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(Neuf heures cinquante-huit minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour et bienvenue à tous
et à toutes à cette commission. La commission des affaires
sociales s'est réunie afin de procéder à une consultation
générale et tenir des auditions publiques sur le document de
consultation intitulé «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi
sur la Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre.
Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme
Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) sera remplacée par M.
Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques).
Le Président (M. Joly): M. Boulerice?
La Secrétaire: Oui. Mme Juneau (Johnson) par M. Boisclair
(Gouin); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par Mme Harel
(Hoche-laga-Maisonneuve).
Le Président (M. Joly): Merci. Aujourd'hui, nous
entendrons la Corporation de développement de l'est, PRO-EST et
Comité aviseur; l'Association des travailleurs et travailleuses
autonomes du Québec; l'Association des Townshippers; la Commission de
formation professionnelle de la main-d'oeuvre, région
métropolitaine de Montréal; le Mouvement d'éducation
populaire et d'action communautaire du Québec; le Regroupement
provincial des services externes de main-d'oeuvre pour personnes
handicapées; la Commission des écoles catholiques de
Montréal et, finalement, la ville de Montréal.
Je demanderais maintenant à la Corporation de
développement de l'est, PRO-EST et au Comité aviseur de bien
vouloir prendre place s'il vous plaît. J'apprécierais que la
personne responsable du groupe puisse s'identifier et aussi identifier les gens
qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Corporation de développement de l'est, PRO-EST
et Comité aviseur
M. Chaput (Jean-Guy): Mon nom est Jean-Guy Chaput, je suis le
président de PRO-EST. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma
droite, du président de la CDEST, qui est M. Jean-Pierre Nepveu, et,
à l'extrême droite, de M. Gilles Goulet, qui remplace M. Yvon
Charbonneau, qui est du Comité aviseur et, à ma gauche, j'ai le
directeur général de PRO-EST, M. Gaétan Desrosiers.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vous rappelle
que vous avez environ une vingtaine de minutes pour nous exposer votre
mémoire et, par après, les parlementaires auront le
privilège d'échanger avec vous. S'il vous plaît, vous avez
la parole.
M. Chaput: Merci, M. le Président. Les partenaires
socio-économiques de l'est de 111e de Montréal, qui
expérimentent sur le terrain depuis le printemps 1986 la dynamique de la
difficile concertation, souscrivent pleinement aux orientations contenues dans
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. Dans le contexte de la mondialisation des marchés, il
s'avère impératif de prendre le virage du développement
des ressources humaines québécoises.
En effet, tout en reconnaissant la nécessité de rehausser
les niveaux de compétitivité des entreprises et de
productivité de la main-d'oeuvre, nous devons constater la situation
inacceptable, voire intolérable d'une société
québécoise gaspillant littéralement un réservoir
très important de ses ressources humaines. Rappelons-nous cette triste
statistique: 11,8 % de chômeurs au Québec, avec une concentration
pouvant atteindre jusqu'à 50 % dans certains quartiers de l'est de
l'île de Montréal. c'est pour travailler au redressement de cette
réalité socio-économique que les intervenants de l'est de
l'île de montréal (employeurs, syndicats, organismes
institutionnels et communautaires) ont opté résolument pour la
voie de la concertation afin de mettre en place les moyens susceptibles de
préserver les emplois existants, de créer de nouvelles
entreprises et de résorber le chômage. cette recherche de moyens
pour relancer l'économie de l'est de file de montréal a conduit
à la mise sur pied d'organismes tels: le comité aviseur,
créé par le ministère de la main-d'oeuvre, la cdest, qui
est la corporation de développement de l'est de montréal, la
société de promotion et de concertation socio-économique
de l'est de montréal (pro-est), qui a été
créée suite au rapport du creeem, qui est le comité pour
la relance de l'économie et de l'emploi dans l'est de montréal,
et qui était plus connu sous le nom du rapport pichette, suite aux
recommandations qui privilégiaient la concertation dans l'est de
l'île pour réussir à recréer l'emploi.
L'exceptionnelle mobilisation de l'ensemble
de ces partenaires a généré de nombreuses
réalisations: constitution d'un fonds régional d'investissements,
création d'un réseau de parrainage d'entreprises, support au
démarrage d'entreprises, organisation d'une vaste campagne de promotion
et de valorisation de l'est de l'île de Montréal, conception et
mise en place d'un guichet multiservices pour l'emploi et la formation,
innovation dans le développement de l'employabilité par les
groupes communautaires, etc.
Forts de cette précieuse expérience poursuivant un
objectif commun, la relance économique de l'est de Montréal, les
principaux partenaires socio-économiques qui y sont engagés
tiennent à exprimer au ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle ce message:
L'actualisation de quelque politique de développement de la
main-d'oeuvre qui sera retenue par le gouvernement aurait tout
intérêt, notamment dans l'est de l'île de Montréal,
à composer siqntficativement avec les forces vives du milieu.
Inspirés par cette pratique de partenariat centrée sur
l'action, nos commentaires et nos réactions porteront sur certains
aspects de l'énoncé de politique et du projet de loi 408 sur
lesquels nous croyons détenir une certaine expertise.
M. Nepveu (Jean-Pierre): la main-d'oeuvre dont il est fait
mention dans l'énoncé de politique est soit en emploi, soit au
chômage et, donc, plus immédiatement prête à
intégrer le marché du travail. si, comme l'affirme
l'énoncé de politique, le ministère de la main-d'oeuvre,
de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle
demeure préoccupé par le développement de la main-d'oeuvre
en général, il y aurait donc lieu de mieux qualifier la
population visée. notre expérience nous révèle que
nous devons composer avec trois grandes catégories de main-ci oeuvre,
chacune d'elle commandant des approches variées en termes de
développement des compétences. une première
catégorie est active et en emploi; une seconde, sans emploi, mais
immédiatement prête à réintégrer le
marché du travail, généralement en chômage, et une
troisième, moins favorisée, est dans un état de
préemployabilité. cette dernière catégorie semble
absente de l'énoncé de politique.
Or, on sait qu'un nombre important d'individus sans emploi, à
cause d'une absence prolongée du marché du travail et de leur
isolement, nécessite une intervention en profondeur au niveau de leur
réinsertion sociale et professionnelle. On parle, dans leur cas, de
préemployabilité. Ils ne peuvent être laissés de
côté encore une fois.
Des organismes du milieu ont développé une expertise
reconnue auprès de ces individus qui leur permet d'entreprendre, avec
succès, les démarches nécessaires à leur retour sur
le marché du travail. Toutefois, les organismes ne disposent pas
toujours des ressources suffisantes pour offrir leurs services de façon
continue et encore moins pour les développer, alors que les besoins se
font nombreux et pressants. Dans notre esprit, il ne fait aucun doute qu'il
faille supporter, voire renforcer, le travail de ces organismes en leur
garantissant des ressources adéquates à moyen terme.
En conséquence, nous recommandons que toutes les
catégories de personnes visées par le développement des
compétences soient explicitement couvertes par l'énoncé de
politique; que des stratégies sectorielles d'intervention auprès
des personnes à profils différenciés
d'employabilité soient identifiées dans l'énoncé de
politique; que les organismes communautaires de l'est de Montréal
offrant des services de développement de l'employabilité de
main-d'oeuvre obtiennent ûe la part du ministère une
reconnaissance assortie de ressources financières stables et suffisantes
accordées sur une base triennale afin de leur permettre de maintenir et
d'intensifier leurs interventions auprès des clientèles
visées; que le Comité aviseur de l'est de Montréal
poursuive son aide à des organismes du milieu dans leur recherche
d'approche novatrice au développement des compétences des
sans-emploi.
M. Goulet (Gilles): On retrouve dans l'énoncé de
politique des analyses socio-économiques et politiques fort pertinentes
en ce qui a trait à l'état des compétences de la
main-d'oeuvre au Québec. On y retrouve également tout un train de
mesures pour améliorer les compétences Or, dans le projet de loi,
la modalité privilégiée en est une de mise sur pied d'un
réseau de sociétés de développement de la
main-d'oeuvre. Somme toute, une solution de nature structurale visant, entre
autres, la concertation.
Les partenaires de l'est de Montréal, déjà
associés au cours des cinq dernières années dans un tel
processus de concertation, aimeraient attirer l'attention de la commission sur
certaines dimensions de cette structure qui risqueraient de la faire
dévier de l'atteinte des objectifs visés.
Dans l'énoncé de politique, on appuie sur l'importance de
donner un sens au partenariat en confiant auxdits partenaires plus de
responsabilités et de moyens d'action. En conséquence, on forme
un conseil d'administration composé de grands partenaires
représentant les employeurs, les organismes coopératifs, les
syndicats et le milieu de l'enseignement.
Par ailleurs, dans le projet de loi 408, le ministre ne prévoit
aucune règle de consultation quant à la nomination à la
présidence de la Société de développement
québécoise et balise les responsabilités du conseil en se
réservant des pouvoirs importants décrits notamment aux articles
21, 22 et 27. Notons également les contraintes que l'on retrouve dans la
loi quant au fonctionnement des sociétés régionales,
lesquelles sont assujetties à la société nationale. On
n'a,
pour cela, qu'à se référer aux articles 32, 43 et
46. N'y a-t-il pas, dans la combinaison de ces deux éléments,
entre autres, une restriction significative de l'intention de confier plus de
responsabilités aux partenaires que l'on veut associer dans un
réel processus d'influence?
Au conseil d'administration de la Société
québécoise de développement sont représentés
de grands secteurs d'intervenants socio-économiques: employeurs,
salariés syndiqués, milieu coopératif et de
l'enseignement. D'autres intervenants tout aussi concernés par une
politique de développement de la main-d'oeuvre n'y trouvent pas de
place: des groupes de femmes - et Dieu sait que dans l'énoncé de
politique on consacre une place importante à l'apport des femmes sur le
marché du travail et aux conditions qui leur sont faites - de jeunes,
des communautés culturelles et des organismes communautaires.
En conséquence, nous recommandons que le conseil d'administration
soit à tout le moins consulté par le ministre avant qu'il ne
procède à la nomination à la présidence de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre; que l'on retire du projet de loi 408 les articles 21, 22 et 27,
puisque le ministre peut s'appuyer sur l'article 30 pour exercer l'ensemble de
ses responsabilités; que l'on porte le nombre de membres du conseil
d'administration de 19 à 22. Ces trois postes supplémentaires
pourraient être remplis par des représentants de groupes de
femmes, de jeunes, de communautés culturelles, d'organismes
communautaires.
Si on tente de visualiser la structure de fonctionnement proposée
par le projet de loi 408, elle pourrait s'apparenter à ce que l'on
retrouve dans le document que l'on vous a présenté. D'un
côté, la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, dont
on ne fait nullement mention dans le projet de loi. En conséquence, quel
sera le rôle de cette Conférence permanente de la main-d'oeuvre
dans le cadre de la mise en place de l'ensemble de la structure du
réseau des sociétés de développement? On retrouve
la Société québécoise de développement, des
sociétés régionales et des bureaux locaux.
Parallèlement à ça, on pourrait inclure le maintien
de tout le réseau des centres Travail-Québec et, tant et aussi
longtemps qu'on n'a pas, comme on le voit un peu plus loin, rapatrié les
responsabilités du fédéral en ce qui a trait au
développement de la main-d'oeuvre, le réseau des centres Emploi
et Immigration Canada, une telle structure de fonctionnement risque de
s'alourdir sous le poids de la bureaucratie. N'oublions pas qu'un des
principaux reproches - pour avoir participé à des rencontres avec
les employeurs, les syndicats et les différents partenaires, et avoir
animé des tables de discussion sur le sujet - qui est fait actuellement
à la structure en place, c'est sa lourdeur bureaucratique. Dans
l'énoncé de politique, ça ne fait pas partie du
diagnostic. Peut-être que ça se profile derrière les
difficultés qu'on identifie en termes de complexité et de
diversité de services et qu'à travers ça on peut
décoder une lourdeur bureaucratique, sauf que c'est une des
préoccupations, c'est un des grands reproches que le milieu peut faire
actuellement à la structure existante et ainsi s'éloigner
progressivement des besoins du milieu. Les réprésentants au
conseil d'administration de la Société québécoise
et ceux des sociétés régionales devront constamment
veiller à se centrer sur les services aux usagers, employeurs et
main-d'oeuvre, au grand risque qu'à ce moment-là tous les
objectifs visés dérivent de l'objectif principal.
M. Nepveu: Le rôle prévu des bureaux locaux
s'apparente grandement à celui joué dans l'est de Montréal
par le guichet multiservices pour l'emploi et la formation. Le guichet
multiservices est géré par la Corporation de développement
de l'est et financé par le ministère de la Main-d'oeuvre via ie
Comité aviseur. Emploi et Immigration Canada, le Service d'aide sociale
de la ville de Montréal et la CFP du Montréal
métropolitain ont respectivement accepté d'affecter un de leurs
employés au guichet. C'est un projet innovateur qui a été
mis en place à la demande pressante de l'ensemble des partenaires du
milieu et qui rend de précieux services aux employeurs et à la
main-d'oeuvre. si vous le permettez, j'aimerais prendre quelques instants pour
faire un bref retour sur les motifs qui ont donné lieu à la mise
sur pied du guichet. dès les débuts de notre corporation, tant
les représentants du milieu des affaires que ceux des milieux
communautaires ont constaté les difficultés d'arrimage entre la
main-d'oeuvre sans emploi et les besoins des entreprises. pour illustrer ceci,
prenons l'exemple de l'entreprise pour laquelle je travaille. notre entreprise
avait une entente de services avec le centre de main-d'oeuvre. il nous arrive
souvent, dans les périodes de pointe, d'avoir des besoins de
main-d'oeuvre non spécialisée. comment expliquer que, dans un
quartier où nous retrouvons 50 % de sans-emploi, il fallait faire appel
à des centres d'autres quartiers pour combler nos besoins? s'il fallait
porter un jugement sur les résultats, je vous laisse tirer vos
conclusions. notre milieu, lui, a tiré les siennes. (10 h 15)
Aujourd'hui, grâce au regroupement en un même lieu des
représentants des institutions et de nos propres ressources, nous avons
énormément progressé dans l'amélioration des
arrimages. Aujourd'hui, le directeur des ressources humaines de notre
entreprise peut combler rapidement ses besoins de main-d'oeuvre avec des
travailleurs du quartier et ce, de façon très efficace
grâce au service du guichet. Tout n'est malheureusement pas aussi facile:
nos rapports avec le milieu institutionnel sont souvent difficiles mais,
malgré cela, les résultats nous incitent à continuer.
Il
faut aussi juger le tout en tenant compte de l'ampleur de la tâche
versus les ressources disponibles. C'est ainsi qu'une banque de la
main-d'oeuvre a été constituée dans le but de
répondre aux demandes de personnel des entreprises de l'est; des projets
de formation sur mesure ont été élaborés afin de
répondre à des besoins spécifiques comme, par exemple, la
formation de caissiers, caissières suite à l'identification d'un
besoin des caisses populaires de l'est de Montréal par notre
équipe du guichet, formation qui a permis à neuf sur treize
finissants de se trouver un emploi; des ateliers de préparation de
curriculum vitae sont offerts aux personnes en recherche d'emploi, des services
d'orientation professionnelle sont également accessibles. Tous les
services du guichet sont donnés en s'assurant de la plus grande
concertation possible entre, d'une part, l'ensemble des secteurs de la CDEST,
soit les services aux entreprises ou aux organismes communautaires, et, d'autre
part, avec tous les partenaires externes, institutionnels, privés et
communautaires.
En ce qui a trait particulièrement à la formation de
main-d'?uvre, le guichet a expérimenté des approches qui ont
donné des résultats fort positifs, parce que, entre autres
choses, une attention particulière a été accordée
au recrutement, à la sélection des stagiaires, à la
pertinence des contenus eu égard aux besoins de formation
identifiés dans le milieu, et au suivi postformation. Il y a donc lieu
de favoriser les arrimages fonctionnels dans la mise en place de ce
troisième palier du réseau des sociétés de
développement de la main-d'oeuvre avec les services déjà
en place, et qui ont fait leurs preuves, ou d'envisager sérieusement la
possibilité de confier au guichet le rôle prévu pour ses
bureaux locaux dans l'est de Montréal.
Autre aspect non négligeable à clarifier dans
l'implantation des sociétés régionales: les limites
territoriales. En effet, il faudra préciser la délimitation
territoriale de la société régionale de Montréal
afin de tenir compte de la population montréalaise, de sa
diversité, de la complexité de son infrastructure
économique et politique, somme toute, de la spécificité de
l'environnement montréalais. Est-ce l'île de Montréal?
N'oublions pas que les objectifs poursuivis ne peuvent s'obtenir sans
partenariat. Le partenariat a de meilleures chances de réussite dans des
milieux de dimension raisonnable. le territoire montréalais fourmille
d'organismes dont les énergies convergent de plus en plus en vue de
favoriser l'émergence de projets créateurs d'emplois. le
processus de mise en place de cette société locale devra
reconnaître l'apport de ceux-ci. dans t'est de montréal, on ne
peut contourner la remarquable démarche de prise en main par les
partenaires locaux en vue de relancer l'activité économique de
cette région, démarche supportée, d'ailleurs, par tous les
paliers gouvernementaux.
Dans l'implantation de la société régionale de
Montréal, il ne faudra jamais ignorer qu'il existe des
sous-régions à Montréal qui ont chacune leurs
particularités: l'est, le sud-ouest, le centre-sud, pour n'en citer que
quelques-unes. Ces particularités montréalaises pourraient
être prises en compte en élargissant le champ couvert par les
comités consultatifs sectoriels. Les organismes tels que PRO-EST, la
CDEST, le Comité aviseur pourraient se constituer en un comité
consultatif et, ainsi, assister le conseil régional dans la
réalisation de sa mission. Il pourrait en être de même pour
les groupes de femmes, de jeunes, les communautés culturelles et les
organismes communautaires.
En conséquence, nous recommandons que l'implantation de la
société régionale de développement de
Montréal se fasse en associant l'ensemble des partenariats
déjà existants dans l'est de Montréal, notamment PRO-EST,
le Comité aviseur, et la Corporation de développement
économique; que l'on porte le nombre de membres du conseil
d'administration de 13 à 16. Ces trois postes supplémentaires
pourraient être occupés par des représentants des groupes
de femmes, de jeunes, de communautés culturelles, d'organismes
communautaires; que les organismes déjà dûment
constitués en partenariat puissent former un comité consultatif
sectoriel rattaché au conseil régional de Montréal; que
les comités consultatifs sectoriels soient formés pour des
groupes de femmes, de jeunes, des communautés culturelles et des
organismes communautaires afin qu'ils puissent exprimer leurs besoins et
attentes en termes de développement de la main-d'oeuvre; que, dans la
phase d'implantation de la société régionale de
développement de Montréal, le ministère de la
Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle maintienne un fonds d'adaptation de la main-d'oeuvre pour l'est
de Montréal et que la gestion de celui-ci soit confiée au
Comité aviseur; que la CDEST, par son guichet multiservices, participe
activement à la sélection des candidats à des programmes
de formation, à l'évaluation de la pertinence des cours offerts
en égard des besoins des entreprises du milieu et au suivi du placement
de la main-d'oeuvre; qu'avant d'implanter les bureaux locaux on explore la
possibilité de confier certains mandats prévus pour ces derniers
à des organismes déjà existants et ayant fait leurs
preuves; que le territoire couvert par la société
régionale de Montréal soit celui de l'île de
Montréal, que l'on questionne le lien entre la Conférence
permanente sur la main-d'oeuvre et la structure proposée.
M. Goulet: En ce qui a trait au rapatriement de l'ensemble des
budgets fédéraux affectés au secteur de la main-d'oeuvre,
nous sommes brefs. Une politique complète et articulée du
développement de la main-d'oeuvre serait éminemment
incomplète sans le rapatriement de l'ensemble des budgets
fédéraux affectés à ce secteur. Nous appuyons donc
sans réserve toute démarche que le gouvernement
québécois entreprendra en ce sens. En conséquence, nous
recommandons que le gouvernement du Québec mette tout en oeuvre afin de
rapatrier, dans les plus brefs délais, l'ensemble des budgets
fédéraux affectés au secteur de la main-d'oeuvre.
Toutefois, on y met un bémol. C'est que, suite à ce
rapatriement, on évite d'alourdir la structure québécoise
de développement de la main-d'oeuvre. Vous pouvez voir, à travers
ça, notre préoccupation d'éviter la
«structurette» et l'alourdissement bureaucratique. D'ailleurs, dans
l'énoncé de politique, à un moment donné, on dit:
On va rapatrier. Une fois rapatrié l'ensemble des ressources, on va
revoir et agrandir notre infrastructure. Alors, ça, ça nous
préoccupe au plus haut point.
M. Chaput: En guise de conclusion, nous ne pouvons que souscrire
avec enthousiasme aux intentions et à plusieurs des moyens
proposés dans l'énoncé de politique. Il était temps
que l'on reconnaisse explicitement que la principale richesse du Québec
réside dans ses ressources humaines. Si l'on veut garantir un
développement durable de nos ressources humaines, il nous faudra en
toute urgence passer du développement des compétences de la
main-d'oeuvre a une authentique et vigoureuse politique de plein emploi qui
transcende les objectifs de compétitivité et de
productivité.
La poursuite d'un taux élevé d'emploi, voire du plein
emploi dans plusieurs pays est prioritaire par rapport à d'autres
considérations économiques et, en particulier, par rapport
à la lutte à l'inflation. Au Canada, c'est l'inverse qui se
passe. La lutte à l'inflation est l'objectif premier poursuivi par le
gouvernement d'Ottawa et la Banque du Canada. Et une des conséquences
catastrophiques de cette lutte contre l'inflation, c'est le chômage.
Le réseau des Sociétés de développement de
la main-d'oeuvre est présenté comme le moyen
privilégié par le ministère pour atteindre les objectifs
poursuivis par l'énoncé de politique. Il est porteur de
conditions facilitant le nécessaire partenariat en matière de
développement de la main-d'oeuvre. Toutefois, il faudrait prendre toutes
(es précautions qui s'imposent afin que, localement, l'application de
cette politique s'anime le plus harmonieusement possible avec les
démarches déjà en cours dans les milieux. N'oublions pas
que les stratégies de développement économique les plus
efficaces et percutantes trouvent leurs racines dans les régions et les
sous-régions. Cette structure que nous propose le ministre, si on n'y
prend garde, risque de devenir centralisatrice et lourdement bureaucratique.
Depuis cinq ans, dans l'est de l'île de
Montréal, le partenariat n'est plus un concept mais une
réalité solidement enracinée dans les pratiques des
principaux agents socio-économiques résolument engagés
dans la relance économique de cette région.
C'est dans cette perspective que les représentants de PRO-EST, du
Comité aviseur et la CDEST sont disposés à mettre leur
expertise dans la création d'emplois et de l'employabilité au
service de l'atteinte des objectifs poursuivis par l'énoncé de
politique. Et j'aimerais vous rappeler rapidement que cette expertise, que l'on
retrouve autant à PRO-EST qu'à la CDEST qu'au Comité
aviseur, est composée surtout de décideurs, contrairement
à ce qu'on peut retrouver dans d'autres types de corporations.
Les grandes entreprises que l'on retrouve, qui sont Johnson &
Johnson, qui sont des entreprises comme Esso, comme Métro-Richelieu,
elles sont représentées soit par leur directeur
général, leur vice-président ou encore leur
président d'entreprise. La même chose pour des PME. On parle du
groupe Lavo, on parle d'Enveloppe Suprême qui sont
représentés soit par leur président ou leur
vice-président. La même chose pour les syndicats comme la CSN, que
ce soit le secrétaire général de la CSN ou le
président du Conseil central de Montréal qui représente la
CSN; la même chose au niveau de laFTQ.
Donc, ce sont des décideurs au niveau de ces organismes qui sont
représentés à l'intérieur de ces corporations. Ces
gens-là sont au niveau de l'activité et ils sont très
actifs, soit: les employeurs, les syndicats, les groupes communautaires et les
institutions. Je pense que ces gens-là ensemble, cette concertation qui
se fait depuis 1986, a été difficile, parce que l'est c'est
grand, c'est plus que le quart de l'île de Montréal et c'est plus
de 350 000 personnes. Au Canada, on considérerait peut-être
ça comme une province à un moment donné. Il faut
comprendre que cette population-là compte beaucoup de chômeurs. On
disait que dans certains quartiers ça peut atteindre 50 %. Je pense
qu'il y a une concertation qui est intéressante et qui se fait aussi
avec les gouvernements, puisque les gouvernements y ont aussi
délégué des gens qui prennent intérêt dans le
domaine. Nous avons, entre autres, la ville d'Anjou qui est
représentée par son maire, la ville de Montréal-Est par
son maire aussi, la ville de Montréal par un membre du comité
exécutif. Bref, je pense qu'on a pris au sérieux tout ce qui
était le problème de l'est et je pense que cette concertation...
Aujourd'hui, trois organismes autonomes sont ici ensemble et présentent
un même mémoire dans le but de vous sensibiliser sur la
façon dont nous avons identifié le problème et auquel nous
croyons qu'il y a des solutions. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Chaput.
Merci, messieurs. M. le ministre, s'il vous plaît.
Mme Harel: C'est peut-être pour nous faire de bonnes
annonces.
M. Bourbeau: Non. J'étais en train de vérifier
certaines choses.
Mme Harel: Vérifier combien. Combien?
M. Bourbeau: Est-ce que la députée de
Hochelage-Maisonneuve veut me déstabiliser?
M. le Président, il me fait plaisir de saluer les gens de la
Corporation de développement de l'est de Montréal dont,
justement, la députée de Hochelaga-Maisonneuve me dit
continuellement beaucoup de bien. Voilà pour les bonnes relations avec
l'Opposition! Je sais le travail que vous faites. Nous avons, d'ailleurs,
contribué largement à votre naissance et, en tout cas, votre
progression, puisque le gouvernement du Parti libéral a lancé le
programme de relance de l'est de Montréal, a financé le programme
de relance de l'est de Montréal depuis cinq ans.
J'ai regardé avec beaucoup d'attention votre mémoire qui,
bien sûr, est un mémoire fabriqué par un organisme qui est
très très près du milieu, comme vous le faites valoir.
L'argument que vous développez, à l'effet que personne n'est plus
au courant des problèmes que ceux qui sont rapprochés de la
population, est le même argument que nous avions fait valoir à
l'endroit du gouvernement fédéral il y a deux ans, lorsque nous
avons incité le gouvernement fédéral à
décentraliser les politiques de main-d'oeuvre vers les provinces,
étant entendu que les marchés du travail au Canada varient d'une
province à l'autre. Il était donc inutile, selon nous, de
maintenir les anciens programmes pancanadiens "coast to coast", comme la
planification de l'emploi, qui étalent de lourdes structures
bureaucratiques pancanadiennes. J'ai souvent dit dans certaines de mes
allocutions que, dans ce programme, la définition du mot
«employeur» recevait 18 sens différents dans le
programme.
Il semble que le gouvernement fédéral ait entendu notre
appel puisqu'on a mis fin à ces programmes-là. Et, aujourd'hui,
vous me tenez le même langage en nous disant que chaque composante de la
ville de Montréal est différente. L'est a ses
particularités, etc. C'est un message que je comprends très bien
et que je reçois.
Dans votre mémoire, vous traitez de bien des sujets, bien
sûr. Vous parlez abondamment de la Société
québécoise de développement de la main-d'?uvre. Je
vous écoutais tantôt vanter les mérites de l'est de
Montréal en nous disant que c'était un territoire très
important, très grand, 350 000 de population. Ma réflexion, M. le
Président, était que c'est presque aussi grand que la rive sud de
Montréal, qui est d'à peu près 400 000. Mais, en fait, je
vous comprends. On a des territoires à peu près égaux,
alors il faut en tenir compte. ( 10 h 30)
Vous recommandez que le ministre consulte le conseil d'administration
dans le choix du président-directeur général. C'est un
choix qui est important. C'est une décision qui sera importante, le
choix du président-directeur général ou de la
présidente-directrice générale parce que les actions de fa
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, ses premières décisions, son lancement, ce sera
des gestes et des actions qui seront déterminants pour l'avenir de la
société. Si nous ne posons pas les bons gestes au début,
il est possible que la Société ne connaisse pas l'envol qu'on
voudrait lui voir connaître et, dans ce sens-là, j'ai l'intention
de m'assurer que nous ayons les meilleures personnes disponibles et que les
consultations se fassent. Il faudra s'assurer que les gens qui seront
nommés au conseil d'administration et à la présidence,
bien sûr, soient des gens compétents, dynamiques, et qu'ils ne
soient pas que des théoriciens mais des gens qui seront aussi
très conscients des problèmes pratiques.
Il y aura sûrement très peu - M. le Président, si
j'ai un mot à dire là-dedans - de gens qui vont flotter dans les
hautes sphères des nuages de la théorie, mais j'espère
qu'il va y avoir aussi beaucoup de gens qui vont plutôt avoir le sens
pratique et une bonne connaissance des milieux. Mais je me demandais, sur le
plan pratique, comment je pourrais consulter le conseil d'administration
lorsque le gouvernement voudra faire la nomination du président, parce
que, à mon avis, on va certainement nommer le président avant les
autres membres du conseil. Il serait étonnant qu'on nomme les membres du
conseil, les vice-présidents et, à la fin de tout, le
président. Ce n'est pas la façon dont on procède
normalement. On nommerait plutôt le P. -D. G. en partant et, après
ça, les vice-présidents puis les membres du conseil. Enfin, II me
semble, en tout cas. Certainement le président avant les membres du
conseil, de façon à ce qu'il y ait même une consultation
avec le président dans la nomination. Dans ce sens-là, il
pourrait être difficile de consulter le conseil avant de nommer le
président mais possiblement qu'on pourrait consulter les membres de la
Conférence permanente, cependant. Est-ce que ça, ça
pourrait aller pour vous?
Le Président (M. Joly): M. Chaput.
M. Chaput: Ce que je veux dire par «consulter le conseil
d'administration»... Remarquez que, nous, on a une formation qui est un
peu différente. Je donne l'exemple de Desjardins qui réussit
assez bien quand même au Québec, c'est le conseil d'administration
qui nomme le président un peu partout dans ses composantes, y compris
à la tête du Mouvement. C'est une façon
de dire que ça empêche que le conseil d'administration soit
simplement consultatif ou que le président dise: Oui, mais, de toute
façon, mon pouvoir, je ne le tiens pas du conseil d'administration,
donc, je vais y alter comme je veux. C'est un petit peu une façon, un
vécu qui se fait au Québec. Si le président est
nommé par le conseil, il se sent plus redevable de rendre des comptes.
Mais remarquez que ce n'est pas facile, je comprends les problèmes que
vous avez, mais on essaie un peu d'imager ce que c'est. Trop souvent, dans les
entreprises où le président est nommé à part du
conseil d'administration, vous comprendrez bien qu'il ne voit pas là une
autorité, mais qu'il voit là tout simplement, peut-être des
fois, quelque chose pour l'ennuyer dans ses orientations qu'il veut donner.
M. Bourbeau: II est possible que, pour les présidents
subséquents, ce soit plus facile, parce que le conseil sera
déjà en place, mais, pour le premier président, ça
peut être un peu compliqué de consulter un conseil
d'administration qui ne sera pas nécessairement déjà
nommé. Mais sûrement que je retiens la suggestion. D'ailleurs,
j'avais déjà l'intention de le faire, on consultera probablement
plutôt les membres de la Conférence permanente. Vous voulez
ajouter quelque chose?
Le Président (M. Joly): M. Goulet.
M. Goulet: C'est ce que j'allais dire. À tout le moins,
déjà, je trouve que c'est une approche qui va dans ce
sens-là. Si vous consultez les membres de la Conférence, à
tout le moins, déjà, c'est un premier pas intéressant
puisque l'ensemble des partenaires ou un bon nombre des partenaires risquent de
se retrouver également à la Société nationale.
M. Bourbeau: Alors, si vous avez des suggestions à me
faire... Mais je vous le dis personnellement, de par ma formation et mes
habitudes, je privilégie beaucoup les gestionnaires à ceux qui
ont des qualifications, disons, plutôt dogmatiques. Dans vos av.,
insistez sur cet aspect-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Maintenant, vous nous dites également, dans
vos recommandations... M. le Président, vous n'êtes pas d'accord
avec moi? Ha, ha, ha! Que l'on porte le nombre de membres du conseil
d'administration de 19 à 22 à la Société. Vous
faites la même proposition pour les sociétés
régionales, de 13 à 16. Là, vous dites: «Ces trois
postes pourraient être remplis par des représentants de groupes de
femmes, de jeunes, de communautés culturelles et d'organismes
communautaires.» Là, j'ai comme un problème, parce que vous
m'en nommez quatre. Vous voulez que j'ajoute trois sièges et vous en
nommez quatre. Lequel des quatre voulez-vous qu'on enlève? Les femmes,
les jeunes, les communautés culturelles ou les organismes
communautaires?
Le Président (M. Joly): M. Goulet.
M. Goulet: ii faudrait peut-être en ajouter un
quatrième, m. le ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Vous ne voulez pas choisir.
M. Goulet: Pour faire l'adéquation. Non, mais je pense que
le message essentiel que l'on voulait livrer, c'est que les partenaires
identifiés pour former le conseil d'administration, ce sont des
partenaires qui, dans l'ensemble, représentent des groupes
organisés, structurés. Or, il y a certains salariés qui ne
sont pas organisés, structurés à l'intérieur de
syndicats et d'associations. Et, ce qu'on disait, c'est qu'à tout le
moins il faudrait leur permettre une possibilité d'être
représentés au conseil d'administration.
M. Bourbeau: Pour les salariés, bon, je comprends ce
message-là. Les salariés non syndiqués, les organismes
communautaires. Les femmes, par exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas
plutôt tenter de s'assurer qu'il y aura un grand nombre de femmes qui
soient nommées par les syndicats, le patronat et le gouvernement et
est-ce qu'on devrait avoir une personne qui représente les femmes
individuellement, comme femme, plutôt que... Je ne sais pas ce qu'en
pense la députée de Hochelaga-Maisonneuve. J'aimerais
l'entendre.
Mme Harel: Je vous le dirai tantôt.
M. Chaput: Je suis entièrement d'accord avec vous, M. le
ministre, enlevez les femmes.
Mme Harel: Je regrette que Mme Aveline ne soit pas là.
M. Chaput: Je pense qu'elles sont capables, elles sont partout,
dans tous les milieux et il va sûrement y en avoir. Vous allez
sûrement avoir la préoccupation de vous assurer qu'il y en a
ailleurs. Donc, on n'a peut-être pas besoin d'en faire un groupe
particulier, et elles se sentiraient mal probablement là-dedans.
M. Bourbeau: Peut-être que tantôt... On
écoutera la députée de Hochelaga-Maisonneuve
là-dessus tout à l'heure.
Mme Harel: Tout ce qui est dit ici est enregistré.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Joly): Les paroles s'envolent et les
écrits restent mais ici, les paroles restent aussi.
M. Bourbeau: Je formule le voeu que la députée de
Hochelaga-Maisonneuve se prononce officiellement tout à l'heure sur la
question, M. le Président.
Une précision seulement, au bas de la page 5, vous recommandez
«que l'implantation de la société régionale de
développement de Montréal... » Vous voulez dire de
développement de la main-d'oeuvre, je présume. Parce que je ne
voudrais qu'il y ait une confusion avec le projet de décentralisation
administrative de mon collègue, le ministre du Développement
régional qui, lui, va créer des sociétés de
développement régional. Vous savez, le remplacement de l'OPDQ.
Vous êtes au courant de la politique de développement. Vous parlez
de la société de développement de la main-d'oeuvre, ici,
n'est-ce pas?
M. Chaput: Absolument, oui.
M. Bourbeau: O. K. Alors, il faudrait être précis
parce qu'il pourrait y avoir...
M. Chaput: Je vous comprends.
M. Bourbeau:.... les conseils régionaux de
développement aussi. Bon, après ça, vous parlez du
territoire de la société régionale de Montréal,
soit celui de l'île de Montréal. Ça, c'est
intéressant, parce que présentement, avec les commissions de
formation professionnelle, si ma mémoire est fidèle, Laval et
Montréal sont dans la même CFP. Alors, vous suggéreriez
qu'on évacue Laval et qu'on laisse à l'île de
Montréal un territoire unique pour une société de
développement de la main-d'?uvre, c'est ça? Et ça
comprendrait le West Island puis l'est de Montréal et le nord, disons,
Montréal-Nord, etc., la ville de Montréal, tout ça dans
une société de développement de la main-d'oeuvre, c'est
ça?
M. Nepveu: Nous, on a la conviction que plus le territoire est
bien cerné, plus le partenariat, plus la concertation est facile
à faire. Et dans ce sens-là, sans passer à des
excès dans le sens contraire, on a une préoccupation de ne pas
être noyés avec d'autres populations qui pourraient avoir d'autres
préoccupations et d'autres objectifs que les nôtres.
M. Bourbeau: Et, pour vous, le territoire de Laval, par exemple,
est un territoire qui est suffisamment différent pour ne pas faire
partie de la même...
M. Nepveu: En termes de profil de clientèles, entre autres
là, je pense que c'est assez évident.
M. Bourbeau: C'est un point de vue qui est assez
intéressant. Je verrais difficilement, par exemple, que la rive sud soit
dans le même territoire que l'est de Montréal pour les mêmes
raisons. Ce serait un peu gros.
M. Chaput: II faut comprendre, M. le ministre, que,
géographiquement, on est plus près de Laval, mais, au niveau du
tissu des gens qui l'occupent, on est plus près des gens du sud-ouest,
qui sont plus loin. Comme les gens du réseau avec lesquels on a de
bonnes relations. C'est des gens qui se ressemblent, ils ont la même
main-d'?uvre ou à peu près; puis, pourtant,
géographiquement, ils sont très loin.
M. Bourbeau: Quand vous dites ça, que vous êtes plus
près de Laval géographiquement, }e suis toujours
étonné d'entendre ça. Moi, j'ai toujours l'impression que
la rive sud de Montréal est plus près du centre-ville de
Montréal que de Laval. Alors, pourquoi dites-vous que vous êtes
plus près de Laval?
M. Chaput: Non, mais je parle géographiquement. En fait de
distance, on est plus près de la rive sud. Mais je pense qu'au niveau
ressemblance on ressemble plus au sud-ouest, à l'est de Montréal
et pourtant, géographiquement, ce n'est pas à côté
comme le sont d'autres secteurs, voyez-vous? On est plus près de
Repentigny en distance, mais ça n'a rien à voir avec l'est de
Montréal, alors que le sud-ouest nous ressemble plus comme
problèmes.
M. Bourbeau: Oui, je comprends. C'est un rapprochement...
M. Chaput: O. K.
M. Bourbeau:... non pas géographique et de distance. Vous
pariez de la Conférence permanente en disant que vous questionnez le
lien qui pourrait exister entre la Conférence permanente et la structure
proposée. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Est-ce que vous
croyez qu'on devrait abolir la Conférence permanente? J'aimerais que
vous précisiez un peu votre position là-dessus.
M. Goulet: Non. C'est véritablement une interrogation,
puisque ça ne ressort pas explicitement quel sera le rôle de la
Conférence dans la conjoncture de la mise en place de l'ensemble du
réseau des sociétés. C'est strictement une interrogation,
en termes de dire: Est-ce que, là, II se pensera, par exemple, des
grandes politiques, puis ça passera à la Société
nationale et par la suite aux sociétés régionales? C'est
une interrogation.
M. Bourbeau: Bon. Alors, peut-être que je peux essayer d'y
répondre. La Conférence per-
manente, présentement, c'est un organisme de consultation que le
gouvernement ou le ministre s'est donné qui, justement, avise le
gouvernement sur tes orientations politiques et qui n'a rien à voir avec
les opérations, par exemple. Dans mon esprit, la Société
québécoise serait plutôt opérationnelle, quoiqu'elle
puisse conseiller le ministre, et le ministre peut la consulter
régulièrement. Je suis convaincu qu'il le fera. Elle peut
proposer des programmes, etc., mais, sur le plan des grandes orientations, on
pourrait concevoir le maintien de la Conférence permanente comme un
genre d'organisme-conseil, consultatif auprès du ministre. C'est un peu
ça qu'on a à l'esprit. Je ne sais pas si ça répond
à vos préoccupations, si vous êtes d'accord avec cette
proposition-là. Pas de commentaires?
M. Goulet: On n'est pas en désaccord, en autant que
ça n'enlèvera pas d'autonomie a la Société
nationale, à qui, d'après le projet de loi, on confie aussi des
objectifs de développement, pas que des objectifs opérationnels.
Dans ce sens-là, il ne faudrait pas qu'il y ait duplication entre les
deux. C'est la seule interrogation que nous avons.
M. Bourbeau: Parlant d'autonomie, vous en voulez aux articles 21,
22 et 27 du projet de loi, si j'ai bien compris, en ce que vous suggérez
qu'on abolisse ces articles-là qui visent à accorder au
gouvernement un certain droit de regard sur les programmes, sur
l'administration de la Société. Est-ce que vous ne trouvez pas
normal que dans un contexte où le gouvernement avance à peu
près la totalité des fonds - et on parie de plusieurs centaines
de millions de dollars éventuellement, après le rapatriement,
s'il y a lieu, bien sûr - est-ce qu'il ne serait pas un peu anormal que
le gouvernement ne conserve pas un certain droit de regard sur les
activités de la Société, puisque le gouvernement est
responsable devant l'Assemblée nationale de l'administration des fonds
publics?
M. Goulet: Qu'il se conserve un droit de regard, soit, M. le
ministre; cependant, si on lit le libellé, on intervient avec des termes
très forts: c'est «doit élaborer des programmes». On
y va sur des approches très très pointues: élaborer un
programme ou supprimer un programme ou des éléments de cette
nature-là. Or, on pense qu'on devrait faire davantage jouer
l'imputabiltté que l'intervention a priori.
M. Bourbeau: Oui. Je comprends bien.
M. Goulet: Une fois qu'on a déterminé les grandes
orientations, on pense qu'on devrait laisser plus de marge à la
Société.
M. Bourbeau: Mais il peut arriver, par exemple, qu'à un
moment donné les députés de l'Assemblée nationale
estiment que, d'une façon générale, la
Société québécoise a besoin d'un nouveau programme,
et que le gouvernement décide que, oui, dans un cas - je ne sais pas,
moi - de récession, il faut arriver avec un programme dynamique et
demande à la Société de faire un programme. Est-ce que
vous ne pensez pas, par exemple, que le ministre des Finances, dans son budget
annuel, puisse décider que le gouvernement veut aller dans cette
direction et, puisque le gouvernement est celui qui fournit les fonds, il
annonce, demande à la Société de fabriquer un programme?
En quoi est-ce que vous pensez que ça puisse heurter la
Société et son autonomie que le gouvernement prenne de telles
initiatives?
M. Goulet: Si ça se fait dans le contexte que vous
décrivez, c'est-à-dire au moment de l'établissement des
grandes priorités annuelles, des grandes orientations annuelles,
à ce moment-là, je pense qu'on est en mesure de prévoir
l'évolution de la conjoncture et, à ce moment-là, on
pourrait annoncer des choses et demander à la Société d'en
tenir compte. Notre préoccupation, c'est plus en termes de processus,
c'est de simplement dire: attention pour ne pas qu'on se serve de ça
pour qu'il y ait une ingérence trop systématique dans l'autonomie
du fonctionnement des sociétés. (10 h 45)
M. Bourbeau: Je pense, M. le Président, que, finalement,
on n'est probablement pas loin de votre point de vue. L'objectif
recherché, ce n'est pas de se mêler de l'administration
journalière de la Société. Si ça avait
été le cas, on n'aurait pas créé de
société, on aurait continué à diriger le trafic
à partir du ministère de la Main-d'Oeuvre. On n'aurait pas perdu
notre temps à préparer un projet de loi et on ne serait pas venus
en commission parlementaire pour entendre 80 organismes si on n'avait pas
vraiment l'intention, de bonne foi, de confier la gestion à la
Société et à un partenariat véritable. Donc, je
pense qu'on peut dire que nous n'avons pas l'intention d'intervenir de
façon régulière, que ces articles-là sont là
au cas où le gouvernement aurait besoin éventuellement de s'en
servir, mais que ce n'est certainement pas des articles dont on fera usage sur
une base régulière. Dans ce sens-là, je pense qu'on n'est
probablement pas trop loin de la philosophie de nos amis de l'est de
Montréal.
M. le Président, je vais clore mes questions pour l'instant.
Le Président (M. Joly): Partait. Je vous remercie, M. le
ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de
Bourget.
Mme Boucher Bacon: Oui, je suis arrivée un peu en retard,
M. le Président, mais je suis heureuse d'accueillir les gens qui
travaillent
avec le milieu de mon comté, ainsi que le milieu de la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Alors, ayant lu votre
mémoire avec intérêt, j'aimerais... Je ne sais pas si vous
y avez répondu, là, vous allez pouvoir en juger d'après la
pertinence de ma question.
Les groupes communautaires. Mme la députée, hier, nous
mentionnait qu'il y avait peut-être une autre roue qui venait s'ajuster,
c'était le communautaire. Nous, on n'était pas encore tout
à fait informés parce que c'est simplement une consultation.
Alors, j'aimerais avoir votre position face aux groupes communautaires, s'ils
devraient faire partie intégrante ou à quel niveau ils devraient
jouer un rôle important dans la société
québécoise.
Le Président (M. Joly): M. Nepveu, M. Goulet?
M. Goulet: Tout à l'heure, je pense qu'on a fourni un
élément de réponse, mais, à votre question, c'est
oui, il faudrait trouver le moyen, trouver la modalité pour permettre
aux mouvements des organismes communautaires d'être
représentés, plus particulièrement à la
société régionale, à tout le moins, et
également si possible à la société nationale qui
chapeaute l'ensemble des sociétés régionales. Mais
à tout le moins au niveau des sociétés régionales,
il faudrait trouver le moyen de faire une place aux organismes
communautaires.
Mme Boucher Bacon: et pour l'est de montréal, qui est-ce
que vous verriez comme représentant, je dirais senior, ou avec un poids
assez majeur?
M. Nepveu: Bon, il y a plein d'organismes communautaires qui sont
assez connus pour les succès importants qu'ils ont remportés. On
peut parler des expériences comme celles qui sont faites au PEC, au
Resto Pop, au Boulot vers...
Mme Boucher Bacon: oui, mais ce que je veux dire vraiment, la
tête qui chapeauterait les autres organismes pour l'est de
montréal. je veux la faire dire.
M. Goulet: Je ne me permettrais pas, Mme la
députée, d'identifier un organisme qui chapeauterait les
autres.
Mme Boucher Bacon: J'ai dit: «Je veux le faire
dire.»
Mme Harel: En avez-vous un en tête?
Mme Boucher Bacon: Bien, évidemment, j'en ai un en
tête, mais je voulais le faire dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Boucher Bacon: Ce n'est pas à moi... M. Bourbeau:
Vous m'enverrez des c.v.
Le Président (M. Joly): Envoyez des c.v, c'est
ça.
M. Goulet: Bien, nous, par ailleurs, on réduisait les
organismes communautaires, aux organismes qui jouent un -rôle en termes
de développement de compétences et de développement de
main-d'oeuvre, d'employabilité et de préemployabilité;
ça ne couvrait pas l'ensemble des organismes communautaires.
Mme Boucher Bacon: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci Mme la
députée, merci M. Goulet. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. C'est finalement
une recommandation qui est largement reprise par un très grand nombre
d'organismes qui viennent devant la commission présenter un
mémoire que cette recommandation de ce qu'on peut appeler un
quatrième partenaire aux trois déjà connus:
gouvernementaux, patronaux, syndicaux; donc, un quatrième partenaire qui
vienne plus représenter la main-d'oeuvre sans emploi ou la main-d'oeuvre
lourdement discriminée à l'emploi.
Et une parenthèse. Vous savez que j'ai un faible pour le
gérant de la caisse populaire Maisonneuve où j'ai mon compte,
d'aillleurs... Ha, ha, ha! J'ai tendance à être indulgente
à son égard, je ne porterai pas son cas devant le collectif du 8
mars dans l'est. Ha, ha, ha!
Une voix: Qu'on finance!
Mme Harel: Je le sais parce qu'il y a eu les fêtes du 8
mars en fin de semaine et '! y avait le commanditaire de la caisse
populaire.
Mme Boucher Bacon: On a le même...
Mme Harel: Ha, ha, ha! Mais il faut reconnaître une chose
importante, c'est que, dans la mesure où les femmes ont
été de façon historique exclues des postes de direction,
il faut reconnaître, par exemple, qu'à la Conférence
permanente d'adaptation de la main-d'oeuvre, il n'y en a pas une qui y
siège. Et comme vous le disiez si bien, M. Goulet, tantôt, on peut
penser que les membres ou la majorité d'entre eux certainement feront
partie de la Société. Alors, ce n'est pas de là que va
venir une représentation féminine. Ça a été
un peu le problème de la commission Bélanger-Campeau:
c'était, donc, de choisir dans tous les milieux des décideurs, et
on s'est retrouvés, il y avait seulement six femmes. Parce qu'il y a
là une sorte de discrimination
systémique, ça va prendre quand même pas mal plus
d'années à venir que celles qui se sont écoulées
pour qu'il y ait une sorte de représentation égaïttaire dans
les postes de direction, ce qui n'est pas le cas. Alors, que ce soit la CSD, la
CSN, la seule différence, ça serait que le ministre accepte la
recommandation de la CEQ, qui demande aussi de siéger. Alors, comme
ça, on aurait au moins la garantie qu'il y aurait Mme Pagé.
À part ça, je n'en connais pas qui viendraient des milieux
patronaux, syndicaux, peut-être gouvernementaux; mais, encore là,
ce serait une sous-représentatlon. Ça, c'est le premier
problème, donc, une tendance lourde à ne pas occuper des postes
de direction. l'autre problème, c'est évidemment que c'est un
très mauvais service à rendre aux femmes qui se font élire
pour représenter une organisation dans son ensemble que de lui ajouter
sur les épaules la responsabilité du dossier d'une partie de la
main-d'oeuvre lourdement discriminée. ce n'est pas ça. quand on
se fait élire... je ne sais pas, si un jour il y a une présidente
de la ftq qui soit une femme, elle va devoir représenter la
problématique de la ftq dans son ensemble, et il n'y a pas à
faire porter une responsabilité accrue. alors, c'est dans ce
contexte-là que le mouvement des femmes souhaite qu'il y ait plus de
femmes, peut-être qu'un jour même il y en ait plus que la
moitié. dans ce contexte-là, par ailleurs, il faut bien
comprendre que, même s'il y en a plus que \a moitié, elles seront
élues par leur organisation respective. si jamais il y en avait une au
mouvement desjardins, ce ne serait pas nécessairement pour porter les
revendications de ce groupe, ça va être pour porter la
problématique du mouvement desjardins.
Je réponds à la question du ministre, n'est-ce pas -
j'espère qu'il répondra à la mienne tantôt, attendez
voir, là - je réponds à la sienne que, oui, il faut
absolument, je pense, qu'il y ait une présence d'un quatrième
partenaire, que dans ce quatrième partenaire il y ait une
représentation spécifique des femmes. À mon tour, je lui
pose une question. Le Comité aviseur de l'est de Montréal - on en
a parlé le 20 janvier dernier - je pense, devra fermer ses portes,
à ce que je sache, devra terminer complètement son
activité s'il n'a pas confirmation d'une reconduction du financement. Le
ministre avait l'air assez ouvert, en tout cas quand on en a parlé,
ça fait déjà six semaines de ça. Moi,
j'espérais ce matin qu'il ait une réponse à donner
à cette question: Est-ce que le Comité aviseur de l'est va
pouvoir poursuivre son aide à des organismes du milieu dans leur
recherche d'approches novatrices au développement des compétences
des sans-emploi?
