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(Seize heures une minute)
Le Président (M, Joly): Je veux souhaiter à tous et
à toutes la bienvenue à cette commission. Je rappelle le mandat
de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques sur le document de consultation intitulé
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par Mme Harel
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Joly): Merci, M. le secrétaire. Je
vous explique pourquoi nous sommes un peu en retard, là. Il se passe
quelque chose en Chambre et possiblement nous serons appelés à
voter. Alors, comme on pensait que déjà on aurait dû
être appelés, eh bien, au lieu de demeurer dans l'attente, nous
allons procéder, mais vous aurez à nous excuser tantôt
parce que possiblement nous serons appelés à voter. Aujourd'hui,
nous entendrons: Informatique MultiHexa, Corporation de développement
économique communautaire Rosemont-Petite Patrie; Mouvement
action-chômage de Montréal et Corporation de développement
communautaire des Bois-Francs. Je vois que le groupe Informatique MultiHexa a
déjà pris place. Je présume que M. Rémy Racine me
fait face, ici-Informatique MultiHexa
M. Racine (Rémy): C'est ça.
Le Président (M. Joly):... non pas comme adversaire.
M. Racine: Ha, ha, ha! J'espère.
Le Président (M. Joly): Ha, ha, ha! J'apprécierais,
M. Racine, si vous pouviez nous présenter les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
M. Racine: Oui. Alors, il y a Mme Huguette Gilbert, qui est
vice-présidente de la corporation Informatique MultiHexa, ainsi que M.
Claude La Ferrière, qui est directeur général de la
division Québec.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vous rappelle
que vous avez environ une vingtaine de minutes pour nous exposer votre
mémoire et que, par après, eh bien, le temps est réparti
de façon égale entre les deux formations pour échanger
avec vous. alors, je vous laisse aller, m. racine.
M. Racine: Premièrement, je vous remercie, M. le
Président et les membres de la commission, de nous donner
l'opportunité de faire valoir notre point de vue sur le nouveau projet
de loi 408. Alors, si vous voulez je vais vous présenter notre position
et ça me fera plaisir de répondre à vos questions.
En déposant le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, et en présentant son énoncé de politique
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif», le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu avait probablement des visées nobles et
louables que nous n'avons pas l'intention de mettre en doute ici.
Toutefois, pour les entreprises privées oeuvrant dans le domaine
de la formation de la main-d'oeuvre spécialisée et ayant
déjà entrepris le virage technologique si cher au gouvernement du
Québec, ces documents ne font que maintenir et, dans certains cas,
réaffirmer des injustices flagrantes à leur égard. En
prenant connaissance du projet du ministre Bourbeau, nous avons
été obligés de constater que, malgré les appels
répétés du secteur privé au cours des
dernières années, le gouvernement qu'il représente n'a pas
manifesté son intention d'y remédier. Le cas
échéant, cette intention n'est pas exprimée de
façon satisfaisante dans les documents qui font l'objet de cette
commission. Pourtant, ces mêmes documents font état d'une
volonté ferme de rattraper les importants retards accumulés en
matière de formation de la main-d'oeuvre au Québec et de mettre
de l'ordre dans les différents programmes existants. Voilà qui
est fort louable et nous ne pouvons qu'encourager ce projet, compte tenu de
l'urgence qu'il y a d'agir. On vous attend.
Le Président (M. Joly): Votre préambule est fait,
l'ouverture est faite.
Des voix: Ha, ha, hal
Le Président (M. Joly): On dit toujours que c'est en hiver
qu'il faut casser la glace.
M. Racine: C'est ça.
Le Président (M. Joly): Écoutez, je pense
que je vais demander au monsieur de l'enregistrement de voir si c'est
vraiment un vote. Oui? Alors, la commission suspend ses travaux temporairement,
pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 5)
(Reprise à 16 h 26)
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
J'apprécierais si on pouvait fermer la porte à l'arrière,
s'il vous plaît. Merci beaucoup. Alors, M. Racine, vous aviez
déjà fait une entrée en matière, un
préambule, et je vous avais reconnu le droit de parole pour nous exposer
votre mémoire, que ce soit vous ou les gens qui vous accompagnent et,
partant de là, eh bien, nous échangerons avec vous. Alors, je
vous laisse aller, M. Racine.
M. Racine: Merci. Alors si vous permettez, je vais résumer
mon préambule. Comme je le disais, en prenant connaissance du projet de
M. le ministre Bourbeau, nous avons été obligés de
constater que, malgré les appels répétés du secteur
privé au cours des dernières années, le gouvernement qu'il
représente n'a pas manifesté son intention de remédier aux
injustices flagrantes à l'égard des entreprises privées
oeuvrant dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre
spécialisée.
M. le ministre semble ignorer que les établissements de formation
professionnelle du secteur privé ont mis en place, depuis un certain
temps déjà, des programmes qui répondent aux besoins des
entreprises qui font appel à leurs services. Cet avant-gardisme et cette
vision prospective caractérisent mieux que tout le savoir-faire et la
compétence des établissements de formation professionnelle du
secteur privé.
Nous n'avons pas la prétention de représenter ici ni
l'ensemble des entreprises privées offrant de la formation, ni les
collèges privés offrant de l'enseignement collégial.
Cependant, compte tenu de l'envergure, de l'expérience et du rayonnement
de notre entreprise partout au Québec, nous sommes en mesure de bien
saisir les enjeux et de bien évaluer les impacts de ces politiques qui,
plutôt que d'encourager la libre entreprise en la matière,
contribuent à favoriser largement le secteur public et ses institutions
souvent déficitaires. Cela nous semble contradictoire avec le projet
gouvernemental de construire un Québec compétent et
compétitif.
M. le Président, si vous voulez me permettre, je vais vous
présenter brièvement notre firme. Informatique MuitiHexa a vu le
jour en 1983 et a commencé réellement ses activités en
1985. Son siège social est à Sainte-Foy. La compagnie s'est
développée en répondant aux besoins de formation d'une
clientèle grandissante d'utilisateurs de micro-ordinateurs. Informatique
MuitiHexa emploie aujourd'hui près de 80 professionnels répartis
dans quatre bureaux, soit à Salnte-Foy, Montréal, Chicoutimi et
Baie-Comeau. L'entreprise occupe tout près de 20 000 pieds carrés
de superficie de plancher et est équipée d'environ 320
micro-ordinateurs de technologie IBM et Macintosh.
MuitiHexa offre principalement des services de formation destinés
à des employés confrontés à des changements
technologiques, mais elle offre également des services de consultation
et de développement. Son domaine d'expertise est le micro-ordinateur;
elle ne vend pas d'équipement. Actuellement, plus de 850
sociétés font régulièrement appel à ses
services et on évalue à environ 60 000 le nombre d'individus
formés jusqu'à présent par Informatique MuitiHexa.
