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(Vingt heures neuf minutes)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare la séance ouverte. La commission des affaires
sociales se réunit afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 33, Loi modifiant la Loi sur les
services de garde à l'enfance. Mme la secrétaire, avons-nous des
remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Boucher
Bacon (Bourget) sera remplacée par M. Richard (Nicolet-Yamaska); Mme
Cardinal (Châ-teauguay) par M. Bradet (Charlevoix); M. Houde (Berthier)
par M. Tremblay (Rimouski); Mme Loiselle (Saint-Henri) par M. Maciocia (Viger);
M. Paradis (Matapédia) par Mme Hovington (Matane); M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue) par Mme Blackburn (Chicoutimi) et M.
Williams (Nelligan) par M. Khelfa (Richelieu).
Le Président (M. Joly): Je remarque que nous avons
quasiment une équipe nouvelle.
La Secrétaire: À peu près. (20 h 10)
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la secrétaire.
Mme la ministre, je vous reconnais pour vos remarques préliminaires.
Remarques préliminaires Mme Violette
Trépanier
Mme Trépanier: M. le Président, dans un premier
temps, oui, quelques minutes, d'abord pour vous présenter les gens qui
m'accompagnent: Mme Nicole Marcotte, qui est présidente de l'Office des
services de garde, et Mme Christine Marion, qui est attachée politique
à mon cabinet, et pour remercier les gens aussi pour leur collaboration
tout au long de cette commission parce que l'été est
arrivé, il est tard et on est encore au travail. Merci d'être
là. Je suis assurée que, l'Opposition et nous, nous
mènerons ces travaux avec célérité. On sait que
c'est un projet de loi qui a dû être présenté pour
tenir compte d'un jugement de la Cour d'appel, qui rendait la Loi sur les
services de garde difficile à appliquer selon nos orientations et nos
objectifs. Alors, ce projet vient tout simplement clarifier pour nous permettre
de conserver nos orientations et les objectifs que nous avions dans la
politique des services de garde. Je voudrais dire, au tout départ, que
notre intention est de clarifier la loi, mais n'est pas de changer quelque
orientation que ce soit de cette loi-là. Je n'irai pas plus loin.
Je voudrais terminer en avisant la commission, et Mme la critique de
l'Opposition est au courant, que nous avons eu une demande; j'ai reçu,
le 26 mai dernier, M. le Président, une lettre et une requête des
associations de services de garde sans but lucratif, soit l'Association des
services de garde en milieu scolaire du Québec, signée par la
présidente, Mme Brigitte Guy, Con-certaction interrégionale des
garderies du Québec, Mme Claudette Pitre-Robin, et le Regroupement des
agences de services de garde en milieu familial du Québec, Mme Jocelyne
Tougas, qui demandent à la commission d'être entendues.
Alors, après discussion avec l'Opposition, je suggérerais,
M. le Président, que vous acceptiez d'entendre cette Coalition sur les
normes que nous avions établies précédemment, soit
peut-être 15 minutes d'auditions, avec 15 minutes d'échanges de
part et d'autre, pour que les travaux se déroulent mieux par la suite.
J'ai dit, dans mon intervention d'hier et de cet après-midi, que nous
avions consulté, que nous étions ouverts; alors, je pense que
ça favorisera probablement de meilleurs échanges et de meilleures
décisions. M. le Président, j'ai terminé.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. On va
terminer les remarques d'ouverture avant d'entendre le groupe. Mais vous avez
fait mention qu'il y avait trois groupes. Est-ce que les trois groupes sont
regroupés?
Mme Trépanier: Oui. Les trois groupes forment une
coalition. Ils ont présenté ce matin leurs représentations
en conférence de presse et j'imagine qu'ils veulent nous entretenir sur
ce sujet-là.
Le Président (M. Joly): Parfait. Alors, je vous remercie,
Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, porte-parole en
matière de condition féminine et de politique de la famille et
d'équité salariale. Mme la députée.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Disons qu'effectivement on est ici parce que le projet de loi a
été adopté sur division cet après-midi; on est ici
en deuxième lecture, n'est-ce pas? On est ici pour faire l'étude
article par article. Disons qu'il y a eu beaucoup de questionnements de la part
de l'Opposition. Je n'ai pas l'intention de refaire un discours complet sur
tout ce qui a été dit et tout ça. On a eu l'occasion de
s'exprimer. Mais il
reste que c'est un nrojet qui, je le conçois très bien et
on le comprend de notre côté aussi, est dû à un vide
juridique depuis le jugement, la décision du juge Barbeau dans le
dossier Choui-nard-Perry. On conçoit très bien qu'il y a un vide
et qu'il faut qu'il se passe quelque chose.
Cependant, le projet de loi qu'on a devant nous, qu'on va avoir à
étudier à cette commission, ne nous semble pas très
précis, très complet et très clair. Il n'est pas
évident pour les gens de l'Opposition officielle que ce projet de loi va
venir régler à tout jamais la question fondamentale qui se pose
régulièrement, et ça, depuis le début, je pense, du
dossier des services de garde. Depuis qu'il y a une loi-cadre, et depuis 1979,
en fait, il y a eu plusieurs répétitions de demandes, des
pressions de faites par les garderies à but lucratif, d'une part. Et
c'est de là que découle un peu le problème aussi. Donc, ce
projet de loi ne permet pas, à toutes fins pratiques, de clarifier -
pour nous, en tout cas - comme je disais tout à l'heure, à tout
jamais.
Par rapport à ce qu'il y a dans le projet de loi, on nous
réfère à un règlement. La majorité des
articles, en fait, nous retournent à un règlement
ultérieur, un règlement qu'on n'a pas en main. Donc, c'est
très difficile pour nous, au moment où on se parle, de porter un
jugement. Je sais qu'on l'a dit, mais je pense qu'il faut le
répéter. C'est très difficile, au moment où on se
parle, de porter un jugement. On ne sait pas les règles qui vont
être établies. On ne sait pas du tout les entières, normes
et méthodes, ce qui revient à plusieurs reprises, dans les
différents articles du projet de loi. Alors, qu'est-ce que ça
veut dire? Qu'est-ce que c'est? On aura beaucoup de questions, c'est
sûr.
Il aurait été intéressant qu'on nous produise au
moins un projet de règlement, parce que ce règlement, à
toutes fins pratiques - et c'est écrit aussi dans le projet de loi;
ça aussi, c'est drôlement inquiétant - c'est un
règlement qui deviendra en vigueur à partir du moment de sa
parution à la Gazette officielle. On n'aura pas droit à un
projet de règlement comme on en a généralement à
l'occasion d'autres présentations de règlements. Donc, les gens
n'auront pas à se pencher ou à donner leur avis après,
dans les 45 jours, comme ça se fait normalement. Ce règlement
deviendra en vigueur automatiquement lors de sa parution.
Qui, plus est, M. le Président - et ça, au niveau de
l'Opposition officielle, ça fait aussi problème - ce
règlement, on nous dit qu'à toutes fins pratiques il est en
vigueur au moment où on se parle. Il est, d'ailleurs, en vigueur
rétroactivement à la date de présentation de la loi. Chez
nous, je peux vous dire qu'il y a des gens, il y en a plusieurs qui nous disent
que c'est à la limite de la légalité. Moi, je ne suis pas
du tout... Je ne suis pas avocate. Comme je le disais, il faut quand même
s'informer et se renseigner, li semble que ce n'est pas courant et qu'il y a
beaucoup de monde qui se pose la question si c'est faisable, si c'est
légal. Habituellement, ça se fait dans les projets où
c'est vraiment des questions financières, où il y a eu des
annonces du ministre des Finances lors du budget ou des choses comme ça.
Mais ce n'est vraiment pas courant dans le genre de dossier qu'on est en train
de traiter. Ça ne règle pas le problème. On n'a pas le
règlement en main. Donc, je pense que c'est normal qu'on soit inquiets
et qu'on se pose beaucoup de questions à ce moment-ci, M. le
Président.
Les groupes concernés, je pense, ont le même
problème, parce que eux autres non plus ne savent pas, à toutes
fins pratiques, qu'est-ce que ce sera, les règles. Je comprends que la
ministre dit que, bon, on veut maintenir la qualité, on veut maintenir
nos orientations; c'est pour clarifier, pour préciser par
règlement, mais nous autres ça ne nous précise pas
grand-chose tant et aussi longtemps qu'on n'a pas en main ce
règlement-là.
La ministre hier nous disait dans son allocution qu'elle croyait que
«les parents ont un rôle de premier plan à jouer dans le
maintien et le développement de services de garde de qualité. Le
gouvernement a toujours soutenu la participation des parents dans
l'organisation, la gestion et la direction des services.» Elle continuait
en disant que «le bilan, généralement positif, de cette
participation fait que le gouvernement entend bien maintenir son action en ce
sens». Disons que je comprends ça et j'espère que c'est
ça qui va arriver. Mais, nous autres, on pense aussi que ça
aurait été faisable, qu'on aurait pu procéder
autrement.
Quand on dit de mettre un moratoire, ça se fait dans d'autres
domaines; le gouvernement se sert de cette mesure-là à d'autres
niveaux. Moi, en tout cas, j'en ai vu au moins dans deux domaines bien
précis, dans le cas des cégeps, d'une part, dans le cas des
centres d'hébergement pour les jeunes 12-18. Le moratoire existe
toujours du côté des 12-18. Il n'en ouvre pas, le gouvernement,
parce qu'il y a un moratoire dans ces centres d'accueil là. Donc, c'est
une mesure qui peut se prendre aussi. Et plutôt que de faire un projet de
loi comme celui-là qui, en fait, ne règle pas
nécessairement la question, parce qu'on n'a pas le règlement,
d'une part, et, si on a un règlement après, il y aura toujours
probablement des failles où on pourra encore une fois poursuivre le
gouvernement ou poursuivre l'Office des services de garde sur un point ou
l'autre du règlement...
Il y a toujours des possibilités comme celle-là parce que
le jugement a été gagné, finalement, aux dépens de
l'article 68.1 qui avait été ajouté. C'est un ajout. C'est
une modification de 1989 et, à ce moment-là, on se croyait
blindé du côté du gouvernement. On croyait que
c'était la bonne mesure et qu'en ajoutant cet article-là
à
la Loi sur les services de garde il n'y aurait plus de problème
et qu'on serait capable de contrôler. Or, on a vu que ça n'a pas
marché et on se retrouve là avec une possibilité de
règlement qu'on n'a pas. Il y aura possiblement quelque part une faille;
on pourra encore poursuivre, encore gagner et se retrouver au même point,
à toutes fins pratiques, d'ici quelques mois, peut-être un an.
Dans le cas de 1989, on voit ce que c'a pris comme temps. (20 h 20)
Voyez-vous, disons qu'à ce niveau-là on pense qu'un
moratoire, ça aurait été probablement plus efficace. On
met un moratoire sur un dossier en particulier. Le gouvernement aurait
très bien pu, dans les circonstances, dire qu'il mettait un moratoire
sur les garderies à but lucratif suite au jugement. Et ça aurait
permis aussi de freiner là, si on veut, le développement de ce
côté-là. C'est une mesure qui aurait pu être prise,
en tout cas, pour un temps prescrit, restreint peut-être, mais le temps
qu'on se fasse vraiment une tête.
Parce que, quand on dit qu'on veut des services de qualité, vous
savez, Mme la Présidente, il y a quand même des études qui
existent. Il y a des recommandations qui avaient été faites,
d'ailleurs, par un comité que présidait justement Mme Marcotte
que je vois ici ce soir avec nous. Elle se rappelle sûrement les
recommandations de ce comité. Il y a beaucoup d'études qu'on a en
main par rapport à la qualité. Il y a même une étude
américaine ici qui nous parle de l'importance de la qualité des
services de garde et qui nous dit justement que les services de garde ont une
meilleure qualité au niveau des garderies où les parents sont les
gestionnaires et forment le conseil d'administration; en fait, on parle de
garderies à but non lucratif, à ce moment-là. D'ailleurs,
cette étude-là a plusieurs sources et c'est assez
intéressant de voir d'où viennent les sources. L'une de ces
sources est Mme Desgagné qui a participé à monter cette
étude-là et Mme Desgagné est un membre de l'Office des
services de garde à l'enfance du Québec. Même si
c'était une étude américaine, on a demandé conseil
à l'office des services de garde et l'office des services de garde
faisait partie des sources.
