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(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez, nous allons
débuter nos travaux. Tout en invitant te Conseil du statut de la femme
à se présenter à la table, j'aimerais rappeler le mandat
de la commission, c'est-à-dire que la commission des affaires sociales
se réunit afin de procéder à une consultation
générale et donner des auditions publiques sur le document de
consultation intitulé «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi
sur la Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) va être remplacé par Mme
Harel (Hochelaga-Maison-neuve).
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Donc,
immédiatement, j'inviterais Mme Marie Lavigne, qui est présidente
du Conseil du statut de la femme, à présenter les personnes qui
l'accompagnent. Et je profite de l'occasion également pour souhaiter la
bienvenue à notre commission à Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine. Si vous
voulez présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez
exactement une vingtaine de minutes pour faire l'exposé, du moins la
synthèse de votre mémoire et, ensuite, on pourra procéder
à une période d'échanges. Plus vous prenez de temps
à expliquer votre mémoire, moins on a de temps pour
échanger, et vice et versa. Donc, je vous écoute.
Conseil du statut de la femme
Mme Lavigne (Marie): Je vous remercie, M. le Président. Je
vous présente tout de suite, à ma droite, Me Jocelyne Olivier,
qui est secrétaire générale du Conseil du statut de la
femme; à ma gauche, Mme Francine Lepage, qui est économiste au
Conseil et, à côté d'elle, Mme Monique Desrivières,
qui est directrice de la recherche et de l'analyse au Conseil.
Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme la ministre, Mmes et
MM. les membres de la commission parlementaire, je vous remercie, d'abord, de
nous avoir accueillies. En premier lieu, entrons dans le vif du sujet. Pour
être en mesure de contribuer de tous leurs talents à la
société, d'élargir leurs choix professionnels et
même d'échapper à la pauvreté, les femmes doivent
être partie prenante des réformes qui auront cours en
matière de développement de la main-d'oeuvre. Comme tout autre
membre de la société québécoise, elles doivent
être capables d'assurer leur subsistance au quotidien et de
prévoir leur retraite. les informations qui sont contenues dans
l'énoncé de politique indiquent clairement qu'il y a du
rattrapage à faire pour donner aux femmes des chances égales en
formation et en emploi. rappelons que les travailleuses sont peu nombreuses
dans les emplois et les secteurs d'avenir, alors qu'elles sont
surreprésentées dans les emplois à temps partiel, au
salaire minimum et offrant peu de sécurité d'emploi.
actuellement, au québec, 44 % de la main-d'oeuvre est composée de
femmes, et elles constitueront près de la moitié des effectifs de
la main-d'oeuvre en l'an 2000.
Une stratégie nationale de formation, si elle doit
réussir, ne peut donc se permettre de les ignorer ou de s'y adresser de
façon marginale, d'autant plus que des pénuries de main-d'oeuvre
sont signalées et que l'on appréhende déjà les
conséquences du ralentissement de la croissance démographique sur
les effectifs futurs de la main-d'oeuvre. Il faudra donc miser sur un
relèvement du taux d'activité des femmes et sur une meilleure
utilisation de leur potentiel.
Dans ce contexte, l'accès à la formation revet une
importance capitale pour les femmes elles-mêmes comme pour l'ensemble de
la société. Le Conseil du statut de la femme se réjouit
donc de la publication d'un énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre. Il souscrit, pour l'essentiel, au
diagnostic de même qu'aux quatre grands objectifs
présentés. Cependant, nous aurions souhaité qu'il y ait,
dans cette politique, un cinquième objectif, c'est que le gouvernement
s'engage à promouvoir l'égalité en emploi par sa politique
sur le développement de la main-d'oeuvre. La politique de
développement de la main-d'oeuvre doit réserver une place
équitable aux femmes, car une politique en apparence neutre,
c'est-à-dire sans référence directe aux femmes, aurait,
selon nous, un effet discriminatoire sur elles, car ces dernières ont
des caractéristiques au niveau de leur participation au marché du
travail fort différentes de celles des hommes.
Par exemple, une stratégie qui s'orienterait presque
exclusivement sur les personnes déjà en emploi et les secteurs
reconnus pour être les plus dynamiques, qui privilégierait les
mesures d'adaptation au détriment de formations plus qualifiantes et,
enfin, qui ferait appel aux partenaires en place sans souci
d'accroître
leur représentativité manquerait, selon nous, de
perspective et contribuerait à maintenir la discrimination
systémique à l'égard des femmes. C'est pourquoi la
politique de main-d'oeuvre doit s'inspirer de trois principes liés
à l'égalité en emploi, c'est-à-dire: élargir
le concept de personne active; en second lieu, promouvoir l'accès
à l'égalité par la formation et, troisièmement,
ouvrir les lieux de concertation aux femmes.
D'abord, en ce qui concerne l'élargissement du concept de
personne active, pour une majorité de personnes, l'emploi n'est plus une
réalité continue. De façon plus immédiate, les
travailleuses sont particulièrement concernées par le travail
à temps partiel ou à durée limitée, par les statuts
d'autonomes et de pigistes et par le chômage. Ces raisons ne doivent pas
empêcher les femmes d'avoir accès, au moment opportun, à la
formation dont elles ont besoin. Le Conseil recommande donc que la politique de
développement de la main-d'oeuvre s'adresse à l'ensemble de la
population en âge de travailler et que, en conséquence, on donne
une acception plus large au terme de «personne active» dans les
programmes qui seront mis en oeuvre.
En second lieu, il faut promouvoir l'égalité par la
formation. Les femmes éprouvent des besoins de formation multiples. Plus
que chez les travailleurs masculins, un faible degré de scolarisation se
traduit pour elles en un accès réduit à l'emploi, comme le
montre très bien, d'ailleurs, le tableau d'orientation du document de
politique. Par ailleurs, les travailleuses sont encore faiblement
représentées dans les secteurs économiques que l'on
identifie comme étant rémunérés et porteurs
d'avenir. Lorsqu'elles y sont, on les retrouve généralement dans
les emplois de bureau qui, somme toute, ne permettent qu'une mobilité
professionnelle réduite. Nous recommandons donc que la politique de
développement de la main-d'oeuvre poursuive un objectif d'accès
à l'égalité pour les femmes, tant dans ses orientations
que dans les mesures qui en découleront, et que la formation offerte
soit qualifiante, reconnue et transférable.
Troisièmement, il importe d'ouvrir les lieux de concertation aux
femmes. Comme on le sait, les femmes constituent actuellement 44 % de la
main-d'oeuvre, c'est-à-dire, donc, presque la moitié. Dans
l'énoncé de politique, on mentionne que le gouvernement
s'assurera d'une représentation équitable des hommes et des
femmes dans les instances qui seront créées. Comment y parvenir?
On ne peut laisser aller les choses d'elle-mêmes et risquer que ce qui
sera jugé équitable ne soit que le reflet de l'actuelle
situation. Le Conseil recommande donc que les femmes soient
représentées de façon équitable dans les lieux de
concertation et, surtout, que cette représentation soit prévue
dans le texte de loi.
En effet, en scrutant le projet de loi 408 créant les diverses
instances, nous nous étonnons fort de ne pas y trouver de trace de
l'intention manifestée dans l'énoncé que soit
assurée une représentation équitable des hommes et des
femmes au sein du conseil d'administration de ces sociétés. Or,
il importe que cette représentation soit définie de façon
non équivoque dans la loi. À cette fin, nous recommandons que
l'article 5 et l'article 37 du projet de loi 408 prévoient une
présence des femmes, proportionnelle à leur représentation
dans la main-d'oeuvre, au conseil d'administration de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre ainsi
qu'au conseil d'administration des sociétés
régionales.
Le gouvernement entend, par ailleurs, privilégier l'approche
sectorielle, et les travailleuses sont peu présentes au sein des grands
comités ministériels qui seront appelés à jouer un
rôle stratégique. Pour lever les barrières
sys-témiques dont les travailleuses font l'objet et pour bien cibler les
interventions qui faciliteront leur accès à la formation et
à l'emploi, il nous apparaît, de plus, primordial que les conseils
d'administration de ces sociétés s'enrichissent de la
présence de femmes qui ont développé une expertise en
main-d'oeuvre féminine par leurs recherches, leurs analyses et leurs
actions dans des organismes communautaires se préoccupant de la
formation et de la promotion de la force de travail féminine.
Donc, dans ce contexte, nous recommandons que les organismes
communautaires oeuvrant auprès de la main-d'oeuvre non regroupée
ou de personnes en processus d'intégration au marché du travail,
tels les groupes de femmes, soient reconnus comme des partenaires au sein du
conseil d'administration de la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre de même qu'au sein des
conseils d'administration des sociétés régionales et que
les alinéas et les articles soient modifiés en
conséquence.
Pour le Conseil du statut de la femme, il apparaît important que
des femmes se retrouvent parmi les membres nommés après
consultation du monde patronal et des associations de travailleurs et de
travailleuses. Par contre, il est aussi également important que les
intérêts des personnes non regroupées dans ces associations
ou non encore intégrées au marché du travail soient pris
en compte au conseil d'administration des sociétés
créées par le projet de loi 408. On ne peut, d'aucune
façon, jouer ici d'une représentation contre l'autre. Il serait,
en effet, totalement inacceptable qu'une seule femme soit appelée
à représenter l'ensemble de la population féminine,
c'est-à-dire qu'elle soit appelée à parler au nom de 44 %
de la main-d'oeuvre ou au nom de la moitié de la population.
Ensuite, à un autre niveau, le gouvernement entend faire des
comités sectoriels de main-d'oeuvre des interlocuteurs
privilégiés de la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre. Étant donné
l'orientation qui est prise,
il faudra veiller à cibler tout particulièrement la
population féminine. En effet, on sait que les travailleuses sont peu
nombreuses dans ces secteurs réputés plus prometteurs et que les
jeunes filles et les femmes adultes ne s'orientent pas suffisamment vers les
formations techniques dites non traditionnelles. Ensuite, on s'accorde à
croire - et les statistiques sur les programmes fédéraux semblent
le confirmer - que les travailleuses bénéficient moins que les
travailleurs de la formation offerte en entreprise. Donc, comme le
prévoit l'article 16 de la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec, il faut qu'aucune discrimination dans
l'apprentissage, la formation professionnelle ou dans les promotions ne
s'exerce à rencontre des femmes. Comme on le sait, la Charte
prévoit aussi l'application de programmes d'accès à
l'égalité en formation et en emploi pour corriger une situation
jugée discriminatoire.
Le Conseil recommande donc que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre se
soumette à la Charte des droits et libertés et intègre
l'objectif d'accès à l'égalité pour les femmes dans
ses actions avec les institutions d'enseignement et les comités
sectoriels de main-d'oeuvre.
Nous recommandons que l'on s'assure que toute entreprise qui
reçoit une aide financière de l'État fasse une place
équitable aux travailleuses dans ses programmes de formation,
c'est-à-dire que ces dernières en profitent de manière
proportionnelle à leur présence dans l'entreprise. De plus, nous
recommandons que les plans de développement de main-d'oeuvre qui sont
élaborés en vue d'une restructuration industrielle fassent aussi
une place équitable aux travailleuses concernées.
Je vous ai fait part des principes et des recommandations s'articulant
sur la nécessité d'inscrire l'égalité en emploi
dans le cadre d'une politique de main-d'oeuvre et de la stratégie
à mettre en oeuvre. Par ailleurs, l'énoncé aborde aussi
certaines questions sur lesquelles nous avons formulé d'autres
recommandations. Dans le temps qui m'est imparti, je ne mentionnerai que
certains aspects importants au chapitre de la stratégie
québécoise implantée.
D'abord, en ce qui concerne le sous-investissement dans le
développement de la main-d'oeuvre dont fait état
l'énoncé de politique, de même que l'état
mitigé de l'engagement des entreprises et des salariés, le
gouvernement, malgré l'urgence d'agir, a choisi de continuer à
privilégier l'initiative des entreprises et la voie des mesures
incitatives. Il a choisi de donner la chance au partenariat de porter ses
fruits. Si une telle approche est maintenue, nous croyons qu'elle doit
être clairement balisée. C'est pourquoi nous recommandons que la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre se voit confier le mandat d'évaluer si le crédit
d'impôt remboursable à la formation offert aux entreprises leur
permet d'atteindre les objectifs recherchés en matière
d'investissement dans la formation de leur personnel et que, au terme d'une
période de trois ans, des moyens plus contraignants soient
envisagés, s'il y a lieu.
Par ailleurs, le Conseil souscrit à l'intention du gouvernement
de regrouper et de simplifier les programmes de main-d'oeuvre. Plus
particulièrement, nous croyons que le programme de développement
des ressources humaines en entreprise devrait accorder une attention
particulière aux petites et aux moyennes entreprises. Bien que
très créatrices d'emplois, ces entreprises offrent peu de
formation à leur personnel en cours d'emploi.
Afin que les programmes de formation professionnelle offerts en
entreprise prennent en compte les besoins des employés féminins,
le Conseil recommande que les travailleuses participent, proportionnellement
à leur effectif dans l'entreprise, aux comités de main-d'oeuvre
qui réunissent l'employeur et les salariés de l'entreprise.
Nous recommandons aussi que l'on encourage, à l'aide de
programmes de formation adaptés, les expériences qui favorisent
la mobilité intra-entreprise des travailleuses afin de diversifier leur
choix professionnel et de favoriser la requalification de leurs
tâches.
Enfin, pour favoriser l'intégration professionnelle des
travailleuses immigrantes, nous reprenons des recommandations que nous avons
déjà formulées au gouvernement, c'est-à-dire que
les programmes de formation linguistique soient mieux adaptés aux
conditions particulières des femmes immigrantes, notamment que des
mesures de formation linguistique en emploi soient
développées.
De plus, nous recommandons que le programme des crédits
d'impôt remboursables à la formation prévu pour les
entreprises réserve un volet spécifique à la francisation
de la main-d'oeuvre féminine immigrante dans les secteurs où se
trouve une forte proportion de celle-ci. (10 heures)
Enfin, le gouvernement québécois se propose de conclure
avec le gouvernement fédéral une entente qui lui permettra
d'administrer le programme d'assurance-chômage sur son territoire.
Même si l'énoncé de politique n'en fait pas mention, on
peut supposer que le Québec se chargerait également de
l'attribution des prestations parentales et des prestations de maladie, qui
constitue l'un des volets de ce programme. Le Conseil recommande donc que
l'entente que le gouvernement du Québec prévoit conclure avec
l'administration fédérale au sujet de l'assurance-chômage
porte également sur le volet parental du programme et que le
Québec saisisse l'occasion pour mettre en oeuvre une politique globale
et intégrée de congés parentaux, tel que le Conseil du
statut de la femme le lui a déjà recommandé.
En conclusion, les femmes doivent être
partie prenante de la politique de développement de la
main-d'oeuvre qui sera appliquée au Québec. Tel est, en
substance, le message que le Conseil du statut de la femme entend livrer par ce
mémoire. À l'égal des travailleurs masculins, les femmes
ont besoin de gagner leur vie. Le Conseil est globalement en accord avec les
grands objectifs et les moyens d'action suggérés, et plus
précisément avec l'intention de développer une culture de
formation continue dans les milieux de travail, d'instaurer un véritable
partenariat, de rendre plus cohérents les programmes de main-d'oeuvre et
de mieux arrimer le milieu de l'enseignement et le monde du travail. Cependant,
il aurait aimé que le gouvernement aille au-delà d'une
stratégie générale et propose des orientations et des
interventions ciblant particulièrement la population féminine. En
effet, une politique en apparence neutre, c'est-à-dire sans
référence aux femmes, risque, selon le Conseil, de ne pas
corriger la discrimination systémique dont les femmes font l'objet. Nous
souhaitons grandement que le gouvernement s'engage à promouvoir, par sa
politique de développement de la main-d'oeuvre et aussi en l'inscrivant
formellement dans sa loi, une politique d'égalité en emploi.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme Lavigne, de
cet exposé. Je vais reconnaître immédiatement M. le
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup
de plaisir que nous recevons ce matin les représentantes du Conseil du
statut de la femme. On sait que les femmes sont de plus en plus
présentes sur le marché du travail, que leur proportion
s'accroît constamment. Vous le dites très bien, vous nous le
rappelez très bien, d'ailleurs. Et c'est à juste titre, je pense,
que vous réclamez une participation proportionnelle au sein de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre et des sociétés régionales.
La question qui se pose et à laquelle on devra répondre
bientôt, c'est: Comment doit se définir la participation des
femmes au sein de la Société québécoise et des
sociétés régionales? J'ai bien l'intention de tenter de
faire en sorte que les femmes obtiennent une représentation
substantielle au sein de la Société québécoise
lorsque le gouvernement procédera aux nominations, et certains groupes
voudraient que nous ajoutions des sièges à ceux qui sont
déjà prévus dans le projet de loi.
En page 13 de votre mémoire, vous recommandez: «Que les
organismes communautaires oeuvrant auprès de la main-d'oeuvre non
regroupée ou de personnes en processus d'intégration au
marché du travail, tels les groupes de femmes, soient reconnus comme des
partenaires au sein du conseil d'administration de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre de
même que des conseils d'administration des sociétés
régionales et que les articles 5 [...] et 37 [...] mentionnent en
conséquence que l'une des membres est nommée après
consultation desdits organismes.» Alors, la question que je voudrais vous
poser, c'est celle-ci: Est-ce que vous demandez qu'un siège soit
réservé à une personne représentant des groupes de
femmes, ou représentant l'ensemble des groupes communautaires, incluant,
bien sûr, les groupes de femmes?
Mme Lavigne: Écoutez, il y a un certain nombre de
sièges qui sont prévus, c'est-à-dire six sièges;
c'est dans ce qu'on appelle, je pense, le bloc 3. Il y a les deux sièges
de l'éducation. Dans les autres sièges qui y sont... Il y a deux
préoccupations que nous retrouvons au sein de cette recommandation.
D'une part, une conscience très nette que la grande majorité des
femmes sur le marché du travail ne sont pas syndiquées. Et la
majorité aussi de la population québécoise en emploi n'est
pas une population syndiquée. Alors, à cet égard-la, il
importe d'avoir une représentation qui soit claire de gens qui ne sont
pas syndiqués, mais aussi d'avoir - et ça, c'est un autre volet -
une représentation de gens qui ont des trajectoires discontinues ou sont
en processus de réintégration sur le marché du
travail.
Et, à cet égard-là, étant donné la
très forte proportion des organismes communautaires oeuvrant en
réintégration des femmes sur le marché du travail, il nous
semble évident qu'un siège devrait y être, mais de la
même façon que d'autres groupes peuvent vous proposer qu'il y ait
d'autres sièges.
Alors, ça nous semble aller de soi qu'il y ait une personne
provenant de ce que certains appellent, entre guillemets, un siège
femme, que ceci devrait exister comme ça existe, de toute façon,
au sein de la commission fédérale et comme ça existe aussi
dans le projet qui est en consultation actuellement en Ontario. Alors,
ça, c'est un élément. Effectivement, c'est ce que recouvre
cette proposition.
M. Bourbeau: Ce n'est pas encore très clair dans mon
esprit, là. Vous proposez un siège pour les groupes de femmes,
mais vous proposez aussi un autre siège pour les groupes communautaires.
Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?
Mme Lavigne: Oui, c'est qu'on conçoit que la
réalité est multiple. Il y a des personnes qui sont non
regroupées et il est important qu'on prenne en considération
cette réalité. Alors, on retrouve dans cette proposition,
clairement, les personnes qui sont en processus de réintégration.
Et là où on a des groupes de femmes, effectivement, un groupe,
mais qu'on tienne compte aussi de l'aspect de la main-d'oeuvre non
regroupée.
M. Bourbeau: Bon, supposons qu'on réussisse à faire
en sorte que 44 % des membres du conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre soient des femmes, choisies par les syndicats, les employeurs
et... le bloc 3 dont vous parlez. Supposons qu'on en arrive à cette
proportion-là, idéalement, est-ce que vous demanderiez quand
même qu'on ajoute un autre siège pour les groupes de femmes?
Mme Lavigne: À cet égard-là, ce qui nous
semble important, c'est qu'il y a une expertise qui existe et il y a une
problématique qui est particulière. Alors, il y a à la
fois deux réalités dont il ne faut pas jouer l'une contre
l'autre. Nous avons une main-d'oeuvre qui est composée presque
moitié-moitié de femmes et d'hommes, et ça doit se
refléter autant au niveau de la représentation syndicale que de
la représentation des entreprises au sein de la commission.
Mais, il y a aussi des problématiques spécifiques à
la main-d'oeuvre, et il y a des gens en processus de
réintégration sur le marché du travail, dont, notamment...
