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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 17 mars 1992 - Vol. 31 N° 122

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « Partenaires pour un Québec compétent et compétitif » et sur le projet de loi n° 408, Loi sur la Société québécoise de développement et de main-d'oeuvre


Journal des débats

 

(Quinze heures cinquante-deux minutes)

Le Président (M. Joly): Alors, bonjour et bienvenue à cette commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. Mme Cardinal (Château guay) est remplacée par Mme Bleau (Groulx); Mme Juneau (Johnson) est remplacée par M. Léonard (Labelle); Mme Marois (Taillon) est remplacée par Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve); et M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témis-camingue) est remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest).

Le Président (M. Joly): Merci, M. le secrétaire. Alors, déjà je vois... Aujourd'hui, nous allons entendre le Centre de formation en entreprise inc., l'Université de Montréal, l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, l'Association des technologistes agro-alimentaires inc., et finalement, la Fédération autonome du collégial.

Alors, je vois que M. Montplaisir, représentant le Centre de formation en entreprise, a déjà pris place. Je dois aussi vous aviser que, au préalable, M. Montplaisir a eu l'autorisation de se servir de l'équipement que vous voyez ici, et ce, afin de faciliter sa présentation. M. Montplaisir, vous avez une quinzaine de minutes pour nous faire votre présentation, et, par après, les parlementaires échangeront avec vous. À vous la parole, M. Montplaisir.

CFE

M. Montplaisir (Yves): Je vous remercie, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais également remercier les membres de la commission, ainsi que le ministre Bourbeau, de donner l'occasion à mon entreprise et à moi-même d'émettre notre point de vue concernant la Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Je dirais tout d'abord que je pense que c'est un projet de loi excessivement important quand on parle de formation au Québec, et je pense que dans le cadre, effectivement, de la mondialisation des marchés, ça devient même, je dirais, une priorité à ce niveau-là. Donc, c'est un petit peu dans cet esprit-là que... C'est d'ailleurs une des raisons importantes pour lesquelles, nous, on s'est présenté ici.

Tout d'abord, je dirais que, pour nous, notre clientèle, principalement, se recrute surtout au niveau des PME. Lorsqu'on a fait la lecture du projet du ministre, on s'est posé plusieurs questions sur la façon dont les PME, qui étaient nos clients et puis avec lesquels on avait des contacts, pourraient bénéficier de ce projet de loi là. Et, de ce point de vue là, je dirais que compte tenu du fait également qu'on a eu l'occasion dans le passé de réaliser certains contrats pour des corporations professionnelles, on s'est rendu compte aussi d'un certain désarroi au niveau des individus. Qu'ils soient professionnels ou non, je crois que ça ne changeait rien. On a travaillé avec l'Ordre des ingénieurs du Québec, la Corporation des administrateurs agréés du Québec également, ainsi qu'avec l'Ordre des infirmières auxiliaires du Québec aussi. ce dont on se rend compte, c'est qu'il y a vraiment un problème. disons il y a eu d'autres corporations avec lesquelles on a eu des contacts sans nécessairement avoir des contrats. ce qui ressort, je dirais, de la problématique qui découle de tout ça, c'est que, finalement, les parents pauvres de la formation, si je peux dire, ce sont les individus, peu importe leur niveau de qualification, et les pme. moi, c'est l'opinion que j'émets et c'est un peu aussi l'objectif de la présentation que je vais vous faire puisque vous allez pouvoir... d'ailleurs, à l'annexe a... vous allez le voir, à la page 6, que j'ai reproduite chez moi sur acétate, afin de pouvoir mieux expliquer les difficultés que peuvent entraîner, entre autres, la planification et la gestion de la formation continue à l'intérieur d'une entreprise et ce, particulièrement pour une pme, parce qu'on voit tout de suite les difficultés que ça peut entraîner. alors, si je peux ouvrir l'appareil.

Tout d'abord, je dirais, quand on regarde... Le premier point qui est le plus important, au départ, dans l'étape 1, c'est le diagnostic des besoins d'apprentissage qu'on voit ici. Finalement, je vous fais grâce des détails de chacun des points. Je pense que c'est surtout pour situer la démarche et pour mieux vous exprimer, peut-être, dans quel cadre ça se situe. Ça se situe à l'intérieur de la première étape qu'on fait normalement dans les entreprises au niveau du diagnostic des besoins de formation, qui est à cette étape-là. C'est suivi ensuite de l'étape 2, qui est la sélection de l'activité de formation continue; de l'étape 3, la réalisation de l'activité

de formation continue ainsi que de l'étape 4, qui concerne toutes les étapes de suivi qui vont suivre, par exemple, une activité de formation dans l'entreprise.

Donc, revenons au point 1.3, qu'on retrouve ici. Ce point, finalement, résulte d'un écart, c'est-à-dire d'un écart entre la situation problématique, qu'on pourrait appeler actuelle et/ou anticipée, comme par exemple... Ça peut souvent être des situations qui découlent de changements technologiques dans l'entreprise. Ça peut être de nouveaux marchés qu'il va y avoir dans l'entreprise. Il peut y avoir une foule de facteurs que je n'ai pas l'intention d'énumérer ici, mais que vous connaissez aussi bien que moi, et qui peuvent, finalement, occasionner des changements importants au niveau de l'entreprise.

Mais on sait très bien que ce ne sont pas tous les besoins de changements qui sont des besoins de changements qui concernent l'individu. Il y a aussi des besoins de changements qui concernent spécifiquement l'organisation, que ce soit au niveau des politiques organisationnelles ou des procédures organisationnelles dans l'entreprise. C'est là qu'on retrouve le premier problème qu'on va retrouver habituellement surtout dans les PME, et qui va finalement faire en sorte que...

Étant donné que dans les PME, en général, il n'y a pas de responsable de la formation en tant que tel qui va avoir à ne s'occuper que de ce mandat-là, on va se retrouver avec le phénomène de ce que j'appelle l'homme-orchestre ou la femme-orchestre. Cette personne-là va avoir, entre autres, le mandat de la formation. On va retrouver également les relations de travail et on va retrouver la santé et la sécurité au travail. Finalement, cette personne-là éteint des feux constamment dans l'entreprise, que ce soit avec le dossier de formation, que ce soit avec le dossier au niveau des relations de travail, que ce soit au niveau de la santé et sécurité au travail. donc, on ne peut pas dire que l'entreprise peut vraiment compter sur quelqu'un qui va être capable do gérer ca procossus do diagnostic là do façon efficace et surtout de distinguer et d'encadrer, entre autres, les consultants lorsqu'ils vont intervenir dans l'entreprise, ce qui entraîne souvent des problèmes importants. je le sais parce que je le vois à l'occasion quand je rencontre des entreprises. ce qu'on nous dit souvent après avoir fait d'autres démarches de diagnostic avec d'autres consultants, c'est qu'on n'a pas, lorsqu'on a fait le diagnostic, informé les gens dans l'entreprise que ce n'était pas la formation qui réglerait leurs problèmes, mais que c'était plutôt des changements dans les procédures ou dans les politiques de l'entreprise. ça, quand ce n'est pas dit, ça crée des attentes chez les employés et, finalement, ça désengage les gens dans le processus de formation. comme habituellement les consultants arrivent pour une période de courte durée, peut-être d'un, deux ou trois mois, on se retrouve dans une situation où les entreprises ne développent pas vraiment une autonomie au niveau de la gestion de la formation.

Donc, moi, je dirais qu'une des choses que je constate - puis vous allez voir avec les autres points que je vais mentionner tantôt - c'est que, finalement, ce peu de formation dans l'entreprise, dans les PME surtout, je pense que c'est surtout dû, en fait, au fait qu'ils n'ont pas de service de formation à l'interne. D'ailleurs, dans le mémoire que j'ai présenté, j'avais mentionné que je suggérais au ministre de peut-être envisager l'utilisation de services externes sur une base continue pour les entreprises. En tout cas, je reviendrai peut-être plus loin là-dessus, mais ce serait une des solutions qui pourraient être intéressantes pour régler ce problème-là, entre autres.

Au point 1.4, là, ça touche un autre problème, une autre difficulté qui est importante, qui ne concerne pas juste les PME mais qui les touche également. C'est la spécification des objectifs d'apprentissage dans l'entreprise lorsqu'on fait le diagnostic. Souvent, les individus dans l'entreprise vont se retrouver dans une situation de fait accompli. C'est-à-dire que l'entreprise va dire: Bon, nous, on enclenche un processus de changements, et vous devez vous y adapter. (16 h 00) le problème, c'est que quand on veut faire des activités de formation dans un contexte comme celui-là, on se retrouve dans une situation où la personne n'est pas intéressée à suivre l'activité de formation et elle est obligée de la faire. ça, pour ceux qui sont familiers avec ces problèmes-là, ils savent très bien que c'est un des obstacles majeurs dans lesquels on se retrouve lorsqu'on veut faire en sorte que les individus enclenchent un processus de changements individuels pour permettre la réalisation d'apprentissages.

Donc, la partie motivation, la partie impli cation dos individus dans l'entroprlse pour, justement, participer à l'élaboration de leur propre objectif d'apprentissage, c'est quelque chose d'excessivement important, et qui est, en fait... Justement, comme je disais tantôt, étant donné que dans les PME il n'y a pas vraiment de service de formation, encore une fois on se retrouve avec le même problème qu'on retrouvait tantôt, mais cette fois-là au niveau de la gestion individuelle du développement professionnel dans l'entreprise.

Un autre point important, une autre difficulté à ce niveau-là, c'est qu'on retrouve également, comme je le disais tantôt, un autre problème. Ce problème-là, cette fois-ci, touche davantage une étape de la sélection de l'activité de formation continue comme telle dans la deuxième étape, mais je l'aborde maintenant, parce que ça explique pourquoi il est important

de faire participer les gens à l'élaboration de leur objectif d'apprentissage. Par exemple... Même pour l'entreprise, c'est important de vraiment maîtriser ce processus-là.

La raison en est simple. C'est qu'on se retrouve souvent face à de la publicité - je ne dirais pas trompeuse - de la part des fournisseurs d'activités de formation. Je ne veux pas m'attirer des flèches, là, mais il reste une chose, c'est qu'habituellement, et ça je l'ai retrouvé beaucoup quand j'ai travaillé avec les corporations professionnelles, ils sont inondés de dépliants, de toutes sortes d'activités, et ils ne s'y retrouvent absolument pas. Pourquoi? Premièrement, c'est parce qu'eux-mêmes n'ont pas de... Ils ne maîtrisent pas souvent le processus, où ils ne disposent pas d'un processus standardisé de diagnostic et d'élaboration d'objectifs. Donc, ce qui se produit, c'est que sur le marché, tout le monde parle un langage différent. Donc, c'est un petit peu, comme je pourrais dire, l'anarchie.

Alors, les gens, surtout dans les corporations, et c'est la même chose chez les entreprises, se retrouvent avec le même problème. C'est qu'à un moment donné - d'autant plus si c'est des PME parce que là ils n'ont pas de service de formation pour être capable de juger de ce qui leur est offert - on se retrouve dans la situation suivante, qui est un petit peu comparable - il me reste quatre minutes, bon, O.K. merci - à ce qu'on a retrouvé à l'époque de l'informatique lorsque ça s'est introduit dans les entreprises où il y avait un fournisseur qui arrivait et qui disait: Moi je peux vous founir tout ce dont vous avez besoin. Donc, les gens ne choisissaient pas des équipements spécifiques en fonction de leurs besoins, mais plutôt des fournisseurs. Là, on se retrouvait avec une foule de problèmes dans les entreprises avec des équipements qui n'étaient pas optimum par rapport aux besoins de l'entreprise.

Moi, je dirais que par rapport à la formation, c'est un peu le même problème. Les entreprises en général vont choisir plus un fournisseur avant de choisir une activité, parce qu'il n'est pas possible de comparer les activités. Si vous prenez un cours de WordPerfect donné par un cégep X ou une commission scolaire Y, essayez de savoir lequel est le meilleur. Je mets au défi n'importe qui de le savoir avant de suivre l'activité. Ce n'est pas possible.

Donc, il y a un problème que je vois pour que, effectivement, il y ait un accès à l'information qui permettrait aux entreprises de vraiment bénéficier d'une certaine forme de standardisation au niveau de l'information sur les activités de formation disponibles sur le marché. Ça, entre autres, ça permettrait de distinguer, au niveau des objectifs, entre connaître une technique, par exemple, qui est un objectif quand même assez général, et appliquer cette même technique-là. C'est quand même deux objectifs de niveaux très différents, mais quand on sait que les entreprises préfèrent souvent des objectifs de type appliquer plutôt que des objectifs de type connaître, on se rend vite compte qu'elles peuvent facilement être induites en erreur pas par une mauvaise volonté, mais souvent par un contexte qui favorise ça au niveau du marketing des activités de formation. Donc, moi, je trouve que c'est important. C'est un point qui m'apparaît important. Je vais aller rapidement. Ça va vite, 15 minutes.

Pour aller rapidement, je vous dirais... On passerait à l'étape suivante, l'étape 2, la sélection de l'activité. Ici, le principal problème qu'on va retrouver, ça va être, je dirais, encore une fois, le manque d'outils qui va permettre à l'entreprise et à l'individu aussi qui va avoir à choisir une activité en fonction de son objectif... Là, il faut bien se mettre dans la démarche, si la personne et l'entreprise ont collaboré à l'élaboration d'objectifs. Ils sont clairs, ils sont sûrs de leur coup, et ils s'enlignent dans cette direction-là.

Cependant, là où il y a un autre problème, c'est, je dirais, dans la sélection et le choix des méthodes et des techniques d'apprentissage associées à chaque objectif. Là, on se retrouve dans un autre problème, c'est-à-dire qu'on manque carrément d'outils. Si, par exemple, vous voulez connaître telle ou telle technique, bon, vous allez arriver avec telle ou telle méthode, par exemple, d'apprentissage, que ce soit dans un cours magistral... C'est la méthode qu'on connaît le plus. Par contre, si on veut appliquer une technique, peut-être qu'à ce moment-là la simulation va être une technique d'apprentissage qui va être plus appropriée. Donc, on n'est pas au même niveau, on n'est pas dans le même type de stratégie d'apprentissage. Ça, ça devient excessivement important pour les entreprises d'être autonomes et d'avoir, je dirais, une certaine indépendance dans ce choix-là. Ça ne veut pas dire qu'elles vont tout faire toutes seules, mais ça veut dire qu'elles vont être capables de questionner les fournisseurs sur les objectifs qui leur sont offerts et sur les méthodes et les techniques qu'elles sont en mesure de leur offrir. Ça, ça peut vraiment permettre une comparaison des activités et une meilleure efficacité des activités à l'intérieur de l'entreprise. Écoutez, je ne veux pas... C'est terminé?

Le Président (M. Joly): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Montplaisir: Pardon?

Le Président (M. Joly): Je vous inviterais à conclure.

M. Montplaisir: Bon, je vais conclure. J'en avais encore, mais je vais arrêter.

Donc, moi, ce que je dirais, c'est qu'en définitive ce qui est important, c'est de vraiment bien comprendre que les PME sont très démunies

par rapport à la formation. Dans mon mémoire, je mentionnais, entre autres, un des outils qui pourrait les aider beaucoup, mise à part la standardisation des informations sur les diverses activités offertes par différents fournisseurs. Il reste qu'il y a également toute la dimension, pour les entreprises, d'avoir accès à des services de formation externes sur une base continue et permanente. Ce qui pourrait être intéressant, entre autres, ça serait de créer une certaine forme de maillage sur une base permanente qui permettrait, sous une forme d'accréditation ou autre de la part, soit des commissions de formation professionnelle ou autres, de vraiment créer, je dirais, une relation à long terme entre, par exemple, ces services-là, qui sont à l'externe, et les entreprises d'une région ou dans un domaine d'activité précis. Alors, c'est tout, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Montplaisir. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, étant donné que nous formons une équipe unie et dynamique, je vous demanderais de reconnaître mon adjoint parlementaire, le député de Salaberry-Soulanges, qui voudrait poser quelques questions.

Le Président (M. Joly): Certainement, M. le ministre. M. le député de Salaberry-Soulanges, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci, M. le Président. M. Montplaisir, je vous ai écouté attentivement. Vous avez présenté, dans le fond, une approche... Probablement, c'est le plan de travail que vous présentez parce que l'on fait appel à vous au niveau d'une entreprise pour essayer d'identifier des besoins de formation au niveau de l'entreprise.

Si on revient à l'énoncé de politique créant, justement, cette Société de formation de la main-d'oeuvre, vous dites, vous, du moins dans la plupart de vos commentaires, que les petites PME n'auront peut-être pas leur place au niveau de cette Société, que le monde du travail non syndiqué également n'aura probablement pas sa place dans cette structure, et vous vous proposez comme étant un peu, dans le monde de formation privée, le représentant, comme si vous pouviez un petit peu être le représentant.

Vous ne mettez pas en doute, là, mais vous trouvez que le secteur public a beaucoup trop de place au niveau de cette Société par rapport au secteur privé et, dans vos recommandations, vous dites que, d'une part, les entreprises privées de formation comme la vôtre devraient avoir la possibilité de compétitionner au même titre que l'entreprise publique qui est représentée par nos institutions, que ce soient les écoles de formation secondaire, collégial ou même universitaire. Vous dites également qu'on devrait remplacer les

CFP actuelles par votre réseau. J'aimerais vous entendre... J'aimerais savoir quelles sont les raisons profondes de ces propositions-là. Je sais que vous êtes une entreprise à but lucratif, naturellement. Vous avez le droit de vivre comme tout le monde. Est-ce que le réseau actuel n'aurait pas les moyens, les outils nécessaires pour intervenir au niveau de la formation? Comment on pourrait vous situer, en termes d'entreprise privée, dans la...

M. Montplaisir: Dans le réseau.

M. Marcil: ...démarche, si vous voulez, de formation versus le réseau d'enseignement public et l'entreprise?

M. Montplaisir: Tout d'abord, je vous dirais que pour moi, effectivement, la situation actuelle pose certains problèmes. Je pense que vous avez déjà eu et entendu, entre autres, M. Le Hir, qui était déjà venu ici, qui avait mentionné les frais importants d'administration du système actuel. Je pense que d'ailleurs il avait cité 40 %, d'après ce que j'avais lu précédemment.

Il y a aussi un autre problème. Je dirais que c'est au niveau de ta décentralisation et de l'effet. Je me dis que tant qu'à faire un changement à la loi, tant qu'à faire des changements profonds au niveau de la formation professionnelle au Québec, pourquoi ne pas en profiter pour vraiment donner plus aux gens qui travaillent avec ces entreprises-là, c'est-à-dire donner l'occasion, tant qu'à faire un changement... Lorsque, par exemple, nous, on intervient avec une entreprise dans le cadre du plan de soutien de la formation à l'entreprise, qui est un autre programme, mis à part le crédit d'impôt pour lequel on est accrédité, ce que je peux vous dire c'est que quand on rentre dans une entreprise, dans une PME, et qu'on leur mentionne qu'ils ont accès à 75 % de subvention dans le cadre du PSFE, et que dans le crédit d'impôt ils ont seulement 50 % ou à peu près dépendamment du niveau, s'ils sont considérés comme une grande ou une petite entreprise, on se retrouve dans une situation où on n'a pas vraiment l'impression qu'on va pouvoir faire plus avec la réforme. Ça, c'est l'impression que j'ai eue en lisant le projet.

L'autre problème que j'ai eu en lisant le projet, c'est que, pour moi, les clients, qui sont les entreprises, qui sont les individus avec lesquels je vais travailler à l'occasion au niveau des corporations professionnlles, par exemple, j'essayais de voir ce que je pourrais faire de plus avec ces changements-là. C'était ça, ma préoccupation. Je ne dis pas que ce n'est pas possible que ce soit fait dans le cadre du projet, sauf que ma préoccupation, à moi, c'était, en venant ici, peut-être de vous donner l'opinion d'une personne - sans me dire représentatif du privé, je pense qu'il y en a d'autres qui le sont plus que moi... Il reste que je voulais surtout

émettre une opinion en fonction des difficultés qu'on retrouve sur le terrain, des améliorations que, moi, tant qu'à faire des changements, je proposerais bien humblement. Il reste qu'on a tous droit à notre opinion, alors, de ce point de vue, je pense qu'effectivement c'est important d'avoir l'occasion de le faire.

Par rapport au secteur public, ce qui m'a beaucoup agacé dans les années passées - et je ne suis pas le seul, je pense - c'ost qu'on s'est retrouvés dans une situation où, systématiquement, le secteur public était privilégié. On retrouve ça également dans le projet actuel et, pour moi, ça pose un problème. Ça me pose un problème parce que, moi, je me dis, d'une certaine manière, je pense qu'ils ont leur place, effectivement, mais je pense qu'il n'y a rien de mieux pour vraiment accroître l'efficacité des activités de formation dans les entreprises qu'une saine concurrence.

D'ailleurs, nous-mêmes on est également accrédités, comme je le disais tantôt, pour le crédit d'impôt à la formation. On l'est également pour faire des activités de formation sur mesure. Donc, quand il y a une problématique, quand il y a un problème spécifique au niveau des entreprises, on aime pouvoir le faire. Mais il reste une chose, c'est qu'on se retrouve actuellement dans une situation, avec le présent projet, qui, d'une certaine manière, reconduit, je dirais, le préjugé favorable au secteur public. Ça, pour moi, j'aurais préféré l'instauration d'une saine concurrence, équitable pour tous, où tout le monde peut avoir sa chance de faire sa place au soleil sur une base égale.

M. Marcil: Dans l'énoncé de, politique, à la page 60 justement, parce qu'on l'indique: «Lorsqu'une entreprise contracte avec un formateur pour des activités de recyclage, de perfectionnement de la main-d'oeuvre dans son emploi, cette entreprise conserve le choix du formateur.» Donc, on admet ou on crée, si vous voulez, le principe de la libre concurrence. On a reçu, ici en commission, également, des représentants de la Fédération des collèges, des commissions scolaires, qui, eux aussi, venaient nous dire un petit peu le contraire de ce que vous avancez, dans le sens qu'eux nous faisaient voir qu'on allait davantage développer des entreprises de formation privées au détriment du secteur public pour lequel le gouvernement investit quand même des sommes considérables. On parle de milliards, on ne parle pas seulement de millions. (16 h 15)

Je vous trouve quand même assez innovateur lorsque vous recommandez de créer et de financer un réseau de consultants privé, accrédité, offrant aux PME... Donc, vous nous demandez, dans le fond, de mettre sur pied un réseau de firmes privées pour faire de la formation lorsque déjà le gouvernement finance un réseau public de formateurs. Penseriez-vous qu'il ne serait pas préférable d'essayer de trouver une façon pour vous, au niveau de l'entreprise privée - la politique permet aux entreprises le choix du formateur, donc, il y a une saine concurrence qui va s'établir - d'essayer de développer, au contraire, une approche avec le secteur public, un genre de «partnership» qui pourrait se développer avec les institutions déjà existantes au niveau public ot l'entreprise comme toile?

M. Montplaisir: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites, sauf que je voudrais faire une précision sur la position que j'ai mentionnée dans le document. Tout d'abord, moi, je fais une distinction entre offrir des services de formation pour fournir des activités de formation à une entreprise et aider l'entreprise à gérer le dossier de la formation chez elle. Ce sont deux choses différentes pour moi. Quand j'ai fait la mention tantôt, l'exposé que j'ai fait, j'ai exposé certains problèmes importants que les entreprises avaient à gérer leur formation au niveau des PME, entre autres, en insistant sur ce point-là.

