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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 11 juin 1992 - Vol. 32 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre


Étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Marcil): Bonjour! Donc, je déclare la séance ouverte, et je rappelle le mandat de cette commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y aura des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. D'abord, pour la durée du mandat, Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) sera remplacée par Mme Caron (Terrebonne); Mme Juneau (Johnson) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par M. Gendron (Abitibi-Ouest) et, également, pour la séance, Mme Boucher-Bacon (Bourget) sera remplacée par M. Lafrenière (Gatineau).

Projet de loi 408

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Donc, nous sommes au stade de la présentation des remarques préliminaires. Vous avez, de part et d'autre, 20 minutes pour les remarques préliminaires. S'il y a des motions, à ce moment-là, vous n'aurez qu'à les annoncer. Je vais reconnaître immédiatement M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Vous vous souviendrez qu'en décembre dernier le gouvernement a présenté une politique du développement de la main-d'oeuvre qui a fait l'objet d'une consultation lors de la commission parlementaire qui s'est tenue en début d'année. Cette politique proposait quatre objectifs.

Un premier objectif était celui d'instaurer dans les entreprises québécoises une véritable culture de la formation. On sait qu'on a noté que les entreprises québécoises n'ont pas, dans le passé, toujours fait les efforts voulus pour faire en sorte que la main-d'oeuvre québécoise soit suffisamment adaptée aux changements qui s'opèrent sur le marché du travail. Il faut faire en sorte que, de plus en plus, on se convainque qu'il est essentiel de former la main-d'oeuvre, de l'adapter aux changements technologiques, et que l'on réalise que la formation de la main-d'oeuvre ou le reclyage et le perfectionnement de la main-d'oeuvre pour une entreprise, ce n'est pas une dépense, c'est plutôt un investissement, et un investissement rentable. Donc, l'instauration d'une culture de la formation et de la formation continue donne aux entreprises un premier objectif de la politique de développement de la main-d'oeuvre du gouvernement.

Le gouvernement a aussi indiqué qu'il voulait, dans son document d'orientation, faire en sorte de mieux aménager ses programmes de main-d'oeuvre et apporter dans le dossier de la main-d'oeuvre une meilleure coordination. On s'est rendu compte qu'il y avait au Québec trop de programmes de main-d'oeuvre, trop de gouvernements aussi qui s'en occupent et, dans ce réaménagement que nous avons proposé, nous avons indiqué notre intention de faire en sorte que le Québec puisse rapatrier l'exclusivité des pouvoirs en matière de main-d'oeuvre de sorte qu'il n'y ait plus au Québec qu'un seul maître d'oeuvre dans ce champ d'activité. Nous avons, en conséquence, fait la demande au gouvernement fédéral de rapatrier au Québec tous les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre ainsi que la gestion de l'assurance-chômage, étant donné que, dorénavant, l'assurance-chômage sera liée très intimement aux programmes de main-d'oeuvre, aux programmes de formation ainsi qu'au placement, tout ça étant interrelié et indissociable, dans notre optique. Nous avons également annoncé l'intention du gouvernement de simplifier les programmes québécois, de les regrouper, de sorte que, dorénavant, il n'y aura plus que quatre programmes au Québec, faisant en sorte de simplifier la vie à tous ceux qui sont intéressés par ces problèmes de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre. Une seule porte d'entrée, un guichet unique, voilà les objectifs recherchés par la politique.

Le troisième objectif, M. le Président, voulait, et veut toujours, faire en sorte de rapprocher les milieux de travail des milieux de l'enseignement professionnel, un meilleur arrimage entre l'enseignement, la formation professionnelle et les milieux de travail, parce qu'il est évident que, dorénavant, on ne peut pas dissocier l'un de l'autre. Les milieux de l'enseignement devront faire en sorte de mieux connaître les besoins du marché du travail et de s'adapter à ces besoins-là, et les milieux du travail, quant à eux, devront également s'assurer que leurs besoins sont pris en compte dans les régimes pédagogiques et dans les programmes d'enseignement.

Finalement, M. le Président, le quatrième objectif recherché dans la politique de main-d'oeuvre, c'est de faire en sorte d'instaurer un partenariat, un véritable partenariat entre ceux qui jouent un rôle prépondérant sur le marché du

travail, c'est-à-dire les employeurs, les travailleurs et le gouvernement. On sait que, jusqu'à maintenant, à toutes fins pratiques, ce n'était que le gouvernement qui s'occupait des problèmes du marché du travail. Le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle avait la charge de s'occuper de ce secteur-là, de présenter des programmes et de les gérer. M. le Président, c'est facile, quand c'est le gouvernement qui s'occupe de tout, de critiquer, de dire, quand on est un employeur, un patron ou un chef syndical: Ça ne fonctionne pas bien. Que le gouvernement s'occupe de ça, c'est sa responsabilité, et - si vous me passez l'expression - de s'asseoir sur les lignes de côté ou dans les estrades et de regarder passer la parade.

Nous nous sommes rendu compte, M. le Président, que le gouvernement seul ne peut pas résoudre tous les problèmes qui se présentent - de plus en plus nombreux, d'ailleurs - sur le marché du travail, et nous avons décidé, à l'instar de plusieurs autres pays qui ont compris qu'il fallait impliquer les partenaires, de susciter au Québec un véritable partenariat entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement, de sorte que, dorénavant, on ne pourra plus faire en sorte de se laver les mains lorsque surgiront ces problèmes de mutation sur le marché du travail, d'adaptation de la main-d'oeuvre aux réalités changeantes, aux réalités technologiques. Dorénavant, ce seront les partenaires eux-mêmes qui devront s'asseoir ensemble, discuter - non pas seulement discuter, mais trouver des solutions et mettre ces solutions-là en pratique. Et c'est le gros changement que nous voyons pour l'avenir en ce qui concerne la solution de ces problèmes de régulation sur le marché du travail. C'est que, dorénavant, on sera en mesure d'interpeller directement les principaux acteurs en les responsabilisant, en leur donnant l'obligation non seulement de discuter mais de trouver des solutions et de les mettre en pratique.

De cette façon-là, M. le Président, on peut espérer que les travailleurs y trouveront leur compte, les employeurs aussi. Si les employeurs réalisent, M. le Président - et j'espère qu'ils vont le faire de plus en plus, et le plus rapidement possible - que c'est la survie même des entreprises dont il est question quand on parle de l'adaptation des travailleurs aux mutations qui s'opèrent sur le marché du travail, si les employés eux-mêmes et les dirigeants des travailleurs, les dirigeants syndicaux réalisent qu'eux aussi doivent mettre l'épaule à la roue pour faire en sorte que l'entreprise soit plus productive, et donc plus rentable, à ce moment-là, M. le Président, nous avons de bonnes chances de faire en sorte qu'éventuellement nous ayons une société où les travailleurs vont trouver leur compte. Leur niveau de vie pourra être augmenté parce que leur productivité sera meilleure et parce que leur compétence sera également meilleure. Et nous aurons également une société où les employeurs pourront bénéficier de cette productivité-là et faire en sorte d'augmenter la «profitabilité» de nos entreprises, et donc leur capacité de concurrencer sur le marché international. Voilà pourquoi, M. le Président, nous avons décidé de proposer la création - pour mettre en oeuvre d'une façon concrète ce partenariat dont je viens de parler - de cette Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui est l'assise sur laquelle nous voulons asseoir le partenariat pour l'avenir en ce qui concerne les problèmes à régler sur le marché du travail. (11 h 40)

Alors, je souhaite, M. le Président, que les membres de cette commission s'attaquent avec détermination à l'étude et à l'adoption de ce projet de loi, de sorte que le Québec puisse, le plus rapidement possible, prendre les devants dans ce domaine. Et, quant à moi, je suis optimiste, M. le Président. Je pense que nous avons une bonne compréhension des problèmes auxquels nous faisons face. Je pense que nous avons également une bonne connaissance des solutions qu'il faut apporter pour tenter de dénouer les problèmes auxquels nous sommes confrontés et les régler, et je pense que nous avons également la volonté de mettre en oeuvre ces solutions. Je pense que les solutions que nous proposons sont des solutions qui sont correctes et qui sont susceptibles de régler les problèmes. Et, dans la mesure où chacun va vouloir faire l'effort requis, nous pouvons très rapidement, je pense, relever ces défis.

M. le Président, je ne veux pas prendre plus de temps, puisque nous avons quand même un certain nombre d'articles à étudier, et nul doute que l'Opposition officielle voudra également s'exprimer sur la question; alors, il me fait plaisir de céder la parole aux autres membres de la commission.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Maintenant, je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, critique de l'Opposition en matière de formation de la main-d'oeuvre.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, je vous remercie, M. le Président. J'écoutais attentivement le ministre, qui a conclu son intervention en disant que nous devions procéder rapidement à cet important projet. Je dois vous dire tout de suite, M. le Président, que nous souhaitons également, nous, procéder à l'examen attentif de ce projet de loi 408, et, une fois nos remarques préliminaires terminées, nous entendons débuter immédiatement l'étude article par article du projet de

loi, sans pour autant faire ces motions préliminaires qui auraient pu s'imposer dans les circonstances. Et je vais simplement vous faire le bilan de tous les télégrammes, lettres, téléphones que nous avons pu recevoir des quatre coins du Québec pour, au moins, nous faire l'écho des changements que, majoritairement, des organismes représentatifs souhaitent au projet de loi 408.

M. le Président, il faut d'abord que je vous dise l'étonnement de l'Opposition officielle que ce ne soit qu'à ce moment-ci, le jeudi 11 juin, à la veille, ou presque, de la clôture de la présente session... Il est de commune renommée que nous terminions la semaine prochaine, alors, on est à peine à une semaine de la clôture des travaux de cette session, qui a débuté le deuxième mardi du mois de mars. Et ça n'est qu'à ce moment-ci, après que nous avons pourtant terminé l'examen en commission parlementaire des mémoires présentés sur le projet du ministre, intitulé: «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif»... Alors, cette consultation qui se terminait le 18 mars dernier avait débuté le 4 février; c'est donc presque trois mois après la fin de la commission parlementaire. Nous sommes à trois mois de cette commission parlementaire, M. le Président. Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas jugé suffisamment importante, n'ait pas jugé suffisamment fondamentale cette question pour l'amener au moment où nous aurions pu, en dehors de ce qu'on connaît être le climat des fins de session, nous permettre un examen attentif, approfondi et sérieux du projet de loi? Ça, c'est quelque chose qui dépasse notre entendement. Et, surtout, comment se fait-il que nous ne sommes convoqués que ce matin et cet après-midi et que le leader ait cru nécessaire de convoquer notre commission sur un autre projet de loi - la fête du Canada, le projet de loi 21 - le jugeant peut-être plus prioritaire que la création de la Société de développement de la main-d'oeuvre que nous retrouvons avec le projet de loi 408? C'est quand même un paradoxe, M. le Président, à ce moment-ci de nos travaux, à une semaine de la fin de notre session et au moment où le ministre, lui, prétend que c'est important. C'est quand même assez étonnant! Moi, ça fait 11 ans que je siège dans ce Parlement, et c'est vraiment la première fois que je vois un projet de loi amené en commission parlementaire la semaine avant la fin d'une session, en prétendant que c'est un projet de loi qui est important pour le gouvernement.

C'est un projet de loi qui est important pour l'Opposition, M. le Président, et nous entendons en faire un examen sérieux, attentif et approfondi. Il est important parce qu'il met en cause non pas seulement des principes, mais il met en cause aussi des personnes. Nous aurons l'occasion d'y revenir, parce que nous ne comptons pas négliger cet aspect de la nouvelle structure qui est créée, c'est-à-dire ces mil- liers - évidemment, on parle de milliers - d'employés qui pourront être affectés par les décisions qui se prendront dans cette commission.

Le ministre a parlé, M. le Président, des intentions du gouvernement au moment où il élaborait sa nouvelle politique, et j'aimerais revenir sur les aspects qu'il a traités. Il a en particulier traité de cinq aspects, M. le Président, le premier étant le réaménagement des programmes québécois. Je vous indique immédiatement qu'il n'y a pas besoin de projet de loi pour procéder à un réaménagement des programmes québécois. Ces programmes l'ont été durant la présente année. Et il y a quelque chose, d'ailleurs, d'assez étonnant, à voir que la nouvelle société qui serait créée hériterait de réaménagements sur lesquels elle n'aurait même pas pu travailler, puisque le réaménagement a déjà eu lieu. Ça m'apparaît mettre la charrue devant les boeufs. C'est quand même étonnant que le ministre fasse l'éloge du partenariat, mais que, d'entrée de jeu, il nous indique que son ministère et ses fonctionnaires ont déjà procédé au réaménagement des programmes.

Je reviens rapidement pour vous indiquer que ce réaménagement ne nous convient absolument pas. J'ai eu l'occasion de le dire, alors je le répéterai rapidement, M. le Président: ça n'a pas de bon sens que, de ces quatre programmes, un seul s'adresse aux individus. C'est eux dont il s'agit quand on parle d'améliorer le sort des gens qui devront relever des défis de qualification extrêmement importants. C'est eux dont il s'agit, M. le Président. Avant de centrer ces programmes sur les entreprises, il faut d'abord penser aux individus qui auront, dans leur vie, à changer cinq fois d'entreprise, nous disent les études les plus sérieuses qu'on puisse consulter.

M. le Président, un seul de ces programmes s'adresse à ces personnes et, en plus, on ne nous a jamais rassurés sur l'inquiétude que nous avons pourtant manifestée à l'effet que, dans le projet gouvernemental, on indique que, prioritairement, même ce seul programme qui s'adresse aux personnes devra le faire en priorité pour celles d'entre elles qui sont admissibles à des prestations d'assurance-chômage. Alors, M. le Président, je l'indique encore une fois, il n'y a pas lieu de prétendre que le projet de loi 408 vient d'une quelconque façon interférer ou affecter, si vous voulez, cette question des programmes. C'est une question qui est controversée mais qui ne sera pas solutionnée parce que le projet de loi 408 sera adopté ou pas. (11 h 50)

D'autre part, M. le Président, le ministre nous a indiqué également que son gouvernement avait demandé «le rapatriement exclusif des pouvoirs en matière de main-d'oeuvre - je le cite - ainsi que la gestion de l'assurance-chômage». M. le Président, il va falloir, à un moment donné, que le ministre nous indique clairement ce que c'est, au juste, que son gouvernement a

demandé, et où en sont rendues les négociations. Et là je dois vous dire que le projet de loi 408, n'a rien à voir là-dedans non plus, rien à voir là-dedans! Ça, le ministre le sait, puis il opine du bonnet.

Donc, il nous parlait, au moment du débat en deuxième lecture, d'un rapatriement des budgets. C'est exactement l'expression qu'il a utilisée. Il nous parle aujourd'hui d'un rapatriement exclusif des pouvoirs. M. le Président, il va falloir qu'il élucide cette question-là. Est-ce que ce sont les pouvoirs dont il est question ou est-ce que ce sont les budgets? Est-ce qu'il faut se fier à ce qu'il nous a dit lorsqu'il a fait son discours en deuxième lecture ou à ce qu'il nous dit aujourd'hui? Parce que, les budgets, ça veut dire qu'on fait de la sous-traitance. Ça veut dire qu'on n'est pas le maître d'oeuvre. Maître d'oeuvre, ça veut dire qu'on veut avoir les pouvoirs.

M. le Président, encore là, on ne vit pas dans une tour d'ivoire. C'est une coquille législative vide, ce projet de loi, si le rapatriement n'aboutit pas. N'est-ce pas, M. le Président? On a les chiffres, les tableaux des budgets qui se retrouvaient dans le mémoire soumis par le ministre à ses collègues du Conseil des ministres, et on voit très bien que c'est une structure qui serait misé en place et qui, sans rapatriement, n'aurait, finalement, aucun effet. Alors, où en est rendu le rapatriement? Les informations que, nous, nous avons, M. le Président, sont à l'effet que le ministre s'est fait dire oui, mais oui en partie. Oui pour le transfert des budgets en matière de formation professionnelle, y compris, dit-on, en matière de mesures proactives à l'assurance-chômage, qui totaliseraient autour de 334 000 000 $. Mais le ministre s'est fait dire non: non à la gestion de l'assurance-chômage et non aux services d'emploi.

Ça veut dire quoi, M. le Président? Ça veut dire, justement, le placement, l'évaluation, ce qu'on appelle le «counseling» pour les sans-emploi. Vous savez ce que ça signifie, ça. Ça signifie que, bien loin d'avoir un guichet unique, c'est un troisième réseau que ça donnerait, ce rapatriement à la pièce. Comment ça, M. le Président? C'est que, d'abord, le ministre maintient son réseau des centres Travail-Québec. Il s'en est expliqué. Vous savez à quel point nous sommes en désaccord complet avec cette décision-là de son gouvernement, mais le ministre a décidé que les 225 000 sans-emploi aptes au travail qui sont à l'aide sociale allaient continuer de tourner en rond dans les mesures d'employa-bilité gérées par les centres Travail-Québec; qu'il allait y avoir deux filières, au Québec: la filière des sans-emploi qui ont droit à la formation professionnelle et la filière des sans-emploi qui n'y auront droit que si la Société contracte avec les centres Travail-Québec, dépendamment des budgets qui seront votés par le Conseil du trésor, un certain nombre de quotas.

On sait ce que ça donne maintenant, quand on pense que les mesures d'employabilité sont offertes à, au plus, 8 % des ménages à l'aide sociale. Alors, comment imaginer que les mesures de formation professionnelle qui, elles, coûtent encore plus cher, pourraient être offertes à plus de gens? Bon. Alors, il y a donc une filière, une sorte de corridor qui consacre un Québec cassé en deux: ceux qui sont déjà sans emploi et qu'on laisse tomber dans les mesures d'employabilité et les personnes, en emploi ou sans emploi, sur l'assurance-chômage, qui auront droit au programme de formation de la Société.

Mais, là, M. le Président, en admettant le scénario le plus plausible, qui est celui qui émane des officines fédérales, on se retrouve avec un dédoublement du réseau de la formation professionnelle ou, si vous voulez, du réseau de la main-d'oeuvre - appelons-le réseau de la main-d'oeuvre, ce serait plus approprié. On se retrouve avec un dédoublement de ce réseau de la main-d'oeuvre, d'une part parce que les centres d'Emploi et Immigration Canada vont rester sous juridction fédérale, gérés par les caisses d'assurance-chômage, avec des employés fédéraux, et vont, sur le territoire du Québec, maintenir un réseau parallèle. Et là le ministre va se faire transférer une partie seulement des employés fédéraux. Est-ce qu'il s'agit de 700 des 2000 employés fédéraux qui s'occupent de ce qu'on pourrait appeler la main-d'oeuvre? C'est-à-dire, est-ce qu'il s'agit seulement de ceux qui travaillent au niveau de la formation professionnelle? Qu'est-ce qui arrive du transfert de ce qu'on peut appeler les services d'emploi? N'oublions pas qu'au fédéral tout ça est intégré. Il n'y a pas des employés qui font uniquement de la formation professionnelle, puis d'autres qui font uniquement des services à l'emploi. Les employés que j'ai consultés, moi, qui sont sur le terrain, me disent que, finalement, ils font souvent un tiers de leur temps pour la formation professionnelle, deux tiers pour ce qu'on appelle les services à l'emploi, ou vice versa. Alors, comment ça va être tranché, ça, M. le Président? Avez-vous idée de l'imbroglio que ça va créer? Avez-vous idée des coûts que ça va engendrer? Où est-ce qu'ils vont être logés, tous ces gens-là?

Et, en plus, M. le Président, ça veut dire que rien n'est résolu quant à la catégorisation de l'admissibilité à la formation professionnelle, parce que c'est là où le bât blesse. Quand on rencontre des gens sur le terrain, ce qu'ils nous disent, autant pour ceux qui ont à dispenser des cours au cégep dans les régions que pour ceux qui ont à en dispenser dans les commissions scolaires, c'est à quel point ils s'arrachent les cheveux, incapables de former des groupes qui répondent aux critères de ceux qui financent. Si c'est les programmes de l'assurance-chômage, les critères sont à l'effet que ne peuvent être admissibles que des prestataires de l'assurance-

chômage. Alors, imaginez la difficulté de constituer des groupes qui répondent à des critères comme ceux-là! Il y a aussi les critères des programmes qui sont dévolus aux entreprises. Et là c'est une sorte de multiplication de critères qui font qu'au bout de la ligne les cégeps ou les commissions scolaires - en région en particulier, peut-être plus que dans les grands centres - ont toutes les misères du monde - et ils n'y arrivent souvent pas - à constituer un groupe suffisant des 15 étudiants requis pour donner le cours, non pas parce qu'il n'y a pas des gens qui aimeraient le suivre mais parce qu'ils n'ont pas la bonne couleur de chèque. Et, ça, ça ne vient en rien régler, ça ne solutionne pas du tout, parce que, même en obtenant la gestion des mesures proactives d'assurance-chômage, les cours vont devoir être dédiés à ceux pour qui l'assurance-chômage est versée, parce que la caisse d'assurance-chômage est actuellement financée uniquement par les employeurs et les employés. Et c'est le bon vouloir de la caisse d'assurance-chômage qui déterminera, possiblement, un certain nombre de quotas de personnes, mais des quotas qui tournent, imaginez-vous, autour de 1000, 1500, 1800 personnes par année au Québec, sur un total de centaines de milliers de sans-emploi qui ont fini leur chômage puis qui sont rendus à l'assistance-chômage qu'est devenue l'aide sociale.

Alors, M. le Président, il faut comprendre que le projet de loi 408 ne vient pas clarifier, élucider, solutionner tout ça, il vient peut-être même aggraver le problème. Il vient peut-être même l'aggraver, parce qu'il va venir consacrer un troisième réseau. Actuellement, on n'a absolument aucune indication que l'enchevêtrement puis le dédoublement vont se trouver à être solutionnés. Au contraire, ce qu'on craint le plus - pas juste nous, M. le Président, mais aussi les personnes qui connaissent ça, qui sont concernées, qui donnent des services - c'est, finalement, la multiplication des problèmes. (12 heures)

Et, M. le Président, ai-je besoin de vous dire à quel point le projet de loi ne vient en rien améliorer ce que le ministre appelle «un meilleur arrimage» entre les milieux de travail et les milieux de l'enseignement professionnel? La seule façon d'arriver à ce meilleur arrimage, ce serait par une vraie réconciliation des ministères de l'Éducation et de la Main-d'oeuvre. Comment imaginer l'arrimage, M. le Président, lorsqu'il n'y a même pas de réconciliation entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre? Et c'est ça, l'enjeu, le vrai enjeu! Si on était - je le répète - une société normale, c'est à ça qu'on s'attaquerait en priorité. Comment faire pour que l'entreprise et l'établissement scolaire, comment faire pour que l'éducation et les affaires, ça soit intimement associé dans un projet commun de formation?

M. le Président, nous avons reçu de très, très, très nombreuses représentations pour de- mander des changements importants au projet de loi. Je veux évidemment faire état immédiatement de ces modifications qui nous sont demandées par des organismes représentant les régions et qui exigent du gouvernement du Québec la reconnaissance, dans le cadre de la loi 408, du principe d'une participation effective des acteurs locaux et régionaux dans toutes les phases du développement des compétences de la main-d'oeuvre, en créant des corporations régionales autonomes investies des pouvoirs d'orientation, de décision et de gestion nécessaires, et ce, en synergie avec l'ensemble des partenaires régionaux.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la députée.

Mme Harel: En conclusion, M. le Président, nous avons l'intention de soumettre à l'attention de cette commission les amendements qui nous ont été soumis par des dizaines d'organismes qui réclament justement un véritable partenariat, non pas simplement pour les acteurs habituels mais pour ceux et celles qui doivent faire irruption dans les programmes de formation. Nous allons présenter des amendements, M. le Président, à l'attention de cette commission, pour obtenir une meilleure responsabilisation des acteurs régionaux à cette politique de formation professionnelle.

Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Bourbeau: II doit me rester deux ou trois minutes?

Le Président (M. Marcil): Oui, il vous reste du temps, parce que vous ne l'avez pas pris au complet.

Mme Harel: Non? Oui?

M. Bourbeau: Je ne l'ai pas pris au complet.

Le Président (M. Marcil): Non? Ah! Selon le règlement, vous avez droit à une seule intervention. Vous ne pouvez pas intervenir, à moins qu'il n'y ait consentement.

M. Bourbeau: C'est parce que la députée me posait des questions, puis elle est intéressée...

Mme Harel: ii aura l'occasion de le faire, m. le président. si je consens, moi, je vais demander le consentement aussi, pour avoir le même temps.

M. Bourbeau: Bien, c'est parce qu'on n'a pas parlé pendant la même longueur de temps, là. Vous avez parlé plus longtemps que moi.

Le Président (M. Marcil): Donc, il n'y a pas consentement.

M. Bourbeau: Mais, M. le Président, une question, là...

Mme Harel: Je suis prête à donner le consentement à la condition qu'il y ait le consentement pour un temps équivalent pour l'Opposition.

Le Président (M. Marcil): Ce n'est pas tellement sur le temps, Mme la députée, c'est sur le principe...

Mme Harel: C'est ça.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux dire un mot?

Le Président (M. Marcil): ...à savoir si les gens veulent intervenir. Si vous voulez faire des échanges...

Mme Harel: Je suis prête à donner le consentement sur le principe si le même consentement nous est donné pour l'Opposition.

M. Bourbeau: M. le Président, là, agissant comme un leader qui est sur une question de règlement, vous me permettez de dire un mot? C'est une question de règlement.

Le Président (M. Marcil): Oui, oui, certainement.

M. Bourbeau: Bon. Je ne suis pas un expert de la procédure. J'étais sous l'impression que chaque parti avait 20 minutes lors des interventions. Alors, on me dit qu'on n'a pas 20 minutes chacun. La députée a parlé 20 minutes; moi, je n'ai pas droit à 20 minutes. C'est ça, votre...

Le Président (M. Marcil): Le règlement dit, M. le ministre, que les remarques préliminaires, c'est 20 minutes, sauf que vous ne pouvez intervenir qu'une seule fois en remarques préliminaires. Si un député n'utilise que 10 minutes, donc, il a utilisé 10 minutes. À moins que les parties ne conviennent qu'on puisse intervenir, de part et d'autre, sur les choses, moi, je vais disposer de votre consentement.

M. Bourbeau: M. le Président, sur la...

Le Président (M. Marcil): Donc, il semble que Mme la députée soit consentante, à la condition qu'elle puisse intervenir par la suite.

M. Bourbeau: Toujours sur la question de règlement, M. le Président, là, pour qu'on s'entende sur la procédure, étant donné qu'on reconnaît, tout le monde, de part et d'autre, que le temps passe et qu'il faut agir rapidement. Je devrais consentir à ce que l'Opposition parie deux fois 20 minutes, alors que, 20 minutes, c'est déjà beaucoup. La seule raison pour laquelle je vous demandais de pouvoir utiliser les minutes que je n'ai pas utilisées, c'est que la députée de Hochelaga-Maisonneuve a posé certaines questions, et elle semblait intéressée à avoir les réponses. Alors, moi, je serais disposé à lui donner des réponses, mais, si elle ne veut pas les entendre, je vais renoncer à prendre la parole. C'est tout.

Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le ministre. Lorsqu'on parie des remarques préliminaires, tous les députés membres de la commission pourraient utiliser 20 minutes en remarques préliminaires. Donc, c'est dans ce sens-là.

Maintenant, je vais reconnaître le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président, je tiens à faire des remarques préliminaires parce que, comme le ministre responsable de la loi l'a mentionné tantôt - je l'ai écouté très attentivement, et ce n'est pas la première fois que je fais cette erreur-là, de l'écouter attentivement - il a indiqué qu'effectivement c'était un projet de loi important, majeur, majeur et important sûrement par la question qu'il touche; majeur et important par son contenu, ça, c'est une autre affaire. Et, effectivement, nous aurons plusieurs heures pour en débattre. Mais, en remarques préliminaires, je voudrais quand même m'appuyer sur le point de vue de plusieurs organismes qui pensent la même chose que nous, ce qui signifie qu'on ne doit pas être si dans l'erreur que ça, lorsque le nombre d'intervenants et de groupes se multiplient pour indiquer: M. le ministre, il va falloir que vous corrigiez votre tir à plusieurs égards. Et je reprends là où ma collègue a laissé, avant de faire une intervention plus liée aux questions éducatives complètement absentes de son projet de loi.

Il y a plusieurs intervenants qui nous ont indiqué une série d'amendements qu'ils voulaient voir apporter au projet de loi 408. Alors, quand le ministre dit: On va devoir travailler longuement, évaluer article par article, c'est évident, sauf que c'est un peu par dépit que des intervenants disent: Écoutez, il va falloir que vous corrigiez l'article 16, et les articles 19 et 22, et il va falloir que vous me donniez ma place; c'est un peu par dépit devant l'absence de réalisme de ce gouvernement-là sur le problème majeur.

Et là j'y vais tout de suite au niveau de mon intervention. Une des phrases importantes que le ministre a soulignée dans ses remarques préliminaires, il a indiqué, et je le cite: apporter «une meilleure coordination» - disait-il - entre les différents secteurs liés à la formation

professionnelle et à la main-d'oeuvre. Et il ajoutait: II y a trop de programmes actuellement, de toutes sortes, et il y a probablement trop d'intervenants. H n'avait pas tort. Il n'avait probablement pas tort en soi, mais quand l'exemple vient d'aussi haut que du gouvernement, où la première coordination qui serait requise dans un débat aussi important n'existe pas - et ça a été noté par combien d'intervenants - bien, là, il y a un problème majeur, et c'est de celui-là que je veux vous parler.

On a beau le regarder, on n'a même pas besoin de se forcer, toutes sortes d'instruments, d'éléments et de documents nous tombent naturellement sous la main. J'en cite un, à titre d'exemple. Hier, la chambre de commerce rencontrait l'Opposition officielle - est-ce qu'elle a rencontré le gouvernement? c'est possible - dans une rencontre annuelle, comme ils le font d'habitude, mais une rencontre quand même assez courte où, règle générale, ils essaient de sérier les sujets sur lesquels on va avoir des échanges, compte tenu du peu de temps que nous avons. Donc, ils y vont avec des sujets majeurs et importants. Pensez-vous qu'ils n'ont pas parlé du projet de loi 408 du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu? Je comprends qu'ils en ont parlé! Est-ce qu'ils en ont parlé en termes très élogieux, en termes très positifs? Non, je suis obligé de vous dire qu'ils ont dit ceci: Le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a initié l'an dernier une intéressante démarche de consultation. - Je n'en disconviens pas. Bon démarrage, excellent! - Enfin, le gouvernement décide de faire semblant qu'il s'occupe d'une question majeure, importante, qui est d'avoir une formation professionnelle plus signifiante, qui réponde plus aux besoins de l'industrie, qui soit plus en relation avec les formateurs, les milieux de l'éducation - on pensait que ce serait ça, mais on tourne la page - heureux de participer à ça. Et ainsi de suite, bon. En rendant public son énoncé de politique, d'ailleurs très incomplet, le jour même où il déposait un projet de loi instituant une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, le ministre a démontré où était sa préférence et ce qu'il privilégiait - et non seulement il l'a démontré... Moi, je l'ai entendu de mes oreilles; j'y reviendrai tantôt, mais je finis leur phrase - a démontré ce qu'il privilégiait, c'est-à-dire de grands moyens pour atteindre des objectifs que, nous, nous jugeons très partiels, très limités et énormément douteux quant à la finalité, dans le sens de les atteindre. - Ce n'est pas moi qui parle, c'est leurs amis de la chambre de commerce. - De grands moyens, parce que le gouvernement, plutôt que d'améliorer et de consolider les structures et les institutions existantes - là, ils font la liste; je vous en fais grâce - a décidé de créer une nouvelle structure, une nouvelle patente admi- nistrative où, effectivement, ça peut être pas mal plus gros qu'on ne le souhaite, de mettre pas mal plus d'énergie dans des conflits, dans des tensions et dans de la structurite, mais pas de mettre beaucoup de temps ni d'argent. Ça, ce n'est pas nouveau. On va revenir tantôt sur l'argent, parce que, quand c'est rendu que tous les jeunes... (12 h 10)

Le Conseil permanent de la jeunesse vous dit, ces temps-ci, et avec raison: Arrêtez donc d'avoir deux discours! Même si un des collègues est capable de faire des «jokes» là-dessus, ceux qui parlent le plus des deux côtés de la bouche, le Conseil permanent de la jeunesse, il vous l'a dit qui parlait des deux côtés de la bouche: c'est ce gouvernement-là. Il y a autant de discours qu'il y a de monde, puis ils sont aussi contradictoires les uns que les autres. Ça ne fait pas des enfants forts, comme politique, ça. Et le Conseil permanent de la jeunesse a été très clair. Il a dit: Écoutez - tu liras les journaux, mon cher collègue - on ne peut pas constamment avoir le discours que le moment est venu de faire un virage important en éducation au Québec, puis constamment couper les programmes et ne pas donner les ressources requises.

Alors, moi, je continue à donner l'exemple que je disais, de la chambre de commerce: Mais, chose beaucoup plus grave, de notre point de vue - notre point de vue étant celui de la chambre et non pas de celui qui vous parle - l'initiative ne paraît répondre qu'à une seule dimension du problème actuel de la formation professionnelle, soit le volet social. Nous partageons cet objectif. C'est important, dans une politique de la main-d'oeuvre, d'être conscient qu'on est rendu à 200 000, 250 000, 300 000 travailleurs et travailleuses qui sont exclus des programmes de main-d'oeuvre. Je veux dire que ça n'a pas de bon sens. Est-ce que c'est le projet de loi 408 qui va régler le problème? Bien, non, ma collègue l'a illustré: il y en a encore 250 000 qui sont sur le carreau.

Mais, fondamentalement, ce que la chambre de commerce voulait illustrer, et ce que je veux illustrer, encore une fois, ce matin, c'est que votre beau principe d'une meilleure coordination, il devrait commencer dans votre cour, au gouvernement du Québec, et faire sentir que, dans ce gouvernement-là, il y a un peu plus de coordination, il y a un peu plus d'harmonisation entre les gens les plus touchés par la question majeure dont on discute ce matin: une véritable politique de la main-d'oeuvre, très articulée et très axée sur les véritables besoins, mais en y associant les gens les plus concernés.

Selon les porte-parole des milieux d'affaires, l'absence totale de concertation entre ministères a, jusqu'à maintenant, largement contribué à paralyser la formation professionnelle au Québec. C'est ça, le drame. Moi, quand je suis porte-parole de l'Opposition officielle et que,

jour après jour, je sais qu'il n'y a que 15 000 jeunes au Québec en formation professionnelle, j'en perds mon latin. C'est un drame de société. Ça n'a pas de bon sens! C'est ça, la réalité. Il n'y a que 15 000 jeunes sur 500 000 jeunes au Québec - je ne parle pas des adultes; ce n'est pas parce que le gouvernement a trouvé une combine pour intégrer jeunes et adultes, puis dit qu'on est passé à 70 000 que je vais tomber dans le panneau - des jeunes du secondaire, il n'y en a que 15 000. On était, dans les pires années, dans notre temps, aux alentours de 70 000. Ah! On se faisait dire: Oui, mais, écoutez, vous autres, votre formation professionnelle n'était pas qualifiante, elle ne répondait pas aux besoins de l'industrie. Mais il y avait 26 % de décrochage, il n'y en avait pas 40 %. Et j'aime mieux une formation peut-être moins huppée, moins du niveau de la bureautique, de l'aréonautique puis de l'informatique pour tout le monde, sous prétexte que tout le monde peut passer par des écoles spécialisées, puis j'aime mieux que nos jeunes en aient un petit peu, de formation professionnelle, parce que le lot du Québec des régions, ce n'est quand même pas toujours l'aéronautique sur la Rive-Sud puis à Longueuil. Bravo! Bravo pour la performance du Québec dans le domaine de l'aéronautique! Bravo! sincèrement, mais les jeunes de Dupuy, de La Reine puis de 50 municipalités au Québec, même si je voulais, demain matin, qu'ils soient tous sur la Rive-Sud pour travailler pour des grandes firmes dans le développement de l'aéronautique, je ne peux pas rêver, moi. Je ne peux pas rêver à tous les jours, surtout pas de ce temps-ci. Alors, parce qu'on n'a pas le droit de rêver à tous les jours, bien, il faut être conscient de ces réalités-là.

Est-ce que je sens, M. le Président, que, dans le projet de loi 408, ces réalités-là sont prises en compte? Pas une minute! Pourquoi n'ont-elles pas été prises en compte? Le ministre le dit haut et fort: Moi, je ne veux rien savoir de la formation professionnelle. Ça ne me regarde pas. Moi, je suis ministre de la Main-d'oeuvre. Il l'a dit haut et fort. J'étais là, il l'a répété trois fois...

M. Bourbeau: Ce n'est pas vrai, M. le Président.

M. Gendron: C'est complètement exact. Je pourrais citer le texte des galées, mais je ne peux pas traîner les galées.

M. Bourbeau: Ce n'est pas exact. M. Gendron: Si ce n'est pas exact, là... Le Président (M. Marcil): M. le ministre...

M. Gendron: ...il y en a d'autres qui pensent la même chose que moi, M. le Président:

Formation, Bourbeau n'a rien compris. Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Bourbeau: L'enseignement professionnel...

M. Gendron: Les commissions scolaires exigent...

M. Bourbeau: ...j'ai dit; pas la formation.

M. Gendron: ...d'être associées à la réforme. Oui...

M. Bourbeau: L'enseignement, ce n'est pas la même chose.

M. Gendron: Oui, mais une formation professionnelle, je le sais, j'ai enseigné pendant 10ans, m. le président...

M. Bourbeau: Ça ne paraît pas.

M. Gendron: Une formation professionnelle adéquate et significative passe, dans 95 % des cas, par de l'enseignement professionnel de qualité. Le ministre n'a pas eu l'air de comprendre ça. Lui, il dit: Je ne m'occupe pas d'enseignement professionnel. Ça, c'est le ministre de l'Éducation. Allez voir comment ils vivent ensemble, le ministre de la Main-d'oeuvre puis le ministère de l'Éducation. C'est des tiraillements perpétuels, c'est des chicanes à n'en plus finir qui, comme par hasard...

M. Bourbeau: Tu exagères!

M. Gendron: ...se traduisent toujours à la même place. C'est les concernés qui paient pour. C'est les concernés qui sont pénalisés. J'exagère? Je pourrais, encore là, déposer des lettres de batailles épistolaires avec l'ex-titulaire, parce que, lui, il en envoyait, des épîtres de l'Évangile; 11 en avait, des lettres. 17 pages, 18 pages, ça, c'était une lettre moyenne où, essentiellement, pendant 17 pages, il disait: ça n'a pas de bon sens, puis je n'endurerai pas ça, puis je vais garder une structure forte à l'education, qui va s'occuper de formation professionnelle. et il parlait de formation professionnelle parce que, lui, il avait compris que l'enseignement professionnel, c'est lié à la formation professionnelle.

Le ministre actuel de la Main-d'oeuvre, lui, il a dit: Non, non. Moi, je ne m'occupe pas de ça. Je m'occupe de main-d'oeuvre puis de formation professionnelle. L'enseignement professionnel, c'est mes deux collègues; c'est la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science - science et techno - puis c'est le ministre de l'Éducation. Je veux bien, mais avec quels outBs et quels moyens? Vous faites quoi, comme gouvernement? Vous êtes membre du même gouvernement, vous assistez à certaines réunions du Conseil des ministres - j'espère - et, à un

moment donné, on a parlé de couper dans la formation professionnelle; si vous avez parlé, vous n'avez pas parlé fort, ou vous n'avez pas grande influence, ça n'a pas changé. Les coupures ont eu lieu puis, actuellement, pour la première fois au Québec, en 1992, on va voir un certain nombre d'adultes qui vont se présenter au niveau des commissions scolaires pour recevoir une meilleure formation professionnelle. Ils vont se faire dire, à partir de septembre: Nous ne pouvons pas vous prendre, madame, nous ne pouvons pas vous prendre, monsieur, l'enveloppe de l'éducation des adultes en formation professionnelle est fermée.

C'est ça, la réalité. C'est ça que le Conseil permanent de la jeunesse vous a dit, les beaux «faiseux» de discours. Ils vous ont dit: Écoutez, vous ne pouvez pas, toute votre vie, parler des deux côtés de la bouche, avoir deux discours: couper graduellement 1 000 000 000 $ en éducation dans les dix dernières années, puis «nous allons refaire de l'éducation une priorité au Québec». Voyons donc! Ce n'est qu'un discours. Et, aujourd'hui, le ministre nous dit: Moi, j'ai trouvé la solution pour régler les problèmes du développement de la main-d'oeuvre. Le mot «développement» veut dire: avoir un maximum d'énergie et d'argent pour s'assurer que les formateurs donnent la meilleure des formations possible et sont dans le portrait.

Pourtant, la même chambre de commerce vous disait ce que je vous ai dit tantôt. Lisons un autre paragraphe: De plus, il faut intégrer les éducateurs à la démarche de la formation professionnelle si on veut parler d'une véritable formation globale et non d'un recyclage mitigé, étroit, qui laisse inévitablement notre main-d'oeuvre à la merci des changements technologiques dont le rythme s'accroît sans cesse ont déclaré les représentants des organismes d'affaires. Question, dans mon commentaire, mais je ne veux pas nécessairement de réponse. On l'a eue, la réponse. Je l'ai eue trois, quatre fois. La question, c'est: À quel endroit, précisément, du projet de loi le ministre pourrait me renvoyer, puis dire: Bien, M. le député d'Abitibi-Ouest, vous errez, parce qu'aux articles 17, 22, 47 - c'est des exemples que je donne - vous trouvez là des mécanismes qui vont favoriser et, concrètement, vont impliquer les formateurs, tous ceux qui oeuvrent en formation professionnelle pour faire une meilleure main-d'oeuvre, plus qualifiée? Je regrette, je m'excuse, mais, d'aucune façon, lecture après lecture, je n'ai pu trouver une ligne, dans le projet de loi 408, où nous aurions la garantie de cette nécessaire intégration, cette garantie que les formateurs sont associés. Je ne peux pas, moi.

Et, encore là, on pourra faire les gorges chaudes qu'on voudra, mais les meilleurs «identificateurs» des vrais besoins de formation pour l'industrie, je regrette, mais c'est les professeurs de formation professionnelle qui, constamment, sont dans les milieux. La semaine passée, je jasais avec trois profs qui enseignent au niveau de la formation professionnelle. Ils ont passé leurs deux dernières semaines, justement, dans la région de Saint-Jérôme puis dans la région de la Rive-Sud pour prendre contact avec des entrepreneurs, des firmes qualifiées qui, effectivement, se spécialisent dans des créneaux sur lesquels le Québec doit continuer à performer. Ils venaient faire quoi? Ils venaient se sensibiliser correctement aux besoins précis de l'industrie pour offrir éventuellement de meilleurs débouchés aux jeunes, qui devraient davantage choisir la formation technique au collégial et choisir la formation professionnelle au secondaire. (12 h 20)

Pensez-vous qu'il y ait des dispositions précises, dans la loi 408, qui vont avoir cet objectif de relance, de motivation au trop petit nombre de jeunes qui ne font pas le bon choix, actuellement? Bien non! C'est une patente bureaucratique, technocratique, qui va coûter une fortune, où les tiraillements vont être terribles. Puis tout le monde l'a avisé. Ma collègue l'a signalé tantôt. Écoutez, je pense qu'on est rendu à 50 organismes qui réclament des amendements, une cinquantaine d'organismes qui disent: M. le ministre, vous n'avez pas compris bien des affaires, est-ce qu'il y a moyen de vous ajuster? Y a-t-il moyen de vous faire comprendre que votre future société de la main-d'oeuvre, Untel n'accepte pas d'en être écarté, un autre n'accepte pas de ne pas être compris dans l'enjeu principal qu'une meilleure formation de la main-d'oeuvre doit passer par une meilleure formation professionnelle?

Autrement dit, les alertes, les cris au secours, ils viennent de toutes parts. Puis, le ministre de la Main-d'oeuvre dit: Écoutez, on a de l'ouvrage à faire, on a assez perdu de temps, j'ai trouvé la solution, c'est une nouvelle structure. Si on regarde l'UMRCQ, qu'est-ce qu'elle vous a dit de votre nouvelle structure? Que c'est peut-être la structure la plus centralisatrice qui existe. L'UMRCQ, depuis un an et demi, sur toutes les tribunes, parle de décentralisation et d'impliquer les communautés locales et régionales. Est-ce que les communautés locales vont être bien impliquées dans la nouvelle Société québécoise nationale, avec des répondants régionaux, bureaucratisés, spécialisés, conflictuels avant même de commencer? Bien, ils doivent voir ça différemment du ministre, puisque leur cri d'alarme, ils l'ont lancé dernièrement. En fin de semaine dernière, ils avaient un colloque là-dessus, puis ils ont dit que ça ne répondait pas à nos objectifs.

Non, essentiellement - parce que je ne veux pas être plus long là-dessus dans mes remarques préliminaires, M. le Président - ce que je voulais signifier, c'est que nous ne sentons pas ce qui devait être une ligne de force continue, majeure, fondamentale, c'est-à-dire une harmonisation

visible, observable dans le projet de loi, qui nous permettrait d'arriver et de dire à des gens intéressés par ces questions-là: Oui, on l'a vu qu'il y avait des problèmes de non-harmonisation et, dans le projet de loi, le ministre y a vu. Il a mis ses culottes, et il a essayé de régler un certain nombre de disparités, de conflits... qui vont faire qu'on va parler beaucoup plus de structures, puis sans avoir les moyens de sa politique. Moi, j'ai appris, M. le Président, que, de temps en temps, il faut, dans une politique, avoir ce qu'on appelle les moyens de sa politique. Et, si nous ne les avons pas, il faut les prendre. Il faut prendre les moyens requis pour s'assurer que les objectifs qu'il définissait au tout début, d'entrée de jeu - puis, ça, c'était correct - il faut avoir la garantie d'en atteindre un certain nombre.

Or, l'objectif visé est d'avoir une meilleure harmonisation et une coordination plus grande entre tous les intervenants qui oeuvrent dans le milieu de la formation professionnelle, dans le but d'avoir une main-d'oeuvre plus qualifiée. On ne sent pas que ces gens-là ont été mis dans le coup. On ne sent pas que ces intervenants-là sont partie prenante de la réforme, et on sent au contraire beaucoup d'écueils, beaucoup de questions qui, immanquablement, auront comme conséquence de créer des difficultés majeures par rapport aux nobles objectifs qu'on se doit d'avoir quand on parie d'une meilleure formation professionnelle.

En conclusion, M. le Président, je ne dis pas que d'avoir levé le lapin de la question n'est pas pertinent, au contraire. Pertinent! Ça fait sept ans que tous les intervenants disent à ce gouvernement-là: Quand est-ce que vous allez vous occuper du drame numéro un? Le drame numéro un, c'est que l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise n'est pas assez qualifiée...

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le député.

M. Gendron: ...oui - pour occuper les créneaux d'emplois qu'on voit percevoir à l'horizon, dans le tunnel. En conséquence, il faut prendre les moyens pour y arriver, puis, dans 408, je ne vois pas les moyens pour arriver à une meilleure harmonisation entre les différents intervenants liés aux questions de la formation professionnelle.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui ont des remarques préliminaires? Non.

Une voix: Qu'on appelle l'article 1.

Étude détaillée Le Président (M. Marcil): Donc, à ce moment-là, je vais appeler l'article 1. M. le ministre.

Institution et organisation

M. Bourbeau: M. le Président, cet article prévoit l'institution d'un nouvel organisme, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Relativement à la dénomination de ce nouvel organisme, les partenaires que nous avons consultés à la conférence permanente sur le développement de la main-d'oeuvre ont signifié une nette préférence pour le terme «développement» de la main-d'oeuvre plutôt que pour le terme «adaptation» de la main-d'oeuvre qu'on aurait pu aussi suggérer comme nom pour nommer la société québécoise qui s'occupera de la main-d'oeuvre. Le mot «adaptation» a une consonnance péjorative du fait que l'adaptation est associée aux mesures d'adaptation conçues dans des situations de crise ou de fermeture d'entreprises, alors que le mot «développement» est un mot qui est plus dynamique.