Quand on parle du siège femme, et les gens qui parlent du siège
femme... Il faut être conscient qu'on parle de gens qui travaillent
davantage en problématique de réintégration du
marché du travail ou de gens qui oeuvrent particulièrement en
formation, ou peut-être de certains groupes de travailleuses immigrantes
qui ont des problématiques particulières.
Alors, ce qui est important, c'est qu'étant donné qu'une
des problématiques particulières majeures sur le marché du
travail, tenue par les groupes du milieu, est relative à cet aspect, il
va être normal qu'il y ait un siège qui y soit puisque ce sont les
gens qui ont l'expertise et qui travaillent dans ce domaine. Parce que ce n'est
pas tout le monde qui, effectivement, se retrouve selon le profil des
travailleurs syndiqués ou le profil traditionnel des entreprises.
M. Bourbeau: Si je vous demandais un conseil. Si j'avais à
déployer des efforts au cours des prochaines semaines pour augmenter la
participation des femmes au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, est-ce
que mes efforts devraient porter en premier lieu sur l'ajout d'un siège
femme, ou des groupes de femmes, ou sur un effort pour tenter d'augmenter le
nombre de femmes choisies par les trois groupes, à l'article 5?
Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, je ne me sens pas
Salomon du tout. Écoutez, je pense que vous n'auriez pas le choix de
jouer sur les deux parce que, d'une part, on ne peut pas nier la
réalité...
M. Bourbeau: Est-ce que vous êtes Gémeaux comme moi,
quoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lavigne: C'est qu'on ne peut pas nier la
réalité du marché du travail. Ce qui est très
clair, c'est qu'on ne peut pas demander à une femme qui occupe un
siège femme et qui a une expertise sur des problématiques
particulières de réintégration ou des
problématiques particulières liées à des bas
salariés de représenter les intérêts de l'ensemble
des femmes sur le marché du travail, qui peuvent être des femmes
ingénieurs, des femmes cadres, des femmes techniciennes ou des gens
travaillant dans des secteurs de haute technologie et qui ont des besoins de
formation extrêmement différents.
À cet égard, il y en a une qui fait partie essentiellement
d'une logique démocratique, qu'on doit respecter en démocratie,
et qui doit être inscrite - et il y a des précédents
à cet égard - dans un texte de loi parce qu'on est une
société qui reconnaît cette démocratie et qu'on veut
avoir une instance qui reflète ce qu'est notre société.
Et, par ailleurs, comme on est une société qui a aussi des soucis
du redressement de problématiques particulières, qu'on tienne
compte que les femmes en réintégration ont une
problématique spéciale, de la même façon qu'on
pourrait dire que des personnes handicapées ont aussi des
problématiques particulières. Alors, il s'agit de deux
réalités différentes qui ne peuvent, d'aucune
façon, jouer l'une contre l'autre.
M. Bourbeau: C'est André Gide qui disait: «La
nécessité de l'option nous fut toujours
intolérable.» Vous ne voulez pas choisir, bien sûr, entre
les deux, mais quand on parle des problématiques particulières,
vous dites: Les femmes ont une problématique particulière. Vous
avez vous-même parlé des handicapés; ils sont venus ici,
d'ailleurs, nous le dire eux-mêmes. On a eu les jeunes qui nous l'ont dit
aussi, les groupes communautaires, les groupes ethniques. Je pourrais nommer
comme ça toute une série de groupes qui sont venus nous expliquer
pourquoi, dans leur cas, la situation se présentait différemment
et pourquoi on devrait ajouter un siège pour eux. le problème
auquel on va faire face très bientôt, c'est que si on veut donner
suite à toutes ces demandes-là on va se retrouver avec un conseil
d'administration formé de 25, 30, 35 ou, je ne sais pas, 40 personnes.
d'ailleurs, c'est m. claude béland, le président du mouvement
desjardins, qui nous disait avoir vécu une expérience exactement
semblable dans la composition du forum pour l'emploi, où on a voulu,
justement, accueillir toutes les problématiques; et on s'est
retrouvés avec, je crois, 35 personnes autour d'une table. tellement
que, nous a-t-il dit, on s'est rendu compte que, finalement, il y avait
beaucoup trop de monde pour être capable d'avoir une action rapide et
déterminante. et on a été obligé, finalement, de
former un comité
exécutif composé d'employeurs, de représentants des
salariés et, enfin, je ne sais pas trop, trois groupes distincts. De
sorte que, finalement, à vouloir ajouter trop d'intervenants, le
résultat final a desservi l'objectif recherché. Est-ce que vous
ne pensez pas qu'il y a un problème? À vouloir en mettre trop, on
risque, finalement, de diluer tellement qu'on aurait une société
qui serait paralysée, à toutes fins pratiques.
Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, je pense qu'au
sein de... Il y a des problématiques par rapport au marché du
travail qui sont assez clairement identifiées. Là-dessus, il n'y
a pas tant de gens dont les problématiques très
particulières sont identifiées. Et il y a déjà un
consensus, me semble-t-il, à l'échelle canadienne
là-dessus, un consensus qui est lié à l'identification de
la main-d'oeuvre qui a une problématique particulière à
cause de certains éléments. Notamment, la commission
fédérale, la Commission canadienne de mise en valeur de la
main-d'oeuvre, prévoit clairement un siège femme, un siège
autochtone, un siège immigrant et minorité visible de même
qu'un siège pour personne handicapée. (10 h 15)
On retrouve d'ailleurs la même approche au niveau de l'Ontario,
parce qu'il s'agit de groupes d'intervention particuliers, de clientèles
qui ont un profil commun par rapport à l'emploi et des
difficultés communes. Je pense que de tenir compte de cette
réalité-là ne nous amène pas nécessairement
à 35. Ce sont des grandes réalités fort bien
documentées pour le marché du travail et des
réalités où on sait qu'il y a des phénomènes
de discrimination systémique. Et aussi des groupes d'intervention dans
le milieu... Je comprends la préoccupation de limiter
l'élargissement mais, en même temps, ces
éléments-là sont assez clairement identifiés.
M. Bourbeau: Oui. Vous venez de parler de la Commission
canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre du gouvernement
fédéral, qui est un modèle du genre. Mais il faut bien
réaliser que c'est une commission qui est consultative seulement. Et
là, c'est totalement différent. Quand on fait une commission
consultative, on peut ajouter presque à l'infini des groupes parce que,
plus il y a de conseils, mieux c'est. Mais nous, on est en train de mettre sur
pied un organisme qui va être décisionnel, qui va être dans
l'action. Et c'est là que le problème se pose. C'est qu'il est
beaucoup plus difficile de prendre des décisions concrètes,
journalières ou hebdomadaires, quand on est un gros groupe avec des
intérêts très divergents. C'est là que se pose le
problème. Et si j'avais à former une commission consultative, je
n'aurais aucune difficulté à élargir la
représentation. D'ailleurs, je l'ai fait avec la commission consultative
sur la sécurité du revenu, où on a ouvert la porte
à tous les groupes, sans aucun problème.
M. le Président, ces discussions-là sont très
intéressantes, mais le temps passe, et j'aimerais laisser la parole, si
vous n'avez pas d'objection, à ma collègue, la ministre
responsable de la Condition féminine et de la politique familiale.
Mme Trépanier: Merci. Bienvenue, mesdames. Cette question
est tellement importante que j'aimerais qu'on continue un peu sur ce
volet-là. Je dois dire, dans un premier temps, que j'aurais
été extrêmement déçue si la présidente
avait accepté de jouer à Salomon et de choisir une solution ou
une autre. Je pense que, effectivement, vous avez raison de dire que les deux
volets sont importants. Mais j'ajouterai, pour mon collègue de la
Sécurité du revenu, que s'il y avait des choix à faire
quant aux postes a recommander, on a besoin de l'expertise des groupes de
femmes, d'une part, mais d'autre part, en plus, c'est l'expertise de groupes
qui représentent 50 % de la population. Et ça, ça doit
avoir une importance, je pense, dans les choix, s'il y a des choix à
faire.
Ceci étant dit, quant à la représentation des
femmes à toutes les instances de la Société, il est
évident qu'on aura un problème, malgré toute la bonne
volonté de la terre. Je déborde un peu du mémoire et je
voudrais vous demander, moi aussi, un conseil. Qu'est-ce qu'on peut faire,
comme gouvernement, comme société, pour accélérer,
je dirais, ou accentuer le mouvement des femmes dans les postes de
décision? Est-ce qu'il y aurait des choses pratiques que nous pourrions
faire pour qu'effectivement les instances syndicales, les instances patronales
délèguent ou que nous puissions avoir des listes assez
importantes pour nommer des femmes à ces postes-là? Est-ce que,
pratiquement, on peut compter y arriver dans un laps de temps assez court?
Auriez-vous des conseils à me donner là-dessus?
Mme Lavigne: Écoutez, par rapport aux instances
syndicales, même aux instances patronales...
Mme Trépanier: Je parle pour la composition de la
Société de la main-d'oeuvre, qu'est-ce qu'on peut faire pour
s'assurer qu'il y ait une représentation effective?
Mme Lavigne: Je pense que, d'une part, il y a un devoir
démocratique de l'État; qu'on inscrive au niveau du texte de loi
qu'on ait une représentation équitable. À cet
égard-là, je pense que, là, le gouvernement jouerait
véritablement son rôle de leadership, c'est-à-dire qu'il
dirait: On est un gouvernement qui est une instance qui représente un
ensemble de population fait de femmes et d'hommes, et ça amène
les instances à s'ajuster. C'est-à-dire que, comme ça nous
prend une représentation équitable, de la même
façon
que les gens proposent des listes de noms, ils vont proposer une liste
de ' noms équitable. Puisqu'au sein de leur «membership» il
y a effectivement des femmes et des hommes, il est totalement impossible que
des entreprises, des associations d'entrepreneurs ou des associations
syndicales ne puissent pas retrouver de femmes parmi leurs membres puisque les
femmes forment 40 % de la main-d'oeuvre. Ou ils les mettent toutes dans des
petites boîtes et ils les cachent, mais elles doivent être quelque
part. Dans ce sens-là, je me dis qu'il s'agit juste de repenser à
des délégations qui sont plus soucieuses de
l'équité.
Et le rôle de l'État, là-dessus, est fondamental
puisque les députés, le gouvernement, les gens sont élus
par des citoyens qui sont des femmes et des hommes et qui s'attendent à
ce que les principes de justice sociale de notre société soient
reflétés dans ces lois-là. Et dans ce sens-là, le
gouvernement a un rôle de leadership dont il ne peut absolument pas se
délester. Alors, en l'inscrivant, c'est, je pense, un mécanisme
incitatif extrêmement puissant et qui va permettre aux gens... Et
là il y a toutes sortes de mécanismes qui sont possibles. Il
s'agit de les imaginer, de les penser. Mais ça se fait et ça se
trouve aussi. Les centrales vont nécessairement s'ajuster, comme elles
s'ajustent pour être éligibles à différents
programmes ou faire partie de différents éléments. Les
entreprises s'ajustent aussi pour être éligibles à des
subventions. Je ne vois pas pourquoi on ne s'ajusterait pas par rapport
à une question comme ça.
Mme Trépanier: Dans le fond,, par toutes les
recommandations de votre mémoire, c'est très clair qu'à
toutes les instances de décision et aussi au niveau de l'enseignement,
au niveau des comités, vous demanderiez qu'on soit beaucoup plus
explicite et qu'on exige une représentation plus égalitaire. Vous
dites: C'est le moyen principal qui incitera les gens à offrir une
représentation équitable; développons des
mécanismes en plus. Alors, ça ressort très, très
clairement, partout dans votre mémoire, que vous exigez, dans le fond,
que nous ayons cette parité partout, que nous instituions les
mécanismes nécessaires pour l'avoir. Vous ne faites pas grand
place à l'incitation et vous ne semblez pas dire non plus que
l'incitation qu'il y a dans la politique est suffisante.
Mme Lavigne: Mais non, c'est que...
Le Président (M. Marcil): Malheureusement, Mme la
ministre, c'est...
Mme Trépanier: Est-ce qu'elle peut répondre?
Le Président (M. Marcil): Vous pouvez répondre, Mme
Lavigne.
Mme Lavigne: C'est ça, mais c'est essentiellement... C'est
parce que je pense qu'il faut regarder la réalité en face. On
demande tout simplement que les lois s'ajustent à ce que la
société est devenue. Que, dans une loi faite en 1970, on ne l'ait
pas trouvé, je ne pense pas que... Je veux dire qu'il y a bien des gens
qui l'aient fait, sauf qu'on est en 1992. La main-d'oeuvre a changé et
il faut avoir des lois qui correspondent à ce que notre
société est devenue. Il me semble que ça coule de source.
Ça fait juste partie du sens de la démocratie,
fondamentalement.
Mme Trépanier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la ministre.
Merci madame. Je vais reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, vous savez qu'on
termine les travaux de cette consultation ce matin avec vous, le Conseil,
l'Association féminine d'éducation et d'action sociale et Action
travail des femmes. Finalement, on termine avec le dossier femmes. Alors,
ça restera plus présent dans l'esprit du ministre et des
amendements qu'il devra apporter à son projet de loi.
D'abord, permettez-moi de vous saluer, Mme Lavigne et les personnes qui
vous accompagnent. Le Conseil est bien connu pour la qualité et
l'expertise des travaux et des mémoires qu'il présente devant les
commissions parlementaires. Un premier aspect, peut-être le plus
important, c'est que vous dites qu'il faut un cinquième objectif
à ceux énoncés, à savoir: promouvoir
l'égalité en emploi dans la politique de développement de
la main-d'oeuvre. Et c'est peut-être l'absence de cet objectif qui colore
le reste parce que, finalement, tout l'énoncé est centré
sur la compétitivité uniquement, exclusivement. Il n'existe plus
d'équité. L'égalité, on oublie ça. Alors,
c'est la compétitivité en oubliant la tendance lourde du
marché du travail, une tendance lourde à sous-utiliser la
main-d'oeuvre qui n'entre pas dans le profil régulier: les jeunes, parce
qu'ils n'ont pas d'expérience, les gens d'âge moyen, parce qu'il
reste peu de temps pour mettre à profit les changements technologiques,
et les femmes, parce qu'on ne peut pas s'y fier, parce qu'elles partent parfois
pour aller enfanter, pour avoir des bébés. Alors, c'est une
tendance lourde, ça. C'est incontournable et, dans ce sens-là, je
crois que c'est important d'avoir un engagement politique en faveur de
politiques de main-d'oeuvre, oui, pour pouvoir relever le défi de la
compétitivité, mais aussi pour relever le défi de
l'égalité. Ou bien on a décidé de franchir le XXIe
siècle en oubliant ça, là, sinon il va falloir que
ça paraisse dans les textes.
Je reviens un peu - pas trop, parce que vous en avez beaucoup
parlé avec Mme la ministre et avec M. le ministre également - sur
la question de la représentativité. Vous dites: II y a des
barrières systémiques, et ces barrières
systémiques, on les voit aussi, par exemple, dans la
représentation. À la Conférence permanente de la
main-d'oeuvre que le ministre a mise sur pied il y a maintenant presque deux
ans, il n'y a pas une femme qui siège là. Il y a sept membres, ce
sont sept hommes. Dernièrement, on me rappelait que le Forum pour
l'emploi a obtenu une sorte d'assemblée publique... pas une
assemblée publique, excusez-moi, une sorte de grande réunion des
principaux intervenants, de tous les groupes et organismes qui en sont membres.
Ça a eu lieu, semble-t-il, à l'hôtel de ville de
Montréal. Tous les sièges étaient occupés, il y
avait une centaine de personnes. Et on m'a dit qu'il y avait six femmes. Vous
savez, je me demande comment...
Mais c'est intéressant, ce que vous dites. Il faut que dans la
loi - c'est bien ça que je comprends - il y ait le principe de la
représentation proportionnelle. Là, tel que formulé dans
la loi, il y a trois partenaires: six du milieu syndical, six du milieu
patronal, six du milieu gouvernemental. Mais des six partenaires... Prenons le
cas du milieu syndical; il y a trois centrales qui sont assurées d'y
siéger, puis il y en a deux autres qui sont venues ici la
réclamer, l'UPA puis la CEQ; ça en fait cinq. Sur ces cinq
centrales, il y en a une qui a une femme présidente. Alors, une
représentation proportionnelle dans des délégations
où il y a déjà, appelons ça de l'émulation
fraternelle pour ne pas l'appeler fratricide, là, que ce soit du
côté patronal ou syndical... C'est un secret de polichinelle que
le Conseil du patronat voulait la majorité des sièges patronaux.
Il y a l'AMQ, puis il y a le Mouvement Desjardins, et on se bute à une
réalité systémique qui consiste à constater que ce
sont des hommes qui sont à la tête de l'ensemble des grands corps
organisés de notre société.
Alors, comme je le disais au ministre la semaine passée, à
moins qu'il dise oui à la CEQ, je ne vois pas, à part
peut-être la FTQ qui aura deux sièges, quelle sera l'autre femme
qui y siégera. Parce que ce sont les présidents qui vont y venir.
Ça vaudra aussi pour l'Association des manufacturiers, ça vaudra
pour le Conseil du patronat et ça vaudra pour... Alors, comment faire
pour que, dans la loi, il y ait la représentation proportionnelle?
Peut-être, oui, dans la loi. Moi, j'ai pensé que si ce n'est pas
dans le projet de loi, je pourrais au moins en faire un amendement. On ne sait
pas, peut-être que le ministre pourrait l'accepter, mais est-ce qu'il
pourra le mettre en vigueur? C'est ça, finalement, la question.
Comment contourne-t-on le fait que les organismes sont quand même
maîtres de leur représentation? On ne peut quand même pas
dicter à une centrale qui a un siège... Prenons la CSN parce que,
contrairement à M. Béland, le président de la CSN est venu
se prononcer en faveur d'un siège pour le milieu femme et puis, en fait,
je dirais, pour un quatrième partenaire. Parce que là, on ne va
pas commencer à chicaner sur combien de sièges il va y avoir. Le
principe, c'est: Faut-il, à ces trois déjà
identifiés, un quatrième partenaire qui vienne représenter
les personnes lourdement défavorisées sur le marché de
l'emploi ou les personnes sans emploi? Et ce quatrième partenaire
pourrait être constitué de représentants du milieu
communautaire, des personnes plus fortement défavorisées comme
les personnes handicapées, les jeunes ou les membres des
communautés culturelles. Mais, je vous pose la question: Est-ce que,
dans la loi, s'il y a cette disposition ferme, on peut l'appliquer?
Mme La vigne: Écoutez, quand on parie de
représentation équitable, je pense que, d'une part, ça se
joue sur l'ensemble et, par ailleurs, si des gens trouvent que ça pose
des problèmes, c'est parce qu'on part aussi d'un modèle qui est
le modèle de la conférence qui est, je pense, en soi, un
modèle... Peut-être qu'au niveau de la conférence, il est
absolument essentiel qu'on ait jugé, à un moment tournant, que ce
ne soient que les présidents qui y siègent. Mais, par ailleurs,
on peut peut-être aussi penser autrement la réalité de la
société québécoise. On peut dire que c'est des
présidents mais un premier vice-président ou une première
vice-présidente... Bon, les délégations peuvent se former
de différentes façons. Et ça, là-dessus, pourquoi
ce serait obligatoirement l'ensemble des présidents qui y seraient? Puis
je passe là-dessus. Ce n'est pas mentionné dans les politiques
que ce soit obligatoirement un président ou une présidente. (10 h
30)
Mme Harel: Mais, Mme la présidente du Conseil, je vous
arrête tout de suite parce qu'à l'opérationalisation de la
chose, à laquelle des centrales le ministre devra-t-il dire: Vous nous
envoyez une femme? Là, il y a six sièges. Alors, une
représentation proportionnelle, c'est au moins peut-être trois,
parce que la main-d'oeuvre active, vous nous le dites, est conçue pour
moitié d'hommes et de femmes. Alors, à laquelle il dirait: II y
en aura trois. Admettons qu'il accepte la CEQ, alors, il en faut deux autres.
Alors, il y en a une à qui il dit: Non, ce n'est pas vous le
président, il faut que ça soit quelqu'un d'autre. Mais à
laquelle? Il va choisir au hasard. Vous voyez comment ce n'est pas simple? Et
c'est pour ça que, moi, je pense qu'il faut, par ailleurs, oui,
distinguer les deux. Vous faites bien de dire qu'il faut poursuivre les deux et
que l'un ne tient pas lieu de l'autre. Ce n'est pas parce que ce serait pour
autant une femme, même s'il en faut, de façon équitable,
qui siègent avec la délégation patronale ou qui
siègent avec
la délégation syndicale qui, pour autant, va porter la
problématique des femmes en emploi, parce qu'elle aura la
problématique de son organisation à porter. Il faut ne pas
l'oublier. Mais peut-être ce qu'on peut souhaiter de mieux, c'est que le
ministre nomme des femmes à la présidence et à la
vice-présidence de la Société, aux deux postes.
