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(Neuf heures quatorze minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde. Il me fait
plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission.
J'apprécierais avoir votre collaboration et peut-être que
quelqu'un pourrait fermer la porte en arrière, s'il vous plaît.
Merci beaucoup. On me fait mention que c'est parce qu'on tient à vous,
on ne veut pas que vous vous sauviez. Alors, je vous rappelle que la commission
des affaires sociales se réunit afin de procéder à une
consultation générale et tenir des auditions publiques sur les
thérapies alternatives et, à cette fin, d'examiner la
reconnaissance professionnelle de certains thérapeutes alternatifs et
les mécanismes de reconnaissance des thérapeutes non
éligibles à un statut professionnel au sens de la loi,
l'information au public et la contribution du réseau de la santé
et des services sociaux pour qu'il favorise la liberté des choix
thérapeutiques.
Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau
(Johnson) est remplacée par Mme Caron (Terrebonne).
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vous rappelle
qu'aujourd'hui la commission entendra: la Fédération des
infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec, la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, l'Ordre des pharmaciens
du Québec, le Regroupement des centres de santé des femmes du
Québec, la Fédération des CLSC du Québec,
l'Association des hôpitaux du Québec, la
Confédération des syndicats nationaux, l'Association
coopérative d'économie familiale du centre de Montréal
(ACEF-Centre), la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du
Québec et Info-Secte.
Alors, je vois que, déjà, le groupe représentant la
Fédération des infirmières et infirmiers du Québec
a pris place. Alors, j'apprécierais que Mme Lavallée,
présidente, nous introduise les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec (FIIQ)
Mme Lavallée (Diane): Oui. Bonjour. Je tiens à vous
remercier de l'invitation qui nous est faite de pouvoir s'exprimer devant vous
à cette commission parlementaire. Avec moi est présente Lina
Bonamie, qui est responsable politique du dossier santé à la
Fédération, et Lucie Mercier, qui est conseillère
syndicale au secteur santé.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Je vous rappelle
que vous avez une dizaine de minutes pour votre mémoire et, par
après, la balance du temps...
Mme Lavallée: C'est ça. On tenait à
préciser aussi que vous nous aviez dit qu'on devait partager notre heure
de présentation avec l'Ordre des infirmières.
Le Président (M. Joly): L'Ordre des infirmières,
c'est ça.
Mme Lavallée: Et on s'est entendu, effectivement, que,
nous, on présentait en premier, on pourrait répondre à vos
questions et, par après, il y aurait leur présentation.
Le Président (M. Joly): Par après, l'échange
sera favorisé entre vous et les parlementaires.
Mme Lavallée: C'est ça.
Le Président (M. Joly): Alors, je vous reconnais, Mme
Lavallée.
Mme Lavallée: Bon. Eh bien, d'entrée de jeu, on ne
peut que se réjouir de la tenue de cette commission parlementaire que M.
le ministre Marc-Yvan Côté avait promise lors de la sortie du
livre blanc «Une réforme axée sur le citoyen» qui est
sorti en décembre 1991. Il s'agit d'une commission qui est d'autant plus
importante qu'elle pourrait faire sortir, en fait, de
l'illégalité, bon nombre de thérapeutes qui, à ce
jour, ne peuvent exercer leur pratique sans craindre le pire.
Ce n'est pas la première fois que la FIIQ démontre son
intérêt, en fait, pour les thérapies alternatives. Il est
à se rappeler que nous avons déjà pris position en faveur
aussi de la reconnaissance des sages-femmes. De plus, nous travaillons à
l'intégration aussi des sages-femmes au réseau de la santé
au Québec. Et, à titre d'exemple, on a réalisé,
l'automne dernier, une tournée de consultations auprès de nos
infirmières qui oeuvrent en périnatalité et en
obstétrique dans les centres hospitaliers et dans les CLSC à
travers tout le Québec. À cette occasion, les infirmières
ont pu se prononcer sur la nature de la collaboration qu'elles souhaitent
établir d'ailleurs avec les sages-femmes.
D'une façon plus large, la FIIQ prend position en faveur des
thérapies alternatives parce qu'elle considère qu'elles peuvent
contribuer à l'amélioration des services de santé à
la population et, partant, contribuer à l'amélioration de la
santé de chacun et de chacune. En fait, loin de constituer un engouement
passager, on considère qu'il s'agit plutôt d'un mouvement social
qui est durable et qui correspond à une nouvelle approche de la
santé
qui se veut globale, qui se veut intégrale et qui vise à
responsabiliser aussi l'individu face à sa santé. Celle-ci
s'insère dans la recherche d'un processus qui est dynamique. Bon, est-ce
qu'il en a toujours été ainsi?
Je pense qu'on peut répondre à cette question en regardant
peut-être la perspective historique dans le secteur de la santé.
Celle-ci nous démontre que le triomphe de la médecine
allopathique, donc la médecine qu'on connaît, traditionnelle, ou
de la médecine officielle sur les autres médecines est vraiment
lié à la régression des infections à la fin du XIXe
siècle avec l'avènement, bien sûr, des
antibiothérapies. Or, l'industrialisation, qui était en plein
essor, faisait apparaître, à mesure que régressait la
tuberculose, de nouvelles maladies, tant et si bien que le XXe siècle se
caractérise par l'importance de maladies qu'on dit plus chroniques,
entre autres comme l'arthrite et les maux de dos. On croit le moment venu de
réfléchir aussi à la possible cohabitation de la
médecine officielle et des médecines traditionnelles ou les
médecines alternatives et, à cet égard, les objectifs qui
sont énoncés par l'Organisation mondiale de la santé nous
apparaissent correspondre à une réalité sociale qui est
devenue maintenant incontournable. C'est pourquoi on formule les deux
premières recommandations suivantes, qui sont: Que le gouvernement
reconnaisse la pertinence des approches traditionnelles en regard de la
maladie; que le gouvernement s'engage dans la voie qui favorisera à long
terme la fusion de la médecine traditionnelle et de la médecine
officielle dans l'optique de la position prise par l'OMS.
Notre troisième recommandation est basée, elle, sur la
notion de liberté de choix. Même si la Loi médicale
était conforme aux chartes canadienne et québécoise en
matière de libertés, il n'en demeure pas moins que, selon nous,
cette loi ne correspond plus nécessairement à la
réalité sociale du moment, et c'est dans ce sens qu'on recommande
que le gouvernement reconnaisse aux citoyennes et aux citoyens la
liberté de choix de la thérapie et du thérapeute et, pour
ce faire, qu'il lève l'illégalité dont sont l'objet les
thérapies et les techniques alternatives et, par le fait même, les
praticiens de ces approches alternatives. (9 h 20)
Maintenant, s'il faut reconnaître ces thérapies, le Code
des professions détermine présentement cinq critères pour
évaluer le caractère professionnel d'un domaine. Ce sont: les
connaissances requises pour exercer des activités professionnelles; le
degré d'autonomie des membres dans la corporation et la
difficulté de porter un jugement pour les gens qui ne possèdent
pas cette formation et cette qualification; le caractère personnel des
rapports entre le membre et la personne ayant recours à ses services, en
raison du lien de confiance qui s'établit entre eux; la gravité
du préjudice ou des dommages qui pourraient être subis par les
utilisateurs des services et, en dernier lieu, le caractère confidentiel
des renseignements qui sont échangés. Donc, c'est à la
lumière de ces cinq critères de l'Office des professions que ce
même Office a conclu, dans un avis au ministre, que l'homéo-
pathie et l'ostéopathie répondent aux cinq critères du
Code des professions. De plus, l'acupuncture et la pratique des sages-femmes
ont pu faire la même démonstration et c'est pourquoi, à
notre avis, ces domaines de pratique doivent être constitués en
corporations.
Et, lorsqu'on parle de corporations, quelles sont donc nos intentions?
Est-ce qu'on doit aller vers une corporation commune, est-ce qu'on souhaite des
corporations indépendantes, un regroupement ou une corporation
parapluie? Eh bien, c'est sûr que ces questions se posent. Et, en
fonction de l'autonomie, comme, en fin de compte, de la viabilité des
thérapies alternatives existantes, on devra se pencher sur cette
question et on souhaite que surtout la suite du débat à ce sujet
se fasse quant à l'autonomie et la volonté des parties
impliquées et suite à un consensus réel de ces parties
afin qu'il soit respecté.
Quant aux techniques alternatives, maintenant parce qu'on a quand
même fait la distinction entre les médecines alternatives et les
techniques alternatives, donc, qui ne sont pas du même ordre
ça demande une formation qui, à notre avis, est plus
limitée. Celles-ci doivent être évaluées sur la base
de leur utilité et de leur efficacité. Elles devraient pouvoir
être pratiquées tant par des thérapeutes qui ont
démontré leurs compétences que par des professionnelles et
des professionnels qui ont une formation dans ces domaines. À cet
égard, nombre de ces techniques sont utilisées par les
infirmières déjà, pour augmenter le confort et le
bien-être des bénéficiaires ou bien diminuer ou
éviter certaines médications.
Selon nous, un office des techniques alternatives pourrait être
créé, dont les fonctions intégreraient notamment la
reconnaissance de la compétence, la formation, l'information et la
protection du public. Donc, on formule les recommandations qui suivent, qui
sont:
Que le gouvernement crée une ou des corporations professionnelles
pour les homéopathes, ostéopathes, acupuncteurs et sages-femmes;
que le gouvernement crée un office des techniques alternatives afin que
puissent être reconnus les thérapeutes, d'une part, et afin
d'assurer la protection du public, d'autre part; que cet office des techniques
alternatives puisse aussi émettre des permis de pratique aux
professionnels qui désirent exercer des techniques particulières
et qui sont en mesure de démontrer leur compétence.
Brièvement, à propos de l'information, on souligne, outre
le fait qu'on doive informer, bien sûr, largement sur les
thérapies alternatives l'ensemble de la population, il revient, à
notre avis, aux structures à être mises en place de fournir la
documentation qui est destinée au public et aux professionnels de la
santé. Cette documentation pourra ensuite circuler dans les
établissements du réseau, ce qui, à notre avis, est une
très bonne façon de diffuser l'information à travers,
déjà, les établissements du réseau de la
santé. Dans cette optique, on formule donc la recommandation:
Que le gouvernement utilise les établissements du réseau
pour faire connaître les thérapies alternatives qui
doivent être reconnues; que le personnel du réseau ait
aussi, bien sûr, une connaissance générale des
thérapies et des techniques alternatives pour être en mesure de
mieux informer les patients sur les thérapies et les techniques qui sont
les plus susceptibles de répondre à leurs besoins de santé
et de bien-être.
Quant à l'accessibilité de ces approches, nous croyons que
toute médecine alternative reconnue devrait être rendue disponible
et gratuite aux clients et clientes des établissements du réseau
public de santé au Québec. Leur recours, selon nous, diminuera la
médicalisation; elle constitue une approche moins coûteuse aussi
que certaines interventions connues de la médecine actuelle. Donc, dans
cette optique, on recommande que les médecines alternatives qui ont fait
l'objet d'une reconnaissance professionnelle soient disponibles gratuitement
dans le réseau de santé public.
Donc, en terminant, nous souhaitons que le gouvernement donne suite
à cette consultation publique en reconnaissant de nouvelles et de
nouveaux professionnels, d'une part, et en permettant, d'autre part, que soit
reconnu un champ d'intervention encore non occupé. Je vous remercie de
votre attention.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, Mme
Lavallée.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Alors, c'est toujours avec grand plaisir qu'on se retrouve dans ce genre
d'exercice à échanger sur des moyens qu'on peut mettre à
la disposition du public pour davantage humaniser les soins. Je pense que c'est
toujours un thème qui est là depuis trois ans et demi; il
était là auparavant aussi, il ne faut pas s'en attribuer
uniquement le mérite. Ça a commencé, à
l'époque, en décembre 1989, par une commission parlementaire sur
les sages-femmes et un projet de loi qui a suivi et, depuis ce temps-là,
on a tenté d'y aller par la voie douce d'échanges et de
négociations pour faire en sorte qu'on puisse implanter des
projets-pilotes de sages-femmes au Québec. On s'est, en cours
d'exercice, tantôt levé, un bon matin, avec de l'optimisme, en fin
de journée il y en avait moins, dépendant des rencontres que nous
avions, et il y a eu volonté d'un certain nombre de personnes, y compris
du corps médical, de tenter de franchir le cap et d'y arriver. On finit
toujours par étirer le temps. Dans le cas des sages-femmes, c'est
patent. On aura l'occasion d'en discuter au cours de l'avant-midi avec d'autres
intervenants. Une chose est certaine, c'est que, dans ce cas-là, la loi
est là, et, pour répondre à votre communiqué, elle
sera respectée et elle sera appliquée.
Je ferme ma parenthèse au niveau des sages-femmes pour revenir
à une proposition que vous faites, qui est la création d'une
corporation pour les homéopathes, ostéopathes, acupuncteurs et on
inclut les sages-femmes. Autant en profiter à ce moment-ci. Il y a un
courant qui se dégage depuis le début de la commission, qui est
le suivant. Je ne dis pas que c'est le courant qui est à retenir, mais
qui est un courant assez évident. Des gens sont venus nous dire: Oui,
aux thérapies alternatives, en autant que la formation de base soit
là, et assez exigeante, merci. Ce courant qui se dégage est
celui, sur le plan d'une reconnaissance professionnelle, de
l'homéopathie et de l'ostéopathie qui devraient être
pratiquées par des gens qui sont d'abord docteurs, de vrais docteurs, et
que ces gens-là pourraient pratiquer l'homéopathie et
l'ostéopathie. Disons que c'est peut-être le courant un peu plus
américain, parce qu'on parfait notre éducation, dans ce genre de
commission là. Est-ce que vous êtes puis je laisse de
côté l'acupuncture et les sages-femmes pour me consacrer à
ces deux-là, compte tenu du fait que l'Office a aussi progressé
passablement à ce niveau-là de l'avis qu'il faut
nécessairement, obligatoirement être un vrai médecin pour
pratiquer l'homéopathie et l'ostéopathie?
Mme Lavallée: Eh bien non, notre position ne va pas dans
ce sens-là. On pense que la formation et l'approche qui sont
utilisées par ces types de médecine sont assez différentes
de l'approche et de la formation que connaissent nos médecins de
médecine allopathique. Et, dans ce sens-là, on pense que cette
formation-là peut être accessible à qui que ce soit qui est
intéressé par la santé de la population et à aller
chercher une formation spécifique dans ces champs d'intervention
là. Donc, pour nous, ça ne devrait pas être un champ qui
est réservé exclusivement à des médecins pour avoir
accès à cette pratique de ce type de médecine
là.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, moi, de
cette démarche, c'est là, j'interprète, puis
ça m'arrive souvent d'interpréter tout croche, mais on va tenter
d'éclairer mes lanternes afin qu'on puisse progresser qu'il y a,
au niveau du corps médical, une volonté d'aller plus loin que la
médecine traditionnelle. Et qu'il y ait cette ouverture-là au
niveau de l'homéopathie, de l'ostéopathie et d'autres
parce que ce n'est pas limité uniquement à cela, et on l'a vu
avec l'association des médecins holistiques du Québec, hier, il y
en a quand même un certain nombre de vouloir ajouter, donc, des
compléments à cette formation de base pour tenter d'avoir un
respect plus global de la personne me semble être un progrès assez
important qui nous permet de franchir un pas dans ces techniques-là.
Mais, vous, vous nous dites: Ça peut être cela, mais ça ne
doit pas uniquement être cela. Et ça doit être accessible
à d'autres personnes...
Mme Lavallée: On se réjouit beaucoup de voir que
les médecins ont cette ouverture-là et reconnaissent suffisamment
ces approches-là pour pouvoir les intégrer et même faire
les traitements des patients au Québec avec ces approches-là au
même titre qu'ils reconnaissent quand même les acupuncteurs qui ne
sont pas nécessairement des acupuncteurs qui ont une formation
médicale. Ils ont même reconnu, en faisant passer les examens, ces
dernières années, des gens qui viennent d'autres
écoles qui ne sont pas des écoles médicales, pour
pouvoir pratiquer l'acupuncture de façon légale. Donc, ils ont
quand même reconnu que ce n'est pas exclusif aux médecins, ces
champs d'intervention là. (9 h 30)
On pense, nous, que déjà les gens qui exercent dans le
secteur de la santé, que ce soient des physiothé-rapeutes, des
infirmières, des gens qui ont déjà une formation
médicale, qui connaissent très bien l'aspect biopsychosocial d'un
individu et qui sont intéressés par ce type d'approche, peuvent
aller se chercher la formation spécifique. Il y a des critères,
il devrait y avoir des exigences comme pour avoir accès à toute
formation. Et on pense qu'une personne qui vient de sortir aussi des sciences
de la santé, au cégep, pourrait très bien être
intéressée à aller chercher une formation très
spécifique en homéopathie ou ostéopathie et pourrait
très bien se...
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve votre proposition
intéressante, de faire une distinction entre les deux, dans un certain
nombre de thérapies alternatives dont les connaissances sont rendues
suffisamment loin et qui peuvent démontrer des choses, donc un
bien-être, pour éviter et éliminer les charlatans. Je pense
que tout le monde souhaite ça pour la protection du public. C'est pour
ça que je veux pousser un petit peu plus loin parce que, si ce n'est pas
quelqu'un qui a une formation de médecine de base, alors quelle serait,
à ce moment-là, la différence entre ceux qui auraient une
technique, donc l'Office et la Corporation? Parce que ça doit être
assez près. Disons, par exemple, un D.E.C. de base. Qu'est-ce qu'on
ajoute, par la suite, pour que des gens en homéopathie puissent
être reconnus comme professionnels, alors que d'autres seront reconnus
comme des techniciens?
Mme La vallée: O.K. Nous, on a fait la différence
entre les techniques alternatives... On compare les techniques alternatives aux
outils complémentaires de soins qui est une autre appellation qui est
utilisée, entre autres, par l'Ordre des infirmières. On parle
d'outils complémentaires de soins pour des exemples comme la
massothérapie, la réflexologie, qui, à notre avis,
à l'heure actuelle, n'a pas fait ses preuves au même titre que
l'ostéopathie, l'homéopathie ou l'acupuncture pour ce qui est
d'établir les diagnostics et le traitement d'une maladie. Dans ce
sens-là, on les distingue.
Il y aura peut-être lieu, un jour, que ces approches-là
puissent faire l'objet de corporations parce qu'elles auront fait la preuve
qu'elles sont en mesure de traiter de façon plus globale un individu.
À date, on ne pense pas que c'a été fait. Et c'est dans ce
sens-là qu'on divise très bien, à l'heure actuelle, qu'il
y ait des corporations et qu'on détermine que les approches
alternatives, qu'on appelle thérapies alternatives ou médecines
alternatives, soient reconnues au sein de corporations. Et, pour ce qui est des
massothérapeutes, et il y a presque une centaine de réflexologues
bon, il y a les irrigations du côlon, on peut en mettre que
ça fasse l'objet de techniques alternatives et qu'elles puissent
être utilisées, par contre, à l'intérieur du
réseau par des gens qui exercent déjà, soit les
infirmières, des physiothéra-peutes ou autres, mais que ça
puisse être des outils complémentaires de soins à la
formation actuelle, déjà, des gens qui oeuvrent dans le
réseau.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsque vous faites
état d'homéopathie, d'ostéopathie, acupuncteurs et
sages-femmes, quant à la reconnaissance éventuelle d'une ou de
corporations professionnelles, est-ce que c'est limité à ces
thérapies-là ou si, dans votre esprit, il y en a d'autres qui
pourraient entrer dans ces catégories-là?
Mme Lavallée: À date, nous, on pense qu'on pourrait
limiter l'accès à des corporations professionnelles à ces
quatres approches alternatives là, comme faisant partie de corporations
professionnelles.
M. Côté (Charlesbourg): On me signale qu'il me reste
deux minutes. Donc, ça passe très vite. Vous avez
évoqué, tantôt, le fait que des infirmières,
à l'occasion je ne sais pas si j'ai bien entendu «à
l'occasion» utilisaient des techniques sur le plan des
thérapies alternatives pour soulager le bénéficiaire.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus sur le niveau. Est-ce que
c'est bien répandu? On parle de quelles techniques, en règle
générale?
Mme Lavallée: Bien, écoutez, il y a beaucoup
d'infirmières qui vont chercher de la formation en médecine qu'on
appelle «holistique», avec des approches comme la visualisation, le
massage, la réflexologie, et qui peuvent l'utiliser à même
une friction d'un patient ou le soir, avec les bénéficiaires,
pour permettre une meilleure relaxation, pour permettre aux gens de dormir sans
avoir nécessairement accès à des somnifères. Donc,
ce sont des techniques qui soulagent à la fois la douleur et qui
permettent la relaxation mais qui ne font pas de traitement spécifique.
C'est de ces techniques complémentaire là de soins qu'on parle
à l'heure actuelle.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que c'est très
répandu?
Mme Lavallée: Nous, on n'a pas de données
statistiques là-dessus. On sait aussi qu'à l'heure actuelle les
gens vont les chercher sur des bases volontaires. On ne le sait pas,
peut-être qu'au niveau de la Corporation il y aurait peut-être des
statistiques à vous présenter là-dessus. En ce qui nous
concerne, on n'a pas de relevés statistiques, mais on sait quand
même que ça devient de plus en plus répandu. Le nombre
exact d'infirmières qui vont chercher l'information dans ce
milieu-là est quand même assez important.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas laisser
passer...
Le Président (M. Joly): Allez-y, M. le ministre. On
débordera sur l'autre.
M. Côté (Charlesbourg): ...la dernière
recommandation qui est celle de l'intégration de ces
professionnels-là au réseau. Par le fait même, piastres et
sous, vous en savez quelque chose, ça signifie plusieurs dollars en
termes budgétaires. Est-ce que vous pensez que le système est
capable d'autofinancer ça et comment on ferait ça?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lavallée: Surtout comment. Nous, on pense qu'à
partir du moment où on considère que ces
thérapies-là ont une efficacité certaine sur le
bien-être, la santé de la population, on ne voit pas pourquoi
elles ne seraient disponibles, donc exclusives, qu'à une partie de la
population qui a les moyens de se permettre d'y avoir accès et on pense
que ces approches-là sont souvent moins interventionnistes que les
approches utilisées dans la médecine qu'on connaît et
sûrement moins coûteuses. Elles sont basées aussi sur une
approche qui favorise beaucoup la prévention, la prise en charge de la
santé par l'individu et, à notre avis, ça rejoint
très bien les objectifs que vous avez mis de l'avant dans votre
politique de santé qui font en sorte qu'on doit miser davantage sur la
prévention. À court terme, il est clair que d'insérer dans
le réseau de nouveaux thérapeutes, ça a des coûts,
mais, à moyen ou à long terme, je pense et c'est aussi
dans ce cadre-là que vous faites vos planifications qu'on y
serait peut-être gagnant. Ce serait quelque chose qui, à notre
avis, serait bénéfique.
M. Côté (Charlesbourg): J'essaie de voir le lien
direct des économies, où on va les prendre, parce que je ne doute
pas que l'introduction d'un certain nombre de ces thérapies-là va
apporter du bien-être aux individus et que ça peut faire en sorte
que, sur le plan préventif, des gens aient à subir moins
d'interventions plus lourdes.
Mme Lavallée: Mais c'est une diminution directe des
coûts de santé, à ce moment-là. Si on évite
des chirurgies, par le biais de l'acupuncture ou de l'ostéopathie, c'est
des coûts importants du réseau, des frais d'hospitalisation en
moins, des frais d'intervention chirurgicale en moins.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais je ne suis pas
convaincu que, automatiquement, on va voir apparaître ça comme une
diminution dans les budgets des centres hospitaliers ni de la
rémunération des médecins. C'est toujours la
difficulté, parce que c'est des économies possibles mais qui, sur
le plan budgétaire, ne se réalisent pas toujours.
Mme Lavallée: À partir du moment où on
considère que c'est essentiel ou que c'est bien pour la santé de
la population, on comprend mal, par question d'équité, que, pour
l'ensemble de la population, on ne permettrait pas l'insertion de ces
médecines-là dans le réseau de la santé. On les
reconnaît comme étant efficaces, donc on s'attend à ce
qu'elles soient accessibles à l'en- semble de la population, et on sait
très bien qu'à l'heure actuelle seuls les gens qui en ont les
moyens...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Lavallée: ...peuvent se les permettre, ou les gens qui
ont très peu de moyens, mais qui grugent des fois sur des budgets
d'alimentation, de vêtements ou quoi que ce soit pour être en
mesure de se payer de l'acupuncture ou autres. On le sait qu'à l'heure
actuelle c'est une réalité au Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-NorandaTémiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Mme la présidente et mesdames, c'est toujours un plaisir de vous
accueillir en commission parlementaire. On a des rendez-vous qui sont
périodiques pour examiner un certain nombre de réalités de
notre système de santé et l'organisation de la distribution des
services en matière de santé et de services sociaux. Comme
d'habitude, vous nous arrivez toujours avec des suggestions, oui,
rafraîchissantes, surtout eu égard aux questions qui nous sont
posées et au secteur d'activité que nous examinons depuis
quelques jours parce que vous êtes, je pense, au Québec, non
seulement les personnes qui êtes les plus près des personnes qui
souffrent et qui sont aux prises avec la maladie quotidiennement, mais aussi
vous êtes les spécialistes de la cohabitation. Vous êtes les
personnes qui cohabitez depuis le plus grand nombre d'années avec les
médecins, en particulier. Et c'est là-dessus que je voudrais
d'abord vous interroger parce qu'une commission parlementaire, en tout cas dans
mon livre à moi, et je pense bien que c'est le cas de la majorité
des parlementaires aussi, ce n'est pas pour regarder en arrière, c'est
pour regarder en avant. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus pour dispenser
de meilleurs services aux citoyens et aux citoyennes du Québec pour la
prise en charge au niveau de la santé et du mieux-être de la
population? (9 h 40)
Vous dites, au début de votre mémoire: On est rendu
à une étape où il faut examiner la possible cohabitation
de la médecine officielle et des médecines traditionnelles. Dans
le contexte du débat que nous vivons actuellement, non seulement au
niveau de la reconnaissance des thérapies alternatives, mais d'une
alternative en particulier, les sages-femmes, la possible cohabitation, ce
n'est pas évident, ce n'est pas tout à fait évident. Et,
comme la Loi médicale du Québec confère
indéniablement le monopole à une corporation et à une
catégorie de professionnels sur la santé, quels sont les facteurs
qui vous amènent à dire qu'il y a une possible cohabitation des
thérapies alternatives au Québec avec la médecine
officielle? Evidemment, aussi, la question suivante: Quels sont les
éléments que nous devons faire
apparaître pour faire devenir réalité cette
cohabitation de la médecine dite scientifique avec un certain nombre de
thérapies, un certain nombre d'approches, de techniques on va
revenir là-dessus aussi qui fassent en sorte que ça
corresponde davantage aux besoins de la population et qu'on sorte de cette
espèce de carcan monopolistique d'un groupe de professionnels qui
tiennent, en quelque sorte, le cas échéant, ici, les femmes en
otage au plan d'un acte naturel qui s'appelle l'accouchement? Comment on va y
arriver et qu'est-ce qui vous fait dire, actuellement, que la cohabitation est
possible?
Mme Lavallée: Moi, je pense que la cohabitation est
possible. Elle est surtout souhaitable, à l'heure actuelle. Le possible
viendra après. Elle est souhaitable dans le sens qu'on considère
que les médecines telles que l'acupuncture, l'homéopathie,
l'ostéopathie ont déjà fait leurs preuves ailleurs qu'au
Québec; et même au Québec, parce qu'on ne peut pas se
leurrer, il y a quand même des cliniques qui existent de ce type de
médecine là et une bonne proportion de la population y va et est
prête, même, à payer pour y aller. Et ça a son
efficacité. Donc, à notre avis, il y va du bien-être de la
population de pouvoir y avoir accès et de faire en sorte qu'on puisse,
comme c'est le cas dans d'autres pays, permettre que ces
médecines-là cohabitent sans qu'il y ait nécessairement
des chicanes corporatistes entre les différents thérapeutes.
C'est clair que c'est ce qui est souhaitable. Maintenant, pour que ce
soit possible, il est clair qu'il va falloir être en mesure de faire des
changements à certaines législations qui, à l'heure
actuelle, ne permettent qu'aux médecins, entre autres, d'établir
des diagnostics et de faire des traitements. Et, bien sûr, si on ouvre la
possibilité, on ouvre la porte à d'autres thérapeutes
d'être en mesure d'exercer leur profession en étant capables
à la fois d'établir des diagnostics et, aussi, de faire des
traitements. À l'heure actuelle, il faudra regarder de quelle
façon on pourra permettre à d'autres que, actuellement, seulement
les médecins, d'avoir accès à ces actes ou à ces
exercices-là.
Il est clair qu'à notre avis ça va passer par une
législation qui, selon nous, ne devrait pas attendre, qui a suffisamment
été attendue, notamment en ce qui concerne les sages-femmes. Je
pense que c'est une demande qui est faite de la part de la population, de
l'ensemble des femmes au Québec, ce besoin d'avoir des
thérapeutes qui les assistent tout au long de leur grossesse et à
l'accouchement avec une approche qui est différente de celle de la
médecine actuelle. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on devrait
permettre aux femmes du Québec d'avoir accès à ce type de
professionnelles lors du suivi de la grossesse et de l'accouchement, et,
effectivement, pour permettre légalement que ça puisse se
produire, ce phénomène, il faut modifier les législations
actuelles dans ce sens.
M. Trudel: Comment vous situez-vous par rapport au discours
actuel à l'intérieur des thérapies alternatives qui se
présentent à partir des deux pôles sui- vants... La
médecine scientifique, les progrès scientifiques et techniques de
la médecine nord-américaine occidentale nous ont permis, au
Québec, d'atteindre les plus bas taux de mortalité infantile, un
des meilleurs niveaux au monde en termes de réduction du taux de
mortalité infantile au Québec. Donc, les progrès
techniques et scientifiques nous ont amenés à des
résultats, sur le plan de la vie, qui sont assez exceptionnels. Et,
compte tenu de cela, pourquoi changer les choses? Pourquoi amener d'autres
techniques?
Dans votre secteur d'activité professionnelle, vous avez une
formation de niveau supérieur, vous avez une connaissance des
phénomènes de la santé, tant aux points de vue social,
psychologique que biologique, qui est de niveau supérieur. Mais vous
apportez un certain nombre de soins aux personnes avec une dose d'humanisme
certaine. Qu'est-ce qui fait qu'actuellement on semble incapable de
réconcilier progrès scientifiques et techniques de la
médecine officielle avec une humanisation des soins ou des approches,
par exemple, à travers cette technique et cette approche parce
que c'est plus qu'une technique des sages-femmes? Qu'est-ce qui nous a
amenés à cette situation-là? Et, encore là,
qu'est-ce qu'il va falloir changer pour sortir de ce carcan que «hors du
scientifique, point de salut» et «hors du scientifique, point
d'humanisme, point d'approche humaniste pour les femmes du Québec en
matière d'accouchement», par exemple? Qu'est-ce qui fait qu'on va
être capable de sortir de ce cercle-là?
Mme Lavallée: Écoutez, moi, je pense qu'au
Québec il faut être large, je ne me ferai pas d'amis
aujourd'hui il y a un monopole qui existe, un monopole médical,
et je pense que la plus grande réticence vient effectivement des
médecins, à l'heure actuelle, pour l'avènement et la
légalisation d'autres types de médecines. Et, à partir du
moment où on veut légaliser ces médecines-là, on
veut tenter de se les accaparer au sein du corps médical, je pense qu'il
est clair qu'à partir du moment où on a un certain pouvoir, pour
ne pas dire un pouvoir certain, on tient à le garder. Et ce n'est pas de
gaieté de coeur qu'on laisse se partager une assiette que l'on partage
entre nous, gens du corps médical, avec d'autres qui viendraient se
greffer. Tantôt, vous faisiez référence à la
diminution de la mortalité infantile, et tout ça. Je pense qu'il
ne faut pas l'associer qu'au corps médical. Certes, il faut
reconnaître aux médecins et à la médecine comme
telle l'apport important quant à l'amélioration et
l'accroissement de la santé de la population et à certaines
diminutions de mortalité infantile, mais ce n'est pas le facteur
principal. Je pense que beaucoup d'études démontrent que c'est
davantage l'amélioration de la vie en général,
l'amélioration des conditions de vie en général, qui a une
incidence directe sur la santé de la population, plutôt que de
multiplier le nombre d'intervenants avec des approches très
scientifiques. Je pense que c'a été démontré aussi
par plusieurs sociologues de la santé et même plusieurs
médecins, qu'on a tout avantage à intervenir sur les
déterminants de la santé pour maintenir une population en
santé que
d'accroître le nombre de médecins.
Et je pense qu'on a tout intérêt aussi à voir
peut-être s'accroître le nombre de professionnels dans le
réseau de la santé qui vont avoir une approche préventive
et qui vont être des multiplicateurs ou des formateurs pour que les gens
apprennent à se prendre en main et à ne pas être
dépendants du corps médical. Et je pense qu'à ce
moment-là la population en général y sera gagnante.
À la fois, on risque de se retrouver davantage avec une population en
meilleure santé et qui se traite avec, souvent, une approche qui est
beaucoup moins coûteuse que ce qu'on connaît. Donc, à la
fois, les gens préoccupés par les budgets et l'économie
pourraient y être gagnants et la population en général
aussi, par le maintien ou l'accroissement de leur état de
santé.
M. Trudel: Si vous voulez, je conclus parce que j'ai comme
l'impression que M. le président va me rappeler à l'ordre.
Le Président (M. Joly): Je n'ai pas d'objection à
déborder. Alors, je vais administrer le temps de la façon que
vous le jugez, selon l'importance des questions que vous avez.
M. Trudel: J'apprécie votre humanisme, M. le
Président, au-delà de la règle stricte qui est
appliquée.
Le Président (M. Joly): Vous me connaissez. J'ai toujours
été flexible avec la logique.
M. Trudel: Écoutez, c'est parce qu'il y a des
éléments qui sont extrêmement intéressants dans ce
mémoire. C'est la première fois que nous est
présentée cette espèce de gradation dans la reconnaissance
des intervenants dans le domaine des thérapies alternatives, en disant:
II y a des corporations professionnelles qui devraient être reconnues
pour un certain nombre de ces professionnels-là, ostéopathes,
homéopathes, etc., mais, pour d'autres, un office des techniques, dans
le sens où vous assimilez plus ces interventions à des approches,
à des façons d'être, à des façons
d'intervenir auprès du public, auprès des Québécois
et des Québécoises.
Un des éléments importants, évidemment, de la
dynamique générale d'une corporation professionnelle, c'est la
protection du public. Bon. Et je pense que vous savez que c'est un lieu commun
de dire que le public, en général, il ne se sent pas très,
très protégé par la mécanique de la
réception et du traitement des plaintes. On peut se conter des histoires
entre nous, là, mais, Gravel, de La Presse, disait, il y a 15
jours: II y a à peu près juste les corporations professionnelles
qui pensent que les plaintes sont traitées avec équité. Le
public, il ne croit pas à ça cinq minutes. Il n'y a pas rien que
la justice, il y a aussi l'apparence de la justice. (9 h 50)
Si nous avions un office des techniques alternatives, est-ce que vous
pensez qu'il serait possible d'introduire un mécanisme d'accueil et de
traitement des plaintes qui soit beaucoup plus externe que ce que nous avons
actuellement dans le système des corporations professionnelles? Ce
serait beaucoup trop long de rediscuter de la question du traitement des
plaintes et des comités de discipline il y a eu une commission
parlementaire là-dessus, d'ailleurs au niveau des corporations
professionnelles, mais je m'attache à l'avenir. Est-ce que vous pensez,
donc, que nous pourrions avoir un mécanisme externe de traitement des
plaintes, qui ferait appel à des gens de l'extérieur, des
techniciens des thérapies concernées, pour recevoir, traiter et
donner suite aux plaintes du public? Est-ce que ça vous apparaît
possible, ça?
Mme Lavallée: Dans un premier temps, il faut dire que je
connais peu comment se fait le traitement des plaintes dans les multiples
corporations existantes, mais, de ce que je connais, à l'heure actuelle,
la corporation des infirmières semble être une corporation qui
traite, de façon très importante, les plaintes qui lui sont
acheminées et assume, à mon avis, son rôle de protection du
public. Pour ce qui est des autres, ça pourrait peut-être
être discutable, d'autres semblent davantage protéger leurs
membres que la population.
Mais, pour ce qui est de l'office des techniques alternatives, pour
nous, ce serait un office qui pourrait jouer ce rôle de recevoir les
plaintes. Il n'est pas exclu qu'on puisse à la fois permettre à
ce qu'il y ait des citoyens qui puissent siéger à ces
comités-là, pour être en mesure d'avoir un oeil
extérieur à celui des professionnels qui oeuvrent dans ces
techniques-là, pour être en mesure de recevoir les plaintes, faire
les évaluations et imposer, à ce moment-là, les sanctions
qui vont s'imposer ou toute autre décision. Non, je pense qu'on a une
très grande ouverture à cet effet-là.
M. Trudel: Alors, merci de votre contribution, au nom de
l'Opposition, et nous retenons en particulier aussi cette suggestion, que les
membres du réseau, les personnels du réseau deviennent des
sources d'information sur les thérapies alternatives; c'est une
suggestion extrêmement intéressante quant à nous. Merci
beaucoup de votre contribution.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Il y a,
à mon point de vue, beaucoup de réalisme dans la
présentation et certaines mises en garde quant à l'aventure
aussi; du fait qu'on en identifie un certain nombre et qu'on en exclut
d'autres, je pense que c'est de la sagesse et c'est ça que ça
prend, à ce moment-ci, pour être capable de franchir une
étape importante. Et il faut le faire en collaboration avec le corps
médical. Je l'ai toujours dit, on passe toujours, à l'occasion,
pour des gens qui sont «anti», mais il faut que ça se fasse
en collaboration avec le corps médical; ils sont encore ceux qui sont
capables aussi de soigner et de soulager. On verra ça, dans la prochaine
heure, comment on peut créer cette ouverture, cette alternative, parce
que, me dit-on, ce matin, la Corporation professionnelle nous a
envoyé l'alternative! Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup aux gens de la
Fédération des infirmières et infirmiers du
Québec.
Maintenant, j'invite l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place.
Bonjour, mesdames. Il me fait plaisir de vous accueillir. Alors, Mme
Desrosiers...
Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, moi-même.
Le Président (M. Joly): ...si vous voulez bien nous
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec (OIIQ)
Mme Desrosiers: Certainement, M. le Président. Je suis
accompagnée, à ma gauche, par Mme Andrée Duplantie, qui
est conseillère en services professionnels, à ma droite
immédiate, par Mme Odile Larose, qui est directrice des services
professionnels, et par Mme Diane St-Julien, qui est conseillère à
l'inspection professionnelle.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Alors, nous
avons environ une demi-heure ensemble. Alors, vous avez une dizaine de minutes
pour votre mémoire et la balance du temps, disons, sera répartie
entre les deux formations.
Mme Desrosiers: M. le Président, merci. M. le ministre,
membres de la commission, nous vous remercions de l'opportunité que vous
nous accordez de pouvoir faire entendre notre point de vue sur un sujet
éminemment important parce qu'il concerne, au premier titre, la
protection du public.
Alors, d'entrée de jeu, nous signalons qu'il faut aborder la
question quand même avec une certaine ouverture d'esprit tout en
reconnaissant les acquis de notre système de santé,
peut-être, malgré tout, qu'il présente certaines limites
et qu'il faut aborder la question avec un certain concept de
globalité et un certain changement de paradigme. Alors, comme ça
a été signalé, le phénomène des pratiques
alternatives suscite beaucoup d'engouement au niveau de la population et
ça a également gagné la faveur des professionnels, et les
infirmières n'ont pas fait exception à la règle au niveau
de cet engouement.
Nous avons tout près de 64 000 infirmières membres de
l'Ordre des infirmières. Lors d'un sondage que nous avons
effectué en 1990, sur 36 000 infirmières qui ont répondu,
tout près de 3000 ont déclaré utiliser une ou plusieurs
approches alternatives. Donc, nos professionnels sont un groupe important
à cet égard.
La relaxation et les massages furent les techniques les plus souvent
déclarées lors de ce sondage. En outre, de nombreux écrits
et des recherches cliniques sur le sujet témoignent de
l'intérêt particulier des infirmières pour ces
approches.
C'est un peu dans cette perspective que déjà, dès
1987, l'Ordre des infirmières prenait position en regard de certaines
approches complémentaires de soins que nous avions appelées
à l'époque «des outils complémentaires de
soins». Nous profitons donc de l'occasion aujourd'hui pour
réitérer notre position à l'effet que le toucher
thérapeutique, les techniques de massage, les techniques de relaxation,
les techniques de visualisation, le biofeedback sont des outils
complémentaires de soins que les infirmières peuvent
décider d'utiliser de façon autonome, quel que soit leur lieu de
travail et compte tenu de leur formation.
Vous savez que l'approche holistique de la santé et les valeurs
qu'elle sous-tend, ce n'est pas quelque chose de nouveau pour les
infirmières. L'infirmière n'aborde jamais un problème de
santé de façon isolée ou selon une seule dimension.
À la fois scientifique et humaniste dans son approche,
l'infirmière reconnaît le bien-fondé et les limites
inhérentes aux diverses pratiques des soins traditionnels et non
traditionnels qui permettent de promouvoir et préserver le
mieux-être des personnes.
Par exemple, il n'y a pas une seule façon de soulager la douleur
ni un seul moyen de favoriser la détente au sommeil ni encore une seule
ligne de conduite pour gérer le stress ou l'anxiété.
Plusieurs moyens peuvent être envisagés. Alors, le défi,
pour l'infirmière, c'est d'aider la personne à choisir le moyen
qui corresponde le mieux à ses aspirations, ses valeurs, sa culture, son
mode de vie.
À l'hôpital Saint-Luc, par exemple, de Montréal, sur
le département de désintoxication, les infirmières
utilisent diverses approches de relaxation pour pallier à la souffrance
physique et morale qu'engendre le sevrage des drogues. Les résultats
sont concluants. On note une baisse importante; une diminution de la prise de
médicaments, un meilleur contrôle de la douleur, un sommeil plus
paisible, bref une meilleure prise en charge de la santé.
J'ai un autre exemple. À l'hôpital de Drummondville, sur
une unité de soins palliatifs, les infirmières utilisent depuis
plusieurs années le massage réflexe des pieds pour
contrôler les nausées et susciter la détente.
Un autre exemple. Au CLSC dans la région de Lanaudière,
les personnes qui sont aux prises avec de graves problèmes d'insomnie et
de dépendance médicamenteuse ont réussi, à l'aide
d'une infirmière, à résoudre leurs problèmes
grâce à l'utilisation du massage, de la relaxation et de la
visualisation. Voilà plusieurs exemples.
Alors, en matière de protection du public, les
infirmières, les professionnels, en particulier les infirmières
mais également l'ensemble des professionnels qui utilisent des pratiques
complémentaires, sont déjà sujets aux mécanismes de
contrôle des corporations et il nous apparaît, à notre avis,
que la protection du public est bien entre bonnes mains quand les
professionnels utilisent ces techniques-là. Il ne nous apparaît
pas nécessaire
de créer de nouveaux mécanismes de contrôle pour ces
professionnels concernés.
Alors, on fait un cas particulier, malgré tout, de
l'homéopathie et de l'ostéopathie. Ces domaines
mériteraient vraiment une analyse plus poussée étant
donné le cadre de connaissances plus élaborées qu'ils
requièrent et également une possibilité de certains
préjudices. Alors, il nous apparaît prématuré
aujourd'hui de se prononcer de façon définitive sur les
mécanismes de reconnaissance, mais, d'emblée, nous vous disons
que nous ne sommes pas d'accord avec la recommandation de l'Office des
professions qui serait à l'effet de réserver ces titres-là
à l'usage strictement des médecins, par exemple, des pharmaciens,
dentistes, vétérinaires. Nous avons des infirmières
homéopathes ou ostéopathes et il faudrait aller plus vers une
modalité de titres réservés selon certains
règlements dont on pourrait convenir avec l'Office des professions.
Par ailleurs, pour ce qui est de tous les non-professionnels de la
santé, l'Ordre recommande de ne pas créer de nouvelles
corporations professionnelles pour régir les praticiens qui, à
notre avis, offrent des services de mieux-être à la population. On
ne pense pas non plus que ce soit nécessaire de les assujettir au
contrôle et à la surveillance de corporations existantes. On pense
qu'il y a déjà suffisamment de corporations professionnelles au
Québec, pour ne pas dire qu'il y en a peut-être même trop.
Alors, le fait de constituer de nouvelles corporations, ça pourrait
augmenter de façon indue la fragmentation des soins, le cloisonnement
des services et semer la confusion dans la différence entre les
praticiens déjà professionnels et ceux qui sont non
professionnels. (10 heures)
On pense qu'il faudrait instaurer, pour les non-professionnels de la
santé, un programme d'enregistrement pour régir le commerce des
services de mieux-être et de modifier en conséquence la Loi sur la
protection du consommateur. La population qui désirerait consulter ces
praticiens mérite que des mécanismes lui assurent malgré
tout un minimum d'encadrement quant à la vente de ces services et la
qualité des soins offerts. Alors, à l'instar du Bureau
d'éthique commerciale et, par exemple, de l'Association pour la
protection des automobilistes qui fournissent des renseignements sur les
commerçants, l'Office de la protection du consommateur pourrait
établir un fichier de renseignements sur les pratiques de
mieux-être et sur ces praticiens et déterminer des modes de
règlement des litiges ou des règles de conduite, comme il le fait
pour d'autres secteurs d'activité.
Alors, concernant l'assiette de services assurés, l'Ordre
recommande, dans le réseau public actuellement, de laisser les
professionnels qui sont déjà en place utiliser de façon
autonome des outils complémentaires de soins, tout en respectant les
principes en matière de gestion et d'organisation des centres de
santé et en tenant compte des ressources disponibles et des objectifs
poursuivis. Écoutez, il n'en coûte pas plus cher à
l'État lorsque, dans un centre hospitalier, les infirmières
intègrent à leur pratique les exercices ou les outils
complé- mentaires dont j'ai parlé précédemment. Les
infirmières, par exemple, sur une unité de
médecine-chirurgie qui utilise le massage réflexe pour susciter
les mictions spontanées, par exemple je rentre dans certaines
technicalités lorsqu'on retire une sonde vésicale,
ça donne des résultats positifs et ça ne coûte pas
plus cher à l'État. Par ailleurs, dans les centres
d'hébergement qui sont d'abord et avant tout un milieu de vie pour les
personnes âgées ou qui souffrent d'affection chronique, on pense
que déjà dans le moment ils assument les coûts pour
certains services, que ce soit d'esthétique, de coiffure. Alors, dans
ces milieux de vie, les centres d'hébergement devraient faciliter
l'accès aux résidents à certains types de services, s'ils
veulent avoir leurs propres acupuncteurs ou leurs propres
massothérapeutes, en autant qu'ils en assumeraient les coûts.
Enfin, il nous apparaîtrait intéressant, dans les centres
de santé, de procéder non pas à des projets-pilotes, mais
bien à des projets de recherche evaluative ou à des essais
cliniques contrôlés avec les professionnels en place. On pense
qu'au sein de ces projets on pourrait intégrer, au sein des
équipes multidisciplinaires, des massothérapeutes, des
acupuncteurs, des ostéopathes, pour faire des essais cliniques
contrôlés.
Alors, en conclusion, Mme la Présidente, membres de la
commission, il nous apparaît que, de manière
générale, les thérapies dites alternatives devraient
davantage être considérées comme des pratiques
complémentaires de soins que les professionnels peuvent utiliser pour
améliorer la santé et la qualité de vie de la population.
Et, à notre avis, il ne s'agit plus d'opposer diverses thérapies
ou pratiques à la médecine, ni de les comparer, mais bien de
saisir leurs aspects complémentaires et leurs limites respectives. Il
nous semble qu'en continuant à mettre l'accent sur l'aspect alternatif
quand on parle d'alternative, ça veut dire en lieu et place de
on pense qu'on fausse le débat dès le départ et
qu'on crée d'emblée un climat de confrontation inutile qui ne
sert pas de façon positive l'évolution des pratiques au sein du
système de santé.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Mme Desrosiers.
Vous êtes bien arrivée dans votre temps.
Alors, je cède la parole à M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien. Tout d'abord,
vous me permettrez très certainement comme, si je ne m'abuse, c'est la
première présence de Mme Desrosiers à titre de
présidente depuis son élection, de la féliciter pour son
élection...
Mme Desrosiers: Merci.
M. Côté (Charlesbourg): ...et de vous souhaiter la
bienvenue dans notre club public. Comment?
M. Trudel: Achetez vos tickets, ça en prend plusieurs.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! Statistique
intéressante qui a une base très réaliste, au-delà
de 30 000 infirmières et infirmiers répondent à un
questionnaire; au-delà de 3000 sont en contact avec des thérapies
alternatives. On va finir par s'ajuster, peut-être des thérapies
complémentaires, si on veut s'ajuster au langage que vous souhaitez.
Donc, 3000, c'est beaucoup de personnes. Beaucoup, beaucoup de personnes.
Qu'est-ce que vous tirez d'autre comme enseignement de cette recherche? Parce
que c'était un sondage-recherche, ça permettait de mieux
éclairer sur ce qui se passe en réalité et peut-être
aussi de savoir ce que des bénéficiaires souhaitent. Qu'est-ce
qu'on retire d'autre de cette enquête au niveau de la présence...
Est-ce qu'on retrouve ça davantage dans des milieux hospitaliers
puisque vous sentez le besoin, dans votre mémoire, de parler de
mieux-être et j'y reviendrai tantôt par rapport aux soins au
niveau des centres hospitaliers de soins de longue durée ou de centres
d'accueil? Est-ce qu'on retrouve davantage la présence dans des centres
hospitaliers, en termes de réponse?
Mme Desrosiers: Ah oui! Bien, écoutez, la très
grande majorité de nos infirmières pratiquent d'abord en milieu
institutionnel, alors les statistiques vont dans le même sens. Disons,
dans ce sondage-là, il y en avait au-dessus de 1150 qui disaient
utiliser ces techniques-là principalement en milieu hospitalier, mais on
en avait quand même 842 qui avaient déclaré l'utiliser en
pratique privée. Par contre, quand on parle de pratique privée,
celles qui sont enregistrées à l'inscription au tableau, on en a
un maximum de 250 qui ne font que ça en cabinet privé,
c'est-à-dire qui ont des cabinets privés et qui ne font que de la
pratique privée.
Alors, on avait un petit problème de concordance des chiffres,
alors probablement que certaines infirmières, qui n'ont pas
nommément de cabinet privé, peut-être à temps
partiel pratiquent, dans des cliniques de centres de santé, certaines
approches alternatives. Mais elles les utilisent, il faut quand même le
signaler, principalement en milieu hospitalier, tel que je l'ai signalé
tantôt, à titre complémentaire de soins.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
qu'au-delà du vocabulaire, alternatif ou complémentaire, le
bénéficiaire, lui, il voit une amélioration de son
bien-être. Alors, bien sûr qu'en cours de route, avant d'y arriver,
on peut bien se chicaner pendant longtemps sur les termes, mais, comme on fait
ça pour le citoyen, le citoyen en arrive à conclure que ça
lui procure un bien-être. Je suis profondément convaincu que, sur
le plan des médecins, ils pensent la même chose, parce que, de
plus en plus, sur un certain nombre de médecines alternatives ou
complémentaires, probablement qu'eux parleront davantage de
complémentaires, ce qu'on a eu hier, ça procure du
bien-être à des individus.
Mais, au niveau de l'Ordre, comme vous êtes chargés de
protéger le public et que vous avez commencé par ça, en
termes de présentation, donc protection du public, quels sont les
mécanismes que vous avez en place pour vous assurer que ceux et celles
qui pratiquent cette complémentarité puissent le faire en toute
protection du public? Est-ce qu'il y a des mécanismes qui sont en
place?
Mme Desrosiers: Oui, effectivement, il y a les mécanismes
déjà actuels de notre corporation. Alors, nous avons un code de
déontologie qui fait en sorte qu'une infirmière, avant d'utiliser
quelque technique que Ce soit, que ce soit une technique plus traditionnelle ou
une technique nouvelle... Vous savez comme moi, c'est vrai pour toutes les
corporations, je ne vous dis pas qu'à tous les jours il s'invente un
nouveau moyen, mais on en teste, les pratiques évoluent. Alors, une
infirmière, avant d'offrir à un patient un massage réflexe
des pieds pour soulager sa nausée ou un problème quelconque,
doit, en vertu de notre code de déontologie, avoir les connaissances
nécessaires. Donc, elle ne pourrait pas l'utiliser sans effectivement
être allée chercher un programme de formation
complémentaire.
Par ailleurs, c'est sans préjudice. Il faut comprendre quand
même que ces techniques-là sont sans préjudice: au mieux,
ça fait du bien; au pire, ça ne fait rien. Mais il demeure quand
même que les infirmières sont suffisamment professionnelles pour
les utiliser de façon judicieuse et selon les règles de
l'art.
Bon! En pratique privée, la situation se pose
différemment. Nous sommes en train de terminer un protocole de visite
des infirmières en pratique privée et, là, ce sera sujet
à des règles particulières. Si ça vous
intéresse, je pourrai demander à Mme St-Julien de vous en parler
de façon particulière, mais nous procédons, comme toutes
les corporations professionnelles, avec des règles très strictes
en vertu du Code des professions et de notre loi particulière au niveau
de l'inspection.
Par ailleurs, je vous dis, les règles, on a un petit
problème parce que toute infirmière en pratique privée qui
exerce d'abord les soins infirmiers, la profession d'infirmière, et qui,
en plus, utilise certaines pratiques dites complémentaires est
malgré tout susceptible, éventuellement, de poursuites pour
exercice illégal vous le savez comme moi de la
médecine, par exemple. On a eu un cas d'infirmière. Vous allez
dire que ce n'est pas beaucoup, mais, quand même, c'est parce qu'à
un moment donné, en pratique privée, il peut toujours se
développer des zones grises, où commence l'identification du
problème de santé et où commence le diagnostic
médical. Alors, là, c'est...
M. Côté (Charlesbourg): Votre expertise
m'ap-paraît très importante, et de la faire connaître au
public à ce moment-ci, parce qu'on se dit toujours que c'est une
question de connaissances vous le dites vous-même dans votre code
et d'aptitudes, et on parle beaucoup de formation. Donc, ce qu'on
souhaite, c'est que les gens qui pratiquent ces thérapies aient la
connaissance et la formation qu'il faut pour le faire, le but ultime
étant la protection du public. On est donc dans une situation, ici,
où des gens, chez vous, pratiquent des techniques qui procurent du
mieux-être, si je
veux bien suivre la distinction que vous faites entre mieux-être
et soins. J'aimerais peut-être vous entendre vous-même davantage
encore sur la distinction très nette entre soins et mieux-être que
vous évoquez au niveau du mémoire, parce qu'elle semble
être la base de ce qui est professionnel ou pourrait,
éventuellement, être professionnel par rapport à des
techniques qui, elles, relèveraient davantage, ai-je compris, de la
protection du consommateur. (10 h 10)
Mme Desrosiers: Oui. À vrai dire, on est parti du point de
vue que, quand une professionnelle de la santé exerce en ce qui
nous concerne, nous, notre champ d'exercice, ce sont les soins infirmiers
elle exerce à l'intérieur de son champ d'exercice et elle
peut utiliser, en fait, toutes les connaissances qu'elle a apprises dans le
cadre de sa formation de base d'infirmière. On a des infirmières
qui ont jusqu'à des Ph.D. Alors, vous comprenez qu'on a un large
éventail d'infirmières, mais qui, de la formation de base
jusqu'à des formations très poussées, ont toutes les
connaissances professionnelles qu'il faut pour élargir et aller chercher
ce qu'on appelle des outils complémentaires qu'on qualifie de soins
parce que, quand elles les utilisent en tant qu'infirmières, c'est en
prolongement de leur pratique infirmière.
Pour les autres, qui ne sont pas des professionnels de la santé
et qui ouvrent un cabinet strictement de massage ils ne font pas de
soins infirmiers, ils font du massage, ils ne font que ça
à ce moment-là, on vous dit que c'est une vente de services, de
mieux-être qu'ils offrent à la population, la possibilité
d'avoir des massages, ou telle ou telle autre pratique. À ce
moment-là, ça ne nous apparaît pas des pratiques
complémentaires de soins, mais strictement une vente de services de
mieux-être auxquels la population peut avoir accès directement.
Et, à ce moment-là, le préjudice, il est moins... Vous
parlez de connaissances. Si vous allez vous faire faire un massage puis que
vous ne vous sentez pas relaxé après, le préjudice, il
n'est pas très grand. Une autre fois, vous irez en voir un autre. Enfin,
il n'y a pas de préjudice de santé. Mais, quand une
professionnelle de la santé s'identifie comme infirmière, elle
doit, à ce moment-là, utiliser toutes les règles de l'art
de sa profession et utiliser de façon judicieuse des outils
complémentaires.
M. Côté (Charlesbourg): On me signale
déjà que mon temps s'écoule et s'en va. Hier, j'ai
tenté de faire passer un message en disant que je trouvais qu'on en
mettait pas mal large sur le dos de la protection du consommateur. Lorsqu'on
dit: Transférons à la protection du consommateur... Certains ont
pris l'exemple d'un électricien...
Mme Desrosiers: Excusez. D'un électricien? Bon.
M. Côté (Charlesbourg): Un électricien,
ça a un permis et c'est soumis à un code, un certain code. Et,
dans la mesure où il va à rencontre du code ou du contrat, il y a
toujours possibilité de faire une plainte à la protection du
consommateur qui, elle, doit analyser, enquêter, et ainsi de suite. Je me
suis inquiété un peu d'une responsabilité additionnelle
à l'Office de la protection du consommateur. Je ne suis pas parfaitement
convaincu qu'il a tout ce qu'il faut pour reconnaître les
compétences parce que ça va nécessairement prendre
des compétences pour les connaître, la surveillance puis
faire les enquêtes. Est-ce que vous ne trouvez pas, dans ce transfert de
responsabilités à l'Office de la protection du consommateur,
qu'on lui en met pas mal sur le dos?
Mme Desrosiers: Ce n'est pas tout à fait notre optique. Ce
qu'on vous dit, c'est qu'il pourrait y avoir une réglementation
quelconque au niveau de l'Office plus en termes, par exemple, de
réglementer la publici té. Est-ce que quelqu'un peut ouvrir un
cabinet et afficher grand comme ça: Traitement de... Vous savez, il
pourrait y avoir une réglementation en termes d'affichage, de
publicité, de... Justement, vous parliez de charlatanisme dans une
présentation précédente. C'est plus en termes de
réglementation de la vente de ces services-là et sûrement
pas pour se substituer à un mécanisme d'inspection qui...
M. Côté (Charlesbourg): Mais, à ce
moment-là, qui le ferait? Parce que là, on est dans le niveau de
l'information, donc de l'information du public pour souhaiter que celui qui
s'affiche et qui offre ses services ait au moins le minimum requis pour offrir
des services.
Mme Desrosiers: Écoutez...
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je m'excuse, M. le
ministre, ça serait en conclusion. Allez-y.
Mme Desrosiers: Bien écoutez, c'est parce que, dès
qu'on commence à présumer qu'il y a un minimum requis pour offrir
des services, c'est qu'on sous-entend qu'il y a un préjudice. Alors, le
préjudice, il peut être à caractère de santé
ou un préjudice à caractère économique. Nous, ce
qu'on dit, c'est qu'excluant le cas particulier de l'homéopathie et de
l'ostéopathie, selon les études de l'Office des professions et
selon nos propres recherches, il n'y a pas de préjudice de santé.
Alors, écoutez, il ne faut quand même pas s'embarquer dans de
l'inspection puis est-ce que ça prend 45 heures avant d'être
capable de donner un massage ou 500, et ceci et cela. Ce sont les lois du
marché qui vont jouer. Mais il pourrait y avoir, malgré tout, une
certaine réglementation, comme pour toutes sortes d'autres ventes. Par
exemple, tous les commerces qui existent au Québec sont régis par
certaines réglementations. Ce serait plus de la nature d'une
réglementation sur la vente de services. J'imagine qu'en termes de
litige sur les préjudices économiques il pourrait y avoir un
système plutôt d'enregistrement de plaintes, de telle sorte que,
si un consommateur veut se plaindre, ce n'est pas tellement en termes de
préjudice de santé mais plus en termes de pratique
commerciale.
M. Côté (Charlesbourg): Je conclus là-dessus,
Mme la Présidente. Je ne suis pas sûr, je ne suis pas sûr du
tout du jugement de l'Office sur certaines thérapies alternatives qui,
au mieux, peuvent procurer du bien-être, puis, au pire, rien. Il y a la
consommation de certaines plantes qui peut avoir des conséquences au
niveau de certains individus. Et ça, je me rappelle, l'Ordre des
pharmaciens nous avait fait état de cela au moment où on a eu
notre commission parlementaire. Alors, c'est un petit peu pour ça que je
questionne, au niveau de l'Office. On va continuer avec les groupes qui
viennent. Comme l'Ordre des pharmaciens vient ultérieurement, on va
tenter de fouiller un petit peu plus à ce niveau-là. Parce que,
si on était dans une situation uniquement de bien-être
ajouté...
Mme Desrosiers: Je vous dirais là-dessus, M. le ministre,
que les pharmacies sont pleines de médicaments dangereux et probablement
beaucoup plus dangereux que les plantes. Ils sont en vente libre. Alors, vous
voyez qu'on peut rentrer dans un débat assez complet.
M. Côté (Charlesbourg): Non. Je ne veux pas opposer
là médecine chimique par rapport aux plantes. Je suis convaincu
de tout ça parce qu'il y a aussi des plantes qui peuvent procurer du
bien-être. Je pense qu'on a un pharmacien à côté de
nous.
Mme Desrosiers: II y a des choses dangereuses qui sont en vente
libre. Prenez les salons de bronzage, par exemple. Alors, quand on commence
là-dessus...
M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Merci.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci beaucoup.
J'invite le critique de l'Opposition.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente.
Bienvenue, Mme Desrosiers. Bravo aussi pour votre élection
à la direction de l'Ordre. Je suis convaincu, uniquement avec ce qu'on
vient d'entendre, que vous allez avoir une carrière aussi longue que Mme
Pelland, ce qui n'est pas peu dire, et je souhaite que vous ayez une longue
carrière, effectivement, à la direction de l'Ordre des
infirmières.
Ça se complète, effectivement, votre présentation,
avec ce que les infirmières nous disaient, il y a quelques moments, au
niveau du syndicat, au niveau du regroupement, de l'association,
c'est-à-dire que vous placez les choses dans une certaine
relativité en disant: II ne faut pas dramatiser avec cela; en
matière de thérapies alternatives, on est plus en matière
d'approche de techniques d'amélioration du bien-être. Et vous vous
rapprochez de la partie de l'avis de l'Office des professions qui dit: Bon,
comme il n'y a rien de dangereux pour le public en général
là-dedans, eh bien, allons-y doucement aussi sur la bureaucratie et sur
l'environnement de contrôle. Demeurons dans le doux et demeurons dans
l'alternatif. Et vous dites, à cet égard-là... et moi je
veux question- ner un peu, quand même, sur toute la mécanique
vous avez employé de l'enregistrement. Alors, vous disiez,
tantôt, dans votre présentation: Donc, on n'invente pas une
nouvelle corporation professionnelle, on ne soumet pas ces thérapeutes,
ces praticiens à l'énorme mécanique du contrôle
professionnel, au sens des corporations professionnelles. Cependant, mettons au
point une approche d'enregistrement. Comment ça se passerait, là,
très concrètement, de dire: À partir du moment où
on reconnaît les thérapies alternatives, la reconnaissance, elle
passe par un mécanisme d'enregistrement? Comment ça va se passer
concrètement, cette phase-là? (10 h 20)
Mme Desrosiers: Bien, je vais revenir sur ce que j'exposais
à M. le ministre, tantôt. À vrai dire, on a vraiment
scindé notre présentation à partir de... On fait deux
classes, la distinction suivante: Pour ceux qui sont non professionnels de la
santé et qui pratiquent, pour les sortir de l'underground, si vous
voulez, qu'ils aient un peu une place au soleil, il pourrait y avoir un
mécanisme d'enregistrement sujet à la Loi sur la protection du
consommateur. En fait, de vendre le service, ça pourrait être
réglementé en termes de pratique commerciale. C'est ce qu'on dit.
