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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 8 avril 1997 - Vol. 35 N° 72

Consultations particulières sur le projet de loi n° 39 - Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui (titre modifié)


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Jean Rochon
M. Pierre Paradis
M. Rémy Désilets
M. Réal Gauvin
M. Jean-Claude St-André
Mme Claire Vaive
M. Russell Copeman
Mme Marie Malavoy
*Mme Louise Bourdon, Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs
*M. Philippe Gauthier, idem
*Mme Ginette Brien, idem
*M. Jean-Rémy Provost, idem
*Mme Annie Beaudin, idem
*M. Benoît Poulin, FMOQ
*M. Jean-Bernard Trudeau, idem
*Mme Ginette Primeau, idem
*M. Jean-Guy Rochefort, OPQ
*M. Marcel Thomas, idem
*M. Denis Doucet, idem
*Mme Danièle Marchand, idem
*M. Ura Greenbaum, Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique
*Mme Catherine Vallée, AQRP
*Mme Marie-Luce Quintal, idem
*Mme Lucie Lemieux-Brassard, COPHAN
*M. Christian Généreux, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à tous et à toutes les membres de la commission ainsi qu'à nos invités. Aux membres de la commission de façon particulière, il y a beaucoup de nouveaux visages des deux côtés. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Simplement un petit détail pour dire que nous fonctionnons sur l'alternance, c'est-à-dire 10 minutes maximum par intervention. Évidement, étant donné qu'on est en consultation, on est un petit peu plus compréhensifs.

Est-ce que le quorum est constaté, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je rappelle le mandat: La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. Est-ce qu'il y a des remplacements?

(9 h 10)

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Létourneau (Ungava) sera remplacé par M. Désilets (Maskinongé); Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) par M. Poulin (Beauce-Nord); M. Marsan (Robert-Baldwin) par M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Parent (Sauvé) par M. Laporte (Outremont); Mme Signori (Blainville) par M. Saint-André (L'Assomption); et M. Williams (Nelligan) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Les membres ont reçu l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, je considère l'ordre du jour adopté.

Nous commençons immédiatement nos travaux en recevant les représentants de l'Association des dépressifs et maniaco-dépressifs. Mme Bourdon, c'est vous, je pense, qui avez déjà présenté les gens pour fin d'enregistrement, mais j'aimerais ça, pour les membres ici, que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs

Mme Bourdon (Louise): Pendant mon allocution, je vais commencer et les gens vont se présenter eux-mêmes d'ici quelques secondes. Ça va?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'accord.

Mme Bourdon (Louise): M. le Président, M. le ministre Rochon, Mmes et MM. les députés. En tant que directrice générale de l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs, je tiens à remercier la commission parlementaire des affaires sociales de son invitation à exposer notre point de vue sur le projet de loi n° 39, sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. D'ailleurs, c'est notre deuxième visite, car, au mois de mai dernier, nous venions présenter notre mémoire sur la problématique et les solutions au niveau de la consommation des médicaments au Québec. Pour commencer, les personnes qui sont avec moi vont se présenter.

M. Gauthier (Philippe): Mesdames, messieurs, bonjour. Philippe Gauthier, avocat-ressource à l'ADMD, un des bénévoles qui sont là. Vous avez des permanents qui vont pouvoir se présenter.

Mme Brien (Ginette): Bonjour. Ginette Brien, coordonnatrice de la ligne d'écoute et de référence ainsi que des bénévoles. Je suis aussi mère d'un jeune homme qui souffre de maniaco-dépression.

M. Provost (Jean-Rémy): Bonjour. Je suis Jean-Rémy Provost, directeur-adjoint de l'Association, responsable des services et des programmes. Je suis aussi conjoint d'une personne qui est atteinte de maniaco-dépression.

Mme Beaudin (Annie): Bonjour à vous. Mon nom est Annie Beaudin. Je suis une personne atteinte de maniaco-dépression et je suis bénévole à l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs.

Mme Bourdon (Louise): Je suis moi-même atteinte. C'est mon équipe et je suis la directrice. J'oeuvre depuis six ans à l'Association et je suis atteinte de maniaco-dépression.

Je continue. Deux mots, d'abord, pour vous parler de notre Association. L'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs est un organisme sans but lucratif qui a pour but de venir en aide aux personnes atteintes soit de dépression soit de maniaco-dépression ainsi qu'à leurs proches, et ce, partout dans la province.

Sous sa forme actuelle, l'Association existe depuis 1992. Ses mandats sont les suivants: Diffuser de l'information sur la dépression et la maniaco-dépression; informer et supporter l'entourage des personnes atteintes; informer les professionnels oeuvrant auprès de ces personnes atteintes; briser l'isolement des personnes dépressives et maniaco-dépressives; former des animateurs pour la mise en place de groupes d'entraide, des écoutants pour la ligne d'écoute, d'information et de référence. C'est là le résumé de nos programmes.

L'Association a un champ d'action diversifié. Par exemple, nous avons mis sur pied une ligne d'écoute, d'information et de référence qui permet de fournir une oreille attentive aux gens et de les référer à des ressources appropriées afin de briser l'isolement auquel font face les personnes souffrant de ces maladies mentales et leur entourage.

Deux fois par mois, nous organisons pour le grand public des conférences sur des sujets reliés à la dépression et à la maniaco-dépression afin de conscientiser les gens et de les informer sur les maladies que sont la dépression et la maniaco-dépression.

Une de nos priorités est de faciliter la mise sur pied de groupe d'entraide pour les dépressifs et les maniaco-dépressifs, leurs proches et leurs conjoints.

Nous publions également un bulletin appelé Question d'humeur qui vise à appuyer les efforts d'un vaste réseau d'entraide de personnes atteintes et des intervenants qui travaillent auprès d'eux. Nous collaborons de façon régulière avec des associations de professionnels de ces mêmes intervenants.

Finalement, nous faisons chaque année des tournées à travers la province avec des séances d'information et de formation et des outils d'information sous forme de bandes vidéo, dépliants. Les deux derniers documents audiovisuels que nous avons produits ont été distribués dans plusieurs milieux à travers la province, en plus d'être télédiffusés à Télé-Québec. Ajoutons que ces deux vidéos ont reçu en 1996 le Gémeaux de la meilleure réalisation dans la catégorie court métrage.

Une dernière précision au sujet de l'Association. Nous ne sommes pas un groupe de pression, mais plutôt un groupe d'entraide communautaire. Notre seul souci, c'est d'aider les personnes atteintes de dépression et de maniaco-dépression ainsi que leurs proches à se prendre en main, à briser leur isolement et à se responsabiliser face à leur maladie. D'où la présence de nos personnes-ressources ici aujourd'hui pour répondre tantôt à vos questions.

Toutes nos activités nous ont permis de rejoindre à ce jour des milliers de personnes à travers tout le Québec, et cela ne doit pas s'arrêter là car les besoins sont immenses.

En effet, la dépression est une maladie beaucoup plus répandue qu'on ne le croit. Selon les données publiées récemment par l'Association des psychiatres du Canada, cette maladie affecte une femme sur quatre et un homme sur 10. De 15 % à 25 % des personnes âgées en sont atteintes. Ce taux peut aller jusqu'à 94 % chez des personnes qui vivent dans un foyer d'hébergement.

D'ailleurs, vous pourrez consulter La Presse , dans la fin de semaine du 26 et 27 avril prochains – s'il n'y a pas d'élections, on espère qu'il n'y ait pas d'élections – il va y avoir un sondage sur les perceptions du grand public au niveau de la dépression et de la maniaco-dépression. Pour nous, c'est très important ce sondage-là. Il va paraître ces deux jours-là dans La Presse . Vous verrez des données très intéressantes et parfois un peu troublantes sur ces maladies.

Quant à la maniaco-dépression, c'est une maladie qui touche environ 100 000 personnes au Québec. De ce nombre, seulement 10 % ont été diagnostiquées et reçoivent des traitements. Cette maladie touche également les hommes et les femmes. Un premier épisode peut survenir à tout âge, y compris à l'adolescence et chez les personnes âgées.

M. Provost (Jean-Rémy): Ces quelques données que vient de vous mentionner Mme Bourdon démontrent bien l'importance du projet de loi que vous étudiez présentement pour protéger les personnes atteintes de maladie mentale.

En effet, le sujet qui vous occupe aujourd'hui, le projet de loi n° 39, est aussi au coeur de nos préoccupations. La maladie mentale est très répandue et mal connue de la population, de certains intervenants. Souvent, les généralistes professionnels dits de première ligne ne savent pas toujours comment traiter les personnes atteintes.

Je peux vous citer l'exemple de jeudi dernier où, dans un article paru dans La Presse , le journaliste n'a pas su faire la différence entre les maladies mentales et la déficience intellectuelle. Je ne savais pas que ma conjointe était handicapée intellectuelle en même temps que maniaco-dépressive, je l'ai appris dans La Presse . Alors, mon Dieu Seigneur!

Notre société reconnaît aisément le besoin de protéger légalement les personnes atteintes de maladie mentale afin que leurs droits fondamentaux en tant que personnes soient respectés, même et surtout lorsqu'elles sont momentanément incapables de les défendre seules.

Une loi protégeant les personnes atteintes de maladie mentale est nécessaire pour s'assurer que les personnes dépressives et maniaco-dépressives puissent obtenir des soins et des services appropriés. On a souvent tendance à associer soins psychiatriques et incapacité de la personne atteinte de maladie mentale à assumer seule ses droits. L'intégrité d'une personne est souvent mise de côté sous prétexte qu'elle se trouve en psychiatrie. Il est vrai cependant que bon nombre de sujets nécessitant des soins psychiatriques ont un jugement faussé et ne peuvent décider seuls des enjeux entourant leur hospitalisation et les soins qui en résultent.

Donc, c'est là tout le défi du projet de loi, quand la loi va être mise en pratique, d'avoir un certain juste milieu. C'est ça, je pense, qui nous préoccupe, nous aussi, à l'Association.

Le coeur du problème, c'est d'éviter, d'une part, le retrait de tout pouvoir décisionnel pour le patient et, d'autre part, d'éviter aussi une trop grande latitude laissée à ce dernier alors qu'il présente un jugement faussé et qu'il n'est pas en mesure de décider seul des soins à apporter pour son rétablissement physique et mental. À notre avis, la formulation du projet de loi n° 39 fournit des balises raisonnables aux intervenants pour encadrer leur action et pour protéger les personnes atteintes de maladie mentale. Cependant, nous aimerions vous faire part de quelques points qui pourraient améliorer ce projet de loi et faciliter sa mise en oeuvre éventuelle.

Un premier point touche à la confidentialité du dossier. Le Code civil du Québec exige de se référer au tribunal pour avoir l'autorisation de divulguer des rapports de nature confidentielle à des personnes autres que celles impliquées. Cette disposition a pour but de protéger la vie privée des citoyennes et citoyens. Dans le cas de personnes atteintes de maladie mentale, il est évident que cette protection est d'autant plus nécessaire que ces dernières ne sont pas toujours tout le temps en mesure de défendre leur propre droit à la confidentialité de leur dossier. Il nous semble donc que la clause 5 fait fausse route en mettant de côté cette prévision. Il faut conserver cette protection du recours au tribunal dans le cadre du projet de loi n° 39.

Un autre point. La connaissance des droits et recours d'une personne sous garde. Une personne dépressive ou maniaco-dépressive, lors de son séjour à l'hôpital, n'est pas toujours apte à prendre des décisions ni à comprendre l'état dans lequel elle se trouve. C'est pourquoi il s'avère important, comme le stipule l'article 17, qu'une autre personne ayant à coeur les intérêts de la personne atteinte soit informée par le personnel de l'hôpital des droits et recours de la personne sous garde.

(9 h 20)

Nous estimons qu'il faudrait toujours remettre à un proche du patient les droits de ce dernier, et ce, même si le jugement de ce patient n'est pas faussé. Donc, il faudrait, selon nous, au deuxième paragraphe de l'article 17, renforcer l'élément «l'établissement doit faire des efforts raisonnables» en le changeant pour «l'établissement doit communiquer les informations du document à une personne qui démontre un intérêt particulier pour la personne sous garde».

Nous, à l'Association, on trouve extrêmement important que les proches et les conjoints des personnes atteintes de maladie mentale soient informés, parce que c'est souvent eux autres qui sont sur la première ligne de front quand la maladie se manifeste ou quand la personne n'est pas apte à juger si ce qu'elle fait, c'est correct ou non.

Afin de faciliter des démarches d'information, d'entraide, de soutien et de suivi médical et psychothérapeutique pour la personne atteinte de dépression ou de maniaco-dépression, l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs recommande fortement que le milieu hospitalier donne à celle-ci et à ses proches une liste d'organismes et de centres communautaires accrédités de la région, sujets à l'aider à se réintégrer socialement, psychologiquement et physiquement.

L'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs considère primordial d'informer adéquatement la famille et les proches des conséquences liées à la maladie mentale d'un de leurs membres. En approchant la famille et les proches dès l'instant où une personne reçoit des soins psychiatriques, l'hôpital et les centres de services sociaux éviteront de les laisser dans l'inconnu, l'ignorance et la peur, et faciliteront ainsi la réintégration éventuelle de la personne dans son milieu, et ce, à tous les niveaux: physiques, psychologiques, économiques, sociaux, moraux et spirituels.

Comme le reconnaît d'ailleurs le projet de loi, la personne sous garde doit pouvoir communiquer en toute confidentialité avec la Commission des affaires sociales, le Curateur public, un avocat, son représentant ou la personne habilitée à consentir aux soins requis par son état de santé. L'Association souhaiterait que tous les établissements hospitaliers disposent d'un local privé pour assurer la confidentialité nécessaire. Ce qui n'est malheureusement pas le cas partout.

Un autre point majeur dont traite le projet de loi n° 39 est l'utilisation de mesures contraignantes qui limitent la liberté d'une personne pour l'empêcher de se blesser ou de blesser autrui. Nous croyons qu'il n'est pas suffisant de dire que l'utilisation des moyens tels que la force ou l'isolement doit être minimale. Nous souhaiterions que le texte soit encore plus explicite en parlant d'une utilisation minimale, oui, mais quant à la durée et à la nature des moyens, et en exigeant que seules des personnes qualifiées et soucieuses de l'intégrité physique de ces personnes les appliquent. Idéalement médecin et un autre professionnel de l'institution devraient au courant de toutes les mesures prises pour contrôler une personne. Une simple consignation au dossier de la personne après le fait est nécessaire, mais l'avis de ces professionnels devrait être obtenu avant que les mesures ne soient appliquées.

Un dernier point nous semble capital. Nous savons tous et toutes que les tabous et préjugés règnent quand il s'agit de maladie mentale. Nous, on le voit depuis cinq ans, depuis la naissance de l'Association. On voit un petit peu la lumière au bout du tunnel, mais il y en a encore énormément.

Bien que nous constatons un changement encourageant dans la perception, à travers le réseau de la santé, de ce qui est réellement la dépression et la maniaco-dépression, un manque flagrant d'information sur ces maladies demeure présent.

L'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs estime que tout professionnel qui de près ou de loin a à transiger avec une telle loi doit être suffisamment informé de l'impact des différentes maladies mentales sur le déroulement des procédures qu'elle exige. Or, bien des décisions touchant directement les personnes atteintes de maladie mentale sont prises par différentes instances sans qu'au préalable il y ait prise de conscience de leur état et de ses répercussions. Les juges, les avocats, les policiers, tout le personnel d'hôpital ainsi que tous les professionnels oeuvrant dans le domaine de la santé mentale devraient être au préalable conscients des enjeux entourant la dépression et la maniaco-dépression.

Dans ce but, l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs recommande fortement que les campagnes de formation et d'information soient menées non seulement pour le grand public, mais également pour tous les professionnels oeuvrant dans le domaine de la santé mentale, psychiatres, omnipraticiens, psychologues, travailleurs sociaux, infirmières, pharmaciens, intervenants sociaux, éducateurs, ou tous les professionnels travaillant dans le domaine juridique ou moral, avocats, juges, greffiers, policiers, agents de la paix, agents de sécurité. Nous trouvons ça extrêmement important. Ces campagnes ont comme but premier d'enrayer les préjugés et les tabous associés à la dépression et la maniaco-dépression, afin de permettre à ces intervenants d'exercer un jugement plus éclairé dans de tels cas.

Il nous apparaît que certains de nos commentaires pourraient s'intégrer facilement dans la section des définitions du projet de loi. Cette section n'était malheureusement pas disponible lorsque nous avons formulé nos suggestions.

En conclusion, l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs croit que, en général, le projet de loi n° 39 fournit les balises légales requises afin d'éviter toute forme d'abus ou de négligence dans la protection des personnes atteintes de maladie mentale, sous réserve des quelques préoccupations que nous avons exprimées. Cependant, si le projet de loi est adopté, le vrai défi à relever sera sa mise en oeuvre.

L'Association croit que, sans programmes d'appui, telles les campagnes de sensibilisation qu'elle mène depuis des années, la nouvelle loi pourrait rester lettre morte quant à son application au jour le jour. L'Association recommande donc d'accorder toute l'attention et les crédits nécessaires à l'information et à la sensibilisation et à ces nouvelles mesures légales afin d'en assurer une mise en oeuvre sans heurts.

L'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs est prête à collaborer avec les différentes instances institutionnelles tels le ministère de la Santé et des Services sociaux, les régies régionales, les hôpitaux, les CLSC, les corps policiers, afin de favoriser l'implantation optimale de la loi n° 39.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre de la Santé et des Services sociaux à débuter l'échange.

M. Rochon: Je vous remercie beaucoup, d'abord, d'avoir pris le temps et d'avoir mis les efforts pour réviser cette loi. Je pense que vous êtes un des groupes qui travaillez et vivez avec des gens qui ont des difficultés que vise cette loi. Alors, pour nous, c'est important qu'on ait ces avis-là, en plus des avis plus techniques ou professionnels qui peuvent nous être donnés.

C'est une loi, comme vous l'avez bien saisie dans la présentation de votre mémoire, qui essaie d'établir le juste équilibre, d'une part, entre le pôle de protection d'une personne qui a un problème de santé mentale et de son entourage; l'autre pôle étant les droits de la personne qui souffre d'un problème de santé mentale: droit au traitement, droit à l'information et droit à garder le contact et de communiquer avec les gens.

Dans le projet de loi, tout ça repose beaucoup sur la notion de danger ou de dangerosité que peut présenter la personne. Vous y faites référence dans votre mémoire, mais comme ça m'apparaît assez central pour toute la loi, je voudrais bien, là-dessus, peut-être, que vous soyez plus spécifique pour nous dire... Vous semblez être assez d'accord sur la façon dont est présentée cette notion de danger, qu'on qualifie d'imminent dans la loi.

Quant à son application, comme vous dites, la loi, c'est bon, c'est la façon dont on l'applique qui est aussi très importante.

Il y avait eu tout un débat sur la question de reconnaître la possibilité – je pense que c'est la première fois qu'on le fait plus formellement – à un agent de la paix de pouvoir, au besoin, intervenir pour aider une personne, aider sa famille, aider son entourage, si on doit amener quelqu'un à l'hôpital, dans une urgence, en utilisant un minimum de contentions selon le besoin. Alors, ça, c'est les deux points, cette notion de dangerosité, de danger immédiat, et une des modalités d'application, qui est de permettre cette intervention à l'agent de la paix.

Avez-vous d'autres commentaires à formuler là-dessus ou le fond de votre pensée?

M. Provost (Jean-Rémy): Nous, tout ce qu'on veut, c'est un continuum d'aide, c'est-à-dire que, si on donne plus de latitude aux policiers par exemple, on veut bien, mais dans le sens où on veut vraiment qu'il y ait une formation nécessaire à ça. C'est-à-dire que le policier ne doit pas faire toute l'intervention requise auprès d'une personne atteinte de maladie mentale qui représente un danger pour elle-même ou pour autrui, mais, ce qu'on veut, c'est que le policier se rende compte que la personne n'est pas un criminel. On veut que le policier n'amène pas cette personne-là en prison, on veut que le policier l'amène à l'hôpital et, à ce moment-là, qu'il y ait un médecin sur place pour s'occuper de la personne. C'est ça qu'on veut, nous. Quand je parlais de continuum d'aide, c'est ça. Si le projet de loi est dans ce sens-là, oui, nous sommes d'accord avec ça. Mais, s'il n'y a pas de formation, s'il n'y a pas de sensibilisation auprès des différents intervenants, nous, on va trouver difficile l'application de la loi, à ce moment-là. Parce que les balises sont là, bon, puis je pense qu'on est d'accord avec les balises, mais c'est l'application. On veut vraiment que le continuum se fasse très bien au niveau de l'aide apportée à ces personnes-là.

Au niveau de la dangerosité de la personne, nous, on a affaire avec les gens atteints de dépression et de maniaco-dépression qui, à un moment donné – on en a parlé dans le mémoire – peuvent avoir un jugement faussé. Ça fait partie de la maladie de se dire qu'on n'est pas malade; ça fait partie de la maladie aussi de dire: Non, je ne suis pas malade, c'est les autres qui sont malades, puis je ne suis pas bien, je n'ai pas besoin d'aller à l'hôpital. D'où l'extrême importance de tenir compte des parents, des proches, de tenir compte aussi des intervenants professionnels qui peuvent juger si la personne a un jugement faussé ou non. Mais, par contre, ça ne veut pas dire, si une personne est atteinte de maladie mentale, que son jugement est faussé automatiquement. Il faut faire très attention avec ça.

M. Rochon: Peut-être une petite question en complément, M. le Président. Dans votre travail comme groupe communautaire, est-ce que vous avez été appelé, ou vous êtes appelé, ou vous pensez que vous pourriez être un des acteurs dans l'application de la loi comme ça? Je ne sais pas, je pense à la police plus de type communautaire, par exemple, comme on parle dans des grandes villes, dans le réseau, au niveau d'un quartier, de groupes et d'intervenants possibles avec qui le policier peut travailler. Êtes-vous dans ce genre d'activité-là ou est-ce quelque chose que vous souhaitez?

(9 h 30)

Mme Bourdon (Louise): Oui. Présentement, on donne beaucoup de conférences à l'extérieur, que ce soit aux étudiants, aux professeurs, aux cégeps ou aux entreprises. Et les policiers, ça commence à nous être demandé, d'aller donner une formation, entre autres. Ça nous a toujours préoccupés, le fait que les policiers ne connaissent pas bien ces maladies-là. Alors, oui, on est ouverts à donner de la formation parce qu'on a développé une expertise que même certains CLSC ou certains autres groupes communautaires dans le domaine de la dépression ou de la maniaco-dépression n'ont pas. Alors, étant donné que ça fait déjà cinq ans, on est très ouverts à nous impliquer pour donner de la formation ou pour rencontrer les gens. Absolument, oui.

M. Rochon: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. M. le Président, quelques questions. Vous avez mentionné, au tout début de votre intervention, que c'est la deuxième fois que vous vous présentez ici cette année, que la première fois c'était au mois de mai, dans la question des médicaments comme tels. On sait que le régime est maintenant en application. Vous êtes des gens qui oeuvrez sur le terrain. Vous rejoignez, vous le mentionnez, possiblement 900 000 Québécois et Québécoises. Est-ce que, dans le quotidien, vous avez vécu des problèmes particuliers quant à l'application de cette Loi sur l'assurance-médicaments?

Mme Brien (Ginette): Effectivement. Moi, en étant responsable de la ligne d'écoute et de référence, il arrive très régulièrement que les gens vont laisser leurs médicaments, faute de moyens pécuniaires de se les procurer. Les gens nous appellent en dépression majeure et assez pour être hospitalisés à ce moment-là. Donc, l'économie au niveau de la médication via l'hospitalisation, quelque part, oui, ça a un impact.

M. Paradis: O.K. Vous mentionnez un facteur économique. Est-ce qu'il y a d'autres facteurs qui sont reliés à la maladie comme telle qui peuvent affecter... La personne peut avoir suffisamment de deniers, mais, parce qu'elle est en période plus de crise... Est-ce que vous avez constaté des cas de cette envergure-là?

Mme Bourdon (Louise): Bien, c'est sûr qu'il y a des gens, quand ils se sentent bien par rapport à la maniaco-dépression, entre autres... On a tendance, surtout dans les premières années, quand on est mal stabilisés ou qu'on est stabilisés, à arrêter nos médicaments, pensant que c'est comme une aspirine, qu'on est guéris, mais ce n'est pas ça. La fidélité au traitement, c'est très, très important dans le cas même de la dépression et de la maniaco-dépression. Alors, il faut continuer à prendre ses médicaments. Il y a beaucoup de gens qui arrêtent, qui ne le disent pas à leur médecin et qui sont obligés d'être réhospitalisés. Ça, ça coûte très, très cher au système présentement parce que les gens ne sont pas fidèles aux médicaments.

Mais il y a des gens, vraiment, c'est parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer. Parce que les médicaments sont très dispendieux au niveau de la dépression, même, des antidépresseurs, les nouveaux antidépresseurs. Alors, les gens des fois préfèrent manger ou disent: Bien, ce n'est pas important. Ils ne comprennent pas qu'ils vont faire une rechute à ce moment-là et la rechute peut coûter... Aller à l'hôpital, c'est très complexe à ce moment-là parce que les urgences... Ce n'est pas évident d'aller dans une urgence aujourd'hui. Qu'on nous garde et qu'on nous soigne adéquatement, ce n'est pas évident présentement.

M. Paradis: C'est ce qui m'amène peut-être... Puis je m'excuse si je fais un survol du dossier. Je suis un petit peu nouveau là-dedans. On parle de fermer la moitié des lits comme tels dans les institutions, de faire passer ça de 6 000 à 3 000. Dans le cadre de ce virage-là, quel est le rôle que peut jouer une association de bénévoles comme la vôtre sur le terrain? Est-ce que vous avez les outils? Est-ce que vous êtes prêts à arriver en support? Est-ce que vous avez les moyens de prendre soin de ces 3 000 personnes qu'on va virer vers vous?

Mme Beaudin (Annie): Ce qui arrive, c'est que, nous, on n'a peut-être pas les outils en main complètement, mais, au moins, on a peut-être une petite idée de la réorientation que tout ça pourrait prendre. Il y a un engorgement au niveau hospitalier, on en est conscients, mais je crois qu'on pourrait... Tantôt, on parlait du corps policier. On pourrait aussi se retourner vers des centres de crise, des maisons d'hébergement qui, elles aussi, pourraient, dans le cas présent, dans une situation où la personne est en crise, réorienter la personne vers des services ou des endroits où elle aurait les mêmes soins qu'ailleurs.

Nous, on serait d'accord pour se dire: Pourquoi ne pas avoir plus de centres de crise dans des régions où, premièrement, les centres hospitaliers sont peut-être moins accessibles? Ensuite de ça, bien, dire: O.K., c'est situationnel, c'est sporadique dans le cas de nos maladies. Dire... Qu'elles puissent avoir les mêmes ressources dans ces endroits-là. Mais, malheureusement, nous, à l'Association, on n'est pas en mesure de fournir ni les médecins ni les gens qui vont intervenir dans ces centres-là. Mais, par exemple, on peut aider à l'information, à la formation de gens pour les groupes d'entraide. Du moment où c'est en crise, nous, à l'Association, on ne peut rien faire, malheureusement. Mais c'est souvent des avenues que, nous, on considérerait très profitables, je pense, que de voir comme les centres de crise, comme j'expliquais. Ça, c'est des bonnes avenues, selon nous.

Mme Bourdon (Louise): Je pense qu'il faut apprendre aussi à travailler ensemble, tous les organismes qui existent. Il y a déjà de très bons potentiels. Nous, notre façon de voir, c'est de travailler avec tout le monde: avec les psychiatres, avec les hôpitaux, avec les CLSC, avec les écoles. En fait, notre idée, c'est de travailler ensemble parce que déjà il y a un grand potentiel d'organismes et de services qui existe. Il s'agit de se regrouper pour collaborer et de travailler ensemble.

M. Provost (Jean-Rémy): On veut créer un partenariat, mais ne nous laissez pas seuls, par exemple. On veut dire oui à des organismes communautaires, aux centres d'hébergement, aux centres de crise, et tout ça, mais on a besoin de vous. Je pense que quelque part, nous, on fait notre part dans la communauté, mais c'est certain qu'avec les budgets qu'on a... On voit les gens qui arrivent vers nous. Il n'y a pas beaucoup de services entre les hôpitaux, par exemple, et nous. On est vraiment sur le terrain, donc on voit vraiment le manque de coordination, le manque de lien entre les différents intervenants au niveau de la santé.

Mme Brien (Ginette): Si je peux ajouter une chose, c'est que, depuis cinq ans que j'oeuvre à l'Association, on s'est rendu compte d'une chose, c'est que les gens qui arrivaient chez nous en faisant du bénévolat, en s'informant, avaient beaucoup moins de rechutes au niveau de leur maladie parce qu'ils comprenaient bien leur maladie, ils apprenaient à se connaître vis-à-vis de leur médication et ils étaient beaucoup plus fidèles à leur traitement. Donc, les rechutes étaient pratiquement inexistantes. Il y a des gens qui, au moment où les premiers symptômes d'une rechute apparaissaient, pouvaient contacter leur médecin, réajuster la médication et ils passaient au travers sans hospitalisation. Donc, le but premier de l'Association, c'est de conscientiser chaque individu par rapport à sa maladie pour arriver à faire une vie tout à fait normale et être socialement actif au niveau de son travail, au niveau de ses activités familiales ou sociales.

Mme Bourdon (Louise): Comme moi, je suis atteinte de la maladie. J'ai encore des rechutes à l'occasion, mais je fonctionne très normalement, parce que je suis bien stabilisée. Je pense que j'ai appris à me responsabiliser face à ma maladie et à me conscientiser aussi à m'informer sur la maladie. Ça m'a aidée énormément pour pouvoir passer à travers cette maladie-là qui est une maladie comme une autre.

M. Provost (Jean-Rémy): Et plus on va aller vers ça – excusez-moi, juste prendre 10 secondes – plus l'application de cette loi-là ou d'une autre loi de protection des gens atteints de maladie mentale va se faire de mieux en mieux, beaucoup mieux.

M. Paradis: À partir de votre connaissance du terrain et du bénévolat que vous y effectuez, est-ce qu'il y a suffisamment de centres de crise pour répondre aux besoins actuels? Est-ce qu'il y a suffisamment de centres de crise pour répondre aux besoins qu'on peut anticiper, s'il y a la fermeture de 3 000 lits au cours des prochaines années?

Mme Brien (Ginette): Malheureusement, c'est une des lacunes qu'il y a présentement au niveau des gens quand ils sont hospitalisés. Je parlais avec un psychiatre qui disait que, entre autres, une hospitalisation de courte durée en psychiatrie, c'est un mois, courte durée. Si on veut se reporter à une maladie physique ou à une simple opération, aujourd'hui, au bout de quatre jours, on peut avoir notre congé. Donc, pour éviter ces choses-là, c'est sûr que les centres de crise, il en manque au niveau de la province. Même à Montréal, il y a des lacunes aussi.

M. Paradis: On constate, à la lecture de votre mémoire et par votre témoignage, que vous supportez finalement ce qu'on peut appeler l'esprit et l'approche qui sont contenus dans la loi. Vous faites, aux pages 8 et suivantes de votre mémoire, trois mises en garde sur lesquelles, moi, j'aimerais vous entendre de vive voix: la question de la terminologie, la question des proches et des familles – je sais que vous en avez traité et que vous y revenez souvent – et les limites des droits du patient, et vous insistez sur deux analyses psychiatriques plutôt qu'une comme telle. Est-ce que vous pourriez imprégner les membres de la commission davantage de ces mises en garde comme telles que vous nous faites, finalement?

M. Provost (Jean-Rémy): Au niveau de la terminologie, simplement, on trouvait qu'il y avait une absence de lexique, nous, au niveau du projet de loi n° 39. Parce qu'on n'avait pas de terminologie, on n'avait rien, au début.

Une voix: Dans l'ancien, il y en avait.

(9 h 40)

M. Provost (Jean-Rémy): Dans l'ancien, il l'avait, dans la Loi sur la protection du malade mental, mais, dans ce projet de loi là, on n'a aucun lexique. On aurait aimé, parce qu'il y a beaucoup de terminologie et on n'est pas experts au niveau des lois, et tout ça... C'est sûr qu'on a de la collaboration, comme Me Gauthier, mais on n'est pas assez professionnels pour traiter de ça. Au niveau des proches...

Mme Brien (Ginette): Au niveau des proches, oui, effectivement. Moi, j'ai eu souvent à accompagner mon fils. Peut-être heureusement, entre guillemets, il était mineur. Donc, j'avais toute la juridiction pour l'hospitalisation, pour l'obliger à suivre ses traitements. Et le fait qu'on était proche de l'Association, lui, il a pu se responsabiliser.

Mais les lacunes, c'est que les gens nous appellent, les proches; ils aiment leur conjoint, ils aiment leur fils. Mais ils ont les mains liées, dans le sens qu'ils ne peuvent pas aider, parce que la personne refuse l'hospitalisation s'ils envoient un policier ou une ambulance. Alors, au premier refus, on a l'impression de vivre une situation de pot cassé. Il faut qu'on attende que la personne perde tous ses biens, qu'elle perde sa famille, qu'elle ait tout détruit avant de pouvoir avoir des soins, parce que le premier symptôme de la maniaco-dépression, c'est de refuser d'admettre la maladie. En dépression, c'est tout à fait le contraire, sauf que la personne n'est pas en mesure de prendre de décision; elle n'a même pas l'énergie pour pouvoir prendre le téléphone et se rendre dans un centre hospitalier.

Donc, ils ont besoin d'un support comme la famille. On sait, entre autres, que, oui, il y a eu un balancier dans les années cinquante et, maintenant, ça a passé de l'autre côté. On voudrait avoir un juste milieu pour pouvoir aider ces gens-là du mieux qu'on peut après, quand ils sont à l'hôpital. Mais le gros problème, c'est de les rendre à l'hôpital. Parce que, une fois rendue à l'hôpital, c'est vraiment les médecins, les spécialistes qui prennent en charge la personne. Si elle n'est vraiment pas bien, ils prennent sur eux de faire une cure, fermée ou non, mais au moins la personne peut recevoir des soins. Mais c'est juste le moment où la personne n'est pas bien, elle est à la maison, et c'est d'inciter la personne à se rendre à l'hôpital. Ça, ce n'est pas évident.

Mme Beaudin (Annie): Le troisième point que je voudrais apporter, c'est celui de l'hospitalisation. Pour l'avoir connu, pour l'avoir aussi démontré chez d'autres patients avec mes études en médecine, je peux très bien parler de ce point-ci qu'on retrouve.

Ginette parlait tantôt de mise sous garde. On parle de cure fermée, de réclusion. On peut parler d'autres mesures dont je ne ferai pas ici l'élaboration, mais il y a plusieurs mesures qui peuvent être prises au moment où la personne est amenée au centre hospitalier. La seule chose qu'on aimerait tout simplement clarifier, ou qui soit mise un peu plus en évidence dans le projet de loi, c'est de dire que les gens qui vont pratiquer ces mesures-là sur le patient soient, premièrement, habilités à le faire. Parce que vous parlez de «doit être minimal». C'est très vague. Vous dites: L'isolement doit être minimal, la force doit être minimale.

Nous, ce qu'on dit, c'est que des personnes qualifiées et soucieuses de l'intégrité physique, pour éviter que des gens... C'est sûr qu'on est en situation d'urgence quand ça arrive, on n'a pas beaucoup à penser. Les gens qui sont là, les médecins, doivent réagir très rapidement. Mais c'est important que les soins qui seront prodigués à la personne qui souffre au moment où elle arrive à l'hôpital soient vraiment adéquats et qu'ils soient minimaux, en ce sens que, un coup qu'elle n'en a plus besoin, bien, écoutez, que ce soit comme terminé ou qu'encore on y aille tout simplement pour éviter qu'elle soit un danger pour elle ou encore pour les autres. C'est de cette façon-là que, nous, on parle de «minimal».

Par la suite, je crois que le médecin – soit omnipraticien, soit psychiatre, ou peu importe – sera en mesure de poser un diagnostic beaucoup plus juste et précis sur le patient, à ce moment-là, quand il sera plus calme. Moi, je pense que c'est ça qu'il est important de savoir.

