude d'impact, nous souhaitons aussi nous en tenir aux faits et éviter toute critique personnelle envers ses auteurs. Notre conclusion générale est que l'étude d'impact ne nous révèle pas grand-chose sur les conséquences économiques de la loi envisagée, qu'elle n'est pas à proprement parler une étude économique. Même quand ils ne sont pas d'accord, les économistes procèdent généralement à partir d'un corpus établi, de théories économiques et de résultats de recherches qui leur permettent d'être sur la même longueur d'onde analytique. Pour déterminer si une étude est de nature économique, il s'agit d'examiner dans quelle mesure elle respecte la méthodologie généralement acceptée parmi les économistes et, en particulier, dans quelle mesure l'analyse se réfère à la recherche qui a été publiée sur le sujet dans la littérature économique.

Nous avons nous-mêmes, mes collègues et moi, fait le tour de la littérature économique qui traite et du point de vue méthodologique et du point de vue théorique et du point de vue empirique des coûts et des avantages du tabac et de sa réglementation. Au cours des 20 dernières années, une volumineuse littérature à ce sujet a été produite dans les grandes revues économiques par des économistes bien connus. La bibliographie incluse dans notre rapport compte 166 titres dont une bonne partie se rapportent à cette littérature. Au contraire, les 49 références bibliographiques sur lesquelles l'étude d'impact fonde son analyse proviennent presque exclusivement de la littérature du Public Health . Seulement 10 % des travaux cités par l'étude d'impact sont des études économiques. Notre bibliographie comprend, entre autres, une trentaine d'études économiques majeures sur le tabac qui n'ont même pas été mentionnées par l'étude d'impact. Par exemple, l'étude d'impact ne mentionne pas les travaux de Gary Becker, prix Nobel d'économie, ceux de Kip Viscusi, de Manning ou de Raynauld et Vidal, au Canada, et j'en passe un grand nombre sur les 30, bien sûr.

Les conséquences de ce biais méthodologique ou, à vrai dire, de cette absence de méthodologie économique sont visibles. Considérons, pour prendre un exemple, sur quoi l'étude d'impact se fonde pour soutenir que la réglementation du tabac dans les restaurants n'aurait aucun impact sur leur chiffre d'affaires. Vous pouvez, à ce sujet, consulter l'étude d'impact aux pages 41 et 42. La documentation citée se résume essentiellement à quatre titres: premièrement, «une – et je cite l'étude d'impact – analyse sommaire faite au Wisconsin» – fin de la citation – dont la référence n'est pas donnée; deux, l'étude de Huang et al., qui concerne huit restaurants d'un village texan de 3 000 habitants; trois, un sondage commandité par un organisme antitabac de New York et qui est, du reste, introuvable; quatre, une étude de Public Health , de Glantz et Smith, qui a été vertement critiquée par l'économètre américain bien connu Michael Evans.

Un autre exemple encore de l'absence presque constante de considérations économiques dans l'étude d'impact se trouve dans l'estimation du coût des fumoirs que la loi imposerait aux entreprises. Aussi étrange que cela puisse paraître à un économiste, l'étude d'impact ne fait pas état d'un élément important du coût d'un fumoir, à savoir le coût de l'espace. À Montréal, le loyer de l'espace industriel est de l'ordre de 35 $ le mètre carré. Dans les immeubles à bureaux de choix, il peut en coûter jusqu'à 120 $ le mètre carré, de sorte qu'un fumoir de 50 m² coûtera entre 1 855 $ et 6 000 $ par année, en plus des coûts initiaux d'installation et des autres frais d'exploitation.

Un défaut d'analyse économique. L'étude d'impact se fonde sur les sondages effectués auprès d'entreprises et de restaurants québécois. Or, elle ne fournit à peu près aucune information sur la méthodologie de ces sondages. On ne connaît pas la méthode de sélection de l'échantillon ni les techniques de sondage ou d'interview ni la formulation des questions. L'étude d'impact ne donne pas non plus les résultats des tests statistiques usuels qui nous permettraient de savoir quels résultats sont dus au hasard.

Le professeur Migué va maintenant élaborer les considérations méthodologiques et montrera comment l'étude d'impact a ignoré les solutions de marché, même si, en vertu du décret gouvernemental qui gouverne la préparation d'études d'impact, c'est une considération qui doit entrer en cause. Jean-Luc Migué.

M. Migué (Jean-Luc): M. le Président, une courte observation préliminaire, d'abord. L'étude d'impact rejette implicitement comme «irrelevant» les préférences de 35 % de la population, c'est-à-dire celles des fumeurs. Les fumeurs sont, dans l'esprit des auteurs, des rien du tout, des mal informés, des victimes impuissantes qui ne méritent aucune considération. La démarche de l'étude d'impact constitue donc la négation de la méthodologie économique en ce qu'elle ne repose pas sur le respect des préférences de toute la population et, à cet égard, elle ne peut donc aucunement servir à évaluer l'efficacité ou l'inefficacité d'un projet de loi.

Ce qui nous amène à souligner une deuxième lacune fatale de l'étude d'impact: l'absence totale d'évaluation des solutions de rechange à la réglementation coercitive, c'est-à-dire les solutions fondées sur la liberté, le respect des droits de propriété et le marché. Pourtant, son mandat implicite du gouvernement lui enjoignait de le faire. Dans son décret 1362 de 1996, le gouvernement stipule explicitement le fait qu'une étude d'impact doit, et je cite, «démontrer que pour résoudre cette situation des solutions non législatives ou réglementaires, tels des mécanismes de type marché, ont été envisagées au même titre que la solution projetée.» Fin de la citation.

Or, il n'est nulle part question de cette alternative dans l'étude d'impact. Et pourtant, depuis l'énoncé du théorème de Coase, en 1960, qui a valu, donc, un prix Nobel à son auteur, la science économique enseigne que, dans un régime de respect des droits de propriété, les amateurs d'environnement sans fumée ont tout le loisir de maintenir la qualité environnementale qu'ils souhaitent s'ils sont propriétaires des lieux, bien sûr, ou autrement de signifier leur préférence au propriétaire en refusant de fréquenter les endroits où l'on fume. Les fumeurs peuvent faire de même en ne fréquentant que les lieux où la cigarette est autorisée par le propriétaire. En fait, c'est là le seul enseignement capable de protéger les droits et des fumeurs et des non-fumeurs.

Mais, même en faisant abstraction de ces lacunes méthodologiques et donc en suivant la démarche purement comptable de l'étude d'impact, on découvre que les principaux calculs qui y sont présentés sont sans valeur. On nous permettra de relever l'erreur la plus fragrante: l'étude d'impact soutient qu'en raison des coûts de santé supplémentaires occasionnés par les fumeurs ces derniers se font subventionner par le reste de la population des non-fumeurs. Or, par ces résultats invraisemblables, les auteurs s'inscrivent en faux contre toute la tradition analytique des 20 dernières années. Ainsi, l'étude canadienne de Raynauld et Vidal, qui, à notre connaissance, n'a jamais été contestée, fixe à 4 300 000 000 $ par année, au Canada, les sommes nettes que les fumeurs transfèrent aux non-fumeurs. En fait, toutes les études économiques majeures publiées au cours des 20 dernières années sur cette question au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde obtiennent des résultats semblables à ceux de Raynauld et Vidal. À noter, en passant, que les transferts qui s'opèrent ainsi des fumeurs en faveur des non-fumeurs proviennent des couches les moins fortunées de la population. Parce que les fumeurs se recrutent surtout chez les cols bleus et, en général, chez les gens à revenus moyens inférieurs, il s'agit donc de transferts gigantesques provenant des revenus faibles en faveur des revenus moyens supérieurs.

Mais par quel tour de passe-passe l'étude d'impact en vient-elle à transformer ainsi un bilan fortement positif pour les non-fumeurs en bilan négatif? Nous nous contenterons d'énumérer les sources d'erreurs les plus flagrantes. L'origine de ce biais grossier se trouve d'abord dans le fait qu'elle ne comptabilise pas la part du lion des taxes spécifiques sur le tabac payées chaque année par les Québécois au gouvernement fédéral. C'est donc près de 1 000 000 $ qu'on raie ainsi de la comptabilité. Parmi les autres omissions commises par l'étude d'impact, notons qu'elle ne comptabilise que les coûts de santé supplémentaires des maladies attribuées au tabac sans tenir compte des économies ultérieures qu'une longévité réduite fait réaliser aux régimes de retraite publics et aux centres d'hébergement. Est-il superflu de souligner en passant, quand même, qu'une étude valide des avantages-coûts de la cigarette ne postule aucunement qu'il est socialement avantageux qu'une personne meure plus tôt? C'est la fixation de l'étude d'impact sur la comptabilité publique plutôt que sur l'efficacité qui nous impose ce calcul cruel.

(21 h 40)

Le point de départ, pour le moins contestable, donc, de l'étude d'impact est de postuler, d'ailleurs sans support théorique ni empirique, qu'une brochette d'interdictions légales, indéfinies d'ailleurs, abaissera la consommation de cigarettes de 5,7 % au total et de pas moins de 50 % chez les jeunes. Ces chiffres ne sont tirés de nulle part, M. le Président, comme un lapin du chapeau. Reconnaissons d'abord qu'aucune mesure législative considérée par l'étude d'impact ne s'adresse spécifiquement aux jeunes. En fait, les jeunes ne seraient pratiquement pas touchés par ces interdictions.

Deuxièmement, l'accumulation de travaux par les psychologues, les sociologues, les économistes tend à confirmer que les jeunes sont particulièrement insensibles au prix des cigarettes et aux réglementations de ce produit. On découvre, à la lecture de ces sources, que les jeunes fumeurs en particulier souffrent d'un certain manque d'estime de soi, s'adonnent plus que la normale à l'alcool et aux autres drogues, qu'ils émanent de familles plutôt instables, peu attentives à leurs intérêts et à leurs activités. C'est comme si la cigarette, donc, procurait à cette catégorie de jeunes une sorte de compensation, de réconfort.

Quoi qu'il en soit, le corollaire de ces observations est d'abord qu'il serait naïf de prétendre suppléer aux défaillances de la famille par la réglementation de la cigarette; deuxièmement, que les interdictions supplémentaires envisagées pourraient bien susciter la hausse plutôt que la baisse de la consommation chez les jeunes et, pire encore, elles pourraient entraîner la substitution à la cigarette de drogues plus néfastes et qui débouchent souvent sur la délinquance juvénile.

L'étude d'impact pose péremptoirement, en dernier lieu – je m'arrêterai là-dessus – que – je cite – «la santé des non-fumeurs est affectée par la fumée de tabac dans leur environnement.» Fin de la citation. S'il restait quelques doutes dans l'esprit de certains sur cette question, la position alarmiste est devenue définitivement intenable depuis la publication récente – et presque subreptice – du rapport exhaustif de l'Organisation mondiale de la santé sur la question il y a quelques mois à peine.

L'Organisation mondiale de la santé a en effet publié les résultats d'une recherche rigoureuse qui, sur une période de 10 ans, a systématiquement suivi 650 personnes réparties dans sept pays d'Europe. Or, les 25 chercheurs du Centre international de recherche sur le cancer qui ont participé à ce travail concluent que le risque de cancer du poumon chez les conjoints ou les collègues de travail des fumeurs est inexistant. Si c'est l'étude d'impact qui a servi de fondement au projet de loi n° 444, le gouvernement a toutes les raisons de faire marche arrière, M. le Président. Je vous remercie.

M. Lemieux (Pierre): M. le Président, maintenant, si vous voulez bien, nous écouterons le professeur Filip Palda qui vous résumera la partie de notre évaluation qui traite de l'analyse qu'a faite de la publicité et des commandites l'étude d'impact réalisée pour le compte du gouvernement. Professeur Palda.

M. Palda (Filip): Merci bien. Il y a beaucoup de moyens, enfin plusieurs moyens de limiter la consommation de tabac sinon de l'éliminer complètement. Premièrement, on pourrait tout simplement interdire la fumée du tabac, mettre des barbelés autour du pays et mener une guerre contre le tabac tel qu'on l'a menée contre la drogue. On pourrait aussi augmenter le prix du tabac à travers des impôts très sévères. Alors, ça, c'est des méthodes qui peut-être pourraient avoir des résultats.

Une méthode qui n'aura pas de résultats, c'est d'imposer une limite sur la publicité et, surtout, une limite sur la commandite des événements sportifs et culturels. Et voici ce que le Surgeon General, aux États-Unis, a écrit en 1989 à ce sujet, et je le cite précisément: «There is no scientifically rigorous study available to the public that provides a definite answer to the basic question of whether advertising and promotion increase the level of tobacco consumption.» C'est-à-dire qu'il y a du doute, un très grand doute dans la communauté scientifique sur l'effet de la publicité sur la consommation totale du tabac. Et c'est vraiment ça, la question centrale: Qu'est-ce que la publicité accomplit? Personne ne dit que la publicité n'accomplit rien, mais les recherches montrent plutôt que la publicité sert à changer les parts du marché plutôt qu'à augmenter la consommation totale, surtout dans les produits bien établis tels que le tabac.

Une étude du style de publicité qui a été faite aux États-Unis de 1926 jusqu'à 1986 a décortiqué quels types de pub de tabac les entreprises ont faits, et la pub porte surtout sur: Achetez notre marque. Pas: Achetez le tabac, pas: Fumez, mais: Achetez notre marque. Et on voit ça aussi pour le pétrole. Personne ne dit: Conduisez plus. Utilisez plus de pétrole. Ce sont des produits bien établis avec des caractéristiques bien connues. Alors, c'est plutôt changer les marques dans le marché. Et c'est ça, l'essentiel à apprécier. Un grand nombre d'études, qui ne sont pas citées dans l'étude d'impact, soutiennent cette hypothèse.

L'étude d'impact se réfère plutôt à des études faites par des médecins qui se demandent quels sont les effets de la publicité sur les jeunes et sur leur consommation de tabac. C'est un peu comme si un économiste se mettait à s'interroger sur les effets de certains médicaments sur la santé des patients.

Ce que ces études font, et elles sont toutes très claires là-dessus, c'est essayer d'associer si une jeune personne fume et si elle reconnaît certaines marques de tabac. C'est ça que les sondages essaient de faire. Et, en disant qu'il y a une association statistique entre reconnaître la marque et fumer, elles disent: Tiens, il y a un danger.

Mais les études disent qu'une association, ce n'est pas une «causation». Il se peut très bien que les jeunes qui fument reconnaissent les marques de tabac, plutôt que la causalité dans la direction inverse. D'autant plus que ces études sur lesquelles l'étude d'impact se base ont des lacunes assez importantes, comme le fait qu'elles s'interrogent très peu sur d'autres facteurs, tels que la famille, qui peuvent être très importants dans la formation des choix des jeunes. D'autant plus que ces études, non plus, n'associent pas la publicité à la consommation plus élevée de tabac. Elles associent tout simplement la publicité à: Est-ce qu'on reconnaît plus la marque? Alors, ce sont des études très limitées et sur lesquelles on fait de très grands «prononcements» dans l'étude d'impact.

Maintenant, il y a des études qui se sont interrogées sur qu'est-ce qui se passe dans les pays qui imposent des limites à la publicité, et les résultats sont très mixtes sinon nuls. L'étude d'impact cite le cas de la France, la loi Évin, en 1993, qui a interdit presque toute forme de publicité de tabac – une loi très sévère – et en même temps a augmenté le prix du tabac. Et elle cite que la consommation a tombé. Pas la consommation chez les jeunes, parce qu'on n'a pas de chiffres là-dessus. Mais ce que l'étude ne cite pas non plus, c'est qu'il y a eu une énorme augmentation dans le marché noir pour la cigarette dans ce pays.

Alors, tirer des déductions de la France, c'est très difficile. L'étude ne mentionne pas non plus le fait peut-être un peu gênant qu'au Canada, après qu'on eut introduit la grande interdiction de publicité, il y a à peu près neuf ans, le taux de consommation de tabac chez les jeunes semble montrer une augmentation.

Maintenant, on peut très bien se dire: Écoutez, des études académiques qui se disputent, peut-être qu'il y a du doute, mais pourquoi ne pas essayer quand même? Et là il faut comprendre comment la publicité agit, comment elle fonctionne. Et une des manières dont elle fonctionne, c'est de transmettre de l'information sur le produit. Et, me référant de nouveau à cette étude qui a décortiqué les styles de publicité, à peu près 50 % de la pub sur la cigarette était sur les effets de santé de la cigarette, des pubs faites par les entreprises elles-mêmes. Alors, il est possible qu'une interdiction publicitaire puisse avoir un effet négatif sur la connaissance des effets du tabac.