Donc, vous voyez, M. le Président, on a beaucoup de questions, on
s'interroge et on est persuadés, de notre côté, que le
projet de loi va permettre, bien sûr, de peut-être essayer de
régler des choses rapidement, mais on pense que ce n'est pas la bonne
façon de le faire. On pense aussi que le règlement, tant qu'on ne
l'a pas, on ne peut pas en juger. En tout cas, à toutes fins pratiques,
je suis très contente, de toute façon, que la ministre ait
accepté de rencontrer la Coalition, les gens du milieu, les intervenants
du milieu. On sait à quel point, de part et d'autre, je pense, de cette
table, M. le Président, c'est important de rencontrer les gens du milieu
quand on parle de services de garde. Disons que, là-dessus,
effectivement, on a eu des ententes. Je voudrais, quand même, permettre
à mes collègues, si elles ont des remarques préliminaires
à faire, de les faire aussi et donner un petit peu plus de temps au
groupe parce que je pense que ça va être très
intéressant de pouvoir les rencontrer. Et je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): D'autres parlementaires qui
voudraient intervenir au niveau des remarques préliminaires?
Mme Vermette: Oui.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. M. le
Président, je sais qu'habituellement il y a la règle de
l'alternance et, comme nous avons une belle galerie d'hommes, j'aurais cru que
certains hommes auraient aimé apporter certains commentaires sur le
réseau des services de garde. En fait, j'espère que ça
sera plus qu'une présence, comme on y est habitués, en ce qui
concerne les enfants, de la part des hommes, et qu'ils vont pouvoir aussi
apporter leur perception par rapport aux modes de garderie. Nous sommes tous
concernés et interpellés lorsqu'on parle d'enfants,
évidemment, en tant que parents et aussi parce que nous appartenons
à une société constituée d'hommes et de femmes.
M. le Président, en ce qui concerne ce projet de loi, c'est
évident que, quant à nous, nous considérons
qu'actuellement il est important de nous questionner à savoir dans
quelle direction la ministre veut s'orienter en ce qui concerne le
développement du réseau des garderies. On sait que l'un des
articles principaux de ce projet de loi, qui est l'article 25, fera en sorte
que tout se passera par règlement et, comme nous connaissons les
règles parlementaires, tout ce qui passe par règlement,
évidemment, échappe à l'Assemblée nationale et
échappe à des débats qui sont, pour la plupart du temps,
très cons-trucfrfs et qui servent justement à bonifier, à
certains moments, des projets de loi, et qui empêchent justement des
coquilles, au niveau des projets de loi, qui font en sorte que les
contribuables sont obligés de référer aux tribunaux pour
constamment faire valoir leurs droits ou, en tout cas, leur
interprétation en ce qui concerne leurs droits.
Alors, dans ce sens, je trouve tout à fait inhabituel cet article
25, surtout pour un sujet aussi important que le service des garderies au
Québec, parce que, évidemment, on met une loi rétroactive
et on se donne jusqu'au mois de décembre, en fait, pour se donner ces
règle-
merits, en plus. Donc, une forme d'incohérence, à mon
avis. À la limite, c'est assez difficile de s'y retrouver, Est-ce qu'on
attendra jusqu'à la fin de décembre pour faire des
règlements qui seront rétroactifs au mois de mai? Est-ce qu'on a
l'intention de déposer les règlements aussi rapidement qu'on a
déposé le projet de loi? En fait, on n'a aucune réponse
à ces questions.
Évidemment, il y a la Coalition qui est ici présente ce
soir. C'est heureux qu'on puisse l'entendre. Puisqu'ils sont sur la ligne de
feu, qu'ils sont les premiers concernés en ce qui concerne, en tout cas,
le développement du réseau puisque ce sont eux qui donnent les
services de garderie aux parents, alors, c'est important de savoir ce qu'ils en
pensent de ce projet de loi. Est-ce qu'il y aurait eu des choses qu'ils
auraient aimé bonifier ou apporter? Et, puisqu'on est en train de
travailler sur un projet de loi, est-ce qu'ils n'auraient pas aussi des points
à apporter ou d'autres articles qui favoriseraient aussi le
réseau des services de garde et un service de qualité à
l'intérieur du réseau? On en parlera sûrement un peu plus
tard, mais je sais qu'il y a tout le problème, en fait, des garderies en
milieu familial, des ratios. Je pense que c'est des choses qu'il est important
qu'on puisse discuter et voir ensemble la possibilité d'introduire des
articles qui favoriseraient, en tout cas, les demandes qui sont
présentées par la Coalition.
Alors, tout ça, pour moi, c'est des éléments
importants qui font aussi appel à autant de bonne volonté de part
et d'autre, bien sûr. Mais, dans ce sens-là, je dis à la
ministre qu'elle aurait eu avantage à passer par voie législative
plutôt que par réglementation. Ça aurait été
plus heureux, en tout cas, pour le débat et aussi pour favoriser une loi
qui répond vraiment à des besoins. On sait qu'on change assez
facilement des règlements; quand un règlement ne fonctionne pas,
on en met tout de suite un autre etc., de sorte que les gens se perdent. C'est
beaucoup mieux d'avoir une loi bien faite et qui vraiment a été
bien pensée, bien articulée, si vous voulez, avec tous les gens
qui sont concernés par un projet de loi.
Donc, je le dis à la ministre, c'est tout à fait heureux
effectivement qu'elle ait accepté et qu'il y ait eu entente entre les
deux côtés de la Chambre pour arriver à écouter la
Coalition. J'ai hâte... C'est pour ça que je passe la parole
à ma collègue si elle a des remarques préliminaires. Je
pense qu'il est important qu'on puisse écouter ensemble et entendre ce
qu'ils ont à dire au niveau de la Coalition.
Le Président (M. Joly): Avec votre permission, Mme la
députée de Marie-Victorin, je vais reconnaître Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la députée.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Tout à
l'heure, la ministre nous a dit, dans ses tout premiers mots: Le projet de loi
vient clarifier la loi sans la modifier. En relisant les articles, il y a 26
articles dans le projet de loi, il y en a 10 qui sont des articles
abrogés, des articles de concordance ou encore des articles suspendus;
plus l'article qui prévoit la date d'entrée en vigueur, ça
vous laisse, finalement, effectivement peu d'articles qui viennent modifier le
fond. Cependant, on ne peut pas parler d'un projet de loi qui ne vient pas
modifier la situation actuelle aussi longtemps qu'on ne connaît pas les
dispositions réglementaires.
Moi, j'ai la conviction que la ministre veut bien faire; alors, je pars
de ça pour essayer d'exprimer ce que je souhaiterais dans ce projet de
loi. L'idée d'introduire massivement les recours réglementaires
dans le projet de loi, alors que la ministre n'était pas élue,
avait été très, très contestée par
l'Opposition d'alors qui nous avait juré par tous les dieux...
D'ailleurs, ils ont adopté une loi là-dessus, pour limiter les
recours réglementaires dans les projets de loi. Parce qu'un projet de
loi où la plupart des articles se réfèrent à une
réglementation potentielle, finalement, quand vous l'adoptez, vous
n'avez qu'une idée extrêmement vague et imprécise de sa
portée. Ça finit par être l'équivalent de la
lèse-majesté dans le sens que vous amenez les législateurs
et les parlementaires à approuver un projet de loi ou encore à
s'y opposer, mais sur la base d'informations que nous ne possédons pas.
(20 h 30)
C'est ce qui avait expliqué et justifié les tollés
de protestation - je vois de vos collègues, qui étaient en
Chambre à l'époque - contre le recours aux règlements. On
n'a jamais vu autant de règlements et il y a un précédent
dans les règlements, que nous n'utilisons que fort peu,
c'est-à-dire le règlement entre en vigueur sans qu'il y ait de
consultation. Il entre en vigueur dès sa publication, alors qu'en vertu
de la publication dans la Gazette officielle il y a une période
réglementaire de consultation. Non seulement allons-nous nous prononcer
sur un projet de loi dont on ne connaît pas vraiment la portée,
mais on ne pourra pas revenir, à l'occasion de l'adoption du
règlement, pour corriger ce qui nous semblerait être des
interprétations qui vont plus loin que l'esprit de la loi, parce qu'un
règlement, c'est connu, ne peut pas aller plus loin que l'esprit de la
loi. Mais la loi, telle que libellée, permet à peu près
n'importe quoi. Vous allez retrouver de tout là-dedans et personne ne
pourrait invoquer que ça va plus loin que la loi, parce que c'est
tellement large, vaste que vous pourriez, je vous le dis, mettre n'importe
quoi, quasiment le pareil et son
contraire.
Alors, moi, je prends pour acquis que la ministre veut faire un bon
travail et je lui fais confiance là-dessus, mais, sur le projet de loi,
à moins que, elle, elle ait une idée parfaitement précise,
et j'imagine que ses fonctionnaires, à ce moment-là, ont
déjà commencé à rédiger le projet de
règlement, je me demandais, comme ça, en toute simplicité,
si la ministre ne pouvait pas déposer à la commission, à
tout le moins pour nous donner une idée, pour que l'on puisse prendre
connaissance de ses intentions, une ébauche ou le préprojet de
règlement. Je pense que ça pourrait être une
première... Ça favoriserait, je pense... Moi, je ne pourrai pas
participer aux travaux de toute la commission, mais,
généralement, ce genre de décision là de la part
des ministres, ça facilite le travail des commissions; ça nous
permet, comme parlementaires, de faire un bon travail. Alors, moi, je pense que
c'est la demande que je formulerais.
La seconde, elle a trait davantage à l'explosion, dans certaines
régions, de ces garderies à but lucratif. Je n'apprendrai rien
à la ministre et je n'apprendrai rien à la responsable du
dossier, c'est prouvé, c'est connu, les problèmes nous viennent
très souvent, malheureusement, des garderies à but lucratif.
C'est normal: les garderies à but lucratif, elles sont là pour
faire des sous; elles sont là pour faire vivre au moins les quelques
personnes qui y travaillent et, généralement, pour
générer un peu de revenus. C'est souvent la voie que choisissent
des personnes pour constituer un fonds, pour prévoir un peu leurs vieux
jours, pour constituer l'équivalent de ce qu'on appellerait un
régime de rentes; ils finissent par avoir un immeuble, des
équipements et ça acquiert une certaine valeur. Alors, sur cette
base-là, il est arrivé - et des enquêtes l'ont
démontré - que ces garderies à but lucratif alimentaient
moins bien, avaient une moins bonne surveillance, moins d'encadrement. Ce n'est
pas surprenant, je pense, compte tenu de l'objectif qui est le leur, de
rentabiliser leur activité. Moi, je ne veux pas toutes les mettre, les
garderies à but lucratif, dans le même panier, mais je pense que
les intentions que la ministre a manifestées d'établir un maximum
de places en garderie à but lucratif, il faudrait que ça puisse
être clairement établi quelque part.
Alors, moi, j'avais deux requêtes, une première,
c'était: Est-ce qu'on peut avoir l'ébauche de ce projet de
règlement? La seconde: Est-ce qu'on pourrait convenir - ça
rassurerait tout le monde, je pense - de l'idée d'établir, avant
de se prononcer, un moratoire sur le développement des garderies
à but lucratif, de manière à permettre d'avoir une vision
un peu plus d'ensemble et, même si le moratoire n'était que d'un
an, d'attendre la publication du règlement et ses conséquences
par rapport à la présente loi? J'aurais terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Avec le consentement des membres
de cette commission, est-ce qu'on peut permettre à Mme la ministre de
tout de suite vous donner une réponse? Oui? Mme la ministre, vous
aimeriez prendre quelques minutes, s'il vous plaît.
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: Je voudrais, d'abord, spécifier ou
apporter cette clarification que, lors du débat de cette loi-là,
j'étais déjà à l'Assemblée nationale,
j'étais adjointe parlementaire à l'Habitation. Alors,
j'étais là.
Maintenant, vous avez certaines questions auxquelles je veux
répondre immédiatement. Je vais répondre à la
deuxième, dans un premier temps. Vous dites: Pourquoi, puisque nous ne
sommes pas parfaitement prêts à présenter une
réglementation, n'imposeriez-vous pas un moratoire pour une
année? Moi, je vous dirai que, partout dans la population et
l'Opposition, à bon droit, vous êtes les premiers à
revendiquer plus de places en services de garde. Nous sommes en retard sur
notre développement pour plusieurs raisons, dont le désengagement
du gouvernement fédéral, et je le répète parce que
c'est important. Cette année, nous avons eu une augmentation de budget,
qui porte notre budget à 177 000 000 $ et quelques, et nous avons
annoncé un développement de 7500 nouvelles places. En conscience,
je ne peux pas dire: Nous mettons un moratoire sur le développement des
services de garde parce que nous en avons trop besoin.