Moi, ce que je dis, c'est qu'il y a une complémentarité à faire. Là où je mentionne une difficulté qui m'apparaît importante puis la recommandation que je fais au niveau des consultants privés, c'est beaucoup plus au niveau de la gestion que de la fourniture d'activités de formation comme telle. Il reste que ce que je mentionnais, c'était la mise sur pied d'un service de formation externe à l'entreprise - de toute façon, un service de formation dans les entreprises ne fait... Il arrive quelquefois qu'ils vont faire de la conception ou qu'ils vont diffuser des activités de formation chez elles, mais il reste qu'en général, ils vont faire affaire avec des sous-traitants, avec d'autres entreprises, avec des collèges, avec des commissions scolaires et, de ce point de vue là, je suis tout à fait d'accord avec vous que ça m'apparaît sain de pouvoir créer cette complémentarité-là.

Pour moi, là où il y a le manque le plus criant, le plus difficile et qui m'apparaît un petit peu - puis, quand je parlais de subventionner tantôt... Il reste une chose, c'est que nous, quand on intervient auprès des entreprises, lorsqu'on fait nos première, deuxième, troisième approches - parce que souvent ça dure six mois, les approches avec les entreprises avant qu'elles se décident à vraiment enclencher ou à signer un contrat avec nous - pendant tout ce temps-là, d'une certaine manière, on fait un peu le travail des CFP. On fait un peu le travail d'un peu tout le monde sans être rémunéré. C'est dans ce sens-là que je dis que quant à faire le travail, quant à être présent sur le marché, quant à vouloir assurer une constance à long terme au niveau des entreprises... Quand je parlais tantôt d'un maillage à long terme, justement, c'était en ce sens-là que je le faisais.

C'était au niveau de la gestion de la formation et non pas au niveau de la diffusion d'activités de formation. Ça, je tiens à le préciser. Ça m'apparait un point important.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le député, je pense qu'on a déjà dépassé le temps. Alors, je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Vous allez me permettre d'accueillir au nom de ma formation politique le représentant du Centre de formation en entreprise. C'est un organisme à but lucratif - c'est bien le cas? - qui est incorporé. C'est bien ça?

M. Montplaisir: Oui.

Mme Harel: Vous oeuvrez surtout dans la région de Québec ou...

M. Montplaisir: La région de Montréal. Mme Harel: Dans la région de Montréal. M. Montplaisir: Oui. Exact.

Mme Harel: Particulièrement auprès des PME, quel est votre créneau, la...

M. Montplaisir: Tout d'abord...

Mme Harel: ...moyenne d'employés dans les entreprises où vous intervenez?

M. Montplaisir: Je dirais que ça va varier entre... Là, il y en a une avec laquelle on travaille qui a environ 37 employés. Ça peut varier jusqu'à 150, 200.

Mme Harel: Vous allez être surpris, mais il y a une sorte d'analogie à faire entre ce que vous recommandez dans votre mémoire et ce que le milieu de l'éducation est venu demander, pas nécessairement d'un concert de voix unanimes mais presque. En fait, la trame, si vous voulez, qui est la même, c'est celle qui consiste à réduire au strict minimum les étapes ou les intermédiaires entre l'utilisateur puis le dispensateur. Alors, vous, c'est ce que vous dites dans votre mémoire et, à ma connaissance, il n'y a pas de mémoires qui originent du secteur de l'enseignement qui ne sont pas venus dire la même chose, qu'il fallait réduire le plus possible les intermédiaires entre l'utilisateur, donc l'entreprise, et le dispensateur de services, c'est-à-dire, soit la maison d'enseignement, publique ou privée. La question n'est pas là pour tout de suite.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus d'abord, parce que ça, ça m'apparaît être au coeur de ce qu'on discute depuis le début de cette commission, depuis plus d'un mois, et on a tourné autour, toujours, de cette attribution des rôles de 1984. En fait, c'est l'héritage du gouvernement précédent, c'est-à-dire l'attribution de l'estimation des besoins au réseau de main-d'oeuvre et la dispensation des cours au réseau de l'éducation, comme si c'étaient deux filières et l'entreprise est au milieu. Alors, vous, vous dites: II faut que l'entreprise ait un contact direct avec le dispensateur de cours de formation.

M. Montplaisir: Exact. D'ailleurs, c'était dans le sens de ma recommandation quand je parlais de financer, d'une certaine manière, un réseau de consultants privé qui va donner aux PME un service de formation externe et permanent à long terme mais intermittent ou en fonction des besoins de l'entreprise. Parce qu'on ne peut pas être à plein temps dans une PME. Ça ne justifie pas un plein temps, là.

Mme Harel: Mais moi, vous savez...

M. Montplaisir: Mais je vais répondre à votre...

Mme Harel: ...quel que soit... Finalement, on a appris que 80 commissions scolaires avaient mis en place des centres d'éducation des adultes, que là-dessus 60 s'étaient pourvues d'un service aux entreprises. Alors, tout de suite, moi, je ne veux pas discuter que ce soit public ou privé, mais ce que je veux comprendre, c'est pourquoi, pour vous, c'est si important ce rapprochement, cette intimité entre le dispensateur. Vous, ce que vous faites sauter, c'est la CFP, c'est-à-dire l'estimation des besoins entre les deux, entre le dispensateur et l'utilisateur.

M. Montplaisir: Moi, ce que je dis, c'est qu'en fin de compte il faut redonner à l'entreprise la gestion de la formation. Moi, je pense que c'est le premier point. Ça, c'est la première chose. Surtout pour les PME, je pense que c'est fondamental Deuxièmement, je dirais que tant mieux si, effectivement... Je dois dire que je siège aussi sur le comité de formation de la Chambre de commerce de Montréal et il y a aussi des représentants des cégeps qui sont membres du comité et qui vont dans le sens de ce que vous avez mentionné. Je suis tout à fait d'accord avec ça et j'en suis très heureux, parce que je pense que c'est une preuve qu'on va tous dans le bon sens.

D'ailleurs, j'ai aussi des contacts avec d'autres cégeps de la région de Montréal, un en particulier dont je connais bien le directeur, et on échange régulièrement, parce qu'il sait bien que, pour lui, son créneau, ce n'est pas de soutenir l'entreprise au niveau de la gestion de la formation. Son créneau, c'est vraiment d'offrir des cours spécialisés dans telle ou telle techni-

que, et de ce de point de vue là, je pense que c'est essentiel et que c'est excellent. Moi, je ne m'oppose pas à ça. Ce que je dis simplement, c'est que l'entreprise, elle, doit s'approprier, doit, prendre en charge sa propre formation, arrêter de... pas le laisser-aller, mais je dirais le... Ce n'est pas un laisser-aller. Je dirais que c'est par défaut que les PME ne s'occupent pas de formation, ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas.

Mme Harel: si elles la payaient, ou si elles étaient en situation d'avoir à la payer, est-ce qu'il n'y aurait pas là une sorte d'incitation...

M. Montplaisir: Vous voulez dire de la payer comment?

Mme Harel: Par exemple, si plutôt que d'être sur une base volontaire ou facultative...

M. Montplaisir: Oui.

Mme Harel: ...elles avaient, comme le recommandait le rapport de Grandpré, comme dernièrement le recommandait M. Wagner, le président de l'Association des ressources humaines, qui tenait un congrès au Palais des congrès, à Montréal, comme le recommande ma formation politique, comme l'ont recommandé peut-être la majorité, je pense, des organismes qui sont venus devant la commission, s'ils avaient à consacrer 1 %, par exemple, de leur masse salariale à des activités de formation dans leur entreprise, à défaut de quoi ils auraient à le verser, quelle que soit la modalité, mais ils auraient à le verser à...

M. Montplaisir: À un fonds.

Mme Harel: ...un fonds général de formation, est-ce qu'ils ne seraient pas incités à, justement...

M. Montplaisir: À le dépenser.

Mme Harel: ...reprendre la gestion de la formation? Est-ce qu'ils ne seraient pas incités? Où ils laissent ça à d'autres en payant le 1 %...

M. Montplaisir: Oui.

Mme Harel: ...où ils le font eux-mêmes. Pas eux-mêmes en se donnant les coûts, mais je veux dire ils se gèrent eux-mêmes, pour eux, la formation. Dans ce contexte-là - je vous le dis tout de suite, c'est parce que je mets mes cartes sur la table - que l'entreprise choisisse le fournisseur de services, quand elle paie, on dit oui.

M. Montplaisir: Oui.

Mme Harel: Elle fait son choix. Mais quand ce sont les fonds publics, je pense qu'il faut voir ça autrement.

M. Montplaisir: Moi, je répondrais à votre question peut-être pas par la réponse que vous aimeriez que je vous donne parce que... Je sais pourquoi vous me posez cette question-là. Il reste une chose. C'est que si je me fie, par exemple, à la loi d'airain en France, où cette mesure-là a déjà été adoptée et fonctionne déjà depuis quand même plusieurs années...

Mme Harel: Quelle mesure?

M. Montplaisir: C'est la règle du 1 % qui avait été établie à cette époque-là.

Mme Harel: Elle est à 1,5 %, je pense.

M. Montplaisir: Pardon?

Mme Harel: Elle est rendue à 1,5 %, là.

M. Montplaisir: Ça a été augmenté récemment...

Mme Harel: Oui.

M. Montplaisir: ...mais quand j'en avais pris connaissance, c'était encore à 1 %. De mémoire, je vous dirais que les PME, de ce point de vue ta, ne participaient pas plus, ne réalisaient pas plus d'activités, même si cette loi était appliquée. Moi, je vous dirais beaucoup plus que je préférerais qu'on bonifie le crédit actuel d'impôt à la formation et qu'on le rende au moins équivalent, à tout le moins, dans un premier temps, au programme de soutien à la formation en entreprise, qui est un programme équivalent qui finance la même chose, mais qui donne plus aux PME.

Mme Harel: Tant que ça va être des fonds publics...

M. Montplaisir: Oui.

Mme Harel: ...il faut comprendre qu'on prend cet argent-là. Vous disiez, à juste titre: Les parents pauvres de la formation, ce sont les individus et les PME. Dans la mesure où les fonds pubfics sont limités...

M. Montplaisir: Oui.

Mme Harel: ...sont utilisés, comme vous le souhaitez, par exemple, pour les PME, c'est les individus qui vont en avoir moins. Il faut comprendre que présentement les individus, au Québec, au moment où on se parle, à moins qu'ils soient en chômage et qu'ils n'aient pas d'emploi, ou à moins que leur entreprise se soit

donné un plan de formation, ils ont très peu de chance de pouvoir améliorer leur sort professionnel en suivant des cours à temps partiel. Ça n'existe presque plus.

M. Montplaisir: D'ailleurs, il y a une autre recommandation que j'ai faite dans le mémoire. Je n'en ai pas beaucoup parlé parce que, bon... Ce n'était pas secondaire, mais je veux dire, pour moi, j'avais vu que le temps était court. Je n'ai pas voulu l'aborder en détail. Il reste qu'une autre mesure que je trouve qui pourrait être drôlement intéressante, c'est la mise sur pied d'associations professionnelles, un peu à l'exemple des corporations professionnelles, qui viseraient, entre autres, le développement professionnel de leurs membres comme objectif. Ça, je pense que ça pourrait être, effectivement, très intéressant pour aider les individus qui sont dans ce contexte-là.

On sait aujourd'hui avec la fin, je dirais, du taylorisme et l'arrivée en trombe de la qualité totale au niveau des entreprises qu'on assiste à une requalification des travailleurs dans les entreprises. On cherche à les responsabiliser. On cherche à leur donner des occasions de vraiment accroître leurs compétences dans les entreprises. C'est une question de survie pour les entreprises. Ce n'est plus une question d'être bon ou d'être méchant. C'est vraiment une question de survie pour ces entreprises-là. Donc, moi, je me dis: Si ces associations-là étaient là pour aider les individus qui travaillent également dans les PME, autrement dit une aide à deux niveaux, une aide au point de vue d'association d'individus au niveau professionnel et une aide au niveau des PME qui, elles, ont un problème très précis au niveau de la gestion de leur formation, je trouve qu'à ce moment-là ça serait deux compléments pour la même clientèle, finalement.

Mme Harel: Le PSFE, vous considérez que les PME ont peu accès à ce programme?

M. Montplatsir: Je dirais que c'est surtout celui-là qu'elles utilisent. Comme nous, on est accrédités pour les deux, à la fois pour le crédit d'impôt et pour le PSFE. Alors, quand on arrive, on leur dit: Écoutez, si vous allez sur le crédit d'impôt, vous allez avoir 50 % et si vous prenez le PSFE, vous allez avoir 75 %. Qu'est-ce qu'elles vont nous répondre? Elles vont nous dire: Prenons le PSFE. Donc, d'une certaine manière, il y a un peu une duplication actuellement et la preuve en est que ce programme-là, je pense, marche relativement mieux et même beaucoup mieux que le crédit...

Mme Harel: C'est un programme fédéral, ça, je pense.

M. Montplaisir: Pardon?

Mme Harel: C'est un programme fédéral?

M. Montplaisir: Là, je ne pourrais pas vous donner le détail si c'est un programme fédéral, mais... Je sais juste que, effectivement... Je pense que c'est un programme partagé.

Mme Harel: À frais partagés?

M. Montplaisir: En tout cas, je sais que c'est les CFP, à Montréal, qui l'utilisent, qui ie gèrent.

Mme Harel: À frais... Québécois?

M. Montplaisir: Oui.

(16 h 30)

Mme Harel: Très bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il nous reste à remercier le représentant du Centre de formation en entreprise pour sa présentation dont on va certainement tenir compte, éventuellement, dans les décisions qu'on aura à prendre.

M. Montplaisir: Je vous remercie, M. le ministre.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Montplaisir.

Université de Montréal

J'inviterais maintenant les représentants de l'Université de Montréal à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Bonjour, M. Jacques Boucher, doyen de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal - c'est ça? - et Mme Irène Cinq-Mars, vice-rectrice adjointe à l'enseignement à l'Université de Montréal.

Mme Cinq-Mars (Irène): C'est exact

Le Président (M. Joly): Vous avez une quinzaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et, après, les parlementaires échangeront avec vous.

Mme Cinq-Mars: Merci, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires. Évidemment, nous vous remercions également de nous avoir permis de nous présenter devant vous et de donner le point de vue de l'Université de Montréal sur un document d'orientation qui nous apparaît fondamental et pour lequel nous avons un grand intérêt. C'est ce que nous venons présenter ici en deux temps.

Tout d'abord, j'aimerais rappeler brièvement les principaux points qui ont fait l'objet du

développement dans le mémoire. Je vais prendre a peu près cinq à sept minutes pour faire cela. On s'est bien préparés. Ensuite, M. Boucher va développer et insister davantage sur la vision de l'Université de Montréal, mais comme partenaire dans ce projet d'orientation, en insistant sur le rôle que nous aimerions voir jouer aux universités dans l'élaboration d'une éventuelle politique sur la main-d'oeuvre.

Comme nous le disons dans le document, nous sommes convaincus de l'importance des enjeux parmi lesquels - M. Boucher va y revenir tout à l'heure - l'enjeu de la formation de la main-d'oeuvre dite très spécialisée, que peut représenter la population des diplômés universitaires, on aimerait bien qu'il soit inclus. Enfin, avant d'en arriver là, le premier point, dans notre mémoire, dit que l'énoncé de politique ne semble pas tenir compte du rôle des universités en matière de formation continue. Il le mentionne à la page 35. Il parle de formation de base, il parle de stratégie. On fait appel à la concertation des universités. On ne dit pas que nous sommes totalement absents du débat, mais nous aurions aimé l'être davantage. On va y revenir tout à l'heure.

On s'étonne aussi que les ministères à vocation éducative, les établissements d'enseignement seraient réduits à exercer un rôle d'observateur. Quand on regarde la composition du conseil d'administration, par exemple, de la Société de développement qui est prévue, on ne semble pas faire appel à l'université au moment de l'élaboration, par exemple, des problématiques, au moment de l'élaboration des stratégies, mais plutôt à titre de dispensateur de services, c'est-à-dire les formateurs de formateurs. Probablement que c'est ce qu'on a en tête. Eh bien, on aimerait être un peu plus présents ou, du moins, un peu plus actifs, être considérés comme des partenaires plus actifs à ce niveau-là également.

Ensuite, on se demande, justement, quand on parle des formateurs compétents dans les différents domaines stratégiques, de quelle manière vous prévoyez évaluer, accréditer et vous assurer de la qualité de ces formateurs-là. Je pense que la question demeure ouverte, surtout après ce qu'on vient d'entendre. À ce titre-là, bien, nous pensons, enfin, du moins à l'université, étant donné les mécanismes d'accréditation des programmes, étant donné aussi les critères de sélection des candidats aux études, le contrôle sur les diplômes, etc., qu'il y a quand même là une assurance d'une certaine qualité de la formation. Alors, on aimerait voir un peu comment, de votre côté, vous entrevoyez la chose.

Quatrième point. Cette problématique de formation de formateurs, comme je viens de le dire, ne figure pas de façon assez centrale dans votre énoncé. On le mentionne à la page 4, ici, dans notre rapport, de la façon suivante. Je vais y revenir un petit peu, deux minutes. Comme je le disais tout à l'heure, à l'université, on est obligés, dans nos programmes de formation, de faire une mise à jour constante des savoirs, des techniques, des pratiques professionnelles. On est obligés. Vous savez qu'il y a un processus d'évaluation de programmes qui existe et constamment... Bien, «constamment», disons d'une façon périodique, à tous les quatre ou cinq ans, tous les programmes, de quelque nature qu'ils soient, sont soumis à un processus d'évaluation et en ressortent des plans d'actions par rapport à leur mise à jour, engagements éventuels de professeurs dans des compétences de pointe, si c'est ce qui ressort des évaluations. Il y a des mécanismes pour nous assurer d'une constante évolution par rapport à la qualité des formateurs. Cette dimension-là très dynamique de la mise à jour des programmes, elle est inscrite dans ia culture universitaire et c'est un atout important. On se demande comment, dans votre politique, ceci pourrait être pris en compte également.

Un cinquième point. Évidemment, on parle de l'adaptation de la main-d'oeuvre, celui de la formation continue, mais comme on le dit au point 6, on ne comprend pas tout à fait la distinction - peut-être qu'on aura l'occasion tout à l'heure d'en parier - entre ces deux concepts-là. Qu'est-ce que vous voulez dire de votre côté? Du côté de l'Université de Montréal, la formation continue est quelque chose qui est perçu comme étant un ensemble d'activités menant ou pas à un diplôme, ça dépend, mais qui veut être adapté vraiment aux besoins de formation d'une clientèle qui le demande. J'ai une série d'exemples de ce qui se fait, notamment à la Faculté de l'éducation permanente, mais également dans toutes les autres facultés; il y a des programmes courts de formation continue qui existent et qui répondent à un besoin. Mais il y a, dans ce concept de formation continue, un lien avec le concept d'éducation, c'est-à-dire de perfectionnement de la personne, l'éducation comme étant une culture, donc une culture qui s'appuie sur une visée où la personne veut s'épanouir et pas seulement s'adapter à court terme à un besoin du marché. Ça, c'est important aussi. Mais, on voudrait qu'il y ait peut-être d'autres aspects, j'allais dire plus universels, aussi qui soient pris en considération.

Finalement, le dernier point, on dit qu'on n'est pas convaincus de la pertinence et de l'urgence de mettre en place de nouvelles structures. On ne dit pas qu'on ne trouve pas intéressante la stratégie qui est proposée ici; elle l'est, mais on aimerait aussi éviter, en tout cas, que ça se fasse au prix d'un alourdissement des prises de décisions. On est d'accord qu'il y a un besoin de coordination mais, encore une fois, M. Boucher va revenir sur la participation que les universités voudraient jouer dans cette Société, si Société il y a. Alors, M. Boucher.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie,

Mme Cinq-Mars.

Mme Cinq-Mars: Pardon?

M. Bourbeau: Vous avez dit «si Société il y a». Je peux vous assurer qu'il va y en avoir une.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Merci. M. Boucher, s'il vous plaît!

M. Boucher (Jacques): Merci, M. le Président. Messieurs, mesdames, parmi les sept points qui font partie du mémoire et qui sont résumés à la toute dernière page de notre travail, je voudrais insister sur une ou deux questions. Nous sommes d'accord avec l'approche du ministre, notamment, qui veut s'occuper en priorité des laissés-pour-compte du système, ceux qui ont une très faible scolarité, en pratique, plus ou moins analphabètes, avec un travail plus ou moins précaire, fermeture d'usines, etc., ce dont les journaux sont pleins. Je suis tout à fait d'accord avec cet élément-là; c'est évident que c'est fondamental.

On est tout à fait d'accord aussi avec le mémoire quand il nous dit qu'il faut prendre des mesures préventives et d'adaptation des entreprises et des travailleurs pour éviter précisément que, à un moment donné, et l'entreprise et les travailleurs ne basculent dans le purgatoire ou dans l'enfer du chômage dont ils arrivent difficilement à sortir.

On est tout à fait d'accord avec le mémoire quand on nous dit qu'il faut valoriser les secteurs techniques et professionnels et au secondaire et au cégep, et que ça a été une erreur collective d'ignorer tout ce secteur-là. Pas de problème de ce côté-là! Sauf que je vous avoue qu'on comprend mal, à moins qu'on ait mal lu le mémoire, comment les secteurs de haute technologie, les secteurs d'information, les secteurs de pointe, l'informatisation, l'aspect international qui exigent une formation universitaire ne soient pas tenus en compte, du moins d'après la compréhension qu'on a du mémoire, dans la problématique du ministère. On ne comprend pas comment il se fait qu'on ne tienne pas compte davantage des universités, qui sont des intervenants majeurs dans la formation professionnelle, le perfectionnement, le recyclage.

Je dirige une faculté de plus de 10 000 étudiants avec des activités créditées, non créditées de toutes sortes. L'Université de Montréal, au premier cycle seulement, a une quarantaine de programmes courts qu'on appelle les certificats. On ne comprend pas comment on ne tienne pas compte davantage des besoins de recyclage et de perfectionnement des diplômés universitaires qui, eux aussi, de plus en plus, sont frappés par les changements technologiques, les changements de structures des entreprises.

Ce qu'on vient vous dire, c'est que les universités sont des intervenants majeurs dans le monde de la formation de la main-d'oeuvre professionnelle, d'abord et toujours - on y reviendra - parce qu'il va falloir former des formateurs. Et, ça, je pense que l'université est la place pour le faire. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres niveaux qui puissent prétendre à cette compétence-là. Il va falloir également former des professionnels.

Il y a des besoins majeurs et très sérieux dans la formation de nos diplômés. Beaucoup ont été formés dans les années soixante et soixante-dix, alors que le rôle de l'État était différent de ce qu'il est, où la prospérité était différente, où les structures d'entreprises à plusieurs maillons multipliaient les cadres intermédiaires de toutes sottes. Tout ça a sauté ou est en train de sauter. Les maisons d'enseignement absorbaient une grande partie des professionnels, surtout du côté des humanités et des sciences sociales; actuellement, les portes sont fermées presque à double tour. Il y avait peu d'informatisation, peu d'internationalisation. Beaucoup de nos étudiants n'ont pas ou peu de connaissances de l'anglais ou même, dans certains cas, leur français est déficient. Il y a, M. le Président, M. le ministre, même au niveau des universités et de leurs diplômés, des besoins de formation professionnelle criants et il me semble, en tout cas, que ça justifie la présence de l'université et de la problématique de l'université dans cette question.

Ce qu'on demande tout simplement, c'est que les universités et leurs diplômés fassent partie de la problématique de la formation de la main-d'oeuvre et que ça ne soit pas seulement une question d'ouvriers qui se sont trouvés déqualifiés par des changements technologiques. Nous demandons donc de faire partie de la problématique. Nous vous demandons de faire partie des tables de concertation qui nous excluent formellement. L'article 5.3 du projet 408, quand il parle de la Société et de son conseil d'administration, dit carrément «six autres membres dont deux représentent le milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial, l'autre pour le secteur secondaire». Pourquoi est-ce que les universités ne font pas partie de ce jeu-là? Je ne comprends pas, M. le ministre.

