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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 28 août 1996 - Vol. 35 N° 35

Consultations particulières sur le document intitulé «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants»


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Table des matières

Documents déposés

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Céline Signori
Mme Margaret F. Delisle
M. Russell Copeman
Mme Marie Malavoy
*Mme Suzanne Clairmont, AMFQ
*Mme Aline Héroux, idem
*M. Maurice Piette, CNQ
*Mme Luce Samoisette, idem
* Mme Linda Kislowicz, Les services d'aide à la famille juive de l'institut Baron de Hirsch
*Mme Linda Schachter, idem
*Mme Debra Hendler, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, Mme la secrétaire, le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants».

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gagnon (Saguenay) remplace M. Boucher (Johnson) et Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).


Documents déposés

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Avant de commencer, je dépose deux erratums au document de consultation, datés de juin et de juillet, ainsi qu'un nouveau sommaire concernant le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

Je vous invite, Mme la ministre... On rappelle, pour tous les membres de la commission, qu'il y a 15 minutes de présentation par le côté ministériel et 15 minutes par l'opposition, avant de débuter les rencontres. Alors, Mme la ministre.


Remarques préliminaires


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il y a un peu d'écho, j'imagine que ça va se régler. Alors, M. le Président, mes premiers mots seront pour nous souhaiter des travaux fructueux et pour vous assurer que c'est vraiment avec ouverture d'esprit que nous débutons ces travaux. Le document qui a été déposé pour consultation en juin dernier, qui s'intitule «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants», est un document que nous pensons utile comme point de départ, mais, si tant est que nous puissions encore l'améliorer, soyez assurés que nous le ferons.

Qui dit pension alimentaire pour enfants dit automatiquement rupture, soit à la suite d'une séparation ou d'un divorce. Au Québec, la pauvreté des enfants est particulièrement préoccupante chez les enfants qui vivent dans des familles monoparentales dirigées par une femme, puisque ces familles connaissaient, en 1993, un taux de pauvreté de 59,4 %. Dès la première année de rupture, on constate une diminution de 37 % du niveau de vie des familles monoparentales dont le chef de famille est une femme, alors que le niveau de vie des hommes connaît immédiatement une hausse de 4 %. De plus, certaines de ces familles se retrouvent totalement privées de revenus et deviennent prestataires de la sécurité du revenu.

Quelques chiffres vous permettront d'en voir tout le tableau troublant, puisque 100 395 familles monoparentales étaient à l'aide sociale en mai 1996; 74 % de ces 100 395 familles monoparentales comprenant un enfant de moins de six ans dépendent de l'aide sociale pour subvenir à leurs besoins. En fait, non, je reprends, M. le Président. C'est 74 %, c'est les trois quarts des familles monoparentales dont les enfants ont moins de six ans et dont le chef de famille est une femme, qui dépendent de l'aide sociale pour subvenir à leurs besoins. Alors, on estime que, parmi les 75 000 familles monoparentales qui ne reçoivent pas de pension alimentaire de leurs ex-conjoints ou du percepteur des pensions alimentaires, environ 10 000 pourraient se voir attribuer un montant de pension pour leurs enfants par le tribunal. J'y reviendrai, M. le Président, pour répondre certainement aux questions qui surviendront là-dessus.

Si plusieurs expliquent la pauvreté des familles monoparentales, notamment l'absence prolongée du marché du travail ou encore la précarité et la faible rémunération des emplois occupés, tous s'entendent cependant sur le fait que les montants inadéquats et souvent insuffisants de pension alimentaire versés pour les enfants augmentent cette pauvreté.

Déjà, le gouvernement du Québec a agi dans le dossier des pensions alimentaires en faisant adopter en décembre 1995 la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, laquelle loi vise à réduire les défauts de paiement et, par voie de conséquence, à rehausser le niveau de vie des femmes et des enfants. Il est cependant important que l'on s'assure, en plus, que les montants attribués pour les enfants soient adéquats, afin de leur fournir le soutien financier dont ils ont besoin.

Depuis les années quatre-vingt, plusieurs pays se sont penchés sur cette problématique du modèle de pension alimentaire et de la fixation. Ainsi, aux États-Unis, de nombreuses mesures ont été mises en place pour assurer non seulement le paiement des pensions alimentaires, mais un paiement de pensions adéquates pour les enfants. Outre les mesures touchant la perception, une obligation est faite aux États, à tous les États, depuis 1988, donc il y a huit ans maintenant, de faire appliquer par les tribunaux des règles de fixation lors de l'établissement de la pension alimentaire pour les enfants.

Pour sa part, le gouvernement canadien a déposé en mai dernier le projet de loi modifiant la Loi sur le divorce, qui prévoit notamment des lignes directrices pour les pensions alimentaires pour enfants applicables en matière de divorce à compter du 1er mai 1997. Ce projet fédéral précise qu'une province pourra adopter en ce domaine ses propres règles de fixation à condition que celles-ci soient complètes, en fait qu'elles concernent à la fois les cas de séparation de fait, de divorce ou de séparation légale.

Le Québec doit donc se doter de ses propres règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants, adaptées à sa conception d'une juste répartition des responsabilités parentales ainsi qu'à la priorité à accorder au bien-être des enfants. Il est également souhaitable que les pensions versées aux enfants québécois soient comparables, justes et raisonnables, quel que soit le cadre légal dans lequel est rendue la décision, soit un divorce, une séparation de corps ou une ordonnance de pension alimentaire.

Le modèle de fixation soumis à la consultation, le modèle sur lequel nous débutons cette consultation deviendrait applicable, à compter du 1er mai 1997, à l'ensemble des ordonnances alimentaires rendues pour les enfants du Québec, incluant les cas de divorce de juridiction fédérale, et en même temps et à la même date que la défiscalisation des pensions alimentaires annoncée par le ministre des Finances du Québec dans son dernier discours du budget. C'est donc une trilogie à laquelle on assiste, M. le Président: d'abord, une législation du gouvernement sur la perception, la présente consultation pour un modèle de fixation au 1er mai 1997 et l'annonce dans le discours du budget de la défiscalisation, le 1er mai 1997 également.

Je voudrais rappeler quelques raisons qui militent en faveur de règles de fixation des pensions alimentaires pour les enfants. Dois-je rappeler que des déficiences des méthodes actuellement utilisées par les tribunaux font en sorte que les montants versés en pensions alimentaires pour les enfants sont souvent insuffisants.

Je pense que ce qu'il y a de plus important dans ce qu'on va entreprendre et dans ce qui est soumis comme proposition est que, sur la base des statistiques sur les pensions alimentaires extraites des déclarations fiscales, l'application du modèle de fixation, tel que soumis, devrait se traduire par une hausse moyenne des montants nets de pensions alimentaires pour enfants d'environ 1 200 $ par année. Il s'agira là d'un gain important pour de nombreux enfants du Québec. Je reprends, je pense que c'est très important, M. le Président, de comprendre le sens de ce que nous faisons en appliquant le modèle sur lequel il y a la présente consultation. Sur l'ensemble des déclarations fiscales et sur les pensions alimentaires qui en sont extraites, c'est donc une hausse d'environ 1 200 $ par année qui en résulte.

D'autre part, en vertu du Code civil du Québec, les critères actuels pour l'établissement du montant d'une pension sont très généraux – je ne dis pas généreux, mais généraux – et laissent place à une discrétion judiciaire très large. La pension alimentaire est établie en fonction des besoins et des facultés des parties. Le tribunal doit, en outre, tenir compte des circonstances dans lesquelles les parties se trouvent, mais rien de plus. Bien sûr, un certain nombre de principes se sont dégagés de la jurisprudence et sont appliqués de façon générale. Cependant, il n'existe ni tableau quantifié ni guide méthodologique pour inspirer ou orienter les procureurs, les tribunaux et les parties dans l'établissement du montant accordé.

En fait, l'absence de règles législatives claires entraîne l'attribution de pensions dont les montants sont incertains, parfois inadéquats par rapport au coût réel lié aux besoins des enfants et à la capacité de payer des parents. De plus, des montants très différents peuvent être octroyés pour des situations à toutes fins utiles similaires. Enfin, il n'y a pas de priorité établie en faveur du caractère prioritaire de la pension alimentaire pour les enfants, par rapport à d'autres obligations du parent non gardien.

(15 h 20)

L'ensemble de cette problématique milite donc en faveur de l'amélioration du processus actuel de détermination des pensions alimentaires pour les enfants à partir des objectifs suivants, le premier étant celui d'assurer la fixation d'un montant de pension alimentaire suffisant pour couvrir les besoins de base des enfants et, dans la mesure où les revenus du parent non gardien le permettent, d'autres besoins que les seuls besoins de base. Soulignons ici que le modèle de fixation soumis à cette consultation n'a pas comme objectif d'effectuer une égalisation des niveaux de vie des deux ex-conjoints, puisqu'une pension alimentaire pour enfant ne peut à elle seule compenser tous les facteurs expliquant les différences de revenus entre ex-conjoints, mais l'objectif est de couvrir les besoins des enfants.

D'autre part, parmi les objectifs poursuivis, il s'agit d'aider les parties, les procureurs, les tribunaux à fixer rapidement et aisément le montant de pension alimentaire à verser pour l'enfant, ensuite à fixer les pensions alimentaires sur la base de critères précis qui contribuent à réduire fortement l'arbitraire actuel.

Le modèle de fixation proposé est donc basé sur des principes qui reflètent l'importance que l'on accorde aux enfants du Québec. Ainsi, chacun des deux parents conserve une responsabilité par rapport à ses enfants, et ils en partagent entre eux la responsabilité financière en fonction de leur revenu respectif. Ensuite, cette obligation financière des parents a priorité sur toute autre dépense qui excède leurs propres besoins essentiels, afin d'assurer la priorité aux enfants, évidemment en fonction de la capacité de payer de leurs parents.

De plus, on reconnaît l'égalité de tous les enfants issus de différentes unions en ce qui regarde le droit à des aliments. Enfin, la proposition veut maintenir l'incitation des parents à faibles revenus à respecter leur obligation alimentaire à l'égard de leurs enfants en leur reconnaissant le droit de conserver une fraction de leurs revenus excédant le coût de leurs besoins essentiels. Ainsi, le taux de contribution de base est fixé à un plafond de 50 % de leurs revenus disponibles. Enfin, il s'est agi, dans la mesure du possible, de respecter les éléments de la procédure actuellement en vigueur devant les tribunaux. Comme maintenant, le calcul de la contribution alimentaire des parents continuera d'être basé sur les revenus respectifs de chacun.

À maintes reprises, des intervenants du milieu judiciaire, différents groupes et organismes, notamment lors de la commission parlementaire sur la Loi facilitant la perception des pensions alimentaires, ont signalé leur intérêt à avoir des informations sur le coût d'un enfant et sur les règles de fixation, afin de les aider à s'orienter lors de la détermination de la pension alimentaire. Depuis lors, des analyses rigoureuses ont donc été faites sur la base des données réelles de consommation des familles québécoises, ce qui a permis de déterminer, pour chaque tranche de revenu familial, les dépenses moyennes effectuées pour les enfants, dans notre société. Ces analyses ont servi à produire la table de fixation que vous avez pu consulter. À partir du revenu disponible des deux parents, donc d'un revenu familial, et du nombre d'enfants à leur charge, cette table permet de connaître rapidement le montant requis pour les enfants. Il s'agit de la contribution alimentaire de base.

Comme vous avez pu le constater, le modèle est, de plus, harmonisé avec la fiscalité québécoise et les revenus considérés de même que les exemptions qui sont prévues sont ceux-là même qui apparaissent dans la déclaration fiscale des revenus. Il est essentiel de rappeler ici que les montants de la table de fixation ne servent à couvrir que les besoins des enfants; ils ne couvrent pas ceux de l'ex-conjoint. S'il y a lieu, l'ex-conjoint, je devrais dire l'ex-conjointe – dans la majorité des cas – devra présenter au tribunal une demande de pension alimentaire pour elle-même. Cependant, la pension pour l'enfant devra être fixée avant celle de l'ex-conjoint ou conjointe, afin d'éviter que ne soit réduite la pension alimentaire pour l'enfant. C'est donc l'enfant qui doit avoir la priorité.

Précisons également que les montants apparaissant à la table de fixation sont présumés correspondre aux besoins de l'enfant, mais que cette présomption peut être renversée. En effet, il peut arriver que des enfants aient des besoins spéciaux justifiant une contribution de base plus élevée des parents. Il peut s'agir de frais de garde, de frais médicaux ou de certains frais particuliers. À défaut d'une entente entre les parties à ce sujet, le parent qui en fait la demande pour son enfant devra en faire la preuve. Sur la base de cette contribution des deux parents, la pension alimentaire à payer sera ensuite déterminée au prorata des revenus des parents et selon le type de garde des enfants.

Les montants de la table de fixation auront une portée présomptive. Cependant, une fois le montant de la pension établi, il peut arriver que ce montant, même s'il tient compte des besoins spéciaux de l'enfant, n'apparaisse pas adéquat, compte tenu des circonstances particulières. Une certaine souplesse s'impose donc, et il faut s'assurer que les tribunaux conserveront une part de discrétion judiciaire. Ainsi, la présomption pourra être renversée sur présentation d'une preuve, par l'un ou l'autre parent, de préjudice qui lui serait causé, si le montant prévu par le modèle s'appliquait effectivement. Comme exemple de préjudice, pensons à des frais importants reliés à l'exercice du droit de visite, des obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant. Ces exemples ne sont évidemment pas limitatifs.

M. le Président, comme vous pouvez le constater, le modèle de fixation n'est pas un outil statique. Il a été prévu pour assurer la couverture des besoins des enfants dans le respect de la situation des parents et de leur capacité de payer. Par ailleurs, les parents pourront toujours convenir d'un montant de pension alimentaire différent de celui prévu dans la table, dans le cadre d'une entente soumise à l'approbation du tribunal. Cependant, le tribunal devra s'assurer que cette entente pourvoit suffisamment aux besoins de l'enfant et vérifier la validité du consentement des parties. Un guide et un formulaire seront mis à la disposition des parents, des procureurs, des médiateurs et des tribunaux.

Pour effectuer les modifications législatives requises, il faudra modifier, suite à la consultation que nous menons présentement, le Code civil, le Code de procédure civile, ainsi qu'adopter un règlement en application du Code de procédure civile auquel seront annexés les formulaires de fixation et la table. Les présentes règles de fixation s'appliqueraient aux jugements rendus à compter de l'entrée en vigueur de la loi prévue pour le 1er mai 1997, concurremment à la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfant. Ces règles s'appliqueront aux instances en cours à ce moment, afin de permettre aux citoyens d'en bénéficier le plus rapidement possible. Par ailleurs, les ordonnances rendues avant l'entrée en vigueur des règles de fixation, donc avant le 1er mai 1997, pourront faire l'objet de demandes de révision pour que ces nouvelles règles leur soient applicables.

En 1995, on comptait 120 000 ordonnances de pension alimentaire en vigueur. Chaque année, 13 000 nouvelles ordonnances sont prononcées. Parmi ces 13 000 nouvelles ordonnances, 90 % sont rendues au bénéfice des enfants ou au bénéfice des enfants et de l'ex-conjoint. Selon des estimations préliminaires du ministère de la Justice, l'introduction simultanée au 1er mai 1997 d'un modèle de fixation et de la modification du traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants entraînera la révision d'environ 66 000 ordonnances de pension alimentaire.

Afin de réduire les contestations devant les tribunaux et afin de gérer efficacement la transition, le ministère de la Justice compte introduire dans la législation, parallèlement à l'adoption des règles de fixation des pensions alimentaires, diverses mesures visant à alléger le processus d'attribution des pensions alimentaires. Ainsi, sous réserve de certaines exceptions comme, par exemple, les cas de violence conjugale, les parties devraient se soumettre à une médiation préalable à toute demande contestée mettant en jeu les intérêts de parents et d'enfants. Cette médiation serait exigée dès lors qu'une demande serait contestée, sur des questions relatives à la garde des enfants, aux aliments dus à un parent ou à un enfant, ou au partage du patrimoine.

Des mesures seraient prévues afin de favoriser les arrangements entre les parties pour amorcer ce processus de médiation familiale. Le coût de cette médiation préalable serait assumé par le ministère de la Justice. De plus, le ministre de la Justice envisage de prévoir dans la législation la mise en place d'une procédure allégée, dans les cas où les parties procèdent par requête et s'entendent sur les modalités relatives à la garde de l'enfant et à leur obligation alimentaire.

Comme vous le constatez, le gouvernement du Québec veut mettre à la disposition des Québécoises et des Québécois les moyens pour leur permettre de mieux assurer la couverture des besoins de leurs enfants. De plus, il entend soutenir les personnes concernées par ces ajustements en leur fournissant l'aide requise et en allégeant le processus judiciaire, lorsque les circonstances le permettront. Avec la mise en place de son propre modèle de fixation, avec la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et avec la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants, le Québec se sera doté des principaux outils permettant aux enfants d'obtenir le soutien financier auquel ils ont droit de la part de leurs deux parents.

(15 h 30)

Je vous remercie, M. le Président. Et je termine en remerciant l'équipe composée de Mme Andrée Bergeron, Mme Geneviève Bouchard, M. Gaétan Lemay, Mme Suzanne Levesque, qui est à mes côtés et qui est sous-ministre adjointe à la Sécurité du revenu, ainsi que des juristes Me Pierre Tanguay, Me Pierre Charbonneau et Me André Dion, qui ont travaillé à la préparation de ces documents.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup, Mme la ministre. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. En tout premier lieu, j'aimerais vous souligner que c'est avec beaucoup d'intérêt que mes collègues et moi participons à cette consultation particulière quant au modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

À la lecture des mémoires qui nous ont été transmis par la commission, on constate que ce projet d'instaurer un modèle de fixation est accueilli favorablement par la plupart des intervenants qui nous ont fait parvenir des mémoires. Ce qui semble aussi faire une certaine unanimité, c'est le principe d'assurer aux enfants leurs besoins essentiels, leur bien-être, tout en respectant la capacité de payer des deux parents.

Dans plusieurs mémoires, on rappelle aux parlementaires et au gouvernement l'importance de sensibiliser les parents qui vivent une rupture à entreprendre le processus de la médiation familiale, afin de réduire les possibilités de conflit, pour le bénéfice, il va de soi, des enfants concernés. Alors, je suis heureuse d'entendre que le gouvernement va faire un premier pas dans ce sens-là, M. le Président, au niveau de la médiation familiale.

Malgré le fait que le modèle de fixation soumis soit reçu favorablement, il y a de nombreuses interrogations qui sont soulevées. Certains expriment des inquiétudes quant à la souplesse de la grille et suggèrent de la clarifier et de la baliser davantage, tandis que d'autres confirment la nécessité de cette souplesse et de la discrétion judiciaire pour son application.

On questionne également le montant fixé quant à l'exemption personnelle de base qui, d'après moi, ne semble pas réaliste du tout. Le 6 840 $ qui est basé sur les neuf besoins, qui vient du ministère de la Sécurité du revenu, je pense que, dans la grande majorité des cas, ce n'est pas un montant qui est réaliste pour les personnes concernées.

Toute la question aussi du maintien sur le marché du travail des parents à faibles revenus, tout en remplissant leurs obligations alimentaires, on aura la chance de pouvoir échanger sur ça, mais, là aussi, moi, je crois qu'il va y avoir un glissement des travailleurs à faibles revenus, à cause d'une démotivation, vers l'aide sociale.

Il y a aussi l'exemption pour perte d'économie d'échelle liée au logement – il y a du questionnement sur ça – les transferts gouvernementaux, le partage du temps que l'enfant passe avec ses parents, il faut statuer sur le montant de la pension alimentaire, et j'en passe. Il y aura d'autres points à éclaircir.

Vous conviendrez qu'il sera très important d'entendre, mais surtout d'échanger avec les intervenants et ceux qui travaillent dans ce domaine afin de bien saisir les impacts et les effets négatifs de certaines mesures proposées dans le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

En terminant, M. le Président, vous me permettrez de réitérer le voeu que j'ai exprimé à maintes reprises à l'ex-ministre de la Condition féminine, et surtout, également, un voeu qui a été exprimé à maintes reprises par des groupes qui travaillent auprès des familles démunies, afin que le montant de la pension alimentaire versée à des enfants vivant dans des familles qui reçoivent de la sécurité du revenu soit conservé par ces familles et non déduit dollar par dollar de leurs prestations familiales. J'ose espérer que cette importante modification se retrouvera dans le livre vert de la ministre, livre vert dont on attend le dépôt avec beaucoup d'impatience.

Je suis certaine que vous serez le premier à me dire, M. le Président, qu'il y aura, avec l'application d'une telle mesure, un impact financier. Mais vous me permettrez de vous rappeler que, d'après certaines études du ministère des Finances, la défiscalisation va apporter des économies de tout près de 75 000 000 $ au gouvernement et que, lors de son discours sur le budget, le ministre des Finances lui-même a annoncé l'intention du gouvernement de remettre ces 75 000 000 $ aux familles québécoises. Alors, M. le Président, je suis certaine que vous êtes d'accord avec moi qu'une telle mesure ne ferait qu'améliorer la qualité de vie des enfants les plus pauvres au Québec.

Alors, en terminant, c'est donc avec beaucoup d'intérêt, avec une ouverture d'esprit et une grande collaboration que mes collègues et moi travaillerons à améliorer le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, et ce, M. le Président, dans l'intérêt premier des enfants du Québec. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Alors, je rappelle une toute petite règle. Les intervenants s'approchent, et il y a 20 minutes de présentation et 20 minutes du côté ministériel, 20 minutes du côté de l'opposition pour la période de questions.

Alors, j'invite immédiatement l'Association de médiation familiale du Québec à prendre place. Mme Clairmont, j'apprécierais que vous présentiez la dame qui vous accompagne, nom et titre, de façon à ce que l'enregistrement soit fait de façon adéquate.