L'entreprise détient un permis du ministère de l'Éducation
et un permis d'enseignement professionnel de niveau collégial du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Si vous me permettez, je vais vous élaborer la
problématique qui nous amène ici cet après-midi. La
qualité des services offerts par MuitiHexa est la seule explication de
son succès, la compagnie ne pouvant pratiquement pas faire
bénéficier sa clientèle des incitations financières
contenues dans les programmes gouvernementaux de formation de la main-d'oeuvre,
mis à part, tout récemment, le crédit d'impôt
remboursable à la formation. Les commissions de formation
professionnelle, qui relèvent du ministère de la Main-d'oeuvre et
de la Sécurité du revenu, s'occupaient et s'occupent
jusqu'à maintenant de gérer ces programmes. Elles agissent comme
intermédiaires entre les entreprises et les fournisseurs de services de
formation.
Or, on sait très bien que, tel que M. le ministre l'a
lui-même déjà affirmé, en vertu de leurs missions,
les CFP se devaient avant tout de favoriser le réseau public du
ministère de l'Éducation et du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science. Le protocole tripartite définissant
les mécanismes de concertation et de collaboration entre les trois
ministères concernés, soit le ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, le ministère de
l'Éducation et le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science, établissait clairement que «conformément au
septième axe de l'énoncé de politique et plan d'action en
éducation des adultes, les ministères concernés sont tenus
de faire appel prioritairement aux réseaux publics
d'enseignement.» De plus, «à compétence égale,
notre préférence doit aller au réseau public, mais notre
objectif n'est pas de rentabiliser les équipements publics en
éducation», a dit le ministre Bourbeau dans une entrevue au
journal Le Devoir au début de 1990. Malgré ses
prétentions, les résultats sont malheureusement les
mêmes.
C'est donc, en premier lieu, vers les cégeps
que sont dirigées les entreprises qui manifestent des besoins de
perfectionnement auprès des CFP. Pourtant, des compagnies comme
Informatique MultiHexa et plusieurs institutions privées du genre
détiennent un permis en bonne et due forme du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science. Doit-on en déduire, M.
le Président, que les permis accordés aux entreprises
privées de formation non subventionnées auraient moins de poids
ou de valeur que ceux des institutions publiques?
La réalité, c'est que les établissements
privés de formation professionnelle ou spécialisée ne
coûtent rien au gouvernement. Curieusement, en plus de subventionner
directement son réseau public pour son enseignement régulier, le
gouvernement subventionne aussi indirectement les programmes
réservés des CFP.
On a maintes fois dénoncé le fait, à tort ou
à raison, dans les divers milieux concernés, que 40 % à 60
% des sommes versées dans le cadre des programmes de la CFP au
réseau du secteur public soient consacrées à payer des
frais d'administration. Nous ne disposons pas de moyens de vérifier
l'exactitude de ces données fort inquiétantes, mais si elles
s'avéraient exactes, à notre avis, la création d'une
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, telle que proposée par le projet de loi 408, ne viendra
en aucune façon améliorer cette situation. Pourtant, il y aurait
là une occasion en or pour le gouvernement de démontrer sa
véritable volonté de créer un Québec
compétent et compétitif comme le veut son énoncé de
politique.
Par exemple, MultiHexa n'a que rarement pu faire
bénéficier sa clientèle du programme de formation sur
mesure en établissement. Ce programme couvre pratiquement la
totalité des frais de formation et s'adresse à des entreprises de
200 employés et moins. Il n'est donc pas surprenant que MultiHexa ne
compte pas beaucoup d'entreprises de cette taille parmi ses clients.
Si les petites et moyennes entreprises avaient vraiment le choix, est-ce
qu'elles choisiraient les cégeps dans les mêmes proportions? Ne
vont-elles pas dans ces institutions afin de pouvoir bénéficier
de subventions qui ne leur seraient pas accordées si elles venaient dans
le secteur privé? informatique multihexa est surtout présente au
i >n de la grande organisation où des spécialistes en
informatique et en développement des ressources humaines sont
chargés de recommander les meilleures firmes de formation. dans la
grande organisation, 9 fois sur 10, c'est actuellement multihexa qui est
choisie. l'entreprise a remporté de très gros contrats à
la suite de soumissions, comme dans le cas de la ville de montréal et de
la communauté urbaine de montréal où des dizaines de
compétiteurs tentaient leur chance. informatique multihexa a obtenu le
meilleur pointage sur des critères précis: qualité des
ressources humaines, qualité de l'évaluation des besoins et des
acquis de formation, qualité du matériel pédagogique,
qualité du suivi postformation, etc. En plus d'avoir à affronter
des compétiteurs grassement subventionnés, nous avons à
faire face au favoritisme pratiqué officiellement par les CFP à
l'égard des cégeps et autres institutions du réseau
public.
Ce que nous demandons est fort simple: que le gouvernement laisse aux
forces du marché le soin de dégager les institutions les plus
aptes à offrir des services de qualité et qu'il cesse de fausser
les règles du jeu en favorisant, par des subventions ou du favoritisme
organisé, son réseau de commissions scolaires et de
cégeps. L'énoncé de politique de M. le ministre est timide
à cet égard. À la section 3.4.1 du document, il est bien
mentionné que «le gouvernement entend [...] conserver à
l'entreprise le choix du formateur lorsqu'elle s'engage dans la formation de la
main-d'oeuvre à son emploi». Si cette intention exprime une
volonté de changer les choses, nous ne pouvons qu'applaudir.
Nous croyons fermement que le domaine de la formation de la
main-d'oeuvre n'est pas un marché à considérer de la
même façon que l'éducation des individus. Il est dans
l'intérêt de la société que le domaine de la
formation de la main-d'oeuvre soit un marché libre. On sait que la saine
compétition occasionne la qualité accrue des services offerts
tout en permettant de fixer des prix justes. C'est d'ailleurs la libre
concurrence qui permet de mettre en évidence les meilleures
compétences. Si cela est vrai pour la plupart des secteurs de
l'économie, nous ne voyons pas pourquoi il en serait autrement dans le
domaine de la formation professionnelle.
La formation de la main-d'oeuvre se doit d'être un marché
ouvert, sans contraintes, où l'entreprise peut choisir librement
à qui elle désire confier son personnel. Comme dans n'importe
quel domaine, c'est l'entreprise qui devrait décider de ce qui est bon
pour elle, sans que le jeu des subventions et du favoritisme ne vienne fausser
la libre concurrence.
