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(Onze heures trente et une minutes)
Le Président (M. Marcil): Bonjour! Donc, je déclare
la séance ouverte, et je rappelle le mandat de cette commission. La
commission des affaires sociales se réunit afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 408, Loi sur
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y aura des
remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. D'abord, pour
la durée du mandat, Mme Carrier-Perreault
(Chutes-de-la-Chaudière) sera remplacée par Mme Caron
(Terrebonne); Mme Juneau (Johnson) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); M.
Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par M. Gendron (Abitibi-Ouest) et,
également, pour la séance, Mme Boucher-Bacon (Bourget) sera
remplacée par M. Lafrenière (Gatineau).
Projet de loi 408
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Donc, nous
sommes au stade de la présentation des remarques préliminaires.
Vous avez, de part et d'autre, 20 minutes pour les remarques
préliminaires. S'il y a des motions, à ce moment-là, vous
n'aurez qu'à les annoncer. Je vais reconnaître
immédiatement M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. M. le
ministre.
Remarques préliminaires M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Vous vous souviendrez
qu'en décembre dernier le gouvernement a présenté une
politique du développement de la main-d'oeuvre qui a fait l'objet d'une
consultation lors de la commission parlementaire qui s'est tenue en
début d'année. Cette politique proposait quatre objectifs.
Un premier objectif était celui d'instaurer dans les entreprises
québécoises une véritable culture de la formation. On sait
qu'on a noté que les entreprises québécoises n'ont pas,
dans le passé, toujours fait les efforts voulus pour faire en sorte que
la main-d'oeuvre québécoise soit suffisamment adaptée aux
changements qui s'opèrent sur le marché du travail. Il faut faire
en sorte que, de plus en plus, on se convainque qu'il est essentiel de former
la main-d'oeuvre, de l'adapter aux changements technologiques, et que l'on
réalise que la formation de la main-d'oeuvre ou le reclyage et le
perfectionnement de la main-d'oeuvre pour une entreprise, ce n'est pas une
dépense, c'est plutôt un investissement, et un investissement
rentable. Donc, l'instauration d'une culture de la formation et de la formation
continue donne aux entreprises un premier objectif de la politique de
développement de la main-d'oeuvre du gouvernement.
Le gouvernement a aussi indiqué qu'il voulait, dans son document
d'orientation, faire en sorte de mieux aménager ses programmes de
main-d'oeuvre et apporter dans le dossier de la main-d'oeuvre une meilleure
coordination. On s'est rendu compte qu'il y avait au Québec trop de
programmes de main-d'oeuvre, trop de gouvernements aussi qui s'en occupent et,
dans ce réaménagement que nous avons proposé, nous avons
indiqué notre intention de faire en sorte que le Québec puisse
rapatrier l'exclusivité des pouvoirs en matière de main-d'oeuvre
de sorte qu'il n'y ait plus au Québec qu'un seul maître d'oeuvre
dans ce champ d'activité. Nous avons, en conséquence, fait la
demande au gouvernement fédéral de rapatrier au Québec
tous les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre ainsi que la gestion de
l'assurance-chômage, étant donné que, dorénavant,
l'assurance-chômage sera liée très intimement aux
programmes de main-d'oeuvre, aux programmes de formation ainsi qu'au placement,
tout ça étant interrelié et indissociable, dans notre
optique. Nous avons également annoncé l'intention du gouvernement
de simplifier les programmes québécois, de les regrouper, de
sorte que, dorénavant, il n'y aura plus que quatre programmes au
Québec, faisant en sorte de simplifier la vie à tous ceux qui
sont intéressés par ces problèmes de formation et
d'adaptation de la main-d'oeuvre. Une seule porte d'entrée, un guichet
unique, voilà les objectifs recherchés par la politique.
Le troisième objectif, M. le Président, voulait, et veut
toujours, faire en sorte de rapprocher les milieux de travail des milieux de
l'enseignement professionnel, un meilleur arrimage entre l'enseignement, la
formation professionnelle et les milieux de travail, parce qu'il est
évident que, dorénavant, on ne peut pas dissocier l'un de
l'autre. Les milieux de l'enseignement devront faire en sorte de mieux
connaître les besoins du marché du travail et de s'adapter
à ces besoins-là, et les milieux du travail, quant à eux,
devront également s'assurer que leurs besoins sont pris en compte dans
les régimes pédagogiques et dans les programmes
d'enseignement.
Finalement, M. le Président, le quatrième objectif
recherché dans la politique de main-d'oeuvre, c'est de faire en sorte
d'instaurer un partenariat, un véritable partenariat entre ceux qui
jouent un rôle prépondérant sur le marché du
travail, c'est-à-dire les employeurs, les travailleurs et le
gouvernement. On sait que, jusqu'à maintenant, à toutes fins
pratiques, ce n'était que le gouvernement qui s'occupait des
problèmes du marché du travail. Le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle avait la charge de s'occuper de ce secteur-là, de
présenter des programmes et de les gérer. M. le Président,
c'est facile, quand c'est le gouvernement qui s'occupe de tout, de critiquer,
de dire, quand on est un employeur, un patron ou un chef syndical: Ça ne
fonctionne pas bien. Que le gouvernement s'occupe de ça, c'est sa
responsabilité, et - si vous me passez l'expression - de s'asseoir sur
les lignes de côté ou dans les estrades et de regarder passer la
parade.
Nous nous sommes rendu compte, M. le Président, que le
gouvernement seul ne peut pas résoudre tous les problèmes qui se
présentent - de plus en plus nombreux, d'ailleurs - sur le marché
du travail, et nous avons décidé, à l'instar de plusieurs
autres pays qui ont compris qu'il fallait impliquer les partenaires, de
susciter au Québec un véritable partenariat entre les
travailleurs, les employeurs et le gouvernement, de sorte que,
dorénavant, on ne pourra plus faire en sorte de se laver les mains
lorsque surgiront ces problèmes de mutation sur le marché du
travail, d'adaptation de la main-d'oeuvre aux réalités
changeantes, aux réalités technologiques. Dorénavant, ce
seront les partenaires eux-mêmes qui devront s'asseoir ensemble, discuter
- non pas seulement discuter, mais trouver des solutions et mettre ces
solutions-là en pratique. Et c'est le gros changement que nous voyons
pour l'avenir en ce qui concerne la solution de ces problèmes de
régulation sur le marché du travail. C'est que,
dorénavant, on sera en mesure d'interpeller directement les principaux
acteurs en les responsabilisant, en leur donnant l'obligation non seulement de
discuter mais de trouver des solutions et de les mettre en pratique.
De cette façon-là, M. le Président, on peut
espérer que les travailleurs y trouveront leur compte, les employeurs
aussi. Si les employeurs réalisent, M. le Président - et
j'espère qu'ils vont le faire de plus en plus, et le plus rapidement
possible - que c'est la survie même des entreprises dont il est question
quand on parle de l'adaptation des travailleurs aux mutations qui
s'opèrent sur le marché du travail, si les employés
eux-mêmes et les dirigeants des travailleurs, les dirigeants syndicaux
réalisent qu'eux aussi doivent mettre l'épaule à la roue
pour faire en sorte que l'entreprise soit plus productive, et donc plus
rentable, à ce moment-là, M. le Président, nous avons de
bonnes chances de faire en sorte qu'éventuellement nous ayons une
société où les travailleurs vont trouver leur compte. Leur
niveau de vie pourra être augmenté parce que leur
productivité sera meilleure et parce que leur compétence sera
également meilleure. Et nous aurons également une
société où les employeurs pourront
bénéficier de cette productivité-là et faire en
sorte d'augmenter la «profitabilité» de nos entreprises, et
donc leur capacité de concurrencer sur le marché international.
Voilà pourquoi, M. le Président, nous avons décidé
de proposer la création - pour mettre en oeuvre d'une façon
concrète ce partenariat dont je viens de parler - de cette
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, qui est l'assise sur laquelle nous voulons asseoir le
partenariat pour l'avenir en ce qui concerne les problèmes à
régler sur le marché du travail. (11 h 40)
Alors, je souhaite, M. le Président, que les membres de cette
commission s'attaquent avec détermination à l'étude et
à l'adoption de ce projet de loi, de sorte que le Québec puisse,
le plus rapidement possible, prendre les devants dans ce domaine. Et, quant
à moi, je suis optimiste, M. le Président. Je pense que nous
avons une bonne compréhension des problèmes auxquels nous faisons
face. Je pense que nous avons également une bonne connaissance des
solutions qu'il faut apporter pour tenter de dénouer les
problèmes auxquels nous sommes confrontés et les régler,
et je pense que nous avons également la volonté de mettre en
oeuvre ces solutions. Je pense que les solutions que nous proposons sont des
solutions qui sont correctes et qui sont susceptibles de régler les
problèmes. Et, dans la mesure où chacun va vouloir faire l'effort
requis, nous pouvons très rapidement, je pense, relever ces
défis.
M. le Président, je ne veux pas prendre plus de temps, puisque
nous avons quand même un certain nombre d'articles à
étudier, et nul doute que l'Opposition officielle voudra
également s'exprimer sur la question; alors, il me fait plaisir de
céder la parole aux autres membres de la commission.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre
de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Maintenant, je vais reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, critique de l'Opposition en
matière de formation de la main-d'oeuvre.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, je vous remercie, M. le Président.
J'écoutais attentivement le ministre, qui a conclu son intervention en
disant que nous devions procéder rapidement à cet important
projet. Je dois vous dire tout de suite, M. le Président, que nous
souhaitons également, nous, procéder à l'examen attentif
de ce projet de loi 408, et, une fois nos remarques préliminaires
terminées, nous entendons débuter immédiatement
l'étude article par article du projet de
loi, sans pour autant faire ces motions préliminaires qui
auraient pu s'imposer dans les circonstances. Et je vais simplement vous faire
le bilan de tous les télégrammes, lettres,
téléphones que nous avons pu recevoir des quatre coins du
Québec pour, au moins, nous faire l'écho des changements que,
majoritairement, des organismes représentatifs souhaitent au projet de
loi 408.
M. le Président, il faut d'abord que je vous dise
l'étonnement de l'Opposition officielle que ce ne soit qu'à ce
moment-ci, le jeudi 11 juin, à la veille, ou presque, de la
clôture de la présente session... Il est de commune
renommée que nous terminions la semaine prochaine, alors, on est
à peine à une semaine de la clôture des travaux de cette
session, qui a débuté le deuxième mardi du mois de mars.
Et ça n'est qu'à ce moment-ci, après que nous avons
pourtant terminé l'examen en commission parlementaire des
mémoires présentés sur le projet du ministre,
intitulé: «Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif»... Alors, cette consultation qui se terminait le 18
mars dernier avait débuté le 4 février; c'est donc presque
trois mois après la fin de la commission parlementaire. Nous sommes
à trois mois de cette commission parlementaire, M. le Président.
Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas jugé suffisamment
importante, n'ait pas jugé suffisamment fondamentale cette question pour
l'amener au moment où nous aurions pu, en dehors de ce qu'on
connaît être le climat des fins de session, nous permettre un
examen attentif, approfondi et sérieux du projet de loi? Ça,
c'est quelque chose qui dépasse notre entendement. Et, surtout, comment
se fait-il que nous ne sommes convoqués que ce matin et cet
après-midi et que le leader ait cru nécessaire de convoquer notre
commission sur un autre projet de loi - la fête du Canada, le projet de
loi 21 - le jugeant peut-être plus prioritaire que la création de
la Société de développement de la main-d'oeuvre que nous
retrouvons avec le projet de loi 408? C'est quand même un paradoxe, M. le
Président, à ce moment-ci de nos travaux, à une semaine de
la fin de notre session et au moment où le ministre, lui, prétend
que c'est important. C'est quand même assez étonnant! Moi,
ça fait 11 ans que je siège dans ce Parlement, et c'est vraiment
la première fois que je vois un projet de loi amené en commission
parlementaire la semaine avant la fin d'une session, en prétendant que
c'est un projet de loi qui est important pour le gouvernement.
C'est un projet de loi qui est important pour l'Opposition, M. le
Président, et nous entendons en faire un examen sérieux, attentif
et approfondi. Il est important parce qu'il met en cause non pas seulement des
principes, mais il met en cause aussi des personnes. Nous aurons l'occasion d'y
revenir, parce que nous ne comptons pas négliger cet aspect de la
nouvelle structure qui est créée, c'est-à-dire ces mil-
liers - évidemment, on parle de milliers - d'employés qui
pourront être affectés par les décisions qui se prendront
dans cette commission.
Le ministre a parlé, M. le Président, des intentions du
gouvernement au moment où il élaborait sa nouvelle politique, et
j'aimerais revenir sur les aspects qu'il a traités. Il a en particulier
traité de cinq aspects, M. le Président, le premier étant
le réaménagement des programmes québécois. Je vous
indique immédiatement qu'il n'y a pas besoin de projet de loi pour
procéder à un réaménagement des programmes
québécois. Ces programmes l'ont été durant la
présente année. Et il y a quelque chose, d'ailleurs, d'assez
étonnant, à voir que la nouvelle société qui serait
créée hériterait de réaménagements sur
lesquels elle n'aurait même pas pu travailler, puisque le
réaménagement a déjà eu lieu. Ça
m'apparaît mettre la charrue devant les boeufs. C'est quand même
étonnant que le ministre fasse l'éloge du partenariat, mais que,
d'entrée de jeu, il nous indique que son ministère et ses
fonctionnaires ont déjà procédé au
réaménagement des programmes.
Je reviens rapidement pour vous indiquer que ce
réaménagement ne nous convient absolument pas. J'ai eu l'occasion
de le dire, alors je le répéterai rapidement, M. le
Président: ça n'a pas de bon sens que, de ces quatre programmes,
un seul s'adresse aux individus. C'est eux dont il s'agit quand on parle
d'améliorer le sort des gens qui devront relever des défis de
qualification extrêmement importants. C'est eux dont il s'agit, M. le
Président. Avant de centrer ces programmes sur les entreprises, il faut
d'abord penser aux individus qui auront, dans leur vie, à changer cinq
fois d'entreprise, nous disent les études les plus sérieuses
qu'on puisse consulter.
M. le Président, un seul de ces programmes s'adresse à ces
personnes et, en plus, on ne nous a jamais rassurés sur
l'inquiétude que nous avons pourtant manifestée à l'effet
que, dans le projet gouvernemental, on indique que, prioritairement, même
ce seul programme qui s'adresse aux personnes devra le faire en priorité
pour celles d'entre elles qui sont admissibles à des prestations
d'assurance-chômage. Alors, M. le Président, je l'indique encore
une fois, il n'y a pas lieu de prétendre que le projet de loi 408 vient
d'une quelconque façon interférer ou affecter, si vous voulez,
cette question des programmes. C'est une question qui est controversée
mais qui ne sera pas solutionnée parce que le projet de loi 408 sera
adopté ou pas. (11 h 50)
D'autre part, M. le Président, le ministre nous a indiqué
également que son gouvernement avait demandé «le
rapatriement exclusif des pouvoirs en matière de main-d'oeuvre - je le
cite - ainsi que la gestion de l'assurance-chômage». M. le
Président, il va falloir, à un moment donné, que le
ministre nous indique clairement ce que c'est, au juste, que son gouvernement
a
demandé, et où en sont rendues les négociations. Et
là je dois vous dire que le projet de loi 408, n'a rien à voir
là-dedans non plus, rien à voir là-dedans! Ça, le
ministre le sait, puis il opine du bonnet.
Donc, il nous parlait, au moment du débat en deuxième
lecture, d'un rapatriement des budgets. C'est exactement l'expression qu'il a
utilisée. Il nous parle aujourd'hui d'un rapatriement exclusif des
pouvoirs. M. le Président, il va falloir qu'il élucide cette
question-là. Est-ce que ce sont les pouvoirs dont il est question ou
est-ce que ce sont les budgets? Est-ce qu'il faut se fier à ce qu'il
nous a dit lorsqu'il a fait son discours en deuxième lecture ou à
ce qu'il nous dit aujourd'hui? Parce que, les budgets, ça veut dire
qu'on fait de la sous-traitance. Ça veut dire qu'on n'est pas le
maître d'oeuvre. Maître d'oeuvre, ça veut dire qu'on veut
avoir les pouvoirs.
M. le Président, encore là, on ne vit pas dans une tour
d'ivoire. C'est une coquille législative vide, ce projet de loi, si le
rapatriement n'aboutit pas. N'est-ce pas, M. le Président? On a les
chiffres, les tableaux des budgets qui se retrouvaient dans le mémoire
soumis par le ministre à ses collègues du Conseil des ministres,
et on voit très bien que c'est une structure qui serait misé en
place et qui, sans rapatriement, n'aurait, finalement, aucun effet. Alors,
où en est rendu le rapatriement? Les informations que, nous, nous avons,
M. le Président, sont à l'effet que le ministre s'est fait dire
oui, mais oui en partie. Oui pour le transfert des budgets en matière de
formation professionnelle, y compris, dit-on, en matière de mesures
proactives à l'assurance-chômage, qui totaliseraient autour de 334
000 000 $. Mais le ministre s'est fait dire non: non à la gestion de
l'assurance-chômage et non aux services d'emploi.
Ça veut dire quoi, M. le Président? Ça veut dire,
justement, le placement, l'évaluation, ce qu'on appelle le
«counseling» pour les sans-emploi. Vous savez ce que ça
signifie, ça. Ça signifie que, bien loin d'avoir un guichet
unique, c'est un troisième réseau que ça donnerait, ce
rapatriement à la pièce. Comment ça, M. le
Président? C'est que, d'abord, le ministre maintient son réseau
des centres Travail-Québec. Il s'en est expliqué. Vous savez
à quel point nous sommes en désaccord complet avec cette
décision-là de son gouvernement, mais le ministre a
décidé que les 225 000 sans-emploi aptes au travail qui sont
à l'aide sociale allaient continuer de tourner en rond dans les mesures
d'employa-bilité gérées par les centres
Travail-Québec; qu'il allait y avoir deux filières, au
Québec: la filière des sans-emploi qui ont droit à la
formation professionnelle et la filière des sans-emploi qui n'y auront
droit que si la Société contracte avec les centres
Travail-Québec, dépendamment des budgets qui seront votés
par le Conseil du trésor, un certain nombre de quotas.
On sait ce que ça donne maintenant, quand on pense que les
mesures d'employabilité sont offertes à, au plus, 8 % des
ménages à l'aide sociale. Alors, comment imaginer que les mesures
de formation professionnelle qui, elles, coûtent encore plus cher,
pourraient être offertes à plus de gens? Bon. Alors, il y a donc
une filière, une sorte de corridor qui consacre un Québec
cassé en deux: ceux qui sont déjà sans emploi et qu'on
laisse tomber dans les mesures d'employabilité et les personnes, en
emploi ou sans emploi, sur l'assurance-chômage, qui auront droit au
programme de formation de la Société.
Mais, là, M. le Président, en admettant le scénario
le plus plausible, qui est celui qui émane des officines
fédérales, on se retrouve avec un dédoublement du
réseau de la formation professionnelle ou, si vous voulez, du
réseau de la main-d'oeuvre - appelons-le réseau de la
main-d'oeuvre, ce serait plus approprié. On se retrouve avec un
dédoublement de ce réseau de la main-d'oeuvre, d'une part parce
que les centres d'Emploi et Immigration Canada vont rester sous juridction
fédérale, gérés par les caisses
d'assurance-chômage, avec des employés fédéraux, et
vont, sur le territoire du Québec, maintenir un réseau
parallèle. Et là le ministre va se faire transférer une
partie seulement des employés fédéraux. Est-ce qu'il
s'agit de 700 des 2000 employés fédéraux qui s'occupent de
ce qu'on pourrait appeler la main-d'oeuvre? C'est-à-dire, est-ce qu'il
s'agit seulement de ceux qui travaillent au niveau de la formation
professionnelle? Qu'est-ce qui arrive du transfert de ce qu'on peut appeler les
services d'emploi? N'oublions pas qu'au fédéral tout ça
est intégré. Il n'y a pas des employés qui font uniquement
de la formation professionnelle, puis d'autres qui font uniquement des services
à l'emploi. Les employés que j'ai consultés, moi, qui sont
sur le terrain, me disent que, finalement, ils font souvent un tiers de leur
temps pour la formation professionnelle, deux tiers pour ce qu'on appelle les
services à l'emploi, ou vice versa. Alors, comment ça va
être tranché, ça, M. le Président? Avez-vous
idée de l'imbroglio que ça va créer? Avez-vous idée
des coûts que ça va engendrer? Où est-ce qu'ils vont
être logés, tous ces gens-là?
Et, en plus, M. le Président, ça veut dire que rien n'est
résolu quant à la catégorisation de l'admissibilité
à la formation professionnelle, parce que c'est là où le
bât blesse. Quand on rencontre des gens sur le terrain, ce qu'ils nous
disent, autant pour ceux qui ont à dispenser des cours au cégep
dans les régions que pour ceux qui ont à en dispenser dans les
commissions scolaires, c'est à quel point ils s'arrachent les cheveux,
incapables de former des groupes qui répondent aux critères de
ceux qui financent. Si c'est les programmes de l'assurance-chômage, les
critères sont à l'effet que ne peuvent être admissibles que
des prestataires de l'assurance-
chômage. Alors, imaginez la difficulté de constituer des
groupes qui répondent à des critères comme ceux-là!
Il y a aussi les critères des programmes qui sont dévolus aux
entreprises. Et là c'est une sorte de multiplication de critères
qui font qu'au bout de la ligne les cégeps ou les commissions scolaires
- en région en particulier, peut-être plus que dans les grands
centres - ont toutes les misères du monde - et ils n'y arrivent souvent
pas - à constituer un groupe suffisant des 15 étudiants requis
pour donner le cours, non pas parce qu'il n'y a pas des gens qui aimeraient le
suivre mais parce qu'ils n'ont pas la bonne couleur de chèque. Et,
ça, ça ne vient en rien régler, ça ne solutionne
pas du tout, parce que, même en obtenant la gestion des mesures
proactives d'assurance-chômage, les cours vont devoir être
dédiés à ceux pour qui l'assurance-chômage est
versée, parce que la caisse d'assurance-chômage est actuellement
financée uniquement par les employeurs et les employés. Et c'est
le bon vouloir de la caisse d'assurance-chômage qui déterminera,
possiblement, un certain nombre de quotas de personnes, mais des quotas qui
tournent, imaginez-vous, autour de 1000, 1500, 1800 personnes par année
au Québec, sur un total de centaines de milliers de sans-emploi qui ont
fini leur chômage puis qui sont rendus à
l'assistance-chômage qu'est devenue l'aide sociale.
Alors, M. le Président, il faut comprendre que le projet de loi
408 ne vient pas clarifier, élucider, solutionner tout ça, il
vient peut-être même aggraver le problème. Il vient
peut-être même l'aggraver, parce qu'il va venir consacrer un
troisième réseau. Actuellement, on n'a absolument aucune
indication que l'enchevêtrement puis le dédoublement vont se
trouver à être solutionnés. Au contraire, ce qu'on craint
le plus - pas juste nous, M. le Président, mais aussi les personnes qui
connaissent ça, qui sont concernées, qui donnent des services -
c'est, finalement, la multiplication des problèmes. (12 heures)
Et, M. le Président, ai-je besoin de vous dire à quel
point le projet de loi ne vient en rien améliorer ce que le ministre
appelle «un meilleur arrimage» entre les milieux de travail et les
milieux de l'enseignement professionnel? La seule façon d'arriver
à ce meilleur arrimage, ce serait par une vraie réconciliation
des ministères de l'Éducation et de la Main-d'oeuvre. Comment
imaginer l'arrimage, M. le Président, lorsqu'il n'y a même pas de
réconciliation entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre? Et c'est
ça, l'enjeu, le vrai enjeu! Si on était - je le
répète - une société normale, c'est à
ça qu'on s'attaquerait en priorité. Comment faire pour que
l'entreprise et l'établissement scolaire, comment faire pour que
l'éducation et les affaires, ça soit intimement associé
dans un projet commun de formation?
M. le Président, nous avons reçu de très,
très, très nombreuses représentations pour de- mander des
changements importants au projet de loi. Je veux évidemment faire
état immédiatement de ces modifications qui nous sont
demandées par des organismes représentant les régions et
qui exigent du gouvernement du Québec la reconnaissance, dans le cadre
de la loi 408, du principe d'une participation effective des acteurs locaux et
régionaux dans toutes les phases du développement des
compétences de la main-d'oeuvre, en créant des corporations
régionales autonomes investies des pouvoirs d'orientation, de
décision et de gestion nécessaires, et ce, en synergie avec
l'ensemble des partenaires régionaux.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: En conclusion, M. le Président, nous avons
l'intention de soumettre à l'attention de cette commission les
amendements qui nous ont été soumis par des dizaines d'organismes
qui réclament justement un véritable partenariat, non pas
simplement pour les acteurs habituels mais pour ceux et celles qui doivent
faire irruption dans les programmes de formation. Nous allons présenter
des amendements, M. le Président, à l'attention de cette
commission, pour obtenir une meilleure responsabilisation des acteurs
régionaux à cette politique de formation professionnelle.
Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Bourbeau: II doit me rester deux ou trois minutes?
Le Président (M. Marcil): Oui, il vous reste du temps,
parce que vous ne l'avez pas pris au complet.
Mme Harel: Non? Oui?
M. Bourbeau: Je ne l'ai pas pris au complet.
Le Président (M. Marcil): Non? Ah! Selon le
règlement, vous avez droit à une seule intervention. Vous ne
pouvez pas intervenir, à moins qu'il n'y ait consentement.
M. Bourbeau: C'est parce que la députée me posait
des questions, puis elle est intéressée...
Mme Harel: ii aura l'occasion de le faire, m. le
président. si je consens, moi, je vais demander le consentement aussi,
pour avoir le même temps.
M. Bourbeau: Bien, c'est parce qu'on n'a pas parlé pendant
la même longueur de temps, là. Vous avez parlé plus
longtemps que moi.
Le Président (M. Marcil): Donc, il n'y a pas
consentement.
M. Bourbeau: Mais, M. le Président, une question,
là...
Mme Harel: Je suis prête à donner le consentement
à la condition qu'il y ait le consentement pour un temps
équivalent pour l'Opposition.
Le Président (M. Marcil): Ce n'est pas tellement sur le
temps, Mme la députée, c'est sur le principe...
Mme Harel: C'est ça.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux dire un
mot?
Le Président (M. Marcil): ...à savoir si les gens
veulent intervenir. Si vous voulez faire des échanges...
Mme Harel: Je suis prête à donner le consentement
sur le principe si le même consentement nous est donné pour
l'Opposition.
M. Bourbeau: M. le Président, là, agissant comme un
leader qui est sur une question de règlement, vous me permettez de dire
un mot? C'est une question de règlement.
Le Président (M. Marcil): Oui, oui, certainement.
M. Bourbeau: Bon. Je ne suis pas un expert de la
procédure. J'étais sous l'impression que chaque parti avait 20
minutes lors des interventions. Alors, on me dit qu'on n'a pas 20 minutes
chacun. La députée a parlé 20 minutes; moi, je n'ai pas
droit à 20 minutes. C'est ça, votre...
Le Président (M. Marcil): Le règlement dit, M. le
ministre, que les remarques préliminaires, c'est 20 minutes, sauf que
vous ne pouvez intervenir qu'une seule fois en remarques préliminaires.
Si un député n'utilise que 10 minutes, donc, il a utilisé
10 minutes. À moins que les parties ne conviennent qu'on puisse
intervenir, de part et d'autre, sur les choses, moi, je vais disposer de votre
consentement.
M. Bourbeau: M. le Président, sur la...
Le Président (M. Marcil): Donc, il semble que Mme la
députée soit consentante, à la condition qu'elle puisse
intervenir par la suite.
M. Bourbeau: Toujours sur la question de règlement, M. le
Président, là, pour qu'on s'entende sur la procédure,
étant donné qu'on reconnaît, tout le monde, de part et
d'autre, que le temps passe et qu'il faut agir rapidement. Je devrais consentir
à ce que l'Opposition parie deux fois 20 minutes, alors que, 20 minutes,
c'est déjà beaucoup. La seule raison pour laquelle je vous
demandais de pouvoir utiliser les minutes que je n'ai pas utilisées,
c'est que la députée de Hochelaga-Maisonneuve a posé
certaines questions, et elle semblait intéressée à avoir
les réponses. Alors, moi, je serais disposé à lui donner
des réponses, mais, si elle ne veut pas les entendre, je vais renoncer
à prendre la parole. C'est tout.
Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le ministre.
Lorsqu'on parie des remarques préliminaires, tous les
députés membres de la commission pourraient utiliser 20 minutes
en remarques préliminaires. Donc, c'est dans ce sens-là.
Maintenant, je vais reconnaître le député
d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président, je tiens à faire
des remarques préliminaires parce que, comme le ministre responsable de
la loi l'a mentionné tantôt - je l'ai écouté
très attentivement, et ce n'est pas la première fois que je fais
cette erreur-là, de l'écouter attentivement - il a indiqué
qu'effectivement c'était un projet de loi important, majeur, majeur et
important sûrement par la question qu'il touche; majeur et important par
son contenu, ça, c'est une autre affaire. Et, effectivement, nous aurons
plusieurs heures pour en débattre. Mais, en remarques
préliminaires, je voudrais quand même m'appuyer sur le point de
vue de plusieurs organismes qui pensent la même chose que nous, ce qui
signifie qu'on ne doit pas être si dans l'erreur que ça, lorsque
le nombre d'intervenants et de groupes se multiplient pour indiquer: M. le
ministre, il va falloir que vous corrigiez votre tir à plusieurs
égards. Et je reprends là où ma collègue a
laissé, avant de faire une intervention plus liée aux questions
éducatives complètement absentes de son projet de loi.
Il y a plusieurs intervenants qui nous ont indiqué une
série d'amendements qu'ils voulaient voir apporter au projet de loi 408.
Alors, quand le ministre dit: On va devoir travailler longuement,
évaluer article par article, c'est évident, sauf que c'est un peu
par dépit que des intervenants disent: Écoutez, il va falloir que
vous corrigiez l'article 16, et les articles 19 et 22, et il va falloir que
vous me donniez ma place; c'est un peu par dépit devant l'absence de
réalisme de ce gouvernement-là sur le problème majeur.
Et là j'y vais tout de suite au niveau de mon intervention. Une
des phrases importantes que le ministre a soulignée dans ses remarques
préliminaires, il a indiqué, et je le cite: apporter «une
meilleure coordination» - disait-il - entre les différents
secteurs liés à la formation
professionnelle et à la main-d'oeuvre. Et il ajoutait: II y a
trop de programmes actuellement, de toutes sortes, et il y a probablement trop
d'intervenants. H n'avait pas tort. Il n'avait probablement pas tort en soi,
mais quand l'exemple vient d'aussi haut que du gouvernement, où la
première coordination qui serait requise dans un débat aussi
important n'existe pas - et ça a été noté par
combien d'intervenants - bien, là, il y a un problème majeur, et
c'est de celui-là que je veux vous parler.
On a beau le regarder, on n'a même pas besoin de se forcer, toutes
sortes d'instruments, d'éléments et de documents nous tombent
naturellement sous la main. J'en cite un, à titre d'exemple. Hier, la
chambre de commerce rencontrait l'Opposition officielle - est-ce qu'elle a
rencontré le gouvernement? c'est possible - dans une rencontre annuelle,
comme ils le font d'habitude, mais une rencontre quand même assez courte
où, règle générale, ils essaient de sérier
les sujets sur lesquels on va avoir des échanges, compte tenu du peu de
temps que nous avons. Donc, ils y vont avec des sujets majeurs et importants.
Pensez-vous qu'ils n'ont pas parlé du projet de loi 408 du ministre de
la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu? Je comprends qu'ils
en ont parlé! Est-ce qu'ils en ont parlé en termes très
élogieux, en termes très positifs? Non, je suis obligé de
vous dire qu'ils ont dit ceci: Le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a
initié l'an dernier une intéressante démarche de
consultation. - Je n'en disconviens pas. Bon démarrage, excellent! -
Enfin, le gouvernement décide de faire semblant qu'il s'occupe d'une
question majeure, importante, qui est d'avoir une formation professionnelle
plus signifiante, qui réponde plus aux besoins de l'industrie, qui soit
plus en relation avec les formateurs, les milieux de l'éducation - on
pensait que ce serait ça, mais on tourne la page - heureux de participer
à ça. Et ainsi de suite, bon. En rendant public son
énoncé de politique, d'ailleurs très incomplet, le jour
même où il déposait un projet de loi instituant une
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, le ministre a démontré où était sa
préférence et ce qu'il privilégiait - et non seulement il
l'a démontré... Moi, je l'ai entendu de mes oreilles; j'y
reviendrai tantôt, mais je finis leur phrase - a démontré
ce qu'il privilégiait, c'est-à-dire de grands moyens pour
atteindre des objectifs que, nous, nous jugeons très partiels,
très limités et énormément douteux quant à
la finalité, dans le sens de les atteindre. - Ce n'est pas moi qui
parle, c'est leurs amis de la chambre de commerce. - De grands moyens, parce
que le gouvernement, plutôt que d'améliorer et de consolider les
structures et les institutions existantes - là, ils font la liste; je
vous en fais grâce - a décidé de créer une nouvelle
structure, une nouvelle patente admi- nistrative où, effectivement,
ça peut être pas mal plus gros qu'on ne le souhaite, de mettre pas
mal plus d'énergie dans des conflits, dans des tensions et dans de la
structurite, mais pas de mettre beaucoup de temps ni d'argent. Ça, ce
n'est pas nouveau. On va revenir tantôt sur l'argent, parce que, quand
c'est rendu que tous les jeunes... (12 h 10)
Le Conseil permanent de la jeunesse vous dit, ces temps-ci, et avec
raison: Arrêtez donc d'avoir deux discours! Même si un des
collègues est capable de faire des «jokes» là-dessus,
ceux qui parlent le plus des deux côtés de la bouche, le Conseil
permanent de la jeunesse, il vous l'a dit qui parlait des deux
côtés de la bouche: c'est ce gouvernement-là. Il y a autant
de discours qu'il y a de monde, puis ils sont aussi contradictoires les uns que
les autres. Ça ne fait pas des enfants forts, comme politique,
ça. Et le Conseil permanent de la jeunesse a été
très clair. Il a dit: Écoutez - tu liras les journaux, mon cher
collègue - on ne peut pas constamment avoir le discours que le moment
est venu de faire un virage important en éducation au Québec,
puis constamment couper les programmes et ne pas donner les ressources
requises.
Alors, moi, je continue à donner l'exemple que je disais, de la
chambre de commerce: Mais, chose beaucoup plus grave, de notre point de vue -
notre point de vue étant celui de la chambre et non pas de celui qui
vous parle - l'initiative ne paraît répondre qu'à une seule
dimension du problème actuel de la formation professionnelle, soit le
volet social. Nous partageons cet objectif. C'est important, dans une politique
de la main-d'oeuvre, d'être conscient qu'on est rendu à 200 000,
250 000, 300 000 travailleurs et travailleuses qui sont exclus des programmes
de main-d'oeuvre. Je veux dire que ça n'a pas de bon sens. Est-ce que
c'est le projet de loi 408 qui va régler le problème? Bien, non,
ma collègue l'a illustré: il y en a encore 250 000 qui sont sur
le carreau.
Mais, fondamentalement, ce que la chambre de commerce voulait illustrer,
et ce que je veux illustrer, encore une fois, ce matin, c'est que votre beau
principe d'une meilleure coordination, il devrait commencer dans votre cour, au
gouvernement du Québec, et faire sentir que, dans ce
gouvernement-là, il y a un peu plus de coordination, il y a un peu plus
d'harmonisation entre les gens les plus touchés par la question majeure
dont on discute ce matin: une véritable politique de la main-d'oeuvre,
très articulée et très axée sur les
véritables besoins, mais en y associant les gens les plus
concernés.
Selon les porte-parole des milieux d'affaires, l'absence totale de
concertation entre ministères a, jusqu'à maintenant, largement
contribué à paralyser la formation professionnelle au
Québec. C'est ça, le drame. Moi, quand je suis porte-parole de
l'Opposition officielle et que,
jour après jour, je sais qu'il n'y a que 15 000 jeunes au
Québec en formation professionnelle, j'en perds mon latin. C'est un
drame de société. Ça n'a pas de bon sens! C'est ça,
la réalité. Il n'y a que 15 000 jeunes sur 500 000 jeunes au
Québec - je ne parle pas des adultes; ce n'est pas parce que le
gouvernement a trouvé une combine pour intégrer jeunes et
adultes, puis dit qu'on est passé à 70 000 que je vais tomber
dans le panneau - des jeunes du secondaire, il n'y en a que 15 000. On
était, dans les pires années, dans notre temps, aux alentours de
70 000. Ah! On se faisait dire: Oui, mais, écoutez, vous autres, votre
formation professionnelle n'était pas qualifiante, elle ne
répondait pas aux besoins de l'industrie. Mais il y avait 26 % de
décrochage, il n'y en avait pas 40 %. Et j'aime mieux une formation
peut-être moins huppée, moins du niveau de la bureautique, de
l'aréonautique puis de l'informatique pour tout le monde, sous
prétexte que tout le monde peut passer par des écoles
spécialisées, puis j'aime mieux que nos jeunes en aient un petit
peu, de formation professionnelle, parce que le lot du Québec des
régions, ce n'est quand même pas toujours l'aéronautique
sur la Rive-Sud puis à Longueuil. Bravo! Bravo pour la performance du
Québec dans le domaine de l'aéronautique! Bravo!
sincèrement, mais les jeunes de Dupuy, de La Reine puis de 50
municipalités au Québec, même si je voulais, demain matin,
qu'ils soient tous sur la Rive-Sud pour travailler pour des grandes firmes dans
le développement de l'aéronautique, je ne peux pas rêver,
moi. Je ne peux pas rêver à tous les jours, surtout pas de ce
temps-ci. Alors, parce qu'on n'a pas le droit de rêver à tous les
jours, bien, il faut être conscient de ces
réalités-là.
Est-ce que je sens, M. le Président, que, dans le projet de loi
408, ces réalités-là sont prises en compte? Pas une
minute! Pourquoi n'ont-elles pas été prises en compte? Le
ministre le dit haut et fort: Moi, je ne veux rien savoir de la formation
professionnelle. Ça ne me regarde pas. Moi, je suis ministre de la
Main-d'oeuvre. Il l'a dit haut et fort. J'étais là, il l'a
répété trois fois...
M. Bourbeau: Ce n'est pas vrai, M. le Président.
M. Gendron: C'est complètement exact. Je pourrais citer le
texte des galées, mais je ne peux pas traîner les
galées.
M. Bourbeau: Ce n'est pas exact. M. Gendron: Si ce n'est
pas exact, là... Le Président (M. Marcil): M. le
ministre...
M. Gendron: ...il y en a d'autres qui pensent la même chose
que moi, M. le Président:
Formation, Bourbeau n'a rien compris. Ce n'est pas moi qui le dis.
M. Bourbeau: L'enseignement professionnel...
M. Gendron: Les commissions scolaires exigent...
M. Bourbeau: ...j'ai dit; pas la formation.
M. Gendron: ...d'être associées à la
réforme. Oui...
M. Bourbeau: L'enseignement, ce n'est pas la même
chose.
M. Gendron: Oui, mais une formation professionnelle, je le sais,
j'ai enseigné pendant 10ans, m. le président...
M. Bourbeau: Ça ne paraît pas.
M. Gendron: Une formation professionnelle adéquate et
significative passe, dans 95 % des cas, par de l'enseignement professionnel de
qualité. Le ministre n'a pas eu l'air de comprendre ça. Lui, il
dit: Je ne m'occupe pas d'enseignement professionnel. Ça, c'est le
ministre de l'Éducation. Allez voir comment ils vivent ensemble, le
ministre de la Main-d'oeuvre puis le ministère de l'Éducation.
C'est des tiraillements perpétuels, c'est des chicanes à n'en
plus finir qui, comme par hasard...
M. Bourbeau: Tu exagères!
M. Gendron: ...se traduisent toujours à la même
place. C'est les concernés qui paient pour. C'est les concernés
qui sont pénalisés. J'exagère? Je pourrais, encore
là, déposer des lettres de batailles épistolaires avec
l'ex-titulaire, parce que, lui, il en envoyait, des épîtres de
l'Évangile; 11 en avait, des lettres. 17 pages, 18 pages, ça,
c'était une lettre moyenne où, essentiellement, pendant 17 pages,
il disait: ça n'a pas de bon sens, puis je n'endurerai pas ça,
puis je vais garder une structure forte à l'education, qui va s'occuper
de formation professionnelle. et il parlait de formation professionnelle parce
que, lui, il avait compris que l'enseignement professionnel, c'est lié
à la formation professionnelle.
Le ministre actuel de la Main-d'oeuvre, lui, il a dit: Non, non. Moi, je
ne m'occupe pas de ça. Je m'occupe de main-d'oeuvre puis de formation
professionnelle. L'enseignement professionnel, c'est mes deux collègues;
c'est la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science - science
et techno - puis c'est le ministre de l'Éducation. Je veux bien, mais
avec quels outBs et quels moyens? Vous faites quoi, comme gouvernement? Vous
êtes membre du même gouvernement, vous assistez à certaines
réunions du Conseil des ministres - j'espère - et, à
un
moment donné, on a parlé de couper dans la formation
professionnelle; si vous avez parlé, vous n'avez pas parlé fort,
ou vous n'avez pas grande influence, ça n'a pas changé. Les
coupures ont eu lieu puis, actuellement, pour la première fois au
Québec, en 1992, on va voir un certain nombre d'adultes qui vont se
présenter au niveau des commissions scolaires pour recevoir une
meilleure formation professionnelle. Ils vont se faire dire, à partir de
septembre: Nous ne pouvons pas vous prendre, madame, nous ne pouvons pas vous
prendre, monsieur, l'enveloppe de l'éducation des adultes en formation
professionnelle est fermée.
C'est ça, la réalité. C'est ça que le
Conseil permanent de la jeunesse vous a dit, les beaux «faiseux» de
discours. Ils vous ont dit: Écoutez, vous ne pouvez pas, toute votre
vie, parler des deux côtés de la bouche, avoir deux discours:
couper graduellement 1 000 000 000 $ en éducation dans les dix
dernières années, puis «nous allons refaire de
l'éducation une priorité au Québec». Voyons donc! Ce
n'est qu'un discours. Et, aujourd'hui, le ministre nous dit: Moi, j'ai
trouvé la solution pour régler les problèmes du
développement de la main-d'oeuvre. Le mot
«développement» veut dire: avoir un maximum d'énergie
et d'argent pour s'assurer que les formateurs donnent la meilleure des
formations possible et sont dans le portrait.
Pourtant, la même chambre de commerce vous disait ce que je vous
ai dit tantôt. Lisons un autre paragraphe: De plus, il faut
intégrer les éducateurs à la démarche de la
formation professionnelle si on veut parler d'une véritable formation
globale et non d'un recyclage mitigé, étroit, qui laisse
inévitablement notre main-d'oeuvre à la merci des changements
technologiques dont le rythme s'accroît sans cesse ont
déclaré les représentants des organismes d'affaires.
Question, dans mon commentaire, mais je ne veux pas nécessairement de
réponse. On l'a eue, la réponse. Je l'ai eue trois, quatre fois.
La question, c'est: À quel endroit, précisément, du projet
de loi le ministre pourrait me renvoyer, puis dire: Bien, M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous errez, parce qu'aux articles 17, 22,
47 - c'est des exemples que je donne - vous trouvez là des
mécanismes qui vont favoriser et, concrètement, vont impliquer
les formateurs, tous ceux qui oeuvrent en formation professionnelle pour faire
une meilleure main-d'oeuvre, plus qualifiée? Je regrette, je m'excuse,
mais, d'aucune façon, lecture après lecture, je n'ai pu trouver
une ligne, dans le projet de loi 408, où nous aurions la garantie de
cette nécessaire intégration, cette garantie que les formateurs
sont associés. Je ne peux pas, moi.
Et, encore là, on pourra faire les gorges chaudes qu'on voudra,
mais les meilleurs «identificateurs» des vrais besoins de formation
pour l'industrie, je regrette, mais c'est les professeurs de formation
professionnelle qui, constamment, sont dans les milieux. La semaine
passée, je jasais avec trois profs qui enseignent au niveau de la
formation professionnelle. Ils ont passé leurs deux dernières
semaines, justement, dans la région de Saint-Jérôme puis
dans la région de la Rive-Sud pour prendre contact avec des
entrepreneurs, des firmes qualifiées qui, effectivement, se
spécialisent dans des créneaux sur lesquels le Québec doit
continuer à performer. Ils venaient faire quoi? Ils venaient se
sensibiliser correctement aux besoins précis de l'industrie pour offrir
éventuellement de meilleurs débouchés aux jeunes, qui
devraient davantage choisir la formation technique au collégial et
choisir la formation professionnelle au secondaire. (12 h 20)
Pensez-vous qu'il y ait des dispositions précises, dans la loi
408, qui vont avoir cet objectif de relance, de motivation au trop petit nombre
de jeunes qui ne font pas le bon choix, actuellement? Bien non! C'est une
patente bureaucratique, technocratique, qui va coûter une fortune,
où les tiraillements vont être terribles. Puis tout le monde l'a
avisé. Ma collègue l'a signalé tantôt.
Écoutez, je pense qu'on est rendu à 50 organismes qui
réclament des amendements, une cinquantaine d'organismes qui disent: M.
le ministre, vous n'avez pas compris bien des affaires, est-ce qu'il y a moyen
de vous ajuster? Y a-t-il moyen de vous faire comprendre que votre future
société de la main-d'oeuvre, Untel n'accepte pas d'en être
écarté, un autre n'accepte pas de ne pas être compris dans
l'enjeu principal qu'une meilleure formation de la main-d'oeuvre doit passer
par une meilleure formation professionnelle?
Autrement dit, les alertes, les cris au secours, ils viennent de toutes
parts. Puis, le ministre de la Main-d'oeuvre dit: Écoutez, on a de
l'ouvrage à faire, on a assez perdu de temps, j'ai trouvé la
solution, c'est une nouvelle structure. Si on regarde l'UMRCQ, qu'est-ce
qu'elle vous a dit de votre nouvelle structure? Que c'est peut-être la
structure la plus centralisatrice qui existe. L'UMRCQ, depuis un an et demi,
sur toutes les tribunes, parle de décentralisation et d'impliquer les
communautés locales et régionales. Est-ce que les
communautés locales vont être bien impliquées dans la
nouvelle Société québécoise nationale, avec des
répondants régionaux, bureaucratisés,
spécialisés, conflictuels avant même de commencer? Bien,
ils doivent voir ça différemment du ministre, puisque leur cri
d'alarme, ils l'ont lancé dernièrement. En fin de semaine
dernière, ils avaient un colloque là-dessus, puis ils ont dit que
ça ne répondait pas à nos objectifs.
Non, essentiellement - parce que je ne veux pas être plus long
là-dessus dans mes remarques préliminaires, M. le
Président - ce que je voulais signifier, c'est que nous ne sentons pas
ce qui devait être une ligne de force continue, majeure, fondamentale,
c'est-à-dire une harmonisation
visible, observable dans le projet de loi, qui nous permettrait
d'arriver et de dire à des gens intéressés par ces
questions-là: Oui, on l'a vu qu'il y avait des problèmes de
non-harmonisation et, dans le projet de loi, le ministre y a vu. Il a mis ses
culottes, et il a essayé de régler un certain nombre de
disparités, de conflits... qui vont faire qu'on va parler beaucoup plus
de structures, puis sans avoir les moyens de sa politique. Moi, j'ai appris, M.
le Président, que, de temps en temps, il faut, dans une politique, avoir
ce qu'on appelle les moyens de sa politique. Et, si nous ne les avons pas, il
faut les prendre. Il faut prendre les moyens requis pour s'assurer que les
objectifs qu'il définissait au tout début, d'entrée de jeu
- puis, ça, c'était correct - il faut avoir la garantie d'en
atteindre un certain nombre.
Or, l'objectif visé est d'avoir une meilleure harmonisation et
une coordination plus grande entre tous les intervenants qui oeuvrent dans le
milieu de la formation professionnelle, dans le but d'avoir une main-d'oeuvre
plus qualifiée. On ne sent pas que ces gens-là ont
été mis dans le coup. On ne sent pas que ces
intervenants-là sont partie prenante de la réforme, et on sent au
contraire beaucoup d'écueils, beaucoup de questions qui,
immanquablement, auront comme conséquence de créer des
difficultés majeures par rapport aux nobles objectifs qu'on se doit
d'avoir quand on parie d'une meilleure formation professionnelle.
En conclusion, M. le Président, je ne dis pas que d'avoir
levé le lapin de la question n'est pas pertinent, au contraire.
Pertinent! Ça fait sept ans que tous les intervenants disent à ce
gouvernement-là: Quand est-ce que vous allez vous occuper du drame
numéro un? Le drame numéro un, c'est que l'ensemble de la
main-d'oeuvre québécoise n'est pas assez qualifiée...
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le
député.
M. Gendron: ...oui - pour occuper les créneaux d'emplois
qu'on voit percevoir à l'horizon, dans le tunnel. En conséquence,
il faut prendre les moyens pour y arriver, puis, dans 408, je ne vois pas les
moyens pour arriver à une meilleure harmonisation entre les
différents intervenants liés aux questions de la formation
professionnelle.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui ont des remarques préliminaires? Non.
Une voix: Qu'on appelle l'article 1.
Étude détaillée Le Président (M. Marcil):
Donc, à ce moment-là, je vais appeler l'article 1. M. le
ministre.
Institution et organisation
M. Bourbeau: M. le Président, cet article prévoit
l'institution d'un nouvel organisme, la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
Relativement à la dénomination de ce nouvel organisme, les
partenaires que nous avons consultés à la conférence
permanente sur le développement de la main-d'oeuvre ont signifié
une nette préférence pour le terme
«développement» de la main-d'oeuvre plutôt que pour le
terme «adaptation» de la main-d'oeuvre qu'on aurait pu aussi
suggérer comme nom pour nommer la société
québécoise qui s'occupera de la main-d'oeuvre. Le mot
«adaptation» a une consonnance péjorative du fait que
l'adaptation est associée aux mesures d'adaptation conçues dans
des situations de crise ou de fermeture d'entreprises, alors que le mot
«développement» est un mot qui est plus dynamique.