La même chose pour les conseils régionaux à 37.3, exactement les mêmes termes. À 37.3, «quatre autres membres sont choisis parmi les personnes qui oeuvrent de façon active dans la région, dont un provient du milieu des commissions scolaires et un autre du milieu des collèges d'enseignement général et professionnel». Pourquoi les universités ne sont-elles pas là, systématiquement exclues d'office? Je ne comprends pas. Il me semble également qu'il doit bien sûr y avoir une concertation entre les différents ministères: Main-d'oeuvre, Enseignement supérieur et Science, et ministère de l'Éducation. Je pense qu'on s'entend tous pour dire qu'on n'a

pas tellement de ressources et qu'il ne faudrait surtout pas les gaspiller en créant un système parallèle.

On ne comprend pas, non plus, comment il se fait que... On a essayé. On a eu une petite mésaventure récemment, on a appelé un des responsables d'un CFP important au Québec - des représentants de ma faculté, un vice-doyen et un directeur - et on s'est fait dire qu'on ne voulait même pas nous voir: On n'a rien à vous dire. On ne comprend pas, M. le ministre, comment il se fait que les universités n'aient pas accès aux crédits d'impôt, qu'il faille, pour engager un prof d'université, passer par un cégep ou une école secondaire. Il y a quelque chose qu'on ne comprend pas, et on est venus ici pour se le faire expliquer peut-être. J'ai terminé, M. le ministre.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Boucher. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de revoir M. Boucher...

M. Boucher: Ha, ha, ha!

(16 h 45)

M. Bourbeau: ...qui vient se faire expliquer pour la xième fois. Parce que je lui ai déjà expliqué, alors, je vais vous le réexpliquer une autre fois.

Mme Harel: Et, moi, pour la première, M. le ministre.

M. Bourbeau: Pardon?

Mme Harel: Moi, pour la première.

M. Bourbeau: Non, mais vous, ça trie fait plaisir. Mais vous auriez pu demander à M. Boucher.

Mme Harel: J'ai les mêmes questions.

M. Bourbeau: II aurait pu vous dire ce que je lui ai déjà dit. Écoutez, il y a un certain quiproquo dans tout ça, ici.

Une voix: À quelle occasion, M. le ministre?

M. Bourbeau: Je connais M. Boucher depuis longtemps. On s'est vus il n'y a pas longtemps lors d'une réunion, si je me souviens bien, de la Société pour la recherche et la formation en Montérégie. Je crois que vous étiez-là, et on s'est exprimés mutuellement sur ce sujet, si je me souviens bien, là. N'est-ce pas, M. Boucher?

M. Boucher: N'est-ce pas!

M. Bourbeau: L'aveu, c'est la meilleure preuve, M. le Président. Disons qu'il y a un quiproquo ici, d'une certaine façon. Il y a deux quiproquos, à mon avis. Premièrement, c'est vrai qu'on n'a pas l'intention de publier une politique de haut de gamme. C'est vrai. Les gros problèmes d'insertion sur le marché du travail, présentement, ne sont pas Je lot, en général, des diplômés, des universitaires, des docteurs ou des détenteurs de licences universitaires. Ce ne sont pas ceux-là, en général, qui ont beaucoup de problèmes à se placer; ce sont les assistés sociaux, les gens qui sont en chômage ou encore les travailleurs qui sont en emploi, mais qui risquent de perdre leur emploi parce que la technologie évolue. Ça, c'est le gros de la main-d'oeuvre québécoise: les travailleurs en emploi, les chômeurs, les assistés sociaux.

Pour ce qui est des diplômés universitaires, ce n'est pas qu'on veuille les ignorer, mais c'est qu'on ne décèle pas là un gros, gros problème d'insertion en emploi. En général, et les statistiques le prouvent, plus on est avancé en matière de diplomation, plus on est qualifié, plus on peut facilement se trouver des emplois. Et si on avait fait une politique axée d'une façon importante sur cette clientèle-là, on nous aurait dit: Écoutez, vraiment, les gros problèmes ne sont pas là. Donc, il ne faut pas se surprendre qu'on n'ait pas trop, trop passé de temps à se plaindre sur le lot des diplômés universitaires qui n'ont pas vraiment de gros problèmes d'insertion en emploi, reconnaissons-le.

Deuxièmement, vous nous dites, dans votre document, que vous accueillez avec plaisir le dépôt par le ministre André Bourbeau de l'énoncé de politique touchant le développement de la main-d'oeuvre et la formation continue. Je regrette, ce n'est pas ça que dit mon document. C'est un document d'orientation sur le développement de la main-d'oeuvre, point. Et on dit même, dans l'avant-propos, que «l'énoncé ne traite pas directement de l'action générale de scolarisation et de rehaussement des qualifications poursuivie par les politiques éducatives de l'ensemble du système d'enseignement, s'attardant plutôt à l'action gouvernementale visant le développement de la main-d'oeuvre». C'est que nous avons justement voulu éviter de traiter, dans ce document-là, de l'action de scolarisation, de l'enseignement, de la formation comme telle vue du point de vue de l'éducation. Si nous avions voulu, dans un excès d'enthousiasme, couvrir tout ce champ-là, on aurait fait comme Maurice Bellemare, en 1969, et tous les ministres successifs qui ont suivi et qui ont tenté, pendant 20 ans, de produire une politique semblable et qui se sont toujours heurtés, bien sûr, on le sait, aux obstacles que constitue une tâche aussi colossale.

Alors, ce que nous avons tenté de faire, c'est un premier pas. Bien sûr, ça ne répond pas à vos attentes, mais c'est un pas dans fa bonne direction qui va nous permettre de structurer le secteur de la main-d'oeuvre, de mettre en place

les mécanismes qui vont nous permettre de pouvoir faire un meilleur arrimage entre l'offre et la demande sur le marché du travail. Et, après ça, dans un deuxième temps qui, je l'espère, viendra bientôt, on pourra ensemble, tout le monde, s'interroger sur les problèmes dont vous faites part, que vous évoquez et qui sont réels, qui sont des problèmes d'enseignement, des problèmes d'organisation de l'enseignement, des problèmes de programmes, des problèmes de régime pédagogique, etc. Et, moi, je serai le premier à me joindre à cette discussion-là et j'espère bien qu'elle sera fructueuse.

En gros, là, je répondrais comme ça à vos préoccupations. Mais, pour revenir à vos propos d'une façon plus spécifique, vous semblez opposer dans votre document l'adoption de la politique de main-d'oeuvre et la formation continue. Dans notre esprit, rien n'oppose ces deux concepts de besoin de formation. Ne croyez-vous pas que l'on puisse exprimer les besoins d'adaptation de la main-d'oeuvre sans prétendre que cette préoccupation se fera au détriment de la formation continue, ou encore de la formation universitaire?

M. Boucher: M. le Président, M. le ministre, deux choses. D'abord, j'admire le réalisme du ministre et de son mémoire. Je pense qu'effectivement on ne peut pas régler tout en même temps. Et c'est clair que si le ministère de la Main-d'oeuvre avait voulu envahir le terrain d'au moins deux autres ministères, peut-être qu'il aurait eu certaines difficultés. Ce n'est pas là qu'est la question. La question, d'abord, dans un premier temps, c'est que c'est vrai que quantitativement les problèmes sont plus graves et plus nombreux du côté d'une main-d'oeuvre non spécialisée, non qualifiée, etc.; c'est tout à fait vrai, mais je pense que quand, moi, je comprends une politique de main-d'oeuvre, ça comprend l'ensemble de la maln-d'oeuvre au Québec et je pense que cette main-d'oeuvre, y compris la plus qualifiée, commence à montrer des signes inquiétants de chômage. Il n'y a rien de scientifique. J'ai essayé, dans les dernières semaines, d'avoir des informations par les économistes. Toutes nos informations datent d'il y a... La statistique date de 1987-1988 ou à peu près. Mais, dans le monde que je fréquente actuellement, par exemple, un facteur de tassement des niveaux de hiérarchie de 7, 8 et 10, dans certains cas, à 2 ou 3, frappe de plein fouet les diplômés universitaires qui sortent littéralement par les fenêtres.

Je ne peux pas le mesurer, mais il me semble que ce problème-là va se poser avec de plus en plus d'acuité. On commence à en voir des échos à gauche ou à droite. Je lisais quelque chose dans Time Magazine récemment et dans Fortune récemment: Aux États-Unis, le problème du chômage des cadres supérieurs - 45 ans, une maîtrise en informatique ou en sociologie ou en psychologie - se pose de façon importante. Je pense, M. le ministre, qu'il y a peut-être moins de problèmes quantitativement que du niveau de ceux qui ont une cinquième année, mais il y en a et il y en aura davantage. Première chose.

Deuxièmement, je comprends que votre objectif est le développement de la main-d'oeuvre au Québec dans le type de société dans lequel nous voulons bâtir, que vous voulez bâtir, qui est une société compétitive au plan international, de haute technologie, de pointe, etc. Peu importe ce qui sera fait au collège, au cégep et à l'université comme formation de base, on calcule actuellement qu'au niveau des gens dont on parle, les réorientations de carrière, les changements de carrière vont se compter par quatre ou cinq durant une carrière de 30 ans et plus, 30 ou 35 ans. C'est fini le temps où on rentre chez Hydro-Québec, Bell Canada ou à l'université puis on reste là jusqu'à la fin de ses jours. Ça veut dire que, constamment, et même pour les diplômés universitaires, au niveau d'une politique de main-d'oeuvre qui doit rester à la fine pointe et compétitive, même les diplômés universitaires se trouvent à faire partie du paysage et, à ce moment-là, je pense qu'il est inévitable qu'il faudra en tenir compte. ce qu'on vient vous dire, on ne vous demande pas, on ne vous dit pas qu'il faut abolir la société de ceci et ne pas donner d'argent aux analphabètes ou aux ouvriers puis aux assistés sociaux. je sais. ce qu'on vous dit tout simplement, c'est qu'il manque un bloc à votre puzzle, c'est juste ça, et je pense que vous ne pouvez pas l'ignorer, si c'est une vraie politique de main-d'oeuvre qu'on veut mettre en place. si c'est une politique d'assistance sociale et de recyclage d'une main-d'oeuvre déqualifiée, c'est autre chose. moi, j'ai compris que ce qu'on visait au québec, c'est une main-d'oeuvre qualifiée, de pointe, compétitive et, à ce moment-là, dans la société dans laquelle on s'achemine, il va falloir également qu'il y ait là-dedans quelque chose pour le bloc universitaire. peu importe la formation, je parle du recyclage, là.

Mme Cinq-Mars: Vous permettez, je veux juste compléter une petite chose.

Le Président (M. Joly): Oui, madame. M. Bourbeau: Sûrement. Allez-y, madame.

Mme Cinq-Mars: C'est vraiment au niveau de l'énoncé du problème qu'on en est actuellement. Qu'après, au niveau de l'échéancier des stratégies d'action, etc., il y ait des priorités sur la base, comme vous dites, d'urgences, je pense qu'on est d'accord avec vous là-dessus. Est-ce que vous comprenez? C'est vraiment uniquement au niveau de l'ensemble de la problématique et des enjeux identifiés.

M. Bourbeau: Écoutez, je prends de très

bonne part ces remarques-là. nous, on a prévu dans le projet de loi une participation des milieux de l'enseignement, là, à la société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. possiblement qu'on n'a pas spécifié l'enseignement universitaire. je continue à penser qu'il y a toujours un lien très étroit entre le degré de scolarisation et la capacité de se trouver un emploi. et, même s'il y a un certain taux de chômage chez les gradués universitaires - taux de chômage qui est nettement inférieur au taux de chômage général - il reste quand même que les diplômés universitaires sont des gens qui ont une formation de base très importante puisqu'ils se sont rendus jusqu'à l'université. donc, des gens qui ont la capacité d'apprendre par eux-mêmes plus facilement que des gens qui n'ont aucune formation et qui peuvent plus facilement que d'autres se recycler, étant donné leur formation générale très étendue. dans ce sens-là, il me semble que les problèmes qu'ils rencontrent sont moins graves dans la mesure où ils ont des habitudes de scolarisation, des habitudes d'étude, des façons d'apprendre, ils ont des méthodes qui leur permettent de pouvoir se recycler beaucoup plus facilement, parfois même peut-être par eux-mêmes ou en s'inscrivant à des cours. il me semble que c'est beaucoup moins tragique, la situation à leur égard, qu'à l'égard des gens qui sont analphabètes, par exemple, qui ne sont même pas capables de lire les instructions sur une machine, qui ne peuvent même pas faire les travaux les plus élémentaires maintenant requis par la technologie moderne.

Le Président (M. Joly): M. Boucher.

M. Boucher: Je pense que vous avez tout à fait raison. C'est clair que s'ils ont été bien formés, ils devraient être plus autonomes que les autres. Sauf que ça ne les met pas à l'abri. Je constate, par exemple, que dans ma faculté, 20 % des étudiants de la Faculté de l'éducation permanente qui viennent prendre un certificat de premier cycle, à caractère professionnel, ont déjà un baccalauréat et plus. Il y a des besoins considérables de ce côté-là. Évidemment, la démarche est plus facile parce que les gens sont plus autonomes, vous avez raison. Mais les besoins restent là quand même, et je ne comprends pas, M. le ministre - je me permets d'insister peut-être trop lourdement - comment, pourquoi, dans les conseils d'administration, on est exclus nommément. Ça, ça serait un petit amendement, M. le ministre.

M. Bourbeau: Non, je ne dirais pas qu'on vous exclut, là. On a prévu... Écoutez, je vais discuter avec ma collègue éventuellement, qui est responsable du réseau collégial et de l'enseignement universitaire. La loi prévoit que je dois la consulter, représentant le niveau collégial, mais si elle préfère le collégial-univer- sitaire, moi, le collégial-universitaire, pour moi, l'un ou l'autre, ça pourrait être acceptable, là. Voyez-vous, l'article 5 dit bien, au paragraphe 3, «six autres membres, dont deux représentent le milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial et l'autre pour le secteur secondaire». Si ma collègue préfère le secteur universitaire plutôt que le collégial, moi, je suis bien prêt à en discuter avec elle. On verra. On pourrait mettre collégial et/ou universitaire, on pourrait peut-être mettre ça. Peut-être qu'on pourrait faire un amendement à la loi éventuellement, là. On en parlera.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vous accueille avec plaisir, M. Boucher et Mme Cinq-Mars, au nom de ma formation politique. J'ai demandé au président de nous diviser démocratiquement le temps, celui de l'Opposition, en deux. Alors, mon collègue qui est le porte-parole du dossier de l'Éducation aimerait échanger avec vous. une première remarque. dans votre mémoire, vous nous dites n'être pas convaincus de la pertinence et de l'urgence de mettre en place de nouvelles structures. j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus parce que, finalement, vous vous dites peut-être ce bon vieil adage que si tant est qu'elle est mise en place, vaut mieux y être que de ne pas y être. c'est ce qu'il faut comprendre du désir que vous manifestez cet après-midi d'en être. c'est ce que je dois donc recevoir.

D'autre part, peut-être une première correction importante parce que ce projet ne s'adresse pas, comme vous l'avez bien mentionné, à l'ensemble de la main-d'oeuvre uniquement du fait qu'il ne s'adresse pas à cette main-d'oeuvre qui est déjà diplômée. Mais il ne s'adresse pas non plus à la main-d'oeuvre qui est, par exemple, dans l'énoncé de politique, exclue des programmes du fait d'être sur l'aide sociale. Il y a 225 000 personnes aptes, bénéficiaires de l'aide sociale, qui vont être exclues des programmes de formation de la Société et simplement assujetties aux mesures d'employabilité toujours gérées par les centres Travail-Québec. (17 heures)

Donc, il faut bien comprendre que c'est essentiellement, si vous voulez, la main-d'oeuvre dont il s'agit, une main-d'oeuvre qui est active dans des entreprises soumises à la mondialisation ou à la concurrence. C'est essentiellement plus en fonction des pénuries de main-d'oeuvre. Si on regarde les quatre programmes, on se rend compte qu'il y en a un, effectivement, pour les travailleurs et travailleuses licenciés iors de fermeture, un deuxième pour l'adaptation des besoins de l'entreprise, un troisième concernant

plus l'aspect territorial des communautés plus défavorisées, et le quatrième est le seul, disons, des programmes regroupés qui s'adressent aux individus qui dit bien qu'il va s'agir de combler des pénuries de main-d'oeuvre. Donc, c'est encore, si vous voulez, en fonction de l'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins de l'entreprise. Il faut comprendre qu'il y a donc dans les échelles, aux extrêmes, d'un côté les personnes déjà déqualifiées et qui le restent, exclues, celles qui sont déjà diplômées et qui, elles, le sont, exclues, également. Et puis, on reste avec une main-d'oeuvre qui est, dans des entreprises, susceptible de pouvoir se donner des plans de ressources humaines, des plans de gestion, etc., parce qu'on sait bien qu'un employé - téléphoniste, réceptionniste, chauffeur de taxi - enfin, que quiconque veut améliorer son sort ne se verra pas admis à une sorte d'offre universelle de formation, dépendamment de ses capacités, évidemment, puisque ça dépendra toujours un peu de la couleur du chèque. Et si tant est qu'il n'en a pas, parce qu'il s'agit d'une femme au foyer ou parce qu'il s'agit d'une personne qui n'est pas désignée dans son entreprise pour faire partie du plan de ressources humaines, bien, mon Dieu, elle n'est pas non plus admise dans cette politique. Alors, on doit bien, donc, identifier qu'il s'agit plus, dans l'énoncé, de ce qu'on pourrait trouver légitime; en fait, il s'agit plus d'adaptation de la main-d'oeuvre au traité de libre-échange, en fait, à toutes ces mesures qu'on aurait pu souhaiter il y a trois ans, qu'on a un peu en retard. Mais je pense qu'il faut remettre ça dans la perspective, ce n'est pas beaucoup plus que ça, finalement.

Mime Cinq-Mars: Si vous le permettez, madame...

Mme Harel: Oui.

Mme Cinq-Mars: ...c'est déjà ça.

Mme Harel: Oui, absolument.

Mme Cinq-Mars: Cependant, est-ce que ça aurait été vraiment très compliqué d'ajouter à cette orientation l'échelle... En tout cas. Parce que quand vous parlez de libre-échange, je pense que les diplômés universitaires - j'aimerais...

Mme Harel: Oui.

Mme Cinq-Mars: ...bien qu'on fasse une étude un peu plus systématique là-dessus, quand même - sont touchés également par le problème.

Mme Harel: Oui.

Mme Cinq-Mars: En tout cas.

Mme Harel: Ah! Définitivement!

Mme Cinq-Mars: Je me demande si on a manqué de souffle, ou... Je ne sais pas.

Mme Harel: Mais vous savez, ce qui est en cause, c'est: Peut-on éviter de réconcilier formation de la main-d'oeuvre et formation professionnelle? Je vous laisse la réponse à cette question. Et comment réconcilier formation de la main-d'oeuvre et formation professionnelle? Vous-mêmes, vous l'avez posée dans votre mémoire, vous dites: Les concepts ne sont pas bien définis. Il est question d'adaptation de la main-d'oeuvre, il est question de formation continue. En fait, quoi qu'il en soit, ce que vous nous rappelez - est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre? -c'est que la formation de la main-d'oeuvre, ça passe aussi par la formation continue, ça ne peut pas être dissocie? Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

Mme Cinq-Mars: Oui.

M. Boucher: Vous avez bien compris, madame. Quant à la question de structure, vous avez raison. Quant à nous, on hésite devant une autre structure. Je pense que ça ne serait pas sage d'avoir une structure parallèle qui vienne dédoubler l'autre. On a besoin de toutes nos ressources. Mais pour nous, à ce moment-ci, il me paraît... En tout cas, quel que soit le choix qui sera fait, nous, il me semble qu'il serait normal qu'on y soit, quelque part dans le système. Je pense que c'est ce sur quoi on se permet d'insister aujourd'hui, ici.

Mme Cinq-Mars: Ce n'est pas plus que ça. Ce n'est pas clair, à la lecture, en tout cas, ce qui arrive avec les CFP, par exemple. C'est peut-être pour ça qu'on a parlé de dédoublement de structure. Il y a des organismes en place actuellement qui travaillent dans le milieu. Qu'est-ce qui arrive avec ces organismes-là?

Mme Harel: Ils se convertissent en sociétés régionales.

Mme Cinq-Mars: Pardon?

Mme Harel: Ils se convertissent en sociétés régionales.

Mme Cinq-Mars: En sociétés régionales. D'accord. C'est intéressant d'avoir...

Mme Harel: Est-ce que c'était ce dédoublement-là auquel vous faisiez allusion?

Mme Cinq-Mars: Bien, on se demandait ce qui arrivait des anciennes structures. C'est peut-être pour ça, là, qu'on pariait de dédoublement. Parce que c'est intéressant de voir les deux paliers: le palier central, si on peut dire, et le palier régional, ça, c'est fondamental. Et au

palier régional également, il y a des institutions universitaires qui sont en région et qui auraient peut-être intérêt à participer étroitement à ce projet.

Le Président (M. Joly): M. le député d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît.

M. Gendron: Oui, je voulais rapidement vous remercier d'être là. Je pense que c'est important qu'une faculté d'éducation permanente ait l'occasion de s'exprimer sur un mémoire comme ça. Par contre...

Mme Harel: L'Université de Montréal elle-même.

M. Gendron: Oui. Je pense qu'il ne faut pas se conter d'histoire. Je pense que, dans votre mémoire, quand vous dites «c'est un énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre» et que vous laissez voir qu'il y aurait une hésitation à savoir s'il s'agit plus d'adaptation que de véritable formation de la main-d'oeuvre, moi, il me semble que je ne vois pas pourquoi vous êtes gênés de porter le jugement. Il n'y a pas à être gêné. C'est bien plus uniquement l'adaptation de la main-d'oeuvre, quand on lit l'énoncé de politique, que de parler d'une véritable politique de formation professionnelle. Et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre. D'ailleurs, à la page 5, je pense que vous n'en faites aucun doute. Dans votre résumé, d'entrée jeu, vous dites: On ne sait pas si c'est l'un ou l'autre. Par contre, à la page 5 - puis, moi, j'aurais aimé que ce soit tout le temps clair comme ça - vous le dites: «...privilégie le premier de ces concepts, à savoir l'adaptation de la main-d'oeuvre». Et je pense que vous faites bien de l'affirmer. C'est de ça qu'il s'agit, en ce qui me concerne. ce que je sens, c'est que vous êtes dans la tendance de tous les intervenants éducatifs qui sont venus à cette commission, selon moi, avec raison, en disant: une véritable politique de formation de la main-d'oeuvre ne peut pas exclure les formateurs. c'est un non-sens. les formateurs en formation professionnelle, sauf pour ce que j'appelle la formation un petit peu plus pointue, spécialisée de la grande entreprise, c'est quasiment tous des gens qui proviennent des milieux de l'éducation. j'espère que vous allez être d'accord là-dessus. et si on ne les met pas dans la réforme, s'ils ne sont pas présents dans la réforme, comme vous le dites bien dans votre conclusion, c'est un peu là que j'ai du trouble avec votre conclusion. vous dites: c'est bien, c'est beau, c'est un bon point de départ, sauf que vous avez tellement de «sauf» que ça veut dire qu'il faut quasiment refaire les devoirs. «l'absence du ministère de l'éducation et du ministère de l'enseignement supérieur et de la science s'avère une lacune, non seulement au plan des concepts qui fondent la politique - et si c'était juste là, ce ne serait pas trop pire, mais vous ajoutez, avec raison selon moi - mais encore du point de vue des possibilités d'actualisation de celle-ci.» Il n'y a pas grand chance d'actualiser une véritable politique si les formateurs, les dispensateurs sont considérés comme des prestataires ou des donneurs de cours. Voici la commande, messieurs, livrez-la. Ça n'a pas de bon sens. Les gens de l'Éducation, je veux dire, il y a toute une question d'approche globale. Comment voulez-vous organiser de la formation professionnelle intelligente, qui tienne compte de la réalité, si ces gens-là ne sont pas dans le coup pour l'approche globale du type de formation à être dispensée? Et je pourrais poursuivre mes commentaires, mais ma première question - et vous en profiterez si vous ne partagez pas le point de vue que je viens d'énoncer...