Les programmes administrés par la CFP ne doivent pas servir
à subventionner les cégeps plus que les institutions
privées. Puisque notre compétence est reconnue par le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, et par
les grandes entreprises du Québec, nous n'accepterons plus de jouer les
seconds violons auprès des PME. Si on veut que les CFP - ou la
Société qui doit prendre leur relève - assument pleinement
leur rôle de courtiers en formation, on doit cesser dès maintenant
de privilégier a priori le réseau du secteur public. Cela forcera
également les institutions publiques à augmenter le niveau de
qualité de leur formation ou, à tout le moins, à le
maintenir au même niveau que celui déjà offert dans les
établissements privés.
Dans les pays les plus avancés technologi-
quement, au japon, en allemagne, aux états-unis, notamment, la
formation de la main-d'oeuvre n'est pas un marché
semi-protégé, comme c'est le cas au québec. chez nous, la
formation de la main-d'oeuvre est trop souvent confondue avec le domaine de
l'éducation et est considérée par plusieurs comme une
chasse gardée du réseau public.
C'est probablement un vieux réflexe, hérité des
années soixante, que de vouloir protéger artificiellement le
réseau public et de vouloir lui trouver de nouveaux
débouchés en se servant des CFP comme agents recruteurs pour
pallier à la baisse de la fréquentation du secteur scolaire
public. Le réseau public, s'il n'a pas à douter de la
qualité de sa formation, ne devrait être favorisé d'aucune
façon pour l'obtention de contrats de ¦ perfectionnement ou de
recyclage des employés de nos entreprises québécoises. Il
est plutôt curieux que la formation professionnelle soit le seul domaine
où l'entreprise privée doive envisager une telle situation. A
notre connaissance, nulle part ailleurs dans l'appareil gouvernemental ne
retrouve-t-on une attitude semblable à l'égard de
l'entrepreneurship privé québécois.
Par ailleurs, la nouvelle mesure fiscale annoncée par le ministre
des Finances en avril dernier, le crédit d'impôt remboursable
à la formation, est un pas dans la bonne direction en ce sens que cette
mesure n'est pas discriminatoire. Cependant, en ce qui concerne son
application, les vieux réflexes subsistent. L'information sur le
programme a d'ailleurs été présentée en premier
lieu au secteur public avant de parvenir au secteur privé un peu plus
tard. Il faut toutefois ajouter que, dans le cas des institutions publiques,
cette mesure vient compléter les programmes existants qui les favorisent
déjà.
Le gouvernement désire des partenaires pour un Québec
compétent et compétitif, mais, dans les faits, en ce qui concerne
la formation de la main-d'oeuvre en milieu de travail, l'étrange
paradoxe à l'effet qu'il ne veut pas trop de compétition sur ce
terrain demeure et persiste. En subventionnant de façon discriminatoire
son réseau public, le gouvernement ne laisse aucune liberté de
choix aux entreprises: c'est le réseau public ou ça coûte
plus cher. Pourquoi ne pas laisser à l'entreprise la liberté
totale du choix du fournisseur en ne faussant pas les règles du jeu par
des catégories de subventions qui sont exclusives au secteur public?
Voilà qui pourrait constituer, à notre avis, une saine
compétition.
Malgré tout, MultiHexa, grâce à son expertise et
à son souci de la qualité, réussit à tirer son
épingle du jeu dans cette lutte inégale. C'est que plusieurs
entreprises calculent qu'il est plus rentable de faire des affaires avec
MultiHexa, malgré toute la publicité et les incitations de la CFP
qui tendent à diriger le marché de la formation vers les
cégeps.
Comme entreprise québécoise reconnue à travers tout
le Canada et sur le point de faire ses premiers pas sur la scène
internationale, il nous est difficile d'accepter le fait que, jusqu'à
maintenant, (e gouvernement fédéral, par le biais de certains
programmes, agit en quelque sorte comme un protecteur à notre endroit.
en effet, comme emploi et immigration canada s'occupe encore, pour le moment,
de la gestion des subventions gouvernementales pour les entreprises de 200
employés et plus, nous n'avions aucune difficulté à les
obtenir pour nos clients. le gouvernement fédéral, contrairement
à la cfp, n'est pas discriminatoire à l'endroit de l'entreprise
privée. compte tenu que la nouvelle-société
créée par la loi 408 administrera également les programmes
traditionnellement offerts par le gouvernement fédéral,
l'entreprise privée risque de perdre les programmes auxquels elle avait
accès à moins d'un engagement formel de la part du gouvernement
du québec de changer les pratiques actuelles.
Pour l'avenir, nous souhaitons vivement que le gouvernement, qui veut
faire un Québec compétent et compétitif, ne punisse pas le
succès en établissant des règles du jeu favorables au
réseau public d'enseignement afin de le protéger de notre
présence compétitive. Nous désirons simplement que les
règles soient les mêmes pour tout le monde et que les meilleurs
gagnent. Nous voulons que les entreprises aient la liberté de choisir
qui est habilité à former leurs employés sans que des
subventions exclusives au réseau public viennent fausser les
règles du jeu.
Nous sommes également inquiets pour notre avenir lorsque nous
voyons que le domaine de la formation de la main<_j27_oeuvre tous="" libre="" le="" entreprises="" exclusivement="" _empc3aa_che="" de="" favorisant="" _public2c_="" _mc3aa_mes="" son="" _provinciale2c_="" _dc3a9_montrc3a9_="" pourtant="" _qu27_il="" _matic3a8_re.="" soient="" gouvernement="" jamais="" maintenant="" nous="" qui="" _carrc3a9_ment="" savons="" les="" _quc3a9_bec="" que="" intervenants="" _dc3a9_sirait="" concurrence="" en="" serait="" _rc3a9_seau="" _jusqu27_c3a0_="" du="" pour="" _bc3a9_nc3a9_fique="" une="" devenir="" cette="" _bientc3b4_t="" _n27_a="" jeu="" _rc3a8_gles="" _compc3a9_tence="" parce="" risque="">
Il faut absolument abolir les clauses discriminatoires des programmes de
formation actuels pour permettre aux entreprises de choisir librement les
fournisseurs accrédités par la nouvelle Société. Il
ne s'agit pas de nier le rôle ou l'importance d'un organisme semblable.
Bien au contraire. Ce que nous cherchons essentiellement, c'est de permettre
à un plus grand nombre d'entreprises de profiter de ce savoir-faire
particulier de l'entreprise privée de formation, acquis au fil des ans
à force de recherches incessantes et de persévérance.