M. le Président, nous voulons instaurer cette
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. J'ai dit tout à l'heure, dans mes remarques d'ouverture,
pourquoi nous voulions le faire. J'ai fait, dans mes remarques d'ouverture,
tout à l'heure, une rétrospective des objectifs que nous
recherchions lorsque nous avons présenté la politique de la
main-d'oeuvre. Et j'ai, bien sûr, parlé des trois premiers
objectifs, ou de trois objectifs pour, finalement, en arriver au dernier
objectif - pas le dernier dans les priorités, mais dans mes commentaires
- qui est l'instauration d'un véritable partenariat. Ça a
donné lieu, M. le Président, à des remarques de
l'Opposition officielle, y compris celles qu'on vient d'entendre de la part du
député d'Abitibi-Ouest qui s'est permis, M. le Président,
dans son allocution de tout à l'heure, des allusions à mon
endroit qui ne sont absolument pas conformes à la
réalité.
C'est facile, M. le Président, pendant 20 minutes, de faire le
beau parleur, de faire le moralisateur, de dire ce que le gouvernement devrait
faire. Il y a eu des constats qui ont été faits, mais qui ont
été faits par le député, comme par la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui ne sont pas
nécessairement irréalistes. C'est vrai qu'il y a des
problèmes dans l'éducation au Québec. Nous le
reconnaissons également. Ma collègue, la ministre responsable de
l'Enseignement supérieur et de la Science, a convoqué une
commission parlementaire pour le mois de novembre prochain pour discuter,
justement, de l'avenir des cégeps, des problèmes auxquels est
confronté ce niveau de l'enseignement professionnel. C'est vrai qu'au
Québec il y a un nombre insuffisant d'étudiants
enregistrés dans le système d'enseignement professionnel au
secondaire.
M. le Président, c'est un peu paradoxal
d'entendre le député d'Abitibi-Ouest venir nous faire la
morale, ici, alors que nous sommes justement en train de poser des gestes, qui
ne sont pas complets, bien sûr, mais qui vont dans la direction de tenter
de régler des problèmes, qui vont permettre de régler une
partie des problèmes. Le député aurait voulu - et c'est
facile de le dire, M. le Président - que nous tentions dans un seul coup
de régler tous les problèmes, de l'enseignement professionnel, de
la main-d'oeuvre, probablement aussi du marché du travail et des
relations de travail, puisque c'est ce que réclamaient plusieurs des
intervenants.
M. le Président, ça aurait été tomber dans
le panneau que d'accepter les demandes du député d'Abitibi-Ouest,
parce que le député sait fort bien que c'est une tâche
tellement large et tellement importante que nous n'aurions pas pu y arriver,
même si nous avions tenté de le faire pendant un grand nombre
d'années. D'ailleurs, le gouvernement qui nous a
précédés n'y est pas arrivé. On a tenté
pendant plusieurs années d'accoucher d'une large politique englobant
tout le secteur de l'éducation, de la main-d'oeuvre et des relations de
travail, et on est arrivé à zéro, M. le Président.
Alors, nous, nous sommes d'avis qu'on est mieux de procéder par
étapes. Qui trop embrasse mal étreint, dit-on.
Le député d'Abitibi-Ouest s'est permis tantôt de
dire à mon sujet, par exemple, M. le Président, que j'aurais dit
que je n'étais pas intéressé par la formation
professionnelle, que ça ne me concernait pas, la formation
professionnelle, a-t-il dit. Le député sait fort bien que c'est
faux, M. le Président. Je suis le ministre responsable de la formation
professionnelle, et j'ai dit à plusieurs reprises, en commission
parlementaire, que mes responsabilités ministérielles
n'englobaient pas l'enseignement professionnel, ce qui est totalement
différent. Ah! C'est facile de prendre les paroles d'un ministre, de les
déformer, et de dire: Le ministre n'est pas intéressé par
la formation professionnelle. Ça ne le concerne pas. Quand j'entends le
député d'Abitibi-Ouest venir répéter comme
ça, M. le Président, à mon endroit, que je ne
m'intéresse pas à la formation professionnelle, et quand je vois
la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui se bidonne sur son
siège quand le député me prête des paroles
semblables, ça me fait penser à cette phrase de Rudyard Kipling,
qui disait: Si tu peux supporter d'entendre tes paroles travesties par des
gueux pour exciter des sots... Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est Kipling,
mais c'est la réalité, M. le Président. On travestit mes
paroles et, après ça, on tente de faire croire aux gens que le
ministre responsable de la formation professionnelle n'est pas
intéressé par la formation professionnelle, ce qui est
parfaitement ridicule. Il n'y a personne qui va croire ça.
Alors, M. le Président, je vous réfère aux
galées de la commission parlementaire. Vous verrez que j'ai fait
continuellement la distinction avec la responsabilité de l'enseignement
professionnel, qui n'est pas la mienne. Ça ne veut pas dire que
ça ne m'intéresse pas, mais ce n'est pas ma responsabilité
ministérielle. Et j'ai dit que, dans la politique de main-d'oeuvre, on
s'attaquait à une partie du problème. J'ai toujours dit, et je
répète, qu'il y a un problème dans l'éducation, il
y a un problème dans l'enseignement professionnel. Il va falloir qu'on
s'y attaque rapidement, mais, M. le Président, j'aime autant
procéder par étapes et régler les problèmes un par
un que d'ergoter pendant des semaines et des semaines et ne rien faire du tout.
M. le Président, c'est l'article 1.
M. Houde: Je voudrais confirmer ce que le ministre vient de dire.
J'étais présent lorsqu'il a dit qu'il faisait une distinction
entre les deux.
M. Gendron: Ah! L'immortel...
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît,
là...
M. Gendron: Je vais aller chercher le document.
M. Houde: Ah! J'y étais, je l'ai écouté.
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!
M. Gendron: Je peux confirmer que je l'ai entendu de mes
oreilles.
M. Houde: J'étais, ici, à côté de
lui.
Le Président (M. Marcil): II faut toujours prendre-Une
voix:...
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
député de... (12 h 30)
M. Gendron: II l'a répété, ça ne me
dérange pas. Moi, je l'ai entendu, alors.
Le Président (M. Marcil): MM. les députés.
Bon. O.K. Il faut prendre la parole d'un député, ici, s'il vous
plaît. Moi, je tiens à présider cette commission dans
l'ordre et je n'accepterai pas que n'importe qui puisse intervenir sans qu'il
ait eu la permission d'intervenir par le président. J'espère que
c'est assez clair. Merci.
Toujours sur l'article 1, Mme la députée.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. le
Président, nous sommes ici devant un beau cas d'évolution de la
pensée ou, peut-être, de l'expression de la pensée d'un
ministre. La lecture du compte rendu de notre commission parlementaire nous
permettrait, je pense, de constater que, effectivement, le ministre avait
déclaré que la formation professionnelle ne le concernait
pas, mais en confondant avec l'enseignement professionnel. Il est vrai
également que, le jour suivant, après avoir été
interpellé par l'Opposition sur cette question, il avait, finalement,
fait amende honorable en établissant la distinction que le
député de Berthier vient de nous rappeler.
Ceci dit, le problème reste entier. Le problème reste
entier. Que ce soit l'enseignement professionnel qui ne le concerne pas
plutôt que la formation de la main-d'oeuvre, il y a un problème,
quand on parle de formation professionnelle, de se faire dire que c'est
complètement distinct, étranger à l'enseignement
professionnel, quand on pense qu'il y a 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre
québécoise qui connaissent des problèmes
d'analphabétisme fonctionnel. Ça relève de qui, ça?
Ce sont pourtant des employés dans les usines, les ateliers, les
entreprises, et il s'agit d'analphabétisme. Donc, on pourrait penser
qu'il s'agit d'abord d'enseignement de base, justement, de ces matières,
comme le français ou le calcul, qui peuvent permettre, à un
moment donné, à un employé de s'ajuster à des
changements technologiques qui surviennent dans l'entreprise, de lire les
directives qui lui sont transmises, de faire, éventuellement, même
les calculs qui lui sont exigés. Alors, ça concerne qui?
On va le reprendre, l'exemple, M. le Président, pour se demander
si on est allé au coeur des problèmes de notre
société. J'ai rencontré, il y a peut-être deux ou
trois semaines, juste avant qu'on débute la session intensive, les
représentants de Shell dans l'est de Montréal. Ils me faisaient
valoir qu'après avoir offert à certains de leurs employés
- en fait, il s'agit d'une filiale qui est située sur la rue Notre-Dame,
dans l'est - de suivre des cours de formation professionnelle et devant la
réticence de certains d'entre eux, ils étaient allés un
peu plus loin et s'étaient rendu compte que cette
résistance-là venait du fait que ces employés, qui
étaient à l'emploi depuis des années, étaient,
finalement, des personnes analphabètes. Elles avaient réussi
à faire en sorte que ça ne se sache jamais dans leur entourage.
Vous comprenez qu'à l'aube du XXIe siècle il arrive un moment
donné où l'employé est pris en souricière.
Dans le fond, M. le Président, la vraie question, c'est plus de
savoir, justement, comment on va faire en sorte, pour que soit
réconciliée ce qu'on appelle la formation initiale - ce que
d'autres appellent la formation régulière, ce que le Conseil
supérieur de l'éducation... Chacun a son jargon, mais le Conseil
supérieur de l'éducation a même fait un avis
intéressant, un avis assez savant sur cette question-là et il
appelle ça la formation standardisée, différente de la
formation sur mesure. La formation sur mesure, c'est celle, finalement, qui est
donnée souvent par l'entreprise, en regard d'une nouvelle machine ou
d'une nouvelle technologie - on l'appelle la formation sur mesure - tandis que
la formation standardisée, c'est, finalement, ces programmes de
formation qui pourraient être disponibles pour l'ensemble des citoyens,
pour l'ensemble des individus, pour l'ensemble des gens adultes dans notre
société et qui, malgré tout, ont besoin de la formation
initiale ou de la formation régulière. On peut leur faire des
procès d'intention, peut-être fondés, peut-être
pas.
Quoi qu'il en soit, ce que les patrons sont venus dire en commission
parlementaire, c'est que ce qu'ils voulaient d'abord obtenir, c'était
des travailleurs et des travailleuses qui savent lire et écrire, que, si
au moins cela leur était fourni, ça serait déjà un
grand pas de fait. En fait, c'est ça qu'ils sont venus dire. Ça,
ils n'en sont pas certains du tout parce qu'ils sont venus dire aussi que tout
le monde voulait être partenaire dans la Société, n'est-ce
pas? Là, c'est l'éloge du partenariat, et avec raison. C'est
vraiment l'ère de la concertation. Mais tout le monde l'est sauf les
ministères qui ont pourtant les décisions à prendre,
finalement: le ministère de l'Éducation, en particulier, puis le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle.
M. le Président, il n'y a pas plus éloigné, il n'y
a pas plus distant. C'est comme une guerre fratricide. Il y a une
rivalité fratricide, là, entre ces ministères-là
comme je n'aurais même pas pu imaginer, moi, avant d'avoir la
responsabilité du dossier.
Là, le ministre nous propose, à l'article 1, d'instituer
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Développement de la main-d'oeuvre, ça ne veut donc
pas dire seulement la formation sur mesure. Développement de la
main-d'oeuvre - et c'est, évidemment, la question que j'aimerais poser
au ministre - faut-il comprendre que ça signifie tout autant la
formation professionnelle que l'enseignement professionnel? En ayant choisi
d'écarter le mot «adaptation»... On se comprend, si le
ministre avait retenu le mot «adaptation», ça aurait
été essentiellement, justement, pour adapter au fur et à
mesure la main-d'oeuvre aux changements technologiques. Tandis que là,
en préférant le terme «développement de la
main-d'oeuvre» - d'ailleurs, comme on le retrouve dans
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre, M. le Président - c'est donc que le ministre aurait
choisi d'avoir une vision plus intégrée.
Là, je voudrais lui rappeler ce que le Conseil supérieur
de l'éducation, qui a pris connaissance de son énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre - donc qui
était énoncé «développement de la
main-d'oeuvre» - déplorait, dans une lettre qu'il lui faisait
parvenir et dont j'ai pu obtenir copie ainsi que
la réponse que le ministre transmettait au Conseil
supérieur de l'éducation sur les représentations qui lui
étaient faites. Ce que le Conseil déplorait, et je cite, M. le
Président, c'est la vision partielle du développement de la
main-d'oeuvre que véhicule l'énoncé de politique. Les
activités de planification de la formation - écrit le Conseil
supérieur de l'éducation - doivent s'inscrire dans une vision
intégrée de la formation professionnelle et dans une
réflexion plus globale sur le développement de l'emploi.
Alors, M. le Président, on comprend que le ministre, dans son
énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre, a, dès le départ, établi les limites d'une
telle politique. Je ne sais plus, de mémoire, là, où c'est
cité, à quelle page exactement, mais le ministre y a fait
référence très souvent. M. le Président, ce que le
Conseil supérieur questionne, c'est ceci, et je cite le Conseil: Le
Conseil questionne la maîtrise d'oeuvre exercée par le
ministère en soutenant qu'il écarte de plus en plus le
perfectionnement standardisé de ses pratiques de financement.
Ce que ça veut dire concrètement? Ça veut dire que
le Conseil supérieur de l'éducation déplore que le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu
centre de plus en plus ses programmes exclusivement sur la formation sur mesure
et se retire de la formation initiale, de la formation dite
standardisée, c'est-à-dire de celle qui est disponible pour
l'ensemble de la clientèle, ce qu'on pourrait appeler de la
«formation continue». Pour bien se comprendre, dans le fond, M. le
Président, c'est peut-être juste ce terme-là qu'on pourrait
utiliser, la formation continue, celle qui est offerte à des
travailleurs et des travailleuses qui auront, pour toute leur vie, à se
préparer à des changements brusques d'emploi, puis à des
changements brusques de technologie et qui doivent avoir une formation de base,
une formation initiale qui leur permet, justement, non pas simplement de
s'adapter à la machine, mais qui permet de s'adapter aux changements.
(12 h 40)
Ce que le Conseil supérieur de l'éducation déplore,
c'est la distinction entre les besoins de formation initiale exprimés
par les individus qui, eux, seraient comblés au ministère de
l'Éducation et la distinction entre les besoins exprimés par la
main-d'oeuvre, comme si c'était des choses diamétralement
étrangères l'une à l'autre. Le Conseil supérieur de
l'éducation note qu'il y a une tendance très lourde à
diminuer la formation initiale pour la main-d'oeuvre, une tendance très
lourde dans les budgets du ministère de l'Éducation du
Québec, tant au niveau secondaire que collégial. Ça nous a
été confirmé lors de l'examen, en commission
parlementaire, de l'énoncé de politique par, d'abord, les
représentants de la fédération des collèges, qui
sont venus nous expliquer que l'offre de formation initiale, qui est d'abord
une offre à temps partiel... Si ça devient une offre à
temps plein, M. le Président, il faut comprendre que dans le fond le
message qu'on lance, c'est: Perdez votre emploi, puis vous y aurez droit. Mais
si vous restez à l'emploi que vous occupez, puis qu'en plus vous voulez
améliorer votre niveau de qualification en suivant des cours à
temps partiel, alors ça, c'est de moins en moins offert au
Québec. Le ministère de l'Éducation du Québec a une
enveloppe fermée pour les étudiants à temps partiel et qui
diminue d'année en année.
Au niveau collégial, c'est encore plus grave. Je me suis rendue,
il y a deux semaines, à la commission des adultes de la
Fédération des cégeps, qui se réunissait à
Trois-Rrvières. M. le Président, j'ai pu être
informée qu'au niveau des cégeps, à toutes fins utiles,
l'offre de formation à temps partiel est quasi tarie étant
donné que les budgets sont quasi inexistants. Les seuls budgets que les
cégeps ont à leur disposition sont ceux qui permettent de la
formation sur mesure. Mais, là, il faut bien se comprendre. C'est
qu'à ce moment-là la formation sur mesure, ou bien elle est
financée par le fédéral dans des programmes pour les
prestataires d'assurance-chômage, ou elle est financée par le
fédéral ou par le gouvernement du Québec, mais pour les
entreprises. Cette formation sur mesure, ça suppose que l'entreprise
décide de se donner un plan de développement de ressources
humaines et ensuite désigne au sein de l'entreprise les personnes qui
vont avoir le droit de suivre la formation sur mesure.
Ça, ça veut dire concrètement que ce sont les
entreprises les plus performantes, celles qui, finalement, sont soumises, si
vous voulez, à la compétitivité internationale et qui ont
à soutenir un niveau de concurrence étrangère très
élevé qui, pour la plupart, se donnent un plan de
développement des ressources humaines. Encore là, M. le
Président, ce qui est le plus inquiétant, c'est que ces
entreprises - on ne peut pas le leur reprocher - investissent évidemment
en vue d'en faire un profit, et ce sont les gens les plus instruits, dans
l'entreprise, qui ont très majoritairement droit à cette
formation.
Alors, on élargit les fossés, tout simplement, entre les
millions de travailleurs qui se retrouvent dans des entreprises de moins de 100
employés. Au Québec, j'ai vérifié la taille des
établissements. Sur 11 000 établissements que le Québec
compte, il y en a 10 000 qui comptent moins de 100 employés, puis il y
en a seulement 1000 qui comptent 100 employés et plus. Pourtant, M. le
Président, ce sont dans les entreprises de plus de 200 employés
que l'on retrouve les programmes de développement des ressources
humaines et qu'on retrouve l'utilisation de la formation sur mesure. C'est
tellement vrai que dans le programme de crédit d'impôt qui a
été rendu public il y a trois ans et pour lequel on a maintenant
des chiffres qui nous donnent un
ordre de grandeur, sans qu'ils soient définitivement
significatifs de ce qui s'est dépensé - ça nous donne un
ordre de grandeur, M. le Président - ce qu'on sait, c'est que ce sont
majoritairement des entreprises de plus de 200 employés qui ont
utilisé les crédits d'impôt, c'est-à-dire même
pas 5 % des entreprises du Québec.
Alors, dans ce contexte-là, que le ministre nous dise qu'il veut
créer une Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, que dans cette société,
pour un meilleur arrimage entre l'éducation et la main-d'oeuvre, il
propose 2 sièges à l'éducation sur les 19 sièges
que comprendra la Société, il y a là un paradoxe qui est
vraiment difficile à comprendre. Le ministre doit comprendre qu'on ne
lui fait pas grief d'avoir, de son côté, voulu améliorer
les choses. Ce dont on lui fait grief, c'est de l'avoir fait d'une
manière qui, dans le fond, va simplement l'amener à tourner en
rond. Tant qu'il n'y aura pas de véritable réconciliation entre
l'éducation et la main-d'oeuvre, tant qu'on ne révisera pas les
décisions du gouvernement précédent...
Ça peut sembler surprenant ce que je vous dis, mais c'est
à partir de 1984, lorsque le gouvernement précédent a
rendu public son plan d'action sur la formation des adultes et qu'il a
dissocié l'estimation des besoins, et qu'il a dissocié le partage
des responsabilités en matière de formation des adultes, que le
problème s'est posé. Le problème s'est aggravé, et
loin de le résoudre, le ministre, avec son projet de loi, vient le
consacrer, le problème. Il consacre le divorce, M. le Président,
entre l'éducation et la main-d'oeuvre. Je ne pense pas que ce soit de
nature à résoudre le véritable problème. Il a
voyagé. Il s'est rendu à l'étranger, et il a pu constater
qu'à l'étranger c'est l'intimité très grande qui
existe entre le monde des affaires et le monde de l'éducation qui a
permis le niveau de qualification de la main-d'oeuvre que l'on
connaît.
Comment faire de la formation sur mesure, M. le Président, avec
des travailleurs qui connaissent des problèmes d'analphabétisme?
Comment faire de la formation sur mesure avec des travailleurs qui ont des
problèmes de formation Initiale? C'est à cette question-là
qu'il fallait répondre en priorité.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée. Vous savez, juste à titre d'information, le temps
de parole est de 20 minutes, et le député ou le ministre qui
propose la loi a toujours 5 minutes de réplique, si vous voulez
l'utiliser. Vous n'êtes pas obligé de toujours utiliser non plus,
votre période de 20 minutes. Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: M. le Président, comptez sur moi. Je n'ai
surtout pas l'intention d'utiliser tout mon temps de parole. Tout ce que je
voudrais simplement dire à la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, c'est que je suis un peu étonné des
dernières paroles qu'elle vient de prononcer. En fait, ce qu'elle nous
dit, c'est que probablement on serait mieux de ne pas proposer la
création d'une Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, d'annuler la décision du
gouvernement péquiste de 1984, la politique sur l'éducation des
adultes, et de revenir au statu quo ante, c'est-à-dire à un
système où le régime d'éducation du Québec
était responsable à la fois d'établir les besoins de
main-d'oeuvre au Québec, de faire les analyses pour tenter de
déceler quels sont les besoins de chacune des régions, les
carences, les pénuries de main-d'oeuvre à travers le
Québec, et, en conséquence, de régler ces problèmes
lui-même en vase clos, en apportant les solutions que le système
d'éducation du Québec aurait pu trouver. (12 h 50)
M. le Président, l'ancien gouvernement n'a pas jugé bon de
maintenir ce système-là, qui ne donnait pas des résultats
intéressants, et qui ne permettait pas, en tous les cas, de s'adapter
rapidement à la réalité changeante du marché du
travail. Le gouvernement du Parti libéral maintient cette
politique-là et est du même avis que l'ancien gouvernement. Je
serais étonné que maintenant on vienne nous dire, cinq, six ou
sept ans après: Vous vous êtes trompés, mais, incidemment,
nous aussi, nous nous étions trompés. Ça fait beaucoup de
monde qui se trompe et peu de monde qui a raison là-dedans.
Tout le monde sait que ce n'est jamais bon de confier à un
fournisseur la responsabilité de déterminer les besoins de sa
clientèle. C'est très dangereux de confier un monopole, tant dans
le secteur privé que dans le secteur public, à une entreprise.
Si, par exemple, on disait à une entreprise donnée: Vous
êtes les seuls à pouvoir fournir un service ou fabriquer un
produit et la clientèle devra accepter nécessairement ce que vous
allez lui préparer, c'est se mettre entre les mains, se livrer pieds et
poings liés entre les mains d'un seul fournisseur qui est
nécessairement en conflit d'intérêts, parce qu'il a une
marchandise à vendre.
Le système d'éducation du Québec a fait ses
preuves. Il a des avantages. Il a donné de très bons
résultats, à l'occasion, mais il a des failles aussi. Vous
êtes les premiers à le reconnaître. Le député
d'Abitibi-Ouest, tantôt, nous a fait tout un discours sur les failles du
système d'éducation québécois. On voudrait,
aujourd'hui - c'est un petit peu contradictoire, d'ailleurs, le langage que
tient l'Opposition - nous dire: Confiez au système d'éducation du
Québec la seule responsabilité de régler tous ces
problèmes-là, et on nous dit que le système
d'éducation du Québec est déficient.
M. le Président, moi, je ne dis pas qu'il n'y
a rien de parfait. Le système d'éducation du Québec
a des qualités. Il a fait, dans certains domaines, des percées
intéressantes, mais il a aussi des problèmes à
régler. Moi, je ne pense pas que, dans ce domaine-là comme dans
un autre, et dans quelque autre domaine de l'activité humaine, ce soit
une bonne chose de confier au même groupe, au même secteur, au
même fournisseur la responsabilité d'établir les besoins de
la clientèle et d'apporter les correctifs.
C'est bien évident, M. le Président, que, si je me
présente, moi, dans un magasin pour acheter une marchandise
donnée dont j'ai besoin et que le marchand n'a pas cette
marchandise-là, il va tenter par tous les moyens de substituer un autre
produit. Il va dire: Je n'ai pas ce que vous voulez, mais sur la tablette j'ai
autre chose ici qui pourrait peut-être faire votre affaire. Si, M. le
Président, je n'ai pas le choix, peut-être que je vais accepter de
prendre un produit de qualité inférieure, ou un produit dont je
n'ai pas exactement besoin, qui ne fait pas entièrement mon affaire,
plutôt que de ne rien avoir du tout. Je pense que, dans le système
que nous avons présentement, nous avons une certaine garantie contre
cette exclusivité-là ou ce monopole-là qui pourrait
conduire à des excès. Quant à moi, je
préfère de beaucoup que l'on dissocie la fonction analyse des
besoins, analyse des pénuries de main-d'oeuvre, de la fonction qui
consiste à enseigner la formation, à donner la formation.
Maintenant, M. le Président, après avoir dit cela, je suis
également convaincu qu'il faut établir des liens entre le
fournisseur et celui qui consomme les biens ou les services. Il ne faut pas
vivre en vase clos, que chacun soit cantonné dans ses positions et ne
communique pas avec l'autre. Donc, il faut que les partenaires du monde de
l'éducation soient imbriqués dans le processus, et nous allons
les associer dans le processus de détermination des besoins du
marché du travail. La contrepartie de ça, c'est qu'il faut
également que les partenaires du marché du travail se mettent le
nez aussi dans l'enseignement professionnel, dans les régimes
pédagogiques pour voir et s'assurer que ce qui s'enseigne est vraiment
ce dont on a besoin, et à l'occasion influencer même les
programmes que l'on enseigne, soit aux jeunes, soit aux adultes, de
façon à s'assurer qu'ils sont de plus en plus conformes aux
besoins observés sur le marché du travail.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, vous venez de conclure pour
moi que je n'avais plus rien à dire, je présume?
Le Président (M. Marcil): Non, non, c'est parce que votre
temps est écoulé.
M. Bourbeau: Ah bon! Alors, M. le Président, je
cède donc la parole à ceux qui ont du temps.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'article 1?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que l'article 1 est
adopté?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Marcil): Adopté. J'appelle
l'article 2.
M. Bourbeau: L'article confère à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre le statut corporatif et lui reconnaît expressément
l'exercice des pouvoirs d'une corporation en plus de ceux que lui attribue
spéficiquement le projet de loi.
Le Président (M. Marcil): Je voudrais simplement vous
informer que je me ferai peut-être un peu plus tolérant au cours
de la journée. Je veux savoir de quelle façon vous avez
l'intention de travailler de part et d'autre. C'est pour ça que
j'essaie, au départ, d'établir le bon rythme.
M. Bourbeau: Vous avez bien raison, M. le Président. On
vous encourage à continuer.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous avez
terminé, M. le ministre, sur l'article 2?
M. Bourbeau: Oui, M. le Président.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vous proposerais,
à ce moment-ci, un ajournement, étant donné... une
suspension, excusez-moi. Alors, nous reprendrions à...
Le Président (M. Marcil): À 15 heures.
Mme Harel: ...15 heures et nous pourrions, à ce
moment-là, ne pas interrompre une intervention.
Le Président (M. Marcil): Ça va. Donc, nous allons
suspendre nos travaux à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
(Reprise à 15 h 24)
Le Président (M. Marcil): Alors, nous reprenons nos
travaux. Nous étions rendus à l'article 2, donc j'appelle
l'article 2.
M. Bourbeau: M. le Président, je crois avoir dit que cet
article-là confère à la Société le statut
corporatif et lui reconnaît expressément l'exercice des pouvoirs
d'une corporation, en plus de ceux que lui attribue spécifiquement le
projet de loi.
Le Président (M. Marcil): Ça va, M. le
ministre?
M. Bourbeau: Oui, ça va.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aimerais, à ce
stade-ci, au moment où nous examinons l'article 2, connaître les
intentions du ministre en regard des employés. Je crois que c'est
là un débat qui avait été amorcé au moment
de la commission. Je ne crois pas que le ministre avait indiqué
clairement quelle allait être sa décision en ce qui concernait ou
pas l'assujettissement à la Loi sur l'administration financière
de la Société. Je rappelle au ministre que la
Société, telle que proposée, devenant une corporation au
sens du Code civil, les employés ne seraient pas assujettis, à ce
moment-là, si je comprends bien, à la Loi sur la fonction
publique. La Société, elle, ne serait pas assujettie à la
Loi sur l'administration financière; ni la Société, ni les
employés. Est-ce que c'est bien l'interprétation qu'il faut
donner?
M. Bourbeau: non. la société ne sera pas assujettie
à la loi sur la fonction publique, mais elle sera assujettie à la
loi sur l'administration financière.
Mme Harel: En vertu de quelle interprétation peut-on
conclure que la Société est régie par la Loi sur
l'administration financière?
M. Bourbeau: M. le Président, si vous voulez bien, quand
on abordera des questions d'ordre juridique comme ça, j'aimerais, pour
sauver du temps, qu'on puisse laisser la parole à Me Luc Crevier, qui
est le directeur du contentieux au ministère, si la
députée n'a pas d'objection.
Le Président (M. Marcil): Vous permettez, Mme la
députée, oui? Donc, si vous voulez vous identifier pour les fins
du Journal des débats.
M. Crevier (Luc): Oui, Luc Crevier. En fait, c'est en vertu de
l'article 49 de la Loi sur l'administration financière que la
Société se trouverait assujettie à certaines dispositions
de la Loi sur l'administration financière. Je vous réfère
en particulier au projet de loi 181, qui a été adopté ou
sanctionné en décembre 1991, qui prévoit que certains
organismes, et la Société en serait, sont assujettis, en ce qui
concerne leur contrat et certaines autres formalités du genre, à
la Loi sur l'administration financière.
Mme Harel: Quand vous nous dites certaines dispositions,
lesquelles sont-elles?
M. Crevier: C'est, en fait, les articles du projet de loi 181 en
question, donc l'article 49 et suivants. Ça va jusqu'à l'article
49.6. Essentiellement, c'est sur l'activité contractuelle de la
Société. Il y a aussi, dans ces dispositions-là, des
possibilités d'exemption qui sont faites par règlement du
gouvernement.
Mme Harel: M. le Président, est-ce qu'il serait possible
de demander au ministre que les dispositions en vertu desquelles la
Société serait assujettie à la Loi sur l'administration
financière soient déposées devant la commission?
M. Bourbeau: Vous voulez dire la copie de la loi?
Mme Harel: C'est la loi 181, j'imagine.
M. Bourbeau: La loi 181, oui. Vous voulez une copie de la
loi?
Mme Harel: Les dispositions 49 et suivantes, là.
M. Bourbeau: Bien, j'ai devant moi, ici, le projet de loi qui a
été adopté sans modifications. Je ne sais pas si...
M. Crevier: Vous avez la version finale.
M. Bourbeau: C'est la version finale. On pourrait faire faire des
photocopies pour la députée, si elle veut.
Le Président (M. Marcil): Ça va. Est-ce que, Mme la
secrétaire, ça serait possible d'avoir des copies de cette
loi-là?
La Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Marcil): Oui?
Mme Harel: Peut-être qu'on peut poursuivre en
attendant.
Le Président (M. Marcil): Oui, on va poursuivre.
Mme Harel: Est-ce que ça signifie que lors de l'examen des
crédits, le budget de la Société
sera examiné dans le cadre d'un processus de contrôle
parlementaire?
(Consultation)
M. Bourbeau: M. le Président, le budget de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, ça va être un poste au budget de transfert du
ministère de la Main-d'oeuvre. Donc, en ce sens-là, ça
pourra faire l'objet d'études des crédits de la même
façon que la Commission des affaires sociales, par exemple. C'est un
poste du budget du ministère, un poste de transfert.
Mme Harel: Alors, pour quelles dispositions la
Société ne sera pas assujettie à la Loi sur
l'administration financière? Vous nous dites qu'elle ne le sera que pour
certaines dispositions. Donc, elle le sera de façon exceptionelle, et la
règle générale, c'est qu'elle ne le sera pas. Est-ce que
c'est ça qu'il faut comprendre? (15 h 30)
M. Crevier: Essentiellement, elle serait visée par les
dispositions, l'article 49 et les suivants, du projet de loi 181. Pour le
reste, tout son encadrement, si on veut, au niveau budgétaire...
Mme Harel: Ça ne me dit rien quand vous pariez des
articles 49 et suivants du projet de loi 181. Ça, puis...
M. Crevier: Oui, peut-être. Mme Harel: ...du
chinois, là...
M. Crevier: Essentiellement, ça porte sur
l'activité contractuelle de la Société. Ça peut
être, par exemple, des normes qui visent le processus d'octroi des
contrats, des soumisssions, etc., ou les achats, si on parle de l'autre loi,
là, Approvisionnements et Services. Pour tout le reste, la
Société se trouve encadrée par le projet de loi 408, son
processus budgétaire, etc. Il est prévu également, par
exemple, que le Vérificateur général peut vérifier
les livres de l'organisme, de la Société.
M. Bourbeau: Entre autres, on pourrait, M. le Président,
dire, là, en termes vernaculaires, que la Société va
être sujette à Rosalie. Je pense que la députée
semble intéressée par ce genre de renseignements là. Elle
devra se soumettre au règlement concernant le fichier central des
fournisseurs du gouvernement, communément appelé Rosalie.
Mme Harel: Par quel mécanisme est-il prévu que
l'argent des programmes fédéraux soit transféré
à la Société?
M. Bourbeau: M. le Président, comme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve le sait fort bien, il n'y a rien
qui est encore décidé à ce sujet-là. Ça fait
l'objet de discussions présentement avec le gouvernement, même pas
de négociations, M. le Président. On a dit qu'il y a des
discussions. Vous savez que le Québec ne négocie pas. Ces
discussions-là, je présume, éventuellement feront place
à des négociations, si tant est qu'un jour le gouvernement
fédéral fasse des offres. C'est à ce moment-là que
pourront être négociées les modalités de transfert
des fonds fédéraux, qui pourront transiter soit directement
à la Société, mais plus probablement au ministère
ou au gouvernement et via le ministère, éventuellement, dans le
budget de la Société.
Mme Harel: Alors, c'est donc dire, là, qu'il y a... Pour
tout de suite, le scénario suivant peut-il être envisagé,
que l'argent transite directement à la Société?
M. Bourbeau: Je ne crois pas, M. le Président, que ce
scénario-là puisse être envisagé, parce que,
à ce moment-là, contrairement à ce qu'on a dit
précédemment, je ne pense pas qu'on pourrait faire l'étude
des crédits de la Société lors de l'étude des
crédits du ministère, puisque les crédits de la
Société ne seraient pas des crédits du ministère
qui seraient virés à la Société. Je ne crois pas
qu'il y ait beaucoup de précédents où des fonds
fédéraux sont versés directement à une
société d'État. Peut-être à la
Société d'habitation du Québec, mais je crois qu'en
général les fonds sont versés au gouvernement du
Québec qui, lui, les vire dans les sociétés
d'État.
Mme Harel: C'était là, d'ailleurs, un des aspects
soulevés dans le mémoire d'Emploi et Immigration devant la
commission parlementaire, un mémoire qui a été
déposé sans être présenté par ses auteurs.
Dans ce mémoire, les responsables d'Emploi et Immigration, Ici au
Québec, faisaient valoir cette question de savoir si le gouvernement du
Québec demandait que l'argent transite par le trésor ou bien
directement dans la Société. Ils semblaient dire que le
gouvernement fédéral allait difficilement envisager de verser au
fonds consolidé. C'est le fonds consolidé, oui? Est-ce que les
discussions ont été entreprises sur ce sujet-là?
M. Bourbeau: M. le Président, je serais bien mal pris pour
dire à la députée de Hochelaga-Maisonneuve où en
sont les discussions, parce que les discussions, comme vous le savez,
n'impliquent pas officiellement la participation du gouvernement du
Québec. Ces discussions-là se font surtout entre le gouvernement
fédéral et les provinces autres que le Québec. Il y a
probablement et certainement des discussions informelles qui peuvent se tenir,
mais certainement aucune négociation. Donc, je pense qu'il est un peu
prématuré pour discuter de ces sujets-là, qui sont
très techniques. L'objectif recherché, bien
sûr, c'est que le Québec rapatrie tous les budgets
fédéraux en matière de main-d'oeuvre, en matière de
formation professionnelle, bien sûr, et aussi en matière
d'assurance-chômage. On verra bien, subséquemment. Je pense que,
pour ce qui est de la façon de faire transiter les fonds, on peut
être assuré qu'on trouvera bien des façons qui soient
à la fois pratiques, équitables et fonctionnelles.
Mme Harel: Dans le mémoire toujours, là, d'Emploi
et Immigration Canada, le directeur exécutif, M. Trefflé Lacombe,
signalait, d'une part, que les propositions du fédéral
consistaient à transférer au Québec des
responsabilités en matière de formation pour un total, disait-il,
d'environ 400 000 000 $ de dépenses annuelles au Québec.
Là, il faudrait voir qu'à ce moment-là, sur le total de
presque 6 000 000 000 $ de dépenses en mesures actives et passives au
Québec, c'est là à peine, même pas 10 % de
l'ensemble de ce que le fédéral dépense sur le territoire
québécois. Mais, ceci dit, M. Lacombe se gardait bien de
spéculer sur des développements du débat constitutionnel.
Alors, on était, à ce moment-là...
M. Bourbeau: Pile ou face.
Mme Harel: ...au mois de janvier, mais, plutôt que
d'avancer, ça donne plutôt l'impression d'avoir reculé
depuis le mois de janvier dernier. Bien, entre-temps il y a eu Beaudoin-Dobbie,
n'est-ce pas? Je l'ai apporté également d'ailleurs. Tantôt,
j'aimerais peut-être juste vous faire commenter la proposition, la
dernière que l'on connaît. C'est celle qui est contenue dans
Beaudoin-Dobbie. Je crois qu'elle ne s'éloigne pas de celle de septembre
dernier à laquelle réfère M. Lacombe.
Ceci dit, et c'est ça qui me préoccupe, M. Lacombe disait
ceci: Pour le ministère fédéral, il faudrait que
Québec propose un mécanisme pour s'arrimer au reste du pays. Au
niveau canadien, la caisse d'assurance-chômage est gérée
conjointement par le fédéral et la nouvelle Commission canadienne
de mise en valeur de la main-d'oeuvre, où le Québec est absent.
Le directeur d'Emploi et Immigration Canada pour le Québec ajoutait: Or,
l'énoncé de politique du ministre Bourbeau ne prévoit
aucun lien entre la Société québécoise de
développement et la Commission canadienne.
Alors, donc, ce que le fédéral a fait savoir à
Québec, c'est qu'en ce qui concerne l'argent de la caisse
d'assurance-chômage, qui est le gros morceau, finalement, étant
donné ce qu'on sait être une diminution presque constante, en tout
cas, depuis les deux dernières années des budgets
fédéraux en matière de formation professionnelle, des
budgets directement générés par l'administration
fédérale... Alors, pour ce qui est donc du budget, là, qui
émane de l'assurance-chômage, ce budget est déjà
géré par une caisse qui est constituée par une loi, et par
la nouvelle Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Alors,
qu'est-ce que Québec réclame, finalement? D'obtenir de cette
caisse les budgets? Comme c'est la Commission canadienne de mise en valeur de
la main-d'oeuvre également qui gère, semble-t-il, avec la caisse,
est-ce que les programmes seraient établis par la Commission canadienne
et Québec administrerait les budgets? (15 h 40)
M. Bourbeau: La réponse, c'est non. Le
fédéral a sa stratégie, et le Québec a la sienne.
Le fédéral a choisi pour le Canada, en fait, de mettre sur pied
un système de cogestion de la caisse d'assurance-chômage et de
régulation du marché du travail au Canada en créant
d'abord l'organisme fédéral de mise en valeur de la
main-d'?uvre qui sert de conseiller, si je comprends bien, de
cogestionnaire ou de conseiller surtout au gouvernement fédéral.
Je ne sais pas quel est l'état de la situation, mais, dans un premier
temps, cette société ne devait servir que de consultant au
gouvernement fédéral. Je ne crois pas qu'elle ait un rôle
de gestionnaire comme tel.
Le Québec, lui, a choisi une voie différente. Il a choisi
de créer tout d'abord la conférence permanente sur la
main-d'oeuvre, qui sert d'organisme consultatif également pour le
gouvernement du Québec. Le Québec a aussi choisi de créer
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre pour gérer les programmes de main-d'oeuvre et aussi
gérer la portion de la caisse d'assurance-chômage qui
échoit au Québec et qui devrait, éventuellement,
être transférée au Québec. Alors, je ne vois pas
pourquoi le Québec devrait s'inscrire dans un organigramme où il
verrait la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre dépendre d'une certaine
façon de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre,
parce que le Québec ne siège pas, n'est pas partie de cette
Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, qui fait double
emploi, en fait, avec les institutions québécoises.
Alors, nous avons jugé opportun de faire en sorte que le
Québec devienne le seul maître d'oeuvre, sur son territoire, des
programmes et des budgets de main-d'oeuvre, de main-d'oeuvre prise dans son
sens large, qui comprend toutes les mesures d'aide à la formation
professionnelle, d'aide à l'emploi, de gestion de
l'assurance-chômage, etc. Nous sommes convaincus que le Québec
peut, avec ces structures-là, faire un travail plus efficace, plus
efficient, aussi, que ne pourraient le faire des structures comme celles qui
sont proposées par le gouvernement fédéral.
Donc, c'est pour des raisons d'efficacité que nous proposons ces
structures-là. Nous pensons que nous pouvons faire mieux et à
meilleur compte que si deux gouvernements se préoccu-
pent de faire les mêmes choses et se concurrencent, comme c'est le
cas présentement. Le système actuel coûte des centaines de
millions de dollars de trop en frais d'administration, puisque nous avons deux
administrations gouvernementales qui font essentiellement la même chose.
Nous croyons pouvoir réaliser des économies d'au-delà de
200 000 000 $, si on se fie aux statistiques de l'OCDE. Le Québec a
toujours placé le dossier sous l'angle de la gestion des fonds publics
et non pas sous l'angle constitutionnel. C'est bien malgré nous que le
dossier est maintenant enchevêtré dans les filets du débat
constitutionnel. Ce n'était pas notre objectif. Espérons que,
lorsque le dossier constitutionnel va se dénouer, le Québec
pourra hériter le plus rapidement possible de toutes les
responsabilités en matière de main-d'oeuvre, de gestion
d'assurance-chômage, évidemment, et tous les budgets qui sont
afférents.
Mme Harel: Mais en l'absence de l'entière
responsabilité, est-ce que le ministre convient qu'il peut y avoir
aggravation de l'enchevêtrement actuel, si tant est qu'un
troisième réseau viendrait rejoindre les deux réseaux
déjà existants, soit le réseau pour les personnes
assistées sociales, centres Travail-Québec, ou le réseau
pour les personnes en chômage, centres d'Emploi et d'Immigration du
Canada? Il y aurait dorénavant comme un troisième réseau,
qui serait celui de la formation professionnelle, mais qui, contrairement aux
équipes assez modestes qui, actuellement, en région, constituent
les commissions de formation professionnelle, deviendrait un troisième
réseau qui viendrait simplement alourdir la situation déjà
difficile que l'on connaît maintenant.
M. Bourbeau: Disons que, même si, par hypothèse, le
gouvernement fédéral refusait de transférer quoi que ce
soit au Québec, il faudrait quand même, selon nous, créer
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, parce que le partenariat que l'on souhaite créer nous
semble une formule beaucoup plus efficace que la situation actuelle, que la
structure actuelle. Donc, le partenariat est une formule qui est souhaitable et
qui devrait donner de bons résultats, que ce soit dans le cadre actuel
ou dans un cadre agrandi de la part des fonds fédéraux, des
responsabilités qui sont présentement assumées en partie
par le gouvernement fédéral. Si le fédéral, le
gouvernement canadien ne devait transférer au Québec que les
responsabilités en matière de placement, main-d'oeuvre et non pas
la gestion de i'assurance-chômage, effectivement, ça
créerait un problème en ce sens que le Québec, n'ayant
à toutes fins pratiques que des structures régionales en
matière de main-d'oeuvre, serait placé devant l'alternative de
rapatrier au niveau régional des programmes de main-d'oeuvre que le
gouverne- ment fédéral, lui...
Mme Harel: Offre.
M. Bourbeau: ...offre au niveau local. Donc, on pourrait penser
que c'est un recul par rapport au service à la clientèle, la
disponibilité des programmes sur un plan local, les programmes de
main-d'oeuvre, tel que l'offre le gouvernement fédéral. Ou,
encore, le Québec serait mis dans la position d'avoir à
étendre son réseau régional et en faire un réseau
local, ce qui, bien sûr, créerait des dépenses
additionnelles pour le gouvernement du Québec qu'on pourrait situer
à quelques dizaines de millions de dollars. Ça serait une
situation où on n'aurait aucunement l'occasion de réaliser les
économies dont je parlais tantôt, où plutôt le
Québec serait peut-être obligé de dépenser plus
d'argent que présentement.
Mme Harel: Le ministre nous dit que, même en l'absence de
tout rapatriement venant du fédéral, il lui semble qu'il serait
quand même souhaitable de créer la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, et que,
d'autre part, si ce rapatriement a lieu, il faudrait qu'il ait lieu dans son
entier pour que ça nous permette de réaliser des
économies, puis que ça permette de mettre fin au gaspillage.
Cependant, qu'est-ce que la nouvelle société permettrait de plus
s'il n'y a aucun rapatriement en entier, là?
On sait déjà qu'une des hypothèses, finalement, qui
est loin d'être la meilleure, c'est l'hypothèse d'un rapatriement
à la pièce. Ce rapatriement-là pourrait créer plus
de problèmes que d'apporter les solutions aux problèmes qui
existent maintenant. Ça, on commence à être conscients. Je
pense que tous les interlocuteurs concernés commencent à
être conscients que c'est ou l'ensemble du dossier qui est
rapatrié... parce que, si ce n'est qu'une partie de ce dossier qui
l'est, c'est, finalement, une façon de faire en sorte que ça soit
un échec. Si Ottawa souscrivait à un rapatriement à la
pièce, bien, ça créerait un désordre simplement
dans le transfert du personnel dont on n'a pas idée, parce que c'est un
personnel qui n'est pas identifié à des fonctions qui sont
tranchées comme le serait une entente qui ne rapatrierait, par exemple,
que la formation professionnelle. C'est maintenant un personnel qui a
intégré les fonctions emploi, puis les fonctions formation
professionnelle. Ça a été une des réformes... C'est
la réforme Jean, du nom de la sous-ministre qui, auparavant, travaillait
à Québec et qui maintenant est à Ottawa et qui a introduit
cette réforme-là, il y a deux ou trois ans maintenant.
Donc, les scénarios possibles, c'est: aucun rapatriement, un
rapatriement partiel ou un rapatriement total. Bon, on sait déjà
que le rapatriement partiel pose de véritables problèmes.
Ça peut engendrer des coûts. Ça peut engendrer
un ressentiment contre le fait que Québec obtienne une plus
grande responsabilité, parce qu'il pourrait y avoir moins de services,
étant donné que c'étaient des services déjà
rendus dans les centres d'Emploi et d'Immigration au niveau local et que,
là, il pourrait ne pas y avoir la même accessibilité
géographique. En fait, quoi qu'il en soit, le ministre, lui-même,
vient, il y a quelques minutes, de nous décrire les difficultés
que ça pourrait présenter. Alors, je n'en ajouterai pas à
celles que lui-même émettait.
Alors, revenons à ces deux autres scénarios possibles ou
rêvés, en fait, soit une loi qui crée simplement une
société, soit un rapatriement complet. Ça, ça
m'apparaît hautement improbable. Ça m'apparaît plus facile
de faire la souveraineté du Québec que d'obtenir, dans ie cadre
de la Confédération actuelle, dans le cadre de l'état des
esprits et des mentalités, la pleine gestion, comme l'indique le
ministre, de tout le programme d'assurance-chômage, mesures actives et
passives. N'oubliez pas que le Québec compte 33 % des chômeurs du
Canada, avec 26 % de la population, dit-on, maintenant. C'est donc presque 1
000 000 000 $ de prestations en sus des cotisations qui sont versées.
(15 h 50)
Quand on regarde l'ensemble, dans une négociation qui serait
globale, là, on peut y trouver son compte parce qu'on se dit: Oui,
peut-être qu'ils y mettent 1 000 000 000 $ en plus de ce qu'on y met.
Mais, l'un dans l'autre, on est perdant au niveau de la recherche et du
développement et on l'est surtout au niveau des investissements
fédéraux, créateurs d'emplois. On l'a vu avec
l'étude réalisée par les quatre premiers ministres des
provinces atlantiques qui, eux, étaient absolument certains que nous
étions gagnants dans ce processus-là, dans ce
mécanisme-là, qui ont fait faire une recherche approfondie pour
découvrir que le Québec se classait au dernier rang de toutes les
provinces canadiennes, y compris des Territoires du Nord-Ouest, en
matière d'investissements fédéraux créateurs
d'emplois.
Alors, c'est évident qu'on peut, à partir de là,
conclure l'argument absurde que c'est payant d'être dans le Canada parce
que, finalement, on retire plus de chômage qu'on y contribue. Alors,
évidemment, c'est un argument complètement absurde, parce que ce
qui est absurde, c'est d'être dans un système où on
n'arrive pas à se sortir des vases communicants, c'est-à-dire que
plus il y a du chômage et plus c'est payant de rester dans le Canada.
Ça, il y a quelque chose, évidemment, là-dedans, qui est
de l'ordre de... du Ding et Dong.
Mais, ceci dit, une fois qu'on envisage impossible que ce rapatriement
complet ait lieu, pour la bonne raison qu'il supposerait un statut particulier
pour le Québec que le Canada ne veut pas lui donner... Les autres
provinces canadiennes ont toutes été invitées, par le
fédéral, à former des groupes de coordination et à
former aussi des groupes de consultation, un peu sur le modèle de la
Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. C'est ce que
l'Ontario, d'ailleurs, a fait dernièrement, et d'autres provinces
s'apprêtent à le faire également. Mais, tout ça,
c'est uniquement dans la perspective de transférer des budgets et de
gérer, au niveau provincial, les programmes élaborés par
la Commission canadienne.
Cette Commission canadienne, quand elle a été mise sur
pied, au départ, je pense qu'il n'était peut-être pas
envisagé de lui donner autant d'éclat, mais, maintenant qu'elle
se réunit, je peux vous dire, à lire, le plaisir qu'ils ont
à travailler ensemble. Ils ont fini, eux, par penser qu'ils avaient
quelque chose de très important à faire et un rôle
stratégique à jouer, cette Commission canadienne. Là,
maintenant, ils sont ceux qui exigent d'établir les priorités des
programmes financés par la caisse de l'assurance-chômage et je ne
pense pas qu'ils fassent une exception pour le Québec, en disant: On va
établir les priorités pour tout le monde, puis le Québec
établira les siennes. On n'est vraisemblablement pas devant cette
hypothèse-là, bien au contraire. La Commission canadienne a
d'ailleurs un mandat de déterminer les priorités globales en
matière de formation, telles que les normes de formation
professionnelle, et consulter dans l'élaboration d'un plan de
dépenses annuelles pour une utilisation plus large des fonds de
l'assurance-chômage à des fins productives.