Le Président (M. Joly): M. le ministre, sur le temps de
Mme la députée.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai rencontré le
président du Comité aviseur de l'est il y a deux semaines
à mon bureau; il est venu me présenter le rapport du
Comité, on a eu une bonne discussion. Je ne suis pas en mesure de donner
une réponse définitive ce matin à cette question. C'est
évident que le Comité aviseur de l'est a joué un
rôle important, et on n'a qu'à se féliciter de ce
rôle-là, de la façon dont il l'a joué. Maintenant,
on est en train de mettre sur pied toute une nouvelle série de
structures, tant sur le plan du développement régional que sur le
plan de la main-d'oeuvre: il y a les CEDEC qui sont en place, enfin, il y a
tout un brassage qui se fait présentement, et il faut voir comment
chacune de ces nouvelles structures va se placer dans le décor, les unes
par rapport aux autres, pour s'assurer qu'il y a toujours de la place pour
chacune d'entre elles.
En disant cela, je ne préjuge pas de la décision, je dis
personnellement que je suis très satisfait du travail qu'a fait le
Comité aviseur, et je pense que les chances sont assez bonnes qu'il
puisse continuer son oeuvre. Par contre, la décision n'est pas prise
encore, et il ne faudrait pas non plus - je reprends peut-être même
les mots de nos invités - multiplier à l'infini les structures;
il faudrait s'assurer que chacune d'entre elles est utile. Ceci étant
dit, je pense que le Comité aviseur de l'est a été
très utile jusqu'à maintenant, et il pourra certainement
continuer à l'être dans l'avenir. Est-ce que ça
répond à votre question?
Mme Harel: En fait, j'ai plus hâte d'avoir le montant. Ha,
ha, ha! Ça va plus me rassurer. Je comprends la nécessité
de concerter les interventions des organismes. Cependant, cette concertation me
semble exister sur le terrain. D'ailleurs, dans votre mémoire, je pense
que vous recommandez que le Comité aviseur poursuive son travail. Ce qui
m'inquiète un peu, c'est que dans les bouleversements de structures il y
ait des périodes de flottement où finalement on reste sur la
corde à linge et puis c'est toute une expertise qu'on peut perdre. C'est
ça mon inquiétude.
Et puis, je voudrais vous relancer, un article est paru la semaine
passée, signé par Mme Paiement, de la Corporation centre-sud, qui
réfléchissait publiquement dans les journaux sur le
développement local et qui craignait dans le fond... Peut-être que
c'est moi qui interprète, mais j'avais l'impression que la crainte,
c'est que de plus en plus les CEDEC, les interventions plus financées
par la Main-d'oeuvre deviennent limitées, si vous voulez, à cette
dimension importante d'employabilité, mais qui n'est pas la seule
dimension. Parce que, finalement, s'il n'y a pas la dimension du
développement de l'emploi, on va tourner en rond à un moment
donné. Et, mon inquiétude c'est que - ici, vous savez, ça
se compartimente - à un moment donné on dise que les CEDEC,
ça appartient à la Main-d'oeuvre, ça. Puis, appartenant
à la Main-d'oeuvre, ça appar-
tient à la Formation professionnelle, et l'ensemble des autres
missions du gouvernement, Industrie et Commerce, etc., ne se sentent plus
partenaires ou concernées comme telles au même titre. Ça,
je ne sais pas si, pour vous, le développement de l'emploi, c'est aussi
important que le développement de l'employabilité, et puis
comment vous voyez ça.
M. Nepveu: Chez nous on a toujours vu ça aller de pair.
Faire de la formation de la main-d'oeuvre, rendre les gens plus employables et
puis ne pas avoir en contrepartie de débouchés à leur
offrir, c'est un exercice dont on peut questionner la pertinence. On a toujours
cherché, chez nous, à développer les deux volets le plus
au même rythme possible. Ça ne nous donne rien de
développer une banque de main-d'oeuvre avec 5000 personnes dedans si on
a 22 postes offerts dans notre territoire. Et c'est important pour la
crédibilité de notre action; autrement, on ne fera que susciter
des espoirs et puis décevoir les gens.
Le Président (M. Joly): M. Desrosiers.
M. Desrosiers (Gaétan): J'aimerais peut-être ajouter
aussi qu'il y a une réalité qui est propre à l'est puis,
je pense, qu'on est peut-être porté ou tenté d'oublier avec
le resserrement du territoire des CEDEC, c'est que, dans l'est, beaucoup de
pourvoyeurs d'emplois sont à l'extérieur des territoires des
CEDEC avec lesquels on a établi des contacts privilégiés.
Tantôt, M. le ministre, quand vous disiez qu'au niveau du Comité
aviseur on réfléchit au niveau du rôle des CEDEC, il faut
comprendre que, si jamais on disait «le travail du bureau aviseur,
dorénavant, va être exercé dans l'est par les CEDEC»,
ça veut dire concrètement parlant qu'on laisse tomber un peu plus
de la moitié du territoire qu'on appelle l'est; mais, plus que le
territoire, c'est tous les liens privilégiés qu'il y a eu avec
ces partenaires-là.
À titre d'exemple, de façon peut-être pratique, un
endroit où il y a eu beaucoup de développement économique
dans l'est, c'est le parc industriel de la ville d'Anjou où on essaie
d'établir des contacts - et ça porte fruit - avec le guichet
multiservices. Mais la journée où on va dire aux gens d'Anjou
«vous n'avez plus, en principe, accès à des mesures de
relance, des mesures du Comité aviseur, et tout ça, et même
pour le guichet, on vous oblige à resserrer votre intervention»,
bien, ces gens-là vont se développer, il risque de se
développer de nouveaux outils ou, à tout le moins, de couper
l'accès à des emplois.
Un autre type d'exemple, je pense, est important. Je prends l'exemple du
dossier Catel-li. Vous en avez sûrement entendu parler. Au niveau
développement économique, on avait joué un rôle fort
important voilà un an et demi afin d'empêcher la fermeture de
l'entreprise. Bien, l'entreprise, avec des mécanismes de concertation et
le soutien des gouvernements, en plus de ne pas fermer - malgré tout, on
avait annoncé la mise à pied de 38 employés et, aux
dernières nouvelles, il n'y a eu aucun congédiement - va
plutôt embaucher 100 employés. Si on n'est pas capable, entre la
vocation économique et la main-d'oeuvre, de faire des liens, les
employeurs, de façon naturelle... À cause aussi de la
mécanique du MIC, lorsqu'un dossier d'investissement est en analyse,
c'est toujours confidentiel. Ça fait que c'est difficile pour des
outils, par exemple, comme le guichet, d'avoir accès aux emplois qui se
créent si on n'est pas capable de continuer à développer
une complicité entre le créneau économique et le
créneau des besoins de la main-d'oeuvre. (11 heures)
Mme Harel: J'ai regardé la carte. Dans le document que
vous nous avez remis, vous savez, il y a un document qui s'intitule
«CDEST». Il y a une carte du guichet, notamment, et on voit
très bien que le territoire de la Corporation de développement
économique, social et communautaire est finalement un territoire qui ne
couvre, si vous voulez, peut-être que la moitié de l'est, tandis
que le guichet, lui, couvrait l'ensemble de l'est et que le bureau
aviseur...
Je veux juste dire au ministre que, dans un secteur comme
Hochelaga-Maisonneuve où, finalement, il n'y a pas de création
d'emplois ou à peu près, si on n'a pas, par rapport à la
CEDEC ou par rapport au guichet, une ouverture sur l'ensemble de l'est, je
regrette, mais là on est fait, comme on dit, parce que c'est une
souricière, parce que ce ne sont pas des régions du type MRC,
vous savez, où vous retrouvez toutes les composantes en microcosme d'une
société. Nous, dans la grande ville, on a les classes sociales
qui habitent ensemble: la classe moyenne habite ensemble, la classe
ouvrière ensemble, les plus pauvres ensemble et les plus fortunés
ensemble, et c'est très segmenté.
Une voix: Dans quelle classe êtes-vous, Mme la
députée de Maisonneuve?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Je suis dans Hochelaga-Maisonneuve. Ha, ha, ha! Mais
vous voyez, je suis en haut de la «track». Jean-Guy sait ce que
ça veut dire parce que, même dans notre quartier, il y a des
sédimentations.
Une voix: ...la haute ville de Québec ça, quoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ceci dit, je voudrais compléter. Le temps file.
Avant de vous interroger sur une
disposition, une recommandation que contient votre mémoire qui
est finalement assez Imaginative... Je crois que c'est la première fois
que j'en entends parler. À la page 6 de votre mémoire, vous
recommandez un comité consultatif sectoriel rattaché à la
société régionale. C'est ça que je dois comprendre,
par exemple, un comité sectoriel qui regrouperait tous les organismes de
l'est. C'est ça qu'il faut comprendre également? Alors, il
pourrait y avoir un comité sectoriel, pas simplement sur une branche
industrielle, mais territoriale, hein?
M. Goulet: Exactement.
Mme Harel: C'est la nouveauté. Pouvez-vous un peu nous
parier de ça?
M. Goulet: C'est-à-dire que ce qu'on recherchait, c'est
autre chose que d'ajouter des postes, un nombre de postes au conseil
régional. Alors, ce qu'on regardait, c'est une modalité qui
pourrait être un peu plus originale sur ce plan-là et on a
trouvé cette voie. Je veux dire qu'un comité consultatif, tel
qu'il est conçu actuellement, c'est dans une perspective sectorielle sur
le plan de l'entreprise, sur le plan du créneau économique.
Là, on s'est dit: Bien, pourquoi pas un comité consultatif
sectoriel représentant des organismes communautaires? Par exemple, pour
répondre à votre question, plutôt que d'en avoir un, il
pourrait se retrouver sur un comité un nombre plus élevé
qu'un seul représentant sur un conseil d'administration. Même
chose en ce qui a trait aux organismes de concertation, pour répondre
à une des préoccupations de M. le ministre. Plutôt que de
se dédoubler et de se multiplier, on pourrait se retrouver sur un tel
comité consultatif sectoriel.
Mme Harel: Ah! Moi, j'aime ça. Je trouve que c'est une
bonne idée.
M. Goulet: Alors, je pense qu'il y a là une avenue. On ne
l'a pas poussée plus loin, mais on pense qu'il y a là une avenue
qui permettrait de compenser toujours l'ajout de postes à un conseil
d'administration, parce qu'à un moment donné il faut que
ça se limite.
Mme Harel: Et les institutions d'enseignement du territoire
feraient-elles partie de ce comité sectoriel?
M. Goulet: II pourrait effectivement y avoir... regrouper les
deux ordres d'enseignement, secondaire et collégial, sûr,
plutôt que de se chicaner à savoir quelle commission scolaire se
retrouvera sur le conseil d'administration de la société.
Mme Harel: Quel lien entretenez-vous, globalement, quelle
appréciation faites-vous des relations que CDEST, PRO-EST et le guichet
multiservices entretiennent avec les institutions d'enseignement, les
commissions scolaires, parce qu'il n'y a pas que la CECM, il y a aussi Anjou et
les cégeps?
M. Goulet: Les liens sont très étroits. Les deux
ordres d'enseignement sont représentés: commission scolaire, donc
Le Royer qui est dans l'est; CECM, on a des communications; de même qu'il
y a deux cégeps qui travaillent de très près avec nous,
même trois avec... Il y a le cégep Rosemont, le cégep
Maisonneuve et le cégep Ahuntsic avec lesquels on entretient
également des relations.
Mme Harel: Avez-vous des liens organiques dans des structures
comme telles?
M. Goulet: on a des liens organiques. exemple: il y a un
comité d'employabilité à la cdest et, sur ce comité
d'employabilité, le cégep est représenté, les
commissions scolaires sont représentées.
M. Desrosiers: Ils sont représentés à notre
C.A.
M. Goulet: Et au conseil également.
M. Desrosiers: Mais aussi, ce qu'il faut peut-être... et je
comprends peut-être votre interrogation... Il y a également, par
contre, et c'est peut-être là l'idée à laquelle un
comité pourrait être intéressé... il y a quand
même certains problèmes parce que ces institutions-là sont
beaucoup mises en compétition par des visions, des fois, du
gouvernement. Ça peut être difficile, dans certains dossiers,
d'avoir une bonne communication soutenue parce que tel cégep pilote un
dossier que le ministère veut lancer et, là, ils sont comme mis
en compétition, et même, à l'occasion, les commissions
scolaires... et même à l'intérieur d'une commission
scolaire, ce qui peut engendrer des problèmes. Et ça,
là-dessus, je pense que Mme la députée de Bourget, qui
siège dans notre organisation... On a beaucoup travaillé sur des
dossiers et on commence à comprendre, effectivement, cette
complexité-là d'un manque de communication à
l'intérieur du système.
Mme Harel: II y a de la concurrence entre les institutions
d'enseignement?
M. Desrosiers: Oui, tout ça, j'avoue qu'il y a une
concurrence. La grande découverte, je peux dire, de la concertation que
j'anime depuis cinq ans, c'est cette immense concurrence, surtout au niveau des
cégeps. C'est réellement très fort.
Une voix: Je compléterais également...
Mme Harel: Mais si on nous dit que la concurrence, c'est
finalement la garantie d'une meilleure offre de services, est-ce que vous voyez
ça comme ça?
M. Desrosiers: Je pense... peut-être pas dans
l'enseignement, Mme la députée.
M. Goulet: Maintenant, on n'a pas voulu en traiter dans notre
mémoire parce que ce n'est pas l'élément sur lequel on
voulait particulièrement insister, mais, si on traite de formation, on a
laissé ça à d'autres organismes qui sont plus
habilités à le faire. Entre autres, au niveau du partage des
offres d'enseignement en formation professionnelle, il serait grand temps au
Québec qu'on fasse le ménage à l'intérieur de
ça et c'est la où il peut y avoir parfois des zones de
compétition qui, à mon avis, sont inutiles. Exemple:
Actuellement, tout ce qui touche le secteur de l'informatique. Il s'en donne
dans les cégeps, il s'en donne dans les commissions scolaires et on
pourrait également... Le meuble et le bois ouvré, quand on
regarde les cégeps, les cégeps donnent des cours d'ordre
secondaire, les commissions scolaires en donnent également. Donc,
ça, on a voulu laisser ça à d'autres...
Mme Harel: À d'autres commissions. Ha, ha, ha!
M. Goulet: ...groupes de faire connaître les
réactions là-dessus. On n'a pas voulu entrer là-dedans,
mais il est très clair que, heureusement, nous, sur le terrain, cette
compétition-là, on arrive néanmoins à l'harmoniser
parce qu'on se parle et on essaie de faire en sorte que chacun y trouve son
compte.
Mme Harel: Alors, vous avez déjà fait votre deuil
de l'école de plastique?
M. Desrosiers: Non, en tout cas, on a plutôt
décidé... Là-dessus, Mme fa députée, je vais
me permettre de répondre. Ce qu'on a plutôt décidé,
c'est qu'on ne veut pas envenimer... Je pense que, sur le territoire de 111e,
on a assez de problèmes. On n'est quand même pas pour se rentrer
dedans comme ça. Ce qu'on a plutôt dit, c'est que la logique... Si
la volonté ministérielle de ces grappes industrielles est vraie,
à un moment donné, il va falloir aller beaucoup plus loin et le
gouvernement va se rendre compte de l'immense avantage et de tout le travail
que nous avons fait depuis deux ans vis-à-vis de cette grappe-là.
Je pense qu'avant même qu'on parle de grappes industrielles de la part du
gouvernement dans l'est - j'ai des documents à l'appui - on parlait
beaucoup de la grappe industrielle de la pétrochimie sur laquelle on
travaillait depuis trois ans, et ce que je me dis, un jour, la logique va
rétablir les choses. Pour nous...
Mme Harel: Parce que le plastique, c'est un dérivé
de la pétrochimie, finalement.
M. Desrosiers: Oui et surtout, pour nous, c'était toute
une stratégie. Quand je regarde les documents ministériels, je
trouve ça très intéressant. Le lien qu'on faisait avec la
pétrochimie est un lien éventuellement, pour les PME des
plastiques, pour aller à l'étranger exporter. Mais, remarquez
bien, ce n'est pas le but aujourd'hui de m'exptiquer là-dessus. Surtout,
je ne voudrais pas divulguer notre stratégie devant cette
commission.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée.
Mme Harel: Merci. Alors, mon temps est malheureusement
écoulé, mais je vous remercie pour votre présence parmi
nous. Je savais que vous ne seriez que des gars, mais vos mémoires ont
été respectivement appuyés par vos comités sur
lesquels des femmes siègent aussi.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Bourbeau: Je ne vois pas de quel
«dégât» la députée de Maisonneuve
parle!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: À mon avis, ça a été
plutôt des réunions fructueuses qui nous ont permis de
préciser bien des points et je me déclare personnellement
très satisfait de la rencontre ici.
Mme Boucher Bacon: Mais, Mme la députée, si vous me
permettez...
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît.
Mme Boucher Bacon: ...je siège en tant que femme sur le
comité...
Mme Harel: Je compte sur vous, là.
Mme Boucher Bacon: ...alors, je chapeaute deux rôles
aujourd'hui.
Le Président (M. Joly): Merci. M. Chaput.
M. Chaput: M. le Président, on vous remercie beaucoup de
nous avoir reçus. Dans l'est de Montréal, on a deux femmes
extraordinaires qui travaillent, mais qui, elles, siègent à
l'Assemblée nationale à un niveau plus haut, et c'est Mme Boucher
Bacon et Mme Harel, qu'on remercie
beaucoup pour avoir aidé au développement de l'est et qui
continuent de le faire tout le temps.
Le Président (M. Joly): Je les encourage à
continuer aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chaput: Les femmes sont appelées à des instances
plus hautes que simplement...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous avez des
aspirations politiques, M. Chaput?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chaput: Et je voudrais profiter de l'occasion pour inviter le
ministre à venir nous voir dans l'est. Ça nous ferait
énormément plaisir si le ministre venait faire un tour. On vous
recevra comme il faut. On n'est pas riches, mais on a bon coeur, M. le
ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je saisis au vol votre invitation. On va
préciser la date.
M. Chaput: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Alors, à vous, les membres
de la Corporation de développement de l'est, PRO-EST et Comité
aviseur, merci d'avoir été présents parmi nous et de nous
éclairer.
Je demanderais maintenant à l'Association des travailleurs et
travailleuses autonomes du Québec de bien vouloir prendre place, s'il
vous plaît.
Alors, bienvenue à cette commission. J'apprécierais que la
personne responsable du groupe puisse se présenter, s'il vous
plaît, et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent.
M. Savard (Georges): ...que je trouve mes papiers. On va pouvoir
se présenter.
ATTAQ
Bonjour. Je me présente. Mon nom est Georges Savard,
président de l'Association des travailleurs et travailleuses autonomes
du Québec. J'ai avec moi, à mes côtés, M. Jean-Guy
God-bout, qui est administrateur de l'organisation. Il y a aussi Claire Gagnon,
qui est administratrice également au conseil d'administration, Jean
Sainte-Marie, qui est agent de développement, et Guy Bemier, qui est
membre de l'Association et consultant auprès du conseil.
Le Président (M. Joly): Vous avez du temps pour nous
présenter votre mémoire. Par après, eh bien,
nécessairement, on échangera. Vous avez une quinzaine de minutes.
Est-ce que vous en avez assez?
M. Savard: On va essayer de condenser. Oui...
Le Président (M. Joly): Condensez, s'il vous
plaît.
M. Savard: ...effectivement, parce que, bon, on sait que le
temps...
Le Président (M. Joly): Le temps presse.
M. Savard: II y a un petit peu de retard sur les horaires.
Le Président (M. Joly): Malheureusement. Alors, je vous
laisse y aller.
M. Savard: D'abord, je voudrais remercier M. le ministre de nous
avoir invités et vous-même, M. le Président, à cette
présentation. On croit que c'est une occasion très
intéressante de venir faire valoir les points de vue, un point de vue
quand même assez innovateur en termes de position de préoccupation
sociale au Québec.
Alors, on va vous lire rapidement une présentation de notre
mémoire de façon assez dynamique pour éviter, finalement,
de perdre un temps précieux. Jean, si tu veux nous lire les
recommandations.
M. Sainte-Marie (Jean): Pour les lecteurs qui voudraient suivre,
je vais commencer à la page 4. Qu'il soit permis aux
représentants de l'ATTAQ de reconnaître, d'entrée de jeu,
l'énoncé de politique et le projet de loi 408 qui en
découle comme constituant, du moins dans l'esprit des textes, l'effort
rationnel de mobilisation en faveur du développement de la main-d'oeuvre
le plus susceptible, à ce jour, de rallier les forces vives d'un
Québec s'apprêtant fébrilement à entrer dans le
troisième millénaire, dans un contexte économique et
social par surcroît soumis aux plus exigeants bouleversements.
L'ATTAQ ignore dans les faits si la constitution d'organismes
multipartites ayant autant de pouvoirs autres que celui de recommandation est
une expérience qui a été tentée auparavant avec
succès, ici comme ailleurs. À première vue, cependant,
l'aventure semble intéressante et, pourquoi pas, susceptible de
concourir à rehausser le niveau traditionnel de compréhension
mutuelle et de mise en commun des objectifs entre les différents acteurs
de notre scène socio-économique, laquelle, avouons-le, n'a pas
toujours su présenter des spectacles particulièrement
édifiants dans le passé.
Dans la problématique qui a amené le ministre Bourbeau
à commander cette interven-
tion aussi importante que névralgique, l'ATTAQ retrouve bon
nombre des éléments de l'analyse qui la conduisait
elle-même, depuis juin 1991, à définir son mandat et le
cadre de son action auprès d'une tranche importante de la
main-d'?uvre globale du Québec, les travailleurs et les
travailleuses autonomes.
Ces éléments d'analyse permettaient à l'ATTAQ de
constater d'abord que les travailleurs autonomes, après avoir
été historiquement oubliés dans les législations
québécoises et canadiennes du travail et de la
sécurité sociale, n'ont jamais été moins
exposés que les salariés et leurs employeurs aux aléas
d'une économie qui se mondialise et, par la suite, qu'ils n'ont jamais
vraiment pu bénéficier, de la part des pouvoirs établis et
de la société en général, d'un support et d'une
écoute légitimes et raisonnablement proportionnels à
l'importance de leur apport à la richesse collective.
Jamais conviés explicitement aux exercices de consultation
publique parce que représentés, quand ils le sont, de
façon tellement éclatée par une multitude d'associations
sans lien les unes avec les autres, ces travailleurs, qui sont à la fois
patrons et employés de très petites entreprises, ont donc plus
que jamais besoin d'être reconnus comme interlocuteurs à part
entière dans la grande concertation qui se dessine ici. (11 h 15)
On comprendra mieux et les raisons d'être et les ambitions de
l'ATTAQ à la lecture de la «Problématique» qui a
présidé à sa mise sur pied et qui est offerte aux lecteurs
en annexe du présent mémoire. Pour les besoins de sa
présentation d'aujourd'hui, cependant, II semble suffisant que l'ATTAQ
se définisse comme une organisation à but non lucratif, dont la
gestation entreprise depuis plusieurs années a mené, en
août 1991, à sa mise sur pied officielle et dont la mission
générale consiste à regrouper, sur la base de leur statut,
le plus grand nombre possible des quelque 400 000 travailleurs autonomes du
Québec, d'abord, pour les faire bénéficier d'une
représentation de qualité et à tous les niveaux et pour,
ensuite, par le biais d'une gamme étendue de produits et services
adaptés à leur statut d'autonomes, veiller à la promotion
constante et à la défense vigilante de l'ensemble de leurs
intérêts sur les plans légal, social, économique,
culturel et politique.
Au nom, donc, des travailleurs autonomes du Québec, l'ATTAQ
appuie sans réserve, devant cette commission, la volonté
politique à l'origine du projet de foi 408 si celle-ci, comme il le
semble, vise à ce que le Québec contrôle de façon
responsable, entière et concertée l'ensemble des juridictions et
ressources ayant une incidence sur l'orientation, la formation, le recyclage,
la mobilité et, finalement, sur la compétence de sa
main-d'?uvre.
L'ATTAQ entérine d'autant plus cette vo- lonté politique
qu'elle semble procéder du désir légitime de l'état
québécois de définir et de renforcer le caractère
distinct de son économie et de détenir tous les outils
nécessaires à sa croissance et à sa
compétitivité, eu égard au nouvel ordre économique
mondial qui s'instaure et qui menace le niveau de vie de tous les peuples qui
auront négligé d'y souscrire à temps à titre de
participants articulés, actifs et novateurs. quoiqu'il advienne
bientôt au terme du débat constitutionnel qui sape depuis trop
longtemps les énergies constructives au québec, comme au canada,
une telle volonté politique d'investir positivement dans le renforcement
des ressources humaines propres à l'économie du québec, si
elle se concrétise, ne peut mener qu'à la consolidation de la
sécurité collective des québécois et au
resserrement du tissu social qui les unit, que les citoyens du québec
choisissent de devenir souverains ou de demeurer des partenaires canadiens.
dans les deux cas, on voit le bien pour le québec une excellente
assurance d'un statut enviable au sein du groupe des entités
économiques capables de tirer leur épingle du jeu sur un
marché et face à une concurrence, tous deux
irréversiblement mondialisés.
Au-delà de ces manifestations d'harmonie, c'est avant tout pour
répondre avec gratitude à l'invitation du ministre Bourbeau, dont
l'énoncé de politique n'exclut textuellement personne de la
présente démarche, que les représentants de l'ATTAQ ont
jugé pertinent de demander à paraître devant cette
commission. L'ATTAQ tient à y exposer avec respect et optimisme certains
des points de vue fondamentaux que lui dictent autant sa mission auprès
des travailleurs autonomes du Québec que le résultat des
réflexions intensives qu'elle mène depuis ses tout débuts
sur la nature, le statut, l'apport à la communauté et les besoins
de ceux-ci. Il est possible que les représentants de l'ATTAQ tiennent
ici un langage auquel les honorables membres de cette commission auront, par le
passé, été peu habitués. L'ATTAQ s'en excuse
immédiatement, tout en affirmant son entière disponibilité
dans les échanges que suscitera la présentation de son
mémoire. Je passe la parole à M. Savard.
M. Savard: Merci. Vous voyez que, dans l'ensemble, notre
organisation est très favorable aux travaux amorcés par le
ministère dans ce sens-là. Nous n'allons pas nous attarder
longtemps à répéter les points avec lesquels nous sommes
tout à fait en accord. Nous voulons attirer particulièrement
votre attention, aujourd'hui, sur deux aspects principaux qui nous semblent
fondamentaux.
D'abord, l'énoncé de politique nous suggère... On a
remarqué là-dedans deux trous principaux, deux trous majeurs.
D'abord, on ne parle pas des travailleurs autonomes au Québec
dans le projet de loi ou à peu près pas,
c'est-à-dire que, dans l'énoncé, on en fait mention
à deux reprises. Dans le projet comme tel, on n'en parle pas du tout.
Alors, en page 14, une allusion en ce qui a trait à la présence
des femmes sur le marché du travail. On dit: «Elle s'est faite
dans un contexte marqué par la croissance des emplois dits non
standards».
Alors, c'est une allusion à cette situation, c'est-à-dire
des emplois qu'on dit plus précaires, qu'il s'agisse d'emplois à
durée déterminée, généralement moins d'un
an, d'emplois autonomes ou d'un travail à temps partiel. Et là on
continue en disant que le travail à temps partiel est un
phénomène qui touche particulièrement les femmes.
Là, on fait allusion à cette présence d'une
réalité au Québec, celle des travailleurs autonomes.
À la page 54, également, lorsqu'on parle d'un programme
d'intervention individuelle dans le développement de la main-d'oeuvre,
on dit: «Le programme d'intervention individuelle en développement
de la main-d'oeuvre vise à combler les pénuries de
compétence ou de main-d'oeuvre en offrant aux chômeurs et aux
personnes en emploi, y compris les travailleurs autonomes, la
possibilité d'acquérir des habiletés professionnelles ou
de hausser le niveau de leur compétence. Il s'adresse aussi aux
personnes qui veulent intégrer ou réintégrer le
marché du travail.»
Ça, c'est aussi une allusion. On sait que, dans les faits, ce
programme-là, PROFIT qu'il s'appelle, il est gelé pour au moins
deux ans pour ce qui a trait à des travailleurs autonomes. C'est ouvert
uniquement aux travailleurs salariés, actuellement. Alors, c'est les
deux allusions. Comme je vous le dis, dans le texte de la loi comme telle,
aucune allusion. Ça va être le premier point que je vais traiter,
personnellement.
Le second point, c'est que c'est un projet qui est extrêmement
timide quant à l'instauration d'un milieu de concurrence
véritable en matière de formation professionnelle au
Québec. Carrément, on en fait mention à l'article 4, mais
c'est le seul endroit où on en parle véritablement,
c'est-à-dire le point 4 de l'article 8, M. le Président, quand on
dit que la Société peut, en outre, notamment, promouvoir le
développement des initiatives privées dans le domaine de la
main-d'oeuvre. Alors, ce sont les deux points qu'on veut traiter. Ce
deuxième point sera traité par M. Jean-Guy Godbout, qui
m'accompagne ce matin.
D'abord, le premier point: les travailleurs autonomes. C'est comme
nouveau, récent qu'il y ait des préoccupations auprès des
travailleurs autonomes. Il y a eu des préoccupations dans notre
société pour ces gens-là, mais c'est des gens qu'on
retrouve un peu partout. C'est des gens qui ont un statut différent des
autres, mais qui ne sont pas situés en termes de groupe social au
Québec. On s'est donc dit que ce serait intéressant, M. le
Président, qu'ici on se pose quelques questions à leur sujet et
ce serait peut-être pertinent de se poser les bonnes questions. C'est ce
qu'on va s'appliquer à faire ce matin.
D'abord, qu'est-ce que c'est qu'un travailleur autonome au
Québec, en 1992? On a commencé par se poser nous-mêmes
cette question-là. On a fait une certaine étude à
l'automne dernier, en 1991, qui nous a donné quand même de
l'information fondamentalement sur ce qu'il est et, de façon
sociologique aussi, on a regardé c'est quoi ta réalité. On
est arrivés à la conclusion, à une définition parce
qu'il n'y a aucun groupe qui s'était attardé à
définir cette réalité sociale là. On a une
définition, à ia page 9 du mémoire que nous avons
déposé à la commission. Je vais vous la lire
textuellement. On pourra l'expliquer par la suite. «Un travailleur
autonome est un travailleur qui possède seul et exploite une entreprise,
constituée ou non en corporation ou en société, qui
utilise ou non de la main-d'oeuvre rémunérée.» On
parle de notion entre travailleur autonome employeur ou travailleur autonome
à son compte. «Le travailleur autonome fournit son propre
matériel. Il n'a pas de lien de subordination directe avec son ou ses
employeurs-clients.» Encore là, une nouvelle formulation.
«Il assume les pertes et conserve les profits qui découlent de son
travail. Il assure seul sa sécurité sociale et
financière.» Grosso modo, c'est la définition qui englobe
le concept de travailleur autonome qui existait, mais finalement on est en
train de mettre des mots sur des réalités.
Le travailleur autonome, donc, II faut faire des distinctions. Il faut
distinguer, grosso modo, ce qui fait la différence entre un travailleur
autonome et un salarié. On voit qu'il y a une question de subordination
auprès d'un employeur et on parle de la notion d'employeur-client. Un
travailleur autonome, c'est quelqu'un qui ne se fait pas dire... Il
reçoit une commande pour quelque chose, mais il ne se fait pas dire quoi
faire à chaque minute, à chaque heure et comment le faire. Il a
à fournir un résultat à partir d'une certaine demande
tandis que le salarié doit exécuter un travail commandé de
façon directe. Il y a un lien, par exemple, direct au niveau de l'emploi
et sur le système de paie de l'entreprise, etc., tandis que le travail
autonome va travailler par facturation.
On doit aussi s'attarder à distinguer - et, ça, c'est
très important - la notion de travailleur autonome versus la PME.
D'après la définition que je vous ai dite, vous avez dit:
Ça ressemble à la définition d'une entreprise. C'est quoi?
Est-ce que c'est la même chose? C'est quoi une PME, au Québec, et
c'est quoi un travailleur autonome? Nous, on a constaté qu'un
travailleur autonome, c'est quelqu'un qui, généralement... La
moitié de ces gens-là qui sont travailleurs
autonomes au Québec sont des gens qui sont à leur compte
sans être rémunérés. Donc, c'est une personne qui
vit sa vie professionnelle comme un individu. Alors, on peut appeler ça
une entreprise, mais c'est au niveau individu, tandis qu'une PME est une
entité qui a comme objectifs, elle-même, des objectifs personnels
de développement en termes d'entité propre. Ça fait que la
distinction, on la fait là.
On la fait aussi à différents niveaux. Un travailleur
autonome va avoir habituellement des objectifs en termes de
développement qui vont rester à l'échelle humaine, tandis
qu'une entreprise va avoir des objectifs qui peuvent prendre des proportions;
elle va engager des gens et va avoir plusieurs employés. Donc, il y a
cet élément-là de profit et de développement,
tandis que le travailleur autonome va avoir comme objectif de bien organiser sa
vie et de bien vivre. Il va se fixer 20 000 $ pour un, 100 000 $ pour l'autre,
par année, mais son objectif, c'est de vivre de façon autonome
professionnellement, point.
Il y a aussi à distinguer une réalité bien
présente et de plus en plus présente dans notre
société: le travailleur autonome, qui choisit d'être
travailleur autonome et les gens qui ont un peu à subir la situation,
c'est-à-dire que, par défaut, ne trouvant pas depuis un certain
temps d'emploi salarié, ils remettent en question leurs attitudes et
leurs façons de voir et se disent, finalement: Je crée mon
emploi, je vais partir à mon compte, je vais trouver ma
clientèle, etc. Alors, c'est une distinction importante à faire
aussi.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur le double statut. Un
travailleur autonome, c'est un employeur. C'est son
«self-employed», c'est son propre patron et c'est son propre
employé. Il a double statut, il a double préoccupation, il doit
gérer l'ensemble des éléments pour vivre. La personne qui
rentre à 8 h 30 et qui sort à 16 h 30, son travail est
décidé et planifié, le support technique pour sa pale et
tout ça. Tout ça, c'est réglé, tandis que le
travailleur autonome doit, lui, gérer tous les aspects: sa mise en
marché, trouver ses clients, sa production - il doit avoir une
compétence là-dedans - et, effectivement, sa gestion. Alors,
c'est pour situer un petit peu. On pourra répondre à vos
questions par la suite.
Une autre question qu'on se posait, c'est: Quelle est l'importance
relative des travailleurs autonomes au Québec? Est-ce que c'est un
phénomène négligeable? Est-ce que c'est quelque chose
d'important? Notre étude, encore là, nous a
démontré que, oui, effectivement - on l'a mentionné tout
à l'heure dans l'avant-propos - il y avait 13 % des travailleurs
québécois qui sont des autonomes, statistiques à l'appui.
Il y a...
Le Présidant (M. Joly): Je vous demanderais
peut-être d'accélérer un peu, là.
M. Savard: Oui.
Le Président (M. Joly): Vous nous faites tout le profil du
travailleur autonome et, nécessairement, je pense qu'on néglige
un peu i'aspect de l'énoncé de politique comme tel. Alors, je
pense que c'est important de le faire...
M. Savard: D'accord, oui.
Le Président (M. Joly): ...si vous voulez qu'on puisse
tomber dans le vif.
M. Savard: Je comprends que le temps est limité.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!
M. Savard: Je vous remercie. Rapidement, les chiffres. C'est
près de 400 000 travailleurs autonomes; 101,5 % d'augmentation depuis
1975; la moitié, 51 %, qui sont à leur compte; c'est 8 500 000 $
de revenus bruts par année. C'est juste pour ces gens-là. Alors,
les activités économiques, on les évalue peut-être
à 85 000 000 000 $ annuellement. Il faut penser aussi aux milliers de
travailleurs autonomes qui s'ajoutent et qui s'ajouteront dans les
années à venir, compte tenu, finalement, des mutations du
marché du travail.
Est-ce que la notion d'emploi doit inclure la notion d'emploi autonome
ou d'autoemploi? Ça, c'est une question importante aussi. Je ne vais pas
insister longtemps, mais j'attirerais l'attention du ministre en particulier
là-dessus. C'est qu'au Québec on parle de plein emploi. Il y a eu
tout le processus des forums pour l'emploi. On parle toujours d'emploi.
Ça serait important que cette société-là ait fait
cette réflexion au niveau de l'emploi. Est-ce que l'emploi autonome fait
partie des politiques d'emploi? Je pense que ça serait essentiel de
clarifier et de prendre une position claire par rapport à ça.
C'est une petite distinction qui a plusieurs incidences.
La part du travailleur autonome au Québec de demain. On croit que
le travailleur autonome va pouvoir permettre de développer un
Québec plus entrepreneurial. C'est important de mentionner l'esprit de
ces gens-là. C'est des gens qui sont productifs et qui peuvent avoir des
répercussions au niveau des mentalités au Québec. C'est
aussi des gens qui développent une richesse aussi. C'est des
créateurs de richesse, ces gens-là. (11 h 30)
Alors, les besoins principaux. On parle de services et de produits
adaptés à la réalité. On parle d'avoir accès
à de l'information de référence, de façon rapide,
précise et pertinente. On parle de regrouper ces gens-là pour
qu'ils puissent obtenir les services dont lis ont besoin, par exemple, des
assurances-salaires collectives. On parle de formation de base. Tantôt,
on faisait
allusion à la gestion, à la mise en marché,
à la fiscalité et aux finances. On parie de perfectionnement
professionnel aussi. Actuellement, les travailleurs autonomes, si je ne me
trompe pas, à la CFP, ils ne peuvent pas avoir le crédit
d'impôt, à moins d'être une entreprise incorporée. On
parie aussi d'aide technique à ces gens-là. On doit pouvoir les
aider sur ces plans-là: administratif, marketing et comptabilité,
etc. On parie d'aide au financement. Ces gens-là, souvent, peuvent se
créer des emplois à peu de frais, surtout dans les services,
parce qu'on voit que la plupart des gens se trouvent dans ce secteur-là.
On parie d'admissibilité aux programmes existants et à venir.
Le Président (M. Joly): Je vous inviterais, M. Savard,
à conclure, s'il vous plaît...
M. Savard: Oui.
Le Président (M. Joly): ...parce que vous avez
déjà largement dépassé.
M. Savard: D'accord. Alors, je vais vous lire les recommandations
que nous faisons à la commission. À défaut par le
législateur de pouvoir créer un siège pour un
représentant des travailleurs autonomes du Québec au sein de
l'actuelle structure envisagée dans le projet de loi 408, l'ATTAQ
recommande une refonte du projet dans le sens d'un partenariat multipartite
à l'intérieur duquel une représentation proportionnelle
à leur présence dans la main-d'oeuvre globale du Québec
serait garantie aux travailleurs et travailleuses autonomes du
Québec.
L'ATTAQ recommande que la responsabilité de la formation de la
main-d'oeuvre québécoise dévolue à la nouvelle
Société comporte une dimension orientée vers le travail
autonome et que la loi créée à cet effet reconnaisse
l'ATTAQ comme agent principal de développement professionnel dans cette
main-d'oeuvre autonome.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Savard. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Bourbeau: M. le Président...
M. Savard: Je m'excuse, mais on avait quand même un autre
élément très important, qui est le deuxième point.
On était ici à 10 h 30. On avait été
demandés pour cette heure-là. J'espère qu'on pourra avoir
quand même quelques minutes pour que M. Godbout nous fasse les
représentations sur ce plan.
Le Président (M. Joly): Moi, je suis prêt à
vous donner tout le temps voulu, sauf une chose. Pour que vous puissiez
comprendre, il y a des contraintes d'administration de temps qui ne sont
souvent pas faciles. Alors, partant de là, c'est pour ça que je
demande la coopération. Au début, je vous ai demandé si
vous pouviez être concis et vous avez largement débordé sur
(a définition de travailleur autonome. Donc, je suis prêt à
prendre une partie du blâme au niveau de la gestion du temps, sauf que,
sans vouloir lancer la balle...
M. Savard: Nous aussi, M. le Président.
Le Président (M. Joly): II faudrait que vous
réalisiez qu'on a chacun un rôle à jouer et celui que j'ai
à jouer est souvent ingrat.
M. Savard: Je comprends.
Le Président (M. Joly): Je sais que vous avez des choses
à dire et les parlementaires ont aussi des échanges à
faire avec vous. Alors, si on déborde de l'orientation qu'on s'est
donnée, à ce moment-là, on y perd. Alors, je vais
sûrement reconnaître M. Godbout, mais via peut-être les
questions de M. le ministre. Peut-être que M. Godbout pourra se permettre
aussi de glisser un peu l'élément dont il voulait nous
entretenir. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Savard: Merci.
M. Bourbeau: Oui, M. le président, on a entendu beaucoup
de commentaires sur ce qu'est un travailleur autonome et combien il y en a au
Québec, mais peut-être un petit peu moins sur ce que vous pensez
de la politique de main-d'oeuvre et de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Puisque
vous nous avez parié passablement du travailleur autonome, la question
qui me vient à l'esprit, c'est qu'il y a effectivement un grand nombre
de travailleurs autonomes au Québec. Comment faites-vous pour les
représenter? Comment faites-vous pour les rejoindre d'abord? Comment
pouvez-vous justifier votre représentativité par rapport à
eux?
M. Savard: bon, effectivement, les travailleurs autonomes n'ont
pas de structure représentative actuellement. on a bien
mentionné, dans notre préambule, que nous sommes une jeune
organisation et c'est par leur statut, c'est par l'identité
professionnelle de ces gens-là... à date, on voit, par les
actions que nous posons, que ces gens-là adhèrent rapidement
à notre mouvement parce qu'ils se reconnaissent. alors, ces
gens-là, on prétend pouvoir les représenter parce qu'on a
une position qui est documentée et qui est... bon, ça fait quand
même des années qu'on est préoccupés par cette
question-là, et les gens sont mal représentés. soit qu'ils
ont déjà des corporations professionnelles ou des associations,
mais ils sont minoritaires. on parie de 13 % au québec. ils sont
minoritaires, ils n'ont pas des services adaptés. alors, ces
gens-là sont intéressés à faire partie de notre
regroupement à cause de ce
phénomène, qu'ils reçoivent une oreille, une
écoute attentive et en fonction de leur statut.
M. Bourbeau: Combien avez-vous de membres?
M. Savant: Actuellement, nous sommes en démarrage pour
notre opération de recrutement.
M. Bourbeau: C'est parce que... Moi, je ne veux en aucune
façon contester votre représentativité, mais je suis
intéressé à savoir: Comment faites-vous pour faire en
sorte que les idées que vous exprimez soient vraiment les Idées
de vos membres? Comment faites-vous pour le savoir?
M. Savard: En fait, on a fait une étude, comme on
disait...
M. Bourbeau: Parce que, dans les organismes structurés, si
vous permettez, là, les syndicats et le patronat, il y a des
congrès annuels, il y a des plates-formes qui sont avancées, des
sujets et, finalement, c'est débattu. On se fait un programme et les
dirigeants, après ça, sont tenus de véhiculer la
pensée de l'organisme. Chez vous, bon, vous nous faites connaître
votre point de vue, mais qu'est-ce qui nous dit que ce n'est pas le point de
vue des quatre Individus qui sont à la table, ici, plutôt que le
point de vue de tous les travailleurs autonomes?
M. Savard: Bon, effectivement, on a quand même une
étude sérieuse qui a été faite. On a
procédé par groupes de discussion. On est allés voir ces
gens-là, on a posé un certain nombre de questions en termes de
comment ils vivent ça, quels sont leurs besoins, etc.
M. Bourbeau: Quand vous dites «ces gens-là»,
c'est qui, ça?
M. Savard: Les travailleurs autonomes dans différents
domaines. On a consulté des gens qui vivent comme travailleurs
autonomes. On est allés voir véritablement quels sont leurs
besoins et quelle serait leur position par rapport...
M. Bourbeau: Est-ce sur une base individuelle que vous avez
consulté?
M. Savard: On a procédé par des groupes de
discussion. C'est un outil d'étude, de recherche, d'information qui est
valide et qui a été validé qu'on a utilisé pour
aller chercher nos premières informations. Bien sûr, vous
comprendrez que comme l'organisation est jeune, de la même façon,
vous ne pouvez pratiquement pas faire nommer un président d'une
société par les membres d'un conseil d'administration avant
d'avoir élu ces mêmes membres. De la même façon, on
doit aussi commencer quelque part et dire: On va aller voir le plus possible le
pouls de ces gens-là. Il faut commencer aussi. La roue doit commencer
à un moment donné.
M. Bourbeau: Donc, c'est un organisme en formation. Vous
êtes en train de...
M. Savard: Oui, qui est quand même...
M. Bourbeau: Depuis combien de temps êtes-vous en
opération comme organisme?
M. Savard: On est en opération depuis le mois d'août
1991.
M. Bourbeau: 1991. Ah, bon. Une voix: C'est ça.
M. Bourbeau: Parce qu'effectivement, M. le Président,
c'est un sujet dont on a discuté passablement en tentant de structurer
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Quand on parle de la force ouvrière, on sait que nous
avons assis la proposition sur un partenariat à trois: les travailleurs,
les employeurs... Quand on arrive chez les travailleurs, le réflexe
normal, c'est d'aller voir les syndicats. On s'est dit: Bon, un syndicat, on
sait ce que c'est. Ça représente, c'est bien organisé,
c'est élu démocratiquement - du moins, on le présume - et
là on a des interlocuteurs qui sont mandatés. On est fort
conscients que les syndicats au Québec ne représentent pas tous
les travailleurs, loin de là. Même, ils ne représentent
pas, à toutes fins pratiques, la moitié des travailleurs. En tout
cas, si on exclut le secteur public, on est très loin du compte et on
aimerait bien pouvoir inviter les travailleurs autonomes.
Cependant, c'est difficile de leur reconnaître des postes si ces
gens-là ne sont pas mandatés par quelqu'un. Il faudrait voir
comment s'organiser pour faire en sorte que, si on invitait, quelque part,
quelqu'un à siéger au nom des travailleurs autonomes, cette
personne-là puisse prétendre et justifier de vraiment
représenter les travailleurs autonomes. C'est ça, le
problème.
M. Savard: On espère, M. le ministre, des suggestions de
votre part. C'est bien sûr que les syndicats, c'est intéressant
qu'ils soient présents et c'est nécessaire, de même que le
patronat, mais ici ils représentent à peu près 30 %, je
pense, de la main-d'oeuvre syndiquée au Québec. Donc, il y a tout
le pan des travailleurs salariés non syndiqués qui ne sont pas
représentés non plus parce qu'ils ne sont pas regroupés.
Dans un esprit de partenariat ou de collaboration, on espérerait aussi
peut-être une démarche de votre part pour nous proposer des
solutions pour dire de quelle façon on pourrait accélérer
le processus et permettre qu'un groupe devienne représentatif des
travailleurs autonomes. Ce qui nous
peinerait davantage, c'est que ne soit pas représentée
cette partie importante des travailleurs québécois qui sont une
richesse incroyable.
En termes d'état d'esprit, dans une structure comme telle, je
pense que ce serait important d'avoir des gens qui sont entreprenants, qui sont
créatifs. Je pense que nous sommes prêts à faire les pas
qu'il faut. On sait bien que la structure définitive va prendre quelques
mois au moins, environ un an, d'après nous autres, compte tenu qu'il
peut arriver des changements, mais on croit pouvoir être de plus en plus
représentatifs chaque jour et on compte sur vous pour nous aider dans ce
sens-là également.
Le Président (M. Joly): Je pense que M. Sainte-Marie a
quelque chose à ajouter.
M. Sainte-Marie: Le problème, c'est qu'il n'existe pas de
formule Rand pour regrouper les travailleurs autonomes au Québec. C'est
sur une base volontaire que ça peut se faire et c'est strictement en
vertu de l'intérêt qu'ils peuvent trouver dans une association
comme l'ATTAQ qu'ils vont y adhérer. Les vérifications ont
été faites à une certaine échelle auprès
d'un certain nombre de personnes pour évaluer leur goût
d'adhérer à ça. La réponse est extrêmement
positive. Le problème, c'est le problème de l'oeuf ou de la
poule. Avec quoi on commence en premier? À parler au nom de ces
gens-là ou à commencer d'abord par les recruter avec les petits
moyens qu'on a au départ?
M. Bourbeau: Un travailleur autonome, à bien y penser,
est-ce que ça devrait être compris dans la partie du conseil qui
est formée des patrons, des syndicats ou des travailleurs
plutôt?
M. Sainte-Marie: Là, il y a une question de double statut,
M. le ministre. Il y a une question de double statut. En fait, le travail
autonome, comme réalité, peut constituer une excellente solution
pour certains patrons dans le recyclage de certains des individus qu'ils sont
appelés à mettre à pied et à abandonner au
chômage, un petit peu plus loin à l'aide sociale et, après
ça, à Dieu sait quoi. Pour les patrons, ça pourrait
être très intéressant de collaborer avec le monde du
travail autonome. Pour les syndicats, ça peut être la même
chose parce que je m'imagine qu'il y a des leaders syndicaux qui doivent avoir
mal à la tête à faire frapper à leur porte par des
gens qui sont soit en grève, soit qui ont été mis à
pied et qui attendent qu'il se passe quelque chose de nouveau. Alors, à
ce titre-là, le milieu du travail autonome peut être très
accueillant pour le recyclage d'un certain nombre d'individus.
Ce qu'on compte faire à l'ATTAQ, c'est d'offrir à ces
gens-là l'infrastructure dans laquelle ils vont soit améliorer
leur performance en tant que travailleur autonome déjà en acti-
vité, soit structurer leur propre emploi, si c'est des gens qui ont
été mis sur la touche, entre autres choses, ou qui envisagent par
nature même de devenir des travailleurs autonomes. Fondamentalement,
c'est ça, l'objectif. Mais, pour réaliser ça, on va avoir
besoin d'aide, de beaucoup d'aide, mais surtout d'une reconnaissance au
départ.
Le Président (M. Joly): M. le ministre. Parfait, merci.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous
plaît.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux vous
féliciter de cette initiative qui est récente, mais qui est
prometteuse. Votre mémoire est extrêmement bien articulé et
vous nous rappelez cette réalité que la présence accrue
des travailleurs autonomes est représentative du passage à
l'ère postindustrielle. Vous nous dites que, finalement, dans toutes ces
études-là de l'OCDE et des autres composantes des pays
industrialisés, on identifie l'accroissement du nombre de travailleurs
autonomes comme étant significatif du passage à l'ère
postindustrielle. C'est quand même intéressant qu'au Québec
se soit organisée une association comme la vôtre. Est-ce qu'il y a
en a d'autres qui existent ailleurs? En connaissez-vous d'autres?
Êtes-vous en contact avec des associations similaires?
M. Savard: Pas à notre connaissance. On a entendu dire
qu'à Montréal il y aurait peut-être quelque chose qui bouge
dans ce sens-là. On va prendre contact, là...
Mme Harel: Vous êtes en opération dans la
région de Québec?
M. Savard: Oui, alors, nous, on a quand même des gens de
Montréal sur notre conseil d'administration, etc., mais on vise les
opérations évidemment à la grandeur du Québec.
