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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 31 mai 1996 - Vol. 35 N° 21

Interpellation : Les services de garde à l'enfance


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des affaires sociales se réunit ce matin dans le cadre de l'interpellation du député de Jacques-Cartier à la ministre de l'Éducation sur le sujet suivant: Les services de garde à l'enfance.

Est-ce qu'il y a, Mme la secrétaire, des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boucher (Johnson) sera remplacé par M. Dion (Saint-Hyacinthe); Mme Vaive (Chapleau) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la secrétaire. Comme nous débutons avec un retard de six minutes, est-ce qu'il y a consentement pour que les travaux soient prolongés d'autant de minutes?

Mme Marois: Aucune objection, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je rappelle les règles de l'interpellation très rapidement. Le député qui a donné l'interpellation, le député de Jacques-Cartier, intervient le premier pendant 10 minutes. La ministre interpellée va par la suite prendre la parole pendant 10 minutes. Ensuite, il y aura alternance dans les interventions selon l'ordre suivant: un député de l'opposition – cinq minutes – la ministre, un député du groupe parlementaire du gouvernement, un député de l'opposition, la ministre, un député du groupe formant le gouvernement, un député du groupe de l'opposition, la ministre, etc. Vingt minutes avant la fin de nos travaux, avant la fin de la séance, il y aura un dernier temps de parole de 10 minutes à la ministre et 10 minutes à l'interpellant pour conclure.

M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.


Exposé du sujet


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, parce que ça nous donne une occasion de regarder un dossier névralgique pour la société québécoise, pour les familles québécoises, pour les enfants au Québec, c'est-à-dire les services de garde dans leur ensemble. Je dois avouer que la dernière fois qu'on a eu l'occasion de discuter de cela en profondeur, c'était l'année passée, au moment de l'adoption du projet de loi 70.

De ce côté de la Chambre, on commence à avoir une certaine nostalgie pour le moratoire que la ministre a fait à ce moment-là, parce que, au moins, avec le moratoire, on a limité les dégâts. Avec les décisions que la ministre est en train de prendre, on est en train de déstabiliser, bouleverser tout le système de services de garde au Québec. Je pense qu'on apprend des décisions très regrettables. Les cibles de ces décisions sont très difficiles à comprendre parce que, souvent, l'impact... Ce sont les familles à revenus modestes, ce sont les femmes monoparentales, ce sont des services qui sont en milieu défavorisé, en milieu scolaire qui sont les cibles des coupures et des compressions de la ministre, et ça, avant tout, ça doit être les cibles que l'État doit avantager dans ses mesures, doit essayer d'aider. Au lieu de faire ça, on voit des compressions catastrophiques, des compressions qui font mal à ces familles.

Alors, c'est ça, les choses qu'on veut relever aujourd'hui. Mais, avant, d'entrée de jeu, je pense qu'il faut – et c'est très important – faire le rappel des accomplissements du gouvernement libéral, entre 1989 et 1994, où nous avons créé des places pour 16 675 enfants de plus dans nos garderies – c'est presque le double – 13 760 de plus pour les services de garde en milieu familial, 16 944 de plus en services de garde en milieu scolaire. Alors, c'est une augmentation totale de 47 379 places. Alors, je pense que notre feuille de route est impressionnante. Nous avons fait la preuve de notre engagement pour les services de garde pour les familles québécoises.

Qu'est-ce que nous avons vu dans la campagne électorale en 1994? Le Parti québécois a sévèrement critiqué le Parti libéral parce que nous avions pris l'engagement de continuer un développement de 6 000 places par année. C'est toujours un grand effort, mais on avait confiance que, avec nos accomplissements à date, nous serions capables de continuer. Et le Parti québécois a dit: Non, il faut faire ça à 8 000 places au lieu de 6 000 places. Alors, nous sommes maintenant rendus dans le 19e mois ou le 20e mois de ce gouvernement. Combien de nouvelles places à date? Zéro. Alors, sur leur même chiffre, on est... Et la ministre va dire: Nous avons créé les places. Mais ils ont réalisé les projets qui étaient approuvés dans le régime libéral. Alors, dans les nouvelles places qui ont été créées à partir du 12 septembre 1994, le résultat est zéro.

(10 h 10)

Alors, je pense que c'est très important de souligner ça, que nous avons fait un énorme effort pour les familles québécoises et que, de l'autre côté de la Chambre, le résultat à date est zéro. On avait, l'année passée, une année transitoire. On est en train de voir, avec la conférence de la ministre, là, au mois d'avril, l'accouchement d'une autre année transitoire. Alors, d'une année à l'autre, c'est un gouvernement qui décide d'étudier, de regarder au lieu d'agir. Mais on va revenir à ce système.

C'est important de rappeler que la force de notre système, le grand accomplissement, c'est sa diversité. On a créé plusieurs modèles de services de garde au Québec. Alors, on a des services de garde en milieu familial qui sont très bien adaptés pour certaines familles, surtout dans les régions où on n'a pas la masse critique des enfants pour créer une garderie. Alors, les services de garde en milieu familial, très important.

On a également... Plus de la moitié de nos places en services de garde sont en milieu scolaire, ce qui est très important aussi, parce que les familles peuvent à la fois s'occuper des besoins de leurs enfants et faire l'arrimage nécessaire entre l'école, le travail et la famille. Alors, ça, c'est un autre secteur très important.

Dans le secteur des services de garde en garderie, on a les deux modèles. Pour certains parents qui veulent s'impliquer davantage dans leur garderie, on a les garderies à but non lucratif. Ça, c'est, en général, les coops, c'est les parents qui participent à la gestion de la garderie. Mais, pour d'autres parents qui, peut-être, ont moins de temps à donner ou pour d'autres raisons, il y a également les garderies à but lucratif qui représentent environ le tiers des places en garderie, qui sont régies par les mêmes normes, qui sont régies par les mêmes lois et règlements, qui ont réussi à créer deux tiers des nouvelles places depuis cinq ans dans nos garderies. Alors, surtout avec la crise des finances publiques, c'est un modèle très intéressant pour l'État, parce que, avec un investissement modeste, l'État peut réussir à créer des nouvelles places.

C'est la diversité. Et je félicite la ministre parce que, dans le projet de loi n° 11, elle va mettre en vigueur les règlements pour les haltes-garderies et les jardins d'enfants qui vont ajouter encore à la diversité. Parce que, je pense, tous les parents sont différents, toutes les familles sont différentes au Québec. Pour certaines familles, elles n'ont pas le choix, un des deux parents reste à la maison. Alors, pour ces familles, les jardins d'enfants sont idéals, parce que ça donne une couple d'heures dans un avant-midi ou un après-midi pour occuper des enfants. Par contre, pour les autres parents qui en ont besoin à la journée longue, on a d'autres modèles.

Alors, il faut promouvoir la diversité, mais ce n'est pas la direction de ce gouvernement. Ce gouvernement a décidé de mettre en péril deux des grands réseaux des garderies au Québec avec ses décisions. Et ça commence au moment du dépôt des crédits, à la fin mars, où la ministre a décidé de couper de moitié les subventions pour les garderies en milieu scolaire, ce qui était une décision très, très regrettable qui a mis en péril l'existence même de certains des services de garde. Et c'était une attaque... Comme j'ai dit, les personnes cibles dans tout ça, c'est le milieu défavorisé, ce sont les femmes monoparentales, c'est le «working poor», comme on dit en anglais, les familles à faibles revenus, les travailleurs, les travailleuses qui travaillent au salaire minimum qui sont touchés par ces compressions. Et c'est quelque chose... On va y revenir plus en détail tantôt, mais c'est une décision d'aller de 25 000 000 $ à 12 000 000 $ d'un coup sec, comme ça. La ministre a dit qu'elle va trouver d'autres moyens, qu'elle va inciter les commissions scolaires à prendre la relève. Mais c'est les mêmes commissions scolaires qui seront coupées de 257 000 000 $ dans les autres décisions de la ministre dans les autres domaines. Alors, c'est très difficile de voir comment on peut établir un partenariat avec les commissions scolaires en enlevant de l'argent.

Alors, ça, c'était la première décision, à mon avis, désastreuse du gouvernement. La ministre, quand je l'ai questionnée à maintes reprises dans la période de questions, a essayé de dire qu'on va réparer les dégâts, mais, à date... Moi, j'ai consulté hier le milieu, et ces réparations ne sont pas encore faites. Alors, malgré le beau discours qu'on va corriger ça avec l'aide directe aux parents, ou les montants forfaitaires, ou les crédits d'impôt – il y avait toutes les façons de camoufler la décision, de maquiller ce que la ministre a fait – au bout de la ligne, elle est allée chercher 12 000 000 $ dans les poches des Québécois les plus pauvres et des familles les plus pauvres au Québec. C'est ça, la vérité des choses. Et je trouve ça très, très regrettable, parce que, ça, c'est l'argent qu'on veut investir dans notre jeunesse, dans notre avenir, et c'est ça qui est coupé pour sauver de l'argent. En tout cas, on va revenir sur ça.

La deuxième décision de la ministre – parce que, comme j'ai dit, je suis un amateur de baseball, c'étaient trois prises contre les garderies, ce printemps – la deuxième prise était de couper l'aide aux parents. Encore une fois, les barèmes sont tels que c'est les parents, avec le projet de règlement que la ministre a publié dans la Gazette officielle le 1er mai, c'est encore une fois les parents qui travaillent au salaire minimum, ce n'est pas les parents qui ont les moyens faciles, mais c'est vraiment les parents, les familles qui ont des difficultés à boucler leur budget à la fin du mois qui vont avoir des augmentations. La ministre va dire: C'est juste une couple de dollars par jour ou 3 $ par jour, mais ça représente 780 $ par année, par exemple. Alors, ça, ce sont des compressions énormes.

La troisième prise que la ministre a faite, c'est de mettre la hache dans tout développement dans les garderies à but lucratif. Comme j'ai dit, c'est le secteur où nous avons vu le développement des deux tiers des nouvelles places depuis cinq ans, et c'est à un prix beaucoup plus modeste, de moindres coûts pour l'État. Dans l'état des finances publiques, la ministre, au lieu de miser sur ce secteur, a décidé de mettre la hache dans tout nouveau développement. Alors, comme j'ai dit, de ce côté de la Chambre, on commence à avoir une certaine nostalgie pour le moratoire de la ministre, l'année passée. Au moins, avec un moratoire, on a limité les dégâts dans le secteur des services de garde. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre de l'Éducation et responsable des services de garde à l'enfance. Mme la ministre.


Réponse de la ministre


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, on peut se réjouir qu'effectivement, à l'occasion de la semaine des garderies, services de garde, on discute de cette question à l'Assemblée nationale. C'est avec plaisir que je me prête à cet échange et à cette discussion. On clarifiera un certain nombre de choses, d'ailleurs. Ce sera sûrement très utile pour tout le monde.

Je vais cependant, M. le Président, vous faire quelques remarques préalables quant à l'attitude de l'opposition à l'égard de cette interpellation. C'est le deuxième vendredi que nous nous retrouvons au sein de cette Assemblée à discuter de sujets importants, je n'en disconviens pas. Les gens de l'opposition savent très bien que j'avais un engagement de rencontrer des intervenants montréalais en très grand nombre, cette rencontre portant sur l'école montréalaise. On sait que cela est particulièrement préoccupant actuellement. J'ai l'impression que ça ne préoccupe pas vraiment l'opposition, puisque, M. le Président, par la voix de leur leader, ils ont refusé que nous commencions l'interpellation une heure plus tôt ce matin. L'interpellation n'était donc pas remise en question, parce que je crois que c'est important que nous en discutions. Si commencer une heure plus tôt ne satisfaisait pas, nous aurions même pu faire cette interpellation hier après-midi, ce qui n'est pas nécessairement mauvais, comme heure de débat, en après-midi par rapport à un vendredi matin. Nous aurions même pu la faire au début de la semaine prochaine. Il y a eu un refus de l'opposition, M. le Président, et je suis profondément déçue. Je ne comprends pas l'attitude de l'opposition à cet égard, particulièrement quand on sait l'importance des dossiers actuellement en cours avec l'école montréalaise, M. le Président.

Cela étant, le député se plaignait du fait que la dernière fois qu'il avait eu l'occasion de discuter des services de garde, c'était à l'occasion du projet de loi 70. Bon. Un peu de mémoire, quand même! On a discuté des services de garde à l'occasion de l'étude des crédits, à l'occasion de questions en Chambre. Je ne crois pas que le député puisse se plaindre des moments que nous avons eus pour débattre de ces questions.

Je vais maintenant revenir quant à la politique et quant à la philosophie qui nous animent à l'égard des services de garde et de leur développement. J'admets, bien sûr, qu'actuellement la phase dans laquelle nous sommes n'est pas la plus heureuse, parce que nous devons demander des efforts budgétaires du côté des services de garde comme on le demande à l'ensemble des services du gouvernement. Malheureusement, ce réseau n'est pas à sa maturité. On ne répond pas à tous les besoins et on doit retrouver un rythme de croisière, ce que j'ai d'ailleurs annoncé il y a quelques semaines et que nous aurons l'occasion de discuter lors des échanges sur le projet de loi qui a été déposé devant l'Assemblée, M. le Président, et que nous verrons dans les quelques semaines qui viennent. Ce que j'ai essayé de faire, cependant... Le budget de l'Office n'est cependant pas diminué, au sens strict du terme, il est le même que le budget de l'année dernière. Mais, évidemment, comme les services croissent, comme les demandes croissent, comme les besoins croissent, on doit, à l'intérieur de cette enveloppe budgétaire, nous assurer de la réponse à tous ces besoins. Donc, effectivement, il y a des efforts budgétaires de demandés aux parents, de même qu'aux administrations.

(10 h 20)

J'ai, à cet égard, publié un projet de règlement. En fait, c'est une prépublication, dans le jargon que l'on connaît. Je publierai d'ici quelques jours ou d'ici deux semaines au plus tard – bien sûr, pour que cela soit clair – un règlement plus définitif. À ce moment-là, il viendra corriger une partie du projet que nous avons publié, pour modifier la demande qui sera faite aux parents quant à l'effort budgétaire qu'ils doivent assumer à ce moment-ci.

Le ministre des Finances a annoncé au discours du budget que nous travaillerions ensemble, lui et moi, à revoir le crédit d'impôt remboursable aux parents, de telle sorte que nous le modulions différemment et qu'une partie des sommes prévues à ce crédit d'impôt puisse servir à l'aide directe aux parents dans la formule d'exonération, M. le Président. Ceci pour vous illustrer le fait que nous n'avons pas l'intention, dans les années qui viennent, de réduire l'effort que nous faisons à l'égard des services de garde, mais plutôt de l'augmenter.

