L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 27 mars 1997 - Vol. 35 N° 71

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Remarques finales

Mémoires déposés


Autres Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Russell Copeman
Mme Lyse Leduc
* Mme Louise Bergeron, Groupe-ressource des personnes assistées sociales du Plateau Mont-Royal
* M. Yves Chartrand, idem
* Mme Nathalie Labonté, idem
* M. Jancy Bolté, idem
* M. Ghislain Picard, CSSSPNQL
*M. Raphaël Picard, idem
* M. Gary Carbonnell, idem
*Mme Thérèse Sainte-Marie, CIAFT
*Mme Dominique Chevalier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures douze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour à tous les membres de la commission et bonjour aux gens du Groupe-ressource des personnes assistées sociales du Plateau Mont-Royal. On s'excuse du retard. On va essayer de faire ça le plus rapidement possible de façon à ce que votre temps soit très respecté, ne soyez pas inquiets. Je doit aviser quand même les membres de la commission qu'à 10 heures on doit suspendre les travaux pour un retour en Chambre. Et il nous reste trois groupes aujourd'hui.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le mandat de la commission: La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Signori (Blainville) sera remplacée par Mme Simard (La Prairie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Tous les membres ont l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, l'ordre du jour est adopté.

Alors, j'invite immédiatement Mme Louise Bergeron à présenter les personnes qui l'accompagnent et à faire sa présentation.


Auditions


Groupe-ressource des personnes assistées sociales du Plateau Mont-Royal

Mme Bergeron (Louise): Merci. À ma droite, il y a Nathalie Labonté, qui est travailleuse autonome; à ma gauche, il y a Yves Chartrand, travailleur autonome; et Jancy Bolté, qui est aussi travailleur autonome.

Notre mémoire porte sur un sujet qui, jusqu'à date, n'a pas été très couvert: les travailleurs prestataires et les travailleurs autonomes. Inutile d'ajouter que ces travailleurs vivent actuellement au niveau de la survie.

Les travailleurs prestataires d'aide sociale. Le Groupe-ressource des personnes assistées sociales du Plateau Mont-Royal existe depuis bientôt cinq ans sur le Grand Plateau de Montréal, qui comprend le Mile End, Saint-Louis du Parc et le Plateau Mont-Royal. Il se définit comme un groupe de défense des droits des personnes assistées sociales. Il s'est aussi donné comme mandat de chercher et de promouvoir des moyens alternatifs pour aider les citoyens et les citoyennes à revenus précaires à quitter cette situation.

Dans ce mémoire, nous présenterons brièvement les caractéristiques de notre quartier et nous nous pencherons particulièrement sur la situation des citoyens et citoyennes qui ont recours à la sécurité du revenu pour combler des gains de travail insuffisants, ainsi que des travailleurs autonomes sans revenus suffisants.

La caractéristique principale de notre quartier vient du fait de la mixité de sa population, soit, d'une part, des personnes en chômage prolongé – anciens ouvriers, personnes malades – et, d'autre part, un grand nombre de personnes qui, pour la plupart, ont une forte scolarité: des artistes, des professionnels, des personnes qui conjuguent les études, le travail et la sécurité du revenu pour s'en sortir, etc. D'autre part, près de 50 % des ménages du Grand Plateau sont constitués d'une personne seule.

La grande majorité des employeurs de notre quartier sont des propriétaires de petits commerces, de boutiques, de restaurants, de bars, de fruiteries ou de services, comme le secrétariat, les communications et les arts. Quotidiennement, nous répondons à des demandes de personnes qui cherchent par toutes sortes de moyens à s'intégrer au marché du travail. Plusieurs grappillent ici et là des petits contrats de travail dans le domaine des communications, du secrétariat, de l'enseignement, des arts, de la rénovation et de l'entretien ménager. Nous avons là une bonne illustration de types d'emplois précaires et peu payés, et c'est une situation qui n'est pas propre seulement au Plateau. Plusieurs de ces emplois sont saisonniers ou à contrat de courte durée, si bien qu'il n'est pas suffisant de penser que quelqu'un quitte l'aide sociale quand il trouve un tel emploi. Il a, au contraire, de fortes chances de revenir à l'aide sociale après quelques mois. La seule nouveauté, c'est qu'il sera moins encouragé à se chercher un autre emploi.

Plusieurs de ces personnes expérimentent ainsi le fait que leur diplôme, leur compétence et leur talent ne leur donnent pas nécessairement un emploi. Or, vous savez comme nous que 22 % des emplois sont des emplois temporaires et 17 % sont des emplois à temps partiel – ce sont des statistiques du livre vert. Or, ces statistiques valent sûrement pour le Plateau. C'est ce qui fait que la grande majorité des travailleurs précaires doivent recourir à la sécurité du revenu à cause de leur trop maigre revenu, et c'est à regret que ces personnes y ont recours, car ce qu'elles souhaitent ardemment, c'est de contribuer par leurs talents à la société tout en en retirant les avantages prévus en terme de reconnaissance sociale et financière.

Certaines personnes nous ont confié s'être inscrites à un cours pour ne pas perdre le moral et se rattacher à ce qui ressemble à une bouée de secours. Car chercher à s'intégrer sur un marché du travail difficile d'accès et qui semble se rétrécir de plus en plus et n'avoir en prime qu'une maigre compensation de la sécurité du revenu, ça tue l'espoir.

Si, maintenant, nous nous concentrons sur les personnes seules qui travaillent et qui complètent leur revenu par la sécurité sociale, nous avons les chiffres suivants: Chaque personne peut disposer de 674 $ par mois, soit 500 $ de prestation de base et 174 $ de gains de travail permis.

Tout ce qui dépasse le montant de 674 $ sera coupé. Si nous échelonnons ce montant sur un an, cela donne 8 088 $. Mais le seuil de faibles revenus de Statistique Canada pour une personne seule à Montréal a été fixé à 15 479 $. Il y a donc un manque à combler de 7 391 $. Et l'on empêcherait ainsi les personnes d'améliorer un tant soit peu leur sort en accédant minimalement au seuil de faibles revenus de 15 479 $.

Avec un montant de 674 $ par mois, les personnes n'arrivent pas à assumer leurs besoins vitaux. Ce seuil de sous-sous-pauvreté vient-il d'être institué comme une norme de faibles revenus pour les citoyens et citoyennes du Québec? En nous référant au tableau des besoins de base reconnus par le ministère dans le livre vert, nous constatons avec surprise que des besoins essentiels comme le chauffage, l'électricité, les frais d'envoi pour la recherche d'emploi, les médicaments et le dentiste ne sont pas inclus, et les frais de loyer et de transport ne sont certainement pas conformes à la réalité. Il est aberrant de constater que les gains de travail permis ne permettent pas de couvrir ces besoins essentiels et de se sortir un peu la tête hors de l'eau, mais, au contraire, enfoncent les gens dans le giron de la misère.

En tenant compte de l'indexation graduelle totalisant 202 $ de gains de travail permis, nous arrivons à 8 424 $, ce qui est encore insatisfaisant. Comment espérer que de telles personnes, qui cherchent du travail et qui trouvent, pour la plupart, des emplois plus que précaires et peu payés, arriveront à se sortir du trou?

Si les gains de travail pouvaient être plus élevés, quitte à être comptabilisés par le biais de la fiscalité, nous aurions là un incitatif plus sérieux et respectueux des personnes et de leur volonté de s'en sortir que ce qui prévaut actuellement. D'autant plus qu'un des objectifs majeurs de la présente réforme vise à intégrer les gens sur le marché du travail.

On peut facilement prévoir que la précarité aura pour effet de multiplier le travail au noir malgré les efforts du gouvernement pour le réduire. Maintenant, je cède la parole à Yves.

(9 h 20)

M. Chartrand (Yves): Bonjour. Je vais maintenant vous parler des travailleurs autonomes. Ça rejoint en partie la situation de ceux qu'on appelle les travailleurs prestataires, mais il y a quand même une catégorie «travailleur autonome» à l'aide sociale. Je pense que c'est important d'en parler; on dit qu'il y a 466 000 travailleurs autonomes au Québec en 1995 et que ça représentait environ 14 % des travailleurs. C'est une forte augmentation par rapport aux années précédentes. On dit qu'en 1991 80 % d'entre eux gagnaient moins de 20 000 $ par année.

Dans le quartier du Plateau, il y a 30 % des travailleurs, en l'an 2000, selon les estimations de l'Association des travailleurs autonomes, qui feront partie de ce groupe-là. C'est des artistes, des communicateurs, des thérapeutes. Ils sont fiers, indépendants et responsables. On s'investit – j'en suis un, alors je vais dire «on» – corps et âme dans notre travail, sans compter les heures et, évidemment, en protégeant notre autonomie à tout prix. On veut subvenir à nos propres besoins et, évidemment, prospérer dans un contexte où la compétition est très forte. Actuellement, on le voit dans les groupes de support de la SQDM ou ailleurs, tous les gens veulent vendre quelque chose, que ce soit un service de massothérapie, que ce soit un service de communication. Moi, je fais des émissions de radio; M. Bolté fait des émissions de télé. Alors, à un moment donné, il y a beaucoup de gens qui veulent vendre des choses, et la question qui se pose présentement dans bien des domaines, c'est les possibilités d'achat pour ces services-là. Donc, il faut être futé, il faut travailler fort, mettre beaucoup d'heures, être astucieux, avoir des bons contacts, etc., pour développer notre travail. L'effort est là, l'effort est fait au quotidien, et c'est difficile de progresser dans ce chemin-là.

D'une part, on reconnaît, pour nous personnellement, dans le cas de M. Bolté et moi, qu'on a eu le soutien du programme Soutien à l'emploi autonome de l'aide sociale, qu'on considère être un très bon programme, et on vous remercie de nous avoir donné ce soutien-là, mais il y a des lacunes importantes dans ce programme-là, dont on va parler tantôt. Et aussi, le problème auquel on est confronté, c'est que, d'un côté, on a reçu de l'aide pendant un certain temps, et je dirais qu'il y a une partie du ministère qui nous aide – et c'est le même ministère, au fond – à aller de l'avant, à développer nos projets d'entreprise, à les mettre sur pied, à les développer, et, en même temps, on dirait qu'il y a l'autre bras du ministère, qui est le bras contrôle – sinon le bras matraque – qui, là, aussitôt qu'on fait une piastre de plus que l'argent permis, on est coincé, on a des coupures.

C'est très difficile de progresser, c'est très difficile d'avoir des revenus de notre travail parce qu'à chaque fois, soit qu'on dissimule les revenus – et c'est ce dont la campagne publicitaire parle, En dessous de la table – ou, si on déclare les revenus, à ce moment-là chaque dollar qui dépasse 174 $ nous est enlevé. Le problème, c'est qu'il n'y a aucune distinction de faite entre les revenus de l'entreprise et les revenus de l'individu. Et ce n'est pas du tout la même chose: une entreprise a besoin d'un fonds de roulement, a besoin d'argent pour payer ses dépenses, et, si ce qui rentre comme argent est considéré comme un revenu à la personne et que c'est déduit de ses prestations d'aide sociale...

Comme moi, j'en suis un exemple. Il y a une somme d'argent qui est rentrée pour mes émissions de radio au mois de décembre. En janvier, j'ai reçu mon chèque; on m'a demandé après ça de rembourser mon chèque parce que j'avais touché de l'argent. J'ai eu beau démontrer que cet argent-là n'est pas venu à moi comme salaire – parce qu'une entreprise, pour qu'elle arrive à payer un salaire, il faut qu'il y ait pas mal de revenus, sinon il n'y a pas de salaire qui se paie... Finalement, la décision a été changée je ne sais pas trop pourquoi et je n'aurai pas à le rembourser.

Mais on passe une partie importante de notre temps à se chamailler avec l'aide sociale plutôt qu'à travailler au développement de nos entreprises. Alors, ça, c'est un gaspillage d'énergie quelque part. Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait plus de cohérence dans l'intervention du ministère, qu'il n'y ait pas un bras qui aide et un bras qui nous tape dessus et que, je dirais – et je pense que c'est peut-être le rôle de Mme Harel, vous, comme ministre – on fasse en sorte que l'intervention soit cohérente.

Et, quand on regarde le livre vert, les travailleurs autonomes, on n'en parle pratiquement pas, et on sait que c'est une catégorie grandissante et que ça va être de plus en plus comme ça dans l'avenir. Malheureusement, tant que la situation économique ne s'améliorera pas substantiellement au Québec, il y en a beaucoup d'entre eux, comme nous, qui vont devoir faire appel à votre ministère. Alors donc, il faut qu'on parle des travailleurs autonomes dans la réforme, il faut qu'on établisse des mécanismes de fonctionnement qui répondent aux besoins des travailleurs autonomes.

Notamment aussi il ne faut pas partir... On travaille avec nous strictement à partir de calculs comptables, soit qu'on calcule vos revenus mensuellement ou on calcule vos revenus d'après les revenus des 12 derniers mois. Exemple: si, à un moment donné, comme ça a été mon cas, vous faites une demande d'aide sociale et que, dans les 12 derniers mois, il est rentré de l'argent dans votre entreprise, mais que cet argent-là n'est plus là, a été dépensé ou a servi à payer un salaire pendant un certain temps... Quand on fait une demande de prestations, c'est en dernier recours, alors on n'a pas d'autre argent devant nous. Et là, si on calcule ce que l'entreprise a fait dans les 12 derniers mois pour fixer votre prestation, vous allez avoir une prestation plus basse. Alors, ça, c'est un problème dans ce mode de calcul là. Et le mode mensuel crée aussi des problèmes parce qu'aussitôt que vous faites un peu plus de sous que ce qui est permis ça vous est coupé automatiquement.

Donc, on est toujours pris avec des calculs comptables et non pas avec une approche que je dirais cohérente, intelligente, conséquente et qui est là pour nous aider à sortir de notre situation plutôt que de nous y enfoncer par des contrôles qui ne finissent plus et des coupures au niveau de nos prestations.

Peut-être que je terminerais par le programme Soutien à l'emploi autonome. On voudrait que ce programme-là soit développé.

Je pense que je peux résumer les pages qui sont là parce que je veux laisser du temps aux autres personnes pour intervenir. Si on passe à l'étape des recommandations qu'on vous fait plus loin, vers la fin de notre mémoire, juste avant la conclusion, une des choses qu'on demande, c'est que la réforme hausse le niveau des gains permis jusqu'au seuil de faibles revenus de Statistique Canada, soit 15 479 $ par année. Nous, on considère qu'en bas de ça quelqu'un ne vit pas, quelqu'un survit; à partir de ce montant-là, on peut commencer un peu à vivre. Alors, à ce moment-là, on demande qu'on puisse travailler jusqu'à ces gains-là avant d'avoir n'importe quelle forme de coupure.

On demande aussi que le salaire minimum soit haussé à 8,30 $ de l'heure, comme il a été proposé à la marche des femmes contre la pauvreté, parce que, actuellement, on sait que, si on ne veut pas que les gens sur l'aide sociale soient favorisés par rapport aux travailleurs à faibles revenus et à salaire minimum, la solution n'est pas d'abaisser les prestations, comme on le fait présentement, ou de maintenir un salaire minimum très bas. La solution, c'est d'aller vers le haut, pour que la société se développe et que les individus améliorent leur société. Donc, pour nous, 8,30 $ de l'heure, ça nous apparaît tout à fait minimal comme salaire minimum. Et, dans ce sillon-là, je pense que, nous, comme travailleurs prestataires – et ce n'est pas une situation qu'on veut faire perdurer, on espère avoir besoin de cette aide-là à court terme seulement – nous aussi, notre situation s'améliorerait.

Que le seuil d'imposition soit aussi ramené à ce niveau-là. Il y a déjà une amélioration qui a été annoncée cette semaine, mais c'est loin d'être suffisant.

Que l'État considère sérieusement son rôle de redistribuer la richesse en tenant compte de tous les citoyens par une réforme sérieuse de la fiscalité, alors qu'on sait que le produit intérieur brut continue d'augmenter tandis que la création d'emplois diminue.

Que les travailleurs à statut précaire et les travailleurs autonomes soient informés de la possibilité pour eux de compléter leurs revenus par les prestations d'aide sociale. C'est sûr qu'actuellement on veut payer le moins de prestations possible, mais il y a beaucoup de travailleurs autonomes qui ne savent pas qu'ils ont droit à l'aide sociale, et je pense que ces gens-là, des fois, souvent même, ont honte d'aller demander de l'aide sociale – on ne fait jamais ça de gaieté de coeur – mais je pense qu'ils devraient être informés qu'ils ont le droit, s'ils sont vraiment mal pris puis qu'ils ne peuvent pas répondre à leurs besoins essentiels, d'avoir accès à l'aide sociale. Plusieurs ne le savent pas.

On demande aussi que l'approche des agents soit basée sur le respect, la confiance – on n'est pas des fraudeurs potentiels quand on passe la porte, on est des gens qui voulons nous en sortir et qui avons besoin temporairement de la sécurité du revenu – et qu'on ait le souci de nous apporter tout le support humain et financier pour permette à la personne de devenir autonome personnellement et financièrement. Je répète: On fait tous les efforts pour y arriver. Ce qu'on demande, c'est un support cohérent. Qu'une véritable démarche d'accompagnement soit offerte aux travailleurs prestataires et aux travailleurs autonomes tout au long de leur séjour à la sécurité du revenu. On se rappelle, il y a quelques années, il était dit qu'un fonctionnaire avait 20 minutes pour travailler avec un prestataire d'aide sociale. Ce n'est sûrement pas à travers 20 minutes qu'on peut aider quelqu'un à s'en sortir ou qu'on peut aider, par exemple, un travailleur autonome. Parce que, quand son entreprise est démarrée, ça ne s'arrête pas là, il a besoin de soutien encore après, en cours de route. Ce soutien-là existe un peu du côté de la SQDM, mais, du côté de l'aide sociale, on retrouve uniquement du contrôle et non pas du soutien.

(9 h 30)

Que ces travailleurs soient informés par écrit des aspects de la loi et des règlements les concernant. Moi, j'ai vu un document qui présente les travailleurs autonomes à l'aide sociale et les politiques qui s'appliquent à eux. Je pense que ces documents-là devraient être accessibles à tous les prestataires travailleurs autonomes.

Que le montant de la prestation, pour un travailleur prestataire ou autonome, tienne compte de sa situation financière réelle. Je reviens à tantôt, quand je parlais des calculs, sur une base mensuelle ou annuelle, des revenus de l'entreprise. Ayons des points de repère comme base de calcul, mais ne partons pas des bases de calcul, partons de la situation réelle de la personne qui est devant nous puis de sa situation financière, de l'entreprise qu'elle développe. Et, nous, on n'est pas contre qu'il y ait un contrôle, à mesure, pour vérifier si l'entreprise a des chances de devenir rentable, qu'on accompagne la personne en l'aidant et qu'on contrôle en même temps – parce que c'est l'argent du contribuable qui est mis là – mais qu'on parte de la situation réelle des gens.

Qu'on accorde un fonds de roulement à l'entreprise sans que ce montant n'interfère dans la prestation de base du travailleur.

Finalement, on demande que le programme Soutien à l'emploi autonome soit maintenu. C'est un programme qui a démarré en 1994, qui allait jusqu'en 1997. On voudrait savoir s'il y a des crédits qui ont été votés dans le nouveau budget pour le maintien de ce programme-là, parce que c'est un programme qu'on considère qui est bon – qui est à améliorer, mais qui est très bon – et qui permet le développement du travail.

Que la durée de l'aide accordée dans le programme... Le problème, c'est que démarrer une entreprise, c'est une étape; la maintenir, c'en est une autre. Alors, il faudrait aider les gens pas uniquement pendant un an par la subvention salariale, mais de l'étendre, pour nous, sur une période de trois ans, quitte à ce que ça ne soit pas 100 % tout le temps. Si une entreprise a besoin de 100 % d'aide salariale pendant trois ans, on la donne parce que c'est un investissement dans la création d'emplois, dans le démarrage d'entreprise dont on parle tant au Québec. Et, dans des cas où l'entreprise devient plus rapidement rentable, on pourrait diminuer les sommes en cours de route.

C'est un peu nos recommandations.

Mme Bergeron (Louise): En conclusion, nous croyons que la souveraineté d'un pays, objectif du présent gouvernement, passe aussi par la souveraineté des personnes qui vivent dans ce pays. Dans la situation actuelle, nous ne voyons pas comment nous y arriverons avec une frange importante de la population qui se découvre de moins en moins souveraine, c'est-à-dire incapable de prendre les moyens pour s'en sortir réellement, car les normes du ministère les en empêchent et les font revenir à la case départ.

Nous sommes en train de créer une génération d'apprentis mendiants chroniques, ce qui va à l'encontre de la dignité des citoyens et citoyennes que nous sommes. C'est pourquoi la réforme devrait se faire en lien avec un projet de société qui fait place à tous les citoyens et toutes les citoyennes, sans exclusion. Nous croyons que la réforme doit aussi tabler, comme elle l'affirme, sur la volonté des gens à s'en sortir. À moyen terme, nous croyons qu'une augmentation du barème de base pourrait être essayée comme une première étape de revenu social garanti.