J'ai dit également qu'on privilégiait les services de
garde sans but lucratif, mais, vous l'avez, vous aussi, dit, les organismes
à but lucratif rendent également de bons services et ce serait
extrêmement dommage de retarder le développement des services de
garde que nous ne pourrions pas reprendre, parce qu'on pourra peut-être
en parler plus longuement à un autre moment, mais on sait qu'il y a un
maximum de capacité que l'Office peut prendre et que le milieu peut
prendre également. Alors, moi, en conscience, j'étais
opposée à un moratoire sur le développement des garderies
à but lucratif, oui, parce que je pense qu'on ne peut pas se le
permettre comme gouvernement parce que nous manquons beaucoup de places.
Ça, c'est une chose.
Deuxième question, vous vous inquiétez de la
réglementation qui n'est pas déposée. Vous vous souvenez
que le jugement de la Cour supérieure est arrivé
antérieurement, mais le jugement de la Cour d'appel qui a suivi, parce
qu'il faut savoir qu'il y a eu deux jugements, nous avons eu les motifs de ce
jugement le 22 février dernier. Alors, ça a laissé peu de
temps, somme toute, pour se retourner et préparer la législation
et les règlements. Il fallait d'abord voir ce que nous allions faire,
consulter, etc.
Nous sommes coincer avec un échéancier et, si nous ne
réglons pas cette situation, nous sommes obligés de retarder le
développement des services de garde pour quelques mois, peut-être
plus. Alors, c'est la raison pour laquelle nous avons procédé de
cette façon-ci.
Pour rassurer tout le monde, j'ai dit, durant toute la consultation et
hier dans mon intervention à l'Assemblée nationale et encore
aujourd'hui dans ma réplique, que nous nous collerions au plan de
développement des années antérieures. Alors, le
règlement reflétera très fidèlement la
répartition des services de garde comme nous les connaissons
présentement. Nous ne sommes pas ici pour changer les orientations que
le gouvernement a prises; nous sommes ici pour nous assurer qu'avec le jugement
de la Cour d'appel nous puissions agir de façon concordante avec nos
orientations. Alors, d'ores et déjà, je peux vous dire que, dans
le règlement, il y aura le même pourcentage de
développement de places en garderies à but lucratif, sans but
lucratif, à quelques virgules près, dépendant des projets
qui nous sont proposés. Les critères seront les mêmes. Et
je peux vous dire que, dans cet esprit-là, comme nous avons
déjà fonctionné depuis 1989 avec des critères qui
sont connus maintenant, avec la philosophie de privilégier les
organismes sans but lucratif, tout en donnant une place aux organismes à
but lucratif, alors, je pense que c'est une certaine assurance parce que vous
savez fort bien qu'à plusieurs reprises nous avons eu des lois qui
n'étaient pas accompagnées d'un règlement. La
réglementation est venue beaucoup plus tard. (20 h 40)
Alors, vous avez quand même eu connaissance, par les années
passées, de la façon dont nous avons agi. Je m'engage et je me
suis engagée à conserver les mêmes orientations et les
mêmes critères dans le plan de développement qui viendra,
donc dans le règlement qui sera présenté le plus tôt
possible parce que nous ne voulons pas retarder le développement de
l'année 1992-1993.
Et, en terminant...
Le Président (M. Joly): Juste un petit instant. Quoique je
sois reconnu comme étant très flexible dans l'administration des
règles, je vais vous reconnaître, Mme la députée de
Chicoutimi, mais j'imagine que, si on veut avancer, on pourra quand même
échanger tout au cours de l'étude article par article et
même aussi au cours de l'échange avec le groupe. Je peux vous
reconnaître si vous y tenez absolument.
Mme Blackburn: Je pense que la ministre n'avait pas tout à
fait terminé.
Mme Trépanier: Oui, j'avais terminé.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Oui. Bien. Alors, juste pour une correction
à une perception qu'a pu laisser mon intervention tout à l'heure.
Lorsque je disais que la ministre n'était pas en Chambre, c'est au
moment où l'Opposition libérale dénonçait la nature
des règlements, le volume des lois et des règlements, et son
leitmotiv, c'était: Légiférer moins et mieux,
réglementer moins et mieux. Je vous dis qu'on n'a jamais vu autant de
règlements et, des règlements, j'en ai vu passer un, je dirais
plusieurs. Il y en ava't une pile que nous ne verrons jamais avant qu'ils
soient publiés dans la Gazette officielle et ils vont entrer en
vigueur. Là, on avait pire: il y avait des règlements qui
entraient en vigueur avant d'être publiés dans la Gazette
officielle, avec le projet de loi 186, la loi sur la construction. Alors,
ça, c'était comme le comble. Je me dis que, à
l'époque, ça aurait fait scandale. L'Opposition aurait
été sur tous les toits pour dénoncer l'incurie du
gouvernement péquiste d'alors. Je voulais juste remettre ça dans
la perspective où je l'avais amené.
La ministre nous dit: Ça nous empêcherait de faire du
développement dans les garderies sans but lucratif. Il doit y avoir
quand même déjà sur les tables à dessin un certain
nombre de projets. Ça ne doit pas être ça qui manque trop,
trop. Ensuite, il y a les CLSC qui sont les premiers saisis des besoins,
souvent, parce que c'est là que les jeunes parents se retrouvent. Il y a
certainement moyen, j'imagine, de faire appel aux CLSC pour favoriser la
création de groupes intéressés à s'offrir des
services de garde. La ministre, moi, je veux bien lui faire confiance, mais
elle nous demande un acte de foi. Puis, comme je connais le gouvernement, il y
a quelques personnes, dans ce gouvernement-là, qui ont plus des
tendances que j'appellerais social-démocrates. Mais la ministre le sait
parce qu'elle siège au Conseil des ministres: il n'y en a pas beaucoup.
Je ne leur fais pas confiance, à eux autres. Et c'est pour ça que
je trouve ça malheureux. Vous le savez là, je le dis et je sais
que la ministre le sait. Je ne l'obligerai pas à le dire, mais elle sait
que j'ai raison.
Et c'est pour ça que nous demander un acte de foi comme
ça, quand elle va faire l'objet de pressions énormes pour
développer tout un réseau privé comme on est en train de
le faire pour le développement de l'enseignement primaire et
secondaire... Vous connaissez le modèle, on coupe dans le financement
dans le public et on augmente le financement du privé. Alors, la
tendance est vers ça. Là, ça, permettez-moi de ne pas le
partager. Parce que le problème, pour ceux qui pensent que c'est une
bonne chose un gros reseau privé, c'est que, lorsque vous laissez
l'alternative, les enfants des parents les plus intéressés
à l'éducation, dont les parents ont généralement un
meilleur niveau de revenus, qui
ont des bons résultats scolaires se retrouvent tous
majoritairement - ça va jusqu'à 32 % dans la région de
l'Estrie - dans les écoles privées et le public recueille les
autres 68 %. Et les parents qui les envoient dans le privé, ils
s'occupent des écoles privées. Alors, si on les envoyait tous
à l'école publique, comme le fait l'Ontario, comme le font tous
les États américains où il n'y a aucune école
privée subventionnée, on n'aurait pas les mêmes
problèmes.
Mais le danger, c'est qu'on se retrouve dans la même situation
tantôt lorsqu'on va avoir affaire à un réseau de garde
à but lucratif par trop important comparativement à celui sans
but lucratif. Alors, ceux qui pensent que c'est une bonne chose, allez voir ce
qui se passe dans nos écoles secondaires publiques.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Alors, compte tenu des voeux
exprimés par les deux formations et compte tenu que l'article 244 de
notre règlement le permet, Mme la ministre, j'apprécierais si
vous pouviez faire une motion à l'effet que nous aimerions entendre la
Coalition dont vous faisiez mention tantôt.
Motion proposant d'entendre l'ASGMSQ, la CIRGQ et le
RASGMFQ réunis en coalition
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: M. le Président, je fais motion pour
que la commission, avant d'entreprendre l'étude détaillée
du projet de loi 33, procède à des consultations
particulières et qu'à cette fin elle entende l'Association des
services de garde en milieu scolaire du Québec, la Concertaction
interrégionale des garderies du Québec et le Regroupement des
agences de services de garde en milieu familial du Québec, qui sont ici
en coalition, pour une durée de 45 minutes ainsi réparties, soit
15 minutes pour la présentation de l'organisme et 30 minutes pour des
échanges avec les membres de la commission.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, Mme la
ministre. Je vais demander maintenant: Est-ce que la motion est
adoptée?
Mme Blackburn: Adopté. Auditions
Le Président (M. Joly): Adopté. Les membres
représentant cette Coalition, s'il vous plaît, bien vouloir
prendre place à la tribune.
Bonsoir, mesdames. Bienvenue à cette commission.
J'apprécierais si la porte-parole ou la personne responsable pouvait
bien s'identifier et nous présenter la personne qui l'accompagne, s'il
vous plaît!
Coalition des trois organismes
représentant les services de garde
sans but lucratif du Québec
Mme Pitre-Robin (Claudette): Certainement. Je suis Claudette
Pitre-Robin. Je suis présidente de la Concertaction
interrégionale des garderies du Québec. La personne qui
m'accompagne est Mme Aliène Côté, qui est
vice-présidente de l'association. Ce soir, nous interviendrons au nom de
la Coalition. Nos compagnes, présidente et directrice des deux autres
organismes, ayant dû s'absenter - Mme Guy, entre autres, devant partir
pour la Grande-Bretagne demain matin, ne pouvait pas être présente
ce soir - c'est avec finalement un mandat d'elles qu'on doit intervenir ce
soir.
Le Président (M. Joly): Vous avez compris les
règles du jeu. Alors, je vous reconnais.
Mme Pitre-Robin: Vous nous rectifierez, on n'a pas l'habitude que
vous avez.
Le Président (M. Joly): Allez, madame. Sentez-vous bien
à l'aise.
Mme Pitre-Robin: Même avec vos thermos.
Le Président (M. Joly): Ça compte sur votre temps
là. Vous savez bien que je ne suis pas dur.
Mme Pitre-Robin: Oui. On a des documents qu'on pourrait vous
déposer dès maintenant. Vous excuserez s'ils ne sont pas
dactylographiés, entre autres, en partie parce que, évidemment,
vu l'urgence, nous l'avons fait à main levée, mais on trouvait
que c'était plus important que vous puissiez avoir des textes en main.
Ça rend la chose plus intéressante.
Alors, je m'en voudrais de commencer sans remercier d'abord Mme la
ministre, M. le Président, et les membres de la commission de nous
entendre ce soir. Nous reconnaissons que c'est une attention
particulière, laquelle nous savons apprécier. Alors, je vous
remercie grandement.
Nous allons donc commencer par vous présenter le texte du
communiqué que nous avons fait parvenir ce matin, qui expose clairement
notre position, je pense. Ensuite, nous pourrons voir les modifications que
nous proposons à l'intérieur du projet de règlement et
l'argumentation qui s'y adresse.
Alors, la Coalition des trois organismes représentant des
services de garde sans but lucratif du Québec demande au gouvernement un
engagement ferme pour arrêter le développement des garderies
commerciales au Québec. On disait: Cet après-midi, le
gouvernement doit voter l'adoption du principe du projet de loi 33, Loi
modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance. L'objectif de ce
projet de loi vise principalement à dissocier l'obtention d'un
permis
de service de garde en garderie de l'octroi de subventions à ce
service. Les modifications sont rendues nécessaires par les motifs
invoqués au jugement de la cause Chouinard-Perry contre l'Office des
services de garde à l'enfance, qui a comme conséquence
d'invalider le plan de développement de l'OSGE et de permettre le
développement non contrôlé des garderies commerciales dites
à but lucratif.
Bien que l'intention puisse être louable quant à
l'objectif, la Coalition des trois organismes, la Concertaction
interrégionale des garderies du Québec, l'Association des
services de garde en milieu scolaire du Québec et le Regroupement des
agences de services de garde en milieu familial du Québec,
considère que la façon de procéder pour limiter le
développement des garderies commerciales n'a aucun sens. La loi n'ayant
pas été suffisamment explicite jusqu'ici, cela a causé les
problèmes que l'on connaît. Les modifications proposées
n'amélioreront pas concrètement la situation. La politique doit
être claire sur le type de réseau que le gouvernement entend
financer à même les deniers publics.