Lorsque j'ai assumé les responsabilités de l'Office des services de garde, à l'automne 1994, M. le Président, il y avait, à peu près toutes les semaines, des manifestations dans les rues et devant cette Assemblée – vous vous en souviendrez – contre le gouvernement qui nous a précédés, pour manifester l'insatisfaction à l'égard de ce gouvernement quant à l'attitude qu'ils avaient à l'endroit des services de garde au Québec. Effectivement, leur philosophie est complètement différente de celle qui nous anime. Ils avaient décidé de se désengager de l'aide directe aux services de garde et d'aller plutôt vers le crédit d'impôt remboursable, de telle sorte que les parents puissent, bien sûr, bénéficier de ce crédit d'impôt, mais, on sait, avec les effets, d'ailleurs, qui sont actuellement dénoncés à cet égard pour les personnes soit à très bas revenus, soit pour les personnes qui n'ont pas un revenu régulier et qui, donc, ne doivent se prévaloir de ce crédit d'impôt qu'à la fin de leur année financière, alors qu'ils n'ont pas les sous pour payer, semaine après semaine, ce que cela demande que d'investir dans la garde de leurs enfants, parce qu'on doit payer les places semaine après semaine. Il y avait donc régulièrement, systématiquement, des oppositions.

Le gouvernement qui nous a précédés laissait se développer, sans aucune règle autre que les règles générales, les garderies à but lucratif qui occupaient un créneau de plus en plus important dans la distribution des services de garde au Québec, se désengageait de l'aide directe. La meilleure preuve a été le fait qu'en entrant au gouvernement j'ai réintroduit, par un montant forfaitaire, un 6 500 000 $ dans les services de garde pour soutenir les services à l'égard des salaires payés aux travailleurs et aux travailleuses de garderie, M. le Président. Parce qu'on sait malheureusement que, dans nos services de garde, se retrouvent des personnes compétentes, qualifiées pour assumer leurs fonctions, mais sous-payées compte tenu des fonctions qu'elles assument. Nous avons donc tenté de corriger par ce forfaitaire que le gouvernement avait décidé de modifier et de transformer en crédit d'impôt. Nous avons donc décidé de continuer à soutenir l'aide directe aux garderies.

Donc, notre choix, comme gouvernement, c'est, d'une part, d'aider au développement de services de garde et, donc, par cet intermédiaire, d'aider les parents qui gèrent, administrent, forment majoritairement les conseils d'administration des services de garde, de baliser les services offerts par les garderies à but lucratif et, maintenant, de ne plus les subventionner. Pour celles qui voudraient demander et obtenir... Elles pourront continuer d'obtenir des permis, mais n'auront plus accès aux subventions, réservant ainsi les subventions, d'une part, aux garderies qui sont dirigées par des parents et, d'autre part, les subventions, aussi, dirigées directement vers les parents qui utilisent les services de garde, selon le niveau de revenus qui est disponible pour ces parents.

Dans les correctifs que nous apporterons au projet de règlement que nous avons prépublié et aux interventions que nous faisons à l'égard de la garde en milieu scolaire, nous introduisons une reconnaissance des parents à très bas revenus qui, en garde en milieu scolaire, effectivement, auraient été pénalisés s'ils n'avaient pas pu continuer à recevoir une aide directe. Ce qui fait que, pour les 6-12 ans, nous réintroduisons une aide qui sera modulée selon les besoins des parents, dans la garde en milieu scolaire, de même que, pour les 4-5 ans gardés en garderie mais en milieu scolaire qui auraient pu se voir pénalisés par les modifications que nous faisons, effectivement, au budget d'aide aux garderies en milieu scolaire, M. le Président.

On me dit que le temps qui m'est imparti est presque écoulé. J'aimerais revenir, dans les interventions subséquentes... Je veux remercier mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe, de m'accompagner ce matin, de même que les gens de l'Office et de mon cabinet qui sont là. Je reviendrai sur tous les gestes que nous avons posés à l'égard des besoins de garde au Québec depuis un an et demi maintenant. Je reviendrai aussi sur la perspective que nous envisageons pour les mois et les années à venir. Et, si le député de Jacques-Cartier, actuellement, parlait du développement de 16 000 places en garde pendant les cinq ans du mandat du gouvernement auquel il a été associé, nous parlerons, dans les quatre prochaines années, de près de 26 000 places qui seront développées, M. le Président. Je pense que ça se compare, et c'est même avantageusement comparable.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la ministre. Je cède la parole à M. le député de Jacques-Cartier.


Argumentation


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci. Très rapidement. Moi, j'ai dit au président de la commission scolaire de l'île de Montréal que j'étais près à discuter avec la ministre de l'horaire de cette interpellation. Je n'ai reçu aucune demande de la ministre. Alors, ce qui arrive entre les bureaux de leader, ça, c'est une chose, mais je n'ai personnellement reçu aucune demande de changer l'horaire.

Deuxièmement, je veux attirer l'attention...

Mme Marois: Question de règlement, M. le Président.

Mme Loiselle: Parlez à votre leader.

M. Kelley: La décision de 1984, le président Richard Guay: Est-ce que...

Le Président (M. Lachance): Sur une question de règlement, Mme la ministre.

Mme Marois: Écoutez, M. le Président, je croyais que, dans les règles que nous avions à l'Assemblée nationale, on procédait par l'intermédiaire de notre leader, qui faisait des représentations auprès du leader de l'opposition, ce qui fait partie de nos traditions et de nos façons de faire. Ce que je constate, c'est que le leader de l'opposition ne parle pas à sa députation.

Mme Loiselle: C'est le contraire.

M. Kelley: Deuxièmement: «Est-ce que le moment d'une interpellation est déterminé en fonction des disponibilités du ministre?» La décision: «Dans notre système parlementaire, le Parlement a priorité. Un ministre doit donc préparer son horaire en fonction du Parlement.»

Je veux revenir sur la question du milieu scolaire parce que, dans le milieu scolaire, c'est très important, les compressions. La planification se fait maintenant pour la rentrée scolaire à la fin du mois d'août. Alors, on est en train de regarder avec les choses... Et la ministre peut dire qu'elle va corriger ça dans l'avenir, et tout ça, mais les services en milieu scolaire doivent prendre les décisions pour la fin août 1996. Et je veux juste... J'ai parlé à une directrice d'un service de garde en milieu scolaire hier soir. Elle m'a dit que ça, c'est les données qu'elle a en main pour le moment. L'année passée, à son service de garde, il y avait 225 enfants, il y avait une subvention de 215 $ par enfant. Pour l'année à venir, c'est coupé à 100 $ par enfant pour les premiers 25 enfants et seulement 50 $ pour le 26e et plus. Alors, pour ce service de garde, ça représente une compression... L'année passée, c'était 48 375 $; cette année, c'est 12 500 $. Alors, on coupe des trois quarts la subvention à cette garderie. Si on ajoute à ça que toute la clientèle de six à 12 ans, c'est complètement exclu de tout correctif à venir, ce n'est pas encore évident.

(10 h 30)

Alors, dans la planification, la directrice m'a dit hier soir: Qu'est-ce que je dois faire? Je peux hausser les tarifs, mais ça, ça se fait difficilement, parce qu'il y a des parents pour qui c'est déjà très difficile d'arriver à la fin du mois. Ou elle doit couper dans les services. Et, quand on coupe dans les services de ces enfants, M. le Président, on coupe, par exemple, la collation à la fin de la journée scolaire. Moi, je sais, chez nous, quand mes enfants arrivent à la fin de la journée scolaire, ils vident le frigidaire. C'est évident, c'est comme 200 $ d'épicerie qui disparaissent dans une trentaine de secondes quand mes cinq enfants arrivent à la maison. Mais, également, les enfants qui partent de l'école pour aller en service de garde en milieu scolaire ont faim aussi. Alors, on paie une petite collation. C'est ça qui va être coupé.

L'aide qu'on donne aux enfants pour faire leurs devoirs, ça va être coupé aussi. La directrice m'a dit qu'elle va regarder aussi les ratios entre le nombre d'éducatrices et les enfants, parce qu'elle a un ratio plus bas pour les maternelles. Le ratio, c'est de 1 à 20, mais elle met ça de 1 à 14 parce que, pour les petits, elle trouve ça beaucoup plus important d'avoir un ratio réduit.

Alors, soit qu'elle coupe dans ces services, et ce n'est pas du luxe, ce n'est pas des grands montants, mais c'est vraiment qu'on coupe dans les services qui amènent une certaine qualité de services, ou il faut augmenter les tarifs. Oui, peut-être avec le salaire d'un ministre ou d'un député, d'augmenter ça de 2 $ à 3 $ par jour, ce n'est pas si grave que ça, mais, pour les familles qui travaillent et qui gagnent en bas de 30 000 $ ou 20 000 $ par année, de trouver cet argent, ce n'est pas évident, M. le Président. C'est ça qui est la réalité, surtout sur l'île de Montréal, surtout en milieu défavorisé, et c'est là qu'on coupe. Alors, je pense que c'est presque un message, dans tout ça, que ça ne vaut pas la peine d'aller travailler. Si c'est le deuxième parent qui travaille dans une famille: Vous êtes mieux de rester à la maison. Ou, si c'est une femme monoparentale: Allez vers l'aide sociale, parce que, vraiment, cet outil essentiel, ça ne vaut pas la peine.

Alors, je ne comprends pas. Comme je l'ai dit, c'est 70 000 places dans nos services de garde qui sont en milieu scolaire, et notre engagement, l'État québécois, envers ces garderies est coupé de moitié dans les subventions. Elles sont passées de 25 000 000 $ à 12 000 000 $ pour un outil essentiel à la fois pour aider les enfants en milieu défavorisé, aider les enfants à faire leurs devoirs et aussi tout le point de l'intégration des familles et des enfants où la langue française n'est pas la langue maternelle. Alors, c'est un outil essentiel qui répond à beaucoup de priorités de ce gouvernement, et on coupe dedans d'une façon catastrophique.

Le Président (M. Lachance): Oui. Merci, M. le député. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui. M. le Président, je vais revenir sur quelques éléments qui concernent la garde en milieu scolaire suite aux interventions du député de Jacques-Cartier. Je regrette encore, cependant, que leur leader ne leur parle pas. Je suis très étonnée de cela, mais enfin.

Je reviens. D'abord, nous demandons effectivement aux commissions scolaires de prendre en charge une plus grande partie des frais de fonctionnement des services de garde. Vous savez, plusieurs commissions scolaires chargeaient des frais de l'ordre de 10 % à 25 % – cela varie dans les différentes commissions scolaires – aux services de garde. Généralement, ces frais étaient payés en partie par la subvention qui était versée au service de garde par l'Office des services de garde, bon, des frais reliés à l'utilisation de locaux, au coût concernant l'électricité, concernant, bon, toute espèce de choses comme ça, alors qu'on sait fort bien qu'ils pouvaient faire assumer ces frais par l'ensemble du budget soit d'immobilisations ou de frais de fonctionnement des équipements du budget général des commissions scolaires, puisque souvent les garderies occupent une portion toute petite soit des écoles ou des locaux administratifs des commissions scolaires. Donc, dans ce sens-là, c'est vrai que nous demandons un effort supplémentaire un peu plus grand aux commissions scolaires, mais nous croyons qu'elles sont, ces commissions scolaires, en mesure de le faire.

Deuxièmement, il est vrai que quelques dollars, pour une famille, ça peut être énorme à cause du revenu dont disposent ces familles. Je suis très sensible à ces questions-là, et le député de Jacques-Cartier le sait très bien, d'ailleurs, M. le Président. Dans ce sens, nous avons introduit une mesure corrective pour les 6-12 ans, entre autres, à hauteur d'une moyenne de l'ordre de 450 $ – c'est ça – par enfant. Cela étant une moyenne, attention! Certaines familles étant plus touchées que d'autres pouvant bénéficier, donc, d'une aide pouvant dépasser ce 450 $, et les familles un peu moins touchées pouvant aller à une aide de 250 $, bon, pour atténuer, justement, l'effet sur les familles à très bas revenus. Étant entendu que les familles à bas revenus, mais qui participent à des mesures, par exemple, d'insertion au niveau de l'aide sociale, soit du rattrapage scolaire, soit du stage ou toute autre forme d'insertion, ont une aide significative qui permet de couvrir l'ensemble du coût assumé pour la garde en milieu scolaire.

D'autre part, ce que l'on sait, c'est que 90 % des revenus des services de garde en milieu scolaire viennent de contributions parentales. C'est-à-dire que l'aide que le gouvernement apportait à la garderie en milieu scolaire, et continuera d'apporter mais en proportion moins grande, ne couvrait qu'environ 12 % de tous les coûts des services de garde en milieu scolaire, c'est-à-dire les coûts des parents. Ce qui veut dire que, avec l'élément de correction, on réduit encore cet effort demandé aux parents, cet élément de correction dont je parlais tout à l'heure. On réduit encore l'effort demandé aux parents. Je souhaite, et j'espère, et je crois que les commissions scolaires vont être, à cet égard, raisonnables dans la reconnaissance du rôle qu'elles ont à assumer à l'égard des garderies en milieu scolaire, surtout que je crois qu'elles peuvent se permettre de le faire dans la perspective, en plus, où rapidement nous devrions venir, à l'automne, avec une prévision et une révision complète de l'aide que nous accorderons aux parents, dans la perspective d'une révision du crédit d'impôt remboursable modulé autrement, une partie de ce crédit étant transféré vers l'aide directe aux familles à très bas revenus, M. le Président.

Et je termine, parce que je sais que, malheureusement, le temps qui m'est imparti est déjà... Il ne reste à peine que quelques secondes. Je termine en vous disant que nous avons aussi, comme information à l'Office, le fait que des garderies en milieu scolaire avaient certains surplus. C'est un nombre considérable de garderies. On parle de 75 % des services de garde qui avaient réalisé des surplus. Je sais qu'on leur demande d'aller chercher dans des sommes que, comme un petit écureuil, on avait accumulées, mais on pourra, par la suite, je vous dirai, venir recorriger cette situation.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: M. le Président, je suis particulièrement heureux, ce matin, de participer à cette interpellation, parce que c'est une question qui me tient énormément à coeur, la question des services de garde incluse dans l'ensemble de tout ce qui regarde la politique d'aide aux jeunes familles.

Vous savez, M. le Président, ce n'est pas facile quand on a... Je pense à une personne qui est venue me voir dans mon bureau, la semaine dernière, une jeune femme qui se retrouve seule, comme ça arrive malheureusement trop souvent. Parfois, aussi, ça arrive pour des hommes. Ça arrive aussi pour des hommes. Mais, la plupart du temps, c'est des jeunes femmes qui se retrouvent souvent seules avec deux enfants en très bas âge, et elles doivent s'en occuper, évidemment. Elles le font avec plaisir et avec une générosité tout à fait admirable. Mais, quand ces femmes-là se retrouvent seules avec peu ou pas de revenus, souvent... Cette dame-là devait retourner aux études pour se perfectionner, pour reprendre sa place sur le marché du travail et reprendre une autonomie financière avec trois cours par semaine à suivre à des horaires changeants, de façon que c'est difficile pour cette femme de s'organiser pour faire garder ses enfants.

