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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 15 mai 1996 - Vol. 35 N° 12

Consultations particulières concernant la consommation de médicaments et la recherche et développement dans ce secteur au Québec


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Solange Charest, présidente suppléante
Mme Lyse Leduc, présidente suppléante
M. Pierre Marsan
Mme Nicole Loiselle
Mme Marie Malavoy
M. André Gaulin
M. Russell Williams
M. Claude Boucher
Mme Claire Vaive
*M. Jean-Luc Lavoie, AQFK
*M. Georges Rivard, idem
*M. Roger Barnard, idem
*Mme Denise Ménard, idem
*M. Serge Langlois, ADQ
*M. François Gilbert, idem
*M. Pierre Robillard, idem
*M. Gilles Girard, Société canadienne du cancer, division du Québec
*Mme Anne-Marie Nutini, idem
*Mme Nicole Magnan, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Douze heures cinq minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation de médicaments au Québec et de faire des recommandations visant une meilleure utilisation des médicaments, tout en maintenant le contrôle des coûts directs et indirects et en stimulant la recherche et le développement dans ce secteur.

Mme la secrétaire est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, l'ordre du jour est relativement simple. Nous entendons le groupe, vous avez 20 minutes d'exposé, et, tout de suite après, il y aura 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission. Nous allons vous demander de présenter les gens qui vous accompagnent, leur nom et leur occupation, et après l'échange se fait, là, très à l'aise. D'autres personnes peuvent répondre parmi les personnes qui vous accompagnent. Alors, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous laisse la parole. D'abord, on s'excuse pour le système de lumière, on a un problème, j'imagine temporaire, dans le parlement. Allez-y.


Auditions


Association québécoise de la fibrose kystique (AQFK)

M. Lavoie (Jean-Luc): Merci, M. le Président. Distingués membres de la commission parlementaire des affaires sociales. Avant d'amorcer nos échanges en vue de trouver une avenue réaliste pour l'utilisation des médicaments au meilleur coût possible, permettez-moi de vous présenter ceux qui m'accompagnent. Alors, à ma gauche, c'est M. Roger Barnard, président du Comité provincial des adultes fibro-kystiques; Mme Denise Ménard, à ma droite, qui est directrice générale de l'Association québécoise de la fibrose kystique; à la droite de Mme Ménard, le Dr Georges Rivard, qui est médecin, pédiatre, directeur de la clinique de fibrose kystique au Centre hospitalier de l'Université Laval; et, moi, je suis le Dr Jean-Luc Lavoie, président de la section de Montréal, et aussi à titre de parent ayant un enfant qui a la fibrose kystique, Alexis, âgé de sept ans.

L'Association québécoise de la fibrose kystique se considère privilégiée de pouvoir s'exprimer à votre commission parlementaire. Nous recevons votre invitation comme une marque de confiance et nous tenterons – et réussirons probablement – d'en être dignes. Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous allons faire un bref scénario. Dans un premier temps, nous allons vous parler de ce qu'est la fibrose kystique et des moyens du système actuel qu'on utilise pour l'affronter. Dans un deuxième temps, nous discuterons de la question de l'accès aux médicaments, de leur utilisation dans un contexte qui doit favoriser la recherche et le développement avec l'existence de nouveaux médicaments. Finalement, nous procéderons à des recommandations, conformément au mandat de la commission.

Qu'est-ce que c'est que la fibrose kystique? La fibrose kystique est une maladie héréditaire et, malheureusement, mortelle. Elle est habituellement diagnostiquée soit à la naissance ou durant les premiers mois de la vie. À partir du moment où elle est diagnostiquée jusqu'au décès de l'enfant ou du jeune adulte, cette maladie n'offrira aucune rémission au patient, aux parents, à sa famille. À chaque jour, la fibrose kystique exigera la prise de nombreux médicaments afin de prévenir ou de contrôler les infections pulmonaires de même que pour rendre possibles et efficaces les fonctions d'absorption du système digestif. Ces médicaments que doivent consommer les jeunes atteints de fibrose kystique sont essentiels. La fibrose s'attaque aux poumons et au système digestif, c'est vrai, mais elle touche aussi le quotidien de chaque famille. C'est une perpétuelle course contre la montre, et trop souvent la montre gagne.

En 1960, l'espérance de vie était alors de quatre ans. À cette époque, peu d'enfants pouvaient espérer dépasser cette limite. Aujourd'hui, l'espérance de vie se situe autour de 33 ans. Il s'agit d'une très grande amélioration, mais qui d'entre nous aurait voulu vivre 33 ans? Qui d'entre nous aurait voulu mettre au monde un enfant pour qu'il ne vive que 33 ans? Trente-trois ans à ingurgiter plus de 30 pilules; 33 ans à se voir hospitalisé souvent parce qu'il y a des infections; 33 ans à constater que, simplement respirer et digérer, pour ce monde-là, ce n'est pas automatique; 30 ans ou 33 ans de vie pour certains, à condition de pouvoir recevoir une greffe pulmonaire. Finalement, encore trop d'enfants ne se rendent pas à 30 ans. Il faut le retenir tout au long de notre discussion, la fibrose kystique est une maladie qui tue tous les patients qui en sont atteints. On ne s'en sort pas.

Quand on regarde l'augmentation de l'espérance de vie et ce qui fait qu'on a eu une belle progression, l'Association québécoise de la fibrose kystique a isolé trois facteurs: premièrement, et sans doute le facteur le plus important, celui qui fait que le gouvernement a permis l'accessibilité aux médicaments; deuxièmement, un facteur aussi important, le fait qu'il existe maintenant, au Québec, un réseau structuré de cliniques fibrose kystique; et, troisièmement, un autre facteur, le fait que la recherche a progressé.

(12 h 10)

Toutefois, il n'en demeure pas moins que la fibrose kystique représente la maladie héréditaire congénitale la plus répandue. Au Québec, une personne sur 20 est porteuse du gène défectueux. Il y a 350 000 personnes qui, potentiellement, peuvent donner la fibrose kystique. Toujours au Québec, un enfant sur 1 600 naît avec la fibrose kystique. Au Canada, il y en a plus de 3 000, dont 1 000 uniquement au Québec, et la plupart, au Québec, ce sont des enfants.

Maintenant, si vous voulez, on va regarder comment les enfants et les adultes atteints de fibrose kystique – en page 4, on parle du réseau des cliniques – sont traités. Le Québec s'est développé une solide réputation de leader mondial dans le traitement de la fibrose kystique et dans la recherche fondamentale et appliquée sur la fibrose kystique. C'est au Québec que l'on retrouve un âge moyen de survie parmi les plus élevés. Pourquoi c'est comme ça? D'une part, parce que la communauté fibro-kystique a fait énormément d'efforts – et la communauté, ça, ce sont les patients, les parents, les sympathisants, les familles – pour lever des fonds, et avec ces fonds-là on a réussi à créer 11 cliniques spécialisées dans le territoire québécois et aussi à créer un centre de transplantation.

Ces importantes réalisations ont été rendues possibles, à titre d'exemple, par des investissements privés de l'ordre de 465 000 $ en 1995 et de 474 000 $ en 1996. Ce regroupement des cliniques en réseau – dont on va vous reparler tout à l'heure parce qu'il est important – reçoit, depuis 1970, du financement de la part du secteur privé. Donc, les gens qui ont la fibrose kystique investissent dans leur cause. Ce réseau-là est un réseau, aussi, où on établit énormement de contacts interprofessionnels. Tous les directeurs des cliniques – comme le Dr Rivard en est un ici – se connaissent, se rencontrent, échangent et ils parlent des patients, ils parlent des traitements. On voit qu'il y a plusieurs cliniques: il y en a à Hull, il y en a à Gatineau, à Rimouski – il ne faut pas penser que, la fibrose kystique, c'est rien qu'à Montréal puis à Québec – il y en a à Sainte-Foy, il y en a à Sherbrooke, il y en a à Chicoutimi, à Rouyn-Noranda, à Montréal puis, comme dit la publicité, il y a d'autres franchises disponibles pour ceux qui en veulent.

Si on regarde les impacts du réseau de cliniques, on a investi près de 1 700 000 $ au niveau des chercheurs québécois en 1996 parce que l'on croit fondamentalement que, un jour, on va la vaincre, la fibrose kystique. Mais, malheureusement, actuellement il n'y en a pas de médicament pour la vaincre, il n'y a que des médicaments qui nous permettent de ralentir le processus dégénératif de la fibrose kystique, et il faut donc continuer de travailler en recherche. Pour les jeunes adultes, souvent, la façon de prolonger la vie, c'est une transplantation. Donc, la recherche va donner de nouveaux médicaments qui vont engendrer des coûts, mais, pour nous, l'espoir, il est là.

Comment c'est constitué une clinique? Comment ça marche? Alors, dans une clinique vous allez retrouver un directeur qui est un médecin, vous allez retrouver une coordonnatrice qui est une infirmière. Autour du noyau de ces deux personnes-là gravite un tollé de spécialistes, endocrinologues, pneumologues, gastro-entérologues, physiatres, psychiatres, travailleurs sociaux et pharmaciens, parce que l'Association québécoise de la fibrose kystique croit que le rôle du pharmacien, dans l'administration des médicaments, est très important. Pour nous, c'est lui le spécialiste qui peut nous aider à mieux gérer et à mieux dispenser, de concert avec l'équipe, la médication pour nos patients.

En ce sens, nous croyons que cette clinique-là possède suffisamment d'expertise et traite suffisamment de patients pour assurer un contrôle judicieux des prescriptions et des coûts des médicaments, et ça c'est intéressant. Le réseau, par sa pertinence, sa compétence, peut nous aider à contrôler le coût de ces médicaments-là. Nous croyons aussi que la clinique spécialisée doit demeurer le chef de file, l'épicentre, le chef d'orchestre de toute intervention thérapeutique concernant les personnes atteintes de fibrose kystique. Selon nous, on ne peut pas déléguer ces responsabilités-là à un médecin de médecine privée ou à un médecin de médecine familiale. Il est excessivement important que les cliniques de fibrose kystique continuent de voir à la validation de la prescription, à l'approvisionnement des médicaments et, aussi, il faut que le centre hospitalier continue de s'impliquer dans ce domaine-là. Et, tout ça, c'est dans le but – il y en a trois – de contrôler le coût global, de réduire le nombre d'hospitalisations – mieux ils sont médicamentés et moins ils sont hospitalisés – et, troisièmement, de maximiser le médicament sur l'effet du traitement.

Un autre impact majeur du réseau clinique fut celui de favoriser la recherche sous toutes ses facettes en investissant efficacement les fonds recueillis par l'Association québécoise de la fibrose kystique et par la fondation canadienne, et ça, c'est dans des recherches concrètes, plusieurs portant sur l'efficacité des médicaments. Le secteur privé investit beaucoup, par la cueillette de fonds, et nos membres travaillent fort.

Si on regarde la fibrose kystique, maintenant, et la consommation de médicaments, vous allez constater que c'est une maladie qui nécessite une grande prise de médicaments, et ce sont des médicaments essentiels. Un patient atteint de fibrose kystique qui ne prend pas ses médicaments, il décède, c'est aussi simple que ça. Nous comprenons que, devant cette obligation, il est important d'assurer un contrôle efficace de la médication et aussi un contrôle efficace de la fibrose kystique. Le programme d'accessibilité gratuite aux médicaments, par le biais de la circulaire «malades sur pied», instaurée par le ministère de la Santé et des Services sociaux en 1981, a augmenté de façon drastique la survie des enfants et des adultes atteints de fibrose kystique.

À titre d'exemple, moi, j'en ai un enfant qui a la fibrose kystique. Quand il se lève le matin, il commence avec deux antibiotiques, deux sortes de vitamines, plus une autre sorte de vitamine, et puis il a cinq enzymes pour son déjeuner. Suivi de ça, son petit masque – on voit la petite fille avec le petit masque – pour avoir des antibiotiques en aérosol et un bronchodilatateur pour lui permettre de respirer. Ça, c'est juste le déjeuner; il y a la collation, il y a le midi, il y a la collation l'après-midi et le souper, et tout ça. Quand je vous parlais d'une trentaine de pilules, là, j'aurais le goût de vous dire que c'est pour quelqu'un qui va bien. Pour quelqu'un qui va mal, multipliez par deux, par trois.

Alors, on parle de médicaments, on parle de suppléments nutritifs, du «boost» que tout bon pêcheur a dans son coffre à pêche au cas où l'excursion durerait plus longtemps. C'est important pour eux autres; ce qui devient une collation pour nous autres devient quelque chose de plus significatif encore pour eux autres, c'est plus que ce qu'ils mangent déjà: des suppléments au niveau des vitamines, des enzymes qui permettent aux médicaments d'être mieux digérés, des antibiotiques, des médicaments anti-inflammatoires, des bronchodilatateurs, de l'Ursodiol, de l'insuline parce que certains deviennent diabétiques. Alors, vous venez de voir une panoplie de médicaments qui ont défilé soit dans votre imagination ou sous votre table, et ce n'est pas une romance; la réalité, c'est ça.

Alors, il convient de rappeler l'énoncé de principe de l'Association québécoise de la fibrose kystique. Cette Association-là a toujours défendu que toute personne atteinte d'une maladie génétique mortelle devrait avoir accès aux médicaments prescrits et requis pour combattre cette maladie-là. Les différentes cliniques, selon nous, s'avèrent la solution privilégiée pour administrer judicieusement et efficacement les programmes d'accès aux médicaments qui sont à la fois coûteux, nécessaires, mais des médicaments essentiels.

Il ne fait aucun doute, vous en conviendrez avec moi, qu'un bon nombre de patients doivent s'en remettre aujourd'hui au programme de subvention du gouvernement du Québec pour avoir accès aux médicaments prescrits pour combattre la maladie. La plupart de ces médicaments sont, en effet, accessibles dans le cadre de la circulaire «malades sur pied». Par contre, d'autres patients doivent s'en remettre à l'aide sociale pour obtenir des médicaments essentiels pour eux. L'Association québécoise de la fibrose kystique assume maintenant que tous les produits pharmaceutiques utilisés couramment par les patients seront disponibles dans le cadre du programme universel d'accès aux médicaments proposé par la commission Castonguay, et, tout de suite, je mets en évidence aussi que nous assumons qu'il en sera de même pour tous les nouveaux médicaments jugés pertinents et efficaces dans le combat pour la fibrose kystique.

(12 h 20)

L'Association est satisfaite de l'orientation annoncée par le gouvernement et souhaite qu'elle se poursuive, mais il y a plus. On a parlé des médicaments, on va parler d'accessoires maintenant, d'accessoires que ça prend. Ces accessoires-là créent un besoin criant. On parle de glucomètre, lorsqu'il y a une condition diabétique qui s'installe, de bandelettes, d'aiguilles. On parle d'éléments nutritifs lorsqu'il y a des pertes de poids qui sont considérables. On parle de compresseurs à la maison, on parle d'antibiothérapie à domicile. C'est de l'équipement, ça, et nous espérons, et nous osons croire, surtout, que tout ce matériel trouvera preneur dans l'orientation du gouvernement.

Je vais vous donner un exemple: un médicament qui a été utilisé, qui s'appelle Pulmozyme – le docteur en parlera plus abondamment tout à l'heure – c'est un médicament dispendieux, 12 000 $ par année. Il y a un certain nombre de patients qui ont eu droit à ça parce que c'était un programme limité. Alors, grâce à l'efficacité du travail du réseau des cliniques, la plupart des patients ont réussi à avoir ce médicament-là, mais ça aurait pu devenir une situation inéquitable. Parce que des gens sont sur une liste parce que, à un moment donné, leur condition leur permet de l'être parce qu'elle est suffisamment détériorée, eux l'auraient eu, mais d'autres n'auraient pas pu l'avoir parce que, au moment où on a concocté la liste, ils étaient suffisamment en bonne santé. Alors, vous allez voir tout à l'heure, dans les précisions du Dr Rivard, comment les cliniques sont des administrateurs judicieux. L'Association québécoise de la fibrose kystique serait insatisfaite si tous les médicaments reconnus par le Comité d'experts fibro-kystique et le Conseil consultatif de pharmacologie ne sont pas universellement accessibles. Chez nous, on n'accepterait pas cette position-là.

L'utilisation des médicaments en clinique maintenant. L'Association a toujours reconnu l'importance et la nécessité de contrôler les programmes d'accès aux médicaments. On n'a pas eu de misère à fonctionner avec ça. C'est une responsabilité qui appartient au gouvernement du Québec, mais il est aussi important de retenir, comme le faisait mention le rapport Castonguay, que la gestion efficace de la distribution et de l'accès aux médicaments peut s'avérer – en page 8 – le moyen le plus efficace pour contrôler le coût relié à la consommation des médicaments.

On vous a parlé, tout à l'heure, d'expertise en clinique. On vous a dit qu'il y avait plein d'individus de formations différentes dans les cliniques. Nous sommes convaincus que c'est l'outil du gros bon sens pour bien gérer ces médicaments-là, que ça se fasse en clinique, dans les hôpitaux, pas au coin de la rue par un médecin, si compétent soit-il. O.K.? Nous sommes convaincus, aussi, que ces spécialistes qui travaillent en clinique sont mieux placés que quiconque pour s'assurer que le patient reçoive le bon médicament, qu'ils sont les mieux placés pour s'assurer que le patient comprenne et respecte la prescription qui lui est remise, et qu'ils sont aussi les mieux placés pour voir à ce que les effets indésirables du médicament sur la santé soient réduits au minimum. Puis, enfin – puis ce n'est pas la moindre des considérations – le réseau des cliniques fibro-kystiques est un modèle de fonctionnement qui devrait être utilisé pour toutes les maladies complexes ou encore celles dont le coût du traitement est élevé. Vous nous questionnerez sur ça tout à l'heure, ça va nous faire plaisir de vous répondre.

En page 9, l'accès au médicament en réseau clinique. La recherche et le développement ont permis au Québec de se donner une grande notoriété dans sa façon de traiter la fibrose kystique. Par la même occasion, le réseau des cliniques, qui a permis d'acquérir cette notoriété, doit poursuivre son travail et doit être l'endroit efficace et reconnu pour assurer aux patients l'accès à de nouveaux médicaments. Il est normal que le gouvernement puisse avoir peur que de nouveaux médicaments soient coûteux et soient utilisés plus ou moins judicieusement, nous en convenons. Tous les efforts pour réduire les dépenses doivent être faits. C'est là que nous pensons que le fait de prescrire de nouveaux médicaments par l'unique biais du réseau des cliniques fibro-kystiques peut s'avérer le meilleur moyen pour gérer efficacement leur accès et leur utilisation.

À titre d'exemple, un nouveau médicament qui vise à traiter exclusivement la fibrose kystique, comme le Pulmozyme, pourrait être dans un programme spécial, géré par le réseau des cliniques fibro-kystiques. Le patient aurait ensuite accès à ce médicament seulement après une consultation auprès d'un comité fibro-kystique central indépendant qui approuverait les indications d'utilisation pour ce patient.

Notre Association comprend et ressent très bien les craintes du gouvernement. L'accès aux médicaments doit être contrôlé. Un suivi régulier doit être appliqué afin d'éviter que toute prescription soit inefficace et inutile dans certains cas. Le réseau des cliniques fibro-kystiques le fait ça, déjà. On voudrait que ça continue.

En conclusion, nous sommes d'avis que l'accès universel aux médicaments élimine tout risque d'iniquité entre les patients dans le traitement contre la maladie qui les afflige.

Maintenant, je vous amène à la page 10, aux recommandations, que je lirai de façon intégrale afin de ne pas commettre d'impair.

La première recommandation est la suivante: Que la commission reconnaisse aux professionnels des cliniques fibro-kystiques le soin et la responsabilité de gérer l'accès aux médicaments.

La deuxième: Que le réseau des cliniques soit reconnu comme une ressource privilégiée et comme un intervenant majeur pour gérer et analyser l'utilisation des médicaments pour traiter la fibrose kystique.

La troisième: Que les conditions nécessaires à maintenir un réseau de cliniques de qualité soient favorisées et ainsi éviter qu'il soit affaibli. À cet effet, que le gouvernement voie à l'accroissement du support administratif et des ressources professionnelles dans les cliniques spécialisées en fibrose kystique.

La quatrième: Que le réseau des cliniques soit le seul gardien ayant la compétence et l'aptitude à dispenser les médicaments pour traiter les patients de fibrose kystique.

Cinquièmement: Que les médicaments – nous avons convenu qu'ils étaient essentiels à la survie de nos jeunes – incluant les nouveaux à venir, soient offerts aux patients atteints de fibrose kystique et inscrits dans le programme d'accès universel des médicaments et dans les programmes spéciaux relatifs aux médicaments de pointe visant exclusivement le traitement de la fibrose kystique.

Sixièmement: Que le matériel nécessaire au suivi étroit, au traitement de toutes les facettes de la maladie... Lorsque le diabète survient, lorsqu'il y a d'autres formes de complications qui demandent du matériel à la maison, on voudrait que le gouvernement s'occupe de fournir ça dans le contexte d'un programme universel.

La septième: Que tous les suppléments nutritifs, tellement essentiels aux personnes atteintes, soient reconnus au même titre qu'un médicament.

Et la dernière: Que le programme du centre de transplantation soit rehaussé par des investissements directs.