On ne parle pas de reconnaissance professionnelle aucune, là. Je me
trouve à réitérer ce que je disais tantôt.
Pour ce qui est des professionnels de la santé qui veulent
utiliser ou pratiquer de façon particulière ou, à la
limite, qui voudraient, en cabinet privé, pratiquer de façon
particulière une approche alternative de façon presque
continuelle ou, enfin, à temps complet, on dit qu'ils sont sujets
déjà à tous les mécanismes de surveillance de leur
propre corporation. À ce moment-là, on pense que c'est suffisant,
à l'exception, peut-être, de l'homéopathie et
l'ostéopathie qui exigent un cadre de connaissances très
particulier, beaucoup plus développé et pour lesquelles il
faudrait peut-être envisager l'émission de titres
réservés qui pourraient être émis selon des
règles qu'il resterait à définir, parce que, vraiment, on
amorce la discussion là-dessus. Alors, une infirmière qui
voudrait, en plus, utiliser un titre d'homéopathe, par exemple, selon
des règles qui auraient été édictées par
l'Office de professions, par exemple, un minimum de tant d'heures de formation
dans telle école reconnue, ceci, ceci, cela, pourrait obtenir le titre
qui serait émis par sa propre corporation, cependant, et elle serait
sujette à toutes les règles de contrôle de la
corporation.
M. Trudel: Mais, au niveau d'un possible mécanisme
d'enregistrement, est-ce que tout cela serait accompagné de normes,
c'est-à-dire que pourrait s'enregistrer, par exemple, moi, je ne le sais
pas, comme «phytothérapiste», celui ou celle qui a un tel
niveau de formation en phytothérapie? Est-ce que c'est ça...
Mme Desrosiers: Non. Parce que, dès que vous
commencez...
M. Trudel: Non?
Mme Desrosiers: ...par ça, vous entrez dans des
mécanismes de quasi-reconnaissance professionnelle. Nous autres,
c'était strictement d'envisager une réglementation des pratiques
commerciales dans ce secteur-là, notamment pour que, à la limite,
il puisse, par exemple en matière de publicité, annoncer
«phytothérapeute»; il pourrait y avoir une définition
de ce que c'est, que ça soit réglementé. À ce
moment-là, il ne pourrait qu'annoncer
«phytothérapeute» et non pas «traitement de la douleur
de ci, traitement de ça» et laisser prétendre qu'il traite
de façon équivalente ou alternative à la médecine.
Ce serait plutôt ça, c'est plus un encadrement de cette
nature-là auquel on pense pour ce qu'on appelle des pratiques de
mieux-être et qui... Finalement, il faut pas faire des
demi-reconnaissances professionnelles ou des demi-mesures là-dedans.
Vous savez, le Code des professions est très bien balisé. Il y a
des critères de préjudice pour la santé de la population
qui peuvent mériter d'aller vers une reconnaissance professionnelle et,
là, il n'y a plus de demi-mesures, c'est tout le mécanisme de
discipline, d'inspection, d'émission du titre, de conditions
supplémentaires; c'est un mécanisme complexe et très
lourd.
M. Trudel: Cependant, plusieurs, ici, nous ont soumis que, ne
serait-ce que l'utilisation, par exemple, des «pathes» et des
«peutes», naturopathes, les suffixes, thérapeute, et
«pathie», sont déjà de nature à donner une
indication au public. À cet égard-là, il y a une carence
certaine au plan de l'information auprès du public. D'abord, est-ce que
l'État devrait se soucier de cette question de l'information à
propos des thérapies alternatives pour le grand public? Et, si oui, quel
serait le moyen, je dirais, le plus léger, par définition le
moins lourd, par lequel on devrait aborder cette définition, cette
information nécessaire au public? Parce que, écoutez, il en
apparaît quasiment à tous les matins, je dirais, de ces nouvelles
approches et, loin de moi, évidemment, de porter un jugement ou de
vouloir porter un jugement, de prétendre avoir la capacité de
porter un jugement sur l'une ou l'autre des approches, mais il faut qu'en
quelque part il y ait une source d'information sur ces nouvelles approches. Ce
serait quoi, le moyen que nous devrions utiliser?
Mme Desrosiers: Ça revient à ce que je disais
tantôt. Premièrement, il faut présumer que la population a
quand même un certain jugement éclairé. Alors, en partant,
ils vont à un cabinet de massage ou ils vont essayer des plantes; si
ça ne donne absolument rien, ils n'en rachèteront plus. Vous
savez, déjà, il y a ça.
Par ailleurs, de manière générale, nous autres, on
a exposé dans notre mémoire et je reviens encore à
la réglementation quant à la publicité
effectivement, peut-être que la publicité dans le domaine de
certaines thérapies alternatives devrait exclure la possibilité
c'est un exemple de l'usage du terme
«thérapeute», parce que, effectivement, ça
crée un biais et c'est là qu'on pense que l'Office de la
protection du consommateur doit réglementer. Éventuellement, il
pourrait y avoir certains renseignements pour informer la population qui
seraient donnés là, comme ils le font pour toutes sortes d'autres
ventes de services. Ils donnent accès à des dépliants, ils
ont un magazine. Enfin, vous savez, il y a déjà des
mécanismes là-dessus qui sont prévus, et qu'ils les
élargissent à ce secteur-là, évidemment,
peut-être avec une recommandation du ministère de la Santé
quant au balisage au niveau de la terminologie, évidemment, parce que le
«know-how» n'est peut-être pas de ce
côté-là.
M. Trudel: Je termine en essayant d'examiner toute la question de
la pratique en établissement. Bon, vous dites: Somme toute, on n'a pas
trop de problèmes du côté des soins infirmiers, du
côté des infirmiers et des infirmières, à faire un
certain nombre d'interventions auprès des usagers qui sont en
établissement. On a d'ailleurs des mécaniques et des
mécanismes à l'intérieur de la Corporation pour regarder
cela.
Mais, pour l'usager et l'usagère qui veulent obtenir ce service,
disons, de l'externe, se procurer ce service lorsqu'on est en
établissement, et là je ne parle pas de la
rémunération et de toute la question du fric là-dedans,
mais se procurer ce service externe à l'établissement, est-ce que
ça vous apparaît quelque chose qu'il va falloir aussi favoriser
dans les années à venir? Et quels seraient les mécanismes
d'encadrement pour permettre l'utilisation de ces services de source externe et
non pas du personnel du réseau, de quelque catégorie que ce soit?
Et même encore là, par le biais de cette question, si vous voulez
nous faire quelques observations sur les services qui sont procurés par
l'interne quand ils sont chez vous, quand ils sont procurés par des
membres, ils sont donnés par des membres chez vous. Ça ne semble
pas, encore une fois, poser de très grands problèmes. Mais, si
d'autres catégories de personnel voulaient donner des soins
complémentaires, comment on va encadrer tout ça, la
thérapie alternative ou l'approche alternative en établissement
de source externe ou de source interne par les catégories de
personnel?
Mme Desrosiers: C'est une très bonne question. C'est une
question qui serait assez longue à répondre. C'est qu'il faut
quand même... Ça dépend si vous émettez
l'hypothèse qu'on change les règles du jeu quant à la
mission des centres hospitaliers. Cette mission-là est
déjà campée, déjà extrêmement
balisée, et réfère d'abord et avant tout aux traitements
médicaux autour desquels gravitent également les professionnels
de la santé. Nous, nous utilisons des approches alternatives dans le
cadre de notre exercice infirmier à nous, en lieu et place d'une
technique qui serait plus traditionnelle. Donc, ça ne pose pas de
problème. On est déjà là. On soigne. Tel patient
est nauséeux. Je me suis intéressée depuis plusieurs
années au massage réflexe. Je lui offre: Monsieur, plutôt
que de vous donner tel médicament qui est prescrit au besoin... Il dit:
Oui. On utilise la technique et il est soulagé. Bravo! Alors là,
nous autres, c'est vraiment en prolongement de notre exercice et ça peut
être pareil pour des physiothérapeutes ou d'autres pro-
fessionnels.
Si vous concevez qu'on n'a pas présumé que les
règles du jeu du secteur de soins aigus seraient changées, il
nous apparaîtrait difficile, à l'intérieur des
règles actuelles de la mission hospitalière, d'aller vers des...
L'accès, par exemple, à un acupuncteur, vous voyez très
bien que le patient est admis dans un hôpital au nom d'un médecin
traitant. Il dirait: M. le médecin, voyez-vous, pour deux jours, je
préférerais ne plus avoir accès à vos services et
je préférerais un acupuncteur à la place. Alors là,
ça changerait complètement l'économie
générale du système, les règles du jeu. (10 h
30)
Alors, nous ne les avons pas remises en cause et nous vous disons
qu'à l'intérieur des règles du jeu actuelles ce ne serait
pas possible. Par ailleurs, pour les patients hospitalisés en soins
à long terme, qui est un milieu d'hébergement, qui est un milieu
de vie, déjà, ils se procurent à leurs frais les services
d'esthétique ou toutes sortes d'autres services et on pense que,
lorsqu'un patient demande à avoir accès à un
massothérapeute, il devrait avoir accès à ces
services-là. Donc, on met plus en cause l'accessibilité en soins
de longue durée. Finalement, en CLSC, il y a déjà une
intégration qui est faite de certaines thérapies alternatives,
compte tenu du fait qu'il n'y a pas de médecin traitant et que ça
ne met pas en cause le leadership médical.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je dois vous
interrompre. Merci, M. le député de
Rouyn-No-randaTémiscamingue.
Et merci à l'Ordre, au nom de ma formation, au nom de la
commission et des deux partis. Je vous invite maintenant à vous
retirer.
Maintenant, j'invite la Corporation professionnelle des médecins
du Québec à se présenter devant nous. J'invite le
porte-parole à s'identifier.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Folot (François): Merci. Comme le disait si bien le
ministre tantôt, nous sommes l'alternative. François Folot,
avocat. Je vais vous faire part de la position de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec. Je suis accompagné
du Dr Jacques Frenette, qui est professeur titulaire de médecine
familiale à l'Université Laval; il travaille à l'urgence
et à l'unité de médecine familiale à
l'hôpital Laval, de Sainte-Foy; il est membre du jury de l'examen de la
CPMQ quant à l'obtention du permis d'exercice en médecine
familiale.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Avant que vous
débutiez, M. Folot, je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes
pour votre présentation et que 40 minutes seront pour les
échanges. Merci.
M. Folot: D'accord. Avant de vous faire part de la position de la
Corporation, je suis convaincu que vous auriez aimé que le Dr Roy soit
ici.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est un secret pour
personne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Folot: Je peux vous dire qu'il aurait aimé, lui aussi,
être ici.
M. Côté (Charlesbourg): On le connaît. On le
connaît.
M. Folot: Ce qui est arrivé, c'est que, lorsque les
auditions ont été reportées de trois semaines, ça
coïncidait avec des vacances planifiées à l'avance pour lui
à l'extérieur du pays et, étant donné ces
circonstances, il me prie de vous demander d'excuser son absence.
La Corporation professionnelle des médecins du Québec
tient d'abord à vous remercier de l'avoir invitée à
présenter sa position et elle reconnaît l'utilité de cette
commission parlementaire dans la mesure où elle permet l'ouverture d'un
dialogue et des échanges constructifs. Elle croit cependant qu'il serait
plus juste et équitable pour la société en
général qu'un groupe d'étude ou un comité d'experts
indépendants soit investi d'un mandat précis qui serait celui de
rechercher, de façon objective, les aspects valables de l'une ou l'autre
de ce qu'on a qualifié de thérapies alternatives. À notre
avis, seul un groupe d'étude ou un comité d'experts
indépendants saurait adéquatement favoriser l'exploration
scientifique desdites thérapies, l'exigence d'une formation
adéquate dans le domaine et le maintien de l'esprit critique. Ceci
éviterait de créer des espoirs injustifiés.
Une analyse véritable, donc, de ces thérapies alternatives
est, à notre avis, un prérequis à toute démarche
législative à leur endroit. Le groupe d'étude, dont on a
mentionné tantôt la possibilité ou la suggestion, ou le
comité d'experts indépendants pourrait être composé,
à titre d'exemple, de cliniciens, d'épidémiolo-gistes, de
praticiens de ces différentes thérapies alternatives et de
scientifiques ayant reçu le mandat d'étudier les diverses
pratiques et de faire, s'il y a lieu, ultérieurement, les
recommandations appropriées afin d'éviter de cautionner par une
législation hâtive des thérapies qui répondent mal,
pas du tout ou faussement aux questions posées par la maladie.
Il importe donc qu'avant de les reconnaître, les sanctionner, ces
thérapies alternatives là, on les interroge, même si
l'intérêt qui leur est manifesté dans certains milieux
n'est pas totalement dénué de signification. Que certaines gens
se prévalent de thérapies ou de soins de thérapeutes
discutables est sans doute une réalité, mais que, sans les
connaître réellement, le gouvernement les cautionne par une
activité législative est, à notre avis, autrement
chargé de sens ou de danger. Les thérapies alternatives exigent
qu'on les entende, c'est leur droit, nous sommes d'accord, mais la question qui
se pose, c'est: Doit-on les croire sur parole?
Aussi, en nous basant sur les statistiques produites par les
différents sondages de 1987 à aujourd'hui, qui
révèlent quand même la relative marginalité des
recours
aux thérapies alternatives qui n'ont pas déjà
été reconnues ou réglementées et là
je parle de l'acupuncture et de la chiropractie qui, elles, sont
déjà réglementées et reconnues nous nous
interrogeons sérieusement sur F à-propos de la tenue de cette
commission parlementaire avant que des groupes d'experts se soient
prononcés sur la valeur des thérapies que l'on pourrait, un jour,
possiblement vouloir reconnaître. l'on nous parle de l'ampleur du
phénomène des thérapies dites alternatives. certainement
que le phénomène n'est pas négligeable, mais il faut faire
bien attention de ne pas exagérer. la commission rochon avait
commandé, en 1987, un sondage. on y concluait alors que 28,5 % des
québécois avaient expérimenté ce que l'on appelait
les médecines douces. mais, si on examinait attentivement les
conclusions du sondage, l'on se rendait compte, sous le titre «taux de
recours à des thérapeutes alternatifs», que seulement 14,1
% des gens questionnés admettaient avoir eu recours à des
thérapies alternatives et que, sur ces 14,1 %, 7,8 % des utilisateurs
avaient eu recours à la chiropractie alors que 3,2 % avaient eu recours
à l'acupuncture, qui sont toutes deux, je vous le rappelle, actuellement
réglementées, si bien que le pourcentage d'utilisateurs ayant eu
recours à des thérapies ou à des thérapeutes,
plutôt, alternatifs non reconnus ou non réglementés
était très faible. ceci est d'ailleurs confirmé à
la page 272 du document de recherche no 6, article 14, qui se lit comme suit:
«si l'on fait exception de la chiropractie et de l'acupuncture
ça apparaissait au rapport les pratiques alternatives au
réseau demeurent relativement marginales.» le groupe léger
& léger, quant à lui, effectuait un autre sondage à la
fin de 1991 et, à la question: «avez-vous consulté
dernièrement un praticien des médecines douces?», 88,2 %
disaient: «n'ont pas consulté un praticien des médecines
douces», donc 11,8 % si, évidemment, on fait le calcul
mathématique qui s'impose auraient consulté. il faut quand
même exclure ceux qui ont dit qu'ils ne savaient pas ou qui refusaient de
répondre. on arrive à un total de 11,2 %. et l'on peut
présumer que ce sondage incluait également, encore une fois, la
chiropractie et l'acupuncture dans la liste des thérapies alternatives.
en 1990-1991, selon le sondage de l'office des professions, c'est 14,1 % des
adultes québécois qui ont consulté en médecines
douces, et non le tiers d'entre eux, comme le laisseraient entendre certains
débats publics. ici encore, les chiropraticiens, 4,4 %, et les
acupuncteurs, 3,2 %, sont les praticiens les plus fréquemment
consultés. ils se partagent plus de la moitié des visites en
médecines douces. il s'agit donc, à notre avis, et nous le
répétons, d'un phénomène quand même
relativement marginal, bien qu'en constante évolution. quant au sondage
du ministère de la santé et des services sociaux, qui nous a
été accessible hier, à la page 10, on y lit que, de toutes
les thérapies alternatives, ce sont la chiropractie et l'acupuncture de
loin les plus populaires, deux thérapies réglementées.
Un sondage de 1990 aux États-Unis, publié le 28 janvier
1993, tout récemment, dans le new england journal of medicine,
fournit les données suivantes. en anglais: «one in three
respondents alors, un sur trois, 34 % reported using at least one
unconventional therapy in the past year.» ce chiffre-là peut
sembler impressionnant, comme d'autres chiffres de tantôt. mais, encore
une fois, si on étudie attentivement les résultats, on se rend
compte que 10 % des réponses positives ont utilisé la
chiropractie, 1 % le massage et, tenez-vous bien, 26 % l'exercice, 25 % la
prière, 4 % ce qu'on a appelé «commercial weight-loss
programs», des programmes de perte de poids; 72 % des réponses
positives sont comprises dans le massage, la chiropractie, l'exercice, la
prière et la perte de poids. alors, si on soustrait 72 % des 34 %, on en
arrive à 24,48 % qui doivent être soustraits des 34 %, on arrive
à 9 % ou moins de 10 % de réponses positives au sondage. et l'on
se rend compte que près des trois quarts des thérapies
rapportées utilisées sont soit réglementées et
reconnues actuellement au québec ou, telles que la prière et
l'exercice, ne font pas l'objet du présent débat. en plus, si on
exclut les répondants qui ont fait appel à des techniques de
relaxation, 13 % des 34 %, on en arrive à 4,6 % pour toutes les autres
thérapies auxquelles on aurait fait appel. (10 h 40)
Ainsi, après un examen des sondages rapportés
précédemment, il est, à notre avis, indéniable que
le recours des citoyens à ces thérapies dispensées par des
thérapeutes alternatifs est toujours quand même relativement
marginal, quoique, comme on l'a dit tantôt, en évolution. Alors,
d'où vient la précipitation? Nous nous interrogeons. Se peut-il
que ce soit exclusivement le résultat de certains groupes de pression?
Il est certain que gouverner aujourd'hui n'est pas une chose facile et que,
souvent, les politiciens doivent faire des compromis. Mais, soumettons-nous, il
faudrait quand même en arriver à une législation
édictée pour satisfaire la majorité de la population et
non pas sa constituante la plus bruyante.
Vous savez, les groupes de pression, ce n'est pas un
phénomène nouveau réservé au Québec. Aux
États-Unis, en 1992, nous vous référons à un livre
publié par un auteur du nom de Kurt Butler, qui s'intitule: «A
consumer's guide to alternative medicine». On vous réfère
particulièrement à l'introduction. Je vais vous la lire en
anglais parce que le texte est en anglais. «...Health fraud, especially
nutrition fraud, seems to enjoy a privileged status in our society. Americans
are generally well protected from such scams as counterfeit money, stock
swindles, and fake jewelry. But there is almost no protection from fake cancer
cures, bogus arthritis remedies, miracle diets, and scores of other snake oils
that are worthless, dangerous, or both. These items aren't sold in dark alleys
but in modern shops, elegant malls, and professional offices. «The
health-fraud industry is large, entrenched, and institutionalized. Large and
growing guilds of fringe practitioners are pressuring legislators for more
recognition and privileges...»
Ici comme ailleurs, il ne faut pas en douter, les groupes de pression
sont aussi bien en place, bien organisés, structurés et
très tenaces. Il incombe donc au législateur, malgré
l'influence de ces groupes de pression, de donner au public l'information dont
il a besoin afin qu'il puisse faire un choix éclairé devant cet
éventail de thérapies.
En 1984, le Congrès américain a publié une
étude intitulée: «Quackery, A $10 billion scandal» by
the «Subcommittee on Health and long-term care» of the
«Select Committee on aging House of Representatives». Nous vous
référons ci-dessous à deux paragraphes significatifs de
cet ouvrage. «As this report details, quackery has traveled far from the
day of the pitchman and covered wagon to emerge as big business. Those who
orchestrate and profit from the sale and promotion of these useless and often
harmful "health" products are no longer quaint and comical figures. They are
well organized, sophisticated and persistent. «Quackery is a complex and
evolving matter. The reliance on unproven health methods is as old as man,
spawned in pain and desperation. When pain is intense and prolonged, the
temptation to "try anything" is almost irresistible.»
En 1985, Douglas Stalker, Ph.D., professeur agrégé au
département de philosophie de l'Université de Delaware, et Clark
Glymour, Ph.D., chef du département de philosophie de
l'Université Carnegie-Mellon, publiaient un livre intitulé:
«Examining holistic medicine», dont les extraits, à notre
avis, les extraits suivants, expriment un point de vue intéressant.
«Holistic medicine is not any particular kind of therapy, or any
particular therapeutic philosophy. It is a social movement that ties together
an odd jumble of people. «The shared aims that tie so many diverse people
together are to institutionalize holistic medical practices, and furthermore,
to loosen the demands of evidence that we, as a society, impose on those who
claim to cure or prevent disease. The first aim requires the second. As the
essays in this volume show, only by abandoning the usual criteria of scientific
evidence, and even the usual demands of rational thinking, can the claims of
holistic medicants be established and made legitimate. «In the second
place, the holistic movement is surprisingly well-organized and
influential.»
Toujours aux États-Unis, en 1992, dans le même livre que
tantôt, «A consumer's guide to alternative medicine», on
écrit: «Unfortunately for the general public, an army of true
believers accepts the logic of the quacks and demands, in the name of "health
freedom", the right to be lied to, cheated, sickened, and killed by all manner
of fringe practitioners and snake-oil peddlers. The quackery industry and many
of its clients comprise a large and aggressive lobby capable of blocking
legislation that would treat health fraud for what it is: theft by deception,
combined with assault, battery, and an occasional murder. «Throughout the
book, the word "alternative" appears in quotation marks because the methods it
characterizes are not true alternatives. A true alternative to an effective
health care method is another method that has been proven effective. The
methods described herein are ineffective, unproven, or both.»
Nous vous référons également à un article
intitulé: «Les exigences de l'objectivité», paru dans
la revue Science et Vie de mars 1985, et rédigé par le Dr Yves
Pelicier, professeur à la Faculté de médecine de Paris,
qui conclut de la façon suivante: «En fait, la santé est un
bien très précieux. La thérapeutique ne s'improvise pas.
Il n'y a pas de méthode miracle. Il n'y a que des méthodes
vérifiables, répétables, testables. Le reste est du
domaine de la croyance personnelle.»
Pour bien situer le débat et le recours du citoyen malade, nous
croyons qu'il ne faut pas examiner à la légère cette
question des thérapies alternatives pour les raisons ci-dessous
mentionnées.
D'abord, une personne malade n'est pas toujours en mesure de
réfléchir et de réagir d'une façon aussi
rationnelle que ne le ferait une personne en bonne santé. La fameuse
expression: «Qu'est-ce que tu as à perdre en l'essayant?»,
surtout lorsqu'on y ajoute: «Ça a marché pour moi»,
ne donne pas un choix éclairé au malade. Le citoyen peut
également, dans ces circonstances, devenir involontairement un
cobaye.
Très souvent, la personne malade prétend avoir
été condamnée par la médecine officielle, donc elle
est prête à s'accrocher à des intervenants qui lui feront
une promesse de guérison ou d'amélioration. Aussi, pour bien
mener cette incursion dans les médecines alternatives, ce patient
pourrait, en fait, consulter peut-être un grand nombre de
thérapeutes de peur de manquer la thérapie qui pourrait lui
être salutaire.
Il y a aussi la promesse de guérison ou de soulagement de la part
du guérisseur ou thérapeute. Le patient en besoin s'accrochera
à tout espoir, d'où qu'il provienne.
De plus, il ne faudrait pas sous-estimer la création de
regroupements et d'associations de thérapeutes alternatifs ou autres
qui, grâce à des annonces et à l'influence
médiatique, peuvent faire miroiter la valeur de leurs méthodes,
les rendre en apparence crédibles, et même populaires.
Il ne faudrait pas, non plus, sous-estimer la caution réelle que
le législateur pourrait donner à des thérapies non
éprouvées, en les reconnaissant ou en en reconnaissant
l'exercice.
Enfin, il y a aussi le risque d'évaluer la qualité d'une
thérapie par son succès commercial ou son simple achalandage. Il
ne faudrait pas que la seule loi de l'offre et de la demande soit
appelée à donner le critère de sélection pour la
population. Elle ne doit pas remplacer, à notre avis, la
légitimité scientifique et l'esprit critique. Ainsi, les
connaissances et le mérite des thérapies alternatives doivent
être vérifiés avant que le législateur ne les
cautionne. (10 h 50)
Maintenant, un mot sur la corporation parapluie.
Certains groupes de pression précisent qu'ils veulent se diriger
vers un système de thérapeutique holistique et naturelle en
instituant une corporation parapluie. Ils souhaitent que la législation
se fasse dans un cadre plus élargi que les articles 25 et 26 du Code des
professions. Une première mise en garde, à notre avis, s'impose.
La prolifération desdites thérapies alternatives et desdits
thérapeutes peut être sans bornes. La proposition d'une
corporation professionnelle parapluie risque d'être l'objet
rêvé pour quiconque voudra vêtir l'habit de l'une ou l'autre
de ces thérapies non approuvées, à moins qu'elle ne se
limite à n'englober que les thérapies qu'un comité
d'experts jugera acceptables et qu'on lui applique la structure juridique
professionnelle existante que l'on retrouve au Code des professions.
Aussi, il faut se rappeler que le terme «holistique» est en
soi quelque peu ambigu et, si l'on parle d'une corporation parapluie regroupant
tous les thérapeutes ayant une approche holistique, ceci, à notre
avis, peut être dangereux, car ceci risquerait de placer d'une
façon ou d'une autre tous les thérapeutes et thérapies
alternatives dans une situation possiblement abusivement
privilégiée, puisque, sous le couvert de leur approche
holistique, par des moyens dits naturels, ils pourraient se voir
conférer un champ d'exercice plus qu'exclusif, un champ d'exercice
presque sans limites. Ceci risquerait d'accréditer auprès du
public l'idée qu'ils sont capables de résoudre tous les
problèmes de santé. La population, s'attendra naturellement alors
à ce qu'ils tiennent leurs engagements avec toutes les
conséquences que cela représente, alors qu'en pratique on risque
fort que ces thérapeutes soient incapables de déceler à
temps des maladies graves ou que, les ayant soupçonnées, ils
s'entêtent à tenter de les guérir selon leurs propres
croyances.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Fo- lot...
M. Folot: Oui.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): ...je vous inviterais
maintenant à conclure parce que votre temps est presque
écoulé.
M. Folot: Alors, la commission parlementaire a un certain
rôle à jouer, un rôle important, dans la mesure où
elle ouvre le dialogue, permet les échanges, mais, à notre avis,
n'ayant pas la compétence scientifique pour évaluer une
thérapie alternative, il serait nécessaire, et je
répète ce que je vous ai dit au début, à notre
avis, de voir à la création d'un groupe d'étude ou d'un
comité d'experts indépendants pour étudier, dans le cas de
chacune d'elles, sa validité, son acceptabilité et son
efficacité. Merci.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Me Folot.
Je cède maintenant la parole à M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Prési-
dente.
C'est très certainement l'un des témoignages qui, à
cette commission, était attendu, compte tenu de l'ouverture de la
commission. Lorsqu'on fait appel à l'ouverture, il faut aussi en
démontrer, parce que l'ouverture ne peut pas être à sens
unique.
D'abord, Mme la Présidente, vous me permettrez de confirmer ce
que disait M. Folot. Évidemment, on voit les caméras, on ne les
voit pas toujours, mais, comme ils s'attendaient à avoir la visite
d'Augustin, on voyait une bonne bagarre en perspective compte tenu de
l'histoire, alors, c'est presque un show manqué, parce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas parce que je ne
vous donne pas de la valeur, mais, au moins, à tout le moins confirmer
ce que vous avez dit. J'ai eu des entretiens personnels avec le Dr Roy,
à l'époque, et on avait fixé une date qui était
différente, et il avait organisé ses vacances en fonction des
dates qui étaient préalablement établies. Donc, je
comprends très bien son absence ce matin. Donc, c'est vous autres qui
allez transmettre le message à Augustin, qu'on va vous livrer comme si
c'était Augustin. Comme il est le porte-parole de votre corporation
depuis de nombreuses années, évidemment, on va vous livrer le
même message pareil. Même si je reconnais en vous, Dr Frenette, un
personnage très bien, je comprends que vous représentez
aujourd'hui la Corporation et non pas l'enseignant et le médecin de
l'hôpital Laval qui dispense des bons soins.
Ces distinctions étant faites, vous m'étonnez pas mal. Je
ne pensais pas que vous seriez capables de m'étonner comme ça, ce
matin, avec votre mémoire. Vous parlez de précipitation, alors
que les chiros nous rappelaient hier qu'il y a 30 ans il y avait une commission
royale d'enquête qui parlait de thérapies alternatives, qui
parlait d'ostéopathie, qui parlait de chiro. Trente ans, si c'est de la
précipitation, dans ce cas-là on s'en reparlera dans 100 ans. Si
c'est ça, l'objectif, vous aurez réussi à tout enterrer et
vous en réentendrez seulement parler, il n'y aura jamais de gestes de
posés. La légitimité du Parlement est toujours là,
et de la commission parlementaire qui veut s'éclairer sur
différentes possibilités. Je pense que c'est un forum qui est
idéal pour cela, et on le fait avec une ouverture d'esprit, une
très grande ouverture d'esprit, qui correspond à une
volonté populaire. Elle est là, elle est présente
quotidiennement. Des infirmières nous disaient tantôt qu'elle est
présente dans les établissements. Elle est présente
partout. Et une question qu'il faut se poser aujourd'hui, et je reviendrai aux
sondages tantôt... Elle est présente dans le public. C'est vrai.
Si elle est présente, c'est probablement parce que, au fil des
années, la médecine traditionnelle n'a pas réussi à
s'adapter à ce que souhaitait le citoyen consommateur, davantage
d'humanisation dans les soins. Ça aussi, c'est une réalité
qu'il faut se rappeler aujourd'hui, et, si la pression vient de groupes de
pression, ils ne se créent pas juste par le fait de la
volonté de se trouver un groupe à quelque part et de se
trouver quelque chose à faire. Ça doit correspondre à une
certaine réalité terrain. Et, s'il y a 3000 infirmières
qui répondent, à un sondage, qu'à un moment ou l'autre
elles pratiquent une technique dite alternative ou complémentaire, c'est
qu'il doit y avoir une certaine réalité sur le terrain.
Donc, quant à moi, je ne pense pas qu'il y ait
précipitation. Il y aurait précipitation si on posait des gestes
sur le plan législatif qui ne seraient pas inspirés par ce qu'on
entend depuis le début de la semaine et ce qui est communiqué au
public. Donc, chaque chose viendra en son temps, et je reviendrai sur le fond
tantôt.
Quant au sondage, vous m'étonnez aussi, dans la manière de
le décortiquer, le sondage, et de tenter d'amenuiser sa portée.
Il ne faut pas avoir peur de la réalité. Et vous
réussissez le tour de force d'amenuiser la portée du sondage, ou
des sondages, en isolant ce que vous avez combattu pendant plusieurs
années, l'acupuncture et la chiropractie. Vous nous dites: Ça ne
vaut pas cher; il n'y a pas grand monde qui les pratique, parce que, en sortant
acupuncture et chiropractie, c'est marginal après ça, là.
Mais c'est la marginalité que vous reconnaissiez à ces deux
techniques-là auparavant pendant 30 ans. Ils auront dû mener un
combat pendant 30 ans pour faire reconnaître les valeurs scientifiques
que vous reconnaissez aujourd'hui et que vous voulez même avoir sous
votre chapeau. Est-ce qu'on ne serait pas en droit de penser qu'il puisse
peut-être y avoir d'autres thérapies complémentaires, comme
l'homéopathie, l'ostéopathie et même l'orthothérapie
à laquelle vous envoyez des patients? On a vu l'exemple qui nous a
été démontré hier de manière très
nette. Est-ce qu'on ne serait pas en droit de penser qu'on est après
faire la même chose à quelques autres thérapies
alternatives qui, sur le plan scientifique, ne demandent pas mieux que de
démontrer leur valeur scientifique?
Alors, c'est pour ça que je trouve la manoeuvre un peu
inappropriée à ce moment-ci et de très mauvais goût.
Je préfère vous le dire à ce moment-ci pour que les
règles soient très claires au moment où on va aborder des
questions davantage de fond. Et le courant qui se développe aux
États-Unis... Je n'ai pas pu vous suivre au complet parce que mon
bilinguisme éprouve certaines difficultés. Mais, de temps en
temps, quand j'ai le temps de lire, ça va mieux en lisant qu'en essayant
de vous écouter. Quand on fait référence aux
États-Unis, l'homéopathie, elle est reconnue aux
États-Unis; on forme, mais comme thérapie complémentaire
à la médecine. Donc, la science elle-même doit avoir
certains mérites à ce niveau-là, au niveau de cette
technique, si elle est pratiquée. Et vous le dites même dans votre
mémoire.
Oui, mais il faudrait que ce soit pratiqué par un médecin.
Bon. Au moins là, il y a une chose sur laquelle on peut peut-être
faire un bout de chemin. C'est qu'au niveau de l'homéopathie elle a
quand même certaines valeurs scientifiques si des médecins
souhaitent la pratiquer de manière complémentaire. Il me semble
que ça me paraît logique. Et, à partir du moment où
cette science de l'homéopathie ou encore de l'ostéopathie, qui,
elle, attend toujours depuis 30 ans, parce qu'elle faisait partie, elle aussi,
de la commission d'il y a 30 ans il y a une valeur, si ça peut
être pratiqué par des médecins, c'est parce qu'il y a une
valeur scientifique qu'on lui reconnaît.
La question qui se pose après ça: Est-ce que ça
doit être pratiqué de manière exclusive par des
médecins? Là, ça nous permettrait de faire évoluer
le débat et probablement que vous auriez raison, peut-être, mais
vous nous en ferez la démonstration que ça doit être
pratiqué uniquement par des médecins. (11 heures)
Donc, ceci étant dit, vous craignez une précipitation tout
en souhaitant une ouverture, et je pense qu'il faut le reconnaître au
niveau du mémoire, en autant que ce ne soit pas un piège. On va
se le dire tout de suite là. J'en ai vécu un piège au
niveau des sages-femmes. J'en ai vécu un. Ça fait deux ans et
demi qu'on discute, qu'on échange pour tenter de régler le
problème, en démontrant beaucoup de bonne foi, et là
où on est rendus aujourd'hui, je dois vous l'avouer très
candidement, ce n'est peut-être pas tellement plus loin que le 16 janvier
1990 au moment où j'ai convié les gens. Donc, à partir de
ça, s'il y a ouverture dans un comité pour être capables
d'explorer davantage, pour que la connaissance, pour que la valeur scientifique
soit démontrée, je suis d'accord avec ça. On n'a jamais
dit qu'on voulait, tous azimuts, reconnaître les thérapies
alternatives ou complémentaires. On n'a jamais dit ça et,
d'ailleurs, on a toujours pris soin de mettre les gens en garde vous
avez raison de le dire, mais il faut qu'il y ait une démonstration
scientifique de la valeur et du bien-être et du mieux-être qu'on
peut procurer aux personnes. On est tous d'accord avec ça.
Si, aujourd'hui, vous nous dites: On a une ouverture d'esprit et on veut
collaborer sur une démarche additionnelle avant même la
reconnaissance, je vais vous demander d'entrée de jeu ce que vous pensez
de la proposition de l'association des médecins holistiques du
Québec qui, eux, nous ont proposé, hier, un moyen d'intervenir
qui, à sa face même, paraît vouloir régler des choses
de manière graduelle, avec la protection du public. Et ça, ce
n'est pas Marc-Yvan Côté, professeur d'histoire et de
géographie, c'est des médecins reconnus par votre corporation qui
le proposent. J'aimerais, à ce moment-ci, avoir votre opinion sur leur
proposition.
M. Folot: La proposition, si je comprends bien, c'est un
moratoire de cinq ans. Est-ce que c'est ça que j'ai...
Particulièrement avec les créations de groupes
d'étude.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais juste vous la
répéter très rapidement.
M. Folot: C'est juste pour le bénéfice du docteur.
..
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je vais juste vous
la répéter très rapidement, par étapes, pour
être capables de cheminer et d'amener le consensus autour d'un certain
nombre de choses. Donc, un moratoire de cinq ans. Vous savez sur quoi, le
moratoire de cinq ans? Quand on parle d'un moratoire, c'est d'arrêter de
poursuivre. C'est ça que ça signifie, que la Corporation
arrête de poursuivre des homéopathes c'est ce que j'ai
compris, à tout le moins ou d'autres ostéopathes, mais
dans des domaines qu'on va reconnaître d'abord.
La FIIQ et l'Ordre des infirmières nous disaient tantôt: II
y en a un certain nombre qu'on peut considérer de la catégorie
professionnelle et d'autres d'ordre technique. Parlons d'abord de ce qui
pourrait devenir d'ordre professionnel. Les corporations et les chapeaux, je
pense qu'on aura le temps, dans ce temps-là, d'être capables de
les examiner.
Dans un premier temps, c'est pour colliger de l'information, pour faire
la recherche qu'il faut, pour nous assurer que, sur le plan scientifique, il y
a un mieux-être qui peut être procuré à des gens et,
deuxièmement, peut-être accepter qu'on puisse faire des
projets-pilotes, donc d'expérimentation, pour ne pas qu'on en arrive au
bout des 5 ans en disant: Bien, on a gagné 5 ans; comme ça ne
vaut pas de la «chnoutte» et qu'on avait cette conclusion-là
avant même de commencer l'expérience de 5 ans, au bout de la ligne
on va en regagner un autre 10 de manière à ce que ce
pattern-là soit très clair.
Ça me paraît un processus intéressant et, au bout de
la ligne, souhaité, un consensus. Et le consensus amènerait, lui,
des amendements à la loi qui permettraient, effectivement, que, dans 5
ans, on puisse légaliser ce qui est «légal isable»,
et qui auraient subi le test de cette proposition-là, et, par le fait
même, inclure des scientifiques, comme vous le souhaitez. Là,
après ça, il ne faudrait pas se chicaner, si jamais
c'était une solution qui était retenue, pour savoir c'est qui qui
domine, c'est qui qui a la majorité, de façon à pouvoir
influencer, à la fin, la décision. Si c'est scientifique, c'est
scientifique.
C'est elle, la proposition, et je veux vous entendre
là-dessus.
M. Frenette (Jacques): Je pense que, de fait, les gens poursuivis
pour pratique illégale de la médecine ont été peu
nombreux, en tout cas dans les dernières années. Il y a
pratiquement un moratoire de fait. Les gens qui ont été
poursuivis, c'est des gens pour qui il y a eu plainte. Par exemple, quelqu'un
se disait massothé-rapeute, voyait deux patients aux 15 minutes, massait
par-dessus le linge et disait: En sortant, achète donc ça dans ma
boutique. Ce n'est pas tout à fait... Hein! Vous êtes d'accord
avec moi que ce genre de personne là, vous ne voulez pas qu'on
arrête, pendant cinq ans, de les poursuivre.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. M. Frenette:
On s'entend là-dessus. M. Côté (Charlesbourg):
Je n'ai même pas parlé tantôt de
massothérapie.
M. Frenette: Non, mais...
M. Côté (Charlesbourg): O.K.? Il faut bien se
comprendre, et on est d'accord tous les deux.
M. Frenette: On est d'accord là-dessus. O.K.
M. Côté (Charlesbourg): On essaiera de trouver
d'autres moyens pour être capables de faire en sorte que le public soit
protégé contre ces individus-là.
M. Frenette: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Mais restons dans notre
catégorie supérieure qui peut permettre de faire avancer les
choses.
M. Frenette: À titre d'exemple, l'assemblée
générale annuelle de la Corporation, cette année, a
porté sur les médecines douces. Ça a été
l'assemblée où il y a eu le plus de monde depuis une dizaine
d'années. Il y avait beaucoup de jeunes médecins, notamment le
groupe des médecins... Pardon?
M. Trudel: Contrairement à ce que les sondages
démontrent, il y avait beaucoup de monde.
M. Frenette: Oui. Bien, peut-être que les 100
médecins membres du groupe de médecine holistique étaient
là, plus les gens qui viennent habituellement. Effectivement, c'est un
domaine qui nous préoccupe, qui préoccupe aussi dans les
facultés, et où on se dit: Quel processus devrait-on suivre pour
intégrer ces pratiques-là dans la pratique médicale si
c'est bon? Je ne sais pas si mon collègue, le Dr Drouin, vous a
parlé de ça hier, mais on a même fait, dans notre
département... l'équipe qui est au CHUL a fait une étude
sur l'homéopathie dans le cas des verrues plantaires, pour arriver
à la conclusion qu'il n'y a pas d'évidence que ça
améliore le devenir de la verrue plantaire et que c'est moins bon que
des traitements, qui ne sont pas parfaits, bien sûr, mais qu'on utilise
traditionnellement sur les verrues plantaires. Je pense que, là-dessus,
on s'entend, il faut s'assurer...
C'est un petit peu inquiétant pour nous. Ça fait longtemps
que ça existe, l'ostéopathie, mais ils n'ont jamais
été capables d'écrire un article publiable dans le New
England qui dit que ça marche. Par exemple, la thalidomide, si on
a été protégés au Québec et au Canada contre
ce qui est arrivé, c'est parce qu'on a des règles strictes de
surveillance. Ce n'est pas parce que c'est bon en France, ce n'est pas parce
que beaucoup de Français utilisent un produit que c'est certain que
c'est bon pour nous autres. Il y a des mécanismes, et ça nous a
protégés contre des désastres. Peut-être que vous
les trouvez trop difficiles, mais, nous, on pense que le... Le rôle de la
Corporation, c'est de protéger le public des choses
sérieuses.
Dans le mieux-être, moi, je suis bien d'accord avec vous. Et je me
demande pourquoi les coiffeurs du Québec ne sont pas ici, parce que
ça fait longtemps, pour ceux qui sont familiers avec le travail des
coiffeurs, que plusieurs d'entre eux, qui sont des aidants naturels, font des
massages. On se détend chez les coiffeurs. Us nous parlent. Ils sont au
courant de la famille des gens. Ils nous consolent quand on est tristes. Ils
nous encouragent quand on est heureux. C'est des thérapeutes au sens
d'un aidant naturel. Mais il y en a plein de ça. C'est ça. Je
pense qu'il y a une place, il y a une ligne où on dit: Quelqu'un fait
profession de soigner, et une autre ligne où on dit: II y a quelqu'un
qui contribue au mieux-être des gens. C'est cette ligne-là qu'il
faut s'entendre pour tracer.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que je comprends de
votre propos, c'est que la Corporation a senti le besoin, cette année,
d'avoir un colloque sur l'intégration des médecines douces comme
corporations. C'est très certainement dû à une existence
réelle, sur le terrain, de ces préoccupations ou de cette
problématique, parce que j'imagine que la Corporation ne doit pas tenir
une séance comme celle-là pour le simple plaisir de la tenir.
Vous nous dites, et c'est là-dessus que je veux en venir: Au cours des
dernières années, la Corporation n'a pas beaucoup poursuivi pour
pratique illégale de la médecine. Est-ce que vous avez des
statistiques à ce niveau-là, au cours des cinq dernières
années, par exemple, au niveau des poursuites intentées? Parce
qu'il y en a eu. On en entend parler à l'occasion. Je ne vous parlerai
pas de l'enquête ou du piégeage du pharmacien de Shawinigan-Sud,
parce que vous ne connaissez peut-être pas le dossier, mais
c'était précisément un cas d'homéopathie avec
quelqu'un de la Corporation qui y est allé. Ça, c'est dans les
journaux. C'est clair. Donc, il y a quand même une certaine
activité à ce niveau-là. Mais on peut toujours dire que
c'est sous le couvert de la protection du public, et ça, c'est votre
rôle, et ce n'est pas moi qui vais vous en tenir grief. J'aimerais
ça savoir, au cours des cinq dernières années, combien de
causes et, en passant, vous m'ajouterez là-dessus combien de
sages-femmes ont été poursuivies pour pratique illégale de
la médecine, si jamais c'est possible de me dire ça. (11 h
10)
M. Folot: Les chiffres que j'ai, les poursuites: en 1987-1988, ii
y en aurait eu 137; en 1988-1989, 76; en 1989-1990, 111; en 1990-1991, 30 et,
en 1991-1992, 47. Ça fluctue, vous savez, et ça fluctue
dépendant des plaintes que la Corporation reçoit. Pourquoi elle
en reçoit plus une année et pourquoi moins une autre
année? On n'est pas à même de vous dire pourquoi. Mais
c'est dépendant du nombre de plaintes, on investigue les plaintes,
ensuite de ça, si on se rend compte qu'effectivement il y a
matière à poursuite, on va poursuivre. La Corporation ne fait pas
le tour des officines pour vérifier ce que tout le monde fait. Elle se
contente de donner suite aux plaintes du public, et c'est ce qu'elle fait.
Alors, c'est ça, les chiffres que je vous donne.
Les poursuites ne sont pas nombreuses. Vous savez, dans tous les actes
qui sont posés, ces cas-là, c'est des cas où soit la
victime s'est plainte ou un proche de la victime s'est plaint, parce que, des
fois, même la victime n'ose pas le faire elle-même. Alors, ce sont
les chiffres. Il y a, si vous voulez, comme l'a dit si bien le docteur, un
moratoire de fait. On poursuit les cas où les gens viennent nous dire:
Écoutez, ça n'a pas de bon sens; mon père va voir tel
thérapeute, puis il charge 150 $, puis il vend des produits, puis
ça fait 12, 14 mois que cette personne-là l'exploite. C'est des
cas comme ça.
M. Côté (Charlesbourg): II faut bien se comprendre.
L'objectif du gouvernement, ni de l'Opposition non plus, dans tout ce que j'ai
entendu, ce n'est pas de dire: Demain matin, on arrête de poursuivre les
charlatans. Il faut être bien clair dans la démarche. Notre
démarche, c'est de dire: II y a un certain nombre de thérapies
complémentaires ou alternatives qui ont fait du progrès au fil
des années, qui, ailleurs, aux États-Unis ou en Europe, peuvent
être reconnues. Il y a au moins une base là. J'imagine que la
formation médicale en Europe et la formation médicale en
Amérique du Nord, même si elle a des différences, il y a
certainement des similitudes ou des points qui se comparent.
À partir de ça, si l'homéopathie est
pratiquée par des médecins en Hollande, si elle l'est aux
États-Unis par des médecins, elle doit avoir quelque valeur. Je
prends toujours cet exemple-là, et on en a parlé abondamment en
commission depuis le début de la semaine. À partir de ça,
je me dis: II y en a un certain nombre qu'on pourrait définitivement
identifier, et dire: C'est celles-là qui font partie du moratoire qu'on
s'impose. Et, si on veut être honnêtes vis-à-vis de tout le
monde, à partir du moment où il y a un moratoire, ça nous
permet de travailler consciencieusement, d'avoir réponses aux questions
qu'on se pose, que vous vous posez, que vous avez le droit de vous poser quant
à la protection du public, et, nous aussi, c'est notre
responsabilité, et de cheminer quant à une éventuelle
reconnaissance ou aux balises qu'il faut quant à la reconnaissance.
Quant aux autres, il y en a probablement un certain nombre d'autres qui
peuvent être apparentées à des techniques. Tantôt,
quelqu'un me disait parce que j'ai pris l'exemple de
l'électricien: «C'est-u» parce que, quand il reçoit
un patient, il est en état de choc? J'ai dit: Non, c'est parce qu'il
transmet de l'énergie. Bon. Je pense qu'il y a moyen de faire un certain
nombre de distinctions. Puis il y en a d'autres, mais on n'y pensera même
pas. Il y en a d'autres, mais il ne faut même pas y penser. Donc, il faut
constater que c'est des choses qui existent, et pas tenter de les diminuer,
comme dans le cas des sages-femmes. Dans le cas des sages-femmes, l'objectif du
gouvernement est de s'assurer de la sécurité de la mère et
de l'enfant et, aujourd'hui, peut-être du fait que la Corporation n'a
jamais poursuivi une sage-femme pour pratique illégale, c'est qu'elle
constate que ça se fait en sécurité. Sinon, qu'est-ce
qu'elle fait? Qu'est-ce qu'elle attend pour poursuivre si ça ne se
fait
pas en toute sécurité? Donc, si on l'applique au niveau de
ce principe des sages-femmes, il faut aussi, sur le plan de la
sécurité publique c'est ça, notre objectif
s'assurer qu'on puisse cheminer ensemble, parce que cheminer en
parallèle, ça n'a pas de bon sens. Vous voulez protéger le
citoyen, vous voulez servir et améliorer les conditions des citoyens.
Nous aussi. Il n'y a pas de raison pour qu'on ne trouve pas un cheminement
ensemble.
Est-ce que je dois comprendre, dans une question très solennelle
que je vous pose et que j'adresse à la Corporation, que vous seriez
ouverts à un processus tel que défini par l'association des
médecins holistiques du Québec et qu'à ce moment-là
on pourrait être dans une situation, avoir un moratoire clair qui
protège aussi le public?
M. Folot: La seule hésitation, la seule difficulté,
à notre avis, c'est sur le moratoire. Il y a un moratoire de fait et le
danger d'un moratoire, à moins qu'on ne comprenne pas, le danger du
moratoire, c'est que vous allez vous retrouver, à notre avis, dans une
situation où il y aura une profusion peut-être de gens qui
profiteront du moratoire. Il y aura aussi les cas d'abus de gens qui pourront
s'intituler comme ils le voudront, mais qui feront autre chose que ce qu'ils
doivent faire. Et ça, là, c'est ça, la difficulté
du moratoire. Ce que je vous dis, c'est qu'avec le nombre de poursuites qu'on
fait et le fait qu'on ne les fasse que sur les plaintes du public il y a
déjà, si vous voulez, un moratoire.
M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes ouverts
à en entendre parler, à travailler sur les balises qu'il faudrait
mettre pour être capables de l'exercer. Je comprends. S'il y a cette
ouverture-là, ça peut être une solution, une voie. Je ne
dis pas que c'est celle qu'on va retenir, mais ça peut être une
solution intéressante et, de par votre expérience, vous pourriez
être très utiles quant aux balises à mettre, sans faire en
sorte que ce soit une course à obstacles de 30 ans. Il faut bien se
comprendre. Alors, s'il y a cette ouverture, la commission nous permettra au
moins ça, et on verra par la suite quelles sont les conclusions qu'il
faut tirer de la commission et de l'ouverture des uns et des autres. Merci.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci beaucoup, M. le
ministre.
J'invite maintenant le député de l'Opposition.
M. Trudel: Au nom de l'Opposition, je voudrais également
souhaiter la bienvenue au Dr Frenette et à Me Folot. C'est parce qu'on
se demande toujours, en étant en présence de professionnels...
Quand c'est la Corporation des médecins, qu'on s'attend de voir le Dr
Roy et qu'on arrive avec la batterie juridique d'abord, on se demande à
quelle sorte de situation on s'adresse. Alors, ça nous fait plaisir de
vous accueillir aujourd'hui pour que nous ayons, je le souhaite vivement, un
dialogue franc et direct sur un certain nombre de questions qui causent un
certain traumatisme, disons-le, actuellement dans notre société,
en particulier autour de la reconnaissance des sages-femmes. C'est le dossier
qui nous amène un peu à examiner l'ensemble de la situation
à travers cette lunette de la reconnaissance des sages-femmes au
Québec.
On est toujours un peu surpris, je dois vous le dire... en tout cas,
pour ma part, je suis toujours un peu surpris d'un certain nombre de visions
que la Corporation professionnelle des médecins nous véhicule au
plan officiel, par exemple toute cette notion de «hors des experts, point
de salut». À cet égard, je n'ai pas de doctorat en sciences
politiques et, à cet égard, le député de
Charlesbourg n'a pas non plus, et beaucoup de membres de ce Parlement n'ont pas
leur diplôme, ne sont pas des politiciens patentés par les
universités. Nous prétendons, par ailleurs, avoir un certain
nombre de mérites pour transporter, véhiculer les
préoccupations du public et répondre à un certain nombre
d'attentes, avec l'aide, oui, j'en conviens, d'un certain nombre de
spécialistes. Mais c'est une vision je dois vous le dire aussi
que je peux difficilement accepter, comme cette autre affirmation qu'il
faut s'en remettre à la science parce que la science, elle est neutre.
Je regrette; dans ma conception, la science n'est pas neutre. De nombreux
travaux en philosophie des sciences et en sociologie des sciences nous
démontrent que la science, comme la société, a des
orientations et a des directions précises qu'elle adopte.
Par ailleurs, comme introduction à ma première question,
je vais vous dire franchement qu'on se retrouve dans une situation difficile en
matière de santé au Québec et en matière de soins
médicaux lorsqu'on a affaire à un certain intégrisme de la
part des médecins. Si bien qu'aujourd'hui il est en train de se dresser
au Québec comme une espèce d'opposition entre progrès
scientifique, technique indéniable du côté médical
et de la thérapeutique médicale et, par ailleurs, humanisation
des soins. On ne semble pas se rapprocher, franchement, on ne semble pas se
rapprocher, mais plutôt s'éloigner. Science et humanisme,
traitement et prise en considération de la personne, de l'être
humain, au Québec, ça semble s'éloigner par une
conception, mais très étanche, j'ose le dire, par un corporatisme
qui nous semble, mais d'une rigidité absolument extraordinaire. Par
ailleurs, il faut bien reconnaître l'immense contribution au
mieux-être, évidemment, de la médecine, de la
médecine dite scientifique, non seulement en Occident, mais dans le
monde entier. (11 h 20)
Vous allez me dire, essayez de nous dire comment il se fait que nous
nous éloignons davantage du type de réponse recherchée par
un grand nombre de personnes en termes de mieux-être au Québec, de
par un phénomène d'opposition de la médecine scientifique?
Comment ça se fait qu'on s'éloigne, que le
«creusé» se fosse. .. que le fossé se creuse
pardon, vous voyez?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...que le fossé se creuse et qu'on en
arrive à une situation, mais absolument, quant à moi,
inacceptable dans une société, d'assister à un certain
travail ou à un certain reflet public de la dévalorisation
il faut le dire du travail de nos spécialistes en
médecine? Comment ça se fait que ça se produit? Et quels
sont les facteurs qu'il va falloir changer ou faire apparaître pour
assister à ce rapprochement et pour en arriver à une meilleure
réponse qui corresponde davantage à la vision qu'ont les citoyens
de la prise en charge de leur santé, de leur mieux-être, et de la
contribution de la médecine scientifique à cet égard?
M. Frenette: Écoutez, je ne suis pas surpris du point que
vous soulevez, à savoir l'opposition apparente de l'aspect scientifique
et de l'art de la médecine. Au niveau de la Corporation, c'est une
préoccupation. Au cours de la dernière année, moi, j'ai
fait, avec des médecins spécialistes et omnipraticiens, 25
ateliers sur, justement, l'approche globale: des vidéos, des
discussions, pour s'apercevoir que... C'est probablement vrai en politique; ton
député, c'est toujours le meilleur gars du monde; les
députés en général, ça «score»
moins bien; ton médecin, c'est le meilleur gars du monde; les docteurs
en général, ça «score» moins bien. Qu'est-ce
que vous voulez? c'est ça, la vie, hein? On vit comme ça. je peux
vous dire que les facultés de médecine et la corporation ont un
intérêt majeur là-dedans. depuis 1976, moi, à
l'université laval, je suis impliqué tant au niveau du
prégradué qu'au niveau du programme de résidence, et on
porte une attention, je dirais... certains étudiants disent
«trop», à l'aspect relationnel, pour s'assurer que, quand le
patient vient consulter un médecin et que l'entrevue commence, que la
vraie problématique, ce qui inquiète vraiment le patient est mis
sur la table. ce n'est pas automatique, ça ne roule pas... il faut
s'assurer que l'entrevue est bien montée, qu'on s'intéresse
à ce qui inquiète le patient, à ce qu'il souhaiterait,
qu'on ne va pas le dénigrer parce qu'il dit: ouais! vous dites que je
fais de l'hypothyroïdie, pensez-vous que l'homéopathie pourrait
m'aider? on est capable d'entendre ça. on est capable d'entendre
ça et de dire au patient: écoutez, dites-moi ce que vous
recherchez dans une méthode alternative, quelles sont vos craintes par
rapport à cette méthode-là, combien d'argent vous pensez
que ça peut vous coûter. et, si le patient décide qu'il
l'essaie, c'est de garder une ouverture pour dire: eh bien! écoutez,
vous êtes toujours bienvenu chez moi, vous pouvez revenir et, si vous
voulez tenter ça quelque temps, je ne vous jugerai pas. assez qu'au
niveau des examens je peux vous assurer que, dans les examens qui mènent
au permis d'exercice il y a, bien sûr, toute une journée de
questions très spécifiques sur la pratique de la médecine,
il y a aussi cinq patients simulés où on juge la capacité
relationnelle du médecin il y a des médecins qui
«scorent» 78 % dans les connaissances, 48 % dans l'entrevue et qui
sont retournés étudier six mois, avec des vidéos, et des
interactions, et des causes qui leur disent: écoute, fais attention
à l'humain qu'il y a en avant de toi. donc, et la corporation et les
facultés de médecine s'intéressent à ça,
travaillent là-dessus.
M. Trudel: Mais, de façon plus précise, parce que
vous me parlez des efforts et on les constate, d'ailleurs, dans les programmes
de formation et, je pense qu'on peut le dire, chez une jeune
génération de médecins qui se retrouvent partout dans le
système, la résultante de ça... Mais là, je vais un
petit peu plus loin, pas seulement à l'intérieur de la
profession, mais je prends ça au niveau de l'ensemble des approches
à la santé et qui va au-delà de la pratique
médicale du professionnel de la médecine. On a peut-être
trop souvent l'impression que, hors de la médecine officielle,
scientifique, corpo-rativement protégée, point de salut, que
toute autre approche n'a pas son mérite, même si le public, au
niveau de son mieux-être, d'évidence, les utilise. Là, on
ne commencera pas à se tirailler sur le pourcentage d'utilisation, mais,
d'évidence, ces thérapies alternatives font l'objet d'une
attention croissante du public. C'est plutôt cette situation-là.
Qu'est-ce qui va permettre, quels sont les facteurs qu'il faudrait mettre en
place pour rapprocher, en quelque sorte, ces deux mondes qui, actuellement,
sont plus vus comme deux mondes qui s'égarent et qui s'éloignent,
et qui sont en train de distinguer entre science et humanisne, ce qui est un
faux débat, à mon avis? Quels sont les facteurs qu'on va devoir
mettre en place pour faire le rapprochement? Écoutez, on peut poser
cette question-là aussi en étant bien plus concrets que cela.
Écoutez, une majorité de femmes au Québec
reconnaissent les apports inestimables de la médecine en matière
d'obstétrique, en matière du phénomène naturel que
constitue la naissance. Elles reconnaissent les progrès scientifiques,
et la preuve de cela, c'est notre faible taux de mortalité infantile.
Pourtant, une grande majorité, un grand nombre de femmes
réclament que l'on reconnaisse les sages-femmes. Quels facteurs va-t-il
falloir introduire pour qu'il y ait un rapprochement entre la protection...
l'aide médicale à l'acte naturel de l'accouchement et l'acte
naturel de donner la vie chez une femme, et qui est réclamé par
les femmes, à l'aide d'une autre personne qui s'appelle la sage-femme?
C'est un océan qui nous sépare. Qu'est-ce qu'on va faire pour se
rapprocher là-dessus?
M. Frenette: Écoutez, ce n'était pas le sujet du
débat de ce matin, les sages-femmes.
M. Trudel: Non, c'est parce que c'est l'incarnation. ..
M. Frenette: Je ne peux pas être le porte-parole...
M. Trudel: ...du débat de ce matin.
M. Frenette: Non, je ne peux pas être le porte-parole de la
Corporation sur ce thème-là, malheureusement. Moi, je voudrais
vous répondre sur l'aspect opposition scientifique et humanisme. Un des
problèmes qu'on a, c'est que... Nos étudiants, on les choisit
parmi ceux qui sont capables d'apprendre pas mal. Us appren-
nent beaucoup. Ils étudient beaucoup. Et, dans leurs
études, il faut essayer, nous autres, d'intégrer et de leur faire
comprendre que l'approche dite scientifique qui se mesure et l'approche humaine
doivent être combinées tout le temps. Ce n'est pas moins
scientifique de demander à une grand-mère fatiguée comment
vont ses enfants que de lui faire une prise de sang. O.K.? Tu as plus de
chances de frapper sûr en lui demandant comment vont ses enfants qu'en
vérifiant l'hémoglobine. Probablement qu'il faut faire les
deux.
Dans ces approches-là, c'est un peu ça, à
l'assemblée annuelle, qu'on a vérifié, c'est de dire:
Écoutez, êtes-vous capables de faire avancer une méthode
alternative en l'examinant sur des bases scientifiques? Qu'est-ce que vous
voulez? Nous, on a cette qualité-là, je pense, de vérifier
les choses, faire des publications, se critiquer entre nous. Ce n'est pas juste
les médecins qui critiquent les thérapies alternatives; les
médecins entre eux se critiquent, vérifient: Est-ce que c'est
reproductible? Un médecin untel fait tel type d'intervention à
tel endroit, publie; les collègues essaient de refaire le même
genre d'expertise, ils lui disent: Ça ne marche pas, ton affaire; ce
n'est pas correct. On voudrait voir chez les gens qui prétendent poser
des gestes qui font quelque chose, qu'ils soient en mesure de prouver qu'ils
font quelque chose. C'est notre seule demande.
Ce matin, c'est l'essentiel de notre présentation, une approche
scientifique. Quand tu prétends quelque chose, il faut que tu... Si,
moi, je prétends que j'ai un enduit pour protéger contre la
rouille, il y a quelqu'un, au Québec, au bout de quelque temps, qui va
me dire: Dr Frenette, votre produit miracle pour la rouille, vous allez
arrêter de vendre ça parce que ce n'est pas vrai. Il faudrait que
ceux qui vendent des algues soient soumis au même niveau de
contrôle que ceux qui posent de l'antirouille. (11 h 30)
M. Trudel: Mais, compte tenu du niveau de connaissances et de
compétences, compte tenu de la formation des membres du corps
médical au Québec, est-ce qu'on peut compter sur la contribution
du corps médical constitué et formé pour être les
critiques, c'est-à-dire soumettre, oui, effectivement, les
thérapies alternatives, le cas échéant, à la
même dynamique scientifique de la critique par les pairs de la
santé je ne parle pas des pairs de la médecine, des pairs
de la santé? À cet égard, est-ce- qu'on peut compter sur
la contribution des médecins du Québec et des scientifiques sur
le plan médical pour faire jouer cette dynamique, pas pour la bloquer,
pour faire jouer la dynamique de l'évolution au niveau de la
reconnaissance quant aux effets? Parce que vous avez absolument raison sous
certains aspects. C'est-à-dire que, si on met de l'avant un tel
protocole x, un protocole thérapeutique, encore faut-il être
capable d'en évaluer les conséquences, d'en évaluer le
résultat. C'est comme ça qu'on travaille au plan scientifique.