Mais, actuellement, le siège social est à Québec.
Mme Harel: ça doit être la manière de faire.
le «made in québec» dont il était question encore
dans les journaux ce matin. je voulais vous poser la même question que le
ministre vous a posée, finalement. êtes-vous plus travailleurs ou
plus patrons? parce qu'il y a ce problème de
représentativité. ce problème, il existe pour
représenter les travailleurs, étant donné que les
syndicats sont quand même très peu présents dans le secteur
privé. on dit à peine 20 %. il y a aussi un problème pour
représenter les employeurs, puisque les associations patronales sont
très, très peu représentatives. que ce soit l'amq ou le
conseil du patronat, je ne pense pas que ça représente des
employeurs qui ont un, deux ou trois employés. 80 % des entreprises au
québec ont moins de 10 employés. je ne me rappelle pas, mais
c'est absolument impression-
nant le pourcentage d'entreprises qui en ont moins de cinq.
Alors, comment représenter cette catégorie-là? Je
pense que c'est une question importante. Moi, l'idée me venait, en vous
écoutant et en écoutant l'échange que vous aviez avec le
ministre, au minimum de souhaiter qu'il y ait un comité sectoriel
rattaché à la société mère qui puisse
être représentatif de votre problématique. Vous dites qu'il
y a 400 000 travailleurs autonomes au Québec seulement, selon les
dernières statistiques, que, de ce nombre, 51 %, en fait, sont
considérés à leur compte. (11 h 45)
Alors, II y aurait sûrement à mettre en place une sorte de
forum où vos besoins pourraient s'exprimer parce que, dans
l'énoncé de politique, la simplification des programmes que le
ministre a annoncée fait qu'il n'y aura qu'un seul sur les quatre en
tant que tel qui va s'adresser à des individus, n'est-ce pas? Vous avez
vu que l'un s'adresse aux entreprises pour la formation de leurs
salariés, l'autre s'adresse aux licenciés par l'entreprise qui
ferme ou qui fusionne, l'autre encore s'adresse aux corporations sur des
territoires fortement défavorisés en emploi, mais, pour les
individus comme tels, il y a un programme. Dans l'énoncé, on dit
que c'est plus dans la perspective de combler des pénuries de
main-d'oeuvre.
Donc, c'est plus dans la perspective de combler les besoins de
main-d'oeuvre des entreprises identifiées dans des secteurs industriels,
etc. Donc, ça, c'est une constante de l'énoncé actuel:
elle vous rejoint à quelque part, mais elle rejoint aussi la
majorité, disons, des hommes et des femmes du Québec qui
travaillent, qui ne peuvent pas suivre des cours à temps plein, et qui
ont, finalement, un espace de plus en plus restreint pour améliorer leur
sort professionnel. Au niveau secondaire, vous savez sans doute que les
enveloppes sont fermées, que les places sont contingentées en
matière de formation professionnelle. Au niveau cégep, c'est pire
encore parce qu'on demande de tout convertir en temps plein. Alors, finalement,
c'est une part congrue qui leur est laissée.
Il y a la Fondation de l'entrepreneurship qui est venue ici plaider en
faveur non pas simplement d'une préoccupation d'employabllité,
mais d'une préoccupation d'entrepreneurship. En lisant votre
mémoire, je retrouvais les mêmes échos parce que les
entrepreneurs doivent se retrouver parmi les gens que vous représentez,
possiblement, en tout cas, vraisemblablement, c'est-à-dire les gens qui
ont l'esprit d'entreprise, en tout cas sûrement.
Le Président (M. Joly): Excusez, je pense que M. Bernier
avait un commentaire à apporter.
Mme Harel: Ah oui, certainement.
M. Bernier (Guy): D'ailleurs, moi, je participe un peu à
ce groupe comme conseiller. Moi, je suis un entrepreneur qui engage des
travailleurs autonomes. Ces regroupements, comme mentionnait M. Savard
tantôt, qui sont un peu en naissance - on a vu, d'après la
formation de la Société québécoise, autant les
travailleurs autonomes se cherchaient un endroit pour savoir jusqu'à
quel point ils vont pouvoir profiter de la main-d'oeuvre et profiter des
programmes, autant l'entrepreneur en formation privée se demande, lui
aussi, étant donné qu'on mentionne souvent le réseau
d'enseignement, les collèges, ces choses-là, quelle va être
la place du travailleur autonome et de l'entrepreneur dans une
société comme celle-là. C'est un peu sur cette
cause-là qu'on supporte les travailleurs autonomes parce que les
travailleurs autonomes remplissent beaucoup de mandats de formation, si ce
n'est dans les instituts publics d'enseignement, dans les instituts
privés d'enseignement aussi.
Le Président (M. Joly): M. Sainte-Marie.
M. Sainte-Marie: C'est peut-être pour ça - M. le
Président, je vous le demande - qu'il faudrait laisser, pour faire suite
à ce que monsieur vient de dire, à M. Godbout deux ou trois
minutes pour qu'il puisse nous parler du sujet très important de la
formation professionnelle qui peut être dispensée par des
travailleurs autonomes ou par des entreprises autonomes.
Le Président (M. Joly): M. Godbout, je vous reconnais.
M. Godbout (Jean-Guy): Oui, bien, notre participation à
l'intérieur de l'ATTAQ, parce que nous ne représentons pas les
associations, les organismes privés de formation du Québec
encore, mais nous sommes en train d'organiser avec plusieurs compagnies une
association à travers le Québec de toutes les entreprises
privées qui oeuvrent actuellement dans le domaine de la formation de la
main-d'oeuvre. Je ne voudrais pas parler en leur nom actuellement, parce que je
n'ai pas de mandat pour parler de cette façon-là. Mais je dois
vous dire que nous allons vous faire parvenir un mémoire
étoffé, parce que nous vivons les situations concrètes,
d'abord, de compétition avec les cégeps et les commission
scolaires qui ont toujours été favorisés dans le cadre des
programmes de formation professionnelle en termes de financement, soit ceux du
fédéral, soit ceux du Québec.
Nous avons aussi à vivre une compétition par des
créations que les cégeps et les commissions scolaires font
d'organismes plus ou moins privés pour être un peu
délestés des obligations de fonctionnement habituelles et de
rémunération du personnel que, normalement, ils devraient
respecter avec les employés habituels ou les professeurs habituels des
cégeps. On aimerait
bien, à un moment donné, que, dans l'analyse de ce
dossier-là, on clarifie ces situations de création d'entreprises
plus ou moins privées reliées à des cégeps ou
à des commissions scolaires. Remarquez que nous ne contestons pas du
tout le rôle primordial des cégeps et des commissions scolaires
dans la formation professionnelle. Ce serait vraiment ridicule de vouloir faire
ça. Les ressources sont là, les équipements sont
là, sauf qu'en termes d'entreprise privée je pense que nous
jouons un rôle important. On est à peu près 500
actuellement dans le Québec.
Si la loi de l'enseignement privé libérait les 700
entreprises de formation culturelle personnelle qui sont des écoles qui
ne sont pas subventionnées, nous pourrions nous retrouver avec un bassin
possible de regroupement de 1200 entreprises, sans parler du fait qu'on est un
petit peu actuellement en pourparlers avec les OVEP au Québec qui, elles
aussi, oeuvrent dans le domaine de la formation professionnelle. Donc, il y a
à peu près globalement 2000 entreprises de tout ordre qui jouent
des rôles de formation à tous niveaux, mais qui n'ont pas le
privilège ou la possibilité de profiter des mêmes avantages
évidemment que les établissements publics de formation.
Mme Harel: Êtes-vous acceptés par ta CFP?
M. Godbout: Oui, madame.
Mme Harel: Votre organisme à vous, là.
M. Godbout: Oui. Sur les 500, on est 120 accrédités
actuellement. Évidemment, c'est une accréditation pour fins de
crédit d'impôt, sauf que ça reconnaît quand
même un certain niveau de compétence.
Mme Harel: Pourquoi les autres ne le sont pas? Parce qu'elles ont
été refusées ou elles ne l'ont pas demandé?
M. Godbout: li faudrait que je sois dans une CFP pour vous le
dire, mais je crois qu'il y en a qui ne l'ont pas demandé. Je vous donne
un exemple. Beil Canada vient de partir une compagnie de formation très
importante et pas seulement dans le domaine des communications. Bell Canada n'a
pas besoin de subventions et n'a pas besoin d'être
accréditée pour coopérer avec les moyens financiers qui la
supportent. Donc, il y a des cas comme ça et il y a des cas où il
y en a qui ont sûrement été refusés, je le
présume, et d'autres qui ne l'ont pas demandé.
Ce qui nous inquiète aussi, parce que nous autres, on se voit
complémentaires. On agit maintenant actuellement dans des secteurs de
pointe en développement important où les entreprises, les maisons
d'enseignement ne peuvent suffire à la tâche ou ne veulent pas y
participer pour toutes sortes de raisons. On pense que notre place est
importante dans le dossier.
Maintenant, mon expérience comme fonctionnaire m'indique qu'un
projet de loi, ce n'est pas la seule chose qui vient légiférer
sur les manières de faire. Je sais qu'il va y avoir probablement des
règlements, probablement des documents d'orientation qui vont
probablement laisser une place ou donner une place à ce que nous
représentons actuellement, c'est-à-dire les petites entreprises
privées de formation à travers le Québec.
Nous avons aussi un problème, M. le ministre...
Mme Harel: ... fonctionnaire, vous nous parliez.
M. Godbout: Oui, madame.
Mme Harel: Mais vous ne l'êtes plus.
M. Godbout: Non, là, je suis un heureux retraité,
mais j'ai été 25 ans au ministère de l'Éducation.
J'étais le directeur général de l'éducation des
adultes au Québec. Donc, je connais très bien le dossier.
Il y a un autre problème qui nous confronte évidemment,
c'est une espèce d'invasion des entreprises américaines de
formation. Et celle-là, je pense qu'elle est importante parce qu'elles
n'arrivent pas ici avec des petits moyens. Elles arrivent ici avec des moyens
importants.
Mme Harel: Est-ce que ça a une certaine ampleur, cette
invasion?
M. Godbout: Ça va en avoir une, là, avec le
temps.
M. Bernier: On dit que l'entreprise qui vit de formation aux
États-Unis représente 10 000 000 000 $. C'est une industrie de 10
000 000 000 $ présentement.
M. Godbout: Alors, nous, c'est des problèmes que nous
voulons soulever. Allez-vous quand même nous ouvrir une porte pour que
nous puissions oeuvrer, même tout en favorisant les commissions
scolaires, les cégeps et les universités? On n'a rien contre
ça. Deuxièmement, est-ce qu'on va pouvoir avoir une certaine
possibilité de compétitionner? Je ne sais pas de quelle
façon ça pourrait se concrétiser dans des
règlements ou des projets de loi, mais envers les entreprises
américaines qui vont venir nous trouver. Troisièmement, je pense,
je vous l'ai dit, je vous le repète, on est en train de s'organiser et
on va, M. Bourbeau, vous faire parvenir un mémoire. Malheureusement, la
commission va être terminée.
M. Bourbeau: Pardon?
M. Godbout: On va s'organiser, nous autres aussi, les entreprises
privées de formation, pour vous faire parvenir un mémoire et,
à ce moment-là...
M. Bourbeau: Vous êtes les bienvenus.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Godbout. Mme la
députée.
Mme Harel: M. le Président, vous me faites savoir que mon
temps est terminé. J'aurais juste voulu dire au groupe que j'aimerais
beaucoup avoir l'étude dont il est fait mention, à la page 18 de
leur mémoire, des programmes d'aide aux entreprises que vous avez
conduits et qui démontre qu'à moins d'être agriculteur ou
pêcheur l'individu âgé de plus de 35 ans qui envisage
d'opérer, sans être chômeur ou assisté social, ou
opère déjà une toute petite entreprise ne peut compter sur
aucune aide. Si jamais vous avez des études, j'apprécierais
peut-être que vous les communiquiez au secrétariat de la
commission...
Le Président (M. Joly): Le secrétariat.
Mme Harel: ...et puis ça nous intéresse beaucoup,
hein.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
Mme Harel: Je l'ai lu. Je ne lis pas tout ce que fait le
ministère.
M. Bourbeau: M. le Président, il reste seulement à
remercier l'Association des travailleurs et travailleuses du Québec, qui
est une association nouvelle en formation, et à lui souhaiter bonne
chance dans ses initiatives de structuration de façon à
être en mesure de représenter d'une façon efficace,
là, les travailleurs autonomes du Québec.
Le Président (M. Joly): M. Savard.
M. Savard: Alors, je vous remercie, M. le Président, de
nous avoir prêté le micro. J'invite le ministre Bourbeau à
prendre contact avec nous de façon à trouver une façon de
travailler ensemble concrètement. On est des gens qui mettons en place
une structure, c'est vrai. Il y a des ouvertures intéressantes
proposées par Mme Harel. Je crois qu'il y a une chance là
à saisir en termes de mobilisation d'énergie pour
développer un Québec plus compétitif et plus
compétent.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Savard, et
merci aussi aux membres de l'ATTAQ. Merci beaucoup. Je demanderais maintenant
à l'Association des Townshippers de bien vouloir s'avancer s'il vous
plaît. Alors, la commission reprend ses travaux.
Association des Townshippers
Alors, bienvenue aux membres de l'Association des Townshippers.
J'apprécierais si la personne responsable du groupe pouvait se
présenter et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il
vous plaît.
Mme Goodfellow (Marjorie): Bonjour M. le Président.
Le Président (M. Joly): Bonjour madame.
Mme Goodfellow: Mesdames, messieurs, à ma gauche, c'est
Diane Clowery et Paillette Losier, de notre conseil d'administration, et,
à ma droite, Barbara Verity, directrice adjointe. Moi, je suis Marjorie
Goodfellow.
Le Président (M. Joly): merci beaucoup. je vous laisse le
temps de nous livrer votre réflexion. comme vous voyez, le temps nous
manque un peu.
Mme Goodfellow: Une demi-heure en retard.
Le Président (M. Joly): Alors, je vous demanderais
peut-être d'être la plus concise possible et, par après,
nous échangerons avec vous, s'il vous plaît.
Mme Goodfellow: Merci. Même si l'histoire de la population
d'expression anglaise dans les Cantons-de-TEst remonte à 200 ans, son
avenir est précaire. On lit dans le document «Partenaires pour un
Québec compétent et compétitif» que les
communautés affectées par le chômage et la pauvreté
de même que celles aux prises avec des changements économiques
sont sujettes à l'appauvrissement le plus souvent dû à
l'exode de ses composantes les plus jeunes et les plus dynamiques. Cette
perspective touche une corde sensible chez les membres de l'Association des
Townshippers. (12 heures)
L'exode important des jeunes d'expression anglaise vers
l'extérieur des Cantons-de-l'Est crée un changement
démographique qui modifiera pour toujours la richesse linguistique
traditionnelle de la région. Une de nos préoccupations consiste
à maintenir une communauté d'expression anglaise saine et
dynamique dans les Cantons-de-l'Est. Donc, l'Association est heureuse d'avoir
l'occasion d'exprimer à la commission des affaires sociales le point de
vue de l'Association sur le projet de loi 408 et les politiques qui ont
mené à son élaboration.
Pour situer les recommandations qui suivent, il faut souligner quelques
principes que l'Association tient à coeur. Nous sommes pourvus d'un
réseau d'institutions d'enseignement d'expression
anglaise dans notre région. Nous aimerions voir ces ressources mises
à contribution dans un plan de développement de la formation des
jeunes et des adultes. L'apprentissage est facile pour les uns et difficile
pour les autres. Donc, pour faciliter les études en formation, c'est
mieux d'enseigner aux personnes d'expression anglaise en anglais, même si
tout le monde sait que la langue de travail au Québec est le
français. Les droits linguistiques de la minorité
québécoise d'expression anglaise doivent être
respectés dans les services au public offerts par le gouvernement du
Québec. Également, les communications concernant ces services
doivent rejoindre les membres de la communauté d'expression
anglaise.
Voici notre première recommandation. L'Association
recommande, afin de se conformer à l'article 3.2 de la Loi sur le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu,
qui vise la promotion de l'embauche de toute la main-d'oeuvre
québécoise, de rencontrer les besoins linguistiques
spécifiques à la communauté d'expression anglaise.
À la page 7 de notre mémoire, l'Association
désire apporter certains commentaires sur la formation technique et
professionnelle, sur les problèmes particuliers de la communauté
d'expression anglaise, sur le français comme outil de travail, et sur le
taux de décrochage scolaire.
Concernant la formation technique et professionnelle, il
existe actuellement plusieurs obstacles qui sont des exigences inutiles pour
certains emplois. La nécessité de détenir un diplôme
ou d'autres préalables scolaires découragent ceux qui ne sont pas
enclins aux études et les empêchent d'apprendre un métier.
Par exemple, on limite l'accès aux programmes techniques et
professionnels aux étudiants de secondaire qui ont acquis le niveau 4 en
anglais, français et mathématiques. L'Association recommande que
des travailleurs dans le domaine des métiers révisent le
préalable de ces trois matières afin de définir le niveau
de compétence nécessaire dans chaque matière et de
modifier le minimum de prérequis.
La dévalorisation du statut des cols bleus et de
leur apport à la société représente un autre
obstacle à entreprendre une formation technique. On doit rectifier
l'impression que les cols bleus sont moins importants que les cols blancs ou
que les professionnels. Dans les faits, les salaires payés aux cols
bleus sont souvent plus élevés que ceux des cols blancs.
L'Association recommande que le gouvernement lance une campagne publicitaire
pour rendre plus conforme à la réalité la perception de
l'importance des emplois des cols bleus au niveau des salaires et de la
contribution au développement économique de la
société.
Concernant les orienteurs pédagogiques,
l'Association recommande que les orienteurs pédagogiques
reçoivent une formation sur les métiers en demande localement,
dans la région, et à travers le pays- Les écoles
secondaires ne sont pas équipées pour donner une formation dans
tous les métiers. On pourrait augmenter les capacités des
écoles à former les étudiants dans de nombreux
métiers en innovant et en utilisant des programmes coopératifs
entre les établissements scolaires et les employeurs locaux. Ainsi, les
écoles seraient moins obligées d'investir dans des
équipements dispendieux qui ne servent qu'à des fins
pédagogiques. L'Association recommande d'instaurer le concept du
système coopératif dans la formation professionnelle.
Concernant les exigences bureaucratiques, l'Association
recommande de réduire les exigences bureaucratiques des programmes de
création d'emploi. On ne devrait pas limiter l'accès aux
programmes de recyclage aux travailleurs d'un certain âge. Aujourd'hui,
dans une économie évoluant rapidement, le recyclage des
travailleurs est un processus constant et sous la responsabilité de
l'employeur et de l'État. L'Association recommande que les programmes
futurs de développement de la main-d'oeuvre éliminent un
âge limite pour participer.
Problème particulier à la communauté
d'expression anglaise, page 10. Dans plusieurs régions, le
système en place ne fonctionne pas bien pour les Québécois
d'expression anglaise. Habituellement, la disponibilité des cours de
formation subventionnés par le gouvernement n'est publicisée que
dans la langue et par les établissements de la communauté de
langue officielle majoritaire. Les cours se donnent rarement en anglais, ce qui
crée un obstacle à un apprentissage plus aisé. Lorsque les
cours sont offerts en anglais, les sujets présentés sont
limités aux plus populaires dans la région, ce qui restreint le
nombre d'options disponibles.
La Commission de formation professionnelle de la
région de l'Estrie dans les Cantons-de-i'Est a fourni un effort
considérable, dès le départ, pour nommer des
représentants d'expression anglaise au sein de son comité
consultatif. Mais les moyens de sélection ne fournissent pas comme tel
une voix à la communauté d'expression anglaise. On a plutôt
nommé au comité des représentants du milieu industriel qui
sont d'expression anglaise. Or, ces personnes représentent d'abord le
milieu industriel dont elles font partie et non la communauté
d'expression anglaise. De plus, elles ne possèdent pas
spontanément toute l'information sur la communauté en
particulier. Jusqu'à maintenant, l'Association des Townshippers n'a pas
été impliquée, même si elle possède cette
information. Si des groupes comme l'Association des Townshippers étaient
impliqués dans la nomination des représentants de la
communauté auprès des groupes consultatifs, leur apport au nom de
la communauté serait plus précis et plus efficace.
Le français, un outil de travail. Actuellement,
Emploi et Immigration Canada subventionne des cours de langue seconde, quoique
les condi-
tions pour y accéder sont restrictives. Peu de
Québécois d'expression anglaise savent qu'il existe une formation
en langue seconde, selon l'article 26 de la Loi sur l'assurance-chômage.
Selon Emploi et Immigration Canada, en 1988, dans la province de Québec,
seulement 150 personnes ont bénéficié de cette clause.
Selon la Loi nationale sur la formation, les cours de langue officielle seconde
sont aussi disponibles pour les autres groupes de personnes qui sont
considérés sérieusement «désavantagés
au niveau de l'emploi». L'Association recommande de reconnaître le
français langue seconde dans tout programme futur de formation à
l'emploi et d'en publiciser la disponibilité.
L'apprentissage de la langue en milieu de travail, probablement un des
moyens les plus efficaces d'améliorer des compétences en langue
seconde, est de juridiction exclusive au ministère de l'Éducation
du Québec. L'Association recommande que le ministère de
l'Éducation fasse la promotion de la formule d'apprentissage de la
langue en milieu de travail en tant que méthode efficace
d'acquérir un outil de travail nécessaire, soit la langue.
Commentaires sur le projet de loi 408: je lirai simplement les
recommandations.
L'Association recommande que le conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre soit composé d'au moins trois personnes d'expression
anglaise, dont une en provenance du milieu de l'enseignement au niveau
secondaire.
L'Association recommande d'insérer à l'article 18, entre
les paragraphes 4 et 5, un paragraphe traitant de la coordination des efforts
et des programmes entre tous les partenaires ci-haut mentionnés.
L'article 23: Toute entente dans ce domaine doit rencontrer les
prescriptions de la Loi sur les langues officielles du Canada.
L'article 32.1: Nous réitérons que les programmes
gérés par chaque société régionale devraient
être accessibles à tous les secteurs de la population dans la
région, de produire la publicité et l'information dans la langue
de la communauté d'expression anglaise et de les publier dans les
médias qui rejoignent ce secteur de la population.
Article 37.3: L'Association recommande de consulter les commissions
scolaires protestantes et les autres qui desservent les étudiants
d'expression anglaise dans les régions où de telles commissions
scolaires existent.
Article 37: L'Association recommande d'ajouter un paragraphe
prévoyant la représentation de la communauté d'expression
anglaise après consultation des associations représentant cette
communauté dans chaque région où une telle association
existe.
Article 44.2: On doit s'efforcer de reconnaître les
réalités régionales de nature linguistique dans
l'élaboration des programmes futurs.
Article 44.5: On doit fournir un effort particulier pour être
conscient des réalités démographiques et des besoins
régionaux en s'assurant que les sociétés régionales
comportent un nombre de représentants d'expression anglaise
adéquat selon les régions, en consultant les associations
représentant la communauté et aussi qu'un d'eux soit choisi dans
le milieu d'enseignement au niveau secondaire. Nous vous remercions pour votre
attention.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Good-fellow. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, on a un petit
problème, là. L'équipe libérale, vous savez, est
une équipe polyvalente et on est un petit peu comme au football, on a
des unités spéciales. Alors, vous pouvez voir maintenant qu'il y
a l'unité spéciale des Cantons-de-l'Est qui est, à ma
droite ici, constituée de la ministre, de la députée de
Saint-François, du député d'Orford. il y a
également le député de Notre-Dame-de-Grâce, M.
Williams, qui...
M. Williams: Nelligan.
M. Bourbeau: ...de Nelligan, je m'excuse, qui est très
intéressé par la prestation de ceux qui sont devant nous. Alors,
moi, qui suis probablement un des seuls qui suis originaire des
Cantons-de-l'Est parmi ceux-là, qui ai été
élevé dans un petit village qu'on appelle Danville, vous
connaissez, dont le père a été maire d'Asbestos, M. le
Président - le grand-père, pas le père - et qui passe mes
week-ends dans les Cantons-de-l'Est, j'aimerais bien pouvoir poser des
questions aux Townshippers mais je vais laisser la parole pour l'instant au
député d'Orford et je reviendrai un peu plus tard, le
député d'Orford qui m'a demandé de pouvoir poser des
questions.
Le Président (M. Joly): Au départ, question de
procédure, j'imagine que - parce que autant Mme la ministre, la
députée de Saint-François, que M. le député
d'Orford ne sont pas membres de cette commission - on a un consentement
unanime.
Mme Harel: Oui, certainement, M. le Président. Vous
comprendrez que j'ai aussi mon joueur de relève, hein.
Le Président (M. Joly): Mais... Mme Harel: Le
député d'Arthabaska.
Le Président (M. Joly): ...je pourrai sans doute le
reconnaître...
Mme Harel: Le reconnaître en temps voulu...
Le Préskient (M. Joly): ...en temps et lieu,
en temps opportun. Alors, je présume du consentement. Parfait,
merci. Alors, M. le député d'Orford, je vous reconnais.
M. Benoit: Je ne croyais pas passer avant deux ministres, c'est
assez rare que ça arrive aux simples députés; alors, j'en
suis tout ébahi. Je vous remercie, M. le Président. Je veux
d'abord reconnaître rapidement le magnifique ouvrage des Townshippers
dans notre région. Ce sont des gens qui existent depuis nombre
d'années et qui font un ouvrage fantastique alors qu'une
communauté est décroissante. Il faut voir les derniers chiffres,
ici: En 1974, il y avait 11 000 étudiants dans leur commission scolaire,
ils sont rendus à 6000. Alors, une communauté qui est en
difficulté sérieuse, pas seulement linguistiquement mais comme
communauté. Et, même avec ça, ces gens-là trouvent
le moyen de se mobiliser, faire des réunions, des congrès et je
veux leur rendre un hommage ici aujourd'hui pour le magnifique travail qu'ils
font et ils ne lâchent pas. Jour après jour, ils continuent
à faire cet ouvrage et ils font avancer la cause des anglophones.
Une seule question. Le mémoire est bien fait et je ne pense pas
qu'on ait à ajouter grand-chose, Mme Goodfellow. Je vous en
félicite. Peut-être une seule question. À la page 15, vous
parlez du décrochage scolaire. Il est évident qu'au Québec
on a un problème de décrochage scolaire dans la communauté
francophone. Je m'imaginais que vous aviez aussi un problème de
décrochage scolaire. Vous semblez dire: Écoutez, on n'a pas les
chiffres, on n'est pas très sûr de la statistique
là-dessus. Je ne veux pas vous mettre dans un piège, mais, dans
la communauté francophone, on a des chiffres. On parte de 42 % de
décrochage. C'est une situation qui est très très
sérieuse et on la prend au sérieux. D'ailleurs, Michel
Pagé va mettre plein de mesures de l'avant. Avez-vous une idée?
Est-ce que c'est pire dans la communauté anglophone? J'imagine la
frustation des étudiants qui ne se trouvent pas une job et qui ne
parlent pas la langue en plus. Peut-être que les frustrations sont plus
grandes. Est-ce que le taux de décrochage serait plus
élevé dans votre communauté et avez-vous une idée
des proportions? C'est la seule question que j'avais à poser. (12 h
15)
Le Président (M. Joly): Mme Goodfellow.
Mme Goodfellow: C'est pourquoi nous avons recommandé de
tenir compte des méthodes d'acquérir les chiffres, parce que la
méthode pour fournir tes statistiques sur le taux de décrochage
est difficile. On compte le nombre qui entre à l'école et on
compte le nombre qui finit à l'école, on fait une soustraction et
c'est le taux de décrochage. Alors, ça ne tient pas compte du
nombre qui quitte pour d'autres provinces ou pour d'autres institutions,
même à l'intérieur de la province. Alors, c'est difficile
de savoir exactement le taux de décrochage. Mais je sais qu'au niveau
provincial, chez les anglophones, c'est moins que chez les francophones. C'est
les statistiques que nous avons reçues. Moi, je doute toujours des
statistiques à travers la province parce que ça ne s'applique
presque jamais à notre cas dans les Cantons-de-TEst. Alors, je ne peux
pas répondre à votre question.
M. Benoit: Merci, Mme Goodfettow. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
d'Orford. M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
ajouter mon nom aux félicitations du député d'Orford parce
que je connais le groupe des Townshippers assez bien, plus comme adjoint
parlementaire du ministre de la Santé et des Services sociaux. Je sais
que vous êtes très impliqués dans plusieurs dossiers et je
pense qu'aux commissions parlementaires, au gouvernement du Québec, sur
chaque liste des invités, on peut toujours mettre le nom des
Townshippers parce que vous êtes très présents et je
voudrais vous féliciter pour votre excellent travail aussi.
Mme Goodfellow: Merci.
M. Williams: Avant de vous demander une question sur le dossier
spécifique, je voudrais juste retourner... Je pense que c'est à
la première phrase que vous avez lue, vous avez dit que, même si
l'histoire de la population d'expression anglaise remonte à très
loin, son avenir dans les Cantons-de-l'Est est précaire. De plus en
plus, j'entends ce discours dans toute la province de Québec,
particulièrement en dehors de Montréal, mais aussi sur
l'île de Montréal. J'espère qu'on pourra trouver la place
en public pour discuter de cette question en général de l'avenir
de la communauté d'expression anglaise. Je sais que c'est un sujet qui
vous touche et moi aussi, je suis le dossier de très près. Quand
on parle de l'avenir du Québec, on doit parler de l'avenir des
communautés minoritaires, incluant la communauté d'expression
anglaise, et j'espère qu'on pourra trouver la place pour avoir une plus
longue discussion en public sur cette question.
Vous avez recommandé que, si on fait un transfert de pouvoirs du
fédérai au provincial, vous voulez avoir les mêmes
garanties qui existent maintenant pour les communautés d'expression
anglaise. Je voudrais avoir peut-être un peu plus d'explications.
Exactement, c'est quoi les garanties que vous cherchez? Et aussi, je ne veux
pas vous mettre les mots dans la bouche, mais, si on peut trouver le moyen de
mettre les mêmes garanties, est-ce que j'ai bien compris, les
Townshippers, que vous êtes d'accord avec ce transfert de pouvoirs?
Le Président (M. Joly): Mme Goodfellow.
Mme Goodfellow: I wilI exercise my right to respond in English to
that question.
M. Williams: I was practicing my French, you know.
Le Président (M. Joly): Feel free. Des voix: Ha,
ha, ha!
Le Président (M. Joly): Be at ease. No problem.
Mme Goodfellow: Yes, we would accept the transfer - to answer
your last question first -from the federal to the provincial in that domaine
because we think that the closer it is to the regional reality the better it
should function. And even though, at the present time, it functions very close
to the local situation, it seems that many of the policies are a little too
restrictive to be flexible enough. I am still thinking in French, that is my
trouble here! But we would want to, with the transfer, have linguistic
guarantees because we feel strongly that courses should be given in English, so
that people can learn easily in English. Some people would not have any trouble
learning in French, but others would. We think that the best place to polish
one second language is the work place, where you are working with the
vocabulary and you already have learned the technics in your own language and
you can put them to practice in your second language and learn the necessary
vocabulary to a higher level than you have already at that stage.
We also would like to see our educational institutions used to full
advantage to provide these courses. As we said In the brief, not necessarily to
duplicate equipment, but teachers are mobile and they can move to the
industrial work place to teach on the spot and to oversee, to supervise on the
spot. So we think that there Is a lot that can be done in a better way than it
is being done now, but we wish to maintain our right to receive service,
information, publicity and courses in English.
M. Williams: Thank you. And I will continue with the same mother
tongue. You mentioned that you would like some of the courses to be In English
so that one can understand, and I understand that, but you also are quite
strong about the need for French second language training.
Mme Goodfellow: Oh yes.
M. Williams: So, I just want to be clear as your proposition is
not exclusively in English, but it would be for the content issues in
English, but obviously, and I want you if you can expand further on
French being a job skill and what that means for the community.
Mme Goodfellow: It is very important for the community. The
community has been resentful for some time that there is so little access to
training in French under the job skill categories from Employment and
Immigration Canada. I quoted the statistic in 1988 of a 150 English-speaking
people only benefiting from that possibility. And It is largely because it is
not made known to them. It has to be publicized. If we are to continue under
the federal scheme, it has to be publicized that they have that possibility to
receive training in French as a job skill. Obviously, it is one of the most
important job skills there Is in any training program in Québec. So,
this is why we spent so much time in our brief on that aspect. We also would
like the Ministry of Education of Québec to make arrangements so that
people could have on the job training in French, because French is the language
at the work place, and special availability of programs directed to that
end.
M. Williams: Let me tell you I certainly understand the benefits
of, on the job, a second language training.
Mme Goodfellow: I am sure you do.
M. Williams: Une dernière petite question. Vous avez
mentionné que vous vouliez avoir trois personnes de la communauté
d'expression anglaise sur le conseil d'administration de la
Société. Est-ce que vous voulez avoir ça par
règlement dans la loi ou est-ce que vous voulez peut-être utiliser
le modèle que nous avons utilisé avec la loi 120 - je m'excuse
pour ma préoccupation de la santé - où nous n'avons pas
dit une place pour les minorités x, y ou z, mais nous avons dit que le
conseil doit tenir compte de toutes les caractéristiques linguistiques,
culturelles, etc., de la Société?
Mme Goodfellow: Nous avons demandé trois places parce que,
moi, j'étais membre d'une commission consultative auprès du
gouvernement du Québec pendant une certaine période et
j'étais une personne d'expression anglaise au sein de ce comité.
C'est très difficile pour une personne de défendre toute seule
les besoins d'une communauté aussi large et aussi importante que la
communauté d'expression anglaise au Québec. Alors, c'est pourquoi
nous avons demandé plus qu'une place. La méthode pour les
choisir, je ne connais pas les techniques concernant le choix des candidats,
mais je pense que c'est important de souligner qu'il faut en avoir plus
qu'une.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Avec le consentement des membres de cette commission, je vais maintenant
reconnaître le député d'Arthabaska. Consentement? Merci. Je
vols qu'on opine de la capine.
M. Baril: Merci, M. le Président. Mme Harel: II est
de la région. M. Bourbeau: M. le Président. Le
Président (M. Joly): Oui, excusez.
M. Bourbeau: Est-ce que le député d'Arthabaska
représente une circonscription dans l'Es-trie?
M. Baril: Non.
Le Président (M. Joly): Je ne sais pas comment il se
définit.
M. Bourbeau: Si ma mémoire est fidèle, les
Bois-Francs, ce n'est pas en Estrie.
M. Baril: Non, c'est dans la Mauricie-Bois-Francs, mais par
contre je fais partie du territoire des Townshippers.
Mme Goodfellow: Exact.
M. Bourbeau: Ah bon! Alors, M. le Président, on va
l'admettre, dans ce cas-là.
Le Président (M. Joly): "Granted".
M. Baril: Je dois vous dire que c'est avec plaisir que je
réponds à l'invitation de l'Association qui m'avait envoyé
une demande, la semaine dernière, m'informant qu'elle passait vers 11 h
30 aujourd'hui et si je voulais bien participer à cette commission.
C'est dans cet objectif-là qu'il me fait plaisir, d'abord, de vous
féliciter pour votre mémoire. C'est vrai que vous êtes un
groupe agressif dans votre milieu. On entend parler...
Mme Harel: C'est positif.
M. Baril: Oui, oui, c'est positif, c'est certain.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Baril: C'est positif.
Le Président (M. Joly): En français, il y a souvent
des nuances.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: Bien, vous savez, il n'y a pas de malice dans mes
propos. Soyez-en assurés.
Le Président (M. Joly): S'il avait été
malicieux, on ne l'aurait pas reconnu.
M. Baril: Ah! Ça me donne souvent une chance, c'est vrai.
En tout cas, je vous félicite pour... Je ne chercherai pas plus mes mots
parce que, si je les cherche, je ne les trouverai pas. Votre travail et votre
implication, dans votre milieu, démontrent, effectivement, que vous
tenez à votre milieu. Vous voulez vous développer, vous voulez
vous épanouir et vous avez des inquiétudes, parce que, dans votre
mémoire, vous dites que 20% de votre population a 65 ans et plus. Vous
voulez trouver des moyens pour rajeunir votre communauté. Aussi, dans
votre mémoire, vous le soulignez d'ailleurs, à la page 14, il y a
seulement 150 personnes, au Québec, qui ont
bénéficié, en 1988, d'une formation en français
langue seconde.
Mme Goodfellow: Selon l'article 26 de la Loi sur
l'assurance-chômage.
M. Baril: Oui, comme vous l'avez dit tout à l'heure, je
pense, en anglais, c'est parce que ce n'est pas publicise. Les gens ne le
savent pas, je crois. C'est à cause de ça.
Mme Goodfellow: C'est exact.
M. Baril: Vous soulevez aussi d'autres questions. Vous faites
d'autres recommandations concernant la formation. Une des dernières
recommandations, c'est de reconnaître le français langue seconde
dans tout programme futur de formation en emploi et d'en publiciser la
disponibilité. Ça se rattache, tout ça, et on
démontre aussi que le français, même comme langue seconde,
dans votre communauté, ça maintient des emplois, au
Québec. C'est pour ça que je dis que c'est tout à fait
positif et je vous félicite dans ce sens-là.
Il y a une question que je voudrais vous poser. Dans une de vos
recommandations, vous dites que les orienteurs pédagogiques
reçoivent une formation sur les métiers en demande localement
dans la région et à travers le pays. Souvent, j'ai eu à me
questionner sur le rôle des orienteurs pédagogiques parce que, moi
aussi, j'ai des enfants qui ont suivi ces examens d'orientation scolaire. En
tout cas, je me suis déjà fait rabrouer par un prof qui, lui, est
orienteur, mais, de toute façon, je n'ai pas plus changé
d'idée. J'aimerais ça vous entendre parler un peu à
savoir, dans votre milieu, quel rôle jouent ou devraient jouer ces
orienteurs.
Mme Goodfellow: Je pense que les orienteurs ont beaucoup de
responsabilités, surtout dans la situation sociale actuelle - ils ont
des problèmes avec les drogues - de conseiller les jeunes concernant
plusieurs problèmes de la vie. Je pense que, fréquemment, les
orienteurs
laissent de côté la tâche de conseiller les Jeunes
sur leur avenir économique. C'est pourquoi nous avons recommandé
qu'ils reçoivent une formation dirigée, visant la situation
économique locale. C'est difficile, pour ces gens-là,
d'être au courant de tous les événements dans leur
région. Ils sont dans une école et ils ne sont pas toujours au
courant de la situation industrielle de la région s'ils veulent envoyer
les enfants dans la bonne direction. Alors, c'est pourquoi nous avons fait
cette recommandation. Je pense que les orienteurs pédagogiques ont une
tâche énorme, mais nous attendons toujours plus. (12 h 30)
M. Baril: Je vous remercie madame. Je vais laisser ma
collègue finir le reste du temps pour nous parce qu'on est
limités.
Mme Goodfellow: Merci.
Le Préaident (M. Joly): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Ça me fait plaisir, M. le Président.
C'est à plusieurs reprises que je considère que l'Association des
Townshippers s'implique dans les dossiers, vient présenter des
mémoires en commission parlementaire. Ça a été le
cas sur la question du Protecteur du citoyen, sa juridiction et, à
chaque fois, je me rends compte que la composition est féminine.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Et je trouve ça passionnant. Je suis
très contente. Je sais le travail que vous faites. J'ai
déjà expliqué à certaines de vos collègues
qui ne sont pas ici ce matin qu'à chaque année je vais suivre mes
cours d'anglais langue seconde à l'Université Bishop. Alors, je
me trouve déjà, à cause, vous savez, de ce genre de cours,
à devoir prendre contact avec la communauté. J'ai visité
la bibliothèque, enfin la librairie et tout. Mais je me dis finalement
que c'est une association qui est sur une base bénévole. Est-ce
que c'est pour cette raison-là qu'il n'y a que des femmes?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Goodfellow: Nous ne lâchons pas. Je ne sais pas
pourquoi...
Le Président (M. Joly): Madame est mal placée pour
répondre.
Mme Goodfellow: Pardon?
Le Président (M. Joly): Madame est mal placée pour
répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ce matin, vous présentiez un mémoire et
je comprends parfaitement, parce que plusieurs autres l'ont fait avant vous,
que vous vous interrogez autant sur la formation professionnelle
dispensée par le ministère de l'Éducation que sur la
formation professionnelle qui concerne les personnes en emploi ou en recherche
d'emploi. Le ministre nous a dit ici, dès le début de cette
commission, il y a un mois maintenant, que ce n'était pas la place pour
discuter de ce qui concernait le ministère de l'Éducation.
Peut-être faut-il espérer une commission parlementaire sur cette
question de la formation professionnelle, de l'enseignement professionnel du
ministère de l'Éducation. Dans votre mémoire, à la
page 9, vous nous dites: «Les écoles secondaires ne sont pas
équipées pour donner une formation dans tous les métiers.
Tout au plus, elles peuvent le faire pour cinq métiers.» Faut-ll
comprendre que, sur le territoire que regroupe l'Association des Townshippers,
il n'y a que cinq métiers qui sont enseignés dans les
écoles secondaires?
Mme Goodfellow: Oui, c'est exact. J'ai mes collègues du
monde scolaire avec moi.
Mme Harel: Donc, ce sont des métiers enseignés,
disons, en anglais. Pour un étudiant de votre communauté qui
voudrait suivre un métier qui n'est pas parmi la carte d'enseignement...
Parce que ça, ça vient du ministère de l'Éducation,
une sorte de carte d'enseignement provinciale qui est distribuée sur
tout le territoire. Alors, les commissions scolaires ne peuvent donner que
l'enseignement professionnel qui leur est autorisé. Que fait un
étudiant de votre communauté qui veut devenir, si vous voulez, un
cuisinier ou, en fait, exercer un métier qui n'est pas parmi les cinq
enseignés? Qu'est-ce qu'il doit faire?
Mme Goodfellow: Dans notre région, nous sommes pourvus
d'un système coopératif avec l'industrie et ça fonctionne
très bien de ce côté-là, parce que ça permet
aux gens de sortir de l'école et d'aller travailler dans les industries
mêmes.
Mme Harel: Excusez-moi, ça, c'est la commission scolaire
protestante qui a organisé ça?
Mme Goodfellow: Oui. Nous avons le Eastern Townships Technical
Institute dans la région de l'Estrie et un qui est semblable dans le
district of Bedford. Alors, c'est un des moyens employés pour
élargir le champ d'apprentissage un peu, mais je suppose que, si une
industrie n'est pas impliquée dans le programme, il faut que les
étudiants sortent de la région et, quand ils sortent de la
région pour l'apprentissage, c'est bien possible qu'ils ne reviennent
pas.
Mme Harel: Est-ce qu'ils ont droit actuellement à une aide
financière pour sortir de la région?
Mme Goodfellow: Oui.
Mme Harel: Ils auront droit à ce moment-là à
une aide s'ils doivent venir à Montréal, par exemple,
d'hébergement...
Le Président (M. Joly): Mme Losier, aimeriez-vous
commenter?
Mme Losier (Paulette): There is some financial aid for students.
For example, travel and lodging. But often these children are 16 years of age
and parents are sometimes concerned about having them go to Montréal, to
a large city; 16 years of age is a time when they need, you know, when they are
open to peer pressure and a lot of different things.
Mme Harel: Control.
Mme Losier: I think what we were advocating in here too is a more
innovative way of doing things. For example, in our community - we can only
speak for our community - we have a business called PRO-PAR that deals with
welding. The owner used to be a vocational teacher many years ago. There is no
reason why a school board could not contract out to this endeavour - student
that could be trained on the job - and certain parts could be overseen by the
school. That would really be a true partnership.
It would not just be a «stage», as we know it now. There is
a hairdressing salon where we have the same situation. The teacher taught
hairdressing at one time In a school. She was very competent, but, due to
cutbacks, the program was no longer offered. There is no reason why the kids -
excuse me - the students could not be transferred to that actual physical plant
and do their training there. I think we have to get out of the idea of thinking
that all education emanates out of a building called «the
school».
Mme Harel: Vous savez que dans l'énoncé de
politique il y a une proposition qui n'est pas encore mise au point, mais le
principe de l'apprentissage, pas seulement le stage comme vous dites, mais de
l'apprentissage en alternance est inclus. Mais, à ce moment-là,
si l'apprentissage se fait dans une entreprise qui opère en
français, qu'est-ce qui se passe pour l'étudiant?
Mme Goodfellow: Les professeurs peuvent se rendre à
l'industrie pour surveiller ce qui se passe et participer à
l'apprentissage.
Mme Harel: J'avais peut-être une dernière question,
très rapidement, M. le Président.
Le Président (M. Joly): rapidement, s'il vous plaît,
mme \a députée.
Mme Harel: Dans votre mémoire, vous citez une étude
de M. Caldwell, une étude qui tend à démontrer que, si un
jeune membre de la communauté a la connaissance du français
langue seconde, il y a plus de chances de rester au Québec parce que ce
que son étude démontre, c'est qu'il y en a plus qui ont
quitté qui étaient, si vous voulez, unilingues et ceux qui sont
restés sont plus nombreux parmi ceux qui ont la maîtrise du
français langue seconde.
Alors, votre conclusion c'est qu'un facteur pour rester, ce serait aussi
la connaissance du français langue seconde.
Mme Goodfellow: Oui, c'est ça. C'est exact. Mme Harel:
C'est ça.
Mme Goodfellow: Et la même étude de M. Caldwell a
démontré que la meilleure façon d'apprendre à
parler une langue seconde est de travailler dans cette langue.
Mme Harel: Donc, la première chose, un des facteurs de
rétention, c'est de connaître le français. Par ailleurs, la
meilleure façon de l'apprendre, c'est au milieu de travail.
Mme Goodfellow: Exact.
Mme Harel: Et, troisièmement, j'ai retenu aussi qu'il faut
dépasser un certain seuil de l'usage commun pour aller chercher une
langue plus technologique, plus sophistiquée et que, là, il n'y a
rien qui est offert. C'est ça?
Mme Goodfellow: Exact.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Mr President, I will say a few words before closing.
I come from a riding, Laporte, where there is a substantial amount of
Anglo-speaking people, and I would like to say to this commission that I am the
proud representative of a community that has probably the only dissident
anglophone school commission in the province of Québec. Is that right
that Greenfield Park School Commission... The town of Greenfield Park is in my
riding. You all know Greenfield Park, I am sure. If you do not know the town,
you may know the mayor who Is very soft spoken, gentle and subtle. We have
also...
Une voix:...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: And a subtle mayor. We have
also the School Commission of Saint-Exupéry. Recently, I was
meeting some anglophone people of my riding who were telling me that this
School Commission is the one that gives the best services to the anglophone
community in the whole South Shore in terms of immersion programs and so on,
and so forth. So I am very proud to represent this School Commission and hope
that the School Commission will remain as such in the years to come.
Also, there is a cégep in my riding, the Champlain cégep.
I did not personally study there. By the way, I studied in Sherbrooke. All of
my studies were made in Sherbrooke. That is another message that I would like
to pass on. I have a very fond memory of Sherbrooke, I should say. I spent
eight years boardering there, by the way. And, last year, I went to the opening
of an extension of cégep Champlain and the Director general, George
Wallace, was saying to the people, mainly of the anglophone community, that he
was very proud to say that the Champlain cégep had the only substantial
budget for expansion for cégeps in that year, in the whole province of
Québec. And he was telling the people that the Government of
Québec was treating the matter on the basis of the dossiers and not on
any other basis, and that the best proof was that they were the only
cégep that had considerable extensions allowed that given year. So, I
would like to say, to put in the public that the Government of Québec is
not in any way trying to play footsies with the anglophone community. And this
tribute was rendered by the Director general himself who was quoting these
figures out of the budget. So, I would like to say that - you were mentioning
here that you wanted some assurances that the anglophone community would be
better treated - I think that we will keep on doing as we have always done in
the past and looking at the situation on its merit and no other
consideration.
So, M. le Président, sur ces bons mots, je pense que l'heure est
passée. Je tiens à remercier l'Association des Townshippers pour
sa comparution devant la commission parlementaire. C'est un point de vue
très intéressant dont nous allons certainement tenter de tenir
compte au cours des prochains mois. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
Mme Goodfellow: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Goodfellow. Merci,
membres de l'Association des Townshippers. Donc, au nom des membres de cette
commission, merci d'avoir comparu devant nous. Merci, au plaisir, bon retour.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 42)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à la Commission de
formation professionnelle de la main-d'oeuvre, région
métropolitaine de Montréal. J'apprécierais que la personne
responsable du groupe s'identifie et aussi nous identifie les gens qui
l'accompagnent, s'il vous plaît.
M. Morin (Pierre-Paul): Merci, M. le Président. Je vais
donc identifier les membres de la délégation. J'ai, à ma
gauche, Mme Renée Bouchard, membre du conseil d'administration; à
ma gauche, j'ai M. Michel Cournoyer, membre du bureau de direction; M.
Gaétan Patenaude, membre du bureau de direction. J'ai, à ma
droite, M. Jean-Yves Charland, membre du conseil d'administration; M. Denis
Daigneault, membre du bureau de direction; M. Claude Desmarais, directeur
général de la Commission de formation professionnelle du
Montréal métropolitain.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vous souligne et vous
rappelle que vous avez environ une vingtaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire et que, par après, les
parlementaires auront le plaisir d'échanger avec vous. Alors, vous
faites ça un peu, là, comme vous l'avez planifié. Je ne
sais pas si vous allez être le seul intervenant ou si tout le monde va
Intervenir.
M. Morin (Pierre-Paul): Non, j'aurai deux personnes qui parleront
à tour de rôle, mais on va tenter de rester dans l'enveloppe du 20
minutes.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
CFPMM
M. Morin (Pierre-Paul): Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mme la représentante de l'Opposition officielle, Mmes et MM.
les députés, notre délégation comprend les membres
du bureau que je viens de vous présenter et notre directeur
général.
J'aimerais revenir rapidement sur les fonctions de ces
personnes-là. M. Cournoyer est agent de liaison, formation et
exploitation, au Canadien National. M. Patenaude est directeur
général du Regroupement des professionnels de la danse du
Québec. M. Daigneault est directeur général et
secrétaire de la Corporation professionnelle des technologues des
sciences appliquées du Québec. Mme Bouchard est
conseillère, formation et développement, chez Provigo. M.
Charland est délégué syndical du Syndicat des travailleurs
de l'énergie et de la chimie, affilié à la FTQ. Et,
évidemment, notre directeur général est M. Desmarais.
La CFP Montréal métro, que nous représentons
aujourd'hui, tient d'abord à vous remercier de votre invitation à
cette tribune. Nous la percevons comme une nouvelle occasion que vous nous
offrez de contribuer à l'avancement de la cause de la formation et du
développement de notre main-d'oeuvre. Nous la percevons également
comme une marque de confiance à notre égard. De nombreux groupes
nous y ont précédés. Plusieurs de ceux-ci, très
crédibles et compétents, ont exposé des points de vue fort
cohérents et quelquefois contradictoires. Tous, ou à peu
près, semblent pourtant s'entendre sur l'importance capitale de doter le
Québec d'une politique de développement de la main-d'oeuvre. La
plupart s'entendent aussi sur la pertinence des quatre grands objectifs que le
ministre évoque dans son énoncé. Nous souscrivons
entièrement à ces positions et supportons toutes les mesures qui
pourraient accélérer l'identification et la mise en place de
nouvelles ressources et/ou stratégies visant à atteindre ces
résultats. Il est, en effet, plus que temps de passer à l'action.