En résumé, si on veut que le parcours individualisé sur l'emploi fonctionne, il faudra libéraliser les gains de travail permis.

Enfin, nous tenons à souligner notre accord avec les groupes membres du Front commun des personnes assistées sociales, qui ont dénoncé le manque de mesures concrètes pour créer des emplois. L'arrimage avec la structure proposée et les emplois n'existe pas dans nos quartiers, et on ne voit pas les moyens qui permettraient d'y arriver. D'ailleurs, nous tenons à dire que nous faisons nôtre l'ensemble des revendications portées par les groupes membres du Front commun.

Votre gouvernement fait une obsession de l'atteinte du déficit zéro. A-t-il pensé dans quel état il laisserait les personnes, comme celles de notre quartier, qui tentent désespérément de travailler dans la précarité et la pauvreté et dont la situation a toutes les chances de se détériorer d'ici à ce que l'objectif soit atteint?

Pour terminer, je dirais que Action-Solidarité Grand Plateau appuie ce mémoire. Action-Solidarité, c'est une coalition, dans notre quartier, qui regroupe près de 40 organismes.

Maintenant, je céderais la parole à d'autres travailleurs autonomes, soit Nathalie ou Jancy.

Mme Labonté (Nathalie): Bonjour, tout le monde. Mon nom est Nathalie Labonté. Moi, je suis travailleuse autonome non par choix, mais faute d'avoir trouvé un vrai emploi salarié. Je suis du domaine des communications, en journalisme, comme attachée de presse. Et puis, bien, c'est ça... À la fin de mes études, faute de trouver un emploi, j'ai eu quelques petits contrats, mais j'ai été obligée de faire une demande d'aide sociale. Ce n'était pas très, très jojo, laissez-moi vous dire.

J'ai quand même continué à faire des contacts, à faire des petits contrats et, au mois de juin l'année passée, j'ai eu un programme EXTRA avec le journal L'Itinéraire , à Montréal. Pour moi, ça a été une super place pour acquérir de l'expérience, je dois vous le dire. Je gagnais 516 $ par mois, et mon organisme, pour nous encourager un peu à l'interne, nous donnait 15 $ du feuillet ou de la photo qu'on faisait. Alors, des fois, moi, avec mes 26 ans, du travail, je suis capable d'en abattre, alors j'ai écrit, j'ai écrit et, des fois, je pouvais cumuler des gains entre 150 $ et 200 $. En bout de piste, mon séjour à L'Itinéraire me laisse avec une dette de 780 $. Et puis, après ça, bien, j'ai réussi à me trouver un autre contrat. Je suis partie de L'Itinéraire parce que j'étais comme étouffée, je n'en pouvais plus. Et puis, bon, ç'a adonné comme ça, j'ai trouvé de l'emploi avec la Coalition nationale sur l'aide sociale. Alors, mon séjour à L'Itinéraire m'a donné du vécu, m'a donné une expertise en matière d'aide sociale dont je me suis servie par la suite. Et puis, bien, c'est ça.

Alors, moi, mon salaire présent est de 250 $ par semaine, et je dois rembourser une dette de 780 $ de mon séjour à L'Itinéraire . Laissez-moi vous dire que j'ai travaillé fort, et c'est ça que le gouvernement me donne comme message: plus je veux m'en sortir, bien, plus je dois payer. Merci.

M. Bolté (Jancy): Je suis Jancy Bolté, travailleur autonome, propriétaire d'une petite compagnie qui a démarré avec l'aide de la SQDM.

Je fais partie de la génération des baby-boomers. J'ai toujours été un travailleur autonome. Depuis que je suis sorti de l'université, jusqu'à maintenant, j'ai toujours été un travailleur autonome. Je prévois, comme la plupart des gens qui sont ici, que, des travailleurs autonomes, il y en aura encore beaucoup plus dans les années à venir. Je pense que le gouvernement a intérêt à se pencher sur ce nouveau phénomène, à tous les niveaux, que ce soit la fiscalité ou autres.

D'autre part, je voudrais dire que la raison pour laquelle je suis particulièrement ici en train de présenter mon propre témoignage – et je n'entrerai pas dans les détails de ce que je dois ou ne dois pas – c'est que j'ai été subventionné par la SQDM à concurrence de 20 000 $ par année pour une entreprise à haute technicité, à haut transfert de technologie. Donc, on parle d'une compagnie de communications qui se spécialise dans la vidéo, donc sites Internet, pages Web, cédérom, etc. La compétition est peut-être très difficile, mais l'avenir est très prometteur dans ce domaine-là.

Par contre, il nous faut des équipements jusqu'à une valeur de 100 000 $. Donc, moi, ce que je préconise et ce que je vous demande, puisque maintenant la SQDM va pouvoir être en charge d'un certain nombre de choses par rapport aux travailleurs autonomes, c'est de non seulement nous accorder ce Soutien à l'emploi autonome pendant trois ans sur présentation de bilans que vous jugerez rentables ou pas... Nous donner cette subvention-là pendant trois ans.

Ce que disait M. Chartrand tout à l'heure... Si vous croyez que cette entreprise et ces individus-là sont capables de faire quelque chose, au lieu de démarrer un programme tous les 18 mois comme celui qui va démarrer en janvier 1998, au lieu de me demander, finalement, de changer le nom de ma compagnie, d'avoir une autre compagnie pour pouvoir bénéficier de cette nouvelle aide là, ceux que vous avez déjà aidés, et qui se maintiennent, et qui sont prometteurs, accordez-leur la possibilité d'avoir encore des emprunts du gouvernement par le biais de la SQDM, à raison de 6 %, ce qui nous permettrait de tenir à flot les trois années réglementaires, pour une compagnie comme celle-là, pour pouvoir voler de nos propres ailes. Et vous bénéficierez, en tant que société et collectivité, d'un programme, de cette façon de faire là parce qu'on deviendra effectivement totalement autonomes. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Juste pour votre information, je vous ai permis d'aller à 24 et quelques minutes, là, tel que je vous avais promis. Mme la ministre va commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue au Groupe-ressource des personnes assistées sociales du Plateau Mont-Royal. Vous êtes le quatre-vingt...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quatre-vingt-dix-septième.

Mme Harel: Bon, en fait, ça ne va pas vous surprendre, hein: on a commencé le 29 janvier, nous sommes le 27 mars, et c'est la première fois que la commission parlementaire se fait parler de la problématique des travailleurs autonomes.

Mme Bergeron (Louise): Ah oui?

Mme Harel: La première fois. Vous voyez?

Mme Bergeron (Louise): Mais c'est une problématique qui est très présente sur le Plateau.

Mme Harel: Et je pense que... Je remarquais donc, que vous êtes en communications...

M. Bolté (Jancy): Communications, production vidéo.

Mme Harel: ...communications, production vidéo, etc. En fait, les secteurs arts, communications, culture, hein, essentiellement, là, des secteurs qui, à Montréal en tout cas, sont l'équivalent de la forêt, de l'agriculture ou des pêches en région, d'une certaine façon. Et il y a une habitude... l'État a une habitude de financer des projets de développement en forêt, en mines, en pêches, en agriculture, et le réflexe n'est pas le même en culture, si vous voulez, en arts et communications.

Je vous dis ça, là, parce que, lundi qui est passé, Mme Beaudoin, moi-même, M. Ménard, pour la Métropole, le CRD... Peut-être que vous savez. En fait, vous, vous êtes assez au fait de tout ça, là. Le Conseil régional de développement a signé une entente spécifique, comme on dit, là, sur la culture à Montréal. C'est pour un montant de 4 000 000 $. Ce n'est pas la mer à boire, mais l'idée est essentiellement de trouver une façon de faire du développement, du maintien et de la stabilisation de la main-d'oeuvre dans le secteur arts, culture, communications, en cessant d'être éparpillé dans des programmes séparés.

(9 h 40)

Regardez, c'est très intéressant. Je veux tout de suite... Il y a tellement de choses dans votre mémoire, là. La première des choses, là, le programme SEA, Soutien à l'emploi autonome, il y a un bilan qui a été fait. J'aimerais beaucoup ça qu'on prenne en note qu'on vous fasse parvenir ce bilan. C'est un bilan Sécurité du revenu–SQDM sur toute l'expérience, avec les points forts puis les points faibles.

M. Bolté (Jancy): On l'a étudié.

Mme Harel: L'avez-vous eu?

M. Bolté (Jancy): Oui.

Mme Harel: Parce qu'il vient juste de sortir.

M. Bolté (Jancy): Oui, bien, enfin...

M. Chartrand (Yves): On l'a lu dans la voiture ce matin.

Mme Harel: Pardon?

M. Chartrand (Yves): On l'a lu dans la voiture ce matin en s'en venant.

Une voix: En s'en venant ce matin.

Mme Harel: Vous l'avez au complet?

M. Bolté (Jancy): Oui.

Mme Harel: Parce qu'il y a eu des morceaux qui se sont... En tout cas...

M. Bolté (Jancy): On peut voir.

Mme Harel: Chose certaine, vous allez le voir, je vais vous le faire parvenir...

M. Bolté (Jancy): D'accord.

Mme Harel: ...et, comme ça, vous pourrez réagir. Parce que vous savez que ça a été en profondeur et analysé. Là où ça a marché, c'est quand il y avait des réseaux derrière; là où ça a foiré, c'est quand la personne était seule pour entreprendre, si vous voulez...

Mme Labonté (Nathalie): Mais c'est comme ça qu'on se sent présentement, Mme Harel, seuls. C'est vraiment ça.

Mme Harel: Oui, oui, mais ça dépend. Je dois vous dire, là, pour être allée plusieurs fois – encore vendredi ou lundi il y a deux semaines là – à l'ouverture du CJE sur le Plateau, avec la CDEC du Plateau, pour avoir des relations assez suivies avec la CDEC du Plateau... Vous connaissez la CDEC du Plateau?

Mme Labonté (Nathalie): Oui, oui.

Mme Harel: Bon. Alors, pour...

M. Bolté (Jancy): C'est une proposition...

Mme Labonté (Nathalie): Ils ne peuvent pas nous donner de l'argent demain, eux autres, pour vivre, là. C'est ça, là.

Mme Harel: Bon, regardez bien. Ça, vous savez, on est... J'imagine, là, il y a 100 ans, quand ça a été la révolution industrielle, ça devait être très affolant. Et c'est terriblement affolant, puis, en même temps, c'est affolant pour à peu près tous les pays industrialisés aussi. L'Allemagne n'avait jamais connu ça, un taux de chômage de 12 %, ça ne lui est jamais arrivé. Imaginez-vous la Suède, qui était à 13 %. Je suis allée une fois dans ma vie il y a 10 ans, en 1987, leur taux de chômage faisait 3 %, puis, à Stockholm, 1,8 %. Alors, il y a quelque chose qui se passe ailleurs qu'ici, aussi. Bon. Et vous dites: Il y a des solutions, en tout cas, en attendant. Il ne faut pas se baisser les bras puis dire: C'est mondial, on n'y peut rien.

Mme Labonté (Nathalie): Il y a des solutions concrètes que vous pourriez prendre tout de suite comme gouvernement.

Mme Harel: Voilà, c'est ça.

Une voix: Moi, j'ai une question...

Mme Harel: J'en vois une immédiatement, puis je veux vous la dire, là. Je ne sais pas si vous voulez la savoir.

Mme Labonté (Nathalie): Certainement.

Mme Harel: Bon. Alors, une immédiate, c'est de convertir, pas juste pour un an, dans le cadre de la création de l'emploi, la prestation. On va regarder ça sérieusement, le trois ans, très sérieusement. Puis, en même temps – parce que cette conversion dure un an, vous savez, la conversion dans le cadre de Soutien à l'emploi autonome – il y a des choses à faire, parce qu'on se rend bien compte que les cercles d'emprunt – vous connaissez les cercles d'emprunt mis en place, là...

Mme Bergeron (Louise): Oui.

Mme Labonté (Nathalie): Les microcrédits, oui.

Mme Harel: ...par les CDEC – ont infiniment plus de succès. Savez-vous qu'avec SEA c'est la moitié des projets qui ne marchent pas? Avec les cercles d'emprunt, ce sont finalement 98 % des projets qui marchent. Donc, il y a des conditions de réussite, et, essentiellement, ces conditions sont simples: il faut être dans un réseau, le réseau signifiant, dans le fond, être avec d'autres entrepreneurs, s'entraider et avoir le soutien d'une expertise continue. Alors, là, qu'est-ce que ça va changer finalement? C'est la CDEC qui va pouvoir devenir le centre local de développement. Vous en avez entendu parler, j'imagine, de ça?

Mme Labonté (Nathalie): Mais on n'aurait même pas besoin d'emprunter, Mme Harel. Si on pouvait au moins garder ce qu'on gagne, ça serait déjà beaucoup. Mais là on est pénalisé. Plus on travaille, à l'aide sociale, pour s'en sortir, plus on est pénalisé. Si, moi, je pouvais garder mon 700 $, pensez-vous que... ça me permettrait peut-être de rembourser mon prêt d'ordinateur. Déjà ça serait beaucoup. Puis ça m'encouragerait, justement, à gagner davantage que ma prestation. Je pourrais peut-être me rendre, je ne sais pas, moi, jusqu'à 12 000 $, 13 000 $, 15 000 $ sans payer d'impôts. Mais, au moins, ça me laisserait souffler.

Mme Harel: Regardez bien. Je vais vous dire quelque chose. Le seuil d'imposition pour tout le monde est au-dessus de 10 000 $ puis ça vient d'être augmenté. Il ne peut pas y avoir un traitement...

Mme Labonté (Nathalie): Mais on ne parle pas de seuil d'imposition, on parle de prestations. Moi, j'ai une dette...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aimerais que vous laissiez finir Mme la ministre, et puis vous aurez la parole.

Mme Labonté (Nathalie): Excusez-moi.

Mme Harel: Il ne peut pas y avoir un traitement différent si vous avez une étiquette dans le front d'assisté puis si vous ne l'avez pas. Le seuil d'imposition, il y a des gens qui travaillent à l'année, puis leur seuil d'imposition – puis ils font des revenus de 13 000 $, 14 000 $ – est au-dessus de 10 000 $ puis ils commencent à payer de l'impôt au-dessus de 10 000 $. Alors, on peut regarder, cependant, la possibilité, tout au moins, de séparer ceux de l'entreprise de ceux du travailleur autonome, premièrement, puis de faire des revenus jusqu'au seuil d'imposition. Mais ne me parlez pas de 13 000 $, 14 000 $ puis qu'il y en ait qui paient de l'impôt puis d'autres qui n'en paient pas.

Mme Bergeron (Louise): Oui. J'aurais une question. On parle beaucoup des travailleurs autonomes, mais, nous, on a aussi en tête les gens qui ont des gains de travail permis parce qu'ils cherchent, par un contrat, à se faire connaître par une entreprise en espérant se faire employer à temps plein. Alors, souvent, c'est des petits contrats, là. Mais ces personnes-là, Mme Harel, je trouve qu'avec les gains de travail permis, on les bloque, alors ces gens-là se retrouvent avec une dette. En plus, cette dette-là, il y a des intérêts sur la dette.

Mme Harel: Pourquoi ils se retrouvent avec une dette? Parce qu'ils ne déclarent pas leurs gains?

Mme Bergeron (Louise): Oui, mais quelqu'un annonce à la sécurité du revenu: Bon, voilà, j'ai un contrat qui va durer trois semaines. Alors, la Sécurité du revenu dit: Alors, ton chèque, on va le ramener. Mais le salaire n'est pas encore sorti. Alors, comment elle fait pour payer son loyer au début du mois? Alors, la madame qui reçoit son chèque dit: Je ne suis pas supposé, il faudrait que je retourne le chèque, mais il faut que je paie mon loyer. Alors, je vais garder mon chèque d'aide sociale pour payer mon loyer.

Mme Labonté (Nathalie): C'est une trappe.

Mme Bergeron (Louise): À ce moment-là, elle vient de s'endetter de 500 $ et puis là son travail vient de se terminer, alors elle a son petit salaire. Hop, tu as des gains de travail, alors on coupe ton chèque. Elle est encore coupée. Des fois, ça s'étale sur deux mois, la coupure. Alors, comment elle fait pour payer son loyer le mois suivant? Puis là elle se retrouve avec sa dette parce qu'elle a voulu survivre au moment où ça s'est passé.

Alors, il y a comme un décalage qui ne fonctionne pas et puis les personnes deviennent nerveuses, elles deviennent... C'est épouvantable. Moi, je reçois des téléphones de détresse. Du monde qui m'appellent et qui disent: Je n'y vais plus travailler, ça n'a pas de bon sens. Ou ils me disent: J'aimerais mieux – bon, il y en a une qui me parlait – être comme ma mère qui vient de mourir, parce que je me bats pour des choses... je me demande pourquoi je me bats au juste, alors que cette personne-là, tout ce qu'elle veut, c'est de se faire reconnaître par une entreprise puis, finalement, de dire: Salut, l'aide sociale, je suis engagée! Mais les entreprises, finalement, je veux dire, c'est toujours, vous le savez comme moi, du travail précaire, des petits contrats, puis c'est tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un commentaire additionnelle de Mme Labonté. Là, c'est vous.

Mme Labonté (Nathalie): On ne veut pas demeurer à l'aide sociale longtemps, mais qu'on nous donne au moins les moyens pour rebondir, pour partir. C'est ça qu'on veut. En tout cas, ce n'est pas évident.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Chartrand. Rapidement, parce que...

M. Chartrand (Yves): Oui, moi, je veux ramener une chose. J'en ai vécu personnellement, là. C'est que ça faisait à peine un an que mon entreprise était officiellement démarrée à travers le programme SEA et déjà il y avait une autre personne de l'aide sociale qui me convoquait pour dire: Votre entreprise n'est pas rentable; si ça continue comme ça, vous allez devoir aller vous chercher un emploi. J'ai dit: Je travaille déjà à plein temps je ne sais pas combien d'heures par semaine. Aller me chercher un emploi, ça veut dire quoi, ça? Surtout qu'il n'y en a pas, de jobs, à l'extérieur, ou très peu.

Ça fait que l'idée, c'est: Aidez-nous à développer nos entreprises plutôt que de nous forcer... Et je vais repasser devant cette personne-là, parce qu'il m'a dit que je repasserais quelque part au mois d'avril, et elle va me ramener encore ça: Ah, votre entreprise n'est pas encore rentable, vous allez peut-être devoir aller chercher un emploi sur le marché du travail. Ça devient ridicule, à un moment donné, là. On ne nous laisse même pas respirer, on ne nous laisse même pas le temps de développer notre entreprise. Moi, je dirais: Est-ce que vous pouvez vous engager à ce que cette forme de contrôle là n'existe plus et qu'on vérifie où en est l'entreprise dans un accompagnement du travail de la personne, qu'on lui donne les moyens en cours de route, qu'on continue à la soutenir financièrement par la subvention salariale et qu'on aille dans le sens de travailler avec la personne et non pas de la convoquer au bureau puis de dire: Écoutez, là, votre entreprise... On sait que ça prend trois, quatre ans, minimum, pour qu'une entreprise soit rentable. Laissez-nous respirer puis mettre nos énergies à continuer notre travail plutôt que de nous emmerder.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Bolté et, ensuite, ce sera Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(9 h 50)

M. Bolté (Jancy): Mme Harel, vous avez parlé du concept du travailleur autonome qui n'est pas bien compris dans notre société et qui n'est surtout pas bien compris à la Sécurité du revenu. Il nous faut une politique d'information aux agents d'aide sociale pour qu'ils puissent faire les distinctions et il faut que nous affinions aussi notre discours sur ce que c'est que le travailleur autonome et à quoi ça sert dans cette société québécoise là. Ça, c'est très important.

D'autre part, au niveau de la CDEC, pour reprendre ce que vous nous avez dit, la CDEC, au bout du compte, lorsque, finalement, on est accessible, lorsqu'on dit: Bon, voilà, on a épuisé les ressources de la SQDM, qui ne sont bonnes que pour un an, il n'y a pas de possibilité de revenir sur la deuxième ou la troisième année. Allez à la CDEC. On va à la CDEC. Au bout du compte, c'est plus de 18 % d'intérêt qu'on a à payer sur des prêts. Et, lorsqu'on a des problèmes de «cash flow», des problèmes de caisse-déboursés et qu'on a besoin d'un levier et que ce levier vient du salaire du travailleur autonome de la SEA, que, tout d'un coup, on vous enlève ce levier-là, il n'y a plus moyen de jouer ça contre ça, ça contre ça, il n'y a plus de moyen de jongler.

Un entrepreneur, c'est quelqu'un qui a cette capacité de jongler là, c'est pour ça qu'il s'embarque dans ça plutôt que d'être assis tout confort dans une job. Donc, cet entrepreneur-là, il a besoin d'un prêt supplémentaire... de ses bilans, de la SQDM à des taux acceptables, non pas les taux de la CDEC. Alors, corrigez-moi si je me trompe, mais, au bout du compte, ma comptable a fait le calcul et ça donne que la CDEC, c'est du 18 % au bout du compte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui. Bonjour et bienvenue. Là, vous dites que la CDEC fait des prêts avec un taux de 18 %. C'est ça?