Auditions


Association de médiation familiale du Québec (AMFQ)

Mme Clairmont (Suzanne): Alors, je suis Suzanne Clairmont, avocate. Je suis présidente de l'Association de médiation familiale du Québec. Je suis accompagnée de Mme Aline Héroux, qui est travailleuse sociale et qui est actuellement la vice-présidente de l'Association de médiation familiale du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez commencer.

Mme Clairmont (Suzanne): Alors, au nom des membres de notre Association et de notre conseil d'administration, nous vous remercions de l'invitation à venir vous faire part de nos réflexions sur le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants proposé par le gouvernement du Québec. Notre Association regroupe actuellement environ 300 professionnels des sciences juridiques et des sciences humaines qui sont formés à la médiation, qui sont accrédités conformément au Règlement sur la médiation familiale.

La médiation familiale est une méthode de résolution de conflits basée sur la coopération et par laquelle un tiers impartial qualifié aide les membres de la famille à négocier eux-mêmes une entente viable et satisfaisante pour chacun. La médiation familiale a le mérite de faire valoir le bien-fondé d'une entente négociée.

En médiation familiale, les parents sont d'abord et avant tout préoccupés de s'assurer du meilleur intérêt de leurs enfants et de leur éviter les débats devant les tribunaux. Malgré leur choix d'une rupture, les parents qui viennent en médiation familiale sont soucieux et préoccupés d'assurer à leurs enfants les conditions de vie les plus adéquates possible. Ils ont à réaménager le partage de leurs responsabilités parentales et à déterminer leur contribution financière pour répondre aux besoins de leurs enfants.

L'Association de médiation familiale du Québec reçoit très favorablement le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants proposé par le gouvernement québécois et elle est entièrement en accord avec les principes qui le sous-tendent. Le modèle québécois s'appuie sur les mêmes principes qui guident les parents en médiation familiale, soit le partage de l'autorité parentale et le partage de la responsabilité financière des enfants proportionnellement à leurs ressources respectives. Nous croyons qu'il est essentiel que les parents assument conjointement la responsabilité de leurs enfants, que les besoins des enfants soient assurés financièrement et que la capacité de payer de chacun des parents soit prise en considération dans l'établissement de leur contribution.

Devant les réalités économiques auxquelles les couples séparés doivent faire face, il nous apparaît important d'affirmer la priorité de l'obligation alimentaire sur les autres besoins des parents, la reconnaissance de l'égalité de tous les enfants quant à leur droit alimentaire et la responsabilité des parents à contribuer au bien-être de leurs enfants, quel que soit leur niveau économique. Bref, l'intérêt des enfants demeure le principal objectif du projet de modèle de fixation, de la même façon que ce même intérêt est au centre des ententes réalisées en médiation et des jugements rendus par les tribunaux, impliquant la détermination de l'obligation alimentaire des parents.

Notre analyse du modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants proposé par le gouvernement québécois pour fixer le coût des besoins des enfants nous indique qu'il semble conforme aux méthodes utilisées actuellement dans le processus de la médiation et dans le processus judiciaire. Dans l'ensemble, nous n'y voyons pas de grandes différences. Cependant, nous avons fait un relevé, une étude de tous les points que nous allons vous soumettre.

Alors, au niveau de l'état des revenus et des dépenses, le Code civil détermine l'obligation conjointe des parents aux aliments pour leurs enfants, selon leur capacité respective. En médiation, la démarche est basée sur le même principe que dans le Code civil, c'est-à-dire le partage de la responsabilité financière.

Au tribunal, les règles de pratique fournissent l'«État des revenus et dépenses» comme outil de travail pour déterminer la pension alimentaire. Les parents ont l'obligation de remplir ce document avant de se présenter devant le tribunal. Dans le processus judiciaire, l'élaboration d'un budget pour les dépenses attribuables aux enfants par le parent gardien comporte aussi l'obligation pour chaque parent, gardien et non gardien, de faire état de son revenu, de son budget personnel. Cette méthode incite souvent le parent non gardien de qui on sollicite une pension alimentaire à considérer seulement son surplus disponible pour offrir une pension alimentaire ou encore pour contester vivement celle qui est demandée.

(15 h 40)

En médiation familiale, les parents utilisent également des budgets pour déterminer le montant à être attribué aux dépenses des enfants. L'expérience démontre que la médiation favorise une approche qui, d'abord, est davantage centrée sur le budget des enfants eux-mêmes et, par la suite, sur l'établissement du partage de la responsabilité des enfants en fonction, évidemment, des revenus respectifs des parents, le tout après s'être assuré que chaque parent conserve un minimum pour ses besoins personnels.

En médiation, l'approche est donc différente, en ce sens que le budget est un outil utilisé dans la recherche d'une réponse aux besoins des enfants et qu'elle vise à répartir entre les parents la responsabilité de partager la contribution financière. L'aspect intéressant du modèle de fixation proposé est la priorité accordée aux besoins des enfants et la détermination du montant de base du coût de cet enfant. Cette contribution de base déterminée nous apparaît très intéressante, parce qu'elle a l'avantage de prioriser les besoins des enfants sur tout autre poste budgétaire des parents. La méthodologie proposée a aussi l'avantage de reconnaître un coût dans les dépenses attribuées aux enfants pour le parent non gardien mais exerçant des droits d'accès qu'on qualifie de droits d'accès prolongés. C'est une innovation que nous considérons très importante.

En effet, traditionnellement, les enfants étaient en général confiés à la mère, et le père avait des droits d'accès à raison de quelques jours par mois. Cette situation faisait en sorte qu'on ne tenait pas compte, ou très peu, des dépenses engendrées pour l'exercice de ces droits d'accès, considérant que la responsabilité financière première était au parent gardien. Il est encore fréquent qu'on ignore ces dépenses dans le système adversaire.

En médiation, il est courant de regarder d'abord l'aménagement de l'horaire de résidence des enfants au domicile de chaque parent ainsi que les coûts engendrés pour ces périodes de résidence. Les parents déterminent ainsi les besoins globaux des enfants et ils répartissent entre eux, suivant leurs revenus et en fonction de la durée du séjour des enfants, la contribution financière à être payée sous forme de pension ou autrement. Ce processus favorise l'implication du parent à assumer sa responsabilité parentale et financière. Cette implication se mesure donc de diverses façons: en partage de temps de résidence, en partage de temps de présence avec les enfants, comme en partage des coûts directs attribuables aux enfants.

Les médiateurs familiaux sont heureux de constater que l'on tiendra compte du temps de résidence de l'enfant avec chaque parent, dans le partage de la contribution financière. Le modèle de fixation de pensions alimentaires pour enfants proposé par le gouvernement vient en quelque sorte concrétiser ce processus au bénéfice des enfants.

Un autre élément important du modèle de fixation est la reconnaissance des neuf besoins essentiels d'un enfant, aux fins du calcul de la contribution financière des parents. Quoique les besoins alimentaires, de logement, d'habillement soient rarement contestés, d'autres dépenses indirectes, tels les frais de transport, d'entretien ménager et autres achats, font régulièrement l'objet de controverses entre les parents. Les frais attribuables aux soins personnels, les frais de transport sont très souvent perçus par le parent débiteur comme une dépense exagérée du parent gardien. Ainsi, le fait de les reconnaître, de reconnaître ces postes budgétaires comme besoins de base essentiels contribuera, on espère, à limiter les conflits entre les parents.

Un autre aspect important considéré dans le modèle, c'est la comptabilité distincte pour les frais de garde. Très souvent, lorsque le tribunal fixait des pensions alimentaires incluant les frais de garde, les parents n'avaient pas toujours en main les montants exacts des déductions correspondantes, d'une part, et, d'autre part, les frais de garde pouvaient diminuer considérablement, dans un délai de quelques mois ou quelques années. Le changement ou la prétention de changement dans les frais de garde donnait souvent ouverture à des demandes pour faire diminuer la pension alimentaire. Ceci engendrait par le fait même une contestation et une révision par l'autre parent des besoins pour maintenir la pension, même si certains frais pouvaient avoir diminué et que d'autres n'avaient pas été pris en considération.

Mettre en évidence la réalité des frais de garde pour le parent gardien sera de nature à inciter celui-ci à retourner aux études ou sur le marché du travail et, ainsi, à se mobiliser plus activement pour conquérir son autonomie financière et améliorer les conditions de vie de la famille. Le fait de distinguer les frais de garde pour que ceux-ci soient partagés selon le coût réel pour le parent gardien, en tenant compte des avantages économiques que cette situation va permettre d'obtenir, évitera peut-être des recours devant le tribunal. Il serait souhaitable que les ententes négociées et les jugements des tribunaux, en prévoyant le montant de la pension alimentaire, déterminent le montant spécifique des frais de garde, pour que soient déjà prévus les ajustements de ces frais, par exemple lorsque l'enfant, un an plus tard, ne fréquente plus la garderie à temps plein.

L'autre aspect important qui nous semble très opportun dans le modèle de fixation est le fait qu'on ait laissé ouverture à d'autres frais particuliers tels que les frais médicaux spéciaux et les autres besoins. Cette ouverture va permettre aux parents de déterminer ensemble, en médiation, on l'espère, ou de faire valoir devant les tribunaux les besoins spéciaux d'un enfant en fonction de son état, de ses intérêts, de ses affinités et aussi de la situation qui prévalait avant la rupture des parents. Très souvent, en effet, des parents qui avaient bien collaboré et accepté la participation des enfants à certaines activités sportives ou artistiques, avant la rupture, contestent vivement, au moment d'établir une pension alimentaire, les demandes monétaires pour couvrir ce même type de dépense.

Normalement, dans la perspective du partage de l'autorité parentale, les parents doivent se consulter et prendre ensemble les décisions concernant l'éducation, les activités et le bien-être en général de leurs enfants. La détermination spécifique de ces frais spéciaux serait en quelque sorte le prolongement du partage de l'autorité parentale, c'est-à-dire que les parents auraient pris ensemble la décision de ces frais spéciaux en tenant compte des coûts et des modalités du partage.

Il nous apparaît important que le gouvernement, dans la promotion du modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants, souligne très clairement aux parents qu'ils pourront ensemble déterminer les autres besoins spéciaux des enfants et en ajuster les coûts à leur contribution financière de base. Cette détermination des frais particuliers devrait donc davantage inciter les parents à s'entendre sur les activités et les besoins spéciaux des enfants et à en prévoir les coûts et les modalités de partage. En conclusion, le modèle de fixation des pensions, en privilégiant la détermination des frais particuliers liés aux besoins des enfants, est conforme aux objectifs de la médiation.

Le fait de favoriser l'incitation au travail du parent non gardien et débiteur nous apparaît socialement une mesure essentielle au maintien de sa dignité humaine. Nous savons que la personne productive est valorisée, dans notre société. L'incitation au travail constitue aussi une mesure qui favorise la reconnaissance du parent non gardien comme personne responsable à part entière de ses enfants. Elle valorisera en même temps l'image du père, non seulement comme un payeur, mais également comme parent activement impliqué auprès d'eux.

Les difficultés excessives. L'ouverture aux difficultés excessives du parent payeur face à certaines contributions alimentaires, eu égard aux circonstances dans lesquelles il se trouve, est certes nécessaire, mais il nous semble que cette ouverture devrait être davantage explicitée pour justement éviter les écarts trop importants dans l'établissement des pensions alimentaires laissé à la discrétion du juge. Parce qu'on voit là un danger.

Enfin, l'exemption de 1 000 $ nous apparaît peu élevée, compte tenu du coût de la vie actuellement et de la nécessité pour le parent de se loger adéquatement afin d'offrir un milieu de vie adéquat à ses enfants. Je parle du parent non gardien qui doit accueillir les enfants.

Mme Héroux (Aline): Alors, je vais poursuivre sur nos interrogations. L'expérience des médiateurs familiaux oeuvrant auprès de familles en difficulté permet d'identifier certains groupes qui pourraient être mal servis par un système qui établit de façon automatique la contribution financière pour leurs enfants. En effet, certains individus veulent être écoutés et faire valoir leur point de vue auprès d'une personne en autorité. D'autres, encore, bénéficient du processus judiciaire tel qu'il doit être, c'est-à-dire impartial et respectueux. D'autres, enfin, tirent avantage des interventions qui peuvent avoir lieu à l'occasion de la négociation ou de l'établissement par le tribunal de la contribution alimentaire pour leurs enfants. Toutes ces personnes s'éduquent en s'ouvrant aux informations et renseignements qui leur sont transmis. Elles acceptent mieux l'issue du processus et développent souvent une meilleure compréhension de leurs responsabilités et de la position de l'autre parent. Ainsi, ils peuvent mieux, par la suite, remplir leur rôle de parents auprès de leurs enfants.

(15 h 50)

Il va de soi que l'établissement automatique de la pension alimentaire prive tous ces individus, tous ces parents de l'information que peut apporter le médiateur familial, un conseiller juridique ou un juge. Par ailleurs, certains couples semblent être incapables de subir la rupture de leur union sans conflit. Souvent, les questions financières font l'objet de ces conflits. Malgré le fait que ceux-ci soient extrêmement dommageables et que nous devions continuer à chercher des moyens pour les éviter, est-ce que le modèle proposé risque de déplacer certains de ces conflits du domaine financier à celui de la garde des enfants?

D'autre part, nous croyons qu'on ne peut se permettre d'ignorer la grande frustration de certains pères qui ne se percevaient que comme simples débiteurs alimentaires. Des recherches qui se font actuellement dans la région de Toronto indiquent que, majoritairement, les débiteurs alimentaires associent l'accès à leurs enfants à leur contribution financière et, dans une grande proportion, croient que le système judiciaire favorise la femme ou la mère au détriment du père. Il est important de retenir que, dans les cas examinés, la perception que le système favorise les mères au détriment des pères était identique chez les pères respectueux du paiement de leur obligation comme chez ceux qui ne le respectent pas. Cette situation représente une réalité que nous ne pouvons nous permettre d'ignorer. À l'extrême, face à des sentiments d'impuissance, ne devrait-on pas craindre que certaines personnes expriment leur colère par des actes de violence?

Nous craignons les retombées sociales d'un système qui limite les choix et remplace la responsabilité individuelle par l'adhésion à une norme établie. Plus particulièrement, nous nous interrogeons sur son effet à long terme, sur la qualité de la relation parentale, tant au niveau de la famille qu'au niveau de la société, alors qu'une dimension importante du rôle de parent, c'est-à-dire le pourvoi des besoins matériels d'un enfant, fait l'objet d'une évaluation externe et objective. Nous craignons que cette méthode, qui a pour but louable et essentiel d'assurer que les enfants bénéficient de façon adéquate des ressources de chacun de leurs parents, n'ait pour effet d'éloigner le parent non gardien de la réalité quotidienne de son enfant et n'augmente ainsi le risque d'abandon affectif.

Par le biais d'une communication efficace, la médiation familiale cherche à amener les couples vivant une rupture à trouver des solutions adaptées aux difficultés engendrées par celle-ci. En somme, la médiation encourage les parents à continuer ou à entreprendre un dialogue productif au sujet de leurs enfants, dans le but de répondre le mieux possible à leurs besoins.

Un modèle qui prévoit une solution quasi automatique et rapide à la question de la responsabilité financière risque d'éliminer toute discussion au sujet des arrangements résidentiels autres que la garde exclusive traditionnelle, puisque ces solutions compliquent l'application du modèle. Ceci est particulièrement troublant, puisque les études menées sur les effets de la rupture sur les enfants indiquent qu'en grand nombre ils souffrent. Ces études ne nous permettent pas de conclure que ce sont les arrangements résidentiels qui en sont la cause.

Il faut continuer à chercher des remèdes à cette souffrance qui, par ailleurs, coûte très cher à la société en décrochage scolaire, en problèmes de santé physique et mentale et en délinquance. Pour ce faire, il faut donc éviter toute solution qui découragerait l'innovation pouvant mener à la découverte de meilleures façons de répondre aux besoins des enfants. Nous nous interrogeons sur le danger que les montants déterminés dans le modèle soient perçus comme des montants maximaux, alors que ce sont des montants établis pour des besoins de base.

Pour alimenter notre réflexion, nous avons appliqué le modèle à certains dossiers de rupture de couples. Ces dossiers avaient été traités soit par la voie judiciaire, soit en médiation familiale. Nous avons constaté que, dans certains cas, la pension attribuée par le tribunal se situait très près des montants déterminés dans le modèle, mais que, dans d'autres cas, particulièrement lorsque les parents avaient eu recours à la médiation familiale, les montants étaient plus élevés. La comparaison a permis de constater que les parents avaient déterminé des montants supérieurs aux montants prévus dans le modèle. Les parents avaient déterminé eux-mêmes certains montants en tenant évidemment compte de leurs revenus, mais également du mode de vie antérieur de la famille, en voulant ainsi minimiser l'impact de la rupture et éviter les conflits financiers. Nous craignons que certains parents en sérieux conflit ne tentent d'utiliser les tables pour ne payer que le minimum, alors que leur mode de vie antérieur leur permettrait de contribuer plus généreusement.

Nous constatons le choix du gouvernement de ne pas tenir compte des crédits et prestations fiscales, tant provinciales que fédérales, dans le modèle de calcul pour déterminer le revenu disponible des parents. On croit comprendre que ce choix permettrait d'éviter les modifications à la pension alimentaire, suite à la décision d'un parent de cohabiter avec un nouveau conjoint. En médiation, il faut tenir compte, pour les couples à faibles et moyens revenus, des crédits et prestations qui représentent un revenu important de la famille au bénéfice des enfants. Ceci nous amène à nous interroger sur l'impact de la décision pour les enfants des familles à revenus limités.

Sur un autre sujet, à savoir l'exemption pour perte d'économie d'échelle, si le parent gardien vit avec un autre conjoint, il est moins pénalisé au chapitre de la perte d'économie d'échelle pour la première année de vie commune. Mais, à partir du moment, un an plus tard, où il doit déclarer à l'impôt ce nouveau conjoint, il est automatiquement pénalisé sur le montant des prestations fiscales qu'il recevra du gouvernement fédéral, puisque celles-ci sont calculées sur le nouveau revenu familial.

Cette situation soulève plusieurs questions: Va-t-on ainsi réajuster les pensions alimentaires en fonction de cette nouvelle réalité? Va-t-on encourager les couples à ne pas établir leur statut de façon claire? Va-t-on priver les enfants d'une restructuration de la famille souvent bénéfique? D'autre part, si le parent gardien vit avec un autre conjoint, il va sans dire que cette mesure d'exemption soulève tout le débat de l'impact économique de la seconde épouse sur l'établissement de la pension alimentaire. Sachant qu'en situation de rupture la présence d'un nouveau conjoint est une réalité souvent très difficile à accepter, est-ce que, dans ce sens, l'exemption de 1 200 $, qui nous apparaît minimale, peut nuire ou empêcher la réalisation d'une entente entre les parents?

Mme Clairmont (Suzanne): Alors, au terme de ce mémoire, l'Association de médiation familiale du Québec recommande au gouvernement québécois:

De s'assurer que le modèle de fixation des pensions alimentaires pour les enfants ne soit pas une entrave à l'ouverture et à la créativité dans la recherche de solutions pour le bien-être des enfants;

L'élaboration d'un document expliquant les principes et les modalités. Ce document devrait être fourni aux intervenants qui auront à utiliser les tables, c'est-à-dire médiateurs, avocats et juges;

L'élaboration également d'un document qui devrait être destiné aux parents. Ce document devrait souligner l'importance de tenir compte, dans leur évaluation des besoins des enfants, du niveau de vie de la famille avant la rupture.

Nous recommandons également que, dans la perspective de la défiscalisation des pensions alimentaires pour les enfants le 1er mai prochain, une campagne de publicité grand public soit élaborée à l'intention des parents, afin de leur faire comprendre leur responsabilité envers leurs enfants, la priorité de leur responsabilité financière, l'éducation à leur responsabilité parentale, l'encouragement à l'implication des pères et l'importance de la négociation des ententes en cas de rupture.

Nous recommandons enfin qu'afin de favoriser le plus possible la conscience des parents aux besoins alimentaires de leurs enfants et pour qu'ils assument leur responsabilité parentale lors d'une rupture le recours à la médiation familiale soit davantage favorisé. Évidemment, on ne vous avait pas entendue, Mme Harel, avant d'avoir écrit cette phrase.

Puisque le gouvernement fédéral a annoncé qu'il permettra aux provinces d'adopter leurs propres règles, nous souhaitons que le projet de modèle de fixation pour enfants soit non seulement complet, mais prêt et mis en application à la même date.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, mesdames, et j'invite maintenant Mme la ministre à commencer les échanges.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Mme Clairmont et Mme Héroux. Ce n'est pas sans raison qu'on commence avec vous, c'est aussi à cause de toute l'expertise qui est reconnue à l'Association de médiation familiale du Québec. Je sais que des collègues ministériels voudront sans doute échanger avec vous, alors je vais aller au plus pressé.

Alors, je comprends que vous nous dites trouver intéressant le modèle de fixation québécois qui est proposé. Parce que, dans le fond, c'est celui-là ou l'autre. Je pense que je le dirai sûrement à chaque groupe qui se présentera devant la commission, ce n'est pas un choix entre le modèle québécois et le statu quo, c'est un choix entre le modèle québécois ou le modèle canadien. Alors, je comprends que vous nous recommandez de choisir le modèle québécois.

Mme Clairmont (Suzanne): Fortement, particulièrement parce qu'on tient compte des deux parents. Comme on disait, la méthodologie employée dans le processus de la médiation, c'est les deux parents qui sont impliqués. Le modèle fédéral, quant à nous, a une grave lacune à ce sujet-là.

(16 heures)

Mme Harel: Ensuite, vous mentionnez dans votre mémoire que vous trouvez, en fait, intéressante – vous parlez même en termes d'innovation intéressante – la reconnaissance du coût pour le parent non gardien qui a un droit de visite prolongé. Alors, ça ne paraît pas trop compliqué, finalement, à gérer? Vous comprenez, en passant, qu'il va y avoir médiation préalable. Et je voudrais d'ailleurs vous entendre là-dessus. Doit-elle être obligatoire ou pas? Vous savez qu'il y a deux écoles, deux courants de pensée. Mais, telle que conçue, pour tout de suite, elle serait obligatoire, sauf dans les cas d'exception comme la violence conjugale ou autres.