Mme Brien (Ginette): Que ce soit fait dans la dignité et le respect de la personne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé, je reviens. Oui, dans le même...

M. Paradis: J'aurais rien qu'une question. Votre présence, comme telle, dans l'ensemble du territoire québécois, est-ce que vous êtes présents dans toutes les régions du Québec? Est-ce que vous rejoignez tout le monde, comme tel?

Mme Beaudin (Annie): Moi, j'aimerais vous dire quelque chose. On l'est tellement que je reçois des appels de la Côte-Nord, là, vraiment très haut, des gens qui me disent: Nous, l'hôpital, c'est dans une école, puis on voit une infirmière. Il y a des gens qui nous appellent. On a une ligne 1-800. On fait parvenir de la documentation aux gens. C'est sûr qu'on ne peut pas être là physiquement, c'est impossible. On ne peut pas être partout. Mais on est là. On fait de notre mieux, mais on a besoin de moyens pour être encore plus là avec les gens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, M. le Président. D'abord, moi, je voudrais vous féliciter surtout pour votre attitude à répondre aux questions, votre attitude dans votre présentation. Vous semblez être d'accord, en gros, avec le projet. Vous trouvez que c'est un pas vers la bonne direction. Par contre, concernant l'application, il y a des bugs dans l'application de la loi et... en tout cas, vous avez des craintes et je pense que ça peut être justifié. En tout cas, jusqu'à présent, je trouve ça intéressant.

Dans votre rapport, vous mentionnez, à la page 6: «Le coeur du problème – pour vous – c'est d'éviter, d'une part, le retrait de tout pouvoir décisionnel pour le patient et, d'autre part, d'éviter aussi une trop grande latitude laissée à ce dernier alors qu'il présente un jugement faussé et qu'il n'est pas en mesure de décider seul des soins à apporter pour son rétablissement physique et mental.»

Moi, dans un premier temps, j'aimerais savoir qui partage votre opinion là-dessus, sur ce thème-là. Est-ce qu'il y a d'autres associations comme la vôtre qui perçoivent l'orientation à ce point-là?

M. Provost (Jean-Rémy): Nous, on a l'impression... on veut comme voir les deux côtés de la médaille. Parfois, on a affaire peut-être à d'autres organismes de défense des droits de la personne – ce qui est très bien, en passant; d'ailleurs, je pense que, ne serait-ce que pour les abus, et tout ça – mais, nous, notre Association, ce qu'on veut, c'est voir les deux côtés de la médaille. C'est pour ça que, bon, c'est la meilleure phase pour voir les deux côtés de la médailles. C'est qu'on ne veut pas que la personne, parce qu'elle est atteinte d'une maladie mentale, on lui enlève tout droit, ou tout ça, et qu'on lui dise: Écoute ce que ce que je te dis puis ne décide de rien.

On ne veut pas ça, mais, en même temps, la maladie mentale, surtout nous, la dépression, la maniaco-dépression, ça fait partie de la maladie, quelque part. À un moment donné, le jugement de la personne n'est plus là et ça fait partie de la maladie de dire: Non, je ne suis pas malade. Ça va bien. Non, non. Ça va.

Donc, à un moment donné, il faut qu'il y ait une intervention quelque part: en premier, des proches, des conjoints, et tout ça; après ça, du milieu hospitalier pour soigner cette personne-là. C'est certain qu'on n'est pas pour une administration de force de médicaments, par exemple. Ce n'est pas ça du tout. Mais on est pour que la personne s'en sorte le mieux possible. Parce que, nous, on observe à l'Association des gens qui ont un jugement faussé et qui en font voir de toutes les couleurs à leurs proches, à leur conjoint, parce que, bon: Non, je ne suis pas malade, je ne suis pas malade, je ne vais pas à l'hôpital, tout ça.

Donc, à un moment donné, c'est d'essayer de trouver le juste milieu qui est assez difficile à trouver partout, surtout dans cette maladie-là qui est assez subtile. On n'a pas encore toutes les données là-dessus. Ça se passe dans le cerveau. C'est très difficile à voir, à diagnostiquer. Donc, c'est d'essayer de trouver un juste milieu dans l'intervention quand on parle de garde en établissement. Donc, la mesure de 48 heures, par exemple.

Donc, c'est ça, c'est d'essayer de trouver un juste milieu qui n'est pas si facile que ça, puis c'est d'essayer d'éviter le plus grand malaise possible pour la personne et pour les proches.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez une autre question, M. le député? Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre... Oui.

Mme Beaudin (Annie): Bien, vous savez, chaque cas est singulier, qu'on parle de dépression ou de maniaco-dépression, et c'est très difficile pour la famille. Puis on parle beaucoup de la famille, puis – tantôt, je sais que vous reveniez là-dessus – des conjoints. Nous, c'est sûr, on s'est réorientés là-dessus, c'est les gens qui nous aident les premiers. C'est eux qui sont là, évidemment, c'est la première aide qu'on a.

Moi, ce que je veux dire, c'est que c'est sûr que c'est difficile, puis on est conscients de ça, pour le personnel hospitalier, pour les intervenants, peu importe le milieu d'où ils proviennent, de faire le juste milieu, de prendre la bonne décision. Puis c'est pour ça qu'on dit d'essayer de trouver... de ne pas donner trop de latitude, mais pas non plus d'être trop sévère, trop rigoureux face au patient.

Donc, comme chaque cas est singulier, c'est d'orienter cette loi-là du mieux possible afin que le patient ne soit pas brimé dans ce qu'il est, mais qu'en même temps il ait les soins nécessaires pour, en quelque sorte, le réhabiliter le plus vite possible. C'est ça qui est important. Il faut vraiment être équilibré dans ce qui va se faire.

M. Désilets: C'est une symbiose qui...

Mme Beaudin (Annie): Exactement. De dire... C'est sûr qu'à un moment donné il faut trancher. On en est conscients, la loi doit trancher quelque part. Mais c'est de se dire: Oui, elle tranche, mais jusqu'à quel point? Il faut vraiment essayer de trouver un point milieu qui va nous permettre de se dire: Bien, on est équitable d'un côté comme de l'autre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de L'Assomption. Une dernière, vite.

M. Désilets: J'en aurais eu quelques-unes, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...M. le ministre qui veut revenir.

(9 h 50)

M. Désilets: O.K. Je reviendrai tantôt, d'abord. La dernière, c'est que... Vous mentionnez que votre Association fait état d'un manque d'information, des tabous, des préjugés, et tout ça. En même temps, vous parlez de campagne de sensibilisation, de campagne d'information. Présentement, vous avez combien d'argent d'investi dans ces campagnes-là? Et ça en prendrait de quel ordre de grandeur à peu près pour réussir à avoir une campagne d'information qui vaille la peine?

Mme Bourdon (Louise): Nous, à l'Association, on a un petit budget. D'ailleurs, on n'a presque pas de subventions aux niveaux provincial et fédéral. Ce sont des argents qu'on va chercher. On vient de faire un gala – ils ne sont pas plus fous que nous autres – des humoristes ont participé. On a ramassé environ 130 000 $. On a un budget d'à peu près 375 000 $. Toute la publicité qu'on fait présentement nous est donnée. En tout cas, on est chanceux parce qu'on a Guy Latraverse qui est notre porte-parole, qui est le président de l'Association et qui a une immense visibilité. Alors, ça nous a permis d'être sur la place publique. Mais on fait beaucoup de miracles avec très peu d'argent qu'on a présentement. On est très créatifs, les maniaco-dépressifs. D'ailleurs, c'est reconnu pour être ça: des gens très créatifs et inventifs. Alors, on n'a pas un gros, gros budget, à l'Association. Alors, on vient d'être reconnus par la régie régionale. C'est notre deuxième année qu'on a une subvention, mais une petite subvention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour. C'est une question à savoir... Vous avez une préoccupation, votre Association a une préoccupation sur les services qui sont donnés aux malades qu'on vient de décrire. Comment réagissent – et ma question est dans ce sens-là – ceux qui ont reçu de l'aide, qui ont reçu un traitement, après coup? Est-ce qu'ils sollicitent la collaboration de votre Association pour que, dans une prochaine crise, le comportement de ceux qui sont susceptibles de les aider soit différent? Est-ce que ces gens-là ont porté un jugement sur les services qu'ils ont reçus?

Parce que la porte voisine de mon bureau à Montmagny, c'est une association qui aide des gens dans des situations comme ça. C'est des gens que, par tous les moyens, je tente d'aider parce qu'il y a des journées, c'est vrai qu'ils manquent de moyens et financiers et de support par rapport à la demande. Moi, j'avais eu une réaction d'une personne qui avait été malheureuse de la façon dont les services lui avaient été donnés. Quand je dis «les services», ce n'est pas les services de santé, la collaboration et ceux qui s'étaient impliqués. Est-ce que vous avec des retours de personnes qui pourraient nous aider à mieux comprendre?

Mme Bourdon (Louise): Oui. Je peux vous dire qu'au niveau de la ligne d'écoute, cette année, et de nos services en particulier, ligne d'écoute, groupes d'entraide, tournée provinciale, parce qu'on en a fait une en 1996, il y a plus de 25 000 personnes qu'on a rejointes. C'est quand même un nombre impressionnant de personnes, et ça, c'est les proches, les conjoints, les intervenants, les gens qui sont malades. Et, moi, je dis: Quand les gens viennent à l'Association puis quand ils comprennent que c'est des gens comme nous, quand ils nous voient... Nous, on est des gens comme tout le monde, dans le fond. Ça, ça les sécurise de voir qu'on est des gens comme eux et qu'on fait une vie normale. Alors, ils reviennent.

On leur fait comprendre qu'il faut comprendre mieux la maladie, qu'il faut avoir la bonne information. Parce que souvent les médecins n'ont pas le temps de donner de l'information. On a des vidéos, à l'Association, que M. Latraverse a retournés. On a aussi des livres disponibles. On a de bonnes conférences. Alors, on a plusieurs services qui les aident à mieux comprendre leur maladie. Il n'y a pas juste un service en particulier. Et je pense que les gens s'aperçoivent avec le temps, avec les années, je crois, quand on vient d'être diagnostiqué... la personne va prendre ses pilules puis elle va être stabilisée, bon, ce n'est pas vrai tout à fait. Ça peut prendre quelques années. Moi, les feedback que j'ai, en tout cas, de l'Association, les gens sont satisfaits des services qu'on leur donne et ils ont besoin... Ils disent souvent: Mon doux! j'aurais dû connaître votre Association avant, je serais sorti de ce marasme, j'aurais été diagnostiqué. Il y a des gens qui attendent cinq, 10 ans avant d'être diagnostiqués, ils ne savent absolument pas ce qu'ils ont. Alors, notre Association est utile et je ne pense pas qu'elle va fermer ses portes demain. De plus en plus, on s'en aperçoit encore.

M. Gauvin: Donc, ce qu'on doit conclure, c'est que votre Association aurait besoin de plus de moyens, les gens seraient plus en confiance d'échanger avec vous et de s'assurer que c'est des groupes comme le vôtre, des gens qui connaissent bien la situation, qui sont en mesure de les aider, de les conseiller ou de conseiller ceux qui sont en autorité.

Mme Beaudin (Annie): Je veux juste dire quelque chose. On parlait d'un autre palier tout à fait, de former les policiers, les intervenants. Regardez à quel niveau ça peut jouer. Nous, dans notre simple Association, on s'est pris en main, on a formé des gens. Ginette forme des gens pour la ligne d'écoute; Jean-Rémy forme des gens pour les groupes d'entraide, puis ces gens-là aident d'autres gens qui en ont besoin. Donc, ça part de ce niveau-là. On prend, comme Louise l'expliquait, les moyens du bord, si vous permettez l'expression, mais on essaie. Et les gens, quelque part, ça les aide.

Moi, je suis bénévole et, quand je suis entrée là, je sortais de l'hôpital, pour répondre à votre question. J'ai vu l'annonce dans le journal, un jour, et j'ai dit: Bon, je vais aller là. Je me suis sentie accueillie. Je ne serais pas ici pour vous en parler. On ne vend pas l'Association. C'est tout simplement pour vous dire qu'il y a des recours pour les gens. Il s'agit de donner les bons moyens pour les aider. Nous, comme Louise l'expliquait, on offre une variété. On essaie de dire: Moi, ce n'est pas parce que je porte du 9 de chaussures que tout le monde porte cette grandeur-là. Donc, il y a des livres, des vidéocassettes, des groupes d'entraide, la ligne d'écoute. On va rejoindre les gens un peu partout. La campagne de sensibilisation, c'est ça, essayer d'aider les gens. C'est ça, partir en bas et essayer de monter en haut de l'échelle. C'est ça qu'on veut.

Mme Bourdon (Louise): Je vais vous expliquer aussi. On va même vers les médecins généralistes. Présentement, on est sur un projet Internet pour que les médecins omnipraticiens soient en collaboration avec les psychiatres pour qu'on puisse diagnostiquer la maladie le plus rapidement possible. Parce qu'un des problèmes, à l'Association, c'est qu'on n'a pas de médecin généraliste compétent pour pouvoir bien diagnostiquer la dépression et la maniaco-dépression. Alors, on est avec une compagnie qui s'appelle Conceptis, que le ministre Rochon a rencontrée dernièrement, je crois. Cette compagnie va nous aider à monter un concept pour que ces maladies puissent être diagnostiquées beaucoup plus rapidement. On est très ouverts. On est très présents au niveau de ces deux maladies-là dans la société, au Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. Simplement une question. Je pense que tout le monde autour de la table a compris que l'exercice du projet de loi vise à établir un juste équilibre entre les droits d'une personne atteinte de maladie mentale et la capacité des intervenants et des professionnels de la santé de dispenser des soins appropriés à ces personnes. Je dois admettre qu'à prime abord il y a une recommandation que vous faites qui m'étonne un petit peu, en ce qui concerne la formulation de l'article 17. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Actuellement, l'article 17 est rédigé de telle sorte que l'établissement doit faire des efforts raisonnables pour rejoindre des proches ou des parents de la personne atteinte de maladie mentale et, vous, vous recommandez que le libellé de l'article soit plus restrictif, c'est-à-dire qu'il n'est pas question de dispenser de traitement si on n'a pas réussi à établir une communication. Est-ce que j'ai bien compris la portée de votre recommandation?

M. Provost (Jean-Rémy): Principalement, ce qu'on voulait dire au niveau de... On n'arrête pas de dire depuis le début qu'on est sur le terrain. Quand on voit «doit faire des efforts raisonnables», c'est certain que, dans la vie de tous les jours, «doit faire des efforts raisonnables», ça ne sera pas nécessairement fait. C'est ça qu'on voulait dire. Si on voulait changer ça pour «doit communiquer», c'est qu'on veut – on en a parlé beaucoup tantôt – qu'au moins un proche de la personne qui est hospitalisée soit renseigné là-dessus.

Mme Brien (Ginette): Ce n'est pas nécessairement d'attendre que le proche soit là pour commencer les traitements, mais c'est tout simplement que souvent, dans les cas vécus, quand on se rend à l'hôpital avec un proche, le proche est souvent carrément mis de côté parce que la personne est dite majeure. On sait que souvent, dans les cas de crise, la personne n'a pas nécessairement le jugement. Combien de fois c'est arrivé que la personne en phase d'hypomanie ou de manie a été très capable – parce que c'est tous des gens très brillants, pour la majorité – de se contenir au moment de passer une entrevue avec le médecin ou le psychiatre? Aussitôt que la personne est sortie, parce que son but est de ne pas rester à l'hôpital, la manie reprend. Mais juste le temps où la personne est devant le médecin, ça ne paraît pas du tout, du tout qu'elle est malade. Et ça, je l'ai expérimenté avec mon fils, et d'autres l'ont expérimenté, un peu comme M. Séguin de son vivant. Quand le proche est avec le médecin et le patient, tu as juste à, ce que j'appelle, peser sur le piton, parler de sa phase de manie ou de son obsession à ce moment-là, et la personne repart automatiquement parce que son obsession est là. Mais elle est capable, dans un court moment, de se restreindre à ne pas vouloir être hospitalisée et de faire comme si de rien n'était. Le médecin va signer le congé très facilement.

(10 heures)

Mme Bourdon (Louise): Moi, je dis que «des efforts raisonnables», ce n'est pas assez fort, ces mots-là. C'est ça qu'on veut dire, en fait. «Doit communiquer». On veut mettre plus d'emphase sur «communiquer». Parce que «faire des efforts», je peux essayer de faire un effort, moi, puis, si ça ne marche pas, bien, je vais laisser tomber. Alors...

M. St-André: Je pense que je suis tout à fait d'accord avec vous. Tout le monde autour de la table est d'accord avec vous que l'objectif qu'on poursuit, c'est de faire en sorte qu'il y ait un proche ou un parent qui soit présent au moment où il y a une intervention à effectuer. Ça, tout le monde autour de la table, je pense, est d'accord avec cet objectif-là. Cependant, il peut y avoir des cas où il n'est pas possible d'établir la communication avec un proche ou un parent, pour un ensemble de raisons, parce qu'il n'y en a pas, ou ils sont partis en voyage, ou on n'a pas réussi à établir l'identité du bénéficiaire, ce qui fait en sorte qu'on n'est pas capable de rejoindre de parent ou de proche. Dans ces cas-là, il me semble qu'on devrait prévoir des mécanismes qui permettent une intervention de la part des intervenants de la santé. Et, à mon sens, je dois vous avouer que le libellé de l'article en question permet ça. En tout cas, peut-être que je me trompe, là.

Mme Brien (Ginette): Mais un n'empêche pas l'autre, dans le sens que le médecin ou les intervenants peuvent quand même débuter des traitements.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Oui, merci. Deux choses en guise de conclusion. D'abord, je voudrais préciser une chose avec vous et, au besoin, vous demander une collaboration. À la question qui n'est pas directement reliée au projet de loi mais aux médicaments, les informations que l'on a – parce qu'on suit de très près l'application des programmes comme l'assurance-médicaments – il y a une panoplie de difficultés qui pourraient se poser quand on amène un nouveau programme comme ça, qu'on a réglées, spécialement dans le cas des personnes qui souffrent d'une maladie mentale, surtout celle qu'on qualifie de grave et persistante. En regard des moyens financiers des gens, le plafond est aussi bas, on le sait, non seulement 50 $ par trois mois, mais pour les médicaments les plus critiques, c'est un plafond mensuel de 16,60 $ par mois que les personnes doivent payer. Ce qu'on nous avait expliqué, c'est qu'après la première application, la première surprise pour les gens du nouveau programme, souvent le trouble était causé plus par le changement. Des gens qui ont un problème comme ça, ce n'était pas la question du 16 $ à payer, c'était plus qu'il y a quelque chose de différent dans le fonctionnement, qui demandait un ajustement. Avec un plafond mensuel pour des médicaments les plus coûteux et les plus essentiels, une fois la nouvelle situation rétablie, il n'y avait pas là quelque chose qui empêchait les gens d'avoir leurs médicaments.

Alors, ma question est de deux côtés: je veux être bien sûr que c'est ça, que nos informations sont réelles et si d'aventure il y a des personnes... Parce que dans tout programme qu'on applique, il y a toujours un certain nombre d'individus, de personnes qui sont hors norme, hors programme, et qu'il n'y a pas moyen d'ajuster le programme pour aller aussi micro que quelques centaines d'individus. Là, il faut une approche beaucoup plus individuelle. En général, c'est un problème qui est beaucoup plus vaste que le médicament ou le logement. Ce n'est pas en prenant ça morceau par morceau qu'on y arrive. S'il y avait des individus qui se trouvent dans une situation comme ça, c'est vraiment en travaillant avec des groupes comme vous qu'on peut bien identifier ces gens-là et trouver le calmant de façon personnalisée, ce qu'il faut pour les aider. Est-ce qu'on est dans la bonne ligne avec ça?

M. Gauthier (Philippe): J'aimerais peut-être répondre, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Il y a la question du coût que vous mentionnez; réduit à 16 $, ça peut paraître minime. C'est peut-être une chose que les gens vont pouvoir accepter ou comprendre avec le temps, mais ce n'est pas tout. Il y a l'aspect du changement, vous l'avez dit. Une fois que ce problème financier est compris et que les gens l'ont calculé avec leurs maigres moyens, il y a autre chose, il y a l'aspect... Il y a des gens qui prenaient leurs médicaments à la pharmacie de l'hôpital et ne peuvent plus le faire. Ce sont des maladies dont les gens ne sont pas nécessairement fiers, et d'aller à l'hôpital les rassurait. C'est une pharmacie discrète, il y avait un lien de confiance étroit avec le pharmacien. Et là, ils doivent aller chez Jean Coutu ou ailleurs, puis ce n'est pas la même chose. Il y a des gens qui vont cesser leur traitement pour ça. On en voit. Donc, il y a cet aspect-là que je voulais mentionner.

On parle des maladies mentales, mais vous le voyez aussi avec les gens qui peuvent être atteints de sida. Ils n'ont pas vraiment envie d'aller raconter ça derrière le comptoir d'une pharmacie de quartier.

M. Rochon: Attendez, là. Là, on parle des gens qui ont un problème de santé mentale.

M. Gauthier (Philippe): Non, non, mais c'est parallèle. Au niveau de l'image que les gens peuvent avoir pour x raisons, que ce soit le sida ou la maladie mentale, les gens vont dire: Ça allait bien avant à l'hôpital, là, ça ne va plus.

M. Rochon: Je veux bien vous comprendre. Je ne veux pas argumenter, je veux bien vous comprendre. Est-ce que vous êtes après nous suggérer que pour un certain nombre de maladies l'accès aux médicaments ne devrait pas être la pharmacie communautaire ou la pharmacie ordinaire mais les gens devraient se présenter à l'hôpital, ailleurs qu'à l'urgence probablement, pour pouvoir faire remplir leur prescription?

M. Gauthier (Philippe): Peut-être dans des situation extrêmes, comme vous dites. Par définition, les maniaco-dépressifs particulièrement ne rentrent pas dans la norme souvent. C'est peut-être la centaine ou les quelques milliers de personnes que vous n'arriverez pas à rejoindre par le programme qui devraient et qu'on pourrait référer en leur disant: À tel hôpital, un hôpital par ville, vous pouvez avoir les médicaments, on ne vous pose pas 50 000 questions. Et là, ça se fait de façon beaucoup plus discrète.

M. Rochon: Les pharmacies ne sont pas un bon endroit d'intervention. C'est un professionnel de la santé, pour un.

M. Gauthier (Philippe): Bien, ce sont des lieux commerciaux plus qu'autre chose maintenant.

Mme Beaudin (Annie): J'aimerais juste dire un point par rapport à ce que vous disiez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est vous qui allez terminer.

Mme Beaudin (Annie): O.K. Je ne veux juste pas mêler les oeufs dans le même panier. On parle de l'assurance-médicaments; on parle de la maladie mentale. Ce que je veux dire, c'est que parmi le phénomène de la dépression et de la maniaco-dépression, ça fait partie de la maladie que, un jour ou l'autre, on cesse notre médication. Le fils de Ginette l'a fait. Louise l'a déjà fait. Moi, je l'ai déjà fait, je ne m'en cacherai pas. Ça fait partie de nous. C'est facile de prendre les cas, cas par cas, puis de dire: Ah! bien là, l'assurance-médicaments coûte trop cher. Ça serait facile de mettre, comme je le disais au début, tous les oeufs dans le même panier.

Cependant, l'idée que vous avez apportée tout à l'heure, elle rejoint, je pense, ce que, nous, on veut dire. Si vous êtes prêt à nous aider à informer les gens que leur médication est importante – parce que, veux veux pas, la médication ne diminuera pas de prix, il n'y aura pas de baisse de ce plafond-là au niveau de l'assurance-médicaments – bien, au moins, qu'on ait des ressources d'un autre côté, que ça vienne de l'autre bord, comme on dit, pour informer les gens sur la médication. Ça, ce serait parfait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière, très courte intervention, M. le ministre.

M. Rochon: Oui, bien, ça va être très court parce que vous rejoignez exactement mon dernier commentaire. J'étais très heureux d'entendre vos autres commentaires sur le rôle que vous pouvez jouer et l'orientation de la façon d'utiliser nos ressources à l'avenir, beaucoup plus dans la communauté, avec des groupes comme les vôtres, avec les organisations et les services de première ligne plutôt que de bloquer ça dans des lits d'hôpitaux. Les orientations qu'on va rendre publiques sous peu, surtout en ce qui regarde les gens qui ont des maladies de santé mentale graves, vont exactement dans ce sens-là.

Alors, dans les prochains mois, on va avoir justement l'occasion d'une dernière consultation et de pouvoir préciser comment on peut vous aider plus à faire exactement ce que vous dites.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup pour votre mémoire et votre présentation.

Des voix: Merci.

(10 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous invitons les représentants et représentantes de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Dr Poulin, c'est vous qui débutez. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.


Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Poulin (Benoît): M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Je remplace le Dr Renald Dutil, président de la Fédération des médecins omnipraticiens. Je m'appelle Benoît Poulin, je suis médecin omnipraticien et je suis le président de l'Association des médecins omnipraticiens oeuvrant dans les établissement où sont dispensés des soins psychiatriques du Québec, une des 19 associations qui fait partie de la Fédération.

Avec moi ce matin, le Dr Jean-Bernard Trudeau, qui est directeur des services professionnels de l'hôpital Pierre-Janet de Hull, qui est aussi membre de l'Association, et Me Ginette Primeau, du contentieux de la Fédération.

Ce que nous allons présenter, ce n'est qu'un résumé, vous avez reçu le texte intégral, ce sera donc plus rapide. La période de questions permettra de préciser.

Tout d'abord, la Fédération tient à remercier la commission de lui permettre de se faire entendre sur un projet de loi qui, nous le verrons, devrait reconnaître un rôle de plus en plus actif au médecin omnipraticien en regard de son objet.

Avant d'aborder les dispositions de ce projet qui ont fait l'objet d'une réflexion de la Fédération, il lui apparaît important, dans un premier temps, d'aborder le rôle du médecin omnipraticien auprès des personnes atteintes de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale.

La Fédération a toujours considéré la santé mentale comme un secteur d'activité très important de la médecine familiale. De fait, plus de 80 % des patients présentant des problèmes de santé mentale consultent en tout premier lieu leur médecin omnipraticien. La Fédération a consacré d'importants efforts pour favoriser l'implication des médecins omnipraticiens à tous les niveaux de soins de prestations de services médicaux en santé mentale ainsi que pour améliorer la qualité des services dispensés. Ces actions ont porté principalement dans le domaine de la syndicalisation, de la négociation, de la formation et de l'organisation des services. Aussi, la Fédération n'a pas hésité à faire des démarches auprès des autorités compétentes.

L'organisation des services de santé et des services sociaux soutient la mise en place des réseaux intégrés d'accessibilité des soins généraux, lequel réseau peut permettre de regrouper tous les médecins omnipraticiens intéressés à la santé mentale, quel que soit l'établissement où ils détiennent une nomination, permettant d'assurer une complémentarité entre les établissements et d'améliorer l'accessibilité des différents niveaux de soins de la santé mentale. La création d'un département de médecine générale territorial, préconisé actuellement par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, permettra de regrouper dans une structure médico-administrative tous les médecins omnipraticiens d'un territoire, permettant d'assurer la coordination des activités et, plus particulièrement, d'améliorer l'accessibilité dans tous les secteurs d'activité de médecine familiale, dont la santé mentale.

L'adoption, en 1990, du rapport d'un comité conjoint Fédération des médecins omnipraticiens-Association des médecins psychiatres du Québec, déterminant les champs d'activité respectifs des médecins omnipraticiens et des médecins psychiatres et proposant des moyens pour établir des communications efficaces entre les médecins psychiatres et les médecins omnipraticiens consolide les actions de la Fédération. Ce rapport est le résultat tangible d'une collaboration et d'une concertation entre les différents intervenants qui reconnaissent aux uns et aux autres leurs compétences respectives dans l'organisation et la dispensation des soins auprès du patient souffrant de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale.

Un nombre important de médecins omnipraticiens exercent dans le champ de la santé mentale. Ainsi, le médecin exerçant en cabinet privé peut suivre son patient admis en établissement tout autant qu'à son cabinet et au domicile.

Que ce soit en Estrie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, dans les Bois-Francs, en Beauce, en Gaspésie, dans l'Outaouais, en région métropolitaine, partout la participation du médecin omnipraticien à l'aide fournie à la personne atteinte de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale va grandissante. Cette participation est reconnue et encouragée par les différents intervenants du réseau de la santé qui n'hésitent pas à faire appel au médecin omnipraticien, celui qui soigne le patient dans sa globalité et qui est soucieux de la continuité des soins dispensés. À titre d'exemples reconnus, citons le centre hospitalier Sainte-Croix de Drummondville, le centre hospitalier Pierre-Janet de Hull, dont le mandat en psychiatrie est régional.

La réorganisation des soins de santé fait appel à une plus grande disponibilité médicale auprès d'une clientèle démunie et vulnérable face aux changements qu'implique cette réorganisation. Le médecin omnipraticien, de plus en plus, est présent auprès de celle-ci et son obligation d'aide lui sera de plus en plus rappelée.

Le projet de loi doit refléter cette situation. En effet, la Fédération souhaite une reconnaissance de la compétence du médecin omnipraticien dans le processus des évaluations psychiatriques qui, à son avis, doit aussi tenir compte d'une évaluation physique. Cela est une caractéristique propre au médecin omnipraticien.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Je vais continuer, si vous le permettez.

Projet de loi. Lorsque nous analysons la portée du projet de loi, nous croyons que son titre mériterait un ajout pour inclure les personnes atteintes de problèmes de santé mentale, lesquelles seront visées par certaines dispositions.

La Fédération recommande que le titre du projet de loi soit modifié pour se lire ainsi: Loi sur la protection des personnes atteintes de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale et modifiant diverses dispositions.

Le projet de loi, par son article 2, s'adapte aux dispositions du Code civil et ne prévoit qu'un seul examen psychiatrique. Une deuxième évaluation apparaît essentielle à la Fédération, et ce sont les dispositions du Code civil qui devraient s'adapter à la loi, car la plus grande protection des droits de la personne est en cause.

La Fédération recommande que les dispositions du Code civil du Québec traitant de la garde en établissement de santé et de services sociaux soient modifiées afin de prévoir qu'une ordonnance de garde ne puisse être émise que lorsque la première évaluation psychiatrique est confirmée par une deuxième évaluation psychiatrique d'un autre médecin.

L'article 30 du Code civil vient fixer une durée de l'ordonnance de garde émise par le tribunal. L'introduction de procédures par la Loi sur l'application de la réforme du Code civil entourant l'émission d'une telle ordonnance a fait l'objet de plusieurs commentaires négatifs.

La Fédération recommande que l'article 30 du Code civil du Québec soit modifié de façon que l'ordonnance de garde émise par le tribunal ne fixe pas de durée.

La Fédération recommande que soit révisée la pertinence de conserver le processus judiciaire d'une garde en établissement tel que prévu au Code civil du Québec et au Code de procédure civile, eu égard aux coûts et motifs économiques qu'il engendre.

L'examen psychiatrique. D'entrée de jeu, l'expression «examen psychiatrique» paraît restrictive et elle ne reflète pas l'objectif visé par la loi. En effet, l'expression «examen psychiatrique» peut facilement être assimilée à l'expression «examen mental» qui ne permettrait alors d'exposer qu'une facette, bien qu'importante, de l'évaluation psychiatrique comme telle. L'examen mental est à l'évaluation psychiatrique ce que l'examen physique est à l'évaluation médicale.

Le terme «évaluation psychiatrique» nous apparaît plus juste et il permet de mettre en perspective la cueillette des informations obtenues, la documentation des antécédents et l'examen mental pour mieux préciser le diagnostic et le potentiel de dangerosité associé.

De fait, une demande d'évaluation psychiatrique contre le gré d'une personne ne saurait être justifiée que par des motifs sérieux, que la personne visée représente un danger pour elle-même ou pour autrui, d'où l'importance pour le médecin qui effectue l'évaluation psychiatrique de se positionner clairement sur la notion de dangerosité, laquelle devra être précisée dans le rapport prévu à l'article 3 du projet de loi.

Quant au médecin habilité à effectuer l'évaluation psychiatrique, il ne saurait être limité au seul médecin psychiatre. En effet, on ne peut exclure d'emblée le médecin omnipraticien qui de par sa formation globale peut, dans un premier temps, éliminer une maladie physique à l'origine de la manifestation psychiatrique et, dans un second temps, effectuer une évaluation psychiatrique.

Cet état de fait a été reconnu en 1990, lors de la production du rapport du comité conjoint formé par la FMOQ et l'AMPQ, l'Association des médecins psychiatres. Le tout a d'ailleurs été repris et renforcé par un avis du Conseil médical du Québec produit en 1995 et intitulé La hiérarchisation des services médicaux .

Dans la même veine, le Code criminel, section troubles mentaux, n'identifie pas le médecin psychiatre comme le seul habilité à effectuer des évaluations psychiatriques. Au contraire, seul le vocable médecin est utilisé et défini comme une personne autorisée par le droit d'une province à exercer la médecine.

Dans un souci d'efficacité, cette ouverture permettrait une plus grande flexibilité, surtout lorsque le médecin omnipraticien peut, dans les limites de ses compétences, effectuer l'évaluation psychiatrique et, au besoin, la justifier et la défendre devant les autorités compétentes.

Par ailleurs, la complexité des différentes situations peut nécessiter le recours à un collègue médecin omnipraticien reconnu pour sa compétence en psychiatrie ou le recours au médecin psychiatre pour effectuer l'évaluation psychiatrique. D'ailleurs, le code de déontologie prévoit: «Le médecin doit tenir compte, dans l'exercice de sa profession, de ses capacités et de ses connaissances, de leurs limites ainsi que des moyens à sa disposition; il doit, le cas échéant, consulter ou orienter ailleurs son patient.»

En toute circonstance, l'évaluation psychiatrique se doit d'être effectuée dans les meilleurs délais, compte tenu de la compétence disponible et de l'organisation des services. La Fédération est d'avis que l'orientation adoptée par les différentes autorités compétentes nécessitent des modifications majeures à l'article 2 du projet de loi.

La Fédération recommande que l'article 2 du projet de loi se lise ainsi: Toute évaluation psychiatrique à laquelle une personne est tenue de se soumettre en vertu de la loi ou d'une décision du tribunal doit être effectuée par un médecin. Et de maintenir: Celui qui fait l'évaluation ne doit être ni un conjoint ni un proche parent de la personne qui subit l'évaluation ou qui en fait la demande.

La Fédération recommande aussi que soient remplacés, dans les dispositions du projet de loi et de ses annexes, les mots «examen psychiatrique» par les mots «évaluation psychiatrique».

(10 h 20)

À l'article 3, le contenu du rapport d'évaluation psychiatrique ne cerne pas suffisamment la notion de dangerosité. Cette notion étant à la base même de la privation potentielle des droits de la personne atteinte de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale, il serait essentiel que la loi vienne la préciser. Les décisions de la Commission des affaires sociales sont des références à retenir. Le texte de l'article 11 de la loi actuelle, qui ne se retrouve nulle part dans le projet de loi, pourrait être repris au 4° de l'article 3. En effet, cet article de la Loi sur la protection du malade mental, toujours en vigueur, permet de délimiter le concept de dangerosité. Ainsi, une personne ne pourrait être admise en garde en établissement à moins que son état mental ne soit susceptible de mettre en danger la santé ou la sécurité de cette personne ou la santé ou la sécurité d'autrui.

De plus, la Fédération est d'avis que le 5° de l'article 3 du projet de loi doit être abrogé.

La Fédération recommande que le projet de loi, le cas échéant, inclut les procédures concernant la personne apte ou inapte à subir l'instruction de sa cause lors d'une poursuite pénale dans un chapitre autonome.

Quant aux précisions demandées au 6° de l'article 3 sur les faits inscrits au rapport, la Fédération les considère comme superflues étant donné qu'elles sont partie intégrante d'un rapport médical.