Comme je le signalais tantôt, M. le Président, toutes les
provinces ont été, à partir de la fin de 1990,
début 1991, contactées par le fédéral pour amorcer
des discussions en matière de création de structures
consultatives. C'est donc dire qu'il y a un modèle qui s'est
développé. Le modèle, c'est celui d'une commission
nationale qui détermine des priorités et qui est consultée
dans l'élaboration du plan de dépenses annuelles, qui peut faire
jusqu'à 15 % - en tout cas, sur papier - de la caisse de
l'assurance-chômage. Les provinces, elles, sont invitées à
mettre sur pied des structures consultatives. Au mieux, le gouvernement
fédéral va considérer la nouvelle Société
créée par le projet de loi 408 comme une des autres structures
consultatives mises sur pied dans les provinces et va réserver à
cette structure-là le même sort que pour les autres structures des
autres provinces. Ce que le ministre nous dit, c'est que lui, il veut bien plus
que ça, là. Il veut un statut particulier. Ce qu'il veut, c'est
obtenir la gestion de la caisse de l'assu-rance-chômage.
M. Bourbeau: Ce n'est pas le ministre, c'est le gouvernement du
Québec. M. le Président...
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais devoir faire un
amendement, à ce moment-ci, à ce moment-là.
M. Bourbeau: Est-ce que je peux prendre la parole, M. le
Président? C'est un monologue ininterrompu.
Le Président (M. Marcil): Oui, vous pouvez
répliquer toujours. Vous avez cinq minutes.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Hochelaga-Maisonneuve est un peu attristante, je dois le dire. Je lui ai dit
à quelques reprises.
Mme Harel: C'est la vie qui est triste pour vous, là.
M. Bourbeau: Disons que, dans l'Évangile, on aurait dit
une femme de peu de foi. Il m'est arrivé souvent, depuis que j'exerce
les fonctions que j'exerce présentement, d'entendre la
députée de Hochelaga-Maisonneuve me dire: Le ministre ne
réussira pas à faire telle chose. Le ministre est un optimiste
qui voit la vie en rose, et la vie est différente. À plusieurs
reprises dans le passé, M. le Président, la députée
de Hochelaga-Maisonneuve a eu à se reprocher d'avoir douté du
ministre de la Main-d'oeuvre, ne serait-ce que lors de l'adoption de certains
projets de loi où on nous avait promis un cataclysme, la fin du monde.
La loi 37, par exemple, où on devait... Ça devait ébranler
les colonnes du temple et de l'Assemblée nationale. Bon, finalement, la
loi a été adoptée et ça va relativement bien. Quand
nous avons entrepris la croisade pour tenter de mettre fin à l'offensive
fédérale, l'an dernier, avec les groupes de coordination, la
députée de Hochelaga-Maisonneuve était convaincue qu'on
n'y arriverait pas, pour se rendre compte quelques semaines après, M. le
Président, qu'on avait, avec nos collègues
fédéraux, signé une entente à l'amiable pour faire
en sorte que dorénavant le fédéral se retire de ce champ
d'activité.
Aujourd'hui, la députée de Hochelaga-Maisonneuve continue
avec ses prises de position pessimistes où elle nous dit: Vous n'y
arriverez pas, le gouvernement fédéral ne voudra pas, etc. Moi,
M. le Président, je ne peux pas prédire ce que sera l'avenir. Je
donne la position du gouvernement du Québec qui n'a pas varié
d'un iota depuis plusieurs mois, qui continue à être la
même. Personnellement, je pense que notre position, elle est bonne, aussi
parce qu'elle est logique. Notre proposition, ce n'est pas une proposition
sentimentale qui réclame des pouvoirs pour le Québec au nom d'une
fierté quelconque, c'est une proposition d'affaires qui se justifie
comme telle au nom de la saine gestion, de la bonne gestion des fonds publics
et qui prouve, M. le Président, sans l'ombre d'un doute qu'il se
dépense actuellement au Québec au-delà de 250 000 000 $ en
pures pertes administratives. On ne peut pas justifier, sur le plan des
finances publiques, de gaspiller entre 200 000 000 $ et 300 000 000 $ en frais
d'administration alors que nous avons deux réseaux qui fonctionnent en
parallèle, qui se contredisent, qui s'entrechoquent et parfois
même qui se nuisent l'un l'autre. Bref, si cet argument-là n'est
pas un bon argument, je ne sais pas lequel il faudra employer. Mais, quant
à moi, quand je suis convaincu d'avoir de mon côté la
raison et le bon sens, je ne peux certainement pas varier et commencer à
négocier à rabais. Donc, j'expose la position du
Québec.
La députée de Hochelaga-Maisonneuve nous dit que jamais le
gouvernement fédéral ne va céder parce que le
Québec est un grand gagnant dans le melting-pot ou dans la
péréquation canadienne en matière
d'assurance-chômage. J'aimerais faire remarquer à la
députée de Hochelaga-Maisonneuve que c'est de moins en moins
vrai. L'écart entre le taux de chômage du Québec et celui
des autres provinces canadiennes se rétrécit continuellement. Je
faisais des vérifications encore ces jours derniers pour me rendre
compte qu'il y a deux ans, au début de l'année 1990, on parlait
d'un écart entre le Québec et l'Ontario qui frôlait les 5
%. Le Québec avait tout près de 5 % de plus de chômeurs, il
y a deux ans, que l'Ontario. Aujourd'hui, au moment où on se parle, M.
le Président, avec les derniers chiffres qu'on a reçus ces
jours-ci, l'écart est réduit à 1,5 % seulement de
chômage entre le Québec et l'Ontario.
Mme Harel: Est-ce que c'est parce que le Québec a
amélioré son sort ou que l'Ontario a aggravé le sien?
M. Bourbeau: Enfin, vous pourrez tirer les conclusions que vous
voulez, là. Disons que le Québec performe relativement mieux que
l'Ontario depuis deux ans et mieux que le Canada, d'ailleurs, aussi.
L'écart entre la moyenne canadienne et la moyenne
québécoise se rétrécit. Bon. C'est constant depuis
trois ans. Alors, ça veut dire que le Québec est de moins en
moins le parent pauvre, si je peux m'exprimer ainsi, du fonds
d'assurance-chômage. C'est vrai que, en . moyenne, au cours des 8 ou 10
dernières années, le Québec a retiré 1 000 000 000
$ par année de plus qu'il n'a souscrit au fonds
d'assurance-chômage. Je ne suis pas convaincu que ça va continuer
à être la même chose au cours des prochaines années,
et probablement pas au même niveau en tout cas. Donc, c'est une
donnée additionnelle dont on peut tenir compte dans les discussions.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député.
Mme Harel: J'aimerais, à ce stadè-ci,
présenter un amendement.
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez le
déposer. (16 heures)
Mme Harel: Très bien. Alors, M. le Président,
l'amendement consiste à ajouter, à la fin des mots «lui
confère», les mots «nonobstant l'article 92 a) de la Loi
constitutionnelle de 1867 et ses amendements». Alors, l'article 2 se
lirait comme suit: «La Société est une corporation au sens
du Code civil. Elle exerce tous les pouvoirs d'une telle corporation en outre
de ceux que la présente loi lui confère nonobstant l'article 92
a) de la Loi constitutionnelle de 1867 et ses amendements.»
Je pense, M. le Président, que le vibrant plaidoyer que le
ministre vient de faire milite en faveur, évidemment, de l'adoption de
cet amendement.
Le Président (M. Marcil): Est-ce qu'il y a discussion sur
l'amendement ou si...
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on peut voir les
textes juridiques?
Le Président (M. Marcil): Oui, nous allons attendre les
textes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Pour employer une formule connue.
Une voix: Ils s'en viennent. Ce ne sera pas long.
Le Président (M. Marcil): On va vous faire faire des
copies. Ça va? Moi, je l'ai, sauf qu'il faudrait que j'en fasse faire
des copies.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on peut plaider
sur la recevabilité?
Le Président (M. Marcil): Oui, vous pouvez plaider. Je
vais vous écouter.
M. Bourbeau: En fait, ce que nous dit la député de
Hochelaga-Maisonneuve, c'est que, nonobstant la Constitution canadienne - parce
qu'elle cite un article de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique -
l'article s'applique. Alors, je ne crois pas, M. le Président, et on va
discuter avec ceux qui m'entourent, qu'on puisse légalement, dans une
loi québécoise, stipuler qu'un article s'applique malgré
la Constitution canadienne. Il faudrait amender la Constitution pour que
l'article soit valable. Alors, je ne sais pas si c'est recevable ou non, M. le
Président, mais on m'avise que ce ne serait pas légal, en tout
cas.
Le Président (M. Marcil): Mme la
députée.
Mme Harel: M. le Président, en fait, c'est recevable dans
la mesure, exactement, où, en l'adoptant, le gouvernement se voit dans
l'obliga- tion d'obtenir un amendement constitutionnel, et de le
réclamer, évidemment. M. le Président, je pourrais vous
citer de nombreux précédents où cela a eu lieu. Je vais
vous en citer un en particulier, que je connais bien puisque j'ai
été très impliquée dans la révision de notre
Code civil. Je vous rappelle qu'en 1982 nous avions adopté, au chapitre
de la famille, tout un dispositif prévoyant la compétence du
Québec en matière de divorce et prévoyant la
manière dont nous allions l'exercer. Nous savons pourtant que le divorce
est, depuis 1867, de compétence fédérale, c'est toujours
là un anachronisme qui survit dans nos lois, M. le Président, et
je sais aussi qu'en vertu de l'article 92 a) de la Loi constitutionnelle et de
ses amendements il y a une partie de la compétence
fédérale dans les matières qui vont concerner la
Société. Cela vaut tout autant que le divorce valait, si vous
voulez, comme étant de compétence fédérale et,
pourtant, le gouvernement du Québec a choisi, en 1982, d'introduire dans
son Code civil tout un dispositif pour prévoir l'exercice de sa
compétence une fois qu'il l'aurait rapatriée. Il en est de
même également dans bien d'autres secteurs.
Je pense, M. le Président, qu'il n'y a aucun problème de
recevabilité. Évidemment, il n'y a pas de problème de
recevabilité. L'application de la mesure, pour être en vigueur,
suppose un amendement constitutionnel, évidemment, à partir de
là. Un peu de la même façon, le gouvernement du
Québec avait choisi de légiférer en matière de
tribunal de la famille. On sait pourtant que, le divorce étant de
juridiction fédérale et le mariage de juridiction provinciale, ce
tribunal de la famille pose le problème de la nomination des juges,
puisque les juges, en matière de divorce, doivent être
nommés par le fédéral qui, seul, nomme les juges à
la Cour supérieure, tandis que les juges de la Cour du Québec
sont nommés par le gouvernement du Québec. Mais rien
n'empêche le gouvernement, M. le Président, de
légiférer comme bon lui semble lors, évidemment, de la
mise en vigueur...
Tenez! Je vais vous donner un autre exemple que le ministre
connaît bien en matière, je pense, de faillite. Dans la Loi sur
les normes, il y a un certain nombre de dispositions qui ont été
introduites et qui n'ont pas encore été mises en vigueur du fait,
justement, que le Québec n'ait pas obtenu un transfert de
compétence. Ça n'empêche pas le gouvernement de
légiférer, M. le Président, ça indique seulement sa
volonté de réclamer des changements constitutionnels dans le sens
de sa législation.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Bourbeau: ...je vais être obligé d'apporter
certains correctifs à ce que vient de dire la
députée. Revenons sur le cas de la Loi sur les normes, je
crois, qui prévoit le fonds d'indemnisation en cas de faillite. Le
Québec n'a jamais prétendu légiférer sur la
faillite lorsqu'il a prévu ce fonds-là. Ce n'est pas un fonds qui
prévoit des règles qui s'appliquent en cas de faillite, c'est un
fonds qui tente de régler les conséquences d'une faillite. Dans
ce sens-là, c'était parfaitement dans la juridiction du
Québec d'établir un fonds pour venir en aide à ceux qui
sont victimes de faillite. Mais ça ne prétend pas et ça
n'a certainement pas, non plus, pour effet de réglementer la faillite
qui, elle, est de juridiction fédérale. Donc, je ne pense pas que
l'exemple peut s'appliquer. Pour ce qui est de ce qu'on a fait dans le domaine
de la famille, il faudrait voir, encore là, les textes. On parle sans
avoir le texte devant nous.
Mais le Québec pourrait fort bien, dans un débat sur la
famille ou dans un chapitre portant sur la famille, toucher à des points
qui pourraient, à la marge, être interprétés par
certains comme empiétant sur la juridiction fédérale en
matière de divorce, par exemple, quitte, plus tard, à ce qu'un
tribunal vienne statuer sur la légalité de l'article. Mais de
là à dire, comme le suggère la députée,
«nonobstant l'article 92 a) de la Constitution canadienne»,
là, c'est une charge à fond de train contre une constitution. Et,
M. le Président, je ne vois pas comment un juge pourrait, à sa
face même, reconnaître la légalité d'un article de
loi québécois qui dit que la Société exerce tous
les pouvoirs d'une corporation malgré la défense, en fait, que
lui en fait la Constitution canadienne. On peut interpréter ça
comme ça.
Alors, moi, je ne pense pas qu'on puisse, au Québec, passer un
article de loi qui attaque de front comme ça et à visière
levée la Constitution du pays sans que cet article-là, à
sa face même, soit présumé illégal, alors que, dans
d'autres lois, on a pu toucher à des sujets qui étaient à
cheval sur la juridiction.
Donc, la conclusion que j'en tire, c'est que, si l'article est
illégal prima facie, il est forcément irrecevable, M. le
Président, comme vous vous en doutez bien. (16 h 10)
Mme Harel: M. le Président, je reconnais le
bien-fondé de l'intervention du ministre en ce qui a trait au fonds
d'indemnisation des travailleurs victimes de la faillite de leur entreprise,
mais, par ailleurs, le ministre a tort en ce qui concerne tout le dispositif
adopté dans le Code civil en 1982 en matière de divorce. Il ne
s'agissait pas de laisser à l'interprétation du tribunal le, soin
de trancher dans le cadre d'une compétence partagée ou de zones
d'ombre. Pas du tout, M. le Président, on n'est pas en matière
d'environnement. Lorsque l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a
été rédigé, l'intention manifeste implicite et
explicite, le libellé de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
est clair, le divorce était considéré comme de juridiction
fédérale. Et l'intention des Pères de la
Confédération était claire, c'était de retirer
à une province catholique la compétence en cette matière
pour l'extraire de la culture religieuse de l'époque, M. le
Président. Et Ottawa s'était attribué cette
compétence pour la retirer de l'influence de l'Église du
Québec. Alors, là, il n'y a pas matière à
confusion. Le divorce, n'importe lequel des avocats... Je comprends que le
notaire n'a pas pratiqué en matière de contentieux, mais
n'importe quel avocat vous le dira, le divorce est de compétence
fédérale.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai toujours
préféré les contrats à l'amiable que les chicanes
d'avocats. Mais est-ce que l'article en question attaquait de front la
Constitution en disant: Nonobstant l'article untel de la Constitution
canadienne, le Québec va légiférer en matière de
divorce? Est-ce que vous y alliez comme ça sans gêne, comme
maintenant? Je présume que non. Je présume que c'était
plutôt par la bande que vous y alliez...
Mme Harel: Vous voulez dire que c'est... M. Bourbeau:
...en 1982.
Mme Harel: C'est le ton qui ne vous convient pas, et pas le
fond.
M. Bourbeau: Bien, ça m'apparaît, à sa face
même, comme étant...
Mme Harel: mais c'est ça que vous voulez. quand vous nous
dites que, finalement, vous voulez tout avoir, vous voulez
l'exclusivité. c'est ce que vous nous avez dit ce matin.
M. Bourbeau: Oui, oui.
Mme Harel: Alors, vous ne voulez pas un simple arrangement
administratif. C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Bourbeau: Non, non, non. Je n'ai pas dit ça du tout. Au
contraire, c'est un arrangement...
Mme Harel: Vous voulez un amendement constitutionnel?
M. Bourbeau: Non, non, pas du tout. Pas du tout, M. le
Président.
Mme Harel: Et vous voulez quoi?
M. Bourbeau: J'ai dit que le Québec demande la gestion de
l'assurance-chômage - donc, quand on dit la gestion, ce n'est pas la
compétence, c'est un arrangement administratif; effectivement, j'ai
toujours dit la même chose -d'ailleurs, qui ferait en sorte que le
Québec
gérerait sur son territoire le programme
d'as-surance-chômage, ayant convenu avec le fédéral d'une
modalité de gestion, un peu comme on le fait dans le programme d'aide
sociale ou de la sécurité du revenu où le
fédérai a une loi-cadre et où le Québec, à
l'intérieur de cette loi-cadre, a une certaine marge de manoeuvre et
gère exclusivement, d'ailleurs, sur son territoire, le régime
d'aide sociale, le gouvernement fédéral remboursant une partie
des coûts. S'il y a un précédent dans ce domaine-là,
il y a un précédent dans d'autres domaines. En habitation aussi,
c'est la même chose: le Québec est le seul gestionnaire des fonds
en habitation sociale sur son territoire; le fédéral participe
financièrement, une proportion d'au-delà de 50 %. Il y a un grand
nombre d'exemples, d'ailleurs, au Québec. Le régime de
santé en est un autre où le fédéral a une
législation et où le Québec a la sienne aussi, et, dans la
mesure où la législation québécoise ne contredit
pas la législation canadienne, le gouvernement fédéral
rembourse au Québec une partie importante des coûts. Mais la
gestion est totalement québécoise. Donc, on a un grand nombre de
précédents. Ce que le Québec demande, ce n'est pas de
rapatrier la juridiction, auquel cas on perdrait le bénéfice de
la péréquation du fonds d'assurance-chômage. Le
Québec demande de gérer sur son territoire le programme pour
éviter le dédoublement des coûts dont je parlais
tantôt. Et l'effet de péréquation pourrait fort bien
être maintenu.
Mme Harel: Mais est-ce que les exemples que vous nous donnez ne
sont pas terriblement inquiétants? L'exemple que vous nous donnez en
matière de transfert, en fait, le programme de transfert en
matière de santé où Québec a obtenu un
répit, pour un an et demi, deux ans, mais où, finalement, Ottawa,
refermant le robinet, décide de l'assiette de services qui seront
offerts aux citoyens... Est-ce qu'en matière de Régime
d'assistance publique du Canada, au moment où ça a
été adopté, en 1969, je crois, il n'était pas
justement prévu que le transfert de compétences devait se faire
dans les années qui suivaient? Et, finalement, le transfert n'a jamais
suivi. Est-ce que vous n'êtes pas obligé comme gouvernement, comme
l'ont été, d'ailleurs, tous les gouvernements, d'assujettir leurs
lois, d'assujettir leurs programmes aux critères du RAPC... C'est quoi?
Douze, à peu près. Tenez! Je vais vous donner un exemple, un
parmi d'autres, mais on pourrait tellement en aligner, M. le Président,
du corset, en fait, c'est un corset qu'a été le RAPC au
Québec.
Il y a une excellente thèse de doctorat qu'il faut lire
là-dessus, d'un professeur de l'Université du Québec
à Montréal, excellente thèse, qui a étudié
tous les programmes. Parce que les programmes de sécurité sociale
sont tous financés par le Régime d'assistance publique du Canada
qui finance, qui contribue pour 50 %.
Pensez, par exemple, au programme des garderies et demandez à la
ministre déléguée à la Condition féminine
les problèmes que ça lui a posés. Tenez! Prenons l'exemple
des garderies; on reviendra ensuite au programme APPORT que vous ne
réussissez pas à faire financer. On reviendra à tous ces
autres programmes que vous ne réussissez pas à faire financer par
le RAPC. Prenons les garderies. Le fédéral a décidé
de ne financer, dans le cadre du RAPC, que pour les familles à faibles
revenus et que la garde pour les moins de 6 ans. Alors, la garde scolaire,
c'est Québec qui doit l'assumer à 100 %. Pendant,
évidemment, longtemps, il faut comprendre que la raison pour laquelle la
garde scolaire était terminée, au moment où les enfants
devaient quitter l'école, c'est que, M. le Président, il n'y
avait pas de financement pour le restant de l'année, pour le restant de
l'été. Mais, ces enfants-là, ils ont autant besoin de
garde l'été qu'ils ont besoin de garde dans l'année. Les
enfants qui ont besoin d'être gardés, ils ont encore
peut-être un besoin plus grand pendant les vacances scolaires. Mais, tout
simplement parce que Québec se retrouvait à devoir assumer 100 %,
il a dû assujettir son programme et faire en sorte qu'il épouse
les critères de financement du programme canadien.
Mais le plus bel exemple, M. le ministre, vous le connaissez dans vos
propres plates-bandes, ce sont les programmes que vous ne réussissez
pas, comme le programme APPORT, à faire financer par le RAPC. Alors,
c'est vraiment inquiétant, les exemples que vous nous donnez. En fait,
vous allez vous satisfaire d'une entente administrative ou d'une loi-cadre?
Qu'est-ce que vous demandez à Ottawa?
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas dit que la
situation est parfaite. Loin de moi l'idée de prétendre que le
Québec est entièrement satisfait de la façon dont
fonctionne le RAPC. Ce que je dis, c'est que, sur le plan technique, il y a
possibilité de négocier avec le gouvernement
fédéral des arrangements administratifs. Il y a des
précédents. Si les précédents ne sont pas parfaits,
négocions des formules qui vont être encore meilleures que celles
qu'on a présentement. Mais la technique existe, on peut la
négocier.
Mme Harel: Sur la recevabilité, M. le Président, je
veux signaler que, dans le rapport du Comité mixte spécial du
Sénat et de la Chambre des communes, communément appelé le
rapport Beaudoin-Dobbie, intitulé «Un Canada
renouvelé», à la page 69, nous lisons la première
recommandation: «Que la Loi constitutionnelle de 1867 soit
modifiée afin de stipuler que toute province peut
légiférer pour confirmer sa compétence exclusive en
matière de formation de la main-d'oeuvre». On nous donne
même un exemple de projet de modification constitutionnelle, à
l'annexe A, à la page 115. Alors, M. le Président, je vais
peut-être vous demander de suspendre pour vérifier si mon
amendement est conforme au projet de modification du rapport Beaudoin-Dobbie,
mais, chose certaine, c'est certainement recevable qu'à ce moment-ci le
Québec, dans son projet d'être le maître d'oeuvre, comme
nous l'a indiqué, ce matin, le ministre, en matière de
main-d'oeuvre, prenne de l'avance, comme il était possible de le faire
en 1982, au moment où on révisait le Code civil, qu'il prenne de
l'avance et qu'il légifère pour confirmer sa compétence
exclusive en matière de formation de la main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection
à ce que vous preniez l'article en délibéré et que
vous rendiez votre décision plus tard, si vous voulez. On peut
suspendre.
Le Président (M. Marcil): Non, je suis en mesure de me
prononcer immédiatement sur la recevabilité.
M. Bourbeau: Alors, on vous écoute. Le Président
(M. Marcil): Ça va? M. Bourbeau: On vous écoute.
Le Président (M. Marcil): Donc, dans ce cas-ci,
naturellement, la recevabilité, moi, je dois toujours la juger en
fonction de notre règlement et non pas en fonction des règlements
d'autres Parlements. Je le fais en fonction du nôtre. Dans ce cas-ci,
moi, je n'ai pas à me prononcer sur le fond, la légalité
de l'amendement en question. Si je me réfère aux articles 244 et
197 de notre règlement, vous pouvez toujours le suivre, ceux qui veulent
le suivre...
M. Bourbeau: On vous fait confiance, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): On dit, à l'article 244:
«Les amendements doivent se rapporter à son objet et être
conformes à son esprit et à la fin qu'il vise.» Et,
à l'article 197, on dit: «Les amendements doivent concerner le
même sujet que la motion et ne peuvent aller à rencontre de son
principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à
remplacer des mots.» Donc, dans ce cas-là, je trouve que
l'amendement est recevable parce que je n'ai pas à me prononcer sur le
fond. (16 h 20)
Une voix: Je demande le vote.
Le Président (M. Marcil): Donc, il est conforme au
principe du projet de loi, parce qu'on ne fait qu'ajouter, dans le fond,
à l'article 2. On ne fait que préciser quelque chose. Donc, tout
ce qui reste à faire dans ce cas-ci, c'est de mettre l'amendement aux
voix et de le rejeter ou de l'adopter.
M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. On accepte
votre décision.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme Harel:
Alors, c'est recevable... Le Président (M. Marcil): Oui.
Mme Harel: ...et on peut donc parler sur... Le Président (M.
Marcil): L'amendement. Mme Harel: ...l'amendement.
Le Président (M. Marcil): C'est ça. Donc, je
reconnais Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve sur
l'amendement.
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. le
Président, en fait, la question est simple. C'est au moins les 5/6 des
budgets de la Société qui devraient normalement venir du
fédéral. Quand on regarde de près les budgets qui ont
été communiqués dans le mémoire soumis au Conseil
des ministres, on se rend compte que la presque majorité des budgets
dont devrait disposer la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre sont de source fédérale.
Alors, nous ne croyons pas qu'un simple arrangement administratif permette au
Québec d'être véritablement maître d'oeuvre de
l'ensemble des interventions gouvernementales sur le marché du travail.
Il faut comprendre, M. le Président, que ce qui est en cause, c'est une
mission qui concerne non seulement la formation professionnelle, mais qui
concerne aussi le champ de la protection et du développement de l'emploi
et de l'adaptation de la main-d'oeuvre.
Alors, comment imaginer qu'une simple entente administrative, qui,
rappelons-le, pourrait être reniée par un gouvernement qui suit
celui avec lequel l'entente pourrait être signée, comment imaginer
établir au Québec une politique sérieuse qui ne
résolverait pas d'abord la question de la compétence? Comment
imaginer mettre sur pied, créer une Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre,
aménager un siège social, transférer les 260
employés actuellement à la Direction générale de la
formation professionnelle, mettre en place tout un branle-bas de combat pour
que la montagne finisse par accoucher d'une souris? Un branle-bas de combat, M.
le Président, pour finalement administrer les programmes
québécois ou faire de la sous-traitance sur les programmes
fédéraux. Alors, c'est évident que, comme un grand grand
nombre, je dirais presque la totalité, non pas la totalité parce
qu'il y avait, à quelques exceptions près, des intervenants
devant la commission
parlementaire qui ont manifesté leur appui à un projet
permettant au Québec d'exercer pleinement ses compétences
constitutionnelles en général et d'exercer ses compétences
dans le domaine de la main-d'oeuvre et de l'emploi en particulier...
L'amendement, M. le Président, consiste à soutenir les
prérogatives québécoises dans le domaine de la
main-d'oeuvre et de l'emploi et il serait difficile, il serait vraiment
difficile de croire que le ministre puisse penser rejeter un tel amendement,
parce que, M. le Président, il y aurait là une sorte de
contradiction. Il nous dit que c'est ce qu'il veut obtenir, mais il battrait
l'amendement qui indique que c'est ce qu'il veut obtenir. Parce que, en
définitive, ce qu'il nous a dit, c'est qu'il souhaitait que
Québec soit le maître d'oeuvre. Je vous rappellerai que,
même si le ministre ne réclame que la gestion des mesures passives
à l'assurance-chômage, rien ne lui interdit, une fois
confirmée... D'ailleurs, M. le Président, comme le
suggérait le rapport Beau-doin-Dobbie lui-même, une fois
confirmée sa compétence exclusive, rien n'empêche le
gouvernement du Québec de confier, par entente administrative cette
fois-là, de confier à la caisse d'assurance-chômage le soin
de percevoir les cotisations, le soin de les redistribuer. Rien ne
l'empêche. Mais, M. le Président, ce sera toute la
différence du monde entre être assujetti à une entente
administrative en vertu de l'autorité compétente d'un autre et
confier par entente administrative à un autre, mais en vertu de sa
propre compétence. Alors, ce serait vraiment difficile de comprendre
pourquoi les députés ministériels rejetteraient cet
amendement, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): merci beaucoup, mme la
députée de hochelaga-maisonneuve. est-ce que, m. le ministre,
vous voulez intervenir?
M. Bourbeau: Seulement un mot, M. le Président, pour qu'on
sache pourquoi on a voté contre la proposition. La proposition de la
députée de Hochelaga-Maisonneuve vient avant son temps, en ce
sens qu'elle prend pour acquis que la Constitution canadienne pourrait
être amendée et qu'à ce moment-là on peut
légiférer malgré les dispositions présentes de la
Constitution canadienne. Moi, je pense que c'est ce qu'on appelle mettre un peu
la charrue devant les boeufs. Dans l'état actuel du droit, je ne pense
pas que la Constitution canadienne permette de légiférer à
rencontre de ce qu'elle contient. Et, moi, j'aurais peur, sans avoir
demandé d'opinion juridique écrite, de mettre dans une loi
québécoise un article qui, carrément, vient à
rencontre de ce qu'édicté la loi du pays. Je ne voudrais pas me
retrouver dans trois, quatre ans avec un jugement de la Cour qui dirait que la
loi qu'on a adoptée aujourd'hui est illégale,
anticonstitutionnelle, etc. À ce moment-là, tous les gestes qu'on
aurait pu poser, dans l'avenir, pourraient être sujets à caution.
Alors, dans ces conditions-là, M. le Président, j'aime autant
légiférer dans la sécurité, d'autant plus que je
suis le ministre de la Sécurité du revenu, alors ça
m'incite à le faire, et remettre à plus tard les amendements
constitutionnels ou législatifs, M. le Président, qui pourront
toujours être faits en d'autres temps et d'une autre façon.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, votre droit de
réplique.
Mme Harel: Comment, M. le Président, comprendre la
position du ministre quand il nous dit qu'il veut obtenir la maîtrise
d'oeuvre et qu'il ne prend pas les moyens pour l'obtenir? M. le
Président, tout ça reste des paroles verbales, comme dirait mon
collègue de Jonquière. Parce que, finalement, c'est un voeu pieux
que le ministre formule. On est presque à Walt Disney, M. le
Président. Si Québec ne revendique pas en
légiférant pour affirmer clairement sa compétence, comment
imaginer qu'il pourrait l'obtenir autrement?
Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme Harel:
Oui.
Le Président (M. Marcil): Donc, je vais mettre aux voix
l'amendement. Est-ce que l'amendement est adopté?
Mme Harel: Vote nominal.
Le Président (M. Marcil): Vote nominal.
M. Bourbeau: Qu'on appelle les députés.
Le Président (M. Marcil): Donc, je vais appeler chacun des
députés. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: En faveur.
Le Président (M. Marcil): En faveur. M. le
député de Laporte, ministre du Revenu et de la
Sécurité...
Des voix: De la Formation professionnelle.
Le Président (M. Marcil): ...ministère de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle?
M. Bourbeau: Et de la Main-d'oeuvre.
Le Président (M. Marcil): Et de la Main-d'oeuvre, c'est
très important.
M. Bourbeau: Je suis contre l'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Contre. M. le
député de Berthier?
M. Houde: Contre.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Saint-Henri?
Mme Loiselle: Contre.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Nelligan?
M. Williams: Contre.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Trois-Rivières?
M. Philibert: Contre.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Châteauguay?
Mme Cardinal: Contre.
Le Président (M. Marcil): Donc, l'amendement est
rejeté. Donc, je reviens toujours à l'article. Est-ce que
l'article est adopté?
M. Bourbeau: Adopté.
Mme Harel: Sur division. (16 h 30)
Le Président (M. Marcil): L'article 2 est adopté
sur division. J'appelle maintenant l'article 3.
Mme Harel: Un instant, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Oui, Mme la
députée.
Mme Harel: Alors, on a obtenu des informations concernant la Loi
sur l'administration financière...
Le Président (M. Marcil): Oui, le projet de loi 181. La
loi 181, c'est-à-dire, parce qu'elle a été
adoptée.
Mme Harel: Alors, M. le Président, j'aimerais obtenir
cette fois du ministre des éclaircissements concernant la Loi sur la
fonction publique. En fait, ce que j'aimerais savoir, c'est quelles sont ses
intentions à l'égard du personnel de la société
mère et des sociétés régionales. Comment est-ce
qu'il voit que les choses vont se passer?
M. Bourbeau: J'espère qu'ils vont être heureux, bien
traités et satisfaits de travailler pour la Société.
Mme Harel: Est-ce qu'ils seront régis par la Loi sur la
fonction publique?
M. Bourbeau: Non. Non, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Juste une question de
règlement, Mme la députée. Normalement, en fonction du
règlement, vous n'aviez plus de temps pour parler, compte tenu...
Peut-être deux minutes, c'est ça? L'article 2 est
déjà adopté.
Mme Harel: Non, mais c'est l'amendement qui a
été...
Le Président (M. Marcil): Non, non. L'amendement a
été rejeté. J'ai demandé si l'article 2
était adopté tel que...
Mme Harel: Ah! je croyais que c'était l'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Et vous avez dit: Sur
division.
M. Bourbeau: De toute façon, M. le Président, je
crois que la question que pose la députée de Maisonneuve, on
pourra y répondre quand on arrivera aux articles en question, les
articles qui prévolent ces choses-là...
Le Président (M. Marcil): C'est les articles 49 et
suivants, également, dans le chapitre...
M. Bourbeau: Non, qui prévoient l'assujettissement
à la fonction publique ou non du personnel. Il y a un article qui le dit
nommément. Moi, je ne veux pas éviter les questions, mais il me
semble qu'on pourrait attendre d'arriver à ces...
Mme Harel: Est-ce que le ministre pourrait m'indiquer à
quel article il me propose d'y revenir?
M. Bourbeau: Oui, je peux lui dire tout de suite de quel article
il s'agit. M. le Président, il s'agit de l'article 11, deuxième
paragraphe. On peut lire l'article 11 au complet. «Les employés de
la Société sont nommés de la manière qu'elle
prévoit par règlement et selon le plan d'effectifs qu'elle
établit. «Les normes et barèmes de
rémunération ainsi que les autres conditions de travail de ces
employés sont établis par la Société et soumis
à l'approbation du gouvernement.»
Donc, en aucun cas il n'est dit que la Société est sujette
à la Loi sur la fonction publique. Donc, comme cela n'est pas dit,
ça ne s'infère pas.
Le Président (M. Marcil): En d'autres mots, Mme la
députée, on va reprendre le débat lorsqu'on sera rendu
à l'article 11. Ça va?
Mme Harel: Bien, de toute façon, M. le Président...
En adoptant la Société comme une corporation au sens du Code
civil, est-ce que le ministre ne viendrait pas là d'indiquer l'exclusion
de la fonction publique sur tel type de société?
M. Bourbeau: En fait, comme je le disais tout à l'heure,
M. le Président, nous sommes en train de voter une loi qui institue une
corporation. Donc, toute corporation n'est pas sujette, aucune corporation
n'est sujette à la Loi sur la fonction publique, à moins qu'on ne
le dise spécifiquement. À nulle part, il ne l'est dit. Donc,
à moins qu'il ne soit dit...
Mme Harel: Alors, il serait, par exemple, possible de le dire
à l'article 11.
M. Bourbeau: Ah! bien oui, si vous voulez faire plaisir...
Mme Harel: C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Bourbeau: ...à vos amis...
Mme Harel: Si ça doit être dit...
M. Bourbeau: ...de la CSN.
Mme Harel: ...ça doit l'être à l'article
11.
M. Bourbeau: Vous le direz à l'article 11.
Le Président (M. Marcil): Ça va?
M. Bourbeau: D'ailleurs, on attendra votre amendement.
Le Président (M. Marcil): Donc, j'appelle maintenant
l'article 3.
M. Bourbeau: L'article 3, M. le Président, attribue
à la Société le statut de mandataire du gouvernement en
prévoyant deux particularités à cet égard: d'une
part, l'exécution des obligations de la Société peut
être poursuivie sur ses biens, malgré que ceux-ci fassent partie
du domaine public, et, d'autre part, la Société n'engage pas le
gouvernement lorsqu'elle agit en son nom, mais elle engage plutôt
elle-même.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, est-ce que le ministre peut
nous indiquer des dispositions semblables dans d'autres lois du
Québec?
M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas inusité,
au contraire, c'est assez fréquent de rencontrer ce texte-là dans
les lois québécoises. Je vais tenter de donner quelques exemples
à la députée. Qu'il me suffise de dire pour l'instant que
la principale conséquence juridique découlant de l'attribution du
statut de mandataire du gouvernement est de rendre applicables à
l'organisme, c'est-à-dire la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les
privilèges et les immunités de la couronne, qu'il s'agisse des
prérogatives existant en vertu de la «common law» ou de
celles conférées par les lois ordinaires, qui sont
nécessaires ou utiles à l'exécution de son mandat. Plus
particulièrement, on peut mentionner l'immunité fiscale et le
privilège de non-application des lois à la couronne à
moins de mention expresse ou d'inférence nécessaire. À ce
sujet, je suggère de voir l'article 42 de la Loi
d'interprétation, chapitre I-16.
Bon. On attire mon attention, M. le Président, sur une loi
sanctionnée le 25 octobre 1990, Loi sur là Société
du parc industriel et portuaire de Bécancour, qui contient la même
phrase, à peu près là, qui dit: «Ses biens font
partie du domaine public mais l'exécution de ses obligations peut
être poursuivie sur ses biens.» C'est pratiquement les mêmes
mots. «La Société n'engage qu'elle-même lorsqu'elle
agit en son nom.» C'est pratiquement le même texte.
La Loi sur la Société québécoise de
récupération et de recyclage dit exactement la même chose,
c'est mot à mot. Je peux citer: «Les biens de la
Société font partie du domaine public mais l'exécution de
ses obligations peut être poursuivie sur ses biens. La
Société n'engage qu'elle-même lorsqu'elle agit en son
nom.» M. le Président, c'est pratiquement du plagiat, pour ne pas
dire que ça en est.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, à ce moment-ci,
j'aimerais présenter un amendement qui se lirait comme suit: Ajouter un
quatrième alinéa: «La Société est assujettie
aux pouvoirs du Vérificateur général et du Protecteur du
citoyen.»
M. Bourbeau: Tant qu'à y être, vous pouvez ajouter
«le président de la Commission des droits de la
personne».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Et pourquoi pas aussi «la loi d'accès
à l'information».
Mme Harel: En regard de la Commission des droits de la personne,
elle l'est automatiquement
de par les dispositions de la Charte des droits qui s'appliquent
lorsqu'il y a des motifs de discrimination interdits. Ces motifs, on les
connaît bien. Nul, évidemment, ne peut transgresser la Charte des
droits. Mais je vous rappelle, M. le Président, que, si nous
n'introduisons pas cet amendement dans le projet de création de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, je comprends que ni le Vérificateur général
ni le Protecteur du citoyen, qui n'ont pas, eux, contrairement à la
Charte des droits, un mandat très large, ni donc le Vérificateur
général ni le Protecteur du citoyen ne pourront exercer leur
compétence.
M. Bourbeau: M. le Président, on peut les prendre un par
un. À l'article 53 du projet de loi qu'on a devant nous, il est dit que
«les livres et comptes de la Société sont
vérifiés chaque année et chaque fois que le
décrète le gouvernement, par le Vérificateur
général ou, avec l'approbation du gouvernement, par un
vérificateur désigné par la Société. Le
rapport du Vérificateur doit accompagner le rapport d'activités
et les états financiers de la Société».
Mme Harel: Quel article, ça? Une voix: 53.
M. Bourbeau: Je crois que, dès le départ, on
prévoit à l'article 53 que le Vérificateur
général, en principe, est celui qui vérifie les livres et
les comptes de la Société. Il me semble que c'est...
Le Président (M. Marcil): Au chapitre?
M. Bourbeau: C'est l'article 53 du projet de loi.
Le Président (M. Marcil): 53. Donc, est-ce que
l'amendement a sa raison d'être, Mme la députée?
Mme Harel: Concernant le Vérificateur
général, non, mais concernant le Protecteur du citoyen, oui.
M. Bourbeau: Est-ce que la députée affirme que le
Protecteur du citoyen n'a pas juridiction à moins qu'on ne le dise
spécifiquement dans la loi? (16 h 40)
Mme Harel: Le Protecteur du citoyen a une juridiction sur les
ministères du gouvernement du Québec et sur les organismes qui
sont désignés dans la loi qui lui accorde juridiction. Mais je
comprends que dans la mesure où il n'en est pas fait mention on
soustrairait, au bénéfice d'un appel, d'un recours devant le
Protecteur du citoyen, tout le domaine de la formation professionnelle et du
développement de la main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: M. le Président, je dois dire qu'on est un
peu pris par surprise, là. Je n'ai pas devant moi la Loi sur le
Protecteur du citoyen. Ce que je suggérerais, c'est qu'on suspende,
alors, l'application de l'article 3. On va prendre connaissance de... Est-ce
que la députée veut modifier...
Mme Harel: Oui.
M. Bourbeau: ...son amendement, pour le restreindre au Protecteur
du citoyen peut-être?
Le Président (M. Marcil): Oui, c'est ça. Donc, on
va suspendre l'article 3 et l'amendement.
M. Bourbeau: II faudrait qu'elle fasse un nouvel amendement.
Le Président (M. Marcil): Oui.
Mme Harel: Je le retire, à ce moment-là.
Le Président (M. Marcil): Oui. Elle retire l'amendement.
Donc, moi, je suspends, à votre demande, l'article 3. Il va y avoir des
vérifications. Donc, on reviendra plus tard sur l'article 3.
M. Bourbeau: Très bien.
Le Président (M. Marcil): Ça va. J'appelle
l'article 4.
M. Bourbeau: M. le Président, cette disposition concerne
la détermination de la situation du siège social de la
Société et prévoit la publication éventuelle d'un
avis à ce sujet dans la Gazette officielle du Québec. Elle
précise, par ailleurs, que la Société peut se
réunir partout au Québec.
M. le Président, j'aimerais apporter un amendement à
l'article 4, un amendement qu'on va faire distribuer, je présume, oui,
et qui se lirait comme suit: Remplacer la première phrase du premier
alinéa de l'article 4 du projet de loi par la suivante: «4. La
Société a son siège social sur le territoire de la
Communauté urbaine de Québec, à l'endroit
déterminé par le gouvernement.»
Cet amendement ajoute une précision quant à
l'éventuelle localisation du siège social de la
Société. Celui-ci sera situé sur le territoire de la
Communauté urbaine de Québec.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Dans le plan d'action gouvernemental publié en
décembre dernier par le président du Comité
ministériel permanent de développement du Grand Montréal,
l'actuel
président du Conseil du trésor, on retrouve un engagement
du gouvernement à l'effet d'installer la principale place d'affaires de
la Société à Montréal. Alors, j'aimerais savoir si
le ministre a l'intention de préciser dans le projet de loi que la
principale place d'affaires de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre sera
à Montréal, comme il s'est engagé à le faire en
décembre dernier.
M. Bourbeau: M. le Président, la reconnaissance du
rôle de capitale de la ville de Québec plaidait en faveur de la
localisation du siège social à Québec ou, à tout le
moins, sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. En
commission parlementaire, tant la ville de Montréal que la ville de
Québec se sont exprimées en faveur de cette localisation.
Toutefois, cette localisation n'impliquera pas nécessairement que la
majorité des effectifs de la Société se retrouvera
à Québec. En effet, une région de l'importance et de la
taille de Montréal sera susceptible de regrouper davantage d'effectifs
qu'à Québec au niveau des activités opérationnelles
et des services à la clientèle. Ainsi, la localisation du
siège social de la Société à Québec
n'empêchera pas qu'on puisse retrouver la principale place d'affaires de
la Société à Montréal, tel que cela a
été annoncé dans le plan stratégique du Grand
Montréal. Donc, M. le Président, comme le gouvernement a
déjà annoncé son intention, dans un document
gouvernemental approuvé par le Conseil des ministres, de faire en sorte
que la principale place d'affaires de la Société soit à
Montréal, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin
que ça dans le libellé de l'article 4.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je reviendrai avec un
amendement à cet effet, mais j'aimerais, à ce moment-ci, demander
au ministre comment il entend procéder pour operational iser la
création de la Société, comment il voit, dans les mois qui
viennent, la mise en place de la Société.
M. Bourbeau: M. le Président, vous connaissez le grand
respect que j'ai pour l'Assemblée nationale. Tout est sujet à
l'approbation de la loi, bien sûr, par l'Assemblée nationale et
à l'attitude que prendra l'Opposition officielle au cours des prochains
jours. Mais disons, M. le Président, en admettant que tout aille bien et
que la députée de Maisonneuve conserve la bonne humeur qu'elle a
présentement, et que la loi soit adoptée d'ici la fin de la
présente session, j'aurais l'intention de soumettre au gouvernement,
vers la fin de l'été probablement, des propositions pour former
le conseil d'administration, faire en sorte que le conseil d'administration
puisse commencer à siéger dès l'automne pour
préparer un plan de transition des effectifs, des budgets du
gouvernement du Québec et, espérons-le aussi, des effectifs et
des budgets du gouvernement du Canada, de sorte que, ayant
préparé au cours de l'automne toute la transition, on puisse
faire en sorte que la Société devienne opérationnelle,
disons, le 1er avril 1993, début de l'année fiscale 1993-1994 du
gouvernement du Québec.
Mme Harel: Ça implique combien d'effectifs au niveau du
ministère?
M. Bourbeau: Au ministère, présentement, nous avons
environ 200 personnes.
Une voix:...
M. Bourbeau: Depuis qu'on a un nouveau sous-ministre, ça a
augmenté, on est à 250.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Non, je fais une blague, M. le Président. Les
effectifs n'ont pas augmenté, c'est ma mémoire qui faisait
défaut. On a environ 250 personnes. Alors, je vais vérifier les
chiffres exacts. Disons que c'est plutôt... Les chiffres que j'ai ici...
Avec les occasionnels, M. le Président, c'est autour de 250. Dans les
CFP, environ 750 postes. Les CFP, bien sûr, les fonctionnaires, les
effectifs demeureraient là où ils sont, à moins que les
sociétés régionales soient déplacées. Au
niveau des fonctionnaires du gouvernement, c'est-à-dire, ce sont les
fonctionnaires du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, un certain
nombre demeureraient à Québec, étant affectés au
ministère même, parce que le ministère va conserver quand
même un module main-d'oeuvre étant encore en charge des
responsabilités en matière d'orientation et de politique, un
certain nombre pourront demeurer au siège social et un certain nombre
seront affectés soit dans les régions, soit à
Montréal. Qu'il me suffise de dire que, présentement, environ un
tiers des 250 fonctionnaires sont affectés à Québec, un
autre tiers à Montréal et un autre tiers dans les régions.
Alors, ça pourrait ne pas signifier un grand déplacement de
fonctionnaires, de ceux qui sont présentement à Québec,
certains devant demeurer au ministère, d'autres pouvant être
transférés au siège social de la Société et
un certain nombre d'autres à Montréal, peut-être.
Mme Harel: Le ministre nous dit donc que son scénario est
prêt pour débuter le 1er janvier 1993. C'est ça qu'il faut
comprendre?
M. Bourbeau: Disons qu'il sera prêt. Je ne peux pas dire
que, présentement, tout le scénario est fait et il est immuable,
parce que, étant donné le grand respect que j'ai pour
l'Assemblée nationale, M. le Président, je ne peux pas
présumer de la date d'adoption de la loi. Mais,
dès que la loi sera adoptée, on verra à
préparer le scénario pour faire en sorte que la
société puisse être opérationnelle dès le
début de l'année 1993.
Mme Harel: Quand le ministre nous indique que le tiers des
effectifs de la Direction générale de la formation
professionnelle sont en des régions autres que Montréal et
Québec, où ces effectifs se retrouvent-ils?
M. Bourbeau: Ce sont les effectifs qui sont affectés
à la qualification professionnelle et au service aux entreprises. Ils
sont effectivement situés, dans la totalité des cas, je crois,
dans les locaux des CFP.
Mme Harel: M. le Président, je constate la présence
du sous-ministre à la formation professionnelle, je crois.
M. Bourbeau: Oui, on peut peut-être vous le
présenter, M. Duc Vu, qui est le nouveau sous-ministre adjoint à
la main-d'oeuvre et à la formation professionnelle.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais en profiter
pour lui rappeler l'engagement qu'il a pris de transmettre à
l'Opposition les données relatives à la participation aux
programmes de formation lors de l'étude des crédits en commission
parlementaire.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais dire à la
députée de Hochelaga-Maisonneuve que les sous-ministres adjoints
ne transmettent pas directement de documents aux députés de
l'Opposition. Ça passe, bien sûr, par le cabinet du ministre. La
députée de Hochelaga-Maisonneuve connaît les usages. Et on
me dit que les documents sont sur mon bureau. Alors, comme je n'y suis pas et
que je n'ai pas le don d'ubiquité, je ne peux pas les transmettre. Mais,
dès que je serai de retour à mon bureau, je les ferai transmettre
à la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, est-ce que le ministre a un motif pour vouloir
contrôler les chiffres? Je comprends que ce sont des colonnes de
chiffres. Est-ce qu'il a un motif particulier pour vouloir contrôler
l'information?
M. Bourbeau: M. le Président, la députée
sait fort bien que, quand elle pose des questions en commission parlementaire
ou aux crédits, elle les pose au ministre. C'est le ministre qui
s'engage à transmettre les documents. Donc, il ne faut pas qu'elle en
veuille au sous-ministre adjoint.
Mme Harel: Pas du tout. (16 h 50)
M. Bourbeau: C'est le ministre qui a pris les engagements.
Mme Harel: J'ai tout transféré, là,
l'attente que j'avais de ces informations-là, sur vous.
M. Bourbeau: Bon.
Mme Harel: Mais là je vous pose la question à
vous.
M. Bourbeau: Disons qu'en premier lieu je dois...
Mme Harel: Qu'est-ce qui vous motive à retarder la
transmission?
M. Bourbeau: Rien du tout, M. le Président. La
députée de Maisonneuve sait fort bien comment je souhaite avoir
des bonnes relations avec tous les députés. Je me fais un point
d'honneur de donner le meilleur service possible à la clientèle.
