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(Neuf heures onze minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que la
commission des affaires sociales se réunit afin de procéder
à une consultation générale et de tenir des auditions
publiques sur les thérapies alternatives et, à cette fin,
d'examiner: la reconnaissance professionnelle de certains thérapeutes
alternatifs et les mécanismes de reconnaissance des thérapeutes
non éligibles à un statut professionnel au sens de la loi,
l'information au public et la contribution du réseau de la santé
et des services sociaux pour qu'il favorise la liberté des choix
thérapeutiques. Mme la secrétaire, avons-nous des
remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Non. Alors, je vous rappelle
l'ordre du jour de la journée. Aujourd'hui, nous entendrons la
Corporation professionnelle des psychologues du Québec, la
Société québécoise des psychothérapeutes
professionnels, masculins et féminins, l'Alliance des professionnels en
pratiques alternatives de santé du Québec et, finalement, le
Réseau d'action pour une santé intégrale (RAPSI). Je vois
que les gens représentant la Corporation professionnelle des
psychologues ont déjà pris place. Alors, il me fait plaisir de
vous accueillir. J'apprécierais si la personne responsable pouvait
s'identifier et aussi identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Auditions
Corporation professionnelle des psychologues du
Québec (CPPQ)
M. Sabourin (Michel): Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je suis Michel Sabourin,
président de la Corporation professionnelle des psychologues du
Québec. À ma gauche, je suis accompagné par M. Germain
Lavoie, qui est directeur du Service de psychologie du centre hospitalier
Louis-Hippolyte-LaFontaine et, à ma droite, Me André
Gariépy, qui est mon adjoint et conseiller juridique. Je vous remercie
de nous permettre ainsi de vous faire part de nos commentaires et
réflexions sur le sujet qui est présentement l'objet de cette
commission, les thérapies alternatives.
Avant de passer à une présentation plus
détaillée de nos recommandations, ce que nous ferons en
conclusion de notre présentation, nous désirons transmettre aux
membres de cette commission un certain nombre de constatations qui sont le
résultat des analyses et des recherches qu'on a effectuées
concernant le sujet des thérapies ou des approches alternatives. Pour ce
faire, comme vous avez pu le constater en lisant notre mémoire, nous
avons consulté une soixantaine d'ouvrages spécialisés. La
première constatation qui découle de nos analyses, c'est qu'il
est bien difficile, a priori, de cerner ce que sont véritablement les
approches alternatives. Si on se fie à l'avis qui a été
émis par le ministère de la Santé et des Services sociaux
en préparation à cette commission, eh bien, on pourrait les
définir comme étant le champ entier qui constitue en quelque
sorte le pendant, l'alternatif aux connaissances professionnelles et aux
connaissances scientifiques actuelles.
Par ailleurs, selon les praticiens de ces approches, c'est un petit peu
plus que ça. On inclut non seulement des dimensions physiologiques, des
dimensions psychologiques et socioculturelles de la santé, mais on parle
également de composantes comme l'éveil, l'énergie, la
spiritualité. En fait, la spiritualité, c'est la distinction la
plus importante qu'une recherche a découverte entre des omnipraticiens
et des médecins français qui pratiquent selon des approches plus
traditionnelles et des médecins holistiques. La seule différence
significative qu'il y avait entre les deux, c'était que, pour les
médecins holistiques, l'expérience spirituelle personnelle
était importante. À notre avis, il est difficile de concilier
l'approche pragmatique et consensuelle qui est celle favorisée par la
méthode scientifique avec une position épistémologique qui
est celle des approches alternatives, qui relève plutôt de la foi
ou d'un système de croyances. Nous nous demandons même s'il faut
songer à réintroduire la foi et le religieux dans les pratiques
de santé.
Deuxième constatation, c'est que le portrait type des usagers des
approches alternatives est typique et il est sans doute instructif à
bien des points de vue. Il s'agit, en majorité, de jeunes adultes, entre
20 et 50 ans, majoritairement des femmes, des personnes instruites, de classe
moyenne ou supérieure, et dont habituellement la santé physique
est jugée comme étant assez bonne donc, il ne s'agit pas
véritablement de gens malades et pour qui la spiritualité,
la croissance personnelle semblent des valeurs importantes. Ce sont des gens
qui sont plus critiques face à la médecine scientifique. Pour
eux, il y a certaines interventions médicales qui sont acceptées
et acceptables comme, par exemple, le traitement par antibiotiques. Par
ailleurs, ils sont contre l'usage de tranquillisants. C'est des gens qui sont
concernés également par la déshumanisation de certains
aspects de la pratique médicale; ils sont concernés par son
côté technique et par l'absence, dans bien des cas, d'une
véritable relation médecin-patient.
Un troisième point... Et là on essaie de faire un peu le
tour des nombreux sondages qui ont été réalisés
concernant le sujet. Il y a eu celui de Multi Reso, l'en-
quête de Santé Québec, celle de l'Office des
professions. Ce qui ressort d'une analyse de tous ces sondages-là qui
sont consacrés à évaluer l'impact des pratiques
alternatives, c'est d'abord que le recours aux pratiques qui ne sont pas
réglementées donc, si on exclut la chiropratique et
l'acupuncture qui, elles, le sont c'est quelque chose qui est
relativement marginal et c'est quelque chose aussi qui est concentré
chez certaines clientèles et en fonction même de certaines
problématiques. On remarque, dans ces clientèles-là, un
nombre important de «baby boomers» qui sont un peu
désabusés du système médical, qui, lorsqu'ils
étaient plus jeunes, pensaient que ça irait plus vite, qu'on
découvrirait des remèdes au cancer, au sida, mais qui se rendent
compte que ça ne progresse pas assez rapidement et qui s'attendent
à des résultats rapides. Il y a aussi les populations
âgées, des gens aussi souffrant de cancer, de problèmes de
dos, d'arthrite, de rhumatismes. Ce sont toutes des problématiques pour
lesquelles on retrouve un nombre de personnes qui vont recourir davantage que
la moyenne de la population à des pratiques alternatives. C'est ce qui a
fait dire à Jallut, en 1992 c'est un des ouvrages que nous avons
consultés que «l'homme fait appel à la magie devant
un danger qu'il ne maîtrise pas». Et c'est ce qui fait aussi que
les Américains, présentement, dépensent plus de 1 000 000
000 $ par année pour des médicaments dont l'efficacité
thérapeutique n'est pas démontrée.
Il y a aussi, au niveau des pratiques alternatives, une tendance
très forte au multirecours, c'est-à-dire qu'on ne consultera pas
qu'un seul praticien, on va en consulter plusieurs. Et, qui plus est, ça
n'empêchera pas les gens de consulter également le médecin.
Donc, on va consulter un nombre important de gens. Donc, ces approches ne
représentent certainement pas une forme de prévention et encore
moins une source d'économies.
Un quatrième point: le choix d'un praticien alternatif est
habituellement fait en fonction de ce qu'on critique le plus chez le
médecin, soit son manque de disponibilité, soit le fait que son
approche est jugée comme froidement scientifique et qu'il ne s'occupe
pas suffisamment du côté des aspects subjectifs des malades. On
recherche donc quelqu'un qui est fort, qui est doux, qui est gentil, qui est
puissant, qui est attentionné, qui est à l'écoute surtout
et qui est sympathique. On le considère davantage comme une personne que
comme un professionnel de la santé. Les praticiens alternatifs, du moins
certains, ont donc très bien compris cette recherche et ce besoin des
patients et, souvent, à défaut d'une véritable formation,
ils vont donc offrir à leurs clients une très grande
qualité d'accueil, du respect, de l'acceptation, de l'écoute. En
fait, leur approche va être beaucoup plus personnalisée. Ceci est
sans doute une leçon importante, je pense, que la médecine
scientifique aurait avantage à prendre très au sérieux et
à développer davantage dans la formation des médecins. Il
semblerait, par ailleurs, qu'actuellement des efforts importants se font
à ce niveau-là, au niveau surtout de la formation en
médecine familiale.
Cinquième point: les praticiens alternatifs de tous ordres sont
fort nombreux au Québec. On estime leur nombre à environ 7000.
Ils constituent donc un lobby important, même si, dans bien des cas, ils
ne s'entendent pas sur divers points de vue. Il arrive souvent que,
mutuellement, on s'accuse de charlatanisme. Le problème principal
et ça répond directement à une des questions
soulevées par la commission c'est qu'on trouve que leur formation
laisse très souvent à désirer. Il y a même
Benedetti, en 1989 la référence est dans notre
mémoire qui parle d'une véritable «soupe
d'alphabet» de diplômes non reconnus, parfois obtenus à la
suite de cours par correspondance. bon, ce sont souvent des gens, les
praticiens alternatifs, qui ont des métiers ou des professions
traditionnels. on a des exemples d'arpenteurs qui ont été
recyclés en irrigateurs du côlon; on a des vendeurs qui ont
été recyclés en dispensateurs de cours de croissance
personnelle. je pense qu'il faut être conscient, ici, du danger
très important que représente pour le public le fait d'être
très mal informé sur la formation des thérapeutes
alternatifs et surtout, comme le mentionne une enquête de l'office des
professions en 1991, le fait que 82 % de la population croient que ces
gens-là ont étudié dans des établissements
reconnus. le titre de docteur, quel que soit son origine, qui est
employé souvent allègrement par certains praticiens alternatifs,
possède toujours une certaine aura dans la population, et celle-ci a
beaucoup de difficultés à distinguer les vrais des faux. (9 h
20)
II y a certains praticiens alternatifs aussi qui sont de
véritables experts dans la manipulation de l'information et des
curriculum vitae. Il m'est déjà arrivé d'avoir affaire
à quelqu'un qui indiquait sur sa carte d'affaires qu'il était un
ex-professeur à l'université de X. Bon, j'ai été
impressionné. J'ai fait des vérifications, et j'ai
découvert que cette personne avait loué une salle dans un centre
communautaire de ladite université et avait donné des cours.
À ce moment-là, donc, une fois le cours terminé, on
devient un ex-professeur à l'université de X.
Il y a aussi une utilisation abondante du mot «ordre». Le
mot «ordre» n'est pas réglementé. On a
réglementé dans le Code des professions le mot
«corporation», surtout affublé du qualificatif
«professionnelle». Mais le mot «ordre», qui a
été l'appellation que bien des corporations ont conservée
encore aujourd'hui, n'est pas réglementé. Donc, on l'utilise
abondamment, parce que ça donne une apparence de
crédibilité scientifique. Il y a des associations
également qui n'ont que quelques membres et qui sont, en fait, des
raisons sociales de quelques individus.
Mais je pense à un exemple que j'aimerais donner à la
commission, qui va aller dans le sens de la prudence en ce qui concerne toute
reconnaissance: c'est ce qui se passait au ministère de
l'Éducation il y a une dizaine d'années. Il y a une dizaine
d'années, le ministère de l'Éducation du Québec
reconnaissait, accréditait les cours de culture personnelle. Ceci a
duré pendant un certain nombre d'années et, suite à des
pressions de groupes de consommateurs, ça a été
complètement abandonné par le ministère parce qu'il y a
bien des gens
qui utilisaient cette accréditation-là pour signaler
à la population qu'ils faisaient montre d'une grande compétence,
encore plus grande parce qu'elle était reconnue officiellement par notre
gouvernement. Je pense qu'il faut donc utiliser cet exemple, l'étudier,
l'analyser à fond pour voir un peu dans quel sens on peut
éventuellement, peut-être, reconnaître certains praticiens.
Bon.
Il y a aussi une prolifération incroyable d'approches, de
méthodes, de techniques alternatives. On estime qu'il y en a plus de 400
aujourd'hui. Donc, évidemment, il y a une nécessité de
mettre de l'ordre dans tout ça et, évidemment, pour la protection
du public qui, lui, y perd son latin. Bon. Il y a un certain nombre de ces
approches on estime que c'est environ 20 % qui touchent plus
directement les problèmes de santé mentale. On reviendra sur ces
approches-là.
Une sixième constatation, c'est que, dans notre évaluation
des pratiques alternatives, on a constaté un excès de
syncrétisme. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire
qu'il est très fréquent de rencontrer des théories
explicatives qui vont joyeusement agglomérer les postulats les plus
hétéroclites avec des termes empruntés au vocabulaire
scientifique. C'est une joyeuse soupe, une jolie soupe de toutes sortes
d'éléments: de la philosophie taoïste avec des concepts qui
font appel aux énergies vitales et à toutes sortes de concepts.
Et le résultat final est parfois étonnant et a pour objectif, a
pour but de donner au tout une apparence scientifique dans une perspective,
donc, d'une plus grande crédibilité.
Une septième constatation: presque toutes les pratiques
alternatives, ou un très grand nombre d'entre elles, vont
référer au concept d'énergie. En fait, l'énergie
que personne n'a identifiée il faut la faire circuler, il
faut la débloquer, il faut la libérer. En fait, c'est comme si
l'être humain, c'était un renvoi d'eau ou un bout de tuyau de la
grande plomberie cosmique. Bref, la construction d'une thérapie
alternative repose en grande partie sur l'amalgame, le bricolage, la
superposition des discours, des sources, des arguments d'autorité, des
traditions et parfois même des siècles et des cultures. Le danger,
c'est que ce syncrétisme peut, à bien des personnes, parfois
donner l'impression d'une savante synthèse des savoirs, ce qui est
très dangereux parce que ce n'est absolument pas le cas.
Aussi, il y a certaines pratiques qui sont très limitatives ou
très réductionnistes. Dans le fond, on utilise souvent la
même grille de lecture quel que soit le problème qui est
présenté, la même technique, le même discours
thérapeutique. On ne fait pas de distinction entre les problèmes
et l'approche. C'est la même approche. C'est la seule que l'on connaisse.
Quelquefois aussi, il y a une tendance à culpabiliser l'individu, parce
qu'on lui dit qu'il est le principal responsable de tous ses malheurs.
Dans La Presse de ce matin, on rapportait ce qu'on nous a dit hier ici,
ce qui a été dit par l'ACEF concernant les cours de croissance
personnelle. Les explications théoriques qu'on donne sont souvent
basées sur des modes de raisonnement qui sont régressifs,
primitifs, en fait, caractérisés par la pensée magique.
C'est le point de départ. La pensée magique, c'est un mode de
raisonnement qui, comme vous le savez, est préscientifïque, et
c'est dû au fait que, pour bien des gens, la complexité du monde
contemporain est très difficile à appréhender. En fait,
c'est beaucoup trop compliqué d'essayer de comprendre ce qui se passe.
On essaie de prendre quelque chose, d'avoir des résultats rapides. Donc,
on assiste à un retour en force de l'intuition, de la foi et de
l'ésotérisme.
Mais le risque premier de cette reconstruction magique dans le domaine
plus particulier de la santé, c'est qu'on peut sombrer dans l'absence
complète de normes de pratique, dans l'absolue
témérité du guérisseur autodidacte, dans le
fouillis des théories sans fondement, sans preuves et qui ne
possèdent pas, non plus, de cohérence interne. Il y a Bensaid, un
auteur qu'on a consulté, en 1988, qui a écrit dans son ouvrage
qui s'intitule «Le sommeil de la raison, une mode: les médecines
douces»: «Les médecines dites douces jouissent d'une vogue
que rien, à l'examen, ne justifie, mais qui, à défaut
d'une légitimité scientifique, leur conférerait une
"légitimation sociale".»
En fait, il y a quatre type de préjudices et c'est
là notre neuvième constatation qui peuvent être
causés par des pratiques parallèles. Et ça, c'est selon
McGinnis, un auteur qui a parlé de ça en 1990. Il y a d'abord le
préjudice économique. Bien sûr, il peut y avoir, pour
certains, une véritable arnaque; les gens peuvent carrément se
faire avoir, individuellement et personnellement. Mais aussi ça peut
être un préjudice économique qui va plus loin que
ça. En 1983, aux États-Unis, il a été
constaté que 4 fois plus d'argent était dépensé
pour des pratiques alternatives que pour la recherche sur le cancer.
Il y a aussi, en deuxième lieu, des préjudices directs.
Des préjudices directs, ça peut être une question de
toxicité à la suite de l'ingurgitation de certaines
préparations, de certaines potions magiques, des lésions qui
peuvent être causées par, entre autres, des techniques
d'irrigation du côlon, des problèmes de métabolisme par
l'ingurgitation de multivitamines. Il y a aussi des préjudices
indirects. Des préjudices indirects, ça consiste dans l'omission
ou le retard des traitements médicaux nécessaires ou requis par
une condition particulière ou par le fait qu'on pose des diagnostics, au
départ, incorrects. Et, ici, je me permets de dire que les praticiens
alternatifs n'ont pas la formation requise pour poser des diagnostics. On
pourra y revenir dans la période de questions, si vous le voulez
bien.
Ensuite, le dernier préjudice, c'est le préjudice social.
Le préjudice social, bien, c'est tout simplement quand on constate que,
souvent, il peut y avoir un détournement de fonds publics qui pourraient
être, dans bien des cas, consacrés à des besoins beaucoup
plus urgents.
Pour nous, les multirecours en pratique alternative sont coûteux
et entraînent la dépendance des clients envers leurs
guérisseurs parallèles. Une étude importante, je pense,
que la commission aurait avantage à
consulter en détail, c'est une étude du gouvernement
américain en 1984. En fait, c'est le rapport du sous-comité du
Sénat américain sur la santé et les soins à long
terme. Ce rapport, qui s'intitulait, en anglais, «Quackery: A 10 $
Billion Scandai», mentionne qu'il y a des sommes colossales qui sont
consacrées à des pratiques sans fondement scientifique. En fait,
ça excède les 10000 000 000 $ par année, auxquels il faut
rajouter, bien sûr, les coûts en souffrance humaine, les
coûts en désillusions, etc.
Il y a aussi l'exemple du Bristol Cancer Help Centre. Ceci est
intéressant comme exemple et ça va, je pense, dans le sens de ce
qu'on a lu ce matin dans le journal comme étant les propos du ministre,
hier, sur la nécessité de la recherche scientifique. Le Bristol
Cancer Help Centre est un centre alternatif qui croyait en ce qu'il faisait et
qui a décidé de soumettre à l'évaluation
scientifique son travail. Ce centre-là travaillait surtout avec des gens
qui étaient déjà atteints de cancer. L'étude
approfondie des techniques utilisées au Bristol Cancer Help Centre, en
Angleterre, a démontré que le traitement au Bristol était
tout simplement désastreux. En fait, le taux de mortalité
était deux fois plus élevé et le taux de métastases
trois fois plus élevé que chez les patients qui recevaient un
traitement médical hors Bristol.
En conclusion de tout ce qui précède, on pense,
premièrement, qu'on ne doit jamais présumer de
l'efficacité ou même de l'innocuité d'une pratique
parallèle. 11 peut arriver qu'on puisse être trompé et
satisfait et content. deuxièmement, l'évaluation scientifique des
approches alternatives nous apparaît nécessaire. la méthode
scientifique doit être rigoureuse et les résultats doivent
être publiés et, même, répliqués.
troisièmement, on pense que le gouvernement doit faire preuve de
prudence pour toute reconnaissance formelle de thérapies alternatives
avant qu'un nombre suffisant de résultats scientifiques probants ne
l'autorise à agir dans cette direction. et on pense, enfin, que les
praticiens alternatifs doivent avoir le courage et l'honnêteté
d'encourager, comme ça s'est fait au bristol, une évaluation
scientifique objective de leurs pratiques.
Au plan scientifique, on pense qu'il est important d'évaluer ce
qu'on appelle en sciences l'effet placebo. L'effet placebo, comme vous le
savez, c'est un moyen privilégié pour discerner si le
résultat qu'on obtient, la guérison obtenue est
véritablement attribuable au traitement qui a été
donné. Dans certains cas, le placebo, ça peut être une
petite pilule, une substance inerte qui remplace une substance active. Il n'y a
rien dans cette pilule-là, mais on veut voir si l'effet de la pilule
comme telle est valide. Ou ça peut être, dans le cas de la
psychothérapie, un pseudo-traitement ou quelque chose qu'on fait; ce
n'est pas l'absence de traitement, c'est quelque chose pour lequel on essaie de
déterminer si ça a un effet thérapeutique. (9 h 30)
Vous n'êtes pas sans savoir que l'effet placebo explique de 30 %
à 60 % des effets positifs observés dans différentes
formes de thérapie et même produit des effets secondaires
négatifs dans 7 % à 36 % des cas. Au plan psychologique, l'effet
placebo peut s'expliquer de trois façons. C'est soit l'effet même
du praticien, la confiance qu'il inspire, l'autorité qu'il dégage
qui peuvent produire les résultats. La nature de l'attribution que le
sujet effectue, c'est-à-dire que, si le sujet pense que telle chose va
donner un résultat, il arrive dans bien des cas que telle chose donne un
résultat. C'est comme ça. Et aussi la suggestibilité; la
suggestibilité, c'est le fait que des gens ont des attentes
particulières par rapport à des interventions.
Un exemple auquel j'ai participé comme chercheur peut
peut-être illustrer cet aspect-là: je participais à une
recherche sur l'arthrite rhumatoïde; on avait un certain nombre de
patients qui portaient les petits bracelets de cuivre, vous savez, dont on dit
qu'ils ont un effet sur la diminution des symptômes de l'arthrite
rhumatoïde. Et, de fait, il y a un certain nombre des patients qui ont
expérimenté cette diminution d'effets. Mais, en même temps,
ces patients-là, on avait mesuré a priori leur degré de
suggestibilité et on a constaté et ce n'était pas,
pour nous, surprenant une corrélation très
élevée entre leur niveau de suggestibilité et l'effet
ressenti. Donc, il y a un effet très net entre les deux, et qui est loin
de l'effet produit par lui-même par le bracelet de cuivre. Ça
aurait pu être un bracelet de n'importe quoi; quelle que soit la
théorie qu'on lui attribue, ça fonctionnait quand même.
Bon. Écoutez, avant de passer aux recommandations comme telles,
puisqu'il ne me reste que peu de temps, je vais simplement mentionner un
exemple que vous connaissez sans doute. Présentement, au National
Institutes of Health, à Bethesda, Maryland, où est traité
notre premier ministre je pense que c'est un endroit qu'on connaît
bien ils ont créé l'an dernier, en 1992, un office de
l'évaluation des pratiques médicales non conventionnelles. Un
budget de 2 000 000 $ a été consacré à cet effort,
et ils ont l'intention, notamment, d'évaluer l'acupuncture,
l'homéopathie, la naturopathie et la massothérapie; et ceci est
fait à la demande du Congrès américain. Bon. Nous, on va y
revenir dans nos recommandations.
Les recommandations que l'on fait à la commission, il y en a
sept. La première, c'est que le gouvernement ne reconnaisse pas
légalement le statut et les pratiques des thérapeutes
alternatifs, que ce soit, par exemple, par la création d'une corporation
professionnelle, par celle d'un registre des thérapeutes alternatifs ou
par l'instauration d'un office des thérapies alternatives.
Deuxièmement, que le ministère de la Santé et des
Services sociaux contribue à la prévention en matière de
santé et à la protection du public en effectuant une campagne
d'information publique visant à informer les citoyens des risques
potentiels et des coûts économiques et sociaux reliés au
recours à des praticiens non professionnels, insuffisamment
formés, et à des pratiques sans fondements scientifiques
apparents.
Troisièmement, que le ministère de la Santé et des
Services sociaux et l'Office des professions étudient la
possibilité de réserver le titre générique de
«thérapeute»
aux seuls membres de corporations professionnelles de la
santé.
Quatrièmement, que le ministère de la Santé et des
Services sociaux soutienne financièrement des organismes autonomes
d'information publique comme Info-Secte, qui est passé ici hier, et
Info-Croissance, et propose la création d'un organisme similaire dans le
domaine spécifique des pratiques alternatives, qui pourrait s'appeler
Info-Pratiques alternatives.
Cinquièmement, que le mandat de l'Office de la protection du
consommateur soit clarifié ou ajusté pour pouvoir répondre
spécifiquement aux questions et aux plaintes du public dans le domaine
des thérapies alternatives.
Sixièmement, que les corporations professionnelles dans le
secteur de la santé, par le mécanisme de la formation continue,
et les départements universitaires correspondants au niveau de la
formation professionnelle contribuent à assurer une meilleure formation
aux principes et aux pratiques de base de la relation d'aide, soit des
techniques pour améliorer l'accueil, l'empathie, le respect,
l'écoute, de façon à pouvoir mieux répondre aux
besoins subjectifs des patients.
Et, enfin et c'est la recommandation qui est reliée avec
l'effort scientifique fait au National Institutes of Health que le
ministère de la Santé et des Services sociaux observe de
près l'expérience américaine actuelle au NIH, qu'il en
fasse connaître publiquement les résultats et qu'il examine
l'opportunité de consacrer également des sommes à des
programmes d'évaluation scientifique des approches alternatives les plus
populaires au Québec. Pour ne pas nuire aux autres priorités du
ministère en matière de recherche et de prévention, on
pense que les fonds consacrés à cet effort devraient être
limités et qu'ils devraient être complémentés par
les associations de thérapeutes alternatifs qui désirent une plus
grande reconnaissance publique, de façon à ce qu'ils assument une
partie prépondérante du financement de ces recherches.
Voilà, nous sommes disponibles pour répondre à
toutes vos questions. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Sabourin. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est un mémoire qui est fouillé, qui fait un
vaste tour de la littérature et qui est marqué, à mon
point de vue, par un souci d'évaluation scientifique des
thérapies alternatives. Je pense que, si j'ai bien saisi la trame de
fond, l'évaluation scientifique doit primer, avant même d'avoir
une reconnaissance légale des thérapies alternatives, qu'elles
soient dans le peloton de tête qu'on reconnaît... Vous en avez
mentionné tantôt qui font l'objet d'études plus
poussées et plus scientifiques au niveau des États-Unis
homéopathie, ostéopathie, massothéra-pie, et ainsi de
suite dans des instituts qui ont une auréole agrandie au
Québec depuis un certain temps, ou ailleurs. Donc, pour vous, l'aspect
scientifique est majeur. Et je ne veux pas vous amener dans un piège; je
vous dis tout de suite où je veux en venir, parce que l'occasion est
rêvée.
Vous avez parlé de La Presse de ce matin, je vous parle du
Devoir d'hier. Je pense que ça m'apparaît important, compte
tenu du fait que Le Devoir d'hier consacre quand même une bonne
page aux, semble-t-il, «nouveaux sorciers». Le titre était
assez gros. On connaît ça un peu, nous autres aussi. À
l'occasion, on est victimes de gros titres et on sait ce qui en reste. Il en
reste toujours quelque chose. Donc, on va profiter de la commission, ce matin,
pour aller chercher les éléments qui retiennent notre attention
et vous donner l'opportunité de répondre à ces
questions-là.
Dans votre témoignage, plus votre témoignage
avançait, plus je jetais un oeil sur l'article, du coin de l'oeil, pour
voir certains effets, et il me paraît y avoir deux opinions
différentes. Et, comme vous êtes, finalement, la Corporation
professionnelle, ceux qui avez à protéger le public, et vous le
faites par la volonté d'une évaluation scientifique, est-ce que,
à votre point de vue, dans votre profession, tout est évaluable
sur le plan scientifique?
M. Sabourin: Bon. Écoutez, il existe des ouvrages
savantsj'en ai même un avec moi, qui est un super gros ouvrage
qui font le point sur ce qu'on appelle aux États-Unis, en
anglais, l'«outcome and process study in psychotherapy». Il y a,
depuis au moins une trentaine d'années, un très grand nombre
d'études qui ont été réalisées à ce
sujet-là. Et, qui plus est une information que vous ne
possédez pas la Corporation professionnelle des psychologues
procède actuellement parce qu'on pratique ce que l'on
prêche à l'évaluation d'un mode
psychothérapeutique un peu percutant, celui des régressions dans
les vies antérieures. Il y a un rapport qui va être disponible
bientôt à ce sujet-là. On a un groupe d'experts qui a
travaillé là-dessus, qui a analysé toute la
littérature pertinente, qui a rencontré des gens qui pratiquaient
ces approches-là et qui va, donc, soumettre au bureau de la Corporation
des recommandations à ce sujet-là.
