L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le jeudi 28 avril 1994 - Vol. 33 N° 12

Interpellation : « Les coupures dans les programmes de la sécurité du revenu »


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

La Présidente (Mme Loiselle): Bonjour. Bienvenue à cette commission des affaires sociales. Je rappelle le mandat de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'interpellation du député de La Prairie à la ministre de la Sécurité du revenu sur le sujet suivant: les coupures dans les programmes de la sécurité du revenu.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Loiselle): D'accord. Alors, je vais faire un peu un rappel des règles de cette interpellation. Le député qui a donné l'avis d'interpellation intervient le premier pendant 10 minutes. La ministre interpellée intervient ensuite pendant 10 minutes. Les membres de la commission ont ensuite un temps de parole de cinq minutes par intervention et, ensuite, il y a alternance dans les interventions. Vingt minutes avant la fin de la séance, j'accorderai un temps de parole de 10 minutes à la ministre et un droit de réplique de 10 minutes à l'interpellant. Alors, nous allons tout de suite débuter notre échange. M. le député de La Prairie.


Exposé du sujet


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je pense qu'il est important, après au-delà de huit ans de gouvernement libéral, de faire le point sur les répercussions de cette administration concernant les personnes les plus démunies dans la société, les personnes les plus pauvres, et je parle des personnes qui sont obligées d'aller au dernier recours, qui s'appelle l'aide sociale. C'est un groupe très important de notre société.

Je voyais ce matin le dernier rapport du ministère de la Sécurité du revenu et – en passant, je me réjouis qu'on ait condensé dans un seul document ce qui était dans trois documents auparavant – je voyais que le nombre des personnes assistées sociales a monté encore: 790 000 au 1er avril, 475 500 ménages. C'est considérable, Mme la Présidente. Dans l'espace de quatre ans, quatre ans et demi, le nombre des personnes assistées sociales a grimpé de presque 50 %. On va me dire: Oui, mais il a grimpé ailleurs aussi, puis même dans une proportion plus élevée. Tout ça, c'est vrai. Mais je voudrais, ce matin, qu'on fasse un peu l'analyse du comportement du gouvernement à l'égard de ces 790 000 personnes et je veux la faire par deux approches, si vous voulez, qui sont complémentaires: dans quelle sorte de philosophie, par quelle sorte d'approche le gouvernement s'est adressé à ces personnes démunies, le climat qui a été créé, et, deuxièmement, les gestes concrets qui ont été pris par ce gouvernement.

(10 h 10)

Concernant l'approche, je vais citer – parce que, souvent, on dit: Bien, c'est l'Opposition, c'est normal que l'Opposition critique, que l'Opposition s'oppose à ce que le gouvernement fait – je vais utiliser des extraits d'une déclaration du Protecteur du citoyen. Décembre 1993, Me Jacoby a été très sévère à l'endroit du ministère de la Sécurité du revenu, qui gère le programme d'aide sociale, et je le cite: Les pouvoirs publics sèment la confusion parmi leur clientèle par des moyens ambigus, qui laissent croire que les prestataires sont possiblement des fraudeurs. Il s'agit d'un discours tendancieux, qui ne respecte pas la dignité des personnes et jette inutilement des soupçons. Dans l'aide sociale, il y a des superpositions de contrôles, multiplications de contrôles, ce qui devient humiliant pour les bénéficiaires. Ainsi, pour toucher son chèque, un bénéficiaire d'aide sociale doit remplir un document mensuel, subir les contrôles d'inspecteurs, de vérificateurs, d'enquêteurs et se voit imposer l'obligation de se rendre personnellement quérir son chèque.

C'est le Protecteur du citoyen qui dit ça, Mme la Présidente, un personnage de grande crédibilité qui est nommé par l'Assemblée nationale, par les deux partis. Et ce même Protecteur disait plus récemment encore: On est en train d'aggraver la pauvreté en accumulant les mesures sur le dos des plus démunis, disait-il, en ajoutant qu'il serait bien plus normal que les mieux nantis soient appelés à passer davantage à la caisse en cette période difficile pour les finances publiques. Et là il dénonçait, le 15 avril, tout récemment, un des derniers gestes du ministère de la Sécurité du revenu qui consiste à obliger une personne assistée sociale de 60 ans et plus, depuis le 1er avril, à aller chercher sa rente anticipée au Régime de rentes du Québec. C'est une première dans l'histoire du Québec, qu'on oblige des personnes à aller chercher une rente anticipée. J'y reviendrai un peu plus en détail plus tard. Je veux rester dans mes remarques générales.

Ça, c'est le climat, c'est l'approche. Et le climat nous est décrit par d'autres personnes ce matin. Les journaux de ce matin rapportent des titres: «Les travailleurs sociaux veulent refaire l'image des assistés sociaux», dans La Presse . Dans Le Soleil , «Programme d'employabilité: une spirale sans fin». Je vais lire quelques extraits de ces articles, Mme la Présidente.

«Pour la majorité des assistés sociaux, l'adhésion à un programme d'employabilité – parce que le gouvernement fait un grand état des programmes d'employabilité – est une spirale sans fin où l'espoir de réintégrer le marché du travail est aussi infime que celui de gagner à la 6/49.

«Non seulement les programmes de développement de l'employabilité ne sortent pas les assistés sociaux de la pauvreté, mais ils tuent les mécanismes fondamentaux de leur survie.

«Ce cri d'alarme, c'est celui de Mme Renée Dauphinais, présidente de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec.» Je rappelle, Mme la Présidente, que ce sont les travailleurs sociaux qui, quotidiennement, côtoient les personnes assistées sociales; quotidiennement. Et s'il y a un groupe au Québec qui connaît la situation actuelle des personnes assistées sociales, c'est bien les travailleurs sociaux. Coïncidence, le jour où on a cette interpellation, c'est le lendemain d'une conférence de presse qui a eu lieu à Montréal, apparemment.

Et je continue la lecture de cet article du journal: «Forte de 3700 membres, la Corporation a décidé de partir en guerre contre la loi 37 sur la sécurité du revenu» et «elle enjoint la ministre – de la Sécurité du revenu – de modifier et de simplifier les modalités d'application de cette loi dans les centres de Travail-Québec, à humaniser des règles qui dévalorisent et découragent les prestataires et à situer le débat au-delà des responsabilités individuelles, vers la crise de l'emploi et des solutions concrètes à cette crise. [...] Depuis son entrée en vigueur, [...] la Loi sur la sécurité du revenu traite les assistés sociaux en tricheurs potentiels.» C'est quand même grave, comme accusation. Encore une fois, ce n'est pas le Parti québécois qui parle, c'est le Protecteur du citoyen, c'est la présidente de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec.

«De plus, la loi [...] est terriblement difficile à administrer. [...] "Il y a 144 barèmes différents d'aide sociale; 144. Nous-mêmes, travailleurs sociaux, n'arrivons pas à nous y retrouver."» Et elle conclut: «"Notre rôle consiste à recréer avec les gens une solidarité de base. Ne pas le faire consisterait en une forme de non-assistance à la personne en danger."»

On reproche à certains agents de ne pas fournir assez d'information aux prestataires. La loi est tellement complexe que l'agent devrait servir d'intermédiaire et informer pleinement le prestataire. La Corporation affirme – et, ça, c'est grave, Mme la Présidente, j'aimerais que la ministre se penche sur cette question-là, parce que c'est une accusation qui est grave – que des documents ont circulé dans les centres Travail-Québec pour suggérer aux agents de ne fournir aucun renseignement aux prestataires.

Si tel est le cas, Mme la Présidente, c'est honteux et c'est un geste qui mériterait une sanction terrible. On leur demande simplement, aux prestataires: Voulez-vous participer, oui ou non? Puis, vite, décidez-vous! Et j'aurai aussi plus tard confirmation de ça en vous parlant de la soi-disant performance des bureaux d'aide sociale en Estrie, où, comme la ministre le sait parce qu'on en a parlé aux crédits, le pourcentage de prestataires qui sont disponibles est infiniment plus bas, 10 fois ou 15 fois plus bas, que dans la plupart des régions du Québec. Pourquoi? Parce qu'on incite les agents d'aide sociale à ne pas informer suffisamment les prestataires, de façon à ce qu'il y ait le moins possible de prestataires qui soient disponibles et qui touchent un montant additionnel.

Alors, Mme la Présidente, je vois que mon temps achève. Je reviendrai tantôt sur un certain nombre des coupures qui ont été imposées, surtout depuis octobre 1993, et quelques-unes tout récemment. Merci.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député. Mme la ministre, pour une intervention de 10 minutes, s'il vous plaît. Merci.


Réponse de la ministre


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. Alors, nous nous retrouvons ce matin suite à une étude des crédits de cinq heures où il a été dit beaucoup de choses. Alors, à entendre parler le député de La Prairie, on a l'impression qu'à son avis la seule façon de faire évoluer un régime comme celui de la sécurité du revenu consiste à ajouter sans cesse de nouveaux éléments de programmes sans procéder à aucun réaménagement interne. Dès qu'on veut restructurer les budgets pour les affecter à des besoins plus collés aux réalités vécues par nos clientèles, il crie à la coupure – et c'était le titre de son interpellation de ce matin. Je trouve ce raisonnement un peu court.

Quand on gère, Mme la Présidente, un budget de plus de 4 000 000 000 $ par année, comme c'est le cas de celui de la sécurité du revenu, on a l'obligation de faire travailler son imagination, de procéder à des réaffectations d'enveloppes budgétaires selon certaines priorités, de mettre moins d'accent ici pour investir davantage là, bref, d'exercer sans relâche un regard critique sur les choix de dépenses. Gérer, gouverner, ça consiste précisément à choisir, non pas seulement à additionner.

Or, selon la logique que voudrait nous faire partager le député de La Prairie avec sa motion sur les coupures budgétaires dans la sécurité du revenu, il ne peut y avoir aucune soustraction dans les opérations du gouvernement. Le gouvernement est condamnable dès lors qu'il décide d'utiliser différemment les budgets de la sécurité du revenu, parce que, en procédant à ces choix, il se trouve bien évidemment à soustraire dans une colonne pour additionner dans une autre. Or, la soustraction n'est pas admise par le député parce qu'elle fait office de coupure. Pourtant, le budget important consacré à la sécurité du revenu est constamment en requestionnement. Nous gérons un régime dynamique, qui évolue et répond à des besoins changeants qui commandent des réaffectations budgétaires d'un poste à un autre. S'il en était autrement, nous n'aurions aucune prise sur la réalité, et les coûts du régime exploseraient et deviendraient tout à fait incontrôlables.

(10 h 20)

Vous me permettrez, Mme la Présidente, d'illustrer la dynamique du régime de la sécurité du revenu dans son ensemble par un exemple concret. Nous avions constaté qu'un nombre anormalement élevé de bébés issus de familles prestataires de la sécurité du revenu devaient s'alimenter avec du lait de soya. Les parents se faisaient en effet prescrire ce type de lait, prétendument parce que le nouveau-né avait développé une intolérance au lait régulier. Nous avons, en réalité, découvert que ces bébés n'étaient pas différents de ceux des autres familles, que la bizarrerie de nos statistiques résultait simplement du fait que plusieurs familles prestataires se faisaient prescrire du lait de soya parce qu'elles pouvaient obtenir ce lait gratuitement. En un mot, il en coûtait plus de 6 000 000 $ par année pour offrir du lait de soya à des enfants qui n'en avaient pas besoin. Nous avons donc décidé d'utiliser à meilleur escient ce budget et nous avons adopté deux mesures fort appropriées pour les familles démunies.

En premier lieu, nous avons fait passer de 20 $ à 50 $ par mois le montant d'aide additionnelle aux femmes allaitantes, dans une stratégie d'encouragement à l'allaitement maternel, et, en deuxième lieu, nous avons offert aux familles de subventionner l'achat de lait maternisé et de lait de soya au même prix que le lait de vache. De cette façon, les mères vont décider, sans contraintes financières, soit d'allaiter leur enfant, soit d'acheter les préparations lactées les plus appropriées pour la santé de leur nouveau-né. Voilà une façon de réaménager un budget. Selon la logique du député de l'Opposition officielle, le gouvernement aurait pratiqué une coupure dans le budget affecté au lait de soya. La vérité veut que l'on ait plutôt transformé un gaspillage en mesure intelligente pour mieux alimenter les nouveau-nés issus des familles pauvres. Voilà à quoi peut servir un exercice de réallocation des budgets à la sécurité du revenu.

Il en va de même pour l'ensemble du régime. À chaque année, nous réduisons nos dépenses dans certains secteurs pour mieux financer des bonifications apportées au régime de la sécurité du revenu. Nous avons apporté des dizaines de bonifications à la loi et au règlement sur la sécurité du revenu au cours des cinq dernières années. Ces amendements requièrent souvent des crédits additionnels, ce qui nous conduit à réviser des priorités et à réallouer certains budgets au sein du ministère et du gouvernement.