Nous désirons, nous aussi, être des partenaires dans ce
défi collectif que le Québec se doit de relever. Mais nous
devons, pour y parvenir, être considérés comme tels. En
entretenant une situation de concurrence déloyale à notre
égard, le gouvernement ne pourra que contribuer à nuire à
nos chances d'y réussir. La formation
professionnelle et le recyclage de la main-d'oeuvre des entreprises
constituent des éléments stratégiques et
névralgiques pour l'avenir de l'économie
québécoise. Nous croyons être en mesure d'y contribuer
étroitement. C'est une offre que le ministre Bourbeau ne peut
certainement pas négliger dans les circonstances. M. le Président
et les membres de la commission, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Joly): merci, m. racine. m. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Il est toujours
agréable, bien sûr, pour quelqu'un qui a épousé la
philosophie libérale, de lire un mémoire qui revendique haut et
clair le rôle de l'entreprise privée. Je peux vous dire que, sur
le plan philosophique, je partage entièrement votre avis que dans la
mesure du possible on devrait toujours tenter de faire en sorte de mettre en
concurrence l'entreprise publique et l'entreprise privée. C'est
ça, d'ailleurs, qu'on a commencé à faire en publiant
l'énoncé de politique. pour la première fois, je crois,
dans l'histoire récente du québec, le gouvernement, dans un
document officiel, a reconnu que, dorénavant, l'entreprise aura le choix
du formateur, même lorsqu'il s'agit de réclamer le crédit
d'impôt à la formation. ça avait été
annoncé dans le budget, il y a un an et demi, mais on le confirme dans
le document, ici. c'est la première fois, à ma connaissance que,
dans ce domaine-là en tout cas, on pourra choisir l'entreprise qui
forme, y compris l'entreprise privée, et avoir droit aux subventions
gouvernementales, c'est-à-dire, dans ce cas-ci, le crédit
d'impôt à la formation.
C'est un pas en avant qui n'a pas été
nécessairement si facile que ça à faire, compte tenu de la
philosophie qui a régné jusqu'à maintenant au gouvernement
et qui voulait qu'on encourage systématiquement le secteur public pour
des raisons historiques, dont le fait que le gouvernement ait investi tellement
dans son réseau au cours des années. Ce qui fait qu'on doive
encourager le réseau public, c'est parce que le gouvernement y a investi
beaucoup d'argent. Les Québécois ont investi beaucoup d'argent
dans le système d'éducation, donc on devrait encourager
ça. C'est la philosophie à la ba: i de cette tradition de
monopole, je dirais même, que détenait jusqu'à
récemment le secteur public dans l'enseignement professionnel.
Donc, ce monopole-là, on y a mis fin d'une certaine façon
avec la politique de main-d'oeuvre lorsqu'on a reconnu que, dorénavant,
les entreprises pourront choisir le formateur, qu'il soit public ou
privé, et avoir droit aux subventions gouvernementales venant du
crédit d'impôt à la formation. Maintenant, ce n'est pas
complet, je le reconnais. C'est un premier pas, un petit pas, mais ce n'est pas
définitif.
Il y a encore beaucoup de préférence qui est
accordée au réseau public, entre autres, dans les achats directs.
On va encore continuer, je crois, pour un certain temps en tout cas, à
donner la préférence au secteur public, mais plus
l'exclusivité, la priorité. Plus l'exclusivité, c'est une
nuance qui était introduite là aussi. (16 h 45)
On sait que, dans le secteur public, il est arrivé souvent dans
le passé qu'une commission scolaire ou un cégep a reçu un
contrat de formation du ministère de la Main-d'oeuvre et, ne pouvant pas
elle-même ou lui-même fournir la formation, a sous-contracté
le contrat avec l'entreprise privée, ce qui était un peu
étrange puisqu'on pourrait penser qu'on aurait pu directement transiger
avec l'entreprise privée sans passer par le biais d'une commission
scolaire qui, manifestement, n'avait pas les effectifs pour donner ce genre de
formation là. Donc, dorénavant, on va quand même favoriser
davantage l'entreprise privée. D'abord, au niveau des entreprises,
ça va être systématique et, en ce qui concerne les
particuliers, on ne devrait plus permettre ces sous-contrats à
l'entreprise privée donnés par une commission scolaire.
Maintenant, il reste encore du chemin à faire et je le reconnais.
On va tenter de continuer à faire en sorte d'amener de plus en plus de
compétition dans l'offre de formation de sorte que les
Québécois et les Québécoises aient toujours la
meilleure formation au meilleur coût, d'où qu'elle vienne. Est-ce
que cette prise de position que je vous énonce, que je vous rappelle, ne
répond pas à vos préoccupations?
M. Racine: Nous sommes d'accord avec vous dans le sens que la
mesure du crédit d'impôt, effectivement, a amené une
amélioration certaine dans le marché de la formation au
Québec. Comme vous l'avez dit, c'est un premier pas. Je pense qu'il
reste un deuxième pas à franchir - c'est le but, finalement, de
notre intervention - c'est de vraiment enlever tout préjudice à
l'entreprise privée face à l'obtention de contrats de
formation.
J'aimerais faire comprendre aux membres de la commission que le grand
perdant, dans le fond, c'est notre client, c'est la clientèle. C'est
qu'il y a des entreprises avec lesquelles on fait affaire qui se trouvent
pénalisées parce qu'elles veulent faire affaire avec une firme
privée, en l'occurrence, MultiHexa, je vais parier de celle que je
connais le mieux. Parce qu'elles ne peuvent pas avoir de subventions,
carrément, elles sont obligées d'investir davantage, finalement,
dans leurs coûts de formation.
Alors, nous, on se demande pourquoi, finalement, le client se voit
pénalisé face a sa démarche, à sa demande de
formation. Pourquoi le client n'aurait-il pas droit, lui aussi, à tous
les avantages auxquels il a droit face à ses besoins et à son
choix, aussi, de fournisseurs de formation? Je comprends la position du
gouvernement,
mais, si on ne fait pas les gestes tout de suite - je suis inquiet - je
me demande à quel moment nous pourrons les faire, dans l'avenir.