M. Bolté (Jancy): Non. C'est-à-dire que la façon dont la chose est calculée, on approche la CDEC, étude de dossier, possibilité de ci, calcul, tant de pourcentage par la suite sur les possibilités de revenus. Au bout du compte, cette enveloppe-là rejoint le 18 %. Au départ, ce n'est pas ce qui est dit, mais, lorsqu'on prend le temps d'étudier... Et, à chaque fois qu'on prend le temps d'étudier quelque chose, on n'est pas en train de faire autre chose. Vous êtes d'accord avec moi?

Mme Loiselle: Oui.

M. Bolté (Jancy): Donc, à ce moment-là on est continuellement monopolisé par un système vorace qui vous demande des comptes, auquel il faut donner des comptes, il faut donner des réponses. On a besoin de plus de souplesse, surtout nous ici, au Québec. Je ne dirais pas qu'on doit absolument servir de phare à la société occidentale, puisque M. Landry a dit qu'on n'avait pas besoin de devenir une société-phare, mais je pense que, si on devenait une société-phare, en plus de l'eau et de l'électricité, on pourrait vendre du savoir-faire.

Mme Loiselle: O.K. J'aimerais revenir sur les gains de travail admissibles. Il y a deux groupes qui nous ont suggéré, au lieu de les calculer sur une base mensuelle, d'y aller sur une base annuelle.

Mme Labonté (Nathalie): Annuelle, oui.

Mme Loiselle: J'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que ça réglerait votre situation à vous?

Mme Labonté (Nathalie): Ça pourrait être une solution, oui, parce que souvent tu as un contrat, tu peux avoir, je ne sais pas, moi, 500 $, 400 $, mais, si on se fie à la loi telle quelle, c'est retranché carrément. Par exemple, si tu es participant, c'est 100 $, si tu n'as pas de programme comme tel, c'est 174 $ de gains de travail permis pour une personne seule. Bien, ce n'est pas très encourageant, ça, d'aller travailler, puis tu sais que déjà tu viens de perdre... On te retranche. Il ne te reste plus grand-chose, là, puis, en plus, c'est comme: plus tu travailles... Est-ce que tu vas te ramasser avec une prestation de 200 $ par mois? Où est la logique là-dedans?

Mme Bergeron (Louise): Mais, même sur une base annuelle, j'ai déjà vu d'autres agents qui avaient proposé que ce soit sur une base annuelle. Alors, on disait à la personne... On se fiait sur l'année précédente pour anticiper sur l'année qui vient, alors qu'il n'y a pas d'équation. Je ne pense pas que ce soit nécessairement vrai ou fondé.

Je veux dire, moi, je pense que ça devrait se faire par le biais de la fiscalité. Y «a-tu» moyen? Il me semble que ce serait plus simple.

Mme Labonté (Nathalie): Puis on parle d'un gain de travail. Tu sais, des fois ça peut aller jusqu'à 10 000 $, 12 000 $ en tout avec ta prestation de base. Alors, on est encore au seuil de la pauvreté, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Chartrand.

M. Chartrand (Yves): Oui. Je pense qu'il y a une chose qu'il est important de comprendre, c'est que les travailleurs prestataires de l'aide sociale et les travailleurs autonomes prestataires de l'aide sociale, dont certains ont des entreprises, alors tout ça ensemble ça englobe beaucoup de monde à l'heure actuelle. Tous ces gens-là qui sont prestataires et qui ont des revenus de travail ou d'entreprise, on travaille à développer le Québec.

Une voix: Bien oui.

M. Chartrand (Yves): On travaille à créer des emplois, on travaille à développer des entreprises, on travaille à améliorer la situation au Québec. Alors, s'il vous plaît, arrêtez de nous taper sur la tête puis considérez-nous avant tout comme des créateurs d'emplois, comme des entrepreneurs et aidez-nous plus sérieusement.

Mme Bergeron (Louise): Je pense que, Mme Harel, dans votre livre vert, on le voit, là, on voudrait diriger les gens vers le marché du travail. Donc, ça veut dire qu'on va tenir compte, qu'on voudrait tenir compte de ces gens-là qui font des pieds et des mains pour s'en sortir. Je pense aux prestataires.

Mme Labonté (Nathalie): Qui font déjà, dans le fond, leur propre parcours.

Mme Bergeron (Louise): Oui. Il me semble que ça serait simple d'ajuster quelque chose, je ne sais pas comment, pour permettre justement que ces gens-là, qui sont très actifs, qui ont du potentiel, ou même, je dirais, qui foncent... C'est des fonceurs, ces gens-là; il y a un caractère fort là-dedans. Ils se cherchent eux-mêmes un emploi par leurs propres moyens puis ils essayent de défoncer des portes. Il me semble que ça serait simple de mettre quelque chose sur pied pour que ces gens-là accèdent le plus rapidement possible au marché du travail sans être pénalisés. Il me semble, en tout cas, que c'est possible puis que ça va dans le sens du livre vert.

Mme Labonté (Nathalie): Puis, moi, je terminerais en disant que tous les nouveaux diplômés qui n'ont pas d'expérience, qui arrivent sur le marché du travail, une des meilleures façons de les intégrer à la main-d'oeuvre ordinaire salariée, c'est de leur donner la chance d'entrer dans des réseaux de contacts, de faire du bénévolat, de s'impliquer, justement, d'entrer dans des organismes communautaires. Parce qu'il ne faut pas se le cacher: qui accueille les jeunes diplômés aujourd'hui? Le communautaire est probablement le seul qui est prêt à nous avoir, à nous donner la chance de se prouver. Ça, c'est des façons, justement, d'encourager les gens à parcourir et à se débrouiller.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: J'aimerais vous entendre sur la nouvelle mesure d'imposition des prestations d'aide sociale au revenu de travail. Hier, on a rencontré des groupes qui nous disaient que cette mesure-là va peut-être favoriser le travail au noir – c'est l'association des SEMO qui nous disait ça – et aussi que ce que ça va faire pour des gens qui se sont finalement trouvé un travail, c'est qu'ils vont s'endetter envers le ministère du Revenu. Quelle est votre position sur cette mesure-là?

Mme Bergeron (Louise): On pense que c'est vrai aussi. On pense que c'est tout à fait juste. Je pense qu'il faut harmoniser le seuil d'imposition avec le seuil de faibles revenus. Si quelqu'un se trouve sur l'aide sociale une partie de l'année et qu'il se trouve un emploi tout à coup, c'est bien évident que, s'il a des gains qui dépassent les 10 000 $, ça va être encore une dette envers l'État. Ça, on le voit beaucoup. Il y a des gens qui m'ont téléphoné et qui m'ont dit: Écoutez, j'ai eu des gains de travail permis, et tout ça, j'ai eu une dette. Je m'attendais à avoir un retour d'impôt qui vient d'être mangé parce que j'avais une dette. Alors, c'est très précaire.

Mme Labonté (Nathalie): On donne des subventions aux entreprises. Pourquoi on n'aiderait pas, justement, les individus-entreprises?

Mme Loiselle: Étant donné qu'il reste juste quelques minutes, je vais donner la chance... Vous dites: Il faut conserver le Soutien à l'emploi autonome. Je regardais les chiffres. Depuis 1994, il y a eu pour 176 000 000 $ de coupures dans les mesures d'employabilité. Je regardais au niveau des chiffres du ministère: pour le Soutien à l'emploi autonome, il y a une baisse tout le temps. En juillet 1996, il y avait 131 personnes qui bénéficiaient de ça; janvier 1997, 72. Alors, ça va toujours en diminuant. Vous dites qu'il faut le conserver, mais qu'il faut l'améliorer. Alors, peut-être donner les grandes lignes, comment bonifier ce programme-là tout en le conservant, en terminant.

M. Chartrand (Yves): Je pense que la première chose, c'est de prolonger la période de subvention salariale. On demande que ça soit prolongé sur trois ans pour permettre véritablement à une entreprise de démarrer et de se développer. Si une entreprise n'en a pas besoin pendant trois ans, on peut arrêter avant, on peut diminuer le montant progressivement. Mais, si une entreprise en a besoin pendant trois ans, il faut lui donner pendant trois ans parce que, comme l'expliquait M. Bolté, cet argent-là sert à l'entrepreneur salarié pour vivre, parce que, dans le fond, c'est ça... et ça lui permet aussi d'avoir une marge de manoeuvre au niveau de l'argent pour, à un moment donné, s'il a besoin de prendre cette subvention-là un mois pour payer un compte ou une partie de son prêt, il a une marge. À partir du moment où la subvention salariale s'arrête après un an, c'est fini.

L'autre aspect fondamental, c'est que, moi, je trouve qu'on accompagne relativement bien la personne à partir du moment où elle dépose son projet jusqu'au moment où son plan d'affaires est fait et que son projet est accepté. Mais c'est après. La SQDM continue à soutenir par... Moi, je fais partie d'un groupe de support aux travailleurs autonomes, c'est excellent, ça. Mais il ne faut pas que la SQDM nous soutienne pour développer notre entreprise et que le ministère, pendant ce temps-là, ne fasse que du contrôle en te disant: Ton entreprise n'est pas rentable, va te chercher une job sur le marché du travail. Il faut une cohérence, et c'est le niveau politique, le niveau du ministre ou de la ministre, je pense, qui peut donner cette cohérence-là à cet appareil avec lequel on travaille, qui a différentes ramifications.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je suspens les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Mme Bergeron (Louise): Merci.

M. Chartrand (Yves): Merci.

(Suspension de la séance à 9 h 59)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en recevant les représentantes et représentants – je dis «représentantes» parce qu'il y en a dans la salle – de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador.

M. Picard, c'est vous qui allez présenter les gens qui vous accompagnent et vous pouvez débuter votre présentation.


Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

M. Picard (Ghislain): Merci beaucoup, M. le Président.

(S'exprime dans sa langue).

Donc, mes salutations à vous tous et toutes. Ça me fait plaisir d'être parmi vous aujourd'hui. Les salutations également de l'ensemble des chefs des premières nations du Québec–Labrador et nos remerciements du même coup pour l'invitation de nous adresser à la commission parlementaire aujourd'hui.

Les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont, à ma droite, M. Garry Carbonnell, qui est le directeur général de la Commission de la santé et des services sociaux pour les premières nations du Québec–Labrador; à ma gauche, M. Raphaël Picard, qui est un Innu-Montagnais de Betsiamites et qui est le principal auteur du mémoire qui vous a été soumis. Également, nous avons, en arrière, des personnes qui viennent des communautés, des personnes à qui je demanderai de se lever lorsque je nommerai leur nom: Mme Claudette Buckell, du Conseil de la nation Atikamekw; Mme Yvette Bacon, de la communauté de Betsiamites; Mme Élizabeth Mameamskum, de la communauté de Kawawachikamach; Mr. Kenneth Diabo, from the Mohawks of Kahnawake; Odette Tetak, pour le Conseil tribal Mamit Innuat; Mme Marthe Ringuet, pour le Conseil tribal Mamit Innuat et, finalement, M. Jules Picard, qui est le coordonnateur des services sociaux pour la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec–Labrador.

Peut-être tout simplement pour vous situer un peu, évidemment, depuis quelques semaines, on s'acharne à un peu préciser la position des premières nations en regard de vos travaux et, plus particulièrement, de la réforme comme telle. Évidemment, l'Assemblée des premières nations du Québec–Labrador, comme peut-être certains d'entre vous le savent, est l'organisme politique qui représente l'ensemble des premières nations du Québec–Labrador, donc près d'une quarantaine de communautés, et une dizaine de nations à travers le Québec. L'Assemblée des premières nations est un peu le forum où se réunissent les chefs de ces communautés-là pour discuter et débattre et éventuellement prendre position sur un certain nombre de dossiers qui les concernent de façon commune.

Dans son cheminement, l'Assemblée des premières nations se donne aussi des outils, des moyens pour pouvoir peut-être, de façon plus précise et de façon plus ponctuelle, s'attaquer à un certain nombre de dossiers. Évidemment, la santé et les services sociaux est un de ces dossiers-là que nous considérons comme hautement prioritaires. Donc, c'est dans ce contexte que l'Assemblée a souhaité présenter son opinion devant les membres de la commission parlementaire.

Suite à la publication de son livre vert concernant la réforme de la sécurité du revenu, intitulé Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi , le ministère d'État de l'Emploi et de la Sécurité du revenu, ou les mandataires du gouvernement, enclenchait son processus de consultation par l'invitation de différents groupes ou organismes visés par la réforme à réagir et à présenter des mémoires devant la commission des affaires sociales en audience publique.

Ces invitations ont été acheminées à ces groupes ou organismes en décembre dernier à partir d'une liste de sélection essentiellement québécoise. Au surplus, d'autres individus et d'autres organismes pouvaient, étant touchés au premier plan, demander d'y être inscrits à la faveur d'un statut de représentativité particulière ou professionnelle pouvant dynamiser le débat. L'omission d'inviter des représentants des communautés des premières nations du Québec à prendre part au débat constitue un comportement curieusement apparenté à une nécessaire... à une méconnaissance des implications ou des impacts de cette réforme sur les communautés des premières nations ou encore à une ignorance indélébile que cette portion de la population vivant au Québec existe peu et ne vit pas en conformité avec les contraintes des juridictions du Québec en matière d'emploi et de sécurité du revenu.

Ici, nous sommes loin des intentions fermes et claires des premiers ministres Lévesque et Parizeau qui, eux, avaient établi des prédispositions d'harmonisation des rapports entre le gouvernement du Québec et les premières nations. Mais, avec cette omission, les premières nations peuvent-elles espérer des relations de concertation de la part du présent gouvernement qui soient des plus effectives et efficientes dans les cas de débats sur les questions fondamentales qui les concernent au plus haut niveau? Comment ne pas se poser cette problématique de clarification devant une réforme d'une telle amplitude, qui soulève les bases mêmes de la dépendance à un revenu minimum et du sous-emploi des communautés des premières nations?

La juridiction du Québec en matière de sécurité du revenu ne doit pas lui donner cette opportunité de prendre pour acquis que les fondements de sa réforme doivent s'appliquer, et de s'établir comme standard d'application d'un régime de revenu minimum pour toutes les couches des populations vivant au Québec, plus particulièrement les communautés des premières nations.

La prépondérance de cette juridiction ne doit pas dépasser les cadres de la spécificité d'application qu'elle a eue antérieurement chez les communautés des premières nations et ne doit pas primer sur les nouvelles attentes et conventions que les premières nations lui dicteront de s'adjoindre dans son application future, s'il devait être le cas.

Les communautés des premières nations ne se sentent nullement liées aux concepts, aux standards et aux structures d'application de la nouvelle réforme. Elles ont plutôt la ferme intention, en cette occasion qui leur est présentée, de raffermir et d'imposer leur propre cadre de prestation des services d'aide sociale dans une vision d'autonomie.

Depuis la mise en place d'un régime de financement de l'aide sociale par le gouvernement fédéral pour les groupes autochtones, l'application des règles d'application relevant des provinces a été une obligation de nécessité administrative. Sans s'en rendre compte, les communautés des premières nations se sont faites barouetter d'un régime réglementaire à un autre sans que les gouvernements ne prennent vraiment en compte le délabrement économique et social dans lequel les autochtones étaient confinés, et aussi sans déterminer des mesures structurantes durables qui pouvaient les retirer de leur situation de sous-développement.

Aujourd'hui, les communautés des premières nations du Québec rejettent fermement le projet de réforme non pas parce qu'elle fera perdurer leur dépendance à l'aide sociale, les appauvrira de façon encore plus déterminante ou encore affectera davantage plus substantiellement leur qualité de vie, mais bien parce que les premières nations du Québec veulent prendre l'initiative d'établir leur propre pouvoir de réglementer et leurs standards d'application d'un régime d'aide sociale issu de leur contexte, de leur vision et de leurs aspirations.

(15 h 20)

Cette initiative d'établir des pouvoirs propres en matière d'aide sociale et de rejeter l'obligation d'appliquer les paramètres d'un autre régime créé pour d'autres citoyens est fondée sur quatre principes inaliénables. Le premier: le rejet des pouvoirs et des juridictions du Québec en matière de politiques sociales. Deux: l'affectation directe des fonds alloués à l'assistance sociale vers les institutions des premières nations pour la formulation des cadres normatifs, pour la gestion et l'application des politiques déterminées à cette fin. Trois: la reconnaissance de facto par les premières nations elles-mêmes de leur propre autonomie et des mesures qu'elles entendent prendre en cette matière. Finalement, le remplacement des autres paliers de gouvernement par les communautés des premières nations elles-mêmes pour la mise en oeuvre de leur propre politique sociale.

Having said this, the First Nations will be in a position to determine their orientations according to their own context and specific needs, countering underemployment and energizing passive intervention into sustainable active measures.

Everybody knows that this is a huge challenge and that active contextual and dynamic partnership formulas will have to be developed based on negotiated relationships with the outside players, government and socioeconomic stakeholders, so as to be able to access regional development.

Québec First Nation communities were the forgotten elements by their exclusion from regional economic development budgets. We believe that the labor market reallocation process in the regions was unfair and unjust to the First Nations' labor force. How could we forget that employment equity for aboriginal people is so obviously deficient that Québec has no reason to be proud about any achievements in this area whether in the public or private sector? Yet, the time when developers were a law onto themselves and exploited their resources located on ancestral lands at will without using aboriginal labor or allowing aboriginal participation in the development process has long been over.

Creating job opportunities outside the limits of First Nation communities and allowing aboriginals to take advantage of these opportunities would be potential areas for cooperation and dialogue through which the main employability developers and the aboriginal representatives could define coordination programs for job and training with the perspective that these partnerships could prove to be profitable, sustainable and equitable. We ask for our fair share of the regional labor markets.

On the other hand, the objective of establishing independent regulations for social assistance would be accompanied by a feasibility study including the terms and conditions for the creation of autonomy for First Nation governments. First Nation institutions and councils have been increasingly able to respond adequately to the challenge of taking over greater financial administrative and operational responsibilities. However, social assistance service delivery requires huge amounts of energy from local managers and a high percentage of overall budgets since this sector is always faced with a huge volume of beneficiaries making the first line process extremely arduous.

The principle of social assistance as a compensation in principle for dispossession and sedentarization provokes a high level of social demands and expectations of government accountability to provide redress. This, in turn, leads people to expect a lot from local managers. This social behavior is not contrary to our claim for autonomy. It could even become a complimentary argument to justify a customized regulatory framework and approach. Since the answers to complex situations often lie within the context of their own complexity, autonomist regulations could undo a host of associated social problems.

Over the years, the federal Government, through its funding of social assistance programs, forced the First Nation councils that had taken over program management to apply the structures of the Income Security Act together with Québec's rates and regulations. This obligation was bound to cause clashes and inadequacies since social assistance was designed for a specific profile and a specific percentage of the Québec population with its own special characteristics and its identification to a purely Québec-based economy universe.

The juxtaposition of this pattern with the specific characteristics and constraints experienced by First Nation communities proves to be a very difficult and even random exercise. The social assistance pattern applied simply did not correspond to the local identity and contextual characteristics and did not have the effect of discouraging dependency.

The handbook of regulations and procedures served only to satisfy the need for a last resort by institutionalizing a guaranteed income, with the result that dependency rates were increased. Because of the inapplicability of the job entry programs and the absence of facilitating structures and means at the local level, the only interest of the handbook was to fix rates and schedules. This was perceived as a minimum standard and income level, actually as an income level that would not be lowered without generating even greater poverty.

We believe that the obligation to apply regulations out of context is an administrative and social, political stupidity. It is impossible to perpetuate regulatory and normative colonialism without having discordant contents with the local realities and visions of the people who are most acutely affected.

Par contre, l'institution d'un règlement autonome sur l'aide sociale sera définie à partir de toutes les informations stratégiques de chaque communauté, et les dispositions qui seront prévues refléteront les orientations soulevées par les communautés des premières nations selon leurs désirs de se regrouper en entités de prestations, ou par des approches de services locaux. Ainsi, le schéma du règlement autonome retiendra tous les aspects d'opportunité à l'employabilité, les réalismes locaux de la conception des programmes de formation et d'emploi et une vision d'intégration des services directement ou alternativement concernés par la réinsertion à l'emploi.

En conséquence de cette recherche et de la réalité de la conception d'un règlement autonome, les premières nations n'auront pas à répondre aux critères et aux exigences d'une autre juridiction. Elles élaboreront et contrôleront, à partir de leur identité et de leurs besoins, des entités et des leviers d'intervention adaptés, reconnus, souhaitables, issus du milieu et qui leur permettront de détenir leurs propres pouvoirs et juridictions sur l'aide sociale et sur toute la démarche du combat contre le sous-emploi et la dépendance.