Vous dites, par rapport à certaines thérapies: Ils n'ont jamais
été capables de publier dans telle publication, dans telle revue
scientifique, parce qu'ils sont incapables de répondre aux canons. Mais
est-ce qu'on peut compter sur les scientifiques du monde médical pour
apporter une contribution positive à l'évaluation, à la
critique des thérapies et, ainsi, contribuer, au niveau du public,
à cette mise en garde, à cette reconnaissance, mais à une
reconnaissance critique sur les effets de certaines thérapies
alternatives tout en ne les bloquant pas au départ en disant: Puisque
ça ne répond pas à nos canons, vous ne devez pas
exister?
M. Frenette: Écoutez, je vous ai dit tantôt que
c'est déjà commencé. Des collègues
intéressés à l'homéopathie tentent des projets
exactement sur les mêmes approches qu'on vérifie des
médicaments. Alors, si c'est un médicament, on dit: Bon, c'est un
médicament, on va faire une approche scientifique et on va essayer de
prouver, au même titre qu'un nouveau médicament qui dit: Moi, je
veux soigner l'arthrite... Bien, on le compare avec l'aspirine ou un autre
anti-inflammatoire et on dit: Est-ce que c'est meilleur? Est-ce que c'est moins
bon? Est-ce que c'est pareil? Est-ce qu'il se passe quelque chose? Alors, c'est
commencé. Je pense que les médecins qui font de la recherche en
général se retrouvent dans les universités et il y a des
gens déjà intéressés, entre autres, par
l'homéopathie et qui font des projets de recherche. Jusqu'ici, ça
n'a pas démontré d'efficacité, mais on peut faire d'autres
projets pour voir si ça en montre sur autre chose.
M. Trudel: En tout cas, à ce chapitre-là, le
minimum que l'on puisse dire, c'est qu'il semble y avoir une évolution
beaucoup plus évolutive et certaine, comme diraient d'autres, chez les
membres de la Corporation professionnelle des médecins que chez la
corporation professionnelle.... C'est une perception, hein? Alors, je ne sais
pas si c'est la réalité, c'est une perception. Comme on dit
souvent, on ne peut pas protéger le public, on ne peut pas en donner
plus que le client en demande, mais on a l'impression que ça va plus
vite chez les membres que dans la structure.
Maintenant, j'aurais d'autres questions pour maître, sur le plan
légal.
M. Folot: Je vous écoute.
M. Trudel: Puisque vous êtes là, alors on va
profiter de votre expertise. Est-ce que vous avez eu, Me Folot, l'occasion
d'examiner la nouvelle loi 43 de l'Ontario en matière de, excusez
l'anglicisme, «régulation» des actes relatifs à la
santé dans la province voisine?
M. Folot: Je l'ai vérifiée hier. Je ne l'ai pas
étudiée à fond, mais je l'ai examinée quelque peu
hier. De là à vous dire que je la connais, ce serait vraiment...
je suis vraiment loin de ça, mais je l'ai vérifiée
hier.
M. Trudel: Est-ce que vous pensez que la dynamique
générale de la loi qui a été introduite en Ontario
et qui vise à réserver un certain nombre d'actes à des
catégories de professionnels avec une formation, la formation idoine, la
formation nécessaire, est une dyna-
mique dans laquelle nous pourrions nous engager au Québec sans
mettre en danger, on va appeler ça l'intégrité du
système, du champ réservé de la santé aux
médecins du Québec? Parce que, dans ce projet de loi,
l'économie générale, c'est qu'on passe du champ de
compétence à des actes réservés. Est-ce que vous
pensez que c'est une dynamique générale qui peut très bien
se vivre, de démonopoliser, en quelque sorte, les actes relatifs
à la santé de la part du monde médical au Québec
par rapport à l'approche de l'Ontario?
M. Folot: Moi, je vais vous dire, j'aurais beaucoup de
difficultés à recommander une législation qui
s'apparenterait même à celle de l'Ontario, et je vais vous dire
pourquoi. Parce que mon impression et peut-être que je l'ai mal
lue et, comme je vous ai dit, je n'ai pas eu le bénéfice de
l'étudier à fond d'aucune façon, je l'ai lue très
rapidement, j'ai lu quelques articles, les articles m'apparaissaient pertinents
hier. Mais il me semble que la prémisse de cette
législation-là, et c'est là qu'on erre, à mon avis,
la prémisse, c'est qu'il n'y a pas de danger, il n'y a pas de danger,
effectivement, à autoriser des gens à donner des soins de
santé. Le danger, c'est uniquement lorsqu'ils commencent à poser
des diagnostics, et certains actes aussi qui sont à je ne me souviens
plus quel article, certains actes, là, qui...
M. Trudel: 13 actes...
M. Folot: II y a certains actes aussi, comme l'administration de
substances par injection, ou l'immobilisation plâtrée de
fractures, ou l'introduction d'un instrument, main, doigt au-delà d'un
conduit auditif, etc. Mais ce qu'on dit, dans le fond, dans cette
loi-là, c'est: Si vous ne posez pas de diagnostic, si vous ne posez pas
ces actes-là, à ce moment-là, on vous laisse faire, parce
que et je présume que c'est ça qu'on pense, on doit penser
il n'y a pas de danger pour le public. Bien, moi, je regrette, il y en a
un sérieux danger pour le public, vous savez. Si je la lis comme il
faut, la législation, tous les cas, par exemple, tous les cas de
guérisseurs et il ne faut pas se leurrer, il y en a des gens qui
y croient, à ces cas-là... On a eu des cas il y a quelques
années, des cas pathétiques. On a eu un cas pathétique
d'une mère qui est venue se plaindre; elle avait confié son
enfant aux soins d'une guérisseuse, son enfant était atteint de
leucémie, et elle a cru la guérisseuse qui lui disait: Laisse
tomber les médicaments. Parce que, elle, évidemment,
c'était sa façon de voir les choses. Elle a cru la
guérisseuse, elle a laissé tomber les médicaments,
l'enfant est décédé dans des souffrances atroces, et elle
s'en voulait elle s'en veut probablement encore aujourd'hui. Elle est
venue voir la Corporation en disant: Qu'est-ce que j'ai fait? Je me suis
laissé avoir. Elle est venue se plaindre chez nous. Vous savez, il me
semble qu'il ne faudrait toujours bien pas permettre ce genre d'activité
là. C'est le danger que vous avez avec une législation comme
celle-là. Ça, c'est un premier danger, vous savez.
L'autre danger, c'est qu'à partir du moment où on dit:
C'est inoffensif parce que c'est ça qu'on implique un peu...
L'autre danger, évidemment, c'est le phénomène de la
personne qui retarde son traitement. Vous savez, si la personne choisit d'aller
voir quelqu'un qui lui donne un traitement inoffensif en soi, ce n'est
peut-être pas très grave, sauf si elle a une condition
sérieuse qu'elle ignore et que le thérapeute n'est pas en mesure
de le voir. Là, à ce moment-là, vous savez, elle peut se
causer un préjudice énorme. Alors, ça, c'est un autre cas
qui n'est pas prévu, si vous voulez, à mon avis, par la loi.
Il y a toujours, évidemment, toute la question du
préjudice économique qu'on ignore, en disant: Bien oui, on va les
laisser faire, ces gens-là. Le préjudice économique, c'est
important, vous savez. Quand quelqu'un va voir un charlatan, qui ne lui fait
peut-être pas de mal, mais qui lui soutire 100 $, 125 $ à chaque
visite, et qui le traîne pendant 13 mois, ou quelque chose comme
ça, en lui disant à chaque semaine: Reviens, tu as encore besoin
de traitements, ça va s'améliorer, prends tel produit, et il lui
vend des produits qui sont peut-être inoffensifs, mais,
économiquement, ça a son importance aussi. Alors, il y a tout
ça.
Il y a aussi un autre argument qui m'apparaît peut-être
moins important, c'est que cette façon de légiférer, si
vous voulez, c'est le style anglais. On avance, si vous voulez, de multiples
applications plutôt que de légiférer comme on l'a fait,
nous, avec le style français, où on avance une règle
générale. Je préfère de beaucoup notre style
à nous. Le style anglais, vous le voyez, lisez les règles
fiscales, par exemple; il n'y a plus rien à y comprendre, à un
moment donné, c'est tellement complexe, et, à cause de ça,
il y a des échappatoires continuellement, parce qu'on ne suit pas le
style français, qui est le style de règle générale,
si vous voulez, ou d'énoncé général. Alors,
ça, ce sont tous des arguments, à mon avis, qui vont à
l'encontre d'une législation comme celle-là. (11 h 40)
La Présidente (Mme Boucher Bacon): En conclusion, Me
Folot. C'est terminé.
M. Folot: Je pense que je viens de conclure, oui.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Alors, je
cède la parole à M. le ministre, pour terminer.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier et
vous dire que c'est un échange qu'on devra obligatoirement poursuivre
avec l'ouverture de part et d'autre, et j'en avais oublié une petite
dans mon introduction, que j'aurais dû vous passer. J'en ai une autre
bonne que j'ai trouvée. C'est parce que vous faites allusion que
peut-être que cette commission se tient sous l'effet de groupes de
pression. Évidemment, s'il y a peut-être quelqu'un qui peut vous
dire qu'on est habitué de vivre avec les groupes de pression, c'est
celui qui a fait face aux médecins. À un certain moment
donné, je trouvais que vous étiez pas mal bien organisés,
comme groupe de
pression, et que probablement que tous ceux qui défendent des
thérapies alternatives valables auraient intérêt à
vous copier.
Une voix: À suivre votre modèle.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ils n'ont pas les
mêmes moyens que vous autres. Merci.
M. Trudel: Au nom de l'Opposition, on vous remercie
également de votre contribution, et je veux dire au ministre qu'il a
quelquefois un optimisme qui est débridé puisqu'il espère
encore qu'au cours des cinq prochaines années la collaboration viendrait
par elle-même. Il serait peut-être à noter ici que cette
collaboration est souhaitable et qu'on peut l'espérer, compte tenu de ce
que nous avons dit ce matin. On pourrait aussi dire: à défaut
dans cinq ans, voilà ce qui va s'appliquer. Ça peut forcer le
débat, quelquefois. Merci.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Au nom de la
commission et en mon nom personnel, je vous remercie, Dr Frenette et Me Folot.
Je vous remercie de votre contribution à cette commission.
Alors, j'invite les autres participants à prendre place,
c'est-à-dire l'Ordre des pharmaciens du Québec.
J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Ordre des pharmaciens
à se présenter.
Ordre des pharmaciens du Québec
M. Lafontaine (Claude): Mme la Présidente, M. le ministre.
Je suis Claude Lafontaine, président de l'Ordre des pharmaciens du
Québec. J'aimerais vous présenter les gens qui
m'accompagnent.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): S'il vous
plaît.
M. Lafontaine: À l'extrême droite, Mme Catherine
Saint-Jacques, qui est adjointe au directeur général et
secrétaire; à ma droite, M. Alain Boisvert, qui est directeur
général et secrétaire de la corporation, et, à ma
gauche, M. Pierre Ducharme, qui est directeur des services professionnels.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous rappelle que
vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire
et de 40 minutes pour échange avec la commission. Merci.
M. Lafontaine: Merci, Mme la Présidente.
L'Ordre des pharmaciens du Québec tient à remercier la
commission des affaires sociales de l'opportunité qui lui est offerte de
présenter ses observations, analyses et recommandations sur les
thérapies alternatives.
Le phénomène des thérapies alternatives n'est pas
nouveau en soi. L'histoire de la médecine démontre, en effet, que
la plupart de ces thérapies nouvelles, supposé- ment nouvelles,
ne le sont pas vraiment. Certaines sont même millénaires, comme la
phytothérapie ou l'acupuncture. Ce qui est plus nouveau aujourd'hui,
c'est que la spiritualité ne joue plus qu'un rôle très
secondaire, que la maladie et la souffrance n'ont plus aucun sens, alors que
c'est la santé qui fait nettement figure de valeur suprême,
d'où les attentes irréalistes que certaines personnes peuvent
avoir face à la guérison. C'est donc dans ce contexte que
s'inscrit le phénomène des thérapies alternatives et il
relève, selon nous, en grande partie, d'un refus d'acceptation des
limites de la médecine et de la pharmacothérapie, malgré
les progrès fabuleux de ces deux sciences au cours des 50
dernières années. D'ici à ce que la population
québécoise prenne conscience, en temps et lieu, des limites des
thérapies alternatives, il nous paraît plutôt incongru que
n'importe qui, au Québec, puisse offrir ses services de
thérapeute alternatif sans égard à la nature de ces
services, sans égard à la faiblesse des fondements scientifiques
sur lesquels ils reposent et sans égard à la
vulnérabilité de la clientèle.
Voyons d'abord les fondements scientifiques des thérapies
alternatives. Malgré ses limites, la méthode scientifique demeure
le meilleur garde-fou dont on puisse disposer dans l'étude des
méthodes thérapeutiques. La plupart des études sont
unanimes à conclure que les thérapies alternatives sont
dénuées de fondements scientifiques, à l'exception
peut-être de l'acupuncture dans le traitement de la douleur. Pour le
scientifique, ces disciplines constituent présentement des recueils
d'anecdotes et des hypothèses de recherche attendant confirmation ou
infïrmation. Il faut donc être prudent quant à la
reconnaissance conférée aux thérapies alternatives sous
peine de leur conférer trop légèrement une
crédibilité qu'elles n'ont pas encore acquise.
Par ailleurs, il faut tenir compte, dans le traitement des malades, de
facteurs autres que physique ou biologique et, pour cette raison, il n'y a pas
lieu de prescrire ces approches qui peuvent être d'une utilité
limitée, ne serait-ce qu'à titre de soutien psychologique du
malade.
Ceci nous mène à aborder directement les questions qui
sont à l'origine de la tenue de cette consultation publique. Plus
spécifiquement, nous nous sommes questionnés sur la
reconnaissance professionnelle des thérapeutes alternatifs, sur le
problème de l'information véhiculée auprès du
public et sur l'éventuelle place de ces thérapies au sein du
réseau québécois de la santé et des services
sociaux.
Les thérapeutes alternatifs méritent-ils la reconnaissance
professionnelle? Nous ne pouvons à l'heure actuelle concevoir la
constitution en corporation professionnelle d'exercice exclusif ou à
titre réservé d'aucune des disciplines alternatives y
prétendant, à l'exception possiblement des acupuncteurs, et avec
la réserve qu'impose le débat en cours à ce sujet. Il
manque, en effet, à tous les autres groupes désirant cette
reconnaissance un des éléments essentiels prévus à
l'article 25 du Code des professions, soit l'existence d'un corpus de
connaissances s'appuyant sur des bases solides et validées par un
processus de formation fiable. Leur formation n'est, dans aucun cas,
d'un niveau suffisant, soit universitaire ou collégial. Elle ne provient
pas, non plus, d'institutions fiables dont l'objectivité ou la
qualité pédagogique soit démontrable.
Dans ce contexte, la reconnaissance professionnelle des
thérapeutes alternatifs ne peut donc être envisagée
à l'heure actuelle sous peine de compromettre gravement la protection du
public et de créer de sérieuses injustices envers les corps
professionnels déjà constitués qui ont eu à
rencontrer les exigences très élevées du Code des
professions au niveau de l'admission à la pratique.
Par ailleurs, des formes d'encadrement professionnel différentes
existent ailleurs au monde et permettent une certaine reconnaissance d'un
statut professionnel limité à des individus offrant des services
au public, ainsi que des règles de formation, de compétence et de
conduite, sans pour autant leur conférer l'exercice exclusif ou un titre
réservé. Il s'agit de la formule des licences professionnelles,
«professional licensing», utilisée dans certains
États américains. Cette formule, que nous n'avons pas
évaluée en profondeur, mériterait cependant de
l'être. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement mandate le
ministre responsable de l'application des lois professionnelles de
procéder à cette évaluation. Celle-ci cadrerait d'ailleurs
très bien avec le contexte de réforme du Code des professions qui
prévaut actuellement.
Voyons maintenant la question de l'information au public. L'information
au public, c'est ce qui modèle les perceptions et les attitudes de
millions de Québécois vis-à-vis non seulement des
médecines dites douces, mais aussi face à la santé en
général. C'est à ce niveau qu'une action gouvernementale
nous paraît la plus urgente. Le Québécois moyen ne dispose
pas, à l'heure actuelle, d'une information fiable et objective au moment
de choisir entre la médecine classique et son alternative. On lui offre,
d'une part, un message modulé par la rigueur scientifique et
déontologique et, en contrepartie, un message qui relève, la
plupart du temps, de contes de fées. Il y a, dans la correction de cette
situation, un rôle essentiel pour l'État. Il n'est plus acceptable
que la population n'ait pas accès à une information
équilibrée sur un sujet aussi important que la santé. Plus
spécifiquement, nous croyons que ce rôle d'information et
d'éducation revient à l'Office de la protection du consommateur.
(11 h 50)
Notre troisième questionnement porte sur la contribution du
réseau de la santé. En toute concordance avec les propos que nous
avons préalablement tenus, nous ne voyons pas comment le réseau
de la santé et des services sociaux pourrait être mis à
contribution actuellement quant à la prestation de services alternatifs.
L'absence de reconnaissance des thérapeutes visés, le
questionnement profond qui subsiste quant aux fondements mêmes des
disciplines dont ils se réclament, l'anarchie qui règne au niveau
de leur formation et le biais de l'information disponible constituent autant
d'obstacles à l'intégration de ces disciplines dans le
réseau. Voilà pourquoi la suggestion de mettre le réseau
de la santé et des services sociaux à contribution afin qu'il
favorise la liberté des choix thérapeutiques nous paraît
relever d'un principe dangereux. En effet, la mission de ce réseau
public n'est pas de garantir l'exercice de la liberté de choix
thérapeutique. Elle est, selon nous, d'offrir aux
Québécois et aux Québécoises des services de
santé et des services sociaux nécessaires à leur
bien-être et dont la valeur intrinsèque et le degré de
nécessité sont adéquatement démontrés.
Maintenant, Mme la Présidente... M. le Président, je
m'excuse, nous désirons aborder ici un problème relatif à
l'exercice des thérapies alternatives qui touche de plus près
à l'expertise spécifique des pharmaciens. Il s'agit de
l'utilisation de «biens assimilables à des
médicaments» dans le contexte de la pratique des thérapies
alternatives. Par biens assimilables à des médicaments, nous
entendons, selon la définition légale d'un médicament, et
je cite: L'ensemble des produits ou substances qui, sans posséder une
nature médicamenteuse reconnue de façon incontestable, s'y
assimilent en ce sens qu'ils servent «au diagnostic, au traitement,
à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie,
d'un désordre, d'un état physique ou psychique anormal, ou de
leurs symptômes, chez l'homme ou l'animal; ou en vue de restaurer,
corriger ou modifier les fonctions organiques chez l'homme ou chez les
animaux».
Comme on peut le voir, cette définition légale de
«médicament», qu'on retrouve dans la Loi sur la pharmacie et
la Loi fédérale sur les aliments et drogues, est très
large et peut englober des substances anodines dont l'usage ne nécessite
pas toujours la supervision professionnelle d'un pharmacien. C'est ce qui fait
que le législateur a toujours tenu, dans les lois relatives à
l'exercice de la pharmacie, à exempter de l'application de ces lois
certaines substances dénuées de toxicité ou ne
présentant pas de risques élevés d'être
utilisées à la place de traitements médicalement
requis.
Or, certaines thérapies alternatives font appel à des
substances qui se situent dans cette zone limitrophe de la définition de
«médicament». Nous les englobons dans la notion de
«biens assimilables à des médicaments». Il s'agit
plus spécifiquement des produits homéopathiques, des
oligo-éléments, des produits de phytothérapie, des
produits de vitaminothérapie ou de mega-vitaminothérapie et des
produits servant à l'aromathéra-pie. Aucun de ces produits n'a
été démontré efficace par des études
scientifiques. Toutefois, très peu d'entre eux, à l'exception de
certains produits de phytothérapie, n'ont de toxicité
démontrable. En revanche, la publicité et les indications
préconisées par les thérapeutes alternatifs qui en font la
promotion sont souvent discutables et peuvent induire le consommateur en
erreur. Le principal risque, selon nous, qui soit associé à leur
emploi est qu'ils peuvent être substitués à un traitement
médicalement requis.
À l'heure actuelle, les conditions et modalités de la
vente de ces biens assimilables à des médicaments n'ont pas
été définies. Pourtant, la protection de la
santé
publique commande de déterminer lesquels, parmi les biens
assimilables aux médicaments et vendus par les thérapeutes
alternatifs, sont réellement anodins. Cet exercice considérable
requiert des experts et dépasse, évidemment, le cadre de cette
commission. Fort heureusement, un mécanisme réglementaire a
récemment été mis sur pied par le gouvernement, qui
permettrait à cet exercice d'être réalisé d'une
façon adéquate. Il s'agit de l'élaboration, par l'Office
des professions du Québec, en vertu de l'article 37.1 de la Loi sur la
pharmacie, du règlement sur les conditions et modalités de vente
des médicaments. Ce processus prévoit que l'Office
établisse, après consultation avec la Corporation professionnelle
des médecins, la Corporation professionnelle des médecins
vétérinaires, l'Ordre des pharmaciens et le Conseil consultatif
de pharmacologie, des catégories de médicaments et
détermine par qui et selon quelles conditions et modalités leur
vente sera possible. L'Office s'est acquitté de ce mandat et le
règlement qui en résulte, assorti d'annexés
délimitant précisément à quels produits il
s'applique, sera bientôt soumis au gouvernement pour approbation. Outre
les organismes mentionnés ci-haut, l'Office a consulté divers
autres intervenants, dont les naturopathes.
La retombée la plus bénéfique de ce projet de
règlement sera de préciser, parmi les médicaments ne
nécessitant pas d'ordonnance, ceux qui peuvent être vendus hors
pharmacie. Il s'agira ici de substances jugées anodines par les experts
consultés par l'Office et ne nécessitant pas la supervision d'un
pharmacien. Par ailleurs, le règlement imposera des interventions
professionnelles au pharmacien lors de la vente des produits devant être
vendus en pharmacie seulement. Il en résultera une catégorisation
des substances basée sur le risque relatif pour le public, et
l'assortiment à ces catégories de conditions de vente tenant
compte de ces risques.
Le projet de règlement qui résulte de cet exercice ne
touche cependant pas les biens assimilables aux médicaments. Il a en
effet été jugé prioritaire de s'attaquer, dans un premier
temps, aux médicaments reconnus et de reporter l'étude et la
classification de catégories comme les produits homéopathiques,
les oligo-éléments et les produits de phytothérapie
à plus tard. Quant aux vitamines, il a été convenu de ne
pas les soumettre à quelque restriction que ce soit, sauf dans le cas
des mégadoses de certaines d'entre elles, qui doivent déjà
être vendues en pharmacie seulement, et sur ordonnance, en vertu de la
loi fédérale sur les aliments et drogues.
Notre ordre est satisfait du processus mis en place par le gouvernement
pour encadrer la vente des produits nécessitant un contrôle
professionnel. Confié à l'Office, ce processus est impartial. Il
donne à tous une chance égale d'être entendus. Il fait en
outre appel à des expertises scientifiques, notamment à celle du
Conseil consultatif de pharmacologie. Ce processus nous paraît, de plus,
susceptible d'aider le gouvernement à encadrer de façon similaire
d'autres catégories de substances assimilables à des
médicaments.
En conséquence, l'Ordre des pharmaciens recommande que le
gouvernement adopte le Règlement sur les conditions et modalités
de vente des médicaments que lui soumettra sous peu l'Office des
professions et que le gouvernement mandate, à la suite de cette
adoption, l'Office d'entreprendre l'étude d'une mise sous contrôle
éventuelle de ceux, parmi les biens assimilables à des
médicaments et vendus par des thérapeutes alternatifs, qui
peuvent présenter des risques significatifs pour le public. Cette mise
sous contrôle devrait s'effectuer selon le mécanisme décrit
à l'article 37.1 de la Loi sur la pharmacie, et la priorité
devrait être accordée aux produits homéopathiques et
phytothérapeutiques. Ces recommandations permettront, selon nous, de
mettre fin à l'anarchie qui règne à ce niveau et qui nuit
à la protection du public québécois.
Notons au passage que les produits homéopathiques sont
déjà reconnus par le gouvernement fédéral comme des
médicaments au sens de la loi. Notre ordre pourrait déjà
poursuivre les non-pharmaciens qui en font le commerce pour exercice
illégal de la pharmacie. Nous désirons cependant que cette
question soit d'abord soumise à un processus d'évaluation
rationnel, fiable et impartial. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement
de mandater l'Office à cette fin puisque cet exercice n'a pas
été fait, ayant été relégué à
une date ultérieure, lors de l'élaboration du règlement
dont il est question.
Quelques mots, en terminant, sur la situation actuelle de
l'homéopathie en pharmacie. Elle est certes la plus populaire des
thérapies dites alternatives au Québec. Cette popularité a
créé en pharmacie une demande considérable, beaucoup de
patients préférant obtenir ces médicaments et les services
professionnels qui y sont afférents chez un pharmacien plutôt que
chez un thérapeute non reconnu. En dépit de l'absence de preuves
scientifiques de l'efficacité des médicaments
homéopathiques, notre corporation a dû normaliser l'intervention
des pharmaciens en homéopathie afin de tenir compte de la
réalité vécue sur le terrain par ses membres et d'assurer
la protection du public.
Le 18 février 1992, le bureau de notre corporation adoptait
formellement une norme sur les services reliés à la distribution
de médicaments homéopathiques, dont les faits saillants sont les
obligations, pour le pharmacien: premièrement, d'informer le patient sur
le bon usage de ce médicament et de procéder à
l'étude de son dossier pharmacologique lors de la vente; de ne
distribuer que des produits conformes aux normes canadiennes de pureté,
de qualité et de fabrication; de référer à un
médecin tout patient dont l'état ne se prête pas à
l'autotraitement et d'inciter le patient à ne pas abandonner un
traitement médicalement requis au profit d'un médicament
d'homéopathie sans l'autorisation de son médecin.
La supervision de l'application de cette norme a été
confiée au comité d'inspection professionnelle de notre
corporation. Ces mesures permettent, en dépit des doutes qui continuent
d'être évoqués quant à l'efficacité de ces
produits, d'assurer le public qu'ils seront utilisés de façon
responsable. Elles confèrent également à la vente en
pharmacie de ces produits une sécurité que l'on
ne retrouve pas ailleurs, notamment à propos des trois
dernières obligations faites aux pharmaciens. Nous croyons qu'il s'agit
là d'un exemple d'intervention qui pourra servir à guider le
gouvernement dans l'encadrement à venir des pratiques alternatives.
En résumé, M. le Président, l'ampleur du
phénomène des approches thérapeutiques dites douces,
alternatives ou complémentaires commande des actions législatives
permettant d'assurer une meilleure protection du public. L'Ordre des
pharmaciens s'oppose à ce que les disciplines alternatives soient
regroupées en corporations professionnelles et suggère que le
gouvernement procède à l'évaluation de la formule des
licences professionnelles telle qu'utilisée dans certains États
américains. (12 heures)
D'autre part, l'action la plus urgente demeure, selon nous, la question
de l'information au public. Notre corporation recommande de confier à
l'Office de la protection du consommateur le mandat de contrôler le
matériel d'information et d'éducation relatif aux
thérapies alternatives afin que la population ait accès à
une information équilibrée sur ce sujet en particulier, de
même que sur le sujet de la santé en général.
Quant à l'idée de l'intégration des
thérapies alternatives à l'intérieur du réseau de
la santé et des services sociaux, l'Ordre y est totalement
opposé. La mission du réseau public n'est pas de garantir
l'exercice de la liberté de choix thérapeutique. Elle consiste
à offrir aux Québécois et Québécoises des
services de santé et des services sociaux nécessaires à
leur bien-être et dont la valeur intrinsèque et le degré de
nécessité ont été adéquatement
démontrés. Cette démonstration reste à faire.
Enfin, les thérapies alternatives font usage de biens
assimilables à des médicaments. Le principal risque
associé à leur emploi est leur substitution à un
traitement médicalement requis. La protection de la santé
publique commande donc de déterminer lesquels, parmi ces produits, sont
réellement anodins. L'Ordre recommande que l'Office des professions
entreprenne une étude de ces produits et mette sous contrôle ceux
qui peuvent présenter des risques significatifs pour le public.
Merci.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M.
Lafontaine.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Licences professionnelles: il y a une préoccupation là qui
est très largement exprimée, c'est valeur scientifique,
protection du public et connaissances, et ainsi de suite. Je pense que c'est
une voie qui est sage et que l'on doit explorer. D'ailleurs, je vous entendais
tantôt parler du règlement sur les conditions de vente avec
l'Office, auquel le ministère a été associé aussi,
et je pense que tout le monde s'est bien entendu et que c'est un processus qui
est hautement scientifique et qui va permettre, je l'espère bien, de
régler un certain nombre de problèmes.
Lorsque vous évoquez des expériences américai- nes
de licences professionnelles, j'aimerais vous entendre davantage, même si
vous nous avez dit: On ne l'a pas fouillé, fouillé,
fouillé, fouillé, là. J'aimerais au moins en savoir un
petit peu plus que de piquer notre intérêt, davantage au niveau
des licences professionnelles ou pour examiner si ça ne peut pas
être une avenue plus qu'intéressante.
M. Lafontaine: Nous ne l'avons pas examiné en profondeur.
Nous savons que ça existe, nous savons aussi que, dans le domaine de
l'homéopathie, en France, seuls les médecins ont le droit de
prescrire des médicaments homéopathiques et seuls les pharmaciens
ont le droit de les vendre. Alors, je pense que, dans une étude globale,
si on prend les thérapies dites alternatives, il faut regarder un peu ce
qui se passe ailleurs. On a donné ces exemples, mais je ne sais pas,
peut-être qu'en Suède aussi il y a un processus tout à fait
différent, peut-être qu'en Hollande il y a un processus
différent. Mais je pense qu'il faudrait l'étudier très
sérieusement puis essayer de faire une synthèse de ce qui est bon
dans les différents systèmes puis de rejeter ce qui n'est pas
bon.
M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes fin renard
parce qu'il y avait une question qui suivait celle-là et qui
était celle de l'homéopathie aux États-Unis en
particulier, où on nous a fait la démonstration qu'aux
États-Unis il y a quand même passablement de monde 33 000,
si ma mémoire est fidèle, médecins qui pratique
l'homéopathie. Donc, si 33 000 médecins aux États-Unis
pratiquent l'homéopathie, j'imagine que, scientifiquement, ça ne
leur fait pas trop mal et qu'il doit y avoir certaines vertus à la
pratique, pas uniquement du fait qu'elle est pratiquée par un
médecin. Ce n'est pas du fait qu'elle est pratiquée par un
médecin de médecine qu'elle a des vertus. Et ça,
scientifiquement, c'a dû être prouvé si les médecins
l'utilisent. J'aimerais être un petit peu démêlé dans
tout ça parce que, je dois vous dire, je suis un peu
mêlé.
M. Lafontaine: Pour ce qui est de l'homéopathie, disons
que, d'abord, quand le Dr Hahnemann, en Allemagne, a commencé à
faire ce qu'il a appelé l'homéopathie, il a tout simplement
tenté de démontrer que des substances à doses
infinitésimales pouvaient avoir des effets pharmacologiques.
Scientifiquement, il n'a pas pu le démontrer. Mais lui reconnaît,
par des résultats qu'il a colligés, que ces résultats
étaient obtenus. Il y a eu un engouement pour ces pratiques aux
États-Unis et, d'ailleurs, il existe une pharmacopée
américaine des produits homéopathiques. Il y a déjà
eu, à Montréal, un hôpital strictement
réservé à traiter des malades avec des préparations
homéopathiques. Qu'est-ce qui est arrivé? Je ne sais pas si c'est
la pénicilline en 1945, puis les substances chimiques qui sont apparues
sur le marché à partir des années 1945, après la
guerre, mais c'a été mis de côté.
Hahnemann n'a pas développé une nouvelle médecine.
Il a développé, par exemple, une nouvelle boîte
à
outils de produits ayant des effets thérapeutiques. Je pense que
les médecins du Québec devraient faire comme les médecins
français, s'intéresser davantage à ces outils-là.
Il y a déjà toute l'Association de médecine holistique qui
utilise, maintenant, différentes thérapies, et je pense qu'ils
ont raison d'utiliser différentes thérapies. Ce sont les gens qui
sont les mieux en mesure de savoir quelle thérapie est
préférable dans tel cas plutôt que telle autre
thérapie. Ce sont les seuls qui sont autorisés, au Québec,
à poser des diagnostics, donc à examiner des malades on ne
peut pas poser des diagnostics sans examiner des malades et à
traiter les maladies ou les déficiences physiques.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, logique de base,
diagnostic. C'est pour ça que ça peut être
complémentaire à la formation médicale, en termes de
boîte à outils, comme vous l'expliquiez facilement, le choix des
moyens à l'intérieur pour être capable de soulager
l'individu qui est devant vous. La base étant le diagnostic, si je
comprends.
M. Lafontaine: La base est le diagnostic. Quand le médecin
recommande de la physiothérapie, c'est à la suite d'un
diagnostic.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Lafontaine: Si le médecin recommande de la
radiothérapie, s'il recommande des médicaments
homéopathiques, ou s'il recommande des antibiotiques, ou s'il recommande
un autre médicament, c'est lui qui a fait le diagnostic.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, pas de
possibilité de pratique de l'homéopathie autrement que par des
gens qui ont des qualités ou des qualifications reconnues pour poser un
diagnostic. C'est ça que ça veut dire?
M. Lafontaine: Je trouve que ce serait difficile. C'est là
qu'on dit à nos membres: Assurez-vous que les gens ne sont pas en train
de substituer des thérapies médicalement requises et des
médicaments prouvés scientifiquement par des médicaments
dont on n'a pas fait la preuve scientifique, sans, au moins, qu'ils aient
obtenu l'autorisation du médecin traitant.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je pense que monsieur
voulait peut-être ajouter. Je reviendrai avec...
M. Boisvert (Alain): Oui, peut-être sur la question...
Le Président (M. Joly): M. Boisvert.
M. Boisvert: ...de la place de la méthodologie
scientifique dans l'évaluation des thérapeutiques. Nous ne
prétendons pas que la science doit être omniprésente dans
l'exercice de la médecine ou de la pharmacie ou dans le monde de la
santé. Je pense que le compromis que nous suggérons au
gouvernement entre l'approche scientifique à outrance et l'abandon total
de la science est un juste équilibre entre ces deux valeurs-là.
La science, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, c'est notre
meilleure méthode d'évaluation. C'est un peu notre garde-fou.
Elle a ses limites. Elle crée aussi des problèmes. Je pense que
la déshumanisation des soins, à laquelle on a souvent fait
allusion au cours de cette... en tout cas, de la partie de cette commission
parlementaire à laquelle j'ai assisté, provient, en partie, de la
rigueur scientifique lorsqu'on tente de l'appliquer au monde médical.
Donc, il ne faut pas être dogmatique dans l'utilisation de la
science.
Le fait que des professionnels reconnus utilisent des médicaments
homéopathiques dont l'efficacité n'est pas
démontrée par les méthodes scientifiques ne leur donne pas
de valeur scientifique. Par contre, leur utilisation par des professionnels de
la santé qui sont habilités à poser des diagnostics,
à poser un regard un peu plus global sur l'état de santé
du patient, un regard qui n'est pas dicté, en tout cas on
l'espère, strictement par leur approche thérapeutique, constitue,
selon nous, une façon de protéger le public. Alors, il faut bien
comprendre cette nuance-là parce que ça peut sembler une
antithèse un peu, pour des professions scientifiques, de relever le fait
que l'homéopathie n'est pas une discipline scientifiquement
prouvée et, en même temps, d'essayer de l'intégrer à
l'intérieur de leurs rangs. J'espère que cette nuance-là
est comprise.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que
c'était peut-être le moment pour le faire ou, du moins, tenter de
le faire. Évidemment, mes questions ne portaient, moi, que
là-dessus, et je veux continuer dans ce sens-là parce que,
inévitablement, le questionnement dans le public, c'est: Si ce n'est pas
bon ou pas prouvé scientifiquement, pourquoi se retrouve-t-on dans des
situations où les pharmaciens ont dans leur officine des produits
homéopathiques? Je pense que vous avez parfaitement raison de le dire et
je pense qu'il faut s'organiser pour que ce soit très clair, si ce n'est
pas scientifiquement prouvé... Des gens sont venus, hier soir, en
homéopathie, nous parler d'otite, avec certaines possibilités,
sans que ce soit scientifiquement prouvé, qui semblent procurer un
certain bien-être. Moi, je ne suis pas habilité à porter un
jugement là-dessus, mais je me dis: Qu'est-ce que vous faites, vous
autres, sur le plan de la formation de vos gens, face à ça et,
dans le suivi, comme protection du public, qu'est-ce qui est fait pour
protéger le public auprès de vos pharmaciens? (12 h 10)
M. Boisvert: Deux choses là-dessus. D'abord, au niveau de
la formation, et c'est peut-être là que nos actions sont encore un
peu lacunaires, il n'y a pas de processus de formation qui nous satisfasse
à l'heure actuelle en matière d'homéopathie. Malgré
les mérites du programme que le CEDH et d'autres groupes offrent
présentement, nous avons certaines réserves. Une de ces
réserves, M. le ministre, vous l'avez soulevé hier, est le fait
que ces programmes-là soient associés de très près
à
des fabricants. Alors, en partie, ça nous paraît receler la
possibilité qu'il y ait un certain biais ou qu'il y ait un certain
manque d'impartialité au niveau d'un processus de formation.
Ceci étant dit, c'est la seule source de formation actuelle. Et
c'est pour cette raison-là que, à son corps défendant,
l'Ordre des pharmaciens a accepté d'octroyer des crédits de
formation continue à ceux de ses membres qui acceptaient de participer
à ces programmes-là. Nous voulions susciter chez nos membres un
intérêt à se documenter sur l'homéopathie pour
être capables de répondre, sans égard à notre
opinion sur l'homéopathie, aux questions du public. Même si on ne
croit pas à l'homéopathie, il n'en demeure pas moins que le
public entre dans les pharmacies et attend des pharmaciens des réponses
à ses questions. Le pharmacien doit donc, sans nécessairement
reconnaître la valeur thérapeutique des médicaments
homéopathiques, être assez sensibilisé à cette
discipline-là pour être capable de répondre à ces
questions-là du public. C'est pourquoi nous encourageons les pharmaciens
à suivre ces cours-là et nous octroyons des crédits de
formation continue. Nous avons été critiqués pour le
faire, mais ça nous paraît être la voie la plus sage.
D'autre part, nous avons normalisé la pratique des pharmaciens eu
égard à l'homéopathie. Nous avons donné, dans le
mémoire, les grandes lignes de cette norme-là. On veut que, si un
pharmacien s'engage dans la pratique de l'homéopathie, ce soit fait
d'une façon responsable, d'une façon qui est respectueuse du
droit du public à avoir accès à ces produits-là,
mais aussi du droit du public à avoir, en contrepartie, des services
sécuritaires, une information adéquate, des mises en garde
là où c'est approprié d'en donner et des recommandations
de consultation médicale lorsque la consultation médicale est
requise.
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, mais,
déjà, je pense que je déborde un peu, là. Je vais
être obligé de reconnaître M. le député de
Rouyn-NorandaTémiscamingue. S'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Parfois, il n'est pas nécessaire, souvent, peut-être, il
n'est pas nécessaire de toujours prendre beaucoup de temps pour exprimer
des positions très claires. C'est le mérite de votre
mémoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: C'est assez clair. J'apprécie d'autant plus la
dernière intervention. Franchement, j'ai trouvé votre
mémoire comme étant très carré et avec un
très grand mérite. Je vous le dis tout de suite parce que c'est
une réalité qui existe. On est sur une gamme d'actions ou de
réactions dans la société québécoise, et
vous véhiculez ici une position, dans le texte en tout cas,
extrêmement carrée qui, somme toute, disait, en tout cas, au
niveau de l'écrit «Hors de la science, point de salut, puis tout
le restant, c'est du charlatanisme puis c'est de l'abus. Bon. On vient de
nuancer sérieusement la position de l'Ordre des pharmaciens. Je
constate, dans le fond, que, même si le fossé est encore
très large, il y a donc un certain nombre de professionnels, en
particulier dans le monde de la pharmacie, qui sont prêts à mettre
leurs connaissances à la disposition du public pour aider à faire
la discrimination entre ce qui peut être nuisible pour le public et qui
peut s'apparenter à de l'abus de confiance, ou à de l'abus, et
que vous pouvez apporter une contribution dans ce sens-là.
Parmi les jugements qui me surprennent quand même, celui à
travers la reconnaissance ou la non-reconnaissance, ou l'existence ou la
non-existence des thérapies alternatives, il y a ce que vous soulevez,
à la page 9, en matière de discipline. Ça m'apparaît
sévère, un jugement global qui ne souffre pas de
différence ou de nuance. Vous doutez «de la volonté
réelle d'autodiscipline des thérapeutes alternatifs. Ceux d'entre
eux qui se sont regroupés l'ont fait au sein d'organisations à
caractère purement syndical, quand ils ne se sont pas carrément
affiliés à de grandes centrales comme la CSN. De tels organismes
sont certes éminemment préparés à jouer un
rôle de protection des intérêts de leurs membres. Ils sont
cependant encore très loin des attitudes et de l'expertise requises
d'une corporation professionnelle par son mandat de protection du
public.»
Comment pouvez-vous en arriver à reconnaître un certain
nombre de techniques et que l'on puisse socialement les critiquer, les observer
et les contrôler en dehors de la formule des corporations
professionnelles? Je vous avertis tout de suite, je vais revenir aussi sur le
travail de type corporation professionnelle.
M. Boisvert: Là-dessus, écoutez, c'est vrai que
notre jugement est peut-être très sévère.
J'espère que nous nous trompons, d'ailleurs, mais nous n'avons pas vu,
dans les agissements des groupes, des promoteurs des thérapies
alternatives, jusqu'à maintenant, d'actes concrets qui auraient
été possibles en dehors de l'incorporation en bonne et du forme,
en vertu du Code des professions, d'actes concrets donc qui auraient permis de
séparer l'ivraie du bon grain.
On s'est souvent fait dire par les thérapeutes alternatifs: Oui,
il y a des charlatans chez nous, mais ce n'est pas vrai de l'ensemble de nos
membres. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Je le sais par
expérience qu'il y a des gens chez les thérapeutes non reconnus
qui ont une déontologie personnelle comparable à celle des
professionnels reconnus. Sauf qu'il y a des responsabilités
institutionnelles aussi au sein des regroupements de thérapeutes
alternatifs. Force est de constater qu'à l'intérieur de ce
mouvement-là on n'a pas tenté de séparer les charlatans
des gens qui pouvaient apporter une contribution. Il aurait été
possible d'exclure de ces regroupements-là certains individus dont les
pratiques sont douteuses. Ça pourrait se faire sur une base volontaire.
Les massothérapeutes l'ont fait; ils se sont séparés de
ceux parmi les leurs qui avaient des pratiques plus douteuses. Ça aurait
pu être fait au niveau d'autres regroupements. Ça ne s'est pas
fait. C'est pour cette raison-là que nous
posons un jugement un petit peu sévère et qui, je
l'espère, est erroné. Mais nous nous devons de nous en tenir aux
faits.
M. Trudel: Mais qu'est-ce que vous voulez dire, par ailleurs,
dans votre mémoire, lorsque vous dites qu'on ne doit pas
reconnaître les thérapies alternatives parce que ça risque
de créer de sérieuses injustices envers les corps professionnels
déjà constitués?
M. Boisvert: Tout ce qu'on veut dire par là, c'est que,
s'il doit y avoir une reconnaissance professionnelle, les règles doivent
être les mêmes pour tout le monde. Nous croyons que le
système professionnel québécois, malgré les
critiques parfois justifiées dont il est l'objet, est un système
valable et qui offre les éléments qu'il faut pour protéger
le public. On se devrait donc de partir de ce système professionnel pour
y incorporer éventuellement d'autres professions de la santé,
mais à condition qu'on réponde aux exigences rigoureuses, je le
conçois, de ce système professionnel, notamment au niveau de la
formation.
M. Trudel: Et vous dites: On ne devrait pas les reconnaître
non plus, sous peine de compromettre gravement la protection du public. Vous
différez donc profondément d'opinions avec l'Office des
professions qui dit qu'en matière de thérapies alternatives il
n'y a pas de danger, le degré de danger pour le public n'est pas
élevé, qu'on est vraiment en termes de médecines douces.
Vous ne partagez pas cette opinion. Vous dites: Non, il y a des dangers
très graves que le public court...
M. Boisvert: II existe certains dangers préoccupants. Je
dois dire que, sur la question de la reconnaissance, nous nous sommes
bornés à répondre à la question telle qu'elle
était formulée. Notre position doit être
interprétée comme telle. Encore ici, c'est une nuance que le
texte ne nous permettait pas de faire, mais que peut-être
l'échange verbal nous permettra de mieux faire. Nous nous
prononçons sur la reconnaissance des thérapies alternatives dans
l'état où elles sont présentement au Québec,
c'est-à-dire avec, entre autres choses, une formation très
souvent inadéquate, très lacunaire lorsqu'on la compare au champ
de pratique qui est brigué par ces thérapies-là.
Quant aux conclusions de l'Office, avec tout le respect que je dois au
processus qui a servi de prélude à ces conclusions-là, il
nous est apparu en effet qu'on tentait d'évacuer un petit peu la
question. Si, dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas
concevoir la reconnaissance professionnelle des thérapeutes alternatifs,
il n'est pas dit que, si un effort d'autodiscipline était fait par ces
thérapeutes-là, notamment au niveau de la formation, si on
rehaussait la formation dans certaines de ces disciplines-là à un
niveau adéquat, comme semble s'en dégager l'idée au niveau
de certaines autres présentations, notre position serait immuable. Mais
il faudrait attendre d'avoir des propositions plus...
M. Trudel: Est-ce que vous pouvez nous donner un, deux, trois
exemples de dangers que le public court avec les thérapies alternatives
ou l'utilisation de produits dans le réseau des thérapies
alternatives, des dangers graves, eu égard, évidemment, à
votre expertise, à votre secteur d'activité, la pharmacologie?
(12 h 20)
M. Lafontaine: Bien, par exemple, en homéopathie, on
utilise... on peut utiliser des produits pour les otites. Bon. À un
moment donné, il pourrait arriver que le produit n'agisse pas et que la
personne se présente chez un médecin et lui dise: Bien,
écoutez, votre enfant, madame, il commence à être sourd; si
vous aviez utilisé les produits qu'on utilise généralement
pour guérir les otites, eh bien, il n'aurait pas atteint un degré
de surdité comme il vient d'atteindre. Alors, il y a des limites aux
produits d'homéopathie, et, d'ailleurs, ils ont un langage pour
ça, ils disent que le médicament s'épuise. Je ne suis pas
certain que le médicament s'épuise, par exemple. C'est
peut-être que l'organisme réagit toujours au médicament
extérieur et que lui a développé un mécanisme de
réaction qui fait que le médicament n'est pas utile, est moins
efficace. Alors, cette prévention qui peut être faite au niveau de
la pharmacie, c'est de dire: Bien, écoutez, c'est des otites, l'enfant
fait de la fièvre; avant de traiter avec des médicaments
homéopathiques, ce serait peut-être bon d'aller voir un
médecin et de le faire regarder, faire diagnostiquer la gravité
de l'état. Et des thérapeutes qui ne peuvent pas examiner des
gens, poser des diagnostics précis, au besoin, les faire confirmer par
des examens de laboratoire. Et là on parle de diabète,
d'hypertension, et tout ça, je pense que ce n'est pas tellement
sécuritaire pour le public.
M. Boisvert: Peut-être d'autres exemples...
M. Trudel: Bien, ce n'est pas... Je m'excuse, juste... Est-ce que
c'est beaucoup plus dangereux que les 10 % d'hospitalisation qui seraient dus
à une mauvaise, une surconsommation de médicaments, tel qu'on le
disait dans une publication officielle du ministère, l'an passé,
lorsqu'on a examiné le financement des systèmes de santé
et services sociaux? En termes de degré, entre guillemets, de
dangerosité, est-ce qu'on n'est pas, là, en termes de l'exercice
de la liberté pour un individu qui. À ce compte-là, vous
ne contrôlez pas la quantité de cognac que quelqu'un peut aller
s'acheter à la Société des alcools, et c'est un abus s'il
en prend 30 onces, hein?
M. Lafontaine: Non, non. Si vous utilisez cet exemple-là,
on va mettre tous les médicaments en vente libre partout, là.
M. Trudel: Tous les médicaments, c'est ça.
M. Lafontaine: Ça, c'est bien évident. Mais je
pense qu'il y a un certain rôle de protection à jouer. Quand des
gens font des études universitaires dans le cas des
médecins, je ne sais plus combien d'années
c'est, si c'est rendu à six ou sept, et, dans le cas des
pharmaciens, c'est quatre années pour, justement, être
spécialistes dans le domaine des médicaments, pour être
capable de voir à ce que les médicaments soients bien
utilisés par les gens, pour prévenir les interactions
médicamenteuses, pour prévenir l'administration de
médicaments qui sont contre-indiqués, et toutes ces choses, moi,
je pense qu'à ce moment-là le pharmacien peut jouer un
rôle, même dans des médicaments aussi simples que des
médicaments d'homéopathie. Parce que l'homéopathie comme
telle, ça n'existe pas. Enlevez les produits d'homéopathie et il
n'y a plus rien qui tient, l'édifice s'écroule. Enlevez certains
médicaments, les médecins continuent à faire de la
médecine. Enlevez des médicaments pour le traitement du glaucome,
vous pouvez aller le traiter avec le laser aujourd'hui. Ça tient encore.
Mais enlevez les médicaments d'homéopathie, il n'y a plus rien
qui tient. Ça s'écroule.
M. Boisvert: Peut-être de façon plus
spécifique...
Le Président (M. Joly): Très brièvement, M.
Boisvert, s'il vous plaît.
M. Boisvert: Oui, rapidement. Les deux risques qu'on craint... Je
n'essaierai pas de disculper les médicaments, on est les premiers
à mettre la population en garde contre les risques d'abus de
médicaments. Ceci étant dit, ce n'est pas parce qu'on ne
réussit pas, comme société, à bien gérer nos
médicaments, ou, en tout cas, à les gérer d'une
manière optimale, que l'alternative va nécessairement être
meilleure. Dans le cas de la phytothérapie, il y a un petit nombre de
produits qui peuvent présenter des risques. La très grande
majorité de ces produits-là sont inoffensifs, je le
conçois. Par contre, il n'y a pas de réglementation ferme au
niveau fédéral sur la mise en marché de ces
produits-là, et certaines substances très toxiques peuvent se
glisser là-dedans. Le principal risque qu'on voit également dans
une situation totalement déréglementée de ces pratiques,
c'est qu'on évite de faire ce que, nous, on impose aux pharmaciens
lorsqu'ils pratiquent l'homéopathie, c'est-à-dire de
référer les cas où c'est médicalement requis, les
cas graves, donc, à un médecin pour un bon diagnostic. Il y a des
cas qui ne se prêtent pas à l'automédication, et ça,
le citoyen, malgré tout son gros bon sens, ce qui est bien
développé chez les Québécois, ne peut pas, sans
aide, être capable de faire la part des choses.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. le député, s'il vous plaît.
Malheureusement...
M. Trudel: Pour remercier?
Le Président (M. Joly): Oui, s'il vous plaît.
M. Trudel: Alors, on va vous remercier de vos sages conseils,
comme le font toujours les pharmaciens, en vous disant que je crains moins les
naturistes que la vente libre du tabac et la vente libre des boissons
alcooliques, pour la santé publique, que les magasins naturistes. Je
veux dire qu'en termes de danger, là...
M. Boisvert: Vous savez qu'on s'est prononcés sur le
tabac.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Trudel: Oui. Ha, ha, ha! Merci.
Le Président (M. Joly): M. le ministre. M. Trudel: Merci
de votre contribution.
M. Lafontaine: D'ailleurs, M. le ministre nous a dit qu'il allait
nous aider très bientôt.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): C'est vrai, M. le
Président, M. Lafontaine a parfaitement raison, mais je suis un parmi
tant.
M. Lafontaine: J'avais compris.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.
M. Trudel: Merci.
M. Lafontaine: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, au nom des membres
de cette commission, je tiens à remercier l'Ordre des pharmaciens du
Québec. Merci beaucoup.
Je demanderais maintenant aux gens du Regroupement des centres de
santé des femmes du Québec de bien vouloir prendre place, s'il
vous plaît. Merci beaucoup.
Alors, bonjour, mesdames. Il me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue.
Une voix: Bonjour.
Le Président (M. Joly): Alors, je tiens à vous dire
que nous avons déjà reçu votre mémoire. Ça a
déjà été lu, ça a déjà
été analysé, alors, d'une façon peut-être
succincte reprendre une partie de votre mémoire. Les membres de la
commission sont prêts à vous entendre et, après ça,
à échanger avec vous. Alors, j'apprécierais que la
personne responsable puisse s'identifier et aussi nous identifier les gens qui
l'accompagnent, s'il vous plaît.
Regroupement des centres de santé des femmes du
Québec
Mme Lamontagne (Lise): Merci. Je remercie la commission de nous
permettre de vous présenter le
point de vue des centres de santé ici. Je vais vous
présenter les personnes: à ma gauche, c'est Diane Carie, qui est
à l'origine du Centre de santé des femmes de la Mauricie, qui est
encore travailleuse là, donc, depuis 11 ans maintenant; ici, c'est
Raymonde Morin, qui est membre du C.A. du Centre de santé des femmes de
Sherbrooke et qui est aussi animatrice pour des ateliers collectifs, et, au
bout complètement, Johanne Marcotte, du Centre de santé des
femmes de Montréal, qui a été huit ans militante et
travailleuse au Centre. Moi-même, je suis Lise Lamontagne, je suis la
coordonnatrice du Regroupement.
Le Président (M. Joly): La parole est à vous,
madame.
Mme Lamontagne (Lise): Merci. Je voulais vous souligner que ce
mémoire est appuyé par la Table des regroupements provinciaux
d'organismes communautaires et bénévoles, pour commencer. On va
se partager le tour de parole, ça fait que... Bon.
Les thérapies ou les pratiques alternatives regroupent
différentes disciplines, telles l'homéopathie, l'acupuncture, la
massothérapie, etc. Ces disciplines ne font pas partie, actuellement, du
réseau public et méritent qu'on s'attarde sur le rôle et la
place qu'on doit leur accorder. En général, les thérapies
alternatives offrent plus de choix aux femmes et nous trouvons l'ouverture
qu'on donne à ces thérapies ici même très
intéressante. Particulièrement, nous tenons à souligner
notre accord avec la pratique des sages-femmes qui travaillent aussi, comme
nous, à l'humanisation des soins. Il y a d'autres alternatives que
l'homéopathie, et tout ça, qui travaillent en marge du
réseau. Ce ne sont pas des thérapies alternatives, ce sont
plutôt des pratiques alternatives, et les organismes communautaires sont
dans ce domaine; les centres de santé font partie des organismes
communautaires. Les organismes communautaires, c'est tout un secteur qui a su
se distinguer du réseau public par ses pratiques novatrices et
alternatives, et les centres de santé des femmes, depuis plusieurs
années, sont donc au coeur de la vie des femmes et implantés dans
la communauté. Le ministère de la Santé et des Services
sociaux a choisi d'encourager cet apport féministe et original de la
santé, et on va voir ensemble le rôle et la place qu'ont ces
groupes avec les femmes. On va mettre en lumière le rôle et la
place et, aussi, on va indiquer comment le ministère peut permettre aux
femmes d'avoir plus accès à des choix thérapeutiques.
On va faire juste un peu l'historique, parce que c'est important de voir
comment les centres de santé se sont implantés. Us sont
nés des lacunes du système de santé public. Le
réseau ne répondait pas non plus toujours aux besoins
exprimés par les femmes, des besoins spécifiques. Lorsqu'il
s'agit de retrouver des services et conseils adaptés aux besoins des
femmes, les centres hospitaliers, les CLSC et les cliniques médicales
sont souvent et malheureusement peu organisés ou
spécialisés. Ils les réfèrent d'ailleurs
régulièrement dans les centres de santé des femmes.
Les centres de santé sont des organismes communautaires qui se
sont implantés par la mise en commun du besoin de plusieurs femmes dans
des régions. Les femmes se sont mobilisées pour créer des
lieux d'appartenance, bâtir des réseaux d'aide et d'appui et
offrir des services dans le domaine de la santé et des services sociaux
qui répondaient à leurs besoins. Toute femme qui est
intéressée a pu s'impliquer et peut toujours s'impliquer dans la
définition, dans les services, les orientations des centres de
santé. (12 h 30)
Nos objectifs. Bien, le plus grand, je pense, c'est de remettre aux
femmes le pouvoir qu'elles ont par rapport à leur santé et
remettre à sa place le pouvoir médical. On trouve que la
surmédicalisation des étapes de vie, la spécialisation et
la professionnalisation des services de santé publics n'ont, au fil des
années, qu'amené les femmes à une plus grande
dépendance face au milieu médical. Alors, les intervenantes des
centres de santé ont dénoncé l'absence d'information
critique, les thérapeutiques abusives qu'il y avait dans le
réseau public, la discrimination sexiste exercée sur le corps des
femmes. Ces injustices ont amené les femmes à instaurer des
pratiques alternatives fondées sur la reconnaissance de la
problématique spécifique de santé des femmes.
Chaque centre est une solution alternative au réseau
traditionnel. Il s'en distingue par son enracinement dans la communauté,
une vision globale de la santé et du bien-être de la
société, une approche différente, une capacité
d'innover, une action axée sur l'autonomie et par la prise en charge des
femmes, une conception égalitaire des rapports intervenant-intervenante
et usagères et un fonctionnement démocratique. Toutes ces
affaires-là sont bien démontrées dans le mémoire,
on ne va pas y revenir comme tel, mais on veut aussi expliquer que notre vision
du service est une vision autre que ce qu'il y a actuellement dans le
réseau. Ça se propose de mieux répondre aux besoins des
femmes et de leur offrir des services et un suivi plus appropriés.
Le Président (M. Joly): Mme Morin, s'il vous
plaît.
Mme Morin (Raymonde): M. le Président, M. le ministre, M.
Trudel, je suis particulièrement ravie de me retrouver pour une
deuxième fois ici en moins d'un mois. De toute façon, je vais
poursuivre le discours de ma collègue. Les centres de santé des
femmes ont développé une intervention alternative par le
questionnement du système de santé, des pratiques
médicales qui limitent ou ignorent le pouvoir et l'autonomie des femmes
sur leur santé. Ils ont développé une multitude
d'initiatives pour répondre adéquatement à des besoins
nouveaux. Ils cherchent à répondre à ces besoins en
développant des pratiques nouvelles, d'où l'importance
accordée à la souplesse, à la capacité d'adaptation
et à l'innovation. Autrement dit, on parle de qualité de vie et
de santé, et non de maladie.
Notre orientation est precise: démédicaliser,
dé-sexiser les approches en santé des femmes dans une perspective
féministe. Exemple: en santé mentale, une femme agressive est
anormale, alors qu'un homme agressif est tout ce qu'il y a de plus sain. En
clinique ménopause, le démon du midi s'empare des hommes
grisonnants, alors que les femmes du même âge cessent d'être
des femmes sexuées, et c'est totalement faux, en plus de leur faire
croire que la ménopause est une maladie au lieu d'une étape de
leur vie. Et j'en passe.
Je pourrais dire que dans le réseau formel, on ne nous dit rien
sur tout ce qui concerne les étapes de notre vie les menstruations, la
grossesse... Exemple: la grossesse en réseau formel, c'est
mathématique. C'est ta pression, c'est ton poids, c'est tes mois, c'est
la grosseur de ton utérus, et j'en passe. Tout ce qu'on ressent, on ne
nous parle pas de ça, et encore bien moins en ménopause. Il
semble bien que les médecins sont très gênés de
parler de préménopause et on va leur attitrer des maladies quand
c'est juste des manifestations de ménopause et que ça pourrait
être une étape grandissante de notre vie.
La pratique des centres de santé des femmes du Québec
tente de retrouver la valeur de certaines techniques anciennes et cherche
à développer de nouvelles techniques qui peuvent être
sûres et saines. Notre pratique repose donc sur de la recherche, de
l'expérimentation, des structures et des médecines
adaptées aux besoins et réalités de santé
définies par elles-mêmes.
Les centres de santé des femmes répondent à un
besoin réel dans la population féminine. Les femmes qui font
appel aux ressources des centres viennent bien évidemment chercher de
l'information ou des services, mais surtout un type d'intervention qu'elles ne
retrouvent pas toujours ailleurs. Elles veulent avoir le temps d'exposer leurs
difficultés, leur questionnement. Elles veulent surtout comprendre dans
quelle situation elles se retrouvent.
Les centres de santé des femmes favorisent le cheminement des
femmes vers la mise à contribution de leurs capacités propres
à résoudre leurs difficultés et à modifier leurs
conditions de vie. Les centres de santé des femmes visent une
démarche d'autonomie qui peut être individuelle ou collective et
qui appelle les femmes concernées à devenir des citoyennes
actives, responsables et critiques au sein de leur société.
Les centres de santé des femmes s'appliquent à
véhiculer dans leur pratique une conception des rapports entre
intervenantes et participantes axée sur un principe de collaboration qui
responsabilise autant l'intervenante que la participante dans la
démarche suivie. Ainsi, le pouvoir et le savoir qui en découlent
habituellement font l'objet d'un partage plus égalitaire.
La participation des femmes à la définition de la mission,
des orientations et des modes de fonctionnement des centres de santé des
femmes contribue à accroître le degré d'appartenance des
femmes à l'égard des centres de santé des femmes. Ce
contrôle par les participantes, de même que l'implication active
des travailleuses aux prises de décision et la responsabilisa- tion
collective des membres constituent un des objectifs majeurs pour les centres de
santé des femmes. Cette vie associative implique que les centres de
santé des femmes y consacrent temps, énergie et ressources
financières.
Les centres de santé des femmes donnent des services; par
ailleurs, le service n'est pas une fin en soi. Les centres de santé des
femmes sont importants dans la mesure où ils prônent des
alternatives sociopolitiques et où ils remettent en question les
politiques sociales et de santé et ils dénoncent des pratiques
discriminatoires. Les services offerts dans les centres de santé des
femmes visent à informer les femmes, mais surtout à les
encourager à devenir plus autonomes face aux décisions qui
touchent leur santé. À ce propos, j'ai envie de vous dire qu'on
vous a devancé un peu, qu'on a devancé un peu la
réforme.
Pour terminer, je veux dire que la réforme est axée sur le
citoyen. La pratique des centres de santé des femmes est axée sur
la citoyenne et je souhaite qu'on fasse un couple harmonieux. Je passe à
ma collègue...
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Morin. Mme Carie, s'il
vous plaît.
Mme Carie (Diane): Les centres de santé des femmes, une
nécessité. La preuve est faite pour nous, pour les femmes, pour
les groupes du milieu et pour les intervenants et intervenantes du
réseau qui nous réfèrent de plus en plus de femmes. Il
reste maintenant au gouvernement à reconnaître cette
nécessité, à soutenir les initiatives des femmes pour
répondre à leurs besoins et à permettre ainsi aux femmes
le choix d'une alternative en santé des femmes.