L'urgence d'agir était d'ailleurs le thème de notre dernier
colloque.
Là où les opinions divergent davantage, c'est, bien
sûr, dans les moyens qui sont les plus susceptibles d'apporter les
changements nécessaires, puisqu'il s'agit d'apporter des changements.
Chacun défend alors sa vision, et il vous revient d'en tirer les
meilleurs éléments et de les agencer dans une formule que tous
souhaitent gagnante. Vous avez déjà accueilli l'organisme qui
regroupe l'ensemble des CFP du Québec. La position qui vous fut alors
exposée est le résultat des consultations tenues auprès de
toutes les CFP, y compris la nôtre. Nous ne souhaitons donc pas,
aujourd'hui, y revenir autrement qu'en vous rappelant que nous partageons sans
réserve son argumentation et ses conclusions. Nous ne saurions trop
insister sur ce point.
Notre présence ici, aujourd'hui, est donc en continuité
avec l'ensemble des points de vue exprimés et se veut une
démonstration en grand nombre de notre engagement envers l'atteinte des
objectifs de votre démarche. Mais notre intervention met
également en lumière de sérieuses divergences quant
à certains aspects des structures que le ministre propose et qui,
à notre avis, sont susceptibles d'avoir des conséquences graves
dans l'atteinte des résultats escomptés.
Relever le défi de la formation. Le moment choisi pour lancer le
débat sur le thème de la formation professionnelle ne
relève pas du hasard. Il relève plutôt d'un besoin global
de notre société envers le changement. Je pense que notre
société a ressenti ce besoin-là. Le rapatriement des
pouvoirs et des ressources en matière de main-d'oeuvre est certainement
un élément important de changement. Il n'est pourtant pas
à lui seul garant du succès.
Changement donc pour le gouvernement du
Québec qui, conscient de cela, a décidé d'exercer
son leadership en la matière en proposant une stratégie
d'ensemble et en la soumettant aux autres acteurs de notre
société afin d'obtenir leurs commentaires et,
éventuellement, leur support. Changement également pour les
employeurs, dont on a plusieurs représentants ici aujourd'hui, qui sont
actuellement aux prises avec une situation économique très
difficile et dont les impératifs à court terme sont souvent fort
contraignants. Changement pour les syndicats qui voient la formation de leurs
membres devenir un élément majeur de leur action. Changement dans
les services publics responsables, en grande partie, de planifier la
présente transition. Et, enfin, changement pour les individus qui
doivent de plus en plus assumer la responsabilité de leur propre
développement.
M. Charfand (Jean-Yves): Prendre le risque de la
décentralisation. Examinons cette proposition, si vous le voulez bien,
M. le Président, à travers la lunette des ressources humaines.
Permettez-moi donc de revenir sur la présentation des personnes qui
accompagnent notre délégation dans cette enceinte. Sont aussi
présents avec nous aujourd'hui: M. Jacques Lavoie, gérant de
production pour Batlin inc.; M. Salvador Aznar, vice-président du
Syndicat des métallos, local 4589, affilié à la FTQ; Mme
Nicole Carrier, spécialiste de formation et développement pour
General Electric Locomotive Canada; M. Serge Fortin,
délégué en chef du Syndicat des travailleurs et
travailleuses en communications et en électricité du Canada,
local 1562 de la FTQ; M. Réjean D. Bercier, permanent syndical au
Syndicat des travailleurs et travailleuses en communications et en
électricité du Canada; Mme Diane Laftamme, directrice
régionale de l'Institut d'assurance du Québec; Mme Suzanne
Lockhead, présidente des Rôtisseries Saint-Hubert, Conseil central
de Montréal; M. Denis Brisebois, coordonnateur des programmes de
l'Association des camps du Québec, et Mme Micheline Giroux, directrice
générale adjointe de la CFP Montréal métro.
Ces personnes et les 114 autres, qui forment tous nos CCR et que vous
pouvez identifier dans le document sur la composition et la
représentativité des membres accrédités et
élus à la Commission de formation professionnelle de la
main-d'oeuvre de la région de Montréal métropolitain qui
vous a été remis, constituent non seulement un bassin remarquable
de compétences que nous prétendons être parmi les meilleurs
au Québec, mais aussi un exemple de la contribution volontaire à
laquelle ces individus et les groupes qu'ils représentent sont
prêts. Par leur fonction au sein de leur milieu respectif, les femmes et
les hommes qui constituent, dans notre structure actuelle, les dirigeants des
CFP sont aussi les véritables promoteurs de la formation dans notre
société.
M. Morin (Pierre-Paul): C'est bien important de relever cet
aspect-là. Le projet de loi actuel, tel que nous le comprenons, semble
pourtant sur le point de reléguer le rôle de ces personnes
à celui de simple conseiller sans impact direct sur les
décisions. Il s'agirait, selon nous, d'une erreur grave, laissant libre
cours à une rigidité à long terme des programmes, à
une augmentation Insidieuse des frais de gestion et, plus grave encore,
à une désaffection des mesures que le gouvernement veut
promouvoir. D'ailleurs, le ministre nous rappelait, à juste titre, sa
responsabilité de gérer les fonds publics dans un contexte de
véritable décentralisation. Nous reconnaissons l'importance d'une
gestion limpide et de procédures entièrement transparentes et
documentées. N'oublions pas que les salariés et les employeurs
que nous sommes finançons les programmes d'assurance-chômage et de
formation de la main-d'oeuvre; nous sommes donc les premiers
intéressés quand il s'agit de procéder à une
allocation juste et équitable des crédits.
Nous avons également avec nous, aujourd'hui, un personnel
permanent remarquablement expérimenté et compétent,
jouissant de la flexibilité et du dynamisme que confère la
relative autonomie dont les CFP jouissent à ce jour. Nous sommes fiers
de nos employés; nous les avons choisis et exigeons d'eux leur pleine
mesure. Tout ce scénario se traduit, à la CFP Montréal
métro, par une grande efficacité administrative, comme en fait
foi notre dernier rapport annuel. Nous croyons pouvoir affirmer qu'un projet
plus centralisateur ne saurait qu'augmenter sensiblement ses frais, d'une part,
et limiter radicalement la flexibilité, d'autre part.
Créer l'action concertée. Parlons maintenant de notre
Interprétation de ce qui constitue la base d'un partenariat
véritablement efficace. «Small is beautiful»; nous croyons
dans la valorisation des microsystèmes. Le partenariat établi
chez nous s'est développé à l'abri des grandes luttes de
pouvoir; il s'inspire, au contraire, des préoccupations quotidiennes des
travailleurs et des entrepreneurs. La formation professionnelle, disons-nous-le
bien, n'est pas une panacée. Quand elle devient le prétexte
à débattre d'enjeux sociopolltlques, elle ne peut qu'en souffrir.
C'est un luxe, M. le Président, que notre société ne peut
pas se permettre. La formation dont nos travailleurs ont besoin doit être
développée au ras du sol, dans nos entreprises et par nos
travailleurs, en étroite collaboration avec les autres intervenants.
Elle doit répondre aux besoins immédiats des entreprises, d'une
part, tout en étant à la base d'un relèvement
général de l'employabllité de l'ensemble de notre
main-d'oeuvre. C'est donc par ce biais, et exclusivement par celui-ci, que
naîtra, selon nous, la culture de la formation dont le ministre a si
justement déploré l'absence chez nos travailleurs et dans nos
entreprises. De même, les travailleurs qui ont perdu leur emploi - et ils
sont malheureusement de plus en plus nombreux - et qui s'enfoncent dans une
recherche où les perspectives de succès s'estompent au fil des
mois ont besoin de se reprendre en main et d'Identifier eux-mêmes les
moyens qui valoriseront leurs efforts et leur feront découvrir de
nouvelles pistes plus prometteuses.
Encore une fols, nous croyons que les structures légères
d'un partenariat local et régional sont les plus efficaces. Nous
n'excluons pas pour autant la participation d'autres groupes que ceux du
tripartisme, bien au contraire. Nous reconnaissons le bien-fondé d'avoir
à notre table des représentants d'organismes communautaires et/ou
à vocation économique, d'une part, et des représentants
élus du monde de l'éducation, d'autre part. Ce dernier groupe
nous paraît d'ailleurs un acteur particulièrement important. Ils
sont en effet les experts de l'activité de formation, ceux qui peuvent
traduire des requêtes précises en programmes efficaces. Nous ne
tentons d'aucune façon, comme certains l'ont laissé supposer, de
nous placer en parallèle avec eux. Nous sommes convaincus que notre
relation client-fournisseur est la plus susceptible de générer la
cohérence et la flexibilité essentielles à l'appartement
des besoins du monde du travail aux programmes académiques.
La longue route vers un projet de société. Une autre
préoccupation dont il fut question ici même avait trait aux
relations entre les sociétés régionales et la centrale.
Comment, en effet, orienter le développement global de la main-d'oeuvre
québécoise? Nous savons tous que le tout est plus que la somme
des parties. Conformément à ce principe, nous croyons que la
synergie des ressources en région ne peut que conduire à des
propositions de développement concrètes et bien articulées
- dont on est en mesure, d'ailleurs, de proposer plusieurs exemples - où
chaque participant aurait identifié ses propres conditions de
succès. En d'autres termes, nous croyons que la création, au
Québec, d'une société à la hauteur du modèle
que nous souhaitons passe par la responsabilisation et par la reconnaissance de
ses citoyens et des groupes qu'ils ont constitués. On n'impose pas un
modèle, c'est plutôt le modèle qui s'impose, quand les
conditions de succès sont réunies.
Tout récemment, le ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Gérald Tremblay, proposait aux Québécois une politique de
développement industriel qui recevait un accueil enthousiaste. Cette
politique décrit un projet de société plausible et
mobilisateur, tant par la justesse de son diagnostic que par le défi que
sa réalisation représente. Les Québécois, M. le
Président, sont prêts à se mettre au travail en fonction
d'enjeux qu'ils jugent excitants. La formation professionnelle fait partie des
composantes essentielles à la réussite de ce projet et doit
être envisagée dans ce contexte plus large. Les structures
découlent des besoins, et non l'inverse. Si les CFP et les
CCR ont suscité tant d'intérêt - et vous en avez la
preuve aujourd'hui - c'est que ces instances sont progressivement devenues le
carrefour d'un nouveau partenariat, une structure, disons-nous, porteuse
d'avenir. Le lien entre la société centrale et les
sociétés régionales ne doit donc pas être un lien
d'autorité, la centrale dictant ses politiques. Il doit, à notre
avis, bien au contraire, être un terrain de partage et d'échanges,
un centre de coordination, en quelque sorte, où, par rétroaction,
l'efficacité des mesures et la progression dans l'atteinte des objectifs
seront mesurées et où seront discutées les nouvelles
étapes à franchir. Comment donc, M. le Président, dans cet
esprit, en exclure les acteurs régionaux? Il nous paraît bien
clair que la position de revendication dans laquelle ils seraient alors
placés, si cela devait se produire, ne serait pas propice à
générer la responsabilisation, l'imputabilité et la
mobilisation créatrice de changements et d'avancement.
Mme Bouchard (Renée): M. le Président, je vais vous
résumer les principales recommandations du mémoire. Le processus
de consultation mené auprès de nos instances débouche sur
19 recommandations. Nous les avons regroupées sous quatre grands
points.
En premier lieu, la régionalisation des pouvoirs et des
décisions. La CFP de la région métropolitaine de
Montréal recommande: premièrement, que les sociétés
régionales exercent un double rôle aviseur, d'abord auprès
du ministre, pour la définition des politiques, et auprès de la
Société québécoise, pour la mise en oeuvre des
programmes; deuxièmement, qu'elles disposent des pouvoirs
nécessaires pour gérer les mesures de développement de la
main-d'oeuvre en fonction des besoins et priorités de la région;
troisièmement, que le directeur d'une société
régionale soit sous l'autorité du conseil régional, qu'il
en soit membre sans droit de vote.
Quelques-unes de nos recommandations portent sur la responsabilisation
des partenaires régionaux. À cet effet, nous recommandons de
maintenir les CCR et d'élargir leur rôle, de conserver
l'assemblée générale et le bureau de direction. Nous
recommandons aussi que les membres du C.A. continuent d'être élus
par l'assemblée générale et non nommés par le
ministre, en somme, que les niveaux consultatifs et administratifs continuent
d'être réciproques.
En ce qui concerne les modalités de fonctionnement des instances,
nous recommandons: premièrement, qu'il y ait, au bureau de direction, le
directeur général et cinq membres ayant droit de vote,
c'est-à-dire deux représentants d'employeurs, deux
représentants de salariés et un représentant d'organismes
de développement économique ou communautaire;
deuxièmement, que les sociétés régionales
délèguent au moins un représentant élu au C.A. de
la Société québécoise, que le conseil
régional soit composé en son rang de partenaires élus
actifs dans la région et représentant les employeurs et
salariés, de représentants d'organismes de développement
économique ou communautaire, de représentants gouvernementaux et
de représentants du monde de l'enseignement, toujours élus comme
mentionné plus haut; enfin, qu'un code de déontologie soit
élaboré par le ministère et que soient établis des
mécanismes rigoureux de recrutement et d'accréditation, comme
c'est le cas actuellement.
En deuxième lieu, nous tenons également beaucoup à
la consolidation de l'approche sectorielle en région. Nous recommandons
qu'elle coexiste avec des approches visant une meilleure connaissance des
problématiques multisectorielles, territoriales ou de clientèles
individuelles. En troisième lieu, nous recommandons que les bureaux
locaux ou guichets spécialisés soient la plaque tournante de la
concertation entre demandeurs et fournisseurs de services, pour toutes les
mesures actives de développement de la main-d'oeuvre. Enfin, pour
assurer aux sociétés régionales une marge de manoeuvre
nécessaire à leur bon fonctionnement, nous recommandons que les
sociétés régionales détiennent un statut juridique
de corporation au sens du Code civil. En quatrième lieu, comme nous
souhaitons pouvoir continuer de compter sur l'expertise
développée par le personnel en poste dans les CFP, nous
recommandons au gouvernement de s'assurer du respect des engagements convenus
avec les représentants des employés, de ne pas instaurer deux
types d'employés, les uns ayant tous les avantages reliés
à la fonction publique, les autres pas. Nous recommandons
également que la période de transition ait lieu dans des
délais raisonnables.
M. Morin (Pierre-Paul): Je termine, M. le Président, en
soulignant qu'il n'existe pas de recette magique en matière de formation
professionnelle. Un savant économiste de Harvard pariait d'un changement
d'attitude nécessaire de la part de tous les Canadiens.
L'énoncé de politique est une contribution remarquable au
débat et offre une occasion de ralliement aux partenaires. Nous
l'accueillons avec reconnaissance. (16 h 30)
Mais permettez-moi une analogie qui me paraît
particulièrement bien adaptée aux circonstances. Ce que nous
disons au ministre, M. le Président, en substance, c'est ceci: M. le
ministre, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain. Il est
évident que certaines des structures actuelles ont besoin d'être
révisées, mais, de grâce, ne désavouez pas ce qu'il
a fallu, de longues années, mettre en place, c'est-à-dire un
partenariat efficace et compétent. M. le ministre, nous sommes
prêts à relever avec vous le défi de la formation et du
développement de notre main-d'oeuvre. Nous voulons en avoir les
moyens.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Morin. Merci, mesdames
et messieurs. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, je retiens avec beaucoup
d'attention le dernier conseil du président, qu'il ne faut pas tout
mettre à terre quand on veut faire des changements. Souvent, dans le
passé, on a tenté de modifier des structures en faisant fi des
anciennes structures, pour se rendre compte qu'on n'avait pas
réglé tous les problèmes. C'est un peu dans cet
esprit-là qu'on a décidé de procéder avec la
nouvelle Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre, non pas en mettant de côté les CFP, mais en
utilisant les CFP actuelles comme la base de nouvelles sociétés
régionales. Dans ce sens-là, on va certainement utiliser les CFP
comme étant le noyau de la nouvelle société
régionale. Vous pouvez ôtre assurés, vos employés,
on n'a pas l'intention de les mettre à la porte, d'en engager de
nouveaux et de faire des choses absolument nouvelles. Les nouvelles
sociétés régionales vont avoir essentiellement le
môme mandat que vous avez présentement, mais ce mandat-là
va être élargi aux mesures actives. Lorsque nous rapatrierons les
budgets fédéraux, on pourra y greffer d'autres fonctions. Donc,
je suis absolument d'accord avec vous qu'il faut bâtir sur l'acquis et
non pas jeter la maison par terre.
C'est un mémoire très intéressant qui, bien
sûr, provient d'un organisme qui est foncièrement au courant du
dossier, qui oeuvre dans le domaine de la main-d'oeuvre, de la formation de la
main-d'oeuvre et qui, donc, est aux premières loges de l'action dans ce
domaine-là. Vous faites toutes sortes de considérations, bien
sûr, sur la politique et sur le projet de loi. Vous faites valoir que
vous préféreriez une structure beaucoup plus
décentralisée que celle qui est proposée dans le projet de
loi. En fait, vous proposez une structure très
décentralisée par rapport à ce que nous avons dans le
document.
La structure que vous proposez, elle serait composée
d'entités autonomes, les sociétés régionales, les
unes par rapport aux autres. Est-ce que vous ne craignez pas que ces structures
autonomes là, le fait qu'elles soient autonomes, ça ne vienne
nuire, d'une certaine façon, à la cohérence d'ensemble de
la politique de développement de la main-d'oeuvre et, finalement, que
ces structures autonomes ne transforment la Société
québécoise de développement de la main-d'?uvre en une
espèce de coquille vide incapable de mener à bien le mandat que
le gouvernement veut lui confier?
Le Président (M. Joly): M. Morin.
M. Morin (Pierre-Paul): Je pense que, M. le ministre, il y a deux
aspects à votre question qui sont intéressants. D'abord, je pense
qu'on essaie, dans notre document, de reconnaître toute l'importance
d'avoir une coordination de l'ensemble des programmes, mais je ne crois pas que
la décentralisation soit un obstacle à la coordination, au
contraire. Je pense que, si on veut avoir des programmes qui soient vigoureux
en région, ils ont besoin d'être planifiés, ils ont besoin
de bénéficier des ressources que l'ensemble de la
Société peut avoir. Mon problème, ce n'est pas avec le
mécanisme de coordination. En fait, ce qu'on dit dans notre position,
c'est qu'on pense que c'est une bonne idée d'avoir une
Société québécoise qui soit une tribune et, en
particulier, un partenariat dans lequel ces choses-là peuvent être
discutées. Là où on est inquiet, c'est quand on
s'aperçoit que le lien qui va exister ne sera pas le lien qu'on
souhaiterait qui existe, c'est-à-dire qu'on pense que le dynamisme
régional va se générer, a besoin d'être
concerté et non pas dicté. Je pense que c'est ça qui est
à la base de notre problème, dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, je pense qu'il y a une espèce de
coordination qui a besoin de se faire régionalement, c'est-à-dire
que, nous, on représente de très loin la plus grosse CFP au
Québec. Montréal a des problèmes qui ne sont, d'aucune
façon, semblables aux problèmes des gens des autres CFP qui sont
ici, dans cette même salle. Je ne veux pas citer d'exemples
précis, mais vous n'êtes pas sans savoir que le
«high-tech» est surtout dans la région de Montréal;
il y a relativement peu d'agriculture dans notre région, et on pourrait
continuer à épiloguer là-dessus. Nous, à
Montréal, on a 87 % de la population immigrante. Je ne pense pas que
Val-d'Or soit aux prises avec ie même problème.
Donc, dans ce sens-là, on reconnaît tout à fait -
puis, en particulier, je pense qu'on le mentionne - le bien-fondé de se
créer un projet de société où il y aura des
priorités et que ces priorités soient même, si possible,
faites à votre niveau ministériel, en conjonction avec le
ministre de l'Éducation et celui de l'Industrie et du Commerce, etc. On
pense que la meilleure façon de créer cette
coordination-là, c'est justement à partir des régions et
non pas d'essayer de partir en haut et de descendre en bas.
M. Bourbeau: En quoi le statut juridique que vous
réclamez, d'une corporation autonome, peut-il favoriser davantage
l'autonomie par rapport à la structure que nous proposons? Ou, si vous
voulez, pourquoi cette autonomie que vous réclamez requiert-elle
nécessairement une société avec une structure juridique
autonome? Est-ce qu'on ne peut pas penser que cette autonomie-là
pourrait quand même exister en utilisant la structure que nous proposons,
qui est beaucoup plus simple, enfin, sur le plan de la gestion et qui
permettrait certainement des
économies d'échelle sur le plan de l'administration?
M. Morin (Pierre-Paul): Encore une fois, il y a deux aspects dans
ce que vous dites. Je pense qu'il y a l'aspect imputabilité, d'une part,
et responsabilisation, puis il y a l'aspect que... On fait souvent des blagues,
mon directeur général et moi, il m'appelle son
«boss». En fait, la corporation autonome effectivement, dans le
contexte actuel, fait que le conseil d'administration choisit les
employés des CFP. Alors, jusqu'à un certain point et à
travers les mécanismes que le ministère prévoit, on a
cette autonomie de choisir les gens qui travaillent avec nous.
En termes d'imputabilité, une corporation autonome ayant un
conseil d'administration comme nous sommes, nous, on a cette responsabilisation
et cette imputabilité qui nous semblent, à nous, essentielles. Je
ne voudrais pas faire d'analogie qui serait boiteuse, mais les entrepreneurs et
les gens qui ont des postes intéressants dans les syndicats ne veulent
pas aller faire de la figuration sur un comité consultatif. On veut
avoir une instance qui soit le plus possible décisionnelle, à
l'intérieur des programmes, évidemment, et des structures qui
viendront d'en haut. On n'a pas de problème avec ça.
M. Bourbeau: Avec la formule que nous proposons, vous allez
continuer de choisir votre personnel comme maintenant. Il n'y a pas de
changement. En quoi y aurait-il un changement? Quel est...
M. Morin (Pierre-Paul): Je pense qu'il faudrait regarder dans le
projet de loi de quelle façon c'est rédigé, mais...
M. Bourbeau: La formule que nous proposons, à ma
connaissance, à moins que je ne fasse erreur, va permettre à la
société régionale d'embaucher son personnel. Le directeur
régional, elle l'embauchera aussi; c'est l'article 37, je crois, du
projet de loi qui parle de ça, sauf erreur. Peut-être pas 37. 33
plutôt: Le conseil régional propose la nomination du directeur
d'une société régionale. La Société nomme la
personne, mais c'est le conseil régional qui la propose. S'il n'y a pas
d'entente entre les deux, à ce moment-là, la
Société peut choisir. Ça, ça vous donne autant de
droits que présentement. Vous n'avez pas plus de droits...
Présentement, vous ne nommez pas plus votre directeur régional ou
directeur de la CFP que ça.
M. Morin (Pierre-Paul): Je vais vous dire, M. le ministre, que
j'avais l'impression de nommer. Je ne sais pas, M. Léger, si vous voulez
intervenir là-dessus.
M. Bourbeau: Mais, présentement, les direc- teurs
régionaux, je vais vous le dire, moi, sont choisis par un comité
de trois personnes: un est nommé par le ministre; l'autre, c'est le
sous-ministre adjoint du ministère, chez nous, le deuxième; le
troisième, c'est quelqu'un de chez vous. Donc, on peut dire que le
ministère, présentement, a un mot à dire dans le choix du
directeur régional, certainement autant qu'ici. Donc, je ne vois pas du
tout qu'il y ait un recul par rapport à la loi actuelle, là.
Le Président (M. Joly): M. Desmarais.
M. Desmarais (Claude): Je pense que ce n'est pas tout à
fait exact, je m'excuse. Moi, quand j'ai été choisi, c'est le
conseil d'administration de la corporation actuelle qui a décidé,
à l'intérieur de paramètres.
M. Bourbeau: II nomme celui qui est choisi par le
comité.
M. Desmarais: Le jury fait partie d'un mécanisme, d'un
paramètre, mais le pouvoir décisionnel du jury relève de
la corporation, à l'intérieur des balises de
l'arrêté en conseil qui couvre ça. Je ne pense pas que ce
soit le lieu de débattre.
M. Bourbeau: Non, non. J'ai participé à ça,
moi. Ce que je sais, c'est que le comité choisit et vous
entérinez la décision. Le comité formé de trois
personnes... Le comité recommande...
M. Desmarais: II recommande au conseil d'administration qui, lui,
décide et qui peut désister à deux tiers des membres.
C'est ça, la situation actuelle.
M. Bourbeau: À ma connaissance, la recommandation vient du
comité et elle doit être entérinée. Sinon, ils
peuvent toujours faire une autre recommandation, mais il reste quand même
que le gouvernement a un mot à dire. Maintenant, toujours en ce qui
concerne... Je veux revenir là-dessus. On n'a pas ici le mode
électif comme maintenant. N'oubliez pas que, maintenant, c'est le
ministre qui nomme chacune des personnes qui sont sur les CCR, les
comités consultatifs régionaux. Donc, le gouvernement a encore un
gros mot à dire dans la composition des CFP présentement. Le
ministre peut nommer les gens qu'il veut sur les CCR.
M. Morin (Pierre-Paul): M. le ministre, actuellement, vous savez
fort bien que vous ne nommez pas, dans le sens que vous venez de le dire, les
gens qui sont sur le CCR. On vous soumet des candidatures.
M. Bourbeau: Je puis vous dire que je signe un joli nombre de
documents de ce temps-là. J'en signe des tonnes.
M. Morin (Pierre-Paul): Oui, vous les approuvez, M. le ministre,
mate je pense que ce n'est pas... Je n'ai pas tellement le goût qu'on se
remette là-dedans.
M. Bourbeau: Non, non. Je regrette, je nomme les gens qui sont
sur... Je vous envoie la liste, les noms sont là et le ministre les
nomme. C'est ça qu'est le système actuel.
M. Morin (Pierre-Paul): Dans ce sens-là, M. le ministre,
ce qui me rassure, que vous les nommiez ou non, c'est que les gens qui font
partie de nos CCR, qui semblent être issus d'un processus largement
démocratique - vous avez d'ailleurs un document qui vous est fourni et
qui parle de la représentativité des CCR - ces gens-là me
semblent avoir été nommés à partir d'un processus
qui nous convient
M. Bourbeau: On va utiliser le môme processus à
l'avenir. Ce qu'on propose, c'est la môme chose. Le gouvernement va
nommer, après la môme consultation que maintenant. Le
gouvernement, présentement, nomme les membres des CRR après une
consultation du milieu. On vous consulte, c'est bien évident. Et le
gouvernement les nomme. C'est pour ça que, quand on fait valoir que le
processus qu'on propose est vraiment différent, moi, quand Je regarde la
situation actuelle, je ne vois pas une grosse différence. En ce qui
concerne les CCR, de toute façon, ils sont nommés par le
ministre. Après ça, le directeur régional, le gouvernement
a un très gros mot à dire dans sa nomination. Ce
pouvoir-là va être passé à la Société,
mais Il reste quand même que c'est le gouvernement présentement
qui exerce un vote prépondérant sur le comité. Enfin, je
voulais simplement vous souligner ces points-là pour vous faire voir
peut-être que la distance entre la proposition actuelle et ce qui existe
présentement n'est peut-être pas aussi grande que ce que certains
peuvent penser ou ce qu'il pourrait peut-être paraître à
première vue. Est-ce qu'il nous reste encore du temps, M. le
Président? J'espère que oui.
La Président (M. Joly): Oui.
M. Bourbeau: Oui. Je voudrais revenir sur un autre point II y a
un groupe, ce matin, qui est venu ici et qui nous a demandé avec
beaucoup d'insistance qu'à l'avenir le territoire de la nouvelle
société de développement régional soit
limité à l'Ile de Montréal, alors que présentement
vous englobez aussi la ville de Laval. Je voudrais savoir ce que vous en
pensez.
M. Morin (Pierre-Paul): Vous savez, c'est une excellente
question. Le régionalisme, jusqu'où il va? On peut en parler. Ce
qui me paraît important ici, ce n'est pas de découper le
territoire avec un exacto, avec la ville de Laval ou sans la ville de Laval.
Moi, ce qui me paraît important, c'est débattre davantage de
l'imputabiliité des structures régionales. Maintenant, je pense
qu'il y a plusieurs aspects à ce que vous dites. Est-ce que le
marché du travail de Laval est suffisamment différent de celui de
Montréal pour justifier de mettre en place une autre structure
administrative qui soit à Laval? Je vais vous dire bien franchement, je
ne me suis, d'aucune façon, penché sur ce
problème-là. (16 h 45)
M. Bourbeau: II y a une question de volume. Évidemment, il
y a une large population dans la région de Montréal et plus la
population est grande plus ça fait une société qui est
importante. Par exemple, est-ce que vous veniez ça d'un bon oeil si on
avait une société régionale pour la ville de
Montréal seulement et une autre pour les municipalités hors ville
de Montréal sur Ile de Montréal?
M. Morin (Pierre-Paul): M. le ministre, dans notre
mémoire, mon collègue Chariand me faisait remarquer... et je me
permets de citer notre mémoire qui a fait, d'ailleurs, l'objet d'un
consensus lors de nos assises du mois de novembre. Nous souhaitons, du moins
jusqu'au rapatriement fédéral et en raison du coût de base
des structures, que soit maintenue une seule structure pour notre territoire
actuel couvrant l'Ile de Montréal et Laval. Cette option permettrait de
réserver les ressources aux services directs des guichets
spécialisés plutôt qu'aux sièges sociaux. Je pense
que c'est un peu embêtant de répondre à votre question, M.
le ministre, comme ça, à brûle-pourpoint, mais sans doute
qu'il faudrait s'y pencher. Je pense que, jusqu'à présent, les
problèmes que nous vivons ne sont pas tellement des problèmes qui
sont des problèmes liés au régionalisme. On a, je pense,
M. le D. G., un guichet à Laval qui fait office de succursale pour la
CFP Montréal métro et qui semble, à ma connaissance, bien
remplir ses mandats et pour lequel, bien honnêtement, je vais vous dire,
je n'ai pas eu, de la part des gens de Laval, le commentaire que vous venez me
faire à l'effet qu'ils souhaiteraient avoir eux-mêmes une autre
structure sur leur territoire.
M. Bourbeau: J'ai une autre question, ici, pour vous. Vous
proposez que, dans un premier temps du moins, dites-vous, seules les mesures
actives devraient être localisées dans les bureaux locaux qui
feront office de guichets spécialisés pour les mesures de
main-d'oeuvre. Ça, ça exigerait le maintien d'un réseau
parallèle d'assurance-chômage. Outre les coûts
inhérents à l'existence de deux réseaux distincts, ne
craignez-vous pas que cela entraîne de la confusion et aussi,
sûrement, de l'inefficacité, dans la mesure où le soutien
du revenu que constitue l'assurance-chômage, c'est une condition
essentielle, bien souvent, à la participation des
mesures actives? En fait, les prestataires seraient obligés de se
déplacer et d'effectuer des démarches auprès de deux
administrations distinctes. Est-ce qu'on ne risque pas de souffrir des retards
quant à leur participation à des mesures actives ou encore de les
voir se décourager?
M. Morin (Pierre-Paul): Moi, je vais vous répondre, M. le
ministre. Dans un premier temps, je vais passer la parole à mon
collègue. Je pense qu'effectivement dans le contexte actuel, ce qu'on
veut éviter, c'est une confusion accrue parce que je pense que, la
confusion, elle est au moins suffisante dans les circonstances actuelles. J'ai
l'impression que, si on voulait rapatrier d'un seul coup les mesures passives
chez nous, là vous verriez ce que c'est, la confusion. Donc, dans ce
sens-là, je pense qu'on n'est pas contre le principe d'un guichet
unique, mais avec les ressources dont on dispose puis avec l'embryon de
concertation qui s'est établi autour des mesures actives, venir un peu
diluer la pâte avec le passif, ça me paraît très
difficile. On a eu l'occasion de se concerter beaucoup, et je vous dis
beaucoup, dernièrement, sur quel rôle on voudrait avoir, nous,
où sont nos priorités. On est, dans les CCR de la région
de Montréal, 133 personnes bénévoles qui consacrent quand
même pas mal de leur énergie à la cause de la formation et
du développement de la main-d'oeuvre. Je ne vous cache pas - j'ai eu
l'occasion de le dire à d'autres tribunes - que, pour l'instant,
l'aspect qui nous paraît urgent en tant que membres de CCR, c'est
beaucoup de mettre en place des structures qui vont améliorer
i'em-pioyabilité de notre main-d'oeuvre. Je vous le dis tel que c'est.
Alors, c'est sûr qu'actuellement, avec la composition présente des
CCR, ça reste, selon nous, une priorité.
M. Cournoyer (Michel): Peut-être pour répondre
à votre question, M. le ministre, je pense qu'il faut aller de temps
à autre se promener dans les bureaux d'assurance-chômage. On parie
d'essayer de développer une nouvelle culture, à l'heure actuelle,
dans la société québécoise, où on
arrêterait de tout simplement donner un chèque à des gens
qui tombent sur le chômage. On va essayer de trouver des moyens,
peut-être comme certains pays en Europe ont développé, de
mettre ces gens-là en action soit par des cours de formation ou
développer autre chose. Moi, il m'est arrivé d'aller dans les
bureaux d'assurance-chômage, dernièrement, pour des questions de
formation. Présentement, c'est un mélange des deux. On
mélange les mesures passives qui sont traitées par le
fédéral et les mesures actives où le dossier
fédéral joue à l'intérieur de la formation. Je ne
sais pas si, effectivement, c'est une si bonne idée que ça,
peut-être pour des questions économiques, d'avoir les deux
ensemble. Dépendamment des politiques qui pourraient en sortir, de
quelle façon, au
Québec, on veut se doter de politiques concernant le
chômage, et qu'est-ce qu'on va faire avec l'argent du chômage qu'on
va.. Automatiquement, une personne tombe en chômage, on va lui dire:
Écoutez, vous allez aller sur un cours de formation quelconque. Je pense
qu'on n'en est peut-être pas rendu là.
Une chose qui est claire, c'est qu'il faut amener une nouvelle culture
à l'intérieur de la formation. Parmi nos travailleurs,
développer un sens aussi de la responsabilité que la formation...
Le travailleur aussi doit la développer, cette
responsabilité-là, l'État doit la développer, et
les entreprises doivent la développer aussi. Ce qu'on dit,
peut-être juste pour revenir sur un point de tantôt, c'est que le
projet de loi actuel, lorsque l'autonomie ou une certaine forme d'autonomie au
niveau régional serait perdue, à notre avis, nous croyons, nous,
que c'est important de maintenir des liens comme on a à l'heure actuelle
au niveau des CCR, notre participation active à l'intérieur de ce
qu'on peut proposer, interrelation qu'il y a entre des membres du syndicat, des
membres des entreprises pour discuter de problèmes de formation. C'est
clair qu'en maintenant un lien plus actif de ces gens-là, on va
peut-être trouver des solutions meilleures au... premièrement,
trouver des solutions plus directes concernant ce qu'on fait, par exemple, avec
des chômeurs. Est-ce qu'on peut les réhabiliter dans d'autres
secteurs ou tout simplement créer d'autres modes de formation? Je ne le
sais pas. Sûrement qu'il y a à développer
là-dessus.
À cette heure, pour la première question que vous avez
posée, à savoir est-ce qu'on devrait maintenir les mesures
passives et actives ensemble? moi, je crois que, présentement, on doit
essayer de décortiquer tout ça et d'activer les mesures
actives.
M. Bourbeau: Je vais garder une minute.
Le Président (M. Joly): Parfait. Merci, M. le ministre,
Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, s'il vous
plaît.
Mme Harel: Merci, M. ie Président. Ça me fait
vraiment plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition. Mon collègue
de Sainte-Marie-Saint-Jacques s'est joint à moi cet après-midi.
J'écoutais l'échange que vous venez d'avoir avec le ministre et
je me disais, en reprenant les mots mêmes de sa propre réflexion,
à savoir qu'il n'y a pas une grosse différence entre ce qui
existe présentement et ce qui existerait suite à l'adoption du
projet de loi tel quel.
De deux choses l'une. S'il n'y a pas une si grosse différence,
alors pourquoi tout changer? Si c'est à peu près pareil, si,
comme il le présente, c'est quatre trente-sous pour un dollar, pourquoi
tout changer ce qu'il va changer? Donc, pourquoi ce bouleversement-là?
Vous savez, il y a un proverbe, un vieil adage anglais qui dit:
«Quand ce n'est pas cassé, il ne faut pas
réparer». Mais...
M. Bourbeau: Comment est-ce qu'on dit ça en anglais?
Mme Harel: Je vous dirai ça dans l'oreille! Ha, ha, ha!
Cependant, le problème est que, malgré les apparences, il y a
beaucoup de différences. La première différence, c'est
évidemment le fait que le conseil régional ne sera plus une
corporation au sens du Code civil. Qu'est-ce que vous voulez, le lien
organique, dorénavant, va se faire par le biais du directeur puisque le
directeur... Actuellement, il y a un comité qui en recommande la
nomination, mais c'est le conseil d'administration qui prend la
décision. À l'inverse, c'est ça le gros changement, c'est
qu'on renverse le fardeau. Ça va être le conseil régional
qui va faire la recommandation, mais c'est la Société qui va
prendre la décision. Ce n'est pas rien, ça, quand mêmel
M. Morin (Pierre-Paul): Nous l'avons vu de la même
façon, Mme Harel.
Mme Harel: Vous l'avez vu de la même façon. Je pense
que l'article 33 ne peut pas se lire d'une autre manière. C'est comme un
renversement, d'une certaine façon. Le lien organique, ça va donc
être la société mère; le président-directeur
général que le ministre choisit, la société
mère qui choisit les directeurs régionaux, et les directeurs
régionaux, finalement, s'entourent de gens qui sont un peu comme son
comité-conseil. Ça change pas mal d'affaires.
Au point où je me demandais, en vous écoutant
tantôt, si, une fois tout ça mis en place, il resterait un conseil
régional qui viendrait, comme vous le faites cet après-midi,
devant la commission parlementaire pour exposer un point de vue qui pourrait
être différent de celui de la société mère.
En tout cas, si c'était le cas, votre directeur général
régional ne vous accompagnerait pas parce que, lui, sa carrière
serait plutôt derrière que devant! Ça, c'est quand
même important.
Ceci dit...
M. Bourbeau: M. le Président, tantôt, je n'ai pas
dit que c'était la même chose. Je n'ai jamais dit ça. La
députée de Hochetaga-Maison-neuve colore un peu mes propos. Je
n'ai jamais dit que c'était la même chose, mais j'ai dit que la
distance n'était peut-être pas aussi grande qu'on pensait.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Tant mieux! Écoutez, si le ministre
pense qu'il n'y a pas tellement de différence, ça va être
facile de revenir...
M. Bourbeau: Ce n'est pas ça. Ce n'est pas ce que j'ai
dit.
Mme Harel: ...à vos propositions.
M. Bourbeau: Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
Mme Harel: Moi, je voudrais revenir à vos propositions.
Vous dites, à la page 11 de votre mémoire: «Nous ne pouvons
que constater ici une profonde divergence entre l'énoncé de
politique et son application au niveau des articles du projet de loi.»
J'ai un peu peur, moi aussi, à cette divergence. Je ne pense pas qu'elle
soit nécessairement intentionnelle. Vous savez, ça peut tout
simplement être dû à une des difficultés de
rédiger, de libeller, vous savez, un projet de loi. C'est ça que
j'aimerais faire un peu avec vous cet après-midi. Il me semble que
ça pourra être utile lorsqu'on fera l'examen article par
article.
Dans vos recommandations, il y en a une qui est simple, c'est celle qui
consiste à amender le projet de loi pour que la société
régionale soit considérée comme une corporation au sens du
Code civil. Mais, votre recommandation 1, je me disais: Comment on fait pour
amender, par exemple, le projet de loi ou quelle suggestion on donne au
ministre pour le modifier, le projet de loi, pour que vous trouviez
satisfaction? Et votre recommandation qui concerne les CCR, vous voulez que les
CCR, dans la loi, c'est ça que je comprends, que les CCR soient
nommément prévus dans la loi, vous voulez que le bureau de
direction, c'est nouveau ça, vous voulez qu'il soit nommément
prévu dans la loi avec les cinq représentants...
Une voix: Qu'il y ait un bureau.
Mme Harel: Qu'il y ait un bureau de direction, composé de
cinq... Alors, ça, ce sont des changements que vous souhaitez voir
introduire dans la loi même, dans le projet de loi 408.
Une voix: En effet.
Mme Harel: À ce moment-là... En fait, est-ce qu'on
comprend que vous voudriez qu'on s'inspire de ta loi actuelle pour tout ce qui
va bien et qu'on ne change pas ça?
M. Morin (Pierre-Paul): En fait, c'est exactement ça qu'on
vous dit. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il semblerait qu'au fil des ans... Vous
savez, ça fait beaucoup d'années, Mme Harel, y compris sous votre
gouvernement, qu'on essaie de mettre en place un système régional
qui soit vraiment efficace et qui soit vraiment dynamique. Ce qu'on vous dit,
c'est que, dernièrement, depuis deux, trois, quatre ans, on pense qu'on
y a largement réussi. On voit le moment où... Je n'ai pas encore
une fols utilisé l'analogie du bébé avec l'eau du bain
pour rien. C'est qu'on a créé quelque chose qui est là et
qui semble
vouloir se développer. Il nous semble que la période de
gestation pour faire un autre bébé, c'est peut-être long.
Alors, on se dit: Pourquoi on n'utilise pas ce qui est là, en lui
donnant, au fur et à mesure que notre propre partenariat va prendre du
muscle et de l'efficacité, des pouvoirs accrus?
Je regardais, je faisais le bilan des réalisations
dernièrement des membres de nos CCR, à travers ce que
j'appellerais l'incubateur de la CFP de Montréal métropolitain.
Je m'aperçois que les initiatives de ces gens-là, autant,
d'ailleurs, des initiatives syndicales de mon collègue de droite que des
initiatives patronales de mon collègue de gauche, ont mené,
à mon avis, à des réalisations sans
précédent, en termes de formules intelligentes, efficaces de
formation et c'est une première. Moi, je dis... il m'apparaît que
le projet de loi du ministre met en danger cette espèce d'embryon qui
semble, en tout cas, être très prometteur.
Mme Harel: Mais j'ai l'impression que, parfois, le ministre peut
dire: Oui, ça va bien à la CFP. Je pense que c'est le sentiment,
en tout cas, qui semble exister, que ça va bien à la CFP de
Montréal métropolitain, mais pas nécessairement dans
d'autres CFP et on n'a pas les moyens d'intervenir adéquatement pour
redresser la situation. Comment vous réagissez à cette...
M. Bourbeau: Mme la députée vient de nous citer? Je
n'ai jamais dit ça, M. le Président. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Écoutez, je ne le mets pas en italique parce
que...
M. Bourbeau: La députée de Hochelaga-Maisonneuve a
l'habitude de me prêter des paroles, M. le Président. Vous
êtes témoin que, souvent, elle utilise...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: non, je ne les rendrai pas certainement. alors, la
députée de hochelaga- maisonneuve peut dire ce qu'elle veut, mais
qu'elle ne m'impute pas des paroles.
Mme Harel: Ah, non!
Le Président (M. Joly): Ce que vous êtes en train de
dire, M. le ministre, c'est que vous ne cautionnez pas ce qu'elle dit.
M. Bourbeau: Surtout qu'elle m'impute les paroles.
Mme Harel: À ce moment-là, je vais vous dire tout
simplement, je retire... Là, l'idée, c'est donc que ça
irait bien partout. Donc, tous les CFP vont bien. Alors, là, je reviens
à mon point de départ.
M. Bourbeau: Je n'ai pas dit ça non plus, M. le
Président.
Mme Harel: II n'a pas dit ça non plus. Alors, je vous pose
la question: Quand ça ne va pas très bien dans une région
et qu'il faut redresser la situation, comment vous voyez que les choses
pourraient se passer? Parce que c'est ça qui peut être
invoqué, à un moment donné, par l'appareil gouvernemental
pour justifier d'avoir la mainmise.
M. Morin (Pierre-Paul): D'abord, je ne voudrais surtout pas me
substituer à l'Association provinciale, qui fait un travail
extraordinaire. En partie en réponse à votre question, je pense
que c'est important de resouligner qu'on partage tout à fait les
conclusions du mémoire de l'APCFP. Donc, dans ce sens-là, il me
semble que l'ensemble des CFP a ressenti les mêmes besoins que nous avons
ressentis. Je me dis que, quelque part, peut-être que d'autres CFP vivent
des problèmes différents. Je pense qu'il ne m'appartient
certainement pas, comme président du conseil de Montréal
métro, d'épiloguer là-dessus. (17 heures)
Par contre, je me dis, encore une fois, après avoir
discuté avec mes collègues, les autres présidents des
CFP... Il nous semble que nos préoccupations majeures, les enjeux de la
décentralisation, restent les mêmes. Maintenant, vous savez, la
région de Toronto comporte beaucoup moins de municipalités que la
région de Montréal. Alors, est-ce qu'il devrait y avoir plus ou
moins de CFP? Est-ce que le découpage territorial devrait être
différent? Actuellement, à ce stade-ci, j'ai l'impression que
vous me demandez: Est-ce qu'on doit ajuster un peu la forme de l'arbre ou si on
doit le couper? Alors, je vous dirais: Coupez-le pas et on regardera pour ia
forme après.
Mme Harel: J'ai bien compris dans vos recommandations que, pour
vous, le lien se fait non pas par les directeurs régionaux et les
sociétés mères, mais par un siège à la
société mère pour un représentant d'un conseil
régional. Vous-même dites qu'au conseil régional devraient
siéger également, par exemple, des corporations de
développement économique et communautaire. C'est un peu ce
même modèle?
M. Morin (Pierre-Paul): Tout à fait.
Mme Harel: C'est ça. Vous questionnez un peu l'approche
sectorielle, non pas en principe, mais vous dites qu'elle ne doit pas servir de
prétexte. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Joly): M. Patenaude, s'il vous
plaît.
M. Patenaude (Gaétan): II y a une série de
questions, M. le Président, qui se rejoignent quand... Ce matin, je
relisais attentivement - le trajet Montréal-Québec, ça se
prête à la lecture - l'énoncé de politique...
M. Bourbeau: J'espère que vous n'étiez pas au
volant.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Patenaude: Pardon? C'est le privilège des...
Mme Harel: Des usagers du transport en commun.
M. Patenaude: Voilà, de pouvoir se laisser conduire.
L'énoncé m'est apparu, après réflexion, l'analyse,
la rédaction du mémoire, la participation, la consultation de
l'ensemble de notre structure consultative, qu'il serait impossible, dans la
nouvelle structure proposée... C'est parce que je fais un
parallèle... Moi, ça fera six ans, en juin prochain, que je suis
membre d'un CCR - arts, culture, loisir. Je suis passé au conseil
d'administration en janvier 1987. Je suis passé à
l'exécutif, il y a un an et demi. Je suis convaincu qu'un organisme
comme le mien, que je dirige, qui représentait, à
l'époque, à peine 200 membres, se serait retrouvé au
nombre des personnes auxquelles vous auriez eu accès pour nommer les
membres du conseil régional. Je ne pense pas, compte tenu de
l'asymétrie qui existe dans notre société, que les arts,
la culture et les loisirs pourraient se retrouver avec un représentant,
vice-président d'une CFP ou d'une société
régionale.
Donc, quand vous mentionniez tout à l'heure que c'est la
même chose, je pense que le bassin à l'intérieur duquel
sont élus les membres du conseil d'administration, et où se
retrouve le bureau, est beaucoup plus large et beaucoup plus
démocratique dans un certain sens. L'impression que j'ai eue en lisant
l'énoncé, c'est que, quelque part, vous étiez beaucoup
plus généreux dans l'énoncé de politique...
Mme Harel: Oui.
M. Patenaude: ...que dans la traduction de la loi.
Mme Harel: C'est vrai.
M. Patenaude: Peut-être que je me trompe. On dit que la
perception est parfois plus forte que la réalité. On peut se
tromper, mais c'est l'impression... Je regardais la définition,
l'intention qu'on avait au niveau de la société nationale et des
sociétés régionales et je retrouvais, dans les
libellés, des orientations qu'on voulait leur définir: beaucoup
plus de générosité, beaucoup plus d'autonomie et une
reconnaissance d'emblée du partenariat. Parce qu'on parie de projet de
société, je préfère le contrat social, le contrat
social où l'État se met partenaire avec les entrepreneurs, les
entreprises et les travailleurs pour arriver à axer le
développement.
C'est dans ce sens-là, la crainte qu'on se retrouve avec la
balkanisation au Québec: rapatrier d'Ottawa vers Montréal, et
rapatrier les problèmes qu'on ne veut plus voir. Les programmes qui nous
viennent d'Ottawa, qui sont normes, ils sont inacceptables et inapplicables
dans certains secteurs. Nous, on le vit. Le secteur des services, la culture,
c'est norme pour d'autres réalités. C'est de ça qu'il est
question fondamentalement. De quelle façon la société
québécoise va reprendre le virage de la mondialisation des
marchés et être compétitrice? C'est ça, les enjeux
véritables. On dit: Nous avons établi... À
Montréal, ça fait plusieurs années, on le vérifie,
c'est la même chose dans les régions, des structures de
partenaires. Est-ce qu'on va tout simplement les transformer et leur enlever
l'essence, ce qui fait qu'on a le goût d'être là finalement?
Même, je me rappelle, il y a six ans, quand je suis arrivé
là, je me suis dit: Je suis vraiment un chien dans un jeu de quilles.
L'asymétrie, on la sentait. Mais, au fur et à mesure, on se rend
compte que la capacité... C'est parce qu'on est présent que les
orientations peuvent se changer. La pratique, la consultation versus
l'administration des programmes, c'est de ça qu'il est question. Je
pense que sans... parce que la politique, l'énoncé de politique
est formidable. Il est tout à fait adéquat pour attaquer les
problèmes. Il y a juste dans les modalités d'application et de
structuration...
M. Morin (Pierre-Paul): Vous voyez, Mme Harel, à quel
point la présence du secteur...
Mme Harel: Danse.
M. Morin (Pierre-Paul): ...danse est utile à notre
comité exécutif.
Mme Harel: En fait, vous avez dit quelque chose
d'extrêmement important. C'est la première fois qu'on l'entend
devant cette commission. Il faut rapatrier les fonds des programmes, mais ne
pas rapatrier les problèmes. Vraiment, cela a l'air de rien. C'est
peut-être un peu l'oeuf de Colomb, mais c'est comment s'y prendre.
À la page 12 de votre mémoire, vous dites, entre autres:
«Dans le contexte du transfert éventuel au Québec des
programmes et des fonds fédéraux [...] la création de la
Société ne doit pas être le seul déplacement d'un
pouvoir centralisé actuellement à Ottawa et à
Québec, mais bien se faire dans la perspective d'une véritable
régionalisation et
décentralisation des pouvoirs et des
responsabilités.»
Vous donnez un exemple. «À cette fin, les
sociétés régionales doivent être en mesure d'adapter
les programmes et les normes en fonction de leurs besoins spécifiques
(ex: transfert des budgets non dépensés au cours d'une
année sur l'année subséquente - Imaginez, plus de budgets
périmés - transfert des budgets reliés à un
programme vers un autre programme davantage en demande dans la région,
ratio du nombre de personnes regroupées pour démarrer un cours,
etc.)»
C'est quasiment révolutionnaire ça.