Mme Lavigne: Ça, ça peut être un souhait,
sauf que je pense que ça n'exclut pas la notion de retrouver, quand on
peut l'inscrire dans un texte de loi, la notion d'équitable. Dans ce
sens-là, il y a des listes qui peuvent se faire. Des centrales peuvent
proposer trois noms, chacune des centrales. Il y a toutes sortes de
modalités de représentation, et je suppose que le ministre peut
avoir des mécanismes où on n'impose pas nécessairement en
disant: Dans ma centrale, ce ne sera qu'une telle personne et, au Conseil du
patronat, ce sera une telle personne. il peut y avoir différents
mécanismes et il peut y avoir aussi, au niveau de sièges, d'un
ensemble de sièges, une possibilité d'équilibre qui
s'établisse. nous avons inscrit, vous le remarquerez aussi, ce qui donne
un peu de temps, on a parié en termes d'équitable. on a
parlé en termes de représentation équitable. or les femmes
forment actuellement 44 % de la main-d'oeuvre. ce n'est pas encore
moitié-moitié, il y a une marge de manoeuvre. le temps va
permettre de régler, d'ajuster des éléments, mais il y a
différents lieux et quand on parle d'équitable, c'est pour
l'ensemble de la dynamique, l'ensemble du conseil d'administration de la
société de développement et des sociétés
régionales. à cet égard, il y a une possibilité de
choix. les gens, en jouant à ces niveaux-là, ça fait
partie de choses qui sont possibles.
On a vu ce qui s'est passé au niveau fédéral et au
niveau fédéral, ce n'est même pas prévu dans la loi,
ce qui pose peut-être un certain nombre de problèmes, mais on a vu
néanmoins que sur les huit membres syndicaux au fédéral,
on réussit à avoir trois femmes. On a réussi à en
avoir trois malgré que l'organisation syndicale au Canada soit
relativement la même qu'au Québec, et on a réussi, dans un
premier temps, sur la base d'une bonne volonté, en demandant des noms,
de refaire un équilibre. Sauf qu'on sait le problème des bonnes
volontés. C'est conjoncturel, lié à la volonté du
ministre qui est là et on se retrouve après avec d'énormes
changements. C'est ce pourquoi il est important que la volonté
gouvernementale, qui est très claire dans l'énoncé de
politique, on la retrouve de façon permanente dans la
société québécoise. Là-dessus, il y a des
mécanismes à inventer, j'en conviens, mais je ne vois pas
pourquoi ce ne serait pas faisable.
Mme Harel: À la page 11 de votre mémoire, vous nous
parlez du nouveau programme d'aide à la formation des personnes actives
sur le marché du travail. En fait, ce programme qui consiste à
offrir une formation professionnelle, une aide au perfectionnement des
travailleurs en emploi, vous savez que c'est ce pendant du crédit
d'impôt pour les personnes, pour les individus, plutôt que pour les
entreprises. Et vous dites, à la page 11, qu'il y aurait peut-être
lieu d'envisager, un peu comme c'est le cas au Régime de rentes du
Québec, qui tient compte de la période durant laquelle un parent
a la responsabilité de jeunes enfants de moins de 7 ans, qu'il devrait
donc être pris en considération dans la définition des
personnes actives, le fait qu'il y ait donc eu présence à la
maison pour la garde d'un enfant de moins de 7 ans.
Je ne sais pas si vous êtes au courant que présentement, ce
programme est offert depuis le 1er janvier, pas beaucoup publicise,
évidemment, mais il s'adresse, et je lis le document à cet effet:
«II s'adresse à toute personne, en autant qu'elle a
été active sur le marché du travail durant les six
dernières années précédant sa demande
d'admission». Alors, vous voyez à quel point c'est
déjà très réducteur, c'est-à-dire que n'est
admissible, actuellement, au programme individuel, si vous voulez, de
congé de formation que la personne qui a été durant six
années précédant sa demande d'admission sur le
marché du travail.
Au moment où on a fait la révision des normes du travail,
le Conseil était venu nous signaler, en commission, qu'en moyenne, les
femmes travaillent de façon continue quatre années, je crois, pas
tout à fait, en fait, avant de quitter le marché de l'emploi pour
revenir par la suite. Alors, c'est un va-et-vient, comme on sait, et plusieurs
ne complétaient pas le cinq ans requis à cette
époque-là pour obtenir la protection des droits du travail.
Alors, est-ce que le Conseil entend faire des représentations sur cette
norme-là, qui m'apparaît, moi, systémique? Il ne doit pas y
avoir beaucoup de femmes qui ont accès aux congés de formation,
avec une règle comme celle-là, d'une part.
D'autre part, vous parlez également, à la page 19 de votre
mémoire, d'une représentation proportionnelle souhaitable pour
les femmes dans les comités de reclassement mis sur pied en cas de
licenciement collectif. Et ça m'amène à vous parler des
femmes qui sont âgées de plus de 55 ans et qui sont
licenciées. Vous savez que le programme qui s'adresse à elles, le
programme PAT A, exige 15 années sur le marché du travail pour y
avoir droit, en plus de bien d'autres critères qui restreignent
énormément l'accessibilité. Vous le savez, à
Montréal, ça demande une mise à pied de 100
employés et plus. Dans le secteur du textile, 88 % des entreprises
comptent 40 employés et moins, alors... Mais là, le ministre nous
avait promis, dans l'énoncé sur Montréal, en
décembre dernier, de négocier des accommodements pour le secteur
du textile. On s'est
échangé plein, plein de lettres, et il m'a souvent dit
qu'il allait négocier pour les femmes, aussi. Parce qu'en moyenne, ce
serait 13 années sur le marché du travail, alors les 15
années requises, vous comprenez que ça les écarte aussi,
hein. Alors, je ne sais pas où en sont ses négociations.
M. Bourbeau: J'attends le fédéral. Nous, on a
signifié au fédéral, M. le Président, qu'on est
absolument d'accord avec la proposition qu'on a faite - c'est nous qui l'avons
faite, d'ailleurs - mais le fédéral ne nous a pas donné de
réponse encore.
Mme Harel: Alors, je ne sais pas. Est-ce que vous avez...
M. Bourbeau: C'est un programme qui est financé à
70 % par le fédéral, je dois dire.
Mme Harel: Alors, une chance qu'on a la controverse
constitutionnelle. Comme ça, chaque gouvernement peut, à tour de
rôle, se laver les mains sur ce qui se passe. Mais je vous laisse...
M. Bourbeau: Bien, quand on paie 30 % seulement sur 100 %, on
n'est pas dans le «driver's seat», comme on dit en anglais.
Mme Harel: Alors, imaginez, c'est le seul programme, le seul mis
en place suite à la signature de l'entente de libre-échange.
C'est supposé être notre programme d'adaptation de la
main-d'oeuvre pour les personnes âgées licenciées, mises
à pied. Alors, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Mme La vigne: Je vais laisser la parole à Mme Lepage.
Mme Lepage (Francine): Alors, pour la première partie de
votre question, nous avons fait la recommandation 3, qui vise à
s'assurer que toutes les personnes qui veulent entreprendre une formation aient
le soutien financier adéquat. Donc, c'est assez large. On sait que le
budget 1991 avait annoncé, justement, le programme d'aide
financière individuelle. On sait qu'à l'heure actuelle, aussi,
c'est assez restreint dans le sens que ça ne concerne que les
salariés, et c'est pour des types de formation professionnelle
n'excédant pas trois trimestres.
Il y a aussi la période pour s'y qualifier. Alors, c'est
sûr que ça devra être adapté. Si c'est la seule
mesure privilégiée, elle devrait être plus large pour
englober les gens qui sont autonomes, par exemple, les parents qui se retirent
momentanément de la main-d'oeuvre. On peut aussi miser sur d'autres
mesures à côté. Le programme fédéral a
déjà des programmes d'allocation de formation. Si le
Québec récupère les choses, on devra aussi voir à
élargir les moyens pour tenir compte, pour que toute personne, dont les
femmes, aient un accès à ces programmes-là.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, madame
Lepage.
Mme Lepage: Par rapport au programme PATA, on avait aussi
signalé le problème au ministre.
Mme Harel: En conclusion, M. le Président, peut-être
deux mots. À la page 17, le mémoire du Conseil du statut de la
femme rappelle la nécessité d'une pratique globale
intégrée de congés parentaux et souhaite qu'à
l'occasion du rapatriement que le ministre entend effectuer, cette proposition
ne soit pas oubliée. Alors, peut-être que je vous laisserais
l'occasion de la lui rappeler.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Allez-y, madame.
Mme La vigne: Oui, c'est de la continuité dans les
idées, ça. Effectivement, ce que nous avons reconmandé,
déjà, au gouvernement du Québec, c'est qu'il y ait enfin
une politique intégrée de congés parentaux. Alors,
à la faveur de certains remaniements, toutes les difficultés que
peuvent rencontrer des travailleuses qui s'absentent pour maternité,
à cause des difficultés d'admissibilité aux programmes,
des différentes incohérences qu'on retrouve, des
difficultés d'arrimage avec les programmes québécois qui
existent déjà, il nous semble, en tout cas, que ça serait
une excellente occasion d'avoir un système davantage
intégré et qui permette d'avoir un remplacement du revenu qui
soit équitable pour les femmes qui doivent quitter temporairement lors
de la naissance d'un enfant.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.
M. Bourbeau: M. le Président, en terminant, je voudrais
remercier le Conseil du statut de la femme pour cette présentation
extrêmement intéressante et ces discussions non moins
intéressantes, et leur dire que les propos qu'on a tenus ne sont pas
tombés dans l'oreille d'un sourd, ni vos paroles, ni vos écrits
d'ailleurs, dans les oreilles et les yeux d'un sourd. Nous allons certainement
tenter, quand nous allons prendre des décisions, un peu plus tard, de
nous rapprocher le plus possible de votre point de vue. Je ne sais pas si nous
pourrons vous satisfaire d'une façon totale et entière, mais je
peux vous dire que vous avez, en la personne du ministre de la Main-d'oeuvre,
de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle,
quelqu'un qui comprend très bien ce problème-là et qui est
tout à fait désireux de tenter de faire justice aux femmes.
Maintenant dans quelle
mesure je pourrai y arriver? l'histoire le dira. mais avec ma
collègue ici qui n'arrête pas de m'encourager, je pense qu'on va
certainement arriver à des solutions qui, je l'espère, seront
jugées équitables.
Mme Trépanier: Alors...
Le Président (M. Marcil): Allez-y, madame.
Mme Trépanier: ...mesdames du Conseil du statut de la
femme, chose certaine, je pense qu'on s'entend tous ici pour dire que s'il y a
un dossier qui est crucial pour la société
québécoise et pour les femmes québécoises, en
particulier, c'est bien celui-là, qu'on ne peut pas se permettre de
manquer le virage et qu'il faut absolument, de quelque façon que ce
soit, mais de façon positive, s'assurer que les femmes soient
présentes et prennent leur sort en main, je dirais. C'est la seule
façon, je pense, et vous l'avez très bien traduit dans votre
thème de la Journée de la femme, cette année, c'est une
question d'autonomie financière. L'indépendance,
l'égalité commence par là. Et, pour pouvoir y arriver,
ça commence par l'accès à l'emploi et une formation
adéquate. Alors, merci infiniment pour vos travaux qui sont très
bien faits comme à l'habitude.
Mme Lavigne: Merci beaucoup de votre attention. (10 h 45)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, mesdames du
Conseil du statut de la femme, de vous être prêtées à
cet exercice d'échange. Nous allons vous souhaiter un bon voyage de
retour et allons demander immédiatement à l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale de se présenter
à la table. J'inviterais les gens à prendre place, s'il vous
plaît, si nous voulons respecter notre horaire de cet avant-midi.
J'inviterais Mmes et MM. les députés à reprendre leur
siège.
Nous avons devant nous les représentantes de l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale. Nous vous souhaitons la
bienvenue à cette commission parlementaire. Mme Jacqueline Martin, si
vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et procéder
immédiatement à l'exposé, du moins à un
résumé de votre exposé pour qu'on puisse avoir un peu plus
de temps pour échanger sur le sujet.
AFEAS
Mme Martin (Jacqueline): merci, m. le président. alors, je
vous présente mme michelle houle oueliet, coordonnatrice du plan
d'action à l'afeas. m. le président, m. le ministre, mme la
ministre, membres de la commission parlementaire, je vais faire un petit tour
d'horizon à savoir qui est l'afeas. c'est un groupe qui est fondé
depuis 1966 et qui regroupe 25 000 femmes réparties dans toute la
province de Québec.
L'Association offre à ses membres des dossiers mensuels
d'étude traitant de différents aspects de la vie des femmes, des
publications thématiques et une revue. Les dossiers d'étude sont
utilisés par les groupes locaux pour une sensibilisation, des
discussions et des prises de position. Ils sont à la base d'actions
diverses propres à assurer la promotion de la condition
féminine.
Si l'AFEAS informe ses membres, elle tient aussi des sessions de
formation. Cette formation vise le développement personnel, telles
l'autonomie, l'acquisition d'habiletés et de compétences
professionnelles, notamment en animation de groupes; je pourrais ajouter
procédures d'assemblées, etc. Le congrès annuel, qui se
tient en août, représente un lieu décisionnel. Il est
l'occasion de débattre maintes résolutions provenant de toutes
les régions, celles qui sont acceptées par l'assemblée
générale devenant les positions officielles de l'AFEAS.
L'AFEAS intervient régulièrement auprès des autres
partenaires sociaux: associations, institutions et ministères. Nous
participons aux consultations publiques et nous sommes membres de regroupements
provinciaux. Plusieurs de nos membres siègent sur des conseils
d'administration.
On ne prétend pas faire une analyse détaillée de
tout le projet de loi, mais nous attirons surtout votre attention sur la
représentation des groupes de femmes dans la structure proposée
et l'accès à la formation professionnelle pour toutes les
femmes.
Sans reprendre toutes les statistiques qui font état de la
présence des femmes sur le marché de l'emploi, des contextes qui
prévalent et des conditions de travail, permettez-nous de rappeler
certains constats majeurs. Selon les statistiques citées dans la
politique gouvernementale en matière de condition féminine et
dans un exposé de la ministre, Mme Violette Trépanier, devant la
conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, le portrait
des femmes des années quatre-vingt-dix comprend les
caractéristiques suivantes: les femmes constituent 50,66 % de la
population du Québec, elles représentent 43,7 % de la population
active et constituent la majorité, soit 70,8 % de la main-d'oeuvre
à temps partiel.
Le taux d'activité des femmes augmente de façon constante
tandis que le taux d'activité des hommes diminue. Les femmes continuent
de gagner moins que les hommes. De plus, l'écart entre les gains des
femmes et les gains des hommes s'accroît. Les femmes interrompent moins
longtemps que par le passé leur présence sur le marché du
travail lors de la maternité. D'ailleurs, c'est parmi les femmes avec de
jeunes enfants que le taux d'activité a le plus progressé. Les
progrès accomplis sur le marché du travail n'ont
pas été suffisants pour sortir les femmes du cercle de la
pauvreté. Encore aujourd'hui, elles forment près de 60 % de la
population frappée par la pauvreté. Les femmes profitent peu de
programmes de formation en entreprise et sont moins nombreuses que les hommes
en formation professionnelle qualifiante.
L'activité professionnelle des femmes ainsi que leur taux de
chômage sont directement liés à leur niveau de
qualification. Au cours des 15 dernières années, la croissance de
la population active due particulièrement à l'entrée
massive des femmes sur le marché du travail a permis au produit
intérieur brut, PIB, de faire un bond de 75 % et d'augmenter la
productivité de 48 %. On estime que d'ici l'an 2000, 80 % des nouveaux
arrivants sur le marché du travail seront des femmes et des membres de
communautés culturelles.
Ces données prouvent éloquemment que les femmes sont
concernées par le développement de la main-d'oeuvre. Nous sommes,
par mille réalités et mille facettes, les partenaires d'un
Québec compétent et compétitif. Comme le soulignait la
ministre, Mme Violette Trépanier, l'économie peut-elle se passer
de la main-d'oeuvre féminine?
Les membres de l'AFEAS militent depuis toujours en faveur de
l'éducation. Non seulement ce terme est-il inclus dans le nom de notre
organisme, mais l'éducation et la formation reviennent constamment dans
nos discussions et nos travaux. Au fil des années, la formation des
enfants et des adultes a fait l'objet de plusieurs résolutions. Il y a
aussi la formation des filles qui a mobilisé prioritairement les membres
de notre organisme pendant trois ans.
La formation des membres a été continue. Des milliers
d'heures sur des thèmes tels le travail au foyer, le partage des
tâches, la situation économique des femmes, un certificat en
animation et recherche culturelle suivi par une centaine de membres à
l'UQAM; des groupes d'action politique, des ateliers sur l'autonomie
personnelle et financière et d'autres encore.
Par ailleurs, la reconnaissance des acquis a été un
important cheval de bataille. Nous avons contribué aux étapes de
clarification dans l'élaboration du concept, analysé et
appuyé les documents produits sur le sujet. Nous avons
espéré des résultats, suivi l'évolution du dossier
et participé à des projets-pilotes. Aujourd'hui, nous suivons
l'évolution du dossier de la reconnaissance des compétences.
Consciente des difficultés et des problèmes
engendrés par l'accès aux métiers non traditionnels pour
les filles et les femmes, l'AFEAS a soutenu dans ses travaux le thème de
la formation et de l'orientation des filles pendant quatre ans. Recherche
documentaire, enquêtes, compilations statistiques et rencontres de
conscientisa-tion nous ont tenues en haleine. Il y a maintenant trois ans,
l'AFEAS créait, avec Bell, la Bourse Défi qui encourage
l'élargissement du choix de carrière des filles en les aidant a
se diriger vers les métiers non traditionnels qui sont garants de
succès, comme le souligne l'énoncé de politique.
l'énoncé de politique et plus encore! h est urgent que le
québec mise gagnant sur son économie et ses ressources humaines
dès maintenant, avec une vision sur l'avenir aussi. il est urgent que le
développement et la formation de la main-d'oeuvre fassent en sorte que
les femmes aient de meilleures conditions d'emploi et que les principes
acceptés d'égalité et d'équité deviennent
des faits. d'après nous, le développement de la main-d'oeuvre ne
peut être envisagé sans qu'il y ait en parallèle un
développement du marché de l'emploi. des gens qualifiés,
il y a en beaucoup au québec. en plus de rechercher l'arrimage de la
formation et du marché du travail, il faut élargir celui-ci, il
faut développer des stratégies d'emploi, cet objectif qu'on
hésite encore trop souvent à mettre de l'avant. il y a un cycle
action-réaction qui comprend marché de l'emploi, main-d'oeuvre et
conditions de travail. on peut difficilement agir sur l'un d'entre eux sans
toucher aux autres. il faudrait faire en sorte que la stratégie globale
qui porte sur la main-d'oeuvre s'insère dans une stratégie
globale du travail.
L'importance du partenariat. M. le ministre André Bourbeau nous
rappelle que le partenariat représente la caractéristique commune
des économies à succès. Il énumère aussi les
conditions manquantes pour la réalisation d'un partenariat et celles
à instaurer. Nous comptons sur vous, M. Bourbeau, et sur vos
collègues pour passer à l'action. Nous devons favoriser une
concertation des plus rentables par le biais de structures existantes ou
à venir.
Il faut certainement susciter constamment un partenariat avisé
proactif et y collaborer étroitement. Toute multiplication des efforts
et des actions ne pourra qu'être bénéfique. Il faut
atteindre les femmes dans les sphères qu'elles occupent et les inclure
dans les démarches. Il nous semble essentiel que l'énoncé
de politique sur le développement de la main-d'oeuvre n'oublie pas les
femmes comme partenaires.
La formation professionnelle. Les femmes représentent plus de 50
% de la population. Elles forment 43,7 % de la population active. Le taux de
chômage est plus élevé dans leurs rangs. Elles occupent
actuellement une large part des emplois à temps partiel et des emplois
précaires qui constituent de plus en plus les formes d'emploi
disponibles. Pourtant, elles sont encore moins nombreuses à s'engager
dans des activités de formation qualifiante. Nous pensons
également qu'une culture de la formation continue s'impose. Cela nous
semble être un objectif de grande valeur. D'après l'AFEAS et les
milieux de l'éducation, nous devrions même dire une formation
fondamentale poussée, suivie d'une formation continue. Le rehaussement
d'une culture générale et de la scolarité profitera
à toutes et à tous
Un pays qui se développe doit enrayer le chômage
relié au manque de formation, le décrochage et
l'analphabétisme.