Finalement, étant donné cette base faible, théorique et empirique sur laquelle l'étude d'impact se base, est-ce qu'on veut vraiment risquer les effets économiques? Et les effets d'une interdiction des événements commandités, de la commandite, en France, ça suggère qu'il y a une chute assez dramatique des événements de moto-sport; les évidences sont limitées. Et aussi, il faut se demander: Quand on essaie de contenir l'information – l'information, c'est quelque chose de très flou – si on limite toute publicité du tabac, après ça, qu'est-ce qu'il va falloir faire? Peut-être qu'il va falloir limiter ce que les citoyens privés peuvent dire pour s'exprimer. Et vous savez tous très bien ce qui s'est produit avec les lois électorales où, premièrement, on a limité ce que les politiciens peuvent dépenser et, finalement, ce que les citoyens privés peuvent dépenser. Merci.

(21 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant... Est-ce que vous aviez un commentaire additionnel?

M. Lemieux (Pierre): Non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non? O.K.

M. Lemieux (Pierre): Je voulais tout simplement dire, M. le Président, que nous sommes maintenant, Jean-Luc Migué, Filip Palda et moi-même, prêts à répondre à toute question que, vous et vos collègues, vous avez toujours voulu poser à des économistes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Alors, je vous remercie beaucoup d'être venus nous présenter votre étude. Je vais résister et je n'entrerai pas dans le débat académique du pour ou du contre. D'ailleurs, les auteurs de l'étude pourront eux-mêmes soutenir sur quelle base ils ont fait l'étude d'impact.

Mais je suis un peu surpris d'une chose. Est-ce qu'il n'aurait pas été plus efficace, pour démontrer ce que vous nous dites ce soir, au lieu de simplement faire une critique de l'étude qui a été faite, d'en faire une autre, étude d'impact, bien faite, comme vous dites que ça devrait être fait, pour voir si ça arrive à des conclusions différentes ou aux mêmes conclusions, voir où ça se recoupe? Je suis juste un peu surpris que trois éminents économistes se soient... C'est normal de faire de la critique; les scientifiques se critiquent les uns les autres. Mais, comme contribution à ce débat, s'il y avait une pièce à ajouter, ça nous aurait peut-être été plus utile d'avoir une autre étude d'impact où vous auriez pu établir certaines critiques qui vous amènent à en faire une autre parce que celle qui a été faite était insuffisante pour telle et telle raison, et l'autre, selon vous, de la bien faire. Ça nous aurait peut-être aidés plus que juste faire la critique de l'étude qui a été faite là, parce que je ne doute pas que les auteurs pourraient probablement répondre à la plupart de vos critiques et en faire valoir d'autres.

M. Palda (Filip): Si vous voulez remettre la loi à l'année prochaine, peut-être qu'on aura le temps...

M. Rochon: Non.

M. Palda (Filip): ...de faire une étude plus approfondie.

M. Rochon: Non. Je vous demande pourquoi vous n'avez pas pensé à ça avant.

M. Palda (Filip): Pardon?

M. Rochon: Je vous demande pourquoi vous n'avez pas pensé à ça avant, si votre point était de démontrer:...

M. Palda (Filip): Il faut faire...

M. Rochon: ...Est-ce qu'il y a vraiment un impact économique ou pas?

M. Palda (Filip): Il faut faire le point que...

M. Rochon: On ne retardera pas la loi pour vous donner une chance de faire une étude que vous auriez pu ou dû faire.

M. Palda (Filip): Il faut faire le point que l'étude d'impact que l'on critique, elle-même n'est pas entièrement une étude d'impact. C'est une étude qui fait un reportage d'un tas d'autres études. Alors, étant donné le temps limité, ce qu'on a pu faire, c'est montrer ce qui se passe dans la littérature, essayer d'introduire de la balance dans le débat, et ça, c'est l'aspect principal qu'on essaie de faire: montrer qu'il y a un autre point de vue bien soutenu par des recherches scientifiques.

M. Lemieux (Pierre): Oui. M. le ministre, je veux seulement ajouter, si vous permettez un mot, à toutes ces choses justes qu'a dites Filip Palda. D'abord, tout simplement, en réponse à votre question, notre mandat était ce qu'il était: de réaliser une évaluation économique de l'étude d'impact. Si le gouvernement nous avait approchés pour réaliser une seconde étude d'impact, mon Dieu! il aurait fallu en discuter. Est-ce qu'on aurait voulu ou non? C'est une question qu'on peut se poser. Mais personne ne nous l'a demandé, et nous n'avions pas le temps ni les ressources pour faire une seconde étude d'impact, ni les contacts avec le gouvernement, du reste.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre, est-ce que ça va?

M. Rochon: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une autre question?

M. Rochon: Mais, de votre connaissance de la littérature, est-ce qu'il y en a d'autres, des études d'impact bien faites qui concluent dans un sens ou dans un autre, qui seraient un modèle auquel on devrait se référer si on voulait avoir des éclairages à cet égard?

M. Migué (Jean-Luc): Il y a un tas de travaux, dont ceux qu'on a mentionnés et qui apparaissent, qui abordent des dimensions spécifiques de toutes sortes de choses, depuis l'impact de la fumée secondaire et depuis... donc, sur toutes sortes de dimensions.

Je dois ajouter, quant à moi, que, dans la démarche analytique qui doit mener, disons, à l'évaluation d'une loi ou d'un projet de loi, il y a un grand nombre des considérations contenues dans l'étude d'impact qui sont sans intérêt, comprenez-vous? Par exemple, l'étude d'impact sur l'emploi, sur les finances publiques, ça ne permet en rien d'évaluer l'efficacité ou l'inefficacité d'une loi, comprenez-vous? Je peux concevoir un tas de projets de loi ou un tas d'initiatives qui auraient des impacts négatifs sur l'emploi et qui soient parfaitement bienvenus, ou encore je pourrais en concevoir, donc, qui aient des impacts positifs sur l'emploi et qui n'aient pas leur place.

Une analyse économique, c'est une analyse économique. Ça étudie la rentabilité des décisions, des initiatives ou des institutions, et le critère ultime d'évaluation de l'efficacité d'une décision ou d'une initiative, c'est le respect des préférences de la population, donc l'évaluation des bénéfices aux gagnants et des coûts aux perdants. C'est ça, la nature d'une évaluation. Or, la démarche se l'interdisait en ce que, au départ, on rayait les intérêts des perdants que sont les fumeurs. Par conséquent...

M. Rochon: J'ai un petit peu de difficulté à vous suivre. La décision politique de légiférer sur le tabac vient d'un certain nombre de considérations qui ne sont pas qu'économiques et qui sont plus à partir des connaissances dans le domaine de la santé publique, d'études épidémiologiques qui ont démontré la nocivité du tabac.

Et là-dessus, en passant, j'aimerais être bien sûr que je lis bien une phrase que vous avez dans votre rapport, à la toute première page de l'avant-propos. Vous référez à la fumée dans l'environnement, le risque pour les non-fumeurs, et vous dites: «La seule exception à ce caveat concerne la question de la fumée secondaire, à propos de laquelle les démonstrations sont très contestées et relèvent exclusivement de recherches épidémiologiques et statistiques, domaines très proches des sciences sociales.»

Comme je lis ça, c'est comme si ce n'était pas tellement sérieux et scientifique, ce genre d'études là qui ont fait la relation et le lien entre la fumée dans l'environnement et les risques pour la santé. Mais gardez ça entre parenthèses, parce que mon point était plus dans le sens de ce que vous disiez, votre dernier commentaire, M. Migué, que la décision étant prise pour différentes considérations, avec lesquelles vous pouvez être d'accord ou pas, qu'à l'instar de beaucoup d'autres pays on veut faire une législation en ce qui regarde le tabac, ma préoccupation étant de se demander quels peuvent être les effets de nature économique, sur l'emploi, sur différents types de commerces, dans la mesure où on légifère là-dessus, et comment on peut les minimiser ou comment on peut les encadrer.

Est-ce que ce n'est pas ça qui est un peu l'objectif légitime d'une étude d'impact? Pas de se demander: Est-ce que c'est la science économique qui va nous dire s'il y a lieu ou pas de légiférer par rapport à telle, telle, telle question comme celle-là, mais que, si on légifère, quels pourraient être les effets de nature économique, pour bien les connaître, pour qu'on puisse décider, dans la balance des inconvénients: Est-ce que le rapport coûts-bénéfices, si je peux m'exprimer comme ça, pour la société en vaut le prix? Ou, connaissant des retombées ou des impacts négatifs, possiblement négatifs, qu'on puisse voir comment on peut les baliser. Il me semblait que c'était ça, l'objectif de l'étude d'impact.

M. Migué (Jean-Luc): Il n'est pas interdit d'étudier n'importe quoi, comprenez-vous...

M. Rochon: Non, mais ce n'est pas économique...

M. Migué (Jean-Luc): ...et de faire des travaux d'impact sur l'emploi puis sur les finances publiques, et tout. Je ne veux pas m'objecter, en principe, à cette démarche. Je vous dis que ce n'est pas ça qui s'appelle une étude de rentabilité économique. Ce n'est pas ça que la démarche économique propose comme processus pour arriver à évaluer la rentabilité sociale d'une décision. La démarche, ça consiste à évaluer les bénéfices que comporte ou les avantages que comporte une initiative, etc., et donc les bénéfices pour ceux qui y gagnent et les coûts pour ceux qui y perdent. Or, cette démarche-là, elle n'est pas contenue. Je ne veux pas interdire à quiconque d'étudier l'impact sur l'emploi.

M. Rochon: Ça, c'est assez économique comme démarche, d'étudier l'impact sur l'emploi. Non? Comme étude?

(22 heures)

M. Migué (Jean-Luc): C'est économique, c'est-à-dire... Ce n'est même pas de l'économique, en fait, qui est emprunté par l'étude d'impact, c'est de l'input-output, c'est-à-dire que c'est une relation purement d'engineering entre les facteurs de production. On dit: Voilà, dans telle industrie aujourd'hui, on emploie telle quantité, telle proportion de facteurs. Si on diminue la production dans cette industrie-là, le nombre d'employés de telle catégorie va diminuer, la consommation d'acier va diminuer de tant. Donc, ça suppose, par exemple, l'absence totale de prix, du rôle des prix, parce que ça suppose des facteurs fixes au départ. C'est une démarche qu'a retenue la chose d'impact mais qui est à toutes fins pratiques, je ne dirais pas discréditée, mais qu'on ne voit plus nulle part dans la littérature, parce que ça n'a pas d'intérêt, comprenez-vous, de postuler que d'ici à cinq ans à 10 ans les prix ne vont pas varier et que, par conséquent, on peut maintenir les facteurs...

Donc, enfin, ce n'est pas immoral de faire un travail comme ça, mais c'est sans intérêt. Vous n'en trouverez nulle part à peu près dans les... Alors, sur ce chapitre particulier, Impact sur l'emploi , c'est comme ça qu'on a procédé entre autres, et, en réalité, de définir ça comme une étude économique, c'est vraiment forcer les choses. C'est plus de l'engineering, ce n'est pas vraiment de l'étude économique.

Une voix: Mais enfin!

M. Migué (Jean-Luc): Ce n'est pas la question principale.

M. Lemieux (Pierre): Est-ce que je pourrais rajouter quelques mots à ça, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

M. Lemieux (Pierre): Le ministre a mentionné, en parlant d'étude d'impact, un autre terme qui est le rapport coûts-avantages, et ce que des économistes feraient normalement pour étudier ce qu'on peut appeler, dans n'importe quel jargon, «l'impact d'une législation», ce sont ce qu'on appelle «les coûts et les avantages sociaux». Est-ce que les coûts sont plus grands que les avantages, ou est-ce que les avantages sont plus grands que les coûts pour la société, comme on dit?

Il s'est développé sur cette question-là une vaste littérature économique. En fait, depuis l'économiste britannique Pigou, des années vingt, l'intervention de l'État a justement été très souvent justifiée dans toutes sortes de domaines par des avantages globaux qui étaient présumés ou dont on soutenait qu'ils étaient plus élevés que les coûts. Tout ce domaine-là de l'économie s'appelle «la théorie du bien-être»; l'analyse coûts-avantages est un dérivé pratique de cette théorie-là. Une bonne partie, en fait, plusieurs des études que nous citons dans la littérature adoptent cette approche-là. Et, quand vous nous demandiez s'il y a des études coûts-avantages qui ont été réalisées, bien, je vous suggère de regarder les références que nous avons, où il y en a plusieurs, bien que je ne vous apprendrai rien en vous disant que ces choses-là sont difficiles à évaluer, mais il y a une méthodologie qui existe pour évaluer, en économie, en fonction des préférences individuelles, en fonction des préférences des individus, les coûts et les avantages de quoi que ce soit, y compris d'un projet de loi. Et je pense que c'est ce que vous vouliez dire quand vous parliez du rapport avantages-coûts.

Vous pensez que c'est ce qu'une étude d'impact devrait faire, et c'est aussi ce que nous pensons qu'une étude d'impact devrait faire, mais c'est ce que nous croyons qu'elle n'a pas fait. Et le test de ça, en dehors des querelles d'écoles économiques, c'est qu'elle ne se réfère pas à toutes les grandes études qui ont été faites sur cette question-là au cours des 20 dernières années partout dans le monde.

M. Rochon: Encore une fois, ce n'est pas moi qui ai la compétence de rentrer dans ce débat d'écoles, parce que ça en était un peu, si vous discutez un peu comme... «Oui, finalement, c'est économique, l'étude qu'ils ont faite, mais ils n'ont pas pris les bons outils, ils n'ont pas pris ce qu'on devrait prendre aujourd'hui.» Alors, moi, je respecte votre opinion, mais je n'ai pas de compétence pour la discuter. Mais est-ce que je peux vous demander: Est-ce que vous pensez que vous êtes d'accord avec les démonstrations qui ont été faites que la cigarette, c'est un problème de santé publique? Et que la norme sociale qui s'installe dans une société comme le Québec, comme dans beaucoup d'autres pays, c'est que la norme normale, c'est de ne pas fumer? Que des gens qui veulent le faire, on respecte absolument qu'ils puissent le faire, mais on va s'assurer que, le plus possible, on évite que les jeunes prennent l'habitude de fumer et que ceux qui ne fument pas ne voient pas leur santé exposée à la fumée dans l'environnement? Ça, est-ce que vous acceptez que ça a été assez bien établi, qu'on peut discuter ou pas? Est-ce qu'une société veut payer le coût de ce que ça peut représenter, dans la mesure où il y a un impact économique? Ça, c'est une autre discussion. Mais est-ce que cette prémisse-là, vous la reconnaissez?

M. Migué (Jean-Luc): Je vous répondrai par une question. Qu'est-ce qu'on entend par santé publique? Est-ce que tous les comportements qui ont des incidences sur la santé des gens appartiennent à la santé publique? Si oui, alors, il n'y a rien qui n'appartient pas au sujet, et tout est susceptible d'être réglementé par une loi, y compris la sédentarité, la consommation d'alcool, les sports trop violents, ou quoi que ce soit.

Donc, la notion de santé publique, telle qu'on la définit souvent dans les débats populaires, est devenue un fourre-tout qui rationalise toutes les interventions concevables. Dans le cas particulier qui nous concerne, celui du tabac, que la cigarette soit nocive pour ceux qui la fument ne constitue pas, à mon point de vue et au point de vue de quiconque, je crois, un problème de santé publique, parce qu'elle est le fait d'individus parfaitement informés, même surinformés, qui surévaluent d'ailleurs les risques à leur santé et donc qui choisissent de prendre le risque de compromettre leur santé, s'ils le veulent, au profit d'autres bénéfices qu'ils en retirent puis d'une jouissance sensuelle, ou je ne sais trop. Et, par conséquent, le fait de fumer ne constitue pas, pour ceux qui le font, un problème de santé publique. S'il y a des incidences sur la santé des autres, ah, là, j'en conviendrais.

À ce sujet-là, vous y avez fait allusion il y a une minute, le problème de la fumée secondaire, je crois qu'il y a deux grands jalons dans l'histoire de l'analyse de cette question-là. Jusqu'en 1990, le EPA américain, l'Environmental Protection Agency, énonçait la proposition que, oui, la fumée secondaire constitue des risques graves pour les voisins. Par conséquent, il faut... Ce rapport de l'EPA a donné lieu, vous vous en souviendrez sans doute, en 1989 ou 1990, à Montréal, à McGill, à un symposium international qui s'est penché sur cette question-là et qui a publié un rapport et qui a conclu que les données existantes ne permettaient pas d'établir une relation entre la fumée secondaire, la fumée des voisins, et la santé des gens. Ça, c'est la conclusion jusqu'en 1990. On peut compléter cette histoire par les années qui ont suivi, et en particulier par le dernier travail, la dernière étude de l'Organisation mondiale de la santé qui a été publiée – encore une fois, un peu subrepticement, parce que ça gênait les décisions des gouvernements américains, donc on a essayé de la camoufler, mais, finalement, l'affaire est sortie – et qui démontre... Je pense que c'est l'étude la plus exhaustive qu'on possède et la moins contestable et la plus reconnue sur les impacts de la fumée secondaire en matière de santé et qui affirme que, non, il n'y en a pas d'effets secondaires, en matière de cancer, de la fumée, ni pour les conjoints, ni pour les collègues de travail, ou les «coworkers». Mais voilà, c'est comme...