Une voix: Ça me surprendrait.

M. Gendron: Moi aussi, ça me surprendrait. La question fondamentale, moi, que j'aimerais qu'on débatte un peu plus, c'est: Effectivement, est-ce que vous pensez qu'on peut prétendre, comme société, élaborer une politique de formation professionnelle si...

Une voix: Mais ce n'est pas ça qu'on...

M. Gendron: ...on n'associe pas d'une façon très étroite, dans ce que j'appelle le concept d'éducation permanente continue, et enseignement professionnel et formation professionnelle? Parce que, moi, je prétends que ça va ensemble. Êtes-vous de cet avis-là?

Mme Cinq-Mars: Je veux juste dire deux mots, mais pour ce qui est de cette partie-là, je pense que M. Boucher va pouvoir élaborer. Ça va ensemble, en tout cas dans ma compréhension de la chose, et une autre raison aussi que j'ai esquissée tout à l'heure, pour laquelle il nous apparaît important d'inclure les formateurs dans le projet et ceux qui forment les formateurs, c'est parce qu'il y a là une assurance sociale, en tout cas, de la qualité de la formation de ces gens-là étant donné les mécanismes, encore une fois, d'évaluation et d'accréditation. Ce n'est pas rien, ça. Il y a déjà là quelque chose qui est en place, qui nous assure que ces gens-là ont une compétence et qu'elle est mise à jour, cette compétence-là. Bon.

M. Boucher: Effectivement, je suis d'accord. Maintenant, d'un autre côté, non seulement on est polis, mais je pense qu'il faut reconnaître beaucoup de vertus au plan qui nous est proposé par le ministre. Et je rie voudrais pas dire, malgré tous les «sauf» ou malgré les «mais» ou les «néanmoins» ou les «cependant», qu'il fau-

draft... Je pense qu'il ne va pas assez loin, c'est juste ça. Je pense que c'est essentiel. Maintenant, ce qu'on trouve ici, c'est aussi le débat qu'on trouve dans les écoles constamment: Est-ce qu'il faut s'occuper des doués, des surdoués? À ce moment-là, bien sûr, ceux qui sont au fond du panier se trouvent délaissés, et quand on court s'occuper des délaissés, bien évidemment, les doués et les surdoués abandonnent parce que ce n'est plus d'aucun intérêt. Idéalement, on devrait être capable de maintenir un équilibre parfait.

Moi, je dis que dans le cadre actuel, on peut essayer, honnêtement, de recycler. On va dépenser des milliards pour prendre ceux qui ont une cinquième année et qui ont travaillé pendant 25 ans sur une machine pour les mettre à l'ère de l'internationalisation et de la haute technologie. Je pense qu'on peut les sortir de leur marasme, on n'en fera jamais, on ne les mettra jamais et on ne mettra jamais comme ça, honnêtement, le Québec au niveau où il veut être, où il doit être. Il y a juste ça. Je veux bien qu'on s'occupe des paumés du système - je m'excuse, et mon père en était et mes oncles en sont - mais il n'y a pas que ça. C'est juste ça qu'on est venus dire ici.

M. Gendron: Oui.

Mme Cinq-Mars: J'aimerais juste ajouter quelque chose. Vous permettez? Il y a une chose qui est important et qu'on a beaucoup appréciée aussi, c'est le souci de valoriser la formation professionnelle et technique qui n'est pas de niveau universitaire. Ça, c'est très important à notre point de vue. Mais, là aussi, on pense que les universités auraient un rôle à jouer par rapport aux formateurs de ces gens-là, et c'est très, très important, cet aspect-là, pour nous.

M. Gendron: juste un autre point, parce que le temps n'est pas tellement long. m. boucher, j'ai bien entendu ce que vous avez dit, sauf que vous me permettrez de poser un diagnostic peut-être différent. quand un mémoire ou des intervenants viennent dire qu'ils se posent de sérieuses interrogations quant à l'actualisation d'une politique et son vécu, là, je regrette, c'est un jugement pas mal plus fort qu'une question de dire que c'est juste parce que ça ne va pas assez loin, il n'y a pas de problème. et c'est vous qui dites ça dans votre mémoire. c'est que vous posez un doute sérieux quant au vécu de la politique, parce que la définition de l'actualisation d'une politique, c'est son vécu. si vous questionnez et que vous avez des doutes du vécu de la politique, je suis obligé de conclure ce que je viens de conclure. l'interrogation est pas mal plus sérieuse que de dire: non, non, c'est parfait, tout est beau, il n'y a quasiment rien là qui ne marche pas, c'est juste que ça ne va pas assez loin. moi, je ne peux pas me contenter, en tout cas - je respecte votre participation - d'une flatterie de ce genre. Je vais vous laisser le commentaire après la deuxième question.

Le Président (M. Joly): Non, c'est déjà terminé, M. le député.

M. Gendron: Oui? Bien non, je n'ai pas eu deux minutes.

Le Président (M. Joly): Vous avez eu le temps qu'il fallait...

M. Gendron: Oui? Ah bon!

Le Président (M. Joly): ...selon la façon de répartir le temps. M. Boucher, moi, je vais vous permettre votre commentaire quand même.

M. Boucher: on n'est pas venus ici pour faire de la flatterie. le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on y croit assez pour demander d'y être. c'est juste ça, m. le ministre.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Tout en notant bien la déception du député d'Abitibi-Ouest de ne pas avoir réussi à semer la zizanie entre les gens qui sont ici et nous, M. le Président, il me fait plaisir de remercier les gens de l'Université de Montréal et surtout M. Boucher, mon ex-confrère de classe, que je revois après 30 années depuis les bancs de l'université.

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette commission, merci aux gens représentant l'Université de Montréal, merci beaucoup.

Association des commissions scolaires protesta ntes d u Québec

J'inviterais maintenant l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

Bonjour! Bienvenue à cette commission. M. D'Aoust, directeur général, s'il vous plaît. Merci. Vous avez aussi avec vous M. Gary Mullins, qui est membre du comité de formation professionnelle de l'Association et directeur du centre de formation professionnelle à la commission scolaire Châteauguay, c'est bien ça? Merci. Alors, bienvenue à cette commission. Vous avez environ une quinzaine de minutes pour nous livrer votre mémoire et, par après, les parlementaires des deux formations échangeront avec vous. Je vous laisse le libre-choix et la façon de présenter votre mémoire.

M. D'Aoust (David): Merci, M. le Président. Nous allons être très brefs. Nous avons fait exprès que notre mémoire soit bref, sachant

toujours que les députés reçoivent des tonnes de matériel à lire tous les jours. Vous avez mentionné le nom de mon collègue, M. Mullins. Je regrette, notre président n'est pas ici à cause d'une urgence à la dernière minute. Il aurait voulu être ici. Vu que c'est la Saint-Patrick aujourd'hui, je voudrais vous dire que M. Mullins ne porte pas de cravate verte, on l'a déguisé en humble citoyen.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. D'Aoust: Vous noterez sans doute, comme je vous le disais, que notre président n'est pas ici. Je voudrais vous souligner que la formation professionnelle lui tient à coeur. Il a bien lu l'énoncé de politique, il s'y intéresse beaucoup, mais c'est regrettable.

Il est évident pour nous, au moment où l'on se parle, que presque tout ce qu'il y a à dire à propos du projet de loi 408 semble avoir été dit à date, mais nous voulons quand même profiter de cette occasion pour vous rappeler l'essentiel de notre mémoire. (17 h 15)

Premièrement, et contrairement à la chambre de commerce et au Conseil du patronat, nous ne partons pas en guerre contre le projet de loi, même si notre Association aurait voulu voir elle-même la mise à jour d'une politique globale sur la main-d'oeuvre au Québec. Au contraire, nous sommes heureux de témoigner de cette initiative qui pourrait, moyennant certains changements, devenir une belle réussite de collaboration afin d'assurer une main-d'oeuvre bien formée et capable de relever les défis technologiques de demain. Nous voulons nous associer à la réforme annoncée par le ministre Bourbeau, car nous la voyons comme un pas dans la bonne direction. Mais, comme nous l'avons mentionné d'ailleurs dans notre mémoire, nous croyons que le gouvernement peut facilement faire fausse route s'il n'implique pas les ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science.

Je pense que Mme Drouin de la Fédération des commissions scolaires vous a dit la même chose: Le Québec ne peut se permettre de mettre en place une politique de main-d'oeuvre à l'exclusion de son système d'éducation qui devrait figurer comme un des chevaux de travail pour mener à bien ce projet. Le système d'éducation au Québec, et surtout le réseau scolaire, a plus de 20 ans d'expérience dans le domaine de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre. Le développement de la main-d'oeuvre, tel que proposé par le projet de loi 408, ne connaîtra jamais le succès qu'il mérite sans l'implication du réseau scolaire.

Pour sa part, le réseau scolaire, qui inclut nos écoles protestantes, a ouvert ses portes à plus de 100 000 personnes qui ont bénéficié de ses programmes de formation professionnelle pendant la dernière année scolaire. ce n'était pas facile, car notre système n'est pas parfait et, nous aussi, nous sommes en voie d'améliorer nos services et l'accès à ces mêmes services. mais la preuve est là, nos entreprises privées se tournent de plus en plus vers nos établissements scolaires pour trouver des solutions à leurs besoins en formation de la main-d'oeuvre. la formation et l'adaptation de la main-d'oeuvre sont à la base de la prospérité des entreprises ainsi que de notre société québécoise.

Récemment, M. Marius Demers, de la Direction des études économiques du ministère de l'Éducation, a présenté une étude démontrant que l'État est gagnant lorsque ses citoyens deviennent mieux instruits. Les dépenses de l'État pour ceux et celles touchés par le chômage et l'aide sociale diminuent lorsque ces citoyens sont mieux instruits et formés.

En raison de nos connaissances en matière de formation de la main-d'oeuvre, l'Association des commissions scolaires protestantes suggère au gouvernement d'aller de l'avant avec son énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, mais réclame fermement que le réseau d'éducation soit reconnu comme un véritable partenaire égal à l'entreprise privée et au syndicat. De plus, et tel que mentionné dans notre mémoire, nous croyons qu'il est nécessaire que l'entreprise privée et les syndicats investissent dans la formation de la main-d'oeuvre en créant un fonds québécois de développement de la main-d'oeuvre. Je sais qu'on n'est pas les premiers à le suggérer. Je crois que la CUQ, lorsqu'elle est venue devant vous, l'a mentionné, mais on l'avait déjà dans notre mémoire à l'époque.

Il est temps que les bénéficiaires du développement de la main-d'oeuvre assument eux-mêmes une partie, si petite qu'elle soit, de la facture pour les programmes de services de formation réservés pour nos travailleurs d'aujourd'hui et de demain.

Pour terminer, nous ne pouvons trop insiter sur une présence de représentants du réseau scolaire au niveau de la future Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ainsi que sur les conseils régionaux.

D'autre part, nous souhaitons que la Société québécoise de la main-d'oeuvre, qui semble être le pivot de la réforme, soit dotée de pouvoirs réels pour assumer le développement de la main-d'oeuvre et que la lourdeur bureaucratique soit minimisée à tout prix. Cette Société doit être autonome et non pas contrôlée par un ministère en particulier.

Nous avons proposé, à même notre mémoire, quelques recommandations reliées aux pouvoirs de la Société, telles que l'allocation, ainsi qu'aux conditions à respecter afin qu'à l'entreprise privée soient accordés des crédits d'impôt en matière de développement de la main-d'oeuvre. Nous ne prétendrons jamais être fiscalistes, nous

n'avons pas les réponses, mais on est prêts à y travailler.

Nous croyons sincèrement, si le gouvernement est réellement sérieux quant au développement de la main-d'oeuvre, que nos recommandations concernant le fonds québécois de développement de la main-d'oeuvre, la possibilité d'élargir le champ de crédits d'impôt ainsi que le rôle que doit jouer l'éducation comme membre à part égal sur la Société ainsi que sur les conseils régionaux responsables du développement de la main-d'oeuvre, doivent être considérées sérieusement par le gouvernement du Québec et un partenariat par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Le Québec de demain, que nous devons bâtir ensemble, en mérite autant.

À ce point, j'aimerais retourner à nos recommandations qui sont incluses dans le mémoire, à moins que vous les ayez tous lues et que vous préfériez nous poser des questions.

Le Président (M. Joly): Déjà, je peux vous certifier que ça été lu et même analysé. En partant de là, j'imagine que ça peut peut-être laisser un peu plus de temps pour les questions. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. L'Association des commissions scolaires protestantes du Québec nous soumet un mémoire dans lequel vous traitez de plusieurs aspects de la politique de la Société et des projets de loi créant la Société. Vous proposez d'accroître la représentation des ministères de l'enseignement au sein du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre à quatre membres, dont deux seraient nommés après consultation des réseaux respectifs de l'ensei-gment secondaire et collégial, je présume, et les deux autres par l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec et la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

Cette proposition-là me suggère une couple de questions. La première est: À supposer que le nombre total soit de six - présentement, il y a six représentants dans la partie gouvernementale, et nous proposons qu'il y en ait deux, vous dites quatre - d'après vous, d'où devraient provenir les deux autres membres de la délégation gouvernementale?

M. D'Aoust: Si je comprends bien, M. le ministre, il y en aurait quatre de proposés.

M. Bourbeau: Vous en proposez quatre sur six dans la délégation gouvernementale. Alors, ce que je sais, c'est que j'ai des demandes pour quelqu'un de la Main-d'oeuvre. Est-ce que ça serait trop demander d'avoir au moins un représentants du ministère de la Main-d'oeuvre puisque c'est une Société de main-d'oeuvre? Non. Le député de d'Abitibi-Ouest pense qu'il devrait n'y en avoir aucun. Bon.

M. Gendron:... pas de problème.

M. Bourbeau: Très bien. Il y a l'Industrie et le Commerce qui pense qu'on devrait avoir quelqu'un de ce secteur-là. Il y en a toute une série, les jeunes... Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un peu gros, quatre sur six? Presque toute la place, en fait, serait prise par des représentants du secteur de l'enseignement et il en resterait bien peu pour les autres secteurs, qui sont quand même très intéressés par le développement de la main-d'oeuvre.

M. D'Aoust: Je vois bien le problème que vous avez devant vous de contrôler, de diminuer ou de restreindre le nombre de participants. Pour nous, nous cherchons à avoir un représentant du réseau scolaire. C'est notre base. C'est à partir de là qu'on chemine. Alors, peut-être qu'il faudrait augmenter le nombre de participants au niveau de la Société aussi; est-ce possible?

M. Bourbeau: On a M. Claude Béland qui est venu nous dire la semaine dernière que, dans le Forum pour l'emploi, on avait tenté d'admettre comme ça tous les représentants de tous les groupes, et on s'est retrouvé à la fin avec 35 personnes sur le conseil d'administration, ce qui devenait presque ingouvernable. Là, on a été obligé de former un exécutif restreint à très peu de personnes. Enfin, vous pouvez voir un peu le problème devant lequel on peut se retrouver.

Alors, moi, je vais vous demander: Comment justifiez-vous le fait que, dans votre proposition, le réseau des commissions scolaires ait une représentation beaucoup plus importante que le réseau collégial ou universitaire, par exemple? Vous en proposez, en fait, trois sur quatre venant du réseau secondaire, les commissions scolaires, alors que les cégeps et les universités n'en auraient qu'un.

M. D'Aoust: Nous croyons, M. le ministre, que nous recevons ceux qui ne sont pas diplômés pour la formation professionnelle, tandis qu'au collégial, on parle toujours de ceux qui sont diplômés, qui ont leur diplôme du secondaire. Alors, nous, on reçoit les gens bien avant le collège, et nous croyons que la première formation, la formation de base est très, très importante. Souvent - je pense que Mme Cinq-Mars ou quelqu'un ici l'a mentionné - les personnes qui se présentent devant une commission scolaire n'ont que leur cinquième année, ont 25 ans d'expérience, ils ont besoin d'une formation ou d'une nouvelle formation. Alors, ce n'est pas toujours des diplômés du secondaire qui nous font la demande pour une nouvelle formation ou une formation de base. Le premier contact, nous le trouvons très important, et c'est le rôle du réseau scolaire, primaire et secondaire.

M. Bourbeau: Je comprends. Vous, évidemment, vous représentez les commissions scolaires, alors, vous prêchez pour votre paroisse, comme on dit chez nous.

M. D'Aoust: Oui.

M. Bourbeau: Tantôt, on avait le secteur universitaire qui prêchait pour la sienne.

M. D'Aoust: II faut être bon curé de paroisse.

M. Bourbeau: Oui, notre collègue de Hoche-laga-Maisonneuve connaît ça, les curés. On l'a vue à la télévision, hier soir, avec un faux curé. Ha, ha, ha!

Bon, revenons à des choses plus concrètes. La représentation anglophone. Vous traitez de ça dans votre document et vous nous dites que dans les régions où il y a une proportion significative d'anglophones, on devrait prévoir un siège additionnel pour les anglophones. Moi, je ne suis pas tout à fait de votre avis. Je crois qu'on devrait avoir une représentation anglophone, oui, et je suis convaincu qu'on en aura une. Maintenant, pourquoi on devrait avoir quelqu'un qui serait là non pas en tant que personne qualifiée mais comme porte-parole des anglophones? Est-ce qu'il ne serait pas préférable de nommer, à même le nombre déjà prévu, des individus de langue anglaise qui seraient là en tant qu'experts en la matière et non pas comme représentants d'une minorité, par exemple, ou d'un groupe cible?

M. D'Aoust: Nous prenons pour acquis que si vous acceptez cette recommandation, certainement, ce serait une personne qui aurait la compétence dans le domaine de la formation professionnelle, indépendamment de la langue. Alors, si c'est un anglophone qui a une compétence dans ce domaine-là, tant mieux! On sait très bien que c'est le gouvernement, à la fin, qui fait le choix, compte tenu des curriculum vitae, de l'expérience professionnelle des personnes. On ne s'imaginait jamais que vous choisiriez quelqu'un juste parce que la personne est anglophone. On voudrait avoir, nous, une personne qui soit un représentant du milieu anglophone, mais aussi qui a des compétences reliées au développement de la main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: Plutôt que d'ajouter un siège additionnel à une personne parce qu'elle est anglophone, compétente - bien sûr, je pense bien qu'elle aurait été compétente - ne seriez-vous pas satisfaits, par exemple, si on nommait, dans la délégation générale, normale, prévue dans la loi, des gens qui sont anglophones, sans avoir à rajouter un siège?

M. D'Aoust: On est toujours à votre merci, alors, on est toujours prêts à accepter la bonne volonté des gens. Vous comprenez que dans le contexte actuel, nous avons fait la recommandation. Nous représentons une forte majorité d'anglophones chez nous et, en plus, des francophones. Ce n'est pas une association simplement anglophone maintenant. Ça change beaucoup. Alors, on s'est dit: Écoutez, il faut peut-être faire cette recommandation dans le contexte actuel. Nous avons tenu compte en même temps du rapport Chambers qui était adressé à notre ministre de l'Éducation, M. Pagé, et on s'est dit qu'on est en vraie crise parce qu'on voit à tous les jours de jeunes anglophones formés par nos établissements scolaires ici, au Québec, nous quitter. Et c'est une ressource qu'on ne devrait pas perdre. Alors, peut-être que ce serait aussi symbolique de faire la preuve qu'ils ont leur place ici, au Québec, et on voudrait leur passer le message à tout prix qu'ils ont un rôle à jouer ici et même sur les conseils régionaux de développement de la main-d'oeuvre. (17 h 30)

M. Bourbeau: oui, je partage votre point de vue qu'il est important de garder toutes nos ressources chez nous, là. une dernière question. vous déplorez le faible investissement des entreprises dans la formation de la main-d'oeuvre et vous proposez l'extension du crédit d'impôt à toute une série de dépenses, une liste importante de dépenses qui sont engagées par les entreprises pour supporter la formation de leur main-d'oeuvre qui est dispensée par un établissement. la question que j'aimerais vous poser, c'est la suivante: si toutes les dépenses qui sont engagées par les entreprises pour la formation de la main-d'oeuvre font l'objet d'un crédit d'impôt, est-ce que vous n'avez pas peur que les entreprises ne fassent pas un effort réel et que, finalement, ce soit le gouvernement qui soit pris pour payer toute la facture sans que les entreprises ne soient amenées à faire un effort individuel?

M. D'Aoust: Nous avons tenu compte que ça peut aller au pire si la formation professionnelle et le développement de la main-d'oeuvre, ça ne se faisait que par des crédits d'impôt. Au bout de la ligne, ce serait plutôt le gouvernement qui paierait la note, oui. Mais on se dit qu'il devrait peut-être y avoir une balance entre les deux. Nous avons ouvert ce sentier-là pour la formation professionnelle, pour les petites entreprises. Jusqu'à date - ça a l'air d'une expérience qui a bien fonctionné - ça a bien tourné, et on s'est dit: Peut-être qu'il y aurait moyen d'étudier ça et d'élargir toute cette assiette-là. Mais, de ne pas aller aussi loin que ce dont vous parlez, là, de le faire uniquement par des crédits d'impôt. On croit que le faire de cette façon-là diminuerait autant la formation professionnelle et le développement de la mâin-d'oeuvre. On est très au courant que la moyenne à travers le Canada,

pour nos ouvriers, quant à la formation, est de moins de 10 heures par personne qui travaille. Là, on parle des petites entreprises, des moyennes entreprises, et des grandes entreprises. Ce n'est pas beaucoup.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: M. le Président, et député de Trois-Rivières, j'apprécierais si vous pouviez partager le temps entre mon collègue d'Abitibi-Ouest et moi-même. Alors, je vais immédiatement...

Le Président (M. Philibert): Vos voeux sur la participation de votre collègue, madame, font loi.

M. Bourbeau: Ça veut dire qu'ils ne sont pas capables de partager ça sans que le président ne s'en mêle, quoi?

Mme Harel: Alors, M. D'Aoust, M. Mullins, j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Vous avez - vous le rappelez, d'ailleurs, dans votre mémoire - une expertise en matière de formation professionnelle. Vous le dites à la page 8 de votre mémoire. Vous nous dites: «Malgré le manque de crédits nécessaires pour continuer à moderniser son équipement, le manque d'un appui financier de l'entreprise privée pour aider à défrayer les coûts de formation professionnelle et le manque d'une entière collaboration entre les ministères concernés, le système d'éducation au Québec, particulièrement le réseau des commissions scolaires, a évolué pour répondre plus adéquatement aux défis de la formation professionnelle». Vous nous rappelez, dans votre mémoire, avoir mis en place, en 1988, le comité sur la formation professionnelle chargé d'étudier les recommandations et les changements relatifs à la formation professionnelle et à la main-d'oeuvre. J'aimerais vous entendre là-dessus. J'ai lu les recommandations du rapport Chambers.

Une voix: Oui.