La garde. En ce qui a trait à la garde provisoire, la Fédération est d'avis que le délai «immédiatement» accordé au médecin pour aviser l'administrateur de l'établissement, prévu au deuxième alinéa de l'article 7, devrait être pondéré. En outre, la notion d'admettre une personne en CLSC, telle que suggéré à l'article 6, peut prêter à confusion vu sa portée énoncée au Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements.

Concernant l'article 8, le soutien téléphonique, voire direct, de professionnels de la santé reconnus ou d'intervenants communautaires en santé mentale oeuvrant principalement en situation de crise apparaît ici grandement souhaitable pour épauler et soutenir l'agent de la paix dans l'exercice de son jugement et appelé à intervenir tel que prévu. Cette concertation viserait aussi à prévenir les situations d'abus, à désamorcer les crises dans la communauté et à faciliter la coordination et l'intégration des services dans le milieu, lorsque cela est possible.

En outre, une collaboration privilégiée plus active entre les professionnels de la santé et l'agent de la paix apparaît grandement souhaitable lorsqu'un personne en garde dans un établissement, soit provisoire, soit après une première évaluation, s'échappe de l'établissement en question, avant la judiciarisation potentielle de la garde en établissement.

De plus, pour les mêmes raisons, tout médecin pourrait faire appel aux services d'un agent de la paix pour amener une personne contre son gré dans un établissement. La Fédération croit que le médecin traitant confronté à une situation similaire devrait pouvoir faire appel à ces personnes-ressources. Certains argumenteront qu'il peut être considéré, en vertu de l'article 15 du Code civil du Québec, être une personne qui démontre un intérêt particulier pour le patient. Cependant, le médecin doit chercher à établir une relation de confiance mutuelle entre lui-même et son patient, et cette relation pourrait être affectée par une intervention auprès de l'agent de la paix sous ce titre. La Fédération croit que la loi devrait prévoir expressément la possibilité au médecin d'y faire appel.

Enfin, la Fédération croit qu'il est superflu de faire mention, au deuxième paragraphe de l'article 8 du projet de loi, des obligations de l'établissement. En effet, tout établissement public est lié par les dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, laquelle lui dicte sa conduite. La Fédération est plutôt d'avis qu'un ajout soit apporté quant aux devoirs de l'agent de la paix.

En ce qui a trait à la garde autorisée par un tribunal en application de l'article 30 du Code civil du Québec, la Fédération croit opportun de réintroduire dans cette section la disposition de la loi actuelle qui traite, d'une part, d'un deuxième examen clinique psychiatrique, lequel fut abordé au début de son mémoire, et, d'autre part, d'une période de 96 heures qui permettra à un établissement une admission temporaire de la personne sans autorisation du tribunal.

La Fédération est d'avis que ces deux éléments, soit la deuxième évaluation psychiatrique et la prolongation du délai d'une garde encadrée par cette deuxième évaluation, protègent les droits de la personne à son intégrité et évitent, dans la plupart des cas, la judiciarisation de cette garde. En effet, bien souvent, une garde ne se justifie plus après 96 heures. La personne est soignée, stabilisée et renvoyée dans son milieu.

Si l'évaluation psychiatrique initiale conclut au besoin d'une garde en établissement et que le médecin traitant croit que cette dernière devrait s'étendre au-delà de 96 heures, il devra alors obtenir l'évaluation d'un médecin pour confirmer la nécessité de maintenir la garde en établissement. Cette deuxième évaluation pourrait être effectuée par un médecin psychiatre ou, le cas échéant, par un médecin omnipraticien reconnu pour ses compétences en psychiatrie.

L'obligation de maintenir deux évaluations psychiatriques qui confirment la nécessité d'une garde en établissement paraît pleinement justifiée, compte tenu de la privation du droit à la liberté qu'elle entraîne, et ce, avant de judiciariser officiellement le processus.

Concernant les évaluations périodiques prévues à l'article 10, la Fédération recommande de conserver cette disposition du projet de loi, tout en précisant qu'elle devrait viser autant les ordonnances de moins ou de plus de 21 jours afin de ne pas favoriser la surjudiciarisation du processus de la garde en établissement.

Nous tenons dès maintenant à insister sur la notion de médecin traitant que nous retrouvons à quelques reprises dans le projet de loi. Qu'il soit médecin omnipraticien ou médecin spécialiste, le médecin traitant exerce une responsabilité unique et privilégiée à l'égard de son patient à laquelle sont rattachées de nombreuses obligations que prévoit le code de déontologie des médecins. L'exercice de ces obligations assurent la qualité des soins et le respect des droits de la personne, qui offre par le fait même une garantie de qualité dans l'exercice des différentes dispositions qui visent plus directement la notion du médecin traitant.

Il paraît légitime qu'une personne admise sous garde puisse, à sa demande, souhaiter un transfert dans un autre établissement, surtout si ce dernier peut mieux répondre à ses besoins. Par ailleurs, le médecin traitant qui décide d'effectuer un transfert dans un autre établissement, et donc vers un autre médecin qui deviendra médecin traitant, assume une responsabilité qui découle de sa profession avec comme toile de fond son code de déontologie. En effet, il y est prévu que le médecin doit, lorsqu'il adresse un patient à un autre médecin, fournir à celui-ci les renseignements en sa possession qui peuvent aider au traitement de ce patient.

Il doit aussi, avant de cesser de traiter son patient, s'assurer que celui-ci peut continuer à obtenir les soins requis et y contribuer dans la mesure nécessaire.

Enfin, le médecin qui adresse son patient à un autre médecin, doit assumer la responsabilité de ce patient tant que le nouveau médecin n'a pas pris celui-ci en charge.

La Fédération ne peut donc adhérer à l'obligation qui est imposée au médecin dans le projet de loi selon laquelle il doit, par un certificat motivé, attester que ce transfert ne présente pas de risque sérieux et immédiat pour cette personne ou pour autrui. Ce sont les obligations implicites de l'exercice de sa profession.

La Fédération recommande que le projet de loi soit modifié en abrogeant, à son article 11, le deuxième alinéa.

L'article 12 ouvre la porte à une définition large, voire élargie, de la notion de dangerosité qui pourrait alors être vidée de tout son sens et aussi ouvrir la porte à une atteinte plus élargie du droit des personnes à leur liberté, tel que conféré par la Charte des droits et libertés.

Il devient aussi impératif de se référer à l'article 30 du Code civil du Québec pour se rappeler que la garde en établissement ne peut avoir lieu, en l'absence de consentement, qu'avec l'autorisation du tribunal. Il paraît dès lors contradictoire d'autoriser des absences à une personne sous garde qui y consent, alors que la garde elle-même s'opère sans consentement.

Comment peut-on dire que la personne demeure sous garde? Le fait d'autoriser des absences à une personne sous garde pose aussi toute la question de la responsabilité qui paraît difficilement transférable d'un établissement ou d'un médecin à un tiers. De plus, une personne sous garde qui ne présente pas de risque sérieux et immédiat pour elle-même ou autrui demeure une personne dont l'imprévisibilité, l'impulsivité et la progression de la dangerosité risquent de se manifester en situation de stress. Est-ce que la responsabilité du médecin se limite à la notion de risque sérieux et immédiat ou à la garde comme telle? La garde en établissement, synonyme d'une privation importante du droit à la liberté, se doit de traduire une dangerosité définie d'une façon restrictive qui laisse peu de place à l'interprétation et, par ricochet, à l'utilisation abusive de ce genre de mesure qui ouvre la porte à la confusion en matière de privation du droit ou non à la liberté en matière de consentement et en matière de responsabilité. La Fédération ne peut adhérer à une telle mesure.

La Fédération recommande que l'article 12 du projet de loi soit abrogé.

Droit et recours. À l'article 15, il serait souhaitable de bien définir la notion de prise en charge qui fait référence au transfert de la responsabilité des services policiers aux services de santé. Des protocoles qui précisent les mécanismes de collaboration mutuelle adaptés aux réalités locales pourraient être garants d'une approche appropriée dans le cadre de la loi.

Concernant les articles 21 à 23, la Fédération interroge la Commission sur une autre possibilité que le processus de judiciarisation actuellement en vigueur. La Commission des affaires sociales pourrait peut-être répondre à cette interrogation.

Nous savons qu'en vertu de l'article 20 de sa loi habilitante, la CAS exerce une compétence, laquelle pourrait être élargie. Par contre, la Fédération est consciente qu'elle serait appelée à se prononcer en appel de novo de ses propres décisions.

D'une part, la Fédération constate que la CAS n'a pas exercé sa compétence prévue à l'article 20 de sa loi habilitante. D'autre part, elle est consciente qu'une compétence élargie signifie une augmentation des effectifs de la CAS, donc une dépense. Cependant, la Fédération réalise que le processus judiciaire entraîne des coûts au niveau de l'utilisation des ressources humaines et budgétaires des établissements. Enfin, il y a une constante problématique. La judiciarisation complexe est lourde en conséquences émotives dans le processus de la garde en établissement.

Peut-on penser que la CAS, par un quorum à définir, puisse remplacer le tribunal actuellement compétent en cette matière, en permettant à ce quorum de se déplacer vers la personne atteinte de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale et non l'inverse? C'est, de l'avis de la Fédération, une autre possibilité intéressante.

Mesures de protection. La Fédération ne voit pas la pertinence d'une telle disposition. En effet, soit par des plans d'intervention, soit par des règles de souhait, la personne admise en établissement est encadrée.

La Fédération recommande que l'article 24 du projet de loi soit abrogée.

Dispositions diverses. La Fédération s'interroge sur l'utilité de l'article 25. En effet, en vertu de la partie II de la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les obligations des établissements, il y est prévu expressément à l'article 101 de cette loi de diriger les personnes à qui il ne peut dispenser certains services vers un autre établissement ou organisme ou une autre personne qui dispense ces services. Quelle est donc l'utilité de l'article 25 du projet de loi n° 39?

La Fédération recommande que l'article 25 du projet de loi soit abrogé.

Merci de votre attention. On est prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci infiniment. On voit que c'est un mémoire qui vient de gens qui connaissent très bien la situation et les problèmes et que vous avez des idées très claires sur les solutions possibles.

(10 h 30)

Je sais qu'en plus du travail que fait la Fédération des médecins, pour avoir eu la chance de voir sur le terrain l'organisation autour de Pierre Genest, vous êtes des gens qui avez déjà réalisé en bonne partie ce dont on discutera dans quelques semaines autour des orientations ministérielles qui seront proposées dans le domaine de la santé mentale.

M. le Président, j'aurais trois questions principalement. Je pense que je vais les poser toutes les trois tout de suite pour faire une économie de temps. Vous pourrez voir quels commentaires vous voulez faire. Celle qui est d'emblée la plus centrale, je pense, pour le projet de loi, c'est toute la façon de gérer la garde d'une personne contre sa volonté, et il y a effectivement une modification importante dans l'évolution entre la loi actuelle et le projet de loi.

Dans le projet de loi actuel, comme je le comprends, on est allé dans ce pôle qui veut, d'une part, assurer les traitements les plus adéquats à une personne qui a des problèmes de santé mentale et dans l'autre pôle qui est la protection de la personne et de son entourage, au besoin, contre sa volonté, s'il y a un danger. C'est cette notion de dangerosité.

On a, me semble-t-il, dans le projet de loi, tenté de distinguer vraiment au maximum ces deux types de décisions, faisant de la décision quant à la garde forcée contre la volonté de la personne vraiment une décision d'ordre judiciaire, un peu comme, par analogie, on va obliger quelqu'un à faire un séjour en prison. Bon. Les objectifs ne sont pas les mêmes, là. La comparaison ne vaut pas plus que ça, mais c'est de la même nature. C'est qu'on retient quelqu'un dans un établissement contre sa volonté, pour des raisons qui sont finalement pour son bien ou pour le bien de la communauté.

Quand vous dites que vous n'êtes pas d'accord, essentiellement, avec l'application de l'article 30 du Code civil – si je comprends bien, vous en arrivez à ça – mais que vous aimeriez plus revenir à ce qu'est la loi actuelle qui faisait de la décision de la garde une décision plus de nature médicale... Un premier examen, un deuxième examen pour valider, vérifier et confirmer ou rajuster et, à toutes fins pratiques, c'est avec ça qu'on en arrivait à une décision de garde.

Maintenant, c'est vraiment le tribunal, parce qu'on distingue ça du traitement. Bien sûr, le tribunal va prendre en considération le témoignage et l'information médicale qui va être donnée, mais il y a d'autres considérations autour de ça. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est assez central, là. On ramène à une décision plus de nature médicale, si on suit votre suggestion, que d'aller dans le sens de ce qu'a voulu assurer le Code civil: l'équilibre du pôle d'une décision de protection par rapport à une décision de traitement pour une personne. C'est ma première question. C'est la plus longue peut-être, là. À moins que vous n'aimiez mieux...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aimerais mieux avoir une réponse...

M. Rochon: Vous pouvez peut-être réagir tout de suite, puis je reviendrai. O.K.

Mme Primeau (Ginette): Il faudrait peut-être nuancer, quand vous dites qu'on est contre l'article 30 du Code civil. On n'est pas contre l'article 30 du Code civil. On dit qu'il y a peut-être une autre procédure. Quand on parle de la Commission des affaires sociales, c'est un tribunal. Ce n'est pas un tribunal médical, que je sache, c'est un tribunal quasi judiciaire sur lequel siègent un avocat et des psychiatres. Donc, c'est dans ce sens-là.

Que ce soit l'article 30, c'est tout ce qui entoure le domaine judiciaire devant les tribunaux de droit commun. Vous remarquerez que, dans le mémoire, on ne fait pas juste dire qu'on voudrait que ce soit plus... on n'abroge pas le volet judiciaire. C'est qu'on dit qu'il y a peut-être une autre voie tout autant judiciaire, mais pas aussi articulée que le tribunal de droit commun.

Autre élément qui m'apparaît aussi important, c'est qu'on suggère que le tribunal se déplace vers le patient et non le patient vers le tribunal. Bon. On n'exclut pas du tout le processus judiciaire, mais on y va vers un tribunal quasi judiciaire. Alors, je ne pense pas qu'on dise, dans le mémoire, qu'on est contre l'article 30. On demande s'il n'y a pas une voie plus souple, plus humaine, qui demeure une voie judiciaire.

M. Rochon: Plus souple et plus humaine. Est-ce que le fonctionnement du tribunal de droit commun, comme vous dites, ne peut pas être souple et humain?

Mme Primeau (Ginette): À cause des significations, de toutes les procédures, c'est le Code de procédure... Effectivement, je pense qu'on ne doit pas se cacher que, pour une personne qui est confrontée à une maladie mentale et qui doit se déplacer et aller devant le tribunal, ça peut être plus brutal que la Commission des affaires sociales qui va se déplacer ou qui a développé une expertise dans le domaine. Et ça, je pense que ce n'est pas nous qui le disons, nous ne faisons qu'être l'écho de plusieurs... même des médecins traitants qui sont confrontés à des patients ou à des parents de patients qui sont aussi leurs patients, qui angoissent devant les procédures judiciaires. C'est reconnu, ça.

M. Rochon: O.K. Maintenant, est-ce que vos commentaires sont plus à l'effet, au processus, à la procédure du tribunal qu'au tribunal lui-même?

Mme Primeau (Ginette): C'est exactement ce qui est dit dans le mémoire.

M. Rochon: O.K. Donc, si le tribunal pouvait fonctionner de façon aussi souple, voire se déplacer, la question deviendrait différente. Donc, c'est plus la procédure que le choix de l'instance.

Mme Primeau (Ginette): La procédure. Il ne faut pas oublier non plus l'expérience de la Commission des affaires sociales. Je ne vous cacherai pas que nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs, à vous recommander d'apporter une augmentation dans la compétence légale de la Commission des affaires sociales. Nous avons rencontré, avec d'autres collègues, la Commission des affaires sociales, dans un premier temps, pour savoir quelle était sa réaction devant une proposition de cette nature et ils étaient ouverts à une telle... parce qu'ils ont quand même développé une compétence en la matière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Trudeau voulait ajouter, je pense.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Oui, juste rapidement. Dans le concret, dans le pratico-pratique, je suis aussi directeur des services professionnels, comme vous savez, d'un hôpital psychiatrique à vocation régionale. Tout ce qui est garde en établissement, dans l'Outaouais, ça passe par mon bureau avant d'aller sur le bureau du juge. Et la situation, avec la transformation du Code civil, c'est que, moi, je me retrouve avec les deux examens psychiatriques devant moi, il faut que je signe un affidavit, et là j'étudie les deux examens psychiatriques. Maintenant, sur l'évaluation psychiatrique, nos psychiatres se prononcent sur: Est-ce que la personne peut être signifiée? Est-ce que la personne peut comparaître en cour? Du moment que c'est oui, la personne, même si elle est hospitalisée, en garde... Ça veut dire qu'on fait rentrer des personnes à l'hôpital, on les amène à la cour. Et ça peut aller jusqu'à deux ou trois personnes par jour, deux ou trois fois par semaine, régulièrement, qu'on se promène de la cour... C'est là où on parle de la lourdeur, finalement, du processus, toute la notion de signification qui était moins actualisée avant, qui l'est beaucoup plus maintenant, avec le nouveau Code civil. C'est d'amener de la souplesse dans le système. Parce que, pour la garde, je demeure convaincu que c'est une mesure d'exception et, de fait, ça devrait seulement s'opérer sans consentement, puis là ça revient.

Mais il y a des choses qui donnent de l'oxygène, dans le projet, comme la notion des agents de la paix. Comme directeur, aussi, quand, le soir, on est pris avec une situation dans une famille ou dans une communauté qui est en train de se dégrader, ou la fin de semaine, ce n'est pas évident d'avoir un juge, ce n'est pas évident d'avoir un avocat. Moi, ça fait déjà plusieurs années que je fais affaire avec les agents de la paix et ils sont résistants à se déplacer. Je leur demande leur numéro de matricule, je leur dis que je vais confiner ça dans mon dossier parce que, si jamais il y a des problèmes, il va falloir regarder ça. Habituellement, ils collaborent bien, après ça. Mais le projet de loi va venir faciliter ces relations-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: O.K. Merci. Ça aide à m'assurer de bien comprendre le sens de votre suggestion.

Ma deuxième question réfère à l'article 12. Vos commentaires sur l'article 12 qui, encore là, si j'ai bien compris, veut un peu reconnaître une pratique qui s'est graduellement établie, à l'effet que, dans certains cas, des médecins et des psychiatres trouvent approprié de – si je peux employer là encore pour faire image un peu – prendre un processus progressif de réadaptation et de réintégration sociale d'une personne qu'on a dû garder contre sa volonté, pour une période de temps, et où la stabilité ou la stabilité relative revient progressivement... C'est ce que j'ai cru comprendre qui était derrière ça, d'encadrer une pratique qui s'avérait utile sur le terrain. C'est important, pour des gens qui ont l'expérience que vous avez, que vous nous expliquiez bien un point de vue différent; ça ne s'applique pas vraiment, là.

M. Trudeau (Jean-Bernard): On l'a expliqué, la dangerosité, pour nous autres, ça doit être interprété de façon restrictive, pas de façon élargie, sinon on s'embarque dans un paquet de problèmes en termes d'interprétation. Il y a déjà plusieurs écoles de pensée au niveau de la psychiatrie, au niveau de la santé mentale. Ce n'est pas toujours évident de s'y retrouver. Si on élargit... La dangerosité, ça peut aller loin, vous savez. Ça peut être que la personne a un problème de jugement. Ça peut être défini par rapport à plusieurs facettes de l'examen mental. On préfère être prudent, là-dedans.

L'autre chose, c'est qu'à l'article 30 on dit qu'on met quelqu'un en garde en établissement quand il ne consent pas. Puis là on vient dire que, si la personne consent à sortir dehors, elle accepte la garde. Pour nous autres, c'est contradictoire. Je ne sais pas. Moi, je ne suis pas un juriste ni un avocat, mais, quand j'ai vu ça, j'ai dit: Il me semble que, non, ça ne peut pas fonctionner. Si la personne est capable de se réinsérer dans la société, peut-être qu'on pourrait reconnaître que les organismes communautaires, que les intervenants en santé mentale, que d'autres puissent l'accompagner dans ces sorties-là, puis tout ça, puis de toute façon permettre la réinsertion dans la société. Mais de la maintenir sous garde, je trouve que ça amène plein de confusion à plusieurs niveaux, puis on risque de causer plus de problèmes parce que les médecins, avant de faire ça, il va falloir qu'ils complètent des certificats, il va falloir qu'ils fassent ci, et puis ils ne feront pas ça. Ça fait que ça va...

(10 h 40)

M. Rochon: Léger complément, pour bien arriver à comprendre cet élément-là. À la limite, si ce que certains nous ont dit est exact, que la période de garde pourrait être un peu plus longue pour que le jugement final... pour qu'il n'y ait plus dangerosité, ce serait préférable que de tenter un retour prématuré progressif. C'est une conséquence de ce que vous nous dites.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Oui.

M. Rochon: O.K.

Mme Primeau (Ginette): Indirectement, on se trouve à garder sous la garde un patient qui, théoriquement, ne devrait plus avoir le volet dangerosité. Donc, il est sous garde ou il ne l'est pas. Il n'y a pas de demi-mesure, dans un tel scénario.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Il est dangereux ou il ne l'est pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, assez brièvement, M. le Président. Vous avez eu l'avantage, je pense, d'assister à la présentation qui a été faite par le groupe avant vous. Vous avez donc pu être témoins des questions et des réponses qui ont touché et la médication et l'institutionnalisation comme telle.

Est-ce que votre expérience pratique, dans le quotidien, fait en sorte que ça renforce le témoignage des gens qui vous ont précédés quant aux problèmes de médication? Et est-ce que, également, sur le plan de la désinstitutionnalisation, vous pensez que les milieux au Québec sont prêts à recevoir 3 000 patients qui vont être désinstitutionnalisés au cours des mois qui suivent?

M. Trudeau (Jean-Bernard): On n'est pas de la même région, ce qui fait qu'on va peut-être avoir des réponses modulées. Mais, par rapport à la médication, je dois vous dire que ça a été un exercice auquel on s'est prêté.

Dans l'Outaouais, c'est un peu différent parce qu'on est très proche des organismes communautaires, en termes de fonctionnement, et on est très proche aussi de nos pharmacies communautaires. Je ne parle pas des Jean Coutu, quand je parle des pharmacies communautaires, malheureusement, mais on commence même avec eux autres parce que c'est vrai qu'il y a un volet un peu plus, je dirais, marketing ou... Mais il y a des pharmacies communautaires, de quartier, tout ça, avec lesquelles on a d'excellentes collaborations et qui vont même jusqu'à fournir une médication même si la personne n'a pas d'argent et à faire les arrangements par la suite avec le ministère, tout ça. Je dirais qu'il y a un 3 %, 4 % quand même qu'on continue à desservir puis à... Parce que c'est plus difficile, mais on sent que ça s'en vient, ça.

Pour ce qui est de toute la désinstitutionnalisation, dans l'Outaouais, on n'a pas vécu les grosses désinstitutionnalisations des gros hôpitaux psychiatriques. On est un petit hôpital psychiatrique. En fait, on est une région toujours en insuffisance, si on peut dire, comparativement aux autres régions, ce qui nous a obligés, je pense, à innover, à aller de l'avant et à travailler en partenariat de façon beaucoup plus active peut-être que dans d'autres régions, et avec les organismes communautaires aussi, avec lesquels on n'a pas de polarisation dans notre région.

Nous autres, on est à 0,3 lit par 1 000 habitants, dans l'Outaouais, et on a une bonne collaboration avec les autres hôpitaux. Je ne vous dis pas que ce n'est pas serré de temps en temps, là. Il y a certainement moyen de consolider tout ça, mais... Il faut suivre le système de près. Ça, c'est certain, il faut le suivre de près.

Mais, si je regarde l'expérience de l'Outaouais – parce que ça a pris 10 ans à mettre en place le système dans lequel on est – et que je regarde les autres régions du Québec, on ne peut pas tapisser un modèle dans le reste de la province. Les régions sont trop différentes. Il y a des réalités qui sont propres aux régions. Mais je pense qu'en psychiatrie, pour réussir le virage, tout ça, il faudrait que la communauté soit peut-être plus prête dans les grands centres, comme Montréal puis Québec, qu'elle ait déjà des ressources en place pour recevoir les personnes, là, que de faire l'inverse, parce que là j'aurais peur que ça dérape.

M. Paradis: Est-ce que, Dr Poulin, vous voulez moduler ou si ça va?

M. Poulin (Benoît): Le Dr Trudeau a déjà tout dit, surtout la dernière phrase qu'il a dite concernant avant qu'il y ait désinstitutionnalisation, c'est-à-dire poursuite de désinstitutionnalisation. Parce que déjà la désinstitutionnalisation a été très grande, en passant, là, ce n'est pas une nouveauté. Il faudrait qu'il y ait des ressources en place dans la communauté pour la réaliser. Sans ça, ce ne sera pas effectif.

M. Paradis: Dans votre mémoire, vous demandez finalement à ce que les médecins omnis puissent porter des évaluations d'ordre psychiatrique et vous plaidez dans le sens que c'est les premiers à recevoir les patients comme tels, etc. Vous avez également entendu l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs dire tantôt: Ces gens-là ont des habilités à déjouer un diagnostic de première ligne. Est-ce que vous sentez que l'ensemble des professionnels de première ligne que vous représentez vont être des victimes et se laisser déjouer ou s'ils ont la formation et l'acuité nécessaires pour détecter facilement ce type de maladie qui n'est pas toujours facile à détecter?

M. Trudeau (Jean-Bernard): Si je peux répondre, rapidement. Vous savez, les omnipraticiens, le sixième de notre formation, c'est en psychiatrie. Quand on fait un cours de médecine, le sixième de la formation, c'est en psychiatrie; l'autre sixième, c'est en chirurgie; l'autre sixième, en médecine; la pédiatrie, etc.

C'est sûr que, quand on commence à pratiquer, il y a des gens qui développent des intérêts pour différentes disciplines de la médecine. Il y en a qui vont faire plus d'obstétrique; ils vont devenir meilleurs là-dedans puis ils vont faire d'excellents accouchements. Tout ça, ça va bien aller. Il y en a d'autres qui vont aller plus... Pour la santé mentale, c'est la même chose.

Il y a beaucoup d'omnipraticiens qui ont quand même des compétences en santé mentale; ils ont poussé un peu leur frontière. Au niveau de la compétence, ils ont été se former, tout ça sans aide des psychiatres, et ils continuent d'avoir une vision globale du patient. Je pense qu'il faut les identifier. Je pense qu'il faut continuer à encourager ça.

Mais je pense aussi qu'il y a beaucoup d'omnipraticiens qui parfois ont peut-être désinvesti dans la santé mentale parce que, dépendamment des régions du Québec... Vous savez, nous autres, on est une région où il n'y a pas beaucoup de psychiatres. Ça fait que les psychiatres, ils font la job d'un psychiatre. C'est ça que je veux dire. Et, dans d'autres régions du Québec, il y a des endroits où c'est plus concentré et on se demande justement... Quand il y en a plus, ils prennent plus la place aussi que l'omni devrait prendre comme omnipraticien, dans le cadre de son évaluation puis de son traitement global, et ils désinvestissent parce qu'il y a tellement de psychiatres autour qui peuvent s'occuper de toutes les choses... Puis ce n'est peut-être pas pour ça qu'ils ont été formés entre les deux oreilles, par exemple.

M. Paradis: Je ne sais pas si j'ai correctement saisi tantôt, ou incorrectement, sur le plan du travail bureaucratique qui est imposé par toute législation, quelle qu'elle soit. Est-ce que vous allez être mis davantage à contribution? Est-ce que ce projet de loi facilite la paperasserie administrative dans vos fonctions? Est-ce que ça en ajoute? Est-ce que ça en soustrait? Si ça en soustrait, ça peut aider le ministre à vous faire avaler le 6 %. Si ça en ajoute, ça vous donne un argument additionnel de négociation. Est-ce que, finalement, dans son application, tel que rédigé présentement, il y a plus d'administratif ou s'il y en a moins, si ce projet de loi est adopté tel qu'il est présenté présentement?

M. Trudeau (Jean-Bernard): Moi, je dirais qu'il y a deux niveaux. Il y a un niveau où ça vient un petit peu comme consolider ce qu'on vit déjà, parce que ça se rattache au Code civil, d'une certaine façon. Il y a l'autre niveau où on peut utiliser les agents de la paix, et ça, c'est drôlement intéressant parce que ce n'est pas toujours un DSP qui appelle un agent de la paix, ça peut être une famille, une fin de semaine, et tout ça. Eux autres, ils sont pris par tout le processus judiciaire d'aller rencontrer un avocat, de faire signifier à la personne qu'elle va se faire ramasser par les policiers dans les 24, 48 heures qui viennent. S'il n'y a pas de famille, il faut aller à la curatelle publique. Ça, c'est tous des processus qu'on est obligés de suivre actuellement, et ça, ça amène de la lourdeur. Ça fait que, si déjà l'agent peut amener la personne à l'hôpital, bien, on peut voir peut-être à éviter cette procédure-là.

L'autre chose, comme on disait, il y a des équipes de crise, il y a même des médecins omnipraticiens qui se déplacent, qui, sur place, vont peut-être réussir à désamorcer une crise puis à éviter tout le processus judiciaire. Ça fait que, dans ce sens-là, on sent quand même qu'il y a une aide.

M. Paradis: Mais vous recommandez quand même, à la recommandation 15 de votre mémoire, que la Commission des affaires sociales puisse être le tribunal compétent pour autoriser la garde en établissement. Sans droit d'appel? Avec droit d'appel? S'il y a droit d'appel, de quelle façon vous arrimez les dispositions de cette loi-ci avec la nouvelle Loi sur les tribunaux administratifs? Juste peut-être Me Primeau?

Mme Primeau (Ginette): Oui. J'ai regardé effectivement, particulièrement avec l'article 56 du projet de loi, le Tribunal administratif du Québec. On pose une question parce que, effectivement, on va être confronté à un même tribunal qui va entendre en appel une décision qu'il aura prise. Je veux dire, la question est entière, mais elle n'est pas insoluble. Un quorum peut être différent et il n'y a pas incompatibilité avec ce qu'on appelle, dans notre jargon, le projet de loi n° 130. C'est des questions. On n'a pas la solution dans le mémoire, mais on se pose la question. Quand vous parlez de tracasseries administratives, effectivement le Dr Trudeau, qui est DSP à Pierre-Janet, est bien placé pour donner des exemples quotidiens, à répétition. Il faut trouver une solution, je pense. Et je pense que les groupes communautaires vont aussi l'appuyer qu'on est dans un processus très lourd. Alors, je pense qu'il faut travailler à une autre solution. Nous proposons la Commission des affaires sociales. Comme tribunal d'appel, à notre avis, ça devrait être aussi le même tribunal, mais avec des solutions possibles au niveau du droit. Il s'agit d'un quorum et d'une habileté différente.

(10 h 50)

M. Paradis: Ce que vous nous dites, finalement, c'est que les dispositions qu'on vous présente dans le projet de loi...

Mme Primeau (Ginette): Ne changent rien aux tracasseries, n'assouplissent absolument aucun volet.

M. Trudeau (Jean-Bernard): C'est des frais juridiques importants. Mon budget... J'ai des frais juridiques importants. Je couvre toutes les gardes en établissement de l'Outaouais puis tous les déplacements des personnes qu'on amène à la cour. Parce que maintenant c'est régulier qu'elles vont à la cour. Du moment qu'elles peuvent être signifiées puis que ça ne cause pas de problème, systématiquement les juges les font venir et les questionnent à la cour.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Oui. Une dernière question que j'avais annoncée tout à l'heure, au sujet des intervenants de première ligne. Je pense que vous définissez correctement – je suis entièrement d'accord, comme omnipraticien, comme étant un des intervenants ou l'intervenant principal en première ligne – Vous savez qu'on rencontre aussi beaucoup de groupes communautaires de différentes natures qui interviennent beaucoup et qui se voient aussi comme un intervenant important de première ligne. Je pense que vous faisiez référence à ça, Dr Trudeau, que, dans l'expérience de l'Outaouais, ils ont pris une place importante.

Peut-être un commentaire sur comment ça se passe et comment vous voyez l'évolution de votre interface. Est-ce que c'est juste de vous voir comme l'équipe d'intervenants de première ligne, importante pour bien faire fonctionner ensemble le médecin de famille et les groupes communautaires?

M. Trudeau (Jean-Bernard): Moi, je peux répondre à ça. On n'a aucun avantage à ne pas travailler ensemble. On n'a aucun avantage à polariser des positions. Je pense qu'on est différents, on a des approches qui sont différentes et il faut apprendre à se respecter là-dedans. Je pense qu'on a à être complémentaires et non compétitifs, et je pense que c'est ça qui a fait la force de l'approche dans l'Outaouais. Mais ce n'est pas toujours évident. Il y a des historiques, dans d'autres régions, il y a toutes sortes de choses qui peuvent entrer en ligne de compte. Mais, nous autres, on a fait la démonstration. Notre centre de crise, dans l'Outaouais, est géré par un organisme communautaire. Quand nos médecins psychiatres sont de garde, c'est l'organisme qu'ils utilisent le plus, plus que de retourner la personne dans une salle d'urgence. Notre organisme communautaire, responsable des droits et recours, qui, au début, était vu comme l'organisme qui va poursuivre des psychiatres, puis tout ça, bien, la journée où on s'est assis avec eux autres puis qu'on s'est aperçus qu'ils n'étaient pas là juste pour poursuivre des psychiatres, mais aussi pour aider des personnes qui avaient des problèmes de logement, des problèmes financiers et autres... Mais la première source de référence à cet organisme-là, dans l'Outaouais, c'est les médecins psychiatres.

Je pense qu'il faut s'asseoir puis il faut regarder ce qu'on peut faire ensemble en première ligne. Et ils respectent nos champs d'expertise. Mais, si on ne réussit pas à s'asseoir, bien, c'est sûr que le flou est là. Je pense que c'est le lot d'autres régions où ce n'est pas facile à ce niveau-là.

Mme Primeau (Ginette): Si vous me permettez, M. Rochon, je voudrais simplement rajouter. Parce que vous savez que la position que nous avons à la Fédération, on échange régulièrement avec le ministère. Quand vous parlez d'intervenants, nous savons l'orientation qui se dessine au niveau du ministère, qui est déjà enclenchée par rapport aux intervenants communautaires. Dans l'Estrie... On parle de l'Outaouais parce que c'est un modèle qui s'applique, qui est idéal peut-être pour l'Outaouais. Mais Montréal... On ne pourrait pas transporter le modèle de l'Outaouais puis le mettre à Montréal, comme on ne pourrait pas transporter Québec ou Sherbrooke à Montréal. Mais, à Sherbrooke, il y a un programme de santé mentale et, dans les CLSC, les médecins omnipraticiens sont très impliqués aussi dans les programmes de santé mentale et sont nécessairement avec le multidisciplinaire et les groupes communautaires.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire. Je m'adresse au Dr Trudeau. Avec le virage ambulatoire de l'Outaouais, ça m'inquiète, et j'ai souvent discuté avec M. le ministre. Avec le rapatriement de la phase 2 des soins de la santé, est-ce qu'on a encore beaucoup de patients qui sont dirigés du côté d'Ottawa, à l'Hôpital général d'Ottawa?

M. Trudeau (Jean-Bernard): Non. Diriger? C'est rare qu'on va diriger des personnes. Ça va arriver dans certaines situations beaucoup plus compliquées, d'anorexie très sévère, par exemple, chez des adolescents, où vraiment on se sent dépassés au niveau des ressources qu'on a et on va faire affaire avec l'hôpital des enfants. Mais vous savez que le virage ambulatoire en santé mentale dans l'Outaouais, c'est depuis 1985 qu'on le fait. Ce n'est pas depuis deux ou trois ans. C'est quelque chose qu'on a bâti depuis 10 à 15 ans. Depuis deux ou trois ans, on a donné un coup de barre aussi. On a même noté que, dans la dernière année, on avait une projection de récupérer 100 000 $ du budget – il y a à peu près 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ qui est consommé en Ontario par la psychiatrie, par année – on avait un objectif de récupérer 100 000 $ pour la dernière année; on en a récupéré à peu près 500 000 $. Et ça, c'est à travers notre transformation et c'est à travers ce qu'on est en train de consolider et de mettre en place.