La ministre Violette Trépanier réaffirmait hier, lors de
la présentation du projet de loi, l'intention du gouvernement de
développer prioritairement des garderies sans but lucratif
gérées par un conseil d'administration composé
majoritairement de parents. Par contre, le projet de loi confirme le droit
à tout promoteur qui répond aux exigences de la loi et des
règlements d'obtenir un permis de service de garde en garderie. À
l'heure actuelle, nous savons qu'une centaine de projets de garderies
commerciales ont fait la demande d'un permis à l'OSGE qui devrait le
leur accorder, les rendant ainsi éligibles aux subventions, à
l'exonération et à l'aide financière. (20 h 50)
Devant cette situation, la Coalition reconnaît l'urgence
d'intervenir et demande au gouvernement de profiter de l'occasion pour inscrire
dans la loi, de façon ferme et manifeste, son choix de limiter fortement
le développement des garderies commerciales. En ce qui concerne la
Coalition, la seule façon de régler définitivement cette
ambiguïté est d'abroger l'article 4.5° et toutes ses
concordances, ne permettant plus l'ouverture de garderies commerciales au
Québec parce que, contrairement à la croyance populaire, ces
garderies coûtent cher au Québec. À titre d'exemple, pour
l'année 1990-1991, 15 159 000 $ ont été versés en
exonération et aide financière pour 261 garderies,
comparativement à 28 582 000 $ remboursés à 50 % par le
gouvernement fédéral pour 571 garderies sans but lucratif.
L'ensemble des recherches démontre également clairement
que les garderies commerciales offrent des services de qualité moindre
que les garderies sans but lucratif. Les garderies à but lucratif
demandent un effort d'inspection plus grand que les sans but lucratif. Les
infractions à la loi et aux règlements sont plus
fréquentes dans les BL sur des articles majeurs tels que le ratio.
Dans les garderies à but lucratif, les parents ne peuvent jouer
qu'un rôle consultatif et ce rôle ne peut faire d'eux des
promoteurs de la qualité, le tout étant selon la bonne
volonté du propriétaire. La libre concurrence ne peut être
considérée comme gage de qualité d'un service à
offrir. Le besoin étant tellement grand par rapport aux services offerts
qu'un parent qui s'est trouvé une place se verra dans l'obligation de la
garder, souvent pour des raisons pratiques, géographiques ou parce qu'il
n'a pas le choix, aucune autre place n'étant disponible ailleurs.
Les garderies à but lucratif ne sont d'aucune utilité dans
la recherche de partenaires pour assurer le développement, telles les
municipalités et les commissions scolaires. Rappelons que la recherche
de partenaires est une orientation clairement énoncée,
exprimée dans l'énoncé de politique des services de garde
de 1988.
La qualité pour l'enfant est loin d'être assurée au
niveau des équipements, des conditions de travail des
éducatrices, l'impact direct sur l'enfant, l'alimentation souvent moins
variée, moins dispendieuse, plus de profits, taux de roulement du
personnel.
Ainsi, la Coalition des trois organismes représentant les
services de garde sans but lucratif du Québec demande que le
gouvernement provincial reconnaisse la participation des parents comme
étant essentielle pour garantir la qualité des services offerts
à leurs enfants; que le gouvernement québécois, eu
égard au contrôle des parents et à l'incompatibilité
de la qualité des services de garde à offrir et à la
recherche de profits: a) reconnaisse que seuls les services de garde sans but
lucratif peuvent assurer des services de qualité aux enfants et, ce
faisant, ne subventionne que les services de garde sans but lucratif; b) mette
fin au développement du nombre de places dans les garderies à but
lucratif; c) élabore un plan de conversion des garderies à but
lucratif en garderies sans but lucratif.
C'est la demande que nous faisons au gouvernement. C'est la position
officielle.
Je me permettrais aussi, avant de continuer, de rectifier, au niveau du
langage, plusieurs éléments qu'on entend
régulièrement. C'est la comparaison entre les garderies
commerciales et les écoles privées. Mme Blackburn vient aussi
même d'en faire encore la comparaison. Il est fréquent d'entendre
que les garderies privées à but lucratif se comparent aux
écoles privées afin de faire rejaillir sur elles les
préjugés favorables en cours actuellement au Québec quant
à la qualité des services dispensés par ces institutions.
Il importe donc de rectifier de façon
formelle ces allégations.
Premièrement, contrairement au système scolaire, il n'y a
pas au Québec de services de garde publics. Tous les services de garde
en garderies ou autres sont privés. Ce qui diffère, c'est qu'ils
sont soit à but lucratif, soit sans but lucratif. Les écoles
privées au Québec sont presque exclusivement des corporations
sans but lucratif, tout comme les garderies sans but lucratif
subventionnées que nous représentons. Il est donc tout à
fait erroné de mettre en comparaison les garderies privées
à but lucratif et les écoles privées, le lien à
faire étant davantage du côté des garderies communautaires
ou sans but lucratif.
D'ailleurs, bon nombre d'écoles privées ont un conseil
d'administration où sont représentés les parents
d'élèves, et c'est là le modèle des garderies sans
but lucratif subventionnées. Je dirais même qu'actuellement on
nous a dit qu'au Québec il n'existe que deux écoles commerciales
ou à but lucratif et elles ne reçoivent aucune subvention du
gouvernement. Alors, je pense que c'est une rectification importante à
faire et c'est sûr que les gens des garderies commerciales n'ont pas
avantage à amener ça de l'avant parce que ça leur donne
tout un reflet de bien meilleure qualité à cause du
préjugé favorable des écoles privées actuellement
au Québec. Je pense que c'est important de le mentionner dès
à présent. On vous a également... Est-ce que je continue
ou si vous voulez intervenir?
Le Président (M. Joly): Allez, Mme Robin.
Mme Pitre-Robin: C'est le «fun» de parler toute
seule. Ha, ha, ha!
Alors, on vous a déposé un document écrit à
la main où on n'a ressorti, dans le collage fait entre la loi qui
existe, le projet et nos commentaires, que les articles où il y avait,
finalement, des choses où on apportait des commentaires; donc, vous
voyez qu'il est beaucoup moins volumineux, tout n'étant, finalement, pas
matière à commentaires. Je pense qu'il y a des choses qui sont
des concordances, qui viennent mettre en d'autres mots tout simplement les
mêmes données, donc on n'interviendra pas là-dessus.
Par contre, au niveau de la première modification
apportée, qui modifiait l'article 2 de la loi, cette modification, dans
le troisième paragraphe, dit: «Ces droits s'exercent en tenant
compte - c'est ce qui s'ajoute - des règles relatives à
l'exonération, à l'aide financière et aux
subventions.» C'est la partie qui est nouvelle. Ce qu'on peut vous dire
là-dessus, c'est que cette modification nous inquiète puisqu'elle
change un peu le sens de l'ancienne loi puisqu'elle vient limiter un droit non
pas pour des principes de bien-être des enfants, mais pour des questions
économiques. C'est quelque chose de nouveau qui apparaît
maintenant et qui nous apparaît être limitatif. Alors, cet
article-là nous inquiète un peu.
Si on prend l'autre page, évidemment, comme vous l'avez entendu
dans notre communiqué, nous recommandions, et, pour nous, ça nous
apparaît clair, que l'article 4.5° soit abrogé ainsi que
toutes ses concordances. Nous allons en rediscuter plus, après. Je ne
pense pas que ça change de façon majeure la vision, l'orientation
de la loi, comme je le disais à Mme la ministre, puisqu'il faut se
rappeler que cet article 5° a été aussi adopté en
troisième lecture, lors de l'adoption de la loi, comme ça, un
ajout en troisième lecture, en 1979. Ça n'avait donc pas
modifié le sens de la loi de l'ajouter; ça ne viendrait
certainement pas modifier le sens de la loi de l'enlever. Alors, c'est pour
ça que nous recommandons, finalement, d'abroger tout simplement cet
article 4.5°.
Au niveau de l'article 8, il n'y avait pas de modification
présentée dans le projet. Vous avez reçu, certains d'entre
vous, un communiqué du Regroupement des agences de services de garde en
milieu familial. C'est vraiment quelque chose qu'il nous paraît important
d'apporter comme précision. En vertu du dernier paragraphe - je ne sais
pas, vous appelez ça alinéa habituellement, je pense, dans ce
cas-là - qui dit qu'une personne peut fournir un service de garde sans
être reconnue, l'article de la loi tel qu'il est stipulé dans les
définitions, pour un service de garde en milieu familial
dorénavant - et c'était la modification apportée en 1989 -
venait modifier le nombre d'enfants qu'une responsable du service de garde
pouvait finalement garder chez elle. La ministre, d'ailleurs, en faisait
mention dans son allocution en disant: «Ce projet de loi modifiait
également la définition de services de garde en milieu familial
afin de permettre que la personne responsable d'un service en milieu familial,
affilié ou non à une agence, puisse garder seule et sans
être régie jusqu'à six enfants au lieu de neuf, ce dernier
nombre ayant été jugé par des groupes inéquitable
et risqué».
Dans le texte antérieur de la loi, on avait les neuf en question
et, comme on le voit dans la définition de services de garde, dans ces
neuf enfants, en tout cas maintenant, dans ces six enfants, il est important de
dire «incluant les siens», de telle sorte que, si quelqu'un a
déjà un, deux ou trois enfants, ils ne s'ajoutent pas aux six
qu'elle garde. Nous disons que, dans une maison de type familial, avoir un
nombre de six enfants, c'est un maximum pour pouvoir assurer des services de
qualité. (21 heures)
Ça, c'était reconnu et, dans le cas des agences qui ont
des responsables de famille de garde, qui sont régies, qui ont des
contrôles, qui sont visitées et supportées, cette
règle-là s'applique. Mais, récemment, l'Office des
services de garde donne l'interprétation que ça ne s'applique,
justement, que pour les services de
garde régis et que, dans le cas des services de garde non
régis, le besoin de dire «incluant les siens», alors, les
enfants de la personne, de la gardienne, si on veut, n'est pas présent.
Ça voudrait donc dire qu'une personne peut garder six enfants et, si
elle en a elle-même trois autres, elle en gardera jusqu'à neuf.
Là, finalement, elle aura neuf enfants chez elle. Là, finalement,
on revient au même nombre qu'on avait avant la modification. Je pense
qu'il y aurait lieu d'apporter la modification qui est nécessaire pour
vraiment rendre, au niveau de l'interprétation, très clairement
le jugement...
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais à
conclure, s'il vous plaît, madame.
Mme Pitre-Robin: Pardon?
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais à
conclure, s'il vous plaît.
Mme Pitre-Robin: D'accord.
Le Président (M. Joly): On peut peut-être
déborder un peu et empiéter sur le temps des deux formations.
Mme Trépanier: M. le Président, c'est ça.
Vous le prendrez sur mon temps. Il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Joly): Parfait.
Mme Pitre-Robin: Je pense que ça permettrait, là,
de clarifier. C'est important de le faire. Alors, il y a d'autres mesures. Vous
avez les textes. Vous pourrez les voir. Entre autres, ça nous
apparaissait dangereux de mettre juste des éléments
d'approbation. Ce qui nous inquiète davantage, évidemment, c'est
toute l'idée de pouvoir laisser maintenant des garderies commerciales
ouvrir dès qu'elles sont conformes à la loi et au
règlement. Automatiquement, elles ont un permis et peuvent fonctionner.
On sait que, depuis le délai, depuis février à maintenant,
il y a déjà une centaine de promoteurs qui sont à la porte
de l'Office des services de garde et, demain matin, à moins que ces
gens-là ne soient pas conformes à la loi et au règlement,
l'Office devra leur accorder à la fois le permis et les subventions qui
vont avec.
Bien sûr que, dans le projet, on dit que, dans un règlement
ultérieur, on viendra limiter le nombre de garderies à but
lucratif qui seront financées, mais ça ne nous apparaît pas
opérationnel à plus ou moins longue échéance.
À l'intérieur des centaines de garderies à but lucratif
qui s'implanteraient d'année en année, le gouvernement pourrait
toujours dire: Nous ne gardons de celles-là que 7, 8, 10 projets qui
seront financés et les autres, jamais. Elles pourraient se mettre en
liste d'attente, mais, le nombre de garderies commerciales non financées
augmentant fortement, il est évident qu'il y a des pressions
énormes et elles décrieront, finalement, toute l'iniquité
entre leurs services non financés et les services choisis par le
gouvernement pour l'être. Je pense qu'à assez court terme ce ne
serait plus supportable et on devrait revoir encore une fois la façon de
régir ces services-là, mais, en attendant, se seront ouverts des
centaines de services de garde commerciaux où la qualité des
services n'est pas du tout assurée ni pour les enfants ni pour les
parents qui confient leurs enfants à ces services. Merci.
Le Président (M. Bradet): Merci. Mme la ministre, vous
avez la parole.
Mme Trépanier: M. le Président, bienvenue aux gens
de la Coalition. J'aimerais réagir à quelques propos et
peut-être qu'on pourra échanger. Je dois dire que, dans un premier
temps - c'est dommage que Mme la députée de Chicoutimi ait
quitté - j'étais heureuse de voir que vous aviez
spécifié que tout service de garde était un organisme
autonome, privé, et c'est très différent. Beaucoup de gens
considèrent les services de garde sans but lucratif comme des services
de garde, entre guillemets, d'État, et tel n'est pas le cas.