Dans une optique d'autonomie, les premières nations détiendront de facto sur leur territoire les pouvoirs de régir, de réglementer, de contrôler et de gérer leurs propres politiques en matière de sécurité du revenu et leurs propres activités de planification et d'élaboration des programmes d'employabilité et de formation. Il n'est pas aussi exclu que les gouvernements des premières nations et les ministères fédéraux et provinciaux, intervenant en matière de la sécurité du revenu, de l'emploi, de la formation et des allocations aux familles et aux enfants, ne puissent se concerter pour arriver à des ajustements ou des harmonisation de conjoncture pour ne pas rendre la démarche d'autonomie axée vers l'exagération ou l'irresponsabilité.

Il faudra établir des mécanismes de conformité et d'équilibre entre les variables dans l'établissement des normes d'applications.

D'autre part, les fonds versés pour l'aide sociale et pour le service de l'emploi et de la formation doivent être directement transférés vers les centres de service des conseils de premières nations dans les cadres de formules de transferts financiers convenus selon l'agencement des besoins en termes de leur réponse selon les programmes créés par les premières nations. Les premières nations du Québec seraient fortement opposées à des ententes de financement de l'aide sociale qui interpelleraient la juridiction des autres paliers de gouvernement et qui les restreindraient d'établir leurs propres priorités et leurs propres règles.

(15 h 30)

Aussi, toute formule de transfert financier issu d'une délégation de pouvoirs aux matières citées plus haut sera considérée comme irrecevable. Les premières nations veulent élaborer leur propre plan de financement en vertu d'un processus de négociation des formules de mise en oeuvre de programmes et de services à l'aide sociale et à l'employabilité découlant de leur vision et de leur désir de solutionner les problèmes de développement économique et social.

En terminant, nous voulons vous informer de notre profonde détermination de relever les responsabilités et les défis que nous impose notre démarche vers l'autonomie et vers la reconnaissance de nos juridictions comme premières nations de ce pays. Nous ne désirons plus être à la remorque des juridictions des autres paliers de gouvernement pour le règlement des grands problèmes devant lesquels nos communautés sont aux prises. Nous voulons être les maîtres d'oeuvre de l'application d'une formule de l'aide sociale qui dissipera progressivement la dépendance, la pauvreté, l'exclusion et la perte identitaire. Les membres des communautés des premières nations veulent recouvrer leur dignité et leur fierté à partir de leurs propres talents, de leurs capacités, et de leur profonde motivation, et non pas par l'imposition et par la soumission.

Merci de votre attention. (S'exprime dans sa langue).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Ghislain Picard et vous-même, M. Jules Picard, c'est bien ça? Le coordonnateur, c'est ça...

M. Picard (Raphaël): Raphaël...

Mme Harel: ...aux services sociaux et... C'est Raphaël, excusez-moi, vous êtes conseiller technique à Betsiamites, c'est ça, et M. Carbonnell. Alors, on n'aura pas beaucoup de temps, ça va passer très rapidement, et je voudrais – j'espère – qu'on aille à l'essentiel, malgré qu'il faudra aussi poursuivre, suite à nos travaux.

La première chose, c'est que vous avez compris que, si vous n'aviez pas été invités, c'est qu'on m'avait dit que l'aide sociale ne relevait pas du provincial. En d'autres termes, vous vous sentez entre deux chaises, et je dois vous dire que, moi-même, j'ai compris que c'était encore imprécis, qui était responsable de quoi, parce que, dès que j'ai appris, l'an passé, que j'étais, à titre de ministre de la Sécurité du revenu, responsable de l'aide sociale en haut du 55e parallèle, alors j'ai entrepris des discussions avec Kativik, qui administre déjà tous les programmes de main-d'oeuvre. Alors, vous savez peut-être qu'il y a deux ans, comme ministre responsable de la SQDM, j'ai signé avec Kativik un transfert non seulement de gestion, mais de conception aussi des programmes, de responsabilités. Là, on a un comité de travail qui est presque... très avancé, c'est vraiment très avancé, avec Kativik, sur le transfert global des responsabilités en matière d'aide sociale. Je crois bien qu'on va pouvoir tout finaliser pour le printemps.

Pour ce qui est de la situation, si vous voulez, dans les communautés cries, l'an passé, M. Coon Come m'a écrit pour me dire qu'il voulait repenser toute l'entente qui a conduit à l'Office des chasseurs et piégeurs cris. Alors, j'y vais vendredi prochain, et on est prêt à ouvrir, avec un groupe de travail, sur ces questions-là.

Bon, il y a une chose vraiment très, très importante, je le comprends parfaitement: on peut mener un même combat contre le sous-emploi et la dépendance, mais on n'est pas obligé de le mener de la même façon quand on est différent. C'est évident que le livre vert, il est pensé pour des communautés québécoises, et vous nous dites: Il ne correspond pas à la réalité des communautés autochtones. Bon, prenons ça pour acquis en partant. Ce n'est pas surprenant, je vous le dis bien honnêtement; on m'avait dit que les communautés autochtones, ça ne relevait pas de ma responsabilité.

Alors, vous comprenez, cependant, que dans le livre vert il y a deux aspects importants, à savoir le développement local... Alors, avec le Conseil local des partenaires, avec un plan local au niveau de la MRC ou dans les quartiers urbains, là, l'arrondissement – donc un plan local – et on veut transformer la gestion par programmes normés, la transformer en faveur d'une gestion par fonds: un fonds local, avec des priorités du plan local, avec un conseil local.

Bon, ceci dit, je me dis, en même temps que je vous explique ça, est-ce qu'on doit continuer – peut-être pas – dans cette voie-là parce que, si j'ai bien compris, qui peut faire la délégation de pouvoirs? C'est vous qui allez me le dire parce que, avec tous les documents que j'ai demandés, ce que j'ai fini par comprendre, c'est que le gouvernement fédéral, c'est le responsable de la sécurité du revenu pour les autochtones sur les réserves, et les Cris des communautés de Mistassini et de Waswanipi; que le budget, pour l'année qui vient de finir, c'est 54 500 000 $; et puis qu'il applique les règles provinciales, et que ça ne fait pas partie du Transfert social canadien; qu'il nous a plafonnés dans nos budgets. Mais, à part ça, je ne sais rien, ou presque. Juste ajouter, évidemment, qu'il y a huit communautés qui ont signé telle sorte d'entente, etc. Et ce que je sais aussi, c'est que nous, ça nous fait mal, les resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi, parce que ça fait beaucoup plus de gens à l'aide sociale. Et je sais que le taux de chômage est beaucoup plus élevé dans les communautés – au Québec je crois que c'est 20 %, les chiffres que j'ai – et je comprends qu'il doit y avoir de l'impact des resserrements de l'assurance-emploi, ça doit être quelque chose de vraiment important, et j'aimerais savoir, finalement, qu'est-ce que vous voulez.

M. Picard (Ghislain): Bien, premièrement, peut-être en guise de précision pour les membres de la commission parlementaire – bien, tout d'abord, les personnes qui m'accompagnent, aujourd'hui, pourront compléter s'il y a lieu – mais, en guise de précision, évidemment, on sait tous qu'il existe un régime particulier en ce qui concerne les Cris et les Inuit, donc, le mémoire d'aujourd'hui s'adresse beaucoup plus aux autres communautés qui ne sont pas parties de ces conventions-là.

Évidemment, oui, c'est vrai, c'est effectivement le cas, c'est le gouvernement fédéral qui a cette responsabilité-là, en ce qui regarde les premières nations. Sauf que, malgré tout ça, on demeure quand même les victimes de certains jeux entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et qui ont comme résultat – et qui pourraient avoir comme résultat ultérieur aussi – l'application de certaines normes de nature provinciale.

Évidemment, ce n'est pas sans causer des impacts au niveau des communautés que nous représentons. En ce qui regarde le développement local et même régional, par surcroît – je pense que le mémoire en traite beaucoup, le mémoire que nous avons soumis – dans ce cadre-là, je pense que le fait du jeu de juridiction entre le fédéral et le provincial a plus ou moins de poids ou d'importance, puisque les communautés des premières nations sont exclues depuis fort longtemps de tout développement, donc de tout bénéfice, finalement, résultant de l'exploitation et du développement du territoire. Donc, il y a des choses à faire à ce niveau-là, et je pense qu'une telle préoccupation peut aisément se poser au sein de vos travaux.

Et ce qu'on veut, essentiellement, aujourd'hui, c'est vous transmettre ce message-là, que les premières nations, je pense, ont aujourd'hui et de plus en plus la capacité de pouvoir développer des critères d'applicabilité en matière d'aide sociale qui vont beaucoup plus refléter les valeurs culturelles, les réalités économiques, également, de leur communauté. Et, je veux dire, malgré que ce soit aussi évident que c'est quelque chose qui relève du gouvernement fédéral, il n'en demeure pas moins que les bénéficiaires, en dernier lieu, sont victimes de ce jeux-là, qui est en train de se faire. Je veux dire, c'est le gouvernement fédéral qui est le principal fournisseur mais, en même temps, c'est les normes de la province qui s'appliquent. Évidemment, lorsque les normes de la province s'appliquent, bien c'est en fonction de la réalité québécoise. Et ça ne peut pas jouer dans ce cas-ci puisque toute la conception de l'aide sociale, au niveau de nos communautés, est carrément différente de la vôtre, et tout ce qui s'y rattache. C'est un peu le message que nous voulions vous transmettre.

(15 h 40)

En ce qui concerne la question de la délégation de pouvoirs, il est évident, pour nous, que cette délégation-là doit nous revenir et, d'ailleurs, c'est dans une vision autonomiste que vous avons depuis fort longtemps. Et, évidemment, l'objectif c'est que, éventuellement, ces pouvoirs-là nous reviennent, à nous, en tant que premières nations. Évidemment, c'est un processus de longue haleine – je pense que l'ensemble des chefs, à travers le Québec, serait prêt à le reconnaître – mais, en même temps, ça ne nous empêcherait pas, de façon graduelle et ponctuelle, d'intervenir au niveau de certains dossiers.

Mme Harel: Si Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne me permet, juste un question, oui?

Mme Loiselle: Oui.

Mme Harel: Bon, parce que le président me faisait signe que c'était alternativement à votre tour. Bon. Mais avec qui, dans les... il y a 31 communautés, je pense, est-ce que vous le voyez par communauté? Le voyez-vous plus globalement? Et avec qui? Disons, en partant d'ici, pour y arriver, justement, comment ça doit se passer?

M. Picard (Ghislain): Pour arriver à quoi?

Mme Harel: Bien, arriver à ce que vous voulez.

M. Picard (Ghislain): Évidemment, il y a une grande part...

Mme Harel: C'est-à-dire, non, je peux le préciser...

M. Picard (Ghislain): Oui.

Mme Harel: Le gouvernement du Québec, on me dit, là, qu'il a offert, en décembre 1994, de confier aux gouvernements autonomes des services d'aide financière de développement de l'employabilité et d'intégration et de maintien en emploi. Paraît-il que c'était dans l'offre de 1994. Donc, je me sens autorisée de vous dire qu'on peut aller de l'avant avec des services d'aide financière de développement de l'employabilité, d'intégration et de maintien. Alors, comment les étapes à franchir doivent-elles être franchies: avec nous ou avec le gouvernement fédéral?

M. Picard (Ghislain): Bien, finalement, je pense que c'est un processus qui demeure à être précisé, mais tout ce qu'on peut dire, là-dessus, c'est que je pense que les premières nations du Québec sont en mesure, actuellement. Est-ce que c'est l'ensemble des communautés? Je l'ignore, à ce moment-ci. Tout ce que je sais c'est que la réalité, aujourd'hui, fait qu'il y a des communautés qui sont autonomes à elles-mêmes, qui peuvent procéder, qui en ont la capacité aussi, d'autres communautés qui ont décidé de se regrouper en conseils régionaux ou conseils tribaux, et des conseils où on a dévolu un certain nombre de responsabilités, incluant l'aide sociale. Et c'est peut-être à ce niveau-là que, si jamais on envisage la possibilité d'un processus de discussions, ça pourrait se faire. Mais il est entendu que nous, avec les capacités dont nous disposons présentement, on va progresser.

Le message que nous vous transmettons aujourd'hui va être transmis de façon aussi claire au gouvernement fédéral puisque, évidemment, le gouvernement fédéral a aussi une part de responsabilité. Mais je pense que, pour clarifier les choses, le message que nous vous acheminons aujourd'hui, c'est qu'on a les capacités de faire en sorte que les programmes puissent refléter un peu plus nos réalités à nous, en tant que premières nations.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, bienvenue, welcome to all of you. J'aimerais revenir, parce que les autochtones qui sont hors réserve vont faire affaire avec les CTQ, les centres Travail-Québec du territoire où ils demeurent, dépendamment de la région, alors, il y a des aspects de la réforme, pour ces personnes-là de votre communauté, qui vont les toucher. C'est pour ça que vous faites quand même une analyse de la réforme, telle que proposée. J'aimerais vous entendre, parce que vous dites que, bon, ce qui est proposé, l'esprit de la réforme en tant que tel pourrait hausser des problèmes au niveau de la criminalité et du suicide. Nous, on a eu des groupes qui travaillent auprès de jeunes. Le caractère obligatoire, les pénalités, le fait que les pénalités s'appliquent au barème de base, le fait qu'on maintienne le partage pour le logement, il y a des groupes qui travaillent auprès des jeunes qui sont venus nous dire que, au lieu d'aider ces jeunes-là, finalement, on les envoie dans la trappe du décrochage complet qui va les amener vers l'itinérance – à Montréal il y a beaucoup d'itinérance auprès des jeunes – l'itinérance, la criminalité. Vous faites le même constat. J'imagine que vous parliez aussi, ici, de tout l'aspect coercitif de la réforme qu'on a devant nous quand vous disiez que ça pourrait hausser ces maux-là?

M. Picard (Ghislain): Je ne sais pas si... tu pourrais peut-être...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Raphaël Picard.

M. Picard (Raphaël): . Je pense que, pour les autochtones vivant hors réserve, il y a certaines bandes ou certains conseils tribaux qui analysent l'opportunité, selon les principes des codes d'appartenance, d'appliquer leurs propres règlements, et financer, dans une certaine mesure, les activités d'aide sociale. Mais, par contre, il n'est pas encore établi que des bandes assumeraient les coûts de l'assistance sociale à l'extérieur des communautés. Ça, c'est des choix que les communautés feront le temps convenu et, essentiellement, les communautés regarderont ça de façon bien précise, s'il y a lieu. D'une manière ou d'une autre, les centres Travail-Québec disparaîtront, il y aura une multiplicité de centres locaux d'emploi, il y aura un méli-mélo, comme on dit dans le texte. Je ne sais pas de quelle façon ils vont s'y retrouver aussi, là, les indiens hors réserve. Mais, comme je vous le disais, il y a des bandes qui voient à l'opportunité, aussi, d'intégrer les gens vivant hors réserve, selon le code d'appartenance qui est établi dans chaque bande, ou selon aussi le choix volontaire des individus de s'insérer dans l'esprit de la réforme, ou dans l'esprit de la nouvelle loi.

Mme Loiselle: O.K. Vous êtes contre le concept de l'allocation unifiée pour enfants. Vous dites que ça ne rencontre pas vos valeurs de famille, vos valeurs de votre culture aussi. Si le gouvernement va de l'avant, parce que je pense que c'est le souhait du gouvernement d'aller de l'avant avec sa politique familiale, qu'est-ce qui va arriver pour vous? Allez-vous vous adapter à cette nouvelle mesure, la prestation pour enfants?

M. Picard (Raphaël): L'objectif numéro un, c'est le règlement autonome, ou le pouvoir de réglementer en matière d'aide sociale, et aussi tout le domaine des politiques d'emploi, de l'employabilité et aussi l'insertion par la formation. Ça, c'est l'objectif numéro un, de réglementer. D'autre part, la politique ou l'esprit de la réforme en matière d'allocation unifiée, c'est qu'on désintègre, on fragmente ou on segmente les prestations, ce qui n'est pas notre façon de faire dans les communautés. Il serait illusoire de fragmenter ça, une allocation adultes et une allocation enfants qui seraient calculées en vertu d'une analyse fiscale, et qu'il y aurait... Je ne sais pas, quand même, comment ça va être calculé ou de quelle façon ça va être acheminé, l'allocation pour enfants, unifiée. C'est sûr que le règlement autonome prévoit des prestations familiales, pourrait prévoir des prestations familiales, et non des prestations adultes. On est contre ça. Or, il est sûr que, s'il y a un certain universalisme dans l'allocation unifiée pour enfants, les gens feraient leurs rapports d'impôts, le calcul se ferait selon le cas échéant.

Mme Loiselle: Vous avez déjà en place, je lisais à la page 40... Votre CLE est déjà en place depuis un certain temps. Quand on parle des centres locaux d'emploi, parce que vous avez le Conseil – je ne sais pas comment ça se dit – de Wendake, qui est un centre de développement et de formation professionnelle, vous avez, finalement, toutes les mesures d'employabilité et d'intégration à l'emploi. Vous avez déjà le concept qui est implanté dans votre communauté.

M. Picard (Raphaël): C'est un concept de services intégrés qui, je pense, est à sa première année, là, si je ne m'abuse...

Mme Loiselle: O.K.

M. Picard (Raphaël): ...et où on a essayé d'intégrer tous les services à la formation de la main-d'oeuvre et aussi à l'employabilité, l'aide sociale, etc. Mais c'est un concept qui est expérimenté par une bande, et qu'on...

Mme Loiselle: C'est ce concept-là vous vous voudriez établir, au lieu de vous voir imposer la réforme?

M. Picard (Raphaël): Pas nécessairement, il va falloir l'adapter dans des communautés plus nordiques. C'est un concept qui est établi en milieu urbain.

Mme Loiselle: O.K. Mais mon collègue... Oui, allez-y, M. Picard.

(15 h 50)

M. Picard (Ghislain): Je peux peut-être rajouter quelque chose là-dessus. Effectivement, la communauté de Wendake est une des communautés, parmi toutes les autres, qui s'est rendue aussi loin au niveau de ce service-là, mais c'est un service qui existe dans l'ensemble des communautés ou presque toutes les communautés à travers le Québec. Comme le disait M. Picard, c'est en rodage présentement. On est dans une première année d'opération, mais il faut dire aussi que les défis sont nombreux puisque le contexte économique et social, évidemment, n'est pas le même.

Il existait déjà une certaine complicité avec ces organisations-là qui relevaient beaucoup plus du gouvernement fédéral, à une certaine époque. Il existait, donc, une plus grande complicité avec la SQDM dont la ministre faisait référence tout à l'heure. Il n'est pas exclu que nous ayons cette possibilité-là, dans le futur, de déterminer un lien de travail avec la SQDM. Mais à ce moment-là, ce seront ces autorités-là qui détermineront comment ça va s'appliquer.

Mme Loiselle: O.K., merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Thank you, Mr. Chairman. Mr. Picard, I have the reputation of admitting when I know very little about a subject, of saying so and asking for clarifications. I don't think there's any shame in saying one doesn't know something and needs a little better understanding of it.

The problems faced by people of the First Nations are familiar to me in a general way, but not in a specific way. Coming from an urban Montréal riding, I'm somewhat limited in my general understanding of the particular situation, although, you know, one reads and gets a broad idea of what's going on.

In terms of the specific issue before the Committee, if you'll permit me, I'll just try giving you my understanding of the way the system works and try and get a better understanding from you about how you would like the system to work. My understanding is that the federal government, generally speaking, finances the activities relating to public assistance for the peoples of the First Nations, but that those... the way in which that is delivered, principally speaking, on reservation, is done by the Band Councils. Is that correct, generally speaking?

M. Picard (Ghislain): For some communities, yes.

M. Copeman: Only for some, though. In the other communities, «ententes» have been signed, agreements have been signed. What...

M. Picard (Ghislain): Well, generally speaking, all Aboriginal communities have their own agreements with the Federal Government, and most of those agreements will include social assistance. But, as I said, you know, that's not the case for all of the communities.

M. Copeman: However, you make it clear in your brief that, although the Band Councils are responsible for the application of those measures, that, I guess, in a number of communities, they follow the provincial guidelines with regard to the application of welfare. Is that correct?

M. Picard (Ghislain): That's the situation. It's exact.

M. Copeman: When you suggest, in your brief, on page 39, «régime réglementaire autochtone autonome», again, perhaps you would go into a brief explanation of exactly what your expectations might be in that regard. If these programs are already financed by the Federal Government, but applied under certain norms and guidelines provided by the Provincial Government, what is the role of the Government of Québec? Where is your expectation? What do you expect from the Government of Québec? Because, I think, we, in this Committee, have to circumscribe our activities to that. You know, I can understand that you may have certain expectations with regard to the Federal Government. But, if you can summarize for us what your expectations would be with regard to the Government of Québec in the matter of welfare reform, I think that would help.

M. Picard (Ghislain): O.K. Well, being from a Montréal riding, you might have the biggest concentration of Aboriginal people in Québec because, more and more, we have, you know, increasing population in the urban centers. Well, it's correct to say that, as I said earlier, the responsibility for that program and other programs comes from the Federal Government and, when we speak of a «régime réglementaire autonome», I think it says what it says right there. I mean, we want regulations that we will define ourselves, how to apply criterias, and how to apply the programs for our people.