Pour qu'on sache vraiment ce que les centres de santé font
exactement, je vais faire quand même la liste des services. Alors, les
services qu'on peut trouver dans les centres de santé, c'est de
l'écoute téléphonique, de l'accueil, de la
référence, des ateliers collectifs en santé des femmes,
des ateliers échanges et groupes de soutien en santé mentale, un
service de recherche, de production et de documentation en santé des
femmes, des cliniques gynécologiques, cliniques pour adolescentes,
cliniques d'avortement et services de thérapie.
Le Regroupement des centres de santé des femmes et les trois
centres de santé des femmes du Québec Montréal,
Sherbrooke et Trois-Rivières répondent à 50 000
femmes annuellement, et ce, depuis 17 ans pour Montréal, 12 ans pour
Sherbrooke et 11 ans pour Trois-Rivières. Le Regroupement est là
depuis 8 ans. Pour l'ensemble de leurs services, les centres reçoivent,
du ministère de la Santé et des Services sociaux, entre 25 000 $
et 45 000 $ par an, subventions qui ne sont pas récurrentes et qui sont
souvent remises en question. J'ai essayé de faire un petit pourcentage
de ce que ça représentait, par exemple, pour le cas de
Trois-Rivières, que je connais mieux. Le pourcentage de la subvention de
MSSS sur le budget total, c'est 15 %. Alors, si on ajoute à ça la
contribution des femmes et ce que donne la Régie de l'assurance-maladie,
par le biais des cliniques, ça fait un pourcentage de 45 %. Il reste
quand
même 55 % qu'on doit, annuellement, aller chercher par d'autres
subventions qui ne sont pas, elles non plus, récurrentes. et, aussi, le
pourcentage peut même être plus élevé dans les
centres ou il y a moins de services cliniques. (12 h 40)
Alors, au fond, c'est quoi, les autres alternatives? C'est les
programmes d'emploi, promotion de la santé, Secrétariat
d'État, OVEP, Centraide, et j'en passe. Le fait qu'on doive redemander,
à la pièce et chaque année, le gros des budgets de
fonctionnement, avec tout ce que ça comporte et le peu de
résultats, au fond, qu'on obtient en bout de ligne, est responsable du
sous-financement des centres de santé. Les conséquences de ce
sous-financement sont nombreuses: perte d'autonomie dans le
développement qui est conditionné par les objectifs des
programmes des bailleurs de fonds et par les priorités
régionales, difficulté de planifier un développement
à long terme et même à moyen terme, impossibilité de
répondre à tous les besoins exprimés par les femmes qui,
par exemple, voudraient avoir des cliniques ménopause, qui voudraient,
par exemple, qu'on fasse des cliniques sur le syndrome prémenstruel, qui
prend de plus en plus de place dans la santé des femmes et
là, j'en passe, évidemment. Ce que ça empêche aussi,
c'est de développer le réseau des centres de santé des
femmes. On sait que, dans la région de Baie-Comeau, Chicoutimi et
Chambly, des femmes seraient intéressées à ouvrir des
centres de santé, mais la perspective n'est pas très, très
propice en ce moment.
L'investissement, aussi, qui est très important, lié
à l'utilisation des programmes de développement de l'emploi et la
formation et l'encadrement de bénévoles. Trop grand roulement des
travailleuses et des bénévoles dû aux fins de projets et
aux conditions de travail à rabais dans les centres de santé des
femmes. L'accessibilité, aussi, limitée de certains services pour
les femmes à faibles revenus. Entre autres, par exemple, les ateliers
où on demande une contribution aux femmes, et le service avortement
où on demande entre 125 $ et 145 $ aux femmes. En résumé,
trop de temps passé à chercher des fonds au lieu de
répondre aux besoins des femmes. Pour corriger la situation, on demande
au gouvernement d'établir une politique de financement des centres de
santé qui assurerait le fonctionnement de base qu'on évalue
à 90 000 $ à peu près pour chaque centre, et ce,
annuellement.
Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, s'il vous
plaît, brièvement.
Mme Lamontagne (Lise): Oui. Parce que, dans le mémoire, on
ne parlait pas du Regroupement des centres de santé, puis je pense qu'il
est encore temps d'en parler. Le Regroupement existe depuis huit ans et je vais
parler un petit peu de son rôle parce que je pense qu'il est
méconnu ou pas assez bien reconnu. C'est sûr que, quand on parle
d'un regroupement de centres de santé, on s'attend à ce que le
regroupement donne des services à ses membres, soutienne ses membres, et
c'est en partie le travail que le Regroupement des centres de santé
fait. Mais, depuis huit ans, le Regroupement a un rôle beaucoup plus
large qui s'adresse à la population en général, au
gouvernement, aux femmes.
Je vais vous dire ce qu'on a fait cette année, ça va vous
donner une bonne idée de ce qu'on fait depuis huit ans. Pour ce qui est
de sensibiliser la population et dénoncer des pratiques
discriminatoires, au Regroupement, on a mis en place un bulletin d'information
qui est distribué... Le dernier bulletin a été
distribué à 2000 copies, c'est un bulletin qui s'adresse à
toutes les femmes. Ensuite, on représente les intérêts des
femmes en diffusant des alternatives sociopolitiques prônées dans
les centres de santé. Le travail que l'on fait au sujet de la
réforme depuis deux ans, deux ans et demi, maintenant, avec la Table des
regroupements provinciaux en est un bon exemple. Nous autres, on est vraiment
là pour parler de la place des femmes dans le système de
santé et comment la réforme peut affecter les services qu'elles
auront. On diffuse aussi les remises en question des politiques sociales et de
santé, alors c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Vous nous
entendez assez régulièrement et c'est, je pense, tant mieux. Vous
nous avez aussi entendues parce que, cet automne, on vous a
présenté nos commentaires sur les orientations en planning
sexualité. Alors, à chaque fois qu'on en a l'occasion, on
présente notre point de vue, donc on présente nos remises en
question.
Le Regroupement, aussi, travaille à susciter la reconnaissance de
la problématique de la santé des femmes et à mobiliser des
personnes et des groupes autour de cette question. La question de la
santé, ce n'est pas une question qui est très, très
à la mode. Je pense que l'économie, ça parle plus. 11
reste que, pour la santé des femmes, nous sommes le regroupement au
coeur de ce qui est la santé globale des femmes. On n'a pas une
spécialisation, on touche à un plus large éventail. C'est
nous qui nous assurons de la reconnaissance du rapport des femmes à leur
corps, qui nous assurons de la place spécifique que les femmes occupent
dans la reproduction, qui nous assurons aussi qu'on pense et qu'on parle des
cycles qui jalonnent la vie des femmes, et c'est à nous que revient le
mandat de dénoncer quand ces points de vue là ne sont pas bien
repris. Et je pense à la politique santé et bien-être. Je
l'ai lue et je l'ai étudiée vivement, et la vision globale de la
santé des femmes n'est pas là, et ça sera dans nos mandats
des prochains mois de faire connaître comment la place de la femme aurait
pu être au coeur et non pas compartimentée. Alors,
ça...
Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne,
j'apprécierais si vous pouviez conclure, s'il vous plaît, de
façon à ce qu'il nous reste un petit peu de temps pour
échanger avec vous.
Mme Lamontagne (Lise): Oui. En fait, ce que je voulais dire,
c'est que, pour l'ensemble des activités du Regroupement depuis huit
ans, le Regroupement n'a rien reçu du ministère de la
Santé et des Services so-
ciaux, bien qu'il travaille directement dans son secteur. Je pense que
c'est quelque chose qui doit être établi le plus tôt
possible pour nous permettre de continuer notre travail.
Pour ce qui est de la conclusion, vous avez eu l'occasion de la lire. En
fait, il faut vraiment que le gouvernement reconnaisse ce que les intervenants,
ce que les femmes, ce que le réseau a reconnu. C'est maintenant au tour
du gouvernement de le reconnaître. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup,
madame.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Disons que c'est un mémoire qui profite de la commission pour
faire état d'une situation vécue, qui est très
certainement réelle, et emploie «solution alternative»... On
aurait pu facilement, je pense, dire: II y a d'autres mémoires qu'on
veut entendre sur les thérapies alternatives. À la demande de
l'Opposition je pense qu'il faut rendre à César ce qui
appartient à César nous avons décidé de vous
entendre, et je ne suis pas étonné du message que vous nous
passez, et surtout le sous-titre, «Une nécessité
sous-financée», ayant été moi-même celui qui a
peut-être été le plus dur avec les centres de santé
sur le plan du financement, à l'intérieur du programme SOC. Ceci
étant dit, vous comprendrez que je ne suis pas étonné que
vous nous vantiez les vertus des centres de santé des femmes au
Québec et que vous souhaitiez avoir une meilleure reconnaissance sur le
plan du financement. Donc, pour que tout le monde soit bien à l'aise,
dire que, tant de votre côté que de mon côté à
moi, c'est une réalité qui est là et que j'ai voulue.
Ce qui, à l'époque, m'a fait questionner, ce n'est pas sur
le bien-fondé des centres de santé dans mon esprit
à moi, c'a toujours été clair c'est: Est-ce que
c'est l'affaire du ministère uniquement, du ministère de la
Santé et des Services sociaux à l'intérieur de son
programme SOC, que de financer les centres de santé des femmes?
C'était ça la question à l'époque.
L'autre question que ça m'amenait, c'est que de vous
reconnaître encore davantage c'est aussi reconnaître que
l'institutionnel ne fait pas son travail. C'est ça. Si on veut parler de
la vraie «game» puis de la vraie situation, c'est celle-là.
Bon. Alors, à partir de ça, et à ce moment-là, la
question qui se pose au-delà de: Font-ils ou ne font-ils pas leur
travail... Parce que j'ai entendu une nomenclature de domaines ou de champs
dans lesquels vous exercez qui m'ont tout de suite frappé de plein front
en disant: II y a quelque part duplication.
Lorsque vous parlez de santé mentale... Non, non. Je vais vous
donner la chance, là, parce que, comme vous le voyez, c'est très
ouvert. Et vous m'invitez presqu'à un mariage. Alors, il faut savoir
qu'est-ce que je devrai mettre comme dot, pour être capable de passer
à travers. Mais, lorsque j'ai entendu, tantôt, «santé
mentale», il y a des PROS en santé mentale qui existent et qui ont
été faits par le milieu; bon, qui ne sont pas parfaits. J'ai
suffisamment échangé avec Mme Guay pour savoir qu'il n'y a pas
une totale satisfaction. Donc, à partir de ce moment-là, il y a
à quelque part risque ou duplication. Et c'est exactement ce que la
réforme voulait régler. Au-delà du citoyen au centre, avec
l'argent qu'on a, il faut éviter la duplication, et j'aimerais davantage
vous entendre là-dessus, sachant qu'évidemment ce n'est pas le
but principal de la commission. Mais, comme vous êtes là puis
qu'on a accepté de vous entendre, au moins vous donner la chance de le
faire inscrire puis de plaider votre cause. Après ça, on
verra.
Le Président (M. Joly): Mme Carie.
Mme Carie: Moi, je pourrais parler pour ce qui est de la
santé mentale. Au fond, la duplication, en tout cas, nous, dans notre
région, on est incapable de la voir parce que ce qu'on offre en
santé mentale, c'est des ateliers collectifs où les femmes
viennent, à partir d'une même problématique,
échanger entre elles et essayer de se donner des outils pour passer
à travers, pour avoir une meilleure qualité de vie. Ça ne
se fait pas par le réseau. Alors, on ne duplique pas. S'ils en font,
demain, des ateliers collectifs, ils nous dupliquerons. Mais, pour l'instant,
ils n'en font pas. Et, de toute façon, ils nous réfèrent
les... Ils voient des femmes en individuel et ils voient que ces
femmes-là auraient besoin d'un groupe, alors ils disent: Va au centre de
santé; eux autres, ils font du groupe.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Sauf que, là, il
y a un problème dans le PROS. S'ils ne le font pas, c'est qu'il y a un
problème à quelque part au niveau du plan régional
d'organisation de services en santé mentale et qui devrait être
couvert. On n'a jamais exclu le monde communautaire des PROS en santé
mentale, au contraire. Et Dieu sait que ces exercices-là ont
été les premiers, puis qu'il faut les bonifier dans le futur,
mais on est dans une situation où, moi, je me dis: Je ne cautionnerai
pas la duplication. Et, si l'institutionnel ne fait pas son travail, il va
falloir dire à l'institutionnel: C'est votre responsabilité et
vous devrez faire votre travail au lieu de dépenser des sommes
additionnelles dans de la duplication. (12 h 50)
Mme Carie: Ici, l'autre dimension, je pense, qui est bien, bien
importante face à la santé mentale, c'est: Ce qui est fait dans
le réseau, c'est plus du curatif. Quand tu es bien, bien poqué,
on te ramasse et on essaie de faire quelque chose. Nous, on ne touche pas
vraiment au curatif. Ce qu'on fait, nous autres, c'est de la prévention.
Avant que les femmes fassent des dépressions, qu'elles consomment de la
médication et qu'elles soient hospitalisées en psychiatrie, on
s'occupe d'elles. Au fond, ce qu'on fait, nous autres, ce qu'on dit qu'on fait,
c'est qu'on essaie que les femmes entretiennent leur santé. Pas qu'elles
soignent leurs maladies, qu'elles entretiennent leur santé. Notre but
premier, c'est ça. De
donner des soins, ça peut arriver, mais ce n'est pas ça
notre job, ce n'est pas ça qu'on dit qu'on veut faire. Donc, en ce
moment, dans les PROS en santé mentale, ce n'est pas évident
qu'il y a de la place vraiment pour des gens qui font de la prévention.
Alors, nous, on n'a rien contre ça. On est bien intégrés
au niveau de la régie régionale, mais on ne trouve pas que la
place de la prévention est vraiment... qu'il y en a une. On dirait qu'il
y a trop de besoins au niveau du curatif, ça fait que c'est bien beau
mais...
M. Côté (Charlesbourg): Ou peut-être trop
dominé par ceux qui font du curatif sur le plan de l'élaboration
du PROS en santé mentale?
Mme Carie: Oui, effectivement.
M. Côté (Charlesbourg): II y a ça aussi,
parce que, si on voulait, à l'intérieur d'une enveloppe
générale, dire: On réserve 10 % ou 15 % de
l'enveloppe...
Mme Carie: Oui, oui, effectivement.
M. Côté (Charlesbourg): ...à de la
prévention, c'est possible aussi. Mais, évidemment, c'est une
question de volonté du milieu, de la majorité du milieu.
Mme Carie: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): II faut bien s'entendre.
S'il est dominé par l'institutionnel, c'est clair que... Qui on coupe
dans l'institutionnel pour faire de la prévention dans la... Ce n'est
pas toujours évident.
Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, vous vouliez
rajouter quelque chose brièvement.
Mme Lamontagne (Lise): Oui. Au sujet de la prévention, il
y a aussi l'approche qui est différente. Quand, nous, on travaille, on
travaille avec des femmes en santé d'abord. Je pense que le
ministère de la Santé, c'est peut-être plus souvent le
ministère de la maladie et des problèmes sociaux. Mais je pense
que les centres de santé, c'est vrai, les femmes qui viennent nous voir
sont en santé. Et, quand on fait de la prévention, on s'adresse
à toutes les femmes, ce qui est différent du ministère et
du réseau parce que, pour nous, toutes les femmes ont les mêmes
droits et ont des besoins similaires. Alors, on va s'adresser à elles
toutes.
Quand on entend le ministère parler, par exemple, sur la question
des bébés de petit poids en ciblant, ciblant, ciblant la femme
qui va donner naissance au bébé de petit poids: II faut qu'elle
soit jeune, monoparentale, fumeuse, sur le BS, et c'est elle qu'on va aider...
Et ça, on appelle ça de la prévention. Ou quand on pense
aux mammographies, on parle des femmes qui ont 50 ans et plus, pour parler de
prévention précoce du cancer du sein. Ça, ça n'a
rien à voir avec ce qui se fait dans les centres de santé des
femmes. Les centres de santé accueillent toutes les femmes qui le
veulent et c'est à elles toutes qu'on donne des services.
Pour ce qui est de la duplication des services, je voudrais ajouter
quelque chose. Je l'ai déjà dit, mais au cas que quelqu'un ne
l'ait pas bien compris. La duplication des services, cette
idée-là vient parce qu'on pense qu'il y a un abus de services.
Et, s'il y a un abus de services, c'est parce qu'on pense que les femmes, que
la population probablement en général, mais que les femmes
surconsomment des services. Moi, ce que je vois, ce n'est pas ça. Les
femmes s'adressent aux services et vont arrêter quand elles trouvent le
service qui leur convient. Elles arrêtent quand elles ont réponse
à leurs besoins. Si, dans une région, il y a trois ressources
d'avortement, est-ce qu'on parle de duplication de services ou on parle que la
femme a le choix de choisir la ressource qui lui convient le mieux? Est-ce que
la femme va aller se faire avorter trois fois parce qu'il y a trois ressources
avortement?
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre,
malheureusement, il n'y a pas beaucoup de temps.
M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, je
veux tout simplement vous dire que vos cas feront l'objet d'une étude
dans le budget qui s'en vient, comme à chaque année. Je ne sais
pas si j'ai entendu, mais j'ai à tout le moins écouté le
message. Le niveau d'entente se verra lorsque le budget sortira. Ça va.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-NorandaTémiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Je vous remercie de votre présentation
également. Écoutez, vous savez bien qu'il faut
répéter souvent le même message pour être entendu.
Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...c'était de se donner une autre occasion.
Dans l'Opposition, on est habitués à cette médecine...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...de répéter, et je dois vous dire que,
quelquefois, on réussit à guérir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Quelquefois. Ce n'est pas inutile, donc, que vous nous
rappeliez ce que vous êtes dans le réseau. On n'en a jamais trop
d'information à cet égard, même si, oui, on peut se dire
que, par rapport à la problématique, aux questions qui sont
soumises à cette commission, on était sur le bord, hein, on
était sur la bordure des questions auxquelles nous cherchons à
obtenir des réponses pour les années à venir.
J'aimerais ça faire un petit bout avec vous dans cette
direction-là en reprenant cette piste. Vous existez et vous êtes
là parce que le traditionnel, l'institutionnel, le formel ne fait pas
son travail de la façon dont les usagères voudraient qu'il soit
fait dans le système de santé. Est-ce que vous avez
assisté tout l'avant-midi aux témoignages? Bon. Vous y avez
assisté. Vous devez avoir un certain nombre de réflexions; on
pourra revenir plus tard là-dessus. Est-ce que, dans les centres de
femmes, actuellement, on utilise ce qui est généralement connu
sous le nom de thérapies alternatives? Est-ce qu'on fait de la
référence, est-ce qu'on recommande, est-ce que les femmes qui
sont chez vous sont des utilisatrices de ces services alternatifs de
santé, les réclament?
Regardez, je vais juste terminer en disant que ce que vous donniez,
madame, comme exemple tantôt en disant: Nous, comme femmes, quant
à notre réalité de femmes, chez le médecin, on est
mathématiques; on est mathématiques sur la pression, sur le
poids, sur la réaction... On n'est pas sensitives, on n'est pas psycho,
on est une mécanique humaine qui doit avoir tel type de réaction.
C'est à partir de ça que je pose ma question.
Mme Carie: Moi, je dirais que les femmes sont de plus en plus
sensibles à toutes ces nouvelles thérapies là. Sauf qu'il
y a un hic très important dans le cas des femmes, qui est aussi le hic
même pour utiliser les services du centre de santé, parce qu'on
disait tantôt que l'accès était limité pour certains
services où on doit demander des contributions. La même chose pour
les thérapies. C'est les femmes, au fond, qui ont des revenus
suffisants. Puis, ce qu'on sait, c'est que les femmes sont de plus en plus
pauvres. Alors, effectivement, ce n'est pas utilisé comme ça
pourrait être parce que les femmes n'ont pas d'argent pour consulter.
Alors, la même chose en psycho. Des fois, elles auraient besoin de suivi
individuel, mais elles n'ont pas l'argent, puis des services dans le
réseau, il n'y en a pas. On revient toujours à la même
chose: Les femmes n'ont pas d'argent. C'est pour ça qu'on dit: Est-ce
qu'il pourrait y avoir des alternatives et est-ce que ça pourrait
être socialement qu'on partage ces frais-là, pas seulement les
gens qui ont de l'argent, quoi?
Le Président (M. Joly): Mme Morin, vous aimeriez ajouter
quelque chose?
Mme Morin: Oui. Si je peux. Moi, je veux dire, de mon
expérience, ça fait 10 ans que j'anime des ateliers sur la
ménopause. Des techniques alternatives, j'en ai utilisé
énormément. Ce n'est pas «at large», mais, à
l'intérieur de mes ateliers, j'amène les femmes à se
connecter à leur propre corps. Si tu es fatiguée, pourquoi tu es
fatiguée? As-tu trop d'ouvrage? As-tu mal dormi avec ton chum? Toutes
ces choses-là, vous savez. C'est la globalité. Ça, c'en
est de l'alternatif, ça. C'est autre chose que de prescrire une
pilule.
Moi, je vais vous dire, je l'ai l'expérience. J'ai eu huit
enfants. Je sais ce que c'est que d'être accouchée par un
médecin et de me faire soigner par un médecin. J'ai
travaillé dans un CLSC sept ans. Le premier atelier que le Centre de
santé des femmes de Sherbrooke a mis sur la ménopause, je l'ai
suivi. J'ai eu un choc. J'ai eu l'impression d'avoir été
piégée toute ma vie et je me suis rendu compte qu'il y avait
d'autres femmes pour qui c'avait été la même chose. On ne
nous dit rien.
Donc, pour répondre à votre question, j'ai
l'expérience que l'alternative, ça m'a fait du bien, moi, et je
transmets ça à mes... Puis, je ne fais pas ce que je ne suis pas
capable de faire. Je ne joue pas au médecin, mais je vais leur proposer
des moyens moins coûteux.
Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, s'il vous
plaît. (13 heures)
Mme Lamontagne (Lise): Pour ce qui est du rôle des
institutions, des établissements, quand vous disiez: Ça ne doit,
pas répondre aux besoins des femmes, c'est sûr qu'on pourrait vous
sortir la liste des histoires pas roses qu'on entend. À toutes les
semaines ça sonne au téléphone avec des choses qui se sont
passées dans tel ou tel établissement. Ce qu'on retient quand
même, c'est que les femmes viennent dans les centres de santé,
hein? Ce n'est pas nous autres qui forçons personne à venir. Les
femmes viennent, viennent nombreuses, appellent, vont chez le médecin,
se font prescrire telle affaire, téléphonent au centre pour
savoir: Coudon, là, il vient de me prescrire ce traitement-là.
Qu'est-ce que vous en pensez, avez-vous de la documentation? J'aurais besoin de
réfléchir. C'est la même chose pour les opérations.
On est vraiment un point de référence pour les centres, que ce
soit par téléphone... Parce que, évidemment, on
répond à beaucoup de demandes directement au
téléphone. Sans rendez-vous, la même chose, les femmes se
présentent; on répond à leurs demandes.
Ça fait que, que le réseau ne soit pas parfait, ça
existe. Avant que le réseau soit féministe, je pense que je vais
mourir, ça fait que je ne m'attends pas à ça du
réseau. Les femmes s'attendent à de meilleurs services à
l'intérieur du réseau, c'est certain, mais on ne s'attend pas
à ce que l'approche dans les centres de santé soit
complètement reprise dans le réseau, mais on s'attend que, quand
on va au Centre de santé des femmes, ah bien là, cette
approche-là est là et c'est pour ça qu'on la choisit, et
c'est pour ça que le réseau nous réfère tant de
femmes. Parce que ça, il ne faut pas l'oublier, non plus. Les
médecins vont dire à madame: Bon, vous avez besoin d'une
hystérectomie; allez voir au centre de santé, ils vont vous
l'expliquer. Ce n'est pas de la science-fiction, là. Ça, on le
vit quotidiennement. Ça fait que le réseau ne soit pas parfait,
c'est une chose, je pense qu'il peut s'améliorer grandement, mais il ne
sera jamais féministe et il n'y aura jamais cette approche-là
qu'il y a dans les centres de santé et qui répond aux besoins des
femmes.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître Mme
Marcotte et brièvement, par après, Mme Morin, parce que le temps,
là, nous échappe pas mal.
Mme Marcotte (Johanne): Je voulais continuer, par un exemple, ce
que Lise Lamontagne vient de dire. Quand on parle du réseau, nous, au
Centre, on a une pratique qui s'appelle la cape cervicale. Pour ceux et celles
qui ne connaissent pas ça, c'est une méthode de contraception
comparable au diaphragme. Évidemment, plusieurs intervenants en
santé, quand on pense aux sexologues, aux infirmières, aux
médecins, plusieurs personnes ne connaissent pas cette méthode,
et ceux et celles qui la connaissent... Souvent, quand les femmes vont... Parce
qu'il y a certaines femmes qui en entendent parler, la publicité de ce
moyen-là... Ça fait neuf ans qu'on le pratique au Centre de
santé des femmes et qu'on mesure la cape cervicale. Ceux qui connaissent
ce moyen, c'est beaucoup de bouche à oreille et, quand les intervenants
sont au courant, ils nous réfèrent les femmes au Centre de
santé pour, justement, qu'on prenne la mesure et qu'on explique aux
femmes les questions, nous, qu'on se pose. Les questions, oui et les
hypothèses qu'on émet.
Évidemment, la cape cervicale, c'est un moyen qui est très
peu coûteux dans la vie d'une femme. Ça coûte 40 $ à
l'achat, ça dure sept, huit ans. Je pense que les pharmaciens,
l'industrie pharmaceutique n'a pas été très portée
à populariser, à universaliser ce moyen-là. Il y a eu
d'ailleurs, là-dessus vous pouvez vous référer aux
États-Unis plusieurs débats par rapport à la cape
cervicale: des saisies de bateaux, des ci, des ça. Nous, on les fait
venir encore d'Angleterre, d'ailleurs. Ça, c'est une chose. Il y a
aussi, par rapport à la cape cervicale, une femme qui vient chez nous,
pour bien lui expliquer comment se servir de ce moyen-là, ça
prend une heure. On peut penser que, dans notre système de santé,
avec la carte, une heure, ce n'est pas très payant, les médecins,
pour 13,85 $ de l'acte. C'est ce que la Régie donne actuellement pour un
examen gynécologique ordinaire. Et évidemment que le
réseau nous les envoie, ces femmes-là. Nous, on le fait pour 15 $
de l'heure, puis on passe quatre heures avec les femmes. Je veux dire, il faut
voir, aussi, les enjeux. Ça fait que, quand vous parliez de duplication,
à mon avis, ces services-là, ils ne sont pas présents dans
le réseau, il n'y a pas duplication.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
Mme Marcotte: C'était pour compléter l'exemple.
Le Président (M. Joly): Mme Morin, s'il vous
plaît.
Mme Morin: Ça ne sera pas long. Quand vous parlez que le
réseau institutionnel n'est pas adéquat ou est incomplet, quelque
part, moi, je suis encore étonnée, en automne 1992, de m'entendre
dire par une femme que son médecin lui a dit: Bon, bien écoute,
si tu es fatiguée d'être menstruée, je peux t'enlever ton
utérus; d'une autre part, d'entendre dire qu'un médecin a
prescrit des hormones à une madame que ça ne fait pas un an
qu'elle est ménopausée. Bien, tu sais, ça me heurte
énormément. Puis Dieu sait si ça cause des
séquelles, ça, vous savez, prescrire des hormones à une
madame qui n'est pas encore... Ce n'est pas le temps de les prescrire.
Ça, vous savez, ça peut en être, de la duplication. Moi, je
lui dis: Retourne voir ton médecin, puis dis-lui ça, ça et
ça. Ça fait qu'elle a fait deux visites au médecin, tu
sais, qui coûtent combien? Puis on pourrait en nommer, ça. Mais
ça, c'est aujourd'hui, ça.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Morin.
M. Trudel: Mme Lamontagne, vous dites que vous avez votre
musée des horreurs au niveau de ce qui se passe sur le plan
institutionnel. Est-ce que vous avez un musée des horreurs sur les
thérapies alternatives? C'est-à-dire, est-ce qu'on aboutit chez
vous, puis on vous fait... Est-ce qu'on étale, de façon assez
large, les abus dont les femmes auraient été victimes dans le
réseau des thérapies alternatives, des abus de confiance, des
abus de pouvoir, des lésions, des inquiétudes? Est-ce que vous
avez votre musée des horreurs en rapport avec les thérapies
alternatives aussi?
Mme Lamontagne (Lise): Bon, pour l'instant, non. Ce qu'on a dit
tantôt, c'est que les femmes, quand même, ont peu accès
à ces thérapies-là étant donné les
coûts que ça engendre. Ça, je pense que c'est un des
obstacles. Ce n'est pas encore documenté. Je ne dis pas qu'il n'y en
aura pas, je ne dis pas qu'il y en aura. Je pense qu'en général
les femmes, ce qu'on entend, c'est qu'elles reçoivent une réponse
peut-être plus adéquate dans ces thérapies-là que
dans le réseau institutionnel, peut-être parce que là
aussi, comme chez nous, on parle de globalité de la personne; on essaie
de voir plus largement le contexte de cette femme-là. Je parle de
femmes.
Chez nous, par contre, on est ici pour nos pratiques alternatives. On ne
parle pas de thérapies, chez nous, on parle de pratiques. On
préconise certaines méthodes alternatives, si vous voulez, bon,
entre autres pour le traitement des infections vaginales. Il y a eu un petit
dépliant qui a été produit par le centre de santé
de Montréal qui propose des alternatives avant d'en venir à ce
qu'on a habituellement en pharmacie.
Bon, ça, c'est des choses qui existent, et, aussi, quand on
traite la personne de façon globale, c'est rare qu'on arrive avec une
solution pharmaceutique au bout. On va essayer de voir son environnement. On va
essayer de comprendre sa situation. Et, souvent, on est capable, par des moyens
très simples, de prévenir que sa santé se
détériore ou...
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Un dernier mot
à Mme Marcotte, 30 secondes.
Mme Marcotte: Bien, c'est pour compléter sur le
musée des horreurs en alternatif. Chez nous non plus, on n'a pas eu
encore d'élaboration d'horreurs par rapport à l'alternatif. Ce
que je voulais soulever, c'est aussi quand on était, nous, chez nous...
On a déjà été illé-
gal c'est maintenant officiel -- au niveau de l'avorte-ttient,
quand on faisait des avortements sur demande et que la loi imposait les
comités thérapeutiques. Évidemment qu'on était en
situation illégale au niveau officiel.
Au niveau de la pratique, évidemment, c'était
supervisé par des médecins. Nôtre degré de
stérilisation comparé à plusieurs institutions,
évidemment, il était excellent. On n'avait pas les moyens, avec
le pouvoir médical existant, de passer à côté et de
faire une bévue. Je pense que les sages-femmes autre exemple, les
sages-femmes sont un peu dans la même situation. Quand on suit une
sage-femme, qu'on regarde lés services qu'elle rend aux femmes, la
qualité des services, comparativement à certains
gynécologues et à certains omnipraticiens, laisse souvent peu
à désirer, justement parce qu'elles ne sont pas
officialisées. On prévient aussi, je veux dire, puis, d'aileurs,
on est intéressées à travailler dans des conditions
saines. On n'a pas le goût de risquer la santé des femmes. Puis,
je pense que c'est vrai pour plusieurs pratiques alternatives aussi.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup,
madame.
M. Trudel: Merci beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): Merci de ce
témoignage, il va très certainement enrichir nos mémoires,
en espérant que notre mémoire n'oublie pas.
Mme Morin: Et, si vous avez besoin de plus d'informations, on est
disponibles.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de Cette
commission, je tiens à vous remercier aussi.
Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 13 h 9)
(Reprise à 15 h 23)
Le Président (M. Joly): Bonjour. La commission reprend ses
travaux.
Il me fait plaisir d'accueillir la Fédération des CLSC du
Québec. Alors, M. Payette, j'apprécierais que vous nous
présentiez les gentilles dames qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Fédération des CLSC du
Québec
M. Payette (Maurice): Bonjour. Alors, à ma droite, Mme
Jeanne d'Arc Vaillant, directrice générale de la
Fédération des CLSC; à ma gauche Mme Lucille Rocheleau,
qui est conseillère cadre et particulièrement responsable du
dossier des thérapies alternatives.
Le Président (M. Joly): Nous avons à peu
près une vingtaine de minutes pour vous écouter sur votre
mémoire.
M. Payette: Vingt minutes, certainement. D'accord.
Le Président (M. Joly): Par après, bien, les
parlementaires vont échanger avec vous. Merci.
M. Payette: En guise d'introduction, je veux juste rappeler que
nous sommes dans l'an 1 de la réforme de la santé et des services
sociaux. Dans cette réforme, les CLSC oui, la pyramide, ha, ha,
ha! ont été confirmés comme établissements
publics de première ligne et ont confirmé leur mission
préventive et curative, mission aussi de réadaptation, de
réinsertion. Et nous sommes particulièrement interpellés
par les thérapies alternatives pour trois raisons, je dirais.
D'abord, sur le terrain, les professionnels des CLSC ont
déjà, on pourrait dire, un coffre d'outils en vertu de leur
compétence clinique, mais les thérapies alternatives pourraient
être un outil supplémentaire qui pourrait enrichir ce coffre
d'outils.
Deuxièmement, nous avons aussi un certain nombre d'usagers qui
viennent au CLSC et qui demandent de l'information pour des thérapies
alternatives, savoir où aller. On a besoin de balises.
Troisièmement, je dirais aussi, avec la politique de santé
et de bien-être qui fait un virage vers des objectifs plutôt que
vers des services, on pense que les thérapies alternatives sont un moyen
d'implanter cette politique de poursuivre les grands objectifs et aussi
d'utiliser certaines stratégies, particulièrement la
stratégie qui concerne le développement du potentiel des
personnes.
Alors, je vais laisser à Mme Vaillant le soin de faire une
synthèse de notre présentation et on pourra ensuite
répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Mme Vaillant, s'il vous
plaît.
Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): D'accord. Donc, on va aborder avec
vous la difficile reconnaissance professionnelle de certaines thérapies.
On vous le dit d'entrée de jeu, nous ne sommes pas des experts. Comme le
dit notte président, c'est actuellement une question
d'intérêt public à cause de l'utilisation que les citoyens
en font. Et, en CLSC, il y a des intervenants qui, également, pourraient
ajouter ça à leur pratique comme telle.
Donc, on va aborder cette reconnaissance des thérapies
alternatives sous trois angles: le caractère alternatif de certaines
thérapies, le caractère contraignant de la loi médicale
je dirais qu'il est plus que contraignant, il est monopolistique
et également les modalités de reconnaissance légale de ces
thérapies. Et ce que nous croyons, au niveau de la commission, c'est que
la question qui doit être posée est en fonction de la protection
du public, c'est une question d'intérêt public. Ce n'est pas une
question corporatiste, c'est une question
d'intérêt public et, en ce sens-là, c'est le droit
à l'information pour la population et la protection du public. Et un
autre élément, c'est que, contrairement à d'autres
organismes ou corporations, nous croyons que nous nous en allons vers le XXIe
siècle et que le XXIe siècle, il y a une certaine
évolution et qu'il faut regarder. C'est un phénomène
social et on ne peut pas le passer sous le tapis. Ça fait partie d'un
mouvement et il faut qu'on puisse l'examiner. Si on regarde le caractère
alternatif de certaines thérapies, pourquoi c'est alternatif? Que ce
soit l'ostéopathie, l'homéopathie, l'acupuncture et autres, elles
sont alternatives parce qu'elles ne cadrent pas avec la médecine telle
que nous la connaissons depuis 150 ans et telle que nous la connaissons
actuellement. Chacune de ces thérapies-là... Puis là je
vais passer rapidement. On va en aborder trois. On a pris ces trois-là,
elles sont très connues.
L'ostéopathie a été mise au point par un
médecin britannique, un médecin chirurgien qui a constaté
l'impuissance de la médecine à son époque et qui s'est mis
à la recherche d'une nouvelle façon de voir la santé et la
maladie. Et, en fonction de ça, il a articulé une logique et des
stratégies thérapeutiques autour de quatre niveaux de
réalité chez l'être humain: le physique, le mental,
l'émotion profonde et l'esprit. Et l'ostéopathie, au moment
où on se parle, elle est enseignée dans plusieurs facultés
de médecine, en France, aux États-Unis, en Belgique, un peu
partout en Europe. Donc, c'est quelque chose de bien reconnu, de bien assis. Au
Québec, c'est malheureusement encore en marge. (15 h 30)
Au niveau de l'homéopathie, qui a été très
utilisée depuis le Moyen Âge, elle a été mise au
point également par un médecin allemand, le Dr Hahnemann, qui a
articulé ce savoir en un système clinique cohérent qui
répertorie plus de 800 substances naturelles dans leurs effets
physiologiques et psychologiques. Et il a articulé des principes
cliniques d'utilisation, des principes actifs de ces substances.
Également, l'homéopathie est une thérapie alternative qui
est enseignée en Europe, qui est enseignée aux États-Unis,
qui est reconnue.
Le troisième exemple qu'on peut citer, c'est l'acupuncture.
L'acupuncture date également de très longtemps et c'est
également une technique, une thérapie qui, au Québec, par
ailleurs, contrairement aux autres, a donné lieu à une
législation spécifique et qui est reconnue. Mais, dans les faits,
cette pratique-là continue toujours de faire un débat et on
parlera plus tard d'une autre loi qui continue de faire un débat.
Donc, les trois thérapies alternatives ont un point commun, elles
découlent d'une compréhension du fonctionnement de la
santé et de la maladie qui diffère singulièrement de notre
pensée courante et intègrent dans leur pratique des dimensions de
la réalité qui s'avèrent importantes à la
santé et au bien-être. Donc, elles présentent un aspect
complémentaire à ce qui existe déjà et peuvent
enrichir nos outils thérapeutiques. Nous n'avons cité que ces
trois-là, à titre d'exemples. Il y en a beaucoup,
phytothérapie et autres. On n'a pas voulu, n'étant pas des
experts, s'avancer trop dans la description des différentes
thérapies.
Ce qui nous apparaît fondamental, par ailleurs, de souligner
et ça, c'est un signe des temps quand on parle de science,
on voudrait juste se référer à quelque chose qui s'appelle
de la recherche fondamentale en physique et en chimie. Si ça ce n'est
pas scientifique, je ne sais pas c'est quoi la science. Donc, il y a des
recherches, actuellement, en physique et en chimie de la relativité et
de la mécanique quantique qui peuvent aider à expliquer certains
mécanismes opératoires en thérapies alternatives. Il y a
de nombreux chercheurs. C'est des recherches très poussées au
niveau de la matière, dans l'infiniment petit et dans l'infiniment
grand. Il y a beaucoup de publications à ce niveau-là, et
ça remet en cause la conception qu'on se fait de la matière et
des mécanismes. Donc, ça pourrait amener un changement de
paradigme. Si je fais une comparaison, c'est comme au Moyen Âge, quand
Christophe Colomb ou un autre a découvert que la terre était
ronde.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Ça a eu des conséquences
énormes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Ceux qui ne pensaient pas comme ça
étaient hors de l'Église.
Une voix: ...italien! Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Donc, on ne fait que mettre ça sur la table,
on n'est pas du tout des experts là-dedans, mais on dit: Un instant! Il
y a des recherches extrêmement poussées qui vont être
traduites de façon plus concrète dans la décennie qui
vient, nous l'espérons.
Donc, au niveau des questions que le législateur doit se poser
sur la valeur de certaines thérapies alternatives, on propose une
certaine grille d'analyse, en toute modestie. On dit ceci: Dans les questions
à se poser pour la reconnaissance des thérapies alternatives,
est-ce qu'il y a un corpus de connaissances? Ce n'est pas de la fantaisie, ce
n'est pas de la manipulation, ce n'est pas de la fumisterie. Est-ce qu'il y a
un corpus de connaissances cohérent au-delà des idéologies
particulières? Est-ce qu'il y a un corpus? Il y en a un en ostéo,
il y en a un en homéo. Première question.
La deuxième. Est-ce qu'il y a une cohérence interne et une
validité externe dans le savoir propre de cette thérapie?
Ça veut dire: Est-ce que cette thérapie-là, dans son
savoir, c'est articulé logiquement, et est-ce qu'on a des
éléments qui permettent de l'évaluer? Donc, est-ce qu'on
peut l'évaluer? Est-ce que c'est cohérent par rapport aux
principes de base qui sont mis de l'avant? Est-ce qu'il y a une gamme bien
répertoriée de stratégies thérapeutiques qui font
partie des moyens d'intervention de la thérapie? On va vous donner
un
exemple entre l'ostéopathie, l'homéopathie ou l'irrigation
du côlon. L'irrigation du côlon, c'est une technique. Donc, c'est
une technique. Il n'y a pas un corpus, ça ne s'inscrit pas dans un
ensemble de stratégies thérapeutiques.
La quatrième question: Est-ce qu'il y a des méthodes
cliniques bien définies qui permettent à des thérapeutes
alternatifs d'une même approche de partager une même
évaluation de la condition d'une personne? C'est-à-dire, par
exemple, pour plusieurs homéopathes ou plusieurs ostéopathes,
est-ce que le savoir est suffisamment articulé, au niveau des principes
cliniques, pour que chaque thérapeute évalue la condition d'une
personne avec des critères qui sont semblables, que ce ne soit pas
d'après, encore une fois, l'humeur, des impressions, que c'est à
partir d'un savoir qui est articulé et qui fait que les intervenants,
les thérapeutes utilisent ce savoir-là, et que ça permette
une certaine homogénéité?
L'autre critère: Est-ce qu'il y a nécessité
d'apprendre, d'être formé, supervisé pour maîtriser
ce savoir et ces techniques? C'est sûr qu'il ne suffit pas d'aller se
brancher en quelque part et le savoir descend; ce n'est pas ça du tout.
C'est-à-dire qu'il y a un savoir, il y a de l'information, il y a de la
formation qui doivent être donnés.
Et, le dernier point, ça prend des mécanismes et des
protocoles d'évaluation de la valeur thérapeutique de ces
approches. Ça, c'est fondamental. Et, dans la situation actuelle, est-ce
que les fonds de recherche, que ce soit le Fonds de la recherche en
santé ou le CQRS, est-ce qu'il y en a des évaluations? On ne les
reconnaît pas pour plein de raisons. Si on ne les reconnaît pas, il
y en a qui existent. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de les évaluer en
quelque part, sur une base scientifique? Et est-ce qu'il n'y a pas moyen de
rendre disponibles certains fonds de recherche pour ça? Donc, ça,
c'est les éléments qui nous apparaissent importants.
Le deuxième point, c'est le caractère contraignant des
lois professionnelles, on dirait monopolistiques. Là-dessus, ce qu'on
dit très brièvement... Je vous réfère ici aussi
à la commission Rochon qui, dans ce secteur-là, recommandait
d'abandonner la notion de champ exclusif au niveau de la Loi médicale
pour se diriger vers des actes ou des catégories d'actes exclusifs. Ce
qu'on dit, nous, en clair... Dans la Loi médicale, il y a deux articles,
l'article 31 et l'article 43. On dit: II faut qu'ils soient amendés.
Parce que, de la façon dont c'est interprété actuellement,
et on en a des exemples, ça crée plus qu'un monopole. C'est comme
si c'était la «propriété de», c'est comme si
c'était une religion, et hors de ça, point de salut. Donc, il y a
là une situation qui nous apparaît contraire à
l'intérêt public. Je ne détaillerai pas l'article 31,
l'article 43. Pour nous, écoutez, il faut que ce soit amendé,
sinon ça ne fait aucun sens. Là-dessus, on vous
réfère à la jurisprudence. La jurisprudence, en toute
déférence pour les juges, n'est-ce pas, c'est que les juges
interprètent les lois telles qu'elles sont votées, et
l'interprétation...
Une voix: ...
Mme Vaillant: Oui, de temps en temps. Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme Vaillant: Ça dépend. Us peuvent errer. Des
voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: On ne se référera pas à aucun
dossier.
M. Côté (Charlesbourg): En général, ce
sont des avocats, donc ils peuvent errer.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Là, je me sens dans une situation
très inconfortable.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...Louis-H.-Lafontaine. C'est ça que vous
voulez dire?
Mme Vaillant: Oui. M. Trudel: Ah bon!
Mme Vaillant: Donc, au niveau de la jurisprudence. ..
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris ce
matin, c'est que la Corporation professionnelle des médecins s'est fait
représenter par un avocat.
Mme Vaillant: Ah bon! Des voix: Ha, ha, ha! Une voix:
Pour ne pas errer. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Donc, au niveau de la jurisprudence, ce qui ressort
de l'ensemble de la jurisprudence l'Ordre des infirmières, dans
un document qu'il produisait, le faisait ressortir fort bien il y avait,
en 1986, 800 cas recensés, et on ne considère absolument pas,
dans la preuve devant les tribunaux, pour ceux qui sont accusés de
pratique illégale de la médecine, ni la compétence, ni le
savoir-faire, ni l'éthique, ni la qualité thérapeutique
des gestes qui sont posés par le thérapeu-the. Le
thérapeuthe pourrait... Ça pourrait être
démontré scientifiquement que la personne a été
complètement guérie, et il serait condamné quand
même pour exercice illégal de la médecine, ce qui fait que
cette interprétation de la jurisprudence nous amène encore...
c'est un point supplémentaire pour demander une modification de
l'article 31 et de l'article 43. (15 h 40)
En fait, ce qu'on dit rapidement, c'est qu'il y a deux choses. L'article
31 et l'article 43 de la Loi médicale doivent couvrir finalement les
catégories d'actes exclusifs que posent les médecins, et il doit
y avoir un autre cadre juridique pour les thérapies alternatives. On
doit absolument sortir de la Loi médicale tout ce qui touche les
thérapies alternatives; c'est deux choses différentes. Il y a un
cadre juridique pour l'exercice de la profession médicale avec des
catégories d'actes exclusifs, non pas un champ exclusif, et il y a, au
niveau des thérapies alternatives, nécessité d'un cadre
juridique pour la protection du public et pour l'information également
du public. Au niveau du champ d'exercice pour les pratiques alternatives, ce
serait beaucoup plus clair et plus facile.
Donc, au niveau des autres actes exclusifs en santé, on
réfère ici à 10 autres champs professionnels qui touchent
les pharmaciens, les optométristes, les dentistes, les chiropraticiens
et les infirmières. Ce qu'on dit là-dessus, c'est que ce sont des
outils complémentaires de soins qui devraient s'ajouter à la
compétence, à la formation clinique de base en
«nursing», par exemple. Donc, il y a lieu que des thérapies
alternatives puissent être intégrées à la pratique
des professionnels de la santé selon leur champ de pratique, cela
s'insérant dans les mécanismes actuels de reconnaissance et
d'évaluation de la compétence professionnelle.
Donc, quelles sont les modalités on a parlé du
cadre juridique de reconnaissance professionnelle? On
réfère ici à l'Office des professions qui a mené
plusieurs études à propos des thérapies alternatives, et
on souscrit à plusieurs de ces recommandations. On ne pense pas que ce
soit nécessaire de créer des corporations professionnelles dans
le domaine des médecines douces, ça c'est le premier point, non
plus de chercher à rendre illégales les pratiques du massage de
détente, naturopa-thie, phytothérapie ou des approches...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, Mme Vaillant.
Mme Vaillant: Oui.
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais peut-être
à conclure, s'il vous plaît.
Mme Vaillant: Je vais essayer d'être...
Le Président OML Joly): On peut déborder un
peu?
M. Côté (Charlesbourg): On se limitera sur nos
questions.
Mme Vaillant: Bon, je vais accélérer.
M. Côté (Charlesbourg): Ça va vous permettre
de livrer votre message. Allez, allez.
Le Président (M. Joly): Allez, madame.
Mme Vaillant: Donc, au niveau des... De ne plus rendre
illégales ces pratiques-là; d'exclure du champ des actes
exclusivement réservés aux membres d'une corporation
professionnelle la pratique de massage et le fait de prodiguer des conseils
d'hygiène en vue du mieux-être de la personne; ensuite
d'assujettir le contrat entre l'intervenant et le citoyen ou l'usager à
la Loi sur la protection du consommateur; de départager, parmi les
associations de praticiens en thérapies alternatives, celles qui
démontrent une indépendance par rapport aux écoles de
formation, qui ont des exigences minima de formation de leurs membres ou qui
ont adopté un code de déontologie applicable. Et, à
ça, on ajouterait ceci, qui n'est pas dans notre mémoire, mais on
pense à une commission des thérapies alternatives qui pourrait
assurer l'information du public, qui pourrait assurer un encadrement de
l'ensemble des thérapies non couvertes par les corporations, qui
pourrait être un excellent instrument rattaché au ministre de la
Santé et des Services sociaux. Donc, pour nous, en révisant, on
s'est aperçu qu'il y avait une lacune à ce niveau-là et
que ce serait intéressant d'avoir une commission.
Donc, l'information et la protection du public, j'en ai parlé
tantôt, un nouveau cadre juridique qui est important, des
mécanismes de régulation de certaines thérapies et,
rapidement, au niveau des CLSC, les CLSC et les thérapies alternatives,
notre position, elle est très simple. Je vais vous la résumer en
quelques mots. Nous, on dit: À cause de l'équipe
multidiscipli-naire en CLSC, les thérapies alternatives font partie d'un
coffre à outils, et, s'ils peuvent servir à améliorer la
qualité des services pour le citoyen, c'est ça qui est
l'objectif. On ne demande en aucune façon d'ajouter des services, des
programmes ou des postes dans ce champ-là; ça, c'est très
clair, ça, c'est un élément pour nous. Et, d'autre part,
nous pensons que les thérapies alternatives qui existent dans le secteur
privé doivent demeurer dans ce secteur-là, balisées par un
cadre juridique, balisées par une commission des thérapies
alternatives.
Donc, on ne demande pas que tout ça soit intégré
dans le secteur public. Ce qu'on se dit, juste un petit peu avec humour, c'est
que de ces thérapies-là, il y en a un certain nombre qui sont
excellentes. Pourquoi ne seraient-elles pas utilisées dans le secteur
public pour améliorer la qualité du service qui est
dispensé? On est convaincu que ça permettrait, comme l'a dit M.
Payette tantôt, d'améliorer et d'atteindre les objectifs de la
politique de santé et bien-être. C'est comme si on
découvrait un nouveau vaccin miracle et qu'on se disait: On va juste le
laisser dans le secteur privé, on ne le donnera pas dans le secteur
public. Il y a comme un non-sens là-dedans. Il y a des thérapies
qui sont des outils complémentaires aux professionnels de la
santé oeuvrant dans notre réseau et elles devraient être
utilisées.
En terminant, on ne peut pas passer sous silence un autre
élément. Pour nous, la pratique des sages-femmes n'est pas... On
ne peut pas ne pas l'aborder actuellement. La pratique des sages-femmes, nous
n'en avons pas parlé de façon précise, spécifique
là-dedans
parce que, pour nous, ce n'est pas une pratique, une thérapie
alternative. Dans 200 pays au monde, ça fait partie de la pratique
normale et régulière.
M. Côté (Charlesbourg): Ça a mis au monde des
médecins.
Mme Vaillant: Ça a mis au monde des médecins,
effectivement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Effectivement. Et, dans ce sens-là, on ne
pouvait pas ne pas en parler. On ne l'a pas mis dans le mémoire parce
qu'on se dit: II y a un bout à tout, ce n'est pas alternatif, ça
doit faire partie du réseau comme tel, et on voit les difficultés
que nous rencontrons. Et, là-dessus, je vais laisser notre
président, qui est un citoyen, vous faire part de sa position comme
citoyen.
Le Président (M. Joly): M. Payette, s*il vous
plaît.
M, Payette: Ce que je dirais, dans le débat actuel, les
citoyens, particulièrement un citoyen décideur, ont cru et
continuent de croire à la réforme. On a demandé que la
pyramide s'inverse et de devenir au centre de cette pyramide-là. On sait
que la commission Rochon avait fait un diagnostic sévère à
l'effet qu'au fond les citoyens étaient en otage par rapport à
toutes les luttes corporatives et les groupes d'intérêts. (15 h
50)
Les citoyens décideurs, quand ils regardent ce qui se passe dans
ce débat-là, sont en train de se poser bien des questions,
à savoir: Est-ce qu'on est vraiment au centre? Est-ce que ce n'est pas
le pouvoir médical qui, au fond, continue d'être au centre de tout
ce système de santé là? Et on se pose des questions
concernant, je dirais, vraiment cette lutte de pouvoir là, on se sent
impuissant et on se demande, au fond, qui mène. Et ce que j'aimerais
dire à M. le ministre, c'est que les décisions qui vont
être prises sur ce sujet-là auront une valeur importante, un signe
qui sera donné aux citoyens décideurs comme quoi la tendance
qu'on veut inverser, elle est en train de s'inverser.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Payette. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Je suis très, très heureux, à nouveau, de vous
revoir dans ce genre d'exercice là. Vous avez fait état de votre
pyramide tantôt, c'est ce qui avait marqué une certaine commission
à l'époque, et, d'entrée de jeu, M. le Président,
vous me permettrez d'être hors sujet, mais de remercier d'une
manière publique les CLSC et aussi, d'une certaine manière,
l'AHQ, avec tes départements de santé communautaire, pour
l'opération Méningite, qui est une première au monde, et
qui a été une réussite assez exceptionnelle, et qui fait
la démonstration que, lorsqu'on veut et qu'on s'y met, la
complémentarité, ça peut s'installer dans le
réseau, et ça, au bénéfice de la prévention.
C'est toute notre jeunesse qui y a gagné et, en ce sens-là, je
veux vous remercier publiquement, parce que c'est la première occasion
qu'on a de le faire. Comme l'opération est pratiquement terminée,
on n'en entend presque pas parler. Ce qui va bien, à l'occasion, on n'en
parle pas; on entend beaucoup parler de ce qui va mal. Un message pour la
presse en même temps. Ça pourrait aller.
Donc, si j'ai bien saisi la présentation et le document, et en
cela j'imagine que les médecins vont reconnaître que les CLSC de
manière globale ont évolué, vous dites oui aux
thérapies alternatives, pas n'importe lesquelles, pas n'importe qui, pas
n'importe comment. Et, dans ce sens-là, on peut déjà
déterminer un certain nombre de thérapies alternatives ou
complémentaires, parce que là je pense qu'on verse aussi dans le
complémentaire par rapport au coffre à outils. Il y en a un
certain nombre. Vous avez parlé d'homéopathie,
d'ostéopathie, de l'acupuncture qui ont fait un certain nombre de
preuves; peut-être pas autant et de manière suffisante, mais pour
être dans une catégorie à part d'un certain nombre d'autres
thérapies qui peuvent être considérées davantage
dans le domaine des techniques.
Si je comprends, on doit avoir, donc, une connaissance presque à
toute épreuve des effets bénéfiques pour le citoyen
consommateur, mais que, dans ce sens-là, vous dites: II faut y aller
parce que la société de manière générale va
y gagner; le citoyen va y gagner, mais dans une offre de services
complémentaires et pas en parallèle. C'est un discours qui est
quand même bien... Se recentrer tout en reconnaissant les mérites
de ces thérapies.
Je n'en nomme pas d'autres. On pourrait peut-être en aborder
d'autres, mais ça me paraît être le noyau dur sur lequel il
faut progresser. Il reste donc toutes les autres qui, à votre point de
vue, ne sont pas rendues à un niveau de connaissances suffisamment bien
mesuré pour qu'on puisse les mettre dans la même catégorie
que les précédentes, que, dans ce sens-là, on parle
davantage de techniques et d'aller plus loin sur le plan de
l'expérimentation, sans vouloir toutes les nommer. Est-ce que j'ai bien
compris? On est à une démarche qui se situerait principalement
à deux niveaux de reconnaissance, s'il y avait reconnaissance.
Mme Rocheleau (Lucille): Je ne suis pas certaine d'avoir
très bien compris.
M. Côté (Charlesbourg): À un premier niveau,
homéopathie, ostéopathie...
Mme Rocheleau: Ceux qui sont clairs. M. Côté
(Charlesbourg): ...acupuncture.
Mme Rocheleau: Et l'autre niveau, ceux qu'on ne sait pas
trop.
M. Côté (Charlesbourg): L'autre, ceux qu'on ne sait
pas trop. J'ai rais ça dans la catégorie
«techniques». Donc, qu'on ne sait pas trop. C'a l'air que ça
prend un permis d'électricien, à ce qu'on a compris depuis deux
jours...
Mme Rocheleau: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Un permis
d'électricien pour être capable de les appliquer.
Mme Rocheleau: C'est ça. Je pense que le message qu'on
voulait dire, il y a des thérapies qui sont claires, qui sont reconnues
comme ayant des effets importants, et celles-là, on se dit: II faut
qu'on s'organise pour qu'elles soient accessibles facilement. Les autres, je
pense que le message qu'on veut passer, on ne veut pas faire en sorte d'avoir
un système tellement rigide et structuré qu'il n'y aurait plus de
possibilités pour l'alternatif en dehors de ce qui est
déjà connu. Il faut rester souple. Ce qui est important par
rapport à ces thérapies-là, c'est qu'il y ait un certain
encadrement qui permette au public de s'y retrouver, et je pense que, par
rapport à ça, c'est ce qui est important, que les gens sachent
qu'est-ce qui est clairement défini, qu'est-ce qui est clairement
montré que ça peut donner des effets intéressants, les
possibilités et les limites de ces thérapies-là. Et celles
pour lesquelles on connaît peu de choses, on ne peut pas dire qu'elles ne
sont pas bonnes, on ne les connaît pas, on ne le sait pas. Mais ce qui
est important, c'est que le public sache que c'est là qu'on est rendu
dans la connaissance. À ce moment-là, ce sera au public de
décider si oui ou non il veut aller quelque part.
Et l'autre élément, c'est de savoir qui est reconnu, qui a
une formation par rapport à certains éléments. Je pense
que c'est ça...
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est à la
deuxième étape. À partir du moment où on identifie
et on tente de classifier ce qui est rendu suffisamment loin pour être
capable de donner accès à une certaine pratique
légalisée parce que cette science-là peut procurer du
bien-être, il faut se poser la question: C'est qui? Quand on parle
d'homéopathie et d'ostéopathie, ce que j'ai entendu depuis deux
jours, même trois, on parle beaucoup de ces sciences-là, mais
pratiquées par des médecins. On a beaucoup entendu parler de
ça, ostéopathie, homéopathie; on parle beaucoup que
ça ferait partie du coffre à outils des médecins comme un
élément additionnel de leur coffre à outils, donc
complémentaire à ce qu'ils ont déjà, pour
être capable d'informer et de donner du bien-être à la
globalité de la personne. Est-ce que vous êtes de cet
avis-là ou si quelqu'un d'autre qu'un médecin pourrait pratiquer
ou dispenser ces vertus bénéfiques?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillant: Je vous dirais, hors de tout doute raisonnable,
qu'il ne faut absolument pas que ça entre dans l'exclusivité. On
va renforcer un monopole qui existe déjà et on est
fondamentalement convaincus qu'au niveau d'autres types d'intervenants, comme
les infirmières, par exemple, c'est un élément important,
une pratique importante qui bonifierait les interventions qui sont faites, par
exemple, au niveau de la périnatalité, dans le programme de
périnatalité en CLSC. Pour nous, c'est sûr que
l'ostéopathie, comme l'homéopathie, peut être
pratiquée par plusieurs intervenants en santé.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, pas d'exclus. Mme
Vaillant: Pas d'exclusivité.
M. Côté (Charlesbourg): Pas d'exclusivité,
mais pas d'exclus non plus.
Mme Vaillant: Non.
M. Côté (Charlesbourg): Dans le sens qu'on n'exclut
pas les médecins non plus.
Mme Vaillant: Non, non. C'est un ensemble, parce qu'on parle de
santé et de bien-être; c'est un ensemble.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que vous avez bien
défini, et je les reverrai à la lecture des documents, les
critères qu'il faut respecter. Je pense que c'est de nature à
rassurer un certain nombre de personnes sur les intentions de la
Fédération des CLSC et des CLSC aussi quant aux cotes
qu'elle-même pourrait se donner à suivre pour l'ensemble des
intervenants au niveau des CLSC.
Comme le temps n'est pas toujours très, très important, ce
qui nous reste, ce matin, des infirmières sont venues nous dire qu'il y
avait plus ou moins, au Québec, 3000 infirmières et infirmiers
qui, d'une manière ou d'une autre, dispensaient des soins ou des
services de mieux-être à des citoyens et qu'on parlait de
thérapies alternatives. On dit: On voit ça dans un centre
d'accueil, on voit ça dans des centres hospitaliers. Elles nous ont dit
ça ce matin, 800, si ma mémoire est fidèle, au niveau des
centres hospitaliers, sur les 3000 qui ont répondu qu'ils utilisaient
des thérapies alternatives, et aussi des gens de l'extérieur.
Est-ce que, dans ce que vous connaissez de ce qui se fait actuellement au
niveau des CLSC, il y a des pratiques de certaines thérapies
alternatives et est-ce que le phénomène est bien
répandu?
Le Président (M. Joly): Mme Rocheleau, s'il vous
plaît.
Mme Rocheleau: Je ne dirais pas que le phénomène
est très répandu. Je pense que les infirmières qui font
partie de l'Ordre des infirmières vont appliquer certaines
thérapies alternatives comme outils complémentaires de soins. On
peut penser, par exemple, à des massages, à la visualisation,
à du feed-back, quand elles
sont formées pour le faire. Ce qu'on voit souvent, c'est beaucoup
de professionnels en CLSC qui sont formés mais qui vont pratiquer la
thérapie alternative en privé, c'est-à-dire que, pendant
le temps qu'ils travaillent au CLSC, ils n'utilisent pas, par exemple,
l'homéopathie, l'acupuncture, mais ils vont donner un service en
privé à l'extérieur de leurs heures de travail. C'est plus
ça qu'on va rencontrer en CLSC actuellement.
M. Côté (Charlesbourg): Et est-ce que c'est un
phénomène qui est bien répandu? Ce n'est pas les vases
communicants, non?
Mme Rocheleau: Non, non, il n'y a pas de vases communicants
là-dedans. Je ne peux pas vous dire l'ampleur, le nombre de personnes
qui ont une formation là-dedans. Je n'ai pas de chiffres.
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
Mme Rocheleau: Mais je sais qu'il y a, à différents
endroits, plusieurs intervenants qui sont formés dans ce domaine
là. (16 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parlé
beaucoup, donc, de critères dans votre présentation, donc
d'exigence de connaissances de base, d'éviter d'être aux mains de
charlatans, vous avez parlé de l'Office de la protection du
consommateur, et je pense que tout le monde convient que, dans la mesure
où on ferait un pas additionnel vers cette reconnaissance pour un
certain nombre, il y a obligation de faire des évaluations.
L'association des médecins holistiques du Québec nous a
proposé, hier, un modèle, en disant: Bon, au moins pour un
certain nombre, faisons un moratoire de cinq ans. Prenons la prochaine
année pour être capable de se parler, de mettre tout le monde
autour de la table, de s'entendre sur un modèle qui nous mènerait
à une recherche de connaissances, recherche qui peut être
très scientifique, et ainsi de suite, et qui permettrait, pendant ce
temps-là, de vérifier l'aspect scientifique de certaines de ces
thérapies alternatives et, en parallèle, d'aller même
jusqu'à faire je prends leur présentation des
projets-pilotes, qui seront probablement plus faciles à accoucher,
ceux-là, parce que j'imagine que, quand on parle d'homéopathie,
d'ostéopathie et qu'il y a autant de monde qui les pratique, y compris
dans le corps médical, on aura moins de résistance. Donc, aussi,
en même temps, des projets-pilotes pour nous permettre
d'expérimenter et d'aller là où on veut et, au bout des
cinq ans, tirer un consensus et apporter les amendements qu'il faut dans une
loi qui permettrait, finalement, de les régulariser sur le plan
légal et qu'il y ait un certain consensus, au niveau de la
société, voulu, souhaité, peut-être pas par la
totalité des gens, mais au moins une majorité qui se sera
concertée pendant cette période de cinq ans.