Cependant, avant de transmettre comme ça, bêtement, des documents,
les chiffres, je dois les vérifier. Je dois les vérifier, tant et
si bien que vous savez, parfois, qu'il peut y avoir des erreurs. Le ministre
transporte toujours sa calculatrice sur lui. Alors, je vérifie tous les
chiffres avant qu'on les envoie. Alors, dès que j'aurai eu l'occasion de
les vérifier, je les transmettrai.
Mme Harel: Ça peut vous permettre aussi d'en prendre
connaissance, finalement...
M. Bourbeau: Aussi, bien sûr.
Mme Harel: ...n'est-ce pas? étant donné que nous
n'avions pas pu obtenir ces informations-là au moment de l'étude
des crédits.
Le Président (M. Marcil): Nous sommes toujours sur
l'amendement. Est-ce que la discussion sur l'amendement est terminée?
Est-ce qu'il est adopté?
Mme Harel: D'abord, est-ce qu'il y a un amendement, M. le
Président?
Le Président (M. Marcil): Oui, vous avez eu un amendement
à l'article 4.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: On s'égare, M. le Président.
Mme Harel: C'est parce qu'on ne nous l'avait pas
distribué, je crois.
Le Président (M. Marcil): Je pense que oui, madame.
Mme Harel: II est possible... Ah! il l'avait
été. Non, excusez-moi. Non, non, il l'avait
été.
Le Président (M. Marcil): Oui, oui. Le personnel,
habituellement, est exemplaire à cet effet.
Mme Harel: Évidemment, M. le Président, le ministre
va comprendre qu'on va vouloir, dans le projet de loi, faire confirmer que la
principale place d'établissement est à Montréal. Il n'y a
pas de raison, parce que le gouvernement a jugé bon de l'écrire
dans tous ses communiqués de presse, dans son plan d'action en
décembre dernier, qu'il fasse défaut de l'écrire dans le
projet de loi, étant donné, en plus, qu'un projet de loi,
ça survit à un ministre. Un ministre passe, mais, en
général, les lois ont une longévité beaucoup plus
longue que les ministres.
Le Président (M. Marcil): Donc, je suppose que vous voulez
apporter un amendement par la suite.
Mme Harel: Est-ce que ce serait un sous-amendement ou un
amendement? Je vais me fier à votre expérience.
Le Président (M. Marcil): Je pourrais accepter un
sous-amendement. Je suppose que c'est dans le but de préciser que la
principale place d'affaires se situerait à Montréal. C'est
ça?
Mme Harel: À Montréal. C'est bien ça.
Le Président (M. Marcil): Dans le Montréal
métropolitain ou à Montréal?
Mme Harel: Montréal métropolitain.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous voulez
l'écrire, Mme la députée?
Mme Harel: Très bien. (Consultation)
Mme Harel: on va vraiment indiquer «montréal
métropolitain», m. le président, sinon ça pourrait
fort bien se retrouver dans le comté de...
Le Président (M. Marcil): Vous voulez dire le Grand
Montréal en fonction de...
Mme Harel: Du Montréal métropolitain,
c'est-à-dire, c'est l'île de Montréal proprement dite, et
non pas du Grand Montréal, sinon je sens que ça pourrait se
retrouver près de Saint-Lambert.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Ou à Valleyfield.
(Consultation)
M. Bourbeau: ...M. le Président, le nom de la Chambre de
commerce de Montréal, qui prétendait avoir des ramifications sur
la rive sud, s'est transformé en Chambre de commerce du Montréal
métropolitain, en nous avisant qu'elle avait juridiction sur notre
territoire. Alors, je ne sais pas trop exactement ce qu'on doit entendre par
Montréal métropolitain, mais, moi, je prends pour acquis que
ça inclut la rive sud.
Mme Harel: On va vous arranger ça, nous. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Vous n'avez pas pu lui en
parler... juste retenu Montréal métropolitain. J'espère
qu'il n'y aura pas un sous-sous-sous-amendement dans lequel on va indiquer la
ville, la rue.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on aura droit à une ode à
Montréal, M. le Président?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Donc, le sous-amendement se lit
comme suit: Ajouter, après les mots «la Communauté urbaine
de Québec», le sous-amendement suivant: «et sa principale
place d'affaires sur le territoire de la Communauté urbaine de
Montréal».
M. Bourbeau: M. le Président, il est rece-vable, je
présume.
Le Président (M. Marcil): Oui, il est recevable.
M. Bourbeau: Alors, est-ce qu'on prend le vote, M. le
Président, sur le sous-amendement?
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, le vote est demandé sur le sous-amendement.
Mme Harel: Immédiatement?
Le Président (M. Marcil): À moins que vous ne
vouliez intervenir sur le sous-amendement? Je pensais que tout avait
été dit sur ça.
Mme Harel: M. le Président, sincèrement je ne le
ferais pas si j'avais la moindre indication que les ministériels
entendent voter en faveur du sous-amendement.
M. Bourbeau: M. le Président...
Mme Harel: Parce que, s'ils entendaient voter en faveur, je ne
plaiderais pas. Mais, si je sens qu'il y a encore de l'indécision, je
vais
plaider.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): vous savez, mme la
députée, c'est assez difficile de répondre à votre
question. c'est comme si on me demandait...
Mme Harel: Je ne peux pas prendre de chances, alors.
Le Président (M. Marcil): Moi, je serais
intéressé à me présenter député
à la condition de gagner.
M. Bourbeau: M. le Président, je suis dans un dilemme
terrible, parce que je voudrais éviter la plaidoirie...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: ...enfin, d'avoir à passer par les affres
d'une plaidoirie de la députée de Maisonneuve. Mais, par contre,
je ne peux pas lui assurer que les députés du parti
gouvernemental vont voter en faveur de son amendement, donc...
Mme Harel: Est-ce que c'est un vote libre, d'abord, ou est-ce que
c'est un vote de parti?
M. Bourbeau: Oui, oui, c'est libre. Je pense que c'est libre.
Chacun est libre de faire ce qu'il veut. M. le Président,...
Mme Harel: Ce sera un vote nominal.
M. Bourbeau: Oui, sûrement, M. le Président. Mais
là le problème qui se pose, c'est que, si je dis oui à la
députée de Hochelaga-Maison-neuve, je ne peux pas présumer
du vote de mes collègues et, si je dis non, je vais subir un discours de
20 minutes. Alors, de deux maux, il faut choisir le moindre, semble-t-il.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Alors, la conclusion. J'attends toujours la
conclusion, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Je veux seulement savoir si vous
avez l'intention de plaider, Mme la députée. Sinon, on va
demander le vote.
Mme Harel: Écoutez, je vais vous dire simplement...
Le Président (M. Marcil): Ne prenez pas de chances.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Oui, c'est ça. C'est bien évident, dans
le contexte où nous travaillons, M. le Président, je vais
simplement plaider en faveur que nous introduisions de façon explicite
ce qui a déjà fait l'objet d'un engagement public, en fait,
politique. Je comprends qu'il y a eu une sorte de modus vivendi entre les
maires des grandes villes de Québec et de Montréal. Je me
rappelle les travaux de notre commission parlementaire où le maire de
Québec est venu exprimer au nom de sa ville le désir profond que
les centres de décision restent à Québec, mais il me
semble qu'il a souscrit au fait qu'il puisse y avoir des activités
importantes qui se déroulent là où se trouve
évidemment le coeur, si vous voulez, en l'occurrence en matière
de main-d'oeuvre. C'est bien évident que les entreprises et les
travailleurs et travailleuses se trouvent principalement autour de la grande
région métropolitaine de Montréal. (17 heures)
Alors, ça n'indique pas qu'il n'y a pas lieu de
régionaliser. Ce sera un autre débat que nous ferons.
Évidemment, nous n'y manquerons pas, M. le Président. Ce sera un
débat important au sein de cette commission que ce pouvoir en
région. Là, il s'agit, finalement, de savoir si on
décentralise simplement là où seront les partenaires avec
lesquels le ministère souhaite se concerter. Je crois que tous les
partenaires ont indiqué leur satisfaction de voir que la principale
place d'affaires serait à Montréal. Je comprends que, pour ceux
d'entre eux, là, qui envisagent de siéger à cette
commission, je ne sais s'ils ont obtenu la confirmation du ministre qu'ils y
siégeraient, mais en tout cas, pour ceux qui siègent
déjà à la Conférence permanente sur l'adaptation de
la main-d'oeuvre, ça m'apparaît assez évident qu'ils
considèrent, entre autres choses, que les réunions de la
Société pourraient avoir lieu là où se tiendrait sa
principale place d'affaires. Je crois comprendre ça.
Je ne sais pas où se déroulent les réunions de la
Conférence permanente d'adaptation de la main-d'oeuvre. Est-ce que c'est
alternativement à Québec, à Montréal ou,
principalement...
M. Bourbeau: Parfois à Montréal, parfois à
Québec, mais le plus souvent à Montréal. Disons à
Montréal dans 90 % des cas.
Mme Harel: C'est sans doute ce que les partenaires du
ministère souhaitent pour ce qui concerne la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. De toute
façon, quoi qu'il en soit, je crois nécessaire que le projet de
loi l'établisse clairement et fasse, oui, une sorte de dissociation
entre la place d'affaires et le siège social. Je n'étais pas
favorable, je dois vous dire, M. le Président, à cette
dissociation avant que nous débutions les travaux en commission
parlementaire. Mais, compte tenu des débats qui se sont faits sur cette
question, je me suis
ralliée. Je crois que c'est plus sage d'agir de cette
façon. Alors, je souhaite donc qu'on le dise par ailleurs formellement
en adoptant cet amendement.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Donc, est-ce que
le sous-amendement... Oui, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je ne veux pas prolonger
indûment, parce que nous procédons à pas de tortue, mais,
enfin, je pense que je vais prendre une minute quand même pour
préciser un peu que la raison pour laquelle je m'oppose personnellement
à cette proposition-là, ce n'est pas que nous n'avons pas
l'intention de faire de Montréal la principale place d'affaires de la
Société. C'est nous-mêmes qui l'avons annoncé, et
non pas comme ça, dans un communiqué de presse, dans un document
gouvernemental qui a reçu la sanction du Conseil des ministres. Donc,
c'est une annonce de gouvernement.
Maintenant, la députée de Hochelaga-Maisonneuve est
très raffinée dans sa façon d'aborder la politique, M. le
Président. Nous avons un gouvernement qui, pour une rare fois, annonce
qu'une société d'État aura sa principale place d'affaires
à Montréal. C'est très rare. On n'en a pas beaucoup comme
ça. Vous savez tout le boucan que ça peut faire dans la
région de Québec qu'une société va avoir sa
principale place d'affaires en dehors de Québec. Déjà, ce
n'est pas tellement bien vu sur la colline parlementaire. Donc, nous avons eu
le courage de dire cela, de l'annoncer et d'en prendre un engagement, mais
ça ne satisfait pas la députée de Hochelaga-Maisonneuve,
M. le Président, qui veut pousser le raffinement jusqu'à
l'introduire dans la loi. Ce serait une première. Ce serait une
première parce que la notion de principale place d'affaires est une
notion qui est relativement plus floue que la notion de siège social. Un
siège social, c'est très connu, c'est une expression qui est
juridique, qui est contenue dans la Loi sur les compagnies, par exemple. On
sait que dans une charte d'une compagnie, dans les lettres patentes, on parle
toujours du siège social et, bon, on sait ce que c'est. La place
d'affaires, ça peut varier.
Bon, la principale place d'affaires, on peut l'identifier, mais une
société peut avoir plusieurs places d'affaires et, un jour, une
place d'affaires qui n'était pas la principale peut le devenir en raison
du développement que peut connaître une ville par rapport à
une autre. Elle peut modifier sa place d'affaires ou sa principale place
d'affaires. Donc, je considère que c'est un peu dangereux que
d'introduire, peut-être pour la première fois dans la
législation québécoise, une notion comme celle-là
dans une loi. Je pense que c'est probablement un précédent.
Ça ne me semble pas, sur le plan juridique, de la bonne
législation que d'arriver et d'introduire dans une loi cette notion de
la principale place d'affaires. Je pense que le gouvernement a
déjà pris ses responsabilités dans ce dossier-là,
à ce sujet-là. Il est allé plus loin probablement qu'aucun
autre gouvernement à l'occasion d'une loi en annonçant son
intention de faire de Montréal la principale place d'affaires, et
ça devrait satisfaire les appréhensions de la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mais elle pourra quand
même - et je termine là-dessus - dire à ses commettants,
à ses échevins et à son maire qu'elle a fait tous les
efforts requis pour tenter de bonifier la loi, mais que, malheureusement, le
mauvais ministre lui a résisté.
Le Président (M. Marcil): Mme la
députée.
Mme Harel: M. le Président, c'est justement parce que j'ai
l'intention de faire tous les efforts requis que je vais utiliser tout le temps
qui est à ma disposition sur cette question. Il me reste combien de
temps?
(Consultation)
Le Président (M. Marcil): On va vous dire ça
immédiatement, Mme la députée. En vertu de l'article 245,
le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission
vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi,
chaque amendement ou sous-amendement ou à chaque article qu'on propose
de modifier ou d'ajouter dans une loi existante. Ce temps de parole peut
être utilisé en une ou plusieurs interventions. Donc, Mme la
députée a parlé pendant cinq minutes. Il vous reste 15
minutes, madame.
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. J'aurais
espéré, M. le Président, que cela ne fût pas
nécessaire, mais je me rends compte que je n'ai pas réussi
à convaincre le ministre et je vais essayer de m'y employer durant les
15 minutes qui sont à ma disposition. Le ministre nous dit que l'annonce
en a été faite par le gouvernement et que cette annonce devrait
tenir lieu d'engagement. Il y a une manière par laquelle les
gouvernements parlent. Ils parlent par la bouche de leur législation. Le
reste, c'est des promesses d'élections. Les annonces restent des paroles
en l'air tant qu'on ne vote pas là-dessus. C'est une annonce qui n'aura
de valeur que le papier sur lequel elle est écrite, si le gouvernement
ne se sent pas tenu de s'y engager au-delà même, si vous voulez,
de la période pour laquelle il est au gouvernement.
Une loi, c'est une façon d'introduire une sorte de
pérennité, n'est-ce pas? Les lois demeurent même si les
gouvernements changent. Pour qu'une loi change, il faut qu'un gouvernement
change la loi. Évidemment, il faut là une volonté
politique. Je crois que le meilleur argument qu'on puisse utiliser, c'est
évidemment de dire au
ministre que la meilleure façon de garantir que l'annonce faite
en décembre deviendra réalité, même si, par exemple,
il n'était plus le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle en
septembre prochain.... Qu'est-ce qui pourrait arriver, n'ayant pas mis dans le
projet de loi la disposition qui fait l'objet du sous-amendement, si, pour
toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons, son premier ministre
décidait de le remplacer? Le nouvel arrivant ne se sentirait absolument
pas lié par l'engagement dont il aurait entendu parler ou qu'il aurait
même pu lire dans un document parce que, finalement, le nouvel arrivant
pourrait dire que ça n'a pas été adopté, et ce
serait vrai. Alors, il n'y a qu'une manière. C'est toujours surprenant,
d'ailleurs, de voir qu'en politique, quand on est ministre, on agit comme si on
allait l'être pour la vie. Ça, c'est toujours quelque chose qui me
fascine. C'est une énigme que je ne réussirai pas à
résoudre avant de quitter la politique. C'est comme si les gens
opéraient comme s'ils allaient toujours occuper cette
fonction-là. Ils n'envisagent pas que, finalement, ils sont de passage.
Ils sont de transition uniquement, et leur législation, ils doivent la
faire pour ceux qui suivront. (17 h 10)
D'autre part, M. le Président, le ministre invoque que cette
expression serait trop imprécise, l'expression «principale place
d'affaires», pour l'introduire. Je suis convaincue que ses conseillers
pourraient certainement... Et je vais d'ailleurs faire l'exercice de demander
à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale de nous
retrouver, dans les législations du Québec, cette expression
«principale place d'affaires». C'est une expression courante. Ce
n'est pas, à mon point de vue, inusité. Ce qui peut être
inusité, c'est de l'utiliser dans une législation pour indiquer
que le siège social va être distinct de la principale place
d'affaires. Mais, justement, le ministre nous a dit que c'était
là un choix récent de son gouvernement, mais que ce choix
était courageux et que ce choix allait sans doute se
répéter dans l'avenir, si tant est que c'est un choix
judicieux.
Alors, il va falloir que lui-même ou un de ses collègues,
le premier - il en faudra un, un premier, vous savez, qui introduira une
formulation semblable. À force de ne pas vouloir être les
premiers, M. le Président, on finit par tourner en rond. Alors, c'est
finalement une disposition qui a une signification et qui engage le
gouvernement.
Alors, pour toutes ces raisons, je vais vous inviter, M. le
Président, à procéder à un vote nominal, et je
termine immédiatement.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme Harel:
Oui.
Le Président , (M. Marcil): donc, je vais appeler
un vote nominal, tel que demandé, sur le sous-amendement à
l'amendement proposé à l'article 4, qui se lit comme suit:
Remplacer la première phrase du premier alinéa de
l'article 4 du projet par la suivante: «4. La Société a son
siège social sur le territoire de la Communauté urbaine de
Québec, à l'endroit déterminé par le
gouvernement.»
Le sous-amendement suivant s'ajouterait à cet amendement. Il se
lit comme suit: «et sa principale place d'affaires sur le territoire de
la Communauté urbaine de Montréal».
Donc, Mme la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Marcil): m. le député de
laporte, ministre de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu
et de la formation professionnelle?
M. Bourbeau: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Saint-Henri?
Mme Loiselle: Contre.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Trois-Rivières?
M. Philibert: Contre.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Châteauguay?
Mme Cardinal: Contre.
Le Président (M. Marcil): Donc, le sous-amendement est
rejeté. Nous revenons sur l'amendement. Nous allons suspendre les
travaux pour quelques minutes, pour des raisons très spéciales.
Deux, trois minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 15)
Le Président (M. Marcil): Nous revenons à
l'amendement à l'article 4: Remplacer la première phrase du
premier alinéa de l'article 4 du projet de loi par la suivante:
«4. La Société a son siège social sur le territoire
de la Communauté urbaine de Québec, à l'endroit
déterminé par le gouvernement.»
Est-ce qu'il y a des intervenants sur l'amendement? Aucun intervenant.
Donc, est-ce que l'amendement est adopté?
M. Bourbeau: Adopté.
Le Président (M. Marcil): Adopté. Est-ce que
l'article 4 est adopté tel qu'amendé?
M. Bourbeau: Adopté.
Le Président (M. Marcil): Adopté. Donc, j'appelle
l'article 5.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais apporter un
amendement à l'article 5 qui vise à remplacer les paragraphes
1°, 2° et 3° du deuxième alinéa de l'article 5 du
projet par les suivants: «1° six membres qui représentent la
main-d'oeuvre québécoise dont cinq sont choisis après
consultation des associations de salariés les plus
représentatives; «2° six membres qui représentent les
entreprises dont cinq sont choisis après consultation des associations
d'employeurs les plus représentatives et un après consultation
des organismes du milieu coopératif les plus représentatifs;
«3° six autres membres dont un représente le milieu de
l'enseignement secondaire et un autre le milieu de l'enseignement
collégial; ces deux derniers membres sont choisis après
consultation des ministres concernés.»
La modification proposée au paragraphe 1° a pour objet de
permettre d'élargir la composition du bloc main-d'oeuvre au sein du
conseil d'administration de la Société. Cinq des six
sièges de ce bloc demeurent réservés aux
représentants des associations de salariés, alors que le
sixième serait ouvert à différentes alternatives qui
pourront permettre une représentation particulière de la
main-d'oeuvre non syndiquée ou en chômage, de certains groupes
défavorisés sur le marché du travail, etc.
La modification proposée au paragraphe 2°, pour sa part, vise
à préciser le partage à l'intérieur de la
représentation des entreprises. Cinq membres seront choisis après
consultation des associations d'employeurs et un le sera après
consultation des organismes du milieu coopératif.
Quant au paragraphe 3°, il s'agit d'une modification de forme visant
à en simplifier la lecture.
Le Président (M. Marcil): Seulement pour fins de
clarification, M. le ministre, au paragraphe 3°, «six autres membres
dont un représente le milieu de l'enseignement secondaire et un autre le
milieu de l'enseignement collégial». Les quatre autres vont
représenter...
M. Bourbeau: Personne. C'est le gouvernement qui nomme les six
membres, mais, parmi ces six membres-là, il doit en choisir un...
Le Président (M. Marcil): Un absolument pour le secondaire
et un pour l'enseignement collégial.
M. Bourbeau: C'est ça. Les autres, il y a pas d'obligation
de les choisir dans un groupe particulier.
Le Président (M. Marcil): Ça va. Donc, Mme la
députée. (17 h 20)
Mme Harel: D'abord, M. le Président, est-ce que le
ministre peut nous indiquer, au paragraphe 1° de l'amendement qu'il
présente, quelles sont les associations de salariés les plus
représentatives auxquelles il est fait référence?
M. Bourbeau: pour l'instant, m. le président, je n'ai pas
poussé ma réflexion jusqu'à identifier nommément
les associations les plus représentatives. on verra, en temps et lieu,
quand il sera temps de procéder à ces nominations-là,
à identifier, parmi les associations de salariés, celles qui nous
apparaîtront les plus représentatives.
Mme Harel: Je pense que le ministre n'a pas bien compris ma
question, M. le Président. Je ne lui demande pas qui il va nommer ni de
quelles associations représentatives elles proviendront, ni de combien
de sièges chacune de ces associations représentatives jouiront.
Je lui demande simplement: Auprès de quelles associations
représentatives a-t-il l'intention de mener sa consultation?
M. Bourbeau: Auprès de...
Mme Harel: Ça ne préjuge ni de celles qui y
siégeront, ni du nombre de sièges qu'elles
détiendront.
M. Bourbeau: Je pense aux syndicats, M. le Président, ce
qu'on appelle les unions, les syndicats.
Mme Harel: Les unions, les syndicats. M. Bourbeau:
«Qu'ossa donne?»
Mme Harel: Est-ce que le ministre peut nous indiquer s'il entend
consulter tous les syndicats et toutes les unions?
M. Bourbeau: Celles qui nous apparaîtront les plus
représentatives.
Mme Harel: Bon! Faut-il comprendre que le ministre ne le sait pas
à l'heure où on se parle? Encore une fois, je précise
bien, je lui demande, parce que ce n'est pas peu, là, ni de me dire
combien d'associations représentatives seront
représentées, ni combien de sièges elles
détiendront. Je lui demande juste de m'indiquer auprès desquelles
de ces associations représentatives il entend mener sa consultation.
M. Bourbeau: Écoutez, disons que j'ai une
bonne idée de ce que peuvent être les associations les plus
représentatives, mais disons que mon idée là-dessus, ma
pensée n'est pas complètement... ma réflexion n'est pas
complètement terminée, plutôt. il y a un grand nombre
d'associations qui font des représentations et, pour l'instant, on
écoute.
Mme Harel: Est-ce que la FTQ fait partie de ces associations
représentatives?
M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Alors, là, je vois la
méthode que va utiliser la députée de
Hoche-laga-Maisonneuve, M. le Président. Avant de m'embarquer dans cette
galère, je vois que je pourrais très ¦ bien, à
l'égard de certaines des associations, répondre positivement,
mais plus elle va s'avancer sur ce chemin-là, M. le Président,
plus ça va devenir difficile de répondre. Donc, j'aime autant, M.
le Président, arrêter immédiatement la... Je dois avouer
que c'est très habile, d'ailleurs, de la part de la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. En commençant par la
FTQ, on ne se trompe pas - il s'agit évidemment du syndicat le plus
important au Québec - et, M. le Président, j'aurais trop peur de
m'avancer sur une pente qui deviendrait de plus en plus savonneuse au fur et
à mesure qu'on s'avancerait.
Mme Harel: Je vous rappelle, M. le Président, que je suis
toujours uniquement sur le premier alinéa.
Le Président (M. Marcil): Le premier?
Mme Harel: C'est bien ça. Alors, j'ai l'intention d'y
rester, M. le Président...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: ...parce que je ne pourrais pas comprendre qu'à
ce moment-ci, je ne pourrais pas comprendre...
M. Bourbeau: ...les menaces, là.
Le Président (M. Marcil): Vous pouvez y rester
jusqu'à 20 minutes, madame, pas plus.
Mme Harel: C'est ce que j'ai compris lorsque vous nous avez fait
part du règlement.
M. Bourbeau: Le comble de l'endurance. Mme Harel: Je
comprends donc que...
M. Bourbeau: Passer 20 minutes sur un alinéa.
Mme Harel: ...à ce moment-ci, M. le Président, le
ministre nous dit qu'il n'a pas une idée exacte des associations
représentatives qui seront consultées.
M. Bourbeau: J'ai dit, M. le Président...
Mme Harel: Je lui demande: Est-ce que la FTQ le sera? Il semble
ne pas encore l'avoir décidé. C'est ce que je dois
comprendre?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Ha, ha, ha! M. le Président, la
députée peut comprendre ce qu'elle veut. Je n'ai pas
l'intention... Je veux que ce soit clair et je ne veux pas que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve prenne ça comme une
offense, M. le Président, et qu'elle me punisse par un discours de 20
minutes. Tout ce que je peux lui dire, c'est que je n'ai pas l'intention,
présentement, d'ouvrir ce débat-là parce qu'on n'en finira
pas. Ce n'est pas le temps aujourd'hui de décider qui va
représenter et, d'abord, quels syndicats vont être
représentés et combien chaque syndicat pourra compter de
représentants au siège social de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ce n'est
pas le lieu, M. le Président, pour discuter de ça. Je n'ai pas
l'intention d'en discuter et, connaissant la subtilité de la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, je vois que, si je m'embarque
dans des réponses, M. le Président, à l'égard des
syndicats qui apparaissent les plus importants au Québec, ce que je
pourrais très bien faire, je vais me retrouver rapidement devant une
situation assez difficle où je vais devoir dire ou ne pas dire si tel
syndicat d'importance moyenne, disons, pourrait ou ne pourrait pas être
parmi ceux qu'on va consulter. Donc, pour ne pas décevoir qui que ce
soit aujourd'hui et parce que ma réflexion n'est pas terminée,
j'aime autant ne pas m'avancer là-dessus.
J'espère que la députée de Hochelaga-Maisonneuve ne
prendra pas ça, M. le Président, comme un refus de collaborer.
C'est de la sagesse pure et simple, c'est tout.
Le Président (M. Marcil): Mme la
députée.
M. Bourbeau: D'autant plus, M. le Président, qu'il y a en
cette salle des personnes qui écoutent avec attention tout ce que je dis
et qui pourraient peut-être mal interpréter mes paroles.
Mme Harel: M. le Président, je ne demande au ministre ni
de m'indiquer quels syndicats vont être représentés, ni de
m'indiquer combien de sièges ils vont détenir. Je lui demande
simplement de m'indiquer lesquels de ces syndicats vont être
consultés. Est-ce qu'il n'entend consulter que ceux... Je vais lui poser
la question. Alors, c'est peut-être ça, finalement, qui va
résoudre l'imbroglio. Est-ce qu'il entend ne consulter que ceux qui vont
être appelés à siéger à la
Société?
M. Bourbeau: Pas nécessairement.
Mme Harel: Alors, il envisage de consulter des unions, comme il
l'a dit, des syndicats qui, pour autant, ne siégeraient pas à la
Société.
M. Bourbeau: je n'ai pas dit ça non plus. j'ai dit que la
liste n'est pas exhaustive. je vais consulter ceux qui nous apparaîtront
être les plus représentatifs.
Mme Harel: Qu'est-ce qui est si miné comme terrain pour
que le ministre ait l'air de s'avancer comme s'il y avait une bombe à
retardement? Qu'est-ce qui le rend si méfiant, M. le
Président?
M. Bourbeau: M. le Président, c'est que...
Le Président (M. Marcil): Je ne suis pas habilité,
Mme la députée, à répondre à cette
question.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est qu'on voit très
bien la technique qu'emploie la députée de Hochelaga-Maisonneuve
pour m'amener rapidement dans un coin, comme on dit, et je ne veux pas me
retrouver dans un coin où j'aurais à dire, ici même,
aujourd'hui: Non, tel syndicat ne fera pas partie, oui, tel autre syndicat. Je
ne le sais pas présentement et je ne veux pas avoir à porter de
jugement aujourd'hui sur la représentativité ou non d'un
syndicat, parce que ma réflexion n'est pas terminée. Alors, je
n'en suis pas là encore.
Mme Harel: On a terminé les travaux de la commission
parlementaire il y a trois mois ou presque. C'était le 18 avril ou le 18
mars. Excusez-moi, M. le Président, le 18 mars. Ça fait
déjà trois mois. Lorsque la clôture de nos travaux est
arrivée, j'avais posé la question au ministre et, il y a trois
mois, il disait qu'il n'était pas prêt. Là, au moment
où je lui repose la question, il me dit qu'il n'est pas prêt.
Puis, pourtant, il y a à peine une heure ou deux, il m'indiquait son
grand désir de soumettre au Conseil des ministres, dès la fin de
cet été, une proposition sur la composition. Alors, quel
événement va surgir cet été qui va lui permettre de
dénouer la situation?
M. Bourbeau: M. le Président, l'événement
qui va me permettre... c'est l'adoption de la loi. La députée de
Hochelaga-Maisonneuve sait le grand respect que j'ai pour l'Assemblée
nationale et je ne veux pas être accusé de lèse-Parlement,
pour employer l'expression qu'elle connaît bien, en annonçant
aujourd'hui qui seront les syndicats qui vont être appelés
à siéger, combien ils vont compter de représentants. La
députée de Hochelaga-Maisonneuve pourrait, M. le
Président, me blâmer sévèrement pour avoir pris pour
acquis que le Parlement adopterait une loi alors qu'elle est en discussion.
Elle sait de quoi je parle. Alors, moi, je prends pour acquis que... Je ne
prends rien pour acquis, justement, et je prends les étapes une par une.
Aujourd'hui, on est à l'étape de l'étude du projet de loi.
Si l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, décide d'adopter la
loi, on passera à l'étape suivante et, là, on commencera
à regarder quelles sont les associations les plus
représentatives. (17 h 30)
Mme Harel: M. le Président, le ministre serait à
blâmer s'il nommait ou désignait des personnes avant même
que la loi soit adoptée ou il serait à blâmer s'il laissait
entendre, par exemple à des personnes - ce qu'il ne fera pas, j'en suis
convaincue - mais, par exemple, ce qu'il pourrait faire, laisser entendre
à des personnes qu'elles pourraient être nommées si tant
est qu'elles appuyaient son projet. Ça, je pense que le ministre
pourrait être à blâmer, mais il ne le serait certainement
pas, en tout cas, par nous, M. le Président, s'il nous indiquait tout
simplement quelles seront ces associations de salariés
représentatives qui seront consultées. Ça ne
présume en rien des nominations qui seront faites une fois que la
consultation sera terminée.
M. Bourbeau: Mais si, M. le Président, l'Assemblée
nationale décidait de ne pas passer la Loi sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, j'aurais
perdu mon temps à faire tous ces exercices-là et toutes ces
réflexions-là. Donc, j'aime autant attendre pour voir si
l'Assemblée nationale va adopter la loi et, après, on s'affairera
à considérer le problème qui hante présentement la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, le ministre nous indique qu'il a l'intention de
nommer six membres qui représentent la main-d'oeuvre
québécoise, dont cinq sont choisis après consultation des
associations de salariés les plus représentatives.
M. Bourbeau: Exact.
Mme Harel: II n'a donc pas retenu la recommandation de la FTQ
à l'effet que les membres du conseil d'administration soient
nommés selon le choix des organismes qui seront appelés à
y siéger. C'est ce qu'il faut comprendre?
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve peut comprendre ce qu'elle veut; elle a le texte devant elle.
Alors, elle peut faire toutes les supputations qu'elle veut, elle peut porter
tous les jugements qu'elle veut. Moi, j'ai considéré les points
de vue de tout le monde. Bon, la FTQ a fait des suggestions
intéressantes lors de la commission parlementaire. On a tenté
d'en tenir compte dans la mesure du possible. La CSN aussi a fait des
suggestions intéressantes,' la CSD également et beaucoup d'autres
syndicats, de même que les organismes patronaux. Quand on
légifère, on ne peut pas tenir compte à la fois de toutes
les recommandations de tout le monde et arriver avec un projet de loi qui se
tient. Il faut choisir. Alors, nous avons choisi les formules qui nous
apparaissent les plus équitables, les plus susceptibles de permettre
à la Société de fonctionner avec efficacité et
harmonieusement.
Mme Harel: Alors, est-ce que la formule dont il s'agit, c'est
celle qui permet au ministre, une fois la consultation terminée, de
choisir parmi les noms suggérés ceux des personnes qu'il voudra
voir siéger à la Société? C'est ça qu'il
faut comprendre?
M. Bourbeau: bien, ce n'est pas le ministre. je crois que c'est
le gouvernement. d'après le document qu'on a devant nous, c'est le
gouvernement qui les choisit.
Mme Harel: Alors, donc, le ministre va faire une recommandation
au Conseil des ministres sur la composition de la Société. C'est
ça qu'il faut comprendre?
M. Bourbeau: Exact. Le ministre propose et le gouvernement
dispose.
Mme Harel: Avec l'amendement qui est introduit, l'amendement
consiste à diminuer de six à cinq le nombre de
représentants des associations de salariés les plus
représentatives, il faut donc comprendre qu'un sixième membre
représentant la main-d'oeuvre québécoise serait
également nommé par le gouvernement, et il n'y a aucune
consultation qui est prévue pour le choix de ce sixième membre
qui représenterait la main-d'oeuvre québécoise en dehors,
là, des associations de salariés représentatives. Alors,
comment le ministre entend-il procéder à ce choix?
M. Bourbeau: M. le Président, en commission parlementaire,
les groupes représentant les intérêts des femmes, des
jeunes, des communautés culturelles, des personnes sans emploi et des
personnes non syndiquées avaient demandé l'ajout d'un
quatrième bloc de partenaires au sein du conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, afin d'y assurer la représentation de ces groupes
sociaux.
La modification que nous proposons au paragraphe premier du
deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi permettra de
préserver le caractère tripartite du conseil, tout en permettant
une certaine représentation des intérêts de ces groupes qui
connaissent des difficultés particulières d'insertion sur le
marché du travail.
Mme Harel: , Oui. Alors, ceci étant dit, comment
allez-vous le choisir?
M. Bourbeau: M. le Président, il y a un certain nombre de
personnes qui seront choisies après consultation d'organismes qui sont
indiqués, tel qu'indiqué dans l'amendement. D'autres seront
choisies après des consultations, mais qui n'auront pas
nécessairement été faites auprès d'organismes qui
sont visés par l'amendement. C'est bien évident que, quand on
procède à des nominations, il y a toujours une forme de
consultation qui est effectuée par le ministre ou par le gouvernement,
et nous consulterons dans les milieux dont je viens de parier.
Mme Harel: Alors, pourquoi ne pas l'avoir rédigé?
Pourquoi ne pas avoir ainsi formulé l'amendement qu'il prévoie
aussi la consultation pour ces milieux-là? Pourquoi ne s'être
engagé à consulter que pour les associations les plus
représentatives ou encore pour les entreprises, mais ne pas s'être
engagé à consulter dans les cas dont le ministre vient de nous
parier?
M. Bourbeau: M. le Président, c'est que ça devient
un peu plus difficile quand on arrive dans des groupes... Je ne sais pas, moi.
J'ai nommé les groupes d'intérêt des femmes, des jeunes,
des communautés culturelles, des personnes sans emploi, des personnes
non syndiquées. La liste peut s'allonger indéfiniment; si on
devait, par exemple, dire des personnes non syndiquées les plus
représentatives, les consultations pourraient durer longtemps. Je ne
sais pas combien il y a de personnes au Québec qui sont non
syndiquées, mais c'est difficile d'identifier ces personnes-là
une par une. Ça deviendrait, sur le plan technique, un peu plus
difficile d'aller plus loin que ce qu'on a indiqué dans le projet de
loi.
Mme Harel: Est-ce que le ministre a pris connaissance de la
position rendue publique par l'Institut canadien d'éducation des
adultes, le Conseil permanent de la jeunesse et le Regroupement
québécois des organismes de développement de
l'employabilité, à l'effet que l'ajout d'un poste au conseil
d'administration se faisait aux dépens de la représentation des
syndicats et qu'ils s'y opposaient? Leur communiqué spécifiait
ceci: Non seulement le projet de loi remanié ne créerait-il pas
une quatrième catégorie de partenaires, mais il retirerait un
siège un bloc syndical. Il n'est pas dans l'intention du milieu
communautaire de se substituer au rôle légitime des syndicats,
mais bien plutôt d'ajouter une expertise à la voix de la
main-d'oeuvre exclue du marché du travail de celle qui n'est pas
syndiquée.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est évident qu'on
pourrait ajouter des sièges. On pourrait
remettre six sièges aux milieux syndiqués, on pourrait
remettre six sièges au patronat, ajouter des sièges pour tous les
groupes de pression, les minorités, quelles qu'elles soient, et on se
retrouverait éventuellement avec un conseil d'administration de 40
personnes. Et là, vous seriez la première à blâmer
le gouvernement pour être irréaliste, former des conseils
d'administration trop importants en nombre, qui ne permettraient pas une
gestion efficace du dossier.
Il faut savoir choisir à travers tout ça et faire des
choix et des compromis. Bon. C'est évident que le milieu syndical
préférerait sûrement avoir six sièges plutôt
que cinq, et le milieu patronal aussi, je suis convaincu. Par contre, si je
demandais au milieu syndical ou patronal est-ce que vous préférez
avoir six sièges plutôt que cinq et vous retrouver avec une
quatrième roue au véhicule, un quatrième partenaire en
dehors de la... Bien, je ne suis pas convaincu que j'aurais une réponse
affirmative partout parce qu'en multipliant comme ça les partenaires
à la table, on ne simplifie certainement pas l'administration. Donc,
plutôt que d'avoir à insérer dans la structure un
quatrième partenaire, ce qui contredit la philosophie
générale que nous avons avancée depuis le début qui
veut qu'il y ait trois partenaires sur le marché du travail,
l'employeur, le travailleur et le gouvernement... En nous éloignant de
cette philosophie-là, on introduisait une nouvelle dynamique dans tout
le projet que je n'ai pas voulu introduire.
Alors, pour tenter de faire droit à des représentations
que je trouvais valables et auxquelles nous pouvons peut-être tenter de
répondre, nous avons décidé, comme ça, de
retrancher un siège tant à la partie syndicale qu'à la
partie patronale de façon à faire une place, soit dans la
délégation syndicale ou dans la délégation
gouvernementale, à certains représentants de certains groupes
qu'on jugerait susceptibles d'apporter une contribution encore plus valable que
d'autres à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. (17 h 40)
Mme Harel: Alors, le ministre a donc enterré toute
l'argumentation qui s'est exprimée en commission parlementaire à
l'effet qu'une des tendances lourdes du marché du travail était
l'exclusion de certaines catégories de travailleurs: les femmes, les
emplois traditionnels, les personnes d'âge moyen, les changements
technologiques, les jeunes sans expérience de travail, et que, pour
corriger la situation et rétablir ce déséquilibre, il
fallait une volonté politique qui s'exprime dans la composition
même des lieux de décision, de concertation, pour simplement
corriger cette sorte de discrimination systémique, très lourde
sur le marché du travail, une discrimination qui fait que, s'il n'y a
pas une volonté politique en faveur de l'équité, c'est une
accentuation... La formation professionnelle sert simplement à
consolider, sinon à consacrer cette exclusion. Alors, le ministre, si je
comprends bien, fait fi de cette problématique-là.
M. Bourbeau: M. le Président, je pense qu'il n'est pas
exact ni équitable à mon endroit de dire que le ministre ne se
préoccupe pas d'équité. Je pense que j'ai fait des luttes
récentes, pas seulement récentes, mais depuis toujours pour faire
triompher la justice et l'équité. Dans un autre projet de loi que
nous verrons bientôt, le projet de loi 30, la députée sait
que j'ai fait une bataille assez importante pour conserver la notion
d'équité dans l'appréciation de certains
problèmes.
Pour l'instant, je ne pense pas que nous mettions de côté
les préoccupations dont elle fait état. Justement, l'amendement
que je propose aujourd'hui vise à faire de la place, faire une place qui
permettrait éventuellement, lorsque nous procéderons aux
nominations, d'introduire des représentants provenant des groupes dont
elle parle, soit dans le poste qui est dégagé dans la
représentation des travailleurs, soit dans la représentation
gouvernementale, où il y a une certaine possibilité d'introduire
des représentants des groupes dont elle parle. Il n'est pas dit, M. le
Président, que nos amis du monde syndical ne jugeront pas opportun de
suggérer des nominations de femmes au conseil d'administration. Je sais
qu'il y en a quelques-unes qui ont une certaine compétence, plusieurs
même, sûrement. Rien ne nous dit que les patrons, le milieu
patronal ne jugera pas opportun de suggérer des représentants du
sexe féminin, des communautés culturelles ou des jeunes. Donc on
ne peut présumer dès le départ que les partenaires du
marché du travail ne nous suggéreront que des noms de mâles
âgés provenant des milieux blancs, en emploi, syndiqués,
etc.
Mme Harel: M. le Président, je comprends que,
malheureusement, le ministre a passé outre complètement à
toute la problématique qui a été longuement
expliquée en commission parlementaire, notamment sur la
nécessaire représentation du mouvement des femmes en tant que tel
au sein de la Société. Encore une fois, le ministre revient avec
l'idée que les associations pourront nommer des femmes. Mais ce n'est
pas de ça qu'il s'agit, M. le Président. Il ne s'agit pas que les
associations qui donneront des mandats aux femmes ou aux hommes qu'elles
nommeront le fassent. Ce n'est pas une question d'apparence, là, M. le
Président. Il ne s'agit pas de se décompter seulement pour savoir
s'il y a suffisamment de femmes.
Il faut surtout se demander si les femmes discriminées à
l'emploi seront représentées. À mon point de vue, c'est un
fardeau non seulement trop lourd, mais injuste, absolument injuste qu'on fait
porter sur les épaules des femmes, qu'on demande aux associations ou aux
organis-
mes de déléguer ce fardeau qui est double, celui à
la fois de représenter l'organisme qui les désigne, et puis celui
en plus de représenter le mouvement des femmes qui n'est pas lié
nécessairement avec l'organisme qui les désigne.
M. le Président, c'est comme si vous disiez à Mme Bacon,
votre collègue, qu'elle est à la fois au Conseil des ministres
députée de Chome-dey et en même temps porte-parole de la
Fédération des femmes du Québec ou du mouvement des femmes
du Québec, et je comprendrais très bien qu'elle le refuse, parce
qu'elle va dire qu'elle est autant députée que le
député de Laporte, et elle détient son mandat de ses
électeurs, hommes et femmes, et qu'elle n'est pas là pour assumer
un double mandat.
Il me semble que ça a été tellement expliqué
en commission parlementaire que je m'étonne qu'on ait encore à
revenir sur cette question-là, et je rappelle qu'au moment de la
formation de la table pour l'emploi, la table nationale de l'emploi, le
gouvernement précédent, lui, avait jugé bon de nommer
formellement une femme, à la demande du mouvement des femmes, pour
représenter la problématique particulière des femmes sur
le marché du travail. Et là je constate - moi, j'appelle
ça une régression, du recul, c'est du recul pur et simple - qu'en
matière de développement de main-d'oeuvre, on ne parle même
plus juste de formation professionnelle, qu'en matière de formation de
main-d'oeuvre, à ce moment-ci de l'histoire du mouvement des femmes,
où rien n'est certain, où aucun acquis n'est acquis, là,
à ce moment-ci, elles ne peuvent même pas gagner d'avoir la
même représentation qu'elles avaient il y a déjà
sept ans. Je trouve ça fort inquiétant. Moi, je suis convaincue
que vous allez avoir un tollé de protestations.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est sûr que je
compte sur la députée de Hochelaga-Maison-neuve pour battre la
marche aussi lorsque le tollé de protestations va... C'est probablement
elle, d'ailleurs, qui va le susciter. Mais elle a fait son travail. Je ne la
blâme pas, là. Mais l'ancien gouvernement avait sa façon de
procéder. Il avait formé cette table nationale sur l'emploi
où on pariait beaucoup, mais on agissait peu. Nous, nous avons
décidé de passer à l'action.
Bien sûr, on pourrait faire en sorte d'ouvrir le conseil
d'administration à tous les groupes, et ils sont tous très
méritoires. Les femmes discriminées en emploi dont parle la
députée de Maisonneuve, c'est un problème important. Les
handicapés aussi sont venus nous dire qu'ils voulaient un siège
à la Société québécoise, les
communautés culturelles, les minorités visibles, les jeunes, et
on peut en nommer beaucoup comme ça. Il y a probablement une vingtaine
d'organismes qui ont demandé d'être représentés et
qui avaient tous de très bonnes raisons.
Moi, je n'ai absolument rien contre le fait de faire la promotion de
l'égalité en emploi pour les femmes. J'en suis. J'ai nommé
au ministère récemment, il y a un an, une sous-ministre adjointe,
et je peux vous assurer que je suis un des ministres qui tente le plus de faire
la promotion des femmes au sein de la fonction publique, pour une bonne raison,
parce que je trouve qu'elles sont d'excellentes collaboratrices en
général, et moi, j'aime bien procéder à la
nomination de femmes parce qu'elles sont compétentes. Un jour viendra,
j'en suis convaincu, où on n'aura pas besoin de tenir le genre de
discours que vient de tenir la députée de Hoche-laga-Maisonneuve,
parce qu'il y aura autant de femmes compétentes que d'hommes
compétents dans la fonction publique. On en est presque à
quelques années, je crois, de ça.
Mme Harel: II y a beaucoup de rattrapage à faire à
votre ministère, par exemple. C'est un des ministères qui compte
le moins de femmes cadres.
M. Bourbeau: On s'y attaque, on s'y met le plus possible par les
temps qui courent. Mais la députée conviendra avec moi qu'il faut
quand même nommer les gens qui sont aptes aux postes, et on en cherche,
et on en trouve. Et plus il y en aura, mieux c'est, quant à moi, et je
n'ai aucune difficulté. Nous avons d'ailleurs d'excellentes
députées à l'Assemblée nationale. Près de
moi, ici, la députée de Châteauguay, qui fait honneur
à la région de la Montérégie, la
députée de Saint-Henri. Même la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, à la rigueur, peut passer le test.
Des voix: Ha, ha, ha!
(17 h 50)
Mme Harel: M. le Président, nous ne nous ferons pas avoir
sous les compliments. Parce que ce n'est pas de nous qui y sommes qu'il s'agit,
mais c'est de celles qui n'y sont pas. C'est d'elles dont on pourrait souhaiter
qu'elles puissent avoir une voix pour exprimer les difficultés, les
obstacles, en fait, qu'elles rencontrent. Alors, M. le Président, je
comprends donc que le ministre tantôt a énoncé que, parmi
les membres représentant la catégorie du gouvernement qu'on
retrouve au troisième alinéa, dont deux, j'y reviendrai, viennent
du milieu de l'éducation, un de l'enseignement secondaire et un autre de
l'enseignement collégial, je comprends donc que le milieu universitaire
ne sera pas représenté, d'abord.
M. Bourbeau: Exact.
Mme Harel: Pourtant, le ministre avait envisagé un
amendement où le milieu universitaire était également
représenté.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président, les
consultations que nous avons menées auprès de la CREPUQ
nous ont fait comprendre que le milieu universitaire ne souhaitait pas
particulièrement faire partie du conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
Mme Harel: Alors, c'est la CREPUQ, c'est-à-dire la
Conférence des recteurs...
M. Bourbeau: C'est ça. Exact.
Mme Harel: ...qui a transmis cette information-là par
écrit?
M. Bourbeau: m. le président, je pense que l'information
que j'ai donnée est suffisante. elle pourra être
vérifiée par la députée, si elle veut.
Mme Harel: Auprès du président de la CREPUQ?
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'impression
d'être dans une boîte aux témoins où je dois
répondre par oui ou par non. Je pense que j'ai donné les
informations. La députée peut prendre ma parole ou elle peut la
vérifier elle-même.
Mme Harel: C'est ça.
M. Bourbeau: Je ne peux pas lui donner des noms, des
numéros de téléphone, des adresses et des dates de
naissance.
Mme Harel: C'est donc dire que le ministre... Je reviendrai sur
la sous-représentation du secteur de l'éducation au sein de la
Société. Mais le ministre disait tantôt qu'il pensait
pouvoir corriger la sous-représentation des non-syndiqués et des
sans-emploi et des catégories de personnes, notamment les femmes
discriminées à l'emploi, qu'il pensait pouvoir le faire en
utilisant, pour ce faire, des sièges gouvernementaux. Est-ce que c'est
ça? Est-ce que j'ai bien compris?
M. Bourbeau: Je ne crois pas avoir dit exactement cela. Ce que
j'ai dit, c'est qu'il y avait des possibilités de faire des nominations
dans le bloc gouvernemental ou dans le siège réservé
à la main-d'oeuvre qui n'est pas alloué aux syndicats, et des
possibilités d'introduire là-dedans des nominations de gens qui
pourraient possiblement parvenir des milieux autres que ceux qui sont
indiqués dans le projet de loi.
Mme Harel: Mais vous aviez déjà mentionné
que le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle, celui de l'Éducation, celui
de l'Enseignement supérieur et de la Science souhaitaient être
représentés au sein de la Société. Est-ce que c'est
toujours le cas?
M. Bourbeau: Tous les ministères souhaitent être
représentés, mais on verra. Je ne veux pas avoir l'air de jouer
au chat et à la souris avec la députée de
Hocheiaga-Maisonneuve, mais je ne peux pas aujourd'hui lui dire d'avance quels
seront... certainement pas les gens qui vont être nommés et
même pas d'où ils proviendront, parce que je ne le sais pas.
Alors, je ne veux pas me compromettre dans des réponses, M. le
Président, auxquelles la députée de Hocheiaga-Maisonneuve
m'enchaînera par la suite, parce que je sais qu'elle est très
capable de ressortir dans deux mois le mot à mot de la commission
parlementaire - il y a des exemples, d'ailleurs, des précédents -
et me clouer au pilori pour avoir mal informé la Chambre. Alors, je ne
veux pas me retrouver dans cette situation-là.
Mme Harel: Alors, vous ne savez pas encore lesquels des
ministères partenaires vont siéger sur le conseil
d'administration de la Société?