M. Lemieux (Pierre): Est-ce que je pourrais ajouter un mot en réponse toujours à la question du ministre de la Santé? Cette question-là va évidemment au fond du débat et sans doute à la distinction essentielle entre la littérature du Public Health , qui nous vient essentiellement des États-Unis, et la littérature économique qui nous vient de partout dans le monde. Vous voyez, si on considère comme problème de santé publique tout ce que les individus font avec leur santé, qui leur impose des coûts à eux, comme le faisait remarquer Jean-Luc Migué, M. le ministre, on n'est pas sortis de l'auberge.

On cite, en page 10 de notre étude, la fameuse étude de Manning et compagnie, réalisée aux États-Unis, sur le tabac, l'alcool, sur ce qu'on appelle «les coûts externes» du tabac, de l'alcool et de la sédentarité. Les résultats sont assez intéressants, d'une part, parce que les conclusions de Manning, dans son étude pour la Rand Corporation, contredisent tout à fait ce que dit l'étude d'impact quant au transfert présumé des non-fumeurs vers les fumeurs, puisque c'est l'inverse, mais, en plus, il arrive à la conclusion que la sédentarité impose à la société des coûts plus élevés que le tabac. Et il résume leur discussion de ça en disant: «We estimate that lack of exercise imposes external costs of $0.24 for every mile that sedentary people do not walk, jog or run.»

M. le ministre, si vous courez un mille, comme moi, en à peu près neuf minutes, ça veut dire que, depuis que nous sommes ici, en commission parlementaire, depuis les quatre fois neuf minutes, vous venez d'imposer un coût, en termes de santé publique à la société, de 1 $; moi aussi, du reste. Et je pense que nous devrions ensemble avoir honte. L'analyse économique, contrairement à ça, définit les questions, y compris ce qu'on pourrait appeler «les questions de santé publique», en fonction des préférences individuelles au lieu de les définir en fonction de la manière dont certains croient que d'autres devraient vivre leur vie.

M. Rochon: Ça, là, je ne vous suivrai pas là-dessus, parce que c'est le coup classique. Tu lances la discussion sur un autre sujet: Est-ce que la sédentarité est un plus grand problème de santé publique que le tabac? On pourra discuter ça mais dans un autre contexte.

Mais, pour répondre à votre question, nous autres, on a cru qu'un problème de santé publique, quand... Et le poids de la littérature, je pense qu'on pourra faire le débat en ce qui regarde la fumée dans l'environnement, moi, je pense qu'il est dans l'autre sens de ce que vous dites. D'ailleurs, les informations que j'ai, moi, sur l'étude de l'OMS, est-ce que ce n'est pas plutôt une étude qui n'est pas encore publiée par l'OMS, que l'industrie a attrapée et en a sorti des données préliminaires hors contexte et utilisé ce qui l'intéressait et que, dans l'ensemble de cette étude-là, ce n'est pas évident que ça ne conclut pas dans le sens du poids de la littérature?

M. Lemieux (Pierre): Est-ce que je pourrais répondre seulement...

(22 h 10)

M. Rochon: Mais je vous dis ça... Première chose. Vous pouvez débattre ou pas, moi, je vous dis qu'on a vu pas mal de littérature qui dit: Oui, la fumée dans l'environnement, c'est un risque pour la santé. Il faut refaire le débat d'école, il faut voir si vraiment, sur toute la littérature où s'est établi ce que disent beaucoup de gens dans le domaine de la santé publique... se sont trompés. Mais une autre chose aussi: Reconnaissez-vous ce qui semble être bien démontré, que la cigarette, qui contient la nicotine qui est une drogue qui développe une accoutumance importante spécialement pour les jeunes de 12 à 15 ans et que la publicité de l'industrie du tabac vise spécialement ces gens-là pour qu'ils prennent vraiment l'habitude de fumer et qu'ils soient pris pour le restant de leur vie? Ça, ça a été pas mal établi aussi par pas mal d'études. Et, pour répondre à votre question, ça, c'est un problème de santé publique. Si on veut protéger des jeunes de prendre une habitude de consommer une drogue, une accoutumance à une drogue qui va leur causer des problèmes de santé, éventuellement abréger leur vie, pour répondre à votre question, ça, c'est un problème de santé publique.

Quand des comportements peuvent modifier, peuvent protéger des gens – on a eu tout le débat sur le port de la ceinture automobile, par exemple, le port du casque pour les motocyclistes – que certains changements de comportement, on a une base scientifique pour démontrer que ça va être bénéfique pour la santé des gens ou que certains comportements peuvent être nuisibles pour les gens, ce qu'on fait avec les vaccinations, peuvent protéger des gens autour de soi, c'est ça, des questions de santé publique: quand on peut amener des changements d'une norme sociale qui sont favorables à la santé ou qui sont plus favorables à la santé. Mais là on peut être d'accord ou pas, on peut discuter sur les démonstrations scientifiques qui sont faites, mais ça devient un autre débat, ça, à ce moment-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça sera la dernière intervention de ce côté-ci.

M. Lemieux (Pierre): M. Palda répondra de manière plus approfondie à la question du ministre. J'aimerais tout simplement mentionner au ministre un point mineur, enfin, mineur, mais qui a son importance. L'étude de l'Organisation mondiale de la santé dont on parle a fait l'objet d'un rapport à l'intérieur du rapport annuel 1996-1997 de l'Agence internationale de recherche sur le cancer, et il me fera très plaisir de vous faxer ça demain matin, si vous voulez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin. Ah, excusez.

M. Lemieux (Pierre): Il nous restait à répondre au fond de la question du ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Palda, très rapidement.

M. Palda (Filip): Oui. Je voudrais très simplement mentionner qu'il n'est pas du tout établi que les entreprises de tabac visent les jeunes. Les études qu'on utilise pour soutenir cette constatation essaient de montrer que les jeunes reconnaissent les marques, par exemple, de Camel, de Joe Camel, plus que les personnes plus âgées. Mais c'est vrai aussi que les jeunes reconnaissent presque toutes les marques plus que les personnes plus âgées. Et reconnaître une marque, il faut faire attention, ne veut pas dire que la personne va commencer à fumer; il se peut que la personne reconnaisse la marque parce qu'elle fume déjà. Ce que ces études négligent aussi de mentionner, c'est que les jeunes, presque à 90 % ou 95 %, croient que la fumée c'est quelque chose de dégueulasse et que les fumeurs ne sont pas des personnes très intelligentes. Ça, c'est déjà des connaissances très répandues vers l'âge de huit ans.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de...

M. Rochon: M. le Président, un petit commentaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très, très court.

M. Rochon: Il reste qu'il y a beaucoup de ces analyses-là, vous le reconnaîtrez, qui sont de nature de la science, de la psychologie, du marketing ou des sciences politiques. À un moment donné, là, on glisse souvent en dehors de l'économique comme tel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de vous remercier pour votre présentation et pour nous apporter un point de vue extrêmement critique.

Lorsqu'on regarde l'ensemble de votre document, vous en avez pour 140 pages, c'est beaucoup de critiques une à la suite de l'autre, pour critiquer un document d'à peu près 80 pages, l'étude d'impact, et j'essaie de me faire une liste de priorités dans ma tête là-dedans. Est-ce que je pourrais vous demander de nous dire peut-être les deux ou trois points principaux sur lesquels vous insistez beaucoup dans l'ensemble de la démarche que vous avez faite sur l'étude d'impact? Quelles seraient les principales erreurs analytiques ou les impacts qui ont été ignorés? Vous avez parlé, dans le cas, je pense, des aménagements ouverts, du coût des espaces qui n'était pas comptabilisé. Ce sur quoi je souhaiterais vous entendre, c'est vraiment les deux ou trois principales critiques associées à l'étude d'impact.

M. Migué (Jean-Luc): Bon, enfin, je me permets de rappeler quelques éléments. L'étude d'impact méprise, en quelque sorte, les fumeurs en ne les incorporant pas dans le calcul d'impact, comme ne méritant pas d'être présents. Deuxièmement, l'étude d'impact surévalue, et arbitrairement, d'une façon grossière, l'impact des mesures sur la consommation de cigarettes. Elle pose des affirmations gratuites sur, par exemple, l'impact de la fumée secondaire, et elle transforme un bilan monétaire ou financier, si vous voulez, un bilan des transferts entre fumeurs et non-fumeurs, un bilan positif pour les non-fumeurs en bilan négatif, donc par toutes sortes de tours de passe-passe qui n'ont aucune justification. Bon, alors, voilà ce qui me paraît, quant à moi... plus l'affirmation qu'elle pose, que la publicité est un déterminant important de la consommation, surtout chez les jeunes. Mais enfin...

M. Lemieux (Pierre): J'ajouterais peut-être un point qui est relié à ce que M. Migué a dit et qui est aussi relié à la question ou à l'accusation que m'a servie le ministre, de changer de sujet, tout à l'heure, à savoir que l'étude d'impact, au lieu d'adopter une approche économique qui évalue tous les phénomènes sociaux en fonction des préférences individuelles, adopte une approche paternaliste où l'État peut protéger les gens contre eux-mêmes. Et l'essence du «public health», c'est ça. C'est donc une étude de «public health», ce n'est pas une étude économique.

M. Marsan: Me permettez-vous de revenir sur les premières raisons? «Méprise les fumeurs»... et vous parlez qu'ils ne sont pas incorporés, comme tel, dans l'étude. Pourriez-vous juste expliciter davantage dans quel sens les fumeurs sont méprisés et qu'ils ne sont pas incorporés? Est-ce qu'on peut quantifier ça?

M. Migué (Jean-Luc): Non, non, on ne peut pas les quantifier, ils n'apparaissent nulle part. Encore une fois, l'analyse de rentabilité, en économique, l'analyse d'impact, l'analyse coûts-bénéfices s'emploie à évaluer les bénéfices pour les gagnants et les coûts pour les perdants d'une mesure. En l'occurrence, les mesures envisagées par l'étude d'impact comportent évidemment des bénéfices pour certains individus, les non-fumeurs, sans doute, mais des coûts énormes pour les fumeurs. Or, ça, je ne peux pas vous en dire plus. Ça n'apparaît nulle part, ça, que les fumeurs subissent un inconvénient de ne pas pouvoir s'adonner à leur habitude, de porter un fardeau fiscal gigantesque, donc, qui transfère la richesse à leurs voisins. Ça n'apparaît pas comme facteur à considérer. Voilà, c'est tout. Ça n'existe pas, l'intérêt des fumeurs, dans l'étude d'impact, ni dans le débat public, en passant, hein. On pourrait bien ajouter ça.

M. Marsan: Toujours dans les principales raisons que vous avez mentionnées, on a fait allusion à la fumée secondaire. Et, à chaque fois qu'il y a eu des experts hautement crédibles, je me permettais la question: Est-ce que la fumée secondaire a un impact physiologique sur les gens qui entourent? Alors, la réponse, c'était oui. Et j'ai avec moi le mémoire du Collège des médecins. Aussi bien que je peux me souvenir, il me semble que j'avais posé la question, et le Collège des médecins avait dit oui aussi, comme des représentants de l'Association pulmonaire et d'autres groupes.

Je suis sous l'impression – mais là, en tout cas, vous semblez dire que non – que la fumée secondaire avait des impacts qui étaient scientifiquement documentés. Et vous semblez dire que non, et vous avez à l'appui une étude de l'OMS. Est-ce que ce serait possible, peut-être, de pouvoir prendre connaissance de l'étude de l'OMS? Je ne sais pas si elle est très volumineuse, mais...

M. Lemieux (Pierre): Non. L'OMS a essayé de dissimuler ces résultats-là en publiant ça, comme je le mentionnais au ministre, à l'intérieur du rapport biannuel 1996-1997 de l'Agence internationale de recherche sur le cancer. Ça fait très exactement une page et demie ou deux pages. Et, quand j'en faxerai une copie au ministre, demain, il me fera plaisir, M. le député, de vous en faxer aussi une copie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous pouvez faire parvenir peut-être à la commission qui se chargera de faire parvenir à tous les autres, s'il vous plaît?

M. Lemieux (Pierre): Bien sûr.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, ça va? Oui, M. Migué, vous voulez ajouter?

(22 h 20)

M. Migué (Jean-Luc): En réponse à votre question, monsieur, j'ajouterai qu'encore une fois, pour tout ce qui a trait aux travaux antérieurs à 1990, le mieux à faire pour se simplifier la tâche, c'est encore de consulter le rapport du symposium international tenu à McGill University en 1990, qui a été publié sous le titre de Environmental Tobacco Smoke , donc publié en 1990, et qui conclut que: «Data do not support the judgment of a casual relationship between exposure to environmental tobacco smoke and lung cancer.»

Depuis lors, bien, il y a eu toutes sortes de travaux en effet, on pourrait les évaluer un par un, puis, très souvent, les données, les analyses, les études du rapport, des travaux, plutôt, mènent à la conclusion que l'impact est nul. Mais les auteurs sont souvent tellement biaisés contre le tabac que finalement ils concluent que, quand même, il faut le réglementer. Mais enfin, on pourrait... Je m'en suis tenu ici au rapport, justement, de l'OMS parce que ça me paraissait une pièce de résistance, disons, qu'on pouvait extraire de l'ensemble de la documentation qui a cours là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Lemieux (Pierre): J'aimerais ajouter un petit point. Je suis évidemment d'accord avec ce que Jean-Luc Migué a dit, et je pense que toute la question de la fumée secondaire est une supercherie du genre de la question de l'amiante, du reste, dont le présent gouvernement a d'ailleurs souffert. Mais, même à supposer que ce ne soit pas vrai, à supposer que la fumée secondaire crée des risques réels, tangibles pour la santé des tiers, pourquoi est-ce qu'on interdirait, à ce moment-là, à quelqu'un d'ouvrir un restaurant en mettant sur sa porte «Fumeurs seulement» ou de créer une compagnie aérienne «fumeurs seulement»? Les fumeurs sont quand même libres, n'est-ce pas, de subir la fumée secondaire, enfin d'eux-mêmes et de leurs voisins. De sorte que la fumée secondaire n'est, je pense, dans tout ce débat, qu'un prétexte à réglementer un comportement pour des raisons paternalistes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Marsan: Une dernière question, M. le Président. D'habitude, quand on travaille avec des experts en recherche et avec des curriculums importants, on peut comprendre, si on discute de certains aspects philosophiques, qu'il peut y avoir des points de vue difficilement quantifiables, d'un côté ou de l'autre, puis des aspects de moralité qui peuvent être intégrés à différents points de vue, et là je comprends qu'on peut avoir, donc, des experts scientifiques avec des opinions très, très différentes. Mais, quand vous nous dites que les mesures sur la consommation sont surévaluées, il me semble qu'on devrait être en mesure, au niveau des experts, d'être capables de bien quantifier ces mesures-là et la surconsommation également. Il me semble que, au niveau du débat des experts, on pourrait reconnaître, en tout cas, ou essayer de voir une ligne importante de vérité ou de savoir de quel côté penche la véritable recherche scientifique.

Alors, quand vous nous dites qu'un des éléments critiques de l'étude d'impact, c'est la surévaluation des mesures sur la consommation, vous êtes des experts, est-ce que vous pouvez documenter peut-être davantage? Vous pouvez sûrement faire référence. Parce qu'on vient juste d'avoir le document de 140 pages et on ne l'a pas tout lu. Mais il me semble que là on aurait peut-être un filon qui dit: Écoutez, hors de tout doute raisonnable, c'est ça, la vérité au niveau de la consommation. Est-ce que c'est pensable?

M. Palda (Filip): Écoutez, vous faites une grande confiance aux experts. Les physiciens, il y a un très grand débat, on ne sait pas si l'univers est en train de grandir ou de se rétrécir. Alors, c'est légitime d'avoir un débat et une différence d'opinions sur beaucoup de domaines scientifiques.

Au niveau de la consommation, là je vais répondre sur les effets de la publicité sur la consommation. Il y a eu, en 1992, un rapport par le Department of Health, au Royaume-Uni, qui a fait un survol de beaucoup d'études et qui lui-même a essayé de déterminer quels sont les effets de la publicité sur la consommation. Ils sont venus du côté, légèrement, ils ont fait un recensement des études qui se démontrent sur la publicité et ils ont pris beaucoup de soin à dire que, même dans les cas où on trouve un lien positif entre la publicité et la consommation, ceci ne démontre pas que un cause l'autre. Ça, c'est le démon de beaucoup de sciences sociales, de montrer la cause.