Prenons un autre exemple, celui que le député utilise à profusion: la révision du budget de la mesure Rattrapage scolaire. Quel outrage, clame l'Opposition officielle, que de sabrer des budgets qui permettent aux personnes assistées sociales de retourner à l'école dans l'espoir d'y compléter un secondaire V! Mme la Présidente, ne trébuchons pas sur l'évidence. Nous reconnaissons la criante nécessité pour un grand nombre de prestataires de la sécurité du revenu de parfaire leur formation. Nous voulons continuer à offrir à ces personnes l'accès à des mesures de formation qui leur soient utiles pour réintégrer le marché du travail à court ou à moyen terme. La mesure Rattrapage scolaire continuera à poursuivre ses objectifs. Ce que nous éliminons de la mesure Rattrapage scolaire, ce n'est pas l'accès, je le répète, mais la participation des intéressés: l'échec répété, le laxisme, le manque d'orientation scolaire et professionnel, la fréquentation scolaire à un rythme démesurément lent.

Le député de La Prairie doit savoir que certaines personnes pouvaient, jusqu'à l'an dernier, se contenter de fréquenter un centre de formation neuf à 12 heures par semaine. Il doit savoir aussi que certains prestataires bénéficiaient de vacances scolaires de cinq à six et même sept mois par année, et ces prestataires étaient considérés comme des participants à plein temps, si j'ose dire, à la mesure Rattrapage scolaire. Je ne caricature pas en avançant ces chiffres. Ils illustrent une réalité que nous avons voulu changer et qui n'était pas du tout étrangère aux résultats mitigés que nous obtenions avec cette mesure de développement de l'employabilité. Au rythme où se faisait la participation pour un grand nombre de prestataires – je répète qu'il ne s'agit pas de cas marginaux – il aurait fallu des années, 10 ans, 15 ans, avant que ces personnes ne décrochent un diplôme. Je n'ose pas parler de gaspillage, mais j'estime que l'on faisait subir aux prestataires, à certains endroits, d'évidentes pertes de temps.

Bien sûr, le jour où l'on veut redresser la situation, où l'on veut gérer la mesure Rattrapage scolaire avec un minimum de rigueur, l'Opposition officielle brandit l'oriflamme de l'accès à des activités de formation pour les personnes assistées sociales et parle haut et fort de coupure. Mais ce n'est pas couper que d'éliminer les causes d'échec et d'abandon. Ce n'est pas couper que de s'ouvrir les yeux sur des situations abusives. Il aurait fallu, disait le député de La Prairie, persévérer et se contenter d'un taux d'abandon et d'échec de plus de 60 %. Le député semble s'accrocher au statu quo qui prévalait avant que nous ne procédions au redressement. Pourtant, il disait passablement de mal de ce statu quo, il n'y a pas si longtemps. Subitement, la situation antérieure devient une sorte d'idéal à maintenir, quelque chose comme «le beau risque», je suppose.

Mme la Présidente, la plus grande marque de respect que nous pouvons exprimer envers les prestataires de la sécurité du revenu qui s'engagent dans Rattrapage scolaire consiste à être raisonnablement exigeants: exiger qu'avec l'aide de nos partenaires à l'Éducation ils choisissent des activités de formation et une orientation professionnelle qui correspondent à leur capacité d'apprendre et à leur désir de retourner durablement sur le marché du travail; exiger qu'ils consacrent un temps significatif à leurs activités de formation, ce qui, pour nous, peut difficilement se situer en deçà de 20 heures par semaine; exiger qu'ils soient assidus au centre de formation et consentent des efforts pour réussir. Telles sont les nouvelles exigences, les grands changements que nous apportons à la mesure Rattrapage scolaire.

Voilà ce que le député de l'Opposition semble considérer comme des décisions catastrophiques que nous avons prises dans la mesure Rattrapage scolaire. Ceux qui voudront faire passer les nouvelles exigences dont je viens de parler comme des manifestations d'ostracisme à l'égard des prestataires de la sécurité du revenu exagèrent très nettement. Mme la Présidente, je regrette de devoir utiliser des expressions un peu musclées; ce n'est pas mon habitude. Mais il faut cesser de voir dans chaque réorganisation qui s'impose dans un programme une attaque de notre part contre les pauvres. Il me semble que nous n'avons pas le droit d'exacerber l'inquiétude des clients de la sécurité du revenu en exagérant jusqu'à la démesure la portée des décisions du gouvernement.

Si l'exercice auquel nous participons n'était que joute parlementaire, nous pourrions agir avec un peu plus de désinvolture. Mais il y a des gens inquiets qui nous écoutent. Les médias vont rapporter l'essentiel de nos propos. Nous devons dire que les budgets de la sécurité du revenu n'ont cessé d'augmenter depuis la réforme de l'aide sociale de 1989. Nous devons dire que, si le ministère de la Sécurité du revenu pratique certaines compressions de dépenses dans une composante donnée du régime de la sécurité du revenu, c'est pour mieux financer les améliorations au régime, c'est pour mieux aider les gens plus démunis et pour mieux favoriser le retour à l'emploi des clients de la sécurité du revenu.

J'aurai l'occasion au cours de ce débat de réagir aux propos du député de La Prairie, notamment au sujet de l'obligation qui est faite aux personnes de 60-65 ans qui ont recours à la sécurité du revenu de réclamer leur rente anticipée de la Régie des rentes du Québec. Là encore, je démontrerai hors de tout doute que le député exagère considérablement la portée de cette décision. Je termine donc pour l'instant, pour passer aux échanges.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme la ministre. Avant de commencer le débat de 80 minutes, j'ai besoin du consentement des membres de la commission, pour reprendre les huit minutes de retard, pour finir nos travaux à 12 h 8. Est-ce qu'il y a consentement unanime? Oui?

M. Lazure: Consentement, oui.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci. Alors, je vous rappelle qu'il s'agit maintenant des interventions de cinq minutes chacune. Alors, M. le député de La Prairie.


Argumentation


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. La ministre part d'emblée en disant que le député de l'Opposition ne fait que demander des nouveaux crédits. Mon propos, si elle m'avait bien écouté durant les 10 premières minutes, ce n'était pas du tout, du tout... ne touchait pas les coupures – je vais en parler tout à l'heure, un peu plus tard – mais touchait plutôt l'atmosphère qui a été créée dans le ministère de la Sécurité du revenu.

Je comprends que la ministre essaie d'apporter un nouveau ton. Je comprends ça et je l'en ai félicitée. Mais il reste que le ton qui a été établi, pendant les huit années depuis fin 1985, par ses prédécesseurs, il a fait sa marque. Et ce n'est pas seulement le député de La Prairie qui reprochait ce ton-là, c'est le Protecteur du citoyen, c'est la Corporation des travailleurs sociaux. Et, même si on a un nouveau ton maintenant de la part de la ministre, il va falloir toujours comparer le ton plus compatissant avec les actions, qui le sont beaucoup moins, Mme la Présidente.

(10 h 30)

Et, même si on s'en tient à la question de climat et de ton, je ne pense pas que l'ensemble du caucus ministériel ait compris le ton de la nouvelle ministre de la Sécurité du revenu. Ce matin, dans le journal, on voit: «C'est en Roumanie que le député Lemire voulait "envoyer" les assistés sociaux du Centre-sud...» Le député de Saint-Maurice; sa remarque célèbre qui va passer à l'histoire. Bon, il y a un débat: est-ce que c'était au Rwanda qu'il voulait les envoyer, ou en Roumanie, ou en Bulgarie? Ce n'est pas tout à fait sûr. Chose certaine, c'est que la ministre a beaucoup de travail à faire au sein de son caucus pour que son ton compatissant soit bien compris et soit imité par les députés ministériels. Donc, c'était une question d'attitude.

Je vais commencer par une dernière remarque générale. La ministre a dit: Ce que nous faisons, c'est du réaménagement, de la réorganisation. Mme la Présidente, moi, je me méfie quand les gens utilisent ces mots-là: réforme, réaménagement, modernisation, autant au fédéral qu'ici. Ça se traduit toujours, en bout de ligne, par des réductions de budget. C'est par ça que ça se traduit en bout de ligne.

Rattrapage scolaire. La ministre a dit: Nous ne limitons pas l'accès. Je m'excuse, il n'y a rien de moins vrai. J'ai le tableau, devant moi, du ministère, et, en avril dernier, il y avait 37 000, si ma mémoire est bonne, 37 000... avril 1993, 37 000, et avril 1994, un an après, 23 000, 23 500; 37 000, 23 500... Je réfère au rapport du ministère. Alors, si la ministre dit: Il n'y a pas de limitation de l'accès, il y a quelque chose qui ne va pas. Je pense qu'elle n'a pas encore pris connaissance de tous les rapports de son ministère et, au plan budgétaire, elle veut continuer de limiter l'accès, parce que, là, on le sait, la prévision pour 1994-1995, c'est 20 000; 20 000 bénéficiaires qui pourront aller à Rattrapage scolaire. Donc, on est passé de 37 000 il y a à peine un an à 23 000 puis, là, on veut aller à 20 000.

Mme la Présidente, qu'on vienne raffiner les critères d'admission à ce programme-là, j'en suis, qu'on le fasse, mais qu'on ne coupe pas le nombre de postes disponibles en disant: Il y a trop de décrochage. Si les candidats et candidates ne sont pas bien choisis, il y en beaucoup d'autres... il y en a 40 000 qui attendent, qui sont disponibles – la ministre le sait – 40 000 qui sont disponibles. Qu'on aille puiser dans ces 40 000-là. La solution, quand un programme soi-disant ne fonctionne pas bien parce qu'il y a trop de décrochage, bien, on ne coupe pas le budget de ce programme-là, on ne ferme pas les places. Parce que la commission scolaire de Montréal devrait fermer le tiers de ses places au secondaire parce que, eux aussi, ils ont un décrochage de 52 %.

Alors, Mme la Présidente, je conclus en disant: Nous ne demandons pas de l'argent nouveau, mais nous demandons que l'argent actuel soit utilisé aux bons endroits. Et s'il y a un endroit où il faut favoriser l'accès, c'est bien au Rattrapage scolaire, parce que le diplôme d'études secondaires, en 1994, c'est le minimum des minimums. Et il ne faut jamais oublier que beaucoup de prestataires d'aide sociale ont été des gens qui décrochaient facilement du scolaire. Alors ce n'est pas nécessairement facile de les rattraper, mais ce n'est pas en coupant les budgets à ce poste-là qu'on va y arriver. Merci.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci. Mme la ministre.


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Mme la Présidente, tout d'abord, je remercie le député de La Prairie de son compliment, en fait, de dire que j'ai un ton compatissant. Je voulais commencer cette intervention en lui disant justement que la qualité des services offerts à la clientèle est ma préoccupation majeure, et je puis vous affirmer et affirmer à la population du Québec que tout est mis en oeuvre aux divers paliers du ministère afin que les clientèles soient traitées avec dignité, avec respect et avec compassion.

Gérer la sécurité du revenu, Mme la Présidente, c'est composer quotidiennement avec la pauvreté, et j'en suis très consciente. Nous devons faire preuve de compassion envers les personnes qui sont contraintes de frapper à nos portes et leur témoigner toute la générosité dont nous sommes capables. Et je réponds ainsi aux propos de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux.

M. le député de La Prairie a parlé du Protecteur du citoyen, et j'aimerais citer un passage que le Protecteur du citoyen a dit, et je partage la position du Protecteur du citoyen dans son dernier rapport, et je cite: Correctement appliquées, ces mesures de contrôle peuvent prévenir et mettre fin à certains abus, ceci au bénéfice, finalement, de la vraie clientèle des programmes d'assistance sociale. Alors, donc, je pense qu'il faut avoir un peu d'équilibre de mesures et d'équilibre dans nos propos.

M. le député de La Prairie nous est revenu avec la mesure Rattrapage scolaire, disant qu'il y avait eu une diminution de clientèle. C'est vrai. Il y a eu une diminution de clientèle parce que la ministre, le gouvernement, a choisi de recibler la mesure Rattrapage scolaire parce qu'elle ne répondait pas aux objectifs que nous nous étions fixés, qui étaient un retour éventuel sur le marché de l'emploi. Alors, nous conservons la mesure Rattrapage scolaire, et le budget est ouvert pour les clients qui en ont besoin. Mais les prestataires de la sécurité du revenu qui ne sont plus en Rattrapage scolaire sont acheminés vers d'autres mesures, et nous n'avons pas fait une diminution de nos mesures d'employabilité et de programmes d'intégration en emploi: il y a eu une augmentation, une énorme augmentation de budget.

Je pense, par exemple, au programme PAIE, qui est un programme très populaire, où le budget est passé de 68 000 000 $ à 81 000 000 $. L'ensemble de nos mesures d'employabilité, c'est passé à 103 000 000 $. Je pense à corporation intermédiaire de travail, dont on vous parlera plus tard: il y a eu 21 000 000 $ de fonds injectés sur trois ans, pour une création de 24 000 emplois. Le Soutien à l'emploi autonome: 54 600 000 $ seront injectés en trois ans pour la création de 6000 emplois. Et le Programme de création d'emplois en forêt: 30 000 000 $, pour la création de 900 postes pour les prestataires de la sécurité du revenu.