Ça fait que je suis assez optimiste, sauf qu'on est une des régions – quand on se compare aux autres régions – per capita, qui reçoit le moins d'argent encore. Je pense que notre consolidation, elle va devoir se faire dans la communauté au niveau de la première ligne. Il faut consolider parce que le système, on le tient à bout de bras, il est fragile. C'est un bon système, on en est convaincus, mais il faut qu'il y ait encore de l'oxygène et qu'on consolide la première ligne. Mais l'arrimage avec l'hôpital psychiatrique, les autres hôpitaux, les établissements, les cliniques de santé mentale... Parce que, dans l'Outaouais, on a des cliniques de santé mentale dans chaque territoire, ce qui est un peu différent de ce qu'on vit ailleurs où, dans un territoire, elles peuvent être affiliées au CH et, dans un autre, elles peuvent être affiliées au CLSC. Mais c'est devenu comme très secondaire maintenant parce que ça marche et la structure devient secondaire. On est assez optimistes, mais à condition... C'est bien sûr, il y a les compressions qui viennent, et tout ça. Ça nous inquiète. Mais là je vous parle de l'Outaouais.

Mme Vaive: J'aurais une autre question, M. le Président. Le groupe qui vous a précédés tantôt parlait de donner de l'information, de l'initiation aux agents de la paix. Ça m'inquiète. La fin de semaine de Pâques, j'ai reçu à la maison un policier qui est un ami personnel à moi, et puis la prison de la ville de Gatineau, de la sécurité publique à Gatineau, était complète à un tel point qu'on les entassait deux, puis trois, et même quatre par cellule. Est-ce qu'il arrive, durant les fins de semaine, des personnes qui sont arrêtées par un agent de la paix et que l'agent de la paix – ce n'est pas tous des lumières, hein, on est conscients de ça – ne puisse pas déceler que la personne subit un choc mental et il la met en cellule, ce qui crée un deuxième choc encore plus grave?

M. Trudeau (Jean-Bernard): Oui, ça arrive. C'est certain que ça arrive. Je dirais que, dans l'Outaouais, ça arrive beaucoup moins maintenant, parce qu'on a de très bons liens avec le système judiciaire, mais ça arrive encore, surtout les fins de semaine et les soirs, comme je disais. Si on avait, par exemple, l'opportunité... Comme vous disiez, au niveau du jugement – c'est ce qu'on amène un peu dans notre mémoire – c'est que si l'agent de la paix connaissait mieux les ressources communautaires... Comme le centre de crise 24-7 qu'il y a à Hull, s'il l'appelle. Il appelle un intervenant là-bas et il dit: J'ai une situation – ils se déplacent de toute façon régulièrement ensemble, les policiers et le centre de crise – une collaboration encore plus étroite. La personne pourrait venir, faire une évaluation avec lui, quitte à le diriger vers une salle d'urgence juste pour être certain qu'il n'y a pas de problème de santé mentale ou psychiatrique.

Je pense que c'est des choses qu'il faut encourager et on a déjà commencé à faire ça. Parce qu'il était un temps – c'est un fait – quand le système était fragile, il y a cinq ou six ans, on l'a noté, il y avait une tendance, quand on n'était pas capable, comme système de santé, à récupérer notre clientèle, elle était judiciarisée. Et ils se retrouvaient en prison, ces patients-là, et ça, ça n'avait pas de bon sens. Je pense que c'est à ça qu'il faut faire attention dans le virage en santé mentale, c'est le danger que le Code criminel vienne les récupérer.

Si on n'est pas capables à travers nos dispositions du Code civil et avec des ressources suffisantes de récupérer notre clientèle qui nécessite nos soins, les familles, l'entourage vont porter des charges au criminel, puis elle va être judiciarisée. Elle va se retrouver dans le Code criminel, et ça, ce n'est pas souhaitable.

Mme Vaive: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le ministre, dernière intervention pour vous.

M. Rochon: Ça va être tout court. Ça va être plus ma conclusion. En vous remerciant de votre contribution, je tiens à souligner, parce que, quand on regarde un projet de loi, on fait un examen en profondeur sur un aspect de la réalité et, bien sûr, comme beaucoup de groupes nous l'ont rappelé, ça prend vraiment son sens dans son application. On en traite différentes parties dans une commission comme ça, mais vous nous faites voir qu'il y a quand même une longue expérience au Québec.

(11 heures)

Votre point est très juste, Me Primeau. On a un prototype dans l'Outaouais. Il y a beaucoup d'autres régions qui ont développé d'autres approches et chaque région doit trouver sa façon de faire. Mais la démonstration qu'on peut améliorer les services et qu'on doit les améliorer en bâtissant localement, dans la communauté, et en gardant les gens actifs et intégrés socialement, vous nous rappelez qu'elle est faite, cette démonstration-là, et que c'est dans ce sens-là qu'il va falloir aller. Que voir l'application d'un projet de loi comme ça, il faut le voir dans son contexte général qui est différent de ce qu'on a peut-être connu dans l'histoire antérieure de notre époque asilaire. Je tiens à le redire parce que ça va être beaucoup dans le débat. Ce n'est pas d'abord des lits qu'il nous faut en santé mentale. Il en faut en appui, on en aura toujours besoin pour un certain nombre, mais, dans les prochaines semaines, on aura la chance d'en discuter pas mal autour d'orientations plus précises pour consolider et renforcer ce que vous avez démontré qui doit être fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'ai remarqué par ailleurs qu'à votre recommandation 12 vous suggérez essentiellement de soustraire l'article 12 du projet de loi, l'article qui traite de la garde à distance. Je pense, entre autres, que ça soulève des questions, cet article-là, à cause de la notion de dangerosité. Comment est-ce qu'on peut être dangereux pour soi ou pour autrui et être libéré pendant une période de temps d'une garde en établissement? Par contre, je pense que c'est l'Association des médecins psychiatres du Québec qui a plaidé en faveur de l'article 12 à cause de la notion de guérison ou d'insertion par étapes de quelqu'un qui a été mis en garde dans un établissement. Mais, vous, vous optez complètement contre la garde à distance. Peut-être que vous pouvez nous expliquer ça un tout petit peu, les raisons pour ça. On a deux groupes de médecins qui ont des opinions différentes. Ce n'est pas la première fois ni la dernière, j'imagine.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Premièrement, on n'est pas obligés d'être d'accord avec les psychiatres.

M. Copeman: Bien non. J'en suis conscient.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Je pense qu'ils ont leur position et je suis capable de comprendre. Mais je vais revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure. La garde en établissement, ça vient fouetter de plein fouet le premier article de la Charte des droits qui touche l'intégrité de la personne. C'est un projet de loi que je trouve sérieux. Ça a des atteintes sérieuses. Moi, je vois les gens qui sont mis en garde en établissement. Si on amène ce concept, on va dire: La personne n'est pas tout à fait dangereuse, mais elle pourrait l'être. C'est le flou que ça amène au niveau de la définition de ce que c'est, la dangerosité, alors qu'on avait une définition qui m'apparaissait quand même assez claire et qui nous permettait d'aller de l'avant avec ce qu'on avait déjà. On peut peut-être tabler avec ce qu'on a déjà à ce niveau-là. C'est le flou. Lisez l'article 30, vous allez voir. On dit qu'une garde, ça se fait sans consentement. Et ici, on vient dire que la personne consent à sortir. Si elle consent à sortir, c'est parce qu'elle consent aussi à être gardée. En tout cas, si ce n'est pas si clair que ça, c'est confusionnant en titi. C'est peut-être ce bout-là qu'il faut regarder.

En matière de responsabilité, c'est la même chose. Il y a des gens en garde en établissement, chez nous, qu'on va faire sortir, mais accompagnés d'un membre du personnel. Il y a des décès dans les familles, quelqu'un se suicide... On fait des ententes spéciales avec les membres du personnel. Ce que je disais tout à l'heure, c'est qu'on pourrait peut-être reconnaître des intervenants de première ligne sans que ce soient des intervenants de l'établissement de santé qui puissent prendre le relais. Mais de donner cette responsabilité-là à la famille, il me semble que ça peut être lourd de conséquences.

On peut prendre un exemple. On se disait ça tout à l'heure, l'incident qu'il y a eu à l'Assemblée nationale, Denis Lortie, il n'était pas en hôpital psychiatrique. Il aurait pu être en hôpital psychiatrique. Il aurait pu avoir une garde. Il aurait pu avoir une sortie comme ça. La personne est dangereuse ou elle ne l'est pas. Si elle est dangereuse et qu'on la garde en garde et qu'on lui permet de sortir, on s'expose à des situations qui, socialement, peuvent être difficiles. Moi, je me dis: Pourquoi ne pas essayer de prévenir ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Au nom des membres de la commission, merci beaucoup pour votre mémoire et votre présentation.

J'invite maintenant les représentants et la représentante de l'Ordre des psychologues du Québec.

À l'ordre, s'il vous plaît! C'est M. Rochefort, je pense. Vous m'avez dit que c'est vous qui commenciez?


Ordre des psychologues du Québec (OPQ)

M. Rochefort (Jean-Guy): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, M. Rochefort, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pourrez débuter votre présentation.

M. Rochefort (Jean-Guy): Oui. Alors, moi, mon nom, c'est Jean-Guy Rochefort; je suis psychologue. Je suis ici pour présenter, de façon générale, le mémoire à titre d'administrateur de l'Ordre des psychologues du Québec. Je suis de la région de Québec. Alors, je vous présente les gens qui sont avec moi. Il y a Mme Danièle Marchand, de la permanence de l'Ordre du Québec, qui est à mes côtés, ici, qui a, entre autres, conçu le document à partir de différents contacts avec les psychologues spécialisés de la province de Québec. Il y a également, à ma gauche, M. Marcel Thomas, qui est psychologue à l'institut Philippe Pinel de Montréal, et, à mon extrême gauche, M. Denis Doucet, qui est psychologue à la clinique psychiatrique du centre hospitalier régional Baie-Comeau.

Alors, comme je vous disais au préalable, le mémoire que nous présentons, c'est à partir des différents commentaires que nous avons récoltés des spécialistes que nous avons un peu partout et dans la réalité de la pratique quotidienne des psychologues dans le réseau de la santé élargi, je dirais, parce qu'il s'agit de psychologues qui sont aussi au niveau communautaire, qui sont dans les CLSC, qui sont dans les milieux hospitaliers, qui sont un peu partout. Vous savez que, dans le contexte actuel de virage ambulatoire psychiatrique, les CLSC, les milieux communautaires devront de plus en plus – et nous avons beaucoup de psychologues dans ces milieux-là – intervenir. Ils sont là en premier plan, en première ligne pour faire des évaluations et souvent faire hospitaliser les patients qui devraient peut-être être en troisième ligne, mais qu'on met simplement dans la communauté en croyant qu'ils peuvent faire partie de la communauté alors qu'ils ne sont peut-être pas prêts. Alors, de plus en plus, les psychologues qui sont dans les milieux et qui sont spécialisés avec les psychologues du réseau de la santé et le milieu hospitalier ont à intervenir presque tous les jours, à faire des évaluations et à se rendre dans les milieux hospitaliers, accompagnés souvent d'un médecin généraliste, parce que la plupart des médecins généralistes avec lesquels nous collaborons n'ont pas nécessairement toutes les capacités de faire les évaluations psychiatriques et nécessaires pour justifier une cure fermée dans le milieu hospitalier lorsqu'on fait une demande.

Et ça nous arrive fréquemment. Je vous dirais que la majorité des médecins, pas ceux des CLSC, par contre, mais la majorité des médecins qui sont à l'extérieur et avec lesquels on collabore viennent couramment consulter les psychologues pour avoir des évaluations, pour confirmer les diagnostics. Maintenant, on sait très bien que, selon l'article 31, seuls les médecins peuvent poser des diagnostics. Maintenant, dans la pratique, vous n'êtes pas sans savoir que, dans tous les milieux, les psychiatres et les médecins consultent de façon régulière, tous les jours, les psychologues pour faire les évaluations et pour poser des impressions cliniques – parce que c'est le mot auquel on a droit – et, par la suite, pour utiliser ces impressions cliniques là pour faire les diagnostics et garder les gens en cure fermée pour les évaluations. Alors, le gros du mémoire que nous présentons porte exclusivement sur le premier chapitre du projet de loi n° 39 qui contient les dispositions concernant l'examen psychiatrique requis pour l'application de la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale.

(11 h 10)

À la lecture de l'article 2 du projet de loi, nous avons constaté que les professionnels habilités à effectuer l'examen auquel une personne est tenue de se soumettre en vertu de la loi ou d'une décision du tribunal demeurent rigoureusement les mêmes que ceux qui étaient désignés à l'article 3 de la loi présentement en vigueur. Le psychiatre ou, à défaut, tout autre médecin, quelle que soit sa formation, est encore le seul professionnel à qui le projet de loi permet d'effectuer ce type d'examen.

Le projet de loi n° 39 introduit par ailleurs une toute nouvelle disposition par rapport à la loi actuelle: l'article 3, énonçant ce que doit contenir précisément le rapport du médecin qui a effectué l'examen psychiatrique. Le troisième alinéa de cet article oblige le médecin à faire état du diagnostic qui doit être posé au sujet de l'état mental de la personne et constitue une référence directe à l'article 31 de la Loi médicale, délimitant le champ d'exercice de la médecine.

Or, nous ne croyons pas qu'en l'absence d'un psychiatre tout autre médecin dispose des connaissances nécessaires pour effectuer l'examen psychiatrique prescrit par la loi et encore moins pour poser un diagnostic sur l'état mental d'une personne ou, comme le stipule l'alinéa 4° de l'article 3... D'ailleurs, l'Ordre des infirmières, quand il s'est présenté à cette commission, a parlé aussi de cet aspect que, selon lui, tout autre médecin n'a pas nécessairement les compétences requises en santé mentale pour poser les diagnostics et prendre toute la responsabilité. Ce que nous demandons, d'ailleurs, ce n'est pas en première instance, mais c'est plus à titre supplétif.

Donc, seuls les médecins dotés d'une formation en santé mentale devraient être, à titre supplétif, habilités à effectuer l'examen requis. En outre, compte tenu de la formation acquise essentiellement en santé mentale, les psychologues, qui ont une formation pendant cinq ans spécialisée en santé mentale, devraient, au même titre que ces médecins, être au nombre des professionnels désignés en vertu de l'article 2. L'introduction dans cet article d'une référence spécifique à la formation et à l'expérience en santé mentale des professionnels habilités à effectuer, à titre supplétif, l'examen psychiatrique nous apparaît essentielle en vue d'assurer une protection minimale des personnes susceptibles d'être visées par l'application de la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale.

La compétence en santé mentale des professionnels désignés en vertu de l'article 2 est d'autant plus importante qu'une autre différence peut être relevée entre l'actuelle Loi sur la protection du malade mental et le libellé du projet de loi n° 39 qui suppose une étape de moins dans la procédure d'examen nécessaire à la demande de garde. En effet, aux termes de l'article 12 de la loi présentement en vigueur, l'une des conditions à l'admission en cure fermée dans un centre hospitalier pour plus de 96 heures est que les conclusions du rapport d'examen clinique psychiatrique soient corroborées par celles d'un rapport d'un autre psychiatre, à la suite d'un examen clinique psychiatrique fait par cet autre psychiatre.

Le projet de loi n° 39, par ailleurs, prévoit qu'un second examen n'est prévu que lorsque la garde a été fixée par le tribunal à plus de 21 jours, l'article 10 stipulant qu'en pareil cas «la personne sous garde doit être soumise à des examens périodiques, destinés à vérifier si la garde est toujours nécessaire».

Si une personne peut dorénavant être gardée en cure fermée pour aussi longtemps que trois semaines sans qu'un second rapport ne vienne confirmer le premier, n'est-il pas d'autant plus important que le professionnel qui procède à l'examen psychiatrique soit doté d'une formation adéquate en santé mentale? Et ça, ça rejoint un peu ce qui était dit auparavant par les médecins concernant, quand on libère de façon provisoire des patients, tout l'impact et la responsabilité que ça pourrait avoir sur le diagnostic qui a été posé et qu'on libère, justement, certains patients.

Alors, on a évoqué dans notre mémoire plusieurs motifs, des motifs d'ordre légal. On a évoqué sur la formation acquise par les psychologues qui travaillent dans les centres de psychiatrie et les services de santé mentale dans la province, dont maintenant les psychologues, et depuis plusieurs années, et la formation dans les universités utilisent la même classification d'évaluation diagnostique que les psychiatres, qui est le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders , sous le nom connu de DSM. Alors, le langage est maintenant commun dans les diagnostics et dans les évaluations qui sont faites. Je pourrais ajouter qu'une étude effectuée en 1987, aux États-Unis, par L.R. Jones et ses collaborateurs a d'ailleurs démontré que les médecins n'ont pu effectuer 80 % des problèmes de santé mentale qui leur furent présentés. Il est, dès lors, difficile de justifier que le législateur songe à attribuer aux médecins non spécialisés le rôle de substitut au psychiatre et le mandat de poser un diagnostic sur l'état mental de la personne, dans le cadre de l'application du présent projet de loi.

Il est également question de la nature particulière du travail des psychologues et de la configuration actuelle des services de santé mentale dans les régions éloignées – M. Doucet va élaborer un petit peu plus sur cet aspect-là – et de la précarité des services de santé mentale dans certaines régions du Québec et de la perspective du virage ambulatoire.

Alors, j'aimerais maintenant inviter M. Marcel Thomas à vous parler un petit peu de la compétence des psychologues en matière d'évaluation de la présence et des conséquences de troubles mentaux qui est déjà formellement reconnue, entre autres par certains articles du Code civil canadien, et de la réalité qui se passe dans ces milieux.

M. Thomas (Marcel): Voilà. Je serai bref parce que certains éléments ont été mentionnés par mon confrère. Bien, je pense que c'est ça. D'abord, notre formation universitaire, au plan théorique, nous permet d'avoir une formation en santé mentale et, particulièrement, plus ça va, plus c'est vraiment ce qu'on appelle le DSM-IV qui inspire pour une part à un premier niveau, le niveau descriptif. Pour bien vous informer, là, le niveau descriptif des symptômes des différentes pathologies. On est aussi très bien formés, ce qu'on appelle, en psychopathologies qui sont les différents types d'explications de ces symptômes-là. Il faut différencier les deux, là. Quand on fait un suivi en psychothérapie, il ne s'agit pas juste de connaître les symptômes et l'état mental tel qu'il est présenté, mais aussi les différents types d'explications qu'on peut avoir, si on veut vraiment aider le patient à cheminer à l'intérieur de ça, ce qui fait que les psychologues sont formés avec toute la nomenclature des maladies mentales dans le DSM-IV. Ils sont formés, en un deuxième temps, en psychopathologies et, en troisième temps, évidemment, à toutes les formes d'interventions de type psychothérapeutique qui ne relèvent pas évidemment de l'acte médical, de la prescription de médicaments, évidemment.

On sait qu'en maladie mentale les médicaments sont très importants, mais il y a beaucoup de pathologies qui ne sont pas tellement atteintes par la médication, ce serait complexe, mais qui présentent des problèmes de dangerosité. On appelle ça les axes 2, dans notre langage, et les axes 1, la grande maladie mentale. Les axes 2, c'est certains troubles de la personnalité, c'est les troubles de la personnalité dont certains sont beaucoup plus sujets à devenir pour eux-mêmes ou pour autrui, dans certaines circonstances, des gens qui peuvent être dangereux dans l'immédiat.

Il faut être capables, comme cliniciens, de faire la différence entre les deux et de voir tous les jeux de manipulation ou même de situations qui sont authentiques, n'est-ce pas, et qui nécessitent parfois des prises en charge qui sont quelque peu manu militari pour protéger la personne elle-même, si c'est une question suicidaire, ou pour protéger des proches ou même des gens qu'il ne connaît pas du tout, mais où on a l'impression que notre patient est en train de se préparer à faire quelque chose de très grave.

Alors, comme psychologues, on a quand même la formation I théorique. C'est ça que je viens de dire. Il y a une formation aussi qui est de niveau... dans les endroits où non seulement on fait des stages, mais dans les endroits où on travaille. On n'a pas le choix que d'adopter concrètement dans les services de santé, à différents niveaux du réseau, que ce soient les centres de santé, que ce soient les CLSC, que ce soient les hôpitaux généraux qui ont des départements de psychiatrie ou les hôpitaux psychiatriques eux-mêmes, on n'a pas le choix que d'adopter un langage commun, une description de symptômes commune. Et je pense qu'avec le temps on a particulièrement cette expertise-là, une expertise, finalement, qui est reconnue actuellement au moins au niveau de la Commission d'examen qui est du registre du Code criminel canadien qui reconnaît comme membre en bonne et due forme de la Commission, à part au moins un psychiatre, au moins, la compétence et la présence d'un psychologue. Puis vous savez que la Commission d'examen, c'est la commission qui doit évaluer à partir d'un moment donné tous les patients qui ont été hospitalisés avec un mandat du lieutenant-gouverneur parce qu'ils ont commis un délit qui faisait d'eux, à l'époque, des gens dangereux.

(11 h 20)

Concrètement, il vient un temps où on doit tenter d'élargir le mandat, question dont discutaient nos prédécesseurs tout à l'heure. Il faut commencer quelque part. Il faut faire quelque chose. Il faut à un moment donné les sortir de cette hospitalisation forcée continuellement. C'est comme, quelque part, reconnaître l'équivalent, au niveau des psychologues, de cette capacité non seulement de sortir quelqu'un à partir d'un état dangereux – et vous avez l'inverse, de le garder – encore faut-il en faire la preuve, parce que c'est une loi d'exception. La règle, c'est la liberté. L'exception, c'est de le garder contre sa volonté. Encore faut-il prouver qu'il faut le garder parce qu'il est encore dangereux. Par ce biais-là, évidemment, dans le droit criminel canadien, on reconnaît de facto, sinon de jure les compétences du psychologue à pouvoir faire des choses comme ça. Et ce que l'on a aussi quand on regarde notre formation et aussi l'expérience, mais dans le milieu de la santé mentale. Je n'irai pas plus loin pour notre expertise. Je pense que ça suffit pour la commission.

M. Rochefort (Jean-Guy): Maintenant, je vais demander à M. Doucet de présenter de façon assez brève la situation qui se passe en région éloignée pour les psychologues qui travaillent dans le réseau et qui doivent faire des évaluations également.

M. Doucet (Denis): Je vais vous parler du CH de Baie-Comeau, évidemment, parce que c'est là que je pratique. Moi, je vais y aller vraiment en langage terrain, qu'est-ce qui se passe dans la vie quotidienne, en pratique. Parce que, entre ce qui est anticipé par la loi et ce qui se passe pour de vrai, il y a une marge.

Premièrement, la situation de Baie-Comeau, évidemment, elle est particulière dans le sens suivant. C'est qu'auparavant, il y a plus de deux ans, il y avait une forte équipe de psychiatres qui étaient en permanence sur place. On parle de six psychiatres qui étaient présents. Maintenant, on parle d'un psychiatre qui vient en itinérance, à raison approximativement d'une fois aux deux ou trois semaines, une ou deux journées, ce qui veut dire concrètement que 90 %, 95 % du temps, nous n'avons pas de psychiatre sur place à Baie-Comeau. Et c'est certainement une situation qui va perdurer un bon moment. Il n'est pas prévu de pouvoir suppléer à ça rapidement. Ça, c'est important de le situer, parce que, dans l'histoire de la pratique psychiatrique à Baie-Comeau – je donne l'exemple de Baie-Comeau, mais mes contacts avec d'autres collègues d'autres régions éloignées, on a le même son au diapason aussi – il s'est produit l'effet suivant: c'est qu'au quotidien les médecins omnipraticiens à Baie-Comeau référaient systématiquement un patient, dès qu'il y avait des éléments psychiatriques, au département de psychiatrie, et ils se retiraient du dossier. C'était la pratique générale qui se produisait à Baie-Comeau, ce qui a donné comme résultat qu'ils n'ont pas développé, les omnipraticiens, d'expertise particulière ou d'expérience prononcée en matière d'évaluation psychiatrique.

Aujourd'hui, on a un effet boomerang: disparition massive des psychiatres. Les omnipraticiens doivent prendre la relève. Cependant, ils se sentent extrêmement mal à l'aise et inconfortables avec l'exercice de la loi.

La loi dit, au niveau de la structure légale – et, évidemment, les structures administratives du centre hospitalier se sont accolées là-dessus – d'abord, que le psychiatre fait l'évaluation – parce que c'est lui qui a primauté, et l'Ordre des psychologues ne le remet pas en question, cet aspect-là – par la suite, c'est tout omnipraticien qui doit procéder. Sauf que l'omnipraticien, dans la vie quotidienne, n'est pas nécessairement confortable, pour bon nombre d'entre eux, avec ça. Ce que ça occasionne, c'est que souvent on se retourne vers le psychologue pour dire: Qu'est-ce qu'on fait? Et là la loi dit que c'est l'omnipraticien qui tranche, qui décide, qui sait quoi, mais c'est le psychologue qui, en arrière-plan, souvent, ne va pas émettre un rapport, ne va pas être celui qui va signer un diagnostic, mais va souvent se prononcer assez fortement et va influencer énormément ce qui va se dérouler dans le dossier.

Il y a un autre effet important qui se déroule chez nous, c'est toute la problématique de la psychiatrie itinérante. Moi, personnellement, je ne remets pas en question du tout la compétence du psychiatre. J'ai un excellent lien avec les psychiatres qui sont là et j'ai une haute estime pour le travail magistral qu'ils font. Cependant, malgré qu'ils soient extrêmement compétents, il faut distinguer deux choses: tu as la compétence personnelle comme professionnel et tu as l'outil d'information qui te permet d'exercer ta compétence. Lorsque les psychiatres viennent chez nous, on les surcharge au niveau quantitatif d'évaluations. Et il y en a plusieurs à qui je demande à les refaire parce qu'elles sont... avec lesquelles je ne suis pas vraiment d'accord. Le psychiatre reprend et, effectivement, à plusieurs reprises, reconfirme ce que je lui ai plutôt proposé comme alternative.

Pourquoi? Parce que souvent il y a ce que j'appelle le phénomène des faux axes 1. On vous a parlé tantôt d'un instrument diagnostique qui est le DSM-IV, qui comporte cinq axes. Je ne vais pas vous l'expliquer en détail. Ce n'est pas nécessairement intéressant, c'est fastidieux. Mais il y a deux axes qui sont capitaux à comprendre. L'axe 1, c'est le syndrome clinique, c'est-à-dire que c'est le symptôme immédiat que je vois devant moi: un dépressif majeur, un schizophrène, un trouble anxieux, un trouble de l'humeur, etc. L'axe 2, c'est le trouble de personnalité.

Ça, l'axe 2, c'est beaucoup plus complexe, d'une certaine façon, à évaluer parce que tu n'as pas une évidence immédiate. Il faut que tu ailles fouiller beaucoup plus loin au niveau de l'entrevue. Il faut que tu disposes de l'histoire de vie de la personne, ce qu'on appelle l'histoire longitudinale. Tout psychiatre doit procéder comme ça. Maintenant, la contrainte de structure fait que, malheureusement, ce n'est pas toujours exercé à fond dans le dossier.

Alors là, j'ai des exemples très concrets de cas réels qui se sont produits. Dernièrement, j'ai eu dans mon bureau une personne qui était diagnostiquée psychose maniaco-dépressive depuis 1988. Je l'ai reçue trois fois en thérapie, puis je me suis dit: Non. Il y a quelque chose d'autre, il y a quelque chose sur l'axe 2. Et ça avait passé outre, sans que personne ne s'y attarde trop dans tout le parcours. La prochaine fois que le psychiatre est revenu, j'ai convenu avec lui de le voir avant qu'il revoie le patient en question pour reprocéder à l'évaluation. Je me suis assis et je lui ai expliqué les événements qui s'étaient produits – trois actes agressifs, etc. – et ma piste de travail qui était plus un trouble de personnalité «borderline» avec trait narcissique probablement. Et, lorsqu'il a rencontré le patient, il a effectivement confirmé et repris.

Alors, à un moment donné, quelle est la réalité des choses? Ce que la loi dit, c'est que c'est l'omnipraticien ou le psychiatre. Puis, encore une fois, je ne remets pas en question la compétence du psychiatre, mais il est placé dans une situation qui est difficile. Parce que lire un dossier volumineux lorsqu'on t'a inséré une multitude d'entrevues à procéder dans une journée, il y a l'équilibre des choses. Il essaie de son mieux de ne pas perdre d'information et de procéder le plus adéquatement et avec qualité, mais il n'y arrive pas nécessairement.

Alors, en terminant, il y a beaucoup de diagnostics comme ça que ma collègue psychologue et moi devons faire reprendre. Chez les omnipraticiens, il y a un inconfort certain à se prononcer là-dessus. Il y a de moins en moins d'omnis qui veulent pratiquer à l'urgence à Baie-Comeau. Il y en a encore dernièrement qui ont démissionné. Puis on sait qu'il y en a prochainement qui vont revenir encore à démissionner, faute de support de spécialistes. Alors, c'est une réalité de la pratique en région.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vous remercie d'abord de l'effort que vous avez fait pour venir nous rencontrer et nous soumettre vos avis sur ce projet de loi, parce que, effectivement, il y a plusieurs suggestions et commentaires qui nous sont faits quant à la place de plus en plus grande que prennent différents professionnels, dont les psychologues, dans ce qui regarde les interventions auprès de personnes qui ont des problèmes de comportement et de santé mentale.

D'ailleurs, toute l'évolution des professions, depuis qu'on a créé le Code des professions, les différentes lois professionnelles dans les années soixante-dix, l'évolution des pratiques cliniques, des connaissances, des techniques, des interventions a amené l'Office des professions, récemment, à compléter une large consultation sous le thème des interventions multidisciplinaires. Et c'est en plein bouillonnement actuellement. On le sait très bien, je pense que l'ensemble des ordres professionnels, que j'ai eu la chance de rencontrer samedi dernier, poursuivent une réflexion très importante dans ce domaine-là.

Alors, moi, je reconnais, autour de votre commentaire, qu'il y a toute une évolution qu'il faut analyser et qu'à mesure qu'on avance les choses se font graduellement de façon différente. Dans l'immédiat, il ne m'apparaît pas évident qu'on puisse, par cette loi-là, changer tout l'équilibre de la dynamique des relations interprofessionnelles et interdisciplinaires. Mais je veux tout simplement marquer là que ce n'est pas une porte complètement fermée. Comme vous dites vous-mêmes, la Loi médicale est interpellée; votre propre loi, en interface avec ça, l'est. Est-ce qu'il y a une analyse qu'il faut pousser, creuser un peu plus? Moi, je ne ferme pas la porte à ça. Ça ne m'apparaît pas évident, mais on verra en analysant tout ce qui nous a été présenté ici, à la commission, jusqu'où on peut aller seulement par le biais de cette loi-là.

(11 h 30)

Une question en regard de ce que vous nous présentez, par exemple, pour voir votre réaction. On nous dit – et ceux qui vous ont précédés, d'ailleurs, l'ont souligné aussi, ils ne sont pas les seuls – que dans la première intervention clinique auprès de quelqu'un qui a un problème de comportement important, avec un aspect de danger pour lui et pour son entourage, qu'il y a un premier diagnostic à poser qui est peut-être plus large, nous disent-ils, que strictement l'aspect de la santé mentale ou de maladie mentale. Certains comportements peuvent être reliés plus à un problème biologique, métabolique, physique, que de santé mentale. Il y a une première distinction au niveau du diagnostic à faire, et c'est pour ça qu'il faut l'intervention médicale. Certains nous disent même du médecin le plus généraliste possible, même avant d'en arriver au psychiatre, pour être bien sûr que l'ensemble de la situation d'une personne est examiné médicalement, le plus profondément possible.

Quelle est votre réaction là-dessus? Est-ce que vous voyez que ça amènerait le psychologue à intervenir mais en deuxième ligne, dans un sens, plutôt que directement en première ligne si le diagnostic de base est établi et peut être plus large que strictement une question de santé mentale?

M. Rochefort (Jean-Guy): Je pense que ça dépend de ce qu'on entend par première ligne. Ce qui arrive, pour ma part, dans les CLSC, actuellement, la situation, les médecins qui ont leur clientèle réfèrent au CLSC, et de plus en plus fréquemment. On est un service de première ligne, le CLSC. Alors, quand le médecin généraliste réfère au CLSC, il va référer directement en psychologie pour avoir une évaluation et un diagnostic sur la situation et la dangerosité de la personne. Par la suite, la plupart du temps, c'est nous qui allons contacter le psychiatre pour faire état de notre évaluation. S'il y a trop de danger de la personne envers elle-même ou envers autrui, on va chercher une ordonnance de cour, on va avec la police chercher la personne et on la fait hospitaliser. Toute cette démarche-là on a une responsabilité qui est quand même assez grande dans le contexte actuel. Au niveau pratique, c'est comme ça que ça se passe, et de plus en plus comme ça.

Alors, je ne sais pas si je réponds à votre question sur comment ça se passe. Je ne parle pas du médecin en CLSC, là, je parle des médecins qui sont un peu partout et qui collaborent avec nous maintenant.

M. Rochon: Je comprends bien ça, mais j'essayais de vous poser des questions dans le cadre de ce que vous avez présenté en rapport avec l'article 2. Si ce que nous disent certains, que le premier diagnostic à établir doit aussi identifier ou éliminer des causes de nature physique, ou biologique, ou métabolique, ou autres que de santé mentale, c'est pour ça, nous disent-ils, qu'il faut que le premier intervenant pour le diagnostic, de toute façon dans le cadre de l'article 2 doit être un médecin, parce que ce n'est pas encore établi qu'il s'agit nécessairement d'un problème de comportement ou de santé mentale. Si on suit ce raisonnement-là, ça suggérerait que le psychologue n'est pas éliminé de l'intervention auprès d'une personne qui a un problème du genre. Mais ce que vise l'article 2, me disent-ils, demande une intervention nécessairement médicale.

M. Rochefort (Jean-Guy): Bien, ce que je pourrais vous dire, c'est que je travaille en gériatrie puis je travaille en santé mentale, troubles persistants sévères. En gériatrie, c'est des médecins qui sont dans la pratique privée, en particulier, qui nous réfèrent. On devient l'intervenant principal du dossier. C'est nous qui faisons le contact avec le psychiatre, les évaluations cognitives, les évaluations principales.

Quand je suis en santé mentale, puis qu'on reçoit les demandes, ce n'est pas les médecins qui nous envoient les demandes nécessairement, c'est nous qui faisons les évaluations, c'est nous qui référons les clients pour qu'ils soient en cure fermée dans les milieux hospitaliers. Il n'y a pas de médecin généraliste qui intervient à ce niveau-là. On va être obligé, des moments donnés, de demander à un médecin généraliste de nous signer un papier, parce qu'on l'appelle. On a fait notre évaluation, on pose notre diagnostic, je vais appeler le généraliste puis je vais lui dire: Cette personne est dangereuse pour elle-même actuellement, elle a commis tel, tel acte dans les derniers 48 heures, elle a des problèmes de santé mentale et de maladie mentale, je l'ai évaluée et je considère qu'il faut absolument qu'elle soit hospitalisée pour être en cure fermée. Je fais cette recommandation-là, mais le médecin généraliste n'avait pas les capacités de faire l'évaluation plus que ça, là. Alors, je téléphone à l'hôpital et je fais la demande ou l'ordonnance de cour pour faire hospitaliser la personne. Il n'y a pas de médecin généraliste au départ qui est dans ça. C'est ça qui se passe en santé mentale avec nous, là. Sinon, il y a un psychiatre puis il n'y a pas de suivi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Thomas, vous avez...

M. Thomas (Marcel): Oui. Bien, écoutez, moi, ça fait 17 ans cette année que je travaille à l'Institut Philippe Pinel de Montréal. Je suis comme bien placé pour vous parler du nombre de patients dont l'unique origine serait biologique au niveau de leur dangerosité, il me semble, et c'est extrêmement rare.