Il faut créer une diversité d'approches et de mesures. Il
faut le faire pour les femmes en général, mais aussi pour celles
qui arrivent sur le marché de l'emploi sans être des prestataires
de l'assurance-chômage ou de la sécurité du revenu. Les
travailleuses au foyer - et l'AFEAS compte une très grande partie de
cette clientèle - qui entrent sur le marché du travail comptent
pour un bon nombre. Elles ne doivent pas être oubliées ou
pénalisées par les programmes d'accès au travail. Les
travailleuses au foyer sont concernées par des mesures et des services
tels l'accueil et la référence, la reconnaissance des acquis et
des compétences professionnelles, les activités de formation
préparatoire à l'emploi ou à la formation professionnelle,
la flexibilité des horaires, l'accès aux bibliothèques,
aux laboratoires, aux garderies, à des allocations de logement, de
transport, l'adaptation des procédés pédagogiques, du
vocabulaire et des syllabus.
Nous applaudissons votre désir de simplifier le processus
d'accès à la formation pour les adultes. À l'heure
actuelle, il n'est pas facile de s'y retrouver et de persister dans une
démarche de formation. Il faut vouloir. L'usager devrait pouvoir
accéder à un «guichet unique» lorsqu'il veut des
renseignements, des consultations et l'élaboration d'un plan de
formation. Cela est particulièrement vrai en région, où
différents rendez-vous dont on ne connaît pas la
nécessité et l'aboutissement peuvent signifier de longs
déplacements.
Nous appuyons plus précisément l'idée d'un
programme d'intervention individuelle et celui d'aide aux organismes du milieu
engagés dans le développement de l'emploi. Ces programmes sont
susceptibles de convenir à nos membres en plus de supporter les
interventions régionales, ce qui rend justice au profil du
Québec.
La formation en entreprise et les femmes. L'AFEAS déplore la
situation qui prévaut actuellement à cet égard. Suite au
transfert de fonds attribués aux achats directs vers la formation sur
mesure en établissement, l'accès des femmes à la formation
professionnelle se trouve grandement diminué. En effet, peu de petites
entreprises où l'on retrouve un grand nombre de femmes proposent de la
formation à leur personnel. Quant aux grandes entreprises, ce sont le
plus souvent les membres du personnel cadre qui bénéficient de la
formation offerte et, encore là, les femmes y sont trop souvent des
exceptions. Même si elle n'a pas été conçue à
cette fin, la formation en entreprise s'avère injuste pour le
développement de la main-d'oeuvre féminine.
Nous croyons que le développement de la main-d'oeuvre doit
annexer à ses finalités le respect des principes
d'égalité et d'équité envers les femmes. Et c'est
un aspect qui nous tient particulièrement à coeur. Il ne
servirait à rien de progresser sur le plan de la main-d'oeuvre si,
à la base des résultats, on ne retrouve pas le consensus social
qui veut que les femmes accèdent au mieux-être collectif. Le
développement de la main-d'oeuvre veut éventuellement dire
création d'entreprises, promotion et meilleur salaire. Assurons-nous que
les femmes profitent des retombées du développement. Une de nos
préoccupations est à l'effet d'enrayer la pauvreté chez
les femmes. Comme mentionné précédemment, les
inégalités de revenu et de statut compromettent leur
sécurité économique. Il s'agit de passer aux actes
plutôt que de se contenter d'anticiper le fardeau financier qui
résultera de l'iniquité.
La représentativité. L'AFEAS, de concert avec plusieurs
organismes féminins, a difficilement obtenu une reconnaissance de
participation de représentantes ou de groupes de femmes aux structures
actuellement mises en place dans le dossier de la formation professionnelle.
Entre autres, la présence des femmes a été assurée
aux tables éducation-main-d'oeuvre et accueil-références.
D'autres avenues avaient été explorées, comme des
sièges aux représentantes des groupes de femmes aux conseils
d'administration des Commissions de formation professionnelle. Il est important
aussi de remarquer qu'il faut donner les moyens pour permettre aux femmes
d'être représentatives des besoins des femmes. Dans son
énoncé, le ministre affirme qu'il s'assurera d'une
représentation équitable des hommes et des femmes au sein du
conseil d'administration de la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre. Nous croyons que ce n'est pas
suffisant.
Nous demandons au ministre de tenir compte du texte qu'on retrouve au
plan d'action en matière de condition féminine, soit d'assurer la
participation de représentantes de groupes de femmes dans tout
mécanisme de concertation établi par le gouvernement et
prévoyant la présence des partenaires du milieu. L'AFEAS tient
à ce que les intérêts des femmes soient défendus
avec ceux des syndicats ou des employeurs. des écueils à
éviter. le nouvel énoncé de politique pour la
main-d'oeuvre veut, sans aucun doute, corriger des lacunes et combler les
manques. au moment où les règles du jeu sont rafraîchies,
il est important de souligner ce que nous voulons éviter. nous
désirons que le gouvernement évite les programmes à court
terme qui ne mènent nulle part, les programmes qui sont 'davantage des
miroirs aux alouettes que de véritables entrées sur le
marché du travail. nous ne voulons pas que les gens soient
occupés à se former pour gonfler et embellir les statistiques.
toute formation doit comporter un potentiel maximum d'entrée ou de
développement sur le marché du travail. il en va de la valeur du
développement voulu et du rendement escompté.
II faut aussi éviter de créer des ghettos de
clientèles en formation. La spécificité des besoins d'aide
et des approches n'exclut pas une diversité dans la clientèle. Il
est bien connu en pédagogie que la motivation à apprendre vient
autant des pairs que des programmes et des enseignants. Quant aux ghettos
d'emplois, ils sont à proscrire pour toutes les raisons qui
amènent la société québécoise à
souscrire aux principes d'égalité et d'équité.
Redisons que l'espérance de vie des femmes, l'accroissement de
leur période active et ce, jusqu'à l'âge de 65 ans, le
fléchissement démographique qui engendre la
nécessité d'utiliser les gens en place, la hausse de
scolarité chez les femmes, souvent dans le domaine professionnel, la
volonté qu'elles ont d'assurer elles-mêmes leur retraite pour ne
pas s'en remettre aux autres, ce sont là autant de raisons pour
reconnaître et encourager le développement de la main-d'oeuvre
féminine. (11 heures)
En conclusion, nous sommes confiantes que l'énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre redresse la situation
de la formation de la main-d'oeuvre pour ouvrir la voie à un réel
et durable développement du marché de l'emploi. De par les
mutations sociales et démographiques, les femmes constituent un bassin
de main-d'oeuvre de toute première importance. Elles sont la
main-d'oeuvre grâce à laquelle la société
québécoise peut se dire compétente et compétitive.
Souhaitons que le projet proposé fasse une plus grande place aux femmes
dans les structures et aussi comme partie prenante de la main-d'oeuvre.
Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme Martin. Je
vais reconnaître immédiatement M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je suis convaincu que les
membres de la séance ont assisté à la conversation qu'on a
eue précédemment avec les représentants du Conseil du
statut de la femme. Je ne voudrais pas revenir exactement sur les mêmes
questions, parce que le temps est limité. Il y a d'autres sujets que
j'aimerais couvrir avec vous. Entre autres, en page 9 de votre mémoire,
vous mentionnez que la formation en entreprise s'avère injuste pour le
développement de la main-d'oeuvre féminine. Vous soulignez que
les femmes profitent peu des programmes qui existent présentement pour
la formation dans les entreprises. D'après vous, quelles sont les
mesures qui devraient être prises pour assurer aux femmes un meilleur
accès à la formation en entreprise?
Mme Martin: Je pense que la formation sur mesure qui est
donnée en entreprise est souvent une formation qui est pointue, qui
regarde vraiment quelque chose qui correspond à l'entre- prise, et les
femmes ne se retrouvent pas beaucoup dans les entreprises, dans les petites PME
et souvent, les petites PME ne donnent pas de formation. Et on sait qu'il y a
un crédit qui a été annoncé pour favoriser la
formation ou ce genre de culture de formation à l'intérieur des
entreprises. C'est une façon, mais il faudrait qu'il y ait pratiquement
une obligation pour les entreprises d'investir dans la formation et qu'elles
voient ça comme quelque chose de rentable pour que nos femmes,
justement, qui sont dans les entreprises aient aussi accès à ces
types de formation.
M. Bourbeau: Vous avez bien raison. D'ailleurs, c'est ce qu'on
dit dans l'énoncé de politique à la formation en
entreprise. Il faut inculquer une culture de la formation dans les entreprises,
et surtout dans les PME qui n'ont pas des habitudes très
développées à ce sujet-là. C'est pour ça que
le gouvernement a instauré le crédit d'impôt à la
formation. Et pour s'assurer que les PME puissent avoir accès à
la formation, compte tenu de leurs faibles moyens financiers, le gouvernement a
même prévu que les PME pourront payer les coûts de formation
à même les redevances que les PME doivent payer mensuellement au
gouvernement pour, par exemple, ce qu'on appelle «la taxe sur le
capital». Chaque petite entreprise doit faire un versement tous les mois,
qui tient lieu d'impôt, qui est obligatoire, et les entreprises peuvent
même prélever là-dessus pour payer les frais de formation.
Même qu'on a, en plus de ça, prévu que si une PME n'avait
pas les liquidités voulues, elle peut même aller à la SDI
et la SDI va garantir un emprunt à la banque au nom de la PME pour lui
permettre d'emprunter pour faire de la formation.
Donc, une PME qui comprend l'importance et qui veut faire de la
formation peut avoir les moyens de le faire. Et il n'y a aucune discrimination
prévue dans le document à l'égard de la main-d'oeuvre
féminine. Si une entreprise emploie des femmes, normalement, si elle
veut faire de la formation, elle devrait faire en sorte que les femmes soient
formées. Et c'est pour ça que je ne comprends pas pourquoi vous
dites que la formation s'avère injuste pour les femmes dans les
entreprises. Je ne vois pas d'où cette injustice peut provenir. Le
système est neutre à cet effet-là. Il ne discrimine pas
les femmes et il incite les petites entreprises à faire de la
formation.
Mme Martin: Je pense qu'avec le projet, actuellement, on a un
crédit de formation qui est possible. C'est déjà une
mesure intéressante, mais je pense qu'il va falloir, même s'il y a
toutes ces belles mesures, insister auprès des entreprises pour qu'elles
développent, qu'elles aient cette mentalité de formation
continue, parce que ce n'est pas passé dans les moeurs des petites
entreprises, je pense, de former sa propre clientèle, sauf que
quand elles sont en panne ou qu'il y a un danger, on pense à former
puis, des fois, il peut être trop tard. Mais c'est aussi important pour
les femmes de leur dire qu'elles doivent se recycler, se former, etc., qu'on
facilite cet accès à la formation. Qu'on leur rendre obligatoire
par différentes mesures auprès des entreprises, ça, c'est
tout favorable, on est vraiment d'accord avec ça, parce que, avant, les
crédits de formation n'existaient pas pour les femmes et pour les hommes
non plus dans les entreprises. Alors, c'est une nouvelle mesure que vous avez
mise sur pied qui est intéressante.
M. Bourbeau: Oui, puis je voudrais aussi vous rappeler que quand
on parle d'un crédit d'impôt remboursable à l'égard
de la formation, pour les PME, ça va jusqu'à 40 % des frais de
formation. Et ça vaut même si l'entreprise ne fait pas de profits.
Parce qu'il y a des gens qui nous ont dit: Oui, c'est bien beau, mais souvent
les PME ne font pas de profits, donc elles n'auront pas de crédit
d'impôt. Ça, ce n'est pas exact. L'expression «crédit
d'impôt remboursable», ça signifie que si l'entreprise ne
fait pas de profits à la fin de l'année, le gouvernement va lui
rembourser quand même ses 40 %, en émettant un chèque du
gouvernement, s'il le faut. Autrement dit, s'il y a des profits, ça peut
être pris à même les 40 % de profits, mais s'il n'y a pas de
profits, le gouvernement va payer sa part. Donc, ça va au-delà
d'une partie qui serait prélevée sur les profits.
J'ai quand même le goût de revenir sur la
représentation des femmes au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Vous
savez que l'énoncé de politique annonce l'intention que le
gouvernement a d'assurer une représentation équitable des femmes
et des hommes au sein du conseil d'administration. Pour ce qui est des hommes,
on n'a pas trop de craintes, ça ne devrait pas être trop
compliqué de trouver des représentants; pour ce qui est des
femmes, il va falloir qu'on soit vigilants pour s'assurer d'avoir une
représentation qui soit juste et équitable, qui tienne compte de
l'importance des femmes sur le marché du travail. On parle d'une
proportion qui approche les 44 %, c'est important.
Vous dites que cette mesure-là, enfin, ce qu'on prétend,
ce qu'on annonce plutôt dans la politique, c'est insuffisant pour assurer
la prise en compte des besoins des femmes. Est-ce que vous pourriez être
plus explicite sur ce sujet-là? En quoi est-ce que c'est
insuffisant?
Mme Martin: Ce qu'on veut vraiment, c'est qu'il y ait une
représentation des groupes de femmes et non pas des organismes
communautaires, parce que dans les organismes communautaires, on entend aussi
loisirs, etc. Quand on parle des représentantes de groupes de femmes,
c'est vraiment des. femmes qui ont une expertise concernant la
problématique particulière des femmes qui sont en recherche
d'emploi ou à se réintégrer sur le marché du
travail. quand on parie d'expertise, ça peut aussi bien être, par
exemple, leur dire c'est quoi, la reconnaissance des compétences
liées au travail au foyer, au bénévolat. parce que les
femmes qui veulent intégrer le marché du travail, c'est comme si
elles étaient vis-à-vis de rien. ces groupes-là sont
capables de les amener à trouver qu'elles n'ont pas rien fait au temps
où elles étaient travailleuses au foyer, où elles
s'occupaient de leurs enfants et où elles ont fait du
bénévolat. donc, toute cette reconnaissance de
compétences, les femmes qui font du travail avec les personnes en
réinsertion sur le marché du travail font mettre ça dans
leur curriculum vitae, ce qu'elles ont fait; donc, on tient compte de la
situation de la femme au foyer dans ces expertises-là. on tient compte
aussi de celle qui a fait du bénévolat. on a une approche qui est
plus personnalisée. on est capable de dire ce que vivent les femmes, que
ce soit pour les immigrantes, que ce soit la capacité d'intervenir au
niveau de cette problématique-là; ils ont développé
une problématique, ces groupes de femmes là. donc, c'est pour
ça qu'on dit «qu'il y ait des représentantes de groupes de
femmes», parce qu'elles connaissent la problématique
spécifique des femmes.
Si on dit: organismes communautaires, pour nous autres, c'est trop
large; c'est trop vaste, ce ne sont pas que des femmes qui sont dans les
organismes communautaires.
M. Bourbeau: Et quels groupes de femmes devrait-on choisir?
Mme Martin: Bien, il y a des groupes qui s'occupent
d'intervention et d'accès au travail pour les femmes. Il y a des groupes
qui s'occupent de réinsertion sur le marché du travail. Chez
nous, je pourrais vous donner le Pont, Transition-Travail; il y a certains
groupes qui sont vraiment axés sur ces programmes de réinsertion
au marché du travail, donc ceux-là connaissent plus la
problématique.
M. Bourbeau: On devrait, d'après vous, choisir quelqu'un
parmi ces groupes-là...
Mme Martin: Qui ait une expertise dans le domaine et qui soit
capable de venir dire les besoins des femmes parce que nous, on connaît
les besoins de nos femmes au niveau de la travailleuse au foyer, on entend ce
qu'elles nous disent par rapport à leurs besoins; elles ont de la
difficulté a rentrer dans des programmes quand c'est des programmes qui
ont des critères comme être sur l'assurance-chômage ou
être sur la sécurité du revenu; il y a une
difficulté d'ouverture pour ces femmes-là parce qu'il y en a un
certain nombre qui sont acceptées et
d'autres sont mises de côté. Il y a des femmes qui
voudraient, avant d'arriver à la séparation, se préparer
un avenir plus certain, plus solide, qui veulent faire une
réintégration et elles ont des difficultés un peu partout.
Ces problémati-ques-là, on les voit dans ces groupes de femmes
là. Donc, c'est important qu'on mette... Je ne pourrais pas vous nommer
lequel des groupes est le mieux placé pour dire qu'il devrait être
assis à la table, mais, au moins, un groupe qui est capable de vous
apporter un autre éclairage. Je ne veux pas dire... Les syndicats, le
milieu patronal et le gouvernement, quand on parle de la Société
comme telle, elle est composée de 6-6-6; ces personnes-là vont
avoir une problématique qui touche le milieu syndical, qui touche le
milieu patronal, mais la problématique de la femme qui est en dehors de
l'industrie ou de l'entreprise ou qui est en dehors d'un milieu comme tel, qui
n'est pas membre d'un syndicat, et la plupart des travailleuses au foyer ne
sont pas membres d'un syndicat. Alors, ces personnes-là, moi, je dis
qu'elles sont oubliées, elles sont comme pénalisées, elles
sont comme mises de côté. Alors, la problématique d'un
syndicat, peu importe le nom, que ce soit une femme qui vienne défendre
les femmes, elle aura toujours une problématique qui touche son domaine
particulier. Donc, il y aura des oublis et c'est important qu'il y ait un
groupe de femmes qui soit capable de venir dire quelles sont les autres
problématiques qui touchent le domaine de l'emploi pour les femmes et de
la formation en particulier.
M. Bourbeau: Est-ce que vous maintiendriez cette demande si la
moitié des sièges au conseil d'administration étaient
détenus par des femmes?
Mme Martin: Bon, vous dites: la moitié des sièges
du conseil d'administration. Je viens de vous dire que ceux qui sont
déjà prévus, les sièges déjà
prévus, même si ce sont des femmes, elles vont développer
des problématiques qui touchent leurs propres intérêts. Ce
qui manque, c'est l'intérêt de toutes les autres femmes qui ne
sont pas représentées par ces groupes de femmes. Je n'ai rien
contre. Je sais que la CEQ va défendre les enseignantes, la FTQ va
défendre les particularités de son groupe, la CSN, etc., mais ils
ne penseront pas à nos femmes à nous à l'AFEAS, qui sont
actuellement en recherche d'emploi et en recherche de formation qualifiante et
qui ont de la difficulté à se faire...
Même, on a demandé, au niveau
d'éducation-main-d'oeuvre et d'accueil-références. Nos
femmes sont allées s'asseoir, elles ont eu des sièges là
pour expliquer la problématique, et ce n'est pas plus facile, quand
ça arrivait à la table éducation-main-d'oeuvre pour aller
dire... Il y a des groupes qui n'avaient même pas accepté,
n'avaient pas fait de place à une femme au sein... Ça a
été, en tout cas, je peux dire des tiraillements pour essayer de
garder des femmes toujours assises à ces places-là.
C'est la même chose pour les conseils d'administration de la
Commission de formation professionnelle. Quand on regarde toujours emploi,
qu'on regarde toujours main-d'oeuvre et qu'on oublie celles qui pourraient
venir faire une réinsertion ou bien s'intégrer tout simplement
parce qu'un grand bout de temps elles n'étaient pas en emploi, ça
prend quelqu'un pour voir cette problématique. Je ne veux pas dire que
les autres ne sont pas capables de le faire, mais c'est qu'ils ont des
intérêts particuliers à défendre, et je pense qu'il
est important qu'on ait une représentante des groupes de femmes pour
défendre les intérêts des femmes.
Le Président (M. Philibert): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Trépanier: oui, merci. je pense que le ministre de la
sécurité du revenu a fait un effort louable, mais il ne vous a
pas convaincue. dix secondes pour revenir là-dessus. je veux que vous me
spécifiiez quelque chose. est-ce que vous accepteriez... vous seriez
d'accord, je pense, avec ce que j'ai entendu, avec la formulation du conseil du
statut de la femme qui disait que ça pourrait être une
représentante de groupe qui offre des services en matière de
formation, d'intégration aux femmes? parce que vous, vous n'êtes
pas un organisme spécifiquement voué à cette mission,
quoique, depuis de nombreuses années, vous avez un intérêt
particulier pour la formation des filles et ce n'est pas d'aujourd'hui...
Mme Martin: Reconnaissance des acquis, aussi...
Mme Trépanier: Oui, et j'y arrive.
Mme Martin: ...en termes d'extra-scolaire.