M. Bourbeau: II y a un autre argument que je voudrais vous
apporter, non pas parce que je ne partage pas votre point de vue, mais, disons,
pour me faire un peu l'avocat du diable. On nous fait valoir que l'entreprise
privée n'est pas présente partout au Québec. Il y a des
régions où il n'y a vraiment pas beaucoup de formateurs
privés. Dans ce sens-là, le réseau public, lui, est
obligé de maintenir, dans des régions un peu plus
éloignées, des équipements pour faire en sorte de
répondre à la demande de formation. prenons, à titre
d'exemple, je ne sais pas, moi, l'abttibi ou la gaspésie. là, le
réseau public doit maintenir des équipements, toute
l'infrastructure qu'il faut pour donner des cours, parce que le secteur
privé n'y est pas. or, souvent, dans ces endroits-là, il n'y a
pas tellement de monde et c'est déficitaire en ce sens qu'il n'y a pas
un gros volume. on doit maintenir l'infrastructure pour un volume qui est
réduit, alors que l'entreprise privée, elle, a tendance à
s'installer à montréal, à québec, où il y a
beaucoup de volume et où elle peut générer une
clientèle importante et rentabiliser ses équipements. alors,
est-ce que vous ne trouvez pas que c'est un petit peu injuste de dire à
l'entreprise publique: ne vous mêlez pas de ça? quand c'est
rentable, le privé s'en occupe et, quand ce n'est pas rentable, que le
public le prenne à sa charge. c'est un argument qu'on nous sert
souvent.
M. Racine: Écoutez, je pense que notre position n'est pas
de dire aux organismes publics de formation: Ne vous occupez pas de la
formation au Québec. Ce n'est absolument pas la position des entreprises
privées. Ce qu'on dit, c'est, je pense, que tout le monde a droit,
effectivement, de travailler ou d'oeuvrer dans les domaines de
compétence qui lui sont acquis. C'est évident que, dans les
régions éloignées, les institutions publiques ont un
rôle important à jouer parce qu'elles ont une infrastructure,
effectivement, pour répondre aux besoins.
Mais le sens de notre intervention n'est pas de dire: Donnons
l'exclusivité au secteur privé. Ce n'est absolument pas la
position que nous voulons défendre Ici. Ce qu'on dit, c'est que, dans le
domaine de la formation de la main-d'oeuvre, au Québec, II y a de la
place pour tout le monde et que, finalement, tous les intervenants, comme
fournisseurs de formation dans son sens large, devraient avoir, je dirais, des
chances égales sur le terrain. C'est que l'entreprise cliente qui a un
besoin de formation peut aussi bien faire appel, bien entendu, dans le
réseau public que dans le réseau privé. Mais pourquoi,
lorsqu'elle fait appel au réseau privé, se voit-elle
pénalisée face aux subventions auxquelles elle aurait droit?
M. Bourbeau: Je crois qu'on devrait rapidement voir des
changements en ce sens que, quand il s'agit de subventions à
l'entreprise, là, la volonté exprimée dans le document,
c'est que, dorénavant, l'entreprise aura le choix du formateur.
M. Racine: À ce moment-là, si cette
position-là est clairement défendue par le gouvernement, nous
vous félicitons de cette prise de position. Ça veut dire
qu'effectivement il y aura une amélioration qui sera apportée,
là. Est-ce que ça veut dire concrètement que les
programmes auxquels les entreprises n'avaient pas droit, par exemple, le
programme de formation en milieu de l'emploi ou de perfectionnement, le RP, les
FME... Est-ce que les entreprises clientes, qui font appel à ces
subventions-là et qui font affaire, ou qui feront affaire
dorénavant, avec le secteur privé auront droit à ces
subventions-là?
M. Bourbeau: C'est bien notre intention, oui.
M. Racine: Alors, nous vous félicitons de cette nouvelle
politique.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue,
M. Racine, et les personnes qui vous accompagnent. Le ministre dit:
«C'est bien notre intention», mais vous savez que nous sommes
à étudier un projet de loi, 408, qui va justement avoir comme
effet de transférer le pouvoir de décider entre les mains de
partenaires qui ne sont pas que gouvernementaux. Donc, vous connaissez
déjà ce projet, que le ministre nous dit vouloir faire adopter
avant la fin de la présente session, où les intervenants
syndicaux et patronaux se verraient partager le pouvoir de gérer les
programmes avec les intervenants gouvernementaux. Et sans doute êtes-vous
déjà informés - peut-être pas - qu'il y a un
quatrième partenaire qui, sans doute, je l'espère, va surgir
parmi ceux déjà identifiés pour représenter la
main-d'oeuvre fortement discriminée à l'emploi ou la
main-d'oeuvre qui est sans emploi.
Ceci dit, je vous trouve assez courageux. Je vais vous dire tout de
suite tout ce que je pense. D'abord, c'est intéressant. Votre
entreprise, je la félicite. Je vous trouve courageux de venir ici nous
tenir ce discours-là. Vous savez qu'aucun milieu d'affaires qui fera
partie de la Société n'est venu plaider ce que vous plaidez: ni
l'Association des manufacturiers du Québec - M. Le Hir était
assis là où vous êtes cet après-midi - ni Ghislain
Dufour, du Conseil du patro-
nat, ni la Chambre de commerce du Québec, ni la Chambre du
commerce de Montréal. Ce qu'ils sont. venus nous dire, c'est: Rapprochez
l'entreprise de l'éducation publique. Ce qu'ils sont venus critiquer,
c'est le fait qu'il y ait eu une sorte d'évacuation de
l'éducation publique de la formation initiale; quand on pense que 23 %
à 28 % de la main-d'oeuvre a des problèmes
d'analphabétisme, quand on pense à tout le décrochage
qu'il peut y avoir, qu'il y ait une dissociation de la formation
professionnelle, de la formation initiale et de la formation de la
main-d'oeuvre ou de la formation sur mesure. Ce qu'ils sont venus dire c'est:
Réconciliez tout ça.
Moi, j'ai lu votre mémoire avant que fa commission ne
débute la semaine passée - je vous entends le déposer - et
je me suis dit qu'il fallait discuter sincèrement de ces
questions-là. Vous faites référence, entre autres,
à l'Allemagne. Je ne sais pas ce qu'il en est pour le Japon.
Peut-être que, pour les États-Unis, c'est vrai, ce que vous nous
dites. Mais, pour l'Allemagne, je sais, par ailleurs, qu'il n'y a pas de
modèle d'intégration plus intime que le modèle allemand
d'alternance entreprise-éducation publique. C'est intimement lié.
Intimement lié. Toute la formation repose, d'ailleurs, sur ce qu'ils
appellent le modèle dual: l'école publique plus l'entreprise.
Je vous dis tout de suite, sur la question de la philosophie, je
considère que l'entreprise doit avoir le choix du formateur, mais je
dois ajouter tout de suite: quand elle paie. C'est ça, la grande
différence. Pourquoi des fonds publics seraient-ils actuellement
détournés de l'utilisation qu'on doit en faire pour offrir de la
formation professionnelle à des hommes et des femmes qui devraient
pouvoir améliorer leur sort même si leur entreprise n'est pas
exposée à la concurrence internationale, impliquée dans la
globalisation des marchés, en tout cas, tout ce que vous savez de ce qui
est le nouveau discours de la compétitivité?