In terms of what we expect from the Québec Government, it's... I just referred earlier, moments ago, about an experience that is taking shape in terms of training of manpower within our communities. For a number of years, four or five maybe, we had no choice but to accept whatever was designed at the Federal level, along with the Provincial level, and the result of that was that we had to deal with both, with the Federal Government Human Resources and, at the same time, we had to deal with the office of the SQDM in Québec. And now that is changing in the sense that we will determine how that takes shape. We already have agreements with the Federal Government in terms of ourself determining or prioritizing what the training needs are in our communities. And then, along that, we will determine how we interconnect with the SQDM, and what responsibilities they might have.

In the case of social assistance, as you stated, we are victimized by the fact that provincial norms are applied within a context that is totally different from that of other Quebeckers. What we want to do is have that opportunity to determine our own norms or standards, and then have them applied. And if we see the need for the Québec Government to get involved at some point or for the Québec Government to play a part, a role, then it's going to be up to us to determine what that role will be. Mr. Carbonnell has something to add.

M. Carbonnell (Gary): In a very brief summation as what is our expectation, I think one of the things that we are trying to sensitize the Provincial Government to is that the norms that are applied to, quote, «Quebeckers» affect us, because the Federal Government applies those norms, and there is no consideration for First Nations people when these norms are applied. Vice-Chief Picard mentioned and went through the whole thing, he has basically put our things on the line. We are trying to sensitize this Government that we have the capacity to put in place the regulations, the agenda. We have the capacity to sit down with various levels of governments, and emphasize, sensitize, inform of what it is we are looking for, in collaboration with some of the governments. When these norms are applied, for overall, global Québec people, there's absolutely no consideration for the Aboriginal people, and that's what I am trying to put in a very simplified term.

(16 heures)

M. Copeman: If I may, Mr. Chairman, I understand, or should I understand from what Vice-Chief Picard said that for those Native people living off reserve – and we know there's an increasing number – that you would like them to have a regime particular to Native peoples, administered by whom? Just, I mean, you know, it's clear, at least on reservations, who should administer – it may not be ideal, but at least we have a... – but for those Native peoples living off reserve, off the reservations, how would one go about in a practical way, administering a different, a unique set of situations?

M. Picard (Ghislain): Yes, we want a system for Aboriginal people, wherever they are, period. But in terms of how it's going to be applied, of course, it's going to have to be... what will have to be considered is the specific situations. How it would apply, say in the Montréal area, for an Aboriginal person, would probably be different from that of another situation in a more remote area or a northern community.

So, I think that's something that we will be able to determine. But I think what needs to be stressed here is the fact that, of course, communities and the leadership wish for the day when they will be able to service their people wherever they are. It's not the reality today but, certainly, in the future, that's something we foresee happening. It's going to be up to that leadership in those communities to determine how those programs will apply.

M. Copeman: Two quick questions, if you permit me, Mr. Chairman. I'm trying to get an understanding of what comes first, the chicken or the egg. In terms of the funding that's allocated to social assistance by the Federal Government, is it based on the norms that are provided by the Government of Québec? Is it partly a funding issue? I know it's not exclusively a funding issue, but... Or is it a global amount of money allocated by the Federal Government and, then, applied, based on the norms? If you understand my question... I wasn't clear enough. Is the money in function of the norms? Or vice versa?

M. Picard (Ghislain): Well, it's according to the beneficiaries. If there's a loss, I mean at the end of the process, for the beneficiary, then, certainly, wherever the money comes from, or how big it is, or in what formula it is given, it doesn't really matter because the situation, as we live it today, is that we have these agreements with the Federal Government, then come into play the provincial standards and this, together, has that impact where it's the beneficiaries that are suffering.

M. Copeman: O.K., I understand. And, just finally, perhaps...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière.

M. Copeman: Oui... Yes, Mr. Chairman, thank you. You have spoken, I think, quite clearly of your desire to come to some autonomous system. What are the barriers? What prevents you from doing so, presently? Is it a failure of agreements on the base of the Provincial Government? Is it a failure of understanding on the part of the Federal Government? Where is the block happening?

M. Picard (Ghislain): Well, I would say it's a broad, very broad range of obstacles and barriers: the present legislation, federally, provincially, the fact that First Nations communities just don't have the capacity to act – they have the capacity to design, develop programs that are more suitable to their own realities and needs – but, in terms of the financial capacity, they just don't have that. And why? Because there's not, really, a future, an immediate future for manpower, to fight against unemployment, to lower the population of social assistance beneficiaries. You know, all those taken into consideration, I mean, it's... You said, a while ago, it's either going to be the chicken or the egg. Well, we find ourselves very often in that situation. Because we have to fight at all levels, at all times. So, that's the difficulty.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. Mme la ministre, pour terminer.

Mme Harel: Bon! Alors, il ne reste pas beaucoup de temps, je vais essayer d'aller à l'essentiel. Moi, je pense qu'il y a des cas d'appartenance, je crois à ça, y compris dans les milieux urbains, pauvres, différents des milieux urbains de banlieue. Alors, c'est encore plus important, les cas d'appartenance quand il s'agit de nations différentes. Prenons ça pour acquis.

Deux choses vite ou trois. Premièrement, l'allocation unifiée pour enfants. Je veux que M. Raphaël Picard sache que l'allocation unifiée pour enfants, le gouvernement est prêt à regarder comment ça doit se passer autrement pour les communautés autochtones. Je ne sais pas qui parmi vous y a travaillé. Moi, j'ai parlé à Mme Marois, qui est la ministre responsable des politiques familiales. Je l'ai vue à ce sujet-là mardi soir cette semaine. Elle est vraiment intéressée à avoir un point de vue qui peut être différent. Et on va mettre sur pied un groupe de travail. Alors, je vais vous donner les coordonnées tantôt, si vous le voulez, mais je pense qu'il faut aller assez rapidement parce qu'il y a une ouverture, en tout cas, pour faire autrement. Ça, c'est sur l'allocation unifiée.

Sur la question peut-être du régime d'apprentissage, parce que, quand on lit le mémoire, on se rend compte que vous cherchez beaucoup à ce que ce soient des formations courtes, directement associées à l'emploi. Et c'est ça qui est motivant, nous dites-vous dans le mémoire. Moi, je vous invite à regarder le régime d'apprentissage. Je vais déposer une loi au retour de la session après Pâques, une loi sur le régime d'apprentissage. Ça, c'est quelque chose qui va permettre à quelqu'un qui a fait un secondaire III d'avoir un diplôme du ministère de l'Éducation en travaillant, en apprenant, pas sur les bancs de l'école, mais en travaillant. Alors, si vous voulez, je pense que c'est un aspect immédiat qui peut être important.

L'autre chose: le Régime d'assistance publique du Canada est fini, n'est-ce pas, depuis le 1er avril dernier. Ça, ça peut changer beaucoup aussi la façon de gérer puisqu'on peut transformer maintenant les prestations en subventions salariales ou en bons d'apprentissage pour un jeune qui voudrait être un apprenti, etc.

Dans le mémoire, ce que vous nous dites, c'est: Établissez un système de communications, pas avec le fédéral, mais avec les communautés. Bon, on l'a établi avec Kativik, actuellement. Il va y avoir les Cris. J'imagine qu'avec les communautés ça veut dire avec l'Assemblée des premières nations ou avec chacune des communautés. Ça, c'est ma première question.

La deuxième, c'est la suivante: dans ce qui s'applique présentement, c'est-à-dire dans ce qui est la responsabilité au niveau fédéral, il y a trois types d'ententes possibles, et semble-t-il qu'il y en a une qui s'appellerait Entente de transfert financier et qui prévoirait un financement global et qui permettrait à chaque communauté d'avoir un programme spécifique de sécurité du revenu. Il semble qu'il n'y ait aucune communauté à date qui ait utilisé ce type-là d'entente qui serait permis. Est-ce que c'est vrai ou pas, les renseignements que j'ai, et est-ce que c'est par ce biais-là ou cette voie-là que vous prendriez?

L'autre chose, je vais terminer là-dessus en vous disant: Sur un territoire, il faut que les règles de citoyenneté soient les mêmes, il faut qu'il y ait une égalité de traitement. S'il n'y a pas – moi, je crois à cette philosophie énormément – égalité de traitement sur un territoire... C'est pour ça que c'est si important, le territoire, parce que les gens sur le territoire doivent être traités de la même façon. Et je pense que – les gens sur le territoire – ce serait un énorme problème de commencer à traiter les gens différemment. Alors moi, personnellement, je ne pense pas qu'il soit souhaitable que, hors des communautés, il y ait une façon différente. Si on est citoyen d'un territoire puis on a un voisin, il faut être traité comme son voisin. Sinon, ça fait de la chicane.

Alors, je crois que, dans les territoires des communautés autochtones, il faut que ce soit la même règle, que ce soit pour les Blancs ou pour les autochtones, la même chose dans le territoire québécois. Ceci dit, ça n'empêche pas, même si je ne partage pas entièrement votre point de vue, qu'on commence sur les autres choses sur lesquelles on peut s'entendre et que peut-être on puisse, je vous le propose, organiser une rencontre sur l'allocation unifiée assez rapidement. Moi, je peux peut-être vous faire parvenir, dès que ce sera signé, l'entente avec Kativik, ça peut peut-être servir de modèle, si ça peut vous intéresser.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la ministre. Quelques commentaires avant de conclure.

M. Picard (Ghislain): Tout simplement, pour répondre peut-être à quelques-unes de vos interrogations de tout à l'heure, évidemment, la PNQL a une responsabilité, d'abord politique, sur le plan régional. Il y a de dévolu à la Commission de la santé et des services sociaux un certain nombre de responsabilités, mais il n'en demeure pas moins que les principaux mandataires sont, d'abord et avant tout, les communautés et que, s'il devait y avoir un processus quelconque à ce niveau-là, bien, c'est au niveau des communautés qu'il prendra forme.

(16 h 10)

Au niveau des ententes possibles ou des différents types d'ententes qui existent au niveau des communautés, le modèle de transfert financier est un modèle qui existe dans un minimum de communautés et, pour ainsi dire, c'est en développement. Ça n'a pas encore vraiment pris forme au niveau de l'ensemble des communautés. C'est envisagé sérieusement comme étant, peut-être, une formule viable et même, éventuellement, souhaitable.

Au niveau de l'égalité de traitement, je pense... C'est difficile, évidemment, dans le contexte actuel des choses, de sortir de notre position, tel que l'exprime le mémoire, parce qu'il y a un contexte historique, il y a un contexte politique qui est le nôtre. Évidemment, ce n'est pas quelque chose qu'on a souhaité, mais c'est quelque chose avec lequel nous vivons à tous les jours. Je pense qu'il y aura lieu, peut-être, de considérer la nécessité qu'il y ait un rééquilibrage au niveau économique, au niveau social, à tous les niveaux, finalement, pour qu'on puisse parler vraiment d'équité et d'égalité dans tous les sens du terme.

Si on regarde les choses – on faisait référence au taux de chômage, tout à l'heure – si on fait des comparaisons non seulement au niveau des taux de chômage, mais au niveau de toutes les autres caractéristiques sociales qui concernent nos communautés, eh bien, je pense qu'on serait fortement surpris. Je pense que, tant qu'il n'y aura pas un équilibre, ce sera difficile de nous pencher vers d'autres suggestions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): MM. Picard et Carbonnell, au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup.

J'invite, maintenant, les représentantes du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, avant de débuter notre dernière entrevue, mesdames, vous êtes le 99e groupe, je rappelle simplement aux membres de la commission que, dès cette intervention faite, nous procéderons aux remarques finales par Mme la représentante de l'opposition et par Mme la ministre, et je déposerai une quarantaine de mémoires. Alors, si vous voulez, mesdames, assister à la conclusion, libre à vous, à ce moment-là, de le faire.

Alors, Mme Sainte-Marie, je pense que c'est vous qui présentez la personne qui vous accompagne. Vous pouvez débuter le mémoire.


Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec inc. (CIAFT)

Mme Sainte-Marie (Thérèse): D'accord. Alors, je vous présente Mme Dominique Chevalier qui est présidente du CIAFT.

Alors, Mme Harel ainsi que Mmes et MM. les députés, il nous fait plaisir de présenter ce dernier mémoire pour les fins de cette commission parlementaire en espérant, effectivement, que nous ne paraissions pas, peut-être, trop redondantes par rapport aux autres mémoires qui ont pu être présentés – les 98 autres mémoires – mais on tient quand même à apporter notre point de vue et à souligner, effectivement, ce qui nous apparaît le plus important par rapport à cette réforme-là.

Donc, la réforme de la sécurité du revenu engage – a engagé, en fait – un large débat de société qui dépasse les seuls paramètres du régime qu'elle met en place. Elle questionne nos responsabilités individuelles et collectives face au chômage structurel dans lequel le Québec s'est enlisé depuis quelques années, tout en interrogeant le rôle que doit assumer l'État face à l'appauvrissement croissant d'une partie de plus en plus grande de sa population.

Dans un contexte où le nombre de personnes sans emploi atteint des proportions plus qu'inquiétantes, il était donc devenu impératif de redéfinir le système québécois de la sécurité du revenu de façon à l'adapter en fonction des nouveaux besoins et des nouvelles réalités. À prime abord, il semble que c'est l'intention portée par le gouvernement avec son projet de réforme sur la sécurité du revenu. En effet, le document soumis aux fins des présentes consultations fait grandement état des effets désastreux qu'ont la restructuration du marché du travail, l'impact de la réforme de l'assurance-chômage et la réduction importante des paiements de transferts fédéraux sur l'accroissement du nombre de prestataires de la sécurité du revenu.

Malgré tout, cette réforme opte pour une approche punitive et des mesures appauvrissantes qui risquent d'aggraver les problèmes qu'elle prétend vouloir régler. Tout au long des consultations de cette commission parlementaire, de nombreux groupes sociaux auront exprimé des avis souvent convergents, mais quelquefois différents sur certains aspects. À cet effet, nous désirons souligner que nous appuyons, notamment, le mémoire de la Fédération des femmes du Québec et, également, celui de la Coalition nationale de l'aide sociale. Certaines de leurs recommandations sont, d'ailleurs, reprises pour les fins du nôtre. Le CIAFT désire toutefois apporter ses commentaires spécifiques en regard de sa mission particulière et de sa connaissance des problèmes d'insertion socioprofessionnelle des femmes.

Donc, concernant les orientations générales de la réforme, celle-ci présente des avancées intéressantes pour corriger plusieurs des carences du système actuel. Malheureusement, elle comporte aussi des écueils que nous jugeons inacceptables. Le premier de ces écueils est celui de maintenir les personnes assistées sociales dans un état tel de pauvreté qu'elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins essentiels. Ceux-ci sont, d'ailleurs, à notre avis, nettement sous-évalués et ils ne pourraient guère non plus être comblés par d'autres types de revenus. Les personnes aptes au travail, qui composent 80 % des prestataires adultes à la sécurité du revenu, seront-elles en mesure de trouver un emploi, même à temps partiel, pour subvenir à leurs besoins? Les prestataires de plus de 55 ans, que la réforme entend priver du supplément de non-disponibilité, pourront-ils vraiment se réintégrer au marché du travail?

Considérant la très grande sélectivité du marché du travail et le peu d'emplois disponibles, le CIAFT en doute fortement. Considérant cette triste réalité, comment, alors, une société comme la nôtre peut accepter qu'une partie importante de ses citoyens et citoyennes doivent littéralement se priver de nourriture, de médicaments ou encore de logement? Comment peut-on croire que cette misère aura un effet catalyseur pour faire en sorte que les personnes assistées sociales soient stimulées à intégrer le marché du travail? De nombreuses études ont, maintes fois, démontré que le premier obstacle à l'intégration en emploi est bien celui de la pauvreté. En plus des problèmes de santé et de malnutrition qu'elle engendre, cette pauvreté entraîne, également, un sentiment de découragement et une perte d'estime de soi qui constituent, à eux seuls, des barrières très importantes, non seulement à l'emploi mais également à l'insertion sociale.

(16 h 20)

Tenant compte de l'insuffisance des barèmes du système de la sécurité du revenu et des difficultés majeures vécues par la majorité des personnes assistées sociales, il est encore plus incompréhensible que cette réforme s'apprête à appliquer des mesures punitives extrêmement sévères envers les jeunes et les chefs de famille monoparentale qui refuseraient de suivre un parcours d'insertion. C'est là, selon nous, la seconde lacune importante de ce projet de réforme.

L'application de pénalités envers les femmes chefs de famille monoparentale nous paraît tout particulièrement incompréhensible. Le gouvernement ne voit-il pas qu'en amputant de cette façon le revenu familial il pénalise également les enfants de cette même famille? Les effets positifs recherchés par l'implantation de l'allocation unifiée pour enfants ne seront-ils pas ainsi contrecarrés par ces lourdes pénalités imposées aux mères chefs de famille monoparentale? Au lieu de développer une politique coercitive envers ces femmes, le CIAFT considère qu'il faut, au contraire, plutôt assouplir les exigences administratives appliquées à leur endroit. Le système de la sécurité du revenu pourrait ainsi proposer à ces dernières des formules de parcours plus adaptées à leur situation familiale et leur permettre d'entrer progressivement dans une démarche d'insertion, de formation ou d'intégration en emploi.

Par ailleurs, nous désirons souligner que le système actuel de la sécurité du revenu a déjà d'ailleurs beaucoup de peine à répondre à la moitié des demandes de participation aux différents programmes et mesures existants. Pour 45 000 personnes participantes, un nombre équivalent de prestataires sont en attente de participation à une ou l'autre des mesures. Le système de sécurité du revenu a donc déjà suffisamment à faire avec toutes ces personnes qui désirent participer aux divers programmes en place sans qu'il soit nécessaire de s'en prendre à celles qui pensent différemment de leur agent. Autrement, ne risque-t-on pas de reproduire et, même, d'accroître l'inefficacité du régime actuel de la sécurité du revenu et de confier un pouvoir abusif aux agents et agentes de main-d'oeuvre?

C'est pourquoi, de concert avec la Fédération des femmes du Québec et la Coalition nationale de l'aide sociale, le CIAFT recommande que le système de la sécurité du revenu du Québec reconnaisse à toute personne le droit à un revenu décent qui lui permette de vivre dans la dignité et ce, peu importe son aptitude ou son inaptitude à intégrer le marché du travail. Dans cette perspective, la future politique sur la sécurité du revenu devra minimalement assurer que les barèmes de prestations correspondent à la totalité des besoins essentiels identifiés à l'annexe XII du livre vert.

Deuxièmement, assure à toutes les catégories de prestataires leur adhésion volontaire à un parcours vers l'emploi ou vers l'insertion sociale; reconnaisse le droit et la compétence des personnes assistées sociales à choisir elles-mêmes, à participer elles-mêmes à un parcours convenant à leurs besoins et aspirations; assure une démocratisation également du système de la sécurité du revenu par la mise en place de mécanismes d'évaluation et de recours indépendants, et par la reconnaissance du rôle des groupes de défense des droits.

De plus, considérant que les meilleurs incitatifs à l'intégration reposent essentiellement sur le développement d'emplois de qualité et bien rémunérés, le CIAFT réclame que le gouvernement assure une réelle redistribution de la richesse et se dote d'une véritable politique de création d'emplois, que le salaire minimum soit fixé à 8,30 $ de façon à assurer une incitation plus positive à l'intégration au marché du travail.

Concernant les efforts collectifs et individuels en faveur de l'emploi, le CIAFT est d'accord avec le principe voulant que les efforts mis à contribution pour le développement de l'emploi et pour la lutte à la pauvreté doivent autant être portés par les collectivités que par les individus. Ainsi, il est primordial que l'État stimule la création d'emplois par l'adoption d'une politique active du marché du travail et par l'application de différentes mesures fiscales qui avantageront les entreprises créatrices d'emplois.

De la même façon, il est compréhensible que ces mêmes collectivités puissent demander en contrepartie à chacun des individus de fournir une énergie équivalente pour s'intégrer au marché du travail. L'un ne va pas sans l'autre mais, à notre avis, les efforts du premier doivent précéder le second.

À cet effet, les statistiques récentes provenant de la SQDM démontrent bien le succès mitigé du Québec en matière de création d'emplois. Pour 9 000 emplois créés en 1996, dont la majorité sont à temps partiel, 22 000 nouveaux chômeurs et nouvelles chômeuses sont venus s'ajouter à la liste déjà trop longue des personnes sans emploi.

De plus, les scénarios les plus optimistes du sommet économique de l'automne dernier, comprenant notamment les projets d'économie sociale, ne permettent guère d'envisager la création de plus de 70 000 emplois d'ici les trois prochaines années. C'est, bien sûr, un pas dans la bonne direction, mais qui doit être mis en balance avec l'abolition prévue des 12 000 à 15 000 postes dans le secteur public, des 5 000 autres dans le Mouvement Desjardins et, aussi, avec l'entrée annuelle de 30 000 nouvelles personnes sur le marché du travail.