M. le Président, nous voulons instaurer cette Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. J'ai dit tout à l'heure, dans mes remarques d'ouverture, pourquoi nous voulions le faire. J'ai fait, dans mes remarques d'ouverture, tout à l'heure, une rétrospective des objectifs que nous recherchions lorsque nous avons présenté la politique de la main-d'oeuvre. Et j'ai, bien sûr, parlé des trois premiers objectifs, ou de trois objectifs pour, finalement, en arriver au dernier objectif - pas le dernier dans les priorités, mais dans mes commentaires - qui est l'instauration d'un véritable partenariat. Ça a donné lieu, M. le Président, à des remarques de l'Opposition officielle, y compris celles qu'on vient d'entendre de la part du député d'Abitibi-Ouest qui s'est permis, M. le Président, dans son allocution de tout à l'heure, des allusions à mon endroit qui ne sont absolument pas conformes à la réalité.

C'est facile, M. le Président, pendant 20 minutes, de faire le beau parleur, de faire le moralisateur, de dire ce que le gouvernement devrait faire. Il y a eu des constats qui ont été faits, mais qui ont été faits par le député, comme par la députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui ne sont pas nécessairement irréalistes. C'est vrai qu'il y a des problèmes dans l'éducation au Québec. Nous le reconnaissons également. Ma collègue, la ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la Science, a convoqué une commission parlementaire pour le mois de novembre prochain pour discuter, justement, de l'avenir des cégeps, des problèmes auxquels est confronté ce niveau de l'enseignement professionnel. C'est vrai qu'au Québec il y a un nombre insuffisant d'étudiants enregistrés dans le système d'enseignement professionnel au secondaire.

M. le Président, c'est un peu paradoxal

d'entendre le député d'Abitibi-Ouest venir nous faire la morale, ici, alors que nous sommes justement en train de poser des gestes, qui ne sont pas complets, bien sûr, mais qui vont dans la direction de tenter de régler des problèmes, qui vont permettre de régler une partie des problèmes. Le député aurait voulu - et c'est facile de le dire, M. le Président - que nous tentions dans un seul coup de régler tous les problèmes, de l'enseignement professionnel, de la main-d'oeuvre, probablement aussi du marché du travail et des relations de travail, puisque c'est ce que réclamaient plusieurs des intervenants.

M. le Président, ça aurait été tomber dans le panneau que d'accepter les demandes du député d'Abitibi-Ouest, parce que le député sait fort bien que c'est une tâche tellement large et tellement importante que nous n'aurions pas pu y arriver, même si nous avions tenté de le faire pendant un grand nombre d'années. D'ailleurs, le gouvernement qui nous a précédés n'y est pas arrivé. On a tenté pendant plusieurs années d'accoucher d'une large politique englobant tout le secteur de l'éducation, de la main-d'oeuvre et des relations de travail, et on est arrivé à zéro, M. le Président. Alors, nous, nous sommes d'avis qu'on est mieux de procéder par étapes. Qui trop embrasse mal étreint, dit-on.

Le député d'Abitibi-Ouest s'est permis tantôt de dire à mon sujet, par exemple, M. le Président, que j'aurais dit que je n'étais pas intéressé par la formation professionnelle, que ça ne me concernait pas, la formation professionnelle, a-t-il dit. Le député sait fort bien que c'est faux, M. le Président. Je suis le ministre responsable de la formation professionnelle, et j'ai dit à plusieurs reprises, en commission parlementaire, que mes responsabilités ministérielles n'englobaient pas l'enseignement professionnel, ce qui est totalement différent. Ah! C'est facile de prendre les paroles d'un ministre, de les déformer, et de dire: Le ministre n'est pas intéressé par la formation professionnelle. Ça ne le concerne pas. Quand j'entends le député d'Abitibi-Ouest venir répéter comme ça, M. le Président, à mon endroit, que je ne m'intéresse pas à la formation professionnelle, et quand je vois la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui se bidonne sur son siège quand le député me prête des paroles semblables, ça me fait penser à cette phrase de Rudyard Kipling, qui disait: Si tu peux supporter d'entendre tes paroles travesties par des gueux pour exciter des sots... Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est Kipling, mais c'est la réalité, M. le Président. On travestit mes paroles et, après ça, on tente de faire croire aux gens que le ministre responsable de la formation professionnelle n'est pas intéressé par la formation professionnelle, ce qui est parfaitement ridicule. Il n'y a personne qui va croire ça.

Alors, M. le Président, je vous réfère aux galées de la commission parlementaire. Vous verrez que j'ai fait continuellement la distinction avec la responsabilité de l'enseignement professionnel, qui n'est pas la mienne. Ça ne veut pas dire que ça ne m'intéresse pas, mais ce n'est pas ma responsabilité ministérielle. Et j'ai dit que, dans la politique de main-d'oeuvre, on s'attaquait à une partie du problème. J'ai toujours dit, et je répète, qu'il y a un problème dans l'éducation, il y a un problème dans l'enseignement professionnel. Il va falloir qu'on s'y attaque rapidement, mais, M. le Président, j'aime autant procéder par étapes et régler les problèmes un par un que d'ergoter pendant des semaines et des semaines et ne rien faire du tout. M. le Président, c'est l'article 1.

M. Houde: Je voudrais confirmer ce que le ministre vient de dire. J'étais présent lorsqu'il a dit qu'il faisait une distinction entre les deux.

M. Gendron: Ah! L'immortel...

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, là...

M. Gendron: Je vais aller chercher le document.

M. Houde: Ah! J'y étais, je l'ai écouté. Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!

M. Gendron: Je peux confirmer que je l'ai entendu de mes oreilles.

M. Houde: J'étais, ici, à côté de lui.

Le Président (M. Marcil): II faut toujours prendre-Une voix:...

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le député de... (12 h 30)

M. Gendron: II l'a répété, ça ne me dérange pas. Moi, je l'ai entendu, alors.

Le Président (M. Marcil): MM. les députés. Bon. O.K. Il faut prendre la parole d'un député, ici, s'il vous plaît. Moi, je tiens à présider cette commission dans l'ordre et je n'accepterai pas que n'importe qui puisse intervenir sans qu'il ait eu la permission d'intervenir par le président. J'espère que c'est assez clair. Merci.

Toujours sur l'article 1, Mme la députée.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes ici devant un beau cas d'évolution de la pensée ou, peut-être, de l'expression de la pensée d'un ministre. La lecture du compte rendu de notre commission parlementaire nous permettrait, je pense, de constater que, effectivement, le ministre avait

déclaré que la formation professionnelle ne le concernait pas, mais en confondant avec l'enseignement professionnel. Il est vrai également que, le jour suivant, après avoir été interpellé par l'Opposition sur cette question, il avait, finalement, fait amende honorable en établissant la distinction que le député de Berthier vient de nous rappeler.

Ceci dit, le problème reste entier. Le problème reste entier. Que ce soit l'enseignement professionnel qui ne le concerne pas plutôt que la formation de la main-d'oeuvre, il y a un problème, quand on parle de formation professionnelle, de se faire dire que c'est complètement distinct, étranger à l'enseignement professionnel, quand on pense qu'il y a 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre québécoise qui connaissent des problèmes d'analphabétisme fonctionnel. Ça relève de qui, ça? Ce sont pourtant des employés dans les usines, les ateliers, les entreprises, et il s'agit d'analphabétisme. Donc, on pourrait penser qu'il s'agit d'abord d'enseignement de base, justement, de ces matières, comme le français ou le calcul, qui peuvent permettre, à un moment donné, à un employé de s'ajuster à des changements technologiques qui surviennent dans l'entreprise, de lire les directives qui lui sont transmises, de faire, éventuellement, même les calculs qui lui sont exigés. Alors, ça concerne qui?

On va le reprendre, l'exemple, M. le Président, pour se demander si on est allé au coeur des problèmes de notre société. J'ai rencontré, il y a peut-être deux ou trois semaines, juste avant qu'on débute la session intensive, les représentants de Shell dans l'est de Montréal. Ils me faisaient valoir qu'après avoir offert à certains de leurs employés - en fait, il s'agit d'une filiale qui est située sur la rue Notre-Dame, dans l'est - de suivre des cours de formation professionnelle et devant la réticence de certains d'entre eux, ils étaient allés un peu plus loin et s'étaient rendu compte que cette résistance-là venait du fait que ces employés, qui étaient à l'emploi depuis des années, étaient, finalement, des personnes analphabètes. Elles avaient réussi à faire en sorte que ça ne se sache jamais dans leur entourage. Vous comprenez qu'à l'aube du XXIe siècle il arrive un moment donné où l'employé est pris en souricière.

Dans le fond, M. le Président, la vraie question, c'est plus de savoir, justement, comment on va faire en sorte, pour que soit réconciliée ce qu'on appelle la formation initiale - ce que d'autres appellent la formation régulière, ce que le Conseil supérieur de l'éducation... Chacun a son jargon, mais le Conseil supérieur de l'éducation a même fait un avis intéressant, un avis assez savant sur cette question-là et il appelle ça la formation standardisée, différente de la formation sur mesure. La formation sur mesure, c'est celle, finalement, qui est donnée souvent par l'entreprise, en regard d'une nouvelle machine ou d'une nouvelle technologie - on l'appelle la formation sur mesure - tandis que la formation standardisée, c'est, finalement, ces programmes de formation qui pourraient être disponibles pour l'ensemble des citoyens, pour l'ensemble des individus, pour l'ensemble des gens adultes dans notre société et qui, malgré tout, ont besoin de la formation initiale ou de la formation régulière. On peut leur faire des procès d'intention, peut-être fondés, peut-être pas.

Quoi qu'il en soit, ce que les patrons sont venus dire en commission parlementaire, c'est que ce qu'ils voulaient d'abord obtenir, c'était des travailleurs et des travailleuses qui savent lire et écrire, que, si au moins cela leur était fourni, ça serait déjà un grand pas de fait. En fait, c'est ça qu'ils sont venus dire. Ça, ils n'en sont pas certains du tout parce qu'ils sont venus dire aussi que tout le monde voulait être partenaire dans la Société, n'est-ce pas? Là, c'est l'éloge du partenariat, et avec raison. C'est vraiment l'ère de la concertation. Mais tout le monde l'est sauf les ministères qui ont pourtant les décisions à prendre, finalement: le ministère de l'Éducation, en particulier, puis le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. le Président, il n'y a pas plus éloigné, il n'y a pas plus distant. C'est comme une guerre fratricide. Il y a une rivalité fratricide, là, entre ces ministères-là comme je n'aurais même pas pu imaginer, moi, avant d'avoir la responsabilité du dossier.

Là, le ministre nous propose, à l'article 1, d'instituer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Développement de la main-d'oeuvre, ça ne veut donc pas dire seulement la formation sur mesure. Développement de la main-d'oeuvre - et c'est, évidemment, la question que j'aimerais poser au ministre - faut-il comprendre que ça signifie tout autant la formation professionnelle que l'enseignement professionnel? En ayant choisi d'écarter le mot «adaptation»... On se comprend, si le ministre avait retenu le mot «adaptation», ça aurait été essentiellement, justement, pour adapter au fur et à mesure la main-d'oeuvre aux changements technologiques. Tandis que là, en préférant le terme «développement de la main-d'oeuvre» - d'ailleurs, comme on le retrouve dans l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, M. le Président - c'est donc que le ministre aurait choisi d'avoir une vision plus intégrée.

Là, je voudrais lui rappeler ce que le Conseil supérieur de l'éducation, qui a pris connaissance de son énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre - donc qui était énoncé «développement de la main-d'oeuvre» - déplorait, dans une lettre qu'il lui faisait parvenir et dont j'ai pu obtenir copie ainsi que

la réponse que le ministre transmettait au Conseil supérieur de l'éducation sur les représentations qui lui étaient faites. Ce que le Conseil déplorait, et je cite, M. le Président, c'est la vision partielle du développement de la main-d'oeuvre que véhicule l'énoncé de politique. Les activités de planification de la formation - écrit le Conseil supérieur de l'éducation - doivent s'inscrire dans une vision intégrée de la formation professionnelle et dans une réflexion plus globale sur le développement de l'emploi.

Alors, M. le Président, on comprend que le ministre, dans son énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, a, dès le départ, établi les limites d'une telle politique. Je ne sais plus, de mémoire, là, où c'est cité, à quelle page exactement, mais le ministre y a fait référence très souvent. M. le Président, ce que le Conseil supérieur questionne, c'est ceci, et je cite le Conseil: Le Conseil questionne la maîtrise d'oeuvre exercée par le ministère en soutenant qu'il écarte de plus en plus le perfectionnement standardisé de ses pratiques de financement.

Ce que ça veut dire concrètement? Ça veut dire que le Conseil supérieur de l'éducation déplore que le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu centre de plus en plus ses programmes exclusivement sur la formation sur mesure et se retire de la formation initiale, de la formation dite standardisée, c'est-à-dire de celle qui est disponible pour l'ensemble de la clientèle, ce qu'on pourrait appeler de la «formation continue». Pour bien se comprendre, dans le fond, M. le Président, c'est peut-être juste ce terme-là qu'on pourrait utiliser, la formation continue, celle qui est offerte à des travailleurs et des travailleuses qui auront, pour toute leur vie, à se préparer à des changements brusques d'emploi, puis à des changements brusques de technologie et qui doivent avoir une formation de base, une formation initiale qui leur permet, justement, non pas simplement de s'adapter à la machine, mais qui permet de s'adapter aux changements. (12 h 40)

Ce que le Conseil supérieur de l'éducation déplore, c'est la distinction entre les besoins de formation initiale exprimés par les individus qui, eux, seraient comblés au ministère de l'Éducation et la distinction entre les besoins exprimés par la main-d'oeuvre, comme si c'était des choses diamétralement étrangères l'une à l'autre. Le Conseil supérieur de l'éducation note qu'il y a une tendance très lourde à diminuer la formation initiale pour la main-d'oeuvre, une tendance très lourde dans les budgets du ministère de l'Éducation du Québec, tant au niveau secondaire que collégial. Ça nous a été confirmé lors de l'examen, en commission parlementaire, de l'énoncé de politique par, d'abord, les représentants de la fédération des collèges, qui sont venus nous expliquer que l'offre de formation initiale, qui est d'abord une offre à temps partiel... Si ça devient une offre à temps plein, M. le Président, il faut comprendre que dans le fond le message qu'on lance, c'est: Perdez votre emploi, puis vous y aurez droit. Mais si vous restez à l'emploi que vous occupez, puis qu'en plus vous voulez améliorer votre niveau de qualification en suivant des cours à temps partiel, alors ça, c'est de moins en moins offert au Québec. Le ministère de l'Éducation du Québec a une enveloppe fermée pour les étudiants à temps partiel et qui diminue d'année en année.

Au niveau collégial, c'est encore plus grave. Je me suis rendue, il y a deux semaines, à la commission des adultes de la Fédération des cégeps, qui se réunissait à Trois-Rrvières. M. le Président, j'ai pu être informée qu'au niveau des cégeps, à toutes fins utiles, l'offre de formation à temps partiel est quasi tarie étant donné que les budgets sont quasi inexistants. Les seuls budgets que les cégeps ont à leur disposition sont ceux qui permettent de la formation sur mesure. Mais, là, il faut bien se comprendre. C'est qu'à ce moment-là la formation sur mesure, ou bien elle est financée par le fédéral dans des programmes pour les prestataires d'assurance-chômage, ou elle est financée par le fédéral ou par le gouvernement du Québec, mais pour les entreprises. Cette formation sur mesure, ça suppose que l'entreprise décide de se donner un plan de développement de ressources humaines et ensuite désigne au sein de l'entreprise les personnes qui vont avoir le droit de suivre la formation sur mesure.

Ça, ça veut dire concrètement que ce sont les entreprises les plus performantes, celles qui, finalement, sont soumises, si vous voulez, à la compétitivité internationale et qui ont à soutenir un niveau de concurrence étrangère très élevé qui, pour la plupart, se donnent un plan de développement des ressources humaines. Encore là, M. le Président, ce qui est le plus inquiétant, c'est que ces entreprises - on ne peut pas le leur reprocher - investissent évidemment en vue d'en faire un profit, et ce sont les gens les plus instruits, dans l'entreprise, qui ont très majoritairement droit à cette formation.

Alors, on élargit les fossés, tout simplement, entre les millions de travailleurs qui se retrouvent dans des entreprises de moins de 100 employés. Au Québec, j'ai vérifié la taille des établissements. Sur 11 000 établissements que le Québec compte, il y en a 10 000 qui comptent moins de 100 employés, puis il y en a seulement 1000 qui comptent 100 employés et plus. Pourtant, M. le Président, ce sont dans les entreprises de plus de 200 employés que l'on retrouve les programmes de développement des ressources humaines et qu'on retrouve l'utilisation de la formation sur mesure. C'est tellement vrai que dans le programme de crédit d'impôt qui a été rendu public il y a trois ans et pour lequel on a maintenant des chiffres qui nous donnent un

ordre de grandeur, sans qu'ils soient définitivement significatifs de ce qui s'est dépensé - ça nous donne un ordre de grandeur, M. le Président - ce qu'on sait, c'est que ce sont majoritairement des entreprises de plus de 200 employés qui ont utilisé les crédits d'impôt, c'est-à-dire même pas 5 % des entreprises du Québec.

Alors, dans ce contexte-là, que le ministre nous dise qu'il veut créer une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, que dans cette société, pour un meilleur arrimage entre l'éducation et la main-d'oeuvre, il propose 2 sièges à l'éducation sur les 19 sièges que comprendra la Société, il y a là un paradoxe qui est vraiment difficile à comprendre. Le ministre doit comprendre qu'on ne lui fait pas grief d'avoir, de son côté, voulu améliorer les choses. Ce dont on lui fait grief, c'est de l'avoir fait d'une manière qui, dans le fond, va simplement l'amener à tourner en rond. Tant qu'il n'y aura pas de véritable réconciliation entre l'éducation et la main-d'oeuvre, tant qu'on ne révisera pas les décisions du gouvernement précédent...

Ça peut sembler surprenant ce que je vous dis, mais c'est à partir de 1984, lorsque le gouvernement précédent a rendu public son plan d'action sur la formation des adultes et qu'il a dissocié l'estimation des besoins, et qu'il a dissocié le partage des responsabilités en matière de formation des adultes, que le problème s'est posé. Le problème s'est aggravé, et loin de le résoudre, le ministre, avec son projet de loi, vient le consacrer, le problème. Il consacre le divorce, M. le Président, entre l'éducation et la main-d'oeuvre. Je ne pense pas que ce soit de nature à résoudre le véritable problème. Il a voyagé. Il s'est rendu à l'étranger, et il a pu constater qu'à l'étranger c'est l'intimité très grande qui existe entre le monde des affaires et le monde de l'éducation qui a permis le niveau de qualification de la main-d'oeuvre que l'on connaît.

Comment faire de la formation sur mesure, M. le Président, avec des travailleurs qui connaissent des problèmes d'analphabétisme? Comment faire de la formation sur mesure avec des travailleurs qui ont des problèmes de formation Initiale? C'est à cette question-là qu'il fallait répondre en priorité.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée. Vous savez, juste à titre d'information, le temps de parole est de 20 minutes, et le député ou le ministre qui propose la loi a toujours 5 minutes de réplique, si vous voulez l'utiliser. Vous n'êtes pas obligé de toujours utiliser non plus, votre période de 20 minutes. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: M. le Président, comptez sur moi. Je n'ai surtout pas l'intention d'utiliser tout mon temps de parole. Tout ce que je voudrais simplement dire à la députée de Hochelaga-Maisonneuve, c'est que je suis un peu étonné des dernières paroles qu'elle vient de prononcer. En fait, ce qu'elle nous dit, c'est que probablement on serait mieux de ne pas proposer la création d'une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, d'annuler la décision du gouvernement péquiste de 1984, la politique sur l'éducation des adultes, et de revenir au statu quo ante, c'est-à-dire à un système où le régime d'éducation du Québec était responsable à la fois d'établir les besoins de main-d'oeuvre au Québec, de faire les analyses pour tenter de déceler quels sont les besoins de chacune des régions, les carences, les pénuries de main-d'oeuvre à travers le Québec, et, en conséquence, de régler ces problèmes lui-même en vase clos, en apportant les solutions que le système d'éducation du Québec aurait pu trouver. (12 h 50)

M. le Président, l'ancien gouvernement n'a pas jugé bon de maintenir ce système-là, qui ne donnait pas des résultats intéressants, et qui ne permettait pas, en tous les cas, de s'adapter rapidement à la réalité changeante du marché du travail. Le gouvernement du Parti libéral maintient cette politique-là et est du même avis que l'ancien gouvernement. Je serais étonné que maintenant on vienne nous dire, cinq, six ou sept ans après: Vous vous êtes trompés, mais, incidemment, nous aussi, nous nous étions trompés. Ça fait beaucoup de monde qui se trompe et peu de monde qui a raison là-dedans.

Tout le monde sait que ce n'est jamais bon de confier à un fournisseur la responsabilité de déterminer les besoins de sa clientèle. C'est très dangereux de confier un monopole, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, à une entreprise. Si, par exemple, on disait à une entreprise donnée: Vous êtes les seuls à pouvoir fournir un service ou fabriquer un produit et la clientèle devra accepter nécessairement ce que vous allez lui préparer, c'est se mettre entre les mains, se livrer pieds et poings liés entre les mains d'un seul fournisseur qui est nécessairement en conflit d'intérêts, parce qu'il a une marchandise à vendre.

Le système d'éducation du Québec a fait ses preuves. Il a des avantages. Il a donné de très bons résultats, à l'occasion, mais il a des failles aussi. Vous êtes les premiers à le reconnaître. Le député d'Abitibi-Ouest, tantôt, nous a fait tout un discours sur les failles du système d'éducation québécois. On voudrait, aujourd'hui - c'est un petit peu contradictoire, d'ailleurs, le langage que tient l'Opposition - nous dire: Confiez au système d'éducation du Québec la seule responsabilité de régler tous ces problèmes-là, et on nous dit que le système d'éducation du Québec est déficient.

M. le Président, moi, je ne dis pas qu'il n'y

a rien de parfait. Le système d'éducation du Québec a des qualités. Il a fait, dans certains domaines, des percées intéressantes, mais il a aussi des problèmes à régler. Moi, je ne pense pas que, dans ce domaine-là comme dans un autre, et dans quelque autre domaine de l'activité humaine, ce soit une bonne chose de confier au même groupe, au même secteur, au même fournisseur la responsabilité d'établir les besoins de la clientèle et d'apporter les correctifs.

C'est bien évident, M. le Président, que, si je me présente, moi, dans un magasin pour acheter une marchandise donnée dont j'ai besoin et que le marchand n'a pas cette marchandise-là, il va tenter par tous les moyens de substituer un autre produit. Il va dire: Je n'ai pas ce que vous voulez, mais sur la tablette j'ai autre chose ici qui pourrait peut-être faire votre affaire. Si, M. le Président, je n'ai pas le choix, peut-être que je vais accepter de prendre un produit de qualité inférieure, ou un produit dont je n'ai pas exactement besoin, qui ne fait pas entièrement mon affaire, plutôt que de ne rien avoir du tout. Je pense que, dans le système que nous avons présentement, nous avons une certaine garantie contre cette exclusivité-là ou ce monopole-là qui pourrait conduire à des excès. Quant à moi, je préfère de beaucoup que l'on dissocie la fonction analyse des besoins, analyse des pénuries de main-d'oeuvre, de la fonction qui consiste à enseigner la formation, à donner la formation.

Maintenant, M. le Président, après avoir dit cela, je suis également convaincu qu'il faut établir des liens entre le fournisseur et celui qui consomme les biens ou les services. Il ne faut pas vivre en vase clos, que chacun soit cantonné dans ses positions et ne communique pas avec l'autre. Donc, il faut que les partenaires du monde de l'éducation soient imbriqués dans le processus, et nous allons les associer dans le processus de détermination des besoins du marché du travail. La contrepartie de ça, c'est qu'il faut également que les partenaires du marché du travail se mettent le nez aussi dans l'enseignement professionnel, dans les régimes pédagogiques pour voir et s'assurer que ce qui s'enseigne est vraiment ce dont on a besoin, et à l'occasion influencer même les programmes que l'on enseigne, soit aux jeunes, soit aux adultes, de façon à s'assurer qu'ils sont de plus en plus conformes aux besoins observés sur le marché du travail.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, vous venez de conclure pour moi que je n'avais plus rien à dire, je présume?

Le Président (M. Marcil): Non, non, c'est parce que votre temps est écoulé.

M. Bourbeau: Ah bon! Alors, M. le Président, je cède donc la parole à ceux qui ont du temps.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'article 1?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que l'article 1 est adopté?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Marcil): Adopté. J'appelle l'article 2.

M. Bourbeau: L'article confère à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre le statut corporatif et lui reconnaît expressément l'exercice des pouvoirs d'une corporation en plus de ceux que lui attribue spéficiquement le projet de loi.

Le Président (M. Marcil): Je voudrais simplement vous informer que je me ferai peut-être un peu plus tolérant au cours de la journée. Je veux savoir de quelle façon vous avez l'intention de travailler de part et d'autre. C'est pour ça que j'essaie, au départ, d'établir le bon rythme.

M. Bourbeau: Vous avez bien raison, M. le Président. On vous encourage à continuer.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre, sur l'article 2?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vous proposerais, à ce moment-ci, un ajournement, étant donné... une suspension, excusez-moi. Alors, nous reprendrions à...

Le Président (M. Marcil): À 15 heures.

Mme Harel: ...15 heures et nous pourrions, à ce moment-là, ne pas interrompre une intervention.

Le Président (M. Marcil): Ça va. Donc, nous allons suspendre nos travaux à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Marcil): Alors, nous reprenons nos travaux. Nous étions rendus à l'article 2, donc j'appelle l'article 2.

M. Bourbeau: M. le Président, je crois avoir dit que cet article-là confère à la Société le statut corporatif et lui reconnaît expressément l'exercice des pouvoirs d'une corporation, en plus de ceux que lui attribue spécifiquement le projet de loi.

Le Président (M. Marcil): Ça va, M. le ministre?

M. Bourbeau: Oui, ça va.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aimerais, à ce stade-ci, au moment où nous examinons l'article 2, connaître les intentions du ministre en regard des employés. Je crois que c'est là un débat qui avait été amorcé au moment de la commission. Je ne crois pas que le ministre avait indiqué clairement quelle allait être sa décision en ce qui concernait ou pas l'assujettissement à la Loi sur l'administration financière de la Société. Je rappelle au ministre que la Société, telle que proposée, devenant une corporation au sens du Code civil, les employés ne seraient pas assujettis, à ce moment-là, si je comprends bien, à la Loi sur la fonction publique. La Société, elle, ne serait pas assujettie à la Loi sur l'administration financière; ni la Société, ni les employés. Est-ce que c'est bien l'interprétation qu'il faut donner?

M. Bourbeau: non. la société ne sera pas assujettie à la loi sur la fonction publique, mais elle sera assujettie à la loi sur l'administration financière.

Mme Harel: En vertu de quelle interprétation peut-on conclure que la Société est régie par la Loi sur l'administration financière?

M. Bourbeau: M. le Président, si vous voulez bien, quand on abordera des questions d'ordre juridique comme ça, j'aimerais, pour sauver du temps, qu'on puisse laisser la parole à Me Luc Crevier, qui est le directeur du contentieux au ministère, si la députée n'a pas d'objection.

Le Président (M. Marcil): Vous permettez, Mme la députée, oui? Donc, si vous voulez vous identifier pour les fins du Journal des débats.

M. Crevier (Luc): Oui, Luc Crevier. En fait, c'est en vertu de l'article 49 de la Loi sur l'administration financière que la Société se trouverait assujettie à certaines dispositions de la Loi sur l'administration financière. Je vous réfère en particulier au projet de loi 181, qui a été adopté ou sanctionné en décembre 1991, qui prévoit que certains organismes, et la Société en serait, sont assujettis, en ce qui concerne leur contrat et certaines autres formalités du genre, à la Loi sur l'administration financière.

Mme Harel: Quand vous nous dites certaines dispositions, lesquelles sont-elles?

M. Crevier: C'est, en fait, les articles du projet de loi 181 en question, donc l'article 49 et suivants. Ça va jusqu'à l'article 49.6. Essentiellement, c'est sur l'activité contractuelle de la Société. Il y a aussi, dans ces dispositions-là, des possibilités d'exemption qui sont faites par règlement du gouvernement.

Mme Harel: M. le Président, est-ce qu'il serait possible de demander au ministre que les dispositions en vertu desquelles la Société serait assujettie à la Loi sur l'administration financière soient déposées devant la commission?

M. Bourbeau: Vous voulez dire la copie de la loi?

Mme Harel: C'est la loi 181, j'imagine.

M. Bourbeau: La loi 181, oui. Vous voulez une copie de la loi?

Mme Harel: Les dispositions 49 et suivantes, là.

M. Bourbeau: Bien, j'ai devant moi, ici, le projet de loi qui a été adopté sans modifications. Je ne sais pas si...

M. Crevier: Vous avez la version finale.

M. Bourbeau: C'est la version finale. On pourrait faire faire des photocopies pour la députée, si elle veut.

Le Président (M. Marcil): Ça va. Est-ce que, Mme la secrétaire, ça serait possible d'avoir des copies de cette loi-là?

La Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Marcil): Oui?

Mme Harel: Peut-être qu'on peut poursuivre en attendant.

Le Président (M. Marcil): Oui, on va poursuivre.

Mme Harel: Est-ce que ça signifie que lors de l'examen des crédits, le budget de la Société

sera examiné dans le cadre d'un processus de contrôle parlementaire?

(Consultation)

M. Bourbeau: M. le Président, le budget de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ça va être un poste au budget de transfert du ministère de la Main-d'oeuvre. Donc, en ce sens-là, ça pourra faire l'objet d'études des crédits de la même façon que la Commission des affaires sociales, par exemple. C'est un poste du budget du ministère, un poste de transfert.

Mme Harel: Alors, pour quelles dispositions la Société ne sera pas assujettie à la Loi sur l'administration financière? Vous nous dites qu'elle ne le sera que pour certaines dispositions. Donc, elle le sera de façon exceptionelle, et la règle générale, c'est qu'elle ne le sera pas. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre? (15 h 30)

M. Crevier: Essentiellement, elle serait visée par les dispositions, l'article 49 et les suivants, du projet de loi 181. Pour le reste, tout son encadrement, si on veut, au niveau budgétaire...

Mme Harel: Ça ne me dit rien quand vous pariez des articles 49 et suivants du projet de loi 181. Ça, puis...

M. Crevier: Oui, peut-être. Mme Harel: ...du chinois, là...

M. Crevier: Essentiellement, ça porte sur l'activité contractuelle de la Société. Ça peut être, par exemple, des normes qui visent le processus d'octroi des contrats, des soumisssions, etc., ou les achats, si on parle de l'autre loi, là, Approvisionnements et Services. Pour tout le reste, la Société se trouve encadrée par le projet de loi 408, son processus budgétaire, etc. Il est prévu également, par exemple, que le Vérificateur général peut vérifier les livres de l'organisme, de la Société.

M. Bourbeau: Entre autres, on pourrait, M. le Président, dire, là, en termes vernaculaires, que la Société va être sujette à Rosalie. Je pense que la députée semble intéressée par ce genre de renseignements là. Elle devra se soumettre au règlement concernant le fichier central des fournisseurs du gouvernement, communément appelé Rosalie.

Mme Harel: Par quel mécanisme est-il prévu que l'argent des programmes fédéraux soit transféré à la Société?

M. Bourbeau: M. le Président, comme la députée de Hochelaga-Maisonneuve le sait fort bien, il n'y a rien qui est encore décidé à ce sujet-là. Ça fait l'objet de discussions présentement avec le gouvernement, même pas de négociations, M. le Président. On a dit qu'il y a des discussions. Vous savez que le Québec ne négocie pas. Ces discussions-là, je présume, éventuellement feront place à des négociations, si tant est qu'un jour le gouvernement fédéral fasse des offres. C'est à ce moment-là que pourront être négociées les modalités de transfert des fonds fédéraux, qui pourront transiter soit directement à la Société, mais plus probablement au ministère ou au gouvernement et via le ministère, éventuellement, dans le budget de la Société.

Mme Harel: Alors, c'est donc dire, là, qu'il y a... Pour tout de suite, le scénario suivant peut-il être envisagé, que l'argent transite directement à la Société?

M. Bourbeau: Je ne crois pas, M. le Président, que ce scénario-là puisse être envisagé, parce que, à ce moment-là, contrairement à ce qu'on a dit précédemment, je ne pense pas qu'on pourrait faire l'étude des crédits de la Société lors de l'étude des crédits du ministère, puisque les crédits de la Société ne seraient pas des crédits du ministère qui seraient virés à la Société. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de précédents où des fonds fédéraux sont versés directement à une société d'État. Peut-être à la Société d'habitation du Québec, mais je crois qu'en général les fonds sont versés au gouvernement du Québec qui, lui, les vire dans les sociétés d'État.

Mme Harel: C'était là, d'ailleurs, un des aspects soulevés dans le mémoire d'Emploi et Immigration devant la commission parlementaire, un mémoire qui a été déposé sans être présenté par ses auteurs. Dans ce mémoire, les responsables d'Emploi et Immigration, Ici au Québec, faisaient valoir cette question de savoir si le gouvernement du Québec demandait que l'argent transite par le trésor ou bien directement dans la Société. Ils semblaient dire que le gouvernement fédéral allait difficilement envisager de verser au fonds consolidé. C'est le fonds consolidé, oui? Est-ce que les discussions ont été entreprises sur ce sujet-là?

M. Bourbeau: M. le Président, je serais bien mal pris pour dire à la députée de Hochelaga-Maisonneuve où en sont les discussions, parce que les discussions, comme vous le savez, n'impliquent pas officiellement la participation du gouvernement du Québec. Ces discussions-là se font surtout entre le gouvernement fédéral et les provinces autres que le Québec. Il y a probablement et certainement des discussions informelles qui peuvent se tenir, mais certainement aucune négociation. Donc, je pense qu'il est un peu prématuré pour discuter de ces sujets-là, qui sont très techniques. L'objectif recherché, bien

sûr, c'est que le Québec rapatrie tous les budgets fédéraux en matière de main-d'oeuvre, en matière de formation professionnelle, bien sûr, et aussi en matière d'assurance-chômage. On verra bien, subséquemment. Je pense que, pour ce qui est de la façon de faire transiter les fonds, on peut être assuré qu'on trouvera bien des façons qui soient à la fois pratiques, équitables et fonctionnelles.

Mme Harel: Dans le mémoire toujours, là, d'Emploi et Immigration Canada, le directeur exécutif, M. Trefflé Lacombe, signalait, d'une part, que les propositions du fédéral consistaient à transférer au Québec des responsabilités en matière de formation pour un total, disait-il, d'environ 400 000 000 $ de dépenses annuelles au Québec. Là, il faudrait voir qu'à ce moment-là, sur le total de presque 6 000 000 000 $ de dépenses en mesures actives et passives au Québec, c'est là à peine, même pas 10 % de l'ensemble de ce que le fédéral dépense sur le territoire québécois. Mais, ceci dit, M. Lacombe se gardait bien de spéculer sur des développements du débat constitutionnel. Alors, on était, à ce moment-là...

M. Bourbeau: Pile ou face.

Mme Harel: ...au mois de janvier, mais, plutôt que d'avancer, ça donne plutôt l'impression d'avoir reculé depuis le mois de janvier dernier. Bien, entre-temps il y a eu Beaudoin-Dobbie, n'est-ce pas? Je l'ai apporté également d'ailleurs. Tantôt, j'aimerais peut-être juste vous faire commenter la proposition, la dernière que l'on connaît. C'est celle qui est contenue dans Beaudoin-Dobbie. Je crois qu'elle ne s'éloigne pas de celle de septembre dernier à laquelle réfère M. Lacombe.

Ceci dit, et c'est ça qui me préoccupe, M. Lacombe disait ceci: Pour le ministère fédéral, il faudrait que Québec propose un mécanisme pour s'arrimer au reste du pays. Au niveau canadien, la caisse d'assurance-chômage est gérée conjointement par le fédéral et la nouvelle Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, où le Québec est absent. Le directeur d'Emploi et Immigration Canada pour le Québec ajoutait: Or, l'énoncé de politique du ministre Bourbeau ne prévoit aucun lien entre la Société québécoise de développement et la Commission canadienne.

Alors, donc, ce que le fédéral a fait savoir à Québec, c'est qu'en ce qui concerne l'argent de la caisse d'assurance-chômage, qui est le gros morceau, finalement, étant donné ce qu'on sait être une diminution presque constante, en tout cas, depuis les deux dernières années des budgets fédéraux en matière de formation professionnelle, des budgets directement générés par l'administration fédérale... Alors, pour ce qui est donc du budget, là, qui émane de l'assurance-chômage, ce budget est déjà géré par une caisse qui est constituée par une loi, et par la nouvelle Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Alors, qu'est-ce que Québec réclame, finalement? D'obtenir de cette caisse les budgets? Comme c'est la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre également qui gère, semble-t-il, avec la caisse, est-ce que les programmes seraient établis par la Commission canadienne et Québec administrerait les budgets? (15 h 40)

M. Bourbeau: La réponse, c'est non. Le fédéral a sa stratégie, et le Québec a la sienne. Le fédéral a choisi pour le Canada, en fait, de mettre sur pied un système de cogestion de la caisse d'assurance-chômage et de régulation du marché du travail au Canada en créant d'abord l'organisme fédéral de mise en valeur de la main-d'?uvre qui sert de conseiller, si je comprends bien, de cogestionnaire ou de conseiller surtout au gouvernement fédéral. Je ne sais pas quel est l'état de la situation, mais, dans un premier temps, cette société ne devait servir que de consultant au gouvernement fédéral. Je ne crois pas qu'elle ait un rôle de gestionnaire comme tel.

Le Québec, lui, a choisi une voie différente. Il a choisi de créer tout d'abord la conférence permanente sur la main-d'oeuvre, qui sert d'organisme consultatif également pour le gouvernement du Québec. Le Québec a aussi choisi de créer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour gérer les programmes de main-d'oeuvre et aussi gérer la portion de la caisse d'assurance-chômage qui échoit au Québec et qui devrait, éventuellement, être transférée au Québec. Alors, je ne vois pas pourquoi le Québec devrait s'inscrire dans un organigramme où il verrait la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre dépendre d'une certaine façon de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, parce que le Québec ne siège pas, n'est pas partie de cette Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, qui fait double emploi, en fait, avec les institutions québécoises.

Alors, nous avons jugé opportun de faire en sorte que le Québec devienne le seul maître d'oeuvre, sur son territoire, des programmes et des budgets de main-d'oeuvre, de main-d'oeuvre prise dans son sens large, qui comprend toutes les mesures d'aide à la formation professionnelle, d'aide à l'emploi, de gestion de l'assurance-chômage, etc. Nous sommes convaincus que le Québec peut, avec ces structures-là, faire un travail plus efficace, plus efficient, aussi, que ne pourraient le faire des structures comme celles qui sont proposées par le gouvernement fédéral.

Donc, c'est pour des raisons d'efficacité que nous proposons ces structures-là. Nous pensons que nous pouvons faire mieux et à meilleur compte que si deux gouvernements se préoccu-

pent de faire les mêmes choses et se concurrencent, comme c'est le cas présentement. Le système actuel coûte des centaines de millions de dollars de trop en frais d'administration, puisque nous avons deux administrations gouvernementales qui font essentiellement la même chose. Nous croyons pouvoir réaliser des économies d'au-delà de 200 000 000 $, si on se fie aux statistiques de l'OCDE. Le Québec a toujours placé le dossier sous l'angle de la gestion des fonds publics et non pas sous l'angle constitutionnel. C'est bien malgré nous que le dossier est maintenant enchevêtré dans les filets du débat constitutionnel. Ce n'était pas notre objectif. Espérons que, lorsque le dossier constitutionnel va se dénouer, le Québec pourra hériter le plus rapidement possible de toutes les responsabilités en matière de main-d'oeuvre, de gestion d'assurance-chômage, évidemment, et tous les budgets qui sont afférents.

Mme Harel: Mais en l'absence de l'entière responsabilité, est-ce que le ministre convient qu'il peut y avoir aggravation de l'enchevêtrement actuel, si tant est qu'un troisième réseau viendrait rejoindre les deux réseaux déjà existants, soit le réseau pour les personnes assistées sociales, centres Travail-Québec, ou le réseau pour les personnes en chômage, centres d'Emploi et d'Immigration du Canada? Il y aurait dorénavant comme un troisième réseau, qui serait celui de la formation professionnelle, mais qui, contrairement aux équipes assez modestes qui, actuellement, en région, constituent les commissions de formation professionnelle, deviendrait un troisième réseau qui viendrait simplement alourdir la situation déjà difficile que l'on connaît maintenant.

M. Bourbeau: Disons que, même si, par hypothèse, le gouvernement fédéral refusait de transférer quoi que ce soit au Québec, il faudrait quand même, selon nous, créer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, parce que le partenariat que l'on souhaite créer nous semble une formule beaucoup plus efficace que la situation actuelle, que la structure actuelle. Donc, le partenariat est une formule qui est souhaitable et qui devrait donner de bons résultats, que ce soit dans le cadre actuel ou dans un cadre agrandi de la part des fonds fédéraux, des responsabilités qui sont présentement assumées en partie par le gouvernement fédéral. Si le fédéral, le gouvernement canadien ne devait transférer au Québec que les responsabilités en matière de placement, main-d'oeuvre et non pas la gestion de i'assurance-chômage, effectivement, ça créerait un problème en ce sens que le Québec, n'ayant à toutes fins pratiques que des structures régionales en matière de main-d'oeuvre, serait placé devant l'alternative de rapatrier au niveau régional des programmes de main-d'oeuvre que le gouverne- ment fédéral, lui...

Mme Harel: Offre.

M. Bourbeau: ...offre au niveau local. Donc, on pourrait penser que c'est un recul par rapport au service à la clientèle, la disponibilité des programmes sur un plan local, les programmes de main-d'oeuvre, tel que l'offre le gouvernement fédéral. Ou, encore, le Québec serait mis dans la position d'avoir à étendre son réseau régional et en faire un réseau local, ce qui, bien sûr, créerait des dépenses additionnelles pour le gouvernement du Québec qu'on pourrait situer à quelques dizaines de millions de dollars. Ça serait une situation où on n'aurait aucunement l'occasion de réaliser les économies dont je parlais tantôt, où plutôt le Québec serait peut-être obligé de dépenser plus d'argent que présentement.

Mme Harel: Le ministre nous dit que, même en l'absence de tout rapatriement venant du fédéral, il lui semble qu'il serait quand même souhaitable de créer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, et que, d'autre part, si ce rapatriement a lieu, il faudrait qu'il ait lieu dans son entier pour que ça nous permette de réaliser des économies, puis que ça permette de mettre fin au gaspillage. Cependant, qu'est-ce que la nouvelle société permettrait de plus s'il n'y a aucun rapatriement en entier, là?

On sait déjà qu'une des hypothèses, finalement, qui est loin d'être la meilleure, c'est l'hypothèse d'un rapatriement à la pièce. Ce rapatriement-là pourrait créer plus de problèmes que d'apporter les solutions aux problèmes qui existent maintenant. Ça, on commence à être conscients. Je pense que tous les interlocuteurs concernés commencent à être conscients que c'est ou l'ensemble du dossier qui est rapatrié... parce que, si ce n'est qu'une partie de ce dossier qui l'est, c'est, finalement, une façon de faire en sorte que ça soit un échec. Si Ottawa souscrivait à un rapatriement à la pièce, bien, ça créerait un désordre simplement dans le transfert du personnel dont on n'a pas idée, parce que c'est un personnel qui n'est pas identifié à des fonctions qui sont tranchées comme le serait une entente qui ne rapatrierait, par exemple, que la formation professionnelle. C'est maintenant un personnel qui a intégré les fonctions emploi, puis les fonctions formation professionnelle. Ça a été une des réformes... C'est la réforme Jean, du nom de la sous-ministre qui, auparavant, travaillait à Québec et qui maintenant est à Ottawa et qui a introduit cette réforme-là, il y a deux ou trois ans maintenant.

Donc, les scénarios possibles, c'est: aucun rapatriement, un rapatriement partiel ou un rapatriement total. Bon, on sait déjà que le rapatriement partiel pose de véritables problèmes. Ça peut engendrer des coûts. Ça peut engendrer

un ressentiment contre le fait que Québec obtienne une plus grande responsabilité, parce qu'il pourrait y avoir moins de services, étant donné que c'étaient des services déjà rendus dans les centres d'Emploi et d'Immigration au niveau local et que, là, il pourrait ne pas y avoir la même accessibilité géographique. En fait, quoi qu'il en soit, le ministre, lui-même, vient, il y a quelques minutes, de nous décrire les difficultés que ça pourrait présenter. Alors, je n'en ajouterai pas à celles que lui-même émettait.

Alors, revenons à ces deux autres scénarios possibles ou rêvés, en fait, soit une loi qui crée simplement une société, soit un rapatriement complet. Ça, ça m'apparaît hautement improbable. Ça m'apparaît plus facile de faire la souveraineté du Québec que d'obtenir, dans ie cadre de la Confédération actuelle, dans le cadre de l'état des esprits et des mentalités, la pleine gestion, comme l'indique le ministre, de tout le programme d'assurance-chômage, mesures actives et passives. N'oubliez pas que le Québec compte 33 % des chômeurs du Canada, avec 26 % de la population, dit-on, maintenant. C'est donc presque 1 000 000 000 $ de prestations en sus des cotisations qui sont versées. (15 h 50)

Quand on regarde l'ensemble, dans une négociation qui serait globale, là, on peut y trouver son compte parce qu'on se dit: Oui, peut-être qu'ils y mettent 1 000 000 000 $ en plus de ce qu'on y met. Mais, l'un dans l'autre, on est perdant au niveau de la recherche et du développement et on l'est surtout au niveau des investissements fédéraux, créateurs d'emplois. On l'a vu avec l'étude réalisée par les quatre premiers ministres des provinces atlantiques qui, eux, étaient absolument certains que nous étions gagnants dans ce processus-là, dans ce mécanisme-là, qui ont fait faire une recherche approfondie pour découvrir que le Québec se classait au dernier rang de toutes les provinces canadiennes, y compris des Territoires du Nord-Ouest, en matière d'investissements fédéraux créateurs d'emplois.

Alors, c'est évident qu'on peut, à partir de là, conclure l'argument absurde que c'est payant d'être dans le Canada parce que, finalement, on retire plus de chômage qu'on y contribue. Alors, évidemment, c'est un argument complètement absurde, parce que ce qui est absurde, c'est d'être dans un système où on n'arrive pas à se sortir des vases communicants, c'est-à-dire que plus il y a du chômage et plus c'est payant de rester dans le Canada. Ça, il y a quelque chose, évidemment, là-dedans, qui est de l'ordre de... du Ding et Dong.

Mais, ceci dit, une fois qu'on envisage impossible que ce rapatriement complet ait lieu, pour la bonne raison qu'il supposerait un statut particulier pour le Québec que le Canada ne veut pas lui donner... Les autres provinces canadiennes ont toutes été invitées, par le fédéral, à former des groupes de coordination et à former aussi des groupes de consultation, un peu sur le modèle de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. C'est ce que l'Ontario, d'ailleurs, a fait dernièrement, et d'autres provinces s'apprêtent à le faire également. Mais, tout ça, c'est uniquement dans la perspective de transférer des budgets et de gérer, au niveau provincial, les programmes élaborés par la Commission canadienne.

Cette Commission canadienne, quand elle a été mise sur pied, au départ, je pense qu'il n'était peut-être pas envisagé de lui donner autant d'éclat, mais, maintenant qu'elle se réunit, je peux vous dire, à lire, le plaisir qu'ils ont à travailler ensemble. Ils ont fini, eux, par penser qu'ils avaient quelque chose de très important à faire et un rôle stratégique à jouer, cette Commission canadienne. Là, maintenant, ils sont ceux qui exigent d'établir les priorités des programmes financés par la caisse de l'assurance-chômage et je ne pense pas qu'ils fassent une exception pour le Québec, en disant: On va établir les priorités pour tout le monde, puis le Québec établira les siennes. On n'est vraisemblablement pas devant cette hypothèse-là, bien au contraire. La Commission canadienne a d'ailleurs un mandat de déterminer les priorités globales en matière de formation, telles que les normes de formation professionnelle, et consulter dans l'élaboration d'un plan de dépenses annuelles pour une utilisation plus large des fonds de l'assurance-chômage à des fins productives.