Vous dites, à la page 3 de votre communiqué, que le
gouvernement devrait reconnaître «la participation des parents
comme étant essentielle pour garantir la qualité des services
offerts à leurs enfants». Je pense que nous avons convenu que la
participation des parents était capitale, absolument importante et
qu'ils étaient les premiers responsables du soin de leurs enfants. C'est
la raison pour laquelle nous avons exigé que tout organisme à but
lucratif, parce que c'est à ça que vous faites
référence, ait un comité de parents consultatif. À
tout le moins, il faut absolument que les parents soient présents dans
les services de garde.
Où je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, c'est
lorsque vous nous dites qu'il y a incompatibilité entre la
qualité des services de garde et la recherche de profit. Je pense que
nous devons dire que la très, très grande majorité de nos
services de garde sont de qualité, et ceux à but lucratif
également. Il y a des règles pour nous en assurer. Il y a des
contrôles pour nous en assurer également.
Alors, je suis un petit peu en désaccord sur ce point-là.
Donc, je ne suis pas d'accord avec votre deuxième demande où vous
nous demandez de mettre fin complètement au développement du
nombre de places dans les garderies à but lucratif. Je pense que je l'ai
dit à plusieurs reprises et je tiens à vous le dire encore ici:
Pour nous, il n'était pas question, avec le dépôt de ce
projet de loi, de modifier les orientations que nous avions prises comme
gouvernement en 1989. Nous sommes le même gouvernement et
nous sommes encore convaincus que nous avons pris de bonnes
décisions. Et je veux rester tout à fait fidèle à
la politique des services de garde adoptée en 1989.
Donc, vous, vous allez plus loin que ce que nous recommande
l'Opposition, soit un moratoire des services de garde. Comme vous n'en
reconnaissez pas la qualité, vous demandez qu'on y mette fin totalement.
Je ne sais pas si vous voulez vous exprimer sur ce que nous avait
proposé l'Opposition quant au moratoire. Moi, j'ai dit cet
après-midi - je pense que vous étiez dans les galeries -
qu'à mon oeil il n'était pas question de moratoire, parce que
ça viendrait changer notre orientation.
Cependant, lorsque vous me parlez des 100 projets en attente, vous allez
me dire: Oui, mais là vous allez changer les règles du jeu. Je
voudrais vous rassurer ici et vous dire que, d'abord, les 100 ou 90 et quelques
projets en attente, rien ne nous dit qu'ils vont respecter toutes les
règles. La présidente de l'Office me disait que de très
nombreux projets sont présentés, mais ne voient jamais le jour,
pour diverses raisons. La réglementation est très
sévère et, Dieu merci, elle est sévère parce qu'on
travaille avec nos enfants; alors, je pense qu'il faut être très
vigilant à cet effet-là, d'une part. Deuxièmement, il y a,
dans le projet de loi que nous proposons, un article qui nous dit que, dans les
années futures, nous pourrons reconnaître les projets qui avaient
été antérieurement acceptés pour du
financement.
Alors, ce dont je vous assure ici, c'est que l'objectif du gouvernement,
c'est d'assurer le développement des sans but lucratif, parce que nous
privilégions les organismes gérés par les parents et nous
voudrons nous assurer que cette orientation que nous avions prise en 1989, nous
ne la diluions pas et que ne nous ne soyons pas pénalisés dans
cette orientation. Alors, je pense qu'un article, dont j'oublie le
numéro, viendra garantir ça. Alors, je pense que ça peut
être une garantie à cet effet-là. Y aura-t-il des
pressions? Je pense que c'est possible. Vous avez raison qu'il puisse y avoir
des pressions pour du financement à moyen terme, peut-être. Mais
je pense que cet article viendra nous donner une certaine garantie.
Un dernier petit point et je vais vous entendre ensuite. Quand vous nous
parlez de l'article 2 - et ça, c'est un point tellement sensible - vous
êtes inquiète. Vous nous dites dans vos notes manuscrites:
«Cette modification nous inquiète, puisqu'elle vient limiter un
droit non pas pour des principes de bien-être des enfants, mais pour des
questions économiques». C'est que nous sommes confrontés
à des budgets fixes et nous avons modifié cet article, pas parce
que nous voulons changer nos principes, mais bien parce que nous avons
été questionnés, dans le jugement, sur la clarté de
cet article. Et c'est toujours ce que nous avons dit: Nous voulons assurer des
services d'excellente qualité. Les enfants et les parents ont droit
à ces services, mais dans le cadre de nos possibilités
financières. (21 h 10)
Je voudrais vous entendre sur le moratoire possible. Et la
dernière question que vous nous posiez à l'article c), vous nous
dites d'élaborer «un plan de conversion de garderies à but
lucratif en garderies sans but lucratif». Ça serait
peut-être l'idéal pour les gens qui, parce qu'il y a des gens qui
ont des garderies a but lucratif, aimeraient être transformés.
Cependant, dans la situation financière que nous connaissons, avec le
développement qui est insuffisant, nous avons un choix à faire:
ou nous développons le plus possible ou nous convertissons, et ça
ne donne pas de places supplémentaires. J'aimerais entendre la Coalition
là-dessus. Est-ce que, vous, vous feriez un choix? D'après ce que
vous me dites ici, vous feriez un choix différent du nôtre.
Comment pourriez-vous concilier ça, le besoin pour les parents
québécois de services et notre limite financière face
à la conversion?
Le Président (M. Bradet): Merci. Mme la
présidente.
Mme Pitre-Robin: Je reprendrai vos éléments un
à un. Par rapport au comité consultatif dans les garderies
à but lucratif, Mme la ministre, vous savez sans doute aussi bien que
nous qu'un comité consultatif, ça a très peu de pouvoirs
et souvent ça n'est consulté que sur ce qu'on veut bien qu'il
soit consulté, avec les informations qu'on veut bien lui donner. Nous
n'avons qu'à voir pourquoi tant de parents, finalement, ne vont pas dans
les comités, n'investissent pas dans les comités, dans nos
écoles; c'est parce qu'ils sont consultatifs et on sait que des
comités consultatifs, ce n'est pas du pouvoir. C'est consultatif.
Alors, ces parents-là n'ont aucun pouvoir sur, finalement, tout
ce qui concerne la vie des enfants dans la garderie. Ce n'est pas eux. La
propriétaire ou le propriétaire est là pour dire: C'est
mon commerce, je vous consulte, par exemple, parce que nous avons droit
à une subvention de 2000 $ pour acheter de l'équipement.
Voulez-vous signer la formule parce que ça prend votre signature pour
que l'Office nous débloque les 2000 $. Il n'y a pas un parent au monde,
qu'il soit sur un comité consultatif ou pas, qui va refuser de signer
une formule qui va faire que ses enfants aient pour 2000 $ d'équipement
dans leur boîte. Et ça, ça prend.
Mais toute la règle qui suit ça, que cet argent soit
vraiment investi sur le matériel, que les parents voient le
matériel qui entre, que le matériel reste dans la boite et ne
ressorte pas au bout de quelque temps, un comité consultatif ne peut pas
suivre ça, ne voit pas ça. Encore moins, il ne voit pas si, pour
l'intégration d'un enfant handicapé, suite à une demande,
on
reconnaît, par exemple, qu'on devra abaisser le ratio... Comment
un parent qui n'a absolument pas de pouvoirs et souvent peu de présence
dans la garderie... Souvent, les parents dans les garderies à but
lucratif ne peuvent pas se promener comme ils le veulent, ne peuvent pas entrer
et sortir, aller questionner.
Évidemment, on entend toute la question de la qualité. On
pourrait finalement vous en dire, des histoires d'horreur, et je pense que
l'Office en connaît encore plus que nous. Je ne veux pas dire par
là que toutes les garderies à but lucratif, finalement, sont des
garderies pourries où il n'y a aucune qualité. Mais il y en a un
certain nombre et suffisamment important pour se préoccuper des enfants
qui sont là. Et il n'y a aucun moyen, dans une garderie à but
lucratif, finalement, de s'assurer de la qualité des services. Les
parents ne peuvent pas faire cet ouvrage-là et le personnel encore
moins. C'est le personnel souvent qui alerte un parent dans n'importe quel type
de service autre pour dire: Tu sais, il se passe telle affaire et il me semble
que ce n'est pas bien correct pour les enfants.
Dans les garderies à but lucratif, le personnel qui pose des
questions sur la dynamique, sur la gestion de la garderie, il est à la
porte le lendemain matin. Et ça, on en a, finalement, des commentaires
de tas de gens qui y ont travaillé. La majorité des
éducatrices qui ont travaillé en garderies à but lucratif
se retrouvent dans les garderies sans but lucratif peu de temps après y
avoir travaillé et, finalement, les histoires d'horreur, on peut les
avoir là aussi.
J'enseigne comme chargée de cours, d'autres de nos
collègues enseignent aussi, et là aussi on entend de multiples
choses qui se passent, finalement, à l'intérieur même des
services par le personnel lui-même. Et plus que ça, je pense, il y
a quelques années, j'ai été moi-même membre du
conseil d'administration de l'Office, j'ai été membre au tribunal
administratif de l'Office, j'ai eu à voir et à juger de la
qualité de certaines garderies à but lucratif, et à quel
point il était difficile de retirer un permis, même si la
qualité était nettement déficiente.
Alors, quels moyens on a quand on voit qu'une qualité est
mauvaise, finalement? Combien de permis sont retirés sur la question de
la qualité et des moyens? Je pense qu'il n'y a absolument rien qui nous
assure ça. Et c'est une grande préoccupation. Bien sûr
qu'on voudrait bien vous dire: Dans telle garderie, il se passe telle affaire,
telle affaire, telle affaire. Évidemment, nous ne sommes pas là.
Nous sommes conscients qu'il s'agit de on-dit, mais des on-dit qui s'accumulent
ne peuvent pas faire autre chose qu'inquiéter grandement. En plus, vous
connaissez les réseaux de garderies commerciales; il suffirait qu'on
sorte deux noms pour avoir un libelle diffamatoire le lendemain matin. Alors,
on n'a pas les moyens de se défendre dans un type de procès de
même. Donc, c'est évident que nous devons garder, finalement, ces
informations-là. Par contre, on sait qu'elles sont là, on sait
que les membres de l'Office le savent aussi, on sait que c'est connu.
Ça, ça nous inquiète. Même s'il ne devait s'agir que
de 25 % du réseau actuel des garderies à but lucratif, c'est
présent et c'est dangereux, c'est menaçant.
Ça vient même, Mme la ministre, répondre à
votre dernière question, quand vous demandez: Est-ce que, nous, on fait
le choix, qu'on développe moins de services de garde parce qu'il y a des
parents qui attendent? Moi, je vous dirais tout de suite, avant de
répondre à vos autres questions, que, moi aussi, je sjis un
parent et que, si, en toute confiance, parce que j'entre dans un service de
garde qui a un permis de l'Office, un permis de la municipalité, un
permis d'édifice public, tous affichés, je lui confiais mon
enfant, pour me rendre compte qu'on massacre mon enfant quelque part, qu'on lui
cause du tort, qu'on ne s'assure pas de son plein développement, je vous
en voudrais, Mme la ministre, j'en voudrais au gouvernement assez pour se
retrouver comme en tribune, peut-être, dans quelques années, comme
hier, finalement, les orphelins de Duplessis; ça serait peut-être
les enfants maganés de certaines garderies.
Alors, je pense que le critère de qualité, c'est trop
important quand on s'adresse à des enfants, de 0 à 6 ans; on n'a
pas de risque à prendre, c'est trop important et, pour ça, on n'a
pas de garantie. Ce n'est pas une inspection par année des inspecteurs
de l'Office, qui nous garantit la qualité, d'autant plus que, là
aussi, on a des tas de commentaires qui nous disent: Nous, les inspecteurs, on
sait toujours quand ils viennent, les enfants sortent par la porte d'en
arrière. Comment? Comment, etc.? On n'a pas vérifié, mais
on sait, en tout cas, que c'est inquiétant.
Au sujet de votre question des garderies...
Le Président (M. Bradet): Madame, je voudrais juste vous
faire remarquer qu'il reste une minute...
Mme Pitre-Robin: O.K.
Le Président (M. Bradet): ...pour permettre aux deux
formations de poser des questions.
Mme Pitre-Robin: Je vais très vite...
Le Président (M. Bradet): On peut continuer? O.K.
Mme Pitre-Robin: Juste une seconde.
Le Président (M. Bradet): On prendra le temps.