Alors, il est faux de prétendre que le gouvernement diminue ses investissements au niveau de l'intégration en emploi. Ce qu'il faut dire, c'est qu'il y a des réaménagements de programmes pour que nos mesures, pour que nos programmes soient le plus efficaces possibles et viennent, en objectif ultime, sortir les prestataires de la sécurité du revenu, de l'aide sociale, et les remettre au travail de façon permanente.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme la ministre. Maintenant, M. le député de Trois-Rivières.


M. Paul Philibert

M. Philibert: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir sur la première intervention du député de La Prairie, qui nous disait qu'il voulait faire le bilan de l'administration libérale de 1985 à 1994. Et c'est curieux, on ne s'entend pas sur les mots; j'ai senti que c'était un procès. Il a été bien avisé de choisir la médecine comme carrière parce qu'il aurait fait un très mauvais avocat, parce qu'il ne m'a pas convaincu du tout de la pertinence de son propos. Je pense que, si on veut regarder en perspective l'évolution des dossiers à la sécurité du revenu et faire un peu d'histoire, bien, on va le ramener également à une administration dans laquelle il a été solidaire. Je vais simplement lui parler de Jeunes Volontaires, où les jeunes devaient se contenter de 170 $ par mois pour survivre, payer leur loyer. Alors, ça, il a été solidaire de ça. Il a soutenu ça, ces mesures-là. La parité d'aide sociale: c'est le gouvernement du Parti libéral qui a accordé la parité d'aide sociale. Alors, vous faisiez une discrimination épouvantable, inacceptable pour les jeunes de moins de 30 ans. Vous avez été solidaire de ça. Un gouvernement qui est capable de compassion, c'est un gouvernement qui est capable d'équité envers l'ensemble des composantes de la société. Et l'équité commence par considérer ou, enfin, mettre tout le monde sur le même pied. Alors, dans ce sens-là, je pense que le gouvernement du Parti libéral n'a pas de leçon à recevoir du député de La Prairie.

Également, je suis toujours surpris de l'entendre, un homme de cette stature intellectuelle, nous citer des petits bouts de phrases, nous citer des petits bouts de phrases puis faire le procès de l'ensemble de l'administration de la sécurité du revenu au Québec. C'est, encore là, probablement par déformation professionnelle, parce que tout le monde sait qu'il est psychiatre de formation. C'est probablement qu'il s'adresse, avec son petit bout de phrase, à un petit groupe de neurones du cerveau du monde et qu'à la fin de son intervention il a l'impression d'avoir interpellé vraiment l'ensemble de la problématique. Évidemment, cette approche va le mener très, très longtemps encore dans l'Opposition parce que les gens ne comprendront pas ce message-là, qui manque de cohérence.

(10 h 40)

Je le ramène, d'ailleurs, parce qu'on parlait du Protecteur du citoyen tantôt... Effectivement, le Protecteur du citoyen a parlé des mesures correctement appliquées. Mais son chef, M. Parizeau, dans ses grands élans de compassion, ne s'est pas enfargé dans les fleurs du tapis pour dire que la vérification qu'on devait faire, les mesures de vérification, de contrôle et de surveillance qu'on devait faire pour faire en sorte que l'argent des contribuables puisse aller véritablement à ceux qui en ont besoin, véritablement à ceux qui en ont besoin... M. Parizeau avait dit à ce moment-là, en 1985: Ça prend un gouvernement courageux pour appliquer ces mesures-là, ça prend un gouvernement courageux pour faire les vérifications pour éviter qu'il y ait des fraudes qui soient pratiquées à l'aide sociale.

Donc, je pense que c'est important de le souligner dans la mesure où le ministère de la Sécurité du revenu, dans sa mission, a une double mission: c'est celle de faire en sorte que les gens qui y ont droit puissent avoir les revenus nécessaires, les revenus décents, pas des revenus qui vont les amener dans la félicité de l'abondance ni dans le nirvana, mais au moins qu'ils puissent avoir le nécessaire pour subvenir à leurs besoins; et, l'autre mission, à mon avis, qui est extrêmement importante, c'est celle de faire en sorte que ceux qui sont sur la sécurité du revenu puissent avoir espoir de sortir de cette situation-là.

Et là on en vient avec les mesures d'employabilité. Et, comme gouvernement, je n'accepterais pas qu'on soit uniquement des pourvoyeurs de sous pour combler des besoins minimums, alors que notre mission, puis elle est fondamentale, à mon avis, c'est d'instrumenter et d'aider les gens à se sortir de cette situation-là. Et ce n'est pas le gouvernement qui va les sortir de cette situation-là, c'est eux. Alors, donc, il faut les encadrer. Alors, dans ce sens-là, le gouvernement est pourvoyeur, mais, dans l'autre sens également, le gouvernement a à pousser la compassion même jusqu'à faire des incitatifs qui vont forcer les gens à sortir de la torpeur de la dépendance et à véritablement s'en aller vers la perspective d'intégrer un emploi.

Alors, on m'indique que mon temps est terminé, je reviendrai tantôt, M. le député de La Prairie. Je trouve ça très intéressant de discuter avec vous.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le député de La Prairie.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. La ministre a cité un extrait d'un texte du Protecteur du citoyen, mais il faut mettre l'accent sur l'expression qu'il utilisait, «correctement appliquées»; «correctement appliquées». C'est sûr qu'un grand nombre, la majorité des directives du ministère, je ne les remets pas en question quant au fond, quant au contenu, mais c'est dans la façon de les appliquer.

Sur les programmes d'employabilité, une remarque générale. Je pense qu'il faut constamment garder en tête... La ministre évoque les ajouts de budget au programme PAIE, en disant: On favorise certaines mesures d'employabilité plus que d'autres, plus que le Rattrapage scolaire, disons. Mais je lui rappelle que le programme PAIE n'est pas un programme d'employabilité. Le programme PAIE est un programme d'emploi, subventions aux employeurs, avec emploi temporaire de six mois, neuf mois maximum, à la personne assistée sociale. C'est ça, le programme PAIE, ce n'est pas d'autre chose. Et, à côté de ça, il y a des programmes de formation, tels que le Rattrapage scolaire, et il y a des programmes de développement de l'employabilité, c'est-à-dire donner des outils aux personnes assistées sociales pour qu'elles deviennent plus compétentes sur le marché du travail.

Sur la question de contrôle, nous ne nous sommes jamais opposés à un contrôle normal, mais il y a une marge entre contrôle et harcèlement, et je vais donner des exemples de harcèlement. D'ailleurs, là aussi, c'est le Protecteur du citoyen, c'est la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux qui disent, en toutes lettres, que les personnes assistées sociales sont harcelées par le gouvernement actuel. Je veux parler d'une des dernières mesures, qui est de nature à aller chercher 25 000 000 $. C'est dit textuellement dans la directive, une directive du 24 mars, pour une mesure qui commence le 1er avril. Mme la Présidente, entre vous et moi, c'est un délai qui est assez court, à peine une semaine. Et, ça, c'est un des problèmes sur le climat: les directives arrivent toujours au dernier moment; les prestataires sont informés au dernier moment et pas pleinement informés. Alors, depuis le 1er avril, comme on le sait, les personnes de 60 ans et plus qui viennent à l'aide sociale ou celles qui auront 60 ans et qui sont déjà à l'aide sociale seront obligées d'aller chercher leur rente anticipée.

L'esprit de la loi de 1980, la loi favorisant la retraite anticipée – je peux en parler, de l'esprit et de la lettre, puisque j'ai piloté ce projet de loi là, Mme la Présidente, et c'est une loi qui a été adoptée à l'unanimité par la formation libérale aussi bien que par la nôtre – l'esprit, c'était de laisser aux gens le libre choix de commencer leur retraite à 60 ans s'ils le désiraient, mais avec une perte de revenu, ce qui était normal, 6 % de perte sur la retraite par année. Donc, si on va chercher sa retraite à 60 ans au lieu de 65, on a une pénalité de 30 %. Les chiffres que Mme la ministre va nous donner tantôt pour nous démontrer que ça ne pénalise pas les personnes assistées sociales de 60 ans et plus seront contestés, sont contestés par des chiffres qui apparaissent même dans la directive. À la toute dernière page de la directive, il y a un petit tableau qui démontre qu'il y aura une pénalité à vie de 63,35 $ par mois, donc au-delà de 700 $ par année à vie. L'Association québécoise de défense des droits des retraités demande, dans une lettre du 22 avril – et je pose la question à la ministre: Qu'est-ce qu'elle a l'intention de répondre? – nous vous demandons de retirer cette mesure foncièrement injuste. Les personnes âgées ne sont pas dupes et elles se souviendront. Nous savons que c'est le seul groupe...

J'ajoute un détail: dans la directive, on dit aussi – et la ministre n'en a pas parlé – que le ministère étudie la possibilité d'exiger le même recours de la part des personnes qui ont contribué à des régimes privés de rentes. Autrement dit, on commence par le régime public, le Régime de rentes, on oblige la personne de 60 ans à aller chercher une retraite moindre, et on va aussi bientôt – c'est dans les coupures à venir – obliger les personnes à aller chercher leurs petits fonds de retraite d'entreprise, de compagnie, qui sont déjà très bas, mais en étant pénalisées en allant les chercher. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député. Mme la ministre.


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Alors, Mme la Présidente, M. le député de La Prairie a relevé deux points. Il nous a parlé des mesures d'employabilité. Alors, il y a un ensemble de mesures d'employabilité... Et je suis tout à fait d'accord avec le député de La Prairie que la mesure PAIE n'est pas une mesure d'employabilité, c'est une mesure de réintégration au travail. Nous avons plusieurs mesures d'employabilité et elles sont efficaces, et nous dirigeons les gens qui sont mal orientés vers Rattrapage scolaire, nous les dirigeons aussi vers d'autres mesures d'employabilité, comme EXTRA. Par exemple, les personnes qui ont participé à la mesure EXTRA, 23 % sont sur le marché du travail et y restent. Je sais que ce n'est pas une mesure d'employabilité, mais c'est un programme d'intégration au travail, et, parfois, les gens qui étaient orientés vers Rattrapage scolaire auraient dû être orientés vers PAIE. Des nouvelles statistiques nous disent qu'après 19 mois de participation à ce programme 39 % demeurent en emploi. Alors, je pense que c'est extrêmement important.

Quant à la mesure de la prise de retraite anticipée pour les personnes de 60 ans, vous savez que l'article 30 de la Loi sur la sécurité du revenu stipule que l'adulte seul et les membres de la famille doivent faire valoir leurs droits et se prévaloir des avantages dont ils peuvent bénéficier en vertu d'une autre loi avant d'avoir accès à la sécurité du revenu. Or, la loi du Régime de rentes du Québec prévoit que toute personne ayant cotisé à un régime de rentes, selon certains paramètres, est admissible à une rente du Québec à partir de 60 ans si elle en fait la demande. Et, dans la réalité des faits, la moyenne d'âge à la Régie des rentes pour demander la retraite, c'est 62 ans. Alors, rares sont les personnes qui attendent à 65 ans pour demander leur retraite.

(10 h 50)

Il est important de rappeler également que l'aide accordée à nos prestataires de la sécurité du revenu est une aide de dernier recours. Alors, il est donc naturel que les personnes qui peuvent bénéficier d'autres ressources que la sécurité du revenu, notamment les prestations de la CSST, de la SAAQ, de l'assurance-chômage, d'une pension alimentaire, les utilisent en premier lieu, de même que nous obligeons les futurs prestataires de la sécurité du revenu à dépenser leurs avoirs liquides avant d'avoir accès à la sécurité du revenu. Ça, c'est une chose. Alors, donc, c'était un objectif d'équité.

Par ailleurs, il ne faut pas surestimer, comme le fait le député de La Prairie, l'impact de cette mesure sur notre clientèle. En fait, environ la moitié des 33 000 prestataires âgées de 60 à 65 ans sont susceptibles de recevoir une rente. Parmi ces prestataires, il faut souligner que la réduction de la rente sera compensée en partie par le supplément de revenu garanti du gouvernement fédéral lorsqu'ils atteindront l'âge de 65 ans. Alors, par exemple, je vais vous donner, si je peux trouver ma feuille... Bon, alors, je vais vous donner un exemple concret. C'est que la réévaluation de 63 $ contenue dans la directive était surestimée. C'est 14 $ par mois, la différence entre un prestataire de la sécurité du revenu qui prend sa pension à 60 ans, son régime de rentes à 60 ans, et celui qui prend son régime de rentes à 65 ans. Alors, si je prends un exemple: la personne qui demande sa rente de retraite à 60 ans reçoit le régime de retraite du Québec, qui est de 125 $, l'aide sociale – parce qu'il reçoit l'aide sociale pour le reste – 536 $, ce qui fait un total de 661 $. S'il fait sa demande après, à 65 ans, il reçoit donc... Son revenu après 65 ans, lorsqu'il fait sa demande à 60 ans, il reçoit 911 $. Et, s'il fait sa demande de Régie des rentes à 65 ans, il reçoit 925 $. Alors, c'est un écart de 14 $ par mois, de 1,3 %, à peu près. Alors, je pense que ça ramène ce débat-là à de justes proportions. Je pense que nous avons pris cette décision-là dans un souci de saine gestion, dans un contexte de croissance de clientèle et des coûts, et le ministère entend appliquer la loi et référer les prestataires de 60 ans à la Régie des rentes du Québec.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Richelieu.


