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(Quinze heures cinquante-deux minutes)
Le Président (M. Joly): Alors, bonjour et bienvenue
à cette commission. La commission des affaires sociales se réunit
afin de procéder à une consultation générale et
tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui. Mme Cardinal (Château guay) est
remplacée par Mme Bleau (Groulx); Mme Juneau (Johnson) est
remplacée par M. Léonard (Labelle); Mme Marois (Taillon) est
remplacée par Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve); et M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témis-camingue) est remplacé par M. Gendron
(Abitibi-Ouest).
Le Président (M. Joly): Merci, M. le secrétaire.
Alors, déjà je vois... Aujourd'hui, nous allons entendre le
Centre de formation en entreprise inc., l'Université de Montréal,
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec,
l'Association des technologistes agro-alimentaires inc., et finalement, la
Fédération autonome du collégial.
Alors, je vois que M. Montplaisir, représentant le Centre de
formation en entreprise, a déjà pris place. Je dois aussi vous
aviser que, au préalable, M. Montplaisir a eu l'autorisation de se
servir de l'équipement que vous voyez ici, et ce, afin de faciliter sa
présentation. M. Montplaisir, vous avez une quinzaine de minutes pour
nous faire votre présentation, et, par après, les parlementaires
échangeront avec vous. À vous la parole, M. Montplaisir.
CFE
M. Montplaisir (Yves): Je vous remercie, M. le Président.
Tout d'abord, j'aimerais également remercier les membres de la
commission, ainsi que le ministre Bourbeau, de donner l'occasion à mon
entreprise et à moi-même d'émettre notre point de vue
concernant la Loi sur la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre.
Je dirais tout d'abord que je pense que c'est un projet de loi
excessivement important quand on parle de formation au Québec, et je
pense que dans le cadre, effectivement, de la mondialisation des
marchés, ça devient même, je dirais, une priorité
à ce niveau-là. Donc, c'est un petit peu dans cet
esprit-là que... C'est d'ailleurs une des raisons importantes pour
lesquelles, nous, on s'est présenté ici.
Tout d'abord, je dirais que, pour nous, notre clientèle,
principalement, se recrute surtout au niveau des PME. Lorsqu'on a fait la
lecture du projet du ministre, on s'est posé plusieurs questions sur la
façon dont les PME, qui étaient nos clients et puis avec lesquels
on avait des contacts, pourraient bénéficier de ce projet de loi
là. Et, de ce point de vue là, je dirais que compte tenu du fait
également qu'on a eu l'occasion dans le passé de réaliser
certains contrats pour des corporations professionnelles, on s'est rendu compte
aussi d'un certain désarroi au niveau des individus. Qu'ils soient
professionnels ou non, je crois que ça ne changeait rien. On a
travaillé avec l'Ordre des ingénieurs du Québec, la
Corporation des administrateurs agréés du Québec
également, ainsi qu'avec l'Ordre des infirmières auxiliaires du
Québec aussi. ce dont on se rend compte, c'est qu'il y a vraiment un
problème. disons il y a eu d'autres corporations avec lesquelles on a eu
des contacts sans nécessairement avoir des contrats. ce qui ressort, je
dirais, de la problématique qui découle de tout ça, c'est
que, finalement, les parents pauvres de la formation, si je peux dire, ce sont
les individus, peu importe leur niveau de qualification, et les pme. moi, c'est
l'opinion que j'émets et c'est un peu aussi l'objectif de la
présentation que je vais vous faire puisque vous allez pouvoir...
d'ailleurs, à l'annexe a... vous allez le voir, à la page 6, que
j'ai reproduite chez moi sur acétate, afin de pouvoir mieux expliquer
les difficultés que peuvent entraîner, entre autres, la
planification et la gestion de la formation continue à
l'intérieur d'une entreprise et ce, particulièrement pour une
pme, parce qu'on voit tout de suite les difficultés que ça peut
entraîner. alors, si je peux ouvrir l'appareil.
Tout d'abord, je dirais, quand on regarde... Le premier point qui est le
plus important, au départ, dans l'étape 1, c'est le diagnostic
des besoins d'apprentissage qu'on voit ici. Finalement, je vous fais
grâce des détails de chacun des points. Je pense que c'est surtout
pour situer la démarche et pour mieux vous exprimer, peut-être,
dans quel cadre ça se situe. Ça se situe à
l'intérieur de la première étape qu'on fait normalement
dans les entreprises au niveau du diagnostic des besoins de formation, qui est
à cette étape-là. C'est suivi ensuite de l'étape 2,
qui est la sélection de l'activité de formation continue; de
l'étape 3, la réalisation de l'activité
de formation continue ainsi que de l'étape 4, qui concerne toutes
les étapes de suivi qui vont suivre, par exemple, une activité de
formation dans l'entreprise.
Donc, revenons au point 1.3, qu'on retrouve ici. Ce point, finalement,
résulte d'un écart, c'est-à-dire d'un écart entre
la situation problématique, qu'on pourrait appeler actuelle et/ou
anticipée, comme par exemple... Ça peut souvent être des
situations qui découlent de changements technologiques dans
l'entreprise. Ça peut être de nouveaux marchés qu'il va y
avoir dans l'entreprise. Il peut y avoir une foule de facteurs que je n'ai pas
l'intention d'énumérer ici, mais que vous connaissez aussi bien
que moi, et qui peuvent, finalement, occasionner des changements importants au
niveau de l'entreprise.
Mais on sait très bien que ce ne sont pas tous les besoins de
changements qui sont des besoins de changements qui concernent l'individu. Il y
a aussi des besoins de changements qui concernent spécifiquement
l'organisation, que ce soit au niveau des politiques organisationnelles ou des
procédures organisationnelles dans l'entreprise. C'est là qu'on
retrouve le premier problème qu'on va retrouver habituellement surtout
dans les PME, et qui va finalement faire en sorte que...
Étant donné que dans les PME, en général, il
n'y a pas de responsable de la formation en tant que tel qui va avoir à
ne s'occuper que de ce mandat-là, on va se retrouver avec le
phénomène de ce que j'appelle l'homme-orchestre ou la
femme-orchestre. Cette personne-là va avoir, entre autres, le mandat de
la formation. On va retrouver également les relations de travail et on
va retrouver la santé et la sécurité au travail.
Finalement, cette personne-là éteint des feux constamment dans
l'entreprise, que ce soit avec le dossier de formation, que ce soit avec le
dossier au niveau des relations de travail, que ce soit au niveau de la
santé et sécurité au travail. donc, on ne peut pas dire
que l'entreprise peut vraiment compter sur quelqu'un qui va être capable
do gérer ca procossus do diagnostic là do façon efficace
et surtout de distinguer et d'encadrer, entre autres, les consultants
lorsqu'ils vont intervenir dans l'entreprise, ce qui entraîne souvent des
problèmes importants. je le sais parce que je le vois à
l'occasion quand je rencontre des entreprises. ce qu'on nous dit souvent
après avoir fait d'autres démarches de diagnostic avec d'autres
consultants, c'est qu'on n'a pas, lorsqu'on a fait le diagnostic,
informé les gens dans l'entreprise que ce n'était pas la
formation qui réglerait leurs problèmes, mais que c'était
plutôt des changements dans les procédures ou dans les politiques
de l'entreprise. ça, quand ce n'est pas dit, ça crée des
attentes chez les employés et, finalement, ça désengage
les gens dans le processus de formation. comme habituellement les consultants
arrivent pour une période de courte durée, peut-être d'un,
deux ou trois mois, on se retrouve dans une situation où les entreprises
ne développent pas vraiment une autonomie au niveau de la gestion de la
formation.
Donc, moi, je dirais qu'une des choses que je constate - puis vous allez
voir avec les autres points que je vais mentionner tantôt - c'est que,
finalement, ce peu de formation dans l'entreprise, dans les PME surtout, je
pense que c'est surtout dû, en fait, au fait qu'ils n'ont pas de service
de formation à l'interne. D'ailleurs, dans le mémoire que j'ai
présenté, j'avais mentionné que je suggérais au
ministre de peut-être envisager l'utilisation de services externes sur
une base continue pour les entreprises. En tout cas, je reviendrai
peut-être plus loin là-dessus, mais ce serait une des solutions
qui pourraient être intéressantes pour régler ce
problème-là, entre autres.
Au point 1.4, là, ça touche un autre problème, une
autre difficulté qui est importante, qui ne concerne pas juste les PME
mais qui les touche également. C'est la spécification des
objectifs d'apprentissage dans l'entreprise lorsqu'on fait le diagnostic.
Souvent, les individus dans l'entreprise vont se retrouver dans une situation
de fait accompli. C'est-à-dire que l'entreprise va dire: Bon, nous, on
enclenche un processus de changements, et vous devez vous y adapter. (16 h 00)
le problème, c'est que quand on veut faire des activités de
formation dans un contexte comme celui-là, on se retrouve dans une
situation où la personne n'est pas intéressée à
suivre l'activité de formation et elle est obligée de la faire.
ça, pour ceux qui sont familiers avec ces problèmes-là,
ils savent très bien que c'est un des obstacles majeurs dans lesquels on
se retrouve lorsqu'on veut faire en sorte que les individus enclenchent un
processus de changements individuels pour permettre la réalisation
d'apprentissages.
Donc, la partie motivation, la partie impli cation dos individus dans
l'entroprlse pour, justement, participer à l'élaboration de leur
propre objectif d'apprentissage, c'est quelque chose d'excessivement important,
et qui est, en fait... Justement, comme je disais tantôt, étant
donné que dans les PME il n'y a pas vraiment de service de formation,
encore une fois on se retrouve avec le même problème qu'on
retrouvait tantôt, mais cette fois-là au niveau de la gestion
individuelle du développement professionnel dans l'entreprise.
Un autre point important, une autre difficulté à ce
niveau-là, c'est qu'on retrouve également, comme je le disais
tantôt, un autre problème. Ce problème-là, cette
fois-ci, touche davantage une étape de la sélection de
l'activité de formation continue comme telle dans la deuxième
étape, mais je l'aborde maintenant, parce que ça explique
pourquoi il est important
de faire participer les gens à l'élaboration de leur
objectif d'apprentissage. Par exemple... Même pour l'entreprise, c'est
important de vraiment maîtriser ce processus-là.
La raison en est simple. C'est qu'on se retrouve souvent face à
de la publicité - je ne dirais pas trompeuse - de la part des
fournisseurs d'activités de formation. Je ne veux pas m'attirer des
flèches, là, mais il reste une chose, c'est qu'habituellement, et
ça je l'ai retrouvé beaucoup quand j'ai travaillé avec les
corporations professionnelles, ils sont inondés de dépliants, de
toutes sortes d'activités, et ils ne s'y retrouvent absolument pas.
Pourquoi? Premièrement, c'est parce qu'eux-mêmes n'ont pas de...
Ils ne maîtrisent pas souvent le processus, où ils ne disposent
pas d'un processus standardisé de diagnostic et d'élaboration
d'objectifs. Donc, ce qui se produit, c'est que sur le marché, tout le
monde parle un langage différent. Donc, c'est un petit peu, comme je
pourrais dire, l'anarchie.
Alors, les gens, surtout dans les corporations, et c'est la même
chose chez les entreprises, se retrouvent avec le même problème.
C'est qu'à un moment donné - d'autant plus si c'est des PME parce
que là ils n'ont pas de service de formation pour être capable de
juger de ce qui leur est offert - on se retrouve dans la situation suivante,
qui est un petit peu comparable - il me reste quatre minutes, bon, O.K. merci -
à ce qu'on a retrouvé à l'époque de l'informatique
lorsque ça s'est introduit dans les entreprises où il y avait un
fournisseur qui arrivait et qui disait: Moi je peux vous founir tout ce dont
vous avez besoin. Donc, les gens ne choisissaient pas des équipements
spécifiques en fonction de leurs besoins, mais plutôt des
fournisseurs. Là, on se retrouvait avec une foule de problèmes
dans les entreprises avec des équipements qui n'étaient pas
optimum par rapport aux besoins de l'entreprise.
Moi, je dirais que par rapport à la formation, c'est un peu le
même problème. Les entreprises en général vont
choisir plus un fournisseur avant de choisir une activité, parce qu'il
n'est pas possible de comparer les activités. Si vous prenez un cours de
WordPerfect donné par un cégep X ou une commission scolaire Y,
essayez de savoir lequel est le meilleur. Je mets au défi n'importe qui
de le savoir avant de suivre l'activité. Ce n'est pas possible.
Donc, il y a un problème que je vois pour que, effectivement, il
y ait un accès à l'information qui permettrait aux entreprises de
vraiment bénéficier d'une certaine forme de standardisation au
niveau de l'information sur les activités de formation disponibles sur
le marché. Ça, entre autres, ça permettrait de distinguer,
au niveau des objectifs, entre connaître une technique, par exemple, qui
est un objectif quand même assez général, et appliquer
cette même technique-là. C'est quand même deux objectifs de
niveaux très différents, mais quand on sait que les entreprises
préfèrent souvent des objectifs de type appliquer plutôt
que des objectifs de type connaître, on se rend vite compte qu'elles
peuvent facilement être induites en erreur pas par une mauvaise
volonté, mais souvent par un contexte qui favorise ça au niveau
du marketing des activités de formation. Donc, moi, je trouve que c'est
important. C'est un point qui m'apparaît important. Je vais aller
rapidement. Ça va vite, 15 minutes.
Pour aller rapidement, je vous dirais... On passerait à
l'étape suivante, l'étape 2, la sélection de
l'activité. Ici, le principal problème qu'on va retrouver,
ça va être, je dirais, encore une fois, le manque d'outils qui va
permettre à l'entreprise et à l'individu aussi qui va avoir
à choisir une activité en fonction de son objectif... Là,
il faut bien se mettre dans la démarche, si la personne et l'entreprise
ont collaboré à l'élaboration d'objectifs. Ils sont
clairs, ils sont sûrs de leur coup, et ils s'enlignent dans cette
direction-là.
Cependant, là où il y a un autre problème, c'est,
je dirais, dans la sélection et le choix des méthodes et des
techniques d'apprentissage associées à chaque objectif.
Là, on se retrouve dans un autre problème, c'est-à-dire
qu'on manque carrément d'outils. Si, par exemple, vous voulez
connaître telle ou telle technique, bon, vous allez arriver avec telle ou
telle méthode, par exemple, d'apprentissage, que ce soit dans un cours
magistral... C'est la méthode qu'on connaît le plus. Par contre,
si on veut appliquer une technique, peut-être qu'à ce
moment-là la simulation va être une technique d'apprentissage qui
va être plus appropriée. Donc, on n'est pas au même niveau,
on n'est pas dans le même type de stratégie d'apprentissage.
Ça, ça devient excessivement important pour les entreprises
d'être autonomes et d'avoir, je dirais, une certaine indépendance
dans ce choix-là. Ça ne veut pas dire qu'elles vont tout faire
toutes seules, mais ça veut dire qu'elles vont être capables de
questionner les fournisseurs sur les objectifs qui leur sont offerts et sur les
méthodes et les techniques qu'elles sont en mesure de leur offrir.
Ça, ça peut vraiment permettre une comparaison des
activités et une meilleure efficacité des activités
à l'intérieur de l'entreprise. Écoutez, je ne veux pas...
C'est terminé?
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais à
conclure, s'il vous plaît.
M. Montplaisir: Pardon?
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais à
conclure.
M. Montplaisir: Bon, je vais conclure. J'en avais encore, mais je
vais arrêter.
Donc, moi, ce que je dirais, c'est qu'en définitive ce qui est
important, c'est de vraiment bien comprendre que les PME sont très
démunies
par rapport à la formation. Dans mon mémoire, je
mentionnais, entre autres, un des outils qui pourrait les aider beaucoup, mise
à part la standardisation des informations sur les diverses
activités offertes par différents fournisseurs. Il reste qu'il y
a également toute la dimension, pour les entreprises, d'avoir
accès à des services de formation externes sur une base continue
et permanente. Ce qui pourrait être intéressant, entre autres,
ça serait de créer une certaine forme de maillage sur une base
permanente qui permettrait, sous une forme d'accréditation ou autre de
la part, soit des commissions de formation professionnelle ou autres, de
vraiment créer, je dirais, une relation à long terme entre, par
exemple, ces services-là, qui sont à l'externe, et les
entreprises d'une région ou dans un domaine d'activité
précis. Alors, c'est tout, M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Montplaisir. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, étant donné
que nous formons une équipe unie et dynamique, je vous demanderais de
reconnaître mon adjoint parlementaire, le député de
Salaberry-Soulanges, qui voudrait poser quelques questions.
Le Président (M. Joly): Certainement, M. le ministre. M.
le député de Salaberry-Soulanges, s'il vous plaît.
M. Marcil: Merci, M. le Président. M. Montplaisir, je vous
ai écouté attentivement. Vous avez présenté, dans
le fond, une approche... Probablement, c'est le plan de travail que vous
présentez parce que l'on fait appel à vous au niveau d'une
entreprise pour essayer d'identifier des besoins de formation au niveau de
l'entreprise.
Si on revient à l'énoncé de politique
créant, justement, cette Société de formation de la
main-d'oeuvre, vous dites, vous, du moins dans la plupart de vos commentaires,
que les petites PME n'auront peut-être pas leur place au niveau de cette
Société, que le monde du travail non syndiqué
également n'aura probablement pas sa place dans cette structure, et vous
vous proposez comme étant un peu, dans le monde de formation
privée, le représentant, comme si vous pouviez un petit peu
être le représentant.
Vous ne mettez pas en doute, là, mais vous trouvez que le secteur
public a beaucoup trop de place au niveau de cette Société par
rapport au secteur privé et, dans vos recommandations, vous dites que,
d'une part, les entreprises privées de formation comme la vôtre
devraient avoir la possibilité de compétitionner au même
titre que l'entreprise publique qui est représentée par nos
institutions, que ce soient les écoles de formation secondaire,
collégial ou même universitaire. Vous dites également qu'on
devrait remplacer les
CFP actuelles par votre réseau. J'aimerais vous entendre...
J'aimerais savoir quelles sont les raisons profondes de ces
propositions-là. Je sais que vous êtes une entreprise à but
lucratif, naturellement. Vous avez le droit de vivre comme tout le monde.
Est-ce que le réseau actuel n'aurait pas les moyens, les outils
nécessaires pour intervenir au niveau de la formation? Comment on
pourrait vous situer, en termes d'entreprise privée, dans la...
M. Montplaisir: Dans le réseau.
M. Marcil: ...démarche, si vous voulez, de formation
versus le réseau d'enseignement public et l'entreprise?
M. Montplaisir: Tout d'abord, je vous dirais que pour moi,
effectivement, la situation actuelle pose certains problèmes. Je pense
que vous avez déjà eu et entendu, entre autres, M. Le Hir, qui
était déjà venu ici, qui avait mentionné les frais
importants d'administration du système actuel. Je pense que d'ailleurs
il avait cité 40 %, d'après ce que j'avais lu
précédemment.
Il y a aussi un autre problème. Je dirais que c'est au niveau de
ta décentralisation et de l'effet. Je me dis que tant qu'à faire
un changement à la loi, tant qu'à faire des changements profonds
au niveau de la formation professionnelle au Québec, pourquoi ne pas en
profiter pour vraiment donner plus aux gens qui travaillent avec ces
entreprises-là, c'est-à-dire donner l'occasion, tant qu'à
faire un changement... Lorsque, par exemple, nous, on intervient avec une
entreprise dans le cadre du plan de soutien de la formation à
l'entreprise, qui est un autre programme, mis à part le crédit
d'impôt pour lequel on est accrédité, ce que je peux vous
dire c'est que quand on rentre dans une entreprise, dans une PME, et qu'on leur
mentionne qu'ils ont accès à 75 % de subvention dans le cadre du
PSFE, et que dans le crédit d'impôt ils ont seulement 50 % ou
à peu près dépendamment du niveau, s'ils sont
considérés comme une grande ou une petite entreprise, on se
retrouve dans une situation où on n'a pas vraiment l'impression qu'on va
pouvoir faire plus avec la réforme. Ça, c'est l'impression que
j'ai eue en lisant le projet.
L'autre problème que j'ai eu en lisant le projet, c'est que, pour
moi, les clients, qui sont les entreprises, qui sont les individus avec
lesquels je vais travailler à l'occasion au niveau des corporations
professionnlles, par exemple, j'essayais de voir ce que je pourrais faire de
plus avec ces changements-là. C'était ça, ma
préoccupation. Je ne dis pas que ce n'est pas possible que ce soit fait
dans le cadre du projet, sauf que ma préoccupation, à moi,
c'était, en venant ici, peut-être de vous donner l'opinion d'une
personne - sans me dire représentatif du privé, je pense qu'il y
en a d'autres qui le sont plus que moi... Il reste que je voulais surtout
émettre une opinion en fonction des difficultés qu'on
retrouve sur le terrain, des améliorations que, moi, tant qu'à
faire des changements, je proposerais bien humblement. Il reste qu'on a tous
droit à notre opinion, alors, de ce point de vue, je pense
qu'effectivement c'est important d'avoir l'occasion de le faire.
Par rapport au secteur public, ce qui m'a beaucoup agacé dans les
années passées - et je ne suis pas le seul, je pense - c'ost
qu'on s'est retrouvés dans une situation où,
systématiquement, le secteur public était
privilégié. On retrouve ça également dans le projet
actuel et, pour moi, ça pose un problème. Ça me pose un
problème parce que, moi, je me dis, d'une certaine manière, je
pense qu'ils ont leur place, effectivement, mais je pense qu'il n'y a rien de
mieux pour vraiment accroître l'efficacité des activités de
formation dans les entreprises qu'une saine concurrence.
D'ailleurs, nous-mêmes on est également
accrédités, comme je le disais tantôt, pour le
crédit d'impôt à la formation. On l'est également
pour faire des activités de formation sur mesure. Donc, quand il y a une
problématique, quand il y a un problème spécifique au
niveau des entreprises, on aime pouvoir le faire. Mais il reste une chose,
c'est qu'on se retrouve actuellement dans une situation, avec le présent
projet, qui, d'une certaine manière, reconduit, je dirais, le
préjugé favorable au secteur public. Ça, pour moi,
j'aurais préféré l'instauration d'une saine concurrence,
équitable pour tous, où tout le monde peut avoir sa chance de
faire sa place au soleil sur une base égale.
M. Marcil: Dans l'énoncé de, politique, à la
page 60 justement, parce qu'on l'indique: «Lorsqu'une entreprise
contracte avec un formateur pour des activités de recyclage, de
perfectionnement de la main-d'oeuvre dans son emploi, cette entreprise conserve
le choix du formateur.» Donc, on admet ou on crée, si vous voulez,
le principe de la libre concurrence. On a reçu, ici en commission,
également, des représentants de la Fédération des
collèges, des commissions scolaires, qui, eux aussi, venaient nous dire
un petit peu le contraire de ce que vous avancez, dans le sens qu'eux nous
faisaient voir qu'on allait davantage développer des entreprises de
formation privées au détriment du secteur public pour lequel le
gouvernement investit quand même des sommes considérables. On
parle de milliards, on ne parle pas seulement de millions. (16 h 15)
Je vous trouve quand même assez innovateur lorsque vous
recommandez de créer et de financer un réseau de consultants
privé, accrédité, offrant aux PME... Donc, vous nous
demandez, dans le fond, de mettre sur pied un réseau de firmes
privées pour faire de la formation lorsque déjà le
gouvernement finance un réseau public de formateurs. Penseriez-vous
qu'il ne serait pas préférable d'essayer de trouver une
façon pour vous, au niveau de l'entreprise privée - la politique
permet aux entreprises le choix du formateur, donc, il y a une saine
concurrence qui va s'établir - d'essayer de développer, au
contraire, une approche avec le secteur public, un genre de
«partnership» qui pourrait se développer avec les
institutions déjà existantes au niveau public ot l'entreprise
comme toile?
M. Montplaisir: Je suis tout à fait d'accord avec ce que
vous dites, sauf que je voudrais faire une précision sur la position que
j'ai mentionnée dans le document. Tout d'abord, moi, je fais une
distinction entre offrir des services de formation pour fournir des
activités de formation à une entreprise et aider l'entreprise
à gérer le dossier de la formation chez elle. Ce sont deux choses
différentes pour moi. Quand j'ai fait la mention tantôt,
l'exposé que j'ai fait, j'ai exposé certains problèmes
importants que les entreprises avaient à gérer leur formation au
niveau des PME, entre autres, en insistant sur ce point-là.