M. Morin (Pierre-Paul): Vous trouvez?
Mme Harel: Mais, finalement, ce que vous dites, c'est que s'il
n'y a pas cette autonomie-là on va, à l'échelle du
Québec, reproduire les problèmes que l'on vit à
l'échelle des deux juridictions présentement. C'est ça
qu'il faut comprendre.
M. Morin (Pierre-Paul): Mme Harel, j'ai examiné avant-hier
le budget de notre corporation et j'ai dû constater, à mon grand
désespoir, qu'il y avait - j'aime mieux ne pas mentionner le montant -
un certain montant périmé. Je ne peux pas... Mon objectif, comme
bénévole et comme membre de notre société... Je
pense que la formation, c'est capital dans le développement de notre
société. Je renvoie des fonds au fonds consolidé, alors
que je sais pertinemment - c'est ma job, j'en vends des programmes de formation
- que le besoin est criant. Alors, je pense que... En tout cas, ça n'a
pas besoin d'être plus démontré que ça.
Mme Harel: Je reviens, par exemple, sur l'approche sectorielle.
Dans le mémoire et dans le sommaire, notamment, il me semble que vous
spécifiez à quel point vous voulez que l'approche sectorielle
reste régionalisée. En fait, j'ai cru comprendre que vous
craignez que ça serve de prétexte, cette approche sectorielle
verticale québécoise, au fait qu'on ne régionalise pas.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a une chose que j'ai
trouvée intéressante. Vous avez consulté les CCR. Les CCR
sont composés des entreprises et des syndicats. Comment expliquer,
à ce moment-là, que votre position... Je vois M. Charland qui est
du syndicat... même vice-président de la FTQ, peut-être?
Non, mais vous êtes de la FTQ. Comment votre position peut-elle
être quand même à ce point différente des organismes
patronaux et syndicaux qui sont venus devant la commission, eux qui
recommandent une approche sectorielle verticale?
M. Charland: Les consensus qui se sont dégagés avec
nos partenaires à la CFP sont ceux qui sont représentés
dans le mémoire. Il y a des organismes pour lesquels on travaille, ou
avec lesquels on a discuté, qui ont présenté des
mémoires pour les questions sectorielles. on a expliqué, et je
pense que c'est l'approche qui a été dite, mais qui est
transférée dans un plan plus global, qui peut vous sembler venant
d'en haut, de tous les secteurs... on a dit: ii y a des secteurs qui ont
développé des approches en fonction des intérêts
particuliers et qui ont expatrié à travers les autres cfp les
problèmes particuliers.
Vous savez, j'ai été impliqué depuis le
début avec Ja pétrochimie. J'ai donc eu à
développer toute une approche sectorielle. Cette approche-là
s'est d'abord développée dans des CCR, en petits groupes, en
développant avec des patrons des approches et des consultations. On a
tranquillement élargi à l'ensemble du Québec ou des
régions du Québec ce qui concernait la pétrochimie.
Ça ne regroupait pas l'ensemble du Québec, mais ça
regroupait les CFP Montréal métro, Montérégie,
Mauricie-Bois-Francs, puis un petit peu de Québec. On a regroupé
des gens de ces choses-là pour développer des projets
sectoriels.
Or, ce qu'on dit, c'est que les projets sectoriels doivent continuer sur
un modèle comme ça qui serve les intérêts des
groupes, dans les CFP où il y en a, mais que ce ne soit pas des
priorités qui passent au-dessus et qui doivent être descendues en
bas. Ça doit venir du milieu. Je pense que tous les comités
d'adaptation de la main-d'oeuvre sont nés de problèmes
régionaux qu'on a élargis. On pense que ça devrait
être comme ça.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Charland. Merci, Mme la
députée. M. le ministre, s'il vous reste une petite question, une
intervention...
M. Bourbeau: Oui, une question ou deux, M. le Président.
Une information. Vous avez parlé tantôt du fait que vous
étiez bénévoles, tout le monde. Est-ce que les membres de
votre comité exécutif ont une certaine forme de
rémunération?
M. Morin (Pierre-Paul): On a des jetons de présence,
oui.
M. Bourbeau: C'est combien?
M. Morin (Pierre-Paul): 75 $.
M. Bourbeau: Par séance?
M. Morin (Pierre-Paul): Par séance, oui.
M. Bourbeau: Vous en tenez combien de séances?
M. Morin (Pierre-Paul): Combien il y en a de statutaires?
Quatre?
M. Desmarais: II y a quatre conseils d'administration, une
dizaine de bureaux de direction par année, et il y a trois
réunions de CCR, minimum, par année. Ça peut aller
à quatre. Ça veut dire, en tout, l'équivalent d'un des
postes de secrétaire, dans la boîte, comme coûts.
M. Bourbeau: L'exécutif? Est-ce qu'il y a une
rémunération pour l'exécutif?
M. Desmarais: Le bureau de direction, c'est l'exécutif.
C'est la même chose, c'est un jeton de présence par journée
ou demi-journée de travail.
M. Bourbeau: Ah bon!
M. Desmarais: C'est le règlement qui...
M. Bourbeau: II se réunit quand? Une fois par semaine, par
deux semaines?
M. Desmarais: Le bureau se réunit 10 fois par
année.
M. Bourbeau: Pas plus que ça?
M. Desmarais: Dans les statuts et règlements, une fois par
mois, sauf pour une période...
M. Bourbeau: C'est votre exécutif, ça, votre
bureau?
Des voix: Oui.
M. Bourbeau: Je voudrais revenir sur... M. Morin
(Pierre-Paul): M. le ministre... M. Bourbeau: Pardon?
M. Morin (Pierre-Paul): ...j'avais 675 $ sur mon T-4 que j'ai
reçu.
M. Bourbeau: Non, écoutez, là, mon objectif n'est
pas de soulever des scandales...
M. Morin (Pierre-Paul): Par année, je ne trouve pas
ça si mal.
M. Bourbeau: ...pas du tout. C'est simplement pour avoir une
idée de comment ça fonctionne.
L'assurance-chômage. Pour revenir là-dessus, tantôt,
j'ai été un peu surpris de votre timidité au sujet de
l'assurance-chômage. En fait, ce que j'ai compris et ce que vous nous
dites, c'est. C'est assez compliqué de faire de la main-d'oeuvre, ne
faisons pas en plus de l'assurance-chômage, si j'ai bien compris.
Pourtant, actuellement, le gouvernement fédéral, lui, dans ses
bureaux locaux, fait l'assurance-chômage et gère ses programmes de
main-d'oeuvre. Nous, on fait uniquement de la main-d'oeuvre à partir de
nos bureaux régionaux, parce qu'on n'a que des bureaux régionaux.
Si on rapatriait la gestion de l'assurance-chômage, bien sûr, on
rapatrierait aussi les bureaux locaux d'assurance-chômage. À ce
moment-là, est-ce que vous ne pensez pas que, pour le client, ce serait
plus facile de se rendre dans son bureau local, soit pour recevoir ses primes
d'assurance-chômage, soit pour recevoir ses services de main-d'oeuvre?
Même, on devrait avoir un programme de placement plutôt que d'avoir
à se rendre à la CFP régionale qui est quand même
toujours plus éloignée du client qu'un bureau local. Est-ce que
vous n'auriez pas un intérêt à avoir plusieurs bureaux
locaux de chômage, donc de main-d'oeuvre, étant donné que,
de plus en plus, on lie l'assurance-chômage à la main-d'oeuvre? De
plus en plus, dans les programmes d'assurance-chômage, on dit au
travailleur: Si tu veux te former, on va te donner plus de prestations
d'assurance-chômage ou plus longtemps. On lie les deux. Il me semble que
ça fait logique. Je ne vois pas pourquoi on aurait peur de gérer
ça. Si le fédéral le fait, est-ce qu'on ne peut pas le
faire nous aussi?
M. Morin (Pierre-Paul): Je vais vous répondre. Il y a
comme trois volets à une réponse là-dessus. Le premier,
c'est que, effectivement, dans notre mémoire... Je peux vous dire, pour
avoir été membre du comité organisateur du colloque, que
les CCR disent: On pense que, dans un premier temps, on serait plus à
l'aise en excluant ça. M. le ministre, si votre souhait, c'est qu'on
aille plus vite dans cette démarche-là, je vais vous dire:
Assoyons-nous ensemble et regardons les modalités. Mais si, pour
être capables de faire ça, les seuls pouvoirs qui nous sont
confiés, M. le ministre, ce sont ceux que vous nous donnez dans votre
projet de loi, je ne pense pas qu'on aille bien loin en rajoutant au fardeau et
en enlevant au pouvoir. C'est un peu la réponse que je vous fais. Mais
je vais laisser mon collègue Cournoyer continuer là-dessus.
M. Cournoyer: Je pense qu'il y a une certaine forme de logique
dans ce que vous dites, M. le ministre, mais je pense que c'est une politique
qu'il va falloir développer si on rapatrie effectivement les pouvoirs
d'Ottawa en ce qui concerne ce domaine-là. Il y a une chose à
laquelle il faut faire attention. Comme mon collègue l'a dit
tantôt, il ne faut pas ramener les problèmes. Lorsqu'on regarde la
formation en industrie, par exemple. Si on compare la formation en industrie,
au niveau canadien par rapport à d'autres pays dans le monde - je
reviens là-dessus parce que je pense que c'est important - moi, je me
dis que, si, au Québec, on rapatrie ces choses-là, il va falloir
améliorer les statistiques qui rassortent de ça. Dans le
passé,
tout ça était mélangé dans la même
boite. je ne dis pas que, physiquement, on ne peut pas faire des liens à
un endroit où la personne aurait à changer d'édifice parce
qu'elle change de service. je pense qu'il y a une certaine forme de logique
là-dedans. surtout si c'est rapatrié, géographi-quement
parlant, ce serait que la personne va dans un bureau mais, du côté
administratif, à l'intérieur de la boîte, je pense qu'il va
falloir regarder ça de plus près. (17 h 15)
De quelle façon on va gérer tout ça?
Présentement, moi, j'ai un sérieux problème lorsque je
regarde les statistiques. Par exemple, la culture qu'on a
développée, au Québec ou au Canada, en rapport avec la
formation en industrie. Je suis mal à l'aise quand je regarde ces
statistiques-là. Si on est pour se doter d'un plan de formation
industrielle ou de formation en industrie où ça va mener quelque
part, il ne faut pas ramener les vieux problèmes à
l'intérieur de notre Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Il faut créer de nouveaux
liens.
Ce qu'on dit, ce qu'on semble dire ici, c'est que, présentement,
on a quand même développé des liens entre nous -
l'entreprise et les syndicats - et, ce côté-là, on ne veut
pas le perdre. Ce dont on a peur, c'est qu'avec le projet de loi actuel
ça se perde, ça. Dans le rail, présentement, on est en
train de développer un programme de formation, dans la région de
Montréal, où on se base sur des projets qui ont été
faits en pétrochimie. Je suis convaincu que s'il n'y avait pas eu des
liens entre nous autres pour se parier quelque part, à une table qui
n'est pas politique, mais qui concerne directement les travailleurs et les
travailleuses dans le milieu... On n'est pas préoccupés, nous,
par les problèmes politiques, on est préoccupés par la
formation de la main-d'oeuvre. Si on ôte ça, ces
balises-là, j'ai l'impression que les projets comme ceux qu'on met en
place, à l'heure actuelle, vous allez avoir plus de difficultés
à les voir.
Le Président (M. Joly): oui. alors, je vous remercie
beaucoup, m. cournoyer. merci, mme la députée, m. le ministre et
les parlementaires. à mon tour, au nom des membres de cette commission,
je vous remercie d'avoir été présents parmi nous. comme
vous avez vu, j'ai laissé déborder assez largement la
période de temps qui nous était allouée. alors, merci
beaucoup.
Je demanderais maintenant aux gens du Mouvement d'éducation
populaire et d'action communautaire du Québec de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît. J'inviterais tous ceux qui ne sont pas en
relation avec le Mouvement d'éducation populaire... S'il vous
plaît! Est-ce qu'on pourrait accélérer, s'il vous
plaît?
J'apprécierais, Mme Villeneuve - c'est ça? -que vous nous
présentiez la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.
MEPACQ
Mme Villeneuve (Monique): Alors, je vous présente ma
compagne, Mme Isabelle St-Martin, qui est coordonnatrice au MEPACQ.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît! Ceux qui
n'ont pas d'intérêt dans cette commission, s'il vous plaît!
Merci.
Mme Villeneuve: Donc, je reprends. Je vous présente ma
collègue, Isabelle St-Martin, qui est coordonnatrice au MEPACQ, au
Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du
Québec. Devait nous accompagner, Mme Aline Bégin, cependant, elle
n'a pu se rendre. Elle est de Québec mais elle est retenue par son
travail. Moi, je suis Monique Villeneuve. Je suis présidente du MEPACQ,
mais je suis aussi coordonnatrice de la table régionale des OVEP, les
organismes volontaires d'éducation populaire du
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais.
Le Président (M. Joly): Alors, Mme Villeneuve, je vous
explique un peu comment ça procède. Je suis prêt à
vous concéder une quinzaine de minutes pour nous exprimer un peu votre
mémoire. Votre mémoire a déjà été lu,
il a déjà été analysé. La lecture
intégrale, des fois, n'apporte pas grand-chose de plus. Alors, si vous
voulez capitaliser sur le fait que vous avez vos 15 minutes pour le
présenter, puis faire ça un peu selon le degré
d'importance des éléments que vous aimeriez apporter, ta balance
du temps sera impartie aux deux formations politiques. Alors, je vous explique
ça.
Mme Villeneuve: Alors, le Mouvement d'éducation populaire
et d'action communautaire du Québec, le MEPACQ, est un regroupement
national de 12 tables régionales qui, elles-mêmes, rassemblent
quelque 500 groupes populaires et communautaires. Ces groupes travaillent avec
les populations les plus démunies, les plus délaissées par
les institutions politiques et économiques. C'est donc avec
intérêt que nous nous sommes penchés sur le projet de loi
et l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. En effet, rien ne nous semble plus fondamental que le
développement du potentiel des individus.
À la lecture des documents, nous avons vite compris que le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle ramenait le noble objectif de
développement de la main-d'oeuvre à celui de développer
une culture de la formation continue dans les milieux de travail, et de
favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur
le marché du travail. Ce que l'énoncé met de l'avant,
c'est avant tout cette volonté claire d'ajuster aux besoins des
entreprises les qualifications de la main-d'oeuvre. En résumé,
l'énoncé
affirme que tes besoins de développement de la main-d'oeuvre, ce
sont les besoins de développement des entreprises. Le MEPACQ ne peut que
s'opposer à cette conception étriquée du
développement de la main-d'oeuvre. Nous croyons que toutes les personnes
en âge de travailler devraient avoir accès à de la
formation et être les premiers acteurs de leur formation.
Selon nous, le dossier de la formation doit être intimement
lié à la lutte contre la pauvreté. Les documents qui nous
sont proposés ne prennent absolument pas en compte les
intérêts des populations les plus défavorisées. Dans
le but de remédier à cette situation, le MEPACQ propose que les
populations défavorisées soient représentées au
sein de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre.
Le projet de loi décrit également la composition et le
mandat de la Société proposée. Notons qu'il ne fait pas
mention de l'intention annoncée dans l'énoncé de
politique, d'assurer une représentation équitable des hommes et
des femmes au sein des conseils d'administration. Le MEPACQ propose que le
projet de loi consacre la représentation égale des hommes et des
femmes à tous les niveaux de la Société.
La mandat de la Société consiste à suivre les
grandes orientations définies par le ministre qui peut, en tout temps,
intervenir, s'il le juge bon, dans les pratiques de la Société,
aux niveaux national et régional. Comme le mandat de la
Société est défini en termes très larges, le
ministre se garde en pratique tous les pouvoirs. Le projet de loi ne mentionne
pas la Conférence permanente sur la mafn-d'oeuvre dont
l'énoncé fait pourtant le lieu privilégié de
concertation entre le gouvernement et ses partenaires économiques sur
les grandes orientations des politiques de développement de la
main-d'?uvre et sur les actions à privilégier pour favoriser
concrètement ce développement.
La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre n'est-elle alors qu'une structure
administrative n'ayant aucun pouvoir? Quelle est la véritable fonction
du partenariat que le gouvernement veut instituer aux niveaux national et
régional? Ne doit-il servir que de caution, de courroie de transmission
des décisions prises par le ministre et la Conférence permanente?
Il semble que nous soyons, une fois de plus, en présence d'une structure
dont l'impulsion, les orientations découlent du bon vouloir du ministre,
laissant dans les faits très peu de latitude aux partenaires et aux
régions. Il ne faut pas oublier que régionalisation et
décentralisation ne sont pas synonymes de démocratisation. Le
MEPACQ propose que la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, et non la Conférence
permanente sur la main-d'oeuvre, soit le lieu privilégié de
concertation sur les grandes orientations et l'application des politiques de
développement de la main-d'oeuvre. Le MEPACQ propose que tes
régions jouissent de pouvoirs réels pour le développement
de politiques adaptées à leur territoire, celles-ci ne devant pas
nécessairement se conformer à des priorités
nationales.
Au niveau du partenariat, le gouvernement veut instaurer un
véritable partenariat parce que le développement de la
main-d'oeuvre requiert des engagements concertés des employeurs, des
personnes salariées et du gouvernement où, d'ailleurs, les
personnes salariées sont représentées par les syndicats.
Nous ne sommes pas contre la présence des syndicats. Loin de là!
Toutefois, nous estimons que des parties importantes de la main-d'oeuvre sont
oubliées dans ce partenariat, et nous ne pouvons passer sous silence cet
oubli. Comment peut-on, comme société, envisager le
développement de la main-d'oeuvre en laissant de côté les
non-syndiqués, les chômeurs et chômeuses, les prestataires
de la sécurité du revenu, toutes les personnes - femmes, jeunes,
handicapés, retraités et préretraités - qui ne sont
pas considérées comme main-d'oeuvre active? Comment envisager le
développement de la main-d'oeuvre sans impliquer directement les
personnes qui ont le plus à gagner de programmes de formation? En
excluant toutes ces personnes du partenariat, nous pouvons être
assurés que leurs intérêts ne seront pas pris en compte
dans les futures orientations politiques.
Le présent énoncé de politique, en favorisant avant
tout la formation des travailleurs et travailleuses en fonction des besoins des
entreprises, est un parfait produit du type de partenariat qui l'a fait
naître, et il confirme la marginalisation des plus
défavorisés. Le Conseil des affaires sociales, comme à peu
près tous les observateurs et observatrices de la scène
québécoise, a dénoncé l'écart grandissant
entre riches et pauvres, ce Québec cassé en deux. Chacun,
individuellement, déplore cette situation. Toutefois, à
l'ère des partenariats, on n'invite pas à la même table les
moins favorisés, confirmant et renforçant ainsi leur
exclusion.
Le MEPACQ propose que les groupes populaires et communautaires
représentent les populations défavorisées tant au niveau
national que régional de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, formant
ainsi un quatrième volet au présent partenariat, constitué
du gouvernement, des entreprises, des travailleurs et travailleuses
syndiqués.
Les groupes populaires travaillent de concert avec les personnes
défavorisées. Ils connaissent leurs besoins. Le secteur
communautaire étant diversifié et ayant ses propres
mécanismes de représentation et de concertation, il est le mieux
placé pour décider de ses représentants et
représentantes. Le MEPACQ propose que le ministre confie à
l'institut canadien d'éducation des adultes le mandat de mettre en
oeuvre le processus de consultation permettant aux groupes populaires et
communautaires de
constituer une liste de leurs représentants, tant au niveau
national que régional.
Maintenant, le développement de la main-d'oeuvre. Nous avons
souligné, en introduction, ce qui semble être pour le
ministère l'objectif le plus élevé de l'exercice auquel
nous sommes conviés: développer une culture de formation continue
dans les milieux de travail, et favoriser l'équilibre entre l'offre et
la demande de main-d'oeuvre sur le marché du travail. Par-delà le
renforcement de l'approche sectorielle, l'aide financière et technique
aux entreprises pour la gestion des ressources humaines, l'encouragement aux
institutions d'enseignement de se rapprocher des besoins du marché -
lire les entreprises - le crédit d'impôt remboursable à la
formation, ia vision qui se dégage de l'énoncé est la
suivante: il faut adapter la main-d'oeuvre aux besoins de l'entreprise. C'est
l'entreprise qui sait ce qui est bon pour la main-d'oeuvre. Dans cette vision,
ce sont les travailleurs et travailleuses qui occupent déjà un
emploi qui sont favorisés, non seulement ceux et celles qui occupent un
emploi, mais ceux et celles qui travaillent dans une entreprise soucieuse de
faire de la formation pour ses propres raisons, ou suite aux pressions des
syndicats. Sont également favorisés ceux et celles qui ont
déjà une formation de base assez poussée.
Si l'entreprise a besoin de gens qualifiés dans des techniques
avancées, s'occupera-t-on des moins éduqués? Va-t-on
former en informatique un travailleur qui sait à peine lire et
écrire? L'énoncé prétend accorder une attention
particulière au reclassement des travailleurs licenciés. Qu'en
est-il des chômeurs et chômeuses de longue date, des jeunes n'ayant
pratiquement pas d'expérience de travail, des travailleurs et
travailleuses non syndiqués, des femmes voulant réintégrer
le monde du travail dans des emplois autres que précaires et mal
payés? En axant son approche sur la demande de main-d'oeuvre,
l'énoncé néglige les mesures qui pourraient favoriser les
personnes qui sont les premières concernées, soit la
main-d'oeuvre elle-même.
Le MEPACQ propose que deux principes régissent la formation:
qu'elle soit accessible et définie en fonction des besoins des
individus. Toute personne qui désire recevoir une formation devrait
recevoir les services qui lui donnent de meilleures chances d'accéder au
marché du travail ou d'y améliorer sa position. C'est donc dire
que la Société devra s'attaquer aux barrières
systématiques qui empêchent des groupes particuliers
d'accéder au marché du travail.
L'énoncé dit aussi que toute personne sans emploi, apte au
travail, devrait recevoir les services qui lui donnent une nouvelle chance
d'accéder ou de reconquérir le marché du travail.
Aussitôt énoncé, ce principe est rejeté sous
prétexte qu'il comporte une part d'idéal et ne fait pas
l'unanimité. De notre point de vue, l'idéal d'ajuster la
main-d'oeuvre aux besoins de l'entreprise ne fait pas non plus
l'unanimité. Pourquoi l'aide à l'entreprise est-elle
considérée comme active, digne d'être encouragée, et
celle destinée aux individus, comme idéaliste, passive et
condamnable? Ne sommes-nous pas simplement face à un parti pris en
faveur de la demande plutôt que de l'offre de main-d'oeuvre, en faveur
des entreprises plutôt que des personnes?
La formation des personnes ne doit pas devenir une autre forme de
subvention aux entreprises. Les entreprises ont un intérêt
très clair à former leur personnel. Elles doivent faire leur part
sans réclamer que l'État en fasse tous les frais. D'ailleurs, en
ces temps de récession et de réorganisation économique
mondiale, qui peut prétendre savoir ce qui se passera dans trois ans?
Comment seront déterminés les besoins de formation? En fonction
des intérêts à court terme des entreprises existantes, ou
en fonction de vagues prévisions à long terme? (17 h 30)
II ne faut pas oublier que nous parlons de personnes. Si les
orientations des programmes sont trop pointues et les compétences
acquises non transférables, la Société augmente les
risques de rater la cible. Seul le développement de la main-d'oeuvre
axé sur les personnes donnera les résultats escomptés
à long terme. L'augmentation des compétences et du potentiel des
personnes, la transférabilité des connaissances acquises assurent
le développement de la main-d'oeuvre bien plus que l'équilibre
entre l'offre et la demande. Nous voulons laisser aux centaines de milliers
d'adultes québécois le droit de décider de la formation
qu'ils suivront.
La formation continue fait partie des moeurs québécoises.
Les adultes et les jeunes n'ont pas attendu les incitations du gouvernement
pour répondre à leurs besoins. Les groupes populaires et
communautaires, les syndicats, les institutions privées et publiques
d'enseignement dispensent une formation variée, adaptée aux
besoins de leurs clientèles, malheureusement limités par les
moyens dont ils disposent. Si le gouvernement veut promouvoir une culture de
formation continue, cela ne pourra se faire à l'intérieur des
seules entreprises. Il est essentiel de reconnaître tous les lieux
où il se fait de la formation afin qu'un éventail de services et
d'approches soit mis au service de tous et toutes. Le MEPACQ propose que les
groupes communautaires et populaires soient reconnus comme lieux de formation
et financés adéquatement pour leur travail de réinsertion
sociale, de préparation et d'accès à l'emploi.
Le congé de formation est l'une des mesures proposées par
l'énoncé qui a le plus de potentiel pour l'accessibilité
des individus à la formation qu'ils désirent. Afin que ce
congé soit effectivement à la portée de tous et toutes, le
MEPACQ propose que les dispositions régissant le congé de
formation et assurant son accessibilité soient inscrites dans la Loi sur
les
normes du travail.
Toujours dans l'optique de répondre aux besoins des individus et
de favoriser la formation continue, le MEPACQ propose que la
Société tienne compte de la reconnaissance des acquis dans le
développement des programmes. En effet, dans une conception large de la
formation, l'obtention du diplôme n'est pas un objectif, mais un moyen.
La reconnaissance des acquis permet la reconnaissance de toutes les
habiletés acquises par l'expérience.
L'employabilité maintenant. L'énoncé de politique
dit ce qui suit: «II n'apparaît pas opportun de confier à la
Société québécoise de développement de la
main-d'?uvre la responsabilité des programmes dits de
développement de l'employabilité. La sécurité du
revenu étant une aide de dernier recours, le gouvernement peut
difficilement déléguer cette responsabilité. Il
apparaît dès lors peu opportun de confier à une
société gérée par les partenaires du marché
du travail la responsabilité de programmes sociaux. »
Il convient de faire une distinction très importante: les
prestations de sécurité du revenu et les programmes
d'employabilité ne répondent pas aux mêmes objectifs. Les
prestations de sécurité du revenu ont effectivement
été conçues, à leur origine, comme programme social
destiné à venir en aide aux personnes les plus démunies de
la société, indépendamment des raisons les ayant
amenées à cette situation. Depuis les dernières
années, par l'introduction de programmes dits d'employabilité
destinés à cette seule clientèle, Travail-Québec
cherche à lier de plus en plus ces prestations à une certaine
performance sur le marché du travail ou aux études. Ces
programmes dits d'employabilité ont été unanimement
dénoncés par toutes les personnes préoccupées de
nos droits sociaux.
Il est faux de prétendre, comme le fait l'énoncé,
que les programmes mis à la disposition de ces clientèles leur
ouvrent la voie du marché du travaH et de l'autonomie. Ces programmes
mènent bien rarement à des emplois à temps plein,
permanents, stables et encore moins à des emplois bien
rémunérés. Le ministère nous laisse croire que les
programmes de formation développés par la Société
assureraient des emplois stables. Pourquoi les personnes qui sont actuellement
défavorisées sur le marché du travail n'auraient-elles pas
droit à ces programmes? Pourquoi l'énoncé crée-t-il
un système de formation à deux vitesses? Pourquoi
l'énoncé parle-t-il d'employabilité quand la formation est
destinée aux prestataires de la sécurité du revenu et de
formation professionnelle quand elle est destinée aux travailleurs et
travailleuses? Deux poids, deux mesures.
Ne voulant pas consacrer la marginalisation des prestataires de la
sécurité du revenu, le MEPACQ propose que la
Société québécoise de développement de la
main-d'?uvre assure le développement et la gestion des programmes
dits d'employabilité.
L'énoncé fait l'hypothèse que la
Société québécoise de développement de la
main-d'?uvre administrera les fonds de la caisse d'assurance-chômage
au Québec. Notons d'abord que l'énoncé n'apporte pas
d'attention spécifique aux problèmes des chômeurs,
chômeuses, sauf dans le cas de licenciement. Pourtant, une part
importante du budget de la Société viendra de la caisse
d'assurance-chômage. nous tenons à rappeler que la loi c-31
modifiant l'assurance-chômage est contestée pour la raison
suivante: la caisse d'assurance-chômage a été
originellement créée comme régime d'assurance-salaire pour
les travailleurs et travailleuses en cas de perte d'emploi. auparavant, le
gouvernement fédéral contribuait à la caisse. cela
pouvait, à la limite, justifier le fait d'employer des fonds à
d'autres fins que celles expressément reconnues par la loi. le
gouvernement fédéral ne contribue plus à la caisse, mais
prétend toujours la gérer et, de plus, à des fins de
formation. aussi louable que soit l'objectif de formation, l'utilisation de la
caisse d'assurance-chômage pour des fins autres que l'assurance des
chômeurs et chômeuses constitue un détournement des
objectifs du régime d'assurance-chômage. c'est un peu comme si un
employeur, gérant le fonds de pension de ses employés,
décidait d'utiliser le fonds dans son propre intérêt,
indépendamment des raisons pour lesquelles il a été
créé. ce comportement serait jugé inacceptable. c'est
pourtant ce qu'a fait le gouvernement fédéral, contesté en
cela par plusieurs groupes, et c'est le rôle inacceptable que veut
également se donner le gouvernement provincial. le mepacq recommande que
les cotisations de l'assurance-chômage ne soient utilisées que
comme support de revenu aux personnes ayant perdu leur emploi.
En résumé, nous favorisons tous les types de formation
où la primauté est donnée au respect de l'individu et des
droits collectifs des personnes défavorisées.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, Mme Villeneuve.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Vous recommandez que
les groupes communautaires et populaires siègent au conseil
d'administration de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre ainsi qu'aux conseils
régionaux. Selon vous, quel devrait être le mode de nomination de
ces représentants-là?
Mme Villeneuve: II y a une proposition dans le document qui est
assez spécifique là-dessus.
M. Bourbeau: En passant par les...
Mme St-Martin (Isabelle): Nous autres, on trouve que c'est...
M. Bourbeau: C'est l'Institut canadien, oui.
Mme St-Martin: L'Institut canadien d'éducation des adultes
dont nous sommes membres.
M. Bourbeau: Oui. Oui, j'ai lu...
Mme St-Martin: La raison étant qu'on trouve que c'est les
groupes populaires qui connaissent mieux leur fonctionnement et qui sont plus
aptes à décider entre eux. Par exemple, au niveau national,
est-ce que ça serait mieux d'avoir une personne qui travaille pour un
regroupement des sans emploi, est-ce que ça devrait être quelqu'un
du Mouvement Action-chômage ou est-ce que ça devrait être
tel mouvement de femmes? Par exemple, les groupes de femmes en ont
déjà parlé entre elles, et privilégient des groupes
de réinsertion au travail pour que les femmes soient
représentées, ce motif-là, que ce soit
décidé au niveau national entre les groupes et organisé
par l'ICEA avec la même structure au niveau régional. Possiblement
que, dans certaines régions, il y a un genre de groupe ou une
clientèle en particulier qui pourrait être favorisée de
cette façon-là.
M. Bourbeau: J'ai bien lu votre proposition de demander à
l'ICEA d'organiser, si je me souviens bien, une consultation. Je ne sais plus
à quelle page c'est.
Mme St-Martin: Oui.
M. Bourbeau: Pouvez-vous me dire à quelle... Ici, tiens:
...propose que le ministre confie à l'Institut canadien le mandat de
mettre en oeuvre le processus de consultation. Mais, à la fin, c'est
l'ICEA qui recommanderait la ou les personnes...
Mme St-Martin: Ça serait l'ICEA et les groupes qui ont
été consultés qui feraient une recommandation au
ministre...
M. Bourbeau: En fait, c'est l'ICEA.
Mme St-Martin: ...et on espérerait évidemment
que...
M. Bourbeau: Les groupes, eux, ils feraient leur recommandation
à l'ICEA, et l'ICEA ferait sa recommandation au ministre. C'est
ça?
Mme St-Martin: Oui, sauf que l'ICEA - on connaît l'ICEA -
ne décidera pas lui-même des recommandations pour les
représentants et représentantes. Il veut laisser les groupes
choisir entre eux, et il ferait la coordination de ce processus de
consultation.
M. Bourbeau: Si les groupes arrivent avec 56 nominations...
Supposons qu'on en veut une...
Mme St-Martin: Non, mais c'est ça. On ferait notre propre
ménage entre nous et on déciderait entre nous.
M. Bourbeau: Vous êtes capable de le faire? Mme
St-Martin: Oui, on est capable.
M. Bourbeau: Je suis heureux de vous l'entendre dire.
Mme St-Martin: On n'est pas structuré tout à fait
comme les syndicats, mais on est quand même structuré et on se
parte. On a des tables de concertation, et on se concerterait pour ce sujet,
pour arriver aux meilleures propositions.
M. Bourbeau: Dans votre mémoire...
Mme St-Martin: Ça simplifierait votre devoir.
M. Bourbeau: Oui, très bien. Bon, très bien. Dans
votre mémoire, vous mentionnez que le congé de formation est une
des mesures les plus intéressantes proposées par
l'énoncé de politique. Vous souhaitez que le droit de
congé de formation soit introduit, si j'ai bien compris, dans la Loi sur
les normes du travail. Est-ce que vous estimez qu'un tel droit devrait
être accordé pour tous les types de formation, ou seulement pour
ceux qui sont reliés aux besoins de l'entreprise?
Mme St-Martin: Je me permets de répondre. C'est, pour
nous, parce qu'on privilégie... L'important, c'est la formation des
individus et les besoins des individus. Pour nous, c'est clair que c'est le
besoin de formation des individus qui devra être reconnu dans la Loi sur
les normes du travail pour protéger le droit aux individus d'aller
prendre un congé de formation et de revenir. On sait comment sont les
milieux de travail non syndiqués. Ce n'est pas du tout évident
que cette personne qui irait chercher une formation aurait droit à son
emploi en revenant.
M. Bourbeau: L'employeur, lui, qui doit permettre le
départ de son employé et garantir son retour... Est-ce que vous
estimez que ça serait correct que l'employeur ait un mot à dire
sur le type de formation que la personne va aller chercher, étant
donné que l'employeur, lui, paie un peu de sa personne, si je peux dire,
en se privant d'un employé, en lui gardant sa chaise pendant un an?
Est-ce qu'il n'y aurait pas là une espèce de négociation
qu'il devrait y avoir entre l'employeur et l'employé quant au type de
formation que l'employé irait chercher, de façon à
bonifier son travail éventuellement, chez l'employeur?
Mme St-Martin: J'imagine que, si c'est confié à la
Loi sur les normes du travail, à la
Commission des normes du travail, H va y avoir un genre de
système pour aider à décider quelle formation va
être acceptée ou pas. J'imagine que, dans ce processus-là,
les employeurs vont avoir leur mot à dire ou, possiblement, la
Société québécoise de développement comme
telle pourrait avoir son mot à dire, sauf qu'H me semble que ça
ne devrait pas être laissé à la discrétion d'un
employeur d'une petite entreprise ou d'une plus grosse qui n'est pas
syndiquée. Lui, c'est évident qu'il va refuser à tout prix
ce genre de congé de formation.
M. BourbMu: C'est parce qu'il peut...
Mm» St-Martin: Ce serait peut-être plus sage de
confier, justement, ce genre d'arrangement...
M. Bourbeau: Mais, d'après vous...
Mme St-Martin: ...à la Société, qui aurait
un quatrième partenaire, par contre.
M. Bourbeau: Est-ce que l'employeur, d'après vous, devrait
avoir un mot à dire dans la décision de l'employé de
prendre un congé de formation, c'est-à-dire une espèce de
droit de regard dans cette décision-là?
Mme Villeneuve: Mais c'est sûr. À la limite, si tous
les employés de l'entreprise décident de partir en congé
de formation en même temps, il va y avoir comme un problème. Oui,
effectivement, il me semble qu'il faut aussi qu'il ait un mot à dire.
Cependant, ce qu'il faut aussi considérer - vous le souligniez tout
à l'heure, garder un siège vacant pendant un an - c'est que fa
personne qui va revenir après son année de formation va
être très compétente, en tout cas, plus compétente
qu'à son départ. Ce qu'il faut comprendre là-dedans, c'est
que c'est l'entreprise qui va en bénéficier, peut-être pas
tout de suite durant l'année mais, à moyen terme, c'est elle qui
va bénéficier de ça. Ce qu'on sait actuellement, c'est que
dans les entreprises les congés de formation...
Quand on lit, dans l'énoncé de politique, qu'il faut
développer une culture de formation... Dans les entreprises, ce n'est
pas quelque chose qui existe beaucoup. On parle aussi de donner de l'argent,
une espèce de crédit d'impôt à l'entreprise. C'est
peu utilisé actuellement, et on le soulignait de toute façon dans
l'énoncé de politique. C'est quelque chose qui est peu
utilisé parce que ça ne fait pas partie de la culture des
entreprises d'utiliser la formation. Alors, nous, on dit: Oui, c'est important
que ce soit utilisé. Mais si la personne part puis qu'au bout d'un an
elle revient et que son poste n'est pas garanti, c'est un peu bête,
là.
M. Bourbeau: Par contre, si la personne décide - je ne
sais pas, moi - d'aller prendre des cours de musique, c'est peut-être
très intéressant pour sa formation personnelle, mais il n'est pas
dit nécessairement que ça va apporter grand-chose à
l'entreprise. C'est là que se situe le...
Mme Villeneuve: Non, mais j'imagine...
M. Bourbeau: ...droit de regard de l'employeur ou non,
là.
Mme Villeneuve: Mais, vous, vous parlez du droit de regard de
l'employeur dans l'entreprise comme telle. Il me semble que les employeurs sont
déjà représentés au sein de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre qui pourrait donner des genres de balises. Par exemple, dans une
entreprise de 100, il ne peut pas y en avoir plus que 3 ou 4 qui partent en
même temps pour un congé de formation. Il me semble qu'il pourrait
y avoir des balises assez générales. Il pourrait y avoir des
cours même, des listes de cours qui sont approuvés ou pas, mais il
reste que la décision finale ne devrait pas être laissée
à l'employeur uniquement. Il peut avoir un rôle à
jouer.
M. Bourbeau: Une dernière question, M. le
Président.
Le Préskient (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Compte tenu des clientèles que vous desservez
présentement, est-ce que vous rencontrez des difficultés
d'accès de votre clientèle, de vos clients à la formation
professionnelle, notamment en ce qui concerne les préalables
académiques qui sont exigés des formateurs publics?
Mme Villeneuve: Mais je comprends donc! Souvent, ce qu'on
demande, depuis quelques années, un secondaire IV ou un secondaire V.
Parmi les gens avec qui on travaille, il y a beaucoup d'analphabètes.
Alors, ce n'est même pas un secondaire, ce n'est même pas un
élémentaire de complété. Souvent, ce sont aussi des
mères de famille qui ont quitté au secondaire I. Lorsqu'elles
reviennent, 10 ans plus tard, elles essaient d'intégrer le marché
du travail. Elles n'ont même pas la formation du secondaire IV ou du
secondaire V pour pouvoir accéder à des programmes de formation
professionnelle. Alors, à votre question, je dis: Oui, 500 milles
à l'heure. C'est très difficile.
M. Bourbeau: C'est un gros problème, hein.
Mme St-Martin: C'est d'ailleurs pour ça qu'on demande, en
partie, de reconnaître les acquis parce qu'il y a quand même des
acquis
que ces personnes-là... Tu ne te rends pas à l'âge
de 50 ans sans... valoir zéro parce que tu n'as pas de secondaire. Il va
falloir qu'on travaille là-dessus en même temps, et puis ce n'est
pas présentement une priorité.
M. Bourbeau: On appelle ça la reconnaissance des
compétences professionnelles, mais c'est pas mal la même
chose.
Mme St-Martin: Mais, pour nous, les acquis, c'est un peu plus
large que juste les compétences professionnelles. (17 h 45)
Mme Villeneuve: Professionnelles... parce que si la dame -
ça peut être un homme mais, généralement... On va
prendre cet exemple-là - s'est mariée, a eu trois enfants,
qu'elle s'est mariée à 18 ans et qu'elle essaie de
réintégrer le marché du travail à 40 ans... Elle a
peut-être travaillé comme "waitress" un été, alors
qu'elle était étudiante. Alors, tu sais, elle a
développé... Durant toutes les années où elle est
restée à la maison, elle a peut-être fait du
bénévolat ou de la «militance», elle s'est
peut-être occupée du comité d'école, d'une campagne
électorale, de plein de choses, d'administration, même, à
la maison pour que le budget arrive. Tout ça, c'est peu reconnu et,
pourtant, ce sont des compétences incroyables.
M. Bourbeau: Merci.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il
vous plaît.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup
apprécié l'échange que vous avez eu sur ces
questions-là. Vous représentez - j'ai fait le calcul a la
dernière page de votre mémoire - 481 organismes. Ça n'a
l'air de rien, mais c'est important de prendre connaissance de l'annexe qui
accompagne votre mémoire parce que vous représentez des groupes
de toutes les régions administratives du Québec et
particulièrement, en fait, centrés autour des organismes
volontaires d'éducation populaire. Je comprends donc que vous avez
beaucoup d'expertise en matière d'alphabétisation.
Mme Villeneuve: Oui, mais les OVEP, ce n'est pas juste un champ
d'intervention. L'alphabétisation est peut-être un des champs
d'intervention les plus connus, mais il y a peut-être 25, 30 champs
d'intervention. On peut parier autant de santé mentale, de condition
féminine, d'environnement, de solidarité internationale. On
pourrait en énumérer beaucoup.
Mme Harel: On voit très bien qu'un certain nombre de vos
membres se sont ouverts depuis peu, mais depuis quelques années quand
même, je dirais, à la formation de personnes que l'on dit
préemployables. Je ne sais pas si vous avez un point de vue
là-dessus. Finalement, il y a un robinet qui coule, hein? Il arrive que
les OVEP... Je pense que ça n'a même pas toujours
été indexé et, certaines années, même, le
budget n'a pas été augmenté. Alors, il n'y a pas de
nouveaux groupes et puis... Mais je crois comprendre qu'il y a un financement
possible pour les organismes communautaires qui s'adressent plus à des
personnes préemployables dans le cadre de projets
d'employabilité.
Mme St-Martin: Un mot sur le financement. On va en profiter.
C'est que les groupes populaires font du gros travail de formation, de
réinsertion sociale, d'éducation populaire, sauf qu'ils sont
très sous-financés. Ils reçoivent en moyenne... Un groupe
local, c'est 5000 $ de subvention du ministère de l'Éducation
pour son travail à volet éducatif. Les autres subventions qu'ils
reçoivent des autres ministères pour différents services,
ça ne remplit pas du tout les besoins des organismes comme tels. Ces
organismes-là, comme vous dites, ils font leur propre formation
auprès de leur personnel. Parce qu'ils marchent par subvention, il y a
des gros roulements de personnel. On en fait de la formation, à ce
niveau-là. Aussi, on travaille avec des personnes... On fait de la
préemployabilité avec ces personnes-là, comme vous
dites.
Mme Harel: Moi, j'aimerais bien que vous ne soyez pas
considérés comme l'enfant pauvre, en fait, du secteur
communautaire. Dans le secteur communautaire, il s'est développé
des corporations de développement économique et communautaire qui
jouissent relativement d'un assez bon support financier.
Mme St-Martin: Beaucoup plus que le restant du secteur
communautaire, d'ailleurs.
Mme Harel: Oui, absolument, ce qui amène un assez grand
nombre d'organismes - je pense à des maisons de femmes, entre autres, je
pense à des centres d'éducation populaire aussi - ce qui les
amène à vouloir aller, par le biais du financement de
l'employabilité, chercher des fonds qui leur font cruellement
défaut. Est-ce que vous avez un point de vue? Vous avez
réfléchi à ça?
Mme St-Martin: Oui, on a regardé. On dit dans le
mémoire qu'on aimerait que les groupes populaires et communautaires
soient reconnus comme des lieux de formation. Par contre, on ne veut pas
changer la nature des groupes communautaires. On est souvent des groupes de
services ou on est des groupes de développement des personnes, mais il y
a aussi une partie de notre travail qui est formation. On aimerait être
reconnus pour cette partie-là. Par exemple, sûrement que les
députés connaissent les
PDE - les programmes de développement à l'emploi, au
niveau fédéral - qui donnent de l'argent à des groupes de
façon très sporadique et de façon très... sans pian
de formation ou articie 25, c'est la même chose.
Mme Harel: Sans l'article 25 ou les PDE, c'est la moitié
des organismes communautaires au Québec qui crèvent. C'est
ça qu'il faut comprendre?
Mme Villeneuve: C'est ça. Pourtant, il y a un volet
formation important. Même à l'intérieur de ces programmes
de développement de l'emploi, il y a toujours un projet de formation
pour chacune des personnes qui viennent travailler.
Mme St-Martin: Par exemple, il y a une maison de jeunes qui me
disait que, l'été dernier, il y avait un article 25 et un PDE en
même temps. Alors, il y avait, pendant l'été, sept
employés. Donc, il fallait qu'ils fassent la formation de ces
personnes-là. Il n'y avait même plus de permanence parce qu'avec
la subvention il n'y avait pas assez d'argent pour garder la permanente
à l'année longue. Alors, la permanente travaille sur le
chômage, chose très courante dans les groupes populaires. Mais,
ià, ils recevaient une tranche de subventions pour faire dé la
formation pendant l'été quand il n'y a pas de jeunes en ville.
À Montréal, il y a très peu de jeunes qui vont dans les
maisons de jeunes.
Au mois de septembre, quand à la maison de jeunes il y avait 150
jeunes, il restait une seule personne à temps partiel. C'est ça
qu'on veut dire. On est prêt à en faire de la formation et on
pense qu'on est des personnes qui font de la bonne formation, sauf qu'il faut
être là pour expliquer comment ça se passe dans les groupes
populaires, et que les jeunes ne viennent pas dans les maisons de jeunes
pendant l'été. C'est comme "basic". Quand tu veux former des gens
à faire de l'intervention, ça aide à avoir des jeunes pour
apprendre l'autre bout de l'histoire.
Mme Harel: mais il faudra certainement une sorte de contrat
social - comment pourrais-je dire - avec le mouvement communautaire. juste
après vous, il y aura un groupe qui viendra représenter les
services externes de main-d'?uvre pour personnes handicapées.
ça représente 24 organismes sur le territoire du québec.
au départ, ils étaient ouverts à leur clientèle
comme vous l'êtes, vous, à la vôtre. eux, c'était, en
l'occurrence, des personnes handicapées. il s'agit de faire de la
réinsertion, un peu comme certaines maisons de femmes ou certains
centres d'éducation populaire.
Mais, finalement, après, ils se sont habitués à
avoir des subventions. C'est un peu la fable de La Fontaine, vous savez,
«Le chien et le loup».
Mme St-Martin: Oui.
Mme Harel: Je ne sais pas si j'ai besoin de vous la rappeler.
Mais, après, en 1988, ils se sont faits assujettir à des
régies très strictes. Il faut qu'ils prennent 75 % des
bénéficiaires qui sont sur l'aide sociale et qu'ils en placent 50
% dans des emplois de PAIE finalement. Ce sont ceux qui, dans ie fond, mettent
en place, appliquent... ça revient un peu à ça. J'ai
hâte de voir - ca n'est pas juste une question de curiosité, c'est
aussi d'intérêt profond - comment ce financement-là, qui
est quand même le fait du fédéral, et un peu plus
même, actuellement, de Québec avec les CFP, qui s'ouvrent à
cette dimension-là des sans-emploi, bien mieux représentés
par le miiieu communautaire qu'ils ne peuvent l'être par n'importe qui
d'autre... Alors, j'ai hâte de voir jusqu'où ça va mener,
le mouvement communautaire et si, au fur et à mesure, il y a des
règles qui vont l'assujettir.
Mme St-Martin: Pour nous autres, c'est très important,
évidemment, de garder l'autonomie des groupes. Les groupes veulent faire
de la formation, mais ils ne veulent pas être, ils ne veulent pas faire
ça tout le temps. La plupart des groupes qui ont un petit volet
formation... C'est sûr qu'ii y a certains groupes qui font beaucoup de
formation, et eux veulent continuer. Mais, ce qu'on demande, c'est que les
groupes qui ont un petit volet formation puissent continuer à le faire
et se faire payer pour le faire. C'est comme minimal.
Mme Harel: Donc, iS faut penser à un processus
d'accréditation. Un peu comme il existe, par exemple, dans les CFP
où ils peuvent accréditer actuellement des formateurs
privés. Privés, au sens à but lucratif. Ils pourraient
peut-être envisager, par exemple, un processus d'accréditation qui
permettra...
Mme Si-Marîïn: On n'avait pas pensé à un
processus comme ça, mais c'est sûr qu'il va falloir se pencher
sur...
Mme Harel: li arrivera. Je pense qu'il faudra, à un moment
donné, y réfléchir. Sur la question des normes...
Mme St-Martin: Juste un autre petit commentaire. C'est une des
raisons pourquoi on veut être à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Mais, la
raison principale, c'est justement parce qu'on ne veut pas faire exclure de la
main-d'oeuvre les personnes qui sont vraiment exclues du marché du
travail. Ces personnes-là, les personnes assistées sociales, les
personnes qui sont sur le chômage, qui tombent de plus en plus facilement
sur l'aide sociale, les femmes au foyer, les jeunes qui n'ont jamais eu
d'emploi, elles sont vraiment absentes de la Société
québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. On ne peut pas croire qu'on veut développer, qu'on
veut vraiment mettre l'accent sur la formation et laisser ces
personnes-là complètement de côté.
On sait que, dans les faits, les programmes PAIE et les programmes
EXTRA, aujourd'hui, ne mènent pas à des vraies jobs. Alors,
est-ce qu'on va former les personnes qui sont déjà en emploi et
qui sont déjà favorisées pour qu'elles puissent garder
leur emploi? De plus en plus, on va écarter la moitié de la
population? Ça n'a pas d'allure, ce n'est pas le Québec qu'on
veut former ça.
Mme Harel: Votre point de vue s'est exprimé. Moi, je
partage votre point de vue. Il s'est exprimé à plusieurs reprises
devant (a commission. Même, je dirais peut-être majoritairement, je
crois. En tout cas, j'en ferai un bilan à la fin, la semaine prochaine.
Mais je crois que ce point de vue là, même, a progressé
dans les rangs ministériels et je m'attends à des bonnes
nouvelles.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Bourbeau: Ah bon! M. le Président, il me reste à
remercier nos visiteurs et à leur souhaiter...
Mme St-Martin: Est-ce que je pourrais me permettre une
question?
M. Bourbeau: Oui oui, sûrement.
Le Président (M. Joly): Brièvement, madame, on est
déjà beaucoup en retard.
Mme St-Martin: Oui, justement, à ce sujet-là, je
voudrais savoir, M. le ministre, si vous pensez que c'est possible
d'élargir le partenariat pour inclure les personnes qui sont
malheureusement exclues du marché du travail aujourd'hui et qui sont
défavorisées.
M. Bourbeau: Tout est possible. Si on tient une commission
parlementaire, c'est justement parce qu'on veut entendre le point de vue des
intéressés, des gens qui sont dans le milieu sur les propositions
que nous faisons. Ce sont des propositions. Alors, à la fin de ces
auditions, nous allons tirer des conclusions sur les propositions qui ont
été faites, et voir dans quelle mesure le projet de loi doit
demeurer comme tel, dans quelle mesure il peut être amendé. Il
devrait être amendé et il n'est certainement pas impossible de
l'amender dans le sens d'ajouter... ou de modifier la composition des conseils
d'administration.
Mme St-Martin: Est-ce que vous allez réécrire
l'énoncé de principe?