Mme Clairmont (Suzanne): Je ne sais pas, voulez-vous que je vous donne tout de suite... Je pense que, nous, ça fait longtemps qu'on préconise, qu'on souhaite qu'il y ait une médiation comme étape préalable à toute demande devant le tribunal, où on parle d'enfants, pour la pension alimentaire, pour les droits d'accès ou pour le partage de l'autorité parentale. Ça nous paraît inacceptable que la première requête... que ça commence toujours par une procédure judiciaire. Quant à savoir est-ce que ça doit être mandatoire, obligatoire, je pense qu'on doit d'abord exiger que les parents rencontrent une personne et se fassent expliquer le processus, qu'on puisse leur expliquer comme il faut comment se fait la médiation, en quoi ça consiste, qu'on leur fasse comprendre la différence entre le système judiciaire et le processus, que le système judiciaire est là et qu'il sera toujours là, s'ils n'arrivent pas à s'entendre, mais qu'au départ ils ont à se parler, ils ont à continuer une relation de parents – leur relation de conjoints est terminée, mais leur relation de parents continue – et que la médiation peut leur permettre d'arriver à s'entendre et à élaborer une nouvelle façon de vivre cette relation-là. Alors, nous, on souhaite que tous les parents rencontrent une personne. On ne peut pas obliger les gens à conclure une entente, mais on peut les obliger à aller faire une première étape, à s'informer, à connaître le processus.

Mme Harel: Dans les cas, justement, où les parents s'entendent sur les modalités relatives à la garde de l'enfant, à leur obligation alimentaire, est-ce que vous trouveriez intéressant aussi de procéder par voie de requête accélérée, à ce moment-là, devant un greffier spécial, par exemple?

Mme Clairmont (Suzanne): Une voie de requête et une requête conjointe également.

Mme Harel: Voilà. Est-ce que vous pensez que ça peut...

Mme Clairmont (Suzanne): Parce que, actuellement, les requêtes se font très rarement conjointement. Alors, ce qui veut dire que même quand les gens... Par exemple, si on prend un cas où il y a une modification d'une pension déjà établie, on doit procéder par requête en modification, ou si on prend le cas de gens non mariés, on doit procéder par requête. Et, à ce moment-là, après avoir fait une entente, les gens doivent quand même procéder par une requête où un est demandeur et l'autre est défendeur, ce qui nous apparaît un illogisme, comme conclusion, à une entente.

Mme Harel: En corollaire, donc, de ce modèle de fixation, vous jugeriez intéressant qu'il y ait requête conjointe...

Mme Clairmont (Suzanne): Une requête conjointe pour faire...

Mme Harel: ...devant le greffier spécial, lorsqu'il y a entente sur les modalités relatives à la garde et sur les obligations alimentaires.

Mme Clairmont (Suzanne): Pour faire entériner l'entente à laquelle sont parvenues les parties.

Mme Harel: C'est ça. Vous faites pas mal de recommandations dont, vraiment, je prends bonne note, notamment l'élaboration d'un document explicatif pour les intervenants et d'un document explicatif pour les parents eux-mêmes, lesquels documents seraient remis aux personnes concernées, et puis, une campagne de publicité grands médias, vous la souhaitez à partir des revenus générés par la défiscalisation, notamment.

Mme Clairmont (Suzanne): Entre autres.

Mme Harel: Notamment, entre autres. En tout cas, je prends bonne note de ça. J'aimerais revenir sur les nuances ou peut-être sur les mises en garde que vous faites, notamment à la page 12, quand vous nous dites: Ça peut être embarrassant que, finalement, la pension, telle que fixée dans les tables, n'amène pas une plus grande générosité de la part des parents. N'est-ce pas? Là-dessus en tout cas, juste en passant, moi, je voudrais vous mettre en garde sur l'échantillonnage que vous utilisez. Parce que, quand on utilise l'extrait des déclarations fiscales, les pensions alimentaires qui sont extraites des déclarations fiscales, puis qu'on applique le modèle de fixation tel que proposé, c'est immédiatement une hausse moyenne des montants nets de pension alimentaire pour enfants d'environ 1 200 $ par année, tandis que, dans votre échantillonnage, vous, c'est comme si ça donnait à égalité, l'égalité de la table, si vous voulez, de ce que les juges octroient. Alors, je me suis dit: Faites attention, peut-être que l'arbre vous empêche de voir la forêt. Mais, en même temps, puisqu'il y a un processus de médiation qui va accompagner le tout, il me semble que ça ne sera pas bêtement et aveuglement appliqué.

Mme Clairmont (Suzanne): Je pense que c'est là l'essentiel. Il faut que ça soit vraiment compris que c'est des montants de base. Et ça, c'est une des choses qui nous inquiètent beaucoup, parce que, peut-être pas nécessairement en médiation, mais dans le litige ou dans les cas qui sont très judiciarisés, c'est vraiment une bataille pour ne pas payer. Et, si on met des critères de base, on craint beaucoup que le parent qui ne veut pas payer s'arrête à ce montant-là. Ce qu'on dit, c'est que, dans notre échantillonnage, évidemment, on n'a pas fait une étude exhaustive, mais on a regardé, on a appliqué les principes à certains de nos dossiers et on a vu qu'en médiation les parents arrivaient souvent à beaucoup plus et qu'à la cour ça pouvait... Parce que, à la cour, c'est évident qu'il y a des différences énormes. Alors, peut-être que les dossiers qu'on a consultés étaient sensiblement les mêmes. Je suis certaine qu'il y a des dossiers où c'est nettement et c'est souvent très insuffisant.

Mme Héroux (Aline): Ce que je peux peut-être ajouter, c'est que c'est plus élevé, mais c'est surtout plus conforme à la réalité des enfants, aux besoins des enfants. Je pense que c'est peut-être l'aspect où les deux parents deviennent beaucoup plus conscients, mathématiquement parlant, de combien a coûté leur enfant, combien coûte leur enfant et sont plus en accord pour dire: Oui, on pourrait donner un peu plus parce qu'on priorise que telle activité pour notre jeune se poursuive parce que c'est important pour lui. Alors, je pense que, dans ce sens-là, les parents sont plus sensibles.

Mme Harel: Vous êtes avocates toutes les deux?

Mme Héroux (Aline): Non, moi, je suis travailleuse sociale.

Mme Harel: Oui. Et, vous, vous êtes avocate. C'est souvent paradoxal, le point de vue qu'on peut adopter. Vous voyez, par exemple, sur l'innovation introduite par la prise en considération du coût d'une visite prolongée, du droit de visite. Dans le modèle de fixation tel que proposé, c'est entre 20 % à 30 % du temps, n'est-ce pas, dont on tient compte. Par exemple, le Barreau est contre cette compensation-là au parent non gardien, pour compenser ce droit de visite prolongé. Je ne sais si vous considérez que ça va trop compliquer... dans la balance des inconvénients. Parce que, si tout était toujours blanc et noir, ça serait tellement extraordinaire, mais c'est rare, c'est très, très rare. À part la souveraineté et le fédéralisme, je ne vois pas tellement d'autres sujets...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Non, mais, sérieusement, il y a toujours une balance d'inconvénients. Vous en mentionniez tantôt, sur la générosité versus la fixation déjà prédéterminée. Mais, à l'égard de ça, de ce calcul du droit du parent non gardien, avez-vous craint... Vous craignez aussi, quelque part dans votre mémoire, que ça réduise le temps.

Mme Clairmont (Suzanne): Mais c'est-à-dire qu'on craint que ça soit utilisé ou qu'on utilise le fait de ne pas vouloir payer... qu'on veuille plus avoir les enfants pour faire diminuer le montant à payer. C'est une crainte. Et ça se voit.

Mme Harel: Mais choisiriez-vous quand même de le garder, si vous aviez le choix? Vous êtes législateurs...

Mme Clairmont (Suzanne): Dans la perspective du médiateur, oui.

Mme Héroux (Aline): Oui, parce que, souvent, le parent non gardien étant aussi le père, je pense que, si on veut favoriser l'implication des pères – et on en a besoin pour les enfants, de cette implication-là – il faut le maintenir, malgré qu'il y ait des risques que ce ne soit pas toujours utilisé à bon escient.

Mme Clairmont (Suzanne): Moi, je pense que c'est parce que... Je suis médiateur, mais je suis avocate et, malheureusement, des fois, aussi plaideur. C'est une des lacunes, lorsqu'on est devant le tribunal, c'est qu'on n'en tient pas compte. On ne tient compte que des dépenses face au parent gardien. Et, ça, c'est l'avantage de la médiation, parce qu'on fait le budget des enfants et, après, on regarde comment les parents vont l'appliquer. Et, dans le fond, ce que vous proposez, c'est ça. Donc, on est favorable.

(16 h 10)

Mme Harel: Je vous remercie. Et vous savez que j'ai une collègue ministérielle qui connaît ça beaucoup. Alors, la députée de Blainville a été certainement une des voix, au Québec, qui a fait que nous sommes réunis cet après-midi. Alors, je lui laisse la parole.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Blainville.

Mme Signori: Merci, M. le Président. Alors, merci de votre présentation. Je suis d'autant plus heureuse que vous soyez aussi les premiers, parce que ça fait longtemps que les groupes suggéraient la médiation pour la résolution de conflits, lors de ruptures. Alors, je suis d'autant plus heureuse que ce soit notre gouvernement qui propose enfin la médiation.

Quand on considère, aujourd'hui, les conséquences de la rupture sur les revenus familiaux, actuellement, le niveau de vie d'une femme monoparentale baisse de 27 % la première année, tandis que, pour l'homme, c'est une augmentation de 23 %, et la diminution du revenu familial, quand la femme est chef de famille, c'est de 43 % la première année, et une diminution de 18 % pour les hommes chefs de famille, alors, pour les hommes qui sont l'autre partie du couple.

Moi, honnêtement, j'aimerais ça que vous me disiez, dans ce projet de loi, ce qui n'y est pas et que vous voudriez en priorité y mettre.

Mme Clairmont (Suzanne): Que c'est un minimum. Je pense que ça, c'est très important, parce que, si ce n'est pas bien compris, bien vendu, que c'est un minimum, ça risque d'être considéré comme un maximum. Ça, quant à nous, c'est très important. Ce qui n'est pas...

Mme Signori: Ce serait le point qu'il faudrait comme clarifier.

Mme Clairmont (Suzanne): Oui. Ce qui n'est pas là, mais que j'ai compris que vous vouliez mettre, c'est valoriser et prioriser la médiation comme processus pour les parents de renégocier leur rôle parental et leur responsabilité parentale. On n'est pas venu vous dire que la médiation, c'était la seule solution, parce que ce n'était pas ça, notre...

Mme Signori: Mais c'en est une.

Mme Clairmont (Suzanne): ...objectif, c'était de parler du projet. Mais c'est certain qu'on croit que, plus les gens... Les ententes de médiation reviennent beaucoup moins devant les tribunaux que les jugements. Les ententes de médiation sont beaucoup plus respectées. Et, d'autre part, quand les gens ont à les ajuster, ils ont acquis la capacité de communiquer entre eux et de s'asseoir et de mettre la discussion sur le point important, c'est-à-dire les besoins des enfants et la nécessité de se réajuster, suite à des changements de garde ou des changements dans les besoins. Alors, les parents ont acquis la capacité de communiquer entre eux et de régler la situation, dans la plupart des cas. Donc, c'est certain que, si, dans le projet ou dans les documents, vous incitez à la médiation, c'est, pour nous, ce qui est le plus important et c'est ce qu'on voudrait.

Mme Signori: Et les recherches prouvaient aussi que les couples qui avaient eu le privilège d'avoir une médiation lors du règlement même de l'attribution des pensions alimentaires, les montants étaient plus élevés aussi que ce qui se faisait...

Mme Clairmont (Suzanne): Oui, plus élevés, plus respectés et capacité de discuter et de réajuster.

Mme Signori: En tout cas, je suis contente que vous ayez mentionné ça, parce que mon inquiétude, moi aussi, c'était par rapport au minimum et ce qui pourrait être accordé aussi dans d'autres circonstances.

Mme Héroux (Aline): C'est ça. Je pense qu'on a une part d'information aux parents, mais on a une part aussi d'éducation aux parents. Et c'est peut-être une occasion de permettre... Parce qu'il y a beaucoup de choses qui arrivent en même temps. La ministre le soulignait, dans son introduction, il y a la défiscalisation, il y a la perception automatique, il va y avoir un modèle de fixation. Moi, je pense que les gens doivent avoir de l'information, doivent aussi être éduqués à comment se servir de ces outils-là, actuellement. Et ça, ça va favoriser que les gens puissent s'asseoir et se sentir mieux équipés pour négocier aussi, parce que je pense qu'il faut les...

Mme Signori: Diminuer la pauvreté aussi des enfants, au Québec.

Mme Héroux (Aline): Oui, définitivement.

Mme Signori: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bienvenue à cette commission. Je me souviens qu'on avait échangé, lors de la loi sur la perception des pensions alimentaires. Je vous avais dit que, moi, j'étais très sensible à ça, la médiation familiale. Alors, je suis aussi heureuse que vous d'entendre la nouvelle, aujourd'hui, à cet effet-là.

J'aimerais peut-être continuer dans la même veine votre discussion avec la ministre sur l'innovation qu'on retrouve dans le modèle de fixation en ce qui a trait aux coûts et à la reconnaissance des coûts pour le parent non gardien, dans les droits d'accès prolongés. Dans la même ligne de pensée, la même optique, j'aimerais vous entendre. Le Conseil du statut de la femme, lui, demande à la ministre de recommander, de prévoir aussi, pour le parent gardien, aussi une contribution non financière, les coûts qu'on ne peut pas calculer financièrement mais qui sont absorbés par le parent gardien. Le Conseil du statut de la femme demande que la contribution non financière du parent gardien, dans le partage proportionnel des coûts de l'éducation et de l'entretien des enfants, soit considérée. Alors, dans la même ligne de pensée, qu'on innove au niveau de reconnaître les coûts pour le parent non gardien dans les droits de visite prolongés, qu'est-ce que vous pensez de l'idée du Conseil du statut de la femme d'en faire peut-être autant pour des coûts non calculés, sur lesquels on ne peut pas vraiment mettre un chiffre, mais qui sont absorbés par le parent gardien?

Mme Clairmont (Suzanne): Ces coûts-là, on sait que c'est une réalité quand on a des enfants. C'est difficile à quantifier, c'est difficile de mettre un chiffre. Je ne sais pas comment on peut le faire dans une règle. Ça m'apparaît difficile et ça m'apparaîtra toujours ne pas être la réalité, quand on sait ce que ça implique, le soin ou la responsabilité plus importante des enfants. Moi, je pense que ce qui serait peut-être souhaitable, c'est de l'indiquer, mais je trouve ça... En tout cas, ça m'apparaît difficile de le quantifier.

Mme Loiselle: Est-ce qu'on pourrait comme déterminer, d'après les revenus des deux parents, un montant, justement, pour ces coûts-là qu'on ne peut pas, c'est vrai, quantifier, mais qu'on sait qu'ils existent? Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une réserve, quelque part, qui soit accordée au parent gardien? Est-ce que vous seriez en faveur de ça ou est-ce que vous trouveriez ça innovateur autant que pour le parent non gardien, ou...

Mme Clairmont (Suzanne): Je veux dire, je pense que ça pourrait être très intéressant de le faire, parce que c'est une réalité, c'est vrai que c'est une réalité, et il arrive qu'on en tienne compte dans certaines ententes. Par contre, souvent, en médiation, ce que les gens vont faire, ils vont en tenir compte, mais en partageant, ou par d'autres formes que monétaires. Parce que, très souvent, la rupture, c'est aussi une difficulté économique. Alors, très souvent, il n'y a même pas assez d'argent pour les besoins essentiels. Alors, on n'arrive pas toujours à en donner plus à d'autres postes.

Mme Loiselle: Parce qu'il y a une copine qui me faisait remarquer, en fin de... Oui.

Mme Clairmont (Suzanne): Je pense que ça peut être souhaitable que ça soit mis, c'est certain, parce que c'est une réalité très importante.

Mme Loiselle: Parce qu'on vient de sortir de la commission parlementaire sur l'équité salariale. Alors, on sait que plusieurs femmes ont des salaires, des revenus moindres. Et, c'est ça, il y a une de mes copines, en fin de semaine, qui me disait qu'un parent gardien avec des revenus plus modestes que le parent non gardien doit, dans la vie de tous les jours, à cause qu'elle a les enfants avec elle – si elle était seule, elle aurait peut-être un plus petit appartement – prendre au minimum un 4½ ou un 5½. Alors, c'est des frais fixes qui sont là, qu'elle n'aurait pas à absorber si elle vivait seule, mais qu'elle absorbe parce qu'elle est le parent gardien. Mais tous ces frais fixes là qui sont engendrés pour le parent gardien ne sont pas comme comptabilisés dans tout ça, finalement.

Mme Clairmont (Suzanne): Souvent, on en tient compte.

Mme Héroux (Aline): On en tient compte, en médiation, des dépenses réelles du parent gardien et du parent non gardien. Et, à un moment donné, quand on parle d'arrangements que les parents peuvent prendre ensemble, ça peut être un support autre qu'économique, que d'aller chercher le petit à la garderie pour le reconduire chez maman parce que les horaires du père ou de l'autre parent conviennent mieux. Il peut y avoir d'autres modalités qu'on regarde. Parce que c'est vrai que la réalité économique des couples n'est pas très positive actuellement, très souvent, dans les situations. Alors, ils vont innover et compenser ces difficultés-là par d'autres types de moyens que des moyens financiers. Mais on va tenir compte des coûts réels de chacun des parents.

Mme Loiselle: En médiation, est-ce que vous calculez... Parce que c'est encore le Conseil du statut de la femme qui, je pense, le seul l'a fait remarquer. Quand les enfants grandissent, ils coûtent plus cher. Ça, c'est une réalité. Quand l'adolescence arrive, un enfant qui est adolescent va coûter plus cher qu'un enfant de deux, trois ans parce qu'on n'a plus le contrôle au niveau de l'habillement...

Mme Héroux (Aline): Des dépenses. Ha, ha, ha!

(16 h 20)

Mme Loiselle: ...des dépenses, tout ça. Puis, il y a tout le côté in, dans les écoles. Il faut porter la bonne marque de T-shirt – excusez-moi l'expression – la bonne marque d'espadrilles, tout ça. C'est une réalité que les parents sont confrontés à vivre avec les enfants. Alors, le Conseil du statut de la femme, lui, demande à la ministre de peut-être prévoir une modulation des coûts liés aux enfants en fonction de l'âge. Est-ce que, vous, en médiation, vous faites ça en partant? Quand vous voyez que c'est des enfants qui sont adolescents, dans une famille, est-ce que, ça, ça change les coûts ou est-ce que vous considérez ça?

Mme Héroux (Aline): Quand on fait faire le budget des enfants aux parents, c'est sûr que les coûts d'habillement, les coûts d'activités, les coûts de loisirs, tout ça est comptabilisé. Et les parents ont, des fois, des choix à faire ou des décisions à prendre par rapport à ce qu'ils vont prioriser davantage, en fonction de ce qui reste d'argent une fois qu'ils ont donné l'essentiel. Il y a des choix à faire, après. Mais les parents apportent les réalités des jeunes, en médiation, autant des petits que des adolescents, des jeunes adultes aussi. On a nos jeunes adultes de 18-25 ans qu'on est souvent obligé, comme parents, d'assumer ou d'aider...

Mme Loiselle: Qui partent et qui reviennent.

Mme Héroux (Aline): Alors, ça aussi, il faut en tenir compte.

Mme Loiselle: Oui, oui. Et le fait que le modèle n'en parle pas, est-ce que vous pensez qu'on devrait l'ajuster pour que, ça, ça soit considéré, la modulation des coûts en fonction de l'âge?

Mme Clairmont (Suzanne): On s'est posé la question, que le modèle n'en parlait pas. Mais, en fait, on a répondu en se disant: Quand on parle de pension alimentaire, on parle de pension alimentaire pour un enfant à charge, du mariage, si on se réfère à la Loi sur le divorce. Et, dans des situations où on a des enfants de 17, 18, 19 ans, qui sont encore aux études et qui ont besoin de contribution financière des deux parents, ces enfants-là, on les assimile à des enfants. Je veux dire, il n'y a pas d'âge, et on va regarder la contribution financière de base. Mais, encore là, je pense que c'est dans l'ouverture aux besoins spéciaux qu'on va considérer, par exemple, que l'enfant est à l'université, qu'il doit habiter en résidence et qu'il y a tels faits.

Mme Loiselle: Pour les jeunes adolescents, 13, 14 ans, les coûts sont beaucoup élevés. Dans la réalité de tous les jours, un enfant de 13, 14 ans coûte beaucoup plus cher. Pardon?

Mme Héroux (Aline): Ces réalités-là se quantifient, financièrement.

Mme Clairmont (Suzanne): Quand vous disiez tout à l'heure, Mme la députée... C'est qu'on va prendre un coût pour un enfant quand il est en bas âge et comment on va l'ajuster... Bien, c'est ce que je disais tout à l'heure, c'est qu'en médiation les parents ont souvent appris à discuter. Donc, on va déjà prévoir... Il est très fréquent de voir, dans des ententes de médiation, une clause à l'effet que les parents vont revenir en médiation pour rediscuter des modalités, pour se réajuster suite aux changements ou au fait que les enfants seront un peu plus âgés, auront d'autres besoins.

Mme Loiselle: O.K. Merci. Je vais vous poser une autre question et, après, il y a de mes collègues aussi qui veulent vous questionner. Vous parlez de l'incitation au travail: «L'incitation au travail constitue aussi une mesure qui favorisera la reconnaissance du parent non gardien comme personne responsable à part entière [...] mais comme parent activement impliqué auprès d'eux.»