M. Bourbeau: Ce que je sais, M. le Président, c'est que
l'enseignement secondaire et l'enseignement collégial vont avoir un
représentant si l'Assemblée nationale adopte le projet de
loi.
Mme Harel: L'enseignement collégial et l'enseignement
secondaire.
M. Bourbeau: Oui.
Mme Harel: Après consultation des ministres
concernés.
M. Bourbeau: Bien sûr.
Mme Harel: Alors, est-ce qu'il faut comprendre qu'il s'agira de
personnes émanant des ministères ou de la
Fédération des commissions scolaires et de la
Fédération des cégeps?
M. Bourbeau: je pense que le terme est assez vague, des
représentants du milieu de l'enseignement secondaire ou du milieu de
l'enseignement collégial, pour inclure tout un éventail de
possibilités.
Mme Harel: Est-ce que c'est un vote? À cette heure-ci,
ça doit être un vote.
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Hocheiaga-Maisonneuve, il vous reste 1 minute et 40 secondes.
Mme Harel: Sur le premier alinéa? C'est bien
ça?
Le Président (M. Philibert): Voilà!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: ...hâte lentement.
Mme Harel: M. le Président, j'hésite à
savoir si je fais tout de suite le sous-amendement qui pourrait, à ce
moment-là, remplacer... c'est-à-dire le sous-amendement.
Pourriez-vous m'indiquer si ce sous-amendement peut être de nature telle
qu'il vienne remplacer chacun des alinéas?
Le Président (M. Philibert): Le sous-amendement ne peut
pas élargir le sens. Il ne vise qu'à préciser les choses.
Alors, si vous pensez que c'est pour préciser les choses, vous pouvez le
déposer. On va regarder la recevabilité, on va vous informer de
la recevabilité.
Mme Harel: Bon. Alors, M. le Président, peut-être
qu'à ce moment-ci de nos travaux ce serait beaucoup mieux de suspendre
et de reprendre avec le sous-amendement.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il est préparé, le
sous-amendement, ou si vous allez le préparer maintenant? Non?
Le Président (M. Philibert): Compte tenu de l'heure, on
ajourne sine die sur le projet de loi 408.
Je rappelle le mandat de ce soir, à 20 heures. La commission des
affaires sociales se réunit de nouveau pour étudier le projet de
loi 21. Alors, je vous convie avec beaucoup de plaisir à venir nous
rencontrer à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 10)
Projet de loi 21
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, la commission des affaires sociales se réunit afin
de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 21, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau
(Johnson) sera remplacée par M. Paré (Shefford), Mme Marois
(Taillon) par M. Garon (Lévis) et M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témis-camingue) par M. Blais (Masson).
Le Président (M. Philibert): Alors, M. Blais (Masson),
bienvenue.
Des voix: Ha, ha, ha!.
M. Blais: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Maintenant, nous en sommes
aux remarques préliminaires... Bien, les autres membres aussi, mais,
étant donné que, les autres, ce sont des assidus, vous aurez
compris que l'accueil chaleureux à M. Blais... C'est un nouveau membre
qui s'ajoute pour la circonstance. Alors, maintenant, nous en sommes à
l'étape des remarques préliminaires. J'invite le ministre, donc,
s'il a des remarques préliminaires, à nous gratifier de sa
prestance...
Remarques préliminaires M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, je veux simplement noter
l'intérêt soudain des membres de l'Opposition officielle pour les
travaux de la commission parlementaire des affaires sociales. Nous avons
passé la journée à discuter d'un important projet de loi
qui vise à mettre sur pied la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Je
remarque que, ce soir, alors que nous traitons de la Loi sur les normes du
travail, l'Opposition est trois fois plus nombreuse que durant le projet de loi
sur la main-d'oeuvre. Alors, M. le Président, tant mieux si les normes
du travail intéressent à ce point l'Opposition officielle.
J'aimerais rappeler que l'adoption du principe du projet de loi 21 que
nous étudions ce soir, loi qui a pour titre... si je peux la trouver...
Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives, a donné lieu à des débats
passionnés. En effet, chaque fois qu'il est question du Canada,
l'Opposition officielle perd son sang-froid et la tension monte d'un cran. M.
le Président, nous avons appris à vivre avec ces
débordements de passion. Maintenant que chacun a pu faire étalage
de son attachement ou de son indifférence envers l'anniversaire de la
Confédération canadienne, j'exprime le voeu que nous puissions
discuter plus calmement et plus rapidement des articles du projet de loi
21.
Je réaffirme ici que nous poursuivons deux objectifs, en
présentant le projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail
et d'autres dispositions législatives. Nous voulons, en premier lieu,
rétablir une pratique largement répandue au Québec, depuis
de nombreuses années, celle de ne pas travailler le 1er juillet.
À la demande des employeurs et des salariés du secteur du
commerce de détail, nous avons, il y a deux ans, changé des
habitudes bien acquises en faisant en sorte que le congé de la
fête du Canada soit mobile plutôt qu'à date fixe.
Aujourd'hui, on se rend compte que, dans le secteur des affaires, le fait de ne
pas fermer l'établissement le 1er juillet, comme le font les autres
provinces canadiennes, cause des problèmes. Les institu-
tions financières, entre autres, sont particulièrement
touchées. Je tiens à préciser que la Loi sur les normes du
travail offre aux employeurs la flexibilité nécessaire pour
déplacer le congé dans les trois semaines qui
précèdent ou qui suivent le jour férié. La Loi sur
les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux
n'offre pas cette latitude, on le comprend fort bien.
Pour les personnes engagées dans les commerces, l'arrêt de
travail se produira le 1er juillet ou le lundi suivant, si le 1er juillet tombe
un dimanche. Nous revenons exactement à la situation qui a toujours
prévalu, à l'exception près que le 1er juillet est
obligatoirement un jour chômé et payé, ce qui
n'était pas le cas avant que nous n'intervenions il y a deux ans.
L'autre modification significative apportée par le projet de loi
21 a trait à la gestion de la Commission des normes du travail. Vous
savez sans doute que le mandat de la Commission a été
étendu et que ses responsabilités furent élargies par les
modifications importantes apportées à la Loi sur les normes du
travail en décembre 1990. Il est donc normal que la structure de gestion
de la Commission des normes du travail soit révisée. C'est ainsi
que le projet de loi 21 prévoit la création d'un poste de
vice-président à la Commission des normes du travail. Le projet
de loi contient aussi des dispositions techniques qui ont essentiellement pour
but de simplifier l'administration de la Commission des normes du travail et
quelques dispositions de concordance.
M. le Président, je sollicite le concours des membres de cette
commission pour que l'étude article par article de ce projet de loi se
fasse avec sérieux et célérité. Je vous remercie,
M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Est-ce
que l'Opposition a des remarques préliminaires?
M. Blais: Si vous voulez, je peux commencer. On a droit à
quoi? 20 minutes?
Le Président (M. Philibert): Pour les remarques
préliminaires, vous avez droit à 20 minutes.
M. Blais: Bon. Je n'utiliserai peut-être pas tout mon
temps.
Le Président (M. Philibert): Et Mme Car-rier-Perreault
insiste pour que j'ajoute «chacun».
M. Blais: Je n'utiliserai peut-être pas tout mon temps, M.
le Président. Cependant, je tiens à dire, au départ, que
la loi 21...
M. Williams: Est-ce que je peux... Le Président (M.
Philibert): Oui.
M. Williams: Excusez! ...demander une question de
clarification?
Le Président (M. Philibert): Oui.
M. Williams: Est-ce que c'est 20 minutes pour chaque membre?
Le Président (M. Philibert): Oui. C'est l'alternance, la
règle de l'alternance.
M. Williams: Avec ça, ça va être par trois...
Le Président (M. Philibert): Pardon? M. Williams: ...pas
plus de trois fois 20. M. Blais: Non, non. Chaque membre.
M. Williams: Chaque membre de la commission ou son
remplaçant. Non pas chaque député.
Le Président (M. Philibert): Chaque membre de la
commission a droit à 20 minutes, mais c'est 20 minutes d'une traite.
Alors, on ne peut pas faire 10 minutes comme membre de la commission et revenir
plus tard et faire 10 minutes.
M. Williams: Je m'excuse. Je vais essayer d'être un peu
plus clair. Il y a déjà quatre députés de l'autre
côté du pupitre...
M. Blais: C'est quatre membres votants. M. Williams: II y
a quatre...
M. Blais: Quatre membres votants. S'il y avait d'autres membres
non votants, ils auraient droit à 20 minutes.
M. Williams: S'il y en a cinq... Je voudrais juste demander.
Des voix:...
M. Williams: O.K. Parfait!
M. Blais: II y a M. Garon, aussi, qui va venir plus tard.
Des voix:...
M. Williams: Je ne fais pas le boss sur ça. Je demande une
clarification, c'est tout.
M. Blais: oui, oui. je suis très heureux de vous le dire.
et vous aussi, vous avez droit à vos 20 minutes. je sais que vous allez
les prendre à différentes reprises, à différents
articles.
M. Williams: O.K.
M. Blais: Bon. M. le Président, on peut y aller?
Le Président (M. Philibert): Pour être clair et
officialiser, il y a quatre membres de l'Opposition qui sont présents;
les quatre membres ont droit à 20 minutes.
Des voix:...
Le Président (M. Philibert): Pardon?
M. Blais: M. Garon a droit... Il n'est pas là.
Le Président (M. Philibert): Non, mais ils sont quatre,
là.
M. Blais: Oui.
Le Président (M. Philibert): Alors, ils ont droit à
20 minutes chacun. Le cinquième a droit à 20 minutes
également et les membres de l'Opposition ont droit à 20 minutes,
si on suit la règle de l'alternance.
M. Yves Blais
M. Blais: Ça va. Je tiendrai à dire au
départ que nous n'avons aucune objection, d'aucune sorte, à la
loi 21, comme telle. Aucune, aucune, aucune! mais avec deux modifications
seulement. C'est des banalités, vous allez me dire. Mais c'est une
petite banalité pour vous qui, pour nous, revêt une importance
capitale. En soi, si on pouvait immédiatement passer, même sans
les remarques préliminaires, à l'article 1, si le ministre
condescendait à regarder les articles 10 et 18 et une petite
révision à l'article 1, pour répondre à la loi 198
qui a été déposée il n'y a pas longtemps par un de
vos députés, si ces trois petites choses-là se
réglaient... Est-ce qu'on peut demander immédiatement, ou je
continue mes 20 minutes, si l'article 10 et l'article 18 peuvent être
rayés de cette loi? À ce moment-là, on pourrait
immédiatement procéder à l'article 1.
M. Bourbeau: M. le Président, je pense que la tradition,
en cette Chambre, veut qu'on étudie le projet de loi article par
article. Moi, je suggérerais qu'on commence par l'article 1. Le
député dit qu'il va faire un amendement. On verra ce que c'est,
on ne peut pas préjuger des... On est très ouverts, de ce
côté-ci, incidemment, très ouverts. Il n'y a aucun article
qui ne peut pas être amendé. Si vous avez l'occasion de proposer
quelque chose qui bonifie le projet de loi, moi, je m'engage tout de suite
d'avance à modifier l'article, si ça bonifie le projet de
loi.
M. Blais: Est-ce qu'on pourrait immédiatement...
M. Bourbeau: On est ouverts au maximum.
Maintenant, il faudrait les voir un par un. Alors, je ne peux pas,
d'avance, vous dire que je vais accepter les choses. Si vous voulez passer
à l'article 1 tout de suite, on va regarder votre amendement, et
là on verra. Il me semble que c'est logique?
M. Blais: Oui, oui. Ça ne peut pas être plus logique
que ça. C'est pour ça que je vais prendre mes 20 minutes.
M. Bourbeau: Là, je dois dire que je ne suis pas surpris
du tout. (20 h 20)
M. Blais: Je me rends compte que... Écoutez, vu qu'on ne
veut pas enlever l'article 10 et l'article 18, c'est bien sûr qu'à
ce moment-là la loi 21 n'est pas acceptable pour l'Opposition; c'est
aussi simple que ça. À ce moment-là, je tiens à
vous dire que nous allons peut-être essayer de vous démontrer que
le projet n'est pas tellement en relation avec la politique que notre parti
défend. C'est tout simplement ça. J'espère qu'on va le
faire avec bonhomie, avec le moins de hargne possible, dans la
sérénité la plus totale et une espèce de
camaraderie qui nous sépare... Ce n'est pas tellement grand, il y a
quelques pieds qui nous séparent, mais nous allons le faire de
façon calme, sachant l'idée que nous avons en tête, d'un
côté comme de l'autre. Alors, j'espère qu'on va faire
ça bien tranquillement et qu'on ne se battra pas pour le point cardinal
que vous défendez et, moi, pour le point cardinal que je
défends.
Comme remarques préliminaires, M. le Président, je vous
remercie d'abord de l'accueil chaleureux que vous avez eu en me souhaitant la
bienvenue pour ma première fois à cette commission parlementaire.
Je ne suis pas un grand spécialiste des affaires sociales. Cependant, on
a chacun certaines spécialités et, dans certaines circonstances,
on recourt aux miennes. Je suis bien heureux de participer à cette
commission-ci.
Le projet de loi en soi, il est très anodin. Nous en avons
parlé quelque peu ensemble, nous l'avons étudié à
peu près sous toutes ses formes et nous avons vraiment essayé
d'accepter ce projet de loi tel quel. Mais les forces internes et les forces
viscérales nous ont empêchés de le faire. Vous savez, pour
garder l'équilibre, moi, j'ai l'impression que je vibre à
certaines chansons, mais surtout au Québec libre. C'est naturel pour moi
qu'il en soit ainsi. Il y en a d'autres qui vibrent à d'autres chants.
Je vibrais beaucoup au chant du «Ô Canada», quand il
était nôtre; aujourd'hui, je vibre moins fort parce qu'on nous l'a
volé.
Dans cette chose-là, il y a deux... Pour les gens qui nous
écoutent - parce qu'il y a beaucoup de monde qui va nous lire, on sait
ça, il y a beaucoup de monde qui écrit au Parlement et qui
demande de voir ce qui se dit en commission parlementaire - j'aimerais
expliquer que c'est
vraiment du charabia de dire, comme ça: L'article 10 et l'article
18, nous aimerions qu'ils soient biffés. Les gens qui ne sont pas
habitués à nos techniques et à notre argot de
métier n'y comprennent rien. Ils ne savent que faire, ils n'y
comprennent absolument... Mais, pour le bien de ces gens-là, si vous me
le permettez, M. le Président, je tiens à dire que l'article 10,
c'est un article qui dit ceci: 10. L'article 60 de cette loi, remplacé
par l'article 18 du chapitre 73 des lois de 1990, est modifié par le
remplacement du paragraphe 4° par le suivant: «4° - le nouveau -
le 1er juillet ou, si cette date tombe...» S'il y avait une virgule, je
serais d'accord. S'il y avait une virgule, là, il n'y aurait pas de
problème. Vous voyez que c'est une question de verbatim, une question de
verbalisation, une question de verbatim, tout est dans la phrase. C'est
incroyable ce que les mots sont percutants et la ponctuation aussi, des
fois!
Une voix: Dans la plume. M. Blais: Dans la? Une voix:
La plume.
M. Blais: Disait l'oie, oui. Et c'est ça qu'on
étudie, l'oie, la plume. Ça va ensemble. Le 1er juillet ou, si la
date tombe.... M. le Président, si la date du 1er juillet tombe,
là on ne discutera plus. Je ne sais pas si le ministre saisit ce que je
veux dire. Ou si on met le 1er juillet dans la tombe, on pourrait s'entendre.
C'est l'un ou c'est l'autre. Voulez-vous remettre à chacun des
participants les copies pour leur discours qui va venir plus tard?
M. Bourbeau: Est-ce que M. le député aurait des
synonymes?
M. Blais: Pas du tout. C'est quelques petites réflexions
sur les deux fêtes nationales, selon qu'on est dans un pays ou dans
l'autre et avec chacun leur mérite, leur bonification et tout leur
charme qu'ils apportent à la population. C'est des petites notes au cas,
des fois, où on aurait un petit peu de discussion à faire.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on a le texte du nouvel hymne national du
Québec là-dedans?
M. Blais: M. le Président, il m'interrompt, lui.
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît! Il faudrait qu'on respecte quand même le droit de parole du
député de Masson. J'apprécierais qu'on puisse le laisser,
d'un trait, sans interruption, prononcer ses notes préliminaires.
M. Blais: Alors, pour ceux qui nous écoutent et qui vont
nous lire, je disais qu'il y a un amendement, c'est «le 1er juillet ou,
si cette date tombe un dimanche, le 2 juillet.» Et, l'article 18 dit:
L'article 3 de la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux (L.R.Q., chapitre H-2.1), modifié par
l'article 72 du chapitre 73 des lois de 1990, est de nouveau modifié par
le remplacement du paragraphe 5° par le suivant: «5° le 1er
juillet ou, si cette date tombe un dimanche, le 2 juillet;"»
C'est donc dire qu'on voudrait fixer, de la même façon
qu'on fixe le 24 juin, la fête de la Confédération.
À ce moment-là, en tant que Québécois, nous ne
voulons pas que le 1er juillet ait le même impact, du côté
fête nationale, que le 24 juin. Nous tenons à l'ancienne loi telle
qu'elle est. Que nous fêtions, que ce soit jour férié le
1er juillet, pour ce qui reste de Canadiens sur la terre
québécoise, c'est normal de respecter les minorités. Nous
sommes complètement d'accord. Nous sommes un peuple, le peuple
québécois, qui, à travers le monde... On dit partout que
le peuple québécois est un peuple qui est ouvert, qui a les mains
tendues. C'est le peuple, au monde, qu'on a cité par des études
japonaises - dont vous avez certainement entendu parler - comme le peuple le
plus accueillant, le peuple qui traite le mieux ses minorités dans le
monde entier. Les minorités, ici, sont bien reçues et nous sommes
heureux. La principale minorité, c'est la minorité anglaise. La
minorité anglaise, c'est la seule place au monde, comme minorité,
où elle ait ses écoles, par exemple, de la maternelle
jusqu'à l'université. Ils ont tous leurs postes de radio, ils en
ont plus que nous, même; des postes de télévision, plus que
nous; leurs établissements du côté social, ils ont tout. Et
je suis d'accord qu'il en soit ainsi.
Cependant, nous vivons dans un pays où il y a deux peuples
fondateurs. Moi, ce n'est pas comme ça que je le vois, mais nous vivons
au Canada et je suis un Canadien géographique. J'habite ce territoire
qui s'appelle le Canada, je suis un Canadien géographique. Je ne suis
pas un Canadien de coeur, je suis un Québécois d'âme,
d'esprit, de coeur et de culture, mais je suis, par la force de l'histoire et
des choses, un Canadien géographique. Et ce Canadien géographique
vit avec les institutions qui lui ont été imposées parce
qu'il a perdu la guerre en 1760. Ça me frustre encore, mais je suis
encore là. Je suis un vaincu. Comme vaincu, je suis très affable
et très aimable pour la minorité qui m'a conquis. C'est vrai.
Mais, quand on nous demande, à nous qui avons toujours fait des
courbettes naturelles pour respecter ceux qui vivent avec nous, et qu'on me
demande, à moi, de relever la fête du Dominion, la fête du
Canada - ou la fête de la Fédération qu'on appelle la
fête de la Confédération - appelez-la comme vous voulez,
cette fête-là - qu'on veut la relever au même niveau, du
côté législatif, que la fête du 24 juin qui est la
fête du Québec, je ne peux pas marcher. On me
demande, à moi, encore une fois, malgré que je reconnaisse
actuellement dans mes lois que le 1er juillet est un jour férié
et qu'on doit respecter ceux qui fêtent cette journée-là -
et je suis complètement d'accord - on me demande de faire encore un pas
de plus, de l'amener au même niveau que le 24 juin, tandis que, dans les
autres provinces, ces deux peuples fondateurs, allez donc voir, vous autres, si
la Saint-Jean-Baptiste - c'est le patron des Canadiens français, une des
deux nations qui composent ce pays - voir si, dans les autres Parlements, M. le
Président, on a un jour férié pour la Saint-Jean-Baptiste.
Pas du tout, mais d'aucune façon! Alors, comment peut-on me demander
encore une fois à moi, surtout dans le contexte actuel, de relever le
niveau du 1er juillet à un degré égal à la
fête nationale du Québec, tandis qu'ailleurs il n'y a même
pas de reconnaissance du Canadien français en ayant une journée
fériée sur leur territoire? (20 h 30)
Si les autres provinces, par un geste d'humble décence, d'humble
décence et de reconnaissance du peuple fondateur dont je fais partie,
avaient, dans leur Législature, un tantinet de respect pour cette nation
qu'ils ont conquise, à ce moment-là, je serais un peu enclin
à dire: S'ils ont eu certaines reconnaissances, ils ne l'ont pas dans
l'éducation, ils ne l'ont pas dans les autres moyens, ils ne l'ont pas
dans la radio, dans la télévision, dans tout ce qui est culturel.
Ils ne l'ont pas, le respect que l'on a pour eux. Ils ne l'ont même pas
pour dire: C'est jour férié, en Ontario, le 24 juin parce qu'il y
a plus de francophones en Ontario... N'oubliez pas ça. N'oubliez jamais
qu'il y a plus de francophones en Ontario que d'Anglais au Québec. On
dirait qu'on oublie ça. Les Anglais au Québec sont 11 %. On les
respecte. Nominalement, il y a plus de monde qui parle français, de
souche française, qui parte français en Ontario que d'Anglais au
Québec. Ici, on leur donne tout, puis je suis d'accord. Il y en a qui
pensent que je suis borné. Je ne suis pas borné. Je suis d'accord
que ce respect-là doit exister continuellement. Je suis d'accord qu'on
leur donne tout, qu'on laisse un jour férié pour le 1er juillet.
Ils ont droit à ça. J'ai été tellement longtemps
colonisé et pris pour un deuxième violon que je
n'enlèverai pas l'«arcanson» à ceux que je regarde et
que je traite comme... qui sont minoritaires chez nous. Jamais. Mais pas donner
le même violon à la majorité qu'à la
minorité. C'est incroyable!
À ce moment-là, si ça marche par province comme
principe, bien, faites un jour férié pour la Saint-Patrick,
faites un jour férié pour la fête des Italiens. Si vous
voulez faire un jour férié plain-pied... Et puis le regard ne
m'influence pas, les Anglophones sont une petite minorité, au
Québec, une petite minorité excessivement bien traitée,
une petite minorité qui a été longtemps, comme en Afrique
du Sud, les grands possesseurs de tout. Ils sont mieux traités que
là-bas ils traitent les Noirs. Je parle du côté possession.
Ils avaient tout, tout, mais quand on dit tout, les grosses compagnies, les
«foremen». On n'appelait pas ça des contremaîtres,
c'étaient des «foremen». Connaissez-vous ça, un
peuple, vous, qui appelle son... le «bumper», le
«windshield», le «dash»? Ce n'est pas des
colonisés qui font ça? Quand ils sont 81 % de la population,
c'est parce qu'il y a eu un maître, quelque part, qui a imposé
quelque chose, ou qu'il y a eu des gouvernements qui sont toujours
courbés devant la force de l'argent. Et là je trouve que c'est
encore un geste que je trouve de trop, surtout dans le contexte actuel. Dans le
contexte actuel, c'est inacceptable.
Je sais que j'ai beaucoup plus d'appuis. Ça me tentait, M. le
Président, d'apporter cinq drapeaux du Québec et cinq drapeaux du
Canada pour mettre sur la table. Cinq du Québec devant moi et cinq du
Canada de l'autre côté. C'est exactement ce qui se passe,
là. Nous sommes des téteux de fleurs de lys, qu'on nous appelle.
O.K. Je suis un téteux de fleur de lys. Vous êtes des
téteux de feuilles d'érable. Mais ma fleur de lys est très
vivante, tandis que, sur votre drapeau, votre feuille d'érable est
morte. Il n'y a pas grand jus à en tirer. Pour un
Québécois, il n'y a pas grand jus à en tirer. On
n'entaille pas les érables à l'automne, on n'en tire aucun sirop.
Sur le drapeau, c'est une feuille morte. C'est rare, un pays qui a un
emblème mort. C'est rare, c'est excessivement rare. Ça ne me
blesse pas, ce n'est pas le mien. C'est un drapeau qui m'a été
imposé par l'histoire, par le hasard, et qui a été choisi
par hasard, d'ailleurs, à Ottawa. Vous vous souvenez certainement de
l'histoire du drapeau. Les «bleus» étaient sûrs qu'il
ne passait pas et les «rouges» aussi et ils ont tous voté
pour. Ils se sont fait prendre. Ce n'est pas ça qu'ils voulaient
pantoute. Ils voulaient les deux affaires rouges chaque bord, d'un petit
océan à l'autre, les deux affaires rouges et, dans le centre, une
feuille d'érable verte. C'est ça qu'ils voulaient. Ça
aurait été plus joli, d'ailleurs. Il n'est pas laid, le drapeau
du Canada, il n'est pas laid du tout, mais ça aurait été
plus beau avec une feuille vivante, symbole de ce qui vient demain. Ça
aurait été beaucoup plus beau qu'une feuille morte. Voyons. Le
Liban, ils en ont un, un arbre, mais il est vert, il n'est pas là avec
ses feuilles mortes. L'emblème d'une feuille morte pour un pays, ce
n'est pas très inspirant. Mais on a le droit de le défendre de la
même façon que, moi, j'essaie de défendre le fleur de lys
avec ceux qui m'accompagnent. Alors, M. le Président, je
réitère mon invitation. Je ne sais pas combien il me reste de
temps, je ne suis pas tellement habitué...
Le Président (M. Philibert): Sept minutes.
M. Blais: ....à parler longtemps. Vu qu'il reste sept
minutes, je veux réitérer avant la fin
de mon intervention la proposition très humble, mais très
sentie que j'adresse au grand responsable de ce verbatim que nous avons devant
nous. S'il voulait, dans un geste que je considérerais comme normal de
la part de quelqu'un qui siège au Parlement de l'Assemblée
nationale du Québec, enlever les articles 10 et 18... Il me semble
qu'ici nous sommes 125 députés pour défendre le
Québec. C'est 288 qu'il y a à Ottawa. Il me semble que le
Parlement canadien n'a pas besoin du Parti libéral, par ricochet, ici,
pour venir défendre leur drapeau et leurs droits. Il y a des élus
là-bas qui sont là pour ça. Pourquoi, par Parti
libéral interposé, vient-on ici essayer d'imposer cette
fête de façon plus percutante sur notre territoire? Vous savez
qu'il y a des gens qui veulent revoir le fleur de lys, il y en a, ça a
pris du temps, c'est le drapeau... c'est en 1957? En quelle année, le
drapeau du Québec? 1957, je crois. Il n'y a pas si longtemps que
ça que le drapeau du Québec est là. Le drapeau de
Mont-calm n'était pas encore refroidi sur ses cendres qu'il y avait
déjà des gens sur la terre québécoise qui
rêvaient d'avoir le drapeau du Québec sur leur parlement. C'est
long, ça. On l'a gagné de peine et de misère, et à
la sueur du front de nos ancêtres. Ce drapeau-là, qui est le
symbole de notre fête nationale, je ne voudrais pas qu'il soit mis sur le
même pied que l'autre, et je respecte l'autre.
Il ne faut pas que les gens qui sont de l'autre côté - qui
n'écoutent pas pantoute, je le sais, moi - mais je ne veux pas que les
gens qui sont de l'autre côté viennent dire: Le
député de Masson et son groupe ne veulent pas que le 1er juillet,
fête du Canada, ou fête du Dominion, ou fête de la
Fédération, ou fête de la Confédération, ou,
comme disait le ministre à une certaine commission scolaire, fête
de la députée de Hochelaga-Maisonneuve, fête des
déménageurs, fête de ce que vous voudrez qu'il a dit...
Appelez-le comme vous voudrez, j'essaie de donner quelques noms, qu'il
choisisse au hasard celui qui se place le mieux dans la partie de son corps qui
le fait vibrer devant ce texte. Eh bien, là, qu'il prenne le mot qu'il
veut. Mais je ne voudrais pas qu'on dise que nous nous objectons, que le 1er
juillet, fête canadienne, on ne veut pas que ce soit un jour
férié. Si on dit ça, on ne sera pas honnête de
l'autre côté, on ne sera pas honnête. Tous les membres de
mon parti pensent comme moi: on veut, on est d'accord que le jour soit
férié, mais on veut qu'il soit mobile, m-o-b-i-l-e. Le 24, on ne
veut pas qu'il soit mobile. La fête d'un pays, ce n'est jamais mobile. On
la fête cette journée-là. Ici, la fête nationale de
l'Assemblée nationale, c'est la fête nationale des
Québécoises et des Québécois, c'est la
Saint-Jean-Baptiste. C'est une tradition, ça vient du peuple, et
ça va vers le Parlement, tandis que la Confédération,
c'est une fête qui part des Parlements et qui veut être
imposée au peuple. Ça ne se fait pas. En Italie, on fête la
fête de l'Italie. Il n'y a aucune fête en Italie qui peut
être imposée par le Parlement au peuple. C'est comme ça
dans tous les pays du monde, et c'est normal, et je suis d'accord qu'il en soit
ainsi.
Alors, en bref, M. le Président, je désire que le 24 juin
demeure la fête fixe et nationale du Québec, que le 1er juillet
demeure la fête du Canada fériée, mais qu'elle soit mobile.
Si elle tombe un lundi, tant mieux, elle est à la bonne place. Mais,
elle, elle doit être mobile parce qu'elle n'a pas la même
importance sur le territoire québécois que le 24 juin. C'est tout
ce qu'on demande: ce n'est pas énorme, et qui s'objecte à
ça, qui a des objections, je ne sais pas comment les qualifier.
Où peut-on trouver une objection majeure défendable, rationnelle
et intellectuellement présentable? On ne peut pas. Aux
États-Unis, c'est le 4 juillet, la fête. C'est le 4 juillet. Il y
a beaucoup d'«hispanos». Oui, mais on n'est pas au Canada, on est
au Québec, ici.
Une voix: On n'est pas au Canada, ici? M. Blais: Vous me
parlerez après. Le Président (M. Philibert): Alors, il
vous... M. Blais: Vous parierez après.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Masson, il vous reste une minute et demie.
M. Blais: Vous parierez après, vous avez le droit à
ça. Mais c'est ça que je vous dis: si on est au... Supposons
qu'on soit au Canada, du côté coeur et du côté
esprit, ce que je ne suis pas, la province de Québec, appelez-la comme
vous voulez, là, pourquoi, encore une fois, vu que c'est un pays qui
défend deux nations, ce soit encore nous qui défendions les deux
fêtes, tandis que, dans les autres provinces, il n'y a pas une
sacrée province qui a férié le 24 pour rendre hommage au
peuple fondateur qui est la nation canadienne-française? À la
nation canadienne-anglaise, vous voulez que, nous autres, on fasse cette
fête-là? Deux poids, deux mesures, c'est un signe de
colonisé viscéral. Merci, M. le Président. (20 h 40)
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le
député de Masson. Est-ce qu'il y a des interventions du
côté ministériel? Est-ce qu'il y a des
députés du côté ministériel qui veulent
intervenir? Mme Carrier-Perreault, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Moi aussi, je suis très contente de participer à cette commission
avec mon collègue de Masson. Je n'ai pas la verve ni le sens de
l'humour de mon collègue...
M. Blais: Oui, madame, vous l'avez.
Mme Carrier-Perreault: ...cependant, oui, je peux rire vraiment
de vos allocutions parce que je trouve que vraiment mon collègue de
Masson a une verve assez exceptionnelle. Mais il reste que, moi
personnellement, je reprendrai quand même quelques éléments
qui ont été dits parce que je suis profondément
convaincue, moi aussi, à l'instar de mon collègue et des autres
collègues du côté de l'Opposition officielle, que ce projet
de loi est, à toutes fins pratiques, presque une provocation au moment
où on se parle, de voir arriver des choses comme ça.
Que l'on considère le 1er juillet jour férié de
plus pour l'ensemble des travailleurs au Québec, je pense que,
là-dessus, c'est très clair. Ce n'est pas là-dessus que
l'Opposition officielle en a. Ce n'est pas contre ça. On trouve
même qu'il n'y en a pas suffisamment, des fois. On sait que, sept jours
de congé comme ça, ce n'est pas l'affolement. Il y a des pays qui
en ont beaucoup plus que nous. On n'a qu'à regarder au niveau des
vacances aussi, on a un certain retard de ce côté-là, et je
sais que ce sont des choses qu'on a discutées. On a discuté de
ça en décembre 1990. Ça ne fait pas longtemps, ça,
M. le Président. Le ministre nous disait tantôt qu'on n'avait pas
toujours le même intérêt, qu'on n'était pas toujours
aussi présent aux commissions et lors des discussions sur les normes. Je
me rappelle très bien que, lors des discussions qu'on a eues sur les
modifications apportées, en décembre 1990, on était
nombreux, de notre côté, à y participer. J'étais
aussi membre de la commission, à ce moment-là. Donc, j'ai
participé aux discussions comme les autres membres de mon parti.
On n'a rien contre ça, M. le Président, que les
travailleurs bénéficient d'une journée de plus de
congé. Pas du tout. On trouve que c'est tout à fait normal,
légitime et que c'est important que ça continue de se faire.
Là où ça ne fonctionne plus, c'est qu'on veut nous
créer une deuxième fête nationale alors que le ministre
lui-même nous disait que, cette fête-là, finalement,
ça pouvait être le congé d'à peu près
n'importe quoi, li parlait du congé de la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Il nous a parlé du congé des
déménagements. On se rappelle, on l'a cité abondamment,
d'ailleurs, hier soir, lors des débats.
Le ministre lui-même, à ce moment-là, disait que
cette fête-là n'avait pas la même envergure, n'avait pas le
même prestique que la fête nationale du Québec.
Là-dessus, en décembre 1990, je peux dire que nous, de
l'Opposition officielle, on partageait exactement le même état
d'esprit que le ministre quand il nous disait que ça n'avait pas la
même envergure ni le même prestige que la fête nationale des
Québécois.
Alors, c'est très difficile pour nous autres de comprendre que,
si peu de temps après une révision en profondeur, si on veut, une
révision importante en décembre 1990... Je vois les gens de la
commission qui étaient là. Quand même, il y a eu beaucoup
de modifications qui ont été apportées. Alors, c'est assez
difficile pour nous autres de comprendre qu'on nous arrive avec une mesure
comme celle-là et surtout, politiquement parlant, au moment où on
se trouve présentement, au moment où on sait qu'il n'y a à
peu près plus rien qui passe. Je ne sais pas si c'est parlementaire ou
non, mais c'est le bordel le plus total par rapport aux négociations
constitutionnelles. On ne se sent pas nécessairement les bienvenus, ni
souhaités ni désirés dans cette espèce de grande
entité qui s'appelle le Canada.
On se rend compte que les autres provinces canadiennes essaient de
négocier beaucoup de choses sur le dos des Québécois,
présentement. On essaie, du côté de l'Ouest, d'avoir un
Sénat triple «E» avec une... Bon. On tourne toute la belle
panoplie. On ne fera pas de constitution ici ce soir, mais on sait où
c'en est rendu. Tout le monde... D'ailleurs, c'est assez ironique, c'est une
ironie du sort, à mon sens, que, pendant qu'on parlait de créer
une deuxième fête nationale, soit la fête du Canada, hier,
en Chambre, on apprenait à peu près au même moment que les
négociations constitutionnelles, à toutes fins pratiques, avaient
été... C'était lessivé, c'avait foiré, en
bon français.
Alors, c'est pour ça que, pour nous autres, c'est un petit peu de
la provocation. On ne comprend vraiment pas les intentions du gouvernement. En
plus de ça, M. le Président, on ne voit pas non plus
l'intérêt de la population, l'intérêt des
travailleurs. Cette espèce de décision n'est sûrement pas
prise dans l'intérêt des travailleurs ni, comme le ministre veut
bien le laisser entendre, dans l'intérêt des commerçants ou
des employeurs. On n'a qu'à se rappeler les propos qui ont
été tenus par le Conseil du patronat, quand il y a eu la
création de la fête nationale du Québec. On se rappellera
aussi que le Conseil du patronat a fait un lobby important quand le
gouvernement libéral a été remis au pouvoir, en 1985, pour
essayer de faire abolir cette fête nationale qu'il trouvait, à
toutes fins pratiques, embêtante, économiquement non rentable. Il
trouvait que des congés comme ça, un congé en milieu de
semaine, au point de vue économique, ce n'était pas
intéressant pour eux autres.
On peut comprendre ça, M. le Président, mais on continue
d'être persuadé que ce n'est pas abusif d'avoir une fête
nationale. Ce qui est abuif, c'est d'en avoir deux. Le ministre, tout à
l'heure, nous disait qu'au Canada, bon, on est encore au Canada et il faut
quand même fêter la fête du Canada. C'est à peu
près ce qu'il nous disait. Mais il reste que le Code canadien du travail
ne reconnaît pas la fête nationale du Québec. Il ne
reconnaît pas la Saint-Jean-Bap-
tiste, ne reconnaît pas le 24 juin... J'aime mieux regarder les
gens de la commission qui ont l'air d'écouter plus que les
parlementaires. C'est un petit peu dommage par exemple, parce que je pense que
c'est une question qui est très politique et on va en discuter
longuement ce soir. D'autant plus que je trouve que c'est un peu dommage que
les gens de la commission soient obligés de nous écouter
peut-être aussi longtemps, parce que c'est évident qu'on va en
parler longtemps parce que, notre but à nous autres, c'est d'essayer de
convaincre les gens du milieu politique, du monde politique que ce n'est pas
dans leur intérêt, ni dans les intérêts du
Québec, ni des Québécois, ni des travailleurs, ni des
employeurs qu'on nous apporte une mesure comme celle-là.
Alors, je disais que le Code canadien du travail ne reconnaît pas
la Saint-Jean-Baptiste, ne reconnaît pas la fête nationale, ne
reconnaît pas ça comme une fête nationale. Or, au
Québec, on le sait, il y a des entreprises, il y a des gens qui
travaillent, des Québécois qui travaillent dans des entreprises
à des endroits où c'est de juridiction fédérale, de
compétence fédérale. Il y a des gens au Québec, et
ça touche, on me dit, à peu près 100 000 personnes, grosso
modo - on fait un chiffre rond, on ne s'obstinera pas sur des petits nombres -
environ 100 000 Québécois travaillent dans des entreprises de
juridiction fédérale, soit pour le gouvernement
fédéral et autre chose, et le Code canadien du travail, au moment
où on se parle, encore aujourd'hui, ne reconnaît pas la
Saint-Jean-Baptiste comme une fête nationale.
Je suis persuadée que les gens de la commission savent ça.
Je suis persuadée que le ministre doit savoir ça aussi. Je dois
vous dire, c'est des gens qui, bien sûr, demeurent au Canada, mais ces
gens-là sont québécois, demeurent au Québec, il y a
une fête nationale au Québec, c'est le 24 juin et le Code canadien
ne reconnaît pas cette fête-là. Je me dis: Quelque part, on
a comme des problèmes...
Le Président (M. Philibert): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous demanderais de respecter le droit de parole des
parlementaires et de faire en sorte qu'ils puissent le faire avec toute la
latitude possible. Madame.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
D'autant plus que, comme je viens de le dire, ce sont les parlementaires que
j'espère toucher, même si je n'ai pas la verve de mon
collègue de Masson, parce que, dans vos comtés, vous
représentez des Québécois, vous représentez des
gens de chez nous. Dans vos comtés, vous avez des gens aussi qui
travaillent et dont la fête nationale n'est pas reconnue parce qu'ils
travaillent dans des entreprises de juridiction fédérale. Je ne
comprends pas que ça n'amène pas un questionnement aux gens qui
sont parlementaires, qui représentent des Québécois, et
des Québécois qui sont traités de façon
différente parce qu'ils travaillent dans des entreprises qui sont de
juridiction différente.
Nous, ce qu'on fait, ce qu'on nous apporte comme proposition, c'est de
nous dire: On va s'harmoniser, nous autres. Hier, j'entendais le
député de Taschereau, il y en a d'autres qui l'ont dit aussi, il
a dit: On va harmoniser la loi avec la réalité. Écoutez,
M. le Président, moi, quand j'entends des choses comme ça, je
trouve ça assez spécial. C'est quoi, la réalité?
Moi, je demeure ici, sur la rive sud de Québec. Je demeure à
Québec, pas loin, tout près d'ici. Les gens, la fête pour
eux autres, la fête nationale, c'est le 24 juin. Ça ne sert
à rien. Il y en a, bien sûr, qui vont participer à
certaines activités s'il y en a lors de la journée du 1er
juillet. Ça, c'est vrai. Ils vont y aller le soir. Ils vont
écouter probablement le spectacle. Il y a un spectacle
télévisé. Mais la fête, la vraie fête
où les gens se déplacent, où les gens se retrouvent,
où les gens échangent, c'est lors de la fête nationale,
c'est le 24 juin. Alors, quand on me dit, à moi, qu'on va harmoniser la
loi avec la réalité et que ça me vient du
député de Taschereau, entre autres, qui demeure, à toutes
fins pratiques, en face de chez nous, je me dis qu'il y a quelque chose qui ne
marche pas quelque part. (20 h 50)
On ne vit pas à la même place. Moi, personnellement, j'ai
souvent participé à des activités sur la rive nord, et ce
n'est pas le 1er juillet que ça se passe, M. le Président, c'est
le 24 juin. Les gens, ce qu'ils font le 1er juillet, finalement, ils sont
très heureux de pouvoir profiter de leur fin de semaine.
Quand on nous dit: II faut s'adapter à la réalité
économique, et qu'on sait ce qu'en pense le Conseil du patronat,
ça les embête plus qu'autre chose qu'il y ait une journée
de congé qui nous tombe comme ça, en milieu de semaine. La
fête nationale du Québec, la seule qui était
organisée de cette façon-là les embêtait
profondément. Alors, pourquoi faudrait-il croire aujourd'hui que ces
gens-la, c'est ça qu'ils veulent et c'est ça qu'ils demandent?
Pourquoi faudrait-il croire ça après toutes les pressions,
après tout le lobby qu'ils ont fait, en 1985, pour s'organiser pour que
cette fête-là soit fêtée soit un vendredi ou un
lundi? Voyons donc! Il y a quelque chose qui ne marche pas. Je ne pense pas que
ces gens-là soient incohérents à ce point-là. Et
c'est facile de comprendre leurs raisons. On comprend les raisons pour
lesquelles ils ne sont pas d'accord avec ce genre de congé là.
Ça les embête et, économiquement, c'est mauvais pour eux
autres. Ça, c'est le côté du Conseil du patronat.
Au niveau des commerçants, on a eu à peu près le
même genre de commentaires. Ça ne les arrange pas de fermer leur
boutique, de fermer
en plein milieu de semaine. Ça ne les arrange pas. Alors, il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas non plus quelque part. Qui veut ça
finalement? Le ministre nous parle des institutions financières. Les
institutions financières, M. le Président, j'ai beaucoup de peine
à croire que ça a été le Mouvement Desjardins, par
la voix de M. Béland, qui nous demande ça. Quand on connaît
le côté... C'est un bonhomme qui est très humaniste, M.
Béland. En plus de ça, c'est un homme qui est profondément
nationaliste. On le sait, c'est de notoriété publique, je pense,
depuis... On a vu, avec les travaux de la commission Bélanger-Campeau,
quel était le souhait, quelle est la forme de pensée de M.
Béland, du mouvement des caisses. On ne comprenait pas trop la demande
du Mouvement Desjardins. Venant de M. Béland, vraiment ça nous
dépassait. Il y a eu des informations qui ont été prises,
et on s'est rendu compte que c'était, en fait, des technicalités
qui avaient été demandées, non pas de faire une
deuxième fête nationale. Enfin, c'est ce qui a été
très clair. De toute façon, M. Béland est plus en contact
avec mon collègue de Lévis. Vous savez que le Mouvement
Desjardins a pris racine, a pris naissance dans le comté de
Lévis. Mon collègue va venir nous rejoindre tout à
l'heure. Je suis persuadée que ça va lui faire un grand plaisir,
lui, de s'attarder plus sur les propos possibles de M. Béland.
Alors, on regarde du côté des employeurs, on ne voit pas
leur intérêt. Même qu'au contraire on se rend compte qu'ils
sont très désavantagés et que ça ne les
intéresse pas du tout d'avoir une journée comme ça, en
plein milieu de semaine, où on devra arrêter les chaînes de
montage, où on devra-
Une voix: Tu dis la même chose depuis cinq minutes.
Mme Carrier-Perreault: Oui, mais ça ne fait rien. Je
voudrais absolument que vous compreniez, à un moment donné.
Ça fait deux jours qu'on dit la même chose et on n'a pas fini, on
va répéter.
Une voix: Vous n'êtes pas obligé de parler, mais
vous êtes obligé d'écouter, vous.
Mme Carrier-Perreault: Alors, ce qui arrive, c'est que, si on
regarde du côté des employeurs, c'est clair. Ils n'ont pas
d'intérêt à demander ça au ministre. Ça ne
fait sûrement pas leur affaire. D'ailleurs, on n'entend rien sur ce
congé-là. On ne voit pas grand-chose circuler. Mais il reste que,
normalement, si on regarde leur raisonnement depuis qu'on a un congé de
la fête nationale, qui est le 24 juin, si on regarde le raisonnement de
ces gens-là, ça ne peut pas être bien aujourd'hui,
ça ne peut pas être drôle et ça ne peut pas faire
leur affaire. C'est impossible. C'est exactement le même
problème.
Si on regarde du côté des travailleurs, je vais vous dire,
c'est loin d'être intéressant. Les gens qui pouvaient prendre un
congé et profiter, bénéficier d'une longue fin de semaine,
disons que ça vient d'être terminé. Avec ce projet de loi
là, quand on aura le malheur d'avoir le 1er juillet dans le milieu de la
semaine, bien, ces gens-là devront le prendre là si ce projet de
loi passe. Alors, je vais vous dire, vous venez d'enlever une fin de semaine
allongée, un congé que les travailleurs appréciaient de
façon plus importante en début d'été comme
ça. Les gens pouvaient se déplacer, ils pouvaient aller
rencontrer leur famille dans d'autres régions s'il y avait lieu, choses
qui ne peuvent pas se faire quand il y a juste une journée de
congé, on le sait. La réalité, c'est simple, c'est que les
travailleurs pouvaient bénéficier de trois jours, pouvaient s'en
aller, pouvaient en profiter davantage. La réalité aussi, c'est
que la fête nationale pour eux autres, c'est le 24 juin dans l'ensemble
du Québec, pour une très grande majorité des
Québécois. Alors, ce projet de loi qui nous arrive comme
ça, on peut bien se poser de questions, nous autres, de l'Opposition
officielle. On se pose des questions et on n'est pas les seuls à s'en
poser. C'est pour ça que, nous autres, on a beaucoup de
difficultés avec ça. Ça, c'est pour ce qui est de la
fête nationale.
Quand on regarde aussi le reste du projet de loi, bien, bon Dieu! M. le
Président, je trouve ça aussi un petit peu surprenant. Il y a des
questions qu'on peut se poser. Quand on nous dit: En décembre, on a
élargi le mandat de la Commission, j'en conviens. On l'a fait et, bon,
il y a eu des choses, il y a eu des ajouts qui se sont produits. Je peux
convenir qu'il y a eu une augmentation de travail. Alors, c'est possible qu'il
y ait eu une augmentation. Il reste que, quand, en décembre, on nous a
parlé longuement et on a discuté longuement au niveau des normes
et que M. le ministre nous dit que c'est là qu'on a élargi,
à toutes fins pratiques, le mandat de la Commission, je me dis: Comment
ça se fait qu'on n'a pas pensé à ça à ce
moment-là? Comment ça se fait qu'on n'ait pas à ce
moment-là décidé d'ajouter une personne à la
vice-présidence?
Si aujourd'hui il a fallu vivre avec le mandat élargi, ça
veut dire que, quelque part, on a mal fait nos prévisions, on a mal fait
notre planification. Ça aurait pu être fait en même temps.
C'est toujours plate, vous savez, M. le Président, c'est toujours
ennuyeux un peu de rouvrir comme ça une loi. Je trouve, en tout cas.
C'est sûr que, les lois, il faut les réaménager, il faut
les amender, il faut les corriger quand on vit avec, mais il y a des choses qui
peuvent se prévoir, et je trouve ça un petit peu embêtant
pour le gouvernement, cette fois-ci. Si, nous autres, ça nous
embête quand on parle de la deuxième fête nationale,
ça nous embête par conviction politique, oui. Moi aussi, ça
m'embête,
j'ai le même problème que mes collègues.
Là-dessus, c'est vrai, c'est un embêtement de nature politique,
cet aspect-là, mais, quand on regarde, il y a des embêtements
aussi qui peuvent arriver au niveau technique. Ça m'embête
toujours de me rendre compte qu'on fait des oublis de ce genre-là.
Quand on se rend compte qu'on élargit des mandats, qu'on donne
plus de travail à des gens, il me semble qu'en même temps on
pourrait peut-être se rendre compte qu'ils vont avoir trop d'ouvrage puis
qu'il faut leur donner un coup de main. D'un autre côté, je trouve
ça embêtant que ça arrive à ce moment-ci. Non pas
pour nous autres, cette fois-ci, pour le gouvernement parce que, cette semaine
encore, parce que c'est un projet de loi qui est arrivé... Je sais que
les députés ministériels sont au courant parce que, en
fait, c'est un projet de loi qui découle des travaux d'un de leurs
comités finalement, le comité Poulin. Ils sont arrivés
avec un projet de loi en décembre dernier, le projet de loi 198,
où ils nous disaient qu'il fallait absolument rationaliser et, comme
moyen de rationalisation, les députés ministériels ont
déposé 198 qui dit qu'à toutes fins pratiques le
gouvernement devrait arrêter d'embaucher du monde. Plus de nouvelles
embauches d'ici le 31 mars 1994. Ça, c'est arrivé en...
Il me reste trois minutes, M. le Président. Écoutez,
j'achève. Ce ne sera pas long. C'est arrivé en décembre
dernier. Justement, en fin de session comme ça, on n'a pas pu passer au
travers le fameux projet de loi en question. Là, cette semaine, c'est
assez curieux aussi comme moment, vous avouerez, avant-hier soir on
était en Chambre et on nous appelle sur la poursuite des débats
sur l'adoption du principe du projet de loi 198. Alors, le député
de Verdun, qui est un ardent défenseur de la fête du Canada,
fête nationale... On l'a vu à deux reprises. Je n'en revenais pas.