Nous sommes convaincus que ces recommandations permettront une meilleure utilisation des médicaments, tout en contrôlant le coût de ceux-ci de façon efficace et efficiente. Ces recommandations permettront aussi au réseau de cliniques fibro-kystiques de continuer d'être le chef de file dans le traitement de la maladie chronique et dégénérative qu'est la fibrose kystique. Je vous remercie de votre attention soutenue et bienveillante. M. le Président, je vous recède la parole.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Lavoie, je vous remercie. Avant de passer la parole à mes collègues, je voudrais vous dire, à vous, M. le président, à madame, au Dr Rivard et à M. Barnard... Soit dit en passant, j'ai eu l'agréable plaisir de rencontrer le Dr Rivard et M. Barnard, aussi, dans Charlevoix il n'y a pas plus qu'une couple de semaines, et on est très touché et impressionné de voir tout le dévouement que vous mettez dans votre organisme. On est au courant du fait que vous consacrez énormément de temps et d'énergie, que même ceux qui sont atteints travaillent très fort pour leur propre financement, entre guillemets, les parents, etc. Je peux vous dire, au nom de tous les membres de la commission, qu'on sait jusqu'à quel point pour vous autres, aujourd'hui, ce que ça veut dire, venir devant la commission, et on l'apprécie énormément.

M. Lavoie (Jean-Luc): Je vous remercie beaucoup et je m'engage à transmettre ça, votre mot, aux différentes sections.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'ai le député de Robert-Baldwin, suivi de la députée de Rimouski et de la députée de Mille-Îles.

M. Marsan: Alors, merci, M. le Président. Et, Dr Lavoie, c'est à mon tour de vous remercier bien sincèrement, vous et les membres de votre équipe, pour avoir accepté notre invitation, pour être venu nous sensibiliser puis nous faire connaître, je pense, davantage cette terrible maladie. Et, si vous me permettez, je voudrais tout de suite vous questionner sur... Vous avez mentionné quelque chose de très important tantôt, vous avez dit que la circulaire «malades sur pied» avait contribué à améliorer la durée de vie et, je pense, un peu sa qualité. En tout cas, j'aimerais ça vous entendre aussi là-dessus. Et mon inquiétude, maintenant, c'est est-ce qu'une... On sait que la circulaire semble vivre ses derniers moments – peut-être qu'on va en savoir un peu plus aujourd'hui même – mais, si on ajoute une forme de tarif ou de taxation, est-ce que ça pourrait venir diminuer les gains qu'on a pu faire avec cette circulaire-là?

(12 h 30)

Et je voulais aussi vous entendre sur les médicaments qui sont peut-être exclus du formulaire. Est-ce que les médicaments dont vous avez besoin sont actuellement sur la liste, sur le formulaire ou s'il y en a qui sont exclus et pour lesquels, vous, avec votre expertise, vous êtes capable de nous dire: Ça, c'est très important, nos patients en ont besoin, mais, malheureusement, parce qu'ils ne sont pas sur le formulaire, on ne peut pas donner cet avantage-là à nos patients? Alors, ce serait les deux points sur lesquels j'aimerais vous entendre au début, docteur. Merci.

M. Lavoie (Jean-Luc): Je vous remercie pour vos bons mots. Dans un premier temps, je répondrai à la première partie de la question, en ce qui concerne les coûts, et, pour la deuxième partie, j'aimerais passer la parole au Dr Rivard qui est directeur de la clinique ici.

Pour les coûts, c'est très clair que les gens qui sont atteints de fibrose kystique dépensent des sommes énormes dans le traitement de leur maladie. Je vous donne un exemple: un enfant fibro-kystique qui va relativement bien, 3 000 $ par année; un adolescent fibro-kystique qui ne va pas tellement bien, 15 000 $ à 20 000 $; un adulte, 30 000 $. Certaines familles ont deux enfants atteints de fibrose kystique. Alors, vous devez comprendre que, pour nous, l'accessibilité aux médicaments est quelque chose d'excessivement fondamental, et c'est la pierre angulaire de la bataille que nous menons contre la fibrose kystique.

Nous croyons, pour bien connaître nos membres, que ceux-ci n'ont pas les moyens financiers d'investir autant d'argent dans ça, et le programme d'accessibilité devra tenir compte de l'énormité, de l'immensité des coûts liés au traitement de la fibrose kystique. Alors, le plan qui sera choisi, je ne le connais pas. Je viens de vous exprimer ma réalité en vous disant que c'est une réalité qui est excessivement dispendieuse et que, si on devait demander une modalité de paiement, je suis convaincu que plusieurs patients atteints de fibrose kystique n'auraient pas les ressources financières pour s'approvisionner, et je suis aussi convaincu que, lorsqu'on commence une infection pulmonaire, on ne peut pas attendre trois ou quatre jours avant d'utiliser les antibiotiques. Et, de ce fait, il y a un lien direct entre la qualité de vie, l'espérance de vie du patient atteint de la fibrose kystique et l'accessibilité aux médicaments. Voilà pour la première partie de votre réponse. Est-ce que j'y ai bien répondu?

M. Marsan: Oui, vous m'apprenez des choses, là. Quand vous avez donné quelques chiffres pour les patients, les adolescents, que ça peut coûter de 15 000 $ à 20 000 $, les adultes, 30 000 $, et dans certains cas...

M. Lavoie (Jean-Luc): Et je demeure prudent dans mon évaluation, je vous le dis tout de suite.

M. Marsan: Mais je pense que c'est encore plus important que tout l'aspect tarification ou taxe – on ne va pas faire de politique ici – que ça soit vraiment clairement énoncé, et j'ose espérer que, par rapport au prochain projet de loi sur l'assurance-médicaments qui devrait, possiblement, être déposé aujourd'hui, vous puissiez être entendu également.

M. Lavoie (Jean-Luc): Je vous remercie beaucoup. Pour la deuxième partie, maintenant, eu égard aux médicaments, à ceux qui doivent ou ne doivent pas y être, est-ce que c'est tout à fait adéquat, je demanderais au Dr Rivard de s'investir de sa réponse.

M. Rivard (Georges): Merci. Juste pour mettre un petit peu d'emphase à nouveau sur la situation québécoise vis-à-vis du reste de la communauté internationale fibro-kystique, juste pour donner un exemple, au Québec et au Canada, notre âge moyen au décès, qui est une mesure statistique pour montrer la performance vis-à-vis d'une maladie dans le réseau global de soins qu'on offre, est de 33 ans. Les États-Unis, qui sont souvent perçus comme supposément le modèle, malheureusement, ont une performance de 26 ans. Il y a un écart très important de six ans entre les performances aux États-Unis et au Canada, et je ne peux sûrement pas taxer les connaissances médicales et la qualité des soins offerts par les médecins et l'équipe médicale... Il y a aussi des équipes de fibrose kystique aux États-Unis, et une des différences très importantes qui existent, je pense, c'est l'accessibilité aux médicaments au Canada et au Québec, qui est, entre guillemets, universelle – je vais reprendre tantôt la liste – alors qu'aux États-Unis tout est sur une base individuelle.

Entre autres, un des aspects très importants de l'amélioration de la prise en charge des patients, c'est que, au Canada, depuis une dizaine d'années, on met beaucoup, beaucoup d'emphase sur l'importance de la nutrition, les suppléments nutritifs, un apport alimentaire très soutenu avec des patients dans les meilleures conditions nutritionnelles possible, et tout cet aspect-là n'a jamais été développé ou utilisé aux États-Unis parce que c'est totalement inaccessible dans leur système de santé, l'accès aux produits, sauf pour une petite, petite clientèle.

Ça, c'est pour démontrer l'importance de l'universalité des médicaments pour la fibrose kystique. C'est une des raisons majeures pour laquelle nous avons la chance d'avoir de meilleures performances au fil des années. Et il faut quand même réaliser à nouveau, hein – le Dr Lavoie l'a souligné – que, en 1960, on ne pouvait pas espérer vivre plus que quatre ans avec la fibrose kystique, alors que, en 1996, on est capable de se rendre jusqu'à 33 ans. Mais on meurt encore beaucoup trop jeune de fibrose kystique.

Pour ce qui est de la circulaire «malades sur pied», malheureusement, elle date de 1981, et, très péniblement, nous avons réussi à faire ajouter, occasionnellement, un médicament. Nous avons soumis au Conseil consultatif de pharmacologie et au ministère une révision deux fois: une fois, en 1989-1990, et c'est resté sans écoute; et, une autre fois, dernièrement, en 1994 ou en 1993, une révision complète de la réalité québécoise des médicaments nécessaires pour soutenir, avec une mise à jour des médicaments. Et, actuellement, beaucoup de médicaments ne sont pas accessibles via la circulaire et ne sont pas disponibles parce que les milieux où nous évoluons ont des contraintes et ne peuvent pas élargir unilatéralement sans que le ministère n'accepte les listes de médicaments. Et beaucoup de ces médicaments-là sont des médicaments qui sont apparus nécessaires parce que la fibrose kystique évolue, parce qu'il y a des réalités nouvelles, les patients vivent plus longtemps. Il y a des complications qu'on ne connaissait même pas en 1985, et maintenant on a des patients qui vivent assez vieux pour les développer. Et on réalise et on constate encore des choses nouvelles avec la fibrose kystique et des moyens pour les contrôler, sauf que ce n'est pas accessible.

Un exemple: on a parlé du Pulmozyme qui est une molécule nouvelle, on va parler d'un médicament qui est moins nouveau, qui s'appelle l'Ursodiol, qui est une médication très utile pour les personnes qui développent de la cirrhose. Il n'y a personne qui parlait de cirrhose du foie, de maladie hépatique, de destruction du foie, il y a 10 ans, en fibrose kystique, ou à peu près pas, c'est une complication qui s'installe tardivement. Et l'Ursodiol est un médicament qui va prévenir l'apparition de la cirrhose, sauf que ce n'est pas un médicament qui est actuellement disponible. Il y a effectivement une révision extensive qui a été faite par l'ensemble des directeurs, proposée au Conseil consultatif de pharmacologie, et qui n'a malheureusement pas pu être élargie à date, compte tenu des contraintes, mais qui est encore sur la table et qu'on aimerait bien pouvoir représenter, effectivement. On pourra en discuter.

M. Marsan: J'ai lu dans votre mémoire que vous avez un comité d'experts fibro-kystiques et que vous avez des liens avec le Conseil consultatif de pharmacologie.

M. Rivard (Georges): Oui.

M. Marsan: Et ma préoccupation, c'est de savoir... J'imagine que, votre comité d'experts, là, vous êtes vraiment à la fine pointe de ce dont vous avez besoin en termes de médication pour cette maladie-là, et, à partir du moment où vous avez une recommandation pour un nouveau médicament qui est vraiment utile pour vos patients, est-ce que le Conseil consultatif de pharmacologie, d'emblée, va souscrire à vos recommandations?

M. Rivard (Georges): Nous avons été sollicités une fois par le Conseil consultatif de pharmacologie dans une situation d'évaluation très spécifique pour le Pulmozyme, où le Conseil a regroupé un comité d'experts. Nous avons émis des opinions très spécifiquement sur le Pulmozyme et nous avons demandé au président du Conseil si on ne pouvait pas exercer notre rôle d'experts, aussi, sur l'ensemble de la circulaire, ce avec quoi il a agréé, et nous avons soumis, à ce moment-là, en 1993, des recommandations à la fois spécifiques sur le Pulmozyme et sur l'ensemble des médicaments.

Malheureusement, par la suite il n'y a pas eu d'échanges soutenus avec le Conseil consultatif de pharmacologie, ce qu'on souhaiterait, évidemment, pouvoir reprendre et jouer un rôle consultatif ou de conseillers vis-à-vis du Conseil pour la cause de la fibrose kystique, spécialement. Il existe l'expertise au Québec, mais le Conseil n'a malheureusement pas sollicité à nouveau le comité d'experts.

M. Marsan: Est-ce qu'il y a un médicament, là, qu'il serait très important qu'il soit reconnu par le ministère sur le formulaire, pour lequel vous seriez en mesure de nous dire: Oui, tout de suite, on est capable de le démontrer et de le prouver, et pour lequel on vous refuse cette accessibilité-là actuellement?

M. Rivard (Georges): La liste des médicaments d'importance – je n'ai malheureusement pas apporté la liste avec moi – est très longue. Ce sont tous des médicaments importants. Exemple: le Pulmozyme, c'en est un qui a été très, très populaire et qui a fait couler beaucoup d'encre; l'Ursodiol. Et ce ne sont pas toutes les cliniques du Québec qui trouvent le moyen de fournir les suppléments nutritifs. Il y a des médicaments qui ne sont pas spectaculaires, qui ne sont pas nouveaux, mais qui sont excessivement importants, et la liste d'additions aux médicaments nécessaires à ajouter est relativement longue et elle est disponible encore, mais je l'ai malheureusement pas avec moi.

M. Marsan: Mais elle n'est pas dans le formulaire actuellement...

M. Rivard (Georges): Elle n'est pas dans le formulaire.

(12 h 40)

M. Marsan: ...elle n'est donc pas accessible.

M. Rivard (Georges): Elle a été soumise et proposée...

M. Marsan: O.K.

M. Rivard (Georges): ...et demandée au Conseil consultatif de pharmacologie, mais elle n'a pas été ajoutée au formulaire.

M. Marsan: Il y a longtemps qu'elle a été déposée?

M. Rivard (Georges): La dernière fois, c'est en 1993 ou en 1994.

M. Marsan: O.K., merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski, suivie de Mmes les députées de Mille-Îles, de Saint-Henri–Sainte-Anne et de Sherbrooke.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, messieurs et madame. Votre mémoire est bien bâti – en tout cas, il est très explicite – cependant, je reviendrais sur vos recommandations. Les recommandations 1 et 2 ainsi que la recommandation 4, il me semble que ça va ensemble, là, tout ça m'apparaît articulé dans le même sens et tout à fait cohérent. Vous voulez absolument que ça soit les professionnels rattachés aux cliniques qui soient les seuls responsables pour gérer l'accès aux médicaments. Vous voulez que les cliniques soient reconnues comme intervenants majeurs – le réseau, en tout cas, des cliniques – et vous voulez aussi que le réseau des cliniques soit le seul gardien ayant la compétence de la gestion parce que, dispenser, c'est la distribution et la prescription des médicaments pour traiter les patients fibro-kystiques. Pourquoi tout ça? Parce que, si je regarde à la page 5 de votre mémoire, vous dites que le directeur de la clinique est habituellement un médecin, alors je ne sais pas si c'est un médecin pneumologue, oto-rhino-laryngo ou...

M. Lavoie (Jean-Luc): C'est un médecin spécialiste et, le plus souvent, un pneumologue, effectivement.

Mme Charest: C'est un pneumologue, habituellement...

M. Lavoie (Jean-Luc): Oui, c'est un pédiatre...

Mme Charest: ...qui est le chef de la clinique?

M. Lavoie (Jean-Luc): Oui, oui.

Mme Charest: O.K.

M. Lavoie (Jean-Luc): Alors...

Mme Charest: Et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que l'image que ça me donne, c'est un certain monopole, un cadre qui m'apparaît...

M. Lavoie (Jean-Luc): Rigide.

Mme Charest: ...quand même rigide, et je ne suis pas contre, là, je veux juste comprendre ce qui vous incite à proposer ce genre de cadre pour la distribution, la gestion des médicaments comme telle.

M. Lavoie (Jean-Luc): Alors, encore une fois, nous allons répondre à deux. Je vais commencer, puis le Dr Rivard va compléter.

Mme Charest: O.K.

M. Lavoie (Jean-Luc): La fibrose kystique, par définition, c'est une maladie qui touche différents systèmes: le système pulmonaire, le système digestif. C'est aussi une maladie à complications multiples. Alors, je pense qu'il est tout à fait nécessaire que ces patients-là soient suivis par une équipe multidisciplinaire qui comprend différentes catégories de médecins et différents autres professionnels.

Mme Charest: On en a, à la page 5 du mémoire, la liste.

M. Lavoie (Jean-Luc): Vous les avez à la page 5.

Mme Charest: Oui.

M. Lavoie (Jean-Luc): Et, ces gens-là, travaillant en clinique, ont regroupé un certain nombre de patients, donc une masse critique qui permet de voir la performance des traitements qu'ils appliquent au niveau de notre clientèle, et la complexité de la maladie fait en sorte que, par exemple, si c'était traité par un médecin généraliste ou un interniste, comme je vous dis, si compétent soit-il, je ne pense pas qu'il pourrait avoir la même vision globale de tout l'ensemble de la maladie qu'une clinique peut avoir. Alors, ça va dans le sens aussi que, plus l'examen est bien fait, plus le traitement est bien mesuré, meilleures sont les chances de survie. Le regroupement en tableau de cliniques est certainement compatible avec l'espérance de vie qui augmente. Ça, c'est une chose. L'autre chose, c'est que ça nous permet aussi d'évaluer les médicaments en tant que tels et de savoir lequel est le meilleur, lequel est le moins bon, lequel est bon pour tel, lequel ne sera pas bon pour l'autre. Donc, ça évite un paquet de dépenses.

On ne veut pas créer un monopole. Ce que l'on sait, c'est que c'est une maladie qui demande un travail en équipe et que la qualité du suivi est beaucoup plus élevée dans une clinique fibro-kystique que n'importe où ailleurs. Finalement, le fait, aussi, que le patient soit pris en charge par une clinique et qu'il doive aller s'approvisionner à l'hôpital fait en sorte que, le patient, il va se rendre à ses rendez-vous. Ça augmente l'assiduité thérapeutique, et on sait que, dans le contexte des maladies chroniques, entre autres au niveau de l'adolescence où l'assiduité a tendance à descendre, si on permet à tout le monde d'aller au coin de la rue, bien, on perd le contrôle de cette maladie-là qui est, par définition, excessivement sournoise. Ce serait mon premier élément de réponse, et je demanderai au Dr Rivard de compléter.

M. Rivard (Georges): Vous avez mis beaucoup d'emphase, dans votre question, sur le spécialiste qui est responsable. Au Québec, même en 1996, le spécialiste le plus connaissant de la fibrose kystique est le pédiatre.

Mme Charest: Le pédiatre?

M. Rivard (Georges): Oui.

Mme Charest: O.K.

M. Rivard (Georges): Avec la fibrose kystique, en 1980, il n'y avait aucun adulte au Québec qui dépassait 18 ans. Toute l'expertise vient de la pédiatrie. Toutes les cliniques de fibrose kystique ont un pédiatre, qui est parfois pédiatre pneumologue, mais la fibrose kystique n'est pas une maladie pulmonaire. La fibrose kystique est une maladie totale de l'organisme, de tout ce qui sécrète des sécrétions, évidemment avec de très grosses répercussions pulmonaires. Donc, le pneumologue est souvent au centre, mais il faut percevoir l'approche du patient comme une approche globale. Ce n'est pas juste des poumons malades, c'est tout un ensemble d'organismes. Le pédiatre joue ce rôle-là.

La formation médicale, au Québec, des médecins adultes, internistes et pneumologues, ne connaissait rien de la fibrose. Ça ne faisait pas partie de la formation médicale jusque dans les années quatre-vingt parce qu'il n'existait pas de patients adultes. Actuellement, au Québec, en 1996, les principaux experts en fibrose kystique sont, pour la partie pédiatrique, les pédiatres, pour la partie adulte, les internistes – parce que c'est une approche globale qu'il faut faire – et aussi les pneumologues parce que c'est une spécialité qui s'intéresse beaucoup à la fibrose kystique. Donc, il y a un réseau de spécialistes. Les cliniques de fibrose kystique sont dirigées, et il y a du travail multidisciplinaire de ces principaux intervenants là, d'une part.

Pourquoi les équipes de fibrose kystique devraient être les principaux gestionnaires ou les principaux consultants? La fibrose kystique est une maladie très particulière, et les gens qui travaillent avec cette clientèle-là peuvent avoir l'expertise. Exemple, les infections. Bien, si vous demandez à tout le monde ici qui sont les spécialistes des infections, ce sont les infectiologues, mais l'infection fibro-kystique n'est pas conforme aux notions d'infectiologie, et les infectiologues sont d'accord avec ça aussi. Il y a des particularités en fibrose kystique qui font qu'on fait une utilisation qui n'est pas dans la même règle, à titre d'exemple. Donc, on doit avoir un rôle consultatif très important vis-à-vis de la gestion des médicaments.

Mme Charest: J'y vois, en tout cas, des avantages énormes, le patient est en étroite relation avec son équipe soignante, et je pense que, ça, c'est beaucoup pour quelqu'un qui est aux prises avec la maladie. Par contre, votre réseau de cliniques, il existe déjà depuis un certain temps au Québec, et, à la page 4 de votre mémoire, vous dites qu'il y a à peu près 1 000 enfants au Québec qui sont atteints de fibrose. De ces 1 000 là, on en retrouve combien à l'intérieur de votre réseau de cliniques? Et est-ce que tout patient qui est atteint de fibrose kystique fait automatiquement partie de votre réseau de cliniques ou s'il y a encore des patients qui sont à l'extérieur du réseau comme tel, donc qui n'ont pas le même type de suivi que celui que vous assurez par votre réseau? Et je voudrais savoir aussi: Avec les années, depuis le temps que vous avez instauré votre réseau, qu'est-ce que ça vous a permis d'avoir comme portrait ou comme données? Il y a sûrement des données scientifiques sur la validité, l'efficacité, l'efficience de certains médicaments, mais aussi sur d'autres paramètres, et j'aimerais avoir une meilleure idée de ce que le réseau vous a permis d'assurer ou d'avoir comme données, que vous n'aviez pas au départ...

M. Lavoie (Jean-Luc): Je vais demander au Dr Rivard...

Mme Charest: ...et qui vous donne un plus par rapport à la maladie.

M. Lavoie (Jean-Luc): ...de répondre et à M. Barnard d'y aller en complémentaire.

M. Rivard (Georges): Alors, pour ce qui est du nombre de patients au Québec, je vous dirais que, s'il y en a 1 005 au Québec, il y en a 1 000 qui sont suivis, c'est-à-dire 100 %.

Mme Charest: Oui, c'est 100 %.