Comme je le signalais tantôt, M. le Président, toutes les provinces ont été, à partir de la fin de 1990, début 1991, contactées par le fédéral pour amorcer des discussions en matière de création de structures consultatives. C'est donc dire qu'il y a un modèle qui s'est développé. Le modèle, c'est celui d'une commission nationale qui détermine des priorités et qui est consultée dans l'élaboration du plan de dépenses annuelles, qui peut faire jusqu'à 15 % - en tout cas, sur papier - de la caisse de l'assurance-chômage. Les provinces, elles, sont invitées à mettre sur pied des structures consultatives. Au mieux, le gouvernement fédéral va considérer la nouvelle Société créée par le projet de loi 408 comme une des autres structures consultatives mises sur pied dans les provinces et va réserver à cette structure-là le même sort que pour les autres structures des autres provinces. Ce que le ministre nous dit, c'est que lui, il veut bien plus que ça, là. Il veut un statut particulier. Ce qu'il veut, c'est obtenir la gestion de la caisse de l'assu-rance-chômage.

M. Bourbeau: Ce n'est pas le ministre, c'est le gouvernement du Québec. M. le Président...

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais devoir faire un amendement, à ce moment-ci, à ce moment-là.

M. Bourbeau: Est-ce que je peux prendre la parole, M. le Président? C'est un monologue ininterrompu.

Le Président (M. Marcil): Oui, vous pouvez répliquer toujours. Vous avez cinq minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Hochelaga-Maisonneuve est un peu attristante, je dois le dire. Je lui ai dit à quelques reprises.

Mme Harel: C'est la vie qui est triste pour vous, là.

M. Bourbeau: Disons que, dans l'Évangile, on aurait dit une femme de peu de foi. Il m'est arrivé souvent, depuis que j'exerce les fonctions que j'exerce présentement, d'entendre la députée de Hochelaga-Maisonneuve me dire: Le ministre ne réussira pas à faire telle chose. Le ministre est un optimiste qui voit la vie en rose, et la vie est différente. À plusieurs reprises dans le passé, M. le Président, la députée de Hochelaga-Maisonneuve a eu à se reprocher d'avoir douté du ministre de la Main-d'oeuvre, ne serait-ce que lors de l'adoption de certains projets de loi où on nous avait promis un cataclysme, la fin du monde. La loi 37, par exemple, où on devait... Ça devait ébranler les colonnes du temple et de l'Assemblée nationale. Bon, finalement, la loi a été adoptée et ça va relativement bien. Quand nous avons entrepris la croisade pour tenter de mettre fin à l'offensive fédérale, l'an dernier, avec les groupes de coordination, la députée de Hochelaga-Maisonneuve était convaincue qu'on n'y arriverait pas, pour se rendre compte quelques semaines après, M. le Président, qu'on avait, avec nos collègues fédéraux, signé une entente à l'amiable pour faire en sorte que dorénavant le fédéral se retire de ce champ d'activité.

Aujourd'hui, la députée de Hochelaga-Maisonneuve continue avec ses prises de position pessimistes où elle nous dit: Vous n'y arriverez pas, le gouvernement fédéral ne voudra pas, etc. Moi, M. le Président, je ne peux pas prédire ce que sera l'avenir. Je donne la position du gouvernement du Québec qui n'a pas varié d'un iota depuis plusieurs mois, qui continue à être la même. Personnellement, je pense que notre position, elle est bonne, aussi parce qu'elle est logique. Notre proposition, ce n'est pas une proposition sentimentale qui réclame des pouvoirs pour le Québec au nom d'une fierté quelconque, c'est une proposition d'affaires qui se justifie comme telle au nom de la saine gestion, de la bonne gestion des fonds publics et qui prouve, M. le Président, sans l'ombre d'un doute qu'il se dépense actuellement au Québec au-delà de 250 000 000 $ en pures pertes administratives. On ne peut pas justifier, sur le plan des finances publiques, de gaspiller entre 200 000 000 $ et 300 000 000 $ en frais d'administration alors que nous avons deux réseaux qui fonctionnent en parallèle, qui se contredisent, qui s'entrechoquent et parfois même qui se nuisent l'un l'autre. Bref, si cet argument-là n'est pas un bon argument, je ne sais pas lequel il faudra employer. Mais, quant à moi, quand je suis convaincu d'avoir de mon côté la raison et le bon sens, je ne peux certainement pas varier et commencer à négocier à rabais. Donc, j'expose la position du Québec.

La députée de Hochelaga-Maisonneuve nous dit que jamais le gouvernement fédéral ne va céder parce que le Québec est un grand gagnant dans le melting-pot ou dans la péréquation canadienne en matière d'assurance-chômage. J'aimerais faire remarquer à la députée de Hochelaga-Maisonneuve que c'est de moins en moins vrai. L'écart entre le taux de chômage du Québec et celui des autres provinces canadiennes se rétrécit continuellement. Je faisais des vérifications encore ces jours derniers pour me rendre compte qu'il y a deux ans, au début de l'année 1990, on parlait d'un écart entre le Québec et l'Ontario qui frôlait les 5 %. Le Québec avait tout près de 5 % de plus de chômeurs, il y a deux ans, que l'Ontario. Aujourd'hui, au moment où on se parle, M. le Président, avec les derniers chiffres qu'on a reçus ces jours-ci, l'écart est réduit à 1,5 % seulement de chômage entre le Québec et l'Ontario.

Mme Harel: Est-ce que c'est parce que le Québec a amélioré son sort ou que l'Ontario a aggravé le sien?

M. Bourbeau: Enfin, vous pourrez tirer les conclusions que vous voulez, là. Disons que le Québec performe relativement mieux que l'Ontario depuis deux ans et mieux que le Canada, d'ailleurs, aussi. L'écart entre la moyenne canadienne et la moyenne québécoise se rétrécit. Bon. C'est constant depuis trois ans. Alors, ça veut dire que le Québec est de moins en moins le parent pauvre, si je peux m'exprimer ainsi, du fonds d'assurance-chômage. C'est vrai que, en . moyenne, au cours des 8 ou 10 dernières années, le Québec a retiré 1 000 000 000 $ par année de plus qu'il n'a souscrit au fonds d'assurance-chômage. Je ne suis pas convaincu que ça va continuer à être la même chose au cours des prochaines années, et probablement pas au même niveau en tout cas. Donc, c'est une donnée additionnelle dont on peut tenir compte dans les discussions.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député.

Mme Harel: J'aimerais, à ce stadè-ci, présenter un amendement.

Le Président (M. Marcil): Si vous voulez le déposer. (16 heures)

Mme Harel: Très bien. Alors, M. le Président, l'amendement consiste à ajouter, à la fin des mots «lui confère», les mots «nonobstant l'article 92 a) de la Loi constitutionnelle de 1867 et ses amendements». Alors, l'article 2 se lirait comme suit: «La Société est une corporation au sens du Code civil. Elle exerce tous les pouvoirs d'une telle corporation en outre de ceux que la présente loi lui confère nonobstant l'article 92 a) de la Loi constitutionnelle de 1867 et ses amendements.»

Je pense, M. le Président, que le vibrant plaidoyer que le ministre vient de faire milite en faveur, évidemment, de l'adoption de cet amendement.

Le Président (M. Marcil): Est-ce qu'il y a discussion sur l'amendement ou si...

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on peut voir les textes juridiques?

Le Président (M. Marcil): Oui, nous allons attendre les textes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Pour employer une formule connue.

Une voix: Ils s'en viennent. Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Marcil): On va vous faire faire des copies. Ça va? Moi, je l'ai, sauf qu'il faudrait que j'en fasse faire des copies.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on peut plaider sur la recevabilité?

Le Président (M. Marcil): Oui, vous pouvez plaider. Je vais vous écouter.

M. Bourbeau: En fait, ce que nous dit la député de Hochelaga-Maisonneuve, c'est que, nonobstant la Constitution canadienne - parce qu'elle cite un article de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique - l'article s'applique. Alors, je ne crois pas, M. le Président, et on va discuter avec ceux qui m'entourent, qu'on puisse légalement, dans une loi québécoise, stipuler qu'un article s'applique malgré la Constitution canadienne. Il faudrait amender la Constitution pour que l'article soit valable. Alors, je ne sais pas si c'est recevable ou non, M. le Président, mais on m'avise que ce ne serait pas légal, en tout cas.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, en fait, c'est recevable dans la mesure, exactement, où, en l'adoptant, le gouvernement se voit dans l'obliga- tion d'obtenir un amendement constitutionnel, et de le réclamer, évidemment. M. le Président, je pourrais vous citer de nombreux précédents où cela a eu lieu. Je vais vous en citer un en particulier, que je connais bien puisque j'ai été très impliquée dans la révision de notre Code civil. Je vous rappelle qu'en 1982 nous avions adopté, au chapitre de la famille, tout un dispositif prévoyant la compétence du Québec en matière de divorce et prévoyant la manière dont nous allions l'exercer. Nous savons pourtant que le divorce est, depuis 1867, de compétence fédérale, c'est toujours là un anachronisme qui survit dans nos lois, M. le Président, et je sais aussi qu'en vertu de l'article 92 a) de la Loi constitutionnelle et de ses amendements il y a une partie de la compétence fédérale dans les matières qui vont concerner la Société. Cela vaut tout autant que le divorce valait, si vous voulez, comme étant de compétence fédérale et, pourtant, le gouvernement du Québec a choisi, en 1982, d'introduire dans son Code civil tout un dispositif pour prévoir l'exercice de sa compétence une fois qu'il l'aurait rapatriée. Il en est de même également dans bien d'autres secteurs.

Je pense, M. le Président, qu'il n'y a aucun problème de recevabilité. Évidemment, il n'y a pas de problème de recevabilité. L'application de la mesure, pour être en vigueur, suppose un amendement constitutionnel, évidemment, à partir de là. Un peu de la même façon, le gouvernement du Québec avait choisi de légiférer en matière de tribunal de la famille. On sait pourtant que, le divorce étant de juridiction fédérale et le mariage de juridiction provinciale, ce tribunal de la famille pose le problème de la nomination des juges, puisque les juges, en matière de divorce, doivent être nommés par le fédéral qui, seul, nomme les juges à la Cour supérieure, tandis que les juges de la Cour du Québec sont nommés par le gouvernement du Québec. Mais rien n'empêche le gouvernement, M. le Président, de légiférer comme bon lui semble lors, évidemment, de la mise en vigueur...

Tenez! Je vais vous donner un autre exemple que le ministre connaît bien en matière, je pense, de faillite. Dans la Loi sur les normes, il y a un certain nombre de dispositions qui ont été introduites et qui n'ont pas encore été mises en vigueur du fait, justement, que le Québec n'ait pas obtenu un transfert de compétence. Ça n'empêche pas le gouvernement de légiférer, M. le Président, ça indique seulement sa volonté de réclamer des changements constitutionnels dans le sens de sa législation.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Bourbeau: ...je vais être obligé d'apporter certains correctifs à ce que vient de dire la

députée. Revenons sur le cas de la Loi sur les normes, je crois, qui prévoit le fonds d'indemnisation en cas de faillite. Le Québec n'a jamais prétendu légiférer sur la faillite lorsqu'il a prévu ce fonds-là. Ce n'est pas un fonds qui prévoit des règles qui s'appliquent en cas de faillite, c'est un fonds qui tente de régler les conséquences d'une faillite. Dans ce sens-là, c'était parfaitement dans la juridiction du Québec d'établir un fonds pour venir en aide à ceux qui sont victimes de faillite. Mais ça ne prétend pas et ça n'a certainement pas, non plus, pour effet de réglementer la faillite qui, elle, est de juridiction fédérale. Donc, je ne pense pas que l'exemple peut s'appliquer. Pour ce qui est de ce qu'on a fait dans le domaine de la famille, il faudrait voir, encore là, les textes. On parle sans avoir le texte devant nous.

Mais le Québec pourrait fort bien, dans un débat sur la famille ou dans un chapitre portant sur la famille, toucher à des points qui pourraient, à la marge, être interprétés par certains comme empiétant sur la juridiction fédérale en matière de divorce, par exemple, quitte, plus tard, à ce qu'un tribunal vienne statuer sur la légalité de l'article. Mais de là à dire, comme le suggère la députée, «nonobstant l'article 92 a) de la Constitution canadienne», là, c'est une charge à fond de train contre une constitution. Et, M. le Président, je ne vois pas comment un juge pourrait, à sa face même, reconnaître la légalité d'un article de loi québécois qui dit que la Société exerce tous les pouvoirs d'une corporation malgré la défense, en fait, que lui en fait la Constitution canadienne. On peut interpréter ça comme ça.

Alors, moi, je ne pense pas qu'on puisse, au Québec, passer un article de loi qui attaque de front comme ça et à visière levée la Constitution du pays sans que cet article-là, à sa face même, soit présumé illégal, alors que, dans d'autres lois, on a pu toucher à des sujets qui étaient à cheval sur la juridiction.

Donc, la conclusion que j'en tire, c'est que, si l'article est illégal prima facie, il est forcément irrecevable, M. le Président, comme vous vous en doutez bien. (16 h 10)

Mme Harel: M. le Président, je reconnais le bien-fondé de l'intervention du ministre en ce qui a trait au fonds d'indemnisation des travailleurs victimes de la faillite de leur entreprise, mais, par ailleurs, le ministre a tort en ce qui concerne tout le dispositif adopté dans le Code civil en 1982 en matière de divorce. Il ne s'agissait pas de laisser à l'interprétation du tribunal le, soin de trancher dans le cadre d'une compétence partagée ou de zones d'ombre. Pas du tout, M. le Président, on n'est pas en matière d'environnement. Lorsque l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a été rédigé, l'intention manifeste implicite et explicite, le libellé de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique est clair, le divorce était considéré comme de juridiction fédérale. Et l'intention des Pères de la Confédération était claire, c'était de retirer à une province catholique la compétence en cette matière pour l'extraire de la culture religieuse de l'époque, M. le Président. Et Ottawa s'était attribué cette compétence pour la retirer de l'influence de l'Église du Québec. Alors, là, il n'y a pas matière à confusion. Le divorce, n'importe lequel des avocats... Je comprends que le notaire n'a pas pratiqué en matière de contentieux, mais n'importe quel avocat vous le dira, le divorce est de compétence fédérale.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai toujours préféré les contrats à l'amiable que les chicanes d'avocats. Mais est-ce que l'article en question attaquait de front la Constitution en disant: Nonobstant l'article untel de la Constitution canadienne, le Québec va légiférer en matière de divorce? Est-ce que vous y alliez comme ça sans gêne, comme maintenant? Je présume que non. Je présume que c'était plutôt par la bande que vous y alliez...

Mme Harel: Vous voulez dire que c'est... M. Bourbeau: ...en 1982.

Mme Harel: C'est le ton qui ne vous convient pas, et pas le fond.

M. Bourbeau: Bien, ça m'apparaît, à sa face même, comme étant...

Mme Harel: mais c'est ça que vous voulez. quand vous nous dites que, finalement, vous voulez tout avoir, vous voulez l'exclusivité. c'est ce que vous nous avez dit ce matin.

M. Bourbeau: Oui, oui.

Mme Harel: Alors, vous ne voulez pas un simple arrangement administratif. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Bourbeau: Non, non, non. Je n'ai pas dit ça du tout. Au contraire, c'est un arrangement...

Mme Harel: Vous voulez un amendement constitutionnel?

M. Bourbeau: Non, non, pas du tout. Pas du tout, M. le Président.

Mme Harel: Et vous voulez quoi?

M. Bourbeau: J'ai dit que le Québec demande la gestion de l'assurance-chômage - donc, quand on dit la gestion, ce n'est pas la compétence, c'est un arrangement administratif; effectivement, j'ai toujours dit la même chose -d'ailleurs, qui ferait en sorte que le Québec

gérerait sur son territoire le programme d'as-surance-chômage, ayant convenu avec le fédéral d'une modalité de gestion, un peu comme on le fait dans le programme d'aide sociale ou de la sécurité du revenu où le fédérai a une loi-cadre et où le Québec, à l'intérieur de cette loi-cadre, a une certaine marge de manoeuvre et gère exclusivement, d'ailleurs, sur son territoire, le régime d'aide sociale, le gouvernement fédéral remboursant une partie des coûts. S'il y a un précédent dans ce domaine-là, il y a un précédent dans d'autres domaines. En habitation aussi, c'est la même chose: le Québec est le seul gestionnaire des fonds en habitation sociale sur son territoire; le fédéral participe financièrement, une proportion d'au-delà de 50 %. Il y a un grand nombre d'exemples, d'ailleurs, au Québec. Le régime de santé en est un autre où le fédéral a une législation et où le Québec a la sienne aussi, et, dans la mesure où la législation québécoise ne contredit pas la législation canadienne, le gouvernement fédéral rembourse au Québec une partie importante des coûts. Mais la gestion est totalement québécoise. Donc, on a un grand nombre de précédents. Ce que le Québec demande, ce n'est pas de rapatrier la juridiction, auquel cas on perdrait le bénéfice de la péréquation du fonds d'assurance-chômage. Le Québec demande de gérer sur son territoire le programme pour éviter le dédoublement des coûts dont je parlais tantôt. Et l'effet de péréquation pourrait fort bien être maintenu.

Mme Harel: Mais est-ce que les exemples que vous nous donnez ne sont pas terriblement inquiétants? L'exemple que vous nous donnez en matière de transfert, en fait, le programme de transfert en matière de santé où Québec a obtenu un répit, pour un an et demi, deux ans, mais où, finalement, Ottawa, refermant le robinet, décide de l'assiette de services qui seront offerts aux citoyens... Est-ce qu'en matière de Régime d'assistance publique du Canada, au moment où ça a été adopté, en 1969, je crois, il n'était pas justement prévu que le transfert de compétences devait se faire dans les années qui suivaient? Et, finalement, le transfert n'a jamais suivi. Est-ce que vous n'êtes pas obligé comme gouvernement, comme l'ont été, d'ailleurs, tous les gouvernements, d'assujettir leurs lois, d'assujettir leurs programmes aux critères du RAPC... C'est quoi? Douze, à peu près. Tenez! Je vais vous donner un exemple, un parmi d'autres, mais on pourrait tellement en aligner, M. le Président, du corset, en fait, c'est un corset qu'a été le RAPC au Québec.

Il y a une excellente thèse de doctorat qu'il faut lire là-dessus, d'un professeur de l'Université du Québec à Montréal, excellente thèse, qui a étudié tous les programmes. Parce que les programmes de sécurité sociale sont tous financés par le Régime d'assistance publique du Canada qui finance, qui contribue pour 50 %.

Pensez, par exemple, au programme des garderies et demandez à la ministre déléguée à la Condition féminine les problèmes que ça lui a posés. Tenez! Prenons l'exemple des garderies; on reviendra ensuite au programme APPORT que vous ne réussissez pas à faire financer. On reviendra à tous ces autres programmes que vous ne réussissez pas à faire financer par le RAPC. Prenons les garderies. Le fédéral a décidé de ne financer, dans le cadre du RAPC, que pour les familles à faibles revenus et que la garde pour les moins de 6 ans. Alors, la garde scolaire, c'est Québec qui doit l'assumer à 100 %. Pendant, évidemment, longtemps, il faut comprendre que la raison pour laquelle la garde scolaire était terminée, au moment où les enfants devaient quitter l'école, c'est que, M. le Président, il n'y avait pas de financement pour le restant de l'année, pour le restant de l'été. Mais, ces enfants-là, ils ont autant besoin de garde l'été qu'ils ont besoin de garde dans l'année. Les enfants qui ont besoin d'être gardés, ils ont encore peut-être un besoin plus grand pendant les vacances scolaires. Mais, tout simplement parce que Québec se retrouvait à devoir assumer 100 %, il a dû assujettir son programme et faire en sorte qu'il épouse les critères de financement du programme canadien.

Mais le plus bel exemple, M. le ministre, vous le connaissez dans vos propres plates-bandes, ce sont les programmes que vous ne réussissez pas, comme le programme APPORT, à faire financer par le RAPC. Alors, c'est vraiment inquiétant, les exemples que vous nous donnez. En fait, vous allez vous satisfaire d'une entente administrative ou d'une loi-cadre? Qu'est-ce que vous demandez à Ottawa?

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas dit que la situation est parfaite. Loin de moi l'idée de prétendre que le Québec est entièrement satisfait de la façon dont fonctionne le RAPC. Ce que je dis, c'est que, sur le plan technique, il y a possibilité de négocier avec le gouvernement fédéral des arrangements administratifs. Il y a des précédents. Si les précédents ne sont pas parfaits, négocions des formules qui vont être encore meilleures que celles qu'on a présentement. Mais la technique existe, on peut la négocier.

Mme Harel: Sur la recevabilité, M. le Président, je veux signaler que, dans le rapport du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes, communément appelé le rapport Beaudoin-Dobbie, intitulé «Un Canada renouvelé», à la page 69, nous lisons la première recommandation: «Que la Loi constitutionnelle de 1867 soit modifiée afin de stipuler que toute province peut légiférer pour confirmer sa compétence exclusive en matière de formation de la main-d'oeuvre». On nous donne même un exemple de projet de modification constitutionnelle, à

l'annexe A, à la page 115. Alors, M. le Président, je vais peut-être vous demander de suspendre pour vérifier si mon amendement est conforme au projet de modification du rapport Beaudoin-Dobbie, mais, chose certaine, c'est certainement recevable qu'à ce moment-ci le Québec, dans son projet d'être le maître d'oeuvre, comme nous l'a indiqué, ce matin, le ministre, en matière de main-d'oeuvre, prenne de l'avance, comme il était possible de le faire en 1982, au moment où on révisait le Code civil, qu'il prenne de l'avance et qu'il légifère pour confirmer sa compétence exclusive en matière de formation de la main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection à ce que vous preniez l'article en délibéré et que vous rendiez votre décision plus tard, si vous voulez. On peut suspendre.

Le Président (M. Marcil): Non, je suis en mesure de me prononcer immédiatement sur la recevabilité.

M. Bourbeau: Alors, on vous écoute. Le Président (M. Marcil): Ça va? M. Bourbeau: On vous écoute.

Le Président (M. Marcil): Donc, dans ce cas-ci, naturellement, la recevabilité, moi, je dois toujours la juger en fonction de notre règlement et non pas en fonction des règlements d'autres Parlements. Je le fais en fonction du nôtre. Dans ce cas-ci, moi, je n'ai pas à me prononcer sur le fond, la légalité de l'amendement en question. Si je me réfère aux articles 244 et 197 de notre règlement, vous pouvez toujours le suivre, ceux qui veulent le suivre...

M. Bourbeau: On vous fait confiance, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): On dit, à l'article 244: «Les amendements doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise.» Et, à l'article 197, on dit: «Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à rencontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à remplacer des mots.» Donc, dans ce cas-là, je trouve que l'amendement est recevable parce que je n'ai pas à me prononcer sur le fond. (16 h 20)

Une voix: Je demande le vote.

Le Président (M. Marcil): Donc, il est conforme au principe du projet de loi, parce qu'on ne fait qu'ajouter, dans le fond, à l'article 2. On ne fait que préciser quelque chose. Donc, tout ce qui reste à faire dans ce cas-ci, c'est de mettre l'amendement aux voix et de le rejeter ou de l'adopter.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. On accepte votre décision.

Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme Harel: Alors, c'est recevable... Le Président (M. Marcil): Oui. Mme Harel: ...et on peut donc parler sur... Le Président (M. Marcil): L'amendement. Mme Harel: ...l'amendement.

Le Président (M. Marcil): C'est ça. Donc, je reconnais Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve sur l'amendement.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. le Président, en fait, la question est simple. C'est au moins les 5/6 des budgets de la Société qui devraient normalement venir du fédéral. Quand on regarde de près les budgets qui ont été communiqués dans le mémoire soumis au Conseil des ministres, on se rend compte que la presque majorité des budgets dont devrait disposer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sont de source fédérale. Alors, nous ne croyons pas qu'un simple arrangement administratif permette au Québec d'être véritablement maître d'oeuvre de l'ensemble des interventions gouvernementales sur le marché du travail. Il faut comprendre, M. le Président, que ce qui est en cause, c'est une mission qui concerne non seulement la formation professionnelle, mais qui concerne aussi le champ de la protection et du développement de l'emploi et de l'adaptation de la main-d'oeuvre.

Alors, comment imaginer qu'une simple entente administrative, qui, rappelons-le, pourrait être reniée par un gouvernement qui suit celui avec lequel l'entente pourrait être signée, comment imaginer établir au Québec une politique sérieuse qui ne résolverait pas d'abord la question de la compétence? Comment imaginer mettre sur pied, créer une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, aménager un siège social, transférer les 260 employés actuellement à la Direction générale de la formation professionnelle, mettre en place tout un branle-bas de combat pour que la montagne finisse par accoucher d'une souris? Un branle-bas de combat, M. le Président, pour finalement administrer les programmes québécois ou faire de la sous-traitance sur les programmes fédéraux. Alors, c'est évident que, comme un grand grand nombre, je dirais presque la totalité, non pas la totalité parce qu'il y avait, à quelques exceptions près, des intervenants devant la commission

parlementaire qui ont manifesté leur appui à un projet permettant au Québec d'exercer pleinement ses compétences constitutionnelles en général et d'exercer ses compétences dans le domaine de la main-d'oeuvre et de l'emploi en particulier...

L'amendement, M. le Président, consiste à soutenir les prérogatives québécoises dans le domaine de la main-d'oeuvre et de l'emploi et il serait difficile, il serait vraiment difficile de croire que le ministre puisse penser rejeter un tel amendement, parce que, M. le Président, il y aurait là une sorte de contradiction. Il nous dit que c'est ce qu'il veut obtenir, mais il battrait l'amendement qui indique que c'est ce qu'il veut obtenir. Parce que, en définitive, ce qu'il nous a dit, c'est qu'il souhaitait que Québec soit le maître d'oeuvre. Je vous rappellerai que, même si le ministre ne réclame que la gestion des mesures passives à l'assurance-chômage, rien ne lui interdit, une fois confirmée... D'ailleurs, M. le Président, comme le suggérait le rapport Beau-doin-Dobbie lui-même, une fois confirmée sa compétence exclusive, rien n'empêche le gouvernement du Québec de confier, par entente administrative cette fois-là, de confier à la caisse d'assurance-chômage le soin de percevoir les cotisations, le soin de les redistribuer. Rien ne l'empêche. Mais, M. le Président, ce sera toute la différence du monde entre être assujetti à une entente administrative en vertu de l'autorité compétente d'un autre et confier par entente administrative à un autre, mais en vertu de sa propre compétence. Alors, ce serait vraiment difficile de comprendre pourquoi les députés ministériels rejetteraient cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): merci beaucoup, mme la députée de hochelaga-maisonneuve. est-ce que, m. le ministre, vous voulez intervenir?

M. Bourbeau: Seulement un mot, M. le Président, pour qu'on sache pourquoi on a voté contre la proposition. La proposition de la députée de Hochelaga-Maisonneuve vient avant son temps, en ce sens qu'elle prend pour acquis que la Constitution canadienne pourrait être amendée et qu'à ce moment-là on peut légiférer malgré les dispositions présentes de la Constitution canadienne. Moi, je pense que c'est ce qu'on appelle mettre un peu la charrue devant les boeufs. Dans l'état actuel du droit, je ne pense pas que la Constitution canadienne permette de légiférer à rencontre de ce qu'elle contient. Et, moi, j'aurais peur, sans avoir demandé d'opinion juridique écrite, de mettre dans une loi québécoise un article qui, carrément, vient à rencontre de ce qu'édicté la loi du pays. Je ne voudrais pas me retrouver dans trois, quatre ans avec un jugement de la Cour qui dirait que la loi qu'on a adoptée aujourd'hui est illégale, anticonstitutionnelle, etc. À ce moment-là, tous les gestes qu'on aurait pu poser, dans l'avenir, pourraient être sujets à caution. Alors, dans ces conditions-là, M. le Président, j'aime autant légiférer dans la sécurité, d'autant plus que je suis le ministre de la Sécurité du revenu, alors ça m'incite à le faire, et remettre à plus tard les amendements constitutionnels ou législatifs, M. le Président, qui pourront toujours être faits en d'autres temps et d'une autre façon.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, votre droit de réplique.

Mme Harel: Comment, M. le Président, comprendre la position du ministre quand il nous dit qu'il veut obtenir la maîtrise d'oeuvre et qu'il ne prend pas les moyens pour l'obtenir? M. le Président, tout ça reste des paroles verbales, comme dirait mon collègue de Jonquière. Parce que, finalement, c'est un voeu pieux que le ministre formule. On est presque à Walt Disney, M. le Président. Si Québec ne revendique pas en légiférant pour affirmer clairement sa compétence, comment imaginer qu'il pourrait l'obtenir autrement?

Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Marcil): Donc, je vais mettre aux voix l'amendement. Est-ce que l'amendement est adopté?

Mme Harel: Vote nominal.

Le Président (M. Marcil): Vote nominal.

M. Bourbeau: Qu'on appelle les députés.

Le Président (M. Marcil): Donc, je vais appeler chacun des députés. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Harel: En faveur.

Le Président (M. Marcil): En faveur. M. le député de Laporte, ministre du Revenu et de la Sécurité...

Des voix: De la Formation professionnelle.

Le Président (M. Marcil): ...ministère de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle?

M. Bourbeau: Et de la Main-d'oeuvre.

Le Président (M. Marcil): Et de la Main-d'oeuvre, c'est très important.

M. Bourbeau: Je suis contre l'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Contre. M. le député de Berthier?

M. Houde: Contre.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Saint-Henri?

Mme Loiselle: Contre.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Nelligan?

M. Williams: Contre.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Trois-Rivières?

M. Philibert: Contre.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Châteauguay?

Mme Cardinal: Contre.

Le Président (M. Marcil): Donc, l'amendement est rejeté. Donc, je reviens toujours à l'article. Est-ce que l'article est adopté?

M. Bourbeau: Adopté.

Mme Harel: Sur division. (16 h 30)

Le Président (M. Marcil): L'article 2 est adopté sur division. J'appelle maintenant l'article 3.

Mme Harel: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Oui, Mme la députée.

Mme Harel: Alors, on a obtenu des informations concernant la Loi sur l'administration financière...

Le Président (M. Marcil): Oui, le projet de loi 181. La loi 181, c'est-à-dire, parce qu'elle a été adoptée.

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'aimerais obtenir cette fois du ministre des éclaircissements concernant la Loi sur la fonction publique. En fait, ce que j'aimerais savoir, c'est quelles sont ses intentions à l'égard du personnel de la société mère et des sociétés régionales. Comment est-ce qu'il voit que les choses vont se passer?

M. Bourbeau: J'espère qu'ils vont être heureux, bien traités et satisfaits de travailler pour la Société.

Mme Harel: Est-ce qu'ils seront régis par la Loi sur la fonction publique?

M. Bourbeau: Non. Non, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Juste une question de règlement, Mme la députée. Normalement, en fonction du règlement, vous n'aviez plus de temps pour parler, compte tenu... Peut-être deux minutes, c'est ça? L'article 2 est déjà adopté.

Mme Harel: Non, mais c'est l'amendement qui a été...

Le Président (M. Marcil): Non, non. L'amendement a été rejeté. J'ai demandé si l'article 2 était adopté tel que...

Mme Harel: Ah! je croyais que c'était l'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Et vous avez dit: Sur division.

M. Bourbeau: De toute façon, M. le Président, je crois que la question que pose la députée de Maisonneuve, on pourra y répondre quand on arrivera aux articles en question, les articles qui prévolent ces choses-là...

Le Président (M. Marcil): C'est les articles 49 et suivants, également, dans le chapitre...

M. Bourbeau: Non, qui prévoient l'assujettissement à la fonction publique ou non du personnel. Il y a un article qui le dit nommément. Moi, je ne veux pas éviter les questions, mais il me semble qu'on pourrait attendre d'arriver à ces...

Mme Harel: Est-ce que le ministre pourrait m'indiquer à quel article il me propose d'y revenir?

M. Bourbeau: Oui, je peux lui dire tout de suite de quel article il s'agit. M. le Président, il s'agit de l'article 11, deuxième paragraphe. On peut lire l'article 11 au complet. «Les employés de la Société sont nommés de la manière qu'elle prévoit par règlement et selon le plan d'effectifs qu'elle établit. «Les normes et barèmes de rémunération ainsi que les autres conditions de travail de ces employés sont établis par la Société et soumis à l'approbation du gouvernement.»

Donc, en aucun cas il n'est dit que la Société est sujette à la Loi sur la fonction publique. Donc, comme cela n'est pas dit, ça ne s'infère pas.

Le Président (M. Marcil): En d'autres mots, Mme la députée, on va reprendre le débat lorsqu'on sera rendu à l'article 11. Ça va?

Mme Harel: Bien, de toute façon, M. le Président... En adoptant la Société comme une corporation au sens du Code civil, est-ce que le ministre ne viendrait pas là d'indiquer l'exclusion de la fonction publique sur tel type de société?

M. Bourbeau: En fait, comme je le disais tout à l'heure, M. le Président, nous sommes en train de voter une loi qui institue une corporation. Donc, toute corporation n'est pas sujette, aucune corporation n'est sujette à la Loi sur la fonction publique, à moins qu'on ne le dise spécifiquement. À nulle part, il ne l'est dit. Donc, à moins qu'il ne soit dit...

Mme Harel: Alors, il serait, par exemple, possible de le dire à l'article 11.

M. Bourbeau: Ah! bien oui, si vous voulez faire plaisir...

Mme Harel: C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Bourbeau: ...à vos amis...

Mme Harel: Si ça doit être dit...

M. Bourbeau: ...de la CSN.

Mme Harel: ...ça doit l'être à l'article 11.

M. Bourbeau: Vous le direz à l'article 11.

Le Président (M. Marcil): Ça va?

M. Bourbeau: D'ailleurs, on attendra votre amendement.

Le Président (M. Marcil): Donc, j'appelle maintenant l'article 3.

M. Bourbeau: L'article 3, M. le Président, attribue à la Société le statut de mandataire du gouvernement en prévoyant deux particularités à cet égard: d'une part, l'exécution des obligations de la Société peut être poursuivie sur ses biens, malgré que ceux-ci fassent partie du domaine public, et, d'autre part, la Société n'engage pas le gouvernement lorsqu'elle agit en son nom, mais elle engage plutôt elle-même.

Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous indiquer des dispositions semblables dans d'autres lois du Québec?

M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas inusité, au contraire, c'est assez fréquent de rencontrer ce texte-là dans les lois québécoises. Je vais tenter de donner quelques exemples à la députée. Qu'il me suffise de dire pour l'instant que la principale conséquence juridique découlant de l'attribution du statut de mandataire du gouvernement est de rendre applicables à l'organisme, c'est-à-dire la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les privilèges et les immunités de la couronne, qu'il s'agisse des prérogatives existant en vertu de la «common law» ou de celles conférées par les lois ordinaires, qui sont nécessaires ou utiles à l'exécution de son mandat. Plus particulièrement, on peut mentionner l'immunité fiscale et le privilège de non-application des lois à la couronne à moins de mention expresse ou d'inférence nécessaire. À ce sujet, je suggère de voir l'article 42 de la Loi d'interprétation, chapitre I-16.

Bon. On attire mon attention, M. le Président, sur une loi sanctionnée le 25 octobre 1990, Loi sur là Société du parc industriel et portuaire de Bécancour, qui contient la même phrase, à peu près là, qui dit: «Ses biens font partie du domaine public mais l'exécution de ses obligations peut être poursuivie sur ses biens.» C'est pratiquement les mêmes mots. «La Société n'engage qu'elle-même lorsqu'elle agit en son nom.» C'est pratiquement le même texte.

La Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage dit exactement la même chose, c'est mot à mot. Je peux citer: «Les biens de la Société font partie du domaine public mais l'exécution de ses obligations peut être poursuivie sur ses biens. La Société n'engage qu'elle-même lorsqu'elle agit en son nom.» M. le Président, c'est pratiquement du plagiat, pour ne pas dire que ça en est.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, à ce moment-ci, j'aimerais présenter un amendement qui se lirait comme suit: Ajouter un quatrième alinéa: «La Société est assujettie aux pouvoirs du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen.»

M. Bourbeau: Tant qu'à y être, vous pouvez ajouter «le président de la Commission des droits de la personne».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Et pourquoi pas aussi «la loi d'accès à l'information».

Mme Harel: En regard de la Commission des droits de la personne, elle l'est automatiquement

de par les dispositions de la Charte des droits qui s'appliquent lorsqu'il y a des motifs de discrimination interdits. Ces motifs, on les connaît bien. Nul, évidemment, ne peut transgresser la Charte des droits. Mais je vous rappelle, M. le Président, que, si nous n'introduisons pas cet amendement dans le projet de création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, je comprends que ni le Vérificateur général ni le Protecteur du citoyen, qui n'ont pas, eux, contrairement à la Charte des droits, un mandat très large, ni donc le Vérificateur général ni le Protecteur du citoyen ne pourront exercer leur compétence.

M. Bourbeau: M. le Président, on peut les prendre un par un. À l'article 53 du projet de loi qu'on a devant nous, il est dit que «les livres et comptes de la Société sont vérifiés chaque année et chaque fois que le décrète le gouvernement, par le Vérificateur général ou, avec l'approbation du gouvernement, par un vérificateur désigné par la Société. Le rapport du Vérificateur doit accompagner le rapport d'activités et les états financiers de la Société».

Mme Harel: Quel article, ça? Une voix: 53.

M. Bourbeau: Je crois que, dès le départ, on prévoit à l'article 53 que le Vérificateur général, en principe, est celui qui vérifie les livres et les comptes de la Société. Il me semble que c'est...

Le Président (M. Marcil): Au chapitre?

M. Bourbeau: C'est l'article 53 du projet de loi.

Le Président (M. Marcil): 53. Donc, est-ce que l'amendement a sa raison d'être, Mme la députée?

Mme Harel: Concernant le Vérificateur général, non, mais concernant le Protecteur du citoyen, oui.

M. Bourbeau: Est-ce que la députée affirme que le Protecteur du citoyen n'a pas juridiction à moins qu'on ne le dise spécifiquement dans la loi? (16 h 40)

Mme Harel: Le Protecteur du citoyen a une juridiction sur les ministères du gouvernement du Québec et sur les organismes qui sont désignés dans la loi qui lui accorde juridiction. Mais je comprends que dans la mesure où il n'en est pas fait mention on soustrairait, au bénéfice d'un appel, d'un recours devant le Protecteur du citoyen, tout le domaine de la formation professionnelle et du développement de la main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: M. le Président, je dois dire qu'on est un peu pris par surprise, là. Je n'ai pas devant moi la Loi sur le Protecteur du citoyen. Ce que je suggérerais, c'est qu'on suspende, alors, l'application de l'article 3. On va prendre connaissance de... Est-ce que la députée veut modifier...

Mme Harel: Oui.

M. Bourbeau: ...son amendement, pour le restreindre au Protecteur du citoyen peut-être?

Le Président (M. Marcil): Oui, c'est ça. Donc, on va suspendre l'article 3 et l'amendement.

M. Bourbeau: II faudrait qu'elle fasse un nouvel amendement.

Le Président (M. Marcil): Oui.

Mme Harel: Je le retire, à ce moment-là.

Le Président (M. Marcil): Oui. Elle retire l'amendement. Donc, moi, je suspends, à votre demande, l'article 3. Il va y avoir des vérifications. Donc, on reviendra plus tard sur l'article 3.

M. Bourbeau: Très bien.

Le Président (M. Marcil): Ça va. J'appelle l'article 4.

M. Bourbeau: M. le Président, cette disposition concerne la détermination de la situation du siège social de la Société et prévoit la publication éventuelle d'un avis à ce sujet dans la Gazette officielle du Québec. Elle précise, par ailleurs, que la Société peut se réunir partout au Québec.

M. le Président, j'aimerais apporter un amendement à l'article 4, un amendement qu'on va faire distribuer, je présume, oui, et qui se lirait comme suit: Remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article 4 du projet de loi par la suivante: «4. La Société a son siège social sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, à l'endroit déterminé par le gouvernement.»

Cet amendement ajoute une précision quant à l'éventuelle localisation du siège social de la Société. Celui-ci sera situé sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Dans le plan d'action gouvernemental publié en décembre dernier par le président du Comité ministériel permanent de développement du Grand Montréal, l'actuel

président du Conseil du trésor, on retrouve un engagement du gouvernement à l'effet d'installer la principale place d'affaires de la Société à Montréal. Alors, j'aimerais savoir si le ministre a l'intention de préciser dans le projet de loi que la principale place d'affaires de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sera à Montréal, comme il s'est engagé à le faire en décembre dernier.

M. Bourbeau: M. le Président, la reconnaissance du rôle de capitale de la ville de Québec plaidait en faveur de la localisation du siège social à Québec ou, à tout le moins, sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. En commission parlementaire, tant la ville de Montréal que la ville de Québec se sont exprimées en faveur de cette localisation. Toutefois, cette localisation n'impliquera pas nécessairement que la majorité des effectifs de la Société se retrouvera à Québec. En effet, une région de l'importance et de la taille de Montréal sera susceptible de regrouper davantage d'effectifs qu'à Québec au niveau des activités opérationnelles et des services à la clientèle. Ainsi, la localisation du siège social de la Société à Québec n'empêchera pas qu'on puisse retrouver la principale place d'affaires de la Société à Montréal, tel que cela a été annoncé dans le plan stratégique du Grand Montréal. Donc, M. le Président, comme le gouvernement a déjà annoncé son intention, dans un document gouvernemental approuvé par le Conseil des ministres, de faire en sorte que la principale place d'affaires de la Société soit à Montréal, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin que ça dans le libellé de l'article 4.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je reviendrai avec un amendement à cet effet, mais j'aimerais, à ce moment-ci, demander au ministre comment il entend procéder pour operational iser la création de la Société, comment il voit, dans les mois qui viennent, la mise en place de la Société.

M. Bourbeau: M. le Président, vous connaissez le grand respect que j'ai pour l'Assemblée nationale. Tout est sujet à l'approbation de la loi, bien sûr, par l'Assemblée nationale et à l'attitude que prendra l'Opposition officielle au cours des prochains jours. Mais disons, M. le Président, en admettant que tout aille bien et que la députée de Maisonneuve conserve la bonne humeur qu'elle a présentement, et que la loi soit adoptée d'ici la fin de la présente session, j'aurais l'intention de soumettre au gouvernement, vers la fin de l'été probablement, des propositions pour former le conseil d'administration, faire en sorte que le conseil d'administration puisse commencer à siéger dès l'automne pour préparer un plan de transition des effectifs, des budgets du gouvernement du Québec et, espérons-le aussi, des effectifs et des budgets du gouvernement du Canada, de sorte que, ayant préparé au cours de l'automne toute la transition, on puisse faire en sorte que la Société devienne opérationnelle, disons, le 1er avril 1993, début de l'année fiscale 1993-1994 du gouvernement du Québec.

Mme Harel: Ça implique combien d'effectifs au niveau du ministère?

M. Bourbeau: Au ministère, présentement, nous avons environ 200 personnes.

Une voix:...

M. Bourbeau: Depuis qu'on a un nouveau sous-ministre, ça a augmenté, on est à 250.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Non, je fais une blague, M. le Président. Les effectifs n'ont pas augmenté, c'est ma mémoire qui faisait défaut. On a environ 250 personnes. Alors, je vais vérifier les chiffres exacts. Disons que c'est plutôt... Les chiffres que j'ai ici... Avec les occasionnels, M. le Président, c'est autour de 250. Dans les CFP, environ 750 postes. Les CFP, bien sûr, les fonctionnaires, les effectifs demeureraient là où ils sont, à moins que les sociétés régionales soient déplacées. Au niveau des fonctionnaires du gouvernement, c'est-à-dire, ce sont les fonctionnaires du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, un certain nombre demeureraient à Québec, étant affectés au ministère même, parce que le ministère va conserver quand même un module main-d'oeuvre étant encore en charge des responsabilités en matière d'orientation et de politique, un certain nombre pourront demeurer au siège social et un certain nombre seront affectés soit dans les régions, soit à Montréal. Qu'il me suffise de dire que, présentement, environ un tiers des 250 fonctionnaires sont affectés à Québec, un autre tiers à Montréal et un autre tiers dans les régions. Alors, ça pourrait ne pas signifier un grand déplacement de fonctionnaires, de ceux qui sont présentement à Québec, certains devant demeurer au ministère, d'autres pouvant être transférés au siège social de la Société et un certain nombre d'autres à Montréal, peut-être.

Mme Harel: Le ministre nous dit donc que son scénario est prêt pour débuter le 1er janvier 1993. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Bourbeau: Disons qu'il sera prêt. Je ne peux pas dire que, présentement, tout le scénario est fait et il est immuable, parce que, étant donné le grand respect que j'ai pour l'Assemblée nationale, M. le Président, je ne peux pas présumer de la date d'adoption de la loi. Mais,

dès que la loi sera adoptée, on verra à préparer le scénario pour faire en sorte que la société puisse être opérationnelle dès le début de l'année 1993.

Mme Harel: Quand le ministre nous indique que le tiers des effectifs de la Direction générale de la formation professionnelle sont en des régions autres que Montréal et Québec, où ces effectifs se retrouvent-ils?

M. Bourbeau: Ce sont les effectifs qui sont affectés à la qualification professionnelle et au service aux entreprises. Ils sont effectivement situés, dans la totalité des cas, je crois, dans les locaux des CFP.

Mme Harel: M. le Président, je constate la présence du sous-ministre à la formation professionnelle, je crois.

M. Bourbeau: Oui, on peut peut-être vous le présenter, M. Duc Vu, qui est le nouveau sous-ministre adjoint à la main-d'oeuvre et à la formation professionnelle.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais en profiter pour lui rappeler l'engagement qu'il a pris de transmettre à l'Opposition les données relatives à la participation aux programmes de formation lors de l'étude des crédits en commission parlementaire.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais dire à la députée de Hochelaga-Maisonneuve que les sous-ministres adjoints ne transmettent pas directement de documents aux députés de l'Opposition. Ça passe, bien sûr, par le cabinet du ministre. La députée de Hochelaga-Maisonneuve connaît les usages. Et on me dit que les documents sont sur mon bureau. Alors, comme je n'y suis pas et que je n'ai pas le don d'ubiquité, je ne peux pas les transmettre. Mais, dès que je serai de retour à mon bureau, je les ferai transmettre à la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, est-ce que le ministre a un motif pour vouloir contrôler les chiffres? Je comprends que ce sont des colonnes de chiffres. Est-ce qu'il a un motif particulier pour vouloir contrôler l'information?

M. Bourbeau: M. le Président, la députée sait fort bien que, quand elle pose des questions en commission parlementaire ou aux crédits, elle les pose au ministre. C'est le ministre qui s'engage à transmettre les documents. Donc, il ne faut pas qu'elle en veuille au sous-ministre adjoint.

Mme Harel: Pas du tout. (16 h 50)

M. Bourbeau: C'est le ministre qui a pris les engagements.

Mme Harel: J'ai tout transféré, là, l'attente que j'avais de ces informations-là, sur vous.

M. Bourbeau: Bon.

Mme Harel: Mais là je vous pose la question à vous.

M. Bourbeau: Disons qu'en premier lieu je dois...

Mme Harel: Qu'est-ce qui vous motive à retarder la transmission?

M. Bourbeau: Rien du tout, M. le Président. La députée de Maisonneuve sait fort bien comment je souhaite avoir des bonnes relations avec tous les députés. Je me fais un point d'honneur de donner le meilleur service possible à la clientèle. Cependant, avant de transmettre comme ça, bêtement, des documents, les chiffres, je dois les vérifier. Je dois les vérifier, tant et si bien que vous savez, parfois, qu'il peut y avoir des erreurs. Le ministre transporte toujours sa calculatrice sur lui. Alors, je vérifie tous les chiffres avant qu'on les envoie. Alors, dès que j'aurai eu l'occasion de les vérifier, je les transmettrai.

Mme Harel: Ça peut vous permettre aussi d'en prendre connaissance, finalement...