Est-ce que ça vous apparaît une proposition qui est
applicable, à ce moment-ci, compte tenu de ce qu'on a vécu dans
les projets-pilotes des sages-femmes j'ai bien dit ce qu'on a vécu
et, deuxièmement, est-ce que les CLSC seraient prêts
à participer à une opération comme celle-là, de la
même manière que d'être accueillants quant à des
projets permettant l'évaluation de certaines de ces thérapies
alternatives?
Mme Vaillant: Là-dessus, M. le ministre, bon, dans un
premier temps, c'est sûr qu'on a, je pense, beaucoup de
difficultés à parler de projets-pilotes sans y donner aucune
connotation. Mais, ce qui nous apparaît clair, que ce soit sous forme de
projets-pilotes ou via une commission des thérapies alternatives qui
ferait de l'encadrement, si on veut, il faut qu'il se passe quelque chose, il
faut qu'il y ait un cadre minimal, que ça prenne la forme de
projets-pilotes d'une durée x, avec évaluation ou que ça
prenne une autre forme, qu'on fasse une évaluation dans un champ
donné et qu'à partir de ces évaluations on aille plus
loin.
Il y a des expériences ailleurs dans le monde; le Québec
peut s'en inspirer. Pour moi, l'ostéopathie, c'est clair;
l'homéopathie, c'est clair. Je vois mal je vous dis ce que je
pense vraiment des projets-pilotes là où, dans plusieurs
pays, c'est reconnu. On peut aller vérifier, on peut aller valider si
c'est fait de façon rigoureuse ou pas. Mais, pour moi, comme vous le
disiez tantôt, il y a des niveaux différents, au niveau du savoir,
au niveau de l'avancement.
Dans les domaines qui sont plus mous, plus flous, O.K., où le
corpus n'est pas encore très clair, je pense que ça prend de
l'évaluation, et c'est pour ça qu'on parlait du fonds de
recherche tantôt. Je suis certaine qu'il y a un certain nombre de CLSC
qui seraient ouverts sans aucun problème soit à devenir des
projets-pilotes ou à participer.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux en avoir une petite
dernière, parce qu'on me signifie qu'il me reste une minute, je la pose
très vite. Disons qu'homéopathie, ostéopathie,
acupuncture, ce n'est pas sûr qu'on est suffisamment avancé pour
dire qu'on les reconnaît demain matin de manière très
claire, compte tenu de ce qui se passe en Europe, aux États-Unis, ainsi
de suite. Admettons qu'il reste encore un peu de travail à faire sur le
plan de la démonstration scientifique, mais que c'est des
thérapies qui sont quand même très près, il restera
quand même toutes les autres, et c'est probablement là-dedans
qu'il y a le plus de charlatans et qu'il faut protéger le public. C'est
notre intérêt premier, de protéger le public. Donc,
à partir de cela, c'est pour ça que votre commission de
thérapies alternatives, je me demandais si ce n'était pas
ça qu'elle devait aller récupérer, et elle
dépendrait de qui? Vous avez dit: Du ministre de la Santé et des
Services sociaux. Je suis très flatté, mais, au-delà de
ça, elle ferait quoi? Elle émettrait un permis, comme on
émet un permis à un travailleur de la construction? Qui
régirait quoi? Le contrat qui intervient entre l'individu... Ça,
j'aimerais savoir ça. Parce que, ça, il y a aussi l'Office de la
protection du consommateur qui pourrait faire ce genre d'exercice
là.
Mme Vaillant: La commission, ce qu'elle pourrait faire, bon,
information du public, encadrement. Ce qu'elle pourrait faire, il y a plusieurs
choses dans le secteur mou j'appelle «secteur mou» les
thérapies alternatives. Elle pourrait, en quelque sorte, gérer
des protocoles pour faire en sorte que, dans tel champ, on utilise des
projets-pilotes, qu'il y ait un protocole d'évaluation et de recherche.
Ça pourrait être encadré de cette façon-là.
C'est-à-dire que vous auriez un organisme qui, en quelque sorte,
assurerait une façon, gérerait un processus qui permettrait la
reconnaissance, l'information du public des thérapies alternatives. Et
ça ne se ferait pas à la pièce, ça se ferait de
façon cohérente, et, au fur et à mesure qu'il y aurait un
avancement au niveau du savoir, cette commission-là pourrait fournir des
avis et faire des recommandations ou dire: Dans tel champ, c'est du
charlatanisme, et émettre un avis au public à l'effet de:
Attention, il y a eu une étude sur ces questions. Elle pourrait faire
des études, et tout ça.
M. Côté (Charlesbourg): Autrement dit, c'est de
s'assurer que le raisin devienne un bon raisin.
Mme Vaillant: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Et pas un raisin avec lequel
tu ne peux pas faire de vin.
Une voix: Ça va prendre des grappes aussi.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça, faire
mûrir la grappe.
M. Payette: Séparer l'ivraie et le bon grain.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-NorandaTémiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. On va s'assurer que
ça ne tournera pas au vinaigre. Souhaiter la bienvenue à la
Fédération des CLSC. On passe toujours trop vite, effectivement,
sur les bonnes contributions. C'est comme dans d'autres secteurs, on s'accroche
plus à ce qui est divergent qu'autrement. Mais il faut souligner encore
une fois que vous nous présentez un mémoire qui est d'une
cohérence, par rapport à ce que vous faites dans le réseau
de la santé et des services sociaux et par rapport à la
problématique que l'on affronte, qui couvre l'ensemble de la
problématique pour déboucher sur le citoyen qui,
d'évidence on n'a pas besoin d'un gros dictionnaire pour
comprendre ça utilise des thérapies autres que les
techniques médicales largement utilisées, qui ont
contribué, par ailleurs ces techniques médicales là
à l'amélioration de la qualité de notre vie de
façon indéniable. C'est remarquable les progrès
scientifiques et techniques qu'a faits la médecine, qu'a faits le
pouvoir médical au cours du dernier siècle. Il ne faut pas nier
ça, ça va de soi.
Par ailleurs, je pense que vous nous présentez une série
de mesures et surtout une façon de voir, un paradigme en soi. Parce que
et ça sera ma première question il ne faut jamais
oublier, donc, en matière de thérapies alternatives, que
et l'Office des professions nous l'a bien dit, lorsqu'il a
témoigné au début de ces audiences l'Office n'est
pas là pour reconnaître, il est là pour fournir un
encadrement de type professionnel défini à l'intérieur
d'une loi. Et l'article 25 du Code des professions ne fournit pas de
critères pour reconnaître ou pas. C'est la première fois
devant cette commission que nous sont présentés des
éléments de repère, des critères qui pourraient
nous permettre de dire oui ou non à des thérapies alternatives,
enfin un ensemble de données qu'il faudrait être capable de
vérifier avant de les reconnaître.
Est-ce que vous pensez, dans ce sens-là et vous
l'illustrez un peu dans votre mémoire que l'économie
générale du système ontarien, qui va être
appliqué à partir de juin, c'est-à-dire des actes
réservés à des catégories de professionnels qui
doivent avoir tel type de qualifications, des titres réservés et
tout le restant possible, mais couvert quand même par les lois
générales, par le Code criminel et l'Office de la protection du
consommateur, est-ce que vous pensez que, dans le contexte
québécois, cette dynamique générale du
système, ça peut se vivre ici, ça peut s'appliquer? (16 h
10)
Mme Vaillant: Moi, je suis, avec toutes réserves, parce
que je n'ai pas étudié à fond, au fait moyennement. Je
vous dirais là-dessus que, en cette matière-là, je pense
qu'il ne faut pas être aussi rigide. Il faut que les thérapies
alternatives, en ayant un encadrement comme on en a parlé, un cadre
juridique pour protéger l'intérêt du public... Est-ce que,
dans toutes les thérapies, il faut aller aussi loin que de
réserver ça à tel type de professionnels? Personnellement,
j'ai quelques réserves par rapport à ça. Je pense qu'il y
a un bout qui se fait dans le secteur privé, actuellement, qui doit
continuer à se faire, mais avec un cadre juridique général
et des mécanismes d'évaluation pour la reconnaissance.
J'ai l'impression qu'au Québec on y va un petit peu plus
doucement et je n'importerais pas ça tout de go. Mais je vous le dis, je
n'ai pas étudié ça du tout à fond, j'en ai une
impression générale. Moi, j'ai l'impression qu'au Québec
la conviction que nous avons, c'est qu'il y a une insertion qui doit se faire
au niveau des professionnels du réseau admis et qu'il y a un cadre
juridique qui doit être adopté pour les thérapies qui ne
font pas partie, qui ne relèveraient pas de corporations
professionnelles, avec une commission des thérapies alternatives et un
cadre juridique. Et il va sûrement y avoir d'autres travaux scientifiques
qui vont venir mieux asseoir un certain nombre de ces
thérapies-là et qui vont en permettre une reconnaissance encore
plus facilement.
M. Trudel: Abordons la question de tout le volet de
l'information. Ça, je pense que c'est un aspect intéressant de ce
que vous nous présentez pour le futur. Vous êtes présents
partout dans l'ensemble du territoire
du Québec. Vous occupez vraiment la première ligne en
matière de... Est-ce que vous vous sentez instrumentés
actuellement pour donner de l'information sur les thérapies
alternatives? Parce qu'une des dimensions essentielles de la
problématique, me semble-t-il, c'est cette dimension de l'information
à laquelle le public n'a pas accès nulle part, il n'a pas
où se référer pour se faire un jugement. Est-ce que vous
vous sentez instrumentés? Et qu'est-ce qu'il faudrait instituer pour que
vous vous sentiez instrumentés, si tel n'est pas le cas, pour être
cet élément de référence par rapport aux
thérapies alternatives?
Mme Vaillant: C'est une très bonne question. On n'est pas
instrumentés actuellement parce que tout est de même niveau, que
ce soit l'ostéopathie, ou que ce soit les champs d'énergie, ou la
phytothérapie, ou tout ça, il n'y a pas d'information. On ne peut
pas en donner. Et c'est pour ça que nous sommes venus en commission
parlementaire. Il nous apparaît qu'il faut, d'une part, qu'au niveau du
ministère ou au niveau du gouvernement on donne un cadre, qu'il y ait un
cadre et qu'il y ait un endroit où l'information est colligée.
D'où elle va nous venir, cette information-là sur les
différents... Qui va l'organiser, cette information-là que nous
allons transmettre? On vous l'a dit, on n'est pas des experts là-dedans.
On est des experts en première ligne, par exemple. Comment est-ce qu'on
va organiser cette information-là pour la diffuser et la diffuser la
plus correctement possible?
M. Trudel: Est-ce que c'est à ça que vous faisiez
allusion quand vous parliez de votre commission des thérapies
alternatives, votre CTA?
Mme Vaillant: Oui, c'est un lieu, c'est un carrefour, un endroit
où on devrait savoir qu'est-ce qui se fait en thérapies
alternatives au Québec, c'est quoi l'information, quelle sorte de
thérapie, est-ce que ça a été évalué
ou ça n'a pas été évalué, la liste. Il
devrait y avoir, là, un centre de documentation, une banque de
références sur les thérapies alternatives, un endroit
où on peut se référer. Nous, comme établissement de
première ligne, cette information-là, on la diffuserait dans le
cadre de la référence qu'on doit faire, qui est dans le cadre de
notre mission. Mais on ne pense pas que c'est à nous. On ne se mettra
pas là-dedans, nous, pas du tout, à colliger
inquiétez-vous pas l'information sur les thérapies, tout
ça. Ce n'est pas notre boulot et il faut un lieu pour...
M. Trudel: Vous venez de sauver une couple de millions.
Mme Vaillant: Oui, mais il faut un lieu. On n'a pas très
bien expliqué la commission des thérapies alternatives, mais on
pense que ça prend, comme dans n'importe quoi, du monde responsable, un
endroit, un lieu, un carrefour où on peut avoir l'information, et
où ça serait colligé, et qui nous permettrait à
nous et à d'au- tres d'avoir une référence et de diffuser
cette information-là.
M. Trudel: Parce que, écoutez, une question et un
commentaire en même temps, à partir du moment où on
établit assez largement qu'on n'est pas en matière de
préjudice grave quant à l'exercice d'un grand nombre de
thérapies alternatives, oui, effectivement, quant à moi, ne
montons pas une super-démocratie contrôlante et
«corporatisante», si vous me permettez l'expression, pour
contrôler un phénomène qui demande tout simplement, pour
une grande majorité des cas, à tout simplement être
documenté.
Je vais vous dire, il y a cette approche qui se dégage, que le
ministre dégage depuis quelques jours à partir de la
présentation de l'association des médecins holistiques, et je
dois vous dire que j'ai des craintes sur l'évaluation aussi.
Franchement, j'ai des craintes sur l'évaluation, parce qu'il y a
quelqu'un qui nous a dit ce matin que la science était neutre. Moi, la
neutralité de la science... Je regarde toujours celui qui la pratique,
hein, toujours celui qui pratique la science. Il y a un sens commun qui est
établi, mais, sur l'information, ça, ce n'est pas
réalisé. Il n'y a personne qui est en mesure de vous informer sur
qu'est-ce qu'est cette technique ou cette approche. Quelle est la formation des
personnes qui la pratique? Est-ce qu'il y a une association professionnelle
entre guillemets? Quels sont les taux généralement
observés dans telle pratique et quels sont les effets
généralement obtenus? On peut donner de l'information sans
prononcer une reconnaissance, sans porter un jugement sur la qualité de
la thérapie ou de la pratique concernée. Est-ce que ça
vous apparaît comme étant de nature à solutionner une bonne
partie de ce qu'on appelle la reconnaissance des thérapies
alternatives?
Mme Vaillant: C'est sûr que l'information est un
élément important, mais le problème, la situation au
niveau des thérapies alternatives, c'est que ça couvre des champs
qui sont extrêmement vastes et il nous apparaît qu'il ne faut pas
introduire un cadre très rigide, et c'est clair. Et il y a des affaires
là-dedans... L'Office des professions dit: II y a des affaires qui
relèvent, je ne dirais pas... Comment je dirais ça, donc?
M. Trudel: Du rôle de père et de mère de
famille.
Mme Vaillant: Qui relèvent, finalement, du choix de
l'individu qui croit à ça, comme des gens, vous me permettez,
vont aller prier à l'Oratoire Saint-Joseph, si vous me permettez
ça comme image. Il y a de ça aussi. Je veux dire, il y a des
choses qui relèvent d'une croyance et on doit respecter ça pourvu
qu'il y ait une protection. Et je pense qu'il ne faut pas s'immiscer dans ces
affaires-là. Ça relève de la liberté et il y a de
tout ça, là, dans les médecines douces et les
thérapies. C'est pour ça que, quand on parle d'information,
encore là, il va falloir cerner ce sur quoi on donne de l'information.
C'est un fourre-tout, les médecines douces. On met de
tout là-dedans, tout ce qui touche, que ce soit la
polarité, le toucher thérapeutique. On introduit tout sous le
même vocable. (16 h 20)
M. Trudel: Oui, effectivement. Mais quant à moi,
là, il ne faut pas chercher à tout aseptiser, à tout
rendre parfaitement objectif, qu'on n'aurait plus à prononcer des
jugements subjectifs. La vie, c'est ça, là. La vie, c'est
ça. En psychologie, là, il y a quelqu'un qui a inventé une
approche très scientifique qui s'appelle le behaviorisme, notre ami B.
F. Skinner. Puis là, c'était tout, on avait tout compris
l'affaire; il suffisait de contrôler le stimulus, puis on avait la
réponse automatique, la société parfaite. Tu n'avais rien
qu'à contrôler tous les stimulus que tu donnais au monde, puis tu
contrôlais la réponse. Ça n'a pas marché dans les
pays de l'Est. Ça n'a pas marché, essayer de contrôler,
parce qu'il y a un problème entre les deux, ce sont des êtres
humains qui pensent. C'est ça. Il n'est pas nécessaire de
toujours chercher le jugement de type scientifique qui, lui, n'aurait aucune
subjectivité et aucune couleur. Je pense qu'on s'entend bien
là-dessus. Et là il y a une telle concordance de vues qu'il faut
quand même se poser une couple de questions difficiles, là, plus
difficiles que celle-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Et ce serait ma dernière.
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais peut-être
à poser la plus difficile...
M. Trudel: La plus difficile, c'est: Est-ce que, par
ailleurs...
Le Président (M. Joly): Autrement, j'aurai la
difficulté de vous arrêter.
M. Trudel: ...un élargissement sensible, une
reconnaissance et un élargissement sensible de la pratique des
thérapies alternatives pourraient nous amener à remplacer le
projet médical en CLSG?
Mme Vaillant: C'est une bonne question, une bonne question. Je
vous dirais que non, parce qu'il y a... Comme on l'a dit tantôt, vous
l'avez dit vous-même, la vie, on ne l'enferme pas dans une
catégorie. La vie, c'est un mouvement. Et, de la même façon
qu'on a besoin de médecins, on a besoin d'un nouveau mode de pratique de
médecins, la médecine familiale qui se pratique en CLSC, et, moi,
je pense que les médecins de CLSC, comme les autres intervenants, vont
ajouter à leur coffre à outils des éléments comme
l'homéopathie ou l'ostéopathie pour enrichir leur pratique
médicale, comme c'est le cas pour les infirmières. Je pense que
ça ne se substituera pas; ça va ajouter au coffre à outils
des intervenants. Parce que les médecins en CLSC font de la
médecine, mais une médecine qui est plus de type familiale.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. Trudel:
Merci.
Le Président (M. Joly): M. le député, merci.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Vous avez
été éclairants. Ça nous permet de progresser dans
nos réflexions. Disons que ça alimente notre banque de
données. Merci bien.
M. Trudel: Merci beaucoup pour votre contribution.
Le Président (M. Joly): Alors, à vous, Mme
Vaillant, Mme Rocheleau, M. Payette, merci beaucoup. Au plaisir.
J'inviterais maintenant l'Association des hôpitaux du
Québec à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je vois que
nous ne sommes pas dans un monde étranger. Des gens qu'on
reconnaît bien. Alors, j'apprécierais que la personne responsable
puisse s'identifier et aussi identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Association des hôpitaux du Québec
(AHQ)
M. Gagnon (Marcel R.): M. le Président, Mmes, MM. les
commissaires. Je me présente, d'abord. Marcel Gagnon, membre du conseil
d'administration de l'Association des hôpitaux du Québec. Et, au
nom de notre association, je désire vous remercier de nous recevoir
aujourd'hui, nous donnant ainsi l'occasion de livrer notre position sur
quelques points relatifs aux thérapies alternatives. Permettez-moi
d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, et d'abord
le Dr Paul Landry, adjoint au vice-président exécutif à
l'Association des hôpitaux.
M. Côté (Charlesbourg): Bien connu à cette
commission.
M. Gagnon: Sûrement, oui. Mme Huguette Blouin, qui est
conseillère, et Me Pierre Bourbonnais, conseiller juridique, tous les
deux également de l'Association des hôpitaux.
Pour vous situer davantage, je vous mentionne que notre association
regroupe je sais que vous le savez, M. le ministre, mais je vais le
mentionner quand même 200 centres hospitaliers et centres
d'hébergement et de soins de longue durée ainsi qu'une trentaine
d'établissements et d'organisations reliés au domaine de la
santé et des services sociaux. L'AHQ a comme mission d'assister ses
membres dans la réalisation optimale de leurs mandats individuels et
collectifs par des interventions de représentation et le
développement des services appropriés. La présente
commission parlementaire s'inscrit donc dans une étape dans la
réalisation
d'un engagement pris dans le cadre de la réforme de notre
système. En effet, il avait été annoncé qu'un
débat public aurait lieu sur la reconnaissance des thérapies
alternatives et sur les mécanismes à mettre en place pour
s'assurer de la compétence des praticiens. Il s'agissait ainsi, dans le
cadre de la commission parlementaire annoncée, de définir le
rôle et la place des thérapies alternatives au sein du
réseau des services. Ce moment-ci était donc attendu par
plusieurs associations ou regroupements de praticiens en thérapies
alternatives, forts de l'appui que leur apporte la population en ayant recours
de façon importante à leurs services. L'Association des
hôpitaux du Québec est heureuse d'apporter sa contribution
à ce débat. La commission parlementaire fut l'occasion, pour
l'AHQ, d'amorcer une réflexion sur le phénomène de
l'introduction des thérapies alternatives dans les milieux de soins
médicaux spécialisés dans nos hôpitaux. Nous avons
également considéré la question dans le contexte
différent de l'institutionnalisation des centres d'hébergement et
de soins de longue durée.
Les délais qui nous ont été impartis pour
répondre à la commission parlementaire ne nous ont pas permis de
procéder à une analyse exhaustive sur la place qu'occupent les
thérapies alternatives dans nos milieux hospitaliers et
d'hébergement. Nous avons cependant développé notre
position avec un groupe représentatif de nos membres parmi ceux qui ont
introduit des pratiques alternatives et complémentaires à leurs
soins et services. Cet exercice nous a permis de dégager certains
constats quant à la situation actuelle et de projeter, en termes de
perspective, les intentions des établissements que nous
représentons. Ainsi, bien que la percée soit marginale et
plutôt prudente pour le moment, nous pouvons affirmer, d'ores et
déjà, que les thérapies alternatives font leur chemin dans
les centres hospitaliers et les centres d'hébergement.
Pour vous en parler davantage, et sans plus tarder, je laisserai la
parole au Dr Paul Landry qui fera état de la réflexion qui a
été menée par nos membres ainsi que des propositions que
l'Association des hôpitaux du Québec avance pour répondre
aux objets et questions à l'origine même de la commission
parlementaire.
Le Président (M. Joly): M. Landry.
M. Landry (Paul): M. le Président, d'entrée de jeu,
je voudrais m'excuser d'être un docteur. Pas vraiment, là,
mais...
M. Côté (Charlesbourg): Ça progresse,
ça progresse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: Pas vraiment m'excuser, c'est-à-dire... Parce
que je demeure membre de ma corporation, n'est-ce pas, mais c'est
essentiellement en tant qu'administrateur du monde hospitalier puis en tant que
porte-parole, un peu, des administrateurs hospitaliers que je me
présente devant cette commission.
Un autre point que je voudrais... Je voudrais éviter aussi de
lire notre mémoire qui est, somme toute, assez léger. On pourrait
le faire, parce que c'est... Il ne se voulait pas épais, il se voulait
léger, il se voulait simple. Mais je vais plutôt essayer de vous
le résumer point par point, en faisant référence aussi
à la page 15, aux différentes recommandations qui sortent. J'ai
l'impression qu'avec ça on va couvrir l'ensemble du matériel.
Un commentaire préliminaire, c'est celui que nos membres,
finalement... Puis, là, on a souvent tendance à être
critique, des fois, de la bureaucratisation, des réformes, etc., mais
nos membres souscrivent profondément puis, ça, on est en
mesure de le mesurer à l'esprit de base de cette réforme,
qui est celui de mettre le citoyen, le client, le patient, le malade
appelons-le comme vous voulez l'usager au centre des
préoccupations des hôpitaux puis de tout le système. Je
pense qu'on parle aussi de le mettre au sommet de la pyramide comme preneur de
décision, mais, ça, ça va. Puis la première
recommandation puis ça va dans ce sens-là dit que
les centres hospitaliers et les centres d'hébergement et de soins de
longue durée, que nous représentons, en accord avec le principe
fondamental de la réforme qui les invite à placer l'usager au
centre, fassent preuve d'ouverture vis-à-vis des attentes de leurs
usagers pour de nouvelles approches thérapeutiques. Alors, c'est la
première recommandation qui est issue de nos membres. (16 h 30)
Concrètement, ce dont je voudrais vous entretenir dans les 15 ou
12 prochaines minutes, c'est des trois points suivants. Je vais adresser
d'abord la question puis très brièvement, pour
éviter les redondances, parce que je sais qu'il s'est dit
déjà beaucoup de choses dans les trois jours
précédents de la reconnaissance et de la protection du
public. Et, en deuxième point, j'aimerais parler de ce qui se fait
actuellement en milieu hospitalier concernant les médecines douces, ou
les médecines alternatives, ou les thérapies alternatives, et ce
qui pourrait éventuellement se faire. Et, en toile de fond pour ce
deuxième point là, un autre qui m'apparaît bien important,
c'est: Comment concilier le respect des droits de la personne, qui nous semble
essentiel, sa liberté de choix, avec les exigences professionnelles, les
exigences organisationnelles d'un milieu tel que l'hôpital, compte tenu
de sa mission. Alors, c'est les trois points que je voudrais développer
rapidement et faire ressortir les recommandations en cours de route, de sorte
qu'on ne vous ennuiera pas avec le texte qui est déjà là;
on va aller tout de suite à l'essentiel.
Concernant la reconnaissance des thérapies alternatives, on doit
vous dire que notre réflexion s'est appuyée sur deux pistes. La
première, c'est celle des recommandations de la commission Rochon, qui a
réellement guidé notre ^proche. Rochon disait clairement
et là je cite un autre petit bout, là, parce que je cite M.
Rochon dans son rapport qu'«un acte doit être
réservé à une corporation ou partagé par
quelques
corporations lorsque son exécution comporte des risques pour la
santé et le bien-être ça va de soi lorsque
ses conséquences ne sont pas facilement réversibles
autrement dit, si on ne peut pas corriger ça lorsqu'il exige une
expertise démontrée et lorsqu'il est posé de façon
autonome». Vous voyez que ça rencontre un petit peu, ça
rejoint les critères de la Fédération des CLSC de
tantôt; il y a moyen d'aller plus loin aussi dans cette
réflexion-là.
L'autre élément sur lequel notre réflexion a
porté et qui a fait consensus, c'est essentiellement la position de
l'Office des professions, il y a quelque temps, à l'effet que,
plutôt que de multiplier à l'infini les corporations
professionnelles pour protéger le public, il y aurait lieu,
probablement, d'intégrer à l'intérieur des corporations
existantes et ça, c'a été dit ce matin par l'Ordre
des infirmières, et ça va vous être dit, sûrement, ce
soir par la Corporation professionnelle des physiothé-rapeutes, etc.
d'intégrer ça à l'intérieur des champs, des
domaines des corporations existantes. Alors, si je fais le point entre ces deux
bases de réflexion là et mes recommandations les
recommandations de la page 15, là, toujours dans notre document
on dit: Que la solution qui a été mise de l'avant par l'Office
des professions soit retenue, à savoir d'intégrer les
thérapies on ne les appelle pas «alternatives», on
aime mieux les appeler «complémentaires», et vous voyez un
peu ce qui est à la base de notre réflexion
complémentaires au champ de pratique des corporations professionnelles
plutôt que d'en créer des nouvelles.
La troisième recommandation et là on fait le point
avec la discussion que vous venez d'avoir: Que l'Office de la protection du
consommateur reçoive des mandats spécifiques pour assurer
l'information et la protection du public en ce qui a trait aux thérapies
alternatives qui ne seront pas intégrées dans le champ des
pratiques. Autrement dit, on distingue l'univers en deux camps: il y a ceux des
thérapies qui sont sérieuses, qui méritent d'être
évaluées, qui méritent d'être dispensées et
pratiquées, et il y a les autres, là, comme la thérapie
par l'urine, la thérapie par le vin, la thérapie par le chocolat
et je pourrais en nommer une liste; je pense qu'il y en a autour de 200,
ou pas loin de 200, que l'OMS énumère celles-là,
là, on pense que ce n'est peut-être pas nécessaire d'avoir
une commission d'évaluation des technologies alternatives parce
qu'on pourrait l'appeler comme ça ou un conseil supérieur
d'évaluation des technologies alternatives. On ne pense pas que ce soit
nécessaire. On pense que l'Office de la protection, en
élargissant un peu son mandat, pourrait agir. Notre préoccupation
là-dedans, c'est que probablement que le principal danger
vis-à-vis de ces choses-là est un danger d'être dupé
sur le plan de son budget et de son portefeuille, beaucoup plus que des effets
sur la santé ou des effets qui porteraient atteinte à
l'intégrité.
Finalement et celle-là est importante on dit: Que
soient considérées c'est notre quatrième
recommandation les recommandations de la commission Rochon si
vous voulez, la commission d'enquête sur les services de santé
à l'effet de revoir certaines dispositions du Code des
professions pour redéfinir les critères d'incorporation et
préciser les notions d'acte réservé, exclusif ou
partagé, pour assurer la protection du public. Je suis sûr que mes
collègues de la Corporation professionnelle des médecins ne
seraient pas d'accord avec ça, mais nos membres pensent qu'il faudrait
revoir ça et qu'il faudrait probablement, comme dans la discussion que
vous avez eue ce matin, s'inspirer, ou regarder, ou aller voir ce qui se fait
chez nos voisins de l'Ontario et penser s'il n'y aurait pas lieu d'aller
chercher des bonnes choses là. Et notre conseiller juridique, Me
Bourbonnais, est prêt à aller plus loin là-dedans s'il y a
des questions que vous désirez nous poser. Ça, ça fait le
tour un peu, à mon sens, de cette question de reconnaissance.
Revenons maintenant à la contribution du réseau
hospitalier. Qu'est-ce qui se fait en milieu hospitalier? Mme Desrosiers en a
parlé brièvement ce matin en faisant état de son sondage
de 1990. Malheureusement, comme notre président vous le disait, on n'a
pas eu le temps de faire un sondage et une étude sérieuse pour
mesurer ça, mais on est à l'écoute de notre monde. On les
a réunis, on sait ce qui se fait et on sait pertinemment qu'il se
pratique, dans plusieurs milieux hospitaliers du Québec, des approches
alternatives qui sont surtout des choses comme la réflexologie, des
massages, des touchers thérapeutiques, des approches plutôt
douces. Mais il y a même la médecine de l'Ayurreda qui se pratique
dans certains hôpitaux bien cotés, pas les moindres, là, de
la région de Québec, et même des hôpitaux
universitaires le CHUL, pour ne pas le nommer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Universitaires ou dits
universitaires.
M. Landry: Bien, enfin...
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!
M. Landry: Je m'excuse, M. le ministre. C'est un bon point.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: Ce qui arrive, et ça aussi, ça s'est dit
depuis trois jours, c'est qu'on commence de plus en plus à prendre
conscience des limites de la médecine officielle je veux dire la
médecine traditionnelle, la médecine officielle. En plus, on ne
guérit pas les cancers encore, on ne guérit pas de façon
suffisante; on n'est même pas capable de guérir le rhume banal. On
a beaucoup de difficultés avec les maladies chroniques; pour l'arthrite,
par exemple, qu'est-ce qu'on peut faire, finalement, avec notre médecine
officielle? Et les praticiens, médecins, infirmières,
physiothérapeutes, reconnaissent qu'on a des limites et qu'il y a
peut-être quelque chose d'autre à faire. En plus, ils sont un peu
tannés d'avoir une approche dépersonnalisée,
déshumanisée, limitée
dans le temps. Us commencent à avoir le goût de regarder
toute la personne, de l'écouter, de regarder ses problèmes. Quand
je dis «ils», là, moi, je dirais que de plus en plus de nos
professionnels commencent à voir ça, et c'est ça qui
inspire la réalité de cette pratique dans plusieurs de nos
milieux. Parce que, dans le fond, les professionnels de la santé, les
médecins, les infirmières, comme les députés, je
pense, la majorité des députés et des ministres aussi,
bien sûr, on a une idéologie de servir, d'aider le monde.
Autrement, on ne serait pas dans ce business-là. On serait probablement
dans un domaine scientifique de recherche, enfin, différent.
Tout ça pour vous dire que, oui, ça existe; ça
existe dans les unités de soins palliatifs. Mme Desrosiers en a
parlé un peu ce matin; les membres avec qui on a travaillé quand
on a préparé le mémoire nous ont parlé de leurs
expériences avec des patients souffrants, où la douleur est
importante et où des approches beaucoup plus douces que la morphine
à haute dose ont donné des meilleurs résultats pour
soulager leur douleur. Dans les soins de longue durée aussi; en
pédiatrie, étrangement, ça fonctionne; en
obstétrique bien sûr. Dans les services de réadaptation, il
y a toute une série de nos professionnels qui utilisent des techniques
de shiatsu, des techniques de massages, des techniques de relaxation pour
améliorer l'état. Donc, finalement, ça existe, ça
se fait. Ça ne se fait pas sur une grande échelle, c'est encore
timide, et beaucoup dépend de la crédibilité, de la
qualité des personnes qui dispensent ou qui pratiquent ces
affaires-là dans différents milieux. C'est ce qui fait que
ça marche.
Les perspectives qu'on a dans notre réseau actuellement, c'est
que ça va se développer. Ça va se développer parce
que la demande de la population est là, et on a fait la preuve, je
pense, dans les hôpitaux, qu'on était capable de s'ajuster
à la demande de la population. Je ne veux pas m'engager longuement dans
le débat sur la périnatalité et l'obstétrique, mais
il y a eu, à partir des années quatre-vingt, des changements
considérables dans le sens de l'humanisation, des chambres de naissance
qui se sont développées partout, et des approches beaucoup plus
humanisées, dans nos hôpitaux, qui se sont faites. Ce n'est pas
parfait, il y a peut-être moyen de faire mieux et d'aller plus loin, mais
c'est déjà amorcé.
Donc, oui, il y a une demande là. Par ailleurs, on était
en commission parlementaire il n'y a pas tellement longtemps, M. le
Président, et le ministre était absent cette
journée-là, peut-être à l'hôpital ou je ne
sais pas...
M. Côté (Charlesbourg): Exactement. (16 h 40)
M. Landry: Bon. Mais on a parlé longuement de la crise des
finances publiques, du contexte où il faut vivre selon nos moyens, et on
est conscient que ça ne sera pas le Pérou demain matin et qu'on
n'aura pas tous les crédits possibles pour commencer à avoir une
armée de thérapeutes alternatifs qui vont aller faire des
massages ou donner des traitements alternatifs à nos patients dans les
hôpitaux demain matin. Je pense que ça serait illusoire de le
faire.
Actuellement, les thérapeutes qui pratiquent le font à
l'intérieur de leurs activités. Ils sont payés par
l'hôpital pour le faire. Ils prennent 10, 15 minutes de temps normal pour
dispenser des traitements différents aux patients qui le veulent, puis
aussi aux patients dont les médecins consentent, parce qu'à
l'hôpital, comme vous le savez, il y a un certain monopole de la
médecine; il faut un médecin traitant et, le médecin
traitant, c'est lui qui décide, normalement, ce que le patient devrait
avoir ou ne pas avoir. Donc, ça, c'est une réalité.
L'autre, le dernier point que je voulais faire ressortir, finalement, et
je vais revenir tantôt avec mes recommandations, c'est celui de la
liberté de choix. Comment on fait pour concilier cette liberté de
choix du patient qui veut avoir de l'acupuncture à l'intérieur de
la pratique hospitalière? Ce n'est pas facile, ça. On pense qu'il
va falloir, autant que possible, avoir une approche où les
médecins sont impliqués, et on pense aussi qu'il va falloir se
centrer de plus en plus, pour les thérapies alternatives comme pour les
autres, sur ce qu'on appelle des résultats.
Vous en avez parlé beaucoup dans le projet de réforme. Il
y a un mouvement, non seulement au Québec mais au Canada et dans tous
les pays de l'OCDE, qui va vers la recherche de l'efficacité. On
s'interroge sérieusement, et vous le savez, sur l'efficacité de
la médecine officielle traditionnelle. On remet en question des choses
que l'on fait depuis des années. On sait qu'on n'a pas
évalué tout ce qu'on aurait pu évaluer scientifiquement et
adéquatement, des choses que l'on fait à l'intérieur des
hôpitaux et de la médecine traditionnelle. Donc, on pense qu'il va
falloir, là aussi, au niveau des approches alternatives, avoir ce souci
de résultat en termes d'efficacité, en termes d'efficience, en
termes de coûts-bénéfices du temps consacré et en
termes de satisfaction de la population.
Un dernier point là-dessus, c'est que et là je le
réitère c'est évident qu'à
l'intérieur de l'hôpital, les approches thérapeutiques
alternatives, ça ne sera pas un substitut à la médecine
officielle, ça va être un complément. Autrement dit, on
n'arrêtera pas de traiter le cancer de quelqu'un avec les méthodes
scientifiques reconnues parce qu'on va substituer un traitement
homéopathique ou autre, mais on peut avoir un traitement
homéopathique en complément d'un traitement médical plus
traditionnel.
Je reviens à un point, c'est les centres d'hébergement et
de soins de longue durée. Vous savez, M. le Président, que...
Ça achève, hein. Je commence à manquer de temps. Merci.
J'ai compris votre signal. J'achève moi aussi. Vous savez qu'on
représente aussi encore, et on espère les représenter
longtemps...
M. Côté (Charlesbourg): Vous travaillez fort pour
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: Bien sûr, bien sûr. Il le faut. On
représente aussi les centres d'hébergement et de soins de
longue durée. Là, c'est un petit peu plus compliqué, parce
que les malades sont là en bout de piste, ils ne sont pas là par
choix. Ils sont là parce que c'est nécessaire. Et, comme on veut
que ce soient des milieux de vie en plus d'être des milieux de soins, il
faudrait avoir un petit peu plus de souplesse, là, pour être
capable de permettre au patient d'exercer sa liberté de choix. D'autre
part, comme il y en a plusieurs qui sont un peu avec des facultés
affaiblies ou des problèmes cognitifs, encore là, on pense qu'il
faudrait être vigilant pour éviter des abus par des gens qui
pourraient abuser de ces personnes-là. D'où la
nécessité d'impliquer les personnes.
Là, je suis à la veille de conclure, mais je voudrais
revenir, avant de conclure, à mes cinq dernières recommandations
qui découlent un peu de ce que je viens de vous dire: Que, dans le
contexte actuel de rareté de ressources, l'exercice des thérapies
alternatives en milieu hospitalier et d'hébergement soit
réservé aux professionnels de la santé qui y oeuvrent
déjà plutôt que d'ajouter de nouvelles catégories
d'intervenants venant de l'extérieur. Là, il y aurait
peut-être lieu, comme on le disait, de faire une exception pour les
établissements de longue durée. Il faudrait avoir de la
souplesse, là.
La sixième recommandation: Que chaque milieu institutionnel
ça, ça vient des membres qui en ont; il y a des milieux
qui ont déjà eu cette approche-là; Sainte-Justine, par
exemple, il y a un comité interdisciplinaire réceptif
à l'idée d'introduire des thérapies se dote d'un groupe de
travail interdisciplinaire pour convenir des modalités relatives
à l'exercice des thérapies retenues, incluant un mécanisme
d'évaluation de l'efficacité de ces approches et de la
satisfaction des clientèles. Ça rejoint les propos que je vous
disais tantôt.
Le septième, qui est un corollaire de celui-là: Que les
organismes qui subventionnent la recherche soient invités à
financer des projets de recherche evaluative concernant les thérapies
alternatives dans différents milieux, les hôpitaux, les CLSC. Dans
différents milieux.
Finalement celui-là, il est spécial: Que,
dès le début de leur formation, les professionnels de la
santé soient sensibilisés aux différentes approches
culturelles ou ethniques face à la santé et à la maladie.
Là, je touche sans l'aborder toute la question des autochtones, toutes
les communautés ethniques à Montréal, asiatiques et
autres, qui ont des pratiques de médecine traditionnelle chinoise, des
pratiques d'acupuncture ou des pratiques alternatives auxquelles elles croient
et qui sont intégrées dans leur culture depuis longtemps. Alors,
nous, on pense que les médecins, les professionnels, les
étudiants devraient être sensibilisés à cette
question-là le plus tôt possible.
En conclusion, écoutez, c'est sûr que, compte tenu de la
mission que vous nous avez consentie, de peine et de misère, en
commission parlementaire, enfin...
M. Côté (Charlesbourg): Que vous avez eue de peine
et de misère.
M. Landry: Oui, qu'on a eue de peine et de misère.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: Écoutez, c'est sûr qu'en vertu...
M. Trudel: Vous venez de dire: Depuis longtemps consentie.
M. Landry: ...de cette mission-là, je pense que
l'hôpital va demeurer pendant encore un bon moment le château fort,
pour ne pas dire le dernier bastion moi, j'espère que ce ne sera
pas le dernier bastion de la médecine que l'on dit scientifique
moderne, qui est issue de ce à quoi M. Trudel faisait allusion
tantôt, les progrès scientifiques importants au cours du XXe
siècle.
D'autre part, on n'a pas peur que ce soit une boîte de Pandore,
les pratiques alternatives, et on pense qu'il faut s'ouvrir à ça.
L'Association des hôpitaux est d'avis que, pour permettre à nos
patients d'exercer leur choix ou pour offrir une gamme de choix plus large, il
faut s'ouvrir à ça, sans penser que ça va être une
panacée pour guérir tous les problèmes, mais on pense
qu'il y a là un créneau à exploiter, qui va permettre
d'améliorer la qualité des services que nos hôpitaux
rendent à la population du Québec.
Alors, je pense que j'ai un peu fait le tour, puis je pense qu'on a des
personnes ici pour...
Le Président (M. Joly): Sûrement que, lors de la
période de questions, si on peut se permettre de qualifier ça
comme ça, vous allez avoir la chance, peut-être, d'élaborer
davantage sur des points que vous pouvez peut-être avoir
oubliés.
Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
C'est rafraîchissant et c'est toujours un plaisir de vous
entendre. Plus je vous écoutais, plus j'aurais eu envie de vous donner
du temps encore pour continuer, parce que c'est marqué au coin d'une
ouverture et d'un réalisme par rapport à ce qui se passe sur le
terrain, tout en souhaitant protéger le public, donc le public
consommateur. Je pense que c'est tout à votre honneur, et soyez
sûrs d'une chose, c'est que j'ai regretté amèrement d'avoir
été obligé de faire un choix alternatif à la
commission, au moment où vous êtes venus, sur le financement du
réseau.
Est-ce que je me trompe en pensant que, au niveau de l'AHQ, il y a une
évolution par rapport à ce qu'on a connu dans le passé? Et
c'est une évolution qui est quand même assez récente. Il y
a un virage qui se prend, et qui est marqué au coin de davantage
humaniser. Vous avez fait référence tantôt, en péri,
aux expériences qui ont été tentées à gauche
et à droite sur le plan des chambres des naissances, et ainsi de suite,
qui voulaient répondre à un besoin de la population. J'ima-
gine que c'est aussi ces demandes-là, exprimées par les
bénéficiaires qui sont dans les lits, qui font qu'il y a un
changement. Est-ce que je me trompe, ou si c'est une volonté qui vient?
Parce que, ce que j'ai compris de la Corporation professionnelle des
médecins et je ne veux pas vous opposer à eux autres,
d'aucune manière ce matin, c'est que c'était quand
même très marginal, ce phénomène-là de
volonté ou de souhait populaire. Mais je comprends que l'Association des
hôpitaux du Québec a amorcé un virage et reconnaît
cette réalité-là, y compris, même, au niveau de ses
praticiens.
M. Landry: Écoutez, nous, on est conscients que
l'utilisation par la population des approches alternatives est encore un
phénomène relativement restreint; ce n'est pas un engouement ni
un phénomène particulièrement... Mais on est conscients
que c'est un phénomène qui correspond à l'évolution
de la société du Québec. Et d'ailleurs, en cette fin de
siècle, c'est un phénomène qui va aller en augmentant.
D'où la réceptivité de nos membres et l'ouverture dont nos
membres ont fait part de s'ajuster aux besoins. Parce que, ce qui fait la force
des hôpitaux au Québec, c'est d'être capables, justement, de
s'ajuster progressivement aux besoins changeants de la population et aux
attentes de la population. On est de plus en plus conscient que, si on ne fait
pas ça, bien, on ne survivra pas et on va avoir des problèmes.
(16 h 50)
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez vous-même
évoqué tantôt, dans votre présentation, une
distinction presque de deux camps. Donc, des thérapies alternatives qui
sont davantage dans un peloton de tête, où on reconnaît,
à tout le moins, un certain nombre de valeurs. Dans votre esprit
à vous, de l'AHQ, quelles sont ces thérapies alternatives qui
seraient dans ce premier bloc?
M. Landry: Écoutez, on n'a pas fait d'études
particulières pour déterminer l'ensemble. On a revu, comme la
plupart des personnes qui ont sûrement participé à votre
commission, l'ensemble de la littérature disponible, les nombreux
mémoires préparés sur la question depuis plusieurs
années. C'est sûr que l'ostéopathie a des mérites.
La chiropractie est déjà reconnue, à toutes fins
pratiques; il y a 20 ans, c'était une pratique dite alternative,
ça ne l'est peut-être plus; l'acupuncture, la même chose. Je
pense que vous faisiez allusion, ce matin, à la longue querelle des
médecins vis-à-vis de l'acupuncture, mais, finalement, là,
ils disent que ce n'est même plus une pratique alternative, c'est une
pratique... Tout ça pour dire que, effectivement, il y en a qui semblent
avoir des effets plus reconnus, plus évidents, et il y en a d'autres qui
sont nettement farfelues. Il n'y a personne qui va remettre en cause la
réalité de l'hypnose, par exemple, qui peut être
utilisée comme une approche alternative, et tout ce qui en
dérive, en termes de thérapies de suggestion. Je pense que c'est
des approches à la fois intéressantes et dangereuses. Il
faudrait, là, regarder l'ensemble de l'univers de ces thérapies
avant de classifier ou de déterminer lesquelles sont utiles ou non.
En milieu hospitalier, actuellement, les infirmières utilisent la
réflexologie. C'est une technique un peu spéciale. Moi, je ne
connais pas tellement ça, mais il semble qu'on masse le pied pour
arriver à produire, chez le patient, des effets très profitables
et utiles que les patients, spontanément, reconnaissent. Alors,
ça semble être une technique à évaluer. Les massages
aussi, possiblement. Le toucher thérapeutique, c'est un petit peu plus
délicat, c'est une technique énergétique un petit peu plus
discutable, mais enfin.
M. Côté (Charlesbourg): II y a donc
possibilité d'identifier...
M. Landry: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...les deux camps dont on
parle, évidemment, par une bonne évaluation scientifique aussi,
quant aux bénéfices à tirer de ces thérapies...
M. Landry: Tout à fait.
M. Côté (Charlesbourg): ...par rapport à
toute une série d'autres qui, disait-on, au mieux, peuvent procurer du
bien-être, au pire, rien du tout sauf soulager votre portefeuille.
M. Landry: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Ça m'amène
donc à aller directement, parce que je l'avais remarquée, la 4;
dans cette logique, ça nous amène à votre recommandation
4. Vous nous l'avez relue tantôt, et j'aimerais vous entendre davantage
là-dessus. Comment est-ce que ça procéderait et qu'est-ce
qu'on vise exactement avec une proposition comme celle-là? Donc:
«...redéfinir les critères d'incorporation et
préciser les notions d'actes réservés, exclusifs ou
partagés»; ce que je comprends, c'est que, demain matin,
même si on est dans une situation de complémentarité au
niveau de l'ostéopathie, de l'homéopathie, évidemment, il
y a des gens qui vont les pratiquer et il va falloir que ça se retrouve
quelque part, dans des techniques. Et là ça fait appel à
des champs qui sont tantôt exclusifs ou peut-être à titre
réservé, mais c'est à ça qu'on fait allusion.
M. Landry: Tout à fait.
M. Côté (Charlesbourg): J'aimerais vous entendre
davantage là-dessus.
M. Bourbonnais (Pierre): D'une part, j'aimerais peut-être
préciser que, pour ce qui est des professionnels qui sont
déjà dans nos milieux, on ne voit pas tellement de
difficultés à ce qu'ils aillent chercher cette boîte
à outils nouvelle. Ceci étant dit, ce qu'on croit, c'est que,
pour s'ouvrir à des praticiens non reconnus, il me semble que, à
la lumière des dispositions actuelles du droit professionnel que l'on
connaît, il y a une difficulté.
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser au droit
professionnel, il y a quelques années, il y avait une orientation qui
avait été donnée par la Cour suprême du Canada,
extrêmement intéressante, et qui disait que tout ce qui n'est pas
expressément défendu par ces associations professionnelles peut
être fait impunément par qui que ce soit. Et je me disais,
à cette époque: Fort probablement que ça va avoir une
orientation certaine dans l'interprétation que nos tribunaux auront
à faire, et ça permettra une certaine souplesse dans nos lois
professionnelles. Il semble et je n'ai pas fait une étude
exhaustive de la question que l'interprétation des tribunaux, par
la suite, s'est un peu plus orientée vers une volonté, à
juste titre, de protéger le public et donc d'étendre la
portée de la définition, notamment... Je dis bien
«notamment», parce qu'on sait qu'il y a d'autres exercices
exclusifs, mais particulièrement l'article 31 de la Loi médicale.
Et, ce faisant, nous avons donc un univers relativement bien
clôturé pour toute nouvelle activité pratique qui
s'apparente à l'article 31 de la Loi médicale qui, somme toute,
est formulée en termes très englobants: la prévention, le
fait de diagnostiquer et de traiter toute déficience de la santé
de l'être humain, c'est une portée extrêmement large. Et nos
tribunaux, sem-ble-t-il, ont été dans ce sens-là, ce qui
fait que ça «inconforte» drôlement de nouvelles
pratiques qui pourraient s'apparenter à la portée donnée
par l'article 31. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est un petit peu
la portée de la recommandation. On remet en question notre
économie du droit professionnel: exercice exclusif et titre
réservé. Et là on peut s'inspirer, d'une part, de ce qui a
été avancé par la commission Rochon. Le Dr Landry en a
parlé tout à l'heure; on a parlé, à un moment
donné, d'actes plus précis, de la nécessité de
formuler des actes beaucoup plus précis, ce qui informerait beaucoup
plus, et, en termes de protection du public, qui seraient interdits, sauf aux
membres de la corporation médicale ou à quelque autre.
Ça m'amène à l'expérience. J'ai
été à même de prendre connaissance de la nouvelle
législation, de la loi de l'Ontario cette semaine, pour ne pas le
cacher qui a, que je sache, revu l'ensemble de son système
professionnel et qui, dans un premier temps, effectivement, semble avoir fait
l'exercice d'identifier 13 actes qui, en quelque sorte, sont, au départ,
interdits, mais éventuellement seront autorisés à un
certain nombre de professions réglementées de par la
législation ontarienne.
Dans un second temps, 21 professions sont reconnues, nouvellement
créées ou reconnues en Ontario, notamment, bien sûr, la
profession médicale, les professions de massothérapie, de
sage-femme, de chiropractie, et j'en passe. Il y a une analyse qu'on peut faire
de cette loi-là, mais je pense qu'il faut la prendre comme un tout. Et
ce qui est intéressant dans cette loi-là, c'est que, d'une part,
effectivement, elle identifie des actes et, d'autre part, elle semble se fonder
uniquement sur le titre réservé. Chaque loi particulière
vient réserver le titre. Mais elle va un petit peu plus loin. Et c'est
là que je me dis qu'il faut faire attention quand on regarde ce type de
législation. Il faudra probablement, si tant est qu'on veut remettre en
question l'ensemble de notre système professionnel, bien s'assurer qu'il
s'intègre à notre système. Et, dans le sens suivant, c'est
que non seulement on rend le titre réservé mais également
on s'assure et il y a une disposition à cet effet dans chacune
des lois professionnelles en question qu'est interdit... En quelque
sorte, toute personne qui pourra se présenter comme ayant des
qualifications reconnues à une profession réglementée
commettra un acte interdit. Et là la réflexion que je me faisais
lorsque je lisais cette disposition, c'est que, dans le fond et on est
en 1993 est-ce que, dans l'avenir, on ne verra pas, indirectement,
également s'échafauder une certaine forme d'exclusivité
à l'intérieur du système onta-rien? (17 heures)
Tout ça pour vous dire que je crois que, dans la mesure où
on pose la question de la place que l'on veut faire aux pratiques alternatives,
aux praticiens alternatifs, il y a lieu, bien sûr, de s'inspirer de la
législation ontarienne, notamment, et probablement d'autres types de
législation. Mais peut-être qu'il y a d'autres mécanismes
aussi, en termes de voie d'exception à des champs d'exercice, que l'on
perçoit à ce jour comme étant trop, je dirais,
réservés aux membres d'une corporation donnée ou à
des membres de corporations.
M. Côté (Charlesbourg): Trop exclusif. C'est
intéressant, parce que c'est une analyse de la loi ontarienne qu'on n'a
pas encore eue jusqu'à maintenant. Et je la trouve intéressante,
quoique ce ne soit pas dans l'espace de 5 minutes ou de 10 minutes qu'on
pourrait le faire. On se réservera le droit d'avoir des contacts
ultérieurs à ce niveau-là, à moins que mon
collègue ne veuille continuer dans ce sens-là.
Il y a un point parce qu'il me reste une dernière question
que je trouve intéressant, qui, à mon point de vue,
traduit bien l'esprit d'ouverture de l'AHQ, c'est votre recommandation 8. Et,
ça, c'est s'ouvrir à la réalité
québécoise et à la société
québécoise qui est en mutation. Et on ne peut pas avoir
accepté autant d'immigrants, d'étrangers qui deviennent des
Québécois... Je ne veux pas partir le débat de souche ou
pas, ils deviennent des Québécois. Et que vous ayez senti le
besoin de l'inscrire comme une des recommandations, c'est la
réalité terrain, qui est probablement beaucoup plus
évidente dans la région montréalaise qu'ailleurs en
province, mais qui, elle aussi, est quand même porteuse de ses
expériences. Et la médecine chinoise, disons qu'elle concerne
aussi un certain nombre de personnes en Chine, et bien avant nous; et, dans ce
sens-là, je pense qu'elle a aussi ses mérites.
Ce point-là est aussi nouveau au niveau de l'AHQ, et j'aimerais
peut-être en entendre un petit peu plus, si c'est possible. On
connaît un certain nombre de thérapies alternatives qui nous
viennent de Chine, de l'ensemble des pays asiatiques. J'ai l'impression que
cette recommandation-là est directement inspirée par ce
phénomène-là.
M. Landry: Écoutez, je ne sais pas s'ils viennent de le
rajouter, mais ça venait essentiellement d'un membre de notre
comité de réflexion qui travaillait dans un milieu
montréalais, Sainte-Justine, pour ne pas le nommer, qui est
entouré littéralement d'une communauté vietnamienne, et
cambodgienne, et asiatique considérable. Et ce médecin-là,
entre autres, était estomaqué par la complexité de traiter
ces patients-là quand ils se présentent à l'urgence ou sur
une unité de soins et de la nécessité d'être
sensible à leurs valeurs, à leur culture, à leur
manière d'envisager la maladie et la santé pour être en
mesure d'aider ces enfants-là et leur famille adéquatement.
Et je pense que le comité était tout à fait
sensible à cette intervention-là et trouvait pertinent d'amener
la recommandation. Et je pense qu'il y aurait lieu, peut-être, de creuser
davantage, et de faire des études, et aussi de communiquer avec les
facultés de médecine pour aller plus loin dans ce
domaine-là.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. D'autre part, aussi,
je pense qu'il faut se le dire carrément, dans les personnes qui sont
acceptées au niveau des facultés de médecine, aujourd'hui
et au cours des dernières années, il y en a un nombre de plus en
plus important d'origine asiatique qui sont dans les facultés de
médecine et qui véhiculent aussi leur culture. Et ça
aussi, c'est un phénomène avec lequel on devra vivre au cours de
prochaines années, y compris dans la dispensation de la médecine
un peu partout à travers le Québec. 11 s'agit d'aller dans les
régions du Québec pour s'apercevoir que les noms que portent les
médecins en spécialité, dans les régions du
Québec, sont de plus en plus des noms qui ont une consonance asiatique
et qui desservent les régions du Québec. Et, à l'occasion,
heureusement qu'on a ces gens-là. Un petit message en passant,
aussi.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-NorandaTémiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les
gens de l'Association des hôpitaux du Québec. Nous avons des
rendez-vous périodiques à l'intérieur de l'enceinte
parlementaire, et, je dirais, aujourd'hui, que de choses rafraîchissantes
entendons-nous de l'Association des hôpitaux du Québec! Que de
choses rafraîchissantes, et particulièrement
véhiculées par le Dr Landry, ça prend une saveur
particulière. Je comprends que votre rôle ici est au nom des
établissements hospitaliers du Québec; cependant, je pense qu'il
faut apprécier comme, d'ailleurs, de la part de beaucoup de
membres de la profession médicale des témoignages
d'ouverture qui ne sont pas nécessairement les signes que nous avons
vus, ou peut-être que nous n'avons pas vus, chez les structures plus
formelles. Mais on ne fera le procès de personne ici. Il faut uniquement
noter, donc, cette ouverture et la nécessité de prendre en compte
les attentes des citoyens qui sont consomma- teurs. Et, à cet
égard-là, si l'objectif terminal, c'est le bien-être, oui,
et pourquoi pas? Et, encore une fois, que toutes les choses soient
classées définitivement avec leurs petites cases, avec un
commencement et une fin, ce n'est pas principalement les principaux attributs
de la nature humaine d'avoir très strictement un début et
très strictement une fin. Il y a de ces phénomènes, et
c'est ce qui est agréable dans la vie, et c'est ce qui est
agréable dans le développement, sur lesquels on peut travailler,
et on peut améliorer ces approches-là, toujours en vue du
mieux-être.
Je reviens donc sur les explications de votre avocat-conseil, si vous le
permettez il y aura d'autres aspects qu'on touchera tantôt, bien
sûr en disant: Dans l'optique, donc, de l'Association des
hôpitaux du Québec, pour vous, ça vous semble une bonne
dynamique générale que d'aborder l'exercice des actes dans le
domaine de la santé par une définition plus serrée des
actes qui requièrent un certain nombre de qualités, et qu'en
dehors de cela une plus grande liberté ne nous conduira pas à des
risques très élevés dans notre société.
Est-ce que c'est juste, ce que je dis là?
M. Bourbonnais: Je dirais oui. Je pense qu'on évoque cette
idée d'identification d'actes le plus précisément
possible, qui, pour la protection du public, ont besoin d'être interdits,
n'ont pas besoin d'être réglementés, et tout le reste est
permis; il m'apparaît que c'est extrêmement intéressant
comme approche. Ceci étant dit, quand on regarde et quand on examine
on est à un premier coup d'oeil la législation de
l'Ontario, il y a des questions qui se soulèvent à l'égard
de cette approche-là comme étant un modèle d'application,
dans le sens qu'on pourrait se retrouver éventuellement, compte tenu que
les 21 lois définissent chacune des professions... Eu égard
à la disposition, l'obligation, l'interdiction de faire des
représentations à quiconque n'est pas membre de la profession
réglementée, est-ce qu'on ne se retrouvera pas avec une
interprétation et on en reparlera dans quelques années
des tribunaux qui viendra, finalement, je dirais de la même
façon qu'en 1970 on pensait qu'on avait adopté une
législation très souple encarcaner autant que notre
législation actuelle? Alors, comme principe, oui au niveau de la
législation ontarienne, et on verra la lecture qu'on pourra en
faire.
M. Trudel: En autant qu'il faudra probablement creuser,
effectivement, assez rapidement cette nouvelle loi, parce que de façon
assez... Enfin, ce que j'en ai vu aussi, le temps que nous avons eu pour
l'étudier, ce n'est pas les 21 corporations créées pour
autant de champs de pratique qui incluent précisément des champs
de pratique. De façon assez curieuse, on va définir pour un
certain nombre de corporations qu'elles regroupent les «professionnels
de», mais on ne définit pas de champ de pratique. Bon. Enfin. On
précisera cela.
M. Bourbonnais: D'accord. (17 h 10)
M. Trudel: Moi, ce que je voudrais examiner également, du
point de vue juridique, c'est votre avis sur le fait de... Supposons que nous
allions vers cette dynamique, qui serait chargé de faire respecter la
réalisation des actes excusez l'anglicisme des actes
contrôlés? Actuellement, c'est, si vous permettez une analogie, la
banque qui se fait voler qui poursuit le voleur. C'est la corporation qui
poursuit. Qui serait le dépositaire, dans cette dynamique-là, des
poursuites à intenter pour avoir réalisé un acte interdit?
Et est-ce que ça vous apparaît souhaitable de sortir le fait
d'intenter une poursuite de la cour de la victime?
Une voix: On ne peut pas aller jusque-là.
M. Bourbonnais: Vous bouleversez ma compréhension du droit
professionnel, puis je pense qu'on est ici pour ça. On change de paradis
et, comme on s'adresse au législateur, bien, pourquoi pas? C'est parce
que tout est possible, d'une certaine façon, à partir du moment
où on remet en cause le droit professionnel, le Code des professions,
tel qu'on l'a connu, à l'égard des professions. Qui pourrait le
faire? Ça pourrait être un organisme du gouvernement,
extérieur aux corporations professionnelles. Je vous dis ça, mais
ce n'est pas l'économie, actuellement, du droit professionnel, qui veut
que c'est la prise en charge des professionnels par eux-mêmes,
l'évaluation des pairs et, finalement, le contrôle de la
profession et, donc, des exclus, et le respect du champ d'exercice.
M. Trudel: Mais, sur le plan strict du droit, vous qui êtes
un expert, qui êtes un patenté du domaine, est-ce que ça
vous apparaît souhaitable que ça soit un organisme ou une personne
extérieure à l'infraction, si vous me permettez l'expression, qui
intente les poursuites?
M. Bourbonnais: Ça pourrait relever du Procureur
général.
M. Trudel: Oui.
M. Bourbonnais: Ce n'est pas absolument...
M. Trudel: Parce que, écoutez...
M. Bourbonnais: Et, actuellement, c'est réservé aux
corporations professionnelles. Dans notre droit habituel, normalement, ce
serait réservé au Procureur général.
M. Trudel: Comme dirait l'autre, c'était un peu cette
phrase-là que je voulais obtenir comme réponse.
M. Bourbonnais: La voilà!
M. Trudel: Vous savez pourquoi, maître, pourquoi je voulais
vous l'extirper un peu? Le ministre précise depuis le matin qu'il se
dégage une certaine piste qui pourrait être une espèce de
moratoire. Un moratoi- re, s'entend, il le précisait cet
après-midi, sur les poursuites. Il m'apparaît qu'il y a aussi des
dimensions dangereuses là-dedans. Si on dit: Pour les cinq prochaines
années, «free-for-all», il n'y a plus personne qui est
susceptible d'être poursuivi, il y a comme un vide quelque part, à
moins que nous ne sortions, pour une période déterminée,
la responsabilité d'engager la poursuite de la corporation
professionnelle pour la remettre au responsable, au Procureur
général du Québec.
M. Bourbonnais: Et que des modifications à la loi soient
apportées dans ce sens-là.
M. Trudel: Évidemment, évidemment, que la
modification soit apportée.
M. Bourbonnais: II m'apparaît également assez
surprenant qu'on établisse un moratoire sur une action possible qui
fondamentalement, l'esprit de la loi va dans ce sens-là a
pour but de protéger le public et de faire en sorte que des charlatans
ne mettent pas en péril la vie et la santé de citoyens.
M. Trudel: On va laisser le monde juridique un peu. On a eu un
bon éclairage, et je trouve que votre contribution à cette
commission, personnellement, en tout cas, ça va nous permettre d'avancer
encore sur le plan de l'examen des possibilités. Et je suisje le
répète moi aussi très heureux de lire les phrases
de l'Association des hôpitaux du Québec et vous êtes
leur conseiller juridique, je note qui disent qu'il faut donc
redéfinir les critères d'incorporation et préciser les
notions d'acte réservé, exclusif ou partagé pour assurer
la protection du public. J'en suis heureux.
Madame, qui êtes responsable, donc, des programmes et de la
recherche...