M. Rivard (Georges): La mentalité de la communauté médicale québécoise, c'est que, si vous diagnostiquez une fibrose kystique, vous la faites suivre en milieu spécialisé.

Mme Charest: O.K.

M. Rivard (Georges): Les cliniques de fibrose kystique font figure de milieu tertiaire de surveillance. C'est une réalité très, très, particulière, très spécialisée. Des 1 000 patients, sauf rares exceptions – il existe toujours des exceptions – 100 % sont suivis en clinique spécialisée pour profiter de l'expertise. L'équipe de fibrose kystique comprend une équipe... Le modèle est un modèle en termes d'équipe multidisciplinaire: infirmière, physio, travailleuse sociale, diététiste, médecin de plusieurs... regroupés autour d'une même table avec des activités, à la semaine, de consultation, et chacun amène son... Ça, le patient peut bénéficier de toute cette expertise-là. Moi, comme médecin, j'ai des connaissances, mais je suis moins bon qu'une physiothérapeute en physiothérapie. On est entouré et on fait souvent figure de modèle de fonctionnement d'équipe multidisciplinaire. C'est pour cette raison-là que ce sont ces gens-là qui doivent suivre les patients, parce qu'ils ont l'expertise pour le faire. Mais, au Québec, actuellement, c'est efficace pour 100 % des patients, sauf...

Mme Charest: O.K.

M. Rivard (Georges): ...si vous me permettez, une rare exception par ci, par là. Sur les 1 000 patients, il y en a maintenant 35 % qui sont des adultes, donc ce n'est pas 1 000 enfants, là, c'est 1 000...

Mme Charest: Mille patients.

M. Rivard (Georges): ...personnes, 1 000 patients, dont environ 35 % des adultes de plus de 18 ans. Pour votre deuxième question, je la comprends...

(12 h 50)

Mme Charest: Dans le fond, ma deuxième question, c'est: C'est quoi vos liens avec les équipes de recherche et vos cliniques pour assurer ou pour – comment je dirais? – bonifier vos traitements? Parce que, si vous les suivez de façon aussi serrée que vous le faites, c'est très bien, c'est excellent, c'est l'idéal, je pense, ça vous permet sûrement d'avoir des données qui permettent d'améliorer les connaissances par rapport aux traitements futurs, et tout ça.

M. Rivard (Georges): Très bien. Je vais essayer de répondre rapidement. Il existe annuellement un registre des données canadiennes publiées sur l'âge des patients, les décès, les complications. C'est par région, l'Ouest, le centre, l'Ontario, le Québec, les Maritimes, cinq régions; la région de Québec, comment on se situe par rapport au Canada. C'est annuel. Toutes les cliniques du Canada, parce que l'Association québécoise de la fibrose kystique est indirectement reliée à la Fondation canadienne de la fibrose kystique, au Canada, c'est une communauté qui se tient ensemble, et, annuellement, toutes les cliniques – il y en a 33 au Canada; il y en a 11 au Québec – envoient leurs données qui sont compilées par des experts canadiens qui refont un registre canadien des données et qui nous retournent, à chacune des cliniques, à chacun des directeurs, la situation au Canada. La Fondation, via l'Association Québec, a un comité médical aviseur avec un secteur recherche, un secteur clinique. Toutes les cliniques du Canada sont, tous les cinq ans, revisitées pour réévaluer le niveau de performance et la situation des services offerts dans toutes les cliniques, et ce, depuis plusieurs années.

Mme Charest: O.K. Ça, ça va sur la qualité de l'acte médical...

M. Rivard (Georges): Oui.

Mme Charest: ...mais, moi, ce que je voulais aussi vérifier, c'étaient les types de données que vous pouvez recueillir, et je pense, entre autres, sur les types de médicaments, les effets secondaires qui peuvent être enregistrés dépendamment des patients, et tout ça. Vous avez aussi cette cueillette de données là, je suppose?

M. Rivard (Georges): Cette cueillette-là de données est actuellement une attitude plus moderne, et on est en train de... Grâce, évidemment, à la nouvelle technologie de l'informatique et des réseaux, depuis deux, trois ans, il y a une collecte de données, aussi, sur les médicaments et sur l'interaction des médicaments qui se fait.

Mme Charest: Parce que, quand on réclame de nouveaux médicaments, c'est-à-dire parce qu'ils sont sur le marché, on veut toujours en mesurer l'efficience et l'efficacité, et je pense que vos cliniques, comme telles, sont des instruments qui peuvent servir, entre autres...

M. Rivard (Georges): Très rapidement, je vous donne un exemple. En juin 1995, le ministre a décidé d'autoriser un programme spécial de 1 200 000 $ pour la surveillance d'utilisation d'un médicament controversé, pour avoir une expérience québécoise. Il faut bien vous situer: on était le 22 juin, deux semaines plus tard, tout le monde était en vacances. Au Québec, on a réussi à utiliser le médicament de façon concertée avec les 11 cliniques et à produire au ministre, en mars dernier, un rapport sur 102 patients qui ont utilisé le produit, pour essayer de dégager... Évidemment, le temps trop court n'était pas dans les rigueurs scientifiques, mais on a quand même dégagé des données qui ont permis au ministère de réévaluer la performance québécoise vis-à-vis d'un produit. Et ce réseau-là est facilement accessible.

Mme Charest: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous vouliez permettre, je pense, à M. Barnard une courte réponse, parce qu'il me reste quatre députés, environ 10 minutes, et j'aimerais bien que tout le monde puisse poser ses questions.

M. Barnard (Roger): Ce que je voulais juste ajouter, c'est au niveau de la standardisation des normes au niveau des cliniques. Alors, que, moi, je sois appelé à me déplacer à travers le Québec, je sais toujours que je vais avoir un suivi constant, que ce soit à ma clinique d'origine ou que je sois appelé à aller à Rimouski. Ça, c'est important parce que, par expérience, juste quand, dans des situations d'urgence, on a à se présenter pour des urgences dans des centres où il n'y a pas de clinique, on n'a pas du tout le même niveau d'intervention, et ça devient plus compliqué pour nous à ce moment-là. Alors, on reconnaît de bonne grâce le caractère d'intégrité des cliniques. Et aussi, on a oublié, peut-être, de parler de cliniques volantes. On parle de cliniques fixes, mais, par exemple, à Baie-Comeau, deux fois par année, le Dr Rivard se déplace pour aller rejoindre les adultes ou les patients qui sont là-bas. Alors, c'est un autre ajout.

Mme Charest: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Mille-Îles, suivie par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Leduc: Oui, bonjour. Vous mentionnez, à la page 5 de votre mémoire, que près de 1 700 000 $ seront distribués aux chercheurs québécois du réseau des cliniques en 1996, et, finalement, le programme de subvention clinique que vous nous fournissez en annexe nous démontre qu'il y a beaucoup d'activités dans ce domaine-là. Je pense que c'est fort heureux parce que la fibrose kystique, comme vous nous l'avez mentionné, demeure une maladie mortelle. Moi, ma question a deux volets: Vous avez mentionné que la communauté fibro-kystique avait contribué pour près de 500 000 $, annuellement, au développement des réseaux de cliniques. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur la contribution des autres partenaires associés au programme de subvention des cliniques, soit les gouvernements provinciaux ou l'industrie pharmaceutique, mais j'aimerais aussi savoir un peu où s'oriente cette recherche-là, elle est centrée de quelle façon. Est-ce que c'est plus sur les médicaments ou est-ce de la recherche plus fondamentale, pour voir un peu comment s'orientent les recherches qui sont subventionnées?

M. Lavoie (Jean-Luc): Alors, au niveau de la recherche, le Dr Rivard; au niveau des coûts, peut-être Mme Ménard.

M. Rivard (Georges): Très rapidement, je peux vous dire que, pour les soins de base, le fibro-kystique bénéficie, dans le système de santé du Québec, des mêmes avantages et des mêmes limitations que tout autre patient, et toute structure supplémentaire qui existe dans le réseau des cliniques de fibrose kystique l'est quasi uniquement via l'implication des parents, et ça s'est concrétisé sous l'appellation Fondation canadienne de la fibrose kystique. Au Québec, c'est l'Association québécoise de la fibrose kystique. Cet organisme-là fait une levée de fonds qui joue entre 4 000 000 $ à 6 000 000 $ par année au Canada, avec une redistribution préférentielle à la recherche, et la Fondation canadienne de la fibrose kystique – et, au Québec, notre Association – est maintenant un pourvoyeur de fonds reconnu, et il y a une sollicitation par les chercheurs dans des demandes de fonds structurées à chaque année pour quelque chose comme 4 000 000 $ à 4 500 000 $ par année – Mme Ménard peut élaborer – et on a toujours conservé, à la Fondation, un certain montant de maintien de qualité et de standardisation vis-à-vis des cliniques, qui doivent toujours être visées au minimum, en espérant que les ministères provinciaux s'impliquent de plus en plus. Chez moi, il y a 10 personnes qui évoluent autour de la fibrose kystique à chaque clinique, et cette structure-là n'est pas possible dans le réseau actuel de santé, c'est via la Fondation que c'est fourni.

Mme Leduc: Via la Fondation, c'est ça. La Fondation fait une levée de fonds générale, et c'est comme ça que...

Mme Ménard (Denise): C'est ça. En fait, nous avons, au niveau du Canada, 8 000 000 $ d'investis en recherche pour 1996-1997, dont 2 400 000 $ distribués au Québec, et, de ce 2 400 000 $, 400 000 $ sont distribués dans les cliniques. Le reste est en recherche fondamentale.

Mme Charest: En recherche fondamentale.

Mme Ménard (Denise): Oui.

M. Rivard (Georges): La provenance des fonds, c'est des fonds publics, uniquement.

Mme Ménard (Denise): Oui, provenant des familles, d'organisation d'activités. Et, pour répondre à votre autre question, si nous avions des subventions, malheureusement non. On ouvre la porte à la possibilité. Comme le Dr Lavoie le mentionnait tantôt, il y a des franchises de disponibles, mais on n'a aucune subvention gouvernementale pour l'instant.

Mme Charest: Quand vous parliez de franchise, j'avais cru comprendre, par la réponse que vous donniez à ma collègue, que, dans le fond, les 11 cliniques, actuellement, répondaient au besoin total de la population.

Mme Ménard (Denise): Oui.

Une voix: Oui.

Mme Charest: O.K. Quand vous parlez de franchise, est-ce que vous dites qu'il y a des régions qui n'y ont pas accès, où il y aurait lieu d'implanter de nouvelles...

Mme Ménard (Denise): Il y a des régions, comme Roger vous le mentionnait tantôt...

Mme Charest: Où c'est volant.

Mme Ménard (Denise): ...qui sont visitées par des médecins de l'extérieur. Pendant un certain temps, à Rouyn-Noranda, c'était la même chose. Maintenant, nous avons une clinique, c'est tout nouveau. Mais, pour la région de La Malbaie, Baie-Saint-Paul, Charlevoix, un médecin se déplace à Hauterive, à l'occasion.

M. Rivard (Georges): Un commentaire. Le maintien ou l'établissement d'une clinique de fibrose kystique se doit d'être basé autour d'un nombre critique de patients à surveiller. À Baie-Comeau, je visite parce que ça représentait neuf heures de route pour les parents, pour venir voir le médecin une demi-heure, ce qui n'est pas nécessairement très efficient. Depuis trois ans, on a maintenant un point de service local parce qu'il y a un pédiatre sur place. Donc, on a développé une collaboration avec l'équipe satellite locale qui donne de bien meilleurs soins parce qu'ils sont sur place, mais ils font quand même partie de l'équipe de la clinique de fibrose kystique de Québec.

Mme Charest: D'accord.

M. Rivard (Georges): On ne veut pas viser à développer des cliniques de moins que 20 patients à cause de l'expertise développée. On tend à les répartir pour satisfaire le plus les gens, mais on a une grande province, avec des distances assez importantes.

Mme Charest: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. On vous souhaite le plus grand succès dans votre activité de financement.

Mme Ménard (Denise): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est dans les prochaines heures, ça, à moins que je ne me trompe?

Une voix: Le 26.

Mme Leduc: Le 26.

M. Barnard (Roger): Si vous voulez venir patiner ou marcher le 26 à l'Université Laval, vous êtes le bienvenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est le 26. Alors, bonne chance. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(13 heures)

Mme Loiselle: M. le Président, juste sur la même voie, peut-être informer les gens que le ministre de la Santé et des Services sociaux a un budget discrétionnaire quand même assez intéressant. Alors, vous pouvez toujours faire une demande, et c'est à la discrétion du ministre de vous octroyer une subvention.

Moi, je dois dire que, ce matin, vous m'avez beaucoup touchée et je dirais même ébranlée, parce qu'on pense qu'on connaît la maladie, mais on n'imagine jamais, finalement, ce que doivent vivre les gens qui sont atteints de fibrose kystique dans la réalité de tous les jours, et, vraiment, vous avez touché ma corde sensible. Et c'est clair, pour moi, ce que vous avez dit ce matin, que, l'accessibilité des médicaments, c'est une question de survie pour les personnes qui sont atteintes de fibrose kystique. Vous avez parlé du nouveau médicament, le Pulmozyme, qui est accessible, mais de façon limitée, à certains patients, qui a un coût quand même assez élevé de 12 000 $ par année. Dans le cadre de l'assurance-médicaments, est-ce que vous avez eu l'assurance que ce médicament-là, le Pulmozyme, va être inscrit sur la liste des médicaments?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, Dr Rivard ou Mme Ménard.

M. Lavoie (Jean-Luc): Denise, peut-être.

Mme Ménard (Denise): En fait, sur ce que nous avons pu lire du document, tous les médicaments seraient accessibles à tous, à moins qu'on n'ait pas bien compris. Donc, tous les médicaments qui seraient recommandés par le médecin traitant, le directeur de la clinique, seraient accessibles aux patients. C'est ça.

M. Rivard (Georges): À date, nous n'avons pas été consultés pour savoir quel médicament était ou n'était pas couvert. On a compris que c'était selon le besoin de la cause. Je ne sais pas si c'est réellement ça.

Mme Loiselle: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci...

Mme Loiselle: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame.

Mme Loiselle: Seulement une question à M. Barnard. Vous êtes président du comité provincial des adultes qui sont atteints de fibrose kystique, vous les côtoyez, vous échangez avec eux. Ce matin, vous avez la chance, peut-être, de passer un message au gouvernement. Quel serait le message, ou le voeu, ou peut-être même le cri du coeur que vous voudriez faire, ce matin, au gouvernement?

M. Barnard (Roger): Bien, c'est justement de préserver l'accessibilité aux médicaments parce qu'il y a bien des personnes atteintes qui font face présentement à des difficultés pour l'accès à leurs médicaments. Quand on parlait de l'Ursodiol, tout à l'heure, pour les problèmes de foie, c'en est un médicament qui est un exemple, qui est très coûteux et dont des personnes ont besoin, parce que, si on parle de problèmes de foie, ça amène d'autres problèmes, comme des varices oesophagiennes qui peuvent créer des hémorragies au niveau du système digestif, donc des hospitalisations. Alors, c'est un médicament dont on a besoin pour certains qui sont atteints du foie, mais qui n'est pas accessible présentement. C'est un outil de plus pour éviter, peut-être, des hospitalisations. Alors, le Dr Rivard, peut-être, pourra parler un peu aussi à ce niveau-là.

Le Pulmozyme est un autre exemple des luttes acharnées qu'on a dû faire pour avoir accès à ce médicament-là, sachant très bien et présentant au gouvernement le fait qu'on voulait contrôler très bien l'accès au médicament pour, justement, que ça ne coûte pas des sommes énormes au gouvernement. On voulait contrôler, mais on voulait avoir accès pour ceux qui en avaient besoin. Alors, il y a aussi le problème du diabète. Certains adultes sont atteints de diabète dû à la détérioration du pancréas, donc l'accès aux seringues, à l'insuline. Alors, ce sont toutes des choses qui sont essentielles pour la survie, et, comme on le disait tout à l'heure – et je ne sais pas si les gens ont bien compris – moi, j'en suis aussi un témoin, c'est une maladie, à première vue, qui est non apparente, mais qui se vit tous les jours, et c'est ça le caractère important que les gens doivent comprendre. C'est ça la difficulté, aussi, si on se lève tous les jours avec ça.

Mme Loiselle: Est-ce que, encore aujourd'hui, il y a des gens qui sont obligés de laisser leur travail parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir... puis se retrouver à l'aide sociale...

M. Barnard (Roger): Oui.

Mme Loiselle: Est-ce qu'il y a encore un nombre élevé de ces gens-là qui laissent tout pour se retrouver à l'aide sociale, pour avoir accès aux médicaments?

M. Barnard (Roger): Finalement, c'est le choix qui reste. Quand tu sais que ta vie dépend des médicaments puis que tu es à faibles revenus... Puis ça prend aussi beaucoup d'énergie pour aller travailler, le milieu de travail est de plus en plus compétitif pour les gens non handicapés. Alors, ça aussi, ça devient difficile. Il n'y a pas d'autre choix parce que tu n'as pas les moyens de te payer des médicaments à 15 000 $, 20 000 $ par année, c'est impensable. Surtout, si tu veux rester productif, tu es handicapé en partant. Tu ne peux pas vivre ça, c'est impossible.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin, dernière question, et vous faites la conclusion de votre côté.

M. Marsan: En conclusion, M. le Président, d'abord vous remercier bien sincèrement Mme Ménard, M. Barnard, Dr Lavoie, Dr Rivard, on apprécie beaucoup l'éclairage que vous avez bien voulu nous donner sur cette maladie. Moi, je retiens des choses quand même importantes, en plus de vos recommandations, particulièrement qu'il y a des médicaments qui pourraient aider les patients atteints de fibrose kystique, qui sont demandés depuis au moins 1993 et qui vous sont refusés, actuellement. Je retiens aussi que vous manquez de ressources pour traiter ces patients-là, dans l'ensemble, et, particulièrement du côté du programme du centre de transplantation, je pense qu'on n'a pas eu le temps de vous questionner, mais vous en avez fait état dans votre mémoire, et je voudrais me joindre à ma collègue et à tous les autres députés pour vous supporter si vous faites une demande de fonds sur le budget discrétionnaire du ministre, et vous pouvez être certains qu'on vous appuierait. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Moi, j'avais aussi des questions à poser, mais je vais aller à l'essentiel, qui est de vous remercier, puisqu'on n'a plus beaucoup de temps. Alors, Dr Lavoie et les gens qui vous accompagnent, merci beaucoup de nous avoir éclairés et soyez sûrs qu'on prend en bonne considération tout ce que vous nous avez dit aujourd'hui, et je terminerai simplement en disant que le projet de loi sur l'assurance-médicaments visera précisément à couvrir les situations dont M. Barnard vient de parler pour s'assurer que les gens qui ont déjà la cruauté de vivre avec cette maladie n'aient pas aussi celle de manquer de ressources pour assumer le coût des médicaments dont ils ont besoin. Merci encore.

M. Lavoie (Jean-Luc): Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, au nom de la commission, merci beaucoup. La commission suspend ses travaux jusqu'à après les affaires courantes, soit vers 16 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous rappelle que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation de médicaments au Québec et de faire des recommandations visant une meilleure utilisation des médicaments, tout en maintenant le contrôle des coûts directs et indirects et en stimulant la recherche et le développement de ce secteur. Le groupe que nous recevons pour commencer est l'Association du diabète du Québec, et je vous rappelle que vous avez 20 minutes de présentation et que nous aurons 40 minutes d'échanges. Je vous demanderais de vous identifier de façon à ce que et nous et madame puissions avoir tous les renseignements nécessaires. Alors, au nom de la commission, bonjour, merci beaucoup d'être venus. On va avoir l'occasion, de toute façon, d'apprécier au fur et à mesure.


Association diabète Québec (ADQ)

M. Langlois (Serge): Bien, nous vous remercions également d'avoir accepté que nous puissions présenter nos idées et nos recommandations sur la question. Les intervenants aujourd'hui sont: le Dr François Gilbert, qui est le président du conseil d'administration de l'Association diabète Québec et qui est endocrinologue; et M. Pierre Robillard, qui est diabétique, membre de l'Association et qui peut témoigner, évidemment, de ce que c'est, la réalité quotidienne pour quelqu'un qui est atteint de diabète. Mon nom est Serge Langlois. Je suis le président-directeur général de l'Association.

Dans un premier temps, je vais faire le portrait d'ensemble – et c'est un tableau rapide qu'on va brosser – de l'Association, de ses composantes et de ses principaux objectifs. Dans un deuxième temps, le Dr François Gilbert pourra vous parler beaucoup mieux que moi de ce que ça veut dire, le diabète, de la maladie et de ses implications.

L'Association diabète Québec a été fondée en 1954, c'est donc il y a 42 ans. C'était pour répondre à un besoin qui était éminent et qui, évidemment, n'était pas comblé à l'époque. L'Association a un siège social à Montréal, mais regroupe des associations locales affiliées à travers la province de Québec. On parle d'une cinquantaine d'associations à travers le Québec: on a 41 associations locales qui sont affiliées, les autres sont en voie de le devenir. Évidemment qu'il y a des technicalités à cet égard. L'Association regroupe 12 000 membres. Il y a des diabétiques qui sont regroupés au sein de l'Association, mais il y a aussi un autre volet, qui est le conseil professionnel de l'ADQ, qui regroupe des professionnels du milieu de la santé qui s'intéressent plus particulièrement au domaine du diabète: des médecins, des infirmières, des pharmaciens, des diététistes, des endocrinologues, des intervenants dans le milieu dans le domaine du diabète.