M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, Mme la Présidente. Les hausses importantes du chômage qui se sont produites dans la plupart des pays industrialisés ont conduit les gouvernements à multiplier les mesures spéciales propres à favoriser les personnes aux prises avec cette situation afin qu'elles soient mieux préparées à l'affronter. Cependant, malgré tous les efforts consentis au cours des dernières années, la pression est encore très forte aujourd'hui sur les jeunes et sur les personnes licenciées. De plus, on observe que la proportion des sans-emploi affectés par le chômage de longue durée tend à s'accroître, alors que les ministères de la Sécurité du revenu et de l'Emploi consacrent des efforts accrus au développement de l'employabilité et à la formation professionnelle. Il faut en voir les limites. Ces activités de formation et de préparation doivent nécessairement déboucher sur des emplois. Pour affronter cette situation, le gouvernement doit développer des nouveaux secteurs d'activité. Il doit contribuer directement au développement de l'emploi dans des créneaux d'activité négligés par l'économie traditionnelle.

Une mesure du plan de relance annoncé en novembre dernier répond parfaitement à cette stratégie en puisant dans le bassin souvent inexploité des compétences des prestataires de la sécurité du revenu. Par la mise en place des corporations intermédiaires de travail, ce qu'on appelle les CIT, le gouvernement entend investir dans ce programme plus de 21 000 000 $ sur une période de trois ans. Ces investissements permettront la création de plus de 24 000 emplois, nouveaux emplois, d'ici l'année 1997-1998. Mme la Présidente, cette mesure s'adresse à des organismes sans but lucratif qui oeuvrent dans des domaines socialement utiles ou dans des secteurs peu ou pas couverts par l'économie locale.

Les créneaux visés peuvent se diviser en deux grandes catégories, soit la gestion de la main-d'oeuvre et la production de biens et de services. Les organismes sans but lucratif qui voudront être reconnus comme CIT, ou corporations intermédiaires de travail, devront remplir trois critères essentiels: premièrement, avoir comme premier objectif le recrutement des prestataires de la sécurité du revenu dans le cadre du programme PAIE; deuxièmement, être admissibles par un conseil d'administration composé de représentants bénévoles et, troisièmement, gérer des revenus suffisants pour au moins soutenir leurs frais d'administration et assurer la pérennité de leurs opérations.

Mme la Présidente, comme je l'ai déjà dit précédemment, les corporations intermédiaires de travail oeuvrent dans des secteurs de la gestion de la main-d'oeuvre et de la production des biens et des services. Ainsi, elles embauchent des prestataires de la sécurité du revenu et agissent comme contractants auprès des entreprises, des organismes, des municipalités, dont les besoins de main-d'oeuvre sont saisonniers – le domaine de l'agriculture – ou de courte durée, comme les services de maintien à domicile. Ces corporations agissent également comme une entreprise qui produit des biens ou des services. Elles sont présentes dans des secteurs tels que la protection de l'environnement, les services d'entretien ou la mise en place d'infrastructures de loisirs.

Le ministère de la Sécurité du revenu accorde aux corporations intermédiaires de travail les subventions salariales du programme PAIE, soit 204,75 $ par semaine pour chacune des personnes embauchées. Cette subvention salariale est prévue pour une période de six mois et peut s'étendre jusqu'à neuf mois dans le cas des services de maintien à domicile. Mme la Présidente, il est important de spécifier que cette subvention constitue un minimum et que la corporation pourra octroyer, si elle en a les moyens, des salaires plus généreux à ses employés. Les revenus générés par la corporation permettront de garder au service de l'entreprise les travailleurs au terme du contrat PAIE ou de tenir le rôle de promoteur auprès d'éventuels promoteurs.

Mme la Présidente, en terminant, nous pouvons être fiers des résultats obtenus dans ce programme. Le processus est actuellement fort bien engagé, puisque plus de 79 organismes sont déjà reconnus, dont quelques-uns dans mon comté de Richelieu, comme corporations intermédiaires de travail, et ils ont créé à travers le Québec 1200 emplois. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole au député de La Prairie.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Comme j'avais prévu, la ministre a donné des chiffres, qui sont certainement très, très discutables, pour démontrer que, dans le fond, les personnes âgées de 60 ans jusqu'à 65 ans, elles n'ont pas à se plaindre. Dans le fond, c'est ça qu'elle dit. L'AQDR, la FADOQ, tous les groupes de personnes âgées qui se plaignent vertement et vigoureusement depuis quelque temps, ils ont tort. On leur enlève seulement 14 $ par mois à vie: il n'y a rien là! C'est ça qu'elle vient de nous dire. Je demanderais, Mme la Présidente, à la ministre si elle veut déposer ses calculs pour qu'on puisse les analyser comme il faut, parce que ça ne correspond pas du tout aux calculs que, nous, nous faisons.

(11 heures)

Il reste aussi, Mme la Présidente, que c'est un geste odieux. C'est un geste odieux. Parce que, être une personne assistée sociale, c'est déjà très, très pénible. Être une personne âgée, ce n'est pas facile non plus. Mais, là, on touche la personne qui combine les deux. La pire combinaison, c'est: personne âgée assistée sociale. C'est probablement les gens les plus démunis dans la société, et on touche à 33 000 d'entre eux, pour aller chercher 25 000 000 $. La ministre n'a pas contesté que c'était pour aller chercher 25 000 000 $. La ministre n'a pas contesté que c'était une décision de son prédécesseur, qui est maintenant ministre des Finances, qui a eu une promotion aux Finances. Son prédécesseur avait suivi la commande de celui qui était président du Conseil du trésor, qui, lui aussi, a eu une promotion: il est devenu premier ministre. Et la ministre, elle hérite de tout ça. Je comprends qu'elle est mal prise; elle est coincée. Je sympathise avec elle. Elle défend du mieux qu'elle peut des mauvaises décisions, très mauvaises décisions. Mais qu'elle ne vienne pas nous dire, qu'elle ne vienne pas dire surtout aux personnes âgées: Il n'y a rien là! parce que c'est un accroc majeur qu'elle fait à la loi sur la retraite anticipée, qui disait en gros caractères: Ça sera libre; les gens pourront y aller ou ne pas y aller. C'est vrai qu'il y en a. Elle vient de dire qu'il y a un grand pourcentage qui vont chercher leur retraite à 62 ans. Parfait. Mais ces gens-là le font librement. Librement. Et c'est ça, l'accroc grave que son ministère et son gouvernement sont en train de faire dans le domaine des retraites, non seulement pour le Régime de rentes du Québec, mais aussi pour les régimes de rentes privés.

Je vais revenir aux corporations intermédiaires de travail. Le député de Richelieu en a parlé. Dans le plan de relance du gouvernement, 16 000 emplois, une proportion importante. On a même dit du côté gouvernemental que c'était la pierre angulaire du plan de relance de remettre au travail 16 000 personnes assistées sociales. Nous sommes d'accord pour que les personnes assistées sociales travaillent, nous sommes pleinement d'accord, mais encore faut-il parler de véritable travail, de véritables emplois.

Quand la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux disait hier, la présidente: Programme d'employabilité: «une spirale sans fin»... Le programme PAIE, par le biais des corporations intermédiaires de travail, permet à une personne assistée sociale – prenons le domaine social: l'aide à domicile – de travailler neuf mois; c'est le maximum. Autrement, c'est six mois. Qu'est-ce qui arrive après les neuf mois? La personne doit aller à l'assurance-chômage. Après l'épuisement de son assurance-chômage, elle ira à l'aide sociale. Et là elle ne pourra même pas tout de suite aller dans une mesure d'employabilité ou elle ne pourra pas aller à un programme PAIE, elle devra attendre. Dans la situation actuelle, pour aller au programme PAIE, pour retourner au programme PAIE, il faut qu'elle attende six mois, mais, avec le projet de loi 128, ce sera deux ans. Alors, c'est le cycle infernal que nous avons décrit à plusieurs reprises et que les travailleurs sociaux décrivent.

Ce n'est pas ça, de la création de véritables emplois, Mme la Présidente. Vous le savez très bien, dans Saint-Henri, les gens demandent des vrais emplois. Ça, c'est une spirale, c'est un cycle qui est toujours à recommencer. Et, nous, nous disons – et je reviendrai sur les corporations intermédiaires de travail: Au moins dans le domaine social, prolongeons de beaucoup cette période de neuf mois, au moins jusqu'à deux ans, de manière que les personnes âgées à domicile, les personnes handicapées ne soient pas pénalisées et que la qualité des services ne baisse pas. Parce que c'est ça qui va arriver: si on change de personnel à tous les six mois, tous les neuf mois, la qualité des services va baisser de façon sérieuse.

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député, merci. Mme la ministre.


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Mme la Présidente, pour revenir à la retraite anticipée à 60 ans, le ministère de la Sécurité du revenu applique par cela l'article 30 de sa loi qui dit que l'aide sociale, c'est une aide de dernier recours. Alors, donc, il faut que la personne ait épuisé toutes ses ressources avant d'utiliser l'aide de dernier recours. Et je redis ce que j'ai dit tout à l'heure: selon les statistiques de la Régie des rentes, la majorité des gens à revenus modestes... la majorité des gens en général, mais ceux à revenus modestes prennent leur retraite anticipée avant 65 ans. La moyenne, c'est 62 ans. Donc, je pense qu'on suit la ligne de la société. Quant à déposer nos chiffres, ce sont les chiffres de la Régie des rentes du Québec, avec lesquels ont été prises les décisions. Alors, je n'ai aucune objection à déposer ces calculs-là.

Maintenant, concernant les corporations intermédiaires de travail, je veux revenir sur le projet de loi 128 et dire au député, à qui je l'avais dit à l'étude des crédits aussi, que le projet de loi 128 faisait l'objet d'une réévaluation et que j'aurai à déposer des modifications substantielles dans les prochains jours. Le projet de loi est en train de cheminer dans les divers comités ministériels. Alors, très bientôt, j'aurai des nouvelles à ce sujet-là. Alors, il ne faudrait pas trop renchérir sur le projet de loi 128.

Quant aux corporations intermédiaires de travail, oui, nous accordons une importance capitale aux corporations intermédiaires de travail. C'est un budget de 21 000 000 $ sur trois ans qui permettra de créer 24 000 emplois. Je considère extrêmement importante cette création d'emplois. Il est certain que ce n'est pas des emplois permanents, mais il est reconnu... Dans nos mesures d'employabilité, on s'est rendu compte qu'un très grand pourcentage des gens qui ont accès à des mesures d'employabilité, qui ont accès à des programmes de réinsertion à l'emploi réussissent à se garder un emploi permanent par la suite. Alors, ça remet les gens au travail, ça les incite à travailler. Et, moi, je me refuse, je me refuse, Mme la Présidente, à baisser les bras et à laisser les gens sur la sécurité du revenu sans déployer aucun effort pour les réintégrer au marché de l'emploi.

De plus, il y a eu des objections, certaines réserves que certains syndicats ont faites concernant les corporations. Ils avaient des appréhensions à l'égard des emplois des auxiliaires familiales. Nous nous employons à rassurer les milieux concernés et nous travaillons de concert avec Santé et Services sociaux pour que les emplois qui seront créés par les corporations intermédiaires de travail ne viennent pas en dédoublement aux emplois qui sont déjà dans les CLSC. Alors, nous croyons que la situation économique étant ce qu'elle est, le vieillissement de la population étant ce qu'il est, ça fait en sorte que, même s'il consentait des fonds importants, le réseau ne réussirait pas à combler ces emplois-là. Alors, nous pensons qu'il peut y avoir une harmonisation entre le réseau des CLSC et nos corporations intermédiaires de travail pour donner un support accru aux personnes à domicile, entre autres.

Donc, Mme la Présidente, malgré tous les propos alarmistes du député de l'Opposition, je persiste à croire que les corporations intermédiaires de travail sont, pour les prestataires de la sécurité du revenu, une mesure de réinsertion extrêmement importante et je peux vous assurer que nous continuerons nos efforts pour développer le nombre de corporations que nous nous étions engagés à développer et pour développer le nombre d'emplois, soit 24 000 emplois, dans les prochaines années.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme la ministre. Maintenant, le député de Richelieu, s'il vous plaît.

M. Khelfa: Oui.

La Présidente (Mme Loiselle): Est-ce que c'est ça?

M. Khelfa: Oui.

M. Philibert: Oui.

La Présidente (Mme Loiselle): Oui, ça va?

M. Philibert: Je peux...

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Si vous voulez que j'intervienne, je peux intervenir.

M. Khelfa: Oui.

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député de Trois-Rivières.