Le Président (M. Joly): Madame, je m'excuse, là.
C'est parce que vous empiétez vraiment. J'apprécie
beaucoup...
M. Bourbeau: Mais vous comprendrez que je ne peux pas vous donner
de réponse aujourd'hui. Je n'exclus pas cette
possibilité-là.
Mme St-Martin: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Villeneuve. Merci, Mme
St-Martin.
Je demanderais maintenant au Regroupement provincial des services
externes de main-d'oeuvre pour personnes handicapées de bien vouloir
s'avancer, s'il vous plaît.
Alors, bonjour, M. Adam.
Regroupement provincial.des SEMO pour personnes
handicapées
M. Adam (Louis): Je me présente. Je suis Louis Adam, du
SEMO Montérégie. Je vous présente mon collègue,
Allain Tremblay, du SEMO Mauricie. Avant de commencer, il serait important pour
nous autres de remercier la commission de bien vouloir entendre le Regroupement
des SEMO pour personnes handicapées sur le projet de loi 408.
Le Président (M. Joly): vous connaissez la
procédure. vous avez une quinzaine de minutes pour ce mémoire et,
après, on échange avec vous.
M. Adam: Parfait!
Le Président (M. Joly): Alors, allez, monsieur.
M. Adam: je vais commencer par vous faire une courte
présentation sur les semo pour personnes handicapées, notre
mandat, nos objectifs et aussi vous parler un peu des partenaires avec lesquels
on travaille de façon régulière. mon collègue,
allain tremblay, va vous présenter tantôt (es services à la
clientèle et je vais revenir avec les quelques recommandations du
regroupement quant au projet de loi 408.
D'abord, l'historique. Comme vous le savez, les SEMO ont
été mis en place en 1982 par le gouvernement du temps. Une partie
de ces organismes-là provenait du programme Extension du
fédéral et existait déjà depuis plusieurs
années. C'est donc dire que l'expertise, quant à
l'intégration au travail des personnes handicapées, ne date pas
d'hier, et ce sont nos services qui détiennent cette expertise-là
depuis plusieurs années.
Le programme SEMO, lui, a été mis en place pour
répondre aux besoins des personnes aux prises avec des
difficultés particulières et pour lesquelles il n'y avait pas de
service dans le
réseau régulier. On retrouve présentement des SEMO
pour femmes, pour jeunes et pour personnes handicapées. Nous, on
représente le Regroupement des services externes de main-d'oeuvre et il
y a 24 organismes, dans la province, qui desservent uniquement les personnes
handicapées intellectuelles, les personnes handicapées
sensorielles, les personnes déficientes physiques et les personnes qui
ont des problèmes de santé mentale.
Comme vous le savez aussi, nos organismes sont des organismes sans but
lucratif. Notre financement vient à 100 % du ministère de !a
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Le mandat qui nous est confié par le ministère
est d'offrir des services spécialisés et adaptés
d'insertion au travail et de suivi en emploi. Comme le disait Mme Harel
tantôt, depuis 1988, le ministère nous a fixé un nombre
déterminé de personnes à admettre par année et un
nombre de placements à faire, de personnes à intégrer sur
le marché du travail. Comme le disait Mme Harel tantôt, 75 % de
ces personnes-là doivent être des prestataires de la
Sécurité du revenu. Au nombre de personnes qu'on doit admettre,
on doit en placer 50 % sur des emplois de 13 semaines et plus. (18 heures)
Tous les services qu'on donne aux personnes sont naturellement
donnés en partenariat avec divers organismes du milieu. On travaille
comme partenaire important, naturellement, avec les centres
Travail-Québec, les centres d'emploi du Canada, les CLSC, les
commissions scolaires, les centres d'accueil de réadaptation, les
centres de services sociaux, les centres hospitaliers, la Société
d'assurance automobile du Québec, la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, la commission de formation
professionnelle et aussi tous les groupes communautaires qui sont issus du
milieu des personnes handicapées.
Un de nos partenaires très importants, c'est l'Office des
personnes handicapées du Québec. Pour l'Office, nos organismes
négocient et font le suivi de tout ce qui est le contrat
d'intégration au travail. Il y a 10 volets. Il y en a un onzième,
présentement, qui est un projet-pilote dont on aimerait peut-être
vous parler un petit peu tantôt. On fait le suivi aussi des plans
d'embauché présentés par les entreprises. On fait
l'adaptation de postes de travail pour le maintien ou l'intégration des
personnes dans les entreprises. On fait l'évaluation, la
référence et le suivi des candidats en centres de travail
adapté. On participe activement aussi à l'expérimentation
de projets-pilotes mis en place par le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, le MSSSetl'OPHQ.
Toutes ces activités-là sont des activités
quotidiennes de nos organismes et pour lesquelles on n'est nullement reconnus
nulle part dans le cadre normatif actuel. C'est bien évident que, dans
ces changements majeurs prévus dans la loi 408, on se pose des questions
sur la place de nos organismes, sur la place des SEMO dans ce bouleversement de
la main-d'oeuvre et la place réservée aux compétences des
personnes handicapées.
Avant de passer la parole à mon collègue, j'aimerais juste
vous donner quelques chiffres, quelques résultats quand même assez
significatifs. Pour l'année 1990-1991, nos services ont admis plus de
4061 personnes - ce sont les chiffres du ministère que je vous donne -
63 % de ces personnes-là étaient des bénéficiaires
d'aide sociale. On a intégré en emploi plus de 1797 personnes sur
des emplois de 13 semaines et plus. Je pense que ces chiffres démontrent
quand même l'expertise qu'on a su développer au cours des
dernières années et peut démontrer la rentabilité
de nos services. C'est sûr que, comme le disait Mme Harel tantôt,
le cadre normatif de 1988 a fait en sorte que nos services se sont
retrouvés avec un nombre de plus en plus grand de personnes à
traiter. On essaie de maintenir, en tout cas, l'expertise de nos organismes
à travers ça. Je vais passer la parole à mon
collègue, Allain Tremblay, qui va vous présenter les services. On
reviendra sur les recommandations par la suite.
Le Président (M. Philibert): M. Tremblay.
M. Tremblay (Allain): Permettez-moi de vous dresser un tableau
rapide de tous les services que nous donnons à notre clientèle.
On pourrait les diviser en trois étapes: le «counseling»,
les méthodes de recherche d'emploi et l'emploi. Lorsque nous parions de
«counseling», c'est, tout d'abord, obtenir un profil de la
personne: avoir ses coordonnées, la scolarité, son
expérience de travail. Par la suite, nous déterminons
l'admissibilité de notre clientèle en vérifiant ses
capacités et ses limitations. Pour ce faire, nous demandons,
habituellement, un rapport médical et nous vérifions les
médicaments et les effets associés à la médication.
Ensuite, on fait une évaluation pour déterminer ses
intérêts et sa motivation a l'aide de tests d'intérêt
par image, des tests de choix ou repère ou d'autres tests. Par la suite,
on établit avec notre client un plan d'action et d'intervention. Tout au
long du processus de «counseling», on travaille les comportements,
les attitudes, la motivation et l'image de soi.
En ce qui concerne les méthodes de recherche d'emploi, ce sont
tous les outils que nous donnons à notre client pour l'habiliter a
rechercher son emploi seul, c'est-à-dire comment faire un curriculum
vitae, l'informer sur le marché du travail, le préparer à
l'entrevue, simuler des entrevues sur vidéo, vérifier le
vidéo pour ensuite corriger les lacunes, le préparer à
faire des appels téléphoniques pour décrocher une
entrevue, l'aider à remplir des formulaires de
demande d'emploi, faire du «coaching» de recherche d'emploi,
le suivi des démarches d'emploi et ta recherche d'emploi correspondant a
ses intérêts et ses capacités. On relance les employeurs et
on vérifie également son comportement et ses attitudes versus la
recherche d'emploi. Il y a, également, des sessions de groupe à
l'intérieur desquelles nous retrouvons des activités qui sont
plus dynamisantes et motivantes pour notre clientèle.
En ce qui concerne l'emploi, nous faisons la promotion du service, soit
à l'aide de rencontres, de sondages ou participation à des
colloques. Nous contactons les employeurs et nous faisons le jumelage entre la
personne et l'employeur afin de combler la demande de l'employeur. Nous
informons l'employeur sur les programmes de subvention et, parfois, nous
demandons les programmes de subvention. Ensuite, on voit à
l'organisation technique, soit les tâches, l'adaptation de poste, le
transport pour s'assurer d'une bonne intégration. Nous faisons le suivi
en emploi régulièrement et nous accordons un support constant
à la personne et à l'employeur. Le service est
spécialisé et individualisé et nécessite plusieurs
rencontres avec la personne, l'employeur et les intervenants, ce qui assure un
service de qualité et professionnel. Les recommandations,
maintenant.
M. Adam: o.k. au niveau des recommandations du regroupement quant
au projet de loi, notre première recommandation, c'est qu'on recommande
qu'un siège au sein du conseil d'administration de la
société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre soit réservé à un ou une
représentante des personnes handicapées. c'est important pour
nous autres qu'on retrouve au sein du conseil d'administration une personne qui
représenterait les intérêts des personnes
handicapées au sein de la société.
Deuxième recommandation: Que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre
prévoie de la formation adaptée pour les personnes
handicapées. C'est aussi un choix très important. Tout ce qui
existe, en tout cas, la majorité des programmes de formation de
main-d'oeuvre, présentement, n'est pas adapté ni accessible aux
personnes handicapées. Si on prend l'exemple des personnes qui ont des
problèmes de santé mentale, tous les programmes ont un minimum de
20 heures, 30 heures ou 40 heures par semaine. Ces personnes-là ont
vraiment besoin d'une entrée de façon progressive au
marché du travail et il n'y malheureusement pas de programme qui
répond à cette clientèle-là. On souhaiterait que la
Société québécoise de développement se
penche sur la possibilité de créer ou d'adapter des programmes
qui répondraient à la clientèle des personnes
handicapées en général.
Dernière recommandation: Que l'expertise développée
par nos organismes depuis les 10 dernières années soit reconnue
comme étant l'accès unique pour le développement des
compétences et l'intégration au travail
rémunéré des personnes handicapées. Je
précise «rémunéré». C'est
évident que nos organismes ont été créés
pour intégrer des personnes handicapées en emploi, mais en emploi
rémunéré. On ne veut pas entrer dans le champ de
compétence des centres de réadaptation, par exemple, pour
déficients intellectuels qui, eux, cherchent des stages pour ces
personnes. Mais quand on parle d'emploi rémunéré... On
aimerait que l'expertise qu'on a développée depuis les 10
dernières années et tout ce qu'on donne comme services, par
exemple, l'énumération que je vous ai faite tantôt par
rapport aux services qu'on donne vis-à-vis de l'Office des personnes
handicapées du Québec, soient reconnus et qu'on soit
l'accès unique pour le travail rémunéré des
personnes handicapées dans la province. Merci.
Le Président (M. Philibert): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Adam: Oui.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, le document
présenté par le Regroupement provincial des SEMO, à ma
connaissance, d'après ce que je peut voir, n'émet aucune opinion
sur le projet de politique de développement de la main-d'oeuvre ni
d'ailleurs sur le projet de loi. Il nous renseigne plutôt sur les
activités des SEMO et nous fait valoir l'importance du maintien et
même du développement des services adaptés aux
handicapés.
Les SEMO pour personnes handicapées, je crois comprendre - je
vous entends bien - veulent être associés de plus près
à l'élaboration des politiques touchant le développement
des compétences des personnes handicapées. Vous nous soulignez
également l'importance qu'on reconnaisse les besoins de ces
dernières personnes à l'intérieur de la nouvelle
Société. Vous nous demandez aussi de faire en sorte que les
personnes handicapées puissent siéger au conseil d'administration
de la Société. D'ailleurs, on a eu un autre organisme qui
représentait les handicapés, la COPHAN, qui nous a demandé
aussi la même chose.
Le problème, c'est qu'on aura entendu au-delà de 80
organismes depuis le début et que chacun nous demande un siège
à la Société. Ça va créer un problème
de congestion à un moment donné et je ne sais pas comment on va
pouvoir faire le tri à travers tout ça. Je ne sais pas si on
pourra accorder un siège aux personnes handicapées à la
Société québécoise, mais j'aurais le goût de
vous demander quelles seraient les mesures additionnelles que le
gouvernement
devrait adopter pour favoriser l'intégration des personnes
handicapées au marché du travail.
M. Adam: Comme mesure additionnelle, je pense qu'il y a des
normes présentement dans le cadre normatif que le programme vit et qui
sont très contraignantes pour l'intégration au travail des
personnes handicapées. Vous le savez, on en a déjà
parié à plusieurs occasions et on y revient souvent, soit par le
biais de l'association, des Services externes de maln-d'oeuvre, ou par le biais
de rencontres plus ponctuelles.
La norme des 75 %, c'est sûr qu'on la comprend et qu'on la
respecte, cette norme-là. Par contre, elle est très discriminante
pour les personnes handicapées. On sait qu'une majorité de ces
personnes-là se retrouvent sur l'aide sociale. Par contre, compte tenu
des listes d'attente, par exemple, qui existent au sein de nos services et que
la demande est grande, ce qui arrive, c'est que ces personnes-là, qui ne
sont pas sur l'aide sociale - et on parte de personnes qui ont
bénéficié d'un emploi et qui sont sur le chômage
maintenant ou de personnes qui relèvent de la Société de
l'assurance automobile du Québec ou de la CSST - sont
discriminées par rapport aux autres personnes qui sont prestataires de
la sécurité du revenu.
C'est évident qu'on va toujours, au niveau de nos services,
traiter des personnes majoritairement prestataires de la sécurité
du revenu. Par contre, ce qu'on souhaiterait c'est pouvoir travailler avec des
clients qui ne le sont pas. On a comme mentalité, nous autres, au sein
de nos organismes: Mieux vaut prévenir que guérir. On a plus
l'impression de mettre des «plasters». Plutôt que d'attendre,
par exemple, qu'une personne tombe sur l'aide sociale, on pourrait lui trouver
un emploi et développer déjà ses capacités,
développer son employabilité.
Il y a des normes au niveau du cadre normatif qui nous empêchent
aussi de travailler d'une façon logique. On a le droit à une
admission à vie par année. On a droit à une admission
à vie, pardon, pour une personne handicapée. C'est ce qui est un
peu absurde dans le fonctionnement de l'intégration au travail de ces
personnes-là quand on pense que ces personnes-là, une fois
qu'elles ont travaillé et qu'elles veulent changer d'emploi, ou qu'elles
perdent leur emploi pour toutes sortes de raisons, demeurent handicapées
et ont toujours les mêmes besoins qu'à leur première
intégration. Je pense qu'on souhaite, nous autres, et on en parte depuis
longtemps, que notre cadre normatif soit adapté à la
réalité des personnes avec lesquelles on travaille aussi.
Je veux revenir sur ce que vous disiez au début, à savoir
qu'on ne faisait pas de recommandations quant au projet de loi aussi. Je pense,
en tout cas pour nous autres, qu'on avait de la misère à se
situer par rapport au projet de loi. Je pense que c'est un peu le message qu'on
vient vous passer aussi. Où sommes-nous là-dedans? Où sont
les personnes handicapées là-dedans, puis où sont nos
organismes? Où sont les compétences, finalement, dans tout le
bouleversement de la main-d'oeuvre qui va arriver? C'était important
pour nous autres de le signifier, même si on n'avait pas une opinion
très arrêtée, par exemple, sur le projet de loi comme
tel.
M. Bourbeau: Moi non plus. Je ne suis pas fixé sur la
place des SEMO dans la nouvelle Société, là. Je suis loin
de penser qu'on devrait fondre tout le réseau des SEMO dans la
Société québécoise. Vous avez un rôle qui est
tellement spécifique et tellement différent des autres que
j'aurais crainte de vous englober dans un Immense réseau de
main-d'oeuvre panquébécois. Je me demande si on ne pourrait pas
conserver le réseau des SEMO, qui est ultraspécialisé,
comme je le disais tantôt, à part de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de
façon à pouvoir faire en sorte de s'assurer que vous allez
pouvoir continuer à faire le bon travail que vous faites, sans trop de
contraintes nouvelles. Il me semble qu'on pourrait continuer un peu comme on le
fait maintenant. Bien sûr, quand on aura rapatrié les fonds
fédéraux, on aura rapatrié aussi le réseau
fédéral. On l'appelle comment déjà donc?
M. Adam: L'Extension.
M. Bourbeau: L'Extension, là. Il va falloir faire une
analyse de tout ça et puis une espèce d'intégration de
tout ça. On pourra probablement avoir justement un nouveau réseau
qui sera plus étendu et peut-être plus complet. Ça vous
permettra peut-être d'ailleurs de dégager des crédits
additionnels pour en faire un peu plus, parce que vous avez noté tout
à l'heure les contraintes qui vous empêchent d'agir avec autant
d'efficacité que vous voudriez le faire. Je suis très conscient
de ces contraintes-là. Vous connaissez, par contre, les contraintes
budgétaires que l'on a. Alors, c'est un peu ça. Mon point de vue
n'est pas encore définitif sur la question, mais je suis content de
pouvoir en discuter avec vous.
Une autre question. J'ai quelques notes devant moi ici. Les employeurs
et les syndicats qui sont les partenaires sociaux au sein de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, d'après vous, quel rôle devraient-ils jouer dans
l'intégration des personnes handicapées, en tant que membres de
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre?
M. Tremblay (Allaln): Bien, quand on parie de syndicats, je pense
que c'est difficile. C'est un des problèmes qu'on rencontre lorsqu'on
fait de l'intégration de personnes handicapées. On la fait au
niveau des PME. Lorsqu'on fait des
grosses entreprises, aussitôt qu'il y a un syndicat, c'est
évident qu'on a beaucoup de difficultés, voire même aucune
intégration qui se fait. (18 h 15)
Le rôle que les syndicats pourraient jouer au niveau de la
Société, la nouvelle Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ça
serait vraiment d'être un petit peu plus ouverts, justement, à
intégrer des personnes handicapées au sein de leurs
entreprises.
M. Bourbeau: On prend le message. La députée de
Hochelaga-Maisonneuve écoute également comme moi, là. On
pourra transmettre ces messages-là à qui de droit. Ça
vient confirmer un peu ce que je disais tantôt, là, qu'il n'est
pas nécessairement évident qu'en intégrant le
réseau des SEMO dans la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre on rende le meilleur service aux
personnes handicapées puisqu'il y a une tendance dans la
société, si je comprends bien, à ne pas ouvrir les portes
très grandes quand...
M. Adam: C'est sûr que les préjugés sont
encore là et les préjugés sont forts. Par contre, pour
ajouter un peu à ce que M. Tremblay disait, au niveau des grandes
entreprises, on est quand même dans un projet-pilote présentement,
dans la région de la Montérégie, où on essaie
d'intégrer des personnes handicapées dans la grande entreprise.
Et pour ajouter un peu à ce qu'Allain disait, effectivement, on se
heurte au monde syndical et aux listes de rappel. Il faut dire que le contexte
économique, naturellement, n'est peut-être pas propice non plus
à faire de l'expérimentation comme ça dans la grande
entreprise. Par contre, je pense que c'est un problème de
sensibilisation à long terme. on sait qu'il y a certains syndicats - il
y a la ftq, par exemple - qui ont mis des comités en place, des
comités importants sur, justement, la sensibilisation de leurs membres
et des entreprises par rapport à l'intégration au travail des
personnes handicapées. nous autres, on souhaite, en tout cas, que
ça continue, ces comités-là et on souhaite pousser
là-dessus pour changer les mentalités à long terme. c'est
un peu notre rôle, le rôle que les semo ont pris dans les
dernières années aussi, quand on visite les entreprises, à
aller changer des mentalités dans l'entreprise, en rencontrant le monde
syndical aussi et en rencontrant le monde employeur.
M. Bourbeau: Je suis très fier, M. le Président, de
constater que les SEMO de la Montérégie sont parmi les plus
dynamiques et, comme vient de le dire M. Adam, ils sont parmi ceux qui montrent
la voie aux autres en ce qui concerne l'intégration des personnes
handicapées dans les entreprises. Je suis fier de pouvoir le dire et de
les supporter dans la mesure du possible.
Ceci étant dit, M. le Président, je serais disposé
à laisser le droit de parole à ma collègue.
Peut-être que, s'il reste quelques minutes à la fin, je pourrais
revenir.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Alors,
je vous signale également que le dynamisme du SEMO de
Montérégie se transpose même dans le choix des
accompagnateurs qui doivent venir ici. M. Tremblay est directeur
général du SEMO de la Mauricie, qui est également au
même niveau d'intervention que celui de la Montérégie. Mme
la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je constate, cet
après-midi, que le ministre est né dans l'Estrie, qu'il est le
parrain de la Montérégie et puis qu'il est l'éminence
grise de Montréal.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: vous voyez comment il en mène large. il va
finir par porter de l'ombre même à son collègue de la
sécurité publique et des affaires municipales.
M. Bourbeau: Je pourrais vous dire que j'ai demeuré en
Abitibi aussi.
Mme Harel: Je suis contente de vous saluer, MM. Adam et Tremblay.
Je suis contente que vous soyez venus devant nous. Ça nous permet une
réflexion qui n'est pas faite sur cette question de services qui doivent
être offerts, des services plus spécifiques en matière de
formation professionnelle. Ce n'est pas évident.
J'ai rencontré, la semaine passée, l'Association de
paralysie cérébrale, parce qu'ils viennent de
déménager dans mon quartier, et, à cette occasion, on a
échangé, entre autres, avec une dame qui est responsable pour la
FTQ des programmes d'intégration à l'emploi des personnes
handicapées. Il y a des projets importants. Il y a notamment le projet
d'un CAMO, c'est-à-dire d'un comité d'aide à la
main-d'oeuvre, un CAMO qui plutôt que d'être organisé sur
une base d'activités sectorielles le serait à partir de ce
regroupement de personnes qui ont un obstacle à franchir qu'est celui de
leur handicap. Alors, j'imagine que ce doit être sur la table de travail
d'un adjoint du ministre, ce projet. En tout cas, il devrait venir
certainement. Il y a Mme Pageau Goyette qui est impliquée aussi dans ce
projet-là à la chambre de commerce. Mais ce ne serait pas un CAMO
que pour Montréal, ce serait un CAMO pour l'ensemble du Québec,
je pense.
La question qui est incontournable... Moi, je pense que le ministre a
compris qu'il ne doit pas vous faire grief de ne pas parler de l'ensemble de la
Société en ce qu'elle concerne les autres, mais vous, ce que vous
dites d'abord, c'est que,
sur le conseR d'administration de la Société mère,
II devrait y avoir un siège qui soit occupé par quelqu'un qui
porte cette problématique des personnes handicapées.
Moi, sur quoi j'aimerais échanger avec vous, c'est ceci.
Là, actuellement, votre clientèle, à 75 %, c'est
constitué de personnes assistées sociales. Incidemment, je me
suis fait reprocher, un peu comme si j'en étais responsable - je n'y
suis pour rien - par, notamment, les porte-parole de l'Association de paralysie
cérébrale qui me racontaient comment, pour eux, c'est
discriminatoire les délais d'attente quand on est une personne
assistée sociale... On a, je pense, dans quelques semaines... Ça
reste quand même que c'est quelques semaines, la possibilité
d'avoir un rendez-vous, tandis que, lorsqu'on est une personne
handicapée, ça peut prendre des mois. On m'a parlé parfois
de cinq, parfois de huit mois.
M. Adam: J'irais plus loin que ça, Mme Harel. Si je veux
parler du SEMO Montérégie, c'est entre 12 et 18 mois, le
délai d'attente pour les non-prestataires d'aide sociale. On a
énormément de références de prestataires avec les
centres Travail-Québec de la région. La liste d'attente fait en
sorte, finalement, que ces gens-là sont loin d'être
«priorisés». Souvent on les perd, surtout les gens qui ont
des problèmes de santé mentale. C'est dramatique, ce qui peut
arriver. Ce sont des gens qu'il faut prendre au moment où ils sont
prêts. Ces gens-là, finalement, dans le délai d'attente,
souvent sont réhospitalisés ou perdent confiance. Finalement, ce
sont des faux espoirs qui leur sont donnés. On retourne dans la machine
de l'hospitalisation, des centres de jour, du travailleur social et du support
des différents milieux avant d'avoir un rendez-vous pour une
intégration possible ou probable en emploi, au moins un début de
travail à ce niveau-là.
Mme Harel: Présentement, votre clientèle est
principalement constituée, aux trois quarts, par les directives, de
personnes assistées sociales. En vertu de l'énoncé, elles
seraient exclues des programmes de la société. D'autre part,
vous-mêmes - ça, c'est un autre niveau - vous ne pouvez pas
vraiment faire de la formation professionnelle. À ce moment-là,
vous n'êtes pas comptabilisés aux fins du financement de votre
organisme. Il y a là comme une sorte de paradoxe. Dans le fond ce que
vous faites, c'est de la méthode dynamique de recherche d'emploi - je ne
dis pas que ce n'est pas utile - et du placement d'emploi. Vous faites aussi du
«counseling» pour des types d'adaptation. Mais, comme tel, ce n'est
pas de la formation au sens de ce qu'on peut entendre par de la
réinsertion par la formation.
Alors, je me dis: Si le ministre vous laisse dans son réseau des
CTQ, vous allez devenir de plus en plus désignés pour sa
clientèle dans l'employabliité, donc, les programmes de
réinsertion comme PAIE, et tout ça. Je ne sais pas si vous avez
un bilan. Il serait bien, à un moment donné, que les SEMO fassent
un bilan sur le territoire, s'ils pouvaient suivre un peu leurs clients, un
échantillonnage. Jusqu'où ça mène, d'abord,
participer pendant six mois? Est-ce qu'il y a un maintien? Est-ce que la
personne quitte? Mais si on élargit votre mission à la
formation... Si vous ne le faites pas, qui va le faire? C'est ça,
finalement, par rapport à votre clientèle. Par rapport aux femmes
ou aux jeunes, on peut toujours penser qu'ils iraient dans des CFP. Mais vous,
par rapport à votre mission...
Ça se peut même que les CFP ne soient pas toujours
adaptés même pour que des gens en chaise roulante, j'imagine,
puissent rencontrer des conseillers. Je ne sais pas si vous avez
déjà identifié les obstacles qui peuvent se
présenter à ce niveau-là. Ça se peut qu'ils ne
puissent même pas voir un orienteur dans une CFP, sinon de le rencontrer
sur le trottoir. Alors, j'imagine qu'il va falloir que le ministre
réfléchisse peut-être pour qu'il élargisse votre
mission, et qu'à ce moment-là il vous donne un mandat,
Société et CTQ, moitié-moitié.
M. Adam: En fait, c'est un paradoxe important que vous soulevez.
Tout le travail qu'on fait au niveau de la réadaptation sociale, tout le
travail qu'on fait... On énumérait tantôt une série
de tâches qui sont exécutées par les conseillers en
main-d'oeuvre de nos organismes pour l'Office des personnes handicapées
du Québec. Comme vous dites, si on ne le fait pas, personne ne va le
faire. Quand une personne handicapée est en emploi depuis quatre ou cinq
ans et en perte d'autonomie et on nous demande d'intervenir pour faire une
adaptation de poste de travail dans l'entreprise, si on ne le fait pas, la
personne perd son emploi et entre dans la machine du chômage, de l'aide
sociale, tout ça. Alors, on joue ce rôle-là. C'est un
léger détail que je viens de donner, un exemple très
mince. Nulle part on n'est reconnu pour tout ce qu'on fait à ce
niveau-là.
Mme Harel: Vous n'êtes pas financés pour
ça?
M. Adam: On n'est pas financés pour ça. On n'est
pas financés pour l'évaluation, la référence en
centre de travail adapté, tout le suivi des candidats à ce
niveau-là. On n'est pas financés pour l'adaptation de poste de
travail, comme je vous dis, pour le maintien et l'intégration en emploi.
Tout ce qui est rapport de suivi dans la négociation de subventions et
de contrats à l'Office des personnes handicapées du
Québec, nulle part on ne reçoit un financement où on est
même reconnus dans l'évaluation de nos organismes en termes de
performance. C'est une mission
que nos organismes se sont donnée au niveau de nos conseils
d'administration depuis la création de nos services. On essaie,
malgré la quantité qui nous est demandée, de maintenir des
services comme ça, parce que finalement on est un peu comme, entre
guillemets, le dernier recours pour les personnes handicapées au niveau
de l'intégration au travail.
Alors, on tente, en tout cas, par tous les moyens de maintenir nos
organismes à flot là-dedans puis de maintenir des services de
qualité en termes de réadaptation sociale. Mais, à un
moment donné, on commence à être engorgés. Les
conseillers en main-d'oeuvre commencent à ne plus en pouvoir non plus.
Il y a une récurrence de dossiers de plus en plus grande au sein de nos
organismes puis on n'a pas de solution miracle pour ça, sauf de dire au
ministère que ce qu'on voudrait c'est d'être dans un cadre
normatif un petit peu différent puis qu'il reconnaisse tout
l'élargissement puis tout le travail qu'on fait au niveau de la
réadaptation sociale par rapport à ces personnes-là. c'est
sûr qu'on n'a pas de solution miracle par rapport au contrôle ou
à l'évaluation quantitative par rapport à ça puis
on est conscient qu'il faut, à quelque part, quand on reçoit de
l'argent, rendre des comptes. mais je pense que les comptes qu'on a rendus dans
les dernières années en termes de quantité sont là
aussi pour démontrer que le travail on le fait. mais ce qu'on aimerait
maintenant, c'est qu'on ait un petit peu plus les coudées franches pour
continuer à maintenir des services de qualité aux personnes
à qui on les donne.
Mme Harel: Quels sont vos liens avec les CFP? Vous vouliez dire
quelque chose?
M. Tremblay (Allaln): On est même prêt à
élargir justement notre mandat et à faire de la formation
professionnelle. Quand on parle de formation actuellement, c'est sûr
qu'on s'adresse aux CFP, mais souvent ça demande beaucoup
d'interventions pour essayer de faire adapter un cours, ne serait-ce qu'un
cours d'aide-cuisinier ou de commis d'épicerie. Les cours qui sont
offerts, quand on parle de compétence de la main-d'oeuvre, ce n'est pas
évident que les personnes handicapées peuvent s'inscrire dans ces
cours-là. Il faut vraiment des cours un petit peu plus adaptés,
plus simples au niveau de la main-d'oeuvre, qui correspondent au marché
du travail, qui correspondent aux besoins des employeurs. Mais je pense que
c'est important de... C'est pour ça qu'on en fait une recommandation,
justement, que la société prévoie des cours adaptés
aux personnes handicapées. Nous, on est prêts à
élargir notre mandat et à s'occuper de la formation.
Mme Harel: Bien, j'espère que votre message sera
entendu.
M. Tremblay (Allain): J'espère aussi. On vous
remercie.
Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé?
Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. M. le ministre,
pour le mot de la fin.
M. Bourbeau: m. le président, je pense que notre temps est
expiré. alors, il me reste à remercier les représentants
du regroupement provincial des services externes de main-d'oeuvre, un organisme
qui rend de grands services à la société et avec qui nous
travaillons. il est dans mon intention de continuer à travailler dans
les mois et les années à venir.
Le Président (M. Philibert): Alors, au nom des membres de
la commission, merci de votre prestation. Je suspends les travaux maintenant
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise à 20 h 13)
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît. La commission reprend ses travaux. Je constate que les
représentants de la Commission des écoles catholiques de
Montréal ont pris place à la table. Alors, nous avons une heure
pour la présentation de votre mémoire de même que pour le
questionnement de votre mémoire par M. le ministre et Mme la
représentante de l'Opposition et d'autres membres de l'Opposition, s'ils
le désirent. C'est trois blocs de 20 minutes pour réaliser cette
prestation-là. J'inviterais M. le président ou enfin le
représentant de la Commission à se présenter et à
nous présenter les gens qui l'accompagnent avant de débuter.
CECM
M. Ouimet (François): Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, permettez-moi de
présenter, à ma droite, Mme Rolande Pelletier,
vice-présidente de la CECM. À sa droite, M. Desjarlais, directeur
général adjoint, et, à ma gauche, M. Claude Major, qui est
collaborateur spécial pour les fins du dossier. Malheureusement, le
principal responsable du dossier, M. Assal, a eu un malencontreux accident de
route. Il était censé être avec nous ce soir avec les
documents. Alors, les documents sont restés dans la voiture. C'est ce
qui explique le fait que vous ayez, je pense, des photocopies d'un
«fax» que vous auriez reçu hier. Alors, si vous me le
permettez, je vais débuter mon allocution.
Le Président (M. Philibert): Allez-y, M. le
président.
M. Ouimet: Alors, je tiens d'abord à vous remercier de
votre bienveillance et de nous accueillir à la onzième heure sans
que nous ayons eu respecté les délais habituels d'envoi des
mémoires. Je me rends compte des difficultés que cela aura pu
vous causer, mais vous voudrez bien comprendre que les membres de la CECM,
n'étant pas des experts en politique de main-d'oeuvre mais conscients de
l'importance du projet de loi à l'étude, ont dû s'accorder
un moment de réflexion suffisant pour répondre
adéquatement à votre demande de commentaires.
M. le Président, trop longtemps les sommes considérables
qu'ont dépensées les gouvernements au cours des années
dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre n'ont servi qu'à
verser des subventions déguisées aux entreprises ou un soutien
déguisé aux revenus des bénéficiaires. Il peut
certes s'agir là d'objectifs valables, mais quel gaspillage de ne pas en
profiter par la même occasion pour opérer un véritable acte
de formation, un véritable transfert de connaissances, d'aptitudes et
d'attitudes, une véritable amélioration de l'employabilité
des personnes concernées.
Le monde de la formation professionnelle est extrêmement complexe,
ne serait-ce que par la multiplicité des acteurs, des sources de
financement des programmes, des clientèles de prestataires de services,
enfin, des niveaux d'intervention depuis l'alphabétisation jusqu'aux
techniques de pointe. Avec le projet de loi 408, le gouvernement semble vouloir
s'engager dans la voie de la simplification et de la rationalisation. Nous ne
pouvons que souscrire à cet objectif. D'ailleurs, la CECM s'engage dans
un processus similaire actuellement. C'est dans cet esprit que la CECM
intervient ici pour s'assurer avec vous que la nouvelle politique de
main-d'oeuvre et la nouvelle structure qui en appliquera les modalités
permettront enfin aux femmes et aux hommes qui constituent notre principale
ressource d'obtenir une véritable formation.
Dans son énoncé de politique sur le développement
de la main-d'oeuvre intitulé «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif», M. André Bourbeau,
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle disait ceci, et je cite ses paroles: «Le
développement des compétences ne s'impose pas
unilatéralement par l'État ou les entreprises. Il requiert au
contraire un dialogue soutenu entre tous les partenaires économiques et
une participation réelle de la main-d'oeuvre elle-même. » M.
le Président, nous prenons acte de cette déclaration qui vise
à remplacer par un véritable partenariat l'action
unilatérale de l'État qui, aussi bien intentionné soit-il,
ne peut toujours avec bonheur se substituer aux acteurs impliqués dans
la vraie vie.
Il est un intervenant, toutefois, que l'on n'inclut
généralement pas dans l'expression «partenaires
économiques» mais qui reste partie prenante sinon
prépondérante dans le processus d'acquisition de
compétence, c'est bien sûr le monde de l'éducation. Au sein
de ce dernier, le réseau de l'enseignement secondaire joue un rôle
de premier plan, non seulement dans la formation des jeunes qui accèdent
au monde du travail, mais aussi bien dans le domaine de ceux qu'on rassemble
sous le vocable de formation professionnelle. Rien qu'à la CECM,
peut-être est-il bon de le noter, s'effectuent les deux tiers de toute la
formation professionnelle donnée au Québec. Je
répète bien: les deux tiers de toute la formation professionnelle
donnée au Québec.
Pourtant, M. le Président, je dois vous dire qu'à la
lecture du projet de loi 408 on a l'impression que ce rôle du monde de
l'éducation reste, dans l'esprit de ses rédacteurs, fort
secondaire ou, en tout cas, cantonné en celui d'un prestataire de
services auquel il suffit de transmettre de nouvelles spécifications
pour qu'automatiquement les commandes soient remplies différemment.
À cet égard, le libellé de l'énoncé
est significatif. Par exemple, le quatrième objectif proposé est
indiqué de la façon suivante: obtenir une meilleure contribution
des réseaux d'enseignement, la recherche active de l'équilibre
entre l'offre et la demande d'emploi sur la marché du travail.
Laissez-moi vous dire d'emblée que les réseaux d'enseignement en
général, et la CECM en particulier, entendent bien contribuer de
la manière la plus efficace possible à la marche vers un
Québec compétent et compétitif.
Toutefois, nous, dans le réseau d'enseignement, M. le
Président, sommes peut-être présomptueux, mais nous
prétendons être plus qu'une machine à former. Soit dit sans
fausse modestie, ce serait appauvrir considérablement le processus si
notre vision, notre pratique de la formation ne participait pas à la
définition des commandes autant qu'à leur exécution.
Mme Pelletier (Rolande): L'objet de notre intervention
aujourd'hui est précisément de suggérer des avenues qui
permettront la maximisation de la contribution des institutions d'enseignement.
À cet égard, quatre conditions nous semblent devoir assurer le
succès de la future Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. premièrement, que l'on
n'oublie pas que la main-d'oeuvre n'est pas qu'une ressource de production,
mais qu'elle est composée d'êtres humains qui aspirent au
développement de toute leur personnalité. c'est l'objet de notre
première recommandation. deuxièmement, qu'on reconnaisse un
rôle de partenaire à part entière aux institutions
d'enseignement dans le domaine de la formation, à quelque niveau que ce
soit. c'est l'objet des recommandations 2. 1 et 2. 2.
Troisièmement, que les partenaires soient vraiment
responsabilisés et non de simples agents
ministériels déguisés. C'est l'objet des
recommandations 3 et 4.
Quatrièmement, que les rôles de chacun des partenaires
ainsi que les clientèles visées soient mieux
précisés. C'est l'objet des six autres recommandations.
Comme vous l'aurez constaté, nous avons donné à nos
recommandations la forme de principes à respecter plutôt que le
libellé d'amendements spécifique au projet de loi. Nous ne sommes
ni juristes ni experts en développement d'organisation. Notre domaine
d'expertise se limite à l'éducation. Toutefois, nous avons
confiance que, s'il y a volonté publique de donner suite à nos
suggestions, les services compétents du ministre sauront en trouver la
formulation juridique appropriée.
M. Ouimet: Alors, voici les 10 recommandations que vous soumet la
CECM. Première recommandation: Que dans l'accomplissement de sa mission
la Société respecte d'abord les besoins globaux des personnes qui
constituent sa clientèle.
Deuxièmement, que le conseil d'administration de la
Société comporte un nombre égal de membres
représentant le gouvernement, le patronat, les travailleurs et les
réseaux d'éducation. Que ces membres, à l'exception de
ceux représentant le gouvernement, soient nommés d'après
une liste fournie par les associations les plus représentatives de leurs
milieux respectifs. Que la CECM désigne un membre du conseil
d'administration de la société régionale de la
région métropolitaine de Montréal.
Troisième recommandation: Que la société jouisse
d'un niveau réel d'autonomie vis-à-vis du gouvernement.
Quatrième recommandation: Que les sociétés
régionales favorisent la concertation directe entre les entreprises et
institutions d'enseignement quant à l'évaluation des besoins
qualitatifs, l'information professionnelle, la préformation, la
formation et le suivi qui seront spécifiquement offerts aux travailleurs
de ces entreprises.
Cinquième recommandation: Que la loi instituant la
société stipule clairement que, dans le domaine de la formation
professionnelle, les activités de la Société et des
sociétés régionales soient élaborées et
réalisées en collaboration avec les institutions d'enseignement
et de formation professionnelle autorisées à cette fin.
Sixième recommandation: Que la sanction des apprentissages et la
reconnaissance des acquis extrascolaires relèvent exclusivement du
réseau de l'éducation et de ses établissements
responsables de la formation professionnelle.
Septième recommandation: Que le mandat de la
Société soit élargi pour inclure toutes les
clientèles de la formation professionnelle sans distinction de leur
statut par rapport au marché du travail.
Huitième recommandation: Que le mandat de la
Société soit élargi pour inclure les programmes de
développement de l'employabilité.
Neuvième recommandation: Que tout programme d'apprentissage en
entreprise soit développé en étroite collaboration avec
les institutions d'enseignement et de formation professionnelle
autorisées à cette fin.
Dixième et dernière recommandation: Que le
ministère de l'Éducation du Québec encadre d'une
façon plus étroite les institutions privées d'enseignement
professionnel pour contrôler la qualité des apprentissages qui y
seront donnés et en assurer la sanction.
Alors, M. le Président, mes collaborateurs et mol, nous nous
mettons à votre disposition pour écouter vos commentaires, pour
répondre à vos questions. Toutefois, je signale à cette
commission que le principal responsable du dossier, M. Assal, n'est pas avec
nous ce soir. Je vous prie également d'excuser les petites coquilles qui
se sont glissées dans le texte. Dans la voiture, en route de
Montréal à Québec, nous en avons repéré
quelques-unes.
Le Président (M. Philibert): alors, m. le
président, merci. je cède la parole à m. le ministre de la
main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation
professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue aux représentants de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Vous avez demandé la
clémence de la commission puisque vous avez été l'objet de
divers malheurs que vous nous avez expliqués: accident... Nous aussi, on
va être obligés de vous demander la clémence, en fait, dans
mon cas, puisqu'on a reçu votre mémoire seulement à 17 h
50 hier soir. C'est le seul organisme, d'ailleurs, qui n'a pas fait parvenir le
mémoire en temps utile. Vous comprendrez qu'on a eu quand même
au-delà de 80 mémoires qui ont été reçus et
en recevoir un à la dernière minute comme ça, ça
nous oblige à faire vite dans la lecture de ce mémoire-là
et dans son analyse. Alors, on va s'excuser mutuellement, si vous n'avez pas
d'objection.
Si je comprends bien votre mémoire, vous plaidez très
énergiquement en faveur d'une très grande participation de la
CECM dans la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre et dans tout le travail qu'elle aura
à effectuer. Vous nous dites que vous vous inquiétez du
développement des entreprises privées de formation, notamment,
sur la qualité de la formation qu'elles peuvent dispenser. Vous
n'êtes pas sans savoir que dans le document d'orientation, pour la
première fois, le gouvernement a reconnu que les entreprises
québécoises auront dorénavant le choix du formateur et que
les entreprises pourront choisir le formateur qu'elles voudront, soit du
secteur public ou du secteur privé, même si pour ce faire elles
ont accès à des subventions
gouvernementales. C'est la première fois que le gouvernement
ouvre, si je peux m'exprimer ainsi, sur la possibilité de permettre aux
entreprises privées de compétitionner le secteur public dans la
prestation de la formation professionnelle. Vous nous dites que vous vous
Inquiétez de ça. Vous affirmez même que certaines
entreprises offriraient une formation discutable. J'aimerais savoir sur quoi
vous vous basez pour affirmer ça.
Le Président (M. Philibert): Allez-y.
M. Ouimet: Alors, bien sûr, comme commission scolaire ayant
une grande importance sur le territoire de IHe de Montréal, nous sommes
très au fait des différentes maisons d'enseignement qui
dispensent les services éducatifs sur le territoire de l'île de
Montréal. Certaines de ces institutions font un travail remarquable. Je
pense à certaines maisons d'enseignement dans le domaine de la
technologie, de l'électricité, par exemple, qui s'acquittent fort
bien de leur tâche. Mais il y a d'autres maisons d'enseignement,
cependant, qui... Je pense que les services éducatifs qu'ils offrent
sont à tout le moins discutables lorsque nous comparons les
différents programmes et l'enseignement qu'il s'y fait. C'est la raison
pour laquelle nous mettons un peu en garde le gouvernement d'ouvrir les portes
très larges à tous les enseignements, toutes les institutions qui
donnent de l'enseignement privé, pour éviter également une
course aux subventions avec les gens qui n'ont peut-être pas les
compétences et l'expertise nécessaires et l'expérience
pédagogique pour donner ce type de service qui est très
convoité à l'heure actuelle. Je pense qu'il sera très
convoité pour la prochaine décennie, au moins.
M. Bourbeau: Quand je vous entends dire ça, ça me
rappelle un peu, M. le Président - vous me permettrez que je fasse un
recul dans le temps - l'Évangile où on parlait de quelqu'un qui
ne voyait pas la poutre dans son propre oeil et qui voyait la paille dans
l'oeil du voisin. Moi, je rencontre régulièrement des entreprises
qui me disent qu'ils reçoivent des jeunes travailleurs qui sortent de
vos écoles et qui ne sont même pas capables de faire le travail
pour lequel ils ont un diplôme. Je peux vous nommer un très grand
nombre d'entreprises qui vont nous dire que dès qu'un étudiant
sort des cours de la CECM, ou des cours d'enseignement professionnel, on doit
leur donner des cours pour les qualifier parce qu'ils sont incapables de faire
le travail pour lequel ils détiennent un diplôme du
ministère de l'Education. Ou, encore, on me dit même qu'il y a des
étudiants qui sont incapables de lire ie diplôme qu'ils viennent
de recevoir. Enfin, j'exagère à peine en disant qu'ils ne sont
même pas capables d'écrire sans fautes. Alors, comment pouvez-vous
venir blâmer les maisons d'enseignement privées? Est-ce que vous
êtes, vous autres mêmes, bien qualifiés pour jeter le
blâme sur les maisons d'enseignement privées? (20 h 30)
M. Ouimet: M. le ministre, je veux bien nuancer mes propos. Bien
sûr, nous n'avons pas peur de la concurrence. Ce que nous souhaitons,
c'est la qualité, premièrement. Deuxièmement, je pense,
avec la Société que vous avez l'intention de mettre sur pied,
ça nous permettra d'être beaucoup plus près de l'industrie
afin d'éviter le type de commentaires que vous avez pu recueillir,
à l'effet que, lorsque les élèves sortent d'une maison
d'enseignement comme, possiblement, la CECM, on sent l'obligation de leur
donner une nouvelle formation parce que la formation qu'ils ont reçue
n'est peut-être pas tout à fait adéquate. C'est pour
ça que, dans un premier temps, je pense que nous sommes très
heureux de l'initiative que vous prenez dans ce domaine en proposant la
Société québécoise. Je pense qu'il est souhaitable
que les maisons d'enseignement travaillent de concert avec les
différents partenaires. Vous en avez identifié essentiellement
trois dans votre projet de loi. Je pense que le quatrième partenaire
devrait y être, les maisons d'enseignement, précisément
pour les raisons que vous soulevez, pour éviter le type de commentaires
que vous avez reçus. J'imagine que ce n'est pas un type de commentaires
qui est général, qui est généralisé.
M. Bourbeau: Oui, bien sûr, je ne veux pas prétendre
que le système public n'a que des défauts. En fait...
Une voix: ...votre beau-frère, aussi.
M. Bourbeau: Mon beau-frère? Je ne comprends pas. M. le
Président, c'est le genre de remarques auxquelles nous a habitués
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. On ne comprend pas tout
de suite, et après non plus, d'ailleurs.
M. le Président, je voudrais revenir sur un point. Dans le fond,
ce qu'on recherche, c'est d'avoir le meilleur formateur possible pour nos
entreprises, pour nos travailleurs. Est-ce qu'on n'aurait pas raison de laisser
l'entreprise choisir? Si le formateur privé n'est pas adéquat...
Vous savez ce qui se passe dans le monde des affaires ou dans le monde
ordinaire: quand une entreprise n'est pas adéquate, elle ne reste pas en
affaires très longtemps. Le client a toujours raison, et ça se
sait rapidement quand une maison n'a pas la compétence. Finalement, le
marché évacuerait rapidement ces maisons-là qui n'auraient
pas la compétence. Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt laisser,
comme on le propose, nous, le choix à l'entreprise? Si les formateurs
privés sont bons, ils vont vous faire compétition, ça va
vous obliger vous-mêmes à vous surpasser. Et, s'ils ne sont pas
bons, Us vont tomber, ils n'auront pas de clients.
M. Ouimet: Je pense que la CECM est entièrement d'accord
avec vos propos, M. le ministre. C'est un peu le sens de notre dixième
recommandation. Ce que nous souhaitons, cependant, c'est qu'un
ministère, tel le ministère de l'Éducation, puisse
encadrer les services dispensés pour s'assurer que les services offerts
sont des services de qualité. Bien sûr, on s'interroge des fois:
Est-ce que les entreprises sont toujours les mieux placées pour pouvoir
identifier9 la qualité des services qui sont
dispensés?
M. Bourbeau: Un autre point, M. le Président. Vous faites
état des Investissements massifs que vous avez faits en achat
d'équipement dans vos écoles professionnelles pour faire en sorte
de reproduire dans le milieu scolaire les équipements qu'on retrouve en
entreprise privée, pour tenter de refaire en classe un peu ce qu'on peut
trouver en entreprise. Bien sûr, ces investissements-là sont
très, très, très dispendieux. Acheter des machines
modernes, surtout de haute technologie, qu'on introduit dans des classes, ce
sont des investissements énormes, et qui se détériorent
rapidement. Ces équipements-là font en sorte qu'au bout d'un an,
deux ou trois ils ne sont plus à la fine pointe et on doit les
remplacer, et ainsi de suite, ce qui coûte très cher. Est-ce que
vous ne pensez pas qu'on devrait favoriser plutôt une politique qui
ferait en sorte de permettre à nos étudiants d'aller dans les
entreprises et de recevoir la formation sur place, de façon à
utiliser les équipements qui sont déjà dans les
entreprises et qui, eux, sont souvent à la fine pointe du
progrès, donc d'étudier un petit peu moins en classe avec des
équipements qui risquent de devenir désuets très
rapidement et d'accentuer le type d'enseignement dans l'entreprise où on
a accès à des équipements qui existent déjà
et qui coûtent beaucoup moins cher à l'État?
M. Ouimet: Oui, c'est ce qu'on fait actuellement. Nous avons de
tels programmes en place à la CECM, et c'est ce que nous souhaitons
également, une meilleure collaboration entre l'industrie et, en ce qui
nous concerne, la commission scolaire. Vous avez tout à fait raison, les
équipements sont fort coûteux et, assez souvent, lorsque la
commission scolaire fait un investissement pour une année donnée,
avec l'évolution technologique, bien sûr qu'après plusieurs
années les équipements que nous avons peuvent être
désuets et, oui, bien sûr, nous favorisons l'apprentissage dans
les lieux de travail.
M. Bourbeau: Pourtant, dans votre mémoire, vous
émettez des réserves sur le type d'apprentissage qui peut
être réalisé en entreprise, notamment au plan de la
transférabilité. Vous semblez - enfin, c'est ce qu'on a pu
déceler - privilégier une formation plutôt
académique qu'une formation d'apprentissage. En fait, ce que j'allais
vous poser comme question, c'est: Ne croyez-vous pas qu'à l'égard
de certaines personnes il est préférable... enfin, certaines
personnes sont plus capables d'apprendre en travaillant plutôt que dans
un milieu strictement académique à cause de certaines limitations
qu'elles peuvent avoir sur le plan des études. En fait, ce que j'avais
l'intention de vous demander, c'est: Ne croyez-vous pas que le taux
élevé de décrochage scolaire qu'on rencontre
présentement ne remet pas en question une approche qui serait
exclusivement académique?
M. Ouimet: C'est précisément la notion qui me
venait à l'esprit, mais je vais laisser à M. Desjarlais le soin
de répondre à votre question.
Le Président (M. Philibert): M. Desjarlais, allez-y.