Moi, je vais vous parler du parent à faibles revenus qui doit donner une pension alimentaire. Le parent gardien vit de la sécurité du revenu, les enfants sont donc à la sécurité du revenu. Moi, je dis – et, si je suis dans l'erreur, dites-le moi – je pense vraiment que le fait que la portion de sa pension alimentaire, le montant qu'il donne pour ses enfants comme pension alimentaire, étant donné que ça ne va pas à l'enfant, ça retourne dans les coffres de l'État parce que la prestation de l'aide sociale est déduite, dollar pour dollar, de la pension alimentaire qu'il envoie. Moi, je suis convaincue que c'est une grave démotivation, que le parent non gardien qui sait que le peu qu'il envoie, le peu qu'il est capable d'envoyer pour son enfant ne va même pas à son enfant, s'en va finalement dans les coffres de l'État parce que la mère reçoit de la sécurité du revenu, reçoit de l'aide sociale. Moi, je dis qu'il n'y aura pas d'incitation au travail et qu'on ne pourra pas maintenir les gens à faibles revenus à leur emploi, parce qu'ils vont être tellement démotivés de savoir que leur pension alimentaire s'en va non pas à leur enfant, pour le bien-être de leur enfant, pour améliorer sa qualité de vie, mais dans les coffres de l'État, que ces gens-là vont, avec le temps, perdre tout espoir et vont s'en aller vers l'aide sociale. Moi, je veux vous entendre sur les faibles revenus, là, salaire minimum...

Mme Clairmont (Suzanne): Actuellement, de toute façon, en médiation ou avec les jugements, c'est la situation. Dès qu'il y a une pension alimentaire et que le bénéficiaire est prestataire, on en tient compte, et c'est déduit. En médiation et souvent dans la négociation, même dans les dossiers qui vont devant le tribunal, on tente, à ce moment-là, de favoriser une contribution qui est autre que monétaire. Et, quand on dit qu'on doit laisser ouverture à d'autres solutions, dans le projet de loi, c'est important, c'est peut-être dans des situations comme ça, où il y aura une pension alimentaire minimum. Parce qu'on ne peut pas, non plus, déresponsabiliser les gens et leur dire: L'État va faire vivre tes enfants – il les fait déjà vivre parce qu'il y a une... – et tu n'as pas à contribuer. Je pense qu'il doit y avoir une contribution, mais on peut inciter le parent à contribuer autrement. De toute façon, les enfants qui ne vivent qu'avec le revenu de la sécurité du revenu ce n'est pas des enfants qui sont...

Mme Loiselle: C'est les enfants les plus pauvres du Québec.

Mme Clairmont (Suzanne): C'est ça. C'est donc des enfants qui sont, au départ, défavorisés. Alors, peut-être qu'on peut demander à l'autre parent de donner plus de temps, une autre contribution qu'une contribution financière. Et c'est souvent des parents qui décrochent. Et c'est peut-être une façon d'essayer de les maintenir et de maintenir le lien avec l'enfant.

Mme Loiselle: L'exemption personnelle de base de 6 840 $, moi, je dis que c'est irréaliste de penser... C'est vivre sous le seuil de la pauvreté. Ne pensez-vous pas qu'on devrait hausser ce montant-là, 6 840 $, qui est basé sur les neuf besoins essentiels de la Loi sur la sécurité du revenu? Mais, de nos jours, seulement à Montréal, vivre avec 6 840 $ pour se loger, pour se nourrir, c'est vivre sous le seuil de la pauvreté. Je veux vous entendre sur ça, si vous êtes en accord avec ce montant-là ou si vous pensez qu'il faudrait le hausser.

Mme Héroux (Aline): C'est minimal.

Mme Loiselle: C'est moins que minimal, c'est sous le seuil de la pauvreté.

Mme Héroux (Aline): C'est en deçà du seuil de la pauvreté.

Mme Loiselle: Bien oui!

Mme Héroux (Aline): Je pense que c'est...

Mme Clairmont (Suzanne): Mais ça revient à dire que c'est une base. C'est qu'on ne peut pas dire que c'est juste ça, c'est la base.

Mme Loiselle: Ça, c'est un point important que vous avez soulevé, oui.

Mme Clairmont (Suzanne): Et c'est pour ça qu'on veut que ce soit bien publicisé et bien expliqué pour que... C'est la base.

Mme Loiselle: Parce que, ça, je l'avais relevé dans votre mémoire que c'est bien important, oui, pour ne pas que ce soit pris comme des montants maximaux, parce qu'il y en a plusieurs qui vont vivre sous le seuil de la pauvre, éventuellement. Je vais laisser la parole à mes collègues, qui veulent échanger avec vous. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, je dois vous dire, mesdames, que j'ai trouvé votre mémoire fort intéressant et la discussion qui s'est engagée depuis le début de votre présentation aussi. Sans revenir sur les questions qui ont été posées tout à l'heure et vos réponses, j'ai quand même noté que vous avez dit, à un moment donné, qu'il fallait valoriser et prioriser la médiation. Je serais tentée de vous dire que, suite à vos propos, il faudrait l'obliger. Évidemment, vous en êtes venues à le dire, peut-être un peu trop timidement, mais je pense que c'est ce qui se dégage du fond de votre mémoire et aussi de ce que vous dites. Alors, moi, je vous dirais qu'il y a plus qu'un petit pas à faire entre valoriser, prioriser et obliger.

Et ça m'amène à vous demander: Dans vos recommandations, à la page 14, la première recommandation se lit comme suit, vous dites: «...recommande au gouvernement québécois de s'assurer que le modèle de fixation des pensions alimentaires pour les enfants ne soit pas une entrave à l'ouverture et à la créativité des parents dans la recherche de solution pour le bien-être de leurs enfants.» Est-ce que c'est ce qui est sous-entendu, dans ce que vous dites? Et, si oui...

Une voix: Non.

Mme Delisle: ...entre autres... Excusez, j'ai entendu un non, là. Non, excusez. Est-ce que c'est ce qui est sous-entendu dans ce qui est inscrit ici comme première recommandation? Et, si oui, si c'est ça, est-ce que vous ne pourriez pas l'articuler de façon plus agressive, dans le bon sens du mot, plus agressive et positive dans le sens où, finalement, le gouvernement pourrait trouver les moyens? Et je vous demanderais, si oui, quels seraient les moyens que le gouvernement pourrait prendre pour s'en assurer, finalement? Si on parle de cette créativité-là, j'imagine qu'elle va au-delà de l'obligation. Mais j'aimerais vous entendre parler de cette première recommandation.

(16 h 30)

Mme Clairmont (Suzanne): Dans la première recommandation, ce qu'on voulait, c'est qu'on souligne que les parents pouvaient toujours faire des ententes et que la possibilité de faire des ententes, ce ne soit pas juste «ou qu'il y ait des ententes». Parce que, dans le document, on parlait «à moins d'entente». Mais on voulait que ce soit plus que juste «à moins d'entente», sans venir vendre trop notre salade, à ce moment-là. C'est certain qu'il est souhaitable que toute demande concernant les enfants passe par la médiation. Comment ça peut se faire? Par une loi qui modifie le Code de procédure civile, qui exige qu'avant tout dépôt de requête ou de déclaration en divorce ou quelque procédure où il y a enfant, où il y a pension alimentaire, où il y a garde, où il y a droit d'accès, il y ait un affidavit que les gens ont été en médiation et n'ont pas pu s'entendre. Il ne faut pas que ce soit une procédure, une étape une fois que le processus est enclenché; il faut que ce soit une étape préalable. Parce que, quand les gens ont reçu une procédure, et que ça dit que je suis le meilleur parent dans l'intérêt des enfants, leur intérêt psychologique, etc., c'est accusatoire pour l'autre parent. Et c'est très difficile, après, de revenir, et de les asseoir, et de dire: On va parler de l'intérêt de vos enfants, quand il y en a un qui s'est senti accusé. Alors, il faut que ça soit une étape préalable. Et ça, le Code de procédure peut le prévoir, peut prévoir que, préalablement, avant d'être autorisé à déposer une requête, on doit avoir un certificat que les gens ont été en médiation et n'ont pas pu s'entendre.

Mme Héroux (Aline): On pourrait, c'est une des représentations qu'on a déjà faites, à l'Association, lier au fait que les gens viennent faire des ententes en médiation... Peut-être tout l'aspect de la perception automatique pourrait être pour ces gens-là... qu'ils ne soient pas exemptés de la perception, mais que ce soit mis en attente, c'est-à-dire que ces gens-là n'aient pas à passer par la perception. Parce qu'on sait que la médiation, c'est sur une base de confiance, c'est sur une base d'entente, donc ils pourraient continuer sur cette base-là et dire: On se paie la pension alimentaire, on verse la pension alimentaire, et, s'il y avait défaut de paiement, ils pourraient recourir à la perception automatique. Mais peut-être que ça permettrait aux parents de venir en médiation et d'être stimulés, d'être motivés à faire des ententes.

Mme Delisle: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière?

Mme Delisle: ...une petite courte, si vous permettez. Je ne sais pas si j'enlève du temps à quelqu'un.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non, allez-y.

Mme Delisle: Oui?

Une voix: Ce n'est pas grave.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non, allez-y. Allez-y, Mme la députée.

Mme Delisle: Je voulais juste savoir, lorsqu'on parle de la pension alimentaire pour les enfants et pour les enfants aussi qui sont majeurs, est-ce qu'il n'y aurait pas eu lieu de déterminer jusqu'où se rend l'élastique de l'enfant majeur et des coûts qui relèvent de ça? Je pense, entre autres, à des jeunes qui, évidemment, atteignent la majorité à 18 ans. Souvent, le parent non gardien, arrivé à 18 ans, calcule que ses responsabilités sont terminées, et ces jeunes-là doivent travailler pour poursuivre des études. On en connaît tous, des exemples, on en a tous, je veux dire, autour de nous, dans nos familles, dans nos amis, où les jeunes, il me semble, devraient avoir cette sécurité-là, au niveau de la pension alimentaire, qui les suivrait jusqu'à ce qu'ils aient complété... Évidemment, ce n'est pas moi qui vais établir de nouvelles balises. Est-ce que c'est un premier bac? Est-ce que c'est un D.E.C.? Je ne sais pas...

Une voix: Ou un premier emploi.

Mme Delisle: C'est sûr que c'est difficile, ce que je vous demande là. Mais il me semble qu'on arrête toujours ça très sec et on oublie cette dynamique-là, cette dimension-là.

Mme Clairmont (Suzanne): Peut-être que, dans les explications, dans les documents explicatifs, le gouvernement pourrait préciser que ces règles-là s'appliquent à tous les enfants, et tant que des aliments sont dus à des enfants, et tant que des enfants sont dans le besoin, quel que soit leur âge.

Mme Delisle: Je vous remercie beaucoup. J'aurais d'autres questions, mais je vais laisser mes collègues...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une courte pour le député de Notre-Dame-de-Grâce et, ensuite, une dernière, par Mme la députée de Sherbrooke.

M. Copeman: Trois courtes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: M. le Président, on a, la semaine passée, eu des échanges au sujet des chiffres. C'est toujours intéressant, quand on rentre dans le détail des chiffres. Mme la ministre vient de nous faire circuler un communiqué de presse qui indique que, par rapport aux situations actuelles, ça devrait hausser de 1 200 $ les pensions alimentaires en faveur des familles, en moyenne. Moi, j'aimerais bien avoir une copie de cette étude-là, qui nous indique un peu la méthodologie, comment on arrive à ces chiffres-là, pas parce que je suis sceptique de nature, mais c'est mon rôle d'être sceptique quand une ministre du gouvernement lance des chiffres comme ça. Alors, si ces études sont disponibles, sont publiques, sont signées...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...s'il y a des lettres de transmission, j'aimerais bien en avoir copie.

Une voix: C'est une demande officielle?

M. Copeman: Oui, tout à fait. En ce qui concerne votre commentaire, Mme Héroux, par rapport aux situations vis-à-vis du fédéral et de la grille de fixation du Québec, moi, je suis d'accord avec vous qu'a priori ça a l'air que la façon de le faire est plus équitable parce que ça inclut également les salaires des deux et on fait un partage, etc. D'ailleurs, le Barreau est d'accord avec vous que, sur la façon de le faire, notre grille est plus équitable.

Mais, là, on rentre dans les détails, parce qu'on veut savoir, en fin de compte, ce que ça va faire aux enfants, c'est quoi, l'impact, pas dans le processus, mais dans le réel. Le Barreau est un peu plus sévère quant aux effets réels dans la fixation des pensions alimentaires, en disant que la grille québécoise défavorise les enfants. C'est un calcul qu'ils ont fait. On va avoir l'occasion d'échanger avec eux autres. À la page 14 de leur mémoire, ils disent très clairement que, selon les calculs qu'ils ont faits, eux autres, les pensions accordées avec la grille québécoise seraient inférieures, dans la moyenne, que celles du fédéral.

Moi, j'ai fait un calcul rapide, très rapide et très sommaire de ma situation. Si jamais – on dit en anglais «God forbid!» – demain, j'étais divorcé, avec le salaire que j'ai et le salaire que mon épouse a, admettons que les enfants sont à sa charge à temps complet, complètement, la division, etc., ça se trouve qu'avec mes trois enfants, au niveau du fédéral – c'est sommaire, c'est assujetti à d'autres choses – je paierais 12 168 $ par année; au Québec, ce serait 10 760 $. Il y a un écart, un écart qui n'est pas toujours explicable juste avec des ajustements. Il y a le 6 000 $... Pardon?

Mme Malavoy: Est-ce qu'on peut avoir copie de l'étude?

M. Copeman: Oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Les salaires sont publics...

Une voix: C'est la grille fédérale.

M. Copeman: ...Mme la députée. La grille fédérale, notre grille à nous et nos salaires, le salaire de mon épouse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, on a dépassé largement, j'apprécierais que la question soit...

M. Copeman: Oui. Avez-vous fait, vous autres, avez-vous tenté de faire l'examen des deux grilles – je ne parle pas du processus, mais des grilles – et de l'impact dans l'attribution des pensions alimentaires?

Mme Clairmont (Suzanne): On ne l'a pas fait, pour deux raisons: d'abord, parce qu'on savait qu'il y aurait une grille québécoise et, deuxièmement, parce que la grille fédérale nous semblait avoir une lacune qu'on considérait importante, comme Association de médiation, puisqu'on ne tenait pas compte du temps de l'autre parent. Pour nous, c'est une prémisse importante. Donc, on ne l'a pas fait.

M. Copeman: Même si le résultat du fédéral, c'est que les pensions alimentaires sont plus généreuses envers les enfants?

Mme Clairmont (Suzanne): Mais, des fois, le temps du parent, ça vaut beaucoup d'argent. Alors, on aimait mieux...

M. Copeman: O.K. Oui, très bien. Merci, mesdames.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup.

M. Copeman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière, Mme la députée de Sherbrooke, très courte, je vous en prie.

Mme Harel: M. le Président, je ne sais pas si Mme la députée de Sherbrooke accepterait que je puisse déposer à la commission...

Mme Malavoy: Je vous donne même mon temps, si vous en avez besoin, Mme la ministre.

Mme Harel: Bien. C'est parce que je pourrais peut-être résoudre le...

Une voix: Le questionnement.

Mme Harel: Oui, résoudre la question en déposant la grille, qui, en fait, signale bien que, en bas de 100 000 $, le modèle québécois est plus généreux. Il faut faire un revenu de plus de 100 000 $ pour retrouver, finalement, dans le modèle fédéral... Alors, vous savez qu'il y a 1 % des Québécois qui déclarent des revenus supérieurs à 100 000 $.

Une voix: Familial?

Mme Harel: Familial, oui.

Une voix: On voit ça, que tu as des bons revenus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Effectivement, c'est ce que j'avais compris. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est ce que j'avais compris. Alors, Mme la députée de Sherbrooke, très courte, très courte...

Mme Malavoy: Il y a une question qui m'intrigue et qui est importante, que vous avez évoquée rapidement, c'est le fait que vous craignez un déplacement des conflits du domaine financier à celui de la garde. Comme, moi, je ne suis pas très familière avec ces questions-là, j'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus l'objet de cette crainte.

(16 h 40)

Mme Clairmont (Suzanne): On dit que c'est une crainte dont il faut tenir compte parce qu'il arrive que le payeur alimentaire va vouloir offrir ou va vouloir faire une demande de garde pour éviter d'avoir à payer. C'est-à-dire que la motivation pour demander la garde des enfants va être pour ne pas payer. Alors, on craint... C'est une crainte. Alors, on dit: Il faut bien présenter... Et c'est pour ça qu'on précise aussi qu'on veut qu'il y ait des documents qui expliquent bien la responsabilité parentale, pour éviter cette crainte-là. Parce qu'on le voit devant les tribunaux, ça. On le voit régulièrement devant les tribunaux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie beaucoup, Mmes Clairmont et Héroux.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci pour votre participation.

J'invite maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec à prendre place immédiatement.

Bonjour. Me Piette, je vous invite à présenter madame qui vous accompagne, nom et titre, pour fins d'enregistrement, et à commencer votre présentation.


Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Piette (Maurice): Alors, je suis Maurice Piette, vice-président de la Chambre des notaires. Je suis accompagné par Me Luce Samoisette, qui est notaire fiscaliste, professeure et vice-doyenne à l'enseignement de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke.

En juin dernier, le gouvernement québécois rendait public, pour consultation, un modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants. La Chambre des notaires est heureuse de l'opportunité qui lui est offerte de présenter aux membres de la commission des affaires sociales ses commentaires sur ce document de consultation.

Le principal objectif visé par l'adoption de ce modèle est d'aider les parties et le tribunal à fixer les montants de pensions alimentaires pour enfants tout en assurant aux familles placées dans des situations analogues un montant similaire de pensions alimentaires.

Dans le cadre du présent mémoire, nous nous sommes d'abord demandé si l'objectif poursuivi par le législateur sera atteint, avec l'adoption du modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants tel que proposé. De plus, nous nous sommes interrogés sur l'impact de ce modèle sur la pratique notariale, lors de la rédaction de conventions de rupture ou lors de consultations juridiques à ce sujet.

Les préoccupations du gouvernement relatives à la fixation des pensions alimentaires pour enfants sont réelles et tout à fait légitimes. En effet, les intervenants en milieu familial conviennent que les pensions alimentaires pour enfants sont actuellement trop basses, que le tribunal et les parents eux-mêmes sous-estiment les besoins de base des enfants et qu'en conséquence ce sont ces derniers qui en souffrent.

De l'avis de bon nombre d'experts, un modèle de fixation, tel que celui proposé par le gouvernement, réglerait ce problème. Le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants, lorsqu'il sera adopté, influencera incontestablement la pratique du droit familial. En effet, vous pourrez constater, avec les commentaires qui suivent, qu'il sera possible dans la majorité des cas de déroger à la grille.

Mentionnons, tout d'abord, en ce qui concerne le problème du calcul de l'impact fiscal des pensions alimentaires pour enfants, qu'il est vrai que les nouvelles dispositions sont plus simples. Il ne faut cependant pas oublier que la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants constitue une perte financière pour plusieurs contribuables, puisque la loi ancienne demeurait, en quelque sorte, une faveur consentie par le législateur aux parents divorcés ou séparés en leur permettant de fractionner leurs revenus. Il appert que les nouvelles règles engendreront une perte pour environ 70 % des couples concernés et que le gagnant de ce débat juridique sera, sans aucun doute, le ministère du Revenu.

Enfin, il est important de souligner que la pauvreté de plusieurs enfants au Québec et au Canada n'est pas uniquement due à l'insuffisance des montants versés à titre de pensions alimentaires, mais qu'elle découle aussi du fait que plusieurs parents ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour satisfaire leurs besoins essentiels et ceux de leur famille. Alors, comment pourraient-ils mieux y parvenir après une rupture?

À la lecture du document de consultation, la Chambre des notaires en est venue à la conclusion qu'aucune des différentes méthodes envisagées pour calculer les coûts relatifs aux enfants ne semble vraiment adéquate. La méthode retenue, qui consiste à faire une simple répartition du coût monétaire de l'enfant en proportion des revenus de chacun des parents, ne constitue pas un changement significatif, puisqu'il s'agit de la méthode déjà utilisée par les tribunaux. On énonce que la contribution supérieure exigée par le parent non gardien compense pour une fraction des coûts non monétaires assumés par le parent gardien. Or, à notre avis, rien dans la grille ne démontre que l'on a réellement tenu compte de cet apport.

Concernant la détermination du revenu, nous croyons qu'il faudrait préciser le sens donné au terme «revenu». Le texte indique clairement que le revenu annuel des parents n'inclut pas le revenu de pension alimentaire et les transferts gouvernementaux. À notre avis, d'autres précisions devraient être ajoutées: S'agit-il du revenu total des deux parents pour l'année, c'est-à-dire tant les revenus d'emploi et d'entreprise que les revenus de placement, les intérêts, les dividendes, les revenus de loyer, et le reste?

Par ailleurs, le «Guide de fixation des pensions alimentaires pour enfants», à la ligne 200, apporte quelques précisions que nous ne retrouvons pas au document de consultation. À l'égard du revenu des parents, le guide de fixation précise de quoi il est constitué. Il comprend les revenus d'emploi d'un travail autonome, les revenus de placement, quelques transferts et certains autres revenus. À notre avis, il faudrait définir, à l'intérieur du document de consultation, quels sont les revenus visés par la partie 2 du guide.

De plus, il est clair que tous les transferts gouvernementaux liés à la famille ne seront pas considérés dans l'établissement de la contribution alimentaire. À notre avis, il est plus ou moins équitable de ne pas tenir compte de certains transferts gouvernementaux. En effet, dans certains cas, ces transferts peuvent représenter un montant appréciable. Le législateur, quant à lui, justifie sa position en affirmant qu'à des fins de simplification les transferts gouvernementaux liés à la famille ne sont pas considérés dans le calcul de la pension. D'ailleurs, prétend-il, les estimations effectuées à cet effet donnaient des montants non significativement différents, que l'on inclue ou non ces transferts.