Mme Blouin (Huguette): Oui.
M. Trudel: ...est-ce que c'est imaginable qu'on puisse demander
à des organismes subventionnaires des commandites et de dire,
obligatoirement, par exemple, au Fonds de la recherche en santé du
Québec: Vous allez consacrer 500 000 $ cette année à nous
produire une évaluation de telle ou telle thérapie alternative?
Est-ce que, dans le monde de la recherche commanditée, ça vous
apparaît comme quelque chose qui peut se réaliser et, d'autre
part, qui serait souhaitable à l'intérieur de vos recommandations
d'évaluation?
Mme Blouin: Je pense qu'on le dit de façon assez
générale qu'on souhaiterait qu'il y ait plus d'évaluation
pour certaines thérapies alternatives. Il y en a qui ont
déjà des travaux de faits à cet effet-là. Je ne
vois pas pourquoi les organismes subventionnaires ne pourraient pas
répondre favorablement et élaborer un devis de recherche.
À partir du moment où on s'entend sur un devis, les chercheurs et
les experts s'entendent, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir
quelques fonds qui seraient alloués à la recherche sur
certaines
thérapies.
M. Trudel: Est-ce que vous pensez que c'est là qu'on
devrait essentiellement aller chercher, donc parce que ça prend
du fric quelque part les sommes d'argent nécessaires pour
l'évaluation de cette... Évaluation, et, moi, je précise
pas pour porter des jugements, évaluation des résultats de
l'application d'un certain nombre de pratiques. Est-ce que c'est
essentiellement dans ces conseils-là qu'il faudrait aller chercher ou
dans ces fonds-là qu'il faudrait aller chercher les fonds
d'évaluation?
Mme Blouin: Probablement qu'il y a d'autres sources de recherche
qu'il serait possible de regarder. À un moment donné, il y avait
d'autres fonds de recherche je ne sais pas s'ils existent encore
au niveau de la santé communautaire. Il y avait des budgets de recherche
à cet effet-là. Tout dépend de la nature du devis de
recherche qu'on veut faire. Mais aussi, ce qui serait intéressant, c'est
que les établissements aient des outils qui leur permettent de faire
aussi, dans leur propre milieu, des recherches évaluatives, et des
recherches qualitatives aussi, sur la satisfaction de la clientèle.
Alors, il peut y avoir différents niveaux de recherche, mais ça
serait intéressant que les établissements qui mettent un
comité, qui font une réflexion sur l'introduction de
thérapies alternatives dans leur milieu puissent avoir quelques outils
pour, eux autres aussi, participer, aux plans clinique et pratique, à
des recherches d'autre envergure qui pourraient se réaliser moyennant
des fonds.
M. Trudel: Merci. Je vais y aller rapidement. Il y a ma
collègue de Terrebonne, ici, qui est spécialisée, je
dirais, dans les questions de consommation.
M. Landry: Spécifiquement sur la question de la recherche,
vous l'avez déjà fait. Vous avez dit, par exemple, dans le
domaine de la santé mentale, qu'on devrait investir 18 % ou 19 %,
l'équivalent du budget qu'on met là-dedans au niveau de la
recherche. Dieu sait qu'on en a besoin! Alors, si le phénomène
des médecines, ou des approches, ou des thérapies alternatives
je ne sais pas quel mot ou complémentaires est important
puis significatif, je pense qu'il devrait y avoir une proportion
adéquate de budget de recherche consacrée à ces
approches-là. Je veux dire, autant qu'ailleurs.
M. Trudel: Ma collègue de Terrebonne...
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Terrebonne, je vous accorde 60 secondes, et pour la question et pour la
réponse. Malheureusement, on a déjà un gros, gros retard.
Je ne sais pas si vous aviez... Oui, je vous comprends, mais, votre
collègue, il comprend ça, la cédule de temps, lui,
là. À moi, vous me demandez quasiment l'impossible.
Mme Caron: Non. Pour 60 secondes, je vais laisser mon
collègue terminer.
M. Trudel: Là-dessus, j'aurais aimé, en tout cas,
qu'on puisse... Parce que vous avez une recommandation en matière de
protection des consommateurs, en rapport avec l'Office. Je comprends qu'il y a
des dimensions contractuelles qui sont questionnables ou qui doivent être
questionnées lorsqu'on parle des thérapies alternatives, mais
j'hésiterais à épouser la totalité de votre
recommandation en ce qui concerne le fait de confier l'ensemble de la
responsabilité d'information à l'Office de la protection du
consommateur, parce que la dimension contenu des thérapies, ça
m'apparaît difficilement conciliable avec votre recommandation. Une
question d'observation, si vous avez de l'observation là-dessus.
M. Landry: Nous, on pense que plusieurs des thérapies qui
ne présentent pas de risques pour la population pourraient être
gérées par des structures existantes légères. On
veut surtout éviter de créer des nouvelles bureaucraties. Dieu
sait qu'on en a assez dans notre système. Par exemple, l'Office de la
protection du consommateur s'occupe des studios de santé. Vous saviez
ça, hein? Puis on a vu ce matin qu'aux États-Unis ils
considéraient ça comme des thérapies alternatives. Alors,
je ne vois pas en quoi... Il y en a plusieurs, approches. Le massage, par
exemple, la massothérapie, ce n'est pas tellement différent des
studios de santé. Je pense qu'il y aurait moyen, relativement
facilement, à peu de coûts, de demander ou de développer,
soit à l'Office ou à quelque chose qui y ressemble, une approche
pour informer adéquatement et contrôler les contrats, aussi, qui
se donnent, et contrôler ces différentes pratiques là. (17
h 20)
Le Président (M. Joly): Alors...
M. Trudel: Alors, merci beaucoup...
Le Président (M. Joly): ...merci beaucoup.
M. Trudel: ...quant à nous, de l'Opposition, de ce
mémoire, de cette présentation, et surtout des pistes de travail
sur lesquelles vous nous engagez. Je pense qu'il y a du développement et
des possibilités qui sont ouvertes quant aux solutions à
apporter.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Double merci à l'AHQ
et aux médecins. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Alors, à vous, de l'AHQ,
merci beaucoup d'avoir été présents.
Alors, j'inviterais maintenant la Confédération des
syndicats nationaux à bien vouloir s'approcher, s'il vous
plaît.
Alors, bonjour. Bienvenue à cette commission.
D'entrée de jeu, j'aimerais juste vous dire que nous sommes un
petit peu serrés dans le temps. Nous reprenons la commmission à
20 heures. Pour terminer à 19 heures, tantôt, il nous reste vous,
et il nous reste aussi un autre groupe à recevoir. Sur votre
mémoire, je vous alloue le temps qu'il faut; sur la période des
questions, je me devrai de couper. J'apprécierais que tout le monde
puisse coopérer à ce niveau-là. Alors, si vous
prévoyez que c'est préférable d'avoir plus de temps au
niveau de la période des questions ou des échanges, c'est
à vous, disons, de vous limiter dans le temps au niveau de votre
mémoire. Je vous laisse ça comme choix. Alors, vous savez que,
normalement, on vous accorde une vingtaine de minutes. Alors, c'est à
vous d'y aller. J'apprécierais que Mme Lamontagne, je pense... C'est
ça, vous êtes la responsable?
Mme Lamontagne (Céline): Oui.
Le Président (M. Joly): Alors,
j'apprécierais...
Mme Lamontagne (Céline): Alors...
Le Président (M. Joly): ...que vous puissiez,
peut-être, introduire les gens qui vous accompagnent, au tout
début.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN)
Mme Lamontagne (Céline): Alors, merci, M. le
Président. Je vais vous présenter d'abord, effectivement, les
gens qui m'accompagnent. Alors, à ma gauche, M. Ghislain Tremblay, qui
est du Syndicat professionnel des homéopathes du Québec, qui est
affilié à la CSN, là; ce n'est pas un syndicat au sens du
Code, mais ils sont membres de la CSN.
Le Président (M. Joly): Monsieur.
Mme Lamontagne (Céline): Mme Hélène
Cho-quette, qui est conseillère syndicale du service de recherche.
..
Le Président (M. Joly): Madame.
Mme Lamontagne (Céline): ...qui a travaillé avec
Benoît Allard, qui est en arrière, sur le contenu du
mémoire, et Mme Ginette Bourque, qui est du Syndicat des acupuncteurs et
acupunctrices du Québec, aussi membre de la CSN. Et aussi avec nous
la table n'est pas très longue, on avait une longue
représentation...
Le Président (M. Joly): Ah! vous étiez huit
enregistrés.
Mme Lamontagne (Céline): ...il y a Mme Fran-cine
Lévesque, vice-présidente de la Fédération des
affaires sociales; M. Serge Labrie, secrétaire de la
Fédération des professionnels salariés et cadres, ainsi
que Me Serge Lavergne, qui a travaillé aussi sur le dossier et qui
était impliqué dans certaines poursuites, comme avocat on
en parlait tout à l'heure, des poursuites alors qu'il a
défendu de nos membres.
Bon. Alors, je pense que je vais essayer d'être brève sur
la présentation, mais ce n'est pas simple non plus; on a des grosses
propositions. D'abord, je pense qu'on a choisi d'intervenir aujourd'hui pour
deux raisons: d'une part, parce qu'on a, comme je viens de le dire, des membres
qui sont homéopathes et acupuncteurs et acupunctrices, mais aussi parce
que tout ce qui est question de la réforme de la santé nous a
toujours préoccupés et intéressés. Et on a
essayé de faire des propositions, non pas seulement pour régler
à court terme le problème de la reconnaissance des acupunctrices
ou des homéopathes, mais aussi pour avoir un peu une vision
d'avenir.
Ce qui nous frappe, comme beaucoup d'autres intervenants à cette
commission, c'est, d'une part, et les enquêtes le prouvent, l'utilisation
accrue des médecines ou des thérapies alternatives. Et ce que,
nous, on a remarqué aussi, qui était de façon plus
précise et plus pointue, c'est que le gouvernement, implicitement,
reconnaît ces thérapies-là dans les contrats d'assurance,
autant au niveau des affaires sociales que de l'éducation, parce qu'il
est cosignataire. Donc, on sait que, maintenant, les contrats d'assurance
privés prévoient un remboursement pour certaines
médecines. Et, comme beaucoup d'autres aussi, on est très,
très préoccupés de l'absence de règles
légales qui fait en sorte que le public est mal protégé,
peu protégé. On constate aussi que, sauf pour l'acupuncture et
les sages-femmes qui sont sous la tutelle de la Corporation professionnelle des
médecins, tout le reste des thérapies, c'est, à toutes
fins pratiques, illégal. Et aussi, on en a parlé tantôt
dans les travaux, c'est que le public est très mal informé sur ce
que sont réellement les thérapies alternatives, et la multitude
de types, de noms qu'on utilise crée aussi une confusion. J'ai vu la
liste de la Corporation professionnelle des médecins. Sur ce qu'ils
appellent les thérapies alternatives, disons qu'il y aurait lieu
à débat, parce qu'on a tendance aussi à appeler
peut-être n'importe quoi des thérapies alternatives. Donc,
ça aussi, ça crée la confusion et ça empêche
une meilleure protection du public.
Alors, avant d'aborder les recommandations, je vais demander à
mes collègues, Mme Bourque et M. Tremblay, de faire un peu, rapidement,
ce qu'est le problème particulier de l'acupuncture et de
l'homéopathie. Alors, Ghislain.
M. Tremblay (Ghislain): Lorsqu'on a fondé le Syndicat
professionnel des homéopathes en 1989, on s'est adressé à
la CSN parce qu'on avait besoin de leur expertise. Ils avaient
déjà travaillé avec les acupuncteurs. À cette
époque-là, la situation de l'homéopathie au Québec
était presque entièrement sous la responsabilité des
compagnies qui faisaient la diffusion des produits homéopathiques.
Alors, il y avait certaines écoles de formation qui existaient. La
plupart des gens qui s'inscrivaient aux cours étaient déjà
dans le système
officiel de santé ou encore étaient déjà
dans les thérapies alternatives plus connues. Alors, on retrouvait
beaucoup d'acupuncteurs, beaucoup de massothérapeutes qui
s'intéressaient à l'homéopathie. On n'avait rien contre le
fait que les produits homéopathiques soient utilisés par des
médecins ou par d'autres professionnels de la santé.
C'était souvent une approche qui était une alternative,
justement, à certains médicaments ou à certaines
réactions de la clientèle face à des effets
secondaires.
Mais, à ce moment-là, on commençait à songer
que la profession d'homéopathe perdait aussi là-dedans, parce que
la plupart des personnes récupéraient l'homéopathie, qui
est particulièrement efficace, pour en faire une forme de traitement
complémentaire à ce qui se faisait déjà, alors que,
lorsqu'on regardait la tradition ailleurs, on réalisait qu'être
homéopathe, ça existe et que c'est possible d'avoir une formation
qui nous permette d'intervenir à différentes étapes de
l'état de santé des individus, que ce soit en urgence ou lorsque
les problèmes sont devenus chroniques. Alors, à ce
moment-là, on a fondé le Syndicat. On a fait appel, d'abord,
à 200 personnes qu'on savait intéressées à
l'homéopathie et au développement de l'homéopathie. On a
eu une réponse considérable. On avait plus que 100 membres, 100
personnes intéressées sur ces 200. Depuis la fondation du
Syndicat, on ne perd jamais de membres, on est toujours en augmentation.
Et les buts du Syndicat, le premier but qui a été
voté à la première assemblée
générale, c'était de veiller à
l'établissement d'une homéopathie de qualité au
Québec. Alors, pour ce faire, on a, depuis notre fondation,
regardé toutes les possibilités dans ce sens-là et on est
arrivé récemment avec une suggestion de programme de formation
qui compte 1200 heures, en excluant, déjà, le programme
d'anatomie-physiologie-pathologie qui serait un prérequis pour que les
gens puissent dire qu'ils sont homéopathes.
Alors, notre but n'est pas d'exclure les gens qui sont
déjà dans des pratiques, dans des professions et qui utilisent
l'homéopathie. On trouve que c'est tout à fait louable, mais on
pense aussi que devraient exister des homéopathes, c'est-à-dire
des individus dont l'intérêt principal et la pratique principale
est véritablement l'homéopathie. On pense que cette connaissance
est suffisamment structurée, existe depuis suffisamment longtemps. Et,
malgré le fait qu'on nous dit toujours que nous ne sommes pas
scientifiques... C'est aussi une des choses, un des défauts,
peut-être, qu'on se trouve parfois: on procède surtout par
empirisme, mais c'est un empirisme qui, lui aussi, fait ses preuves, et il y
aurait peut-être moyen de vérifier, justement, l'efficacité
de l'homéopathie en acceptant que ça passe par un certain
empirisme. (17 h 30)
Alors, pour nous, ce qu'on attend de la commission c'est... Bon, tout le
monde semble être prêt à une ouverture, mais aussi, nous, on
voudrait que l'ouverture existe jusqu'au point où on puisse
reconnaître l'existence d'homéopathes à part
entière.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Tremblay. Mme
Bourque.
Mme Bourque (Ginette): Oui. Depuis quelques années,
l'acupuncture a fait des pas de géant, et cela est dû au fait que
le SPAAQ, le Syndicat professionnel des acupuncteurs et acupunctrices du
Québec, a permis à tous les acupuncteurs de différentes
écoles de s'unir et de voir exactement ce qu'ils voulaient. Alors, on
veut une profession de qualité. On veut une bonne formation. Et, comme
nous sommes sous la tutelle de la corporation médicale et que nous
voulons notre propre corporation, nous avons lutté très fort
là-dessus. À ce moment-là, l'Office des professions a
étudié ça et, effectivement, nous aurons une corporation
professionnelle, théoriquement, le 1er janvier 1994. Alors, on en est
très heureux.
Cependant, nous voulons, à travers une corporation
professionnelle, pas seulement avoir le nom pour protéger le public,
mais on veut, en plus de ça, aller plus loin que ça.
C'est-à-dire que, présentement, la formation est au cégep
de Rosemont. Ce n'est pas qu'on trouve que la formation n'est pas bonne, sauf
qu'elle est insuffisante présentement. Parce que nous sommes une
médecine de première ligne, il faut une maturité pour
poser un jugement, pour poser un diagnostic. Alors, à ce
moment-là, nous croyons qu'il faut vraiment une formation de
qualité et qu'il faut une formation universitaire. D'ailleurs, vous
regarderez partout, dans le monde entier, l'acupuncture, lorsqu'elle est
acceptée par le Parlement, et tout ça, à ce
moment-là, c'est une formation de haut niveau.
Alors, l'Office des professions a fait un avis sauf que, nous, on trouve
que cet avis-là est très restrictif au niveau de la
définition des actes que nous avons à poser et, nous, on trouve
que c'est vraiment technique. Or, si on veut vraiment protéger le
public, je pense qu'on doit aller plus loin que ça, et les acupuncteurs
au Québec, de plus en plus, sont unis; ils font la force
là-dessus. On veut une médecine de qualité. Et, en plus de
ça, je pense que, présentement, c'est la seule médecine
alternative qui est agréée par la corporation médicale.
Parce que la corporation médicale a signé un protocole d'entente
avec nous, nous disant que, lorsque nous aurons une corporation professionnelle
autonome, elle nous laissera vraiment le champ, et elle est d'accord que ce
soit une formation universitaire et que nous sommes une médecine de
première ligne.
Mme Lamontage (Céline): Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
Mme Lamontagne (Céline): Alors, je vais continuer
maintenant, rapidement, sur les recommandations. Je disais, je pense, que c'est
des recommandations un peu costaudes, la première étant qu'on
propose des amendements à la Loi médicale. L'objectif de ces
amendements-là est de légaliser la pratique des thérapies
alternatives, mais c'est surtout de sortir et c'est valable aussi pour
d'autres professions de la santé de la
tutelle d'une corporation, qui s'appelle la Corporation professionnelle
des médecins, la pratique d'autres professionnels de la santé,
d'autres thérapeutes.
Alors, nous, on n'a pas une proposition ferme sur ce que ça
devrait être, mais l'hypothèse et on reprend, dans ce
sens-là, non pas une hypothèse ontarien-ne, parce que ça
s'est dit tantôt qu'on met de l'avant, c'est un peu ce dont le
rapport Rochon aussi avait parlé, c'est de modifier les concepts et ne
plus parler de champ d'exercice exclusif mais plutôt d'avoir le concept
d'acte exclusif.
Pourquoi ça? Parce que, actuellement, tout ce qui est
santé, médical, c'est théoriquement seulement les
médecins qui ont le droit de toucher à ça. Ils y tiennent
beaucoup, et ça fait en sorte que les thérapeutes peuvent se
faire poursuivre pour pratique illégale de la médecine. Et, nous,
on préfère dire: Qu'on définisse mieux les actes et que
chaque profession, finalement, soit autonome. On est conscient que c'est un
long travail. Et aussi, nous, à notre avis, ça devrait
s'accompagner d'une réflexion en profondeur sur les corporations, parce
qu'il y a lieu, là, après plusieurs années d'existence, de
se demander: Est-ce que c'est uniquement les corporations qui sont la
clé de voûte pour protéger le public?
Bon, Mme Ginette Bourque l'a dit, on recommande aussi la création
de corporations professionnelles autonomes pour les acupuncteurs et
acupunctrices ainsi que pour les sages-femmes. Et il y a aussi une
différence avec ce que propose l'Office des professions. On a eu
l'occasion d'en parler avec eux en ce qui concerne les acupuncteurs. C'est que,
nous, on considère que l'acupuncture est de niveau universitaire et non
pas de niveau collégial et que, finalement, la proposition du
décret qui est sur la table n'est pas complètement satisfaisante.
On veut vraiment une autonomie par rapport à la Corporation
professionnelle des médecins.
L'autre proposition, vous en avez parlé tout à l'heure. On
a été heureux de constater qu'il y a déjà des
adhésions à notre proposition sur la commission des
thérapies alternatives. Effectivement, Mme Vaillant m'a confirmé
ça tout à l'heure, ils ont fait du repiquage. Bon. Alors, c'est
bien, parce qu'ils appuient notre proposition. Donc, nous, on propose une
commission des thérapies alternatives qui aura un mandat
général d'encadrement s'exerçant à l'endroit de
toute thérapie non constituée en corporation professionnelle
autonome ainsi qu'un mandat d'information au public. Nous, on pense que ce
n'est peut-être pas la voie d'avenir de dire: On va créer des
corporations pour chaque thérapie alternative. Je l'ai dit tout à
l'heure, il y a une réflexion à faire sur le système de
corporation.
Par ailleurs, on est conscient qu'il faut protéger le public.
Alors, on pense qu'une commission légère qui dépendrait du
ministère de la Santé et qui ne serait pas trop lourde en termes
bureaucratiques pourrait permettre de contrôler l'accès au
registre des thérapeutes reconnus, de réglementer les
thérapies, de déterminer la formation, d'assurer un respect des
normes déontologiques de même que d'assurer le traitement des
plaintes du public; elle pourrait aussi informer le public de la valeur
thérapeutique des thérapies alternatives de même que de
leurs limites. Donc, on pense que c'est peut-être mieux que de confier
ça à l'Office des professions. Et, contrairement à ce que
l'Office dit, nous allons demander aux corporations existantes de regarder
ça, quelles thérapies elles pourraient reconnaître. Je
pense que ça, ça n'avancera pas beaucoup. Je n'ai pas entendu ce
matin la Corporation professionnelle des médecins, mais on me dit
qu'elle n'a pas une très grande ouverture.
L'autre aspect, c'est toute la question, qui est une question
importante, de l'intégration au réseau. C'est sûr que, si
on veut permettre un libre choix, il faut réfléchir aussi
à l'intégration au réseau. Nous, on dit que c'est une
réflexion qu'il faut faire. Il faut procéder à une
étude terrain, identifier les points du réseau les plus
susceptibles d'offrir des services et des thérapies alternatives,
toujours aussi selon des règles, évidemment, et des objectifs
d'efficience et d'efficacité, puis aussi regarder ce qui fait double
emploi avec les médecines conventionnelles. Beaucoup parlent de
complémentarité. Nous, c'est plus que ça qu'on dit, parce
qu'il peut y avoir des traitements ou des thérapies qui vantent une
alternative à la médecine conventionnelle et qui donnent des
résultats. Alors, nous, on pense que, pour avoir une bonne
intégration dans le réseau, il faut d'abord faire des
études de terrain, et peut-être que ça va se conclure par
des projets-pilotes. Espérons qu'ils auront plus de succès que
d'autres projets-pilotes. Et il faudrait qu'il y ait un débat public une
fois l'étude terrain faite.
D'entrée de jeu, on dit que, pour éviter d'autres
problèmes qu'on connaît, ça devrait être
rémunéré à salaire et non à l'acte.
L'autre aspect important je termine; j'ai juste une petite
proposition c'est toute la formation. Ça, c'est un
élément essentiel de la protection du public, parce que les
personnes ordinaires, la première chose qu'elles se demandent, ce n'est
pas: Sont-ils membres d'une corporation ou non, mais quelle formation ont-ils
pour faire leur travail, quelle compétence ont-ils? Alors, nous, on
pense qu'il faut étudier les modalités de la création d'un
département des thérapies alternatives au niveau universitaire
pour certaines thérapies qui auraient un tronc commun de connaissances
et, pour d'autres thérapies qui sont peut-être de niveau
technique, ouvrir des programmes dans les institutions publiques
d'enseignement, c'est-à-dire les cégeps.
Je vous remercie. J'arrête sur ça.
Le Président (M. Joly): Madame, vous êtes bien
disciplinée. Je vous remercie beaucoup.
M. le ministre, s'il vous plaît. (17 h 40)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Je pense que Mme Lamontagne avait raison de souligner que la CSN a suivi
de très près l'évolution et a accompagné aussi la
réforme qui est en cours, avec ses hauts et ses bas, pilote ou pas. Et
on comprend que c'est des choix qui ne sont pas toujours faciles, mais la CSN a
toujours été là, et assez ouverte, et, à certains
égards,1 avant-gardiste aussi. Je pense qu'il faut le dire
à
l'occasion, même si, sur d'autres points de vue, on peut
être d'opinion différente.
Je pense que l'originalité au-delà des
propositions, et on y reviendra de votre présence ici à ce
moment-ci... On est dans une situation où l'acupuncture a fait, à
travers les ans, un bout de chemin et elle touche presque au but. Une belle
démonstration de ça, c'est que vous avez évoqué le
1er janvier 1994. On dit: Ce n'est pas suffisant, mais on y arrive, là.
On aurait probablement souhaité davantage, mais il y a au moins une
étape très importante qui est là, et vous le reconnaissez.
Et il y a aussi l'homéopathie. On s'en est abondamment servi depuis
trois jours pour questionner et pour tenter de faire progresser les choses.
Je commencerai donc par l'homéopathie parce que, ce que je crois
déceler dans les différentes interventions, c'est que c'est une
thérapie alternative qui est moins contestée que d'autres. On lui
reconnaît, au minimum, un certain nombre de vertus, pas toujours, dit-on,
prouvées scientifiquement, mais un certain nombre de vertus. Et je pense
qu'on est quand même prêt à dire: Bon, bien, peut-être
qu'elle n'est pas encore dans le cénacle, mais, pratiquée par des
médecins, c'est acceptable. Disons qu'on voit qu'il y a quelque chose
là.
Vous avez dit tantôt, dans votre présentation: C'est
efficace. Je me suis pris une petite note, je me suis
dépêché, parce que... C'est efficace. Il ne faut pas que
ça soit considéré comme nécessairement un
traitement complémentaire ou exclusivement un traitement
complémentaire. Bon, c'est une grosse affirmation par rapport à
ce qu'on a entendu. Plus tard, vous avez dit: Ce n'est pas
nécessairement prouvé scientifiquement. J'aimerais vous entendre
davantage là-dessus, parce que tout chemine vers un pas additionnel, et
qu'il faut en arriver à une évaluation, semble-t-il, scientifique
pour permettre d'accéder au cénacle.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Alors, j'aimerais vous
entendre davantage là-dessus, parce que votre préoccupation,
d'entrée de jeu vous l'avez dit, Mme Lamonta-gne, était celle de
la protection du public, tout en offrant des alternatives jouons sur les
mots, là et des services complémentaires. On va
réussir à rejoindre tout le monde avec ça. Je ne dis pas
que c'est ce que vous avez dit, là.
Mme Lamontagne (Céline): Non.
M. Côté (Charlesbourg): Quand je cesserai de
rejoindre tout le monde... Je veux dire, vous parlez, vous, d'alternative,
d'alternatif, d'autres parlent de complémentaire. On parle de la
même chose. On parle de la même thérapie alternative, pour
bien se comprendre. Certains, probablement, dans leur cheminement, sont rendus
à complémentaire, d'autres sont dans l'alternatif, mais on parle
de la même chose, au bout de la ligne. On parle de la même
thérapie alternative: l'homéopathie. Alors, c'est pour ça,
d'ailleurs, que j'ai toujours dit: Si c'est bon pour des médecins aux
États-Unis, si c'est bon pour des médecins en Europe et qu'ils la
pratiquent, probablement qu'on ne se chicanera pas longtemps sur certaines
vertus qui ne sont pas prouvées scientifiquement, mais ces
vertus-là sont là.
Bon. Qu'est-ce qu'on peut faire au-delà de la recherche? Parce
qu'il faudra faire de la recherche, il faudra faire ces
évaluations-là. Et qu'est-ce que vous pouvez nous apporter de
neuf, à cette commission-là, pour dire: Oui, il y a un peu plus
que ça qui est fait? Des exemples précis. Hier, on parlait des
otites, mais ça en prend, des exemples comme ça, et davantage,
pour dire: Oui, effectivement, il y a du bien-être, il y a du
mieux-être qui est procuré aux gens par l'homéopathie.
Le Président (M. Joly): M. Tremblay, s'il vous
plaît.
M. Tremblay (Ghislain): Oui. Bon. Quand on parle d'un manque de
preuves scientifiques au niveau de l'homéopathie, il y a eu
énormément d'expériences scientifiques qui ont
été faites sur certains remèdes homéopathiques, et
il existe des travaux, des communiqués de recherche, autant en Europe
qu'aux États-Unis, là-dessus.
On a actuellement, au niveau du syndicat, une cause type qui est en
cour, et on a eu deux médecins américains qui pratiquent
l'homéopathie qui sont venus dire de façon spécifique
qu'effectivement il n'était pas absolument nécessaire
d'être médecin pour pratiquer l'homéopathie. Et un des deux
témoins-experts est même allé jusqu'à dire que,
parfois, être médecin, c'était presque un obstacle à
la compréhension du processus homéopathique.
L'efficacité de l'homéopathie dépend aussi des
connaissances de l'homéopathe. Et, comme on le sait, en
homéopathie, il y a différentes tendances de pratique. Alors,
c'est certain qu'avec quelqu'un qui va pratiquer avec des complexes, ou
quelqu'un qui va pratiquer avec une technique comme le pluralisme qui requiert
plusieurs remèdes homéopathiques, ou l'uniciste qui, lui,
recherche un effet à partir d'un seul remède, on va avoir des
résultats très différents selon le niveau de connaissances
de l'homéopathe.
C'est pour ça qu'on en arrive à proposer un programme de
formation de 1200 heures parce que, généralement, ce qui nous est
proposé, ce sont des connaissances très superficielles, qui vont
justement s'arrêter à quoi faire lorsqu'il y a une otite. Tandis
que, si vous êtes en pratique homéopathique, on peut se rendre
compte qu'on a d'excellents résultats avec l'herpès, avec les
migraines, avec une foule de problèmes qui sont jugés chroniques
le syndrome prémenstruel, par exemple, qui est souvent
très complexe mais où l'homéopathie apporte
d'excellentes réponses. Alors, il y a aussi le soulagement dans certains
cas. L'homéopathie peut servir de complément lorsqu'une personne
est en chimiothérapie. On a vu des cas où une partie des effets
secondaires de la chimiothérapie ont été
évités parce qu'on donnait des remèdes
homéopathiques en
même temps.
Donc, on découvre constamment de nouvelles applications à
l'homéopathie. Mais il faut bien comprendre que, pour un
homéopathe, c'est le rapport avec son client qui fait toute la
différence. Alors, c'est beau d'informer des gens sur la valeur d'un
remède homéopathique, mais, si le praticien n'a pas de technique
de relation d'aide ou de technique de communication, il ne sera jamais un
homéopathe très efficace. Ça aussi, ça joue
beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai sursauté un
petit peu en vous entendant tantôt presque exclure le médecin.
C'était presque un handicap que d'être médecin pour
pratiquer l'homéopathie. Mais...
M. Tremblay (Ghislain): Dans certains cas.
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que je
me suis dépêché d'aller voir votre recommandation 7. Bon,
regardez, dans le tronc commun, on parle de PUQTR à 7 et on dit:
«Ces divers programmes pourraient bénéficier d'un tronc
commun de connaissances en anatomie, physiologie, pathologie». Les
médecins se retrouvent pas mal là-dedans. Disons que la relation
d'aide, ça peut s'améliorer, mais une chose est certaine, c'est
que c'est des choses qui procèdent au niveau du tronc commun.
J'ai un petit peu de difficultés à m'associer à
cette vision-là. Moi, je dis: Tant mieux si un médecin va
chercher ce complément-là. Je pense que ça me paraît
être un complément heureux pour soigner davantage la
globalité de la personne. Ce que je comprends, c'est qu'il reste encore
un peu de travail à faire. Je dois vous dire honnêtement que ce
qui me console dans votre présentation, par rapport à d'autres
qui viennent nous faire des présentations et qui veulent une
reconnaissance, c'est les exigences que vous mettez au niveau de la formation.
Vous ne lésinez pas, là: 1200 heures au-delà du tronc
commun, exiger une formation universitaire, je pense qu'on commence à
être dans les ligues majeures un peu, là, à ce
niveau-là. Et je vous le dis tel que je le pense, ça donne du
sérieux à l'intervention. Mais, fermons pour
l'homéopathie. L'acupuncture, ce que je comprends, c'est presque
fermé au-delà d'exigences additionnelles que vous pourriez avoir,
mais on a là deux thérapies alternatives qui risquent, je pense,
de faire des progrès assez importants au cours des prochaines
années.
Et quelles autres, dans ce camp? Et ça, je pense qu'il faut
tenter d'en identifier d'autres. On a parlé beaucoup
d'ostéopathie depuis le début. Mais il est bien évident
qu'on n'en reconnaîtra pas 200 si jamais on devait en reconnaître
200. Il faut y aller avec un certain nombre. Si on allait dans la proposition,
par exemple, de l'association des médecins holistiques du Québec,
d'expérimentation... Je pense qu'il va falloir y aller avec les choses
qui sont les plus avancées.
On parle d'homéopathie, d'ostéopathie, on parle de...
L'acupuncture, c'est réglé, donc c'est réglé.
Est-ce qu'il y en a d'autres, à votre point de vue, parmi les
thérapies alternatives, qui seraient dans ce camp?
Mme Lamontagne (Céline): Non, il n'y en a pas d'autres. Ce
serait parler un peu à travers notre chapeau que d'en faire une longue
liste. On a identifié, nous aussi, l'ostéopathie, mais on ne l'a
pas développé dans notre mémoire, donc on n'est pas en
mesure de le dire. Il y en a sûrement d'autres, mais on n'est pas en
mesure de répondre aussi précisément à la question
que pour les autres médecines, les autres thérapies. Je ne sais
pas si... (17 h 50)
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce qu'on a beaucoup
entendu parler de ces deux camps et des autres thérapies alternatives.
Vous réglez votre problème par votre commission. Ce que j'ai
compris, c'est que la paternité vous revient, ou la
maternité.
Mme Lamontagne (Céline): Oui, et la
Fédération des CLSC est d'accord pour reconnaître
ça.
M. Côté (Charlesbourg): Bon. Alors, cette commission
des thérapies alternatives, ce qu'elle vise, finalement, c'est de
l'information au public, c'est ça. Et pas uniquement de l'information,
mais de la protection du public, qui irait jusqu'où? Parce que
l'information, c'est une chose, et la protection, à l'occasion,
ça peut aller beaucoup plus loin que ça. Et qu'est-ce qu'il faut
pour être reconnu? Et est-ce qu'on a ces prérequis-là pour
être reconnu? Et, finalement, sur le plan contractuel, un individu qui va
voir un thérapeute ou un technicien s'attend à tel genre de
services pour tel prix. C'est un peu ça. Mais, au-delà de
l'information, qu'est-ce que ça prendrait, qu'est-ce que ça
ferait, la commission?
Mme Lamontagne (Céline): Bien, on allait plus loin que
ça, parce que ça pouvait même entendre les plaintes ou
recevoir les plaintes du public. Alors, ça, c'est un aspect.
M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est des plaintes sur
le prix, sur le contrat intervenu entre deux ou sur la qualité de ce qui
est dispensé?
Mme Lamontagne (Céline): Ça peut être...
Là, on n'est pas allé jusqu'à spécifier que le
titre... D'abord, la première chose, nous autres, on croit, que devrait
faire cette commission, c'est un peu de déterminer c'est quoi les
thérapies, distinguer ce que sont les thérapies et ce qu'est une
technique de gymnastique, par exemple, ou un nouveau régime alimentaire
révolutionnaire. Il y a des distinctions, quand même, à
faire. Donc, d'analyser c'est quoi, les thérapies. Ensuite, une fois
ça fait, c'est de les définir par leur titre. Et aussi, nous, on
parle de faire un registre des thérapeutes reconnus, puis, à
partir de ça, de déterminer la formation de base qui serait
nécessaire avec les ministères concernés. Et, à
partir de ça, pour ces thérapies-là, il pourrait y avoir
aussi un mécanisme de plaintes qui pourrait être
sur la fausse représentation. Si on dit: Homéopathe, c'est
un titre, ça fait ça, on informe le public de ça, puis il
y a des gens qui n'ont pas la formation nécessaire et qui se
prétendent homéopathes, c'est un type de plainte qui pourrait
être enregistré par la commission. Je ne sais pas si c'est plus
clair, là?
M. Côté (Charlesbourg): Ça mérite
d'être défini encore davantage. Puis je comprends qu'on est dans
l'expression d'opinions et de propositions qui devront être davantage
fouillées. Mais ça va plus loin que ce que j'avais pensé
ou ce que j'avais entendu parce que, dans le cas des CLSC, j'avais davantage
saisi que ça servirait à de l'information du public.
Mme Lamontagne (Céline): Oui, de banque de données.
Mais ce n'est pas...
M. Côté (Charlesbourg): De banque de données.
Mais ce que j'ai compris, c'est que c'était une pâle copie de
votre idée d'origine.
Mme Lamontagne (Céline): Oui. Mais, pour en revenir
à... C'est parce qu'on n'a pas grand choix. Il y a l'Office des
professions. Est-ce qu'on va créer des corporations à tous ceux
qui en demandent? Ça n'a pas de bon sens. Il y a l'Office de la
protection du consommateur qui a un type de service mais qui n'a pas
l'expertise en médical ou l'expertise de thérapie. Donc, si on
veut une vraie reconnaissance, il faut créer peut-être autre
chose, léger, pas trop bureaucratique, qui va au moins avoir...
Peut-être qu'il va y en avoir cinq, six, au début, qui vont
être reconnues comme tel, mais on tient aussi beaucoup à ce que ce
soit sous l'égide du ministère de la Santé, parce qu'il y
a un aspect santé, service au public, etc. Alors, il n'y a pas grand
voie. On a essayé de les exploiter toutes, puis on dit: Ça prend
quelque chose de particulier. Puis ça existe ailleurs sous
différentes formes.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre.
Madame...
M. Côté (Charlesbourg): On aura l'occasion de...
Parce qu'on est dans un moratoire de cinq ans. Donc, on va avoir le temps de
s'en reparler, ou vous aurez le temps de vous en reparler.
Le Président (M. Joly): Merci. Je reconnais maintenant Mme
la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Je vous donne beaucoup plus de
temps, Mme la députée.
Mme Caron: Mme Lamontagne, je vous remercie de votre
présentation, ceux qui vous accompagnent aussi. Je pense que,
contrairement à mon habitude de prendre surtout du temps pour
questionner, je vais commencer par faire un petit peu le point, puisque c'est
ma première participation ici, et dire à quel point il faut qu'il
y ait concertation, vous l'avez dit, des ministères
concernés.
Au même moment où nous travaillons à cette
commission parlementaire, nous nous retrouvons, depuis deux semaines, en
commission, en audiences sur l'avant-projet de loi de la réforme du Code
des professions. Tout au long de ces audiences, nous avons parlé
régulièrement des thérapies alternatives puisque,
effectivement, on se demandait si, au niveau du Code des professions, il devait
y avoir une troisième voie, cette voie-là au niveau des actes
exclusifs. Et on se retrouve, au niveau de la protection du public, vous l'avez
bien dit, avec trois chapeaux.
L'Office de la protection du consommateur, qui relève du
ministère de la Justice et qui touche surtout au niveau des biens. Quand
on se parlait tantôt au niveau des régimes alimentaires, et tout
ça, c'est déjà couvert par l'Office de la protection du
consommateur.
On se retrouve avec l'Office des professions, avec 41 corporations
professionnelles, avec un ministre responsable de l'application des lois
professionnelles et avec 41 corporations de deux types: des corporations
à exercice exclusif, dont tous les professionnels sont obligés
d'être membres, et des corporations à titre réservé
qui touchent aussi la santé. On va penser, par exemple, à titre
réservé, aux psychologues, aux travailleurs sociaux qui, eux, se
retrouvant à titre réservé, ne sont pas obligés
d'être membres de leur corporation professionnelle. Et, lorsqu'ils ne
sont pas membres de leur corporation professionnelle, ils ne sont pas soumis au
système disciplinaire des corporations professionnelles. Il y a
là une grande lacune. Et on se parle de 60 000 professionnels membres de
ces corporations à titre réservé sur les 240 000 et d'un
bassin du même nombre de 60 000 qui ne sont membres d'aucune corporation
et qui exercent en changeant le titre, c'est-à-dire: clinique de
psychologie, psychothérapeute, thérapeute de la psychologie. Le
public n'est absolument pas protégé pour ces corporations
professionnelles là.
Et, évidemment, tout ce qui touche les thérapies
alternatives. Certaines ont réussi à traverser. Les
chiro-praticiens sont maintenant une corporation professionnelle;
l'acupuncture, en 1994. J'ai apprécié que vous fassiez une
différence entre les thérapies, finalement, qui
nécessitent une formation, ce qui est extrêmement
différent. Si on se parle d'homéopathie, si on se parle
d'ostéopathie, si on se parle d'acupuncture, c'est extrêmement
différent que de se parler de réflexologie, de massage. Ce n'est
pas du tout la même chose. Il va falloir arriver à faire ces
distinctions-là. Et je pense que, pour apporter cette
solution-là, il va falloir absolument qu'il y ait concertation entre les
ministères concernés parce que, là, on a trois
ministères qui touchent à cette même protection du public,
et de manière extrêmement différente. Dans vos
recommandations, vous avez ajouté aussi les sages-femmes, au niveau
d'une formation, et je pense qu'il va falloir en tenir compte, ça aussi,
de cet élément-là.
S'il y a moratoire durant cinq ans, qu'est-ce que vous souhaitez dans
l'attente parce que cinq ans, c'est quand même assez long
au niveau de la protection du public? Quelles seraient les mesures
immédiates qu'il faudrait appliquer pour, au moins, assurer la
protection du public durant cette période d'attente d'un système
peut-être plus global, qui engloberait les trois protections du public
différentes? Quelles seraient les mesures, selon vous, qui devraient
être appliquées à brève échéance?
Le Président (M. Houde): Mme Lamontagne.
Mme Lamontagne (Céline): Je veux revenir à la
même recommandation qu'on fait: il faudrait mettre sur pied la commission
des thérapies alternatives qui aurait comme mandat, rapidement, comme
ça a été dit à l'émission «Droit de
parole», de séparer le bon grain de l'ivraie parce que, s'il y a
un moratoire... C'est sûr, on connaît ça; on en a eu, de nos
membres, qui ont eu des poursuites pour pratique illégale, etc., ou des
poursuites aussi au niveau de la ville de Montréal. Donc, il faut avoir
une voie de sortie. Actuellement, c'est par le biais de la Loi médicale
qu'il y a des poursuites. Donc, il faut avoir une voie de sortie.
Nous, la voie de sortie qu'on propose, c'est la commission; elle devrait
se mettre rapidement sur pied. S'il y avait un moratoire de cinq ans,
effectivement, elle aurait le temps de faire tout le travail qu'on lui demande
et, après ça, de faire qu'on adopte les législations
nécessaires et les réglementations nécessaires pour la
reconnaissance des diverses thérapies alternatives. C'est, je pense, la
seule voie qu'il peut y avoir parce que, après le moratoire, on retourne
à la Loi médicale telle qu'elle est, et il n'y a pas d'autre
alternative. Ça ne règle pas le problème pour l'avenir.
(18 heures)
Mme Caron: Est-ce que, dans l'attente des conclusions de la
commission et du moratoire, il y aurait lieu que l'Office de la protection du
consommateur puisse sévir, puisse recevoir des plaintes au niveau des
thérapies alternatives?
Mme Lamontagne (Céline): Bien, il pourrait toujours, sauf
que, nous, on pense qu'il n'a pas l'expertise complète pour faire
ça. Et, s'il y a un moratoire et, après ça, c'est l'Office
qui dépose d'autres plaintes, je ne sais pas où on s'en va,
là. Je ne sais pas si, Hélène, tu peux ajouter.
Mme Choquette (Hélène): Oui, alors...
Le Président (M. Houde): Mme Choquette, vous voulez
ajouter quelque chose?
Mme Choquette: Très rapidement.
Le Président (M. Houde): Allez, allez.
Mme Choquette: II me semble difficile de soute- nir à la
fois, comme on le fait dans notre mémoire, qu'un des problèmes
importants avec les thérapies alternatives qu'il faut au plus vite
régler, c'est la question de l'information et de la protection du
public, de soutenir ça, d'une part, et de soutenir, d'autre part, qu'il
y aurait un moratoire de cinq ans, sans rien prévoir d'autre. Il nous
apparaît qu'à ce moment-là la seule voie qui va rester, si
ça devait être le scénario, ce sera celle de remonter des
dossiers pour obtenir des reconnaissances de corporations professionnelles.
Alors, comme il nous apparaît que, par ailleurs, dans un autre
champ, on devrait repenser ça, nous, on pense qu'il faut, s'il y a
moratoire, en même temps, avancer sur le reste du dossier,
débroussailler les informations, débroussailler les titres qui
doivent se jumeler au ministère de la Santé parce qu'ils
relèvent de la santé des gens, par rapport à d'autres qui
pourraient être davantage du domaine des loisirs, ou quoi que ce soit,
mais il nous faut donc avancer sur ce terrain-là.
Autrement, je veux dire, on se trouverait tout à fait à
contredire ce qu'on a énoncé comme principe de base,
c'est-à-dire que l'élément essentiel qui fait qu'on
intervient, c'est, bien sûr, que nous représentons des praticiens.
Et ces praticiens, eux aussi, ont le souci du ménage dans les
thérapies, du ménage dans les prétentions
également. Alors, il faut qu'on mène les deux dossiers de front,
autrement, ça va être inévitablement la voie d'un dossier
monté devant l'Office des professions. Il ne reste rien que
ça.
Mme Caron: Oui, je pense que vous avez parfaitement raison parce
que, s'il y a moratoire du côté des thérapies alternatives,
du côté de la réforme du Code des professions il n'y a pas
moratoire. La réforme, elle est sur la table et elle va se poursuivre au
cours des mois prochains. Donc, au niveau des thérapies alternatives qui
sont à formation universitaire ou à formation collégiale,
si le dossier n'est pas présenté, n'est pas monté au
moment où la réforme du Code des professions se fait, il y a
peut-être un risque que ces futures corporations professionnelles,
finalement, manquent le bateau et n'assurent pas la protection du public.
Et, Mme Lamontagne, puisque nous n'aurons pas la chance de vous entendre
au niveau du Code des professions, au niveau des titres réservés
et ce à quoi je faisais mention tantôt au niveau des
psychologues, au niveau des travailleurs sociaux qui ne sont pas obligés
d'être membres des corporations professionnelles, est-ce que vous avez
réfléchi sur ce problème-là? Et comment on peut
assurer une protection du public pour les professionnels qui sont à
titre réservé et qui ne sont pas obligés d'être
membres de ces corporations?
Mme Lamontagne (Céline): Bon, on n'a pas
été... Oui, on a déposé un mémoire, on n'a
pas été en auditions. Je vais vous dire deux ou trois remarques
sur la question des autres professionnels. Prenons l'exemple des travailleurs
sociaux. Ceux qui sont dans la santé ou dans le secteur public, ils sont
obligés d'être membres de leur corporation. Je pense que, d'abord,
dans certains
cas, oui, c'est demandé. Deuxièmement, un des gages de
compétence, c'est aussi la formation qu'ils ont reçue. Qu'ils
soient membres de la corporation ou non, ils ont reçu une formation de
niveau universitaire. Troisièmement et ça, on faisait une
distinction, dans notre mémoire, sur l'Office des professions
c'est que plusieurs professionnels sont des salariés, ce qui n'est pas
vrai des docteurs qui ne sont pas des salariés, qui sont
rémunérés à l'acte. Alors, ceux qui sont
salariés, il y a, en soi, déjà un système de
protection du public, parce qu'il y a un employeur, donc l'employeur peut
sévir. Il y a des dispositions dans les conventions collectives et, en
plus, dans le secteur de la santé et des services sociaux, il y a un
autre mécanisme qu'on développe actuellement, c'est le code
d'éthique. Alors, avec tous ceux qui sont salariés, même
s'il y a des professionnels non membres d'une corporation et ceux qui sont
salariés dans le secteur public et parapublic, moi, je crois que le
public est protégé, même s'ils ne sont pas membres d'une
corporation, parce qu'il y a plein d'autres mécanismes de protection du
public.
Sur la question de ceux qui sont dans la pratique privée et qui
s'ouvrent un bureau, puis qui changent le nom ils ne s'appellent pas
psychologue j'avoue qu'on n'a pas réfléchi en profondeur
à cette question. Nous, on compte faire une réflexion, comme je
l'ai dit tout à l'heure, plus en profondeur sur tout le système
des corporations, mais ce n'est pas terminé, là. On avait
commencé un peu dans le cadre de la commission Rochon, mais ce n'est pas
terminé; et il y a plusieurs professionnels qu'on représente, qui
sont membres des corporations, donc il y a une réflexion à faire
avec elles et avec eux.
Le Président (M. Houde): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup de votre contribution.
Mme Lamontagne (Céline): Je vous en prie. Le
Président (M. Houde): Vous avez terminé? Mme Lamontagne
(Céline): Oui.
Le Président (M. Houde): Merci beaucoup, là, de...
Oui? Allez, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Et on retient que la
commission des thérapies alternatives, son origine vient de chez vous et
que vous souhaitez qu'on puisse travailler ensemble pour l'améliorer,
dans la mesure où ça deviendra une réalité. Mais je
retiens que l'intérêt du public est placé très haut
dans vos préoccupations par le biais de davantage d'exigences au niveau
de la formation et que, dans ce sens-là, les évaluations,
ça ne fait pas peur. En souhaitant que, si ce sont des projets-pilotes,
ça puisse se matérialiser plus rapidement que les sages-femmes,
mais en s'inspirant de ce qui se sera passé chez les sages-femmes.
Mme Lamontagne (Céline): Juste deux remarques: C'est
sûr qu'on est prêt à travailler sur la commission des
thérapies alternatives, là; ça, c'est sûr qu'on est
prêt à faire ça. Deuxièmement... Ah! j'ai
oublié mon document. Ça va.
Le Président (M. Houde): Mme la députée de
Terrebonne, à vous.
Mme Caron: Alors, je remercie beaucoup les représentants
de la Confédération des syndicats nationaux pour leur
participation. Je pense que votre mémoire est extrêmement
éclairant, et les réponses nous amènent à une
réflexion beaucoup plus grande. Et, moi aussi, je retiens, au niveau de
la formation... Je pense que c'est l'élément déterminant
pour assurer la protection du public parce que, même si on a un
système de plaintes qui peut être efficace, un système
disciplinaire, je pense que l'objectif visé, ce n'est pas d'avoir
beaucoup de plaintes mais d'avoir des professionnels bien formés.
Mme Lamontagne (Céline): Merci beaucoup.
Le Président (M. Houde): Merci beaucoup, Mme la
députée de Terrebonne, et merci beaucoup à la
Confédération des syndicats nationaux.
J'appellerais maintenant l'Association coopérative
d'économie familiale du centre de Montréal à prendre
place. Comme vous le savez, nous avons environ 50 minutes. Vous pouvez aller
jusqu'à 20 minutes pour expliquer votre mémoire. J'aimerais que
vous présentiez les personnes qui sont avec vous.
Association coopérative d'économie
familiale du centre de Montréal (ACEF-Centre)
Mme Rozon (Louise): Merci, M. le Président.
Alors, je me présente, Louise Rozon. Je suis directrice de
l'ACEF-Centre. À ma droite, Mme Chantai Doray, qui est responsable du
dossier sur les cours de croissance personnelle à notre association et,
à ma gauche, M. Louis Lepage, qui a réalisé pour nous,
à l'été 1992, une enquête terrain en suivant
personnellement quatre cours de croissance personnelle en vue d'évaluer
les différentes méthodes d'intervention qui sont
utilisées. (18 h 10)
Alors, nous tenons, dans un premier temps, à vous remercier de
nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire
part de notre point de vue sur le phénomène des thérapies
alternatives et, plus précisément, concernant la protection du
public. Notre intervention est un peu particulière, parce qu'on ne
touche pas nécessairement les thérapies alternatives qui
concernent les médecines douces, mais davantage les cours de croissance
personnelle qui constituent plutôt des psychothérapies.
Alors, l'ACEF-Centre est une association de consommateurs qui est
vouée principalement à la protection du public. On
s'intéresse au phénomène des cours de croissance
personnelle depuis plus de 10 ans, et nous avons reçu jusqu'à
présent 10 000 demandes d'information du public et plaintes, dont plus
de 1000 plaintes en bonne et due forme. Nous avons recensé près
de 450 organismes différents qui vendent des cours, des sessions ou des
ateliers de croissance personnelle, qui coûtent en moyenne 350 $ chacun.
Ces différents cours sont généralement offerts lors de
fins de semaine qu'on appelle «marathons» et accueillent en moyenne
entre 10 et 150 participants. Nous avons réalisé un sondage par
l'entremise de la maison CROP, en janvier 1993, et ce sondage
révèle que plus de 22 % de la population a suivi, depuis les cinq
dernières années, de tels cours de croissance personnelle, ce qui
représente quand même un nombre considérable de citoyens.
À l'aide de ces données, on évalue le chiffre d'affaires
annuel de ce marché à près de 70 000 000 $. Il s'agit donc
d'une industrie importante et très prospère.
Actuellement, comme c'a déjà été
souligné devant la commission, il n'y a pratiquement aucune
réglementation à l'égard de ce marché, sauf la Loi
sur la protection du consommateur. Donc, n'importe qui peut, du jour au
lendemain, se prétendre psychothérapeute ou, encore, animateur de
cours de croissance. De plus, il n'y a aucun organisme qui n'édicte
quelque norme que ce soit concernant la formation, les pratiques, les
activités des promoteurs et des intervenants du milieu de la croissance
personnelle, pas plus qu'il n'existe de mécanisme de réception et
de traitement des plaintes. Les consommateurs sont donc laissés à
eux-mêmes, sans protection, dans un dédale d'approches de toutes
sortes.
Les plaintes que nous avons reçues et les enquêtes terrain
qu'on a réalisées ces dernières années nous ont
amenés à identifier plusieurs problèmes. Je vais vous
énumérer ceux qui nous semblent les plus importants. on a
remarqué que plusieurs organisations se dégagent de leurs
responsabilités face aux conséquences négatives
éventuelles de leurs cours. donc, on retrouve souvent ces clauses
d'exonération dans les contrats qu'on offre aux consommateurs. on exerce
parfois des pressions indues pour favoriser l'inscription; ces pressions
briment, à notre avis, le consentement libre et éclairé.
souvent, ça se fait en culpabilisant le futur participant, en utilisant
des confidences sur leur vie personnelle et surtout des témoignages
extrêmement positifs d'anciens participants. on ne donne pas, non plus,
des informations objectives et complètes sur les activités qui
seront offertes, les buts et les objectifs poursuivis par l'organisation. les
explications sont donc souvent très vagues, et on nous sert souvent
cette expression, c'est-à-dire: mon cours, c'est comme une pomme, il
faut y goûter pour l'apprécier. donc, on n'a pas l'information
pour vraiment faire un choix éclairé. de plus, on procède
très rarement à une sélection des participants, et
certaines études démontrent que les gens qui sont plus
vulnérables peuvent être très affectés en suivant un
cours intensif de croissance personnelle.
Certains animateurs utilisent, par ailleurs, des méthodes
d'intervention parfois très éprouvantes, et un style d'animation
intrusif qui ne tolère aucune opinion divergente. Dans le cadre des
enquêtes qu'on a... En fait, dans le cadre des cours qu'on a suivis,
à titre de participants observateurs, on a pu prendre connaissance des
différents styles d'animation. On va vous donner un exemple d'un
échange qui a eu lieu dans un cours «Le forum»
qu'on a suivi à l'automne 1992. Alors, il y a une jeune fille qui se
lève; elle avait déjà parlé, le premier soir de
l'atelier, de ses habitudes alimentaires boulimiques, de ses évasions
dans la musique et des abus sexuels perpétrés par son
frère plus âgé et ses amis. Lors de cette deuxième
intervention, qui s'est faite devant plus de 140 personnes, elle explique
qu'elle éprouve des difficultés dans ses relations avec les
hommes. L'animateur rétorque: «Puis après?» et
ajoute: «As-tu pensé aux filles, ou encore aux animaux?»
L'interaction se poursuit ainsi de longs moments. L'animateur lui
demande si son père avait abusé d'elle. Elle répond:
«Non». Il réplique: «Pas par ton père? Tu n'as
pas été capable de séduire ton père? Tu n'as pas
été capable d'avoir ton père?» en se montrant
très indigné. Alors, cette discussion s'est passée devant
150 personnes, et peu de temps après, la dame s'est évidemment
assise, et on ne sait pas exactement quelles ont pu être les
conséquences qu'elle a rencontrées, sauf qu'il s'agit d'une
intervention qui peut être, à tout le moins, de
l'extérieur, très douteuse.
Comme autre problème, nous avons observé des conditions et
des règles très strictes, dans certains cours, qui favorisent
l'épuisement psychologique et physique des participants. Par exemple,
dans le cadre du cours «Le forum», les journées sont
très longues. Elles peuvent durer de 14 à 15 heures, avec une
pause de 30 minutes pour dîner et une pause d'une heure pour souper. La
journée se termine à 23 heures, et ce, pendant trois jours
consécutifs. Alors, ce sont des fins de semaine qui peuvent être
extrêmement éprouvantes pour les gens.
M. Côté (Charlesbourg): C'est presque notre
commission.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Rozon: Oui, j'en conviens. Il n'y a peut-être pas des
exercices aussi éprouvants, par contre. Nous avons également
observé d'autres problèmes, tels que l'absence de suivi
après les cours, la dépendance des participants vis-à-vis
de l'organisation et, surtout, l'existence de certains conflits
d'intérêts. Certains animateurs profitent de leur relation de
pouvoir avec les participants, de la confiance également que ces
participants ont envers eux, en occupant des rôles qui, à notre
avis, sont inconciliables avec leur rôle d'intervenant. Selon les cas
dont nous avons eu connaissance, l'animateur est l'associé d'affaire qui
sollicite des sommes d'argent auprès des participants pour investir dans
des projets,: le partenaire amoureux qui encourage
l'intimité
sexuelle ou le guide qui s'ingère dans les affaires personnelles
des participants. il y a également un problème à
l'égard de la formation des animateurs et des promoteurs de cours de
croissance personnelle. en 1990, nous avons réalisé une
étude pour l'office des professions du québec et, sur un
échantillon de 310 responsables d'organisme, 70 % avaient une formation
dispensée dans un établissement non reconnu par le
ministère de l'éducation et seulement 7 % étaient membres
d'une corporation professionnelle. en ce qui concerne les animateurs de ces
cours, c'est 86 % qui n'avaient pas de formation reconnue par le
ministère.
Certes, tous ces problèmes ne sont pas présents dans tous
les cours de croissance personnelle, mais le grand nombre de plaintes et de
témoignages négatifs que nous avons reçus depuis 10 ans
confirme l'existence d'abus, que ce soit d'ordre physique, psychologique,
moral, financier ou encore sexuel. L'Office des professions a d'ailleurs
reconnu, dans son avis qui a été présenté au
ministère, l'existence de ces abus-là. Il y a une étude
américaine qui, elle, évalue à près de 10 % le
nombre de participants qui auraient subi des dommages psychologiques, tels que
des épisodes psychotiques graves, une dépression, de
l'anxiété, un manque d'estime de soi important ou une
détérioration de leurs relations interpersonnelles.
Lors du cours «Le forum», qui est donné par
l'organisme qui semble avoir le style d'intervention qui est le plus
problématique, qu'on a suivi, comme je le mentionnais tantôt,
à l'automne 1992, il y a un participant qui a très mal
réagi suite à un exercice très éprouvant. Il avait
les dents et les mâchoires figées et les yeux convulsés.
Ça a pris environ une heure avant que la personne ne s'en remette.
À la lumière des informations qu'on a, il est fort probable que
cette personne ait fait un épisode psychotique. Face à ce type de
préjudice et au manque de réglementation criant, qui
prévaut dans ce domaine, l'ACEF-Centre invite donc le gouvernement du
Québec à intervenir dans le domaine des psychothérapies,
et plus particulièrement dans le domaine des cours de croissance
personnelle.
Alors, nous recommandons la création d'un organisme
gouvernemental, qui pourrait s'appeler aussi une commission des
thérapies alternatives, qui serait distinct des corporations
professionnelles existantes. Cet organisme aurait comme principal mandat la
protection des usagers. Il pourrait, entre autres, tenir un registre de tous
les intervenants dans ce secteur, éduquer et informer la population,
maintenir et développer un volet recherche, définir
également des normes déontologiques relatives à la
pratique des intervenants, sensibiliser le milieu de la croissance au respect
de ces normes, mettre en place également un système disciplinaire
et un service de conciliation des différends, organiser et diriger un
comité de travail qui veillerait à lui faire des recommandations
appropriées, notamment à l'égard de la formation qui
serait requise.
Pour conclure, les recommandations de l'ACEF-Centre visent avant tout
à assurer la protection du pu- blic, plus que de reconnaître les
diverses méthodes d'intervention qui sont utilisées dans le
domaine de la croissance personnelle. Puisqu'elles sont extrêmement
diversifiées, il serait difficile de reconnaître la
validité de ces différentes approches, mais la protection du
public exige que le gouvernement intervienne. Nous vous remercions de votre
attention, et sommes maintenant disposés à répondre
à toutes vos questions. (18 h 20)
Le Président (M. Houde): Merci, Mme Rozon.
La parole est maintenant au ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Mon collègue de Rouyn-NorandaTémiscamingue avait
pris soin, à l'ouverture de la commission, de citer un passage de votre
mémoire, parce que ça l'avait frappé, et je pense que
c'était pour démontrer jusqu'où ça pouvait
aller.
C'est un mémoire qui, je dirais, ne répond pas totalement
à ce que souhaitait la commission, mais c'est un mémoire de
qualité, qui veut saisir la commission et, j'imagine, le public en
général d'une situation d'abus dans un domaine précis,
mais qui n'exclut pas que ces situations d'abus se retrouvent ailleurs dans
d'autres thérapies alternatives. Je pense que c'est un témoignage
qui mérite très certainement d'être souligné, compte
tenu du travail terrain et de recherche qui a été fait. Donc,
pour cela, je vous remercie. 10 000 demandes d'information sur 10 ans, ai-je
compris?
Mme Rozon: C'est bien ça, oui.
M. Côté (Charlesbourg): 1000 plaintes. Ça
fait une centaine de plaintes par année pour un organisme comme le
vôtre. Est-ce que ces plaintes sont limitées à la
région de Montréal ou si ça déborde la
région de Montréal? Lorsqu'on parle d'ACEF-Centre,
évidemment, c'est ACEF-Centre, mais j'imagine que vous n'êtes pas
fermés à répondre à d'autres.
Mme Doray (Chantai): Non, effectivement. M. le ministre, je vous
dirais que, principalement, il y a plusieurs témoignages qui se font
dans la région de Montréal parce que nos interventions dans les
médias sont peut-être plus localisées dans les
médias montréalais. Par contre, il y a quand même une
étendue, une expansion qui se fait ailleurs au Québec, et on a
également de ces types de plaintes là qui concernent des
localités plus éloignées.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que ces
plaintes-là concernent uniquement la croissance personnelle, ou si vous
avez aussi des plaintes sur d'autres thérapies alternatives?
Mme Doray: Oui, effectivement, nous avons reçu, parmi la
multitude de plaintes que nous recevons, des plaintes qui concernent des volets
autres que la croissance personnelle, systématiquement, étant
donné que le consommateur, étant laissé à
lui-même, ne sait
pas où s'adresser spécifiquement.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'on pourrait savoir
dans quel autre domaine et quels sont les types de plaintes? Est-ce que c'est
quant à la formation des thérapeutes ou le coût? On se
plaint de quoi, précisément?