M. Desjarlais (René): merci beaucoup, m. le
président. m. le ministre, vos propos sont justes lorsque vous vous
interrogez, à savoir s'il n'y a pas une cohorte d'élèves
dont les apprentissages seraient nettement plus facilités si
c'était beaucoup plus pratique que théorique. là-dessus,
je pense que vous avez raison, il y a une cohorte d'élèves qui,
pour la maintenir à l'école et la maintenir tout en étant
intéressée à apprendre, effectivement, il faut donc qu'on
puisse, je dirais, composer avec l'aspect pratique et l'aspect
théorique.
Ceci étant dit, je peux vous dire qu'à la CECM, au moment
où nous nous parlons, nous sommes en train d'implanter une voie qu'on
appelle la voie technologique et cette voie technologique répond aux
besoins de cette catégorie d'élèves, mais c'est
basé sur des projets. Et l'expérience a démontré
que, lorsqu'on faisait de ces apprentissages, je dirais, théoriques,
à partir de projets très concrets, nos jeunes nous suivaient
mieux et fréquentaient davantage et d'une façon beaucoup plus
assidue. Donc, je conviens avec vous qu'il y a une cohorte
d'élèves pour laquelle il faut une approche très
particulière.
Ceci étant dit, je souscris également aux propos de M. le
président à l'effet que, compte tenu qu'en formation
professionnelle les équipements sont très coûteux,
très coûteux, il faut nécessairement composer avec les
entreprises. Mais moi, je pense qu'il doit y avoir une juste répartition
entre un certain bagage d'équipement propre, je dirais, à amorcer
le développement, à amorcer la formation de la main-d'oeuvre chez
les élèves, et je distinguerai entre un équipement
très sophistiqué et de fin de cycle, si vous voulez, ou de fin de
formation. Je pense qu'il devrait y avoir les deux. Mais l'entreprise a
nécessairement sa place dans ce programme de formation compte tenu des
exigences au niveau des équipements.
M. Bourbeau: Mon Dieu! M. le Président, que je suis
content d'entendre un discours comme ça. Je pense que c'est la
première fois depuis qu'on est en commission parlementaire qu'on entend
un groupe venant du milieu de l'éducation qui semble aussi ouvert
à cette approche-là. Depuis le début, les groupes qui
proviennent du milieu de l'éducation ont plutôt plaidé de
façon générale pour une formation académique
très serrée. On a déjà parlé d'alternance,
bien sûr, école-travail, mais je n'ai pas senti jusqu'à
maintenant dans les groupes d'éducation - peut-être que ma
collègue a senti autre chose - je n'ai pas senti ce désir, cette
compréhension de l'incapacité qu'ont un grand nombre de nos
élèves, probablement 40 % puisqu'on nous dit qu'on a un taux de
décrochage de 40 %, à suivre longtemps des études, disons
d'ordre général, sans éventuellement être
amenés à décrocher. Quand on voit que le taux de
décrochage est si élevé, il y a certainement un
problème et ce problème-là, selon plusieurs d'entre nous,
vient du fait que les études générales, l'enseignement
général, ne sont pas accessibles facilement à tout le
monde. Il y a un certain type, vous parliez d'une cohorte, donc un certain type
d'individus qui ne peuvent pas indéfiniment absorber un type
d'études classiques, de l'ordre comme on voit dans le secteur
général, et qui, éventuellement, ne pouvant plus en
prendre davantage pour toutes sortes de raisons, décrochent et laissent
complètement le monde de l'éducation, et qui, dans ce
sens-là, souvent avec une formule, une forme d'éducation beaucoup
plus axée sur les projets concrets, sur l'apprentissage par exemple,
vont être maintenus dans le milieu scolaire par l'intérêt
qu'ils peuvent avoir pour ce genre d'études là, beaucoup plus
concrètes et beaucoup moins théoriques.
La question que je pose: Est-ce qu'il ne vaut pas mieux parfois,
plutôt que de voir quelqu'un abandonner totalement le milieu scolaire,
bifurquer vers des projets concrets ou vers une forme de scolarisation beaucoup
plus pratique que de se retrouver, finalement, avec des étudiants qui
n'ont aucun diplôme, quel qu'il soit, parce qu'on a voulu les embrigader
indéfiniment dans l'enseignement général, pour les voir
décrocher sans aucun diplôme, quel qu'il soit, même pas un
diplôme professionnel par exemple?
M. Desjarlais: M. le Président, M. le ministre, comme je
le disais tantôt, je conviens avec vous qu'au sein de notre population
scolaire qui est très variée on a une couche, on a une strate de
notre population qui a les capacités de réussir ce que j'appelle
son diplôme d'études secondaires, son D. ES., qui a les
capacités de l'obtenir, mais on dirait que la façon de l'obtenir,
il faut que ça diffère d'une autre. Et vous avez raison
là-dessus, je dis, moi, qu'on est en train, donc, de mettre en place les
moyens pour permettre à ces élèves-là d'avoir des
approches beaucoup plus spécifiques pour le leur permettre, et
l'expérience le démontre que, quand on joint la partie pratique
à la partie théorique, on les maintient dans le milieu scolaire.
Notre prétention, c'est de dire: Si on développe cette voie
technologique, et, encore une fois, ça ne touche pas
nécessairement les élèves de la formation professionnelle,
mais ces élèves, après avoir eu leur DES, pourront
obtenir, cette fois-là, un diplôme d'études
professionnelles. Mais on leur permet d'obtenir la base d'abord. Et,
actuellement, ils nous quittent sans la base.
M. Bourbeau: Le président me fait signe que mon temps est
écoulé. Alors, c'est bien à regret que je vais lui rendre
la parole.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre.
Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous accueillir ce soir à cette commission. Je sais que
vous devez être préoccupés par ce qui est arrivé
à M. Assal, et je sympathise évidemment, et mon collègue
également.
En fait, je pense que le ministre prend goût à la
consultation. C'est assez Intéressant de voir que, même si
certains organismes se présentent en dehors des délais
réglementaires, etc., il ne fait aucune, aucune objection. Moi, je
craignais, vous savez, avant Noël, au moment où la commission a
été annoncée, d'avoir à négocier avec lui,
de lui faire accepter d'ajouter des organismes qui, pour des raisons qui sont
les leurs, n'avaient pas pu respecter les délais. Pas du tout. Je n'ai
même pas eu à insister. En fait, il s'y est prêté de
bon coeur. Et j'ai l'impression qu'il a commencé à comprendre les
vertus d'une consultation parlementaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ça fait quand même cinq ans que je suis
le dossier de la main-d'oeuvre, c'est la première fois que je le vois,
finalement, s'y intéresser. Mais il n'arrive pas à ne pas tomber
dans, je dirais, le même modèle que son collègue à
la Santé et aux Services sociaux. Son collègue à la
Santé et aux Services sociaux, je ne veux pas lui en faire grief, mais
il a lancé la grande guerre fratricide des médicaux contre les
sociaux. Je ne sais pas si vous vous rappelez, cette guerre s'est jouée
l'an dernier, elle avait comme théâtre les régions du
Québec, et on a même dû rentrer au mois d'août pour
assister à la finale de la guerre fratricide des sociaux contre les
médicaux. Je vous laisse...
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on est dans la
bonne commission?
Mme Harel: Oui.
M. Boulerice: Oui, oui.
M. Bourbeau: Je pensais qu'on était dans la commission des
affaires sociales.
Mme Harel: Vous allez voir, j'y viens, j'y viens.
M. Bourbeau: Ah bon!
M. Boulerlce: C'est instructif.
Mme Harel: Et je vous laisse conclure qui a gagné entre
les médicaux et les sociaux. Mais, là, on dirait qu'il reproduit
ce modèle-là. Là, on est dans une sorte d'émulation
fratricide entre l'éducation ou, si vous voulez, la formation ou
l'enseignement professionnel, formation dite initiale, puis le
développement de la main-d'oeuvre ou formation sur mesure, ou comme vous
voulez. Alors, main-d'oeuvre et éducation. Évidemment, je ne
prends pas de gageure sur qui va gagner, mais je prends des gageures sur qui
perd là-dedans, par exemple. Moi, je pense que c'est la
société qui perd là-dedans, ce qu'on en perd à ne
pas réconcilier la formation professionnelle, la formation initiale et
la formation sur mesure. Il y a des perdants là-dedans. Les perdants ne
sont pas ceux qui travaillent dans les réseaux ou les filières,
etc., même s'ils font un peu d'ulcère. Les perdants, c'est le fait
qu'il y a 15 000... Sur les 500 000 jeunes au secondaire, il y en a 15 000 en
formation professionnelle. Je crois qu'à Montréal, l'an
passé, il y en a 3000 qui ont terminé ou qui ont participé
au total?
Une voix: Inscrits.
Mme Harel: Inscrits. Écoutez, quand on en est rendu
là, comme société, ça reste inquiétant. Je
n'y avais pas vraiment réfléchi jusqu'à maintenant, mais
hier on m'informait que le réseau protestant francophone, le seul
réseau en croissance d'effectifs scolaires, qui est un réseau
qui, depuis l'adoption de la loi 101, est, à Montréal, un
réseau en explosion, n'a aucun secteur de formation professionnelle au
niveau secondaire. Imaginez! Je me disais: Mais ça ne se peut pas! Le
réseau qui intègre les nouveaux arrivants, puis on se demande
comment il se fait que, chez les jeunes des minorités visibles, il y a
un taux de chômage de 60 % et qu'on a tant de problèmes avec la
DPJ par après. Il y a du ménage à faire.
M. Bourbeau: C'est pour ça qu'on fait une réforme,
M. le Président.
M. Boulerlce: Pensez à l'éducation de... (20 h
45)
Mme Harel: La grande question, c'est: Comment peut-on faire une
réforme de la main-d'oeuvre sans parier d'éducation? Vous dites
dans votre mémoire, à la page 11, et je voudrais
intéresser le ministre à ça: «II faut absolument que
les entreprises puissent négocier directement avec ceux qui sont en
mesure de répondre à leurs besoins de compétences. Il faut
développer entre les écoles et les entreprises cette synergie,
cette complémentarité, ce dynamisme, cette capacité
d'inventer de nouvelles façons... » La présidente de la
Fédération des commissions scolaires est venue dire: II faut,
oui, M. le ministre, une culture de formation dans l'entreprise. Mais il faut
maintenant une culture de l'entreprise à l'école. Il faut qu'il y
ait une sorte de complémentarité. Et vous dites: «La CECM
préfère développer une approche clientèle et
gérer des projets de formation plutôt que d'être
appelée en simple sous-traitance. »
La grande question, elle est là. C'est: Faut-il favoriser au
maximum le lien direct école-entreprise? Parce que c'est un peu un faux
problème, vous savez, celui des entreprises privées de formation.
D'abord, elles vont devoir être accréditées. Moi, j'aurais
aimé ça avoir un Journal de Montréal, je ne sais
pas s'il y en a un qui traînerait. Ce n'est pas édifiant-Une
voix: Ici, c'est Le Journal de Québec.
Mme Harel: O. K. C'est vrai, c'est Le Journal de
Québec. On ne peut pas trouver celui de Montréal, mais c'est
pareil.
Une voix: C'est pareil.
Mme Harel: Parce qu'il faut que vous fassiez l'exercice. Vous
ouvrez Le Journal de Montréal, j'imagine qu'à
Québec c'est la même chose...
M. Bourbeau: Puis là, vous vous lavez les mains
après.
Mme Harel:... vous l'ouvrez aux petites annonces et vous n'avez
pas idée. Là, vous pouvez mettre le doigt sur le charlatanisme en
matière d'école et de formation, c'est quelque chose
d'inimaginable. J'essaierai de me le procurer pour en faire l'exercice au
ministre demain. Là, il verra si, finalement, tout ça peut se
discuter comme une sorte de marché où ceux qui ne sont pas bons
ne resteront pas en affaires. Avez-vous idée du gaspillage entre-temps?
C'est des personnes humaines qui sont impliquées là-dedans.
Alors, la vraie vraie question, c'est plus de savoir comment le
gouvernement va faire pour accréditer, parce qu'il va devoir les
accréditer, les entreprises de formation privées. Il ne pourra
pas ne pas... Aïe! c'est l'Office de la protection du consommateur qui va
le réclamer si le minis-
tère de l'Éducation ne le fait pas parce qu'il va falloir
qu'il protège le consommateur là-dedans. Mais je reviens à
la question: Comment peut-on favoriser l'intimité, le rapprochement
entre la CECM, parlons en termes pratiques, et l'entreprise? Avez-vous des
comités conjoints? Autant je suis favorable à votre point de vue,
autant je me dis qu'il va falloir qu'il n'y ait pas trop de rigidité
là-dedans pour que l'entreprise n'ait pas comme un méandre dans
lequel circuler, un labyrinthe où elle ne pourra pas se retrouver.
M. Desjarlais: M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Allez-y.
M. Desjarlais: Nous avons effectivement des lieux où il y
a des groupes de concertation de formés, et je vais vous en nommer.
D'abord, le premier, je vais dire, l'école des métiers de
l'aérospatiale où, là, vous avez, au niveau d'un
comité de gestion, des représentants du syndicat,
également des représentants de l'employeur, de la CECM, je
dirais, du Conseil des commissaires. Il y a un comité tripartite qui
siège là, où l'expérience nous démontre
qu'on est en train d'asseoir non seulement les programmes établis en
fonction des besoins des entreprises, où l'entreprise, à titre
d'exemple, et le monde syndical nous a assisté dans le comité de
sélection du directeur d'école... Je pense que c'est
poussé assez loin. Vous avez l'expérience au niveau
d'écoles des métiers et des occupations de l'industrie de la
construction; là aussi, vous avez le même modèle de gestion
qui intervient. Vous avez également l'École des métiers de
l'auto, où vous avez des comités conjoints. M. le
Président, je peux vous dire que, dans ce domaine, nous avons plus d'un
lieu de formation où, effectivement, il y a des comités conjoints
qui existent, où nous nous parlons, je dirais, entre les entreprises et
les lieux de formation. À l'École des métiers de l'auto,
vous savez, les programmes de formation sont bien souvent définis avec
GM, parce qu'on est surtout en relation avec GM, par entente qui date de
quelques années, où les contenus de programmes sont
définis et même, je dirais, les lieux de formation, et ça,
ça va rejoindre M. le ministre, de temps à autre, la formation se
fait à l'École des métiers de l'auto, mais, de temps
à autre, la formation se fait également dans l'entreprise de GM.
Et ces modalités de recyclage ou de développement sont
définies au moment où l'entente est signée entre la
direction de l'école et l'entreprise.
Mme Harel: Ceci dit, avec la CFP, quelles sont vos relations?
M. Desjartais: Avec?
Mme Harel: Avec la Commission de formation professionnelle.
M. Desjarlais: Avec la commission de formation professionnelle,
nous recevons, bien sûr, des mandats, mais nous recevons également
des programmes de formation sur mesure. Nous sommes donc supportés dans
le financement. C'est un organisme qui vient nous aider, si vous voulez,
à entrer en communication et à nous offrir, à nous en
présenter; en quelque sorte, ça nous évite à peu
près d'aller courir après ces programmes. On nous en parle, on
nous les offre. Donc, nous avons à la fois pour les adultes et pour les
jeunes cette présentation de programmes où la CECM est
sollicitée pour intervenir.
Mme Harel: Les relations sont de quelle nature?
M. Desjarlais: M. Assal pourrait vous donner plus de
précisions que moi là-dessus.
Mme Harel: C'est lui qui est en contact? M. Desjarlais:
C'est ça.
Mme Harel: Parce que vous disiez dans votre mémoire,
à la page 4...
Une voix: C'est lourd.
Mme Harel: Excusez-moi, M. Major.
Le Président (M. Philibert): M. Major.
M. Major (Claude): Merci, M. le Président. Je voudrais
juste ajouter une chose. Un des secteurs qui est le plus en croissance à
l'heure actuelle pour la Commission des écoles catholiques de
Montréal, en termes de formation professionnelle, c'est ce qu'on appelle
la formation sur mesure où nous nous entendons directement avec des
entreprises. Mais ces ententes, souvent, passent par la Commission de formation
professionnelle. J'ai le regret de dire que, bien souvent, dans de nombreuses
occasions, des tractations, enfin des négociations qui ont
commencé avec des entreprises n'ont pas abouti à cause de la
complexité, de la lourdeur et des difficultés que ça
représente, surtout pour une petite ou une entreprise moins importante -
on ne parie pas toujours de General Motors, mais ça peut être une
entreprise qui n'a qu'un budget beaucoup plus limité - et, quand elles
attendent, après, au bout de 6, 8, 10 semaines que la CFP trouve le
moyen de mettre les bons tampons aux bons endroits, elles en ont assez et elles
se découragent. Alors, le résultat, c'est qu'il n'y a pas de
formation, il n'y a pas de développement de main-d'oeuvre. On
espère que la nouvelle structure va nous permettre une
amélioration de ce côté-là, c'est-à-dire un
allégement des formalités, de façon à ne pas
assister à des absences de formation alors qu'il y a une volonté,
au départ, de le faire.
Mme Harel: Et les entreprises, étant donné qu'il
s'agit de l'adaptation de leur personnel, ne sont pas prêtes à
contribuer financièrement? Vous savez qu'en général, pour
les FME, ça peut dépendre aussi de bien des facteurs, notamment
le fait que ces programmes-là sont normes, et il faut que ça
corresponde à des pénuries de main-d'oeuvre, etc. Les fonds qui
viennent du fédéral, qui constituent 80 %, finalement, de la
formation de la main-d'oeuvre - c'est 80 % de ce qui se dépense au
Québec, les fonds qui viennent du fédéral - ces fonds sont
dédiés surtout aux personnes sans emploi, sur
l'assurance-chômage, ou encore aux clientèles très
défavorisées. Donc, vous connaissez ces groupes cibles, n'est-ce
pas? identifiés: chefs de famille, femmes, jeunes, handicapés.
Alors, si l'entreprise veut, elle, utiliser des programmes, elle doit rentrer
dans toutes ces normes-là, et ça ne changera pas, ça,
finalement.
M. Major: Mais, M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Philibert): Allez-y.
M. Major: Premièrement, il y a un certain nombre, il y a
de plus en plus d'entreprises - je vous disais, c'est notre secteur de
croissance - qui... Ce n'est pas toutes qui se découragent au bout des
huit semaines. Il y en a qui disent: Je ne veux plus en entendre parler de ce
monde-là; voici, moi, je vous donne 50 000 $, puis aidez-moi donc
à faire ce dont j'ai besoin. Ça, ça représente
aujourd'hui 5 % de nos dépenses totales en formation.
Mme Harel: 5 % financés directement par les
entreprises?
M. Major: Directement, oui, qui sont des sommes d'argent qui nous
sont versées directement.
Mme Harel: Ça peut correspondre à quel volume
d'argent, ça, à quel montant?
M. Major: Pour l'instant, ce n'est pas grand-chose, c'est de
l'ordre de 1 400 000 $ ou 1 500 000 $, mais, il y a seulement deux ou trois
ans, c'était beaucoup, beaucoup, beaucoup moins important. Ça,
c'est te secteur de croissance.
Mme Harel: Et ce n'est pas des entreprises qui utilisent les
crédits d'impôt à la formation?
M. Major: Non, non.
Mme Harel: Directement, à 100 %?
M. Major: Ça, c'est des gens qui en ont
généralement assez d'essayer d'obtenir quelque chose parce qu'ils
trouvent ça trop compliqué.
Mme Harel: bien, écoutez, et c'est une bonne
façon... vous savez que le rapport de grandpré sur l'adaptation
de la main-d'oeuvre, c'est ce qu'il recommandait. il y a beaucoup de gens qui
sont venus ici, devant cette commission, dire que la meilleure façon de
vraiment offrir, de faire une offre la plus universelle possible de
main-d'oeuvre, ce serait de consacrer les fonds publics pour une offre de
formation professionnelle aux individus et de demander aux entreprises de
consacrer 1 % de leur masse salariale pour la formation de leur personnel,
comme le recommandait, d'ailleurs, le rapport sur l'adaptation au
libre-échange.
Je vois, en tout cas, que, dans votre mémoire, vous faites,
à plusieurs reprises, la recommandation au ministre de ne pas exclure
les personnes assistées sociales de l'application des programmes de la
Société. Ça a l'air d'être une préoccupation
importante pour la CECM. Est-ce qu'il y a des raisons particulières pour
cela?
Le Président (M. Philibert): M. Major.
M. Major: Merci, M. le Président. Pour la Commission, je
pense que, compte tenu de son mandat général d'institution
d'enseignement et, aussi, en pensant à l'ensemble des clientèles
visées, et, comme l'écrivait M. le ministre Bourbeau, le
Québec de demain va être un Québec qui va devoir vivre de
ses ressources humaines... La ressource humaine dans 20 ans, ce sont des jeunes
d'aujourd'hui, mais ce sont aussi des gens qui ont 30 ans et 40 ans
aujourd'hui, et qui en auront... On ne sait pas ce dont ils auront besoin dans
20 ans, c'est impossible de le dire. Il n'y a aucune entreprise qui est capable
de me dire, aujourd'hui, quel va être ses besoins en main-d'oeuvre, ses
niveaux de capacité, etc., dans 20 ans. Donc, notre conception
là-dessus, c'est de dire: II faut que l'ensemble des hommes et des
femmes qui constituent les ressources humaines au Québec, du
Québec, puissent bénéficier, puissent connaître leur
plein épanouissement comme citoyens, comme producteurs, etc., et donc,
par conséquent, on ne doit pas limiter l'accès aux programmes de
main-d'oeuvre en tant qu'ils concernent le développement des
compétences, on ne doit pas limiter leur accès, selon
l'état ou selon le marché, enfin, la situation de ces
personnes-là par rapport au marché du travail, aujourd'hui. (21
heures)
La personne qui est hors du marché du travail aujourd'hui peut y
être demain. Peut-être qu'un type de compétence qu'elle
développe à titre de consommateur aujourd'hui, ce qu'on appelle
l'éducation-consommation, peut devenir dans cinq ans ou dans dix ans
l'investissement qui aura été nécessaire pour lui
permettre de faire quelque chose qui sera nécessaire à ce
moment-là. On ne peut pas avoir des compartiments... On ne peut pas, en
même temps, dire:
On va avoir un guichet unique pour la main-d'?uvre puis, en
même temps, avoir des compartiments, où on dit: Toi, tu es un
social, je ne veux plus te voir; toi, tu es trop jeune, je ne veux pas te voir;
toi, tu es trop vieux, tu es un social, je ne veux pas te voir. La
main-d'oeuvre, c'est tout le monde; il faut que les programmes de
développement de la main-d'?uvre s'adressent à tout le monde
et, de la même façon, il faut... C'est pour ça qu'on dit,
dans une autre recommandation, de ne pas exclure les programmes de
développement d'employabilité parce qu'ils peuvent aussi bien...
La personne qui suit, aujourd'hui, un programme de développement
d'employabilité, et ça, nous en avons eu l'exempte à la
CECM, peut être ie chef d'une petite entreprise, demain, qui aura
démarré et fait participer la région de Montréal,
ou toute autre région où elle peut être, à la
croissance économique.
Mme Harel: j'ai été surprise, m. le
président, dans votre présentation - ça a dû
m'échap-per, je ne l'avais pas lu dans le mémoire - vous nous
disiez que la cecm offrait les deux tiers du volume de formation
professionnelle. vous voulez dire de la formation professionnelle initiale?
M. Oulmet: Oui.
Mme Harel: C'est bien ça. La formation professionnelle, en
fait, l'enseignement professionnel, pour être plus précis.
M. Ouimet: Voilà.
Mme Harel: Donc, les deux tiers de l'enseignement professionnel
du Québec...
M. Ouimet: C'est ça.
Mme Harel: ...est offert à la CECM. C'est bien le cas?
M. Ouimet: Voilà.
Mme Harel: Donc, vous devez recevoir des étudiants de
réglons périphériques, à ce moment-là.
Des voix: Oui.
Mme Harel: Est-ce que c'est le cas?
M. Ouimet: Oui, oui.
Mme Harel: Je voyais que vous aviez 95 enseignements
différents, dans le mémoire que vous nous présentiez.
À ce moment-là, est-ce que vous envisagez une sorte de... Comment
envisagez-vous la réconciliation entre la formation de la
main-d'?uvre et la formation Initiale?
Uniquement par le fait qu'il y ait des sièges plus nombreux qui
soient occupés par l'éducation au niveau régional et au
niveau de la société mère? Est-ce que c'est satisfaisant?
Actuellement, les devis de formation sont préparés pour les
entreprises par les CFP et vous êtes considéré comme un
fournisseur, finalement, comme un fournisseur de services. Est-ce que c'est,
finalement, une relation qui vous apparaît satisfaisante?
Le Président (M. Philibert): Vous avez un grand
défi sur une question longue. Je ne reproche pas la longueur de la
question à Mme la députée, mais, sur une question longue,
on est contraint, par le temps, de vous dire qu'il faut faire une
réponse très succincte.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ouimet: Alors, de façon très succincte, c'est
peut-être le motif pour lequel on veut être un partenaire à
part entière dans cette nouvelle Société pour pouvoir
discuter précisément du type d'interrogation que vous avez.
Alors, c'est le lieu, je pense, privilégié pour faire cette
discussion-là.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le
président.
Mme Harel: Excellent. Je vous remercie.
M. Ouimet: Merci.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre, pour le mot
de la fin.
M. Bourbeau: Oui, une question, M. le Président. Vous avez
combien d'élèves, déjà, d'Inscrits en formation
professionnelle à la CECM? 3000, vous avez dit tantôt?
M. Desjarlais: Cette année, 4000 et quelques
unités, un peu au-delà de 4000 élèves.
M. Bourbeau: 4000 élèves. Nous, on sait qu'au
Québec il y a à peu près 16 000 élèves
inscrits en formation professionnelle, en tout. Comment pouvez-vous dire que
vous donnez les deux tiers des cours en formation professionnelle quand vous
avez à peu près 25 % des élèves? J'ai de la
difficulté à réconcilier vos deux tiers de tout à
l'heure. Ça m'apparaît énorme, ça, que la CECM
prétende qu'elle donne les deux tiers des cours, enfin, de ce qui
s'enseigne au Québec en formation professionnelle, quand vous semblez
avoir 25 % des élèves seulement.
Le Président (M. Philibert): M. Major, rapidement.
M. Major: La confusion vient peut-être, M.
le ministre, de ce que, quand on parle de 4000, on a 4300 et quelques
personnes, années-personnes; ça représente, en fait, une
dizaine de mille individus. Sur les 15 000, ça fait à peu
près deux tiers.
Mme Harel: Parce que ce ne sont pas des étudiants
réguliers, à temps plein.
M. Major: Par exemple, quelqu'un qui suit quatre mois ou six mois
de formation, c'est juste une demi-année-personne, mais c'est un
individu complet.
Mme Harel: Ah oui! Vous, vos calculs, aux fins de la CECM, sont
des calculs sur l'année, annuels.
M. Major: Nous, nos calculs sont en années-personnes.
Mme Harel: Ah oui! M. Bourbeau: M. le Président, on
va... Une voix:... équivalent temps plein. M. Major:
Équivalent temps plein, oui. Mme Harel: Équivalent
temps plein.
M. Bourbeau: On va vérifier tout ça, M. le
Président.
M. Boulerice: Vérifiez.
Le Président (M. Philibert): Je vous invite, si des
renseignements supplémentaires étaient requis, à nous les
fournir, ou aux membres de la commission à vous les demander
ultérieurement. Je vous remercie, au nom des membres de la commission,
de votre prestation à la commission et je vous demanderais maintenant de
vous retirer, de telle sorte que l'on puisse appeler la ville de
Montréal à venir nous présenter son mémoire.
S'il vous plaît! J'aimerais vous inviter à reprendre vos
sièges, de telle sorte que la ville de Montréal puisse avoir
l'opportunité de commencer.
S'il vous plaît! M. le maire Jean Doré, vous êtes un
habitué des commissions. On a une enveloppe d'une heure répartie
en trois blocs de 20 minutes. Je vous invite, pour les fins du Journal des
débats, à nous présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Ville de Montréal
M. Doré (Jean): Merci, M. le Président. La personne
qui m'accompagne est Diane Martin, économiste de profession,
conseillère municipale à ses heures et, surtout, adjointe au
Comité exécutif sur les questions de développement
économique. Il y a deux autres personnes de la délégation
en arrière: Pierre Godin, du Service de planification et concertation,
et Louis Roy, attaché politique.
Le Président (M. Philibert): Maintenant, on attend votre
prestation avec impatience, M. le maire.
M. Doré: Oh! avec impatience! c'est beaucoup dire, avec
les heures que vous avez consacrées et l'heure tardive à laquelle
on est. Mais on est quand même très contents de pouvoir participer
a cet exercice de la commission sur un sujet qui nous tient
particulièrement à coeur qui est celui, bien sûr, du
défi des compétences.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la
commission, je pense qu'on a beaucoup parlé, depuis 20 ans, de la
profonde transformation que traverse l'économie montréalaise. On
a beaucoup aussi insisté sur les difficultés réelles que
connaissent un grand nombre, ou un nombre croissant, devrais-je dire, de
Montréalais et de Montréalaises à se trouver un emploi,
aussi bien un emploi stable qu'enrichissant. On a réagi aussi avec
beaucoup d'émotion, beaucoup d'inquiétude devant des annonces
toujours dramatiques de mises à pied, de fermetures d'usines dans notre
région et dans nos quartiers. Et, il faut le dire, notre ville navigue
depuis plusieurs années maintenant sur une mer plutôt
mouvementée que deux profondes récessions auront agitée
encore davantage pendant la dernière décennie. Cette tourmente
qu'on vit avec plusieurs grandes villes de par le monde en amène
plusieurs, dans certains cas, à désespérer de notre
avenir, à se replier dans la morosité et dans le fatalisme. Et
pourtant, malgré ces difficultés, Montréal demeure l'une
des villes les plus prometteuses de notre hémisphère.
Au déclin de certaines de nos industries traditionnelles se
superpose maintenant une base économique renouvelée,
modernisée et compétitive. Même dans nos secteurs dits
mous, même dans ces temps difficiles, des entreprises
montréalaises réussissent à s'imposer, chez nous comme
ailleurs, comme des leaders incontestés dans leur domaine d'excellence.
À plusieurs reprises dans son histoire, et je pense qu'on aura
l'occasion, non seulement (es Montréalais, mais les
Québécois, au cours de l'année 1992, le 350e de notre
ville... On va se rendre compte, quand on relit l'histoire de Montréal,
que Montréal a dû traverser de telles périodes d'adaptation
et, chaque fois, elle a réussi à exploiter les avantages
comparatifs dont elle disposait pour faire face aux défis du moment. Je
dirais que, dans une succession de bonds en avant aussi audacieux les uns que
les autres, Montréal est passée d'un simple poste de traite de
fourrures à une capitale commerciale puis à la première
ville industrielle de ce pays avant de
devenir, enfin, une authentique métropole
postindustrielle. Ces grandes étapes de notre histoire ont
progressivement doté la métropole des infrastructures qui ont mis
en valeur, tantôt, notre accès aux ressources naturelles,
tantôt, notre géographie privilégiée au confluent
des grands axes de transport du continent.
Aujourd'hui, nous traversons, je pense, un autre tournant
important de l'histoire. Il nous faut compter sur des atouts qui vont permettre
à Montréal de se démarquer une nouvelle fols comme une
grande ville capable de se mobiliser comme elle l'a déjà fait
dans le passé. Aujourd'hui, toutefois, je pense qu'on s'entend tous
là-dessus, le facteur clé sur lequel il nous faut miser a
changé et, dans ce monde d'interdépendance et dans cette
économie de services, le sort économique des villes repose
d'abord et avant tout sur l'habileté, sur la compétence et sur la
motivation de leurs populations.
Pour Montréal, le principal défi
économique de la prochaine décennie, il s'exprime simplement: il
faut développer nos compétences. Pour améliorer notre
niveau de vie ou, je dirais, pour tout simplement, dans bien des cas, maintenir
des niveaux de vie acceptables, nous devons exporter et, pour exporter, nous
devons être reconnus parmi les meilleurs au monde dans les domaines
où nous voulons réussir. Or, dans le monde où nous vivons,
un monde ouvert à toutes les influences, il n'y a d'excellence
véritable, II n'y a de production à forte valeur ajoutée
que là où il y a des compétences remarquables.
Voilà, je pense, la vraie source, non seulement de la richesse des
nations, mais la richesse des villes.
Voilà pourquoi la ville de Montréal, à
l'instar de tous les grands partenaires socio-économiques de la
métropole, a accueilli avec le plus grand intérêt la
publication de l'énoncé de politique sur le développement
de la main-d'?uvre. Elle y voit une occasion unique de mobiliser les
ressources de notre société, celles de la métropole en
particulier, dans une démarche concertée de développement
de nos compétences. Elle y volt également un moyen
privilégié pour le Québec de définir ses
priorités d'action au moment où il revendique, dans le
débat sur son avenir politique et constitutionnel, une juridiction
exclusive en matière de main-d'oeuvre. Elle y voit enfin, et je dirais
surtout, l'occasion de simplifier, de rendre plus accessibles ses nombreux
programmes de main-d'oeuvre qui se sont superposés les uns aux autres au
fil des ans et, trop souvent, des conflits de juridictions.
Ce sont donc ces préoccupations qui nous ont
guidés dans la préparation du mémoire que la ville de
Montréal présente aujourd'hui à la considération de
la commission. La première et, je pense, la plus importante observation
de ce mémoire concerne l'absence au Québec de ce qu'on appelle
dans le mémoire un véritable système intégré
de formation professionnelle.
Bien sûr, notre réseau public
d'éducation dispense des services de formation professionnelle ou
technique, tant au secondaire qu'au collégial - on vient d'entendre,
notamment, les représentants de la Commission des écoles
catholiques de Montréal, qui y joue un rôle majeur -mais ces
services ne forment pas un tout cohérent.
Très souvent, un étudiant qui s'engage en
formation professionnelle au secondaire ne pourra pas se faire
reconnaître ses acquis académiques s'il décide de passer en
formation technique au niveau collégial. Le même problème
se pose entre le niveau collégial et le niveau universitaire. En fait,
la formation professionnelle au Québec se caractérise trop
souvent par une superposition de culs-de-sac successifs sans liens organiques
entre eux. De plus, à part quelques rares exceptions dans l'industrie de
la construction, par exemple, le régime ne dispose pas encore soit d'un
véritable régime d'apprentissage ou d'un système
intégré d'alternance études-travail qui permettrait de
faire le pont entre la théorie et la pratique, entre l'école et
l'entreprise. Il n'est donc pas surprenant que, dans l'ensemble du
Québec, à peine 1 étudiant sur 20 terminera son cours
secondaire avec un diplôme d'éducation professionnelle. De fait,
le nombre d'inscriptions de jeunes en formation professionnelle au niveau
secondaire sur l'île de Montréal a été divisé
par un facteur approximatif de 10 entre 1976 et 1988. Notamment, je
réfère les membres de la commission au premier tableau, au
graphique 1 de la page 7 de notre mémoire.
Pour vous donner une idée, pendant ce
temps-là, dans un pays comme l'Allemagne, c'est deux étudiants
sur trois qui termineront leurs études secondaires en formation
professionnelle, 66 % pour l'Allemagne, 5 % pour le Québec. Au
Québec, actuellement, pour chaque étudiant qui obtiendra son
diplôme d'études professionnelles à la fin de son
secondaire, sept autres vont décrocher en cours de route. Notre
système public d'éducation traverse, je pense, incontestablement
une crise majeure qui a des répercussions sur l'ensemble de notre
économie et cette crise constitue, à vrai dire, la principale
entrave au développement à moyen et à long terme du
Québec tout entier et, j'ajouterai, de sa métropole en
particulier. (21 h 15)
Pendant ce temps, les procédures de reconnaissance
des compétences demeurent souvent inutilement compliquées dans le
réseau scolaire québécois. Je dirais, dans certains cas,
en refusant même de reconnaître les habiletés et les
apprentissages parce qu'ils n'ont pas été acquis à
l'école, mais plutôt sur le marché du travail, dans des
activités autodidactes ou, souvent, à l'extérieur du
Québec, notre société se prive de personnes qui ont
réalisé des démarches fort valables et qui pourraient
constituer des atouts importants pour notre économie. En
fait, nous avons donc besoin d'un véritable système
intégré de formation professionnelle.
Un tel système permettra à un jeune, par exemple, de
s'orienter dès le secondaire vers l'apprentissage d'un métier
spécialisé selon une formule d'alternance études-travail,
avec l'espoir de progresser plus tard, à son rythme, vers des niveaux de
technicien au collégial et de professionnel à
l'université. Ce système intégré devrait aussi
permettre à un adulte qui possède une bonne expérience du
marché du travail de réintégrer des activités de
formation adaptées à ses objectifs professionnels et à son
plan de carrière. Il devrait alors pouvoir se faire reconnaître
rapidement et explicitement les acquis qu'il a obtenus sur le marché du
travail ou encore ailleurs. Ce régime de formation professionnelle
devrait également reposer sur une formule de participation active et
directe des grands partenaires du marché du travail. Ceux-ci devraient
être impliqués à toutes les étapes de
l'identification des priorités, de la définition des contenus et
j'ajouterai de la gestion des institutions.
L'entreprise québécoise, en particulier, doit s'impliquer
directement dans la formation, dans le renouvellement et le recyclage de notre
main-d'oeuvre. Les milieux de travail, au bureau ou à l'usine, doivent
devenir des endroits d'apprentissage au même titre que la salle de cours.
L'entreprise doit donc devenir un acteur direct dans notre système de
formation professionnelle. Je me permets de dire qu'il ne suffit pas, donc, de
prévoir des passerelles, comme je le mentionnais tantôt, entre le
secondaire et le collégial ou, éventuellement, entre le
collégial et l'universitaire. Il faut aussi aménager de
véritables ponts entre l'école et l'entreprise. La mise en place
d'un tel système ne pourra se limiter à un simple
réaménagement de nos services de formation professionnelle. Ce
système exige une réforme en profondeur. au cours des 30
dernières années, le québec s'est doté d'un
réseau public d'éducation dans la foulée de la
révolution tranquille et du rapport parent, et ce réseau a permis
à notre société de réaliser des bonds prodigieux en
à peine une génération, notamment au niveau de la
scolarité de base. il faut aujourd'hui faire un pas de plus parce que le
québec est en train de franchir une autre étape dans son
évolution. certes, le gouvernement du québec a amorcé, en
1987, une réforme de l'enseignement professionnel au secondaire. cette
réforme, toutefois, conserve une portée limitée par
rapport à l'objectif que nous devons viser.
De son côté, l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre contient également plusieurs
mesures pour améliorer les services de formation professionnelle.
Plusieurs d'entre elles s'inspirent, au demeurant, de principes fort louables.
Elles proposent des moyens pour améliorer les passerelles entre le
secondaire et le collégial, pour faciliter la reconnaissance des acquis,
pour développer des formules d'alternance travail-école, pour
généraliser des régimes d'apprentissage ou encore pour
faciliter la participation des partenaires économiques à
l'identification des priorités du secteur. Mais ce qui nous frappe,
c'est que ces mesures ne sont pas explicitement articulées les unes par
rapport aux autres dans un projet de réforme globale de notre
système de formation professionnelle, un projet qui devrait devenir,
à notre point de vue, l'un des grands défis pour le Québec
moderne. Peut-être est-ce pour cette raison que l'énoncé de
politique a laissé sur leur faim des partenaires économiques
importants malgré la pertinence de plusieurs de ses recommandations.
Même si l'énoncé, donc, n'en fait pas un objectif
explicite, la ville de Montréal interprète ce document comme une
déclaration d'intention du gouvernement du Québec de
procéder le plus rapidement possible à une réforme
d'envergure de la formation professionnelle. Et parce que nous
considérons qu'une telle réforme est une condition essentielle au
développement de notre main-d'oeuvre et, par conséquent, de toute
notre économie, nous désirons, en quelque sorte, ce soir, pouvoir
vérifier l'exactitude de cette interprétation - je me permets de
le dire - auprès peut-être du ministre responsable de la Formation
professionnelle. Si notre interprétation s'avérait fondée,
je puis assurer que le ministre et le gouvernement qu'il représente
pourront compter sur un appui sans équivoque de la ville de
Montréal, et, j'en suis persuadé d'ailleurs, de plusieurs autres
intervenants, dans la poursuite de leurs objectifs. Nous partageons avec
plusieurs partenaires, et, nous l'espérons, avec le ministre responsable
de la Formation professionnelle lui-même, la conviction que cette
réforme n'est pas seulement nécessaire, elle est urgente. La
ville voudrait donc s'enquérir, ce soir, aussi, des
échéances que se sont fixées le ministre et le
gouvernement pour non seulement accélérer, mais compléter
cette réforme qui s'est déjà amorcée au niveau du
secondaire. cela dit, une telle réforme, c'est-à-dire la mise sur
pied d'un système québécois intégré de
formation professionnelle, constitue un enjeu tout à fait
stratégique pour les montréalais et les montréalaises. je
pense qu'on a suffisamment démontré la concentration des
populations éprouvant des difficultés d'intégration au
marché du travail sur le territoire de la ville de montréal pour
ne pas, je pense, avoir besoin d'y revenir ce soir. ces problèmes
d'intégration découlent en bonne partie des écarts
grandissants entre le profil des compétences exigées pour les
nouveaux emplois qui se créent dans notre région - et je
réfère, notamment, à la stratégie de
développement industriel rendue publique par le gouvernement et votre
collègue, m. le ministre, m. tremblay, qui est axée pour
beaucoup
dans tous les secteurs en croissance, dans les secteurs
à haute valeur ajoutée et à fort contenu de haute
technologie - donc, les compétences exigées pour ces nouveaux
emplois qui se développent et qui vont se créer dans notre
région et le profil réel des compétences détenues
par la population montréalaise.
Pour permettre l'intégration d'un nombre aussi
considérable de personnes peu qualifiées sur le marché du
travail, il nous faut entreprendre un effort collectif majeur de redressement
des compétences, et j'ajouterai de création d'emplois. Or, H
appert qu'une personne qui se destine à une formation de niveaux
secondaire et collégial a Intérêt à terminer ses
études avec une formation professionnelle plutôt qu'avec une
formation générale. À ces niveaux, en effet, la
scolarité dans le secteur professionnel se traduit par de meilleures
perspectives d'emploi, comme le démontre, je pense, assez clairement, le
mémoire qu'on a préparé, et je réfère les
membres de la commission à la page 38 du mémoire et, notamment,
au graphique 22; je pense qu'il est clair. On se rend compte que le taux de
chômage pour des jeunes qui décrochent ou même pour des
jeunes qui complètent l'une ou l'autre des étapes, bien, dans le
secteur professionnel - et c'est quand même assez étonnant -
même un jeune qui ne termine pas son professionnel à
l'étape secondaire, il a de meilleures chances de se trouver un emploi
qu'une personne qui terminerait son secondaire général.
Même chose, évidemment, s'il termine son secondaire professionnel
long, le différencie! entre le secondaire général et le
secondaire long, du côté du niveau de chômage, est de 7 %
et, entre le cégep général et le cégep
professionnel, il est de 6 %.
Conséquemment et compte tenu, justement, du niveau
moyen de scolarité observé dans les quartiers
défavorisés de Montréal, on en vient à la
conclusion que la population de la ville centrale a un profil de formation qui
correspond clairement à celui des personnes qui ont intérêt
à terminer leur formation de secteur professionnel. Cette
première conclusion en amène tout naturellement une seconde. Le
développement des infrastructures et des services de formation
professionnelle constitue pour nous une priorité absolue sur le
territoire de la ville de Montréal. Voilà pourquoi la ville a
accueilli avec le plus grand intérêt les annonces récentes
concernant l'implantation des écoles du métier du plastique dans
le sud-ouest ou du Centre de ressources technologiques en communications
graphiques sur son territoire au cégep Ahuntsic. Voilà
également pourquoi elle continuera de suivre ce dossier avec attention
et va surtout appuyer les démarches des partenaires économiques
et de l'éducation dans d'autres dossiers similaires, et j'ai notamment
en tête le projet d'une école dans le secteur des métiers
de l'aéronautique.
Par ailleurs, la ville s'est également
Impliquée directement, au cours des dernières années, dans
le développement des capacités d'initiative économique
dans les quartiers. On s'est doté, en 1990, d'une politique explicite de
développement économique des arrondissements, à commencer
par ceux où les problèmes de chômage, et je dirais de
détérioration de la base industrielle, étaient les plus
importants. L'appui que nous avons alors consenti aux corporations de
développement économique communautaire a directement
contribué à leur développement dans 7 de 9 de nos
arrondissements.
Aujourd'hui, ces corporations sont des acteurs importants
dans le développement économique de Montréal. Il n'est
donc pas surprenant qu'elles s'Interrogent sur leur avenir. Les propositions
contenues dans l'énoncé de politique et dans le plan
stratégique du Grand Montréal s'inscrivent dans cette
réflexion en cours. Il faudrait rapidement en arriver à des
consensus sur la place que devra occuper le concept de développement
économique communautaire dans les arrondissements montréalais. Il
faudra aussi harmoniser les rôles respectifs que joueront, en cette
matière, la Société régionale de
développement de la main-d'oeuvre de Montréal, les
différents ministères et organismes québécois
impliqués, la ville de Montréal, les organismes communautaires
oeuvrant dans le développement de l'emploi et, bien sûr, les CDEC
elles-mêmes, les corporations de développement économique
communautaire.
Cette réflexion est d'autant plus importante pour la
ville de Montréal qu'on vient de compléter une
réorganisation de notre Commission d'Initiative et de
développement économiques, la CIDEM, où la CIDEM est
maintenant dotée d'une équipe complète de commissaires au
développement économique dans les arrondissements. Et bien que
leur mandat dépasse largement la problématique du
développement économique communautaire, les commissaires en
arrondissement devront chercher à articuler leurs propres interventions
avec celles des CDEC. Si bien que ce que la ville demande, c'est que les
modalités d'application des propositions qui interpellent les CDEC dans
l'énoncé de politique comme dans le plan stratégique du
Grand Montréal puissent être discutées avec les principaux
intéressés avant d'être mises en oeuvre.
Par ailleurs, un autre élément, je pense, du
mémoire qu'on vous a présenté touche toute la
problématique de l'intégration des immigrants et des membres des
communautés culturelles au marché du travail. Non seulement
Montréal a-t-elle une problématique particulière du point
de vue de taux de dépendance sociale important, mais une bonne partie du
renouvellement de la main-d'oeuvre montréalaise doit suivre un
cheminement bien différent de celui qui va prévaloir au cours des
prochaines années dans le reste du Québec. Je veux vraiment
attirer l'attention de la commission ce soir parce qu'il s'agit là d'un
facteur, à mon point de vue,
extraordinairement important.
Il y a deux facteurs, je pense, qui vont expliquer un peu ce cheminement
différent. Le premier correspond à l'augmentation de plus en plus
rapide de l'arrivée sur le marché montréalais du travail
de jeunes travailleurs immigrants et de Québécois des
minorités visibles. Le deuxième, c'est le facteur qui
découle du passage à la retraite d'un nombre de plus en plus
important de Montréalais et de Montréalaises, soit de vieille
souche ou soit des communautés culturelles européennes
établies chez nous à l'occasion de vagues d'immigration
importantes dans l'après-guerre.
Je pense que si la commission réfère à la page 47,
au graphique 26, on voit tout à fait que le gros de la main-d'oeuvre et
du remplacement de la force de la main-d'oeuvre dans les pyramides d'âge,
qu'on retrouve à la page 47, se situe dans le groupe des
communautés culturelles, c'est-à-dire dans le secteur
particulièrement de ce qu'on appelle les minorités visibles,
parce que c'est là qu'une bonne partie de notre main-d'oeuvre va se
renouveler. Ensemble, donc, ces deux facteurs vont profondément
Influencer la dynamique du marché du travail et l'insertion en emploi
à Montréal.
Ainsi, on estime que probablement entre le quart et le tiers des jeunes
générations actives qui vont entrer sur le marché du
travail pour la période 1986 à l'an 2001 vont être
composées de Québécois et de Québécoises de
minorités visibles. Or, comme nous le rappelons dans notre
mémoire, ces communautés éprouvent des problèmes
particuliers d'insertion en emploi qui se traduisent par des taux de
chômage très élevés. Si on veut assurer un
renouvellement harmonieux de la main-d'oeuvre montréalaise, il faut donc
accueillir ces nouveaux travailleurs et consentir les efforts
nécessaires à leur intégration. Et je dirais, à
l'instar de la population de Montréal de souche, le profil de
scolarité des nouveaux immigrants se rapproche de celui des personnes
pour lesquelles une formation professionnelle est la plus avantageuse. Cette
question nous renvoie encore une fois à la recommandation principale de
notre mémoire. Plusieurs indices nous portent à croire
qu'à Montréal tout au moins la fréquentation des services
de formation professionnelle par les immigrants et les Québécois
et Québécoises des communautés culturelles est
déficiente. Et l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre est silencieux sur cette
problématique cruciale pour Montréal comme pour l'ensemble du
Québec.
Bien sûr, on est conscients que le plan d'action gouvernemental en
matière d'immigration et d'intégration qui a été
rendu public au printemps dernier contient plusieurs mesures de main-d'oeuvre
à l'intention des immigrants. Mais ces mesures,
généralement, même si elles vont dans la bonne direction,
elles sont pour beaucoup concentrées sur la francisation des immigrants
qui constitue, bien sûr, une priorité. Mais on pense qu'il ne faut
pas se limiter à ces efforts aux seules dimensions linguistiques de
l'intégration. L'accessibilité à des services de formation
professionnelle de qualité et la reconnaissance des acquis
académiques obtenus à l'extérieur du pays sont deux
exemples d'enjeux importants auxquels notre système doit apporter des
réponses satisfaisantes à très court terme.
La ville considère donc prioritaire la question de
l'intégration des immigrants et des Québécois et
Québécoises des communautés culturelles au marché
du travail et, compte tenu des nuances que je viens de faire, on est
également en accord avec les mesures proposées dans le Plan
d'action gouvernemental en matière d'immigration et
d'intégration. On demeure toutefois préoccupés, comme on
l'était l'an dernier dans notre mémoire sur l'immigration, par
les ressources qui devront être consacrées à
l'intégration des immigrants et des Québécois des
communautés culturelles dans des politiques québécoises de
développement de la main-d'oeuvre. Ces ressources doivent être
considérées comme prioritaires dans les choix budgétaires
à venir du gouvernement et, en conséquence, on croit
nécessaire de demander au ministre responsable de la Formation
professionnelle d'inclure explicitement ces mesures dans le plan d'action qui
devrait normalement être élaboré dans la foulée de
son énoncé de politique. encore une fois, j'insiste. on retrouve,
d'une part, dans l'énoncé de politique en matière
d'immigration, une volonté de mettre davantage l'accent sur la
francisation comme étant la mesure d'intégration. on retrouve,
dans le projet rendu public par le ministre responsable de la grande
région de montréal, en matière d'immigration,
l'idée qu'on va être plus sélectif sur les, gens qui vont
venir, notamment du point de vue des compétences. mais le fait demeure;
c'est qu'à montréal, actuellement, quand on regarde la pyramide
d'âge à la page 47, le gros de la main-d'oeuvre qui va se
renouveler dans les 15 prochaines années va venir du secteur des
minorités visibles. actuellement, nous savons que, dans le secteur des
minorités visibles, à des problèmes linguistiques
s'accrochent des problèmes de taux de décrochage scolaire plus
élevé que pour la moyenne montréalaise, et à cela
s'ajoute un problème aussi, il faut le dire, dans bien des cas,
objectif, de discrimination à leur endroit.