(10 h 40)

Et on a tous... Je pense que, chacun d'entre nous, on pourrait raconter des cas et des cas comme ceux-là où, vraiment, la question du service de garde est très importante. C'est important à l'intérieur d'une politique d'ensemble de la famille. Imaginez il y a combien de jeunes femmes qui, à 24, 22, 20, 25 ans, disent: J'aimerais donc ça avoir un enfant, mais l'insécurité économique est trop grande, je n'ai pas d'emploi. Alors, dans ce contexte d'un effort, d'une volonté du gouvernement de restituer aux femmes et aux jeunes couples, aussi, cette liberté d'avoir les enfants qu'ils veulent ou qu'elles veulent, eh bien, il y a cette politique, que l'on est en train de mettre en place, de service de garde adapté, vraiment adapté aux besoins.

Évidemment, tout à l'heure, j'ai bien écouté l'intervention de M. le député de Jacques-Cartier, et j'avoue que je me suis réjoui. Je me suis réjoui de l'intérêt qu'il prend à cette question tellement importante et tellement fondamentale pour notre société. Et je le félicite. Je le félicite d'avoir provoqué cette interpellation ce matin. Je pense que ça va permettre au gouvernement de bien faire comprendre à la population les politiques adoptées. Maintenant, il a décrit une situation, ce qu'avait fait son gouvernement, que j'ai trouvée extraordinaire, admirable, M. le Président. Je me suis dit: Mais, c'est vraiment... C'est «Alice au pays des merveilles», quoi! Il y a juste un problème, M. le Président, c'est que, me rappelant ce qui s'est passé dans mon bureau quand je suis arrivé après le fameux 14 septembre – qui a permis à la population de dire ce qu'elle voulait pour l'avenir, dans ce domaine comme dans le reste, et qui a décidé de mettre notre gouvernement au pouvoir – ce que j'ai entendu des représentations des jeunes familles, ça ne correspond pas à ce que M. le député de Jacques-Cartier a expliqué. Alors, j'ai l'impression que c'est comme une vision de l'esprit qu'il nous a expliquée. Que le gouvernement ait fait la promotion de la diversité, de la complémentarité, je trouve ça magnifique. Moi, ce que j'ai récolté quand je suis arrivé, c'est plutôt la confusion et l'ambiguïté que la diversité. Alors, je pense... Ça peut se comprendre, par exemple. Quand on sait que même le leader ne parle pas à ses députés, c'est un peu normal que ça ait été comme ça, à l'avenant, dans le gouvernement.

Alors, tout ça, je comprends ça, mais je veux souligner quand même que, malgré tout cela, M. le député de Jacques-Cartier manifeste un intérêt vraiment important pour les services de garde, et ça, je l'en félicite, et très sincèrement. Ça va nous aider, je pense. Les questions qu'il pose, l'intérêt qu'il manifeste vont nous permettre de faire un bout de chemin. Vous savez, après neuf ans de plus ou moins laisser-aller, tout ne peut pas se corriger en un an et demi. C'est sûr que M. le député de Jacques-Cartier aura l'occasion de souligner un certain nombre de failles et de carences. Probablement qu'il ne réussira pas à en souligner suffisamment, parce qu'on ne peut pas corriger en un an et demi ce qu'ils ont laissé comme héritage. Mais je peux l'assurer que notre gouvernement... S'il écoute avec beaucoup d'attention les précisions qui sont apportées par la ministre, et j'ai aussi des précisions à apporter, je pense qu'il aura la chance d'être plus serein pour l'avenir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Oui, je veux revenir sur le thème des conséquences des décisions en milieu scolaire. C'est bien beau de parler du souhait de la ministre que, peut-être, les commissions vont prendre la relève, mais je veux juste rappeler à cette commission que ces mêmes commissions scolaires viennent d'écoper de compressions de 257 000 000 $. Alors, je pense que c'est illusoire de prétendre que les commissions scolaires vont trouver les ressources additionnelles pour prendre la relève, pour corriger les dégâts causés par la ministre. Je pense que c'est vraiment rêver en couleur.

Quand j'ai parlé à la directrice des services de garde en milieu scolaire cette semaine, c'est le contraire qui est en train de se faire: les services de garde qui ne payaient pas de loyers dans le passé vont commencer à payer les loyers ou les loyers existants vont augmenter. C'est ça, la réalité des choses, parce que les commissions scolaires vont essayer de trouver d'autres sources de revenus pour compenser la perte de 257 000 000 $ de ce gouvernement, alors ils vont imposer des loyers. J'ai parlé à une autre directrice, hier soir, qui m'a dit: Pour la première fois, ils vont facturer pour l'électricité à l'école. J'ai parlé à une autre, c'est: Pour la première fois, ils vont facturer le téléphone qui se trouve dans le service de garde en milieu scolaire.

Alors, c'est ça, la réalité des choses: parce que nous avons coupé les commissions scolaires, au lieu de prétendre qu'elles peuvent venir sauver la ministre, qu'elles peuvent arriver à corriger les dégâts de la ministre, c'est le contraire, elles vont imposer davantage des coûts pour les services de garde en milieu scolaire. Alors, encore une fois, on va soit augmenter les tarifs qu'il faut charger aux parents, et ça aura un impact néfaste pour les familles à faibles revenus et les familles à revenus modestes, ou on va couper dans la qualité des services.

Et j'ai des témoins, des vrais citoyens. Au-delà des beaux principes, et tout ça, le monde qui m'écrit dit que les compressions qui sont visées ici... Je vais prendre l'exemple de quelqu'un qui demeure dans le comté de Hochelaga-Maisonneuve. Lorsqu'on prend pour exemple un parent monoparental qui travaille au salaire minimum, les coupures des subventions des services de garde signifient un énorme creux dans son budget, tellement que, si ce dernier décide de demander l'aide sociale et de garder son enfant à la maison, il sera plus riche d'environ 200 $ par mois, 200 $ de plus s'il reste à la maison et peut-être un emploi comme gardienne sur le marché noir qui lui fournira un revenu supplémentaire. C'est ça, les conséquences de la décision.

Une autre personne qui m'écrit dit: Je crois sincèrement que le Québec ne peut se permettre de négliger ainsi les adultes de demain ni leurs parents qui vont petit à petit sombrer dans le désespoir, désespoir de ne pouvoir s'en sortir, désespoir de ne pouvoir offrir une meilleure vie à leurs enfants, désespoir de ne pas voir la fin du tunnel. Alors, ce n'est pas moi qui ai inventé ça, c'est les citoyens et citoyennes du Québec qui ont écrit.

Je suis un parent bénéficiant de l'aide financière accordée. Je suis une mère monoparentale de trois filles qui fréquentent le service de garde en milieu scolaire de mon école à Longueuil. Malgré le fait que je gagne un salaire un peu plus haut que le salaire minimum, il est inconcevable pour moi de considérer devoir payer 160 $ par semaine pour mes trois filles, alors que, actuellement, j'en débourse 60 $. Avec ce petit salaire, comment voulez-vous que j'augmente mes paiements de 100 $ par semaine? Dois-je couper dans la nourriture ou dois-je laisser mes enfants de 10, huit et cinq ans seuls à la maison? Qu'en pensez-vous? Quelles solutions m'offrez-vous? Il sera autant plus difficile de maintenir les femmes dans les milieux de travail, surtout lorsque celles-ci sont dans des situations aussi précaires que la mienne.

Alors, ce n'est pas moi qui ai inventé ces témoignages, ce sont les citoyennes et les citoyens du Québec qui ont écrit. Et qu'est-ce que la ministre a fait pour corriger la situation? Quand j'ai parlé à une directrice d'un des services en milieu scolaire, un grand sondage d'une vingtaine de pages est tombé sur sa tête, daté du 24 mai. Après que toutes les décisions sont prises, le ministère de l'Éducation a décidé de faire un sondage. Alors, elle a tout ça à remplir. C'est une Mme Michaud, qui travaille au ministère, qui a envoyé ça. On demande combien d'argent par année elle dépense pour le papier de toilette. Est-ce que c'est vraiment essentiel, avec le temps limité pour nos directrices dans les services de garde en milieu scolaire: Combien est-ce que vous dépensez en savon par année? Alors, c'est vraiment... On prend les décisions, on coupe de façon drastique et catastrophique, et tout ça, mais on revient à la fin: On va faire un sondage pour voir la réalité des choses.

Juste en terminant, je trouve ça étonnant que la ministre ait dit: Parce que les services de garde sont des bons gestionnaires qui réussissent à avoir un surplus à la fin de l'année, on va les pénaliser. Vous faites beaucoup mieux de faire un déficit parce que, comme ça, on va arriver à éponger le déficit, mais en surplus, ça, ce n'est pas correct, on va taxer davantage.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, j'imagine quand même que le député de Jacques-Cartier n'est pas en train de dire aux gens qu'ils seraient mieux d'aller à l'aide sociale que d'être sur le marché du travail. Je n'ai pas compris ça. Je suis certaine que je n'ai pas compris ça, de toute façon.

(10 h 50)

J'aimerais revenir, M. le Président, sur le sondage auquel vient de faire référence le député de Jacques-Cartier. En fait, ce n'est pas le gouvernement qui a procédé à un sondage, mais nous avons aidé une organisation qui nous a demandé de pouvoir le faire. Nous avons donc soutenu son travail. Et c'est justement l'Association des services de garde en milieu scolaire qui souhaitait ainsi avoir des outils pour mieux faire ses représentations, tant auprès des commissions scolaires que du gouvernement. Alors, je pense que de blâmer le gouvernement d'avoir contribué au fait qu'une association souhaitait obtenir des outils plus complets, des informations plus complètes pour ensuite souvent s'en servir, d'ailleurs, justement pour nous demander davantage... C'était, au contraire, d'être, je dirais, très généreux et très ouvert à une demande légitime, je pense, de cette Association. Est-ce que le sondage était un peu trop élaboré? On pourra poser la question à l'Association. Mais, cela étant, c'était vraiment de pouvoir leur faciliter l'accès aux services et, ainsi, leur éviter justement des frais. Alors, je pense qu'il faudrait faire ces remarques, j'imagine, à l'Association des services de garde en milieu scolaire, M. le Président.

J'aimerais revenir sur une chose que j'ai dite tout à l'heure, et je crois que c'est important de le répéter parce que le député ne semble pas avoir compris. Nous avons introduit une correction à l'aide aux parents pour la garde en milieu scolaire, une moyenne d'aide de l'ordre de 450 $ par enfant. Cela étant une moyenne, ce montant peut être plus élevé pour certaines familles et un peu plus bas pour d'autres. Un cas, par exemple, auquel faisait référence le député, qui est un cas qui est, à mon point de vue, quasi impossible ou tout à fait exceptionnel, où on verrait les frais augmenter de l'ordre de 100 $ semaine, serait évidemment concerné par une telle situation, compte tenu du revenu de la personne. Parce que, généralement, les frais... Dans les services de garde en milieu scolaire, évidemment, comme il s'agit de garde en dehors des heures régulières de classe, ou d'école, ou de maternelle, ce sont des heures moins longues que celles que l'on retrouve en services de garderie, donc on charge des frais moins élevés. On parle de 7 $, je crois, environ, en moyenne, 7 $ à 8 $. Donc, évidemment, à moins d'avoir deux enfants, bien sûr, on pourrait toujours arriver à 90 $ si on était au maximum de l'aide et qu'on n'assumait aucuns frais. Donc, ce sont des situations peu plausibles, mais il reste des situations qui peuvent être difficiles pour certains parents. C'est à cet égard que j'ai introduit une correction, et je pense que c'était absolument essentiel de le faire.

J'aimerais revenir maintenant, M. le Président, sur les gestes que nous avons posés, pendant la dernière année, à l'égard des services de garde au Québec, et ce sont des gestes très significatifs. D'abord, je rappelais le fait que nous avons versé aux garderies sans but lucratif un montant forfaitaire leur permettant de conserver la hausse salariale qui avait été accordée aux éducateurs et aux éducatrices en garderie, ce que le gouvernement prévoyait enlever. Nous avons travaillé avec les services de garde, M. le Président, à évaluer l'ensemble des mesures de financement s'adressant directement aux garderies, pour corriger, là encore, ce support qui était complètement inadéquat et inadapté à la réalité des services de garde. Tous les partenaires des services de garde ont collaboré à cette consultation, à ces recommandations, et nous savons, pour les avoir revus et entendus, qu'ils sont très satisfaits des choix que nous avons faits, M. le Président. Actuellement, dans la modification du règlement auquel nous allons procéder dans les quelques semaines qui viennent, nous les avons et nous continuons à les consulter, de telle sorte qu'effectivement ce règlement soit le plus équitable possible et ne pénalise pas les bas revenus. Et, à cet égard, nous avons une excellente collaboration avec l'ensemble de services de garde au Québec. Je reviendrai, puisque vous me dites...

Le Président (M. Lachance): Le temps passe vite, Mme la ministre.

Mme Marois: ...que mon temps est écoulé.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: Oui, M. le Président, je remercie la ministre de ses explications concernant toute la question des sondages qui ont eu lieu. Vous savez, l'objectif de ce gouvernement, ce n'est pas juste de monter, d'échafauder de belles théories ou de belles structures parfaites en elles-mêmes, mais c'est plutôt de travailler, de façon très étroite et en concertation quotidienne, avec la population. C'est sûr que, quand on arrive dans cette optique-là, qu'on accepte de faire des choses en concertation avec d'autres, en partenariat, bien, évidemment, on accepte de ne pas tout contrôler de A à Z. Ça comporte des risques, mais ça comporte aussi des avantages énormes, c'est qu'on a de bien meilleures chances de se coller à la réalité, de se coller sur la vraie vie. C'est l'objectif poursuivi par ce gouvernement: d'être le plus près possible de la réalité vécue par les parents qui ont accès ou qui ont besoin des services de garde.

Vous savez, quand on parle des services de garde, pour la plupart des gens, c'est quelque chose d'assez compliqué. Les interventions du gouvernement dans ce domaine-là, c'est quelque chose aussi d'assez compliqué. Évidemment, pour quelqu'un qui vit là-dedans tous les jours, c'est simple. On a tout compris, toutes les catégories sont là. Mais, pour la plupart des gens, c'est assez compliqué. Il y a l'aide aux parents, l'aide aux garderies, l'aide à la formation, l'aide pour l'aménagement des locaux, il y a toutes sortes d'aides, il y a les jardins d'enfants, les garderies, les haltes-garderies, garde en milieu familial, garde en milieu scolaire, garde en milieu de travail. Alors, c'est complexe, M. le Président. Pour les gens qui ont besoin de services de garde et pour la population qui doit juger des politiques du gouvernement, ce n'est pas facile de comprendre tout ça. C'est pour ça que mon intervention, présentement, vise surtout à clarifier certains concepts, pour qu'autant les questions que les réponses soient mieux comprises par l'ensemble de la population qui est intéressée à cette question-là qui est fondamentale dans notre société.