M. Paul Philibert

M. Philibert: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir d'intervenir à nouveau. On a parlé des corporations intermédiaires de travail. J'écoutais les propos du député de La Prairie qui me surprennent tout le temps, bien sûr. Évidemment, c'est son rôle de critiquer. Mais, essentiellement, je pense que, comme gouvernement, comme ministère, on n'a pas le droit de rester les bras croisés et de distribuer de l'argent aux prestataires et de faire en sorte qu'ils deviennent complètement dépendants et qu'ils se dévalorisent, en quelque sorte. Parce qu'on sait que c'est une épreuve épouvantable pour les gens de se retrouver sur la sécurité du revenu, qu'ils développent un manque de confiance en eux qui est inacceptable et qu'ils développent également le syndrome de la boîte à malle, comme j'appellerais, c'est-à-dire qu'ils sont dépendants de leur chèque à chaque mois et que, donc, ils encadrent leur vie à partir de cette chose-là.

Je pense que, comme ministère, comme gouvernement, on n'a pas le droit, en conscience, de laisser des talents se gaspiller, de laisser des gens qui peuvent avoir des initiatives et qui peuvent rendre service à la communauté, de les laisser chez eux comme ça. On doit leur donner la chance de faire des apprentissages, de faire des expériences en milieu de travail qui leur permettent, premièrement, de se revaloriser, de reprendre confiance en eux, mais qui leur permettent également de rendre service à la communauté.

(11 h 10)

Ce que nous suggère le député de La Prairie, c'est que ce ne serait pas, dans son esprit, des vraies jobs. Que des gens aillent se valoriser dans des services à la communauté, pour lui, c'est insignifiant, ce n'est pas des vraies jobs. Si on suivait son raisonnement, il n'y aurait pas un député à l'Assemblée nationale parce que ce n'est pas une job permanente, ça. Si on suivait son raisonnement, il n'y aurait personne dans les universités parce qu'il n'y a personne qui sait qu'avec la formation qu'il va aller se chercher il va avoir un travail en sortant, surtout avec les mutations qu'on retrouve actuellement au plan industriel, et on sait qu'il y a beaucoup d'insécurité. Alors, les universités se videraient, les cégeps se videraient, les collèges se videraient. Il n'y a personne qui prendrait des initiatives de se développer et de faire des expériences, que ce soit à l'école primaire, secondaire, au collège ou à l'université. Mais quelle sorte de raisonnement pour un homme d'une si grande valeur! Je suis découragé, Mme la Présidente, je suis découragé. Surtout qu'il y a 37 % de ceux qui font des expériences dans les corporations intermédiaires de travail... Il y a un taux de rétention de 37 % de gens, sur les mesures d'employabilité en général, qui, donc, se trouvent un emploi permanent. Est-ce qu'on a le droit, comme gouvernement, de les priver de ces expériences-là? Je ne pense pas, M. le Président.

Il y a d'autres facettes également de l'intervention du ministère qui sont extrêmement importantes, c'est toute la question des emplois autonomes. Il y a des gens qui ont du talent. Il y a des gens sur la sécurité du revenu, d'ailleurs, qui ont de la formation, qui ont une formation. Ils doivent être aidés, ces gens-là. On se doit de les respecter, au fond. Ce que le gouvernement du Québec fait, ce que le ministère de la Sécurité du revenu fait, c'est de les aider, ces gens-là, c'est de les stimuler, de leur dire qu'ils ont du potentiel, de leur dire que, s'ils essaient, ils ont des chances de réussir. Et, ça, ça me semble indispensable qu'on le fasse comme gouvernement. Ça me semble aller bien au-delà de la compassion. Ça me semble une approche qui, à sa face même, doit être non seulement maintenue, mais doit être développée encore davantage.

Je reviendrai tantôt, Mme la Présidente – on me fait signe qu'il me reste seulement une minute – sur toute la question des emplois autonomes. Je pense que c'est un programme également, c'est un volet de l'intervention du ministère de la Sécurité du revenu qui est très, très, très important, qui est très, très générateur également d'initiatives et qui interpelle non seulement le ministère de la Sécurité du revenu, mais qui interpelle également une innovation que nous avons faite, au gouvernement du Québec, en créant la Société de développement de la main-d'oeuvre, qui s'associe avec le ministère de la Sécurité du revenu pour aider les prestataires à se créer un emploi par une initiative qui relève ou, enfin, qui s'inspire des talents que les gens ont. Alors, je conclus sur ça. On reviendra tantôt, M. le député de La Prairie.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député de Trois-Rivières. Maintenant, je cède la parole au député de La Prairie. M. le député.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Deux mots en rapport avec le petit discours du député de Trois-Rivières. Il a fait allusion à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Si, justement, le gouvernement était sérieux quand il dit qu'il veut créer 16 000 emplois par le biais de PAIE, pourquoi est-ce qu'il ne confie pas au ministère de l'Emploi cette tâche-là? Pourquoi garder au ministère de la Sécurité du revenu l'administration du programme PAIE? Pourquoi est-ce que ça ne passe pas à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre? Et là peut-être qu'on aurait des chances que ça devienne des véritables emplois.

Deuxième remarque. Je cite une lettre d'une personne assistée sociale qui a fait des programmes EXTRA, puis elle pose une question à la ministre: La ministre peut-elle nous expliquer quelle expérience de travail une femme de 40 ans va aller chercher avec un EXTRA – le programme Expérience de travail – dans le maintien à domicile qui consiste, en d'autres mots, à faire le ménage dans la résidence d'une autre personne? Penser qu'une femme de 40 ans n'est pas capable de faire du ménage, qu'elle n'a pas déjà l'expérience voulue pour faire du ménage, c'est être déconnecté, c'est avoir peu d'estime pour les autres.

Si on appelle ça une vraie expérience de travail, un programme d'employabilité, aller faire du ménage, voyons, ce n'est pas sérieux! Ce n'est pas sérieux! Il existe actuellement environ 8000 postes, depuis quelques années, qui ont été occupés par des programmes EXTRA, Expérience de travail, pour le maintien à domicile, justement, et ce sont ces postes-là qu'on veut transformer en postes de PAIE. Le gouvernement reconnaît qu'il y a un besoin, tout le monde reconnaît qu'il y a un besoin pour la création de postes permanents en maintien à domicile. Pourquoi, au lieu de créer la confusion, de créer des problèmes graves de relations de travail, pourquoi on ne crée pas 8000 postes permanents, puisqu'on reconnaît qu'il y a un besoin pour 8000 postes permanents? Les complications que cette invasion massive de corporations intermédiaires de travail va créer sont innombrables, Mme la Présidente, innombrables, dans les CLSC et ailleurs. Mais tenons-nous-en aux CLSC pour le moment.

J'ai devant moi un texte qui émane de la Fédération des CLSC, qui parle de différents aspects de ce nouveau programme. Une parenthèse, avant: on nous dit qu'il y a environ 80 corporations intermédiaires de travail; il y en avait, avant le plan de relance, une quarantaine. Donc, on en a créé une quarantaine en cinq, six mois. Puis on veut en créer 800. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça va prendre plusieurs années, à ce rythme-là. Et, sur les 80 qui existent actuellement, il y en a 34 qui sont des centres de travail adapté pour personnes handicapées. Ça, c'était déjà tout préparé, ça a été une opération relativement facile. On va en reparler tantôt.

Mais revenons aux CLSC. Un des problèmes que ça va créer, le document dit: Les clientèles informées par les CLSC de l'existence des corporations intermédiaires de travail seront informées que la contribution n'est pas réglementée, elle est soumise aux lois du marché et sera établie en fonction des coûts de production de la corporation intermédiaire de travail. Vous voyez la pagaille qui va arriver, dans le CLSC Saint-Henri comme dans tous les CLSC du Québec. Là, on va avoir des problèmes de tous ordres.

Premièrement, les auxiliaires familiales qui sont déjà embauchées par les CLSC, il y en a quelques milliers, qui reçoivent un salaire d'environ 14 $ l'heure pour aller faire les mêmes tâches, à toutes fins pratiques, que celles qu'on voudra faire faire par les personnes assistées sociale; à toutes fins pratiques, les mêmes tâches. Alors, vous aurez un groupe payé 14 $ l'heure et un autre groupe, 6 $ ou 7 $ l'heure. Mais, en plus, vous aurez une confusion quant aux tarifs chargés aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Ces services-là ont été gratuits depuis plusieurs années. Depuis quelques années, le gouvernement libéral a laissé les CLSC ou des organismes privés envahir ce domaine en chargeant des tarifs, et il n'y a aucun contrôle. Et je pose la question à la ministre: Est-ce qu'elle ne pense pas qu'elle devrait parler à sa collègue de la Santé, responsable du réseau des CLSC, pour mettre un peu d'ordre là-dedans? Si vous êtes pour faire une invasion massive du domaine de l'aide à domicile pour créer des soi-disant emplois de six mois, neuf mois, mettez au moins des balises qui ont de l'allure.

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député, merci. Mme la ministre.


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Mme la Présidente, il est bien évident que la ministre de la Sécurité du revenu est en contact étroit avec la ministre de la Santé concernant les corporations intermédiaires de travail et les services à domicile. Alors, je vais répondre directement aux diverses questions du député de La Prairie.

Premièrement, les régies régionales sont parties prenantes et participent à l'accréditation des corporations intermédiaires de travail, et les tarifs vont être adoptés de concert avec ces deux organismes-là. Donc, ce n'est pas la pagaille, comme dit le député de La Prairie.

Quant aux relations de travail, nous sommes en concertation avec Santé et Services sociaux. J'admets, je concède au député de La Prairie que toute nouvelle mesure, tout nouveau programme peut créer une certaine insécurité dans le milieu, mais tout a été mis en oeuvre pour que ça se fasse correctement et que ces services-là viennent supplérer aux services qui sont déficients, je dirais, dans le système.

M. le député de La Prairie faisait allusion à une lettre, qu'il lisait dans un journal, d'une dame qui disait qu'elle n'avait pas besoin de mesures d'employabilité pour apprendre à faire le ménage. C'est bien clair. C'est justement la raison pour laquelle nous avons transformé ces mesures d'employabilité en véritables emplois. Nous considérons que, dans les corporations intermédiaires de travail, plusieurs se transformeront en emplois réels. Et il n'y a pas de sot emploi; ça, c'est très clair.

(11 h 20)

Vous savez, les études et les évaluations produites au Québec, et ailleurs aussi, démontrent que les emplois subventionnés offerts aux prestataires de la sécurité du revenu, même s'ils sont d'une durée limitée, et c'est ce que nous reproche beaucoup le député de La Prairie, offrent un fort potentiel d'intégration durable en emploi. Nos évaluations démontrent que, sept mois après la fin d'une période de subvention, 40 % des personnes qui ont participé au programme PAIE ont obtenu au moins un emploi depuis lors, comparativement à 14 % des personnes qui n'ont pas participé à un programme. Alors, les résultats des expériences québécoises sont corroborés par les résultats obtenus ailleurs. Dans son bulletin de mai 1993, l'OCDE souligne que le développement des contrats à durée déterminée peut aussi accroître les chances des chômeurs de longue durée à retrouver un emploi, comme en témoigne ce qui a été fait récemment en France, où près des deux cinquièmes des chômeurs de longue durée qui ont trouvé du travail en 1989 étaient titulaires de contrats temporaires, et en Espagne, où la proportion atteignait pas moins des quatre cinquièmes.

Alors, donc, l'intégration en emploi des clients de la sécurité du revenu requiert une mobilisation – et, ça, c'est important – de tous les partenaires socioéconomiques du Québec. Ce ne doit pas être la lutte seulement du ministère de la Sécurité du revenu, mais tous les partenaires doivent s'y mettre, mettre l'épaule à la roue. Si nous nous cantonnons dans les sentiers battus, si chacun se réfugie dans des habitudes corporatistes, les places sur le marché du travail ne s'ouvriront pas toutes seules pour les clients de la sécurité du revenu, qui risquent alors de devenir des exclus définitifs du système économique.

Alors, il faut voir les emplois générés par les corporations intermédiaires de travail avant tout comme un tremplin, et c'est ça, le message que je veux laisser, un tremplin qui permet aux ex-prestataires d'accéder à un premier emploi ou de reprendre confiance en leur capacité de reconquérir le marché du travail. Vous savez, il y a beaucoup dans la confiance des gens à retourner sur le marché du travail, et c'est ce petit coup de pouce que nous voulons leur donner, avec l'appui du milieu, pour que ces gens-là puissent avoir la chance de retourner en emploi. Peut-être pas tout le monde nécessairement à temps plein immédiatement, mais ils auront eu au moins la chance de reprendre connaissance avec le monde du travail.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme la ministre. Maintenant, c'est au tour du député de Richelieu. M. le député.