Mme Doray: Par rapport aux médecines douces, plus
spécifiquement, on reçoit des plaintes dans le cas où les
médecines douces et la croissance personnelle se chevauchent
particulièrement parce que, lorsqu'on parle de médecine douce, on
parle d'une médecine holistique, qui prend en considération le
corps et l'esprit. Donc, on ne peut pas diminuer ces deux aspects-là,
ils sont forcément en interrelation. On va recevoir des plaintes de
type, par exemple, soit en homéopathie, en naturopathie ou dans d'autres
approches qui sont moins connues, où, par exemple, la personne va nous
dire... Je peux vous donner un type d'exemple, où elle est allée
voir un naturopathe qui, tout à coup, a commencé à lui
parler de sa vie, la faire parler de ses relations amoureuses, la faire parler
de ses relations de travail. Suite à ça, il a
dégagé un champ énergétique autour d'elle et il lui
a dit: Tiens, toi, tu manques de vitamine E, de vitamine C, de vitamine
unetelle. Il lui a donc fait une prescription suite à ça.
Donc, on pense qu'il y a des chevauchements qui sont faits parce que la
personne va se rendre dans une institution de santé pour régler
un problème de santé et, à ce moment-là, on se met
à la faire parler de sa vie personnelle. Ce type de chevauchement peut
conduire à des abus, effectivement.
M. Côté (Charlesbourg): Vous n'avez pas
poussé l'analyse jusqu'à peut-être trouver qu'il
était lui-même vendeur de la prescription qu'il avait
donnée à la personne qu'il voyait.
Mme Doray: Je vous dirais que, comme notre étude et nos
interventions ont porté principalement sur le champ de la croissance
personnelle, on a vu qu'il y avait des liens qui étaient plus larges que
ça, effectivement.
M. Côté (Charlesbourg): Et quoi d'autre? C'est un
champ qui est très vaste, effectivement, mais je trouve bon que vous
fournissiez l'exemple de l'homéopathe, à ce moment-ci, ou du
naturopathe. Ça illustre très, très bien les
inquiétudes qui ont été véhiculées à
cette commission-là, au niveau des charlatans qui sont là et
qu'il nous faut protéger le public contre ces charlatans. Est-ce qu'il y
a d'autres domaines?
Mme Doray: Je dirais que ce type d'intervention là se
remarque plus dans les médecines douces, qui vont justement être
propices à des chevauchements, comme je l'ai souligné,
c'est-à-dire qu'on va recevoir moins de plaintes par rapport à
des techniques comme la masso-thérapie, à ce moment-là,
peut-être parce qu'il y a aussi une association qui est peut-être
l'une de celles qui sont les plus structurées. On a pu recevoir aussi
des plaintes, par exemple, face à des approches encore méconnues
et parfois douteuses, pour certaines organismes, comme l'irrigation du
côlon, où une personne, justement, ressentait des blocages, que ce
soit dans son enfance ou des problèmes de travail. À ce
moment-là, on lui proposait la technique de l'irrigation du côlon
pour enfin pouvoir débloquer ses énergies latentes qui sont
là. Alors, ça peut être un exemple.
Des voix: Ha, ha ha!
M. Trudel: C'est bon pour les gouvernements, ça. Ha, ha,
ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'allais presque vous dire:
Pas si «colon» que ça! Bon! Pourquoi ne pas faire plus de
place à l'Office de la protection du consommateur dans la protection du
public? Ça ne me semble pas être présent. Est-ce que c'est
parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires, l'expertise? Il me
semble qu'il y aurait des domaines, parce que, à peu près tout le
monde qui est passé ici nous a parlé de verser un certain nombre
de dossiers à l'Office de la protection du consommateur. Je pense que
vous êtes dans ce domaine-là assez crédibles pour nous dire
ce qui va et ce qui ne va pas.
Mme Doray: Par rapport à l'Office de la protection du
consommateur, c'est qu'il y a déjà des dispositions qui
réglementent les cours de croissance personnelle. Il y a toutes les
dispositions concernant les contrats à exécution successive. Ce
qu'on s'est rendu compte, entre autres, dans le cadre des enquêtes qu'on
a faites, c'est qu'il y a plusieurs organisations qui ne respectent même
pas ces dispositions-là. Le public n'est pas toujours informé, il
ne porte pas plainte parce que l'organisation a un contrat qui est non conforme
à la loi, mais plutôt parce qu'il a été abusé
et que le dommage qu'il a subi est beaucoup plus important, à ce point
de vue là, que parce que l'organisation n'avait pas de contrat conforme
à la loi.
Je pense que c'est une question d'expertise. L'Office de la protection
du consommateur a beaucoup de compétence à l'égard des
problèmes, au plan contractuel, mais je pense que le domaine des
psychothérapies alternatives et des médecines douces
nécessite une certaine expertise qu'on croit que peut-être
l'Office de la protection du consommateur n'a pas pour intervenir. On trouve
déplorable que, même, par rapport aux dispositions que les
organisations devraient respecter, l'Office n'est pas tellement agressif pour
s'assurer du respect de sa loi actuelle, à ce niveau-là.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ce qui vous
amène à joindre le clan de ceux qui parlent d'une commission de
thérapies alternatives, à moins que vous nous appreniez que c'est
votre idée à vous. Ha, ha, ha!
Mme Doray: Ha, ha, ha! Ça doit être une
idée
partagée.
M. Côté (Charlesbourg): Partagée. Est-ce que,
dans votre cas, vous souhaiteriez, dans la mesure où il y a une
commission des thérapies alternatives, qu'elle dépasse le niveau
de l'information ou niveau de bibliothèque?
Mme Doray: Oui. Ce qui est sûr, c'est que l'information est
un aspect extrêmement important, parce que c'est un manque qui existe
présentement. Les gens ne savent pas à qui s'adresser, autant en
ce qui concerne les médecines douces que les psychothérapies
alternatives, mais il y a un besoin qui est plus important encore, qui est la
protection du public. Il faut qu'il y ait un lieu où les gens peuvent
porter plainte et signaler les abus qui existent, parce que, à l'heure
actuelle, il y a certaines organisations comme la nôtre, et il y en a
sûrement d'autres, qui recueillent les plaintes du public, mais où
il n'y a pas nécessairement une connaissance que l'État a de ces
problèmes-là et où il y aurait une importance d'intervenir
par la suite pour que cessent définitivement ces abus-là.
Donc, à ce niveau-là, il y aurait un besoin d'information
mais aussi un besoin de protection, de recueillir les plaintes du public et
d'établir, pour certains secteurs, des codes de déontologie. Le
secteur des psychothérapies est particulier. Il y aurait lieu
d'établir un code de déontologie général qui
s'appliquerait à ce secteur-là, et la commission ou l'organisme
de protection aurait également le mandat de s'assurer que ce code est
respecté par les différents intervenants.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce qu'on peut
apprendre de plus de monsieur qui est allé lui-même vivre des
expériences sur le terrain...
Mme Doray: II est en bonne santé.
M. Côté (Charlesbourg): ...qui peuvent difficilement
être contestées, je pense, à ce que j'ai compris?
M. Lepage (Louis): Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Qui peuvent difficilement
être contestées, en termes d'expérience terrain. On a dit
pendant trois jours c'est la troisième journée ou la
quatrième qu'il nous fallait aller faire des expériences
terrain, et on a un témoin. (18 h 30)
Le Président (M. Houde): M. Lepage, à vous la
parole. Oui, M. Lepage.
M. Lepage: C'est ça. Bon, moi, j'ai été dans
quatre cours de croissance et on pense que, souvent... En tout cas,
l'idée que, moi, j'avais et qui est peut-être un peu
partagée, c'est que ce sont des cours où on va parler de ses
problèmes. Il y a un réseau d'amitié, on peut discuter,
c'est très chaleureux, et tout. Il y a ce volet-là qui existe,
mais il y a aussi des cours de crois- sance sous des couverts, où on
s'annonce pour dire: On va vous aider à régler certains
problèmes. Souvent, les buts sont très utopiques, en passant, et
ils ont des pratiques assez difficiles, assez éprouvantes pour les gens.
Donc, c'est ça aussi, et il y a tout ce halo de mystère qui les
entoure. Quand vous allez à une soirée d'information, il n'est
pas possible d'avoir de l'information. On vous demande de payer 400 $ comme
ça. Il y a des techniques d'influence, des modes de pression. Les gens
déboursent, ils vont là et, dans le fond, ils ne savent pas du
tout dans quoi ils s'embarquent. Donc, il y a des gens qui peuvent être
extrêmement déçus, et il y a des exercices qui sont
extrêmement violents.
Je me rappelle, dans un cours, entre autres... Imaginez ici qu'on ferme
les lumières, qu'il fait très noir. Vous ne voyez pas, et
là il y a un animateur, en avant, qui commence à crier
très fort, dans un micro, que vous avez peur, parce que, l'exercice,
c'est d'affronter la peur de votre vie. Imaginez ça. Vous entendez des
gens crier, pleurer, il y a des gens qui vomissent. C'est un exercice qui peut
être extrêmement bouleversant. Et ça, ça dure de 15
à 20 minutes. Ensuite, l'animateur dit: Bon, voilà, vous venez de
dépasser votre peur. Ce qui est dommageable, ce qui risque d'être
dommageable dans ces cours-là, c'est que ce sont des exercices qui vont
stimuler des émotions. Si on ferme les lumières ici, on risque de
vivre des choses, nous, d'avoir peur ou de penser à des choses qui nous
font peur ou qui nous énervent. Ensuite, c'est terminé, il n'y a
pas de retour sur ça. Donc, il n'y a pas d'analyse, il n'y a pas de
travail qui est fait pour demander aux participants: Qu'est-ce qui s'est
passé?
Contrairement à ce qui peut se passer dans une intervention
psychologique, si quelqu'un vit des choses, on va essayer de travailler
là-dessus pour comprendre ce qui en est, alors que, dans ces
cours-là, ce sont beaucoup des exercices qui vont soulever des
émotions, mais sur lesquelles il n'y a pas de travail réel qui
est fait. C'est ça qui risque d'être le plus dommageable dans ces
cours-là. Les gens peuvent être confrontés à des
exercices qui sont très violents et, parfois, avec la pression du
groupe, avec la pression des animateurs, on ne peut pas dire comme ça:
Moi, je refuse de faire l'exercice. Il y a ça aussi: c'est quoi, le
consentement de la personne, dans ce contexte-là? Ça devient
questionnable.
M. Côté (Charlesbourg): Quel est le moyen de
régler? Ce n'est pas uniquement par une commission des thérapies
alternatives, avec un registre des thérapeutes, avec les noms qui
seraient publiés et même avec les contrats qu'on pourrait
régler cette problématique-là, parce qu'on va quand
même se retrouver avec des gens qui, malgré tout ça, vont
se retrouver là, avec la même technique.
M. Lepage: Oui. C'est-à-dire que les cours de croissance
n'ont pas le monopole des pratiques douteuses, là. Ça, c'est une
chose qu'il faut comprendre. Je crois que, dans toutes les disciplines,
même officielles, il y en a. Ça, c'est une chose. Mais ce qu'on
remarque,
en tout cas, ce que plusieurs études américaines tendent
à prouver... Bon, première des choses, l'idée de tenir un
registre, c'est que la première fonction serait au moins d'informer les
gens. Actuellement, c'est quasiment impossible, dans certains cas, d'obtenir
une information neutre et crédible sur un certain nombre de cours. On va
vous dire: Le cours, je ne peux pas te le décrire, parce qu'il se vit
seulement dans le cours. Donc, il y a toujours cette idée d'une
information. Dans le fond, un registre ou un organisme qui pourrait informer
les gens de façon plus neutre, où il n'y a pas un
intérêt mercantile derrière ça, c'est
démontré que, dans le fond, ça permettrait une
autosélection. L'autosélection serait donc le premier moyen, en
tout cas, de réduire les conséquences négatives. Si on dit
aux gens exactement: Écoutez, il va y avoir un exercice violent
où on ferme les lumières et où vous pouvez avoir
très peur, tu dis: Moi, je décide de ne pas y aller. Bon,
parfait, la personne le sait et elle fait un choix, là. L'idée de
cet organisme-là, ce serait une information crédible et neutre
qui permettrait au moins une autosélection des gens, à
défaut qu'il y ait une sélection qui soit faite par ces
promoteurs-là, parce que, souvent, dans ces groupes-là, il y a
140 personnes. Imaginez comment ils pourraient faire la sélection. En
plus, les gens n'ont pas nécessairement la formation pour évaluer
et sélectionner les gens. Ça, c'est une chose.
L'autre chose aussi: Qu'est-ce qui arrive quand il y a des dommages, que
des gens sortent de là très po-qués et très
bouleversés et c'est ça le deuxième volet? Il n'y a
aucun recours possible. Ces gens-là, qui sont n'importe qui, comme
Louise le disait tantôt, peuvent s'instituer animateurs de cours de
croissance. Donc, on s'imagine que les gens, des fois, ont une éthique
très douteuse. Us ne savent pas exactement ce qu'ils font. Ils ne savent
même pas à qui ils ont affaire. On peut fermer les lumières
ici, mais, si quelqu'un a déjà fait un épisode
psychotique, est-ce que c'est souhaitable qu'il soit dans la salle avec nous?
Bon, ils ne le savent même pas. Ça, c'est une chose qu'il faut
voir aussi, qu'il y ait une meilleure éthique, qu'ils voient la
répercussion de leurs gestes. Mais que les gens aient un certain
mécanisme pour être informés, d'une part donc,
l'idée d'autosélection mais, en même temps, dans les
cas graves d'abus, qu'ils soient de toutes sortes, sexuels, physiques,
psychologiques, et tout, bien, qu'il y ait un mécanisme, un recours
quelconque, parce que, là, les gens sont laissés
complètement en plan avec le système actuel.
Le Président (M. Houdé): Merci. À
présent, je passe la parole au député de
Rouyn-NorandaTémiscamingue.
M. Trudel: Première partie?
Le Président (M. Houde): Oui, allez, allez.
M. Trudel: Bien, j'aimerais vous redire la bienvenue à
cette commission parlementaire. Oui, vous nous apportez des témoignages
importants, si tant est qu'on veuille intervenir dans ce secteur, parce que,
là, c'est la première fois, dans tout le travail de la
commission, que l'on intervient ou que l'on entend des interventions eu
égard à tout le secteur des psychothérapies. C'est
énorme, tout le restant des thérapies alternatives, mais, en soi,
le secteur des psychothérapies constitue un pan de travail et un champ
d'intervention immense. On retrouve, dans ce champ spécifique des
psychothérapies, mon Dieu, presque autant d'écoles de
pensée et de pratique qu'il y en a, au total, dans les autres
disciplines des thérapies alternatives généralement
identifiées. S'il y a un secteur dans lequel on est submergé par
le subjectif, bien, c'est dans le domaine des psychothérapies. Parce
qu'on n'est pas dans le monde de l'observable et du mesurable, ça
augmente le coefficient de difficulté pour dresser ou tirer une ligne
entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas vous allez entendre
le mot éthique entre ce qui est de la thérapie et ce qui
est de l'exploitation pure et simple, ce qui, enfin, tombe dans l'abus, dans
l'exploitation. Alors, c'est important, les témoignages que vous nous
apportez là-dessus.
Est-ce que vous pensez qu'en matière d'évaluation et de
connaissance de ces différentes psychothérapies on ne pourrait
pas confier des mandats d'étude d'analyse et d'évaluation
je ne parle pas de jugement de ces différentes approches à
différents groupes spécialisés, au lieu de demander
à un groupe, à une commission, à un organisme de porter
une évaluation et un jugement sur la valeur? Est-ce que vous pensez
qu'on ne devrait pas faire appel à des ressources qui existent dans un
certain nombre de départements, dans un certain nombre
d'universités, dans certains organismes spécialisés, par
exemple, qui ont une crédibilité reconnue pour nous permettre de
non seulement dégager des évaluations, mais aussi, d'expliquer un
certain nombre de techniques ou d'approches? L'information au consommateur,
à mon avis, doit inclure également l'explication de la pratique.
La technique de la noirceur dans la salle... Voyez-vous, il doit y avoir
quelqu'un, quelque part, qui a inventé une explication extraordinaire
à propos de cette technique, et ça doit avoir des fruits,
ça, probablement des retombées non moins extraordinaires. Il
faudrait peut-être comprendre, se faire expliquer et être capable
d'avoir l'explication du phénomène simple qui se passe et, de
là, si c'est un geste qui va plus vers l'abus de la confiance, qui va
vers l'exploitation, que vers une technique visant à dégager un
mieux-être chez la personne. Qu'est-ce que vous pensez de cette approche,
de confier à des spécialistes en évaluation l'efficience,
et non pas seulement l'efficacité, de ces techniques?
Le Président (M. Houde): M. Lepage. Si vous voulez. (18 h
40)
M. Lepage: Bon. Je dois dire, d'une part, que la question de
mesurer l'efficacité, d'évaluer l'efficacité et
l'efficience des différentes thérapies psychologiques, je veux
dire, c'est extrêmement complexe et ça soulève
déjà beaucoup de choses en soi. Il y a un certain nom-
bre d'études, que je pourrai évoquer tantôt, qui
l'ont fait, en ce qui concerne les cours de croissance. J'aimerais juste
apporter une précision. C'est que l'organisme dont on recommande la
création n'a pas pour rôle, en soi, d'évaluer les
promoteurs de cours de croissance. C'est un organisme où on demanderait
au promoteur de s'inscrire, de fournir une information complète, et
d'adhérer à un code de déontologie, et d'être
conséquent avec ce code-là. Ce qui arrive dans le domaine, aussi,
c'est qu'on dit qu'au Québec il y a au-delà de 400 groupes de
croissance. Vous vous imaginez le foisonnement ou la multiplicité des
approches que chacun peut évoquer. Donc, une question
d'évaluation devient extrêmement complexe, à ce
niveau-là, car chacun veut avoir une approche pour dire que c'est la
meilleure, et tout. L'organisme n'a donc pas nécessairement pour but
d'évaluer.
L'autre chose que je veux dire, au-delà des différentes
approches derrière lesquelles les promoteurs pourraient se cacher, c'est
la question des pratiques qui se passent dans les cours. C'est toute la
question de quelles pratiques deviennent difficiles et quelles pratiques sont
acceptables ou non. Ce que j'évoquais tantôt, c'est que ce n'est
pas tant une pratique en soi qui soulève un problème, c'est le
contexte dans lequel cette pratique-là est insérée. Si on
ferme les lumières ici, si on fait juste ça, ça peut
soulever des émotions et être très problématique.
S'il y a un certain nombre de mises en garde, un certain nombre d'explications
et qu'ensuite on fait un retour dans le groupe sur ce qu'on a vécu,
déjà là, la même technique peut prendre un sens
complètement différent pour les mêmes personnes. Donc,
c'est toujours dans... Ce n'est pas nécessairement que les cours de
croissance ont des techniques si particulières par rapport à
d'autres approches psychologiques, c'est souvent la façon dont elles
sont utilisées qui soulève des problèmes. Comme je vous le
disais tantôt, il y a plusieurs études qui sont d'accord
là-dessus, de soulever des émotions pendant deux, trois jours
sans qu'il n'y ait un réel travail fait avec ça... Vous allez
dans un cours et vous faites des exercices, vous dessinez, vous criez, vous
fermez les lumières, vous faites plein de choses. Si vous faites
ça trois jours, la probabilité est que vous en sortirez
bouleversé plus que d'autre chose ou, à tout le moins, qu'il ne
se sera rien passé de très thérapeutique chez vous,
là-dessus. C'est toujours une question de contexte,
là-dessus.
Il y a aussi l'autre chose, la dernière chose que je peux
ajouter. Il peut y avoir des luttes là-dedans, à savoir: Est-ce
que les psychologues sont habilités ou est-ce que les psychiatres sont
habilités à évaluer ce qui se passe dans les cours de
croissance, quand on sait que les membres des corporations professionnelles ne
sont pas tellement dans ce domaine-là? Là, ça
soulève aussi une série de problèmes. Qui est le mieux
habilité pour ça, et pour le faire de façon, comme vous le
disiez à juste titre, à évaluer et non pas à juger?
Quand on est d'un point de vue de psychologie scientifique ou de psychiatrie,
on peut dire que tout ça, c'est de la foutaise. Nous, on ne croit pas
que tout ça c'est de la foutaise. Il y a sans doute des choses valables,
mais il y a beaucoup de pratiques qui sont très douteuses, et qui
peuvent être dommageables aussi.
Mme Rozon: J'aimerais peut-être juste rajouter une chose.
C'est évident que l'organisme éventuel qui pourrait être
créé, s'il a le mandat d'informer le public, il se doit de faire
également des recherches. Peut-être pas nécessairement pour
évaluer les techniques comme telles, mais, à tout le moins, pour
être en mesure de bien les décrire. Il y a plusieurs techniques
qui sont utilisées, comme le «rebirth» par exemple, bon, eh
bien, ça serait important que la commission puisse être en mesure
d'expliquer au public c'est quoi le «rebirth» et, pour ce faire, il
y a peut-être un besoin de faire des recherches. Il n'y a aucun
problème à ce que ces recherches-là soient
réalisées par des organismes plus spécialisés en
recherche, qui seraient extérieurs, pour décrire d'une
façon bien précise les différentes techniques qui sont
utilisées dans le domaine des psychothérapies.
M. Trudel: C'est pensable, de la part de l'État, au lieu
de créer une commission et tout un appareillage, de confier un tel
travail? On va prendre un cas au hasard, mais complètement au hasard,
là. Est-ce que c'est possible de confier ce travail de surveillance,
d'aide et de support aux consommateurs à des organismes du type
ACEF-Centre, par exemple? Est-ce que c'est possible d'imaginer ça?
Mme Rozon: Non.
M. Trudel: Qu'au lieu de le créer...
Mme Rozon: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...qu'on puisse confier ce mandat à des
«advocacy groups», à des groupes d'intervention en
matière de consommation, un mandat bien précis avec les
ressources nécessaires? Ça vous apparaît possible?
Mme Rozon: Non. Je pense que ce n'est pas vraiment possible parce
qu'on deviendrait, par le fait même, un organisme parapublic, et je pense
que ça ne serait pas nécessairement une bonne chose. On doit
garder une certaine indépendance, et je pense que ça serait
nécessaire que cet organisme-là soit un organisme gouvernemental
plutôt qu'un organisme privé.
M. Trudel: Merci.
Le Président (M. Houde): Mme la députée de
Terrebonne, à vous la parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Alors, je vous remercie, Mme Rozon. Je vous remercie de la participation
de l'ACEF-Centre, qui est toujours extrêmement profitable aux membres des
commissions, et je pense que vous nous apportez toujours des
éléments de réflexion dans les différentes
commis-
sions parlementaires. Vous n'avez pas chômé au cours des
dernières semaines.
Mme Rozon: Ha, ha, ha! Non.
Mme Caron: le dossier que vous apportez, je sais que c'est un
dossier que vous travaillez depuis très, très longtemps. vous
nous parlez des recherches depuis 10 ans, de l'importance de la formation des
animateurs, évidemment, qui est très inégale, mais aussi,
au niveau de la clientèle, vous nous dites que 22 % de la population,
finalement, aurait déjà suivi des cours de croissance
personnelle. je ne sais pas si vous avez poussé un petit peu plus loin
la recherche. c'est évident que des personnes qui n'ont pas de
problème réel au niveau de la personnalité, ou qui ont un
certain équilibre, qui participent à des cours de croissance
personnelle, même s'ils ne sont pas d'une qualité extraordinaire,
elles risquent de s'en tirer à meilleur compte.
Mais j'ai l'impression là, j'aimerais, si vous avez des
chiffres que ces cours-là attirent très souvent une
clientèle plus vulnérable, qui a donc, à ce
moment-là, certaines difficultés, et que les risques sont donc
encore plus grands au niveau des conséquences.
M. Lepage: bon, pour ce qui est des caractéristiques de la
clientèle, on a très peu de données là-dessus. dans
le sondage qui montrait qu'il y avait 22 % des québécois adultes
qui avaient fréquenté un cours dans les cinq dernières
années, il y avait un genre de portrait sociodémographique:
autant des hommes que des femmes, que ce soient des gens qui sont assez
scolarisés, qui ont des revenus moyens et élevés. donc, il
y a ça.
Maintenant, nous, on n'a pas vraiment investigué du
côté de la clientèle qui va là. Il y a des
études américaines qui démontrent, par ailleurs, que les
gens qui fréquentent ce cours-là qui ne vont pas voir,
effectivement, un psychologue ou un psychiatre, par exemple souffrent de
détresse psychologique plus que les autres. Par rapport à la
population en général, ce sont des gens qui sont en
majorité plus divorcés, plus séparés.
Effectivement, on peut croire, à partir de là, que les gens qui
vont là formulent une demande d'aide. Il y a réellement quelque
chose d'une demande d'aide, en tout cas d'une quête de sens, si on ne
veut pas verser dans le psychologique, et ces gens-là, en partie, donc,
une partie de la clientèle est sûrement vulnérable.
Une autre chose aussi, c'est que ce sont des gens... Les études
démontrent que les gens qui souffrent le plus des conséquences
négatives de ça, ce sont ceux qui ont des attentes
élevées par rapport aux objectifs, au but de ce cours-là.
Donc, c'est ça qui arrive aussi. Il y a toute une interaction entre la
clientèle et la façon dont on fait la publicité. Il y a
plusieurs promoteurs qui annoncent des buts vraiment irréalistes ou
utopiques, qu'on va changer les schemes de notre personnalité en trois
jours, qu'on va se soulager de problèmes psychologiques en deux jours et
demi, ta, ta, ta. Donc, ça, ça risque effectivement d'attirer des
gens vulnérables, et ça risque d'augmenter les attentes ou les
espoirs de ces gens-là.
Comme je vous le disais tantôt, les études
démontrent que c'est surtout ces gens-là qui ressortent de
là avec des complications, justement. Si on dit à quelqu'un:
Écoute, on passe trois jours ensemble, tu vas peut-être comprendre
un peu plus les relations interpersonnelles avec les autres, et tout, bon,
ça ça paraît peut-être un objectif qui est louable.
Mais, si on dit qu'on va t'aider à régler tous tes
problèmes psychologiques et physiques, et qu'il y a des gens, à
cause d'un état de vulnérabilité, parce qu'ils sont
allés cogner à des portes de psychologue, de médecin ou de
thérapeute alternatif, et qui, pour x raison, se retrouvent là,
eux risquent d'avoir des attentes irréalistes.
Mme Caron: Je pense que, souvent, au niveau de ces cours de
croissance personnelle, on peut toucher aussi des sectes. Je pense
qu'Info-Secte avait fait une excellente recherche au niveau de l'Église
de Scientologie, en particulier, où on utilisait ces cours de croissance
personnelle pour essayer d'endoctriner des personnes aussi.
Je vais vous poser une question très, très, très...
Au niveau des lois, finalement, les cours de croissance professionnelle
relevaient du ministère de l'Éducation. À la demande,
suite à des pressions d'associations de consommateurs, ça
relève maintenant, depuis la loi 41, de l'Office de la protection du
consommateur. Lorsque je vous écoutais, tantôt, M. Lepage, vous
parliez d'un code d'éthique. On sait que la loi 11, qui relève du
ministre de la Justice, responsable de la protection du consommateur, a
ajouté un élément en vertu duquel on peut, lorsqu'il y a
des secteurs de consommation qui posent problème je pense, par
exemple, aux préarrangements funéraires; alors, ça
pourrait être un type de problème de consommation faire
signer un engagement volontaire, qui est un code d'éthique en soi. Si
ceux qui offrent ces services refusent de signer l'engagement volontaire, il
peut y avoir décret pour soumettre l'ensemble de ceux qui offrent ce
type de service à un engagement volontaire. Est-ce que ça
pourrait être une voie qui pourrait être utilisée afin de ne
pas ajouter une nouvelle structure dans le système? (18 h 50)
Le Président (M. Houde): Madame.
Mme Rozon: Je pense que ça peut être
extrêmement difficile d'utiliser cette voie-là, parce que,
là, on parle vraiment de code d'éthique, d'un code de
déontologie, avec des normes très générales
à respecter, alors que les engagements volontaires qui sont le plus
souvent signés entre les entreprises et l'Office de la protection du
consommateur, c'est des engagements qui concernent les délais
d'annulation des contrats...
Mme Caron: Non, je faisais référence au nouveau
type d'engagement volontaire, là, comme celui qui va être
signé avec les maisons funéraires, et qui est vraiment un code
d'éthique, un code de déontologie précis au niveau des
pratiques, là.
Le Président (M. Houde): Mme Rozon.
Mme Rozon: Bien, c'est ça. En fait, ce qu'on se dit par
rapport au travail que l'Office de la protection du consommateur pourrait faire
dans ce dossier-là, c'est qu'il n'a peut-être pas
nécessairement l'expertise pour s'occuper des questions qui touchent la
déontologie dans le domaine des psychothérapies. C'est
très différent des techniques qui peuvent être
employées pour faire de la vente sous pression de préarrangements
funéraires. C'est comme un domaine qui exige une certaine expertise, et
on croit que ça devrait relever d'un autre organisme que l'Office de la
protection du consommateur. C'est uniquement pour une question de
compétence et d'expertise dans ce domaine-là.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Houde): Donc, il reste seulement à
faire les remerciements, vous deux. Allez-y.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup, je
pense...
Mme Rozon: Ça nous fait plaisir.
M. Côté (Charlesbourg): ...que c'est un
éclairage que nous n'avions pas dans les autres mémoires
c'est tout à votre honneur, je pense et qui lève un
certain voile sur certaines pratiques douteuses. Je pense que c'est très
utile sur le plan de la communication publique, et, comme c'est une
expérience terrain, personne ne peut la contester de manière
très claire. Donc, ça c'est scientifique, c'est ce qu'on
recherche depuis le début.
M. Trudel: Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas sorti
tellement plus grand de vos expériences de croissance personnelle, si
j'ai bien compris.
M. Lepage: Oui, effectivement, c'est-à-dire que j'ai des
sérieuses réserves sur le mode de fonctionnement de ces
groupes-là.
M. Trudel: Et vous n'avez pas eu besoin de beaucoup d'assistance
pour porter votre jugement, je comprends ça aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Je vous remercie beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): ...un peu plus peur de ces
méthodes, je pense.
M. Lepage: Bien, je les connais mieux. J'ai plus peur, mais je
les connais mieux, ça fait que...
M. Côté (Charlesbourg): Alors, éteignez les
lumières.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Éteignez les lumières, ha, ha, ha!
Alors, merci beaucoup pour votre contribution, c'est
apprécié.
Le Président (M. Houde): Je voudrais remercier
l'Association coopérative d'économie familiale, et vous trois,
d'avoir si bien exposé votre mémoire. Merci beaucoup. On suspend
les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 53)
(Reprise à 20 h 11)
Le Président (M. Joly): Alors, la commission reprend ses
travaux. Il me fait plaisir d'accueillir la Corporation professionnelle des
physiothérapeutes du Québec. Bonsoir, mesdames, ça me fait
plaisir. Alors, Mme Hétu. C'est bien ça?
Corporation professionnelle des
physiothérapeutes du Québec (CPPQ)
Mme Hétu (France): Oui.
Le Président (M. Joly): Pourriez-vous nous
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît?
Mme Hétu: M. le Président, mesdames, messieurs, je
suis France Hétu, présidente de la Corporation professionnelle
des physiothérapeutes du Québec. M'accompagnent, à ma
gauche, France Hamel, qui est phy-siothérapeute, responsable du
développement professionnel à la Corporation et, à ma
droite, Johanne Tardif, qui est physiothérapeute au Centre hospitalier
de l'Université Laval, chargée d'enseignement au
Département de physiothérapie de l'Université Laval et
pour notre programme de formation continue à la Corporation.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, madame. J'imagine
que vous connaissez un peu la procédure. Vous avez une quinzaine de
minutes 15, 20 minutes pour nous présenter votre
mémoire. Par après, le temps est réparti entre les deux
formations pour s'imbiber de questions.
Mme Hétu: Parfait.
Le Président (M. Joly): Je vous laisse la parole,
madame.
Mme Hétu: Merci. Alors, je vous remercie de nous donner
l'opportunité de vous présenter les commentaires de la
Corporation des physiothérapeutes sur les thérapies alternatives.
Nous espérons, par notre présence, vous convaincre de notre ferme
volonté de contribuer à trouver des solutions profitables pour
l'en-
semble de la population et le système de santé.
Notre corporation, de par son rôle de protection du public, a tenu
à présenter un bref mémoire aux membres de cette
commission, compte tenu de la nature même du travail des
physiothérapeutes et de leur champ de pratique. Ainsi, nos commentaires
se limiteront au secteur des thérapies alternatives en lien avec notre
profession, soit les thérapies manuelles et le massage, selon la
classification de l'Office des professions.
Afin de mieux situer le contexte dans lequel nous présenterons
nos commentaires, nous aborderons les points suivants: une brève
description de la pratique des physiothérapeutes et des commentaires sur
les caractéristiques des thérapies alternatives; les
physiothérapeutes et les thérapies alternatives; un
troisième point, qui est la reconnaissance des thérapies
alternatives et, en conclusion, quelques avenues à explorer.
Brève description des physiothérapeutes. Notre corporation
figure, comme vous le savez, au nombre des 41 corporations professionnelles,
dont plus de la moitié sont du secteur de la santé. Nous sommes
régis par le Code des professions. Nous devons avoir des
mécanismes obligatoires pour assurer la protection du public dont, vous
savez, la discipline, l'inspection professionnelle, la formation continue, le
contrôle de l'inscription des normes et standards de pratique. J'aborde
ce point, puisque, plus tard, on fera référence à la
question de l'ostéopathie. Nous comptons plus de 2500 membres au
Québec. Notre champ de pratique est défini comme suit
juste pour vous mettre dans l'ambiance c'est de poser tout acte
thérapeutique qui a pour objet d'obtenir le rendement physique
fonctionnel maximum d'une personne par des exercices physiques, par la
thérapie manuelle ou par l'utilisation de moyens physiques tels que
l'électrothérapie ou l'hydrothérapie. Ainsi, avec cette
définition, vous voyez pourquoi nous sommes ici ce soir.
Quelques petites informations de base. Au Québec, trois
universités offrent le programme pour devenir physiothérapeute.
On parle de l'Université de Montréal, l'Université McGill
et l'Université Laval, à Québec. C'est une formation
scientifique de base qu'acquièrent les quelque 180 étudiants qui
finissent annuellement, et les physiothérapeutes doivent avoir
complété 1200 heures clinique dans des milieux de stages
agréés. L'intervention, comme on le mentionnait dans la
définition, vise le rétablissement physique et fonctionnel
optimal de la personne dans sa globalité, une globalité, souvent,
dont les thérapies alternatives je ne dirais pas revendiquent ou
s'approprient font la promotion. Alors, à maints égards,
la pratique du physiothérapeute englobe des caractéristiques
qu'on retrouve dans le livre que vous connaissez sans doute, «Attention
Santé», de Me Paul Martel. même si les
physiothérapeutes oeuvrent dans le système dit traditionnel, 65 %
sont dans les établissements du réseau de la santé et 35 %
dans des cabinets privés. les approches utilisées par le
physiothérapeute sont souvent associées à la
médecine dite douce, parce qu'elles sont non invasives et non
traumatisantes, et il n'y a pas d'utilisation de médicaments. il est
intéressant de noter que, selon un sondage effectué par le groupe
léger & léger, et qui avait été commandé
par notre groupe, en juin dernier, 54 % de la population associe la
physiothérapie aux médecines douces. il faut dire qu'en fait la
définition de «médecine douce»,
«thérapie alternative» ou tous les différents mots
qu'on peut utiliser, ce n'est pas tout à fait clair dans la tête
des gens. en fait, nous faisons partie, comme je le disais, de la
médecine dite traditionnelle de par la formation de base et aussi du
lieu de pratique où nous sommes, mais on nous associe à
«douce», compte tenu, comme je le disais, de l'intervention qui est
non invasive et sans médicaments.
Par contre, chez notre «membership», plusieurs
physiothérapeutes, pour ne pas dire un grand nombre, intègrent
à leur pratique des thérapies dites manuelles dans le cadre de
leur champ de pratique. En 1992, à titre d'information, sont inscrits
à notre tableau des membres environ 440 physiothérapeutes qui
utilisent une approche ostéopathique ou des techniques
ostéopathi-ques; entre 70 et 100 physiothérapeutes utilisent des
techniques d'acupuncture pour des fins symptomatiques, c'est-à-dire
soulager la douleur localement; 205 environ utilisent la gymnastique douce et
plus de 500 utilisent des approches posturales globales. Il y en a un certain
nombre aussi qui utilisent des approches comme le Feldenkrais, dont vous avez
peut-être entendu parler au cours de ces auditions.
Alors, loin de rejeter du revers de la main les thérapies
alternatives, notre corporation a été collaboratrice, en 1985,
pour ceux qui s'en souviennent, du premier colloque sur les approches
alternatives, qui s'était tenu au Mont-Orford, au Centre d'art d'Orford,
pardon. Nous avons toujours voulu sortir de l'ombre les vraies thérapies
alternatives et aider au nettoyage, en fait, du charlatanisme. Ainsi, notre
présence ne vise nullement à créer un débat
corporatiste, mais bien, plutôt, à mettre en lumière
certaines préoccupations et répondre à vos questions.
Le nombre important d'études et de sondages... Parce que,
sûrement, au cours des dernières journées, vous avez
été inondés de chiffres. Il y a eu sûrement des
débats; malheureusement, je n'ai pas pu y assister, mais on m'en a
parlé. Alors, compte tenu de ces différents chiffres, ça
nous a permis, nous aussi, de constater qu'il y avait une diversité et
qu'il y avait une inégalité dans les données recueillies,
mais on ne veut pas recommencer le débat ce soir. Ainsi, l'absence
d'uniformité, par contre, dans la cueillette des données rend
difficile la comparaison de ces études-là et de ces chiffres.
Ça devient difficile de définir clairement et objectivement les
thérapeutes alternatifs ou les thérapies alternatives. Alors que
certains vont même englober la physiothérapie, dépendant
des études, d'autres excluront les physiothérapeutes, en incluant
toutefois les chiropraticiens et les acupuncteurs, déjà
réglementés par des corporations professionnelles. Alors, comment
définit-on une thérapie alternative? C'est sûr que c'est
une tâche ardue, mais elle devient maintenant essentielle si on veut, en
fait,
légiférer ou faire le ménage dans ce domaine.
Ainsi, comment pouvoir déterminer avec rigueur qui sont ces
thérapeutes alternatifs et surtout je pense que c'est un point
important leur nombre? Qui plus est, l'absence d'une définition
claire et objective ou d'une uniformité dans la terminologie
employée pour tous alors, on peut on nommer plusieurs:
médecine officielle, alternative, traditionnelle, approche holistique,
thérapies parallèles, douces, etc. rend encore plus
difficile une compréhension sans équivoque à
l'égard des thérapies alternatives.
Les physiothérapeutes et les thérapies alternatives. Le
physiothérapeute est un intervenant de première ligne. Ainsi, le
public peut recourir, dans le secteur privé, à ses services sans
référence médicale, comme c'est le cas aussi pour les
thérapeutes alternatifs qui reçoivent directement des clients.
Comme je le mentionnais, plus de 35 % des physiothérapeutes sont en
cabinet privé au Québec.
Les mécanismes de protection du public de la Corporation. Comme
vous le savez, nous avons des mécanismes, entre autres, au niveau de
l'inspection. Le secteur de la surveillance de l'exercice professionnel visite
300 physiothérapeutes chaque année. Nous avons des enquêtes
particulières et nous avons un mécanisme disciplinaire. Au cours
des dernières années, je dirais depuis 1985, nous avons
axé particulièrement au niveau des approches alternatives,
c'est-à-dire de définir, d'avoir des prises de position sur la
pratique, entre autres, de l'approche ostéopathique et des techniques
d'acupuncture dans le cadre du champ de la physiothérapie. Aussi, il y a
eu des inspections qui ont été faites, qui ont été
amorcées l'année dernière, dans des secteurs entre
autres, l'approche ostéopathique pour s'assurer que les gens
rencontrent les normes et les standards de la pratique du
physiothérapeute. (20 h 20)
Les thérapies alternatives nécessitent-elles d'être
réglementées? À notre avis, la première question
à se poser: Le public est-il réellement en danger?
Le deuxième point. Il est urgent, avant même de penser
à légiférer, de définir les termes
«alternatif», «thérapies alternatives», comme je
le mentionnais plus tôt, et de faire une distinction entre les
thérapies préventives et les thérapies curatives. À
notre avis, les thérapies dites préventives ne mettent aucunement
la santé du public en danger, et la Loi sur la protection du
consommateur nous semble encore le moyen à privilégier pour ce
type d'intervention.
Le troisième point. Les thérapies identifiées comme
pouvant causer préjudice devraient faire l'objet d'une étude par
un groupe pas nécessairement du domaine médical, des
médecins en tant que tels; on parle de groupes d'experts une
étude plus approfondie, pour s'assurer que nous ne faisons pas face
à une mode passagère, ou ce qu'on appelle un «fade»,
qui disparaît en peu de temps. Il faut penser que le système devra
vivre avec les décisions qui seront prises en termes de
reconnaissance.
Il semble qu'on s'inquiète de la méconnaissance des
thérapies alternatives par la population en général. ce
phénomène n'est certainement pas unique aux thérapies
alternatives. en tant que corporations professionnelles, en tant que
professionnels, plusieurs professions déjà sur le marché
sont méconnues ou, en tout cas, mal connues du public. à notre
avis, il revient à chacun de promouvoir son secteur, de le faire
connaître, et il ne revient pas à l'état d'en absorber les
coûts. de plus, le consommateur a un rôle actif à y jouer.
il doit s'informer. quand on achète un produit ou un service,
évidemment, on s'informe. selon notre sondage on vérifiait
comment les gens choisissaient leurs professionnels, et pas uniquement le
physiothérapeute dans la majorité des cas on parle
de 80 % c'est par le bouche à oreille que les gens font confiance
et non les «pages jaunes», puis pas nécessairement son
médecin. ils utilisent beaucoup le bouche à oreille pour la
référence.
Reconnaissance d'une corporation professionnelle ou de corporations
professionnelles pour les approches alternatives. Plusieurs de ces groupes ont
revendiqué un statut de corporation professionnelle. À notre
avis, il faut, premièrement, se poser la question sur la notion de
préjudice, parce qu'en fin de compte c'est ça. Est-ce
qu'effectivement il y a un danger? S'il n'y en a pas, soumettons-les à
la loi du marché et à la libre concurrence. La protection du
consommateur devrait régir tout ça. Par contre, s'il y a une
notion de préjudice, il faut vraiment penser, évidemment,
à protéger le public. un autre point. il faut penser que, si on
veut une corporation professionnelle, il y a cinq critères. je ne les
énumère pas, les critères, mais, entre autres, il faut
s'assurer que la corporation, les membres, pourront s'assurer qu'ils ont un
nombre suffisant pour rencontrer les obligations du code. on parle de
mécanismes disciplinaires, d'un code de déontologie, de
réglementation, etc., et, à ce moment-là, c'est un nombre
qui devrait le justifier. on parle d'un nombre d'environ 6000, 7000 ou 8000
thérapeutes alternatifs. en tout cas, que ce soit 6000 ou 8000, on sait
qu'un grand nombre de thérapeutes, de ces thérapeutes-là
font déjà partie de corporations professionnelles. je peux
prendre l'exemple de l'ostéopathie où, effectivement, en
physiothérapie, on va retrouver plusieurs physiothérapeutes.
donc, à la lumière de ces données ou des différents
pourcentages que vous avez eus au cours de la semaine et je ne vous
reviendrai pas avec les 14 %, les 22 %, les 45 % à la
lumière des données, on sait qu'un grand nombre de
thérapeutes alternatifs pratiquant des thérapies alternatives
susceptibles de causer préjudice à la santé publique font
partie de corporations professionnelles dûment constituées. je
fais référence, entre autres, aux chiropra-ticiens,
médecins, physiothérapeutes, infirmières, acupuncteurs,
pharmaciens. je pense qu'il y en a sept qui ont été
identifiées au cours de la semaine.
À notre avis, afin de ne pas créer de structures lourdes,
inutiles et redondantes, on préconise certaines recommandations ou
certaines suggestions, devrais-je dire. La première: Définir
«thérapies alternatives» et distinguer entre une nature
préventive ou curative. Alors, déjà, quand on aura fait
cette étape-là, on pourra
savoir à qui, quel secteur doit être effectivement
réglementé. La deuxième suggestion: Ne pas créer de
nouvelles corporations professionnelles pour les thérapeutes
alternatifs. La troisième: Que les membres de corporations
professionnelles existantes pratiquant des thérapies alternatives soient
soumis aux règles et lois de leur corporation et que les corporations
professionnelles concernées et identifiées au niveau des
thérapies alternatives établissent des normes de pratique et
précisent les règles applicables en termes de formation, tenue de
dossier, etc., à leurs membres qui veulent les utiliser. Nous, on a
déjà amorcé, à ce niveau-là, certaines
démarches avec une autre corporation pour, justement, s'assurer qu'il y
aura uniformité dans les critères de formation. Je fais
référence, évidemment, aux approches
ostéopathiques, à l'ostéopathie.
Un autre point aussi, c'est qu'au niveau des thérapies
alternatives qui seraient identifiées comme préventives qu'on les
confie, en fait, à l'Office de la protection du consommateur, vu que
ça devient... En fait, on parle de la loi du libre marché. Par
contre, pour les informations au niveau du public, il n'empêche rien que
ces thérapeutes, au niveau préventif, puissent se regrouper en
association et diffuser l'information à la population, comme les
corporations le font ou d'autres associations de consommateurs le font
également. Je pense que c'est à chacun que revient le rôle
de se faire connaître.
Un autre, un dernier point, c'est... Vous avez sûrement entendu
parler de la question, en Ontario, des actes partagés. Je n'avance pas
que c'est la solution, ça peut être une piste intéressante,
puisqu'on fait référence à une liste d'actes qui seraient
préjudiciables à la santé des gens, qu'on a clairement
identifiés, et qui pourraient être partagés entre plusieurs
groupes qui ont la formation nécessaire. On vient ici, en fait, avec les
actes partagés, ça ne veut pas dire exactement ce qui a
été identifié en Ontario, mais on vient un peu diviser, je
dirais, des monopoles qui existent. On empêche, ce qu'on appelle,
à l'occasion, le corporatisme dont nous sommes accusés.
Enfin, pour éviter la confusion, sûrement que, certains
d'entre vous, quand vous entendez parler de thérapeute, ça vous
dit curatif. Si on veut faire la distinction entre le curatif et le
préventif, à notre avis, le titre de thérapeute ne devrait
pas être utilisé par des groupes qui disent faire une intervention
préventive, pour ne pas utiliser des termes comme
«praticien», qui existent dans le secteur. Au niveau de la
contribution du réseau des affaires sociales, nous, c'est de favoriser
l'accès à des services privés donnés par certains
thérapeutes alternatifs, comme c'est le cas au niveau des
massothérapeutes, dans les établissements du réseau, tels
que centres d'hébergement, soins de longue durée, aux frais du
client ou de l'assurance personnelle, qui couvre de plus en plus, de toute
façon, ces différents services.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Donc, 400 physiothérapeutes qui utilisent certaines techniques,
une certaine approche «ostéopathe». J'aimerais en savoir
davantage, compte tenu du fait que vous avez évoqué ces
chiffres-là et qu'on parle beaucoup d'ostéopathie,
d'homéopathie dans les thérapies alternatives qui sont proches
d'accéder au cénacle de la reconnaissance dite scientifique, en
tout cas avec un peu de recherche, semble-t-il. J'aimerais en savoir davantage.
Est-ce que ce sont des physiothérapeutes qui ont suivi des cours
complémentaires ou alternatifs je vous laisse le choix du terme
dans leur formation, et, si oui, où est-ce que c'est suivi? Comme
vous avez dit que vous êtes une corporation professionnelle responsable
j'ai bien compris ça tantôt, j'en ai déduit
ça si vous sentez le besoin de faire...
Mme Hétu: L'inspection.
M. Côté (Charlesbourg): ...une visite auprès
de 300 par année, y compris ceux-là, c'est que vous êtes
responsable et que vous voulez savoir ce qui se passe chez vous. Alors,
j'aimerais savoir, au niveau de la formation, comment ça se passe en
réalité et la vérification qui découle de tout
ça.
Mme Hétu: Je vais commencer, et mes collègues
pourront compléter. Alors, le nombre de 440, 420, 450, en tout cas,
c'est un chiffre qui est là, on n'exige pas de nos gens qu'ils aient 200
heures, 300 heures, 800 heures faites en formation. Il y a une raison, c'est
que, dans notre réglementation, la seule exigence que nous pouvons avoir
envers nos membres, pour la formation, c'est le bac, le baccalauréat en
physiothérapie. Donc, on ne peut pas exiger qu'ils aient fait tant
d'heures pour dire qu'ils font une approche ostéopathique. Nous, notre
préoccupation, c'était de bien s'assurer que les gens qui vont
faire de la formation... Vous avez sûrement entendu parler du
Collège d'études ostéopathiques. Il existe le ROQ; il
existe le COQ. Il y en a plusieurs et, évidemment, il y en a qui vont
aux États-Unis. La formation n'est pas identifiée comme
étant une approche ostéopathique, mais elle s'enseigne dans le
cadre de thérapies manuelles. Alors, on parle, au niveau canadien, en
physiothérapie, des cours qui sont offerts par notre programme, mais qui
ne sont pas uniquement axés sur les approches ostéopathiques.
Alors, il n'y a pas de formation minimale exigée pour qu'ils puissent
s'afficher ou l'utiliser. (20 h 30)
Par contre, dans le code de déontologie qui existe, les gens qui
utilisent une approche, qui utilisent une intervention ou quand ils lisent la
littérature sur les nouvelles, comme le laser qui est sorti, qui n'a pas
été enseigné à l'université, et qu'ensuite
ils apprennent, ils doivent s'assurer que, si jamais il y avait une poursuite,
ces gens-là doivent prouver qu'ils ont la formation adéquate pour
utiliser ces approches, et ça, à maintes reprises. Que ce soit
pour les techniques d'acupuncture, que ce soit pour l'approche
ostéopathique ou de nouvel-
les approches en électrothérapie, ils sont traités
tous de la même façon, c'est qu'ils doivent s'assurer qu'ils ont
la formation, s'ils ont utilisé telle approche. C'est clair que, quand
ils utilisent l'approche ostéopathique, c'est dans le cadre du champ que
je vous ai évoqué tantôt: rendement fonctionnel physique du
client. Alors, il y a des choses sur lesquelles, présentement, on dit:
Ça ne fait pas partie du champ de la physiothérapie.
M. Côté (Charlesbourg): Cette approche de
physiothérapeute ostéopathique, pour 420, 440, est-ce qu'on la
retrouve principalement dans le réseau de la Santé et des
Services sociaux, ou si on la retrouve dans le réseau privé?
Mme Hétu: Je vais faire une petite gradation dans le type
de... Alors, les gens qui commencent, qui ont fait, je ne sais pas, mettons 25
heures, ils ont certaines connaissances. Ils utilisent comme modalité...
En physiothérapie peut-être que vous êtes
déjà allé en physiothérapie il y a
différentes modalités...
M. Côté (Charlesbourg): J'ai été
très bien traité. Mme Hétu: Bon.
M. Côté (Charlesbourg): Quand il n'en pouvait plus,
il m'a envoyé voir un médecin...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Hétu: Puis, il vous a retourné en
physiothérapie.
M. Côté (Charlesbourg): C'est lui qui me l'a
enlevé.
Mme Hétu: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, c'est pour ça
que je n'ai plus de problème, ils l'ont enlevé.
Mme Hétu: Alors, il y a différents traitements. Il
y a des modalités qu'on appelle... Alors, ce n'est pas juste un type
d'intervention qui est fait. Les physiothéra-peutes peuvent utiliser une
approche ostéopathique dans le cadre d'autres interventions ou
décider que leur pratique va se concentrer presque exclusivement sur une
approche ostéopathique.
M. Côté (Charlesbourg): O.K, mais donnez-moi un
exemple. Je vais vérifier avec mon cas, là.
Mme Hétu: O.K. Exemple de dos.
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être que j'ai
été...
Mme Hétu: C'est un bon cas.
M. Côté (Charlesbourg): C'est en plein
ça.
Mme Hétu: Alors, exemple de dos. En physiothérapie,
il peut y avoir, évidemment, au début, pour relaxer au niveau
musculaire, etc., application de chaleur. Il peut y avoir une traction,
dépendant du type de problème. Il va y avoir enseignement
d'exercices, bascule du bassin, etc.. Il peut y avoir mobilisation au niveau de
la colonne vertébrale, pour améliorer la mobilité des
facettes articulaires, etc. Alors, on parle de différentes interventions
qui peuvent être combinées, séparées et que le
physiothérapeute dit conventionnel va utiliser.
En ostéopathie, on va avoir une approche... On vous a
parlé des approches au niveau crânien, ostéosa-cré,
et on utilise tous les systèmes digestifs, respiratoires
qui vont regarder, je ne dirais pas plus globalement, mais au niveau même
des systèmes internes que les physiothérapeutes n'utilisent pas.
Peut-être que ma collègue peut compléter à ce
niveau-là.
Mme Hamel (France): C'est exact. Les personnes qui ont des hauts
diplômes en ostéopathie ont une portion de leur pratique qui peut
se distinguer de la pratique courante du physiothérapeute. Elles peuvent
traiter des problèmes, peut-être, que les
physiothérapeutes, en majorité, ne traitent pas, ou poser des
actes qui ne sont pas posés généralement par les
physiothérapeutes, même s'ils font des techniques
ostéopathiques. À ce moment-là, ces personnes-là
devraient s'asseoir ensemble, déterminer quels sont ces
problèmes-là et s'entendre pour établir des nonnes et la
formation requise. Ils pourraient être agréés à ce
moment-là, mais les autres incluent des approches ou techniques dans
leur pratique courante.
M. Côté (Charlesbourg): Là, je veux revenir
à ma question de tantôt, parce que je n'ai pas été
victime de ce traitement-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, tout
ça dit sous le sceau de l'humour, parce que, je vous le
répète, j'ai eu affaire à des professionnels. Alors,
tantôt, je vous ai demandé comme question: Est-ce qu'on retrouve
davantage dans le privé ou dans l'institutionnel...
Mme Hétu: Alors, j'avais fait les deux différences.
Celui qui va faire une pratique exclusivement ostéopathique tous
les systèmes, et tout ça on va le retrouver plus
fréquemment dans le privé. Par ailleurs, ce qu'on appelle les
approches ostéopathiques, ou comme une modalité, sont couramment
utilisées par ceux, évidemment, qui ont la formation dans le
réseau.
M. Côté (Charlesbourg): Dans le réseau de la
santé et des services sociaux.
Mme Hétu: Oui. Ce n'est pas, je dirais, à part...
M. Côté (Charlesbourg): Disons que c'est...
Mme Hétu: ...ça fait partie, ces gens-là
l'utilisent dans le cadre de leur pratique.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je dirais, c'est que,
lorsqu'on a appris ce langage, ça fait partie de la boîte à
outils d'un physiothérapeute...
Mme Hétu: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...et, c'est possible. Si tu
ne l'as pas, tu ne l'as pas, mais, si tu l'as, ça peut être
complémentaire à ta formation et t'aider à résoudre
des problèmes qu'autrement tu aurais peut-être plus de
difficulté à résoudre.
Mme Hétu: Puis, dans certains milieux, il ne faut pas se
cacher qu'il y a aussi, je ne dirais pas des croyances, mais, si un milieu dit:
Moi, je considère que ça ne vaut pas la peine, que ce n'est pas
utile, je n'y crois pas, alors ce ne sera pas utilisé.
M. Côté (Charlesbourg): Je ferme la
parenthèse. Mme Hétu: Ça répond?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça me... Et vous
tenez compte de ça lorsque vous faites l'évaluation?
Mme Hétu: Quand on va faire l'inspection... M.
Côté (Charlesbourg): L'inspection.
Mme Hétu: ...il y a la tenue de dossier et, sur place, on
regarde ce qui se passe, comment les gens...
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez beaucoup
parlé de curatif, de préventif et vous dites qu'il faudrait faire
une distinction entre des thérapies alternatives qui visent le curatif
et les autres, qui visent le préventif. Comment est-ce qu'on fait pour
faire la distinction entre les deux, au-delà de ce que vous m'avez
déjà dit?
Mme Hétu: Les intervenants eux-mêmes, pour
plusieurs, en tout cas... Il y avait justement une émission,
«Droit de parole», il n'y a pas tellement longtemps, où on
parlait des thérapies alternatives, et plusieurs groupes disaient: Non,
nous, on fait du préventif. Là où ça devient
problématique, c'est de tracer la ligne, effectivement, parce que
l'humain étant ce qu'il est, il lit, il est autodidacte, il apprend, il
connaît plus de choses, il est capable de reconnaître certains
symptômes, mais, à un moment donné, la ligne est mince, et
de tomber dans le curatif, quand on s'identifiait comme du préventif,
c'est là qu'est le problème. Mais, pour moi, le curatif, c'est,
en fait, quand on commence à faire de l'évaluation. Quand on
évalue, on est capable d'établir, je ne dirais pas un diagnostic
différentiel, mais de reconnaître des symptômes qui
pourraient laisser croire à certains problèmes. Alors,
l'évaluation. Quand on parle de thérapie, de traitement, de
soigner un problème, c'est-à-dire que je ne suis pas capable de
marcher, j'ai vraiment des problèmes physiques qui m'empêchent de
fonctionner.
M. Côté (Charlesbourg): D'où être
davantage exigeant vis-à-vis des thérapies curatives par rapport
aux thérapies préventives. Votre libre marché, dont vous
faisiez état tout à l'heure, s'applique davantage aux
thérapies...
Mme Hétu: Préventives.
M. Côté (Charlesbourg): ...préventives, donc
par l'Office de la protection du consommateur, donc, information et relations
contractuelles entre un individu dispensateur de services et un autre,
consommateur. Alors, c'est comme ça que vous faites les distinctions,
à ce moment-ci.
Mme Hétu: Oui. Bon, la thalassothérapie, etc., qui
sont, en fait, préventives, excellentes, qui sont très bien,
mais, en fin de compte, le lien se fait avec le... Au niveau de l'Office de la
protection du consommateur, c'est un service qui est dispensé.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
Mme Tardif (Johanne): Je pourrais peut-être ajouter quelque
chose là-dessus.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre.
Oh... Excusez, madame. Mme Tardif, s'il vous plaît.
Mme Tardif: J'aimerais juste ajouter un élément. Si
on regarde on en avait discuté par rapport au champ de
pratique des gens qui sont, par exemple, dans le curatif, il peut
également y avoir un groupe d'experts qui se penchent sur les
modalités d'intervention de ces gens-là. Il y a des
modalités qui sont connues comme ayant peu ou pas de contre-indications
ou précautions, tandis que, si je prends un exemple direct, pour en
citer un, dans le document de l'Office des professions, les tractions, c'est
une intervention où il y a des contre-indications qui sont bien
reconnues, des précautions. Il y a des gens qui sont dans les approches
alternatives et qui utilisent ce type de modalités. À mon avis,
il devrait y avoir un comité qui régirait le type d'interventions
qui sont reconnues comme ayant des contre-indications ou
précautions.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, madame.
M. le député de Rouyn-NorandaTémiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: Au nom de l'Opposition officielle, je vais saluer la
présence de la Corporation professionnelle des physiothérapeutes.
Il y a toute une série de groupes comme le vôtre qui sont
passés depuis deux jours et que
l'on revoit dans le processus d'analyse d'un certain nombre de
problèmes reliés à l'organisation des soins de
santé et de services sociaux. C'est avec plaisir qu'on vous revoit, et
on reconnaît, encore une fois, le caractère très pratique
et l'approche pratique des physiothéra-peutes dans leurs
recommandations. Puisque, évidemment, on tient ces consultations avec
l'objectif de présenter des modifications au système actuel et,
possiblement, je le souhaite en tout cas, encadrer les thérapies
alternatives...
Vous évoquez que toute la question de la reconnaissance d'un
certain nombre de thérapies alternatives, ça doit être
mesuré quant au degré de préjudices qui peuvent être
causés à l'individu, au citoyen ou à la citoyenne. Est-ce
que, en général... Vous autres, vous portez le jugement de ce que
vous connaissez, et par rapport à l'expérience du secteur que
vous avez, est-ce que vous affirmez que les thérapies alternatives,
généralement connues et reconnues au Québec, il n'y a pas
là matière à préjudice grave chez les citoyens et
citoyennes qui vont s'adresser à ce service-là, ou qui
reçoivent des services de ces thérapeutes alternatifs? (20 h
40)
Mme Hétu: ce qu'on dit, c'est que des thérapeutes
alternatifs identifiés, qui pourraient causer, justement, un
préjudice, sont déjà en majorité membres de
corporations existantes. alors, on parlait des chiroprati-ciens... puis, les
chiffres le démontrent, sûrement que ça... tout le monde
était d'accord avec certains chiffres de consultation, je pense que
c'est 32 % de la population qui consulte les chiropraticiens. ensuite, il y a
les acupuncteurs. ils sont déjà réglementés par des
corporations professionnelles. on pense aux infirmières, on pense, chez
nous, les physiothérapeutes... et le nombre, évidemment,
l'indique. il y a les pharmaciens, pas au niveau de la thérapie
manuelle, mais au niveau de l'homéopathie. alors, la majorité
sont déjà membres de corporations professionnelles, ce qui nous
laisse un petit nombre ou peu de gens, en fait, qui seraient
préjudiciables à la santé du public.
M. Trudel: Mais il demeure probablement, cependant, que ce
deuxième groupe, tel que vous le définissez, c'est là
où on retrouve le plus de problèmes susceptibles de se
présenter en matière de préjudices au public, puisque,
là, on est dans la... Enfin, selon un bon nombre de personnes, on est
tous azimuts, dans toutes les directions et, en matière de
préjudices, dit-on, il y aurait des dangers.
Mme Hétu: Le problème, c'est qu'on n'a pas vraiment
de nombre parce que les études sont tellement différentes et
qu'on inclut des groupes différents. C'est difficile de cerner à
qui exactement on fait référence. On parle de 100, on parle de
5000? Pas 5000, mais... C'est très difficile de cerner un nombre, un,
qui seraient préjudiciables et, deux, l'autre critère, qui sont
membres d'une corporation professionnelle. Alors, en ayant ces deux-là,
l'intersection où les gens ne sont ni membres de corporations
professionnelles, ni préjudiciables, à notre avis, ce n'est pas
énorme. Là, je peux juste vous parler par rapport, entre autres,
à l'ostéopathie, où on dit que les critères
d'admission et mes collègues pourront me corriger sont...
je pense que c'est un baccalauréat dans le domaine de la santé.
À ce que je sache, un baccalauréat dans le domaine de la
santé, on parle encore de ceux qui sont réglementés par
les corporations professionnelles. Alors, c'est là, pour nous, que le
nombre, on dit qu'il est mince, qu'il est petit.
M. Trudel: Mais vous dites, par exemple, dans le cas des
ostéopathes... La formation requise pour être admis à
quoi?
Mme Hétu: On parle de médecins, on parle
d'infirmières, on parle de physio, on parle d'ergothérapeu-tes.
Alors, ces gens-là sont...
M. Trudel: Non, mais, est-ce qu'il y a... Est-ce que, vous, vous
considérez qu'il y a des critères établis pour tous ceux
et celles qui ne sont pas déjà à l'intérieur d'une
corporation reconnue par la loi? Les exigences sont tellement vagues, parce que
l'ostéopathe, je dirais, qui n'est pas membre d'une corporation, lui,
enfin, c'est à la va-comme-je-te-pousse, le critère de
sélection.
Mme Hétu: Mais c'est ça. Est-ce qu'on souhaite
avoir une espèce de système d'éducation en
parallèle? C'est-à-dire qu'il existe des universités
québécoises, il y a les collèges d'enseignement. Est-ce
qu'on décide d'avoir un système parallèle, qui va dire: On
va avoir des maisons privées, comme il en existe en Europe? Il y a des
écoles, des universités privées qui donnent de la
formation et on va reconnaître. Ça, je pense que c'est un choix,
à un moment donné, de dire: Oui, on va accepter un système
parallèle, puis...