Le député de Verdun, on le sait que c'est un fervent Canadien qui
défend sa fête nationale avec acharnement, mais il défend
aussi en même temps sa loi 198 avec acharnement. C'est lui qui l'a
déposée et il était très heureux de la faire, cette
loi-là qui nous dit que le gouvernement ne devrait pas embaucher de
nouveau personnel jusqu'au 31 mars 1994.
Alors, disons que je trouve que, ça, c'est un embêtement
pour les gens du côté ministériel. Quand on nous dit et
qu'on essaie de nous convaincre que c'est important, qu'il faut arrêter
d'engager du monde, puis que le ministre nous arrive en disant: On va engager
un nouveau vice-président, je trouve ça dommage. Dommage qu'on
n'ait pas prévu en décembre 1990 que ce genre de chose pouvait
arriver.
Bon. Là vous me faites signe que mon temps est fini.
Le Président (M. Philibert): II faut conclure. Il vous
reste à peu près une demi-minute.
Mme Carrier-Perreault: II faut conclure. C'est sûr, M. le
Président, qu'on va continuer...
Une voix: Ça passe vite.
Mme Carrier-Perreault: ça n'a l'air de rien. je ne pensais
jamais être capable d'en dire autant dans si peu de temps. c'est pour ces
raisons-là qu'on va continuer de faire des demandes et d'essayer de
convaincre le gouvernement d'arrêter avec ce projet de loi parce que
ça n'a pas de bon sens au moment où on se parle. voilà, m.
le président.
Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. Est-ce qu'il y a un
député ministériel qui veut intervenir sur le projet de
loi 21? Mme la députée de...
Mme Vermette: Marie-Victorin.
Le Président (M. Philibert): ...Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'aimerais que ceux qui tiennent des caucus s'abstiennent, pour
permettre aux intervenants d'avoir la pleine liberté d'exercer leur
droit de parole sans contrainte. Mme la liberté...
Mme Vermette: M. le député...
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Marie-Victorin.
Mme Vermette: M. le Président, je suis heureuse d'inspirer
la liberté. Si c'était le cas, j'espère qu'on n'aura
qu'une fête nationale et l'indépendance au Québec. (21
heures)
Le Président (M. Philibert): Madame, j'ai parlé de
liberté en ce qui avait trait à votre droit de parole. Alors, les
jeux de mots vous appartiennent, ce n'est pas les miens.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Je trouve ça
tout à fait particulier d'entendre le député de Berthier,
de l'autre côté, qui est toujours prêt à intervenir
pour des raisons tout à fait en dehors du sujet qui nous concerne,
c'est-à-dire le projet de loi 21. Et, comme nous pratiquons la
règle de l'alternance, c'eût été important pour lui
de nous dire pourquoi il est très important qu'on passe cette loi
maintenant, à ce moment-ci. En fait, je ne sais pas pourquoi, il n'y a
personne du côté ministériel qui prenne la parole, M. le
Président. En fait, ils devraient défendre... Et ce serait
intéressant, puisqu'on voudrait bien être éclairé,
ici, de ce côté, et
comprendre les motifs et les raisons qui font en sorte que ça
devienne important que le 1er juillet soit une fête chômée,
soit une fête prise la journée même qu'elle tombe.
J'aimerais savoir véritablement les motifs et les raisons qu'ils ont
à défendre, M. le Président. Peut-être que mon
discours serait moins long et peut-être qu'on pourrait arriver,
finalement, à certaines conclusions, réciproquement. Mais, pour
le moment, ils sont muets, M. le Président. Et c'est assez
difficile.
Mais je vais vous apporter aussi certaines préoccupations. Je
crois que je ne suis pas la seule, puisque le président de la CSN, M.
Gérald Larose, a été estomaqué de comprendre les
motifs évoqués par le ministre en ce qui concerne le projet de
loi 21. D'une part, on aurait pu scinder ce projet de loi en deux parties. Il y
a une partie qui était plus ou moins importante. L'autre partie,
finalement, c'était tout à fait mineur comme projet de loi. Et
c'est pour ça que ça m'amène à dire que c'est
beaucoup plus une loi qui est un prétexte que véritablement une
loi qui est vraiment fondée sur un principe des normes minimales du
travail, M. le Président.
Et, en fait, ce que je pense, c'est que, quelque part, effectivement, on
voulait donner du poids à la fête nationale du Canada,
c'est-à-dire à la fête du 1er juillet. Et, si on se
rappelle bien, M. le Président, ça ne fait pas si longtemps que
ça qu'on célèbre la fête du Canada. D'ailleurs, c'a
fait des débats incroyables à la Chambre des communes, parce que,
antérieurement, avant 1982, ça s'appelait la fête du
Dominion, M. le Président. Et il y a eu des débats incroyables
à la Chambre des communes pour ne pas reconnaître la fête du
Canada, en disant que la réelle fête du Canada, l'acte de
naissance du Canada ne pouvait être autre chose que la fête du
Dominion, M. le Président. Et, même, on imputait à M.
Trudeau d'avoir des intentions louches par rapport à la nomination de la
fête du Canada.
M. Blais: J'ai mal compris. Quelles sortes d'intentions?
Mme Vermette: Des intentions louches. M. Blais: Merci.
Mme Vermette: II faisait un peu de strabisme, mais ce n'est pas
plus grave. Mais, en fait, ce que je peux vous dire, M. le Président,
c'est que je trouve ça tout à fait particulier que, maintenant,
on arrive à nous dire que ça devient important, que les
Québécois, ici, veulent avoir cette fête comme étant
une fête aussi importante que la fête nationale des
Québécois, et que, pour eux, c'est tellement important qu'ils
sont même prêts à laisser tomber une fin de semaine de trois
jours. C'est vraiment ne pas comprendre l'histoire du Québec et ne pas
comprendre aussi l'attitude des Québécois face à certains
comportements au niveau de la fête du Canada. Parce que la fête du
Canada... Et je vais vous citer, en fait, ce qui était dit. C'est M.
Francis Fox, de l'époque du gouvernement libéral au niveau des
Communes, qui le disait le 29 juin 1981. C'est tout de même assez
récent. Ça fait partie de l'histoire contemporaine. Ça ne
fait pas partie, en fait, de l'histoire du tout début même du
Canada. Alors, il disait: «Par conséquent, il est temps,
après 114 ans d'existence en tant que pays indépendant, de
choisir notre propre journée». Le Canada n'avait même pas de
journée pour se définir, M. le Président. Ils ont attendu
le 29 juin 1981. Et, si on regarde les dates, on s'aperçoit bien qu'on a
décidé de fêter la fête du Canada parce qu'on avait
vécu un référendum dans l'année 1980, et ça
devenait important pour les gens qui prônaient l'unité nationale
d'avoir un symbole qui pouvait être unificateur pour l'ensemble du Canada
et des Canadiens, M. le Président. Mais, n'eût été
de ça, je ne suis pas sûre qu'on aurait la fête du Canada,
et ça s'appellerait encore la fête du Dominion, M. le
Président. Vous comprenez pourquoi, maintenant, les
Québécois portent très peu d'intérêt à
cette fête du Canada. Ils ne se sentent pas du tout inclus dans cette
fête du Canada, qui est la fête du Dominion, la fête qui
reconnaît la souveraineté monarchique. Et c'est pour ça
qu'on est tout à fait, mais complètement à
côté de cette fête-là. Pour nous, en fait, c'est un
événement qui nous permet d'avoir un congé, une fin de
semaine de trois jours. C'est important pour les travailleurs, surtout ceux qui
sont régis par les normes minimales du travail, M. le Président,
parce que, règle générale, ce sont, plus souvent
qu'autrement, des bas salariés, au salaire minimum...
M. Blais: Je m'excuse, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le Président, j'entends des cloches, et mon devoir de
député me porte à vous demander si c'est un vote ou...
Le Président (M. Philibert): C'est un quorum, M. le
député.
M. Blais: Ah! ça veut dire que les libéraux ne sont
pas assez nombreux en Chambre.
M. Bourbeau: Et les péquistes non plus. M. Blais:
On n'a pas à tenir le quorum.
Le Président (M. Philibert): Ça veut dire
que...
M. Houde: Vous autres, vous vous sauvez quand vient le temps de
prendre un vote.
Le Président (M. Philibert): Ça veut dire
simplement...
M. Houde: Vous vous cachez en arrière. M. Blais:
C'est normal.
Le Président (M. Philibert): Ça veut dire
simplement que le quorum a été appelé.
M. Houde: Bien, c'est normal qu'ils reviennent en Chambre.
Le Président (M. Philibert): Ça veut dire
simplement que le quorum a été appelé. La
présidence est en relation avec l'Assemblée nationale par
l'intermédiaire des fonctionnaires, et si d'autres cloches devaient
sonner dans la soirée, M. le député de Masson, je me ferai
un plaisir, si les votes sont appelés, de vous en informer pour que vous
puissiez aller voter. Si c'est un quorum, ça ne regarde pas la
commission des affaires sociales, mais si c'est un vote...
M. Blais: Les cloches tintent, normalement, mais rarement les
cloches ne parlent.
M. Bourbeau: «Pour qui sonne le glas?»
Le Président (M. Philibert): Alors, je parlerai, suite aux
cloches, pour vous informer si c'est un vote, pour que vous puissiez exercer
votre devoir de parlementaire. Madame, vous avez la parole.
Mme Vermette: Oui, alors, M. le Président, je vous disais
que c'est compréhensible que les Québécois, pour eux,
fêter la fête du Canada, ça n'a pas vraiment beaucoup
d'importance et ça ne fait pas référence à des
pages de leur histoire. Bien au contraire, puisque c'est une création de
l'esprit, en fait, cette fête du Canada, et non pas quelque chose qu'on
peut attribuer à l'histoire, comparativement à la fête de
la Saint-Jean-Baptiste qui est célébrée depuis 1946, M. le
Président. Donc, vous voyez à quel point la fête de la
Saint-Jean-Baptiste reflète réellement la réalité
des Québécois et des Québécoises et qu'elle
représente pour eux la véritable fête nationale. On n'a pas
besoin de partager avec d'autres fêtes nationales, M. le
Président, comme la fête du Canada. Pas du tout, M. le
Président!
Qu'elle existe, la fête du Canada, soit, mais qu'on en fasse, par
exemple, une fête qui ait un caractère aussi important et national
pour les Québécois que la fête de la Saint-Jean-Baptiste,
c'est complètement un autre discours. Et, je peux vous le dire, à
un point tel que c'est le député Fox de la Chambre des communes
qui disait: «La célébration annuelle d'une journée
nationale du Canada est un phénomène relativement récent.
Entre 1868 et 1958, la fête du Canada a été
célébrée exactement trois fois. Une fois en 1868, une
autre fois en 1917, date du cinquantième anniversaire de la
Confédération et, plus tard, en 1927, lors du soixantième
anniversaire ou jubilé de diamant de la
Confédération.»
Donc, M. le Président, vous voyez bien qu'on ne s'est jamais
précipité, qu'il n'y a jamais eu, en fait, un enthousiasme
débordant à célébrer ou à reconnaître
cette fête du Canada. Et, pourtant, on est rendu en 1976, M. le
Président... Depuis 1958, sauf peut-être en 1976, la fête
nationale du Canada a toujours été célébrée
sur la colline parlementaire, sauf, comme je le disais, en 1976, où,
étant donné qu'il n'y aurait aucune manifestation de grande
envergure pour souligner la fête nationale du Canada ce jour-là,
on avait quand même eu une cérémonie d'envergure, une
cérémonie de délivrance de certificats de
citoyenneté. Ainsi pouvons nous affirmer que, depuis 1958, nous n'avons
jamais manqué de célébrer notre fête nationale, M.
le Président.
Alors, c'est pour vous dire que c'est récent, et que
c'était beaucoup plus un événement pour marquer, si vous
voulez, la citoyenneté ou délivrer des certificats de
citoyenneté aux gens qui étaient immigrés au Canada et qui
pouvaient maintenant jouir des privilèges des Canadiens, M. le
Président. Mais ça ne représente que ça, et on ne
se sent pas, comme Québécois, impliqués dans cet
événement puisque, notre acte de naissance, nous l'avons depuis
très longtemps et nous ne sommes pas obligés, en fin de compte,
de témoigner de cet acte de naissance là, M. le Président,
par la fête du Canada. Pas du tout! Nous, la fête dans laquelle
nous nous rassemblons et qui nous ressemble, M. le Président, c'est la
fête nationale du Québec. Il n'y en a pas d'autre. (21 h 10)
Et c'est pour ça qu'on dit: Gardons notre caractère
spécifique, gardons notre caractère distinct. Arrêtons de
diluer constamment ce que sont nos acquis, ce qui fait notre force, notre
identité. Pourquoi essayer de toujours développer cette
dichotomie, M. le Président? C'est très difficile de vivre avec
ce principe de dualité constant. C'est bien plus important, si on veut
vraiment faire des citoyens bien portants, d'avoir une identité claire.
Si on veut aussi avoir une immigration qui soit capable de s'inspirer de ce que
nous sommes comme Québécois, c'est important pour eux d'avoir une
identification claire, un message clair, des symboles clairs.
Et, au Québec, en fait, le message clair, le symbole clair,
l'identification claire, bien sûr, dans le contexte qui nous regarde pour
le moment, c'est la fête nationale des Québécois, c'est la
Saint-Jean-Baptiste, M. le Président. Et ça fait très
longtemps qu'on fête la Saint-Jean-Baptiste: depuis 1646. Ce n'est pas
d'hier. 1646. Ce n'est pas d'hier qu'on fête la Saint-Jean-Baptiste. Il y
a des racines là-dedans, beaucoup plus que dans ce que je vous ai lu du
débat des Communes, où on disait que, pendant 116 ans, il n'y
avait rien eu pour célébrer la fête du Canada. Personne, en
fin de compte, n'était préoccupé par cette reconnaissance.
C'est les événements de 1980 qui ont fait en sorte que le
premier ministre d'alors, M. Trudeau, a voulu avoir un symbole
d'unité canadienne, M. le Président.
Donc, écoutez, il faut arrêter de vouloir constamment
s'harmoniser avec Ottawa. Je pense que ça nous coûte assez cher
comme ça. La facture est assez salée pour vouloir s'harmoniser
constamment avec Ottawa. On a juste à regarder, sur le plan
économique, ce que ça nous en coûte à l'heure
actuelle. Il faudrait peut-être un petit peu, en fait, regarder les
choses dans leur contexte et s'ajuster en conséquence, M. le
Président, et protéger ce qui fait notre identité,
protéger les institutions qui nous caractérisent. C'est bien plus
ça qui est important, à l'heure actuelle. C'est bien plus
ça que d'essayer de protéger ou de remettre en évidence la
création de l'esprit qui est le Canada. Parce que, dans le fond, le
Canada, pour les gens, ce n'était même pas... On a
été obligé de se battre pour faire reconnaître cette
fête du Canada. Les gens n'en voulaient même pas, M. le
Président. Le reste du Canada, les Communes, les gens, les
députés des Communes ont fait un débat monstre parce
qu'ils voulaient qu'on conserve la fête du Dominion.
Et vous voudriez qu'aujourd'hui, nous autres, on vibre, on en fasse un
débat d'importance majeure et capitale pour les Québécois,
et que, finalement, on chambarde tout le système des vacances des
travailleurs et des travailleuses du Québec et qu'on leur brise, en fin
de compte, ce qu'ils avaient de plus important? Pour les nombreux travailleurs
et travailleuses du Québec, c'était une fin de semaine de trois
jours, M. le Président. Pourquoi changer ça? Pourquoi changer les
règles? Les gens avaient un congé le vendredi si le 1er juillet
tombait un jour de semaine, ou c'était un lundi, ce qui faisait une
belle fin de semaine pour ces gens-là. Pourquoi changer la règle
maintenant? Et, à part ça, on sait très bien que le 1er
juillet, pour les Québécois, c'est la fête du
déménagement. C'est bien plus ça que n'importe quoi. On le
sait, ça fait partie de nos moeurs. Ça fait partie de notre
culture. Le 1er juillet, les gens en profitent pour déménager, M.
le Président.
Mais pourquoi veut-on changer tout ça? Qu'est-ce qu'on a?
Qu'est-ce qu'on veut? Même M. Larose l'a dit, tous ceux qui sont
syndiqués, ils s'en foutent... Ils ne s'en foutent pas, mais ils ne
l'appliqueront pas, cette loi-là. Ils ne l'appliqueront pas, parce
qu'ils disent: Quant à nous, on n'a rien à faire de vouloir faire
en sorte de tout chambarder le système de travail comme on l'a au niveau
des jours fériés. Il dit: Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est
de défendre les intérêts et les droits acquis des
travailleurs. Et ça faisait partie d'un droit acquis des travailleurs,
cette journée du 1er juillet qui tombait soit un vendredi, soit un
lundi; on accrochait ça à une fin de semaine. Et, ça,
c'était correct. Là-dessus, je pense que, oui, il n'y a
pas...
Pourtant, le ministre, M. le Président, ça ne fait pas si
longtemps que ça, en 1990, c'est lui qui a introduit, justement, cette
notion-là de jour férié, de jour chômé pour
un lundi ou pour un vendredi. Je ne vois pas pourquoi, maintenant, il faudrait
qu'on change complètement tout ça. Dans quel cadre? Pourquoi
maintenant? Quels sont les motifs? Est-ce que, aujourd'hui, ça devient
plus important pour les Québécois et les
Québécoises qu'en 1990, M. le Président? Bien, moi, si je
regarde la situation, je ne vois pas l'urgence, je ne vois pas non plus
pourquoi il faudrait tout changer ce système-là, pourquoi il
faudrait tout changer ces règles du jeu là, M. le
Président. Et pourquoi faut-il continuer toujours à faire deux
classes de travailleurs? Pourquoi toujours vouloir distinguer ceux qui sont
plus défavorisés par rapport à ceux qui sont
favorisés, M. le Président? C'est une tendance maladive de la
part de ce gouvernement, actuellement. On voit la même chose au niveau de
l'assurance-maladie, de la santé. On aime ça identifier les gens,
nos pauvres par rapport à ceux qui sont bien nantis. On fait toujours
deux classes bien distinctes. Et, ça, je ne peux pas tolérer
ça, M. le Président. Je trouve ça inacceptable. Tout le
monde avait le même système. Peu importe que les gens soient
syndiqués ou pas, ou régis par les normes minimales du travail,
tout le monde avait le même régime. Tout le monde appliquait la
même journée de congé, puis c'était correct,
ça fonctionnait de même.
Voyez-vous, un couple, hein? Très souvent, maintenant, il y a
l'homme et la femme qui travaillent. C'est régulier, ça, c'est
constant. Maintenant, on ne pourrait pas fonctionner, en tout cas, le
système économique ne fonctionnerait pas si les femmes et les
hommes ne travaillaient pas, et puis encore moins au niveau de la famille;
ça serait très difficile, M. le Président. Voyez-vous,
dans un couple, il y en a un qui est régi par une convention collective,
puis l'autre est régi par les normes minimales du travail. Donc, il y en
a un qui va avoir sa fin de semaine de trois jours, puis l'autre va avoir un
congé quelque part, soit, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi,
tout dépend du 1er juillet, à quel moment ça va arriver,
selon les années. Alors, ils ne pourront jamais prendre de vacances
ensemble, parce que l'employeur, lui, va dire: Moi, ma convention collective,
c'est les normes minimales du travail. Puis, l'autre, il va dire: Bien, moi, ma
convention collective, c'est ce qui est régi par mon entreprise. Donc,
c'est une loi qui va même tendre à diviser les familles
plutôt qu'essayer d'unifier les familles, M. le Président.
M. Blais: C'est une loi provocatrice de divorces.
Mme Vermette: C'est épouvantable, au moment où on a
tellement de difficultés dans les rapports hommes-femmes actuellement,
où il faut qu'on essaie de réunifier nos familles et de
favoriser des moments d'intimité, en fin de compte, entre les
enfants et les parents. Parce que, de plus en plus, on s'aperçoit qu'ils
n'ont plus de temps à passer ensemble, M. le Président. Et,
ça, je trouve ça épouvantable! Je pense que le ministre
n'y a pas pensé, parce que, probablement, il a fini d'élever sa
famille, puis, pour lui, ce n'est pas une préoccupation majeure, M. le
Président. Mais ça aurait été heureux, par exemple,
qu'il consulte des gens pour savoir exactement à quel point, pour ces
gens-là, c'est important. Pour ces gens, en fait, qui ne peuvent pas se
payer de grandes vacances, pour eux, en fait... Parce qu'on sait bien que 80 %
des Québécois, des Montréalais passent l'été
à Montréal. Ils n'ont pas la chance de sortir, M. le
Président. Donc, ça aurait été très,
très, très... En tout cas, ça les aurait aidés, au
moins, dans trois jours, à se rendre au moins à l'île
Sainte-Hélène en famille, sans trop de problèmes.
Vous savez, ça va être un incitatif; effectivement, mon
collègue de Masson disait que c'était un incitatif,
c'était de la provocation. Mais, savez-vous ce que ça peut avoir
comme effet d'entraînement? Si on prend un couple qui travaille, un qui
est régi par une convention collective et puis l'autre est régi
par les normes minimales du travail, il y en a un des deux qui va tomber malade
pour tomber en congé en même temps que l'autre, que son conjoint.
Ça fait que ça va augmenter le taux d'absentéisme, M. le
Président. Ça va faire baisser la production, puis ça va
avoir des conséquences économiques, à part ça.
Alors, ça, c'est grave, M. le Président. Alors qu'on dit
qu'on essaie de faire tout pour faire repartir l'économie, parce qu'on a
des problèmes à ce niveau-là, bien, il faut avoir une
vision globale. Puis, nous, on dit toujours: Bien, écoutez, vous ne
savez pas faire des lois, parce que vous faites des lois à la
pièce. Vous manquez de vision, vous n'avez pas de vision globale. Vous
n'êtes pas capables de prendre les choses dans leur ensemble. Et,
voyez-vous, c'est une des conséquences, actuellement, avec cette loi 21
là. Et nous voulons empêcher qu'il se passe des problèmes
dans les couples du Québec. C'est ça, notre objectif.
Le Président (M. Philibert): mme la députée
de marie-victorin, votre temps est écoulé. je vous remercie.
est-ce qu'il y a des députés ministériels qui veulent
intervenir?
Mme Loiselle: Nos couples fonctionnent bien.
Le Président (M. Philibert): Pardon?
Mme Loiselle: Nos couples fonctionnent bien.
Le Président (M. Philibert): Alors, est-ce qu'il y a
d'autres interventions du côté de l'Opposition? M. le
député de Shefford. (21 h 20)
M. Roger Paré
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vais
prendre quelques minutes, évidemment, pour parler du projet de loi 21.
Ça me permettra d'échanger avec mon collègue, le ministre
responsable de la Montérégie, que j'ai eu plus souvent l'occasion
de rencontrer dans la Monté-régie qu'ici, dernièrement.
Donc, je suis content d'avoir la chance d'être assis à la
même table, parce qu'on a eu le plaisir de l'être quelques
années, sur d'autres sujets. Malheureusement, ce soir, comme dans les
autres sujets dont il était question lorsque j'étais son
vis-à-vis, j'ai l'impression qu'on va être encore en
désaccord.
Moi, ce dont je veux parler sur le projet de loi 21, c'est surtout de
l'inopportunité de ce projet de loi au moment où on se parle. Il
y a comme des choses qui sont difficiles à expliquer de temps en temps,
et, ça, c'en est une, sauf quand on regarde les objectifs qu'on
poursuit. Donc, les objectifs qu'on poursuit sont clairs, ils sont nets. On
essaie de le cacher, mais ce n'est pas cachable, je dois vous le dire; c'est
trop gros. Ce serait comme cacher le soleil lorsqu'il fait 30° et qu'il n'y
a pas de nuages. Moi, je vais vous dire, ça fait 11 ans que je suis
à l'Assemblée nationale, et c'est probablement un des projets les
plus politiques que j'aie jamais vus. Et c'est la raison pour laquelle je tiens
absolument à intervenir dessus. Du côté politique, du
côté historique et aussi du côté du moment où
on le passe.
Pourquoi je dis qu'il est inopportun de passer ce projet de loi? Je vais
donner quelques exemples. Le premier, c'est au niveau du temps, mais le temps
très temporel, très actuel, très ponctuel,
c'est-à-dire juin. Comment se fait-il qu'on passe une loi qui va
être en application maintenant, donc votée, probablement, aux
alentours du 15 juin, pour un congé qui va être le 1er juillet de
la même année? Comme si le reste du monde était
«plogué» sur nous autres, en ne se préparant pas
à autre chose en attendant. Allez voir le monde, allez voir les gens,
tous ceux qui se sont préparés quelque chose pour, probablement,
la grande majorité, le 29 juin. Les gens, eux autres, les appliquent,
les respectent, les lois. Ils sont au courant de ce qui se passe. Donc, les
Québécois et les Québécoises se sont
organisés pour le 29 juin, dans la très grande majorité
des cas, à cause de la loi, tout simplement, de l'application de la loi
comme telle.
Nous, on arrive ici, juste pour un objectif très politique - puis
j'y reviendrai tantôt - et on décide qu'on chambarde les
décisions prises par les gens. Il y en a qui se sont organisés
pour déménager, probablement, le 29. Ils ont fait les locations,
ils ont appelé leurs amis et leur
parenté, et ils se préparent à
déménager le 29; tout est réservé, tout est
prêt. la caisse de bière, c'est à peu près la seule
chose qu'il reste à acheter.
Une voix: ...deux jours...
M. Paré: Mais, très sérieusement, les gens
ont préparé leur déménagement en fonction des dates
de congé. Nous, ici, on s'en fout, mais complètement. Les gens,
là, ils ont juste à obéir à ce qu'on décide.
On est une gang de «finfins», à l'Assemblée
nationale, puis, en plus, on mène parce qu'on est majoritaires. Au
diable les gens! Nous autres, on a décidé que c'était
ça, parce que ça fait notre affaire de façon très
politique, partisane. Mais les gens, eux autres, leurs réservations,
tout ce qu'ils avaient planifié, tout ce qu'ils avaient
préparé, ça ne nous chicote pas pantoute, on s'en fout
totalement. Mais les gens, là, ils vont l'apprendre, au cours des
prochains jours, que la loi est votée et que, le 29, ils ne sont pas en
congé, parce que la loi dit que c'est le 1er juillet.
Le ministre peut bien, dans ses communiqués de presse et dans ce
qu'il dit, dire non, que c'est facultatif, et tout ça, mais on sait
très bien qu'il sera possible pour un employeur de se prévaloir
exceptionnellement du transfert. Donc, exceptionnellement, ce ne sera
certainement pas le cas de chacun de ses employés et des individus comme
tels. Donc, on s'en vient perturber, à 15 jours d'avis. Parce que,
là, les gens sont en train de faire autre chose, ce soir. On est jeudi,
ils viennent de finir le magasinage, ils écoutent la
télévision, ou quelque chose; ils n'écoutent pas ce qu'on
est en train de faire ici, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.
Ça aussi, je vais y revenir tantôt. Ils sont occupés
à leur vécu quotidien, à leurs responsabilités,
à leurs devoirs parentaux et à tout ce qui est la vie normale.
Mais, nous, on est en train de chambarder la semaine du 1er juillet qui s'en
vient. Je dis bien «la semaine», pas seulement la journée.
Ils n'ont rien à dire, ils ont juste à subir. Peu importe combien
ça va leur coûter, peu importent les troubles que ça va
occasionner! Là, je parle de ceux qui ont réservé, qui ont
loué, qui ont planifié tout un déménagement, en
plus des problèmes que tout le reste occasionne quand on
déménage.
Mais, pour tous ceux qui ont planifié un congé, une fin de
semaine de trois jours, ça, c'est important. Tu sais, à un moment
donné, il va falloir la considérer, la politique familiale,
autrement que par de belles paroles. Il faut que ça s'applique dans le
vécu quotidien. Et je n'ai jamais vu des comportements antifamiliaux
comme ceux qui sont souvent amenés par le ministre actuel, ici. On parle
de partage de logement ou de toutes sortes de choses, c'est toujours
antifamilial. Bien, celle-là aussi.
Les fins de semaine de trois jours pour les
Québécois, il n'y en a pas beaucoup. Là, on en a
une. Il y a des gens, je suis convaincu qu'ils ont planifié quelque
chose. Ça, ça fait aussi tourner l'économie, parce que,
trois jours, ça nous donne le temps de sortir. Et pas de sortir pour
aller trop loin; habituellement, on reste dans les régions du
Québec. Mais, là, les gens qui ont planifié quelque chose
ou qui ont loué quelque chose, qui ont réservé, ce n'est
pas grave. On ne leur dit pas: On a décidé que c'était
ça et, l'an prochain, organisez-vous en fonction de ça, ou bien
dans six mois. Elle n'est pas votée, la loi. On va la voter
peut-être - je ne sais pas quand - demain, lundi, mardi ou mercredi,
à moins de 10 jours, 10, 15 jours, et là on leur dira: Vos
réservations, on s'en fout comme de l'an quarante. Nous, on a
décidé que ça faisait notre affaire, et on ne veut pas
savoir si ça fait la vôtre. Le respect des gens, on a
oublié ça complètement. Les préoccupations des
gens, ça ne nous préoccupe surtout pas, nous autres, ici. Ce qui
compte, c'est juste l'objectif qu'on s'est fixé, qui est un objectif
bassement politique, mais surtout pas populaire, et surtout pas respectueux de
la population du Québec qui mériterait qu'on l'écoute un
peu, qui mériterait que, dans une période aussi difficile que
celle qu'elle traverse, on ne vienne pas chambarder même ses habitudes
élémentaires, ses habitudes de congés connus et reconnus
appliqués depuis des années.
N'oublions pas que ce n'est pas un nouveau congé. Et, nous, on
n'est pas contre le congé transférable du 1er juillet, on veut
que ça demeure selon les habitudes. On est en train de nous enlever ce
qui était une particularité. Tout ce qu'on peut faire pour passer
la varlope sur la société distincte, je dois vous dire, on
s'amuse à le faire. Et, ça, c'est une réalité. Vous
trouvez ça comique, ça a l'air drôle, mais je dois vous
dire que c'est ce genre de petit détail qui fait que le Québec va
être de moins en moins distinct et de plus en plus pareil. C'est ce genre
de détail là. Et c'est tellement subtil que ça ne semble
rien, ça n'a l'air de rien, mais c'est fondamental. Et c'est comme
ça.
Je vous disais tantôt que j'étais pour en parler. On est
dans la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, on fête le 200e anniversaire du
parlementarisme québécois, avec tout le tralala, tout ce que
ça coûte, toutes les conférences de presse et les
expositions, ici et là, et les invitations à l'Assemblée
nationale. On «est-y» fier de célébrer la
démocratie au Québec, une des premières, sinon la
première, en Amérique du Nord, un Parlement élu,
démocratique, avec des représentants du peuple! Je vais vous
dire, on a l'air d'une belle gang de représentants du peuple, avec des
lois comme celle qu'on est en train de passer. On ne veut pas savoir si on les
dérange. On veut être sûr qu'on les dérange, et on
veut être sûr qu'on va en discuter à la dernière
minute. Et on veut être sûr qu'ils vont obéir, à
part ça, parce que la loi est claire, elle est franche: on va
même jusqu'à dire qu'on change l'autre loi sur l'ouverture des
magasins et que, en plus, les pénalités vont être
augmentées. Allez-y, mes petits, que ça vous tente ou pas, que
vous aimiez ça ou pas, le Canada, vous allez le fêter, parce que,
nous autres, ça nous tente! C'est ça qu'on est en train de faire.
Est-ce que c'est pour ça, il y a 200 ans, qu'on était si fier de
se donner un parlementarisme du Bas-Canada?
Très significatif, ça aussi, le Haut et le Bas-Canada. On
était le bas, nous autres, le Bas-Canada, hein? Le Bas-Canada, c'est
nous autres. Mais on était tout fier, il y a 200 ans, de se donner un
parlementarisme représentatif de la population du Bas-Canada, qui
était tout à fait différent du Haut-Canada, totalement
différent, avec une majorité francophone, avec un
caractère particulier, avec le Code civil, avec nos attachements, nos
attachements tellement forts que notre patron, c'est Saint-Jean-Baptiste; donc,
rattachés et reliés à l'Église catholique, parce
qu'on était - et nous sommes encore - très catholiques. Donc, on
avait des particularités très fortes, des attachements
particuliers. Il y a 200 ans cette année, on a voté le premier
Parlement démocratique en Amérique du Nord, ici, au
Québec, qui était fêté, très largement
fêté, parce que le Québec reconnaissait sa
différence, sa société distincte, sa particularité,
sa façon de faire avec ses représentants de la population. (21 h
30)
S'ils pouvaient nous voir d'en haut, je me demande comment ils
réagiraient, avec quel genre de regard. Probablement bien plus
accusateur qu'admirateur, je dois vous dire, parce que les différences,
ce n'est pas seulement dans le Code civil, ce n'est pas seulement non plus de
par le Haut-Canada et le Bas-Canada, pas seulement dans les mots - et surtout
pas dans les mots - mais dans la réalité des choses, dans les
sentiments d'appartenance, dans le vécu et dans ce que les gens sentent,
ressentent et expriment. Ce que je veux dire par là: le 24 juin, la
fête nationale, les Québécois, beau temps, mauvais temps,
en période de crise comme en période d'abondance, ils
fêtent parce qu'ils sont contents, ils se reconnaissent et ils sont
capables d'exprimer, aux yeux du monde mais surtout entre eux, qu'on est fiers
d'être membres d'une société, d'une collectivité qui
est à notre image, qui est particulière. Même quand on nous
coupe les subventions, on dirait qu'on se resserre encore davantage les coudes,
puis on réussit à faire des fêtes qui sont encore plus
belles.
Au Canada, on va probablement dépenser 100 000 000 $,
peut-être 200 000 000 $, peut-être même 300 000 000 $ en
propagande du 125, en propagande de la fête, puis en propagande de tout
ce beau et grand Canada. On veut nous rentrer l'amour d'un pays, l'amour d'une
fierté, l'amour d'une appartenance de force. Heureusement, moi, je
pense, j'espère et je crois - puis l'Histoire nous le prouve - qu'on
n'est pas capable d'acheter l'amour, comme on n'est pas capable d'acheter la
fierté. Le bon Dieu a bien fait les choses, à mon avis. Il a fait
que l'être humain ait quelque chose en lui qui fait que tu as un
attachement par rapport à ta famille naturelle, à tes parents,
qui fait que, peu importe ce qui se passe, tu as une fierté, une
appartenance et un sentiment qui fait que tes frères, tes soeurs, ton
père et ta mère, surtout, «touchez-y pas». Mais II a
fait un autre sentiment qui est aussi très fort, semblable à
ça: l'appartenance à une collectivité. Ça, c'est
très fort, et on respecte ça. Puis on est fier de voir ça,
l'exemple d'ailleurs. Moi, quand je vois les Américains fêter, je
dois vous dire que ça m'émeut. Les Français, la même
chose, et les Québécois, évidemment.
Mais il y a certains endroits dans le monde où on a essayé
d'arrêter ça. On a essayé par la force, on a essayé
par la contrainte. On a pensé qu'avec le temps on avait gagné.
Regardez le bloc de l'Est. Est-ce que la Russie avait pensé qu'elle
avait réussi à détruire l'esprit d'appartenance des
peuples parce qu'elle les avait dominés économiquement,
socialement, par l'armée, par tous les moyens pendant au-dessus de 50
ans, 60 ans, en pensant qu'elle avait tué la fierté de ces
peuples-là? L'attachement est pourtant... Regardez, dès qu'ils en
ont eu l'occasion, ces gens-là: la moindre petite fissure ou ouverture
de reconnaissance de ce qu'ils étaient, ça a été
plus fort que n'importe quoi. Dès que la contrainte ou dès que le
soleil a donné une espèce d'espoir pour ces gens-là, la
porte s'est grande ouverte. Ces gens-là ont su sortir quand
c'était le temps et, aujourd'hui, regardez la fierté de ces
peuples-là. Ils vont peut-être avoir autant de misère,
parce que ce n'est pas vrai que la souveraineté amène la vie
facile. Mais, avec la fierté, avec la reconnaissance, ça donne
cette capacité d'accepter et de corriger des choses.
La force, on la retrouve d'abord dans la force de chacun des individus,
et c'est cette force ajoutée de tous et chacun qui devient la force d'un
peuple, qui fait qu'on réussit à s'en sortir; à s'en
sortir puis même à accepter dans la joie les moments difficiles.
Mais ces peuples-là s'en sont sortis alors qu'il y a un vent de
liberté qui souffle sur la terre. Ce sont des peuples qu'on a
essayé de contraindre dans une camisole qui n'était pas la leur.
Nous, ici, on est en train de légiférer, par une loi très
subtile - pour ne pas dire confuse pour ceux qui n'ont pas à en discuter
ou à la lire - on est en train de leur mettre la camisole en essayant de
leur entrer cette fierté, cet attachement. Pourtant, avec les
années, les décennies et les siècles, jamais nos
prédécesseurs n'ont osé.
Qu'est-ce qu'on a de plus ou qu'est-ce qu'on a de moins qui nous
amène, encore une fois, à une génuflexion semblable? Je ne
le sais pas. Je sais que je ne réussirai pas à vous
convaincre. Je trouve ça très malheureux, parce que, moi,
j'y crois profondément, peu importe le résultat constitutionnel.
Je ne vous demande pas de reculer par rapport à la souveraineté.
Je n'oserais pas, parce que je suis capable de respecter les divergences
d'opinion du peuple québécois. Je vous le demande pour quelque
chose de bien plus minimum, je vous le demande pour la reconnaissance et le
maintien de cette société distincte. Et ça fart partie de
ça.
Est-ce qu'on est conscients que la société distincte ne
s'exprime pas par les politiciens? La société distincte s'exprime
par le comportement des gens, dans leur fierté, dans leur vécu,
dans leur façon de s'exprimer et dans leur façon de se retrouver
collectivement - pas juste individuellement, collectivement. Et,
collectivement, si on se retrouve dans la fierté le 24 juin, de tout
temps on se retrouve dans le Dominion du 1er juillet, comme un congé
d'appartenance, de toute façon, mais qu'on fête de façon
différente parce qu'on est une société distincte... Si
vous voulez l'effacer, vous ne réussirez pas. Je vous le dis, parce que
j'y crois, vous ne réussirez pas; pas plus que Lord Durham n'a
réussi, avec ses politiques et avec ses espoirs, et avec ce qu'il a mis
en place.
Vous trouvez ça drôle? Mais le 200e anniversaire qu'on
fête à l'Assemblée nationale, ça pourrait être
très ridicule aussi, si on voulait regarder ce qu'on est en train de
faire par rapport à ce qu'on fête. Pourtant, on ne rit pas, parce
qu'on respecte ce qui s'est fait, et on respecte les gens qui nous ont
donné cette belle démocratie et ce courage - non pas de diminuer
notre différence: Papineau, LaFontaine et compagnie n'ont jamais
tenté de ratatiner, de ridiculiser ou d'amoindrir la différence
du Québec, au contraire. De tout temps, ces gens-là ont
travaillé non pas pour niveler le Québec, non pas pour le mettre
à genoux mais pour qu'il soit de plus en plus fort, de plus en plus
fier. Reprenez à peu près tous les premiers ministres, peu
importe de quel parti politique. Ils ont toujours voulu avoir un Québec
plus fort, avec une majorité qui soit capable de s'exprimer, de se
reconnaître et de s'affirmer. Est-ce que c'est de l'affirmation qu'on est
en train de faire? Je ne vous parle même plus de souveraineté, je
vous parie juste d'affirmation et de reconnaissance de la société
distincte.
J'espère avoir la chance d'intervenir, M. le Président,
parce que j'avais plusieurs points. Vous me dites qu'il me reste trois minutes.
Je n'ai même pas touché un point à fond, et j'espère
qu'on va y revenir. Même si je suis convaincu que je ne réussirai
pas à vous convaincre sur le présent vote, si au moins je pouvais
juste vous amener à réfléchir un peu sur l'affaiblissement
que vous êtes en train de faire, pas seulement du Québec mais de
la société distincte, qui est le minimum des minimums, qu'on est
en train de discuter et de nous refuser à Ottawa.
On peut bien reprocher - mais vous vous ferez des mea culpa - aux gens
d'Ottawa de refuser la société distincte, de refuser la
reconnaissance de la société distincte, mais dites-vous qu'ils ne
se gênent pas pantoute pour la refuser quand ils nous regardent aller,
parce qu'ils se disent que, même nous, on est en train de la cacher dans
notre poche d'en arrière, à 21 heures quarante, un jeudi soir.
Quand, nous-mêmes, on a un comportement qui nous fait cacher ce qu'on
est, qui nous fart ignorer ce qu'on est, bien, imaginez-vous le comportement de
ces gens-là; il est tout à fait correct. Ne reprochons pas aux
autres notre faiblesse, mais utilisons la même chose qu'eux autres,
c'est-à-dire notre force. C'est la seule façon, c'est dans la
nature même des choses. C'est notre force qui va nous développer,
et non pas la faiblesse des autres. Et les autres, dites-vous que s'ils nous
sentent faibles ils n'essaieront pas de nous prendre en pitié; ils vont
faire ce qui se passe dans la nature humaine, ils vont plutôt essayer de
nous écraser. On en a la preuve ces jours-ci. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Shefford, merci. M. le député de Berthier.
M. Albert Houde
M. Houde: Merci, M. le Président. J'aimerais rassurer
quelques députés d'en face sur certains commentaires qu'ils ont
faits depuis le tout début, à 20 h 15. D'abord, en ce qui
concerne la loi, si la loi est adoptée d'ici la fin de la session, les
gens qui auront bien voulu prendre le 1er juillet à une autre date
pourront le faire, parce qu'ils ont été sensibilisés
depuis un certain temps. Le ministre en a parlé à quelques
reprises; c'était dans les vues du ministre que cette loi sort
passée à la fin de juin 1992.
D'abord, cette année, le 1er juillet tombe un mercredi. La loi
actuelle prévoit que la très grande majorité des
salariés québécois seront donc en congé le 29 juin,
alors que les travailleurs des autres provinces canadiennes fêteront deux
jours plus tard. Ai-je besoin de dire que certaines personnes ont vu là
un trait distinct'rf, une signification toute particulière?
Il faut affirmer, d'abord, deux vérités: d'abord, un
nombre important de nos concitoyens croient au Canada et attachent de
l'importance à la commémoration du 1er juillet, de la naissance
de la Confédération canadienne. Je comprends que vous ayez des
idées séparatistes et que vous vouliez être
indépendants demain matin; ça fait longtemps que vous voulez
l'être, ce n'est pas d'hier. Moi, je suis encore un Canadien, à ce
que je sache, et un Québécois. Un Québécois et un
Canadien, et je n'en ai pas honte. Je suis fier, encore aujourd'hui. (21 h
40)
II y a des discussions qui se passent
actuellement, et vous souhaitez depuis un certain temps tout, tout, tout
pour que tout tombe à l'eau. Mais je suis encore optimiste dans les
discussions qui se font, puis, comme vous avez pu l'entendre ce soir, ça
va être encore en discussion jusqu'à la fin de juin. Et il y a
encore des possibilités de s'entendre. Je pense que ce qu'on a
actuellement, au Québec, on l'a gagné à l'intérieur
d'un Canada, pas séparé; je ne pense pas, toujours. Puis, il y a
à peu près un mois, un mois et demi, les gens disaient, à
l'ONU, que le pays le mieux au monde, c'était le Canada. La meilleure
qualité de vie, c'était le Canada qui l'avait. Donc, à ce
que je sache, je fais encore partie du Canada, moi. Je suis un
Québécois, mais un Canadien également. O.K.? Puis, en
passant, prenez-le, ça, pour ceux qui veulent l'entendre.
D'abord, de nombreux établissements commerciaux - je pense en
particulier aux institutions financières - éprouvent des
difficultés réelles à ne pas fermer la même
journée qu'ailleurs au Canada. Pour ces deux raisons, nous voulons
modifier la Loi sur les normes du travail et la Loi sur les heures et les jours
d'admission dans les établissements commerciaux pour faire en sorte que
le 1er juillet soit journée fériée et chômée
à date fixe.
Une autre chose, qui est bien importante. Je pense que vous manquez un
peu d'honnêteté quand vous ne dites pas tout ce qui devrait
être dit. Je vais le lire, pour être bien certain de ne pas en
oublier un mot. «Il est important de préciser qu'en vertu de la
Loi sur les normes du travail tout congé férié peut
être déplacé dans les trois semaines qui
précèdent ou qui suivent la journée prescrite pour le
congé.» On vous entend, de l'autre côté, crier:
Scandale, scandale, scandale! Il n'y aura pas moyen de déménager
une autre journée, il n'y aura pas possibilité... Tous les gens
vont être en furie après le gouvernement. C'est
complètement faux, ça! Je pense qu'entre syndiqués et
employeurs on peut se parler, puis je suis certain d'une chose: il y a
possibilité d'en arriver à un compromis pour être capable
de faire en sorte qu'on s'entende sur la même journée pour avoir
notre journée de congé. Parce que les employeurs qui m'ont
parlé, depuis un certain temps, m'ont dit: Albert, de grâce, il ne
faut pas qu'elle soit fixe comme la Saint-Jean-Baptiste. Écoutez, on en
a parlé à notre caucus. Puis, dans la loi qu'on va voter
bientôt, il est bien dit qu'elle n'est pas fixe, la journée du 1er
juillet. Avis aux intéressés, là! Comprenez bien
ça!
Puis, une autre chose. J'ai réussi à mettre la main sur un
document, dernièrement; ça ne fait pas tellement longtemps. Vous
êtes pourtant, à ce que je sache, proches des caisses populaires,
vous autres, à entendre parler les gens qui sont proches du Parti
québécois. Vous devez savoir ce que le président de la
Fédération des caisses populaires a écrit. Si vous ne le
savez pas, je vais vous le dire. D'abord, j'ai du temps, j'ai 20 minutes. Je
peux les prendre tranquillement, pas vite, puis je n'inventerai pas des
phrases. Je vais les dire mot à mot. Puis, ça, c'était
adressé au ministre Bourbeau, qu'on a devant nous, ici, aujourd'hui,
notre ministre qui fait partie de notre gouvernement, puis c'est daté du
30 mars 1992. «M. le ministre André Bourbeau, ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Date de la prise du congé du 1er juillet.»
C'était la question primordiale, puis, si on a fait en sorte que nos
institutions financières comme les caisses populaires soient
traitées comme les autres, je pense qu'il faudra s'arrêter puis y
penser bien comme il faut. «M. le ministre, comme vous le savez,
l'article 60 de la Loi sur les normes du travail, en vigueur depuis le 1er
avril 1991, stipule ce qui suit: "Les jours suivants sont des jours
fériés et chômés: le 1er juillet si cette date tombe
un lundi, le lundi précédant le 1er juillet si cette date tombe
un mardi, un mercredi ou un jeudi, ou le lundi suivant le 1er juillet si cette
date tombe un vendredi, un samedi ou un dimanche." «Cette mesure
législative constitue une source de problèmes importants pour le
Mouvement Desjardins. En effet, la concurrence bancaire respectera, selon la
coutume, la fête du 1er juillet. Le Centre de compensation bancaire sera,
en conséquence, fermé cette journée, et le réseau
des caisses populaires devra supporter un coût de l'ordre de 265 000 $ -
vous autres, ça ne vous fait peut-être rien, des sous, mais, nous
autres, ça nous fait de quoi; je pense que les caisses aussi - pour les
effets non compensés. De plus, certaines de nos
fédérations devraient modifier leur politique de conditions de
travail afin d'éviter des coûts supplémentaires de
main-d'oeuvre le 29 juin. Enfin, le texte des conventions collectives des
caisses syndiquées indique le 1 er juillet comme étant le jour
férié à respecter. «Le Mouvement Desjardins est en
concurrence constante avec les banques qui sont de compétence
fédérale mais, en même temps, il doit travailler de concert
avec elles dans le cadre du réseau des institutions financières
canadiennes. Des conditions de travail communes au Mouvement stipulent
déjà 11 jours fériés et chômés,
c'est-à-dire des conditions supérieures à ce qui est
accordé par la législation sur les normes minimales du travail.
«C'est pourquoi, après consultation des instances
concernées de Desjardins, il nous apparaît souhaitable que le
gouvernement du Québec procède et amende l'article 59.1 de la Loi
sur les normes du travail de façon que cet article se lise comme suit,
dorénavant: "La présente section ne s'applique pas à un
salarié qui, en vertu d'une convention collective, d'un décret ou
de ses conditions de travail, bénéficie d'un nombre de jours
chômés et payés en vue de
la fête nationale au moins égal au nombre de jours auxquels
ont droit ceux à qui la présente section s'applique. La
présente section ne s'applique pas non plus à un autre
salarié du même établissement qui bénéficie
d'un nombre de jours chômés et payés en sus de la
fête nationale au moins égal à celui prévu dans
cette convention ou ce décret." «Cet amendement offrirait
l'avantage de soustraire à l'application du chapitre entier portant sur
les congés fériés de la Loi sur les normes tout employeur
qui accorde dans ses conditions de travail un nombre de congés
fériés au moins égal à ce que prévoit cette
même loi. Nous sommes d'avis que cet amendement apporterait toute la
souplesse requise pour corriger les contraintes inacceptables pour le Mouvement
Desjardins qu'imposent les mesures législatives actuelles. «Vous
remerciant à l'avance de l'attention que vous apporterez à cette
demande, je vous prie d'agréer, M. le ministre, l'expression de ma
très haute considération.»
C'est pour vous dire que, quand les gens nous demandent des choses qui
sont sensées, nous sommes prêts à les écouter. Avis
aux intéressés. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Berthier, merci. La période des interventions préliminaires est
terminée. Maintenant, nous passons à la section des motions
préliminaires. M. le député de Masson.
M. Blais: Oui, M. le Président, je vous remercie. À
moins que M. le député de Laporte, ministre supporteur de cette
loi, ait quelque chose à nous dire avant...