M. Bourbeau: Aussi, bien sûr.

Mme Harel: ...n'est-ce pas? étant donné que nous n'avions pas pu obtenir ces informations-là au moment de l'étude des crédits.

Le Président (M. Marcil): Nous sommes toujours sur l'amendement. Est-ce que la discussion sur l'amendement est terminée? Est-ce qu'il est adopté?

Mme Harel: D'abord, est-ce qu'il y a un amendement, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Oui, vous avez eu un amendement à l'article 4.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: On s'égare, M. le Président.

Mme Harel: C'est parce qu'on ne nous l'avait pas distribué, je crois.

Le Président (M. Marcil): Je pense que oui, madame.

Mme Harel: II est possible... Ah! il l'avait

été. Non, excusez-moi. Non, non, il l'avait été.

Le Président (M. Marcil): Oui, oui. Le personnel, habituellement, est exemplaire à cet effet.

Mme Harel: Évidemment, M. le Président, le ministre va comprendre qu'on va vouloir, dans le projet de loi, faire confirmer que la principale place d'établissement est à Montréal. Il n'y a pas de raison, parce que le gouvernement a jugé bon de l'écrire dans tous ses communiqués de presse, dans son plan d'action en décembre dernier, qu'il fasse défaut de l'écrire dans le projet de loi, étant donné, en plus, qu'un projet de loi, ça survit à un ministre. Un ministre passe, mais, en général, les lois ont une longévité beaucoup plus longue que les ministres.

Le Président (M. Marcil): Donc, je suppose que vous voulez apporter un amendement par la suite.

Mme Harel: Est-ce que ce serait un sous-amendement ou un amendement? Je vais me fier à votre expérience.

Le Président (M. Marcil): Je pourrais accepter un sous-amendement. Je suppose que c'est dans le but de préciser que la principale place d'affaires se situerait à Montréal. C'est ça?

Mme Harel: À Montréal. C'est bien ça.

Le Président (M. Marcil): Dans le Montréal métropolitain ou à Montréal?

Mme Harel: Montréal métropolitain.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous voulez l'écrire, Mme la députée?

Mme Harel: Très bien. (Consultation)

Mme Harel: on va vraiment indiquer «montréal métropolitain», m. le président, sinon ça pourrait fort bien se retrouver dans le comté de...

Le Président (M. Marcil): Vous voulez dire le Grand Montréal en fonction de...

Mme Harel: Du Montréal métropolitain, c'est-à-dire, c'est l'île de Montréal proprement dite, et non pas du Grand Montréal, sinon je sens que ça pourrait se retrouver près de Saint-Lambert.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Ou à Valleyfield.

(Consultation)

M. Bourbeau: ...M. le Président, le nom de la Chambre de commerce de Montréal, qui prétendait avoir des ramifications sur la rive sud, s'est transformé en Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en nous avisant qu'elle avait juridiction sur notre territoire. Alors, je ne sais pas trop exactement ce qu'on doit entendre par Montréal métropolitain, mais, moi, je prends pour acquis que ça inclut la rive sud.

Mme Harel: On va vous arranger ça, nous. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Vous n'avez pas pu lui en parler... juste retenu Montréal métropolitain. J'espère qu'il n'y aura pas un sous-sous-sous-amendement dans lequel on va indiquer la ville, la rue.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on aura droit à une ode à Montréal, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Donc, le sous-amendement se lit comme suit: Ajouter, après les mots «la Communauté urbaine de Québec», le sous-amendement suivant: «et sa principale place d'affaires sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal».

M. Bourbeau: M. le Président, il est rece-vable, je présume.

Le Président (M. Marcil): Oui, il est recevable.

M. Bourbeau: Alors, est-ce qu'on prend le vote, M. le Président, sur le sous-amendement?

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, le vote est demandé sur le sous-amendement.

Mme Harel: Immédiatement?

Le Président (M. Marcil): À moins que vous ne vouliez intervenir sur le sous-amendement? Je pensais que tout avait été dit sur ça.

Mme Harel: M. le Président, sincèrement je ne le ferais pas si j'avais la moindre indication que les ministériels entendent voter en faveur du sous-amendement.

M. Bourbeau: M. le Président...

Mme Harel: Parce que, s'ils entendaient voter en faveur, je ne plaiderais pas. Mais, si je sens qu'il y a encore de l'indécision, je vais

plaider.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): vous savez, mme la députée, c'est assez difficile de répondre à votre question. c'est comme si on me demandait...

Mme Harel: Je ne peux pas prendre de chances, alors.

Le Président (M. Marcil): Moi, je serais intéressé à me présenter député à la condition de gagner.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis dans un dilemme terrible, parce que je voudrais éviter la plaidoirie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: ...enfin, d'avoir à passer par les affres d'une plaidoirie de la députée de Maisonneuve. Mais, par contre, je ne peux pas lui assurer que les députés du parti gouvernemental vont voter en faveur de son amendement, donc...

Mme Harel: Est-ce que c'est un vote libre, d'abord, ou est-ce que c'est un vote de parti?

M. Bourbeau: Oui, oui, c'est libre. Je pense que c'est libre. Chacun est libre de faire ce qu'il veut. M. le Président,...

Mme Harel: Ce sera un vote nominal.

M. Bourbeau: Oui, sûrement, M. le Président. Mais là le problème qui se pose, c'est que, si je dis oui à la députée de Hochelaga-Maison-neuve, je ne peux pas présumer du vote de mes collègues et, si je dis non, je vais subir un discours de 20 minutes. Alors, de deux maux, il faut choisir le moindre, semble-t-il.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Alors, la conclusion. J'attends toujours la conclusion, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Je veux seulement savoir si vous avez l'intention de plaider, Mme la députée. Sinon, on va demander le vote.

Mme Harel: Écoutez, je vais vous dire simplement...

Le Président (M. Marcil): Ne prenez pas de chances.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Oui, c'est ça. C'est bien évident, dans le contexte où nous travaillons, M. le Président, je vais simplement plaider en faveur que nous introduisions de façon explicite ce qui a déjà fait l'objet d'un engagement public, en fait, politique. Je comprends qu'il y a eu une sorte de modus vivendi entre les maires des grandes villes de Québec et de Montréal. Je me rappelle les travaux de notre commission parlementaire où le maire de Québec est venu exprimer au nom de sa ville le désir profond que les centres de décision restent à Québec, mais il me semble qu'il a souscrit au fait qu'il puisse y avoir des activités importantes qui se déroulent là où se trouve évidemment le coeur, si vous voulez, en l'occurrence en matière de main-d'oeuvre. C'est bien évident que les entreprises et les travailleurs et travailleuses se trouvent principalement autour de la grande région métropolitaine de Montréal. (17 heures)

Alors, ça n'indique pas qu'il n'y a pas lieu de régionaliser. Ce sera un autre débat que nous ferons. Évidemment, nous n'y manquerons pas, M. le Président. Ce sera un débat important au sein de cette commission que ce pouvoir en région. Là, il s'agit, finalement, de savoir si on décentralise simplement là où seront les partenaires avec lesquels le ministère souhaite se concerter. Je crois que tous les partenaires ont indiqué leur satisfaction de voir que la principale place d'affaires serait à Montréal. Je comprends que, pour ceux d'entre eux, là, qui envisagent de siéger à cette commission, je ne sais s'ils ont obtenu la confirmation du ministre qu'ils y siégeraient, mais en tout cas, pour ceux qui siègent déjà à la Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, ça m'apparaît assez évident qu'ils considèrent, entre autres choses, que les réunions de la Société pourraient avoir lieu là où se tiendrait sa principale place d'affaires. Je crois comprendre ça.

Je ne sais pas où se déroulent les réunions de la Conférence permanente d'adaptation de la main-d'oeuvre. Est-ce que c'est alternativement à Québec, à Montréal ou, principalement...

M. Bourbeau: Parfois à Montréal, parfois à Québec, mais le plus souvent à Montréal. Disons à Montréal dans 90 % des cas.

Mme Harel: C'est sans doute ce que les partenaires du ministère souhaitent pour ce qui concerne la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. De toute façon, quoi qu'il en soit, je crois nécessaire que le projet de loi l'établisse clairement et fasse, oui, une sorte de dissociation entre la place d'affaires et le siège social. Je n'étais pas favorable, je dois vous dire, M. le Président, à cette dissociation avant que nous débutions les travaux en commission parlementaire. Mais, compte tenu des débats qui se sont faits sur cette question, je me suis

ralliée. Je crois que c'est plus sage d'agir de cette façon. Alors, je souhaite donc qu'on le dise par ailleurs formellement en adoptant cet amendement.

Le Président (M. Marcil): Ça va? Donc, est-ce que le sous-amendement... Oui, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne veux pas prolonger indûment, parce que nous procédons à pas de tortue, mais, enfin, je pense que je vais prendre une minute quand même pour préciser un peu que la raison pour laquelle je m'oppose personnellement à cette proposition-là, ce n'est pas que nous n'avons pas l'intention de faire de Montréal la principale place d'affaires de la Société. C'est nous-mêmes qui l'avons annoncé, et non pas comme ça, dans un communiqué de presse, dans un document gouvernemental qui a reçu la sanction du Conseil des ministres. Donc, c'est une annonce de gouvernement.

Maintenant, la députée de Hochelaga-Maisonneuve est très raffinée dans sa façon d'aborder la politique, M. le Président. Nous avons un gouvernement qui, pour une rare fois, annonce qu'une société d'État aura sa principale place d'affaires à Montréal. C'est très rare. On n'en a pas beaucoup comme ça. Vous savez tout le boucan que ça peut faire dans la région de Québec qu'une société va avoir sa principale place d'affaires en dehors de Québec. Déjà, ce n'est pas tellement bien vu sur la colline parlementaire. Donc, nous avons eu le courage de dire cela, de l'annoncer et d'en prendre un engagement, mais ça ne satisfait pas la députée de Hochelaga-Maisonneuve, M. le Président, qui veut pousser le raffinement jusqu'à l'introduire dans la loi. Ce serait une première. Ce serait une première parce que la notion de principale place d'affaires est une notion qui est relativement plus floue que la notion de siège social. Un siège social, c'est très connu, c'est une expression qui est juridique, qui est contenue dans la Loi sur les compagnies, par exemple. On sait que dans une charte d'une compagnie, dans les lettres patentes, on parle toujours du siège social et, bon, on sait ce que c'est. La place d'affaires, ça peut varier.

Bon, la principale place d'affaires, on peut l'identifier, mais une société peut avoir plusieurs places d'affaires et, un jour, une place d'affaires qui n'était pas la principale peut le devenir en raison du développement que peut connaître une ville par rapport à une autre. Elle peut modifier sa place d'affaires ou sa principale place d'affaires. Donc, je considère que c'est un peu dangereux que d'introduire, peut-être pour la première fois dans la législation québécoise, une notion comme celle-là dans une loi. Je pense que c'est probablement un précédent. Ça ne me semble pas, sur le plan juridique, de la bonne législation que d'arriver et d'introduire dans une loi cette notion de la principale place d'affaires. Je pense que le gouvernement a déjà pris ses responsabilités dans ce dossier-là, à ce sujet-là. Il est allé plus loin probablement qu'aucun autre gouvernement à l'occasion d'une loi en annonçant son intention de faire de Montréal la principale place d'affaires, et ça devrait satisfaire les appréhensions de la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mais elle pourra quand même - et je termine là-dessus - dire à ses commettants, à ses échevins et à son maire qu'elle a fait tous les efforts requis pour tenter de bonifier la loi, mais que, malheureusement, le mauvais ministre lui a résisté.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, c'est justement parce que j'ai l'intention de faire tous les efforts requis que je vais utiliser tout le temps qui est à ma disposition sur cette question. Il me reste combien de temps?

(Consultation)

Le Président (M. Marcil): On va vous dire ça immédiatement, Mme la députée. En vertu de l'article 245, le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi, chaque amendement ou sous-amendement ou à chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante. Ce temps de parole peut être utilisé en une ou plusieurs interventions. Donc, Mme la députée a parlé pendant cinq minutes. Il vous reste 15 minutes, madame.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. J'aurais espéré, M. le Président, que cela ne fût pas nécessaire, mais je me rends compte que je n'ai pas réussi à convaincre le ministre et je vais essayer de m'y employer durant les 15 minutes qui sont à ma disposition. Le ministre nous dit que l'annonce en a été faite par le gouvernement et que cette annonce devrait tenir lieu d'engagement. Il y a une manière par laquelle les gouvernements parlent. Ils parlent par la bouche de leur législation. Le reste, c'est des promesses d'élections. Les annonces restent des paroles en l'air tant qu'on ne vote pas là-dessus. C'est une annonce qui n'aura de valeur que le papier sur lequel elle est écrite, si le gouvernement ne se sent pas tenu de s'y engager au-delà même, si vous voulez, de la période pour laquelle il est au gouvernement.

Une loi, c'est une façon d'introduire une sorte de pérennité, n'est-ce pas? Les lois demeurent même si les gouvernements changent. Pour qu'une loi change, il faut qu'un gouvernement change la loi. Évidemment, il faut là une volonté politique. Je crois que le meilleur argument qu'on puisse utiliser, c'est évidemment de dire au

ministre que la meilleure façon de garantir que l'annonce faite en décembre deviendra réalité, même si, par exemple, il n'était plus le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle en septembre prochain.... Qu'est-ce qui pourrait arriver, n'ayant pas mis dans le projet de loi la disposition qui fait l'objet du sous-amendement, si, pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons, son premier ministre décidait de le remplacer? Le nouvel arrivant ne se sentirait absolument pas lié par l'engagement dont il aurait entendu parler ou qu'il aurait même pu lire dans un document parce que, finalement, le nouvel arrivant pourrait dire que ça n'a pas été adopté, et ce serait vrai. Alors, il n'y a qu'une manière. C'est toujours surprenant, d'ailleurs, de voir qu'en politique, quand on est ministre, on agit comme si on allait l'être pour la vie. Ça, c'est toujours quelque chose qui me fascine. C'est une énigme que je ne réussirai pas à résoudre avant de quitter la politique. C'est comme si les gens opéraient comme s'ils allaient toujours occuper cette fonction-là. Ils n'envisagent pas que, finalement, ils sont de passage. Ils sont de transition uniquement, et leur législation, ils doivent la faire pour ceux qui suivront. (17 h 10)

D'autre part, M. le Président, le ministre invoque que cette expression serait trop imprécise, l'expression «principale place d'affaires», pour l'introduire. Je suis convaincue que ses conseillers pourraient certainement... Et je vais d'ailleurs faire l'exercice de demander à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale de nous retrouver, dans les législations du Québec, cette expression «principale place d'affaires». C'est une expression courante. Ce n'est pas, à mon point de vue, inusité. Ce qui peut être inusité, c'est de l'utiliser dans une législation pour indiquer que le siège social va être distinct de la principale place d'affaires. Mais, justement, le ministre nous a dit que c'était là un choix récent de son gouvernement, mais que ce choix était courageux et que ce choix allait sans doute se répéter dans l'avenir, si tant est que c'est un choix judicieux.

Alors, il va falloir que lui-même ou un de ses collègues, le premier - il en faudra un, un premier, vous savez, qui introduira une formulation semblable. À force de ne pas vouloir être les premiers, M. le Président, on finit par tourner en rond. Alors, c'est finalement une disposition qui a une signification et qui engage le gouvernement.

Alors, pour toutes ces raisons, je vais vous inviter, M. le Président, à procéder à un vote nominal, et je termine immédiatement.

Le Président (M. Marcil): Ça va? Mme Harel: Oui.

Le Président , (M. Marcil): donc, je vais appeler un vote nominal, tel que demandé, sur le sous-amendement à l'amendement proposé à l'article 4, qui se lit comme suit:

Remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article 4 du projet par la suivante: «4. La Société a son siège social sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, à l'endroit déterminé par le gouvernement.»

Le sous-amendement suivant s'ajouterait à cet amendement. Il se lit comme suit: «et sa principale place d'affaires sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal».

Donc, Mme la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Marcil): m. le député de laporte, ministre de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle?

M. Bourbeau: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Saint-Henri?

Mme Loiselle: Contre.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Trois-Rivières?

M. Philibert: Contre.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Châteauguay?

Mme Cardinal: Contre.

Le Président (M. Marcil): Donc, le sous-amendement est rejeté. Nous revenons sur l'amendement. Nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes, pour des raisons très spéciales. Deux, trois minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Marcil): Nous revenons à l'amendement à l'article 4: Remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article 4 du projet de loi par la suivante: «4. La Société a son siège social sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, à l'endroit déterminé par le gouvernement.»

Est-ce qu'il y a des intervenants sur l'amendement? Aucun intervenant. Donc, est-ce que l'amendement est adopté?

M. Bourbeau: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Adopté. Est-ce que l'article 4 est adopté tel qu'amendé?

M. Bourbeau: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Adopté. Donc, j'appelle l'article 5.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais apporter un amendement à l'article 5 qui vise à remplacer les paragraphes 1°, 2° et 3° du deuxième alinéa de l'article 5 du projet par les suivants: «1° six membres qui représentent la main-d'oeuvre québécoise dont cinq sont choisis après consultation des associations de salariés les plus représentatives; «2° six membres qui représentent les entreprises dont cinq sont choisis après consultation des associations d'employeurs les plus représentatives et un après consultation des organismes du milieu coopératif les plus représentatifs; «3° six autres membres dont un représente le milieu de l'enseignement secondaire et un autre le milieu de l'enseignement collégial; ces deux derniers membres sont choisis après consultation des ministres concernés.»

La modification proposée au paragraphe 1° a pour objet de permettre d'élargir la composition du bloc main-d'oeuvre au sein du conseil d'administration de la Société. Cinq des six sièges de ce bloc demeurent réservés aux représentants des associations de salariés, alors que le sixième serait ouvert à différentes alternatives qui pourront permettre une représentation particulière de la main-d'oeuvre non syndiquée ou en chômage, de certains groupes défavorisés sur le marché du travail, etc.

La modification proposée au paragraphe 2°, pour sa part, vise à préciser le partage à l'intérieur de la représentation des entreprises. Cinq membres seront choisis après consultation des associations d'employeurs et un le sera après consultation des organismes du milieu coopératif.

Quant au paragraphe 3°, il s'agit d'une modification de forme visant à en simplifier la lecture.

Le Président (M. Marcil): Seulement pour fins de clarification, M. le ministre, au paragraphe 3°, «six autres membres dont un représente le milieu de l'enseignement secondaire et un autre le milieu de l'enseignement collégial». Les quatre autres vont représenter...

M. Bourbeau: Personne. C'est le gouvernement qui nomme les six membres, mais, parmi ces six membres-là, il doit en choisir un...

Le Président (M. Marcil): Un absolument pour le secondaire et un pour l'enseignement collégial.

M. Bourbeau: C'est ça. Les autres, il y a pas d'obligation de les choisir dans un groupe particulier.

Le Président (M. Marcil): Ça va. Donc, Mme la députée. (17 h 20)

Mme Harel: D'abord, M. le Président, est-ce que le ministre peut nous indiquer, au paragraphe 1° de l'amendement qu'il présente, quelles sont les associations de salariés les plus représentatives auxquelles il est fait référence?

M. Bourbeau: pour l'instant, m. le président, je n'ai pas poussé ma réflexion jusqu'à identifier nommément les associations les plus représentatives. on verra, en temps et lieu, quand il sera temps de procéder à ces nominations-là, à identifier, parmi les associations de salariés, celles qui nous apparaîtront les plus représentatives.

Mme Harel: Je pense que le ministre n'a pas bien compris ma question, M. le Président. Je ne lui demande pas qui il va nommer ni de quelles associations représentatives elles proviendront, ni de combien de sièges chacune de ces associations représentatives jouiront. Je lui demande simplement: Auprès de quelles associations représentatives a-t-il l'intention de mener sa consultation?

M. Bourbeau: Auprès de...

Mme Harel: Ça ne préjuge ni de celles qui y siégeront, ni du nombre de sièges qu'elles détiendront.

M. Bourbeau: Je pense aux syndicats, M. le Président, ce qu'on appelle les unions, les syndicats.

Mme Harel: Les unions, les syndicats. M. Bourbeau: «Qu'ossa donne?»

Mme Harel: Est-ce que le ministre peut nous indiquer s'il entend consulter tous les syndicats et toutes les unions?

M. Bourbeau: Celles qui nous apparaîtront les plus représentatives.

Mme Harel: Bon! Faut-il comprendre que le ministre ne le sait pas à l'heure où on se parle? Encore une fois, je précise bien, je lui demande, parce que ce n'est pas peu, là, ni de me dire combien d'associations représentatives seront représentées, ni combien de sièges elles détiendront. Je lui demande juste de m'indiquer auprès desquelles de ces associations représentatives il entend mener sa consultation.

M. Bourbeau: Écoutez, disons que j'ai une

bonne idée de ce que peuvent être les associations les plus représentatives, mais disons que mon idée là-dessus, ma pensée n'est pas complètement... ma réflexion n'est pas complètement terminée, plutôt. il y a un grand nombre d'associations qui font des représentations et, pour l'instant, on écoute.

Mme Harel: Est-ce que la FTQ fait partie de ces associations représentatives?

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Alors, là, je vois la méthode que va utiliser la députée de Hoche-laga-Maisonneuve, M. le Président. Avant de m'embarquer dans cette galère, je vois que je pourrais très ¦ bien, à l'égard de certaines des associations, répondre positivement, mais plus elle va s'avancer sur ce chemin-là, M. le Président, plus ça va devenir difficile de répondre. Donc, j'aime autant, M. le Président, arrêter immédiatement la... Je dois avouer que c'est très habile, d'ailleurs, de la part de la députée de Hochelaga-Maisonneuve. En commençant par la FTQ, on ne se trompe pas - il s'agit évidemment du syndicat le plus important au Québec - et, M. le Président, j'aurais trop peur de m'avancer sur une pente qui deviendrait de plus en plus savonneuse au fur et à mesure qu'on s'avancerait.

Mme Harel: Je vous rappelle, M. le Président, que je suis toujours uniquement sur le premier alinéa.

Le Président (M. Marcil): Le premier?

Mme Harel: C'est bien ça. Alors, j'ai l'intention d'y rester, M. le Président...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...parce que je ne pourrais pas comprendre qu'à ce moment-ci, je ne pourrais pas comprendre...

M. Bourbeau: ...les menaces, là.

Le Président (M. Marcil): Vous pouvez y rester jusqu'à 20 minutes, madame, pas plus.

Mme Harel: C'est ce que j'ai compris lorsque vous nous avez fait part du règlement.

M. Bourbeau: Le comble de l'endurance. Mme Harel: Je comprends donc que...

M. Bourbeau: Passer 20 minutes sur un alinéa.

Mme Harel: ...à ce moment-ci, M. le Président, le ministre nous dit qu'il n'a pas une idée exacte des associations représentatives qui seront consultées.

M. Bourbeau: J'ai dit, M. le Président...

Mme Harel: Je lui demande: Est-ce que la FTQ le sera? Il semble ne pas encore l'avoir décidé. C'est ce que je dois comprendre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! M. le Président, la députée peut comprendre ce qu'elle veut. Je n'ai pas l'intention... Je veux que ce soit clair et je ne veux pas que la députée de Hochelaga-Maisonneuve prenne ça comme une offense, M. le Président, et qu'elle me punisse par un discours de 20 minutes. Tout ce que je peux lui dire, c'est que je n'ai pas l'intention, présentement, d'ouvrir ce débat-là parce qu'on n'en finira pas. Ce n'est pas le temps aujourd'hui de décider qui va représenter et, d'abord, quels syndicats vont être représentés et combien chaque syndicat pourra compter de représentants au siège social de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas le lieu, M. le Président, pour discuter de ça. Je n'ai pas l'intention d'en discuter et, connaissant la subtilité de la députée de Hochelaga-Maisonneuve, je vois que, si je m'embarque dans des réponses, M. le Président, à l'égard des syndicats qui apparaissent les plus importants au Québec, ce que je pourrais très bien faire, je vais me retrouver rapidement devant une situation assez difficle où je vais devoir dire ou ne pas dire si tel syndicat d'importance moyenne, disons, pourrait ou ne pourrait pas être parmi ceux qu'on va consulter. Donc, pour ne pas décevoir qui que ce soit aujourd'hui et parce que ma réflexion n'est pas terminée, j'aime autant ne pas m'avancer là-dessus.

J'espère que la députée de Hochelaga-Maisonneuve ne prendra pas ça, M. le Président, comme un refus de collaborer. C'est de la sagesse pure et simple, c'est tout.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée.

M. Bourbeau: D'autant plus, M. le Président, qu'il y a en cette salle des personnes qui écoutent avec attention tout ce que je dis et qui pourraient peut-être mal interpréter mes paroles.

Mme Harel: M. le Président, je ne demande au ministre ni de m'indiquer quels syndicats vont être représentés, ni de m'indiquer combien de sièges ils vont détenir. Je lui demande simplement de m'indiquer lesquels de ces syndicats vont être consultés. Est-ce qu'il n'entend consulter que ceux... Je vais lui poser la question. Alors, c'est peut-être ça, finalement, qui va résoudre l'imbroglio. Est-ce qu'il entend ne consulter que ceux qui vont être appelés à siéger à la Société?

M. Bourbeau: Pas nécessairement.

Mme Harel: Alors, il envisage de consulter des unions, comme il l'a dit, des syndicats qui, pour autant, ne siégeraient pas à la Société.

M. Bourbeau: je n'ai pas dit ça non plus. j'ai dit que la liste n'est pas exhaustive. je vais consulter ceux qui nous apparaîtront être les plus représentatifs.

Mme Harel: Qu'est-ce qui est si miné comme terrain pour que le ministre ait l'air de s'avancer comme s'il y avait une bombe à retardement? Qu'est-ce qui le rend si méfiant, M. le Président?

M. Bourbeau: M. le Président, c'est que...

Le Président (M. Marcil): Je ne suis pas habilité, Mme la députée, à répondre à cette question.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est qu'on voit très bien la technique qu'emploie la députée de Hochelaga-Maisonneuve pour m'amener rapidement dans un coin, comme on dit, et je ne veux pas me retrouver dans un coin où j'aurais à dire, ici même, aujourd'hui: Non, tel syndicat ne fera pas partie, oui, tel autre syndicat. Je ne le sais pas présentement et je ne veux pas avoir à porter de jugement aujourd'hui sur la représentativité ou non d'un syndicat, parce que ma réflexion n'est pas terminée. Alors, je n'en suis pas là encore.

Mme Harel: On a terminé les travaux de la commission parlementaire il y a trois mois ou presque. C'était le 18 avril ou le 18 mars. Excusez-moi, M. le Président, le 18 mars. Ça fait déjà trois mois. Lorsque la clôture de nos travaux est arrivée, j'avais posé la question au ministre et, il y a trois mois, il disait qu'il n'était pas prêt. Là, au moment où je lui repose la question, il me dit qu'il n'est pas prêt. Puis, pourtant, il y a à peine une heure ou deux, il m'indiquait son grand désir de soumettre au Conseil des ministres, dès la fin de cet été, une proposition sur la composition. Alors, quel événement va surgir cet été qui va lui permettre de dénouer la situation?

M. Bourbeau: M. le Président, l'événement qui va me permettre... c'est l'adoption de la loi. La députée de Hochelaga-Maisonneuve sait le grand respect que j'ai pour l'Assemblée nationale et je ne veux pas être accusé de lèse-Parlement, pour employer l'expression qu'elle connaît bien, en annonçant aujourd'hui qui seront les syndicats qui vont être appelés à siéger, combien ils vont compter de représentants. La députée de Hochelaga-Maisonneuve pourrait, M. le Président, me blâmer sévèrement pour avoir pris pour acquis que le Parlement adopterait une loi alors qu'elle est en discussion. Elle sait de quoi je parle. Alors, moi, je prends pour acquis que... Je ne prends rien pour acquis, justement, et je prends les étapes une par une. Aujourd'hui, on est à l'étape de l'étude du projet de loi. Si l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, décide d'adopter la loi, on passera à l'étape suivante et, là, on commencera à regarder quelles sont les associations les plus représentatives. (17 h 30)

Mme Harel: M. le Président, le ministre serait à blâmer s'il nommait ou désignait des personnes avant même que la loi soit adoptée ou il serait à blâmer s'il laissait entendre, par exemple à des personnes - ce qu'il ne fera pas, j'en suis convaincue - mais, par exemple, ce qu'il pourrait faire, laisser entendre à des personnes qu'elles pourraient être nommées si tant est qu'elles appuyaient son projet. Ça, je pense que le ministre pourrait être à blâmer, mais il ne le serait certainement pas, en tout cas, par nous, M. le Président, s'il nous indiquait tout simplement quelles seront ces associations de salariés représentatives qui seront consultées. Ça ne présume en rien des nominations qui seront faites une fois que la consultation sera terminée.

M. Bourbeau: Mais si, M. le Président, l'Assemblée nationale décidait de ne pas passer la Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, j'aurais perdu mon temps à faire tous ces exercices-là et toutes ces réflexions-là. Donc, j'aime autant attendre pour voir si l'Assemblée nationale va adopter la loi et, après, on s'affairera à considérer le problème qui hante présentement la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, le ministre nous indique qu'il a l'intention de nommer six membres qui représentent la main-d'oeuvre québécoise, dont cinq sont choisis après consultation des associations de salariés les plus représentatives.

M. Bourbeau: Exact.

Mme Harel: II n'a donc pas retenu la recommandation de la FTQ à l'effet que les membres du conseil d'administration soient nommés selon le choix des organismes qui seront appelés à y siéger. C'est ce qu'il faut comprendre?

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve peut comprendre ce qu'elle veut; elle a le texte devant elle. Alors, elle peut faire toutes les supputations qu'elle veut, elle peut porter tous les jugements qu'elle veut. Moi, j'ai considéré les points de vue de tout le monde. Bon, la FTQ a fait des suggestions intéressantes lors de la commission parlementaire. On a tenté

d'en tenir compte dans la mesure du possible. La CSN aussi a fait des suggestions intéressantes,' la CSD également et beaucoup d'autres syndicats, de même que les organismes patronaux. Quand on légifère, on ne peut pas tenir compte à la fois de toutes les recommandations de tout le monde et arriver avec un projet de loi qui se tient. Il faut choisir. Alors, nous avons choisi les formules qui nous apparaissent les plus équitables, les plus susceptibles de permettre à la Société de fonctionner avec efficacité et harmonieusement.

Mme Harel: Alors, est-ce que la formule dont il s'agit, c'est celle qui permet au ministre, une fois la consultation terminée, de choisir parmi les noms suggérés ceux des personnes qu'il voudra voir siéger à la Société? C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Bourbeau: bien, ce n'est pas le ministre. je crois que c'est le gouvernement. d'après le document qu'on a devant nous, c'est le gouvernement qui les choisit.

Mme Harel: Alors, donc, le ministre va faire une recommandation au Conseil des ministres sur la composition de la Société. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Bourbeau: Exact. Le ministre propose et le gouvernement dispose.

Mme Harel: Avec l'amendement qui est introduit, l'amendement consiste à diminuer de six à cinq le nombre de représentants des associations de salariés les plus représentatives, il faut donc comprendre qu'un sixième membre représentant la main-d'oeuvre québécoise serait également nommé par le gouvernement, et il n'y a aucune consultation qui est prévue pour le choix de ce sixième membre qui représenterait la main-d'oeuvre québécoise en dehors, là, des associations de salariés représentatives. Alors, comment le ministre entend-il procéder à ce choix?

M. Bourbeau: M. le Président, en commission parlementaire, les groupes représentant les intérêts des femmes, des jeunes, des communautés culturelles, des personnes sans emploi et des personnes non syndiquées avaient demandé l'ajout d'un quatrième bloc de partenaires au sein du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, afin d'y assurer la représentation de ces groupes sociaux.

La modification que nous proposons au paragraphe premier du deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi permettra de préserver le caractère tripartite du conseil, tout en permettant une certaine représentation des intérêts de ces groupes qui connaissent des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail.

Mme Harel: , Oui. Alors, ceci étant dit, comment allez-vous le choisir?

M. Bourbeau: M. le Président, il y a un certain nombre de personnes qui seront choisies après consultation d'organismes qui sont indiqués, tel qu'indiqué dans l'amendement. D'autres seront choisies après des consultations, mais qui n'auront pas nécessairement été faites auprès d'organismes qui sont visés par l'amendement. C'est bien évident que, quand on procède à des nominations, il y a toujours une forme de consultation qui est effectuée par le ministre ou par le gouvernement, et nous consulterons dans les milieux dont je viens de parier.

Mme Harel: Alors, pourquoi ne pas l'avoir rédigé? Pourquoi ne pas avoir ainsi formulé l'amendement qu'il prévoie aussi la consultation pour ces milieux-là? Pourquoi ne s'être engagé à consulter que pour les associations les plus représentatives ou encore pour les entreprises, mais ne pas s'être engagé à consulter dans les cas dont le ministre vient de nous parier?

M. Bourbeau: M. le Président, c'est que ça devient un peu plus difficile quand on arrive dans des groupes... Je ne sais pas, moi. J'ai nommé les groupes d'intérêt des femmes, des jeunes, des communautés culturelles, des personnes sans emploi, des personnes non syndiquées. La liste peut s'allonger indéfiniment; si on devait, par exemple, dire des personnes non syndiquées les plus représentatives, les consultations pourraient durer longtemps. Je ne sais pas combien il y a de personnes au Québec qui sont non syndiquées, mais c'est difficile d'identifier ces personnes-là une par une. Ça deviendrait, sur le plan technique, un peu plus difficile d'aller plus loin que ce qu'on a indiqué dans le projet de loi.

Mme Harel: Est-ce que le ministre a pris connaissance de la position rendue publique par l'Institut canadien d'éducation des adultes, le Conseil permanent de la jeunesse et le Regroupement québécois des organismes de développement de l'employabilité, à l'effet que l'ajout d'un poste au conseil d'administration se faisait aux dépens de la représentation des syndicats et qu'ils s'y opposaient? Leur communiqué spécifiait ceci: Non seulement le projet de loi remanié ne créerait-il pas une quatrième catégorie de partenaires, mais il retirerait un siège un bloc syndical. Il n'est pas dans l'intention du milieu communautaire de se substituer au rôle légitime des syndicats, mais bien plutôt d'ajouter une expertise à la voix de la main-d'oeuvre exclue du marché du travail de celle qui n'est pas syndiquée.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est évident qu'on pourrait ajouter des sièges. On pourrait

remettre six sièges aux milieux syndiqués, on pourrait remettre six sièges au patronat, ajouter des sièges pour tous les groupes de pression, les minorités, quelles qu'elles soient, et on se retrouverait éventuellement avec un conseil d'administration de 40 personnes. Et là, vous seriez la première à blâmer le gouvernement pour être irréaliste, former des conseils d'administration trop importants en nombre, qui ne permettraient pas une gestion efficace du dossier.

Il faut savoir choisir à travers tout ça et faire des choix et des compromis. Bon. C'est évident que le milieu syndical préférerait sûrement avoir six sièges plutôt que cinq, et le milieu patronal aussi, je suis convaincu. Par contre, si je demandais au milieu syndical ou patronal est-ce que vous préférez avoir six sièges plutôt que cinq et vous retrouver avec une quatrième roue au véhicule, un quatrième partenaire en dehors de la... Bien, je ne suis pas convaincu que j'aurais une réponse affirmative partout parce qu'en multipliant comme ça les partenaires à la table, on ne simplifie certainement pas l'administration. Donc, plutôt que d'avoir à insérer dans la structure un quatrième partenaire, ce qui contredit la philosophie générale que nous avons avancée depuis le début qui veut qu'il y ait trois partenaires sur le marché du travail, l'employeur, le travailleur et le gouvernement... En nous éloignant de cette philosophie-là, on introduisait une nouvelle dynamique dans tout le projet que je n'ai pas voulu introduire.

Alors, pour tenter de faire droit à des représentations que je trouvais valables et auxquelles nous pouvons peut-être tenter de répondre, nous avons décidé, comme ça, de retrancher un siège tant à la partie syndicale qu'à la partie patronale de façon à faire une place, soit dans la délégation syndicale ou dans la délégation gouvernementale, à certains représentants de certains groupes qu'on jugerait susceptibles d'apporter une contribution encore plus valable que d'autres à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. (17 h 40)

Mme Harel: Alors, le ministre a donc enterré toute l'argumentation qui s'est exprimée en commission parlementaire à l'effet qu'une des tendances lourdes du marché du travail était l'exclusion de certaines catégories de travailleurs: les femmes, les emplois traditionnels, les personnes d'âge moyen, les changements technologiques, les jeunes sans expérience de travail, et que, pour corriger la situation et rétablir ce déséquilibre, il fallait une volonté politique qui s'exprime dans la composition même des lieux de décision, de concertation, pour simplement corriger cette sorte de discrimination systémique, très lourde sur le marché du travail, une discrimination qui fait que, s'il n'y a pas une volonté politique en faveur de l'équité, c'est une accentuation... La formation professionnelle sert simplement à consolider, sinon à consacrer cette exclusion. Alors, le ministre, si je comprends bien, fait fi de cette problématique-là.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense qu'il n'est pas exact ni équitable à mon endroit de dire que le ministre ne se préoccupe pas d'équité. Je pense que j'ai fait des luttes récentes, pas seulement récentes, mais depuis toujours pour faire triompher la justice et l'équité. Dans un autre projet de loi que nous verrons bientôt, le projet de loi 30, la députée sait que j'ai fait une bataille assez importante pour conserver la notion d'équité dans l'appréciation de certains problèmes.

Pour l'instant, je ne pense pas que nous mettions de côté les préoccupations dont elle fait état. Justement, l'amendement que je propose aujourd'hui vise à faire de la place, faire une place qui permettrait éventuellement, lorsque nous procéderons aux nominations, d'introduire des représentants provenant des groupes dont elle parle, soit dans le poste qui est dégagé dans la représentation des travailleurs, soit dans la représentation gouvernementale, où il y a une certaine possibilité d'introduire des représentants des groupes dont elle parle. Il n'est pas dit, M. le Président, que nos amis du monde syndical ne jugeront pas opportun de suggérer des nominations de femmes au conseil d'administration. Je sais qu'il y en a quelques-unes qui ont une certaine compétence, plusieurs même, sûrement. Rien ne nous dit que les patrons, le milieu patronal ne jugera pas opportun de suggérer des représentants du sexe féminin, des communautés culturelles ou des jeunes. Donc on ne peut présumer dès le départ que les partenaires du marché du travail ne nous suggéreront que des noms de mâles âgés provenant des milieux blancs, en emploi, syndiqués, etc.

Mme Harel: M. le Président, je comprends que, malheureusement, le ministre a passé outre complètement à toute la problématique qui a été longuement expliquée en commission parlementaire, notamment sur la nécessaire représentation du mouvement des femmes en tant que tel au sein de la Société. Encore une fois, le ministre revient avec l'idée que les associations pourront nommer des femmes. Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit, M. le Président. Il ne s'agit pas que les associations qui donneront des mandats aux femmes ou aux hommes qu'elles nommeront le fassent. Ce n'est pas une question d'apparence, là, M. le Président. Il ne s'agit pas de se décompter seulement pour savoir s'il y a suffisamment de femmes.

Il faut surtout se demander si les femmes discriminées à l'emploi seront représentées. À mon point de vue, c'est un fardeau non seulement trop lourd, mais injuste, absolument injuste qu'on fait porter sur les épaules des femmes, qu'on demande aux associations ou aux organis-

mes de déléguer ce fardeau qui est double, celui à la fois de représenter l'organisme qui les désigne, et puis celui en plus de représenter le mouvement des femmes qui n'est pas lié nécessairement avec l'organisme qui les désigne.

M. le Président, c'est comme si vous disiez à Mme Bacon, votre collègue, qu'elle est à la fois au Conseil des ministres députée de Chome-dey et en même temps porte-parole de la Fédération des femmes du Québec ou du mouvement des femmes du Québec, et je comprendrais très bien qu'elle le refuse, parce qu'elle va dire qu'elle est autant députée que le député de Laporte, et elle détient son mandat de ses électeurs, hommes et femmes, et qu'elle n'est pas là pour assumer un double mandat.

Il me semble que ça a été tellement expliqué en commission parlementaire que je m'étonne qu'on ait encore à revenir sur cette question-là, et je rappelle qu'au moment de la formation de la table pour l'emploi, la table nationale de l'emploi, le gouvernement précédent, lui, avait jugé bon de nommer formellement une femme, à la demande du mouvement des femmes, pour représenter la problématique particulière des femmes sur le marché du travail. Et là je constate - moi, j'appelle ça une régression, du recul, c'est du recul pur et simple - qu'en matière de développement de main-d'oeuvre, on ne parle même plus juste de formation professionnelle, qu'en matière de formation de main-d'oeuvre, à ce moment-ci de l'histoire du mouvement des femmes, où rien n'est certain, où aucun acquis n'est acquis, là, à ce moment-ci, elles ne peuvent même pas gagner d'avoir la même représentation qu'elles avaient il y a déjà sept ans. Je trouve ça fort inquiétant. Moi, je suis convaincue que vous allez avoir un tollé de protestations.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est sûr que je compte sur la députée de Hochelaga-Maison-neuve pour battre la marche aussi lorsque le tollé de protestations va... C'est probablement elle, d'ailleurs, qui va le susciter. Mais elle a fait son travail. Je ne la blâme pas, là. Mais l'ancien gouvernement avait sa façon de procéder. Il avait formé cette table nationale sur l'emploi où on pariait beaucoup, mais on agissait peu. Nous, nous avons décidé de passer à l'action.

Bien sûr, on pourrait faire en sorte d'ouvrir le conseil d'administration à tous les groupes, et ils sont tous très méritoires. Les femmes discriminées en emploi dont parle la députée de Maisonneuve, c'est un problème important. Les handicapés aussi sont venus nous dire qu'ils voulaient un siège à la Société québécoise, les communautés culturelles, les minorités visibles, les jeunes, et on peut en nommer beaucoup comme ça. Il y a probablement une vingtaine d'organismes qui ont demandé d'être représentés et qui avaient tous de très bonnes raisons.

Moi, je n'ai absolument rien contre le fait de faire la promotion de l'égalité en emploi pour les femmes. J'en suis. J'ai nommé au ministère récemment, il y a un an, une sous-ministre adjointe, et je peux vous assurer que je suis un des ministres qui tente le plus de faire la promotion des femmes au sein de la fonction publique, pour une bonne raison, parce que je trouve qu'elles sont d'excellentes collaboratrices en général, et moi, j'aime bien procéder à la nomination de femmes parce qu'elles sont compétentes. Un jour viendra, j'en suis convaincu, où on n'aura pas besoin de tenir le genre de discours que vient de tenir la députée de Hoche-laga-Maisonneuve, parce qu'il y aura autant de femmes compétentes que d'hommes compétents dans la fonction publique. On en est presque à quelques années, je crois, de ça.

Mme Harel: II y a beaucoup de rattrapage à faire à votre ministère, par exemple. C'est un des ministères qui compte le moins de femmes cadres.

M. Bourbeau: On s'y attaque, on s'y met le plus possible par les temps qui courent. Mais la députée conviendra avec moi qu'il faut quand même nommer les gens qui sont aptes aux postes, et on en cherche, et on en trouve. Et plus il y en aura, mieux c'est, quant à moi, et je n'ai aucune difficulté. Nous avons d'ailleurs d'excellentes députées à l'Assemblée nationale. Près de moi, ici, la députée de Châteauguay, qui fait honneur à la région de la Montérégie, la députée de Saint-Henri. Même la députée de Hochelaga-Maisonneuve, à la rigueur, peut passer le test.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 50)

Mme Harel: M. le Président, nous ne nous ferons pas avoir sous les compliments. Parce que ce n'est pas de nous qui y sommes qu'il s'agit, mais c'est de celles qui n'y sont pas. C'est d'elles dont on pourrait souhaiter qu'elles puissent avoir une voix pour exprimer les difficultés, les obstacles, en fait, qu'elles rencontrent. Alors, M. le Président, je comprends donc que le ministre tantôt a énoncé que, parmi les membres représentant la catégorie du gouvernement qu'on retrouve au troisième alinéa, dont deux, j'y reviendrai, viennent du milieu de l'éducation, un de l'enseignement secondaire et un autre de l'enseignement collégial, je comprends donc que le milieu universitaire ne sera pas représenté, d'abord.

M. Bourbeau: Exact.

Mme Harel: Pourtant, le ministre avait envisagé un amendement où le milieu universitaire était également représenté.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, les

consultations que nous avons menées auprès de la CREPUQ nous ont fait comprendre que le milieu universitaire ne souhaitait pas particulièrement faire partie du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Mme Harel: Alors, c'est la CREPUQ, c'est-à-dire la Conférence des recteurs...

M. Bourbeau: C'est ça. Exact.

Mme Harel: ...qui a transmis cette information-là par écrit?

M. Bourbeau: m. le président, je pense que l'information que j'ai donnée est suffisante. elle pourra être vérifiée par la députée, si elle veut.

Mme Harel: Auprès du président de la CREPUQ?

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'impression d'être dans une boîte aux témoins où je dois répondre par oui ou par non. Je pense que j'ai donné les informations. La députée peut prendre ma parole ou elle peut la vérifier elle-même.

Mme Harel: C'est ça.

M. Bourbeau: Je ne peux pas lui donner des noms, des numéros de téléphone, des adresses et des dates de naissance.

Mme Harel: C'est donc dire que le ministre... Je reviendrai sur la sous-représentation du secteur de l'éducation au sein de la Société. Mais le ministre disait tantôt qu'il pensait pouvoir corriger la sous-représentation des non-syndiqués et des sans-emploi et des catégories de personnes, notamment les femmes discriminées à l'emploi, qu'il pensait pouvoir le faire en utilisant, pour ce faire, des sièges gouvernementaux. Est-ce que c'est ça? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Bourbeau: Je ne crois pas avoir dit exactement cela. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait des possibilités de faire des nominations dans le bloc gouvernemental ou dans le siège réservé à la main-d'oeuvre qui n'est pas alloué aux syndicats, et des possibilités d'introduire là-dedans des nominations de gens qui pourraient possiblement parvenir des milieux autres que ceux qui sont indiqués dans le projet de loi.

Mme Harel: Mais vous aviez déjà mentionné que le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, celui de l'Éducation, celui de l'Enseignement supérieur et de la Science souhaitaient être représentés au sein de la Société. Est-ce que c'est toujours le cas?

M. Bourbeau: Tous les ministères souhaitent être représentés, mais on verra. Je ne veux pas avoir l'air de jouer au chat et à la souris avec la députée de Hocheiaga-Maisonneuve, mais je ne peux pas aujourd'hui lui dire d'avance quels seront... certainement pas les gens qui vont être nommés et même pas d'où ils proviendront, parce que je ne le sais pas. Alors, je ne veux pas me compromettre dans des réponses, M. le Président, auxquelles la députée de Hocheiaga-Maisonneuve m'enchaînera par la suite, parce que je sais qu'elle est très capable de ressortir dans deux mois le mot à mot de la commission parlementaire - il y a des exemples, d'ailleurs, des précédents - et me clouer au pilori pour avoir mal informé la Chambre. Alors, je ne veux pas me retrouver dans cette situation-là.

Mme Harel: Alors, vous ne savez pas encore lesquels des ministères partenaires vont siéger sur le conseil d'administration de la Société?

M. Bourbeau: Ce que je sais, M. le Président, c'est que l'enseignement secondaire et l'enseignement collégial vont avoir un représentant si l'Assemblée nationale adopte le projet de loi.

Mme Harel: L'enseignement collégial et l'enseignement secondaire.

M. Bourbeau: Oui.

Mme Harel: Après consultation des ministres concernés.

M. Bourbeau: Bien sûr.

Mme Harel: Alors, est-ce qu'il faut comprendre qu'il s'agira de personnes émanant des ministères ou de la Fédération des commissions scolaires et de la Fédération des cégeps?

M. Bourbeau: je pense que le terme est assez vague, des représentants du milieu de l'enseignement secondaire ou du milieu de l'enseignement collégial, pour inclure tout un éventail de possibilités.

Mme Harel: Est-ce que c'est un vote? À cette heure-ci, ça doit être un vote.

Le Président (M. Philibert): Mme la députée de Hocheiaga-Maisonneuve, il vous reste 1 minute et 40 secondes.