Il est donc temps, selon nous, que la société québécoise porte un regard plus réaliste sur l'évolution de la situation de l'emploi, et qu'elle cesse d'infliger aux individus des responsabilités beaucoup plus grandes qu'ils ne doivent et ne peuvent en porter. Face à la stagnation du marché de l'emploi et à l'élargissement sensible des exigences des employeurs causé en partie par l'augmentation du bassin de main-d'oeuvre disponible, les personnes ayant des difficultés d'insertion socioprofessionnelle ont plus que jamais besoin de supports particuliers. Le CIAFT est donc loin de demander au gouvernement d'abandonner ces personnes à leur sort. Nous favorisons, au contraire, le maintien et le développement des services communautaires pour des groupes cibles, et notamment ceux desservant les femmes. Ces services ont fait leurs preuves depuis longtemps – dans certains cas depuis 20 ans – et affichent des taux de placement fort satisfaisants.

Concernant les parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi, le CIAFT désire saluer l'intention du gouvernement de décloisonner les différentes catégories de main-d'oeuvre de façon à favoriser leur accès universel aux divers services d'aide à l'emploi et aux programmes de formation de main-d'oeuvre. Cette disposition permettra un encadrement plus cohérent de chacune des étapes des parcours individuels, et nous espérons qu'elle assurera une meilleure compréhension des besoins des diverses clientèles.

À cet effet, nous désirons rappeler que la main-d'oeuvre féminine se butte encore à des barrières particulières, en rapport avec leur intégration socioprofessionnelle, et que cette situation commande une attention particulière de l'État et de ses partenaires socioéconomiques. Quels sont-ils, ces besoins spécifiques? Il s'agit notamment de leurs absences ponctuelles et plus ou moins prolongées en raison de la maternité; de leurs responsabilités familiales plus lourdes, ce qui a pour effet de réduire à la fois leur disponibilité et leur mobilité; des services de garde insuffisants et fonctionnant avec des horaires trop rigides; de leur faible niveau de rémunération; et de plusieurs autres encore; et enfin, pour 80 000 d'entres elles, de leur situation de monoparentalité, ce qui a pour effet d'amplifier un bon nombre des problèmes déjà mentionnés. Donc, à ces difficultés déjà suffisamment importantes, s'ajoutent, pour les prestataires de la sécurité du revenu, des problèmes, souvent de sous-scolarisation, de manque de confiance en soi, et de méconnaissance des nouvelles exigences du marché du travail qui constituent, à eux seuls, des obstacles sérieux à une insertion au marché du travail.

Le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère du Développement des ressources humaines Canada ont reconnu, du moins jusqu'à maintenant, la spécificité des problèmes de la main-d'oeuvre féminine. Ils ont ainsi aménagé différents programmes et mesures, mais qui n'ont pas nécessairement tous connu le même succès. Les programmes de formation et de préparation à l'emploi, desservis par les milieux institutionnels, tels que les Transition-Travail, ou Initiation aux métiers non traditionnels, ou encore les politiques administratives accordant des places réservées aux femmes dans des formations professionnelles non traditionnelles, n'ont pas toujours permis d'atteindre les résultats espérés par rapport aux objectifs d'intégration en emploi.

Par contre, des expériences plus significatives vécues par les membres du CIAFT nous permettent, effectivement, de penser qu'on peut agir autrement. En effet, une vingtaine d'organismes communautaires oeuvrant spécifiquement auprès des femmes réussissent, année après année, à intégrer en formation et/ou en emploi plus de 75 % de leur clientèle volontaire. Le succès des programmes de ces organismes repose non seulement sur la qualité de la formation qu'ils dispensent mais aussi sur l'encadrement soutenu qu'ils offrent auprès de leur clientèle. Il se fonde aussi sur leur vision globale des problèmes spécifiques de la main-d'oeuvre féminine, et notamment celles étant prestataires de la sécurité du revenu.

À notre avis, la réussite des parcours vers l'insertion, la formation ou l'emploi des femmes sera donc essentiellement tributaire d'une compréhension partagée, au sein des différentes collectivités, des problèmes spécifiques de la main-d'oeuvre féminine, et de la volonté gouvernementale d'adapter les exigences administratives des divers programmes de façon à tenir compte de ceux-ci. C'est pourquoi le CIAFT recommande: que le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère de l'Emploi intègrent, dans leurs orientations nationales, l'engagement de développer des services spécifiques à l'égard de groupes cibles, et notamment à l'égard de la main-d'oeuvre féminine; que le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère de l'Emploi reconnaissent l'expertise acquise par les groupes communautaires en développement de la main-d'oeuvre féminine et assurent le maintien de leurs services.

(16 h 30)

Pour ce qui est du Plan local d'action concerté pour l'emploi, dans son projet de réforme, le gouvernement propose d'inscrire les stratégies de développement de la main-d'oeuvre à l'intérieur d'un plan local d'action concerté pour l'emploi. Ce Plan serait éventuellement élaboré par un conseil local de développement, ou CLD, par territoire de MRC, et il serait composé de personnes représentant divers milieux locaux, dont notamment ceux des organismes communautaires et des groupes de femmes. Les responsabilité de ces conseils locaux seront considérables, puisqu'il auront non seulement à établir le diagnostic de la réalité socioéconomique locale, mais aussi parce qu'ils auront à déterminer les stratégies d'intervention et les objectifs prioritaires en faveur de l'emploi et à proposer les orientations budgétaires pour la mise en oeuvre des moyens d'action en matière d'emploi.

Tout en reconnaissant les avantages du rapprochement des centres décisionnels avec les collectivités locales, le CIAFT désire souligner qu'il comporte aussi des enjeux et des risques pour la main-d'oeuvre féminine qu'il convient d'analyser autant sur le plan local qu'à l'échelle nationale. En effet, les organismes communautaires en développement de la main-d'oeuvre féminine éprouvent, régionalement et localement, encore beaucoup de difficultés à se faire reconnaître, d'une part, et à faire reconnaître la spécificité des problèmes économiques et socioprofessionnels des femmes. Qu'il s'agisse de l'établissement d'une politique d'équité en emploi ou de soutien à l'entrepreneurship féminin à l'intérieur des ententes-cadres des conseils régionaux de développement ou qu'il s'agisse d'obtenir le maintien ou le développement de services pour la main-d'oeuvre féminine, les représentants de groupes de femmes doivent s'engager dans des négociations ardues dont elles ne sortent pas toujours gagnantes.

Dans ce contexte, le CIAFT considère que la participation des groupes d'intégration des femmes au marché du travail, au sein des conseils locaux, présente certains problèmes. En effet, comment pourront-ils faire valoir les besoins particuliers de la main-d'oeuvre féminine si le gouvernement n'adapte pas d'orientations nationales précises à leur endroit? Ou encore, comment ces groupes pourront-ils maintenir leurs services auprès de la main-d'oeuvre féminine si la majorité des partenaires optent, essentiellement, pour des moyens d'action se dirigeant, par exemple, vers les jeunes ou les personnes de 45 ans et plus?

C'est pourquoi, considérant les difficultés actuelles des projets communautaires en développement de la main-d'oeuvre, le CIAFT recommande que le gouvernement du Québec assure une reconnaissance nationale des groupes communautaires en développement de la main-d'oeuvre féminine, afin de leur garantir un budget de fonctionnement permettant de dispenser un service adéquat auprès de la clientèle féminine et afin, également, de clarifier les rôles respectifs entre les centres locaux d'emploi, les milieux institutionnels et les groupes communautaires dans la prestation de services auprès des femmes.

Nous demandons, également, que le gouvernement établisse les conditions de partenariat entre les différentes instances locales et régionales de façon à reconnaître le rôle des groupes de femmes dans la promotion du droit des femmes au travail, à l'équité salariale et à l'équité en emploi, la promotion de l'aménagement de mesures favorisant la conciliation travail-famille et la promotion de l'entrepreneurship féminin.

En conclusion, alors, si le projet de réforme sur la sécurité du revenu avait garanti des revenus minimaux décents aux personnes rejetées par le marché du travail et s'il n'avait pas opté pour cette approche punitive envers les jeunes et les femmes chefs de famille monoparentale, le CIAFT aurait sans doute été parmi ceux qui auraient salué l'instauration de ce nouveau régime qui aurait, enfin, apporté des moyens progressistes pour lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté. Ces orientations choisies par le gouvernement répondent, selon nous, à des impératifs budgétaires à court terme qui contredisent les objectifs globaux poursuivis par cette réforme de la sécurité du revenu.

Nous souhaitons donc vivement que les avis de la majorité des groupes sociaux et des groupes de femmes sur ces aspects fondamentaux du livre vert sauront convaincre le gouvernement de ne pas emprunter une voie qui risque de plonger davantage les personnes assistées sociales dans la pauvreté et la marginalité. Selon le CIAFT, cette réforme présente de nombreux éléments qui auraient pu tracer le parcours d'un véritable changement social. Encore faudrait-il lui retirer ses aspects les plus régressifs, y ajouter une meilleure compréhension des problèmes d'intégration socioprofessionnelle des différentes catégories de prestataires et, notamment, celle des femmes. Sur ce dernier point, nous espérons pouvoir compter sur l'appui de la ministre de la Sécurité du revenu, également responsable de la Condition féminine, pour que les différentes recommandations que nous avons formulées à cet égard soient retenues dans le nouveau régime de la sécurité du revenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Lecture rapide!

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Lecture rapide, je voulais tenir mon temps, monsieur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, vous êtes... même, il vous restait deux minutes. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Mme Sainte-Marie et Mme Chevalier. Depuis novembre dernier, le CIAFT, comme vous le dites dans votre mémoire, agit auprès de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en tant que comité aviseur en main-d'oeuvre féminine. Vous nous avez parlé, dès le début de votre présentation, de la sélectivité du marché du travail. J'aimerais vous entendre aussi là-dessus. Vous avez une expertise à ce sujet. On imagine souvent que le marché du travail, c'est neutre, et qu'il engage la personne la plus compétente ou appropriée; premier élément.

Le deuxième, c'est la place des femmes dans le développement local et régional. Pour avoir été consultées dans le cadre de la préparation du prochain plan d'action pour les Québécoises, 1997-2000, vous avez su que notre intention est d'ajouter un cinquième volet à ceux déjà existants depuis 1993 et qui, justement, sera cette orientation en faveur de la place des femmes dans le développement local et régional et que le livre blanc que M. Chevrette va publier va justement contenir un chapitre sur cette question-là.

C'est un défi. Évidemment, c'est un défi et, en même temps, je pense que ce ne serait pas approprié d'alimenter la nostalgie en pensant que plus c'est centralisé mieux c'est pour les femmes. Mais, en même temps, c'est un défi qu'on doit relever. Je comprends qu'il y a, malgré tout, de la bonne volonté puis la consultation du printemps passé menée auprès de tous les CRD, avec le Conseil du statut de la femme et puis le Secrétariat à la condition féminine, a quand même fait apparaître des façons concrètes d'y arriver.

D'autre part, je vous dis immédiatement qu'on va regarder très attentivement les recommandations. Vous comprenez que celles que vous nous transmettez à la page 16, nous les avions reçues en un nombre d'exemplaires évidemment important. Mais je vous dis à vous, comme j'ai dit à toutes les personnes qui vous ont précédées: Ce que vous appelez la future politique sur la sécurité du revenu qui devrait minimalement assurer que les barèmes de prestations correspondent à la totalité des besoins essentiels, c'est – je l'ai fait calculer – 726 500 000 $. Alors, le 726 500 000 $, c'est évidemment prendre en considération, au moment où l'éligibilité à l'assurance-chômage, surtout pour les femmes, se resserre beaucoup et où on reçoit constamment des nouveaux prestataires à l'aide sociale qui, autrement, sont des cotisants d'ailleurs, souvent, à l'assurance-emploi, mais qui n'y ont plus droit... Et ce 726 000 000 $ s'ajoute, comme vous le savez, à l'abolition pour le partage du logement qui est de 127 000 000 $ et s'ajoute aussi à diverses autres considérations. En fait, en général, c'est 1 000 000 000 $ dont il s'agit. Vous connaissez le budget puis les crédits. Vous savez, je ne dispose pas de 1 000 000 000 $ de plus, disons, pour l'année 1997-1998 qui commence au 1er avril prochain.

D'autre part, je pense que je me dois aussi de vous dire qu'il y a une philosophie qui est différente. Hors les considérations, on peut les reprendre, je les reprendrai dans la clôture de nos travaux – e ne sais pas si ça vaut la peine de recommencer, peut-être que si vous restiez quelques minutes là – sur toutes ces catégories, 55 ans et plus, monoparentales, etc., j'y reviendrai tantôt, mais simplement vous dire que, nonobstant cela, n'est-ce pas, qu'il faut regarder de près, j'en conviens, il y a une philosophie différente qui est introduite, oui, qui est celle de dire qu'il y a des chômeurs à l'aide sociale puis qu'il faut s'en occuper. Et ce n'est pas vrai que c'est pour la vie. Au contraire, la moitié des personnes à l'aide sociale sont là pour moins de six mois. Imaginez que le tiers... Excusez-moi, le tiers pour moins de six mois, la moitié pour moins d'un an, puis n'y reviennent pas.

(16 h 40)

Alors, il faut réaménager le système autrement. C'est un système d'assistance-chômage dont il s'agit là, quand on regarde ça vraiment. Sur les tests d'actifs, sur les avoirs liquides, tout doit être différent. Et la philosophie, c'est simple, derrière ça, c'est qu'il y aura toujours des personnes en besoin de protection sociale qui n'auront jamais à voir avec le marché du travail. Ça existe dans toutes les sociétés, la nôtre comme les autres. Et ces personnes en besoin de protection sociale doivent être assurées d'avoir un revenu minimum garanti – le grand mot est lâché – mais, pour l'ensemble des autres personnes, vaut bien mieux, beaucoup mieux, comme société, beaucoup mieux, se responsabiliser sur le plan de l'emploi, quand ce ne serait qu'en matière de meilleure préparation que ce qu'on fait avec le décrochage scolaire. Savez-vous que 70 % des jeunes de 18-24 ans, qui sont 44 000 sur l'aide sociale, sont des décrocheurs? Alors, c'est beaucoup mieux de se responsabiliser vis-à-vis l'aménagement du temps de travail, la retraite progressive, la retraite anticipée, la création d'emplois. Il vaut bien mieux faire ça que de penser qu'un revenu minimum garanti peut régler des choses. Imaginez que – je l'ai fait calculer aussi – juste le barème APTE appliqué comme revenu minimum garanti à toute personne adulte de plus de 18 ans, en abolissant les crédits d'impôt fédéral et provincial personnels, ça coûte 19 000 000 000 $. Je ne sais pas si vous savez, mais tous les impôts des contribuables, des particuliers, ça ramasse 12 000 000 000 $. Alors, on est toujours dans un ordre de grandeur où le revenu minimum garanti, c'est un leurre, à moins que ce soit pour 1 000 $, 2 000 $ ou 3 000 $, et qu'on refasse des tests de besoins et des autres tests pour l'augmenter. Je pense qu'il y a parfois des grandes idées généreuses qui sont des chimères.

Alors, ceci étant dit, je vous remercie de nous rappeler la problématique féminine et nous rappeler qu'il faut clarifier les rôles – ça viendra, je pense, avec le livre blanc – et introduire, sans doute, une reconnaissance du travail qui est à faire avec les groupes cibles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vos commentaires.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui. Il y a plusieurs aspects, je pense, sur lesquels on aimerait intervenir. On a parlé de la sélectivité du marché du travail, la cinquième orientation en matière de politique de condition féminine, enfin de plusieurs aspects. Je reviendrais sur la question de la sélectivité du marché du travail, parce qu'effectivement, moi, je suis d'avis que tout ce débat-là qu'on a engagé depuis le début de la commission parlementaire ne serait pas existant si on ne vivait pas une crise au niveau du marché de l'emploi. Si tout le monde avait accès au marché du travail, effectivement, on aurait moins besoin de resserrer les budgets de la sécurité du revenu. C'est, je pense, l'évidence même.

Donc, oui, le marché du travail a beaucoup changé. On est plus dans une logique de diminution des emplois que dans une logique d'augmentation des emplois. Le secteur public, on le sait, vise des réductions importantes au niveau de la fonction publique. Il y a le Mouvement Desjardins, on le disait, qui envisage, également, de couper des emplois. Ce dont on ne parle pas beaucoup, c'est ce qu'on va faire avec toutes ces nouvelles personnes qui arrivent dans le rang des chômeurs et des chômeuses, alors qu'il y a déjà des personnes qui sont sur la sécurité du revenu qui ne demanderaient pas mieux que réintégrer le marché du travail. Donc, c'est ça qu'on pose, nous, comme question, c'est de dire: Oui, d'abord et avant tout, une politique qui va vraiment faire en sorte qu'on va pouvoir créer, réellement, des emplois et faire en sorte que les gens, qu'ils soient sur l'aide sociale, puissent avoir un espoir d'intégrer le marché du travail beaucoup plus concret que ce qu'ils ont, actuellement.

Pour revenir exactement à la question sur la sélectivité du marché du travail, j'ai cru comprendre, dans la question que vous avez posée, Mme Harel, une certaine discrimination qui se ferait. Oui, tout processus d'embauche, c'est un processus qui discrimine, évidemment, une personne par rapport à une autre en fonction de compétences, en fonction... C'est bien évident qu'une personne qui est absente du marché du travail pendant un certain temps a moins de chance que celle qui vient tout juste de perdre un emploi. Beaucoup de personnes trouvent un emploi alors qu'elles en ont déjà un, parce qu'elles changent d'emploi, alors ces personnes-là, qui sont déjà actives sur le marché du travail, sont déjà dans des positions qui les avantagent par rapport à d'autres, sur le marché du travail.

La question concernant les prestataires de la sécurité du revenu, et surtout celles qui sont absentes du marché du travail depuis très longtemps, fait en sorte que, oui, elles ont moins de chance que les autres d'obtenir un emploi puisqu'elles ne sont pas dans le circuit du marché du travail. Or, c'est ça que font les organismes d'intégration au marché du travail, c'est essayer, effectivement, de combler cet obstacle-là qu'elles éprouvent pour pouvoir se situer, dans le fond, aux mêmes échelles que quelqu'un qui est déjà sur le marché du travail. C'est en ce sens-là qu'on parle de très grande sélectivité, très grande compétitivité, à cause du très grand bassin de main-d'oeuvre disponible. Aujourd'hui, un employeur qui affiche une offre d'emploi peut recevoir une quantité phénoménale de curriculum vitae. Alors, quels sont les critères qu'il va utiliser pour sélectionner? Bien, c'est forcément des critères liés à la scolarité, à la présence active au marché du travail, aux références que ces personnes-là peuvent fournir. C'est ça qui fait en sorte que les personnes qui sont prestataires de la sécurité du revenu risquent d'être toujours choisies en dernier lorsqu'il s'agit d'intégrer un emploi.

Mais peut-être que Mme Chevalier pourrait compléter mon intervention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un autre commentaire.

Mme Chevalier (Dominique): Peut-être seulement pour ajouter que, dans... Je viens d'un organisme en développement d'employabilité qui s'appelle Partance, qui travaille à Drummondville, et on a fait une étude dans notre région. Thérèse disait: Quand les employeurs affichent. Mais ce qu'on constate, sur le terrain, c'est qu'actuellement les employeurs n'affichent pas. Et je serais tentée de vous dire qu'à 90 % des cas les emplois ne sont pas connus. Alors, c'est un système où c'est les employés qui sont déjà en place qui permettent à d'autres personnes de rentrer sous forme de... bon, parce qu'elles les connaissent. Nous, dans les entreprises manufacturières, on a fait une enquête, et on s'est rendu compte qu'il y a seulement 16 % de femmes dans les entreprises manufacturières, chez nous, et que, comme on fait le recrutement de cette manière-là, les femmes ont très peu de chance.

Donc, moi, je trouve que c'est important que ce genre d'analyse se fasse dans chacun des territoires, qu'il y ait des actions concrètes qui se posent pour augmenter la place des femmes dans ces occupations-là qui, au dire toujours des employeurs qu'on a interrogés dans notre région, sont des emplois qui ne demandent pas des compétences... à part d'un secondaire, même je pense, en tout cas, que ça pourrait aller en bas d'un secondaire V.

Donc, je pense que c'est tout ça qu'il faut exploiter, qu'il faut aller chercher et il faut permettre aux femmes d'avoir accès à ces emplois-là qui, soit dit en passant, ont des salaires beaucoup plus intéressants que dans le domaine du secrétariat.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez terminé?

Mme Chevalier (Dominique): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je ne veux surtout pas vous interrompre.

Mme Chevalier (Dominique): Non, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour mesdames, bienvenue. Le dernier groupe, pas tout à fait 100, 99 je pense, c'est ça, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quatre-vingt-dix-neuf. Vous aimeriez qu'on en reçoive un autre, peut-être, pour faire 100?