M. Bourbeau: M. le Président, je suis toujours
estomaqué de voir et de considérer la facilité qu'ont
certains députés de l'Opposition à dire les choses. On
vient d'assister à un spectacle étourdissant, où quatre
députés de l'Opposition, je pense, pendant une période
d'une heure et demie, ont parlé à tour de rôle pour,
à peu près, ne rien dire. Mais je dois dire que ça a
été fait dans un bon français. La grammaire, la syntaxe,
tout y était et, d'une certaine façon, c'est un plaisir
d'écouter, M. le Président, une telle prose. Bien sûr, on
trouve ça un peu long de ce côté-ci de la Chambre, mais, au
moins, c'est fait dans un français relativement impeccable. Et, quant
à moi, étant doté d'une patience à toute
épreuve, M. le Président, je suis totalement disposé
à continuer à écouter les propos des députés
de l'Opposition, en sachant fort bien qu'ils ne sont pas disposés
à passer à l'article 1 du projet de loi avant une période
qui risque d'être assez longue.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. M. le
député de Masson, vous avez une motion préliminaire?
M. Blais: Oui, je vous remercie beaucoup. Je voudrais... Une
seconde!
Le Président (M. Philibert): Je vous rappelle, M. le
député de Masson, que, sur une motion préliminaire, vous
avez un droit de parole de 30 minutes...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Philibert): ...et les répondants
également. M. le ministre...
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Philibert): ...a une période de 30
minutes, et l'alternance se fait pour 10 minutes de chaque
côté.
M. Blais: Oui. Avant de lire ma motion, si vous me permettez, je
voudrais remercier M. le député de Laporte, le ministre, d'avoir
eu des paroles élogieuses envers l'Opposition. Il comprend très
bien, et j'aime beaucoup un ministre qui comprend ça, qu'on fait, chacun
de notre côté, du mieux que l'on peut pour accomplir le devoir
pour lequel on est payé 60 000 $ par année, plus une pension,
pour ceux qui ne la retirent pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Vous, ça serait peut-être mieux.
Actuellement, moi, personnellement, si je partais, la différence de
salaire que j'aurais serait à peu près de 16 000 $ par
année. Donc, je travaille pour 16 000 $. Je tiens à dire que
certaines personnes qui refusent leur pension actuellement travaillent pour 60
000 $. Alors, je ne sais pas lequel des deux est le plus méritoire, de
travailler avec pension ou sans pension, mais je voulais tout simplement faire
une remarque. Et je remercie aussi le parti au pouvoir de s'être
intéressé à essayer de nous éclairer. Il est
possible que nous ne soyons pas en possession tranquille de la
vérité, et je crois que lorsque le député de
Berthier a fait des remarques de façon assez... Il avait l'air assez
convaincu. Ça m'a fait plaisir de les entendre et...
Une voix: C'est gentil.
M. Blais: ça me fait bien, bien plaisir. merci de votre
beau programme. m. le président, j'aurais une motion à apporter,
si vous le permettez.
Le Président (M. Philibert): J'avais appelé,
justement, la période des motions préliminaires. Alors, je
vous... (21 h 50)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Des motions...
Le Président (M. Philibert): Mais comme la
tradition...
M. Bourbeau: ...fait bien les choses. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Philibert): ...veut qu'il y ait
consentement pour des interventions qui sont en dehors des habitudes usuelles
prescrites par le règlement, le fait que vous soyez intervenu et qu'il
n'y ait pas eu d'opposition ou d'objection de la part des ministériels -
qui ne dit mot consent - j'ai interprété ça comme un
consentement. Mais on va tâcher de s'en tenir au règlement, et on
est définitivement à la période des motions
préliminaires. Je vous demanderais, M. le député de
Masson, si vous avez un motion préliminaire à faire, de vous
exécuter.
M. Blais: Par hasard, j'en ai justement une, M. le
Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Ma motion, comme le disait M. le ministre tantôt,
elle aussi est en prose, mais je vous promets de vous faire peut-être
quelques interventions en rimes et en vers. Vous allez peut-être la
traiter d'une certaine prose où les vers se sont mis, mais j'essaierai
de le faire. Eh bien! voici la première, M. le Président.
Motion proposant d'entendre la Société
Saint-Jean-Baptiste «II est proposé qu'en vertu de l'article
244 de nos règles de procédure la commission permanente des
affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les
normes du travail et d'autres dispositions législatives, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Société
Saint-Jean-Baptiste.»
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Philibert): Bon. Alors, vous avez 30
minutes pour soutenir...
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que la proposition
est recevable? Est-ce qu'on pourrait savoir pourquoi elle est recevable?
Des voix: Oui.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais bien savoir en
quoi la Société Saint-Jean-Baptiste a un mot à dire dans
la Loi sur les normes du travail. Vraiment, là! Il me semble que si
on...
M. Blais: Les députés qui parlent...
M. Bourbeau: II me semble que, si on nous proposait de convoquer
la Fédération des travailleurs du Québec ou des syndicats
nationaux, on pourrait comprendre; là, on parie de la Loi sur les normes
du travail. Mais qu'est-ce que la Société Saint-Jean-Baptiste a
à voir avec le travail? M. le Président, je pense que la
pertinence n'y est pas.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre, en vertu de
244, la commission est saisie de... Avant d'entreprendre l'étude
détaillée, la commission peut décider de tenir des
consultations particulières dans le cadre de son mandat. Alors, je pense
que l'auteur de la motion doit nous convaincre maintenant que nous devons tenir
des auditions particulières. Et, lorsqu'il aura fait sa plaidoirie, on
mettra aux votes la demande qu'il fait.
M. Bourbeau: Mais, préalablement, M. le Président,
je ne vous ai pas encore entendu dire si la proposition était recevable
ou non.
Le Président (M. Philibert): Oui. Je pense qu'en vertu de
244 elle est recevable.
M. Bourbeau: Alors, en vertu du jugement Philibert, maintenant,
on va considérer que la proposition est recevable.
Le Président (M. Philibert): Oui. En vertu de 244, elle
est recevable, et c'est les membres de la commission qui, après avoir
entendu la plaidoirie, l'acceptent ou la défont, suite à un
vote.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président.
M. Blais: m. le président, si vous me permettez un petit
argument sur la recevabilité, j'aimerais beaucoup qu'elle ne soit pas
recevable, et je vous le dis de façon sincère.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Je vous le dis de façon sincère. Et, pour
appuyer mon énoncé, cette motion est recevable à cause des
articles 10 et 18; et si elle n'était pas recevable - ce qui serait mon
désir - ça voudrait dire que, dans la loi 21, les articles 10 et
18 ne devraient pas y être. Alors, vous plaidez contre votre projet de
loi, et la présidence de cette commission fait sienne votre
décision de conserver 10 et 18, sinon, si elle n'était pas
recevable, il faudrait qu'on enlève 10 et 18, M. le
Président.
M. Bourbeau: Non, non. Ça, c'est une logique qui ne
m'apparaît pas évidente, mais enfin...
Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y dans le
débat sur la motion!
M. Blais: Bon. J'ai une demi-heure. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Bourbeau: Moi, je suis consentant s'il veut parier plus
longtemps, M. le Président. Au point où on en est, on a le choix
entre le député de Masson et la députée de
Marie-vïc-torin. Vous savez...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Là, c'est une petite pinotte qu'il t'a
envoyée.
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre! M. le député de Masson, vous avez
la parole.
M. Yves Blais
M. Blais: M. le Président, j'ai dit tout à l'heure,
dans mes propos préliminaires, que la fête de la
Saint-Jean-Baptiste était une fête ancestrale qui a
été fériée par le Parlement. C'est le peuple qui,
par l'histoire, a imposé cette fête au Parlement. Tandis que la
Confédération -on verra qui on fera venir tantôt, pour
ça - est une fête imposée par le Parlement au peuple. Et
pour vous montrer que cette fête de souche qui nous habite et qui est la
nôtre, viscéralement, les francophones... Et, tout le monde, on
est d'accord, des deux côtés, là-dessus; ce n'est pas
là-dessus qu'il y a un problème.
Ça remonte à très loin. Je vais vous remonter
ça le plus loin que j'ai pu trouver. Je vais remonter ça à
l'ère païenne avant Jésus-Christ. L'ère païenne
avant Jésus-Christ, ce n'est pas tellement loin. Je n'ai pas pu aller
dans l'époque précambrienne, parce que je n'ai absolument pas
trouvé dans nos manuscrits des fossiles qui portaient les stigmates de
la fête de la Saint-Jean. Mais, cependant, j'ai vu dans l'histoire
païenne quelques notes sur ce qui a amené notre ère moderne
à fêter cette situation de la fête de la Saint-Jean. Je sais
que le député de Laporte est féru d'histoire et qu'il est
nostalgique quand il ne connaît pas toute la nomenclature ou l'ossature
d'un corps historique. Eh bien! je vais lui faire, pour ne pas qu'il reste
fossile, cette nomenclature de l'histoire de la Saint-Jean.
Vous savez qu'à l'instar des grands conquérants comme
l'était l'Angleterre à l'époque on se servait des
fêtes des autres pour mieux les amadouer. C'est ce qui a fait que le
Dominion, d'ailleurs, devienne la fête du Canada. Et l'Église
catholique, cette belle... elle était exactement pareille. Elle
accaparait les fêtes des autres pour mieux régner. Et voici: La
fête de la Saint-Jean serait née à partir d'une vieille
coutume célébrée au solstice d'été.
Ça, je suis persuadé que plusieurs le savent. Naturellement,
l'homme se tourne vers le soleil, source de lumière et de vie, gage de
prospérité et de croissance. Aujourd'hui, avec la baisse de la
couche d'ozone, c'est sûr que les anciens frémiraient de nous voir
gaspiller la source de notre fête nationale qui est le soleil. Mais, que
voulez-vous? Il y a toujours des briseurs d'images quelque part, et puis des
brimeurs de peuple. Et il y en a qui ont d'autres motivations que celles de
l'intérêt national. Et voici que l'Homme, naturellement, se tourne
vers le soleil, source de lumière et de vie, gage de
prospérité et de croissance. C'est avec l'enthousiasme de la
fête que l'homme a voulu saluer le jour le plus long de l'année et
remercier le soleil de ses bienfaits. Donc, le solstice d'été, on
sait tous que c'est la journée la plus longue de l'année.
Ça arrive, normalement, entre le 22 et le 24 juin, selon les
années et les siècles.
À l'origine, la fête du solstice n'était certes pas
moins fondamentalement religieuse, au sens où, par le culte du soleil,
elle reliait l'homme aux forces supérieures qui dominent et
régissent la vie. On dit que c'était l'époque
païenne, mais, à l'époque païenne, il y avait le dieu
Soleil, etc. On ne fera pas, tout de même, toute l'histoire grecque et
romaine, l'histoire des Huns et d'Attila, mais il demeure quand même que
le soleil a toujours inspiré à l'être humain une
espèce d'attachement qui nous faisait reconnaître la force
supérieure - pour ceux qui ne sont pas athés, c'est bien
sûr. Mais, moi, j'ai demandé un café, par exemple... Pour
ceux qui ne sont pas «à thé». Il y en a beaucoup. Il
y a même des biscuits qui sont «à thé». Alors,
il ne faut pas se surprendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: II ne faut pas se surprendre qu'il y ait des gens dans
la société qui le soient, quand on a même des biscuits...
Et ça adonne bien, je pense... Non, ce n'est pas lui qui...
Une voix: C'est Taschereau. (22 heures)
M. Blais: Ah! C'est Taschereau. Excusez! Il y a même des
biscuits qui sont «à thé». Je m'excuse. Alors, ne
nous surprenons pas, mais, dans l'histoire païenne, on adorait les astres.
Et, dans certains cas, il y en a qui ont adoré des êtres humains,
et c'a donné des désastres. Mais ce n'est pas ça... Merci
beaucoup. Mais, dès l'arrivée de Jésus-Christ, de la
chrétienté et du christianisme, bien sûr, là, on a
commencé à avoir des croyances autres. Et quand Josué
a
arrêté le soleil, dans l'antiquité, c'est parce que
lui était un peu plus instruit que les autres. Il savait qu'il y aurait
une éclipse. Il savait que ça arriverait. Aujourd'hui, on le
prévoit, mais il y a encore certaines tribus qui ne le savent pas, et
quand elles voient arriver ça - c'est que ce que Trudeau pensait de
nous, d'ailleurs - quand elles voient arriver l'éclipsé, eh bien!
elles trouvent ça extraordinaire. Et Josué, dans la Bible, comme
tout le monde le sait, a arrêté le soleil, suppo-sément. Eh
bien! ils croyaient à ce dieu Soleil, et ils croyaient à la force
de ces êtres humains.
Et il est arrivé ce qu'on appelle l'ère du christianisme,
le Sauveur, pour moi qui suis chrétien, catholique et croyant,
l'ère de ma religion à moi. Avec l'avènement du
christianisme, la fête du solstice du 21 juin - entre le 21 et le 24 -
fut jumelée avec la célébration de la Saint-Jean, le 24.
L'Église a récupéré, en fait, la fête
païenne pour en faire une fête religieuse. Et on va voir, à
travers les siècles, que de fête païenne qu'elle était
elle est devenue une fête religieuse, et qu'elle redevient tranquillement
une fête d'identité nationale; pas, entre guillemets, païenne
dans le sens ancestral ou médiéval, mais plus dans le sens de ce
qu'on appelle «en dehors du culte». Même s'il y a toujours -
mais de moins en moins - du culte dans la fête de la Saint-Jean, on
revient vers cette fête terre à terre - un peu Noël aussi,
mais on ne parle pas de ça aujourd'hui, là; même Noël
est un peu dans le même sens. On perd, malheureusement - moi, je trouve
que c'est malheureux - cette identité religieuse. Comme la famille se
disloque, les fêtes religieuses éclatent, les bourgeons au
printemps, et que sais-je encore, qui éclate. En tout cas!
On n'en a pas perdu, cependant - c'est effrayant - pour autant son
essence. La fête de la Saint-Jean est avant tout une
célébration de la lumière. Même dans le
régime païen, c'est le soleil, c'est la fête de la
lumière; dans le régime du christianisme, c'est la fête de
la Saint-Jean qui éclaire la voie de celui qui vient, la voie de
Jésus-Christ qui arrive, le Sauveur. C'est toujours dans le sens de la
lumière, de la direction de la vie et de la fierté.
Une voix: La voie, la vérité, la vie.
M. Blais: C'est exactement ça. C'est, autrement dit, des
disciples de M. Ryan. C'est vers la lumière que croît et que
s'épanouit la nature. C'est aussi vers elle, vers la conquête de
la lumière que grandit l'homme. La lumière est un guide. Ainsi,
la plus vivace tradition rattachée à la célébration
de la Saint-Jean serait-elle chargée d'une symbolique de lumière:
le feu de la Saint-Jean. Donc, du soleil, de la lumière, du solstice, on
arrive à la lumière par le feu de la Saint-Jean, à la
tombée du jour. On voit que, dans tout ça, le monde qui
évolue garde quand même cette source de vérité et de
vie du soleil aujourd'hui, parce qu'on a compris tranquillement que
c'était comme la terre, c'était naturel. Le feu, lui, l'homme le
provoque, et là la lumière nouvelle, la nouvelle inspiration...
D'ailleurs, qu'est-ce qu'il y a de plus fascinant qu'un feu? Vous avez
passé combien d'heures, dans votre vie, vis-à-vis d'un feu de
foyer? C'est comme vis-à-vis de l'eau, aussi. L'eau et le feu sont les
deux grandes forces. Quand on les regarde, on est captivé, on ne sait
par quoi, par cette eau ou par cette petite flamme qui sort d'un feu de foyer,
d'un feu de bûches, d'un feu de bois, ou que sais-je encore.
Bon, au moment où le soleil décline, c'est l'homme
lui-même qui, symboliquement, prolonge le jour et perpétue la
lumière en allumant un feu de joie. Les feux de joie,
réjouissance, fête nationale. Voyez-vous que tout se tient, en
fait? Soleil, lumière. Le soleil, à l'arrivée du
christianisme, on ne l'adore plus. C'est l'astre glorieux, on ne l'adore plus.
Éole est parti, on s'en vient vers la terre, un Sauveur qui vient sauver
les hommes, qui, lui, est source de lumière. On y va, vers saint Jean
qui prépare le chemin de la vérité, la joie et la vie,
Kyrie eleison; Dies irae, des fois, mais, quand même, c'est là.
Et, du soleil, on passe à l'autre flamme, qui est la flamme du feu.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député,
je dois suspendre les travaux pour quelque temps, parce qu'il y a un vote.
M. Blais: Ah! ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Loiselle): Alors, nous sommes
appelés à l'Assemblée, et nous reprendrons
immédiatement après le vote.
(Suspension de la séance à 22 h 5)
(Reprise à 22 h 40)
La Présidente (Mme Loiselle): La commission reprend les
travaux dans la bonne humeur et la jovialité. Alors, M. le
député de Masson, à vous la parole sur la motion que vous
avez proposée.
M. Blais: mme la présidente, je m'excuse, avant d'orienter
le bout qu'il me reste à faire, j'aimerais savoir combien j'ai de temps
de pris, combien il me reste...
La Présidente (Mme Loiselle): Avec plaisir.
M. Blais: ...pour que mon argumentation soit
cédulée.
La Présidente (Mme Loiselle): II vous reste 21 minutes, M.
le député.
M. Blais: Vlngt-et-une minutes, bon. Écou-
tez, je ne résumerai pas ce que j'ai dit dans les neuf
premières minutes, mais je vais tout de même dire que c'est une
fête païenne qui a été transformée à la
lumière du soleil, à l'avènement de la lumière du
Christ et du christianisme, avec saint Jean comme précurseur et
orientateur vers la lumière. Et on s'en venait, au fur et à
mesure que les^ années passaient, en s'approchant du Moyen Âge aux
feux de joie et aux feux de lumière. Au moment où le soleil
décline, c'est lui-même, là, qui, symboliquement, prolonge
le jour et perpétue cette lumière en allumant un feu de joie.
C'est lui qui, à son tour, fait vivre et entretient la lumière
qu'il a reçue du soleil.
D'ailleurs, les feux de joie, ça s'allumait avec de la paille
sèche qu'on attache ensemble et qui s'appelle un brandon. On allume le
brandon pour allumer le feu. En Europe, la cérémonie du feu
revêtait quelquefois un caractère bien particulier. À
l'aide d'un cierge béni, une roue de bois entourée de paille
était enflammée et elle roulait ensuite à travers champs,
fertilisant le sol. Quel beau symbole de fertilité. C'est comme dans
tous les sillons... naisse la vie, et c'est notre terre natale, le sillon. On y
retourne de temps à autre, et c'est là que la semence semait...
c'est là que la semence donne naissance... et c'est beau. Le sillon...
Ainsi que le soleil... Attendez, j'ai un mot qui est caché. Ainsi que le
soleil, le feu ne meurt qu'en apparence. Les cendres fertilisent encore la
terre après que le feu est éteint. Il reste des cendres
d'où l'on vient. Nous venons des cendres. Tu es Pierre, sur cette
pierre, je bâtirai mon Église, mais il y a aussi: Souviens-toi que
tu es cendre et que tu retourneras en poussière. On se souvient de
ça? C'est quoi en latin? Pulve... C'était quoi en latin,
déjà, monsieur?
M. Bourbeau: Moi, je regrette, ça fait trop longtemps que
j'ai appris le latin.
M. Blais: In pulveram reverteris.
Une voix: Je peux le dire en anglais, si vous voulez.
M. Blais: Non.
M. Bourbeau: ...pacem, para bellum.
M. Blais: Ça, c'est: Si tu veux la guerre, appelle Houde.
Ce n'est pas la même chose. Bon. Alors, on s[en vient vers ça et,
quand on arrive au Moyen Âge, il y avait, là aussi... C'est tout
de même curieux la coutume du cierge bénit et des pailles
entourées de roues qui roulaient sur le champ. Ça, c'est au tout
début, vers le Xe siècle. La roue était inventée
quand même à l'époque.
Il y a une autre coutume qui veut, au Moyen Âge... le feu
consumé. Les bouts de bois calcinés possèdent, selon les
croyances de l'époque, la vertu de préserver de la foudre les
bâtiments où ils sont conservés. On faisait le feu et on
gardait certains bouts de bois calcinés qu'on mettait dans des
édifices. Je pense que nos grands-pères avaient ces
choses-là encore. C'est bien sûr que le christianisme a
amené le rameau et l'eau bénite pour faire fuir le tonnerre et
ces choses-là, mais ça part toujours de l'idée
païenne qui était les cendres, les bouts de bois qui
étaient... C'est les choses des anciens qui ont inspiré
l'Église... ou faire corps avec les croyances. C'est la même chose
pour les colonisateurs.
Ils prennent nos faiblesses, ils les utilisent, comme on donnait des
miroirs aux Indiens, comme, aujourd'hui, on leur donne un peu d'argent pour la
Baie James, comme on donne de temps en temps le droit de parler français
dans certains coins du Canada. Les colonisateurs ont toujours des petits
cierges bénits ou des petits miroirs, ou des petits bouts de loi, des
petites concessions, des petites choses. Au lieu d'un peuple, on est une petite
société distincte. Il y a des petites choses qu'on donne aux
colonisés pour les amadouer et, quand on n'y réfléchit pas
beaucoup, bien, on s'y laisse prendre comme le poisson à
l'appât.
En France, bien sûr, à Paris, c'est sur la place de
Grève qu'était élevé un gigantesque amas de fagots
recouverts de paille. Fusées et pièces d'artifice
déjà à l'époque étaient mêlées
au bûcher. Et ce qui est très drôle - écoutez bien
ça, beaucoup d'entre vous peut-être ne le savez pas, c'est
très instructif sur les feux de la Saint-Jean - au sommet du feu,
c'est-à-dire au faîte, à la cime, en haut, au sommet
était attaché un panier où était enfermé un
renard et plusieurs chats. Un renard et plusieurs chats au bout de... sur la
cime, sur le faîte, complètement au bout. Ceux-ci étaient
vus comme les animaux du diable. Alors, le bûcher, le feu, ils
étaient là pour représenter ce qui est bon, ce qui est
fertile, tandis que le renard, le chat, le panier, à la cime du feu,
étaient considérés comme le diable. Nous autres, ici, on
légifère; eux, ils le considéraient comme Lucifer. C'est
juste une... Il n'y a pas gros de différence, mais c'est: Tu Lucifer ou
tu légifères!
Et là arrive l'époque des rois. Il y a eu beaucoup de
rois, des rois fastueux. De façon générale, ils
étaient assez ventripotents avec, de façon
générale, une belle barbe, souriants. La plupart de nos rois
français étaient de la famille des Bourbons, des bons vivants. Tu
sais, un peu grassouillets, aimables, avec un bon rire gras comme leurs poulets
et leurs repas, repus qu'ils étaient. Mais Louis XI fut le premier roi
de France à allumer lui-même - et il y a longtemps, en 1471 - le
feu de la Saint-Jean à Paris, en place de Grève. C'est tout de
même, selon l'histoire... Feu de la Saint-Jean, Paris, place de
Grève, où l'historien... Une place bien précise, 1471.
C'est donc dire que le feu de la Saint-Jean, les fêtes de la
Saint-Jean, c'est des choses qui
remontent très, très loin, comme au «Danny
Boy» pour les Irlandais. Ça remonte à très loin.
C'est un peuple qui a un beau folklore, les Irlandais. Le seul peuple au monde
qui n'a pas de folklore, ce sont les Anglais. Et, quand ils veulent se
représenter, ils sont obligés de se servir des Irlandais qui,
eux, ont un folklore très grand, très reconnu.
Je le sais pertinemment. J'ai fait partie à différentes
reprises de festivals de folklore canadien. Ça s'appelait, à
l'époque... puis c'était Gérard Pelletier qui était
secrétaire général. Vu que j'étais dans le domaine,
il m'avait demandé d'aller à Toronto. Je faisais partie des juges
dans Canada Builders, Nation Canada Builders. Et là j'ai
été surpris. J'ai vu tous les gens s'exécuter, mais j'ai
dit: Où sommes-nous, les francophones? Où sont nos rigodons?
Où sommes-nous dans le folklore? Bien, il dit: Vous n'êtes pas
là. M. Pelletier me disait ça. J'ai dit: Pourquoi? Il a dit: Les
deux peuples fondateurs, les Anglais n'ayant pas de folklore, il faut courir
les Irlandais si on veut aller chercher quelque chose. N'ayant pas...
Étant éliminés, il faut éliminer l'autre aussi.
Encore la condescendance du francophone de l'Amérique du Nord.
Alors, on avait les îles Moukmouk, n'importe quoi, tous les
folklores qui sont très beaux. Mais les deux peuples fondateurs
n'étaient pas là pour représenter, parce qu'il y en a un
des deux qui n'en a pas de folklore. J'ai été surpris, c'est le
seul peuple du monde qui n'en a pas. Curieux, jamais, peut-être, on n'a
pensé à ça. Ils n'en ont pas. Il n'y en a pas. Ils ont
l'air des littéraires, vous savez, mais du folklore, ils n'en ont pas.
C'est le seul peuple du monde qui n'en a pas. Ils ont toujours joui de la
qualité des autres et les ont fait leur. Ils nous leurrent aussi avec
cette fête qu'ils veulent mettre dans cette loi. Mais en tout cas.
En 1615, Louis XIII irait lui aussi allumer le feu de la Saint-Jean,
torche de cire blanche d'une main, bouquet de roses de l'autre et portant, en
bandoulière, une écharpe d'oeillets blancs et de
giroflées. En 1615. On voit apparaître le fleur de lys à la
Saint-Jean en 1615. En 1615, on voit apparaître... mais c'est instructif,
vous savez, ça. Il y a toutes sortes de parfums. Il y a la rose des bois
au bord de la mer. Il ne faut pas toujours s'attaquer à la bouse de
vache au bord du lac. Il y en a d'autres parfums. Et les parfums de la
littérature et de l'histoire, on peut les humer ou les repousser, mais
ceux qui les hument, c'est très intéressant, c'est vrai, c'est
vrai.
Une voix: ...voyez ça, demain matin, les galées.
Vous voyez où est-ce qu'il était rendu?
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Blais: Pas de problème. Alors, en 1615...
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Berthier, à l'ordre.
M. Blais: On parle de l'origine des fêtes de la Saint-Jean.
C'est bien, en fait, c'est bien.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Berthier, à l'ordre.
M. Blais: Alors, en 1615... Si vous ne parlez pas trop fort, je
vais être obligé de crier. Je vais avoir mal à la gorge. En
1615, Louis XIII, comme je le disais, irait lui-même allumer le feu de la
Saint-Jean, torche de cire blanche d'une main, bouquet de roses de l'autre. Et
le voyez-vous déambuler sur la place, là. Il est là dans
sa tenue royale, là. C'est beau ça, roses à la main,
pensez-y! et portant en bandoulière une écharpe d'oeillets
blancs. On volt là la naissance du fleur de lys et de la Saint-Jean,
1615. C'est là que commence le rapprochement du lys et du feu. (22 h
50)
II y a le soleil, la lumière, le lys, le feu, les francophones.
C'est une lignée. On vient de loin. On vient de loin comme histoire. On
est un vieux peuple. On est un vieux peuple. Là, les oeillets blancs,
les giroflées. Louis XIV fut le dernier roi de France à prendre
part officiellement aux cérémonies de la Saint-Jean. Bien, on
sait pourquoi. Louis XV, Louis XVI, ils voulaient les tuer, ils se cachaient,
bon! C'étaient les fêtes populaires, et ils n'étaient plus
bien, bien d'accord avec leur roi, là, et puis, en Angleterre, ils ont
compris ça. Ils les cachent, ils ne les sortent jamais, sauf en carosse,
là. En tout cas, nous autres, bon!
Au Québec aussi, c'est venu qu'à être
transporté, à traverser l'océan, c'est venu qu'à
transporter l'océan, cette fête-là, comme nous venons tous,
les francophones, de France, on vient tous de quelque part. Certaines personnes
disent qu'on descend des Français. Moi, je n'accepte pas ça. Nous
remontons des Français, nous remontons. C'est vrai. Il vaut mieux
remonter d'un forgeron que de descendre d'un noble, disait Victor Hugo à
la cour, parce qu'une des grandes dames à gros fessier lui disait - je
ne sais pas si elle s'appellait Use, elle: Mais que faites-vous à la
cour et qui êtes-vous? Il dit: Je suis Victor Hugo. Mais de quelle
noblesse descendez-vous? Il dit: Madame, je m'excuse. Je ne descends de
personne. Je remonte d'un forgeron, et c'est beaucoup plus noble. Remonter d'un
ouvrier est toujours plus noble que de descendre d'un roi. Parce que remonter,
on fait des efforts pour ie faire, descendre, on se laisse aller. Alors, au
Québec, bien sûr que cette fête traverse les océans
avec les bateaux lents du temps.
Il reste combien de minutes, là? Je veux le savoir. Je veux finir
mon affaire.
Le Président (M. Philibert): Neuf minutes.
M. Blais: Neuf minutes. C'est parce que je veux savoir pour me
synchroniser. Alors, ça a traversé l'océan avec les
premiers colons, les filles de roi, les filles de joie ou Jeanne Mance, ou les
premiers... que Louis Hébert, 1608, etc. Les premiers colons sont
arrivés et ont amené avec eux les us et coutumes qui
étaient dans leurs moeurs depuis des temps immémoriaux. Ils
arrivent avec ces traditions-là.
Je me souviens d'avoir lu, aussi, dans un livre d'histoire qui faisait
ce qu'on appelle l'historiette, l'historiette de l'histoire, où on
disait qu'une des traversées s'est passée durant la Saint-Jean,
et que le capitaine de l'époque avait prévu d'apporter du bois,
des fagots, de la paille pour faire sur le bateau, même à
l'époque - c'étaient des bateaux très inconfortables
où la maladie se répandait, le scorbut surtout, vous vous
souvenez, les fièvres, etc. Malgré ça, malgré les
difficultés de l'époque, le manque de confort, ils avaient
apporté des fagots, de la paille, un brandon et tout ce qu'il faut pour
faire le petit feu de joie. C'est bien entendu que je ne peux pas vous le
décrire, et l'histoire ne dit pas quel auteur il était, mais ils
ont fait un feu de joie sur les bateaux durant la traversée. C'est donc
dire que c'était d'une importance capitale, parce que c'était la
seule fête qu'ils fêtaient.
Moi, je suis comme eux. Je voudrais ne fêter qu'elle, mol. Ceux
qui veulent en fêter d'autres, ils ont beau, mais moi, je veux n'en
fêter qu'une, mais quelle fête. J'aimerais bien nous voir avec des
oeillets en bandoulière, avec des giroflées qui nous virevoltent
dans les cheveux, tout un peuple qui s'épanouit avec le
fleurdelisé en main. Ils disent: Vive la patrie, qui est nôtre,
enfin. J'ai hâte, j'ai hâte de voir ça. Moi, j'ai
hâte.
Alors, en 1646... c'est bien sûr que Montréal a
été fondé en 1642. 1642... Alors, c'était au tout
début de la colonie. Québec, 1608 avec Louis Hébert, et
ça s'est fêté à Québec. Mais disons
Québec, on parle de... En 1646, le gouverneur de la Nouvelle-France, M.
de Montmagny, présidait lui-même la cérémonie du feu
en présence de Mgr de Laval. C'est le premier évêque de
Québec. 1659, je ne sais plus trop, là. En quelle année
Mgr de Laval est arrivé à Québec?
Une voix: Oh! je ne sais pas. Il venait de
Saint-Germain-en-Laye.
Une voix: II a su qu'il partait, bien, je pense qu'il
était 7 h 15.
M. Blais: Oui. Je n'ai même pas su qu'il partait. Ha, ha,
ha! Excusez-moi. Alors, avec Mgr de Laval, et puis on parle ici aussi pour les
gens de la grande région de Québec. C'est bien sûr que ceux
qui vont lire ça, ils voient que, par exemple, de temps en temps, il y a
un petit aparté, là, mais il faut penser que, dans des cours
d'histoire, même les professeurs prennent des petites pauses de temps en
temps, parce que plus l'histoire est forte, puissante et belle, il faut
quelques petits moments de répit pour mieux la capter. Alors, on se
permet, M. le Président, quelques petites evaporations pour mieux
comprendre.
Alors, à IHe d'Orléans, comme dirait mon confrère
de Lévis... C'est tout proche de Lévis, ça, IHe
d'Orléans...
Une voix: C'est en face.
M. Blais: Au début du 19e siècle, tous les villages
se réunissaient dans la paroisse de Saint-Jean, parce que, comme vous
savez, vous connaissez les paroisses de l'île d'Orléans et, comme
le racontait le Dr Larue, à l'époque, sur l'ordre du seigneur, un
des habitants transportait sur la grève, en face de l'église, le
bois nécessaire au feu. Alors, c'est un habitant qui était
désigné pour transporter le bois, pour faire le feu de joie, le
feu de la nation naissante, en 1646. Ça se passait à l'île
d'Orléans, dans la paroisse de Saint-Jean, sur la grève. Sur
l'ordre du seigneur, l'un des habitants transportait sur la grève, en
face de l'église, le bois nécessaire au feu. C'était
à l'époque du bois de cèdre invariablement. C'était
toujours du bois de cèdre. C'est de cette époque du bois de
cèdre qu'on montait un feu en plaquettes et, quand il manquait au feu
une des plaques, vient l'expression... le feu n'étant pas complet, de
là vient l'expression «il manque un bardeau». C'est de
là que vient l'expression. Ceux qui cherchent d'où vient
l'expression québécoise «il nous manque un bardeau»,
ça vient des feux de la Saint-Jean de l'île d'Orléans. Ils
amenaient de façon invariable, des espèces de bardeaux de
cèdre qu'ils appliquaient en colonnes pour faire un feu. Ceux qui
avaient à le préparer devaient le faire de façon à
ce qu'il soit vraiment soutenu afin qu'au vent il ne s'écrase, et il y
en a qui ont plus d'aptitude que d'autres pour préparer ces
choses-là, et c'est normal. Parfois, les gens calculaient mal le nombre
de bardeaux dont ils avaient besoin pour monter le feu ou la base du feu et,
à ce moment-là, en l'allumant, vu qu'il y avait beaucoup de
paille, ça pouvait donner un coup et le feu s'effondrait, et là
on disait: Tiens, il lui manque un bardeau. Son feu s'est effondré.
C'est de là l'expression: «II nous manque un bardeau»,
expression très connue, je pense, au Québec, je crois. Dans
toutes les régions, on parle de ça, il manque un bardeau.
Ça veut dire, ça, être un petit peu pas futé. C'est
ça que ça veut dire. Bien oui, mais la personne qui avait
manqué un bardeau en montant son feu, cela a été
transporté du feu à la personne en disant: II n'était pas
assez intelligent pour le monter. L'an prochain, on en mettra un autre. C'est
ça. D'ailleurs, c'est Brigitte qui m'a conté ça.
Une voix:...
M. Blais: Après avoir chanté un salut - parce qu'il
y avait toujours ce côté religieux - après avoir
chanté un salut, le curé, revêtu de l'étole, se
rendait au bûcher. On avait déjà brûlé Jeanne
d'Arc. Ce n'était pas dangereux pour lui, là. Parce que Jeanne
d'Arc, ça s'est fait avant. Dans ce temps-là, Jeanne d'Arc, elle
entendait des voix et les gens ne comprenaient pas, et ils l'ont
condamnée au bûcher. Et ils l'ont colonisée...
canonisée. Aujourd'hui, quelqu'un qui entend des voix, on l'envoie voir
un psychiatre, et puis on le retourne au travail. C'est sûr que les
temps... les traditions changent. Ça dépend des époques.
Ce n'est pas toujours la même chose.
En parlant de... Il y a Jeanne-d'Arc Char-lebois qui a été
vedette à Paris longtemps. Quand Jeanne-d'Arc Charlebois est
arrivée à Paris... Pour les Français, Jeanne-d'Arc
Charlebois, ça n'avait pas de bon sens. Pour les Français, ils
éclataient de rire à entendre son nom. Jeanne-d'Arc Charlebois!
Ils préparaient un bûcher rien qu'avec son nom.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Ça, c'est historique, ça. C'est pour
ça qu'elle s'est appelée, en France, Jeanne Darbois. C'est son
nom, Jeanne Darbois. Vous savez certainement qu'elle a porté ce
nom-là. Parce que, imagine-toi donc, c'est comme s'appeler Huguette
Laflamme, hein! Elle s'appelait Jeanne-d'Arc Charlebois...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: ...hein, à Rouen, en France. Ça n'a pas
été long qu'elle a changé de nom, et puis elle a eu des
succès après pareil, hein. Bon. Bien là, rendu au
bûcher, le curé bénissait, ensuite, faisait sortir du feu
nouveau... Ça, c'est important. C'est que le curé prenait...
C'est là que vient le caillou. Frappant des cailloux avec un briquet, et
le feu de la Saint-Jean, à l'époque du XIXe siècle,
à Saint-Jean, sur 111e d'Orléans, se faisait avec un caillou. Un
caillou. (23 heures)
Alors, il faut se rappeler qu'il nous manque un bardeau historique.
Jeanne-d'Arc Charlebois au bûcher... le bûcher. Il faut se rappeler
aussi du frottement des cailloux pour la production du feu. D'ailleurs, c'est
pour ça que Félix s'est appelé Leclerc. C'est à
cause du feu des cailloux. L'île d'Orléans, Leclerc. Le feu, c'est
encore ça, le soleil, le feu, le clair, la joie, la lumière. On
peut déceler dans ce récit l'importance que revêtait encore
le feu nouveau, c'est-à-dire la force nouvelle qu'il engendrait. Et
ceci, M. le Président, n'est qu'un aperçu - oui, j'ai 15 secondes
pour terminer - historique avant Jésus-Christ jusqu'à nos jours
de la construction d'un feu. Si j'ai un autre moment, j'essaierai de l'allumer,
M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le
député de Masson. M. le ministre, est-ce que vous voulez prendre
votre droit de réplique? Vous avez droit à 30 minutes.
M. Bourbeau: Non, M. le Président. J'ai
trouvé très intéressante la présentation du
député de Masson. Je sais que le député de
Lévis brûle d'un grand désir de prendre la parole, M. le
Président, et je ne voudrais certainement pas priver les membres de
cette commission du plaisir d'entendre ce que le député de
Lévis a à dire sur le sujet. M. le Président, je suis tout
à fait prêt à lui céder la parole.
M. Garon: M. le Président, je ne voudrais pas... Si un
député veut prendre la parole, surtout en cette année du
200e anniversaire du Parlement, je ne voudrais pas le couper.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Lévis, c'est la règle de l'alternance. Alors, le ministre n'ayant
pas retenu son droit de parole, nous allons du côté de
l'Opposition. Est-ce qu'il y a un membre de l'Opposition qui veut parler? Il a
10 minutes.
M. Garon: Je ne voudrais pas... Si le député de
Lotbinière, le député de Maskinongé ou les
députés des autres comtés ministériels... c'est
à leur tour. S'ils ne veulent pas, je vais prendre mon tour
immédiatement, mais...
Le Président (m.
philibert): bon, je
n'interprète pas comme s'ils ne voulaient pas. je vous interpelle:
est-ce que vous voulez prendre la parole?
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Philibert): Vous avez 10 minutes.
M. Jean Garon
M. Garon: Je vous remercie. J'ai entendu avec beaucoup de plaisir
le député de Masson nous parler des origines de ces symboles
importants, parce que vous savez que l'histoire d'un peuple est faite de
symboles. Quand vous regardez... par exemple, quand il parle des feux,
l'importance du feu dans l'histoire du Québec, c'est vrai que c'est
très important. Je me rappelle, quand je lisais Philippe-Aubert de
Gaspé, que Philippe-Aubert de Gaspé contait que les gens de la
côte sud, d'où je viens, de Saint-Michel de Bellechasse, ont
pensé pendant longtemps que, du côté de IHe
d'Orléans, il y avait des loups-garous, parce que parfois les
cultivateurs devaient aller à l'étable pendant la nuit,
puis ils y allaient avec un fanal et les gens de la côte sud
voyaient ces feux qui sautillaient et ils pensaient que c'étaient les
loups-garous qui étaient à l'oeuvre.
Alors, on voit comment au fond ces questions-là ont
influencé l'histoire. Aujourd'hui, les gens ne se rappellent pas de
l'histoire. On n'enseigne pas l'histoire à tel point que,
récemment, je parlais à des jeunes et j'ai mentionné
Néron dans la conversation, et quelqu'un m'a demandé: Qui est
Néron? C'est des jeunes de 18, 19 ans. Finalement, il y en a un qui m'a
dit: Je pense que c'est un chanteur. J'ai dit: Dans un sens, vous n'avez pas
tort, il a déjà chanté. Essentiellement, parce que ces
symboles-là et ces traditions-là se perdent et, au fond, la
richesse de la culture d'un peuple se bâtit à coups de traditions
et de symboles.
Je lisais récemment un article concernant le
référendum au Danemark sur le Marché commun
européen. On disait que les Danois avaient voté non,
malgré que tous les partis politiques, tous les syndicats, le patronat,
les intellectuels de toutes parts conseillaient aux gens de voter pour
l'unification plus grande de l'Europe, une monnaie commune, etc., et les Danois
craignaient, le peuple craignait de voter oui. Il a voté non à
majorité. Pourquoi? Parce qu'il voulait garder son identité
culturelle. Il n'était pas certain que, dans les propositions de
Maastricht, sa culture ne serait pas éventuellement engloutie. Il ne
sentait pas que, dans les accords qui avaient été signés,
ce n'était pas prématuré.
Il y en a plusieurs qui commencent à se demander aujourd'hui, si
l'ensemble des gens ont l'occasion de voter, ce qui va arriver. Pourquoi? Parce
que les êtres humains ont des balises, ont des points de
référence, des points de repère. La Saint-Jean-Baptiste,
dans ce sens-là, est un organisme qui a, depuis longtemps dans
l'histoire du Québec, joué un rôle important pour
préserver les traditions, leur mise en valeur, les faire connaître
pour faire en sorte qu'un peuple comme le peuple québécois puisse
vivre et survivre dans un territoire comme on dit, en Amérique du Nord,
qui est surtout anglophone. Aujourd'hui, vouloir jouer dans les fêtes du
Canada, les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, sans demander à
rencontrer ceux qui ont joué un rôle important dans
l'établissement de ces traditions, je pense que ça serait manquer
le bateau.
Je comprends que le gouvernement essaye de procéder rapidement.
Il n'y a pas d'urgence en la demeure. Entre vous et moi, les familles,
actuellement au Québec, faites un référendum et demandez
aux citoyens: Aimez-vous mieux avoir la fête du Canada un mercredi
plutôt qu'avoir votre longue fin de semaine et que la fête soit
rapportée le vendredi ou le lundi? Bien, moi, je vous prédis
d'avance que 90 % des gens vont dire: On aime mieux que ce soit une longue fin
de semaine.
Même les commerçants disaient ça et même le
ministre le disait, le 10 décembre 1990, lorsqu'il y avait un
débat sur ces questions-là. Il disait que la tradition qui, au
Québec... c'est de fêter la fête du Canada dans la longue
fin de semaine et qu'elle soit reportée au lundi si elle n'a pas lieu le
lundi ou le vendredi, en prenant le jour le plus près. Dans le fond,
moi, je ne le comprends pas trop, à moins que les
fédéralistes soient masochistes.
Mais de vouloir enlever la longue fin de semaine de la
Confédération aux citoyens pour essayer de faire la fête le
mercredi, moi, je pense que c'est à peu près la meilleure
façon que les fédéralistes ont trouvée de faire
détester le Canada. Parce que, là, actuellement, on veut les
priver de leur longue fin de semaine. Je pense qu'il serait bon de rencontrer
les gens de la Saint-Jean-Baptiste pour discuter avec eux de ce qu'ils font,
des points qui sont des balises d'un peuple. On a mentionné, à
toutes fins pratiques, qu'on ne voulait pas adopter une mesure comme
celle-là en fin de session à la course, à la vapeur, parce
que c'est un sujet qui, par respect pour les fédéralistes dans le
parti... Parce qu'il y a des gens qui croient au Canada, d'autres qui n'y
croient pas, mais plusieurs y croient également. On ne devrait pas
adopter quelque chose comme ça à la vapeur. Une fête
nationale ou une fête de ce genre-là doit être
l'émanation de la volonté populaire. Ça ne peut pas
être quelque chose concocté en catimini de cette
façon-là. Ça ne peut pas être une affaire
adoptée comme on fait habituellement, à 23 heures entre nous,
dans une discussion entre quelques personnes. On ne fait pas ça.
Habituellement, des questions comme celles-là sont l'émanation de
la volonté populaire.
Un drapeau. Rappelez-vous! Vous êtes assez vieux, M. le
Président, pour avoir connu ces questions quand on parlait, par
exemple... un mot sur les timbres-poste. Les Québécois se sont
battus pendant des dizaines d'années pour que le mot
«postage» soit traduit par le mot «poste». Les dollars,
rappelez-vous les dollars. Là, j'ai un 2 $, mais un 1 $, il y avait
«one dollar». Pour changer le mot «one» pour marquer
«un», les gens se sont battus pendant des
générations. Un mot sur une piastre, comprenez-vous. Parce qu'ils
trouvaient ça assez important comme valeur symbolique...
Une voix: C'est pour ça qu'il n'y en a plus.
M. Garon: Et, là, ça a été
enlevé. Oui. Remarquons que des générations se sont
battues pour rien. À tel point que quand Diefenbaker, John Diefenbaker,
qui était quelqu'un de l'Ouest du Canada, avait décidé
d'accepter... Il y a eu un editorial dans Le Devoir de M. Laurendeau qui
disait: Trop peu, trop tard, parce qu'on avait traduit deux mots. Pas le mot
«dollar» ou «dollar», c'était le même mot,
mais «one» par «un». Et «payez au porteur».
Ça ne veut plus rien dire, «payez au porteur». Avant, il y
avait
l'équivalent en or à quelque part, mais là il n'y a
même plus d'équivalent en or nulle part. On continue à dire
qu'on va payer au porteur. On ne va rien lui payer au fond. C'était rien
que marqué en anglais. Pour mettre ça en français... et
des gens, pendant des années, se sont battus. Pas des années, des
dizaines d'années. Moi, quand j'étais plus jeune, dans nos
collèges, on entendait des gens qui signaient.
Une voix: Ça fait longtemps. (23 h 10)
M. Garon: Moi, je m'en rappelle également d'avoir
signé - et c'est là que je suis devenu indépendantiste -
une pétition, commandée par l'Action nationale, sous la direction
de Pierre Laporte, qui était ministre libéral, pour que
l'hôtel Queen Elizabeth à Montréal, qui n'était
même pas encore construit, qu'on voulait construire, s'appelle
Château Maisonneuve, du nom du fondateur de Montréal.
J'étais un de ceux, dans le collège où j'étais, qui
avaient fait faire la pétition pour que ça s'appelle
Château Maison-neuve. On avait eu, je ne me rappelle pas, c'est 200 000
ou 300 000 signatures. Le fédéral n'avait pas voulu parce qu'on
ne peut pas faire une insulte à la reine, lui proposer une chose comme
celle-là. Moi, j'avais dit à ce moment-là: Si un pays
n'est pas capable... si le gouvernement fédéral n'est pas capable
de nous donner un nom d'hôtel, alors qu'on a 300 000
Québécois qui signent pour avoir un nom d'hôtel à
Montréal du nom du fondateur de Montréal et on va donner
plutôt le nom de la reine d'Angleterre, bien, ce pays-là, quand on
va demander des choses qui coûtent de l'argent, il ne voudra jamais,
alors qu'il ne veut même pas donner un nom d'hôtel qui ne
coûte rien. Et moi, le lendemain, je virais pour la souveraineté
du Québec. Parce que j'ai fini... Un pays qui est «cheap» et
mesquin comme ça... Un pays, comprenez-vous, qui veut écraser
comme ça...
C'est peut-être rien qu'une question de symbole, au fond,
d'appeler l'hôtel Le Château Maisonneuve plutôt que Reine
Elizabeth, mais c'est important comme valeur symbolique d'une ville
française en Amérique du Nord. Alors, quand on regarde... La
même chose pour le boulevard Dorchester, la rue
René-Lévesque, où la ville de Westmount n'a pas voulu...
Ce sont des valeurs symboliques, mais des valeurs symboliques qui ont une
grande signification, qui reflètent souvent des siècles
d'histoire.
Alors, on ne joue pas avec ces choses-là de cette
façon-là. Et c'est pourquoi, avant de prendre une décision
comme celle-là, de faire deux fêtes sur un pied
d'égalité, il faut consulter les gens qui sont... comme les gens
de la Société Saint-Jean-Baptiste. Puis, avant d'enlever
également une longue fin de semaine aux citoyens, il faut se demander si
la meilleure façon, pour les gens qui veulent fêter le Canada,
c'est d'enlever la longue fin de semaine que les Québécois ont
l'habitude d'avoir au moment de la Confédération. C'est une
façon de fêter le Canada et de leur enlever leur fin de
semaine.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Lévis, votre temps est épuisé. Je vous demande de
conclure.
M. Garon: Alors, c'est pourquoi je vais voter favorablement sur
la motion du député de Masson.
Le Président (M. Philibert): Alors, merci M. le
député de Lévis. Est-ce qu'il y a des
députés ministériels qui veulent intervenir? Est-ce qu'il
y a des députés de l'Opposition qui veulent intervenir? M. le
député de Shefford. Vous avez 10 minutes.
M. Roger Paré
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. C'est bien
sûr que je vais être d'accord avec mon collègue de Masson
pour qu'on ait l'occasion d'entendre les représentants de la
Société Saint-Jean-Baptiste avant d'entreprendre le projet de
loi. C'est bien simple. Ce n'est pas compliqué pourquoi je trouve que
c'est tout à fait logique. On décide, ici à
l'Assemblée nationale, de se donner comme une deuxième fête
nationale. On veut que le 1er juillet prenne une importance aussi grande. Donc,
fêter une fête nationale.
Y a-t-il quelqu'un au Québec de mieux placé que la
Société Saint-Jean-Baptiste du Québec pour nous expliquer
ce qu'est une fête nationale, comment ça se passe, comment
ça s'organise et qu'est-ce que ça symbolise? Ça fait des
années et des années que c'est eux qui sont mandatés et
qui s'occupent d'organiser des fêtes nationales. C'est probablement les
gens les mieux placés, les plus expérimentés pour nous
dire dans quel contexte, comment ça se fait, mais surtout ce que
ça veut dire, et c'est un organisme populaire. La preuve, c'est que cet
organisme organise les fêtes nationales, peu importe le parti politique
qui est au pouvoir. Donc, ça veut dire un organisme représentatif
de la population et non pas de partis politiques.