Mme Trépanier: Vous avez joué un rôle
important au Québec à cet effet-là, vous avez
instauré des prix également. J'imagine que c'est beaucoup
dû à la clientèle que vous desservez qui est,
peut-être plus maintenant, majoritairement femmes au foyer, je ne pense
pas... C'est à peu près moitié-moitié, femmes au
foyer et travailleuses. Et vous avez développé une expertise au
niveau de la reconnaissance des acquis et ça, quand vous faisiez votre
présentation tout à l'heure, je vous visais personnellement et je
me disais: Je suis convaincue que son expérience comme présidente
de l'AFEAS, qui a une valeur extraordinaire, est moins reconnue, sera moins
reconnue dans l'avenir que peut-être 2 ou 3 ans dans la profession
qu'elle a exercée, je ne sais laquelle.
Mme Martin: Enseignante.
Mme Trépanier: enseignante. alors, on se comprend, nous
sommes des enseignantes toutes les deux. c'est absolument inconcevable. il faut
trouver un mécanisme quelconque pour que ce sort reconnu. vous disiez,
dans votre mémoire, que vous avez piloté un projet au
cégep de saint-jérôme quant à la reconnaissance des
acquis. c'était quoi, ça, et c'a donné quoi? (11 h 15)
Mme Martin: Je vais laisser la parole à Michelle en ce qui
concerne le projet de Saint-Jérôme.
Mme Houle Ouellet (Michelle): O.K. Je sais que c'est
spécifique, mais ça peut peut-être nous aider à...
Je m'excuse, j'ai de la difficulté avec ma voix. Bon. L'objectif qu'on
poursuivait avec le projet qui a été développé avec
le cégep de Saint-Jérôme et la Commission de formation
professionnelle Laurentides-Lanaudière visait à faire en sorte
que les personnes qui utilisent ces services-là aient une
démarche unique à faire...
Mme Trépanier: ...de formation professionnelle?
Mme Houle Ouellet: C'est ça. À la fois, la personne
se présentait et on faisait une évaluation de son dossier. On
essayait d'identifier quels étaient ses acquis de formation,
également vérifier l'information manquante, bien sûr. Et la
deuxième partie de la démarche aurait consisté à
faire la reconnaissance de ses compétences pour voir si la personne
était prête à entrer sur le marché du travail et
là, voir s'il manquait de la formation et comment on dirigeait la
personne. Alors, essentiellement, ça visait à faciliter les
démarches pour quelqu'un qui utilise les services, à faire en
sorte qu'elle n'ait pas à s'adresser à quatre ou cinq endroits
différents pour faire faire une évaluation de son dossier pour
l'aider à réintégrer le plus rapidement possible le
marché du travail. Parce que, essentiellement, la reconnaissance des
acquis ou la reconnaissance des compétences, c'est dans cet
objectif-là que les personnes utilisent ces services-là, pour
aller plus vite, soit pour accéder au marché du travail ou
diminuer le temps de formation qui pourrait leur manquer. C'est difficile!
Mme Trépanier: C'est difficile pour vous. J'ose à
peine revenir avec une question additionnelle. Est-ce qu'il y a une lueur
d'espoir face à la reconnaissance des acquis autres que des acquis
professionnels et...?
Mme Houle Ouellet: Actuellement, disons qu'il y a une
déception un peu de la part des gens de notre groupe. Parce qu'on a mis
beaucoup d'espoir dans le développement de ce dossier-là pour,
finalement, se rendre compte que c'est un processus qui peut être
extrêmement long, qui peut être extrêmement coûteux
selon l'instance où on s'adresse. et quand on voit le système de
reconnaissance des compétences qui se met en marche en plus de
ça, à cette phase-ci, c'est comme un peu difficile pour
l'utilisateur de voir si vraiment, ça va lui rendre service au bout de
la ligne et si ça va hâter sa démarche d'accès au
travail puis d'accès à la formation. on n'en a pas de garantie,
actuellement, et on souhaite bien que le dossier continue de se
développer dans ce sens-là pour que ce soit un facilitant et non
pas une barrière de plus à franchir avant d'aller au travail ou
avant d'aller prendre de la formation.
Ça a été dommage, le projet, pour le... Je n'ai pas
fait de conclusion pour le projet de Saint-Jérôme. C'est que,
finalement, les personnes qui avaient entrepris la démarche n'ont pas pu
poursuivre dans les secteurs de reconnaissance de leur compétence.
Alors, le projet a comme pas été mené à terme parce
que le champ d'action de la reconnaissance a été comme mis de
côté par la Commission de formation professionnelle
Laurentides-Lanaudière. Ce secteur-là n'était pas
développé dans cette région-là, il n'y avait pas
moyen de faire de démarches de reconnaissance. Alors, on voit que les
barrières administratives, finalement, ne sont pas faciles pour les
utilisateurs des services. Et c'est un peu ça qu'on aimerait qui
débloque. Comme porte-parole d'un groupe qui a beaucoup mis de l'avant
ce dossier-là, on doit dire qu'il y a une certaine déception,
actuellement, et qu'on souhaite beaucoup que ce soit vu vraiment comme un
facilitant et qu'on continue de développer la reconnaissance des acquis
et des compétences.
Mme Trépanier: C'est une voie, je pense, qu'il faut
continuer à explorer parce que je pense qu'il y a des...
Mme Houle Ouellet: Oui.
Mme Trépanier: ...pistes de solution qui sont au bout de
cette voie-là, c'est très clair. Et on sent, tout au long de
votre mémoire, que vous accordez une très grande importance
à la formation de base, également. Vous dites: Développons
notre formation de base. Je pense que vous appelez ça la...
Une voix:...
Mme Trépanier: C'est ça. Et ensuite, allons
chercher des acquis. Je pense que c'est important de le souligner
également. Je sais qu'il ne me reste presque plus de temps. Vous nous
dites également, au début de votre mémoire, que vous
voudriez voir intégrer des principes d'égalité et
d'équité dans la loi. Mais vous ne nous dites pas comment vous
voulez qu'on l'intègre. Comme notion, ou si vous avez des idées
plus précises sur des façons de le faire? Est-ce qu'il y a des
mécanismes spécifiques que vous envisagez ou si
vous dites: Ce que vous avez dans votre politique, on veut le voir
intégrer dans la loi? C'est ça, le fond...
Mme Martin: C'est plutôt dans le sens de toujours tenir
compte de ces deux grands principes d'égalité et
d'équité. Et si on en tient compte tout le temps, bien, il y aura
des mesures qui permettront de mettre en application ces deux grands
principes-là.
Mme Trépanier: Est-ce que vous considérez que le
projet, comme il est là, avec l'énoncé de politique,
ça vous satisfait? Nous en tenons suffisamment compte?
Mme Martin: Bon, ce qu'on voyait dans l'énoncé de
politique, c'est qu'il y avait beaucoup d'explications sur la
problématique des femmes. On la retrouve partout, la
problématique des femmes, dans le document. Sauf qu'il y avait
peut-être, comme on disait, des mesures qui permettraient
d'intégrer, pas simplement les catégories... On a comme fait des
ghettos: les personnes qui sont sur l'assurance-chômage ou les personnes
qui reçoivent la sécurité du revenu. Alors, on est
toujours axés vers ces personnes-là. Je comprends qu'il faut
qu'on essaie de les sortir de... mais il y en a d'autres qui sont en
arrière, qui attendent. Et je pense que pour qu'il y ait une certaine
équité encore et égalité, on devrait penser
à voir à ce que ces femmes-là qui sont en attente puissent
intégrer le marché du travail et aient accès à des
formations qualifiantes. Parce que si on retourne ces femmes-là sur le
marché du travail actuellement, d'abord c'est fermé, c'est
très difficile de réintégrer et, en plus, au bout de la
ligne, elles seront toujours dans un même circuit qui va faire que, bon,
tu retourneras chez vous parce que... tu seras sur le chômage, etc.,
t'auras droit à ce moment-là à des programmes. Mais, avant
d'en arriver là, il faudrait qu'il y ait une possibilité de
formation et d'intégration, ouvrir les portes plus facilement pour
intégrer des femmes.
Mme Trépanier: Les femmes qu'on appelle, dans plusieurs
organismes, «les femmes sans chèque».
Mme Martin: Sans chèque. Mme Trépanier:
C'est ça.
Mme Martin: C'est justement. Celles qui n'ont pas de
chèque et qui, elles aussi, ont droit à de la formation
qualifiante et à l'emploi.
Mme Trépanier: Merci, mesdames.
Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la ministre. Mme
la députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous recevoir, Mme Martin et Mme Houle Ouellet. Vous savez à
quel point je prends connaissance de vos études. Je vous écris
d'ailleurs régulièrement et je trouve ça extrêmement
intéressant. Moi, je veux vous féliciter d'être venues
devant la commission pour nous rappeler à quel point la clientèle
que vous représentez, finalement, est, en grande partie, laissée
pour compte actuellement. Je reviens sur cette question de la formation en
entreprise qui peut s'avérer injuste pour la main-d'oeuvre
féminine. Le ministre semblait ne pas comprendre que vous ayez pu, dans
votre mémoire, énoncer une chose semblable. Mais vous nous
rappelez, dans votre mémoire, à la page 7, que 70 % des emplois
à temps partiel sont occupés par des femmes et que la
majorité des emplois précaires le sont également par des
femmes et des jeunes. Alors, il me semble que c'est un fait d'évidence
qui s'impose, c'est-à-dire comment peut-on imaginer que l'entreprise va
consacrer des sommes du crédit d'impôt pour former une
main-d'oeuvre qui est à temps partiel ou en emploi précaire? Il
me semble qu'il y a là une sorte de fait d'évidence. Le ministre
vous répondait que son crédit d'impôt existe. Remarquez
qu'il n'y en a pas de bilan encore, puis on verra, cette fin de printemps,
lorsqu'on aura les résultats des deux dernières années.
Mais même pour la main-d'oeuvre masculine, déjà
qualifiée, si vous voulez, il n'est pas encore évident que le
crédit d'impôt ait été bien utilisé. Mais
pour la main-d'oeuvre féminine, en fait, il y a des hypothèses
lourdes que ce ne soit pas le scénario du crédit d'impôt
qui ait été consacré à la main-d'oeuvre
féminine à temps partiel ou en emploi précaire. Est-ce que
c'est ça que vous vouliez exprimer dans votre réserve sur les
changements qui sont de plus en plus vers la formation en entreprise?
Mme Martin: II est bien évident que pour la
clientèle à temps partiel, je ne pense pas qu'une entreprise ait
le goût d'investir, à moins que la personne démontre des
habiletés extraordinaires et qu'on veuille la pousser en formation plus
qualifiante. Et ça devrait être ouvert à toute cette
clientèle-là. On dit que les femmes représentent 43 % de
la population active, alors que leur participation à la formation en
établissement n'est que de 30 %. Donc, on est encore un bon groupe de
personnes qui vont demeurer des exécutantes et des subordonnées.
Ce ne seront pas des personnes qui accéderont à des cadres. C'est
pour ça qu'on dit que cette formation-là est très
importante pour arriver à ce que les femmes aient le goût d'abord,
qu'on leur donne des mesures qui leur permettent d'avoir accès à
cette formation parce que ça ne veut pas dire non plus que si
l'entreprise décide de former une catégorie de personnes, la
femme va vouloir y accéder s'il n'y a pas d'autres mesures qui vont lui
permettre d'accéder aussi à cette forma-
tion-là. Ce n'est pas tout d'avoir un projet de formation en
avant de soi, si on n'a pas d'autres mesures qui vont faciliter l'accès
à ce projet de formation. Donc, ce qui est important, c'est vraiment
d'en arriver d'abord à conscientiser les femmes à accéder
à cette formation-là, à bénéficier de cette
formation-là et ensuite, de voir à ce qu'elles ne soient plus une
population subordonnée et exécutante. Donc, on leur donne les
chances, même si elles sont à temps partiel, de se former.
À ce qu'on nous dit, dans la population active, il n'y en a que 30 % qui
auraient de la formation en entreprise. Donc, ce n'est pas tellement.
Mme Harel: Donc, 30 %...
Mme Martin: ...qui reçoivent de la formation...
Mme Harel: ...30 % des personnes qui reçoivent de la
formation de FME sont des femmes. C'est ça qu'il faut comprendre?
Mme Martin: Oui. Dans cette statistique que j'ai, on dit que les
femmes représentent 43 % de la population active, alors que leur
participation à la FME n'est que de 30 %.
Mme Harel: C'est intéressant. C'est la première
fois que cette statistique est citée devant la commission. Est-ce qu'il
est possible d'en connaître la source?
Mme Martin: Oui, je pourrais vérifier.
Mme Harel: J'apprécierais. Peut-être la faire
parvenir au secrétariat et ça nous sera communiqué.
Mme Martin: Oui.
Mme Harel: Quant aux petites entreprises, vous dites, et
ça, je pense que ça peut être aussi un deuxième fait
d'évidence, que la grande entreprise est beaucoup plus engagée
dans des activités de formation que ne l'est la petite, en
établissement, en entreprise.
Mme Martin: Oui, en formation en établissement.
Mme Harel: Je ne sais pas si vous auriez des statistiques sur la
participation des femmes dans la grande, la petite ou la moyenne
entreprise.
Mme Martin: Non, on n'a pas poussé jusque-là.
Mme Harel: Parce que là encore, évidemment, il y a
un scénario qui se dessine. Il est vraisemblable que dans la grande
entreprise de plus de 500 employés, qui a une culture de formation
plus... et les moyens aussi de sa culture de formation...
Mme Martin: Oui, c'est justement.
Mme Harel: ...il y ait, finalement, beaucoup plus de
main-d'oeuvre masculine que féminine qui se retrouve majoritairement
dans les entreprises de 10 employés et moins. Alors là, les
chances sont encores plus rapetissées.
Je vois que vous plaidez ce matin pour la main-d'oeuvre féminine
en emploi, compte tenu de son profil d'emploi à temps partiel
précaire et de la main-d'oeuvre qui est au foyer et susceptible de
devenir active. Alors, vous avez ces deux préoccupations-là.
Mme Martin: Ces deux caractéristiques-là
représentent notre groupe de 25 000 femmes. Anciennement, on pouvait
dire qu'on avait beaucoup plus de travailleuses au foyer mais
présentement, nos femmes sont dans le travail à temps partiel
surtout.
Mme Harel: C'est ça. Il y a peut-être un
élément vraiment important sur lequel j'aimerais revenir.
D'ailleurs, votre mémoire est vraiment bien fait. Je trouve qu'il vise
juste quand vous dites qu'il faut appuyer des programmes d'intervention
individuelle.
Mme Martin: Oui.
Mme Harel: Tantôt, vous sembliez croire - je ne vous en
fais pas grief parce que c'est assez répandu, cette idée - que
les prestataires de la sécurité du revenu auraient plus
accès à certains programmes. Et vous savez qu'avec
l'énoncé de politique, les programmes de la future
Société québécoise ne seraient pas offerts comme
tels aux prestataires de la sécurité du revenu. Les prestataires
resteraient gérés par les centres Travail-Québec, dans le
cadre des mesures d'employabilité. Parce qu'il y a beaucoup de femmes,
chefs de famille monoparentale, qui se retrouvent, finalement, parmi ces
prestataires. Encore là, c'est comme une sorte d'exclusion
dépendamment du chèque, en fait. (11 h 30)
Dans le fond, ce que vous plaidez, c'est qu'il y ait une
accessibilité pour les personnes, qu'elles soient avec ou sans emploi,
que cet emploi soit à temps partiel ou à temps plein et,
finalement, que ces personnes soient sur l'assu-rance-chômage, la
sécurité du revenu ou n'importe. Vous avez vous-mêmes fait
valoir que pour les personnes au foyer, les travailleuses au foyer, c'est une
sorte de double exclusion parce qu'il n'y a quasiment aucun programme, ni ceux
dédiés à l'assurance-chômage, ni ceux
dédiés à l'em-ployabilité. Elle ne pourra
même pas finir son secondaire parce que c'est ouvert, je pense, aux
personnes à l'aide sociale. Alors, à ce moment-là,
elles pourront toujours le faire, j'imagine, dans le cadre de
l'éducation des adultes, mais leurs frais de garde, et tout ça,
rien ne sera remboursé, etc. Ensuite, n'étant pas à
l'assurance-chômage, elles n'auront pas droit aux programmes de formation
qui y sont destinés et, n'étant pas dans des entreprises
où il y a des pénuries de main-d'oeuvre, des plans de gestion de
ressources humaines, elles ne seront pas, non plus, par ce biais-là,
concernées. Alors, elles se retrouvent nulle part. C'est ça que
vous nous dites, en fait.
Mme Martin: Dans l'énoncé de politique, on dit que
les programmes visent à combler les pénuries de compétence
ou de main-d'oeuvre. On offre aux chômeurs et aux personnes en emploi, y
compris les travailleurs autonomes, la possibilité d'acquérir des
habiletés professionnelles ou de hausser le niveau de leur
compétence. Ils s'adressent aussi aux personnes qui veulent
intégrer et réintégrer le marché du travail. Alors,
en voyant cette phrase-là, on a dit. Oup! là, on retrouve notre
monde. Mais, dans le petit paragraphe en haut de la page 55, on ajoutait: Le
support financier prévu s'adresse surtout au régime
d'assurance-chômage et aux prestataires de la sécurité du
revenu. Donc, on s'est posé encore la question, à savoir: Est-ce
qu'on aura droit, un jour, à de l'aide financière? Parce qu'on a
beau dire... La femme qui est avec son conjoint ou avec son conjoint de fait,
quand bien même il y a 30 000 $ ou 45 000 $ et qu'elle veut
accéder à de la formation, quand ils auront dépensé
pour les enfants, au bout de la ligne, elle, il ne lui restera plus
grand-chose. C'est difficile pour elle de s'intégrer et d'arriver
à avoir des programmes de formation, des programmes d'aide.
C'est pour ça qu'on disait qu'il y a peut-être lieu d'avoir
des allocations pour les garderies ou des allocations de logement ou de
transport qui lui permettraient de se former. On dit «de
transport»; la même allocation que le ministère de
l'Éducation donne pour les jeunes. Ils peuvent convertir l'allocation de
logement en allocation de transport, ce qui permettrait à la femme de
rester dans son milieu et de voyager, quand ce n'est pas trop loin, pour aller
à une formation professionnelle. Je pense à chez nous,
Trois-Rivières, et aller courir à Shawinigan... Elle n'est pas
obligée de déménager et elle peut avoir accès
à de la formation pareil. Donc, il faudrait qu'il y ait des mesures qui
permettraient d'élargir les clientèles, ne pas avoir que des
clientèles cibles, qu'il y ait d'autres clientèles qui,
actuellement, ont du potentiel; elles pourraient faire partie de la
main-d'oeuvre. Ce qu'on vise en même temps, c'est qu'elles ne se
retrouvent pas plus tard aussi encore dans la pauvreté, parce que c'est
toujours les femmes qui font partie des statistiques. On aimerait bien que
cette statistique-là change dans l'avenir. Donc, il y a un tournant
à prendre.
Mme Harel: C'est une approche qui est plus curative que
préventive...
Mme Martin: Oui, préventive. Mme Harel: ...que l'on
retrouve. Mme Martin: Oui, c'est ça.
Mme Harel: Moi, je ne savais pas, jusqu'à ce qu'on
procède à ces présents travaux, jusqu'à quel point
on assistait présentement à une diminution
généralisée de l'offre de formation dans les programmes de
formation sur mesure, formation de main-d'oeuvre, offerts dans les
établissements d'enseignement. C'est, finalement, les travaux de cette
commission qui m'ont permis de prendre connaissance de la baisse
généralisée, tant au niveau des commissions scolaires
qu'au niveau des cégeps, des programmes de formation pour les personnes
qui veulent améliorer de façon personnelle leur sort, si vous
voulez, qui sont déjà sur le marché du travail, donc qui
ne peuvent pas compter sur un chèque de revenu, ou encore qui ne sont
pas sur le marché du travail mais qui pourraient y venir. Vraiment,
c'est systématique; les enveloppes sont fermées, les places sont
contingentées au niveau secondaire, au niveau collégial, il y a
une reconversion du temps partiel en temps plein. Alors, c'est, finalement,
exactement l'inverse de la situation que je pensais qui prévalait. On
voit bien qu'il y a un coup de barre, un grand virage à faire.
Mme Martin: C'est parce qu'il y a des choix que les femmes
veulent faire aussi. Elles peuvent faire un travail à temps partiel
souvent et elles voudraient aussi faire de la formation à temps partiel.
Il y a les enfants qui entrent en ligne de compte. Il y a aussi les
études à temps partiel. Certaines ne peuvent pas se payer le luxe
de partir pendant un an ou deux ans et s'asseoir au collégial ou au
secondaire pour terminer leur quatrième ou cinquième secondaire.