Nous sommes en désaccord avec cette affirmation. Nous croyons que certains transferts peuvent parfois être significatifs et qu'une étude approfondie des différents programmes gouvernementaux en la matière serait nécessaire, à ce stade-ci, afin de connaître l'impact réel de ces programmes sur le budget familial. En conséquence, la grille devrait tenir compte de ces transferts et, de plus, afin d'éviter les problèmes engendrés par des modifications législatives à ces programmes ou à toute autre loi ayant une incidence sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, nous recommandons que la grille soit révisée de façon périodique.

Par ailleurs, l'exemption personnelle de base proposée ne nous apparaît pas être suffisamment élevée. Appliquer les critères de la sécurité du revenu à l'ensemble de la population nous semble tout à fait discutable. On doit aussi tenir compte du niveau de vie des parents avant la rupture du couple pour déterminer le montant qui leur est nécessaire pour satisfaire leurs besoins essentiels.

Dans le même ordre d'idées, tenir compte de la situation maritale de l'un ou l'autre des parents après la rupture, en accordant à la personne seule une exemption de 1 200 $, nous semble plus ou moins opportun. Il est vrai que ce montant peut sembler attrayant pour les personnes à faibles revenus. Cependant, il ne faudrait pas que l'un ou l'autre des parents y accorde une importance telle que cela aurait pour effet d'encourager le maintien artificiel de deux logements distincts, et ce, pour diminuer le montant de la pension.

Également, nous sommes d'opinion que la déduction permise pour les cotisations professionnelles devrait être précisée. En effet, afin d'éviter certains abus ou certaines interprétations libérales du terme «cotisations professionnelles», il faudrait, à notre avis, indiquer qu'il s'agit des cotisations professionnelles incluant l'assurance-responsabilité obligatoire dont le paiement est nécessaire pour la conservation d'un statut professionnel reconnu par la loi. De plus, cette déduction ne devrait pas être accordée si le parent a droit d'être remboursé par son employeur ou par toute autre personne.

(16 h 50)

Finalement, selon le document de consultation, le fait que l'un ou l'autre des parents doive subvenir aux besoins d'une autre personne à charge peut constituer un motif pour soulever le caractère excessif de la contribution et demander au tribunal d'écarter la grille et de statuer selon ce qu'il juge approprié. Or, cette situation est très fréquente, dans la majorité des cas, l'un ou l'autre des parents devant assumer la charge soit de l'autre parent, soit de l'un ou de plusieurs enfants issus d'une union antérieure ou postérieure à la rupture. Est-ce à dire que le principe devient l'exception et que la grille ne constituera, dans la majorité des cas, qu'un instrument consultatif? De plus, selon le document de consultation, le modèle proposé devrait être accompagné de certaines règles, à cet égard. Or, nous ne retrouvons malheureusement aucune indication à ce sujet, dans la grille ou dans le texte. Nous ne pouvons que déplorer cette absence de précision dans le document de consultation.

Quant à la contribution des parents, selon le modèle proposé, la contribution de base est fixée à partir de la grille et, lorsqu'une partie veut déroger à son application, elle a le fardeau de prouver qu'elle se trouve dans une situation prévue aux règles de fixation. Or, à la lecture du document de consultation, il appert que la preuve nécessaire est celle d'une difficulté excessive qui résulterait de l'application de la grille. Certains exemples sont donnés: difficultés reliées à l'exercice du droit de visite, obligations alimentaires à l'endroit d'autres personnes que l'enfant, dettes importantes contractées pour les besoins familiaux, et le reste.

Ces exemples sont à titre indicatif, et le tribunal dispose du pouvoir discrétionnaire de déroger à l'application de la grille. Dans ces conditions, il est tout à fait justifié d'exiger des tribunaux et des parents qu'ils expliquent les raisons qui les ont conduits à écarter l'application de la grille. À défaut, on se retrouverait dans la même situation que celle qui est présentement dénoncée, c'est-à-dire un trop large pouvoir discrétionnaire du tribunal. Dans ce contexte, l'instauration de la grille n'aurait été d'aucune utilité.

On peut aussi penser que, lorsque les parties négocieront entre elles le montant de la pension alimentaire, le notaire ou l'avocat qui rédigera la convention de rupture devra lui aussi expliquer les motifs économiques ou autres qui ont conduit les parents à déroger à l'application de la grille. À défaut de ce faire, le tribunal, avant d'entériner la convention, devra évaluer cette question et statuer lui-même sur l'opportunité de déroger à l'application de la grille. Il nous semble que de telles informations sont nécessaires dans l'intérêt de l'enfant et qu'elles sont, en conséquence, pleinement, justifiées.

En ce qui concerne la contribution de base du parent à faibles revenus, le document de consultation ne donne aucune définition de ce que l'on entend par «travailleur à faibles revenus». On peut penser qu'il s'agit de celle édictée par la Sécurité du revenu. Nous avons déjà mentionné que le montant de l'exemption personnelle de base ne nous apparaissait pas suffisamment élevé. Et, en conséquence, le moyen présenté comme étant un incitatif pour le parent à faibles revenus à conserver son emploi, soit le plafond de 50 % des ressources disponibles, nous apparaît peu réaliste pour rencontrer l'objectif visé. En réalité, cela signifie que, dans le cas d'un parent qui dispose seulement des ressources nécessaires pour satisfaire ses propres besoins essentiels, il disposera, après le paiement de la pension, de la moitié des ressources nécessaires pour satisfaire ses besoins essentiels, que l'on aura pu fixer, par l'application de l'exemption personnelle de base, à un niveau très bas. Dans ces conditions, comment espère-t-on inciter le parent à faibles revenus à conserver ou à chercher un emploi?

En ce qui a trait aux autres facteurs à considérer, soit les frais médicaux, les frais de garde et les autres frais particuliers, on comprend facilement que ceux-ci varient énormément selon les situations et que leur évaluation ne peut être incluse dans la grille elle-même. Les montants adéquats doivent être déterminés par les parents ou, à défaut, par le tribunal. En fait, il s'agit de la principale difficulté reliée à l'application uniforme de la grille. De plus, nous sommes d'avis qu'il faudrait préciser quels sont les frais de garde éligibles à cette déduction. Par exemple, il pourrait s'agir des frais de garde payés par le parent gardien, pour lui permettre de travailler ou de poursuivre des études. Encore une fois, le «Guide de fixation des pensions alimentaires pour enfants» contient des éléments que nous ne retrouvions pas au document de consultation. Il est essentiel que les précisions, à la ligne 303, concernant les frais de garde admissibles n'ayant pas fait l'objet d'un remboursement se retrouvent également dans le document de consultation.

Par ailleurs, le mode de garde choisi par les parents ou ordonné par le tribunal devient aussi un élément très important dans la fixation du montant de la pension. Or, l'application de ce critère ne se fera pas sans soulever certaines difficultés. D'une part, la définition des termes «garde conjointe», «garde partagée», «garde exclusive» et «garde exclusive et conjointe simultanée» est superficielle, dans la grille. Il sera parfois très difficile de déterminer avec exactitude dans quelle catégorie l'on se situe. De plus, on doit relier la notion de garde à celle d'exercice de l'autorité parentale, pour éviter des conflits perpétuels entre les parents. La multiplication des modèles de garde proposés dans la grille risque d'entraîner encore plus de confusion concernant l'exercice de l'autorité parentale et les pouvoirs résiduels du parent non gardien. S'il est tout à fait normal de tenir compte du temps que l'enfant passe avec chacun de ses parents, au moment de statuer sur le montant de la pension alimentaire, il faut éviter de donner l'impression qu'il s'agit du critère le plus important. En effet, il ne faudrait pas que le montant de la pension à verser pour l'enfant devienne un outil de marchandage dans la décision d'un parent de demander soit un exercice conjoint de l'autorité parentale, soit des droits d'accès prolongés ou une alternance du lieu de résidence de l'enfant, puisque cette façon de faire s'avérerait tout à fait contraire à la notion d'intérêt de l'enfant. Nous craignons que ce soit parfois le résultat auquel on risque d'en arriver, en mettant une telle ampleur sur ce critère, dans la grille.

De plus, les différents modèles de garde proposés par la grille soulèvent d'autres problèmes. Dans tous les cas autres que le cas d'une garde exclusive, il faudra déterminer, dans la convention de rupture, lequel des parents pourra bénéficier des déductions pour frais de garde, pour frais médicaux, du crédit pour frais de scolarité et des crédits pour enfants à charge, et qui percevra la prestation fiscale pour enfants du fédéral et les allocations familiales du gouvernement provincial. Le document de consultation ainsi que la grille n'apportent aucune solution à cette problématique et, pire encore, ils n'en font aucunement mention. Est-ce nécessaire de soulever les problèmes que cela engendrera pour les praticiens, le tribunal et les parents?

La contribution alimentaire totale est composée de la contribution de base et des autres frais considérés. Malgré que l'on affirme, dans le document de consultation, que la contribution alimentaire totale doit autant que possible respecter la capacité de payer du parent débiteur, on ajoute aussi que l'application du cumul des contributions pourra faire en sorte qu'un parent non gardien se voie contraint de payer presque la totalité de son revenu disponible en pension alimentaire. Cette conclusion nous apparaît être la preuve que la méthode de calcul est déficiente pour le parent à faibles revenus.

Même si le tribunal peut exercer sa discrétion justiciable dans ce cas, il aurait été préférable de statuer qu'en deçà d'un certain niveau de revenu le parent non gardien est dispensé de payer une pension alimentaire pour ses enfants, comme la jurisprudence majoritaire le reconnaît actuellement. Évidemment, cette solution constitue un manque à gagner pour le parent gardien et pour l'enfant. Mais nous croyons qu'il est de la responsabilité de l'État de compenser cette différence. Cette façon de faire nous apparaît être le seul moyen efficace pour inciter le parent non gardien à conserver son emploi et à subvenir lui-même au moins à ses propres besoins essentiels. Le législateur ne peut raisonnablement espérer se dégager des programmes sociaux, éviter de mettre en oeuvre des mesures de soutien aux familles à faibles revenus et prétendre améliorer la situation des enfants.

Enfin, nous désirons attirer l'attention des membres de la commission sur les commentaires d'ordre général qui suivent. L'un des buts poursuivis par le législateur est d'augmenter le montant des pensions alimentaires payées pour les enfants afin de diminuer leur pauvreté. À notre avis, l'adoption de la grille telle que proposée ne garantit aucunement l'augmentation des contributions alimentaires pour les enfants, et ce, pour les raisons suivantes. D'abord, les parents pourront convenir d'un montant inférieur, s'ils motivent leur décision. Ensuite, la partie 3 de la grille accorde une discrétion dans la détermination des frais à considérer et dans leur proportion. La discrétion judiciaire conservera sa place, ce qui, à notre avis, ne permettra pas nécessairement de diminuer le temps de cour et les frais judiciaires.

(17 heures)

L'adoption d'une grille forcera les professionnels et le tribunal à distinguer entre les pensions alimentaires pour enfants et pour le conjoint. Ils devront d'abord déterminer la contribution alimentaire des enfants, puis, dans un deuxième temps, celle de l'ex-conjoint. Nous connaissons en pratique les problèmes soulevés par une telle démarche. Comment distinguer adéquatement les besoins des enfants de ceux de l'ex-conjoint? Dans la presque totalité des cas, ces besoins sont étroitement liés et ne peuvent, en conséquence, faire l'objet de distinctions claires. Par exemple, comment séparer le coût du logement ou de la nourriture entre les enfants et le parent? Par contre, même sans l'adoption d'une grille, nous serons confrontés à ces problèmes à compter du 1er mai 1997, et ce, en raison de la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants.

La grille place les familles de toutes les régions du Québec dans la même situation. Est-il besoin de mentionner les écarts de coût de vie entre certaines régions? Cette situation sera une autre raison permettant de déroger aux tables de fixation des pensions alimentaires. Pour ces motifs, nous recommandons une grille régionalisée.

De plus, la méthode de calcul utilisée nous apparaît déficiente, dans le cas du parent non gardien à faibles revenus, et les moyens envisagés pour l'inciter à conserver son emploi ne s'avèrent pas appropriés. Nous craignons qu'une telle méthode vienne augmenter le nombre de débiteurs qui quitteront leur emploi, considérant que les avantages qu'ils en retirent sont moins grands que les inconvénients. Le tribunal devra donc continuer d'user de son pouvoir discrétionnaire et faire en sorte que les décisions qui seront rendues soient le plus équitables possible.

L'adoption de la grille ne réglera pas tous les problèmes d'évaluation. En effet, certains frais devront être estimés par les parents ou, à défaut, par le tribunal. Dans certaines situations, ces frais feront même l'objet de négociations entre les parents. À titre d'exemple, mentionnons les frais d'activités parascolaires, les frais éducatifs, sportifs et autres.

Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer le manque de précision du document de travail qui nous a été soumis, puisque plusieurs points restent à définir. Par exemple, on y mentionne que l'entrée en vigueur de la table entraînera des modifications au Code civil du Québec, au Code de procédure civile et à la législation fiscale, de même que l'élaboration d'un règlement concernant les formulaires.

Il aurait été pertinent de soumettre à la consultation les modifications envisagées, afin que les intervenants puissent commenter la réforme dans son ensemble. Nous espérons vivement que la Chambre des notaires sera consultée, le cas échéant, lors de la présentation des diverses modifications législatives qui découleront de l'adoption d'un modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

En conclusion. L'établissement d'une table ne nous apparaît pas faciliter le calcul du montant des pensions alimentaires à verser pour les enfants, principalement à cause des nombreuses situations particulières qui nécessiteront des ajustements à la hausse ou à la baisse. Par contre, la table serait un outil de référence. Et l'obligation d'expliquer les motifs pour lesquels on a dérogé à son application forcerait les parents ou le tribunal à évaluer avec beaucoup plus de rigueur la question de la pension, ce qui constitue une amélioration considérable. Et, enfin, je vous souligne que les recommandations de la Chambre des notaires se retrouvent dans le mémoire qui vous a déjà été soumis. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à prendre la parole.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Piette. Est-ce que c'est votre première commission parlementaire?

M. Piette (Maurice): Effectivement, oui.

Mme Harel: Oui, c'est bien ça, depuis votre élection à la vice-présidence de la Chambre.

M. Piette (Maurice): Effectivement.

Mme Harel: Et Me Samoisette, qui êtes également sur le conseil de direction de la Chambre des notaires?

Mme Samoisette (Luce): Non. Je suis professeur à l'Université de Sherbrooke.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Dites-moi, Me Piette, à choisir entre adopter une grille ou ne pas en adopter, qu'est-ce que vous choisiriez?

M. Piette (Maurice): Écoutez, je choisirais d'en adopter une, oui.

Mme Harel: Bon. Là, nous, on a le choix entre celle du fédéral et celle qui est déposée. Incidemment, peut-être juste vous rappeler que le document de consultation était assorti d'un guide et que ce guide devait se lire – j'imagine que le guide... on me dit qu'il vous a été aussi transmis – «Guide de fixation des pensions alimentaires pour enfants». Je pense que c'est important de comprendre que c'est sur le tout qu'on consulte, sur le guide et sur le document.

M. Piette (Maurice): O.K.

Mme Harel: Et, il faut lire l'un et l'autre quasi simultanément. Et, dans le guide, on y décrit bien, à la partie 2, le calcul des revenus disponibles des parents.

Dans les revenus, on inclut les revenus d'emploi, les revenus de travail autonome, les revenus de transferts, assurance-emploi, régime de rentes, Commission de la santé et de la sécurité du travail. On y inclut les revenus de placements, intérêts sur obligations, dividendes, autres revenus de placements, tous les autres revenus, bourses d'études, dons, etc., ce qui fait qu'en conséquence, évidemment, dans les modifications qui vont être introduites au Code civil et au Code de procédure civile également, il y aura des modifications sur le terme «revenu» qu'il faut envisager, suite à ce guide, finalement, et à ce qu'on y retrouve à la partie 2.

Mais je reviens sur des questions de fond que vous avez posées. J'aimerais aborder tout de suite celle concernant le parent gardien. Abordons plutôt la question, parce qu'elle est liée aussi au parent gardien, qui est le fait que, dans le modèle québécois proposé, on n'inclut pas les transferts gouvernementaux. Effectivement. Et je voudrais que Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne écoute attentivement parce que... Je sais qu'elle le fait toujours, mais je me rappelle à son attention tout simplement pour lui indiquer que c'est là une des façons, justement, de prendre en considération la contribution du parent gardien. Parce que c'est sûr que c'est difficile – on en a parlé, tantôt, lors de l'échange qui a eu lieu entre Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et le groupe qui vous a précédés – comment évaluer la contribution du parent gardien, non monétaire, en fait. La façon de le faire, qui est dans le modèle proposé, c'est de ne pas prendre en considération les transferts gouvernementaux au titre des enfants dans le revenu disponible du parent gardien, de façon, justement, à ce qu'il y ait une sorte de forme de compensation des coûts non financiers de la garde d'enfants. Il y a un choix derrière ça. On peut le questionner. Ce choix-là est celui des transferts gouvernementaux et également celui du crédit d'impôt pour enfants à charge. Il demeure toujours un crédit d'impôt pour enfants à charge, en tout cas au niveau québécois. Il est disparu au niveau fédéral. Mais ce crédit d'impôt pour enfants à charge, qui est à peu près de 500 $... C'est 20 %, le crédit d'impôt, et il est autour d'une valeur d'environ 500 $ à 600 $.

Mme Samoisette (Luce): 600 $ pour deux enfants.

Mme Harel: C'est ça. Pour deux, à ce moment-là. Justement, ça aussi, c'est un choix. Il faut comprendre que c'est le choix de trouver une forme de compensation pour les coûts non financiers. Alors, il y a donc là une façon de tenir compte du parent gardien.

Mme Samoisette (Luce): Je peux répondre?

Mme Harel: Oui, certainement.

Mme Samoisette (Luce): C'est que, dans le modèle de fixation des pensions alimentaires, le gouvernement dit qu'on ne tient pas compte des transferts gouvernementaux parce qu'il s'agit de montants minimes. Alors, si vous en tenez compte, d'après ce que vous nous dites, vous en tenez compte justement pour... C'est-à-dire que vous en tenez compte parce que c'est la contribution du parent gardien, mais il faudrait le dire. Ce n'est pas ce qui est dit dans le guide.

Mme Harel: Bon. Alors...

Mme Samoisette (Luce): On dit qu'on n'en tient pas compte parce que ce sont des montants minimes.

Mme Harel: Vous avez raison. Et on va le dire.

Mme Samoisette (Luce): Voilà.

Mme Harel: Parce que ça reste symbolique. Par exemple... Je me suis fait faire des exemples et, d'ailleurs, il y a le vôtre aussi, dans votre mémoire. Vous-mêmes, vous partez d'un revenu disponible de 20 000 $ pour chacun des parents et ensuite vous le ventilez, et ça donne finalement une pension alimentaire de 225 $ de plus par année. On peut penser, dépendamment du point de vue où on se place, que c'est significatif ou pas. Les gens qui pensent que ça ne l'est pas, c'est parce qu'ils ne savent pas ce que c'est, être en manque de 225 $ par année pour envoyer son enfant faire du hockey. Quand on est en manque de 225 $, on trouve que c'est un très, très gros montant. Alors, moi aussi, je trouve que c'est significatif, mais ça reste symbolique, cependant. Mais, tout symbolique que ce soit, c'est quand même ce montant-là, si vous voulez, qui est calculé. Vous le calculez à partir de la prestation fiscale pour enfant. Il faut que vous ajoutiez à ça le crédit d'impôt pour enfants à charge.

Mme Samoisette (Luce): Qui serait, dans ce cas-là, de 600 $.

Mme Harel: Et vous ajoutez à ça, quand même, les autres transferts, dont les allocations familiales québécoises. Alors, ça reste des montants substantiels, je pense. Et vous avez raison de dire qu'il va falloir nommément spécifier que c'est pour reconnaître le coût non financier de la garde des enfants.

Mme Samoisette (Luce): D'accord.

Mme Harel: D'autre part, vous abordez aussi la question du parent non gardien. Là, peut-être qu'il y a une sorte de... Je pense qu'il y a une sorte de malentendu. Dans le modèle fédéral de fixation, vous savez que c'est encore beaucoup plus élevé, ce qu'on demande au parent non gardien pauvre, dans le fond. Par exemple, à 10 000 $ de revenus bruts, on lui demanderait une pension de 1 272 $. Tandis que, dans le modèle québécois, on lui demanderait une pension de 782 $. Il y a quand même déjà, en partant, 500 $ de moins pour le parent non gardien qui est, si vous voulez, à faibles revenus.

(17 h 10)

Mais il y a un autre élément aussi, c'est qu'on tient compte de ses revenus de travail. Ça, c'est une incitation. Je vais vous donner un exemple. On demandait pourquoi le montant de l'exemption était à 6 840 $. C'est parce que c'est le montant de l'exemption personnelle de base au niveau de la fiscalité. C'est à ce niveau-là – et ça, c'est fait par le gouvernement précédent et on n'a pas changé parce que ça a l'air être un consensus de société – c'est à 6 840 $ que commencent les déductions personnelles. C'est la déduction personnelle, c'est à 6 840 $, à moins qu'il y en ait d'autres déductions qui s'ajoutent, c'est le montant de l'exemption personnelle de base. Ça vaut pour la fiscalité, donc. Ça vaut aussi pour un travailleur à faibles revenus ou pour une personne qui est assistée.