La réalité, vous savez, qu'on nous a exprimée ici
est incontournable: une réceptionniste, une téléphoniste,
un chauffeur de taxi, l'équivalent de millions de nos concitoyens -
sûrement un million - qui ne sont pas dans des entreprises de pointe ou
qui ne sont pas dans leur entreprise désignés dans le plan des
ressources humaines et qui veulent pouvoir profiter d'une formation
profesionnelle adéquate. Ce n'est pas parce que: est payée par
leur entreprise, c'est parce qu'elle leur a été offerte en leur
disant: Vous allez avoir à vous préparer à changer cinq
fois d'emploi dans votre vie; alors, faites l'effort qu'il faut. Bien, ces
gens-là, maintenant, sont presque mis de côté,
écartés parce qu'il n'y a plus d'argent pour eux.
Alors, l'argent qui jusqu'à maintenant servait assez chichement,
modestement, je vous l'accorde, mais qui servait, par exemple, au recyclage et
perfectionnement; depuis 1986, diminution chaque année du nombre de
participants et des montants d'argent. Le directeur du centre Anjou me dit:
C'est passé, en deux ans, de 200 000 $ à 40 000 $, ce qu'on peut
offrir aux personnes qui veulent s'inscrire dans des cours de formation
professionnelle, en tant qu'individus.
Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que les fonds publics, ça doit
servir à offrir une formation professionnelle, une formation sur mesure
comme une formation initiale à la population. Il ne faut pas que le
sous-investissement de l'entreprise vienne, si vous voulez, à être
masqué par l'utilisation des fonds publics pour les problèmes
d'adaptation de la main-d'oeuvre dans l'entreprise. Vous connaissez
peut-être le rapport de Grandpré qui préconisait qu'il y
ait 1 % de la masse salariale qui soit consacré à l'adaptation de
la main-d'oeuvre.
C'est dans ce contexte-là que l'entreprise doit avoir le choix du
formateur, en autant qu'elle paie. Évidemment, on sait que tout
ça a des incidences, parce que, si elle paie, il y a une incidence sur
le crédit d'impôt, notamment, actuellement. Ça va
être, évidemment, quelque part, un support public à son
investissement, n'est-ce pas, parce que c'est des rentrées en moins de
revenus pour l'ensemble des fonctions, des missions de l'ensemble de la
société. Mais on accepte que ce soit ainsi si l'entreprise fait
aussi sa part. Je ne sais pas comment, vous, vous réagissez à
ça.
M. Racine: Écoutez, je partage votre point de vue sur la
nécessité, finalement, de la formation de base, de la formation
professionnelle des individus. Là où j'ai de la difficulté
à saisir votre point de vue, c'est lorsque vous parlez de
détourner des fonds publics. Je ne pense pas que, lorsque quelqu'un suit
un cours de formation professionnelle dans une institution privée ou
dans une compagnie privée, on parle de détourner des fonds
publics. Écoutez, il y a tout près de 800 compagnies
privées de formation au Québec. C'est une force importante. On ne
parle pas de quelques compagnies qui oeuvrent dans le domaine de la formation,
on parle de 800 compagnies enregistrées actuellement dans le cadre du
crédit d'impôt. Malheureusement, on ne connaît pas encore
l'Impact de marché de ces compagnies-là. On le connaîtra
davantage lorsqu'on aura les résultats des mesures de crédit
d'impôt vers la fin de 1993-1994. (17 heures)
Moi, ce que je vous dis, c'est que je ne pense pas qu'on détourne
des fonds publics lorsqu'une entreprise fait appel à une compagnie
privée pour satisfaire ses besoins de formation. Je suis d'accord avec
vous, je pense qu'on doit, bien entendu, élever les montants
consacrés à la formation de la main-d'oeuvre au Québec.
Nous sommes tout à fait d'accord que les Institutions publiques de
formation jouent un rôle dynamique et, effectivement, se rapprochent
davantage du
secteur privé, du secteur de la main-d'oeuvre. Ce que nous
disons, nous: Allons-y, mais allons-y tout le monde ensemble et travaillons
tout le monde dans le même sens et non pas l'un contre l'autre.
Écoutez, lorsque, nous, on oeuvre dans le marché,
croyez-vous qu'on a tendance ou qu'on invite les entreprises à faire
appel aux subventions, à faire appel à tous les moyens qu'elles
ont à leur disponibilité pour effectivement alléger la
facture de ta formation? Absolument pas. On travaille pour le réseau
public, à ce moment-là. Lorsqu'on vend un cours et qu'on dit:
Bon, O.K., avec les subventions de la CFP, on va avoir 100 % de tes frais de
formation qui vont être payés, on travaille pour le réseau
public carrément.
Écoutez, on a vécu dernièrement, il y a quelques
semaines, un exemple frappant et concret de ça pour une entreprise sur
laquelle on travaillait déjà depuis un an, où on avait
fait des analyses de besoins, où on avait fait tous les appels d'offres
auprès des fournisseurs d'équipement, et là, je vous parle
d'une entreprise manufacturière où il y a de la formation et de
la spécialisation à faire. On a été auprès
de la commission de formation professionnelle pour aller chercher des fonds
parce que cette entreprise-là en avait besoin, mais je vous dis qu'il a
fallu se battre jusqu'au dernier moment parce qu'un cégep a
carrément mis la main sur ce projet-là et a fait des pieds et des
mains pour nous l'enlever. Si le client n'avait pas carrément
menacé de laisser tomber la subvention, puis dit: Écoutez,
là, vous ne voulez pas nous la donner, parfait, allez-vous-en chez vous,
on va la payer complètement, bien, la commission de formation
professionnelle aurait carrément perdu ce projet-là auprès
de cette clientèle-là. Le cégep a dit non parce qu'il
n'avait pas les compétences, parce qu'il allait essayer de les chercher
à Montréal, à Trois-Rivières. Ils ont viré
la province à l'envers pour ne pas nous le donner. Écoutez...
Mme Harel: M. Racine, si vous me permettez, on va se comprendre
tout de suite. Quand je dis «détourner», ce que j'entends
par là, c'est qu'il y a quand même une rareté. Vous savez
qu'au total ce n'est pas plus de 115 000 000 $, 120 000 000 $ que le
ministère de la Main-d'oeuvre met en formation professionnelle. Alors,
ce n'est pas 100 000 000 $ en fait, hein?
M. Bourbeau: Ce n'est pas beaucoup, 100 000 000 $?
Mme Harel: Si c'est ça, ce n'est pas beaucoup. C'est parce
que ce n'est pas beaucoup que...
M. Bourbeau: Mais, moi, je trouve que c'est pas mal, 100 000 000
$
Mme Harel: ...la question... ce n'est pas beaucoup.