À chaque année – pour donner un peu une idée de l'importance du diabète – il y a près de 4 000 bénévoles qui travaillent de façon quotidienne au mieux-être des diabétiques. Ça équivaut à 300 000 heures de bénévolat par année, ça donne un nombre d'heures important. C'est quelque chose qui démontre un peu l'importance des besoins à cet égard, et, si on avait à comptabiliser tout ça, évidemment que ça représente environ 2 000 000 $ pour l'année. Ça donne une idée de l'importance de ces bénévoles-là et du soutien qu'ils accordent dans leur région.

Au cours de la dernière année, l'ADQ a présenté 500 réunions d'information et d'éducation à des membres à travers la province de Québec. Il y a eu plus de 15 000 participants, on a répondu à 25 000 appels téléphoniques de soutien et de demande en matière de diabète. C'est assez complexe. D'ailleurs, le Dr Gilbert pourra vous témoigner de la complexité de cette maladie. Et l'Association publie quatre fois par année une revue qui est intitulée Plein Soleil , et cette revue-là est distribuée à tous les membres de l'Association ainsi que dans les centres de jour de la province de Québec – il y en a presque 60, maintenant, centres de jour à travers la province de Québec – dans des centres d'enseignement, mais aussi dans des CLSC, dans des cabinets de médecins, enfin là où le besoin est et dans la mesure – on ne se le cache pas – de nos possibilités financières.

Je laisse le soin au Dr Gilbert de continuer, mais, juste auparavant, je voudrais aussi souligner que l'Association a des campagnes de financement comme les autres associations de ce genre. Nous ne sommes pas une fondation, nous sommes une association. Notre mission, c'est évidemment de favoriser la recherche, mais c'est aussi d'informer, de sensibiliser, d'éduquer en matière de diabète. C'est aussi d'assurer des services aux personnes diabétiques et de représenter les intérêts socioéconomiques de ces personnes. Alors, je laisse le soin au Dr Gilbert de continuer.

La Présidente (Mme Charest): M. Gilbert.

M. Gilbert (François): Merci, M. Langlois. Messieurs dames, mon intervention va surtout essayer d'illustrer comment le diabète n'est pas simplement un problème de santé, mais un problème social grandissant, et, comme deuxième point, tendre la main au gouvernement, pour essayer, justement, de diminuer l'impact social que cette maladie peut avoir. Notre Association veut être plus intervenante pour aider le sort des diabétiques et réduire les coûts que peuvent engendrer le traitement de cette maladie-là pour la société.

Alors, dans un premier temps, le diabète comme problème social. Quatre énoncés permettent de comprendre comment le diabète peut être un problème social grandissant. Dans un premier temps, actuellement les études épidémiologiques nous permettent de dénombrer environ une personne diabétique sur 14 dans la population en général, donc à peu près 7 % de la population, et on prévoit que, d'ici 10 ans, il y en aura une sur 10, 10 %. Dans certaines populations, comme chez les autochtones, ça peut monter jusqu'à une sur cinq, 20 %, et, comme je vous dis, ça va grandissant avec le vieillissement de la population.

Deuxième énoncé: c'est une maladie qui est souvent inaperçue. Les patients qui en souffrent, souvent, ne s'en rendent pas compte, et on le découvre lorsqu'il y a apparition, parfois, de complications sérieuses – je vais revenir sur ce point-là un peu plus tard – ce qui fait que, encore une fois, les coûts engendrés par cette maladie-là, pour le traitement, pourraient diminuer si on pouvait s'en apercevoir plus tôt.

Troisième énoncé: la maladie évolue sur une longue période de temps. Ce n'est pas une maladie qui tue en dedans d'un an, c'est une maladie qui évolue sur des décennies, ce qui, encore une fois, amène des coûts cumulatifs. Et, aussi, un autre impact de cette longue évolution, c'est que, la nature humaine étant ce qu'elle est, parfois on tend à négliger ou on se fatigue de bien s'occuper de sa maladie, donc on néglige la maladie et, par conséquent, cette négligence peut amener, encore une fois, des complications secondaires.

(16 h 50)

Quatrième énoncé, pour indiquer que cette maladie est un problème social grandissant: il y a environ un tiers des diabétiques – alors, si on dit que, actuellement, il y a 450 000 diabétiques au Québec, on prend un tiers – donc 150 000 personnes, au Québec, qui vont développer, ou développent, ou ont des complications sérieuses. Et, quand je parle de complications, ce sont des phénomènes tels la cécité qui peuvent survenir aussi tôt qu'à l'âge de 20 ans. Alors, vous pouvez imaginer le drame personnel, social et familial qu'une personne atteinte de cette complication-là peut avoir. Perte de productivité pour elle-même et pour la société.

Une autre complication sérieuse est la perte d'un membre, principalement un membre inférieur, un pied, due à un blocage des artères. Encore une fois, conséquence néfaste pour l'emploi d'un individu et l'intégration dans la société.

Une autre complication importante est la diminution de la fonction rénale – ou la fonction des reins – qui peut amener de la dialyse ou le rein artificiel, et, encore une fois, ce sont des coûts importants et une invalidité pour la personne qui en souffre, avec incapacité de travailler, de fonctionner et d'être productif. Si vous comptez 150 000 personnes qui ont ces complications-là avec des hospitalisations coûteuses, vous pouvez imaginer que ça gruge une bonne partie du budget de la santé.

Heureusement, la bonne nouvelle c'est qu'on peut prévenir une grande majorité de ces complications-là, et c'est ce que nous tentons de faire à l'Association diabète Québec, de mettre l'accent sur la prévention, et je pense que cet accent-là va dans les mêmes lignes que le ministère de la Santé et des Services sociaux. On n'arrive peut-être pas à prévenir la maladie complètement, mais on peut arriver à prévenir les complications et faire en sorte qu'un individu puisse demeurer productif et soit moins coûteux aussi dans ses traitements.

Pour prévenir, il faut, bien entendu, éduquer. Alors, un autre point qui est mis de l'avant par l'Association, c'est l'éducation. Pas juste l'éducation des patients qui sont atteints de la maladie, il faut également éduquer les médecins. Étant médecin moi-même, je peux confesser que beaucoup de médecins, parfois, ne traitent pas bien leurs patients diabétiques – convenablement, disons – alors il y a de l'éducation à faire de ce côté-là. Il y a des programmes à l'Association diabète Québec qui visent à éduquer les médecins, c'est déjà en place. Et, bien entendu, aussi éduquer le grand public en général. Encore une fois, je ne vous cache pas que l'Association diabète Québec ne rejoint pas toute la population diabétique, et c'est un des buts de notre mission de rejoindre le plus de monde possible et de faire en sorte que le public en général soit conscient de ce qu'est cette maladie-là. Et peut-être qu'il y en a dans notre famille, peut-être que nous en sommes atteints personnellement, et, si on peut donner des moyens pour reconnaître la maladie plus tôt, ça permettra une intervention plus précoce et, encore une fois, une diminution des coûts des soins.

En termes d'éducation, on peut éduquer sur l'hygiène de base – naturellement, l'alimentation, l'exercice physique, ce sont des aspects du traitement du diabète – mais on peut aussi éduquer sur la façon d'utiliser les médicaments, pas juste, simplement, le nombre de pilules à prendre, mais les interactions, les désavantages de tel ou tel médicament, et c'est un peu le but de la commission, ici, de voir ce qu'on peut faire pour utiliser les médicaments de façon rationnelle. Et je peux vous dire que l'Association diabète Québec est en bonne position pour éduquer ses membres et ceux qui vont adhérer aux rangs de l'Association sur la bonne utilisation, une utilisation rationnelle.

En effet, l'Association s'est dotée d'un conseil professionnel composé de médecins endocrinologues ou non endocrinologues, de diététistes, de pharmaciens, des gens qui se spécialisent, ni plus ni moins, dans le traitement du diabète, et ce conseil-là définit les lignes de conduite à tenir dans le traitement du diabète. Ce conseil-là peut même faire des déclarations dans les journaux qui concernent le diabète, peut, à l'intérieur de congrès, informer les membres diabétiques de ses recommandations, peut aussi faire des recommandations au Conseil consultatif de pharmacologie si indiqué. Le conseil professionnel peut aussi... D'ailleurs, c'est un projet qui est en train de se réaliser et qui va aboutir à une accréditation des centres d'enseignement. M. Langlois vous a mentionné qu'il y avait beaucoup de centres d'enseignement à travers le Québec, et on veut s'assurer que l'enseignement ou l'éducation des diabétiques se fasse de façon uniforme. Donc, il existe actuellement un projet pour s'assurer que cet enseignement soit uniforme. Il va y avoir un processus d'accréditation des centres d'enseignement et des enseignants en même temps, pour que tout le monde reçoive le même message.

Donc, l'ADQ est bien positionnée pour transmettre de l'information sur la bonne utilisation des médicaments. L'ADQ se propose d'aider le gouvernement à cette fin-là, et, étant un organisme à but non lucratif, elle peut le faire avec très peu de frais à même les fonds publics. Ce que nous demandons au gouvernement, c'est de nous tendre la main pour le faire et de nous placer, peut-être, sur un premier plan de consultation au même titre que le Conseil consultatif de pharmacologie, que, finalement, on ait un peu plus de visibilité pour essayer de rejoindre tout le public, ce qui va permettre, justement, de transmettre le message qui est bien agencé, bien formulé par nos professionnels.

Je termine, en quelque sorte, en faisant un résumé de notre intervention. Cette conclusion-là ou ce résumé-là se retrouve, dans le document que vous avez reçu, dans nos recommandations. Il y a trois points principaux dans nos recommandations: le point 1 qui est la prévention; le point 2 qui est l'éducation; le point 3 qui est le libre accès aux médicaments.

Alors, sous la recommandation «prévention», nous recommandons, bien entendu, qu'il y ait un programme qui permette d'utiliser les médicaments de façon optimale, et, encore une fois, je répète que nous sommes prêts à collaborer à éduquer la population dans ce sens, autant les diabétiques que les médecins et le public en général. Nous recommandons, bien entendu, qu'une bonne planification des budgets et des ressources soit faite pour arriver à cette utilisation optimale là. Nous recommandons, bien entendu, que soit formé un programme de dépistage. J'ai mentionné tantôt que le diabète est une maladie qui, souvent, passe inaperçue, j'avais oublié de mentionner que la moitié des diabétiques ne savent pas qu'ils le sont. Alors, ce serait important de dépister précocement, et c'est un aspect important dans la prévention. Naturellement, nous recommandons également qu'il y ait une structure d'assistance par les organismes non gouvernementaux, que ce soit pour le diabète ou pour d'autres maladies. Nous avons besoin d'un peu plus de visibilité, d'avoir accès à une façon de bien diffuser l'information et d'être présents dans les décisions concernant l'utilisation des médicaments. Il doit y avoir, bien entendu, une bonne coordination avec les organismes non gouvernementaux et aussi avec le Conseil consultatif de pharmacologie.

La recommandation n° 2 principale, c'est l'éducation. J'ai mentionné tantôt qu'on ne peut pas faire de prévention sans éducation, alors nous recommandons, bien entendu, qu'il y ait un programme d'éducation qui se fasse autant sur les maladies que sur la santé. Naturellement, quand on est malade, on doit savoir comment se traiter, mais il y a aussi le public en général, je le mentionnais tantôt, qui n'a peut-être pas encore la maladie et qu'on doit éduquer sur ce qu'est le diabète et comment on peut le dépister: Est-ce qu'il y en a dans notre famille? Est-ce que j'en souffrirais moi-même?

Et, dernière recommandation principale, qui est le libre accès aux médicaments. Nous sommes d'avis qu'on doit éliminer les barrières financières à l'obtention des médicaments. Nous avons ici un membre de notre Association qui est diabétique, qui, si vous êtes intéressés de le savoir, va vous donner une idée combien ça coûte le traitement du diabète. Souvent les individus sont obligés de compromettre leur traitement à cause de ces coûts-là, et nous favorisons certainement que la médication soit plus accessible, et, bien entendu, qu'on en facilite l'accès au moyen d'une politique qui est en train de se développer actuellement. Je vous remercie de votre attention. Nous sommes ouverts aux questions.

(17 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Encore une fois, je voudrais vous dire toute notre appréciation que vous soyez là, et on est surtout très sensible au bénévolat que vous faites dans cette Association-là. Et, avant de commencer, parce qu'on veut quand même que vous soyez à l'aise, je ne détesterais pas du tout qu'on entende un tout petit peu M. Robitaille. Il a sûrement le goût de nous dire quelque chose.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Robillard, excusez-moi, je ne voulais pas... Allez-y, M. Robillard. Si vous en avez le goût, là.

M. Robillard (Pierre): Oui. Bon, moi, j'ai été président d'une corporation locale de diabétiques et je suis en mesure de vous parler assez longuement des problèmes qu'on peut rencontrer au niveau des coûts, par exemple, que ça peut comprendre d'avoir le diabète. J'ai fait sortir un papier qui donne la mention des coûts pour chacun des médicaments – et je les ai presque au prix coûtant dans une pharmacie – et, moi, ça me coûte 357 $ par mois. Et je pense que le Dr Gilbert, à côté de moi, peut vous donner des détails sur les produits, mais il y a des choses qui sont extrêmement coûteuses, comme, par exemple, c'est nécessaire d'avoir un glucomètre pour prendre les tests de glycémie, et on recommande d'en prendre au moins quatre par jour. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les appareils, les glucomètres en question, ne sont pas payés. Si vous allez dans un CLSC ou si vous êtes sur le bien-être social, vous n'avez pas le droit d'obtenir un glucomètre. Ils vont vous fournir des bâtonnets, mais les glucomètres comme tels... Et, donc, à l'Association diabète Québec, on s'est organisé pour essayer d'aider les gens et d'en trouver d'autres personnes qui ont échangé leur glucomètre ou dans les familles où la personne est décédée, et on a procédé de cette façon-là pour en donner le plus possible. Les gens des CLSC ou du bien-être social nous ont appelés régulièrement pour pouvoir fournir des glucomètres.

Il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas se permettre d'acheter de l'insuline qui est à 19 $ la bouteille, et je pense que les glucomètres et les bâtonnets de glycémie sont presque obligatoires, si on veut, et chaque bâtonnet coûte 1 $. Si on en prend quatre par jour, c'est 4 $ uniquement pour ça, et, à la fin du mois, c'est 120 $ pour les bâtonnets. Et c'est ce qui empêche d'avoir des complications, et, quand on va voir notre endocrinologue, bien, on peut lui montrer les résultats de nos tests de glycémie, et, lui, il peut adapter la médication à notre problème.

M. Langlois (Serge): Il faut mentionner, cependant, que c'est le seul moyen de prévenir les coûts inhérents aux complications et aux accidents qui peuvent s'ensuivre. Lorsqu'on néglige le traitement – et on ne peut pas négliger le traitement, on doit continuellement le suivre – ça représente des coûts importants pour la société.

Le problème qu'on a et qui est éminent dans cette situation, c'est qu'il y a un grand nombre de personnes diabétiques... Lorsqu'on parle de près de 500 000 diabétiques au Québec, il y a un grand nombre de ces personnes-là qui n'ont pas d'assurance collective, qui ne sont pas des retraités de 65 ans et plus, qui ne sont pas des assistés sociaux et qui se retrouvent à avoir à assumer les coûts de ces médicaments-là eux-mêmes – c'est d'ailleurs le cas de M. Robillard – et ça devient un problème, surtout lorsqu'on considère le nombre de familles monoparentales ou à faibles revenus, parce que ces personnes-là doivent, à un moment donné, avoir à faire des choix cruciaux, de base, fondamentaux, et, on doit vous l'avouer, ce qu'on constate beaucoup, beaucoup, à tous les jours, c'est des gens qui ont dû cesser le traitement et qui se retrouvent en difficulté, à l'urgence, ou à des endroits comme ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Merci, M. Robillard, de nous avoir répondu. J'ai, jusqu'à maintenant, les députés de Robert-Baldwin, Taschereau, Nelligan et Johnson.

M. Marsan: Alors...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

M. Marsan: ...à mon tour de me joindre au président pour vous remercier de vous être déplacés, d'être venus nous rencontrer, de nous avoir présenté un document qui, je pense, résume bien toute la problématique qui est associée à cette maladie. Je voudrais, d'emblée, revenir sur la question des coûts. Vous faites une affirmation, à la page 11, qui est extrêmement importante, je pense: «Beaucoup de personnes diabétiques n'ont pas les moyens de débourser les coûts inhérents au diabète.» On peut donc penser que les personnes qui ne se soignent pas bien vont développer certaines complications et qu'elles vont revenir dans le système de santé d'une façon ou d'une autre, que ce soit à l'urgence, que ce soit en clinique externe, et qu'il y aura sûrement des complications qui vont entraîner un coût qui va exister. J'aimerais ça vous entendre d'abord là-dessus et, ensuite, j'aimerais reformuler une question sur la liste des médicaments, ceux qui sont nécessaires d'après vos experts et votre CCP versus la liste des médicaments qui sont acceptés par le CCP du ministère. Alors, d'abord la première, la partie des coûts.

M. Gilbert (François): Concernant les coûts reliés aux complications, c'est bien certain que, comme je l'ai mentionné tantôt, ce ne sont pas tous les diabétiques qui vont développer des complications, c'est à peu près le tiers des diabétiques, ce qui fait qu'un individu qui se néglige, s'il est chanceux, n'aura pas de complications. Mais, s'il est malchanceux, s'il est dans le tiers malchanceux, il va développer des complications. Maintenant, ces complications-là ne surviendront pas du jour au lendemain. Habituellement, elles surviennent sur une période de plusieurs années, et, au point de vue personnel, le genre de coûts qu'un diabétique peut avoir à assumer s'il développe des complications, naturellement, ça dépend du type de complications. Si c'est une complication oculaire, la cécité – j'ai parlé tantôt des coûts – c'est plus une question de perte d'emploi, il n'y a pas vraiment de médication pour sauver un individu qui devient aveugle.

Par contre, il y a de plus en plus de médicaments qui vont venir sur le marché – ils ne sont pas encore sur le marché, ils sont en développement ou font l'objet de projets de recherche clinique – qui pourraient retarder l'apparition de complications. Lorsqu'on détecterait un début de complication sans qu'elle soit installée de façon complète, on pourrait intervenir, et, par conséquent, il pourrait y avoir, dans un futur relativement rapproché, l'apparition sur le marché de médicaments qui pourraient en prévenir l'apparition. Et, là, le coût de la médication, pour l'instant, est hypothétique, mais, habituellement, si on regarde l'apparition de nouveaux médicaments, en 1996, sur le marché, ça revient à peu près à 2 $ par jour, souvent, de coûts pour prévenir.

Si on regarde d'autres complications, comme les maladies rénales, on sait qu'il y a déjà une médication, actuellement, qui existe pour prévenir la complication rénale, une médication qui, encore une fois, est à peu près de cet ordre-là, entre 1 $ et 2 $ par jour que le patient doit défrayer. Naturellement, lorsqu'il est en insuffisance rénale complète, qu'il doit être dialysé, c'est bien sûr qu'il n'a pas à défrayer les coûts de dialyse, là, c'est l'État qui paie, et c'est assez coûteux, merci.

Concernant d'autres complications, j'ai parlé, par exemple, des artères qui s'obstruent, que ce soit au niveau du coeur ou au niveau des jambes. Il existe encore, actuellement, une médication qui peut aider à empêcher que les artères s'obstruent, et, encore une fois, ce sont des médicaments qui sont relativement coûteux. On peut s'attendre, encore une fois, à 1 $ à 2 $ par jour, ce qui fait que, si un individu a toutes ces complications-là, juste pour traiter ou prévenir l'apparition ou l'évolution de ces complications-là, il peut peut-être payer de 5 $ à 10 $ par jour. Mais, là, il n'a pas encore traité son diabète, bien entendu. Que ce soit sous forme d'insuline ou de médicaments, on estime à peu près, si vous regardez le calcul que M. Robillard a fait, que, quelqu'un qui se suit bien, qui suit son traitement comme il faut, il va dépasser 3 000 $ par année, juste pour le traitement du diabète, là.

M. Langlois (Serge): Il faut aussi peut-être mentionner, puisqu'on parlait, justement, des coûts des complications, qu'il y a 25 % des opérations du coeur qui sont dues au diabète. Et on considère souvent ça d'un autre angle. Il y a 40 % des insuffisances rénales qui sont des diabétiques, c'est d'ailleurs la première cause de ce besoin-là pour les patients qui ont des reins artificiels. Il y a 50 % des amputations qui sont directement reliées au diabète. Alors, il y a des coûts inhérents qui sont assez importants, présentement, pour la société, et l'association canadienne évaluait à 2 000 000 000 $ par année, au Québec, les coûts directs et indirects du diabète.

M. Marsan: Au niveau du formulaire, vous avez développé, je pense, une expertise à l'intérieur de votre Association, vous avez des experts qui se penchent sur les nouveaux médicaments, et est-ce que c'est facile pour vous de les faire reconnaître ou si c'est difficile?

(17 h 10)

M. Gilbert (François): Je dois dire que, de ce côté-là, il n'y a pas trop de problèmes. Il y a autant l'Association diabète Québec que l'Association des médecins endocrinologues du Québec qui forment un sous-comité pour étudier, justement, soit la venue d'un nouveau médicament ou un médicament qui est déjà sur le marché, mais qui ne serait pas sur le formulaire. Alors, il arrive de temps en temps que nous formulions un rapport que nous envoyons au Conseil consultatif de pharmacologie, et, habituellement, ce document-là est bien reçu, et, assez souvent, il y a une réponse favorable. Lorsqu'on recommande l'ajout d'un médicament, habituellement, il y a une réponse favorable.