Moi, ce que je dis, c'est qu'il y a une complémentarité
à faire. Là où je mentionne une difficulté qui
m'apparaît importante puis la recommandation que je fais au niveau des
consultants privés, c'est beaucoup plus au niveau de la gestion que de
la fourniture d'activités de formation comme telle. Il reste que ce que
je mentionnais, c'était la mise sur pied d'un service de formation
externe à l'entreprise - de toute façon, un service de formation
dans les entreprises ne fait... Il arrive quelquefois qu'ils vont faire de la
conception ou qu'ils vont diffuser des activités de formation chez
elles, mais il reste qu'en général, ils vont faire affaire avec
des sous-traitants, avec d'autres entreprises, avec des collèges, avec
des commissions scolaires et, de ce point de vue là, je suis tout
à fait d'accord avec vous que ça m'apparaît sain de pouvoir
créer cette complémentarité-là.
Pour moi, là où il y a le manque le plus criant, le plus
difficile et qui m'apparaît un petit peu - puis, quand je parlais de
subventionner tantôt... Il reste une chose, c'est que nous, quand on
intervient auprès des entreprises, lorsqu'on fait nos première,
deuxième, troisième approches - parce que souvent ça dure
six mois, les approches avec les entreprises avant qu'elles se décident
à vraiment enclencher ou à signer un contrat avec nous - pendant
tout ce temps-là, d'une certaine manière, on fait un peu le
travail des CFP. On fait un peu le travail d'un peu tout le monde sans
être rémunéré. C'est dans ce sens-là que je
dis que quant à faire le travail, quant à être
présent sur le marché, quant à vouloir assurer une
constance à long terme au niveau des entreprises... Quand je parlais
tantôt d'un maillage à long terme, justement, c'était en ce
sens-là que je le faisais.
C'était au niveau de la gestion de la formation et non pas au
niveau de la diffusion d'activités de formation. Ça, je tiens
à le préciser. Ça m'apparait un point important.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le député,
je pense qu'on a déjà dépassé le temps. Alors, je
vais maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Vous allez me
permettre d'accueillir au nom de ma formation politique le représentant
du Centre de formation en entreprise. C'est un organisme à but lucratif
- c'est bien le cas? - qui est incorporé. C'est bien ça?
M. Montplaisir: Oui.
Mme Harel: Vous oeuvrez surtout dans la région de
Québec ou...
M. Montplaisir: La région de Montréal. Mme
Harel: Dans la région de Montréal. M. Montplaisir:
Oui. Exact.
Mme Harel: Particulièrement auprès des PME, quel
est votre créneau, la...
M. Montplaisir: Tout d'abord...
Mme Harel: ...moyenne d'employés dans les entreprises
où vous intervenez?
M. Montplaisir: Je dirais que ça va varier entre...
Là, il y en a une avec laquelle on travaille qui a environ 37
employés. Ça peut varier jusqu'à 150, 200.
Mme Harel: Vous allez être surpris, mais il y a une sorte
d'analogie à faire entre ce que vous recommandez dans votre
mémoire et ce que le milieu de l'éducation est venu demander, pas
nécessairement d'un concert de voix unanimes mais presque. En fait, la
trame, si vous voulez, qui est la même, c'est celle qui consiste à
réduire au strict minimum les étapes ou les intermédiaires
entre l'utilisateur puis le dispensateur. Alors, vous, c'est ce que vous dites
dans votre mémoire et, à ma connaissance, il n'y a pas de
mémoires qui originent du secteur de l'enseignement qui ne sont pas
venus dire la même chose, qu'il fallait réduire le plus possible
les intermédiaires entre l'utilisateur, donc l'entreprise, et le
dispensateur de services, c'est-à-dire, soit la maison d'enseignement,
publique ou privée. La question n'est pas là pour tout de
suite.
Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus d'abord, parce que
ça, ça m'apparaît être au coeur de ce qu'on discute
depuis le début de cette commission, depuis plus d'un mois, et on a
tourné autour, toujours, de cette attribution des rôles de 1984.
En fait, c'est l'héritage du gouvernement précédent,
c'est-à-dire l'attribution de l'estimation des besoins au réseau
de main-d'oeuvre et la dispensation des cours au réseau de
l'éducation, comme si c'étaient deux filières et
l'entreprise est au milieu. Alors, vous, vous dites: II faut que l'entreprise
ait un contact direct avec le dispensateur de cours de formation.
M. Montplaisir: Exact. D'ailleurs, c'était dans le sens de
ma recommandation quand je parlais de financer, d'une certaine manière,
un réseau de consultants privé qui va donner aux PME un service
de formation externe et permanent à long terme mais intermittent ou en
fonction des besoins de l'entreprise. Parce qu'on ne peut pas être
à plein temps dans une PME. Ça ne justifie pas un plein temps,
là.
Mme Harel: Mais moi, vous savez...
M. Montplaisir: Mais je vais répondre à
votre...
Mme Harel: ...quel que soit... Finalement, on a appris que 80
commissions scolaires avaient mis en place des centres d'éducation des
adultes, que là-dessus 60 s'étaient pourvues d'un service aux
entreprises. Alors, tout de suite, moi, je ne veux pas discuter que ce soit
public ou privé, mais ce que je veux comprendre, c'est pourquoi, pour
vous, c'est si important ce rapprochement, cette intimité entre le
dispensateur. Vous, ce que vous faites sauter, c'est la CFP,
c'est-à-dire l'estimation des besoins entre les deux, entre le
dispensateur et l'utilisateur.
M. Montplaisir: Moi, ce que je dis, c'est qu'en fin de compte il
faut redonner à l'entreprise la gestion de la formation. Moi, je pense
que c'est le premier point. Ça, c'est la première chose. Surtout
pour les PME, je pense que c'est fondamental Deuxièmement, je dirais que
tant mieux si, effectivement... Je dois dire que je siège aussi sur le
comité de formation de la Chambre de commerce de Montréal et il y
a aussi des représentants des cégeps qui sont membres du
comité et qui vont dans le sens de ce que vous avez mentionné. Je
suis tout à fait d'accord avec ça et j'en suis très
heureux, parce que je pense que c'est une preuve qu'on va tous dans le bon
sens.
D'ailleurs, j'ai aussi des contacts avec d'autres cégeps de la
région de Montréal, un en particulier dont je connais bien le
directeur, et on échange régulièrement, parce qu'il sait
bien que, pour lui, son créneau, ce n'est pas de soutenir l'entreprise
au niveau de la gestion de la formation. Son créneau, c'est vraiment
d'offrir des cours spécialisés dans telle ou telle techni-
que, et de ce de point de vue là, je pense que c'est essentiel et
que c'est excellent. Moi, je ne m'oppose pas à ça. Ce que je dis
simplement, c'est que l'entreprise, elle, doit s'approprier, doit, prendre en
charge sa propre formation, arrêter de... pas le laisser-aller, mais je
dirais le... Ce n'est pas un laisser-aller. Je dirais que c'est par
défaut que les PME ne s'occupent pas de formation, ce n'est pas parce
qu'elles ne veulent pas.
Mme Harel: si elles la payaient, ou si elles étaient en
situation d'avoir à la payer, est-ce qu'il n'y aurait pas là une
sorte d'incitation...
M. Montplaisir: Vous voulez dire de la payer comment?
Mme Harel: Par exemple, si plutôt que d'être sur une
base volontaire ou facultative...
M. Montplaisir: Oui.
Mme Harel: ...elles avaient, comme le recommandait le rapport de
Grandpré, comme dernièrement le recommandait M. Wagner, le
président de l'Association des ressources humaines, qui tenait un
congrès au Palais des congrès, à Montréal, comme le
recommande ma formation politique, comme l'ont recommandé
peut-être la majorité, je pense, des organismes qui sont venus
devant la commission, s'ils avaient à consacrer 1 %, par exemple, de
leur masse salariale à des activités de formation dans leur
entreprise, à défaut de quoi ils auraient à le verser,
quelle que soit la modalité, mais ils auraient à le verser
à...
M. Montplaisir: À un fonds.
Mme Harel: ...un fonds général de formation, est-ce
qu'ils ne seraient pas incités à, justement...
M. Montplaisir: À le dépenser.
Mme Harel: ...reprendre la gestion de la formation? Est-ce qu'ils
ne seraient pas incités? Où ils laissent ça à
d'autres en payant le 1 %...
M. Montplaisir: Oui.
Mme Harel: ...où ils le font eux-mêmes. Pas
eux-mêmes en se donnant les coûts, mais je veux dire ils se
gèrent eux-mêmes, pour eux, la formation. Dans ce
contexte-là - je vous le dis tout de suite, c'est parce que je mets mes
cartes sur la table - que l'entreprise choisisse le fournisseur de services,
quand elle paie, on dit oui.
M. Montplaisir: Oui.
Mme Harel: Elle fait son choix. Mais quand ce sont les fonds
publics, je pense qu'il faut voir ça autrement.
M. Montplaisir: Moi, je répondrais à votre question
peut-être pas par la réponse que vous aimeriez que je vous donne
parce que... Je sais pourquoi vous me posez cette question-là. Il reste
une chose. C'est que si je me fie, par exemple, à la loi d'airain en
France, où cette mesure-là a déjà été
adoptée et fonctionne déjà depuis quand même
plusieurs années...
Mme Harel: Quelle mesure?
M. Montplaisir: C'est la règle du 1 % qui avait
été établie à cette époque-là.
Mme Harel: Elle est à 1,5 %, je pense.
M. Montplaisir: Pardon?
Mme Harel: Elle est rendue à 1,5 %, là.
M. Montplaisir: Ça a été augmenté
récemment...
Mme Harel: Oui.
M. Montplaisir: ...mais quand j'en avais pris connaissance,
c'était encore à 1 %. De mémoire, je vous dirais que les
PME, de ce point de vue ta, ne participaient pas plus, ne réalisaient
pas plus d'activités, même si cette loi était
appliquée. Moi, je vous dirais beaucoup plus que je
préférerais qu'on bonifie le crédit actuel d'impôt
à la formation et qu'on le rende au moins équivalent, à
tout le moins, dans un premier temps, au programme de soutien à la
formation en entreprise, qui est un programme équivalent qui finance la
même chose, mais qui donne plus aux PME.
Mme Harel: Tant que ça va être des fonds
publics...
M. Montplaisir: Oui.
Mme Harel: ...il faut comprendre qu'on prend cet
argent-là. Vous disiez, à juste titre: Les parents pauvres de la
formation, ce sont les individus et les PME. Dans la mesure où les fonds
pubfics sont limités...
M. Montplaisir: Oui.
Mme Harel: ...sont utilisés, comme vous le souhaitez, par
exemple, pour les PME, c'est les individus qui vont en avoir moins. Il faut
comprendre que présentement les individus, au Québec, au moment
où on se parle, à moins qu'ils soient en chômage et qu'ils
n'aient pas d'emploi, ou à moins que leur entreprise se soit
donné un plan de formation, ils ont très peu de chance de
pouvoir améliorer leur sort professionnel en suivant des cours à
temps partiel. Ça n'existe presque plus.
M. Montplaisir: D'ailleurs, il y a une autre recommandation que
j'ai faite dans le mémoire. Je n'en ai pas beaucoup parlé parce
que, bon... Ce n'était pas secondaire, mais je veux dire, pour moi,
j'avais vu que le temps était court. Je n'ai pas voulu l'aborder en
détail. Il reste qu'une autre mesure que je trouve qui pourrait
être drôlement intéressante, c'est la mise sur pied
d'associations professionnelles, un peu à l'exemple des corporations
professionnelles, qui viseraient, entre autres, le développement
professionnel de leurs membres comme objectif. Ça, je pense que
ça pourrait être, effectivement, très intéressant
pour aider les individus qui sont dans ce contexte-là.
On sait aujourd'hui avec la fin, je dirais, du taylorisme et
l'arrivée en trombe de la qualité totale au niveau des
entreprises qu'on assiste à une requalification des travailleurs dans
les entreprises. On cherche à les responsabiliser. On cherche à
leur donner des occasions de vraiment accroître leurs compétences
dans les entreprises. C'est une question de survie pour les entreprises. Ce
n'est plus une question d'être bon ou d'être méchant. C'est
vraiment une question de survie pour ces entreprises-là. Donc, moi, je
me dis: Si ces associations-là étaient là pour aider les
individus qui travaillent également dans les PME, autrement dit une aide
à deux niveaux, une aide au point de vue d'association d'individus au
niveau professionnel et une aide au niveau des PME qui, elles, ont un
problème très précis au niveau de la gestion de leur
formation, je trouve qu'à ce moment-là ça serait deux
compléments pour la même clientèle, finalement.
Mme Harel: Le PSFE, vous considérez que les PME ont peu
accès à ce programme?
M. Montplatsir: Je dirais que c'est surtout celui-là
qu'elles utilisent. Comme nous, on est accrédités pour les deux,
à la fois pour le crédit d'impôt et pour le PSFE. Alors,
quand on arrive, on leur dit: Écoutez, si vous allez sur le
crédit d'impôt, vous allez avoir 50 % et si vous prenez le PSFE,
vous allez avoir 75 %. Qu'est-ce qu'elles vont nous répondre? Elles vont
nous dire: Prenons le PSFE. Donc, d'une certaine manière, il y a un peu
une duplication actuellement et la preuve en est que ce programme-là, je
pense, marche relativement mieux et même beaucoup mieux que le
crédit...
Mme Harel: C'est un programme fédéral, ça,
je pense.
M. Montplaisir: Pardon?
Mme Harel: C'est un programme fédéral?
M. Montplaisir: Là, je ne pourrais pas vous donner le
détail si c'est un programme fédéral, mais... Je sais
juste que, effectivement... Je pense que c'est un programme partagé.
Mme Harel: À frais partagés?
M. Montplaisir: En tout cas, je sais que c'est les CFP, à
Montréal, qui l'utilisent, qui ie gèrent.
Mme Harel: À frais... Québécois?
M. Montplaisir: Oui.
(16 h 30)
Mme Harel: Très bien. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il nous reste à
remercier le représentant du Centre de formation en entreprise pour sa
présentation dont on va certainement tenir compte,
éventuellement, dans les décisions qu'on aura à
prendre.
M. Montplaisir: Je vous remercie, M. le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M.
Montplaisir.
Université de Montréal
J'inviterais maintenant les représentants de l'Université
de Montréal à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Bonjour, M. Jacques Boucher, doyen de la Faculté de l'éducation
permanente de l'Université de Montréal - c'est ça? - et
Mme Irène Cinq-Mars, vice-rectrice adjointe à l'enseignement
à l'Université de Montréal.
Mme Cinq-Mars (Irène): C'est exact
Le Président (M. Joly): Vous avez une quinzaine de minutes
pour nous présenter votre mémoire et, après, les
parlementaires échangeront avec vous.
Mme Cinq-Mars: Merci, M. le Président, Mmes et MM. les
parlementaires. Évidemment, nous vous remercions également de
nous avoir permis de nous présenter devant vous et de donner le point de
vue de l'Université de Montréal sur un document d'orientation qui
nous apparaît fondamental et pour lequel nous avons un grand
intérêt. C'est ce que nous venons présenter ici en deux
temps.
Tout d'abord, j'aimerais rappeler brièvement les principaux
points qui ont fait l'objet du
développement dans le mémoire. Je vais prendre a peu
près cinq à sept minutes pour faire cela. On s'est bien
préparés. Ensuite, M. Boucher va développer et insister
davantage sur la vision de l'Université de Montréal, mais comme
partenaire dans ce projet d'orientation, en insistant sur le rôle que
nous aimerions voir jouer aux universités dans l'élaboration
d'une éventuelle politique sur la main-d'oeuvre.
Comme nous le disons dans le document, nous sommes convaincus de
l'importance des enjeux parmi lesquels - M. Boucher va y revenir tout à
l'heure - l'enjeu de la formation de la main-d'oeuvre dite très
spécialisée, que peut représenter la population des
diplômés universitaires, on aimerait bien qu'il soit inclus.
Enfin, avant d'en arriver là, le premier point, dans notre
mémoire, dit que l'énoncé de politique ne semble pas tenir
compte du rôle des universités en matière de formation
continue. Il le mentionne à la page 35. Il parle de formation de base,
il parle de stratégie. On fait appel à la concertation des
universités. On ne dit pas que nous sommes totalement absents du
débat, mais nous aurions aimé l'être davantage. On va y
revenir tout à l'heure.
On s'étonne aussi que les ministères à vocation
éducative, les établissements d'enseignement seraient
réduits à exercer un rôle d'observateur. Quand on regarde
la composition du conseil d'administration, par exemple, de la
Société de développement qui est prévue, on ne
semble pas faire appel à l'université au moment de
l'élaboration, par exemple, des problématiques, au moment de
l'élaboration des stratégies, mais plutôt à titre de
dispensateur de services, c'est-à-dire les formateurs de formateurs.
Probablement que c'est ce qu'on a en tête. Eh bien, on aimerait
être un peu plus présents ou, du moins, un peu plus actifs,
être considérés comme des partenaires plus actifs à
ce niveau-là également.
Ensuite, on se demande, justement, quand on parle des formateurs
compétents dans les différents domaines stratégiques, de
quelle manière vous prévoyez évaluer, accréditer et
vous assurer de la qualité de ces formateurs-là. Je pense que la
question demeure ouverte, surtout après ce qu'on vient d'entendre.
À ce titre-là, bien, nous pensons, enfin, du moins à
l'université, étant donné les mécanismes
d'accréditation des programmes, étant donné aussi les
critères de sélection des candidats aux études, le
contrôle sur les diplômes, etc., qu'il y a quand même
là une assurance d'une certaine qualité de la formation. Alors,
on aimerait voir un peu comment, de votre côté, vous entrevoyez la
chose.
Quatrième point. Cette problématique de formation de
formateurs, comme je viens de le dire, ne figure pas de façon assez
centrale dans votre énoncé. On le mentionne à la page 4,
ici, dans notre rapport, de la façon suivante. Je vais y revenir un
petit peu, deux minutes. Comme je le disais tout à l'heure, à
l'université, on est obligés, dans nos programmes de formation,
de faire une mise à jour constante des savoirs, des techniques, des
pratiques professionnelles. On est obligés. Vous savez qu'il y a un
processus d'évaluation de programmes qui existe et constamment... Bien,
«constamment», disons d'une façon périodique,
à tous les quatre ou cinq ans, tous les programmes, de quelque nature
qu'ils soient, sont soumis à un processus d'évaluation et en
ressortent des plans d'actions par rapport à leur mise à jour,
engagements éventuels de professeurs dans des compétences de
pointe, si c'est ce qui ressort des évaluations. Il y a des
mécanismes pour nous assurer d'une constante évolution par
rapport à la qualité des formateurs. Cette dimension-là
très dynamique de la mise à jour des programmes, elle est
inscrite dans ia culture universitaire et c'est un atout important. On se
demande comment, dans votre politique, ceci pourrait être pris en compte
également.
Un cinquième point. Évidemment, on parle de l'adaptation
de la main-d'oeuvre, celui de la formation continue, mais comme on le dit au
point 6, on ne comprend pas tout à fait la distinction - peut-être
qu'on aura l'occasion tout à l'heure d'en parier - entre ces deux
concepts-là. Qu'est-ce que vous voulez dire de votre côté?
Du côté de l'Université de Montréal, la formation
continue est quelque chose qui est perçu comme étant un ensemble
d'activités menant ou pas à un diplôme, ça
dépend, mais qui veut être adapté vraiment aux besoins de
formation d'une clientèle qui le demande. J'ai une série
d'exemples de ce qui se fait, notamment à la Faculté de
l'éducation permanente, mais également dans toutes les autres
facultés; il y a des programmes courts de formation continue qui
existent et qui répondent à un besoin. Mais il y a, dans ce
concept de formation continue, un lien avec le concept d'éducation,
c'est-à-dire de perfectionnement de la personne, l'éducation
comme étant une culture, donc une culture qui s'appuie sur une
visée où la personne veut s'épanouir et pas seulement
s'adapter à court terme à un besoin du marché. Ça,
c'est important aussi. Mais, on voudrait qu'il y ait peut-être d'autres
aspects, j'allais dire plus universels, aussi qui soient pris en
considération.
Finalement, le dernier point, on dit qu'on n'est pas convaincus de la
pertinence et de l'urgence de mettre en place de nouvelles structures. On ne
dit pas qu'on ne trouve pas intéressante la stratégie qui est
proposée ici; elle l'est, mais on aimerait aussi éviter, en tout
cas, que ça se fasse au prix d'un alourdissement des prises de
décisions. On est d'accord qu'il y a un besoin de coordination mais,
encore une fois, M. Boucher va revenir sur la participation que les
universités voudraient jouer dans cette Société, si
Société il y a. Alors, M. Boucher.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie,
Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars: Pardon?
M. Bourbeau: Vous avez dit «si Société il y
a». Je peux vous assurer qu'il va y en avoir une.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci. M. Boucher, s'il vous
plaît!
M. Boucher (Jacques): Merci, M. le Président. Messieurs,
mesdames, parmi les sept points qui font partie du mémoire et qui sont
résumés à la toute dernière page de notre travail,
je voudrais insister sur une ou deux questions. Nous sommes d'accord avec
l'approche du ministre, notamment, qui veut s'occuper en priorité des
laissés-pour-compte du système, ceux qui ont une très
faible scolarité, en pratique, plus ou moins analphabètes, avec
un travail plus ou moins précaire, fermeture d'usines, etc., ce dont les
journaux sont pleins. Je suis tout à fait d'accord avec cet
élément-là; c'est évident que c'est
fondamental.
On est tout à fait d'accord aussi avec le mémoire quand il
nous dit qu'il faut prendre des mesures préventives et d'adaptation des
entreprises et des travailleurs pour éviter précisément
que, à un moment donné, et l'entreprise et les travailleurs ne
basculent dans le purgatoire ou dans l'enfer du chômage dont ils arrivent
difficilement à sortir.
On est tout à fait d'accord avec le mémoire quand on nous
dit qu'il faut valoriser les secteurs techniques et professionnels et au
secondaire et au cégep, et que ça a été une erreur
collective d'ignorer tout ce secteur-là. Pas de problème de ce
côté-là! Sauf que je vous avoue qu'on comprend mal,
à moins qu'on ait mal lu le mémoire, comment les secteurs de
haute technologie, les secteurs d'information, les secteurs de pointe,
l'informatisation, l'aspect international qui exigent une formation
universitaire ne soient pas tenus en compte, du moins d'après la
compréhension qu'on a du mémoire, dans la problématique du
ministère. On ne comprend pas comment il se fait qu'on ne tienne pas
compte davantage des universités, qui sont des intervenants majeurs dans
la formation professionnelle, le perfectionnement, le recyclage.
Je dirige une faculté de plus de 10 000 étudiants avec des
activités créditées, non créditées de toutes
sortes. L'Université de Montréal, au premier cycle seulement, a
une quarantaine de programmes courts qu'on appelle les certificats. On ne
comprend pas comment on ne tienne pas compte davantage des besoins de recyclage
et de perfectionnement des diplômés universitaires qui, eux aussi,
de plus en plus, sont frappés par les changements technologiques, les
changements de structures des entreprises.
Ce qu'on vient vous dire, c'est que les universités sont des
intervenants majeurs dans le monde de la formation de la main-d'oeuvre
professionnelle, d'abord et toujours - on y reviendra - parce qu'il va falloir
former des formateurs. Et, ça, je pense que l'université est la
place pour le faire. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres niveaux qui puissent
prétendre à cette compétence-là. Il va falloir
également former des professionnels.
Il y a des besoins majeurs et très sérieux dans la
formation de nos diplômés. Beaucoup ont été
formés dans les années soixante et soixante-dix, alors que le
rôle de l'État était différent de ce qu'il est,
où la prospérité était différente, où
les structures d'entreprises à plusieurs maillons multipliaient les
cadres intermédiaires de toutes sottes. Tout ça a sauté ou
est en train de sauter. Les maisons d'enseignement absorbaient une grande
partie des professionnels, surtout du côté des humanités et
des sciences sociales; actuellement, les portes sont fermées presque
à double tour. Il y avait peu d'informatisation, peu
d'internationalisation. Beaucoup de nos étudiants n'ont pas ou peu de
connaissances de l'anglais ou même, dans certains cas, leur
français est déficient. Il y a, M. le Président, M. le
ministre, même au niveau des universités et de leurs
diplômés, des besoins de formation professionnelle criants et il
me semble, en tout cas, que ça justifie la présence de
l'université et de la problématique de l'université dans
cette question.
Ce qu'on demande tout simplement, c'est que les universités et
leurs diplômés fassent partie de la problématique de la
formation de la main-d'oeuvre et que ça ne soit pas seulement une
question d'ouvriers qui se sont trouvés déqualifiés par
des changements technologiques. Nous demandons donc de faire partie de la
problématique. Nous vous demandons de faire partie des tables de
concertation qui nous excluent formellement. L'article 5.3 du projet 408, quand
il parle de la Société et de son conseil d'administration, dit
carrément «six autres membres dont deux représentent le
milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial, l'autre pour
le secteur secondaire». Pourquoi est-ce que les universités ne
font pas partie de ce jeu-là? Je ne comprends pas, M. le ministre.