M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, Mme la Présidente. Le gouvernement libéral s'est toujours montré attentif au bien-être des Québécoises et en particulier des femmes clientes de la sécurité du revenu. Sans vous inonder de chiffres, j'aimerais quand même vous rappeler que le nombre total de ménages à la sécurité du revenu est de... 48,6 % des requérants sont des femmes. La famille monoparentale représente plus de 20 % de la clientèle totale. Je voudrais également souligner que le nombre de femmes qui participent aux mesures d'employabilité du ministère correspond à 54,2 % du total des participants. Au Québec, plusieurs dispositions de la sécurité du revenu touchent particulièrement la clientèle féminine.

Avant septembre 1990, le conjoint inactif d'un étudiant ne pouvait bénéficier ni du régime d'aide financière aux étudiants ni de l'aide de dernier recours. Depuis cette date, une personne qui habite avec un étudiant a accès à un barème spécial de la sécurité du revenu. Actuellement, 63 % des prestataires qui ont accès à ce barème sont des femmes.

Le ministère offre également un meilleur soutien aux femmes victimes de violence qui séjournent ou qui ont récemment séjourné en maison d'hébergement, en leur offrant le barème de non-disponibilité pour une période de trois mois. Le barème de non-disponibilité met à leur disposition 100 $ supplémentaires par mois.

Parmi les personnes qui risquent, malgré elles, de développer une dépendance durable à la sécurité du revenu si nous ne leur prêtons pas une attention particulière, on compte un grand nombre de chefs de famille monoparentale. L'ampleur des problèmes personnels que doivent surmonter plusieurs chefs de famille monoparentale, dont l'immense majorité sont des femmes, comme vous le savez très bien, représente un obstacle important à leur intégration au marché du travail. Il faut s'attaquer à ces problèmes, offrir à ces personnes des mesures d'accompagnement, de soutien, des démarches de formation et d'aide à l'emploi pour qu'elles aspirent à l'indépendance financière.

Entre-temps, bien entendu, il faut que le régime de la sécurité du revenu leur permette de vivre dans la dignité et de traverser leurs difficultés personnelles. C'est principalement pour ces ménages que nous avons développé l'allocation-logement, dont 70 % des bénéficiaires sont des femmes, sont des chefs de famille monoparentale. Il ne faut pas oublier que les femmes chefs de famille monoparentale sont les seules personnes qui ont droit à des prestations de la sécurité du revenu lorsqu'elles sont aux études postsecondaires à temps plein.

C'est également pour elles et pour leurs enfants que notre gouvernement a bonifié les mesures d'encouragement à l'allaitement maternel et que nous prenons à notre charge une bonne part des coûts d'achat des préparations lactées pour bébés. Mme la Présidente, il s'agit d'un investissement dans la prévention, parce que, en encourageant les femmes enceintes et celles qui allaitent à mieux s'alimenter et à nourrir plus adéquatement leur nourrisson, on améliore l'état de santé des nouveaux bébés, des nouveau-nés et de leur mère.

Lors de leur intégration au marché du travail, les femmes chefs de famille monoparentale peuvent aussi profiter de mesures particulières. Ainsi, elles ont accès au Programme d'aide à l'intégration en emploi, le programme PAIE, dès leur entrée à la sécurité du revenu. Contrairement aux autres prestataires, l'attente de six mois n'est pas nécessaire pour cette clientèle. Une autre mesure est uniquement destinée aux chefs de famille monoparentale: ceux-ci peuvent conserver leur carte-médicaments pendant six mois après l'intégration au marché du travail.

Plusieurs mesures sont autant accessibles aux hommes qu'aux femmes lors de la naissance d'un enfant. Mais, comme vous le savez, Mme la Présidente, ce sont les femmes qui en profitent plus souvent. La Loi sur les normes du travail permet aux nouveaux parents, lors d'une naissance ou d'une adoption, de prendre un congé parental qui peut durer 34 semaines.

Donc, Mme la Présidente, ce sont des mesures réelles, directes, à une clientèle qui en a besoin, puis, comme gouvernement, comme membre du gouvernement, je suis fier que nous puissions donner cette aide.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député. Maintenant, M. le député de La Prairie.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Mme la Présidente. Si la ministre n'a pas d'objection, nous, on serait intéressés à avoir le document qu'elle a cité tantôt, où, après un programme PAIE, 40 % vont vers des emplois. Deuxièmement, si elle pouvait aussi déposer à cette commission la liste des corporations intermédiaires de travail.

Je reviens sur les CLSC. J'ai devant moi un article de La Voix de l'Est , c'est tout récent, mercredi le 20 avril: «Le CLSC n'a pas encore décidé de s'associer aux CIT. Sensibilisé aux inquiétudes que soulève dans le milieu la possible mise sur pied de corporations intermédiaires de travail pour les soins à domicile, le CLSC de la Haute-Yamaska se lancera dans une étude exhaustive du dossier.»

Le CLSC se pose des questions comme celles-ci: «Les CIT auront besoin de faire de l'argent pour couvrir leurs frais de local, de téléphone, de papeterie... Les utilisateurs devront-ils payer pour avoir accès aux services?» Et, si oui, combien? Parce que, dans le moment, je l'ai dit tantôt, c'est gratuit, ces services-là, pour la plupart des cas. «Auront-ils droit à des services de qualité, alors que le personnel affecté n'aura pratiquement pas de formation?» Autant de questions graves que les gens se posent.

Dans le document de la Fédération des CLSC, on dit: La mesure envisagée par le ministère vise à accentuer la réinsertion des prestataires de la sécurité du revenu et à susciter le développement de l'emploi. Toutefois, dans le contexte présent, la dynamique de ce programme doit s'articuler avec une vision de fourniture de services et non dans la seule expectative d'employabilité ou de plateau de réinsertion.

Autrement dit, quand la ministre prétend que c'est un tremplin, un programme PAIE, la personne qui va faire neuf mois de travail domestique à domicile dans le cadre de l'aide à domicile, dans le cadre d'une corporation intermédiaire de travail, ce tremplin-là va l'amener où? Elle ne peut pas rester. Le tremplin ne peut pas la propulser dans le domaine du maintien à domicile, parce que ce domaine-là va être occupé par les 8000 personnes qui vont se succéder de neuf mois en neuf mois. Alors, après ses neuf mois, le tremplin, il mène où? Il mène à l'assurance-chômage, puis, après ça, il ramène à l'aide sociale, et ainsi de suite.

(11 h 30)

Je voudrais parler aussi des centres... Une dernière remarque sur les CLSC. Deux des exigences du ministère sont enfreintes... Il y a une faute au départ. Le ministère ne respecte pas deux de ses exigences, la première, qui dit: donner une politique salariale conforme aux réalités de l'activité, alors que ça donne 7 $ au lieu de 14 $ qu'on retrouve dans les CLSC. La deuxième faute du ministère, il ne respecte pas la condition suivante: faire en sorte que soient évitées les activités pouvant entraîner une substitution directe d'emplois. Il y en a une, substitution, qui va se faire, et c'est déjà commencé. Les auxiliaires familiales qui sont sur des listes de rappel dans les CLSC ne sont plus rappelées. Elles ne sont plus rappelées. Et c'est une substitution directe d'emplois qui se fait. Alors, le ministère enfreint ses propres règlements.

Parmi les 80 corporations intermédiaires de travail, il y en a 34 qui sont des centres de travail adapté – réseau établi par la loi 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées – financés par l'Office des personnes handicapées. Là, on fait un tour de passe-passe: étant donné que le gouvernement libéral n'a pas consacré un sou de plus depuis 10 ans pour augmenter le réseau des CTA, des centres de travail adapté pour les personnes handicapées, là, on va se servir des corporations intermédiaires de travail. Mais le problème, c'est que, sur les 150 personnes engagées depuis quelques mois dans les centres de travail adapté, il n'y en a pas 30 qui sont des personnes handicapées. Ça vient dénaturer l'esprit de la loi. L'esprit de la loi qui a créé les centres de travail adapté, c'était, d'abord et avant tout, pour des personnes handicapées. Il était convenu qu'il y aurait une minorité de personnes non handicapées. C'est un autre exemple de confusion, pour ne pas dire plus, de pagaille que ça va créer dans un réseau important, celui des centres de travail adapté pour les personnes handicapées.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député. Mme la ministre.


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Alors, Mme la Présidente, je commence avec la fin de l'intervention de M. le député de La Prairie, pour dire que les corporations intermédiaires de travail ne se sont pas créées en vase clos et qu'il y a eu des consultations importantes faites avec l'Office des personnes handicapées quant à la création des corporations intermédiaires de travail.

M. le député de La Prairie nous a demandé de déposer des statistiques démontrant la rentabilité des mesures d'employabilité. Nous avons, pas une directive, mais une opération qui s'appelle la Relance – nous évaluons de façon régulière nos mesures d'employabilité – ça me fera plaisir de la faire parvenir au député de La Prairie, ainsi que la liste des corporations intermédiaires de travail déjà existantes, et il s'en crée presque hebdomadairement, pour ne pas dire quotidiennement.

M. le député de La Prairie nous a demandé: Que feront les gens suite aux six mois ou neuf mois des corporations intermédiaires de travail? D'abord, un petit nombre, un nombre restreint, je le concède, mais un certain nombre resteront au sein des corporations intermédiaires de travail, parce qu'elles génèrent leurs propres profits, et un certain nombre pourront rester à l'emploi des corporations intermédiaires de travail comme employés réguliers. Et, je le répète pour la troisième fois, 40 % des personnes qui ont participé à un programme PAIE restent en emploi après. Alors, ça va permettre – et je pense que c'est ça, le principal objectif – à un prestataire de la sécurité du revenu de reprendre contact avec le monde du travail. Il ne conservera probablement pas cet emploi premier, mais ça va l'aiguillonner, l'aiguiller vers un autre emploi, et je reste persuadée que c'est positif. Et, moi, je refuse de ne rien faire; il faut tout déployer pour permettre que les gens reviennent sur le marché du travail. Je trouve – je veux mesurer mes expressions – déplorable que le député dénigre les efforts que les prestataires déploient pour accéder à un emploi et dénigre les efforts du gouvernement également pour permettre aux prestataires de se dénicher un emploi.

Je voudrais revenir sur une allégation, au début de l'intervention du député de La Prairie, en tout début de séance, sur la clientèle de la sécurité du revenu. C'est vrai que la clientèle a augmenté, mais il faut se comparer au reste du Canada. Vous savez que la clientèle s'est accrue, depuis 1985 – et je vois le député qui s'impatiente – de 9,5 % au Québec, mais de 50,5 % au Canada. Et la performance, entre guillemets, du Canada a été lourdement hypothéquée par la situation en Ontario, où l'augmentation des prestataires de la sécurité du revenu a connu un bond de 136,9 % durant la même période. Alors, nous avons une performance assez exemplaire au Québec. Et imaginez-vous les sommes additionnelles qu'il aurait fallu débourser si nous avions eu une telle hausse de prestataires de la sécurité du revenu: il en aurait coûté 4 800 000 000 $ de plus – le budget annuel de la sécurité du revenu – si nous avions connu une telle hausse.

Et qu'est-ce qui a fait que nous n'avons pas connu cette hausse? C'est certain que la situation économique est la même à peu près pour tout le monde au Canada. Toutes les mesures que nous avons adoptées, la réforme de l'aide sociale, toutes les mesures de réinsertion en emploi, les programmes d'intégration en emploi, les mesures d'employabilité, toutes ces mesures-là ont permis de circonscrire le nombre de prestataires de la sécurité du revenu, et je pense que c'est un effort extrêmement important.

Ça fait presque une demi-heure que nous discutons sur les corporations intermédiaires de travail: voilà un bel exemple d'imagination, d'originalité que le gouvernement du Québec a eues, en collaboration avec le milieu, pour sortir les prestataires de la sécurité du revenu du cercle vicieux de la sécurité sociale.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Trois-Rivières. M. le député.


M. Paul Philibert

M. Philibert: Merci, Mme la Présidente. Non pas pour rajouter aux propos de la ministre, mais pour confirmer ma conviction de mon soutien à l'orientation du gouvernement. Je me sens presque indigné des propos du député de La Prairie tantôt. On sentait qu'il voulait mettre en opposition ceux qui travaillent dans une institution, comme dans un CLSC, et ceux qui, par leur situation précaire sur la sécurité du revenu, ont la chance d'aller faire un stage de participation par l'intermédiaire d'une corporation intermédiaire de travail. Et, ça, je trouve ça un peu vicieux, Mme la Présidente, je trouve ça un peu vicieux et je trouve ça un peu inacceptable qu'on puisse suggérer à des gens qui sont déjà en institution qu'ils pourraient être menacés par du monde qui veut améliorer leur statut. Je trouve ça assez inacceptable.

Je vais conclure sur ça pour simplement, maintenant, vous entretenir de notre programme Soutien à l'emploi autonome. On sait qu'il y a un plan de relance qui a été annoncé par le ministère de l'Industrie et du Commerce, et, dans ce plan de relance, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu a été interpellé. On a parlé des corporations intermédiaires de travail; on a également le programme Soutien à l'emploi autonome, et c'est un autre bel exemple de la confiance que le gouvernement du Québec a dans des initiatives qui peuvent être prises par des individus qui ont du potentiel et qui veulent devenir leur employeur, qui veulent donc renouer avec l'autonomie financière, qui veulent se prendre en main et qui veulent mettre leurs talents au service de la société. Ces gens-là, bien sûr, ont des projets, ont des idées, ont de l'imagination. Ils ont de l'imagination, d'ailleurs, ces gens-là. Il y en a parmi ceux-là qui ont tellement d'imagination qu'ils pourraient faire de bons députés libéraux. Ils ont quand même des difficultés pour mettre leurs idées de l'avant, alors on leur donne du soutien pour pallier aux difficultés de démarrage.