C'est sûr que, depuis un certain nombre de décades, on a davantage développé ce qu'on appelle la psychiatrie d'origine biologique. Un certain nombre de pathologies, on a l'impression que c'est d'origine plus biologique. Mais ça ne suppose pas que le diagnostic, avec l'état dangereux, soit nécessairement fait par un médecin à cette étape-là. Je ne pense pas. Que la loi nécessite un médecin au nom de ça, ça m'apparaît utiliser... en tout cas, sélectionner une exception pour en faire une règle. Je pense que la règle, c'est beaucoup plus les tableaux symptomatiques et l'état dangereux que les origines biologiques uniquement qui justifieraient juste qu'un médecin soit là. Parce qu'à l'Institut, chez nous, on verrait ça tellement souvent qu'on se dirait: Ouais! Je pense que, quand on est en première ligne, qu'on a à faire face à une évaluation puis à une exigence comme celle-là, c'est nécessaire qu'un médecin soit là. J'en conviendrais de façon évidente. Moi, c'est sûr que je les ai en troisième ligne, si vous voulez, mais ce serait quand même pas mal évident qu'à un moment donné on aurait ça. Dieu sait si à Pinel, on a les dangereux. Ils sont concentrés surtout là. Les pires, en tout cas, sont chez nous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Doucet.

M. Doucet (Denis): Je voudrais juste mentionner que ce probablement à quoi vous faites référence, qui vous a été mentionné par des médecins, c'est des maladies comme, par exemple, l'hypoxie, l'hypoglycémie, l'hypothyroïdie, trouble hépatique, trouble rénal, trouble des électrolytes, etc. On les connaît aussi, comme psychologues, et on sait que c'est seulement lorsque c'est aigu physiquement que survient l'agressivité. Donc, il y a une évidence devant nos yeux qu'il y a une possibilité qu'il y ait un trouble physique associé, auquel le psychologue aura le réflexe systématiquement, parce qu'on le fait en pratique, de s'associer immédiatement avec un médecin pour éliminer cette possibilité-là. Et, dans les faits, au quotidien, il n'est pas si rarissime que le psychologue rappelle au médecin de le vérifier, cet aspect physiologique-là.

M. Rochon: C'est ce qu'on appelle le travail multidisciplinaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Exact.

M. Doucet (Denis): Et on peut se l'approprier.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. Juste pour ne pas qu'on démarre sur une fausse traque ou une fausse impression. La première remarque du ministre comme telle, si je l'ai bien compris – et là, on me corrigera si je l'ai mal comprise – visait à dire: Il y a un débat sur le corporatisme, si on peut utiliser l'expression, au niveau du Code des professions, allez faire ça ailleurs, mais que ce débat-là soit fait, je considérerai, dans le cadre de cette loi-là, s'il y a possibilité de vous incorporer ou pas.

Moi, je lis votre mémoire, puis, à la page 2, vous mentionnez la cause Corporation professionnelle des médecins contre Larivière, une cause de la Cour d'appel, en 1984, et vous avez une citation: «Il y a également des actes médicaux qui peuvent être posés par d'autres personnes dont la profession n'est pas d'exercice exclusif mais à titre réservé. En particulier, il y a les actes médicaux qui peuvent être posés par des psychologues.»

Est-ce que je vous comprends bien quand vous nous dites que, dans l'état du droit actuel, s'il y avait volonté politique et ministérielle de vous inclure dans le cadre de ce projet de loi comme des intervenants actifs, il n'y a pas besoin d'aller ailleurs, ça peut se régler dans le cadre de ce projet de loi?

M. Thomas (Marcel): C'est ce qu'on pense.

M. Paradis: Deuxième élément.

M. Rochon: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thomas (Marcel): Ça ne peut pas être plus clair.

M. Paradis: À ce moment-là, j'ai mal compris. Vous ne vouliez pas les renvoyer ailleurs, dans un autre débat, vous acceptez qu'ils peuvent faire partie...

M. Rochon: Ça va dépendre des autres avis que je vais avoir aussi.

M. Paradis: Ah! O.K. Parmi les autres avis, moi, il y en a un qui m'a frappé. Je regarde autour de la table, il y a beaucoup de députés des régions du Québec, lorsqu'on dit: La précarité des services de santé mentale dans certaines régions du Québec et la perspective du virage ambulatoire... Si on admet que dans plusieurs régions il y a des lacunes sur le plan des ressources humaines en psychiatrie; si on suit votre argumentation à l'effet que, là où il y en a eu, les médecins de pratique générale référaient au psychiatre et que le psychologue, de façon pratique, a fait le travail dans plusieurs régions; si on effectue le virage ambulatoire sans inclure le psychologue, ça va être quoi, la conséquence?

M. Doucet (Denis): Je ne suis pas tout à fait ce dont...

M. Paradis: À partir du moment où on maintient le libellé du texte de loi tel qu'il est, qu'on n'inclut pas le psychologue comme tel pour les régions où on est en déficience de ressources psychiatriques, où le médecin omnipraticien n'a pas cette pratique-là dans le quotidien, ça va être quoi, la conséquence sur la population de ces régions-là?

(11 h 40)

M. Doucet (Denis): Moi, je dirais, pour la région de Baie-Comeau, ce n'est pas nécessairement une conséquence tant sur le virage ambulatoire comme tel parce qu'on n'a pas une masse de personnes qui sont hospitalisées. Donc, chez nous, on n'aura pas à procéder à de la désinstitutionnalisation massive, comme ça se produit, par exemple, ici, dans la région de Québec, ce qui est prévu dans les énoncés qui s'en viennent. Sur le plan virage ambulatoire, je dirais que c'est de longue date.

La différence que ça fait, c'est que tu as des personnes, justement, qui se promènent dans la société qui ont des problématiques lourdes, troubles sévères et persistants en santé mentale, et, si on a seulement l'omnipraticien qui n'a pas de spécialisation plus poussée en santé mentale qui se prononce lorsqu'il va s'asseoir à l'urgence pour voir s'il y a une dangerosité ou non, pour voir s'il y a un risque suicidaire important ou non, c'est là qu'il y a un problème qui se présente. Pour notre région à nous, en tout cas, c'est là qu'il y a un problème qui se présente. Et il est déjà actif actuellement, le problème, parce qu'il y a beaucoup de ces personnes qui ont des troubles sévères et persistants qui sont dans la communauté. Nous, on n'a pas ce phénomène-là de désinstitutionnalisation.

M. Paradis: Si on lit votre mémoire et on écoute votre témoignage, est-ce que vous nous dites que le projet de loi, tel qu'il est libellé présentement, tient compte de ce qu'on appelle une réalité de terrain? Ou si le projet de loi, tel qu'il est libellé présentement – il n'est pas encore adopté, il y a encore des possibilités de l'amender – devrait avoir des amendements majeurs pour tenir compte de la réalité de terrain que vous vivez quotidiennement, soit en institution soit en clinique?

M. Rochefort (Jean-Guy): Actuellement, dans le libellé de la loi, on n'est pas reconnus pour le travail qu'on fait sur le terrain. Et c'est ce qu'on demande dans le mémoire.

M. Paradis: Est-ce que ça serait suffisant d'accorder la réalité de terrain à la législation ou est-ce qu'il ne faudrait pas profiter du projet de loi pour progresser davantage? Ou si vous considéreriez que ça serait suffisant que le projet de loi reflète ce qui se passe dans le quotidien, dans ce que vous vivez?

Mme Marchand (Danièle): Le projet de loi, M. Paradis, si je peux me permettre, s'applique quand même à des mesures d'exception. Il y a certainement, à beaucoup d'autres niveaux, des modifications de fond à faire en matière de santé mentale. Ça serait très certainement insuffisant.

Sauf que, au nom de la protection du public, ce qu'on trouve difficilement acceptable, c'est que tout autre médecin, à titre supplétif, quand il n'y a pas de psychiatre, puisse effectuer ces évaluations-là quand ils n'ont pas tous la formation de base. Je pense qu'on n'est pas les premiers à vous le dire non plus. Je pense que les infirmières, à notre connaissance, sont venues vous le dire; d'autres peut-être aussi. Ça n'est pas simple, ça prend une expertise extrêmement poussée, et les psychologues l'ont. Les interlocuteurs qui nous ont précédés, tout à l'heure, parlaient du sixième de la formation des omnis qui était en santé mentale. Dans le cas des psychologues, c'est, en tout cas, très certainement au moins les 4/5, sinon les 5/5. Ils en mangent littéralement, quotidiennement. C'est leur pain et leur beurre. Donc, on trouve que ça n'est pas très logique de les exclure de cet article-là en particulier. Mais, ceci dit, ça serait loin de régler les problèmes.

M. Paradis: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs et madame. Je vais enchaîner probablement avec ce dont on vient de parler un petit peu, parce que votre proposition, qui est à la page 10 de votre mémoire, elle nous demande de remplacer une partie de l'article 2 par: Toute personne dont la formation et l'expérience relèvent de la santé mentale. Alors, je comprends que, pour ce qui est des psychologues, c'est une évidence. C'est ce que vous nous dites. Vous avez tous et toutes une formation...

Mme Marchand (Danièle): Pas tous, non. On ne prétend pas qu'ils l'ont tous non plus. Il y a des psychologues...

Mme Malavoy: Mais, tout à l'heure, vous m'avez parlé...

Mme Marchand (Danièle): ...dans le domaine scolaire, il y a des psychologues industriels organisationnels. On ne prétend pas que ces gens-là ont ce qu'il faut. Non plus qu'on prétend que les omnipraticiens ont tous ce qu'il faut. Alors, c'est pour ça qu'on demande que ce soit d'abord à titre supplétif, d'une part, et on pense que... Bon, ce qui est accordé, je pense, par le Collège des médecins, c'est un droit de pratique en santé mentale aux omnipraticiens qui se sont formés dans le domaine. Dans le cas de l'Ordre des psychologues, il s'agit d'un ordre à titre réservé, mais ceux qui ont la formation, qui sont déjà en milieu hospitalier, soit généraux ou spécialisés, psychiatriques dans beaucoup de cas, que ces gens-là soient accrédités, comme ils le sont, par exemple en médiation familiale ou dans d'autres domaines.

Mme Malavoy: Je vais préciser la question, parce que, ce qui me... Je comprends que, pour les psychologues... Mettons qu'on précise que ce n'est pas tous, mais c'est quand même...

Mme Marchand (Danièle): Plusieurs.

Mme Malavoy: ...plusieurs. Beaucoup, mettons, de psychologues pourraient prétendre à cela.

Mme Marchand (Danièle): Il y en a 800 en centre hospitalier, notamment.

Mme Malavoy: Une fois qu'on a admis cela, on peut comprendre bien que vous souhaitiez les inclure.

Mais, la question que j'aie, c'est par rapport aux médecins. Quand on dit «dont la formation et l'expérience relèvent de la santé mentale», moi, j'aimerais bien comprendre ce que ça recoupe comme réalité matérielle. Est-ce que c'est une minorité? Est-ce qu'il y a beaucoup de monde là-dedans? Quand on dit «l'expérience et la formation relèvent de...», dans votre esprit – je suis sûre que vous avez pesé tous ces mots-là – ça veut dire quoi?

Mme Marchand (Danièle): Bien, non. C'est-à-dire que, oui, on les a, bien sûr, pesés. Sauf que ce qui est magnifique, à notre avis, dans la formulation de l'article du Code criminel qui porte sur la composition de la Commission d'examen, c'est qu'elle fait précisément le lien entre la formation de base et l'expérience. Elle lie tout ça. Donc, dans notre esprit, il s'agit d'omnipraticiens qui se sont dotés d'une formation en santé mentale. Donc, en sus de leur formation de médecin généraliste, ont une formation en santé mentale, qui, forcément, ont acquis une certaine expérience dans le domaine. Et cette formulation-là s'appliquerait à la fois aux psychologues et aux omnis.

Mme Malavoy: Quand on dit: On acquis une formation en santé mentale, c'est quelque chose de repérable de façon évidente? Je veux dire que c'est des sessions, des crédits. Je ne sais pas comment ça s'appelle, mais quelque chose de tangible que vous pourriez considérer comme étant valable.

Mme Marchand (Danièle): Bien, ce ne serait pas à nous de le faire, ce serait sans nul doute au Collège des médecins.

M. Thomas (Marcel): Il le faut.

Mme Marchand (Danièle): Et à l'Ordre des psychologues. Oui, on a nos propres critères. De toute façon, il y a déjà des outils qui existent. Il y a un répertoire canadien des psychologues offrant des services de santé. Il y a un certain nombre de critères très objectivables.

Mme Malavoy: Dans les faits, si on prend la situation actuelle, est-ce que ça va chercher une population de médecins assez importante, ça, qui ont une formation et une expérience?

Mme Marchand (Danièle): De médecins?

Mme Malavoy: Oui. Autrement dit, ce que vous rajoutez là, avec cette obligation que la formation et l'expérience relèvent de la santé mentale, pour ce qui est des médecins, est-ce que ça limite beaucoup par rapport à ce qui est dans l'article 2 ou est-ce que ça va chercher quand même bon nombre de médecins qui se sont dotés, pour différentes raisons, de formation en santé mentale?

Mme Marchand (Danièle): Nous, on peut répondre pour les psychologues, mais je pense que M. Rochon pourrait répondre sans doute beaucoup mieux que nous pour ce qui est des médecins.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Thomas a le goût de répondre quelque chose.

M. Thomas (Marcel): Bien, c'est la même chose. Je veux dire que, pour nous, ça va; pour les autres, je ne peux pas vous dire les chiffres vraiment. Je sais que, comme praticien du domaine, quand on a un omnipraticien qu'on connaît et qu'on voit qu'il a une formation, on voit; quand il n'en a pas, on voit aussi. Et, lui aussi, il est souvent bien mal pris dans ce domaine-là. Mais quand il a évolué dans le domaine, il a eu une formation puis il a eu une expérience, on peut discuter, on s'entend. Ce n'est pas là qu'est le problème.

Maintenant, quelles sont leurs structures à eux? Je ne sais pas. Combien y en a-t-il? Je ne sais pas. Il faudrait leur demander.

Mme Malavoy: O.K. Vous souhaitez restreindre à ces gens-là, dont vous ne savez pas combien ils sont. Vous souhaitez que, quand on parle des médecins, on parle de ceux qui ont une formation et une expérience en santé mentale.

M. Thomas (Marcel): Oui. Écoutez, c'est comme une expression dans laquelle on ne veut pas exclure – c'est ça, l'idée, hein – un certain nombre d'omnipraticiens qui ont cette formation-là et cette expérience-là. Le but principal, c'est que les psychologues soient reconnus. On ne veut pas exclure d'autres qui pourraient avoir cette expertise et être au niveau de l'article auquel on se place. On ne se place pas à l'heure, nous. C'est important. C'est très pointu actuellement notre demande. Ça vise ce type d'intervention, actuellement.

M. Doucet (Denis): Je voudrais juste resituer qu'on est dans le contexte de protection du public. Donc, si je veux protéger le public, je dois m'assurer que celui qui va exercer l'évaluation, ledit diagnostic, qu'il a toutes les compétences requises. C'est une évaluation qui est spécialisée. On parle d'examen psychiatrique, on ne parle pas d'une évaluation générale pour établir le niveau de santé d'une personne. Alors, pour nous, on insiste, ils ont mis l'emphase sur le mot protection du public. Et la meilleure façon de protéger, c'est de s'assurer que celui que je vais aller consulter a ce qu'il faut entre les mains en matière de compétence reconnue pour pouvoir le poser ce fameux diagnostic-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Très rapidement. Je ne sais pas si la question devrait s'adresser à vous ou au ministre comme tel, mais quand vous vous comparez aux autres sociétés avec lesquelles on est comparables, évoluées, etc., la place, le rôle, la fonction du psychologue dans un tel processus se situe comment? Est-ce qu'en Ontario, dans les États américains, en Europe, c'est reconnu ou pas?

(11 h 50)

Mme Marchand (Danièle): C'est parce qu'on n'a pas de données précises, M. Paradis, à vous fournir. Vous parlez de la place globale du psychologue dans la société, c'est ça?

M. Paradis: Non. Dans le type de problème qui est sous analyse présentement.

Mme Marchand (Danièle): Par rapport à l'application d'une loi analogue à la Loi sur la protection du malade mental, je ne saurais pas vous dire. Ce que je peux vous dire, c'est...

M. Paradis: Est-ce que vous pourriez, à moins que le ministère l'ait, le communiquer aux membres de la commission pour nous donner un éclairage additionnel?

Mme Marchand (Danièle): Ça nous fera plaisir. On pourra certainement très facilement vous l'obtenir des États-Unis. Pour l'Europe, je ne sais pas. M. le ministre, vous avez peut-être des données.

M. Rochon: Je ne saurais pas vous dire spontanément, ni dans le cadre d'une loi aussi spécifique de protection du malade mental, ni de façon plus générale. Je sais qu'il y a d'autres professions aussi. Je pense aux optométristes, par exemple, où il y a tout un dossier qui se monte pour voir si, à différents endroits dans le monde, il y a des diagnostics, dans des situations très précises, qui peuvent être posés par d'autres qu'un médecin. Il y a une pression générale qui va dans ce sens-là. Ça, c'est sûr.

Mme Marchand (Danièle): Cette pression-là, elle est très forte. Aux États-Unis, en tout cas, dans le même sens.

M. Rochon: C'est ça. C'est pour ça que je faisais référence – ce n'était pas seulement pour chercher une voie d'évitement – à ce qui se passe au Québec avec la réflexion qui est encadrée par l'Office des professions. Il y a là aussi cette réflexion-là au Québec. Je veux dire que ce n'est pas un avenir qui est bouché, ça, puis ce n'est pas tout noir de ce côté-là. C'est assez complexe. Je pense qu'on le reconnaît tous. Il y a une volonté réelle de voir – les choses étant aujourd'hui ce qu'elles sont, dans le domaine des pratiques professionnelles – s'il y a des choses qui pourraient ou qui devraient se faire autrement. Alors, il y a une mouvance de ce côté-là. C'est clair. Mais on pourra faire le point où on en est dans tout ça, nos connaissances, nos informations là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Doucet, commentaire additionnel, si j'ai bien compris.

M. Doucet (Denis): Oui. C'était juste pour un petit peu répondre à la question. Sans être capable de chiffrer, ce qu'on sait, c'est que, en Europe, on ne peut pas être passible, pour un professionnel, de poursuite si la personne quitte et va se suicider. Alors que, ici, en Amérique du Nord, c'est une distinction importante. Ça fait qu'il faut aussi s'asseoir, je pense, dans la réflexion, sur des valeurs culturelles qui sont différentes. Ici, on a cette possibilité-là de poursuivre le professionnel. Ça veut donc dire que, à quelque part, on le responsabilise bien davantage par rapport à la décision qu'il va prendre en situation d'urgence psychiatrique par rapport aux cultures européennes. Ça, ça donne un diapason qu'il ne faut pas juste mettre une ceinture, mais mettre des bretelles en plus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Rochon: Moi, je ne veux pas, le temps achève, repartir la discussion sur une autre voie, mais, même si votre mémoire porte strictement, à toutes fins pratiques, sur l'article 2... Je ne veux pas vous forcer à ouvrir sur d'autres choses si votre réflexion n'est pas rendue à ce niveau-là, mais pour le cas où vous auriez quelque chose à nous dire sur deux choses en particulier.

L'article 8 qui introduit l'agent de la paix comme un acteur dans la situation, dans le cadre qui est défini par l'article 8, pour aider à amener quelqu'un dans une salle d'urgence, est-ce que, dans votre pratique, en quelques minutes, vous avez une opinion plutôt favorable ou vous suggérez des restrictions là-dessus? Et l'article 12, qui parle de ce qu'on peut appeler la garde à distance. Il y a un débat là-dessus qui n'est pas clair. Je voudrais juste savoir si vous avez une opinion là-dessus que vous n'avez pas développée dans votre mémoire et que vous seriez prêts à nous communiquer, sans vous forcer.

Mme Marchand (Danièle): L'Ordre ne s'est pas prononcé là-dessus, M. Rochon. Alors, si vous permettez, on ne le fera pas au nom de l'Ordre. Si Marcel, ou Denis, ou Jean-Guy ont des opinions, ça serait à titre individuel.

M. Rochon: Pas un diagnostic, juste une opinion, là.

Mme Marchand (Danièle): D'après leur pratique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Thomas, vous avez le goût d'y aller.

M. Thomas (Marcel): Pour le 12, en tout cas, parce que je suis bien placé pour ça. Bien oui. J'écoutais les gens qui nous ont précédés. Je travaille dans un hôpital où on a des gens sous mandat à profusion. Qu'est-ce que vous pensez qui arrive avec le temps? Il faut les sortir, sauf si on les déclare vraiment comme tellement malades et tellement dangereux – les deux sont souvent très liés – qu'on ne peut pas procéder différemment et qu'on doit recommander à la Commission d'examen, année après année: Bien, écoutez, je pense qu'il faut continuer à le garder. Qu'est-ce que vous pensez qui arrive avec la majorité des autres? C'est graduellement un retour dans la société.

C'est vrai que, au début, c'est accompagné, pour un certain temps, mais c'est vrai aussi que, à un moment donné, il faut le laisser aller seul, bien sûr. Je pense que c'est dans la logique même de la liberté. À moins qu'on prouve, hein, il faut le prouver, qu'on doit garder. Il faut libérer dans des conditions, évidemment, où la sécurité du public est assurée et où, cliniquement, les choses évoluent pour le mieux être aussi du patient. Tout ça considéré. Parce qu'il s'agit de cas comme ça.

Tout à l'heure, j'étais estomaqué d'entendre: Bien, oui, mais qu'est-ce qu'on fait quand on est dans un hôpital psychiatrique puis qu'on a des cas de mandat? On fait quoi, là? On les libère toujours avec des gens qui les accompagnent tout le temps, toujours? Vous savez que ces réinsertions sociales peuvent durer parfois trois ans, quatre ans. Notre patient, c'est à la petite cuillère, tranquillement pas vite. On est vraiment prudents par rapport à ça. Mais, à un moment donné, il faut qu'il aille tout seul, comme un grand garçon ou une grande fille. Puis, il nous revient, et là, on regarde avec eux ce qui s'est passé.

M. Rochon: Le retour progressif, vous le pratiquez un peu?

M. Thomas (Marcel): Un peu, pas mal, M. le ministre. Écoutez, effectivement. Il y en a, parfois, que ça sera simplement le foyer, parce qu'ils ne peuvent pas vivre en société, mais ça ne nous empêche pas de les envoyer là tout seuls, faire des tours, rencontrer les gens. Il faut, à un moment donné, que ça soit la liberté qui prime et la coercition qui est l'exception. Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, nous recommençons nos travaux en recevant l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique. M. Greenbaum, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent et débuter votre présentation.


Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique

M. Greenbaum (Ura): Oui. Moi, je suis le directeur général de l'Association. À ma droite, il y a Mme Cécile Beck, qui est la secrétaire de l'Association, et, à ma gauche, M. Jean-Guy Potvin, le vice-président de notre Association.

Nous remercions la commission pour nous avoir invités et pour nous permettre de nous exprimer sur cette question. Nous avons préalablement fourni une copie de notre mémoire au Secrétariat. Je ne sais pas si les membres ou les députés ont eu l'opportunité d'en prendre connaissance. De toute façon, je vais le lire au long, vu qu'il n'est pas trop long et ça ne va pas prendre trop de temps.

Alors, l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique, si les membres ne la connaissent pas, est un regroupement des usagers de la curatelle publique et de leurs sympathisants à travers toute la province. Nous avons des membres de Hull jusqu'à Gaspé, de Chicoutimi, dans le nord, jusqu'à Hemmingford, dans le sud. Nous couvrons toute la province. Principalement, elle aide les usagers dans leurs rapports avec la curatelle publique et elle surveille le fonctionnement de la curatelle publique. Ceci est arrivé et est un besoin parce que, dans nos analyses, nous avons déterminé qu'il n'y a aucun autre organisme public à qui on peut s'adresser pour corriger ou remédier aux problèmes que les gens subissent ou éprouvent avec la curatelle publique.

C'est une lacune dans l'organisation institutionnelle publique en ce moment, mais, ça, c'est pour un autre endroit, pas cette commission-ci. À l'encontre des autres associations reliées au domaine de la santé mentale, notre Association est composée de personnes aptes et inaptes, c'est-à-dire des personnes malades mentales qui, ensemble, poursuivent des buts communs. Ceci nous sépare des autres intervenants, parce que la plupart des autres intervenants dans ce domaine-là, d'habitude, sont d'un côté ou d'un autre et, nous, nous nous regroupons. J'espère que nous représentons un certain consensus sur les quelques questions que nous avons soulevées, à cause des diverses perspectives qui sont combinées dans notre Association. Nous avons un intérêt particulier dans le projet de loi n° 39 parce que, parmi nos membres, nous comptons des gens souffrant de maladie mentale, les parents et famille de ces malades, les aidants naturels et des sympathisants. Nous sommes une représentation, si vous voulez, du domaine de la société, minuscule, entourant les malades mentaux, et ensemble nous poursuivons ce but.

Ce sont des gens intéressés et touchés par les effets directs ou indirects de la maladie mentale; directs, à cause que les membres sont soit malades, ou leurs parents, ou indirects, parce qu'ils peuvent subir les conséquences de la personne qui est malade, comme les membres de la famille veulent vivre leurs propres problèmes à cause de ces maladies-là. Alors, ils sont touchés directement ou indirectement, et par d'autres effets, comme l'inaptitude, les régimes de protection et la curatelle publique, qui fait partie des régimes de protection. Alors, à cause de ce lien, nous avons un intérêt pour un certain aspect de ce projet de loi.

Notre mémoire est divisé en trois parties: il y a les commentaires généraux, philosophiques, si vous voulez, ou en général; il y a d'autres parties sur des aspects particuliers qui concernent nos membres et sur lesquels nos membres sont arrivés à un consensus; et enfin, les commentaires sur la curatelle publique, qui a un rôle dans cette loi ou ce projet de loi. Nous allons aborder ces trois parties.

D'abord, la loi s'intitule Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale, mais, contrairement au titre, elle ne vise pas toutes les personnes atteintes de maladie mentale, elle s'applique uniquement aux personnes présentant un danger imminent pour elles-mêmes ou pour autrui. Donc, elle ne regarde pas les malades mentaux dociles, comme le laisse entendre son nom, mais seulement la catégorie des dangereux. Le titre de la loi donne une mauvaise idée de son but ou objectif. On peut dire que ça peut, dans un certain aspect, fourvoyer les gens, pour l'instant. Mais un titre imprécis, et c'est l'important ici, peut souvent indiquer des objectifs confus. Est-ce que la loi porte sur les malades mentaux dangereux ou sur leur traitement ou sur leur isolement ou incarcération? L'objet de cette loi est uniquement l'examen et la garde de la population dangereuse, mais on n'y parle pas de leur traitement. Si aucune disposition pour leur traitement n'est incluse, la loi qui cherche la protection du malade mental n'est-elle pas un prétexte pour incarcérer la personne, et rien d'autre?

Ensuite, la deuxième partie qui nous intéresse ici, sur les commentaires généraux, et ça préoccupe nos membres énormément: Qu'est-ce qui arrive des malades mentaux non dangereux, si c'est une loi pour la protection de tous les malades mentaux, comme le titre le laisse penser? Ils sont les plus nombreux et présentent les plus graves problèmes de santé et les problèmes sociaux, comme tout le monde sait, qui se promènent dans les rues ici, mais rien ne leur est offert par la présente loi. Je me rappelle avoir assisté à une conférence où un avocat criminaliste, sensibilisé et sympathisant aux problèmes que vivent les malades mentaux et leur famille, a suggéré aux parents et aux aidants naturels de fermer leurs yeux à la perpétration des infractions criminelles par ces malades mentaux comme une stratégie pour les faire arrêter, examiner et obligatoirement pris en charge par les autorités responsables de la santé et des services sociaux. Faute d'une autre façon d'obtenir des soins pour les malades mentaux non dangereux, une insouciance envers la criminalité devient le remède, et ça, c'est l'expérience que les gens vivent à ces moments-là. Et je crois que c'est bien connu ici aussi.

(15 h 30)

L'objet de cette loi est l'examen psychiatrique et la garde obligatoire des malades dangereux sans leur consentement. Cependant, il n'y a aucune définition de «danger». Est-ce que le danger pour soi-même ou pour les autres doit être physique seulement, à la vie ou lésions corporelles, ou est-ce que ça comprend les aspects mentaux, émotionnels, financiers et matériels? À titre d'exemple, un cas concret, un maniaco-dépressif en état d'hypomanie peut avoir besoin d'être gardé pour éviter un danger de gaspillage irresponsable de ses fonds ou de ceux des parents qui sont requis pour leur survie. Est-ce qu'une telle personne constitue un danger, en vertu de ce projet de loi? Est-ce que toute contravention, même mineure, qui amène à la prison, à l'arrestation, constitue un danger pour soi-même ou pour autrui?

Cette lacune, et ça provient du Code civil du Québec, ne trouve aucune solution dans la présente loi. La signification de ce terme peut demeurer vague et être laissée à la discrétion des juges, pour les fins civiles. Mais, aussitôt que c'est en droit criminel, comme ici, et que ça implique l'amputation des droits de la personne, comme ici, dans ce projet, une plus grande rigueur et précision sont exigées.

Il y a un aspect pratique aussi, si on peut arriver à une définition ou à une entente sur quelles situations ou quels faits constituent ce danger imminent. Si le danger n'est pas défini, alors il n'y a aucune façon objective de savoir quand il cesse et quand la garde se termine. Sans une définition, le concept reste nébuleux et subjectif et il peut se prêter à des abus par l'interprétation et l'application variable de la loi, évidemment.

Ensuite, être dangereux n'est pas une maladie, être dangereux n'est pas un crime. La base de cette loi, le fond de cette loi, c'est être dangereux, mais ce n'est ni un crime ni une maladie. La finalité de la garde n'est nulle part mentionnée. Est-ce que le but de la garde forcée est de les rendre moins dangereux, de guérir la maladie mentale, ou seulement de les incarcérer pour un temps indéfini?

La source du problème des personnes atteintes de maladie mentale n'est pas le dangerosité, mais la maladie. La loi traite de l'effet de la maladie, le dangerosité, mais non pas de la cause qui est commune à toutes les personnes atteintes de maladie mentale, dangereuses ou paisibles. Comme j'ai dit au départ, une loi, à notre avis, qui vise les personnes malades mentales doit comprendre et viser toute la population et non pas une simple catégorie, si elle veut traiter le problème.

Ensuite, nous progressons au chapitre 2, les commentaires spécifiques sur des chapitres contenus dans le projet de loi. Il y a d'abord le chapitre sur l'examen psychiatrique. Nous proposons que la famille, ici, vu que nous regroupons les malades mentaux, leurs parents et tous les acteurs dans ce scénario, soit contactée afin d'apporter des renseignements. Dans la plupart des cas, la famille n'est pas un ennemi, mais une aide et une ressource, d'autant plus dans le cadre des politiques de désinstitutionnalisation et du virage ambulatoire où le secteur public exige une plus grande implication de la part de la communauté. Alors, comment justifier d'exclure les parents ou la famille immédiate au moins des renseignements, si on est en même temps en train d'impliquer la communauté et la famille dans tous les cas de maladie?

Pour une plus grande précision et compréhension de tous les éléments à être incorporés dans le rapport psychiatrique, nous proposons l'ajout, à l'article 3, que tous les éléments soient en plus des exigences de l'article 29 du Code civil. Ça fait référence à l'article 3. On sait que l'article 3 et tous les articles sur l'examen psychiatrique suppléent le Code civil, mais il serait plus clair et prend une plus grande précision si on faisait clairement état que le rapport psychiatrique doit comprendre les exigences de l'article 3 et les exigences de l'article 29 du Code civil, pour que ce soit bien clair.

Ensuite, sur le chapitre II: la garde provisoire et la garde prolongée de la personne atteinte de maladie mentale. L'article 7 prévoit que tout médecin peut admettre dans un établissement de santé, pour une période de 48 heures, le malade mental présentant un danger. Maintenant, ça, ça pose certains problèmes pour les familles et les parents. Dans un contexte de compressions budgétaires sévères et de réduction de personnel que nous vivons actuellement, est-ce qu'un délai de 48 heures est réaliste, une fois qu'une personne est censée être une personne dangereuse imminente?

D'habitude, un policier qui procède à l'arrestation du malade mental dangereux devrait l'amener au poste de police, devrait remplir des documents officiels, devrait communiquer avec l'établissement de santé, devrait arranger le transport, devrait attendre l'arrivée du véhicule de transport, devrait amener de manière sécuritaire le malade mental, devrait attendre l'admission et devrait remplir les documents de transfert et d'admission. Ensuite, le personnel de l'établissement doit l'installer, doit attendre la disponibilité d'un psychiatre, doit effectuer son analyse, doit rédiger son rapport et doit le faire amener au destinataire, souvent la cour.

Est-ce que toutes ces démarches peuvent être réalisées à l'intérieur de ce délai, surtout dans le contexte que nous vivons actuellement? Et ça, c'est un grand souci pour les membres de la famille. Un délai plus flexible, plus libéral, permettrait un examen sérieux, dans des conditions humaines, à notre avis, pour les membres de notre Association.

Nous suggérons qu'il soit exprimé clairement que l'avis du médecin soit consigné dans un rapport répondant aux exigences de l'article 3 de la présente loi ainsi que de l'article 29 du Code civil. Ensuite, l'article 8 s'applique seulement aux cas de danger imminent, mais, encore une fois, ce que nous avons soulevé tout à l'heure, on ne spécifie pas ce que veut dire «danger» ou «danger imminent».

À l'article 12, où on prévoit les absences temporaires, une autre question d'aspect juridique relative aux droits de la personne se pose: Si le médecin est d'avis que le malade mental ne présente aucun risque, quelle est la justification de sa garde forcée? Il nous semble, en discutant au sein de notre membership, qu'il y a une contradiction fondamentale, et ça peut poser certains problèmes juridiques.

La plupart des maladies mentales sévères sont chroniques, et ça, ça nous inquiète beaucoup. Il n'y a pas de guérison; il n'y a pas de cure permanente. Les pires symptômes sont enrayés seulement temporairement par la médication. La médication peut supprimer certains effets de la maladie, comme la dangerosité de la personne. Cependant, les médicaments doivent être consommés régulièrement, à défaut de quoi les comportements indésirables, voire dangereux, reprendront.

La libération sans suivi n'amène que récidivisme, ce qu'on appelle le syndrome de la porte tournante. Ceux de la profession médicale sont bien familiers avec ce problème. C'est le coeur, d'ailleurs, de nos problèmes dans ce domaine. Sans des dispositions sur le suivi, comment le malade mental dangereux et la société seront-ils protégés par cette loi? Alors, il doit y avoir des dispositions pour le suivi des traitements prévues dans cette loi pour que la loi soit efficace.

Les droits et recours. Dans le chapitre III sur les droits et recours, on prévoit l'information et la révision de toute décision. Nous estimons que des règles prévoyant les renseignements aux membres de la famille doivent être incorporées, comme j'ai dit tout à l'heure, parce que la famille fait partie de l'équipe, de l'entourage, et doit être ou bien protégée contre le danger du malade mental dangereux ou bien informée pour aider et soigner le malade mental dangereux. Alors, il y a un intérêt. Et les règles concernant la confidentialité doivent être assouplies et libéralisées pour permettre à la famille d'obtenir les renseignements nécessaires pour jouer son rôle pleinement.

(15 h 40)

En ce qui concerne les mesures de protection, le chapitre IV, nous avons une petite observation. Les produits pharmaceutiques sont souvent utilisés comme une camisole de force pour tranquilliser les patients, au lieu que pour des fins thérapeutiques. Nous aimerions assurer un contrôle plus serré et une plus grande responsabilisation, et nous proposons qu'à l'article 24 la nature, le dosage, la fréquence de la substance chimique et l'identité des personnes l'ayant autorisée et administrée soient inscrits dans tout rapport psychiatrique pour, comme je l'ai dit, une plus grande responsabilisation et un meilleur contrôle.