Étant donné qu'on a connu dans le passé, avec
certains de nos membres, un certain nombre de difficultés concernant un
certain nombre d'approches, la Corporation a l'intention, donc, dans la mesure
de ses capacités, de faire des évaluations, quand ça va
être possible, en fonction du fait que, dans notre code de
déontologie, l'article 1 mentionne que le psychologue doit utiliser des
techniques pour lesquelles il existe des bases scientifiques reconnues. Donc,
nous les premiers, c'est quelque chose qui nous préoccupe, et on a
l'intention de s'y «adresser». Et, si ça vous
intéresse, j'ai une bibliographie complète sur les
résultats concernant l'évaluation de la psychothérapie,
des modalités plus traditionnelles de psychothérapie:
«behaviorale», psychodynamique et autres. Il y a quand même
beaucoup de recherches faites à ce sujet-là.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
qu'il y a une préoccupation, chez vous, très impor-
tante d'évaluation scientifique. Vous m'apprenez, et ça ne
me surprend pas, l'article 1 de votre code de déontologie, qui est assez
clair.
Dans l'article du Devoir d'hier, il y a quand même des
affirmations qui sont là, qui sont assez percutantes, merci. Comme on
sait que les gens, plus souvent qu'autrement, sont attirés par les
titres et gardent l'impression à partir du titre... Comme je vous l'ai
dit tantôt, on est confrontés à ça chaque jour,
comme hommes politiques, donc... On dit: «Les nouveaux sorciers. La
psychothérapie est un art qui fait courir les foules, mais son
efficacité n'est pas toujours facile à mesurer.»
Évidemment, à l'intérieur de l'article, ce qu'on dit...
Vous suivez avec moi, là.
M. Sabourin: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): «Les recherches
indiquent que 45 % des effets positifs de la thérapie sont liés
au facteur de la rémission spontanée. En d'autres mots, un nombre
important de clients en thérapie auraient pu trouver une solution
à leurs problèmes en demeurant tout simplement à la
maison. Bref, le temps arrange souvent les choses.» (9 h 40)
Et, quand on continue, on cite de vos gens. J'imagine qu'ils sont
membres de l'ordre, là.
M. Sabourin: Certains.
M. Côté (Charlesbourg): Oui? Certains? O.K. Alors,
c'est pour ça que je vais peut-être en profiter pour faire la
distinction, puis, tant qu'à y aller, continuons, là, sur le plan
des citations, puis on essaiera de tout ramasser ça ensemble. Plus loin,
il est dit: «La question de la durée du traitement agace plusieurs
psychologues. Conrad Lecomte insiste sur la responsabilité sociale des
psychologues. "Ce n'est pas facile d'aborder cette question avec les
collègues peut-être parce qu'il y a des implications
économiques".» Ce ne serait pas la seule place, d'ailleurs; il y
en a à d'autres aussi. Donc, plus loin, il dit, M. Lecomte, «que
les psychologues doivent faire preuve d'humilité. "La technique a un
rôle mineur à jouer, dit-il. Le succès d'une
thérapie est lié à la qualité de la relation entre
le client et son thérapeute".»
Si on prenait cette déclaration pour acquise, il y a donc des
aspects qui, sur le plan de la valeur scientifique, seraient difficiles
à évaluer. J'en ai l'impression, à tout le moins. Et
comment vous conciliez cela avec votre article 1 de votre code de
déontologie? Je pense qu'on a besoin de se faire, à ce
niveau-là, rassurer et, par le fait même, vous avez une
opportunité extraordinaire, ce matin, de le faire.
M. Sabourin: Je peux vous donner un commencement de
réponse et demander à mon collègue, Germain Lavoie, de
continuer après. Dans ce que vous mentionnez, vous dites que ce n'est
pas facile à mesurer. C'est certain que ce n'est pas facile, parce
que... On appelle ça une approche multifactorielle. Il y a bien des
choses qui varient en même temps, mais ce n'est pas impossible à
faire. La preuve: j'ai quand même un certain nombre d'études, et
Conrad Lecomte est quand même un des spécialistes à ce
sujet-là. Il peut vous en parler de la même façon que
moi.
Par ailleurs, c'est sûr qu'il y a des gens pour qui le simple
passage du temps va entraîner une rémission spontanée. Bon.
C'est un nombre important de personnes. Par ailleurs, il y a des études
qui démontrent que ça varie en fonction de la gravité
préalable du problème que les personnes ont au départ. Il
y a certains problèmes que le passage du temps n'améliorera pas,
mais il va les détériorer. Il y a des gens qui ont des
problèmes courants de vie quotidienne, et c'est certain qu'ils n'ont
pas, à chaque fois et nécessairement, à consulter
quelqu'un pour obtenir un effet positif. S'ils le font, bien,
évidemment, une partie de l'effet positif qu'ils vont obtenir va
être due tout simplement au passage du temps. Il y a beaucoup
d'études qui démontrent ça. Mais je pense que c'est
important. Vous voyez le genre d'étude, justement: on essaie d'extraire,
des interventions qu'on pratique, ce facteur-là. On ne le garde pas sous
silence. Je pense que, ça, c'est un élément important.
Peut-être que Germain Lavoie peut continuer et vous apporter son point de
vue.
M. Lavoie (Germain): M. le ministre, je dirais que, dans notre
perspective de souci scientifique, on prend une certaine distance par rapport
à l'article du Devoir d'hier qui, lui-même, si vous voulez,
est une espèce de résumé très succinct, très
parcellaire, certainement, des choses qui ont pu être dites par Conrad
Lecomte en particulier et puis par d'autres intervenants.
M. Côté (Charlesbourg): Ça va nous consoler,
nous, les politiciens. Comme ça, ce n'est pas seulement à nous
que ça va arriver.
M. Lavoie: absolument. effectivement, la question des listes
d'attente dont on parlait tantôt, c'est-à-dire les 45 % qui sont
rapportés, là, et que vous avez évoqués, ça,
c'est une donnée qui remonte aux études d'eysenck et
ça date déjà, quand même, d'une trentaine
d'années qui a été un des premiers à
démontrer, effectivement, que, dans des listes d'attente
hospitalière, par exemple, il y avait des rémissions
spontanées qui survenaient et que, si on faisait une étude
d'efficacité de la psychothérapie sans tenir compte de ce facteur
du passage du temps, on était dans les patates. alors, c'est une
question méthodologique fondamentale et, naturellement, toutes les
études contrôlées sur l'efficacité des
différentes formes de psychothérapie vont prendre en compte la
question du passage du temps, comme elles vont prendre en compte l'effet
simple, par exemple, d'avoir un contact avec un thérapeute, etc. donc,
ça, c'est une question de contrôle des schemes
expérimentaux.
Et ce qu'on dit, au fond, dans notre mémoire, c'est que ce n'est
pas nécessaire, si vous voulez, avant
qu'on fasse quoi que ce soit, que la validité scientifique d'une
approche soit démontrée de a à z et tous azimuts. Ce qu'on
dit, c'est qu'il doit y avoir, si vous voulez, une démarche scientifique
dans la formation et dans la pratique professionnelle de qui que ce soit. Parce
que, la science, c'est quelque chose qui évolue, naturellement, de
façon constante.
Sur la question de la durée des thérapies,
évidemment, les opinions sont partagées là-dessus. On peut
dire que, effectivement, certaines thérapies se prolongent, sans aucun
doute, et on peut dire aussi que d'autres thérapies sont
définitivement trop brèves. Alors, le clinicien est toujours
confronté à ce dilemme-là de savoir, si vous voulez,
qu'est-ce qui est le mieux pour un patient donné à un moment
donné. Moi, j'ai fait à la fois des thérapies
prolongées, puis j'ai fait des thérapies ultrabrèves, une
séance d'une heure ou deux heures avec certains patients et, je veux
dire, il faut étudier ça dans chaque cas.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis après
gérer le temps, tenter de gérer le temps. Qu'est-ce que vous
faites, comme corporation, pour vous assurer que vos membres respectent,
finalement, votre code de déontologie? J'aimerais vous entendre
là-dessus davantage parce que, hier soir, effectivement, on a eu des
témoignages et, pendant un bon bout de temps, on a pensé que
c'était un psychologue reconnu qui avait orienté des gens vers
des cours de croissance personnelle, pour apprendre, ultérieurement, que
c'est quelqu'un qui avait usurpé le titre, comme vous l'avez un peu
évoqué tantôt. Et, à partir du moment où vous
faites votre travail au niveau de vos membres, ce que j'ai compris, c'est que
vous nous orientez, au-delà de la valeur scientifique, là, de la
base scientifique, vers l'information de la population. Donc, je voudrais vous
entendre davantage là-dessus, parce qu'une campagne publicitaire ne
règle pas tout; elle rend disponible une information. Bon.
Vous ajoutez, là, une certaine permanence dans de l'information
disponible sur le plan téléphonique, par trois propositions
précises au niveau d'Info-Secte et des deux autres. Mais, d'abord, dans
un premier temps, au niveau de votre corporation, vis-à-vis de vos
thérapeutes, qu'est-ce que vous faites pour protéger le public?
Et, à la lumière de cette expérience, qu'est-ce qu'on peut
faire, en information additionnelle, pour protéger le public contre...
Moi, j'avais toujours entendu, à un moment donné, 117; ça
a augmenté à 265, et vous nous parlez d'au-delà de 400
thérapies alternatives. C'est le temps que la commission finisse, parce
qu'on va finir avec...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...1000.
M. Sabourin: Bon. Il y a deux parties dans votre question...
Une voix: Je me demande si ça n'a pas doublé...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Sabourin: Bon. Il y a deux parties dans votre question, M. le
ministre. Je vais tenter de répondre dans l'ordre. La première,
c'est la question du contrôle qu'on exerce sur nos membres par rapport
à une pratique déontologique. Bien, ça, je pense que c'est
clair. Il y a eu certaines causes célèbres qui ont fait l'objet
des manchettes de journaux l'année dernière et qui touchaient
à des problématiques de cette nature. Donc, nous, on est un peu
entre l'arbre et l'écorce, là. On a le public à
protéger, puis il y a, bien sûr, nos membres qui se plaignent
qu'on abuse et qu'on fait parfois un excès de zèle à ce
sujet. Ça fait que, malgré tout, on essaie de faire notre
possible...
M. Côté (Charlesbourg): Et élu par ses
membres.
M. Sabourin: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Et élu par ses
membres.
M. Sabourin: C'est exactement ça, oui. Bon. Malgré
tout ça, on essaie, je pense, de faire un bon travail. C'est assez
complexe, parce que, pour un certain nombre de thérapies, comme on le
mentionnait tantôt, il n'y en a pas, d'évaluation scientifique.
C'est pour ça que, nous-mêmes, concernant la régression
dans les vies antérieures qui fait l'objet d'une certaine
popularité, on a entrepris d'essayer de faire le tour de cette
question-là. Il est prévu qu'on va le faire pour d'autres
approches qu'on retrouve chez une certaine proportion de nos membres. Bon.
Donc, concernant le contrôle, bien, on utilise à plein et à
fond, j'oserais dire, les mécanismes disciplinaires. Ça nous
coûte très cher; c'est une partie importante de notre budget. On
dépense deux fois plus que la moyenne des autres corporations à
ce sujet-là, puis ce n'est pas toujours facile. Quand c'est les membres
eux-mêmes qui défraient ces coûts-là, il faut comme
justifier ça en bout d'année, là.
Deuxièmement, l'information de la population. Je pense que, si on
revient à l'article du Devoir que vous mentionniez, dans la
petite colonne de droite, dans le bas, on voit, dans le dernier paragraphe, que
la Corporation a préparé ce qu'on qualifie d'«excellent
guidece n'est pas moi qui le dis à l'intention des
personnes qui désirent recourir aux services d'un psychologue».
Ça fait que, bon... Donc, on a un certain nombre de publications qui
sont disponibles pour le public. Depuis quelques années, on participe de
façon régulière à des campagnes, habituellement en
interaction avec d'autres professions. Un exemple, ça a
été celui sur l'abus des tranquillisants avec l'Ordre des
pharmaciens; on a donc fait imprimer une brochure qu'on a rendue
disponible.
Egalement, à de nombreuses occasions en cours d'année, on
fait des conférences publiques, et on a découvert là
quelque chose d'absolument incroyable
comme besoin. Les premières conférences publiques
et c'est des conférences qui font le tour de la province, dans les
principales villes, parce qu'on s'est dit qu'il y a des gens, bien sûr,
qui habitent hors les grands centres à chaque fois, c'est
à guichet fermé. Ça fait trois ans, c'est la
troisième année qu'on fait des conférences pour renseigner
la population sur des choses qui ont rapport avec l'éducation des
enfants, qui est un sujet très populaire, et on a l'intention de
continuer dans ce sens-là, parce que le besoin est là, et on
pense que c'est notre devoir de rencontrer ce besoin-là et de tenter
d'aider la population à ce niveau-là. (9 h 50)
Nous, on ne dispose pas de budgets illimités. On pense, par
ailleurs, qu'avec l'Office des professions et peut-être le
ministère de la Santé et des Services sociaux on pourrait
travailler en collaboration, éventuellement, pour mettre au point des
campagnes. On est, d'ailleurs, consultés régulièrement.
Tout récemment, la Régie de la région de Montréal
nous consultait dans son dossier sur la prévention en santé
mentale. Donc, on était la seule corporation qui était
consultée, je pense, parce qu'on a déjà, au niveau du
public, cette espèce d'habitude d'être en contact avec lui et de
le renseigner.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, je vous en
permettrai peut-être une autre petite dernière.
M. Côté (Charlesbourg): Une petite dernière,
très rapide. Comme plusieurs intervenants devant la commission, vous
souhaitez une clarification des pouvoirs de l'Office de la protection du
consommateur. Est-ce que vous croyez que l'Office de la protection du
consommateur a suffisamment de ressources? Vous allez me dire non, là,
mais, au-delà des ressources sur le plan financier, est-ce que c'est
l'endroit où il faut, effectivement, dire: Bon, tout le reste, tous ceux
qui, sur une base scientifique, ne réussissent pas parce que
c'est un peu ça, la tendance qui s'est dégagée
à faire la démonstration d'un mieux-être au niveau des
individus, bien, ça va devenir comme pour un plombier, un
électricien, un vendeur de balayeuses: on envoie ça à
l'Office de la protection du consommateur et, finalement, ce qu'on veut, c'est
de l'information du public, puis le respect du contrat? C'est un peu ça,
là. Est-ce qu'on ne marginalise pas un peu, à ce
niveau-là, en envoyant ça à l'Office de la protection du
consommateur? Ça me paraît être le fourre-tout, là.
On se dit: On envoie ça là; l'Office se débrouillera avec
ça, et on aura par la suite, nous autres, une bonne conscience.
M. Sabourin: Je pense que notre recommandation va dans le sens,
surtout, de protéger le public contre les préjudices que j'ai
qualifiés tantôt d'économiques. Ces
préjudices-là, et uniquement ces préjudices-là, on
pense qu'il devrait y avoir une instance, au niveau de l'administration
publique, qui puisse s'en occuper et en ayant la compétence voulue pour
ce faire. Je pense que l'OPC est un organisme qui a une longue tradition et qui
possède les outils, les instruments nécessaires pour pouvoir,
peut-être, lutter contre ces préjudices et, en fait, donner
satisfaction au public qui s'estime lésé. C'est uniquement dans
ce sens-là.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Et, évidemment,
profiter de ça pour informer le public des délinquants et ainsi
de suite, au-delà de l'information plus...
M. Sabourin: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
M. Gariépy (André): Et je pourrais ajouter, M. le
ministre, que l'OPC a quand même une très bonne expérience
et expertise dans tout ce qui concerne les questions de fausses
représentations.
M. Côté (Charlesbourg): Mais pas beaucoup en
thérapies alternatives.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître M. le député de
Rouyn-NorandaTémiscamingue. S'il vous plaît, M. le
député.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la
bienvenue, au nom de l'Opposition, aux gens de la Corporation professionnelle
des psychologues. Mémoire très intéressant et,
effectivement, marqué nettement au coin de l'approche scientifique et
des progrès, au cours des derniers siècles, de la méthode
scientifique. C'est important, donc, de pouvoir compter sur des groupes qui
nous présentent une façon dont nous pourrions aborder
l'évaluation d'un certain nombre d'approches.
J'ai, cependant, M. le Président, envie d'être un peu
sévère dans un certain nombre de questions, enfin, toujours pour
aller dans la bonne direction de la protection du public et du mieux-être
de la population, en me demandant, parfois, si le «scientifisme»
n'est pas devenu lui-même une nouvelle religion qui serait capable de
tout évaluer, de tout mesurer. On serait à l'aube du
«scientifisme», de la méthode scientifique du mesurable et
de l'observable. À ce compte-là, des phénomènes de
l'esprit, de l'ésotérique, de tout ce secteur-là, quand
allez-vous évaluer l'Église catholique? Quand va-t-on
évaluer les Témoins de Jéhovah? Quand allons-nous
évaluer la pratique religieuse d'un certain nombre, et la foi? Enfin,
vous voyez bien, M. le Président, je grossis la question pour aller au
bout et voir les limites de l'approche que vous suggérez, qui, à
mon avis, n'ayez crainte, doit être utilisée.
Ce qui m'inquiète dans l'approche que vous dites, c'est:
soumettons tout à la méthode scientifique, aux résultats
observables et mesurables, et on aura des résultats pour indiquer au
public ce qui peut présenter des
dangers, ce qui peut présenter des éléments de
préjudice grave pour le public. Qui va établir, qui va
décider qu'on doit évaluer telle approche, telle technique, telle
orientation, telle pratique dite alternative par rapport à quelque
chose, ça va de soi, par rapport à ce qui est reconnu
actuellement principalement par le mécanisme du Code des professions?
Comment on va décider cela? Comment on va définir qui va
évaluer quoi et comment? Pourquoi on va faire ça?
M. Sabourin: Écoutez, ma réponse va peut-être
vous sembler simpliste, mais on va le faire de la même façon,
exactement, que les Américains l'ont fait pour déterminer, au
niveau du NIH, qu'on était pour évaluer l'acupuncture,
l'homéopathie, la massothérapie et l'autre que j'oublie. Je pense
qu'on a suffisamment de gens bien au courant des différentes techniques
d'intervention en santé, soit au ministère ou soit
présents dans la société, pour ensemble prendre ce genre
de décision là.
En ce qui concerne l'aspect du préambule de votre question, qui
touchait à l'évaluation de la religion, écoutez, c'est
certain qu'on ne veut pas évaluer les systèmes de croyances. On
le dit dans notre mémoire, un système de croyances, c'est quelque
chose auquel on adhère sans même se poser de questions. Et
ça, nous, on respecte ça, sauf qu'on dit que, souvent, au niveau
de ce qu'on prétend être des résultats d'intervention, donc
qui pourraient être mesurés scientifiquement, de fait, c'est le
résultat d'une croyance. Le système de croyances, pour nous, ce
n'est pas quelque chose qui est apprehensible par les méthodes de la
science. D'ailleurs, il n'y a pas de raison de le faire. D'ailleurs, les
religions ne prétendent pas guérir, si ce n'est l'âme.
C'est pour ça qu'à ce moment-là, pour nous, ça ne
nous apparaît pas être quelque chose devant être fait. Je ne
sais pas, peut-être que mon collègue Lavoie aurait des
choses...
M. Lavoie: Bien, peut-être que j'aurais envie
d'enchaîner un peu sur la question du diagnostic, qu'on n'a pas
abordée actuellement, qui se rapporte en partie au mesurable, mais en
partie aussi au non-mesurable, à l'intuitif. C'est la partie à la
fois scientifique et artistique, disons, des sciences de la santé. Une
des questions qui nous préoccupent le plus dans toute cette histoire des
thérapies alternatives, c'est d'abord le fait que le mot
«thérapeute» lui-même revient partout et que nulle
part, ou très rarement, en tout cas, voit-on des systèmes
diagnostiques cohérents et documentés dans ces
organisations-là, alors que le critère de base, disons, qui va
guider la formation d'un psychologue ou d'un médecin ou d'un
physiothérapeute, par exemple prenons les disciplines qui sont
à l'intérieur du giron de la santé c'est
d'acquérir, avant toute chose et avant d'intervenir au niveau du
traitement, une formation très solide au niveau du diagnostic,
premièrement, avant le début du traitement.
Et, ensuite, il faut comprendre que c'est une perspective, la
perspective diagnostique, et que, dans notre pratique, c'est quelque chose
qu'on exerce tous les jours, avec chaque patient qu'on voit, même au
cours d'une thérapie. L'évaluation du progrès de la
thérapie se fait en fonction de paramètres diagnostiques qu'on a
toujours, en quelque sorte, en arrière de la tête, «in the
back of the mind». Et ça, c'est une question qui nous paraît
tout à fait capitale. Je veux dire: Si, moi, je veux envoyer mon
père, ma mère, mon frère, ma soeur en traitement, je
m'attends à ce que la personne qui va la recevoir soit habilitée
à fournir à cette personne que je lui envoie en toute confiance
une évaluation diagnostique solide et soit en mesure de
réévaluer le diagnostic.
Alors, je voudrais dire ça, parce que la perspective scientifique
n'est pas seulement ce qui est absolument mesurable, mais comporte aussi, si
vous voulez, un corpus de savoir qui est acquis par expérience, d'une
façon plutôt empirique que, disons, expérimentale, mais qui
fait aussi partie de la science.
M. Sabourin: Juste une courte addition. Ça me fait penser,
justement, qu'au niveau du projet de loi 43, en Ontario je pense que
vous l'avez vous-même cité à quelques reprises la
façon de fonctionner est très différente de ce qui existe
au Québec. Et, en ce qui concerne la psychologie, c'est
intéressant de constater les modalités qu'on a mises en place. Il
y a les psychologues qui possèdent un certain nombre d'actes, notamment
le diagnostic ça fait partie des actes partagés avec les
médecins et avec d'autres et on a créé une nouvelle
catégorie de ce qu'on appelle, en anglais je ne sais pas la
traduction française «psychological associates».
C'est des gens qui n'ont pas le doctorat en psychologie, qui ont la
maîtrise et qui doivent, pour des considérations diagnostiques,
travailler sous la supervision de la personne qui est, elle,
«psychologist» ou qui a donc le titre complet de pratique. Toute
cette notion-là de supervision m'apparaît être quelque chose
d'important pour éviter ce que Germain Lavoie appelait les abus
possibles des mauvais diagnostics. (10 heures)
M. Trudel: Bien, ça me semble important, à partir
de cet exemple-là que vous donnez, en terminant, dans votre
réponse, de soulever cela parce que je donne mon opinion
là-dessus aussi. Il faut que l'évaluation soit
multicritériée. Il faut qu'elle inclue l'ensemble des
éléments de la critique et un ensemble de points de vue, parce
que vous êtes en plein dans le secteur scientifique de la psychologie.
Souvenons-nous, encore récemment, au cours des 30 dernières
années, quand les travaux de Skinner ont été mis à
jour: Hors du behaviorisme, point de salut chez les psychologues. Tous les
autres, tous les freudiens et les autres approches, étaient bannis de
l'église de la psychologie scientifique. Hors du behaviorisme, on
était des galeux du système, on partageait des croyances. Et,
pourtant, vous savez très bien que les behavioristes ont fini par se
rattraper en se définissant souvent comme étant du behaviorisme
social, hein? Ils ont compris que...
M. Sabourin: Cognitif.
M. Trudel: Ou comment? M. Sabourin: Cognitif.
M. Trudel: Cognitif. Oui, tout à fait. Je dirais, un peu
à la blague, pour rattraper l'histoire et rattraper la science aussi, ce
qui avait été fait dans d'autres secteurs. Il faut donc, à
mon avis... Et je dois vous dire que je supporte entièrement, quant
à moi, la nécessité de l'évaluation dite
scientifique, mais non pas dans un cadre cartésien strict, très
strict. Il faut que tous les points de vue soient inclus, et la source
d'évaluation va donc devenir extrêmement importante, et la
variation des sources, des lieux d'évaluation va donc devenir
extrêmement importante.
Sur le plan concret, je veux bien croire qu'on n'a pas à
reconnaître, qu'on n'a pas à légaliser... Je vais prendre
vos termes: «Que le gouvernement ne reconnaisse pas légalement le
statut et les pratiques des thérapeutes alternatifs.» Mais,
à partir de l'affirmation générale qu'on contrôle
bien ce qu'on connaît bien, ce n'est pas parce qu'on ne les
reconnaîtrait pas légalement, vous l'avez dit un peu tantôt,
qu'on va les faire disparaître de la surface nord-américaine,
qu'on va faire disparaître, qu'on va nier le phénomène.
À mon avis et je vous demande tout simplement votre opinion
à ce moment-ci, je crois que le risque est plus
élevé de laisser circuler ça de façon
extrêmement libre sans aucun point de référence pour le
consommateur, la consommatrice, pour le citoyen et la citoyenne par rapport au
fait de donner un certain encadrement je choisis mes mots; la commission
n'a pas terminé ses travaux que certains traduiront et
votre référence au ministère de l'Éducation par
rapport à un certain nombre d'activités de fonctionnement doit
nous faire réfléchir que certains interpréteront
peut-être, c'est-à-dire un cadre qui va être
interprété comme une reconnaissance de l'état et de
l'existence, donc, en soi du phénomène.
Ce que je vous demande comme question, c'est: À partir du moment
où ça existe, où il faut encadrer cela, quels sont les
autres moyens qui pourraient être à la disposition d'un
État ou du gouvernement pour contrôler le phénomène
des thérapies alternatives, contrôler au sens de connaître
et être capable de les identifier pour éventuellement renseigner
le public? Est-ce que ça vous apparaît une voie qui, quand
même, est explorable et souhaitable?
M. Sabourin: Comme je l'ai mentionné tantôt, je
pense, d'une façon relativement extensive, on trouve qu'il y a des
risques plus grands à reconnaître qu'à ne pas
reconnaître parce que, déjà, la population est très
mêlée à ce niveau-là et, déjà, comme
l'indique le rapport de l'Office des professions, 82 % de la population pensent
que des gens qui ont des pratiques alternatives ont des diplômes
délivrés par des institutions reconnues, ce qui n'est pas le
cas.
Nous, ce qu'on suggère à la place... Vous nous demandez,
donc: Si ce n'est pas ça, qu'est-ce que ça peut être
d'autre, quelle serait l'alternative, si je peux me permettre l'expression?
Puisque, dans bien des cas, le préjudice subi est d'ordre
économique, on pense que l'Office de la protection du consommateur,
comme je répondais tantôt au ministre, serait une instance qui
pourrait s'occuper des plaintes à ce niveau-là. On pense aussi
qu'il y aurait un effort important d'information du public à faire, et
ça, ça pourrait se faire avec la collaboration ou la coordination
à la fois du ministère, de l'Office des professions et des
corporations du domaine de la santé, et peut-être d'autres
joueurs, aussi, que je n'identifie pas pour l'instant.
Je pense qu'on a un devoir important d'information du public. Ça,
on ne le fait pas et on ne le fait pas depuis des années; c'est toujours
reporté et, de fait, la population est très mêlée
par rapport à tout ce qui concerne le monde professionnel. Je trouve que
c'est très dommage qu'on utilise des faux-fuyants ou qu'on utilise des
façons, à mon avis, plus simples et qui mettent de
côté notre responsabilité, en créant une
reconnaissance pour qui le risque est très grand d'être
utilisée d'une façon pas directement reliée à ce
que cette reconnaissance-là va impliquer.
Dans l'exemple que je donnais sur les cours de culture personnelle, bien
à l'époque, j'avais regardé le dossier
l'accréditation d'un cours de culture personnelle était
uniquement associée au fait que les conditions minimales
d'hygiène publique étaient respectées dans les
établissements qui offraient les cours. Mais pensez-vous que les gens
qui s'annonçaient comme étant accrédités par le
ministère de l'Éducation, c'est ça qu'ils mentionnaient?
Bien, pas du tout. C'était leur compétence qui était
accréditée. Ça fait que c'est très dangereux de
donner ça aux gens, dans la population, qui n'ont pas la formation
voulue pour pouvoir faire la discrimination qui s'impose, de leur envoyer
ça, vlan! et en mettant le sceau de l'approbation gouvernementale. Les
gens font confiance à leur gouvernement. Peut-être qu'ils ne
devraient pas, mais ils font confiance à leur gouvernement, et il faut
qu'on tienne compte de ce facteur-là.
M. Trudel: Ce n'est pas un effet placebo, ça, vous voulez
dire, là, hein? Non?
M. Sabourin: Ha, ha, ha!
M. Trudel: La confiance au gouvernement, ce n'est pas un effet
placebo, non? O.K. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. Gariépy, vous voulez
rajouter quelque chose?