(11 h 40)

C'est dans ce sens-là, tantôt, que j'ouvrais une parenthèse et que je disais que c'est un programme qui interpelle la Sécurité du revenu, mais qui est également conjoint avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et qui a une expertise qu'il a développée et qui est en train de développer une expertise assez intéressante sur les besoins, d'abord, de... qui interpellent notre société en termes de services à lui rendre. Donc, cette participation conjointe permet de sélectionner les projets pour s'assurer qu'ils sont viables. Ils ont également une expertise en formation, en formation des affaires, en développement des affaires et en financement. Parfois, la plus belle des idées, si elle n'est pas encadrée, si elle n'est pas soutenue par une approche d'affaires, bien, elle va mourir. Alors, la Société de développement de la main-d'oeuvre offre des services de ce côté-là qui permettent aux gens, donc, de démarrer leur propre entreprise, de créer leur emploi.

Et ce qu'il y a d'intéressant dans ce programme-là, c'est que les gens dans la période de prédémarrage ont accès aux barèmes de participation, donc 150 $ pour six mois, pour les six premiers mois. Et, si le projet s'avère viable, ils sont admissibles à PAIE. On sait que le député de La Prairie nous a dit qu'il n'aimait pas bien, bien ça, PAIE, mais, je veux dire, on investit 54 600 000 $ dans ce programme-là, pour 6000 prestataires de l'aide sociale. Donc, ces gens-là, pour continuer leurs démarches, vont recevoir 204,75 $ par semaine pendant 12 mois. Et, ça, ça s'ajoute aux gains que génère l'entreprise qu'ils auront créée. Au terme de ça, ils seront devenus autonomes, ils auront créé leur emploi et ce seront des citoyens à part entière, qui auront quitté la dépendance de l'État et qui seront valorisés parce qu'ils sont productifs pour la société.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député de Trois-Rivières. Maintenant, M. le député de La Prairie, pour une dernière intervention de cinq minutes.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Ah! c'est dommage que ce soit la dernière. J'ai beaucoup de choses à dire encore. Merci.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Loiselle): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Lazure: Je vais vous parler deux instants pour revenir aux propos du député de Trois-Rivières, qui laisse entendre que j'alimente des chicanes entre organismes. Je vous cite un texte, un document. L'Association québécoise des entreprises adaptées, ça, c'est l'association qui regroupe les 38 sites, centres de travail adapté – ce n'est pas moi qui parlais tantôt, M. le député de Trois-Rivières – et je cite encore ce document à la page 22. Je fais valoir que, pour contourner le gel que le gouvernement libéral a mis sur les CTA depuis des années, on a recours à ça. Je cite: «La limitation des subventions salariales fixée à 1675 postes est un obstacle majeur à la création d'emplois de personnes handicapées. Prenons l'exemple de l'accréditation massive des entreprises adaptées comme corporations intermédiaires de travail. En quelques mois, des centaines d'assistés sociaux, pour la plupart non handicapés, ont obtenu un emploi dans l'une ou l'autre de nos entreprises accréditées, prenant la place de plusieurs personnes handicapées en attente.» En attente. C'est ça qui est vicieux, Mme la Présidente. C'est vicieux. Pas dans son intention, mais dans ses effets. On vient dénaturer, encore une fois, l'objectif fondamental d'un programme, les centres de travail adapté, qui était d'abord et avant tout pour les handicapés. Et le député de Trois-Rivières devrait le savoir, parce qu'il y en a un, CTA, dans Trois-Rivières, et ça a été fait pour les personnes handicapées.

Une voix: ...la liste d'attente des...

M. Lazure: Bien, justement, on devrait au moins – je demande à la ministre – faire en sorte que les personnes qui sont admises nouvellement par les corporations intermédiaires de travail soient des personnes handicapées. Ça, c'est le minimum des minimums.

Je voudrais prendre cette dernière intervention pour dire un mot sur une nouvelle forme de harcèlement du ministère qui est destiné à apporter des nouvelles économies, des nouvelles coupures, et je fais référence au comité de révision médicale, mis sur pied l'automne dernier. Ce comité, composé d'un seul médecin, ici à Québec, a révisé plus de 14 000 dossiers depuis l'automne dernier. Ce médecin prend la décision de refuser le diagnostic d'un médecin de famille, d'un médecin qui a vu la personne assistée sociale – sans même voir la personne assistée sociale – sur la base d'un certificat, tout simplement. Et la ministre nous a dit que, de ces 14 000, il y en a 38 % qui ont été refusés carrément. Carrément. Un médecin de famille a dit: Mme Unetelle, à cause de telle ou telle maladie, n'est pas en mesure de travailler pendant six mois, pendant un an. 38 % sur les 14 000 ont été carrément refusés par le médecin, sans même communiquer avec le médecin de famille ou avec le bénéficiaire de l'aide sociale; 62 % ont été acceptés, avec ou sans modifications. Ce serait intéressant de voir le détail de ces 62 %. Quelles modifications?

Mme la Présidente, ça, c'est une chose qui a été faite en sourdine. On a dit, on a fait état qu'on n'allait plus, depuis janvier, je crois, faire de visites à domicile – bon, on s'est enfin rendu aux arguments de l'Assemblée des évêques – et on a cessé d'aller harceler les personnes assistées sociales à domicile. Mais là on les harcèle de bien d'autres façons. Et de refuser, carrément dans 38 % et partiellement dans 62 %, l'attestation d'un médecin de famille, ça nous paraît complètement inacceptable. Que le médecin qui se pense plus habilité que l'autre à prendre une telle décision, au moins qu'il se donne la peine de rencontrer la personne assistée sociale.

Et je terminerais, puisque mon temps est écoulé, en demandant à la ministre de nous déposer une étude des coûts de ce nouveau programme. Combien ça coûte, ce programme-là, et combien on a économisé, à date, en changeant le statut? Parce qu'il s'agit de changer le statut d'une personne assistée sociale, pour lui enlever 50 $ par mois ou 100 $ par mois. C'est de ça qu'il s'agit, Mme la Présidente, vous le savez fort bien. Et la ministre devrait l'avouer carrément: c'est pour aller chercher de l'argent additionnel, toujours sur le dos des personnes qui en ont le moins. Merci.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député. Nous arrivons maintenant à la dernière partie de nos travaux. Mme la ministre, vous avez droit à un dernier droit de parole de 10 minutes.

Mme Trépanier: Ah bon! Alors, je dois répondre en même temps aux allégations du député de La Prairie.

La Présidente (Mme Loiselle): Oui, les 80 minutes accordées pour le débat sont terminées.


Conclusions


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Bon. Alors, je dirai, uniquement concernant le dernier point que le député de La Prairie a mentionné, que cette réforme a été faite pour le bien-être du bénéficiaire, pour que chacun soit traité avec équité et justice et que chacun soit dans le barème où il devrait être, ni plus ni moins. Et plusieurs de ces prestataires voient hausser leur barème, parce que, très souvent, ils étaient dans le barème «non-disponibilité» et, après un laps de temps, après analyse, on les a fait passer au barème «soutien financier». Alors, donc, je pense qu'il faut prendre ses propos avec un grain de sel.

Parlez, parlez, il en restera toujours quelque chose. Ça, c'est certain. C'est sans doute ce que s'est dit l'Opposition officielle en inscrivant cette interpellation à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale, surtout avec le titre «Les coupures à la sécurité du revenu». C'était très clair. Alors, à force de parler de coupures, on peut espérer, selon l'optique de l'Opposition, que les gens retiendront, finalement, que nous n'avons rien d'autre en tête que d'épargner de l'argent sur le dos des pauvres.

Ce débat, j'espère, aura permis de nuancer considérablement, pour ne pas dire réfuter, cette rhétorique de l'Opposition officielle. Oui, le gouvernement a fait des choix. Oui, le gouvernement arrête des priorités dans le domaine social et réaffecte ses budgets en conséquence. Mais le gouvernement continue d'accroître ses dépenses en matière de sécurité du revenu. Autrement dit, ce que le gouvernement épargne dans un volet du régime de la sécurité du revenu, il le réinvestit largement pour améliorer le sort des plus démunis et pour permettre à un plus grand nombre de personnes de recouvrer leur autonomie financière par le travail. C'est ça, l'objectif du ministère de la Sécurité du revenu. Les choix budgétaires fondamentaux que nous faisons sont toujours inscrits dans la perspective de la lutte à la pauvreté, de l'incitation au travail et de l'équité entre les personnes et les groupes de notre société. Lutte à la pauvreté, incitation au travail, équité, voilà les trois objectifs.

(11 h 50)

Le député de La Prairie a largement fait état de l'obligation qui est désormais faite aux personnes de 60 à 65 ans de réclamer leur rente anticipée lorsqu'elles font appel à la sécurité du revenu. Il a dit que nous nous trouvions à appauvrir les personnes âgées en rognant, en quelque sorte, sur leur rente de retraite. Vous me permettrez, Mme la Présidente, de prendre quelques secondes pour vous dire qu'il est essentiel que cette mesure soit bien comprise, qu'on en saisisse la portée véritable, afin de ne pas semer l'inquiétude inutile chez les personnes de plus de 60 ans.

Lorsqu'une personne arrive à la sécurité du revenu, on lui demande, en premier lieu, si elle a des revenus qui lui permettent d'assurer, partiellement ou totalement, sa subsistance. Si elle a été victime d'un accident de travail, de la route, par exemple, on lui demande... Si c'est un accident de la route, on lui demande de se prévaloir de l'indemnité de la Société de l'assurance automobile. Si le montant de l'indemnité mensuelle n'est pas suffisant pour combler les besoins reconnus, alors, là, le régime de la sécurité du revenu comble l'écart. C'est exactement le traitement que nous voulons appliquer aux personnes de 60 à 65 ans qui réclament des prestations de la sécurité du revenu.

Si la personne a déjà un travail rémunéré pendant au moins quelques années, elle a vraisemblablement droit à une rente de la Régie des rentes du Québec. Or, cette rente est normalement perceptible à 65 ans. Mais une personne peut s'en prévaloir par anticipation à compter de 60 ans, tout comme elle peut retarder à 70 ans le moment où elle commence à recevoir des rentes. À ceux et à celles qui frappent à la porte de la sécurité du revenu entre 60 et 65 ans, nous faisons en sorte qu'ils se prévalent de leur droit à une rente anticipée. Et je vous ai dit tout à l'heure que la moyenne des gens demandaient leur rente à 62 ans. Alors, le député a soutenu qu'en agissant de la sorte nous appauvrissions les personnes de 60 ans et plus. D'abord, entre 60 ans et 65 ans, la personne va recevoir une prestation de la sécurité du revenu qui sera réduite du montant de la rente. Donc, le montant global qu'elle reçoit à chaque mois est exactement le même que si elle n'avait pas réclamé sa rente anticipée. Soyons clair.

Qu'arrive-t-il après 65 ans? Il est vrai que la personne qui se prévaut de sa rente anticipée reçoit certes des rentes de façon plus hâtive, mais le montant de la rente s'en trouve proportionnellement diminué. On pourrait donc craindre qu'en réclamant la rente anticipée on pénalise la personne après 65 ans. La réalité est beaucoup plus nuancée. Si l'on additionne le montant de la rente que la personne va percevoir sa vie durant à compter de 65 ans, le montant de la pension de la sécurité de vieillesse et le montant du supplément garanti, il y a un écart de 14 $ par mois entre les personnes démunies qui se sont prévalues de leur rente anticipée et celles qui ont attendu à 65 ans avant de toucher leur rente. Et nous avons déposé les documents expliquant cette chose. Notre décision, Mme la Présidente, a une incidence de 168 $ par année pour les personnes qui auraient été à la sécurité du revenu pendant cinq ans entre 60 et 65 ans, et cet effet ne sera perceptible qu'après 65 ans. Est-ce que cet impact justifie la plaidoirie alarmiste du député de La Prairie? Il faut faire preuve de retenue, me semble-t-il. Il ne faut pas inquiéter la population outre mesure.

Le porte-parole de l'Opposition s'en prend également à notre programme de subvention salariale, le programme PAIE, grâce auquel des milliers de clients de la sécurité du revenu accèdent à un emploi. Le député a dit qu'il s'agissait de «jobines» de six mois. Je trouve ce jugement très malheureux. Le programme PAIE permet à des gens qui sont exclus du marché du travail d'avoir la chance d'y accéder ou d'y retourner. Sans l'incitatif financier que nous offrons aux employeurs, un grand nombre de prestataires seraient définitivement marginalisés, exclus de l'activité économique. Il est vrai que la subvention dure six mois, de façon générale, et neuf mois pour ceux et celles qui sont engagés dans l'aide à domicile des personnes en perte d'autonomie. Mais ce qu'il faut réaliser, c'est que cet emploi subventionné, je le redis, sert de tremplin pour un emploi plus durable que le programme PAIE, brise une barrière psychologique – et, ça, c'est extrêmement important – brise aussi un mur de préjugés qui empêchaient jusqu'alors le prestataire de décrocher un emploi.