La même chose pour les conseils régionaux à 37.3,
exactement les mêmes termes. À 37.3, «quatre autres membres
sont choisis parmi les personnes qui oeuvrent de façon active dans la
région, dont un provient du milieu des commissions scolaires et un autre
du milieu des collèges d'enseignement général et
professionnel». Pourquoi les universités ne sont-elles pas
là, systématiquement exclues d'office? Je ne comprends pas. Il me
semble également qu'il doit bien sûr y avoir une concertation
entre les différents ministères: Main-d'oeuvre, Enseignement
supérieur et Science, et ministère de l'Éducation. Je
pense qu'on s'entend tous pour dire qu'on n'a
pas tellement de ressources et qu'il ne faudrait surtout pas les
gaspiller en créant un système parallèle.
On ne comprend pas, non plus, comment il se fait que... On a
essayé. On a eu une petite mésaventure récemment, on a
appelé un des responsables d'un CFP important au Québec - des
représentants de ma faculté, un vice-doyen et un directeur - et
on s'est fait dire qu'on ne voulait même pas nous voir: On n'a rien
à vous dire. On ne comprend pas, M. le ministre, comment il se fait que
les universités n'aient pas accès aux crédits
d'impôt, qu'il faille, pour engager un prof d'université, passer
par un cégep ou une école secondaire. Il y a quelque chose qu'on
ne comprend pas, et on est venus ici pour se le faire expliquer
peut-être. J'ai terminé, M. le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Boucher. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de revoir
M. Boucher...
M. Boucher: Ha, ha, ha!
(16 h 45)
M. Bourbeau: ...qui vient se faire expliquer pour la xième
fois. Parce que je lui ai déjà expliqué, alors, je vais
vous le réexpliquer une autre fois.
Mme Harel: Et, moi, pour la première, M. le ministre.
M. Bourbeau: Pardon?
Mme Harel: Moi, pour la première.
M. Bourbeau: Non, mais vous, ça trie fait plaisir. Mais
vous auriez pu demander à M. Boucher.
Mme Harel: J'ai les mêmes questions.
M. Bourbeau: II aurait pu vous dire ce que je lui ai
déjà dit. Écoutez, il y a un certain quiproquo dans tout
ça, ici.
Une voix: À quelle occasion, M. le ministre?
M. Bourbeau: Je connais M. Boucher depuis longtemps. On s'est vus
il n'y a pas longtemps lors d'une réunion, si je me souviens bien, de la
Société pour la recherche et la formation en
Montérégie. Je crois que vous étiez-là, et on s'est
exprimés mutuellement sur ce sujet, si je me souviens bien, là.
N'est-ce pas, M. Boucher?
M. Boucher: N'est-ce pas!
M. Bourbeau: L'aveu, c'est la meilleure preuve, M. le
Président. Disons qu'il y a un quiproquo ici, d'une certaine
façon. Il y a deux quiproquos, à mon avis. Premièrement,
c'est vrai qu'on n'a pas l'intention de publier une politique de haut de gamme.
C'est vrai. Les gros problèmes d'insertion sur le marché du
travail, présentement, ne sont pas Je lot, en général, des
diplômés, des universitaires, des docteurs ou des
détenteurs de licences universitaires. Ce ne sont pas ceux-là, en
général, qui ont beaucoup de problèmes à se placer;
ce sont les assistés sociaux, les gens qui sont en chômage ou
encore les travailleurs qui sont en emploi, mais qui risquent de perdre leur
emploi parce que la technologie évolue. Ça, c'est le gros de la
main-d'oeuvre québécoise: les travailleurs en emploi, les
chômeurs, les assistés sociaux.
Pour ce qui est des diplômés universitaires, ce n'est pas
qu'on veuille les ignorer, mais c'est qu'on ne décèle pas
là un gros, gros problème d'insertion en emploi. En
général, et les statistiques le prouvent, plus on est
avancé en matière de diplomation, plus on est qualifié,
plus on peut facilement se trouver des emplois. Et si on avait fait une
politique axée d'une façon importante sur cette
clientèle-là, on nous aurait dit: Écoutez, vraiment, les
gros problèmes ne sont pas là. Donc, il ne faut pas se surprendre
qu'on n'ait pas trop, trop passé de temps à se plaindre sur le
lot des diplômés universitaires qui n'ont pas vraiment de gros
problèmes d'insertion en emploi, reconnaissons-le.
Deuxièmement, vous nous dites, dans votre document, que vous
accueillez avec plaisir le dépôt par le ministre André
Bourbeau de l'énoncé de politique touchant le
développement de la main-d'oeuvre et la formation continue. Je regrette,
ce n'est pas ça que dit mon document. C'est un document d'orientation
sur le développement de la main-d'oeuvre, point. Et on dit même,
dans l'avant-propos, que «l'énoncé ne traite pas
directement de l'action générale de scolarisation et de
rehaussement des qualifications poursuivie par les politiques éducatives
de l'ensemble du système d'enseignement, s'attardant plutôt
à l'action gouvernementale visant le développement de la
main-d'oeuvre». C'est que nous avons justement voulu éviter de
traiter, dans ce document-là, de l'action de scolarisation, de
l'enseignement, de la formation comme telle vue du point de vue de
l'éducation. Si nous avions voulu, dans un excès d'enthousiasme,
couvrir tout ce champ-là, on aurait fait comme Maurice Bellemare, en
1969, et tous les ministres successifs qui ont suivi et qui ont tenté,
pendant 20 ans, de produire une politique semblable et qui se sont toujours
heurtés, bien sûr, on le sait, aux obstacles que constitue une
tâche aussi colossale.
Alors, ce que nous avons tenté de faire, c'est un premier pas.
Bien sûr, ça ne répond pas à vos attentes, mais
c'est un pas dans fa bonne direction qui va nous permettre de structurer le
secteur de la main-d'oeuvre, de mettre en place
les mécanismes qui vont nous permettre de pouvoir faire un
meilleur arrimage entre l'offre et la demande sur le marché du travail.
Et, après ça, dans un deuxième temps qui, je
l'espère, viendra bientôt, on pourra ensemble, tout le monde,
s'interroger sur les problèmes dont vous faites part, que vous
évoquez et qui sont réels, qui sont des problèmes
d'enseignement, des problèmes d'organisation de l'enseignement, des
problèmes de programmes, des problèmes de régime
pédagogique, etc. Et, moi, je serai le premier à me joindre
à cette discussion-là et j'espère bien qu'elle sera
fructueuse.
En gros, là, je répondrais comme ça à vos
préoccupations. Mais, pour revenir à vos propos d'une
façon plus spécifique, vous semblez opposer dans votre document
l'adoption de la politique de main-d'oeuvre et la formation continue. Dans
notre esprit, rien n'oppose ces deux concepts de besoin de formation. Ne
croyez-vous pas que l'on puisse exprimer les besoins d'adaptation de la
main-d'oeuvre sans prétendre que cette préoccupation se fera au
détriment de la formation continue, ou encore de la formation
universitaire?
M. Boucher: M. le Président, M. le ministre, deux choses.
D'abord, j'admire le réalisme du ministre et de son mémoire. Je
pense qu'effectivement on ne peut pas régler tout en même temps.
Et c'est clair que si le ministère de la Main-d'oeuvre avait voulu
envahir le terrain d'au moins deux autres ministères, peut-être
qu'il aurait eu certaines difficultés. Ce n'est pas là qu'est la
question. La question, d'abord, dans un premier temps, c'est que c'est vrai que
quantitativement les problèmes sont plus graves et plus nombreux du
côté d'une main-d'oeuvre non spécialisée, non
qualifiée, etc.; c'est tout à fait vrai, mais je pense que quand,
moi, je comprends une politique de main-d'oeuvre, ça comprend l'ensemble
de la maln-d'oeuvre au Québec et je pense que cette main-d'oeuvre, y
compris la plus qualifiée, commence à montrer des signes
inquiétants de chômage. Il n'y a rien de scientifique. J'ai
essayé, dans les dernières semaines, d'avoir des informations par
les économistes. Toutes nos informations datent d'il y a... La
statistique date de 1987-1988 ou à peu près. Mais, dans le monde
que je fréquente actuellement, par exemple, un facteur de tassement des
niveaux de hiérarchie de 7, 8 et 10, dans certains cas, à 2 ou 3,
frappe de plein fouet les diplômés universitaires qui sortent
littéralement par les fenêtres.
Je ne peux pas le mesurer, mais il me semble que ce
problème-là va se poser avec de plus en plus d'acuité. On
commence à en voir des échos à gauche ou à droite.
Je lisais quelque chose dans Time Magazine récemment et dans
Fortune récemment: Aux États-Unis, le problème du
chômage des cadres supérieurs - 45 ans, une maîtrise en
informatique ou en sociologie ou en psychologie - se pose de façon
importante. Je pense, M. le ministre, qu'il y a peut-être moins de
problèmes quantitativement que du niveau de ceux qui ont une
cinquième année, mais il y en a et il y en aura davantage.
Première chose.
Deuxièmement, je comprends que votre objectif est le
développement de la main-d'oeuvre au Québec dans le type de
société dans lequel nous voulons bâtir, que vous voulez
bâtir, qui est une société compétitive au plan
international, de haute technologie, de pointe, etc. Peu importe ce qui sera
fait au collège, au cégep et à l'université comme
formation de base, on calcule actuellement qu'au niveau des gens dont on parle,
les réorientations de carrière, les changements de
carrière vont se compter par quatre ou cinq durant une carrière
de 30 ans et plus, 30 ou 35 ans. C'est fini le temps où on rentre chez
Hydro-Québec, Bell Canada ou à l'université puis on reste
là jusqu'à la fin de ses jours. Ça veut dire que,
constamment, et même pour les diplômés universitaires, au
niveau d'une politique de main-d'oeuvre qui doit rester à la fine pointe
et compétitive, même les diplômés universitaires se
trouvent à faire partie du paysage et, à ce moment-là, je
pense qu'il est inévitable qu'il faudra en tenir compte. ce qu'on vient
vous dire, on ne vous demande pas, on ne vous dit pas qu'il faut abolir la
société de ceci et ne pas donner d'argent aux analphabètes
ou aux ouvriers puis aux assistés sociaux. je sais. ce qu'on vous dit
tout simplement, c'est qu'il manque un bloc à votre puzzle, c'est juste
ça, et je pense que vous ne pouvez pas l'ignorer, si c'est une vraie
politique de main-d'oeuvre qu'on veut mettre en place. si c'est une politique
d'assistance sociale et de recyclage d'une main-d'oeuvre
déqualifiée, c'est autre chose. moi, j'ai compris que ce qu'on
visait au québec, c'est une main-d'oeuvre qualifiée, de pointe,
compétitive et, à ce moment-là, dans la
société dans laquelle on s'achemine, il va falloir
également qu'il y ait là-dedans quelque chose pour le bloc
universitaire. peu importe la formation, je parle du recyclage, là.
Mme Cinq-Mars: Vous permettez, je veux juste compléter une
petite chose.
Le Président (M. Joly): Oui, madame. M. Bourbeau:
Sûrement. Allez-y, madame.
Mme Cinq-Mars: C'est vraiment au niveau de l'énoncé
du problème qu'on en est actuellement. Qu'après, au niveau de
l'échéancier des stratégies d'action, etc., il y ait des
priorités sur la base, comme vous dites, d'urgences, je pense qu'on est
d'accord avec vous là-dessus. Est-ce que vous comprenez? C'est vraiment
uniquement au niveau de l'ensemble de la problématique et des enjeux
identifiés.
M. Bourbeau: Écoutez, je prends de très
bonne part ces remarques-là. nous, on a prévu dans le
projet de loi une participation des milieux de l'enseignement, là,
à la société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. possiblement qu'on n'a pas
spécifié l'enseignement universitaire. je continue à
penser qu'il y a toujours un lien très étroit entre le
degré de scolarisation et la capacité de se trouver un emploi.
et, même s'il y a un certain taux de chômage chez les
gradués universitaires - taux de chômage qui est nettement
inférieur au taux de chômage général - il reste
quand même que les diplômés universitaires sont des gens qui
ont une formation de base très importante puisqu'ils se sont rendus
jusqu'à l'université. donc, des gens qui ont la capacité
d'apprendre par eux-mêmes plus facilement que des gens qui n'ont aucune
formation et qui peuvent plus facilement que d'autres se recycler, étant
donné leur formation générale très étendue.
dans ce sens-là, il me semble que les problèmes qu'ils
rencontrent sont moins graves dans la mesure où ils ont des habitudes de
scolarisation, des habitudes d'étude, des façons d'apprendre, ils
ont des méthodes qui leur permettent de pouvoir se recycler beaucoup
plus facilement, parfois même peut-être par eux-mêmes ou en
s'inscrivant à des cours. il me semble que c'est beaucoup moins
tragique, la situation à leur égard, qu'à l'égard
des gens qui sont analphabètes, par exemple, qui ne sont même pas
capables de lire les instructions sur une machine, qui ne peuvent même
pas faire les travaux les plus élémentaires maintenant requis par
la technologie moderne.
Le Président (M. Joly): M. Boucher.
M. Boucher: Je pense que vous avez tout à fait raison.
C'est clair que s'ils ont été bien formés, ils devraient
être plus autonomes que les autres. Sauf que ça ne les met pas
à l'abri. Je constate, par exemple, que dans ma faculté, 20 % des
étudiants de la Faculté de l'éducation permanente qui
viennent prendre un certificat de premier cycle, à caractère
professionnel, ont déjà un baccalauréat et plus. Il y a
des besoins considérables de ce côté-là.
Évidemment, la démarche est plus facile parce que les gens sont
plus autonomes, vous avez raison. Mais les besoins restent là quand
même, et je ne comprends pas, M. le ministre - je me permets d'insister
peut-être trop lourdement - comment, pourquoi, dans les conseils
d'administration, on est exclus nommément. Ça, ça serait
un petit amendement, M. le ministre.
M. Bourbeau: Non, je ne dirais pas qu'on vous exclut, là.
On a prévu... Écoutez, je vais discuter avec ma collègue
éventuellement, qui est responsable du réseau collégial et
de l'enseignement universitaire. La loi prévoit que je dois la
consulter, représentant le niveau collégial, mais si elle
préfère le collégial-univer- sitaire, moi, le
collégial-universitaire, pour moi, l'un ou l'autre, ça pourrait
être acceptable, là. Voyez-vous, l'article 5 dit bien, au
paragraphe 3, «six autres membres, dont deux représentent le
milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial et l'autre pour
le secteur secondaire». Si ma collègue préfère le
secteur universitaire plutôt que le collégial, moi, je suis bien
prêt à en discuter avec elle. On verra. On pourrait mettre
collégial et/ou universitaire, on pourrait peut-être mettre
ça. Peut-être qu'on pourrait faire un amendement à la loi
éventuellement, là. On en parlera.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vous
accueille avec plaisir, M. Boucher et Mme Cinq-Mars, au nom de ma formation
politique. J'ai demandé au président de nous diviser
démocratiquement le temps, celui de l'Opposition, en deux. Alors, mon
collègue qui est le porte-parole du dossier de l'Éducation
aimerait échanger avec vous. une première remarque. dans votre
mémoire, vous nous dites n'être pas convaincus de la pertinence et
de l'urgence de mettre en place de nouvelles structures. j'aimerais
peut-être vous entendre là-dessus parce que, finalement, vous vous
dites peut-être ce bon vieil adage que si tant est qu'elle est mise en
place, vaut mieux y être que de ne pas y être. c'est ce qu'il faut
comprendre du désir que vous manifestez cet après-midi d'en
être. c'est ce que je dois donc recevoir.
D'autre part, peut-être une première correction importante
parce que ce projet ne s'adresse pas, comme vous l'avez bien mentionné,
à l'ensemble de la main-d'oeuvre uniquement du fait qu'il ne s'adresse
pas à cette main-d'oeuvre qui est déjà
diplômée. Mais il ne s'adresse pas non plus à la
main-d'oeuvre qui est, par exemple, dans l'énoncé de politique,
exclue des programmes du fait d'être sur l'aide sociale. Il y a 225 000
personnes aptes, bénéficiaires de l'aide sociale, qui vont
être exclues des programmes de formation de la Société et
simplement assujetties aux mesures d'employabilité toujours
gérées par les centres Travail-Québec. (17 heures)
Donc, il faut bien comprendre que c'est essentiellement, si vous voulez,
la main-d'oeuvre dont il s'agit, une main-d'oeuvre qui est active dans des
entreprises soumises à la mondialisation ou à la concurrence.
C'est essentiellement plus en fonction des pénuries de main-d'oeuvre. Si
on regarde les quatre programmes, on se rend compte qu'il y en a un,
effectivement, pour les travailleurs et travailleuses licenciés iors de
fermeture, un deuxième pour l'adaptation des besoins de l'entreprise, un
troisième concernant
plus l'aspect territorial des communautés plus
défavorisées, et le quatrième est le seul, disons, des
programmes regroupés qui s'adressent aux individus qui dit bien qu'il va
s'agir de combler des pénuries de main-d'oeuvre. Donc, c'est encore, si
vous voulez, en fonction de l'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins de
l'entreprise. Il faut comprendre qu'il y a donc dans les échelles, aux
extrêmes, d'un côté les personnes déjà
déqualifiées et qui le restent, exclues, celles qui sont
déjà diplômées et qui, elles, le sont, exclues,
également. Et puis, on reste avec une main-d'oeuvre qui est, dans des
entreprises, susceptible de pouvoir se donner des plans de ressources humaines,
des plans de gestion, etc., parce qu'on sait bien qu'un employé -
téléphoniste, réceptionniste, chauffeur de taxi - enfin,
que quiconque veut améliorer son sort ne se verra pas admis à une
sorte d'offre universelle de formation, dépendamment de ses
capacités, évidemment, puisque ça dépendra toujours
un peu de la couleur du chèque. Et si tant est qu'il n'en a pas, parce
qu'il s'agit d'une femme au foyer ou parce qu'il s'agit d'une personne qui
n'est pas désignée dans son entreprise pour faire partie du plan
de ressources humaines, bien, mon Dieu, elle n'est pas non plus admise dans
cette politique. Alors, on doit bien, donc, identifier qu'il s'agit plus, dans
l'énoncé, de ce qu'on pourrait trouver légitime; en fait,
il s'agit plus d'adaptation de la main-d'oeuvre au traité de
libre-échange, en fait, à toutes ces mesures qu'on aurait pu
souhaiter il y a trois ans, qu'on a un peu en retard. Mais je pense qu'il faut
remettre ça dans la perspective, ce n'est pas beaucoup plus que
ça, finalement.
Mime Cinq-Mars: Si vous le permettez, madame...
Mme Harel: Oui.
Mme Cinq-Mars: ...c'est déjà ça.
Mme Harel: Oui, absolument.
Mme Cinq-Mars: Cependant, est-ce que ça aurait
été vraiment très compliqué d'ajouter à
cette orientation l'échelle... En tout cas. Parce que quand vous parlez
de libre-échange, je pense que les diplômés universitaires
- j'aimerais...
Mme Harel: Oui.
Mme Cinq-Mars: ...bien qu'on fasse une étude un peu plus
systématique là-dessus, quand même - sont touchés
également par le problème.
Mme Harel: Oui.
Mme Cinq-Mars: En tout cas.
Mme Harel: Ah! Définitivement!
Mme Cinq-Mars: Je me demande si on a manqué de souffle,
ou... Je ne sais pas.
Mme Harel: Mais vous savez, ce qui est en cause, c'est: Peut-on
éviter de réconcilier formation de la main-d'oeuvre et formation
professionnelle? Je vous laisse la réponse à cette question. Et
comment réconcilier formation de la main-d'oeuvre et formation
professionnelle? Vous-mêmes, vous l'avez posée dans votre
mémoire, vous dites: Les concepts ne sont pas bien définis. Il
est question d'adaptation de la main-d'oeuvre, il est question de formation
continue. En fait, quoi qu'il en soit, ce que vous nous rappelez - est-ce que
c'est ça qu'il faut comprendre? -c'est que la formation de la
main-d'oeuvre, ça passe aussi par la formation continue, ça ne
peut pas être dissocie? Est-ce que c'est ça qu'il faut
comprendre?
Mme Cinq-Mars: Oui.
M. Boucher: Vous avez bien compris, madame. Quant à la
question de structure, vous avez raison. Quant à nous, on hésite
devant une autre structure. Je pense que ça ne serait pas sage d'avoir
une structure parallèle qui vienne dédoubler l'autre. On a besoin
de toutes nos ressources. Mais pour nous, à ce moment-ci, il me
paraît... En tout cas, quel que soit le choix qui sera fait, nous, il me
semble qu'il serait normal qu'on y soit, quelque part dans le système.
Je pense que c'est ce sur quoi on se permet d'insister aujourd'hui, ici.
Mme Cinq-Mars: Ce n'est pas plus que ça. Ce n'est pas
clair, à la lecture, en tout cas, ce qui arrive avec les CFP, par
exemple. C'est peut-être pour ça qu'on a parlé de
dédoublement de structure. Il y a des organismes en place actuellement
qui travaillent dans le milieu. Qu'est-ce qui arrive avec ces
organismes-là?
Mme Harel: Ils se convertissent en sociétés
régionales.
Mme Cinq-Mars: Pardon?
Mme Harel: Ils se convertissent en sociétés
régionales.
Mme Cinq-Mars: En sociétés régionales.
D'accord. C'est intéressant d'avoir...
Mme Harel: Est-ce que c'était ce
dédoublement-là auquel vous faisiez allusion?
Mme Cinq-Mars: Bien, on se demandait ce qui arrivait des
anciennes structures. C'est peut-être pour ça, là, qu'on
pariait de dédoublement. Parce que c'est intéressant de voir les
deux paliers: le palier central, si on peut dire, et le palier régional,
ça, c'est fondamental. Et au
palier régional également, il y a des institutions
universitaires qui sont en région et qui auraient peut-être
intérêt à participer étroitement à ce
projet.
Le Président (M. Joly): M. le député
d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît.
M. Gendron: Oui, je voulais rapidement vous remercier
d'être là. Je pense que c'est important qu'une faculté
d'éducation permanente ait l'occasion de s'exprimer sur un
mémoire comme ça. Par contre...
Mme Harel: L'Université de Montréal
elle-même.
M. Gendron: Oui. Je pense qu'il ne faut pas se conter d'histoire.
Je pense que, dans votre mémoire, quand vous dites «c'est un
énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre» et que vous laissez voir qu'il y aurait une
hésitation à savoir s'il s'agit plus d'adaptation que de
véritable formation de la main-d'oeuvre, moi, il me semble que je ne
vois pas pourquoi vous êtes gênés de porter le jugement. Il
n'y a pas à être gêné. C'est bien plus uniquement
l'adaptation de la main-d'oeuvre, quand on lit l'énoncé de
politique, que de parler d'une véritable politique de formation
professionnelle. Et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.
D'ailleurs, à la page 5, je pense que vous n'en faites aucun doute. Dans
votre résumé, d'entrée jeu, vous dites: On ne sait pas si
c'est l'un ou l'autre. Par contre, à la page 5 - puis, moi, j'aurais
aimé que ce soit tout le temps clair comme ça - vous le dites:
«...privilégie le premier de ces concepts, à savoir
l'adaptation de la main-d'oeuvre». Et je pense que vous faites bien de
l'affirmer. C'est de ça qu'il s'agit, en ce qui me concerne. ce que je
sens, c'est que vous êtes dans la tendance de tous les intervenants
éducatifs qui sont venus à cette commission, selon moi, avec
raison, en disant: une véritable politique de formation de la
main-d'oeuvre ne peut pas exclure les formateurs. c'est un non-sens. les
formateurs en formation professionnelle, sauf pour ce que j'appelle la
formation un petit peu plus pointue, spécialisée de la grande
entreprise, c'est quasiment tous des gens qui proviennent des milieux de
l'éducation. j'espère que vous allez être d'accord
là-dessus. et si on ne les met pas dans la réforme, s'ils ne sont
pas présents dans la réforme, comme vous le dites bien dans votre
conclusion, c'est un peu là que j'ai du trouble avec votre conclusion.
vous dites: c'est bien, c'est beau, c'est un bon point de départ, sauf
que vous avez tellement de «sauf» que ça veut dire qu'il
faut quasiment refaire les devoirs. «l'absence du ministère de
l'éducation et du ministère de l'enseignement supérieur et
de la science s'avère une lacune, non seulement au plan des concepts qui
fondent la politique - et si c'était juste là, ce ne serait pas
trop pire, mais vous ajoutez, avec raison selon moi - mais encore du point de
vue des possibilités d'actualisation de celle-ci.» Il n'y a pas
grand chance d'actualiser une véritable politique si les formateurs, les
dispensateurs sont considérés comme des prestataires ou des
donneurs de cours. Voici la commande, messieurs, livrez-la. Ça n'a pas
de bon sens. Les gens de l'Éducation, je veux dire, il y a toute une
question d'approche globale. Comment voulez-vous organiser de la formation
professionnelle intelligente, qui tienne compte de la réalité, si
ces gens-là ne sont pas dans le coup pour l'approche globale du type de
formation à être dispensée? Et je pourrais poursuivre mes
commentaires, mais ma première question - et vous en profiterez si vous
ne partagez pas le point de vue que je viens d'énoncer...