M. Langlois (Serge): Il y a cependant, depuis le début de l'année 1996, un exemple de médicament qui est important dans le traitement du diabète et qui n'est pas inclus, présentement, dans la liste des médicaments remboursables. Et, cependant, c'est un médicament d'une importance majeure dans le nouveau traitement du diabète et dans, justement, l'élimination... en tout cas, de minimiser les risques de complications. C'est une nouvelle forme de traitement qui est tout à fait révolutionnaire, et présentement ce nouveau médicament là n'est pas inclus...

M. Marsan: Comment vous l'appelez?

M. Langlois (Serge): L'Acarbose.

M. Marsan: L'Acarbose.

M. Langlois (Serge): L'Acarbose, et ce n'est pas, présentement, inclus dans les médicaments remboursés par l'État. Et, ce médicament-là, il devient d'importance de premier ordre pour tous les diabétiques de type 2. Il y a deux types de diabétiques: il y a environ 85 % des diabétiques qui sont de type 2; le type 1, c'est ce qu'on a connu auparavant, sans doute, le diabète juvénile, sauf que le diabète juvénile, lorsqu'on a 25, 30, 35 ans, on est un peu moins juvénile qu'on l'était, et ça peut encore être dépisté.

Cependant, 85 % des diabétiques sont de type 2, donc le diabète qui se développe à 40, 50 ans et plus, et ce nouveau médicament, l'Acarbose, est justement destiné au traitement de ces diabétiques-là. Donc, à l'intérieur du 85 %, il y a un pourcentage important de personnes qui n'auraient pas accès à ce médicament-là d'importance majeure, présentement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Taschereau, suivi de M. le député de Nelligan.

M. Gaulin: Oui, messieurs, bonjour. Simplement quelques questions. Donc, vous nous dites que c'est une maladie qui est en évolution – si j'ai bien compris, c'est surtout à cause du facteur âge – qu'il y a une augmentation qui irait de 7 % à 10 % et que, chez les gens âgés, ça va jusqu'à 13 %. C'est ça?

M. Gilbert (François): Oui, l'âge compte pour beaucoup parce qu'on se rend compte que la maladie survient à mesure qu'un individu prend de l'âge. Alors, avec la population qui vieillit, on s'attend à ce que l'incidence ou la prévalence du diabète augmente. Il n'y a pas juste l'âge qui entre en ligne de compte, là, il y a des habitudes de vie aussi...

M. Gaulin: Oui, je le sais.

M. Gilbert (François): ...mais la génétique et l'âge contribuent à ce que le pourcentage augmente.

M. Gaulin: Dans vos statistiques, quand vous parlez de 13 % pour la population canadienne, est-ce que ça reste quand même des statistiques québécoises?

M. Gilbert (François): Oui.

M. Gaulin: C'est des statistiques faites ici. D'accord, parce que les habitudes de vie, l'alimentation pourraient être différentes dans des provinces qui sont vraiment très...

M. Gilbert (François): Il y a des différences de population. J'ai mentionné tantôt les autochtones où la prévalence est plus importante, puis ça, c'est principalement parce que ce sont des populations qui sont homogènes et que, étant, comme on dit, une maladie génétique, c'est transmis de façon importante dans les populations autochtones. Mais, de façon générale, le Québécois est comparable au Canadien, point de vue prévalence de la maladie.

M. Gaulin: D'accord. Même si, peut-être, l'un mange moins de pain que l'autre, ou l'un mange plus de pain que l'autre, ou plus de fast-food que l'autre, selon les cas, ça ne varie pas beaucoup?

M. Gilbert (François): Pas tellement. En fait, le facteur le plus important, c'est la génétique.

M. Gaulin: D'accord.

M. Gilbert (François): C'est une maladie qui se transmet de génération en génération. C'est certain qu'il y a les facteurs de l'environnement, comme l'alimentation est importante, mais on ne peut pas incriminer un aliment plus qu'un autre. Quand je parle de l'alimentation, c'est ce qui va déterminer qu'un individu va prendre du poids, va être au-dessus de son poids. Alors, que ce soit avec un type d'aliment ou un autre... Et, actuellement, il y a l'activité physique qui entre en ligne de compte. Alors, l'individu peut avoir une bonne alimentation, mais, s'il est peu actif, il va prendre du poids, et c'est la prise de poids combinée à la génétique qui fait qu'il va devenir diabétique, et pas nécessairement le fait qu'il prend un aliment plus qu'un autres.

M. Gaulin: Vous parlez aussi du diabète comme d'une maladie qui pourrait être discriminante, dans le sens où on a plus de difficultés à obtenir un permis de conduire, à s'inscrire à des assurances. Est-ce que vous pourriez développer un peu là-dessus?

M. Langlois (Serge): En fait, au niveau des assurances, on a dû même développer, justement, des programmes pour faire comprendre la réalité actuelle du traitement possible pour les personnes diabétiques, parce que nombre de personnes diabétiques n'ont pas le droit d'avoir de permis de conduire à cause des complications qui peuvent survenir. Entre autres, à un moment donné, on ne voit pas les angles de la même façon, on a perdu, peut-être, une certaine capacité, et le permis de conduire n'est plus possible pour ces gens-là. Les compagnies d'assurance-vie ne voulaient pas assurer les diabétiques à cause du facteur risque inhérent qui dit: Bon, c'est un risque qu'on peut mal évaluer, et tout ça. Grâce à l'Association, on a réussi, et tout à fait récemment, à développer des programmes d'assurance-vie. C'est un début, on n'est pas encore rendu, vraiment, là, à dire que le problème est réglé, mais on commence, lentement mais sûrement, à ouvrir des brèches à ce niveau-là et à faire comprendre que la prévention à laquelle on travaille donne des résultats et, justement, permet d'éviter ces choses-là.

Depuis 1979, il y a un programme qui a été créé par l'Association, qui s'appelle Diabétaide, qui est un programme d'enseignement. Au début, ça a été pour les personnes diabétiques. Ensuite, on s'est aperçu qu'on avait des demandes des diététistes, des médecins, des pharmaciens, des psychologues, des infirmières en milieu scolaire, et les centres de jour à travers le réseau hospitalier et des CLSC ont commencé à prendre la relève, on avait formé des gens qui pouvaient prendre la relève dans ce domaine-là. Les gens qui oeuvrent dans ces centres de jour sont maintenant des gens qui ont vécu le programme Diabétaide. On organise encore deux congrès par année, vraiment sur la recherche et le développement, et avec le programme Diabétaide, pour vous donner une idée, depuis trois ans, on a assuré la formation, en matière de diabète, de 350 pharmaciens. C'est une des statistiques que je peux vous donner dans ce domaine. Alors, ça montre l'expertise qu'on a développée en matière de prévention et d'éducation.

M. Gaulin: Encore deux petites questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite dernière.

M. Gaulin: Deux petites.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Deux petites.

M. Gaulin: Rapidement...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Deux petites réponses aussi.

M. Gaulin: Rapidement, je comprends, aux coûts que ça peut occasionner, par exemple, à M. Robillard et à beaucoup de diabétiques – les coûts mensuels et annuels – que vous favorisez la nouvelle assurance-médicaments. Vous parlez du nouveau régime universel qui devrait améliorer la condition de vie des diabétiques. Est-ce que c'est bien votre pensée? Vous aviez l'air légèrement réticents.

M. Gilbert (François): C'est bien entendu que notre organisation, notre Association vise le bien des diabétiques. Alors, dans le meilleur des mondes, ce serait merveilleux si on avait libre accès aux médicaments avec le moins de barrières financières possibles. Tout projet de loi qui va favoriser l'utilisation de médicaments avec un minimum de barrières financières, en tout cas, va être bienvenu.

M. Gaulin: Parce que, le point de vue, évidemment, qu'on va faire ressortir chez certains, c'est que c'est une dépense supplémentaire, l'assurance-médicaments, mais, comme toute assurance... quand on s'assure pour le feu, on paie pour, autant que possible, ne pas brûler. Alors, la santé est vraiment un acquis de ce point de vue là, et on paie pour ne pas être malade, et, si on l'est, bien, on paie, au fond, pour la maladie des autres. C'est déjà beaucoup de ne pas être malade soi-même.

M. Gilbert (François): Vous avez raison, et c'est sûr que c'est...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'était la deuxième, ça, hein? Excusez, c'était la deuxième?

M. Gaulin: Oui, ça pourrait être la deuxième, mais j'en avais une troisième qui concernait les députés.

M. Gilbert (François): C'est ça. En fait, vous avez raison de dire que, au départ, ça peut représenter une dépense importante, un régime d'assurance universel de la médication, mais il faut penser que, à long terme, on va économiser si on peut éviter, avec une utilisation optimale de la médication, des complications qui sont très coûteuses. Je pense que, au bout du compte, on va être gagnant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Langlois (Serge): On a des cas, à tous les jours, de personnes qui travaillent dans des endroits avec des assurances collectives, mais elles n'y ont pas droit parce qu'elles sont diabétiques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est juste parce que j'ai rappelé hier – et je pense que mon collègue était absent – que le rôle de la commission était particulièrement – puis on a une spécialiste, justement, au niveau des médicaments – de travailler sur les médicaments eux-mêmes, et je ne voudrais pas que le débat parte sur l'assurance-médicaments. Puis je sais qu'il y a d'autres collègues qui en seraient très heureux. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Actuellement, M. le Président, sur ce point-là, et du fait que vous n'ayez pas appelé votre collègue à l'ordre, je pense que je vais continuer dans la même direction. Merci beaucoup, M. le Président. Oui, nous sommes ici pour étudier le fonctionnement de tout le système de médicaments, et j'ai apprécié beaucoup votre présentation aujourd'hui et j'ai appris beaucoup de choses.

(17 h 20)

Si j'ai bien compris, M. Robillard, là, vos dépenses, annuellement, c'est 4 000 $, plus ou moins, 300 quelque chose multiplié par 12. Est-ce que c'est plus ou moins vrai?

M. Robillard (Pierre): Non. Là, on parle strictement de diabète, O.K.?

M. Williams: Oui, oui.

M. Robillard (Pierre): Je veux...

M. Williams: Il y a toujours les complications aussi, hein?

M. Robillard (Pierre): Oui.

M. Williams: Oui.

M. Robillard (Pierre): Et je peux vous rajouter des choses là-dessus

M. Williams: Allons-y si vous voulez.

M. Robillard (Pierre): O.K. Là, on parle de médicaments. C'est une liste de médicaments que je prends, incluant de l'insuline, Diabeta, Glucophage, bon, des médicaments dont le Dr Gilbert parlait tantôt. Pour les reins, ça s'appelle Vasotec, et c'est extrêmement dispendieux. Cardizem, aussi très dispendieux. Bon, si on arrive aux complications, je vous donne mon exemple personnel, j'ai un problème, depuis trois ans, avec un pied. Ça s'appelle un mal perforant plantaire diabétique. Ça fait trois ans que je surveille mon pied pour ne pas avoir d'infection parce que, si le moindrement il y a une infection dans ça, c'est l'amputation. Ça fait trois ans que je vais voir à peu près 10 spécialistes, et, là, on m'a recommandé des orthèses chez l'un, d'autres sortes d'orthèses chez un autre. Je suis rendu à peu près à 1 200 $, 1 500 $ depuis les deux, trois dernières années en orthèses, et le problème n'est pas réglé. Je suis entré au CHUL, en fin de semaine, à l'urgence parce que j'avais peur de perdre le pied, puis ils ont été obligés de me donner des médicaments, des antibiotiques, puis tout ça. Mais je vous parle seulement de complications. Moi, je suis très chanceux, je n'ai aucune complication au niveau des yeux, parce que, des traitements au laser, il y a beaucoup, beaucoup de gens que je connais qui sont obligés d'en avoir et de prendre des médicaments dans ce sens-là.

M. Williams: Et ces médicaments, plus ou moins, ils sont tous couverts, maintenant, par le système ou quel pourcentage? Et je voudrais juste avoir les chiffres ronds des...

M. Robillard (Pierre): Là, je ne peux pas vous répondre parce que, moi, je paie mes médicaments, je n'ai aucune assurance qui va défrayer le coût de mes médicaments. Je commence à prendre un des nouveaux médicaments dont M. Langlois parlait tantôt, l'Acarbose, et je paie à 100 %, moi, ce médicament-là, mais je ne sais pas si...

M. Williams: Est-ce que les autres médicaments utilisés par les diabétiques sont couverts par notre plan, maintenant?

M. Gilbert (François): La majorité, sauf le dernier qu'on mentionnait, là.

M. Williams: La majorité?

M. Gilbert (François): La grande majorité est couverte. Il y a celui-là. Il y en a un autre qui est de la même famille. Bien, une grande majorité, oui.

M. Williams: Mais, selon ma compréhension d'un autre système qu'on peut discuter, là, un nouveau système, avec une prime de 176 $, plus une autre prime de 100 $, plus 20 %, les diabétiques vont bientôt demander, chaque, de payer 1 200 $ pour leurs médicaments. S'ils doivent payer 20 %, ça va être facile d'aller... Le 5 000 $, payer le 20 % de ça, et ça va être 1 000 $. C'est assez clair que vous allez frapper le plafond pas mal vite. Est-ce que j'ai bien compris? Avec ça, ce n'est pas vraiment un cadeau pour vous d'avoir tous ces médicaments, maintenant, payés de votre poche et pas par l'État.

M. Robillard (Pierre): En autant que, moi, je suis concerné, je veux dire, c'est une très, très bonne nouvelle, l'assurance-médicaments universelle. J'ai passé au comité du Dr Demers avec d'autres diabétiques, et c'est ce...

M. Williams: Pour vous, pour vos médicaments, mais pour les autres qui sont maintenant assurés, qui vont être maintenant assurés juste à 80 %. Ça dépend... O.K., la sécurité du revenu et les personnes âgées, là. Effectivement, O.K.

M. Langlois (Serge): En fait, c'est difficile pour nous de nous prononcer sur quelque chose, présentement, dont on ne connaît pas la nature exacte des modalités. Nous, notre souhait, c'est évidemment que les diabétiques puissent être traités le mieux possible et qu'on puisse éviter à ceux qui, présentement, sont en danger des complications.

M. Williams: Oui, c'est ça. Le coût des médicaments en comparaison avec les coûts du système, vous avez mentionné, dans votre mémoire, entre 5 000 000 000 $ et 10 000 000 000 $. Est-ce que vous savez plus ou moins combien les médicaments pour les diabétiques coûtent en comparaison des... C'est quel pourcentage de ces 5 000 000 000 $ à 10 000 000 000 $? Est-ce que vous avez une idée? Il me semble que c'est un pourcentage très petit.

M. Gilbert (François): Encore une fois, je n'ai pas la réponse exacte, mais je dirais que c'est probablement de l'ordre de 5 % à 10 %.

M. Williams: Sur la qualité de vie des diabétiques, c'est quoi le rôle des médicaments et c'est quoi le rôle de la recherche dans ce secteur-là? Est-ce qu'on doit continuer à mettre de l'argent dans la recherche ou est-ce que, maintenant, les médicaments sont suffisants pour répondre à vos besoins? Est-ce qu'on doit aller encore dans la direction des...

M. Gilbert (François): On doit continuer la recherche. Actuellement, la médication ne guérit pas la maladie. Le but ultime de notre Association, c'est d'éliminer la maladie, de la guérir. Actuellement, on ne guérit pas le diabète, donc il doit y avoir la recherche pour aller dans ce sens-là. Bien sûr, c'est un objectif qui est très éloigné. En attendant, on utilise la médication pour diminuer l'apparition des complications et, en fait, améliorer la qualité de vie. C'est ce que la médication fait, ça améliore la qualité de vie. Sans médication, il y a la moitié des diabétiques, je dirais, qui auraient une vie misérable.

Parmi la médication qui est actuellement disponible, on peut certainement avoir des améliorations. Il y a certaines médications qui sont bonnes, il y en a d'autres qui sont moins bonnes. Il y a des effets secondaires et des inconvénients, alors je pense qu'on ne peut pas freiner la recherche. Il va falloir continuer, essayer de trouver quelque chose de toujours mieux.

M. Williams: Merci. Une dernière question, M. le Président, et je promets que je ne ferai aucun commentaire sur le 1 200 $ que, maintenant, les personnes doivent payer. Je voudrais retourner à votre préoccupation du Conseil consultatif de pharmacologie, parce que, effectivement, l'accès aux médicaments, c'est essentiel pour vous, mais la liste elle-même, la définition d'accès, oui ou non, si le médicament n'est pas sur la liste, vous aurez besoin de payer, et ça va être presque impossible pour plusieurs personnes d'avoir cet article.

Si j'ai bien compris votre mémoire – je sais que mon collègue, le député de Robert-Baldwin, a questionné un peu sur ça – je voudrais savoir comment on peut améliorer le Conseil consultatif de pharmacologie? Est-ce qu'on doit ouvrir ça? Est-ce qu'on doit donner aux groupes comme le vôtre un vote, un mot à dire, un veto? Comment on peut vraiment s'assurer que les personnes malades puissent avoir leur mot à dire avant que le gouvernement décide qu'on liste ou on ne liste pas un médicament?

M. Gilbert (François): Oui. Actuellement, le Conseil consultatif de pharmacologie ne consulte pas le patient ni des organismes comme le nôtre. Alors, je pense qu'il y aurait avantage à ouvrir la discussion et...

M. Williams: Est-ce qu'il doit y avoir une obligation de faire cette consultation? Obligation légale.

M. Gilbert (François): Peut-être pas légale, mais disons professionnelle. Je pense que, si le Conseil consultatif veut faire un bon travail, il doit demander l'avis d'experts, et, comme je l'ai mentionné tantôt dans mon exposé, nous, on est prêts à offrir nos services gratuitement comme organisme non lucratif.

M. Williams: Excellent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, je serai bref. Je voudrais d'abord souligner que j'ai eu l'occasion de rencontrer le président-directeur général lors d'une rencontre de bénévoles dans mon comté et je peux témoigner de l'engagement de ces gens-là et de la qualité des services qu'ils rendent, l'éducation, etc. Je vous félicite et j'inviterais mes collègues députés, comme je l'ai fait, à contribuer aux associations locales par le biais du soutien à l'action bénévole.

Une voix: ...

M. Boucher: Il vous en reste assez pour le faire, M. le député.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suis persuadé que chaque député autour de la table, dans son comté, dans sa région, M. le député, le fait avec à peu près tous les groupes qui sont passés ici jusqu'à maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, M. le député.

M. Langlois (Serge): Mais, si vous avez quelque inquiétude à ce sujet, on peut vous faire parvenir la liste de nos associations.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, M. le député.

M. Boucher: Adressez-vous, d'ailleurs, à mes collègues de l'opposition qui ont le souci que vous ayez un régime d'assurance-médicaments qui vous convienne, sans vouloir en parler, évidemment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, parce que...

M. Boucher: Je m'excuse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il nous reste trois interventions.

(17 h 30)

M. Boucher: Plus rapidement, dans votre document, dans l'introduction, au point 1.2, vous mentionnez que l'ADQ contribue activement au financement de la recherche médicale et scientifique sur la maladie. J'aimerais ça savoir de quelle façon vous le faites et élaborer un peu sur ça, s'il vous plaît.

M. Langlois (Serge): Bien, en fait, justement, tantôt, lorsqu'on parlait des programmes de cours Diabétaide, là, où on a formé à la fois des personnes diabétiques, des éducateurs et des intervenants du milieu médical, aussi lorsqu'on parle de services offerts dans les régions. Alors, nous offrons, comme je vous disais, des conférences à travers le Québec sur la prévention, et, évidemment, un des problèmes que tout organisme comme le nôtre va avoir à rencontrer, c'est, bien souvent, d'avoir un point de tombée, un point de regroupement où on est capable d'intervenir auprès de la population diabétique.

Et, surtout, n'oubliez pas qu'on parlait de 50 % de personnes qui sont diabétiques, à l'heure actuelle, et qui l'ignorent. Le problème de ces 50 % là, ce n'est pas que le diabète est tellement négligeable que tu peux l'avoir et vivre avec des années, puis, tu vois, ce n'est pas important, tu ne le savais même pas. C'est justement là, le problème. C'est que, lorsqu'on va découvrir qu'on est diabétique, c'est peut-être parce qu'il vient de se produire une complication, d'où l'importance du dépistage. Si on avait une structure qui nous permettrait, justement, d'intervenir dans les régions – je pense, entre autres, aux CLSC, qui sont un bon point de chute; on a déjà 22 CLSC avec lesquels on travaille, mais je pense qu'il faudrait aller plus loin – ça nous permettrait justement de devenir un partenaire et de faire plus de travail de dépistage et de sensibilisation directement auprès de la population. C'est ce qu'on vous offre entre autres, aujourd'hui.

M. Boucher: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Terminé?

M. Boucher: Terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir de votre part – possiblement que M. Gilbert pourrait me répondre – à quel stade doit-on prescrire des médicaments? Je sais qu'il y a des stades dans le diabète. Est-ce que c'est le cinq, le six, le sept? On entend des chiffres, puis, quand on ne connaît pas la maladie, on est toujours un peu perdu.

M. Gilbert (François): Disons que, dans la majorité des cas – mettons 50 % des cas – on n'aura pas besoin de prescrire de médicaments. Donc, la moitié des diabétiques vont pouvoir bien contrôler leur maladie simplement avec une bonne alimentation et la pratique d'exercices physiques.

Maintenant, pour les autres 50 %, on va débuter la médication quand ces deux mesures-là, diète et exercices, n'arriveront pas, de façon générale... Grosso modo, ça peut varier d'un médecin à l'autre, mais, lorsque les taux de glycémie dépassent 10 milliosmoles par litre, c'est à ce moment-là qu'on va commencer à penser à prescrire une médication, après échec des deux autres méthodes.