M. Gariépy: Oui. Bien, je me permettrais peut-être
d'intervenir en dehors du cadre de ma position ici, étant donné
que je ne suis pas un scientifique, je suis simplement un avocat. Comme
ça fait quelques mois que je suis à la Corporation des
psychologues, je prétends encore avoir la virginité du citoyen
simple et honnête dans sa vie paisible. Je me permettrai peut-être,
là, à la surprise de mes collègues à la table, de
faire un
petit cri du coeur du simple citoyen.
J'ai vu, dans mon groupe d'amis, des gens qui ont passé à
travers toutes sortes de choses un peu capotées, là, dans ce
genre-là, et je peux vous dire une chose: Quand le gouvernement, qui est
là principalement pour représenter et protéger les
citoyens, va donner une caution à quelqu'un, bien, moi, j'ai tendance
à faire un peu confiance et à dire: Bien, je m'abandonne à
la science et à la connaissance que le gouvernement a reconnues à
cette personne-là. N'importe quelle forme de reconnaissance, que le
gouvernement, en toute bonne foi, dise: Non, non, c'est limité à
ça seulement, ça sera récupéré.
Dans certaines publicités je vais vous en citer une ici
on dit: Un programme unique enregistré au bureau du droit
d'auteur. Mais qu'est-ce que c'est que ça veut dire, être
enregistré au bureau du droit d'auteur? Ça ne donne aucune
validité scientifique, mais ça donne un certain sérieux.
Ce sont des spécialistes de la récupération. Il faut faire
excessivement attention. Et, moi, je ne suis pas un scientifique, mais je me
dis une chose: II faut dissocier l'approche scientifique du système
politico-industriel qui est associé au domaine scientifique. Et, moi, je
me dis: L'approche scientifique, c'est une évolution prudente, pas un
conservatisme, une évolution prudente. En tant que citoyen, si mon
gouvernement a à reconnaître des gens et qu'il dit au citoyen: Va
voir cette personne-là, on lui a reconnu une compétence à
faire quelque chose qui va te donner un bien-être quelconque, si mon
gouvernement veut faire ça, je crois qu'il doit y aller avec de la
prudence, parce que, moi, je donne à cette personne-là mon
équilibre psychologique et mon intégrité physique; je ne
veux pas du tout qu'on passe la charrue sur mon corps ou dans mon esprit et
qu'on fasse de moi un résultat d'une boucherie thérapeutique. (10
h 10)
C'est ça, là, finalement. Je ne suis pas un
proscientifique, je ne suis pas un proésotérique, mais, moi, ce
que je dis à mon gouvernement, en tant que cri du coeur de simple
citoyen: Soyez prudent là-dedans parce que, moi, si, de par ma formation
universitaire, j'ai minimalement un sens critique, même si ce n'est pas
un sens scientifique, je suis bien conscient qu'il y a bien des gens qui n'ont
pas ce sens critique là et qui vont se faire avoir royalement par une
récupération d'un quelconque titre, qu'il soit même
minimal. Alors, faites attention.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Gariépy.
M. Trudel: Oui, c'est un cri, je pense, qu'il faut
entendre...
Le Président (M. Joly): En conclusion, M. le
député.
M. Trudel: Oui, en conclusion là-dessus, c'est un cri
qu'il faut entendre en disant, en vous taquinant un peu: Bien sûr, on
peut connaître le droit sans être avo- cat. Vous avez raison. On
peut être capable de juger et de se défendre. À preuve,
dans le domaine, la Cour des petites créances nous a créé
un lieu où les citoyens peuvent être capables de se
défendre eux-mêmes à partir des simples principes de la
justice naturelle. Vous avez raison qu'il faut être prudents sur
l'appropriation de vertus que l'on ne veut pas nécessairement
prêter par une certaine reconnaissance en voulant l'encadrer. Mais, par
ailleurs, je pense que vous allez convenir qu'il faut mettre en
équilibre le fait qu'on contrôle mieux ce qu'on connaît et
ce qu'on a identifié que ce qui est laissé à la
liberté totale d'exercice ou de pratique dans le milieu. Mais je ne peux
pas, en terminant...
Le Président (M. Joly): Très rapidement.
M. Trudel: ...m'empêcher de vous poser une question sur la
dynamique générale de la loi 43, M. Sabourin, puisque vous y avez
fait allusion. Justement, la dynamique générale de la loi dit: II
y a un certain nombre d'actes qui exigent d'être posés par un
certain nombre de spécialistes avec des qualifications parce que les
préjudices qui peuvent en résulter sont graves. Une autre
série d'actes c'est les 13 actes réservés à
un certain nombre de personnes qui doivent avoir les qualifications
peuvent être réalisés par des personnes à qui on
réserve le titre. Et tout le restant est laissé au jugement des
citoyens, à l'effet général du Code criminel,
c'est-à-dire les prescriptions en ce qui concerne l'abus de confiance,
l'abus de pouvoir, et des lois inhérentes en matière de contrat
de par l'Office de la protection du consommateur. Est-ce que ça vous
apparaît une dynamique générale qui est abordable dans le
contexte québécois?
M. Sabourin: Je pense que c'est un modèle fort
intéressant que je connais assez bien, moi aussi, et je pense que la
distinction qu'on fait entre actes réservés et actes exclusifs
nous apparaît davantage conforme à la réalité
actuelle. En ce qui concerne la non-réglementation de tout ce qui n'est
pas nommément réglementé, là, peut-être qu'il
y aurait des choses avec lesquelles je ne serais pas. d'accord, mais
l'économie générale du modèle m'apparaît fort
intéressante et va certainement faire l'objet d'une analyse approfondie
au niveau du ministre responsable de l'application des lois professionnelles et
de l'Office des professions.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci de cette contribution.
Quant à l'appel du citoyen, je pense que c'est un peu le but de la
commission, aussi. C'est ce qu'on s'était dit: Si on a de l'audace,
voyons jusqu'où il faut être prudent. Et c'est un peu ça
qui était notre...
Le Président (M. Joly): Ha, ha, ha! M. Trudel:
Merci de votre contribution.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, au nom de la
commission.
Maintenant, j'inviterais les gens représentant la
Société québécoise des psychothérapeutes
professionnels, masculins et féminins, à bien vouloir
s'approcher, s'il vous plaît.
Alors, bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Il me fait plaisir de vous
accueillir. Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes pour livrer
votre mémoire et, par après, les parlementaires
échangeront avec vous. Alors, j'apprécierais, M. Gauthier, de
bien vouloir peut-être nous introduire les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Société québécoise des
psychothérapeutes professionnels (SQPP)
M. Gauthier (Pierre): Certainement. Merci, M. le
Président. M. le Président, M. le ministre, distingués
membres de la commission, à ma droite siège Suzanne David,
psychologue, psychothérapeute, responsable du comité des
admissions dans notre société, et, à ma gauche,
Andrée Thauvette-Poupart, travailleuse sociale, psychothérapeute,
vice-présidente de la Société. Moi-même, je suis
psychoéducateur, sociologue et psychothérapeute. Je suis le
président de la Société en question.
Quelques mots sur la Société qui est jeune, qui a
été fondée en 1990, qui a été
incorporée en 1991. Notre travail, depuis que nous existons nous
avons même planifié notre existence avant a beaucoup
consisté à établir une définition
opérationnelle de la psychothérapie qui soit
critériée, qui puisse nous guider ensuite dans
l'élaboration de critères d'admission de psychothérapeutes
en provenance de diverses origines académiques et professionnelles.
Alors, je pense que vous allez entendre peut-être un son de cloche
différent, là, de ce qui a été dit au cours de
l'heure qui a précédé. Nous voulons tout de suite vous
dire que la raison principale de notre présence ici, c'est de
défendre le droit de psychothérapeutes professionnellement
qualifiés à l'exercice de leur compétence et de
défendre le droit du public à leurs services. C'est-à-dire
qu'on s'inscrit dans le cadre d'une protection et d'un appel à la
protection d'une grande richesse de créativité, de
compétence et d'humanisme, je dirais, qui s'est
développée, au cours des 50 dernières années au
Québec, au profit de milliers de gens et à un coût minime
pour l'État.
Alors, on est d'accord qu'il faut être très plein de
précautions dans ce domaine, mais on trouve qu'il est essentiel de
protéger les acquis, c'est-à-dire l'espèce de floraison de
toutes sortes d'approches dont une partie peut sembler farfelue et bizarre,
mais où il y a énormément de services potentiels et
réels au public du Québec.
Sur l'accréditation des psychothérapeutes professionnels,
je cède la parole à ma collègue, Suzanne David.
Mme David (Suzanne): Bon, alors, nous pensons que la pratique de
la psychothérapie doit être réglementée et nous
pensons aussi que cette réglementation doit non seulement
protéger le public, mais également protéger la profession,
lui permettre de grandir et de se développer. Or, la question de
l'accréditation des psychothérapeutes présente plusieurs
difficultés que nous avons tenté de résoudre en
élaborant des critères d'admission opérationnels.
Mais, avant de vous en parler, nous voudrions attirer votre attention
sur un des principaux motifs qui ne nous permettent pas de retenir la
recommandation de l'Office des professions, à savoir que les
corporations existantes accréditent les psychothérapeutes. Nous
pensons que le problème de l'accréditation des
psychothérapeutes est une des conséquences de l'évolution
de la connaissance. C'est la vision que nous avons de l'être humain qui a
changé. Nous savons maintenant que, pour le comprendre, nous ne pouvons
pas l'aborder en pièces détachées, mais que nous devons
avoir une vision et une compréhension globales de sa situation.
C'est la question holistique qui est en cause, qui bouscule nos
structures, et elles devront changer, progressivement peut-être, mais
changer quand même. L'holisme a comme caractéristique de percevoir
les liens et non pas les différences. Or, dans le système
corporatif, on établit les frontières et les différences.
D'ailleurs, l'exposé de M. Sabourin fait état du fait que les
frontières sont devenues perméables et qu'on ne peut plus parler
de psychothérapie sans parler aussi d'autres pratiques. Le
système corporatif actuel ne peut contenir la pratique holistique de la
psychothérapie. Il ne peut donc favoriser le développement de la
recherche en psychothérapie puisque les praticiens sont cantonnés
dans leur secteur défini d'intervention et qu'ils ne peuvent mener
à bien, dans la légalité, leurs recherches empiriques.
Les corporations existantes, qui se partagent actuellement la pratique
de la psychothérapie, ne peuvent favoriser le développement de la
recherche sans dépasser les limites de leur juridiction et entrer en
conflit avec d'autres corporations. La cothérapie doit être
possible. Actuellement, il est impossible aux membres des corporations
existantes de référer des clients à des thérapeutes
non membres de corporations sans encourir des mesures disciplinaires
sévères. Le client est donc privé d'une ressource pouvant
l'aider, et la recherche n'avance pas. Il apparaît donc que la
psychothérapie ne peut être réglementée que dans un
contexte multidisciplinaire et hors du cadre corporatif tel que défini
actuellement. (10 h 20)
À propos des critères d'admission que nous avons
élaborés, nous voulions établir des critères
d'admission qui ne soient pas uniquement académiques, ce qui est le cas
pour la plupart des formations. Actuellement, pour être membre d'une
corporation, on a un diplôme et on devient admissible à la
corporation. Alors, nous n'avions pas cette perspective-là. Nous
considérons que le psychothérapeute doit offrir des
qualités et présenter certaines normes, autant au plan de
l'être, du faire et du savoir.
Alors, nous avons commencé par élaborer une
définition de la psychothérapie, ce qui n'a pas été
facile, mais ce qui a été fait, rapport qui a déjà
été présenté à l'Office des professions
lorsque l'Office des professions faisait son enquête sur la question.
Ensuite, nous avons élaboré des critères d'admission qui
se basent sur cette définition et, également, dans tout ce
travail, on a consulté des documents de nos amis européens comme,
par exemple, le syndicat français des psychothérapeutes et
d'autres regroupements du type.
Pour élaborer ces critères, d'abord, nous en avons
formulé une dizaine et nous les avons soumis à consultation
auprès de 83 psychothérapeutes du milieu montréalais qui
avaient au moins 15 ans d'expérience. Nous avons procédé
à deux reprises à cette consultation. Les gens nous retournaient
les formulaires avec leurs commentaires à propos de nos critères,
on corrigeait, et on a fait comme ça le va-et-vient deux fois pour
aboutir à une série, donc, de 11 critères qui sont
actuellement valables et en application. Ces critères sont
précis, ils sont opérationnels, ils sont quantifiables, et ils
expriment en pourcentage le degré de correspondance qu'il existe entre
une candidature et les critères de la Société.
J'aimerais ajouter une remarque à ma présentation qui est
un peu une réponse à l'inquiétude de M. Sabou-rin qui,
tantôt, mentionnait et déplorait le manque de formation des
psychothérapeutes qui ne font pas partie des corporations existantes. Ce
que je veux dire à ce sujet-là, c'est que la plupart des
psychologues diplômés de l'Université de Montréal ou
du Québec faisant partie de la corporation des psychologues ne
pourraient pas être membres de la Société
québécoise des psychothérapeutes professionnels, pour la
simple raison qu'ils ne rencontreraient pas nos critères.
C'est ça que je voulais dire, et je voudrais rappeler
également quelque chose à propos des psychologues. Je ne veux pas
attaquer ma corporation, mais préciser des choses importantes. Un
psychologue n'est pas un psychothérapeute. Un psychologue, c'est une
personne qui a des connaissances générales sur l'être
humain, mais à l'université on ne donne pas de formation en
psychothérapie. La psychothérapie, c'est quelque chose qui se
développe en dehors des cadres universitaires. Je pense qu'il y a autant
de différence entre un psychologue et un psychothérapeute qu'il y
en a entre un biologiste et un médecin. Merci.
Le Président (M. Joly): Madame, merci. M. le ministre,
s'il vous plaît. Oh, excusez, madame...
Mme Thauvette-Poupart (Andrée): Oui, d'accord.
Le Président (M. Joly): ...Thauvette.
Mme Thauvette-Poupart: Alors, pour ce qui est de l'information du
public, présentement, nous assistons à une offensive de la part
des corporations pour assurer le monopole de la psychothérapie, et cela
s'accompagne de sévères mises en garde contre le charlatanisme,
les fausses représentations et les pratiques douteuses. Nous sommes
aussi d'accord que c'est important de protéger le public relativement
à ça, et c'est une des raisons de notre existence, comme ma
consoeur le mentionnait, en élaborant des critères
sévères d'admission dans notre pratique.
Mais cela laisse entendre que toute pratique en dehors des corporations
existantes constitue soit de l'incompétence ou de l'escroquerie et,
à mon sens, c'est beaucoup de désinformation, à deux
titres. Ça veut dire qu'on suppose que tous ceux qui pratiquent la
psychothérapie dans les cadres d'une corporation sont automatiquement
qualifiés pour le faire, alors qu'il y a peu de corporations
professionnelles qui ont des critères spécifiques à la
pratique de la psychothérapie. Et on suppose aussi que tous ceux qui
pratiquent hors des cadres corporatifs comme tels sont automatiquement
disqualifiés, alors qu'il y a des personnes extrêmement
compétentes, qui font partie d'associations reconnues ou pas, et qui
pratiquent la psychothérapie.
Alors, à notre avis, c'est important que l'information soit
distribuée de façon juste pour tous les intervenants en
psychothérapie. Il y a d'autres moyens d'informer le public, par
exemple, sur des points importants comme: quelles sont les possibilités,
quelles sont les limites de la psychothérapie ce n'est pas la
panacée qui va régler tous les problèmes qu'est-ce
qu'on peut faire en psychothérapie, ce qu'on ne peut pas faire, comment
choisir son thérapeute, comment choisir la personne qui nous convient,
etc.
Alors, je pense qu'il y a des choses à faire à ce
niveau-là, et c'est ce que je voulais apporter.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
M. Gauthier: Dernier point, M. le Président, si vous le
permettez, le rôle du réseau de la santé et des services
sociaux par rapport aux psychothérapies. Premièrement, on trouve
que le réseau devrait reconnaître que la psychothérapie
valide et fiable existe dans une grande diversité de formes et
d'allégeances professionnelles, reconnaître cette
diversité-là non pas nécessairement comme un
problème, mais comme le signe d'une vitalité et le signe, aussi,
d'une réponse extrêmememt diversifiée à des besoins
très diversifiés.
Deuxièmement, favoriser le développement des
psychothérapies sans vouloir réduire de force, si on peut dire,
leur polyvalence. Accepter l'intuition comme un outil de développement
de la psychothérapie. Je crois qu'à «scientifiser»
à l'excès le développement de la psychothérapie on
la paralyse ou on l'étrangle. La psychothérapie, comme la plupart
des sciences, d'ailleurs, se développe énormément sur le
terrain. Elle ne se développe pas nécessairement selon des
approches méthodologiques des grands nombres, ainsi de suite. Elle se
développe beaucoup dans le bureau ou dans l'atelier de travail de
l'intervenant avec son client ou avec un petit groupe de clients. Peu à
peu, la clinique se répand et, peu à peu, les approches qui sont
ainsi trouvées ou déterminées se
généralisent à un plus grand nombre avec
des adaptations. On appelle ça, dans l'industrie, la recherche et
le développement, le «R and D», mais le «R and
D» en psychothérapie a un caractère très
particulier. Et vouloir à tout prix que toute psychothérapie soit
d'abord validée scientifiquement avant d'être exercée,
à mon sens, c'est être à contresens du développement
vital de la psychothérapie.
Troisièmement, sortir du cadre étroit des corporations
existantes pour la référence de clients, pour les contrats de
services aussi. Et, quatrièmement, que tout psychothérapeute
professionnel reconnu comme tel ait les mêmes droits que ses
collègues, qu'il soit ou non membre d'une corporation.
Alors, si vous le permettez, M. le Président, je voudrais lire
les quelques recommandations de notre mémoire qui nous semblent
particulièrement pertinentes. Ça sera court. Alors, on en a huit,
recommandations. Je vais les lire pour la plupart.
D'abord, que le titre de psychothérapeute professionnel soit
réservé. Deuxièmement, que l'accès au titre de
psychothérapeute et l'exercice de la fonction soient régis par
des associations professionnelles telles que la SQPP, mais sans
exclusivité. Ces associations auront des critères précis
d'admission et un code de déontologie appliqué par un
comité de discipline.
Troisièmement, que les associations professionnelles de
psychothérapeutes professionnels soient regroupées sous un
organisme fédératif des associations professionnelles dans le
domaine des thérapies alternatives. Cet organisme sera mandaté
par le gouvernement du Québec. Il sera indépendant des
corporations professionnelles au sens de la loi. Il s'assurera du plein respect
des droits du public. Il supervisera le fonctionnement des associations
professionnelles tout en respectant leur autonomie et les secondera dans leur
travail d'information du public.
Quatrièmement, que la coalition des organismes alternatifs en
santé, regroupant présentement plusieurs associations
professionnelles, dont la SQPP, dans le domaine des thérapies
alternatives, devienne un organisme fédératif mandaté par
le gouvernement du Québec.
Et je vais tout de suite à la sixième et à la
septième. Que les frais de psychothérapie soient
déductibles de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Septième: Que les compagnies d'assurances privées soient tenues
de reconnaître, lorsque les clauses comportent la mention
psychothérapie dans les ententes, les notes d'honoraires des
psychothérapeutes membres d'associations professionnelles
regroupées sous l'organisme fédératif mandaté par
le gouvernement du Québec.
Alors, voilà notre exposé. Nous sommes tout à fait
disponibles pour discuter avec les membres de la commission.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M.
Gauthier. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. D'abord, une première question sur ce que vous
êtes. Je pense que vous le dites vous-mêmes, incorporés en
juin 1991; c'est relativement jeune. Vous avez combien de membres et
d'où proviennent vos membres?
M. Gauthier: On a préparé les chiffres pour vous.
(10 h 30)
Mme David: Bon, alors, on existe depuis 1990. On a ouvert les
admissions à l'automne 1992. Nous avons actuellement 30 membres, en
incluant des dossiers qui sont encore à l'étude parce que le
processus d'admission est extrêmement long. On doit faire des
évaluations de formation, et c'est long. Nous avons un fichier qui
comporte 150 demandes d'informations de personnes qui étaient
intéressées à savoir des choses à notre sujet.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que, dans chacun des cas, les 11 critères dont vous faites état
dans votre mémoire sont appliqués et doivent être
respectés pour être accepté dans votre...
Mme David: Nous avons une catégorie de membres en
formation. Comme nos critères sont chiffrés, on peut
évaluer assez précisément la correspondance entre la
candidature et les critères. Si un membre a 50 % des critères, il
est membre en formation et, s'il rencontre 75 % des critères, il est
titulaire temporaire. Et ils sont tenus de compléter la formation selon
les recommandations du comité d'admission dans des délais
précis: cinq ans, s'ils sont en formation, trois ans, s'ils sont
titulaires.
M. Côté (Charlesbourg): À la lecture de votre
mémoire, et je vous entends le présenter ce matin
corrigez-moi si je me trompe vous semblez un peu en rupture de ban avec
la Corporation.
M. Gauthier: Bien, on n'est pas contre la Corporation, mais on
est certainement contre le monopole.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, à tout
le moins, la présentation de ce matin fait état de
différences assez fondamentales avec la vision de la Corporation, en
tout cas, à tout le moins.
M. Gauthier: Oui. À notre grand regret, nous nous nous
voyons en divergence, et c'est assez ironique. Il n'y a pas si longtemps, les
psychologues se trouvaient, par rapport à la médecine, dans la
même situation que nous maintenant par rapport à la corporation
des psychologues.
M. Côté (Charlesbourg): Vous élaborerez en
cours de route, si vous le souhaitez. Il y a un élément qui me
frappe à la lecture du mémoire, et vous l'avez très bien
reproduit au niveau de votre présentation: formation. Et, d'ailleurs,
ça se reflète très bien dans les critères que vous
vous êtes donnés. Je tire une conclusion de votre mémoire
et de votre présentation. C'est que vous dites: Au-delà du
corporatisme, qui est une
autre question, sur le plan de la formation, ça ne doit pas
être exclusif aux universités. Par la suite, à
l'intérieur de vos critères, vous mettez un certain nombre
d'exigences, du théorique, mais aussi du pratique, si j'ai bien saisi,
et quand même passablement d'exigences sur le plan des heures. On voit
les 800, 200, ainsi de suite, partagées.
Expliquez-moi, au-delà de ce que j'ai déjà entendu,
que la psychologie ne s'enseigne pas à l'université, qu'elle
s'apprend il faut me passer l'expression sur le tas, ai-je
compris, est-ce que c'est ça qui fait que vous dites hors
université? Et, dans la mesure où c'est ça, j'aimerais
vous entendre parce que, de cette commission, il y a un certain nombre de
choses qui ressortent: la nécessité d'une formation clairement
démontrable au public pour le protéger. Donc, on a davantage de
chances de ne pas être exploité, si on est un citoyen
consommateur, si les gens ont une formation qui répond à un
certain nombre de critères. Et là, vous nous faites la
distinction entre ce qui est théorique et aussi la pratique. Je pense
que ça se reflète à l'intérieur de vos
critères, mais j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
À partir du moment où on dit pas exclusivement à
l'université, je remarque que, dans des critères, vous dites
possession, au minimum, d'un bac et, par la suite, de la formation dans des
domaines de pointe, en particulier, vous concernant.
Mme David: Si vous permettez, M. le ministre, je vais encore
répondre. On demande un baccalauréat universitaire dans nos
critères, effectivement. C'est une base de culture
générale. C'est simplement une disposition à apprendre,
à conceptualiser, à réfléchir de façon
abstraite. Le baccalauréat peut être en physique, en
géographie.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Alors, c'est ce que je
comprends; c'est un baccalauréat de niveau universitaire, mais pas dans
un domaine particulier...
Mme David: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): ...davantage pour
développer des aptitudes...
Mme David: Intellectuelles.
M. Côté (Charlesbourg): ...intellectuelles.
Mme David: Ensuite, quand on parle de formation, il y a deux
genres de formation qu'on demande. On demande une formation
générale et intégrée, 400 heures, et autre
formation, 400 heures. La distinction est importante. Quand on demande
formation générale et intégrée, 400 heures, c'est
pour éviter que des personnes qui ont glané un peu à
droite et à gauche toutes sortes d'informations sans en faire une
synthèse et sans en faire une intégration puissent se dire
psychothérapeutes. Par le biais de ce critère-là, on
espère que des gens auront eu non seulement à étudier une
approche, donc, à avoir un contexte théorique, à
connaître des principes de base, des principes d'intervention et un
certain nombre de techniques, mais qu'ils auront pu approfondir ou fouiller,
qu'ils auront été acculés à aller un peu plus loin
que des initiations. Les autres 400 heures tiennent compte du fait que nous
valorisons la variété et les différents aspects des
instruments qui peuvent être utilisés.
Quand on dit que la psychothérapie ne s'enseigne pas à
l'université, à l'université on peut étudier des
théories et on peut avoir quelques heures de stage supervisées,
ce qui est déjà un bon début. Mais, par exemple, il n'y a
aucun critère personnel au niveau universitaire pas plus qu'au niveau
des corporations. Pour nous, un psychothérapeute, c'est quelqu'un qui
doit obligatoirement avoir vécu le processus de la
psychothérapie, et ce, sur une durée de 3 ans pour un nombre de
120 heures minimum.
Au niveau de la supervision, au niveau de la mise en pratique, ce qui
est difficile, c'est qu'un psychothérapeute qui travaille doit
obligatoirement travailler à sa façon, même s'il
adhère à un modèle ou s'il a grandi à
l'intérieur d'un certain scheme. Le psychothérapeute ne peut pas
répéter comme un perroquet des choses. D'ailleurs, il n'a rien
à dire en général; il a plus à voir et entendre.
Donc, quand on parle de formation, on ne parle pas d'enseignement. Il doit
vraiment être accompagné dans l'élaboration d'une
synthèse personnelle de ses connaissances, de sa propre
expérience à travers le processus thérapeutique, et de la
pratique, de comment il se comporte face à un client, comment il
réagit. Il a beau avoir lu beaucoup de choses et être très
savant, ce qui est important, c'est de savoir ce qu'il en fait dans le rapport
à l'autre et comment il peut conjuguer ses connaissances, sa personne et
son intervention.
M. Côté (Charlesbourg): En vous écoutant et
en vous entendant, j'ai l'impression d'assister à une critique
très sévère de notre enseignement au Québec. Est-ce
que je me trompe? Parce que je me dis, là: À partir du moment
où, sur le plan universitaire, il y a des programmes et qu'on sort de
l'université, on doit normalement, à la fin de ses études,
être apte à exercer. Là, ce que je comprends, c'est que nos
psychologues qui sortent de l'université, selon votre point de vue, ne
sont pas nécessairement aptes à exprimer la totalité de
leur art et de leur science.
Mme David: C'est ce que je dis, et je pense qu'un grand nombre
d'entre eux sont d'accord puisque les gens qui sortent de l'université
et qui veulent faire de la psychothérapie, en général,
vont aller prendre un superviseur et vont faire de la supervision ou vont faire
partie de groupes de supervision ou de groupes de support ou de
séminaires d'étude pour continuer ce travail. Je ne dis pas
qu'ils ne le font pas.
Le Président (M. Joly): M. Gauthier.
M. Gauthier: Oui, M. le ministre, j'aimerais
vous dire qu'on tend à faire une équation entre formation
et carrière universitaire; avoir passé par l'université
égale être formé. À mon sens, ce n'est pas tout
à fait exact. Ça ne veut pas dire que c'est toujours faux. Il y a
de la formation qui se donne à l'université, c'est très
évident. J'ai été prof d'université pendant 15 ans.
Je peux vous assurer que j'ai vu des professeurs très compétents,
des travaux très sérieux se faire, et tout ça. Il n'est
pas question de dénigrer en soi l'université.
Mais je peux vous dire que, dans les sciences humaines que je connais
assez bien, pas seulement le domaine de la psychothérapie, mais les
sciences sociales et dites humaines en général, le virage vers
l'académisme au cours des 8 ou 10 dernières années a
été très, très fort, en partie pour des raisons
économiques. On donne des grands cours à des grands groupes parce
que faire de la formation individualisée, ça coûte
énormément cher. Et j'ai été témoin, moi, de
pressions gouvernementales très fortes contre la formation
individualisée, par exemple, d'éducateurs pour jeunes
délinquants ou pour enfants mésadaptés, parce que des
stages bien encadrés, bien supervisés, où on
vérifie les acquis de la personne dans son travail, ça
coûte aussi cher que la médecine et que, peut-être, on n'a
pas les moyens de se payer ça. Mais nous disons que, si on veut exercer
la psychothérapie d'une façon compétente et utile au
client, il faut être effectivement formé et non pas seulement
instruit.