Une voix: Ça me surprendrait.
M. Gendron: Moi aussi, ça me surprendrait. La question
fondamentale, moi, que j'aimerais qu'on débatte un peu plus, c'est:
Effectivement, est-ce que vous pensez qu'on peut prétendre, comme
société, élaborer une politique de formation
professionnelle si...
Une voix: Mais ce n'est pas ça qu'on...
M. Gendron: ...on n'associe pas d'une façon très
étroite, dans ce que j'appelle le concept d'éducation permanente
continue, et enseignement professionnel et formation professionnelle? Parce
que, moi, je prétends que ça va ensemble. Êtes-vous de cet
avis-là?
Mme Cinq-Mars: Je veux juste dire deux mots, mais pour ce qui est
de cette partie-là, je pense que M. Boucher va pouvoir élaborer.
Ça va ensemble, en tout cas dans ma compréhension de la chose, et
une autre raison aussi que j'ai esquissée tout à l'heure, pour
laquelle il nous apparaît important d'inclure les formateurs dans le
projet et ceux qui forment les formateurs, c'est parce qu'il y a là une
assurance sociale, en tout cas, de la qualité de la formation de ces
gens-là étant donné les mécanismes, encore une
fois, d'évaluation et d'accréditation. Ce n'est pas rien,
ça. Il y a déjà là quelque chose qui est en place,
qui nous assure que ces gens-là ont une compétence et qu'elle est
mise à jour, cette compétence-là. Bon.
M. Boucher: Effectivement, je suis d'accord. Maintenant, d'un
autre côté, non seulement on est polis, mais je pense qu'il faut
reconnaître beaucoup de vertus au plan qui nous est proposé par le
ministre. Et je rie voudrais pas dire, malgré tous les
«sauf» ou malgré les «mais» ou les
«néanmoins» ou les «cependant», qu'il fau-
draft... Je pense qu'il ne va pas assez loin, c'est juste ça. Je
pense que c'est essentiel. Maintenant, ce qu'on trouve ici, c'est aussi le
débat qu'on trouve dans les écoles constamment: Est-ce qu'il faut
s'occuper des doués, des surdoués? À ce moment-là,
bien sûr, ceux qui sont au fond du panier se trouvent
délaissés, et quand on court s'occuper des
délaissés, bien évidemment, les doués et les
surdoués abandonnent parce que ce n'est plus d'aucun
intérêt. Idéalement, on devrait être capable de
maintenir un équilibre parfait.
Moi, je dis que dans le cadre actuel, on peut essayer,
honnêtement, de recycler. On va dépenser des milliards pour
prendre ceux qui ont une cinquième année et qui ont
travaillé pendant 25 ans sur une machine pour les mettre à
l'ère de l'internationalisation et de la haute technologie. Je pense
qu'on peut les sortir de leur marasme, on n'en fera jamais, on ne les mettra
jamais et on ne mettra jamais comme ça, honnêtement, le
Québec au niveau où il veut être, où il doit
être. Il y a juste ça. Je veux bien qu'on s'occupe des
paumés du système - je m'excuse, et mon père en
était et mes oncles en sont - mais il n'y a pas que ça. C'est
juste ça qu'on est venus dire ici.
M. Gendron: Oui.
Mme Cinq-Mars: J'aimerais juste ajouter quelque chose. Vous
permettez? Il y a une chose qui est important et qu'on a beaucoup
appréciée aussi, c'est le souci de valoriser la formation
professionnelle et technique qui n'est pas de niveau universitaire. Ça,
c'est très important à notre point de vue. Mais, là aussi,
on pense que les universités auraient un rôle à jouer par
rapport aux formateurs de ces gens-là, et c'est très, très
important, cet aspect-là, pour nous.
M. Gendron: juste un autre point, parce que le temps n'est pas
tellement long. m. boucher, j'ai bien entendu ce que vous avez dit, sauf que
vous me permettrez de poser un diagnostic peut-être différent.
quand un mémoire ou des intervenants viennent dire qu'ils se posent de
sérieuses interrogations quant à l'actualisation d'une politique
et son vécu, là, je regrette, c'est un jugement pas mal plus fort
qu'une question de dire que c'est juste parce que ça ne va pas assez
loin, il n'y a pas de problème. et c'est vous qui dites ça dans
votre mémoire. c'est que vous posez un doute sérieux quant au
vécu de la politique, parce que la définition de l'actualisation
d'une politique, c'est son vécu. si vous questionnez et que vous avez
des doutes du vécu de la politique, je suis obligé de conclure ce
que je viens de conclure. l'interrogation est pas mal plus sérieuse que
de dire: non, non, c'est parfait, tout est beau, il n'y a quasiment rien
là qui ne marche pas, c'est juste que ça ne va pas assez loin.
moi, je ne peux pas me contenter, en tout cas - je respecte votre participation
- d'une flatterie de ce genre. Je vais vous laisser le commentaire après
la deuxième question.
Le Président (M. Joly): Non, c'est déjà
terminé, M. le député.
M. Gendron: Oui? Bien non, je n'ai pas eu deux minutes.
Le Président (M. Joly): Vous avez eu le temps qu'il
fallait...
M. Gendron: Oui? Ah bon!
Le Président (M. Joly): ...selon la façon de
répartir le temps. M. Boucher, moi, je vais vous permettre votre
commentaire quand même.
M. Boucher: on n'est pas venus ici pour faire de la flatterie. le
moins qu'on puisse dire, c'est qu'on y croit assez pour demander d'y
être. c'est juste ça, m. le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Bourbeau: Tout en notant bien la déception du
député d'Abitibi-Ouest de ne pas avoir réussi à
semer la zizanie entre les gens qui sont ici et nous, M. le Président,
il me fait plaisir de remercier les gens de l'Université de
Montréal et surtout M. Boucher, mon ex-confrère de classe, que je
revois après 30 années depuis les bancs de
l'université.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, merci aux gens représentant l'Université de
Montréal, merci beaucoup.
Association des commissions scolaires protesta ntes d
u Québec
J'inviterais maintenant l'Association des commissions scolaires
protestantes du Québec à bien vouloir s'avancer, s'il vous
plaît.
Bonjour! Bienvenue à cette commission. M. D'Aoust, directeur
général, s'il vous plaît. Merci. Vous avez aussi avec vous
M. Gary Mullins, qui est membre du comité de formation professionnelle
de l'Association et directeur du centre de formation professionnelle à
la commission scolaire Châteauguay, c'est bien ça? Merci. Alors,
bienvenue à cette commission. Vous avez environ une quinzaine de minutes
pour nous livrer votre mémoire et, par après, les parlementaires
des deux formations échangeront avec vous. Je vous laisse le libre-choix
et la façon de présenter votre mémoire.
M. D'Aoust (David): Merci, M. le Président. Nous allons
être très brefs. Nous avons fait exprès que notre
mémoire soit bref, sachant
toujours que les députés reçoivent des tonnes de
matériel à lire tous les jours. Vous avez mentionné le nom
de mon collègue, M. Mullins. Je regrette, notre président n'est
pas ici à cause d'une urgence à la dernière minute. Il
aurait voulu être ici. Vu que c'est la Saint-Patrick aujourd'hui, je
voudrais vous dire que M. Mullins ne porte pas de cravate verte, on l'a
déguisé en humble citoyen.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. D'Aoust: Vous noterez sans doute, comme je vous le disais, que
notre président n'est pas ici. Je voudrais vous souligner que la
formation professionnelle lui tient à coeur. Il a bien lu
l'énoncé de politique, il s'y intéresse beaucoup, mais
c'est regrettable.
Il est évident pour nous, au moment où l'on se parle, que
presque tout ce qu'il y a à dire à propos du projet de loi 408
semble avoir été dit à date, mais nous voulons quand
même profiter de cette occasion pour vous rappeler l'essentiel de notre
mémoire. (17 h 15)
Premièrement, et contrairement à la chambre de commerce et
au Conseil du patronat, nous ne partons pas en guerre contre le projet de loi,
même si notre Association aurait voulu voir elle-même la mise
à jour d'une politique globale sur la main-d'oeuvre au Québec. Au
contraire, nous sommes heureux de témoigner de cette initiative qui
pourrait, moyennant certains changements, devenir une belle réussite de
collaboration afin d'assurer une main-d'oeuvre bien formée et capable de
relever les défis technologiques de demain. Nous voulons nous associer
à la réforme annoncée par le ministre Bourbeau, car nous
la voyons comme un pas dans la bonne direction. Mais, comme nous l'avons
mentionné d'ailleurs dans notre mémoire, nous croyons que le
gouvernement peut facilement faire fausse route s'il n'implique pas les
ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur
et de la Science.
Je pense que Mme Drouin de la Fédération des commissions
scolaires vous a dit la même chose: Le Québec ne peut se permettre
de mettre en place une politique de main-d'oeuvre à l'exclusion de son
système d'éducation qui devrait figurer comme un des chevaux de
travail pour mener à bien ce projet. Le système
d'éducation au Québec, et surtout le réseau scolaire, a
plus de 20 ans d'expérience dans le domaine de la formation
professionnelle et de la main-d'oeuvre. Le développement de la
main-d'oeuvre, tel que proposé par le projet de loi 408, ne
connaîtra jamais le succès qu'il mérite sans l'implication
du réseau scolaire.
Pour sa part, le réseau scolaire, qui inclut nos écoles
protestantes, a ouvert ses portes à plus de 100 000 personnes qui ont
bénéficié de ses programmes de formation professionnelle
pendant la dernière année scolaire. ce n'était pas facile,
car notre système n'est pas parfait et, nous aussi, nous sommes en voie
d'améliorer nos services et l'accès à ces mêmes
services. mais la preuve est là, nos entreprises privées se
tournent de plus en plus vers nos établissements scolaires pour trouver
des solutions à leurs besoins en formation de la main-d'oeuvre. la
formation et l'adaptation de la main-d'oeuvre sont à la base de la
prospérité des entreprises ainsi que de notre
société québécoise.
Récemment, M. Marius Demers, de la Direction des études
économiques du ministère de l'Éducation, a
présenté une étude démontrant que l'État est
gagnant lorsque ses citoyens deviennent mieux instruits. Les dépenses de
l'État pour ceux et celles touchés par le chômage et l'aide
sociale diminuent lorsque ces citoyens sont mieux instruits et
formés.
En raison de nos connaissances en matière de formation de la
main-d'oeuvre, l'Association des commissions scolaires protestantes
suggère au gouvernement d'aller de l'avant avec son énoncé
de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, mais
réclame fermement que le réseau d'éducation soit reconnu
comme un véritable partenaire égal à l'entreprise
privée et au syndicat. De plus, et tel que mentionné dans notre
mémoire, nous croyons qu'il est nécessaire que l'entreprise
privée et les syndicats investissent dans la formation de la
main-d'oeuvre en créant un fonds québécois de
développement de la main-d'oeuvre. Je sais qu'on n'est pas les premiers
à le suggérer. Je crois que la CUQ, lorsqu'elle est venue devant
vous, l'a mentionné, mais on l'avait déjà dans notre
mémoire à l'époque.
Il est temps que les bénéficiaires du développement
de la main-d'oeuvre assument eux-mêmes une partie, si petite qu'elle
soit, de la facture pour les programmes de services de formation
réservés pour nos travailleurs d'aujourd'hui et de demain.
Pour terminer, nous ne pouvons trop insiter sur une présence de
représentants du réseau scolaire au niveau de la future
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre ainsi que sur les conseils régionaux.
D'autre part, nous souhaitons que la Société
québécoise de la main-d'oeuvre, qui semble être le pivot de
la réforme, soit dotée de pouvoirs réels pour assumer le
développement de la main-d'oeuvre et que la lourdeur bureaucratique soit
minimisée à tout prix. Cette Société doit
être autonome et non pas contrôlée par un ministère
en particulier.
Nous avons proposé, à même notre mémoire,
quelques recommandations reliées aux pouvoirs de la
Société, telles que l'allocation, ainsi qu'aux conditions
à respecter afin qu'à l'entreprise privée soient
accordés des crédits d'impôt en matière de
développement de la main-d'oeuvre. Nous ne prétendrons jamais
être fiscalistes, nous
n'avons pas les réponses, mais on est prêts à y
travailler.
Nous croyons sincèrement, si le gouvernement est
réellement sérieux quant au développement de la
main-d'oeuvre, que nos recommandations concernant le fonds
québécois de développement de la main-d'oeuvre, la
possibilité d'élargir le champ de crédits d'impôt
ainsi que le rôle que doit jouer l'éducation comme membre à
part égal sur la Société ainsi que sur les conseils
régionaux responsables du développement de la main-d'oeuvre,
doivent être considérées sérieusement par le
gouvernement du Québec et un partenariat par le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Le Québec de demain, que nous devons bâtir
ensemble, en mérite autant.
À ce point, j'aimerais retourner à nos recommandations qui
sont incluses dans le mémoire, à moins que vous les ayez tous
lues et que vous préfériez nous poser des questions.
Le Président (M. Joly): Déjà, je peux vous
certifier que ça été lu et même analysé. En
partant de là, j'imagine que ça peut peut-être laisser un
peu plus de temps pour les questions. Alors, M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. L'Association des
commissions scolaires protestantes du Québec nous soumet un
mémoire dans lequel vous traitez de plusieurs aspects de la politique de
la Société et des projets de loi créant la
Société. Vous proposez d'accroître la représentation
des ministères de l'enseignement au sein du conseil d'administration de
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre à quatre membres, dont deux seraient nommés
après consultation des réseaux respectifs de l'ensei-gment
secondaire et collégial, je présume, et les deux autres par
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec et la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec.
Cette proposition-là me suggère une couple de questions.
La première est: À supposer que le nombre total soit de six -
présentement, il y a six représentants dans la partie
gouvernementale, et nous proposons qu'il y en ait deux, vous dites quatre -
d'après vous, d'où devraient provenir les deux autres membres de
la délégation gouvernementale?
M. D'Aoust: Si je comprends bien, M. le ministre, il y en aurait
quatre de proposés.
M. Bourbeau: Vous en proposez quatre sur six dans la
délégation gouvernementale. Alors, ce que je sais, c'est que j'ai
des demandes pour quelqu'un de la Main-d'oeuvre. Est-ce que ça serait
trop demander d'avoir au moins un représentants du ministère de
la Main-d'oeuvre puisque c'est une Société de main-d'oeuvre? Non.
Le député de d'Abitibi-Ouest pense qu'il devrait n'y en avoir
aucun. Bon.
M. Gendron:... pas de problème.
M. Bourbeau: Très bien. Il y a l'Industrie et le Commerce
qui pense qu'on devrait avoir quelqu'un de ce secteur-là. Il y en a
toute une série, les jeunes... Est-ce que vous ne pensez pas que c'est
un peu gros, quatre sur six? Presque toute la place, en fait, serait prise par
des représentants du secteur de l'enseignement et il en resterait bien
peu pour les autres secteurs, qui sont quand même très
intéressés par le développement de la main-d'oeuvre.
M. D'Aoust: Je vois bien le problème que vous avez devant
vous de contrôler, de diminuer ou de restreindre le nombre de
participants. Pour nous, nous cherchons à avoir un représentant
du réseau scolaire. C'est notre base. C'est à partir de là
qu'on chemine. Alors, peut-être qu'il faudrait augmenter le nombre de
participants au niveau de la Société aussi; est-ce possible?
M. Bourbeau: On a M. Claude Béland qui est venu nous dire
la semaine dernière que, dans le Forum pour l'emploi, on avait
tenté d'admettre comme ça tous les représentants de tous
les groupes, et on s'est retrouvé à la fin avec 35 personnes sur
le conseil d'administration, ce qui devenait presque ingouvernable. Là,
on a été obligé de former un exécutif restreint
à très peu de personnes. Enfin, vous pouvez voir un peu le
problème devant lequel on peut se retrouver.
Alors, moi, je vais vous demander: Comment justifiez-vous le fait que,
dans votre proposition, le réseau des commissions scolaires ait une
représentation beaucoup plus importante que le réseau
collégial ou universitaire, par exemple? Vous en proposez, en fait,
trois sur quatre venant du réseau secondaire, les commissions scolaires,
alors que les cégeps et les universités n'en auraient qu'un.
M. D'Aoust: Nous croyons, M. le ministre, que nous recevons ceux
qui ne sont pas diplômés pour la formation professionnelle, tandis
qu'au collégial, on parle toujours de ceux qui sont
diplômés, qui ont leur diplôme du secondaire. Alors, nous,
on reçoit les gens bien avant le collège, et nous croyons que la
première formation, la formation de base est très, très
importante. Souvent - je pense que Mme Cinq-Mars ou quelqu'un ici l'a
mentionné - les personnes qui se présentent devant une commission
scolaire n'ont que leur cinquième année, ont 25 ans
d'expérience, ils ont besoin d'une formation ou d'une nouvelle
formation. Alors, ce n'est pas toujours des diplômés du secondaire
qui nous font la demande pour une nouvelle formation ou une formation de base.
Le premier contact, nous le trouvons très important, et c'est le
rôle du réseau scolaire, primaire et secondaire.
M. Bourbeau: Je comprends. Vous, évidemment, vous
représentez les commissions scolaires, alors, vous prêchez pour
votre paroisse, comme on dit chez nous.
M. D'Aoust: Oui.
M. Bourbeau: Tantôt, on avait le secteur universitaire qui
prêchait pour la sienne.
M. D'Aoust: II faut être bon curé de paroisse.
M. Bourbeau: Oui, notre collègue de Hoche-laga-Maisonneuve
connaît ça, les curés. On l'a vue à la
télévision, hier soir, avec un faux curé. Ha, ha, ha!
Bon, revenons à des choses plus concrètes. La
représentation anglophone. Vous traitez de ça dans votre document
et vous nous dites que dans les régions où il y a une proportion
significative d'anglophones, on devrait prévoir un siège
additionnel pour les anglophones. Moi, je ne suis pas tout à fait de
votre avis. Je crois qu'on devrait avoir une représentation anglophone,
oui, et je suis convaincu qu'on en aura une. Maintenant, pourquoi on devrait
avoir quelqu'un qui serait là non pas en tant que personne
qualifiée mais comme porte-parole des anglophones? Est-ce qu'il ne
serait pas préférable de nommer, à même le nombre
déjà prévu, des individus de langue anglaise qui seraient
là en tant qu'experts en la matière et non pas comme
représentants d'une minorité, par exemple, ou d'un groupe
cible?
M. D'Aoust: Nous prenons pour acquis que si vous acceptez cette
recommandation, certainement, ce serait une personne qui aurait la
compétence dans le domaine de la formation professionnelle,
indépendamment de la langue. Alors, si c'est un anglophone qui a une
compétence dans ce domaine-là, tant mieux! On sait très
bien que c'est le gouvernement, à la fin, qui fait le choix, compte tenu
des curriculum vitae, de l'expérience professionnelle des personnes. On
ne s'imaginait jamais que vous choisiriez quelqu'un juste parce que la personne
est anglophone. On voudrait avoir, nous, une personne qui soit un
représentant du milieu anglophone, mais aussi qui a des
compétences reliées au développement de la
main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: Plutôt que d'ajouter un siège
additionnel à une personne parce qu'elle est anglophone,
compétente - bien sûr, je pense bien qu'elle aurait
été compétente - ne seriez-vous pas satisfaits, par
exemple, si on nommait, dans la délégation
générale, normale, prévue dans la loi, des gens qui sont
anglophones, sans avoir à rajouter un siège?
M. D'Aoust: On est toujours à votre merci, alors, on est
toujours prêts à accepter la bonne volonté des gens. Vous
comprenez que dans le contexte actuel, nous avons fait la recommandation. Nous
représentons une forte majorité d'anglophones chez nous et, en
plus, des francophones. Ce n'est pas une association simplement anglophone
maintenant. Ça change beaucoup. Alors, on s'est dit: Écoutez, il
faut peut-être faire cette recommandation dans le contexte actuel. Nous
avons tenu compte en même temps du rapport Chambers qui était
adressé à notre ministre de l'Éducation, M. Pagé,
et on s'est dit qu'on est en vraie crise parce qu'on voit à tous les
jours de jeunes anglophones formés par nos établissements
scolaires ici, au Québec, nous quitter. Et c'est une ressource qu'on ne
devrait pas perdre. Alors, peut-être que ce serait aussi symbolique de
faire la preuve qu'ils ont leur place ici, au Québec, et on voudrait
leur passer le message à tout prix qu'ils ont un rôle à
jouer ici et même sur les conseils régionaux de
développement de la main-d'oeuvre. (17 h 30)
M. Bourbeau: oui, je partage votre point de vue qu'il est
important de garder toutes nos ressources chez nous, là. une
dernière question. vous déplorez le faible investissement des
entreprises dans la formation de la main-d'oeuvre et vous proposez l'extension
du crédit d'impôt à toute une série de
dépenses, une liste importante de dépenses qui sont
engagées par les entreprises pour supporter la formation de leur
main-d'oeuvre qui est dispensée par un établissement. la question
que j'aimerais vous poser, c'est la suivante: si toutes les dépenses qui
sont engagées par les entreprises pour la formation de la main-d'oeuvre
font l'objet d'un crédit d'impôt, est-ce que vous n'avez pas peur
que les entreprises ne fassent pas un effort réel et que, finalement, ce
soit le gouvernement qui soit pris pour payer toute la facture sans que les
entreprises ne soient amenées à faire un effort individuel?
M. D'Aoust: Nous avons tenu compte que ça peut aller au
pire si la formation professionnelle et le développement de la
main-d'oeuvre, ça ne se faisait que par des crédits
d'impôt. Au bout de la ligne, ce serait plutôt le gouvernement qui
paierait la note, oui. Mais on se dit qu'il devrait peut-être y avoir une
balance entre les deux. Nous avons ouvert ce sentier-là pour la
formation professionnelle, pour les petites entreprises. Jusqu'à date -
ça a l'air d'une expérience qui a bien fonctionné -
ça a bien tourné, et on s'est dit: Peut-être qu'il y aurait
moyen d'étudier ça et d'élargir toute cette
assiette-là. Mais, de ne pas aller aussi loin que ce dont vous parlez,
là, de le faire uniquement par des crédits d'impôt. On
croit que le faire de cette façon-là diminuerait autant la
formation professionnelle et le développement de la mâin-d'oeuvre.
On est très au courant que la moyenne à travers le Canada,
pour nos ouvriers, quant à la formation, est de moins de 10
heures par personne qui travaille. Là, on parle des petites entreprises,
des moyennes entreprises, et des grandes entreprises. Ce n'est pas
beaucoup.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: M. le Président, et député de
Trois-Rivières, j'apprécierais si vous pouviez partager le temps
entre mon collègue d'Abitibi-Ouest et moi-même. Alors, je vais
immédiatement...
Le Président (M. Philibert): Vos voeux sur la
participation de votre collègue, madame, font loi.
M. Bourbeau: Ça veut dire qu'ils ne sont pas capables de
partager ça sans que le président ne s'en mêle, quoi?
Mme Harel: Alors, M. D'Aoust, M. Mullins, j'ai lu votre
mémoire avec beaucoup d'intérêt. Vous avez - vous le
rappelez, d'ailleurs, dans votre mémoire - une expertise en
matière de formation professionnelle. Vous le dites à la page 8
de votre mémoire. Vous nous dites: «Malgré le manque de
crédits nécessaires pour continuer à moderniser son
équipement, le manque d'un appui financier de l'entreprise privée
pour aider à défrayer les coûts de formation
professionnelle et le manque d'une entière collaboration entre les
ministères concernés, le système d'éducation au
Québec, particulièrement le réseau des commissions
scolaires, a évolué pour répondre plus adéquatement
aux défis de la formation professionnelle». Vous nous rappelez,
dans votre mémoire, avoir mis en place, en 1988, le comité sur la
formation professionnelle chargé d'étudier les recommandations et
les changements relatifs à la formation professionnelle et à la
main-d'oeuvre. J'aimerais vous entendre là-dessus. J'ai lu les
recommandations du rapport Chambers.
Une voix: Oui.