Alors, il y a, actuellement, cinq types de services de garde qui sont offerts. Il y a les services de garde en garderie qui visent à répondre aux besoins de garde régulière, à temps plein ou partiel, plus particulièrement pour les enfants de zéro à cinq ans, et qui s'exercent dans des installations, dans des bâtiments prévus de façon spécifique à cet effet.

Il y a ensuite les jardins d'enfants. L'objectif, dans le cas des jardins d'enfants, est un peu différent, ce n'est pas uniquement la garde des enfants, mais c'est aussi la socialisation des enfants. Alors, ça s'adresse aux enfants plus de deux à cinq ans, donc un peu plus âgés. Parce que, vous savez, c'est bien sûr qu'on ne fera pas des efforts pour socialiser des poupons. La socialisation, ce n'est pas parce que ça n'existe pas, c'est parce que là où vraiment on entre dans une dynamique proactive de socialisation, c'est quand un enfant a acquis un certain âge. Donc, ça s'adresse principalement aux enfants de deux à cinq ans.

Il y a les haltes-garderies. Qu'est-ce que ça vise, les haltes-garderies? Ça vise des parents comme cette dame dont je parlais tout à l'heure qui doit, qui a besoin de s'absenter soit pour se refaire une tête... Face à tout l'ensemble de la problématique, ce n'est pas facile d'élever un enfant, garder un, ou deux, ou trois enfants. Donc, il y a des parents qui ont besoin de se retirer, de se refaire une tête, de partir à toutes les semaines, un peu, quelques heures, ou qui ont affaire chez le médecin. Donc, une halte-garderie permet de répondre à des besoins ponctuels.

Il y a les services de garde en milieu familial, M. le Président. Les garderies, c'est nécessaire, c'est important, c'est indispensable, mais il y a des parents qui préfèrent faire garder en milieu familial. C'est leur choix, et, comme ils sont les premiers responsables de leurs enfants, je pense qu'il faut tenir compte de ces choix-là. C'est pour ça que c'est une forme de gardiennage, si on veut.

Et il y a, en dernier lieu, les services de garde en milieu scolaire ou en milieu de travail. En milieu scolaire, bien, on sait comment c'est: les enfants avec la clé au cou qui arrivent à la maison à 15 h 30, 16 heures et qui doivent s'arranger parce que les parents doivent travailler, les deux ou le parent monoparental doit travailler jusqu'à plus tard. Alors, le fait d'avoir des services de garde en milieu scolaire permet d'amortir la problématique sur ce point-là.

Donc, de bien comprendre l'ensemble des services dans notre système, je pense que ça nous permettra d'expliquer davantage les interventions du gouvernement. Il y a les garderies, il y a les jardins d'enfants, il y a les haltes-garderies, il y a la garde en milieu familial et il y a la garde en milieu scolaire et en milieu de travail. Alors, là-dessus, je pense qu'on pourra se comprendre mieux pour la suite de la discussion. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Avant de débuter, M. le Président, j'aimerais savoir si on vient d'avoir un remaniement ministériel éclair, parce que la ministre n'est plus là et c'est le leader qui est à sa place.

M. Bélanger: Je peux répondre, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je suis un peu étonné de la surprise de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Elle sait que, depuis la semaine dernière, je suis le père d'une petite fille. Donc, elle peut comprendre ma sensibilité au problème des garderies, problème auquel je serai confronté, inévitablement, à un moment donné. Alors, au Conseil des ministres, j'ai une sensibilité particulière à ce dossier. Évidemment, en vertu de notre règlement, un ministre peut toujours remplacer un autre ministre, et je remplace la ministre de l'Éducation responsable des services de garde.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la député.

Mme Loiselle: M. le Président, seulement un... Je voudrais féliciter M. le député d'Anjou, je n'étais pas au courant. Mais je suis quand même surprise de voir que la ministre commence le débat, puis qu'elle nous quitte en plein milieu du débat. Il faudrait connaître les priorités du gouvernement, les priorités de la ministre aussi.

(11 heures)

M. Bélanger: M. le Président, là-dessus, je pense que, à ce moment-là, à partir du moment que la question est soulevée, je dois y répondre. Tout à l'heure, j'écoutais le député de Jacques-Cartier qui disait qu'on ne lui avait pas fait part de demande de changement d'interpellation. Je peux lui dire que, personnellement, j'ai parlé au leader de l'opposition et j'ai demandé la possibilité que cette interpellation ait lieu hier. Hier, la ministre aurait pu être là pendant deux heures pour, justement, échanger sur le dossier important qu'est celui dont on parle présentement. Alors, je suis étonné que le leader de l'opposition, le député de Brome-Missisquoi, n'ait pas transmis, finalement, l'information au député de Jacques-Cartier. Personnellement, je peux même dire que, mercredi, ici sur le plancher, j'en ai reparlé au député de Brome-Missisquoi. Je lui ai dit l'engagement incontournable qu'avait la ministre de l'Éducation: 750 personnes l'attendent présentement, l'ensemble des intervenants en milieu scolaire l'attendent présentement pour un dîner où elle est la conférencière. Alors, je suis complètement étonné du manque d'ouverture, finalement, de l'opposition officielle. À 13 reprises, quand on était dans l'opposition, on a, à ce moment-là, aidé le gouvernement pour accommoder les ministres relativement à leurs agendas.

Mme Loiselle: Question de règlement, M. le Président. Depuis le début de l'interpellation, là, chaque député, la ministre, maintenant le député d'Anjou nous exposent les états d'âme du gouvernement sur leurs conflits d'horaires. Alors, je pense qu'on devrait peut-être revenir au débat, là, parce que c'est assez ridicule.

Le Président (M. Lachance): Vous avez compris, Mme la députée, que ce n'était pas une question de règlement. Maintenant, moi, je vous invite à poursuivre le débat parce que le temps continue à filer. En ce qui concerne le fait qu'il y ait eu remplacement de ministre, bien, la présidence n'a pas à statuer là-dessus. Ça appartient au gouvernement de décider quel ministre peut intervenir.

Mme la députée, vous avez la parole.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir un petit peu sur la journée d'hier, où il y a eu une motion de censure contre le gouvernement. Mon collègue de Frontenac a démontré avec beaucoup de justesse l'incohérence de ce gouvernement péquiste entre le discours mielleux et enjôleur de son premier ministre et certains de ses ministres et, aussi, le contraste avec les actes et les gestes qui sont posés par ce gouvernement. On nous sérénade, M. le Président, depuis plusieurs mois, une belle berceuse sur la compassion, la justice sociale, l'équité sociale, la solidarité, mais, quand on regarde ce que ce gouvernement fait aux familles à faibles revenus, aux parents à revenus modestes, aux familles les plus démunies, la population peut se poser de grandes questions.

M. le Président, je vais vous épargner tous les coups qui ont été adressés aux bénéficiaires de l'aide sociale depuis le mois de décembre, parce qu'il y en a tellement que mon temps serait déjà écoulé. Mais j'aimerais sûrement vous informer, parce que je suis certaine que vous n'êtes pas au courant, qu'hier, dans la Gazette officielle du Québec , le 29 mai – le gouvernement du Parti québécois continue de s'acharner sur les parents à faibles revenus, sur les familles à faibles revenus et sur les familles monoparentales – qu'est-ce qu'on a découvert, hier, dans la Gazette officielle du 29 mai? On apprend que le gouvernement du Parti québécois enlève l'indexation aux bénéficiaires de l'aide sociale qui sont au Soutien financier. Mais, en plus, on apprend, dans la même Gazette officielle , qu'on enlève aussi, qu'on charcute l'allocation au logement. On joue avec le taux d'allocation et on joue avec le plancher, le loyer de plancher, ce qui fait qu'on va exclure des familles du programme APPORT et des familles bénéficiaires de l'aide sociale de l'allocation au logement, et on va aussi restreindre l'accessibilité.

Alors, là je me dis que, bon, ça, c'est une ministre qui a fait ça avec son gouvernement puis avec son premier ministre. Alors, la ministre responsable de l'Office des services de garde, elle s'est dit: Moi aussi, il faut que je m'acharne à mon tour sur les familles démunies puis les familles à revenus modestes. Alors, la ministre s'est dit: Comment je vais faire ça? Eh bien, alors je vais couper. Moi, je vais couper l'aide financière aux parents, l'aide financière aux parents dans les quartiers économiquement faibles, dans les quartiers comme Hochelaga-Maisonneuve, dans les quartiers comme Saint-Henri–Sainte-Anne, dans la plupart des quartiers, finalement, dans la plupart des comtés, même dans les comtés ministériels.

Puis, tantôt, j'écoutais le député de Saint-Hyacinthe nous donner le beau discours sur les jeunes femmes qui veulent avoir des enfants, puis les difficultés de ces jeunes femmes là. Ce qu'ils ont oublié de nous dire, le député de Saint-Hyacinthe et la ministre, M. le Président, c'est que c'est ces jeunes femmes là, chefs de famille monoparentale, qui sont les plus touchées par les coupures sauvages que l'on fait actuellement à l'Office des services de garde. Mon collègue, tantôt, de Jacques-Cartier en a parlé dans les services de garde à l'école. Savez-vous ce que ça signifie, ça, pour des parents, pour une famille avec deux enfants? Une situation, là, prenons une famille à revenus modestes dans mon comté. Une famille avec deux enfants, M. le Président, ça va leur coûter 400 $ de plus par mois pour envoyer leurs enfants dans les services de garde à l'école. Quand vous avez des revenus modestes... La ministre, tantôt, nous a fait accroire qu'elle était très sensible à ça. Moi, je regrette, une ministre qui coupe dans les familles à revenus modestes, qui coupe l'aide financière pour les services de garde, la même ministre a été capable de trouver, il y a quelque temps, M. le Président, 300 000 000 $ pour des augmentations salariales aux fonctionnaires sur une base de trois ans, je m'excuse, mais la sensibilité que la ministre a laissé sous-entendre tantôt, on s'en reparlera.

M. le Président, on parle beaucoup des services de garde, mais il y a d'autres places où la ministre a coupé. On n'en parle pas beaucoup. Le député de Saint-Hyacinthe, tantôt, nous a donné tous les programmes qui existent au niveau... Mais il ne nous a pas dit où la ministre coupait. C'est ça que la population veut entendre. Les gens connaissent ce qui existe comme services de garde, mais les gens veulent entendre où la ministre coupe. La ministre, à part d'avoir coupé dans les services de garde à l'école de façon drastique et insensible, elle coupe aussi les travailleurs saisonniers et les personnes inscrites à des programmes de réinsertion au marché du travail parce que ces personnes-là avaient... Une exception à la loi était prévue pour cette clientèle-là. On a aboli ça pour les travailleurs saisonniers et les personnes inscrites à des programmes de réinsertion au marché du travail. La ministre, aussi, elle a éliminé les paiements de journée et demie et des deux journées. Le député de Saint-Hyacinthe nous parlait des jeunes femmes tantôt, M. le Président, mais, ça, ça touche les familles monoparentales qui veulent arriver et qui ont deux emplois ou qui ont un emploi puis qui vont à l'école. Mais, ça, la ministre aussi a coupé dans ça. Ça n'existe plus.

Alors, M. le Président, moi, je dis que, avec les coupures sauvages et insensibles qu'on vient d'appliquer aux parents de familles modestes et à faibles revenus, ce que l'on dit à ces familles-là, c'est qu'on les punit, on punit l'emploi. Puis ce n'est pas nous qui disons que ces familles-là vont être obligées d'aller à l'aide sociale, M. le Président, c'est le gouvernement. Parce que, quand ils vont être obligés de payer 400 $ par mois en services de garde, ces parents-là n'ont pas l'argent, puis ils vont être obligés d'aller à l'aide sociale. Ça, c'est les effets pervers des coupures sauvages de ce gouvernement.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée. M. le ministre et leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je suis un peu étonné, je vous dirai tout de suite, de voir la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne revenir sur peut-être l'incident, je pourrais dire l'événement peu glorieux de la motion de censure d'hier. En effet, j'ai assisté à tout ce débat hier sur la motion de censure, et le point culminant de cette motion de censure a été, je pense, l'intervention du député de Viau sur la taxation des raisins et du vin comme étant une mesure tout à fait discriminatoire et, même, raciste à la limite. Alors, ça a été, je pense, le crescendo de l'argumentation de la motion présentée par le député de Frontenac. Je peux difficilement comprendre que cette motion de censure, maintenant, devienne tout à coup le corpus, si on peut dire, d'une argumentation sérieuse. Je voyais même le député de Frontenac, hier, qui semblait un peu mal à l'aise de la tournure des événements relativement à la motion de censure qu'il avait faite.

Si on regarde l'ensemble des mesures qui ont été prônées par ce gouvernement, quand on parle d'équité, c'est qu'on parle de l'ensemble de la population. Il faut regarder, je pense, l'ensemble des mesures qui ont été prônées par ce gouvernement-là pour, à ce moment-là, pouvoir en juger l'équité. C'est évident que, si on prend des mesures une par rapport à une autre, puis qu'on commence à porter des jugements hâtifs, on peut en arriver, des fois, à des conclusions qui sont erronées et qui sont fausses. Pour nous, et ça a été le discours qui a été tenu dans le dernier discours du budget, dans les interventions du premier ministre, le message qu'on a envoyé à la population, c'est l'équité par rapport à l'ensemble de la population. Et je pense que la population, dans l'ensemble, est tout à fait réceptive à ce genre de message là.

Vous me direz qu'on est un peu loin du dossier qui fait présentement l'objet de l'interpellation, mais c'est vrai que c'est la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui nous a amenés sur ce chemin. Quand on parle d'équité, M. le Président, l'équité salariale, je suis certain que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, quant à elle, est très sensible à ce dossier d'équité salariale. On a déposé une loi sur l'équité salariale, une loi qui, nous l'espérons, pourra – je pense, en tout cas, c'est mon impression – à ce moment-là, vraiment corriger l'inéquité qui existe sur le marché du travail entre les femmes et les hommes. On a des femmes, uniquement parce qu'elles sont des femmes, parce qu'elles occupent des postes qui sont occupés majoritairement par des femmes, qui se retrouvent finalement sous-payées. Alors, c'est ça, l'équité.

(11 h 10)

Alors, quand j'entends la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne crier: Coupures sauvages... Et on sait, quand on est dans l'opposition... J'ai été dans l'opposition, moi aussi, M. le Président. Des fois, on a une inflation verbale qui est tout à fait normale quand on est dans l'opposition. C'est notre travail, on essaie d'attirer l'attention. C'est normal aussi. Mais il faut aussi, je pense, regarder l'ensemble des mesures pour pouvoir, à ce moment-là, porter un jugement.

L'assurance-médicaments, M. le Président, est un autre exemple, je crois. Encore là, c'est l'équité qui est visée, M. le Président, 1 200 000 personnes. En général, ces gens-là, c'étaient des petits salariés, M. le Président. Les petits salariés n'avaient aucune, aucune couverture relativement à une assurance-médicaments. Ces gens-là, ils venaient dans nos bureaux. Je suis certain que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne en a eu plusieurs qui sont venus dans ses bureaux dire: Écoutez, mon enfant est malade, Mme la députée. Je fais un peu plus du salaire minimum, je n'ai aucune assurance.