Mme Vaive: Vous faites mention d'une idée tout à fait originale – et monsieur en a parlé à la réponse antérieure – dans votre mémoire, à la page 17, c'est-à-dire de mettre en place une structure de dépistage, comme on le fait avec le cancer du sein et d'autres maladies. Vous justifiez cette demande en considérant que, plus tôt le diabète est dépisté, moins coûteux est le traitement. Pouvez-vous nous expliquer à quel genre de structure vous faites allusion et comment cette structure pourrait également servir de pivot d'information pour les diabétiques, puisqu'il est évident, à la lecture de votre mémoire, que, plus les gens sont informés sur le diabète, plus le traitement est efficace et plus les gens sont fidèles à leur traitement? Ce n'est pas toujours le cas, des fois, là, mais je pense que c'est bon, quand même, de faire peur aux gens. Quand on leur dit: Là, tu fais un début de diabète, surveille-toi... Mais j'aimerais en savoir plus sur cette structure de dépistage.

M. Gilbert (François): Il existe actuellement des façons de dépister le diabète, même si c'est... De temps en temps, vous allez peut-être rencontrer, dans des pharmacies ou des CLSC, la journée du diabète, là, on va piquer tout le monde sur le bout du doigt, puis, si la glycémie est inquiétante, bien: Allez voir votre médecin. Ça fait qu'il existe déjà une façon de dépister de cette façon-là, mais c'est sûr que ça ne rejoint pas la personne qui est à risque, la personne qui ne sait pas qu'elle est diabétique et qui dit: C'est pour les autres. Alors, dans cette structure-là, ça va être important – je parlais d'éducation tantôt – qu'on arrive à une façon de rejoindre tout le monde pour dire: Toi, il y en a dans ta famille, tu es à risque, va te faire dépister. C'est jusque-là que ça doit aller, et, actuellement, on n'y arrive pas, on rejoint peut-être seulement 5 % de la population à cet effet-là. Maintenant, comme on dit, la façon de le faire, ça demeure par une prise de sang, qu'elle soit faite sur le bout du doigt ou qu'elle soit faite par une prise de sang au pli du coude. Ça, c'est déjà en place, cette façon-là. Le défi, c'est de faire passer le message: Peut-être que, moi, j'en fais, et qu'est-ce que je fais pour le savoir?

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quelqu'un nous parlait, hier, de délinquance, dans le sens d'oubli de traitement, de quelqu'un qui oublie de faire un traitement, ce qui a des conséquences assez spéciales pour d'autres maladies. Mais est-ce que, M. Robillard, vous pouvez nous expliquer si c'est, là aussi, le même phénomène au niveau du diabète? Si, exemple, je ne sais pas, moi, vous passez une journée et vous oubliez vos traitements pour toutes sortes de raisons.

M. Robillard (Pierre): Si j'oublie mon traitement, mon taux de glycémie va monter. Je n'aurai peut-être pas une complication immédiate, mais, à la longue, je vais avoir des complications qui vont devenir très sérieuses. Ça fait un peu plus de deux ans que j'ai un travail, maintenant, et j'ai perdu mon emploi. J'étais avec deux grosses associations qui ont eu des problèmes, j'ai perdu mon emploi et je ne pouvais plus me payer les médicaments en question. Et je peux vous dire que j'ai arrêté, sur une période de 15 jours à trois semaines, de prendre à peu près tous les médicaments. J'ai eu deux séjours à l'hôpital de 15 jours dans le temps de le dire. Les complications, là, arrivaient sérieusement, des problèmes de neuropathie avec mes jambes, puis...

Il faut absolument qu'on continue le traitement. Maintenant, le traitement est tellement difficile que c'est pour ça qu'on a besoin d'avoir un bon spécialiste. Dans mon cas à moi, je prenais jusqu'à 300 unités d'insuline, ce qui est énorme, et les médecins m'ont dit: Tu es résistant à l'insuline, il va falloir qu'on te donne d'autres sortes de médicaments. Et, bon, c'est pour ça que je prends une chaîne de médicaments, mais, je ne suis pas le seul comme ça, il y en a beaucoup qui sont comme ça aussi. Mais, arrêter le processus, là, c'est sûr et certain que c'est l'hospitalisation dans peu de temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quelle que soit la raison, oubli ou parce qu'il y a un manque d'argent.

M. Robillard (Pierre): Un oubli temporaire, je pense que ça m'arrive et je pense que ça doit arriver à un paquet d'autres personnes, mais, si je ne peux pas me permettre de prendre des médicaments parce que je n'ai pas l'argent pour les acheter, si on veut, là, ça va devenir très sérieux. Je pense que le Dr Gilbert peut peut-être rajouter là-dessus, il a sûrement plus d'expérience avec les patients.

M. Gilbert (François): En fait, il y a deux types d'inconvénients qui peuvent survenir chez un individu qui néglige son traitement. Il y a les complications immédiates, auxquelles M. Robillard faisait allusion, où il y a un malaise qui peut survenir du fait que le taux de sucre s'élève et qui peut amener des complications, mais ce problème-là ne survient pas chez tous les diabétiques. Il y a des diabétiques qui ont un diabète plus léger, qui, lorsqu'ils négligent leur traitement, vont avoir moins de conséquences immédiates, mais qui, à long terme, peuvent cependant en avoir. Alors, dans les deux cas, que ce soit un diabète léger ou sévère, à long terme, inévitablement, il va y avoir des conséquences, mais, à court terme, c'est surtout chez les diabétiques plus sévères qu'il peut y avoir une diminution de la qualité de vie, là, dans les premiers jours.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Dernière question par le député de Robert-Baldwin, qui fera en même temps la conclusion du côté de l'opposition, et Mme la députée de Mille-Îles fera la conclusion du côté du gouvernement. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, merci, M. le Président. D'abord la question. Vous proposez une structure d'assistance, vous la qualifiez d'ajout au virage ambulatoire du Dr Rochon, là, à la page 18. Nous aussi, on trouve qu'il y a beaucoup de manques dans le virage ambulatoire. Vous identifiez vraiment clairement: «Les CLSC ne pourront se consacrer à la prévention et maintenir le niveau de service de santé actuel avec les restructurations mises en place par le gouvernement.» J'aimerais que vous développiez un peu sur ce que serait cette structure d'assistance que vous voulez apporter. Est-ce qu'elle va être en marge du réseau actuel ou si vous souhaitez qu'elle puisse aussi être financée par le réseau de la santé?

M. Langlois (Serge): En fait, les besoins étant aussi importants, c'est évident qu'il faut être le plus près possible du réseau de la santé, d'où le fait que les centres d'enseignement ont été développés dans des centres hospitaliers et dans le réseau des CLSC. Le problème étant les permanences pour les organismes qui offrent des services – je vous ai donné une idée tantôt: 25 000 appels, et on n'est même pas encore en mesure de répondre adéquatement aux besoins – les personnes qui sont diabétiques ont des problèmes d'hypoglycémie, ont des problèmes de toutes sortes, et, à ce moment-là, c'est évident que, dans la structure, ce serait le meilleur moyen, d'où la raison pour laquelle je parlais des CLSC précédemment, ça nous permettrait justement de nous servir d'une structure déjà existante sans augmenter les coûts et, nous, de pouvoir profiter de ça pour offrir des services.

(17 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En conclusion, M. le député.

M. Marsan: Oui. Alors, c'est à mon tour de vous remercier bien sincèrement pour la qualité de votre présentation, de vos travaux, Dr Gilbert, M. Langlois. M. Robillard, on apprécie également le témoignage que vous nous avez présenté et nous retenons un certain nombre de recommandations quant au dépistage, à l'assistance au virage ambulatoire et aussi – on n'a pas eu l'occasion d'en parler beaucoup – à l'éducation sur la maladie et l'éducation sur la santé. Alors, je pense que ce sont des points que nous retenons. Et, cet après-midi, on nous a déposé le nouveau projet de loi sur le programme d'assurance-médicaments, et, nous, vous pouvez être assurés qu'on va souhaiter que vous soyez entendus en commission parlementaire de nouveau sur ce projet-là de façon précise. J'espère que vous allez accepter notre invitation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Alors, c'est à mon tour de vous remercier, MM. Gilbert, Langlois, et M. Robillard aussi, d'avoir accepté de venir parler si ouvertement de votre vécu en tant que diabétique. J'avais l'impression – parce qu'on a reçu plusieurs groupes, différentes pathologies – que, le diabète, on le connaissait bien parce que c'est peut-être une maladie... Mais je pense que vous nous avez vraiment sensibilisés à l'importance de cette maladie-là dans la population, mais surtout à l'importance de faire de la prévention afin d'éviter certaines complications, à la fois pour les patients et pour les coûts engendrés.

Je tiens à féliciter votre Association. Vous travaillez déjà – vous nous avez donné des exemples – dans la prévention. Vous avez parlé du programme Diabétaide, et je pense que votre offre de partenariat avec le gouvernement, pour que votre rôle soit amplifié dans la prévention n'est pas tombé dans l'oreille de sourds ou de sourdes, et le rapport que nous devrons faire suite à cette consultation-là en tiendra compte. Alors, je vous remercie infiniment.

M. Langlois (Serge): Bienvenue. Je peux peut-être ajouter une phrase.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Langlois (Serge): Cette année, on célèbre le 75e anniversaire de la découverte de l'insuline qui a rendu l'espoir et la vie possibles aux personnes diabétiques. Il y a 75 ans, avant cette découverte, à Toronto, le verdict de diabète était un verdict de mort pour les personnes de type 1 – celles dont on parle, de type 1. Maintenant, on sait que c'est possible et on espère pouvoir aller encore plus loin.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Je suspends les travaux pour quelques minutes pour permettre à l'autre groupe de se préparer.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 17 h 45)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, nous recevons maintenant la Société canadienne du cancer, division du Québec. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire les remarques préliminaires, et nous apprécierions que vous nous fassiez connaître les nom et occupation des personnes qui vous accompagnent. Nous vous répétons ce que j'ai dit tout à l'heure pour l'autre groupe, que nous sommes très heureux de vous recevoir, que nous apprécions beaucoup le travail de bénévolat – parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail de bénévolat dans ce que vous faites – et nous aimerions que vous vous sentiez à l'aise d'échanger avec les membres de la commission, parce qu'on sait que ce n'est pas toujours évident. Alors, allez-y.


Société canadienne du cancer, division du Québec

M. Girard (Gilles): Je vous remercie, M. le Président, d'avoir prolongé la séance pour nous entendre pleinement. Avant de présenter mes collègues, je veux simplement vous dire qu'il y aura une courte introduction, une toile de fond pour situer la problématique des médicaments quant au cancer, et des recommandations qui seront revues une à une plus longuement par le Dr Nutini.

Alors, ça me fait plaisir de vous présenter le Dr Anne-Marie Nutini, qui est chef du département d'hémato-oncologie à l'hôpital Saint-Luc de Montréal, qui est bénévole à la Société canadienne du cancer et membre du comité exécutif de la division du Québec; à ma droite, Mme Nicole Magnan, qui est directrice générale, qui est présente pour répondre à certaines questions qui pourraient nous échapper et qui sont plutôt d'ordre administratif.

Je me présente, Gilles Girard, retraité de Gatineau, bénévole, vice-président de la division du Québec de la Société canadienne du cancer et personne atteinte de cancer. C'est à ce titre de consommateur que je suis ici, et j'espère que, en compagnie du Dr Nutini, qui est médecin hémato-oncologue, nous pourrons un peu, peut-être, donner une dimension d'expérience pratique dans le domaine qui nous intéresse.

Ça a été un défi pour la Société de préparer le rapport, en ce sens que, comme je le disais tantôt, la Société est administrée par des bénévoles, des bénévoles qui doivent se réunir, tirer un consensus, ce qui est un processus laborieux. Alors, si, les recommandations que vous avez devant vous, vous trouvez ça un peu pieux, des vérités de La Palice, vous le direz. Elles ne le sont pas, et je pense que nous aurons l'occasion de préciser la pensée que nous avions.

Je vous dispense, évidemment, de la lecture du texte. Comme je vous le disais tantôt, le Dr Nutini traitera des recommandations comme telles, mais auparavant je pense qu'il est important de dresser une toile de fond pour mieux apprécier la problématique. Cette toile de fond a trois panneaux: le premier est la condition économique des personnes atteintes de cancer; le deuxième, une description des activités de contrôle du cancer qui nous permettra de vous dire ce que fait la Société; et, troisièmement, une particularité de la relation médecin-patient pour le cancer.

Au niveau de la condition économique des personnes atteintes de cancer, c'est un peu un rappel de ce qu'il y a dans le mémoire, c'est-à-dire qu'il existe, dans notre société, une classe de personnes qui sont très démunies. Je vous ferai noter également que 70 % de nos personnes atteintes de cancer sont des personnes âgées. Dans le rapport, notez que 250 000 $ vont à du transport avant que la personne reçoive son traitement, la plupart du temps des traitements multiples de radiothérapie ou de chimiothérapie, où le patient n'a même pas les moyens, pleinement, de se transporter de sa résidence à l'hôpital. La deuxième: la nature du matériel, le soutien matériel que nous donnons. Je ne sais pas les sommes, mais nous donnons du matériel tel que des piles électriques, des batteries pour animer les boîtes vocales des laryngectomisés, du matériel temporaire pour les colostomisés, des prothèses mammaires temporaires pour les opérées du sein, des pansements, et tout ça dans un système de santé où la gratuité existe. Également, une référence à la somme de 10 000 $. C'était en 1988, où la paucité des revenus était telle que c'était un facteur au niveau des besoins des personnes atteintes de cancer.

(17 h 50)

Le cancer comme tel, comme on le disait pour le diabète tantôt, on ne le guérit pas; on en meurt, plutôt. La mission de la Société est très simple, deux volets. Le premier, c'est éradiquer le cancer, et c'est dans un laboratoire que l'on trouvera la réponse au cancer. Dans ce sens, la Société canadienne du cancer, à l'échelle du pays, recueille près de 80 000 000 $, et près de 50 % de ces sommes vont à la recherche. Parce que le cancer ne se guérit pas, on a donc des activités de contrôle du cancer. Alors, sur le continuum de vie, ces activités débutent à la naissance avec une période de prévention, suivie d'une période de dépistage, de diagnostic, de traitement, de réhabilitation, de soins palliatifs et de l'accompagnement à la mort.

Au niveau de la prévention, la Société est très active avec ses programmes d'éducation populaire sur l'alimentation, le soleil, le tabac, comme vous le savez. Au niveau du dépistage, la Société tente d'aider et d'agir en complémentarité avec le système de santé et offre des programmes d'auto-examen des seins et de soutien émotif à ces personnes. Au niveau du diagnostic, qui est la phase où la personne se fait annoncer qu'elle a une maladie fatale, le soutien émotif devient très important. Au niveau des médicaments, c'est le traitement qui nous intéresse, et le traitement est compliqué pour une personne atteinte de cancer. Le traitement se fait par la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l'hormonothérapie – avec de nouveaux médicaments – et, même, l'immunothérapie qui rejoint la recherche par rapport au sida, ce qui nécessite forcément une approche multidisciplinaire. Pour continuer, la réhabilitation, les soins palliatifs et l'accompagnement à la mort terminent les activités dites de contrôle du cancer, activités que la Société, organisme bénévole, appuie dans chacune des provinces au niveau de l'effort qu'elle peut faire, et, ici, au Québec, c'est un effort complémentaire, compte tenu de la nature du système.

Le dernier panneau de la toile de fond est la particularité de la relation patient-médecin pour les personnes atteintes de cancer. Il existe un problème de prise en charge. La personne atteinte de cancer, déjà diminuée physiquement, apeurée, a à traiter avec de nombreux intervenants: le médecin de famille au début; le médecin spécialiste, qui peut être selon la nature de la maladie – parce que cancer est plus d'une maladie – disons le pneumologue, pour les poumons, le radiologiste, l'isotopiste, qui est le spécialiste de la médecine nucléaire, le chirurgien, le radio-oncologue, l'hémato-oncologue, et d'autres relativement à leur recherche. Alors, à qui incombe la responsabilité de s'assurer que le patient ou la personne traitée est contrôlée relativement à la prise de médicaments? Le problème n'existe pratiquement pas au niveau de l'hôpital, mais la personne, une fois qu'elle a quitté l'hôpital, a un problème relativement à qui s'adresser.

La personne atteinte de cancer n'a qu'un but, c'est de vivre, et le médecin, parmi la liste de médecins que je vous ai énumérés, devient une personne à qui elle s'accroche, devient sa bouée de sauvetage, et, sur le sujet des médicaments, l'hémato-oncologie est la forme de traitement qui en utilise à plein. Alors, c'est la raison pour laquelle nous demandons maintenant au Dr Nutini de passer une après l'autre les recommandations, et vous verrez que certaines des dimensions que j'ai décrites se manifesteront.

Mme Nutini (Anne-Marie): Bon, je suis hématologue-oncologue depuis pas mal d'années. Disons que j'ai commencé cette spécialité-là il y a plus de 20 ans, en résidence, et finalement je suis la personne qui, souvent, fait le diagnostic de cancer, ou on me réfère quelqu'un, je fais le bilan et, là, je prends la décision de le traiter. Je suis le patient, et puis, si ça ne marche pas, le traitement, bien, je vais aller jusqu'en palliation et le suivre jusqu'au bout.

Dans notre travail, nous avons énormément de problèmes d'éthique: Faut-il continuer? Donc, c'est un travail qui est pas mal difficile, et, depuis quelque temps, bien, maintenant nous avons des problèmes d'argent parce que, pour traiter les patients, ça coûte de plus en plus cher. Si je regarde, moi, quand j'étais résidente, il y avait trois, quatre sortes de traitement, c'était COP, Leukeran. Maintenant, on est rendu avec des grands mots, CHOP, tout ça. Il y a des dizaines et dizaines de sortes de traitements. Donc, ça devient de plus en plus complexe.

Je vais vous faire les recommandations et, si vous me permettez, je vais vous donner ma perception en tant qu'oncologue qui voit des patients à la journée longue. Alors, la première recommandation, c'est que toute mesure visant à mieux contrôler la consommation des médicaments ait comme but premier l'intérêt du malade. Ça a l'air évident, mais, vous savez, plus ça va, moins on a d'argent parce qu'on est comme tout le monde, et, à ce moment-là, l'introduction d'un nouveau médicament est toujours un problème parce qu'il y a d'autres secteurs dans l'hôpital qui sont aussi importants que nous.

La deuxième recommandation, c'est que, du point de vue de l'équité, toute personne atteinte de cancer puisse bénéficier de la médication jugée idéale pour son état, quel que soit son statut financier. Ça, ça semble évident, mais vous voyez que, de plus en plus, nous, en oncologie, on est obligés d'aller faire appel aux compagnies d'assurances pour payer certains médicaments, sinon le patient n'y a pas droit, forcément, parce qu'il a un problème d'argent.

La recommandation n° 3, c'est que le principe de la dignité dans la mort s'applique à toute personne vivant la dernière période de sa vie, afin qu'elle soit à l'abri des souffrances inutiles. Vous savez que l'Organisation mondiale de la santé a fait une étude et a trouvé que 70 % des patients qui mouraient du cancer n'étaient pas soulagés pour leur douleur. Actuellement, malgré la disponibilité des médications au Québec, les chiffres ne se sont pas tellement améliorés, et je crois que ce serait important que, cet aspect-là, la palliation... C'est-à-dire, quand vous n'avez plus de traitement actif pour un patient et que vous allez l'accompagner, il faut absolument que cet aspect-là soit bien vu et bien compris, et habituellement cet aspect de palliation, bien, se fait de façon multidisciplinaire, avec le médecin, la pharmacienne, l'infirmière. Ça, c'est important. Il est inacceptable qu'un patient, en 1996, soit souffrant, alors qu'il y a des moyens de régler cela. Moi, quand je fais de l'enseignement aux résidents, je suis extrêmement stricte sur ça. Pour moi, c'est aussi important de savoir établir un diagnostic que de soulager la douleur d'un patient. C'est important, et je juge que, quand ils sortent de mes stages, il faut qu'ils aient appris ça, et il faut qu'ils l'apprennent par l'exemple. Si vous-même, comme patron, vous ne leur montrez pas, ils ne le sauront pas.

La recommandation n° 4, c'est que chaque membre de l'équipe multidisciplinaire se penche sur la question des médicaments pour assurer leur utilisation maximale sans désavantager le patient. C'est important. Nous comprenons qu'il y a des problèmes financiers et qu'il faut contrôler les coûts, mais chaque centre hospitalier devrait avoir un comité multidisciplinaire comprenant pharmacien, médecin, autres personnes-ressources afin de voir à l'introduction et à l'utilisation des médicaments. Définitivement, je pense qu'il faut des lignes de conduite pour les traitements, notamment les nouveaux traitements. Il faut qu'il y ait des balises, il faut qu'il y ait des grandes lignes de traitement, mais il est très important que ces lignes de traitement là ne soient pas des lignes qui sont trop rigides, qui vont nous empêcher de donner des soins adéquats aux patients et qui puissent les défavoriser. Je vous donnerais un exemple par l'absurde: Il y a un nouveau médicament. Si vous récidivez votre cancer au bout de six mois, vous y avez droit; si vous le récidivez au bout de cinq mois et une semaine, vous n'y avez pas droit. Ça, c'est important.

(18 heures)

Si, par exemple, des antinauséeux... On sait qu'il y a des protocoles de chimiothérapie qui sont excessivement émétisants, d'accord, on a la liste. Un patient qui va avoir ça, il aura droit, peut-être, à un antinauséeux. Mais un autre patient, qui aura un protocole un petit peu moins émétisant, n'y aura pas droit, même s'il vomit. Et on sait que, le patient, ce n'est pas une tumeur, ce n'est pas quelque chose qui est comparable d'une personne à l'autre. Il faut que le traitement s'adapte au patient et non pas que le patient s'adapte à la maladie. C'est important que vous traitiez la douleur, que vous traitiez en chimiothérapie, et il y a un jugement clinique qui doit être là et il faut considérer le patient et jamais des règles qui sont rigides parce que, si nous faisons des règles rigides, le patient n'aura pas toutes ses chances.