Mme Pitre-Robin: Madame disait: II y a seulement 100 projets
à l'Office et peut-être que,
là-dessus, il y en a qui vont tomber. Il y en avait 400 et
quelques en décembre dernier à l'Office; il y en a
déjà un certain nombre qui est éliminé. Placez-vous
à la place d'une garderie commerciale; donc, un commerce qui sait
qu'entre maintenant et le 14 mai, s'il investit l'argent qu'il faut, il va
avoir des subventions, s'il retarde, il ne les aura pas, je vous garantis qu'un
grand nombre des 100 services qui sont là vont investir ce qu'il faut
parce que c'est ce qui leur permettra d'avoir des subventions. Alors, je serais
bien surprise que ce nombre-là tombe si bas.
Je pourrais arrêter finalement, sinon qu'au niveau de l'article 2,
quand vous nous dites de restreindre notre inquiétude, ça nous
apparaît un peu particulier que, dans une loi, s'inscrive un principe,
finalement, de restreindre les dépenses gouvernementales plutôt
que le principe même de la Loi sur les services de garde à
l'enfance et non pas un principe de restreindre l'investissement du
gouvernement dans une certaine mesure. C'est un petit peu particulier, à
notre sens.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci, madame. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Tout
à l'heure, lors d'une réplique, la ministre - on parlait de la
possibilité d'appliquer un moratoire aux garderies à but non
lucratif - pour nous répondre là-dessus, nous disait: Vous savez,
on a un problème, on a déjà du retard au niveau du nombre
de places allouées et accordées. Alors, on ne peut pas bloquer le
développement, non plus; il faut absolument qu'on soit capables d'en
arriver à donner un nombre de places. Évidemment, on parlait,
nous, seulement de faire un moratoire sur les buts lucratifs. Vous nous dites,
comme ça, qu'il y a une centaine de projets qui sont rentrés.
La ministre nous disait, aussi, tout à l'heure, que la
décision écrite, avec les motifs, c'est rentré au mois de
février, donc c'est très rapide, et il faut prendre une
décision rapidement. Il reste que la décision, on la
connaît depuis novembre. On n'a peut-être pas les motifs, mais on
avait quand même déjà les premiers motifs du premier
jugement jusqu'à un certain point. On sait que la Cour d'appel a
rejeté l'appel, le 27 novembre. Donc, le gouvernement et l'Office des
services de garde savent, depuis que l'appel a été rejeté,
à toutes fins pratiques, avec ou sans les motifs, que ça ne passe
pas. Alors, on sait qu'on a un problème. Le gouvernement et l'Office des
services de garde savent, à toutes fins pratiques, qu'il y a un
problème avec ce trou-là, si on veut, depuis le mois de
novembre.
Comment est-ce possible qu'on ait présentement une centaine de
projets de garderies commerciales qui ont fait la demande d'un permis et qu'on
doit le leur accorder? Cette centaine de projets là, d'une part, ils
sont arrivés à partir de quand? Ils sont arrivés
après la décision de la Cour d'appel. Ça, j'aimerais bien
le savoir parce que, si on les a laissé s'accumuler, ça veut dire
qu'il aurait fallu peut-être agir plus rapidement pour ne pas laisser
accumuler une centaine de projets. (21 h 20)
Ça, c'est une question, je m'excuse, mais que j'adresse du
côté de la ministre, parce que la j'ai vraiment un problème
de compréhension, parce que laisser accumuler 100 projets BL, quand on
sait qu'on devra les accorder s'ils se conforment au permis, je trouve
ça énorme, d'une part. D'autre part, je suis consciente, quand la
ministre parle du fait qu'il est important que le développement se fasse
le plus rapidement possible, qu'on a des manques à gagner au niveau des
services de garde, puis, bon, on nous dit qu'on a 100 projets au niveau des
garderies commerciales. Est-ce qu'il y en a, des projets au niveau des
garderies sans but lucratif? Est-ce que c'est possible? Comment on fait pour en
susciter davantage? J'aimerais vous entendre de votre côté
là-dessus.
Le Président (M. Bradet): Alors, le premier volet de la
question. Madame, vous allez répondre au deuxième volet?
Mme Pitre-Robin: Oui.
Mme Trépanier: Vous avez priorité, madame, c'est
vous, notre invitée.
Le Président (M. Bradet): Allez-y, Mme Robin.
Mme Pitre-Robin: Alors, je pense que des projets de garderies
sans but lucratif, il y en a, les demandes sont présentes.
Évidemment, il y a des groupes moins constitués qu'il y avait
avant le plan de développement. Avant le plan de développement de
l'Office, les gens s'organisaient en groupe, préparaient des projets et
s'inscrivaient à l'Office en disant: Nous avons l'intention et là
ils se mettaient comme sur la liste d'attente, avant que leur tour arrive.
Maintenant, depuis le plan de développement de l'Office des services de
garde, l'Office a fait connaître... Et je pense qu'on était tout
à fait d'accord sur, finalement un développement beaucoup plus
organisé, pour s'assurer que les régions aient des services de
garde qui se développent aussi et non pas tous dans les mêmes
secteurs. Ça, ça a eu pour conséquence, évidemment,
que les gens savent que, tant que l'Office ne dit pas: Cette
région-là, d'après nos critères, est prioritaire et
il ne s'en ouvrira pas dans d'autres villes à côté pendant
trois ou quatre ans, bien, évidemment, il n'y a pas de groupe qui se met
en place comme ça.
Par contre, quand on sait qu'il y a, finalement, besoin de services et
qu'il y aurait possibilité d'avoir un permis de service de garde en
garderie sans but lucratif, il est très rare qu'on ne constitue pas
rapidement un groupe de parents pour mettre en place ce service. On pourrait
aussi, évidemment, supporter davantage ces parents-là pour
accélérer le développement, mais je pense que c'est
possible, il n'y a pas de problème. Quand la ministre, dans le fond,
dit: Un moratoire sur les BL, ça reporterait le développement,
nous pourrions très bien transférer, au cours de ce moratoire,
les 28 % de places en BL en places sans but lucratif et le coût ne serait
pas beaucoup plus élevé. Il faut vous rappeler que les garderies
commerciales coûtent très cher parce qu'à
l'intérieur du programme du RAPC leur coût en aide
financière n'est pas remboursé, le gouvernement
fédéral ne paie pas la part des 50 % comme il le fait dans les
garderies sans but lucratif. Les garderies, actuellement, à but lucratif
au Québec ou commerciales ont à l'intérieur de leurs
garderies un nombre beaucoup plus important, toutes proportions gardées,
d'enfants exonérés et qui reçoivent de l'aide
financière. Donc, ils coûtent très cher et ce ne serait pas
une économie vraiment d'échelle à court terme de dire,
là: On ne transfère pas ces places, ça coûterait
trop cher. Je pense qu'on pourrait développer le même nombre de
places en garderies sans but lucratif.
Le Président (M. Bradet): Merci, Mme Pitre-Robin. Mme la
ministre, oui.
Mme Trépanier: Pour répondre à votre
réponse, à ce moment-là, ça viendrait changer le
plan de développement avec lequel vous êtes d'accord, nous
dites-vous. Par le pourcentage de celles à but lucratif
subventionnées, il y aurait là un écart avec les
orientations que nous avions. Bon, alors, je sais que c'était possible,
mais nous avons fait le choix de nous coller au plan de développement.
Pour répondre aux questions de Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière et ça va répondre aussi à
une question de Mme Pitre-Robin, vous nous dites: Pourquoi vous n'êtes
pas intervenue avant? Vous connaissiez la cause depuis un bon moment. Vous
auriez pu intervenir avant le mois de février. Tant que nous n'avions
pas les motifs du jugement et tant que nous n'avions pas le jugement de la Cour
d'appel, on ne savait pas si ce jugement toucherait seulement le cas
particulier qui était devant la Cour. On ne savait pas si ça
toucherait l'ensemble des services. On l'a su lors du jugement de la Cour
d'appel. On ne pouvait pas agir avant. Il fallait avoir toutes les
données. C'est dans les motifs du jugement de la Cour d'appel, le 22
février, qu'on a su, par exemple, qu'il fallait modifier l'article 2
quant au droit pour les enfants d'un service de qualité.
Vous nous dites, madame: Vous avez ajouté quelque chose dans
l'article 2. On ne l'a pas ajouté. Dans notre esprit, dans l'esprit du
législateur, lorsque nous disions que nous offririons des services
compte tenu de l'organisation et des ressources des organismes et des personnes
qui fournissent ces services, il était question également de
ressources financières. Le juge ne l'a pas interprété
comme ça; alors, c'est la raison pour laquelle ça nous prenait
les motifs du jugement pour venir le clarifier dans la loi.
Concernant, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, les 100 projets, ils sont déposés
à l'Office depuis septembre ou octobre, depuis plus tôt que
février; un certain nombre ont été déposés
depuis février. Alors, ça, c'est une chose. Deuxième
chose, nous n'avons pas le pouvoir de refuser des projets. Nous n'avons
même pas le pouvoir de refuser un permis, le jugement vient de nous le
dire, à un promoteur qui se conformera au règlement. Alors, on
doit accepter tous les projets qui nous sont proposés. Ça, c'est
très clair. Mais, de la coupe aux lèvres, il y a une grande marge
parce qu'il faudra qu'ils se conforment. Un service à but lucratif qui,
aussi, a comme principe et un de ses objectifs d'être rentable n'ouvrira
pas s'il n'est pas assuré de cet objectrf-là également.
Alors, nous ne pensons pas qu'il y ait une prolifération
épouvantable de services. Mais, honnêtement, on ne peut
présumer de rien au moment où on se parle.
Le Président (M. Bradet): Merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Disons que c'est un peu dans ce
sens-là. C'est vrai que la ministre n'a pas le pouvoir d'empêcher
de donner le permis suite au jugement, mais il reste que la ministre, quand
même, a le pouvoir de décréter un moratoire.
Mme Trépanier: Oui.
Mme Carrier-Perreault: Pour revenir à Mme Pitre,
j'aimerais avoir une autre donnée. Depuis 1989, selon vos chiffres -
vous travaillez dans le milieu, vous êtes dans le domaine - quel est le
rythme, si on veut, selon vos données, de développement des
services de garde, au prorata but lucratif, but non lucratif? Est-ce que vous
avez une idée de la proportion? Il en ouvre combien à but
lucratif par rapport à celles à but non lucratif? J'aimerais
avoir des données là-dessus.
Le Président (M. Bradet): Mme Pitre-Robin.
Mme Pitre-Robin: Voilà. Depuis 1989, à
l'intérieur du plan de développement de l'Office des services de
garde, il y a, finalement... C'est un des éléments, Mme la
ministre, vous le reconnaîtrez, qui, de toute façon, a
débalancé, même si vous collez, demain matin, le plan
de
développement au règlement, le principe du 28 %. au
québec, lors de l'adoption de la politique, il y avait 28 % de services
de garde à but lucratif qui existaient et on a dit: on va garder ce
même pourcentage-là de garderies à but lucratif au
québec. donc, la règle qu'on appelle du 28-72, du 28 %,
était collée à une réalité. il existe 28 %,
nous allons continuer de laisser développer des garderies à but
lucratif dans l'ordre de 28 % de l'ensemble du réseau. où il y
avait des iniquités, c'est que ces 28 % de l'ensemble, chaque
année, pouvaient très bien s'installer dans les mêmes
régions. ce n'était pas réparti également. donc, il
y a des régions qui n'avaient pas de développement d'une garderie
commerciale, alors que, dans d'autres régions, il y en avait trois,
quatre ou cinq. donc, ça pouvait être très important.
Ce qui est important dans ça, c'est qu'à partir du moment
où les garderies à but lucratif ou commercial peuvent ouvrir, peu
importe - et on verra, il y en aura 100 de plus; on va passer de 245 à
345 dans quelques mois - la règle du 28 %, ça ne tient plus.
L'objectif même du 28 %, qui disait: Nous allons conserver un principe de
28 % de services de garde à but lucratif pour 72 % de services de garde
sans but lucratif à travers la province, ça ne tient
déjà plus, ça ne peut pas tenir, parce qu'il y aura 28 %
de places créées, mais il y a toutes celles qu'on ne finance pas
qui vont ouvrir. Donc, déjà, il y a atteinte importante à
tout le principe même de, finalement, ce qui était le plan de
développement de l'Office. On n'en tient plus compte du tout. Ça
pourrait vouloir dire que, dans un an ou deux, les garderies à but
lucratif se retrouvent dans l'ordre 50 % ou 60 % du réseau. Là,
ce n'est plus du tout en lien avec les volontés et les intentions du
gouvernement, lors de l'adoption de la politique, ni lors des modifications
à la loi en 1989, ni, je pense, maintenant, mais c'est un fait. On
n'aura pas le choix, ça va être ça. Je mettrais ma main au
feu... (21 h 30)
Quand vous dites: On ne peut présumer de rien, en effet, je vous
dirais que le Dr Lazure nous avait dit, en 1979: Ne vous inquiétez pas,
les petites filles, on leur donne le droit, mais il n'en ouvrira pas parce
qu'on ne les financera pas. On a vu ce que ça a donné, il s'en
est ouvert en masse. En 1979, on a dit: On va limiter le développement;
ce n'est pas grave, on va les limiter. On voit ce que ça a donné.