Nous, on pense qu'il ne faut pas établir, le moins possible, des programmes en fonction du statut de la personne, mais en fonction de son revenu. Si c'est en fonction de son statut, ça crée un sentiment d'inéquité. Un travailleur à faibles revenus qui n'a pas accès, par exemple, aux mêmes, disons, considérations qu'une personne assistée sociale, même au même revenu, il a l'impression qu'il y a une injustice qui lui est faite. Alors, si la personne travaille, à ce moment-là, vous voyez, elle a des exemptions qui s'ajoutent. On part du 6 840 $; ensuite de ça, on ajoute le 893 $ pour des déductions à la Régie des rentes; et, après, on ajoute le 1 151 $ pour les déductions – vous le recommandez, d'ailleurs – à l'assurance-emploi – ça, c'est l'assurance-chômage, en fait, pour se comprendre – donc, finalement, grosso modo, c'est autour de 8 800 $.

Mme Samoisette (Luce): Ce serait moins que ça, parce qu'un travailleur qui gagnerait un petit montant ne contribuerait pas autant que ça à la Régie des rentes et à l'assurance-chômage. Donc, ce serait peut-être 300 $ au total, les deux, ou 400 $ dans une année.

Mme Harel: La déduction de la Régie des rentes et la déduction de l'assurance-emploi, vous l'évaluez à combien, à peu près?

Mme Samoisette (Luce): À peu près à 300 $, 400 $, si quelqu'un a un salaire de 6 800 $.

Mme Harel: Chacune ou les deux ensemble.

Mme Samoisette (Luce): Ce ne serait pas beaucoup plus, les deux ensemble.

Mme Harel: Vraisemblablement, oui, parce que, à la différence de ce qu'on connaissait avant le 1er juillet, maintenant, chaque heure... la première heure travaillée va être cotisée à l'assurance-chômage, ce qui n'était pas le cas avant. Donc, ça va modifier, malgré tout, la contribution.

Mme Samoisette (Luce): Il y a un maximum de gains assurables, à chaque année, comme il y a un maximum de gains assurables à la Régie des rentes aussi, donc...

Mme Harel: Il y a un plafond...

Mme Samoisette (Luce): ...il y a un plafond.

Mme Harel: ...mais il n'y a plus de plancher. Avant, il y avait un plancher.

Mme Samoisette (Luce): La Régie des rentes, c'est un maximum aux alentours de 32 000 $. Donc, si on est à 6 000 $, on ne paiera pas 850 $ de cotisation à la Régie des rentes par année.

Mme Harel: Oui, c'est vrai, effectivement. Mais, vous, vous dites que ça va être autour de 300 $ à 400 $, plus le 6 840 $; donc, on est à 7 240 $, à peu près.

Mme Samoisette (Luce): Ce qu'on dit, ce n'est pas nécessairement de modifier l'exemption de base selon chaque cas, étant un cas d'espèce, c'est de dire qu'on trouve que 6 840 $, ce n'est pas suffisant pour tout le monde.

Mme Harel: Oui, mais 6 840 $, c'est l'exemption personnelle de base.

Mme Samoisette (Luce): Oui, mais vous avez dit que vous avez pris en considération que c'est l'exemption de base qui est reconnue au niveau fiscal. Elle est reconnue au niveau fiscal pour des fins de fiscalité. Ce n'est pas nécessairement basé sur les taux de seuil de pauvreté, c'est pour des fins de fiscalité.

Mme Harel: Ça dépend du niveau de seuil de pauvreté, parce que ça dépend des indicateurs qu'on utilise. Alors, évidemment...

Mme Samoisette (Luce): Ces montants-là devraient être indexés...

Mme Harel: Vous, vous dites: Globalement, on devrait...

Mme Samoisette (Luce): Hausser.

Mme Harel: ...hausser ces montants-là...

Mme Samoisette (Luce): Pour tout le monde.

Mme Harel: ...mais pas simplement pour les pensions alimentaires, en fait...

Mme Samoisette (Luce): Pour la fiscalité aussi, effectivement.

Mme Harel: ...pour la fiscalité aussi, etc. Donc, ça, je comprends que c'est plus un point de vue général, si vous voulez, sur ces questions-là. Mais il demeure que, si on reconnaît, à ce moment-là, au travailleur à faibles revenus, n'est-ce pas, qu'il commence à verser de l'impôt à ce niveau-là, je comprends qu'il va être difficile d'envisager qu'il n'a pas en priorité au moins à contribuer, même si c'est très minimalement, pour la charge d'un enfant.

Mme Samoisette (Luce): Il faut faire attention, le 6 840 $, au niveau de l'impôt, ça justifie un crédit d'impôt remboursable au niveau du Québec. Alors, on ne commence pas à payer de l'impôt dès qu'on fait 6 882 $ au provincial. Il faudrait monter aux alentours d'environ – je n'ai pas vérifié, je n'ai pas mes tables avec moi – 10 000 $ à 11 000 $ de revenus, au Québec, pour commencer à payer de l'impôt. Le 6 840 $, c'est un crédit remboursable qui constate les besoins de base, mais selon la Loi sur les impôts.

Mme Harel: Oui, vous avez raison. Mais il y a aussi d'autres crédits. Par exemple, si la personne habite seule, elle va avoir un autre crédit d'impôt de 1 200 $, qui est aussi pris en considération dans la grille. Donc, on est à 6 840 $, plus 1 200 $; à ce moment-là, on se trouve à être à 8 000 $, si tant est qu'il y ait des cotisations. Si la personne, à ce moment-là, n'a pas de revenu de travail, il n'y en aura pas. Alors, ce que vous nous dites, finalement, c'est que vous pensez que ça peut avoir une incidence pour inviter le parent non gardien à quitter son emploi.

Mme Samoisette (Luce): Pour les parents à faibles revenus. Pas dans tous les cas, naturellement.

Mme Harel: Bon. Mais vous le voyez à quel niveau, le seuil?

Mme Samoisette (Luce): Il faudrait faire les chiffres au niveau de... Parce qu'il n'y a pas seulement la fiscalité. Si quelqu'un, par exemple, fait 200 $ par semaine, qui lui donnent 10 400 $ par année, 10 400 $ de revenus, si cette personne-là a un revenu de salaire de 10 400 $ et qu'elle peut être assujettie à une pension alimentaire, là, on se dit: De toute façon, il va avoir un seuil de 50 %, ça va lui garantir au moins 50 %, qui vont lui rester, entre le 10 400 $ et le 6 840 $, d'accord? Sauf que, si cette personne-là considère les autres avantages, par exemple, si elle est sur l'aide sociale, le remboursement de certains frais, la gratuité de certains frais, peut-être qu'en bout de ligne, l'avantage de garder son emploi, elle ne le verra pas. On le sait qu'à long terme on est d'accord qu'il y a un avantage à garder l'emploi, mais peut-être que cette personne-là ne le verra pas à court terme.

Mme Harel: En fait, vous voyez, c'est peut-être parce qu'il faut introduire des mesures comme celle-là dans un ensemble. Alors, comme on est à préparer une réforme de la sécurité du revenu, c'est évident qu'elle va devoir être harmonisée avec l'ensemble des autres dispositions. Mais je pense que l'élément peut-être le plus important est le suivant: c'est que, dorénavant, le plus possible, toutes les mesures implantées le seront en fonction du revenu et non du statut, de manière à ce que ce que certains considéraient comme des avantages à l'aide sociale puisse être aussi disponible pour des travailleurs à faibles revenus.

Mme Samoisette (Luce): Oui. Juste vous rajouter qu'on n'est pas en défaveur de la grille, loin de là. Mais on fait juste vous soulever: Faites attention pour ne pas que ça incite des gens, justement, à quitter leur emploi, parce que c'est important de le conserver, et tout ça. Alors, on n'est pas en défaveur de la grille, loin de là.

Mme Harel: Je le comprends

Mme Samoisette (Luce): Je voulais juste, également, si vous me le permettez, revenir sur votre première intervention au niveau de la définition de revenu, juste préciser que, d'abord, c'est le document de consultation qui nous a été soumis, où on ne définissait pas «revenu», et, la semaine d'après, on a obtenu le guide. Mais, même avec le guide, j'aimerais que vous preniez en considération qu'on inclut dans «autres revenus», par exemple, des dons qu'on aurait reçus. Mais est-ce que des dons doivent vraiment faire partie des revenus? C'est des questions qu'il faut se poser.

Mme Harel: Tout à fait. Alors, je...

Mme Samoisette (Luce): Alors, c'est pour ça qu'on dit que la définition de revenu, elle doit quand même être là, puis on ne doit pas juste dire: Tous les revenus, il faut définir qu'est-ce que c'est, un revenu, pour fins de pension alimentaire.

Mme Harel: Vous avez tout à fait raison de dire que, de toute façon, ça devra l'être dans le projet de loi qui modifiera le Code civil et le Code de procédure civile. Et je comprends que, que ce soit dans le cadre d'une séance de travail, la Chambre des notaires entend être consultée sur les modifications qui seront apportées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, merci. Je trouve la discussion très intéressante parce que j'avais comme première question... Votre exemple, ici, à la page 6, m'avait fait penser que, peut-être, on pouvait... Parce que vous dites, finalement: «En considérant son revenu total, le parent gardien recevra environ 2 000 $ non imposables du gouvernement fédéral», ce qui m'avait fait cliquer. Je me suis dit: Bien, mon Dieu, c'était peut-être une façon, finalement, par les transferts gouvernementaux, de reconnaître au parent gardien la reconnaissance des coûts. Alors, je suis contente d'entendre la ministre, que ça a été pensé.

J'aimerais revenir à la page 7, quand vous parlez de: «...une exemption de 1 200 $ nous semble plus ou moins opportun. Il est vrai que ce montant peut sembler attrayant pour les personnes à faibles revenus.» Un peu plus loin, vous continuez: «Cependant, il ne faudrait pas que l'un ou l'autre des parents y accorde une importance telle que cela aura pour effet d'encourager le maintien artificiel de deux logements distincts pour diminuer le montant de la pension.»

Quand vous parlez d'un montant artificiel...

Une voix: Le maintien.

Mme Loiselle: ...est-ce que vous présumez de la fraude que les... «Artificiel», c'est inventer quelque chose, c'est créer quelque chose qui n'existe pas. Est-ce que vous présumez de la fraude de la part de certains...

Mme Samoisette (Luce): Pas nécessairement, mais peut-être le retard à commencer à vivre avec une autre personne, le temps de fixer les pensions alimentaires juste pour pouvoir déduire 1 200 $. Ce n'est pas nécessairement la fraude, mais ça peut aller jusqu'à la fraude. Mais, s'il y a fraude, on peut le prouver.

Mme Loiselle: Pensez-vous que les gens s'en serviraient de façon indécente ou si c'est seulement quelques cas isolés?

Mme Samoisette (Luce): Ça serait quelques cas isolés, parce que ça serait probablement pour les gens à plus faibles revenus. Parce que 1 200 $, qui vont être proportionnés, de toute façon, avec la grille, ça ne sera pas un gros montant.

Mme Loiselle: Non, c'est ça. Parce que, par mois, quand on parle... lié au logement, là...

(17 h 20)

Mme Samoisette (Luce): Donc, ça serait pour quelques cas. Mais, pour les gens à faibles revenus, c'est important, 1 200 $.

Mme Loiselle: Oui. Je suis d'accord avec vous. Un peu plus loin, à la page 13, on revient sur le temps que l'enfant partage avec ses parents pour statuer de la pension alimentaire. Il y a eu un échange tantôt intéressant avec les représentantes de l'Association de médiation familiale. Moi, je me questionne. Vous dites qu'il est tout à fait normal de tenir compte du temps que l'enfant passe avec chacun des parents pour statuer du montant, mais un peu plus loin, vous parlez que ça pourrait devenir un outil de marchandage. Afin, peut-être, d'éviter ça, est-ce que vous suggérez que le temps, finalement, que l'enfant passe avec ses parents ne soit pas comptabilisé?

Mme Samoisette (Luce): Non, ce n'est pas ce qu'on voulait dire exactement quand on a rédigé ça. C'est que, de la façon dont la grille est rédigée, on accorde beaucoup d'importance au temps que le parent non gardien, entre guillemets, passe avec l'enfant pour déterminer les frais. Mais il ne faudrait pas que, dans la grille, cette importance-là fasse qu'un parent se dise: Bien, si je demande plus de 30 % du temps, je vais payer une moins grosse pension. C'est difficile de passer à côté de ça, de régler ce problème-là. Mais il faut faire attention aussi. Nous, le plus gros problème qu'on y voyait, c'était avec le Code civil, parce que la garde, le temps de garde et l'autorité parentale, c'est deux choses différentes. Et, là, ça va tout se mêler, tout ça ensemble. Et, dans la grille, on mentionne la garde simultanée, des choses comme ça qui n'existent pas dans le Code civil. Alors, il y a des modifications qui devront être suivies au Code civil pour faire suite à ça, ou modifier la grille et ne pas parler de ces termes-là parce que le Code n'en parle pas.

Mme Loiselle: Alors, finalement, cette mesure-là, dans la grille, peut engendrer des problèmes.

Mme Samoisette (Luce): Oui, parce qu'il y a une grosse partie de la grille qui est consacrée au temps de garde. On y voit un danger. Mais on considère que c'est important de considérer que, oui, si je l'ai 50 % du temps, l'enfant, bien, la pension devrait être diminuée.

Mme Loiselle: Il faudrait peut-être que ça soit plus balisé ou encadré, ou...

Mme Samoisette (Luce): Oui.

Mme Loiselle: Qu'est-ce que vous suggérez? Avez-vous étudié quelques avenues à cet égard-là?

Mme Samoisette (Luce): Bien, la première avenue qu'on a envisagée, c'est justement de soit modifier le Code civil pour reconnaître ces termes-là, que ça soit défini au niveau de l'autorité parentale aussi, ou plutôt de ne pas utiliser les termes et de revenir à ce qui est déjà utilisé dans le Code civil au niveau de la garde, et maintenir ça.

Mme Loiselle: C'est quoi, les termes, parce que, moi, je...

Mme Samoisette (Luce): Je les mentionne, il faudrait juste que je vous trouve l'endroit. Dans la grille, on mentionne «garde conjointe», «garde partagée», «garde exclusive», «garde exclusive et conjointe simultanée». C'est ces termes-là qui n'existent pas tous dans le Code civil. On a une garde...

Mme Loiselle: Qui n'existent pas tous dans le...

Mme Samoisette (Luce): Non, non. C'est ça.

Mme Loiselle: Ah! O.K. Puis, dans le Code civil, quels sont les termes?

Mme Samoisette (Luce): C'est la garde... Quand on emploie... Bien, là, c'est parce qu'il y a un débat en jurisprudence, aussi, en doctrine sur «garde conjointe», tout ça. Donc, on ne s'entend pas sur la définition de ça. Alors, si on le met dans la grille, on peut avoir des problèmes.

Mme Loiselle: O.K.

Mme Samoisette (Luce): C'est dans ce sens-là.

Mme Loiselle: Merci. Me Piette, je pensais que vous aviez un commentaire.

M. Piette (Maurice): Non, ça va.

Mme Loiselle: Non? O.K. Je trouvais ça intéressant, parce que vous êtes les seuls qui l'avez soulevé, à la lecture des mémoires que j'ai faite, quand vous dites qu'il faudrait déterminer qui va bénéficier des différentes déductions. Je ne sais pas si la ministre aura la chance de peut-être nous... si on s'est penché sur ça, à savoir qui recevra toutes les déductions.

Mme Harel: Oui, c'est qu'actuellement les déductions le sont au parent gardien, sauf s'il y a garde conjointe où les parents peuvent demander un partage. Alors, ça va le rester, en fait. Il n'y a pas de modification, à date, à moins qu'il y ait des représentations qui nous soient faites au contraire.

Mme Samoisette (Luce): Ça pose des problèmes au niveau pratique, ça, parce que, quand on a la garde exclusive, il n'y en a pas, de problème, parce que c'est le parent gardien qui va réclamer tous les frais. Mais, dès qu'on commence à avoir une garde partagée, on partage le temps, et dès qu'on défraie les coûts chacun de notre côté, des frais de garderie ou des frais de scolarité, il n'y en a qu'un seul qui peut les réclamer, la plupart du temps. Ou on peut s'entendre pour les prorater, sauf que, la plupart du temps, les gens ont de la difficulté à s'entendre si ce n'est pas mentionné dans la convention. Alors, si c'est dit que ces frais-là sont proratés de la même façon que vous avez proraté les frais de garde, ça serait réglé.

Mme Harel: Vous préféreriez qu'il y ait une disposition à l'effet qu'on indique que la répartition est...

Mme Samoisette (Luce): Est la même que les parents ont faite, au niveau de la garde. Et ça réglerait beaucoup de problèmes.

Mme Harel: Oui, certainement. En tout cas, ça s'étudie très certainement.

Mme Loiselle: Ça serait plus équitable, c'est vrai. Dernière question parce que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a une question pour vous. La grille régionalisée. Je veux juste vous entendre parce que, ça aussi, vous êtes les seuls qui en parlez. Si on veut éviter toute lourdeur dans le modèle qui nous est présenté, ou complexité, et si on veut garder quand même une certaine souplesse, comment vous nous suggérez, finalement, de mettre en place une grille de fixation de pensions alimentaires pour enfants de façon régionale?

Mme Samoisette (Luce): «Régionalisé» ne veut pas dire avoir 56 régions dans le Québec, mais peut-être avoir quelques régions, un nombre minimal de régions. Mais il faut se rendre compte qu'élever un enfant, par exemple, dans la région de Hull, ça ne coûte pas la même chose que d'élever un enfant dans la région de Sherbrooke, d'où je viens. Donc, si on n'a pas de grille régionalisée, ça va ouvrir la porte à demander des pensions alimentaires différentes ou à convenir de pensions alimentaires différentes. Alors, si on convient déjà d'avance qu'il y a des différences de coûts dans les régions, on pourrait scinder le Québec, mais en quelques régions; pas, comme je le disais tantôt, en plusieurs, mais quelques régions. Au moins, ça éliminerait quelques problèmes. Il est évident qu'avec la grille on ne peut pas tout régler non plus. Mais, pas de grille, on a encore tous ces problèmes-là pareil.

Mme Loiselle: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que, si le Québec était tel qu'on le connaît actuellement, en régions administratives, ça vous apparaîtrait quelque chose d'acceptable?

Mme Samoisette (Luce): Il faudrait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On parle de 16 ou 17 régions, je pense, à ce moment-là.

Mme Samoisette (Luce): C'est beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Encore là, c'est trop?

Mme Samoisette (Luce): Ah! ce serait beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Même si, à l'intérieur de ces mêmes régions là, il y a de grandes disparités? Je pense, exemple, dans la région de Québec, 03, vivre à Québec et vivre dans Charlevoix, d'où je viens, quand même... Est-ce qu'encore là c'est...

Mme Samoisette (Luce): Oui, mais, les régions, ce n'est pas obligatoirement défini au niveau du territoire, ça pourrait être selon la grandeur des villes ou des choses comme ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K.

Mme Loiselle: Si jamais, disons, il y a une demande qui est faite, la personne demeure à Sherbrooke, mais, deux ans plus tard, le parent gardien déménage dans la région de Montréal... Est-ce que ça ne va pas engendrer plein de révisions?

Mme Samoisette (Luce): Pas nécessairement, parce que, si on regarde pourquoi cette situation-là est créée – le déménagement – c'est le parent gardien qui a décidé de déménager. On a fixé la pension au moment où les enfants vivaient à tel endroit, mais où c'était leur principal lieu de vie. C'est ça qu'il va falloir regarder.

Mme Loiselle: Mais à ce moment-là, s'il n'y a pas de...

Mme Samoisette (Luce): C'est pour ça, aussi, qu'il faut avoir le moins de... Il faut avoir des régions, mais il ne faut pas en avoir trop, justement pour éviter ça. Si on a des balises en disant: Si on vit dans des villes de plus de tant d'habitants, parce que, par statistiques, on sait que ça coûte plus cher Québec, Montréal, des choses comme ça, ça va éviter des problèmes.

Mme Loiselle: C'est parce que, si la personne, pour différentes raisons, décide de déménager dans la région de Montréal, ses coûts sont plus élevés et il n'y a pas de système de révision souple... Finalement, c'est le parent gardien, avec l'enfant, qui est comme désavantagé avec cette formule-là de région.

Mme Samoisette (Luce): Bien non. Si on n'a pas établi une grille régionalisée, on fixe la pension et elle est telle qu'elle est établie dans la grille. D'accord? Actuellement. Si on a une grille régionalisée et que la personne est à Sherbrooke, elle va avoir selon la grille encore, mais établi de façon régionalisée. Cette personne-là déménage à Montréal. Là, c'est son choix d'avoir déménagé. Alors, je ne vois pas pourquoi on modifierait, juste parce que la personne a déménagé.

Mme Loiselle: D'un autre côté c'est que, vous dites que c'est son choix, mais, si elle décide de déménager, finalement, elle est pénalisée parce qu'elle est comme coincée pour rester dans la région de Sherbrooke.

Mme Samoisette (Luce): Bien non! Si on a la grille actuelle, elle n'aura pas plus, de toute façon.

Mme Loiselle: Le montant sera sûrement moins élevé dans la région de Sherbrooke que dans la région de Montréal. Si c'est sa pension alimentaire...

M. Piette (Maurice): En principe, si elle déménage, ce sera pour avoir...

Mme Samoisette (Luce): Pour avoir quelque chose de mieux.

M. Piette (Maurice): ...quelque chose de mieux.

Mme Loiselle: C'est ça. Alors, il faut implanter un système de révision pour que sa pension soit élevée.

Mme Samoisette (Luce): Pas nécessairement.

M. Piette (Maurice): Vous partez de Sherbrooke, vous avez un montant x. Si vous vous en allez à Montréal, où ça coûte plus cher, c'est parce que vous allez avoir estimé que vous allez améliorer votre sort.

Mme Malavoy: Non, ce n'est pas sûr.

Mme Loiselle: Non, c'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, je vous remercie beaucoup. De toute façon...

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez... J'allais dire que, de toute façon, c'est bien évident que la commission reçoit... Vous avez des recommandations qui, bien sûr, même si on ne les discute pas toutes, vont être sûrement regardées. Oui, M. le député.