La recommandation n° 5, c'est que la responsabilité d'informer le patient sur sa médication et ses traitements incombe à chaque membre de l'équipe multidisciplinaire. C'est très important. Un patient qui n'est pas au courant ni de sa maladie ni de ses médicaments est un patient anxieux, c'est un patient qui va mal se surveiller et qui aura plus de chances d'avoir des complications. Le médecin le fait, c'est très important. Je pense que les oncologues, en général, le font, mais, dans notre bureau, nous avons des patients qui sont anxieux, qui sont sous le coup d'un choc et qui arrivent avec un bagage intellectuel. Vous ne traitez pas tout le monde avec des quotients intellectuels de 150. Donc, il faut s'adapter.

Une fois que nous aurons donné l'information, il faut que le reste de l'équipe multidisciplinaire continue l'ouvrage. Que ce soit l'infirmière, que ce soit le pharmacien, c'est très important, il faut qu'ils continuent l'ouvrage. Il faut souvent répéter les choses. J'ai passé, hier, une heure et demie avec un couple. Je ne suis pas sûre qu'ils aient tout compris, mais ils sont partis rassurés, et je sais qu'il faudra répéter cela au fur et à mesure. Et ça ne veut pas dire que c'est parce que le médecin ne fait pas le travail, le patient peut être en dénégation. Vous pouvez lui expliquer, ça rentre par là, ça sort par là, parce que, lui, il ne veut pas entendre, et ça ne veut pas dire que vous n'avez pas fait le travail. Donc, l'approche, c'est qu'il faut le faire petit à petit. L'information est primordiale. Personnellement, je me vante que mes patients vont très peu à l'urgence avec des complications parce que je gère mes dossiers et je fais attention que le patient se gère lui-même, c'est très important, son cas, qu'il voie à lui-même, à sa santé autant que possible.

Alors, je pense que l'attitude, le traitement multidisciplinaire, la vision multidisciplinaire de l'oncologie est fondamentale, d'accord? C'est un travail qui est lourd. Si vous voulez que le patient ait le maximum, il faut qu'il y ait la travailleuse sociale, le pharmacien, l'infirmière, les bénévoles, le médecin. C'est très important, l'approche multidisciplinaire, mais je mettrais un bémol à cela. Je pense que c'est important d'avoir un médecin, quelqu'un qui centralise votre dossier, quelqu'un qui prenne les décisions. Vous savez, on a reproché à la médecine spécialisée que nous faisons... Il y a un spécialiste qui s'occupe de votre oreille droite, un autre de l'orteil gauche et le troisième de l'estomac. Si personne ne fait la centralisation du dossier, le patient va avoir des tests qui ne sont pas forcément bons, il va avoir des traitements qui sont plus ou moins bons parce que chacun rajoute sa petite chose, et ce n'est pas bon. On a reproché ça à la médecine spécialisée, et je pense que, définitivement, il faut quelqu'un pour centraliser. En oncologie, c'est quelque chose de très dangereux, on joue avec des médicaments qui ne sont pas de l'eau bénite, alors c'est très important que quelqu'un fasse la synthèse de tout ça, sinon le patient va être mal traité.

Je vais vous donner l'exemple de notre service. Dans notre service, nous avons énormément la notion de ce que c'est qu'un médecin traitant, nous nous considérons comme des médecins généralistes de nos patients. Chaque patient est assigné à un hématologue, c'est le premier qui le voit. Le patient est vu régulièrement par lui, par contre le patient sait que, en cas de complications, si son oncologue n'est pas à l'urgence, quelqu'un d'autre va le voir, que, s'il est hospitalisé, quelqu'un d'autre, éventuellement, peut le voir, il va s'occuper de lui, prendre exactement toutes les décisions, mais que, en aucun cas, une décision importante de changement de traitement ne se fera sans avoir parlé au médecin traitant, à l'oncologue traitant. Nous sommes extrêmement stricts sur ça. Nos patients ont accès à nous facilement, ils nous appellent. Comme hier, un patient m'appelle, je l'ai vu immédiatement. Je l'ai hospitalisé, il est venu à ma clinique pour lui éviter l'urgence.

Nous croyons énormément à ce contact médecin-patient. Moi-même, comme chef de service, je n'irai jamais m'impliquer dans une relation entre le médecin, mon collègue, et son patient. Il arrive même que, si j'ai une décision difficile, je parle au patient – je suis responsable de l'étage – mais je dis à mon collègue: Va donc lui parler, veux-tu, c'est important. Ce rapport-là est fondamental, et il ne faut pas... Je crois en l'approche multidisciplinaire, mais je pense que c'est primordial qu'il y ait quelqu'un qui centralise votre dossier, qui fasse un petit peu le ménage dans tous les consultants qui sont là, que ce soient des médicaux ou des non-médicaux. Ça, je crois énormément à ça, et nous y croyons, et je peux vous dire que, dans notre service, également, nous nous considérons comme des médecins à part entière, c'est-à-dire que, le jour où il n'y a plus de traitement actif, le patient reste notre patient, et nous le suivons jusqu'au bout. Nous pouvons demander, éventuellement, une équipe de palliation, mais nous estimons que c'est absolument inacceptable qu'un patient qui, finalement, fait le deuil de la guérison parce que nous avons des échecs fasse aussi le deuil de son médecin. Je peux vous dire que, au fil des années, les patients nous disent des choses qu'on ne met pas forcément dans le dossier, on connaît à peu près tout ce qui se passe. Donc, d'accord pour le multidisciplinaire, mais, s'il vous plaît, gardez un médecin traitant, c'est très, très important qu'il soit responsable des grandes décisions.

La sixième recommandation, c'est que le ministère de la Santé se préoccupe d'informer clairement la population que les seuls traitements reconnus sont accessibles au Québec. Il faudrait que le ministère de la Santé, par son action concertée, puisse contrer l'étalage nocif de publicité concernant les cures miracle. Il faut expliquer au patient qu'il y a des traitements reconnus, qu'il y a des traitements qui sont actuellement en expérimentation et qu'il y a éventuellement des traitements qui sont non reconnus et qui sont dangereux. La personne qui a un cancer est quelqu'un qui est très facilement la proie de charlatans, et c'est très important.

Moi, que mes patients prennent des vitamines ou des petites choses naturelles, je les laisse faire, mais je pense que, à un moment donné, il ne faut pas que le patient aille dépenser des milliers de dollars pour prendre des choses qui peuvent le rendre malade. Et je crois que c'est important que cette publicité-là soit faite, même si je pense que c'est très difficile, parce que, au fond, si vous avez un cancer, vous êtes prêt à aller à l'étranger pour avoir n'importe quoi. J'ai une patiente encore, il y a deux jours, qui est allée prendre quelque chose, elle a eu de la diarrhée, et nous avons bien ri ensemble, mais je pense que, la personne qui peut être facilement la proie de ce genre de charlatans, c'est vraiment le patient cancéreux parce que, au fond, il y a quelque chose d'inéluctable dans le cancer, on sait que la mort peut venir en n'importe quel temps.

Alors, en conclusion, la Société canadienne du cancer remercie les membres de la commission des affaires sociales de lui avoir permis d'exposer son opinion et de transmettre ses recommandations concernant la problématique de la consommation des médicaments au Québec. Pour la Société canadienne du cancer, dont la mission est l'éradication du cancer et l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes du cancer, la défense des droits des personnes atteintes de cancer constitue sa principale préoccupation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole au député de Robert-Baldwin qui sera suivi de Mme la députée de Rimouski.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci d'abord à vous d'avoir accepté notre invitation et de nous présenter un document qui est extrêmement bien fait, des recommandations précises. Mais je vois – et c'est l'objet de ma première question – que vous n'avez pas peur de traduire par des mots, je pense, des expériences que vous avez pu vivre. Vous mentionnez à la page 6: «Le coût des médicaments est un facteur qui oriente la décision de se faire traiter ou de refuser un traitement. Ce qui se traduit par un nombre élevé de décès prématurés avec souvent une phase terminale plus douloureuse et plus tragique.» Je pense qu'on peut le penser, j'aimerais que vous développiez autour de cette affirmation-là. Moi, je suis vraiment prêt à la recevoir, je pense qu'il y a une difficulté au niveau des coûts qui sont associés à la capacité d'un patient d'acheter ces médicaments et j'aimerais voir jusqu'à quel point ça peut faire du tort à des patients, le coût élevé des médicaments.

Mme Nutini (Anne-Marie): Disons que cette phrase n'est pas de moi, mais, moi, je pense que, au Québec, actuellement, la base est donnée. Il y a quand même une certaine équité, les gens peuvent y avoir droit. Vous savez, le problème n'est pas dans ce qu'on appelle le traitement standard. Pour la maladie de Hodgkin, que vous soyez à Paris, ou à Londres, ou n'importe où, vous avez ce traitement-là. Là où ça devient un problème, c'est avec les nouveaux médicaments où, par exemple, on ne peut pas payer parce que les chances de réponse ne sont pas très grandes, et, à ce moment-là, il peut y avoir des choix du patient s'il a les assurances ou non. Je ne pense pas, actuellement, au Québec, qu'il y ait des gens, réellement, qui puissent mourir parce qu'on ne les traite pas bien. Par contre, peut-être qu'ils vont refuser certains traitements parce qu'ils vont dire: Bon, bien je n'ai pas les moyens de les payer.

Je pense que, quand même, au Québec, nous avons les moyens de traiter convenablement le patient. La seule chose, c'est que tout ce qui sort de nouveau comme médicament, il va falloir régler ce problème-là. Mais je ne pense pas que, actuellement, il y ait des gens qui meurent à cause de ça. Par contre, ils vont avoir une qualité de vie moins forte, c'est-à-dire que, pour se payer leurs médicaments, ils ne pourront pas manger. Ça, ça se peut aussi, parce que c'est un cancer, ils perdent leur argent forcément, ils n'ont pas d'assurance. Donc, à ce moment-là, ils vont peut-être tabler plus sur certains médicaments qui ne sont pas payés et plutôt aller se priver de choses essentielles.

(18 h 10)

M. Girard (Gilles): Comme je vous l'ai expliqué tantôt, joindre un consensus, c'est difficile. Si on l'exprime de la façon dont il est exprimé dans le mémoire, c'est entendu qu'un collègue, un médecin va dire qu'au Québec on traite tout le monde. C'est une série d'anecdotes, c'est ce que disent les médecins. C'est la perception de nombreuses personnes qui vivent et qui côtoient des personnes atteintes de cancer et qui rapportent des faits. Par exemple, l'Association du cancer de l'Est du Québec a fait des études relativement au problème pour les Madelinots d'accéder à des traitements, et, effectivement, c'est généralement reconnu que les difficultés pour pouvoir se rendre – le 250 000 $ dont je parlais tantôt – sont des indices. Aucune étude n'a été faite. On n'est pas en mesure de faire la preuve, si vous voulez. Peut-être faudrait-il qu'il y en ait une étude.

Le système de santé du Québec, comparativement aux systèmes ailleurs au pays, dans les finalités, c'est-à-dire au niveau du nombre de mortalités, au niveau du nombre de personnes atteintes de cancer, sauf le cancer du poumon, généralement parlant, se situe au niveau de la moyenne nationale, et, si on précise la façon possible dont le Québec atteint cette moyenne-là, c'est que son système, qui voit le territoire du Québec divisé en territoires de CLSC et des établissements qui donnent un accès direct à la population québécoise, fait en sorte qu'on peut dire carrément que la personne qui réside au Québec a accès à tous les services du système de santé. Par contre, le fait demeure que les coûts, les aspects psychologiques sont tels que les anecdotes que l'on raconte nous laissent soupçonner que des personnes cessent leur traitement, que des personnes refusent de se faire traiter, et la loi le leur permet, ce qui fait que les coûts des médicaments s'ajoutent à la liste d'un tas d'autres facteurs qui font que la situation est telle que nous la décrivons.

M. Marsan: J'aimerais peut-être revenir, avec le Dr Nutini, sur les nouveaux médicaments. Vous l'affirmez, je pense, là aussi, dans la même page. À la page 6, vous souhaitez que «tous les médicaments nécessaires soient disponibles pour toutes les personnes atteintes de cancer». Donc, en affirmant cela, vous nous dites que ce n'est pas ce qui se passe actuellement, qu'il y aurait des médicaments qui ne sont pas accessibles. Mais pourquoi ne sont-ils pas accessibles? Est-ce que c'est à cause du CCP, du Conseil consultatif de pharmacologie? Est-ce qu'ils ne sont pas inscrits au formulaire? Quelles sont les raisons?

Mme Nutini (Anne-Marie): Pour plusieurs raisons. Ils peuvent ne pas être inscrits au formulaire, d'accord? Puis, quand ils sont inscrits, c'est de façon extrêmement bien structurée, puis c'est comme ça, comme ça, puis pas autrement. Donc ça, c'est le problème parce que tous ces nouveaux médicaments là coûtent très cher, puis on peut nous dire: Bon, on va traiter un patient si le pourcentage de réponse est bien établi, si, vraiment, il y a beaucoup de gens qui peuvent y répondre. Le pourcentage de réponse est important, d'accord? Alors, c'est sûr que, si on table la chimiothérapie en disant: Bon, bien, on ne traite que les gens qui peuvent guérir, aucun cas de cancer du poumon, à part les cancers petites cellules, ne pourrait être traité. Parce qu'on sait que c'est cas par cas qu'il faut voir, d'accord? Alors, c'est sûr que, si on dit: Bon, on ne traite que les gens qui peuvent guérir, qui on va traiter? La maladie de Hodgkin, le cancer du testicule et les lymphomes de haute malignité agressive parce que, les autres, on sait qu'ils ne guériront jamais? Donc, c'est ça. Ce qui est important, c'est que, finalement, on donne la chance à chaque patient. Je dis que c'est des problèmes d'éthique. Est-ce que je m'embarque dans un traitement qui peut donner des troubles au patient et qui peut être dangereux? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Mais, maintenant, on est arrivé à un autre volet, c'est: Est-ce que ça vaut le coût du point de vue financier? C'est toujours pareil, c'est qu'il n'y a plus d'argent.

M. Marsan: Alors, c'est parce qu'il n'y a plus d'argent, d'après vous, que le Conseil consultatif refuse d'ajouter un médicament reconnu par vos experts comme étant utile aux patients?

Mme Nutini (Anne-Marie): Bien, disons reconnu pour un petit nombre de cas, bon, qui est en deuxième ligne, etc. C'est parce que c'est sûr que, si vous avez une maladie de Hodgkin, on sait que, le protocole ABV ou MOPP, c'est le meilleur, et on n'ira pas s'embarquer dans un traitement qui n'est pas... Mais, par contre, ça arrive quand le patient a rechuté, puis là: Est-ce qu'on lui donne ça? Parce que, au fond, ça coûte très cher, mais les chances qu'il ne réponde pas sont grandes. Alors, tout ça, c'est important, puis on va vous donner pour telles «stats» parce que la littérature dit que la majorité des gens qui vont avoir ça vont... alors que, par exemple, si vous avez des assurances, vous pouvez l'avoir. Je pense à un médicament très cher que, finalement, un grand nombre de gens ne peuvent avoir que s'ils ont des assurances privées qui paient, parce que c'est un choix au patient, parce que c'est très difficile de dire au patient: Je ne vous traite pas parce que l'argent, on n'en a pas. Mais qu'est-ce que vous voulez? C'est comme ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Bonjour. Alors, je suis, moi aussi, touchée par, je dirais, la passion avec laquelle vous nous parlez de vos patients. Moi, je suis quand même au fait par l'Association du cancer de l'Est du Québec qui est installée dans mon comté et qui a bâti, avec l'appui du milieu, une hôtellerie au coût de 4 000 000 $ pour les patients du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Alors, je pense que, là-dessus, le milieu a fait la preuve qu'il était préoccupé par cette question.

Je reviendrais sur le coût des médicaments qui, dans votre mémoire... Le député de Robert-Baldwin l'a souligné, vous dites que c'est un facteur qui oriente la décision de se faire traiter ou de ne pas se faire traiter, mais est-ce qu'il n'y aurait pas aussi un autre facteur qui serait celui de l'acharnement thérapeutique?

Mme Nutini (Anne-Marie): Oui, je suis d'accord.

Mme Charest: Parce que je ne nie pas le coût des médicaments, mais je pense qu'il faut quand même être conscient que certains patients, lorsqu'ils apprennent qu'ils ont un type de cancer qui est beaucoup plus difficile à traiter que d'autres, préfèrent se laisser aller ou, en tout cas, préfèrent partir différemment que ce qu'on pourrait leur prescrire. Et, comme vous dites que vous n'avez pas d'étude sur ce facteur qui est le coût des médicaments, qui pourrait orienter la décision, je pense que vous n'avez pas d'étude non plus sur l'autre type de facteur qui serait, bon, l'acharnement thérapeutique versus la décision du patient.

Mme Nutini (Anne-Marie): Je pense que, définitivement, quand je vous parlais des problèmes d'éthique que nous avons, c'est le problème de l'acharnement thérapeutique. C'est très important.

Mme Charest: Et c'est étroitement lié à l'utilisation des médicaments, de la médication, et tout ça.

Mme Nutini (Anne-Marie): Oui, et je pense, moi, personnellement – je suis reconnue pour ne pas faire d'acharnement thérapeutique – que, souvent, de ne pas donner de chimiothérapie et de s'assurer de la palliation et du confort du patient, vous lui faites vivre une vie qui est meilleure que de s'acharner à lui faire de la chimiothérapie. Je fais partie de ces médecins-là, mais c'est clair que je suis d'accord qu'il doit y avoir des balises, on ne peut pas se permettre de payer des médicaments à ce prix-là à tout le monde. On n'a pas le choix, et, malheureusement, la société doit faire des choix.

Mme Charest: Est-ce que les guides de pratique pourraient être un outil plus souvent...

Mme Nutini (Anne-Marie): Disons, ils sont déjà là.

Mme Charest: Oui, je sais mais...

Mme Nutini (Anne-Marie): Vous avez ce qu'on appelle les protocoles standard. C'est là ou ça pèche, c'est ensuite, quand le patient ne marche pas. Comme je vous dis, ça dépend aussi des oncologues. Moi, je fais partie des gens – et je suis reconnue pour ça – qui font énormément attention à la qualité de vie, parce que j'estime qu'un traitement – je le dis toujours – ne doit pas être pire que la maladie et qu'un patient peut vivre plus longtemps et en meilleure condition en arrêtant la chimiothérapie et en s'occupant de son confort.

Mme Charest: Oui, et pense que, pour le cancer comme pour d'autres types de problèmes de santé, l'approche multidisciplinaire est tout à fait appropriée.

Mme Nutini (Anne-Marie): J'y crois.

Mme Charest: Il n'y a pas que strictement l'aspect médical.

Mme Nutini (Anne-Marie): Non, je pense que c'est très important parce que chacun apporte sa richesse, mais il faut que, à un moment donné, il y ait quelqu'un dans le bateau qui...

Mme Charest: Dirige.

Mme Nutini (Anne-Marie): Parce que, moi, je pense que, l'oncologie, c'est très lourd. Vous ne pouvez pas le faire tout seul, c'est émotivement très lourd, donc il faut qu'il y ait, autour, des gens qui vous appuient très fort.

Mme Charest: Dans un autre ordre d'idées, dans votre mémoire, vous parlez des programmes d'éducation, de sensibilisation qui sont orientés sur la lutte au tabagisme. Dans le fond, vous faites des campagnes d'information, d'éducation et de sensibilisation sur des facteurs de risque associés au cancer. Moi, j'aimerais savoir si vous faites aussi des campagnes d'information, d'éducation sur toute la question de la médication qui sert pour certains types de cancer.

(18 h 20)

Mme Nutini (Anne-Marie): Je pense que c'est quelque chose qui devrait être fait...

Mme Charest: Mais vous ne le faites pas présentement.

Mme Nutini (Anne-Marie): ...parce qu'il faudrait démystifier ça, parce que c'est très important.

Mme Charest: O.K. Mais vous ne le faites pas...

Mme Nutini (Anne-Marie): Non.

Mme Charest: ...comme société présentement?

Mme Nutini (Anne-Marie): Actuellement, la Société canadienne du cancer va faire des campagnes, par exemple, pour l'auto-examen des seins, le soleil qui peut être facteur de cancer. Donc, jusqu'à présent, c'est surtout son champ d'action. Je ne sais pas si Mme Magnan peut répondre à ça.

Mme Magnan (Nicole): Je pense qu'il est important de préciser que la Société canadienne du cancer est un organisme non médical et non scientifique et que, malgré que nous ayons dans nos rangs des personnes qui sont médecins et qui sont des scientifiques, il demeure que l'essentiel de notre action est faite par des bénévoles de bonne volonté qu'on n'engage pas dans des actions qui feraient appel à une expertise qu'ils n'ont pas, et, lorsqu'on parle de sensibilisation ou de connaissances au niveau des médicaments, vous admettrez avec moi que c'est un domaine très complexe. Alors, ce que nous préconisons et ce que nous essayons de véhiculer auprès des personnes atteintes de cancer, c'est la nécessité pour elles d'accepter d'être traitées, la nécessité pour elles de conserver l'espoir, et nos programmes de soutien affectif ont cela pour but, mais nous ne nous engageons pas de façon précise dans une information dans un domaine où nous ne possédons pas l'expertise nécessaire, qui serait la médication.

Mme Charest: O.K.