En ce qui concerne le chapitre sur les dispositions de concordance et finales, il y a quatre lois au moins, en ce moment, qui régissent les personnes atteintes de maladie mentale: le Code civil, le Code de procédure civile, la loi sur les établissements de santé et les services sociaux et la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Et deux juridictions: la Cour supérieure et la Commission des affaires sociales. Alors, pourquoi ne pas avoir une seule véritable loi compréhensive et intégrée pour toutes les personnes atteintes de maladie mentale, quelles que soient les caractéristiques de leur maladie, soit-elle dangereuse ou non dangereuse?

Notre dernier chapitre porte sur les commentaires sur la curatelle publique, ce qui est le principal but ou objectif de notre Association. À part les intérêts des personnes inaptes et de leurs parents, nous sommes très préoccupés par le fonctionnement de la curatelle publique. La présente loi prévoit un rôle pour la curatelle publique: dans deux cas, le Curateur public peut fournir un consentement substitué pour autoriser les traitements pour la personne atteinte de maladie mentale; dans deux autres cas, le Curateur public peut être contacté afin d'aider et d'être une ressource pour la personne atteinte de maladie mentale dangereuse.

Cependant, si, dans le projet de loi, le Curateur public peut autoriser un examen psychiatrique et la garde en établissement, et qu'il peut être consulté par le malade mental pour de l'aide, il doit être capable de fournir des services et un soutien efficace. Cela n'est pas le cas présentement. Le 24 octobre 1993, un article publié dans le quotidien montréalais The Gazette dévoilait qu'en tout 40 responsables clients de la curatelle publique s'occupaient de 13 500 protégés. Dans l'édition du 25 mars 1996 du même journal, Mme Nicole Fontaine, l'ancienne Curatrice privée, a avoué: «There's no way her 250 employees can closely supervise care for all her wards. We need an army to do that. It's obvious that we can't even spend an hour a week on each client.»

Dans un rapport déposé le 27 décembre 1996, portant sur le décès de M. Michael Claus, un protégé de la curatelle publique, le coroner Gilles Perron a constaté que la mort est arrivée dans un incendie provoqué par ce monsieur. Le coroner a reproché la négligence du Curateur public de ne pas s'occuper adéquatement de la personne.

Dans un deuxième rapport du coroner Roger Michaud, déposé le 29 janvier 1997, portant sur le décès, le 13 mars 1996, de Mme Marguerite Paquet, une protégée de la curatelle publique aussi, le coroner a blâmé la mort sur les erreurs du Curateur public dans les deux sphères de sa mission, donc toute sa mission.

En plus de ces épouvantables avis et reproches, le 4 septembre 1996, l'émission Prenez un numéro , sur le poste Télé-Québec, a diffusé ainsi une déclaration par Me Daniel Jacoby, le Protecteur du citoyen: «J'ai commencé une enquête sur la curatelle publique parce que nous pensons que la curatelle publique n'a pas encore compris pleinement son rôle de gardienne des droits de la personne. Et je vais être d'autant exigeant que c'est la curatelle publique, elle-même un organisme de protection des droits.»

Le Vérificateur général se voit systématiquement obstruer la voie dans ses tentatives d'examiner la gestion du Curateur public des 200 000 000 $ d'avoirs appartenant à ces protégés inaptes. À la conclusion de la séance du 27 novembre 1996 de la commission des institutions, ici, le président, M. Roger Paquin, si je ne me trompe pas, a reproché à la curatelle publique dans les termes suivants: «Je pense, au nom de l'ensemble des parlementaires qui sont ici, déceler, comme vous avez pu le déceler, qu'on souhaite que vous réappréciiez votre point de vue concernant les démarches du Vérificateur général et aussi du Protecteur du citoyen.»

C'est l'état actuel du dossier sur la curatelle publique et cela soulève des questions pour nous en ce qui concerne le projet de loi ici. Qu'est-ce que ça donne de demander au Curateur public les consentements à la garde forcée, quand il n'a ni les ressources ni la compétence de prendre des décisions d'une telle gravité? Qu'est-ce que ça donne d'informer un organisme auquel on ne peut pas se fier? À quoi ça sert de faire appel à un organisme dans lequel les usagers qui font partie de notre Association n'ont pas confiance?

En plus, un autre aspect – et j'arrive vers la fin – parmi 12 500 personnes actuellement sous curatelle publique, plus de 4 000 sont des malades mentaux. Comme représentant et protecteur des droits de ces protégés, il doit prendre leur défense en même temps qu'il consent à leur garde et soin. Il s'agit d'un conflit d'intérêts évident. Comment le Curateur public peut-il prendre leur défense quand qu'il est obligé de consentir pour eux en même temps? Alors, c'est quelque chose auquel on doit réfléchir, de l'avis des membres de notre Association.

J'arrive à la conclusion. Suite aux résultats de la recherche neurologique Les nouveaux outils pharmacologiques et l'évolution de l'attitude sur la maladie mentale dans la société , il n'y a pas de doute que les traitements des personnes atteintes de maladie mentale méritent d'être améliorés. Il y a un besoin et il est dû, et nos membres le savent autant que personne dans la société ou dans cette commission. Dans ce sens, la présente démarche est bienvenue, mais elle est loin d'être suffisante. Les termes et les objectifs doivent être mieux étudiés et articulés et des précisions doivent être apportées à certaines dispositions que nous avons énoncées auparavant. Le rôle et l'efficacité de la curatelle publique doivent être analysés aussi, selon nos commentaires et observations.

Nous estimons qu'une réforme plus large et généralisée des règles sur les personnes atteintes de maladie mentale, dans tous les aspects, serait plus utile et plus constructive. Je vous remercie, les membres de cette commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous avez compris que je vous ai laissé quand même prendre le temps voulu pour terminer votre mémoire. J'invite dès maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je vous remercie beaucoup de venir nous témoigner de votre expérience, soulever de très bonnes questions, nous faire des propositions intéressantes.

Moi, je voudrais poser une première question sur ce qui m'apparaît assez central dans vos commentaires et très important pour le projet de loi aussi, qu'est cette notion de danger ou de dangerosité. Dans des commentaires qu'on a entendus jusqu'à maintenant, je pense qu'on peut dire qu'on sent qu'il y a deux tendances. Dans certains cas, on nous suggère qu'on devrait aller beaucoup plus loin pour définir dans la loi ce concept, cette notion de danger ou de dangerosité. Par contre, d'autres nous disent qu'il y a un aspect de jugement clinique, de jugement professionnel. Des situations peuvent être assez complexes. Donc, on a intérêt de quand même camper dans le projet de loi la notion, mais de ne pas trop en mettre dans la loi pour qu'il y ait plus de flexibilité à l'usage.

Si on veut tenir compte des deux aspects, c'est peut-être un peu la balance des inconvénients qu'on regarde, plus qu'une situation d'absolue perfection. On peut penser à la réglementation de la loi qui est plus souple quant à des modifications, des ajustements qui donnent un certain encadrement. Je comprends que votre position à vous, c'est qu'on devrait aller plutôt du côté... d'en mettre plus que moins dans la loi pour mieux protéger le malade mental, ou si vous nous demandez de préciser un peu le concept mais en laissant quand même pas mal de marge de manoeuvre pour l'application clinique de la situation?

(15 h 50)

M. Greenbaum (Ura): Étant donné que nous représentons les deux tendances au sein de notre Association, évidemment nous avons ce même conflit à l'intérieur. Ce n'est pas facile, et c'est la même chose dans toutes les provinces. Tout le monde a eu de la difficulté et laisse, pour l'instant, simplement le terme «danger» ou un autre équivalent, «risque», je crois, ou quelque chose comme ça. Le législateur, d'après les études que j'ai vues, n'ose pas vraiment entrer dans cette problématique-là, mais, par contre, se répète toujours le même problème, ça évite de régler le problème au lieu d'arriver à une solution. Peut-être que c'est justement l'objectif et le but, d'éviter d'arriver à une solution, mais, quand on évite un problème, ça cause des problèmes plus sérieux au bout de la ligne. C'est surtout ça qu'on essaie d'éviter, en arriver à une plus grande précision si on peut y arriver. On est bien conscient qu'il y a des perspectives contradictoires là-dessus et que c'est un débat très épineux. On n'a pas de solution, on n'a pas de terme à vous suggérer, mais on a soulevé simplement les observations et les problèmes qui peuvent arriver s'il n'y a pas une meilleure définition, une plus grande précision de ce concept-là. Nous signalons le problème sans offrir de solution. Ça, nous le laissons aux parlementaires qui font les lois.

M. Rochon: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. M. Greenbaum, il y a un aspect qui n'a pas été abordé dans votre mémoire, c'est peut-être volontairement – il y en a qui l'ont abordé, d'autres qui ne l'ont pas abordé – toute la question de la médication des gens qui souffrent de problèmes et l'implantation d'un régime d'assurance-médicaments comme tel. Vous avez des membres un peu partout, vous avez des connaissances de ce qui se passe sur le terrain. Est-ce que le régime, tel qu'il existe présentement et tel qu'il est appliqué, va bien ou est-ce qu'on rencontre, dans le quotidien, des problèmes, soit sur le plan monétaire, soit sur le plan d'autres facteurs et d'autres critères? Et quels sont ces facteurs et critères dans l'application du régime?

M. Greenbaum (Ura): Effectivement, vu que vous soulevez la question, on est bien conscient de ce qui se passe actuellement dans la société parce que nous regroupons, comme j'ai dit, je le répète, les malades mentaux et leurs parents qui s'occupent d'eux. Nous avons entendu beaucoup d'histoires ou vous les avez vues à la télévision, j'imagine, et dans les médias écrits aussi. C'est public et c'est bien connu. Le présent régime d'assurance-médicaments a un effet négatif, nocif sur les malades mentaux et, par ricochet, sur les familles aussi. Il y en a qui souffrent par manque de ressources, donc d'argent, et qui ne prennent pas leurs médicaments. On en a vu. Nous sommes en contact avec l'organisme Jeunesse au soleil et, eux, ils font une grande campagne à Montréal pour aider tous ces gens qui n'ont pas les moyens de se permettre les médicaments. Il y en a, des malades mentaux aussi, je peux vous avouer. J'ai vu même ces familles-là. Et le présent régime a des effets négatifs sur ces gens, il n'y a pas de doute, c'est constaté déjà.

M. Paradis: À la page 6 de votre mémoire, vous nous avez parlé du phénomène qui est connu ou le syndrome de la porte tournante comme tel, et vous dites: Sans des dispositions sur le suivi, comment le malade mental dangereux et la société seront-ils protégés par cette loi? Vous parlez également de maladie mentale sévère et chronique. Vous connaissez l'état de la situation, on s'apprête à fermer 3 000 des 6 000 lits comme tels au Québec. Est-ce que, dans la société, on a présentement les capacités d'accueil à l'extérieur des institutions pour pourvoir au bien-être de ces personnes?

M. Greenbaum (Ura): Moi, personnellement, je suis trempé dans ce domaine. C'est pourquoi je suis porte-parole ici aujourd'hui. Je peux vous dire certainement que c'est énorme souci pour les associations communautaires des malades mentaux et leur famille et pour les associations dans leur entourage, à la périphérie, comme nous autres, là. Non. Ça, c'est un énorme problème parce que...

M. Paradis: Vous sentez qu'on apporte présentement des moyens d'aider les gens... Est-ce qu'on ajoute des ressources? Est-ce qu'on vous aide davantage, comme association? Est-ce qu'il y a une action autre que la désinstitutionnalisation qui est sentie sur le terrain?

M. Greenbaum (Ura): Des efforts ont été entrepris. On l'a entendu à la radio, à la télévision, dans les journaux, mais les résultats, les démarches concrètes, on n'en a pas encore senti parmi la population, parmi les acteurs qui sont sur le terrain, si vous voulez. Il n'y a pas, à notre avis, et c'est un grand problème à ce moment-là, assez de ressources communautaires pour recevoir tous les malades mentaux. Il y en a des dangereux de temps en temps, s'ils ne prennent leurs médicaments. Ils peuvent être paisibles, mais devenir dangereux. C'est ça, le problème, et c'est pourquoi nous sommes ici.

Parce qu'il n'y a pas seulement ceux qui sont dangereux, il y a ceux qui sont potentiellement dangereux mais pas imminents dangereux. Et ce n'est pas touché dans la loi. Et ces gens-là sont affectés par les coupures des lits dans les hôpitaux et établissements psychiatriques à ce moment. C'est vraiment coupé parce qu'il n'y a pas suffisamment de ressources. Il y en a quelques-unes, mais elles sont loin du nombre dont on aura besoin avec la fermeture des lits et l'expulsion des gens, avec la désinstitutionnalisation. Nous avons des cas, dans notre Association, des familles qui se plaignent, à qui c'est arrivé. Si j'avais le temps, je pourrais vous raconter. Ça apporterait des larmes aux yeux.

M. Paradis: O.K. Le chapitre 3 de votre mémoire porte sur un sujet, vous avez dit, qui vous tient à coeur: toute la question de la curatelle publique. Vous faites mention de deux rapports de coroner suite à des décès. Vous indiquez également les interventions du Vérificateur général comme telles qui, sauf erreur, se répètent d'année en année. Et c'est un refus systématique de la curatelle publique d'ouvrir ses livres à la vérification du Vérificateur général, puis on a de la difficulté à comprendre pourquoi. Vous citez également le député de Saint-Jean, Roger Paquin, qui, comme président de la commission, s'est adressé à la curatelle publique en émettant le voeu – parce que, lorsque s'est émis par la présidence, habituellement, on peut dire un consensus de la commission des institutions dans ce cas-là.

Est-ce que vous pensez que le projet de loi que vous supportez dans son ensemble a des chances de succès dans son application s'il n'y a aucune modification qui est apportée au niveau de la curatelle publique?

M. Greenbaum (Ura): En ce qui concerne le rôle du Curateur public dans sa loi, moi – et à cause de ce que nous avons vu, vécu et entendu de tous nos membres, c'est épouvantable, la situation actuelle – non, son rôle, les erreurs, l'incompétence que nous avons constatée dans les dossiers que nous avons dans notre Association, dans nos archives, vont se répéter et aggraver parce que, je vous ai dit, il y a un paquet d'institutions publiques, comme je vous ai fait sortir dans le mémoire, qui ont déjà critiqué le comportement du Curateur public. Il n'y a pas de changement, c'est la même institution. Il ne sera pas en mesure de s'occuper de toutes ces responsabilités dans ce projet de loi, tel quel, à cause de ce que nous avons vu dernièrement et tout ce que nous avons ressorti dans notre mémoire. En ce moment, il ne peut pas répondre aux problèmes que ce projet de loi soulève.

M. Paradis: O.K. Si le ministre le permet, à ce moment-ci, compte tenu que c'est un point soulevé qui apparaît prioritaire pour les intervenants, est-ce qu'il y a eu consultation avec le ministère de la Justice, dans l'interministériel, pour s'assurer que des modifications soient apportées de façon à ce que la loi qui va être étudiée puisse recevoir une application qui est correcte? Si ça n'a pas encore été fait, est-ce que vous envisagez de le faire?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, M. le ministre.

M. Rochon: Moi, si je comprends bien ce que vous soulevez en rapport avec la curatelle publique, ce n'est pas vraiment en lien avec la loi. C'est vraiment les ressources qu'a le Curateur – ou la Curatrice publique, maintenant – des ressources suffisantes pour remplir ses responsabilités et ses fonctions.

Mais ça, c'est en lien avec les orientations ministérielles en santé mentale – qu'on va sortir très, très bientôt – qui viennent à la suite des travaux qui ont été faits et beaucoup de consultations au cours des dernières années, mais qui vont donner une dernière étape de consultation vraiment sur comment mieux développer dans la communauté des ressources dont vous parlez, dont vous avez besoin. Je pense que tout le monde s'entend qu'il en faut plus. Il y en a plus qu'il y en avait, mais tout le monde est d'accord qu'il faut qu'on fasse plus. Et c'est plus sur le comment qu'il faut voir, et comment à Montréal par rapport à comment en Gaspésie, et comment sur la Côte-Nord; ce n'est pas évident qu'on peut faire de la même façon.

La Curatrice publique va être impliquée dans cette consultation, parce qu'il y a beaucoup de problèmes que la Curatrice publique a à régler qui vont être faits différemment selon les ressources qui seront mises de ce côté-là, dépendant de son arrimage aussi avec les groupes communautaires, par exemple, et des ressources qui sont données dans la communauté. On ne peut pas les prendre isolés les uns des autres. Il faut vraiment regarder dans l'ensemble.

(16 heures)

Alors, si j'ai bien compris la situation, ce n'est pas dans cette loi-là – et ça, je reviendrai à une autre question, tout à l'heure, qui est très pointue sur la protection du malade mental, à l'égard de certaines questions, par rapport à l'ensemble des services – c'est la gamme des services qui doivent être offerts au malade mental, et là intervient plus la question de la curatelle publique que dans la loi elle-même. Mais, corrigez-moi si j'ai mal compris.

M. Greenbaum (Ura): Effectivement, ce que nous soulevons, la question de la curatelle publique, est marginal à la loi ou au projet de loi. Mais, tout de même, c'est notre préoccupation. Et nous avons été invité, j'imagine, surtout sur cet aspect-là, même s'il est périphérique ou marginal.

M. Rochon: C'est excellent. Je ne vous reprochais pas d'avoir profité de l'occasion pour parler de ça aussi, mais je répondais à la question de mon collègue.

M. Greenbaum (Ura): Pas profiter uniquement d'en parler, mais, par rapport au rôle que donne ce projet de loi, il y a un rôle pour la curatelle publique et, effectivement, il faut l'étudier comme partie de la loi.

M. Paradis: Vous avez maintenant la commission des institutions qui est sensibilisée et qui, par la voie de sa présidence, a demandé des modifications; vous avez maintenant la commission des affaires sociales qui l'est, à un moment donné, vous allez avoir fait le tour et on ne pourra plus, sous quelque considération que ce soit, se renvoyer la balle et dire que ça dépend de quelqu'un d'autre. Vous allez avoir fait le tour des commissions parlementaires et tous les parlementaires vont être sensibilisés. Moi, je le répète, année après année, le Vérificateur général fait une sortie dans son rapport, les enjeux sont quand même importants sur le plan financier et sur le plan humain. Le Protecteur du citoyen s'en est mêlé. Deux rapports du coroner. Je le dis aux députés qui sont membres du caucus ministériel ou au ministre qui est membre du Conseil des ministres, ça m'apparaît une situation qui a débordé dans le temps.

M. Rochon: Qui existe depuis très longtemps.

M. Paradis: Oui, qui a débordé dans le temps. Et je n'ai pas de difficulté à le dire, mais il faut la corriger. À un moment donné, il faut arrêter d'en parler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Maskinongé.

M. Greenbaum (Ura): Si je peux faire un commentaire à M. Paradis. Les critiques de la part du Protecteur du citoyen, si vous regardez ses rapports annuels, remontent jusqu'à 1986. Ça fait plus de 10 ans que ça pourrit, cette situation-là, avec la curatelle publique. Ce n'est pas dernièrement ça, depuis 1986.

M. Rochon: Une autre affaire qu'on va régler.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Si ça peut être réglé, M. le ministre, dans l'intérêt des gens qui sont des bénéficiaires, vous allez avoir l'appui de l'opposition. Je regarde la date, le 27 novembre 1996, la commission des institutions; je regarde aujourd'hui, au mois d'avril, à cette commission-ci, si vous bougez, on va vous appuyer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci de ne pas en faire un cas de partisanerie. Moi, j'aurais deux petites questions. Vous nous mentionnez dans votre mémoire qu'une réforme plus large et généralisée des règles serait utile. Pourriez-vous m'informer un peu là-dessus? Quel type de réforme, pour vous, serait utile? Pour la première question.

Et la deuxième, je vais vous la poser tout de suite, l'article 22, qui concerne la révision de la Commission des affaires sociales, vous mentionnez qu'il vous manque des informations. Quel type de questions vous avez besoin pour être capable d'assumer pleinement votre rôle? Est-ce qu'on peut vous donner un coup de main là-dessus?

M. Greenbaum (Ura): Oui. Je voudrais commencer avec la deuxième parce que c'est plus facile, à mon avis. À ce moment, les règles sur la confidentialité des rapports psychiatriques et médicaux empêchent la famille d'avoir accès, à moins qu'un membre de la famille soit le curateur dans le cas d'une personne inapte ou dans le cas d'une personne qui n'est pas sur le régime de protection, l'épouse si la personne... C'est très limité. Mais il y a tout l'entourage qui s'occupe et qui croise les malades mentaux. Pour jouer le rôle pleinement, il faut avoir les outils, ils doivent être renseignés. À ce moment, à cause des règles sur la confidentialité qui sont très, très strictes, les membres de la famille, qui sont de la première ligne, l'entourage des malades mentaux n'ont pas droit d'avoir accès à ces renseignements-là. C'est un problème parce que c'est un handicap pour les membres qui veulent aider, veulent intervenir. Ils ont des responsabilités, même en vertu de la loi, d'apporter de l'aide, surtout dans le contexte du virage ambulatoire. Il faut leur donner les armes. Sans les renseignements sur l'état des malades mentaux, ils ne peuvent pas apporter l'aide.

M. Désilets: Mais c'est circonscrit à la famille?

M. Greenbaum (Ura): Il y a un droit de confidentialité tout de même. Alors, si on fait une exception, on ne peut pas faire une exception à supprimer la Charte entièrement. Il faut que ça soit restreint. Moi, je suggère – et ce sera l'approche de nos membres, si je puis dire – que ça soit restreint à la famille immédiate; élargir, c'est-à-dire, les droits d'avoir des renseignements, l'information plus que prévu dans le projet de loi.

Parce que, par expérience personnelle, je peux vous dire que si vous restreignez l'information, vous n'aurez pas l'aide que vous voulez avec le virage ambulatoire, pour lequel, maintenant, les familles sont appelées à intervenir et jouer un rôle. Ils sont dépourvus d'armes. Sans renseignements, ils ne peuvent pas aider, ils ne peuvent pas intervenir, ils ne peuvent pas apporter de ressources. Comment voulez-vous, dans le projet de loi, que l'information soit restreinte et demander, dans le virage ambulatoire, que les familles apportent l'aide et que la communauté intervienne?

M. Désilets: Et la première question sur la réforme?

M. Greenbaum (Ura): Oui. Ça, c'est une question qui dépasse, je crois, le cadre ici, mais, tout de même, je n'ai pas de solution. Je pose une question, je sensibilise la commission, ici. Sauf que, si vous traitez le problème de la maladie mentale, ce n'est pas seulement le dangereux, c'est tout un contexte plus large. Si vous entrez dans le contexte, vous ne pouvez pas isoler un élément et laisser les autres traîner. Vous devez vous en occuper dans une loi globale, à mon avis. Pour des fins législatives, tout le côté «personne inapte» doit être intégré avec les malades dangereux. Comme cette loi ici, ça doit tout être mis dans un ensemble au lieu d'isoler des morceaux comme c'est maintenant. Il faut référer à différentes lois, il faut chercher partout. Je vais vous dire – parce que j'ai l'expérience dans ce domaine – comme si ça venait d'un malade mental. Il y a des bouts de loi ici, des bouts de loi là, dépendant de la situation dans laquelle le malade mental se trouve. Ce n'est pas une solution aux problèmes des malades mentaux, de la maladie mentale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre rapport. À la page 5, vous mentionnez qu'une personne mentale présentant un danger, habituellement, les personnes appellent les policiers. Là, j'ai été surprise de voir toute l'élaboration du processus que le policier ou l'agent de la paix doit faire avant qu'on l'amène soit à l'hôpital ou dans un centre. Moi, je ne sais pas, c'est une question que je me pose: Est-ce que vous ne pensez pas qu'un policier ou un agent de la paix qui arrive, qui est demandé sur les lieux, qui fait face à une personne démontrant des signes qui ne sont pas normaux, qu'il n'est pas assez intelligent pour l'amener tout de suite à l'hôpital? Moi, je trouve que c'est de travailler à l'envers. Je ne le sais pas. Pensez-vous, d'après vous, qu'on devrait renseigner nos policiers un peu plus qu'ils ne le sont dans le moment pour répondre à ces cas-là?

M. Greenbaum (Ura): Il me semble – j'en ai entendu, j'en ai vu dans certaines associations desquelles j'ai fait partie – qu'il y a à Montréal, dans un petit secteur, un projet, dans le centre de Montréal – simplement un projet pour l'instant – d'aider et de secourir ces gens-là, les malades mentaux avec des problèmes, par un système différent. Il y a une équipe volante de policiers, mais c'est uniquement un projet, qui va répondre à ces cas-là où les gens ont un comportement bizarre, dangereux ou non dangereux. Et, immédiatement, ils vont les amener à l'hôpital au lieu d'en prison et traités par le système judiciaire. C'est seulement un projet.

Pour l'instant, globalement, il n'y a aucun système mieux que ça qui est disponible pour les malades mentaux. Non. Il faut passer par tout le processus. Parce qu'il y a les droits en jeu; il y a les procédures de la police que les policiers doivent observer, doivent respecter; il y a les procédures des hôpitaux, surtout les établissements psychiatriques. Tout le monde est géré par des lois et doit suivre leurs propres procédures. Ce sont toutes des étapes qui se déroulent quand on prend une personne avec des symptômes de maladie mentale en charge ou en garde.

Mme Vaive: C'est assez pour qu'ils deviennent plus dangereux. Moi, je regarde tout ça, ça n'a pas de bon sens.

(16 h 10)

M. Greenbaum (Ura): Ça arrive. Nous avons des cas ou nous en avons entendu d'autres où, effectivement, en soi, ça peut causer et entraîner l'aggravation de la situation, oui.

Mme Vaive: Du côté de la curatelle publique, advenant le cas d'une personne mentale pour laquelle la curatelle publique est responsable des biens mais que la personne est sous l'autorité d'un membre de la famille, à ce moment-là, vous ne vous en occupez pas, advenant un cas grave au niveau de la santé?

M. Greenbaum (Ura): Ce serait préférable, à notre avis, évidemment, si on départageait et on donnait priorité à la famille, effectivement, parce que, s'il y a une famille... Ce n'est pas toutes les familles qui sont responsables, premièrement, mais, parmi les familles où il y a des parents responsables et désireux de jouer un rôle, certainement qu'on préférerait les avoir, au moins pour la personne, sa santé et les soins. Oui, ce serait idéal ou préférable, à notre avis, parce que nous regroupons les familles.

Par contre, nous trouvons – et c'est un problème – que la curatelle publique, souvent, va compétitionner avec la famille au lieu de donner préséance et priorité à la famille. Ils vont enlever les pouvoirs à la famille. Parce que le régime de protection passe par un processus judiciaire, c'est, en fin de compte, le juge qui décide. Et la curatelle publique compétitionne avec les familles. Elle fait une guerre contre les familles, dans certains cas, pour leur enlever la charge, la responsabilité de leurs membres. Ce que nous trouvons déplorable.

Mme Vaive: Je pensais que c'était réglé, ça, depuis quelques années, que le Curateur public, s'il est responsable des biens d'une personne et non de la personne, n'a pas à s'immiscer dans le dossier.

M. Greenbaum (Ura): Il est prévu dans le Code civil que le Curateur public n'a pas la curatelle de la personne, à moins que le juge décide qu'il doit l'avoir, c'est-à-dire que, même s'il prend les biens, la priorité doit être donnée aux familles. Mais, en réalité et dans la pratique, dans le concret, comme je l'ai dit... Nous avons des cas qui se déroulent en ce moment à la cour où le Curateur public va compétitionner et prendre la place et expulser la famille sans motif, où il n'y a pas de motif grave justifiant ces actes-là, pour étendre sa compétence. Je ne sais pas quel motif réel, disons, derrière la scène. Mais, ça arrive. Et on a des cas à la cour en ce moment où la curatelle, en réponse à votre question, va remplacer la famille ou compétitionner avec la famille.

Mme Vaive: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Dernière intervention, M. le ministre.

M. Rochon: Très brièvement, je voudrais faire deux commentaires pour compléter l'échange que nous avons eu. D'abord, la question des médicaments, on y revient régulièrement. Il faudrait peut-être se rappeler quelle était la situation avant puis quelle est la situation maintenant, avec le programme d'assurance-médicaments, parce qu'on semble oublier parfois que, pour beaucoup de gens, la situation s'est très améliorée.

Avant qu'on ait ce programme, les personnes qui étaient atteintes de maladie mentale avaient comme seule couverture la sécurité du revenu, pour ceux qui étaient des prestataires de la sécurité du revenu, qui ne payaient absolument pas pour leurs médicaments. Ça, c'est un fait. Les autres étaient protégés par ce qu'on appelait la fameuse circulaire malades sur pied , qui n'était plus à jour depuis très longtemps, de sorte que tous les nouveaux médicaments qui sont maintenant utilisés pour des problèmes de maladie mentale et qui coûtent très cher n'étaient pas couverts par la liste. Et ça, on le savait, l'ancien gouvernement l'avait très bien su, ce n'était pas une solution que d'essayer de mettre à jour cette liste-là. Donc, ces gens-là payaient tous leurs médicaments sans aucune assistance.

La situation maintenant. Ceux qui doivent payer plus qu'avant, effectivement, c'est les prestataires de la sécurité du revenu. Maintenant, ils vont payer un maximum de 16,60 $ par mois. Tout le reste est couvert, mais, eux, ça leur coûte ça. À côté d'eux, les gens à petits revenus, qui n'avaient aucune couverture avant, et toutes les autres personnes, les enfants, pour qui ça peut s'appliquer, et ça existe, il n'y avait aucune couverture. Ces gens-là, maintenant, ne peuvent pas payer plus de 750 $ par année, au maximum. C'est un plafond, comme on sait, qui est géré, administré sur une base trimestrielle. Donc, ce n'est pas plus que 187 $ par trois mois. Pour ces gens-là qui doivent prendre des médicaments qui coûtent de plus en plus cher, la situation, maintenant, est une grosse amélioration comparativement à ce que ça leur coûtait avant.

Évidemment, au début, ça a posé des problèmes, parce que tout nouveau changement de façon de faire, surtout pour certains types de malade mental, c'est très déstabilisant pour des gens qui sont assez fragiles. Ça, on le reconnaît, sans demander une gestion clinique là-dessus.

Je pense qu'il faut faire attention, parce que ce n'est pas exact de dire que tout le monde qui a un problème de santé mentale, comme pour beaucoup d'autres maladies, ça leur coûte plus cher qu'avant. Pour la plupart des gens, la grande majorité, la situation est carrément améliorée avec le programme de santé mentale, mais ça demande un partage différent du coût.

Ça, je voulais préciser ça parce que c'est trop facile de dire que tous les problèmes dépendent de ce programme-là, surtout quand on sait qu'avec les maladies mentales la «compliance» est de toute façon un problème, indépendamment de quoi que ce soit. Je ne veux pas relancer le débat là-dessus, mais je veux quand même que l'information factuelle soit claire.

L'autre point, qui est plus une opinion que je vous transmets, je pense que ce n'est pas un litige à régler, mais là aussi ça fait bien ressortir qu'il y a deux tendances où il faut choisir ou doser entre les deux quand à ce que doit couvrir une loi pour le malade mental. Je comprends très bien ce que vous dites, ça pourrait être assez satisfaisant qu'on ait une législation qui soit à peu près complète pour tout ce qui regarde le malade mental. Il y aurait des intérêts à ça.

Par contre, vous savez qu'on se fait aussi beaucoup dire qu'il ne faut pas classer les gens par catégorie dans une société: avoir une loi pour le malade mental, une autre pour la personne handicapée, une autre pour tel genre de situation. En évitant le plus possible tout discrimination, on doit, par exemple, pour vous donner l'exemple de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, tout ce que ça peut couvrir pour l'ensemble de la population, y compris les malades mentaux, y compris d'autres groupes de citoyens. Il y a là un autre intérêt en voyant tout le monde comme partie de la société. Qu'on ne mette dans des lois particulières que ce qui est vraiment spécifique, pour ne pas avoir l'air de discriminer et de mettre des groupes un peu à part, un peu en marge.

Mais, là encore, je reconnais que, dans les deux approches, il y a une balance d'inconvénients à doser. On est très conscient de cette situation-là.

Je voudrais au moins vous rassurer en vous disant qu'on est très soucieux d'avoir une vue d'ensemble qui se reflète plus dans la politique de santé mentale, que le ministère est à mettre à jour, avec les orientations, pour que là on ait vraiment dans un document une vue d'ensemble sur ce que sont les problèmes, ce qu'on en connaît aujourd'hui et quelles sont les actions qu'on faites à différents niveaux à cet égard.

(16 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, merci, au nom de tous les membres de la commission.

J'invite maintenant les représentantes de l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale à prendre place. S'il vous plaît, si vous voulez laisser les gens se préparer.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale à se présenter.

Alors, Mme Vallée, c'est vous, si j'ai bien compris, qui allez nous faire la présentation. Si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous pouvez débuter.


Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP)

Mme Vallée (Catherine): Oui, parfait. Je suis Catherine Vallée, je suis présidente de l'AQRP. Je travaille aussi à titre de conseillère en réadaptation dans un programme d'accompagnement communautaire en Outaouais.

Mme Quintal (Marie-Luce): Alors, je suis le Dr Marie-Luce Quintal, psychiatre au centre hospitalier Robert-Giffard. Je travaille dans un programme de réadaptation aussi dans la communauté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Vallée (Catherine): Tout d'abord, je dois vous dire que notre membership est un peu tous azimuts nous aussi. On a dans notre membership, des familles, des usagers, mais également des intervenants autant issus du milieu communautaire que du milieu institutionnel. Ce qui nous rassemble, c'est davantage la volonté de favoriser la réinsertion sociale des personnes qui sont aux prises avec des problèmes sévères et persistants. Donc, c'est vraiment le point de rassemblement et de convergence de notre association.

Dans ce sens-là, on est très soucieux du degré de vulnérabilité des personnes qui sont aux prises avec des problèmes sévères et persistants. On reconnaît que des facteurs sociaux, comme le désoeuvrement, l'isolement social, la difficulté d'accès à des mesures de soutien, ont un impact sévère dans la vulnérabilité des personnes mais aussi de leur milieu. Dans ce contexte-là, on apprécie que le projet de loi actuel facilite l'accès à des mesures de protection.

Cependant, ce n'est pas la panacée. On croit que ce projet de loi va répondre à des mesures d'urgence, mais, en fait, ce n'est pas un outil qui va nous permettre de résorber les états de crise, qui va vraiment soulager le fardeau des personnes ou qui va favoriser l'intégration sociale. Pour nous, à notre point de vue, quand on lit ce projet de loi là, ça demeure une mesure ultime quand la goutte d'eau fait déborder le vase. Et ça s'arrête un peu là. Donc, parallèlement à nos commentaires qu'on fera sur le projet de loi comme tel, on veut que ça soit bien clair qu'à ça doit s'articuler également une transformation du réseau en termes de suivi communautaire, en termes de développement et de consolidation des services de crise, en termes de soutien dans la communauté réelle. Si ça n'existe pas, même le projet de loi le plus parfait risque de passer à côté de la coche.

Nous sommes soucieux qu'on n'essaie pas d'inclure dans le projet de loi toutes les considérations pour répondre à toutes les situations de précarité des personnes ou de leur milieu, parce qu'il y a d'autres solutions qui sont beaucoup plus pertinentes que l'enfermement ou des mesures hospitalières. Dans ce sens-là, on veut être très pointilleux sur cette mise en garde là, c'est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup.

Donc, je réitère le fait que, bien que le projet de loi allège les procédures nécessaires pour recourir à des mesures de protection, on ne croit pas qu'il va diminuer le fardeau des proches ni le degré de vulnérabilité des personnes. On ne croit pas qu'il va avoir de l'impact sur le quotidien des personnes dans le réel. Et on les perçoit que comme des mesures d'urgence.

Parallèlement à ça, on croit qu'on a l'obligation, comme société, dans la transformation du réseau, de développer des mesures plus adaptées, moins coercitives, et de s'assurer de l'imputabilité. Je sais que c'est un autre débat qui va sortir quand la transformation du réseau va être annoncée, mais, quand on parle de réallouer les fonds, il va falloir s'assurer que la réallocation des fonds soit sur des services qui ont un impact réel sur la vulnérabilité des personnes, sur le soutien dont elles disposent et non pas que sur des mesures de traitement. Je crois que c'est essentiel si on veut se garantir un succès minimal.