D'ailleurs, cette étude-là a été... Ils ont fait une analyse du Canada et, je crois, de Norvège. On a essayé de reproduire, d'autres chercheurs ont essayé de reproduire, et il n'y a pas eu de succès, là. Il y a un tas d'études, la majorité, quand on examine les effets des interdictions de la publicité, qui montrent qu'il n'y a pas d'effet. Et, ce à quoi on a affaire, là, c'est des tendances qu'on ne comprend pas trop bien. Regardez les jeunes. Pourquoi est-ce que, avec ce qu'on croit être une augmentation dans leur consommation du tabac, on voit aussi une augmentation dans la consommation de certaines drogues? Est-ce que c'est lié à la publicité? On voit une augmentation dans certains types de violence parmi les jeunes. Est-ce que c'est lié à la publicité? Ça, c'est attribuer beaucoup à la publicité et trop peu reconnaître qu'il y a des grandes forces et des tendances que les gouvernements ne peuvent pas influencer, ni les entreprises de tabac, même si elles le voulaient.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Bonsoir, messieurs. Merci de votre mémoire. À la page ii, à l'item 5, Publicité et commandites , je vous cite: «L'ensemble de la recherche en économie, en administration, en toxicomanie, en marketing et en psychologie...»

M. Lemieux (Pierre): Pardon, madame. Est-ce que vous pouvez nous répéter la page? Je sais que c'est dans le chapitre...

Mme Lamquin-Éthier: Deux i: ii.

M. Lemieux (Pierre): Ah, c'est le résumé. C'est le résumé. Pardon, pardon. C'est le résumé. Oui, très bien.

Mme Lamquin-Éthier: Résumé, suite. Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Pierre): Oui, je vous en prie, allez-y.

Mme Lamquin-Éthier: Le point 5.

M. Lemieux (Pierre): Oui.

Mme Lamquin-Éthier: Dans le milieu du paragraphe, vous dites: «L'ensemble de la recherche en économie, en administration, en toxicomanie, en marketing et en psychologie ne supporte pas les conclusions de l'étude d'impact voulant que la publicité amène les gens, les jeunes en particulier, à fumer – qui sont davantage influencés par la famille et par les amis.» Est-ce qu'il y a des études dont vous pouvez nous parler qui démontrent qu'effectivement les jeunes sont davantage influencés par la famille et par les amis?

M. Palda (Filip): C'est cité ici dans les références: une étude par les chercheurs Conrad et al. Vous pouvez vous référer à ceux-ci qui, eux-mêmes, ont fait une recension, un survol de 27 études, du présent jusqu'aux années soixante-dix, qui s'interrogeaient sur tous les facteurs, pas qui causent, mais qui sont associés avec.

Mme Lamquin-Éthier: D'accord.

M. Palda (Filip): Et ils ont porté sur les études qu'on croit les plus légitimes, qu'on appelle «les études longitudinales». Ça veut dire qu'on suit quelqu'un à travers le temps. Et on croit que les études longitudinales, ça élimine les problèmes de qu'est-ce qui cause quoi. Parce que là on dit: Bon, ceci s'est produit dans l'année 1980, et le comportement se produit en 1985. Alors, là, c'est plus difficile de dire qu'il y a ce problème de voir ce qui cause quoi. Et il y a seulement deux études parmi celles-ci, études longitudinales, qui ont touché sur la publicité du tabac. Et Conrad et al. concluent que ces études étaient «inconclusive» sur l'effet de la publicité sur la consommation du tabac.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, Mme la députée?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pas d'autres questions?

Mme Lamquin-Éthier: Non, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il resterait un petit temps du côté de l'opposition. Est-ce qu'on peut le prendre? M. le ministre.

M. Rochon: Oui, juste vérifier une chose en terminant. Vous avez fait référence une couple de fois à ce symposium qui a été tenu à McGill. Par qui était organisé ce symposium?

M. Migué (Jean-Luc): Bien, écoutez, je ne sais pas qui était l'organisateur, mais je sais que ça a été publié dans un rapport dont je n'ai pas toute la référence ici. Je peux vous la procurer, si vous voulez. C'est Environmental Tobacco Smoke.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous pourriez en informer la commission?

M. Migué (Jean-Luc): Oui, très certainement, dès demain, si vous voulez.

M. Lemieux (Pierre): Vous avez la référence exacte à la page qu'on citait tout à l'heure, que Jean-Luc Migué, tout à l'heure. Et toutes nos références bibliographiques se retrouvent dans la longue bibliographie qu'il y a à la fin. Alors, il ne devrait pas être difficile de la retrouver.

M. Rochon: C'est possible que j'aie cru reconnaître un symposium qui avait été organisé par l'industrie du tabac sur invitation, ceux qui y participaient.

(22 h 30)

M. Lemieux (Pierre): Moi, personnellement, je ne sais pas quelle est la réponse à cette question-là. Ce qui est certain, c'est que, dans tout ce débat-là, un côté comme l'autre financent des tas d'études. Et, si vous regardez les références dans l'étude d'impact, vous allez vous apercevoir qu'un grand nombre de références sont à des articles ou des ouvrages publiés par des mouvements anti-tabac un peu partout dans le monde. Alors, si ce que vous insinuez, M. le ministre, est vrai, et je n'en sais rien, je ne dis pas que ce n'est pas vrai, mais enfin, ce ne serait qu'un élément dans le portrait général. Je pense que les hommes de science qui étaient là étaient des hommes de science crédibles, et le fait que ça ait été – à supposer que ça l'a été – financé par l'industrie du tabac, je pense, n'enlèverait pas davantage la crédibilité du rapport que le fait que l'étude d'impact que nous critiquons ait été financée par le gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça termine cette audition. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie, MM. Lemieux, Migué et Palda.

J'invite maintenant MM. Ouellette, Crémieux et Fortin à venir.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, nous vous saluons, MM. Ouellette, Crémieux et Fortin. M. Ouellette, c'est vous, je pense, qui présentez les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez débuter votre mémoire.


MM. Pierre Ouellette, Pierre-Yves Crémieux et Pierre Fortin

M. Ouellette (Pierre): Très bien. Merci, M. le Président. Alors, il nous fait plaisir d'être ici ce soir. Mon nom est Pierre Ouellette. Je suis professeur au département d'économique de l'UQAM. Je suis accompagné de Pierre-Yves Crémieux et de Pierre Fortin, qui sont mes collègues à l'UQAM. Je mentionne aussi immédiatement qu'il y a deux membres de l'équipe de recherche qui ne sont pas ici ce soir, il s'agit d'Yvan St-Pierre et de Frédéric Lavoie, tous deux économistes à l'Institut de recherche de l'Hôpital général de Montréal.

Alors, nous sommes ici pour vous présenter notre étude d'impact et nous prétendons que c'est une étude économique. Donc, mon collègue Pierre-Yves Crémieux va commencer la présentation, et j'enchaînerai par la suite. Ensuite, on pourra passer aux questions.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Merci. Au printemps de 1997, Mme la sous-ministre adjointe Christine Colin nous avait demandé de procéder à l'étude d'impact d'un projet de loi sur le tabac. Une condition pour être choisi comme équipe de recherche était de n'être rattaché à aucun des groupes militants pour ou contre le tabac. Pour respecter ce besoin d'impartialité, nous avons refusé d'accorder des entrevues aux médias ou de prendre la parole devant des groupes de pression.

Bien qu'ayant oeuvré dans des délais très serrés, le gouvernement a mis à notre disposition les moyens nécessaires et la liberté nécessaire pour ne pas limiter la portée et la validité de notre étude. Parce que nous sommes des chercheurs indépendants, libres de tout lien contractuel avec quelque groupe de pression, nos résultats ne sont pas unidirectionnels et nous mentionnons un certain nombre de retombées négatives possibles du projet de loi. Nous comprenons que le gouvernement a pleinement saisi la portée de ces retombées négatives en incluant dans son projet de loi n° 444 des mesures transitoires portant sur une longue période.

Parlons des consensus. Ce projet de loi s'inscrit dans un mouvement social considérable. Le Québec ne fait pas bande à part. Plusieurs pays, conscients des coûts engendrés par le tabagisme, ont entrepris de légiférer dans ce domaine. Les poursuites entreprises aux États-Unis ont démontré hors de tout doute que le tabagisme est à l'origine de coûts de santé ayant eu un impact sur les budgets des États de même que sur la santé et la durée de vie des citoyens. L'énormité des sommes consenties – environ 500 000 000 000 $ – par les manufacturiers de cigarettes au chapitre des dédommagements et les concessions au chapitre de la publicité est suffisante pour démontrer l'ampleur du problème. Il y a donc maintenant consensus, le tabac est nocif pour les fumeurs et pour les non-fumeurs et entraîne des coûts considérables. Par exemple, le tabac a entraîné plus de 10 000 décès au Québec en 1989 et des coûts de santé de près de 10 000 000 000 $ au Canada en 1992.

Le problème est exacerbé par l'initiation au tabagisme, principalement durant l'adolescence, par désir d'intégration sociale et sans considération des coûts en santé et en durée de vie. L'accoutumance au tabac, qui varie d'un fumeur à l'autre, fait du choix un piège. Une fois conscient de la nocivité du tabac, il est trop tard pour rebrousser chemin. Le tabac limite donc le libre arbitre. Ne pas agir pour protéger les jeunes, c'est donc les contraindre à une dépendance une fois adultes, à une réduction de leur durée de vie moyenne, tout en engendrant des coûts pour les non-fumeurs et pour la société.

La taxation du début des années 1980, bien qu'efficace, a conduit à la contrebande et donc à une révision des politiques gouvernementales. La reprise de la consommation de cigarette suite aux baisses de taxes conduit le gouvernement à d'autres modes d'intervention, d'où le projet de loi.

Quel est le rôle des économistes dans l'évaluation de ce projet? Du point de vue économique, le but de la réglementation de l'usage du tabac est de concilier le statut de produit de consommation légal soumis à certaines limitations de commercialisation et la nocivité du produit qui entraîne des coûts de santé considérables à la fois pour les fumeurs et les non-fumeurs.

Les politiques de transfert, l'élimination des effets externes, par exemple les coûts de santé encourus par les non-fumeurs à cause de la fumée de tabac secondaire, le rétablissement d'une inéquité fiscale, par exemple si les non-fumeurs finançaient une partie des coûts de santé des fumeurs, le manque d'information ou une perception erronée des consommateurs, surtout lorsqu'ils sont adolescents, sont autant de motifs d'intervention. Toutefois, en se limitant à ces seuls motifs, on restreint le rôle du gouvernement à celui de correcteur des erreurs éventuelles des marchés. Mais ce n'est pas là la seule raison d'être du gouvernement. À travers les âges et les sociétés, les différents types de gouvernement ont traditionnellement été des acteurs prépondérants dans la gestion de la cité. Le rôle de l'économiste face à la place que doit occuper le gouvernement dans la société est donc difficile à cerner.

Pour un économiste champion des marchés, une réglementation du marché du tabac sera toujours inadmissible. Invoquer une intervention sur une base autre que la correction des défaillances est un sacrilège, d'autant plus que ces marchés sont réputés efficaces. Pour ces économistes, les préférences des consommateurs et leur capacité à payer doivent seules guider l'allocation des biens dans la société. Pourtant, on connaît les aberrations d'un tel système. Ce n'est pas parce que les Blancs américains préféraient et pouvaient se payer des restaurants ou des autobus où les Noirs étaient exclus que le gouvernement devait rester inactif. La rentabilité de ces marchés ne pouvait être considérée comme une garantie de leur efficacité, non plus que de la validité de ce type de préférence. Cet exemple est suffisamment éloquent pour comprendre que le gouvernement a un rôle important à jouer en tant que guide dans la société.

(22 h 40)

Le ministre de la Santé et des Services sociaux considère la réglementation du tabac comme une question de santé publique. Notre rôle n'est donc pas de justifier le projet de loi mais bien d'évaluer l'impact de ce projet sur certains secteurs économiques. Il s'agit donc bel et bien d'une étude d'impact plutôt que d'une analyse avantages-coûts au sens traditionnel du terme, puisque ce projet de loi vise à modifier les préférences des consommateurs. En résumé, les motifs d'intervention sont nombreux et importants.

Les propositions présentées dans le projet de loi se répartissent en quatre catégories: la limitation de la consommation dans les lieux publics; l'interdiction de vendre des cigarettes aux jeunes; l'interdiction de certaines activités de promotion; et l'interdiction de certains modes de distribution.

Le but de toute étude d'impact est de déterminer dans quelle mesure la situation issue de la nouvelle réglementation change le statu quo. Ah! mon ordinateur m'a joué un tour.

Le succès de l'évaluation exige que l'on décompose systématiquement tous les impacts de la loi, tant sur les consommateurs que sur les producteurs. Notre mandat a donc été clairement défini, nous devions répondre à des questions sur les coûts de santé, l'emploi, le solde budgétaire du gouvernement, l'impact sur les entreprises et les restaurants et le rôle de la publicité et des commandites. Et je passe donc la parole à mon collègue Pierre Ouellette qui abordera ces questions à tour de rôle.

M. Ouellette (Pierre): Alors, on va y aller de façon assez succincte. L'étude d'impact est assez technique, et on aura sans doute l'occasion de revenir au moment des questions sur la méthodologie pour nous amener à conclure d'une façon plutôt que d'une autre. Alors, ce que je vais faire maintenant, c'est énumérer, en fait, les résultats de l'étude d'impact selon les questions qui nous ont été posées comme économistes.

Alors, le premier impact du projet de loi va porter essentiellement sur les citoyens. La loi aura pour effet de déplacer les dépenses de consommation présentement allouées aux produits du tabac vers des biens et des services substituts. Donc, ce que les consommateurs, maintenant, dépensent pour le tabac, ils vont le dépenser ailleurs, et c'est un des principaux aspects, en fait, de notre étude d'impact, de comprendre qu'est-ce qui se passe suite à ce déplacement.

Alors, l'évaluation de l'effet de la loi sur les consommateurs se décompose en deux parties. La première, c'est l'analyse des changements des niveaux de santé des fumeurs et des non-fumeurs suite à la réduction de la consommation de tabac. À ces changements de niveau de santé, notre tâche, ce sera d'associer les changements correspondants en termes de coûts de santé, donc qu'est-ce que ça représente, le fait qu'il va y avoir plus de non-fumeurs?

La seconde partie englobe tous les changements économiques liés au transfert de la consommation vers d'autres produits. Ceux-ci comprennent à la fois les changements de revenus fiscaux pour le gouvernement ainsi que les pertes ou les gains d'emplois dans les différents secteurs liés au tabac, donc l'industrie du tabac, les activités soutenues par la commandite de tabac, les autres industries ou les services substituts de celle du tabac.

Une étude d'impact classique sur une durée de 20 ans environ ne permet pas d'évaluer l'impact de la loi dans son ensemble. En effet, tant la prévalence du tabagisme que les coûts associés à celle-ci se manifestent plusieurs dizaines d'années après l'instauration de la loi. Nous avons donc évalué l'impact de la loi sur un horizon allant jusqu'à 70 ans, période à partir de laquelle l'impact de la loi se fera pleinement sentir sur toutes les catégories d'âge. Il faut bien comprendre que, sur cet horizon, l'évaluation des impacts de la loi devient extrêmement difficile. Il ne nous est donc pas possible d'évaluer les modifications imposées au système de santé suite aux découvertes médicales, notamment en termes de durée de vie et des coûts des soins de santé. On devra donc se contenter d'une évaluation assez rudimentaire. En gros, on recherchera plutôt un ordre de grandeur des retombées du projet de loi.

Nos projections montrent que la réduction du tabagisme commence dès 2002, avec une réduction de 7,5 %, dont 5,7 % sont imputables à la loi du tabagisme... qui passera de 37,5 %, en 1994, à 34,7 % en 2002, et que l'impact majeur ne paraît que plusieurs années après la mise en place de la loi. Ainsi, en 2067, 70 ans après la mise en place de la loi, la prévalence du tabagisme a été évaluée avec une réduction de moitié, passant de 37,5 % à 16 % environ. Cette réduction conduit, bien entendu, à une réduction à peu près équivalente des coûts de santé supportés en sus par la société du fait de la consommation du tabac.

L'évaluation des gains en coûts de santé se fait à partir de la comptabilisation des différences de coûts entre le statut de fumeur ou de non-fumeur. Autrement dit, le projet de loi aura pour effet de modifier, pour un certain pourcentage de la population, le statut de fumeur en non-fumeur. Puisque ce statut affecte la probabilité d'être malade à tout âge, cela aura un impact sur le coût espéré pour chaque tranche d'âge. Un consommateur qui décide de demeurer non-fumeur encourra moins de coûts de 50 à 60 ans mais vivra plus longtemps. La valeur de ce surplus de vie est extrêmement difficile à quantifier et, en fait, impossible, à partir des méthodes économiques existantes. Il est donc plus facile de se restreindre à l'étude des flux des coûts de santé. Nos calculs indiquent que, même en tenant compte d'une espérance de vie plus grande, les coûts de santé d'un fumeur sont supérieurs à ceux d'un non-fumeur.