écoutez, savez-vous combien le ministère de l'éducation
met en formation professionnelle? 200 000 000 $.
M. Bourbeau: II y a une partie qui vient de chez nous, madame. Il
y a une partie qui vient de chez nous.
Mme Harel: 200 000 000 $. Non, écoutez. 300 000 000 $ au
total et 200 000 000 $ dans huit programmes en particulier. Si le ministre
trouve que c'est beaucoup, moi, je lui conseillerais peut-être
d'être un petit peu plus exigeant à l'égard de son
collègue du Trésor, parce que savez-vous ce qu'il est
obligé de faire présentement? C'est de couper. Il coupe et je
trouve ça très triste parce que les travailleurs et travailleuses
devraient avoir accès à des programmes de formation sur une base
individuelle. Finalement, c'est le ministère qui se retire presque
complètement de champ d'activité là et ça va avoir
pour effet de décourager ceux et celles qui reçoivent comme
discours officiel le fait qu'il faut qu'ils améliorent leur niveau de
qualification professionnelle.
Quand je dis «détourner», ce que j'entends par
là, c'est que, comme le gouvernement n'a pas le courage de demander aux
entreprises de faire leur part par rapport à leurs travailleurs en
emploi, il utilise des fonds publics pour faire la job que les entreprises
devraient faire. C'est ça le problème. Alors, moi, ce que je dis,
c'est que, quand il s'agit du choix des entreprises, oui, ça devrait
être le libre choix.
Mais ceci dit, M. Racine, il n'y a pas de favoritisme dans le secteur
public. Est-ce qu'on parte d'un marché libre, par exemple, en
matière de santé, de services sociaux ou d'éducation?
Voyez, ce à quoi je ne peux pas adhérer dans votre
mémoire, c'est une sorte de philosophie qui veut qu'il y ait une
qualité accrue des services offerts dès qu'il y a de la
concurrence. Je regrette, là, mais ce n'est pas le cas. Quand il y a de
la concurrence, en tout cas, dans le domaine des services publics - pensez
à l'éducation, pensez à la santé, pensez aux
services sociaux, pensez à la formation professionnelle des individus -
ce n'est pas du tout évident, pas du tout, du tout, du tout. En tout
cas, ce n'est pas les pays qui ont réussi comme la Suède, comme
l'Autriche, comme l'Allemagne qui ont pris ce modèle-là.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M.
Racine.
M. Racine: Alors, pour terminer et peut-être pour
répondre à ça, je ne partage pas tout à fait votre
point de vue lorsque vous dites que, lorsqu'il y a de la concurrence, ce n'est
pas nécessairement une garantie de qualité. Je peux vous dire
qu'on est le plus gros formateur de
formation en Informatique au Québec. On dépasse les
cégeps et les universités. Ce n'est sûrement pas parce que
le jeu des subventions a joué. C'est parce qu'il y avait de la
qualité. Je ne veux pas dire non plus que, dans le public, il n'y pas de
qualité. Loin de là mon idée, mais il ne faut pas
s'imaginer que, parce que ce n'est pas du public, il n'y a plus de
qualité. Je pense que, de la qualité, il y en a dans la mesure
où il y a des hommes et des femmes qui prennent leurs
responsabilités et qui veulent vraiment se mettre au diapason de leurs
clients.
Mme Harel: Ce n'est pas parce qu'il y a du privé non plus
que...
M. Racine: Non.
Mme Harel:... c'est la qualité. Alors, ça,
c'est...
M. Racine: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Pour
terminer, c'est qu'on désire être finalement des partenaires
à part égale. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Racine, Mme
Gilbert, M. LaFerrière. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Simplement pour remercier les gens d'Informatique
MultiHexa et attirer leur attention sur la page 61 du document d'orientation
qui dit bien que nous allons conserver à l'entreprise le choix du
formateur public lorsqu'elle s'engage dans la formation de la main-d'oeuvre
à son emploi. À cet endroit-là, vous allez trouver la
réponse à vos voeux.
Le Président (M. Joly): Alors, je vous remercie, au nom
des membres de cette commission, d'avoir été présents.
J'appellerais maintenant les membres de la Corporation de développement
économique communautaire Rosemont-Petite Patrie à bien vouloir
s'avancer, s'il vous plaît.
Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette
commission. Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes pour nous
exposer votre mémoire, que déjà le mémoire a
té lu, a été pris en considération. Si vous voulez
discuter d'une façon plus libre autre que de la lecture, le temps qui
vous est réparti, c'est à vous et la balance du temps sera
nécessairement répartie en temps égal entre les deux
formations. Je présume que c'est M. Cousineau. C'est ça? S'il
vous plaît, voulez-vous nous introduire les gens qui vous
accompagnent.
Corporation de développement économique
communautaire (CDEC) Rosemont-Petite Patrie
M. Cousineau (Paul): Merci. Moi, je suis
Paul Cousineau, directeur de la Corporation de développement
économique communautaire Rosemont-Petite Patrie et je suis
accompagné de Brigitte Voyer, qui est agente de développement
à l'employabilité, qui est à ma gauche, et à ma
droite, Monique Verschelden, qui remplace Richard Charette. Monique Verschelden
est membre du conseil d'administration et travaille comme intervenante
auprès d'un groupe de 18-30 ans sans emploi.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. La parole est
à vous.
M. Cousineau: Merci beaucoup. D'abord, je dois vous dire qu'on
s'est posé des questions sur ce qu'on viendrait faire et si on viendrait
ou pas vous rencontrer. On a résolument fait le choix de venir vous
répéter, et d'une façon très spontanée,
quelque chose qui est plus un cri du coeur, ce qu'on vous avait
déposé dans notre grande lettre, qu'un mémoire. On vient
vous formuler nos craintes et, après quoi, on pourra en discuter.
C'est essentiellement les mêmes thèmes qui vont vous
être présentés, peut-être un petit peu
différemment. Nous, comme CDEC, on est nés d'abord dans nos
milieux montréalais de quartiers en plein déclin. On est
spontanément partis sur la base de la concertation - c'est quelque chose
qu'on connaît bien - et on travaille maintenant à
développer l'employabilité, à développer l'emploi,
à supporter les initiatives locales, exactement comme le contexte
l'oblige. dans ce sens-là, on n'est rien de nouveau, sauf qu'on est
essentiellement issus de nos milieux, fortement supportés,
évidemment, par la municipalité, le gouvernement du
québec, le gouvernement canadien. je pense qu'on est peut-être la
petite cdec la plus prometteuse au monde. on est une petite cdec et on a
l'intention de le rester. on croit aussi que la victoire, effectivement, se
joue autour du phénomène de la concertation. en ce
sens-là, on ne peut que vous féliciter pour ce qu'on a vu comme
contenu dans l'énoncé de politique. ensuite de ça, on
s'est dit que le succès était aussi dans la
réappropriation par nos milieux de la volonté et du pouvoir de
faire du développement économique. en ce sens-là, tout ce
qui se vit, qui gigote et qui se décide au québec depuis un petit
bout de temps, ça va dans le sens de notre travail aussi. on a des
félicitations à faire au ministre parce que c'est une
espèce d'énoncé qu'on attendait depuis des années,
ça avait été promis et ce n'était jamais venu. tout
d'un coup, ça nous vient sur la table; on trouve ça fort
intéressant.