Mme Harel: Sur le premier alinéa? C'est bien ça?

Le Président (M. Philibert): Voilà!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: ...hâte lentement.

Mme Harel: M. le Président, j'hésite à savoir si je fais tout de suite le sous-amendement qui pourrait, à ce moment-là, remplacer... c'est-à-dire le sous-amendement. Pourriez-vous m'indiquer si ce sous-amendement peut être de nature telle qu'il vienne remplacer chacun des alinéas?

Le Président (M. Philibert): Le sous-amendement ne peut pas élargir le sens. Il ne vise qu'à préciser les choses. Alors, si vous pensez que c'est pour préciser les choses, vous pouvez le déposer. On va regarder la recevabilité, on va vous informer de la recevabilité.

Mme Harel: Bon. Alors, M. le Président, peut-être qu'à ce moment-ci de nos travaux ce serait beaucoup mieux de suspendre et de reprendre avec le sous-amendement.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il est préparé, le sous-amendement, ou si vous allez le préparer maintenant? Non?

Le Président (M. Philibert): Compte tenu de l'heure, on ajourne sine die sur le projet de loi 408.

Je rappelle le mandat de ce soir, à 20 heures. La commission des affaires sociales se réunit de nouveau pour étudier le projet de loi 21. Alors, je vous convie avec beaucoup de plaisir à venir nous rencontrer à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 10)

Projet de loi 21

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau (Johnson) sera remplacée par M. Paré (Shefford), Mme Marois (Taillon) par M. Garon (Lévis) et M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témis-camingue) par M. Blais (Masson).

Le Président (M. Philibert): Alors, M. Blais (Masson), bienvenue.

Des voix: Ha, ha, ha!.

M. Blais: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Maintenant, nous en sommes aux remarques préliminaires... Bien, les autres membres aussi, mais, étant donné que, les autres, ce sont des assidus, vous aurez compris que l'accueil chaleureux à M. Blais... C'est un nouveau membre qui s'ajoute pour la circonstance. Alors, maintenant, nous en sommes à l'étape des remarques préliminaires. J'invite le ministre, donc, s'il a des remarques préliminaires, à nous gratifier de sa prestance...

Remarques préliminaires M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, je veux simplement noter l'intérêt soudain des membres de l'Opposition officielle pour les travaux de la commission parlementaire des affaires sociales. Nous avons passé la journée à discuter d'un important projet de loi qui vise à mettre sur pied la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Je remarque que, ce soir, alors que nous traitons de la Loi sur les normes du travail, l'Opposition est trois fois plus nombreuse que durant le projet de loi sur la main-d'oeuvre. Alors, M. le Président, tant mieux si les normes du travail intéressent à ce point l'Opposition officielle.

J'aimerais rappeler que l'adoption du principe du projet de loi 21 que nous étudions ce soir, loi qui a pour titre... si je peux la trouver... Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives, a donné lieu à des débats passionnés. En effet, chaque fois qu'il est question du Canada, l'Opposition officielle perd son sang-froid et la tension monte d'un cran. M. le Président, nous avons appris à vivre avec ces débordements de passion. Maintenant que chacun a pu faire étalage de son attachement ou de son indifférence envers l'anniversaire de la Confédération canadienne, j'exprime le voeu que nous puissions discuter plus calmement et plus rapidement des articles du projet de loi 21.

Je réaffirme ici que nous poursuivons deux objectifs, en présentant le projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives. Nous voulons, en premier lieu, rétablir une pratique largement répandue au Québec, depuis de nombreuses années, celle de ne pas travailler le 1er juillet. À la demande des employeurs et des salariés du secteur du commerce de détail, nous avons, il y a deux ans, changé des habitudes bien acquises en faisant en sorte que le congé de la fête du Canada soit mobile plutôt qu'à date fixe. Aujourd'hui, on se rend compte que, dans le secteur des affaires, le fait de ne pas fermer l'établissement le 1er juillet, comme le font les autres provinces canadiennes, cause des problèmes. Les institu-

tions financières, entre autres, sont particulièrement touchées. Je tiens à préciser que la Loi sur les normes du travail offre aux employeurs la flexibilité nécessaire pour déplacer le congé dans les trois semaines qui précèdent ou qui suivent le jour férié. La Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux n'offre pas cette latitude, on le comprend fort bien.

Pour les personnes engagées dans les commerces, l'arrêt de travail se produira le 1er juillet ou le lundi suivant, si le 1er juillet tombe un dimanche. Nous revenons exactement à la situation qui a toujours prévalu, à l'exception près que le 1er juillet est obligatoirement un jour chômé et payé, ce qui n'était pas le cas avant que nous n'intervenions il y a deux ans.

L'autre modification significative apportée par le projet de loi 21 a trait à la gestion de la Commission des normes du travail. Vous savez sans doute que le mandat de la Commission a été étendu et que ses responsabilités furent élargies par les modifications importantes apportées à la Loi sur les normes du travail en décembre 1990. Il est donc normal que la structure de gestion de la Commission des normes du travail soit révisée. C'est ainsi que le projet de loi 21 prévoit la création d'un poste de vice-président à la Commission des normes du travail. Le projet de loi contient aussi des dispositions techniques qui ont essentiellement pour but de simplifier l'administration de la Commission des normes du travail et quelques dispositions de concordance.

M. le Président, je sollicite le concours des membres de cette commission pour que l'étude article par article de ce projet de loi se fasse avec sérieux et célérité. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Est-ce que l'Opposition a des remarques préliminaires?

M. Blais: Si vous voulez, je peux commencer. On a droit à quoi? 20 minutes?

Le Président (M. Philibert): Pour les remarques préliminaires, vous avez droit à 20 minutes.

M. Blais: Bon. Je n'utiliserai peut-être pas tout mon temps.

Le Président (M. Philibert): Et Mme Car-rier-Perreault insiste pour que j'ajoute «chacun».

M. Blais: Je n'utiliserai peut-être pas tout mon temps, M. le Président. Cependant, je tiens à dire, au départ, que la loi 21...

M. Williams: Est-ce que je peux... Le Président (M. Philibert): Oui.

M. Williams: Excusez! ...demander une question de clarification?

Le Président (M. Philibert): Oui.

M. Williams: Est-ce que c'est 20 minutes pour chaque membre?

Le Président (M. Philibert): Oui. C'est l'alternance, la règle de l'alternance.

M. Williams: Avec ça, ça va être par trois... Le Président (M. Philibert): Pardon? M. Williams: ...pas plus de trois fois 20. M. Blais: Non, non. Chaque membre.

M. Williams: Chaque membre de la commission ou son remplaçant. Non pas chaque député.

Le Président (M. Philibert): Chaque membre de la commission a droit à 20 minutes, mais c'est 20 minutes d'une traite. Alors, on ne peut pas faire 10 minutes comme membre de la commission et revenir plus tard et faire 10 minutes.

M. Williams: Je m'excuse. Je vais essayer d'être un peu plus clair. Il y a déjà quatre députés de l'autre côté du pupitre...

M. Blais: C'est quatre membres votants. M. Williams: II y a quatre...

M. Blais: Quatre membres votants. S'il y avait d'autres membres non votants, ils auraient droit à 20 minutes.

M. Williams: S'il y en a cinq... Je voudrais juste demander.

Des voix:...

M. Williams: O.K. Parfait!

M. Blais: II y a M. Garon, aussi, qui va venir plus tard.

Des voix:...

M. Williams: Je ne fais pas le boss sur ça. Je demande une clarification, c'est tout.

M. Blais: oui, oui. je suis très heureux de vous le dire. et vous aussi, vous avez droit à vos 20 minutes. je sais que vous allez les prendre à différentes reprises, à différents articles.

M. Williams: O.K.

M. Blais: Bon. M. le Président, on peut y aller?

Le Président (M. Philibert): Pour être clair et officialiser, il y a quatre membres de l'Opposition qui sont présents; les quatre membres ont droit à 20 minutes.

Des voix:...

Le Président (M. Philibert): Pardon?

M. Blais: M. Garon a droit... Il n'est pas là.

Le Président (M. Philibert): Non, mais ils sont quatre, là.

M. Blais: Oui.

Le Président (M. Philibert): Alors, ils ont droit à 20 minutes chacun. Le cinquième a droit à 20 minutes également et les membres de l'Opposition ont droit à 20 minutes, si on suit la règle de l'alternance.

M. Yves Blais

M. Blais: Ça va. Je tiendrai à dire au départ que nous n'avons aucune objection, d'aucune sorte, à la loi 21, comme telle. Aucune, aucune, aucune! mais avec deux modifications seulement. C'est des banalités, vous allez me dire. Mais c'est une petite banalité pour vous qui, pour nous, revêt une importance capitale. En soi, si on pouvait immédiatement passer, même sans les remarques préliminaires, à l'article 1, si le ministre condescendait à regarder les articles 10 et 18 et une petite révision à l'article 1, pour répondre à la loi 198 qui a été déposée il n'y a pas longtemps par un de vos députés, si ces trois petites choses-là se réglaient... Est-ce qu'on peut demander immédiatement, ou je continue mes 20 minutes, si l'article 10 et l'article 18 peuvent être rayés de cette loi? À ce moment-là, on pourrait immédiatement procéder à l'article 1.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense que la tradition, en cette Chambre, veut qu'on étudie le projet de loi article par article. Moi, je suggérerais qu'on commence par l'article 1. Le député dit qu'il va faire un amendement. On verra ce que c'est, on ne peut pas préjuger des... On est très ouverts, de ce côté-ci, incidemment, très ouverts. Il n'y a aucun article qui ne peut pas être amendé. Si vous avez l'occasion de proposer quelque chose qui bonifie le projet de loi, moi, je m'engage tout de suite d'avance à modifier l'article, si ça bonifie le projet de loi.

M. Blais: Est-ce qu'on pourrait immédiatement...

M. Bourbeau: On est ouverts au maximum.

Maintenant, il faudrait les voir un par un. Alors, je ne peux pas, d'avance, vous dire que je vais accepter les choses. Si vous voulez passer à l'article 1 tout de suite, on va regarder votre amendement, et là on verra. Il me semble que c'est logique?

M. Blais: Oui, oui. Ça ne peut pas être plus logique que ça. C'est pour ça que je vais prendre mes 20 minutes.

M. Bourbeau: Là, je dois dire que je ne suis pas surpris du tout. (20 h 20)

M. Blais: Je me rends compte que... Écoutez, vu qu'on ne veut pas enlever l'article 10 et l'article 18, c'est bien sûr qu'à ce moment-là la loi 21 n'est pas acceptable pour l'Opposition; c'est aussi simple que ça. À ce moment-là, je tiens à vous dire que nous allons peut-être essayer de vous démontrer que le projet n'est pas tellement en relation avec la politique que notre parti défend. C'est tout simplement ça. J'espère qu'on va le faire avec bonhomie, avec le moins de hargne possible, dans la sérénité la plus totale et une espèce de camaraderie qui nous sépare... Ce n'est pas tellement grand, il y a quelques pieds qui nous séparent, mais nous allons le faire de façon calme, sachant l'idée que nous avons en tête, d'un côté comme de l'autre. Alors, j'espère qu'on va faire ça bien tranquillement et qu'on ne se battra pas pour le point cardinal que vous défendez et, moi, pour le point cardinal que je défends.

Comme remarques préliminaires, M. le Président, je vous remercie d'abord de l'accueil chaleureux que vous avez eu en me souhaitant la bienvenue pour ma première fois à cette commission parlementaire. Je ne suis pas un grand spécialiste des affaires sociales. Cependant, on a chacun certaines spécialités et, dans certaines circonstances, on recourt aux miennes. Je suis bien heureux de participer à cette commission-ci.

Le projet de loi en soi, il est très anodin. Nous en avons parlé quelque peu ensemble, nous l'avons étudié à peu près sous toutes ses formes et nous avons vraiment essayé d'accepter ce projet de loi tel quel. Mais les forces internes et les forces viscérales nous ont empêchés de le faire. Vous savez, pour garder l'équilibre, moi, j'ai l'impression que je vibre à certaines chansons, mais surtout au Québec libre. C'est naturel pour moi qu'il en soit ainsi. Il y en a d'autres qui vibrent à d'autres chants. Je vibrais beaucoup au chant du «Ô Canada», quand il était nôtre; aujourd'hui, je vibre moins fort parce qu'on nous l'a volé.

Dans cette chose-là, il y a deux... Pour les gens qui nous écoutent - parce qu'il y a beaucoup de monde qui va nous lire, on sait ça, il y a beaucoup de monde qui écrit au Parlement et qui demande de voir ce qui se dit en commission parlementaire - j'aimerais expliquer que c'est

vraiment du charabia de dire, comme ça: L'article 10 et l'article 18, nous aimerions qu'ils soient biffés. Les gens qui ne sont pas habitués à nos techniques et à notre argot de métier n'y comprennent rien. Ils ne savent que faire, ils n'y comprennent absolument... Mais, pour le bien de ces gens-là, si vous me le permettez, M. le Président, je tiens à dire que l'article 10, c'est un article qui dit ceci: 10. L'article 60 de cette loi, remplacé par l'article 18 du chapitre 73 des lois de 1990, est modifié par le remplacement du paragraphe 4° par le suivant: «4° - le nouveau - le 1er juillet ou, si cette date tombe...» S'il y avait une virgule, je serais d'accord. S'il y avait une virgule, là, il n'y aurait pas de problème. Vous voyez que c'est une question de verbatim, une question de verbalisation, une question de verbatim, tout est dans la phrase. C'est incroyable ce que les mots sont percutants et la ponctuation aussi, des fois!

Une voix: Dans la plume. M. Blais: Dans la? Une voix: La plume.

M. Blais: Disait l'oie, oui. Et c'est ça qu'on étudie, l'oie, la plume. Ça va ensemble. Le 1er juillet ou, si la date tombe.... M. le Président, si la date du 1er juillet tombe, là on ne discutera plus. Je ne sais pas si le ministre saisit ce que je veux dire. Ou si on met le 1er juillet dans la tombe, on pourrait s'entendre. C'est l'un ou c'est l'autre. Voulez-vous remettre à chacun des participants les copies pour leur discours qui va venir plus tard?

M. Bourbeau: Est-ce que M. le député aurait des synonymes?

M. Blais: Pas du tout. C'est quelques petites réflexions sur les deux fêtes nationales, selon qu'on est dans un pays ou dans l'autre et avec chacun leur mérite, leur bonification et tout leur charme qu'ils apportent à la population. C'est des petites notes au cas, des fois, où on aurait un petit peu de discussion à faire.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on a le texte du nouvel hymne national du Québec là-dedans?

M. Blais: M. le Président, il m'interrompt, lui.

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît! Il faudrait qu'on respecte quand même le droit de parole du député de Masson. J'apprécierais qu'on puisse le laisser, d'un trait, sans interruption, prononcer ses notes préliminaires.

M. Blais: Alors, pour ceux qui nous écoutent et qui vont nous lire, je disais qu'il y a un amendement, c'est «le 1er juillet ou, si cette date tombe un dimanche, le 2 juillet.» Et, l'article 18 dit: L'article 3 de la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux (L.R.Q., chapitre H-2.1), modifié par l'article 72 du chapitre 73 des lois de 1990, est de nouveau modifié par le remplacement du paragraphe 5° par le suivant: «5° le 1er juillet ou, si cette date tombe un dimanche, le 2 juillet;"»

C'est donc dire qu'on voudrait fixer, de la même façon qu'on fixe le 24 juin, la fête de la Confédération. À ce moment-là, en tant que Québécois, nous ne voulons pas que le 1er juillet ait le même impact, du côté fête nationale, que le 24 juin. Nous tenons à l'ancienne loi telle qu'elle est. Que nous fêtions, que ce soit jour férié le 1er juillet, pour ce qui reste de Canadiens sur la terre québécoise, c'est normal de respecter les minorités. Nous sommes complètement d'accord. Nous sommes un peuple, le peuple québécois, qui, à travers le monde... On dit partout que le peuple québécois est un peuple qui est ouvert, qui a les mains tendues. C'est le peuple, au monde, qu'on a cité par des études japonaises - dont vous avez certainement entendu parler - comme le peuple le plus accueillant, le peuple qui traite le mieux ses minorités dans le monde entier. Les minorités, ici, sont bien reçues et nous sommes heureux. La principale minorité, c'est la minorité anglaise. La minorité anglaise, c'est la seule place au monde, comme minorité, où elle ait ses écoles, par exemple, de la maternelle jusqu'à l'université. Ils ont tous leurs postes de radio, ils en ont plus que nous, même; des postes de télévision, plus que nous; leurs établissements du côté social, ils ont tout. Et je suis d'accord qu'il en soit ainsi.

Cependant, nous vivons dans un pays où il y a deux peuples fondateurs. Moi, ce n'est pas comme ça que je le vois, mais nous vivons au Canada et je suis un Canadien géographique. J'habite ce territoire qui s'appelle le Canada, je suis un Canadien géographique. Je ne suis pas un Canadien de coeur, je suis un Québécois d'âme, d'esprit, de coeur et de culture, mais je suis, par la force de l'histoire et des choses, un Canadien géographique. Et ce Canadien géographique vit avec les institutions qui lui ont été imposées parce qu'il a perdu la guerre en 1760. Ça me frustre encore, mais je suis encore là. Je suis un vaincu. Comme vaincu, je suis très affable et très aimable pour la minorité qui m'a conquis. C'est vrai. Mais, quand on nous demande, à nous qui avons toujours fait des courbettes naturelles pour respecter ceux qui vivent avec nous, et qu'on me demande, à moi, de relever la fête du Dominion, la fête du Canada - ou la fête de la Fédération qu'on appelle la fête de la Confédération - appelez-la comme vous voulez, cette fête-là - qu'on veut la relever au même niveau, du côté législatif, que la fête du 24 juin qui est la fête du Québec, je ne peux pas marcher. On me

demande, à moi, encore une fois, malgré que je reconnaisse actuellement dans mes lois que le 1er juillet est un jour férié et qu'on doit respecter ceux qui fêtent cette journée-là - et je suis complètement d'accord - on me demande de faire encore un pas de plus, de l'amener au même niveau que le 24 juin, tandis que, dans les autres provinces, ces deux peuples fondateurs, allez donc voir, vous autres, si la Saint-Jean-Baptiste - c'est le patron des Canadiens français, une des deux nations qui composent ce pays - voir si, dans les autres Parlements, M. le Président, on a un jour férié pour la Saint-Jean-Baptiste. Pas du tout, mais d'aucune façon! Alors, comment peut-on me demander encore une fois à moi, surtout dans le contexte actuel, de relever le niveau du 1er juillet à un degré égal à la fête nationale du Québec, tandis qu'ailleurs il n'y a même pas de reconnaissance du Canadien français en ayant une journée fériée sur leur territoire? (20 h 30)

Si les autres provinces, par un geste d'humble décence, d'humble décence et de reconnaissance du peuple fondateur dont je fais partie, avaient, dans leur Législature, un tantinet de respect pour cette nation qu'ils ont conquise, à ce moment-là, je serais un peu enclin à dire: S'ils ont eu certaines reconnaissances, ils ne l'ont pas dans l'éducation, ils ne l'ont pas dans les autres moyens, ils ne l'ont pas dans la radio, dans la télévision, dans tout ce qui est culturel. Ils ne l'ont pas, le respect que l'on a pour eux. Ils ne l'ont même pas pour dire: C'est jour férié, en Ontario, le 24 juin parce qu'il y a plus de francophones en Ontario... N'oubliez pas ça. N'oubliez jamais qu'il y a plus de francophones en Ontario que d'Anglais au Québec. On dirait qu'on oublie ça. Les Anglais au Québec sont 11 %. On les respecte. Nominalement, il y a plus de monde qui parle français, de souche française, qui parte français en Ontario que d'Anglais au Québec. Ici, on leur donne tout, puis je suis d'accord. Il y en a qui pensent que je suis borné. Je ne suis pas borné. Je suis d'accord que ce respect-là doit exister continuellement. Je suis d'accord qu'on leur donne tout, qu'on laisse un jour férié pour le 1er juillet. Ils ont droit à ça. J'ai été tellement longtemps colonisé et pris pour un deuxième violon que je n'enlèverai pas l'«arcanson» à ceux que je regarde et que je traite comme... qui sont minoritaires chez nous. Jamais. Mais pas donner le même violon à la majorité qu'à la minorité. C'est incroyable!

À ce moment-là, si ça marche par province comme principe, bien, faites un jour férié pour la Saint-Patrick, faites un jour férié pour la fête des Italiens. Si vous voulez faire un jour férié plain-pied... Et puis le regard ne m'influence pas, les Anglophones sont une petite minorité, au Québec, une petite minorité excessivement bien traitée, une petite minorité qui a été longtemps, comme en Afrique du Sud, les grands possesseurs de tout. Ils sont mieux traités que là-bas ils traitent les Noirs. Je parle du côté possession. Ils avaient tout, tout, mais quand on dit tout, les grosses compagnies, les «foremen». On n'appelait pas ça des contremaîtres, c'étaient des «foremen». Connaissez-vous ça, un peuple, vous, qui appelle son... le «bumper», le «windshield», le «dash»? Ce n'est pas des colonisés qui font ça? Quand ils sont 81 % de la population, c'est parce qu'il y a eu un maître, quelque part, qui a imposé quelque chose, ou qu'il y a eu des gouvernements qui sont toujours courbés devant la force de l'argent. Et là je trouve que c'est encore un geste que je trouve de trop, surtout dans le contexte actuel. Dans le contexte actuel, c'est inacceptable.

Je sais que j'ai beaucoup plus d'appuis. Ça me tentait, M. le Président, d'apporter cinq drapeaux du Québec et cinq drapeaux du Canada pour mettre sur la table. Cinq du Québec devant moi et cinq du Canada de l'autre côté. C'est exactement ce qui se passe, là. Nous sommes des téteux de fleurs de lys, qu'on nous appelle. O.K. Je suis un téteux de fleur de lys. Vous êtes des téteux de feuilles d'érable. Mais ma fleur de lys est très vivante, tandis que, sur votre drapeau, votre feuille d'érable est morte. Il n'y a pas grand jus à en tirer. Pour un Québécois, il n'y a pas grand jus à en tirer. On n'entaille pas les érables à l'automne, on n'en tire aucun sirop. Sur le drapeau, c'est une feuille morte. C'est rare, un pays qui a un emblème mort. C'est rare, c'est excessivement rare. Ça ne me blesse pas, ce n'est pas le mien. C'est un drapeau qui m'a été imposé par l'histoire, par le hasard, et qui a été choisi par hasard, d'ailleurs, à Ottawa. Vous vous souvenez certainement de l'histoire du drapeau. Les «bleus» étaient sûrs qu'il ne passait pas et les «rouges» aussi et ils ont tous voté pour. Ils se sont fait prendre. Ce n'est pas ça qu'ils voulaient pantoute. Ils voulaient les deux affaires rouges chaque bord, d'un petit océan à l'autre, les deux affaires rouges et, dans le centre, une feuille d'érable verte. C'est ça qu'ils voulaient. Ça aurait été plus joli, d'ailleurs. Il n'est pas laid, le drapeau du Canada, il n'est pas laid du tout, mais ça aurait été plus beau avec une feuille vivante, symbole de ce qui vient demain. Ça aurait été beaucoup plus beau qu'une feuille morte. Voyons. Le Liban, ils en ont un, un arbre, mais il est vert, il n'est pas là avec ses feuilles mortes. L'emblème d'une feuille morte pour un pays, ce n'est pas très inspirant. Mais on a le droit de le défendre de la même façon que, moi, j'essaie de défendre le fleur de lys avec ceux qui m'accompagnent. Alors, M. le Président, je réitère mon invitation. Je ne sais pas combien il me reste de temps, je ne suis pas tellement habitué...

Le Président (M. Philibert): Sept minutes.

M. Blais: ....à parler longtemps. Vu qu'il reste sept minutes, je veux réitérer avant la fin

de mon intervention la proposition très humble, mais très sentie que j'adresse au grand responsable de ce verbatim que nous avons devant nous. S'il voulait, dans un geste que je considérerais comme normal de la part de quelqu'un qui siège au Parlement de l'Assemblée nationale du Québec, enlever les articles 10 et 18... Il me semble qu'ici nous sommes 125 députés pour défendre le Québec. C'est 288 qu'il y a à Ottawa. Il me semble que le Parlement canadien n'a pas besoin du Parti libéral, par ricochet, ici, pour venir défendre leur drapeau et leurs droits. Il y a des élus là-bas qui sont là pour ça. Pourquoi, par Parti libéral interposé, vient-on ici essayer d'imposer cette fête de façon plus percutante sur notre territoire? Vous savez qu'il y a des gens qui veulent revoir le fleur de lys, il y en a, ça a pris du temps, c'est le drapeau... c'est en 1957? En quelle année, le drapeau du Québec? 1957, je crois. Il n'y a pas si longtemps que ça que le drapeau du Québec est là. Le drapeau de Mont-calm n'était pas encore refroidi sur ses cendres qu'il y avait déjà des gens sur la terre québécoise qui rêvaient d'avoir le drapeau du Québec sur leur parlement. C'est long, ça. On l'a gagné de peine et de misère, et à la sueur du front de nos ancêtres. Ce drapeau-là, qui est le symbole de notre fête nationale, je ne voudrais pas qu'il soit mis sur le même pied que l'autre, et je respecte l'autre.

Il ne faut pas que les gens qui sont de l'autre côté - qui n'écoutent pas pantoute, je le sais, moi - mais je ne veux pas que les gens qui sont de l'autre côté viennent dire: Le député de Masson et son groupe ne veulent pas que le 1er juillet, fête du Canada, ou fête du Dominion, ou fête de la Fédération, ou fête de la Confédération, ou, comme disait le ministre à une certaine commission scolaire, fête de la députée de Hochelaga-Maisonneuve, fête des déménageurs, fête de ce que vous voudrez qu'il a dit... Appelez-le comme vous voudrez, j'essaie de donner quelques noms, qu'il choisisse au hasard celui qui se place le mieux dans la partie de son corps qui le fait vibrer devant ce texte. Eh bien, là, qu'il prenne le mot qu'il veut. Mais je ne voudrais pas qu'on dise que nous nous objectons, que le 1er juillet, fête canadienne, on ne veut pas que ce soit un jour férié. Si on dit ça, on ne sera pas honnête de l'autre côté, on ne sera pas honnête. Tous les membres de mon parti pensent comme moi: on veut, on est d'accord que le jour soit férié, mais on veut qu'il soit mobile, m-o-b-i-l-e. Le 24, on ne veut pas qu'il soit mobile. La fête d'un pays, ce n'est jamais mobile. On la fête cette journée-là. Ici, la fête nationale de l'Assemblée nationale, c'est la fête nationale des Québécoises et des Québécois, c'est la Saint-Jean-Baptiste. C'est une tradition, ça vient du peuple, et ça va vers le Parlement, tandis que la Confédération, c'est une fête qui part des Parlements et qui veut être imposée au peuple. Ça ne se fait pas. En Italie, on fête la fête de l'Italie. Il n'y a aucune fête en Italie qui peut être imposée par le Parlement au peuple. C'est comme ça dans tous les pays du monde, et c'est normal, et je suis d'accord qu'il en soit ainsi.

Alors, en bref, M. le Président, je désire que le 24 juin demeure la fête fixe et nationale du Québec, que le 1er juillet demeure la fête du Canada fériée, mais qu'elle soit mobile. Si elle tombe un lundi, tant mieux, elle est à la bonne place. Mais, elle, elle doit être mobile parce qu'elle n'a pas la même importance sur le territoire québécois que le 24 juin. C'est tout ce qu'on demande: ce n'est pas énorme, et qui s'objecte à ça, qui a des objections, je ne sais pas comment les qualifier. Où peut-on trouver une objection majeure défendable, rationnelle et intellectuellement présentable? On ne peut pas. Aux États-Unis, c'est le 4 juillet, la fête. C'est le 4 juillet. Il y a beaucoup d'«hispanos». Oui, mais on n'est pas au Canada, on est au Québec, ici.

Une voix: On n'est pas au Canada, ici? M. Blais: Vous me parlerez après. Le Président (M. Philibert): Alors, il vous... M. Blais: Vous parierez après.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Masson, il vous reste une minute et demie.

M. Blais: Vous parierez après, vous avez le droit à ça. Mais c'est ça que je vous dis: si on est au... Supposons qu'on soit au Canada, du côté coeur et du côté esprit, ce que je ne suis pas, la province de Québec, appelez-la comme vous voulez, là, pourquoi, encore une fois, vu que c'est un pays qui défend deux nations, ce soit encore nous qui défendions les deux fêtes, tandis que, dans les autres provinces, il n'y a pas une sacrée province qui a férié le 24 pour rendre hommage au peuple fondateur qui est la nation canadienne-française? À la nation canadienne-anglaise, vous voulez que, nous autres, on fasse cette fête-là? Deux poids, deux mesures, c'est un signe de colonisé viscéral. Merci, M. le Président. (20 h 40)

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le député de Masson. Est-ce qu'il y a des interventions du côté ministériel? Est-ce qu'il y a des députés du côté ministériel qui veulent intervenir? Mme Carrier-Perreault, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. Moi aussi, je suis très contente de participer à cette commission avec mon collègue de Masson. Je n'ai pas la verve ni le sens de

l'humour de mon collègue...

M. Blais: Oui, madame, vous l'avez.

Mme Carrier-Perreault: ...cependant, oui, je peux rire vraiment de vos allocutions parce que je trouve que vraiment mon collègue de Masson a une verve assez exceptionnelle. Mais il reste que, moi personnellement, je reprendrai quand même quelques éléments qui ont été dits parce que je suis profondément convaincue, moi aussi, à l'instar de mon collègue et des autres collègues du côté de l'Opposition officielle, que ce projet de loi est, à toutes fins pratiques, presque une provocation au moment où on se parle, de voir arriver des choses comme ça.

Que l'on considère le 1er juillet jour férié de plus pour l'ensemble des travailleurs au Québec, je pense que, là-dessus, c'est très clair. Ce n'est pas là-dessus que l'Opposition officielle en a. Ce n'est pas contre ça. On trouve même qu'il n'y en a pas suffisamment, des fois. On sait que, sept jours de congé comme ça, ce n'est pas l'affolement. Il y a des pays qui en ont beaucoup plus que nous. On n'a qu'à regarder au niveau des vacances aussi, on a un certain retard de ce côté-là, et je sais que ce sont des choses qu'on a discutées. On a discuté de ça en décembre 1990. Ça ne fait pas longtemps, ça, M. le Président. Le ministre nous disait tantôt qu'on n'avait pas toujours le même intérêt, qu'on n'était pas toujours aussi présent aux commissions et lors des discussions sur les normes. Je me rappelle très bien que, lors des discussions qu'on a eues sur les modifications apportées, en décembre 1990, on était nombreux, de notre côté, à y participer. J'étais aussi membre de la commission, à ce moment-là. Donc, j'ai participé aux discussions comme les autres membres de mon parti.

On n'a rien contre ça, M. le Président, que les travailleurs bénéficient d'une journée de plus de congé. Pas du tout. On trouve que c'est tout à fait normal, légitime et que c'est important que ça continue de se faire. Là où ça ne fonctionne plus, c'est qu'on veut nous créer une deuxième fête nationale alors que le ministre lui-même nous disait que, cette fête-là, finalement, ça pouvait être le congé d'à peu près n'importe quoi, li parlait du congé de la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Il nous a parlé du congé des déménagements. On se rappelle, on l'a cité abondamment, d'ailleurs, hier soir, lors des débats.

Le ministre lui-même, à ce moment-là, disait que cette fête-là n'avait pas la même envergure, n'avait pas le même prestique que la fête nationale du Québec. Là-dessus, en décembre 1990, je peux dire que nous, de l'Opposition officielle, on partageait exactement le même état d'esprit que le ministre quand il nous disait que ça n'avait pas la même envergure ni le même prestige que la fête nationale des Québécois.

Alors, c'est très difficile pour nous autres de comprendre que, si peu de temps après une révision en profondeur, si on veut, une révision importante en décembre 1990... Je vois les gens de la commission qui étaient là. Quand même, il y a eu beaucoup de modifications qui ont été apportées. Alors, c'est assez difficile pour nous autres de comprendre qu'on nous arrive avec une mesure comme celle-là et surtout, politiquement parlant, au moment où on se trouve présentement, au moment où on sait qu'il n'y a à peu près plus rien qui passe. Je ne sais pas si c'est parlementaire ou non, mais c'est le bordel le plus total par rapport aux négociations constitutionnelles. On ne se sent pas nécessairement les bienvenus, ni souhaités ni désirés dans cette espèce de grande entité qui s'appelle le Canada.

On se rend compte que les autres provinces canadiennes essaient de négocier beaucoup de choses sur le dos des Québécois, présentement. On essaie, du côté de l'Ouest, d'avoir un Sénat triple «E» avec une... Bon. On tourne toute la belle panoplie. On ne fera pas de constitution ici ce soir, mais on sait où c'en est rendu. Tout le monde... D'ailleurs, c'est assez ironique, c'est une ironie du sort, à mon sens, que, pendant qu'on parlait de créer une deuxième fête nationale, soit la fête du Canada, hier, en Chambre, on apprenait à peu près au même moment que les négociations constitutionnelles, à toutes fins pratiques, avaient été... C'était lessivé, c'avait foiré, en bon français.

Alors, c'est pour ça que, pour nous autres, c'est un petit peu de la provocation. On ne comprend vraiment pas les intentions du gouvernement. En plus de ça, M. le Président, on ne voit pas non plus l'intérêt de la population, l'intérêt des travailleurs. Cette espèce de décision n'est sûrement pas prise dans l'intérêt des travailleurs ni, comme le ministre veut bien le laisser entendre, dans l'intérêt des commerçants ou des employeurs. On n'a qu'à se rappeler les propos qui ont été tenus par le Conseil du patronat, quand il y a eu la création de la fête nationale du Québec. On se rappellera aussi que le Conseil du patronat a fait un lobby important quand le gouvernement libéral a été remis au pouvoir, en 1985, pour essayer de faire abolir cette fête nationale qu'il trouvait, à toutes fins pratiques, embêtante, économiquement non rentable. Il trouvait que des congés comme ça, un congé en milieu de semaine, au point de vue économique, ce n'était pas intéressant pour eux autres.

On peut comprendre ça, M. le Président, mais on continue d'être persuadé que ce n'est pas abusif d'avoir une fête nationale. Ce qui est abuif, c'est d'en avoir deux. Le ministre, tout à l'heure, nous disait qu'au Canada, bon, on est encore au Canada et il faut quand même fêter la fête du Canada. C'est à peu près ce qu'il nous disait. Mais il reste que le Code canadien du travail ne reconnaît pas la fête nationale du Québec. Il ne reconnaît pas la Saint-Jean-Bap-

tiste, ne reconnaît pas le 24 juin... J'aime mieux regarder les gens de la commission qui ont l'air d'écouter plus que les parlementaires. C'est un petit peu dommage par exemple, parce que je pense que c'est une question qui est très politique et on va en discuter longuement ce soir. D'autant plus que je trouve que c'est un peu dommage que les gens de la commission soient obligés de nous écouter peut-être aussi longtemps, parce que c'est évident qu'on va en parler longtemps parce que, notre but à nous autres, c'est d'essayer de convaincre les gens du milieu politique, du monde politique que ce n'est pas dans leur intérêt, ni dans les intérêts du Québec, ni des Québécois, ni des travailleurs, ni des employeurs qu'on nous apporte une mesure comme celle-là.

Alors, je disais que le Code canadien du travail ne reconnaît pas la Saint-Jean-Baptiste, ne reconnaît pas la fête nationale, ne reconnaît pas ça comme une fête nationale. Or, au Québec, on le sait, il y a des entreprises, il y a des gens qui travaillent, des Québécois qui travaillent dans des entreprises à des endroits où c'est de juridiction fédérale, de compétence fédérale. Il y a des gens au Québec, et ça touche, on me dit, à peu près 100 000 personnes, grosso modo - on fait un chiffre rond, on ne s'obstinera pas sur des petits nombres - environ 100 000 Québécois travaillent dans des entreprises de juridiction fédérale, soit pour le gouvernement fédéral et autre chose, et le Code canadien du travail, au moment où on se parle, encore aujourd'hui, ne reconnaît pas la Saint-Jean-Baptiste comme une fête nationale.

Je suis persuadée que les gens de la commission savent ça. Je suis persuadée que le ministre doit savoir ça aussi. Je dois vous dire, c'est des gens qui, bien sûr, demeurent au Canada, mais ces gens-là sont québécois, demeurent au Québec, il y a une fête nationale au Québec, c'est le 24 juin et le Code canadien ne reconnaît pas cette fête-là. Je me dis: Quelque part, on a comme des problèmes...

Le Président (M. Philibert): A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais de respecter le droit de parole des parlementaires et de faire en sorte qu'ils puissent le faire avec toute la latitude possible. Madame.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. D'autant plus que, comme je viens de le dire, ce sont les parlementaires que j'espère toucher, même si je n'ai pas la verve de mon collègue de Masson, parce que, dans vos comtés, vous représentez des Québécois, vous représentez des gens de chez nous. Dans vos comtés, vous avez des gens aussi qui travaillent et dont la fête nationale n'est pas reconnue parce qu'ils travaillent dans des entreprises de juridiction fédérale. Je ne comprends pas que ça n'amène pas un questionnement aux gens qui sont parlementaires, qui représentent des Québécois, et des Québécois qui sont traités de façon différente parce qu'ils travaillent dans des entreprises qui sont de juridiction différente.

Nous, ce qu'on fait, ce qu'on nous apporte comme proposition, c'est de nous dire: On va s'harmoniser, nous autres. Hier, j'entendais le député de Taschereau, il y en a d'autres qui l'ont dit aussi, il a dit: On va harmoniser la loi avec la réalité. Écoutez, M. le Président, moi, quand j'entends des choses comme ça, je trouve ça assez spécial. C'est quoi, la réalité? Moi, je demeure ici, sur la rive sud de Québec. Je demeure à Québec, pas loin, tout près d'ici. Les gens, la fête pour eux autres, la fête nationale, c'est le 24 juin. Ça ne sert à rien. Il y en a, bien sûr, qui vont participer à certaines activités s'il y en a lors de la journée du 1er juillet. Ça, c'est vrai. Ils vont y aller le soir. Ils vont écouter probablement le spectacle. Il y a un spectacle télévisé. Mais la fête, la vraie fête où les gens se déplacent, où les gens se retrouvent, où les gens échangent, c'est lors de la fête nationale, c'est le 24 juin. Alors, quand on me dit, à moi, qu'on va harmoniser la loi avec la réalité et que ça me vient du député de Taschereau, entre autres, qui demeure, à toutes fins pratiques, en face de chez nous, je me dis qu'il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part. (20 h 50)

On ne vit pas à la même place. Moi, personnellement, j'ai souvent participé à des activités sur la rive nord, et ce n'est pas le 1er juillet que ça se passe, M. le Président, c'est le 24 juin. Les gens, ce qu'ils font le 1er juillet, finalement, ils sont très heureux de pouvoir profiter de leur fin de semaine.

Quand on nous dit: II faut s'adapter à la réalité économique, et qu'on sait ce qu'en pense le Conseil du patronat, ça les embête plus qu'autre chose qu'il y ait une journée de congé qui nous tombe comme ça, en milieu de semaine. La fête nationale du Québec, la seule qui était organisée de cette façon-là les embêtait profondément. Alors, pourquoi faudrait-il croire aujourd'hui que ces gens-la, c'est ça qu'ils veulent et c'est ça qu'ils demandent? Pourquoi faudrait-il croire ça après toutes les pressions, après tout le lobby qu'ils ont fait, en 1985, pour s'organiser pour que cette fête-là soit fêtée soit un vendredi ou un lundi? Voyons donc! Il y a quelque chose qui ne marche pas. Je ne pense pas que ces gens-là soient incohérents à ce point-là. Et c'est facile de comprendre leurs raisons. On comprend les raisons pour lesquelles ils ne sont pas d'accord avec ce genre de congé là. Ça les embête et, économiquement, c'est mauvais pour eux autres. Ça, c'est le côté du Conseil du patronat.

Au niveau des commerçants, on a eu à peu près le même genre de commentaires. Ça ne les arrange pas de fermer leur boutique, de fermer

en plein milieu de semaine. Ça ne les arrange pas. Alors, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas non plus quelque part. Qui veut ça finalement? Le ministre nous parle des institutions financières. Les institutions financières, M. le Président, j'ai beaucoup de peine à croire que ça a été le Mouvement Desjardins, par la voix de M. Béland, qui nous demande ça. Quand on connaît le côté... C'est un bonhomme qui est très humaniste, M. Béland. En plus de ça, c'est un homme qui est profondément nationaliste. On le sait, c'est de notoriété publique, je pense, depuis... On a vu, avec les travaux de la commission Bélanger-Campeau, quel était le souhait, quelle est la forme de pensée de M. Béland, du mouvement des caisses. On ne comprenait pas trop la demande du Mouvement Desjardins. Venant de M. Béland, vraiment ça nous dépassait. Il y a eu des informations qui ont été prises, et on s'est rendu compte que c'était, en fait, des technicalités qui avaient été demandées, non pas de faire une deuxième fête nationale. Enfin, c'est ce qui a été très clair. De toute façon, M. Béland est plus en contact avec mon collègue de Lévis. Vous savez que le Mouvement Desjardins a pris racine, a pris naissance dans le comté de Lévis. Mon collègue va venir nous rejoindre tout à l'heure. Je suis persuadée que ça va lui faire un grand plaisir, lui, de s'attarder plus sur les propos possibles de M. Béland.

Alors, on regarde du côté des employeurs, on ne voit pas leur intérêt. Même qu'au contraire on se rend compte qu'ils sont très désavantagés et que ça ne les intéresse pas du tout d'avoir une journée comme ça, en plein milieu de semaine, où on devra arrêter les chaînes de montage, où on devra-

Une voix: Tu dis la même chose depuis cinq minutes.

Mme Carrier-Perreault: Oui, mais ça ne fait rien. Je voudrais absolument que vous compreniez, à un moment donné. Ça fait deux jours qu'on dit la même chose et on n'a pas fini, on va répéter.

Une voix: Vous n'êtes pas obligé de parler, mais vous êtes obligé d'écouter, vous.

Mme Carrier-Perreault: Alors, ce qui arrive, c'est que, si on regarde du côté des employeurs, c'est clair. Ils n'ont pas d'intérêt à demander ça au ministre. Ça ne fait sûrement pas leur affaire. D'ailleurs, on n'entend rien sur ce congé-là. On ne voit pas grand-chose circuler. Mais il reste que, normalement, si on regarde leur raisonnement depuis qu'on a un congé de la fête nationale, qui est le 24 juin, si on regarde le raisonnement de ces gens-là, ça ne peut pas être bien aujourd'hui, ça ne peut pas être drôle et ça ne peut pas faire leur affaire. C'est impossible. C'est exactement le même problème.

Si on regarde du côté des travailleurs, je vais vous dire, c'est loin d'être intéressant. Les gens qui pouvaient prendre un congé et profiter, bénéficier d'une longue fin de semaine, disons que ça vient d'être terminé. Avec ce projet de loi là, quand on aura le malheur d'avoir le 1er juillet dans le milieu de la semaine, bien, ces gens-là devront le prendre là si ce projet de loi passe. Alors, je vais vous dire, vous venez d'enlever une fin de semaine allongée, un congé que les travailleurs appréciaient de façon plus importante en début d'été comme ça. Les gens pouvaient se déplacer, ils pouvaient aller rencontrer leur famille dans d'autres régions s'il y avait lieu, choses qui ne peuvent pas se faire quand il y a juste une journée de congé, on le sait. La réalité, c'est simple, c'est que les travailleurs pouvaient bénéficier de trois jours, pouvaient s'en aller, pouvaient en profiter davantage. La réalité aussi, c'est que la fête nationale pour eux autres, c'est le 24 juin dans l'ensemble du Québec, pour une très grande majorité des Québécois. Alors, ce projet de loi qui nous arrive comme ça, on peut bien se poser de questions, nous autres, de l'Opposition officielle. On se pose des questions et on n'est pas les seuls à s'en poser. C'est pour ça que, nous autres, on a beaucoup de difficultés avec ça. Ça, c'est pour ce qui est de la fête nationale.

Quand on regarde aussi le reste du projet de loi, bien, bon Dieu! M. le Président, je trouve ça aussi un petit peu surprenant. Il y a des questions qu'on peut se poser. Quand on nous dit: En décembre, on a élargi le mandat de la Commission, j'en conviens. On l'a fait et, bon, il y a eu des choses, il y a eu des ajouts qui se sont produits. Je peux convenir qu'il y a eu une augmentation de travail. Alors, c'est possible qu'il y ait eu une augmentation. Il reste que, quand, en décembre, on nous a parlé longuement et on a discuté longuement au niveau des normes et que M. le ministre nous dit que c'est là qu'on a élargi, à toutes fins pratiques, le mandat de la Commission, je me dis: Comment ça se fait qu'on n'a pas pensé à ça à ce moment-là? Comment ça se fait qu'on n'ait pas à ce moment-là décidé d'ajouter une personne à la vice-présidence?

Si aujourd'hui il a fallu vivre avec le mandat élargi, ça veut dire que, quelque part, on a mal fait nos prévisions, on a mal fait notre planification. Ça aurait pu être fait en même temps. C'est toujours plate, vous savez, M. le Président, c'est toujours ennuyeux un peu de rouvrir comme ça une loi. Je trouve, en tout cas. C'est sûr que, les lois, il faut les réaménager, il faut les amender, il faut les corriger quand on vit avec, mais il y a des choses qui peuvent se prévoir, et je trouve ça un petit peu embêtant pour le gouvernement, cette fois-ci. Si, nous autres, ça nous embête quand on parle de la deuxième fête nationale, ça nous embête par conviction politique, oui. Moi aussi, ça m'embête,

j'ai le même problème que mes collègues. Là-dessus, c'est vrai, c'est un embêtement de nature politique, cet aspect-là, mais, quand on regarde, il y a des embêtements aussi qui peuvent arriver au niveau technique. Ça m'embête toujours de me rendre compte qu'on fait des oublis de ce genre-là.

Quand on se rend compte qu'on élargit des mandats, qu'on donne plus de travail à des gens, il me semble qu'en même temps on pourrait peut-être se rendre compte qu'ils vont avoir trop d'ouvrage puis qu'il faut leur donner un coup de main. D'un autre côté, je trouve ça embêtant que ça arrive à ce moment-ci. Non pas pour nous autres, cette fois-ci, pour le gouvernement parce que, cette semaine encore, parce que c'est un projet de loi qui est arrivé... Je sais que les députés ministériels sont au courant parce que, en fait, c'est un projet de loi qui découle des travaux d'un de leurs comités finalement, le comité Poulin. Ils sont arrivés avec un projet de loi en décembre dernier, le projet de loi 198, où ils nous disaient qu'il fallait absolument rationaliser et, comme moyen de rationalisation, les députés ministériels ont déposé 198 qui dit qu'à toutes fins pratiques le gouvernement devrait arrêter d'embaucher du monde. Plus de nouvelles embauches d'ici le 31 mars 1994. Ça, c'est arrivé en...

Il me reste trois minutes, M. le Président. Écoutez, j'achève. Ce ne sera pas long. C'est arrivé en décembre dernier. Justement, en fin de session comme ça, on n'a pas pu passer au travers le fameux projet de loi en question. Là, cette semaine, c'est assez curieux aussi comme moment, vous avouerez, avant-hier soir on était en Chambre et on nous appelle sur la poursuite des débats sur l'adoption du principe du projet de loi 198. Alors, le député de Verdun, qui est un ardent défenseur de la fête du Canada, fête nationale... On l'a vu à deux reprises. Je n'en revenais pas. Le député de Verdun, on le sait que c'est un fervent Canadien qui défend sa fête nationale avec acharnement, mais il défend aussi en même temps sa loi 198 avec acharnement. C'est lui qui l'a déposée et il était très heureux de la faire, cette loi-là qui nous dit que le gouvernement ne devrait pas embaucher de nouveau personnel jusqu'au 31 mars 1994.