Bien entendu, ces chiffres ne tiennent pas compte de la valeur de la vie humaine ainsi prolongée. Il importe de noter que ces coûts incorporent les frais variables des établissements de santé comme les hôpitaux de court terme ou les centres d'hébergement, mais pas les frais d'infrastructures du réseau de santé. Il s'agit donc d'une sous-estimation des économies de coûts de santé que l'on peut imputer au projet de loi.

Par ailleurs, il se pourrait que les progrès de la médecine auront pour effet de prolonger la durée de vie des fumeurs à un niveau comparable à celle des non-fumeurs tout en réduisant les coûts liés au tabagisme. Ce genre de progrès peut certainement être envisagé mais ne peut être prédit d'aucune façon. Nous n'en avons donc pas tenu compte. D'une certaine façon, il se peut que cela ait pour effet que notre évaluation surestime les gains du projet de loi à très long terme. Naturellement, il faut imputer au tabagisme les coûts de recherche médicale pour en enrayer les effets indésirables. L'effet net n'est pas clair et, il faut se rendre à l'évidence, on ne peut tenir compte de ces coûts dans une étude économique.

En ce qui concerne les coûts directs de santé liés au tabagisme. Pour un fumeur, l'augmentation des coûts de santé par année de vie est de 200 $ pour les hommes de 35 à 64 ans, 125 $ pour les femmes, et de plus de 2 000 $ pour les hommes de 65 ans et plus, 1 400 $ pour les femmes. En tenant compte de la différence de durée de vie entre les fumeurs et les non-fumeurs, la réduction du tabagisme implique une baisse des coûts directs de santé minime, de 3 000 000 $ en 2002, de 16 000 000 $ en 2016, mais atteindra plus de 600 000 000 $ en 2067. On comprend immédiatement que c'est une loi qui est un investissement dans les générations futures. Autrement dit, c'est une loi pour prévenir les coûts de santé des jeunes qui arrivent à l'âge de s'initier au tabagisme.

Les gains en espérance de vie suite aux progrès de la médecine ne sont pas calculables. De même, le jeu des entrées et sorties de fonds dus au prolongement de la vie des consommateurs qui ne deviendront pas fumeurs est extrêmement complexe. Une évaluation des coûts de santé supplémentaires encourus par cette catégorie de fumeurs donne un coût de 80 000 000 $ à 100 000 000 $. Cela nous laisse donc une économie de coûts de santé d'environ 600 000 000 $ au chapitre des coûts de santé directs, sans tenir compte des économies potentielles en termes d'infrastructures.

Les coûts indirects sont, en fait, les coûts liés aux pertes de productivité. Ils proviennent de deux sources, soit l'invalidité ou la mortalité prématurée, dont la seconde est de loin la plus importante. Selon l'horizon temporel retenu, on obtient des réductions de ces coûts indirects qui vont de 83 000 000 $ à 135 000 000 $ en 2016 et qui sont de plus de 1 100 000 000 $ en 2067.

Donc, la conclusion est claire, nette et précise – et il n'y a pas lieu d'argumenter plus qu'il ne faut – les coûts de santé rattachés au tabagisme et les gains d'une éventuelle loi portant sur le tabac sont en fait considérables et, bien entendu, ils seront considérables uniquement lorsque la loi va avoir atteint sa pleine maturité, c'est-à-dire après plusieurs décennies.

Au niveau du marché de l'emploi. Alors, s'il y a un domaine où les économistes sont performants et où les études économiques sont réputées, c'est bien dans le marché de l'emploi. Donc, on a essayé d'établir quels seraient les gains ou les pertes d'emplois, par secteur, liés au projet de loi.

Alors, toute réduction de la consommation de tabac aura nécessairement des impacts importants en termes d'emplois. Il importe de comprendre que la diminution des dépenses en tabac correspond à une hausse des dépenses équivalentes dans les autres secteurs de consommation et que cela conduit à un rééquilibrage dans le marché de l'emploi. Nos résultats montrent que la baisse d'emplois dans l'industrie du tabac va être plus que compensée par une hausse de l'emploi dans les autres industries.

Alors, l'impact total d'une réduction de 5,7 % de la consommation de tabac en 2002 suite à l'imposition d'une loi qui contrôle l'usage du tabagisme au Québec conduit à la création de 101 emplois. Ce résultat peut sembler surprenant et s'explique par le fait que la part des salaires dans les revenus des fabricants de tabac est plus faible, en moyenne, que dans les autres secteurs économiques. Ça veut dire que, pour un même montant dépensé dans un secteur autre que le tabac, ça implique la production de biens et services nécessitant plus de travailleurs, bien que, en moyenne, ce soient des emplois moins bien rémunérés, ce qui explique en fait l'impact positif d'une telle loi sur l'emploi total. Donc, la conclusion est intuitivement facile à accepter: la loi va créer des emplois, mais ce sont des emplois qui vont être en moyenne moins bien rémunérés.

Par la suite, on a essayé d'évaluer l'impact de la loi sur les entreprises et les restaurateurs. Alors, il faut bien comprendre qu'évaluer cet impact, c'est extrêmement difficile. Il y a peu d'études vraiment crédibles qui portent sur l'impact d'une loi sur le tabagisme, et donc on a été amené à procéder à la fois par une étude exhaustive de la littérature économique – tant économique qu'en santé publique – que de rechercher de l'information directement auprès des gens concernés, donc les entreprises et les restaurateurs, ce qui explique la tenue de trois sondages au printemps 1997, dont le détail a été annexé à l'étude d'impact mais qui n'a pas été joint à ce qui a été publié.

(22 h 50)

Alors, le résultat, c'est que les contributions théoriques semblent plus favorables au projet de loi que les sondages. A priori, on peut s'étonner de cette divergence. En fait, cette divergence s'explique facilement. Il s'avère que les sondages se basent sur le quotidien des entreprises qui ont instauré depuis peu des règles antitabac. La littérature scientifique, elle, se base plutôt sur des gains potentiels en supposant que les fumeurs deviennent des non-fumeurs et, donc, adoptent le même profil de santé et donc le même profil, par exemple, d'absentéisme au travail. Donc, cet écart qui peut sembler surprenant trouve une explication relativement simple dans le fait qu'une est basée plutôt sur les affaires à long terme, alors que l'autre est basée sur le quotidien et que les politiques antitabac dans les entreprises n'ont pas donné lieu encore à des gains de santé qui ont été perçus par les entrepreneurs. Donc, bien que la littérature scientifique semble indiquer que, à long terme, la performance et l'absentéisme devraient évoluer dans une direction favorable, les entreprises qui ont déjà une politique n'observent aucun impact, ni positif ni négatif, sur la performance et l'absentéisme. Il semble donc que la loi n'a pas d'impact à très court terme sur ces aspects de la vie des entreprises.

L'autre aspect qui nous a retenus, c'est le coût des fumoirs. Alors, là-dessus, notre base d'information provient directement des sondages et consiste, en fait, à demander aux gens: Est-ce que vous en avez, des fumoirs? Et combien ça vous a coûté? Alors, naturellement, on peut avoir des doutes sur la validité de l'information qui nous a été donnée, mais la méthodologie économique, ici, prônée par certains, c'est de se baser sur les préférences et les déclarations des gens, et donc, dans ce cas-là, il semble que l'information est telle que le coût des fumoirs soit extrêmement faible par rapport au chiffre d'affaires annuel et que ce soit un coût, en bonne partie, non récurrent. De plus, il y a 60 % des entreprises et 80 % des grandes entreprises qui disent être déjà conformes aux prescriptions de la loi. Donc, à ce titre, la loi ne semble pas avoir un impact très important sur la vie des entreprises.

Je vais passer rapidement sur les restaurants. Les conclusions sont à peu près les mêmes, en termes de coûts des fumoirs, sauf qu'il semble y avoir un très grand nombre de restaurants qui ne sont pas conformes à la loi, et donc les coûts de mise en conformité avec la loi peuvent être plus importants.

Sur la publicité et les commandites, alors, là, il s'avère que le paysage est loin d'être clair. Pourquoi? Parce que, en fait, la méthodologie pour analyser l'impact de la publicité et des commandites sur l'initiation au tabagisme est extrêmement variée et utilise des méthodes qui, à notre avis, ont démontré une très grande faiblesse, et c'est la raison pour laquelle nous ne les avons pas incorporées dans l'étude d'impact. Plutôt que de faire une énumération exhaustive et de se retrouver avec 200 références en bibliographie, on a préféré jeter un regard critique sur la contribution scientifique et mettre de côté ce qui nous semblait non crédible pour se baser plutôt sur ce qu'on appelle les «expériences naturelles», c'est-à-dire des expériences où l'impact de la publicité pouvait être isolé sans méthode sophistiquée qui pouvait éventuellement être manipulée par l'ajout ou l'omission de variables. Et il s'avère que les rares expériences naturelles sur lesquelles on a mis la main concluent toutes dans la même direction: il y a un impact de la publicité sur la consommation, ce qui a même entraîné des pays à intervenir de façon musclée pour contrer la publicité.

Donc, l'importance de la commandite ne doit pas être négligée. L'industrie du tabac a procédé de plusieurs façons en commanditant, c'est-à-dire qu'elle a saupoudré des commandites sur des tas d'événements et a misé de façon extrêmement massive sur un nombre d'événements majeurs comme les Grands Prix de Montréal et de Trois-Rivières et les feux d'artifice Benson & Hedges et d'autres festivals. Dans l'étude d'impact, nous mentionnons qu'il y a au moins trois de ces événements dont la survie peut être remise en question, c'est-à-dire les Grands Prix et les feux d'artifice. La somme totale des commandites varie de 25 000 000 $ à 30 000 000 $, selon les estimations, et on estime que de 20 000 000 $ à 25 000 000 $ seraient véritablement perdus pour les commandités, et donc, il y aurait lieu pour le gouvernement d'envisager des solutions de rechange.

Par la suite, on a conclu notre étude en évaluant l'impact du projet de loi sur le solde budgétaire du gouvernement québécois. Alors, il s'avère que... Dans l'étude d'impact, on fait le détail selon que c'est des rentrées fiscales, soit la taxe spécifique, TVQ, TPS pour le gouvernement fédéral, de même que pour un certain nombre d'autres aspects, comme la contribution du gouvernement aux coûts directs de santé. On a incorporé les coûts d'application de la loi de même que les gains fiscaux dus au fait que les commandites ne seront plus exemptées, et ce jeu d'entrées et sorties nous amène à des pertes fiscales minimes de 7 000 000 $ en 2002, 6 000 000 $ en 2016 et des gains considérables au fur et à mesure que le projet de loi aura des effets positifs sur la réduction du tabagisme, pour atteindre près de 750 000 000 $ en 2067. On peut donc viser la vertu et que ce soit rentable financièrement.

Je conclus très brièvement. On peut conclure que les coûts de santé et les pertes de productivité dues à la mortalité prématurée liée à la consommation de tabac sont très importants et peuvent être réduits à long terme par une intervention gouvernementale. Ceci, en sus des effets externes indésirables imposés aux non-fumeurs et de la nécessité de protéger les jeunes, justifie une intervention gouvernementale à tout le moins au chapitre d'une politique de santé publique.

La loi n'aura pas de conséquences néfastes sur les emplois, et, si cette loi impose des restrictions sur la consommation de tabac dans les restaurants, les entreprises, l'effet sur le chiffre d'affaires sera négligeable, même si les restaurateurs anticipent des coûts importants qu'on ne peut justifier sur la base de nos calculs ou des expériences étrangères ou même québécoises de certains établissements.

Si la loi interdit toute forme de publicité, la plupart des événements culturels ou sportifs continueront d'exister, de l'aveu même des gens qu'on a contactés qui dirigeaient ces événements, à l'exception de certains qui pourraient disparaître, comme les Grands Prix et le feu d'artifice, ce qui pourrait amener des pertes financières pour le Québec au chapitre du tourisme. Dans le pire des cas, le remplacement de toute la commandite de tabac par les fonds publics représenterait de 20 000 000 $ à 25 000 000 $ par année.

Enfin, l'effet sur les finances du gouvernement du Québec d'une loi régissant l'usage du tabac devrait être négligeable à court terme et conduire à des gains importants à long terme. Cela clôt notre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de venir si tardivement – et dans la consultation et dans la journée – pour nous présenter en commission plus formellement l'étude d'impact que vous avez réalisée il y a quelque temps déjà.

Moi, il y a une question que je voudrais vous poser. Vous étiez ici, je pense, vous avez entendu la critique qui a été faite de l'étude que vous avez faite. Ce serait peut-être tout à fait normal qu'on vous demande de nous faire vos commentaires. Pas nécessairement la critique de la critique, mais vos commentaires sur la critique qui a été faite de l'étude que vous avez réalisée.

M. Ouellette (Pierre): Bon, à ce sujet, il faut faire très attention. Je mentionne tout de suite que ma vision de l'économique, ce n'est pas de faire de la polémique, c'est plutôt de contribuer à rationaliser les décisions des gouvernements, principalement. Alors, ce n'est pas dans mon intention de soulever une polémique avec qui que ce soit ni de transformer une question scientifique en débat personnel. Vous comprendrez aussi que les auteurs de cette critique n'ont pas eu la délicatesse de nous envoyer leur critique, alors je vous parle à chaud après avoir entendu les commentaires de mes collègues. Bon, il y a des tas de choses qui ont été dites, naturellement, sur un ton assez grandiloquent. Ce n'est pas mon style, et je ne le ferai pas, et je déplore que le ton ait pris cette tournure. Je répète, ce n'est pas la tâche des économistes de faire des polémiques quand on évalue des politiques.

Alors, on nous reproche de n'avoir pas fait une analyse avantages-coûts. Alors, la première réponse à ça, c'est que le gouvernement ne nous l'a pas demandé. Ce qu'on nous a demandé, c'était une étude d'impact. Contrairement à ce qu'ils disent, c'est une étude d'impact, étudier l'impact sur les chiffres d'affaires ou étudier l'impact sur le marché de l'emploi, ou sur le solde budgétaire, sur les finances publiques, ou sur les coûts directs de santé. Moi, je suis économiste professionnel, je suis professeur et je vous affirme devant tout le monde que c'est une étude d'impact économique. Alors, il n'y a pas lieu de faire de polémique là-dessus.

D'autre part, leur argument à l'effet que ce n'est pas une analyse avantages-coûts, la réponse, c'est: Oui, ce n'en est pas une. Pourquoi? Parce que, en fait, c'est impossible d'en faire une. Contrairement à ce qu'ils disent, ce n'est pas possible de faire une analyse avantages-coûts d'un projet de loi sur le tabac ni d'aucun projet de loi qui vient modifier les préférences des agents. La science économique, c'est une science basée sur les préférences des agents de façon à déduire des prédictions sur les comportements. Et il s'avère que la science économique – on ne le dit pas souvent parce que les économistes manquent souvent de modestie – présuppose toujours la constance des préférences dans le temps, alors que ce projet de loi en particulier, sa principale caractéristique, c'est de modifier les préférences des agents économiques, ce qui rend caduque l'analyse avantages-coûts et toute la théorie de l'économie du bien-être.

Donc, en tant qu'économiste professionnel, je vous affirme qu'une analyse avantages-coûts n'est pas possible parce que, en fait, les prémisses d'une analyse avantages-coûts ne sont pas respectées, c'est-à-dire la constance des préférences. Et c'est la raison pour laquelle, en fait, les économistes ont eu une importance relativement minime dans le débat sur le tabac et qu'il faut rechercher du côté des gens en santé publique les principaux arguments. Et, c'était en fait la teneur de notre introduction dans cette présentation, il s'agit d'un projet de santé publique, et le gouvernement est tout à fait autorisé à mettre de l'avant ce projet sur la base de son rôle de guide dans une société.

(23 heures)

Il ne faut pas oublier que, dans des tas de secteurs, dans des tas de marchés, le gouvernement intervient, et c'est tout à fait justifié, même si le marché pourrait survivre sans intervention. On a mentionné tantôt le cas de la ségrégation raciale. C'est le cas de tous les médicaments vendus sous ordonnance. C'est le cas de l'alcool et d'un tas d'autres produits, des armes. Alors, naturellement, on peut fort bien mettre en doute le rôle du gouvernement en tant que guide. Par exemple, sur le contrôle des armes, il s'avère qu'à tout le moins il existe un consensus, ne serait-ce qu'au Québec, sur ces aspects et sur le désir de voir le gouvernement tenir ce rôle. Alors, nous n'avons pas eu à coeur de mettre en doute cette vision du rôle du gouvernement. Nous avons préféré nous en tenir à un rôle plus humble mais dans la limite des capacités de la science économique.