M. Copeman: Deux petites interventions, M. le Président. En conclusion, vous passez beaucoup de votre temps à soulever des questions au niveau d'un tableau, de la grille. En conclusion de votre mémoire vous dites: ...l'établissement d'une table ne nous apparaît pas faciliter le calcul du montant des pensions...» Et, là, vous avez nuancé, une phrase plus tard, en disant: Ça va servir d'outil. Grosso modo, d'une façon générale, est-ce que vous pensez que le système proposé est une amélioration par rapport au système actuel?

(17 h 30)

Mme Samoisette (Luce): On dit que ça ne le facilitera pas parce qu'il y a beaucoup de cas spéciaux. La plupart du temps, être un cas d'espèce. Sauf que la grande amélioration, c'est qu'il y a une grille. Si on veut aller en deçà de la grille, il va falloir le justifier, et ça, ça va dans l'intérêt de l'enfant. Et, juste à cause de cette raison-là, c'en est une, amélioration. Présentement, les pensions sont fixées, et on n'a pas les raisons qui font que... Dans quelques cas, on les a, mais, dans beaucoup de cas, on ne les a pas, les raisons qui ont fait que la pension est fixée à tel montant. Alors, là, on le saura. Alors, si on veut modifier par la suite, on sait pourquoi ça a été fixé à ce montant-là, et ça, c'est le grand avantage de la grille.

M. Copeman: O.K. Si vous me permettez un tout petit commentaire, M. le Président, par rapport à l'hypothèse que j'ai donnée devant le groupe qui nous précédait, Mme la ministre nous avait indiqué qu'à peu près 1 % des familles québécoises ont un revenu familial supérieur à 100 000 $. Semble-t-il, selon la table qui est là, c'est à peu près 10 %, parce que les données du ministère du Revenu indiquent que 75 % des revenus combinés du créancier et du débiteur alimentaire sont inférieurs à 80 000 $. Ce taux passe à 90 000 $ lorsque l'on considère un revenu de 100 000 $. Cent moins 90, ça devient 10. Je ne sais pas si le 1 % est devenu un 10 %, mais...

Mme Harel: Alors, écoutez, on va faire vérifier et on va déposer les chiffres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Alors, je vous remercie beaucoup, au nom de tous les membres de la commission.

J'invite maintenant les représentantes des Services d'aide à la famille juive à prendre place.

Bonjour. Je vous invite à vous présenter, nom et titre. Linda, Debra et Linda?


Les services d'aide à la famille juive de l'institut Baron de Hirsch

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je n'ose pas essayer les noms de famille.

Mme Kislowicz (Linda): C'est nous qui allons nous présenter. Peut-être que ce sera plus simple.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, madame.

Mme Kislowicz (Linda): Alors, nous sommes très honorées et heureuses de pouvoir présenter notre opinion et nos réactions à cette commission parlementaire sur le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

Notre équipe est composée de membres du personnel professionnel de notre agence, Les services d'aide à la famille juive, ainsi que du conseil d'administration du même organisme. Nous représentons un comité de travail du conseil d'administration, qui a étudié le modèle et qui a préparé le mémoire.

Permettez-moi de présenter notre équipe. Moi, je m'appelle Linda Kislowicz et je suis la directrice générale des Services d'aide à la famille juive. Me Linda Schachter, à ma droite, avocate spécialisée en droit familial, membre du conseil d'administration des Services d'aide à la famille juive, et Debra Hendler, comptable agréée, à ma gauche, gestionnaire cadre à l'agence aussi et responsable des programmes pour familles à faibles revenus, incluant de nombreuses familles monoparentales où il est souvent question de la pension alimentaire.

Notre organisation a pour mandat de promouvoir le bien-être des familles de la communauté juive, et nous sommes, dès lors, ravis d'avoir été consultés à cet effet. Comme vous le savez, notre communauté est touchée par la grave réalité du divorce, sans parler des difficultés rencontrées lors de la recherche d'une entente raisonnable et équitable qui, parfois, par mégarde, pénalise les enfants, victimes innocentes, en diminuant leur niveau de vie économique de façon tellement radicale que leur développement en est affecté.

Avant de poursuivre notre mémoire, nous tenons à féliciter la commission pour avoir tenté d'introduire une notion d'objectivité et des normes dans une matière qui était souvent sujette à la discrétion des juges et à la négociation et au marchandage habiles des avocats.

Notre présentation aujourd'hui sera divisée en trois parties. C'est moi qui présenterai la première partie. Il s'agit d'un résumé des questions importantes comprises dans le rapport. La deuxième partie sera présentée par Me Schachter. Il s'agira de questions spécifiques quant à l'application du modèle, tel que démontré par l'étude du cas particulier. Et la troisième partie sera présentée par Mme Hendler. Elle clarifiera quelques questions soulevées lors de l'étude de la table en soi.

Le document de consultation ouvre le débat par la présentation d'un cadre conceptuel et d'un ensemble de principes. Nous approuvons le principe de base visant à préserver pour l'enfant un mode de vie qui se rapproche le plus possible de celui qu'il connut avant la dissolution du couple. Nous savons que bien trop souvent ceci n'est pas le cas pour de nombreux enfants. En effet, les familles qui vivent un divorce connaissent une diminution très importante de leur niveau de vie économique, suite au divorce. Il est clair que la commission est soucieuse du bien-être de l'enfant et vise à assurer la responsabilité commune des deux parents quant au soutien financier de leur enfant.

Nous sommes également impressionnés par le fait que le rapport contient un nombre de considérations faisant preuve de sensibilité et de respect envers les choix individuels que peuvent faire les familles et le fait que les individus dont l'union est brisée doivent être en mesure de reprendre leur vie. Permettez-nous de donner quelques exemples: le changement de revenu suite à la perte d'un emploi, une seconde union ou les nouvelles obligations financières qui s'ensuivent, la valeur placée sur le travail ménager effectué avant tout par les femmes et les dépenses liées au soin des parents âgés. Chacun de ces exemples permet une application plus flexible de la table de fixation, qui prend en compte ces facteurs.

En ce qui concerne la table de fixation proposée par la contribution alimentaire parentale de base, nous aimerions soulever un nombre de questions et d'inquiétudes. Afin d'évaluer les changements proposés de façon adéquate, nous avons procédé à quelques calculs comparant des cas actuels et l'impact des directives proposées sur ces cas – on va aller vers ça après.

L'introduction de la notion d'une contribution de base servant de fondation pour calculer la pension alimentaire nous semble très valable. Cependant, ce qui est compris dans la base et ce qui ne l'est pas n'est pas tout à fait clair. Certes, introduire une notion de base vise à réduire toute discrétion au niveau du calcul de la pension alimentaire. Cependant, seul un énoncé plus clair permettra de rencontrer cet objectif.

Les uniformes scolaires, par exemple, sont-ils considérés comme dépenses de base ou comme dépenses particulières? S'agirait-il de dépenses de base ordinaires pour vêtements ou de dépenses liées à l'éducation? Quelles seraient les dépenses pour le transport vers l'école, les programmes de lunch à l'école ou les livres scolaires? Font-ils partie de l'entretien de base ou sont-ils des dépenses particulières? Il faut tenir compte aussi de l'âge et du stade de développement de l'enfant, et aussi de la région géographique.

Nous recommandons que ces questions soient clarifiées pour que l'objectif de standardisation puisse être rencontré au niveau du calcul de la base. Nous suggérons également que toute interprétation subjective soit éliminée le plus possible au niveau de la catégorisation des frais particuliers médicaux, de garde et d'éducation.

Les commentaires quant au calcul de la base sont valables pour le calcul des frais particuliers, à savoir qu'il devrait être plus précis. Par exemple, il serait recommandé d'identifier quelles dépenses liées à la scolarité sont appropriées. Si l'on ne définit pas plus précisément quelles sont les inclusions et les exclusions, cela augmentera le risque d'interprétation et de décision discrétionnaire, et ce seront les avocats habiles ou, au bout du compte, les juges qui auront à décider.

(17 h 40)

Afin de limiter la confusion, nous recommandons, entre autres, que le budget soit élaboré de façon à ce que les frais particuliers déclarés soient inclus. En outre, la source de tous les calculs pour crédit de taxes provinciales, exemption fédérale et subsides devrait être procurée et même annexée.

Tel que mentionné plus tôt, le concept du revenu disponible nécessite de plus amples clarifications. Il faudrait considérer les dettes, les actifs et le revenu non déclaré, ce qui donnerait un aperçu plus complet du revenu disponible.

Il serait également intéressant d'introduire la notion de valeur nette dans le processus de réflexion, afin de procéder de façon plus équitable à l'analyse du statut financier de la famille et de la capacité respective des parents de soutenir leurs enfants. Il faut également se souvenir que l'analyse doit offrir un système équitable aux familles de toute tranche de revenus.

Mme Schachter (Linda): M. le Président et membres de la commission, durant l'étude de ces documents, nous avons constaté certains points. Mes commentaires sont effectivement de souligner ceux de Mme Linda Kislowicz en utilisant des exemples.

Je suis une avocate, je passe beaucoup de temps devant nos tribunaux familiaux à Montréal. J'avais utilisé comme premier exemple une cause que j'avais plaidée il y a quelques mois. J'avais pris cette cause parce que ce n'est pas une cause extraordinaire, c'est une cause ordinaire. Une jeune famille, pas trop riche: monsieur, qui travaille, fait un salaire de 32 000 $; un enfant, jeune enfant, trois ans; madame, qui ne travaille pas, mais qui essaie d'améliorer sa situation. Elle a commencé à prendre des cours et, en conséquence, devra faire quelque chose avec l'enfant. Alors, l'enfant passe du temps dans une garderie. Dans cette cause, un jugement a été rendu et le juge a accordé à madame, pour le bénéfice de l'enfant, une pension alimentaire de 150 $ par semaine; raisonnable, dans les circonstances. Il faut tenir compte toujours que ce 150 $, dans le présent système, est toujours déductible pour monsieur et taxable dans les mains de madame.

En utilisant la grille, la table, j'ai pris les mêmes faits, et, avec les mêmes faits, nous avons le même monsieur faisant 32 000 $ par année, qui paie, au lieu de 150 $, 175 $ par semaine. Mais la différence n'est pas seulement le 25 $. La différence est énorme en conséquence des conséquences fiscales. Selon la proposition, monsieur n'a plus le droit de faire les dépenses selon ses taxes avec la pension qu'il paie. Et c'est un exemple des conséquences subies par des parties qui sont dans les catégories plus basses et les conséquences plus particulièrement pour les payeurs.

J'ai pris, encore une fois en utilisant des exemples – et, cette fois-ci, ça vient d'exemples pas nécessairement que j'ai eus, parce que c'est selon la grille que vous avez – la même famille avec un revenu de 32 000 $ et une famille avec un revenu de 140 000 $. Alors, il y a une différence énorme dans le train de vie des deux familles. Mais il faut poser la question: Est-ce que c'est vraiment une différence dans le train de vie des familles? Parce qu'il faut que nous soyons toujours conscients du fait que les décisions qu'une famille prend pour la famille... C'est à eux de choisir. Et c'est pourquoi le calcul de la grille est tellement important, parce que, de temps en temps, c'est seulement la grille qui va nous donner la différence pour une famille avec un revenu plus bas et une famille avec un revenu plus élevé.

Alors, dans mon exemple de comparaison de deux familles, j'ai pris les mêmes faits: deux enfants – trois et sept ans – la mère a la garde seule, un enfant en garderie et un enfant à l'école publique, les activités parascolaires pour les deux enfants. Et j'ai mis 700 $ pour les frais médicaux, les visites au dentiste, les antibiotiques – pour deux enfants, ce n'est pas trop, tout le monde connaît ça – et des frais de garde nets de 4 800 $. J'ai pris en considération les crédits d'impôt de 5 000 $, mais si... Nous avons pris comme chiffre 800 $ ou 1 000 $ par mois pour les frais de garderie; en déduisant les crédits d'impôt, on a mis 4 800 $ pour les frais et on a mis 2 500 $ pour les activités parascolaires. Et, dans les deux causes, on a utilisé les mêmes chiffres. Dans la cause d'un monsieur qui fait 140 000 $, la grille nous donne 13 910 $ comme montant de base. Pour monsieur qui fait 32 000 $, encore une fois avant les autres frais, vous avez un chiffre de base de 6 610 $. Ça nous dit quoi? Ça nous dit que le monsieur qui fait 32 000 $, un salaire quatre fois plus bas que celui du monsieur de 140 000 $, paie, pour la pension, seulement une moitié, de moins. Il paie 6 000 $ au lieu de 13 000 $, de base. Et la grille nous donne des difficultés, d'un côté, pour les gens avec les revenus plus bas parce que, selon nous, les conséquences pour les payeurs sont trop sévères; et avec ceux à revenus plus élevés, c'est les enfants qui subissent un préjudice trop grave. Je comprends toujours que c'est le choix de la famille. C'est évident qu'une famille avec 32 000 $, qui décide de faire des choses qu'eux avec 140 000 $ décident de faire, va avoir plus de difficultés à le faire. C'est évident. Mais est-ce que c'est raisonnable que, la grille, le montant qu'elle nous donne pour commencer est seulement, effectivement, deux fois plus grand avec un salaire qui est quatre fois plus grand? Et c'est là qu'on trouve des difficultés.

Il y avait des commentaires de ma collègue, Linda Kislowicz, qui a parlé du fait qu'on ne sait pas vraiment ce qui se trouve dans la base. On ne sait pas ce qu'on devra mettre comme autres frais. Et, comme avocate, j'ai un peu la crainte qu'on passe devant le tribunal et qu'on entre dans des débats, que monsieur assume que quelques frais sont déjà inclus, madame a mis des frais particuliers pour, par exemple, les uniformes pour l'école, etc., dans sa demande parce que, selon elle, ils ne sont pas inclus... Et je pense qu'il faut avoir un peu plus de clarification, possiblement dans les documents eux-mêmes, afin que tout le monde comprenne ce qui a été inclus dans les montants de base et ce qui a été, au choix des parties, mis comme autres frais.

Je pense que ma collègue Debra Hendler va continuer de vous montrer les autres points que nous avons constatés et les conséquences de cette différence entre les familles avec un revenu plus bas et des revenus plus élevés.

Mme Hendler (Debra): Merci, Linda. J'ai fait une analyse détaillée de la grille et j'aimerais apporter à votre attention les points suivants. Si on se réfère à la grille, nous remarquons que le pourcentage de contribution alimentaire annuelle de base au revenu disponible des parents diminue lorsque le revenu disponible des parents augmente. Par exemple, au niveau du revenu disponible des parents de 8 000 $, un enfant, le pourcentage de contribution alimentaire annuelle de base au revenu disponible des parents est de 27 %. Au niveau du revenu disponible des parents de 116 000 $, un enfant, le pourcentage de contribution alimentaire annuelle de base au revenu disponible est d'environ 8 %.

(17 h 50)

Ce que nous concluons de ce calcul: si l'objectif est de prévenir ou de minimiser la pauvreté chez l'enfant, la grille rejoint l'objectif ci-haut mentionné, le modèle est efficace en ce qu'il pourvoit aux besoins de base; par contre, si l'objectif est de maintenir l'enfant dans un mode de vie qui lui était familier avant la séparation des parents, la grille ne permet pas de réaliser cet objectif. Le dernier point que je veux mentionner, à ce moment-ci, est: si on réfère à la grille, à la section des revenus plus bas, nous sommes préoccupés par le fait que le parent non gardien n'aura pas assez de fonds pour couvrir ses besoins de base, car un pourcentage important devra être attribué pour les besoins de l'enfant.

Mme Kislowicz (Linda): Avant de terminer, nous tenons à réitérer nos félicitations au gouvernement pour avoir pris cette initiative, dans le domaine de la pension alimentaire, et pour avoir d'abord une approche qui tente de mettre en avant les besoins et le bien-être des enfants. Il est important de souligner que la rupture de l'union en soi présente des obstacles et des défis qui peuvent déstabiliser la situation psychosociale de l'enfant. Un revenu stable et équitable permet à la famille d'avoir le moins de perturbation possible dans sa vie quotidienne. Il est fort probable que la présente méthode de calcul de base sera plus propice à telle situation par rapport au présent système. Il est clair que la question des mesures coercitives dépasse l'ampleur du présent document, mais il nous faut noter que le système, aussi bon qu'il puisse être, ne sera qu'aussi bon que les mesures mises en place pour l'imposer et assurer que les individus en question remplissent leurs obligations.

Nous sommes venues aujourd'hui pour présenter une vision communautaire générale où nous voyons les familles présentant toutes tranches de revenus allant d'un extrême à l'autre. La pratique de notre agence reflète la même opinion suivant laquelle les familles qui demandent de l'aide pour surmonter la rupture familiale proviennent de toutes les échelles socioéconomiques de la société. L'instabilité financière résultant directement de la rupture de l'union entraînera très probablement des difficultés dans d'autres domaines de fonctionnement. D'autre part, si deux parents ne sont pas en mesure de collaborer, ne fût-ce qu'au niveau financier, pour le bien-être de l'enfant, une adaptation saine de l'enfant est peu probable. Nous croyons fermement, malgré les questions soulevées, que le document de consultation représente un pas énorme par le fait qu'il introduit des variables et des mesures rationnelles et objectives pour arriver à une formule financière, et qu'il tente de limiter le débat et l'incertitude existant à ce sujet. En même temps, il permet la flexibilité et la sensibilité en des situations exceptionnelles. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, Mme la directrice générale, de cette présentation, et vous qui l'accompagnez. Je suis reconnaissante que vous soyez venues exposer ce point de vue qui est conséquent de l'expertise que vous avez aux Services d'aide à la famille juive.

Peut-être, le premier aspect, c'est donc que vous partagez, et même – encore plus que partager – je crois que vous souhaitez qu'il y ait le plus possible une standardisation. Vous insistez sur le caractère objectif, sur le caractère rationnel, c'est-à-dire tout ce qui peut être enlevé de la controverse ou tout ce qui peut devenir moins litigieux entre les parties. En même temps, il y a une sorte d'équilibre entre cette standardisation et des réalités particulières spécifiques qui ne peuvent pas toujours être prises en compte dans des grilles standardisées.

Prenons l'exemple de ces cas que vous nous avez présentés. Le modèle tel que standardisé l'est à partir d'enquêtes statistiques sur les dépenses dans les catégories de revenus moyens des familles, les dépenses pour les enfants. Donc, les montants prévus le sont à partir des coûts moyens qu'une famille dépense pour ses enfants, dépendamment de son revenu. On se comprend toujours.

Alors, une famille qui a un revenu de 32 000 $ a effectivement une proportion qui est beaucoup plus importante à consacrer en dépenses pour les enfants qu'une famille qui est plus aisée. Une famille, par exemple, qui a un revenu de 100 000 $ va dépenser, en proportion, moins pour ses enfants qu'une famille qui a 50 000 $, qui va dépenser, en proportion, plus qu'une famille qui a 30 000 $, parce qu'il arrive qu'il y a un coût moyen qui est fixe. Alors, c'est là, si vous voulez, le désavantage de la standardisation. Mais c'est donc une standardisation qui est basée sur le coût moyen qu'une famille dépense pour ses enfants, dépendamment de la catégorie de revenus dans laquelle elle se situe.

Ensuite, je pense bien que la question que vous posez, c'est: Comment on prend en considération des situations particulières, n'est-ce pas? Parce qu'il ne s'agit pas, dans le fond, de besoins de base. Il s'agit plus de dépenses moyennes à partir desquelles la grille est déterminée. Je comprends que c'est peut-être plus au niveau de la réglementation que vous trouveriez satisfaction aux représentations que vous faites, à savoir, par exemple, qu'à un niveau de revenus de 150 000 $, peut-être est-il possible que l'enfant qui était déjà inscrit, par exemple, dans une école privée, si tant est qu'il le fût, compte tenu que la discrétion judiciaire demeure, il sera possible de faire valoir qu'il doit y avoir continuité dans le niveau de vie de l'enfant.

Mais vous, ce que vous nous dites, c'est: Il faut tenir compte des situations particulières et, en même temps, il faut les prévoir pour ne pas que ça donne lieu à des interprétations ou à des distorsions qui viendraient d'avocats habiles. Dans le fond, vous nous demandez de combiner deux choses qui sont d'apparence contradictoire. Mais la discrétion judiciaire, qui peut renverser la présomption, compte tenu qu'il va toujours être possible de faire valoir des frais particuliers, est-ce que vous pensez que c'est suffisant ou est-ce qu'il faut, dans la réglementation, aller jusqu'à définir les dépenses qui pourraient être particulières?

Mme Schachter (Linda): Je pense que je vais répondre à la question. On a discuté entre nous, pendant notre étude du document, la question de discrétion de la cour et le fait que c'est énormément difficile. La première question de tout le monde, quand il rentre dans la salle d'un avocat ou quelqu'un d'autre pour obtenir des conseils, c'est: Combien je devrai payer pour mes enfants, ou combien je vais recevoir pour mes enfants? Et, normalement, la réponse est: Ça dépend; lundi, ça peut être 600 $, mardi, ça peut être 1 200 $, mercredi, 800 $. On ne le sait pas. Il y a des bonnes causes et des causes qu'on préfère mettre de côté.

Alors, pour cette raison, le fait qu'il y aura une grille, quelque chose de base qui nous dit: Au minimum, voici, monsieur, madame, c'est là, nous avons une réponse pour vous, ça, c'est fantastique et on est tous d'accord qu'on préfère avoir un système pour nous aider.

Je suis tout à fait d'accord avec vous que, effectivement, nos commentaires sont un peu contradictoires. Vous avez bien compris exactement ce que nous avons dit. D'un côté, nous sommes un peu réticentes parce qu'une grille c'est fixe. Et nous voulons une certaine discrétion à la cour, parce que chaque cause est vraiment une cause distincte. Mais, en même temps, il faut avoir une certaine limitation de la discrétion.