Alors, disons que je trouve que, ça, c'est un embêtement pour les gens du côté ministériel. Quand on nous dit et qu'on essaie de nous convaincre que c'est important, qu'il faut arrêter d'engager du monde, puis que le ministre nous arrive en disant: On va engager un nouveau vice-président, je trouve ça dommage. Dommage qu'on n'ait pas prévu en décembre 1990 que ce genre de chose pouvait arriver.

Bon. Là vous me faites signe que mon temps est fini.

Le Président (M. Philibert): II faut conclure. Il vous reste à peu près une demi-minute.

Mme Carrier-Perreault: II faut conclure. C'est sûr, M. le Président, qu'on va continuer...

Une voix: Ça passe vite.

Mme Carrier-Perreault: ça n'a l'air de rien. je ne pensais jamais être capable d'en dire autant dans si peu de temps. c'est pour ces raisons-là qu'on va continuer de faire des demandes et d'essayer de convaincre le gouvernement d'arrêter avec ce projet de loi parce que ça n'a pas de bon sens au moment où on se parle. voilà, m. le président.

Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Est-ce qu'il y a un député ministériel qui veut intervenir sur le projet de loi 21? Mme la députée de...

Mme Vermette: Marie-Victorin.

Le Président (M. Philibert): ...Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais que ceux qui tiennent des caucus s'abstiennent, pour permettre aux intervenants d'avoir la pleine liberté d'exercer leur droit de parole sans contrainte. Mme la liberté...

Mme Vermette: M. le député...

Le Président (M. Philibert): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: M. le Président, je suis heureuse d'inspirer la liberté. Si c'était le cas, j'espère qu'on n'aura qu'une fête nationale et l'indépendance au Québec. (21 heures)

Le Président (M. Philibert): Madame, j'ai parlé de liberté en ce qui avait trait à votre droit de parole. Alors, les jeux de mots vous appartiennent, ce n'est pas les miens.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Je trouve ça tout à fait particulier d'entendre le député de Berthier, de l'autre côté, qui est toujours prêt à intervenir pour des raisons tout à fait en dehors du sujet qui nous concerne, c'est-à-dire le projet de loi 21. Et, comme nous pratiquons la règle de l'alternance, c'eût été important pour lui de nous dire pourquoi il est très important qu'on passe cette loi maintenant, à ce moment-ci. En fait, je ne sais pas pourquoi, il n'y a personne du côté ministériel qui prenne la parole, M. le Président. En fait, ils devraient défendre... Et ce serait intéressant, puisqu'on voudrait bien être éclairé, ici, de ce côté, et

comprendre les motifs et les raisons qui font en sorte que ça devienne important que le 1er juillet soit une fête chômée, soit une fête prise la journée même qu'elle tombe. J'aimerais savoir véritablement les motifs et les raisons qu'ils ont à défendre, M. le Président. Peut-être que mon discours serait moins long et peut-être qu'on pourrait arriver, finalement, à certaines conclusions, réciproquement. Mais, pour le moment, ils sont muets, M. le Président. Et c'est assez difficile.

Mais je vais vous apporter aussi certaines préoccupations. Je crois que je ne suis pas la seule, puisque le président de la CSN, M. Gérald Larose, a été estomaqué de comprendre les motifs évoqués par le ministre en ce qui concerne le projet de loi 21. D'une part, on aurait pu scinder ce projet de loi en deux parties. Il y a une partie qui était plus ou moins importante. L'autre partie, finalement, c'était tout à fait mineur comme projet de loi. Et c'est pour ça que ça m'amène à dire que c'est beaucoup plus une loi qui est un prétexte que véritablement une loi qui est vraiment fondée sur un principe des normes minimales du travail, M. le Président.

Et, en fait, ce que je pense, c'est que, quelque part, effectivement, on voulait donner du poids à la fête nationale du Canada, c'est-à-dire à la fête du 1er juillet. Et, si on se rappelle bien, M. le Président, ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on célèbre la fête du Canada. D'ailleurs, c'a fait des débats incroyables à la Chambre des communes, parce que, antérieurement, avant 1982, ça s'appelait la fête du Dominion, M. le Président. Et il y a eu des débats incroyables à la Chambre des communes pour ne pas reconnaître la fête du Canada, en disant que la réelle fête du Canada, l'acte de naissance du Canada ne pouvait être autre chose que la fête du Dominion, M. le Président. Et, même, on imputait à M. Trudeau d'avoir des intentions louches par rapport à la nomination de la fête du Canada.

M. Blais: J'ai mal compris. Quelles sortes d'intentions?

Mme Vermette: Des intentions louches. M. Blais: Merci.

Mme Vermette: II faisait un peu de strabisme, mais ce n'est pas plus grave. Mais, en fait, ce que je peux vous dire, M. le Président, c'est que je trouve ça tout à fait particulier que, maintenant, on arrive à nous dire que ça devient important, que les Québécois, ici, veulent avoir cette fête comme étant une fête aussi importante que la fête nationale des Québécois, et que, pour eux, c'est tellement important qu'ils sont même prêts à laisser tomber une fin de semaine de trois jours. C'est vraiment ne pas comprendre l'histoire du Québec et ne pas comprendre aussi l'attitude des Québécois face à certains comportements au niveau de la fête du Canada. Parce que la fête du Canada... Et je vais vous citer, en fait, ce qui était dit. C'est M. Francis Fox, de l'époque du gouvernement libéral au niveau des Communes, qui le disait le 29 juin 1981. C'est tout de même assez récent. Ça fait partie de l'histoire contemporaine. Ça ne fait pas partie, en fait, de l'histoire du tout début même du Canada. Alors, il disait: «Par conséquent, il est temps, après 114 ans d'existence en tant que pays indépendant, de choisir notre propre journée». Le Canada n'avait même pas de journée pour se définir, M. le Président. Ils ont attendu le 29 juin 1981. Et, si on regarde les dates, on s'aperçoit bien qu'on a décidé de fêter la fête du Canada parce qu'on avait vécu un référendum dans l'année 1980, et ça devenait important pour les gens qui prônaient l'unité nationale d'avoir un symbole qui pouvait être unificateur pour l'ensemble du Canada et des Canadiens, M. le Président. Mais, n'eût été de ça, je ne suis pas sûre qu'on aurait la fête du Canada, et ça s'appellerait encore la fête du Dominion, M. le Président. Vous comprenez pourquoi, maintenant, les Québécois portent très peu d'intérêt à cette fête du Canada. Ils ne se sentent pas du tout inclus dans cette fête du Canada, qui est la fête du Dominion, la fête qui reconnaît la souveraineté monarchique. Et c'est pour ça qu'on est tout à fait, mais complètement à côté de cette fête-là. Pour nous, en fait, c'est un événement qui nous permet d'avoir un congé, une fin de semaine de trois jours. C'est important pour les travailleurs, surtout ceux qui sont régis par les normes minimales du travail, M. le Président, parce que, règle générale, ce sont, plus souvent qu'autrement, des bas salariés, au salaire minimum...

M. Blais: Je m'excuse, Mme la députée de Marie-Victorin. M. le Président, j'entends des cloches, et mon devoir de député me porte à vous demander si c'est un vote ou...

Le Président (M. Philibert): C'est un quorum, M. le député.

M. Blais: Ah! ça veut dire que les libéraux ne sont pas assez nombreux en Chambre.

M. Bourbeau: Et les péquistes non plus. M. Blais: On n'a pas à tenir le quorum.

Le Président (M. Philibert): Ça veut dire que...

M. Houde: Vous autres, vous vous sauvez quand vient le temps de prendre un vote.

Le Président (M. Philibert): Ça veut dire simplement...

M. Houde: Vous vous cachez en arrière. M. Blais: C'est normal.

Le Président (M. Philibert): Ça veut dire simplement que le quorum a été appelé.

M. Houde: Bien, c'est normal qu'ils reviennent en Chambre.

Le Président (M. Philibert): Ça veut dire simplement que le quorum a été appelé. La présidence est en relation avec l'Assemblée nationale par l'intermédiaire des fonctionnaires, et si d'autres cloches devaient sonner dans la soirée, M. le député de Masson, je me ferai un plaisir, si les votes sont appelés, de vous en informer pour que vous puissiez aller voter. Si c'est un quorum, ça ne regarde pas la commission des affaires sociales, mais si c'est un vote...

M. Blais: Les cloches tintent, normalement, mais rarement les cloches ne parlent.

M. Bourbeau: «Pour qui sonne le glas?»

Le Président (M. Philibert): Alors, je parlerai, suite aux cloches, pour vous informer si c'est un vote, pour que vous puissiez exercer votre devoir de parlementaire. Madame, vous avez la parole.

Mme Vermette: Oui, alors, M. le Président, je vous disais que c'est compréhensible que les Québécois, pour eux, fêter la fête du Canada, ça n'a pas vraiment beaucoup d'importance et ça ne fait pas référence à des pages de leur histoire. Bien au contraire, puisque c'est une création de l'esprit, en fait, cette fête du Canada, et non pas quelque chose qu'on peut attribuer à l'histoire, comparativement à la fête de la Saint-Jean-Baptiste qui est célébrée depuis 1946, M. le Président. Donc, vous voyez à quel point la fête de la Saint-Jean-Baptiste reflète réellement la réalité des Québécois et des Québécoises et qu'elle représente pour eux la véritable fête nationale. On n'a pas besoin de partager avec d'autres fêtes nationales, M. le Président, comme la fête du Canada. Pas du tout, M. le Président!

Qu'elle existe, la fête du Canada, soit, mais qu'on en fasse, par exemple, une fête qui ait un caractère aussi important et national pour les Québécois que la fête de la Saint-Jean-Baptiste, c'est complètement un autre discours. Et, je peux vous le dire, à un point tel que c'est le député Fox de la Chambre des communes qui disait: «La célébration annuelle d'une journée nationale du Canada est un phénomène relativement récent. Entre 1868 et 1958, la fête du Canada a été célébrée exactement trois fois. Une fois en 1868, une autre fois en 1917, date du cinquantième anniversaire de la Confédération et, plus tard, en 1927, lors du soixantième anniversaire ou jubilé de diamant de la Confédération.»

Donc, M. le Président, vous voyez bien qu'on ne s'est jamais précipité, qu'il n'y a jamais eu, en fait, un enthousiasme débordant à célébrer ou à reconnaître cette fête du Canada. Et, pourtant, on est rendu en 1976, M. le Président... Depuis 1958, sauf peut-être en 1976, la fête nationale du Canada a toujours été célébrée sur la colline parlementaire, sauf, comme je le disais, en 1976, où, étant donné qu'il n'y aurait aucune manifestation de grande envergure pour souligner la fête nationale du Canada ce jour-là, on avait quand même eu une cérémonie d'envergure, une cérémonie de délivrance de certificats de citoyenneté. Ainsi pouvons nous affirmer que, depuis 1958, nous n'avons jamais manqué de célébrer notre fête nationale, M. le Président.

Alors, c'est pour vous dire que c'est récent, et que c'était beaucoup plus un événement pour marquer, si vous voulez, la citoyenneté ou délivrer des certificats de citoyenneté aux gens qui étaient immigrés au Canada et qui pouvaient maintenant jouir des privilèges des Canadiens, M. le Président. Mais ça ne représente que ça, et on ne se sent pas, comme Québécois, impliqués dans cet événement puisque, notre acte de naissance, nous l'avons depuis très longtemps et nous ne sommes pas obligés, en fin de compte, de témoigner de cet acte de naissance là, M. le Président, par la fête du Canada. Pas du tout! Nous, la fête dans laquelle nous nous rassemblons et qui nous ressemble, M. le Président, c'est la fête nationale du Québec. Il n'y en a pas d'autre. (21 h 10)

Et c'est pour ça qu'on dit: Gardons notre caractère spécifique, gardons notre caractère distinct. Arrêtons de diluer constamment ce que sont nos acquis, ce qui fait notre force, notre identité. Pourquoi essayer de toujours développer cette dichotomie, M. le Président? C'est très difficile de vivre avec ce principe de dualité constant. C'est bien plus important, si on veut vraiment faire des citoyens bien portants, d'avoir une identité claire. Si on veut aussi avoir une immigration qui soit capable de s'inspirer de ce que nous sommes comme Québécois, c'est important pour eux d'avoir une identification claire, un message clair, des symboles clairs.

Et, au Québec, en fait, le message clair, le symbole clair, l'identification claire, bien sûr, dans le contexte qui nous regarde pour le moment, c'est la fête nationale des Québécois, c'est la Saint-Jean-Baptiste, M. le Président. Et ça fait très longtemps qu'on fête la Saint-Jean-Baptiste: depuis 1646. Ce n'est pas d'hier. 1646. Ce n'est pas d'hier qu'on fête la Saint-Jean-Baptiste. Il y a des racines là-dedans, beaucoup plus que dans ce que je vous ai lu du débat des Communes, où on disait que, pendant 116 ans, il n'y avait rien eu pour célébrer la fête du Canada. Personne, en fin de compte, n'était préoccupé par cette reconnaissance. C'est les événements de 1980 qui ont fait en sorte que le

premier ministre d'alors, M. Trudeau, a voulu avoir un symbole d'unité canadienne, M. le Président.

Donc, écoutez, il faut arrêter de vouloir constamment s'harmoniser avec Ottawa. Je pense que ça nous coûte assez cher comme ça. La facture est assez salée pour vouloir s'harmoniser constamment avec Ottawa. On a juste à regarder, sur le plan économique, ce que ça nous en coûte à l'heure actuelle. Il faudrait peut-être un petit peu, en fait, regarder les choses dans leur contexte et s'ajuster en conséquence, M. le Président, et protéger ce qui fait notre identité, protéger les institutions qui nous caractérisent. C'est bien plus ça qui est important, à l'heure actuelle. C'est bien plus ça que d'essayer de protéger ou de remettre en évidence la création de l'esprit qui est le Canada. Parce que, dans le fond, le Canada, pour les gens, ce n'était même pas... On a été obligé de se battre pour faire reconnaître cette fête du Canada. Les gens n'en voulaient même pas, M. le Président. Le reste du Canada, les Communes, les gens, les députés des Communes ont fait un débat monstre parce qu'ils voulaient qu'on conserve la fête du Dominion.

Et vous voudriez qu'aujourd'hui, nous autres, on vibre, on en fasse un débat d'importance majeure et capitale pour les Québécois, et que, finalement, on chambarde tout le système des vacances des travailleurs et des travailleuses du Québec et qu'on leur brise, en fin de compte, ce qu'ils avaient de plus important? Pour les nombreux travailleurs et travailleuses du Québec, c'était une fin de semaine de trois jours, M. le Président. Pourquoi changer ça? Pourquoi changer les règles? Les gens avaient un congé le vendredi si le 1er juillet tombait un jour de semaine, ou c'était un lundi, ce qui faisait une belle fin de semaine pour ces gens-là. Pourquoi changer la règle maintenant? Et, à part ça, on sait très bien que le 1er juillet, pour les Québécois, c'est la fête du déménagement. C'est bien plus ça que n'importe quoi. On le sait, ça fait partie de nos moeurs. Ça fait partie de notre culture. Le 1er juillet, les gens en profitent pour déménager, M. le Président.

Mais pourquoi veut-on changer tout ça? Qu'est-ce qu'on a? Qu'est-ce qu'on veut? Même M. Larose l'a dit, tous ceux qui sont syndiqués, ils s'en foutent... Ils ne s'en foutent pas, mais ils ne l'appliqueront pas, cette loi-là. Ils ne l'appliqueront pas, parce qu'ils disent: Quant à nous, on n'a rien à faire de vouloir faire en sorte de tout chambarder le système de travail comme on l'a au niveau des jours fériés. Il dit: Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est de défendre les intérêts et les droits acquis des travailleurs. Et ça faisait partie d'un droit acquis des travailleurs, cette journée du 1er juillet qui tombait soit un vendredi, soit un lundi; on accrochait ça à une fin de semaine. Et, ça, c'était correct. Là-dessus, je pense que, oui, il n'y a pas...

Pourtant, le ministre, M. le Président, ça ne fait pas si longtemps que ça, en 1990, c'est lui qui a introduit, justement, cette notion-là de jour férié, de jour chômé pour un lundi ou pour un vendredi. Je ne vois pas pourquoi, maintenant, il faudrait qu'on change complètement tout ça. Dans quel cadre? Pourquoi maintenant? Quels sont les motifs? Est-ce que, aujourd'hui, ça devient plus important pour les Québécois et les Québécoises qu'en 1990, M. le Président? Bien, moi, si je regarde la situation, je ne vois pas l'urgence, je ne vois pas non plus pourquoi il faudrait tout changer ce système-là, pourquoi il faudrait tout changer ces règles du jeu là, M. le Président. Et pourquoi faut-il continuer toujours à faire deux classes de travailleurs? Pourquoi toujours vouloir distinguer ceux qui sont plus défavorisés par rapport à ceux qui sont favorisés, M. le Président? C'est une tendance maladive de la part de ce gouvernement, actuellement. On voit la même chose au niveau de l'assurance-maladie, de la santé. On aime ça identifier les gens, nos pauvres par rapport à ceux qui sont bien nantis. On fait toujours deux classes bien distinctes. Et, ça, je ne peux pas tolérer ça, M. le Président. Je trouve ça inacceptable. Tout le monde avait le même système. Peu importe que les gens soient syndiqués ou pas, ou régis par les normes minimales du travail, tout le monde avait le même régime. Tout le monde appliquait la même journée de congé, puis c'était correct, ça fonctionnait de même.

Voyez-vous, un couple, hein? Très souvent, maintenant, il y a l'homme et la femme qui travaillent. C'est régulier, ça, c'est constant. Maintenant, on ne pourrait pas fonctionner, en tout cas, le système économique ne fonctionnerait pas si les femmes et les hommes ne travaillaient pas, et puis encore moins au niveau de la famille; ça serait très difficile, M. le Président. Voyez-vous, dans un couple, il y en a un qui est régi par une convention collective, puis l'autre est régi par les normes minimales du travail. Donc, il y en a un qui va avoir sa fin de semaine de trois jours, puis l'autre va avoir un congé quelque part, soit, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, tout dépend du 1er juillet, à quel moment ça va arriver, selon les années. Alors, ils ne pourront jamais prendre de vacances ensemble, parce que l'employeur, lui, va dire: Moi, ma convention collective, c'est les normes minimales du travail. Puis, l'autre, il va dire: Bien, moi, ma convention collective, c'est ce qui est régi par mon entreprise. Donc, c'est une loi qui va même tendre à diviser les familles plutôt qu'essayer d'unifier les familles, M. le Président.

M. Blais: C'est une loi provocatrice de divorces.

Mme Vermette: C'est épouvantable, au moment où on a tellement de difficultés dans les rapports hommes-femmes actuellement, où il faut qu'on essaie de réunifier nos familles et de

favoriser des moments d'intimité, en fin de compte, entre les enfants et les parents. Parce que, de plus en plus, on s'aperçoit qu'ils n'ont plus de temps à passer ensemble, M. le Président. Et, ça, je trouve ça épouvantable! Je pense que le ministre n'y a pas pensé, parce que, probablement, il a fini d'élever sa famille, puis, pour lui, ce n'est pas une préoccupation majeure, M. le Président. Mais ça aurait été heureux, par exemple, qu'il consulte des gens pour savoir exactement à quel point, pour ces gens-là, c'est important. Pour ces gens, en fait, qui ne peuvent pas se payer de grandes vacances, pour eux, en fait... Parce qu'on sait bien que 80 % des Québécois, des Montréalais passent l'été à Montréal. Ils n'ont pas la chance de sortir, M. le Président. Donc, ça aurait été très, très, très... En tout cas, ça les aurait aidés, au moins, dans trois jours, à se rendre au moins à l'île Sainte-Hélène en famille, sans trop de problèmes.

Vous savez, ça va être un incitatif; effectivement, mon collègue de Masson disait que c'était un incitatif, c'était de la provocation. Mais, savez-vous ce que ça peut avoir comme effet d'entraînement? Si on prend un couple qui travaille, un qui est régi par une convention collective et puis l'autre est régi par les normes minimales du travail, il y en a un des deux qui va tomber malade pour tomber en congé en même temps que l'autre, que son conjoint. Ça fait que ça va augmenter le taux d'absentéisme, M. le Président. Ça va faire baisser la production, puis ça va avoir des conséquences économiques, à part ça.

Alors, ça, c'est grave, M. le Président. Alors qu'on dit qu'on essaie de faire tout pour faire repartir l'économie, parce qu'on a des problèmes à ce niveau-là, bien, il faut avoir une vision globale. Puis, nous, on dit toujours: Bien, écoutez, vous ne savez pas faire des lois, parce que vous faites des lois à la pièce. Vous manquez de vision, vous n'avez pas de vision globale. Vous n'êtes pas capables de prendre les choses dans leur ensemble. Et, voyez-vous, c'est une des conséquences, actuellement, avec cette loi 21 là. Et nous voulons empêcher qu'il se passe des problèmes dans les couples du Québec. C'est ça, notre objectif.

Le Président (M. Philibert): mme la députée de marie-victorin, votre temps est écoulé. je vous remercie. est-ce qu'il y a des députés ministériels qui veulent intervenir?

Mme Loiselle: Nos couples fonctionnent bien.

Le Président (M. Philibert): Pardon?

Mme Loiselle: Nos couples fonctionnent bien.

Le Président (M. Philibert): Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté de l'Opposition? M. le député de Shefford. (21 h 20)

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vais prendre quelques minutes, évidemment, pour parler du projet de loi 21. Ça me permettra d'échanger avec mon collègue, le ministre responsable de la Montérégie, que j'ai eu plus souvent l'occasion de rencontrer dans la Monté-régie qu'ici, dernièrement. Donc, je suis content d'avoir la chance d'être assis à la même table, parce qu'on a eu le plaisir de l'être quelques années, sur d'autres sujets. Malheureusement, ce soir, comme dans les autres sujets dont il était question lorsque j'étais son vis-à-vis, j'ai l'impression qu'on va être encore en désaccord.

Moi, ce dont je veux parler sur le projet de loi 21, c'est surtout de l'inopportunité de ce projet de loi au moment où on se parle. Il y a comme des choses qui sont difficiles à expliquer de temps en temps, et, ça, c'en est une, sauf quand on regarde les objectifs qu'on poursuit. Donc, les objectifs qu'on poursuit sont clairs, ils sont nets. On essaie de le cacher, mais ce n'est pas cachable, je dois vous le dire; c'est trop gros. Ce serait comme cacher le soleil lorsqu'il fait 30° et qu'il n'y a pas de nuages. Moi, je vais vous dire, ça fait 11 ans que je suis à l'Assemblée nationale, et c'est probablement un des projets les plus politiques que j'aie jamais vus. Et c'est la raison pour laquelle je tiens absolument à intervenir dessus. Du côté politique, du côté historique et aussi du côté du moment où on le passe.

Pourquoi je dis qu'il est inopportun de passer ce projet de loi? Je vais donner quelques exemples. Le premier, c'est au niveau du temps, mais le temps très temporel, très actuel, très ponctuel, c'est-à-dire juin. Comment se fait-il qu'on passe une loi qui va être en application maintenant, donc votée, probablement, aux alentours du 15 juin, pour un congé qui va être le 1er juillet de la même année? Comme si le reste du monde était «plogué» sur nous autres, en ne se préparant pas à autre chose en attendant. Allez voir le monde, allez voir les gens, tous ceux qui se sont préparés quelque chose pour, probablement, la grande majorité, le 29 juin. Les gens, eux autres, les appliquent, les respectent, les lois. Ils sont au courant de ce qui se passe. Donc, les Québécois et les Québécoises se sont organisés pour le 29 juin, dans la très grande majorité des cas, à cause de la loi, tout simplement, de l'application de la loi comme telle.

Nous, on arrive ici, juste pour un objectif très politique - puis j'y reviendrai tantôt - et on décide qu'on chambarde les décisions prises par les gens. Il y en a qui se sont organisés pour déménager, probablement, le 29. Ils ont fait les locations, ils ont appelé leurs amis et leur

parenté, et ils se préparent à déménager le 29; tout est réservé, tout est prêt. la caisse de bière, c'est à peu près la seule chose qu'il reste à acheter.

Une voix: ...deux jours...

M. Paré: Mais, très sérieusement, les gens ont préparé leur déménagement en fonction des dates de congé. Nous, ici, on s'en fout, mais complètement. Les gens, là, ils ont juste à obéir à ce qu'on décide. On est une gang de «finfins», à l'Assemblée nationale, puis, en plus, on mène parce qu'on est majoritaires. Au diable les gens! Nous autres, on a décidé que c'était ça, parce que ça fait notre affaire de façon très politique, partisane. Mais les gens, eux autres, leurs réservations, tout ce qu'ils avaient planifié, tout ce qu'ils avaient préparé, ça ne nous chicote pas pantoute, on s'en fout totalement. Mais les gens, là, ils vont l'apprendre, au cours des prochains jours, que la loi est votée et que, le 29, ils ne sont pas en congé, parce que la loi dit que c'est le 1er juillet.

Le ministre peut bien, dans ses communiqués de presse et dans ce qu'il dit, dire non, que c'est facultatif, et tout ça, mais on sait très bien qu'il sera possible pour un employeur de se prévaloir exceptionnellement du transfert. Donc, exceptionnellement, ce ne sera certainement pas le cas de chacun de ses employés et des individus comme tels. Donc, on s'en vient perturber, à 15 jours d'avis. Parce que, là, les gens sont en train de faire autre chose, ce soir. On est jeudi, ils viennent de finir le magasinage, ils écoutent la télévision, ou quelque chose; ils n'écoutent pas ce qu'on est en train de faire ici, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Ça aussi, je vais y revenir tantôt. Ils sont occupés à leur vécu quotidien, à leurs responsabilités, à leurs devoirs parentaux et à tout ce qui est la vie normale. Mais, nous, on est en train de chambarder la semaine du 1er juillet qui s'en vient. Je dis bien «la semaine», pas seulement la journée. Ils n'ont rien à dire, ils ont juste à subir. Peu importe combien ça va leur coûter, peu importent les troubles que ça va occasionner! Là, je parle de ceux qui ont réservé, qui ont loué, qui ont planifié tout un déménagement, en plus des problèmes que tout le reste occasionne quand on déménage.

Mais, pour tous ceux qui ont planifié un congé, une fin de semaine de trois jours, ça, c'est important. Tu sais, à un moment donné, il va falloir la considérer, la politique familiale, autrement que par de belles paroles. Il faut que ça s'applique dans le vécu quotidien. Et je n'ai jamais vu des comportements antifamiliaux comme ceux qui sont souvent amenés par le ministre actuel, ici. On parle de partage de logement ou de toutes sortes de choses, c'est toujours antifamilial. Bien, celle-là aussi.

Les fins de semaine de trois jours pour les

Québécois, il n'y en a pas beaucoup. Là, on en a une. Il y a des gens, je suis convaincu qu'ils ont planifié quelque chose. Ça, ça fait aussi tourner l'économie, parce que, trois jours, ça nous donne le temps de sortir. Et pas de sortir pour aller trop loin; habituellement, on reste dans les régions du Québec. Mais, là, les gens qui ont planifié quelque chose ou qui ont loué quelque chose, qui ont réservé, ce n'est pas grave. On ne leur dit pas: On a décidé que c'était ça et, l'an prochain, organisez-vous en fonction de ça, ou bien dans six mois. Elle n'est pas votée, la loi. On va la voter peut-être - je ne sais pas quand - demain, lundi, mardi ou mercredi, à moins de 10 jours, 10, 15 jours, et là on leur dira: Vos réservations, on s'en fout comme de l'an quarante. Nous, on a décidé que ça faisait notre affaire, et on ne veut pas savoir si ça fait la vôtre. Le respect des gens, on a oublié ça complètement. Les préoccupations des gens, ça ne nous préoccupe surtout pas, nous autres, ici. Ce qui compte, c'est juste l'objectif qu'on s'est fixé, qui est un objectif bassement politique, mais surtout pas populaire, et surtout pas respectueux de la population du Québec qui mériterait qu'on l'écoute un peu, qui mériterait que, dans une période aussi difficile que celle qu'elle traverse, on ne vienne pas chambarder même ses habitudes élémentaires, ses habitudes de congés connus et reconnus appliqués depuis des années.

N'oublions pas que ce n'est pas un nouveau congé. Et, nous, on n'est pas contre le congé transférable du 1er juillet, on veut que ça demeure selon les habitudes. On est en train de nous enlever ce qui était une particularité. Tout ce qu'on peut faire pour passer la varlope sur la société distincte, je dois vous dire, on s'amuse à le faire. Et, ça, c'est une réalité. Vous trouvez ça comique, ça a l'air drôle, mais je dois vous dire que c'est ce genre de petit détail qui fait que le Québec va être de moins en moins distinct et de plus en plus pareil. C'est ce genre de détail là. Et c'est tellement subtil que ça ne semble rien, ça n'a l'air de rien, mais c'est fondamental. Et c'est comme ça.

Je vous disais tantôt que j'étais pour en parler. On est dans la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, on fête le 200e anniversaire du parlementarisme québécois, avec tout le tralala, tout ce que ça coûte, toutes les conférences de presse et les expositions, ici et là, et les invitations à l'Assemblée nationale. On «est-y» fier de célébrer la démocratie au Québec, une des premières, sinon la première, en Amérique du Nord, un Parlement élu, démocratique, avec des représentants du peuple! Je vais vous dire, on a l'air d'une belle gang de représentants du peuple, avec des lois comme celle qu'on est en train de passer. On ne veut pas savoir si on les dérange. On veut être sûr qu'on les dérange, et on veut être sûr qu'on va en discuter à la dernière minute. Et on veut être sûr qu'ils vont obéir, à

part ça, parce que la loi est claire, elle est franche: on va même jusqu'à dire qu'on change l'autre loi sur l'ouverture des magasins et que, en plus, les pénalités vont être augmentées. Allez-y, mes petits, que ça vous tente ou pas, que vous aimiez ça ou pas, le Canada, vous allez le fêter, parce que, nous autres, ça nous tente! C'est ça qu'on est en train de faire. Est-ce que c'est pour ça, il y a 200 ans, qu'on était si fier de se donner un parlementarisme du Bas-Canada?

Très significatif, ça aussi, le Haut et le Bas-Canada. On était le bas, nous autres, le Bas-Canada, hein? Le Bas-Canada, c'est nous autres. Mais on était tout fier, il y a 200 ans, de se donner un parlementarisme représentatif de la population du Bas-Canada, qui était tout à fait différent du Haut-Canada, totalement différent, avec une majorité francophone, avec un caractère particulier, avec le Code civil, avec nos attachements, nos attachements tellement forts que notre patron, c'est Saint-Jean-Baptiste; donc, rattachés et reliés à l'Église catholique, parce qu'on était - et nous sommes encore - très catholiques. Donc, on avait des particularités très fortes, des attachements particuliers. Il y a 200 ans cette année, on a voté le premier Parlement démocratique en Amérique du Nord, ici, au Québec, qui était fêté, très largement fêté, parce que le Québec reconnaissait sa différence, sa société distincte, sa particularité, sa façon de faire avec ses représentants de la population. (21 h 30)

S'ils pouvaient nous voir d'en haut, je me demande comment ils réagiraient, avec quel genre de regard. Probablement bien plus accusateur qu'admirateur, je dois vous dire, parce que les différences, ce n'est pas seulement dans le Code civil, ce n'est pas seulement non plus de par le Haut-Canada et le Bas-Canada, pas seulement dans les mots - et surtout pas dans les mots - mais dans la réalité des choses, dans les sentiments d'appartenance, dans le vécu et dans ce que les gens sentent, ressentent et expriment. Ce que je veux dire par là: le 24 juin, la fête nationale, les Québécois, beau temps, mauvais temps, en période de crise comme en période d'abondance, ils fêtent parce qu'ils sont contents, ils se reconnaissent et ils sont capables d'exprimer, aux yeux du monde mais surtout entre eux, qu'on est fiers d'être membres d'une société, d'une collectivité qui est à notre image, qui est particulière. Même quand on nous coupe les subventions, on dirait qu'on se resserre encore davantage les coudes, puis on réussit à faire des fêtes qui sont encore plus belles.

Au Canada, on va probablement dépenser 100 000 000 $, peut-être 200 000 000 $, peut-être même 300 000 000 $ en propagande du 125, en propagande de la fête, puis en propagande de tout ce beau et grand Canada. On veut nous rentrer l'amour d'un pays, l'amour d'une fierté, l'amour d'une appartenance de force. Heureusement, moi, je pense, j'espère et je crois - puis l'Histoire nous le prouve - qu'on n'est pas capable d'acheter l'amour, comme on n'est pas capable d'acheter la fierté. Le bon Dieu a bien fait les choses, à mon avis. Il a fait que l'être humain ait quelque chose en lui qui fait que tu as un attachement par rapport à ta famille naturelle, à tes parents, qui fait que, peu importe ce qui se passe, tu as une fierté, une appartenance et un sentiment qui fait que tes frères, tes soeurs, ton père et ta mère, surtout, «touchez-y pas». Mais II a fait un autre sentiment qui est aussi très fort, semblable à ça: l'appartenance à une collectivité. Ça, c'est très fort, et on respecte ça. Puis on est fier de voir ça, l'exemple d'ailleurs. Moi, quand je vois les Américains fêter, je dois vous dire que ça m'émeut. Les Français, la même chose, et les Québécois, évidemment.

Mais il y a certains endroits dans le monde où on a essayé d'arrêter ça. On a essayé par la force, on a essayé par la contrainte. On a pensé qu'avec le temps on avait gagné. Regardez le bloc de l'Est. Est-ce que la Russie avait pensé qu'elle avait réussi à détruire l'esprit d'appartenance des peuples parce qu'elle les avait dominés économiquement, socialement, par l'armée, par tous les moyens pendant au-dessus de 50 ans, 60 ans, en pensant qu'elle avait tué la fierté de ces peuples-là? L'attachement est pourtant... Regardez, dès qu'ils en ont eu l'occasion, ces gens-là: la moindre petite fissure ou ouverture de reconnaissance de ce qu'ils étaient, ça a été plus fort que n'importe quoi. Dès que la contrainte ou dès que le soleil a donné une espèce d'espoir pour ces gens-là, la porte s'est grande ouverte. Ces gens-là ont su sortir quand c'était le temps et, aujourd'hui, regardez la fierté de ces peuples-là. Ils vont peut-être avoir autant de misère, parce que ce n'est pas vrai que la souveraineté amène la vie facile. Mais, avec la fierté, avec la reconnaissance, ça donne cette capacité d'accepter et de corriger des choses.

La force, on la retrouve d'abord dans la force de chacun des individus, et c'est cette force ajoutée de tous et chacun qui devient la force d'un peuple, qui fait qu'on réussit à s'en sortir; à s'en sortir puis même à accepter dans la joie les moments difficiles. Mais ces peuples-là s'en sont sortis alors qu'il y a un vent de liberté qui souffle sur la terre. Ce sont des peuples qu'on a essayé de contraindre dans une camisole qui n'était pas la leur. Nous, ici, on est en train de légiférer, par une loi très subtile - pour ne pas dire confuse pour ceux qui n'ont pas à en discuter ou à la lire - on est en train de leur mettre la camisole en essayant de leur entrer cette fierté, cet attachement. Pourtant, avec les années, les décennies et les siècles, jamais nos prédécesseurs n'ont osé.

Qu'est-ce qu'on a de plus ou qu'est-ce qu'on a de moins qui nous amène, encore une fois, à une génuflexion semblable? Je ne le sais pas. Je sais que je ne réussirai pas à vous

convaincre. Je trouve ça très malheureux, parce que, moi, j'y crois profondément, peu importe le résultat constitutionnel. Je ne vous demande pas de reculer par rapport à la souveraineté. Je n'oserais pas, parce que je suis capable de respecter les divergences d'opinion du peuple québécois. Je vous le demande pour quelque chose de bien plus minimum, je vous le demande pour la reconnaissance et le maintien de cette société distincte. Et ça fart partie de ça.

Est-ce qu'on est conscients que la société distincte ne s'exprime pas par les politiciens? La société distincte s'exprime par le comportement des gens, dans leur fierté, dans leur vécu, dans leur façon de s'exprimer et dans leur façon de se retrouver collectivement - pas juste individuellement, collectivement. Et, collectivement, si on se retrouve dans la fierté le 24 juin, de tout temps on se retrouve dans le Dominion du 1er juillet, comme un congé d'appartenance, de toute façon, mais qu'on fête de façon différente parce qu'on est une société distincte... Si vous voulez l'effacer, vous ne réussirez pas. Je vous le dis, parce que j'y crois, vous ne réussirez pas; pas plus que Lord Durham n'a réussi, avec ses politiques et avec ses espoirs, et avec ce qu'il a mis en place.

Vous trouvez ça drôle? Mais le 200e anniversaire qu'on fête à l'Assemblée nationale, ça pourrait être très ridicule aussi, si on voulait regarder ce qu'on est en train de faire par rapport à ce qu'on fête. Pourtant, on ne rit pas, parce qu'on respecte ce qui s'est fait, et on respecte les gens qui nous ont donné cette belle démocratie et ce courage - non pas de diminuer notre différence: Papineau, LaFontaine et compagnie n'ont jamais tenté de ratatiner, de ridiculiser ou d'amoindrir la différence du Québec, au contraire. De tout temps, ces gens-là ont travaillé non pas pour niveler le Québec, non pas pour le mettre à genoux mais pour qu'il soit de plus en plus fort, de plus en plus fier. Reprenez à peu près tous les premiers ministres, peu importe de quel parti politique. Ils ont toujours voulu avoir un Québec plus fort, avec une majorité qui soit capable de s'exprimer, de se reconnaître et de s'affirmer. Est-ce que c'est de l'affirmation qu'on est en train de faire? Je ne vous parle même plus de souveraineté, je vous parie juste d'affirmation et de reconnaissance de la société distincte.

J'espère avoir la chance d'intervenir, M. le Président, parce que j'avais plusieurs points. Vous me dites qu'il me reste trois minutes. Je n'ai même pas touché un point à fond, et j'espère qu'on va y revenir. Même si je suis convaincu que je ne réussirai pas à vous convaincre sur le présent vote, si au moins je pouvais juste vous amener à réfléchir un peu sur l'affaiblissement que vous êtes en train de faire, pas seulement du Québec mais de la société distincte, qui est le minimum des minimums, qu'on est en train de discuter et de nous refuser à Ottawa.

On peut bien reprocher - mais vous vous ferez des mea culpa - aux gens d'Ottawa de refuser la société distincte, de refuser la reconnaissance de la société distincte, mais dites-vous qu'ils ne se gênent pas pantoute pour la refuser quand ils nous regardent aller, parce qu'ils se disent que, même nous, on est en train de la cacher dans notre poche d'en arrière, à 21 heures quarante, un jeudi soir. Quand, nous-mêmes, on a un comportement qui nous fait cacher ce qu'on est, qui nous fart ignorer ce qu'on est, bien, imaginez-vous le comportement de ces gens-là; il est tout à fait correct. Ne reprochons pas aux autres notre faiblesse, mais utilisons la même chose qu'eux autres, c'est-à-dire notre force. C'est la seule façon, c'est dans la nature même des choses. C'est notre force qui va nous développer, et non pas la faiblesse des autres. Et les autres, dites-vous que s'ils nous sentent faibles ils n'essaieront pas de nous prendre en pitié; ils vont faire ce qui se passe dans la nature humaine, ils vont plutôt essayer de nous écraser. On en a la preuve ces jours-ci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Shefford, merci. M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. J'aimerais rassurer quelques députés d'en face sur certains commentaires qu'ils ont faits depuis le tout début, à 20 h 15. D'abord, en ce qui concerne la loi, si la loi est adoptée d'ici la fin de la session, les gens qui auront bien voulu prendre le 1er juillet à une autre date pourront le faire, parce qu'ils ont été sensibilisés depuis un certain temps. Le ministre en a parlé à quelques reprises; c'était dans les vues du ministre que cette loi sort passée à la fin de juin 1992.

D'abord, cette année, le 1er juillet tombe un mercredi. La loi actuelle prévoit que la très grande majorité des salariés québécois seront donc en congé le 29 juin, alors que les travailleurs des autres provinces canadiennes fêteront deux jours plus tard. Ai-je besoin de dire que certaines personnes ont vu là un trait distinct'rf, une signification toute particulière?

Il faut affirmer, d'abord, deux vérités: d'abord, un nombre important de nos concitoyens croient au Canada et attachent de l'importance à la commémoration du 1er juillet, de la naissance de la Confédération canadienne. Je comprends que vous ayez des idées séparatistes et que vous vouliez être indépendants demain matin; ça fait longtemps que vous voulez l'être, ce n'est pas d'hier. Moi, je suis encore un Canadien, à ce que je sache, et un Québécois. Un Québécois et un Canadien, et je n'en ai pas honte. Je suis fier, encore aujourd'hui. (21 h 40)

II y a des discussions qui se passent

actuellement, et vous souhaitez depuis un certain temps tout, tout, tout pour que tout tombe à l'eau. Mais je suis encore optimiste dans les discussions qui se font, puis, comme vous avez pu l'entendre ce soir, ça va être encore en discussion jusqu'à la fin de juin. Et il y a encore des possibilités de s'entendre. Je pense que ce qu'on a actuellement, au Québec, on l'a gagné à l'intérieur d'un Canada, pas séparé; je ne pense pas, toujours. Puis, il y a à peu près un mois, un mois et demi, les gens disaient, à l'ONU, que le pays le mieux au monde, c'était le Canada. La meilleure qualité de vie, c'était le Canada qui l'avait. Donc, à ce que je sache, je fais encore partie du Canada, moi. Je suis un Québécois, mais un Canadien également. O.K.? Puis, en passant, prenez-le, ça, pour ceux qui veulent l'entendre.

D'abord, de nombreux établissements commerciaux - je pense en particulier aux institutions financières - éprouvent des difficultés réelles à ne pas fermer la même journée qu'ailleurs au Canada. Pour ces deux raisons, nous voulons modifier la Loi sur les normes du travail et la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux pour faire en sorte que le 1er juillet soit journée fériée et chômée à date fixe.

Une autre chose, qui est bien importante. Je pense que vous manquez un peu d'honnêteté quand vous ne dites pas tout ce qui devrait être dit. Je vais le lire, pour être bien certain de ne pas en oublier un mot. «Il est important de préciser qu'en vertu de la Loi sur les normes du travail tout congé férié peut être déplacé dans les trois semaines qui précèdent ou qui suivent la journée prescrite pour le congé.» On vous entend, de l'autre côté, crier: Scandale, scandale, scandale! Il n'y aura pas moyen de déménager une autre journée, il n'y aura pas possibilité... Tous les gens vont être en furie après le gouvernement. C'est complètement faux, ça! Je pense qu'entre syndiqués et employeurs on peut se parler, puis je suis certain d'une chose: il y a possibilité d'en arriver à un compromis pour être capable de faire en sorte qu'on s'entende sur la même journée pour avoir notre journée de congé. Parce que les employeurs qui m'ont parlé, depuis un certain temps, m'ont dit: Albert, de grâce, il ne faut pas qu'elle soit fixe comme la Saint-Jean-Baptiste. Écoutez, on en a parlé à notre caucus. Puis, dans la loi qu'on va voter bientôt, il est bien dit qu'elle n'est pas fixe, la journée du 1er juillet. Avis aux intéressés, là! Comprenez bien ça!

Puis, une autre chose. J'ai réussi à mettre la main sur un document, dernièrement; ça ne fait pas tellement longtemps. Vous êtes pourtant, à ce que je sache, proches des caisses populaires, vous autres, à entendre parler les gens qui sont proches du Parti québécois. Vous devez savoir ce que le président de la Fédération des caisses populaires a écrit. Si vous ne le savez pas, je vais vous le dire. D'abord, j'ai du temps, j'ai 20 minutes. Je peux les prendre tranquillement, pas vite, puis je n'inventerai pas des phrases. Je vais les dire mot à mot. Puis, ça, c'était adressé au ministre Bourbeau, qu'on a devant nous, ici, aujourd'hui, notre ministre qui fait partie de notre gouvernement, puis c'est daté du 30 mars 1992. «M. le ministre André Bourbeau, ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Date de la prise du congé du 1er juillet.» C'était la question primordiale, puis, si on a fait en sorte que nos institutions financières comme les caisses populaires soient traitées comme les autres, je pense qu'il faudra s'arrêter puis y penser bien comme il faut. «M. le ministre, comme vous le savez, l'article 60 de la Loi sur les normes du travail, en vigueur depuis le 1er avril 1991, stipule ce qui suit: "Les jours suivants sont des jours fériés et chômés: le 1er juillet si cette date tombe un lundi, le lundi précédant le 1er juillet si cette date tombe un mardi, un mercredi ou un jeudi, ou le lundi suivant le 1er juillet si cette date tombe un vendredi, un samedi ou un dimanche." «Cette mesure législative constitue une source de problèmes importants pour le Mouvement Desjardins. En effet, la concurrence bancaire respectera, selon la coutume, la fête du 1er juillet. Le Centre de compensation bancaire sera, en conséquence, fermé cette journée, et le réseau des caisses populaires devra supporter un coût de l'ordre de 265 000 $ - vous autres, ça ne vous fait peut-être rien, des sous, mais, nous autres, ça nous fait de quoi; je pense que les caisses aussi - pour les effets non compensés. De plus, certaines de nos fédérations devraient modifier leur politique de conditions de travail afin d'éviter des coûts supplémentaires de main-d'oeuvre le 29 juin. Enfin, le texte des conventions collectives des caisses syndiquées indique le 1 er juillet comme étant le jour férié à respecter. «Le Mouvement Desjardins est en concurrence constante avec les banques qui sont de compétence fédérale mais, en même temps, il doit travailler de concert avec elles dans le cadre du réseau des institutions financières canadiennes. Des conditions de travail communes au Mouvement stipulent déjà 11 jours fériés et chômés, c'est-à-dire des conditions supérieures à ce qui est accordé par la législation sur les normes minimales du travail. «C'est pourquoi, après consultation des instances concernées de Desjardins, il nous apparaît souhaitable que le gouvernement du Québec procède et amende l'article 59.1 de la Loi sur les normes du travail de façon que cet article se lise comme suit, dorénavant: "La présente section ne s'applique pas à un salarié qui, en vertu d'une convention collective, d'un décret ou de ses conditions de travail, bénéficie d'un nombre de jours chômés et payés en vue de

la fête nationale au moins égal au nombre de jours auxquels ont droit ceux à qui la présente section s'applique. La présente section ne s'applique pas non plus à un autre salarié du même établissement qui bénéficie d'un nombre de jours chômés et payés en sus de la fête nationale au moins égal à celui prévu dans cette convention ou ce décret." «Cet amendement offrirait l'avantage de soustraire à l'application du chapitre entier portant sur les congés fériés de la Loi sur les normes tout employeur qui accorde dans ses conditions de travail un nombre de congés fériés au moins égal à ce que prévoit cette même loi. Nous sommes d'avis que cet amendement apporterait toute la souplesse requise pour corriger les contraintes inacceptables pour le Mouvement Desjardins qu'imposent les mesures législatives actuelles. «Vous remerciant à l'avance de l'attention que vous apporterez à cette demande, je vous prie d'agréer, M. le ministre, l'expression de ma très haute considération.»

C'est pour vous dire que, quand les gens nous demandent des choses qui sont sensées, nous sommes prêts à les écouter. Avis aux intéressés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Berthier, merci. La période des interventions préliminaires est terminée. Maintenant, nous passons à la section des motions préliminaires. M. le député de Masson.

M. Blais: Oui, M. le Président, je vous remercie. À moins que M. le député de Laporte, ministre supporteur de cette loi, ait quelque chose à nous dire avant...

M. Bourbeau: M. le Président, je suis toujours estomaqué de voir et de considérer la facilité qu'ont certains députés de l'Opposition à dire les choses. On vient d'assister à un spectacle étourdissant, où quatre députés de l'Opposition, je pense, pendant une période d'une heure et demie, ont parlé à tour de rôle pour, à peu près, ne rien dire. Mais je dois dire que ça a été fait dans un bon français. La grammaire, la syntaxe, tout y était et, d'une certaine façon, c'est un plaisir d'écouter, M. le Président, une telle prose. Bien sûr, on trouve ça un peu long de ce côté-ci de la Chambre, mais, au moins, c'est fait dans un français relativement impeccable. Et, quant à moi, étant doté d'une patience à toute épreuve, M. le Président, je suis totalement disposé à continuer à écouter les propos des députés de l'Opposition, en sachant fort bien qu'ils ne sont pas disposés à passer à l'article 1 du projet de loi avant une période qui risque d'être assez longue.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. M. le député de Masson, vous avez une motion préliminaire?