M. Rochon: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Crémieux (Pierre-Yves): Oui, simplement pour illustrer cette idée. C'est très simple. On nous accuse en particulier de ne pas avoir pris en compte les préférences des fumeurs. Mais ça, c'est une chose... En fait, ça a l'air très simple, mais c'est très compliqué. Quelles sont les préférences d'un fumeur, lorsqu'on sait que 80 % des fumeurs tentent d'arrêter? Comment on évalue le fait qu'on limite l'accès à la cigarette? Est-ce que c'est un coût pour les fumeurs ou est-ce que c'est un avantage? Ce n'est pas évident. Si le fumeur est un fumeur qui désire arrêter, c'est un avantage. Si le fumeur est un fumeur qui ne désire pas arrêter, c'est un coût.

Eh bien, ce petit problème tout simple fait qu'à partir du moment où les préférences des gens changent, à partir du moment où les fumeurs peuvent très bien être des personnes désireuses d'être non-fumeurs, eh bien, on voit tout de suite qu'une simple analyse avantages-coûts, comme le proposaient nos collègues, ne peut pas être réalisée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Oui, M. Fortin.

M. Fortin (Pierre): Juste une petite réaction. J'ai été éduqué par les jésuites, on m'a habitué à répondre à une question par une autre question. J'aimerais que vous précisiez quels sont les aspects qui ont attiré votre attention, des différences entre notre étude et la leur. Enfin, c'est parce que je compte ici à peu près 25 critiques qu'ils font. Étant donné l'heure, il faudrait peut-être se concentrer sur les choses qu'il vous intéresse plus de connaître.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Non. À cet égard-là, je reconnais bien qu'on n'a ni le temps et que ce n'est ni le contexte de faire des analyses exhaustives ou des critiques exhaustives, et surtout pas de rentrer dans un débat très scientifique sur le plan des théories économiques ou des méthodes d'analyse économique. Je voulais simplement – je pense bien que c'était tout à fait correct – que vous ayez au moins la chance de faire valoir comment vous avez campé votre étude. Nous, on en a été très satisfaits. Pour nous, je l'ai dit aussi à ceux qui sont venus avant, la décision n'était pas une décision d'ordre économique, elle était une décision politique et de santé publique.

Alors, je ne veux pas nécessairement qu'on rentre dans le détail de leur étude. Ça me satisfait parfaitement. Le principal argument était vraiment... Je pense que c'est ces deux-là qui ont joué: Est-ce que c'est une bonne décision sur le plan économique? Or, c'était une décision politique de santé publique. Deuxièmement, le type d'étude, globalement, qui semblait être suggéré par les gens qui vous ont précédés, qui aurait dû être plus avantages-coûts qu'une véritable étude d'impact comme était votre mandat, c'était vraiment ça qu'était le mandat. Je pense que c'est ça qu'il était intéressant de clarifier.

Moi, comme je l'ai dit, ce qui aurait vraiment pu être un contrepoids... Et, encore là, en évitant de tomber dans l'expertise et la contre-expertise, si une autre étude vraiment économique avait été faite et qu'on avait pu... Comme, souvent, dans des études scientifiques faites très rigoureusement, on peut mieux, de plus en plus cerner la réalité parce qu'il y a des éléments différents qui peuvent ressortir. C'est peut-être ça qui aurait été plus utile si on voulait vraiment tenter une autre approche ou reprendre l'étude. Quitte à ce que ce soit sur certaines prémisses différentes. Mais je ne veux pas vous imposer de refaire une critique de la critique, encore une fois.

M. Fortin (Pierre): Est-ce que je peux me permettre juste...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, M. Fortin.

M. Fortin (Pierre): ...de capter la chose qui m'a fait le plus faire de lévitation vers le plafond quand j'ai pris connaissance rapidement – on nous a remis ça il n'y a pas longtemps – de leur travail? C'est l'affirmation que le fumeur qui fume traduit essentiellement ses préférences, et que ces préférences-là doivent s'exercer en toute liberté dans une société démocratique.

Il y a au moins quatre raisons pour lesquelles il y a des défaillances de fonctionnement du marché libre ici. La première, c'est qu'il y a des coûts considérables qui sont imposés par les fumeurs au reste de la société, et ces coûts-là ne sont pas assumés par eux-mêmes.

Deuxièmement, au moment du choix de commencer à fumer, il y a une carence d'information fondamentale sur les conséquences à long terme de ça. On a rapporté une étude qui dit que les fumeurs eux-mêmes savent qu'il y a un risque, mais on a rapporté une seule étude là-dessus et cette étude-là ne comprenait aucun jeune en bas de 25 ans. Si on regarde le comportement des jeunes en bas de 25 ans, c'est assez clair, dans la littérature, qu'il y a carence d'information. Donc, deuxièmement, carence d'information.

La première chose, c'étaient les coûts imposés au reste de la société.

Troisièmement, il y a aussi myopie dans la décision. On a affaire ici à fumer qui est un avantage de court terme, le bien-être, le plaisir physique que ça peut causer à très court terme, avec des conséquences qui vont avoir lieu dans 35 ou 40 ans, et on peut mettre en question la rationalité d'une telle décision quant il s'agit d'un jeune qui se trouve, par exemple, entre 11 et 15 ans.

Et, quatrièmement, il y a l'effet de dépendance, également. Il faut se rendre compte que l'analyse du marché libre est fondée sur l'hypothèse que les gens sont le plus à même, en prenant leur décision libre, de prendre des décisions avisées. Or, l'effet d'accoutumance et de dépendance biologique entraîne que c'est loin d'être le cas dans une majorité de la population adulte. Il y a un très grand nombre d'adultes qui veulent renverser leur décision de fumer et qui ont d'énormes difficultés à le faire. Le rythme auquel ils réussissent à renverser cette décision-là est très lent.

Donc, les coûts imposés au reste de la société, la carence d'information qui est celle des jeunes sur la question, la myopie de la décision diachronique, intertemporelle et, quatrièmement, l'effet de dépendance qui empêche l'application libre de la volonté au moment où l'accoutumance se réalise et qui invalide toute analyse qui dit que les préférences des personnes ne peuvent pas être remises en question.

Excusez-moi d'avoir été un peu long.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non. On est là pour ça et vous êtes là aussi pour ça, pour nous éclairer. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: À mon tour, M. le Président, de remercier les invités chercheurs. Je pense que c'est vraiment intéressant, ce que vous nous présentez. Vous allez me permettre tout de suite, d'emblée... Vous étiez là tantôt, possiblement. J'ai posé les questions à vos prédécesseurs sur un certain nombre de points et j'aimerais au moins avoir votre commentaire sur deux points importants.

Un, une des critiques qu'ils faisaient, c'est que votre étude méprisait les fumeurs. Ils n'étaient pas incorporés. On parle de bénéfices pour les gagnants et de coûts pour les perdants. En tout cas, c'est l'expression qu'ils ont prise. Et, deux, c'était la surévaluation des mesures sur la consommation, d'après eux, dans votre étude. Ce sont les deux points sur lesquels j'aimerais vous entendre, et j'aurais d'autres questions sur le mandat, ensuite.

M. Ouellette (Pierre): Bon, écoutez, la question du mépris des fumeurs, ça n'a pas de sens. La réponse est: Non, on ne méprise pas les fumeurs. Je ne vois pas trop que répondre à part ça. C'est un jugement d'intention qui est... Enfin, quand on est rendu à faire des jugements d'intention sur ce que les autres font, c'est qu'on n'a plus rien à dire. Alors, je ne répondrai pas plus là-dessus. Mais je vous affirme qu'on ne méprise pas du tout les fumeurs. Et, de fait, une des conditions pour avoir été choisis comme équipe, c'était justement de ne pas avoir milité ni pour ni contre le tabac. On était relativement neutres.

Sur la surestimation de l'impact du projet de loi, alors, là, ça, ça devient une question technique. Nous, on s'est basés sur une étude américaine qui essayait d'évaluer l'impact de diverses réglementations sur le tabac. Ils essayaient d'évaluer la force d'une réglementation et ensuite ils reliaient la force de cette réglementation avec l'impact en termes de réduction de tabagisme. Alors, on peut... Naturellement, il y a très peu d'études qui font ça, et on s'est résolus à adopter ce résultat un peu faute d'abondance. L'alternative, c'était de tirer un chiffre au hasard.

Donc, l'étude nous a semblé crédible, nous a semblé bien faite. Naturellement, il aurait été préférable d'avoir peut-être une plus grande variété d'études, peut-être des études qui se seraient appliquées directement au Québec. Il n'y en avait pas. Alors, on a été amenés à adopter des chiffres en se basant sur certaines études qui regardaient la situation américaine, c'est-à-dire la réglementation de différents États américains.

(23 h 10)

Alors, il faut bien comprendre ici que le projet de loi, c'est de réduire le taux de tabagisme au Québec. Alors, assez bizarrement, si on nous accuse de surestimer le projet de loi, les effets du projet de loi, la contrepartie, ce serait de faire en sorte que le projet de loi soit encore plus restrictif.

Donc, en adoptant une mesure aussi grande d'efficacité du projet de loi, on pèche contre le projet de loi, on lui donne une efficacité plus grande que ce qu'il va avoir. Et, si le but du gouvernement, c'est d'atteindre certains objectifs, à ce moment-là, le ministre de la Santé devrait adopter des mesures encore plus restrictives. Donc, c'est un peu la réponse que je pourrais vous donner. Notre objectif à nous, c'était toujours de ne pas mettre nos préférences dans l'étude d'impact. C'était de nous baser sur une information qui nous semblait crédible et qui respectait les critères d'une étude scientifique.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Je vais seulement ajouter une chose. Je ne comprends pas bien le commentaire sur le fait qu'on ignore les préférences des fumeurs. Le but de l'étude, ce n'est pas de déterminer ce que sont les préférences de qui. De nouveau, qu'est-ce que ça veut dire, les préférences des fumeurs? Si les fumeurs sont, en fait, des gens qui, comme c'est le cas dans 80 % des cas, ont commencé à fumer avant d'avoir 18 ans, et donc se retrouvent en tant que fumeurs adultes, fumeurs contre leur gré, alors on ne peut pas penser à ce projet de loi comme étant une loi antifumeurs et pro-non-fumeurs au sens où «anti personnes qui fument».

C'est une loi qui tend à réglementer l'usage de la cigarette et qui bénéficiera surtout aux fumeurs. Par définition, les non-fumeurs, ils ne fument pas. Donc, il n'y a pas de problème de santé publique à part les problèmes de fumée secondaire. Donc, cette loi, elle s'adresse justement aux fumeurs. Donc, de dire qu'on ignore les préférences des fumeurs, c'est difficile à comprendre, puisque ces fumeurs sont des gens qui ont commencé avant d'avoir l'âge où on considère en général qu'ils ont une maturité suffisante leur permettant de prendre des décisions éclairées.

Sur la question de l'impact de la loi, on a essayé autant que possible de se baser sur soit des études, des simulations, soit le résultat de l'impact de lois similaires en Europe. Il est évident que, comme il n'y a pas de loi identique et que, en particulier, il n'y a pas d'autres pays dans lesquels la réglementation avant est exactement ce qu'elle est au Québec et la réglementation après sera exactement ce qu'elle sera au Québec, on ne peut pas avoir une comparaison exacte. On peut simplement se dire que, dans les pays où il y a eu réduction de la publicité et de la commandite, eh bien, on a observé une baisse de la consommation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député.

M. Ouellette (Pierre): J'aurais voulu ajouter un mot. Est-ce que c'est possible?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Ouellette (Pierre): Très, très rapidement. En fait, souvent, les gens qui sont les champions des marchés vont être défavorables à ce genre de projet parce que ça reflète une attitude tutélaire de la part du gouvernement. C'est assez paradoxal, en fait, parce que ce projet de loi, une des principales caractéristiques, c'est de préserver le libre arbitre futur des jeunes. Et donc, les gens qui sont en faveur du respect des libertés individuelles devraient être favorables à des lois qui vont préserver le libre arbitre des jeunes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député.

M. Marsan: Oui. Dans votre mandat, est-ce qu'on vous avait demandé d'évaluer comme une hypothèse une augmentation potentielle des taxes sur le tabac et de son impact sur la consommation, impact économique, entre autres?

M. Ouellette (Pierre): Non.

M. Marsan: C'était exclu?

M. Ouellette (Pierre): On ne nous l'a pas demandé. On a perçu notre mandat comme découlant de la baisse des taxes suite à la montée de la contrebande. Donc, on a perçu le mandat comme étant le désir du gouvernement d'aller chercher des outils autres que l'outil fiscal.

M. Fortin (Pierre): Est-ce que je peux ajouter juste un petit mot?

M. Marsan: Oui.

M. Fortin (Pierre): J'ai ici en ma possession le Economic Report of the President , qui est le rapport économique du président des États-Unis, qui vient d'être publié au mois de février. On affirme ici... Juste simplement pour guider notre jugement à tous ici, et même si on ne nous a pas demandé d'effectuer une telle étude... Bon, on n'est pas sans connaître, nous-mêmes, un certain nombre de choses dans ça. Alors, on affirme ici que les estimations suggèrent que, pour chaque augmentation de 10 % dans le prix des cigarettes, le nombre de fumeurs adolescents baisse de 7 % pour chaque 10 %. Mettons qu'un paquet passe de 2 $ à 2,20 $ – c'est ça, 10 %, oui? – il y aurait une baisse de 7 % du nombre de fumeurs adolescents et ce serait une baisse de 4 % du nombre de fumeurs adultes.

Tout ça est basé, je présume, sur une revue de toutes les études scientifiques là-dessus. Mais, moi, je vais vous dire une chose, je n'ai pas eu besoin d'étude scientifique pour comprendre, en regardant le comportement des amis de mes enfants dans la cour de garage chez nous, qu'après février 1994, alors qu'auparavant il y en avait un sur cinq qui fumait, après février 1994, il y en a eu quatre sur cinq qui fumaient. C'est évidemment une anecdote, mais je pense que, d'un côté, l'observation de ces anecdotes-là combinée avec les chiffres de revues d'études scientifiques nous dit que la réaction de la demande de cigarettes, si vous voulez, au changement de prix du tabac est quand même assez importante.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député? Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. Ça fait du bien de vous entendre. Là je me retrouve un peu mieux dans mes points de repère pour comprendre comment on procède à une étude. Tout à l'heure, j'étais un petit peu perdue, mais là j'ai l'impression de retrouver des choses un peu sensées.

Il y a un élément dans ce que vous dites qui m'intrigue toutefois, c'est la durée ou le temps que prend un effet, dans une société, à partir du moment où on a une loi qui essaie de modifier les comportements. Quand on a parlé avec différentes personnes qui sont venues ces derniers jours, on parlait plus dans du court terme, à vrai dire. Bien sûr, quand on parle avec les gens qui ont des problèmes de commandite, c'est sûr que, pour eux, le phénomène est dans le court terme. Mais, vous, quand vous parlez du tabagisme au Québec et de l'impact d'un projet de loi comme celui-là, vous parlez vraiment sur le long terme. Moi, je ne serai plus là, hein, quand ça aura baissé sensiblement. Je vais être rendue en 2067; ça fera un moment que je ne serai plus dans le décor. Donc, comme législateur, je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu décourageant, entre guillemets, à se dire: On pense à un projet de loi qui a malgré tout des impacts et qu'il va falloir malgré tout assumer, parce que ça ne passera pas comme étant une évidence pour tout le monde. Malgré ça, il va falloir attendre je ne sais pas combien d'années pour qu'il y ait un impact sensible.

C'est sûr que votre raisonnement est un raisonnement économique, mais, moi, je vous le pose de façon un peu simple: Est-ce que vraiment ça prend aussi longtemps que ça pour qu'on sente des effets? Et ça, c'est probablement, toutes choses étant égales par ailleurs, c'est-à-dire en supposant qu'il n'y ait pas d'autre phénomène qui vienne interférer avec ce que vous avez vous-mêmes déduit des éléments qu'on connaît aujourd'hui.

Je ne sais pas si je peux vous demander de m'expliquer un peu plus ou de me rassurer. Je ne sais pas, mais je trouve que c'est long.

M. Ouellette (Pierre): Je vais vous rassurer tout de suite. Nous ne disons pas que le projet de loi n'aura pas un impact immédiat. Nous disons que l'impact sur les coûts de santé va se faire sentir dans une autre période, parce que, en fait, le principal impact du projet de loi, ça va être de faire en sorte que des adolescents vont prendre la décision de ne pas fumer. Donc, ils vont demeurer dans le statut de non-fumeur. Il s'avère que le tabac, c'est un poison, mais c'est un poison qui tue à long terme. Alors, celui qui commence à fumer à 15 ans ne mourra pas à 18 ans d'un cancer du poumon ou d'un problème cardiaque. Il va mourir à 55 ou 60 ans.