Mme Nutini (Anne-Marie): Je pense...

Mme Charest: Oui, madame...

Mme Nutini (Anne-Marie): Vous pouvez faire des grandes séances sur les médicaments, mais c'est quand le patient ou un membre de la famille est atteint que, à ce moment-là, ils vont aller chercher l'information auprès du médecin, de la pharmacienne, de l'infirmière. À ce moment-là, l'équipe est en place. Je pense que, tant qu'il n'y a pas de cancer, finalement, ces choses-là leur paraissent très abstraites. C'est une fois, et, à ce moment-là, le soutien est très important... Comme, par exemple, pour la douleur, nous avons des pharmaciennes qui s'occupent de cela, c'est très important. Nous avons des infirmières qui s'occupent de cela. Donc, je pense que de donner, par exemple, des idées sur la morphine en général, ça n'a aucun intérêt. C'est quand vous êtes pris dans le truc que c'est important qu'on vous apprenne comment prendre vos pilules, comment les ajuster, etc., ça, je pense que c'est beaucoup plus utile. Et, à ce moment-là, d'avoir une équipe multidisciplinaire dans l'hôpital, c'est très important.

Mme Charest: O.K. Dans dans cet ordre d'idées là, la question qui me vient à l'esprit, c'est: C'est quoi vos relations avec les équipes de recherche?

Mme Nutini (Anne-Marie): Bien, nous en faisons tous de la recherche clinique, disons...

Mme Charest: Oui.

Mme Nutini (Anne-Marie): ...parce que...

Mme Charest: Pour les...

Mme Nutini (Anne-Marie): ...nous le faisons par le biais de l'Institut national où, là, je vais commencer quelque chose sur le pancréas avec mes collègues. Donc, nous, nous sommes quand même des gens qui sont des cliniciens, mais, tous, nous faisons tout de même de la recherche clinique.

Mme Charest: Vous faites la cueillette de données...

Mme Nutini (Anne-Marie): C'est ça, on essaie des nouveaux protocoles chez les patients, puis il y a des gens... Comme dans certains hôpitaux, ils font ce qu'on appelle les phases I, et ça, c'est des choix que l'on fait.

Mme Charest: Mais l'association comme telle n'a pas les ressources...

Mme Nutini (Anne-Marie): Non.

Mme Charest: ...pour soutenir...

Mme Nutini (Anne-Marie): Disons que la Société...

Mme Magnan (Nicole): Les subventions des chercheurs eux-mêmes...

Mme Nutini (Anne-Marie): C'est ça.

Mme Magnan (Nicole): ...et nous avons un fonds central pour le financement de la recherche, mais l'action de la Société consiste essentiellement à fournir les fonds. C'est notre société soeur, qui est l'Institut national du cancer du Canada, qui détermine où vont les fonds pour, évidemment, éviter la duplication, notamment, au niveau des divers domaines où sont engagés les fonds, mais en fonction également des sujets de l'heure, sur une base internationale. Donc, la Société ne détermine pas elle-même où est utilisé l'argent de la recherche.

Mme Charest: Il y a quand même un danger. Vous savez, ça devient, à ce moment-là, les préoccupations des chercheurs et non pas les préoccupations beaucoup plus locales...

Mme Magnan (Nicole): En fait...

Mme Charest: ...par rapport aux problèmes rencontrés.

Mme Magnan (Nicole): ...oui, ce que vous soulevez a effectivement été soulevé parmi nos membres à l'échelle nationale, et nous avons insisté, à un moment donné, pour que s'engage de la recherche en behaviorisme, notamment, ce qui ne se faisait pas dans le passé. Donc, la Société peut influencer de cette façon-là, mais, de là à influencer de façon précise, non, ça ne se fait pas, c'est laissé à des groupes de scientifiques qui peuvent, eux, mieux que nous, évaluer la valeur d'un projet de recherche.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. Est-ce que... Oui.

Mme Charest: Oui, je voulais juste avoir une idée. On est ici pour vous consulter sur toute la question des médicaments. Nous allons déposer – c'est fait, je pense, aujourd'hui même – le projet de loi sur l'assurance-médicaments. «C'est-u» fait aujourd'hui? Attendez. Oui, je me mêle de journée, là, ça va tellement vite! J'aimerais ça vous entendre. C'est quoi, ce à quoi vous vous attendez par rapport à cette loi d'assurance-médicaments?

Mme Nutini (Anne-Marie): Je pense, que le patient ait une couverture pour ses médicaments suffisante pour être traité et ne pas avoir le souci de chercher l'argent pour se payer les médicaments. Ça, c'est fondamental. C'est fondamental parce que c'est des gens, souvent, qui sont dans des conditions précaires, parce que, une fois que vous avez un cancer, vous pouvez perdre votre ouvrage. Donc, c'est important que cette maladie-là soit considérée comme une maladie vraiment primordiale et que les patients y aient droit en respectant, évidemment, les grandes lignes directrices, mais en étant tout de même relativement souple dans ces lignes directrices.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, j'aimerais bien qu'on revienne uniquement sur les médicaments et non sur l'assurance-médicaments. Continuez, Mme la députée.

Mme Charest: Non, ça va. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Nelligan.

M. Williams: Je voudrais, peut-être, suivre un peu la ligne de la dernière intervention et je voudrais savoir, selon votre compréhension... Et, avant de commencer sur ça, je voudrais dire que j'ai été pas mal touché par votre présentation, et, les chiffres que vous avez mentionnés, ça m'a frappé beaucoup, je n'avais jamais pensé que c'était aussi élevé que ça. Mais je ne veux pas tomber dans les chiffres parce que chacun de nous, je pense, connaît des personnes touchées par le cancer, et fort probablement que nous avons tous au moins quelques membres de nos familles touchés par ça. Et je souhaite tout le succès dans vos démarches, ce n'est pas une maladie facile à traiter.

Je voudrais bien comprendre la situation maintenant, avec le système de médicaments et celui qui a été mentionné par la députée de Rimouski. Je voudrais savoir c'est quoi... Maintenant, les médicaments sont tous couverts... Oui, je vais compléter ma question, là. Je voudrais savoir, une fois que nous aurons un régime universel, avec une prime, avec la franchise, avec un copaiement de 20 %, est-ce que plus d'argent va sortir des poches des personnes touchées par le cancer, oui ou non?

Mme Nutini (Anne-Marie): On ne peut pas vous le dire. On ne peut pas vous le dire parce que...

M. Girard (Gilles): Il est difficile de le savoir pour une bonne raison, entre autres, c'est que, à l'heure actuelle, la circulaire «malades sur pied» permet la dispensation des médicaments gratuitement ou à raison de 2 $ par...

M. Williams: Oui.

M. Girard (Gilles): ...séance. Le coût de ces médicaments nous est inconnu. Par contre, maintenant que vous soulevez le sujet, j'aimerais lire très rapidement un passage du rapport Demers...

M. Williams: Oui.

M. Girard (Gilles): ...relativement à la complication qui survient pour les médicaments contre le cancer: «Certains médicaments ne peuvent pas être manipulés en toute sécurité dans les pharmacies d'officines privées ou ne sont pas disponibles en dehors des centres hospitaliers. C'est le cas, par exemple, des antinéoplasiques injectables qui représentent des risques élevés de contamination pour l'environnement et qui doivent être manipulés avec précaution. D'autres médicaments, comme la clozapine ou la cyclosporine, nécessitent une pharmaco-surveillance étroite, basée sur l'analyse des dosages sériques et des tests biologiques disponibles en milieu hospitalier.

«Il apparaît donc pertinent et logique qu'une partie des soins pharmaceutiques associés aux maladies couvertes par la circulaire nécessitent l'infrastructure d'un centre hospitalier pour être rendus adéquatement. Cette constatation est particulièrement évidente pour les cas de cancer, de greffes d'organes, de psychoses sévères ou de citoyens atteints de maladies dont le traitement pharmacologique implique le recours à une médication spécialisée.» Pour dire que, certainement, dans la loi, j'espère qu'il y aura des prévisions pour ce genre de médicaments qui, forcément, doivent être donnés en milieu hospitalier.

(18 h 30)

Mme Nutini (Anne-Marie): Et, si je peux me permettre, je crois qu'il ne faut pas centraliser les centres d'oncologie. Je pense que, justement, les patients qui sont dans des régions relativement éloignées, il faut qu'ils aient la disposition d'avoir ces traitements-là pas loin de chez eux. C'est très important parce que ça peut durer plusieurs mois, et il y a des effets secondaires. Donc, c'est important que ces centres de chimiothérapie puissent être quand même à travers la province et ne pas les centraliser trop, parce que, un traitement anticancéreux, que ce soit à Montréal ou à Rimouski, c'est la même chose. À Matapédia, c'est important que ce soit possible de le faire parce que, en principe, une partie de ces traitements-là se donne en externe ou en ambulaire, et on essaie de conserver le patient autonome le plus longtemps possible dans son milieu.

M. Williams: Merci. Sans aller trop loin sur cette ligne de questionnement, parce que le président m'a rappelé à l'ordre, là. Mais, selon ma compréhension, avec ce copaiement, les personnes avec le cancer vont effectivement payer au-dessus de 1 000 $, maintenant, par année. Aujourd'hui, ils ont les médicaments gratuits, mais maintenant ils doivent payer plus que 1 000 $. Je mentionne ça parce que je voudrais vous questionner sur la page 5. Vous êtes un des seuls groupes, jusqu'à maintenant, qui a parlé de sous-utilisation et pas de surutilisation, et je voudrais savoir: Est-ce que vous pouvez décrire cette situation de sous-utilisation? Et est-ce que vous pensez que le copaiement, la participation financière va augmenter ce problème de sous-consommation?

M. Girard (Gilles): Nous en avons parlé tantôt. Rapidement, c'est à partir d'anecdotes médicales, c'est à partir de perceptions de patients qui font que, généralement, nous soupçonnons que la série d'obstacles qu'une personne atteinte de cancer a à surmonter pour pouvoir tenter de guérir est telle que, effectivement, un nombre inférieur de personnes se font traiter, qui devraient se traiter. Le sujet a débordé sur l'acharnement thérapeutique qui ferait en sorte que des personnes désirent simplement se laisser aller plutôt que de voir le médecin recommander l'application de médicaments qui sont souvent douloureux et qui ont des effets secondaires.

M. Williams: Deux dernières petites questions. Pour respecter votre recommandation 3, où vous parlez de dignité dans la mort, pensez-vous que ça serait utile de, peut-être, faire une exclusion des médicaments qui sont utiles à ce moment de la vie, d'exclure ça du système de copaiement?

M. Girard (Gilles): Si vous me permettez, à mon avis, difficilement. Cette recommandation est issue d'une étude de besoins que la Société a faite en 1988, à laquelle le Québec a participé et où il a été établi clairement que, malgré l'accessibilité et la gratuité des soins, il y avait un nombre élevé de gens qui se plaignaient de la douleur. Et, quand on regarde, dans l'étude, la liste de médicaments, ce sont des médicaments génériques, si vous voulez, contre la douleur – de la morphine et des choses du genre – ou contre les difficultés émotives. Alors, pour répondre à votre question: À mon avis, qui est un avis non médical, difficilement.

Par contre, dans d'autres recommandations, nous faisons le point que le médecin traitant est la personne la mieux au courant de la nature des médicaments dont la personne a besoin, et, possiblement, dans la loi, je ne le sais pas, il devrait y avoir une espèce de flexibilité qui permettrait peut-être.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière, dernière?

M. Williams: Dernière, dernière, M. le Président. Merci. Vous avez mentionné l'importance de la recherche. Est-ce que vous savez combien de millions – je m'excuse de demander toujours des questions d'argent, là, mais nous sommes ici pour étudier les coûts – sont dans la recherche sur le cancer? Et quel pourcentage vient de l'État, des particuliers et du secteur pharmaceutique?

Mme Nutini (Anne-Marie): C'est très compliqué à savoir. C'est très difficile de le savoir parce que certains vont venir des protocoles, bon, de l'Institut national du cancer du Canada, d'autres vont venir par le biais de protocoles américains, d'autres vont venir de compagnies pharmaceutiques. Donc, ce n'est jamais très... Puis certains vont durer, peut-être, un an, d'autres vont durer plusieurs années, donc c'est très difficile de pouvoir dire d'où ça vient. Disons que, au Québec, si vous voulez faire de la recherche, il faut aller souvent, bon, avec des compagnies pharmaceutiques ou aller dans des protocoles nationaux ou internationaux. Donc, c'est très difficile parce que ce n'est pas des chiffres qui sont publiés forcément.

M. Williams: Est-ce que ces compagnies pharmaceutiques jouent un rôle essentiel dans la recherche? Sans leur participation, ça va être difficile?

Mme Nutini (Anne-Marie): Dans un certain nombre de choses, oui, mais, en oncologie, vous ne pouvez pas vous permettre d'utiliser un médicament juste parce que la compagnie pharmaceutique vous dit que c'est bon. Ça, c'est clair, c'est non. D'accord? Mais ils financent toujours parce que ça coûte...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Madame...

M. Williams: C'est correct. Merci beaucoup.

Mme Magnan (Nicole): Si vous permettez, j'aimerais ajouter tout de même que la Société canadienne du cancer finance à peu près 60 % de toute la recherche sur le cancer qui se fait au pays, et ce montant-là se chiffre à environ 35 000 000 $ par année. Alors, si vous faites le calcul, vous en arrivez à 40 %, ce qui représenterait peut-être, grosso modo, 20 000 000 $, 25 000 000 $ qui proviendraient d'autres sources. Mais les gouvernements, dans ça, ne financent qu'une partie vraiment minime de la recherche, tant au niveau fédéral qu'au provincial. En fait, je pense qu'on peut se réjouir que, au Québec, on ait au moins un fonds de recherche, alors qu'il n'en existe pas comme tel dans la plupart des autres provinces.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Mille-Îles, et nous terminerons avec M. le député de Robert-Baldwin.

Mme Leduc: Oui. À la page 9 de votre mémoire, vous suggérez que le ministère de la Santé devrait organiser une campagne publicitaire au sujet de l'accessibilité des médicaments reconnus au Québec dans le domaine du cancer. Bon, si on lit plus loin, c'est vraiment une campagne contre les médicaments non reconnus, finalement, c'est ça, l'essence de cette recommandation-là. Est-ce que vous pourriez élaborer, dans le fond, sur les rôles que votre association, ou des équipes multidisciplinaires, ou d'autres associations semblables à la vôtre pourraient jouer dans ce type de campagne et quelle forme ça... Parce qu'une campagne contre quelque chose – moi, c'est comme ça que je l'interprète, là, vous me corrigerez si ce n'est pas ça – comment ça pourrait se faire, selon vous?

Mme Nutini (Anne-Marie): Disons que, moi, je ne pense pas qu'il faut faire de grandes campagnes, mais, par exemple, si, dans La Presse , on parle de remèdes miracle d'un docteur, professeur X, je pense que, à ce moment-là, quelqu'un, avec une pharmacienne, avec un docteur ou, enfin, les gens concernés, peut venir faire une mise au point. Je ne pense pas qu'il... Parce que c'est des sujets très émouvants, c'est difficile d'aller dire: Bon, bien, n'acceptez pas ça, ça, ça. Je pense que ce qu'il faut... Il y a un problème; à ce moment-là, on peut, par le biais des médias, peut-être, soit à la télévision, soit dans les journaux, expliquer et essayer de faire les choses de façon rationnelle, que ce ne soit pas agressif, parce que, ça, c'est très important, il ne faut pas dire: Bon, bien... Et je pense que ce sont plutôt des mises au point que, moi, je verrais, en tant que telles, par des gens qui ont une certaine expertise et puis qui peuvent venir parler de ça.

Mme Leduc: Parce que c'est ça, moi, ma difficulté. Bon, on dit toujours: Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en, il en reste quelque chose. Alors, si on parle de certains médicaments dans une publicité, ça ne serait pas, compte tenu de la situation que vous avez expliquée, que les cancéreux sont des personnes qui peuvent être facilement tentées d'expérimenter ce type de médicament, des fois, dans le constat de l'insuffisance des médicaments reconnus, des traitements reconnus?

Mme Magnan (Nicole): Je pense qu'un des rôles que la Société s'apprête à jouer – et elle va le jouer de façon systématique auprès de la population – en est un d'information précise sur la nature des médicaments. Nous sommes à mettre sur pied un service d'information téléphonique sur le cancer qui va s'alimenter à partir d'une encyclopédie canadienne du cancer. C'est un service qui va être vraiment accessible à tout le monde, donc aussi bien à un médecin qui va avoir besoin d'information plus précise qu'au patient lui-même qui va vouloir savoir la nature d'un médicament dont il va avoir reçu une ordonnance. Un service aussi élaboré n'existe pas vraiment comme tel dans le moment. Nous donnons, évidemment, de l'information aux gens qui appellent à la Société, comme le font d'autres organismes engagés dans la lutte contre le cancer, sauf que ça ne va jamais tellement loin, on reste dans le superficiel, alors qu'il y a nettement un besoin d'aller plus loin, et nous entendons le faire.

Maintenant, la recommandation avait probablement pour but de faire en sorte que le ministère de la Santé puisse jouer son rôle de chien de garde, également, soit vigilant par rapport à la grande liberté qui semble accordée à n'importe qui qui va avoir sa petite histoire de cure miracle. Les médias sont présentement saturés de toutes sortes de présentations – c'est même à l'intérieur de nos téléromans – qui donnent vraiment en pâture à des gens fort vulnérables des situations tout à fait hypothétiques et qui ont le potentiel d'être nuisibles quand on fait miroiter des cures tout à fait invraisemblables. Et je pense que, tout comme on fait une publicité et comme le gouvernement fait une publicité anti-tabac, par exemple, fort efficace en général, il n'y a rien qui empêcherait une même publicité de rappeler aux gens que seuls les médicaments reconnus peuvent vous guérir, et je pense que ça ferait son chemin. Et ça, c'est une responsabilité qui va bien au-delà de celle d'un médecin, je pense que c'est une responsabilité d'État de faire en sorte que les gens soient prévenus contre la tentation d'aller vers des cures miracle parce que, bon, ils se sentent un peu désespérés, et on peut comprendre qu'ils le soient aussi.

(18 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Leduc: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, ça va?

Mme Leduc: Non, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Une question rapidement puis, ensuite, une conclusion. Avec les délais pour les traitements en chimiothérapie, je pense qu'on a connu des difficultés, soit pour d'autres hôpitaux où les patients sont en attente de leur traitement ou encore ceux qui peuvent être à la maison. Est-ce que vous pouvez nous dire comment c'est actuellement?

Mme Nutini (Anne-Marie): Chez nous, c'est considéré comme une urgence, alors il n'y a aucun problème. Dès qu'un patient a le cancer, la clinique est bourrée, on l'ajoute pareil. Pour nous, un cancer, c'est considéré comme une urgence, aussi bien pour l'investigation que pour le traitement, donc on s'organise.

M. Marsan: O.K. Puis, globalement, dans le...

Mme Nutini (Anne-Marie): Non, moi, je n'ai pas la notion que...

M. Marsan: O.K.

Mme Nutini (Anne-Marie): On le fait dans des conditions, des fois, un petit peu...

M. Marsan: Oui.

Mme Nutini (Anne-Marie): ...mais on le fait parce que, pour nous, c'est une urgence.

M. Marsan: O.K. Alors, je voudrais, en guise de conclusion, M. le Président, remercier le Dr Nutini, Mme Magnan et M. Girard pour la qualité de leur présentation, de leur document et aussi M. Girard pour son témoignage. Je pense que vous nous rejoignez, en tout cas vous nous donnez un éclairage nouveau et extrêmement important sur cette maladie. Et, si vous me permettez, juste en finissant, j'ai parcouru les recommandations, qui sont extrêmement importantes, mais particulièrement la première, «que toute mesure visant à mieux contrôler la consommation des médicaments ait comme premier but l'intérêt du malade», et, moi, j'avais le goût d'ajouter «et non pas le portefeuille de l'État», parce que je suis inquiet de ce côté-là, puis on aura l'occasion de se revoir. D'ailleurs, c'est notre intention à nous de vous inviter en commission parlementaire sur le nouveau projet de loi sur l'assurance-médicaments qui a été présenté aujourd'hui, et j'espère que ça vous fera plaisir d'accepter, comme vous l'avez fait si gentiment aujourd'hui.

Vous dites: «Que du point de vue de l'équité, toute personne atteinte de cancer puisse bénéficier de la médication jugée idéale pour son état quel que soit son statut financier». Je vais le garder à côté de moi pendant toutes les heures que nous allons passer en commission parlementaire parce que, votre affirmation, je pense qu'elle rejoint ce que la population souhaite et veut. Et, enfin, quand vous parlez de dignité dans la mort, eh bien, je pense que vous rejoignez les coeurs de tout le monde, et c'est extrêmement important. Alors, merci beaucoup pour la qualité de votre témoignage.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Taschereau, en conclusion.

M. Gaulin: Je voulais vous remercier, pour la partie gouvernementale, mesdames, monsieur, de votre témoignage, des lumières que vous apportez. Nous avons, nous aussi, notre vade mecum et, en particulier, nous le faisons en fonction de l'assurance de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. On sait, en particulier, quelle hypothèque c'est que la maladie, que ce soit le cancer ou tout l'ensemble des maladies qu'on a vu défiler ici devant nous par des personnes, des spécialistes, et tout. Nous retenons ça et nous voulons justement assurer que, pour ceux qui sont malades, qui ont l'hypothèque d'une mauvaise santé, parfois, bien, il y ait une sorte de couverture qui soit universelle et qui favorise les gens qui sont moins favorisés d'une bonne santé. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, merci beaucoup, au nom de la commission, et les travaux sont ajournés à demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 44)


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