Mme Loiselle: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée, sur une question de règlement?

Mme Loiselle: Est-ce qu'on peut parler un petit peu des garderies, s'il vous plaît, dans son cinq minutes?

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, vous comprendrez que c'est elle qui a ouvert la porte, elle a même parlé de l'allocation au logement. Je pense que vous en conviendrez avec moi, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne était un peu loin du dossier des garderies quand elle parlait de l'allocation au logement. Alors, c'est évident que, quand, par son intervention...

Mme Loiselle: ...comment vous êtes insensibles.

M. Bélanger: ...elle aborde ou elle nous interpelle... La motion de censure, aussi, M. le Président. Je pense que cette motion de censure n'était pas, quant à moi, sur le sujet de l'interpellation. Mais, si on questionne le gouvernement sur ce dossier, bien, vous comprendrez, moi, en plus, comme leader du gouvernement, je me dois de répondre, M. le Président. Je me dois de répondre et d'apporter des précisions sur ces sujets-là, sur ces dossiers-là qui sont importants.

Et l'équité salariale, je suis certain que, dans sa prochaine intervention, la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne va dire: J'y tiens, c'est important, et c'est quelque chose...

Mme Loiselle: ...garderies, M. le Président, quand même! Que le nouveau papa nous parle des garderies.

M. Bélanger: ...qui est tout à fait vital. Alors, donc, M. le Président... Vous me faites signe, M. le Président, qu'il ne reste que 30 secondes. J'aurais voulu, évidemment, pouvoir aborder le projet de loi n° 11. Lors de ma prochaine intervention, M. le Président, je pourrai aborder d'une façon beaucoup plus détaillée une réalisation concrète, une action concrète de ce gouvernement, le dépôt du projet de loi n° 11. Je sais qu'il va y avoir un débat intéressant sur ce projet de loi. Le député de Jacques-Cartier va certainement questionner beaucoup le gouvernement et la ministre sur ce dossier. Lors de ma prochaine intervention, M. le Président, je pourrai, à ce moment-là, d'une façon beaucoup plus claire, aborder le projet de loi n° 11.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: Oui, M. le Président. C'est sûr que la situation à laquelle doit faire face ce gouvernement n'est pas une situation facile et il est certain que le gouvernement doit effectuer des coupes. Je dis bien des coupes et non des coupures, M. le Président, parce que – vous permettrez cette petite digression, je pense que les gens ne seront pas fâchés de savoir la distinction entre une coupe puis une coupure – si je prends une feuille de papier comme celle-ci et que je la passe sur mon doigt, je vais peut-être me faire une coupure, ça va saigner, et là je vais essayer de désinfecter et je vais guérir ça, mais, si je dois faire effectuer des soustractions dans le budget, on dit des coupes. Le français est une langue extraordinaire, c'est une langue très précise, il y a un mot pour chaque chose, et ce n'est pas mauvais d'employer le bon mot. De même, on se comprend mieux.

Mais revenons quand même à la question. Je ne dis pas que le gouvernement n'a fait aucune coupe et que les décisions n'affectent aucunement les moins bien nantis. Ça ne serait pas vrai. Certaines décisions excessivement douloureuses qui ont été prises, évidemment, affectent des gens mal pris, mais pas dans l'ordre qui a été démontré par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, beau comté de Montréal. Alors, pas dans cet ordre-là. C'est sûr qu'il y a certaines coupes, mais, dans le domaine des garderies, les coupes qui sont effectuées vont surtout affecter les gens qui, tout en bénéficiant des largesses du gouvernement, n'en ont pas absolument besoin. Ça ne veut pas dire que ça ne les aide pas, mais c'est les gens qui sont les mieux nantis, les mieux partagés, les gens qui gagnent mieux leur vie. Les coupes qui seront faites sont faites de façon à pouvoir faire bénéficier davantage les moins bien nantis.

Évidemment, tout ça, ça ne se fait pas comme par un tour de baguette magique quand on arrive dans une situation confuse où c'est la pagaille, où tout est mêlé, où on a pris toutes sortes de mesures, où on a adopté des lois, mais on ne les a pas appliquées. Prenez, par exemple, la question des haltes-garderies et des jardins d'enfants. Bien, les gens, normalement, par la loi, étaient censés obtenir des permis. Pourquoi obtenir des permis? Pour mettre plus de permis pour emmerder les gens? Non, M. le Président. De quoi s'agit-il? Il s'agit de la sécurité et de la santé des enfants. Bien sûr, la plupart des gens qui gardent des enfants le font avec affection et avec attention. Mais, dans ce domaine-là comme dans un autre, il peut y avoir des abus. Ça fait partie de la réalité. C'est pour ça qu'une excellente loi avait été passée, pour rendre obligatoires les permis, pour permettre une surveillance minimale qui assurera la santé et la sécurité des enfants. Bien, cette loi-là, M. le Président, elle n'a pas été mise en application, ce qui fait qu'on adopte des lois, mais on ne les applique pas. Ça paraît bien, mais la situation devient de plus en plus confuse, de plus en plus compliquée.

Alors, cette loi-là sera mise en application de façon à permettre aux gens d'être, tout le monde, sur le même pied et qu'on ne retrouve pas ces situations où vous avez 15, 18, 20 enfants dans une garderie avec une seule personne pour s'en occuper. Tous les enfants sont dans des bassinets parce qu'on ne peut pas s'en occuper. Et puis, évidemment, c'est le concert, hein? C'est le concert, mais pas un concert réjouissant. Alors, pour éviter ces choses-là, dans des cas exceptionnels... Ce n'est pas le cas de la plupart des gens, mais, dans les cas exceptionnels, pour éviter ces cas-là, bien, la réglementation sera mise en vigueur et les permis seront émis. Alors, ça, ça permettra de mieux prendre soin des enfants, de s'assurer qu'ils sont gardés dans les conditions les meilleures possible et que les conditions des garderies permettent, évidemment, l'épanouissement des enfants.

Alors, évidemment, M. le Président, le temps passe très vite. J'avais encore beaucoup de choses à dire, mais je reviendrai sur un autre sujet tout à l'heure. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, c'est un grand plaisir d'accueillir parmi nous le député d'Anjou et ministre. Je le félicite à mon tour, encore une fois, pour être arrivé dans le club des pères à l'Assemblée nationale. Oui, les nuits sont courtes, ça arrive. J'ajouterais quelque chose. Je n'ai pas eu le plaisir de rencontrer l'épouse du ministre, mais j'ai énormément confiance en eux, le député d'Anjou et son épouse, pour faire le choix d'un service de garde, si c'est ça leur choix. Je pense que c'est très important pour l'État de respecter les choix de tous les parents, et ça, c'est quelque chose qui n'est pas la même chose pour la ministre absente de l'Éducation qui dit qu'il y a un modèle qu'il faut adopter. Il n'y a pas de choix. Alors, moi, j'ai confiance que, quand le moment va arriver pour le député d'Anjou d'aller faire son choix, il va regarder la proximité d'un service de garde, il va aller... Est-ce que ça fait l'affaire? Et, surtout, pour un député et un ministre, avec un temps de bénévolat limité, peut-être que le modèle d'une garderie dirigée par les parents ne fera pas l'affaire du député d'Anjou, parce qu'il ne peut pas aller à une rencontre des parents, tous les mardis soirs, pour discuter ce qui se passe dans la garderie. Alors, peut-être qu'une garderie à but lucratif fera mieux l'affaire de cette famille. Alors, je ne dis pas... Comme je dis, c'est leur choix. Mais je pense que c'est très important.

Il a parlé tantôt d'une certaine équité entre les enfants. Je veux juste rappeler à cette commission qu'il y a une situation inéquitable qui existe maintenant pour les enfants. Parce que, si le député d'Anjou et son épouse décident de mettre leur enfant dans une garderie gérée par les parents, la subvention de l'État va être de 2 500 $ par année, en subvention directe à la garderie uniquement. Mais, si le député d'Anjou et son épouse, parce qu'il n'y a pas de place – et ça arrive trop souvent, le taux de couverture pour les places dans les garderies des coops est limité – trouvent une autre garderie à but lucratif qui fait l'affaire de leur famille, la subvention directe de l'État va être de 70 $ par année. C'est le même enfant. Alors, où se trouve l'équité entre deux... Où se trouve...

Si ça fait mieux l'affaire de la famille de choisir une garderie à but lucratif, parce que le père est un homme très occupé, qu'il a des devoirs à faire à Québec et ne peut pas participer dans les rencontres des parents les mardis soirs, peut-être que ça va faire mieux leur affaire, mais l'État dit: Non, non, on ne peut pas faire ça. Et ce secteur, les garderies à but lucratif, a réussi – et je veux réitérer ça – à moindre coût, à créer 70 % des nouvelles places des derniers cinq ans. Alors, sur ce secteur prometteur de l'avenir, c'est quoi, la décision de ce gouvernement? On va mettre la hache dans tout nouveau développement dans ce secteur, parce que ça marche trop bien. Ça fait l'affaire de trop de familles québécoises, ça fait l'affaire de trop de parents, on va mettre la hache dans tout ça.

(11 h 20)

Comme je dis, j'ai beaucoup de respect pour les parents qui ont le temps et le dévouement de travailler, de gérer leurs garderies, mais ce n'est pas pour tout le monde. Ce n'est pas le modèle pour tout le monde. Alors, il faut avoir la place pour la diversité. Et surtout, si on considère que l'État donne 96 000 000 $ en frais de fonctionnement dans les services de garde à but non lucratif et uniquement 4 000 000 $ dans les garderies à but lucratif, c'est où, l'équité pour les enfants? Parce que, avant tout, on a des services de garde pour les enfants. Alors, comment, en toute équité, est-ce qu'on peut dire qu'on va privilégier certains enfants qui ont une place dans les services de garde à but non lucratif, où il n'y en a pas assez, et que les autres enfants – ils sont 20 000 enfants qui sont dans des garderies à but lucratif – sont de moindre valeur pour l'État? Je ne comprends pas ça. Et la crise des finances publiques, ce n'est pas réglé. C'est quelque chose de partagé des deux côtés de la Chambre. Mais, quand je vois qu'à moindre coût on peut créer des places qui sont régies, qui doivent respecter les mêmes normes, et tout ça, et que le gouvernement veut mettre la hache dans tout ça, je ne comprends pas cette orientation de la ministre.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le ministre.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, le député de Jacques-Cartier, je pense, touche un problème qui est tout à fait d'actualité. Et, même, dès les premiers moments de la naissance, je pourrais vous dire, on se demande déjà: Pour quel choix de garderie opterons-nous pour notre enfant? C'est tout un problème parce que, souvent, comme député, des gens viennent nous voir relativement aux listes d'attente relativement aux garderies sans but lucratif, aussi au manque de places, en général, dans des garderies. Donc, c'est un choix auquel on doit faire attention, par lequel on est, je pourrais dire, interpellé dès la naissance, à ce moment-là.

Il parle de choix d'un gouvernement. C'est sûr qu'un gouvernement se doit d'avoir une certaine vision relativement à ce qu'il entend faire, mais je voudrais... Je comprends que le député de Jacques-Cartier n'était pas membre de l'ancien gouvernement du Parti libéral. Il n'était peut-être pas tout à fait sensibilisé aux choix que le précédent gouvernement avait faits, qui ne sont pas nos choix, je dois tout de suite le dire en partant. Le gouvernement du Parti libéral, quant à lui, s'était plus qu'engagé, mais vraiment tout à fait commis sur la voie du désengagement, oui. Finalement, on s'était concentré, au niveau du précédent gouvernement, uniquement sur les crédits d'impôt à remettre aux parents. C'était ça. C'était ça qu'on pourrait dire qui était l'ensemble de la politique du dernier gouvernement. C'est vrai qu'on subventionnait les garderies à but lucratif pour certaines choses. Je pense, en particulier, pour la formation et, en particulier aussi, je pense, pour les nouveaux-nés, on me dit qu'il y avait certaines subventions. Mais, nous, quant à nous, on était opposés à ce désengagement. Et, d'ailleurs, il y avait eu des manifestations importantes de la part des organismes, des garderies sans but lucratif et des gens qui travaillaient dans ces garderies pour se plaindre, pour dénoncer la position du précédent gouvernement.

Alors, avec le projet de loi n° 11 qui a été déposé, je vais essayer d'élaborer exactement ou vraiment, nous, ce qu'on entend prioriser au niveau de notre vision relativement aux services de garde. Le gouvernement priorise le financement de services de garde sans but lucratif ayant des conseils d'administration composés majoritairement de parents d'enfants qui fréquentent la garderie. Alors, déjà là, je pense que c'est un choix qui est important. On se dit que, quand des parents siègent sur le conseil d'administration d'une garderie... Peut-on choisir des administrateurs plus sensibles, plus préoccupés quant aux besoins de leurs enfants que des parents qui siègent sur le conseil d'administration qui va s'occuper, finalement, qui va avoir soin de leurs enfants?

Le gouvernement privilégie donc une position prise dès la publication de la Loi sur les services de garde à l'enfance et réaffirmée, en 1989, par la politique sur les services de garde à l'enfance. Il y aurait maintien du statu quo pour les garderies à but lucratif qui sont actuellement admissibles aux subventions de l'Office de même qu'au Programme d'exonération et d'aide financière. Donc, il y a un statu quo relativement aux garderies qui, présentement, sont admissibles. D'autres secteurs d'activité économique n'offrent pas de soutien financier aux entités à but lucratif. Mentionnons, entre autres, les centres d'hébergement et les soins de longue durée, de même que les établissements privés, l'éducation préscolaire, l'enseignement primaire ou secondaire.

On prévoit aussi un développement annuel – et ça, je pense qu'il faut vraiment bien réaliser ça – de 5 425 places en services de garde en garderie sans but lucratif et en milieu familial au cours des quatre prochaines années, permettant d'atteindre les objectifs de satisfaction à 85 % des besoins de garde pour les enfants de zéro à cinq ans. Donc, 85 %, M. le Président, des besoins seront remplis.

Donc, il faut faire attention, il faut être prudent pour ne pas prévoir des catastrophes ou des apocalypses. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème. Je ne dis pas qu'il ne faut pas être sensible aux problèmes. 15 %, il faut que, pour ce 15 % là, on trouve une solution et que ces gens-là voient leurs besoins remplis. Mais je pense qu'il ne faut pas non plus être alarmiste. Il faut être préoccupé, oui, mais alarmiste, non. Par le projet de loi n° 11, je pense que c'est un grand pas dans la bonne direction, vers une solution du problème des places en garderie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: Oui, M. le Président. Les questions qui ont été soulevées sont des questions très importantes, M. le Président. Toute la question qu'a très bien expliquée M. le ministre est une question capitale, c'est-à-dire toute la relation entre les organismes à but lucratif et sans but lucratif.