M. Blais: Oui, je vous remercie beaucoup. Je voudrais... Une seconde!

Le Président (M. Philibert): Je vous rappelle, M. le député de Masson, que, sur une motion préliminaire, vous avez un droit de parole de 30 minutes...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Philibert): ...et les répondants également. M. le ministre...

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Philibert): ...a une période de 30 minutes, et l'alternance se fait pour 10 minutes de chaque côté.

M. Blais: Oui. Avant de lire ma motion, si vous me permettez, je voudrais remercier M. le député de Laporte, le ministre, d'avoir eu des paroles élogieuses envers l'Opposition. Il comprend très bien, et j'aime beaucoup un ministre qui comprend ça, qu'on fait, chacun de notre côté, du mieux que l'on peut pour accomplir le devoir pour lequel on est payé 60 000 $ par année, plus une pension, pour ceux qui ne la retirent pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Vous, ça serait peut-être mieux. Actuellement, moi, personnellement, si je partais, la différence de salaire que j'aurais serait à peu près de 16 000 $ par année. Donc, je travaille pour 16 000 $. Je tiens à dire que certaines personnes qui refusent leur pension actuellement travaillent pour 60 000 $. Alors, je ne sais pas lequel des deux est le plus méritoire, de travailler avec pension ou sans pension, mais je voulais tout simplement faire une remarque. Et je remercie aussi le parti au pouvoir de s'être intéressé à essayer de nous éclairer. Il est possible que nous ne soyons pas en possession tranquille de la vérité, et je crois que lorsque le député de Berthier a fait des remarques de façon assez... Il avait l'air assez convaincu. Ça m'a fait plaisir de les entendre et...

Une voix: C'est gentil.

M. Blais: ça me fait bien, bien plaisir. merci de votre beau programme. m. le président, j'aurais une motion à apporter, si vous le permettez.

Le Président (M. Philibert): J'avais appelé, justement, la période des motions préliminaires. Alors, je vous... (21 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Des motions...

Le Président (M. Philibert): Mais comme la tradition...

M. Bourbeau: ...fait bien les choses. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Philibert): ...veut qu'il y ait consentement pour des interventions qui sont en dehors des habitudes usuelles prescrites par le règlement, le fait que vous soyez intervenu et qu'il n'y ait pas eu d'opposition ou d'objection de la part des ministériels - qui ne dit mot consent - j'ai interprété ça comme un consentement. Mais on va tâcher de s'en tenir au règlement, et on est définitivement à la période des motions préliminaires. Je vous demanderais, M. le député de Masson, si vous avez un motion préliminaire à faire, de vous exécuter.

M. Blais: Par hasard, j'en ai justement une, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Ma motion, comme le disait M. le ministre tantôt, elle aussi est en prose, mais je vous promets de vous faire peut-être quelques interventions en rimes et en vers. Vous allez peut-être la traiter d'une certaine prose où les vers se sont mis, mais j'essaierai de le faire. Eh bien! voici la première, M. le Président.

Motion proposant d'entendre la Société Saint-Jean-Baptiste «II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission permanente des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Société Saint-Jean-Baptiste.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Philibert): Bon. Alors, vous avez 30 minutes pour soutenir...

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que la proposition est recevable? Est-ce qu'on pourrait savoir pourquoi elle est recevable?

Des voix: Oui.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais bien savoir en quoi la Société Saint-Jean-Baptiste a un mot à dire dans la Loi sur les normes du travail. Vraiment, là! Il me semble que si on...

M. Blais: Les députés qui parlent...

M. Bourbeau: II me semble que, si on nous proposait de convoquer la Fédération des travailleurs du Québec ou des syndicats nationaux, on pourrait comprendre; là, on parie de la Loi sur les normes du travail. Mais qu'est-ce que la Société Saint-Jean-Baptiste a à voir avec le travail? M. le Président, je pense que la pertinence n'y est pas.

Le Président (M. Philibert): M. le ministre, en vertu de 244, la commission est saisie de... Avant d'entreprendre l'étude détaillée, la commission peut décider de tenir des consultations particulières dans le cadre de son mandat. Alors, je pense que l'auteur de la motion doit nous convaincre maintenant que nous devons tenir des auditions particulières. Et, lorsqu'il aura fait sa plaidoirie, on mettra aux votes la demande qu'il fait.

M. Bourbeau: Mais, préalablement, M. le Président, je ne vous ai pas encore entendu dire si la proposition était recevable ou non.

Le Président (M. Philibert): Oui. Je pense qu'en vertu de 244 elle est recevable.

M. Bourbeau: Alors, en vertu du jugement Philibert, maintenant, on va considérer que la proposition est recevable.

Le Président (M. Philibert): Oui. En vertu de 244, elle est recevable, et c'est les membres de la commission qui, après avoir entendu la plaidoirie, l'acceptent ou la défont, suite à un vote.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président.

M. Blais: m. le président, si vous me permettez un petit argument sur la recevabilité, j'aimerais beaucoup qu'elle ne soit pas recevable, et je vous le dis de façon sincère.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Je vous le dis de façon sincère. Et, pour appuyer mon énoncé, cette motion est recevable à cause des articles 10 et 18; et si elle n'était pas recevable - ce qui serait mon désir - ça voudrait dire que, dans la loi 21, les articles 10 et 18 ne devraient pas y être. Alors, vous plaidez contre votre projet de loi, et la présidence de cette commission fait sienne votre décision de conserver 10 et 18, sinon, si elle n'était pas recevable, il faudrait qu'on enlève 10 et 18, M. le Président.

M. Bourbeau: Non, non. Ça, c'est une logique qui ne m'apparaît pas évidente, mais enfin...

Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y dans le débat sur la motion!

M. Blais: Bon. J'ai une demi-heure. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Moi, je suis consentant s'il veut parier plus longtemps, M. le Président. Au point où on en est, on a le choix entre le député de Masson et la députée de Marie-vïc-torin. Vous savez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Là, c'est une petite pinotte qu'il t'a envoyée.

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Masson, vous avez la parole.

M. Yves Blais

M. Blais: M. le Président, j'ai dit tout à l'heure, dans mes propos préliminaires, que la fête de la Saint-Jean-Baptiste était une fête ancestrale qui a été fériée par le Parlement. C'est le peuple qui, par l'histoire, a imposé cette fête au Parlement. Tandis que la Confédération -on verra qui on fera venir tantôt, pour ça - est une fête imposée par le Parlement au peuple. Et pour vous montrer que cette fête de souche qui nous habite et qui est la nôtre, viscéralement, les francophones... Et, tout le monde, on est d'accord, des deux côtés, là-dessus; ce n'est pas là-dessus qu'il y a un problème.

Ça remonte à très loin. Je vais vous remonter ça le plus loin que j'ai pu trouver. Je vais remonter ça à l'ère païenne avant Jésus-Christ. L'ère païenne avant Jésus-Christ, ce n'est pas tellement loin. Je n'ai pas pu aller dans l'époque précambrienne, parce que je n'ai absolument pas trouvé dans nos manuscrits des fossiles qui portaient les stigmates de la fête de la Saint-Jean. Mais, cependant, j'ai vu dans l'histoire païenne quelques notes sur ce qui a amené notre ère moderne à fêter cette situation de la fête de la Saint-Jean. Je sais que le député de Laporte est féru d'histoire et qu'il est nostalgique quand il ne connaît pas toute la nomenclature ou l'ossature d'un corps historique. Eh bien! je vais lui faire, pour ne pas qu'il reste fossile, cette nomenclature de l'histoire de la Saint-Jean.

Vous savez qu'à l'instar des grands conquérants comme l'était l'Angleterre à l'époque on se servait des fêtes des autres pour mieux les amadouer. C'est ce qui a fait que le Dominion, d'ailleurs, devienne la fête du Canada. Et l'Église catholique, cette belle... elle était exactement pareille. Elle accaparait les fêtes des autres pour mieux régner. Et voici: La fête de la Saint-Jean serait née à partir d'une vieille coutume célébrée au solstice d'été. Ça, je suis persuadé que plusieurs le savent. Naturellement, l'homme se tourne vers le soleil, source de lumière et de vie, gage de prospérité et de croissance. Aujourd'hui, avec la baisse de la couche d'ozone, c'est sûr que les anciens frémiraient de nous voir gaspiller la source de notre fête nationale qui est le soleil. Mais, que voulez-vous? Il y a toujours des briseurs d'images quelque part, et puis des brimeurs de peuple. Et il y en a qui ont d'autres motivations que celles de l'intérêt national. Et voici que l'Homme, naturellement, se tourne vers le soleil, source de lumière et de vie, gage de prospérité et de croissance. C'est avec l'enthousiasme de la fête que l'homme a voulu saluer le jour le plus long de l'année et remercier le soleil de ses bienfaits. Donc, le solstice d'été, on sait tous que c'est la journée la plus longue de l'année. Ça arrive, normalement, entre le 22 et le 24 juin, selon les années et les siècles.

À l'origine, la fête du solstice n'était certes pas moins fondamentalement religieuse, au sens où, par le culte du soleil, elle reliait l'homme aux forces supérieures qui dominent et régissent la vie. On dit que c'était l'époque païenne, mais, à l'époque païenne, il y avait le dieu Soleil, etc. On ne fera pas, tout de même, toute l'histoire grecque et romaine, l'histoire des Huns et d'Attila, mais il demeure quand même que le soleil a toujours inspiré à l'être humain une espèce d'attachement qui nous faisait reconnaître la force supérieure - pour ceux qui ne sont pas athés, c'est bien sûr. Mais, moi, j'ai demandé un café, par exemple... Pour ceux qui ne sont pas «à thé». Il y en a beaucoup. Il y a même des biscuits qui sont «à thé». Alors, il ne faut pas se surprendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: II ne faut pas se surprendre qu'il y ait des gens dans la société qui le soient, quand on a même des biscuits... Et ça adonne bien, je pense... Non, ce n'est pas lui qui...

Une voix: C'est Taschereau. (22 heures)

M. Blais: Ah! C'est Taschereau. Excusez! Il y a même des biscuits qui sont «à thé». Je m'excuse. Alors, ne nous surprenons pas, mais, dans l'histoire païenne, on adorait les astres. Et, dans certains cas, il y en a qui ont adoré des êtres humains, et c'a donné des désastres. Mais ce n'est pas ça... Merci beaucoup. Mais, dès l'arrivée de Jésus-Christ, de la chrétienté et du christianisme, bien sûr, là, on a commencé à avoir des croyances autres. Et quand Josué a

arrêté le soleil, dans l'antiquité, c'est parce que lui était un peu plus instruit que les autres. Il savait qu'il y aurait une éclipse. Il savait que ça arriverait. Aujourd'hui, on le prévoit, mais il y a encore certaines tribus qui ne le savent pas, et quand elles voient arriver ça - c'est que ce que Trudeau pensait de nous, d'ailleurs - quand elles voient arriver l'éclipsé, eh bien! elles trouvent ça extraordinaire. Et Josué, dans la Bible, comme tout le monde le sait, a arrêté le soleil, suppo-sément. Eh bien! ils croyaient à ce dieu Soleil, et ils croyaient à la force de ces êtres humains.

Et il est arrivé ce qu'on appelle l'ère du christianisme, le Sauveur, pour moi qui suis chrétien, catholique et croyant, l'ère de ma religion à moi. Avec l'avènement du christianisme, la fête du solstice du 21 juin - entre le 21 et le 24 - fut jumelée avec la célébration de la Saint-Jean, le 24. L'Église a récupéré, en fait, la fête païenne pour en faire une fête religieuse. Et on va voir, à travers les siècles, que de fête païenne qu'elle était elle est devenue une fête religieuse, et qu'elle redevient tranquillement une fête d'identité nationale; pas, entre guillemets, païenne dans le sens ancestral ou médiéval, mais plus dans le sens de ce qu'on appelle «en dehors du culte». Même s'il y a toujours - mais de moins en moins - du culte dans la fête de la Saint-Jean, on revient vers cette fête terre à terre - un peu Noël aussi, mais on ne parle pas de ça aujourd'hui, là; même Noël est un peu dans le même sens. On perd, malheureusement - moi, je trouve que c'est malheureux - cette identité religieuse. Comme la famille se disloque, les fêtes religieuses éclatent, les bourgeons au printemps, et que sais-je encore, qui éclate. En tout cas!

On n'en a pas perdu, cependant - c'est effrayant - pour autant son essence. La fête de la Saint-Jean est avant tout une célébration de la lumière. Même dans le régime païen, c'est le soleil, c'est la fête de la lumière; dans le régime du christianisme, c'est la fête de la Saint-Jean qui éclaire la voie de celui qui vient, la voie de Jésus-Christ qui arrive, le Sauveur. C'est toujours dans le sens de la lumière, de la direction de la vie et de la fierté.

Une voix: La voie, la vérité, la vie.

M. Blais: C'est exactement ça. C'est, autrement dit, des disciples de M. Ryan. C'est vers la lumière que croît et que s'épanouit la nature. C'est aussi vers elle, vers la conquête de la lumière que grandit l'homme. La lumière est un guide. Ainsi, la plus vivace tradition rattachée à la célébration de la Saint-Jean serait-elle chargée d'une symbolique de lumière: le feu de la Saint-Jean. Donc, du soleil, de la lumière, du solstice, on arrive à la lumière par le feu de la Saint-Jean, à la tombée du jour. On voit que, dans tout ça, le monde qui évolue garde quand même cette source de vérité et de vie du soleil aujourd'hui, parce qu'on a compris tranquillement que c'était comme la terre, c'était naturel. Le feu, lui, l'homme le provoque, et là la lumière nouvelle, la nouvelle inspiration... D'ailleurs, qu'est-ce qu'il y a de plus fascinant qu'un feu? Vous avez passé combien d'heures, dans votre vie, vis-à-vis d'un feu de foyer? C'est comme vis-à-vis de l'eau, aussi. L'eau et le feu sont les deux grandes forces. Quand on les regarde, on est captivé, on ne sait par quoi, par cette eau ou par cette petite flamme qui sort d'un feu de foyer, d'un feu de bûches, d'un feu de bois, ou que sais-je encore.

Bon, au moment où le soleil décline, c'est l'homme lui-même qui, symboliquement, prolonge le jour et perpétue la lumière en allumant un feu de joie. Les feux de joie, réjouissance, fête nationale. Voyez-vous que tout se tient, en fait? Soleil, lumière. Le soleil, à l'arrivée du christianisme, on ne l'adore plus. C'est l'astre glorieux, on ne l'adore plus. Éole est parti, on s'en vient vers la terre, un Sauveur qui vient sauver les hommes, qui, lui, est source de lumière. On y va, vers saint Jean qui prépare le chemin de la vérité, la joie et la vie, Kyrie eleison; Dies irae, des fois, mais, quand même, c'est là. Et, du soleil, on passe à l'autre flamme, qui est la flamme du feu.

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député, je dois suspendre les travaux pour quelque temps, parce qu'il y a un vote.

M. Blais: Ah! ça me fait plaisir.

La Présidente (Mme Loiselle): Alors, nous sommes appelés à l'Assemblée, et nous reprendrons immédiatement après le vote.

(Suspension de la séance à 22 h 5)

(Reprise à 22 h 40)

La Présidente (Mme Loiselle): La commission reprend les travaux dans la bonne humeur et la jovialité. Alors, M. le député de Masson, à vous la parole sur la motion que vous avez proposée.

M. Blais: mme la présidente, je m'excuse, avant d'orienter le bout qu'il me reste à faire, j'aimerais savoir combien j'ai de temps de pris, combien il me reste...

La Présidente (Mme Loiselle): Avec plaisir.

M. Blais: ...pour que mon argumentation soit cédulée.

La Présidente (Mme Loiselle): II vous reste 21 minutes, M. le député.

M. Blais: Vlngt-et-une minutes, bon. Écou-

tez, je ne résumerai pas ce que j'ai dit dans les neuf premières minutes, mais je vais tout de même dire que c'est une fête païenne qui a été transformée à la lumière du soleil, à l'avènement de la lumière du Christ et du christianisme, avec saint Jean comme précurseur et orientateur vers la lumière. Et on s'en venait, au fur et à mesure que les^ années passaient, en s'approchant du Moyen Âge aux feux de joie et aux feux de lumière. Au moment où le soleil décline, c'est lui-même, là, qui, symboliquement, prolonge le jour et perpétue cette lumière en allumant un feu de joie. C'est lui qui, à son tour, fait vivre et entretient la lumière qu'il a reçue du soleil.

D'ailleurs, les feux de joie, ça s'allumait avec de la paille sèche qu'on attache ensemble et qui s'appelle un brandon. On allume le brandon pour allumer le feu. En Europe, la cérémonie du feu revêtait quelquefois un caractère bien particulier. À l'aide d'un cierge béni, une roue de bois entourée de paille était enflammée et elle roulait ensuite à travers champs, fertilisant le sol. Quel beau symbole de fertilité. C'est comme dans tous les sillons... naisse la vie, et c'est notre terre natale, le sillon. On y retourne de temps à autre, et c'est là que la semence semait... c'est là que la semence donne naissance... et c'est beau. Le sillon... Ainsi que le soleil... Attendez, j'ai un mot qui est caché. Ainsi que le soleil, le feu ne meurt qu'en apparence. Les cendres fertilisent encore la terre après que le feu est éteint. Il reste des cendres d'où l'on vient. Nous venons des cendres. Tu es Pierre, sur cette pierre, je bâtirai mon Église, mais il y a aussi: Souviens-toi que tu es cendre et que tu retourneras en poussière. On se souvient de ça? C'est quoi en latin? Pulve... C'était quoi en latin, déjà, monsieur?

M. Bourbeau: Moi, je regrette, ça fait trop longtemps que j'ai appris le latin.

M. Blais: In pulveram reverteris.

Une voix: Je peux le dire en anglais, si vous voulez.

M. Blais: Non.

M. Bourbeau: ...pacem, para bellum.

M. Blais: Ça, c'est: Si tu veux la guerre, appelle Houde. Ce n'est pas la même chose. Bon. Alors, on s[en vient vers ça et, quand on arrive au Moyen Âge, il y avait, là aussi... C'est tout de même curieux la coutume du cierge bénit et des pailles entourées de roues qui roulaient sur le champ. Ça, c'est au tout début, vers le Xe siècle. La roue était inventée quand même à l'époque.

Il y a une autre coutume qui veut, au Moyen Âge... le feu consumé. Les bouts de bois calcinés possèdent, selon les croyances de l'époque, la vertu de préserver de la foudre les bâtiments où ils sont conservés. On faisait le feu et on gardait certains bouts de bois calcinés qu'on mettait dans des édifices. Je pense que nos grands-pères avaient ces choses-là encore. C'est bien sûr que le christianisme a amené le rameau et l'eau bénite pour faire fuir le tonnerre et ces choses-là, mais ça part toujours de l'idée païenne qui était les cendres, les bouts de bois qui étaient... C'est les choses des anciens qui ont inspiré l'Église... ou faire corps avec les croyances. C'est la même chose pour les colonisateurs.

Ils prennent nos faiblesses, ils les utilisent, comme on donnait des miroirs aux Indiens, comme, aujourd'hui, on leur donne un peu d'argent pour la Baie James, comme on donne de temps en temps le droit de parler français dans certains coins du Canada. Les colonisateurs ont toujours des petits cierges bénits ou des petits miroirs, ou des petits bouts de loi, des petites concessions, des petites choses. Au lieu d'un peuple, on est une petite société distincte. Il y a des petites choses qu'on donne aux colonisés pour les amadouer et, quand on n'y réfléchit pas beaucoup, bien, on s'y laisse prendre comme le poisson à l'appât.

En France, bien sûr, à Paris, c'est sur la place de Grève qu'était élevé un gigantesque amas de fagots recouverts de paille. Fusées et pièces d'artifice déjà à l'époque étaient mêlées au bûcher. Et ce qui est très drôle - écoutez bien ça, beaucoup d'entre vous peut-être ne le savez pas, c'est très instructif sur les feux de la Saint-Jean - au sommet du feu, c'est-à-dire au faîte, à la cime, en haut, au sommet était attaché un panier où était enfermé un renard et plusieurs chats. Un renard et plusieurs chats au bout de... sur la cime, sur le faîte, complètement au bout. Ceux-ci étaient vus comme les animaux du diable. Alors, le bûcher, le feu, ils étaient là pour représenter ce qui est bon, ce qui est fertile, tandis que le renard, le chat, le panier, à la cime du feu, étaient considérés comme le diable. Nous autres, ici, on légifère; eux, ils le considéraient comme Lucifer. C'est juste une... Il n'y a pas gros de différence, mais c'est: Tu Lucifer ou tu légifères!

Et là arrive l'époque des rois. Il y a eu beaucoup de rois, des rois fastueux. De façon générale, ils étaient assez ventripotents avec, de façon générale, une belle barbe, souriants. La plupart de nos rois français étaient de la famille des Bourbons, des bons vivants. Tu sais, un peu grassouillets, aimables, avec un bon rire gras comme leurs poulets et leurs repas, repus qu'ils étaient. Mais Louis XI fut le premier roi de France à allumer lui-même - et il y a longtemps, en 1471 - le feu de la Saint-Jean à Paris, en place de Grève. C'est tout de même, selon l'histoire... Feu de la Saint-Jean, Paris, place de Grève, où l'historien... Une place bien précise, 1471.

C'est donc dire que le feu de la Saint-Jean, les fêtes de la Saint-Jean, c'est des choses qui

remontent très, très loin, comme au «Danny Boy» pour les Irlandais. Ça remonte à très loin. C'est un peuple qui a un beau folklore, les Irlandais. Le seul peuple au monde qui n'a pas de folklore, ce sont les Anglais. Et, quand ils veulent se représenter, ils sont obligés de se servir des Irlandais qui, eux, ont un folklore très grand, très reconnu.

Je le sais pertinemment. J'ai fait partie à différentes reprises de festivals de folklore canadien. Ça s'appelait, à l'époque... puis c'était Gérard Pelletier qui était secrétaire général. Vu que j'étais dans le domaine, il m'avait demandé d'aller à Toronto. Je faisais partie des juges dans Canada Builders, Nation Canada Builders. Et là j'ai été surpris. J'ai vu tous les gens s'exécuter, mais j'ai dit: Où sommes-nous, les francophones? Où sont nos rigodons? Où sommes-nous dans le folklore? Bien, il dit: Vous n'êtes pas là. M. Pelletier me disait ça. J'ai dit: Pourquoi? Il a dit: Les deux peuples fondateurs, les Anglais n'ayant pas de folklore, il faut courir les Irlandais si on veut aller chercher quelque chose. N'ayant pas... Étant éliminés, il faut éliminer l'autre aussi. Encore la condescendance du francophone de l'Amérique du Nord.

Alors, on avait les îles Moukmouk, n'importe quoi, tous les folklores qui sont très beaux. Mais les deux peuples fondateurs n'étaient pas là pour représenter, parce qu'il y en a un des deux qui n'en a pas de folklore. J'ai été surpris, c'est le seul peuple du monde qui n'en a pas. Curieux, jamais, peut-être, on n'a pensé à ça. Ils n'en ont pas. Il n'y en a pas. Ils ont l'air des littéraires, vous savez, mais du folklore, ils n'en ont pas. C'est le seul peuple du monde qui n'en a pas. Ils ont toujours joui de la qualité des autres et les ont fait leur. Ils nous leurrent aussi avec cette fête qu'ils veulent mettre dans cette loi. Mais en tout cas.

En 1615, Louis XIII irait lui aussi allumer le feu de la Saint-Jean, torche de cire blanche d'une main, bouquet de roses de l'autre et portant, en bandoulière, une écharpe d'oeillets blancs et de giroflées. En 1615. On voit apparaître le fleur de lys à la Saint-Jean en 1615. En 1615, on voit apparaître... mais c'est instructif, vous savez, ça. Il y a toutes sortes de parfums. Il y a la rose des bois au bord de la mer. Il ne faut pas toujours s'attaquer à la bouse de vache au bord du lac. Il y en a d'autres parfums. Et les parfums de la littérature et de l'histoire, on peut les humer ou les repousser, mais ceux qui les hument, c'est très intéressant, c'est vrai, c'est vrai.

Une voix: ...voyez ça, demain matin, les galées. Vous voyez où est-ce qu'il était rendu?

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blais: Pas de problème. Alors, en 1615...

Le Président (M. Philibert): M. le député de Berthier, à l'ordre.

M. Blais: On parle de l'origine des fêtes de la Saint-Jean. C'est bien, en fait, c'est bien.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Berthier, à l'ordre.

M. Blais: Alors, en 1615... Si vous ne parlez pas trop fort, je vais être obligé de crier. Je vais avoir mal à la gorge. En 1615, Louis XIII, comme je le disais, irait lui-même allumer le feu de la Saint-Jean, torche de cire blanche d'une main, bouquet de roses de l'autre. Et le voyez-vous déambuler sur la place, là. Il est là dans sa tenue royale, là. C'est beau ça, roses à la main, pensez-y! et portant en bandoulière une écharpe d'oeillets blancs. On volt là la naissance du fleur de lys et de la Saint-Jean, 1615. C'est là que commence le rapprochement du lys et du feu. (22 h 50)

II y a le soleil, la lumière, le lys, le feu, les francophones. C'est une lignée. On vient de loin. On vient de loin comme histoire. On est un vieux peuple. On est un vieux peuple. Là, les oeillets blancs, les giroflées. Louis XIV fut le dernier roi de France à prendre part officiellement aux cérémonies de la Saint-Jean. Bien, on sait pourquoi. Louis XV, Louis XVI, ils voulaient les tuer, ils se cachaient, bon! C'étaient les fêtes populaires, et ils n'étaient plus bien, bien d'accord avec leur roi, là, et puis, en Angleterre, ils ont compris ça. Ils les cachent, ils ne les sortent jamais, sauf en carosse, là. En tout cas, nous autres, bon!

Au Québec aussi, c'est venu qu'à être transporté, à traverser l'océan, c'est venu qu'à transporter l'océan, cette fête-là, comme nous venons tous, les francophones, de France, on vient tous de quelque part. Certaines personnes disent qu'on descend des Français. Moi, je n'accepte pas ça. Nous remontons des Français, nous remontons. C'est vrai. Il vaut mieux remonter d'un forgeron que de descendre d'un noble, disait Victor Hugo à la cour, parce qu'une des grandes dames à gros fessier lui disait - je ne sais pas si elle s'appellait Use, elle: Mais que faites-vous à la cour et qui êtes-vous? Il dit: Je suis Victor Hugo. Mais de quelle noblesse descendez-vous? Il dit: Madame, je m'excuse. Je ne descends de personne. Je remonte d'un forgeron, et c'est beaucoup plus noble. Remonter d'un ouvrier est toujours plus noble que de descendre d'un roi. Parce que remonter, on fait des efforts pour ie faire, descendre, on se laisse aller. Alors, au Québec, bien sûr que cette fête traverse les océans avec les bateaux lents du temps.

Il reste combien de minutes, là? Je veux le savoir. Je veux finir mon affaire.

Le Président (M. Philibert): Neuf minutes.

M. Blais: Neuf minutes. C'est parce que je veux savoir pour me synchroniser. Alors, ça a traversé l'océan avec les premiers colons, les filles de roi, les filles de joie ou Jeanne Mance, ou les premiers... que Louis Hébert, 1608, etc. Les premiers colons sont arrivés et ont amené avec eux les us et coutumes qui étaient dans leurs moeurs depuis des temps immémoriaux. Ils arrivent avec ces traditions-là.

Je me souviens d'avoir lu, aussi, dans un livre d'histoire qui faisait ce qu'on appelle l'historiette, l'historiette de l'histoire, où on disait qu'une des traversées s'est passée durant la Saint-Jean, et que le capitaine de l'époque avait prévu d'apporter du bois, des fagots, de la paille pour faire sur le bateau, même à l'époque - c'étaient des bateaux très inconfortables où la maladie se répandait, le scorbut surtout, vous vous souvenez, les fièvres, etc. Malgré ça, malgré les difficultés de l'époque, le manque de confort, ils avaient apporté des fagots, de la paille, un brandon et tout ce qu'il faut pour faire le petit feu de joie. C'est bien entendu que je ne peux pas vous le décrire, et l'histoire ne dit pas quel auteur il était, mais ils ont fait un feu de joie sur les bateaux durant la traversée. C'est donc dire que c'était d'une importance capitale, parce que c'était la seule fête qu'ils fêtaient.

Moi, je suis comme eux. Je voudrais ne fêter qu'elle, mol. Ceux qui veulent en fêter d'autres, ils ont beau, mais moi, je veux n'en fêter qu'une, mais quelle fête. J'aimerais bien nous voir avec des oeillets en bandoulière, avec des giroflées qui nous virevoltent dans les cheveux, tout un peuple qui s'épanouit avec le fleurdelisé en main. Ils disent: Vive la patrie, qui est nôtre, enfin. J'ai hâte, j'ai hâte de voir ça. Moi, j'ai hâte.

Alors, en 1646... c'est bien sûr que Montréal a été fondé en 1642. 1642... Alors, c'était au tout début de la colonie. Québec, 1608 avec Louis Hébert, et ça s'est fêté à Québec. Mais disons Québec, on parle de... En 1646, le gouverneur de la Nouvelle-France, M. de Montmagny, présidait lui-même la cérémonie du feu en présence de Mgr de Laval. C'est le premier évêque de Québec. 1659, je ne sais plus trop, là. En quelle année Mgr de Laval est arrivé à Québec?

Une voix: Oh! je ne sais pas. Il venait de Saint-Germain-en-Laye.

Une voix: II a su qu'il partait, bien, je pense qu'il était 7 h 15.

M. Blais: Oui. Je n'ai même pas su qu'il partait. Ha, ha, ha! Excusez-moi. Alors, avec Mgr de Laval, et puis on parle ici aussi pour les gens de la grande région de Québec. C'est bien sûr que ceux qui vont lire ça, ils voient que, par exemple, de temps en temps, il y a un petit aparté, là, mais il faut penser que, dans des cours d'histoire, même les professeurs prennent des petites pauses de temps en temps, parce que plus l'histoire est forte, puissante et belle, il faut quelques petits moments de répit pour mieux la capter. Alors, on se permet, M. le Président, quelques petites evaporations pour mieux comprendre.

Alors, à IHe d'Orléans, comme dirait mon confrère de Lévis... C'est tout proche de Lévis, ça, IHe d'Orléans...

Une voix: C'est en face.

M. Blais: Au début du 19e siècle, tous les villages se réunissaient dans la paroisse de Saint-Jean, parce que, comme vous savez, vous connaissez les paroisses de l'île d'Orléans et, comme le racontait le Dr Larue, à l'époque, sur l'ordre du seigneur, un des habitants transportait sur la grève, en face de l'église, le bois nécessaire au feu. Alors, c'est un habitant qui était désigné pour transporter le bois, pour faire le feu de joie, le feu de la nation naissante, en 1646. Ça se passait à l'île d'Orléans, dans la paroisse de Saint-Jean, sur la grève. Sur l'ordre du seigneur, l'un des habitants transportait sur la grève, en face de l'église, le bois nécessaire au feu. C'était à l'époque du bois de cèdre invariablement. C'était toujours du bois de cèdre. C'est de cette époque du bois de cèdre qu'on montait un feu en plaquettes et, quand il manquait au feu une des plaques, vient l'expression... le feu n'étant pas complet, de là vient l'expression «il manque un bardeau». C'est de là que vient l'expression. Ceux qui cherchent d'où vient l'expression québécoise «il nous manque un bardeau», ça vient des feux de la Saint-Jean de l'île d'Orléans. Ils amenaient de façon invariable, des espèces de bardeaux de cèdre qu'ils appliquaient en colonnes pour faire un feu. Ceux qui avaient à le préparer devaient le faire de façon à ce qu'il soit vraiment soutenu afin qu'au vent il ne s'écrase, et il y en a qui ont plus d'aptitude que d'autres pour préparer ces choses-là, et c'est normal. Parfois, les gens calculaient mal le nombre de bardeaux dont ils avaient besoin pour monter le feu ou la base du feu et, à ce moment-là, en l'allumant, vu qu'il y avait beaucoup de paille, ça pouvait donner un coup et le feu s'effondrait, et là on disait: Tiens, il lui manque un bardeau. Son feu s'est effondré. C'est de là l'expression: «II nous manque un bardeau», expression très connue, je pense, au Québec, je crois. Dans toutes les régions, on parle de ça, il manque un bardeau. Ça veut dire, ça, être un petit peu pas futé. C'est ça que ça veut dire. Bien oui, mais la personne qui avait manqué un bardeau en montant son feu, cela a été transporté du feu à la personne en disant: II n'était pas assez intelligent pour le monter. L'an prochain, on en mettra un autre. C'est ça. D'ailleurs, c'est Brigitte qui m'a conté ça.

Une voix:...

M. Blais: Après avoir chanté un salut - parce qu'il y avait toujours ce côté religieux - après avoir chanté un salut, le curé, revêtu de l'étole, se rendait au bûcher. On avait déjà brûlé Jeanne d'Arc. Ce n'était pas dangereux pour lui, là. Parce que Jeanne d'Arc, ça s'est fait avant. Dans ce temps-là, Jeanne d'Arc, elle entendait des voix et les gens ne comprenaient pas, et ils l'ont condamnée au bûcher. Et ils l'ont colonisée... canonisée. Aujourd'hui, quelqu'un qui entend des voix, on l'envoie voir un psychiatre, et puis on le retourne au travail. C'est sûr que les temps... les traditions changent. Ça dépend des époques. Ce n'est pas toujours la même chose.

En parlant de... Il y a Jeanne-d'Arc Char-lebois qui a été vedette à Paris longtemps. Quand Jeanne-d'Arc Charlebois est arrivée à Paris... Pour les Français, Jeanne-d'Arc Charlebois, ça n'avait pas de bon sens. Pour les Français, ils éclataient de rire à entendre son nom. Jeanne-d'Arc Charlebois! Ils préparaient un bûcher rien qu'avec son nom.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Ça, c'est historique, ça. C'est pour ça qu'elle s'est appelée, en France, Jeanne Darbois. C'est son nom, Jeanne Darbois. Vous savez certainement qu'elle a porté ce nom-là. Parce que, imagine-toi donc, c'est comme s'appeler Huguette Laflamme, hein! Elle s'appelait Jeanne-d'Arc Charlebois...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: ...hein, à Rouen, en France. Ça n'a pas été long qu'elle a changé de nom, et puis elle a eu des succès après pareil, hein. Bon. Bien là, rendu au bûcher, le curé bénissait, ensuite, faisait sortir du feu nouveau... Ça, c'est important. C'est que le curé prenait... C'est là que vient le caillou. Frappant des cailloux avec un briquet, et le feu de la Saint-Jean, à l'époque du XIXe siècle, à Saint-Jean, sur 111e d'Orléans, se faisait avec un caillou. Un caillou. (23 heures)

Alors, il faut se rappeler qu'il nous manque un bardeau historique. Jeanne-d'Arc Charlebois au bûcher... le bûcher. Il faut se rappeler aussi du frottement des cailloux pour la production du feu. D'ailleurs, c'est pour ça que Félix s'est appelé Leclerc. C'est à cause du feu des cailloux. L'île d'Orléans, Leclerc. Le feu, c'est encore ça, le soleil, le feu, le clair, la joie, la lumière. On peut déceler dans ce récit l'importance que revêtait encore le feu nouveau, c'est-à-dire la force nouvelle qu'il engendrait. Et ceci, M. le Président, n'est qu'un aperçu - oui, j'ai 15 secondes pour terminer - historique avant Jésus-Christ jusqu'à nos jours de la construction d'un feu. Si j'ai un autre moment, j'essaierai de l'allumer, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le député de Masson. M. le ministre, est-ce que vous voulez prendre votre droit de réplique? Vous avez droit à 30 minutes.

M. Bourbeau: Non, M. le Président. J'ai trouvé très intéressante la présentation du député de Masson. Je sais que le député de Lévis brûle d'un grand désir de prendre la parole, M. le Président, et je ne voudrais certainement pas priver les membres de cette commission du plaisir d'entendre ce que le député de Lévis a à dire sur le sujet. M. le Président, je suis tout à fait prêt à lui céder la parole.

M. Garon: M. le Président, je ne voudrais pas... Si un député veut prendre la parole, surtout en cette année du 200e anniversaire du Parlement, je ne voudrais pas le couper.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Lévis, c'est la règle de l'alternance. Alors, le ministre n'ayant pas retenu son droit de parole, nous allons du côté de l'Opposition. Est-ce qu'il y a un membre de l'Opposition qui veut parler? Il a 10 minutes.

M. Garon: Je ne voudrais pas... Si le député de Lotbinière, le député de Maskinongé ou les députés des autres comtés ministériels... c'est à leur tour. S'ils ne veulent pas, je vais prendre mon tour immédiatement, mais...

Le Président (m. philibert): bon, je n'interprète pas comme s'ils ne voulaient pas. je vous interpelle: est-ce que vous voulez prendre la parole?

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Philibert): Vous avez 10 minutes.

M. Jean Garon

M. Garon: Je vous remercie. J'ai entendu avec beaucoup de plaisir le député de Masson nous parler des origines de ces symboles importants, parce que vous savez que l'histoire d'un peuple est faite de symboles. Quand vous regardez... par exemple, quand il parle des feux, l'importance du feu dans l'histoire du Québec, c'est vrai que c'est très important. Je me rappelle, quand je lisais Philippe-Aubert de Gaspé, que Philippe-Aubert de Gaspé contait que les gens de la côte sud, d'où je viens, de Saint-Michel de Bellechasse, ont pensé pendant longtemps que, du côté de IHe d'Orléans, il y avait des loups-garous, parce que parfois les cultivateurs devaient aller à l'étable pendant la nuit,

puis ils y allaient avec un fanal et les gens de la côte sud voyaient ces feux qui sautillaient et ils pensaient que c'étaient les loups-garous qui étaient à l'oeuvre.

Alors, on voit comment au fond ces questions-là ont influencé l'histoire. Aujourd'hui, les gens ne se rappellent pas de l'histoire. On n'enseigne pas l'histoire à tel point que, récemment, je parlais à des jeunes et j'ai mentionné Néron dans la conversation, et quelqu'un m'a demandé: Qui est Néron? C'est des jeunes de 18, 19 ans. Finalement, il y en a un qui m'a dit: Je pense que c'est un chanteur. J'ai dit: Dans un sens, vous n'avez pas tort, il a déjà chanté. Essentiellement, parce que ces symboles-là et ces traditions-là se perdent et, au fond, la richesse de la culture d'un peuple se bâtit à coups de traditions et de symboles.

Je lisais récemment un article concernant le référendum au Danemark sur le Marché commun européen. On disait que les Danois avaient voté non, malgré que tous les partis politiques, tous les syndicats, le patronat, les intellectuels de toutes parts conseillaient aux gens de voter pour l'unification plus grande de l'Europe, une monnaie commune, etc., et les Danois craignaient, le peuple craignait de voter oui. Il a voté non à majorité. Pourquoi? Parce qu'il voulait garder son identité culturelle. Il n'était pas certain que, dans les propositions de Maastricht, sa culture ne serait pas éventuellement engloutie. Il ne sentait pas que, dans les accords qui avaient été signés, ce n'était pas prématuré.

Il y en a plusieurs qui commencent à se demander aujourd'hui, si l'ensemble des gens ont l'occasion de voter, ce qui va arriver. Pourquoi? Parce que les êtres humains ont des balises, ont des points de référence, des points de repère. La Saint-Jean-Baptiste, dans ce sens-là, est un organisme qui a, depuis longtemps dans l'histoire du Québec, joué un rôle important pour préserver les traditions, leur mise en valeur, les faire connaître pour faire en sorte qu'un peuple comme le peuple québécois puisse vivre et survivre dans un territoire comme on dit, en Amérique du Nord, qui est surtout anglophone. Aujourd'hui, vouloir jouer dans les fêtes du Canada, les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, sans demander à rencontrer ceux qui ont joué un rôle important dans l'établissement de ces traditions, je pense que ça serait manquer le bateau.

Je comprends que le gouvernement essaye de procéder rapidement. Il n'y a pas d'urgence en la demeure. Entre vous et moi, les familles, actuellement au Québec, faites un référendum et demandez aux citoyens: Aimez-vous mieux avoir la fête du Canada un mercredi plutôt qu'avoir votre longue fin de semaine et que la fête soit rapportée le vendredi ou le lundi? Bien, moi, je vous prédis d'avance que 90 % des gens vont dire: On aime mieux que ce soit une longue fin de semaine.

Même les commerçants disaient ça et même le ministre le disait, le 10 décembre 1990, lorsqu'il y avait un débat sur ces questions-là. Il disait que la tradition qui, au Québec... c'est de fêter la fête du Canada dans la longue fin de semaine et qu'elle soit reportée au lundi si elle n'a pas lieu le lundi ou le vendredi, en prenant le jour le plus près. Dans le fond, moi, je ne le comprends pas trop, à moins que les fédéralistes soient masochistes.

Mais de vouloir enlever la longue fin de semaine de la Confédération aux citoyens pour essayer de faire la fête le mercredi, moi, je pense que c'est à peu près la meilleure façon que les fédéralistes ont trouvée de faire détester le Canada. Parce que, là, actuellement, on veut les priver de leur longue fin de semaine. Je pense qu'il serait bon de rencontrer les gens de la Saint-Jean-Baptiste pour discuter avec eux de ce qu'ils font, des points qui sont des balises d'un peuple. On a mentionné, à toutes fins pratiques, qu'on ne voulait pas adopter une mesure comme celle-là en fin de session à la course, à la vapeur, parce que c'est un sujet qui, par respect pour les fédéralistes dans le parti... Parce qu'il y a des gens qui croient au Canada, d'autres qui n'y croient pas, mais plusieurs y croient également. On ne devrait pas adopter quelque chose comme ça à la vapeur. Une fête nationale ou une fête de ce genre-là doit être l'émanation de la volonté populaire. Ça ne peut pas être quelque chose concocté en catimini de cette façon-là. Ça ne peut pas être une affaire adoptée comme on fait habituellement, à 23 heures entre nous, dans une discussion entre quelques personnes. On ne fait pas ça. Habituellement, des questions comme celles-là sont l'émanation de la volonté populaire.

Un drapeau. Rappelez-vous! Vous êtes assez vieux, M. le Président, pour avoir connu ces questions quand on parlait, par exemple... un mot sur les timbres-poste. Les Québécois se sont battus pendant des dizaines d'années pour que le mot «postage» soit traduit par le mot «poste». Les dollars, rappelez-vous les dollars. Là, j'ai un 2 $, mais un 1 $, il y avait «one dollar». Pour changer le mot «one» pour marquer «un», les gens se sont battus pendant des générations. Un mot sur une piastre, comprenez-vous. Parce qu'ils trouvaient ça assez important comme valeur symbolique...

Une voix: C'est pour ça qu'il n'y en a plus.

M. Garon: Et, là, ça a été enlevé. Oui. Remarquons que des générations se sont battues pour rien. À tel point que quand Diefenbaker, John Diefenbaker, qui était quelqu'un de l'Ouest du Canada, avait décidé d'accepter... Il y a eu un editorial dans Le Devoir de M. Laurendeau qui disait: Trop peu, trop tard, parce qu'on avait traduit deux mots. Pas le mot «dollar» ou «dollar», c'était le même mot, mais «one» par «un». Et «payez au porteur». Ça ne veut plus rien dire, «payez au porteur». Avant, il y avait

l'équivalent en or à quelque part, mais là il n'y a même plus d'équivalent en or nulle part. On continue à dire qu'on va payer au porteur. On ne va rien lui payer au fond. C'était rien que marqué en anglais. Pour mettre ça en français... et des gens, pendant des années, se sont battus. Pas des années, des dizaines d'années. Moi, quand j'étais plus jeune, dans nos collèges, on entendait des gens qui signaient.

Une voix: Ça fait longtemps. (23 h 10)

M. Garon: Moi, je m'en rappelle également d'avoir signé - et c'est là que je suis devenu indépendantiste - une pétition, commandée par l'Action nationale, sous la direction de Pierre Laporte, qui était ministre libéral, pour que l'hôtel Queen Elizabeth à Montréal, qui n'était même pas encore construit, qu'on voulait construire, s'appelle Château Maisonneuve, du nom du fondateur de Montréal. J'étais un de ceux, dans le collège où j'étais, qui avaient fait faire la pétition pour que ça s'appelle Château Maison-neuve. On avait eu, je ne me rappelle pas, c'est 200 000 ou 300 000 signatures. Le fédéral n'avait pas voulu parce qu'on ne peut pas faire une insulte à la reine, lui proposer une chose comme celle-là. Moi, j'avais dit à ce moment-là: Si un pays n'est pas capable... si le gouvernement fédéral n'est pas capable de nous donner un nom d'hôtel, alors qu'on a 300 000 Québécois qui signent pour avoir un nom d'hôtel à Montréal du nom du fondateur de Montréal et on va donner plutôt le nom de la reine d'Angleterre, bien, ce pays-là, quand on va demander des choses qui coûtent de l'argent, il ne voudra jamais, alors qu'il ne veut même pas donner un nom d'hôtel qui ne coûte rien. Et moi, le lendemain, je virais pour la souveraineté du Québec. Parce que j'ai fini... Un pays qui est «cheap» et mesquin comme ça... Un pays, comprenez-vous, qui veut écraser comme ça...

C'est peut-être rien qu'une question de symbole, au fond, d'appeler l'hôtel Le Château Maisonneuve plutôt que Reine Elizabeth, mais c'est important comme valeur symbolique d'une ville française en Amérique du Nord. Alors, quand on regarde... La même chose pour le boulevard Dorchester, la rue René-Lévesque, où la ville de Westmount n'a pas voulu... Ce sont des valeurs symboliques, mais des valeurs symboliques qui ont une grande signification, qui reflètent souvent des siècles d'histoire.

Alors, on ne joue pas avec ces choses-là de cette façon-là. Et c'est pourquoi, avant de prendre une décision comme celle-là, de faire deux fêtes sur un pied d'égalité, il faut consulter les gens qui sont... comme les gens de la Société Saint-Jean-Baptiste. Puis, avant d'enlever également une longue fin de semaine aux citoyens, il faut se demander si la meilleure façon, pour les gens qui veulent fêter le Canada, c'est d'enlever la longue fin de semaine que les Québécois ont l'habitude d'avoir au moment de la Confédération. C'est une façon de fêter le Canada et de leur enlever leur fin de semaine.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Lévis, votre temps est épuisé. Je vous demande de conclure.

M. Garon: Alors, c'est pourquoi je vais voter favorablement sur la motion du député de Masson.

Le Président (M. Philibert): Alors, merci M. le député de Lévis. Est-ce qu'il y a des députés ministériels qui veulent intervenir? Est-ce qu'il y a des députés de l'Opposition qui veulent intervenir? M. le député de Shefford. Vous avez 10 minutes.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. C'est bien sûr que je vais être d'accord avec mon collègue de Masson pour qu'on ait l'occasion d'entendre les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste avant d'entreprendre le projet de loi. C'est bien simple. Ce n'est pas compliqué pourquoi je trouve que c'est tout à fait logique. On décide, ici à l'Assemblée nationale, de se donner comme une deuxième fête nationale. On veut que le 1er juillet prenne une importance aussi grande. Donc, fêter une fête nationale.

Y a-t-il quelqu'un au Québec de mieux placé que la Société Saint-Jean-Baptiste du Québec pour nous expliquer ce qu'est une fête nationale, comment ça se passe, comment ça s'organise et qu'est-ce que ça symbolise? Ça fait des années et des années que c'est eux qui sont mandatés et qui s'occupent d'organiser des fêtes nationales. C'est probablement les gens les mieux placés, les plus expérimentés pour nous dire dans quel contexte, comment ça se fait, mais surtout ce que ça veut dire, et c'est un organisme populaire. La preuve, c'est que cet organisme organise les fêtes nationales, peu importe le parti politique qui est au pouvoir. Donc, ça veut dire un organisme représentatif de la population et non pas de partis politiques.