Mme Harel: D'autre part, vous le disiez quand même tantôt, vous avez maintenant un secteur francophone au sein de l'Association et un secteur anglophone. Vous nous dites recevoir une clientèle scolaire d'environ 87 000 élèves. Dans le mémoire, vous nous parlez de 80 % de ces élèves qui sont anglophones et de 20 % de francophones. J'aimerais avoir d'abord l'état de la situation dans ce comité, les travaux, l'avancement des travaux, ce que vous considérez comme étant prioritaire pour le secteur anglophone. Je crois comprendre - j'ai appris la semaine dernière, j'avais communiqué avec le ministre - que, dans le secteur francophone, il ne se fait présentement aucune formation professionnelle à Montréal, au niveau secondaire.

Les informations que j'ai eues, la semaine dernière, sont à l'effet qu'il y a sept polyvalentes, et que c'est un secteur en croissance d'effectifs qui vient intégrer une partie des enfants des familles nouvellement immigrées. Bon nombre de ces enfants viennent de communautés peu scolarisées, antillaises en particulier. Le fait de ne leur faire aucune offre scolaire de formation professionnelle est certainement un facteur lourd dans leurs difficultés d'adaptation à la société montréalaise, ici. On en a parié aussi avec le maire de Montréal, M. Doré, la semaine passée.

Alors, je veux savoir de vous si le comité sur la formation professionnelle se penche... Quel est l'avenir de la formation professionnelle dans le secteur francophone protestant? Quel est l'avenir dans le secteur anglophone protestant? Est-ce que vous avez des contacts avec le secteur catholique anglophone pour peut-être partager des équipements? En fait, comment vous voyez tout ça?

M. D'Aoust: Comme j'ai mentionné dans mon introduction, Mme }a députée, on n'est pas parfaits, on n'est pas sans erreur. On a beaucoup de chemin à faire nous-mêmes. J'aime bien votre question, puis je l'apprécie.

Permettez-moi de commencer avec le comité qui reconnaît le fait, comme le maire Doré, que nous desservons une clientèle francophone. Ce n'est pas nouveau, mais les besoins de cette clientèle changent beaucoup. Justement, à notre comité, il y a un représentant de notre plus grande commission scolaire, la CEPGM de Montréal, qui nous dit à tout bout de champ: Écoutez, c'est beau de parler des besoins pour les anglophones, mais, chez nous, il y a un grand besoin pour les francophones aussi, compte tenu des structures confessionnelles avec lesquelles nous devons vivre pour l'instant.

Alors, ce n'est pas un secteur qui est oublié. C'est un secteur où il y a peut-être beaucoup plus de possibilités pour nos francophones, compte tenu des investissements que fait le gouvernement actuel, qu'ont faits d'autres gouvernements, des équipements et des centres qui sont en place. Je ne suis pas convaincu que le nombre d'élèves - à moins que les chiffres me montrent le contraire - sur l'île de Montréal aille de plus en plus en croissant, en termes d'inscriptions à la formation professionnelle. J'espère que c'est le contraire. Je sais qu'on a subi une baisse.

Mme Harel: C'est-à-dire qu'au total, au Québec, il y a seulement 15 000 élèves inscrits en formation professionnelle, 3000 sur l'île de Montréal, semble-t-il...

M. D'Aoust: Oui.

Mme Harel: ...mais aucun dans le secteur francophone protestant. Ce secteur-là est en croissance d'effectifs. Il y a maintenant sept polyvalentes et c'est un secteur qui est en croissance au niveau primaire. Donc, nécessairement, ça se répercute au niveau secondaire.

C'est là ma crainte, moi. C'est qu'on va avoir... Vous savez, le dernier pourcentage de chômage chez les jeunes noirs à Montréal est de 60 %. On a des polyvalentes dans le secteur franco-protestant qui sont, à 87 %, composées de personnes venues de communautés noires. Alors, qu'est-ce qu'on fait pour peut-être leur offrir une formation plus adaptée?

M. D'Aoust: Nous adressons le problème actuellement. Nous avons toujours pris pour acquis que lorsqu'il y avait des programmes en formation professionnelle offerts dans un établissement scolaire, indépendamment de la confes-sionnalité, les jeunes pouvaient s'inscrire à ces programmes-là. Mais, ça n'a pas fonctionné. On remarque de plus en plus que les jeunes protestants - vous parlez des Noirs, je vais parler de tout l'ensemble - restent plutôt chez eux.

La CEPGM est très consciente - si elle ne l'était pas, elle l'est maintenant; elle va l'être de plus en plus - et je vais vous expliquer pourquoi dans une minute. C'est qu'on a passé beaucoup de temps à essayer de sauver ce qu'on avait sur l'île de Montréal. On n'était jamais en voie d'exploiter, d'améliorer, d'agrandir nos services parce que la réforme s'est passée vite. C'était pénible pour le réseau francophone. Il faudrait que je me réfère au réseau catholique francophone. C'était encore plus pénible pour le réseau anglophone. Je crois qu'on a passé trop de temps, on a consacré trop d'efforts à penser uniquement à notre clientèle anglophone. Maintenant, on se voit avoir oublié une partie de notre clientèle qui est importante.

L'autre partie du problème, c'est qu'on ne valorise pas assez une bonne formation professionnelle chez nos jeunes, tant chez nos jeunes protestants de langue française, tant chez nos jeunes protestants de langue anglaise. Alors, pour nous, on a un vrai défi. Sur l'île de Montréal, comme vous le savez, les grands concepteurs, ces jours-ci, en formation professionnelle, semblent être la CECM. Avec raison, car ils ont une clientèle assez élevée. Par contre, nous essayons de sensibiliser nos conseils de commissaires à l'effet qu'ils devraient mettre la formation et l'étude détaillée de la main-d'oeuvre sur leurs ordres du jour, ne pas la négliger. Nous sommes en voie de créer, pour les anglophones surtout, un conseil ou une table de concertation. Nous espérons que ça va voir le jour bientôt.

Il va falloir qu'on fasse la même chose, tant et aussi longtemps qu'on a un système confessionnel, pour nos jeunes francophones. Alors, je vous assure, Mme Harel, que j'apprécie votre question. Ça va me motiver à pousser la cause beaucoup plus. '

Mme Harel: Je vais juste terminer - parce que M. le Président me fait de grands signes - en vous disant que j'apprécie. Moi, je n'ai qu'une fille, et elle est finissante en secondaire V, dans le réseau protestant francophone. Je veux que vous sachiez que je trouve ça important que vous vous occupiez également des anglophones. Vous savez, c'est en toute sincérité qu'on pense qu'il faut trouver les moyens pour que les jeunes anglophones restent avec nous. Je termine là-dessus parce que le Président va me rappeler à l'ordre. Mme Chambers, dans ses recommandations, son comité, fait une recommandation assez courageuse, qui est celle en faveur de la restructuration sur une base linguistique. Peut-être est-ce, finalement, une voie avec des garanties. Je comprends qu'il faut aussi des garanties constitutionnelles, si tant est que c'est cette voie qui est recherchée. Mais je crois que ça permettrait finalement de jouer pleinement le rôle légitime à l'égard de votre communauté.

M. Mullins (Gary): Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Rapidement.

M. Mullins: Sûrement, en formation professionnelle, on aimerait voir une base linguistique... que ce qu'on voit maintenant. En effet, où il y a des commissions scolaires bilingues - comme à Montréal, la CECM a un secteur anglophone et un secteur francophone - qui sont embarquées dans la formation professionnelle, on a une grande peur que, dans deux ou trois ans, quand on changera à des commissions scolaires linguistiques, il ne restera plus rien pour les anglophones en formation professionnelle. En effet, la carte d'autorisation en formation professionnelle pour les anglophones, c'est une bataille qu'on fait depuis quelques années. On gagne de petites victoires, mais on perd beaucoup de pays dans nos débats. Sûrement, pour les anglophones, plutôt que pour les protestants, je veux dire tout simplement que c'est un grand besoin qu'on ait assez de place pour servir cette communauté linguistique, n'importe quelle commission scolaire francophone protestante ou catholique, qu'il y ait des places assurées pour ces gens anglophones, pour qu'ils sentent qu'il y a un choix à faire quand ils viennent à une décision après avoir fini l'école secondaire, soit dans une formation professionnelle, soit au collégial ou sur une voie de l'université. Mais, pour le moment, en dehors de Montréal, particulièrement - moi, je suis de Châteauguay - c'est beaucoup plus difficile pour les gens anglophones de trouver les métiers dans leur région où ils peuvent être formés.

Le Président (M. Philibert): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Rapidement, parce que le temps file. Moi, je veux vous remercier d'être là. Je veux juste ajouter que je partage, tout comme vous, votre mémoire. À la page 8, je partage des éléments de votre mémoire. Mais, en particulier, à la page 8, quand vous dites qu'il est surprenant que le ministère de l'Éducation, son réseau... ainsi que l'Enseignement supérieur, de même que le cégep, n'ont pas eu à jouer un rôle prépondérant dans l'élaboration du présent... Je ne change pas d'avis: toute politique véritable de main-d'oeuvre est vouée à un échec certain si on n'implique pas les formateurs.

Qu'est-ce que tu veux, le ministre a beau être resté sur ses positions, tous les gens qui ont un peu d'expérience dans l'enseignement - moi, de toute façon, j'en ai fait pendant 10 ans... J'ai encore énormément de gens qui sont proches de moi, proches du système. J'en entends parler tous les jours, et on ne peut pas passer à travers. La véritable formation de la main-d'oeuvre, ça passe par une bonne formation d'enseignement professionnel, sur une base continue, surtout avec ce qu'on apprend par rapport aux changements de société. Si les formateurs éducatifs ne sont pas impliqués, ce sont les gens qui sont le plus en mesure d'identifier les vrais besoins. (17 h 45)

Moi, je pense - juste vite, vite - à une phrase dans les écoles. Quand on parle aux conseillers en orientation et quand les professeurs sont encore obligés de donner des cours de - ils appellent ça «orientation de carrière» - obligatoirement, ils sont obligés constamment d'avoir le nez dans les réels besoins de formation professionnelle parce qu'il y a beaucoup plus de gens qui vont choisir, dans le futur, des carrières axées sur l'enseignement professionnel, formation technique ou autre... Alors, je pense que vous avez raison.

Ma seule question... Dans le temps qui reste, je vais essayer de la traiter en deux minutes... Vous avez parlé d'une société autonome de main-d'oeuvre, mais qui ne devrait pas relever d'un ministère en particulier. J'aimerais ça que vous m'expliquiez comment vous voyez ça. On fait ça comment, concrètement? Dernière question: Comment vous voyez ça, la responsabilité du milieu éducatif d'être les bons intervenants quant à l'identification des besoins de main-d'oeuvre? Vous avez dit ça en conclusion, à la page 15, que l'identification des besoins de développement de la main-d'oeuvre ainsi que l'identification des stratégies appropriées relèvent du milieu scolaire, ce avec quoi je suis complètement d'accord. Mais, puisque c'est vous qui le dites, j'aimerais que vous m'indiquiez comment vous voyez ça, l'identification. Deuxièmement, on fait ça comment une société autonome qui n'est pas gérée juste par un ministère? Qui mène ça?

Le Président (M. Philibert): Très rapidement. Il vous reste une minute pour répondre.

M. Mullins: En termes d'une classification des besoins de la main-d'oeuvre, on le fait déjà. En effet, on a fait une petite enquête dans notre région pour voir lesquels des FME venaient de la CFP et lesquels venaient d'initiatives des commissions scolaires - c'était beaucoup plus que 90 % qui venaient de la commission scolaire, qui entraient dans les petites et moyennes entreprises - pour leur dire c'était quoi leurs besoins en formation, pour faire les évaluations.

M. D'Aoust: On est très près de la clientèle. C'est évident.

M. Gendron: Moi, je le sais.

M. D'Aoust: Quant à la Société, j'avoue, M. Gendron, que je ne comprends pas trop de ce domaine-là. Par cela, on voulait dire que ça ne devrait pas être sous l'influence d'un ministère seulement. C'est une société autonome qui prend ses propres décisions. Que cette société-là puisse prendre des décisions en matière de formation et de développement de la main-d'oeuvre sans être obligée, à tout bout de champ, de se retourner vers un ministère pour dire: C'est bien? C'est bon? Est-ce qu'on peut faire ceci ou cela? J'imagine qu'Hydro-Québec ne fonctionne pas comme ça aujourd'hui.

Le Président (M. Philibert): Alors, on vous remercie de votre participation à la commission parlementaire. Je vous invite maintenant à vous retirer pour qu'on puisse faire place à l'Association des technologistes agro-alimentaires.

M. D'Aoust: Merci, M. le Président. Merci, M. Bourbeau et les membres de la commission.

Le Président (M. Philibert): Vous pouvez prendre place. La critique de l'Opposition, on va attendre son retour. Alors, messieurs de l'Association des technologistes agro-alimentaires, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Avant la présentation, j'aimerais que vous vous identifiiez pour les fins du Journal des débats.

Association des technologistes agro-alimentaires

M. Lemire (Edouard): Donc, M. le Président, M. le ministre, messieurs, mesdames, Edouard Lemire, président de l'Association des technologistes agro-alimentaires.

M. Bérubé (Laurier): Laurier Bérubé, de l'Association des technologistes agro-alimentaires.

Le Président (M. Philibert): Allez-y pour la

lecture de votre mémoire.

M. Lemire: Donc, merci de l'invitation, d'avoir retenu notre document pour les audiences publiques. L'Association des technologistes agroalimentaires, qui représente l'ensemble des technologistes issus principalement des deux institutions de technologie agro-alimentaire qui sont parrainées par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation du Québec, a étudié le dossier, l'énoncé de politique «...pour un Québec compétent et compétitif».

Nous avons divisé notre dossier en deux parties - vous en avez sûrement pris connaissance - et j'aimerais le réviser, repasser par les points que nous avons donnés.

Du point de vue généralités. L'Association a soulevé quelques questionnements par rapport au document en question. Tout d'abord, nous tenons quand même à souligner l'aval que nous donnons à ce projet de loi, dans le sens que nous considérons que c'est un élément qui va faire progresser le développement de la main-d'oeuvre au Québec.

Un premier point que nous soulevons, d'abord: le partenariat. Nous convenons qu'il est essentiel d'instaurer un partenariat en matière de développement de la main-d'oeuvre. Les parties patronale et syndicale sont évidemment les mieux placées pour évaluer rapidement leurs besoins, et le gouvernement est le mieux placé pour maintenir la neutralité sociale pour éviter le déséquilibre entre les deux forces. Notre questionnement réside donc dans le danger de désillusion ou de désenchantement des parties patronale et syndicale. Ce que nous entendons par là, c'est l'implication de ces deux parties face au ministère, donc qui va normalement...

Si je déroge un peu de mon texte - de toute façon, vous l'avez lu, je suppose - donc, pour mieux l'expliquer verbalement. Si on se met un peu, si on se place à ces deux parties-là, ils vont progresser autant qu'ils vont avoir la sensation que la position qu'ils vont apporter à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sera réellement retenue et va réellement permettre de débloquer des choses au niveau du gouvernement. On reconnaît, par contre, que le gouvernement est responsable et qu'il ne peut tout confier. Mais c'est justement pour cela, nous supposons, qu'il est représenté à part égale au sein de la Société québécoise et des sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre.

Un deuxième point: le pouvoir des sociétés régionales de développement. Si nous comprenons bien le document, les sociétés remplaceront les actuelles commissions de formation professionnelle et auront comme mandat d'être le plus près possible des réalités des régions. Les commissions de formation professionnelle jouaient ce rôle et avaient quand même une certaine autonomie d'action. Elles pouvaient évaluer elles-mêmes, chacune des commissions, les priorités de leur région. ce que nous souhaitons - c'est l'interrogation que nous nous posons - c'est que les sociétés régionales de développement aient une certaine autonomie alors qu'il est cité dans le document qu'elles auront le mandat d'adapter des recommandations qui auront été faites par la société québécoise. donc, nous voyons un peu, à ce niveau-ci, un danger potentiel que les sociétés régionales aient moins d'autonomie que les commissions de formation professionnelle en avaient, donc, soient peut-être un peu moins près ou aient moins de possibilités de répondre adéquatement au besoin régional.

La représentativité du secteur de l'enseignement. Il est clairement fait mention dans le document de l'importance de la contribution des institutions d'enseignement au développement de la main-d'oeuvre. On parle beaucoup de formation professionnelle au régulier, aux adultes, en entreprise. La question que nous nous posons est que, sur 19 personnes qui siégeront à la Société québécoise, il est mentionné que 2 personnes de l'enseignement représenteront ce secteur sur 19. Compte tenu de l'implication que ce secteur aura à jouer dans la Société québécoise et les sociétés régionales, nous sommes a nous demander si elles seront d'égale force concernant l'action qu'elles auront à entreprendre puisque, souvent, les recommandations deviendront pour elles un mandat à exécuter.

Le personnel de la Société. Il est cité que le personnel de la Société ne sera pas régi par la Loi sur la fonction publique. Hormis les droits acquis du personnel permanent actuellement couvert par celle-ci, nous nous interrogeons sur la motivation du personnel qui sera, à ce moment-là, non couvert. Nous faisons référence aux contractuels. Même s'il n'est pas clairement identifié dans le document, nous avons établi un scénario potentiel, donc que les contractuels seraient à l'emploi de la Société québécoise et des sociétés régionales. Les contractuels sont sûrement très efficaces et apportent souvent du sang nouveau et des idées nouvelles. Par contre, la motivation et la continuité des dossiers doivent aussi être assurées par une certaine permanence.

L'équilibre de l'offre et de la demande de la main-d'oeuvre. Personne ne contestera cette nécessité de tendre à un meilleur . équilibre. Nous souhaitons toutefois que les actions prises en ce sens contiendront un minimum de paramètres. Nous entendons par là que l'accès à la formation serait en fonction de fournir aux individus le développement de leur potentiel et non en fonction des besoins particuliers des entreprises, dans le sens qu'on veut développer une main-d'oeuvre de qualité au Québec. La qualité va en fonction du potentiel des individus. Donc, il ne faut pas pousser les individus dans une voie strictement parce qu'un secteur d'entreprise en a besoin; il faut les deux. Ce qui amène à ce moment-là, en second lieu, de ne pas

diminuer à outrance les critères d'admissibilité à la formation sous prétexte d'un manque élevé de main-d'oeuvre qualifiée. L'industrie aura tôt fait d'éliminer ceux qui ne correspondent pas à un critère minimum. Par conséquent, une main-d'oeuvre qualifiée pourrait être encore en déficit et nombre de gens, à ce moment-là, auraient peut-être perdu leur temps, et des fonds publics auraient été engloutis. Le système de la formation étant actuellement financé en fonction du nombre d'inscriptions, nous savons que la tentation peut être forte.

Secteur bioalimentaire. Donc, on est plus près de notre Association. Bien que mentionné en introduction qu'aucun secteur spécifique ne serait visé dans ce document, nous tenons, nous, à vous faire part de l'importance que soit représenté le secteur bioalimentaire au sein de la Société québécoise de développement - on pourrait rajouter au sein des sociétés régionales. Les professionnels de l'agriculture sont de grands utilisateurs de la formation professionnelle et ils le seront encore plus si les critères d'admissibilité sont assouplis. Il serait irresponsable d'écarter les besoins de ces professionnels dont l'activité économique représente, dans bien des régions, encore un secteur essentiel à leur maintien, au maintien des régions. Être compétent et compétitif sera plus que jamais nécessaire à quiconque oeuvrera en bioalimentaire, et aucune structure axée sur cet objectif ne pourra l'ignorer. Le document tel que construit ne nous permet pas de savoir si oui ou non ce secteur est déjà prévu à être représenté, mais nous ne prenons pas de chance et nous le citons dans notre document.

En conclusion. Des généralités que nous avons dégagées du document dans son ensemble, l'énoncé de politique fait ressortir quelques interrogations. Nous faisons ressortir quelques interrogations touchant l'esprit des mesures avec lesquelles sera mise en place la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Nous reconnaissons la nécessité d'aller de l'avant dans ce domaine et qu'il vaut mieux avancer. À ce niveau, nous insistons, quitte à rajuster le tir par la suite, plutôt que d'attendre indûment la perfection. À ce titre, les réflexions que nous venons de présenter au niveau général se veulent, en fait, un son de cloche objectif sur de potentiels pièges que nous avons pu ressortir.

Dans la deuxième partie de notre document, nous sommes un peu plus spécifiques en regard de ce que nous désirons ou de ce que nous souhaitons que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre entreprenne comme action. Donc, nous parlons de «Pour un meilleur arrimage de la formation et du marché du travail», ce qui correspond à la section 3.4 du document. (18 heures)

La valorisation du secteur professionnel. Il est vrai que le secteur professionnel doit être valorisé. Il est vrai qu'une somme importante de cette valorisation doit viser les filles et les garçons et les parents, donc, à notre niveau, le personnel des étudiants du secondaire. Mais ceux qui croient que si cette étape est franchie la partie est gagnée, pour nous, rien n'est plus faux.

La valorisation du secteur professionnel est à refaire à l'échelle de la société, à commencer par le mot «professionnel» lui-même. Actuellement, la société considère comme étant «professionnels» les gens issus exclusivement du niveau universitaire. Tout niveau inférieur de scolarité n'est pas considéré par la société à titre professionnel.

Comment peut-on se surprendre, à ce moment, du nombre élevé d'étudiants empruntant les études générales sachant que c'est le chemin normal reconnu par la société pour accéder au niveau universitaire. Même en harmonisant l'arrimage collégial-université, les jeunes resteront au général puisque, ce qu'ils désirent, c'est la reconnaissance sociale. Comment, également, peut-on se surprendre du décrochage élevé des élèves du secondaire? Ceux qui savent qu'ils ne pourront accéder au niveau universitaire perçoivent de la société que même s'ils poursuivent leurs études, comme nous entendons, au niveau collégial, ils ne seront pas reconnus comme profesionnels.

Les jeunes doivent connaître les opportunités du secteur professionnel, mais ils doivent surtout entendre la société les y inviter.

Ce n'est pas quelques actions dans les écoles et la collaboration des institutions d'enseignement qui arriveront seules à un revirement de situation. Il faut une vaste campagne impliquant les intervenants, tous les intervenants: les institutions d'enseignement, oui, les entreprises, les corporations et le gouvernement.

Le gouvernement se doit d'ailleurs de faire figure d'exemple dans la façon de gérer son propre personnel. Il se doit d'offrir la possibilité de promotion à l'intérieur d'un même secteur professionnel lui permettant d'atteindre des niveaux d'excellence. Il faut permettre à tous ces gens de progresser sans les obliger à devenir autre chose - dans le sens, au niveau professionnel, de devenir, pas pour progresser, pour avoir une promotion, d'être obligé de devenir gérant, donc, de devenir administrateur, ce qui n'est pas nécessairement la formation professionnelle a la base. Le jour où l'ensemble de la société va reconnaître le professionnel dans le juste sens de ce mot, la partie sera gagnée ou, à tout le moins, sera beaucoup plus avantageuse.

La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre devra s'assurer que tous les intervenants font leur part pour valoriser ce secteur, sinon prêcher aux filles et aux garçons sera prêcher dans le désert.

La compétence des formateurs. Un autre point important. L'aspect général du document

nous empêche d'affirmer si oui ou non la Société ou le projet de loi ou l'énoncé de politique reconnaît ou va mettre des grandes actions au niveau de la compétence des formateurs.