Même si j'ai un mari, au bout, qui paye, ce n'est pas tous les maris qui
vont vouloir. Donc, à quelque part, il faut qu'il y ait des mesures
d'aide pour qu'on amène les femmes à se former, à avoir
une formation de base qui va leur permettre ensuite d'accéder au
marché du travail.
Mme Harel: Je crois comprendre que cette formation de base, cette
formation générale, elle est au moins offerte...
Mme Martin: Oui.
Mme Harel: ...à défaut d'être accessible,
compte tenu du fait que les femmes, plusieurs d'entre elles, n'ont pas les
moyens de se l'of-
frir...
Mme Martin: De se l'offrir.
Mme Harel: Mais elle est offerte même s'il faut la
financer. Mais il semble que, quant à la formation sur mesure, elle ne
serait même plus offerte. En fait, c'est ça, là, où
il y a encore...
Mme Martin: Ça, c'est plus difficile, oui. Mme Harel:
...où le bât blesse. Mme Martin: Oui. Mme Harel:
Merci.
Mme Martin: ce qui est important aussi, c'est toute l'approche.
ce que nos femmes nous disent, c'est toute l'approche quand on va devant un
conseiller pédagogique ou une personne qui nous aide à faire un
plan de formation. ce premier rapport avec le domaine de l'éducation ou
de la formation, le guichet unique, dit-on, nous autres, c'est important
qu'elle n'ait pas trop de portes parce que là, c'est décourageant
quand on n'arrive pas a savoir où on doit aller. et cette
approche-là à établir son plan de formation, ça,
c'est, je pense, un atout majeur. quand la femme arrive à cet
endroit-là puis qu'elle est bien reçue, elle est accueillie, on
lui donne les bonnes informations, les bons renseignements, à ce
moment-là, je pense qu'elle peut aussi, démarrer plus facilement,
s'intégrer plus facilement dans le domaine de la formation quand
ça fait un bout de temps qu'elle l'a laissée, ou regarder ce qui
lui manque quand il y a une reconnaissance des acquis, mais ça, ce n'est
pas toujours acquis, encore. il reste des pas à faire dans ce
domaine-là pour éviter qu'elles aient la grande voie royale
à faire. quand on dit de l'intégration rapide sur le
marché du travail, bien, qu'il y ait des possibilités de formules
intensives qui leur permettent d'accéder facilement au marché du
travail.
Mme Harel: Je vous remercie. Mme Martin: Merci bien.
Le Président (M. Marcil): Le mot de la fin, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Simplement pour remercier les représentantes
de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale,
l'AFEAS, pour leur présentation intéressante qu'on va
certainement relire au cours des prochains jours dans le but de peaufiner notre
projet de loi et de l'amener à faire en sorte que nous ayons le plus
tôt possible au Québec une Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui soit
vraiment représentative de tous les éléments qui composent
la société québécoise. Merci.
Le Président (M. Marcil): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Dans tous les propos que vous avez
énoncés, revient toujours la même chose. Je pense que
ça sous-entend ce que vous désirez et je pense que ce qu'on
désire tous, c'est que dans les actions que nous prendrons, dans les
mesures que nous choisirons, c'est que nous voulons assurer la liberté
de choix aux femmes. C'est ça. Et vous représentez, vous autres,
la clientèle tout à fait visée là-dedans, des
clientèles qui sont souvent piégées, c'est ce qu'on se
disait, mon collègue et moi, tout à l'heure. Puis vous visez une
plus grande indépendance pour ces femmes-là. On est d'accord sur
les objectifs. Merci.
Le Président (M. Marcil): Mme Martin, Mme Houle Ouellet,
merci beaucoup de vous être prêtées à ces
échanges. Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 45)
Le Président (M. Marcil): Et bien, nous allons continuer
nos travaux pour entendre notre dernier intervenant. Donc, j'inviterais M.
Roger Lemoine à se présenter à la table.
M. Lemoine, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission
parlementaire. Compte tenu du temps qu'il nous reste, j'aimerais vous inviter
immédiatement à faire une présentation très
synthétique de votre mémoire, les deux parties en ayant
déjà pris connaissance et pour pouvoir laisser un peu plus de
temps aux échanges. Donc, je vous laisse à peine 10 minutes pour
votre présentation.
M. Roger Lemoine
M. Lemoine (Roger): Bonjour, M. le Président. Bonjour, M.
le ministre. Bonjour, mesdames et messieurs. Tout d'abord, merci de m'avoir
invité à donner mon opinion sur un sujet d'importance capitale
pour le Québec. en 1983, la conférence des évêques
catholiques du canada disait: «ii n'y a rien de normal ou de naturel dans
les taux de chômage actuels. un chômage aussi massif privant les
personnes de la dignité humaine ainsi que d'un revenu suffisant
constitue une véritable plaie sociale.» dix ans après, la
récession de 1991 frappe encore plus durement les plus démunis de
notre société: l'appel lancé par les évêques
catholiques canadiens nous rappelle à nos devoirs, d'autant plus que les
études tendent à montrer clairement qu'il existe un lien entre
les taux de chômage, de suicide et de criminalité. en dépit
d'une période
de croissance favorable depuis la crise économique de 1981-1982,
il nous semble évident que le Québec n'a pas réussi
à juguler le chômage élevé qui nous
caractérise depuis trop longtemps déjà. La croissance
considérable des postes à temps partiel, une plus grande
participation des femmes mariées, l'arrivée des jeunes de 15
à 24 ans sur le marché du travail, l'avènement des
progrès technologiques et la concurrence internationale qui lui est
associée ont transformé profondément les données
sur notre main-d'oeuvre.
La production d'une main-d'oeuvre compétente, l'adaptation des
employés aux changements organisationnels et les reconversions du
personnel affecté par les changements technologiques sont devenues des
enjeux cruciaux dans le contexte économique actuel. La formation
professionnelle se présente donc comme un outil stratégique de
premier ordre dans tous les changements industriels.
Nous devons reconnaître que, jusqu'à maintenant, la
formation professionnelle est demeurée l'enfant pauvre de
l'éducation et l'enjeu marginal des relations de travail. Pourtant,
déjà en 1961, la commission Parent déclarait:
«L'éducation est reconnue indispensable à tout individu
pour gagner sa vie tout en lui permettant de participer à une
société de plus en plus complexe et la formation doit favoriser
la polyvalence des individus dans un contexte de mobilité
professionnelle accrue.» Malheureusement, aujourd'hui, nous assistons
à un décrochage scolaire élevé, à
l'arrivée de jeunes pas ou très peu préparés
à entrer sur le marché du travail, à un déphasage
entre la formation offerte dans les institutions scolaires et les besoins de
l'entreprise et à des travailleurs mal pris lors de fermetures
d'usines.
Nous devons avouer qu'aujourd'hui le Canada traîne de la patte
dans la formation professionnelle: les États-Unis dépensent deux
fois plus que nous, l'Australie, quatre fois plus, le Japon, cinq fois plus,
l'Allemagne, huit fois plus que nous dans la formation professionnelle.
Nous pensons que le temps est venu au Québec de reconnaître
la pluralité des milieux de formation: école, centre
d'apprentissage et entreprise. L'expérience étrangère
montre la non-viabilité des stratégies de formation ne favorisant
pas une interaction entre l'éducation et le monde du travail et
l'importance d'une participa tion de l'ensemble des partenaires sociaux
à la formation professionnelle en vue d'assurer une gestion
démocratique de cette formation. L'éducation, la formation
professionnelle et le monde du travail représentent un enjeu global en
vue d'atteindre la réalisation d'un projet de société
auquel souscrivent de plus en plus d'organismes et de gens, dont le plein
emploi serait la pierre angulaire de tout développement
économique.
Le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation profes- sionnelle propose une stratégie
d'adaptation basée sur les trois objectifs suivants: l'accroissement de
la capacité d'adaptation des personnes oeuvrant dans les entreprises et
faisant face à des changements économiques, technologiques et
organisationnels; la facilité de la réinsertion professionnelle
des travailleurs qui sont victimes de licenciement; et l'accessibilité
des mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre. Et pour y parvenir, le
ministère suggère, notamment, la mise sur pied d'une seule porte
d'entrée aux services gouvernementaux en matière d'adaptation de
la main-d'oeuvre grâce aux sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre qui remplaceraient les commissions de
formation professionnelle actuelles, l'élargissement des régimes
d'apprentissage et l'organisation d'un sommet sur l'investissement dans les
ressources humaines.
Suite au dépôt de l'énoncé de politique de
main-d'oeuvre, le conseil de l'Association provinciale des commissions de
formation professionnelle, s'il souscrit d'emblée au principe d'une
Société tripartite qui mise résolument sur l'implication
des partenaires du monde du travail dans le développement de la
main-d'oeuvre, a pris la peine d'émettre quelques réserves dont
celles-ci: la Société prévue dans le projet de loi 408 ne
reçoit pas tous les pouvoirs que les partenaires du monde industriel
souhaitent se voir attribuer pour exercer le leadership que nous attendons
d'eux; il y transparaît encore une culture bureaucratique qui tend
à gérer les moyens plutôt que les résultats; les
sociétés régionales disposeront de moins de pouvoirs que
les actuelles CFP et les représentants du monde du travail y sont moins
étroitement liés. Je ferai remarquer, M. le Président, que
ces réserves ont été reprises depuis par les porte-parole
du patronat, des syndicats et des groupes communautaires.
Dans le document qui nous est présenté, on parle beaucoup
plus d'incitation que de coercition, et plusieurs personnes estiment que la
faille réside, justement, dans ce caractère incitatif des mesures
que le ministère se propose de prendre pour convaincre les entreprises
d'investir dans la formation professionnelle. M. Gaston Charland, de
l'Association des manufacturiers canadiens, déclarait récemment
que les entreprises doivent voir la formation professionnelle comme un
élément majeur des ressources humaines, que les employeurs
devraient reconnaître comme objectif minimum qu'il faut investir 1 % de
la masse salariale dans l'ensemble du secteur manufacturier d'ici à cinq
ans. Dans un document intitulé «S'adapter pour gagner», le
Conseil consultatif sur l'adaptation au traité de libre-échange
écrivait, en 1989: «II y a lieu qu'à titre d'encouragement
à la formation dans le secteur privé le gouvernement instaure une
obligation fiscale qui serait compensée par les dépenses de
formation de l'employeur, à hauteur de cette obligation.»
l'expérience européenne, notamment, tend à montrer
la voie à suivre. en france, depuis 1971, une loi impose la taxe sur la
marge salariale aux entreprises. en allemagne, 3 % de la masse salariale est
affectée à la formation professionnelle par les entreprises; les
résultats nous paraissent probants: des formateurs dûment
qualifiés au plan pédagogique, un secteur professionnel
valorisé et une organisation du travail qui reconnaît la
polyvalence effective des travailleurs. dans notre esprit, il ne fait aucun
doute que la formation professionnelle constitue un élément vital
de toute stratégie de développement économique et qu'il
nous faut utiliser au maximum la compétence et la
créativité de toutes nos ressources humaines. le temps est donc
venu au québec de promouvoir des programmes modernes et flexibles de
formation, de suivi et de planification de la gestion des ressources humaines.
il faut absolument garantir aux travailleurs une formation professionnelle qui
soit tout à la fois adéquate, accessible et constante. il est
devenu inadmissible qu'avec notre haut taux de chômage des entreprises
éprouvent encore de la difficulté à recruter de la
main-d'oeuvre qualifiée. nous sommes intimement convaincu que
l'imposition d'une taxe de 1 % sur la masse salariale des entreprises afin de
développer une formation professionnelle valable aura des
répercussions bénéfiques pour les entreprises, les
travailleurs et l'ensemble de notre collectivité.
Il existe actuellement au Québec un véritable consensus
sur la nécessité, voire l'urgence de développer une
politique adéquate de formation en collaboration avec tous les
partenaires sociaux majeurs. Le gouvernement doit prendre le leadership qui
s'impose dans ce domaine dans le cadre de son plan d'action visant à
rendre le Québec plus compétent et plus compétitif. Nous
croyons qu'il faut instaurer une table permanente de concertation pour
rapprocher, pour mettre donc en place cet organisme tripartite. Et, dans le
document, on parie de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Pour nous, cette
Société est valable si elle administre les programmes de
création d'emplois, d'apprentissage, de formation professionnelle, de
placement, de recyclage et autres, si elle assure des assises permanentes
à la poursuite de l'objectif de plein emploi, si elle offre aux
partenaires sociaux un endroit où ils peuvent élaborer les
politiques, programmes et autres mesures appropriées, notamment dans le
lien indispensable entre l'école, la formation et le monde du travail,
si elle favorise la décentralisation voulue pour les problèmes et
les besoins régionaux, si elle est en mesure de prévoir les
mécanismes de coordination, de suivi et d'ajustement, si elle garantit
une utilisation efficace des dépenses publiques.
Dans le dictionnaire humoristique publié à
Montréal, en 1945, M. René Bergeron écrivait que
l'éducation, c'est le premier besoin du peuple après le pain -
l'hygiène de la tête et du coeur - et que le travail, c'est
l'ennemi de trois grands maux que sont l'ennui, le vice et le besoin. Nous
devons persuader les entreprises que la formation s'avère un gage de
compétitivité et d'avenir et ne pas craindre d'adopter des
mesures coercitives. Les entreprises d'avant-garde sont instigatrices d'un
nouveau modèle de travail basé sur la compétence,
l'innovation, la qualité et la performance. Un investissement,
aujourd'hui, dans la formation professionnelle et le recyclage
représente un placement sûr, riche et profitable pour nos
entreprises et notre société dans son ensemble. Et la
Société prévue dans le projet de loi 408 à devenir
le forum permanent de concertation de tout temps réclamé par les
patrons et les syndicats en vue de doter le Québec d'une structure
tripartite permanente avec des pouvoirs réels de mise en place d'une
politique de formation et de développement économique.
Comme le signale le document «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif», «on ne devient pas
compétent en empruntant la voie de la facilité et en balisant les
mêmes sentiers. Développer la main-d'oeuvre, c'est en quelque
sorte harnacher le savoir, s'imposer à nous-mêmes les plus hauts
standards de rigueur et de qualité en matière de
compétence.» Je crois, M. le Président, qu'au Québec
nous devons avoir le courage d'aller jusqu'au bout de nos idées.
Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Lemoine. Je
vais reconnaître immédiatement M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui. M. Lemoine, dans votre document, vous proposez
la création d'une table de concertation permanente et vous dites qu'une
société qui ne se donne pas un tel outil de concertation et de
décision se prive d'importants atouts dans la solution de ses
problèmes et dans les stratégies qu'elle devra adopter pour faire
face aux enjeux des temps modernes. Or, nous avons créé une table
semblable, il y a deux ans ou un an et demi, lorsque nous avons
créé la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre
où siègent les principaux acteurs du secteur du marché du
travail, tant du côté patronal et du côté syndical
que du côté coopératif. Est-ce que cette Conférence
permanente ne joue pas, justement, le rôle de cette table de concertation
permanente que vous proposez?
M. Lemoine: Quand nous parlons de table permanente de
concertation, nous pensons à un organisme, un forum qui serait
naturellement tripartite et qui serait le lieu privilégié pour
que les décisions en matière de développement
économique, de formation, de recyclage, et tout le «kit», se
prennent. Il y a déjà eu une expérience au Québec
où on a invité les partenaires sociaux à rencontrer le
gouvernement et à dire
c'était quoi les problèmes qu'ils vivaient et
c'était quoi les solutions. Chacun venait là débiter ses
problèmes et ses solutions et le gouvernement tranchait dans tout
ça. Nous croyons qu'on doit aller plus loin que ça. On doit
mettre un forum vraiment en place et vraiment permanent où le
gouvernement, le patronat, les syndicats et les autres organismes, s'il y a
lieu, se rencontrent régulièrement et définissent, si vous
voulez, aident le gouvernement à définir des orientations et des
politiques précises dans le domaine beaucoup plus global de politique et
de développement économique. Ça inclurait, à notre
avis, la formation, le recyclage, les problèmes de chômage, le
plein emploi, et tout ça. Donc, ce serait un peu plus large que ce qui
existe actuellement.
M. Bourbeau: II y a une certaine contradiction dans ce que vous
dites. Parfois, vous parlez d'une table de concertation et vous avez
évoqué, tout à l'heure, des décisions. On ne peut
pas demander à une table de concertation d'être
décisionnelle. Ce n'est pas dans la nature des tables de concertation
d'être décisionnelles. Ces tables-là sont des endroits
où le gouvernement vient chercher des avis, des conseils. Ce sont des
tables qui visent à faire en sorte de conseiller le gouvernement sur des
politiques, des orientations. Est-ce que vous ne décelez pas
vous-même une contradiction là-dedans?
M. Lemoine: La contradiction est peut-être apparente dans
la façon dont je la présente. Elle ne l'est pas dans notre esprit
dans la mesure où ce forum tripartite serait le lieu qui permettrait au
gouvernement de définir sa politique. S'il y a un consensus entre le
patron, les syndicats et les organismes communautaires pour tel type de
politique, tel type de programme, je vois mal le gouvernement, qui ferait
partie de cette table, aller contre cette volonté politique. Elle n'est
pas décisionnelle dans le sens que c'est effectivement le gouvernement
qui prendra la décision finale, mais elle serait décisionnelle
dans le sens... Elle serait moralement décisionnelle dans le sens que,
dès l'instant où il y aurait consensus et une volonté
politique des partenaires majeurs, le gouvernement n'aurait d'autre
alternative, finalement, que d'aller dans cette voie-là.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais
reconnaître Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il me fait
plaisir de saluer M. Lemoine. M. Lemoine, il me semble . vous avoir
rencontré. Vous êtes conseiller en relations industrielles dans la
région des Basses-Laurentides?
M. Lemoine: Oui.
Mme Harel: Et vous travaillez avec les CFP?
M. Lemoine: Non, non, non. Moi, je travaille dans l'entreprise
privée, sauf que je m'occupe aussi du transport, de l'environnement, et
on s'est déjà vu, justement, dans le cas du transport et tout
ça.
Mme Harel: Quand vous dites que vous travaillez en entreprise,
vous êtes conseiller en relations industrielles dans une entreprise?
M. Lemoine: Oui, c'est ça.
Mme Harel: C'est ça. Est-ce que c'est une entreprise de
grande taille ou de...
M. Lemoine: De grande taille, oui.
Mme Harel: Oui? Vous préférez ne pas
l'indiquer.
M. Lemoine: Non.
Mme Harel: Très bien, vous êtes ici à titre
personnel, de toute façon.
M. Lemoine: C'est ça.
Mme Harel: C'est ça qu'il faut comprendre. D'abord, je
vous félicite. C'est poser un geste démocratique que de
déposer un mémoire en commission parlementaire et de se
déplacer pour venir le présenter.
M. Lemoine: Merci.
Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page qui est
numérotée 4, vous nous dites, et je cite:
«L'expérience étrangère montre la
non-viabilité des stratégies de formation ne favorisant pas une
interaction entre l'éducation et le monde du travail et l'importance
d'une participation de l'ensemble des partenaires sociaux à la formation
professionnelle en vue d'assurer une gestion démocratique de cette
formation.» C'est surtout sur le premier membre de phrase que j'aimerais
échanger avec vous: «L'expérience étrangère
montre la non-viabilité des stratégies de formation ne favorisant
pas une interaction entre l'éducation et le monde du travail».
Est-ce que vous pouvez être plus explicite pour le bénéfice
de cette commission? (12 heures)
M. Lemoine: Voici. On va prendre un exemple concret, si vous
voulez, ce qui se passe au Québec. Nous avons, jusqu'à
présent, favorisé un domaine éducatif plutôt que
l'autre. Ça s'est fait au détriment de la formation
professionnelle. Et le résultat, aujourd'hui, c'est que nous avons un
taux de chômage très, très élevé, d'une part,
et, d'autre part, un manque de main-d'oeuvre
qualifiée au Québec, et de plus en plus de jeunes qui
décrochent. On s'aperçoit, si on regarde les choses telles
qu'elles sont, qu'il y a un déphasage très, très
marqué entre ce qui sort de l'école, de nos cégeps, de nos
collèges, et les besoins de nos industries. Quand je dis qu'il faut
associer, faire une interaction très marquée entre
l'éducation et le monde du travail, c'est à ça que je fais
référence. Tant et aussi longtemps que ce sera deux
ministères ou deux visions complètement séparées,
qu'il n'y aura pas, si vous voulez, une vision globale de l'éducation et
du monde du travail, on risque d'assister à ce à quoi on assiste
aujourd'hui, c'est à dire, d'uno part, à un chômage
élevé et, d'autre part, à un manque de main-d'oeuvre
qualifiée.