(10 h 40)
M. Côté (Charlesbourg): Je vous suis jusqu'à
un certain bout sur le plan universitaire. Évidemment, ça
pourrait faire l'objet d'un long débat, un plus grand nombre
d'élèves par professeur dans une salle, par mesure
d'économie, mais il y aurait peut-être un autre moyen, aussi,
c'est d'ajouter un certain nombre de cours aux professeurs universitaires pour
la même rémunération, et les groupes seraient moins
nombreux aussi. Je pense aussi que ça pourrait nous permettre de
régler un certain nombre de problèmes.
M. Gauthier: Oui. Je ne voudrais pas entrer
là-dedans...
M. Côté (Charlesbourg): Bien non.
M. Gauthier: ...mais ce que je veux dire, c'est que le
médium enseignement sous forme de cours n'est que d'une
efficacité très limitée dans la formation d'un intervenant
direct. Voilà.
M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai enseigné que
quelques années, mais ça me rappelle beaucoup de souvenirs. Je
ferme la parenthèse. Vous vous êtes donné un code de
déontologie. Vous avez senti le besoin de vous en faire un qui,
j'imagine, est différent de celui de la Corporation, parce que, s'il
était le même, ce serait une reconduction pure et simple.
M. Gauthier: II lui ressemble beaucoup. Il y a des aspects qu'on
veut développer, par exemple, au niveau des approches psychocorporelles.
En général, c'est considéré avec une très
grande méfiance, avec tellement de méfiance qu'il n'y a pas moyen
de travailler sérieusement avec des approches psychocorporelles. Alors,
il y a une partie de notre code qui va traiter de ça de façon
très explicite, là.
M. Côté (Charlesbourg): Dans votre mémoire,
vous évoquez l'expérience ontarienne nouvelle, récente et
vous l'évoquez, là, comme étant une solution possible
à nos problématiques aussi, au niveau du Québec.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que, dans la
présentation verbale de ce matin, je ne l'ai pas entendu. En quoi la loi
ontarienne, telle qu'elle est et encore théorique parce que, sur
le plan de la pratique, là, on verra réglerait des
problèmes de la nature de ceux que vous avez évoqués, au
Québec?
M. Gauthier: Bien, au moment où on a écrit notre
mémoire, on était surtout au courant des principes qui semblaient
guider le législateur ontarien et on voyait que, même en
médecine, on réservait certains actes plutôt que de
réserver toute intervention, par exemple, de nature médicale
à la seule médecine et, dans le domaine de la
psychothérapie, ça nous semblait utile que si un... On n'est pas
du tout dans le même cas que la médecine, dans le domaine de la
psychothérapie, et on voyait que, peut-être, il y a certains actes
qui peuvent être réservés de façon plus
spécifique et qu'on peut laisser le champ libre à la
créativité psychothérapeutique et aux allégeances
diverses. De ce point de vue là, je trouve intéressant ce que
j'entends ce matin; c'est qu'il semble que la commission veuille, oui, encadrer
un peu la psychothérapie, mais pas au point de l'enfermer dans un
carcan.
Alors, comment faire ça dans la pratique? Par exemple, on parle
d'un registre. Il nous semble que, s'il y avait un registre du gouvernement
où sont inscrits les gens qui rencontrent des critères
précis comme psychothérapeutes professionnels, quelle que soit
leur appartenance corporative ou associative, ça, ça pourrait
renseigner le public, et puis, si, évidemment, il y a quelqu'un qui se
montre indigne dans sa pratique ou incompétent, bien, il est rayé
du registre, et ça aussi, ça devient connu.
M. Côté (Charlesbourg): Et ça offre une
certaine protection au public.
M. Gauthier: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière
question, M. le Président...
Le Président (M. Joly): Oui, monsieur, parce qu'on a
déjà dépassé l'enveloppe de temps.
M. Côté (Charlesbourg): Depuis le début de la
commission, on parle de formation comme étant un des piliers, là,
de la reconnaissance de thérapies alternatives, mais on parle beaucoup,
aussi, d'évaluation scientifique.
Vous étiez ici, tout à l'heure. On a abordé la
question avec la Corporation. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce
que l'évaluation scientifique a ses limites ou, si je comprends le sens
de vos interventions, c'est qu'elle n'est pas la solution à tout?
M. Gauthier: Et loin de là. Je crois que la recherche,
surtout dans le domaine de la psychothérapie, s'est beaucoup
résumée aux études dites évaluatives, où on
essaie d'évaluer l'efficacité des thérapies, et puis, le
travail de Lecomte est assez connu, dans le domaine, c'est très
difficile d'évaluer l'efficacité des psychothérapies.
C'est faisable de faire des études comparatives, mais je crois que ce
genre de recherche là est d'une utilité limitée.
Ce qu'il faut, dans le domaine de la psychothérapie, c'est:
comment peut-on intervenir? Si on a affaire à quelqu'un qui est dans la
schizophrénie ou proche de la schizophrénie, qu'est-ce qu'on peut
faire avec cette personne? Si on a affaire à quelqu'un qui a
été abusé à de multiples occasions ce qu'on
appellerait, dans notre jargon, un hyperabusé durant toute son
enfance, qui a des séquelles incroyables à l'âge adulte et
qui nous arrive à 25, 30 ans, qu'est-ce qu'on peut faire
concrètement pour réparer, amorcer un processus de
guérison, d'autoguérison, seconder ce processus-là,
l'accélérer, si possible? Qu'est-ce qu'on fait avec un jeune
délinquant? Ça fait longtemps qu'on...
Moi, j'ai commencé ma carrière en travaillant avec des
jeunes délinquants. Ce n'est pas évident de
rééduquer un jeune délinquant et de lui faire de la
thérapie. Ce n'est pas évident du tout. Et, là-dessus, il
y a plein de choses à développer. Quand on dit un jeune
délinquant, on prend une catégorie très, très
large. Il y en a toutes sortes. Alors, comment faire ces
interventions-là? Ça, ça doit faire l'objet
d'énormément de recherches, et je dis: II y a beaucoup de
recherches qui se font effectivement par les praticiens qui finissent par en
parler après 5, 10 ans, quand ils ont vraiment l'impression d'avoir
quelque chose à dire. Et, là-dessus, ce n'est pas vrai que les
praticiens en général sont des gens qui gonflent leurs
prétentions et qui affichent à tout venant qu'ils ont
découvert ci, qu'ils ont découvert ça. Il y a
peut-être des gens très bons en publicité, mais, en
général, les praticiens sérieux et compétents sont
bien trop occupés à travailler pour faire beaucoup de
publicité.
Alors, ce serait un travail que de faire le tour des praticiens et de
dire: Ah! Ici, on a trouvé des choses. Ça, ça serait une
autre sorte de recherche. Je pense, moi, que de dire: Ah oui, on va garantir la
qualité de la psychothérapie en faisant plein d'études
évaluatives, je dirais: À la limite, on passe à
côté, on embête ceux qui travaillent bien en les surveillant
et en développant beaucoup de méfiance autour d'eux et on n'aide
pas à développer le service direct au client qui est, à
mon sens, là où l'action doit se faire, où l'argent doit
se dépenser, où l'énergie doit s'investir.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Gauthier. M. le
député de Rouyn-NorandaTémisca- mingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. En vous souhaitant la
bienvenue, c'est important d'avoir votre vision des choses dans cet immense
secteur de l'esprit, de tout ce qui n'est pas la partie biologique de
l'être et pour laquelle nous avons des professionnels patentés, au
sens du Code des professions, et un très grand nombre d'autres acteurs,
dont vous êtes.
M. Gauthier, vous avez un doctorat en quoi?
M. Gauthier: En sociologie.
M. Trudel: En sociologie. Mais vous êtes aussi
psychothérapeute.
M. Gauthier: Oui.
M. Trudel: Vous allez essayer de m'illustrer comment on est
docteur en sociologie et qu'on devient psychothérapeute. Qu'est-ce qui
fait que ça nous donne les qualités nécessaires, en
quelque sorte, pour être capable de prendre en charge un certain nombre
de problèmes de l'esprit, dans le domaine du psycho? Évidemment,
vous comprenez que ce n'est pas votre exemple personnel, c'est le cas que je
veux illustrer.
M. Gauthier: Ah bon! Bien, disons que je peux vous parler de
moi-même parce que c'est peut-être l'être que je connais le
mieux. Moi, j'ai commencé ma carrière comme
psychoéducateur auprès de jeunes délinquants et
auprès d'enfants qui avaient de sérieux problèmes de
personnalité. Et c'est à travers ça que j'ai
décidé d'étudier la sociologie, parce que je voulais
connaître le contexte social dans lequel ces problèmes-là
s'étaient développés. Donc, j'ai fait un doctorat en
sociologie, mais avec une forte orientation vers le psychosocial.
J'ai étudié aux États-Unis. Je suis revenu au pays
et j'ai fait une excursion un peu dans le monde socio-économique, mais
aussi dans le monde du sous-développement. J'ai fait ma thèse de
doctorat au Honduras. J'ai découvert la pauvreté. Ça m'a
encore orienté vers le socio-économique aussi et, après un
certain temps, cependant, mes anciennes amours sont revenues et je suis
retourné à la psychoéducation. (10 h 50)
En psychoéducation, en travaillant avec les étudiants de
proche, en travaillant au niveau de la famille, famille monoparentale, famille
reconstituée, évolution de la famille québécoise,
ainsi de suite, je me suis beaucoup rapproché de la pratique, de
l'intervention. J'essayais de former des éducateurs qui savaient
intervenir. J'intervenais moi-même en tant que prof chercheur de moyens
d'intervention, de sorte que je me suis beaucoup rapproché de l'action
directe auprès de la clientèle.
Une chose amenant l'autre, depuis le début des années
quatre-vingt, j'ai décidé de me consacrer au travail clinique et
à tel point de devenir un clinicien, un intervenant direct, ce que je
fais maintenant à plein temps. C'est un profil qui est propre à
moi, mais, dans
les gens que je connais autour de moi, il y a plein de gens qui ont
accédé à la psychothérapie via d'autres pratiques
qui avaient une forte composante interpersonnelle ou une relation d'aide
approfondie, si on peut dire, de gens, donc, qui décident d'aller plus
loin et qui, finalement, adoptent une formation, se donnent ou s'inscrivent
dans une formation en psychothérapie comme telle. Et je crois ça
salutaire pour la psychothérapie.
M. Trudel: Vous vous définissez donc plus comme une
espèce de pédagogue de l'esprit ou accoucheur de l'esprit que
spécialiste de la question de la connaissance des choses de l'être
qui sont non matérielles. Parce que vous faites toujours une
distinction, à mon avis, souhaitable, là, entre l'application, la
psychothérapie, et la connaissance.
M. Gauthier: Ah oui, oui. D'accord. Il y a le
psychothérapeute en action, puis il y a des connaissances sur la
psychothérapie qu'on peut développer de toutes sortes de
façons. Évidemment, on ne peut pas être
psychothérapeute sans avoir un bon bagage de connaissances sur la
psychothérapie. Ça, c'est évident.
M. Trudel: Je vois le cheminement. Et l'autre étape qui,
quant à moi, m'intéresse, c'est: où se situe la
frontière pour en arriver à être capables d'identifier les
personnes qui vont être capables de faire de la psychothérapie par
rapport à celles qui vont tomber dans le culte, qui vont tomber dans les
approches gourous, qui vont en arriver à exploiter de façon indue
la crédulité? Écoutez, on est en plein... La semaine
n'aurait pas pu mieux tomber. On va finir par dire qu'il y a une relation de
cause à effet et que c'est ici qu'on a créé
Sainte-Anne-de-la-Pérade, là. Mais on est en plein dedans pour
l'illustrer. Ou encore comment on évite, avec la définition que
vous nous apportez, le musée des horreurs qui nous a été
décrit, hier, par l'ACEF-Centre? Parce que vous savez très bien
que cela existe.
M. Gauthier: Oui.
M. Trudel: De la psychothérapie à la croissance
personnelle, il n'y a qu'un tout petit pas que certains, vous le savez bien,
probablement, franchissent aisément. Et on en arrive à
l'application d'un certain nombre de techniques «manipulateires»
qui sont assez infantiles, entre vous et moi, là. Pourvu qu'on ait une
formation un peu universitaire, on découvre ça assez vite,
là...
M. Gauthier: Oui.
M. Trudel: ...ces techniques-là. Les politiciens savent
même ça. Ça fait que, imaginez! Comment on évite
ça, là? Où on fait la distinction pour éviter de
tomber dans l'apparition des gourous, de la solution de la pensée
magique ou l'exploitation simple de la crédulité?
M. Gauthier: Ma collègue va essayer de répondre
à votre question.
Le Président (M. Joly): Mme David, s'il vous
plaît.
Mme David: Oui, merci. La question est complexe. La
réponse, pour moi, est simple. Je ne pense pas qu'on puisse
éviter, d'une façon sûre et certaine, les risques que vous
mentionnez. La frontière, nous ne la connaissons pas d'une façon
précise. Nos critères d'admission, puisque ce sont eux qui
expriment notre position et notre opinion, ce sont des balises qui signifient
qu'il y a là un risque minimum. Mais je pense que, cette
inquiétude, elle est importante, mais elle devrait peut-être aussi
s'appliquer aux autres professionnels qui pratiquent la psychothérapie.
Quelle garantie avons-nous qu'un médecin, qu'un travailleur social,
qu'une psychologue, qui pratiquent la psychothérapie, ne fassent pas
usage des mêmes forces et n'invoquent pas le même dieu que vous
mentionniez tantôt, celui de la science?
Je pense que nous sommes dans ce problème-là et que nous
avons affaire au facteur humain qui est malléable, qui est suggestible,
et il n'y en a pas de garantie. Je pense qu'actuellement il y a
énormément de gens qui souffrent d'un abus de pouvoir par rapport
à la science, qu'elle soit médicale ou psychologique C'est ce que
je peux dire.
M. Gauthier: En somme, ce que dit ma collègue, c'est qu'un
diplôme ou une accréditation par une corporation ne garantit pas
contre l'abus de pouvoir.
Mme David: Non, ce n'est pas ça. Excuse. M. Gauthier:
Non?
Mme David: Non. Ce que je dis, c'est que c'est impossible de
l'établir, cette limite. Nous pouvons donner des balises qui
protègent, qui minimisent, mais on n'est jamais... Je veux dire, un
être humain, c'est un être humain. On ne sait jamais ce qu'il va
faire.
M. Trudel: Bien, d'aucuns vous répondraient probablement,
mais ils nous le diront, puis ils nous le rappelleront: le comité de
discipline de la corporation professionnelle concernée...
Mme David: Oui.
M. Trudel: ...et les règles strictes d'évaluation,
enfin. Et là, je ne donne pas la version du public parce que le public,
en général, ne croit pas à ça. Je ne porte pas de
jugement de valeur. Je ne dis pas que j'endosse l'une et l'autre des visions,
mais à la question: Qu'est-ce qui nous garantit? c'est évident
que, chez les politiciens, on ne peut pas tous s'assurer que, parce qu'ils sont
élus, ils sont tous très compétents et bons, etc.
Mme David: Exact.
M. Trudel: Évidemment, on est en matière de nature
humaine, là, et de subjectif.
Le Président (M. Joly): Mme Poupart, vous vouliez rajouter
quelque chose?
Mme Thauvette-Poupart: Non, ça va. Le Président
(M. Joly): Non, ça va?
M. Trudel: Bon, cependant, en matière de
gestionj'appellerais ça ainsi du patrimoine public et
d'information du public, de qui peut réaliser tel acte, on comprend
qu'il y a une certaine responsabilité de l'État en matière
de protection du public. Je me demandais, en observant, en vous
écoutant, qu'est-ce qui vous différencie, vous autres, d'un
psychologue patenté qui, au sens de la loi, peut «pratiquer la
consultation et l'entrevue, utiliser et interpréter les tests
standardisés des capacités mentales, d'aptitudes et de
personnalité pour fins de classification et d'évaluation
psychologiques et recourir à des techniques psychologiques pour fins
d'orientation, de rééducation et de réadaptation».
Qu'est-ce qui vous différencie de ce groupe reconnu dont le champ de
travail, le champ d'exclusivité défini au Code des professions
est celui, et vous l'avez bien compris, évidemment, des
psychologues?
M. Gauthier: Oui. Bien, un, je dois vous dire qu'il y a des
psychologues dans notre société, déjà. Il y a
plusieurs psychologues dans notre société. Deux, dans
l'énumération que vous venez de faire, il y a peut-être un
élément, là: tout ce qui touche aux tests, qui est propre
aux psychologues et que la plupart des non-psychologues ne seraient pas
habilités à faire, puis, encore là, il faudrait voir.
Ça dépend des tests en question.
Au niveau du diagnostic, il y a une chicane entre qui a le droit de
faire un diagnostic et qui n'a pas le droit. Il n'y a pas de
psychothérapeute digne de ce nom qui ne doit pas faire une
évaluation de la situation de la personne, de la personnalité de
la personne qui est devant lui ou des personnes, s'il s'agit d'un groupe. Et
ça, je crois qu'il n'y a pas de distinction entre un
psychothérapeute qui est psychologue et un psychothérapeute qui
est travailleur social, comme ma collègue, ou psychoéducateur
comme moi. Tout le monde doit faire ça.
Alors, il y a un domaine très spécialisé, ce qu'on
appelle le «testing» en général...
M. Trudel: O.K.
M. Gauthier: ...qui, lui, serait assez particulier aux
psychologues, à mon sens, mais j'aimerais que ma collègue Suzanne
dise son avis là-dessus aussi.
Mme David: Non, non. Je suis tout à fait d'accord avec la
distinction que tu fais, mais je ne sais pas si votre question s'adresse au
niveau de l'intervention ou de l'information.
M. Trudel: Non, écoutez, ma question est assez simple.
Dans le fond, c'est de dire: Le champ d'intervention de la psychologie est
je tourne les coins très rond, là relativement bien
défini. Je ne porte pas de jugement, mais c'est bien circonscrit dans le
Code des professions. Pourquoi des gens comme vous disent-ils qu'il faudrait un
autre corps constitué pour pratiquer dans le même champ
d'activités humaines, compte tenu qu'il y en a déjà un
champ de reconnu? Quelle est la raison fondamentale qui fait qu'un groupe
étant reconnu il devrait y en avoir un autre de reconnu d'une autre
façon? Je n'ai pas très bien compris pourquoi nous devrions aller
vers la reconnaissance d'un autre groupe. Je voudrais y voir du qualitatif...
(11 heures)
Mme David: D'accord.
M. Trudel: ...de différence, là, pour dire: Oui,
l'État doit prendre en compte que, qualitativement, ces gens font un
autre travail, ou le font différemment, et ça doit être
reconnu. Je ne l'ai pas encore tout à fait perçu.
Mme David: Bon. Moi, je suis psychologue, membre de la
corporation des psychologues. Ça fait des années que je ne vais
plus aux congrès des psychologues, parce que ça ne
m'intéresse pas. Les thèmes qui sont abordés, les ateliers
qui sont présentés sont les mêmes qui auraient pu
être présentés il y a 50 ans. Il y a des choses nouvelles
au niveau de la connaissance, qui sont beaucoup plus stimulantes, beaucoup plus
vivantes. Donc, le fait de faire partie de la Corporation n'est en rien, pour
moi, un stimulant professionnel ou une source de ressourcement. Par ailleurs,
je suis limitée dans ma pratique. Même si je me suis beaucoup
intéressée aux pratiques psychocorporelles, je ne les pratique
pas, parce que je ne veux pas avoir de problèmes avec ma corporation.
Alors, je travaille autrement, ce qui ne m'empêche pas d'avoir une vision
et une compréhension de la problématique de mes clients, qui est
beaucoup plus vaste, beaucoup plus générale. Donc, je pense
qu'à l'intérieur du cadre corporatif actuel un
psychothérapeute, psychologue ou travailleur social, je ne sais pas, est
limité et non stimulé.
M. Trudel: Alors, donc, c'est au niveau de l'encadrement
professionnel pratiqué par le corporatisme défini par le Code des
professions, et le corporatisme vécu et pratiqué par votre
corporation professionnelle. Tantôt, j'avais manqué le pronom,
là, mais je comprends maintenant que vous êtes aussi psychologue
et que vous êtes, donc, de ce fait, membre de la corporation des
psychologues du Québec. Vous en avez à redire contre le
corporatisme pratiqué par la corporation des psychologues du
Québec, qui, je viens de l'entendre, est un corporatisme trop
étroit pour prendre en compte l'évolution des approches et des
traitements, et qui est-ce que c'est ce que vous êtes en train de
nous dire, aussi? est beaucoup trop centré sur la protection des
membres et non pas la protection du public.
Mme David: Je dirais que la Corporation protège le public
d'après la compréhension qu'elle a de ce que c'est, la
psychothérapie, mais je sens également un
danger important. C'est qu'il y a, au point de départ, un ton
extrêmement méprisant et dévalorisant quant aux approches
alternatives. Je craindrais beaucoup que, si on confie à la Corporation
le mandat de les étudier, ce serait simplement une façade pour
établir que, effectivement, elles ne servent à rien. Je
trouverais ça extrêmement dangereux et dommageable, parce
qu'à ce moment-là on aurait sanctionné l'inutilité
des pratiques alternatives, et on n'aurait pas avancé.
M. Trudel: II faut que je revienne sur une question que j'ai
posée. On a peut-être mélangé, je n'ai pas eu de
réponse. Mais, à votre avis, comment on se protège
collectivement contre ces abus encore dénoncés par l'ACEF-Centre?
Là, on en est en matière de charlatanisme, ça me semble
assez évident. Il y a des gens qui ont appris un certain nombre de
techniques «manipulatoires» par Michel le magicien et qui s'en vont
les pratiquer au su et au vu de tout le monde, puis avec un système
difficile pour les consommateurs quant à la dénonciation et
à la rectification de ces phénomènes-là. Bon, un
coup que l'ACEF-Centre nous a dit ça, à part d'aller
vérifier le contrat, s'il a été signé ou pas, de
par les dispositions de l'Office de la protection du consommateur, on ne peut
pas grand-chose, là. Comment on en arrive, dans notre
société heureusement pluraliste et ouverte à je
vais employer le terme, là, entre guillemets contrôler ces
phénomènes-là et à en assurer un certain
encadrement?
M. Gauthier: Bien, je crois qu'on a beaucoup travaillé
à définir des critères de sélection de gens. Je
serais très surpris que les exploiteurs grossiers puissent rencontrer
nos 11 critères facilement, par exemple. On ne dit pas qu'on est les
seuls à avoir élaboré des bons critères, mais il y
a des critères qui permettent de déceler assez rapidement
quelqu'un qui a de la formation et de la préparation de quelqu'un qui
n'en a pas, et puis quelqu'un qui a vraiment une expérience pratique
valable de quelqu'un qui n'en a aucune. Alors, sur ce plan-là, je pense
que, pour l'exploitation grossière et l'incompétence
grossière, il y a des moyens relativement simples de l'éliminer
d'une reconnaissance. Quand on parle d'abus de pouvoir plus subtil
l'abus de pouvoir, par exemple, du professionnel qui abuse de son client, des
abuseurs sexuels à travers la pratique professionnelle et tout ça
toutes les corporations ont des problèmes avec leurs membres
à ce point de vue là. Que ce soit le droit, la psychologie, la
médecine, l'art dentaire, toutes les professions rencontrent ces
difficultés-là.
Le Président (M. Joly): Mme Poupart, s'il vous
plaît.
Mme Thauvette-Poupart: À ce niveau-là, je pense
qu'un des mandats des associations ou des sociétés comme les
nôtres, c'est l'information, d'abord. Pour quelqu'un qui est dans un
processus thérapeutique, la première chose, c'est que c'est un
développement personnel et il a la liberté. Enfin, on ne
l'oriente pas d'une façon, mais on respecte son processus et son
cheminement à lui.
Ça, c'est important de le dire. Une personne qui se sent
engagée ou embarquée dans des croyances, ou peu importe, il y a
une lumière rouge qui s'allume. Notre mandat à nous, je pense,
comme celui d'autres sociétés ou corporations, c'est d'informer
les gens sur ce qu'est une psychothérapie, comment on respecte un
processus, de sorte que les gens peuvent discriminer, voir la lumière
rouge et poser des questions. Alors, je pense que plus il y aura d'information,
plus on va protéger les gens.
M. Trudel: Une toute petite.
Le Président (M. Joly): M. le député...
M. Trudel: II y a combien de personnes, au Québec, qui
font des psychothérapies en dehors des membres de la corporation des
psychologues du Québec? Il y a combien de ce monde-là, à
votre avis? Je sais bien que...
Mme Thauvette-Poupart: De praticiens, vous voulez dire?
M. Trudel: Oui. À combien? Je ne parle pas de votre
association.
M. Gauthier: On peut les estimer à quelques milliers.
Mme Thauvette-Poupart: Et, comme le titre n'est pas
protégé actuellement... J'ai entendu une anecdote où un
professeur disait à ses étudiants, à l'université,
et ce n'était pas en sciences humaines ou au cégep: Si vous
voulez faire de l'argent cet été, mettez
«psychothérapeute» à votre porte et recevez du monde.
C'est peut-être un peu ridicule, mais ça peut vous donner,
actuellement, la situation relativement aux besoins de protection du public par
rapport à ça.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, madame.
M. Trudel: Oui, c'est... Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de cette
commission, d'avoir été parmi nous. C'est bien
apprécié. Je demanderais maintenant aux gens représentant
l'Alliance des professionnels en pratiques alternatives de santé du
Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Alors, bonjour.
Bienvenue à cette commission. Mme Lévesque, je
présume.
Alliance des professionnels en pratiques alternatives
de santé du Québec (APPASQ)
Mme Lévesque (Jacinthe): Oui. Alors, M. le ministre...
Le Président (M. Joly): II nous fait plaisir de vous
accueillir. Vous aimeriez peut-être introduire les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Mme Lévesque: Certainement. Alors, M. le ministre, M.
Trudel et les distingués membres de cette commission parlementaire,
ça nous fait plaisir d'être parmi vous et de vous exprimer notre
point de vue sur la reconnaissance des thérapies alternatives. Avant
d'aller plus loin, je me permets de vous présenter l'équipe de
collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. À ma droite, vous avez
M. Jean-Claude Magny, naturopathe. À ma gauche, Mme Marie-Paule
Charbonneau, orthothérapeute. J'ai aussi deux collègues à
l'arrière excusez la disposition, c'est juste pour être
plus pratique M. Pierre-Louis Gagnieux, réflexologue, et Mme
Claudette Perry, massothérapeute.
Alors, je prends peut-être quelques instants pour vous expliquer
qui on est à l'Alliance. D'abord, nous sommes un regroupement qui existe
depuis cinq ans et qui a été d'abord peut-être un peu
original, peut-être même marginal. Maintenant, on est
peut-être un peu normal, parce qu'on a passé par le processus
d'intégration de plusieurs thérapies alternatives
regroupées dans une même structure. Si on se situe dans le
contexte des thérapies alternatives, il y a cinq ans, c'était un
peu audacieux de présenter une structure avec, je dirais, une
équipe multidisciplinaire au niveau des thérapies alternatives.
Mais il faut dire que cette décision est venue du processus de
maturation du réseau lui-même, parce qu'on avait
réalisé, à l'observation du dossier de l'acupuncture et de
la massothérapie, que c'était très difficile de faire
valoir nos droits ou, à tout le moins, d'être reconnus en prenant
une approche à la pièce. Tantôt, on y reviendra parce que
je pense qu'en cinq ans il s'est passé beaucoup de choses, et ça
mérite quand même de bien observer. (11 h 10)
Alors, lorsqu'on passe en commission parlementaire en bout de ligne,
après avoir entendu toutes les audiences depuis plusieurs jours, c'est
bien évident qu'on va s'en tenir aux choses que nous considérons
essentielles et qui n'ont pas été dites, pour qu'on puisse avoir
la chance d'aller au bout de notre processus de réflexion.