De façon générale, vous avez, en page 11 et 12 de notre mémoire, les recommandations en résumé. Alors, si vous voulez vous y référer, c'est le bout où c'est le plus concis.

Si on prend les mesures de protection telles que proposées, on apprécie que, quand on parle du constat de dangerosité – j'entendais le débat juste avant – on ait éliminé la notion de poser un risque à la santé et à la sécurité, parce que Dieu sait que c'était vague, et quelqu'un qui est malade, il y a toujours un risque pour sa santé. C'est très facile d'extrapoler une vulnérabilité qui nécessite des mesures de garde. Là, on a introduit la notion de dangerosité, mais on ne l'a pas définie. Nous, à l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, on trouve ça essentiel de la définir pour éviter les pratiques défensives, pour que les choses soient claires et qu'on n'extrapole pas des dangers selon nos perceptions, mais qu'on ait des paramètres qui définissent ce que c'est.

Et, à cet effet-là, on a pris le risque d'introduire ce que pourrait contenir cette notion de dangerosité, mais on ne croit pas non plus être la vérité incarnée. Il y a probablement d'autres qui pourraient avoir des choses très intéressantes à ajouter. Mais, dans la pratique, de façon concrète, on parle souvent d'expressions de menaces, une intention claire de passer à l'acte, la présence de comportements agressifs et/ou destructeurs qui peuvent porter atteinte à l'intégrité d'une personne, de gestes d'automutilation ou de voies de fait. Ça, c'est équivoque. On ne peut pas dire qu'il n'y en a pas ou qu'il y en a de la dangerosité. C'est clair, c'est équivoque, il n'y a pas à extrapoler.

La raison pour laquelle on est si clair là-dessus, c'est qu'il existe des cas qui sont liés à l'inaptitude, qui sont liés au manque de ressources, de gens qui sont littéralement laissés sans filet et qui se ramassent dans des mesures de garde, mais que ce n'est pas parce que... C'est une question de services; c'est une question d'organisation de services. Si quelqu'un est inapte, ce n'est pas l'enfermement qui va le rendre apte, c'est des soutiens, c'est de la présence, c'est de la qualité d'un lien, c'est de l'acquisition d'habilités. Une hospitalisation ne changera pas grand-chose à l'histoire. C'est dans ce sens-là qu'on veut être très, très clair pour que, comme quelque part, les intervenants, le réseau, aient la responsabilité de trouver des mesures moins coercitives, plus réelles, dans le milieu des gens, pour répondre aux autres problèmes qui sont liés au fardeau, à l'inaptitude, au refus de prendre des médicaments, au refus de traitement, au manque d'accès à des ressources de travail, à des ressources d'hébergement, au fait que personne n'a un lien significatif avec cette personne-là qui est à la rue. Ces autres problèmes-là qui sont tout aussi réels, la solution n'est pas dans l'hospitalisation. Et c'est pour ça qu'on demande que ça soit bien défini.

On sait que, des fois, pour le respect des situations de vulnérabilité, il y a des gens qui vont dire: Si j'ai un petit plus de corde, je suis capable d'avoir un peu plus de compassion pour quelqu'un. Mais notre souci, c'est que, au niveau de notre système de santé, on mette des ressources réelles dans le soutien réel des personnes en communauté, qu'on plante des services de suivi communautaire, qu'on plante des services de crise qui sont efficaces, efficients, coordonnés et qu'il y ait une cohérence dans notre réseau. Parce que, actuellement, notre réseau est très orienté vers le traitement, mais tous les autres aspects qui gravitent sont lacunaires, ou sont à développer, ou à consolider en termes de financement. Et, pour nous, c'est un souci réel.

L'autre chose qui fait qu'on demande autant que ce soit défini, c'est que – j'y reviendrai plus tard – le projet de loi ouvre la porte à ce que d'autres types d'intervenants aient à juger de ce que c'est que la dangerosité, dans une situation clinique, j'entends. Ça nous apparaît d'autant plus important d'introduire là des paramètres pour qu'on puisse tous voir la chose de la même lorgnette et diminuer les possibilités d'abus éventuels.

En ce qui concerne l'article concernant l'examen psychiatrique, l'AQRP recommande que l'on maintienne un deuxième examen fait par un psychiatre, justement à cause du fait que le concept de dangerosité, actuellement, et même si on le définissait, laisse une large place à l'interprétation et que, il faut le rappeler, un diagnostic psychiatrique, ça repose sur des bases descriptives qui demandent un jugement clinique, etc. De par le fait qu'une mesure de garde retire des droits civiques à quelqu'un, il est important de garantir un minimum, comment dirais-je...

Une voix: D'objectivité.

(16 h 30)

Mme Vallée (Catherine): ... – merci, madame – pour limiter les possibilités d'éventuels abus.

En ce qui concerne la garde provisoire, on reconnaît que, dans certaines régions, l'application du premier jour juridique, c'est quelque chose qui est utile. Ce qui nous inquiète, c'est que, dans certaines régions, le premier jour de vacances, dans le temps de Noël ou en plein milieu du mois de juillet, ça peut dépasser 48 heures. Dans ce contexte-là, on suggère qu'on parle de «48 heures ou le premier jour juridique qui suit», mais que ça ne peut pas dépasser un 48 heures supplémentaire. On ne voudrait pas que ça s'étende, parce que c'est fermé entre Noël et le jour de l'An, à 10 jours, par exemple. Je charrie, là, mais je charrie à peine parce qu'il y a des régions où le premier jour juridique, dans certaines périodes de pointe, c'est ça. Alors, on est soucieux, à l'Association, de mettre aussi une limite à ce premier jour juridique là pour ne pas que les choses s'étirent pour des considérations administratives dans certaines régions.

En ce qui concerne l'article 8 où on fait appel aux agents de la paix pour amener directement aux établissements de santé dans une situation de dangerosité, il y a quelque chose là qui nous permet d'abréger un peu les étapes puis d'être un peu plus réalistes. Par contre, nous avons deux soucis. Le premier, c'est que nous croyons qu'actuellement les agents de la paix ne disposent pas de la formation pertinente et suffisante pour effectuer ce mandat-là. Il y a une question de formation, ici, qui nous apparaît essentielle. Le deuxième, c'est que je crois aussi, dans la formation, qu'il va falloir considérer le fait que c'est menaçant, un agent de police, surtout quand tu te sens vulnérable. Alors, comment on va les former aussi? Est-ce que leur arrivée, leur intervention n'ajoute pas à l'angoisse déjà existante, ne potentialise pas davantage la crise qui est déjà là? Je crois que c'est un souci qu'il va falloir développer dans la formation.

L'autre aspect, c'est entre quelqu'un qui se désorganise, est vulnérable, n'est pas nécessairement cohérent, par exemple à cause d'une psychose, et sa famille qui a une histoire très cohérente. Laquelle des deux parties va être davantage entendue par le policier? Soyons clairs. Je ne crois pas que les familles soient les bourreaux et que les personnes soient les saints anges, mais, dans le contexte actuel où les services ne sont pas existants, quelquefois, la personne qui est la plus en crise, c'est encore la famille, qui est démunie, qui cherche des ressources, qui trouve ça lourd, qui n'a pas de répit, puis là, il est arrivé quelque chose qui fait qu'on n'en peut vraiment plus, puis on est inquiet. Il y a ça aussi. Il y a le degré de vulnérabilité des familles. Alors, comment va-t-on doser, dans une situation de crise, le degré de vulnérabilité des familles, qui est réel, et le degré de vulnérabilité des personnes?

Alors, je veux être claire que je ne crois pas qu'une partie est plus bourreau que l'autre, mais je veux être claire que la personne qui est plus démunie, quand vient le temps de s'expliquer et d'argumenter, ne soit pas toujours celle qui n'est jamais entendue.

Au niveau de la garde autorisée par un tribunal. Actuellement, dans les pratiques, quand une personne ne présente plus de dangerosité, il y a comme une espèce de loi tacite – finalement, on a été très surpris qu'elle n'était écrite nulle part – que, dès que la personne ne présente plus de dangerosité, la cure doit être automatiquement levée. On se surprend, dans le nouveau projet de loi qui réforme cette loi-là, de ne pas voir apparaître que dès que la dangerosité disparaît la garde doit s'interrompre. On croit que ça devrait rester.

Mme Quintal (Marie-Luce): La garde obligatoire.

Mme Vallée (Catherine): La garde obligatoire doit s'interrompre. On s'étonne que ça ne soit pas là parce que ça garantit que les entraves aux droits et libertés sont réduites au minimum.

De plus, ça confronte les intervenants, les proches, le réseau à la nécessité de mettre en place des mesures moins coercitives dès que la dangerosité n'est plus présente. Parce que, en fait, les gens qui présentent une dangerosité, ils ne présentent pas une dangerosité à perpète, 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, 365 jours par année. C'est un état qui est généralement transitoire, même dans les cas les plus sévères. Alors, c'est quelque chose qui disparaît à un moment donné, puis il faut mettre des mesures moins coercitives dès qu'on a l'occasion de le faire.

En ce qui concerne la garde à distance, là, on n'est pas content. Pour nous, c'est tout à fait incohérent. La présence de la garde, c'est quand quelqu'un présente une dangerosité et ne consent pas à recevoir des services. Puis là, comme conditions, on a que la personne consente puis, en plus, que le médecin juge que ce n'est pas dangereux. Bien, si c'est comme ça, pourquoi il y a une garde? Pour nous, c'est un non-sens, une incohérence, ça ouvre la porte à des pratiques défensives. Et, pour nous, c'est vraiment un article qui s'applique davantage dans des situations de non-disponibilité de ressources, d'inaptitudes, de refus de traitement. Et la solution ne réside pas dans l'enfermement quand on fait ça. Par rapport à ces situations-là, le suivi communautaire, les mandats en cas de crise, les interventions plus proactives ont beaucoup plus d'impact qu'un enfermement qui s'éternise.

Donc, c'est quelque chose qui nous heurte, qui nous interpelle beaucoup, d'autant plus que ça commence par «afin de faciliter la réinsertion et la réadaptation». Pour nous, c'est un non-sens total, parce que ça va vers une plus grande prise en charge de la personne, alors que la réadaptation et la réinsertion, c'est d'aider l'individu à se responsabiliser et à reprendre un rôle de citoyen.

Quand ont lit l'article 12, pour moi qui travaille aussi dans des contextes où il y a des gens avec qui je travaille qui sont aussi dans des mesures de probation, les mesures de probation sont plus lousses qu'une garde à distance. Il y a quelque chose de paradoxal, un peu. En tout cas, en ce qui me concerne, ça m'interpelle beaucoup.

En ce qui concerne le droit à l'information, dans la même veine que ce que vous avez entendu précédemment, si on veut faire un partenariat réel avec les proches qui ont à vivre avec la personne une fois qu'elle sort de l'hôpital, je ne crois pas qu'on doit faire, comme la loi le stipule, un effort raisonnable de les informer que la personne est sous garde. Il faut faire tous les efforts que l'on peut. Je crois que la notion de tous les efforts doit être déployée à cet effet, doit être mentionnée, parce que ce n'est que le simple respect du milieu.

Je crois également qu'il faudrait... Quand je dis «je», c'est nous, excusez-moi, c'est un gros lapsus. On croit également que, de façon obligatoire, la personne qui est maintenue sous garde devrait être informée de l'existence des groupes qui défendent ses droits, des coordonnées de ceux-ci et qu'on s'assure que la personne – pas juste qu'on lui a dit et que c'est assez – comprend et qu'elle y a accès. Pour nous, c'est un minimum. Ça va tout à fait dans la ligne également de la continuité du mandat que le législateur a déjà accordé aux organismes d'aide et d'accompagnement de la défense des droits dans le cadre de sa politique en santé mentale. Alors, pour moi, ça s'insère tout à fait dans le droit à l'information.

De plus, en ce qui concerne la confidentialité des communications, dans les règlements et la loi antérieure, il y avait une série de personnes avec qui on garantissait la confidentialité des communications. La personne pouvait communiquer avec son notaire, son avocat, son ci ou son ça, et on a remarqué que le Protecteur du citoyen était disparu de la liste. On trouverait ça pertinent que la personne puisse avoir accès au Protecteur du citoyen en toute confidentialité. Bien que ça n'apparaisse pas à notre mémoire, rétroactivement, quand on a lu ça, on a fait, oups, on a oublié un gros morceau.

Il faudrait également que les communications que la personne a avec les organismes d'aide et d'entraide à la défense de ses droits puissent également être confidentielles. Alors, c'est deux éléments, je crois, qu'il faudrait rajouter à la liste des personnes avec qui la personne a le droit d'avoir des communications tout à fait confidentielles, autant dans la réception que dans l'émission.

Quant aux mesures de protection, on a vu qu'il y avait comme trois critères qui existaient. Par contre, à la lecture qu'on a faite d'autres documents, entre autres d'un avis que donnait le Comité de la santé mentale du Québec en 1993, on croit que les protocoles concernant l'utilisation des mesures de contention devrait également contenir d'autres règles minimales, que vous trouverez en pages 8 et 9. Finalement, je vous en épargne la lecture, mais c'est relativement simple. C'est qu'on utilise la mesure la moins restrictive, etc., il y en a une série, mais qu'à la fin de chaque année les établissements aient l'obligation de faire une évaluation annuelle de l'utilisation des mesures et d'en faire rapport. Et ça, dans le but d'assurer un peu un rôle de chien de garde quant aux pratiques défensives et à l'utilisation des mesures extrêmes que pourraient faire quelques individus, parce que, dans les faits, les abus reposent sur quelques personnes et non pas sur la masse.

Finalement, j'ai beaucoup insisté sur la notion qu'il y a d'autres problèmes que cette loi ne réglerait pas. Vous avez, en page 9, quelques pistes de solutions. Entre autres, il faudrait peut-être consolider, dans la transformation qui existe, les réseaux de crise et s'assurer qu'il y a un peu plus de cohérence là-dedans. On voit, dans les services d'intervention de crise, des modalités plus proactives qui nous permettraient d'éviter une escalade trop grande, d'une part, et, d'autre part, un outil de choix d'accompagnement des agents de la paix, en terme de formation, de coaching et de collaboration.

(16 h 40)

De plus, pour les gens qui pourraient connaître plusieurs épisodes de dangerosité de par la nature de leur maladie, il pourrait être pertinent, afin de s'assurer du respect du choix des personnes, de voir avec elles quelles sont les stratégies qu'elles préconiseraient si elles se retrouvaient dans une situation de vulnérabilité, vers qui elles veulent qu'on se tourne, comment, etc., et de consigner ça sur un mandat ou une carte de crise. La carte de crise est un modèle qui est utilisé en Angleterre et qui a un vif succès. Et ça serait beaucoup plus dans le respect des volontés des personnes. On aura un outil là pour résorber les crises qui irait en cohérence avec ce que la personne désire.

Et, finalement – ça, c'est notre chien de garde – je crois que dans la transformation du réseau qui s'opère, il faut mettre en oeuvre davantage des programmes de suivi communautaire avec des composantes d'«out reach», de repérages actifs, parce que ces modèles-là ont fait la preuve qu'ils permettent de réduire de façon significative les taux d'hospitalisation, qu'ils ont un impact beaucoup plus grand sur la crise parce que, justement, il y a la qualité du lien qui établit et qui facilite beaucoup la réinsertion sociale. Alors, si on pouvait avoir des approches beaucoup plus proactives, de façon continue, peut-être que les mesures extrêmes telles que celles que propose la loi n° 39 seraient étudiées avec plus de parcimonie et on répondrait peut-être avec des vrais moyens aux vrais problèmes, plutôt qu'essayer de prendre une solution unique pour répondre à un paquet de problèmes pour lesquels ce n'est pas toujours pertinent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Alors, je vous remercie aussi de votre contribution, qui est très intéressante. Je peux vous assurer d'une chose, qu'on est vraiment sur la même longueur d'onde, avec le commentaire que vous avez fait en introduction et que vous avez rappelé en conclusion, à l'effet que toute loi, surtout une loi qui porte sur la protection du malade mental, ne saurait constituer une politique ou un programme d'intervention dans le domaine global de la santé mentale. Ça, c'est sûr. Il faut se le rappeler parce qu'on ne peut pas demander à la loi de donner plus que ce que cet outil-là peut nous donner.

Comme vous le savez, il y a eu une bonne évaluation qui a été faite de ce qui avait été adopté comme stratégie dans le domaine de la santé mentale en 1989, en se situant dans le cadre de la politique de santé et de bien-être. On sait que ça n'a pas marché, que ça n'a pas fonctionné, on n'a pas réalisé le quart du tiers de ce qu'on devait faire. Au cours des prochaines semaines, on va avoir la chance de se reparler de ça parce qu'on aura une consultation sur des orientations ministérielles qui tiennent compte de l'évaluation, et on en sera vraiment aux moyens, au comment faire. Mais je pense que sur les orientations, on partage la même chose.

Mme Vallée (Catherine): On aimerait ça avoir un mot à dire là-dedans parce que c'est notre cheval de bataille.

M. Rochon: Ah oui! Non, non, mais c'est ce qu'on veut faire. On va s'assurer de retenir votre nom. Si vous n'êtes pas déjà sur la liste de ceux qu'on prévoit rencontrer, on va vous rejoindre. Parce que le but de cette consultation-là qui s'en vient, c'est vraiment de faire atterrir, sur le terrain, un programme qui va être vraiment local, dans les communautés, de sorte qu'on puisse graduellement libérer des lits d'hôpitaux pour mettre encore plus de ressources dans la communauté. Mais on va commencer par investir dans la communauté.

J'aurais deux questions. Une première. J'aimerais vous entendre un peu plus sur l'article 12 qui vous a tant choquée.

Mme Vallée (Catherine): Je suis un peu émotive. Ha, ha, ha!

M. Rochon: Non, mais je vais vous dire pourquoi. Je vais vous dire pourquoi parce qu'on entend les deux options ici. Certains nous disent qu'il y a une logique, que j'appellerais très cartésienne, qui était celle que vous avez dite: la personne est dangereuse ou elle ne l'est pas. Si on peut dire que dans la mesure où elle est d'accord et qu'on est d'accord qu'elle n'est pas trop dangereuse, on peut la libérer. Ça se comprend très bien ce que vous faites comme raisonnement.

Par contre, d'autres nous disent qu'il y a une logique, qu'on pourrait appeler clinique, où, à l'expérience, on a réalisé que cette façon de faire que veut encadrer l'article 12 est un bon moyen qui favorise pour la personne, pour sa famille, une réinsertion plus progressive, dans la mesure où c'est nécessaire, en gardant une espèce de garde-fou ou de position de sécurité. On est un peu pris avec ces deux logiques-là. Pouvez-vous nous en dire un peu...

Mme Vallée (Catherine): En ce qui concerne mon expérience clinique – parce que je suis aussi clinique – quand on est dans cette dynamique-là, c'est-à-dire quelqu'un qui a présenté une dangerosité, on l'a mis en cure fermée, puis là, de façon très transitionnelle, on retourne vers le milieu en maintenant une cure avec cet esprit-là, souvent on ne travaille pas en partenariat avec les ressources dehors. On ne travaille pas en partenariat à trouver des solutions dehors. On prend pour acquis que c'est à partir d'ici que le travail se fait, on fait un peu un suivi de ce qui se passe, puis, en fonction de ce qui arrive, on donne un congé ou on ajuste les flûtes. On n'est pas dans un système ici où on donne du soutien en communauté. On n'est pas dans un système ici où on responsabilise l'individu; on est dans un système où on lui donne de la corde puis, s'il fait faux bond, on le ramène à l'hôpital. Il n'y a rien là dans l'habilitation de l'individu; il n'y a rien là dans lui donner des moyens; il n'y a rien là pour soutenir son milieu naturel. On est à tester comment ça se passe.

Nous, ce qui nous intéresse, à un niveau peut-être un peu plus au-dessus de la mêlée, sortons un peu de la clinique, il faut organiser notre système de santé autrement pour que les gens puissent voir d'autres avenues. C'est dans ce sens-là qu'on n'est pas confortables avec cet aspect-là, parce que, quelque part, c'est des changements de mentalité qui sont à faire. Il y a de bons vieux réflexes de toujours revenir à l'hôpital. Le changement de culture, il ne se fera pas sur un trente-sous. Et on a une belle porte ouverte pour ne pas faire ce changement de culture, d'une part.

M. Rochon: Là-dessus, vous poussez un cran de plus.

Mme Vallée (Catherine): Oui.

M. Rochon: Est-ce que vous ne faites pas un petit peu, si vous me permettez de le dire comme ça, un procès d'intention? Parce que vous dites: Si, dans la loi, on met ça, ça veut dire qu'il n'y aura pas les autres ressources; ça veut dire que ce ne sera pas englobé.

Mme Vallée (Catherine): Ce n'est pas à votre niveau.

M. Rochon: Je vous dis juste ce que les gens nous disent. Moi, là, je ne veux pas faire une argumentation avec vous, je veux que vous nous aidiez, voir comment on va choisir ou se positionner entre les deux. Parce que les gens nous disent: Si on n'a pas une protection comme ça – ceux qui sont de la logique clinique – de deux choses l'une, ou bien on va garder la personne plus longtemps sous garde pour être pas mal plus sûr que quand elle va partir l'insertion peut bien se faire et qu'elle ne risque pas de revenir, ou bien on va quand même essayer d'être plus proactif et de travailler avec le milieu, justement, je ne dirais pas de prendre une chance, mais d'être plus hardi. Mais là, si ça ne fonctionne pas et s'il faut réintervenir parce que ça va mal pour la personne, ça va mal pour la famille, il faut repasser par toute la procédure, plus lourde, même si la loi veut l'alléger par rapport à la loi actuelle, il faut repasser devant le tribunal, il faut tout reprendre ça, ce qui peut être très pénible pour l'individu, alors que l'article 12 veut garder un ajustement, par essais et erreurs, au besoin, beaucoup plus souple et beaucoup plus entre les intervenants. C'est ça qui m'a amené à dire... C'est sûr que si on dit que parce qu'il y a ça, il n'y aura pas les ressources dans le milieu, puis on ne va pas faire le transfert, ça ne marche pas. Mais s'il y avait quand même les ressources?

Mme Vallée (Catherine): Ce n'est pas un procès d'intention par rapport au législateur, c'est un procès d'intention, si on veut en trouver un, par rapport aux gens qui ne sont pas prêts à faire le virage ambulatoire. Dans le sens où, je veux dire, c'est que ce n'est pas tout le monde, dans le réseau... On a un travail à faire dans le réseau aussi.

M. Rochon: Il y en a encore qui résistent à ça?

Mme Vallée (Catherine): Ah, mon Dieu Seigneur!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vallée (Catherine): Presque pas, à peine, d'une part. Même sans l'existence de cette modalité, actuellement, dans ma pratique, il y a des gens qui maintiennent des gens en cure fermée parce qu'ils ne veulent pas aller vivre en famille d'accueil. Ça existe, aujourd'hui, maintenant, en 1997. Moi, je pense que tu n'es pas capable de vivre en appartement, je te garde en cure fermée jusqu'à temps que tu ailles vivre en famille d'accueil. Ça existe maintenant.

Mme Quintal (Marie-Luce): Heureusement, ce n'est pas la majorité.

Mme Vallée (Catherine): Non, Dieu merci! Mais, ce que je veux dire, c'est que, dans une situation, si on prend ces individus-là puis on leur met la possibilité d'avoir une garde à distance qu'ils peuvent prolonger indéfiniment, à mesure de leur jugement clinique, vers quelle situation d'abus on va se tourner. C'est ça, notre souci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Quintal, vous voulez ajouter.

Mme Quintal (Marie-Luce): Je dirais aussi que le fait d'augmenter le contrôle sur une personne, ça augmente la régression et ça augmente le besoin d'être contrôlé. J'ai vu plusieurs fois, moi, que juste le fait de diminuer le contrôle et de redonner de la responsabilité à la personne, tiens, tout d'un coup, elle se prenait plus en charge et on avait moins besoin de contrôler aussi. Alors, moi, je pense qu'en augmentant le contrôle, on va augmenter la prise en charge et, nécessairement, on va tourner en rond. Puis, on ne sera jamais capable de la lever, la cure fermée, parce qu'on lui dit: Oui, tu n'es plus dangereux, mais on n'est pas sûr vraiment que tu n'es plus dangereux. Ça fait que, là, lui, il se dit: Je ne suis plus dangereux, mais je ne suis pas sûr que je ne suis plus dangereux non plus. Donc, on le met dans un double discours, un double message.

Alors, moi, je pense qu'on n'aide pas la personne, surtout maintenant, avec les procédures qui vont être beaucoup moins difficiles pour aller chercher quelqu'un, tu appelles la police, la police va le chercher. Je veux dire, si ça va mal puis que le diable est aux vaches, ce n'est pas trop compliqué à réagir.

En plus, je pense que, pour les gens qui vraiment ne veulent pas prendre de médication, que ça les met dans des situations abominables et qu'ils deviennent dangereux pour les autres, il y a des ordonnances de traitement qui existent – qui sont une mesure exceptionnelle mais qui existent quand même – pour les cas extrêmes qui se remettent toujours dans le danger puis qui sont dangereux pour les autres.

Donc, je pense que, dans les cas extrêmes, on a des mesures. Donc, il ne faudrait pas mettre une mesure lourde pour tous les autres qui n'ont pas besoin de mesures lourdes.

M. Rochon: J'en ai une autre, mais je peux revenir après si vous le souhaitez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

(16 h 50)

M. Paradis: Oui, parce que ça va aller dans le même sens, ça tourne autour de l'article 12.

Vous ne voulez pas faire de procès d'intention au législateur au moment où on se parle parce que le législateur n'a pas adopté de façon finale le projet de loi comme tel, mais à partir du moment où le législateur aura adopté le projet de loi, l'article 12 va se retrouver tel qu'il est libellé actuellement, modifié ou abrogé.

Quand on lit votre mémoire et qu'on vous entend de vive voix, on comprend l'importance que vous amener à ce virage philosophique, finalement. Si le législateur se campe dans le maintien de l'article 12 tel qu'il est libellé présentement, vous aurez compris qu'on n'aura pas pris le bon virage philosophique. Est-ce que je me trompe?

Mme Vallée (Catherine): Non, vous ne vous trompez pas.

M. Paradis: Je ne me trompe pas. Ça va.

Mme Vallée (Catherine): Je crois que le virage ambulatoire va être plus difficile à faire si on ne fait pas aussi un virage de culture, parce que ça ne doit pas être seulement un virage économique s'il est centré sur l'individu.

M. Rochon: Nous sommes d'accord.

Mme Vallée (Catherine): Oui, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. J'ai également retenu, et je tiens à insister, que le ministre a clairement dit – qu'on me corrige si ce n'est pas exact – qu'avant de procéder à la fermeture des lits comme telle, sur le plan communautaire, il va y avoir des investissements d'un niveau correct pour s'assurer que les clientèles vont être prises en main.

Si ça se produit avant là, je tiens à vous dire qu'on va être agréablement surpris de ce côté-ci de la table et qu'on va accompagner le ministre. Si ça ne se produit pas dans la séquence indiquée par le ministre, nous sommes à votre disposition pour être alertés et alerter le ministre et lui rappeler les propos qu'il a prononcés aujourd'hui en cette commission parlementaire.

M. Rochon: Voilà ce qui rassure le ministre beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Ça ne visait pas à rassurer le ministre, ça visait à rassurer les intervenants. Ha, ha, ha!

Mme Quintal (Marie-Luce): Bien, peut-être, justement, dans la foulée du virage ambulatoire et la fermeture des lits, où est directement concerné, une des inquiétudes, c'est de vouloir combler des besoins très légitimes qui sont en deuxième ligne – même si on ne parle plus de ligne maintenant et qu'on a de la misère à s'entendre sur c'est quoi la première, deuxième, troisième ligne – mais, disons, pour régler des besoins légitimes en deuxième ligne, qu'on utilise l'argent qui est dans les hôpitaux psychiatriques – parce qu'on dit que c'est là qu'est l'argent; il y a bien de l'argent puis il y a des patients aussi – pour régler ces problèmes-là et que les patients les plus vulnérables, ceux qui ont besoin de soutien communautaire le plus serré, on n'ait plus d'argent, après ça, pour ces patients-là et que, dans le fond, on se ramasse avec la seule alternative qui va être l'asile.

Alors, moi, je pense qu'il va falloir faire attention. Parce qu'il y en a des besoins en deuxième ligne, et je ne les nie pas, il y en a beaucoup, mais il ne faut pas que ce soit tout sur le dos des gens qui sont les plus vulnérables.

Mme Vallée (Catherine): La notion d'imputabilité aux plus vulnérables est critique.

M. Paradis: O.K. Mais qu'on se comprenne bien également, là. Vous ne souhaitez pas, et vous l'avez dit clairement, une réallocation des ressources strictement au niveau du traitement.

Mme Quintal (Marie-Luce): Non, non, mais le suivi communautaire, le suivi intensif dans le milieu, il s'en fait déjà à Québec, il s'en fait à Hull depuis plus longtemps, mais il s'en fait aussi à Québec, et c'est pour une clientèle qui est lourde. Bien sûr qu'il y a une partie traitement parce que la clientèle a besoin de traitement, mais il y a une partie aussi qui est de suivi à domicile, qui est la crise, qui est l'apprentissage d'habilités sociales, qui fait partie de l'ensemble des ressources qui sont importantes pour cette clientèle-là. Ça coûte de l'argent, ça. Mais, à long terme, je pense qu'on économise, parce que la clientèle qui est maintenant capable d'être autonome dans un appartement coûte pas mal moins cher que quand elle était en centre d'accueil à Robert Giffard.

M. Paradis: Ce matin on a eu un témoignage en fonction de la région de Hull, qu'ils ont situé comme une région un peu particulière à l'effet que ce travail-là avait été bien enclenché, que les groupes communautaires... Est-ce que votre expérience à Québec – je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre le témoignage ce matin – c'est du même niveau d'intégration sur le plan communautaire?

Mme Vallée (Catherine): Elle ne l'a pas entendu ce matin, mais elle me côtoie depuis deux ans. Alors, je crois qu'elle a les oreilles un peu rouges sur Hull. Je pense que ça va.

M. Paradis: O.K. Mais est-ce que votre appréciation, c'est que c'est au même niveau d'intégration?

Mme Quintal (Marie-Luce): On n'est pas rendu à la même place. Je pense qu'on commence à avoir des ressources de réadaptation dans le milieu, mais ce n'est pas rendu aussi développé que ça l'est à Hull. Ce n'est pas aussi intégré non plus, on est encore là par petits morceaux et on développe chacun nos petites bebelles. Mais là, je pense qu'il va falloir intégrer et augmenter ces ressources-là de réadaptation dans le milieu parce qu'on n'en a pas tant que ça. Je dirais qu'à Robert Giffard, actuellement, on a 100 places dans la communauté qui sont vraiment de la réadaptation. Mais, 100 places, je parle... il y a des gens là-dedans qui sont dans leur appartement, mais qui ont accès à des services de suivi à domicile et de crise.

Mme Vallée (Catherine): Par rapport au suivi communautaire, il y a un bassin important de programmes de suivi intensif dans l'ouest de Montréal. Il commence à y en avoir un peu dans l'est de Montréal, au centre-sud. On a un bastion à Trois-Rivières; on en a un petit peu en Gaspésie, dans la région de Maria; il y en a dans l'Outaouais, puis à part de ça, ça demeure quelque chose d'assez... Il y a des interventions proactives dans la région des Laurentides, mais les programmes connus qui rayonnent un peu, ça demeure à ce niveau-là. C'est très lacunaire, c'est très petits pas et ce n'est pas établi; ce n'est vraiment pas établi. Mais on ne peut pas dire que c'est propre à Hull ou propre à Québec, surtout qu'on est une association québécoise où on s'intéresse au suivi communautaire, au suivi intensif, à la largeur de la province, et on suit ça un peu. Je vous dirais que ça repose beaucoup sur des personnes. Ça commence à se disséminer dans les régions, mais c'est assez lacunaire. Ça repose beaucoup sur des initiatives locales et des individus qui portent le dossier, et non pas sur des orientations politiques.

Mme Quintal (Marie-Luce): Je voudrais quand même dire qu'à Québec, là, je parlais de Robert-Giffard, mais il y a quand même des organismes communautaires qui en font. Je pense à La Maisonnée, qui en fait déjà depuis plusieurs années, du suivi communautaire. Donc, ça existe aussi en dehors des institutions.

Mme Vallée (Catherine): C'est la notion d'intégration qui est plus difficile.

Mme Quintal (Marie-Luce): C'est ça. L'intégration se fait plus difficilement, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le ministre.

M. Rochon: Un autre sujet, pour bien comprendre ce que vous avez dit. Quand vous faites référence au fait qu'il n'y a rien dans la loi qui prévoie que la garde va se terminer et dans les meilleures conditions, je voudrais que vous nous aidiez pour dire comment il faut améliorer ça. Parce qu'il y a deux articles au moins, l'article 10 et l'article 13, qui touchent ce sujet. L'article 10 prévoit que le tribunal fixe des...

Mme Vallée (Catherine): Des jours.

M. Rochon: ...périodes pour être sûr qu'on ne s'oublie pas et qu'on ne se réveille pas un an plus tard et l'article 13 donne les différentes situations. Et tout ça est dans l'esprit que, même si on a fixé un délai d'un mois ou de trois mois, si les conditions sont que ça doit se terminer avant, ça se termine avant. Qu'est-ce que vous voulez qu'on améliore là-dedans?

Mme Vallée (Catherine): Si on revient à l'article 13, on parle d'«un certificat délivré par le médecin traitant conclut qu'elle n'est plus justifiée». Actuellement, dans la pratique, quand quelqu'un ne présente plus de dangerosité, il y a comme une obligation tacite de produire ce document-là. Par contre, ce n'est pas inscrit dans la loi que dès que la situation de dangerosité imminente n'est plus présente le médecin ou Dieu sait qui doit conclure que l'ordonnance... C'est dans l'obligation, dès que la dangerosité n'est plus présente, de produire ce certificat-là. C'est là qu'est la pierre d'achoppement. Par contre, si vous faites ça, l'article 12 n'a plus sa raison d'être. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y a un grand sourire là! Ha, ha, ha!

Mme Vallée (Catherine): Par hasard. Têtue!

M. Rochon: Consistante, consistante. Ha, ha, ha!

Mme Vallée (Catherine): Cohérente, en tout cas.

M. Rochon: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Rochon: On n'en a pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça termine les interventions. Alors, mesdames, merci beaucoup. Je suspends les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, de façon à nous permettre, justement, de poursuivre nos travaux et de terminer à 18 heures, nous recevons maintenant la présidente de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.

Mme Lemieux-Brassard, vous voulez présenter la personne qui vous accompagne? Et vous pouvez commencer votre présentation.


Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Alors, je vous présente Christian Généreux. Christian est vice-président de l'Association québécoise des étudiants handicapés au postsecondaire. Il est étudiant en sciences politiques à l'UQAM.

Vous avez tous eu copie du mémoire. Contrairement à mon habitude – parce que je sais que, d'habitude, je suis plus délinquante et j'ai tendance à mettre de côté le mémoire – je pense que le mémoire d'aujourd'hui est fait dans une optique différente des autres fois où ça a été, entre autres, un examen de session en droits de la personne et de la famille. Donc, effectivement, l'orientation qui est donnée dans le mémoire est peut-être moins militant et terrain qu'à mes habitudes. Néanmoins, je pense que la présence de Christian, aujourd'hui, va nous ramener sur le terrain. Et, dans ce sens-là, je me contenterai de prendre seulement cinq à 10 minutes pour sortir les grands points du mémoire et de laisser Christian prendre la parole pour la suite.

Je pense qu'un des points importants qui retiennent notre attention, c'est de... En tout cas, moi, je me rappelle très bien quand le nouveau Code civil est arrivé: Enfin! on a des droits garantis et des mesures qui nous permettent de nous assurer que nos droits seront respectés, entre autres le droit à l'inviolabilité de la personne, le droit à l'intégrité de la personne, le droit à la liberté.