Mme Harel: Alors, vous plaidez en faveur de ce qu'on peut appeler
une réconciliation de la formation initiale, qui relève du MEQ,
et de la formation sur mesure, qui relève du MMSRFP. Pour que cette
réconciliation ait lieu, est-ce que vous pensez qu'il faut qu'il y ait
un seul lieu de coordination de la formation, qu'elle soit initiale ou sur
mesure?
M. Lemoine: j'ai parlé tout à l'heure de la fameuse
table de concertation qu'on peut appeler la société
québécoise de développement ou autre, je crois qu'à
ce niveau-là l'éducation et le monde du travail doivent
être présents. comment voulez-vous développer, faire la
promotion du développement économique et de toutes ses
composantes si l'éducation, d'une part, est absente de cette
table-là?
Mme Harel: Je comprends qu'à la page 9 de votre
mémoire, vous considérez que cette table que vous souhaitez...
Vous dites: «Cette table permanente de concertation que nous pouvons
créer par la naissance de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre
doit...», etc., faire ceci et autre chose. Vous concevez la
Société québécoise telle que proposée comme
un point de départ pour autre chose. C'est ça qu'il faut
comprendre?
M. Lemoine: C'est ça. La Société...
Mme Harel: Mais est-ce que c'est la Société
elle-même qui doit se transformer pour élargir ses cadres? C'est
comme ça que vous voyez les choses? Ou il faut, en sus de la
Société, une table de concertation?
M. Lemoine: Bon, écoutez. Lorsque le mémoire a
été préparé, je n'avais pas reçu le document
ni le projet de loi. Dans mon esprit, la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ça
pourrait être l'organisme si on lui donne beaucoup plus de pouvoirs. Un
des reproches majeurs qu'on fait à cette
Société-là, c'est que les partenaires n'ont pas les
véritables pouvoirs qu'ils devraient avoir pour que cette
Société joue son rôle, aussi bien au niveau national qu'au
niveau régional. Pour moi, la Société
québécoise, son mandat devrait englober tout ce qui est
écrit là pour qu'elle devienne un forum vraiment tripartite,
permanent et central.
Mme Harel: en fait, de ce que vous lui souhaitez comme mandat, ce
qui, peut-être, jusqu'à maintenant, n'y est pas, c'est les
objectifs de plein emploi.
M. Lemoine: C'est ça.
Mme Harel: Bon. Parce que là, ça supposerait,
à ce moment-là, toute la dynamique industrie-commerce,
c'est-à-dire entrepreneuriale, soutien à l'entreprise et non pas
seulement l'employabilité.
M. Lemoine: C'est ça.
Mme Harel: Alors, est-ce que c'est la Société
québécoise...
M. Lemoine: C'est dans une vision globale, c'est dans l'atteinte
d'une vision globale qui serait le plein emploi. Le plein emploi,
d'après nous, c'est la pierre angulaire de tout le développement
économique. Si vous enlevez le plein emploi comme objectif majeur de
votre politique de développement économique, il vous manque
quelque chose.
Mme Harel: Oui. Mais la grande question, c'est: Est-ce qu'il faut
une table de concertation de l'emploi où se retrouvent tous les
intervenants majeurs et où se discutent des politiques
macroéconomiques aussi, comme vous le disiez si bien, parce qu'on ne
peut pas penser à une politique de l'emploi sans penser en termes de
politique fiscale, monétaire ou autre? Mais, en même temps, est-ce
que c'est à la Société québécoise ou est-ce
qu'on ne se priverait pas d'une Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre, qui a un rôle à
jouer, comme une des composantes d'un projet de table-emploi, si vous voulez?
Et je reviens quand même à votre idée de fond, c'est un
rapprochement entre l'éducation et l'entreprise.
M. Lemoine: Si je comprends bien ce que vous dites, c'est qu'il
pourrait y avoir plusieurs tables, si vous voulez, permanentes à
l'intérieur d'un forum qui serait beaucoup plus global. Est-ce que c'est
ça que vous voulez dire? Ça, ça fait partie de
l'administration, je veux dire, du côté administratif.
Mme Harel: Mais on revient à votre objectif de fond qui
est celui de l'emploi, mais qui, je comprends, est aussi celui du
rapprochement. Une des façons pour vous d'y arriver, c'est le
rapprochement entre l'éducation et l'entreprise. M. Lemoine:
Exactement.
Mme Harel: l'interaction, dites-vous, entre l'éducation et
le monde du travail. vous, vous êtes de l'entreprise. c'est ça
qu'il faut comprendre?
M. Lemoine: Oui, mais je suis aussi père de deux enfants.
Un a 27 ans, l'autre a 24 ans; ils sortent tous les deux de l'université
puis ils se proposent de retourner à l'université parce qu'ils ne
savent pas quoi faire. Je me dis: Avec tout ce qu'ils ont appris jusqu'à
présent depuis 10 ans et ce que le marché du travail leur offre,
il y a quelque chose qui ne marche pas dans le système, et c'est
ça que je suis venu dire aujourd'hui.
Mme Harel: Comment faire ce rapprochement? Je pense qu'on finit
la commission peut-être avec des questions qui sont restées en
suspens parce que le débat n'aura pas eu lieu, finalement. Comment ce
rapprochement peut-il se faire? En fait, la réponse de
l'énoncé, c'est que le rapprochement n'est pas vraiment
nécessaire du fait que c'est la CFP qui va faire le lien entre les deux.
Alors, la CFP va donc agir comme un courtier pour estimer les besoins de
l'entreprise et passer les commandes à l'éducation; c'est
ça la vision, si vous voulez, telle qu'elle est présentée.
Et vous, vous dites: II faut trouver une manière de rapprocher
directement l'éducation de l'entreprise. C'est ça qu'il faut
comprendre.
M. Lemoine: C'est ça. Dans le document, il y a deux
groupes qui semblent un petit peu... Peut-être que c'est une erreur de ma
part, mais il y a deux groupes qui semblent, si vous voulez, plus ou moins
écartés dans ça. C'est d'abord le monde de
l'éducation et c'est aussi tout le problème des gens qui ne sont
pas sur le chômage, les assistés sociaux et autres. Nous avons
donc trois visions, si vous voulez, une d'éducation et une qu'on se
propose là avec un développement économique pour les gens
qui sont déjà en emploi, et les gens qui vont sortir de
l'école, je présume, et aussi c'est une vision des gens qui ne
font pas partie, ils ne sont plus dans le réseau, et ceux-là, ils
font partie de notre programme. Je me dis: Est-ce que ce ne serait pas
l'occasion... Bon, il y a un forum, aujourd'hui, pour discuter de tout
ça, est-ce que ce ne serait pas une manière de concevoir...
Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de concevoir un organisme
national qui regrouperait tous ces gens-là? Est-ce que c'est normal
qu'aujourd'hui, à Montréal, il y ait des gens qui fassent la
queue pour manger? Moi, j'ai connu ça en Europe, mais, au Québec,
je n'avais jamais connu ça. C'est récent, ça. Et je me dis
qu'il y a quelque chose qui n'est pas normal. D'une part, il y a des gens qui
ne trouvent pas d'emploi alors qu'il y a des offres, des demandes d'emplois qui
se font, puis on n'est pas qualifiés pour ça, et, d'autre part,
il y a des gens qui sont obligés de faire la queue pour manger. On est
arrivés à un point où on a un problème de
société. Le Québec, riche comme il est, je me dis qu'il y
a un petit quelque chose à faire.
Mme Harel: Ce matin, en prenant connaissance de différents
communiqués de presse, vous savez, qui, chaque jour, sont
diffusés par l'agence Telbec, je constatais que, dans votre
région, celle de Laval, Laurentides et Lanaudière, dans ces trois
régions, le milieu de l'éducation a décidé de tenir
un colloque, un sommet, excusez-moi, un sommet sur l'entreprise et
l'éducation. Malheureusement, je ne l'ai pas avec moi, mais le
communiqué disait à peu près ceci: À l'occasion de
la fin des travaux de la commission parlementaire sur le développement
de la main-d'oeuvre et souhaitant poursuivre un débat public à
peine amorcé, je pense que c'est les commissions scolaires de Laval,
Laurentides et Lanaudière qui ont décidé de tenir ce
sommet où les entreprises seront invitées, etc., pour aller
chercher ce rapprochement entre l'entreprise et l'éducation. Je ne sais
pas si j'ai raison, mais j'avais cette vision, finalement, d'un débat
qui allait maintenant inexorablement se poursuivre et, au moment où le
ministre entend légiférer, j'ai l'impression que le débat
commence...
M. Lemoine: Exactement.
Mme Harel: ...sur la manière de faire les choses entre
l'éducation et l'entreprise.
M. Lemoine: Et ce qui est très important, c'est le climat
social qui prévaut au Québec depuis une couple d'années.
Vous avez aujourd'hui les patrons et les syndicats qui sont unanimes à
dire: Oui, on est prêts à se rencontrer, oui, on veut travailler
ensemble pour développer le Québec économiquement, et tout
ça. Je dis: Profitons de ce climat social qui est favorable pour aller
de l'avant, mais associons les gens à leur projet de
société.
Mme Harel: Je vous remercie, M. Lemoine.
M. Lemoine: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, le mot de la
fin.
M. Bourbeau: Simplement pour remercier M. Lemoine de son passage
parmi nous et de son mémoire, qui est fort intéressant.
M. Lemoine: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): M. Lemoine, nous vous remercions
beaucoup de vous être présenté à cette commission et
nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
Mémoires déposés
Comme c'est le dernier représentant, notre dernier groupe, la
dernière personne que nous recevions à cette commission, je vais
également procéder au dépôt de mémoires qui
nous ont été envoyés, donc qui sont parvenus a la
commission, au Secrétariat, mais dont les groupes n'ont pas
été invités en commission. Donc, pour les rendre publics
et pour valoir comme s'ils avaient été présentés
devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des
organismes qui ont transmis un mémoire dans le cadre des
présentes consultations et qui n'ont pas été entendus par
la commission, à savoir. Action travail des femmes, Association des
androgogues du Québec, Association des directions d'école de
Montréal, Au Bas de l'échelle, la Bande Naskapi du Québec,
Alain Bernier, Centre des femmes de l'Estrie, Conférence des CADC du
Québec inc., Jean Duval, Emploi et Immigration Canada, Paul-Émile
Fortin, Michel Filiatrault, Micmac Res-tigouche Band Council, Nation
algonquine, Office des personnes handicapées du Québec, Ordre des
agronomes du Québec, Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, Placement Potentiel inc. et Jean-Paul Thivierge.
Donc, j'inviterais immédiatement, pour les remarques finales, M.
le ministre.
Remarques finales M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, pendant cinq semaines, plus
de 80 organismes ont répondu à notre invitation. Ils sont venus
nous faire part de leur vision du développement de la main-d'oeuvre et
de leurs attentes à l'égard des politiques que nous
préconisons dans l'énoncé de politique «Partenaires
pour un Québec compétent et compétitif». Nous avons
également eu la chance de recueillir des témoignages très
révélateurs de plusieurs personnes et organismes engagés
dans l'action du développement de la main-d'oeuvre, ceux-là
mêmes qui sont en mesure d'évaluer la distance qui sépare
souvent, d'une part, les nobles aspirations des grandes politiques de
l'État et, d'autre part, les contraintes d'accessibilité et de
fonctionnement auxquelles la main-d'oeuvre est confrontée.
Cette importante participation illustre le très grand
intérêt que portent nos concitoyens à l'égard du
développement des compétences, de l'emploi, de la
compétitivité, de l'éducation et, bien sûr, de la
formation professionnelle. Notre société ne peut que sortir
gagnante de cet intérêt marqué et de la volonté
d'engagement d'un nombre impressionnant de personnes et d'organismes sous la
bannière de l'emploi et du développement des
compétences.
Bien sûr, nous avons entendu ici toute la diversité des
opinions sur les différents aspects du développement de la
main-d'oeuvre. Le gouvernement, en faisant la synthèse de ces audiences,
ne saurait satisfaire toutes ces attentes à la fois, pas plus que le
meunier de la fable, cheminant avec son fils et l'âne, ne pouvait donner
suite à chacun des conseils divergents qui lui étaient
prodigués. Le gouvernement suivra donc sa route. Il s'agit de choisir et
d'avancer.
Cette consultation fut riche d'enseignement pour le ministère de
la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle et aussi pour le gouvernement. Nous avons, en quelque sorte,
engrangé une abondante matière à réflexion. Aussi,
je m'en voudrais, M. le Président, de tirer des conclusions
hâtives en clôturant ces assises. Vous vous attendez, cependant,
à ce que j'indique les principaux objets de notre réflexion dans
les prochaines semaines. (12 h 15)
Je sors de la consultation publique sur l'énoncé de
politique et le projet de loi sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre plus
convaincu que jamais de la nécessité d'instaurer un partenariat
sur les questions cruciales du développement de la main-d'oeuvre.
L'idée d'institutionnaliser ce partenariat sous la forme d'une
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre et des sociétés régionales recueille un
large consensus, par-delà les opinions différentes sur les
modalités. On se bouscu/e même littéralement pour faire
partie du conseil d'administration de la nouvelle institution. J'ai donc la
ferme intention de tenter de faire adopter avant l'été, avec,
bien sûr, le concours actif et, j'espère, enthousiaste de
l'Opposition officielle, le projet de loi 408 après y avoir
apporté des amendements inspirés de certaines des recommandations
entendues ici.
Il fut abondamment question des personnes sans emploi au cours de cette
consultation. D'aucuns ont voulu voir dans l'énoncé de politique
un virage radical que s'apprêterait à prendre le gouvernement en
faveur des personnes en emploi, virage qui se ferait au détriment des
chômeurs et des prestataires de la sécurité du revenu. Ces
craintes sont tout à fait injustifiées; d'ailleurs, le texte de
l'énoncé de politique indique clairement qu'il s'adresse à
l'ensemble de la main-d'oeuvre active, c'est-à-dire aux personnes aptes
au travail, quelle que soit la source de revenu dont elles
dépendent.
Il faut savoir qu'actuellement, sur les quelque 7 000 000 000 $
consacrés à toutes les formes d'aide aux personnes aptes au
travail, on en compte à peine 125 000 000 $, en excluant les
crédits d'impôt remboursables à la formation, qui
s'adressent directement aux personnes en emploi. Pourtant, ce sont ces
travailleuses et ces travailleurs qui, les premiers, doivent s'adapter aux
changements structuraux qu'imposent les ententes internationales sur le
commerce, les innovations technologiques et les fluctuations de
l'économie. Même si on doublait les budgets consacrés aux
personnes en emploi, les sans-emploi continueraient de ramasser la part du lion
des crédits affectés aux mesures de formation,
d'employabili-té, d'aide à l'emploi et de développement de
la main-d'oeuvre. Le gouvernement a décidé de répondre aux
besoins criants de la main-d'oeuvre en emploi. Cette option ne s'oppose
aucunement à la nécessité d'accroître
également les efforts de formation et d'aide à l'emploi de la
main-d'oeuvre en chômage de courte et de longue durée.
On a évoqué la nécessité que les personnes
non syndiquées ou sans emploi puissent faire entendre leur voix à
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. La plaidoirie des organismes communautaires et des groupes de
femmes fut particulièrement éloquente à ce sujet et elle
contribue à alimenter notre réflexion. J'accueille avec beaucoup
moins d'ouverture immédiate les attentes relatives à la prise en
charge, par la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, des programmes et des mesures de
développement de l'employabilité. J'ai déjà eu
l'occasion d'exprimer ici que les sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre doivent constituer un réseau
parfaitement complémentaire à celui des centres
Travail-Québec chargés de la gestion du régime de la
sécurité du revenu. Le gouvernement a choisi l'option de
contracter, éventuellement, avec la nouvelle société
d'État afin de garantir l'accessibilité des prestataires de la
sécurité du revenu aux programmes de développement de la
main-d'oeuvre.
Pour offrir ces services aux clients de la sécurité du
revenu, il n'est pas nécessaire de tout fusionner. Encore là,
l'énoncé de politique affirme, sans l'ombre d'un doute, notre
volonté de rendre les programmes de main-d'oeuvre beaucoup plus
accessibles qu'ils ne le sont présentement aux clients de la
sécurité du revenu.
Malgré ces prises de position très claires, un nombre
surprenant d'organismes, faisant en quelque sorte écho à
certaines interprétations hâtives de l'Opposition officielle, ont
exprimé ici des craintes à l'effet que l'énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre ne fasse aucune place
aux clients de la sécurité du revenu aptes au travail. C'est Jean
Rostand qui disait: «Quand l'opinion de quelques-uns est devenue celle de
tout le monde, doit-on penser qu'ils avaient vu juste avant les autres ou
qu'ils ont réussi, au contraire, à propager l'erreur?» Je
pense que cette interrogation s'applique admirablement aux appréhensions
légitimes, mais injustifiées, selon nous, de plusieurs organismes
à l'égard du développement de l'employabilité.
On a beaucoup parlé de la représentativité de tout
le monde au conseil d'administration de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre et aux
conseils des sociétés régionales. Nous comprenons tous que
les nombreuses clientèles spécifiques doivent souvent emprunter
des chemins singuliers pour accéder au marché du travail, pour
préserver les emplois et pour accroître l'adaptation aux
réalités changeantes de l'économie. Ces
particularités doivent être prises en compte parce qu'elles
reflètent l'extraordinaire diversité des situations vécues
par la main-d'oeuvre, qu'elle soit en emploi ou à la recherche
d'emploi.
Est-ce à dire qu'il faille reproduire au sein du conseil
d'administration de la Société ce kaléidoscope de
préoccupations et de situations? On conviendra, je pense, qu'il y a
plusieurs façons de véhiculer aux décideurs de la
Société et du gouvernement les attentes particulières de
tous ces groupes. À cet égard, j'ai trouvé très
révélateur l'expérience vécue par le Forum pour
l'emploi telle qu'elle nous a été présentée par le
président de la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins, M. Claude Béland. Le Forum pour l'emploi
est une initiative du secteur privé. Au départ, le Forum a voulu
se faire des plus accueillants en offrant une place à la plupart des
groupes concernés par le fonctionnement des marchés du travail et
de l'emploi ou les problématiques d'accessibilité à ces
marchés. Il résulte de cette politique d'ouverture un
comité de parrainage du Forum pour l'emploi constitué de 35
membres représentant autant d'organismes véhiculant chacun les
préoccupations de leurs membres ou clientèles respectives.
M. Béland nous a révélé que, si le Forum
pour l'emploi avait atteint ses objectifs de représentativité,
son mode de fonctionnement souffrait d'une certaine lourdeur, ce qui incite le
Forum à mettre sur pied un comité exécutif tripartite.
Cela démontre, me semble-t-il, la nécessité de faire des
choix en tenant compte des impératifs d'efficacité. Je signale
que le projet de loi 408 permet de constituer des comités consultatifs
qui donneraient des avis ou adresseraient des recommandations au conseil
d'administration de la Société ou aux conseils régionaux.
Ces comités peuvent très bien être formés sur la
base des besoins des secteurs d'activité ou des clientèles
particulières.
Pour terminer ce volet sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, je ne
saurais nier une forte convergence de vues de nos invités en faveur
d'une révision des liens qui uniraient le gouvernement à cette
Société. On réclame une société
d'État qui disposerait d'une marge de manoeuvre accrue et qui pourrait
moduler son action pour tenir compte de la très grande diversité
des situations vécues dans les
régions et les secteurs d'activité. Je comprends
parfaitement ces attentes. Nous allons réexaminer le projet de loi et
voir s'il est possible de mieux concilier le besoin d'autonomie de la
Société et des sociétés régionales avec les
impératifs de la gestion des fonds publics que le gouvernement leur
confie.
Plusieurs interlocuteurs ont plaidé en faveur d'un large
débat public sur l'éducation au Québec et sur
l'organisation de la formation professionnelle dans le système scolaire.
J'en appelle, moi aussi, à ce débat. Le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle de même que ses partenaires du marché du travail
prendraient sans doute une part très active à ce débat
public. La présente consultation, je suis le premier à le
reconnaître, ne saurait aucunement remplacer une large réflexion
sur l'éducation. Nos travaux auront probablement préparé
adéquatement ce débat public. On conviendra qu'en attendant de
régler tous les problèmes, nous pouvons, je devrais dire, nous
avons la pressante responsabilité d'accroître nettement
l'accessibilité de la main-d'oeuvre active à une diversité
d'activités de formation.
Il est également impératif de rendre le système
d'éducation encore plus attentif aux besoins du marché du
travail. Moi, je ne suis pas un partisan du grand soir, ce moment sublime
où les solutions globales aboutissent comme par enchantement. Je crois
qu'il faut faire dès maintenant le bout de chemin qui nous est
accessible. C'est déjà tout un contrat. J'endosse
également l'opinion entendue plusieurs fois lors de cette consultation
selon laquelle les ministères et les réseaux de l'enseignement ne
constituent pas seulement des fournisseurs de services de formation.