Si je peux me permettre de faire une synthèse de ce qui a
été entendu depuis les quatre derniers jours, je pense qu'on peut
dire, sans trop se tromper, qu'on a vécu un peu une attitude, je dirais,
défensive de la part des corporations existantes que je vais appeler
l'industrie de la maladie, parce que ces gens-là travaillent beaucoup
avec le curatif, par rapport à toutes les thérapies alternatives
qui sont beaucoup plus, je dirais, l'industrie de la santé avec tous les
outils préventifs. On a vécu un peu une espèce de... Bon,
chacun est venu exprimer, et c'est tout à fait normal, des objectifs en
fonction de ses intérêts. Ça, je pense que c'est la tribune
parfaite pour le faire.
Ceci m'amène à placer le débat de la science, dont
on a beaucoup parlé... Le caractère scientifique de la
médecine, je pense que c'est important de le ramener dans le contexte
historique, parce que la médecine n'a pas toujours été une
médecine scientifique. Si on regarde, au niveau de la sociologie de la
santé, c'est très intéressant de comprendre que la
médecine a changé de paradigme vers 1910, aux États-Unis.
C'est un M. Flexner un consultant qui a été payé
par la société Rockefeller et Carnegie, qui étaient des
gens très riches à l'époque qui a été
mandaté pour aller évaluer toutes les écoles de
médecine aux États-Unis. On a réalisé très
vite que, comme c'étaient eux autres qui finançaient les
écoles de médecine, ils ont été obligés
d'utiliser les méthodes scientifiques. Sinon, si on n'utilisait pas
cette méthode, ce nouveau paradigme, on perdait le financement de notre
université. Et ça, ça a créé deux sortes
d'écoles de médecine. On a eu toutes les écoles
hygiénistes, les écoles beaucoup plus axées sur la
médication naturelle, qui ont évolué sans financement du
secteur privé et, d'un autre côté, toute la partie, la
science, la médecine, telle qu'on la connaît, avec les outils
pharmaceutiques. C'est intéressant aussi de dire que Carnegie et
Rockefeller étaient les principaux actionnaires des compagnies
pharmaceutiques. Donc, on finançait les établissements de
santé si ces gens-là appliquaient directement les outils qui
étaient mis en promotion.
Alors, tout ceci pour dire que, même aujourd'hui, il n'y a rien de
nouveau sous le ciel, c'est-à-dire qu'on tente de changer un paradigme
de la santé, mais pour des impératifs économiques. Je
pense qu'aujourd'hui, si on est en train de parler de l'évolution des
thérapies alternatives, au-delà de la protection du public et de
tout ce qu'on a entendu, il ne faut quand même pas se conter d'histoires.
Je pense que les thérapies alternatives sont une économie,
jusqu'à un certain point, pour l'État, puisque l'État n'y
participe pas directement; en bout de ligne les pratiques alternatives, avec
une approche préventive, peuvent économiser beaucoup et
empêcher les gens d'être malades, sur une longue
période.
Ceci étant dit, j'ai glissé dans la pochette que vous avez
eue, qu'on vous a remise, deux recommandations de référence qui
nous apparaissent très importantes. Évidemment, on est conscients
qu'à la tribune ici on ne peut pas exposer la difficulté des
médecines naturelles ou des médecines alternatives de se faire
évaluer par le modèle de la science. Moi-même, je suis
issue du modèle de la science, ce qui me permet d'être capable de
le critiquer très ouvertement. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on
fasse passer les thérapies alternatives à un processus
d'évaluation, mais il ne faudrait pas oublier que les sciences sociales
ont des modèles d'évaluation qui pourraient peut-être
être plus proches de ce qu'on est et de ce qu'on est capables
d'apporter.
On n'a pas d'objection à être évalués
ça, c'est très clair mais on préférerait de
beaucoup une évaluation qui mettrait en parallèle
différentes thérapeutiques dans des pathologies
spécifiques, pour faire une étude comparative entre le
degré, si on veut, d'efficacité d'une thérapie qui
s'appelle peut-être la chiropratique, l'ostéopathie ou
l'acupuncture dans des pathologies comme le mal de dos ou des choses
concrètes. Ça, je pense que ce serait très possible. D'un
autre côté, il ne faudrait pas, non plus, utiliser le
modèle d'évaluation ou les formes d'évaluation comme une
mesure pour retarder dans le temps la reconnaissance des médecines
alternatives, parce que ce qu'on a vu, c'était...
Bon, on parle beaucoup du caractère scientifique, que j'accepte,
et il y a des choses qu'on sera capables d'aller mesurer, mais, d'un autre
côté, je pense que ce qu'on demande au gouvernement, c'est de nous
donner un encadrement, à cette étape-ci. C'est une structure
d'encadrement qu'on veut et on est prêts c'est ce qu'on propose et
on pourra le voir tout à l'heure à voir dans le temps
comment on pourra arriver à une réelle reconnaissance
professionnelle en fonction de critères ou en fonction de choses qu'on
aura pu évaluer.
Ça m'apparaissait important de situer un petit peu le
caractère scientifique. À cet égard, je vous ai mis aussi
une référence où, même aux États-Unis, on
réalise la difficulté du concept ou du schéma de
recherche, lorsqu'on vient à l'appliquer intégralement aux
thérapies alternatives. D'une part, parce que les thérapies
alternatives n'isolent pas les facteurs au contraire, on les regroupe
aussi, parce que la personnalité du thérapeute est
intimement reliée à la dynamique thérapeutique, et aussi
la perception que le patient peut avoir de sa maladie. Lorsqu'on commence
à parler de perception ou de personnalité du thérapeute,
ça fait beaucoup de facteurs qui sont interreliés et pas
nécessairement toujours quantifiables selon le modèle orthodoxe
cartésien.
Alors, ceci étant dit, je pense que, par rapport à nos
recommandations, à la page 12, ça résume très bien
notre position. Pour nous, ça nous apparaît très simple, la
réglementation ou l'encadrement qui pourrait être souhaitable. Je
pense que le premier principe, pour nous, à respecter, c'est qu'on
arrive à établir une seule structure. La raison est simple: c'est
que cette structure aura un mandat, le mandat, c'est sûr, d'encadrer les
professionnels, de voir aux critères de formation des différentes
écoles et aussi de recueillir les plaintes.
Sur le sujet des plaintes je pense qu'on en a beaucoup
parlé depuis quatre jours il faudrait aussi spécifier que,
jusqu'à date, les plaintes, qui ont été dirigées
souvent par la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, entre autres, n'ont pas toujours été des plaintes
du public. Ça, pour nous autres, ça nous apparaît criant et
même très important, à ce moment-ci. Oui, on est d'accord
pour que le gouvernement ou une structure traite des plaintes qui arriveront du
public, mais on est bien conscients que, jusqu'à date, il y a beaucoup
de plaintes aussi qui ont été forgées. La plainte arrivait
souvent d'un agent dénonciateur ou délateur, qui «se
falsifiait» en faux patient et qui essayait de nous prendre en
défaut, alors que, nous, on était de bonne foi.
Le processus, je dirais, de plaintes, à notre sens et
ça, ça a, je pense, ressorti plusieurs fois ne devrait pas
relever de corporations professionnelles, à cette étape-ci, mais
devrait appartenir à la structure d'encadrement, peu importe le nom
qu'on lui donne, ce qui fera partie de son mandat. Je pense que
l'intégration du public au comité des plaintes nous
apparaît essentielle, à ce moment-ci. Je ne sais pas si on ira
jusqu'à la proposition de M. Trudel, qui était quand même
intéressante, à l'ouverture, où il disait de s'en remettre
exclusivement ou, en tout cas, à tout le moins, à un nombre
majoritaire de gens du public. Je pense qu'on serait prêts à aller
jusque-là, parce que le public est de bonne foi et les gens sont de plus
en plus informés. Je pense qu'il ne faut pas penser que le public, il a
des...
Bon. C'est sûr qu'il y a des cas d'exception où les gens
méritent plus d'information, mais, en général, les gens
sont très critiques sur les services qu'ils consomment et de plus en
plus. Pour, nous-mêmes, être sur la ligne de front,
c'est-à-dire qu'on est un organisme qui accueille, à tous les
jours, des appels qui viennent directement du public, je peux vous dire que les
gens sont très bien informés. Des fois, je trouve que la
discussion a laissé sous-entendre que le public est quand même
dupe là-dedans, mais je pense que, à quelques exceptions
près, les gens sont quand même avertis, d'autant plus que, quand
on va vers les pratiques alternatives, c'est de l'argent que les gens
dépensent de leur propre avoir. Donc, ils sont encore beaucoup plus
sévères, en ce sens que, quand il y a un échange d'argent
et que c'est monnayable, on s'attend à des services et on s'attend
à des résultats.
Alors, notre première recommandation, c'est: une seule structure
pour encadrer l'ensemble du réseau alternatif, ce qui n'exclut pas
parce que c'est important de bien comprendre la nuance les
membres des corporations professionnelles; ceux qui veulent, ceux qui ont de
l'ouverture ou ceux qui ont des affinités avec ces pratiques peuvent les
pratiquer quand même. Ça éviterait l'éclatement, si
on veut, de voir les thérapies alternatives répertoriées,
divisées et un peu morcelées dans chacune des pratiques, des
corporations existantes.
À notre sens, ça empêcherait même la saine
évolution des pratiques alternatives, alors que, s'il y a une structure
qui voit à l'encadrement, ce n'est plus l'appartenance à une
corporation professionnelle qui va faire foi de critère, mais bien les
critères de base établis qui sont, pour la plupart, les
mêmes qu'on a discutés depuis quelques jours: d'abord, la
première barrière que, nous, on présente, qui est le tronc
commun, et la deuxième barrière qui peut être
spécifique à chacune des disciplines, parce qu'on est bien
conscients qu'il y a des disciplines qui vont demander une compétence
différente d'une autre. Dans le cas de l'acupuncture et de
l'homéopathie, il a été clairement démontré
que la quantité de formation nécessaire pour arriver à
l'exercice et à la pratique est probablement différente de la
masso et probablement différente de la réflexologie ou de toute
autre pratique. (11 h 20)
Alors, ceci n'enlève pas le caractère, je dirais,
bénéfique de la pratique. On ne veut pas, non plus, surcharger
les heures de formation juste pour en faire un caractère peut-être
bienvenu. Je pense que ça serait à cette structure de
reconnaissance de vraiment l'évaluer. Si, pour être un bon
réflexologue ou pour être un bon massothérapeute, une
quantité de formation x est suffisante, bien, ça pourrait
être établi de la façon suivante.
On a beaucoup parlé du modèle de l'Ontario, on a beaucoup
parlé de l'évaluation qui se fait aux États-Unis. Je pense
qu'à cette étape-ci, après avoir vu tout le
travail... Parce qu'il faut souligner le travail considérable de
l'Office des professions, qui a été fait; qu'on soit d'accord ou
non avec les recommandations finales, je pense qu'il faut admettre que ce
groupe de travail a fait un travail géant. Il a décortiqué
le dossier de façon extraordinaire. Il faut dire que ces gens-là
étaient de bonne foi. Alors, je pense qu'on n'a pas à envier le
modèle d'autres places. Je pense qu'on a plutôt à se faire
confiance et on devrait être capables de se trouver, au Québec
on est assez créateurs, on est assez ingénieux de
s'adapter un modèle de pratique des thérapies alternatives en
fonction de notre système et de notre évolution ou de notre
propre point de rencontre à travers toutes les thérapies
alternatives.
C'est bien évident que, encore là, on ne nie pas
l'importance d'aller vérifier l'efficacité des thérapies
alternatives. Si c'est pour comparer l'efficacité relative des
différences techniques, je pense que c'est de bonne foi. Par contre, on
ne voudrait pas que les thérapies alternatives aient le fardeau de la
preuve de quelque chose qu'on n'exige même pas des méthodes de la
médecine. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, la médecine n'a pas
réussi à prouver encore, de façon scientifique, chacune de
ses interventions. On a juste à penser aux pontages, on a juste à
penser à l'efficacité de l'aspirine, qui n'est pas encore
nécessairement bien cernée. Je ne voudrais pas que les
thérapies alternatives soient, quand même, victimes de la
procédure de vérification de la preuve, alors qu'on n'exige
même pas ça pour plusieurs disciplines médicales, si vous
voulez.
Par contre, on est prêts à embarquer, jusqu'à un
certain point, dans un processus d'évaluation en autant que le cadre
conceptuel de la recherche sera déterminé avec les experts en
thérapies alternatives. À ça, on n'a aucune objection;
même, on va être heureux de le voir, parce qu'on est convaincus,
à cause de l'efficacité des thérapies alternatives, qu'en
bout de ligne, quand le gouvernement verra si les thérapies alternatives
feront partie, entre guillemets, du panier de services qui seront payés
par l'État... Je pense que c'est une analyse qui sera importante et qui
sera obligatoire, avant d'intégrer les thérapies alternatives
à une structure même si, fondamentalement, ce n'est pas ce qu'on
souhaite. Mais on sait que le processus évolutif pourrait amener
l'État à regarder une telle hypothèse de travail.
Je pense que, si on veut apporter des éléments nouveaux
par rapport à ce qui a été dit... D'abord, je me permets
de souligner que, pour nous, une des choses très importantes, à
ce moment-ci, que le gouvernement pourrait prendre en considération,
c'est le dossier de l'acupuncture. Parce qu'il est faux de prétendre que
le dossier de l'acupuncture est réglé. Pour avoir
été impliquée dans le dossier depuis plus de 12 ans et y
être impliquée jusqu'en haut des oreilles, je peux vous dire que
le dossier de l'acupuncture est dans un cul-de-sac duquel on ne se sortira pas.
Je pense que ça serait probablement important, à la
lumière de cette expérience-là, de voir comment on
pourrait ne pas répéter la même erreur, parce que, dans le
moment, c'est très problématique, en ce sens qu'il y a des
positions arrêtées. Il y a la corporation des médecins qui
garde sa tutelle et qui, à notre sens, ne lâchera pas prise sur le
dossier de l'acupuncture, quoiqu'il y ait un avant-projet de loi sur la
table.
On trouve aussi préjudiciable et même injuste que
l'acupuncture ait un traitement de faveur par rapport aux autres disciplines,
parce qu'elle n'est pas plus dangereuse et elle n'est pas plus efficace. Elle
fait partie de toutes les thérapies alternatives. Nous, on pense que la
discipline acupuncture devrait rentrer dans le grand chapeau de toutes les
thérapies alternatives. Comme ça, je pense qu'elle serait
à sa place. Elle pourrait aussi faire partie de toutes les approches
qu'on pourrait soumettre à une évaluation de la structure qu'on
voudrait mettre en place.
Projet-pilote, il faut s'entendre. Nous, on entend par projet-pilote une
période de cinq ans où on pourrait permettre à tout le
monde de régulariser ses critères d'admission et où on
pourrait commencer à appliquer les nouveaux critères, parce qu'il
va y avoir une étape de transition. Pour nous, c'est ce qu'on signifie
par projet-pilote, et pas nécessairement de juste laisser les pratiques
alternatives se pratiquer dans des endroits spécifiques et d'aller les
vérifier dans leur efficacité propre. Je pense que, ça,
ça va être aussi à faire attention, comment on positionne
le débat à ce niveau-là.
Il y a tout le dossier que je vous présente bien
brièvement, et vous pourrez nous questionner par la suite. Qu'est-ce
qu'on fait avec toutes les boutiques d'aliments naturels, qui sont des vendeurs
libres, c'est-à-dire qu'il y a une vente, une distribution de produits?
Jusqu'à date, on n'a pas beaucoup parlé de la
réglementation qui encadrerait les gens qui travaillent dans ces
boutiques-là et je pense qu'il faut dire les choses comme elles
sont ils peuvent être appelés, veux, veux pas, à
faire du diagnostic. Parce que, s'il y a une place où il se fait du
diagnostic, je pense que c'est à ce niveau-là. C'est une
problématique qu'on n'a pas beaucoup discutée pendant la
commission parlementaire, et qui nous apparaît importante.
Alors, ceci termine notre présentation et on est prêts
à recevoir le questionnement. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme
Lévesque. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. J'ai presque été devancé; je dirais
même qu'on a répondu à une question que j'avais
imaginée avant même le début de votre présentation.
Connaissant la présence sur le terrain de l'Alliance depuis quelques
années, je pense que vous avez suivi très largement tous les
débats de la réforme. On vous a vus un peu partout et dans
à peu près toutes les circonstances. Comme ça tire
à sa fin, qu'on a eu la Coalition au début et l'Alliance à
la fin puis, c'était volontaire en termes de choix je
m'étais dit: Je vais demander à l'Alliance ce qu'elle tire comme
conclusions de cette commission-là. Je pense que vous avez
commencé à nous livrer une bonne partie de vos observations.
Ma première question va aborder le scientifique
inévitablement, je pense qu'on n'y échappera pas ou,
vocable plus large, l'évaluation. Vous dites oui à une
évaluation sous certaines conditions, si on veut être
équitable et juste sur le plan de ces évaluations-là et ne
pas tomber dans pas nécessairement les erreurs, mais les mêmes
modèles du début du siècle, ai-je bien compris, sur le
plan d'une industrie qui s'annonçait très lucrative: pilules,
recherches et ainsi de suite. Ma première question est vraiment la
suivante: Est-ce que vous ne devez pas admettre, vous aussi, que l'industrie
des thérapies alternatives est aussi une industrie florissante et, pour
certaines, lucrative?
Mme Lévesque: Tout à fait d'accord avec vous, M. le
ministre. Justement, c'est pour ça qu'on vous soulève la
problématique des produits naturels où, à notre sens,
toute personne qui intervient dans le domaine de la santé au
Québec devrait avoir un minimum de connaissances du corps humain et des
éléments de base, même si ce n'est que dans la distribution
de produits. Un peu comme le secteur immobilier ou tout autre. Ce n'est pas
parce qu'on est sur le coin d'une rue, qu'on a pignon sur rue, qu'on a une
boutique, et qu'on vend des produits... Je pense que ça mérite
aussi d'avoir certaines connaissances de base, et ça, c'est une
préoccupation. On pense qu'on devrait passer un peu plus de temps sur ce
point-là.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais pas... Mme
Lévesque: Mais oui, c'est une industrie.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Profitons-en parce
que, ça, c'est un élément des thérapies
alternatives. Vous l'illustrez par celui-là, au niveau des boutiques de
vente d'aliments naturels. Évidemment, si on extensionne cette
notion-là, puis qu'on va très loin, on va se retrouver aussi chez
IGA, chez Métro, il y a des bonnes chances, parce qu'il y a des aliments
qu'on consomme à tous les jours, qui peuvent avoir aussi des effets sur
la santé de l'individu. Cela me paraît aussi évident.
Où est la limite dans ça, parce qu'on dit «boutiques de
vente d'aliments naturels»?
Mme Lévesque: Aliments...
M. Côté (Charlesbourg): Notre limite, elle est
où, dans ce cas-là particulier?
Mme Lévesque: En tout cas, à tout le moins,
ça demanderait une réflexion. On pense qu'il y a une piste
où aller voir et il y a toute une réflexion à faire dans
ce domaine-là. Je comprends qu'ici ce n'est peut-être pas la
tribune idéale pour le faire, mais...
M. Côté (Charlesbourg): De toute façon,
malgré notre heure...
(11 h 30)
Mme Lévesque: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...on ne réussirait
pas à trouver des limites, mais je comprends que le point est
soulevé. Il a aussi ses limites et, dans ce sens-là, c'est vrai
qu'on ne l'a pratiquement pas abordé pendant ces quatre jours-là,
ou très peu, sauf, à l'occasion, avec les pharmaciens ou
quelqu'un d'autre, sur les effets de la vente de certains herbages qui,
supposément, pouvaient être nocifs à la santé.
Donc, on est dans une situation où vous proposez une structure
commune, de par votre expérience vécue. Vous avez dit, dans votre
présentation: Au lieu d'avoir une intervention morcelée, on a
préféré regrouper tout le monde. Au lieu d'avoir un combat
à la pièce, parce que c'est un peu ça, comme l'a fait
l'acupuncture, comme l'ont fait les chiros et ainsi de suite, on
préfère avoir un regroupement, ce que vous avez fait avec
l'Alliance, et mener, si on peut s'exprimer ainsi, le même combat quant
à la reconnaissance. Profitons-en pour mettre tout le monde sous le
même chapeau et tenter de faire reconnaître les thérapies
alternatives. Mais elles ne sont pas de même niveau, elles ne sont pas
toutes de même niveau.
Mme Lévesque: Ça, on le reconnaît. M.
Côté (Charlesbourg): Comment? Mme Lévesque: On
le reconnaît bien. M. Côté (Charlesbourg): Bon.
Mme Lévesque: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, on a discuté,
en cours de commission, par exemple, d'un certain nombre et je vous ai
vue dans la salle pendant toute cette semaine; donc, il n'y a rien de neuf pour
vous ostéopathie, homéopathie, acupuncture et ainsi de
suite. On a dit que ça semblait rallier un certain consensus, que ce
n'est pas de même niveau que certaines autres thérapies
alternatives. Comment est-ce qu'on fait la distinction entre les deux?
Mme Lévesque: C'est parce que là... Je pense que,
pendant la tenue de la commission, on a beaucoup entendu des corporations qui
étaient aussi intéressées par des nouveaux
créneaux, des nouveaux champs de pratique. Alors, c'est bien sûr
que, l'homéopathie, on en a beaucoup parlé. Il faut comprendre
que, l'homéopathie, c'est une pratique qui ressemble étrangement
à la pratique médicale, c'est-à-dire qu'il y a une
prescription, et qui peut amener le médecin à travailler dans le
même cadre de travail ça ne demande pas une organisation
différente d'où l'intérêt de la profession
médicale, je pense, à ouvrir ses horizons et à aller vers
ces pratiques-là.
Nous, on n'a pas de problème. On sait très bien qu'il y a
différents niveaux de compétence nécessaires, mais
à l'Alliance on s'est arrêtés aux sept pratiques qu'on a
toujours identifiées. Il y en a quelques autres,
mais, par souci de, quand même, bien encadrer celles-là, on
s'est limités à sept pratiques, justement parce que ces
pratiques-là avaient, à notre sens, un préjudice, ce qui
nous a permis d'avoir l'assurance-responsabilité professionnelle pour
l'ensemble des sept pratiques. Je dois dire bien humblement qu'on est le
premier groupe à avoir obtenu cette couverture de police, après
beaucoup de travail et beaucoup d'évaluations. On est prêts
à repasser par le même processus d'évaluation, je pense
qu'on est prêts à le faire. Les sept pratiques concernées
sont: l'acupuncture, l'homéopathie, la massothérapie,
l'orthothérapie, l'ostéopathie, la pratique sage-femme. Ces sept
pratiques-là ont des risques. Lorsqu'on parle avec des assureurs qui ont
une expertise internationale parce qu'on a fait affaire avec la Lloyd's
d'Angleterre et qui ont affaire à différents groupes de
thérapies alternatives dans le monde, parce qu'ils sont les principaux
assureurs, bien, on a pu voir où étaient les risques, même
si les risques ne sont peut-être pas nécessairement les
mêmes que ceux apportés par l'Office des professions.
M. Côté (Charlesbourg): Je vous suivais en
même temps que le mémoire qui est déposé, et il y en
a une qui est là et que vous n'avez pas mentionnée: la pratique
conseiller de santé.
Mme Lévesque: Oui, conseiller de santé, qui est une
nouvelle approche pour nous et qui va devenir sous peu... C'est parce que, dans
le moment, on est en pourparlers avec ce groupe-là.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends qu'il est
encore beaucoup plus global que les autres.
Mme Lévesque: II est beaucoup plus global... M.
Côté (Charlesbourg): Bon.
Mme Lévesque: ...et il peut même, à la
limite, impliquer aussi les psychothérapies.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que je comprends,
c'est que vous reconnaissez qu'il y en a qui ne sont pas de même niveau
que les autres. Dans ce cas-là, vous les regroupez sous un même
chapeau, mais il y a d'autres thérapies alternatives.
Mme Lévesque: Je dois vous dire, M. le ministre, qu'il n'y
en a pas beaucoup d'autres. Je ne pense pas qu'il y ait 400 pratiques
alternatives au Québec. Je pense que, là, on a charrié les
chiffres. C'est sûr que, si on prend la massothérapie comme
chapeau et que vous décortiquez les 25 techniques différentes de
massothérapie, oui, vous allez forcément multiplier le nombre.
Mais je pense qu'à l'intérieur de cinq ou six grandes familles,
ou champs de pratique, on arrive très, très bien à
encadrer l'ensemble des pratiques alternatives qui se pratiquent au
Québec. Je ne pense pas qu'on est rendus à 100 pratiques. Je
pense que c'est une façon peut-être imagée de montrer la
multitude de techniques et de facettes, mais, dans le concret, quand on va voir
ce qui se passe sur le terrain et les gens qui vivent de leur pratique, qui
travaillent, qui sont les véritables thérapeutes alternatifs, il
n'y a pas 100 pratiques. Je pense que c'est illusoire.
M. Côté (Charlesbourg): Mais l'Organisation mondiale
de la santé en reconnaît quand même au-delà de
200.
Mme Lévesque: II y en a 104 que l'Organisation mondiale de
la santé reconnaît. Mais, ça, c'est partout sur la
planète; ça ne veut pas...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui.
Mme Lévesque: ...dire qu'elles sont toutes
pratiquées au Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, je comprends. Je
comprends, mais disons-nous, à tout le moins, que, si ça se
pratique sur la planète, il y a peut-être des chances
qu'éventuellement ça vienne chez nous. Si on veut prévoir
l'avenir, à tout le moins, ça me paraît d'une
élémentaire prudence qu'on puisse envisager ça aussi.
Mme Lévesque: Bien, on est tout à fait d'accord et
on pense même qu'une des missions de cette structure-là, la
nouvelle structure qui serait en place, devrait être un comité qui
analyse l'arrivée de toute nouvelle discipline. Je pense qu'on ne se
veut pas un modèle fermé où on en admet huit ou neuf et
là il n'y a plus rien qui rentre. Mais je pense qu'à tout le
moins il devrait y avoir un comité spécial qui fait l'analyse de
toute nouvelle discipline qui veut se joindre à la grande famille des
thérapies alternatives ne serait-ce que par le corpus
académique ou les assises sérieuses de cette pratique-là
et que n'importe qui ne puisse pas, demain matin, inventer une
thérapie et se dire porteur d'une nouvelle technique, juste parce que la
voie est facile. Je pense que, s'il y a une structure d'encadrement, on devra
prévoir ce mécanisme, et ce mécanisme-là pourra
aussi faire appel au public et à différents experts et
peut-être, là aussi, à l'expertise scientifique qui
pourrait apporter sa contribution énormément.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, le moyen de
contrôler ce qui est, pas nécessaire, ce qui pourrait être
reconnu, c'est par une structure d'encadrement qui, elle, serait autonome des
thérapies alternatives. Ce serait de la responsabilité
gouvernementale, en termes de structure d'encadrement?
Mme Lévesque: Exactement, oui. Idéalement, sous le
ministère des affaires sociales.
M. Côté (Charlesbourg): Et qui, elle, pourrait se
donner des critères quant à l'acceptation, aux exigences
quant à la formation de ce qu'on pourrait reconnaître comme
thérapies. Vous allez plus loin en disant: Tout le processus de plaintes
devrait être traité par cette struc-tufè-là,
à ce que j'ai compris...
Mme Lévesque: Définitivement.
M. Côté (Charlesbourg): ...de façon à
le sortir des corporations en termes de traitement de plaintes
qui peuvent à la fois, à l'occasion, être juge et partie.
C'est un peu comme ça que vous définissez votre structure
d'encadrement.
Mme Lévesque: C'est exactement le modèle qu'on
propose.
M. Côté (Charlesbourg): Bon. Je vais plus loin dans
la démarche, parce que vous avez vous-même évoqué,
si j'ai bien saisi, une certaine crainte à l'égard de ce qui a
été évoqué jusqu'à maintenant, ici, comme
projet-pilote. Vous semblez craintive, si j'ai bien compris, quant au
projet-pilote et votre conception de projet-pilote, je pense, diffère un
petit peu de la mienne. Ce que vous avez évoqué tantôt,
d'après moi, ce n'est pas un projet-pilote. C'est une période qui
permet la reconnaissance, niais qui mène nécessairement...
Mme Lévesque: Un moratoire.