Mme Harel: D'autre part, vous le disiez quand même
tantôt, vous avez maintenant un secteur francophone au sein de
l'Association et un secteur anglophone. Vous nous dites recevoir une
clientèle scolaire d'environ 87 000 élèves. Dans le
mémoire, vous nous parlez de 80 % de ces élèves qui sont
anglophones et de 20 % de francophones. J'aimerais avoir d'abord l'état
de la situation dans ce comité, les travaux, l'avancement des travaux,
ce que vous considérez comme étant prioritaire pour le secteur
anglophone. Je crois comprendre - j'ai appris la semaine dernière,
j'avais communiqué avec le ministre - que, dans le secteur francophone,
il ne se fait présentement aucune formation professionnelle à
Montréal, au niveau secondaire.
Les informations que j'ai eues, la semaine dernière, sont
à l'effet qu'il y a sept polyvalentes, et que c'est un secteur en
croissance d'effectifs qui vient intégrer une partie des enfants des
familles nouvellement immigrées. Bon nombre de ces enfants viennent de
communautés peu scolarisées, antillaises en particulier. Le fait
de ne leur faire aucune offre scolaire de formation professionnelle est
certainement un facteur lourd dans leurs difficultés d'adaptation
à la société montréalaise, ici. On en a
parié aussi avec le maire de Montréal, M. Doré, la semaine
passée.
Alors, je veux savoir de vous si le comité sur la formation
professionnelle se penche... Quel est l'avenir de la formation professionnelle
dans le secteur francophone protestant? Quel est l'avenir dans le secteur
anglophone protestant? Est-ce que vous avez des contacts avec le secteur
catholique anglophone pour peut-être partager des équipements? En
fait, comment vous voyez tout ça?
M. D'Aoust: Comme j'ai mentionné dans mon introduction,
Mme }a députée, on n'est pas parfaits, on n'est pas sans erreur.
On a beaucoup de chemin à faire nous-mêmes. J'aime bien votre
question, puis je l'apprécie.
Permettez-moi de commencer avec le comité qui reconnaît le
fait, comme le maire Doré, que nous desservons une clientèle
francophone. Ce n'est pas nouveau, mais les besoins de cette clientèle
changent beaucoup. Justement, à notre comité, il y a un
représentant de notre plus grande commission scolaire, la CEPGM de
Montréal, qui nous dit à tout bout de champ: Écoutez,
c'est beau de parler des besoins pour les anglophones, mais, chez nous, il y a
un grand besoin pour les francophones aussi, compte tenu des structures
confessionnelles avec lesquelles nous devons vivre pour l'instant.
Alors, ce n'est pas un secteur qui est oublié. C'est un secteur
où il y a peut-être beaucoup plus de possibilités pour nos
francophones, compte tenu des investissements que fait le gouvernement actuel,
qu'ont faits d'autres gouvernements, des équipements et des centres qui
sont en place. Je ne suis pas convaincu que le nombre d'élèves -
à moins que les chiffres me montrent le contraire - sur l'île de
Montréal aille de plus en plus en croissant, en termes d'inscriptions
à la formation professionnelle. J'espère que c'est le contraire.
Je sais qu'on a subi une baisse.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'au total, au Québec, il
y a seulement 15 000 élèves inscrits en formation
professionnelle, 3000 sur l'île de Montréal, semble-t-il...
M. D'Aoust: Oui.
Mme Harel: ...mais aucun dans le secteur francophone protestant.
Ce secteur-là est en croissance d'effectifs. Il y a maintenant sept
polyvalentes et c'est un secteur qui est en croissance au niveau primaire.
Donc, nécessairement, ça se répercute au niveau
secondaire.
C'est là ma crainte, moi. C'est qu'on va avoir... Vous savez, le
dernier pourcentage de chômage chez les jeunes noirs à
Montréal est de 60 %. On a des polyvalentes dans le secteur
franco-protestant qui sont, à 87 %, composées de personnes venues
de communautés noires. Alors, qu'est-ce qu'on fait pour peut-être
leur offrir une formation plus adaptée?
M. D'Aoust: Nous adressons le problème actuellement. Nous
avons toujours pris pour acquis que lorsqu'il y avait des programmes en
formation professionnelle offerts dans un établissement scolaire,
indépendamment de la confes-sionnalité, les jeunes pouvaient
s'inscrire à ces programmes-là. Mais, ça n'a pas
fonctionné. On remarque de plus en plus que les jeunes protestants -
vous parlez des Noirs, je vais parler de tout l'ensemble - restent plutôt
chez eux.
La CEPGM est très consciente - si elle ne l'était pas,
elle l'est maintenant; elle va l'être de plus en plus - et je vais vous
expliquer pourquoi dans une minute. C'est qu'on a passé beaucoup de
temps à essayer de sauver ce qu'on avait sur l'île de
Montréal. On n'était jamais en voie d'exploiter,
d'améliorer, d'agrandir nos services parce que la réforme s'est
passée vite. C'était pénible pour le réseau
francophone. Il faudrait que je me réfère au réseau
catholique francophone. C'était encore plus pénible pour le
réseau anglophone. Je crois qu'on a passé trop de temps, on a
consacré trop d'efforts à penser uniquement à notre
clientèle anglophone. Maintenant, on se voit avoir oublié une
partie de notre clientèle qui est importante.
L'autre partie du problème, c'est qu'on ne valorise pas assez une
bonne formation professionnelle chez nos jeunes, tant chez nos jeunes
protestants de langue française, tant chez nos jeunes protestants de
langue anglaise. Alors, pour nous, on a un vrai défi. Sur l'île de
Montréal, comme vous le savez, les grands concepteurs, ces jours-ci, en
formation professionnelle, semblent être la CECM. Avec raison, car ils
ont une clientèle assez élevée. Par contre, nous essayons
de sensibiliser nos conseils de commissaires à l'effet qu'ils devraient
mettre la formation et l'étude détaillée de la
main-d'oeuvre sur leurs ordres du jour, ne pas la négliger. Nous sommes
en voie de créer, pour les anglophones surtout, un conseil ou une table
de concertation. Nous espérons que ça va voir le jour
bientôt.
Il va falloir qu'on fasse la même chose, tant et aussi longtemps
qu'on a un système confessionnel, pour nos jeunes francophones. Alors,
je vous assure, Mme Harel, que j'apprécie votre question. Ça va
me motiver à pousser la cause beaucoup plus. '
Mme Harel: Je vais juste terminer - parce que M. le
Président me fait de grands signes - en vous disant que
j'apprécie. Moi, je n'ai qu'une fille, et elle est finissante en
secondaire V, dans le réseau protestant francophone. Je veux que vous
sachiez que je trouve ça important que vous vous occupiez
également des anglophones. Vous savez, c'est en toute
sincérité qu'on pense qu'il faut trouver les moyens pour que les
jeunes anglophones restent avec nous. Je termine là-dessus parce que le
Président va me rappeler à l'ordre. Mme Chambers, dans ses
recommandations, son comité, fait une recommandation assez courageuse,
qui est celle en faveur de la restructuration sur une base linguistique.
Peut-être est-ce, finalement, une voie avec des garanties. Je comprends
qu'il faut aussi des garanties constitutionnelles, si tant est que c'est cette
voie qui est recherchée. Mais je crois que ça permettrait
finalement de jouer pleinement le rôle légitime à
l'égard de votre communauté.
M. Mullins (Gary): Si vous me permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Rapidement.
M. Mullins: Sûrement, en formation professionnelle, on
aimerait voir une base linguistique... que ce qu'on voit maintenant. En effet,
où il y a des commissions scolaires bilingues - comme à
Montréal, la CECM a un secteur anglophone et un secteur francophone -
qui sont embarquées dans la formation professionnelle, on a une grande
peur que, dans deux ou trois ans, quand on changera à des commissions
scolaires linguistiques, il ne restera plus rien pour les anglophones en
formation professionnelle. En effet, la carte d'autorisation en formation
professionnelle pour les anglophones, c'est une bataille qu'on fait depuis
quelques années. On gagne de petites victoires, mais on perd beaucoup de
pays dans nos débats. Sûrement, pour les anglophones, plutôt
que pour les protestants, je veux dire tout simplement que c'est un grand
besoin qu'on ait assez de place pour servir cette communauté
linguistique, n'importe quelle commission scolaire francophone protestante ou
catholique, qu'il y ait des places assurées pour ces gens anglophones,
pour qu'ils sentent qu'il y a un choix à faire quand ils viennent
à une décision après avoir fini l'école secondaire,
soit dans une formation professionnelle, soit au collégial ou sur une
voie de l'université. Mais, pour le moment, en dehors de
Montréal, particulièrement - moi, je suis de Châteauguay -
c'est beaucoup plus difficile pour les gens anglophones de trouver les
métiers dans leur région où ils peuvent être
formés.
Le Président (M. Philibert): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Rapidement, parce que le temps file. Moi, je veux
vous remercier d'être là. Je veux juste ajouter que je partage,
tout comme vous, votre mémoire. À la page 8, je partage des
éléments de votre mémoire. Mais, en particulier, à
la page 8, quand vous dites qu'il est surprenant que le ministère de
l'Éducation, son réseau... ainsi que l'Enseignement
supérieur, de même que le cégep, n'ont pas eu à
jouer un rôle prépondérant dans l'élaboration du
présent... Je ne change pas d'avis: toute politique véritable de
main-d'oeuvre est vouée à un échec certain si on
n'implique pas les formateurs.
Qu'est-ce que tu veux, le ministre a beau être resté sur
ses positions, tous les gens qui ont un peu d'expérience dans
l'enseignement - moi, de toute façon, j'en ai fait pendant 10 ans...
J'ai encore énormément de gens qui sont proches de moi, proches
du système. J'en entends parler tous les jours, et on ne peut pas passer
à travers. La véritable formation de la main-d'oeuvre, ça
passe par une bonne formation d'enseignement professionnel, sur une base
continue, surtout avec ce qu'on apprend par rapport aux changements de
société. Si les formateurs éducatifs ne sont pas
impliqués, ce sont les gens qui sont le plus en mesure d'identifier les
vrais besoins. (17 h 45)
Moi, je pense - juste vite, vite - à une phrase dans les
écoles. Quand on parle aux conseillers en orientation et quand les
professeurs sont encore obligés de donner des cours de - ils appellent
ça «orientation de carrière» - obligatoirement, ils
sont obligés constamment d'avoir le nez dans les réels besoins de
formation professionnelle parce qu'il y a beaucoup plus de gens qui vont
choisir, dans le futur, des carrières axées sur l'enseignement
professionnel, formation technique ou autre... Alors, je pense que vous avez
raison.
Ma seule question... Dans le temps qui reste, je vais essayer de la
traiter en deux minutes... Vous avez parlé d'une société
autonome de main-d'oeuvre, mais qui ne devrait pas relever d'un
ministère en particulier. J'aimerais ça que vous m'expliquiez
comment vous voyez ça. On fait ça comment, concrètement?
Dernière question: Comment vous voyez ça, la
responsabilité du milieu éducatif d'être les bons
intervenants quant à l'identification des besoins de main-d'oeuvre? Vous
avez dit ça en conclusion, à la page 15, que l'identification des
besoins de développement de la main-d'oeuvre ainsi que l'identification
des stratégies appropriées relèvent du milieu scolaire, ce
avec quoi je suis complètement d'accord. Mais, puisque c'est vous qui le
dites, j'aimerais que vous m'indiquiez comment vous voyez ça,
l'identification. Deuxièmement, on fait ça comment une
société autonome qui n'est pas gérée juste par un
ministère? Qui mène ça?
Le Président (M. Philibert): Très rapidement. Il
vous reste une minute pour répondre.
M. Mullins: En termes d'une classification des besoins de la
main-d'oeuvre, on le fait déjà. En effet, on a fait une petite
enquête dans notre région pour voir lesquels des FME venaient de
la CFP et lesquels venaient d'initiatives des commissions scolaires -
c'était beaucoup plus que 90 % qui venaient de la commission scolaire,
qui entraient dans les petites et moyennes entreprises - pour leur dire
c'était quoi leurs besoins en formation, pour faire les
évaluations.
M. D'Aoust: On est très près de la
clientèle. C'est évident.
M. Gendron: Moi, je le sais.
M. D'Aoust: Quant à la Société, j'avoue, M.
Gendron, que je ne comprends pas trop de ce domaine-là. Par cela, on
voulait dire que ça ne devrait pas être sous l'influence d'un
ministère seulement. C'est une société autonome qui prend
ses propres décisions. Que cette société-là puisse
prendre des décisions en matière de formation et de
développement de la main-d'oeuvre sans être obligée,
à tout bout de champ, de se retourner vers un ministère pour
dire: C'est bien? C'est bon? Est-ce qu'on peut faire ceci ou cela? J'imagine
qu'Hydro-Québec ne fonctionne pas comme ça aujourd'hui.
Le Président (M. Philibert): Alors, on vous remercie de
votre participation à la commission parlementaire. Je vous invite
maintenant à vous retirer pour qu'on puisse faire place à
l'Association des technologistes agro-alimentaires.
M. D'Aoust: Merci, M. le Président. Merci, M. Bourbeau et
les membres de la commission.
Le Président (M. Philibert): Vous pouvez prendre place. La
critique de l'Opposition, on va attendre son retour. Alors, messieurs de
l'Association des technologistes agro-alimentaires, vous avez 15 minutes pour
nous présenter votre mémoire. Avant la présentation,
j'aimerais que vous vous identifiiez pour les fins du Journal des
débats.
Association des technologistes
agro-alimentaires
M. Lemire (Edouard): Donc, M. le Président, M. le
ministre, messieurs, mesdames, Edouard Lemire, président de
l'Association des technologistes agro-alimentaires.
M. Bérubé (Laurier): Laurier Bérubé,
de l'Association des technologistes agro-alimentaires.
Le Président (M. Philibert): Allez-y pour la
lecture de votre mémoire.
M. Lemire: Donc, merci de l'invitation, d'avoir retenu notre
document pour les audiences publiques. L'Association des technologistes
agroalimentaires, qui représente l'ensemble des technologistes issus
principalement des deux institutions de technologie agro-alimentaire qui sont
parrainées par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation
du Québec, a étudié le dossier, l'énoncé de
politique «...pour un Québec compétent et
compétitif».
Nous avons divisé notre dossier en deux parties - vous en avez
sûrement pris connaissance - et j'aimerais le réviser, repasser
par les points que nous avons donnés.
Du point de vue généralités. L'Association a
soulevé quelques questionnements par rapport au document en question.
Tout d'abord, nous tenons quand même à souligner l'aval que nous
donnons à ce projet de loi, dans le sens que nous considérons que
c'est un élément qui va faire progresser le développement
de la main-d'oeuvre au Québec.
Un premier point que nous soulevons, d'abord: le partenariat. Nous
convenons qu'il est essentiel d'instaurer un partenariat en matière de
développement de la main-d'oeuvre. Les parties patronale et syndicale
sont évidemment les mieux placées pour évaluer rapidement
leurs besoins, et le gouvernement est le mieux placé pour maintenir la
neutralité sociale pour éviter le déséquilibre
entre les deux forces. Notre questionnement réside donc dans le danger
de désillusion ou de désenchantement des parties patronale et
syndicale. Ce que nous entendons par là, c'est l'implication de ces deux
parties face au ministère, donc qui va normalement...
Si je déroge un peu de mon texte - de toute façon, vous
l'avez lu, je suppose - donc, pour mieux l'expliquer verbalement. Si on se met
un peu, si on se place à ces deux parties-là, ils vont progresser
autant qu'ils vont avoir la sensation que la position qu'ils vont apporter
à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre sera réellement retenue et va
réellement permettre de débloquer des choses au niveau du
gouvernement. On reconnaît, par contre, que le gouvernement est
responsable et qu'il ne peut tout confier. Mais c'est justement pour cela, nous
supposons, qu'il est représenté à part égale au
sein de la Société québécoise et des
sociétés régionales de développement de la
main-d'oeuvre.
Un deuxième point: le pouvoir des sociétés
régionales de développement. Si nous comprenons bien le document,
les sociétés remplaceront les actuelles commissions de formation
professionnelle et auront comme mandat d'être le plus près
possible des réalités des régions. Les commissions de
formation professionnelle jouaient ce rôle et avaient quand même
une certaine autonomie d'action. Elles pouvaient évaluer
elles-mêmes, chacune des commissions, les priorités de leur
région. ce que nous souhaitons - c'est l'interrogation que nous nous
posons - c'est que les sociétés régionales de
développement aient une certaine autonomie alors qu'il est cité
dans le document qu'elles auront le mandat d'adapter des recommandations qui
auront été faites par la société
québécoise. donc, nous voyons un peu, à ce niveau-ci, un
danger potentiel que les sociétés régionales aient moins
d'autonomie que les commissions de formation professionnelle en avaient, donc,
soient peut-être un peu moins près ou aient moins de
possibilités de répondre adéquatement au besoin
régional.
La représentativité du secteur de l'enseignement. Il est
clairement fait mention dans le document de l'importance de la contribution des
institutions d'enseignement au développement de la main-d'oeuvre. On
parle beaucoup de formation professionnelle au régulier, aux adultes, en
entreprise. La question que nous nous posons est que, sur 19 personnes qui
siégeront à la Société québécoise, il
est mentionné que 2 personnes de l'enseignement représenteront ce
secteur sur 19. Compte tenu de l'implication que ce secteur aura à jouer
dans la Société québécoise et les
sociétés régionales, nous sommes a nous demander si elles
seront d'égale force concernant l'action qu'elles auront à
entreprendre puisque, souvent, les recommandations deviendront pour elles un
mandat à exécuter.
Le personnel de la Société. Il est cité que le
personnel de la Société ne sera pas régi par la Loi sur la
fonction publique. Hormis les droits acquis du personnel permanent actuellement
couvert par celle-ci, nous nous interrogeons sur la motivation du personnel qui
sera, à ce moment-là, non couvert. Nous faisons
référence aux contractuels. Même s'il n'est pas clairement
identifié dans le document, nous avons établi un scénario
potentiel, donc que les contractuels seraient à l'emploi de la
Société québécoise et des sociétés
régionales. Les contractuels sont sûrement très efficaces
et apportent souvent du sang nouveau et des idées nouvelles. Par contre,
la motivation et la continuité des dossiers doivent aussi être
assurées par une certaine permanence.
L'équilibre de l'offre et de la demande de la main-d'oeuvre.
Personne ne contestera cette nécessité de tendre à un
meilleur . équilibre. Nous souhaitons toutefois que les actions prises
en ce sens contiendront un minimum de paramètres. Nous entendons par
là que l'accès à la formation serait en fonction de
fournir aux individus le développement de leur potentiel et non en
fonction des besoins particuliers des entreprises, dans le sens qu'on veut
développer une main-d'oeuvre de qualité au Québec. La
qualité va en fonction du potentiel des individus. Donc, il ne faut pas
pousser les individus dans une voie strictement parce qu'un secteur
d'entreprise en a besoin; il faut les deux. Ce qui amène à ce
moment-là, en second lieu, de ne pas
diminuer à outrance les critères d'admissibilité
à la formation sous prétexte d'un manque élevé de
main-d'oeuvre qualifiée. L'industrie aura tôt fait
d'éliminer ceux qui ne correspondent pas à un critère
minimum. Par conséquent, une main-d'oeuvre qualifiée pourrait
être encore en déficit et nombre de gens, à ce
moment-là, auraient peut-être perdu leur temps, et des fonds
publics auraient été engloutis. Le système de la formation
étant actuellement financé en fonction du nombre d'inscriptions,
nous savons que la tentation peut être forte.
Secteur bioalimentaire. Donc, on est plus près de notre
Association. Bien que mentionné en introduction qu'aucun secteur
spécifique ne serait visé dans ce document, nous tenons, nous,
à vous faire part de l'importance que soit représenté le
secteur bioalimentaire au sein de la Société
québécoise de développement - on pourrait rajouter au sein
des sociétés régionales. Les professionnels de
l'agriculture sont de grands utilisateurs de la formation professionnelle et
ils le seront encore plus si les critères d'admissibilité sont
assouplis. Il serait irresponsable d'écarter les besoins de ces
professionnels dont l'activité économique représente, dans
bien des régions, encore un secteur essentiel à leur maintien, au
maintien des régions. Être compétent et compétitif
sera plus que jamais nécessaire à quiconque oeuvrera en
bioalimentaire, et aucune structure axée sur cet objectif ne pourra
l'ignorer. Le document tel que construit ne nous permet pas de savoir si oui ou
non ce secteur est déjà prévu à être
représenté, mais nous ne prenons pas de chance et nous le citons
dans notre document.
En conclusion. Des généralités que nous avons
dégagées du document dans son ensemble, l'énoncé de
politique fait ressortir quelques interrogations. Nous faisons ressortir
quelques interrogations touchant l'esprit des mesures avec lesquelles sera mise
en place la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Nous reconnaissons la
nécessité d'aller de l'avant dans ce domaine et qu'il vaut mieux
avancer. À ce niveau, nous insistons, quitte à rajuster le tir
par la suite, plutôt que d'attendre indûment la perfection.
À ce titre, les réflexions que nous venons de présenter au
niveau général se veulent, en fait, un son de cloche objectif sur
de potentiels pièges que nous avons pu ressortir.
Dans la deuxième partie de notre document, nous sommes un peu
plus spécifiques en regard de ce que nous désirons ou de ce que
nous souhaitons que la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre entreprenne comme action. Donc, nous
parlons de «Pour un meilleur arrimage de la formation et du marché
du travail», ce qui correspond à la section 3.4 du document. (18
heures)
La valorisation du secteur professionnel. Il est vrai que le secteur
professionnel doit être valorisé. Il est vrai qu'une somme
importante de cette valorisation doit viser les filles et les garçons et
les parents, donc, à notre niveau, le personnel des étudiants du
secondaire. Mais ceux qui croient que si cette étape est franchie la
partie est gagnée, pour nous, rien n'est plus faux.
La valorisation du secteur professionnel est à refaire à
l'échelle de la société, à commencer par le mot
«professionnel» lui-même. Actuellement, la
société considère comme étant
«professionnels» les gens issus exclusivement du niveau
universitaire. Tout niveau inférieur de scolarité n'est pas
considéré par la société à titre
professionnel.
Comment peut-on se surprendre, à ce moment, du nombre
élevé d'étudiants empruntant les études
générales sachant que c'est le chemin normal reconnu par la
société pour accéder au niveau universitaire. Même
en harmonisant l'arrimage collégial-université, les jeunes
resteront au général puisque, ce qu'ils désirent, c'est la
reconnaissance sociale. Comment, également, peut-on se surprendre du
décrochage élevé des élèves du secondaire?
Ceux qui savent qu'ils ne pourront accéder au niveau universitaire
perçoivent de la société que même s'ils poursuivent
leurs études, comme nous entendons, au niveau collégial, ils ne
seront pas reconnus comme profesionnels.
Les jeunes doivent connaître les opportunités du secteur
professionnel, mais ils doivent surtout entendre la société les y
inviter.
Ce n'est pas quelques actions dans les écoles et la collaboration
des institutions d'enseignement qui arriveront seules à un revirement de
situation. Il faut une vaste campagne impliquant les intervenants, tous les
intervenants: les institutions d'enseignement, oui, les entreprises, les
corporations et le gouvernement.
Le gouvernement se doit d'ailleurs de faire figure d'exemple dans la
façon de gérer son propre personnel. Il se doit d'offrir la
possibilité de promotion à l'intérieur d'un même
secteur professionnel lui permettant d'atteindre des niveaux d'excellence. Il
faut permettre à tous ces gens de progresser sans les obliger à
devenir autre chose - dans le sens, au niveau professionnel, de devenir, pas
pour progresser, pour avoir une promotion, d'être obligé de
devenir gérant, donc, de devenir administrateur, ce qui n'est pas
nécessairement la formation professionnelle a la base. Le jour où
l'ensemble de la société va reconnaître le professionnel
dans le juste sens de ce mot, la partie sera gagnée ou, à tout le
moins, sera beaucoup plus avantageuse.
La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre devra s'assurer que tous les
intervenants font leur part pour valoriser ce secteur, sinon prêcher aux
filles et aux garçons sera prêcher dans le désert.
La compétence des formateurs. Un autre point important. L'aspect
général du document
nous empêche d'affirmer si oui ou non la Société ou
le projet de loi ou l'énoncé de politique reconnaît ou va
mettre des grandes actions au niveau de la compétence des
formateurs.
Par contre, être compétent et compétitif signifie,
pour nous, être à la fine pointe de toute technologie. Nul doute
qu'une partie du corps enseignant actuel possède cette fine pointe.