Alors, c'est dans ce sens qu'on dit que les effets sont à long terme. Donc, le projet de loi va avoir un impact à court terme sur le taux d'initiation de tabagisme, éventuellement aussi un impact marginal sur la décision de quitter, mais ça va se faire sentir sur le solde budgétaire, sur les dépenses de santé, seulement dans plusieurs décennies, au moment où les gens qui auraient été malades ne le seront pas. C'est donc en termes de coûts de santé futurs prévenus que le projet de loi va avoir un impact, mais, sur la décision de fumer, ça va avoir un impact à court terme.

Donc, vous ne verrez peut-être pas le solde budgétaire du gouvernement s'améliorer de votre vivant, mais vous allez voir vos enfants être non-fumeurs.

Mme Malavoy: Remarquez que ce n'est pas négligeable. Je comprends la question des coûts de santé, mais quand, dans le résumé, entre autres, vous dites: «...60 ans après la mise en place de la loi, la prévalence du tabagisme est réduite de moitié, de 37,5 % à 16 % environ», moi, je pensais...

M. Ouellette (Pierre): Au niveau de la société.

Mme Malavoy: Pardon?

M. Ouellette (Pierre): Au niveau de la société. Là il faut se comprendre. La prévalence, c'est, en fait, le nombre de cas observés à un moment donné. Ça, c'est des données d'épidémiologie.

Mme Malavoy: Oui.

M. Ouellette (Pierre): Alors, les gens qui ont 40 ans maintenant vont demeurer fumeurs. Donc, le taux de prévalence va chuter graduellement, au fur et à mesure que les gens qui sont fumeurs vont mourir.

(23 h 20)

Mme Malavoy: Puis il y en a de moins en moins qui le deviendront.

M. Ouellette (Pierre): C'est ça. Donc, ils vont être remplacés par des jeunes qui vont vieillir, pour lesquels le pourcentage de fumeurs va être plus faible, et, avant que toute la population du Québec ait été touchée par la loi, à un âge où on prend la décision de s'initier ou non, ça va prendre 60 ans.

M. Fortin (Pierre): Est-ce que je peux ajouter un petit quelque chose, pour essayer de mettre un peu plus d'optimisme intertemporel, si vous voulez, si vous me permettez?

Mme Malavoy: Volontiers.

M. Fortin (Pierre): J'ai trouvé fort intéressante l'intervention de monsieur, aussi. J'ai fait un petit calcul, en passant, avec ces petites manettes, ces petites télécommandes, et il ressort qu'augmenter le prix du paquet de cigarettes, mettons, de 2,50 $ à 5 $, à condition, évidemment, qu'on ait une gendarmerie royale qui surveille les frontières, entraînerait une baisse d'à peu près un tiers dans le nombre de fumeurs au Québec, dans l'espace de cinq ans, par exemple. De sorte que, par exemple, si on prenait, pour faire un chiffre rond, pour que ça se divise par trois, 39 % de taux de tabagisme à l'heure actuelle, ça ferait descendre le taux de tabagisme assez rapidement tout de même à 26 %. Ce qui est, en fait, démontré par le fait que, en sens inverse, ayant baissé le prix du paquet de cigarettes de 5 $ à 2,50 $, en gros, dans ces dernières années, on a vu exploser, au contraire, le taux de tabagisme.

Alors, si on veut vraiment avoir un impact sur les chiffres de taux de tabagisme à court terme, c'est certain que la taxation pourrait aider.

Maintenant, le gouvernement, comme vous savez, ne peut pas à lui seul, ici, déterminer si les frontières du Canada vont être bien surveillées par la police pour empêcher la contrebande entre le Canada et les États-Unis. Et donc, c'est un pensez-y bien. Ça implique plusieurs ministères et pas seulement le ministère de la Santé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Un court commentaire.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Oui. Il y a quelque chose, moi, qui m'a frappé, dans l'analyse qui avait été faite avant nous, et qui rejoint cette idée, c'est: Comment ça se fait que, nous, on aboutit à une conclusion qui dit que les coûts de santé, même à long terme, vont être plus faibles que ce qu'ils seraient si les gens continuaient à fumer, alors que, soi-disant, toutes les études précédentes ont montré le contraire? La raison, elle est très simple, c'est parce que, ici, on a un système de santé qui est payé par le gouvernement. Et donc, c'est évident que, si vous faites une étude américaine dans laquelle les fumeurs, quand ils meurent, eh bien, soit ils se retrouvent dans les hôpitaux de troisième zone, soit ils paient eux-mêmes le coût de leur cancer du poumon, bien, ça change tout, alors que, ici, les fumeurs, leurs coûts, y compris les coûts qui sont des coûts, à partir de 55 ans, d'emphysème, etc., sont à la charge du gouvernement. Et c'est pour ça que les résultats qu'on obtient au Québec sont différents de ceux qu'on obtient aux États-Unis.

Donc, ce n'est pas parce qu'on s'est trompés. Ça paraît gros, mais je veux d'abord être sûr qu'on comprend bien pourquoi il y a une différence fondamentale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke, est-ce que ça va?

Mme Malavoy: Oui, oui, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, merci. Messieurs, bonsoir. À la page 9 de votre étude d'impact, vous parlez de l'interdiction de la publicité, de la réduction de la commandite et de l'interdiction de fumer du tabac dans certains lieux publics comme étant des mesures qui auront le plus grand impact pour les jeunes qui ne fument pas encore. Est-ce que vous avez considéré d'autres facteurs, d'autres influences, par exemple l'influence de la famille et des amis et, notamment, une étude qui a été évoquée par le groupe qui vous précédait, l'étude de Conrad qui semblerait arriver à des conclusions diamétralement opposées en termes de prévalence des facteurs sur le taux de consommation?

M. Crémieux (Pierre-Yves): Je crois que là il faut... C'est exact qu'il y a un certain nombre d'études qui ont montré que la famille et les amis sont un facteur fondamental dans la détermination de savoir qui fume ou qui ne fume pas. Mais, sauf si on veut que le gouvernement se mette à avoir des gens qui sont autour du feu avec la famille pour interdire aux jeunes de regarder leurs parents et de fumer comme leurs parents le font, eh bien, l'alternative, c'est d'agir sur les autres phénomènes qui conduisent les jeunes à fumer, comme, par exemple, la publicité. Autrement dit, c'est certain que la famille et les amis, c'est important, c'est certain qu'il y a un certain nombre d'études qui ont montré que c'était un des facteurs fondamentaux, mais ça ne veut pas dire que les autres facteurs, tel que la publicité, ne sont pas des facteurs importants. Et, de ce point de vue là, il y a des études très claires, en particulier depuis le début des années quatre-vingt-dix, qui montrent que la publicité conduit à une augmentation de la consommation de tabac, en particulier chez les jeunes. Il y a des études en Californie, dans l'État de New York et ailleurs qui montrent ce phénomène.

Donc, même si les amis et la famille sont importants, comme, ça, on n'y peut pas grand-chose, ça veut dire que c'est sur un autre point d'impact qu'il faut frapper, et c'est sur la publicité.

Mme Lamquin-Éthier: Je comprends bien ce que vous m'expliquez. Par ailleurs, par rapport à la conclusion que vous avez à la page 10, j'ai un petit peu plus de difficulté. Il y a plusieurs facteurs; certains d'entre eux ont une prévalence plus grande que d'autres. Vous dites, à la page 10: «Les résultats de Wasserman et al. (1991) associés aux résultats encore plus forts de Botvin et al. (1993) nous conduisent à supposer que l'incidence du tabac chutera de 50 % en cinq ans chez les jeunes suite à l'encadrement de la publicité et l'interdiction de la commandite ainsi que de l'interdiction de fumer dans les lieux publics.» Ici, est-ce qu'on parle de jeunes qui fumaient déjà ou de jeunes qui ne fumaient pas? Ce n'est pas... enfin je ne crois pas que ce soit précisé. Et comment pouvez-vous camper aussi clairement – 50 % – que ça aura un impact aussi déterminant, si des facteurs, quand même, qui ont une incidence extrêmement importante, la famille et les amis...

M. Crémieux (Pierre-Yves): Alors, ici, la phrase est «nous conduisent à supposer que l'incidence du tabac». Autrement dit, il s'agit de jeunes qui ne fumaient pas, et l'incidence, c'est le fait de commencer à fumer. Donc, là on ne parle pas des jeunes qui fument déjà, on parle des jeunes qui n'ont pas encore commencé à fumer et qui se posent la question à savoir s'ils vont commencer ou non. Donc, ça, c'est la première partie.

La deuxième... Pardon?

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

M. Crémieux (Pierre-Yves): O.K. Donc, ça, ça répond à la première partie de la question?

Mme Lamquin-Éthier: Oui. C'est donc que vous accordez, au niveau des facteurs et de la prévalence, à la publicité, à la commandite et à l'interdiction de fumer dans les lieux publics un fort taux d'influence.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Sur l'incidence. C'est ça.

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

M. Crémieux (Pierre-Yves): C'est-à-dire que, une fois que les gens fument, c'est beaucoup plus dur d'arrêter, puisque, une fois que vous fumez, les affiches de Player's, etc., ne vont pas avoir d'impact sur le fait que vous fumez déjà. Mais, par contre, si vous ne fumez pas, alors elles auront un impact sur votre décision de commencer à fumer.

Maintenant, la deuxième question, c'est: Comment est-ce qu'on s'est arrêté sur le chiffre de 50 %? De nouveau, comme il n'y a pas eu de projet de loi similaire ou identique à celui qui est au Québec, on a été obligé de faire une supposition à partir des deux études qu'on avait. Et donc, est-ce que ça va être 50 %? Est-ce que ça va être 40 %? Est-ce que ça va être 60 %? C'est très difficile à dire, et c'est évident, je pense, qu'aucun d'entre nous ne jurerait que 50 % va être le chiffre observé, tout simplement parce qu'il n'y a pas moyen de savoir ce que va être l'impact, puisque ce type de loi n'est pas observé ailleurs.

Une voix: C'est un ordre de grandeur.

M. Crémieux (Pierre-Yves): C'est ça.

Mme Lamquin-Éthier: Bien, là, c'est indiqué «chutera de 50 %».

M. Crémieux (Pierre-Yves): C'est ça. Donc, nous conduisent à supposer que l'incidence chutera de 50 %.

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Donc, on ne dit pas que l'incidence va chuter, on dit simplement qu'il faut qu'on fasse une hypothèse sur l'ordre de grandeur de cette incidence, et donc, à partir des études de Wasserman et Botvin, on se dit que 50 % va être un ordre de grandeur. Ça pourrait être 40 %. Ça pourrait être 60 %. Ça, une fois que la loi sera en place, on pourra observer l'incidence réelle, et ce sera intéressant de se poser la question à savoir si on est à peu près dans la...

Mme Lamquin-Éthier: ...

M. Crémieux (Pierre-Yves): Exactement.

Mme Lamquin-Éthier: Vous avez dit tout à l'heure que 80 % des gens qui fument actuellement veulent arrêter. D'où vous vient cette donnée?

M. Crémieux (Pierre-Yves): Ça, c'est une bonne question. Il y a donc... Je ne me souviens pas de la source de... mais je pense que c'est dans l'étude. Si vous avez une autre question, moi, pendant ce temps, je vais chercher la référence et je vais vous revenir tout de suite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On peut passer à une autre question. Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous, vous n'en avez pas d'autre?

Mme Lamquin-Éthier: Non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Je reviens un peu avec le suivi de ce que ma collègue disait tantôt. Elle a mentionné la publicité. Dans l'étude, est-ce que vous avez tenu compte de l'effet de la publicité... relié avec le projet de loi? Dans le sens que, si on fait de la publicité à la télévision sur les bienfaits de la santé, est-ce que ça a un effet plus rapide qu'il y a peut-être 60 ans ou 70 ans?

M. Ouellette (Pierre): Est-ce que vous pourriez répéter la question?

M. Désilets: Oui.

M. Ouellette (Pierre): Excusez-moi.

M. Désilets: Je reviens avec... Dans l'étude, vous avez tenu compte que... Si le gouvernement fait de la publicité sur l'effet de la santé, est-ce que les délais peuvent être plus courts que 70 ans?

(23 h 30)

M. Crémieux (Pierre-Yves): Alors, nous, on n'en a pas tenu compte, c'est-à-dire qu'on n'a pas essayé d'établir quel va être l'impact. Ceci dit, il y a une étude qui a été faite par T.W. Hu et Theodore Keeler, en 1995, je pense, qui regardait l'impact des mesures positives concernant la santé en Californie et qui montrait que l'impact était positif et important, qu'un des aspects les plus importants dans la décision des jeunes de ne pas commencer à fumer était la publicité positive. Et je pourrais vous la retrouver, c'est une étude publiée dans American Economic Review et qui est d'ailleurs dans notre liste de référence. C'est ça, en 1995. Le titre, c'était The State Antismoking Campaign and the Industry's Response . Donc, ça regardait spécifiquement une campagne faite par l'État de Californie pour réduire la consommation de tabac.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça termine...

M. Désilets: Mais juste...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très courte, M. le député.

M. Désilets: Oui, mais est-ce qu'il y avait un temps ou on fait juste dire que ça va être plus rapide, mais le...

M. Crémieux (Pierre-Yves): Non.

M. Désilets: Ce n'était pas précisé, le temps?

M. Crémieux (Pierre-Yves): Non.

M. Désilets: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, M. Fortin.

M. Fortin (Pierre): Mais, encore une fois, l'effet est rapide sur la baisse du nombre de jeunes qui ne commencent pas à fumer. L'effet est rapide, mais c'est juste que ces pauvres jeunes là, ça leur prend 40 ans à passer de 15 à 55 ans. Il n'y a rien à faire, on vieillit d'un an par année, tu sais.

M. Désilets: Oui, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps est écoulé, du côté ministériel. Mme la députée de Bourassa pour terminer.

Mme Lamquin-Éthier: Tu avais une question? Oui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y donc, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Très rapidement, pour laisser à ma collègue aussi la chance de poser une question. Certaines personnes nous disent que, si, au lieu de prendre la taxe au moment de la consommation, elle était prise au moment de la fabrication... Je sais que vous avez traité, quand même, des taxes à la consommation; est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu évaluer? Et, sinon, est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Fortin (Pierre): Ce n'était pas dans notre mandat de l'évaluer, mais je pense que ce serait très intéressant de le faire, parce que, évidemment, ça pourrait peut-être, dans certaines circonstances, aider à réduire les incitations à la contrebande, parce que c'est bien évident que, si les exportations... Par exemple, supposons qu'il y a un circuit d'exportation de certains distributeurs plus ou moins connus, disons, ici par toutes sortes de filières bizarres vers les États-Unis puis que ça nous revient, c'est sûr que, si la taxe est payée à la porte de l'usine, au départ, le profit que pourra faire le contrebandier au retour au Canada, au Québec va être beaucoup plus faible, et donc ça réduit évidemment la propension à la contrebande. Mais je vous fais une affirmation qualitative, là, je n'ai pas fait d'étude quantitative sur les conséquences que ça pourrait avoir.

M. Marsan: En tout cas, peut-être un commentaire, là, il me semble que c'est quelque chose qui pourrait au moins être étudié, peut-être même mis en application. C'est quelque chose qui apparaît peut-être trop simple. Je me pose la question: Comment ça se fait qu'on en parle peu? Et comment ça se fait qu'on ne l'a pas mis en application? Il y a peut-être d'autres...

M. Fortin (Pierre): Je pense que, dans les milieux spécialisés, il en a été beaucoup question. Une des difficultés, je crois, c'est, bon, que c'est un jeu politique qui se joue, et puis je pense bien que les compagnies de tabac ne seraient pas particulièrement enchantées d'avoir à payer elles-mêmes immédiatement la taxe à la sortie de l'usine.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Crémieux, est-ce que vous avez trouvé votre réponse?

M. Crémieux (Pierre-Yves): Non, je ne l'ai pas, mais je vous la ferai parvenir dès qu'on l'aura retrouvée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ouellette, vous voulez ajouter un commentaire?

M. Ouellette (Pierre): Très, très bref. L'argument, en fait, c'était de préserver les marchés à l'exportation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, est-ce que vous avez une autre question?

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ce sera la dernière.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Vous êtes magnanime, j'apprécie. À la page 8 de votre étude d'impact, vous dites: «Par exemple, le taux de plus en plus élevé de femmes d'âge moyen – 35-64 ans – qui fument en ce moment conduit à des taux de tabagisme chez les femmes de 64 ans et plus en l'an 2016 qui sont plus élevés que les taux pour la même cohorte aujourd'hui.» Est-ce que vous avez mesuré l'impact de la loi quant à ce groupe d'âge?

M. Ouellette (Pierre): Ça a été fait implicitement, mais on n'a pas sorti les chiffres par cohorte d'âge ni par sexe. Mais, pour arriver au calcul, à l'estimation des coûts de santé, c'est une estimation faite par âge, par sexe et par statut de fumeur: gros fumeur, petit fumeur et non-fumeur. Donc, ça a été fait implicitement, mais on n'a pas sorti les chiffres, et ça sera sans doute une tâche considérable de le faire.