M. Côté (Charlesbourg): ...à la
reconnaissance. Donc, c'est davantage un moratoire, qui permet à un
certain nombre de thérapeutes, pendant cette période, de se
conformer aux exigences que la structure d'encadrement établirait et de
se qualifier, finalement, comme thérapeutes et comme pratiques
alternatives aussi, à ce que j'ai compris. C'est davantage
ça...
Mme Lévesque: Hum, hum!
M. Côté (Charlesbourg): ...que vous souhaitez.
Mme Lévesque: Tout à fait.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, ce n'est pas un
projet-pilote.
Mme Lévesque: Non.
M. Côté (Charlesbourg): Parce qu'un projet-pilote,
on ne peut pas conclure de son utilité avant même d'avoir fait le
projet-pilote et d'avoir répondu à un certain nombre
d'évaluations.
Mme Lévesque: C'est là que je vous dis que, nous,
l'évaluation, on la trouve pertinente dans la mesure où c'est
pour faire une étude comparative entre différentes techniques
d'intervention par rapport à une pathologie particulière.
C'est-à-dire que je ne pense pas que les thérapies alternatives
ont le fardeau de démontrer tout ce qui se passe dans le processus,
parce que la science, qui est très axée sur le processus,
d'après nous, n'arrivera pas à des choses concluantes.
Notre crainte par rapport au projet-pilote, ça serait d'utiliser
cette période-là juste pour, un peu, noyer le poisson dans l'eau,
et faire qu'au bout de cinq ans on se retrouve avec moins que rien encore et
que, finalement, le dossier n'aura pas avancé. Nous, on pense que, cinq
ans, c'est long pour être dans le concret et dans le quotidien, et vivre
la réalité des thérapies alternatives avec ce que
ça implique dans la gestion des thérapeutes, avec l'encadrement
et les poursuites qui, soit dit en passant, sont peut-être plus
nombreuses que ce que la corpo a laissé sous-entendre. Je pense que,
dans notre quotidien, on est prêts à l'action, parce que ça
fait plusieurs années qu'on est sur le terrain. On est prêts
à des solutions concrètes. On est prêts à
contribuer, je pense, à toute solution intelligente, mais on ne voudrait
pas, non plus, que la mesure d'évaluation, qui est très
poussée par les corporations professionnelles, soit plutôt une
mesure pour un peu distraire l'attention et faire en sorte, dans le temps,
d'amoindrir le phénomène des thérapies alternatives et
que, de toute façon, on porte un préjudice.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, entre vous et moi,
là, est-ce que le fait d'être très exigeant au niveau de
l'évaluation demeurons au niveau de l'évaluation...
Mme Lévesque: Vous voulez dire des critères
d'entrée ou de l'évaluation...
M. Côté (Charlesbourg): L'évaluation. Mme
Lévesque: ...scientifique?
M. Côté (Charlesbourg): Parlons du scientifique,
disons. Ce qui est social peut aussi être, en termes
d'évaluation...
Mme Lévesque: Oui. (11 h 40)
M. Côté (Charlesbourg): ...tel que vous le
souhaitiez, une bonne évaluation. Est-ce qu'être très
exigeant au niveau de l'évaluation n'offre pas une garantie au public, y
compris aux thérapeutes eux-mêmes? Je pense qu'il n'y a pas de
quartier à faire au niveau de l'évaluation si nous voulons aller
dans cette voie-là. À vous entendre j'ai peut-être
l'impression que ça vous fait peur un peu, l'évaluation, sans la
repousser, et ce qui vous fait davantage peur, c'est l'évaluation dite
scientifique ou du point de vue du corps médical, par exemple, versus
l'ostéopathie, l'homéopathie, parce qu'on a entendu depuis le
début de la commission que c'était bon, mais en autant que ce
soit pratiqué par un médecin.
C'est un peu dans ce sens-là que vous craignez que
l'évaluation soit un peu biaisée à sa base même si
elle a ces exigences-là. Mais, à la base même, je pense
qu'il faut être très, très exigeants au niveau de
l'évaluation. Ce sera une garantie pour le public c'est celui
qu'on veut desservir et aussi une garantie pour les
thérapeutes qui pratiqueront ces thérapies
alternatives.
Mme Lévesque: Oui, je pense qu'on n'a pas de
problème avec ça en autant, comme vous dites, que ça ne
devienne pas quelque chose pour retarder dans le temps la décision de
nous encadrer, et en attendant de nous donner une structure viable. En
attendant, je pense que tout ce que les thérapeutes veulent, c'est
stopper la répression de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec. C'est ça, dans le fond, notre ultime
souhait et c'est le cri du coeur que vous avez entendu des
présentations. Même, à la limite, le groupe qui a
été, je dirais, le plus grand porte-parole de ce cri du coeur,
ça a été les médecins holistiques qui sont venus
vous dire: M. le ministre, faites quelque chose. Leur mesure de cinq ans
d'études, je pense, était un peu pour venir dire: Eh bien, nous
aussi, on veut contribuer à ce processus-là, et on ne veut pas
être réprimés.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Demeurons
là-dessus, je vais finir là-dessus pour permettre à mon
collègue de vous interroger. Un moratoire, ça signifie
forcément, dans les domaines que nous pourrions identifier,
l'arrêt des procédures contre un certain nombre de
thérapeutes alternatifs, mais pas tous les thérapeutes
alternatifs. Il faut être assez clairs là-dessus, parce qu'il y a
des gens qui portent le nom de thérapeute alternatif, mais qui peuvent
être considérés dans la catégorie des charlatans.
À ce moment-là, on manquerait à notre devoir
élémentaire de protection du public.
Mme Lévesque: Définitivement.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, comment fait-on, dans
un moratoire, pour s'assurer que ceux qu'on veut protéger, soit les
citoyens, le soient, tout en arrêtant les procédures contre des
thérapeutes alternatifs, et qui sont ceux qu'on devrait mettre sous le
couvert du moratoire? Ça va nous donner un peu la mesure de ceux qui
pourraient être poursuivis légalement.
Mme Lévesque: Moi, je vous dirais, M. le ministre, qu'il
n'y a aucune thérapie qui ne devrait pas être sous le couvert du
moratoire, c'est-à-dire que vous allez répondre aux plaintes
réelles du public. Même si vous décidez d'encadrer
l'acupuncture et que quelqu'un fait un geste reprehensible dans l'acupuncture,
ce n'est pas parce qu'il y a un moratoire qu'il ne devrait pas être
sanctionné.
Alors, ce n'est pas tant la thérapie que le mécanisme
même qui va recueillir les plaintes. C'est important que vous gardiez
votre rôle de protection du public dans le sens large, et ça,
ça serait carrément soustraire de la juridiction de la
corporation des médecins tout l'accueil, l'arrivée des plaintes,
parce que, là, on n'est plus capable de faire la différence entre
une plainte réelle et une plainte forgée par la corpo des
médecins.
Alors, si vous mettez dans la structure, peu importe où elle
sera, même sous votre juridiction, dans la période de cinq ans, un
comité qui verrait à répondre systématiquement
à toutes les plaintes du public à l'égard de tout ce qui
s'appelle thérapie alternative, je pense que vous vous mettez dans les
bonnes conditions pour arriver à vos fins, et sans porter
préjudice à aucune des thérapies alternatives. Est-ce que
ça répond à votre question?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, en bonne partie. J'en
aurais d'autres, mais on me signale que je dois m'arrêter. Mais je suis
convaincu que, compte tenu de la complémentarité de l'Opposition
et du pouvoir actuellement sur ces dossiers-là, ça va
continuer.
Le Président (M. Joly): Je pense que M. Magny avait
quelque chose à ajouter. M. Magny, vous auriez aimé dire quelque
chose? J'ai senti ça, là.
M. Magny (Jean-Claude): D'accord. C'était concernant la
recherche comme telle. Au niveau de la recherche, je pense que, comme disait M.
le ministre, il faut effectivement mettre toute la rigueur, au niveau de la
science, au service de la population. Le point, par contre, où il
faudrait mettre l'emphase, c'est non pas comment ça marche, mais est-ce
que c'est dangereux? Si on peut seulement isoler ce point-là
l'effet iatrogène d'une pathologie, par exemple si vraiment on
peut isoler ce côté de danger par rapport à une approche
quelle qu'elle soit, je pense que la recherche pourrait d'abord être
orientée dans ce sens-là.
Donc, trois points que je verrais au niveau de la recherche. D'abord,
préciser une démarche clinique spécifique: est-ce que les
pratiques ont une démarche comme telle? Ensuite, la réussite:
est-ce que ça marche, oui ou non? Mais pas: comment ça marche?
Est-ce que ça marche? Troisièmement: est-ce que c'est dangereux?
On parlait, tantôt, des plantes. Il y a certaines plantes, de temps en
temps, qu'on retire du marché parce que, utilisées à trop
fortes doses, ça peut être dangereux. Ça peut être la
camomille, etc. Effectivement, je pense que la recherche devrait, dès
à présent, être mise en place par rapport à ces
choses-là.
L'autre côté où je suis contre la recherche, c'est
le fait que, nous, en pratiques alternatives, on a toujours dit qu'on
défend une approche personnalisée, d'une part. Bien, il faudrait
faire une recherche sur chaque individu. D'autre part, on défend une
forme de transdis-ciplinarité comme telle, un mélange des
disciplines. Donc, est-ce que mon approche fonctionne seulement au niveau de la
naturopathie ou bien de la naturopathie en accord avec une approche
énergétique ou bien une autre approche? Donc, ça va
être très difficile de conjuguer une recherche clinique seulement
axée sur une thérapeutique. Ces points-là me portent
ombrage par rapport à la recherche. Mais les autres volets de la
recherche qui sont beaucoup plus au niveau de l'efficacité, au
niveau du danger me paraissent très raisonnables.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de
Rouyn-Noran-daTémiscamingue. M. le député, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. On arrive donc à
un certain terme de la commission, et sans préjudice pour le groupe qui
va venir après. Je veux noter tout de suite, de la part de l'Alliance,
cette ouverture d'esprit que vous manifestez pour défendre,
évidemment, les intérêts des membres et d'un certain nombre
de pratiques alternatives, mais ce souci que vous avez de vous inscrire dans le
courant de la société québécoise et de ne pas
demander de passe-droits. Vous ne demandez pas de passe-droits, de
laissez-passer en disant: Reconnaissez-nous donc, puis laissez-nous filer comme
on l'entend, sans regard de votre part. À cet égard, il faut
cependant en arriver oui, effectivement à ce que
l'État pose des gestes concrets pour en arriver à cela. La
commission aurait servi de discussion, mais encore faut-il qu'il y ait des
résultats.
Je m'intéresse tout de suite à ce moratoire qui semble se
profiler à l'horizon et qui, suivant les différentes
interventions qui ont eu lieu ici, signifierait donc un moratoire sur les
poursuites pour pratique illégale de la médecine soyons
très concrets mais, par ailleurs, sans délaisser la
responsabilité de la protection du public. Ça va de soi.
Est-ce que vous pensez, donc, que nous pourrions, comme premier geste de
reconnaissance et dans le processus de la reconnaissance des thérapies
alternatives, dire: Le gouvernement doit récupérer sa
responsabilité des poursuites en matière de pratiques relatives
à la santé, qui risquent de causer des préjudices graves
à la santé publique ou à la santé privée
d'un citoyen? En d'autres termes, pourrions-nous imaginer que le système
des poursuites puisse être récupéré par le
gouvernement, sortir ça de la corporation des médecins du
Québec, confier le mandat de surveillance et d'inscrire
d'éventuelles poursuites auprès du Procureur
général du Québec au commissaire aux plaintes qui a
été institué en vertu de la loi 120?
Je répète: Est-ce qu'on pourrait imaginer un
système simple qui, pendant un certain nombre d'années, dirait:
L'État récupère sa capacité de poursuite pour les
actes qui risquent d'être préjudiciables à la santé
du public; il confie ce mandat au commissaire aux plaintes, en termes d'analyse
et, via le Procureur général du . Québec, il serait
chargé de faire en sorte que puissent être instruites des
poursuites pour charlatanisme, pour pratique illégale, pour pratique
causant des préjudices, sur dossier évidemment. Est-ce que cela
pourrait s'articuler de cette façon-là? (11 h 50)
Mme Lévesque: Je pense que ce que vous présentez,
c'est très possible. Il y a deux conditions, à mon sens. La
première, c'est que, si la volonté politique est très
ferme d'agir dans ce sens-là, je pense qu'il n'y aura pas aucun
problème. Ma seule inquiétude, c'est: Est-ce que le commissaire
aux plaintes a l'expertise, pour être capable de faire la part des
choses? À ce moment-là, il faudrait s'adjoindre l'expertise.
Supposons qu'il y a une poursuite dans une discipline, ça
m'apparaîtrait important que les personnes expertes dans le domaine
puissent venir apporter leur contribution, mais toujours en gar- dant le
public, aussi. Je pense qu'il ne faut pas délaisser la participation du
public dans ce comité des plaintes. Je ne sais pas si le commissaire aux
plaintes, dans le moment, a cette portion de gens du public que, nous, on
demande, qui était le 50 % que le réseau alternatif serait bien
d'accord à instaurer. Alors, tant qu'à instaurer un
mécanisme de plaintes, puisqu'il n'existe pas dans le moment, on est
aussi bien de le faire d'emblée de la bonne façon et dans une
structure où on pense qu'on pourra continuer à fonctionner comme
ça, c'est-à-dire avec la partie prenante du public
québécois qui, à notre sens, est essentielle dans ce
processus-là. Alors, c'est très possible, c'est très
plausible, et je ne vous cacherai pas qu'on serait agréablement contents
d'une telle démarche.
M. Trudel: Mais, souvent, le mieux est l'ennemi du bien. Si on
prend deux ans pour s'assurer que toutes les tendances, que tous les groupes
sont représentés dans un éventuel comité de
traitement des plaintes sous la responsabilité, théoriquement, du
commissaire aux plaintes, on risque fort que les résistances augmentent
encore dans les groupes qui sont officiellement reconnus. Ce que je dis
et vous employez le mot «processus» c'est: Est-ce qu'on peut
imaginer que, dans ce processus, l'État récupère sa
capacité d'inscrire les poursuites en matière de protection de la
santé publique et privée des citoyens; deuxièmement, que
l'État amorce un processus d'examen des plaintes faisant appel largement
à la participation et à l'intelligence du public et que,
troisièmement, tout ça puisse aboutir, dans la capacité du
commissaire aux plaintes d'être le porteur d'un dossier éventuel
de poursuite contre quelqu'un, auprès du Procureur
général, sur dossier documenté, mais de façon, je
dirais, désintéressée? En fait, sortons la poursuite
contre les voleurs de banque de l'association des banquiers, hein? Est-ce que
ça vous apparaît quelque chose qui, en termes d'étapisme,
pourrait se vivre?
Mme Lévesque: Ça nous apparaît raisonnable,
et non seulement raisonnable, mais je pense qu'on serait très heureux
avec une telle démarche. On serait très heureux, on n'a aucun
problème avec ça. Je vois le commissaire aux plaintes comme un
acteur capable de jouer ce rôle peut-être encore plus que l'Office
de la protection du consommateur qui nous apparaît plus être un
acteur capable de régler les litiges contractuels par rapport à
une entente de services. Comme on l'a proposé dans notre mémoire,
à la rigueur, nous, on aurait été prêts à
aller jusqu'à établir un contrat de services avec nos clients, si
c'est ça qu'il faut pour que le réseau alternatif soit sorti de
la... Bon, on pourrait établir un genre de contrat qui
réglementerait toute la partie tarification, par exemple,
c'est-à-dire qu'avant d'embarquer dans un processus avec un
thérapeute le client serait très bien informé que c'est
tant la consultation. Il n'y a pas de modalités de paiement d'avance. En
tout cas, toute une procédure qui, pour nous, nous apparaîtrait
quand même raisonnable et facile.
M. Trudel: En matière de gestion contractuelle... Mme
Lévesque: Contractuelle uniquement. M. Trudel: ...du service
à être dispensé.
Mme Lévesque: Mais, comme on ne veut pas morceler les
différentes parties de cette réglementation-là, on trouve
que c'est la structure d'encadrement qui devrait avoir ce mandat-là
plutôt que d'éparpiller les mandats dans différentes
structures. Mais, en attendant, on est bien d'accord que le comité des
plaintes, je pense que ça pourrait être viable.
M. Trudel: Par ailleurs, on ne peut pas éviter de toucher,
évidemment, à l'immense secteur de l'évaluation, pas
l'évaluation visant à accréditer, mais l'évaluation
des thérapies alternatives. Et, quand je dis évaluation, je dois
dire que j'adopterais plutôt votre terme, tantôt, en termes
d'analyse des thérapies alternatives. Est-ce qu'il vous apparaît
imaginable aussi... Parce que ça ne vous fait pas peur? Au
contraire.
Mme Lévesque: Non. Ce qui me rend plus craintive, c'est le
cadre dans lequel ça va se faire.
M. Trudel: Très bien. C'est ça que...
Mme Lévesque: Est-ce que ça va être un cadre
artificiel ou est-ce que ça va être vraiment un cadre de pratique
réelle, comme on fait dans le moment, sur le terrain, dans le domaine
privé? Dans la mesure où je serai sécurisée quant
au cadre conceptuel de la recherche. ..
M. Trudel: Oui, oui.
Mme Lévesque: ...je n'en aurai pas de problème.
M. Trudel: Ce que vous me dites, là, c'est que, si vous
confiez au renard le soin de garder le poulailler, vous avez comme des
craintes. Bon.
Mme Lévesque: Vous avez très bien compris. Le loup
dans la bergerie.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: II y a des façons, dans une
société, d'y arriver. Est-ce que vous pensez que nous pourrions
demander à FINRS-Santé, à l'Institut national de la
recherche scientifique (Santé), qui ne regroupe pas uniquement des
professionnels de la médecine... C'est un exemple que je vous donne.
Est-ce qu'on ne pourrait pas confier à des équipes
multidisciplinaires le mandat spécifique... puis on ne crée rien
de nouveau, là...
Une voix: L'Université du Québec!
M. Trudel: Ha, ha, ha! J'en suis sorti. Non, mais
l'INRS-Santé existe; il regroupe des scientifiques, c'est
pluridisciplinaire. On peut en ajouter aussi, parce qu'il y a, par exemple, des
sociologues de la santé à l'INRS-Santé, pour qu'on puisse
discuter de protocoles d'évaluation. Est-ce que vous
considéreriez que, comme évaluation externe, on pourrait confier
à un organisme du type INRS-Santé, à l'Institut national
de la recherche scientifique (Santé) des protocoles d'analyse on
verra si c'est «et d'évaluation» et
d'évaluation, pour l'instant, d'un certain nombre de thérapies
alternatives, dans le contexte actuel?
Mme Lévesque: Êtes-vous en train de nous proposer
des fonds de recherche? C'est dans ce sens-là, avec des sommes...
M. Trudel: Je suis en train, à tout le moins, de proposer
qu'il se fasse beaucoup de recherche, sans nécessairement ajouter
beaucoup de fonds.
Mme Lévesque: Oui, parce qu'il faut quand même
être réaliste. Je pense que, nous, toute notre argumentation,
c'est aussi d'arriver à faire des choses, mais sans
nécessairement que ça soit un surplus financier. Oui, je pense
que c'est réaliste de proposer ça à des équipes de
recherche, en autant que l'expertise des thérapies alternatives soit
impliquée dans le processus, qu'on ne soit pas là à
défendre des paradigmes ou qu'on ne soit pas déjà
arrivé avec des réponses ou des positions. Mais, si c'est fait de
bonne foi, si c'est fait par des gens détachés, qui n'ont pas
nécessairement d'intérêts, ni d'un bord, ni de l'autre, je
pense que ça peut très bien se faire, et c'est même
souhaitable que ça se fasse.
M. Trudel: Oui, parce que la recherche n'est pas que
scientifique, au sens des sciences exactes. La recherche sociale a aussi son
paradigme scientifique...
Mme Lévesque: Oui, puis elle a de très bons
outils.
M. Trudel: ...et elle est aussi dans un paradigme scientifique
qui prend en compte des dimensions autres. Regardez l'exemple qu'on nous
donnait, ce matin, à partir d'un autre groupe, la Corporation
professionnelle des psychologues, qui disait: On a mesuré, nous, que
porter le bracelet, pour un certain nombre d'arthritiques, ça n'a rien
à faire avec le matériau que portait la personne; c'est
plutôt le degré de suggestibilité qui a joué
là-dedans. Mais, écoutez, si le résultat, ça fait
du bien...
Mme Lévesque: Exactement. Une voix: Exact.
M. Trudel: C'est le résultat, parce que, quand vous
souffrez d'arthrite rhumatoïde, que ça fait mal et que vous
êtes incapable d'évoluer normalement dans
votre société, il s'agit, bien évidemment, de ne
pas faire dire à un certain nombre de choses ce qu'elles ne produisent
pas, mais on ne peut quand même pas...
Mme Lévesque: Éliminer.
M. Trudel: ...enlever l'effet obtenu...
Mme Lévesque: Oui.
M. Trudel: ...par un tel mécanisme. Il n'y a quand
même pas de mal à se faire du bien, pour une
société, là.
Mme Lévesque: Mais c'est le danger de la science. La
science est axée sur le processus, alors que les modèles plus
pragmatiques sont axés sur le résultat. Nous, on pense que, par
le bon mélange d'un cadre de recherche qui pourrait faire appel à
ces deux façons d'évaluer les choses, on pourrait arriver
à un heureux compromis, définitivement.
M. Trudel: Je conclus en vous remerciant de votre précieux
témoignage. Je comprends que vous offrez une collaboration dans la
poursuite du processus. Je comprends aussi que vous ne rejetez pas au
contraire les paramètres généralement connus de la
science, mais j'ose imaginer que vous partagez un autre paramètre avec
moi, en tout cas, c'est que la science n'est pas neutre, mais qu'elle peut
très bien servir à protéger l'intérêt public
et privé, en autant que l'État prenne ses responsabilités
en pareille matière. Merci, madame.
Mme Lévesque: Merci, monsieur.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît. (12 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je voudrais remercier l'Alliance, et lui dire qu'il existe le
Fonds de la recherche en santé du Québec, mais qu'il existe aussi
le CQRS qui vient tout juste de déposer au ministère un plan de
recherche de trois ans revivifié. Il pourrait être
intéressant d'explorer toutes les possibilités que nous offre ce
centre-là et on aura l'occasion d'en discuter éventuellement.
M. Trudel: Vous voulez dire que les deux vont demeurer
ultimement, et le Conseil et le fonds de recherche?
M. Côté (Charlesbourg): Écoutez, moi, j'ai
toujours dit que, éventuellement, je ne suis pas fermé à
l'hypothèse qu'on puisse les regrouper sous un même chapeau, en
autant que chacun conserve sa spécificité et qu'on ait
réussi à rendre le CQRS à un niveau aussi respectable que
le FRSQ. À partir de ça, chacun pourrait effectivement
générer un certain nombre d'économies à être
regroupé. Mais, évidemment, ça, ce n'est pas demain matin
et tirez-en les conclusions que vous voulez.
M. Trudel: C'est que ce n'est pas demain matin. Merci beaucoup,
M. le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, au nom des membres
de cette commission, je tiens aussi à remercier les membres de
l'Alliance. Merci beaucoup. Bon retour.
J'appellerais maintenant les gens représentant le Réseau
d'action pour une santé intégrale, s'il vous plaît, connu
sous le nom de RAPSI. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette
tribune. J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier
et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent. Je vous rappelle
que vous avez entre 15 et 20 minutes pour nous faire un sommaire de votre
mémoire et, par après, échanger avec les parlementaires.
Alors, s'il vous plaît, madame.
Réseau d'action pour une santé
intégrale (RAPSI)
Mme Sabourin (Claire): Je vous remercie, M. le Président.
Je m'excuse de ma voix enrouée. J'espère que ça ne fera
pas trop de problèmes aux membres de la commission. M. le ministre, M.
Trudel, je vous présente, à ma droite, Claude Guilbeault et,
à ma gauche, Jean-Marie Berlinguette qui est l'actuel président
du RAPSI. Je trouve que nous avons, en quelque sorte, une lourde tâche,
arrivant les derniers, d'être originaux et de soutenir votre attention.
Alors, j'espère que nous y réussirons.
M. Côté (Charlesbourg): Étant à la
fois la mère et le père de l'alternatif, je pense que c'est un
bon moyen de ramener des enfants au bercail.
Mme Sabourin: Alors, nous allons assumer notre tâche. Dans
le mémoire, je voudrais simplement, d'abord, souligner que nous n'avons
pas tenté de délimiter ce qui était l'alternatif, ce qui
était l'intervention aussi dans le domaine des thérapeutiques
alternatives, ni de dire que telle thérapie devrait être reconnue,
ni de discerner entre celles qui avaient une portée beaucoup large et
les approches qui sont beaucoup plus limitées, sachant qu'il y a,
à ce niveau-là, un travail énorme à faire et que
ça ne relève pas, en fait, d'une commission parlementaire d'aller
plus loin que de dégager de grandes avenues. Par contre, ce qui nous a
semblé essentiel, c'est de faire ressortir l'aspect, qu'il y a là
un nouvel espace thérapeutique, dans le sens, aussi... Parmi toutes les
divergences qu'il peut y avoir parmi les approches, parmi les grilles qui sont
utilisées, parmi les facteurs qui sont mis de l'avant pour parler de
l'intervention thérapeutique, il y a quand même un certain nombre
d'éléments communs qui se retrouvent et qui, nous pensons, ne
manifestent pas simplement un phénomène à
l'intérieur du monde médical, mais manifestent un
phénomène au plan de la société, et j'irai
jusqu'à dire au plan d'une transformation dans la pensée
même scientifique.
Je reviendrai sur cet aspect-là, car on présente la
science souvent comme un bloc monolithique alors que, à mon avis, elle
n'en est pas du tout un.
Le grand point qui se profile derrière ce monde alternatif, c'est
d'abord de refuser la dissociation entre esprit et matière, et refuser
la dissociation de l'humain entre l'âme, le corps, l'intellect, comme
s'il n'y avait pas une globalité à l'intérieur de
ça qu'il fallait saisir, et aussi de dissocier l'humain de l'univers
auquel il appartient. Je pense qu'on est habitués à ces
mots-là, mais, derrière ces mots-là, il faut saisir qu'en
chacune des approches, en tout cas celles dominantes pour me garder une
porte de sortie face à celles que je ne connais pas, si je me permets
il y a une articulation particulière, il y a des grilles de
lecture particulières qui représentent une logique et une
cohérence dans la façon de voir, d'articuler les manifestations
au plan de la santé et au plan des déséquilibres de
santé.
Je pense qu'on passe beaucoup trop sous silence cet aspect et que, si ce
langage ou si cette grille de lecture ne correspond pas au monde scientifique
actuel, elle ne manque pas pour autant de rigueur. Je pense que c'est pour
ça qu'il y a certaines disciplines qui sont déjà reconnues
de par le monde. Je n'ai pas été là toute cette semaine
pour entendre tous les commentaires et les présentations, mais on
s'entend pour reconnaître l'acupuncture, l'homéopathie,
l'ostéopathie comme ayant un corpus théorique très
rigoureux. Je pense que c'est faire preuve de beaucoup d'ignorance que de
vouloir limiter ça à un langage, de vouloir limiter ça
à une forme magique d'intervenir avec la personne, sans se rendre compte
qu'il y a vraiment une articulation rigoureuse qui permet de comprendre le
processus de déséquilibre pathologique chez une personne, que ce
soit au niveau d'un simple malaise, d'un déséquilibre qu'on peut
appeler au niveau fonctionnel ou même d'un déséquilibre
pathologique important.
Ce que disent ces grilles, c'est: On ne peut plus regarder l'individu en
pièces détachées. C'est un terme qui a été
utilisé ce matin, et je pense qu'il faut absolument y revenir, à
ce niveau-là. C'est probablement le talon d'Achille de la science
à pouvoir regarder les approches alternatives; c'est que, jusqu'à
présent, ces approches ont toujours été
développées pour regarder l'individu en pièces
détachées. Alors, dans quelle mesure les protocoles qu'elle a mis
au point actuellement peuvent-ils aborder les disciplines autres dans le monde
alternatif avec des protocoles pour des individus en pièces
détachées, quand nos grilles de lecture, quand les grilles de
lecture généralement admises, ne fonctionnent plus pour des
individus en pièces détachées?