L'évaluation du programme PAIE le démontre bien. Lorsqu'on interroge les gens sept mois après la fin de la période de subvention, 40 % d'entre eux ont occupé un emploi et 27 % sont toujours en emploi. En poussant l'enquête, pour des fins de comparaison, auprès d'un groupe témoin constitué de prestataires qui n'ont pas pris part au programme PAIE ni à aucune mesure de développement de l'employabilité, on réalise que seulement 14 % ont occupé un emploi.

Nous allons rendre publics très prochainement d'autres résultats d'évaluation, d'ici quelques semaines. Je peux vous dire en primeur que nous avons mené l'enquête afin de savoir ce qu'il advient des personnes 19 mois après la fin de leur participation au programme PAIE. Bien, 64 % d'entre elles ont eu au moins un emploi pendant cette période de 19 mois. Parmi celles-ci, 26 % ont été en emploi pendant au moins 16 mois. Ce qui revient à dire que, depuis qu'elles ont eu la chance de retourner sur le marché du travail grâce au programme PAIE, ces personnes n'ont pratiquement pas cessé de travailler au cours des dernières années. Alors, je vous en prie, M. le député, nuancez les propos que vous tenez au sujet des emplois subventionnés pendant six mois. Pour des milliers de personnes, et nos évaluations objectives le démontrent de façon convaincante, le programme PAIE représente le coup de pouce qui leur permet de sortir de la sécurité du revenu et d'intégrer de façon durable le marché du travail.

J'ai entendu le député dire: Oui, mais regardez quel type d'emploi occupent ces personnes. J'exhorte le député de La Prairie à éviter ces jugements de valeur qui s'apparentent à une forme de mépris. Je sais que telles ne sont pas ses intentions, que le député est très respectueux des clients de la sécurité du revenu. C'est pourquoi je trouve inquiétant et déplorable qu'il dénigre les efforts que les prestataires déploient, notamment par le recours au programme PAIE, pour accéder à un emploi. Ses propos peuvent être perçus comme une incitation à boycotter ce programme, à dévaloriser la démarche qui consiste à occuper un véritable emploi. Je crois que le député devrait mesurer l'effet potentiellement désastreux de sa rhétorique, parce que le programme PAIE indique clairement aux prestataires de la sécurité du revenu que l'emploi fait partie de leurs perspectives d'avenir, qu'il y a, malgré la conjoncture difficile, encore de l'espoir de retourner sur le marché du travail et d'y demeurer.

On a parlé beaucoup des corporations intermédiaires de travail. Je ne réinsisterai pas sur l'importance que le gouvernement accorde à ces mesures de réinsertion à l'emploi. Et je termine en réitérant que nos choix budgétaires visent essentiellement à répondre aux besoins les plus importants des prestataires de la sécurité du revenu, c'est notre seule motivation. Et je termine en disant ce que j'ai dit au tout début de ma première intervention: le motif, l'objectif qui nous guide, à la sécurité du revenu, c'est de la compassion envers les gens qui se retrouvent malheureusement à nos portes; et ils ne l'ont pas voulu. Nous voulons les traiter avec dignité et nous voulons les traiter avec équité. Nous voulons traiter les prestataires de la sécurité du revenu avec équité et l'ensemble de la population également. Alors, c'est les motifs qui me guident dans la gestion de ce ministère de la Sécurité du revenu. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Loiselle): Mme la ministre, je vous remercie. M. le député de La Prairie, pour un dernier droit de réplique de 10 minutes.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Pour enchaîner sur les certificats médicaux, dans la directive qui a été envoyée aux centres Travail-Québec, il est dit très clairement à l'objectif no 6 de cette nouvelle pratique, contrôle des certificats médicaux, je cite: «Rencontrer les objectifs de réduction des dépenses demandés par le Conseil du trésor». Ce n'est pas le député de La Prairie qui invente ça, là, Mme la Présidente. C'est le texte de la directive du ministère de la Sécurité du revenu. Je comprends que la ministre actuelle n'était pas là, c'est son prédécesseur, et je comprends aussi que son prédécesseur était un peu vulnérable parce qu'il était de connivence avec son patron, le président du Conseil du trésor, qui est devenu premier ministre. Et c'est lui, le président du Conseil du trésor, maintenant premier ministre, qui avait dit: Il faut que vous alliez chercher tant de millions, en étant plus sévères et en rejetant des certificats médicaux. C'est ça qui est arrivé; c'est ça, la vérité. La ministre nous dit: Un instant! – j'ai noté son expression – c'est pour le bien-être du bénéficiaire qu'on fait ça, la révision médicale.

Mme la Présidente, j'aimerais bien que la ministre aille rencontrer la très grande majorité des bénéficiaires qui se sont vu changer de catégorie avec baisse de revenus et qu'elle leur dise: Ça, c'est pour votre bien qu'on faisait ça. J'ai bien hâte de voir les statistiques qu'elle va nous fournir là-dessus. J'espère qu'on pourra avoir le détail de ceux et celles qui ont été haussés de catégorie, comme elle dit. Moi, je peux vous parier d'avance, Mme la Présidente, que ce sera un pourcentage très, très minime.

(12 heures)

Au fond, pour les gens qui se font baisser de catégorie par la révision médicale, la ministre leur dit la même chose qu'aux personnes âgées de 60 ans qu'on oblige à aller chercher leur rente anticipée. On leur dit: Écoutez, vous vous énervez pour rien; vous vous énervez pour rien. On fait ça pour votre bien-être, puis ça peut même vous donner un revenu plus élevé. Ça, ça s'appelle de la récupération. On essaie de récupérer par des belles paroles une action qui est néfaste.

Et, quand la ministre dit que le député de La Prairie prêche contre les corporations intermédiaires de travail, ce n'est pas exact, Mme la Présidente. Si elle essaie de culpabiliser le député de La Prairie, elle ne réussira pas. Je ne me sens pas du tout coupable quand je cite des déclarations de la présidente de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux, quand je cite quelqu'un du CLSC de la Haute Yamaska, quand je cite le Protecteur du citoyen. Et ces gens-là ne seront pas rendus coupables par les déclarations de la ministre, pas plus que le député qui vous parle.

Les emplois temporaires ont leur place, nous l'avons toujours dit, nous l'avons pratiqué lorsque nous étions au gouvernement. Et il y avait plein de programmes d'emplois temporaires qui étaient généralement pour les moins de 30 ans et qui étaient la façon de compenser pour le fait qu'ils avaient une prestation moins élevée que les plus de 30 ans. D'ailleurs, nous avions hérité cette différenciation du régime libéral antérieur, de 1970 à 1976.

Mais les programmes de la corporation intermédiaire de travail qui touchent au domaine social, où il y a toute une structure d'emplois permanents qui est déjà établie, ça, c'est autre chose et c'est de ça dont je parle, Mme la Présidente. La ministre ne va pas essayer de me faire dire des choses que je ne dis pas. Je suis d'accord avec la création d'emplois saisonniers pour les personnes assistées sociales, notamment dans des domaines tels que l'environnement, la voirie, l'agriculture. Il y a place pour des emplois saisonniers et temporaires. Mais qu'on ne vienne pas nous faire croire que, ça, c'est de la création d'emplois, comme on essaie de le faire croire dans le plan de relance qui a été lancé par le gouvernement il y a quelques mois.

J'ai mis en garde la ministre, et je répète la mise en garde, sur les conséquences néfastes qu'on peut retrouver dans au moins deux réseaux – je lui ai donné des exemples très concrets: le réseau des CLSC et le réseau des centres de travail adapté pour les personnes handicapées. Au moins dans ces deux réseaux, moi, je vous prédis qu'on va créer des problèmes extrêmement graves de relations de travail. Vous allez avoir deux groupes de personnes: auxiliaires familiales payées 14 $ l'heure pour aller faire de l'aide ménagère à domicile et, à côté, vous allez avoir des personnes assistées sociales, pour une période de neuf mois, qui vont aller faire le même travail pour deux fois moins d'argent. Dans les centres de travail adapté, vous avez déjà – et c'est la direction des centres de travail adapté qui le dit – énormément de malaise parce que la majorité, la très grande majorité des personnes qui ont été acceptées dans les centres de travail adapté, depuis qu'ils ont été reconnus comme corporations intermédiaires de travail, sont des personnes non handicapées, et ce n'est pas cette clientèle-là qui était destinée aux centres de travail adapté.

La ministre est revenue sur l'obligation d'aller puiser dans une retraite anticipée, en répétant, encore une fois: Ça ne change pas grand-chose, c'est 14 $ par mois. Mme la Présidente, les chiffres que nous avons sont complètement différents, complètement différents et émanent de données de son ministère. Et c'est 63 $ par mois que ça impose de pénalité à vie. Et, là aussi, je la mets au défi, Mme la Présidente, d'aller rencontrer la Fédération des clubs de l'âge d'or, d'aller rencontrer l'Association québécoise de défense des droits des retraités et d'aller leur tenir le discours qu'elle a tenu ce matin. Je la mets au défi. Et je la mets au défi de m'inviter pour l'accompagner. J'aimerais bien ça, aller avec elle rencontrer les personnes âgées et les personnes assistées sociales, de la même façon que j'aimerais bien accepter l'invitation du député de Trois-Rivières durant la campagne électorale pour aller débattre des services aux personnes âgées, et aux personnes handicapées aussi, tant qu'à y être.

Alors, Mme la Présidente, qu'est-ce qui attend les personnes assistées sociales dans les mois qui viennent? Là, on a parlé de mesures de coupures qui ont été prises, à part du climat de harcèlement dont fait état la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux ce matin dans les journaux. Mais on peut s'attendre à d'autres coupures et on peut s'attendre à ce que le ministère les fasse de façon plus ou moins discrète, pour ne pas dire un mot plus méchant, en catimini. On s'attend à une coupure de 180 $ pour les moins de 25 ans, soi-disant parce qu'on prendra pour acquis qu'il y aura contribution parentale. On s'attend aussi non seulement au recours au Régime de rentes public, mais à l'obligation de recourir aux régimes de retraite privés. On s'attend à d'autres coupures dans la formation, dans Rattrapage scolaire. On s'attend à l'augmentation des contrôles vis-à-vis les certificats médicaux. On s'attend à ce que les 55 à 60 ans soient obligés d'être disponibles par le biais de la loi 128. Et on pourrait continuer comme ça longtemps, Mme la Présidente.

Je terminerai cet échange en citant quelques phrases de l'éditorial qui a paru mercredi le 27 avril dans Le Devoir : «M. Johnson s'éternise, le Québec s'enlise». Le dernier paragraphe: «Tout ce qui traîne se salit, selon le dicton. M. Johnson, qui se veut un gestionnaire ferme, rigoureux [...], renie tous ces attributs en épuisant, les unes après les autres, toutes les entourloupettes et astuces usées à la corde. Le boomerang le guette.» Le boomerang le guette.

Alors, comme l'éditorialiste du Devoir , nous souhaitons, de ce côté-ci de la Chambre, que le gouvernement actuel aille proposer à la population le bienfait des mesures qui ont été prises récemment, que ce soit pour les personnes âgées ou pour les personnes assistées sociales, et nous nous en remettrons au verdict de la population. Quant à nous, nous pensons qu'au ministère de la Sécurité du revenu, depuis huit ans, on a pris un tas de mesures qui sont de nature à blesser la dignité des personnes assistées sociales en plus de diminuer leurs revenus. Merci.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. le député.

M. Philibert: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Loiselle): Oui.

M. Philibert: Avec le consentement de l'Opposition, j'aimerais, si c'est possible, avec le consentement, enrichir le recueil des citations du député de La Prairie et lui suggérer...

La Présidente (Mme Loiselle): Attendez. Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Trois-Rivières.

M. Lazure: Pas de consentement.

La Présidente (Mme Loiselle): Il n'y a pas consentement?

M. Philibert: Ah bon!

M. Lazure: Pas de consentement, non.

La Présidente (Mme Loiselle): D'accord. Merci. M. le député, s'il vous plaît!

Une voix: ...

La Présidente (Mme Loiselle): D'accord. Merci.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député de Trois-Rivières, s'il vous plaît!

Une voix: ...

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député, s'il vous plaît! Tout s'était tellement bien passé jusqu'ici. Merci. Alors, le temps est écoulé.

Avant d'ajourner les travaux, j'aimerais remercier les membres de la commission ainsi que toutes les personnes ici présentes d'avoir participé à cette interpellation. Mme la secrétaire, je vous remercie de votre précision quant au bon déroulement des travaux. J'ajourne sine die les travaux de cette commission. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 8)


Document(s) associé(s) à la séance