Mme Loiselle: Pas de problème. On a encore jusqu'à 18 heures. Vous débutez votre mémoire en disant que, finalement, ce qui est le plus désolant, c'est qu'avec la réforme les gens restent dans un niveau de pauvreté très inquiétant, et qui ne rencontre même pas les besoins essentiels. Dans le livre vert, on dit que, pour combler l'écart entre la prestation et les besoins essentiels, on a droit à des gains de travail permis, qui ont été indexés dans le livre vert. Il y a plusieurs groupes qui nous ont dit: le fait que ce soit calculé sur une base mensuelle, ça entraîne certains problèmes pour des gens. On nous a proposé, peut-être, de calculer ça sur une base annuelle. J'aimerais vous entendre: les gains de travail, est-ce que ça pourrait aider davantage les prestataires à combler, finalement, leurs besoins essentiels si on leur donnait la chance de pouvoir les accumuler sur une base annuelle? Parce que ce n'est pas toujours pareil, à chaque mois, de se trouver du travail, est-ce que vous avez regardé cette avenue-là?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Non, j'avoue qu'on n'a pas regardé cette avenue-là, et j'aimerais peut-être mieux comprendre comment ça pourrait s'appliquer, parce qu'une personne qui n'aurait que le barème de base pour vivre pendant à peine quelques mois, on voit mal comment elle pourrait attendre à la fin de l'année.

Mme Loiselle: Actuellement, ils ont droit à des gains de travail, c'est permis.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Pardon?

Mme Loiselle: C'est permis, pour combler l'écart.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui, j'ai compris ça, mais la mécanique qui serait appliquée de façon annuelle...

Mme Loiselle: Oui, à cause... O.K.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): ...il faudrait, pour moi, là, que je comprenne un peu mieux comment ça pourrait se passer, parce que ça ne m'apparaît pas évident. Mais ce que nous, on dit, par contre, par rapport à ça, est-ce qu'il est réaliste de penser que toutes les personnes qui sont aptes au marché du travail pourront, effectivement, se trouver un emploi à temps partiel? C'est beaucoup de monde.

Mme Loiselle: Quand je posais la question...

Mme Sainte-Marie (Thérèse): C'est beaucoup de monde. Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: ...la majorité des groupes disaient que c'est comme irréaliste de penser qu'une grande majorité de gens étaient capables d'aller se chercher l'emploi pour...

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Ce que nous, on dit, c'est que forcément, compte tenu des emplois disponibles, il y a qui ne s'en trouveront pas, des emplois à temps partiel, et qui seront obligés de fonctionner avec les budgets vraiment, là, plus que réduits pour pouvoir combler leurs besoins essentiels, même pas pouvoir combler la totalité de leurs besoins essentiels. C'est là, pour nous, qu'on pose...

Mme Loiselle: ...la question.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): ...qu'on est très réservées, je dirais, par rapport à cette disposition-là. Ceci dit, on est d'accord avec l'augmentation, bien sûr, des gains admissibles. Je pense que c'est quand même une avenue intéressante, mais elle ne sera pas, à notre avis, accessible à tous les prestataires aptes au marché du travail, compte tenu du très grand nombre de personnes qui sont aptes au travail.

Mme Loiselle: Pour les familles monoparentales, je ne reviendrai pas, vous savez tout ce qui s'est dit en commission parlementaire, la grande majorité des groupes disent au gouvernement qu'il faut retirer le caractère coercitif, les pénalités obligatoires de la réforme, surtout quand on sait que les femmes, les chefs de famille monoparentale participent très largement aux mesures, sur une base volontaire. La Fédération des femmes du Québec, de toute façon, nous l'a démontré, chiffres à l'appui, ainsi que les chiffres du ministère. Mais vous, vous suggérez une formule de parcours qui serait plus adaptée à la situation familiale. Pouvez-vous élaborer un petit peu plus sur ça?

(16 h 50)

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bon, nous, ce qu'on constate, effectivement, pour les femmes chefs de famille monoparentale, on a décrit brièvement quelles étaient les difficultés qu'elles pouvaient avoir mais, souvent, effectivement, par rapport au fait qu'elles sont seules à assumer l'ensemble des tâches et des responsabilités familiales, elles ont souvent moins de disponibilité que les autres.

Par contre, nous, on constate qu'effectivement leur absence prolongée sur le marché du travail les pénalise énormément aussi, si on considère les dispositions qu'il y avait auparavant à l'effet qu'elles pouvaient être à la maison pendant six ans ou huit ans parce qu'elles n'ont pas généralement seulement un enfant, effectivement ça compliquait encore davantage leur retour au marché du travail.

Par contre, ces femmes-là, si on leur avait offert la possibilité d'intégrer des programmes de formation à temps partiel, si elles avaient accès à des services de garde gratuits, je suis certaine qu'effectivement il y aurait eu davantage de femmes chef de famille monoparentale qui se seraient comme engagées davantage dans un parcours progressif. C'est ça que, nous, on propose, c'est-à-dire qu'on peut envisager des études à temps partiel, on peut envisager effectivement une implication dans un centre de femmes, dans un groupe communautaire, sans nécessairement que les personnes y passent 30 heures par semaine, pour justement pouvoir garder ce contact-là, soit avec un milieu de travail, un milieu de formation ou un groupe communautaire, en reconnaissant effectivement que ces personnes-là ont d'énormes responsabilités en faisant en sorte qu'elles assument seules les charges familiales.

Mme Loiselle: Au niveau des garderies, vous en parlez un petit peu dans votre mémoire, vous y faites référence, vous savez qu'il y a des frais. C'est quand même minime, mais quand tu as perdu le barème de non-disponibilité et que tu as des 5 $ par jour, sur une base de cinq fois 5 $ sur un mois, c'est quand même un bon montant pour les personnes qui vivent à la sécurité du revenu.

Dans la politique du service de garde et de garde à la petite enfance, il y a quand même des conditions d'admissibilité. C'est assez restreint, hein. Il faut soit être au travail, aux études ou en processus de réinsertion. Alors, seriez-vous plutôt encline à dire au gouvernement: Écoutez, il faudrait peut-être revoir ce que vous nous proposez parce que ce n'est pas accessible à tout le monde? C'est avec des conditions quand même assez restreintes au niveau du service de garde. Puis vous, vous prônez gratuit.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bien, c'est quelque chose qui existe déjà. Les femmes qui participent à un service externe de main-d'oeuvre sont remboursées pour les frais de garde qu'elles assument pour participer à l'ensemble des activités ou, éventuellement aussi, à un stage. C'est bien évident que, pour nous, ça devrait se poursuivre parce que 5 $ par jour, comme vous l'avez mentionné, si on multiplie par 20 jours par mois ouvrable, on parle de 100 $ par mois. C'est énorme pour les personnes assistées sociales. Donc, il devrait y avoir un service de garde gratuit, à notre avis...

Mme Loiselle: Et moins restreint au niveau de l'admissibilité.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): ...pour tout le temps de participation au niveau de la formation et l'insertion. Mme Chevalier veut rajouter quelque chose.

Mme Chevalier (Dominique): Bien, je pense qu'actuellement ce serait... Ce que vous nous amenez, moi, je serais d'accord, mais il n'y a pas suffisamment de places.

Mme Loiselle: Non. C'est ça.

Mme Chevalier (Dominique): Même si, du jour au lendemain, on assouplissait les mesures, actuellement, ce qu'on constate dans nos milieux, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de places en garderie pour tous les enfants qui pourraient en profiter. Il va falloir faire quelque chose, un gros changement, pour permettre à tous les enfants, je dirais, qui ont droit à la garderie... Ce n'est pas demain.

Mme Loiselle: Parce qu'il y a un problème au niveau des femmes qui travaillent en soirée ou travaillent les fins de semaine...

Mme Chevalier (Dominique): Et les...

Mme Loiselle: ...ou travaillent très tard le soir. Parce que ces dames-là doivent payer des frais beaucoup plus élevés. On arrive avec des frais de garde peut-être à 12 $, 13 $ de l'heure. Alors...

Mme Chevalier (Dominique): Et puis ça ne peut pas être en milieu de garde non plus, ce genre de système là.

Mme Loiselle: C'est un cercle vicieux. Non, c'est ça.

Mme Chevalier (Dominique): Puis moi, je suis dans un milieu qui est très industriel, puis on a un autre obstacle, c'est la folie, je dirais, des 12 heures. On travaille de 7 heures le matin à 19 heures le soir, puis, une semaine de jour, une semaine de soir...

Mme Loiselle: Ah oui! O.K.

Mme Chevalier (Dominique): Il y a énormément d'entreprises... Puis, une fin de semaine sur deux. Alors ça, ça veut dire que toutes les femmes monoparentales sont exclues de ces emplois-là simplement par l'horaire de travail.

Mme Loiselle: Oui. C'est ça.

Mme Chevalier (Dominique): Et c'est quelque chose qui se multiplie de plus en plus comme méthode de...

Mme Loiselle: J'aimerais revenir... Au niveau de l'économie sociale, durant nos échanges avec les groupes, il y a plusieurs groupes qui nous ont dit que, bon, les gens croyaient beaucoup dans l'économie sociale, mais ils avaient des craintes. Ils ont dit: Nous, on a peur – bon, la substitution d'emploi – on a peur, avec toutes les mises à pied qui se font actuellement, comme dans le ministère de la Santé ça touche beaucoup les emplois de femmes, qui sont occupés par des femmes, que finalement on crée de l'emploi... On met des gens à pied, mais on crée de l'emploi par un autre biais, avec des salaires peut-être plus précaires. Puis il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit aussi qu'ils avaient des craintes que ça ne devienne des ghettos d'emplois pour les femmes. J'aimerais vous entendre sur ça. C'est votre dernière chance, là.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Ha, ha, ha!

Mme Chevalier (Dominique): Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Après c'est la réflexion avant la rédaction du projet de loi.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bon, concernant les ghettos d'emplois pour les femmes par le biais de l'économie sociale, je devrais dire que l'économie sociale, le concept de l'économie sociale a beaucoup évolué depuis le chantier. Ça fait en sorte qu'on a affaire maintenant à toutes sortes de projets et, quand on parle de foresterie, je ne pense pas qu'on parle de ghetto d'emplois féminins. Donc, on a élargi le concept, plus par des projets d'économie qui sont autogérés par les collectivités, par des coopératives.

Mais ceci dit, concernant les possibilités de faire de l'économie sociale des ghettos d'emplois pour les femmes, je pense que oui, c'est notre préoccupation. On a une très grande préoccupation par rapport à ça, et c'est pour ça que nous, on travaille très activement auprès de femmes qui sont plus dans le secteur du développement local, à l'intérieur des CRD, actuellement. On a mis sur pied un réseau de représentantes en condition féminine qui sont à la SQDM et dans les CRD, justement pour faire valoir toutes sortes de projets à l'intérieur desquels les femmes peuvent participer.

De la même façon, c'est toujours important, à notre avis, de faire en sorte qu'on encourage les femmes à sortir des secteurs d'emplois dans lesquels on les voit traditionnellement, à explorer les carrières technologiques, à aller même au niveau des métiers, comme mentionnait tout à l'heure Mme Chevalier, en soudure, en mécanique. Il y a très peu de femmes, encore, dans ces secteurs-là qui ne demandent pas beaucoup, effectivement, de scolarité, encore.

Alors, donc, l'économie sociale, effectivement, ça peut convenir, ça peut être une solution intéressante pour un certain nombre de femmes, mais il ne faudrait pas voir que c'est une panacée et une voie exclusive pour les femmes. Je pense qu'au contraire il faut faire très attention à ça, pour qu'on puisse voir les femmes dans tous les secteurs d'emplois et pas seulement en économie sociale.

Mme Loiselle: À la page 13 de votre mémoire, vous posez une question: «Comment les groupes communautaires en développement de la main-d'oeuvre féminine pourront-ils maintenir leurs services s'ils ne réussissent pas à convaincre leurs partenaires locaux que les stratégies locales ne doivent pas toutes se diriger, par exemple, vers les besoins, fort légitimes d'ailleurs, des jeunes et des personnes de 45 ans et plus?» Vous avez des craintes que dans le Plan local d'action on ne privilégie pas la main-d'oeuvre féminine, et que ça puisse aller à l'encontre de certains besoins des individus, peut-être d'où vient votre recommandation 9, de la reconnaissance nationale des groupes communautaires en développement de la main-d'oeuvre avec un budget et des rôles biens déterminés et respectifs dans les centres locaux. J'aimerais que vous me donniez un portrait global de tout ça.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): En combien de minutes? Ha, ha, ha!

Mme Chevalier (Thérèse): Rapidement, je vais essayer de vous présenter plus quelque chose de très, très concret. On a des craintes que les femmes ne soient pas considérées comme une priorité, et je pense qu'on a des exemples très concrets. Il y a quand même quatre groupes qui étaient spécialisés au niveau des femmes, qui étaient financés par le gouvernement fédéral, à qui on a dit, pour l'année financière – à partir du mois d'août 1996-1997 – que ce n'était plus une priorité, et qu'elles devaient se transformer, soit pour rejoindre particulièrement des 45 ans et plus. Alors, ça, parce que maintenant le gouvernement fédéral aussi a opté pour des décisions décentralisées, c'est-à-dire qu'on n'a plus la protection du gouvernement central, qui avait décidé que les femmes restaient une priorité.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on craint que, si les décisions sont locales, on doive encore se battre localement, et avec – comment je vous dirais ça – avec des principes directeurs qui pourraient dire: On considère que cette clientèle-là, les femmes, est prioritaire. Alors, on a toutes les craintes possibles, parce que ça va être des batailles locales à faire. Je pense qu'on est un petit peu essoufflées, et on pense qu'on n'est pas encore obligées, en 1997, de refaire le constat que les femmes ont des besoins spécifiques.

Je vais vous donner l'exemple très concret, chez nous, où à un moment donné, on nous a dit, ce n'est pas sûr qu'à Partance vous allez pouvoir continuer à desservir les femmes, à moins que vous ne démontriez que chez vous les femmes sont plus défavorisées que dans l'ensemble du Québec. J'étais déprimée complètement. S'il faut démontrer, dans chacune des localités, que notre localité est plus défavorisée que dans l'ensemble du Québec, je pense qu'on n'a pas fini. Ça crée aussi une espèce de compétition: tu sais, nous autres on est plus malheureuses que chez vous, c'est comme...

Mme Loiselle: Oui, oui, ce n'est pas sain.

(17 heures)

Mme Chevalier (Thérèse): ...c'est comme... ça n'a pas de bon sens. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on craint, concrètement, que le pouvoir local ne soit pas nécessairement sensibilisé à la problématique des femmes. En particulier ce qu'on a vécu, au niveau municipal, ce n'est pas évident que, actuellement, ce sera leur priorité, les femmes de leur collectivité avec des besoins spécifiques et tout ça. Ce sera un gros travail à faire s'il n'y a pas une politique nationale qui vienne dire que cette clientèle-là est prioritaire. Je ne sais pas si ça répond...

Mme Sainte-Marie (Thérèse): J'ajouterai peut-être juste un petit commentaire. C'est que beaucoup de groupes de femmes qui travaillent dans les régions et qui travaillent en concertation aussi avec les différents partenaires socioéconomiques, quand on dit qu'on craint qu'elles aient de la difficulté, c'est parce qu'elles en ont déjà et que, souvent, il faut qu'elles convainquent encore, année après année, que ce n'est pas vrai que, maintenant, tous les problèmes des femmes sur le marché du travail sont réglés. Au contraire. Mais, pourtant, on a des réflexions du genre: Bien maintenant, les femmes sont majoritaires dans les écoles de médecine, donc, il n'y a plus de problème pour les femmes. Alors qu'effectivement beaucoup des problèmes dont on a fait une liste pas du tout exhaustive dans notre mémoire sont loin d'être réglés dans les régions. Les femmes sont encore beaucoup dans les emplois précaires et sous-payés. Et ça ne sera pas réglé pour demain, et même avec une loi sur l'équité salariale.

Mme Loiselle: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Courte intervention et dernière intervention, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Une courte intervention. Bonjour, Mmes Sainte-Marie et Chevalier. C'est sûr que votre présence ici me rappelle de bons souvenirs et, aussi, la petite couverture que je reconnais bien. Mais ce que je voudrais dire, selon votre dernière intervention, c'est vrai que les femmes... mais, si on regarde la commission cet après-midi, on peut dire qu'on a fait des gains en politique, certains gains, n'est-ce pas? On est quand même là.

Avant de vous poser votre question, je voudrais quand même répondre, parce que ma collègue, Mme la ministre de l'Emploi, me disait qu'elle avait une bonne nouvelle à annoncer. Elle me laissait le soin, compte tenu que c'est moi qui interviens, concernant les interrogations qui vous étaient faites sur l'accessibilité gratuite aux garderies pour les femmes qui sont en démarche. Elle m'a dit qu'elle a parlé à Mme Marois et que, oui, c'est confirmé, et l'accessibilité sera gratuite, et quel que soit l'âge des enfants, je pense que c'est important. Et, plus que cela, elles pourront aussi choisir leur propre système de garde. C'est complètement gratuit si elles vont dans les systèmes qui sont légiférés, en tout cas, le système officiel. Mais, si elles choisissent un autre système de garde, elles pourront recevoir des compensations pour 10 $ par jour si elles choisissent un autre système de garde. Alors ça, c'est comme la bonne nouvelle et je remercie Mme Harel de m'en avoir fait part pour que vous puissiez le savoir.

Dans le fond, rapidement, moi, ce que j'avais le goût de vous voir élaborer, c'est que c'est évident que vous avez admis que, bon, pour les femmes chefs de famille monoparentale, une absence de six à huit ans, ce n'était pas l'idéal finalement, mais vous en aviez nécessairement... vous approuviez le parcours individualisé et toutes ces méthodes sur l'obligation et, particulièrement, sur les pénalités. C'est ce que je comprends.

Moi, ce que je voudrais savoir, c'est s'il n'y avait pas de baisse de barème ou de pénalité financière, est-ce que vous considéreriez quand même important qu'il y ait des clientèles prioritaires à ce moment-là et qu'on s'adresse particulièrement aux femmes et aux jeunes, compte tenu des impacts que vous avez mentionnés pour les femmes et qu'on connaît aussi pour les jeunes prestataires 18-24? Est-ce que vous auriez des objections à une priorisation de clientèle s'il n'y avait pas, je dis bien, la pénalité de barème, la pénalité sur le barème de base?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et ce sera, vous aussi, la dernière intervention.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bien effectivement, on n'aurait pas d'objection à cette priorité de clientèle. Si effectivement le gouvernement décide d'aménager des supports particuliers, par exemple pour les jeunes ou les femmes chefs de famille monoparentale, qui ne seraient pas assortis de mesures punitives, bien moi, je me dis: Oui, il faut effectivement les aider, ces personnes-là, à intégrer le marché du travail parce qu'on sait qu'elles éprouvent plus de difficultés que les autres à intégrer le marché du travail. Ça va exactement dans le sens des recommandations qu'on a écrites à l'effet que, au lieu effectivement d'apporter une dimension coercitive, d'apporter plus une dimension soutenante pour l'intégration de ces personnes-là, compte tenu justement de la très grande sélectivité du marché du travail qui fait en sorte que ça va constamment les refouler sur l'aide sociale.

Alors, je pense qu'effectivement c'est important de soutenir davantage les femmes chefs de famille monoparentale et ça doit se faire un peu dans la façon dont, nous, on l'a suggéré, en essayant d'être, je dirais, le plus adapté possible par rapport à la situation vécue par ces femmes-là et en essayant effectivement de trouver des moyens pour qu'elles puissent réintégrer le marché du travail dans des secteurs d'emplois qui puissent être vraiment une amélioration économique pour elles, parce que ça aussi, c'est un problème. Quitter l'aide sociale pour se retrouver au salaire minimum alors qu'on a des charges familiales, on ne peut pas dire que les femmes vraiment connaissent une amélioration économique par cet effet-là. Donc, il faut vraiment essayer de faire en sorte qu'on puisse les soutenir davantage pour vraiment améliorer leurs conditions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mmes Thérèse Sainte-Marie et Dominique Chevalier, je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission. Je suspends les travaux deux minutes, avant de conclure.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux, et j'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu et de condition féminine, à faire ses remarques finales, tout en vous faisant remarquer que vous disposez de 15 minutes.


Remarques finales


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. le Président, on termine aujourd'hui une consultation très importante. Depuis la mi-janvier, nous avons échangé avec tout près de 100 groupes, 99 plus précisément. Aujourd'hui, après avoir entendu tous ces groupes, on peut faire trois constats.

Le premier constat, c'est qu'un grand nombre de groupes ont dénoncé le fait que certaines mesures contenues dans le livre vert avaient été annoncées avant même le début de la consultation, notamment, M. le Président, l'imposition des prestations, l'abolition du barème de non-disponibilité pour les familles monoparentales avec enfant de cinq ans, l'abolition de l'allocation pour impôts fonciers pour les prestataires à la sécurité du revenu. Un grand nombre, aussi, de groupes ont également dénoncé l'annonce précipitée de la consultation, en pleine période des Fêtes, et le peu de temps pour consulter leurs membres et pour préparer leur mémoire.

Le deuxième constat, M. le Président, qu'on peut faire après ces échanges, on peut conclure que la majorité des groupes appuient les orientations générales de la réforme quant à l'intégration de la main-d'oeuvre des prestataires de la sécurité du revenu à l'ensemble de la main-d'oeuvre; le fait de privilégier les mesures actives; le fait de favoriser le passage vers le statut de travailleur et de travailleuse; d'améliorer l'équité entre les prestataires et les travailleurs à faibles revenus; de redéfinir les obligations de la collectivité en regard de la réinsertion à l'emploi des prestataires; et, finalement, d'assurer une plus grande prise en charge des services au niveau local.