Alors, c'est sûr qu'à ce niveau-là, moi, je pense
qu'on ne peut pas aborder le détail de ces grilles au niveau de la
commission parlementaire, mais il faut absolument qu'il y ait des gens à
l'esprit ouvert, qui veuillent entendre un discours différent. C'est
souvent là le problème qu'il peut y avoir lorsqu'il y a des
évaluations scientifiques qui sont faites dans les approches
alternatives, c'est qu'il n'y a pas nécessairement des gens qui veulent
accepter de se faire dépayser, c'est-à- dire d'avoir un langage
qui est différent de celui auquel ils ont été
conditionnés durant autant d'années d'apprentissage universitaire
et autant d'années, aussi, de recherches universitaires.
Je voudrais revenir sur un aspect qui, à mon avis, est aussi
essentiel et central au monde alternatif: c'est la façon de voir la
santé et la maladie non plus comme la maladie, principalement
quelque chose qui nous tombe dessus, quelque chose qu'on est
obligés d'assumer sans trop savoir comment ça se fait qu'on y est
arrivés, mais bien comme un processus normal de
déséquilibre, et ceci pouvant se reproduire tout au long d'un
cheminement de vie. Alors, la maladie n'est plus quelque chose qui nous tombe
dessus et auquel on doit réagir après coup, mais le moment,
plutôt, d'une réflexion, d'un arrêt, d'une prise de
conscience qui va pouvoir permettre ultimement une prise en main de la personne
par elle-même, donc une responsabilisation. Pour nous, le terme de la
responsabilisation, c'est un terme essentiel, c'est une étape
essentielle pour arriver à une société où on va
avoir vraiment une culture de la santé. Mais la responsabilisation de la
personne ne peut pas venir de l'extérieur. Elle ne peut pas être
imposée de l'extérieur. Il faut d'abord que la personne puisse
prendre conscience de son chemin de vie et qu'elle se rende compte pourquoi
elle est arrivée, à un moment donné, à avoir un
problème de santé.
Alors, souvent, la responsabilisation a été
présentée comme une culpabilisation; ce matin, il y a quelqu'un
qui faisait référence à ça. Je pense que ce n'est
pas du tout l'optique qui est développée dans le monde
alternatif. Mais ce que nous disons, c'est que la responsabilisation doit se
construire sur des choses. La personne ne peut pas nécessairement
devenir responsable du jour au lendemain sans avoir des outils, sans avoir de
l'aide appropriée pour se prendre en main. C'est lorsque devient
important, à mon avis, le moment thérapeutique, et j'appuie sur
ce mot: le moment thérapeutique, parce qu'on ne devrait pas concevoir la
relation à un système de santé comme étant un
contrat à vie auquel... un abonnement où il faille retourner
régulièrement. C'est l'occasion d'entrer en contact avec
quelqu'un qui va nous permettre de faire le point sur la situation, mais aussi
avec quelqu'un qui va avoir en sa possession une grille de lecture qui va nous
permettre d'induire un processus, et un processus de reconstruction de la
santé, si je peux utiliser ce terme-là. (12 h 10)
La grille que possèdent les thérapeutes alternatifs n'est
pas la même que la grille que possède le corps médical. La
grille que possèdent les psychothérapeutes n'est pas la
même que possèdent les psychologues. À ce niveau-là,
je pense qu'il va vraiment falloir qu'il y ait des lieux d'interface, que ce
soit dans le système de la santé, que ce soit au
ministère, que ce soit ailleurs et, nous, on privilégie la
formation de l'Office des professions pour qu'il y ait des
échanges qui existent non pas sous le mode de débats comme on en
connaît, comme on en a vu encore dernièrement, mais où les
gens qui vont se présenter là vont le faire dans
l'idée
d'avoir une ouverture sur les nouvelles approches qui sont
présentées avec le but de comprendre quel apport on peut
avoir.
Jusqu'à présent, les actions qui ont été
posées par les différents groupes en place n'ont jamais
été ou à peu près jamais... Je me permettrai de ne
pas connaître les cas où il y a eu des ouvertures heureuses, mais
elles ont été très peu nombreuses, les occasions où
les professionnels de la santé ont décidé de s'asseoir
avec des thérapeutes alternatifs dans le but de saisir quel apport
positif pouvait avoir le monde alternatif afin de solutionner des
problèmes de santé. Ça se fait. C'est tellement marginal
qu'on les ignore, en réalité. Nous, on pense qu'il y a là
une solution d'avenir. Mais, pour que cette solution puisse exister, il faut
absolument qu'il y ait une volonté déterminée, au plan de
notre société, de donner lieu, de donner la place à ces
approches alternatives qui, de toute façon, existent au plan de la
société. C'est un mouvement social qui s'est manifesté
jusqu'à présent, c'est un mouvement de pensée, c'est un
mouvement thérapeutique. À notre avis, il est là à
demeure et, même si on décide de ne pas le reconnaître,
comme certains le voulaient bien, il ne disparaîtra pas.
Il découle de cette approche au niveau de la prise des
responsabilités des individus un point essentiel et je pense que
le ministre l'a apporté dans sa déclaration, à l'ouverture
de la commission parlementaire la question du choix
thérapeutique. Pour nous, le choix thérapeutique, c'est le point
central de ce que les thérapies alternatives ont apporté au
Québec, et je dirais que c'est un point tout à fait
révolutionnaire, si on décide de l'admettre. Car, dans le
système de santé tel qu'il existe actuellement, dans la
définition même de ce que sont les professionnels, le choix
thérapeutique n'a pas sa place. Dans la définition, le
professionnel, c'est celui qui sait, c'est celui à qui on s'en remet,
c'est celui qui a été cautionné un jour, de telle sorte
que je puisse entièrement m'y fier. Nous, on dit que ce n'est pas une
démarche thérapeutique.
Dans ce sens-là, amener la question du choix thérapeutique
sur la table, c'est remettre en cause fondamentalement une façon de
faire dans notre système de santé et c'est dire: Nous, on pense
que, quand on va voir un intervenant dans le monde de la santé, on ne
met pas le pied sur un tapis roulant où, par la suite, on n'a plus rien
à dire si ce n'est que de suivre les tests et suivre les prescriptions
médicamenteuses qu'on nous prescrit. C'est de dire: J'ai le choix
thérapeutique. Dire: J'ai le choix thérapeutique, c'est: J'ai
aussi le choix de dire non à un thérapeute lorsque je vais le
voir, que ce soit un médecin ou que ce soit un thérapeute
alternatif. Et ceci est absolument nouveau dans le système de
santé, de pouvoir aller voir un intervenant de la santé et dire:
Je vous ai entendu, je comprends l'analyse que vous faites de mon cas, mais je
refuse le traitement que vous me donnez, je considère que j'ai d'autres
choix à faire. La gestion de ce choix thérapeutique est
effectivement quelque chose qui sera très difficile parce qu'elle
forcera les thérapeutes en place et les professionnels en place à
revoir leur rôle face au client. Alors, c'est toute la question de la
prise en charge que, nous, maintenant, on refuse et que le monde alternatif a
amenée, nous pensons, à l'intérieur même de la
profession médicale et qui, maintenant, fait son chemin.
Mais, ceci dit, si on dit que les gens ont le choix, ont la
possibilité de faire un choix thérapeutique, il faut aussi qu'ils
aient la capacité de le faire. Et la capacité a comme condition
objective première la reconnaissance légale. Je pense que
reconnaître le fait que des thérapies existent, que des gens sont
déjà en train d'utiliser ces thérapies-là, ce n'est
pas dire, de la part du gouvernement: On les cautionne et on pense qu'elles
sont toutes bonnes. Elles sont là, elles sont à demeure, le
public les reconnaît, mais le public reconnaît aussi qu'il y a un
travail à faire afin de mieux s'y retrouver. Il faut donc qu'il y ait de
l'information, il faut donc que cette information-là, aussi, ne soit pas
une information qui soit biaisée à la base.
À ce sujet-là, je pense qu'on peut parler autant
d'information biaisée dans le monde alternatif que dans le monde
professionnel; d'où, ce qu'il faut, c'est essayer de trouver un lieu
où l'information pourra être véhiculée, mais une
information qui ne sera ni la coloration totale de l'un, ni la coloration
totale de l'autre. Donc, trouver un lieu qui ait pour but de rassembler
l'information qui existe jusqu'à présent et essayer de voir
comment elle peut être communiquée au public. Parce que la
communication d'une information, au niveau des thérapies alternatives,
n'est pas en soi quelque chose de facile. Il y a à concevoir comment
elle peut être transmise au public et comment elle peut être utile
au public. Alors, il s'agit de savoir ce que sont ces thérapies,
où on peut aller chercher des thérapeutes et, aussi, à
quel coût on peut aller les chercher, ces
thérapeutes-là.
Mais la possibilité de faire cette démarche-là
et on voudrait le rappeler au ministre de la part d'une personne
n'est pas en soi facile, car, lorsqu'on est obligé de faire cette
démarche-là, c'est généralement parce que,
déjà, se manifeste un problème de santé,
déjà, on est en situation de fragilité et,
déjà, plusieurs individus peuvent donc être facilement
influencés par des gens qui ont beaucoup moins de scrupules. C'est
toujours une situation vulnérable où la personne a à
recourir à un intervenant pour l'aider au plan de sa santé.
D'où on pense qu'il faut, effectivement, qu'il y ait un lieu qui
facilite ce choix thérapeutique qui nous semble être central et
que ce lieu pourrait fort bien être un office.
D'ailleurs, c'est un peu une surprise de voir à quel point on
veut donner l'attribution, le contrôle ou l'encadrement à toutes
sortes d'organismes, mais on a donc de la difficulté à entrevoir
la possibilité qu'il pourrait y avoir un office qui
représenterait les thérapeutes alternatifs. Alors, du point de
vue même du public, on pense que cet office serait l'institution
essentielle. Pour ce, je vais donner trois autres raisons qui me semblent
être essentielles pour que le ministre ne mette pas de côté
la possibilité de créer un office des thérapies
alternatives, que ce soit sous la forme telle qu'elle a été
présentée par la Coalition ou que ce soit sous une autre
forme, il s'agit d'une question de modalités.
Je reprendrai le premier point. Au moment où la personne
recherche un thérapeute, que ce soit un médecin ou que ce soit
dans le monde alternatif, c'est généralement un moment où
la personne est en situation de fragilité. Elle a perdu l'impression de
santé ou elle a perdu la dynamique de sa santé et, à ce
moment-là, elle n'est pas nécessairement sécurisée
par le fait que le thérapeute qu'elle ira voir pourra être
poursuivi si, éventuellement, il y a eu des problèmes. Il ne nous
semble pas qu'un système de santé puisse reposer, comme seule
garantie pour ses thérapeutes, sur la base qu'il y a des poursuites
possibles par la suite, que ce soit à une instance ou à une
autre. Ceci nous apparaît plutôt comme des solutions ultimes, des
solutions lorsque les premières balises qui ont été mises
à l'intérieur d'un système de santé n'auront pas
été respectées.
L'autre élément qui nous semble aussi important, c'est
que, souvent, on a mentionné que ça pouvait être
laissé aux forces du marché. Il ne nous semble pas que les forces
du marché, dans le cadre de notre société, soient vraiment
l'instance où puisse se gérer la relation à un
thérapeute. Quelqu'un, qui pourrait très bien se retrouver au
niveau du système, connaître très bien les lois du
système de marché, savoir utiliser la publicité, savoir
utiliser les trucs, pourrait très bien persister au niveau du
système de santé, même si les traitements qu'il prodigue
aux gens ne sont pas aptes. Combien faudra-t-il qu'il y ait de personnes qui se
fassent prendre à l'intérieur d'un système pour que le
système de marché finisse par cautionner cette personne-là
de telle sorte qu'elle soit éliminée? Il ne nous semble donc pas
que le système de marché en soi puisse être la
solution.
Il y a finalement un autre point qui nous semble essentiel, c'est que
les approches alternatives et, nous, nous le croyons, que les approches
alternatives vont prendre de plus en plus d'importance au niveau du
système de santé aient la possibilité de se
développer. Elles n'en sont qu'au début. Au plan de la formation,
au plan de la recherche, tout est à venir encore. Alors, si on veut
vraiment que ces approches puissent se développer, avoir accès
aux fonds de recherche, tels que vous les mentionniez
précédemment... Et on sait que les fonds de recherche sont
généralement donnés à des institutions bien
encadrées qui existent dans le monde universitaire et que, si on ne fait
pas partie de ce réseau-là, il est très difficile d'avoir
accès aux fonds de recherche. Vous parliez de deux fonds avec lesquels
je suis entrée en contact pour avoir plus d'information à ce
sujet-là. (12 h 20)
Si le monde alternatif n'a pas de lieu commun où il puisse y
avoir une conjonction entre ces différentes forces-là, je vois
difficilement que chacun des groupes, éclatés chacun de leur
côté, puisse faire face actuellement à tous les groupes qui
existent, qui sont déjà en place, qui, en quelque sorte, ont une
position de force simplement du fait qu'ils sont déjà dans le
système depuis fort longtemps. Alors, ne leur reconnaissant pas un lieu
de jonction, un lieu d'interface, ce serait, d'une certaine façon, les
cautionner, nous le croyons, à plus ou moins long terme, à une
récupération parce qu'ils ne pourront pas être
développés au plan de la formation suffisamment. Ils ne pourront
pas se développer au plan de la recherche et ne pourront pas avoir
accès à tout le réseau du financement.
Alors, nous, on pense qu'il y a sûrement d'autres raisons pour
justifier qu'il y ait un office qui soit créé pour encadrer les
thérapies, dont celle de recevoir les plaintes. Pourquoi ce ne serait
pas l'office des thérapies alternatives qui recevrait les plaintes
plutôt que l'Office de la protection du consommateur, plutôt que
l'autre structure que vous mentionniez? Il semble qu'on cherche absolument une
autre issue que celle-là. Alors, moi, je vous donne la question:
Pourquoi pas l'office des thérapies alternatives lui-même? Alors,
je vous laisse avec ces remarques, et nous sommes ouverts à vos
questions.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, Mme
Sabourin. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Sans avoir assisté à la commission, je pense
que vous faites en même temps une bonne synthèse d'un ensemble de
choses qui se sont passées au cours de la semaine et qui sont la
réalité avec laquelle on a été confrontés
cette semaine par la commission et, avant cette semaine, par le terrain, en
souhaitant que ça puisse nous inspirer pour demain. Je veux davantage
penser à demain, pas en termes de 24 heures, mais...
Mettez-vous dans la situation où vous avez franchi l'ensemble du
processus démocratique et que le premier ministre du Québec vous
dit: Demain matin, vous allez assumer la responsabilité du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Vous allez donc
avoir comme premier mandat celui de régler le problème des
thérapies alternatives au Québec. Et vous prenez ma
relève, ce qui n'est pas impossible. Quels sont les gestes que vous
pourriez poser dès demain, pas en termes de 24 heures, on se comprend
bien, là? Quel est le premier geste à poser? Quel est le
deuxième? Quel est le troisième? Je ne vais pas plus loin que
ça parce qu'on n'aura peut-être pas le temps de les poser.
Allez-y. Pour que ce soit suffisamment significatif, compte tenu de votre
connaissance... Vous avez une connaissance très, très vaste de
tout ce domaine, de tout ce champ-là. Ce n'est pas par hasard
tantôt que j'ai dit que vous étiez, comme regroupement, à
la fois la mère et le père de bien des choses. En ce
sens-là, quels seraient les premiers gestes que vous pourriez poser: un,
deux et trois? C'est assez exceptionnel d'être nommé ministre
aussi rapidement et de voir...
M. Trudel: Est-ce qu'il faut qu'ils fassent tout ça avant
le mois de juin?
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Trudel: Est-ce qu'il faut qu'ils fassent tout ça avant
le mois de juin?
M. Côté (Charlesbourg): Pas nécessairement,
mais ça peut donner des orientations et finalement susciter,
peut-être, suffisamment d'intérêt pour le mois de juin ou
soit plus tard.
Mme Sabourin: II faut dire que ça faisait fort longtemps
que nous attendions cette commission parlementaire. Nous l'aurions
espérée avant. Peut-être que déjà on aurait
pu se mettre au travail. Je pense que la première chose qu'il faut
accepter de regarder... Bon, je pense qu'il faut créer un comité.
C'est évident qu'il va se pencher sur ce qui existe actuellement, non
pas dans l'idée de cautionner scientifiquement des choses. Je pense que
ce n'est pas la première étape à franchir. Et ça,
on pourra y revenir, sur la question scientifique, mais je trouve qu'on en a
parlé abondamment jusqu'à présent.
Je pense qu'il faut faire le tour de la question: Comme état de
fait, qu'est-ce qui existe? Je dirais que peut-être la première
chose qui permette, dans un premier temps, non pas de cautionner les gens qui
sont en place en disant: On vous donne la bénédiction, vous
pourrez continuer, dans x temps vous aurez droit à..., c'est d'abord,
probablement en créant quelque chose de semblable à l'Office,
mais peut-être pas de formel, de définitif, d'amener les
thérapeutes à s'inscrire. Ceci dit, si on veut que les
thérapeutes s'identifient et s'inscrivent, il ne faut pas qu'ils
craignent que, x mois plus tard, voilà, la banque est là pour que
les corporations en place viennent faire les poursuites. Ça, c'est
évident que, si c'est dans cet esprit-là, il n'y a personne qui
va coopérer. Mais je pense que, pour le gouvernement, dans un premier
temps, ce serait identifié.
Ça ne sert à rien de dire: Us ne sont pas bons, on ne va
pas les reconnaître, on va continuer à les laisser dans
l'illégalité. On ne règle pas la question. Si on regarde
l'enquête que le gouvernement a commandée pour annoncer la
commission parlementaire, les gens disaient: Ils sont là, on y va, mais
on a peur des charlatans. Bon, bien, si on a peur, peut-être qu'il faut
commencer à regarder qui est sur le terrain. Et une façon de le
faire, c'est d'amener les gens à s'inscrire, pas en disant: On va vous
taper sur les doigts, pas en disant: On va décider que votre formation
est bonne ou pas bonne, ou: On va vous donner votre certificat, mais en faisant
l'éventail des ressources qu'on a.
Je m'excuse, là, j'ai un problème de
sécheresse...
M. Trudel: L'homéopathie pourrait vous aider. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Sabourin: Je m'en suis servie, parce qu'il n'est pas certain
que j'aurais été ici aujourd'hui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Deux morceaux de rameau.
Mme Sabourin: Alors, je pense que cette chose-là doit se
faire au niveau des thérapeutes, qu'ils s'appellent comme ils
s'appellent, mais doit se faire aussi au niveau des thérapies. Avoir une
idée des thérapies qui existent parce que, à mon avis, il
y a là aussi un problème. Et c'est ça que je disais au
départ, sous le terme «thérapies» ou
«interventions thérapeutiques», on met toutes sortes de
choses qui, en réalité, ne sont peut-être pas alternatives.
Il faut définir le champ. Elles ne sont peut-être pas des
interventions thérapeutiques. Ça aussi, il faut le savoir. Et,
à ce moment-là, peut-être que ça relève de
complètement autre chose d'aller régir les abus qui se passent au
niveau des crises de croissance de certains groupes et qui ne relèvent
pas des interventions thérapeutiques. À mon avis, beaucoup de
problèmes ont été créés dans le monde
alternatif et certains les ont créés de toutes pièces pour
discréditer ce qui se faisait aussi de sérieux en y mettant tout
ce qu'on pouvait y mettre, du plus farfelu au plus sérieux.
Je pense qu'il faut arrêter de se faire je m'excuse, je
n'ai pas le terme tirailler d'un côté et de l'autre par
tous ceux qui ont des bénéfices à discréditer les
thérapies alternatives. Et je pense qu'à ce niveau-là,
sans vouloir les condamner, le monde des corporations qui a été
formé au niveau universitaire... Et on sait très bien que, quand
on passe par un conditionnement universitaire, on ne fait pas que passer par
une formation, mais qu'on passe par un conditionnement et que vouloir changer
cette façon de penser n'est pas facile. Et, à mon avis,
derrière tout le discours du charlatanisme qui nous est
présenté, le point central, c'est de refuser de reconnaître
que, dans le monde alternatif, il y a l'émergence d'un paradigme
différent, un paradigme qu'il faut laisser s'exprimer, apprendre
à connaître avant de vouloir le mettre en morceaux, l'analyser et
le briser.
Ceci dit, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas entreprendre de
cerner avec des outils plus rigoureux ce qui se passe à ce
niveau-là. Pour reprendre ce que M. Trudel disait, peut-être que
l'INRS-Santé serait apte à ce niveau-là, mais encore
faudrait-il que ce soient des scientifiques aussi qui aient eu contact avec le
monde alternatif et qui sachent ce que c'est que le monde alternatif, autrement
que par une formation de fin de semaine. À ce niveau-là, oui, ce
serait intéressant, mais avec des gens sérieux. On pense que,
dans le monde scientifique, des médecins, des physiologistes, des
biologistes, et on peut en nommer bien d'autres, il y en a plein qui se sont
intéressés au monde alternatif et il y en a plein qui sont
ouverts à mettre de l'énergie de sorte à montrer qu'il y a
du sérieux, à montrer où sont les limites et à
montrer où le monde alternatif ou les thérapies alternatives ne
peuvent plus intervenir au plan de certains troubles de santé.
Ça, je pense que ce serait le début et je n'ai pas trouvé
votre troisième étape. Ça viendra peut-être. (12 h
30)
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'on a porté
à votre connaissance la proposition de l'Association de médecine
holistique du Québec qui a été déposée
à cette commission mercredi, si je ne m'abuse, à l'effet de
proposer un moratoire? Bon. Quand on parle de mora-
toire, évidemment, c'est sur les poursuites qu'intente la
Corporation professionnelle des médecins contre un certain nombre de
thérapeutes. Je pense que ça doit avoir ses limites, ça
aussi. Il y a des gens qui vont pratiquer l'homéopathie, qui ont les
compétences pour le faire et qui sont, aujourd'hui, poursuivis.
Ça, c'est une chose, mais il y a des gens qui peuvent la pratiquer sans
avoir des compétences. Ça, c'est une autre chose. Je pense qu'il
faut distinguer.
Alors, un moratoire, on s'entend bien, limité à ceux qui
ont des compétences d'exercer une spécialité dite
alternative et, parallèlement, prendre une année pour faire le
tour de la question et, par la suite, faire en sorte qu'on puisse, à
l'intérieur de projets-pilotes, faire une évaluation d'un certain
nombre de thérapies alternatives, qui nous mènerait,
éventuellement, possiblement, à un consensus plus facile et qui
amènerait des amendements à la législation. Ça,
c'est une démarche de l'aile, disons, la plus progressiste du corps
médical, qui est en contact avec des médecines alternatives et
qui les reconnaît et, même, les pratique. Je ne sais pas si on a
porté à votre connaissance le détail de cette proposition
qui semble avoir un certain sens. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Guilbeault (Claude): Moi, je pourrais y aller.
Le Président (M. Joly): M. Guilbeault, s'il vous,
plaît.
M. Guilbeault: Oui. L'idée en soi n'est quand même
pas mauvaise. Cependant, il faut être précis, il faut être
clair. Ce n'est pas parce qu'on est médecin, puis qu'on pratique
l'homéopathie que l'on peut tout faire. Il y a des gens qui sont
homéopathes, qui ne sont pas médecins, qui travaillent
très, très bien aussi. Donc, oui, on l'a dit dans d'autres
groupes, il est important que le moratoire soit là, que l'on s'entende
qu'il y a des gens qui ont mal agi, qui ont été, vraiment, comme
à rencontre de leur code d'éthique ou qui ont blessé une
personne et que des poursuites soient présentes. Mais, pour quelqu'un
qui pratique et qui n'est pas en accord avec la Loi médicale, moi, je ne
vois pas d'inconvénient à ce qu'on mette ça de
côté. On sait même qu'il y a des gens qui sont
massothérapeutes et qui, selon la Loi médicale, n'auraient en
principe, selon tous les jugements, même pas le droit de donner un
massage à une personne qui ressent de la fatigue. C'est allé,
quand même, jusque-là.
Maintenant, que pendant un an on fasse des projets-pilotes, comme vous
en parliez avec l'autre groupe, je pense qu'on peut être ouverts à
ça, mais en autant que les thérapeutes alternatifs soient partie
prenante, qu'ils n'aient pas l'impression qu'on est en train, soit de les
manipuler ou de les juger. Je pense qu'on a tous le goût qu'on
évalue ce qu'on fait, mais en autant qu'on va respecter nos propres
grilles de travail, que ça ne paralyse pas tout le dossier pendant un
an. Il y a tout ça, aussi, qu'il faut regarder. Il y a des gens qui
pratiquent depuis 10 ans, depuis 5 ans. On ne parle pas de gens qui commencent,
là. Il y a des gens qui sont dans le métier depuis 5 ans, 10 ans
et on marche sur les freins depuis presque 5 ans, puis 10 ans. Alors, il ne
faudrait pas, non plus, qu'on rajoute une autre année où on va
freiner, sous prétexte qu'on est en projet-pilote. Qu'on ait des
projets-pilotes avec tous les paramètres, qu'il y ait de l'étude
qui soit faite, que des gens soient présents, je pense que les gens ont
le goût de participer à ça s'ils se sentent secures. Alors,
ça, je pense que ça ne cause pas grand problèmes.
M. Côté (Charlesbourg): ma seule inquiétude
à cette proposition, c'est: comment fait-on pour s'assurer que nous
ayons une protection la plus totale possible du public? évidemment, vous
l'avez dit vous-mêmes tantôt, lorsqu'on reprend l'étude, le
sondage que le ministère a mené, 65 % des gens ont quand
même peur des charlatans. ce n'est pas négligeable, non plus,
là. et, lorsqu'on voit des mémoires comme celui de l'acef, hier
soir, ou d'info-secte qui viennent, finalement, donner des exemples très
concrets à partir d'analyses de terrain qu'ils ont faites, il y a aussi
ces possibilités qui sont présentes dans l'esprit des gens et
dont on doit se préoccuper à partir du moment où on devra
avoir un certain recul pour décider ce qu'on peut enclencher comme
moyens.
La proposition de l'Association de médecine holistique
m'apparaissait intéressante dans ce sens-là parce qu'elle marque
un pas en avant et, présentée par elle, je ne suis pas sûr
qu'il y a un piège autant se le dire mais il y a cette
volonté de faire progresser les choses, comme je l'ai dit depuis le
début, d'être audacieux, mais aussi prudents. Parce que,
finalement, on poursuit tous le même but: protéger le public
contre les charlatans. Alors, c'est un petit peu ça et, juste pour
préciser, dans leur esprit à eux, le projet-pilote n'est pas d'un
an. C'est un an pour la mise en place, finalement, d'une structure qui
mènerait vers des projets-pilotes et qui ferait l'évaluation
souhaitée, mais avec un partenariat bien clair, bien senti, bien
assumé par l'ensemble des intervenants.
Mme Sabourin: Je voudrais dire quelque chose là-dessus.
J'ai l'impression qu'apporter une telle proposition, c'est en quelque part
aussi nier le travail qui a été fait depuis des années par
les organisations en place. Il y en a, des organisations, comme vous l'avez vu
en tout cas, j'ai pu le voir ce matin, au niveau des
psychothérapeutes que je connais qui sont venues ici et qui ont
fait un travail, justement, pour essayer de déterminer des normes, pour
augmenter les critères de formation, qui font un suivi pour savoir si,
effectivement, leurs membres pratiquent en conformité avec le code de
déontologie. Moi, je n'entends rien de ça, ici. C'est comme si le
travail qui a été fait à ce niveau-là et qui,
à mon avis, a beaucoup de valeur, on va laisser ça tomber, on va
mettre ça de côté et, tout à coup, on ne va se
retrouver qu'à l'intérieur de projets-pilotes.