Oui, je me rappelle très bien, à l'époque, le milieu ou, en tout cas, les juristes, il y avait eu un flou et on avait dit: Bien, il va falloir qu'on modifie la loi pour permettre une harmonisation. Sauf qu'on sait aussi que, pour tout le droit nouveau dans le Code civil, bien, il y a tout de même deux ans. Depuis le nouveau Code civil, il y a eu beaucoup de décisions des tribunaux qui ont permis de régler beaucoup de perceptions ou de craintes qui étaient soulevées. Et la question qu'on se pose, nous, c'est: Pourquoi encore une loi d'exception? C'est aussi clair que ça.

Il y a les articles 26 à 31, si j'y vais de mémoire, dans le Code civil, qui disent très clairement les mesures: examen psychiatrique dans les 48 heures; si la personne n'est pas consentante, requête devant un juge; s'il y a maintien d'évaluer la prolongation de la garde, un deuxième examen psychiatrique clinique et revenir devant le tribunal en dedans de sept jours de la date initiale d'admission.

Là, ce qu'on lit, c'est la garde provisoire puis l'examen clinique psychiatrique. Lorsque quelqu'un qui a à coeur ou qui est très près de la personne demandera et voudra bien faire les démarches pour faire saisir le tribunal de la cause, là il y aura quelque chose.

Alors, c'est clair qu'il y a des problèmes de ce côté-là. Dans le mémoire, vous avez l'historique des intentions du législateur avec la loi de 1972, le chapitre P-41, le Code civil, le Code de procédure – je les ai toutes détaillées – le projet de loi. Je pense que là où on a des problèmes, c'est donc au niveau de l'examen clinique psychiatrique comme tel et de la garde en établissement, spécifiquement la garde provisoire et la garde à distance.

(17 h 10)

Je suis criminologue et je me rappelle la garde à distance, 1980, 1981, les services du pardon, et tout ça, qui disaient: Bien, ça coûterait bien moins cher si on faisait dans les pénitenciers comme ils ont aux États-Unis, puis de mettre des mécanismes pour surveiller à distance les gens au lieu qu'ils nous coûtent cher en dedans. Puis, là, je lis la garde à distance puis j'ai l'impression de me retrouver en 1980, à Ottawa, au bureau du Solliciteur général. Ça, j'ai un problème en termes de droits de la personne.

Autre élément, et je pense que c'est clair dans le mémoire aussi: ou la personne est dangereuse ou elle ne l'est pas. Si elle n'est pas dangereuse, bien, elle n'a pas besoin de garde à distance, elle n'a pas d'affaire en dedans. Si elle l'est, comment est-ce qu'on justifie qu'on la sort pour une garde à distance? Je pense qu'à un moment donné il y a des éléments entre lesquels on manque de passerelle.

Pour ce qui est de la garde provisoire, premier problème, comme j'ai dit tantôt: Pas d'examen clinique psychiatrique. On parle de 48 heures ou jusqu'à la prochaine journée ouvrable pour une remise en liberté. Grande fin de semaine, tu rentres le jeudi, tu es cinq jours. C'est quoi, la différence entre la détention illégale et cinq jours de garde provisoire sans examen clinique psychiatrique, d'une part, sans s'assurer que la personne qui a effectivement besoin d'aide aura le plan d'intervention approprié, parce que c'est pour la protection de tous et il y a des problèmes réels, et les autres, ce qu'on appelle les faux positifs, ceux qui n'ont pas d'affaire là mais qui n'auront pas été vus pour une évaluation psychiatrique puis qui auront fait le cinq jours? Cinq jours, c'est bien évident que c'est le maximum, là. Quelqu'un qui rentre le jeudi matin, qui devrait être libéré le samedi, comble de malchance, samedi et dimanche, c'est congé, puis lundi, c'est une journée fériée, il y en a 13 comme ça dans une année, ça fait 25 % du temps. Et ça, c'est peut-être un dossier sur lequel je n'élaborerai pas parce que je laisserai Christian vous en parler.

Je pense que l'élément de base, il est partout au niveau... Le préambule du Code civil, les intentions du législateur, quand on regarde les articles qui concernent plus spécifiquement la garde en établissement contre la volonté d'une personne, est la base de notre droit. C'est le respect des droits fondamentaux. Et la détention ou la garde en établissement devrait être le dernier recours. Comment est-ce qu'on évalue la dangerosité? J'ai une de mes publications au doctorat qui portait là-dessus. Et on a un taux de faux positifs de 36 %, dans les dernières études. On a des recherches comme Mensys, qui fait l'évaluation, qui regarde les juges ou la perception qu'ont les juges et la définition qu'ont les juges, les avocats et les policiers d'une personne dangereuse ou c'est quoi, la dangerosité, et c'est trois choses différentes. En plus, ça varie dans le temps. S'il y a une ordonnance, si le policier ou l'intervenant sait que la personne a déjà un dossier antérieur – en termes de psychiatrie, on s'entend bien – ou qu'elle est considérée pour une requête au niveau d'une garde provisoire ou non.

Ici, j'ai une version plus détaillée qui est tout le travail, que je pourrai laisser si ça vous intéresse. Je peux vous dire qu'à l'automne 1995, à l'Institut Louis-Philippe Pinel, le test qui était le plus près ou, en fait, qui présentait le moins de faux positifs et qui était à 33 % s'appelle Psychotic check-list , sauf qu'il n'est même pas utilisé pour les évaluations pour les tribunaux parce qu'il n'est pas fiable ou, ce qu'on appelle en langage statistique, «non reliable». En plus, il ne répond même pas aux données de base. Alors, on évalue comment une dangerosité. On évalue comment une personne dangereuse. C'est dans ce sens-là qu'à la toute fin du mémoire, aux pages 19 et 20 – aujourd'hui, je prends pour acquis que vous savez lire et que ce qui est là est différent de ce à quoi vous êtes habitués... non, plus conforme à ce à quoi vous êtes habitués avec moi, comme approche, et que je n'ai peut-être pas besoin d'élaborer plus dans la théorie, et que l'important, c'est peut-être plus le concret de ce qu'on vous prépare par la suite – les conclusions et les recommandations sont très claires. Entre autres, à la page 20, la définition, au numéro 9, où, pour nous, la notion de danger imminent – et je sais que je rejoins d'autres qui ont présenté auparavant – ce n'est pas ce qui se dit ou ce qui pourrait se dire, mais bien qu'il y ait déjà un élément concret, une crainte réelle, donc une tentative.

Une tentative, ça ne veut pas dire d'avoir déjà rentré le couteau – entendons-nous bien – mais qu'il y ait un objet, un objet de désir ou un objet d'action, mais qu'il y ait quelque chose de concret. Il ne faut tout de même pas oublier qu'à l'heure actuelle on ne part pas du néant. Il y a déjà des lois. Il y a déjà un Code civil. Il y a déjà des mesures qui permettent... Lorsqu'un médecin reçoit à l'urgence quelqu'un qui est amené par les policiers, il est en son pouvoir de le garder 48 heures pour faire une évaluation. S'il ne le fait pas, il faut peut-être se poser la question: Où est le problème réel? Est-ce qu'on doit légiférer pour régler un manque de responsabilisation? Bien que j'espère me considérer juriste d'ici deux ans, moi, je dis non. Et je pense que ça, c'est un des éléments qui sont importants. Puis il ne faut pas oublier toute la partie, tout le pourcentage des personnes qui vont se retrouver avec des droits brimés, alors qu'elles ne le sont pas... mais aussi les gens qui auront besoin d'aide et qui n'auront pas les services appropriés parce qu'il n'y aura pas d'évaluation.

Je demeure à poser la question: Pourquoi une loi d'exception alors qu'on a un Code civil qui garantit des droits, qu'il y a des mesures bien spécifiques dans le droit nouveau qui ont été présentées spécifiquement là-dedans?

Finalement, je pense que ce dont on a besoin, c'est peut-être plus d'une harmonisation sur le terrain entre le corps médical, le corps professoral et les lois qui existent. Là-dessus, je laisserai Christian vous présenter une situation concrète, et vous me direz ce qui lui arrivera si le projet de loi passe.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Avez-vous compris ce qu'il a dit?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour la dernière partie, la paralysie cérébrale.

(17 h 20)

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): O.K. Vous êtes des policiers et vous êtes des médecins. Pour commencer, pour ceux qui se demandent ce qu'est ma déficience, j'ai une déficience motrice, plus spécifiquement la paralysie cérébrale.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Cette déficience-là, ça entraîne des limitations fonctionnelles au niveau moteur qui sont visibles.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Moi, j'étudie.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Une de mes limitations...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...les plus importantes, c'est au niveau de la communication...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...comme vous l'avez bien vu dans l'exercice du moment.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Je vais vous raconter une situation qui peut m'arriver n'importe quand.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Je suis étudiant...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...puis je suis pas mal impliqué dans le milieu associatif.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Donc, je travaille beaucoup.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Un vendredi soir, j'ai envie d'aller me détendre...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...dans un bar...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...par exemple...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...un bar comme L'Express. Sauf que ça, c'est vraiment arrivé? O.K.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Ou un bar n'importe où.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Puis, le «doorman» à la porte, pour n'importe quelle raison, il refuse de me laisser entrer. Pourquoi?

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Tu en as pris un peu trop ce soir-là? Tu ne bois même pas.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Ah! Lui, il en a pris un peu trop ce soir-là.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Il pense que, toi, tu en as pris un peu trop ce soir-là. O.K.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Là, tu essaies d'argumenter avec lui...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...mais il ne comprend pas.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Tu t'emportes tranquillement...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...puis il fait venir la police.

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Un coup que la police est arrivée, avec ce qu'il y a dans le projet de loi devant vous, le policier peut l'amener et le faire interner parce qu'il est bizarre. Mais il n'est pas... Ça, je le rajoute...

M. Généreux (Christian): ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Alors que ce n'est pas moi qui suis dans le tort, c'est l'autre.

Christian comme plein d'autres sont des faux positifs. Qu'est-ce qu'on peut mettre dans la loi actuelle qui préviendrait les abus par rapport aux gens? Puis je ne parle même pas du projet de loi. On a le même problème avec la santé mentale. À la COPHAN, au C.A., on en a parlé. Avec la Fédération des mouvements personne d'abord, c'est la même situation. Et je sais qu'au niveau de la paralysie cérébrale c'est peut-être plus évident. Mais il y a vraiment deux situations. Il y a les faux positifs, mais il y a aussi ceux qui ont besoin d'aide à un moment donné. Est-ce qu'ils auront l'aide appropriée au moment où ils en auront besoin?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

M. Généreux (Christian): ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je remercie la commission...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Non. C'est quoi, la formation qui va être donnée aux policiers?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K. Christian, on te remercie beaucoup, puis on apprécie ce qui vient de se faire. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci beaucoup de votre contribution devant la commission. Je voudrais essayer de préciser essentiellement une chose dans ce que vous nous dites. Pourquoi une loi d'exception? Le projet de loi veut venir tout simplement, si je comprends bien, compléter et harmoniser l'application du Code civil. Comme vous le dites très bien, la réforme du Code civil a amené toute une section qui s'appelle: De la garde en établissement et de l'examen psychiatrique. Il y avait déjà une loi qui existait pour la protection du malade mental. Ce que cette loi-là veut faire, c'est de faire des ajustements et être le complément au Code civil.

Je ne vois pas pourquoi vous dites que c'est une loi d'exception. Quelle serait l'alternative? Est-ce que vous nous dites qu'on n'a besoin d'aucune autre législation? On abolit la loi qu'on a déjà, comme elle s'applique moins facilement avec les amendements qui ont été faits au Code civil. On garde le Code civil comme tel et on n'a pas besoin de loi d'harmonisation pour l'application. Par exemple, le Code civil ne détermine pas autant en détail comment on procède à un examen et comment on s'assure qu'une personne aura effectivement l'examen ou sera libérée.

Il y a une partie, l'article 24, sur la question de la contention qui est prévue aussi, de façon générale, à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, mais là on en fait une harmonisation plus particulière pour une plus grande protection pour le malade mental.

Alors, je voudrais que vous nous précisiez un peu votre idée là-dessus, Mme Lemieux-Brassard, par rapport au sentiment qu'on présentait une loi d'exception. Ça ne va pas s'appliquer à la place du Code civil. Le Code civil s'applique et ça veut, je pense, être un complément.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): O.K. Premièrement, une loi d'exception, dans le sens que le droit ultime et les droits fondamentaux au Québec sont les droits à l'inviolabilité de la personne, le droit à l'intégrité de la personne et le droit à la liberté. À partir du moment où on crée une loi qui contrevient ou qui vient mettre des mesures qui vont à l'encontre de ces droits, ce sont des lois d'exception.

M. Rochon: O.K.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Alors, ça, c'est clair.

M. Rochon: Donc, c'est relié à la notion de la situation de dangerosité. Ce n'est pas une loi d'exception pour le malade mental, là. C'est plus à cause de la section... de quelqu'un qui crée une situation de danger ou qui représente une situation de danger pour lui ou pour son entourage.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Que ce soit celle-là ou n'importe quelle loi.

(17 h 30)

M. Rochon: Bon, si on n'a pas cette loi-là dite d'exception, à ce moment-ci, je vous le concède, quelle serait l'alternative? Vous nous dites qu'on n'a pas besoin de légiférer du tout. On garde la loi comme elle est actuellement, la Loi sur la protection du malade mental comme elle est actuellement, ou on l'enlève complètement, et on travaille avec le Code civil. Je veux comprendre ce que vous nous recommandez, ce que vous précisez.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Le statu quo du Code civil et de la loi avec modification du nom pour la rendre un peu plus à jour et respecté le principe de reconnaître que les personnes, même si elles ont des incapacités, elles ont aussi des capacités, avec les modifications qui sont, entre autres à la page 19, à savoir de spécifier dans la loi actuelle que les deux évaluations psychiatriques soient des rapports différents, de s'assurer que le deuxième soit fait par un psychiatre différent sans accès au premier. Donc, s'assurer de l'intégrité et du non-biais des deux.

Il est clair, au niveau du rapport, qu'on peut très bien mettre la date et la durée. On n'a pas besoin d'une loi complète et on n'a surtout pas besoin d'ajouter les articles, 8 entre autres, qui donnent un pouvoir au policier, sur demande de n'importe qui, d'amener en CLSC ou à n'importe quel autre établissement reconnu pour une garde provisoire sans examen clinique psychiatrique. Je pense que, ça, c'est un des éléments très importants.

De la même façon, le Code civil met déjà les balises, et la lettre de la loi qui est là doit être celle qui prime. La loi qu'on a en ce moment permet et bonifie, en fait, le Code civil, parce qu'elle permet une requête ou une audience devant un juge dans les 48 heures. Si le juge, effectivement... Et c'est de là qu'on amène le Code civil, parce que, dans le fond, le Code civil entre juste à partir du moment où il y a déjà une première requête. Sauf que, dans le projet de loi actuel, il n'y en a même plus de ça; on n'en parle même plus de ça. Et c'est là qu'il y a un problème. Pourquoi revoir ou refaire tout un projet de loi au lieu de regarder dans la loi actuelle les bonifications qui étaient nécessaires? Parce qu'on reconnaît qu'il y avait des bonifications, entre autres juste la définition de dangerosité ou de danger imminent. Parce que les tribunaux et la Commission des affaires sociales, ce n'est pas pour rien qu'on regarde encore aujourd'hui, on dit clairement que la garde n'est pas une raison pour continuer et offrir des services de santé que la personne refuserait autrement.

Regardez les décisions de la Commission des affaires sociales dans les 20 dernières années. Les demandes qui sont là sont effectivement pour prolonger la garde en établissement. Pas pour des raisons de dangerosité, mais pour offrir des services de santé, parce que peut-être que monsieur et madame ne les continueront pas à l'extérieur. Ce n'est pas ça que le Code civil dit. Par contre, cet élément-là, de s'assurer cette force qu'on devrait avoir réalisée sur le terrain, on ne le retrouve pas dans le projet de loi n° 39, alors que si on regarde et qu'on peut bonifier ce qui est là, c'est de renforcer une fois pour toutes dans la loi que le projet de loi est là pour s'assurer avant tout que les mesures qui seront mises en place le seront en s'assurant qu'il n'y aura pas atteinte à la liberté, à l'inviolabilité et à l'intégrité de la personne, qu'elle ne sera pas gardée en détention parce qu'elle ne prend pas ses médicaments, mais bien parce qu'elle est dangereuse. Elle est là, comme on le définit. Et ça, on ne le retrouve pas non plus.

Parce que, si on regarde la définition de dangerosité, dans la loi actuelle, dans son sens usuel – parce qu'il ne faut pas oublier que, en droit, on dit toujours qu'à moins qu'il soit spécifié autrement, c'est le sens usuel et courant du terme qui est utilisé – la dangerosité signifie la potentialité d'une menace ou d'un tort en atteinte à la sûreté et l'existence d'une personne ou d'une chose. Dans la pratique, le danger qu'un individu peut présenter pour lui-même ou pour autrui s'évalue en termes d'un potentiel de violence à son égard ou à l'égard des autres.

Depuis plusieurs années, le concept de dangerosité a pris beaucoup d'importance dans les politiques associées à la justice criminelle ou aux institutions de santé mentale. De plus en plus, on essaie de prédire la violence future des individus – on n'attend pas qu'il y ait un potentiel de violence, la future – alors que, justement, le Code dit très bien qu'il faut que ça soit une dangerosité réelle. Pour qu'on brime, atteinte à la liberté d'un individu, il doit y avoir un geste et un fait réel et constant.

De la même façon, je veux dire, on ne peut pas s'attendre à ce qu'au niveau d'une législation on règle un problème que les scientifiques n'arrivent même pas à définir. Je pense que là-dessus on est clair. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a, dans le projet de loi qui est là, des risques énormes. Pour moi, 36 % ou même 20 % de faux positifs, c'est d'aller à l'encontre du droit québécois et du droit de la personne. À moins que le gouvernement trouve de l'argent, n'importe quel moyen pour mettre une équipe ultramoderne, multidimensionnelle et multidisciplinaire pour arriver à ce que des chercheurs ont essayé de faire depuis des siècles, à définir c'est quoi un indice de dangerosité puis qui va l'être. Est-ce qu'on va retourner, comment ça s'appelait, au fiel noir puis toutes les bonnes vieilles histoires qu'on a eues? Pourtant des théories très valables à leur époque. Est-ce qu'on peut se permettre d'atteindre à la liberté de la personne alors qu'il y a d'autres moyens de le faire?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Moi, je veux revenir sur un chiffre. Je veux savoir quel est son niveau d'acceptabilité par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Quand on parle de 36 % – dans le meilleur des scénarios, on pourrait le réduire à 33 % – est-ce que c'est une donnée qui est validée au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux?

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Pas au niveau du ministère. Moi, je me suis fiée... En fait, c'est les dernières recherches qui ont été faites, en date de 1994, avec Fox et Menzies, toute l'équipe de Pinel au niveau de la dangerosité, de la déviance sexuelle, l'équipe de Jocelyn Aubut. J'ai fait mon travail avec eux, et mon doctorat est là. Je veux dire, c'est là-dessus que je travaillais. C'est les données qui sont là.

Le «psychotic checklist», il y a toute une équipe qui travaille là-dessus à Pinel. D'ailleurs, toute la base, si on regarde... Vous pourriez peut-être demander à Me Jean-Pierre Ménard, qui est peut-être celui qui pourrait répondre le plus étant donné que c'est lui qui donne le cours de psychiatrie légale à l'Université de Sherbrooke là-dessus. Alors, je pense que Me Ménard est peut-être celui qui est le plus approprié.

M. Paradis: Ça va, merci.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais, il y a définitivement toute l'équipe à Pinel qui travaille. Je peux envoyer un document si vous en avez besoin.

M. Paradis: Non, mais si on prend pour acquis une statistique qui est autour de 35 %, on a un vice fondamental dans le système, là.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais ce n'est pas juste ici. Il ne faut pas réaliser que c'est juste dans la situation, là.

M. Paradis: Non, non. Ces études-là sont internationales.

(17 h 40)

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Parce que, partout, il y a toujours des faux positifs et des faux négatifs. Ça, c'est clair. Moi, ce qui me préoccupe et ce qui préoccupe l'équipe avec qui je travaille...

M. Paradis: Ce n'est pas les faux négatifs, c'est les faux positifs.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): ...c'est qu'on aille de l'avant avec un sujet, des moyens et des mesures qui briment les droits fondamentaux alors qu'on évite de tenir compte des faux positifs.

M. Paradis: O.K. Je voudrais juste reprendre, à ce moment-ci, la question de Christian, la dernière qu'il a posée après avoir raconté un événement: Quelle est la formation que les policiers, qui en vertu de cette loi-là ont des pouvoirs, reçoive? Quand on met en application une loi de cette nature-là, on a vu des incidences sur la curatelle publique, on en voit sur la sécurité publique, est-ce que, au niveau du ministère de la Sécurité publique, on a prévu des budgets de formation additionnels pour la mise en vigueur de cette loi-là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Bien, là, on parle évidemment des modalités de l'application de la loi. Dans ma compréhension, c'est clair que... D'ailleurs, d'autres intervenants nous l'ont dit, ça existe déjà dans différents milieux, des policiers qui ont déjà une formation et qui travaillent de très près avec des organismes communautaires qui s'occupent particulièrement des gens qui ont des problèmes de santé mentale. C'est clair que ça implique que l'agent de la paix qui sera choisi devrait avoir une formation pour pouvoir intervenir dans cette situation-là.

Je dirais juste, M. le Président, que le choix de l'agent de la paix, quand la question s'était posée, comment une personne, sa famille et son entourage peuvent être aidés si quelqu'un d'autre doit intervenir, la question s'est beaucoup posée, par exemple: Est-ce que ça devrait être des ambulanciers par rapport à des agents de la paix, ou qui d'autre? À travers plusieurs consultations et discussions, la conclusion en était venue, le plus large consensus, que c'est encore l'agent de la paix, surtout s'il a une formation plus spécifique, qui, dans son métier, est plus amené à être capable de travailler avec des gens qu'il doit contenir, même physiquement, et être capable de le faire de façon minimale, plus que toute autre personne.

Je reviens plus fondamentalement à votre question. C'est sûr que si on dit que la loi est comme ça, mais qu'on va mal l'appliquer avec des policiers pas formés puis qui vont faire ça n'importe comment, il n'y a jamais une loi qui va faire du sens. Alors, la loi, c'est une chose; son application, c'en est une autre. Mais, ça implique que, oui, il faut qu'il y ait des policiers qui soient formés.

M. Paradis: O.K. Mais je reviens encore à la question de Christian, moi, là. Ma compréhension – et j'ai passé seulement une journée, j'ai manqué les autres avant, de la commission...

M. Rochon: Oui, c'est ça.

M. Paradis: ...il m'en manque un bout – c'est que, au niveau de Montréal, pour prendre un exemple, ou de la Communauté urbaine de Montréal, on a parlé d'une équipe volante, puis on a mentionné: équipe volante insuffisante. Moi, je le revois à la porte de son bar, puis l'équipe volante n'est pas là, c'est le policier sans formation qui arrive, puis je le vois dans sa situation, quelles sont ses chances réelles, pratiques?

M. Rochon: Bon, maintenant, là aussi, je vais juste faire un commentaire, je ne veux pas partir une discussion là-dessus. On est un petit peu en dehors du cadre de la loi, parce que je pense que la situation qui a été décrite par M. Généreux, qui peut être très réelle, concerne tout citoyen. D'ailleurs, M. Généreux n'a pas un problème de santé mentale du tout, c'est un problème de déficience motrice.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais, c'est ça, le point.

M. Rochon: C'est ça. Non, mais, c'est justement. Alors, la situation qui est décrite, qu'on l'ait ou pas, cette loi-ci, tout citoyen qui est dans une situation où il manifeste d'une façon ou d'une autre et qu'un agent de la paix interprète son comportement comme étant de troubler la paix, qu'il intervient et que ça fait un autre genre d'altercation, ça, c'est un problème, mais c'est un tout autre problème, une toute autre situation qui n'a pas avoir vraiment avec le malade mental. Et l'exemple qui nous a été donné d'ailleurs n'en est pas un de situation de maladie mentale.

M. Paradis: La loi qu'on propose – puis vous me corrigerez si j'ai tort – va donner une possibilité à la police qu'elle n'aurait pas si la loi qu'on propose n'était pas adoptée, là?

M. Rochon: C'est-à-dire que, dans le cas actuel, si on a une situation où une personne deviendrait, disons, violente en paroles et en gestes et pourrait menacer elle-même et son entourage, la seule façon de faire pour une famille ou l'entourage, c'est de trouver le moyen quelconque d'amener la personne devant un tribunal pour que le juge puisse voir si elle est vraiment dangereuse puis on l'amène à l'hôpital ou de l'amener à l'hôpital pour qu'un médecin puisse intervenir puis dise: Oui, on la garde jusqu'à temps que le tribunal se prononce. Tout ce que la loi rajoute à son article 8, c'est que les gens pourraient être aidés par un agent de la paix qui, dans le cas actuel, on le dit, dans beaucoup de situations, le font de toute façon. S'il y a une situation qui devient vraiment très violente, le réflexe des gens va être d'appeler, peut-être à l'aide de différentes façons, mais aussi, dans certains cas, l'agent de la paix, et l'agent de la paix va intervenir, mais sans que ça soit prévu dans le cadre légal. Si ça l'est, l'intention était que ça soit mieux organisé puis que les agents soient préparés pour faire ça, qu'ils soient mieux en lien avec les organismes du réseau de la santé, les organismes communautaires, pour être des acteurs sur la scène. C'est tout ce que ça rajoute à la situation. Mais ça ne crée pas la situation de violence et de difficulté dans un cas de maladie mentale ou dans un autre genre de situation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Comme on vise à éviter ce genre de situation-là, je demanderais peut-être à Mme Lemieux-Brassard de répliquer suite à l'échange qu'on vient d'avoir.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Oui, effectivement. Premièrement, j'aimerais qu'on relise l'article 7 également où on dit clairement: «Sans autorisation du tribunal et sans qu'un examen psychiatrique ait été effectué». On sait aussi que les lois ne s'interprètent pas séparément mais comme étant un tout et le lien entre chaque article. L'article 7 vient dire que l'agent de la paix, qui est à l'article 8, est aussi en lien, que la garde provisoire n'a pas à avoir lieu sans autorisation du tribunal et sans qu'il y ait d'évaluation psychiatrique.

Je peux vous dire aussi, pour travailler auprès de l'Institut de police et de la technique policière et pour avoir été conférencière au dernier congrès de plaidoyer-victimes et de me faire répondre par les policiers formateurs de l'Institut: Écoutez, là, on vient de se faire imposer 15 heures sur la violence conjugale, pensez-vous qu'on a le temps puis l'intérêt d'apprendre à dealer avec les personnes handicapées? Mes trois frères sont policiers, dont un formateur à l'Académie de gendarmerie, c'est le dernier de leurs soucis. Ils ne veulent rien savoir parce qu'ils disent: Ce n'est pas notre job. Il a l'air bizarre, on ne sait pas quoi faire avec, on l'amène à l'hôpital puis qu'ils dealent. S'ils ne veulent pas dealer avec, c'est leur problème.

Moi, ce que je n'aime pas dans ce que je viens d'entendre, c'est qu'on vienne dire que Christian n'a pas de problème de santé mentale, ça fait que c'est mis à côté. C'est justement le point. Parce que le policier a dit à Christian que le gars avait le droit de faire ce qu'il voulait selon le Code criminel. Christian n'a jamais frappé sur un mur. Imaginez-vous aphasique ou ne pas être capable de parler puis vous voulez vous faire comprendre. Vous faites quoi? Ah! Bien, c'est quoi, ça? Et c'est là que les policiers sont appelés et c'est là que vous avez l'élément de dangerosité. Je l'ai vécu avec Christian, et c'est là le risque de danger, pas de dangerosité, de danger de l'application. C'est ça qui me cause un problème.

Mais je pense qu'il est important, puis il ne faut pas oublier l'autre côté de la médaille. Puis ça, pour moi, je veux que ça soit clair que, oui, il y a le problème des faux positifs et de ceux qui pourraient être étiquetés comme étant dangereux sans qu'il y ait d'évaluation de mesures. Il y a des faux négatifs aussi. Je vis dans la même réalité, là. Mais il y a aussi les gens qui ont besoin d'aide. Quand on vient dire à l'article 7 que ça pourrait être prolongé jusqu'à l'expiration du premier jour juridique qui suit sans qu'il y ait un examen psychiatrique effectué, est-ce qu'on vient vraiment aider la personne qui a une maladie ou qui a besoin d'aide réelle à ce moment-là? Cinq jours puis qu'elle n'a pas le traitement approprié, bien, c'est aussi une atteinte à l'inviolabilité et l'intégrité de cette personne-là. Puis ça, ça me cause un problème aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Brome-Missisquoi, ça va? M. le ministre.

M. Rochon: Là-dessus, juste un élément d'information qu'on me rappelle pour montrer qu'il y a quand même des choses qui sont commencées. Mon collègue, le ministre de la Sécurité publique a annoncé, au début de mars, un projet-pilote sur les urgences psychosociales qui est lancé pour les policiers et pour leur travail dans la communauté. Je ne pourrais pas vous parler des détails, là, mais c'est un projet qui est prévu pour commencer à Montréal et s'étendre progressivement dans différentes régions.

Alors, il y a vraiment une préoccupation dans l'application d'une loi comme ça, d'un travail entre les secteurs, centralement, mais aussi sur le terrain.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va? M. le député de Brome-Missisquoi.

(17 h 50)

M. Paradis: Oui. Mais juste sur la réalité de terrain, là. Moi, je veux comprendre qu'il y a un projet-pilote qui est commencé, puis tout ça, mais j'ai entendu une réalité de terrain décrite en disant que quand une situation se produit, à Montréal ou ailleurs, voici ce qui arrive présentement: On ramasse la personne, on la met à l'urgence comme telle puis débrouillez-vous avez. J'ai tendance, sans être un expert dans le domaine, à croire que ça arrive plus souvent qu'autrement. Est-ce que, au ministère, vous êtes conscients que c'est comme ça que ça se passe aussi ou est-ce que vous pensez que ça se passe correctement?

M. Rochon: Je veux dire, là-dessus, que le nombre de situations au Québec où des interventions policières seraient faites de façon discutable... D'abord, ça dépasse de beaucoup le mandat du ministère de la Santé et des Services sociaux, parce que, ce qu'on a décrit comme situation, ce n'est pas une situation de santé et de services sociaux comme responsabilité du réseau, c'est une situation générale. C'est plus dans le domaine de juridiction de la sécurité publique, je pense.

Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que pour ce qui regarde des gens pour qui la solution pourrait se retrouver du côté de la santé et des services sociaux, il y a une collaboration qui se resserre de plus en plus entre les ministères, entre autres ce projet-pilote qui va partir dans différentes régions pour que dans des urgences qu'on a appelées psychosociales il y ait une meilleure cohésion d'intervention des différents acteurs dans ce domaine-là. Mais il y a d'autres situations où le jugement du policier peut être d'amener quelqu'un plutôt au poste de police ou en prison parce que ça n'a rien à voir avec la santé et les services sociaux. La grande quantité des situations est plutôt dans ce cas-là, je pense, où ce n'est pas à l'urgence de l'hôpital que ça finit, mais c'est au poste de police.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais, à ce moment-là, pourquoi avoir identifié les agents de la paix dans le projet de loi? Écoutez, je suis un agent de la paix...

M. Rochon: On accepte bien vos commentaires là-dessus. Je l'ai expliqué que, dans toutes les discussions qui ont eu lieu, finalement, il y a un consensus qui s'est dégagé que, dans notre société, la personne dont le métier la prépare mieux à pouvoir gérer une situation où quelqu'un est violent et doit être contraint par des moyens physiques, c'est encore le policier, plus que n'importe quelle autre personne. Qu'il ait besoin d'une formation encore plus grande si le policier intervient devant une personne qui a, à l'origine de cette violence, une santé mentale, c'est un autre cas.

Maintenant, c'est discutable, là. Je vous dis que sur la base de beaucoup de consultations et de discussions, c'est ce qui semblait être le consensus. Est-ce que, si ce n'est pas le policier, c'est quelqu'un d'autre? Vous nous faites des suggestions là-dessus. Est-ce qu'on est mieux d'avoir personne puis dire à la famille, comme la situation actuelle: Débrouillez-vous seuls ou trouvez qui vous pouvez trouver? Ça, c'est des options qu'on a: ou c'est quelqu'un d'autre, ou les gens se débrouillent tout seuls, ou on identifie sur la base que ça se rattache peut-être plus à la formation de son métier, quitte à avoir des projets, genre le projet que le ministre de la Sécurité publique a lancé, pour avoir des gens qui vont devenir encore mieux préparés. C'est ça qui est la situation. Mais comme beaucoup de choses en ce bas monde, ce n'est pas nécessairement parfait.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Qu'est-ce qui arrive des centres d'aide? Quand on travaille comme criminologue, j'ai travaillé et j'étais celle qui amenait à l'urgence puis se faisait certifier. Puis il y avait la Gendarmerie, la Sûreté du Québec, la sûreté de la Rivière Désert, la sûreté municipale. Toutes pour 5 000 de population. Qu'est-ce qui fait peur puis qui provoque des crises? Des uniformes et des chemises blanches.

Une voix: ...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Non, non, les sarraus. C'est des éléments, chez des gens vulnérables, qui sont provocateurs. Il y a des services, des centres d'aide, des centres de crise, qui sont déjà en crise de survie mais qui ont une expertise. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen... Je me sens bizarre de parler de ça parce que, de ce temps-ci, mon discours est qu'on abuse de la communautarisation comme on le fait en ce moment. Il serait peut-être temps d'aller voir aussi l'expertise conjointe de la structure et du réseau et de ce qui existe, mais avec une reconnaissance officielle de l'expertise.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, dernière question.

M. Copeman: Oui, une courte, M. le Président, en ce qui concerne l'examen psychiatrique. C'est peut-être à la fois clair et pas clair, mais, vous, est-ce que vous penchez clairement sur un examen psychiatrique fait par un psychiatre? Comme vous le savez, dans la loi, on parle de la possibilité qu'un omni le fasse ou n'importe quel autre médecin. On a eu des commentaires de l'Association des médecins psychiatres du Québec qu'il n'y a pas suffisamment de psychiatres dans toutes les régions du Québec pour effectuer ces types. Alors, semble-t-il, la loi se retire, dans le sens que n'importe quel omni peut le faire. Êtes-vous satisfaits de ça, vous de la COPHAN? Mme Lemieux-Brassard.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Je pense qu'il n'y pas une réponse. J'ai travaillé en région et je peux vous dire que je connais des omnis qui font une meilleure job que des psychiatres que j'ai connus aussi et avec lesquels j'ai travaillé pendant 20 ans.

Pourquoi est-ce que c'est un psychiatre ou un médecin? Les psychologues ont combien d'années de formation en évaluation? Pourquoi pas? Ils ont un bac, ils ont une maîtrise et, de plus en plus, maintenant, on demande le doctorat, comme en Ontario et dans les autres provinces, pour avoir le droit de pratiquer. Ça pourrait être le médecin qui est à l'urgence ou l'intervenant qui est là et un psychologue. À Maniwaki, il n'y en avait pas de psychologue, il n'y en avait pas de psychiatre. Plus souvent qu'autrement, bien, c'était le médecin généraliste de l'urgence qui m'appelait. Comme je faisais des évaluations pour les tribunaux, bien, on les faisait ensemble. En région, il y a une réalité qu'il y a des omnis qui ont développé des expertises qu'on n'a pas nécessairement ailleurs. Il n'y a pas une bonne réponse. C'est dans ce sens-là que, moi, j'ai de la difficulté avec l'exclusivité de l'acte.

M. Copeman: Juste une dernière, courte. Mais vous insistez beaucoup sur les deux examens.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Oui. Séparés, pas d'accès entre les deux ou de contact entre les deux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lemieux-Brassard, M. Généreux, merci beaucoup, au nom des membres de la commission. Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 17 h 57)


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