Bon. Vous savez, M. le Président, ce qu'il faut, c'est travailler avec la réalité qu'on a autour de nous, faire le mieux possible avec ce qu'on a. La réalité, c'est l'héritage de 3 000 000 000 $ à 4 000 000 000 $ à 5 000 000 000 $ de déficit par année dont on a hérité pendant les dernières années, ce qui fait que la dette du Québec a augmenté au-dessus de 30 000 000 000 $ à partir de 1990. Bien, tout ça, il faut travailler avec ça. Alors que d'autres gouvernements avaient fait le ménage avant, nous, on arrive et il n'y a rien de fait. Il faut faire le ménage, il faut mettre de l'ordre dans la maison. Ça fait mal, évidemment. Ça crée une rareté au niveau des ressources. Alors, si on a une rareté au niveau des ressources, bien, il faut essayer de placer le peu qu'il reste au meilleur endroit possible, là où il en manque le plus, de ressources.

Alors, quand, d'une part, vous avez quelqu'un qui part une garderie à but lucratif – bien, si c'est à but lucratif, lucratif, ça veut dire pour faire de l'argent, ce qui est lucratif, c'est ce qui génère du capital – c'est pour faire de l'argent, puis c'est bien.

Mme Loiselle: ...gouvernement. Il dit n'importe quoi.

M. Dion: Il n'y a pas de crime, il n'y a pas de honte à faire de l'argent, M. le Président. Il y a des gens qui vont aller à ces garderies-là, premièrement, parce qu'ils peuvent se le payer, deuxièmement, probablement que, pour A ou pour B, ça correspond mieux à leur vision des choses et, la plupart du temps, c'est parce qu'ils connaissent telle gardienne et qu'ils ont confiance en elle parce qu'elle fait un excellent travail, magnifique, M. le Président. À côté de ça, il y a un tas de gens qui connaissent des gardiennes en qui ils ont confiance, qui connaissent des garderies où ils aimeraient aller, mais ils ne peuvent pas parce qu'ils n'ont pas les ressources suffisantes. Alors, il faut des garderies qui fonctionnent non pas pour faire de l'argent, mais uniquement pour donner le service aux parents. Et ces garderies-là sont astreintes à des règles plus strictes, exigent la participation plus immédiate et plus quotidienne des parents dans la gestion des fonds.

Alors, qu'est-ce qu'un gouvernement responsable doit faire quand il est placé devant la nécessité de choisir? Quand il y a de l'argent en masse, c'est une autre histoire, mais, quand il est placé dans la nécessité de choisir, M. le Président, est-ce qu'il ne doit pas plutôt aider les garderies sans but lucratif, donc qui ne visent pas à faire de l'argent, et laisser ceux qui ont d'autres buts, qui sont fort louables pourvu qu'ils rendent les services à la société, se débrouiller avec les gens qui peuvent financer complètement les frais de gardiennage de leurs enfants? C'est des choix qui ne sont pas faciles parce que, quand des gens viennent à notre bureau et disent: Moi, j'ai une garderie à but lucratif et on veut nous couper les fonds, ce n'est pas agréable pour moi. Je ne dis pas: Bien, tant mieux, allez-y, c'est comme ça. Mais non!

Mais la réalité est là. On a un mandat, M. le Président, qui est de mettre de l'ordre dans la maison. Quand on met de l'ordre dans la maison, bien, évidemment, ça fait mal un peu et parfois même beaucoup, et les gens le comprennent. Les gens ne le comprennent pas parce que c'est agréable, mais parce que c'est nécessaire, M. le Président.

(11 h 30)

Si on veut maintenir pour l'avenir les services de garde à l'enfance dans un niveau de qualité et de diversité comparable à ce qu'on a aujourd'hui et même le développer davantage, bien, il faut y aller avec discernement. Moi, je trouve ça assez logique qu'on mette moins d'argent dans les organismes à but lucratif qui ont d'autres objectifs. Parce que, quand une garderie à but lucratif fait de l'argent, on ne va pas les pénaliser, on ne va pas dire: Ils ne sont pas gentils parce qu'ils font de l'argent. Au contraire! Tant mieux pour eux. Alors, par contre, ils ont des risques à assumer. C'est le jeu normal. Alors que, dans les organismes à but non lucratif, eh bien, il faut que les parents soient impliqués au niveau du conseil d'administration, qu'ils voient à la marche quotidienne et qu'il y ait un lien très étroit entre les parents et la garderie de façon à s'assurer qu'il y ait vraiment une évolution de la garderie dans le sens du voeu des parents.

Je pense, M. le Président, que ce sont des choix parfois difficiles, mais des choix justifiés dans la circonstance. Moi, je pense que le gouvernement a fait les bons choix, et la population l'apprécie, je crois, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. le Président, le député de Saint-Hyacinthe, il est renversant. Il nous parle, là, qu'il faut mettre de l'ordre dans la maison, que le gouvernement n'a pas le choix, on est en crise des finances publiques. M. le Président, ça coûte aux contribuables 96 000 000 $, les garderies à but non lucratif, puis ça coûte 4 000 000 $, les garderies privées. Là, il faut dire les choses comme elles sont. On ne peut pas dire...

Je reviens, M. le Président, parce que c'est trop beau, on a un exemple, encore là, tout à fait extraordinaire, ce matin, des beaux discours du gouvernement, discours enjôleurs, mielleux, et du geste, de l'action que pose ce gouvernement. Tantôt, M. le Président... Je veux juste vous lire le premier ministre du Québec, dans son discours inaugural – regardez si c'est beau comme phrase: «La famille est à la fois la brique et le ciment de nos vies, et il faut en prendre grand soin.» Premier geste qu'il pose... Parce que, dans les deux derniers budgets présentés par les ministres des Finances, par le Parti québécois, aucune, aucune, aucune mesure pour les familles québécoises. Mais, pour revenir à la phrase du premier ministre que «la famille est à la fois la brique et le ciment de nos vies, et il faut en prendre grand soin», ce qu'ils font, le premier ministre et la ministre responsable de l'Office des services de garde, M. le Président, ils déchargent un camion de briques sur la tête des familles à revenus modestes. Parce que c'est ça que vous faites, M. le Président.

Mais j'irai encore plus loin dans les beaux discours de ce gouvernement, M. le Président. Toujours le nouveau premier ministre du Québec, quand il parle de l'entreprise, de l'entrepreneurship – ça aussi, c'est bien beau comme phrase, écoutez celle-là: «Pour créer de l'emploi, notamment dans une période où le secteur public n'en créera pas, il faut donner de l'oxygène au secteur privé... Nous poursuivrons donc un double objectif: d'une part, faire fleurir l'entrepreneurship au Québec...» Partout dans les régions du Québec, M. le Président. Le premier ministre qui nous dit: «Il faut donner de l'oxygène au secteur privé», qu'est-ce qu'il fait, M. le Président? Il coupe l'oxygène aux garderies privées. Il claque la porte, il ferme la porte définitivement à tout développement de garderies privées au Québec, M. le Président. Et c'est ça, le beau message mielleux du premier ministre du Québec.

Mais, M. le Président, ce qui est encore plus surprenant, c'est qu'une femme parlementaire, ministre de l'Office des services de garde – qui a pris la fuite pendant notre interpellation – M. le Président, dit aux femmes du Québec qui ont le courage, la détermination même de s'endetter, M. le Président, parce qu'elles veulent créer leur petite entreprise, elles veulent réaliser leur rêve d'avoir leur garderie privée, cette femme, ministre au cabinet des ministres, M. le Président, elle leur dit, à ces femmes-là: C'est fini votre rêve, vous n'avez plus le droit d'ouvrir des garderies privées. Le gouvernement vient de vous claquer la porte. Le gouvernement vient de mettre la hache dans les garderies privées, M. le Président. Puis ça, c'est inacceptable.

Là, je pense qu'il faut dire pour une fois la vérité, ce que le gouvernement fait en favorisant les organismes à but non lucratif. Puis mettons une chose au clair, M. le Président. Moi, je n'ai rien, bien au contraire, contre les garderies à but non lucratif. Mais, moi, je dis que le gouvernement, ce qu'il a voulu faire aujourd'hui avec son projet de loi, c'est qu'il a favorisé ses amis les syndicats au détriment des garderies privées. Je pense qu'il faut le dire une fois pour toutes, parce que c'est ça que vous avez fait comme gouvernement. Vous avez favorisé vos amis les syndicats au détriment des garderies privées et au détriment des femmes entrepreneurship qui veulent ouvrir des garderies privées. C'est ça, M. le Président.

Et je dois dire, M. le Président, qu'il faut remettre les chiffres comme ils sont parce que, tantôt, le député de Saint-Hyacinthe, il s'est égaré étrangement. Les coûts de 1995-1996, M. le Président. Fonctionnement, coûts de subventions: pour les organismes à but non lucratif, 89 700 000 $; garderies privées, zéro. Assurances collectives et congés de maternité: organismes à but non lucratif, 3 200 000 $; garderies privées, 165 000 $. Implantation de garderies, changements de localisation, acquisition de propriétés, réaménagements, redressements: 4 400 000 $ aux organismes à but non lucratif; garderies privées, zéro, M. le Président.

M. le Président, on me fait signe que mon temps est presque terminé. Ce que je veux dire à la veille de la vigile qui est organisée par la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté – peut-être que le ministre député d'Anjou pourra transférer à la ministre en fuite ce commentaire-là de ma part – c'est que, finalement, j'espère que la ministre responsable de l'Office des services de garde va se ressaisir, M. le Président, et va rectifier le tir en ce qui a trait à la place qui revient de droit aux garderies privées au Québec. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, vous comprendrez que c'est à mon tour d'être renversé. Je suis certain que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne n'a pas réalisé la portée de ses propos quand elle nous dit, M. le Président, que, pour elle, pourquoi on devrait aller du côté des garderies à but lucratif, c'est parce que ça coûte juste 4 000 000 $ à l'État. Donc, quant à nous, M. le Président, quand on met une politique de garde à l'enfance, c'est le bien-être de l'enfant qui doit être pris en considération, pas uniquement l'argent. 4 000 000 $, on devrait aller du côté des garderies à but lucratif parce que ça coûte uniquement 4 000 000 $. Vraiment, là, je suis renversé.

Mme Loiselle: ...

Le Président (M. Lachance): Mme la députée!

M. Bélanger: Je suis certain qu'elle n'a pas réalisé, M. le Président, la portée de ses propos. Quant à moi, puis je le dis, M. le Président, comme ministre, comme leader du gouvernement, ce sera toujours le bien-être de l'enfant qui sera pris en considération, le bien-être de la famille et pas uniquement une question d'argent. Alors, là, je pense qu'il faut que les choses soient dites telles qu'elles sont et tel que c'est vraiment la priorité de ce gouvernement, M. le Président.

Ceci étant dit... Je ne veux pas m'emporter, parce que l'exemple, je pense, de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, dans ses dernières secondes, n'est pas à suivre. Je pense qu'il faut expliquer c'est quoi, une garderie à but lucratif. C'est une entreprise à profits. Pourquoi faisons-nous cette distinction entre garderie à but lucratif et garderie sans but lucratif? J'aimerais, tout simplement, faire une citation d'un jugement de la Cour d'appel, du juge Brossard, dans une affaire où les garderies à but lucratif poursuivaient le gouvernement pour avoir le droit au même genre d'aide qu'ont présentement les garderies sans but lucratif. Le juge Brossard justifiait le choix que fait le gouvernement de faire une distinction entre garderie sans but lucratif et garderie à but lucratif. Et je cite, pages 15 et 16. Je pense, à ce moment-là, que ça va donner un nouvel éclairage. Je pense que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne va comprendre c'est quoi, une garderie à but lucratif par rapport à une garderie sans but lucratif.

Alors, donc, le juge Brossard disait: «Une distinction entre une corporation à but lucratif, d'une part, et une corporation sans but lucratif ou une corporation à caractère communautaire ou à caractère public, d'autre part, ne constitue nullement une distinction arbitraire ou de mauvaise foi et rien ne nous démontre qu'une telle distinction est contraire à la finalité des deux lois en cause ou au devoir d'agir équitablement. Il me paraît, au contraire, facile de distinguer politiquement, socialement et moralement entre une subvention de financement – et là je pèse tous les mots, M. le Président, je pense que c'est vraiment, là, tout à fait important – dont l'objet est de permettre à une garderie opérée sans but lucratif de boucler son budget tout en fournissant les meilleurs services possible et une subvention à une société à but lucratif dont l'effet ou l'objet indirect serait de faciliter ou de permettre un meilleur profit, surtout lorsqu'il s'agit de subvention faite à même les fonds publics.»

(11 h 40)

J'ai été avocat pendant 10 ans, M. le Président, avant d'être député. J'en ai fait, des incorporations de garderies à but lucratif. Est-ce que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et le député de Jacques-Cartier réalisent... Et je ne condamne pas les garderies à but lucratif. Je pense qu'il y a une place pour les garderies à but lucratif. Ce n'est pas le problème. Je ne voudrais pas, M. le Président, qu'on pense, là, qu'on fait un procès sur le dos des garderies à but lucratif, absolument pas. Je veux juste établir la distinction.

Quand un gouvernement a à faire des choix entre des organismes sans but lucratif et des organismes à but lucratif, il faut comprendre pourquoi, M. le Président, et les députés de l'opposition ne comprennent pas. Quand on a une garderie à but lucratif – et j'en ai fait, des incorporations de garderies à but lucratif, M. le Président – le propriétaire est actionnaire d'une compagnie, M. le Président, il peut vendre son fonds d'entreprise à profit, faire un gain en capital avec ça. C'est une entreprise. On crée son emploi. C'est une entreprise privée comme toutes les autres entreprises privées, M. le Président. Il faut le réaliser, ça, M. le Président. Donc, quand le gouvernement se voit confronté à faire des choix sociaux avec les ressources disponibles à l'État, M. le Président, à ce moment-là, le juge Brossard, de la Cour d'appel – quand même la Cour d'appel du Québec, je crois qu'on ne peut pas écarter du revers de la main les propos du juge Brossard – trouve que cette justification, si le gouvernement décide de faire cette justification, elle est tout à fait raisonnable, moralement et socialement défendable. Alors, c'est ça qu'il faut comprendre, M. le Président. Je reviendrai un peu plus tard pour expliquer pourquoi nous avons fait ce choix.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, pour votre dernière intervention.


M. Léandre Dion

M. Dion: Oui, M. le Président. Je remercie M. le ministre d'avoir fait la distinction quant aux objectifs du gouvernement et d'avoir bien précisé que, bien qu'il faille tenir compte des ressources disponibles – on ne peut pas passer à côté de ça, il faut tenir compte du déficit qu'il y a à réduire, et tout ça – la politique de l'Office de garde, la politique du gouvernement en matière de garderie, de garde des enfants n'est pas principalement une question d'argent, mais bien principalement une question de bien-être pour la famille et de bien-être des enfants et d'épanouissement des enfants. C'est dans ce contexte-là, M. le Président, que je voudrais intervenir. Je sais que j'ai très peu de temps pour expliquer ce que j'ai à dire, mais je vais essayer d'être le plus concis possible et le plus factuel possible, de façon à ce que le plus d'information possible soit transmise à la population.