Par contre, être compétent et compétitif signifie, pour nous, être à la fine pointe de toute technologie. Nul doute qu'une partie du corps enseignant actuel possède cette fine pointe. Mais, dans l'optique d'une démarche de front pour rendre le Québec, dans son ensemble, compétent et compétitif dans un délai raisonnable, est-ce que ces personnes-là, qui sont déjà à la fine pointe, vont suffire à la tâche? Si eux seuls ont le mandat de rendre le Québec compétent et compétitif, qui continuera au régulier à l'enseignement des professionnels? Ce qui signifie qu'on ne peut... faire du surplace longtemps, mais on ne peut pour autant faire du rattrapage éternellement. Ce qui signifie que si on néglige le régulier, il y aura du rattrapage à faire lorsqu'ils arriveront sur le marché du travail. Le secteur régulier ne doit souffrir en aucun temps du manque de formateurs compétents.

La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre doit donc inclure comme objectif précis dans ses actions de rendre l'ensemble du corps professoral à la fine pointe et ne pas l'engloutir sous le terme large de soutenir le développement de la main-d'oeuvre pour éviter qu'un groupe profite au détriment de l'autre.

Internationaliser la formation professionnelle. Être compétent et compétitif: pourquoi? Pour maintenir et accroître notre part du marché mondial, donc compétitionner. À tout le moins, c'est notre réponse. La seule formation professionnelle où l'objectif est d'être meilleur ne suffit pas dans cette optique ou dans cette réponse. Ce qu'il faut savoir, c'est être meilleur que qui.

Le développement de la main-d'oeuvre du Québec doit passer, pour un nombre de professionnels, par l'apprentissage de la compétition à l'extérieur du Québec. Donc, connaître leurs forces, leurs faiblesses, leurs agissements et établir des contacts.

Pour parler de notre secteur, le bioalimentaire s'enrichirait de beaucoup si une part significative de sa main-d'oeuvre était soutenue par des programmes de formation dans cette optique. En répondant à la question «pourquoi», la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre se doit d'inclure dans ses priorités l'internationalisation de la formation professionnelle.

Donc, en conclusion, l'ATA reconnaît la nécessité de donner un important coup de barre dans la formation professionnelle au Québec. «Guichet unique», simplification des critères, particulièrement, culture d'une formation continue, partenariat, équilibre de l'offre et de la demande sont autant d'éléments positifs de la démarche entreprise. À certains égards, nous nous interrogeons sur certains mécanismes, dont la composition de la Société québécoise, les pouvoirs des sociétés régionales et, tout particulièrement, la représentation du secteur bioalimentaire dans ses structures.

Malgré tout, nous convenons, encore une fois, qu'il vaut mieux agir que d'attendre indûment. Toutefois, ce qui nous préoccupe le plus dans cet énoncé de politique concerne la valorisation du secteur professionnel. Élément essentiel à fa réussite du projet, cette action ne doit pas être prise à la légère. La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre devra s'assurer de la collaboration active des entreprises, encore une fois des corporations et du gouvernement, pour redonner au secteur professionnel sa juste place dans la société. Tout particulièrement, s'assurer que le personnel est géré en concordance avec le souhait de valoriser ce secteur.

Finalement, le secteur bioalimentaire a besoin du développement majeur de sa main-d'oeuvre pour affronter le spectre qui hante ce secteur. Nous entendons que les précisions qui suivront la mise en oeuvre de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne viendront en aucun temps limiter ce secteur d'activité. Les programmes de formation qui seront créés devront en tout temps tenir compte des particularités de ce secteur, incluant le secteur de la production.

Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé? Merci. M. le ministre?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Je salue les représentants de l'Association des tech-nologistes agro-alimentaires. En vous écoutant tout à l'heure, je feuilletais un tableau que j'ai devant moi, ici, qui donne l'évolution des clientèles à la formation professionnelle au cours des dernières années dans les commissions scolaires. Je notais que, entre l'année 1979-1980 et l'année 1989-1990 - donc, sur une période de 10 ans - le nombre d'élèves en formation professionnelle dans votre secteur de l'agro-technique a baissé de 77 % dans le système d'éducation. C'est donc dire qu'il y a pas mal d'efforts à faire pour ramener la clientèle scolaire au niveau où elle était il y a quelques années. Ça va prendre pour ça du personnel motivé. J'ai noté tantôt que vous sembliez nous dire que le projet que nous avons de faire en sorte que le personnel de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne soit pas sujet à la fonction publique, ça créerait un problème de motivation chez nos travailleurs, chez nos fonctionnaires. Est-ce que j'ai bien compris? C'est ce que vous avez dit, je crois?

M. Lemire (Edouard): Oui, c'est une interrogation que l'on se posait, à savoir: N'étant pas régie - ce n'est pas une affirmation, c'est une

interrogation - par la fonction publique, nous avons supposé - vu que ce n'est pas clairement identifié dans le texte - qu'à ce moment-là, une partie du personnel qui serait employé serait des contractuels. Contractuels signifie, à ce moment-là, dans notre esprit, une possibilité de...

M. Bourbeau: Donc, d'après vous, plus il y a de sécurité d'emploi, plus la motivation est grande, si je comprends bien. Les fonctionnaires, évidemment, restent jusqu'à 18 heures, 19 heures lorsqu'ils sont syndiqués. D'ailleurs, vous remarquez, il y en a plusieurs ici, ce soir, qui sont syndiqués et...

M. Lemire (Edouard): Non, attendez un peu. Je m'excuse.

M. Bourbeau: Oui.

M. Lemire (Edouard): Je ne parle pas de la motivation ou de la non-motivation de ceux qui seront régis par la fonction publique. Ce n'est pas le cas. Pas du tout! On n'y fait même pas allusion. Nous parlons uniquement de tous ceux qui ne seront pas régis à ce niveau-là, à savoir: Est-ce que ce seront des contractuels ou ce seront vraiment des employés à temps plein avec une certaine sécurité d'emploi? O.K.?

M. Bourbeau: L'objectif n'est pas d'engager des contractuels. Ce seront des travailleurs à temps plein qui ne seront pas engagés à contrat, qui seront engagés d'une façon permanente, mais sans avoir la sécurité d'emploi, la sacro-sainte sécurité d'emploi que donne l'appartenance à la fonction publique.

M. Lemire (Edouard): D'accord. Juste pour répondre à votre question...

M. Bourbeau: Je ne suis pas personnellement de ceux qui pensent que le fait d'avoir la sécurité d'emploi donne nécessairement la motivation. Je dois reconnaître qu'il y a de très nombreux exemples, dont quelques-uns sont parmi nous ce soir, de fonctionnaires qui ont la sécurité d'emploi et qui sont parfaitement motivés. Mais je serais plutôt porté à penser que le fait de ne pas avoir la sécurité d'emploi est plutôt un sujet de motivation que de non-motivation, disons.

M. Lemire (Edouard): Tout...

M. Bourbeau: Je ne sais pas si c'est partagé par tous ceux qui sont ici, là, mais...

M. Lemire (Edouard): Juste pour préciser. Au niveau de l'entreprise - moi, je suis dans l'entreprise privée - il est bien certain que je n'ai pas de sécurité d'emploi autre que le travail. C'est bien certain que, pour moi aussi, c'est une motivation de savoir que mon travail va déterminer si je pourrai garder mon travail, mon emploi, ou pas.

M. Bourbeau: Oui.

M. Lemire (Edouard): Donc, c'est une interrogation qu'on se posait, à savoir, s'ils ne sont pas régis par la fonction publique, de quelle façon le personnel qui sera engagé...

M. Bourbeau: Oui.

Ml. Lemire (Edouard): ...par les sociétés, de quelle façon le sera-t-il?

M. Bourbeau: Vous faites un certain nombre d'observations dans votre mémoire sur un certain nombre de sujets. J'aimerais savoir si vous êtes au courant que, dans le système actuel, nos CFP n'ont pas le pouvoir d'adapter les programmes alors que dans la proposition que nous faisons, les sociétés régionales pourront le faire. Nos CFP ont un mandat, présentement, qui est restreint au secteur de la formation professionnelle alors que, dorénavant, on va élargir le mandat pour inclure tout le champ de la main-d'oeuvre. Le personnel de nos CFP, présentement, n'est pas membre de la fonction publique non plus. Donc, pour nous, ce n'est pas une innovation que d'indiquer que le personnel de nos sociétés régionales, en fait de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ne sera pas membre de la fonction publique. C'est reconduire, à toutes fins pratiques, le statu quo. Finalement, les CFP ne font pas non plus présentement de place au secteur de l'enseignement dans leur législation, en tout les cas, au sein de leur conseil d'administration alors que, nous, nous prévoyons quand même une place pour les représentants de l'enseignement au sein des conseils d'administration. Donc, d'une certaine façon, là, ce n'est peut-être pas la perfection ce que nous proposons, mais c'est quand même un pas en avant par rapport à la situation qui prévaut présentement.

M. Lemire (Edouard): Juste au niveau de l'autonomie. La chose que je sais de la CFP... Je ne connais pas toute la machine de la CFP. Par contre, chacune des CFP avait le pouvoir de déterminer les priorités régionales. Dans ce sens, je parle peut-être plus au niveau bioalimentaire, si une région - et si je ne me trompe pas, la région de Québec, entre autres, et la région de Beauce - avait priorisé le secteur agricole ou bioalimentaire comme priorité numéro un, O.K., la question que nous nous posons: Est-ce que, étant donné que les sociétés régionales vont avoir à adapter... Oui, elles vont avoir le pouvoir d'adapter des choses, mais elles vont... De la façon dont nous le comprenons, elles vont avoir à adapter des choses qui vont leur être parachu-

tées par un organisme provincial. Si, pour une région, on peut adapter, mais si c'est d'adapter quelque chose qu'on ne considère pas prioritaire... Si, au niveau provincial, la Société québécoise de développement ne fait pas la priorité numéro un du secteur agro-alimentaire, ils vont en faire une priorité x, et les sociétés régionales pourront adapter à ce moment-là. Mais si, au moins, les commissions de formation professionnelle, actuellement, pouvaient le prioriser vraiment en tant que numéro un. Donc, c'est dans cette optique-là. Vu que ça va être d'adapter quelque chose qui va être décidé par un organisme - 19 personnes - chapeauté par un ministère, est-ce que, du point de vue sectoriel, des besoins sectoriels, ça va vraiment répondre aux priorités sectorielles? Elles vont avoir plus de pouvoir, d'accord, pour ce qui est de l'adaptation, mais l'adaptation qui est d'abord décidée au niveau provincial. Encore une fois, c'est une interrogation qu'on se posait parce qu'on veut que ce soit - ce n'est pas parfait les CFP - on veut que les sociétés régionales soient encore meilleures que les CFP si on veut avancer. (18 h 15)

M. Bourbeau: En ce qui concerne la priori-sation, il n'y a pas de changement. Le mandat des sociétés régionales, c'est le même que celui des CFP. Enfin, il est au moins aussi grand que celui des CFP et même plus grand, et il comprend certainement le mandat de déterminer les pénuries d'emploi, les carences et les pénuries, et de déterminer les priorités régionales. C'est même indiqué à l'article 43 du projet de loi que le «conseil régional détermine les orientations et les priorités de la société régionale,» - vous pouvez le lire en toutes lettres, à la page 12 - «relativement à la gestion des programmes et de ses ressources». Alors, on va déterminer dans chaque région quelles sont les priorités, comme maintenant, et on aura des programmes qui pourront être adaptés à la réalité de chacune des régions. Donc, je pense que ça répond parfaitement à vos attentes. Et, là-dessus, il n'y a pas de problème.

Maintenant, vous affirmez - avec raison, je pense bien - que la valorisation de la formation professionnelle constitue un défi, un grand défi pour notre société, et vous proposez de mettre au point une vaste campagne dans le but de refaire l'image du secteur professionnel. Vous dites qu'il faut déborder l'action dans les écoles. Vous semblez avoir une idée précise, là, de ce qui devrait être fait. Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage?

M. Lemire (Edouard): Disons qu'à ce niveau-là, on pensait un peu à ce qui a été fait au niveau du secteur des métiers au niveau secondaire. Le secteur des métiers souffrait, voilà quelque temps, un peu du même problème qu'actuellement dans le secteur professionnel du niveau collégial. Je pense qu'il y a déjà une bonne campagne qui a été entreprise. Le secteur des métiers s'est vu... En tout cas, je crois qu'au niveau de la société, le métier secondaire a déjà amélioré de beaucoup son image et sa perception face aux clientèles et à l'ensemble de la société.

Donc, c'est un peu dans cette optique-là. Je ne parle pas d'une campagne strictement publicitaire, mais c'est dans l'optique dont la démarche... Je pense que M. Bérubé aurait des choses, à ce niveau-là, pour répondre à votre question.

M. Bérubé: Évidemment, moi, ça fait plusieurs années que je m'occupe de dossiers professionnels à l'intérieur de l'Association des technologistes agro-alimentaires, et puis j'ai l'impression que le secteur professionnel, le secteur collégial professionnel, c'est mal connu, pour ne pas dire très mal connu. Et puis, il me semble qu'on part mal là-dedans, dans ce dossier-là. Moi, je relie ça évidemment au document ici où, à l'article 3.4, «Pour un meilleur arrimage de la formation et du marché du travail»... Et puis, pour partir de la base, je pense qu'il faut redonner son sens au mot, ce qu'on ne fait pas. On a dit ça dans notre document. On appelle «professionnels» les gens qui ont un diplôme universitaire. Je pense qu'on a débordé, je pense que ce n'est pas exact quand même. Je pense qu'on enlève de la valeur.

De toute façon, depuis plusieurs années, je pense que le secteur universitaire prend toute la place, et puis c'est pour ça, en gros, qu'on s'est retrouvé avec des problèmes de main-d'oeuvre dans le professionnel, au niveau secondaire. Je pense que les bases de l'amélioration et des changements sont là, au niveau du secondaire professionnel. Moi, je suis membre d'un comité d'école, d'un conseil d'orientation scolaire depuis des années. Ici, dans la région de Québec, on a un bon secteur professionnel à la polyvalente chez nous. Puis, je pense qu'il n'y a pas juste la campagne d'information et de publicité, là, il y a des bases solides. On a changé l'équipement, il y a eu de l'argent de mis là-dedans. Je pense que là, ça... En tout cas, la base est là pour que ça fonctionne.

Et puis on a eu... En fait, le besoin est criant. On a juste à se référer à ce qui s'est passé à un moment donné avec l'aluminerie ici, dans la région de Québec. On n'a pas manqué d'ingénieurs, on n'a pas manqué d'administrateurs, on a manqué d'ouvriers qualifiés. Et puis, bon, je pense que le monde a compris ça.

Maintenant, là, on s'en va au niveau professionnel collégial. Si je disais tantôt qu'il faudrait partir de la base, il faudrait appeler les choses par leur nom. Quand on parle du secteur du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, en théorie ou, en tout cas, administra-tivement, le collégial professionnel est là, est compris dans ce secteur-là. Mais, quand on parle des professionnels d'un secteur, ça c'est différent, par exemple. On ne voit pas les gens du

collégial là-dedans.

Et puis, dans le document aussi, je pense que ce n'est pas toujours démêlé, ça, la différence ou les différences qui existent entre le secteur professionnel, secondaire et collégial. En tout cas, je pense que ça pourrait être plus clair que ça.

Le Président (M. Philibert): Alors, monsieur, le temps est écoulé. Si vous voulez faire une petite conclusion à ce que vous alliez dire là, faire du développement succinct.

M. Bérubé: Bon, le cégep puis le collégial professionnel, c'est une chose qui est complètement différente de l'enseignement professionnel ou de l'enseignement universitaire, la même chose que le professionnel au niveau secondaire, c'est différent. Ça fait que ce n'est pas juste une question d'arrimer les deux. Par exemple, pour devenir un meilleur technologiste agricole, la façon de faire, ce n'est pas nécessairement d'aller chercher un baccalauréat.

Le Président (M. Philibert): Merci. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. En écoutant l'échange que vous avez eu, M. Lemire, avec M. le ministre, sur la façon de faire actuelle et celle qui résulterait de l'adoption de la loi, je me demandais si vous souhaitiez un comité sectoriel au niveau de la société mère.

M. Lemire (Edouard): Un comité sectoriel?

Mme Harel: Vous savez qu'il y aura des comités sectoriels...

M. Lemire (Edouard): Oui.

Mme Harel: ...au niveau provincial - si vous me permettez cette expression que j'utilise rarement - au niveau québécois, au niveau de la société mère. Il y aura des comités sectoriels qui, en quelque sorte, permettront d'articuler la politique d'un secteur. Souvent, dans les mémoires, on s'interroge à savoir si cette politique sectorielle ne viendra pas court-circuiter la politique régionale. Dans votre mémoire, vous n'en parlez pas, de la politique sectorielle. Je comprends que, jusqu'à maintenant, vous vous trouviez assez satisfait du fait de pouvoir faire établir comme priorité, dans les régions, le secteur bioalimentaire - c'est ça que je dois comprendre? - tandis que là, il faudrait presque, pour en avoir, si vous voulez, la garantie, obtenir un comité sectoriel de manière à ce que la société mère tienne compte de votre problématique parce que les budgets seront quand même distribués par la société mère pour chacune des sociétés régionales. Le ministre avait raison, la loi prévoit que la société régionale établit ses priorités, mais elle n'a pas une enveloppe budgétaire ouverte. À ce que je sache, elle ne peut pas transférer d'un programme à l'autre, etc. En tout cas, il ne l'a pas confirmé. C'est beaucoup demander.

Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question d'un comité sectoriel dans le bioalimentaire au niveau du Québec, qui relèverait de la société mère?

M. Lemire (Edouard): Nous autres, de ce qu'on a vu dans le document, ils parlent des comités sectoriels, on n'a pas élaboré au niveau de notre document. De la façon que c'est décrit dans le fonctionnement du comité sectoriel, moi, je ne vois pas d'inconvénient à ce que ça fonctionne comme ça, avec les comités sectoriels, au niveau régional. De ce que, moi, j'ai compris, c'est qu'il y aurait des comités sectoriels qui travailleraient avec la société régionale, mais je n'ai pas compris qu'il y en aurait qui travailleraient avec la maison mère. Là, vous me demandez si, en plus de travailler au niveau régional, ils devraient également y avoir des comités sectoriels au niveau...

Mme Harel: C'est déjà prévu qu'il y en ait au niveau de la société mère.

M. Lemire (Edouard): O.K.

Mme Harel: De la société nationale.

M. Lemire (Edouard): Mais est-ce que c'était décrit dans le livre, dans le cahier?

Mme Harel: Je pense que, dans l'énoncé, c'est déjà mentionné.

M. Lemire (Edouard): Moi, ce que j'avais compris, c'est qu'il y en avait au niveau régional. Je pense que c'est une...

Mme Harel: II y en a, des facultatifs, aux deux niveaux. Mais c'est bien évident, de par tous ces échanges qui ont eu lieu, qu'il allait y en avoir au niveau de la société mère.

M. Lemire (Edouard): O.K. Je pense que c'est important pour représenter des secteurs d'activité. J'écoutais un peu... On est arrivés à la présentation qui nous a précédés. C'est sûr que, sur les sociétés comme telles, tout le monde veut être présent, mais on ne peut pas avoir des comités de 70 personnes. Ça, il n'y a pas personne qui va aller contre ça. Déjà, 19, c'est peut-être beaucoup pour certains. Donc, ce n'est pas tout le monde qui peut être sur chacune des sociétés - québécoise, régionales ou mère. La seule façon d'être représentés, c'est par les comités sectoriels. Juste au niveau bioalimentaire, j'aurais aimé avoir une réponse, s'il va y avoir une personne sur les 19 qui va vraiment repré-

senter ce secteur-là ou si c'est uniquement par le comité sectoriel. Mais ça prendra au moins ce minimum-là.

Mme Harel: Je ne sais pas, M. le Président, si le secrétariat a reçu la liste des comités sectoriels actuellement existants. Le ministre nous a communiqué, la semaine passée, qu'il devait transmettre au secrétariat de la commission la liste des comités sectoriels actuellement en place.

M. Bourbeau: Je vous l'ai transmise.

Mme Harel: Vous l'avez déjà transmise au secrétariat de la commission?

M. Bourbeau: C'est-à-dire que, quand vous l'avez demandée, la semaine dernière, une demi-heure après, c'était sur la table.

Mme Harel: Ah, d'accord!

M. Bourbeau: À moins que vous ne l'ayez pas ramassée. On en a encore une autre copie. À votre service, Mme la députée.

Mme Harel: Je l'apprécie. Il existe déjà des comités sectoriels.

M. Bourbeau: Votre recherchiste en a une. Vous êtes inondée, là.

Mme Harel: Mon Dieu! Très bien. Excusez-moi. On l'avait eue, et je vous en remercie. Il en existe déjà, de ces comités sectoriels mis en place au ministère.

Une autre question: L'internationalisation, ça signifie quoi?

M. Lemire (Edouard): Ça veut dire...

Mme Harel: Dans le cas précis où vous en faites mention, c'est-à-dire l'internationalisation de la formation professionnelle en bioalimentaire. Ça voudrait dire quoi concrètement?

M. Lemire (Edouard): On ne spécifie pas internationalisation en bioalimentaire. Je donnais comme exemple que notre secteur bioalimentaire en retirait beaucoup, au niveau des échanges commerciaux... toute la libéralisation des échanges.

Mme Harel: Là, vous parlez de l'internationalisation de la formation professionnelle. Vous voudriez qu'il y ait des techniques d'ailleurs qui soient enseignées ici?

M. Lemire (Edouard): C'est-à-dire que, dans la mise en place de programmes de formation professionnelle - on parle beaucoup... il y a plusieurs secteurs qui sont élaborés: à l'entre- prise, aux adultes - devraient selon nous être prévus des mécanismes pour s'assurer que des professionnels soient formés à l'extérieur du québec pour rapporter la technologie, le savoir... donc, beaucoup d'informations pour faire progresser nos entreprises. au niveau bioalimentaire, à tout le moins, on a énormément d'exemples de choses qui se font... bon, ça fait x années que ça se fait en europe. donc, si c'était inclus, dans notre secteur, il y aurait beaucoup à y gagner. que les sociétés régionales, dans tous les programmes de formation qui sont mis en place - on parle plus au niveau des adultes et des entreprises que du secteur régulier - que ce soit vraiment prévu qu'il y ait des mécanismes qui assurent qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont accès ou que l'entreprise a accès à des programmes pour aller chercher la technologie de l'extérieur.

Mme Harel: ii s'agirait, à ce moment-là, de formateurs de quel niveau? des personnes qui formeraient elles-mêmes d'autres personnes à leur retour? c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Lemire (Edouard): Oui. Si on parie au niveau des individus, je vois plus un formateur. Mais, au niveau... Il y a beaucoup d'incitation et de... Même, on veut donner une philosopie de formation au niveau de l'entreprise. Mais, dans la philosophie, dans tout ce qui va être entrepris par la Société québécoise et les sociétés régionales, il faut s'assurer que les entreprises s'impliquent de plus en plus dans la formation continue, et le développement de la qualité de la main-d'oeuvre... devrait aussi être mis à profit, au niveau des entreprises, pour aller chercher ce perfectionnement-là à l'extérieur.

Mme Harel: Vous nous dites, dans votre mémoire, à la page 4, qu'il ne faut pas jouer à diminuer à outrance les critères d'admissibilité à la formation sous prétexte d'un manque élevé de main-d'oeuvre qualifiée. Vous faites valoir cette espèce de paradoxe qui consisterait à offrir de la formation en diminuant les critères d'accès, mais à se retrouver avec des entreprises qui élimineraient les personnes qui ne correspondent pas à leurs critères. Avez-vous l'impression, actuellement, que les entreprises qui ont la possibilité d'élever leurs critères étant donné le chômage qui sévit, vont même au-delà des exigences nécessaires quant aux critères d'embauché?