Au contraire, on ne peut même plus les limiter pantoute, elles ouvrent
«at large». Alors, ce n'est pas ce qu'on va amener ici dans une
réglementation qui va nous garantir, parce que c'est encore plus faible
que tout le reste finalement, qu'il ne s'en développera pas
davantage.
Alors, je pense que c'est ça, notre cri du coeur, c'est
ça, finalement, la menace actuellement. Et je vous dirais, vraiment
là, à tout le moins: Si vous ne voulez pas, en tant que
gouvernement, limiter le développement absolument des garderies à
but lucratif, si vous les laissez continuer à se développer,
c'est quelque chose que nous pouvons comprendre même si nous ne sommes
pas d'accord, mais, je veux dire, au moins, ne les financez pas. Les
règles seront claires. Il y aura des garderies sans but lucratif,
reconnues, privilégiées comme développement par le
gouvernement, subventionnées et des garderies à but lucratif,
comme les écoles à but lucratif, non subventionnées. C'est
le choix qu'a fait aussi le gouvernement de l'Ontario actuellement dans ses
politiques qu'il vient d'adopter. Je pense que, ça, ça ne va pas
à rencontre du tout des orientations qui étaient là,
puisque les garderies à but lucratif vont continuer à se
développer, vous ne les empêchez pas, et ça permettrait au
moins de statuer clairement, de faire le choix. Je pense que, ce
choix-là, il doit se faire dans la loi et pas dans un règlement.
C'est sur ça que je conclurais, Mme la ministre, M. le
Président.
Le Président (M. Bradet): Alors, madame, c'est le temps
qui était alloué. Il est 21 h 30. Je voudrais, au nom des membres
de cette, commission, au nom de la ministre, vous remercier du
témoignage et de l'éclairage que vous nous donnez. Alors, merci
beaucoup, Mme Pitre-Robin et Mme Côté. Et, tel que c'était
convenu, nous allons passer à l'étude détaillée du
projet de loi.
Mme Pitre-Robin: Merci bien de nous avoir entendues.
Étude détaillée
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup. J'appelle donc
l'article 1. Mme la ministre, est-ce que vous voulez...
Mme Trépanier: Oui.
Le Président (M. Bradet): ...que j'en fasse la
lecture?
Mme Trépanier: La lecture de l'article? Le
Président (M. Bradet): Oui.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que je peux vous demander une
suspension de deux minutes à peu près?
Le Président (M. Bradet): Oui. Parfait. Mme
Carrier-Perreault: D'accord.
Le Président (M. Bradet): Alors, la commission suspend ses
travaux pour deux minutes.
Mme Carrier-Perreault: Merci. (Suspension de la séance
à 21 h 33)
(Reprise à 21 h 39)
Le Président (M. Bradet): La commission reprend donc ses
travaux.
Nous en étions à l'article 1. Mme la ministre, vous avez
la parole.
Services de garde au niveau primaire
Mme Trépanier: M. le Président, l'article 1:
L'article 2 de la Loi sur les services de garde à l'enfance (L.R.Q.,
chapitre S-4.1) est remplacé par le suivant: «Un enfant a droit de
recevoir, jusqu'à la fin du niveau primaire, des services de garde de
qualité, avec continuité et de façon personnalisée.
"Le titulaire de l'autorité parentale a le droit de choisir le service
de garde qui lui convient le mieux. "Ces droits s'exercent en tenant compte de
l'organisation et des ressources des organismes et des personnes qui
fournissent ces services, des règles relatives à
l'exonération, à l'aide financière et aux subventions
ainsi que du droit d'un titulaire de permis d'une commission scolaire ou d'une
personne responsable d'un service de garde en milieu familial d'accepter ou de
refuser de recevoir un enfant.» (21 h 40)
M. le Président, cet article vient préciser que le droit
de l'enfant de recevoir, jusqu'à la fin du niveau primaire, des services
de garde de qualité, avec continuité et de façon
personnalisée, et le droit du parent de choisir le service de garde qui
lui convient le mieux s'exercent en tenant compte de l'organisation et des
ressources des organismes et des personnes qui fournissent ces services, des
règles relatives à l'exonération, à l'aide
financière et aux subventions, du droit d'un titulaire de permis, d'une
commission scolaire ou d'une personne responsable d'un service de garde en
milieu familial d'accepter ou de refuser de recevoir un enfant.
Le Président (M. Bradet): Est-ce qu'il y a des questions?
Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Comme
on peut s'en rendre compte, le bout qui est ajouté et qui fait un petit
peu différent... En fait l'article est réaménagé,
mais il y a seulement la partie des règles relatives à
l'exonération, à l'aide financière et aux subventions qui
est rajoutée, qui n'était pas dans l'article qui était
là avant.
On a entendu, d'ailleurs, ce que les gens sont venus nous dire comme
représentations. Effectivement, ça fait référence
aux règles et à la réglementation qui vont suivre et qu'on
va retrouver un peu plus loin, j'imagine, un peu partout dans le projet de loi.
C'est à ça que vous faites référence. C'est dans
quel but que vous ajoutez ça, clairement?
Le Président (M. Bradet): Oui, Mme la ministre.
Mme Trépanier: Oui. Alors, c'est technique, la
réponse. Je vais... M. le Président, je me reprends. Je ne
voudrais pas oublier de présenter les gens qui m'accompagnent, parce que
les intervenants ont changé à la pause. Alors, Mme Nicole
Marcotte, qui est toujours présidente de l'Office et qui est toujours
à ma gauche, et Mme Camille Faucher, qui est avocate à l'Office
des services de garde.
M. le Président, comme je disais tout à l'heure, lors de
la présence du groupe que nous avons rencontré, nous avons
dû clarifier cet aspect de la loi pour bien faire connaître
l'intention du législateur. Il n'était pas question de changer
l'intention du législateur, mais le jugement de la Cour d'appel nous a
amenés à être obligés de clarifier parce qu'il
n'avait pas compris le sens de cet article-là comme le
législateur l'avait préalablement donné lors de l'adoption
de la loi.
Si vous voulez avoir plus de détails, je demanderais à Mme
Faucher de continuer.
Mme Faucher (Camille): Bien, il y avait toute
l'interprétation du mot «ressources» qui avait
été faite par le juge de la Cour supérieure; les
ressources n'étaient pas vues comme une ressource financière.
Puis, aussi, ce qu'il faut voir avec l'article 2, c'est que c'est un article de
principe; c'est une déclaration de principe qui doit, finalement,
refléter les restrictions ou autres normes qui se retrouvent par
ailleurs dans la loi. Alors, c'est important, avec les droits qui sont reconnus
là, que la déclaration de principe contienne l'esprit des
restrictions qui se trouvent ailleurs dans la loi. Et c'est pour ça
qu'on retrouve ça, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté
à l'effet que ces droits-là sont toujours sujets à des
règles d'exonération financière ou de subventions.
Le Président (M. Bradet): Merci, Mme Faucher.
Mme Carrier-Perreault: Dans l'article 2 tel que libellé,
quand vous parlez «des règles relatives à
l'exonération, à l'aide financière et aux
subventions», vous parlez du projet de règlement qu'on aura plus
tard, qu'on n'a pas encore dans les mains aujourd'hui.
Mme Faucher: À la fois des règles qui sont
contenues à la loi et du règlement sur l'exonération
financière, qui est en prépublication, et du règlement sur
les subventions qui sera fait aussi.
Mme Vermette: Effectivement, je peux comprendre, en fait, que
vous apportiez plus de précisions, surtout suite à ce
jugement-là. Je pense que c'est important à ce niveau-là,
mais c'est à savoir, au niveau des règlements justement,
là, la portée des règlements et est-ce que ça va
favoriser aussi les organismes à but lucratif ou pas.
Le Président (M. Bradet): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Je peux vous dire dès maintenant que
j'ai toujours dit et je continue à dire que la réglementation va
refléter la situation actuelle. Donc, notre gouvernement a, dans sa
politique des services de garde, privilégié les organismes sans
but lucratif, tout en continuant un développement des services de garde
à but lucratif, que nous fixions dans la politique des services de garde
à 28 %. Dans le fond, nous avons un peu continué la politique qui
prévalait antérieurement parce que, on le disait tout à
l'heure, en 1979, lors de l'adoption de la Loi sur les services de garde, le
Parti québécois avait reconnu le développement des
services de garde à but lucratif; il avait été inclus dans
la loi.
Alors, nous avons toujours été convaincus de ce principe
directeur, que nous devions privilégier des services de garde
gérés par les parents, tout en conservant une possibilité
de développement de services de garde à but lucratif. Alors, il
n'est absolument pas de notre intention de modifier cette
orientation-là. Cependant, nous avons dû clarifier ça pour
satisfaire au jugement parce qu'on ne voulait pas être contestés
à nouveau. Mais nos intentions demeurent les mêmes: on ne veut pas
changer nos orientations.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Je comprends très bien, en fait, les
préoccupations de la ministre quand elle dit qu'elle ne veut pas changer
ses préoccupations et qu'elles demeurent toujours les mêmes par
rapport aux BL, sauf que, moi, en tout cas, je ne connais pas la teneur des
règlements. Je vous sais de bonne foi et je dois vous croire, de toute
façon, mais je ne les ai pas vus. Alors, si je m'en tiens ici à
cet article, ça devient, en fin de compte, très
généreux pour les personnes qui pourraient aller devant les
tribunaux et essayer de dire: Écoutez, il y a de l'exonération
pour les parents; donc, je suis dans un organisme à but lucratif
privé, ça répond aux normes, ça donne un service de
qualité, etc., je ne vois pas pourquoi, moi, en tant que parent, je
serais brimé quelque part. Et là, vous pourriez avoir des
pressions quelque part pour changer votre règlement et là,
finalement, on arriverait à fournir l'exonération aux parents. Et
là, on n'est plus près de votre plan de développement, on
n'est plus près de rien de ça, mais, par exemple, parce que
ça va être écrit dans la loi et que ça va être
très clair à ce moment-là, c'est ça qui va devenir
applicable à ce niveau-là.
Le Président (M. Bradet): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Actuellement, nous fonctionnions avec un
plan de développement qui était élaboré selon des
critères précis, suite à une planification
régionale, qui était élaboré par l'Office des
services de garde et qui était soumis au Conseil des ministres du
gouvernement. Dorénavant, ce que le jugement est venu nous dire, c'est
que nous ne pouvions plus lier l'émission de permis et les subventions
et l'exonération financière. Nous, dans notre orientation, dans
notre article 1, on disait: Les enfants ont droit à des services de
qualité dans les limites de notre budget. Alors, ce qu'on vient faire
dans notre projet de loi, on vient, si vous voulez, confirmer les
décisions du juge et dissocier l'émission de permis et l'octroi
de subventions et d'exonérations financières. Alors,
l'émission de permis, c'est dans la loi et nous venons donner au
gouvernement le pouvoir de réglementer. Au gouvernement le pouvoir de
réglementer. Alors, la garantie additionnelle que la population a quant
à nos intentions, c'est que, d'abord, un, il y a un engagement de notre
part, du gouvernement, de présenter un règlement qui soit
fidèle à nos orientations.
Et là, je voudrais faire une parenthèse et je suis
heureuse de voir que madame que nous avons rencontrée tout à
l'heure vient d'entrer à l'instant et va pouvoir entendre ma
réponse également. Mme la députée de Chicoutimi, je
crois, me disait tout à l'heure: Je n'ai pas confiance. J'ai confiance
en certaines personnes de votre gouvernement, mais je n'ai pas confiance
à tout le monde. Je vous dirai, sans dévoiler des secrets
d'alcôve du Conseil des ministres, que tout le monde au Conseil des
ministres était unanime et scrutait le projet de loi pour s'assurer
qu'on soit fidèle à la politique des services de garde.