Donc, la politique du gouvernement dans ce domaine-là est basée sur une étude, une évaluation des vrais besoins des gens dans la société. Il y a eu une étude très complexe qui a été faite pour établir vraiment les besoins des gens, tels que les gens les perçoivent. Cette étude se fondait sur quatre variables différentes. Premièrement, le nombre d'enfants dans chaque famille susceptibles d'être gardés. Deuxièmement, le taux d'activité des mères établi par recensement canadien. C'est sûr qu'une mère qui travaille à temps plein a des besoins différents d'une mère qui ne travaille pas ou qui travaille à temps partiel. Donc, le taux d'activité des mères. Troisièmement, la préférence des parents quant au mode de garde souhaité pour leurs enfants, dont ils sont les premiers responsables. Et, quatrièmement, la portion moyenne de places à plein temps. Alors, deux enfants qui se font garder, mais à temps partiel, ça équivaut à un enfant qui se fait garder à temps plein. Tout le monde sait ça.

Donc, sur la base de ces critères généraux, on a fait une étude et on s'est rendu compte que, au Québec, il y a 550 501 enfants de zéro à cinq ans. Depuis une dizaine de jours, je pense que c'est 550 502, depuis la naissance de l'enfant de notre leader parlementaire. Mais peut-être qu'il y en a un qui a dépassé cinq ans et on retombe peut-être à 550 500, à ce moment-là. Mais enfin, M. le Président, 550 500 enfants de zéro à cinq ans et 619 000 enfants, en gros, de six ans à 11 ans. Donc, déjà on a un portrait du besoin global des parents quant à la garde de leurs enfants.

Maintenant, sur la base du taux d'activité, on s'est rendu compte que, pour les enfants de moins de six ans, le taux d'activité des mères, c'est-à-dire sur le marché du travail, est de 62 %, alors qu'il est de 67 % pour les mères d'enfants de six ans à 12 ans. On voit que les enfants, en grandissant, il y a un certain nombre de pères ou de mères, de parents qui décident de retourner sur le marché du travail parce que, pour toutes sortes de raisons, ils voient que leurs enfants sont plus en mesure de se débrouiller avec des services de garde différents. Ensuite de ça, la préférence des parents. Si je vous disais, M. le Président, qu'il y a 64,7 % des parents d'enfants de moins de 18 mois qui préfèrent la garde à domicile. C'est normal. Quant un enfant est petit, on préfère ne pas trop le déranger. On préfère qu'il demeure plus dans son milieu. Si on regarde les enfants de 18 mois à 35 mois – donc 35 mois, c'est trois ans – 43,5 %, donc près de la moitié, préfèrent encore la garde à domicile, tandis que la garderie est préférée pour les enfants de trois à cinq ans dans une proportion de 49,6 %, donc un petit peu plus.

Alors, vous voyez, M. le Président, cette étude nous permet d'approfondir les besoins des parents. J'aurais beaucoup d'autres chiffres à vous donner pour expliquer un petit peu comment le gouvernement a procédé. Donc, deux choses: premièrement, une étude approfondie des besoins; deuxièmement, un dialogue constant avec les parents et les garderies et le service de garde pour s'assurer d'une politique qui corresponde le mieux aux besoins des parents, mais en tenant compte de nos ressources. Et c'est dans ce contexte-là qu'un programme de 26 000 nouvelles places en garderie, pour les quatre prochaines années, a été établi par ce gouvernement, de façon à aller de plus en plus vers la satisfaction des besoins des citoyens, des parents de jeunes enfants, M. le Président. Je pense qu'il faut être fier d'une politique raisonnable, rationnelle, bien organisée et qui va fonctionner.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Je veux revenir sur cette question, parce que c'est très important. De ce côté de la Chambre, on n'a jamais demandé la parité. On est très conscient de l'importance des organismes sans but lucratif dans le marché. C'est évident, leur présence même va assurer une certaine qualité dans les garderies à but lucratif. Alors, on n'a jamais contesté ça. Mais, par contre, si on regarde le taux de couverture cette année en garderie, c'est 60 %, donc un tiers de ça sont dans des garderies à but lucratif. Alors, pour les enfants de zéro à cinq ans, aujourd'hui, on a de la place pour 40 % uniquement dans les garderies à but non lucratif.

Alors, dans ces conditions, l'État doit faire quelque chose pour l'autre 60 %. On a deux choix qui sont là: soit on peut travailler en partenaire avec les garderies à but lucratif... Et je veux dire, ce n'est pas des millionnaires, là. Quand j'entends le député d'Anjou, il donne l'impression que c'est le profit, que c'est des gens de Wall Street. C'est souvent des couples qui travaillent très fort, qui arrivent à leur entreprise très tôt le matin, ils sont là jusqu'à 18 h 30, 19 heures le soir, cinq jours par semaine. Je veux souligner aussi que je pense qu'à 95 % les propriétaires sont des femmes. Ce n'est pas des grandes franchises, mais c'est des personnes qui travaillent dans une garderie, alors elles sont très fières de leur travail. Alors, de dire que c'est immoral ou qu'il y a quelque chose qui n'est pas noble de faire un profit dans notre société, de créer un emploi, de créer 4 000 autres emplois pour les personnes, je ne le comprends pas.

L'État n'a pas les moyens et n'aura pas les moyens de créer assez de places dans les garderies à but non lucratif prochainement, ça va prendre des années. Alors, quand j'entends la ministre dire: On a fait notre choix, on n'a pas les moyens de faire ce choix. Alors, il faut continuer de travailler avec le privé. Et je ne comprends pas le désengagement du gouvernement envers le 60 % des parents des enfants qui n'ont pas accès à une garderie à but non lucratif. Il faut faire quelque chose. Si on ne fait rien, c'est les garder au noir, c'est des arrangements plus informels qui échappent aux règlements de l'État. Et c'est ça le choix que le gouvernement est en train de faire.

Deuxièmement, si le député d'Anjou veut trouver une place dans une garderie à but non lucratif, il faut se dépêcher de commencer à créer un poste. J'ai la liste du dernier rapport, et ça prend, pour démarrer une garderie à but non lucratif, trois, quatre ans. Il y en a même une, ici, qui date de 1989, l'entrée de la demande, et ça a été ouvert l'année passée. Alors, les risques sont grands que votre enfant soit rendu en maternelle avant que vous réussissiez à créer ça. Si on regarde dans le projet de loi n° 11, ça va devenir encore plus compliqué, parce que, au-delà de tous les problèmes de financement, de trouver un local, et tout ça, maintenant, il faut quêter l'approbation de la régie régionale, du conseil régional de développement de je ne sais pas trop quoi. Ça va prendre encore du temps pour ouvrir une garderie à but non lucratif. Alors, les risques sont très bons pour que votre enfant soit adolescent avant qu'on puisse créer une garderie à but non lucratif. C'est ça, la réalité des choses. Et la crise des finances publiques, ce n'est pas réglé.

Alors, pourquoi fermer la porte à la voie d'un partenariat avec le privé? Et ce n'est pas de dire qu'il faut faire une parité entre les deux. Vous pouvez voir toutes mes interventions à ce sujet, depuis 1994, je n'ai jamais dit ça. Je suis très conscient de l'importance, de la présence dans le marché des garderies à but non lucratif. Mais j'invite le député d'Anjou à venir dans mon coin, il y a deux garderies à côté: une, c'est la garderie le Learning Tree, et c'est Dan Rhysick et son épouse, Linda McPherson, qui sont les propriétaires, qui offrent un service de qualité qui coûte environ 20 $ le jour; après ça, je vais visiter Larry Depoe, qui est une belle garderie, Les Bois verts, qui est à trois minutes de route, et ça, c'est une garderie à but lucratif qui coûte environ 20 $ le jour. Les deux offrent un service de qualité aux parents.

Moi, je dis: Je suis très prêt, j'ai toute confiance dans les parents du Québec de faire les choix. Je pense que l'État doit respecter les choix qui seront faits par les parents au lieu de dire qu'on a un modèle, c'est le modèle Marois, et, si le modèle Marois ne fait pas l'affaire des parents, il faut faire d'autres arrangements. Il n'y a aucune équité en faisant ça. Il faut avoir de la place, dans notre système, de respecter cette diversité. Alors, les parents pour qui ça fait l'affaire de devenir vraiment participants, je les félicite, c'est très important de voir ça. Mais, pour les autres parents qui ont moins le temps... Même la CSN, dans son mémoire aux consultations, a parlé d'épuisement du bénévolat. C'est très difficile d'avoir des rencontres de parents, d'avoir le quorum, parce qu'il y a des limites au bénévolat des parents. Alors, il faut avoir de la place pour les garderies à but lucratif aussi. C'est ça le point que j'ai toujours défendu, et je vais continuer de le faire.

(11 h 50)

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. Nous entreprenons maintenant la dernière partie de cette interpellation. Il y a un dernier bloc de 20 minutes réparties également, 10 minutes au ministre et 10 minutes au député, M. le député de Jacques-Cartier. M. le ministre.


Conclusions


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, j'essaierai, dans le temps très limité qui m'est imparti, à la fois de répondre à certaines remarques qu'a faites le député de Jacques-Cartier et, en même temps aussi, d'ouvrir un peu sur l'objectif des mesures gouvernementales pour que, je pense, l'ensemble de la population puisse peut-être comprendre un peu l'ampleur et le but visé.

Première chose que j'aimerais peut-être relever. Tout à l'heure, on nous parlait de nos amis les syndicats. Alors, évidemment, si on commence à faire des listes d'amitiés, on n'en finirait plus, à ce moment-là, en cette Chambre, M. le Président, puisqu'on nous prête, autant d'un côté comme de l'autre, de longues listes d'amitiés qui sont plus ou moins souvent fondées. Alors, M. le Président, en nous parlant de nos amis les syndicats, j'aimerais tout simplement porter à l'attention de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et du député de Jacques-Cartier qu'uniquement 25 % à 30 % des garderies sans but lucratif sont syndiquées, 25 % à 30 %. Donc, ce n'est même pas la majorité des garderies sans but lucratif qui sont syndiquées. Donc, avant de parler de petits amis, on regarde les chiffres, on regarde les faits, et après on révise notre jugement.

Je n'ai jamais voulu dire... Je n'ai jamais voulu faire de procès contre les garderies à but lucratif. Tout ce que j'ai voulu expliquer, c'est que la problématique n'est pas la même quand on parle de subvention à un organisme à but lucratif par rapport à un organisme sans but lucratif. C'est un fait, peu importe l'entreprise que vous avez, en particulier une petite entreprise, quelqu'un doit travailler, se dépenser corps et âme dans son entreprise pour que son entreprise puisse fonctionner. Ça, c'est indéniable, ce n'est pas juste vrai pour les garderies. Moi, j'ai des amis qui ont des petits restaurants et qui travaillent, qui mettent des heures. Toute la famille travaille dans le restaurant pour faire en sorte que ce restaurant puisse survivre dans le contexte économique que nous connaissons. Donc, quand on a une entreprise, quand on a de l'entrepreneurship, je pense que ça doit être souligné et que ça doit être encouragé aussi. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus, il n'y a pas de problème, M. le Président, là-dessus. Donc, c'est pour ça que je comprends un peu mal la remarque du député de Jacques-Cartier qui semble dire que nous portons un jugement de valeur relativement aux garderies à but lucratif. Alors, je pense que, ça, c'est tout à fait important.

J'ai ici une lettre qui va un peu plus illustrer mon propos quant à la problématique ou quant à la réalité: c'est quoi, un organisme à but lucratif. C'est un avis de recherche fait par un courtier. Je ne nommerai pas le nom parce que... Je comprend qu'on a une immunité parlementaire, mais, moi, je n'aime pas... En tout cas, ce n'est pas notre façon de fonctionner de notre côté, je vous le dis, de nommer des gens, puis de profiter de l'immunité parlementaire pour émettre des noms puis des réputations, ce n'est pas notre genre. Alors, c'est un avis de recherche fait par un courtier, un comptable en management accrédité: «M., Mme la propriétaire, la présente est pour vous informer que nous avons présentement des clients sérieux à la recherche d'une garderie. Le comptant de ces clients varie de 50 000 $ à 200 000 $. Si vous désirez vendre votre garderie, il me fera plaisir de vous rencontrer. Tous mes dossiers sont traités confidentiellement. Si, toutefois, vous êtes plutôt un investisseur qui désire acquérir d'autres garderies, nous avons présentement en main deux excellents dossiers avec bâtisses à vous présenter. Espérant avoir le plaisir de vous rencontrer», etc., etc. Ce sont des offres d'affaires. C'est ça. Un organisme à but lucratif, c'est, comme on dirait en anglais, un business. Alors, c'est correct, c'est correct, c'est correct, c'est tout à fait correct, M. le Président. C'est tout à fait correct.

Mais, à ce moment-là, quand le gouvernement a à faire ses choix, doit-on prioriser des organismes sans but lucratif ou des organismes à but lucratif? Quant à nous, du gouvernement, M. le Président, je pense, la préoccupation essentielle, principale que nous avons, c'est le bien-être du développement de l'enfant. C'est ça qui est important, et on a fait des recherches à cet effet-là. Il ressort de nombreuses consultations effectuées, des avis des experts en matière d'éducation, que le développement des services de garde sans but lucratif doit être privilégié pour deux raisons principales. D'une part, les ressources dont l'État dispose nous obligent à mieux définir nos priorités. Le gouvernement précédent avait fait le choix de subventionner les garderies à but lucratif tout en maintenant, pour elles, les mêmes règles fiscales qui s'appliquent aux entreprises. Ces dernières engendrent des dépenses fiscales dont il faut tenir compte. Ce n'est pas le choix de notre gouvernement, d'autant plus que les garderies à but non lucratif constituent un des exemples les plus percutants de l'économie sociale, secteur du marché du travail dont nous encourageons le développement. Ces petits organismes autonomes ont fait la preuve qu'avec l'engagement des parents et du personnel, soutenus par le gouvernement, ils constituent des milieux dynamiques et originaux qui offrent des services de qualité adaptés à la spécificité de leur clientèle.

D'autre part, la participation active de la famille d'un enfant a été identifiée comme l'élément critique du succès de tout programme d'intervention. Sans l'engagement de la famille, tout effet des interventions, au moins dans la sphère cognitive, semble disparaître rapidement une fois le programme terminé. Inversement, l'engagement des parents comme partenaires de l'entreprise permet un cadre qui peut renforcer les effets du programme durant son déroulement et, aussi, aider à les soutenir après la fin du programme. Dans les services de garde, la communication entre le personnel ou les responsables d'un service de garde en milieu familial et les parents revêt une importance primordiale, car l'objectif du service de garde est d'agir en continuité avec ce qui se fait à la maison. Les éducatrices et les parents se connaissent bien, ils se rencontrent chaque jour et même deux fois par jour et discutent des progrès et des difficultés des enfants. Cette communication contribue à augmenter la compétence parentale et à diminuer l'isolement social de la famille. Comme nous l'avons déjà souligné, cette communication est à la base même de l'organisation des services car, dans les garderies sans but lucratif et les agences de services de garde en milieu familial, les parents participent au développement et à la gestion du service au sein des conseils d'administration dont ils font partie et où ils sont le plus souvent en majorité.