Mme Lamquin-Éthier: Parce que j'imagine que, quand on regarde les fumeurs globalement, il y a les jeunes, mais il y a aussi des femmes, il y a des hommes. Il y a différentes catégories. Est-ce qu'on peut escompter pour ce groupe d'âge en 2016 un impact au niveau du tabagisme, comme vous évoquiez tout à l'heure? Je comprends, là, que la proportion puisse être différente pour les jeunes – c'est une clientèle qui est ciblée – mais est-ce qu'il va y en avoir pour les autres catégories aussi et est-ce que la proportion va être aussi importante?

M. Ouellette (Pierre): La baisse du tabagisme?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, un impact sur le tabagisme, sur la consommation. Est-ce que ça va réduire?

M. Crémieux (Pierre-Yves): La façon dont il faut penser à l'impact de la loi, c'est que vous avez des cohortes de gens qui se déplacent, qui vieillissent, et donc, l'impact de la loi sur les personnes qui ont plus de 55 ans aujourd'hui ou plus de 60 ans aujourd'hui, c'est certainement là que l'impact va être le plus faible, puisqu'il s'agit de gens qui fument depuis tellement longtemps que, de toute façon, la loi n'aura pas d'impact sur eux ou très peu. Et donc, ces cohortes, elles se déplacent, elles sont remplacées par des cohortes plus jeunes, et plus les cohortes ont été exposées à cette loi tôt, plus le taux de tabagisme va baisser. Donc, si on veut regarder quand est-ce que l'impact de la loi va se faire ressentir sur les femmes de 64 ans, bien, en gros, c'est dans 50 ans, puisqu'on va attraper des jeunes filles de 14 ans aujourd'hui, les convaincre de ne pas fumer, puisqu'il y aura des lois qui vont les conduire à une réduction de l'incidence, et ces gens-là, dans 50 ans, vont en avoir 64, et là on observera une cohorte avec un taux de tabagisme beaucoup plus faible.

Pourquoi est-ce que les femmes de 50 à 64 ans fument tellement? Parce que, en 1967, il y a eu une politique de marketing directement dirigée vers les femmes, avec les campagnes de Virginia Slims, et il y a eu une explosion de la consommation de tabac chez les femmes. Donc, c'est pour ça qu'aujourd'hui on a cette génération perdue, en quelque sorte, de plus de 50 ans qui fume et pour laquelle on ne peut plus faire grand-chose, même avec un projet de loi aujourd'hui, parce qu'il arrive trop tard.

Mme Lamquin-Éthier: Pourtant, c'est un groupe qui exerce des pressions, au niveau des coûts, importantes ou qui exercera des pressions très importantes au niveau des coûts de santé pour les années futures.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Et c'est pour ça qu'on n'observe les plus grosses économies de coûts qu'en 2067, puisque c'est à ce moment-là qu'on récupère les bénéfices de la loi, puisque ces gens qui ont maintenant...

Mme Lamquin-Éthier: Sont compensés.

M. Crémieux (Pierre-Yves): Exactement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Ça termine notre consultation sur le tabac. Et je vous invite peut-être à rester quelques minutes, nous allons procéder, nous, aux remarques finales. Avant de le faire...

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui? Alors, je suspends une minute et demie.

(Suspension de la séance à 23 h 38)

(Reprise à 23 h 39)


Mémoires déposés

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes suivants, soit: La Traversée internationale du lac Memphrémagog; M. Roger Trudel; M. Jean-Pierre Tremblay; CLSC Longueuil-Ouest; Info-Tabac; M. Conrad Royer; Coalition québécoise pour le libre accès du public aux produits de cessation du tabac dans les pharmacies de la province de Québec; Corporation Cadillac-Fairview ltée; Coalition Chaudière-Appalaches–Québec; Centre universitaire de santé McGill; Fondation québécoise du cancer région de Lanaudière; Mme Cécile Chevalier; Forum québécois des intervenants en santé cardiovasculaire; et le Mouvement en faveur du Fonds québécois pour la culture, le sport et la santé.


Documents déposés

Et je dépose en liasse les lettres d'appui au projet de loi. Et, juste pour votre information, nous avons reçu 35 groupes et plus de 16 mémoires, donc, en tout, au-delà de 51 mémoires pour cette consultation.

(23 h 40)

Et je suis prêt à passer aux remarques finales, en vous faisant remarquer que chaque groupe a 15 minutes. M. le député de Robert-Baldwin, pour vos remarques finales.


Remarques finales


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Oui. Je vous remercie bien, M. le Président. Alors, comme vous l'avez mentionné, c'est plusieurs groupes qui se sont quand même présentés devant nous, nous avons entendu plusieurs points de vue, mais je pense que ce qui se démarque dans le projet de loi, c'est d'abord et avant tout l'intérêt pour la santé publique et, c'est ce que j'avais mentionné dans nos remarques préliminaires, M. le Président, empêcher nos jeunes de commencer à consommer les produits du tabac et aussi, malheureusement pour ceux qui auraient commencé, bien, essayer de les inciter à arrêter. Et je pense que c'est peut-être l'enjeu le plus important dans le projet de loi. Et, de nouveau, je voudrais rappeler l'historique du Parti libéral du Québec qui a toujours eu un préjugé favorable pour quelque projet de loi qui améliorait la santé publique des gens.

Je voudrais quand même souligner, et je pense que nous avons eu beaucoup de commentaires dans différents secteurs... Je pense, dans le dossier des commandites, on a eu des représentations qui ont été importantes, avec peut-être, jusqu'à un certain point, des allégements. Je me souviens de l'échange que le ministre a eu avec le Ralliement des commandités, également sur le fonds de substitution, où il semblait y avoir des recommandations intéressantes qui permettraient peut-être de trouver des terrains d'entente avec tout le groupe des événements culturels et sportifs.

Les restaurateurs, qui auraient peut-être souhaité que la loi ne s'applique pas de façon aussi sévère pour eux, nous disaient quand même que les délais accordés dans le projet de loi demeuraient dans l'ordre acceptable.

Il y avait les pharmaciens propriétaires, et on sent quand même une difficulté entre l'Ordre des pharmaciens et les pharmaciens propriétaires sur l'importance de vendre les produits du tabac dans les pharmacies. Alors, c'est un dossier qu'il faudra suivre sûrement de très près au moment où nous allons étudier article par article.

Et deux articles qui suscitent sûrement beaucoup de commentaires, qui ont suscité des commentaires, M. le Président, ce sont les articles 28 et 29 sur la réglementation du contenu des produits du tabac. Alors, là aussi, c'est un dossier qui va mériter notre attention, particulièrement au moment de l'étude article par article.

Je voudrais mentionner également l'impact sur la santé publique que peut avoir ce projet de loi. Je pense qu'on l'a documenté beaucoup. De part et d'autre, je pense que les questions ont été intéressantes et que nous avons eu – je pense, en tout cas – de bonnes réponses. Reste à valider certains dossiers, puis je vais y revenir.

L'impact économique, le coût de la maladie, ce n'est pas toujours facile à bien évaluer, mais il y a quand même eu une tentative pour nous donner les grandes lignes. L'impact économique, aussi, sur ce que fait l'industrie en termes d'emploi, et, là aussi, je pense qu'il faut quand même regarder de près les situations qui peuvent découler de l'application du projet de loi.

Il y a une difficulté au projet de loi, c'est l'harmonisation avec le gouvernement fédéral, et, là-dessus, bien, on n'a pas beaucoup de contrôle, comme vous le savez, M. le Président. Il y a quand même eu, je pense, une déclaration du gouvernement fédéral à l'effet qu'on voulait réviser certains articles du projet de loi C-71 pour l'automne prochain, et on peut souhaiter que les discussions – si discussions il y a – entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada à ce sujet puissent donner les résultats escomptés, à savoir une meilleure harmonisation des deux législations.

Tantôt, un court échange avec l'économiste M. Fortin sur peut-être des questions qui ne paraissent pas immédiatement pertinentes à l'étude du projet de loi mais qui pourraient nous aider, je pense, dans des secteurs comme la contrebande, la taxe à la fabrication. Je ne pense pas que c'était le but de cette commission d'en évaluer tous les impacts, mais il y a sûrement quelque chose qui mériterait que les parlementaires s'en occupent ou qu'ils étudient cette facette-là, l'impact de l'augmentation des taxes sur les produits de tabac, également. Alors, je pense qu'on aurait plein de sujets pour continuer, M. le Président, si vous êtes assez patient pour nous entendre.

Une crainte – et je pense qu'on l'a soulevée à quelques reprises, je l'ai soulevée à l'Assemblée nationale – c'est la réaction du premier ministre sur le projet de loi, où le premier ministre a semblé prendre ses distances avec notre commission, à l'effet que ce n'était pas pressant ou qu'il déciderait lui-même à quel moment il va passer la loi. Moi, je pense qu'il faut... et je souhaite que le premier ministre va être sincère et aussi sérieux. Dans l'approche que, nous, nous avons eue en commission parlementaire, je pense que tout le monde a travaillé vraiment fort et avec un objectif de santé publique extrêmement important.

Dernière chose, quelque chose qui m'a vraiment intrigué, c'est lorsque l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs est venue signifier qu'il y avait une étude qui était cachée. Je pense que les gens ont paru surpris, mais l'Alliance des manufacturiers, c'est quand même un organisme qui est crédible. On l'a vue et revue à plusieurs moments dans nos commissions parlementaires, alors je souhaite, M. le Président – on vous l'a demandé – qu'on puisse vraiment valider si c'est vrai ou si c'est faux. Même chose pour l'étude de l'OMS sur la fumée secondaire, qui, paraît-il, ne donnerait pas les mêmes résultats qu'on nous avait dits par d'autres experts, qu'on nous avait signifiés.

Alors, en résumé, sûrement, à la fin de ces consultations, qu'on maintient toujours, comme formation politique, ce même préjugé favorable à la santé publique, en espérant que la crainte que je vous ai manifestée quant au véritable désir du premier ministre par rapport à ce projet de loi, eh bien, qu'on puisse valider très rapidement s'il est sérieux ou s'il ne l'est pas.

Alors, M. le Président, je vous remercie beaucoup. Je remercie les gens qui ont travaillé avec nous, les gens de la commission et, évidemment, tous les invités et participants. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Compte tenu de l'heure, 23 h 50, j'aimerais avoir votre consentement pour qu'on dépasse de quelques minutes minuit. D'accord? M. le ministre.

M. Rochon: Je serai très bref. On ne va peut-être pas dépasser minuit, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est parce que j'ai d'autres interventions de prévues, M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Ah bon. Ha, ha, ha! Mais, moi, je vais être très bref, M. le Président. Il est peut-être bon de se rappeler, comme mon collègue de Robert-Baldwin l'a fait, qu'on étudie une loi qui est essentiellement une loi de santé publique et qui vise à protéger les jeunes contre le tabac de même que les non-fumeurs. Et cette loi épouse trois grandes stratégies, soit de limiter le plus possible l'accès au tabac, l'accès à la cigarette pour les jeunes; une deuxième stratégie qui vise la publicité sur les produits du tabac, y compris la commandite; et, finalement, une stratégie qui vise à protéger de la fumée dans l'environnement tous les endroits où va le public, qui sont des endroits fermés, de même que le milieu de travail. Ces trois stratégies viennent compléter un programme de santé publique qui est plus vaste et qui complète l'équilibre des interventions en y ajoutant autant les aspects d'information à l'ensemble de la population, information plus ciblée sur les groupes qui sont le plus à risque, comme les jeunes, l'éducation, et aussi les programmes de cessation pour aider ceux qui veulent quitter l'habitude de fumer.

Alors, c'est un projet qui a été mûri sur une longue période de temps, qui a fait l'objet de sondages, de consultations et de beaucoup de discussions, et je pense que ça se reflète assez bien dans le résultat de la consultation que l'on a connue. Je pense qu'on peut dire que l'appui aux objectifs du projet de loi, il est unanime. Je ne me rappelle pas d'avoir entendu aucune voix discordante quant aux objectifs et quant à l'urgence d'agir par voie législative présentement.

En ce qui regarde les mesures qui sont proposées dans le projet de loi, on a sûrement une très grande majorité qui les appuie, ces mesures-là, et, bien sûr, comme on l'a souligné, ceux qui sont plus directement visés quant aux changements que ça implique pour eux, cette législation, soit l'industrie du tabac, des manufacturiers ont soulevé un certain nombre de questions quant à spécialement les articles 28 et 29.

(23 h 50)

Les gens qui vivent ou dépendent présentement de la commandite, on s'est engagé à voir avec eux comment on peut s'assurer que la période de sevrage permette de se débarrasser le plus tôt possible de la commandite tout en respectant les circonstances qui sont les leurs et leur permettre de continuer à fonctionner. Et on pense que, avec une plus grande explication et une plus grande analyse, au cours des prochains jours, de comment le fonds de transition peut être articulé, peut être organisé, peut être géré, ça devrait nous permettre d'atteindre ces deux objectifs: de cesser dans les plus courts délais la commandite et de permettre que, sur la période de temps de cinq ans qui continue, les gens puissent fonctionner. Il y a un travail qui va être fait avec ces gens-là, et on fera rapport à la commission lorsqu'on arrivera aux articles qui visent la commandite.

En concluant, je pense qu'on confirme par les travaux de cette commission jusqu'ici qu'il y a une norme sociale qui a changé au Québec, que la règle de jeu normale, acceptée par la très grande partie de la majorité, c'est qu'on ne fume pas dans les endroits publics, qu'on respecte ceux qui veulent fumer, mais on s'assure que les jeunes ont toutes les chances de ne pas prendre cette habitude, et que ceux qui fument et qui veulent cesser ont toutes les chances de pouvoir cesser, et que, dans les endroits où les gens se retrouvent socialement, la règle qu'on observera, c'est qu'il n'y ait pas de fumée dans l'environnement.

Alors, je voudrais aussi remercier beaucoup tous ceux qui nous ont aidés, tous les participants qui nous ont accompagnés lors de leur présentation ou qui ont assisté aux travaux de la commission, l'équipe technique du ministère, qui a fait un travail énorme et qui n'a pas fini de travailler – il y a encore du temps devant nous – mes collègues des deux côtés de la table, Mme la secrétaire et vous, M. le Président. Et je voudrais rassurer tout le monde que, dans les mesures qui seront prises pour préparer l'application de cette loi, les derniers ajustements pourront être faits une fois qu'on connaîtra le projet de loi lui-même. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je ne veux surtout pas rajouter des choses à ce que M. le ministre vient de dire, mais je voudrais faire une remarque d'un autre ordre, parce que j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt, comme mes collègues, ces auditions publiques, et ce que ça m'inspire, c'est quelque chose sur notre métier, puis je voudrais prendre juste une minute pour le dire, un métier qui est fort intéressant mais aussi fort complexe. C'est complexe de faire de la législation, et je pense que les auditions publiques sur cette loi qui porte sur le tabac nous ont montré à quel point il faut tenir compte de plusieurs facettes. Et, dans ce qu'on nous a expliqué, on a bien vu qu'il y avait des considérations d'ordre économique – il faut en tenir compte – qu'il y a des considérations d'ordre juridique, elles sont là aussi. Il y en a même eu, ce soir, d'ordre idéologique. Il y a des gens qui, au nom de la liberté, pensent que l'État n'a même rien à voir dans un dossier comme celui-là. Et il y avait aussi au coeur de tout cela des considérations de santé publique.

Et ce que ça m'inspire, c'est que, quel que soit le dossier, il y a toujours un angle que nous aurons à privilégier. On ne peut pas tous les prendre, on ne peut pas tous leur donner la même importance. On doit tous les regarder, mais on doit, à un moment donné, avoir un ancrage plus important quelque part et dire que, dans ce cas-ci, c'est au nom de la santé publique que nous allons, tout en étudiant l'impact des autres facettes, des autres dimensions... c'est au nom de cet aspect plus central que nous allons prendre des décisions. Et je pense que, dans le domaine du tabac, manifestement, après avoir écouté tout ce que les gens ont à dire, on est capable d'agir, au Québec, avec une certaine maturité, je pense.

Et, finalement, le meilleur ingrédient de tous – et je dis ça en tout respect pour les gens qui sont des chercheurs et qui sont des spécialistes – je pense que le meilleur ingrédient de tous, c'est le bon sens, et j'espère que les législateurs n'en sont pas dépourvus et que la suite prouvera que nous sommes capables de rajouter cet ingrédient dans notre recette de législateurs pour arriver à un projet de loi qui soit le plus intéressant possible.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre, je vous remercie. Collègues du côté ministériel, collègues du côté de l'opposition, merci pour votre excellente collaboration. À toutes nos collaboratrices et collaborateurs, merci beaucoup.

La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 55)


Document(s) associé(s) à la séance