Mais, dans l'optique d'une démarche de front pour rendre le
Québec, dans son ensemble, compétent et compétitif dans un
délai raisonnable, est-ce que ces personnes-là, qui sont
déjà à la fine pointe, vont suffire à la
tâche? Si eux seuls ont le mandat de rendre le Québec
compétent et compétitif, qui continuera au régulier
à l'enseignement des professionnels? Ce qui signifie qu'on ne peut...
faire du surplace longtemps, mais on ne peut pour autant faire du rattrapage
éternellement. Ce qui signifie que si on néglige le
régulier, il y aura du rattrapage à faire lorsqu'ils arriveront
sur le marché du travail. Le secteur régulier ne doit souffrir en
aucun temps du manque de formateurs compétents.
La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre doit donc inclure comme objectif
précis dans ses actions de rendre l'ensemble du corps professoral
à la fine pointe et ne pas l'engloutir sous le terme large de soutenir
le développement de la main-d'oeuvre pour éviter qu'un groupe
profite au détriment de l'autre.
Internationaliser la formation professionnelle. Être
compétent et compétitif: pourquoi? Pour maintenir et
accroître notre part du marché mondial, donc
compétitionner. À tout le moins, c'est notre réponse. La
seule formation professionnelle où l'objectif est d'être meilleur
ne suffit pas dans cette optique ou dans cette réponse. Ce qu'il faut
savoir, c'est être meilleur que qui.
Le développement de la main-d'oeuvre du Québec doit
passer, pour un nombre de professionnels, par l'apprentissage de la
compétition à l'extérieur du Québec. Donc,
connaître leurs forces, leurs faiblesses, leurs agissements et
établir des contacts.
Pour parler de notre secteur, le bioalimentaire s'enrichirait de
beaucoup si une part significative de sa main-d'oeuvre était soutenue
par des programmes de formation dans cette optique. En répondant
à la question «pourquoi», la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre se doit
d'inclure dans ses priorités l'internationalisation de la formation
professionnelle.
Donc, en conclusion, l'ATA reconnaît la nécessité de
donner un important coup de barre dans la formation professionnelle au
Québec. «Guichet unique», simplification des
critères, particulièrement, culture d'une formation continue,
partenariat, équilibre de l'offre et de la demande sont autant
d'éléments positifs de la démarche entreprise. À
certains égards, nous nous interrogeons sur certains mécanismes,
dont la composition de la Société québécoise, les
pouvoirs des sociétés régionales et, tout
particulièrement, la représentation du secteur bioalimentaire
dans ses structures.
Malgré tout, nous convenons, encore une fois, qu'il vaut mieux
agir que d'attendre indûment. Toutefois, ce qui nous préoccupe le
plus dans cet énoncé de politique concerne la valorisation du
secteur professionnel. Élément essentiel à fa
réussite du projet, cette action ne doit pas être prise à
la légère. La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre devra s'assurer de la collaboration
active des entreprises, encore une fois des corporations et du gouvernement,
pour redonner au secteur professionnel sa juste place dans la
société. Tout particulièrement, s'assurer que le personnel
est géré en concordance avec le souhait de valoriser ce
secteur.
Finalement, le secteur bioalimentaire a besoin du développement
majeur de sa main-d'oeuvre pour affronter le spectre qui hante ce secteur. Nous
entendons que les précisions qui suivront la mise en oeuvre de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre ne viendront en aucun temps limiter ce secteur d'activité.
Les programmes de formation qui seront créés devront en tout
temps tenir compte des particularités de ce secteur, incluant le secteur
de la production.
Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé?
Merci. M. le ministre?
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Je salue les
représentants de l'Association des tech-nologistes agro-alimentaires. En
vous écoutant tout à l'heure, je feuilletais un tableau que j'ai
devant moi, ici, qui donne l'évolution des clientèles à la
formation professionnelle au cours des dernières années dans les
commissions scolaires. Je notais que, entre l'année 1979-1980 et
l'année 1989-1990 - donc, sur une période de 10 ans - le nombre
d'élèves en formation professionnelle dans votre secteur de
l'agro-technique a baissé de 77 % dans le système
d'éducation. C'est donc dire qu'il y a pas mal d'efforts à faire
pour ramener la clientèle scolaire au niveau où elle était
il y a quelques années. Ça va prendre pour ça du personnel
motivé. J'ai noté tantôt que vous sembliez nous dire que le
projet que nous avons de faire en sorte que le personnel de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre ne soit pas sujet à la fonction publique, ça
créerait un problème de motivation chez nos travailleurs, chez
nos fonctionnaires. Est-ce que j'ai bien compris? C'est ce que vous avez dit,
je crois?
M. Lemire (Edouard): Oui, c'est une interrogation que l'on se
posait, à savoir: N'étant pas régie - ce n'est pas une
affirmation, c'est une
interrogation - par la fonction publique, nous avons supposé - vu
que ce n'est pas clairement identifié dans le texte - qu'à ce
moment-là, une partie du personnel qui serait employé serait des
contractuels. Contractuels signifie, à ce moment-là, dans notre
esprit, une possibilité de...
M. Bourbeau: Donc, d'après vous, plus il y a de
sécurité d'emploi, plus la motivation est grande, si je comprends
bien. Les fonctionnaires, évidemment, restent jusqu'à 18 heures,
19 heures lorsqu'ils sont syndiqués. D'ailleurs, vous remarquez, il y en
a plusieurs ici, ce soir, qui sont syndiqués et...
M. Lemire (Edouard): Non, attendez un peu. Je m'excuse.
M. Bourbeau: Oui.
M. Lemire (Edouard): Je ne parle pas de la motivation ou de la
non-motivation de ceux qui seront régis par la fonction publique. Ce
n'est pas le cas. Pas du tout! On n'y fait même pas allusion. Nous
parlons uniquement de tous ceux qui ne seront pas régis à ce
niveau-là, à savoir: Est-ce que ce seront des contractuels ou ce
seront vraiment des employés à temps plein avec une certaine
sécurité d'emploi? O.K.?
M. Bourbeau: L'objectif n'est pas d'engager des contractuels. Ce
seront des travailleurs à temps plein qui ne seront pas engagés
à contrat, qui seront engagés d'une façon permanente, mais
sans avoir la sécurité d'emploi, la sacro-sainte
sécurité d'emploi que donne l'appartenance à la fonction
publique.
M. Lemire (Edouard): D'accord. Juste pour répondre
à votre question...
M. Bourbeau: Je ne suis pas personnellement de ceux qui pensent
que le fait d'avoir la sécurité d'emploi donne
nécessairement la motivation. Je dois reconnaître qu'il y a de
très nombreux exemples, dont quelques-uns sont parmi nous ce soir, de
fonctionnaires qui ont la sécurité d'emploi et qui sont
parfaitement motivés. Mais je serais plutôt porté à
penser que le fait de ne pas avoir la sécurité d'emploi est
plutôt un sujet de motivation que de non-motivation, disons.
M. Lemire (Edouard): Tout...
M. Bourbeau: Je ne sais pas si c'est partagé par tous ceux
qui sont ici, là, mais...
M. Lemire (Edouard): Juste pour préciser. Au niveau de
l'entreprise - moi, je suis dans l'entreprise privée - il est bien
certain que je n'ai pas de sécurité d'emploi autre que le
travail. C'est bien certain que, pour moi aussi, c'est une motivation de savoir
que mon travail va déterminer si je pourrai garder mon travail, mon
emploi, ou pas.
M. Bourbeau: Oui.
M. Lemire (Edouard): Donc, c'est une interrogation qu'on se
posait, à savoir, s'ils ne sont pas régis par la fonction
publique, de quelle façon le personnel qui sera engagé...
M. Bourbeau: Oui.
Ml. Lemire (Edouard): ...par les sociétés, de
quelle façon le sera-t-il?
M. Bourbeau: Vous faites un certain nombre d'observations dans
votre mémoire sur un certain nombre de sujets. J'aimerais savoir si vous
êtes au courant que, dans le système actuel, nos CFP n'ont pas le
pouvoir d'adapter les programmes alors que dans la proposition que nous
faisons, les sociétés régionales pourront le faire. Nos
CFP ont un mandat, présentement, qui est restreint au secteur de la
formation professionnelle alors que, dorénavant, on va élargir le
mandat pour inclure tout le champ de la main-d'oeuvre. Le personnel de nos CFP,
présentement, n'est pas membre de la fonction publique non plus. Donc,
pour nous, ce n'est pas une innovation que d'indiquer que le personnel de nos
sociétés régionales, en fait de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ne sera
pas membre de la fonction publique. C'est reconduire, à toutes fins
pratiques, le statu quo. Finalement, les CFP ne font pas non plus
présentement de place au secteur de l'enseignement dans leur
législation, en tout les cas, au sein de leur conseil d'administration
alors que, nous, nous prévoyons quand même une place pour les
représentants de l'enseignement au sein des conseils d'administration.
Donc, d'une certaine façon, là, ce n'est peut-être pas la
perfection ce que nous proposons, mais c'est quand même un pas en avant
par rapport à la situation qui prévaut présentement.
M. Lemire (Edouard): Juste au niveau de l'autonomie. La chose que
je sais de la CFP... Je ne connais pas toute la machine de la CFP. Par contre,
chacune des CFP avait le pouvoir de déterminer les priorités
régionales. Dans ce sens, je parle peut-être plus au niveau
bioalimentaire, si une région - et si je ne me trompe pas, la
région de Québec, entre autres, et la région de Beauce -
avait priorisé le secteur agricole ou bioalimentaire comme
priorité numéro un, O.K., la question que nous nous posons:
Est-ce que, étant donné que les sociétés
régionales vont avoir à adapter... Oui, elles vont avoir le
pouvoir d'adapter des choses, mais elles vont... De la façon dont nous
le comprenons, elles vont avoir à adapter des choses qui vont leur
être parachu-
tées par un organisme provincial. Si, pour une région, on
peut adapter, mais si c'est d'adapter quelque chose qu'on ne considère
pas prioritaire... Si, au niveau provincial, la Société
québécoise de développement ne fait pas la priorité
numéro un du secteur agro-alimentaire, ils vont en faire une
priorité x, et les sociétés régionales pourront
adapter à ce moment-là. Mais si, au moins, les commissions de
formation professionnelle, actuellement, pouvaient le prioriser vraiment en
tant que numéro un. Donc, c'est dans cette optique-là. Vu que
ça va être d'adapter quelque chose qui va être
décidé par un organisme - 19 personnes - chapeauté par un
ministère, est-ce que, du point de vue sectoriel, des besoins
sectoriels, ça va vraiment répondre aux priorités
sectorielles? Elles vont avoir plus de pouvoir, d'accord, pour ce qui est de
l'adaptation, mais l'adaptation qui est d'abord décidée au niveau
provincial. Encore une fois, c'est une interrogation qu'on se posait parce
qu'on veut que ce soit - ce n'est pas parfait les CFP - on veut que les
sociétés régionales soient encore meilleures que les CFP
si on veut avancer. (18 h 15)
M. Bourbeau: En ce qui concerne la priori-sation, il n'y a pas de
changement. Le mandat des sociétés régionales, c'est le
même que celui des CFP. Enfin, il est au moins aussi grand que celui des
CFP et même plus grand, et il comprend certainement le mandat de
déterminer les pénuries d'emploi, les carences et les
pénuries, et de déterminer les priorités
régionales. C'est même indiqué à l'article 43 du
projet de loi que le «conseil régional détermine les
orientations et les priorités de la société
régionale,» - vous pouvez le lire en toutes lettres, à la
page 12 - «relativement à la gestion des programmes et de ses
ressources». Alors, on va déterminer dans chaque région
quelles sont les priorités, comme maintenant, et on aura des programmes
qui pourront être adaptés à la réalité de
chacune des régions. Donc, je pense que ça répond
parfaitement à vos attentes. Et, là-dessus, il n'y a pas de
problème.
Maintenant, vous affirmez - avec raison, je pense bien - que la
valorisation de la formation professionnelle constitue un défi, un grand
défi pour notre société, et vous proposez de mettre au
point une vaste campagne dans le but de refaire l'image du secteur
professionnel. Vous dites qu'il faut déborder l'action dans les
écoles. Vous semblez avoir une idée précise, là, de
ce qui devrait être fait. Est-ce que vous pourriez nous en parler
davantage?
M. Lemire (Edouard): Disons qu'à ce niveau-là, on
pensait un peu à ce qui a été fait au niveau du secteur
des métiers au niveau secondaire. Le secteur des métiers
souffrait, voilà quelque temps, un peu du même problème
qu'actuellement dans le secteur professionnel du niveau collégial. Je
pense qu'il y a déjà une bonne campagne qui a été
entreprise. Le secteur des métiers s'est vu... En tout cas, je crois
qu'au niveau de la société, le métier secondaire a
déjà amélioré de beaucoup son image et sa
perception face aux clientèles et à l'ensemble de la
société.
Donc, c'est un peu dans cette optique-là. Je ne parle pas d'une
campagne strictement publicitaire, mais c'est dans l'optique dont la
démarche... Je pense que M. Bérubé aurait des choses,
à ce niveau-là, pour répondre à votre question.
M. Bérubé: Évidemment, moi, ça fait
plusieurs années que je m'occupe de dossiers professionnels à
l'intérieur de l'Association des technologistes agro-alimentaires, et
puis j'ai l'impression que le secteur professionnel, le secteur
collégial professionnel, c'est mal connu, pour ne pas dire très
mal connu. Et puis, il me semble qu'on part mal là-dedans, dans ce
dossier-là. Moi, je relie ça évidemment au document ici
où, à l'article 3.4, «Pour un meilleur arrimage de la
formation et du marché du travail»... Et puis, pour partir de la
base, je pense qu'il faut redonner son sens au mot, ce qu'on ne fait pas. On a
dit ça dans notre document. On appelle «professionnels» les
gens qui ont un diplôme universitaire. Je pense qu'on a
débordé, je pense que ce n'est pas exact quand même. Je
pense qu'on enlève de la valeur.
De toute façon, depuis plusieurs années, je pense que le
secteur universitaire prend toute la place, et puis c'est pour ça, en
gros, qu'on s'est retrouvé avec des problèmes de main-d'oeuvre
dans le professionnel, au niveau secondaire. Je pense que les bases de
l'amélioration et des changements sont là, au niveau du
secondaire professionnel. Moi, je suis membre d'un comité
d'école, d'un conseil d'orientation scolaire depuis des années.
Ici, dans la région de Québec, on a un bon secteur professionnel
à la polyvalente chez nous. Puis, je pense qu'il n'y a pas juste la
campagne d'information et de publicité, là, il y a des bases
solides. On a changé l'équipement, il y a eu de l'argent de mis
là-dedans. Je pense que là, ça... En tout cas, la base est
là pour que ça fonctionne.
Et puis on a eu... En fait, le besoin est criant. On a juste à se
référer à ce qui s'est passé à un moment
donné avec l'aluminerie ici, dans la région de Québec. On
n'a pas manqué d'ingénieurs, on n'a pas manqué
d'administrateurs, on a manqué d'ouvriers qualifiés. Et puis,
bon, je pense que le monde a compris ça.
Maintenant, là, on s'en va au niveau professionnel
collégial. Si je disais tantôt qu'il faudrait partir de la base,
il faudrait appeler les choses par leur nom. Quand on parle du secteur du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, en
théorie ou, en tout cas, administra-tivement, le collégial
professionnel est là, est compris dans ce secteur-là. Mais, quand
on parle des professionnels d'un secteur, ça c'est différent, par
exemple. On ne voit pas les gens du
collégial là-dedans.
Et puis, dans le document aussi, je pense que ce n'est pas toujours
démêlé, ça, la différence ou les
différences qui existent entre le secteur professionnel, secondaire et
collégial. En tout cas, je pense que ça pourrait être plus
clair que ça.
Le Président (M. Philibert): Alors, monsieur, le temps est
écoulé. Si vous voulez faire une petite conclusion à ce
que vous alliez dire là, faire du développement succinct.
M. Bérubé: Bon, le cégep puis le
collégial professionnel, c'est une chose qui est complètement
différente de l'enseignement professionnel ou de l'enseignement
universitaire, la même chose que le professionnel au niveau secondaire,
c'est différent. Ça fait que ce n'est pas juste une question
d'arrimer les deux. Par exemple, pour devenir un meilleur technologiste
agricole, la façon de faire, ce n'est pas nécessairement d'aller
chercher un baccalauréat.
Le Président (M. Philibert): Merci. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. En écoutant
l'échange que vous avez eu, M. Lemire, avec M. le ministre, sur la
façon de faire actuelle et celle qui résulterait de l'adoption de
la loi, je me demandais si vous souhaitiez un comité sectoriel au niveau
de la société mère.
M. Lemire (Edouard): Un comité sectoriel?
Mme Harel: Vous savez qu'il y aura des comités
sectoriels...
M. Lemire (Edouard): Oui.
Mme Harel: ...au niveau provincial - si vous me permettez cette
expression que j'utilise rarement - au niveau québécois, au
niveau de la société mère. Il y aura des comités
sectoriels qui, en quelque sorte, permettront d'articuler la politique d'un
secteur. Souvent, dans les mémoires, on s'interroge à savoir si
cette politique sectorielle ne viendra pas court-circuiter la politique
régionale. Dans votre mémoire, vous n'en parlez pas, de la
politique sectorielle. Je comprends que, jusqu'à maintenant, vous vous
trouviez assez satisfait du fait de pouvoir faire établir comme
priorité, dans les régions, le secteur bioalimentaire - c'est
ça que je dois comprendre? - tandis que là, il faudrait presque,
pour en avoir, si vous voulez, la garantie, obtenir un comité sectoriel
de manière à ce que la société mère tienne
compte de votre problématique parce que les budgets seront quand
même distribués par la société mère pour
chacune des sociétés régionales. Le ministre avait raison,
la loi prévoit que la société régionale
établit ses priorités, mais elle n'a pas une enveloppe
budgétaire ouverte. À ce que je sache, elle ne peut pas
transférer d'un programme à l'autre, etc. En tout cas, il ne l'a
pas confirmé. C'est beaucoup demander.
Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question d'un
comité sectoriel dans le bioalimentaire au niveau du Québec, qui
relèverait de la société mère?
M. Lemire (Edouard): Nous autres, de ce qu'on a vu dans le
document, ils parlent des comités sectoriels, on n'a pas
élaboré au niveau de notre document. De la façon que c'est
décrit dans le fonctionnement du comité sectoriel, moi, je ne
vois pas d'inconvénient à ce que ça fonctionne comme
ça, avec les comités sectoriels, au niveau régional. De ce
que, moi, j'ai compris, c'est qu'il y aurait des comités sectoriels qui
travailleraient avec la société régionale, mais je n'ai
pas compris qu'il y en aurait qui travailleraient avec la maison mère.
Là, vous me demandez si, en plus de travailler au niveau
régional, ils devraient également y avoir des comités
sectoriels au niveau...
Mme Harel: C'est déjà prévu qu'il y en ait
au niveau de la société mère.
M. Lemire (Edouard): O.K.
Mme Harel: De la société nationale.
M. Lemire (Edouard): Mais est-ce que c'était décrit
dans le livre, dans le cahier?
Mme Harel: Je pense que, dans l'énoncé, c'est
déjà mentionné.
M. Lemire (Edouard): Moi, ce que j'avais compris, c'est qu'il y
en avait au niveau régional. Je pense que c'est une...
Mme Harel: II y en a, des facultatifs, aux deux niveaux. Mais
c'est bien évident, de par tous ces échanges qui ont eu lieu,
qu'il allait y en avoir au niveau de la société mère.
M. Lemire (Edouard): O.K. Je pense que c'est important pour
représenter des secteurs d'activité. J'écoutais un peu...
On est arrivés à la présentation qui nous a
précédés. C'est sûr que, sur les
sociétés comme telles, tout le monde veut être
présent, mais on ne peut pas avoir des comités de 70 personnes.
Ça, il n'y a pas personne qui va aller contre ça.
Déjà, 19, c'est peut-être beaucoup pour certains. Donc, ce
n'est pas tout le monde qui peut être sur chacune des
sociétés - québécoise, régionales ou
mère. La seule façon d'être représentés,
c'est par les comités sectoriels. Juste au niveau bioalimentaire,
j'aurais aimé avoir une réponse, s'il va y avoir une personne sur
les 19 qui va vraiment repré-
senter ce secteur-là ou si c'est uniquement par le comité
sectoriel. Mais ça prendra au moins ce minimum-là.
Mme Harel: Je ne sais pas, M. le Président, si le
secrétariat a reçu la liste des comités sectoriels
actuellement existants. Le ministre nous a communiqué, la semaine
passée, qu'il devait transmettre au secrétariat de la commission
la liste des comités sectoriels actuellement en place.
M. Bourbeau: Je vous l'ai transmise.
Mme Harel: Vous l'avez déjà transmise au
secrétariat de la commission?
M. Bourbeau: C'est-à-dire que, quand vous l'avez
demandée, la semaine dernière, une demi-heure après,
c'était sur la table.
Mme Harel: Ah, d'accord!
M. Bourbeau: À moins que vous ne l'ayez pas
ramassée. On en a encore une autre copie. À votre service, Mme la
députée.
Mme Harel: Je l'apprécie. Il existe déjà des
comités sectoriels.
M. Bourbeau: Votre recherchiste en a une. Vous êtes
inondée, là.
Mme Harel: Mon Dieu! Très bien. Excusez-moi. On l'avait
eue, et je vous en remercie. Il en existe déjà, de ces
comités sectoriels mis en place au ministère.
Une autre question: L'internationalisation, ça signifie quoi?
M. Lemire (Edouard): Ça veut dire...
Mme Harel: Dans le cas précis où vous en faites
mention, c'est-à-dire l'internationalisation de la formation
professionnelle en bioalimentaire. Ça voudrait dire quoi
concrètement?
M. Lemire (Edouard): On ne spécifie pas
internationalisation en bioalimentaire. Je donnais comme exemple que notre
secteur bioalimentaire en retirait beaucoup, au niveau des échanges
commerciaux... toute la libéralisation des échanges.
Mme Harel: Là, vous parlez de l'internationalisation de la
formation professionnelle. Vous voudriez qu'il y ait des techniques d'ailleurs
qui soient enseignées ici?
M. Lemire (Edouard): C'est-à-dire que, dans la mise en
place de programmes de formation professionnelle - on parle beaucoup... il y a
plusieurs secteurs qui sont élaborés: à l'entre- prise,
aux adultes - devraient selon nous être prévus des
mécanismes pour s'assurer que des professionnels soient formés
à l'extérieur du québec pour rapporter la technologie, le
savoir... donc, beaucoup d'informations pour faire progresser nos entreprises.
au niveau bioalimentaire, à tout le moins, on a énormément
d'exemples de choses qui se font... bon, ça fait x années que
ça se fait en europe. donc, si c'était inclus, dans notre
secteur, il y aurait beaucoup à y gagner. que les sociétés
régionales, dans tous les programmes de formation qui sont mis en place
- on parle plus au niveau des adultes et des entreprises que du secteur
régulier - que ce soit vraiment prévu qu'il y ait des
mécanismes qui assurent qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont
accès ou que l'entreprise a accès à des programmes pour
aller chercher la technologie de l'extérieur.
Mme Harel: ii s'agirait, à ce moment-là, de
formateurs de quel niveau? des personnes qui formeraient elles-mêmes
d'autres personnes à leur retour? c'est ça qu'il faut
comprendre?
M. Lemire (Edouard): Oui. Si on parie au niveau des individus, je
vois plus un formateur. Mais, au niveau... Il y a beaucoup d'incitation et
de... Même, on veut donner une philosopie de formation au niveau de
l'entreprise. Mais, dans la philosophie, dans tout ce qui va être
entrepris par la Société québécoise et les
sociétés régionales, il faut s'assurer que les entreprises
s'impliquent de plus en plus dans la formation continue, et le
développement de la qualité de la main-d'oeuvre... devrait aussi
être mis à profit, au niveau des entreprises, pour aller chercher
ce perfectionnement-là à l'extérieur.
Mme Harel: Vous nous dites, dans votre mémoire, à
la page 4, qu'il ne faut pas jouer à diminuer à outrance les
critères d'admissibilité à la formation sous
prétexte d'un manque élevé de main-d'oeuvre
qualifiée. Vous faites valoir cette espèce de paradoxe qui
consisterait à offrir de la formation en diminuant les critères
d'accès, mais à se retrouver avec des entreprises qui
élimineraient les personnes qui ne correspondent pas à leurs
critères. Avez-vous l'impression, actuellement, que les entreprises qui
ont la possibilité d'élever leurs critères étant
donné le chômage qui sévit, vont même au-delà
des exigences nécessaires quant aux critères
d'embauché?