Et là, j'aimerais ça savoir si ça va avoir l'allure
de ce qu'on connaît ou de ce qu'on a pu entendre pour
d'autres choses. Alors, je veux savoir: C'est quoi, la finalité
de ça? Montrer que c'est efficace? Montrer qu'on peut travailler
ensemble? Il y a des lieux où il y a déjà des
médecins et des gens alternatifs qui travaillent ensemble,
étudient ensemble, coopèrent. Alors, je voudrais savoir, moi: Que
nous apporterait d'avoir de tels projets-pilotes plutôt que, dans un
premier temps, d'essayer d'entrer en contact avec les organisations
sérieuses qui existent, qui ont défini des normes, qui ont des
membres qui se sont soumis à des exigences et d'essayer de voir si, pour
un certain nombre de disciplines, on ne peut pas déjà identifier
des réseaux organisés? C'est comme si on ne voulait pas tabler
sur tout le travail qui a été fait dans le monde alternatif
jusqu'à présent, et ça, je trouverais ça fort
dommage de la part du gouvernement de vouloir reprendre à zéro le
travail qui a été fait.
M. Côté (Charlesbourg): Juste pour vous rassurer, si
je le peux, d'abord, je connais très bien le projet-pilote sages-femmes.
Je le connais très, très bien, avec les écueils. On l'a,
d'ailleurs, évoqué avec la Corporation professionnelle des
médecins, hier. Mais, juste pour vous rassurer, ce que j'ai pu constater
de la part des médecins holistiques du Québec, c'est, bien
sûr, de ne pas repousser du revers de la main tout ce qui s'est fait. Ils
sont même partie prenante, pour certains, de ce qui s'est fait comme
expériences sur le terrain et qu'on verse ça au dossier
immédiatement et qu'on continue. Donc, j'ai l'impression que ça
irait un peu dans le sens que vous souhaitez. Il s'agira de le définir.
C'était à ça que servait la première année
de leur proposition. On aura l'occasion d'y revenir. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-NorandaTémiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je souhaite la
bienvenue au dernier groupe qui chapeaute, en quelque sorte, la semaine que
nous avons vécue ici. Je dois vous dire, pour ma part, d'entrée
de jeu, que je fais miennes, en quelque sorte, votre affirmation ou, enfin, un
certain nombre d'affirmations que nous avons entendues tout le long de la
semaine, que de nier un phénomène le ferait disparaître, de
ne pas reconnaître les thérapies alternatives, ça va avoir
comme pensée magique, comme effet magique, de les faire
disparaître.
D'ailleurs, peut-être vous souvenez-vous d'une grande leçon
qui nous a été donnée dans l'histoire. Vous savez, le
grand philosophe allemand, Nietzsche, était un athée et un
nihiliste. Tous les matins, il entrait en classe et inscrivait au tableau:
«Dieu est mort. Signé: Nietzsche.» Un bon matin, Nietzsche
ne s'est pas présenté à ses cours. Il y a un
étudiant qui s'est levé et qui a inscrit au tableau:
«Nietzsche est mort. Signé: Dieu.»
Des voix: Ha, ha, ha!
(12 h 40)
M. Trudel: Ce n'est pas parce qu'on nie un
phénomène qu'on va le faire disparaître. Et qu'on veuille
nier la différence je vous le dis d'entrée de jeu
entre matière et esprit, ça ne nous avancera pas beaucoup dans le
débat. Je pense qu'il faut répéter que nous sommes en
présence d'un phénomène et d'approches qui,
d'évidence, répondent à des besoins dans le public et
à une nécessaire diversification au plan de la prise en charge.
Ça, c'est le deuxième angle que je veux souligner dans votre
présentation. Vous dites: Ça s'assimile aussi beaucoup à
un processus de prise en charge de la santé. Ah! On a un système,
il faut bien aussi la traiter, la maladie; personne ne va nier, je pense, dans
le monde du réel, cette réalité-là. Mais, si on
s'occupait, oui, effectivement, un peu plus de la prise en charge de la
santé et d'instrumenter la population davantage je ne dis pas
complètement parce que, bon, on est mortels, hein; hé! il y a
comme une réalité, là on arriverait à des
choses qui sont beaucoup plus concrètes.
L'autre dimension, vous dites: Hum! on a peu entendu ici, de la part des
professionnels patentés, l'évocation de la possibilité
d'aller chez les thérapies alternatives pour trouver d'autres sources,
pour obtenir de meilleurs résultats. Et là, j'arrive à la
question de l'analyse et de l'évaluation des thérapies
alternatives. Ce que vous dites, finalement et vous allez me le dire, si
vous êtes d'accord ou pas d'accord avec cette perspective-là
c'est: On n'a pas peur de ça, l'évaluation, ça doit
faire partie... Je dis bien analyse et évaluation parce que,
l'évaluation, c'est le jugement, ça, c'est le résultat,
là, et c'est porteur pour l'avenir quand on a porté un jugement.
Mais l'analyse, elle, laisse la liberté de choisir. Bon.
Est-ce que vous diriez: II y a un certain nombre de lieux et
d'organismes qui pourraient effectuer de l'analyse et de l'évaluation
des thérapies alternatives; nous voulons en être, cependant, au
niveau de la définition des paramètres d'évaluation, mais
nous voulons surtout qu'il y ait des fonds réservés parce
que ça prend du fric quelque part, ça prend des moyens
à cette fin de l'évaluation des thérapies alternatives? Je
ne parle pas des thérapeutes, on va y revenir tantôt, mais des
thérapies alternatives. Est-ce que c'est cette direction-là? Et
donnez-nous un peu plus de précisions sur comment vous pensez que
ça devrait s'articuler au niveau des thérapies.
Mme Sabourin: C'était un des points de recommandation dans
notre mémoire, en tout cas, qui, pour nous, est central. Mais je
voudrais faire une nuance tout de suite. On parle de l'évaluation ou de
vérification de l'efficacité de nos thérapies
alternatives, en tout cas, comme si c'était quelque chose qu'il fallait
faire à un moment donné et que ce serait fini, et qu'après
ça on pourrait reconnaître.;. J'essaie de... En tout cas, c'est
assez particulier, cette façon de voir, dans le sens où, pour
nous, les approches alternatives ont émergé depuis longtemps,
plus ou moins longtemps, et il y en a qui continuent à se
développer. Pour que ces approches-là finissent par exprimer leur
plein potentiel, il faut effectivement qu'il y ait des lieux qui deviennent des
lieux réguliers où la recherche se continue, où la
compréhen-
sion des processus qui sont utilisés ou mis en branle par les
outils qu'on a au plan alternatif soit étudiée, soit
évaluée. Mais, ceci, il ne me semble pas que ça doit se
produire à un moment donné, qu'il y ait un contrat qui soit
donné et que, là, on puisse l'établir une fois pour
toutes. Le monde médical lui-même, dans sa recherche, ne
fonctionne pas comme ça; c'est un processus continu, c'est un
continuum.
Donc, c'est beaucoup plus un esprit qu'il faut développer,
où on admet de faire de la recherche dans une nouvelle perspective, avec
des nouvelles grilles, dans l'optique, aussi, de développer les nouveaux
protocoles; et ça, ça a été dit à plusieurs
reprises et je pense que ça devient un langage qui est plus
hermétique. Mais, si on se sert des protocoles qui ont été
développés dans le monde médical et qu'on veut rapidement
faire l'évaluation au niveau des thérapies alternatives, je pense
qu'on va arriver à des résultats comme il y en a qui aiment nous
en apporter: Non, ça ne marche pas parce que ça ne répond
pas à ça. Là, il y a d'autres scientifiques qui vont
réagir en disant: Oui, mais on ne peut pas faire ça. Est-ce qu'on
va déboucher encore sur des querelles de scientifiques comme il s'en est
produit en homéopathie avec les recherches de Benveniste, à un
moment donné, qui nous ont donné quoi au plan de la pratique
clinique?
Alors, je voudrais quand même faire cette distinction-là:
II nous semble, en tout cas, pour que les différentes approches
alternatives puissent se développer, oui, qu'il va falloir qu'elles
aient pignon sur rue, il va falloir qu'il y ait des formations
sérieuses, que les thérapeutes aussi acquièrent des
méthodes de recherche à l'intérieur de leur propre
travail, comme il se fait dans le monde médical, comme il se fait dans
les différentes corporations au niveau des formations, qu'il y ait des
lieux où la recherche se fasse de façon continue.
Le moment critique, c'est comme pour initier ça. Qui va faire
ça? Est-ce que c'est les spécialistes en place qui, eux autres,
ont des vieux protocoles? Est-ce qu'on va leur demander d'arriver à
prouver ça dans six mois, dans un an? Il me semble que c'est une
question tout à fait irréaliste, de procéder de cette
façon-là, de faire l'évaluation, à
l'intérieur d'une période limitée, des approches
alternatives. Moi, ce que je pense, en tout cas, qui serait une étape,
puis c'est peut-être là que le terme
«évaluation» est plus pertinent, c'est que des gens se
penchent sérieusement sur les grilles de lecture pour se rendre compte
ce que j'entends par «grille», c'est un corpus
théorique rigoureusement articulé qu'il y a des grilles de
lecture. Si je prends la grille de lecture en acupuncture, qui,
traditionnellement, était une grille de lecture qui était
très symbolique, mais qui a une logique stricte, qui fonctionne avec une
pensée souvent analogique, mais qui a fait son chemin, aujourd'hui, on
commence de plus en plus à faire des liens avec la médecine plus
scientifique.
Mais, si on veut absolument prendre ce corpus-là, puis en faire
une preuve scientifique, à mon avis, on veut faire rapidement ce qui va
être le processus, peut-être, des prochains 1000 ans, pour essayer
de traduire en langage scientifique d'une science qui évolue
elle-même, un corpus théorique qui n'est pas au niveau de cette
dissociation matière esprit, qui n'est pas au niveau d'un langage
biochimique, qui n'est pas au niveau du langage qu'on retrouve très
généralement dans le milieu scientifique. Alors, moi, il me
semble qu'il y a une illusion à penser qu'on va pouvoir donner à
une équipe de scientifiques le souci de prouver et d'évaluer
telle approche. C'est beaucoup plus avec la rigueur qui est derrière
ça et, effectivement, avec l'expertise clinique afin de voir les
résultats que ça donne, qu'on va pouvoir arriver à
approcher l'efficacité de ces thérapies. Mais en faire une preuve
scientifique, moi, je pense que c'est une illusion.
M. Trudel: Mais vous convenez donc de la nécessité
de l'analyse.
Mme Sabourin: D'une démarche de recherche, oui, oui.
M. Trudel: Et que ça apparaît non seulement
nécessaire, mais urgent, compte tenu de l'ampleur du
phénomène et, par ailleurs, du peu d'intéressement des
cercles officiels. Parce que, vous avez raison, si vous voulez soumettre un
projet de recherche au CQRS, au FCAR, etc., si vous n'avez pas de Ph.D., si
vous n'êtes pas patenté, vous n'en aurez pas, de subvention de
recherche.
Mme Sabourin: Si vous ne faites pas partie d'un centre de
recherche.
M. Trudel: À la limite, vous allez aussi faire comme les
universités, vous allez vous engager du monde pour être sur les
comités de sélection des projets. Parce que, là, il ne
faut pas se causer d'illusions. J'ai été recteur
d'université, mais j'avais le malheur d'être recteur d'une petite
université et je ne pouvais pas me payer des lobbyistes pour investir
les comités disciplinaires, puis, des subventions de recherche, je n'en
avais pas. Bon.
Mme Sabourin: C'est encore pire pour le monde alternatif.
M. Trudel: J'imagine. Alors, je l'ai été un peu,
dans ce réseau alternatif là, et c'est pourquoi, tantôt, je
parlais, entre autres, comme exemple, de la possibilité de l'INRS; il
vaut mieux les prendre jeunes, ils sont moins momifiés, dans le domaine
de la recherche.
Maintenant, parlons un peu de la reconnaissance des thérapeutes,
de cette idée du registre. Parce que, évidemment, quand on
réussit à définir à qui on a affaire ou qui fait
quelque chose, bien, si on s'investit d'une mission d'information auprès
du public ou de la responsabilité de l'information, il faut savoir de
quoi on parle. Il y a toujours ce phénomène inquiétant et
je ne sais pas si on est en quadrature du cercle parce que, dès le
moment où on a un registre, on a quelqu'un pour
dire: Je suis bon parce que je suis au registre. En d'autres termes,
comment pourrait-on en arriver à avoir l'information, à la
colliger, et que le simple fait de colliger l'information ne devienne pas une
accréditation, une reconnaissance?
Je ne veux pas être méchant, mais on a vu passer pas mal de
docteurs, ici, et de toutes les sortes. Vous avez vu, même moi, j'en ai
taquiné quelques-uns en disant: Moi, j'ai un doctorat, un Ph.D. Un
docteur, dans la hiérarchie de la diplomation, c'est un troisième
cycle. Pourtant, il y a bien du monde qui porte le titre de docteur, puis qui
n'est pas du troisième cycle. Mais, ça, c'est de la
sociolinguistique, c'est Chomsky. Comment en arriver à ce qu'on puisse
avoir l'information et que tout ça ne devienne pas un instrument de
promotion? Avez-vous réfléchi à ça?
Mme Sabourin: Ah oui. D'ailleurs, vous avez rencontré la
Coalition et ça a été une des questions. Le RAPSI a
contribué à mettre sur pied la Coalition, un des premiers groupes
que vous avez rencontrés. Et ça a été une question
largement débattue au niveau de la Coalition: comment faire à ce
niveau-là pour qu'il n'y ait pas une récupération? C'est
un véritable problème parce que ce qu'on risque d'avoir, c'est
que des individus vont vouloir s'inscrire pour avoir la reconnaissance. Mais je
pense qu'avec ça c'est l'information aussi qui doit être
véhiculée et il y a peut-être un changement. Ce qu'apporte
le monde alternatif, c'est un questionnement qu'on n'a pas fait par le
passé sur nos propres professionnels. Par le passé, quand on
allait voir un professionnel, il s'agissait qu'il ait passé son
diplôme, qu'il soit dans sa corporation, pour qu'on pense qu'il
était bon. Par le passé, on allait voir le médecin du coin
et on ne s'informait pas à 10 personnes pour savoir: Mais quel
médecin je pourrais aller voir? Alors qu'aujourd'hui il est courant de
dire: Là, il faudrait peut-être que j'aille voir un
médecin, mais lequel je vais aller voir? On ne prend plus pour acquis
que quelqu'un qui fait partie d'une corporation est nécessairement un
bon intervenant au plan de la santé. Alors, je pense que, ce
questionnement-là, il se fait dans le monde médical, et ça
vient peut-être de notre questionnement, ça vient peut-être
des désaccords ou des mauvaises expériences qu'on a eues avec les
professionnels bien patentés. (12 h 50)
Le problème se pose pour nous parce qu'on n'est pas encore dans
des structures. Alors, on a le fardeau quasiment de la preuve pour des groupes
qui, eux autres, n'ont plus rien à prouver parce qu'ils ont la
légalité avec eux. Je pense qu'il faudrait aussi prendre
ça en considération un peu. C'est comme si on était
obligés de tout prouver, d'amener des solutions à des
questionnements de société qui ont émergé.
Il nous semble, en tout cas, que, de toute façon, la solution,
c'est d'avoir un registre et que la solution, aussi, pour éviter que des
gens profitent de ce registre-là pour se valoriser eux-mêmes,
c'est l'information. Donc, un office qui a un registre doit aussi assumer une
part d'information, de telle sorte que le public sache ce que ça veut
dire. Si on a juste un registre qui ne cautionne pas les formations,
c'est-à-dire qui ne vérifie pas les formations, ça veut
dire que, cette personne-là, on reconnaît qu'elle existe, on
reconnaît qu'elle prétend faire ça, que sa thérapie
se définit de cette façon-là, mais on ne vous dit pas
qu'elle le fait bien. À la limite, je pense qu'il n'y a pas grand
corporations, de toute façon, qui peuvent aller loin.
Sauf que ce qui peut être fait aussi, c'est aller plus loin en
disant: Cette personne-là, on peut lui donner un autre statut. C'est ce
que la Coalition appelle «certifier», je pense, où, cette
fois-là, on dit plus, on dit: Cette personne-là existe, elle a
cette formation-là, on a vérifié qu'elle a cette
formation-là, elle a passé des examens, elle a passé un
certain nombre d'exigences, suivant les différents groupes. Les
psychothérapeutes peuvent définir des exigences plus
précises, en conformité avec leur champ de pratique; les
massothérapeutes peuvent faire la même chose. Et on vous dit, en
plus: Cette personne-là s'engage à respecter un code de
déontologie. Pour nous, il nous semble et ça, ça
n'a pas l'air de revenir trop souvent dans les questions, comme si ce
n'était pas important que le code de déontologie est quand
même une barrière psychologique, une barrière réelle
contre certains abus, et une possibilité aussi de recours pour les
individus.
Alors, si on met ces différentes délimitations, si, de
plus, il y a de l'information qui est donnée, moi, je pense que le
public est intelligent, je pense que le public est capable de faire la nuance
et, de la même façon qu'il est en train de devenir critique face
aux professionnels, il développe sa critique aussi face au monde
alternatif. Je serais surprise qu'on puisse avoir une structure qui nous
garantisse qu'on n'ait aucun problème. Elle deviendrait d'une
rigidité telle que ce n'est pas ça qu'on veut, non plus. Donc, ce
qu'il faut, ce sont des balises qui nous permettent d'éviter les
écarts trop grands ou les risques d'abus.
Je tiens à repréciser mais, auparavant, vous
m'excuserez aussi qu'un des problèmes, il me semble, c'est que,
le monde alternatif, on en fait un fourre-tout, on met de tout
là-dedans. Et, si on éliminait un certain nombre de groupes
d'interventions qui, à mon avis, ne sont pas des interventions
thérapeutiques en alternatif, peut-être que déjà on
arriverait à régler le problème qui semble être un
problème d'encadrement dans le monde alternatif. Moi, je pense, en tout
cas, qu'il y a quelque chose ici à clarifier dans les limites du monde
alternatif.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.
M. Trudel: En conclusion, donc, ce que vous nous dites, c'est
surtout de ne pas chercher la solution parfaite et définitive. Le pire
serait de dire: C'est tellement vaste, la gamme est tellement étendue
que ça nous donne quasiment l'autorisation de ne rien faire et on va se
réfugier derrière la barrière ou la sécurité
des corporations professionnelles. Et vous nous dites, dans le fond: Osez
reconnaître, en vous y intéressant, les théra-
pies alternatives, n'ayez pas peur de mettre sur pied un certain nombre
de mécanismes légers qui ne créent pas de
l'exclusivité, mais, essentiellement, les thérapies alternatives
sont des éléments essentiels, sont des éléments
importants dans la société québécoise et ce sont
des instruments de promotion de la santé. C'est ce que j'ai entendu
tantôt. Ce sont des instruments importants de promotion de la
santé. Et, quand on dépense 13 000 000 000 $ là-dedans,
refuser de regarder ça en face, ce serait comme nier une
réalité importante au plan de l'escalade des coûts dans un
État, en particulier ici, au Québec, et on se priverait
probablement de ressources importantes, sans qu'elles soient très
dispendieuses, ai-je compris au cours de la semaine. C'est ça?
Mme Sabourin: J'ajouterais seulement une chose.
Le Président (M. Joly): Très brièvement,
madame, s'il vous plaît.
Mme Sabourin: Très, très court. Je pense que c'est
vrai que ce qu'on entend principalement, c'est la crise économique, des
coupures, ça coûte trop cher, on ne peut pas investir dans
ça. Je pense que la question qui est posée aujourd'hui, ce n'est
pas une question à court terme. Il ne faudrait pas qu'une situation
particulièrement problématique au plan économique,
à court terme, fasse qu'on prenne des moyens qui, à moyen terme,
ne rendront pas service, ne permettront pas aux thérapies alternatives
de prendre leur véritable place et, donc, de rendre service à la
population québécoise en général.
Je pense que, le discours économique, il ne faut pas, non plus,
qu'il vienne devant tous les autres aspects qui sont en cause lorsqu'on parle
des approches alternatives, qui sont des moyens de développer la
santé et de réduire les frais de santé ou les frais de
maladie.
M. Trudel: Moi, j'ai la même conclusion avec ce que vous
venez de dire. C'est: Allez en paix, croissez et multipliez-vous.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre, merci. Alors, compte tenu... Oui, merci aux gens du
Réseau d'action pour une santé intégrale d'avoir
été parmi nous. Alors, bon retour.
Mémoires déposés
Maintenant, pour les rendre publics et pour les faire valoir comme s'ils
avaient été entendus et présentés devant la
commission, je dépose les mémoires qui ont été
reçus dans le cadre de la présente consultation, mais qui n'ont
pas été entendus par la commission. Je dépose la liste
nécessairement de ces organismes-là et des gens qui nous ont
soumis des mémoires, ainsi que les mémoires mêmes. J'ai cru
comprendre, M. le ministre, aussi qu'en vertu de l'article 176 vous aviez une
demande à faire.
Remarques finales M. Marc-Yvan
Côté
M. Côté (Charlesbourg): Vous lisez dans mes
pensées, M. le Président. Habituellement, à la fin d'une
commission, à la fois l'Opposition et le parti gouvernemental veulent
bien tirer un certain nombre de constats qu'ils font de cette
commission-là. Je pense que, si on faisait ça maintenant, on
risquerait de ne pas rendre justice à la commission et à la
cause. On a, malheureusement, trop souvent vu et j'y ai
participé, à la fois dans l'Opposition et au pouvoir
chacun des partis politiques plaçant à l'occasion son
intérêt de parti à bien paraître tantôt
s'opposer ou supporter timidement. Je pense qu'on est dans une situation
aujourd'hui où cette commission parlementaire là a
été marquée au coin d'une ouverture très
évidente de l'ensemble des parlementaires siégeant, peu importe
leur identité politique. Nous sommes rendus à un point où
cette situation-là doit être portée, je pense, à la
connaissance du Parlement, et ça devra se faire
éventuellement.
Convocation d'une séance de travail selon
l'article 176 du règlement
Pour y arriver et pour mettre de notre côté le plus de
chances possible d'une réussite, donc d'une bonne lecture de la
situation et, par conséquent, ayant une bonne lecture de la situation,
dégager les vraies solutions, que ce soit au niveau de la connaissance,
que ce soit au niveau de l'évaluation, que ce soit au niveau de la
protection du public, que ce soit au niveau de la formation^ M. le
Président, j'ai presque envie de souhaiter effectivement me servir de
l'article 176 pour convoquer une séance de travail, avant même que
le rapport soit remis à l'Assemblée nationale, où nous
pourrions, les deux formations politiques officielles et, si le Parti
Égalité veut en être, je n'ai aucun problème
élaborer ce que pourrait être, au cours des prochains mois, un
cheminement de travail, laissant le soin, la liberté à
l'Opposition, comme formation politique, comme à mon parti aussi, de
porter un jugement sur l'oeuvre finale de cette commission. (13 heures)
Quant à moi, dans la mesure où ça m'irait, je
pourrais toujours effectivement me faire le défenseur, si besoin est, de
ce que nous pourrions convenir ensemble dans le processus gouvernemental au
niveau des différents comités ministériels et, par le fait
même, déboucher beaucoup plus facilement sur un consensus et que
ça devienne une volonté du Parlement et non pas uniquement d'une
formation politique, en tout ou en partie. Mais je souhaite que, en tout, on
s'entende; ça nous permettrait de faire un cheminement plus rapide.
Avoir le consensus au niveau des formations politiques siégeant à
l'Assemblée nationale me paraît être le meilleur moyen de
tenter de dégager un consensus dans la population quant à la voie
à suivre.
C'est dans ce sens-là que je souhaiterais ardemment recevoir la
collaboration de tous les parlementaires pour une séance de travail qui
nous permettrait de cheminer. Une, deux ou trois, dépendamment de notre
besoin; je pense que ça peut s'évaluer sans connaître
précisément chacune des règles qui nous régissent.
M. le Président, je suis pleinement convaincu que vous nous en
informerez et que vous nous donnerez les limites dans lesquelles on peut
oeuvrer avec le règlement, et je souhaite le faire le plus rapidement
possible.
Le député de Rouyn-NorandaTémiscamingue nous
parlait d'échéance au mois de juin. Je ne sais pas trop à
quoi il faisait allusion, mais une chose est certaine, c'est qu'il y a
très certainement moyen de faire passablement de travail quant à
ce que nous devrions dégager comme voies à soumettre au
gouvernement. Plus vite on le fera, plus ça me donnera de temps, sur le
plan personnel, pour être capable de le faire progresser dans l'appareil
gouvernemental.
Le Président (M. Joly): Alors, je prends acte de votre
demande qui sera consignée au procès-verbal de cette
présente séance. La secrétaire de la commission va en
assurer le suivi et nous reviendrons... On convoquera sur ça les
parlementaires. J'imagine, M. le député de
Rouyn-NorandaTémiscamingue, que vous avez des choses à nous
dire?
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Bien, quelques remarques, M. le Président, en
terminant, sans effectivement, de ce côté-ci, tirer des
conclusions sur la présente période que nous venons de vivre et
les audiences que nous venons de tenir. Effectivement, je souscris au fait que
nous puissions utiliser une des dispositions de notre règlement pour
faire en sorte que nous mettions ensemble une certaine somme d'énergie
et d'idées pour faire progresser ce dossier des thérapies
alternatives. Si nous pouvons nous l'avons fait d'entrée de jeu
à cette commission apporter des éléments qui
puissent faire en sorte que, au Québec, on va non seulement être
une société distincte, mais qu'on va faire distinctement des
choses parce qu'on va aller plus loin et qu'on va y aller autrement pour faire
ces choses-là et ça me semble être le cas en rapport
avec la question des thérapies alternatives je pense que tous les
moyens doivent être pris pour qu'on en arrive à terme à
franchir des étapes, réservant, évidemment, le droit au
critique de l'Opposition et à l'Opposition de jouer leur rôle
d'Opposition comme au côté ministériel de présenter
ses propositions et au leader de l'Assemblée nationale, au leader du
gouvernement et au leader de l'Opposition de faire les ententes sur le plan
mécanique.
Nous sommes ici dans un processus. Il me plaît de penser
qu'à la fin d'une certaine période qui pourrait être juin
je n'avais rien d'autre à l'esprit que la fin d'une certaine
période ou la fin d'un paradigme, comme il a été
évoqué ici nous puissions accoucher de quelque chose
véritablement en santé pour permettre de vivre de très
nombreuses années avec d'autres partenaires dans le domaine de la
santé des Québécois et des Québécoises.
Ce qui nous préoccupe, ce qui me préoccupe, c'est la
santé plus que la maladie, constatant que, lorsqu'on est malade, par
ailleurs, on a aussi de bonnes ressources, au Québec, pour s'en occuper.
Mais la question de la santé des Québécois et des
Québécoises doit être placée au centre. Vous vous
souvenez, M. le ministre, de celui que nous avons mis sur ce tabouret, avec
trois dimensions, à une certaine époque; j'aimerais bien qu'on
s'y intéresse de toutes les façons. Non seulement notre
collaboration va vous être acquise, mais, surtout, notre critique va vous
être acquise. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
c'est peut-être juste un petit élément, mais je voudrais
qu'il soit du domaine public. C'est pour vous dire que je souhaiterais que la
commission puisse avoir la liberté, par exemple, d'inviter à
nouveau, à huis clos, l'Office de la protection du consommateur pour
savoir ses limites et, peut-être aussi, l'Office des professions pour
explorer dans ces voies d'avenir. Ça me paraît peut-être une
bonne initiative parlementaire quant à renforcer le rôle du
député aussi et sa capacité de dégager des
solutions. Je pense qu'à ce niveau-là ça pourrait
être très intéressant.
En terminant, je veux dire au député de
Rouyn-NorandaTémiscamingue que l'objectif de juin est un
très bon objectif puisqu'il n'est relié à aucune autre
chose que celle qu'il évoquait. Mais, en souhaitant un accouchement pour
le mois de juin, il faudrait s'assurer que ce ne soit pas un
prématuré et qu'on tombe dans les bébés de petit
poids, qui nécessiteraient, finalement, d'autres sortes d'interventions
qui donneraient certains mérites à une autre science que celle
qu'on recherche.
M. Trudel: Je ne peux pas m'empêcher de conclure je
m'excuse.
M. Côté (Charlesbourg): Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Vous êtes très sage,
M. le ministre.
M. Trudel: ...M. le Président en disant que, par
ailleurs, en étant toujours très sage, vous avez absolument
raison: l'alternative vous surveillera.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Alors, merci à tous
les...
M. Côté (Charlesbourg): Et je ferai tout pour
qu'elle demeure l'alternative.
Le Président (M. Joly): ...parlementaires, à tous
ceux qui ont participé à cette commission. Alors, la commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 8)