M. le Président, il a été maintes fois dit et répété que, malgré les orientations fort louables – personne ne peut être contre la vertu – les objectifs de la réforme n'étant pas associés à une véritable politique de création d'emplois, il est utopique de penser que la ministre pourra atteindre ses objectifs avec la situation dramatique de l'emploi et les taux de chômage élevés et alarmants, autant dans les régions que dans le Grand Montréal.

Il y a aussi l'incohérence, M. le Président, dans tout cela, quand on réalise que le gouvernement a fait des choix qui vont à l'encontre de la mission première du ministère de la Sécurité du revenu, soit de protéger les prestataires de la sécurité du revenu. Le gouvernement actuel a fait le choix d'imposer une enveloppe budgétaire fermée, et le résultat de cette enveloppe budgétaire fermée, M. le Président, ce sont les coupures qu'on retrouve dans la loi n° 115 et la loi n° 84. Le gouvernement a aussi fait le choix, depuis 1994, de couper dans les budgets des mesures d'aide à l'emploi, une diminution de 176 000 000 $.

Le troisième constat que l'on peut faire: l'élément majeur de cette réforme, qui fera que la proposition gouvernementale est vouée à l'échec, c'est le caractère obligatoire qui cible les jeunes et les familles monoparentales, et ce caractère obligatoire, M. le Président, est accompagné de pénalité, pénalité qui s'applique au barème de base et qui vient briser le filet de protection sociale et qui, du même coup, renie l'engagement du premier ministre maintes fois répété. Permettez-moi, M. le Président, de vous lire deux petits passages; j'en ai pour deux pages, mais je vous en lis deux. Message du premier ministre aux Québécois, discours d'assermentation, le premier ministre qui parle: «Nous voulons que notre État ne soit pas appauvri. Ce serait un comble si, pour y arriver, nous appauvrissions les Québécois.» Lors du discours inaugural, le 25 mars 1996, le premier ministre en remettait en disant: «Je tiens à rassurer nos citoyens, il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires de l'aide sociale.»

M. le Président, il y a eu d'autres aberrations qui ont été décriées par la majorité des groupes entendus en consultation. Premièrement, les mesures appauvrissantes qui touchent directement les familles monoparentales qui ont des enfants de six ans à deux ans: on leur retire progressivement le barème de non-disponibilité et on accorde peu d'importance à la liberté de choix d'élever leur enfant; aussi, on s'attaque indirectement à la reconnaissance et à la valorisation du rôle de parent.

Pour les jeunes, M. le Président, il y a eu des témoignages troublants. Certains prestataires sont venus en commission parlementaire, ils nous ont fait part des problèmes d'itinérance, de toxicomanie, même de suicide. Je n'ai pas à vous rappeler que la réforme cible les jeunes prioritairement et on maintient la coupure pour le partage du logement. Alors, M. le Président, faites le calcul avec moi: pénalité plus coupure pour le partage du logement, c'est une façon subtile, mais indirecte, de retirer la parité aux jeunes.

Un autre aspect de la réforme qui est contesté: le transfert à la Régie des rentes du Québec pour l'allocation à l'invalidité. Il est clair, après les témoignages que nous avons entendus, que ce transfert ne fera qu'accentuer l'exclusion, n'a aucun avantage pour les prestataires touchés et ne fera que de désengorger les statistiques du ministère de la Sécurité du revenu. Je rappelle également à la ministre que la COPHAN a demandé un moratoire à cet effet.

Je vous rappelle, M. le Président, aussi, qu'au cours de cette consultation la ministre s'est engagée à rétablir le barème de participation, ce qui veut dire qu'en date du 1er avril: barème de base, 490 $ plus 120 $ pour la participation, un barème de participation de 610 $.

Mettre en place un mécanisme de recours. La ministre s'est engagée aussi à continuer sa réflexion quant au maintien du barème de non-disponibilité pour les personnes de 55 à 59 ans. Hier, la députée de Sherbrooke nous a dit que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité allait faire des démarches auprès de la ministre responsable de la politique familiale afin qu'aucun enfant ne soit perdant avec l'allocation unifiée. Comme c'est le cas présentement, M. le Président, avec ce qui nous a été présenté, pour les enfants de 6 ans et moins à l'aide sociale, ils seront les grands perdants de cette politique familiale.

J'en profite pour remercier le Conseil de la famille et l'économiste Ruth Rose qui ont attiré notre attention à cet égard. Grâce à leur vigilance, et si les modifications sont apportées à la politique familiale, les enfants de l'aide sociale ne seront pas perdants. S'il n'y a pas de modifications apportées à la politique familiale, nous aurons compris que le gouvernement était au courant des résultats de la politique familiale sur le dos des enfants de l'aide sociale.

En terminant, il est clair que ce livre vert, qui propose une réforme de la sécurité du revenu, malgré certaines orientations louables, cache un objectif, celui de faire des économies sur le dos des plus démunis. J'espère que la ministre a bien saisi, a bien compris les messages de désespoir et les messages de colère qui nous ont été exprimés par des hommes et des femmes qui vivent, de façon quotidienne, les conséquences de la pauvreté et qui essaient, de façon quotidienne aussi, de survivre; et qu'à l'automne prochain la ministre déposera un projet de loi qui ne contiendra aucune mesure appauvrissante qui tue l'espoir, mais, bien au contraire, un projet de loi qui fera la lutte à la pauvreté et non aux pauvres.

M. le Président, en terminant, je tiens à remercier mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour sa précieuse, constante et amicale collaboration, ainsi que pour ma remarquable collaboratrice et amie, Mme Andrée Fortin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité à faire ses remarques finales, tout en vous rappelant aussi que vous avez 15 minutes.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Vous me l'avez assez dit avant que je commence, M. le Président, je vous l'ai promis!

Alors, écoutez, j'aimerais faire distribuer aux membres de la commission, en terminant, un petit document que j'ai fait préparer tout au cours de nos travaux et qui reprend les éléments jugés positifs de la réforme, donc du livre vert, en fait, Parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi et qui sont tirés des mémoires présentés en commission parlementaire. Pour le bénéfice, peut-être, des personnes qui nous accompagnent jusqu'à la fin, je vais peut-être proposer qu'on en fasse faire copie et que ça leur soit aussi remis.

Un mot seulement, M. le Président, pour vous dire: Merci à vous, et pour saluer une personne qui nous a accompagnés au cours de tous nos travaux et qui, compte tenu de son expertise personnelle et de son implication auprès des gens mal pris, m'a fait des commentaires appréciés, par écrit. J'ai quasi un «scrapbook» de lui, maintenant, je voudrais le remercier. Évidemment, tout le monde aura compris qu'il s'agit de Jacques Courcy.

(17 h 20)

J'aimerais également, rapidement, M. le Président, vous dire que l'indignation de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne contre l'enveloppe budgétaire fermée, à mes yeux, à moi, serait beaucoup plus crédible si elle maintenait la même indignation contre et à l'égard de l'enveloppe budgétaire fermée du fédéral. Il y a une sorte d'indulgence coupable de ne rien dire sur la décision du fédéral qui a remplacé le Régime d'assistance publique du Canada par le Transfert social canadien qui, l'an prochain – ça commence demain, ça, la semaine prochaine en fait, le 1er avril – va nous couper 1 400 000 000 $ dans les transferts à l'aide sociale, dans les hôpitaux et dans l'éducation; et qui, l'an passé, nous en aura coupé 800 000 000 $. Alors, imaginez, 2 200 000 000 $, ce sont les derniers chiffres qui sont d'ailleurs publiés dans le budget.

Je comprends que tout cela s'ajoute aussi à ces critères d'éligibilité à l'assurance-emploi qui font que 44 % des cotisants, maintenant, ont droit à des prestations, et que des milliers de ménages se retrouvent à l'aide sociale alors que, normalement, compte tenu du régime contributoire d'assurance auquel ils participent, ils devraient avoir droit à l'assurance-emploi.

Et puis un mot également, M. le Président, pour vous dire qu'il y a des situations ou, quoi que vous fassiez, vous avez tort. Je vais vous donner un exemple. Le 15 janvier, avant que nos travaux commencent le 29 janvier, j'ai pensé, de bonne foi – et je le pense toujours maintenant, je ne le regrette pas, sincèrement – que toutes les compressions qui allaient être annoncées dans le livre des crédits devaient être connues, et je les ai rendues publiques immédiatement. C'était évidemment pour que personne ne puisse prétendre n'en pas avoir été informé au moment où ils se présentaient devant la commission. Imaginez les critiques qu'on essuierait si tant est que l'ensemble des compressions et des crédits n'avait pas été rendu public. Là, déjà, on nous accuse d'avoir caché – Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a dit tantôt les mots «caché des compressions»...

Mme Loiselle: ...ne commencera pas! C'est les groupes qui sont venus en commission parlementaire qui ont dit, qui ont dénoncé le fait que la ministre avait annoncé des mesures qui se retrouvaient dans le livre vert, avant même qu'on commence les consultations, c'est écrit dans les mémoires. On ne commencera pas ce jeu-là, M. le Président.

Mme Harel: ... et je rappelle, M. le Président, que Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vient également de nous dire que j'aurais caché, dans le livre vert, dans la réforme, j'aurais caché des compressions. Il n'y en a pas de compressions cachées.

Mme Loiselle: Non, des économies, j'ai dit des économies. Voyez, M. le Président, c'est ça la ministre....

Mme Harel: Il n'y en a pas de compressions cachées. Alors, il n'y a pas d'objectif...

Mme Loiselle: J'ai dit caché des économies dans le livre vert. M. le Président, là...

Mme Harel: Alors, M. le Président, s'il vous plaît, je voudrais avoir mon 15 minutes et pouvoir le compléter...

Mme Loiselle: Bien, c'est ça, bien non mais...

Mme Harel: Il n'y a aucun objectif d'économies ou de compressions cachées, M. le Président, tout est sur la table. Ça l'a été avant même qu'on y soit obligé, parce que je trouvais important d'informer les personnes qui avaient toute opportunité de venir critiquer ces crédits avant même, M. le Président, que le livre des crédits ne soit publié.

Nous avons procédé, mes collègues ministériels et moi, à un certain nombre de séances, tout au cours de ces travaux et, encore ce midi, nous avons, en profondeur, examiné les suites à donner à ce livre vert. Je rappelle qu'un livre vert, ça veut dire ouvert. Si le gouvernement choisit de le faire ouvert aux changements, c'est parce qu'il pense que la consultation n'aura pas été vaine, et que nous nous inspirerons de ce qui nous a été communiqué.

Je veux remercier personnellement mes collègues qui sont parmi nous cet après-midi et celles, également, qui ont participé à ces séances de travail et qui nous rejoindront dans la suite des choses. Je veux qu'elles sachent que leur compassion à l'égard des personnes qui sont venues nous présenter leurs difficultés et leur misère va certainement permettre d'alimenter la réflexion du gouvernement. Je veux qu'elles sachent que, personnellement, ça a été un facteur déterminant dans la sérénité que j'ai pu afficher durant ces travaux.

M. le Président, oui, il y a des choses à changer dans ce livre vert, et je pense que ces choses consistent à favoriser l'initiative et non pas à la brimer. Voilà l'objectif que nous entendons poursuivre, parce que le combat que nous menons, c'est contre l'appauvrissement et la perte de contrôle sur leur vie que ressentent les gens appauvris. Ça s'appelle, en fait, l'exclusion, et en fait, c'est de ça qu'il a été question à cette commission depuis le 29 janvier dernier.

Alors, je vous rappelle peut-être l'élément le plus important: le livre vert a été conçu dans le cadre, à la fois d'une politique active du marché du travail, laquelle politique active est maintenant connue, et dans le cadre, également, d'une politique du développement local et régional. Je crois que nous devons l'élargir. En conclusion de ces travaux, je pense que nous devons l'élargir à une politique plus globale de développement social, juxtaposée à celle d'une politique active du marché du travail.

Dorénavant, l'intention du gouvernement est de faire en sorte que les interventions en matière de main-d'oeuvre prennent appui sur le développement local et sur les partenariats, partenariats tant du côté patronal, syndical que communautaire. Les centre locaux d'emploi doivent constituer la base du réseau québécois de services d'emploi et se voir dotés, grâce à l'implantation de conseils locaux de développement, d'un conseil des partenaires.

Ces conseils vont avoir comme responsabilité d'élaborer un plan local d'action concertée pour l'emploi, d'identifier des stratégies locales, régionales et nationales, et des moyens d'action à privilégier, et de faire en sorte, pour le bénéfice autant des personnes que pour celui des collectivités, de rendre productifs le plus possible les budgets consacrés à la sécurité du revenu en y investissant une grande partie des mesures vers celles qui sont destinées à l'insertion sociale et à l'insertion professionnelle.

En même temps, en fait, ce que nous reconnaissons, c'est qu'il y a des chômeurs à l'aide sociale. C'est là, définitivement, le virage le plus important et, en même temps, cependant, nous reconnaissons des besoins, des situations particulières pour les personnes qui ont des contraintes à l'emploi, et nous nous orientons vers le versement de l'aide financière sous la forme d'un revenu garanti et qui permettra, finalement, à ces personnes de bénéficier de mesures de protection sociale pour le reste de leur vie si c'est ainsi qu'elles le choisissent.

Conformément, également, aux orientations de la politique familiale, vous savez que les orientations du gouvernement sont de couvrir les besoins des enfants à l'aide sociale, et de l'ensemble des enfants du Québec, au moyen d'une allocation unifiée, distincte de la sécurité du revenu. Il y a, M. le Président, quand on parle de 800 000 personnes à l'aide sociale, une personne sur trois qui est un enfant. Alors, dorénavant, le régime permettra une plus grande équité, notamment en regard du traitement des pensions alimentaires et du traitement fiscal des prestations de la sécurité du revenu.

Certainement, au chapitre des grandes orientations, rappeler que les services dédiés aux personnes en chômage, prestataires de la sécurité du revenu, ont été, durant les 10 dernières années, conçus en marge de la main-d'oeuvre. Ce qui est proposé abolit ces frontières, met fin à la catégorisation des individus en fonction ou non de leur recours à la sécurité du revenu et, dans la perspective d'une politique active, réorganise les services publics d'emploi, réorganise la gestion des programmes, de façon à répondre aux besoins de l'ensemble des demandeurs d'emplois. En contrepartie, cependant, les personnes auront à fournir un effort réciproque, en s'engageant dans un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi.

(17 h 30)

Les choix qui se retrouvent dans le livre vert ont été critiqués en regard de l'obligation d'entreprendre un tel parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. Plusieurs organismes nous ont dit que cela posait problème. J'ai compris que ces organismes craignent que le parcours soit d'abord utilisé pour amener une réduction de prestation. J'ai également pris note que la mise en place de tels parcours doit s'accompagner de recours indépendants accélérés qui permettent de trancher des désaccords, par exemple, sur la réciprocité de la démarche qui est entreprise.

Oui, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, il manque un chapitre sur les recours dans le livre vert et nous entendons examiner toutes les solutions qui nous ont été proposées. Je pense évidemment à celle du Protecteur du citoyen qui consiste à introduire dans la loi elle-même ou le règlement un dispositif sur ce qui peut être considéré comme motif sérieux de refus ou d'abandon d'un tel parcours, ou je pense aussi aux solutions proposées par d'autres groupes et qui s'inspirent du modèle de conseil arbitral de l'assurance-emploi.

D'autres critiques, en fait, ont été également formulées et je veux que vous sachiez que nous y sommes sensibilisés et que nous entendons regarder de près toute la question de l'accessibilité à l'allocation aux aînés pour les personnes de 55-59 ans; la question des montants utilisés pour le calcul de la contribution parentale de façon à faciliter la comparaison avec les montants utilisés par le régime des prêts et bourses, ce qui n'est pas le cas présentement; également, le maintien du barème de participation. À ce sujet, j'ai pris l'engagement, dès le début des travaux, et je vais le répéter à la clôture, les personnes qui s'engageront dans un parcours vont pouvoir bénéficier du barème de participant.

D'autres recommandations nous ont été faites. Je pense entre autres à celle émanant de la Fédération des femmes du Québec à l'effet que, si tant est qu'il doit y avoir perte du barème de non-disponibilité pour les familles monoparentales, cela s'accompagne obligatoirement d'un barème de participation qui soit immédiatement offert pour compenser la perte. Et nous allons... évidemment, nous l'avons dit, l'obligation du parcours actuellement ne s'applique que pour les familles monoparentales et biparentales dont les enfants atteindront cinq ans d'ici le 30 septembre prochain, et nous entendons poursuivre notre réflexion sur toute la question de la monoparentalité et la meilleure façon de favoriser l'arrêt de la chronicité de la pauvreté pour ces familles et leur insertion dans la vie active.

Je voudrais également noter l'importance de bien former, de bien préparer les conseillers à l'emploi afin de leur permettre de remplir adéquatement la fonction d'accompagnement et de conseil qui leur sera dévolue dorénavant.

Nous allons également regarder de près les propositions faites par la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec qui, lors des auditions, nous ont fait part de correctifs à apporter à des obstacles actuellement vers le retour à l'emploi pour les ménages qui habitent dans ses loyers modiques.

M. le Président, d'autres aspects vont retenir également notre attention puisque nous avons l'intention, mes collègues ministériels et moi-même, de soumettre dans un rapport complet au gouvernement nos réflexions, y compris sur les tests d'actifs, les avoirs liquides, les revenus de travail permis, la question du volontariat versus l'obligation et les balises qui doivent l'encadrer, de même que la question du partage du logement.

C'est une consultation qui a été un formidable exercice démocratique. Convenons que, pour une fois, ce ne sont pas les habitués des commissions parlementaires que nous avons reçus et entendus. Nous sommes allés au-delà des sentiers battus, et je veux insister pour vous confirmer, M. le Président, que ces personnes ont été entendues et que nous allons donner, dans toute la mesure du possible, suite à leurs espérances. Je vous remercie.


Mémoires déposés

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la ministre. Avant de conclure et d'ajourner, permettez-moi de faire le dépôt, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, des mémoires et lettres d'appui des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus par la commission dans le cadre de la présente consultation. Puis, je pense qu'au nom de tous les membres de la commission on peut en profiter pour les remercier de nous avoir présenté ces mémoires: Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, Association... Je m'excuse. Si je peux avoir votre attention parce que je me dois de... S'il vous plaît. Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, Association américaine des juristes, Association pour la défense des droits sociaux de Thetford Mines, Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, Auberge sous mon toit inc., Centre de réadaptation Lucie-Bruneau, Centre de formation sur mesure de la Télé-université de l'Université du Québec, Centre jeunesse de Montréal, Chambre de commerce du Québec, Coalition des groupes communautaires de la région de Châteauguay, Collectif des entreprises d'insertion du Québec, Comité santé mentale et travail de Montréal, Conseil communautaire solidarités de Villeray, Conseil québécois de développement social, ECF inc., Fédération des commissions scolaires du Québec, Fédération des services communautaires juifs de Montréal, Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal, Fédération des OSBL d'habitation de Montréal, Fédération québécoise des centres de réadaptation pour les personnes présentant une déficience intellectuelle, Groupe de réflexion sur la solidarité sociale, Habitation populaire de l'Outaouais, Inter-CDEC, Normand Lacasse, Kenneth Random, Jacques Fournier, Maison des familles de Verdun, Mouvement personne d'abord du Québec métropolitain, Mouvement des travailleuses et travailleurs chrétiens du Québec, NDG Coalition to fight the cuts, Office diocésain des milieux du diocèse de Québec, Ordre professionnel des diététistes du Québec, Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation du Québec, Regroupement des organismes communautaires d'intervention auprès des jeunes décrocheurs scolaires potentiels ou réels de l'île de Montréal, Regroupement des aveugles et des amblyopes du Québec, Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec inc., Table des groupes de femmes de Montréal, Table de concertation, d'action, de développement des organismes communautaires des Îles-de-la-Madeleine, Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés inc., Table de concertation des groupes de femmes de l'Est du Québec et, finalement, la ville de Montréal.

Permettez-moi de remercier, de façon particulière, Mme la ministre ainsi que toutes et tous les députés, Mme la porte-parole officielle de l'opposition, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, de remercier de façon particulière toutes et tous nos collaborateurs, à quelque niveau que ce soit. Moi aussi, je pense qu'au nom de la commission on peut dire que ça a été... Nous avons siégé au-delà de 91 h 30 min, reçu au-delà de 90 groupes et entendu beaucoup de mémoires. Alors, je pense que ça a été extrêmement efficace, c'est un bel exercice de démocratie. Mais nous avons eu une collaboration entre nous qui est tout à fait exceptionnelle, et c'est à votre crédit. Merci beaucoup.

Je déclare les travaux ajournés sine die, et Joyeuses Pâques à tout le monde!

(Fin de la séance à 17 h 38)


Document(s) associé(s) à la séance