M. Lemire (Edouard): Non, l'entreprise, je ne crois pas qu'elle -
on parle toujours en général - aille jusqu'à élever
ces critères pour l'embauche proprement dite. Ce qu'on veut signifier
par le point 5 de notre document, c'est beaucoup plus dans la mise en place de
programmes. Si on se réfère au document proprement dit, autant il
y a du chômage, autant il y a des
pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. Ce n'est pas parce
qu'on dénote une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans
un secteur précis ou dans une région précise qu'il faut
pousser à l'extrême la formation de personnel qualifié dans
ce secteur-là, coûte que coûte. Si on dit qu'on a une
pénurie de x milliers de personnes, il ne faut pas que l'année
suivante, obligatoirement, ce soit formé et que, de toute façon,
la moitié de ces personnes-là ne soient même pas
embauchées, justement. Je ne crois pas que l'entreprise, par
exprès, hausse ses critères d'admissibilité. Elle peut le
faire, mais ce n'est pas le point majeur. C'est beaucoup plus qu'elle ne les
baissera pas en bas d'un seuil minimum.
Mme Harel: On a la chance de vous avoir avec nous cet
après-midi. Peut-être pouvez-vous nous faire part de votre
réflexion sur le fait que vous êtes dans un secteur de ressources
naturelles, mais qui s'est le plus transformé sur le plan de
l'introduction des nouvelles technologies. C'est une perpétuelle
effervescence, j'ai l'impression, le secteur dans lequel vous oeuvrez. Est-ce
que vous pensez que le secteur de production alimentaire est actuellement
capable de suivre l'évolution technologique compte tenu de la
main-d'oeuvre qui, au fur et à mesure, arrive sur le marché?
M. Lemire (Edouard): Vous avez donné deux choses. Vous
parlez d'un secteur de production. Après ça, vous parlez de
suivre l'évolution de la main-d'oeuvre. Pour nous, c'est un peu comme
deux secteurs. On parle souvent du personnel qui arrive sur le marché du
travail, on parle plus d'un autre secteur. La production, pour nous, c'est
peut-être plus les producteurs agricoles qui utilisent ou qui essaient
d'utiliser beaucoup le réseau de formation professionnelle. C'est
à ce niveau-là, l'importance de diminuer ou d'assouplir -
diminuer n'est pas un beau terme - d'assouplir des critères
d'admissibilité.
Mme Harel: Pour eux?
M. Lemire (Edouard): Le secteur production éprouve
énormément de difficultés à obtenir de la formation
professionnelle pour s'adapter aux nouvelles technologies. Le secteur qu'on
dirait de services à la production, donc les technologistes ou les
agronomes qui arrivent sur le marché du travail pour conseiller les
producteurs ont moins de difficultés. On est un travailleur au
même titre que d'autres secteurs...
Mme Harel: Quand ils vont vouloir un crédit d'impôt,
ils n'ont pas droit finalement...
M. Lemire (Edouard): ça, c'est des entreprises, mais c'est
tous des critères qui correspondent au fait qu'ils travaillent... il y a
des critères tellement rigides...
Mme Harel: Ils ne sont pas chômeurs, ils ne sont pas
assistés sociaux.
M. Lemire (Edouard): Eux autres, il faut qu'ils soient les plus
souples possible. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas, ils veulent
énormément. Pour ce qui est du secteur des services à la
production, des technologistes, la difficulté peut-être qu'on
rencontre, c'est d'arriver dans des régions où le secteur...
C'était notre question, on voulait s'assurer, au niveau des
sociétés régionales, d'arriver dans une région
où c'est un secteur qui est valorisé par la formation
professionnelle. On a des secteurs, c'est certain qu'ils n'en parient pas
de...
Le Président (M. Philibert): Alors, merci. Le temps est
épuisé. Nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
(Reprise à 20 h 13)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'appeler la
Fédération autonome du collégial à bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît. Bonsoir, messieurs. Bienvenue à
cette commission. J'apprécierais que la personne responsable du groupe
puisse s'identifier et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent,
s'il vous plaît.
FAC
M. Duffy (Michel): Bonsoir. Le Président (M. Joly):
Bonsoir.
M. Duffy: Je m'appelle Michel Duffy. Je suis le président
de la Fédération autonome du collégial. À mes
côtés, le vice-président, Donald Pelletier, à ma
droite, Yves De Grandmaison, qui est responsable des affaires
pédagogiques à notre Fédération; puis un
collègue professeur, chercheur de Rosemont, Philippe Ricard.
Le Président (M. Joly): Merci bien. Alors, tel que convenu
avec vous, vous avez une quinzaine de minutes pour nous exprimer votre
mémoire, pour nous faire valoir votre mémoire; par après,
la balance du temps est impartie entre les deux formations. Je vous laisse
aussi le choix de laisser intervenir vos collègues, si vous le voulez
bien.
M. Duffy: Merci. Peut-être une précaution oratoire,
M. le Président, si vous permettez, avant de commencer. Je me
réfère à ce mémoire qu'on vous a remis et qui fait
une quarantaine
de pages. Alors, je vais m'y référer dans la
présentation assez systématiquement:
Le Président (M. Joly): Oui.
M. Duffy: Alors, j'espère que tous les gens l'ont en main
parce qu'ils pourraient trouver que...
Le Président (M. Joly): Je tiens à vous rappeler
que le mémoire a déjà été lu et
analysé. Partant de là, peut-être que vous pouvez vous
sentir plus à l'aise sachant ça et que, même si vous sautez
d'un secteur à l'autre de votre mémoire, il n'y a pas de
problème.
M. Duffy: Très bien. Merci. Mmes et MM. membres de la
commission des affaires sociales portant sur le document de consultation
intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, permettez-moi, au nom de la Fédération autonome du
collégial, de vous remercier de l'honneur que vous nous faites de
présenter cet avis et d'offrir à notre jeune organisation
l'occasion de témoigner une fois de plus de ses préoccupations
pour tout ce qui concerne les questions de formation professionnelle et de
développement de la main-d'oeuvre, préoccupations que nous
partagions déjà en janvier 1991, dans un colloque qui regroupait
des intervenants des différents milieux concernés, et que nous
avons publiées sous forme d'actes en novembre 1991.
Ce dont nous voulons vous entretenir essentiellement ici, c'est du point
de vue de ceux et celles qui donnent la formation professionnelle dans les
cégeps, un point de vue qui fait une large place aux contenus
fondamentaux tout en ne négligeant pas les objectifs de la formation
initiale, un point de vue qui cherche à harmoniser entre eux les
différents acteurs de cette formation professionnelle, un point de vue,
enfin, qui cherche à inscrire la formation professionnelle dans une
continuité professionnelle tant pour ceux qui la donnent que pour ceux
et celles qui la reçoivent selon la logique suivante: que toute
formation initiale ne peut être considérée comme
complète et terminale. alors, ce point de vue s'articule autour d'un
certain nombre de volets que j'énumère brièvement, mais
que vous connaissez sans doute maintenant. d'abord, il y aura un bref
commentaire sur le document ministériel. ensuite, on pariera de la place
et du rôle des institutions collégiales en matière de
formation professionnelle, puis de la place et du rôle de
l'éducation des adultes offerte dans les cégeps; de la
revalorisation de la formation professionnelle offerte dans les
collèges; ensuite, des programmes professionnels offerts où il
est question de la révision, des contenus, du nécessaire arrimage
entre les ordres d'enseignement, de la formation fondamentale, du
perfectionnement des enseignantes et des enseignants, des programmes
d'alternance travail-études; ensuite, de recherche technologique
appliquée, si vous voulez, dans les institutions collégiales; et,
enfin, du dialogue nécessaire entre les différents groupes
concernés par la formation professionnelle au collégial,
ça parie de partenariat.
Nous croyons que l'avis que nous déposons répond en partie
aux interrogations que soulève le ministre Bourbeau dans l'avant-propos
de son énoncé de politique quand il dit, au troisième
paragraphe, «qu'une politique de main-d'oeuvre interroge, entre autres
préoccupations, les objectifs, les pratiques et les structures
mêmes du système scolaire, la politique d'éducation des
adultes».
Permettez-moi enfin, en guise de conclusion à ce préambule
et juste avant de vous présenter brièvement chacun des volets
retenus, la remarque suivante: tous les textes de cet avis ont
déjà la sanction de nos diverses instances et ils
témoignent des préoccupations de nos membres en matière de
formation et de développement de la main-d'oeuvre.
Premier point, donc, le rapatriement des pouvoirs. Oui, bien sûr,
nous appuyons, en principe, la volonté du gouvernement de faire en sorte
que le Québec devienne le seul responsable des politiques de
développement de la main-d'oeuvre sur son territoire; oui, au fond,
à l'unité d'action et de direction. Mais, si vous voulez,
à la page 6, on indique aussi que ce rapatriement au Québec des
budgets fédéraux consacrés au développement de la
main-d'oeuvre ne doit pas avoir pour effet, en fin de course, la seule
création d'un département québécois de
main-d'oeuvre. On ne voudrait pas qu'il se rapatrie les chicanes que nous
vivons actuellement entre le fédéral et le provincial, entre les
différents ministères concernés par la question, et nous
aimerions bien que ce rapatriement marque, si vous voulez, le coup d'envoi d'un
engagement dans une oeuvre de longue durée.
De plus, nous souhaiterions que cesse, évidemment, la concurrence
entre les trois ordres de formation professionnelle, à savoir les
commissions scolaires, les institutions collégiales et les
universités. Nous préférons parier de filière et de
passerelle entre ces ordres d'enseignement.
Quant à la Société québécoise de
développement et de formation de la main-d'oeuvre et aux
sociétés régionales, nous nourrissons une
inquiétude sur la nature du mandat, ou de sa mission telle qu'elle est
consignée au chapitre II du projet de loi, qui nous semble un petit peu
limitatif. À première vue, pour ce qui est des priorités
à établir dans les régions, on ne sait pas trop qui
s'assurera, si vous voulez, de toutes ces questions-là. Par exemple, la
place qu'occupera la formation collégiale professionnelle est loin
d'être définie. On n'y voit dans la compo-
sition, par exemple, tant de la société nationale que des
sociétés régionales, que la place pour un
représentant des collèges, mais on ne sait trop qui il sera et
probablement pas, non plus, un enseignant.
Nous aimerions que ces sociétés régionales, comme
la société nationale, prennent davantage en compte la
spécificité de la formation professionnelle qui se donne dans les
collèges, c'est-à-dire de relancer dans notre
société ce qu'on pourrait appeler une culture de la technique, de
la technologie et de la science qui, pour beaucoup de jeunes, passent pour des
choses négatives associées à la pollution et non pas, si
vous voulez, au progrès et aux seules issues, finalement, qui nous
attendent au début de l'autre siècle.
Place et importance également des collèges en
matière de formation professionnelle. C'est l'esprit même des
collèges ou la nature même des cégeps qui est en cause, et
on le sent un peu dans les rumeurs qui circulent par les temps qui courent, la
place importante de la formation fondamentale qu'on est souvent tenté
d'abréger ou encore de restreindre au profit de formations plus
pointues. Ça nous apparaît important également de
réaffirmer cette importance du savoir apprendre à apprendre,
cette formation fondamentale - on y reviendra un petit peu plus loin - sur
laquelle, finalement, repose toute formation pointue. C'est vraiment le
fondement sur lequel on peut ériger éventuellement des savoirs un
peu plus précis. Évidemment, avec l'avis que le ministère
de l'Éducation a demandé au Conseil supérieur, en mai
dernier, sur la réflexion, enfin sur la mission initiale des
collèges: Est-ce que, 25 ans après le rapport Parent, on peut
toujours fonctionner comme on l'a fait? Qu'est-ce que sera l'après? ce
sont des choses qui ne sont pas sans nous inquiéter, quand on entend des
gens, par exemple, nous parler du retour aux écoles techniques et,
enfin, bref, à des formations qui seraient davantage utilitaires
immédiatement.
Je passe au volet de l'éducation des adultes, si vous voulez,
parce que, dans nos collèges, c'est souvent celui-là qui est
chargé, justement, de donner cette formation. Depuis que les
collèges existent, effectivement, ce volet fonctionne un petit peu
parallèlement au secteur de l'enseignement régulier. Alors, nous
disons, au bas de la page 10 de notre mémoire, que, pour nous, un
changement qualitatif doit se dessiner dans l'éducation des adultes. On
doit parler de la place, de l'importance que la société
technicienne lui assignera parmi d'autres formations possibles et des
ressources dont ce secteur aura besoin pour accomplir sa nouvelle mission.
À cause de la situation économique actuelle, il nous
semble un petit peu inutile d'exiger de l'État québécois
un financement accru de l'éducation des adultes. Nous préconisons
plutôt une intégration du secteur de l'éducation des
adultes et du secteur de l'enseignement régulier pour qu'ils partagent,
si vous voulez, l'un et l'autre, leurs ressources selon un modèle souple
et, là-dessus, le secteur régulier a énormément de
ressources à offrir pour que cessent ces deux solitudes qui se vivent
depuis, finalement, la création des cégeps.
Alors, nous croyons effectivement que c'est la seule approche
susceptible de relancer aussi l'éducation des adultes. Ce domaine
négligé de l'enseignement collégial, alors, on pourrait
parvenir à le redéployer, à lui faire donner ce pourquoi
il est institué - je suis à la page 13 ou autour -
c'est-à-dire des services de qualité, et il pourrait bien
être, dans un proche avenir, catalyseur du secteur régulier, voire
même le dépasser. C'est lui qui, bientôt, devra satisfaire
l'ensemble d'une population, plus scolarisée, soumise à la
pression de complexité du développement technologique. La
formation des adultes, disons-nous, ne doit plus être cet enseignement
collégial entièrement à part, mais devenir une source de
promotion et de renouvellement collectifs à part entière.
Alors, la FAC recherche, comme groupe, des solutions pour aider les
cégeps à se sortir de leur état de morosité Les
enseignantes et les enseignants ont souvent été tenus à
l'écart, si vous voulez, de ces discussions et ils n'en manifestent pas
moins leur désir de s'associer au repositionnement du collège
public sur l'échiquier de la formation en proposant de faire du
développement de l'éducation des adultes l'élément
catalyseur de la revitalisation de l'ensemble de l'institution qui, à 25
ans, a connu l'époque la plus importante de son essor durant les
années soixante-dix.
Ça suppose des changements dont on vous fait part dans les pages
15 et suivantes. Tantôt, on pariait de l'intégration des
personnels et des ressources, également d'un mode de financement qui
garantisse le droit, pour tous les adultes qui suivent ces cours à
l'éducation des adultes, à des services de qualité - on
sait, par exemple, que les bibliothèques ferment le soir, que les
professeurs ne sont pas disponibles, etc. - et, au fond, imposer, si vous
voulez, un nouvel ordre dans cette maison et apporter une transformation un
petit peu majeure dans les rôles qu'on connaît
déjà.
Le découpage des rôles va subir une transformation majeure,
passant d'une définition de la clientèle en fonction de
l'âge, qu'on connaît actuellement, à une définition
de la clientèle en fonction des besoins de formation et de cheminement
qu'elle exprime. La complémentarité des rôles prend
beaucoup de visibilité. C'est l'élément indicateur d'une
évolution vers un système continu d'éducation. D'ici l'an
2000, plus des deux tiers des emplois créés exigeront plus de 12
ans de scolarité. Le défi est de taille pour un système de
service actuellement un peu en pièces détachées. En clair,
les enseignantes et
les enseignants proposent de relever d'abord le défi
pédagogique posé par une clientèle adulte en cheminement
régulier et en cheminement particulier en déployant les
ressources du régulier et en s'alimentant des défis de
l'éducation des adultes.
Si on ne fait rien, il y a quelques exemples qui caractérisent le
statu quo ou ce qui pourrait bien arriver mais, en particulier à la page
18, il y a quelque chose d'inquiétant, pour l'avenir d'une gestion
souple peut-être et flexible, à vouloir changer le rôle
imparti à ces deux secteurs, le régulier et les adultes. À
cet égard, la FAC entend prôner l'autonomie des structures, mais
l'intégration des idées, des talents et des compétences,
poursuivant ainsi un de ses objectifs, c'est-à-dire contribuer à
améliorer les services en améliorant les conditions d'exercice de
la profession, d'où la nécessité, si vous voulez, de se
servir de cet axe de développement majeur que constituent les fonctions
départementales. C'est là, effectivement, dans les
collèges, enfin c'est le coeur, c'est le cerveau aussi de tout ce qui se
passe au plan pédagogique. C'est bien dommage que tout le secteur de
l'éducation des adultes en soit essentiellement privé. (20 h
30)
Favoriser également l'approche-besoins au moment où il y a
beaucoup d'anarchie dans tout ce secteur: le nombre de formations
professionnelles existantes, formations sur mesure, le nombre de lieux, le
nombre d'intervenants. Alors, comme organisation syndicale, nous sommes
intéressés par le développement de la
société par un accès plus large à
l'éducation. Il nous semble que l'approche-besoins peut être
l'amorce de concertation entre le secteur régulier et l'éducation
des adultes et, à cet égard, il nous faut viser
l'amélioration qualitative des services offerts et la mise de l'avant du
partenariat patronal-syndical tant au plan local que national.
Le Président (M. Joly): M. Duffy, s'il vous plaît,
j'apprécierais si vous pouviez conclure.
M. Duffy: Oui. Bon, écoutez, j'aurais bien des choses
à dire sur la revalorisation de la formation professionnelle, c'est le
point 4. Mais on pourra peut-être répondre à ces
aspects-là à partir de questions qui nous seront adressées
par les gens.
Le Président (M. Joly): Parfait. Merci beaucoup. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président, un mémoire
intéressant de la part de la Fédération autonome du
collégial, le collégial qui est, bien sûr, un des deux
niveaux d'enseignement qui s'occupent de la formation professionnelle. Quand je
regarde les statistiques relatives à la fréquentation des
cégeps, je constate que, si au niveau de la formation
générale il y a eu une augmenta- tion de tout près de 10 %
en 10 ans - j'ai les statistiques 1980-1990, il y a eu effectivement une
augmentation de clientèle de 9,9 % au général - par
contre, au secteur professionnel, la clientèle dans les cégeps a
baissé de 7 % au cours de cette période-là. C'est donc
dire qu'on n'avance pas vraiment, là. Alors qu'on est d'avis un peu
partout dans la société qu'il faut mettre l'accent sur la
formation professionnelle, il ne semble pas que la clientèle, enfin pour
cette période-là, ait été ascendante. Je n'ai pas
les chiffres pour 1991-1992, possiblement que ça s'est
amélioré, je ne le sais pas. Mais il va certainement falloir
faire mieux si on veut arriver à relever le défi de la
compétitivité.
Parlant de ça, vous n'avez pas couvert dans vos remarques
verbales cette partie-là parce que vous n'avez pas eu le temps de vous y
rendre, mais vous parlez dans votre mémoire des programmes
professionnels offerts à l'ordre d'enseignement collégial: le
contenu des programmes, le nécessaire arrimage entre les ordres.
À la page 29, quand vous parlez du nécessaire arrimage entre les
ordres, vous dites que «se pose la question de l'arrimage et de la
poursuite des études d'un ordre d'enseignement à un ordre»,
et vous dites: «Afin d'en arriver à la création d'une
véritable filière avec l'ordre d'enseignement secondaire et
où la formation professionnelle qui y est offerte ne serait plus en
compétition avec celle de l'ordre collégial, sans doute y a-t-il
lieu d'étudier la possibilité d'une intégration à
partir de la troisième année du secondaire jusqu'à la fin
des études collégiales.» Qu'est-ce qu'on doit comprendre de
cet énoncé, de cette phrase-là, cette
affirmation-là que vous faites? Est-ce que vous déplorez les
dédoublements qui peuvent exister entre le niveau secondaire et le
niveau collégial? D'après vous, est-ce qu'il ne devrait y avoir
qu'une seule filière pour l'enseignement professionnel? Qu'est-ce que
vous voulez dire exactement? Ce n'est peut-être pas très clair,
dans mon esprit en tout cas.
M. Ricard (Philippe): M. le ministre... Le Président
(M. Joly): M. Ricard.
M. Ricard: ...notre position sur cette question... Est-ce que
vous m'entendez?
M. Bourbeau: Moi, je vous entends très bien.
M. Ricard: D'accord. Notre position sur cette question-là
n'est pas de déstructurer en quelque sorte ou d'enlever la structure
collégiale ou la structure secondaire. En ce moment, il y a des
difficultés de passage quand un étudiant ou un
élève au niveau du secondaire prend la voie professionnelle.
Souvent, il arrive, il y a comme... son univers est comme limité,
barré, et il ne peut pas, à cause des prérequis
collégiaux,
entrer dans une filière professionnelle collégiale. Il y a
une époque où on avait la même difficulté entre la
filière professionnelle collégiale et l'université. Mais,
de plus en plus, entre la filière collégiale et
l'université, on ouvre des portes, on facilite le passage par du
travail, des reconnaissances de cours, par un dialogue aussi entre les
différents départements de même type, je ne sais pas moi,
électrotechnique et génie électrique à
l'université. Il y a comme des liens qui sont en train de s'organiser
pour faciliter le passage. J'ai fait beaucoup d'évaluations de
programmes et je me suis rendu compte que je n'ai pas rencontré un
programme professionnel où les diplômés, sur un espace de
10 ans, ne se sont pas perfectionnés à un niveau supérieur
de connaissances - ça peut être ad hoc comme ça peut
être un perfectionnement à l'université - je ne connais pas
de programme professionnel où les diplômés ne font pas
ça. Le problème est le lien entre le secteur professionnel
secondaire et le secteur professionnel collégial. Ce qu'on dit, c'est
qu'il faut trouver une façon de leur ouvrir ce chemin de carrière
là de façon à ce qu'ils puissent aller chercher des cours
de niveau cégep, passer d'ouvrier spécialisé ou
qualifié à technicien ou technologue, donc d'ouvrir un champ de
carrière, pas de fermer la porte. C'est essentiellement ça.
Évidemment, la solution est un peu complexe, mais il faut étudier
la question.
M. Bourbeau: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que
présentement il n'y a pas possibilité pour un jeune de faire son
secondaire professionnel et de continuer au cégep professionnel
facilement? Est-ce qu'il y a possibilité présentement d'entrer au
secondaire... Je vais vous poser une autre question: Est-ce qu'un parent
pourrait dire à son enfant: Tu veux faire un ingénieur,
très bien, mais, plutôt que de passer par la filière
générale, tu vas passer par la filière professionnelle et,
après le secondaire III, tu vas opter pour le secteur professionnel et
tu vas te rendre jusqu'à l'université pour faire un
ingénieur? Est-ce que c'est possible présentement?
M. Ricard: À mon avis, non, puis la plupart des parents ne
feront pas cette recommandation-là parce que leur raisonnement va se
situer plus dans un esprit plus proche des valeurs libérales, si on
veut, ou des valeurs qui se rattachent à tout l'ensemble des professions
libérales, même si on a affaire au génie, par exemple. Ce
qui fait qu'on se retrouve tout simplement à... Bon, moi, mon fils, je
voudrais qu'il aille comme ingénieur, il faut que je l'envoie dans la
voie scientifique au cégep et il faut qu'il ait des grosses maths au
secondaire, il faut qu'il ait tous les cours de physique du secondaire. Mais si
mon fils est manuel, qu'il apprend d'abord avec les mains et avec son rapport
avec la matière plutôt que d'une façon intellectuelle, et
qu'il fait son cheminement intellectuel par la suite, à ce
moment-là il est bloqué. Alors que dans d'autres
sociétés, si je prends l'Allemagne, par exemple, on peut faire ce
cheminement-là, on peut lier la démarche d'apprentissage manuel
avec la démarche d'apprentissage intellectuel. Mais il y a d'autres
prérequis, il faut qu'on ouvre les liens entre la structure scolaire et
la structure de l'entreprise. Il faut que l'entreprise et le niveau scolaire
collaborent, ce qui n'est pas très fort ici, ce qui est plus
développé d'ailleurs en Ontario J'ai fait une étude
comparative avec l'Ontario où, au niveau cégep, au niveau
collège, chaque département a un comité consultatif du
milieu de l'entreprise. Ici, ça se situe au niveau national, c'est un
peu aberrant.
M. Bourbeau: quand je vous ai posé la question
tantôt, vous avez dit: non, ce n'est pas possible. est-ce que ce n'est
pas possible parce que les parents ne prendront pas le risque d'envoyer leur
enfant dans la filière professionnelle ou si c'est parce que le
système, tel qu'il existe, nele permet pas?
M. Ricard: C'est les deux, parce que... Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Ricard: la structure ne le permet pas, mais la structure,
aussi, est fonction de valeurs. ça fait qu'on a structuré un
univers, nous autres, on s'est structuré un univers où, si tu
veux aller à l'université, même si tu veux faire du
génie, il faut que tu passes par la filière intellectuelle, tu ne
peux pas passer par la filière plus manuelle. si on retourne dans les
idéologies, on peut retourner loin en arrière, mais on est encore
souvent poignes avec nos vieilles idéologies qui disent, bon, que c'est
plus valorisant d'avoir une profession, d'aller à l'université et
de faire une démarche intellectuelle qu'une démarche manuelle.
comme je dis, dans d'autres sociétés, ce n'est pas le cas; c'est
aussi valorisé. c'est là notre défi, c'est d'ouvrir les
structures, mais à la fois aussi de valoriser la démarche
manuelle qui va nous amener à la démarche technologique et au
développement technologique. on ne fera pas du développement
technologique juste avec notre tête.