M. Lemire (Edouard): Non, l'entreprise, je ne crois pas qu'elle - on parle toujours en général - aille jusqu'à élever ces critères pour l'embauche proprement dite. Ce qu'on veut signifier par le point 5 de notre document, c'est beaucoup plus dans la mise en place de programmes. Si on se réfère au document proprement dit, autant il y a du chômage, autant il y a des

pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. Ce n'est pas parce qu'on dénote une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans un secteur précis ou dans une région précise qu'il faut pousser à l'extrême la formation de personnel qualifié dans ce secteur-là, coûte que coûte. Si on dit qu'on a une pénurie de x milliers de personnes, il ne faut pas que l'année suivante, obligatoirement, ce soit formé et que, de toute façon, la moitié de ces personnes-là ne soient même pas embauchées, justement. Je ne crois pas que l'entreprise, par exprès, hausse ses critères d'admissibilité. Elle peut le faire, mais ce n'est pas le point majeur. C'est beaucoup plus qu'elle ne les baissera pas en bas d'un seuil minimum.

Mme Harel: On a la chance de vous avoir avec nous cet après-midi. Peut-être pouvez-vous nous faire part de votre réflexion sur le fait que vous êtes dans un secteur de ressources naturelles, mais qui s'est le plus transformé sur le plan de l'introduction des nouvelles technologies. C'est une perpétuelle effervescence, j'ai l'impression, le secteur dans lequel vous oeuvrez. Est-ce que vous pensez que le secteur de production alimentaire est actuellement capable de suivre l'évolution technologique compte tenu de la main-d'oeuvre qui, au fur et à mesure, arrive sur le marché?

M. Lemire (Edouard): Vous avez donné deux choses. Vous parlez d'un secteur de production. Après ça, vous parlez de suivre l'évolution de la main-d'oeuvre. Pour nous, c'est un peu comme deux secteurs. On parle souvent du personnel qui arrive sur le marché du travail, on parle plus d'un autre secteur. La production, pour nous, c'est peut-être plus les producteurs agricoles qui utilisent ou qui essaient d'utiliser beaucoup le réseau de formation professionnelle. C'est à ce niveau-là, l'importance de diminuer ou d'assouplir - diminuer n'est pas un beau terme - d'assouplir des critères d'admissibilité.

Mme Harel: Pour eux?

M. Lemire (Edouard): Le secteur production éprouve énormément de difficultés à obtenir de la formation professionnelle pour s'adapter aux nouvelles technologies. Le secteur qu'on dirait de services à la production, donc les technologistes ou les agronomes qui arrivent sur le marché du travail pour conseiller les producteurs ont moins de difficultés. On est un travailleur au même titre que d'autres secteurs...

Mme Harel: Quand ils vont vouloir un crédit d'impôt, ils n'ont pas droit finalement...

M. Lemire (Edouard): ça, c'est des entreprises, mais c'est tous des critères qui correspondent au fait qu'ils travaillent... il y a des critères tellement rigides...

Mme Harel: Ils ne sont pas chômeurs, ils ne sont pas assistés sociaux.

M. Lemire (Edouard): Eux autres, il faut qu'ils soient les plus souples possible. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas, ils veulent énormément. Pour ce qui est du secteur des services à la production, des technologistes, la difficulté peut-être qu'on rencontre, c'est d'arriver dans des régions où le secteur... C'était notre question, on voulait s'assurer, au niveau des sociétés régionales, d'arriver dans une région où c'est un secteur qui est valorisé par la formation professionnelle. On a des secteurs, c'est certain qu'ils n'en parient pas de...

Le Président (M. Philibert): Alors, merci. Le temps est épuisé. Nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 32)

(Reprise à 20 h 13)

Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'appeler la Fédération autonome du collégial à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Bonsoir, messieurs. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais que la personne responsable du groupe puisse s'identifier et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

FAC

M. Duffy (Michel): Bonsoir. Le Président (M. Joly): Bonsoir.

M. Duffy: Je m'appelle Michel Duffy. Je suis le président de la Fédération autonome du collégial. À mes côtés, le vice-président, Donald Pelletier, à ma droite, Yves De Grandmaison, qui est responsable des affaires pédagogiques à notre Fédération; puis un collègue professeur, chercheur de Rosemont, Philippe Ricard.

Le Président (M. Joly): Merci bien. Alors, tel que convenu avec vous, vous avez une quinzaine de minutes pour nous exprimer votre mémoire, pour nous faire valoir votre mémoire; par après, la balance du temps est impartie entre les deux formations. Je vous laisse aussi le choix de laisser intervenir vos collègues, si vous le voulez bien.

M. Duffy: Merci. Peut-être une précaution oratoire, M. le Président, si vous permettez, avant de commencer. Je me réfère à ce mémoire qu'on vous a remis et qui fait une quarantaine

de pages. Alors, je vais m'y référer dans la présentation assez systématiquement:

Le Président (M. Joly): Oui.

M. Duffy: Alors, j'espère que tous les gens l'ont en main parce qu'ils pourraient trouver que...

Le Président (M. Joly): Je tiens à vous rappeler que le mémoire a déjà été lu et analysé. Partant de là, peut-être que vous pouvez vous sentir plus à l'aise sachant ça et que, même si vous sautez d'un secteur à l'autre de votre mémoire, il n'y a pas de problème.

M. Duffy: Très bien. Merci. Mmes et MM. membres de la commission des affaires sociales portant sur le document de consultation intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, permettez-moi, au nom de la Fédération autonome du collégial, de vous remercier de l'honneur que vous nous faites de présenter cet avis et d'offrir à notre jeune organisation l'occasion de témoigner une fois de plus de ses préoccupations pour tout ce qui concerne les questions de formation professionnelle et de développement de la main-d'oeuvre, préoccupations que nous partagions déjà en janvier 1991, dans un colloque qui regroupait des intervenants des différents milieux concernés, et que nous avons publiées sous forme d'actes en novembre 1991.

Ce dont nous voulons vous entretenir essentiellement ici, c'est du point de vue de ceux et celles qui donnent la formation professionnelle dans les cégeps, un point de vue qui fait une large place aux contenus fondamentaux tout en ne négligeant pas les objectifs de la formation initiale, un point de vue qui cherche à harmoniser entre eux les différents acteurs de cette formation professionnelle, un point de vue, enfin, qui cherche à inscrire la formation professionnelle dans une continuité professionnelle tant pour ceux qui la donnent que pour ceux et celles qui la reçoivent selon la logique suivante: que toute formation initiale ne peut être considérée comme complète et terminale. alors, ce point de vue s'articule autour d'un certain nombre de volets que j'énumère brièvement, mais que vous connaissez sans doute maintenant. d'abord, il y aura un bref commentaire sur le document ministériel. ensuite, on pariera de la place et du rôle des institutions collégiales en matière de formation professionnelle, puis de la place et du rôle de l'éducation des adultes offerte dans les cégeps; de la revalorisation de la formation professionnelle offerte dans les collèges; ensuite, des programmes professionnels offerts où il est question de la révision, des contenus, du nécessaire arrimage entre les ordres d'enseignement, de la formation fondamentale, du perfectionnement des enseignantes et des enseignants, des programmes d'alternance travail-études; ensuite, de recherche technologique appliquée, si vous voulez, dans les institutions collégiales; et, enfin, du dialogue nécessaire entre les différents groupes concernés par la formation professionnelle au collégial, ça parie de partenariat.

Nous croyons que l'avis que nous déposons répond en partie aux interrogations que soulève le ministre Bourbeau dans l'avant-propos de son énoncé de politique quand il dit, au troisième paragraphe, «qu'une politique de main-d'oeuvre interroge, entre autres préoccupations, les objectifs, les pratiques et les structures mêmes du système scolaire, la politique d'éducation des adultes».

Permettez-moi enfin, en guise de conclusion à ce préambule et juste avant de vous présenter brièvement chacun des volets retenus, la remarque suivante: tous les textes de cet avis ont déjà la sanction de nos diverses instances et ils témoignent des préoccupations de nos membres en matière de formation et de développement de la main-d'oeuvre.

Premier point, donc, le rapatriement des pouvoirs. Oui, bien sûr, nous appuyons, en principe, la volonté du gouvernement de faire en sorte que le Québec devienne le seul responsable des politiques de développement de la main-d'oeuvre sur son territoire; oui, au fond, à l'unité d'action et de direction. Mais, si vous voulez, à la page 6, on indique aussi que ce rapatriement au Québec des budgets fédéraux consacrés au développement de la main-d'oeuvre ne doit pas avoir pour effet, en fin de course, la seule création d'un département québécois de main-d'oeuvre. On ne voudrait pas qu'il se rapatrie les chicanes que nous vivons actuellement entre le fédéral et le provincial, entre les différents ministères concernés par la question, et nous aimerions bien que ce rapatriement marque, si vous voulez, le coup d'envoi d'un engagement dans une oeuvre de longue durée.

De plus, nous souhaiterions que cesse, évidemment, la concurrence entre les trois ordres de formation professionnelle, à savoir les commissions scolaires, les institutions collégiales et les universités. Nous préférons parier de filière et de passerelle entre ces ordres d'enseignement.

Quant à la Société québécoise de développement et de formation de la main-d'oeuvre et aux sociétés régionales, nous nourrissons une inquiétude sur la nature du mandat, ou de sa mission telle qu'elle est consignée au chapitre II du projet de loi, qui nous semble un petit peu limitatif. À première vue, pour ce qui est des priorités à établir dans les régions, on ne sait pas trop qui s'assurera, si vous voulez, de toutes ces questions-là. Par exemple, la place qu'occupera la formation collégiale professionnelle est loin d'être définie. On n'y voit dans la compo-

sition, par exemple, tant de la société nationale que des sociétés régionales, que la place pour un représentant des collèges, mais on ne sait trop qui il sera et probablement pas, non plus, un enseignant.

Nous aimerions que ces sociétés régionales, comme la société nationale, prennent davantage en compte la spécificité de la formation professionnelle qui se donne dans les collèges, c'est-à-dire de relancer dans notre société ce qu'on pourrait appeler une culture de la technique, de la technologie et de la science qui, pour beaucoup de jeunes, passent pour des choses négatives associées à la pollution et non pas, si vous voulez, au progrès et aux seules issues, finalement, qui nous attendent au début de l'autre siècle.

Place et importance également des collèges en matière de formation professionnelle. C'est l'esprit même des collèges ou la nature même des cégeps qui est en cause, et on le sent un peu dans les rumeurs qui circulent par les temps qui courent, la place importante de la formation fondamentale qu'on est souvent tenté d'abréger ou encore de restreindre au profit de formations plus pointues. Ça nous apparaît important également de réaffirmer cette importance du savoir apprendre à apprendre, cette formation fondamentale - on y reviendra un petit peu plus loin - sur laquelle, finalement, repose toute formation pointue. C'est vraiment le fondement sur lequel on peut ériger éventuellement des savoirs un peu plus précis. Évidemment, avec l'avis que le ministère de l'Éducation a demandé au Conseil supérieur, en mai dernier, sur la réflexion, enfin sur la mission initiale des collèges: Est-ce que, 25 ans après le rapport Parent, on peut toujours fonctionner comme on l'a fait? Qu'est-ce que sera l'après? ce sont des choses qui ne sont pas sans nous inquiéter, quand on entend des gens, par exemple, nous parler du retour aux écoles techniques et, enfin, bref, à des formations qui seraient davantage utilitaires immédiatement.

Je passe au volet de l'éducation des adultes, si vous voulez, parce que, dans nos collèges, c'est souvent celui-là qui est chargé, justement, de donner cette formation. Depuis que les collèges existent, effectivement, ce volet fonctionne un petit peu parallèlement au secteur de l'enseignement régulier. Alors, nous disons, au bas de la page 10 de notre mémoire, que, pour nous, un changement qualitatif doit se dessiner dans l'éducation des adultes. On doit parler de la place, de l'importance que la société technicienne lui assignera parmi d'autres formations possibles et des ressources dont ce secteur aura besoin pour accomplir sa nouvelle mission.

À cause de la situation économique actuelle, il nous semble un petit peu inutile d'exiger de l'État québécois un financement accru de l'éducation des adultes. Nous préconisons plutôt une intégration du secteur de l'éducation des adultes et du secteur de l'enseignement régulier pour qu'ils partagent, si vous voulez, l'un et l'autre, leurs ressources selon un modèle souple et, là-dessus, le secteur régulier a énormément de ressources à offrir pour que cessent ces deux solitudes qui se vivent depuis, finalement, la création des cégeps.

Alors, nous croyons effectivement que c'est la seule approche susceptible de relancer aussi l'éducation des adultes. Ce domaine négligé de l'enseignement collégial, alors, on pourrait parvenir à le redéployer, à lui faire donner ce pourquoi il est institué - je suis à la page 13 ou autour - c'est-à-dire des services de qualité, et il pourrait bien être, dans un proche avenir, catalyseur du secteur régulier, voire même le dépasser. C'est lui qui, bientôt, devra satisfaire l'ensemble d'une population, plus scolarisée, soumise à la pression de complexité du développement technologique. La formation des adultes, disons-nous, ne doit plus être cet enseignement collégial entièrement à part, mais devenir une source de promotion et de renouvellement collectifs à part entière.

Alors, la FAC recherche, comme groupe, des solutions pour aider les cégeps à se sortir de leur état de morosité Les enseignantes et les enseignants ont souvent été tenus à l'écart, si vous voulez, de ces discussions et ils n'en manifestent pas moins leur désir de s'associer au repositionnement du collège public sur l'échiquier de la formation en proposant de faire du développement de l'éducation des adultes l'élément catalyseur de la revitalisation de l'ensemble de l'institution qui, à 25 ans, a connu l'époque la plus importante de son essor durant les années soixante-dix.

Ça suppose des changements dont on vous fait part dans les pages 15 et suivantes. Tantôt, on pariait de l'intégration des personnels et des ressources, également d'un mode de financement qui garantisse le droit, pour tous les adultes qui suivent ces cours à l'éducation des adultes, à des services de qualité - on sait, par exemple, que les bibliothèques ferment le soir, que les professeurs ne sont pas disponibles, etc. - et, au fond, imposer, si vous voulez, un nouvel ordre dans cette maison et apporter une transformation un petit peu majeure dans les rôles qu'on connaît déjà.

Le découpage des rôles va subir une transformation majeure, passant d'une définition de la clientèle en fonction de l'âge, qu'on connaît actuellement, à une définition de la clientèle en fonction des besoins de formation et de cheminement qu'elle exprime. La complémentarité des rôles prend beaucoup de visibilité. C'est l'élément indicateur d'une évolution vers un système continu d'éducation. D'ici l'an 2000, plus des deux tiers des emplois créés exigeront plus de 12 ans de scolarité. Le défi est de taille pour un système de service actuellement un peu en pièces détachées. En clair, les enseignantes et

les enseignants proposent de relever d'abord le défi pédagogique posé par une clientèle adulte en cheminement régulier et en cheminement particulier en déployant les ressources du régulier et en s'alimentant des défis de l'éducation des adultes.

Si on ne fait rien, il y a quelques exemples qui caractérisent le statu quo ou ce qui pourrait bien arriver mais, en particulier à la page 18, il y a quelque chose d'inquiétant, pour l'avenir d'une gestion souple peut-être et flexible, à vouloir changer le rôle imparti à ces deux secteurs, le régulier et les adultes. À cet égard, la FAC entend prôner l'autonomie des structures, mais l'intégration des idées, des talents et des compétences, poursuivant ainsi un de ses objectifs, c'est-à-dire contribuer à améliorer les services en améliorant les conditions d'exercice de la profession, d'où la nécessité, si vous voulez, de se servir de cet axe de développement majeur que constituent les fonctions départementales. C'est là, effectivement, dans les collèges, enfin c'est le coeur, c'est le cerveau aussi de tout ce qui se passe au plan pédagogique. C'est bien dommage que tout le secteur de l'éducation des adultes en soit essentiellement privé. (20 h 30)

Favoriser également l'approche-besoins au moment où il y a beaucoup d'anarchie dans tout ce secteur: le nombre de formations professionnelles existantes, formations sur mesure, le nombre de lieux, le nombre d'intervenants. Alors, comme organisation syndicale, nous sommes intéressés par le développement de la société par un accès plus large à l'éducation. Il nous semble que l'approche-besoins peut être l'amorce de concertation entre le secteur régulier et l'éducation des adultes et, à cet égard, il nous faut viser l'amélioration qualitative des services offerts et la mise de l'avant du partenariat patronal-syndical tant au plan local que national.

Le Président (M. Joly): M. Duffy, s'il vous plaît, j'apprécierais si vous pouviez conclure.

M. Duffy: Oui. Bon, écoutez, j'aurais bien des choses à dire sur la revalorisation de la formation professionnelle, c'est le point 4. Mais on pourra peut-être répondre à ces aspects-là à partir de questions qui nous seront adressées par les gens.

Le Président (M. Joly): Parfait. Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, un mémoire intéressant de la part de la Fédération autonome du collégial, le collégial qui est, bien sûr, un des deux niveaux d'enseignement qui s'occupent de la formation professionnelle. Quand je regarde les statistiques relatives à la fréquentation des cégeps, je constate que, si au niveau de la formation générale il y a eu une augmenta- tion de tout près de 10 % en 10 ans - j'ai les statistiques 1980-1990, il y a eu effectivement une augmentation de clientèle de 9,9 % au général - par contre, au secteur professionnel, la clientèle dans les cégeps a baissé de 7 % au cours de cette période-là. C'est donc dire qu'on n'avance pas vraiment, là. Alors qu'on est d'avis un peu partout dans la société qu'il faut mettre l'accent sur la formation professionnelle, il ne semble pas que la clientèle, enfin pour cette période-là, ait été ascendante. Je n'ai pas les chiffres pour 1991-1992, possiblement que ça s'est amélioré, je ne le sais pas. Mais il va certainement falloir faire mieux si on veut arriver à relever le défi de la compétitivité.

Parlant de ça, vous n'avez pas couvert dans vos remarques verbales cette partie-là parce que vous n'avez pas eu le temps de vous y rendre, mais vous parlez dans votre mémoire des programmes professionnels offerts à l'ordre d'enseignement collégial: le contenu des programmes, le nécessaire arrimage entre les ordres. À la page 29, quand vous parlez du nécessaire arrimage entre les ordres, vous dites que «se pose la question de l'arrimage et de la poursuite des études d'un ordre d'enseignement à un ordre», et vous dites: «Afin d'en arriver à la création d'une véritable filière avec l'ordre d'enseignement secondaire et où la formation professionnelle qui y est offerte ne serait plus en compétition avec celle de l'ordre collégial, sans doute y a-t-il lieu d'étudier la possibilité d'une intégration à partir de la troisième année du secondaire jusqu'à la fin des études collégiales.» Qu'est-ce qu'on doit comprendre de cet énoncé, de cette phrase-là, cette affirmation-là que vous faites? Est-ce que vous déplorez les dédoublements qui peuvent exister entre le niveau secondaire et le niveau collégial? D'après vous, est-ce qu'il ne devrait y avoir qu'une seule filière pour l'enseignement professionnel? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Ce n'est peut-être pas très clair, dans mon esprit en tout cas.

M. Ricard (Philippe): M. le ministre... Le Président (M. Joly): M. Ricard.

M. Ricard: ...notre position sur cette question... Est-ce que vous m'entendez?

M. Bourbeau: Moi, je vous entends très bien.

M. Ricard: D'accord. Notre position sur cette question-là n'est pas de déstructurer en quelque sorte ou d'enlever la structure collégiale ou la structure secondaire. En ce moment, il y a des difficultés de passage quand un étudiant ou un élève au niveau du secondaire prend la voie professionnelle. Souvent, il arrive, il y a comme... son univers est comme limité, barré, et il ne peut pas, à cause des prérequis collégiaux,

entrer dans une filière professionnelle collégiale. Il y a une époque où on avait la même difficulté entre la filière professionnelle collégiale et l'université. Mais, de plus en plus, entre la filière collégiale et l'université, on ouvre des portes, on facilite le passage par du travail, des reconnaissances de cours, par un dialogue aussi entre les différents départements de même type, je ne sais pas moi, électrotechnique et génie électrique à l'université. Il y a comme des liens qui sont en train de s'organiser pour faciliter le passage. J'ai fait beaucoup d'évaluations de programmes et je me suis rendu compte que je n'ai pas rencontré un programme professionnel où les diplômés, sur un espace de 10 ans, ne se sont pas perfectionnés à un niveau supérieur de connaissances - ça peut être ad hoc comme ça peut être un perfectionnement à l'université - je ne connais pas de programme professionnel où les diplômés ne font pas ça. Le problème est le lien entre le secteur professionnel secondaire et le secteur professionnel collégial. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut trouver une façon de leur ouvrir ce chemin de carrière là de façon à ce qu'ils puissent aller chercher des cours de niveau cégep, passer d'ouvrier spécialisé ou qualifié à technicien ou technologue, donc d'ouvrir un champ de carrière, pas de fermer la porte. C'est essentiellement ça. Évidemment, la solution est un peu complexe, mais il faut étudier la question.

M. Bourbeau: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que présentement il n'y a pas possibilité pour un jeune de faire son secondaire professionnel et de continuer au cégep professionnel facilement? Est-ce qu'il y a possibilité présentement d'entrer au secondaire... Je vais vous poser une autre question: Est-ce qu'un parent pourrait dire à son enfant: Tu veux faire un ingénieur, très bien, mais, plutôt que de passer par la filière générale, tu vas passer par la filière professionnelle et, après le secondaire III, tu vas opter pour le secteur professionnel et tu vas te rendre jusqu'à l'université pour faire un ingénieur? Est-ce que c'est possible présentement?

M. Ricard: À mon avis, non, puis la plupart des parents ne feront pas cette recommandation-là parce que leur raisonnement va se situer plus dans un esprit plus proche des valeurs libérales, si on veut, ou des valeurs qui se rattachent à tout l'ensemble des professions libérales, même si on a affaire au génie, par exemple. Ce qui fait qu'on se retrouve tout simplement à... Bon, moi, mon fils, je voudrais qu'il aille comme ingénieur, il faut que je l'envoie dans la voie scientifique au cégep et il faut qu'il ait des grosses maths au secondaire, il faut qu'il ait tous les cours de physique du secondaire. Mais si mon fils est manuel, qu'il apprend d'abord avec les mains et avec son rapport avec la matière plutôt que d'une façon intellectuelle, et qu'il fait son cheminement intellectuel par la suite, à ce moment-là il est bloqué. Alors que dans d'autres sociétés, si je prends l'Allemagne, par exemple, on peut faire ce cheminement-là, on peut lier la démarche d'apprentissage manuel avec la démarche d'apprentissage intellectuel. Mais il y a d'autres prérequis, il faut qu'on ouvre les liens entre la structure scolaire et la structure de l'entreprise. Il faut que l'entreprise et le niveau scolaire collaborent, ce qui n'est pas très fort ici, ce qui est plus développé d'ailleurs en Ontario J'ai fait une étude comparative avec l'Ontario où, au niveau cégep, au niveau collège, chaque département a un comité consultatif du milieu de l'entreprise. Ici, ça se situe au niveau national, c'est un peu aberrant.

M. Bourbeau: quand je vous ai posé la question tantôt, vous avez dit: non, ce n'est pas possible. est-ce que ce n'est pas possible parce que les parents ne prendront pas le risque d'envoyer leur enfant dans la filière professionnelle ou si c'est parce que le système, tel qu'il existe, nele permet pas?