M. Trudel: C'est parce que, là, on dit la même
chose.
Mme Hétu: O.K.
M. Trudel: Ce que vous dites, là, c'est: II faut que ce
soit contrôlé quelque part.
Mme Hétu: Oui.
M. Trudel: C'est ce que vous dites. On ne peut pas laisser
ça...
Mme Hétu: Oui. Puis, ce que je disais, c'est qu'en fin de
compte la question de ceux qui sont entre deux, comment ça se fait que
ces «entre-deux» ont pu passer dans ces maisons d'enseignement, qui
ne sont pas des maisons d'enseignement, je veux dire, de l'État,
c'est-à-dire les collèges ou les universités?
Évidemment, il y a des failles qui se sont glissées. Moi, je
parle pour des cas d'ostéopathie.
M. Trudel: C'est parce que, actuellement, le
mécanisme de contrôle pour porter le titre
d'ostéopathe ne relève d'aucune réglementation, d'aucune
législation. C'est bona fide que des associations, que le groupe
professionnel concerné décide de fixer sa limite
inférieure de formation pour porter le titre ou être admissible au
groupe concerné.
Mme Hétu: Mais, à notre avis, il faut que, si on
est sept corporations je ne sais pas quel est le nombre, je pense que
c'est sept auxquelles on fait référence il faut que ces
sept-là établissent une... On ne peut pas avoir... que les physio
décident que ça va être une formation de tant d'heures de
tel collège, puis que les ergos décident que c'est autre chose,
puis que les médecins, c'est autre chose. Il va falloir que les
médecins, les physios, les ergos décident que c'est une
formation, puis qu'il y a des actes ou, en tout cas, des choses
d'écrites et que ce soit semblable. Sinon, on ne s'en sort pas,
là.
M. Trudel: Par ailleurs, pris de l'autre bout de la lorgnette, je
dirais, de tous ces thérapeutes qui ne sont pas couverts parce qu'ils ne
sont pas membres d'une corporation professionnelle, ils réclament
d'être reconnus. C'est le terme le plus généralement
employé, d'être reconnus. Ce que vous dites, à cet
égard-là, si je comprends bien, c'est: Bien, laissons des
organismes, comme La Coalition Réseau alternatif de santé
du Québec, établir les normes minimales et la reconnaissance des
programmes pour les thérapeutes. Ce que vous dites, c'est qu'ils
s'organisent en associations, qu'ils se définissent des normes, qu'ils
organisent leur vie interne et que l'État ne s'en mêle pas. Est-ce
que c'est ça?
Mme Hétu: Au niveau des thérapeutes alternatifs, au
niveau préventif, oh oui! Mais je comprends que... Vous faites
référence à ceux qui sont entre deux. Alors ceux qui ne
sont pas au niveau préventif, c'est-à-dire qui sont dans le
curatif, puis qui ne sont pas membres d'une corporation, on ne sait pas le
nombre, mais, eux, ils sont assis entre deux chaises.
M. Trudel: Oui, c'est-à-dire... C'est parce que,
là, on a une double entrée. Il y a les intervenants, les
thérapeutes alternatifs qui sont déjà membres d'une
corporation professionnelle et, en plus, vous dites: curatif ou
préventif. Je ne distingue pas s'ils sont dans le curatif ou dans le
préventif. Je dis tout simplement ceci: Lorsqu'une personne n'est pas
membre d'une corporation professionnelle et qu'elle pratique une
thérapie alternative, comment on la reconnaît au Québec? Je
dis cela, à partir de la réclamation générale de
ces gens qui disent: Nous voulons être reconnus au Québec. Je n'ai
pas fait de définition quand j'ai dit ça, là. Ils disent:
On veut être reconnus. Comment on fait ça?
Mme Hétu: Alors, il y a une première réponse
au niveau de... On veut être reconnus, mais pour être reconnus...
Reconnus au niveau... Est-ce que vous me parlez d'une corporation
professionnelle? Est-ce que c'est ça la reconnaissance à laquelle
vous faites référence? Pas nécessairement?
M. Trudel: Pas nécessairement.
Mme Hétu: Ah! O.K., parce que ce n'est pas la même
chose. On peut être reconnus par une association, par l'Office de la
protection du consommateur. Il peut y avoir des reconnaissances autres. Si on
parle d'une corporation professionnelle, à mon avis, c'est
différent, parce qu'il doit y avoir un préjudice pour ces
choses-là qui sont en ligne de compte. Ça, je pense qu'on l'a
réglé. Si c'est une reconnaissance... qu'ils sont membres d'une
association, puis qu'ils se sont donné des normes minimales pour, eux,
respecter, pour pouvoir, je ne dirais pas vendre, mais pour, en fin de compte,
dire que, oui, ils ont des gens qui ont une formation minimale... Oui, à
l'association.
M. Trudel: Mais vous laissez ça à l'association
professionnelle concernée?
Mme Hétu: Bien oui! Je ne vois pas pourquoi
l'État...
M. Trudel: Non, mais, c'est parce que l'on tourne un peu en rond,
je dois dire, avec cela, parce que c'est la situation actuelle. Ce que vous
dites là-dessus, c'est qu'il n'y a pas lieu d'intervenir, il n'y a pas
lieu...
Mme Hétu: C'est parce que je pense que la reconnaissance
à laquelle vous faites référence, à mon avis, c'est
la reconnaissance d'une corporation professionnelle. Si c'est une
reconnaissance de corporation professionnelle, si l'objet c'est la question...
Évidemment, une corporation, ce n'est pas une question de protection du
public et je reviens avec la notion que la santé du client peut
être en danger mais, s'ils ne répondent pas à ces
critères-là, je me dis: Est-ce qu'on va mettre une structure en
place pour ça?
M. Trudel: C'est parce que certains, par exemple,
suggèrent l'approche de l'enregistrement, qui en est une façon de
reconnaître, l'enregistrement. C'est une des définitions, parce
que être reconnu comporte effectivement plusieurs définitions,
mais d'obliger à l'enregistrement, c'est une forme de reconnaissance,
parce qu'il faut que tu correspondes à des critères pour avoir le
droit de t'inscrire, d'être dans un registre. C'est une forme de
reconnaissance qui, éventuellement, par exemple, permet à un
organisme et je le cite tout à fait par hasard à
l'Office de la protection du consommateur, tel que vous le dites, de donner de
l'information au public subséquemment, en disant: Monsieur, madame est
enregistré à tel registre.
Mme Hétu: On parlait tantôt de la loi du
marché. À moins que je ne me trompe, dans les villes, il y a des
permis qui sont donnés pour ceux qui ouvrent des com-
merces en fin de compte, ce sont des commerces, c'est lucratif
c'en est une forme d'enregistrement, et il y a des normes que les gens
doivent rencontrer. Moi, je le vois à ce niveau-là. (20 h 50)
Mme Hamel: Je pense qu'on pourrait légiférer
également en ce qui concerne la publicité. Qu'on donne une
publicité complète et entière sur les thérapies
qu'on considère utiles, pas les thérapies nécessairement,
mais les thérapies préventives que l'on considère utiles
et efficaces, qu'on dise qui les donne, la formation de ceux qui les donnent,
pourquoi on les donne, qu'est-ce qu'on devrait avoir comme attentes et les
effets non désirés, également. Ça fait qu'à
ce moment-là on pourrait aller magasiner, je pense, comme citoyens.
M. Trudel: En fait, c'en est une forme de reconnaissance qui
pourrait exister.
Mme Hamel: Oui.
M. Trudel: En ce qui concerne les plaintes pas, encore une
fois, pour ceux et celles qui sont membres d'une corporation professionnelle
c'est à l'Office de la protection du consommateur que vous
confieriez la mission d'accueillir, de traiter les plaintes et,
évidemment, d'administrer le résultat, en matière de
thérapies alternatives?
Mme Hétu: Je ne connais pas la structure de l'Office de la
protection du consommateur, mais j'imagine qu'ils n'ont pas tous les
mécanismes. Nous, on voyait, effectivement, vu qu'on parlait de libre
marché, etc., que la question de permis devrait être
acheminée à ce niveau-là, mais que les membres de
corporations professionnelles ne puissent pas s'éclipser,
c'est-à-dire passer à côté, que ces personnes soient
obligées d'être membres de leurs corporations professionnelles. Si
on parle, de toute façon, de titre réservé, on parle
d'ostéopathes agréés ou de choses comme ça.
M. Trudel: Merci de ces précisions. Merci de vous
être présentées ce soir. Je pense que vos recommandations
vont être utiles à la commission.
Mme Hétu: Merci bien.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je demanderais
maintenant aux gens d'Info-Secte de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Info-Secte
Bonsoir. Ça me fait plaisir de vous accueillir. Vous êtes
M. de Grandpré?
M. de Grandpré (Guy): C'est ça.
Le Président (M. Joly): J'apprécierais si vous
pouviez nous présenter les gens qui sont avec vous, s'il vous
plaît.
M. de Grandpré: Alors, à ma gauche, M. Yves
Casgrain, qui est directeur de la recherche à Info-Secte et qui est
également l'auteur du mémoire, et, à ma droite, Mme Lucie
Arcand, qui est une ex-cliente de ce que nous avons appelé, dans notre
mémoire, un gourou thérapeute.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous savez comment
ça procède, comment on répartit le temps. Vous avez entre
15 et 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Par
après, les parlementaires, eh bien, nécessairement, se permettent
de vous poser quelques questions. Merci. S'il vous plaît.
M. de Grandpré: M. le Président, nous sommes
heureux et fiers de participer aux travaux de cette commission, qui se penche
sur la place des thérapies alternatives en se questionnant, notamment,
sur les mécanismes de reconnaissance éventuelle à mettre
en place à l'égard de certaines thérapies alternatives,
sur l'information, également, donnée au public à cet
égard et sur la contribution du réseau public aux approches
alternatives.
Comme vous avez déjà pu le constater en lisant notre
mémoire, nous n'aborderons pas le sujet à partir de
considérations ou d'aspects scientifiques. On pense qu'il y a des
corporations, des associations compétentes, avant nous, qui l'ont fait.
Nous préférons aborder le sujet sous l'angle de la consommation,
à partir d'un postulat qui a déjà été
évoqué ici, le postulat à l'effet qu'il existe bel et bien
un marché des thérapies alternatives c'est un nouveau
phénomène social et que ce marché présente
certaines disfonctions qui commandent, à tout le moins, l'attention du
gouvernement.
Info-Secte est un centre de documentation et de consultation sur la
pensée sectaire. C'est un organisme à but non lucratif qui a
été créé il y a maintenant 13 ans et qui a pour
objectif, justement, d'informer la population sur le phénomène
des sectes et d'offrir du support aux individus et aux familles qui auraient
connu des difficultés avec ces sectes. Notre organisme a mis sur pied
une imposante bibliothèque, un des centres de documentation, dans le
domaine, qui est le plus reconnu à l'échelle du Québec et
du Canada. Nous possédons des livres, des revues, des documents de tous
les coins de la planète. Nous sommes devenus, je pense, depuis 13 ans
qu'on existe, une ressource largement utilisée tant par les citoyens
eux-mêmes que par des professionnels de la santé et des services
sociaux, du monde de la consommation, de différents corps publics,
également, et même d'entreprises qui font appel à nos
services.
Simplement sur le plan des appels, nous en avons reçu plus de 700
l'an dernier, et ça ne comprend pas les visites à notre bureau.
Une majorité de ces appels-là provenaient de familles et
d'individus aux prises avec des difficultés qu'eux-mêmes ou des
proches ont connues avec ce que nous avons appelé et ce que nous
appelons des sectes. C'est ainsi qu'Info-Secte en est venu, au fil des
témoignages recueillis et de la documen-
tation colligée, à constater qu'une grande proportion des
adeptes ou des ex-adeptes de sectes ne savaient pas qu'ils joignaient des
mouvements de cette nature, soit parce qu'ils étaient amenés
à y adhérer sous de fausses représentations ou soit qu'ils
le faisaient à un moment où des difficultés de nature
psychologique, physique ou émotive les empêchaient de se comporter
en consommateurs avertis.
Voilà posée, en ce qui nous concerne, la toile de fond de
notre intervention. Il appert en effet, à notre avis, que nous sommes en
face d'une situation nouvelle, celle de la prolifération des groupes de
croissance, des nouvelles religions ou des thérapies dites alternatives,
qui n'est pas sans rappeler, à notre avis, celle qui prévalait
avant que des lois et règlements ne viennent discipliner le
marché des biens de consommation. Aujourd'hui, d'ailleurs, il semble que
les gens magasinent davantage pour s'acheter un réfrigérateur ou
une voiture que pour se trouver une thérapie alternative. C'est qu'ils
ne possèdent pas, en la matière, ni les repères, ni les
avis, ni l'information qui puissent éclairer leur choix, pas plus que
les recours en cas d'insatisfaction, à moins d'avoir signé au
préalable un contrat en bonne et due forme. et pourtant, le
phénomène est connu; le marché est là, qui
évolue sous nos yeux, avec ses moyens de communication de masse, des
chroniques et des rubriques dans des quotidiens, trois magazines
spécialisés, et j'en passe. les citoyens, nous croyons, sont
à la merci de charlatans dès lors que le marché n'est pas
réglementé, et, comme le révèle le sondage que le
document émis par le secrétariat des commissions publie, 65 % des
citoyens craignent, d'ailleurs, les charlatans.
Plus qu'une simple mode, l'engouement nouveau de la population à
l'égard des thérapies alternatives illustre une nouvelle tendance
sociale en matière de santé. L'enquête Multi-Reso, dont
faisait justement état le document produit par la commission,
témoigne bien du fait que les Québécois veulent prendre en
main leur santé physique, psychologique et spirituelle, qu'ils sont de
plus en plus nombreux à ne plus accepter d'être cantonnés
à certaines thérapies officiellement reconnues, qu'ils souhaitent
pouvoir, en ce domaine, exercer leur liberté de choix. Voilà, a
priori, une excellente chose, d'autant plus que le concept de santé et
de bien-être a évolué, pour inclure aujourd'hui une vision
plus holis-te parce que c'est une expression couramment utilisée
plus globale de l'être humain, une conception à laquelle
adhèrent un nombre croissant de citoyens, et dont se réclament la
plupart des thérapies alternatives. Cette conception globale de
l'être humain appelle des façons nouvelles de guérir les
maladies. Pour guérir le corps malade, les thérapeutes
alternatifs n'utiliseront guère les moyens thérapeutiques
utilisés par les médecins; ils feront appel à toute une
variété de thérapies physiques, et/ou psychologiques,
et/ou spirituelles, qui sollicitent les émotions du client et
l'énergie qui circule dans son corps. Les médicaments seront
remplacés par des plantes, des tisanes, des huiles essentielles, ou tout
autre produit dit naturel. L'intervention chirurgicale sera réduite
à son minimum et sera remplacée par des techni- ques
jugées compatibles avec la vision holistique de la santé.
Lorsque l'approche holistique est récupérée par des
charlatans ou des gens peu vertueux, elle ouvre la porte à la
manipulation psychologique du client par le thérapeute. Cette
possibilité est augmentée lorsqu'il s'agit d'une
psychothérapie. Lorsque le thérapeute holistique ajoute un aspect
spirituel à sa thérapie, l'ouverture à la manipulation est
béante. L'intervenant, s'il ne respecte pas une forme
élémentaire d'éthique, peut facilement devenir ce que nous
appelons un gourou thérapeute. Profitant au maximum de la vision
holistique de la santé, le gourou thérapeute est en possession
d'informations intimes qui lui permettent de contrôler son client, son
adepte. Au surplus, le thérapeute gourou possède la totale
confiance de son adepte. Ce dernier s'est peu à peu totalement
abandonné entre ses mains. Le client qui consulte un thérapeute
pour guérir est habituellement dans un état de
vulnérabilité physique, psychologique ou émotive. Que le
client en soit conscient ou non, cet état psychologique facilite
grandement la tâche de tout thérapeute qui voudrait abuser du
client, et cela se produit malheureusement trop souvent. Nous, à
Info-Secte, le constatons tous les jours. (21 heures) comme le suggère
le document publié par le secrétariat des commissions, 65 % des
personnes interrogées, avons-nous dit, lors d'un sondage
réalisé en mars 1992, croient qu'il y a trop de charlatans parmi
les thérapeutes alternatifs. toujours selon le sondage
réalisé par le ministère de la santé et des
services sociaux, 58 % des québécois trouvent qu'il y a peu de
moyens de s'assurer de la qualité de la formation des praticiens. ces
statistiques, croyons-nous, parlent d'elles-mêmes. malgré la
présence de plus en plus visible des thérapies alternatives au
québec, l'information objective, capable de renseigner le public sur les
méthodes employées par un thérapeute et sur ses
antécédents, est presque inexistante. cette lacune est
extrêmement grave, puisqu'elle ouvre la porte à tous les abus.
Parmi les sept droits généralement reconnus au
consommateur se trouve le droit à l'information, qui signifie que le
consommateur peut obtenir les renseignements nécessaires afin de lui
permettre de faire un choix en toute connaissance de cause et de se
prémunir contre toute information trompeuse ou biaisée. Puis, il
y a aussi le droit à la sécurité; il y a aussi le droit
à la réparation. À défaut de pouvoir
réglementer le marché des thérapies alternatives, il
semble bien que le consommateur soit laissé à lui-même et
ne puisse bénéficier de ses droits. On accepte de lui donner
accès à ce qui ressemble à une jungle de thérapies
alternatives, mais on n'a pas encore cru bon de le doter d'une boussole et de
lui en montrer le fonctionnement.
Cette approche est dangereuse, surtout à une époque
où la pensée magique fait des ravages. Devant des situations
pénibles, voire désespérées, de plus en plus de
citoyens recherchent la panacée qui réglerait
définitivement tous leurs problèmes et qui les soulagerait de la
difficile responsabilité d'exercer quotidiennement
leur esprit critique.
La reconnaissance par le gouvernement des thérapies alternatives
doit donc nécessairement s'accompagner, à notre avis, de la mise
sur pied de mécanismes de protection pour les utilisateurs de ce genre
de service. C'est pourquoi, M. le Président, Info-Secte a émis
quelques recommandations, précisément dans le but de
protéger le public contre les abus causés par une minorité
de thérapeutes alternatifs, mais une minorité déjà
trop grande, et par des charlatans. Info-Secte recommande donc au gouvernement
de mettre sur pied un organisme de surveillance des thérapies
alternatives. Cet organisme de surveillance, qui serait indépendant ou
incorporé à l'intérieur d'une structure déjà
existante, aurait notamment comme tâche de fournir de l'information
objective sur l'ensemble des thérapies alternatives, de définir
la formation des thérapeutes alternatifs, de recevoir et de traiter les
plaintes des usagers des thérapies alternatives et de créer un
code de déontologie que serait tenu de respecter l'ensemble des
thérapeutes alternatifs. Ce code de déontologie pourrait
s'inspirer de ceux en vigueur chez les corporations et les regroupements de
thérapies alternatives. Le code de déontologie stipulerait, entre
autres choses, qu'il est interdit de se servir de toute thérapeutique
pour faire du recrutement ou pour imposer ses croyances au client.
Nous avons aussi recommandé que l'Office de la protection du
consommateur accorde aux consommateurs des thérapies alternatives et des
nouvelles religions les mêmes droits que ceux généralement
reconnus aux consommateurs de biens et services, à savoir le droit
à la sécurité, le droit à l'information et le droit
à la réparation, tels que définis par l'Organisation
internationale des unions de consommateurs.
Nous avons enfin demandé que soit favorisée et promue
l'éducation à la pensée critique dans les écoles,
entendu que la génération de demain évoluera dans une
société de plus en plus pluraliste et qui offrira une gamme
encore plus étendue de thérapies alternatives.
Voilà ce que nous avons voulu faire, en bref, par cette
présentation qu'on voulait complémentaire à notre
mémoire. Nous sommes maintenant disposés à répondre
à vos questions.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. de
Grandpré.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
On aurait voulu choisir pour vous une journée, peut-être,
mémorable, avec les événements de la semaine. Je pense que
ça donne la chance à tout le monde d'explorer ce monde
mystérieux, qui attire l'intérêt, même à 22
heures le soir, de notre commission parlementaire.
Vous proposez un organisme de surveillance, qui a, d'après vous,
un mandat qui va jusqu'à la formation, on parle jusque de formation. On
a vu, au cours de la semaine, en parlant de thérapies alternatives,
qu'il y en a toute une variété. On a tenté de cerner les
thérapies alternatives qui, aujourd'hui, répondent à un
certain questionnement scientifique, comme l'homéopathie,
l'ostéopathie on répète là
l'acupuncture, et ainsi de suite, pour tenter de cerner là où on
peut progresser, demain, par rapport à d'autres thérapies
alternatives qui font appel, pour les uns, à du préventif, pour
d'autres, comme l'ACEF l'a démontré en fin d'après-midi et
vous rejoint passablement sur le plan des appréhensions et des craintes
par rapport à du vécu même eux l'ont
expérimenté sur le terrain à plusieurs reprises... La
formation est donc un élément de base, au niveau des
thérapeutes, qui est essentiel. Donc, une bonne formation, et, ce que je
comprends ici, c'est que vous souhaitez qu'il y ait des exigences sur le plan
de la formation. Mais j'imagine qu'on ne peut pas être aussi exigeant
dans des thérapies alternatives dites naturelles, préventives par
rapport à des thérapies qui vont plus dans le curatif, et on
vient d'en avoir un exemple avec les physiothérapeu-tes.
Comment distinguez-vous les thérapies alternatives qui vont
procurer du bien-être à un individu par soit le curatif ou,
même, le préventif par rapport à d'autres
thérapies alternatives qui ne sont pas de même niveau? Comment
est-ce qu'on fait pour distinguer tout ça? Et on ira plus loin,
tantôt, parce que j'ai l'impression que, dans ce que vous évoquez
au niveau d'Info-Secte, quand on parle de charlatans, effectivement, il y en a
un bon nombre. Les gens le craignent, comme vous l'avez dit. Le sondage est
assez clair là-dessus. Il faut tenter de les éliminer. C'est un
peu ça qu'on veut faire. Mais, si on veut éliminer les
charlatans, c'est une question de formation, c'est une question de
connaissances, c'est une question d'information du public. Je pense que vous le
relevez bien. Mais, sur le plan de la formation, comment est-ce qu'on fait
ça? Qu'est-ce qu'on exige? De qui, et de quelles thérapies
alternatives? Et, s'il se présente un gourou à quelque part,
évidemment, qui réussit à enrôler le monde,
même si on exige des formations de base, j'ai toujours compris, quand ils
nous en présentent quelques-uns à la télévision qui
avaient réussi à enrôler du monde, c'était toujours
des diplômes bien... Puis, règle générale, des
diplômes qui viennent d'Europe. C'est encore plus impressionnant.
M. de Grandpré: De Genève.
Écoutez, M. le ministre, il y a deux aspects, peut-être,
à votre question que j'aimerais aborder. Il y a celui, d'abord, de la
méthode de livraison de la thérapie, donc la publicité au
préalable, et des moyens utilisés pour livrer la thérapie,
qu'elle soit curative ou préventive. C'est un petit peu ce qu'on a voulu
aborder, nous, à Info-Secte, en parlant de fausses
représentations. Je pense que, dans un premier temps, il faudrait
s'assurer qu'il n'y a pas des charlatans puisque l'expression est
lancée qui utilisent le paravent de thérapies alternatives
parce que c'est rendu «politically correct» comme
l'environnement l'est et d'autres pour masquer d'autres
visées.
Vous comprendrez que nous, à Info-Secte, on est un peu
spécialisés là-dedans. On en a plein. M. Cas-
grain, tantôt, pourra sûrement en parler davantage, mais on
en a quotidiennement, des cas de gens qui ont été floués,
d'une certaine façon, par des gens qui se disaient des
thérapeutes alternatifs, avaient une approche globale de l'être
humain, condamnaient la médecine traditionnelle pour offrir quelque
chose qui devait guérir un cancer, par exemple. Ces gens-là se
sont rendu compte par la suite, après avoir subi des dommages parfois
irréparables, qu'ils avaient été floués sur le plan
de la représentation ou de la publicité.
Donc, il y a cet aspect-là qui s'appellerait plutôt la
livraison de la marchandise. Qu'on ait eu une bonne formation ou non, ce
problème-là subsistera.
Le problème de la formation, je pense qu'il sera
réglé par les gens très sérieux qui évoluent
dans le domaine même des thérapies alternatives et qui,
probablement, sans que j'aie suivi les travaux de cette commission-ci, ont
évoqué, eux aussi, le besoin de se structurer sur le plan de la
reconnaissance et, probablement, de la formation. Formation qu'ils
dispenseraient eux-mêmes ou que le monde de l'éducation formelle
assumerait, ça, c'est à voir, on n'est pas compétents en
la matière. Mais il n'y a pas de doute que vous trouverez dans le milieu
des thérapies alternatives et le véhicule... Il y a même un
editorial dans un magazine connu qui s'appelle le Guide Ressources, qui
est une revue fort respectable, qui, justement, recommande qu'on fasse, au plus
vite, le ménage là-dedans pour éviter que les charlatans,
qui, effectivement, occupent le terrain, puissent proliférer.
En matière d'éducation, il faut voir s'il y aura une
passerelle de faite avec l'éducation formelle ou non. C'est un des
objectifs de notre société, d'établir des passerelles
entre le monde de l'éducation et le marché du travail. Pourquoi
ne pas tenter de la faire aussi dans le domaine de la médecine
alternative ou des thérapies alternatives, à défaut de
quoi on pourrait remettre à ceux qui se réclament de cette
mouvance-là de l'assumer, à partir, bien sûr, de codes de
déontologie qu'une de nos recommandations propose de mettre en place?
Et, à cet effet-là, on propose un organisme de surveillance du
respect du code de déontologie qui serait un code parapluie, à
notre point de vue. (21 h 10)
M. Côté (Charlesbourg): À partir du moment
où on a des exigences sur le plan de la formation, on peut
présumer que ceux qui sont sérieux vont aller chercher la
formation qu'il faut pour dispenser les thérapies alternatives. Donc,
notre problème de formation est réglé. On peut être
devant une situation où, effectivement, il y a un gourou qui a cette
formation-là. Deuxième possibilité, c'est celle de
l'information du public. Donc, davantage mettre en place des mécanismes
qui vont permettre d'informer le public sur des situations possibles,
réelles dans certains cas, parce que, évidemment, il y a
tellement d'exemples qu'on voit maintenant que c'est réel, mais
l'information doit quand même avoir ses limites. Et, au-delà de
ça, même si on imposait un code de déontologie, qu'est-ce
qui nous dit qu'on va éliminer le genre de situations qu'on retrouve
cette semaine, par exemple, en pleine actualité?
On ne peut pas être plus d'actualité que ce qui se passe
cette semaine. Parce qu'on peut toujours continuer de bien informer le public,
ce n'est pas la première, au niveau du Québec. On en a eu
d'autres où les gourous sont rendus en Ontario après avoir fait
un séjour dans l'Estrie, et je me rappelle comme je suis
originaire de la Gaspésie de Moïse, et lui aussi
était là. Donc, on a informé le public, on a mis en garde
le public, c'est largement médiatisé. Qu'est-ce qu'un code de
déontologie permettrait de régler dans un cas comme
celui-là? Et je pense que le but que vous poursuivez est un but
extraordinaire, et d'éviter que les gens soient victimes d'abus dans ces
situations-là... Mais qu'est-ce que le code, en plus de la formation, en
plus de l'information, pourrait nous permettre de régler?
Jusqu'où on peut aller là-dedans, au-delà de l'information
publique?
M. de Grandpré: Je vais laisser M. Casgrain
répondre et je vais faire un préalable à sa
réponse. Je pense que, nous, notre préoccupation, c'est le
consommateur et de l'outiller au mieux pour qu'il puisse faire des choix
éclairés, des outils qu'il ne possède pas en ce moment.
Si, une fois que le consommateur est bien outillé, bien informé,
il fait quand même des choix qui, a posteriori, apparaissent mauvais, au
moins, on pourra se dire collectivement que nous avons mis les
paramètres et les balises en place. Il y a bien des cas de ce genre, en
tout cas nous on le voit quotidiennement à Info-Secte, qui nous disent
que, s'ils avaient été bien informés, s'ils avaient eu des
recours, s'ils avaient eu accès à un code de déontologie
largement publicise, parce qu'il ne s'agit pas de le mettre sur une tablette,
probablement qu'ils n'auraient pas fait ce même choix.
M. Casgrain, peut-être, pourrait compléter.
M. Casgrain (Yves): C'est ça. Pour poursuivre la
réponse, c'est que, quand on a un code de déontologie qui est
publicise, ça permet de... Autrement dit, un code de déontologie,
c'est comme une espèce de balise qui permet, pour le public, pour le
consommateur, de savoir ce qui est permis, ce qui n'est pas permis de faire.
C'est sûr que ce n'est pas... Je dis souvent qu'Info-Secte n'a pas de
solutions miracle et qu'il y aura toujours des charlatans, il y en aura tout le
temps. Mais, s'il y a un domaine où c'est flou, c'est bien les
thérapies alternatives, y compris les sectes, et tout ça. Alors,
le fait d'avoir des balises claires, précises, un code de
déontologie qui serait publicise, c'est sûr que ça ne
réglerait pas le problème. Il y en aura toujours, des charlatans,
sauf que ça mettrait entre les mains du public un autre outil pour
exercer, justement, un meilleur choix et avoir un esprit critique, et de savoir
reconnaître les abus. Parce que, souvent, des abus ça se fait...
La manipulation se fait étape par étape, ça ne se fait pas
du jour au lendemain. Alors, le client, même avant de choisir son
thérapeute, pourrait être prémuni et dire: Bon comme
une espèce de boussole maintenant je sais ce que le
thérapeute peut faire et ce qu'il ne doit pas faire avec moi. Et,
dès qu'il va s'apercevoir qu'il y a une amorce
vers quelque chose qui n'est pas permis, il pourra s'en apercevoir
beaucoup plus vite et, donc, éviter d'avoir à subir toutes les
conséquences négatives. C'est sûr que ce n'est pas, comme
je le répète, une solution miracle. Les codes de
déontologie, les thérapeutes peuvent ne pas les respecter, on a
déjà vu ça dans d'autres professions, mais, au moins,
c'est là, et ça permet, encore une fois, à l'utilisateur
de savoir ce qui est permis et ce qui n'est pas permis.
M. Côté (Charlesbourg): Ça a une valeur
éducative de la population et ça donne, à tout le moins,
des opportunités de mieux la protéger. Si je vais dans vos
propositions, vous parlez du droit à la réparation, bon, droit
à la sécurité, droit à la réparation.
Qu'est-ce que c'est que ce droit à la réparation, et quand ce
droit à la réparation s'applique-t-il? Par exemple, quelqu'un qui
aurait été bien informé d'un code de déontologie,
en poussant à l'extrême, mais sur le plan de l'information, et qui
décide, malgré tout cela, d'aller dans une secte et, au bout de x
temps, est victime d'un certain nombre de choses, est-ce que, par exemple, cet
individu-là pourrait avoir le droit à la réparation, et
comment ça fonctionnerait dans ces cas-là, et qui, à ce
moment-là, en assume les frais?
M. de Grandpré: Les frais... Écoutez, je pense que,
ce qu'il faut souhaiter, c'est que le code de déontologie stipule
notamment qu'une entente contracturelle doit s'établir entre le
thérapeute et le client, éventuellement. Dès l'instant
où il y a un lien légal qui s'établit entre deux citoyens,
tous les recours déjà en place sont dès lors possibles. La
réparation, dans ce sens-là, n'est pas tellement
différente de ce que l'Office de la protection du consommateur publicise
pour les consommateurs de biens matériels quand ils sont soit victimes
de fausse publicité ou qu'ils voient qu'une garantie qu'on leur avait
promise d'une durée x meurt après un temps y.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, est-ce
qu'on ne risque pas d'être dans un droit illusoire? Prenons un exemple
qui est du passé: Dans la mesure où Moïse de la
Gaspésie aurait eu à faire face à des poursuites, compte
tenu du lien contractuel qu'il avait avec des gens qui se retrouvaient avec lui
en Gaspésie, sur le mont je ne me rappelle plus trop du nom
même si la société avait saisi des camps en bois
rond qu'il y avait là, on n'aurait pas pu en tirer grand-chose,
finalement, pour payer la réparation. Je comprends le principe, parce
qu'on a vu, au cours de la semaine, des bâtisses, si elles sont
payées, qui peuvent avoir une certaine valeur et le permettre,
effectivement, sur le plan financier. Mais ce n'est pas toujours ça qui
est recherché sur le plan de la réparation, je pense, et surtout,
l'aspect que vous abordez qui est sous l'angle du consommateur, dans la
manipulation psychologique avec toutes les conséquences que les
individus peuvent subir. Donc, est-ce qu'un droit à la réparation
ne serait pas autre chose que du financier, par exemple? (21 h 20)
M. de Grandpré: Absolument. Oui, bien sûr, mais
c'est une des conséquences d'un contrat mal tenu que de subir des
sévices, qu'ils soient physiques, matériels ou
psychologiques.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, à ce
moment-là, est-ce que ce n'est pas l'État, tout simplement, qui
devrait en faire les frais? Parce que bien sûr que la plupart de ces
gens-là se retrouvent quelque part quand on les retrouve. Si on
les retrouve, ils sont plus souvent qu'autrement en prison. Si on ne les
retrouve pas, ils sont à l'étranger où il n'y a aucune
possibilité d'aller les poigner comme il faut et de dire: Bon, vous
allez maintenant vous assurer que la réparation se fait. Donc, c'est
l'État.
M. de Grandpré: Bien, je ne le sais pas. Ce n'est
sûrement pas la victime.
M. Côté (Charlesbourg): Non, j'espère.
M. de Grandpré: Alors donc, je pense qu'un des risques
à assumer la vie en collectivité, effectivement, c'est de voir
qu'il y a de la déviance. Je pense qu'il faut limiter la déviance
à son strict minimum et mettre les moyens en place pour s'assurer que la
déviance se résume à sa partie la plus congrue.
Oui, Yves.
M. Casgrain: Au niveau des thérapies alternatives, le
client qui se ferait manipuler, il pourrait y avoir, dans certains cas du
moins... On sait que c'est très payant. Dans certains cas, les
séances, enfin je suis bien placé pour le savoir
les personnes qui viennent me consulter déboursent des sommes d'argent
assez fortes. Donc, pour certains thérapeutes gourous, comme j'ai dit
dans le mémoire, c'est qu'ils ne sont pas tous à la tête de
grandes organisations, et tout ça. Certains vont se contenter, tout
simplement, d'avoir une clientèle et de fixer rendez-vous après
rendez-vous, jusqu'à temps que le client s'aperçoive qu'il est
manipulé, et bon, il s'en va. Et c'est justement là, le
problème, lorsqu'il s'aperçoit qu'il est manipulé,
lorsqu'il s'aperçoit, en fin de compte, que le thérapeute n'a pas
respecté l'éthique professionnelle, enfin l'éthique qu'il
devrait respecter normalement. Et, s'il y avait un moyen de faire en sorte que
le thérapeute devrait obligatoirement rembourser tout l'argent que le
client lui a donné, à ce moment-là, ce serait une forme de
réparation qui serait possible. Comme mon collègue essayait de le
dire tout à l'heure, ce serait comme l'Office de la protection du
consommateur. Et il y a parfois possibilité de remboursement, parfois
pas. Si la compagnie décide de faire faillite, c'est fini. Sauf que, en
ce moment, ça ne se fait pas. Alors, ça pourrait se faire, et ce
serait déjà un plus.
M. de Grandpré: Je pense qu'il y aurait lieu de
compléter, M. le ministre, de peut-être faire un calcul de ce que
ça coûte, présentement, à la société
de ne pas réglementer les thérapies alternatives. Nous, il
nous
semble qu'il y a là certainement... Il y aurait peut-être
moyen de vérifier ou de s'assurer qu'il n'y a pas des fuites fiscales
trop importantes. Nous croyons qu'il y en a, d'après notre
expérience. Il y a énormément d'argent qui se transite
dans des thérapies dites alternatives, où il n'y a pas de lien
contractuel, où il n'y a pas de balises. C'est de l'argent perdu pour
l'État.
La protection des renseignements personnels dans ces domaines-là
je sais que ça a été le sujet d'une des commissions
parlementaires ici aussi est extrêment problématique.
Ça entraîne des coûts sociaux importants aussi pour
l'État. Vous saisissez un petit peu la dimension? C'est-à-dire
qu'il faut faire le calcul, là aussi, du pour et du contre.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas... Il
ne fallait pas le prendre comme un reproche que de penser que ça puisse
être la société. Il faudrait se le dire dès
maintenant, pour ne pas qu'on ait de surprises au moment où ça
pourrait arriver éventuellement. Alors, ça me précise...
C'est un droit à l'individu, finalement, de réparation d'un
préjudice causé, parce que la société n'a pas
été assez exigeante ou prudente quant aux exigences qu'elle
devait imposer à des gens qui pratiquent des thérapies dites
alternatives. Mais évidemment, on a dit tantôt que
c'étaient des charlatans, dans la plupart des cas.
Ça va, merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
M. le député de Rouyn-NorandaTémiscamingue.
Je crois comprendre aussi que... Je pense, que M. le député de
Shefford aimerait peut-être intervenir aussi.
M. Paré: Non.
Le Président (M. Joly): Non? Parfait. Merci. M. le
député, s'il vous plaît.
M. Trudel: Alors, merci, M. le Président.
Nous allons aussi souhaiter la bienvenue aux gens d'Info-Secte. On
connaît, en général, votre travail au Québec, vos
interventions, et vous oeuvrez dans un domaine de consommation qui est
probablement le domaine le plus délicat qui puisse exister parce qu'on
est à la frontière de la technique, de la croyance, des
idées, ce que d'aucuns appellent, dans le domaine des sectes... On est
plutôt en matière du «trust de la foi». Comme disait
Denis Monière, lorsqu'il était à l'Université
d'Ottawa: II y a là une organisation, et ce que ça
représente sur le plan financier n'est pas négligeable.
Compte tenu de ce que vous nous avez exposé, des réponses
que vous donniez au ministre sur les éventuels mécanismes de
protection qu'il faudrait instituer, j'aimerais ça avoir les
réflexions de Mme Arcand.
Mme Arcand, vous vous présentez à nous, ce soir, comme une
ex-adepte. Vous êtes vous avez été, en tout cas
une victime de ces sectes ou, enfin, de groupes similaires. J'aimerais
ça que vous nous disiez en quelques mots, d'abord, c'est quoi, votre
expérience et surtout qu'est-ce qui, à votre avis, aurait pu
prévenir le fait d'être la victime d'une secte. Quand vous vous
regardez, donc, uniquement comme consommatrice, comme victime, encore une fois,
qu'est-ce que vous eussiez espéré qui aurait été en
place pour ne pas, aujourd'hui, être avec nous comme victime?
Le Président (M. Joly): Mme Arcand, s'il vous
plaît.
Mme Arcand (Lucie): Merci. Ce qui aurait été bien,
c'est l'information. Je n'avais pas d'information. Beaucoup de gens...
M. Trudel: Voulez-vous nous dire brièvement, si ça
se dit, de quel truc ou de quelle secte...
Mme Arcand: Ah! O.K.
M. Trudel: ...avez-vous été la victime?
Mme Arcand: O.K. Je m'excuse. Je recommence. Moi, je faisais une
psychothérapie, quelqu'un qui avait une très bonne
réputation, et cette personne-là, petit à petit, m'a
convaincue de rencontrer des médiums guérisseurs. J'ai
refusé. Au bout de deux ans... J'ai refusé en 1989. En 1992, je
suis retournée la voir, cette psychothérapeute-là, parce
que j'avais un problème, j'avais de la difficulté à
prendre des décisions. J'avais un problème émotif, donc.
Et j'avais des problèmes physiques aussi. Je mentionne
«physiques» parce que, quand notre corps est atteint dans la
maladie, le moral descend aussi. Donc, en plus de mes problèmes
émotionnels, j'étais vraiment à plat.
Je suis allée la revoir parce que j'avais confiance en elle, plus
qu'en quiconque, et elle m'a suggéré encore d'aller voir des
médiums guérisseurs, et, cette fois-là, j'ai
accepté. C'est comme ça que j'ai été en contact
avec les médiums guérisseurs. J'ai rencontré les
médiums guérisseurs cinq fois. Je suis sortie de là parce
que je pense qu'on avait essayé de me bourrer trop vite. Je ne sais pas
si vous comprenez ce que je veux dire. Mais je suis sortie de là
meurtrie parce que j'ai vécu des peurs, je me sentais honteuse d'avoir
succombé à ma psychothérapeute. Moi qui était forte
dans mes résolutions de ne jamais aller là, j'y ai
été quand même. Émo-tivement, psychologiquement,
ça m'a déstabilisée. Mais, moi, j'ai été
chanceuse d'une certaine façon, parce que, en septembre, je
commençais des cours à l'université en psycho sociale, et,
dans mon premier cours, on parlait justement de la conformité, tout ce
qui est les sectes, le sectarisme, et tout ça. Et ça m'a
aidée. Mon professeur me donnait l'information qui me manquait pour
comprendre ce qui m'était arrivé, et je me dis, avec ça,
si j'avais eu ce cours-là avant, je n'aurais même pas
accepté un rendez-vous. J'aurais peut-être fait autre chose, je ne
sais pas quoi, mais c'est certain que je n'aurais pas été
là. Mais là, ça m'a aidée à m'accepter, et
tout ça. Quand j'ai su qu'il y avait des victimes beaucoup plus graves,
: qu'il y avait eu même des décès, c'est là que
j'ai commencé à m'impliquer avec les gens, à faire
une ligne ouverte, et tout ça.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. Trudel: Oui, tout à fait. D'où votre conclusion
de dire: En pareille matière, la prévention s'appelle
information.
Mme Arcand: Oui. Absolument.
M. Trudel: Et, comme citoyenne, vous n'aviez pas les instruments,
en tout cas vous n'aviez pas de perception quant à l'endroit, quant au
groupe, à quelque part où vous pouviez aller vous renseigner.
Vous ne sentiez pas qu'il y avait un endroit de référence, un
point de référence à quelque part, en pareille
matière.
Mme Arcand: Non.
M. Trudel: Et, à Info-Secte, de votre côté,
est-ce que vous êtes capables de dire aussi qu'en plus de l'information
compte tenu de la nature des situations que vous avez rencontrées
ou des problèmes que vous rencontrez il y a également une
mission d'accompagnement des consommateurs? J'explique un peu ma question de la
façon suivante. On est en présence, surtout dans le monde des
sectes, on est probablement en présence des personnes qui
présentent le plus grand degré de vulnérabilité en
matière d'exploitation, si bien qu'on a souvent l'impression que
l'information ne suffit même pas. Ça prend un mécanisme
d'accompagnement pour être capable de sortir ces gens d'un ensemble de
croyances qui se sont transformées en des techniques manipula-toires.
Est-ce exact de décrire ce phénomène-là de cette
façon-là? (21 h 30)
M. Casgrain: Nous, à Info-Secte, l'accompagnement se fait
nécessairement par les proches, avec les proches de membres de
thérapie alternative qui a tourné en secte ou, encore, de sectes
religieuses comme telles, et c'est sûr que... Évidemment, c'est
très dur, c'est très difficile parce qu'on ne traite pas avec la
personne qui est concernée, on traite avec la famille et les proches, et
notre méthode et notre but, non plus ce n'est pas de faire
en sorte de sortir l'individu de force du mouvement. Donc, il faut respecter,
quand même, son choix, enfin son choix relatif, là; on ne peut pas
l'enlever de force non plus, à l'intérieur. Donc, ça se
fait à travers la famille. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on montre aux
gens comment faire pour entrer en contact, entrer en dialogue avec une personne
qui est donc un proche, qui est donc dans un mouvement qui est fermé,
qui est sectaire et qui n'aime pas, justement, l'extérieur et la
société, habituellement. Donc, on leur donne des moyens, des
méthodes, pour essayer de faire en sorte que l'esprit critique de
l'individu qui est toujours là, mais qui est comme endormi, qui
est comme gelé, là d'essayer de le réanimer, cet
esprit critique là. Mais ça, à Info-Secte, ce qu'on a pu
constater, c'est que c'est long, c'est très difficile, et, parfois,
ça ne donne pas de résultats, et il faut il faudrait, en
fait plus, plus de monde, en fait, qui pourrait accompagner ces
gens-là, ces familles-là. Et, comme, à Info-Secte, on est
vraiment un tout petit organisme, on ne peut absolument pas répondre
à cette mission-là, et c'est pour ça qu'on aime davantage
miser, évidemment, sur la prévention, et on essaie de
réparer les pots cassés, mais ce n'est pas facile. Ce n'est pas
facile, parce qu'on n'est pas soutenus dans cette mission-là. Ça,
c'est difficile, mais on essaie quand même de le faire, avec les moyens
du bord.
M. de Grandpré: Effectivement, l'étape entre la
prévention et la réparation des pots cassés, là, il
y a un manque qu'on n'assume pas; ce n'est pas notre mission. Un
complément d'information, c'est que nous sommes en étroite
collaboration, nous travaillons en étroite collaboration avec des
praticiens du domaine de la santé. Nous n'intervenons pas, parce que
nous n'avons pas les compétences, là, auprès des
individus, quant à l'accompagnement plus spécialisé;
alors, la Corporation professionnelle, des psychologues du Québec, les
travailleurs sociaux, aussi, la Corporation professionnelle des travailleurs
sociaux du Québec, et d'autres corporations travaillent
étroitement avec nous. Alors, nous pouvons référer,
là, des cas de gens qui veulent de l'accompagnement parce qu'ils
le manifestent à ces corporations-là. Mais effectivement,
là, il y a un problème d'accompagnement des gens
vulnérables, là, qui cheminent sur un terrain glissant,
là, un accompagnement qu'on ne peut pas assumer.
M. Trudel: Vous parlez, donc, de la création d'un
organisme de surveillance vous dites qu'il serait indépendant ou
incorporé à l'intérieur d'une structure déjà
existante qui aurait comme tâche de fournir l'information, de
définir la formation, etc. Vous dites quoi, là? Incorporé
à l'intérieur d'une structure déjà existante: Vous
voulez nous dire à quelle structure vous faites référence?
Éclairez-nous ça un peu, là.
M. de Grandpré: Bien, dans le fond, ce que nous disons,
d'une part, on est conscients des limites, là, des finances publiques
aussi, là; je ne crois pas qu'il faut nécessairement créer
des nouvelles structures pour le plaisir d'en créer, compte tenu du fait
qu'il y a des coûts reliés à ça, mais il est
peut-être possible d'utiliser des structures déjà
existantes, que ce soit l'Office de la protection du consommateur ou l'ordre
des professions, s'il élargissait son mandat, ou d'autres structures qui
pourraient voir leur mandat augmenté. C'est une possibilité qu'il
faut envisager.
M. Trudel: Je veux revenir un peu sur le volet réparation,
auquel vous faisiez allusion il y a quelques minutes, et pour lequel le
ministre disait: Bien, il s'agit peut-être d'un droit. Même si on
l'incluait dans la loi de la protection du consommateur, ça serait
peut-être un droit illusoire, puisqu'on a affaire, souvent, à des
gens qui n'ont pas ou peu de biens; et, par ailleurs, nous
avons toujours un objectif, en général, au niveau des
thérapies alternatives, d'éliminer le charlatanisme. Est-ce que
vous pensez que la technique d'obliger celui ou celle qui porte le nom de
thérapeute, de l'obliger à avoir une
assurance-responsabilité serait de nature, soit à faire le
ménage ou à concrétiser, aussi, à
concrétiser la réparation comme étant possible pour le
citoyen et la citoyenne qui est lésé, mais que... Est-ce que
ça pourrait nous aider à faire le ménage, l'obligation de
détenir une assurance-responsabilité lorsqu'on s'affiche
thérapeute?
M. de Grandpré: Voilà certainement une idée
qui pourrait répondre à ce besoin-là de réparation,
une assurance-responsabilité civile qui permettrait au thérapeute
d'être protégé aussi, en même temps, contre les
risques inhérents à la profession même, mais qui
permettrait quand même à l'usager ou au client d'obtenir
réparation par le biais d'une action, en évoquant ses droits qui
ont été violés, par exemple. C'est une idée qui est
déjà utilisée par bien des corporations professionnelles.
Dieu sait que ça coûte cher à certains avocats, comptables
et autres pour se payer une assurance-responsabilité civile, mais
l'expérience leur a prouvé que c'était un outil
extrêmement utile. Et probablement que cette expérience-là
pourrait être adaptée de façon fort favorable à la
problématique qui nous intéresse aujourd'hui.
M. Trudel: Et ça pourrait probablement nous permettre,
dans bien des cas, de séparer l'ivraie du bon grain, n'est-ce pas?
J'imagine, quelque part, parce que, évidemment, l'entreprise
privée qui fournirait une assurance-responsabilité va aller
vérifier la formation et le degré de capacité
d'administrer la technique et d'en contrôler les effets, et de quelle
technique il s'agit, effectivement.
Une toute dernière question en disant que, bon, par ailleurs, je
pense qu'on pourrait mettre au monde, évidemment, la meilleure gamme ou
la plus grande gamme de mesures législatives pour protéger le
citoyen et la citoyenne contre ces sectes ou ces croyances, il n'en demeure pas
moins effectivement, donc, qu'on a tous la responsabilité d'exercer le
jugement critique et que, quelque part, il faut aussi fournir des
évaluations subjectives. Qu'est-ce que vous voulez, dans ce bas monde,
tout n'est pas mesurable à la même aune. Est-ce que vous pensez
qu'on devrait augmenter substantiellement l'aide pour l'évaluation de
ces différentes approches et qu'on puisse rendre ces évaluations
publiques de façon à aider le citoyen et la citoyenne à
porter un jugement?
M. de Grandpré: Écoutez, c'était une de nos
recommandations. C'était, en quelque sorte, de permettre au citoyen
d'être bien informé et de trouver les mécanismes et les
moyens les plus efficaces, de lui donner cette information-là, donc de
se munir de mécanismes de recherche, de documentation objective que
pourraient utiliser les citoyens désireux d'utiliser des
thérapies alternatives, en tout cas des informations qui pourraient les
aider à faire un choix plus judicieux.
Nous sommes à une époque, je crois, de reconnaissance de
plus en plus grande que ces expertises-là existent ailleurs,
nécessairement, que dans l'État. De toute façon, ces
expertises-là, si elles existent et si elles ont fait leurs preuves,
devraient être encouragées et appuyées. Vous me permettrez,
M. le député, de prétendre que nous constituons
certainement un des groupes qui, depuis 13 ans, a fait ses preuves à cet
égard. Il y en a d'autres. Et il n'y a pas de doute que ce serait un
moyen fort efficace, économique et, je pense, fort accepté
d'aider des groupes déjà compétents à mieux faire
et à mieux réaliser leur mission une mission qui s'impose
et de l'information qui est, je pense, absolument nécessaire
quand on considère les effets néfastes sur les citoyens qu'a la
présence de certains de ces groupes indésirables dans notre
société.
M. Trudel: Je pense aussi qu'on peut ajouter qu'un bon nombre de
corporations professionnelles, par ailleurs, recèlent de ressources qui
pourraient être utiles en matière de fournir des critiques ou des
évaluations, tout comme les universités québécoises
peuvent fournir un grand nombre de ressources pour l'évaluation d'un
certain nombre de ces thérapies, l'évaluation au sens d'une
description evaluative, pas pour porter un jugement sur le fait que ce soit bon
ou pas bon, que ce soit acceptable ou non acceptable, parce que là on
tombe dans le domaine des valeurs. Mais on peut, je pense, retrouver, dans les
établissements d'enseignement et de recherche du Québec, un bon
nombre de ressources qui, pour peu qu'on se soucie de leur placer la commande,
pourraient procéder à ces évaluations pour nous aider
à porter jugement et pour faire en sorte aussi que, pour les citoyens et
les citoyennes, on puisse, en général, dire: Bien, le truc qui
vous est présenté, c'est carrément de la manipulation, il
y a du danger, il y a eu des victimes, et ça peut avoir des
conséquences plus ou moins graves ou l'inverse aussi. Il s'agit
effectivement, dans d'autres cas, disons, de thérapies alternatives plus
douces, dont les effets... Certains ont dit aujourd'hui: Au mieux, elles vont
vous faire du bien; au pire, ça ne vous fera rien.
Merci de votre présentation. (21 h 40)
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.
Compte tenu du temps, là, je pense qu'on peut se permettre encore
quelques questions. Je sais qu'il y a M. le ministre qui aurait une question et
M. le député de Matapédia. Et, moi-même, j'aurais
une courte question.
Alors, je reconnais M. le député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Oui, rapidement.
Mme Arcand, la personne à qui vous avez fait confiance,
là, la première que vous avez consultée, c'est une
psychologue, une psychothérapeute?
Mme Arcand: La personne que j'ai consultée la
première, c'était ma psychothérapeute. Je l'ai...
M. Paradis (Matapédia): Elle avait le titre de
psychothérapeute ou de psychologue? Est-ce qu'elle était...
Mme Arcand: Je l'ai connue en tant que profes-seure. La
première fois que je l'ai vue, j'ai pris un cours de transition au
travail, moi.
M. Paradis (Matapédia): O.K.
Mme Arcand: O.K.? C'est un petit cours d'orientation en
même temps, là. On se cherche un peu, tout ça. Je l'ai
connue là.
M. Paradis (Matapédia): O.K. Puis ce n'est pas ça
ma vraie question.
Mme Arcand: O.K.
M. Paradis (Matapédia): J'y arrive. De quelle information
auriez-vous eu besoin, compte tenu que c'était une professionnelle
avec un code de déontologie tout bien chromé, là,
tout bien correct et que c'est elle qui vous référait
à un tiers, finalement, qui était, en tout cas, le
thérapeute alternatif, entre guillemets, là, et lorsque vous
étiez dans un état de vulnérabilité et que vous
faisiez entièrement confiance à ce professionnel-là
reconnu? De quelle information? Parce que, tout à l'heure, vous avez
dit: La conclusion de mon expérience, c'est de l'information.
Mme Arcand: Oui.
M. Paradis (Matapédia): Mais quelle information, puisque
c'est une professionnelle reconnue qui vous l'a recommandé?
Mme Arcand: O.K. Je comprends un peu, là, qu'est-ce
que...
M. Paradis (Matapédia): Bien, je peux poser la question
à M. le président aussi, là. Je ne trouve pas de
réponse parce que c'est une professionnelle reconnue.
Le Président (M. Joly): Mme Arcand, s'il vous
plaît.
Mme Arcand: C'est qu'elle n'est pas reconnue. O.K.? J'ai
commencé ma thérapie avec elle en pensant qu'elle était
reconnue...
M. Paradis (Matapédia): Ah bon! Mme Arcand: ...et,
au cours des mois... M. Paradis (Matapédia): O.K.
Mme Arcand: ...j'ai su qu'elle n'était pas reconnue. Je
suis tombée des nues. J'ai dit: Ah! Comment ça?
M. Paradis (Matapédia): O.K.
Mme Arcand: Bon, là, elle m'a expliqué son affaire.
Mais, moi, mon processus était enclenché.
M. Paradis (Matapédia): O.K.
M. de Grandpré: Mais c'est là le coeur de notre
démonstration. Vous comprenez bien que...
M. Paradis (Matapédia): Ah oui!
M. de Grandpré: Bien, de toute façon, c'est
exposé depuis deux jours ici, le problème de la reconnaissance.
Qu'est-ce qu'un thérapeute? En tout cas, Mme Arcand a vécu
ça, là.
M. Paradis (Matapédia): On se donne un titre puis, par la
suite, on utilise, finalement, la vulnérabilité des gens pour les
manipuler, jusqu'à un certain point.
Mme Arcand: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
Le Président (M. Joly): Oui, Mme Arcand, allez, s'il vous
plaît.
Mme Arcand: O.K. Merci beaucoup. C'est que ma
psychothérapeute, dans ma région, c'était une personne qui
avait une réputation d'honorabilité extrême. Elle a
enseigné, elle était la psychothérapeute attitrée
d'un centre X. Donc, sa réputation était sans tache, elle
était admirée de tous. O.K.? C'est un agent d'influence
extraordinaire, à ce moment-là.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, est-ce que...
M. Côté (Charlesbourg): Ça va.
Le Président (M. Joly): Moi-même... C'est un
drôle d'adon...
M. Côté (Charlesbourg): On est trois sur la
même question, là.
Le Président (M. Joly): Je suis un peu dans la même
veine que mon collègue, ici. Non, mais ma première question,
c'était: Dans quelle région demeuriez-vous? Parce que, dans le
fond, je voulais savoir si vous demeuriez dans une grande région comme
Montréal, où, à ce moment-là, ça devenait un
petit peu difficile. Non, mais c'est que... Je reviens avec ce qui ressort
d'à peu près tout le monde qui s'est présenté ici,
où on a dit que la publicité d'à peu près tous les
thérapeutes se concentrait strictement dans le bouche à oreille.
Donc, j'imagine que, vous aussi, vous avez dû être
référée par le bouche à oreille ou par l'influence
de la bonne réputation qui était déjà faite ou
surfaite à cette thérapeute-là. Mais, si vous faites de la
publicité de bouche à oreille
dans le positif, quand ça fonctionne bien, est-ce que, quand
ça ne fonctionne pas bien, vous refaites la même publicité
de bouche à oreille?
Mme Arcand: Je pense que les gens ont peur. Moi-même,
j'avais honte. O.K.? C'est ça, là. Mon point à moi, c'est,
avant d'avoir eu l'information, à l'école, que c'était
normal, ma réaction, comme, après des manipulations, la-la-la...
Ne pas avoir su que c'était normal, je n'aurais jamais parlé, je
n'aurais jamais rien dit. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre la
honte...
Le Président (M. Joly): II y a eu un abus de confiance,
madame.
Mme Arcand: Oui.
Le Président (M. Joly): Bon. Moi, j'en suis au point
que...
Mme Arcand: Oui.
Le Président (M. Joly): ...si on bâtit des
réputations...
Mme Arcand: Oui.
Le Président (M. Joly): ...est-ce qu'on peut aussi
débâtir des réputations...
Mme Arcand: Ah bien, oui!
Le Président (M. Joly): ...et est-ce que le rôle,
aussi, de Info-Secte est de dénoncer ces gens-là, aussi?
Ça, c'est la question, moi, qui me...
M. de Grandpré: Bien écoutez, là,
là-dessus... Bien, Yves, tu peux peut-être essayer de
répondre. Vous savez, un organisme petit comme le nôtre, qui se
sentirait, quand même, appuyé dans sa mission, pourrait
aller...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. de Grandpré: ...au fond des choses, pourrait, à
ce moment-là, être beaucoup plus proactif, un peu comme l'Office
de la protection du consommateur ose le faire à l'égard de
grosses compagnies qui ont les reins solides. Alors, si vous souhaitez qu'on
puisse dénoncer, dans la population, des abus dont on est témoin,
on ne demande pas mieux, mais vous comprenez que, à ce moment-ci, on
doit aussi puis c'est un peu mon rôle en tant que président
du conseil d'administration de cet organisme-là tenter,
là, d'assurer la survie de l'organisme, notamment en ne se mesurant pas
constamment à des adversaires qui n'apprécieront pas qu'on les
dénonce, si vous me suivez.
Le Président (M. Joly): Moi, je vous remercie. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Juste vous remercier pour
votre contribution, et j'ai senti, à travers votre présentation,
un appel, aussi, subliminal...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): À peine voilé.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, à peine
voilé, compte tenu de ce qui a déjà été
publié et du peu de reconnaissance qu'a le ministère de la
Santé et des Services sociaux vis-à-vis d'Info-Secte, avec tout
ce qui a pu circuler à l'époque. J'ai aussi senti cet
appel-là. Je l'ai entendu, et on verra ce qu'on peut faire pour tenter
de vous supporter. Il est bien évident que, avec les budgets que vous
avez, vous ne pouvez pas faire une multitude de choses et que vous avez
décidé de vous concentrer sur un certain nombre d'objectifs que
vous faites très bien. Il s'agira de voir si on peut avoir l'ouverture
qu'il faut pour tenter de vous aider en respectant la mission qui est celle de
mon ministère.
Merci.
Le Président (M. Joly): Avec l'accord des membres de cette
commission, j'aimerais peut-être reconnaître M. le
député de Shefford, qui me démontre qu'il a une petite
question à poser. Alors, j'imagine qu'il y a consentement. Merci.
M. Paré: Oui. Alors, merci beaucoup.
Très rapidement, par rapport à ce qu'on vient de dire, que
de dénoncer ça pourrait faire cesser, finalement, la pratique,
est-ce que, dans la région qui vous concerne, le fait d'avoir
dénoncé, le fait qu'il y ait eu une telle publicité
là-dessus, à votre connaissance, le mouvement continue ou s'il
est défait et il n'y a plus de victimes ou ils vont recommencer
ailleurs, ou ils vont recommencer à zéro mais que, pour le
moment, c'est comme interrompu, l'activité de la secte dont on vient de
parler et qui vous concerne directement?
Mme Arcand: O.K. Non. Leurs activités ne sont pas
interrompues. Par contre, à la ligne téléphonique qu'on a
mis sur pied, ma soeur et moi, on a eu des appels de gens d'autres sectes. Bon.
Les gens perdent des sous, perdent leur santé, tout ça. Sectes ou
médiums guérisseurs, là, qui ont des dons spontanés
qui leur tombent du ciel, là, puis... Nous, on fait notre possible,
comme on dit. On est même allé rencontrer des gens. Nous, on est
de Cowansville et on est allé rencontrer des gens à
Lotbinière. On ne peut pas donner vraiment ce qu'on voudrait donner,
là, comme... Parce que, si quelqu'un veut sortir de ça, veut se
retirer, il faut qu'il soit vraiment soutenu par quelqu'un. Moi, je ne peux pas
toujours prendre ma voiture, puis aller vers les gens, faire des longues
distances. Moi, je reste dans Saint-Ignace-de-Stanbridge, c'est gros de
même, puis, moi, quand je fais un appel, c'est des longues distances
partout, assez que, en tout cas, j'ai eu des problèmes à ce
niveau-là. Mais, avoir eu, je ne sais pas, moi,
1-800, la-la-la, oui, j'aurais pu aider plus les gens, puis probablement
que d'autres se seraient greffés à nous, aussi, pour appeler,
continuer l'écoute, faire un suivi bénévolement, tu sais,
mais c'est long avant que quelqu'un décroche vraiment. Il faut qu'elle
se rende compte, puis, la personne, il faut qu'elle fasse le processus inverse,
elle aussi, dire: Ah! j'ai été trompée. C'est difficile
à accepter, avoir honte d'avoir, comme... Moi, je me mets à la
place de ma psychothérapeute, des fois. Je me dis: Mon Dieu! la
journée où elle va réaliser! Elle a amené toute sa
clientèle, elle, là. Tu sais, ça va être dur de
rebrousser chemin, parce qu'on ne se prend pas, à nos propres yeux,
alors, bon, c'est long, mais c'est faisable, je pense. J'y crois, moi.
M. Paré: Merci beaucoup, au nom de la commission, de votre
présentation, aussi. Merci, madame, en particulier, de ce
témoignage à visage découvert. Ce n'est probablement pas
facile. Il faut en entendre, ici, pour être en mesure, je pense, de
prendre des décisions qui nous amèneraient à une meilleure
protection dans les années à venir. Je le souhaite.
Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, au nom des membres
de cette commission. Bien apprécié. Merci.
Donc, la commission ajourne ses travaux à demain, 9 heures, dans
cette même salle.
Merci. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 21 h 50)