M. Bourbeau: Mais des parents, évidemment, ça
souhaite toujours que leurs enfants se rendent le plus loin possible. Supposons
qu'un parent a un enfant qui dénote des habiletés manuelles
très évidentes, peut-être pas autant d'habileté
à apprendre sur le plan intellectuel de façon très rapide.
Ces parents-là devraient normalement favoriser la filière
professionnelle pour que l'enfant puisse obtenir une formation qualifiante.
Mais on ne sait jamais, parfois, avec le temps, ça vient; les
habiletés intellectuelles peuvent se développer et, à
force d'apprendre, parfois on
prend goût à ces choses-là. Si la formation
professionnelle est terminale au secondaire, s'il n'y a pas de passerelle vers
le cégep, ça fait en sorte de décourager les parents; ils
ne prendront pas le risque. Ils se disent: Mon enfant, même si, à
un moment donné, ça débloque, if va être pris dans
un cul-de-sac, il ne pourra pas s'en sortir. Pourtant, moi, je me suis fait
dire qu'il y en avait, des passerelles, que c'était possible de faire un
cours au secondaire et de continuer au cégep après. Vous semblez
dire, vous, que c'est bouché, que c'est bloqué.
M. Ricard: Bien, c'est parce que les passerelles, elles sont
petites de même. Ce n'est pas valorisé, il n'y a pas d'information
qui circule. C'est le jeu des valeurs et le jeu de la structure.
M. Bourbeau: Mais oubliez le fait que ce soit connu ou non.
Est-ce que c'est possible de le faire présentement? Est-ce qu'un
élève peut partir du secondaire III, secondaire IV, filer
jusqu'à l'université et devenir un ingénieur, seulement
par la filière professionnelle? Vous m'avez dit non, tantôt.
Êtes-vous sûr de ça?
M. Ricard: Bien, je ne vois pas comment, parce que, pour entrer,
mettons, en électrotechnique, il faut un maths-534, il faut un chimie-x,
un physique-y. Et c'est toutes les plus grosses, physique et chimie. Il ne peut
pas passer tranquillement et le faire à son rythme. Ensuite, il tombe au
cégep et, là, c'est tout concentré. Il y a aussi un autre
aspect, c'est que ça va être très difficile pour lui s'il
réussit à ouvrir la petite porte qui est là.
M. Bourbeau: D'après vous, qu'est-ce qu'il faudrait faire
pour corriger ça?
M. Ricard: Oh, tabamouche! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Est-ce que vous savez comment écrire
ça, dans le Journal des débats?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Duffy: Les taux de décrochage ont beaucoup
augmenté à partir de ce qu'on a appelé la réforme
Ryan au secondaire. C'est que des gens qui commençaient l'apprentissage
de leur métier plus tôt, à une autre époque,
maintenant, doivent attendre d'être rendus en quatrième secondaire
et en cinquième, et les taux de décrochage se passent là.
Les taux forts qu'on constate actuellement au secondaire, c'est surtout
là qu'ils ont lieu. Comme l'expliquait tantôt Philippe,
l'espèce d'apprentissage manuel qu'on favorisait, bien, on ne peut
même pas se rendre jusque-là, il faut continuer l'apprentissage
intellectuel, et c'est là que les taux de décrocha- ge sont
forts, alors qu'on pourrait peut-être récupérer des gens
sur le tard ou un peu plus tard. (20 h 45)
Mais au collégial, juste pour faire la contrepartie, la formation
professionnelle n'est pas encore non plus extrêmement valorisée.
Il y a beaucoup de parents aussi qui, quand ils ont un enfant d'âge du
collège, vont hésiter avant de l'envoyer dans les génies,
enfin, électrique ou mécanique. Pourquoi? Parce que, comme on
disait tantôt, on n'a pas une culture de la science ni de la technologie;
c'est péjoratif, ces choses-là. Alors, c'est très
difficile de maintenir des programmes dans certains coins de la province, dans
certaines régions, alors qu'eux peuvent continuer à
l'université, eux ont des passerelles très ouvertes vers la
Polytechnique ou vers les instituts supérieurs de technologie. Alors,
c'est toute cette revalorisation de la formation professionnelle, aussi, au
collège, qu'il faut faire. Actuellement, il y a une légère
remontée, mais, comme vous avez dit tantôt - c'est juste - les
chiffres des 10 dernières années nous montraient une baisse des
inscriptions. On sait aussi que le développement et que les emplois se
trouvent de ce côté-là, en très grande partie dans
des secteurs qui ne trouvent pas à employer, étonnamment. Alors,
cette revalorisation, elle commence à se faire au secteur
collégial, mais on préconise aussi des campagnes beaucoup plus
larges de publicité. On en voit actuellement à la
télévision, mais elles ne s'appliquent que pour l'école
secondaire, je crois, les métiers qu'on peut y apprendre. Au secteur
collégial, c'est encore bien timide, toute cette promotion et cette
revalorisation, ce changement des mentalités.
M. Bourbeau: Vous venez de parler du décrochage accru, si
j'ai bien compris ce que vous avez dit, à la suite de la réforme
de l'enseignement professionnel. En fait, ce que vous ditez, si j'ai bien
compris, c'est que, comme on a relevé la barre, il y a plus de monde
qu'avant qui ne réussit pas à la passer. C'est comme si on avait
fait un saut à obstacle, puis qu'on avait relevé l'obstacle, puis
là, il y a plus de gens qui tombent. Par contre, ceux qui passent
par-dessus, je présume, ceux-là sont mieux qualifiés
qu'autrefois parce que les prérequis sont plus élevés.
Êtes-vous capable de donner des statistiques sur l'augmentation du
décrochage dû à ces règles nouvelles là?
Avez-vous des études là-dessus?
M. Ricard: En fait, moi, je ne connais pas d'étude, mais,
la semaine passée, on m'a demandé, à Radio-Canada, de
donner mon avis là-dessus. Il n'y a pas juste ça, c'est qu'il y a
toute une catégorie de jeunes qui se valorisent à travers le
travail manuel. Le jour où tu leur enlèves la possibilité
d'apprendre à partir d'un
certain âge à travers cette voie-là, tu leur fermes,
en quelque sorte, leur horizon, d'une certaine façon. puis c'est
ça qui est le grave problème. lors de cette
émission-là, on soulignait que, chez les jeunes hommes, le taux
de suicide était très élevé, un des plus
élevés des pays développés, qu'on a le taux de
décrochage le plus élevé des pays
développés, qu'il y a moins de jeunes hommes au cégep et a
l'université, puis là on essayait de savoir pourquoi. mais je
pense qu'une des causes, puis ça ne date pas de longtemps, ça,
cette histoire-là - je pense, mais je n'ai pas vu d'étude
à date qui reprenait cette question-là... j'aimerais bien en
faire une. c'est une question qui m'intéresse, oui. mais je n'ai pas de
réponse.
M. Bourbeau: Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous
plaît.
Mme Harel: Merci beaucoup, M. le Président. C'est fort
intéressant, cet échange et le mémoire que vous nous
présentez. J'étais contente d'entendre M. Ricard parler de jeunes
hommes, parce que les statistiques sont trompeuses. M. Duffy, vous faisiez
allusion, avec raison, au décrochage qui se situe autour de 40 %. Mais,
dans les faits, c'est 60 % chez les garçons puis 30 % chez les filles.
On me disait que les garçons étaient en train d'atteindre le
niveau de fréquentation des années soixante, avant la
Révolution tranquille, tandis que les filles sont en augmentation de
fréquentation scolaire constante. Il y a autre chose derrière
ça, là. Comme société, je pense bien qu'il y a
sûrement quelque chose d'autre: un problème de modèle ou un
problème d'identité. On ne peut pas avoir le taux de suicide le
plus élevé au monde - ce n'est pas seulement dans les pays
développés, c'est au monde, en fait - et, en même temps, un
taux de décrochage aussi élevé chez les garçons
sans qu'il y ait des raisons, certain.
Je reviens. C'est très, très, très
intéressant parce que, ici, on ne peut pas jouer aux apprentis sorciers
puis, en quelque part, on se bute à une sorte de résistance qu'on
ne parvient pas à traverser, qui est la suivante: Est-ce qu'il faut
dépasser la conception qu'il y a, d'un côté, le travail
manuel pour les pas bons, puis le travail intellectuel pour les intelligents?
Hein! Si on dépasse cette conception-là et qu'on dit que
l'intelligence est répartie puis que la manière de
connaître... il y a des façons cognitives, je ne suis pas
très douée pour ça, mais il y a des manières de
connaître, à savoir s'ils sont plus intellectuels ou plus manuels,
mais que, finalement, c'est la même sorte de boîte crânienne
qui se manifeste, alors on n'a plus la même conception. À ce
moment-là, on ne fera pas, après secondaire III, professionnel
pour des gens qui ne peuvent pas faire d'autres choses après. Là,
c'est bien embarrassant. Elle était bonne, la question du ministre.
Est-ce que le fait d'avoir relevé la barre, c'est une bonne ou une
mauvaise chose? Ça a l'air d'être une bien mauvaise chose parce
que ça a augmenté le nombre de décro-cheurs, mais, d'un
autre côté, ça permet à ceux qui suivent la
formation au secondaire de s'en aller peut-être au collégial.
Alors, sortons de ça. Peut-être que c'est justement à poser
des problèmes comme ça qu'on ne trouve pas de vraies
solutions.
Je reviens avec la question de la page 29. Une fois que le secondaire
III est fait, qu'est-ce qui arrive après? Là, vous m'avez
rassurée quand vous m'avez dit qu'on peut passer du collégial
professionnel à l'université, surtout que j'encourage ma fille
à s'en aller au collégial professionnel, mais j'espère
qu'un jour elle ira à l'université. Donc, là vous me dites
qu'il n'y a pas de problème. On va en rester aux niveaux secondaire et
collégial. Qu'est-ce qu'on fait après secondaire III? Est-ce que,
après secondaire III, c'est comme des écoles de métier? Il
y a des gens qui sont venus ici et qui avaient de l'expérience, qui
avaient l'air de connaître ça pas mal, qui n'avaient pas
d'intérêt à défendre ça plus que quiconque,
et qui ont dit: II faudrait des vraies écoles de métier où
il ne se fait pas d'enseignement général, où on apprend le
métier, il ne faut pas que la culture soit un facteur de discrimination,
et qui ont dit: La culture est un facteur de discrimination, parce que c'est un
facteur de discrimination... C'est une question de valorisation sociale. Les
enfants ne font plus ce que les parents veulent. Les enfants font ce que leurs
pairs, entre eux, décident de faire. C'est une question de valorisation
et ça, on n'en sortira pas, comme société. Alors, comment
fait-on? Des écoles de métier après secondaire III ou bien
un enseignement général riche de chimie, physique,
mathématiques? Moi-même, je ne suis pas certaine, je ne pense pas
que j'aurais pu finir mon secondaire V avec tout ce qu'il y a comme exigences
actuellement et, pourtant, j'ai 22 années de scolarité Dans le
contexte actuel, je pense que j'aimerais mieux faire du latin que des
mathématiques. J'ai fini ma carrière de mathématiques avec
11 % en belles-lettres, mais on pouvait remplacer ça par de
l'histoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Non, mais je veux dire, je ne veux pas me
présenter comme un cas, mais il y a quand même que les temps ont
changé, et une chance que je suis d'une autre
génération.
Mais je reviens avec vous: Qu'est-ce qu'on fait après secondaire
iil? Si on veut vraiment que les passerelles... C'est beau, là, mais,
concrètement, pour que les passerelles aient lieu, pour qu'il y ait une
passerelle entre le secon-
daire et le collégial, comment s'organise-t-on? Est-ce qu'on
offre une école de métier juste pour le métier et, si les
gens veulent aller au collégial, ils iront faire leur
général? On n'en sort pas.
M. Duffy: si je peux me permettre un début de
réponse. au fond, on se retrouve avec le problème suivant,
à court ou à moyen terme: si les gens n'ont pas, en plus de cette
formation du métier qui va peut-être être très utile
tout de suite... quand on voit les fermetures d'usines actuellement, on en voit
tous les jours à la télévision et on voit des
employés qui ont 20, 25 ans de travail dans ces usines et qui nous
disent: parce qu'on n'est plus capables de lire les nouvelles machines...
alors, il y a aussi toute la conception de la société, de
l'entreprise qui ne perfectionne pas son monde et qui ne lui permet pas de
progresser. là-dessus, on pense qu'il faut qu'il y ait des interventions
très sérieuses qui soient apportées.
Mme Harel: C'est vrai.
M. Duffy: On peut former quelqu'un dans une école de
métier, avec une formation générale, je pense qu'elle est
absolument aussi indispensable pour lui permettre de continuer à
apprendre, quitte à ce qu'elle soit adaptée, ajustée,
enfin souple, mais sans elle, comment pourront-ils continuer à lire et
à apprendre? Tout se fait sur ordinateur maintenant, alors il y a des
gens qui sont tout de suite décalés dès qu'ils sortent
d'une école de métier parce que...
Mme Harel: Mais, M. Duffy, en même temps, on dit que les
exigences qui ont été haussées en 1987 sont un des
facteurs du décrochage. Est-ce qu'il faut conclure qu'il faut baisser
les exigences?
M. Duffy: Moi, comme pédagogue, parce que je suis d'abord
un enseignant et que j'aime beaucoup ça, vous me mettez dans un paradoxe
terrible; jamais je n'accepte de dire que je baisse mes exigences. Cela dit,
est-ce qu'on cale des gens pour toujours? Parce que, bon... Il y a des
apprentissages qui se font plus tard, qui se font autrement. Je veux dire,
Proust a commencé à écrire à 35 ans. Enfin, vous
voyez ce que je veux dire. Mais là, c'est effectivement très
délicat.
Si on rebaisse la barre à nouveau, est-ce qu'on aurait
nécessairement des taux de passage ou de raccrochage plus
élevés? Ce n'est pas nécessairement sûr non plus.
C'est parce qu'il y a des problèmes de société qui
entourent tout ça aussi. Il y a une misère intellectuelle et
morale qui est grande chez les jeunes actuellement.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Joly): M. Ricard, voulez-vous ajouter
quelque chose?
M. Ricard: oui. j'aurais peut-être une réflexion
là-dessus. je ne sais pas où elle peut nous mener, mais... je
suis aussi professeur dans un domaine technique qui s'appelle techniques de
recherche, enquête et sondage. c'est un peu particulier comme techniques.
on a des grosses maths, on a statistique 337 puis 437, des grosses patentes de
même, et les élèves ont beaucoup de difficultés
à passer à travers parce que c'est lourd. j'ai remarqué
une chose, c'est qu'à un moment donné, dans un cours que je
donne, on reprend toutes les mathématiques qu'ils ont vues et qu'ils ont
eu beaucoup de difficultés à passer, mais on les reprend dans le
contexte de la profession. on les reprend et ils manipulent les choses. ils
vont manipuler le papier, ils vont manipuler les ordinateurs, ils vont
manipuler les différentes techniques qu'ils ont apprises dans le cours
de mathématiques donné par le prof de mathématiques.
Mais tout à coup, il y a un éclair qui se passe, il y a
une grosse différence entre donner le cours général de
mathématiques et le donner en fonction et dans le cadre de la
profession. D'abord, la motivation est là, ils saisissent pourquoi ils
le font. S'ils ne saisissent pas pourquoi dans l'immédiat, ça ne
va pas plus loin et, à ce moment-là, ils décrochent
dès le point de départ. C'est ça, l'avantage du
professionnel sur le général pour passer certaines choses, c'est
que tu peux manipuler et, à ce moment-là, ça te motive.
Même s'ils vont se perfectionner plus tard, habituellement, ils sont
là pour avoir une job et pour jouer un rôle dans la
société dans un avenir très immédiat, pas dans 5,10
ans.
La même chose au secondaire. Par contre, à travers mes
évaluations de programmes, je me rends compte que ce qui arrive, c'est
que même s'ils disent: Je vais avoir une job dans deux ans, au bout de
deux ans, ils continuent à se perfectionner à d'autres niveaux.
Mais la différence est fondamentale entre l'approche à travers la
manipulation et l'approche à travers la théorie.
Mme Harel: Alors, vous me confirmez une chose. C'est
peut-être en cherchant à l'extérieur des modèles
qu'on connaît maintenant, c'est-à-dire dans un modèle
d'intimité entre l'entreprise et l'école, c'est-à-dire
dans un modèle d'apprentissage dans l'entreprise, c'est peut-être
là qu'on trouverait à faire la jonction entre le cours
général qui, lui, va continuer d'être de niveau assez
enrichi, mais, en même temps, l'apprentissage professionnel qui va donner
un sens à ce qui est appris. C'est peut-être là,
finalement.
Une chose avant de vous quitter, parce que le Président va
peut-être m'interrompre. Vous parlez, dans votre mémoire, de
démantèlement. J'avais noté ça, je ne me rappelle
plus, je m'excuse, à quelle page. Vous citez un directeur
de Rosemont, je pense, du cégep de Rosemont, qui assistait
à une rencontre en janvier 1991. Je pense que c'est à la page 10;
c'est bien ça, oui. Vous dites que M. Gribeauval, directeur
général du collège de Rosemont, disait qu'il fallait
continuer de relever les défis, sinon ça pourrait conduire au
démantèlement du réseau actuel et à la
création d'établissements destinés uniquement à la
formation technique et professionnelle. Vous savez que c'était
prémonitoire, parce que ça semble être un des
scénarios que le ministère de l'Éducation étudie
présentement, au moment où on se parle. Est-ce que vous avez
été informé de ça? Est-ce que vous suivez
ça, M. Duffy?
M. Duffy: Oui, justement. On est intervenu dans les
médias, la semaine passée, pour témoigner de notre
inquiétude devant ces rumeurs-là. Et nous, on a l'Impression que
le réseau, actuellement, au lieu de chercher à le défaire,
on devrait plutôt chercher à le redéployer en
l'améliorant. Il a beaucoup de richesses et beaucoup de qualités,
beaucoup de compétences aussi à offrir. On a l'impression que si
on revient 25 ans en arrière, on ne sera guère plus
avancés. Et quand on parle d'intégrer formation
générale et professionnelle, évidemment, c'est à un
autre niveau que ce qui se passe au secondaire comme problématique. Mais
je pense que M. Ricard, tantôt, le disait bien; on essaie de faire en
sorte que cette formation fondamentale, comme on l'appelle de plus en plus
maintenant, au fond, soit là pour permettre aux jeunes de continuer
à bâtir sur cette formation-là. C'est vraiment le fondement
de la maison. Et sur ce fondement solide qui lui permet d'analyser, de
synthétiser, de lire et d'écrire correctement, on va bâtir
les connaissances plus pointues.
Mme Harel: Faites-vous de la grammaire au cégep?
M. Duffy: Bien sûr qu'on en fait, et on corrige aussi
énormément de textes.
Une voix: En physique. M. Duffy: Oui.
M. Bourbeau: ...lire le Journal des débats, vous
allez avoir du travail de correction...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Duffy: Mais ça nous inquiète, effectivement,
parce qu'on se dit, finalement, que le Québec de 1992 est quand
même plus avancé que celui de 1960. Est-ce que les journalistes
qu'on forme maintenant, est-ce que les médecins qu'on forme maintenant,
est-ce que les politiciens qu'on forme maintenant sont moins articulés,
moins bons, moins instruits que ceux qu'on formait il y a 25 ans? Je n'en crois
rien, per- sonnellement. Et je pense que les jeunes sont, pour la plupart
d'entre eux, très stimulants, très ouverts, très
différents de ce que nous, on était, beaucoup moins
homogènes, beaucoup moins uniformes. Ils ont des expériences de
vie et de travail très diversifiées. Ils voyagent. Ils n'ont pas
à répéter nécessairement ce que le prof leur
raconte et à l'écrire par coeur. Il y a toute cette
conception-là, neuve et stimulante, dont on ne parle jamais. On aurait
aimé en parler, mais on a parié plutôt des problèmes
où ça pose... On parte des 40 % en difficulté, mais on
parle rarement des 60 % qui seront porteurs, demain, de ce que nous serons.
Mme Harel: Le décrochage au niveau collégial, il
est important également. On n'en parle presque pas.
M. Duffy: II est aussi important en termes numériques que
celui dont on parle au secondaire, sauf que les jeunes ont au moins un
diplôme d'études sedondaires, encore que ça soit fragile
comme lancement dans la vie. Mais les taux varient aussi autour de 35 à
40 %.
Mme Harel: Autant au professionnel qu'au général,
ou si c'est différent?
M. Duffy: C'est plus élevé, là aussi, au
professionnel.
Mme Harel: Est-ce que des facteurs ont été
étudiés? Est-ce que c'est, par exemple, un mauvais choix de
carrière?
M. Duffy: Bien, là, dans les indicateurs de performance
qu'a publiés le gouvernement il n'y a pas si longtemps, on note des
chiffres, malheureusement, et on n'a pas ces études qui nous donneraient
les raisons profondes derrière ces décrochages. Il y a
sûrement des raisons socio-économiques. Il y a sûrement de
mauvaises orientations. Il y a sûrement des gens qui découvrent
que c'est très exigeant, tout à coup, les techniques ou les
technologies professionnelles. Tantôt, M. Ricard faisait état
qu'il y a des mathématiques, des programmes dans la chimie industrielle
qui sont souvent plus difficiles que pour quelqu'un qui va prendre les sciences
de la santé pour aller en médecine. Mais ça, ils ne le
savent pas toujours. Alors, c'est dans ce sens-là que, quand on parle de
revalorisation de ces secteurs, il faut commencer au moment où ils sont
au secondaire et qu'ils sachent à quoi s'en tenir quand ils vont prendre
ces disciplines-là, que ce ne sera pas un pis-aller ou quelque chose de
négatif ou de facile parce que ça s'appelle technique, mais que
ça va être quelque chose d'exigeant et de stimulant.
Et chez nous, aussi, il y a les filles qui envahissent les secteurs de
pointe. En santé, en sciences pures, c'est les filles qui sont
souvent
les premières et les plus nombreuses dans ces secteurs-là,
comme ça se passe à l'université, aussi, de plus en
plus.
Le Président (M. Joly): Mme la députée, s'il
vous plaît, en conclusion.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Déjà, hein! Quand
c'est intéressant, ça passe vite, hein?
Mme Harel: C'est ça.
Mme Bleau: Juste une question...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Quand vous dites que les filles envahissent, est-ce
que vous le déplorez ou si vous...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ils constatent.
M. Duffy: Pas du tout, madame.
Mme Bleau: Bien.
M. Duffy: D'ailleurs, dans notre mémoire, on fait aussi
allusion à tout ce problème de l'équité en emploi
et on voudrait, justement, qu'il y ait la démythification des
candidatures, autant dans les secteurs professionnels que dans le secteur
général. Au contraire, on en est très heureux.
Mme Bleau: Bien.
M. Joly: Merci, Mme la députée. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Bourbeau: II y a des comparutions qui sont plus
intéressantes que d'autres. Parfois, quand la soirée est
avancée, on trouve que c'est moins intéressant que le matin de
bonne heure. Mais là, je dois rendre hommage aux gens qui nous visitent,
de la Fédération autonome du collégial. C'est une des
bonnes présentations qu'on a entendues, à mon avis, depuis le
début de la commission. Vous avez fait un excellent mémoire, et
on sent, à vous entendre, que vous avez une connaissance non seulement
théorique, mais pratique des problèmes vécus dans les
milieux d'enseignement. Et vous avez une approche tout à fait
réaliste des problèmes.
Une voix: Rafraîchissant.
M. Bourbeau: Moi, je suis tout à fait content de vous
avoir entendus.
Mme Harel: ...enseignement, avec l'éducation.
M. Bourbeau: On me souffle le mot
«rafraîchissant», donc je vais le donner. Et je peux vous
dire qu'en ce qui me concerne, il n'est pas impossible qu'on reprenne contact
avec vous éventuellement pour peut-être pousser un peu plus la
réflexion sur ces sujets-là puisque vous avez une connaissance
tellement approfondie de ce problème-là et une vision des choses
qui est extrêmement intéressante. Merci.
Le Président (M. Joly): alors, moi de même, au nom
des membres de cette commission, il me fait plaisir de vous remercier. la
commission ajourne ses travaux à demain, 9 h 30, dans cette même
salle.
(Fin de la séance à 21 h 5)