L'énoncé de politique et le projet de loi 408 les reconnaissent
comme des partenaires. En accordant à l'enseignement de niveau
secondaire et à l'enseignement collégial une place au conseil
d'administration et aux conseils des sociétés régionales,
le projet de loi 408 propose un changement significatif par rapport à la
situation actuelle en faveur du partenariat avec le secteur de
l'éducation. Je vais voir si nous pouvons affirmer encore plus
clairement ce partenariat, dissipant en cela une perception, à mon sens,
erronée ou excessivement défensive voulant que le secteur de
l'enseignement ne soit pas appelé à prendre une part très
active dans le développement de la main-d'oeuvre
québécoise.
M. le Président, il y aurait certes beaucoup à dire tant
les commentaires de nos invités furent riches et vastes. Nous aurons
l'occasion de débattre des choix que nous arrêterons à la
suite de cette consultation.
Je sors de cet important exercice très satisfait de l'accueil
réservé à l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre et à la stratégie
d'ensemble du gouvernement. J'ai en tête plusieurs bonifications à
apporter à nos plans d'action parce que les participants à cette
consultation nous ont adressé des recommandations qui ont beaucoup de
mérite. Lorsqu'elle est conduite dans la perspective d'une
véritable action, la consultation publique s'avère toujours
précieuse et enrichissante. Telle est notre optique, M. le
Président. Voilà pourquoi la consultation sur
l'énoncé de politique et le projet de loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre fut si intéressante.
Je voudrais remercier, en terminant, mes collègues de
l'équipe ministérielle pour leur participation active et leur
assiduité, l'Opposition officielle pour sa collaboration, les membres du
secrétariat de la commission parlementaire pour leur assistance, nos
amis du ministère de l'Éducation et du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science pour leur vigilance, les
employés du ministère de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et les
membres de mon cabinet politique pour le concours très précieux
qu'ils ont apporté et qu'ils continueront sans doute d'apporter aux
travaux sur l'énoncé de politique et le projet de loi 408.
Alors, je vous dis merci et au revoir.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Je vais entendre immédiatement Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord
de vous remercier et de remercier ceux des présidents qui, à
l'occasion, se sont trouvés à la place que vous occupez
maintenant, ainsi que le ministre et les membres de la commission et son
personnel pour l'excellent climat de travail qui a régné durant
tous nos travaux. Je considère que nous avons assisté à
une véritable révolution des esprits que d'entendre, ce midi, le
ministre parler d'une consultation publique précieuse et
enrichissante.
M. le Président, j'aimerais aborder huit aspects, rapidement,
suite à ces travaux que nous avons conduits. Le premier concerne
l'adaptation de la main-d'oeuvre sans formation professionnelle. C'est
là une des conclusions que nous tirons de ces travaux. Il s'est agi, en
fait, essentiellement d'aborder l'adaptation de la main-d'oeuvre sans la
resituer dans un projet de formation professionnelle.
D'ailleurs, le communiqué de presse qui annonçait la
publication de l'énoncé de politique avait comme titre:
«Une approche sectorielle répondant aux besoins du
développement industriel». Ce titre est révélateur
de ce qu'est l'énoncé: avec trois ans de retard, il s'agit d'une
politique d'adaptation de la main-d'oeuvre au traité de
libre-échange et à la mondialisation des marchés. Plus
simplement, il s'agit de centrer
la formation de la main-d'oeuvre sur les grappes industrielles du
ministre Tremblay. «Hors des grappes point de salut», ont dit bon
nombre de participants. Non pas que les besoins d'adaptation des entreprises et
des secteurs d'activité exposés à la mondialisation des
marchés doivent être négligés. Il faut certainement
s'occuper des besoins des entreprises en main-d'oeuvre, mais qui donc, à
la fin de ces travaux, va se préoccuper des besoins de la main-d'oeuvre?
«Cela n'est pas de ma responsabilité», a répondu le
ministre. «La formation professionnelle régulière pour les
adultes, à temps partiel ou temps plein, cela concerne le MEQ ou le
MESS. La commission parlementaire n'est pas convoquée pour discuter de
cela.» Pendant ce temps, le MEQ finance 300 000 000 $ à
l'éducation des adultes, dont 200 000 000 $, presque le double du budget
du MMSRFP, dans huit filières d'études et de formation à
l'intention de la main-d'oeuvre. (12 h 30)
Pendant ce temps, 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre
québécoise connaît des problèmes
d'analphabétisme fonctionnel. La sous-scolarisation est
considérable. Consultées, souvent les entreprises
réclament d'abord des employés qui savent correctement lire,
écrire et compter, tandis que le milieu d'affaires réclame une
formation professionnelle de la main-d'oeuvre étroitement
imbriquée dans une formation de base large et solide.
Le deuxième aspect, M. le Président, celui des 225 000
sans-emploi exclus des programmes de la future Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il s'agit
des personnes aptes au travail sur l'«assistance-chômage»
qu'est devenue, en bonne partie, la sécurité du revenu. Le nombre
de ces personnes est en progression constante: 36 % de l'ensemble des
bénéficiaires étaient aptes au travail en 1971, nous a
rappelé le ministre, 78 % en 1990. L'énoncé s'adresse
à la main-d'oeuvre active, celle déjà
déqualifiée est oubliée dans les mesures
d'employabilité et le Rattrapage scolaire administré par le
MEQ.
Contrairement, d'ailleurs, aux programmes du MMSRFP et d'Emploi et
Immigration Canada qui n'exigent que des préalables fonctionnels, ceux
de l'Éducation, en formation professionnelle, exigent des crédits
préalables de troisième ou de quatrième année
secondaire. Il n'est pas surprenant qu'en 1989-1990, seulement 4245
bénéficiaires de l'aide sociale aient pu participer au Rattrapage
scolaire en formation professionnelle.
Après avoir établi la nécessité d'un guichet
unique, le ministre propose un dédoublement des réseaux
québécois pour un Québec cassé en deux. Les centres
Travail-Québec continueront à gérer la clientèle
des sans-emploi à l'aide sociale. M. le Président, il nous semble
que le Québec doit plutôt intégrer les programmes qui
s'adressent à la main-d'oeuvre en un seul réseau accessible tant
aux personnes en emploi qu'aux personnes en chômage ou
bénéficiaires de la sécurité du revenu.
Un troisième aspect, celui de l'admissibilité à la
formation selon la catégorisation. La catégorisation des
clientèles éligibles aux programmes de formation selon la couleur
de leur chèque demeure. Malgré l'hypothétique transfert,
les programmes financés à même les fonds
d'assurance-chômage continueraient à ne s'adresser qu'aux
prestataires auxquels ils sont dédiés. Les activités de
formation doivent s'adresser aux personnes qui contribuent à la caisse,
a expliqué le ministre, puisque les gouvernements n'y mettent plus un
sou des fonds publics.
L'argent que le ministre souhaite ainsi récupérer du
transfert des programmes du ministère de l'Emploi et de l'Immigration
Canada, d'autre part, sera prioritairement affecté aux entreprises, soit
pour le reclassement des travailleurs et travailleuses licenciés, pour
leurs pénuries de main-d'oeuvre ou leur formation sur mesure.
De fait, deux des quatre nouveaux programmes regroupés visent
l'entreprise, un troisième vise les populations sur un territoire et un
seul s'adresse aux personnes. En plus, l'énoncé s'empresse
d'ajouter que ce programme qui s'adresse aux personnes «devra permettre
aux participants de bénéficier du soutien financier prévu
au nouveau régime d'assurance-chômage».
Cette tendance était déjà adoptée par Emploi
et Immigration Canada puisque le programme Achats directs, pour les
sans-emploi, a été réduit de 10 % l'an passé et
d'un 20 % additionnel cette année, au profit du programme Formation sur
mesure.
Nous assistons présentement à une diminution
généralisée des fonds engagés dans les programmes
de formation de ceux et celles qui sont déjà sur le marché
du travail et qui n'ont pas le loisir et les moyens d'étudier à
temps plein ou qui n'occupent pas un emploi standard dans une entreprise ayant
développé une culture de la formation ou dans une entreprise en
pénurie de compétences.
Depuis 1986, année après année, les budgets et le
nombre de participants et participantes du seul programme Recyclage et
perfectionnement, offert à temps partiel aux personnes en emploi, ont
constamment diminué au MMSRFP. Des 32 000 000 $ alloués pour 174
000 participants en 1986, nous ne retrouvons plus que 28 000 000 $ et 139 000
participants en 1990-1991, une diminution de 35 000 participants. À
chaque nouvelle session, comme cela s'est encore passé en janvier, des
milliers de travailleuses et de travailleurs sont refusés faute de
place. Il en est de même au MEQ et au MESS. La formation à temps
partiel a quasiment disparu des programmes des commissions scolaires, qui se
plaignent de l'enveloppe fermée et des inscriptions
contingentées. La Fédération des cégeps est venue
déplorer, en commission, que les cégeps doivent
convertir en équivalent temps plein leurs programmes de formation
de la main-d'oeuvre. En dehors des filières de
l'assurance-chômage, des entreprises ou des pénuries de
main-d'oeuvre, les besoins de formation sont complètement
négligés.
Imaginez un peu le découragement de nos concitoyens et
concitoyennes, désireux d'améliorer leur sort, qui suivent les
nombreux conseils en faveur d'un relèvement des compétences et
qui se butent à l'inaccessibilité des programmes parce qu'ils ou
qu'elles n'ont pas encore perdu leur emploi ou que leur entreprise ne participe
pas à de la formation sur mesure ou ne les a pas désignés
comme participants à un tel programme.
La politique de développement de la main-d'oeuvre proposée
est axée sur des aspects curatifs. L'aspect préventif est
complètement laissé de côte. Il faut pourtant assurer
l'accessibilité des programmes de formation de la main-d'oeuvre à
toute personne, sans emploi ou en emploi, à temps partiel ou à
temps plein, et quelle que soit la source du revenu dont elle
dépend.
Un quatrième élément, M. le Président, il
s'agit du sous-investissement des entreprises. Il nous apparaît que rien
n'est proposé pour contrer le sous-investissement des entreprises.
L'énoncé de politique, d'ailleurs appuyé en cela par
l'Association des manufacturiers du Québec et le Conseil du patronat,
justifie le maintien de la participation du Québec, employeurs et
salariés, au régime canadien d'assurance-chômage par
l'effet de péréquation favorable du milliard de dollars qui
serait versé en surplus des cotisations payées, la thèse
consistant, en fait, à prétendre que le chômage serait
payant pour le Québec et qu'il vaudrait mieux rester dans ce
régime. Le ministre réclame seulement, nous a-t-il dit, le
transfert de la gestion des prestations comme des mesures dites actives de la
caisse d'assurance-chômage, la législation et la
réglementation de cette caisse continuant à relever du
gouvernement fédéral. Par ailleurs, , c'est la juridiction
complète et tous les budgets consacrés au secteur de la
main-d'oeuvre par Emploi et Immigration Canada qui sont réclamés,
nous dit-on, du gouvernement fédéral.
Le pourcentage des frais d'administration des programmes de
main-d'oeuvre était en moyenne, en 1989-1990, nous a signalé le
ministre, de 6,8 % pour les pays membres de l'OCDE et de 9,7 % pour les
programmes administrés par le Québec et le Canada.
L'économie réalisée projetée par ce transfert en
mettant fin au dédoublement serait de l'ordre de 250 000 000 $.
Cependant, aucun effort particulier n'est entrepris ou attendu des entreprises
si ce n'est d'ailleurs une vague implication dans le processus de reclassement
des personnes licenciées, quelque chose comme la création d'un
modeste fonds dont on n'a plus réentendu parler. Pour le reste, il
semble que le ministre et son gouvernement s'en remettent au crédit
d'impôt remboursable à la formation, sur lequel aucun bilan n'est
encore disponible.
Pendant ce temps, faut-il rappeler que le gouvernement
fédéral a introduit, par le biais des mesures actives de la
réforme de l'assurance-chômage, une taxe sur la masse salariale
pour le financement des programmes de formation pour les chômeurs et
chômeuses et qu'il n'y a toujours pas l'équivalent pour le
financement des programmes pour les travailleurs et travailleuses à
l'emploi.
Quant aux programmes d'adaptation des travailleurs et des travailleuses,
aucune contribution n'étant requise dès entreprises, les fonds
publics qui pourraient être utilisés pour favoriser l'accès
aux programmes des personnes qui occupent des emplois précaires ou
à temps partiel, à savoir 40 % des nouveaux emplois, ou encore
des personnes qui souhaitent intégrer ou réintégrer le
marché du travail, eh bien! ces budgets risquent d'être
détournés pour compenser le sous-investissement des
entreprises.
Pour contrer ce sous-investissement, nous proposons, M. le
Président, qu'il y ait un financement par les entreprises de leurs
besoins précis de formation sur mesure, jusqu'à
l'équivalent de 1 % de la masse salariale, et l'utilisation des fonds
publics consacrés à l'essor des besoins individuels des personnes
en formation professionnelle.
Un cinquième aspect, celui de l'idéologie de la
compétitivité et l'oubli de l'équité. En 1984, le
gouvernement avait retenu deux orientations fondamentales dans son plan
d'action en éducation des adultes, soit celle concernant le
développement économique et celle concernant
l'égalité sociale. Il n'est maintenant question que de
compétitivité. Les programmes de développement de la
main-d'oeuvre doivent aussi contribuer à diminuer
l'inégalité des chances sur le marché du travail. Ces
programmes doivent contrecarrer les tendances lourdes du marché du
travail à sous-utiliser une partie de la main-d'oeuvre, à exclure
les femmes des emplois non traditionnels, les personnes d'âge moyen des
changements technologiques, etc. Des objectifs d'équité de la
main-d'oeuvre sont indispensables en matière de formation pour maintenir
un projet de développement et de démocratisation sociale.
Un sixième aspect, la formation, est-il nécessaire de le
rappeler, ne crée pas l'emploi. Certes, la question de la formation de
la main-d'oeuvre ne peut être dissociée de celle de l'emploi. La
politique de formation ne peut pourtant se substituer à une politique de
développement de l'emploi. Même la meilleure formation ne
débouche pas nécessairement sur un emploi; un secteur
prospère une année ne l'est pas forcément l'année
suivante: à preuve, cette année, la pétrochimie. D'autre
part, même si tous les postes en pénurie étaient
comblés, il resterait un pourcentage élevé de
chômage au Québec, soit 9,1 %. Un des paradoxes du projet de loi
408 est
certainement que seules les sociétés régionales se
voient confier un mandat à l'égard de l'emploi, la
Société québécoise, elle, étant
limitée au développement de la main-d'oeuvre.
Un septième aspect, M. le Président, celui d'une structure
provinciale qui, finalement, sera la même que dans les autres provinces.
En janvier 1991, le fédéral annonçait la création
de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Cette
Commission canadienne, composée de 22 membres représentant les
syndicats, le monde des affaires, les groupes d'action sociale et les
établissements de formation, était chargée de
déterminer les priorités globales et les normes en matière
de formation professionnelle et d'élaborer un plan de dépenses
annuel pour l'utilisation des fonds de l'assurance-chômage à des
fins productives.
Parallèlement, des discussions étaient amorcées
avec les gouvernements provinciaux relativement à la création de
structures consultatives à l'échelle provinciale.
Déjà, l'Ontario a fait connaître son intention de
créer un Conseil ontarien de développement de la main-d'oeuvre.
L'empressement du gouvernement du Québec à vouloir faire adopter
la nouvelle structure peut s'expliquer sans doute par son désir de
souscrire à l'exigence posée par Ottawa pour transférer
des fonds à une province.
Faut-il rappeler les récentes propositions du rapport
Beaudoin-Dobbie recommandant à la fois que toute province puisse
légiférer pour confirmer sa compétence exclusive en
matière de formation de la main-d'oeuvre et, en même temps, et je
cite, «que la capacité du gouvernement fédéral de
légiférer en matière de formation de la main-d'oeuvre ne
soit pas diminuée dans ses domaines de compétence exclusive,
qu'il s'agisse d'assurance-chômage ou de tout autre pouvoir».
Un dernier aspect, M. le Président, celui d'un héritage
constitutionnel controversé. Faut-il rappeler que la formation de la
main-d'oeuvre ne figure pas dans la liste des pouvoirs de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique en 1867, mais qu'elle est historiquement
considérée au Québec comme un prolongement naturel de
l'éducation, secteur qui relève exclusivement des provinces en
vertu de l'article 93. Cependant, évidemment, le gouvernement
fédéral s'y est engagé massivement; actuellement, 80 % des
budgets de formation de la main-d'oeuvre au Québec sont
fédéraux. Il s'y est engagé en vertu de sa
compétence en matière d'assurance-chômage et de son pouvoir
de dépenser. Pour légitimer son intervention, le pouvoir
fédéral invoquait depuis l'adoption, en 1967, de la
première loi concernant la formation professionnelle des adultes que la
formation de la main-d'oeuvre ne relève pas de l'éducation. Pour
obtenir sa part des fonds fédéraux, le ministre du Travail de
l'époque, Maurice Bellemare, faisait adopter, en 1969, la Loi sur la
formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre et mettait en
place le réseau des commissions de formation professionnelle. des
réseaux parallèles, éducation et main-d'oeuvre, se sont
constitués. compte tenu de l'interdépendance du système
éducatif, du développement de l'emploi et du système
productif, il faut, au-delà du mandat sectoriel de chaque
ministère, élaborer une politique intégrée de la
formation professionnelle. il faut réconcilier la formation initiale qui
relève du ministère de l'éducation du québec et la
formation sur mesure du ministère de la main-d'oeuvre, de la
sécurité du revenu et de la formation professionnelle. il nous
semble qu'un débat public s'impose de toute urgence sur cette
nécessité de créer un lien de coordination national pour
que cette réconciliation puisse avoir lieu.
En terminant, M. le Président, je veux vous dire quelques mots
à l'égard du projet de loi 408. S'il est vrai que la critique de
la Société québécoise proposée a
été, en général, inversement proportionnelle
à l'assurance des participants d'y participer, il faut aussi se rappeler
que la critique des pouvoirs que le ministre s'est réservés,
elle, a été universellement répandue. Je veux rappeler ce
sentiment très fort de perte qui est ressenti dans les régions.
Les commissions de formation professionnelle, contrairement aux conseils
régionaux proposés dans le projet de loi, sont actuellement des
corporations au sens du Code civil, avec des conseils consultatifs
régionaux, une assemblée générale, un conseil
d'administration et le pouvoir de nomination du directeur.
Et, M. le Président, je veux immédiatement signaler au
ministre, qui nous a indiqué vouloir procéder à une
révision et à un réexamen du projet de loi 408, que nous
devrons voter contre le projet de loi 408 à moins d'avoir obtenu
satisfaction sur des questions que nous jugeons prioritaires et fondamentales,
et je les lui énumère immédiatement.
Il s'agit, finalement, de cinq aspects sur lesquels il peut facilement
introduire des amendements Le premier, celui de reconnaître la
nécessité d'une représentation de la main-d'oeuvre sans
emploi et de la main-d'oeuvre discriminée par les lois du marché
du travail en ajoutant un quatrième partenaire aux représentants
syndicaux, patronaux et gouvernementaux déjà
désignés. Le deuxième aspect, le financement par les
entreprises de leurs besoins précis de formation sur mesure,
jusqu'à l'équivalent de 1 % de la masse salariale, et
l'utilisation des fonds publics pour l'essor des besoins individuels des
personnes en formation professionnelle. Troisièmement, en reconnaissant
l'accessibilité des programmes de formation de la main-d'oeuvre à
toute personne, avec ou sans emploi, à temps plein ou à temps
partiel, quelle que soit la source du revenu dont elle dépend.
Quatrièmement, par le maintien des corporations au sens du Code civil
pour les sociétés régiona-
les, c'est-à-dire assemblée générale,
conseil d'administration et nomination du directeur général. Et,
finalement, cinquièmement, la révision en vue de la levée
des pouvoirs de tutelle et de désaveu que le ministre s'est
réservés sur la gestion de la Société.
Alors, M. le Président, j'ai déjà fait mes
remerciements et je les réitère.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Comme mot de la fin, je remercie tous ceux et celles qui ont
participé, de près ou de loin, à la réussite de
cette commission, de même que tous les députés des deux
formations qui se sont prêtés de bonne grâce à cet
exercice qui demandait, quand même, beaucoup d'énergie puisque des
dizaines de groupes se sont présentés à cette commission,
M. le ministre également, et tout votre personnel, et le personnel du
secrétariat de notre commission.
Je termine en disant que la commission a rempli son mandat et ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 48)