Donc, si on veut savoir comment ça s'organise et ce que ça veut dire une fête nationale, si on veut savoir ce que ça va avoir comme effet de se payer deux fêtes nationales, ce qu'on ne retrouve, à mon avis, nulle part ailleurs au monde, il faudrait entendre et questionner ceux qui sont responsables de la fête nationale du Québec. Donc, c'est tout à fait de mise et même essentiel de le faire. C'est évident que ça fait drôle à dire: On veut modifier la Loi sur les normes du travail, puis on fait venir la Société Saint-Jean-Baptiste. Oui, si on n'y va pas seulement par rapport au titre du projet de loi, mais par rapport à l'esprit de la loi, l'objectif visé par la loi, on s'aperçoit que ça concerne

une fête nationale. Donc, il faut entendre ceux qui sont responsables de l'organisation de la fête nationale, sinon on passe à côté. On vote quelque chose sans même, encore une fois, regarder les conséquences du geste qu'on va poser.

Cet après-midi, on était à l'Assemblée nationale et on questionnait le projet de loi 35. Est-ce qu'on a évalué les coûts, les conséquences de voter la loi 35? On nous dit: Non. Bon, bien, on verra par la suite et on sera en réaction. Et, si c'est plus négatif que positif, ça veut dire qu'on aura des coûts à payer pour ne pas avoir planifié et regardé à l'avance ce que ça veut dire de passer une loi comme ça.

Ce soir, c'est la même affaire. Ça va avoir quoi comme effet? Est-ce qu'on a évalué, est-ce qu'on a pris la peine d'aller au fond? On aurait peut-être pu ne pas prendre le temps d'aller au fond s'il y avait eu une urgence, si ça avait été une demande populaire. Est-ce qu'il y a urgence à passer cette loi-là? Est-ce que la population a fait des démarches, des pétitions? Est-ce qu'il y a quelqu'un à quelque part qui trouve que là il y a une urgence? Certainement pas la population, certainement pas les centrales syndicales, quand on regarde leur réaction, certainement pas les gens d'affaires, quand on regarde la réaction du Conseil du patronat quand on a voulu avoir la reconnaissance de notre vraie fête nationale du Québec. Donc, personne. Il n'y a personne qui a demandé ça. Donc, il n'y a pas urgence.

Si on passe une loi, il faut que ça ait des effets favorables ou il faut que ça réponde à un besoin. Ça ne répond pas à un besoin. Donc, il faut que ça ait des effets bénéfiques. Est-ce que ça va avoir des effets bénéfiques pour la population? Je dois vous dire, de ce côté-ci, on a trouvé que non et, de l'autre côté, on n'intervient pas. Donc, on n'en trouve pas non plus, parce qu'on serait en mesure de pouvoir défendre l'effet favorable par rapport à cette loi-là. Il n'y a pas d'effets bénéfiques. Ce n'est pas une demande de la population. Donc, c'est une décision strictement politique.

Les seuls qui sont heureux dans cette décision sont ceux qui ont tout avantage à continuer dans la voie qu'on trace depuis un certain temps, confusion totale, comment on mêle les gens. C'est juste ça, comment on mêle les gens. On a été élus en politique pour servir les gens et, en démocratie, le plus grand service qu'on peut rendre aux gens, c'est de leur donner de l'information. Donc, l'information, ce n'est pas de mêler les gens; c'est d'essayer de clarifier la situation pour qu'en tout état de cause les gens puissent faire des choix éclairés.

Est-ce que ce qu'on est en train de faire va aider les gens à mieux se situer dans le contexte constitutionnel, dans le contexte politique actuel? Absolument pas. C'est tellement représentatif de ce que qu'on est en train de faire comme idéologie: mêlons les gens au maximum, et la façon de les mêler, c'est deux fêtes nationales égales. Un peuple à deux fêtes nationales, un peuple à deux pays. Et puis ça fait ce qu'on a là un peuple bien mêlé, et il n'y a personne pour le guider présentement, et là la fête nationale qu'on veut nous amener...

Une voix:...

M. Paré: Ah bien, ça, je dois vous dire, pour mêler la population, vous n'avez vraiment pas besoin de nous autres. Vous avez juste à écouter le premier ministre. Le premier ministre qui, en 1980, nous disait qu'un non veut dire un oui. Imaginez-vous, y a-t-il quelque chose de plus tordu, de plus croche qu'un non veut dire un oui? C'est quoi le contraire de oui? C'est non, et on nous a vendu qu'un non veut dire un oui. Là, on est en train de nous vendre que la souveraineté, c'est la même chose que le fédéralisme, puis là on est en train de nous vendre qu'on a deux fêtes nationales et que c'est pareil. Donc, imaginez-vous comment on prend tous les moyens possibles pour mêler les gens.

La meilleure preuve, c'est ce qu'on est en train de faire ce soir. Pourquoi maintenant, alors que jamais il n'a été question de ça? Ce n'est la demande de personne. On nous amène le 1er juillet la journée même. Voyons donc, si la population ne le demande pas, si les organismes ne le demandent pas, si le Conseil du patronat est contre, si les centrales syndicales sont contre, qu'il n'y a personne qui le demande, sauf des stratèges qui ont un avantage, un seul... c'est un avantage politique.

Je le disais depuis le début et je le disais: De toute façon, en 11 ans, c'est probablement le projet le plus politique que j'aie jamais vu. Mais, en même temps, politique confus, à l'image des réponses du premier ministre actuel. Noir, c'est pareil comme blanc, et oui, c'est pareil comme non, et le fédéralisme, c'est pareil comme la souveraineté, et puis là, le 1er juillet, c'est pareil comme le 24 juin. Bien voyons donc!

Y a-t-il quelque chose de différent? On serait capable au premier ministre de lui faire dire qu'un homme, c'est une femme. Je suis convaincu qu'il trouverait un moyen de dire que c'est nous autres qui devrions se faire soigner la vue si on est capable de voir une différence là-dedans. Voyons donc! Donc, le service qu'on rend aux gens, habituellement, en politique, c'est de donner de l'information pour qu'ils puissent décider en toute connaissance de cause. Là, on leur en donne de la bonne information: on va voter cette loi-là, puis ils vont l'apprendre dans les journaux que leur date de vacances est changée, et on a décidé ça, et on ne sait pas pourquoi. On n'aura certainement pas d'arguments. (23 h 20)

La preuve, c'est qu'on n'a rien à dire pour expliquer pourquoi on change ça. Je le disais,

c'est tellement confus que l'article 1 du projet de loi, qui est habituellement l'essence même de la loi, c'est la nomination d'un vice-président à la Commission des normes du travail.

Donc, là, on veut mêler les gens. Moi, je pense qu'on aurait tout avantage à entendre la Société Saint-Jean-Baptiste qui viendrait expliquer à ceux qui ne semblent pas savoir c'est quoi une fête nationale, venir nous expliquer la signification d'une fête nationale, comment ça s'organise et comment ça se fête. Ça ne se fête pas par des décisions, des obligations et par des gens de l'extérieur. La Société Saint-Jean-Baptiste, elle est très représentative, elle est là depuis des générations et des générations. Ce serait bon de pouvoir les entendre, pour écouter des gens d'expérience par rapport à l'organisation et l'explication d'une fête nationale.

On ne décide pas, ici, tout bonnement, entre quelques personnes, qu'une journée est une fête nationale pour nous autres, quand la population ne le ressent pas. À preuve, personne ne le demande. SI ça avait été un besoin, une utilité ou un sentiment général, bien, II y aurait eu des gens qui l'auraient demandé depuis un certain temps. Alors que là, à ma connaissance, personne ne l'a demandé, et puis, à un moment donné, on nous arrive avec la décision, et puis on veut nous la faire passer.

Je vais vous dire, il faut être un peu respectueux de ça, et je pense qu'on ne l'est pas. C'est pour ça, à tout le moins des gens intéressés par rapport à ça devraient être entendus. Parmi ceux-là, des gens qui ont beaucoup d'expérience dans ce que veut dire une fête nationale, la Société Saint-Jean-Baptiste, devraient être entendus.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Shefford, je vous remercie. Est-ce qu'il y a un député ministériel qui veut intervenir?

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux prendre 1 minute? On n'est pas obligé de prendre 10 minutes, hein?

Le Président (M. Philibert): Non, vous n'êtes pas obligé de prendre 10 minutes.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Tout simplement parce que j'ai entendu avec un certain étonnement le député de Shefford qui nous dit qu'on mêle le peuple. M. le Président, il est difficile de mêler le peuple plus que les députés de l'Opposition présentement, qui tentent de faire croire que nous proposons une deuxième fête nationale aux Québécois, alors que le député sait fort bien qu'il y a une seule fête nationale des Québécois. C'est celle du 24 juin que nous allons tous fêter bientôt. L'autre fête nationale, M. le Président, c'est une fête nationale des Canadiens. Forcément, c'est la fête du

Canada. Hein, ce n'est pas la fête nationale des Québécois.

Il me semble que, par définition, une fête nationale du Canada, ce n'est pas la fête nationale des Québécois. Donc, on a une fête nationale des Québécois le 24 juin, puis on a une fête nationale des Canadiens qui va se fêter le 1er juillet. Je pense que c'est clair. Jusque-là, je pense que ce n'est pas un gros problème.

Une voix: II n'y a pas deux pays non plus. Il n'y en a rien qu'un.

M. Bourbeau: Bon, alors, on fait partie du Canada. Donc, il y a une fête nationale des Canadiens le 1er juillet, puis nous, on fête notre fête nationale des Québécois. Maintenant, si le député de Shefford n'est pas intéressé à fêter la fête du Canada, il n'y a rien dans la loi, je n'ai rien vu qui oblige le député de Shefford à fêter le 1er juillet, M. le Président. Il peut venir travailler s'il veut. Il peut aller à son bureau de comté. Il n'y a rien qui l'empêche. Il peut faire ce qu'il veut.

Je sais que là le député de Masson est en train de se pomper, M. le Président...

Une voix:...

M. Bourbeau: Oui, bon, très bien. Alors, je ne serai pas long, M. le Président.

Maintenant, l'autre point, le député de Shefford nous a dit qu'il n'avait rien à dire tantôt. Ça, M. le Président, je dois dire que je suis étonné. Pour quelqu'un qui n'avait rien à dire, il a réussi facilement à meubler 10 minutes. Je me demande bien comment ça doit être quand il a quelque chose à dire. Alors, ça doit durer beaucoup plus longtemps, M. le Président. Moi, je dois dire que, pour quelqu'un qui n'a rien à dire là, c'est une chef-d'oeuvre du genre.

Alors, M. le Président, pour les besoins du Journal des débats, au moins qu'on sache que l'Opposition est en train de faire ce qu'on appelle un «filibuster». Donc, meubler le temps. Ils meublent le temps. Ils disent évidemment n'importe quoi, ils disent ce qu'ils veulent. Ça, c'est leur prérogative. Mais qu'on se souvienne qu'il y a une seule fête nationale, c'est la fête nationale des Québécois qu'on fête le 24 juin. Il y a une Loi sur les normes qui établit sept autres congés qui sont pris à des dates différentes, l'un de ces congés étant le 1er juillet où on fêtera la fête du Canada, pour ceux qui croient encore au Canada et qui veulent fêter la fête du Canada. Cette dernière fête du Canada, comme toutes les autres fêtes de la Loi sur les normes du travail, peut être déplacée trois semaines avant ou trois semaines après, de sorte que ceux qui voudraient fêter la fête du Canada non pas le 1er juillet, mais le 29 juin pourront le faire, en vertu de la Loi sur les normes.

Voilà, M. le Président, le plus que je peux

faire pour tenter de démêler les gens, mais je sais que, d'ici quelques minutes, d'ici quelques secondes même, le représentant du Parti québécois va commencer à mêler de nouveau les citoyens, M. le Président, et nous, bien, j'espère qu'on réussira à les démêler encore par après.

Pendant ce temps-là, le temps passe, M. le Président, et, dans 35 minutes, on pourra aller se coucher.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a...

M. Blais: J'aurais une question... le ministre...

Le Président (M. Philibert): Consentement, s'il y a consentement.

M. Blais: S'il vous plaît, une question très simple en fait. Quelle différence y a-t-il, à ce moment-là, entre ce qui existe actuellement pour la loi du 1er juillet et celle que vous nous apportez?

M. Bourbeau: II n'y a aucune différence de fond, M. le Président. Il y a une différence de forme. Dans la loi actuelle, présentement, on fête la fête du Canada le 29 juin et, dans la proposition que nous avons devant nous, on la fêtera le 1er juillet. Mais, dans les deux cas, la fête est déplaçable trois semaines avant ou trois semaines après. Donc, M. le Président, la différence est très minime. On ne donne pas un statut nouveau ni plus important qu'avant. Contrairement à ce que vous tentez de véhiculer, le statut est le même. C'est une fête qui existe en vertu de la loi sur les normes du Québec. Donc, on ne change pas de statut, sauf qu'au lieu de la fêter un lundi on la fête à un jour fixe. Mais, dans les deux cas, en vertu de la loi, on peut la déplacer trois semaines avant, trois semaines après.

M. Blais: Maintenant, vous permettez, s'il veut?

Le Président (M. Philibert): S'il y a consentement.

M. Bourbeau: Oui.

M. Blais: Juste une petite question.

M. Bourbeau: Ça va. Ça serait peut-être permettre au député de Masson de comprendre, finalement, M. le Président.

M. Blais: Oui, mais, vous savez, je suis un peu obscur.

M. Bourbeau: Non, vous êtes trop humble.

M. Blais: C'est ce qui me sauve. Est-ce que vous considérez que le Canada est un État national?

M. Bourbeau: Qu'est-ce que le député entend par un État national?

M. Blais: Est-ce que vous considérez que le Canada est un État national?

M. Bourbeau: J'aimerais avoir la définition de ce que le député entend par un État national.

M. Blais: Un État national, c'est un État où habite une nation et qui se développe, national.

M. Bourbeau: M. le Président, là, le député veut m'amener dans une question de sémantique.

M. Blais: Non, non.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on va avoir une nation ou deux nations au Canada? Moi, je pense personnellement qu'il y a deux nations, la nation francophone et la nation anglophone, mais il n'y a pas de problème avec ça.

M. Blais: O.K. Alors, on est d'accord là-dessus. C'est pour le député de Berthier. Ça fait que, quand on dit la fête nationale du Canada, des Canadiens, la fête nationale du Québec et des Québécois, c'est donc qu'il y a deux nations. Chaque nation a droit à son pays. Donc, il devrait y avoir deux pays. C'est juste ça que je voulais dire. Je vous remercie.

M. Bourbeau: M. le Président, là, j'ai suivi le député un certain temps. Vous permettez que je réplique? Moi, je pense qu'effectivement il y a deux nations. Le Québec a sa fête nationale, le Canada a sa fête qu'on peut appeler nationale si vous pensez qu'il y a une seule nation au Canada...

M. Blais: C'est vous qui le...

M. Bourbeau: ...certains peuvent penser qu'il y en a deux. Moi, j'ai dit que je croyais qu'il y avait deux nations.

M. Blais: ...la fête nationale du Canada.

M. Bourbeau: Je n'ai pas dit la fête nationale. J'ai dit la fête du Canada.

M. Blais: Non, non.

M. Bourbeau: Oui, oui. Je n'ai jamais parlé-bien, je ne crois pas avoir dit la fête nationale du Canada.

M. Blais: On sortira les galées juste pour s'amuser.

M. Bourbeau: On pourra peut-être. Alors, disons qu'il y a une fête du Canada qui est fêtée par tous les habitants du Canada, d'un océan à l'autre, a mari usque ad mare, mais évidemment...

M. Blais: D'une petite mer à l'autre.

M. Bourbeau: Oui, et ceux qui veulent la fêter la fêtent. Ceux qui ne veulent pas la fêter peuvent rester chez eux. La même chose pour la fête nationale des Québécois.

M. Blais: Je suis d'accord là-dessus. Et j'aimerais faire une demande d'avoir les galées de ce qui a été dit entre 23 h 20 et 23 h 28 pour la reprise des travaux, si c'est possible, demain.

M. Bourbeau: m. le président, je vais ajouter une chose. je ne crois pas avoir utilisé l'expression fête nationale du canada, mais si je l'ai utilisée, m. le président, je pense qu'on devrait plutôt dire la fête du canada, sans nécessairement ajouter le mot «nationale».

Le Président (M. Philibert): On reçoit votre précision, M. le ministre. Madame, est-ce que vous voulez utiliser votre droit de parole?

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président, je vais utiliser mon droit de parole.

Le Président (M. Philibert): Vous avez 10 minutes

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Pour ma part, je vais, c'est bien sûr, appuyer la motion de mon collègue de Masson, à l'effet qu'on devrait rencontrer, oui, pourquoi pas, la Société Saint-Jean-Baptiste, pour avoir une opinion de ces gens-là, savoir comment ils voient ça. Eux autres organisent la fête nationale, le 24 juin, depuis longtemps. C'est connu, d'ailleurs. C'est un organisme qui n'est pas nécessairement partisan avec un parti politique, on le sait. Je pense que les gens, du côté gouvernemental, le savent aussi. Bien sûr qu'on peut être nationalistes, peu importe le côté où on se trouve. Il y en a qui sont plus nationalistes que d'autres et souverainistes par surcroît.

M. le Président, le ministre nous dit qu'on est mêlés, puis qu'on comprend tout ça et tout ça. Pourtant, je vais vous dire, on n'est pas les seuls qui sont mêlés et on n'est pas les seuls qui se posent des questions. Bien avant qu'on parle, M. le Président, il y a des gens qui se sont exprimés et qui s'interrogeaient aussi sur le pourquoi de cette décision gouvernementale.

Je voyais, dans les journaux, entre autres, le 15 mai 1992 - ça, c'est la dernière journée possible pour déposer des projets de loi sans le consentement - il y a des gens qui, déjà, commençaient à s'interroger par la voie de la presse. Pourtant, à ce moment-là, M. le Président, l'Opposition officielle n'avait pas commencé à discuter. Donc, on n'avait pas commencé, comme nous dit le ministre... Tantôt, le ministre nous disait qu'on mêlait le monde. (23 h 30)

Alors, à ce moment-là, le 15 mai, M. le Président, l'Opposition n'avait pas commencé à discuter, n'avait pas dit un mot encore, parce que le ministre venait juste de déposer son petit projet de loi, et il y a du monde qui s'interrogeait à ce moment-là. Rappelez-vous, je vais vous le citer: Le gouvernement du Québec a finalement battu en retraite, et la fête du Canada sera célébrée au Québec le 1er juillet et non par anticipation le lundi 29 juin, comme on l'avait d'abord décrété. Ça, ça veut dire ce que ça veut dire. Ça veut dire que, normalement, on prenait le congé le lundi avant ou le lundi suivant, dépendant d'où se trouvait le congé du 1er juillet. Alors, comme c'est très clair, on l'avait déjà décrété, c'était supposé être fêté le lundi 29 juin.

Alors, là, c'est ça, le ministre dépose son projet de loi, et les journaux font état que le gouvernement a battu en retraite. Ce n'est pas l'Opposition officielle, là. On n'a pas encore dit un mot. Alors, c'est ce qu'on vient d'expliquer. Le congé férié, habituellement, du 1er juillet, suivant d'une semaine le congé férié de la fête nationale du 24 juin, est avancé au lundi 29 juin cette année, le lundi précédant le jour de la fête en question, afin d'allonger le dernier week-end du mois. Comme on disait, comme on l'a dit ce soir, et je ne crois pas qu'on était très mêlés, c'est ce qu'était la réalité au Québec depuis quand même un bon bout de temps, M. le Président.

Ceci - et là on découvre un élément de réponse dans la fin de l'article, et ça, ça n'a été soufflé en aucun cas par les gens de l'Opposition officielle, c'est le 15 mai - ceci au grand dam, cependant, des organisateurs des fêtes du Canada, étant donné qu'on veut souligner de façon particulière le 125e anniversaire cette année. Eh bien, moi, cette argumentation-là, M. le Président, me convainc beaucoup plus des objectifs poursuivis par le projet de loi qu'on a devant nous autres que toute l'argumentation que le ministre a pu donner, et en Chambre, et ici ce soir.

On a beau nous dire que c'est les commerçants qui veulent ça, que c'est les entreprises qui veulent ça, que c'est le monde et qu'il faut faire comme ça se vit au Québec, que c'est la réalité québécoise qui le demande, bien, M. le Président, je regrette, l'argumentation qui est développée autour de ça, peu importe que le ministre dise qu'on veut mêler le monde, je pense que lui-même, le ministre, il nous mêle et il essaie de mêler le monde parce qu'on n'a pas

de démonstration du besoin et du bien-fondé de ce projet de loi là, en tout cas au moment où on se parle.

La vraie raison, c'est probablement plutôt des raisons d'ordre politique, et je pense que le journaliste qui a écrit l'article dans Le Soleil du 15 mai, lors du dépôt du projet de loi - et je tiens à le répéter - avant que l'Opposition commence à discuter là-dessus, M. le Président, il n'était peut-être pas si mêlé que ça, le journaliste. D'ailleurs, on ne peut pas savoir qui est le journaliste en question parce que c'était dans le journal Le Soleil. Vous savez que, dans le journal Le Soleil, il y a des moyens de pression et les journalistes, depuis un certain temps, ne signent plus leurs articles, à ce moment-là, ne signaient pas non plus leurs articles.

Une voix: Pourquoi que c'est ça?

Mme Carrier-Perreault: Parce qu'ils sont en négociation, M. mon collègue. Alors, disons... Non, ce n'est pas ça, j'aime mieux parler de la fête en question.

Je pense que ce journaliste-là, le 15 mai, avant que les gens se mettent à parler autour, avant que nous autres on dise quoi que ce soit, il avait quand même eu le projet de loi du ministre, par exemple, il avait quand même vu les notes explicatives. Il nous dit très clairement: Le ministre a battu en retraite et il a décidé de ne pas aller selon le décret de fêter le 29, d'y aller la journée de la fête, puis de s'organiser pour que la fête du Canada soit fêtée comme une fête nationale, comme il le dit lui aussi: C'est la fête nationale des Canadiens.

Alors, c'est effectivement, M. le Président, une façon d'instaurer une deuxième fête nationale sur le territoire du Québec, alors qu'on en avait une avant et que ça avait été décrié déjà, quand on l'avait fait, par certains employeurs. Je me demande bien pourquoi ils viendraient nous le demander maintenant pour une autre fois. À deux semaines consécutives, je vais vous dire, M. le Président, ça ne serait pas très cohérent de leur part. Je pense que ce journaliste-là avait raison et que la véritable raison de tout ça, c'est une raison très politique. C'est une raison très politique parce que les organisateurs qui organisent le 125e anniversaire de tout ça, de la signature de la Confédération canadienne, organisent des fêtes épouvantables, cette année. Ils ont beaucoup de monde à convaincre du bien-fondé de rester là-dedans, M. le Président.

Alors, il faut qu'ils fassent un gros «hit», comme on dit. Il faut qu'ils fassent quelque chose de spécial. Il faut qu'ils mettent le paquet et, pour ça, ils veulent être sûrs qu'ils ne mettront pas le paquet pour rien. Ça prend absolument la population. Il faut que la population soit témoin de tout ce qu'ils font comme activités, comment ils sont beaux, fins et gentils, comment les Rocheuses, c'est important, comment l'Ouest, c'est important, même si l'Ouest, on le sait, ne tient pas plus que ça à nous autres. On devrait commencer à le savoir. Je ne peux pas croire.

Alors, la véritable raison, c'est une raison politique, à mon sens, parce qu'à venir jusqu'à date l'argumention - le ministre a beau dire qu'on veut les mêler, II n'a pas réussi, lui, à nous démêler sur les objectifs qu'il est en train de poursuivre. La véritable raison, c'est une raison politique, tant et aussi longtemps qu'on ne nous a pas démontré que c'est une autre raison. Si on veut fêter le 125e anniversaire du Canada de façon éclatante, c'est bien évident qu'on ne peut pas laisser le monde au travail et les employeurs faire leur travail cette journée-là. C'est bien évident. Il faut que tout le monde soit arrêté, cette journée-là. Ils déménageront durant la fin de semaine, cette fois-là. La fête des déménagements, comme disait le ministre, bien, ils prendront deux jours au lieu de trois. Là, je pense que...

M. le Président, est-ce que c'est possible que le député de Berthier...

Une voix: C'est faux ce que tu viens de dire... vous disiez. C'est faux.... n'Importe quoi.

Mme Carrier-Perreault: Eh bien! Mais je ne dis pas n'importe quoi, M. le Président. D'ailleurs, écoutez... Je regrette, M. le Président. Je pense que c'est moi qui ai la parole, présentement. Si le député de Berthier veut parler...

Le Président (M. Philibert): M. le député de Berthier. M. le député de Berthier, à l'ordre.

Mme Carrier-Perreault:... je pense qu'il pourra prendre ses 10 minutes, hein? Merci, M. le Président.

M. Houde: M. le Président, si elle est pour dire n'importe quoi...

Le Président (M. Philibert): À l'ordre. Si vous voulez utiliser votre temps de parole, je vous donnerai la parole tantôt.

M. Houde: Très bien.

Le Président (M. Philibert): Mais là c'est Mme Carrier-Perreault qui a la parole. J'insiste pour que vous la laissiez, selon les règlements, s'exprimer librement.

Mme Carrier-Perreault: Bon. Je vous remercie, M. le Président. Alors, je continue. Je pense que ce que le journaliste disait dans le journal du 15 mai, M. le Président, avant que l'Opposition se mette à parler, je pense qu'il n'avait pas tort, le journaliste. Et si... Je veux dire, si le député de Berthier n'a pas eu l'occa-

sion de lire cet article-là, je pense que ce serait important de lui faire une photocopie pour qu'il puisse en prendre connaissance.

Et moi, je suis toujours persuadée que, si on veut absolument procéder de cette façon-là, cette année, c'est tout simplement parce qu'on veut s'assurer que tous les Québécois vont assister aux activités, vont assister aux festivités, vont profiter abondamment de toute l'avalanche de publicité fédéraliste qui va nous tomber dessus. C'est la seule et unique raison, à mon avis, au moment où on se parle, M. le Président. Je trouve ça bien important que...

Dans ce sens-là, je trouverais ça très important de connaître l'opinion d'autres personnes, des personnes différentes. Puis on en a d'autres qu'on voudrait rencontrer, aussi, M. le Président. Parce que je suis persuadée qu'on aimerait aussi rencontrer autant les organismes d'employeurs que de travailleurs. Je pense que c'est important d'entendre ces gens-là; c'est eux qui ont des choses à nous dire aussi. Mais la Société Saint-Jean-Baptiste pourrait venir nous dire, elle aussi, quelle est sa perception, comment elle voit l'impact que ça peut avoir sur... Est-ce que ça portera ombrage à l'autre? Ou laquelle portera ombrage à l'autre? De toute façon, je pense que ça va être un embêtement général pour l'ensemble de la population, comme c'est un embêtement aussi, du côté des employeurs, et que c'est un objectif purement et simplement politique que l'on poursuit en déposant ce genre de projet de loi, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a un député ministériel qui veut prendre la parole?

M. Williams: Oui.

Une voix: Je n'en reviens pas qu'on peut être menteuse de même.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai le droit de parole, M. le Président?

Le Président (m. philibert): je n'ai pas entendu. j'ai appelé le député de berthier à l'ordre tantôt. alors, m. le député de nelligan, vous avez la parole.

Mme Vermette: M. le Président, je ne voudrais pas faire un long débat parce que je sais qu'on a beaucoup de choses intéressantes à dire. Mais je pense qu'effectivement, si on veut dire ce qu'on a à dire, on suit les règles parlementaires. On n'est pas obligé de se faire traiter de menteur et de menteuse parce qu'on dit ce qu'on pense, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): ...des déclarations qui sont prises en compte à la commission sont prises en compte des parlementaires qui ont la parole. J'ai rappelé le député de Berthier à l'ordre tantôt. Ce qui n'est pas inscrit aux galées est réputé ne pas avoir été dit, d'après les règlements. Alors, je souhaite qu'on close sur ce qu'on... qu'on continue la discussion avec le député de Nelligan.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci encore une fois, M. le Président, de me donner la parole. J'ai écouté longuement, ce soir... Encore une fois, je cherche les raisons, c'est quoi en arrière de tout ce débat. Nous avons eu un débat de 24, 25, 26 heures, hier, et je cherche encore c'est quoi le problème dans cette loi-là.

Mais, madame, vous avez demandé qu'on vous accorde, s'il vous plaît, là... Je m'excuse, je suis un peu fatigué. J'ai écouté les interventions de 20 minutes, de 20 minutes, de 20 minutes, de 20 minutes et je n'ai pas demandé la parole jusqu'à date. Et je voudrais... Mais peut-être juste commencer... Je voudrais dire au minimum que votre formation, malgré que je ne sois pas d'accord avec votre perspective dans cette question... Vous avez décidé de rester ce soir avec nous, de discuter cette question, et j'ai pensé: II va y avoir une autre... (23 h 40)

Le Président (M. Philibert): Mme la députée de Marie-Victorin, à l'ordre.

M. Williams: J'ai pensé que ça ne serait pas juste deux formations. M. le Président, est-ce que j'ai le droit de parole?

Le Président (M. Philibert): Oui, M. le député de Nelligan, vous avez le droit de parole.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Je demanderais aux parlementaires des deux côtés de respecter le droit de parole du député qui, effectivement, d'après les règlements, a de plein droit le privilège de s'exprimer.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai pensé que nous aurions trois partis politiques ici, ce soir, et nous n'en avons que deux. J'ai pensé que le troisième peut-être peut ajouter une autre perspective. En tout cas, ils ne sont pas là. J'ai aussi pensé... j'ai lu... je m'excuse, entre quelques... les commentaires, j'ai lu l'Argus, aujourd'hui, et peut-être que c'est une raison pour laquelle nous sommes encore ici, parce que, malgré un débat de 26 heures hier, il n'y a presque rien, presque rien dans le journal, dans tous les journaux québécois et canadiens.

Pour moi, c'était strictement clair, il y a un député qui a dit qu'il n'y a personne qui a demandé ce changement. Peut-être que dans son comté Ils ont tout à fait raison. Je voudrais dire, dans mon comté, ils ont demandé ce changement.

M. Blais: ...Société Saint-Jean-Baptiste... Question de règlement.

Le Président (M. Philibert): Oui, j'écoute votre question de règlement.

M. Blais: Vous présumez que le président va me dire qu'il n'y a pas de question de règlement. Je vais la poser.

Une voix:...

Le Président (M. Philibert): M. le député...

M. Blais: la motion est sur la table demandant que la société saint-jean-baptiste vienne éclairer le débat. je ne vois pas ce que l'argus, les arguments de l'argus...

Le Président (M. Philibert): Ce n'est pas une question de règlement, M. le député de Masson.

M. Blais: Ça se rapporte à la motion.

Le Président (M. Philibert): ce n'est pas une question de règlement, m. le député de masson. c'est une question d'opinion. m. le député de nelligan, vous avez la parole.

M. Williams: Je pense qu'il est un peu tard pour commencer à questionner la pertinence des interventions ce soir. Franchement. Pour moi, encore une fois, j'essaie de comprendre le problème dans ce dossier. Nous avons, en pleine discussion dans cette commission des affaires sociales en 1990, passé une loi et nous avons dit qu'il y a une fête du Canada le 1er juillet. Malgré... et tout le monde a cité quelques sections de quelques débats dans quelques journées, le 10, le 11. Je ne lis pas tout. Je peux faire mes 20 minutes aussi. Peut-être que je vais faire ça demain. Là, je ne sais pas.

Mais c'était clair que c'était la fête du Canada dont nous avons discuté. Votre parti a adopté ça, c'est clair. Avec ça, aujourd'hui, on discute: Est-ce que cette année, ça va être un lundi ou un mercredi? Ce n'est pas un débat de fond à ce moment-là. Et aussi, il y a sept journées dans une semaine. Si la fête du Canada est un dimanche, le congé, dans les choses régulières, ce peut être un lundi. Si c'est un lundi, ce peut être un lundi. Si c'est pour être un mardi, avec l'amendement tel que proposé, ça va être un mardi; mercredi, ça va être mercredi; jeudi, ça va être un jeudi. Les autres, vendredi, si ça doit être un vendredi, et samedi, ça va être un vendredi. ,

Avec ça, on parle de trois jours. On ne fait pas un débat de fond. En fait, est-ce qu'il y a une fête du Canada nationale et canadienne dans la même journée? Je pense que la réponse est très claire. Je voudrais retourner à la première intervention de ce soir, que oui, c'est vrai, un pays a une fête non «bougeable» comme le 4 juillet. Je pense, il y a tout à mon sens... Je m'excuse, Nous avons une fête non «bougeable». Mon intervention... ce pour quoi j'ai voulu discuter ça ce soir, sur la question...

Vous avez demandé la pertinence de mon intervention. La raison pour laquelle j'ai voulu faire une intervention à cause de ça... parce qu'on ne discute pas la fête nationale du Québec. C'est le 24. Il y a une loi pour ça. Nous sommes tous fiers. Pas ce soir, mais hier, quelquefois, j'étais un peu mal à l'aise des choses que j'ai entendues. Je suis certainement canadien, mais je suis québécois aussi et c'est ma fête aussi. Il y a quelques interventions, et je ne nomme pas qui a dit quoi. Quelquefois, j'ai pensé, parce que je suis un Anglo-Québécois, j'ai eu le «feeling» qu'il y a quelques personnes à penser que ce n'était pas ma fête aussi. C'est là ma fête. Donc, j'ai eu ce «feeling».

Le 24 juin, c'est la fête nationale du Québec. On ne discute pas de ça ce soir. On discute d'un congé férié pour le 1er juillet. Dans mon opinion, c'est la fête du Canada. On ne parle pas de toute la bonne organisation de la Société Saint-Jean-Baptiste pour la fête nationale du Québec. On discute du 1er juillet, la fête du Canada, et, comme je l'ai mentionné en Chambre hier, je suis fier d'être canadien, je suis fier d'être québécois et canadien et je voudrais fêter ça, et plusieurs des personnes de mon comté, pas les organisations, pas le Conseil du patronat, M. et Mme Tout-le-Monde, ils ont demandé: On veut fêter certainement la fête nationale, mais on veut fêter notre anniversaire de la Confédération de notre pays. On veut fêter ces deux fêtes en même temps. Je voudrais être très clair. Ce n'est pas juste... on ne veut pas fêter juste le 125e anniversaire cette année, on veut faire ça le 126e, le 127e et beaucoup plus long que ça, là, et le 300e anniversaire tous ensemble, M. le député.

C'est pourquoi je demande pourquoi on veut commencer à entendre les groupes qui ne sont pas nécessairement bien connus pour leur appui pour la fête du Canada, qui ne sont pas nécessairement bien connus... comment il a organisé, comment il organise les événements pour la fête du Canada. Pour moi, pendant toutes les 26 heures de débat, j'ai eu de la misère à... Souvent, j'ai mal compris que nous ayons parlé de plusieurs choses, sauf pour les articles de loi.

L'article de loi dit qu'on veut avoir la fête du Canada le 1er juillet, comme le reste du pays. On peut chercher beaucoup d'autres choses, on peut manifester beaucoup d'autres idées en arriè-

re de ça, beaucoup d'autres supposées manifestations en arrière de ça, les stratégies machiavéliques et tout ça. C'est clair et simple: On veut avoir la fête du Canada la même journée que le reste du pays. On ne questionne pas notre identité québécoise, on ne questionne pas notre société distincte non plus, on ne questionne pas notre pouvoir de choisir une fête nationale le 24 juin, qui est non «bougeable», protégée par une loi spéciale. Ce n'est pas une question. Ce n'est pas dans la loi, ce n'est pas les articles qu'on touche. On touche un petit article qui ne change pas le fond de la fête du Canada, mais qui change juste la date, qui est logique et aussi qui...

Ce soir, j'ai décidé de prendre la parole, de discuter les choses qui font un pays. Je peux aussi prendre beaucoup de temps pour discuter juste de la bonne coordination de la main-d'oeuvre, des bonnes coordinations qui sont ouvertes et qui sont fermés. Quand j'ai étudié des dossiers moi-même, j'ai pensé que ça va être beaucoup plus efficace pour tout le monde: les familles, les personnes qui travaillent, le patronat, pour tout le monde. Ça va être beaucoup plus efficace comme ça, et j'espère qu'on peut retourner au débat de fond sur cette loi. Nous n'avons pas besoin d'entendre les groupes qui n'ont pas de compétence dans cette question de la fête du Canada, et on peut continuer les discussions sur les autres choses dans cette loi.

Je vais terminer mon intervention, M. le Président, sur ce point. Alors, merci beaucoup pour la chance, particulièrement non interrompue, ce soir, sur ce point.

Une voix: Ha, ha, ha!

(23 h 50)

Le Président (M. Philibert): Alors, merci, M. le député de Nelligan. Est-ce qu'il y a un député de l'Opposition qui veut prendre la parole? Alors, Mme la députée de Marie-vïctorin, vous avez 10 minutes.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Je vous remercie bien, M. le Président. Alors, M. le Président, je trouve ça tout à fait pertinent, à ce moment-ci, de demander à la Société Saint-Jean-Baptiste de venir nous entretenir, en fait, sur la vision qu'elle se fait de cette fête du Canada, parce que, en fait, il faut le dire, la Société Saint-Jean-Baptiste, c'est la plus vieille et l'une des plus combatives, M. le Président, qui a été fondée en 1834. Alors, vous voyez que ça ne date pas d'hier. Ça date beaucoup, c'est beaucoup plus vieux même que tous les mouvements qui ont été mis de l'avant pour reconnaître la fête du Canada. Parce qu'il faut le redire, la fête du Canada a été adoptée en 1982, au mois de novembre 1982. Donc, c'est très récent, en fin de compte, cette notion de fête du Canada. Alors, je pense que c'est heureux qu'on puisse faire référence à une société qui, elle, date de 1834, M. le Président.

Vous savez, toute l'expérience, le cumul de l'histoire, ils peuvent nous apporter l'éclairage qu'ils peuvent nous donner en ce qui concerne le sujet sur lequel nous nous penchons et que nous discutons à l'heure actuelle. Moi, je pense qu'on ne peut jamais refuser d'avoir des gens compétents, des gens aussi qui ont une connaissance approfondie d'un sujet. On ne peut pas se priver d'une telle ressource et ne pas entendre une telle ressource, M. le Président. Je trouve ça tout à fait Important, justifié.

Savez-vous d'où elle tire son nom, cette Société Saint-Jean-Baptiste? Elle tire son nom du fait que Jean-Baptiste était considéré comme l'un des saints patrons des Canadiens français. Alors, ils sont très impliqués en tous... Même le député de Nelligan se demandait pourquoi, alors qu'on parie de la fête du Canada, on voudrait inviter, en fait, des gens qui se sont plus préoccupés de la fête nationale des Québécois. Bien, c'est parce que, M. le Président, le Canada appartenait aux Français avant que les Anglais arrivent sur cette terre-là, M. le Président. C'est tout simplement pour ça, pour nous rappeler cette histoire-là, parce qu'il y a des pans de l'histoire qu'on a oubliés, M. le Président. Alors, il faut nous éclairer là-dessus, M. le Président.

Il faut rappeler ces faits-là et c'est important de nous dire comment c'est arrivé. À un moment donné de notre histoire, la prédominance a fait en sorte qu'au Québec c'est la fête nationale des Québécois qu'on a choisie et qu'on a laissé complètement tomber la fête du Canada. On se sentait même pas impliqués par cette fête, M. le Président.

Alors, je pense que c'est tout à fait bien considéré, de notre part, de vous faire une demande à cet effet-là et de vous présenter une motion pour qu'on puisse entendre cette Société Saint-Jean-Baptiste, pour nous apporter ses connaissances et cet éclairage qui, je pense - et je n'en tiens rigueur à personne, M. le Président - pour certains passages de notre histoire, peuvent leur faire défaut. Et ça fait du bien, se faire rafraîchir la mémoire, M. le Président, et surtout sur le plan historique, quand on sait que, dans nos écoles, on donne très peu de cours d'histoire. Donc, il se peut qu'on en ait échappé, nous autres aussi.

Comme on ne peut pas, lorsque aujourd'hui... Même actuellement, dans les différentes écoles du Québec, les cours d'histoire, ce n'est pas ce qui relève le plus... en fait, au niveau de l'éducation de nos jeunes, ils connaissent très peu ou à peine l'histoire du Québec, M. le Président. Ce serait important que la Société Saint-Jean-Baptiste vienne nous faire part, en fait, de tous... le point de départ de cette notion de la fête de la Saint-Jean-Baptiste, M. le Président.

Je pense que nous, notre rôle, c'est d'informer la population. Donc, plus nous sommes informés, plus nous jouons notre rôle convena-

blement auprès de la population parce que notre rôle, c'est d'être des éclaireurs, d'être des bougies d'allumage auprès de la population, M. le Président. Pour faire ce rôle, bien, il faut bien qu'on ait une information pertinente, et je pense que la Société Saint-Jean-Baptiste demeure une société, une entité qui est la plus appropriée pour nous apporter ces références, ces connaissances qui feraient en sorte qu'à notre tour nous pourrions, en fait, divulguer cette information-là autant, M. le Président, au Canada anglais qu'aux Québécois. C'est là-dessus que c'est important.

Savez-vous, M. le Président, qu'à une certaine époque, au tout début de la colonie, lorsqu'on fêtait la Saint-Jean-Baptiste, M. le Président, ça allait aussi loin qu'aux États-Unis? On ne peut pas en dire autant aujourd'hui, M. le Président. Je ne suis pas sûre qu'en Ontario on fête la Saint-Jean-Baptiste. Pourtant, il y a beaucoup plus de francophones en Ontario qu'il y a d'anglophones au Québec, M. le Président. Pourtant, il n'y a pas d'harmonisation entre la loi nationale des Québécois et la loi canadienne, M. le Président, sur la fête du Canada. Il n'y a absolument rien de cette nature, M. le Président.

Est-ce qu'on va faire un plat aux Canadiens anglais pour ça, M. le Président? On constate, malheureusement, qu'au niveau du Canada anglais nous n'avons pas notre place, que, pour le Canada anglais, il n'y a qu'une fête nationale, celle du Dominion, M. le Président. Pour certains anglophones, ils ne sont même pas capables de reconnaître la fête du Canada, M. le Président. C'est même douloureux pour eux d'accepter qu'on puisse appeler la fête du Canada la fête du Canada, parce que, pour eux, leur sentiment d'allégeance est à la fête du Dominion, M. le Président. Il faut le dire. Il faut dire ces choses-là, M. le Président. Pour certains anglophones, M. le Président, la fête du Canada a un sens complètement vide. Ça a le sens de vide, M. le Président, pour la définition du Canada pour des...

Je vais vous lire un extrait, en fait - et ce n'est pas moi qui le dit, ça vient des débats des Communes, M. le Président. Je vais vous lire un extrait, en fait. C'est quelqu'un qui disait, en fait: La fête du Canada, pour le 1er juillet... Que ce changement ait été réclamé - parce qu'on changeait la fête du Dominion pour la fête du Canada - spontanément, chose dont je doute ou non, il n'est pas inévitable que la fête nationale d'un pays porte le nom... Bon. Ce qu'il dit, c'est: L'occasion... Il disait que la fête, en fin de compte, qu'on nomme... nominale, par le nom d'un pays...

D'ailleurs, il faisait l'éloge qu'il n'y a pas un pays au monde qui appelle sa fête nationale par le nom de son pays. D'ailleurs, ça n'existe pas. En France, ça s'appelle la fête de la Bastille. Aux États-Unis, ça s'appelle la fête de l'indépendance. Je pourrais vous nommer un paquet de pays, M. le Président, où ils ne disent jamais... Même pas l'Angleterre. Ça ne s'appelle pas la fête de l'Angleterre, M. le Président. C'est la fête du roi George, M. le Président. Alors, II n'y a aucun pays au monde qui reconnaît sa fête nationale par le nom de son pays, M. le Président, et même... La même personne disait que, lorsqu'on appelle la fête nationale par le nom d'un pays, on dit: Cela indiquerait seulement qu'on a plus de chances de trouver les gens à la plage que chez eux, M. le Président.

Ne serait-il pas temps de se dire que la fête du Canada n'est pas une appellation à laquelle on ne peut échapper et qui coule de source, mais que c'est, en fait, une appellation plus ou moins vide de sens, insignifiante et ennuyante, M. le Président. Ce n'est pas moi, M. le Président. C'est un député de la Chambre des communes et c'est un M. Baker, qui était député de Nepean-Carteton, M. le Président.

Une voix: En quelle année?

Mme Vermette: En 1981, M. le Président. Ce n'est pas un dinosaure, ça, 1981. C'est tout de même contemporain, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): En conclusion.

Mme Vermette: Bien, je pense que, quand on a de telles affirmations, c'est important de corriger le tir par des gens très, très bien informés, tels que des gens qui composent la Société Saint-Jean-Baptiste, et je demeure convaincue qu'il aurait été souhaitable que nous puissions les entendre, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Est-ce qu'il y a des députés ministériels qui veulent utiliser leur droit de parole?

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais simplement prendre une minute.

Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'on a le consentement pour une minute?

M. Bourbeau: Je n'en ai pas abusé beaucoup, M. le Président, je pense.

Le Président (M. Philibert): Alors, si vous parlez une minute, on aura besoin d'un consentement aussi pour le temps d'ajourner les travaux.

M. Bourbeau: Bien, est-ce que c'est l'heure officielle qui est là, M. le Président?

Le Président (M. Philibert): Oui.

M. Bourbeau: Bon. M. le Président, nous terminons quatre heures - j'allais faire une liaison dangereuse - de débats animés, plus ou moins intéressants, selon le côté de la Chambre

où on se place, sur un sujet d'une importance qui peut varier selon les points de vue. On vient d'entendre la députée de Marie-Victorin qui a fait un vibrant plaidoyer en faveur de la thèse qu'elle défend.

Je voudrais corriger, M. le Président, une remarque que j'ai faite plus tôt dans la soirée, où j'avais prétendu que le député de Masson aurait été plus intéressant à entendre que la députée de Marie-Victorin. Mais je dois dire qu'après avoir entendu les derniers propos de la députée de Marie-Victorin je veux réviser ma position, M. le Président. Je pense que son plaidoyer était plus éloquent encore que celui du député de Masson.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Je ne voudrais pas insulter le député de Masson qui, quand même, a ses mérites, M. le Président, mais je dois donner un bon point à la députée de Marie-Victorin et dire qu'elle a tenu les députés de ce côté-ci très éveillés pendant tout son plaidoyer. Alors, M. le Président, je pense que ça augure bien pour l'avenir. Je vous remercie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: M. le Président...

Le Président (M. Philibert): Oui.

M. Blais: ...cinq secondes, s'il vous plaît.

Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il y a le consentement?

M. Blais: Cinq secondes.

Le Président (M. Philibert): Consentement.

M. Blais: Cinq secondes. La façon constructive dont le ministre nous parle nous fait prévoir des semaines à venir très heureuses.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Philibert): Alors, on m'informait que les députés ministériels ne désiraient pas utiliser leur droit de parole. Alors, on serait prêts pour voter. Est-ce que c'est sur division ou si c'est un...

Des voix: Vote nominal.

Le Président (M. Philibert): ...vote nominal?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Philibert): Alors, l'heure étant... (minuit)

M. Blais: Non, non, mais...

Le Président (M. Philibert): Consentement pour le vote...

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Philibert): ...après minuit. J'appelle la motion. Effectivement, oui, ça serait... Alors, «il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission permanente des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'édude détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Société Saint-Jean-Baptiste.»

Que ceux qui sont pour ou contre...

Alors, M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Mme Cardinal (Châteauguay)?

Mme Cardinal: Contre.

Le Président (M. Philibert): M. Houde (Berthier)?

M. Houde: Contre.

Le Président (M. Philibert): M. Williams (Nelligan)?

M. Williams: Contre.

Le Président (M. Philibert): Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière)?

Mme Carrier-Perreault: Pour.

Le Président (M. Philibert): Mme Loisetle (Saint-Henri)?

Mme Loiselle: Contre.

Le Président (M. Philibert): Mme Marois est remplacée par... M. Garon (Lévis)?

M. Garon: Pour.

Le Président (M. Philibert): M. Blais (Masson)?

M. Blais: Pour.

Le Président (M. Philibert): La motion est rejetée et, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 0 h 2)

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