M. Ricard: C'est les deux, parce que... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ricard: la structure ne le permet pas, mais la structure, aussi, est fonction de valeurs. ça fait qu'on a structuré un univers, nous autres, on s'est structuré un univers où, si tu veux aller à l'université, même si tu veux faire du génie, il faut que tu passes par la filière intellectuelle, tu ne peux pas passer par la filière plus manuelle. si on retourne dans les idéologies, on peut retourner loin en arrière, mais on est encore souvent poignes avec nos vieilles idéologies qui disent, bon, que c'est plus valorisant d'avoir une profession, d'aller à l'université et de faire une démarche intellectuelle qu'une démarche manuelle. comme je dis, dans d'autres sociétés, ce n'est pas le cas; c'est aussi valorisé. c'est là notre défi, c'est d'ouvrir les structures, mais à la fois aussi de valoriser la démarche manuelle qui va nous amener à la démarche technologique et au développement technologique. on ne fera pas du développement technologique juste avec notre tête.

M. Bourbeau: Mais des parents, évidemment, ça souhaite toujours que leurs enfants se rendent le plus loin possible. Supposons qu'un parent a un enfant qui dénote des habiletés manuelles très évidentes, peut-être pas autant d'habileté à apprendre sur le plan intellectuel de façon très rapide. Ces parents-là devraient normalement favoriser la filière professionnelle pour que l'enfant puisse obtenir une formation qualifiante. Mais on ne sait jamais, parfois, avec le temps, ça vient; les habiletés intellectuelles peuvent se développer et, à force d'apprendre, parfois on

prend goût à ces choses-là. Si la formation professionnelle est terminale au secondaire, s'il n'y a pas de passerelle vers le cégep, ça fait en sorte de décourager les parents; ils ne prendront pas le risque. Ils se disent: Mon enfant, même si, à un moment donné, ça débloque, if va être pris dans un cul-de-sac, il ne pourra pas s'en sortir. Pourtant, moi, je me suis fait dire qu'il y en avait, des passerelles, que c'était possible de faire un cours au secondaire et de continuer au cégep après. Vous semblez dire, vous, que c'est bouché, que c'est bloqué.

M. Ricard: Bien, c'est parce que les passerelles, elles sont petites de même. Ce n'est pas valorisé, il n'y a pas d'information qui circule. C'est le jeu des valeurs et le jeu de la structure.

M. Bourbeau: Mais oubliez le fait que ce soit connu ou non. Est-ce que c'est possible de le faire présentement? Est-ce qu'un élève peut partir du secondaire III, secondaire IV, filer jusqu'à l'université et devenir un ingénieur, seulement par la filière professionnelle? Vous m'avez dit non, tantôt. Êtes-vous sûr de ça?

M. Ricard: Bien, je ne vois pas comment, parce que, pour entrer, mettons, en électrotechnique, il faut un maths-534, il faut un chimie-x, un physique-y. Et c'est toutes les plus grosses, physique et chimie. Il ne peut pas passer tranquillement et le faire à son rythme. Ensuite, il tombe au cégep et, là, c'est tout concentré. Il y a aussi un autre aspect, c'est que ça va être très difficile pour lui s'il réussit à ouvrir la petite porte qui est là.

M. Bourbeau: D'après vous, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour corriger ça?

M. Ricard: Oh, tabamouche! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Est-ce que vous savez comment écrire ça, dans le Journal des débats?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duffy: Les taux de décrochage ont beaucoup augmenté à partir de ce qu'on a appelé la réforme Ryan au secondaire. C'est que des gens qui commençaient l'apprentissage de leur métier plus tôt, à une autre époque, maintenant, doivent attendre d'être rendus en quatrième secondaire et en cinquième, et les taux de décrochage se passent là. Les taux forts qu'on constate actuellement au secondaire, c'est surtout là qu'ils ont lieu. Comme l'expliquait tantôt Philippe, l'espèce d'apprentissage manuel qu'on favorisait, bien, on ne peut même pas se rendre jusque-là, il faut continuer l'apprentissage intellectuel, et c'est là que les taux de décrocha- ge sont forts, alors qu'on pourrait peut-être récupérer des gens sur le tard ou un peu plus tard. (20 h 45)

Mais au collégial, juste pour faire la contrepartie, la formation professionnelle n'est pas encore non plus extrêmement valorisée. Il y a beaucoup de parents aussi qui, quand ils ont un enfant d'âge du collège, vont hésiter avant de l'envoyer dans les génies, enfin, électrique ou mécanique. Pourquoi? Parce que, comme on disait tantôt, on n'a pas une culture de la science ni de la technologie; c'est péjoratif, ces choses-là. Alors, c'est très difficile de maintenir des programmes dans certains coins de la province, dans certaines régions, alors qu'eux peuvent continuer à l'université, eux ont des passerelles très ouvertes vers la Polytechnique ou vers les instituts supérieurs de technologie. Alors, c'est toute cette revalorisation de la formation professionnelle, aussi, au collège, qu'il faut faire. Actuellement, il y a une légère remontée, mais, comme vous avez dit tantôt - c'est juste - les chiffres des 10 dernières années nous montraient une baisse des inscriptions. On sait aussi que le développement et que les emplois se trouvent de ce côté-là, en très grande partie dans des secteurs qui ne trouvent pas à employer, étonnamment. Alors, cette revalorisation, elle commence à se faire au secteur collégial, mais on préconise aussi des campagnes beaucoup plus larges de publicité. On en voit actuellement à la télévision, mais elles ne s'appliquent que pour l'école secondaire, je crois, les métiers qu'on peut y apprendre. Au secteur collégial, c'est encore bien timide, toute cette promotion et cette revalorisation, ce changement des mentalités.

M. Bourbeau: Vous venez de parler du décrochage accru, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, à la suite de la réforme de l'enseignement professionnel. En fait, ce que vous ditez, si j'ai bien compris, c'est que, comme on a relevé la barre, il y a plus de monde qu'avant qui ne réussit pas à la passer. C'est comme si on avait fait un saut à obstacle, puis qu'on avait relevé l'obstacle, puis là, il y a plus de gens qui tombent. Par contre, ceux qui passent par-dessus, je présume, ceux-là sont mieux qualifiés qu'autrefois parce que les prérequis sont plus élevés. Êtes-vous capable de donner des statistiques sur l'augmentation du décrochage dû à ces règles nouvelles là? Avez-vous des études là-dessus?

M. Ricard: En fait, moi, je ne connais pas d'étude, mais, la semaine passée, on m'a demandé, à Radio-Canada, de donner mon avis là-dessus. Il n'y a pas juste ça, c'est qu'il y a toute une catégorie de jeunes qui se valorisent à travers le travail manuel. Le jour où tu leur enlèves la possibilité d'apprendre à partir d'un

certain âge à travers cette voie-là, tu leur fermes, en quelque sorte, leur horizon, d'une certaine façon. puis c'est ça qui est le grave problème. lors de cette émission-là, on soulignait que, chez les jeunes hommes, le taux de suicide était très élevé, un des plus élevés des pays développés, qu'on a le taux de décrochage le plus élevé des pays développés, qu'il y a moins de jeunes hommes au cégep et a l'université, puis là on essayait de savoir pourquoi. mais je pense qu'une des causes, puis ça ne date pas de longtemps, ça, cette histoire-là - je pense, mais je n'ai pas vu d'étude à date qui reprenait cette question-là... j'aimerais bien en faire une. c'est une question qui m'intéresse, oui. mais je n'ai pas de réponse.

M. Bourbeau: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

Mme Harel: Merci beaucoup, M. le Président. C'est fort intéressant, cet échange et le mémoire que vous nous présentez. J'étais contente d'entendre M. Ricard parler de jeunes hommes, parce que les statistiques sont trompeuses. M. Duffy, vous faisiez allusion, avec raison, au décrochage qui se situe autour de 40 %. Mais, dans les faits, c'est 60 % chez les garçons puis 30 % chez les filles. On me disait que les garçons étaient en train d'atteindre le niveau de fréquentation des années soixante, avant la Révolution tranquille, tandis que les filles sont en augmentation de fréquentation scolaire constante. Il y a autre chose derrière ça, là. Comme société, je pense bien qu'il y a sûrement quelque chose d'autre: un problème de modèle ou un problème d'identité. On ne peut pas avoir le taux de suicide le plus élevé au monde - ce n'est pas seulement dans les pays développés, c'est au monde, en fait - et, en même temps, un taux de décrochage aussi élevé chez les garçons sans qu'il y ait des raisons, certain.

Je reviens. C'est très, très, très intéressant parce que, ici, on ne peut pas jouer aux apprentis sorciers puis, en quelque part, on se bute à une sorte de résistance qu'on ne parvient pas à traverser, qui est la suivante: Est-ce qu'il faut dépasser la conception qu'il y a, d'un côté, le travail manuel pour les pas bons, puis le travail intellectuel pour les intelligents? Hein! Si on dépasse cette conception-là et qu'on dit que l'intelligence est répartie puis que la manière de connaître... il y a des façons cognitives, je ne suis pas très douée pour ça, mais il y a des manières de connaître, à savoir s'ils sont plus intellectuels ou plus manuels, mais que, finalement, c'est la même sorte de boîte crânienne qui se manifeste, alors on n'a plus la même conception. À ce moment-là, on ne fera pas, après secondaire III, professionnel pour des gens qui ne peuvent pas faire d'autres choses après. Là, c'est bien embarrassant. Elle était bonne, la question du ministre. Est-ce que le fait d'avoir relevé la barre, c'est une bonne ou une mauvaise chose? Ça a l'air d'être une bien mauvaise chose parce que ça a augmenté le nombre de décro-cheurs, mais, d'un autre côté, ça permet à ceux qui suivent la formation au secondaire de s'en aller peut-être au collégial. Alors, sortons de ça. Peut-être que c'est justement à poser des problèmes comme ça qu'on ne trouve pas de vraies solutions.

Je reviens avec la question de la page 29. Une fois que le secondaire III est fait, qu'est-ce qui arrive après? Là, vous m'avez rassurée quand vous m'avez dit qu'on peut passer du collégial professionnel à l'université, surtout que j'encourage ma fille à s'en aller au collégial professionnel, mais j'espère qu'un jour elle ira à l'université. Donc, là vous me dites qu'il n'y a pas de problème. On va en rester aux niveaux secondaire et collégial. Qu'est-ce qu'on fait après secondaire III? Est-ce que, après secondaire III, c'est comme des écoles de métier? Il y a des gens qui sont venus ici et qui avaient de l'expérience, qui avaient l'air de connaître ça pas mal, qui n'avaient pas d'intérêt à défendre ça plus que quiconque, et qui ont dit: II faudrait des vraies écoles de métier où il ne se fait pas d'enseignement général, où on apprend le métier, il ne faut pas que la culture soit un facteur de discrimination, et qui ont dit: La culture est un facteur de discrimination, parce que c'est un facteur de discrimination... C'est une question de valorisation sociale. Les enfants ne font plus ce que les parents veulent. Les enfants font ce que leurs pairs, entre eux, décident de faire. C'est une question de valorisation et ça, on n'en sortira pas, comme société. Alors, comment fait-on? Des écoles de métier après secondaire III ou bien un enseignement général riche de chimie, physique, mathématiques? Moi-même, je ne suis pas certaine, je ne pense pas que j'aurais pu finir mon secondaire V avec tout ce qu'il y a comme exigences actuellement et, pourtant, j'ai 22 années de scolarité Dans le contexte actuel, je pense que j'aimerais mieux faire du latin que des mathématiques. J'ai fini ma carrière de mathématiques avec 11 % en belles-lettres, mais on pouvait remplacer ça par de l'histoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Non, mais je veux dire, je ne veux pas me présenter comme un cas, mais il y a quand même que les temps ont changé, et une chance que je suis d'une autre génération.

Mais je reviens avec vous: Qu'est-ce qu'on fait après secondaire iil? Si on veut vraiment que les passerelles... C'est beau, là, mais, concrètement, pour que les passerelles aient lieu, pour qu'il y ait une passerelle entre le secon-

daire et le collégial, comment s'organise-t-on? Est-ce qu'on offre une école de métier juste pour le métier et, si les gens veulent aller au collégial, ils iront faire leur général? On n'en sort pas.

M. Duffy: si je peux me permettre un début de réponse. au fond, on se retrouve avec le problème suivant, à court ou à moyen terme: si les gens n'ont pas, en plus de cette formation du métier qui va peut-être être très utile tout de suite... quand on voit les fermetures d'usines actuellement, on en voit tous les jours à la télévision et on voit des employés qui ont 20, 25 ans de travail dans ces usines et qui nous disent: parce qu'on n'est plus capables de lire les nouvelles machines... alors, il y a aussi toute la conception de la société, de l'entreprise qui ne perfectionne pas son monde et qui ne lui permet pas de progresser. là-dessus, on pense qu'il faut qu'il y ait des interventions très sérieuses qui soient apportées.

Mme Harel: C'est vrai.

M. Duffy: On peut former quelqu'un dans une école de métier, avec une formation générale, je pense qu'elle est absolument aussi indispensable pour lui permettre de continuer à apprendre, quitte à ce qu'elle soit adaptée, ajustée, enfin souple, mais sans elle, comment pourront-ils continuer à lire et à apprendre? Tout se fait sur ordinateur maintenant, alors il y a des gens qui sont tout de suite décalés dès qu'ils sortent d'une école de métier parce que...

Mme Harel: Mais, M. Duffy, en même temps, on dit que les exigences qui ont été haussées en 1987 sont un des facteurs du décrochage. Est-ce qu'il faut conclure qu'il faut baisser les exigences?

M. Duffy: Moi, comme pédagogue, parce que je suis d'abord un enseignant et que j'aime beaucoup ça, vous me mettez dans un paradoxe terrible; jamais je n'accepte de dire que je baisse mes exigences. Cela dit, est-ce qu'on cale des gens pour toujours? Parce que, bon... Il y a des apprentissages qui se font plus tard, qui se font autrement. Je veux dire, Proust a commencé à écrire à 35 ans. Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Mais là, c'est effectivement très délicat.

Si on rebaisse la barre à nouveau, est-ce qu'on aurait nécessairement des taux de passage ou de raccrochage plus élevés? Ce n'est pas nécessairement sûr non plus. C'est parce qu'il y a des problèmes de société qui entourent tout ça aussi. Il y a une misère intellectuelle et morale qui est grande chez les jeunes actuellement.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Joly): M. Ricard, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Ricard: oui. j'aurais peut-être une réflexion là-dessus. je ne sais pas où elle peut nous mener, mais... je suis aussi professeur dans un domaine technique qui s'appelle techniques de recherche, enquête et sondage. c'est un peu particulier comme techniques. on a des grosses maths, on a statistique 337 puis 437, des grosses patentes de même, et les élèves ont beaucoup de difficultés à passer à travers parce que c'est lourd. j'ai remarqué une chose, c'est qu'à un moment donné, dans un cours que je donne, on reprend toutes les mathématiques qu'ils ont vues et qu'ils ont eu beaucoup de difficultés à passer, mais on les reprend dans le contexte de la profession. on les reprend et ils manipulent les choses. ils vont manipuler le papier, ils vont manipuler les ordinateurs, ils vont manipuler les différentes techniques qu'ils ont apprises dans le cours de mathématiques donné par le prof de mathématiques.

Mais tout à coup, il y a un éclair qui se passe, il y a une grosse différence entre donner le cours général de mathématiques et le donner en fonction et dans le cadre de la profession. D'abord, la motivation est là, ils saisissent pourquoi ils le font. S'ils ne saisissent pas pourquoi dans l'immédiat, ça ne va pas plus loin et, à ce moment-là, ils décrochent dès le point de départ. C'est ça, l'avantage du professionnel sur le général pour passer certaines choses, c'est que tu peux manipuler et, à ce moment-là, ça te motive. Même s'ils vont se perfectionner plus tard, habituellement, ils sont là pour avoir une job et pour jouer un rôle dans la société dans un avenir très immédiat, pas dans 5,10 ans.

La même chose au secondaire. Par contre, à travers mes évaluations de programmes, je me rends compte que ce qui arrive, c'est que même s'ils disent: Je vais avoir une job dans deux ans, au bout de deux ans, ils continuent à se perfectionner à d'autres niveaux. Mais la différence est fondamentale entre l'approche à travers la manipulation et l'approche à travers la théorie.

Mme Harel: Alors, vous me confirmez une chose. C'est peut-être en cherchant à l'extérieur des modèles qu'on connaît maintenant, c'est-à-dire dans un modèle d'intimité entre l'entreprise et l'école, c'est-à-dire dans un modèle d'apprentissage dans l'entreprise, c'est peut-être là qu'on trouverait à faire la jonction entre le cours général qui, lui, va continuer d'être de niveau assez enrichi, mais, en même temps, l'apprentissage professionnel qui va donner un sens à ce qui est appris. C'est peut-être là, finalement.

Une chose avant de vous quitter, parce que le Président va peut-être m'interrompre. Vous parlez, dans votre mémoire, de démantèlement. J'avais noté ça, je ne me rappelle plus, je m'excuse, à quelle page. Vous citez un directeur

de Rosemont, je pense, du cégep de Rosemont, qui assistait à une rencontre en janvier 1991. Je pense que c'est à la page 10; c'est bien ça, oui. Vous dites que M. Gribeauval, directeur général du collège de Rosemont, disait qu'il fallait continuer de relever les défis, sinon ça pourrait conduire au démantèlement du réseau actuel et à la création d'établissements destinés uniquement à la formation technique et professionnelle. Vous savez que c'était prémonitoire, parce que ça semble être un des scénarios que le ministère de l'Éducation étudie présentement, au moment où on se parle. Est-ce que vous avez été informé de ça? Est-ce que vous suivez ça, M. Duffy?

M. Duffy: Oui, justement. On est intervenu dans les médias, la semaine passée, pour témoigner de notre inquiétude devant ces rumeurs-là. Et nous, on a l'Impression que le réseau, actuellement, au lieu de chercher à le défaire, on devrait plutôt chercher à le redéployer en l'améliorant. Il a beaucoup de richesses et beaucoup de qualités, beaucoup de compétences aussi à offrir. On a l'impression que si on revient 25 ans en arrière, on ne sera guère plus avancés. Et quand on parle d'intégrer formation générale et professionnelle, évidemment, c'est à un autre niveau que ce qui se passe au secondaire comme problématique. Mais je pense que M. Ricard, tantôt, le disait bien; on essaie de faire en sorte que cette formation fondamentale, comme on l'appelle de plus en plus maintenant, au fond, soit là pour permettre aux jeunes de continuer à bâtir sur cette formation-là. C'est vraiment le fondement de la maison. Et sur ce fondement solide qui lui permet d'analyser, de synthétiser, de lire et d'écrire correctement, on va bâtir les connaissances plus pointues.

Mme Harel: Faites-vous de la grammaire au cégep?

M. Duffy: Bien sûr qu'on en fait, et on corrige aussi énormément de textes.

Une voix: En physique. M. Duffy: Oui.

M. Bourbeau: ...lire le Journal des débats, vous allez avoir du travail de correction...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duffy: Mais ça nous inquiète, effectivement, parce qu'on se dit, finalement, que le Québec de 1992 est quand même plus avancé que celui de 1960. Est-ce que les journalistes qu'on forme maintenant, est-ce que les médecins qu'on forme maintenant, est-ce que les politiciens qu'on forme maintenant sont moins articulés, moins bons, moins instruits que ceux qu'on formait il y a 25 ans? Je n'en crois rien, per- sonnellement. Et je pense que les jeunes sont, pour la plupart d'entre eux, très stimulants, très ouverts, très différents de ce que nous, on était, beaucoup moins homogènes, beaucoup moins uniformes. Ils ont des expériences de vie et de travail très diversifiées. Ils voyagent. Ils n'ont pas à répéter nécessairement ce que le prof leur raconte et à l'écrire par coeur. Il y a toute cette conception-là, neuve et stimulante, dont on ne parle jamais. On aurait aimé en parler, mais on a parié plutôt des problèmes où ça pose... On parte des 40 % en difficulté, mais on parle rarement des 60 % qui seront porteurs, demain, de ce que nous serons.

Mme Harel: Le décrochage au niveau collégial, il est important également. On n'en parle presque pas.

M. Duffy: II est aussi important en termes numériques que celui dont on parle au secondaire, sauf que les jeunes ont au moins un diplôme d'études sedondaires, encore que ça soit fragile comme lancement dans la vie. Mais les taux varient aussi autour de 35 à 40 %.

Mme Harel: Autant au professionnel qu'au général, ou si c'est différent?

M. Duffy: C'est plus élevé, là aussi, au professionnel.

Mme Harel: Est-ce que des facteurs ont été étudiés? Est-ce que c'est, par exemple, un mauvais choix de carrière?

M. Duffy: Bien, là, dans les indicateurs de performance qu'a publiés le gouvernement il n'y a pas si longtemps, on note des chiffres, malheureusement, et on n'a pas ces études qui nous donneraient les raisons profondes derrière ces décrochages. Il y a sûrement des raisons socio-économiques. Il y a sûrement de mauvaises orientations. Il y a sûrement des gens qui découvrent que c'est très exigeant, tout à coup, les techniques ou les technologies professionnelles. Tantôt, M. Ricard faisait état qu'il y a des mathématiques, des programmes dans la chimie industrielle qui sont souvent plus difficiles que pour quelqu'un qui va prendre les sciences de la santé pour aller en médecine. Mais ça, ils ne le savent pas toujours. Alors, c'est dans ce sens-là que, quand on parle de revalorisation de ces secteurs, il faut commencer au moment où ils sont au secondaire et qu'ils sachent à quoi s'en tenir quand ils vont prendre ces disciplines-là, que ce ne sera pas un pis-aller ou quelque chose de négatif ou de facile parce que ça s'appelle technique, mais que ça va être quelque chose d'exigeant et de stimulant.

Et chez nous, aussi, il y a les filles qui envahissent les secteurs de pointe. En santé, en sciences pures, c'est les filles qui sont souvent

les premières et les plus nombreuses dans ces secteurs-là, comme ça se passe à l'université, aussi, de plus en plus.

Le Président (M. Joly): Mme la députée, s'il vous plaît, en conclusion.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Déjà, hein! Quand c'est intéressant, ça passe vite, hein?

Mme Harel: C'est ça.

Mme Bleau: Juste une question...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Quand vous dites que les filles envahissent, est-ce que vous le déplorez ou si vous...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ils constatent.

M. Duffy: Pas du tout, madame.

Mme Bleau: Bien.

M. Duffy: D'ailleurs, dans notre mémoire, on fait aussi allusion à tout ce problème de l'équité en emploi et on voudrait, justement, qu'il y ait la démythification des candidatures, autant dans les secteurs professionnels que dans le secteur général. Au contraire, on en est très heureux.

Mme Bleau: Bien.

M. Joly: Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: II y a des comparutions qui sont plus intéressantes que d'autres. Parfois, quand la soirée est avancée, on trouve que c'est moins intéressant que le matin de bonne heure. Mais là, je dois rendre hommage aux gens qui nous visitent, de la Fédération autonome du collégial. C'est une des bonnes présentations qu'on a entendues, à mon avis, depuis le début de la commission. Vous avez fait un excellent mémoire, et on sent, à vous entendre, que vous avez une connaissance non seulement théorique, mais pratique des problèmes vécus dans les milieux d'enseignement. Et vous avez une approche tout à fait réaliste des problèmes.

Une voix: Rafraîchissant.

M. Bourbeau: Moi, je suis tout à fait content de vous avoir entendus.

Mme Harel: ...enseignement, avec l'éducation.

M. Bourbeau: On me souffle le mot «rafraîchissant», donc je vais le donner. Et je peux vous dire qu'en ce qui me concerne, il n'est pas impossible qu'on reprenne contact avec vous éventuellement pour peut-être pousser un peu plus la réflexion sur ces sujets-là puisque vous avez une connaissance tellement approfondie de ce problème-là et une vision des choses qui est extrêmement intéressante. Merci.

Le Président (M. Joly): alors, moi de même, au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir de vous remercier. la commission ajourne ses travaux à demain, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 21 h 5)

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