(18 heures)

Alors, notre proposition, c'est, premièrement, d'avoir plus de clarification dans les documents. Ça va aider tout le monde à comprendre sur quoi nous sommes basés, quelles dépenses sont à inclure dans la base, dans les autres frais, alors que, possiblement, on peut limiter le débat. C'est bien évident que, si madame a mis un chiffre pour, par exemple – et je pense que c'est un bon exemple – les uniformes pour l'école dans les frais de scolarité, si, dans la base, c'était déjà calculé qu'il faut avoir, parmi tous les vêtements de l'enfant, des vêtements pour l'école, on éviterait des problèmes, si tout le monde comprend ce qu'il y a de mis dans la base, dans la grille pour le 6 000 $, le 10 000 $, le chiffre qu'on a mis à la ligne 301, et ce qu'on devrait mettre à part ça. Et c'est là que nous pensons qu'il y aura possiblement moyen d'assister la cour, de limiter la discrétion d'un juge, d'assister les parties et les avocats qui vont plaider les causes, parce que ça va limiter le débat entre eux. Si je comprends que x, y sont déjà fixés là-dedans, que c'est là, on peut avoir un petit commentaire là-dessus, mais la question est effectivement déjà répondue par les informations que nous avons.

Mme Harel: Alors, à ce moment-là, donc, cette discrétion judiciaire permettrait, dans certains cas, de tenir compte de la capacité de payer du parent, si et dans la mesure où les éléments de base qui ont été utilisés pour faire la moyenne des dépenses encourues dans la catégorie de revenus sont bien définis. Vous nous dites qu'il faut vraiment que ce soit le mieux possible précisé pour qu'il n'y ait pas de controverse, ensuite, entre avocats sur ce qu'on peut ajouter. C'est ça que je comprends.

Mme Schachter (Linda): Exact.

Mme Harel: À ce moment-là, vous voyez, est-ce qu'il faut aller, par exemple, jusqu'à préciser, dans les éléments, dans les besoins essentiels reconnus – l'alimentation, le logement, les communications, l'entretien ménager, les soins personnels, l'habillement, l'ameublement, le transport, les loisirs... ce sont là les neuf éléments qui ont été pris en considération pour établir le coût moyen. Est-ce qu'il faut aller au niveau régional? Parce que, vous voyez, est-ce que, dans la balance des inconvénients, ça ne va pas, peut-être, apporter plus de problèmes que d'avantages? Pour quelqu'un, à Montréal, le coût du logement est peut-être beaucoup plus élevé, mais le coût du transport est peut-être moins élevé. Mais, si on prend en considération s'il y a des déplacements ou la mobilité, il va falloir toujours aller faire réviser. Est-ce qu'il n'y a pas aussi un préjudice pour la famille d'avoir à faire réviser, peut-être pas constamment... Mais il y a quand même une certaine mobilité.

Mme Kislowicz (Linda): Pour nous, la réponse est oui. On préfère qu'on tienne compte de la région, la région actuelle dans la situation immédiate et aussi s'il y a une raison pour laquelle la famille doit déménager. Disons, quelqu'un doit déménager pour avoir un emploi ailleurs ou quelque chose comme ça, ce n'est pas juste pour aller d'ici à un autre endroit, c'est préférable de tenir compte de la région et aussi d'avoir un processus de révision, parce que ça peut aussi prendre en compte les autres circonstances qui changent, pas juste la région, mais les autres circonstances qui changent, en même temps. Alors, la réponse à ça, pour nous, c'est oui, on préfère qu'on tienne compte de la région et aussi des changements des circonstances.

Mme Schachter (Linda): Si je peux possiblement ajouter à cette réponse, c'est un peu difficile pour nous de répondre à ce type de question, parce que nous n'avons pas fait, entre nous, une vérification de: Elles sont quoi vraiment, les différences entre les régions? Alors, possiblement, ça va être quelque chose pour la commission de faire l'analyse de ce qui se passe avec une famille X à Montréal, Québec, dans une région, etc., pour vérifier s'il y a actuellement une grande différence, ou vous pouvez procéder sur la même grille pour tout le monde et, si quelqu'un déménage et pense qu'il y a un grand changement de circonstances, revenir à la cour pour faire une demande de révision.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suggérerais fortement à la commission que ça devrait être examiné...

Mme Schachter (Linda): Effectivement, avant de nous présenter cette grille pour chaque région, alors que ça va être un peu compliqué, s'il y a des changements entre régions qui sont assez limités, peut-être qu'il n'y aura pas, finalement, une décision à prendre de faire les autres parce qu'il n'y a pas vraiment une grande différence. Mais il faut faire le travail avant, je pense, vérifier si ce problème existe.

Mme Harel: En tout cas, Me Schachter, d'abord, je me rends compte que le président est votre allié, parce qu'à chaque fois qu'il en est question il intervient.

M. Copeman: C'est un excellent président, Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, je comprends que ce qu'il nous faudra, c'est vraiment faire un examen pour voir si vraiment il y a des distorsions assez importantes pour qu'on en tienne compte. Je pense qu'on ne peut pas échapper au fait d'avoir à faire l'examen de cela.

Mme Schachter (Linda): C'est bien cela.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. Mesdames, bonjour, bienvenue. À la page 3 de votre mémoire, vous parlez, dans les revenus disponibles, qu'il faudrait introduire la notion de «valeur nette» dans le processus de réflexion. Moi, j'aimerais, peut-être, la notion de «valeur nette», si vous pouviez nous éclairer davantage... Qu'est-ce que vous entendez par là?

Mme Hendler (Debra): Le revenu net, ça veut dire après les impôts.

Des voix: Oui.

Mme Hendler (Debra): O.K. Ce que nous avons vu dans le document, c'est un mélange de choses nettes et de choses «gross» et c'est un mélange de... Je veux que ça puisse être un peu plus clair, «consistent», avec les concepts «net» et «gross». Parce que, dans le revenu d'impôts, «you know», on prend les revenus disponibles avant les impôts.

Mme Loiselle: Parce qu'il y a certaines déductions qui sont...

Mme Hendler (Debra): Mais il y a déduction pour... et des choses comme ça...

Mme Loiselle: Les cotisations professionnelles, ces choses-là.

Mme Hendler (Debra): Oui. Alors, c'est un mélange de «gross» et de net.

Mme Loiselle: C'est ça. Ce que vous voulez relever, c'est qu'il y a des déductions possibles dans la grille au niveau soit de la Régie des rentes ou de l'assurance-chômage, les cotisations professionnelles, mais on ne parle pas des déductions au niveau des impôts fédéral et provincial.

Mme Hendler (Debra): Pas des impôts. C'est ça, oui.

Mme Loiselle: Je pense que le calcul se fait toujours – je regardais la grille fédérale – à partir des revenus bruts. Je pense que c'est une façon... Je ne sais pas, moi, je ne suis pas spécialiste. Peut-être que vous pourriez nous éclairer davantage, mais la façon de calculer ça... On part avec les revenus annuels bruts. Et la grille québécoise, elle, suggère certaines déductions. Mais, d'après la grille fédérale – ce que mon collègue m'a montré tantôt, parce qu'il l'avait avec lui – on part aussi, dans les déductions, avec le revenu annuel brut. Mais, vous, vous préféreriez que le calcul se fasse à partir du revenu net, toutes déductions retirées. C'est ça? Quand vous parlez de valeur nette...

Mme Hendler (Debra): Ça m'est égal... D'un côté, ça m'est égal, parce que je veux que ce soit juste «consistent», juste, égal.

Mme Kislowicz (Linda): Il y a un certain mélange de termes, parce que, d'un côté, quand on parle d'un revenu disponible avant les impôts, c'est un revenu brut. Si on parle du revenu net après les impôts, on comprend quelque chose d'autre. Et c'est notre question: Exactement, de quoi on parle? Parce que, quand on parle d'un revenu disponible...

Mme Loiselle: On s'est posé la même question.

Mme Kislowicz (Linda): Quand on parle d'un revenu disponible, ce n'est pas clair pour nous. Est-ce que c'est net ou brut? Et est-ce que ça inclut aussi les autres actifs que quelqu'un a, même les actifs qui donnent un revenu, comme les intérêts ou quelque chose, ou même un actif qui ne donne pas un revenu actuel d'une façon annuelle?

Mme Loiselle: Je ne sais pas si la ministre veut intervenir sur ça pour nous éclairer, parce que, nous, on a eu la même question au niveau... Quand on parle du revenu annuel, ce n'est pas clair, dans le document gouvernemental, qu'on parle bien soit de net ou de brut. Il y a les déductions qui sont soulignées, mais au niveau... Je pense que c'est important, peut-être, d'apporter une clarification.

(18 h 10)

Mme Harel: Alors, effectivement, les seuls revenus considérés dans le projet tel que soumis à la consultation, ce sont les revenus que le contribuable déclare au ministère du Revenu. Donc, ce sont des revenus qui font l'objet de sa déclaration d'impôts, sauf la pension alimentaire reçue pour enfants et les allocations familiales, ou encore la prestation unifiée pour enfants, du fédéral, ou encore le programme APPORT. Ça, c'est une subvention, le programme APPORT, pour les personnes qui continuent à travailler. Alors, le traitement des actifs pose un vrai problème. Il est en partie résolu dans le cadre de la loi sur le partage du patrimoine, mais seulement lorsqu'il y a des ruptures dans le mariage, parce que le patrimoine vient clarifier les actifs. Mais, si c'est dans le cadre de conjoints de fait, il n'y a pas de patrimoine partagé. Donc, on n'a pas identifié, à ce moment-là, comme tel, les actifs. C'est évident que le tribunal va avoir la discrétion judiciaire pour tenir compte des circonstances où il y a des actifs ou des dettes d'un parent, soit pour réduire ou augmenter la pension, finalement. Mais comment standardiser? Parce qu'il faut trouver une modélisation. Il y a un modèle à trouver pour les actifs. Si vous avez des propositions, on est vraiment intéressé.

Mme Schachter (Linda): Je pense que c'est un très bon point, parce que nous avons constaté qu'il y avait, dans le document, la référence du fait que vous avez pris en considération toutes sortes de choses. Mais, dans le contexte du document lui-même, où se trouve le résultat? Effectivement, il y a une ligne de revenus disponibles, de réductions et des conséquences fiscales. Mais il n'y a rien dans le document qui nous donne une chance de dire: Mais, voyons, monsieur, il y a aussi un immeuble et d'autres actifs, des actions dans une compagnie, etc. Malheureusement ou pas, je ne sais pas, mais j'ai la perspective d'une avocate. Et, quand j'ai vu le document, le budget... Je sais que, présentement, je procède toujours... Je fais un interrogatoire sur le budget. Je demande toutes sortes de questions. Il y a une section du passif, une section de l'actif. Et je peux poser la question. Si monsieur a des actions dans une compagnie, je peux lui dire: Vous avez combien d'actions? Vous êtes le majoritaire, le minoritaire? C'est quelle sorte de compagnie? J'aimerais les états financiers, etc. essayer de prouver à la cour que, nonobstant le fait qu'il y a, sur son état de revenus, une somme de 50 000 $, effectivement, il a un revenu de beaucoup plus. Et je pense que, parce que, pour les avocats, vraiment, prendre les budgets, c'est quelque chose de très important dans les actions de divorce, séparation, fixation de pensions alimentaires, il faut avoir une place dans le document lui-même – parce que c'est un document qui est assermenté par monsieur, alors c'est vraiment un document important, c'est la preuve – pas nécessairement pour faire le calcul mais, au minimum, pour avoir cette information, qui a été assermentée par les parties, sur ce qu'ils ont comme actif, comme passif, parce que, possiblement, ça va nous dire qu'il y a un problème avec les chiffres qu'il nous donne dans la section 1 du revenu disponible, parce qu'il y avait toutes sortes d'autres actifs. C'est dans les autres lignes du document.

Mme Harel: ...

Mme Loiselle: Non, ça ne me fait rien, si c'est pour...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée...

Mme Harel: Donc, ça signifie, au minimum, une autre ligne...

Mme Schachter (Linda): Section.

Mme Harel: ...une autre section, de manière à ce que, s'il y a contestation, ce soit devant le tribunal que, finalement, il y ait la présentation à faire.

Mme Schachter (Linda): Exact.

Mme Loiselle: C'est ça. Bon, on a éclairci un petit point, ici. Intéressant. Moi, j'aimerais revenir sur ma fameuse question sur le temps partagé des enfants. Me Schachter, d'après votre expérience, le fait de calculer le temps partagé de l'enfant avec ses parents pour statuer du montant de la pension alimentaire, pour le parent gardien qui a des revenus plus modestes, majoritairement la femme, est-ce qu'il n'y a pas un désavantage de procéder de cette façon, pour elle?

Mme Schachter (Linda): Selon mon expérience, je peux vous dire que, normalement, dans la plupart des causes, on ne rentre pas dans le débat d'une garde partagée parce que, premièrement, ce n'est pas quelque chose que la cour va ordonner, ça devra être selon l'entente des parties et selon leur volonté. Parce que c'est très difficile d'imposer sur les parties: Il faut que vous partagiez les enfants d'une semaine à l'autre. Il faut avoir une certaine communication entre les parties pour avoir ce type de système, et, évidemment, dans les procès de divorce et séparation, il n'y a pas nombre de familles qui peuvent procéder d'une telle façon. Alors, selon mon expérience, je pense que ce n'est pas nécessairement déraisonnable, quand vous avez une telle cause, que les parties, vraiment, parlent de partager l'enfant, semaine à semaine, 50-50, 60-40, quelque chose de semblable, qu'ils partagent les frais, parce que, selon mon expérience, c'est actuellement le cas. Quand vous avez une garde partagée, normalement, le monsieur ne paie pas et madame ne paie pas. Les deux paient pour les enfants quand ils ont les enfants chez eux et ils partagent d'une façon ou l'autre, selon leurs revenus, les dépenses pour les enfants, l'école, etc. Les vêtements, pas vraiment. Quand monsieur a des enfants il va magasiner avec les enfants il fait ce qu'il veut, etc., et de temps en temps il y a des problèmes. Mais, normalement, vous parlez quand même de familles qui ont une certaine capacité de se parler. Vous pouvez appeler votre mari et dire: Mais, voyons, j'avais déjà acheté trois paires de souliers, pourrais-tu acheter la cinquième, la quatrième, etc.? Alors, selon moi, pas vraiment, je ne trouve pas que cette partie du document est un problème, parce que je pense que, quand on parle d'une garde partagée, ce n'est pas déraisonnable de partager les frais selon la capacité des parties.

Mme Loiselle: Les représentants de la Chambre des notaires, tantôt, nous disaient que, pour eux aussi, il était tout à fait normal de regarder ça sous cet angle, mais que, dans certaines situations, ça pourrait devenir un outil de marchandage. Avez-vous les mêmes appréhensions, que, dans certains cas, ça pourrait créer de graves problèmes?

Mme Schachter (Linda): Une de mes craintes, ce n'est pas vraiment dans une cause de garde seule à un parent et pas dans une cause de garde partagée vraiment à 50 %, c'est dans les autres, parce que monsieur va comprendre très bien ou... Je m'excuse de dire «monsieur va comprendre», mais... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: On s'objecte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: On est impudent et on s'objecte.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Schachter (Linda): Une partie va comprendre que, si elle demande plus de temps avec l'enfant, elle va payer moins. Et les problèmes que nous avons, c'est les parties qui ont des droits de visite mais qui n'exercent pas ces droits de visite. Alors, voilà, vous avez un problème, parce que sa pension alimentaire est fixée selon son obligation de prendre l'enfant, mais, dans les faits, s'il ne prend pas l'enfant, vous avez augmenté les coûts cachés de madame ou de monsieur qui a vraiment la garde de l'enfant. C'est là, je pense, qu'il peut y avoir un peu de problème entre les parties, quand nous sommes en train de négocier la question de pension et droits de visite, etc.

Mme Loiselle: O.K. Une petite dernière, avant que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce vous pose quelques questions. Tantôt, vous avez mentionné que vous étiez pour, finalement, la modulation des coûts liés en fonction de l'âge. Vous avez fait cette mention-là. Ma collègue mentionnait tantôtqu'on oublie souvent les jeunes adultes qui, en haut de 18 ans, vont à l'université, et tout ça, qui sont quand même à la charge du parent gardien. Si jamais il y a une modification dans le modèle de grille en fonction de l'âge, est-ce qu'on devrait penser à inclure les jeunes adultes universitaires...

Une voix: Majeurs.

Mme Loiselle: ...ou au cégep, majeurs, dans cette proposition-là?

Mme Schachter (Linda): Franchement, on n'en a pas discuté, mais je vais dire oui, parce qu'un grand pourcentage des jeunes adultes de notre communauté suivent des études après l'école secondaire, au moins de 18 à 21 ans, minimum, et je trouve ça très important qu'on continue à avoir un système de support financier pour eux, parce que ça reste les parents qui restent responsables. Ce n'est pas juste les enfants, à 18 ans, à 21 ans, qui vont prendre en charge leur situation financière.

Mme Loiselle: D'accord, merci beaucoup.

Mme Schachter (Linda): Alors, la réponse est oui.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il est, en tout cas, pour moi, à date, plutôt rare d'être capable de souhaiter la bienvenue à un membre de la même synagogue que moi...

Mme Kislowicz (Linda): Merci.

M. Copeman: ...et je le fais dans le cas de Mme Kislowicz et...

Mme Kislowicz (Linda): Il peut prononcer mon nom, aussi.

M. Copeman: Bien oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

(18 h 20)

M. Copeman: C'est un atout. J'aimerais entamer avec vous une petite discussion qui ne saute pas aux yeux, dans votre mémoire, mais qui fait partie de votre mémoire, à la page 8, la question, un peu, de l'équité de la contribution des pensions alimentaires selon le niveau de revenu. Vous dites, à la page 8: «Le père gagnant 32 000 $ paie 45 % de son revenu...», etc. Plus haut est le niveau de revenu, moins important est le pourcentage, en termes de revenu disponible, de la pension alimentaire. Mais est-ce que vous ne trouvez pas que c'est un peu normal, ça? Vu que le système est basé, semble-t-il, sur le coût réel des enfants, qui est plus ou moins démontrable – en tout cas, on souhaite qu'il soit exact, et le plus près possible – plus le niveau du revenu augmente, n'est-il pas un peu naturel que, vu que les coûts réels n'augmentent pas nécessairement par tranche de revenu – parce qu'on parle des coûts – la proportion sera moindre plus le revenu est élevé? Est-ce que ça pose un problème, autrement dit? Moi, je ne suis pas convaincu que ça pose un problème, au plan de l'équité. Si vous pensez autrement, j'aimerais bien entendre votre argumentation. Et comment est-ce qu'on solutionne ça? Si vous dites que ça pose un problème, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on augmente la pension alimentaire pour chaque enfant en fonction du revenu et non pas en fonction des coûts, semble-t-il, tel que basé dans la grille?

Mme Schachter (Linda): Je pense qu'on revient toujours à la question du calcul de ce qui tombe dans la base. Parce que vos prétentions sont que ce n'est pas nécessairement le cas que les coûts augmentent. Mais, juste si on prend les exemples que nous avons, un de 6 000 $ et un de 13 000 $, les familles de 32 000 $ et les familles de 140 000 $ pour moi, pour comprendre pourquoi c'est seulement 13 000 $ de base, il faut que je comprenne qu'est-ce qu'il y a dans cette base. Parce que je ne pense pas qu'une famille avec un revenu de 140 000 $, a des coûts de base de 13 000 $ pour deux enfants. Je trouve ça très difficile à comprendre, et c'est là, le problème.

Mme Kislowicz (Linda): Juste pour ajouter un autre point, je pense aussi que, dans les premières pages du document, vous avez identifié de maintenir le niveau de vie de l'enfant. Et, si on tient ça sérieusement, on n'a pas la capacité de maintenir le niveau de vie de l'enfant et en même temps avoir le même pourcentage pour une famille qui gagne un revenu plus bas et un revenu plus élevé. Ça ne fait pas de sens, pour nous.

M. Copeman: Donc, c'est quoi, votre conclusion? Est-ce que, selon vous, la grille devrait être ajustée à la hausse pour les pensions alimentaires, selon les tranches de revenus? Est-ce que ça devrait être plus progressif qu'elle l'est actuellement?

Mme Schachter (Linda): Possiblement, c'est la conclusion. Mais, selon nous, il faut que nous puissions comprendre qu'est-ce qui tombe dans la base. Et probablement que ça va être augmenté à la hausse, après une vérification de ce que vous avez mis pour la base.

M. Copeman: Oui, parce que ce calcul de base, si vous me permettez, M. le Président, pose d'autres problèmes, quant à moi, et ma collègue, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, y a déjà fait référence. Quand on part avec un calcul de base et on se fie sur les calculs du ministère de la Sécurité du revenu, on peut poser la question: Est-ce que ces calculs de base sont suffisants? Je pense que la question se pose honnêtement, de tous les côtés de la table. Et, moi, je soutiens que, si le tout repose sur ce calcul des coûts de base, si ça repose sur les calculs de la Sécurité du revenu, on a un problème, parce que, quant à moi, ça ne suffit pas aux besoins absolument essentiels.

Mme Shachter (Linda): C'est comme les commentaires de mes collègues qui sont venues, de l'Association de médiation familiale, qui ont dit, et tout le monde ici est complètement d'accord avec elles, que ça devrait être un minimum. Mais c'est toujours le cas. Si on commence avec 500 $, on ne se retrouve pas à 2 000 $. Si on commence à 500 $, peut-être qu'on va augmenter devant les cours à 700 $ ou 1 000 $. Et c'est la raison pourquoi la base est assez importante, parce qu'on ne peut pas vraiment sauter des milliers de dollars à partir de la base. Alors, la base est vraiment... On va commencer là-bas, mais il faut quand même être assez élevé, pour les circonstances des parties.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça termine malheureusement cet échange, aussi intéressant soit-il. Mmes Linda, Debra et Linda...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...merci beaucoup.

J'ajourne les travaux à jeudi, le 29, à 15 heures.

(Fin de la séance à 18 h 25)


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