Comme l'a souligné le Conseil supérieur de l'éducation dans son avis «Pour un développement intégré des services éducatifs à la petite enfance: De la vision à l'action», les garderies à but lucratif commettent – il faut l'admettre – plus fréquemment des infractions aux règlements édictés par l'Office des service de garde à l'enfance, ce qui rend la qualité quelquefois plus suspecte dans ces garderies. Or, la recherche démontre que la qualité du service de garde a un impact sur le développement de l'enfant. Les indicateurs de qualité sont principalement le ratio, la taille de l'établissement et la formation du personnel éducateur. Ce sont précisément sur ces points qu'on observe le plus grand écart entre les infractions commises en garderie à but lucratif versus en garderie sans but lucratif. Nous savons qu'il est essentiel d'offrir des services à la petite enfance de qualité afin de prévenir les difficultés d'apprentissage et le décrochage scolaire. Dans ce contexte et compte tenu des ressources disponibles, le gouvernement doit investir ses efforts là où les conditions favorisent une plus grande qualité de services.

Aussi, ce dont j'aimerais parler, c'est de l'impact de l'implication des régions. Parce que ce gouvernement a toujours eu une priorité, c'est au niveau de s'occuper des régions, de faire en sorte qu'au niveau des régions l'impact de toute action gouvernementale soit le plus grand. Les orientations gouvernementales en matière de développement régional prévoient l'adaptation des interventions gouvernementales aux spécificités régionales en favorisant une plus grande responsabilisation et une implication plus importante des collectivités dans leur propre développement, entre autres par le biais des conseils régionaux de développement, communément appelés CRD. Parallèlement à ces démarches, lors d'une vaste consultation entreprise à l'automne 1994 par le Groupe de travail sur le financement des services de garde, un consensus très net s'est dégagé concernant la volonté des régions d'être consultées dans le développement des services de garde afin de mieux répondre aux besoins régionaux tout en assurant la consolidation des services existants.

Et là je pense qu'on touche un point majeur, M. le Président. C'est difficile d'obtenir un niveau de concertation très élevé quand on a uniquement des intervenants du milieu privé. C'est difficile. Chacun pense à son entreprise, et c'est tout à fait normal, et la concertation est, des fois, un peu plus difficile. Donc, c'est pourquoi nous pensons que nous aurons un beaucoup plus grand impact au niveau du développement régional, au niveau, finalement, de l'impact dans les régions en priorisant, par l'intervention gouvernementale, par l'aide gouvernementale, les organismes, les garderies sans but lucratif.

(12 heures)

Donc, pour donner suite aux audiences qui ont eu lieu et aux recommandations du Groupe de travail, l'Office des services de garde à l'enfance a exploré la possibilité de régionaliser le développement des services de garde sur le territoire et d'adapter ses programmes et ses interventions aux différentes réalités régionales. Ce qu'on veut éviter, c'est un peu... Je comprends que c'est bien d'avoir sur la même rue ou une à côté de l'autre une garderie sans but lucratif et une garderie à but lucratif, mais c'est encore mieux... Puis ça, c'est le problème que j'ai dans mon comté, M. le Président, où on a ce qu'on appelle le Haut-Anjou et le Bas-Anjou. Il y a des services qui se retrouvent beaucoup plus facilement dans le Bas-Anjou que dans le Haut-Anjou. Moi, ce que je voudrais, c'est que, finalement, il y ait la même disponibilité de garderies à la fois dans le Haut-Anjou et dans le Bas-Anjou. C'est beaucoup plus facile, à ce moment-là, et je pense que le député de Jacques-Cartier le comprendra, en priorisant les garderies sans but lucratif, d'avoir un certain contrôle là-dessus, sur l'implantation des garderies, sur le fait que la disponibilité du service soit accrue.

Alors, je pense donc... Et on me fait signe, M. le Président, qu'il me reste juste 30 secondes. Malheureusement, je voulais un peu plus développer sur l'implication des régions et l'implication qui, pour nous, comme on dit, est essentielle et qui est quantifiable aussi, qui va être quantifiable. Alors, c'est évident que, si ça avait été l'ancien gouvernement, on aurait eu le problème, un sérieux problème avec la vision qu'il avait. Mais nous croyons, avec le projet de loi qui est déposé, avec ce qui s'en vient, que nous allons atteindre le but visé, c'est-à-dire un meilleur développement de l'enfant, mais dans un milieu qui favorisera son développement.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le député de Jacques-Cartier à utiliser son droit de réplique de 10 minutes. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je veux juste rappeler au député d'Anjou que, dans le dernier mandat de notre gouvernement, les subventions directes pour les services de garde sont passées de 90 000 000 $ à 207 000 000 $ dans un mandat. Je le mets au défi aujourd'hui. Si son gouvernement peut aller au-delà de doubler les montants directs pour les services de garde d'ici la fin de leur mandat, je vais dire chapeau! Mais j'en doute fort bien. Alors, je n'ai aucune leçon à prendre sur le désengagement de notre gouvernement. Au contraire, nous avons fait doubler le nombre de places, nous avons doublé l'argent direct aux services de garde dans notre dernier mandat. Alors, c'est un défi. Si le Parti québécois peut faire la même chose, tant mieux! Mais j'en doute fort bien.

On peut faire le sommaire de ce que le gouvernement a fait depuis le printemps. Premièrement, en milieu scolaire, un milieu qui est très bien adapté pour arrimer le travail, la famille et l'école, qui est bien pour les familles qui doivent composer avec le nombre trop élevé des journées pédagogiques, et tout ça, on a un service qui est très, très adapté aux besoins des familles québécoises. Et qu'est-ce que ce gouvernement a dit? On a coupé de moitié les subventions, de 24 000 000 $ à 12 000 000 $, ce qui crée énormément de tort dans les milieux défavorisés. Ça, c'est un des problèmes. Deuxième problème. Le gouvernement a décidé que, rendu à six ans, ça, c'est un adulte. Alors, maintenant, il n'y a pas d'aide financière pour les enfants en milieu scolaire à partir de six ans parce qu'ils sont des adultes. C'est le même gouvernement qui a décidé qu'avec 26 000 $ on est riche. Alors, on est en train de faire une nouvelle définition des classes et des critères ici, au Québec, et je trouve ça étonnant.

Mais il faut rappeler que c'est le milieu scolaire qui a réussi à fournir 67 000 places en garderie. C'est plus que la moitié. Ça, en milieu scolaire, c'est le réseau le plus important, moi, je dirais, le mieux adapté aux besoins des familles qui ont à la fois des enfants de six, sept, huit, neuf ans et, également, des enfants de quatre, cinq ans. De mettre tout ça sous un toit, ça fait l'affaire de beaucoup de parents. Le taux de couverture ici, au Québec, c'est uniquement 45,3 %. On a beaucoup de chemin à faire. Mais qu'est-ce qu'on dit? On coupe dans tout ça. Et je rappelle au député d'Anjou qu'il y a des écoles à travers le Québec. Alors, si on veut être conscient des besoins des régions, c'est une autre raison de miser sur le milieu scolaire, parce qu'il y a une école dans presque tous les quartiers du Québec. Il faut voir ça davantage, mais ce n'est pas le modèle Marois, alors nous avons abandonné ce secteur.

On passe au deuxième. On parle des coupures dans le règlement, parce que la ministre a dit qu'on va corriger ce qu'elle a fait dans le milieu scolaire dans le règlement. Qu'est-ce qu'on a fait dans le règlement? On a coupé de 60 % à 45 % l'aide aux familles à revenus modestes et à faibles revenus au Québec. Quel grand coup de main! Merci beaucoup, Mme la ministre. Qu'est-ce qu'on en a dit? On est allé chercher 15 000 000 $ dans les poches de ces familles, le «working poor» du Québec. Et je trouve ça étonnant. Ce n'est pas les familles aisées, ce n'est pas... Toute la notion d'équité, et tout ça, n'est pas là. On a décidé d'aller dans les familles à revenus très faibles chercher un autre 15 000 000 $ avec les vagues promesses que, un jour, la ministre va arriver et corriger tout ça.

Mais j'ai parlé au milieu hier encore. Il n'y a aucun indice sur les montants forfaitaires, et tout ça, et rien qui est reçu. Ça, c'est les garderies qui doivent faire la planification pour le mois d'août de cette année, pas un jour quand la ministre aura fini, terminé ses consultations, une autre année transitoire qui va donner suite à une autre année transitoire, qui va donner suite à une autre année transitoire. Les parents ne peuvent pas attendre. L'enfant a besoin de services de garde aujourd'hui, pas dans deux ans, trois ans quand la ministre aura fini de faire ses réflexions et de faire les consultations qui sont toujours incomplètes parce que la ministre écarte toujours le processus décisionnel. Les garderies à but lucratif n'ont pas d'affaire là. Elle ne consulte jamais les parents qui n'ont pas d'enfants à l'intérieur de leurs services. Alors, c'est évident, si je consulte les parents qui ont déjà un enfant dans une place, il faut bonifier les conditions à l'intérieur de la garderie existante. Mais on oublie complètement les parents dont les besoins ne sont pas comblés en ce moment. La ministre ne prend jamais en considération ce monde qui est la majorité; 60 % des parents n'ont pas accès aux garderies à but non lucratif.

C'est ça, la vérité des choses. Le ministre lui-même a trois chances sur cinq que son enfant n'aura pas accès. Alors, s'il peut trouver une garderie à but lucratif où il aura la même occasion de parler à l'éducatrice à la fin de la journée, que la communication se fasse... Moi, j'ai fait ça. J'ai visité beaucoup de garderies, à la fois lucratives et non lucratives, et il y a un échange qui se fait à la fin de toutes les journées. Le parent dit: Comment était mon enfant aujourd'hui, parce qu'il était un petit peu inquiet ce matin? Les éducatrices ont du coeur. Même dans les garderies à but lucratif, les éducatrices ont un coeur et sont capables de parler au parent en disant: Votre enfant, aujourd'hui, il a un petit rhume ou quelque chose comme ça. Ça ne marche pas. Il est un petit peu inquiet. Il a eu une petite chicane avec Johnny, je ne sais pas trop quoi. On est capable de faire ça à la fois dans les garderies à but lucratif et les garderies à but non lucratif. Alors, distinctions et... Le profit, il n'y a pas de problème avec un profit. Il n'y a pas de problème et tout, mais, dans le discours du ministre, c'est comme si c'est quelque chose qui est immoral de dire ça, de faire un profit. On a dit qu'il faut créer nos propres emplois. L'État-providence, c'est chose du passé. Alors, on a un modèle qui est là.

Pour revenir aux questions que le ministre a posées sur le développement en région, un des besoins où le taux de couverture au Québec est le plus faible et le nombre d'enfants est grandissant, c'est dans l'Outaouais. Dans le document qui a été déposé par la ministre au moment des crédits, combien de projets à but non lucratif sont en développement dans l'Outaouais maintenant? Zéro. Alors, même avec quatre ans de délai, si on attend quatre ans pour créer un projet à but non lucratif, on part avec une liste de zéro.

Mais j'ai parlé, hier soir, à une dame qui a contacté l'Office des services de garde à l'enfance en novembre 1994, une femme qui dit: Je suis prête à lancer une entreprise. Alors, l'Office des services de garde a fait tous les plans, a donné toutes les choses. Elle a engagé un architecte, elle a acheté un édifice à 150 000 $. Elle a travaillé en étroite collaboration avec l'Office des services de garde à l'enfance pour voir s'il y avait un nombre suffisant de fenêtres pour la lumière, les portes de sécurité, et tout ça, des aménagements d'un autre 50 000 $, tout en travaillant en étroite collaboration avec l'Office des services de garde à l'enfance. Sa demande de permis est arrivée le 29 ou le 30 mars, donc un jour après le moratoire de l'année passée. Alors, tout son projet est sur la glace pour un an. C'est 200 000 $. Ce n'est pas une millionnaire. C'est une femme qui veut lancer une entreprise. C'est juste une citoyenne qui veut améliorer son sort, qui veut également rendre un service, et les besoins dans l'Outaouais sont énormes.

Alors, après un an, l'Office des services de garde à l'enfance a continué à mettre des exigences tout au cours du moratoire: Les fenêtres, ce n'est pas correct, il faut corriger ça et il faut corriger ça. Alors, cette dame, de bonne foi, a continué de collaborer avec l'Office des services de garde à l'enfance pour réaménager encore une fois les fenêtres, pour faire les améliorations sur les portes de sortie, et tout ça. Alors, elle a fait ça «by the book». Qu'est-ce qui arrive à la fin? Le projet de loi n° 11. Alors, tout son plan d'affaires était basé sur le fait qu'elle serait capable de recevoir du financement, qu'elle serait capable de recevoir les enfants des parents qui ont de l'aide financière, parce que, ça, c'est une aide qui est donnée pour la condition des parents et non directement aux garderies. Et qu'est-ce qui arrive? Elle n'est pas admissible.

Alors, après avoir dépensé 200 000 $, après avoir travaillé de bonne foi avec l'Office des services de garde à l'enfance, on met la hache, mais les besoins sont là. Le beau discours de la ministre sur privilégier les garderies à but non lucratif... Elles ne sont pas là. Elles ne sont pas capables de prendre la relève. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Ça, c'est une dame qui est maintenant avec un édifice de 200 000 $. Elle a une hypothèque à payer et elle est abandonnée. Mais elle a agi de bonne foi. Elle a travaillé en collaboration avec l'Office des services de garde à l'enfance, et ça n'a rien donné. Alors, c'est ça, les conséquences néfastes des choix qui sont faits ici.

Alors, pour moi, en terminant, comme je l'ai dit, je suis très fier de la diversité de notre système et je pense qu'il y a de la place dans notre système pour tous les modèles. Je pense, quand on parle de l'économie sociale, à la fois le milieu scolaire... Il y a 4 000 emplois en milieu scolaire, il y a un autre 4 000 emplois dans les garderies à but lucratif. Pour moi, c'est une économie sociale, ça fait partie de rendre des services à nos communautés. Et on met en péril 8 000 emplois, ce qui va diminuer le nombre de places.

(12 h 10)

Oui, on va augmenter. Le 26 000, les belles promesses de la ministre, je ne sais pas comment elle va réaliser tout ça. Mais, si on met en péril un autre 20 000 places, on n'est pas beaucoup plus avancé, c'est déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je pense que la ministre doit revoir ses décisions pour favoriser la diversité des réseaux, la diversité des services qui sont disponibles aux parents et aux enfants du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, selon les dispositions de notre règlement, il s'agissait de la dernière interpellation du vendredi de la présente saison. Je remercie M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Et, comme la commission a rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 11)


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