Donc, si on veut savoir comment ça s'organise et ce que ça
veut dire une fête nationale, si on veut savoir ce que ça va avoir
comme effet de se payer deux fêtes nationales, ce qu'on ne retrouve,
à mon avis, nulle part ailleurs au monde, il faudrait entendre et
questionner ceux qui sont responsables de la fête nationale du
Québec. Donc, c'est tout à fait de mise et même essentiel
de le faire. C'est évident que ça fait drôle à dire:
On veut modifier la Loi sur les normes du travail, puis on fait venir la
Société Saint-Jean-Baptiste. Oui, si on n'y va pas seulement par
rapport au titre du projet de loi, mais par rapport à l'esprit de la
loi, l'objectif visé par la loi, on s'aperçoit que ça
concerne
une fête nationale. Donc, il faut entendre ceux qui sont
responsables de l'organisation de la fête nationale, sinon on passe
à côté. On vote quelque chose sans même, encore une
fois, regarder les conséquences du geste qu'on va poser.
Cet après-midi, on était à l'Assemblée
nationale et on questionnait le projet de loi 35. Est-ce qu'on a
évalué les coûts, les conséquences de voter la loi
35? On nous dit: Non. Bon, bien, on verra par la suite et on sera en
réaction. Et, si c'est plus négatif que positif, ça veut
dire qu'on aura des coûts à payer pour ne pas avoir
planifié et regardé à l'avance ce que ça veut dire
de passer une loi comme ça.
Ce soir, c'est la même affaire. Ça va avoir quoi comme
effet? Est-ce qu'on a évalué, est-ce qu'on a pris la peine
d'aller au fond? On aurait peut-être pu ne pas prendre le temps d'aller
au fond s'il y avait eu une urgence, si ça avait été une
demande populaire. Est-ce qu'il y a urgence à passer cette
loi-là? Est-ce que la population a fait des démarches, des
pétitions? Est-ce qu'il y a quelqu'un à quelque part qui trouve
que là il y a une urgence? Certainement pas la population, certainement
pas les centrales syndicales, quand on regarde leur réaction,
certainement pas les gens d'affaires, quand on regarde la réaction du
Conseil du patronat quand on a voulu avoir la reconnaissance de notre vraie
fête nationale du Québec. Donc, personne. Il n'y a personne qui a
demandé ça. Donc, il n'y a pas urgence.
Si on passe une loi, il faut que ça ait des effets favorables ou
il faut que ça réponde à un besoin. Ça ne
répond pas à un besoin. Donc, il faut que ça ait des
effets bénéfiques. Est-ce que ça va avoir des effets
bénéfiques pour la population? Je dois vous dire, de ce
côté-ci, on a trouvé que non et, de l'autre
côté, on n'intervient pas. Donc, on n'en trouve pas non plus,
parce qu'on serait en mesure de pouvoir défendre l'effet favorable par
rapport à cette loi-là. Il n'y a pas d'effets
bénéfiques. Ce n'est pas une demande de la population. Donc,
c'est une décision strictement politique.
Les seuls qui sont heureux dans cette décision sont ceux qui ont
tout avantage à continuer dans la voie qu'on trace depuis un certain
temps, confusion totale, comment on mêle les gens. C'est juste ça,
comment on mêle les gens. On a été élus en politique
pour servir les gens et, en démocratie, le plus grand service qu'on peut
rendre aux gens, c'est de leur donner de l'information. Donc, l'information, ce
n'est pas de mêler les gens; c'est d'essayer de clarifier la situation
pour qu'en tout état de cause les gens puissent faire des choix
éclairés.
Est-ce que ce qu'on est en train de faire va aider les gens à
mieux se situer dans le contexte constitutionnel, dans le contexte politique
actuel? Absolument pas. C'est tellement représentatif de ce que qu'on
est en train de faire comme idéologie: mêlons les gens au maximum,
et la façon de les mêler, c'est deux fêtes nationales
égales. Un peuple à deux fêtes nationales, un peuple
à deux pays. Et puis ça fait ce qu'on a là un peuple bien
mêlé, et il n'y a personne pour le guider présentement, et
là la fête nationale qu'on veut nous amener...
Une voix:...
M. Paré: Ah bien, ça, je dois vous dire, pour
mêler la population, vous n'avez vraiment pas besoin de nous autres. Vous
avez juste à écouter le premier ministre. Le premier ministre
qui, en 1980, nous disait qu'un non veut dire un oui. Imaginez-vous, y a-t-il
quelque chose de plus tordu, de plus croche qu'un non veut dire un oui? C'est
quoi le contraire de oui? C'est non, et on nous a vendu qu'un non veut dire un
oui. Là, on est en train de nous vendre que la souveraineté,
c'est la même chose que le fédéralisme, puis là on
est en train de nous vendre qu'on a deux fêtes nationales et que c'est
pareil. Donc, imaginez-vous comment on prend tous les moyens possibles pour
mêler les gens.
La meilleure preuve, c'est ce qu'on est en train de faire ce soir.
Pourquoi maintenant, alors que jamais il n'a été question de
ça? Ce n'est la demande de personne. On nous amène le 1er juillet
la journée même. Voyons donc, si la population ne le demande pas,
si les organismes ne le demandent pas, si le Conseil du patronat est contre, si
les centrales syndicales sont contre, qu'il n'y a personne qui le demande, sauf
des stratèges qui ont un avantage, un seul... c'est un avantage
politique.
Je le disais depuis le début et je le disais: De toute
façon, en 11 ans, c'est probablement le projet le plus politique que
j'aie jamais vu. Mais, en même temps, politique confus, à l'image
des réponses du premier ministre actuel. Noir, c'est pareil comme blanc,
et oui, c'est pareil comme non, et le fédéralisme, c'est pareil
comme la souveraineté, et puis là, le 1er juillet, c'est pareil
comme le 24 juin. Bien voyons donc!
Y a-t-il quelque chose de différent? On serait capable au premier
ministre de lui faire dire qu'un homme, c'est une femme. Je suis convaincu
qu'il trouverait un moyen de dire que c'est nous autres qui devrions se faire
soigner la vue si on est capable de voir une différence
là-dedans. Voyons donc! Donc, le service qu'on rend aux gens,
habituellement, en politique, c'est de donner de l'information pour qu'ils
puissent décider en toute connaissance de cause. Là, on leur en
donne de la bonne information: on va voter cette loi-là, puis ils vont
l'apprendre dans les journaux que leur date de vacances est changée, et
on a décidé ça, et on ne sait pas pourquoi. On n'aura
certainement pas d'arguments. (23 h 20)
La preuve, c'est qu'on n'a rien à dire pour expliquer pourquoi on
change ça. Je le disais,
c'est tellement confus que l'article 1 du projet de loi, qui est
habituellement l'essence même de la loi, c'est la nomination d'un
vice-président à la Commission des normes du travail.
Donc, là, on veut mêler les gens. Moi, je pense qu'on
aurait tout avantage à entendre la Société
Saint-Jean-Baptiste qui viendrait expliquer à ceux qui ne semblent pas
savoir c'est quoi une fête nationale, venir nous expliquer la
signification d'une fête nationale, comment ça s'organise et
comment ça se fête. Ça ne se fête pas par des
décisions, des obligations et par des gens de l'extérieur. La
Société Saint-Jean-Baptiste, elle est très
représentative, elle est là depuis des générations
et des générations. Ce serait bon de pouvoir les entendre, pour
écouter des gens d'expérience par rapport à l'organisation
et l'explication d'une fête nationale.
On ne décide pas, ici, tout bonnement, entre quelques personnes,
qu'une journée est une fête nationale pour nous autres, quand la
population ne le ressent pas. À preuve, personne ne le demande. SI
ça avait été un besoin, une utilité ou un sentiment
général, bien, II y aurait eu des gens qui l'auraient
demandé depuis un certain temps. Alors que là, à ma
connaissance, personne ne l'a demandé, et puis, à un moment
donné, on nous arrive avec la décision, et puis on veut nous la
faire passer.
Je vais vous dire, il faut être un peu respectueux de ça,
et je pense qu'on ne l'est pas. C'est pour ça, à tout le moins
des gens intéressés par rapport à ça devraient
être entendus. Parmi ceux-là, des gens qui ont beaucoup
d'expérience dans ce que veut dire une fête nationale, la
Société Saint-Jean-Baptiste, devraient être entendus.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Shefford, je vous remercie. Est-ce qu'il y a un député
ministériel qui veut intervenir?
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux prendre 1
minute? On n'est pas obligé de prendre 10 minutes, hein?
Le Président (M. Philibert): Non, vous n'êtes pas
obligé de prendre 10 minutes.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Tout simplement parce que j'ai entendu avec un
certain étonnement le député de Shefford qui nous dit
qu'on mêle le peuple. M. le Président, il est difficile de
mêler le peuple plus que les députés de l'Opposition
présentement, qui tentent de faire croire que nous proposons une
deuxième fête nationale aux Québécois, alors que le
député sait fort bien qu'il y a une seule fête nationale
des Québécois. C'est celle du 24 juin que nous allons tous
fêter bientôt. L'autre fête nationale, M. le
Président, c'est une fête nationale des Canadiens.
Forcément, c'est la fête du
Canada. Hein, ce n'est pas la fête nationale des
Québécois.
Il me semble que, par définition, une fête nationale du
Canada, ce n'est pas la fête nationale des Québécois. Donc,
on a une fête nationale des Québécois le 24 juin, puis on a
une fête nationale des Canadiens qui va se fêter le 1er juillet. Je
pense que c'est clair. Jusque-là, je pense que ce n'est pas un gros
problème.
Une voix: II n'y a pas deux pays non plus. Il n'y en a rien
qu'un.
M. Bourbeau: Bon, alors, on fait partie du Canada. Donc, il y a
une fête nationale des Canadiens le 1er juillet, puis nous, on fête
notre fête nationale des Québécois. Maintenant, si le
député de Shefford n'est pas intéressé à
fêter la fête du Canada, il n'y a rien dans la loi, je n'ai rien vu
qui oblige le député de Shefford à fêter le 1er
juillet, M. le Président. Il peut venir travailler s'il veut. Il peut
aller à son bureau de comté. Il n'y a rien qui l'empêche.
Il peut faire ce qu'il veut.
Je sais que là le député de Masson est en train de
se pomper, M. le Président...
Une voix:...
M. Bourbeau: Oui, bon, très bien. Alors, je ne serai pas
long, M. le Président.
Maintenant, l'autre point, le député de Shefford nous a
dit qu'il n'avait rien à dire tantôt. Ça, M. le
Président, je dois dire que je suis étonné. Pour quelqu'un
qui n'avait rien à dire, il a réussi facilement à meubler
10 minutes. Je me demande bien comment ça doit être quand il a
quelque chose à dire. Alors, ça doit durer beaucoup plus
longtemps, M. le Président. Moi, je dois dire que, pour quelqu'un qui
n'a rien à dire là, c'est une chef-d'oeuvre du genre.
Alors, M. le Président, pour les besoins du Journal des
débats, au moins qu'on sache que l'Opposition est en train de faire
ce qu'on appelle un «filibuster». Donc, meubler le temps. Ils
meublent le temps. Ils disent évidemment n'importe quoi, ils disent ce
qu'ils veulent. Ça, c'est leur prérogative. Mais qu'on se
souvienne qu'il y a une seule fête nationale, c'est la fête
nationale des Québécois qu'on fête le 24 juin. Il y a une
Loi sur les normes qui établit sept autres congés qui sont pris
à des dates différentes, l'un de ces congés étant
le 1er juillet où on fêtera la fête du Canada, pour ceux qui
croient encore au Canada et qui veulent fêter la fête du Canada.
Cette dernière fête du Canada, comme toutes les autres fêtes
de la Loi sur les normes du travail, peut être déplacée
trois semaines avant ou trois semaines après, de sorte que ceux qui
voudraient fêter la fête du Canada non pas le 1er juillet, mais le
29 juin pourront le faire, en vertu de la Loi sur les normes.
Voilà, M. le Président, le plus que je peux
faire pour tenter de démêler les gens, mais je sais que,
d'ici quelques minutes, d'ici quelques secondes même, le
représentant du Parti québécois va commencer à
mêler de nouveau les citoyens, M. le Président, et nous, bien,
j'espère qu'on réussira à les démêler encore
par après.
Pendant ce temps-là, le temps passe, M. le Président, et,
dans 35 minutes, on pourra aller se coucher.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a...
M. Blais: J'aurais une question... le ministre...
Le Président (M. Philibert): Consentement, s'il y a
consentement.
M. Blais: S'il vous plaît, une question très simple
en fait. Quelle différence y a-t-il, à ce moment-là, entre
ce qui existe actuellement pour la loi du 1er juillet et celle que vous nous
apportez?
M. Bourbeau: II n'y a aucune différence de fond, M. le
Président. Il y a une différence de forme. Dans la loi actuelle,
présentement, on fête la fête du Canada le 29 juin et, dans
la proposition que nous avons devant nous, on la fêtera le 1er juillet.
Mais, dans les deux cas, la fête est déplaçable trois
semaines avant ou trois semaines après. Donc, M. le Président, la
différence est très minime. On ne donne pas un statut nouveau ni
plus important qu'avant. Contrairement à ce que vous tentez de
véhiculer, le statut est le même. C'est une fête qui existe
en vertu de la loi sur les normes du Québec. Donc, on ne change pas de
statut, sauf qu'au lieu de la fêter un lundi on la fête à un
jour fixe. Mais, dans les deux cas, en vertu de la loi, on peut la
déplacer trois semaines avant, trois semaines après.
M. Blais: Maintenant, vous permettez, s'il veut?
Le Président (M. Philibert): S'il y a consentement.
M. Bourbeau: Oui.
M. Blais: Juste une petite question.
M. Bourbeau: Ça va. Ça serait peut-être
permettre au député de Masson de comprendre, finalement, M. le
Président.
M. Blais: Oui, mais, vous savez, je suis un peu obscur.
M. Bourbeau: Non, vous êtes trop humble.
M. Blais: C'est ce qui me sauve. Est-ce que vous
considérez que le Canada est un État national?
M. Bourbeau: Qu'est-ce que le député entend par un
État national?
M. Blais: Est-ce que vous considérez que le Canada est un
État national?
M. Bourbeau: J'aimerais avoir la définition de ce que le
député entend par un État national.
M. Blais: Un État national, c'est un État où
habite une nation et qui se développe, national.
M. Bourbeau: M. le Président, là, le
député veut m'amener dans une question de sémantique.
M. Blais: Non, non.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on va avoir une nation ou deux nations au
Canada? Moi, je pense personnellement qu'il y a deux nations, la nation
francophone et la nation anglophone, mais il n'y a pas de problème avec
ça.
M. Blais: O.K. Alors, on est d'accord là-dessus. C'est
pour le député de Berthier. Ça fait que, quand on dit la
fête nationale du Canada, des Canadiens, la fête nationale du
Québec et des Québécois, c'est donc qu'il y a deux
nations. Chaque nation a droit à son pays. Donc, il devrait y avoir deux
pays. C'est juste ça que je voulais dire. Je vous remercie.
M. Bourbeau: M. le Président, là, j'ai suivi le
député un certain temps. Vous permettez que je réplique?
Moi, je pense qu'effectivement il y a deux nations. Le Québec a sa
fête nationale, le Canada a sa fête qu'on peut appeler nationale si
vous pensez qu'il y a une seule nation au Canada...
M. Blais: C'est vous qui le...
M. Bourbeau: ...certains peuvent penser qu'il y en a deux. Moi,
j'ai dit que je croyais qu'il y avait deux nations.
M. Blais: ...la fête nationale du Canada.
M. Bourbeau: Je n'ai pas dit la fête nationale. J'ai dit la
fête du Canada.
M. Blais: Non, non.
M. Bourbeau: Oui, oui. Je n'ai jamais parlé-bien, je ne
crois pas avoir dit la fête nationale du Canada.
M. Blais: On sortira les galées juste pour s'amuser.
M. Bourbeau: On pourra peut-être. Alors, disons qu'il y a
une fête du Canada qui est fêtée par tous les habitants du
Canada, d'un océan à l'autre, a mari usque ad mare, mais
évidemment...
M. Blais: D'une petite mer à l'autre.
M. Bourbeau: Oui, et ceux qui veulent la fêter la
fêtent. Ceux qui ne veulent pas la fêter peuvent rester chez eux.
La même chose pour la fête nationale des
Québécois.
M. Blais: Je suis d'accord là-dessus. Et j'aimerais faire
une demande d'avoir les galées de ce qui a été dit entre
23 h 20 et 23 h 28 pour la reprise des travaux, si c'est possible, demain.
M. Bourbeau: m. le président, je vais ajouter une chose.
je ne crois pas avoir utilisé l'expression fête nationale du
canada, mais si je l'ai utilisée, m. le président, je pense qu'on
devrait plutôt dire la fête du canada, sans nécessairement
ajouter le mot «nationale».
Le Président (M. Philibert): On reçoit votre
précision, M. le ministre. Madame, est-ce que vous voulez utiliser votre
droit de parole?
Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président, je vais
utiliser mon droit de parole.
Le Président (M. Philibert): Vous avez 10 minutes
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Pour ma
part, je vais, c'est bien sûr, appuyer la motion de mon collègue
de Masson, à l'effet qu'on devrait rencontrer, oui, pourquoi pas, la
Société Saint-Jean-Baptiste, pour avoir une opinion de ces
gens-là, savoir comment ils voient ça. Eux autres organisent la
fête nationale, le 24 juin, depuis longtemps. C'est connu, d'ailleurs.
C'est un organisme qui n'est pas nécessairement partisan avec un parti
politique, on le sait. Je pense que les gens, du côté
gouvernemental, le savent aussi. Bien sûr qu'on peut être
nationalistes, peu importe le côté où on se trouve. Il y en
a qui sont plus nationalistes que d'autres et souverainistes par
surcroît.
M. le Président, le ministre nous dit qu'on est
mêlés, puis qu'on comprend tout ça et tout ça.
Pourtant, je vais vous dire, on n'est pas les seuls qui sont mêlés
et on n'est pas les seuls qui se posent des questions. Bien avant qu'on parle,
M. le Président, il y a des gens qui se sont exprimés et qui
s'interrogeaient aussi sur le pourquoi de cette décision
gouvernementale.
Je voyais, dans les journaux, entre autres, le 15 mai 1992 - ça,
c'est la dernière journée possible pour déposer des
projets de loi sans le consentement - il y a des gens qui, déjà,
commençaient à s'interroger par la voie de la presse. Pourtant,
à ce moment-là, M. le Président, l'Opposition officielle
n'avait pas commencé à discuter. Donc, on n'avait pas
commencé, comme nous dit le ministre... Tantôt, le ministre nous
disait qu'on mêlait le monde. (23 h 30)
Alors, à ce moment-là, le 15 mai, M. le Président,
l'Opposition n'avait pas commencé à discuter, n'avait pas dit un
mot encore, parce que le ministre venait juste de déposer son petit
projet de loi, et il y a du monde qui s'interrogeait à ce
moment-là. Rappelez-vous, je vais vous le citer: Le gouvernement du
Québec a finalement battu en retraite, et la fête du Canada sera
célébrée au Québec le 1er juillet et non par
anticipation le lundi 29 juin, comme on l'avait d'abord
décrété. Ça, ça veut dire ce que ça
veut dire. Ça veut dire que, normalement, on prenait le congé le
lundi avant ou le lundi suivant, dépendant d'où se trouvait le
congé du 1er juillet. Alors, comme c'est très clair, on l'avait
déjà décrété, c'était supposé
être fêté le lundi 29 juin.
Alors, là, c'est ça, le ministre dépose son projet
de loi, et les journaux font état que le gouvernement a battu en
retraite. Ce n'est pas l'Opposition officielle, là. On n'a pas encore
dit un mot. Alors, c'est ce qu'on vient d'expliquer. Le congé
férié, habituellement, du 1er juillet, suivant d'une semaine le
congé férié de la fête nationale du 24 juin, est
avancé au lundi 29 juin cette année, le lundi
précédant le jour de la fête en question, afin d'allonger
le dernier week-end du mois. Comme on disait, comme on l'a dit ce soir, et je
ne crois pas qu'on était très mêlés, c'est ce
qu'était la réalité au Québec depuis quand
même un bon bout de temps, M. le Président.
Ceci - et là on découvre un élément de
réponse dans la fin de l'article, et ça, ça n'a
été soufflé en aucun cas par les gens de l'Opposition
officielle, c'est le 15 mai - ceci au grand dam, cependant, des organisateurs
des fêtes du Canada, étant donné qu'on veut souligner de
façon particulière le 125e anniversaire cette année. Eh
bien, moi, cette argumentation-là, M. le Président, me convainc
beaucoup plus des objectifs poursuivis par le projet de loi qu'on a devant nous
autres que toute l'argumentation que le ministre a pu donner, et en Chambre, et
ici ce soir.
On a beau nous dire que c'est les commerçants qui veulent
ça, que c'est les entreprises qui veulent ça, que c'est le monde
et qu'il faut faire comme ça se vit au Québec, que c'est la
réalité québécoise qui le demande, bien, M. le
Président, je regrette, l'argumentation qui est développée
autour de ça, peu importe que le ministre dise qu'on veut mêler le
monde, je pense que lui-même, le ministre, il nous mêle et il
essaie de mêler le monde parce qu'on n'a pas
de démonstration du besoin et du bien-fondé de ce projet
de loi là, en tout cas au moment où on se parle.
La vraie raison, c'est probablement plutôt des raisons d'ordre
politique, et je pense que le journaliste qui a écrit l'article dans
Le Soleil du 15 mai, lors du dépôt du projet de loi - et je
tiens à le répéter - avant que l'Opposition commence
à discuter là-dessus, M. le Président, il n'était
peut-être pas si mêlé que ça, le journaliste.
D'ailleurs, on ne peut pas savoir qui est le journaliste en question parce que
c'était dans le journal Le Soleil. Vous savez que, dans le
journal Le Soleil, il y a des moyens de pression et les journalistes,
depuis un certain temps, ne signent plus leurs articles, à ce
moment-là, ne signaient pas non plus leurs articles.
Une voix: Pourquoi que c'est ça?
Mme Carrier-Perreault: Parce qu'ils sont en négociation,
M. mon collègue. Alors, disons... Non, ce n'est pas ça, j'aime
mieux parler de la fête en question.
Je pense que ce journaliste-là, le 15 mai, avant que les gens se
mettent à parler autour, avant que nous autres on dise quoi que ce soit,
il avait quand même eu le projet de loi du ministre, par exemple, il
avait quand même vu les notes explicatives. Il nous dit très
clairement: Le ministre a battu en retraite et il a décidé de ne
pas aller selon le décret de fêter le 29, d'y aller la
journée de la fête, puis de s'organiser pour que la fête du
Canada soit fêtée comme une fête nationale, comme il le dit
lui aussi: C'est la fête nationale des Canadiens.
Alors, c'est effectivement, M. le Président, une façon
d'instaurer une deuxième fête nationale sur le territoire du
Québec, alors qu'on en avait une avant et que ça avait
été décrié déjà, quand on l'avait
fait, par certains employeurs. Je me demande bien pourquoi ils viendraient nous
le demander maintenant pour une autre fois. À deux semaines
consécutives, je vais vous dire, M. le Président, ça ne
serait pas très cohérent de leur part. Je pense que ce
journaliste-là avait raison et que la véritable raison de tout
ça, c'est une raison très politique. C'est une raison très
politique parce que les organisateurs qui organisent le 125e anniversaire de
tout ça, de la signature de la Confédération canadienne,
organisent des fêtes épouvantables, cette année. Ils ont
beaucoup de monde à convaincre du bien-fondé de rester
là-dedans, M. le Président.
Alors, il faut qu'ils fassent un gros «hit», comme on dit.
Il faut qu'ils fassent quelque chose de spécial. Il faut qu'ils mettent
le paquet et, pour ça, ils veulent être sûrs qu'ils ne
mettront pas le paquet pour rien. Ça prend absolument la population. Il
faut que la population soit témoin de tout ce qu'ils font comme
activités, comment ils sont beaux, fins et gentils, comment les
Rocheuses, c'est important, comment l'Ouest, c'est important, même si
l'Ouest, on le sait, ne tient pas plus que ça à nous autres. On
devrait commencer à le savoir. Je ne peux pas croire.
Alors, la véritable raison, c'est une raison politique, à
mon sens, parce qu'à venir jusqu'à date l'argumention - le
ministre a beau dire qu'on veut les mêler, II n'a pas réussi, lui,
à nous démêler sur les objectifs qu'il est en train de
poursuivre. La véritable raison, c'est une raison politique, tant et
aussi longtemps qu'on ne nous a pas démontré que c'est une autre
raison. Si on veut fêter le 125e anniversaire du Canada de façon
éclatante, c'est bien évident qu'on ne peut pas laisser le monde
au travail et les employeurs faire leur travail cette journée-là.
C'est bien évident. Il faut que tout le monde soit arrêté,
cette journée-là. Ils déménageront durant la fin de
semaine, cette fois-là. La fête des déménagements,
comme disait le ministre, bien, ils prendront deux jours au lieu de trois.
Là, je pense que...
M. le Président, est-ce que c'est possible que le
député de Berthier...
Une voix: C'est faux ce que tu viens de dire... vous disiez.
C'est faux.... n'Importe quoi.
Mme Carrier-Perreault: Eh bien! Mais je ne dis pas n'importe
quoi, M. le Président. D'ailleurs, écoutez... Je regrette, M. le
Président. Je pense que c'est moi qui ai la parole, présentement.
Si le député de Berthier veut parler...
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Berthier. M. le député de Berthier, à l'ordre.
Mme Carrier-Perreault:... je pense qu'il pourra prendre ses 10
minutes, hein? Merci, M. le Président.
M. Houde: M. le Président, si elle est pour dire n'importe
quoi...
Le Président (M. Philibert): À l'ordre. Si vous
voulez utiliser votre temps de parole, je vous donnerai la parole
tantôt.
M. Houde: Très bien.
Le Président (M. Philibert): Mais là c'est Mme
Carrier-Perreault qui a la parole. J'insiste pour que vous la laissiez, selon
les règlements, s'exprimer librement.
Mme Carrier-Perreault: Bon. Je vous remercie, M. le
Président. Alors, je continue. Je pense que ce que le journaliste disait
dans le journal du 15 mai, M. le Président, avant que l'Opposition se
mette à parler, je pense qu'il n'avait pas tort, le journaliste. Et
si... Je veux dire, si le député de Berthier n'a pas eu
l'occa-
sion de lire cet article-là, je pense que ce serait important de
lui faire une photocopie pour qu'il puisse en prendre connaissance.
Et moi, je suis toujours persuadée que, si on veut absolument
procéder de cette façon-là, cette année, c'est tout
simplement parce qu'on veut s'assurer que tous les Québécois vont
assister aux activités, vont assister aux festivités, vont
profiter abondamment de toute l'avalanche de publicité
fédéraliste qui va nous tomber dessus. C'est la seule et unique
raison, à mon avis, au moment où on se parle, M. le
Président. Je trouve ça bien important que...
Dans ce sens-là, je trouverais ça très important de
connaître l'opinion d'autres personnes, des personnes différentes.
Puis on en a d'autres qu'on voudrait rencontrer, aussi, M. le Président.
Parce que je suis persuadée qu'on aimerait aussi rencontrer autant les
organismes d'employeurs que de travailleurs. Je pense que c'est important
d'entendre ces gens-là; c'est eux qui ont des choses à nous dire
aussi. Mais la Société Saint-Jean-Baptiste pourrait venir nous
dire, elle aussi, quelle est sa perception, comment elle voit l'impact que
ça peut avoir sur... Est-ce que ça portera ombrage à
l'autre? Ou laquelle portera ombrage à l'autre? De toute façon,
je pense que ça va être un embêtement général
pour l'ensemble de la population, comme c'est un embêtement aussi, du
côté des employeurs, et que c'est un objectif purement et
simplement politique que l'on poursuit en déposant ce genre de projet de
loi, M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a un député
ministériel qui veut prendre la parole?
M. Williams: Oui.
Une voix: Je n'en reviens pas qu'on peut être menteuse de
même.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Nelligan.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai le
droit de parole, M. le Président?
Le Président (m.
philibert): je n'ai pas entendu.
j'ai appelé le député de berthier à l'ordre
tantôt. alors, m. le député de nelligan, vous avez la
parole.
Mme Vermette: M. le Président, je ne voudrais pas faire un
long débat parce que je sais qu'on a beaucoup de choses
intéressantes à dire. Mais je pense qu'effectivement, si on veut
dire ce qu'on a à dire, on suit les règles parlementaires. On
n'est pas obligé de se faire traiter de menteur et de menteuse parce
qu'on dit ce qu'on pense, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): ...des déclarations
qui sont prises en compte à la commission sont prises en compte des
parlementaires qui ont la parole. J'ai rappelé le député
de Berthier à l'ordre tantôt. Ce qui n'est pas inscrit aux
galées est réputé ne pas avoir été dit,
d'après les règlements. Alors, je souhaite qu'on close sur ce
qu'on... qu'on continue la discussion avec le député de
Nelligan.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci encore une fois, M. le Président, de me
donner la parole. J'ai écouté longuement, ce soir... Encore une
fois, je cherche les raisons, c'est quoi en arrière de tout ce
débat. Nous avons eu un débat de 24, 25, 26 heures, hier, et je
cherche encore c'est quoi le problème dans cette loi-là.
Mais, madame, vous avez demandé qu'on vous accorde, s'il vous
plaît, là... Je m'excuse, je suis un peu fatigué. J'ai
écouté les interventions de 20 minutes, de 20 minutes, de 20
minutes, de 20 minutes et je n'ai pas demandé la parole jusqu'à
date. Et je voudrais... Mais peut-être juste commencer... Je voudrais
dire au minimum que votre formation, malgré que je ne sois pas d'accord
avec votre perspective dans cette question... Vous avez décidé de
rester ce soir avec nous, de discuter cette question, et j'ai pensé: II
va y avoir une autre... (23 h 40)
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Marie-Victorin, à l'ordre.
M. Williams: J'ai pensé que ça ne serait pas juste
deux formations. M. le Président, est-ce que j'ai le droit de
parole?
Le Président (M. Philibert): Oui, M. le
député de Nelligan, vous avez le droit de parole.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Je demanderais aux
parlementaires des deux côtés de respecter le droit de parole du
député qui, effectivement, d'après les règlements,
a de plein droit le privilège de s'exprimer.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai
pensé que nous aurions trois partis politiques ici, ce soir, et nous
n'en avons que deux. J'ai pensé que le troisième peut-être
peut ajouter une autre perspective. En tout cas, ils ne sont pas là.
J'ai aussi pensé... j'ai lu... je m'excuse, entre quelques... les
commentaires, j'ai lu l'Argus, aujourd'hui, et peut-être que c'est
une raison pour laquelle nous sommes encore ici, parce que, malgré un
débat de 26 heures hier, il n'y a presque rien, presque rien dans le
journal, dans tous les journaux québécois et canadiens.
Pour moi, c'était strictement clair, il y a un
député qui a dit qu'il n'y a personne qui a demandé ce
changement. Peut-être que dans son comté Ils ont tout à
fait raison. Je voudrais dire, dans mon comté, ils ont demandé ce
changement.
M. Blais: ...Société Saint-Jean-Baptiste...
Question de règlement.
Le Président (M. Philibert): Oui, j'écoute votre
question de règlement.
M. Blais: Vous présumez que le président va me dire
qu'il n'y a pas de question de règlement. Je vais la poser.
Une voix:...
Le Président (M. Philibert): M. le
député...
M. Blais: la motion est sur la table demandant que la
société saint-jean-baptiste vienne éclairer le
débat. je ne vois pas ce que l'argus, les arguments de
l'argus...
Le Président (M. Philibert): Ce n'est pas une question de
règlement, M. le député de Masson.
M. Blais: Ça se rapporte à la motion.
Le Président (M. Philibert): ce n'est pas une question de
règlement, m. le député de masson. c'est une question
d'opinion. m. le député de nelligan, vous avez la parole.
M. Williams: Je pense qu'il est un peu tard pour commencer
à questionner la pertinence des interventions ce soir. Franchement. Pour
moi, encore une fois, j'essaie de comprendre le problème dans ce
dossier. Nous avons, en pleine discussion dans cette commission des affaires
sociales en 1990, passé une loi et nous avons dit qu'il y a une
fête du Canada le 1er juillet. Malgré... et tout le monde a
cité quelques sections de quelques débats dans quelques
journées, le 10, le 11. Je ne lis pas tout. Je peux faire mes 20 minutes
aussi. Peut-être que je vais faire ça demain. Là, je ne
sais pas.
Mais c'était clair que c'était la fête du Canada
dont nous avons discuté. Votre parti a adopté ça, c'est
clair. Avec ça, aujourd'hui, on discute: Est-ce que cette année,
ça va être un lundi ou un mercredi? Ce n'est pas un débat
de fond à ce moment-là. Et aussi, il y a sept journées
dans une semaine. Si la fête du Canada est un dimanche, le congé,
dans les choses régulières, ce peut être un lundi. Si c'est
un lundi, ce peut être un lundi. Si c'est pour être un mardi, avec
l'amendement tel que proposé, ça va être un mardi;
mercredi, ça va être mercredi; jeudi, ça va être un
jeudi. Les autres, vendredi, si ça doit être un vendredi, et
samedi, ça va être un vendredi. ,
Avec ça, on parle de trois jours. On ne fait pas un débat
de fond. En fait, est-ce qu'il y a une fête du Canada nationale et
canadienne dans la même journée? Je pense que la réponse
est très claire. Je voudrais retourner à la première
intervention de ce soir, que oui, c'est vrai, un pays a une fête non
«bougeable» comme le 4 juillet. Je pense, il y a tout à mon
sens... Je m'excuse, Nous avons une fête non «bougeable». Mon
intervention... ce pour quoi j'ai voulu discuter ça ce soir, sur la
question...
Vous avez demandé la pertinence de mon intervention. La raison
pour laquelle j'ai voulu faire une intervention à cause de ça...
parce qu'on ne discute pas la fête nationale du Québec. C'est le
24. Il y a une loi pour ça. Nous sommes tous fiers. Pas ce soir, mais
hier, quelquefois, j'étais un peu mal à l'aise des choses que
j'ai entendues. Je suis certainement canadien, mais je suis
québécois aussi et c'est ma fête aussi. Il y a quelques
interventions, et je ne nomme pas qui a dit quoi. Quelquefois, j'ai
pensé, parce que je suis un Anglo-Québécois, j'ai eu le
«feeling» qu'il y a quelques personnes à penser que ce
n'était pas ma fête aussi. C'est là ma fête. Donc,
j'ai eu ce «feeling».
Le 24 juin, c'est la fête nationale du Québec. On ne
discute pas de ça ce soir. On discute d'un congé
férié pour le 1er juillet. Dans mon opinion, c'est la fête
du Canada. On ne parle pas de toute la bonne organisation de la
Société Saint-Jean-Baptiste pour la fête nationale du
Québec. On discute du 1er juillet, la fête du Canada, et, comme je
l'ai mentionné en Chambre hier, je suis fier d'être canadien, je
suis fier d'être québécois et canadien et je voudrais
fêter ça, et plusieurs des personnes de mon comté, pas les
organisations, pas le Conseil du patronat, M. et Mme Tout-le-Monde, ils ont
demandé: On veut fêter certainement la fête nationale, mais
on veut fêter notre anniversaire de la Confédération de
notre pays. On veut fêter ces deux fêtes en même temps. Je
voudrais être très clair. Ce n'est pas juste... on ne veut pas
fêter juste le 125e anniversaire cette année, on veut faire
ça le 126e, le 127e et beaucoup plus long que ça, là, et
le 300e anniversaire tous ensemble, M. le député.
C'est pourquoi je demande pourquoi on veut commencer à entendre
les groupes qui ne sont pas nécessairement bien connus pour leur appui
pour la fête du Canada, qui ne sont pas nécessairement bien
connus... comment il a organisé, comment il organise les
événements pour la fête du Canada. Pour moi, pendant toutes
les 26 heures de débat, j'ai eu de la misère à... Souvent,
j'ai mal compris que nous ayons parlé de plusieurs choses, sauf pour les
articles de loi.
L'article de loi dit qu'on veut avoir la fête du Canada le 1er
juillet, comme le reste du pays. On peut chercher beaucoup d'autres choses, on
peut manifester beaucoup d'autres idées en arriè-
re de ça, beaucoup d'autres supposées manifestations en
arrière de ça, les stratégies machiavéliques et
tout ça. C'est clair et simple: On veut avoir la fête du Canada la
même journée que le reste du pays. On ne questionne pas notre
identité québécoise, on ne questionne pas notre
société distincte non plus, on ne questionne pas notre pouvoir de
choisir une fête nationale le 24 juin, qui est non
«bougeable», protégée par une loi spéciale. Ce
n'est pas une question. Ce n'est pas dans la loi, ce n'est pas les articles
qu'on touche. On touche un petit article qui ne change pas le fond de la
fête du Canada, mais qui change juste la date, qui est logique et aussi
qui...
Ce soir, j'ai décidé de prendre la parole, de discuter les
choses qui font un pays. Je peux aussi prendre beaucoup de temps pour discuter
juste de la bonne coordination de la main-d'oeuvre, des bonnes coordinations
qui sont ouvertes et qui sont fermés. Quand j'ai étudié
des dossiers moi-même, j'ai pensé que ça va être
beaucoup plus efficace pour tout le monde: les familles, les personnes qui
travaillent, le patronat, pour tout le monde. Ça va être beaucoup
plus efficace comme ça, et j'espère qu'on peut retourner au
débat de fond sur cette loi. Nous n'avons pas besoin d'entendre les
groupes qui n'ont pas de compétence dans cette question de la fête
du Canada, et on peut continuer les discussions sur les autres choses dans
cette loi.
Je vais terminer mon intervention, M. le Président, sur ce point.
Alors, merci beaucoup pour la chance, particulièrement non interrompue,
ce soir, sur ce point.
Une voix: Ha, ha, ha!
(23 h 50)
Le Président (M. Philibert): Alors, merci, M. le
député de Nelligan. Est-ce qu'il y a un député de
l'Opposition qui veut prendre la parole? Alors, Mme la députée de
Marie-vïctorin, vous avez 10 minutes.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Je vous remercie bien, M. le Président.
Alors, M. le Président, je trouve ça tout à fait
pertinent, à ce moment-ci, de demander à la Société
Saint-Jean-Baptiste de venir nous entretenir, en fait, sur la vision qu'elle se
fait de cette fête du Canada, parce que, en fait, il faut le dire, la
Société Saint-Jean-Baptiste, c'est la plus vieille et l'une des
plus combatives, M. le Président, qui a été fondée
en 1834. Alors, vous voyez que ça ne date pas d'hier. Ça date
beaucoup, c'est beaucoup plus vieux même que tous les mouvements qui ont
été mis de l'avant pour reconnaître la fête du
Canada. Parce qu'il faut le redire, la fête du Canada a été
adoptée en 1982, au mois de novembre 1982. Donc, c'est très
récent, en fin de compte, cette notion de fête du Canada. Alors,
je pense que c'est heureux qu'on puisse faire référence à
une société qui, elle, date de 1834, M. le Président.
Vous savez, toute l'expérience, le cumul de l'histoire, ils
peuvent nous apporter l'éclairage qu'ils peuvent nous donner en ce qui
concerne le sujet sur lequel nous nous penchons et que nous discutons à
l'heure actuelle. Moi, je pense qu'on ne peut jamais refuser d'avoir des gens
compétents, des gens aussi qui ont une connaissance approfondie d'un
sujet. On ne peut pas se priver d'une telle ressource et ne pas entendre une
telle ressource, M. le Président. Je trouve ça tout à fait
Important, justifié.
Savez-vous d'où elle tire son nom, cette Société
Saint-Jean-Baptiste? Elle tire son nom du fait que Jean-Baptiste était
considéré comme l'un des saints patrons des Canadiens
français. Alors, ils sont très impliqués en tous...
Même le député de Nelligan se demandait pourquoi, alors
qu'on parie de la fête du Canada, on voudrait inviter, en fait, des gens
qui se sont plus préoccupés de la fête nationale des
Québécois. Bien, c'est parce que, M. le Président, le
Canada appartenait aux Français avant que les Anglais arrivent sur cette
terre-là, M. le Président. C'est tout simplement pour ça,
pour nous rappeler cette histoire-là, parce qu'il y a des pans de
l'histoire qu'on a oubliés, M. le Président. Alors, il faut nous
éclairer là-dessus, M. le Président.
Il faut rappeler ces faits-là et c'est important de nous dire
comment c'est arrivé. À un moment donné de notre histoire,
la prédominance a fait en sorte qu'au Québec c'est la fête
nationale des Québécois qu'on a choisie et qu'on a laissé
complètement tomber la fête du Canada. On se sentait même
pas impliqués par cette fête, M. le Président.
Alors, je pense que c'est tout à fait bien
considéré, de notre part, de vous faire une demande à cet
effet-là et de vous présenter une motion pour qu'on puisse
entendre cette Société Saint-Jean-Baptiste, pour nous apporter
ses connaissances et cet éclairage qui, je pense - et je n'en tiens
rigueur à personne, M. le Président - pour certains passages de
notre histoire, peuvent leur faire défaut. Et ça fait du bien, se
faire rafraîchir la mémoire, M. le Président, et surtout
sur le plan historique, quand on sait que, dans nos écoles, on donne
très peu de cours d'histoire. Donc, il se peut qu'on en ait
échappé, nous autres aussi.
Comme on ne peut pas, lorsque aujourd'hui... Même actuellement,
dans les différentes écoles du Québec, les cours
d'histoire, ce n'est pas ce qui relève le plus... en fait, au niveau de
l'éducation de nos jeunes, ils connaissent très peu ou à
peine l'histoire du Québec, M. le Président. Ce serait important
que la Société Saint-Jean-Baptiste vienne nous faire part, en
fait, de tous... le point de départ de cette notion de la fête de
la Saint-Jean-Baptiste, M. le Président.
Je pense que nous, notre rôle, c'est d'informer la population.
Donc, plus nous sommes informés, plus nous jouons notre rôle
convena-
blement auprès de la population parce que notre rôle, c'est
d'être des éclaireurs, d'être des bougies d'allumage
auprès de la population, M. le Président. Pour faire ce
rôle, bien, il faut bien qu'on ait une information pertinente, et je
pense que la Société Saint-Jean-Baptiste demeure une
société, une entité qui est la plus appropriée pour
nous apporter ces références, ces connaissances qui feraient en
sorte qu'à notre tour nous pourrions, en fait, divulguer cette
information-là autant, M. le Président, au Canada anglais qu'aux
Québécois. C'est là-dessus que c'est important.
Savez-vous, M. le Président, qu'à une certaine
époque, au tout début de la colonie, lorsqu'on fêtait la
Saint-Jean-Baptiste, M. le Président, ça allait aussi loin qu'aux
États-Unis? On ne peut pas en dire autant aujourd'hui, M. le
Président. Je ne suis pas sûre qu'en Ontario on fête la
Saint-Jean-Baptiste. Pourtant, il y a beaucoup plus de francophones en Ontario
qu'il y a d'anglophones au Québec, M. le Président. Pourtant, il
n'y a pas d'harmonisation entre la loi nationale des Québécois et
la loi canadienne, M. le Président, sur la fête du Canada. Il n'y
a absolument rien de cette nature, M. le Président.
Est-ce qu'on va faire un plat aux Canadiens anglais pour ça, M.
le Président? On constate, malheureusement, qu'au niveau du Canada
anglais nous n'avons pas notre place, que, pour le Canada anglais, il n'y a
qu'une fête nationale, celle du Dominion, M. le Président. Pour
certains anglophones, ils ne sont même pas capables de reconnaître
la fête du Canada, M. le Président. C'est même douloureux
pour eux d'accepter qu'on puisse appeler la fête du Canada la fête
du Canada, parce que, pour eux, leur sentiment d'allégeance est à
la fête du Dominion, M. le Président. Il faut le dire. Il faut
dire ces choses-là, M. le Président. Pour certains anglophones,
M. le Président, la fête du Canada a un sens complètement
vide. Ça a le sens de vide, M. le Président, pour la
définition du Canada pour des...
Je vais vous lire un extrait, en fait - et ce n'est pas moi qui le dit,
ça vient des débats des Communes, M. le Président. Je vais
vous lire un extrait, en fait. C'est quelqu'un qui disait, en fait: La
fête du Canada, pour le 1er juillet... Que ce changement ait
été réclamé - parce qu'on changeait la fête
du Dominion pour la fête du Canada - spontanément, chose dont je
doute ou non, il n'est pas inévitable que la fête nationale d'un
pays porte le nom... Bon. Ce qu'il dit, c'est: L'occasion... Il disait que la
fête, en fin de compte, qu'on nomme... nominale, par le nom d'un
pays...
D'ailleurs, il faisait l'éloge qu'il n'y a pas un pays au monde
qui appelle sa fête nationale par le nom de son pays. D'ailleurs,
ça n'existe pas. En France, ça s'appelle la fête de la
Bastille. Aux États-Unis, ça s'appelle la fête de
l'indépendance. Je pourrais vous nommer un paquet de pays, M. le
Président, où ils ne disent jamais... Même pas
l'Angleterre. Ça ne s'appelle pas la fête de l'Angleterre, M. le
Président. C'est la fête du roi George, M. le Président.
Alors, II n'y a aucun pays au monde qui reconnaît sa fête nationale
par le nom de son pays, M. le Président, et même... La même
personne disait que, lorsqu'on appelle la fête nationale par le nom d'un
pays, on dit: Cela indiquerait seulement qu'on a plus de chances de trouver les
gens à la plage que chez eux, M. le Président.
Ne serait-il pas temps de se dire que la fête du Canada n'est pas
une appellation à laquelle on ne peut échapper et qui coule de
source, mais que c'est, en fait, une appellation plus ou moins vide de sens,
insignifiante et ennuyante, M. le Président. Ce n'est pas moi, M. le
Président. C'est un député de la Chambre des communes et
c'est un M. Baker, qui était député de Nepean-Carteton, M.
le Président.
Une voix: En quelle année?
Mme Vermette: En 1981, M. le Président. Ce n'est pas un
dinosaure, ça, 1981. C'est tout de même contemporain, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): En conclusion.
Mme Vermette: Bien, je pense que, quand on a de telles
affirmations, c'est important de corriger le tir par des gens très,
très bien informés, tels que des gens qui composent la
Société Saint-Jean-Baptiste, et je demeure convaincue qu'il
aurait été souhaitable que nous puissions les entendre, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Est-ce qu'il y a des
députés ministériels qui veulent utiliser leur droit de
parole?
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais simplement
prendre une minute.
Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'on a le
consentement pour une minute?
M. Bourbeau: Je n'en ai pas abusé beaucoup, M. le
Président, je pense.
Le Président (M. Philibert): Alors, si vous parlez une
minute, on aura besoin d'un consentement aussi pour le temps d'ajourner les
travaux.
M. Bourbeau: Bien, est-ce que c'est l'heure officielle qui est
là, M. le Président?
Le Président (M. Philibert): Oui.
M. Bourbeau: Bon. M. le Président, nous terminons quatre
heures - j'allais faire une liaison dangereuse - de débats
animés, plus ou moins intéressants, selon le côté de
la Chambre
où on se place, sur un sujet d'une importance qui peut varier
selon les points de vue. On vient d'entendre la députée de
Marie-Victorin qui a fait un vibrant plaidoyer en faveur de la thèse
qu'elle défend.
Je voudrais corriger, M. le Président, une remarque que j'ai
faite plus tôt dans la soirée, où j'avais prétendu
que le député de Masson aurait été plus
intéressant à entendre que la députée de
Marie-Victorin. Mais je dois dire qu'après avoir entendu les derniers
propos de la députée de Marie-Victorin je veux réviser ma
position, M. le Président. Je pense que son plaidoyer était plus
éloquent encore que celui du député de Masson.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je ne voudrais pas insulter le député
de Masson qui, quand même, a ses mérites, M. le Président,
mais je dois donner un bon point à la députée de
Marie-Victorin et dire qu'elle a tenu les députés de ce
côté-ci très éveillés pendant tout son
plaidoyer. Alors, M. le Président, je pense que ça augure bien
pour l'avenir. Je vous remercie.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: M. le Président...
Le Président (M. Philibert): Oui.
M. Blais: ...cinq secondes, s'il vous plaît.
Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il y a le
consentement?
M. Blais: Cinq secondes.
Le Président (M. Philibert): Consentement.
M. Blais: Cinq secondes. La façon constructive dont le
ministre nous parle nous fait prévoir des semaines à venir
très heureuses.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Philibert): Alors, on m'informait que les
députés ministériels ne désiraient pas utiliser
leur droit de parole. Alors, on serait prêts pour voter. Est-ce que c'est
sur division ou si c'est un...
Des voix: Vote nominal.
Le Président (M. Philibert): ...vote nominal?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Philibert): Alors, l'heure
étant... (minuit)
M. Blais: Non, non, mais...
Le Président (M. Philibert): Consentement pour le
vote...
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Philibert): ...après minuit.
J'appelle la motion. Effectivement, oui, ça serait... Alors, «il
est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure la commission permanente des affaires sociales tienne, avant
d'entreprendre l'édude détaillée du projet de loi 21, Loi
modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives, des consultations particulières quant à tous
les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la
Société Saint-Jean-Baptiste.»
Que ceux qui sont pour ou contre...
Alors, M. Bourbeau (Laporte)?
M. Bourbeau: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Mme Cardinal
(Châteauguay)?
Mme Cardinal: Contre.
Le Président (M. Philibert): M. Houde (Berthier)?
M. Houde: Contre.
Le Président (M. Philibert): M. Williams (Nelligan)?
M. Williams: Contre.
Le Président (M. Philibert): Mme Carrier-Perreault
(Chutes-de-la-Chaudière)?
Mme Carrier-Perreault: Pour.
Le Président (M. Philibert): Mme Loisetle
(Saint-Henri)?
Mme Loiselle: Contre.
Le Président (M. Philibert): Mme Marois est
remplacée par... M. Garon (Lévis)?
M. Garon: Pour.
Le Président (M. Philibert): M. Blais (Masson)?
M. Blais: Pour.
Le Président (M. Philibert): La motion est rejetée
et, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission sine
die.
(Fin de la séance à 0 h 2)