Ça, je peux vous le dire. Alors, donc, la politique que nous avons
adoptée en 1989, le gouvernement en général y croit, le
gouvernement dans son ensemble y croit. Ça, c'est une garantie. (21 h
50)
La garantie additionnelle que nous aurons, c'est que maintenant le plan
de développement, dans le fond, sera à l'intérieur d'une
réglementation. Un règlement du gouvernement, c'est plus strict
et avec des meilleures balises qu'un plan de développement soumis, qu'un
décret, si vous voulez, au Conseil des ministres. Alors, ça,
c'est une garantie additionnelle.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Mme la ministre, ça peut être une
garantie, mais, écoutez, on sait bien qu'un jour on peut changer de
titulaire au niveau du ministère responsable de la Condition
féminine et des services de garde. Une philosophie de gouvernement,
ça se change aussi. En fait, ça dépend des
impératifs économiques d'un gouvernement. Effectivement, tout
ça fait en sorte qu'à un moment donné on peut très
bien arriver à changer le règlement, puisque le règlement
ne pourra jamais aller plus loin que la loi, de toute façon, le
règlement va être beaucoup plus limitatif que la loi. Donc,
finalement, bon, qu'on change le règlement ou qu'on fasse sauter un
règlement, c'est beaucoup plus facile, en tout cas. Vous n'êtes
pas obligés de revenir à l'Assemblée nationale pour faire
ça. Vous le faites par décret. Mais, par contre, dans un article
de loi, dans une loi, c'est beaucoup moins facile, à ce
moment-là, parce que ça veut dire qu'il faut que ce soit par le
consentement de l'ensemble de l'Assemblée nationale. Et, ça,
c'est différent.
En fait, ça me fait penser à la portée
générale de ce projet de loi. Pourquoi ne pas être clair
quand on a l'occasion de dire tout de suite: Bon, alors, nos intentions, c'est
de maintenir 28 % du réseau et puis de s'en aller avec 28-72? Pourquoi
ne pas dire tout de suite: Bien, écoutez, nos intentions sont
très claires, le réseau doit se limiter à ça, et
pour tout ce qui a été fait avant ce projet de loi, bon, bien, on
va favoriser la conversion, d'une part, et, dorénavant, enfin ce qui
sera développé comme réseau, c'est un réseau qui
sera vraiment un réseau de services de garde à but non
lucratif?
Et, d'ailleurs, Mme la ministre, pour avoir déjà
parlé avec des gens qui étaient propriétaires de garderies
à but lucratif, je me souviens très bien que la plupart
étaient prêtes à cette conversion-là en autant qu'on
leur donne les outils, les moyens nécessaires et le temps aussi de le
faire. Et, simplement, je me dis: C'est une volonté de gouvernement,
c'est un choix de gouvernement.
On a invoqué les motifs, bon, d'argent, évidemment, que
ça coûterait trop cher si on arrivait à faire ça.
Mais, à mon avis, je pense qu'il y a toujours un incitatif, un
intérêt à le faire. Et d'autant plus que, aussi au niveau
des BL, je me suis laissé souvent dire par des gens qui étaient
propriétaires ou des gens qui voulaient devenir propriétaires:
Écoutez, notre droit de gérance, on y tient. Et, quand on est
obligé d'être un OSBL, c'est-à-dire qu'on est obligé
de composer avec des parents, puis, vous savez, la continuité... En tout
cas, on mettait en cause des fois la continuité parce que les parents
pouvaient changer etc., disant que c'était beaucoup plus facile de
gérer quand c'était un BL.
Ça aussi, ça m'inquiète un peu, parce que là
je parle toujours de la portée générale, en fin de compte,
du projet de loi et puis des philosophies qui s'affrontent à l'heure
actuelle. Et, ça aussi, ça me fait peur jusqu'à un certain
point, en me disant: Bon, bien, on continue de le maintenir, ce
réseau-là. Est-ce qu'on ne suscite pas dans le fond l'espoir chez
les BL de voir à ce que, finalement, à force de faire des
pressions sur un gouvernement beaucoup plus favorable à la privatisation
que d'autres gouvernements, il s'en aille dans ce sens-là? Et puis,
quand on connaît aussi, bon, qu'on est porté à dire qu'on
favorise le droit de gérance davantage que la participation, bon, en
fart, ça m'inquiète aussi, tout ça.
Non pas que ce soit, bon, votre position à vous qui
m'inquiète, non, pas du tout, parce que je sais que, bon,
là-dessus, vous défendez très bien vos dossiers, que vous
avez aussi à coeur, en fait, ce que vous défendez et puis que
vous êtes aussi très présente au niveau des
préoccupations qui s'y passent. Mais, il y en a d'autres aussi qui ont
d'autres intérêts quelquefois. Et, comme on est actuellement dans
un contexte aussi où il y a des échanges
fédéraux-provinciaux, je me dis: Est-ce que c'est notre
intérêt, en tant que gouvernement du Québec, de faire en
sorte qu'on minimise la facture du côté du fédéral?
Pourquoi ne pas aller chercher notre argent le plus possible? Pourquoi ne pas
se donner une structure et un moyen d'aller chercher le plus possible d'argent
du fédéral pour nous permettre justement de développer un
bon réseau chez nous, puis qui va être vraiment conforme à
nos aspirations?
Le Président (M. Bradet): Mme la ministre.
Mme Trépanier: M. le Président, il y a deux volets
là. Je voudrais répondre, d'abord, au premier volet de la
première question, lorsqu'on parle de l'article 1. C'était pour
clarifier ce droit de l'enfant aux services de garde, mais un droit relatif
parce qu'il faut tenir compte également de nos ressources
financières. C'est la seule raison pour laquelle nous avons dû le
clarifier. C'est ça qu'on disait dans l'article. Comme ça n'a pas
été interprété comme ça, on s'est dit: II y
a un problème à quelque part, on va le clarifier. Alors, nous,
nous croyions que c'était clair dans notre esprit, mais apparemment ce
n'était pas clair dans l'esprit de tous. Alors, c'est la raison pour
laquelle nous devons le clarifier.
Quant à votre deuxième volet où vous nous parlez de
l'inquiétude que vous avez quant aux services de garde qui ne sont pas
gérés par des parents et que vous nous dites: Pourquoi, dans le
fond, ne limitez-vous pas et ne convertissez-vous pas les services à but
lucratif en services à but non lucratif? j'ai le goût de vous
poser la question: Pourquoi vous ne l'avez pas fait, vous autres, en 1979?
C'est vous autres qui avez établi... Là, vous allez me dire que
vous n'étiez pas là et moi non plus, mais on doit respecter la
philosophie. Ma directrice de cabinet me dit toujours qu'on doit vivre avec
notre histoire, et on ne refera pas l'histoire non plus. Il devait y
avoir des arguments qui ont fait que vous avez introduit la
possibilité de développement de celles à but lucratif et,
à ce moment, le RAPC existait et vous saviez fort bien qu'un organisme
à but lucratif obtiendrait moins d'exonération financière
que l'organisme sans but lucratif. Moi, je vous dirai que je vis avec ce
principe-là. C'était dans notre philosophie et nous avons
décidé de maintenir l'orientation que nous avons, dans le fond,
confirmée en 1989. Je ne sais pas si vous voulez répondre
à ça. Je ne veux pas partir un débat, mais ça me
surprend.
Mme Vermette: Mme la ministre, on est deux à vouloir
répondre, mais ma collègue, je pense, aurait une bonne
réponse à vous donner.
Le Président (M. Bradet): S'il vous plaît, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Puisque la
ministre fait référence à 1979, écoutez, moi, je
n'étais pas là, c'est vrai, la ministre non plus, mais il reste
que, de toute façon, on vit avec notre histoire effectivement. J'ai pris
mes renseignements aussi là-dessus. Quand on n'est pas là, on est
mieux d'aller voir ce qui s'est passé. On me dit qu'en 1979 il y avait
un réseau important de garderies à but lucratif sur le territoire
- et j'ai vu des chiffres, 470 - et que le réseau de garderies sans but
lucratif, à ce moment-là, n'était pas existant. Ce
système-là a été mis un peu, à toutes fins
pratiques, de l'avant avec l'entente-cadre, le système avec les
subventions, etc. Voyez-vous, moi, c'est ce qu'on me dit. On me dit aussi qu'en
1979 - et ça, j'ai vérifié, par exemple, un peu plus loin
- le Parti québécois, qui était au pouvoir à ce
moment-là, accordait uniquement une subvention au niveau de
l'exonération financière, avait permis cet
écart-là, cette ouverture-là parce que le système
des garderies existant... Vous parliez du nombre de places, que c'était
important de combler les besoins des gens. À ce moment-là,
qu'est-ce que vous voulez, semble-t-il que c'étaient des BL qui
comblaient les besoins parce que les autres n'étaient pas assez
nombreuses. Il n'y en avait pas, à toutes fins pratiques.
Ce qu'on me dit aussi, c'est qu'au niveau de l'exonération
financière on avait accordé, suite au tollé de
protestation, aux pressions, suite aussi à la démonstration que
le besoin était comblé par ces gens-là à
l'époque... D'ailleurs, je suis persuadée que vous ouvrez une
porte importante à des pressions, moi aussi. Je pense que ma
collègue vous l'a dit tout à l'heure. Je suis persuadée
que vous allez avoir à en subir énormément. Mais il reste
qu'on me dit qu'à cette époque-là la seule porte qui avait
été ouverte, en fait, c'était par le biais de
l'exonération financière pour les parents. C'est vrai que le RAPC
existait, puisqu'on parle de 1972, mais il reste que cette porte-là
avait été ouverte parce que c'était une subvention qui
s'adressait à des parents payeurs de taxes, qui avaient besoin de
services. Ce n'était pas une subvention directe, c'était une
subvention indirecte.
Il reste que c'est sûr qu'on ne refera pas l'histoire. Il y a eu
une porte, effectivement, à ce moment-là, mais il y avait des
raisons, semble-t-il, différentes de celles qu'on vit aujourd'hui, en
1992. Parce que maintenant, aujourd'hui, on sait que le réseau est quand
même... Vous parlez de 28-72. Les chiffres que j'ai eus de votre cabinet
me donnent 245 garderies à but lucratif pour 588 à but non
lucratif. Or, aujourd'hui, si on regarde ça, il y a une bonne partie
quand même du besoin qui est comblée par des garderies sans but
lucratif. (22 heures)
Moi aussi, ça m'inquiète, le développement. Je
trouve ça important. On a un manque à gagner important.
J'entendais Mme Pitre qui nous a expliqué, tout à l'heure, que,
oui, c'est possible, le réseau des garderies sans but lucratif pourrait
arriver à présenter suffisamment de projets avec un peu
d'incitation au niveau du milieu et éventuellement, oui, il pourrait
combler les besoins. Alors, ceci étant dit, je ne sais pas, en tout cas,
il reste que...
Le Président (M. Bradet): Ceci étant dit, il nous
reste une minute. Je voudrais vous le faire remarquer.
Mme Carrier-Perreault: Regardons ça! Ça va vite,
hein! Cette chose-là, finalement, c'est nouveau. C'est une
règle... En fait, ce petit bout de phrase est intégré
là parce qu'on fait référence à un règlement
qui va venir plus tard, qu'on va retrouver à peu près partout.
Ça va toujours être le même règlement dont on va
parler, si je comprends bien, M. le Président, parce que c'est le
règlement qu'on attend, qu'on n'a pas et qu'on n'aura pas tout au long
de l'étude article par article de ce projet de loi, à toutes fins
pratiques. Là, on se comprend. Alors, pour ces raisons-là, moi,
je dois vous dire que je demanderais la suspension de cet article-là. On
va pouvoir y revenir. Tant et aussi longtemps qu'on aura des questionnements
concernant le règlement, je préférerais demander la
suspension de l'article.
Le Président (M. Bradet): Mme la ministre.
Mme Trépanier: II nous reste très peu de temps.
Juste quelques précisions. D'abord, un, le 28-72, c'est un engagement
que nous avions pris, non écrit, là, mais que nous respectons
dans les faits. Le 28-72 réfère à un nombre de places et
non à un nombre de services, parce que vous savez que les services n'ont
pas tous le même nombre de places, d'une part. Je vous ai ramenée
en 1979 et on n'est pas responsables de
notre histoire, ni l'une ni l'autre, mais je vous dirai que, lorsque les
sans but lucratif sont arrivés, comme vous avez fait la loi, vous auriez
pu convertir quand même les services à but lucratif en services
sans but lucratif. Vous nous demandez de le faire aujourd'hui. Vous auriez pu
le faire dans le temps. Et je termine en disant que ce qui était vrai en
1979, qu'il manquait de places et que les organismes à but lucratif
rendaient un service, c'est encore vrai aujourd'hui. On manque encore de
places. Alors, c'est dans ce sens-là que je n'ai pas voulu limiter le
développement des services de garde pour le moment. Alors, M. le
Président, je pense que nous reprendrons la semaine prochaine,
après une fin de semaine de repos.
Le Président (M. Bradet): c'est ça. alors, il est
22 heures. donc, les travaux de la commission sont ajournés sine die. je
vous remercie beaucoup.
(Fin de la séance à 22 h 3)