Si on ne fait pas un objectif précis de cette question dans un
énoncé en matière de formation professionnelle, c'est une
bonne partie de la main-d'oeuvre de renouvellement, on dit presque le tiers,
qui, dans les 15 prochaines années, ne sera peut-être pas
qualifiée pour remplir les emplois dans les secteurs où on
souhaite redévelopper ou restructurer l'économie de
Montréal et de sa région. (21 h 30)
Le Président (M. Philibert): m. le maire, c'est
très intéressant. je vous inviterais quand même à
procéder rapidement parce que le temps est déjà
dépassé, et à conclure.
M. Doré: Je vais juste terminer en disant simplement, M.
le Président, et j'en étais à la conclusion, que d'autres
aspects, je pense, auront été abordés dans notre
mémoire et je vais me limiter, peut-être, à souligner un
aspect qui nous préoccupe. C'est que, compte tenu de ce que je viens de
dire, c'est-à-dire l'importance, pour nous, du réseau
communautaire, soit des organismes déjà impliqués dans le
domaine de l'employabilité, dans le domaine, donc, du
développement de l'emploi, des corporations de développement
économique communautaire, l'importance des communautés
culturelles dans une stratégie de formation de la main-d'?uvre pour
l'avenir de Montréal, il nous semble Important qu'en ce qui concerne la
composition éventuelle des sociétés régionales et
des pouvoirs des sociétés régionales on puisse s'assurer
que les sociétés régionales ne soient pas uniquement
composées de représentants ou représentantes des milieux
d'affaires, des milieux syndicaux, des milieux de l'éducation, mais
qu'on fasse place, notamment, à des représentants et
représentantes des milieux qui sont directement, actuellement, sur le
terrain et qui vont contribuer de façon importante au succès.
Donc, c'est la première des recommandations qui touchent à la
composition des sociétés régionales.
La deuxième, bien, c'est celle du flou dans lequel, actuellement,
est placée la région de Montréal par rapport à
d'autres régions du Québec quant aux intentions gouvernementales
en ce qui concerne la notion de la région. Notre recommandation
là-dessus, c'est que dans le cas de Montréal iI est important, du
point de vue des sociétés régionales, que le territoire
que devrait épouser une société régionale soit
constitué du territoire de l'île de Montréal et,
conséquemment, que des mécanismes de coordination soient mis en
place entre la société qui couvrirait le territoire de
l'île de Montréal et les autres qui pourraient oeuvrer dans le
Grand Montréal. je dis donc que c'est une autre recommandation à
laquelle on tient de façon plus particulière. on fait, bien
sûr, une référence en ce qui concerne tes programmes
d'employabilité à l'intention des prestataires du revenu. bien
qu'on soit d'accord avec l'énoncé de politique en ce qui
concerne, éventuellement, une intégration d'ensemble, on
recommande que, sur le territoire de la ville de montréal, la gestion
coordonnée des prestations de sécurité du revenu et des
programmes d'employabillté soit, pour l'instant du moins, maintenue ou
améliorée à l'intérieur du réseau de
travail-québec et, donc, à l'intérieur aussi du module de
la sécurité du revenu pour la ville de montréal.
Je dirais que, substantiellement et de façon synthétique,
voilà l'essentiel des propositions et des recommandations qu'on voudrait
faire ce soir à cette commission, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le maire. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je suis un peu curieux de
constater que le maire a essentiellement couvert, dans un temps record, je dois
dire, un mémoire de 12 pages et, n'eût été sa
très grande habileté à lire très rapidement les
textes, jamais on n'aurait eu le temps de le faire en si peu de temps. En fait,
il n'a sauté qu'un paragraphe, et c'est ce qui m'étonne: c'est le
paragraphe qui parle de la localisation de la principale place d'affaires de la
Société.
M. Doré: J'attendais la question, M. le
Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Alors, M. le Président, puisque le maire n'en
a pas parié, je présume que ça ne doit pas être
très Important.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doré: C'est au coeur de notre mémoire, M. le
Président. Là-dessus, soyons clairs. Il n'est pas question dans
notre esprit de repartir, aux deux extrémités de la 20, entre la
métropole et la capitale, une chicane autour de la question de la
Société et de son siège social. Alors, ce qu'on dit, c'est
que, nous, on pense que ce serait logique si le siège social corporatif
d'une éventuelle société québécoise en
matière de main-d'oeuvre était situé là où
est le siège social du gouvernement du Québec,
c'est-à-dire dans la capitale, par ailleurs, ça ne signifierait
pas que l'on doive pour autant transférer tous les fonctionnaires du
ministère actuel ou ceux qu'on récupérerait
éventuellement du gouvernement fédéral, une fois qu'on
aura réglé nos problèmes de juridiction, vers la capitale.
ce qu'on dit, simplement, c'est que la principale place d'affaires, bien, c'est
le reflet du statu quo, au sens suivant. il peut tout à fait y avoir un
conseil d'administration et une société dont le siège
social corporatif serait à québec - on le voit beaucoup dans le
modèle des entreprises privées - mais il est clair que, puisque
le grand bassin de main-d'oeuvre est dans la région de montréal,
puisqu'une bonne partie, actuellement, des activités d'un certain nombre
de directions du ministère de la sécurité du revenu, comme
ce qui serait éventuellement transféré du
fédérai, sont situées physiquement à
montréal et dans la région, bien, que la principale place
d'affaires de la société pourrait... quand on parie de la
principale place d'affaires, on veut dire le maintien du statu quo en ce
qui
concerne les personnes qui, actuellement, sont affectées à
ces fonctions, ce qui est distinct, on le dit bien, de la société
régionale. On s'entend là-dessus.
Ce que j'ajoute simplement aussi, et on le dit dans le mémoire,
c'est que, lorsqu'on examine la proportion des emplois du secteur public dans
chacune des régions du Québec, on s'aperçoit que,
finalement, c'est dans la région de Montréal où cette
proportion - avec une autre région du Québec, de mémoire -
est la moins importante quand on fait le ratio du nombre d'emplois du secteur
public par rapport à l'ensemble des emplois. Alors, en recommandant que
la principale place d'affaires de la Société soit maintenue
à Montréal, c'est qu'on se dit: Bien, le gouvernement devrait,
s'il crée une société, bien sûr avoir son
siège social dans la capitale, près du siège du
gouvernement, mais maintenir l'essentiel des ressources telles qu'elles
existent actuellement plus près des besoins, des problèmes des
gros bassins de main-d'oeuvre et, dans le fond, maintenir en somme tout le
statu quo en cette matière. C'est le sens de la recommandation qui
apparaît au mémoire. J'étais sûr que la question
allait venir du ministre, alors je me suis permis, donc, de lui donner la
réponse.
M. Bourbeau: M. le Président, je ne voudrais pas prendre
trop de temps parce que le temps passe très vite et j'ai beaucoup de
questions à poser au maire, mais une simple remarque. Le maire de
Québec est venu ici et je dois dire qu'il semble y avoir une entente
entre le maire de Montréal et le maire de Québec. Là, vous
simplifiez drôlement la tâche du gouvernement en parlant comme vous
le faites parce que, dans le projet de loi, on a dit que le siège social
serait déterminé par décret du gouvernement. Alors, vous
nous dites: Nous, on n'a pas d'objection à ce que le siège social
soit à Québec. Donc, ça vient de régler un de nos
problèmes. On peut très bien concevoir que le gouvernement
pourrait décréter que le siège social est à
Québec et la principale place d'affaires à Montréal.
D'ailleurs, on a déjà annoncé, comme vous l'avez
souligné, dans le document déposé par mon collègue,
le président du Conseil du trésor, que la principale place
d'affaires serait à Montréal. Le problème qui se pose,
c'est que le maire de Québec, lui, nous a dit que, à son avis, un
siège social, ça comprend les fonctions de planification et de
décision, les principales fonctions décisionnelles; et vous, vous
nous dites que la principale place d'affaires devrait regrouper les principales
fonctions décisionnelles de la Société.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Alors, là, je me demande qu'est-ce qu'on doit
faire entre les deux. Comment voyez-vous ça, vous? Est-ce qu'un
siège social, ça doit être une coquille vide? Qu'est-ce
qu'il devrait y avoir dans un siège social pour qu'on puisse dire que
c'est un vrai siège social? C'est ça, dans le fond.
M. Doré: Bien, vous savez, si vous examinez de
façon générale le modèle de l'entreprise
privée, vous allez vous rendre compte que la plupart des entreprises qui
connaissent beaucoup de succès actuellement sont celles qui ont
réduit la fonction de leur siège social à ce qu'il devrait
être au niveau corporatif, c'est-à-dire l'endroit où on
fixe un certain nombre des grands objectifs. Généralement, les
entreprises ont décentralisé, dans bien des cas, même
certaines directions de planification au niveau de là où l'action
se passe. Elles ont responsabilisé les succursales et ont donné
de l'autonomie aux succursales pour qu'elles puissent moduler l'atteinte des
objectifs en fonction des réalités de chacune des succursales,
dans le modèle de l'entreprise privée. On peut regarder les
scénarios d'IBM et de tous les autres et on a vu leurs sièges
sociaux diminuer substantiellement pour dynamiser leurs succursales et
principales places d'affaires.
Moi, il me semble que ce modèle, s'il vaut pour le privé,
devrait valoir pour le gouvernement. Et je pense que le gouvernement a avantage
à ne pas, je dirais, déraciner d'abord des fonctionnaires qui,
actuellement, et au sein du gouvernement du Québec et au sein du
gouvernement fédéral dans la région de Montréal,
travaillent sur ces questions, pour faciliter une meilleure intégration.
Et il faut tenir compte, puisque je vous le soumets, que la part des emplois de
l'administration publique sur le marché du travail régional de
Montréal est largement inférieure à celle de la
quasi-totalité des régions du Québec.
Donc, on n'ajoutera pas au problème économique de
Montréal et de sa région en lui soustrayant des emplois qui, de
toute façon, font du sens en étant situés au coeur de
l'agglomération du Grand Montréal métropolitain, où
une bonne partie des enjeux importants de formation professionnelle vont se
jouer au cours des prochaines années, sans pour autant enlever quoi que
ce soit au rôle dynamique que les régions veulent jouer dans
l'atteinte des objectifs qui pourraient être fixés par un
siège social d'une Société de la main-d'oeuvre pour le
Québec.
Alors, moi, il me semble que le gouvernement a amplement, à
l'intérieur de tout ça, ce qu'il lui faut pour être capable
de prendre une décision judicieuse.
M. Bourbeau: Bon. M. le Président, on va tenir compte de
toutes ces observations-là et tenter de faire en sorte que les uns et
les autres soient satisfaits, dans la mesure du possible. Je voudrais revenir
à l'élément principal, je pense - c'est vous-même
qui l'avez dit - de votre mémoire. L'enjeu principal: un vrai
système de
formation professionnelle. Vous mentionnez dans le mémoire que
l'énoncé de politique en a laissé quelques-uns sur leur
faim, quelques partenaires économiques importants. Je ne sais pas
à qui vous faites allusion mais je m'en doute un peu. Vous dites que
c'est parce qu'on n'a pas traité en profondeur d'une réforme du
système d'éducation, dans le fond, au Québec, en tous les
cas concernant la formation professionnelle. En fait, dans l'avant-propos de
notre document d'orientation, on a clairement dit que l'énoncé de
politique ne traitait pas directement de l'action générale de
scolarisation et du rehaussement des qualifications poursuivi par les
politiques éducatives de l'ensemble du système d'enseignement. On
a sciemment évité d'entrer dans cette discussion-là, et je
pense que vous avez très très bien saisi, dans le mémoire,
les raisons qui ont fait que nous avons évité ce piège
à ours qui, si on ne l'avait pas évité, ne nous aurait
probablement jamais permis d'accoucher d'un document avant les prochaines 10
années.
Mais il reste quand même que vous avez raison de dire, à
mon avis, que dès que le document aura été accepté
par la commission il va falloir s'attaquer de toute urgence à un
problème que vous identifiez très bien, celui des structures
d'enseignement, je crois. Je vais tenter de sortir les mots mêmes de
votre document, pour ne pas vous faire dire ce que vous ne dites pas. La
recommandation: «Le développement des Infrastructures et des
services de formation professionnelle constitue une priorité
absolue.» Vous nous dites: «Nous avons besoin d'un vrai
système intégré de formation professionnelle.»
Or, on sait - et vous le dites aussi - que nous avions, il y a 25 ans,
un système d'enseignement professionnel qui différait de celui
qu'on a présentement. On avait autrefois des écoles
spécialisées, des instituts de technologie où l'entreprise
privée avait un rôle très important à jouer. Quand
vous parlez de l'obligation, pour l'avenir, de faire en sorte que les
entreprises aient un mot à dire dans l'enseignement professionnel et
même dans la gestion - vous allez jusqu'à dire: dans la gestion
des écoles d'enseignement - on avait ça autrefois, il y a 25 ans.
Et dans les écoles d'arts et métiers, aussi, l'entreprise
privée avait un mot à dire, non seulement dans la
définition des programmes, mais même dans la gestion. On a choisi,
après le rapport Parent, d'intégrer tout ça dans le
réseau public, les écoles d'arts et métiers dans
l'enseignement secondaire et les instituts de technologie dans l'enseignement
collégial. Et on a évacué, par la même occasion, le
secteur privé en disant que l'éducation, c'était trop
important et ça devait être une affaire de gouvernement.
Aujourd'hui, depuis que l'entreprise privée a été
mise de côté, plusieurs prétendent qu'on n'aurait pas
dû le faire, que ça ne donne pas des résultats suffisants.
Vous en faites état quand vous comparez les résultats que nous
connaissons Ici avec ceux, par exemple, de l'Allemagne. Vous proposez, de toute
urgence, une réforme en profondeur et vous nous dites qu'on a besoin
d'un système intégré de formation.
J'aimerais savoir ce que vous entendez par «un système
intégré de formation professionnelle». Est-ce que vous
parlez des structures actuelles de l'enseignement professionnel qui doivent
être modifiées? Un retour à ce qui se faisait autrefois?
Pourriez-vous préciser un peu ce que vous entendez?
M. Doré: Je pense qu'on a utilisé, dans le fond,
deux mots clés. On a dit: «passerelle» et
«pont». Alors, on dit qu'il faut que le système de formation
professionnelle, premièrement, soit axé sur une alternance entre
la formation théorique et la formation pratique. Combien d'employeurs me
disent, quand Je les rencontre, qu'ils sont, dans bien des cas, obligés
de reprendre une bonne partie... D'abord, on le sait, comment ça
fonctionne. Je veux dire que ce n'est pas toujours facile de suivre le rythme
des changements technologiques dans les entreprises quand on a des
écoles complètement séparées des entreprises. C'est
vrai dans toute une série de domaines. Ça commence avec des
choses aussi simples que l'impression. Quelqu'un me disait qu'il y a encore du
monde qui est formé sur des machines qu'on n'utilise plus depuis 5 ans
ou 10 ans dans l'industrie. Alors, les gens, quand ils nous arrivent, on doit
refaire une partie de leur formation.
Alors, nous, on a dit qu'il faut, dans un premier temps, qu'il y ait une
alternance entre la formation théorique et la formation pratique, donc
qu'on bâtisse des ponts entre l'entreprise et l'école et des
passerelles entre chacun des niveaux, qui permettent à des jeunes
d'être capables, éventuellement, à leur rythme, ayant
acquis une formation à l'échelle secondaire dans un
métier, si le coeur leur en dit et si les aptitudes sont là - je
pense que les conditions et les stimulants peuvent être là - de
poursuivre une formation, après ou quelques années plus tard,
avec pleine reconnaissance des acquis, pour aller chercher davantage un job de
technicien au niveau collégial ou, à la limite, au niveau
professionnel. Il faut que tout ça soit organisé de façon
à ce que les passages se fassent le plus rapidement possible, que la
reconnaissance des acquis se fasse rapidement. J'y ai fait
référence dans le document. (21 h 45)
C'est vrai qu'en 1987 on a commencé à
réfléchir à cette question, mais on l'a fait un peu dans
l'optique où, dans le fond, on amène tout le monde à
faire, finalement, les cinq ans de formation générale et on
ajoute la formation professionnelle en équivalent de secondaire VI ou
VII, dans certains cas. Je pense qu'il faut,
notamment, pour contrer le décrochage scolaire, valoriser d'abord
la formation professionnelle et non pas en faire le circuit fourre-tout. Les
bons qui sont dans le général, eux autres, on les pousse pour
aller au collégial et les autres, bien, on leur dit: Vous vous dirigez
vers le professionnel. Mais il faut surtout brancher l'entreprise sur
l'école, et vice versa.
Indépendamment des structures, là où, aux
États-Unis actuellement, on a commencé à régler un
certain nombre de problèmes de décrochage scolaire, c'est la
journée où un certain nombre d'écoles ont
décidé de se faire parrainer par des entreprises. Elles ont
simplement décidé de demander à des entreprises:
Ouvrez-nous vos portes pour qu'on puisse prendre nos étudiants, qui
apprennent la chimie et la physique et qui ne savent pas trop à quoi
ça sert dans la vie, pour qu'ils aillent visiter, à un moment
donné, votre laboratoire, pour qu'ils rencontrent du monde qui utilise
ça et voient comment, concrètement, ça se traduit dans la
fabrication d'un bien. Ça a permis d'ouvrir toutes sortes
d'intérêts. Les jeunes se sont rendu compte que ce qui est bien
théorique, enseigné par un enseignant qui enseigne ça
depuis 25 ans, qui n'a pas touché à l'entreprise, la
journée où un jeune se rend compte que la chimie, ça peut
servir, finalement, à faire le produit qu'il utilise à tous les
jours dans une entreprise... Et, à l'inverse, dans bien des cas, des
choses simples, là.... On a pris le fameux chimiste qu'ils avaient
rencontré et on l'a amené en classe pour une journée.
Juste ça a contribué, dans bien des villes, à
déjà changer l'attitude des jeunes par rapport à la
formation et à leur donner le goût, notamment, d'investir dans la
formation professionnelle parce qu'ils ont vu du monde se servir de ces
affaires-là. Ils ont trouvé ça intéressant et ils
ont trouvé qu'il y avait des emplois au bout du compte.
C'est simple comme bonjour, allez-vous me dire. C'est juste une petite
décision entre une école ou une commission scolaire et une
entreprise. Alors, si on le fait et que ça donne ces
résultats-là, on se dit que, si on est capables d'intégrer
la démarche entreprise-école, de bâtir des passerelles
permanentes, il me semble qu'on est dans la bonne direction.
Dans le fond, c'est peut-être le phénomène du
balancier, M. le ministre. On est peut-être allés, à mon
point de vue, comme souvent dans le phénomène du balancier, trop
loin avec l'approche qui était peut-être justifiée,
à l'époque. Ce qui était notre préoccupation,
c'était la scolarisation de base. Il fallait faire un effort collectif
comme société pour qu'on ait minimale-ment, comme n'importe
quelle société moderne... je veux dire, pour qu'une bonne portion
de notre population ait la scolarisation de base. Mais on est rendus à
une étape, maintenant, où on doit réviser cette
approche-là. Il y a eu une époque, aussi, où on se
méfiait de l'entreprise privée. On se disait, dans le fond: Seule
l'école publique peut donner vraiment une formation
générale. Je pense qu'on doit remettre en question cette
approche.
M. Bourbeau: m. le président, je voudrais aller encore un
peu plus loin dans votre proposition, puisque vous nous dites que c'est la
proposition principale. quand on a fait le rapport parent...
M. Doré: Oui.
M. Bourbeau: ...on a innové, au Québec, en ce sens
qu'on a pris l'enseignement professionnel et on l'a juxtaposé avec
l'enseignement général dans un même système, et au
secondaire et au cégep. On est probablement une des seules
sociétés qui aient fait ça. Prenez, par exemple,
l'Ontario. En Ontario, l'enseignement professionnel ne s'enseigne pas avec
l'enseignement général. Il a une structure propre, les "community
colleges" où un étudiant entre dans un système
d'enseignement professionnel qui est spécialisé,
dédié à ça. L'étudiant progresse dans
l'enseignement professionnel sans qu'il y ait de césure entre le
secondaire et le cégep. C'est fluide.
En Allemagne, bien, vous avez le système dual. C'est un petit peu
différent. Au Japon, par exemple, il y a des écoles
spécialisées pour l'enseignement professionnel, qui ne sont pas
dans le système de l'enseignement général. Nous, au
Québec, on a fait cohabiter les deux, et certains prétendent que
ça s'est fait aux dépens de l'enseignement professionnel, en ce
sens que la philosophie de base de notre enseignement est plutôt d'ordre
général. Les dirigeants du réseau sont des gens qui ont
une formation d'ordre général et qui sont portés
plutôt à privilégier ça, de sorte que l'enseignement
professionnel a toujours été le parent pauvre du
système.
Quand vous parlez de réformer les structures, est-ce que vous
parlez de réformer ça aussi ou simplement de tenter de modifier
un peu ou d'améliorer la structure existante, mais sans la changer? Je
ne sais pas si vous saisissez bien ce que je veux dire.
M. Doré: Oui, très bien. Je pense que c'est un
enjeu très important sur lequel vous mettez le doigt. Moi, je pense
qu'on ne doit pas remettre en cause l'idée qui a été au
coeur de la réforme de l'éducation. Qu'on se dirige,
éventuellement, vers une formation de professionnel à
l'université ou de technicien diplômé à
l'échelle du cégep, ou qu'on décide de faire, à
l'intérieur du secondaire, une formation professionnelle, on doit
fournir à l'ensemble des étudiants l'accès à des
habiletés de base et à une formation de base. Je trouve important
de maintenir un certain tronc commun. Pourquoi? Je le dis dans la mesure
où ça me semble évident: Plus on regarde
l'évolution des besoins en main-d'?uvre dans les secteurs,
notamment, à haute valeur ajoutée, plus on a besoin d'avoir une
main-d'?uvre qui soit capable d'être créative et de
réfléchir. On n'a pas besoin de robots.
Alors, le danger de vouloir refaire une césure, c'est
peut-être justement de déqualifier une partie. Les entreprises, ce
qu'elles cherchent, c'est quand même des jeunes capables, d'abord, de
lire des Instructions et de prendre un certain recul, de
réfléchir. Dans certains cas, on les met à contribution
pour qu'ils puissent être davantage créatifs, apporter même
leur propre expérience, leur propre imagination de
créativité dans la façon de faire les choses dans
l'entreprise. Alors, en ce sens-là, l'Idée de garder le tronc
commun de formation, au secondaire comme au collégial, n'est pas en soi
une mauvaise idée. Ce qui a été une mauvaise idée,
c'est la césure à peu près complète qu'on a faite
entre la formation en école et la réalité de l'entreprise
et du développement de l'économie. Et c'est là-dessus
qu'il faut travailler, à mon point de vue.
Quand on dit qu'il faut non seulement faire des passerelles entre les
niveaux, mais faire des ponts entre l'entreprise et l'école, c'est dans
ce sens-là qu'on l'envisage, et sans remettre en question ce qui, moi,
m'apparaît - en tout cas, personnellement, et je pense que c'est le point
de vue de mes collègues - un peu un acquis, tout en corrigeant les
défauts que ça a. Sinon, revenir à un système
séparé, ça risquerait, en plus, d'avoir un effet
psychologique qui serait probablement de faire percevoir que c'est du
professionnel à rabais. Or, notre problème actuellement, c'est
qu'il faut valoriser le professionnel. Il faut mettre beaucoup d'emphase sur la
valorisation du professionnel. Alors, en ce sens-là, je prendrais un peu
cette approche pour tenter de développer ce qui me semble être un
système qu'on appelle, nous, «intégré» de
formation professionnelle.
Mais, encore une fois, j'insiste. On nous annonce que le ministre de
l'Éducation doit normalement, au mois d'avril, annoncer un certain
nombre de choses. Nous, on pense, très honnêtement, que le
ministre responsable de la formation de la main-d'?uvre doit être
capable de s'assurer, dans la réflexion qu'H devra faire - parce que
vous avez entendu beaucoup de points de vue en cette commission - dans le suivi
de son énoncé de principe, il doit pouvoir proposer au
gouvernement une approche beaucoup plus intégrée que de dire:
Bien, l'éducation fera son bout et, nous, on fera notre bout. Ça
ne peut pas marcher comme ça, je pense, compte tenu des enjeux qui sont
les nôtres.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le maire.
M. Bourbeau: Une remarque, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Très rapidement, le
temps est écoulé, M. le ministre.
M. Bourbeau: Vous nous avez posé des questions dans le
rapport et vous vouliez savoir l'intention du gouvernement. Je pense qu'on peut
dire que, oui, le gouvernement a l'intention d'enclencher très
bientôt un débat sur l'enseignement professionnel, sur toute cette
question-là. J'ai dit déjà à quelques reprises
depuis le début de cette commission que ce débat-là ne
peut pas tarder et qu'il devra se faire dans les meilleurs délais.
Une dernière remarque, parce que je n'ai plus de temps. Vous
suggérez dans le document que le territoire de la société
régionale de développement de la main-d'?uvre soit
limité à la ville de Montréal parce que,
présentement, ça inclut également la ville de Laval, je
pense. Je pense, moi aussi, qu'on aurait effectivement intérêt
à faire en sorte que l'île de Montréal ait sa propre
société de développement régional. Ça
m'apparaîtrait assez logique. C'est déjà assez gros,
d'ailleurs, comme population. Enfin, je pense que c'est ce que vous proposez
dans votre mémoire?
M. Doré: Oui.
Le Président (M. Philibert): Ça va.
M. Doré: Tout simplement, M. le Président. La
concertation, d'abord...
Le Président (M. Philibert): Vous allez nous dire
rapidement que vous êtes content de ce que vient de vous dire le
ministre?
M. Doré: Oui, mais je veux ajouter une chose. C'est que si
le gouvernement décide de faire autrement... Je veux juste dire une
chose, M. le Président. C'est que si le gouvernement décide
d'adopter la stratégie actuelle, qui est celle, éventuellement,
de la CFP qui recouvre, par exemple, Laval et Montréal, bien, si c'est
ça, ça va être de couvrir la Rive-Sud aussi. La
société régionale, ou elle est concentrée sur
l'île de Montréal et non pas la ville, parce que le bassin de
main-d'oeuvre n'est pas uniquement dans la vilIe mais sur I'îIe, ou bien,
donc, elle recouvre Laval et la Rive-Sud; et, là, c'est la région
métropolitaine immédiate, sans parler du Grand Montréal
métropolitain. Au moins celle-là. C'est l'une ou l'autre. C'est
ça, l'approche.
Le Président (M. Philibert): Maintenant...
Une voix: On consultera la Rive-Sud là-dessus,
monsieur.
Le Président (M. Philibert): Un moment, s'il vous
plaît.
Mme Harel: J'espère qu'on aura la nôtre sur IHe de
Montréal.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Comme je n'ai pas l'intention, pour l'instant, de
fusionner la Rive-Sud avec Montréal, je pense que vous pouvez
déduire vos...
M. Doré: Parfait!
Le Président (M. Philibert): Sur ces bons mots, je passe
la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la
bienvenue à cette commission de la part de l'Opposition, M. Doré,
Mme Martin. C'est assez passionnant, l'échange que vous venez d'avoir
avec le ministre. D'abord, je vais vous féliciter de ne pas avoir
accepté cette sorte de réduction de votre contribution, ce soir,
à la simple question de la localisation du siège social et de la
place d'affaires. Ça prouve une chose. C'est que Montréal a aussi
une expertise en matière d'employabilité, ce qui n'est pas
évident des autres municipalités. Là, je le dis, je vous
assure, sans parti pris aucun, non pas - comment dit-on - en
«montréaliste»?
M. Boulerice: En «montréaliste», oui.
Mme Harel: pas du tout! mais le fait est qu'il y a peu de
municipalités, très, très, très peu; et on l'a vu
parce qu'il y en a une seule autre qui est venue devant nous et qui,
finalement, essentiellement, à bon droit, est venue plaider la question
de la localisation.
Vous plaidez sur l'ensemble de la problématique, et ce n'est pas
Indifférent du fait, notamment, que le Module d'aide sociale à
Montréal a toujours eu la gestion de la sécurité du
revenu. Présentement, à Montréal, les derniers chiffres
que j'ai sont à l'effet que, contrairement au reste du Québec,
85,8 %, presque 86 %, de la clientèle sans emploi, à l'aide
sociale, est apte au travail. C'est considérable parce que, dans les
autres régions, c'est, je pense, autour de 77 %. Ça n'a l'air de
rien, mais cette différence, cet écart de 8 %, ça
représente des dizaines de milliers de personnes qui, dans les
régions, perdent leur emploi et qui, finalement, descendent en ville,
pensant que ça va aller mieux. On se retrouve avec un bassin de
population apte au travail beaucoup plus imposant à Montréal,
à la sécurité du revenu, que ce n'est le cas dans les
régions depuis un an. Les régions ont aussi raison de se plaindre
que leur population active sans emploi les quitte et que, finalement, le profil
même de la clientèle de la sécurité du revenu
s'alourdit.
Dans l'échange que vous avez eu avec le ministre, ce qui est
intéressant, c'est que, vous, vous dites que ce qu'il faut, c'est un
rapprochement entre l'entreprise et l'école - c'est ça que j'ai
compris - et non pas l'exclusion du professionnel du général.
Parce que là il y a une sorte de scénario qui circule à
l'effet que le général serait retiré de l'enseignement
collégial. Les cégeps ne serviraient qu'à de
l'enseignement professionnel. Il y a une année qui serait ajoutée
au secondaire et une année à l'université. Une sorte de
brassage des structures, finalement, mais qui ne résoudrait pas le
problème que vous venez de mentionner, qui est un problème de
distanciation à tous égards entre l'école et l'entreprise.
Et ces études menées aux États-Unis plaident en faveur
d'un rapprochement avec ('entreprise pour régler le problème de
décrochage scolaire. C'est ça qu'il faut comprendre?
Donc, le ministre vous a déjà donné une
réponse à cette question territoriale de la société
régionale. Vous demandez un quatrième partenaire; je crois
comprendre que c'est essentiellement le communautaire. Vous demandez aussi des
enveloppes budgétaires autonomes pour les sociétés
régionales. Cet après-midi, le président de la CFP de
Montréal venait plaider un peu la même chose en disant au ministre
qu'il venait de prendre connaissance des états financiers pour cette
année, de la CFP à Montréal et à Laval, et il
parlait d'un montant impressionnant de crédits périmés
qu'ils ne sont pas encore arrivés à dépenser. Pas parce
qu'il n'y a pas des problèmes, comme vous le savez, de déficience
dans la qualification professionnelle des personnes à Montréal,
mais parce que c'est tellement norme et rigide qu'ils n'ont pas réussi,
dans le courant de l'année, à dépenser les budgets qui
leur avaient été alloués à Montréal,
Montréal métropolitain.
Là-dessus, ce que vous nous dites, d'autres, évidemment,
à Montréal, le partagent, l'ont dit aussi. Peut-être que ce
qui est nouveau, c'est cette dimension qui concerne les minorités
visibles et l'intégration. Je crois qu'à part le Comité
sur les relations raciales, qui est venu devant la commission, vous êtes
l'unique partenaire à nous en parler. Juste là-dessus - vous vous
en expliquez avec tableaux à l'appui, dans votre mémoire - il y a
peut-être un élément sur lequel je veux simplement attirer
votre attention, c'est que, justement, les jeunes des minorités visibles
sont actuellement en très grande majorité dans le réseau
protestant francophone. On sait que c'est un réseau en croissance
d'effectifs à Montréal et que les écoles secondaires,
maintenant, il y en a sept. Il n'y en avait aucune il y a à peine 15
ans. Sept polyvalentes, et il n'y a aucune formation professionnelle
dispensée dans le réseau protestant francophone.
Il y a des écoles secondaires qui sont à 88 %
composées de jeunes d'origine haïtienne, qui n'ont aucune formation
professionnelle qui leur est dispensée. Ça vaut pour toutes les
écoles
qui accueillent les jeunes des communautés culturelles au niveau
secondaire, qui sont principalement au niveau protestant francophone. Je pense
qu'il y aurait peut-être des représentations à faire aussi
à ce niveau-là parce que, au bout de la ligne, on sait que le
taux de chômage est extrêmement élevé, je crois, chez
les jeunes membres des minorités visibles.
M. Doré: Je pense, M. le Président, qu'il y a deux
façons de faire les choses. On peut refaire le débat sur les
commissions scolaires confessionnelles. Je pense, personnellement, qu'il est
toujours à faire. Ça a toujours été mon opinion, et
je pense que ce qu'on vient de mentionner l'illustre bien. Sinon, il faut que
le gouvernement - et je pense que le ministre doit y être sensible - s'il
ne règle pas le problème des commissions scolaires
confessionnelles, au moins s'assure que la commission scolaire protestante,
dans son réseau francophone, où se concentre une bonne
majorité des minorités dites visibles, puisse être
outillée pour faire de la formation professionnelle.
Et, effectivement, ce que Mme la députée vient de faire
remarquer, c'est une réalité. Il n'y a pas de formation
professionnelle du côté du secteur protestant francophone,
là où se concentre une bonne partie de, je dirais, la
capacité de renouvellement de la force de main-d'oeuvre de
Montréal dans les 15 prochaines années. Là, on assiste
actuellement non seulement à un des taux de décrochage les plus
élevés, mais en même temps, il faut le dire, à des
taux de chômage plus importants. C'est là un problème
très, très sérieux pour l'avenir. Il est très
sérieux au sens où les entreprises, dans la région de
Montréal, vont commencer à chercher tantôt où elles
vont trouver leur main-d'oeuvre qualifiée pour relever les défis
de l'innovation et de la compétitivité.
C'est pour ça qu'on a mis une emphase particulière sur
cette problématique parce que je suis convaincu qu'elle n'a pas dû
être soulignée trop souvent. Il faut examiner les pyramides
d'âges pour se rendre compte que c'est ça, la
réalité qui s'en vient dans 10 ans. Il y a une bonne partie de la
force de main-d'oeuvre actuelle qui va prendre sa retraite, et celle qui va la
remplacer n'est peut-être pas celle qui est la plus qualifiée pour
remplir les défis de la compétence.
Mme Harel: Revenons donc à la question de la place
d'affaires et du siège social.
M.Doré: Oui.
Mme Harel: Dans l'échange qu'on a eu avec le maire de
Québec...
M. Doré: Oui. (22 heures)
Mme Harel: ...je me rappelle qu'il y a eu, il m'avait
semblé, en tout cas, un consensus - mes collègues me le diront -
à l'effet que, s'il y avait transfert, ce qui était à
Ottawa, oui, pouvait s'en aller à Québec, mais ce qui
était à Montréal devait rester à Montréal.
Alors, vous, vous nous dites: Ce qui est à Montréal, c'est 800
à 900 fonctionnaires fédéraux qui occupent des fonctions
centrales, parce que c'était la planification pour la région du
Québec, au sens de l'administration fédérale,
c'est-à-dire que c'est de Montréal que se faisait la gestion
d'Emploi et Immigration Canada pour tout le Québec. C'est ça,
dans le fond, qu'il faut comprendre?
M. Doré: Exactement. Dans le fond, on va s'entendre. Du
côté d'Emploi et Immigration Canada, c'était
Montréal qui était... Ce n'est pas vraiment Ottawa. Le
siège social, dans leur cas, était à Ottawa, mais la
principale place d'affaires pour le Québec était Montréal.
Du côté de la Sécurité du revenu, de la Formation
professionnelle, une bonne partie des ressources sont aussi là où
les problèmes se vivent et, je dirais, là où le bassin de
main-d'oeuvre est le plus important. Dans le fond, ce qu'on dit, c'est que,
bien sûr, le gouvernement est tout à fait légitimé
de créer une société. On appuie le principe de la
création d'une société pour le Québec et on dit que
c'est tout à fait normal, comme on l'a fait pour l'Université du
Québec, par exemple, pour devenir une corporation... On a
créé un siège social et il est dans la capitale.
Ça, on ne met pas ça en cause. Le siège du gouvernement,
c'est là où, normalement, les sièges sociaux - hormis
exceptions, peut-être; la Caisse de dépôt est
peut-être une des exceptions parce que, là, il n'y a pas de Bourse
à Québec, alors il faut bien que la Caisse de dépôt
soit quelque part et plus près de la Bourse, là où elle
gère l'avoir des Québécois.
En ce sens, quand j'ai entendu mon collègue et ami Jean-Paul
L'Allier dire qu'il fallait que le siège social soit à
Québec, je trouvais ça normal que le maire de Québec et de
la capitale dise: On veut conserver ce qu'on a là. Mais, moi, je veux
simplement vous ramener à la considération du gouvernement que,
oui, bien sûr, mais à la condition qu'on ne fasse pas l'inverse.
Il n'est pas question de saigner la ville de Québec. De toute
façon, je pense que les rapports gouvernementaux ont largement
démontré que tout cela faisait partie plus des impressions que de
la réalité. La ville de Québec conserve sa part
extrêmement importante dans le domaine de la fonction publique, et
personne ne s'en plaint. Si ce n'est, bien sûr, que de s'assurer que tout
ça soit efficace. De la même façon qu'on ne veut pas tomber
dans un centralisme à outrance, il ne s'agit pas de redéplacer
une bonne partie de ce qui se fait à Montréal actuellement,
autour de la grande région de Montréal, vers... Excentrique.
C'est un peu ça que je dis. C'est le statu quo, finalement.
Mme Harel: Je n'ai pas, par ailleurs, à vous
préciser que l'enjeu devient, malgré tout, le transfert ou non
des employés qui sont actuellement au ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, à la Direction de la formation professionnelle. Ceux
qui font la planification et l'élaboration, la gestion des programmes,
là, il y en a quand même 217.
M. Bourbeau: À Québec, il y en a à peu
près 60.
Mme Harel: Mais à la Direction de la formation
professionnelle du ministère comme telle?
M. Bourbeau: II y en a 60. La Direction générale de
la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, une soixantaine à
Québec, une cinquantaine à Montréal, et le reste en
province, à peu près.
M. Doré: Alors, c'est le statu quo.
Mme Harel: Est-ce qu'on nous confirme que c'est 60 à
Québec?
M. Bourbeau: Écoutez, là, vous regardez le
sous-ministre. Vous pensez que le ministre ne vous dit pas la
vérité, là. Quoi?
Mme Harel: Non, ce n'est pas parce qu'il ne dit pas la
vérité mais, des fois, il est mieux de vérifier.
M. Bourbeau: Je vais vous annoncer quelque chose. En
matière de chiffres, le ministre s'y connaît pas mal.
Mme Harel: Bon. Alors, tant mieux, parce qu'il est notaire.
Alors, ce serait embarrassant s'il ne l'était pas.
M. Bourbeau: II était.
Mme Harel: Donc, une soixantaine à Québec. La
question, c'est de savoir ce qu'il adviendra des centres de décision, en
fait. Il est certain que dans la mesure où la soixantaine... Ça
n'a l'air de rien, mais cette soixantaine-là, c'est elle qui
mène, en fait.
M. Bourbeau: Non, je regrette. C'est le ministre qui
mène.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doré: J'étais sûr que le ministre allait'
dire ça. C'est bien connu.
Mme Harel: C'est bien. Mais il reste que la grande question, ce
sera de savoir s'il y aura transfert ou non d'une partie. Il ne s'agit pas,
évidemment, de le faire si ce n'est pas nécessaire, mais ou bien
la place d'affaires est là où se conçoivent les
programmes, où se planifie la gestion, ou bien, a ce moment-là,
ça reste au ministère. Et la transférer à la
Société, au mieux, ça va peut-être changer de bord
de rue sur Grande-Allée, mais fondamentalement il n'y aura pas beaucoup
plus de changements. Vous savez que les partenaires actuels, les membres de la
Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, demandent que l'implantation
se fasse à Montréal. Vous avez dû, évidemment,
être informé de cela.
M. Doré: Je suis parfaitement au courant.
Mme Harel: II y a un aspect de votre mémoire que j'ai eu,
en fait, de la difficulté à comprendre. Il a fallu que je le
relise à deux reprises; ça n'avait pas l'air très
évident. Ça concerne les prestataires de la
sécurité du revenu. Dans les notes pour une allocution du maire
et dans le mémoire, j'ai l'impression qu'on marchait sur des oeufs quand
on a rédigé ces paragraphes-là, à la page 69 du
mémoire. Dans les notes du maire, dans la même page, on dit une
chose, je pense, et son contraire. À la page 10, on dit: «Sur un
autre plan, la ville de Montréal appuie le maintien des
responsabilités actuelles du réseau Travail-Québec dans la
gestion des programmes d'employabilité à l'intention des
prestataires aptes au travail de la sécurité du revenu» et
on dit immédiatement après: «La ville estime que ces
programmes d'employabilité doivent être intégrés
à la politique québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, sous peine de marginaliser les prestataires de la
sécurité du revenu. »
Ce qui s'est plaidé énormément devant cette
commission - quand on fera un bilan - je crois que c'est, de façon
extrêmement majoritaire, le fait qu'en maintenant deux filières on
maintient une société duale, un Québec à deux
niveaux: des mesures d'employabilité pour ceux qui sont
déqualifiés et qui ont perdu leur emploi depuis quelques
années et des programmes de formation pour ceux qui sont
déjà en emploi ou qui le perdront au moment où la
Société sera en opération. Contre cette vision-là,
je pense qu'il y a un très, très, très large consensus.
Alors, je comprends qu'en principe vous êtes contre l'exclusion des
personnes assistées sociales de l'application des programmes de
formation, mais qu'en pratique vous dites: Pas tout de suite.
M. Doré: Exactement. Pour une bonne raison, c'est qu'on
pense qu'avant que tout ça se mette en place - et ça va prendre
un certain temps - avant que vraiment les sociétés soient
opérationnelles, bien, entre-temps, il y a du monde qui est au boulot et
qui est en train d'en faire, du travail. Alors, ce qu'on dit, c'est
qu'à
court terme, et c'est clair... D'aUleurs, j'ai utilisé
l'expression dans mes notes, moi, ou dans le mémoire. Le
mémoire... Je ne me rappelle plus. Mais on dit: Pour l'instant,
ça doit être maintenu sur le territoire de la ville. On pense que
la gestion coordonnée des programmes de prestation de
sécurité du revenu et des programmes d'em-ployabilité ont
permis, depuis quelques années, je dirais, d'améliorer
sensiblement - disons-le comme ça - la participation à ces
mesures des prestataires aptes au travail.
L'expérience de l'aide sociale, la crue de notre Module dans
l'intervention de l'employa-bilité auprès des prestataires ainsi,
je dirais, que la modulation des programmes aux besoins particuliers des
clientèles qu'on a à Montréal expliquent un peu cette
évolution-là. Donc, à court terme, la ville
privilégie le maintien dans le réseau. Et, là-dessus, il
me semble qu'on cite, à un moment donné, dans le mémoire,
dans l'énoncé, la conviction que toute personne sans emploi, apte
au travail, quelle que soit la source de revenu dont elle dépend,
devrait, pour peu qu'elle y consente elle-même des efforts, recevoir des
services qui lui donnent une nouvelle chance d'accéder ou de
reconquérir le marché du travail. Ces cas, on les dit à
court terme parce que, actuellement, le travail qui se fait par notre Module,
ce qu'on appelle, nous, de la sécurité du revenu, est assez
performant. On pense qu'on doit le maintenir.
À moyen terme, on pense qu'éventuellement ça
devrait s'envisager. Mais, pour ce faire, ça va peut-être
signifier - et forcément, par définition - qu'il y ait une
révision, peut-être même, de la loi 37 pour que tout
ça puisse se faire. Enfin, on verra. Je veux dire, donc, on n'en est pas
là pour le moment. Nous, la ville, avons accepté de gérer
pour les 10 prochaines années non seulement l'application de l'aide
sociale mais les programmes d'employabllité. Cela dit, on va continuer
à le faire et on pense que c'est souhaitable qu'on le fasse pour
l'instant. Mais le problème reste posé à moyen terme,
c'est clair.
Mme Harel: Le temps politique est souvent difficile à
évaluer. Vous savez que le temps politique est différent du temps
réel, quelquefois. C'est, disons, un premier ordre de problème.
Le deuxième, c'est difficile d'imaginer être satisfait des mesures
d'employabilité parce que, dans la réalité... J'ai encore
fait le point avec les gens du Module, de Montréal, la semaine
passée. Dans les faits, il n'y a pas plus de participants qu'il n'y en
avait il y a 5 ans, lorsque les mesures ne s'appliquaient qu'au moins de 30
ans. Là, elles s'appliquent, pour l'ensemble du Québec, à
220 000 nouveaux ménages. Les mesures sont essentiellement
adaptées et étaient essentiellement destinées à des
jeunes de moins de 30 ans qui n'avaient pas d'expérience de travail,
c'est-à-dire pour leur permettre d'en acquérir une, tandis que
là on se retrouve avec une clientèle qui a souvent
été - 55 % des cas - licenciée, qui a eu une
expérience de travail continue, parfois de 6 ans jusqu'à 20 ans
et plus pour le même employeur. Alors, dans ce contexte-là, est-ce
qu'il n'y a pas un danger de désespérance des gens, finalement,
parce qu'il y a inadéquation entre le nouveau profil des personnes aptes
et le type de mesures d'employabilité qui leur est offert?
M. Doré: Mais surtout une inadéquation entre le
type de personnes aptes et les emplois qui ne sont pas là dans un
contexte de récession. Il ne faut quand même pas... Je trouve que
c'est important de le mentionner, il s'est perdu beaucoup d'emplois dans les 18
derniers mois dans la région de Montréal, qui sont, pour
beaucoup, liés... Bon, la récession est là. C'est toujours
pareil: On se regarde, on se désole; on se compare, on se console. On en
a perdu moins qu'ailleurs. Sûrement que Toronto aura doublé.
Montréal n'a pas doublé. Le chômage était
déjà élevé, cela dit, mais il n'a pas
doublé. Mais c'est clair qu'on a un problème, et personne ne va
le nier. Quand je dis «on», c'est la société. Il y a
effectivement des gens aptes au travail, et qui pourraient être
dirigés dans le cadre de programmes d'employabilité, mais on n'a
pas de correspondant de l'autre côté. Alors, c'est pour ça
qu'une des choses sur lesquelles nous travaillons, c'est d'essayer d'inciter
les entreprises à mieux les utiliser. On est en train de négocier
avec nos propres syndicats, ou on se propose de le faire. Enfin, on l'a
amorcé, mais on va l'accélérer pour que la ville soit
même utilisatrice. Enfin, on veut ouvrir au maximum.
Mme Harel: Mais, M. le maire, est-ce qu'il n'y a pas un
problème particulier à l'égard de la population de
Montréal qui, en comparaison avec celle de fa phériphérie
ou de la couronne immédiate, a, finalement, une comparaison en sa
défaveur en matière de qualification? Les nouveaux emplois qui
vont se créer suite à tout ce qu'on peut espérer, ils ne
seront, vraisemblablement, même pas occupés par la population de
111e ou de la ville centrale, possiblement, s'il n'y a pas un relèvement
massif du niveau de la qualification. Et de les laisser comme ça dans
des mesures d'employabilité qui ne leur en donnent pas... Pour
l'ensemble du Québec, sur les 225 000 personnes sans emploi aptes au
travail, il y en a eu 4300 qui ont pu suivre un cours de formation
professionnelle.
Le Président (M. Philibert): Avant de répondre, M.
le maire, comme le temps passe plus vite que l'hiver, notre temps est
déjà épuisé et je vous invite à y aller
succinctement.
M. Doré: Nous, on a mis beaucoup d'emphase à
souhaiter la réforme intégrée en matière de
formation de la main-d'oeuvre, et ce n'est pas
pour rien. C'est parce qu'elle vient compléter une série
d'autres plans d'action qui se mettent en place dans la restructuration de
l'économie de Montréal. C'est évident qu'une bonne partie
des emplois vers lesquels on va pouvoir diriger la population de
Montréal va être liée au succès ou non des plans
d'action qui vont découler, dans chacun des secteurs Industriels, des
grappes industrielles, par le maillage et la sous-traitance auprès des
petites et des moyennes entreprises. Actuellement, on aurait beau vouloir
diriger le monde vers des jobs, elles n'existent pas. Alors,
éventuellement...
Mme Harel: Mais, même si elles existaient, est-ce qu'elles
n'auraient pas tendance à aller chercher leurs travailleurs en
Montérégie?
M. Bourbeau: m. le président, j'ai souvent dit à la
députée de hochelaga-maisonneuve de ne pas me pointer du doigt.
ça me met mal à l'aise.
Mme Harel: Oh! pauvre vous. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Ça fait plusieurs fois que je vous le
dis.
Le Président (M. Philibert): En conclusion. Très,
très rapidement.
Mme Harel: Pauvre ministre!
Le Président (M. Philibert): Très rapidement, il
faut conclure.
M. Doré: En conclusion, M. le Président, on dit:
Pour l'instant, on maintient l'idée que les programmes
d'employabilité devraient continuer à être
gérés par le Module de la sécurité du revenu, pour
la raison qu'on explique, mais on souhaite qu'à moyen terme, avec
l'introduction d'une approche d'une politique de main-d'oeuvre
intégrée comme on la souhaite, éventuellement, tout cela
puisse se faire à l'intérieur d'une politique d'ensemble. C'est
essentiellement ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le maire.
M. Bourbeau: Un dernier mot, M. le Président?
Le Président (M. Philibert): Rapidement.
M. Bourbeau: Oui. En remerciant les gens de la ville de
Montréal, je souligne ce que le maire de Montréal disait
tantôt: quand on se regarde, on se désole, mais quand on regarde
les autres, dans le fond, on se console. C'est vrai que, parfois, on a tendance
à rendre ça pire que c'est. Je regardais les statistiques sur le
chômage, par exemple. Est-ce qu'on sait que, ce mois-ci, il y a 10 000
chômeurs de moins au Québec qu'il y a un an, au mois de
février il y a un an? On se dit que le chômage augmente, augmente,
bien, il y en a moins aujourd'hui, il y en a 10 000 de moins.
Mme Harel: À cause du découragement. M.
Bourbeau: Écoutez, de toute façon...
Mme Harel: » faut regarder le taux d'activité de la
population.
M. Bourbeau: Non, le taux d'activité n'a pas varié
de façon plus grande.
Mme Harel: II y a 22 000 découragés qui ne sont pas
mis dans les statistiques.
M. Bourbeau: Deuxièmement, M. le Président, je
voulais aussi dire qu'il n'y a pas plus d'assistés sociaux au
Québec présentement qu'il n'y en avait il y a six ans quand on
est arrivé au pouvoir. Quand les gens disent que ça a
augmenté, c'est épouvantable, il n'y en a pas plus aujourd'hui
qu'il n'y en avait il y a six ans. Donc, relativement parlant, on peut dire que
c'est sûr que ça ne va pas très bien, mais la situation
n'est peut-être pas aussi dramatique qu'on le pense. Si on fait des
efforts tout le monde, M. le Président, je suis convaincu qu'on va
pouvoir finir par s'en sortir.
Mme Harel: Bon! Sur ces bonnes paroles... Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Et c'est le message que le maire de Montréal
nous disait tout à l'heure.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. le maire, Mme
Martin, qui accompagne M. le maire, au nom des membres de la commission, je
vous remercie de votre prestation. J'ajourne maintenant les travaux à
demain, jeudi 12 mars, à 9 h 30, dans la même salie.
(Fin de la séance à 22 h 17)