On est d'accord avec l'idée qu'il faille travailler sur le
phénomène de la main-d'oeuvre, d'accord avec le fait que
ça doive se faire surtout en concertation; là-dessus, ça a
été fort bien accueilli par la CDEC. On a été
sensibles de
façon générale au contenu, sauf qu'on a eu des
espèces d'énormes réticences. Ça venait vraiment
nous chercher loin et on va vous expliquer c'est quoi.
On est d'accord avec l'idée que le Québec doit rapatrier
tout ce qui concerne la main-d'oeuvre. Pas de problème avec ça.
La place, nous autres, où on commence à avoir des
problèmes, c'est quand il est question de la clientèle, de la
population que ça vise. On travaille dans des milieux où il y a
du monde de plus en plus magané, poqué, des assistés
sociaux en grand nombre, des chômeurs en grand nombre. On parle d'une
corporation qui est dans Rosemont-Petite Patrie, on donne des statistiques de
chômage et de sans-emploi qui tournent autour du 17 %; c'est vrai pour
l'arrondissement au complet, sauf que notre arrondissement contient aussi
Cité Jardin et le nouveau Rosemont. Quand on regarde des quartiers -
c'est ce que je regarde - moi, c'est 40 % de chômage dans
Marconi-Alexandra, c'est 30 % de chômage dans le vieux Rosemont et, dans
ce sens-là, j'ai de la misère à rester insensible à
ça, comme clientèle.
Tout d'un coup, on m'arrive avec un énoncé de politique
qui, lui, parle de la formation à faire aux gens en entreprise et aux
chômeurs de courte date, et je ne trouve rien de spécialement
sensible pour une clientèle qui est spécialement
marginalisée au plan de l'emploi. Ce n'est pas que ce n'est pas
nommé, ce n'est pas qu'on ne dit pas qu'il n'y a pas des ouvertures pour
eux autres, mais, quelque part, on a le sentiment que ce n'est pas une
priorité. C'est une espèce d'énoncé qui ne te met
pas qu'a priori ce qu'on doit faire, c'est faire en sorte d'avoir, si possible,
absence de chômage.
Tout le monde sait que c'est quelque chose de pratiquement
irréalisable, mais il faut l'avoir comme volonté. On ne la
retrouve pas. Au contraire, on a le sentiment que, pour être capable de
se soumettre aux impératifs des marchés internationaux, de la
concurrence et du développement économique, on est prêt
à le faire sur le dos d'une gang de monde, et c'est ceux qui,
présentement, ne sont pas en emploi et ne sont pas chômeurs de
courte date. C'est avec eux autres qu'on travaille, c'est pour eux autres qu'on
existe, et on a l'impression qu'il n'y a rien.
Comme corporation, on n'est ni négligés ni ignorés;
on se retrouve partout dans les documents, autant dans celui de M. Johnson que
dans celui de M. Bourbeau. Sauf que c'est le rôle qu'on veut nous faire
jouer là-dedans qui, pour nous autres, n'est pas clair. Bon,
spontanément, on trouve que notre clientèle n'est pas là.
Spontanément, on trouve aussi qu'il y a des problèmes qui ne sont
pas nommés comme étant urgents à régler. On parie
d'une espèce de rapprochement de la Main-d'oeuvre,
Sécurité du revenu, Formation professionnelle avec le MEQ et tout
le monde vient défendre son droit à être dans la structure
qui est proposée, soit au niveau national ou dans les régions.
Mais j'aurais aimé ça qu'on parie plus spécifiquement de
comment ça se fait que, dans une ville comme Montréal, on a 40 %
des jeunes qui ne terminent pas le secondaire, qui «dropent» avant
la fin. Comment ça se fait qu'il y a seulement 5 % des jeunes qui
s'inscrivent au secondaire qui vont finir avec une formation professionnelle?
Il y a eu quelque part des problèmes, avant de savoir s'il faut les
former une fois à l'emploi, et ça, j'ai l'impression que
ça ne sort pas.
On n'est pas très critiques par rapport à ce qu'on a
donné. Au contraire, il y a un petit phénomène
flatte-bedaine sur la capacité de la commission de formation
professionnelle de faire de la formation et sur celle des cégeps ou des
écoles secondaires de faire de la formation professionnelle. Tout le
monde court après le droit légitime d'être le plus
compétent pour le faire et, à quelque part, je me dis qu'il y a
une preuve d'incompétence qui est lourde dans le cas des vieux quartiers
de Montréal. Je ne parie pas pour le reste de la province; je parie pour
ce que je connais. Dans nos écoles, il n'y a pas de formation
professionnelle: 5 % seulement s'y rendent. Par rapport à ça, sur
ceux qui ont de la misère à terminer leur secondaire, on a des
statistiques déplorables où il y a 25 % des jeunes qui ont fini
au secondaire général qui, s'ils arrêtent là, n'ont
jamais d'emploi. Pour l'instant, j'arrête. Dans le cas de l'école,
on reviendra peut-être là-dessus.
Ensuite de ça, il y a la question de Montréal ville. On a
toujours le sentiment qu'on est en train de noyer Montréal dans une
espèce de grande région qui n'est jamais définie, pas plus
dans l'énoncé de politique. Le seul qui l'a nommée
clairement, c'était M. Johnson et, si c'est ça, une région
montréalaise, moi, j'ai peur, je «freake». Quand ça
part de la frontière ontarienne jusqu'à Sorel et que ça va
de Saint-Jérôme à Saint-Jean, moi, je dis: Ça, c'est
la moitié de la province, en termes de population et en termes de
concentration industrielle. Si c'est ça Montréal, il n'y a pas
assez de mesures. Quelque part je «freake» et, aujourd'hui, c'est
une question que je viens poser - je veux me faire rassurer, c'est normal - :
C'est quoi, Montréal, dans l'énoncé de politique?
C'est sûr que les couronnes montréalaises sont des
couronnes où ça va bien. L'augmentation de salaires depuis les
10, 15 dernières années, dans le cas de la couronne, on calcule
ça à coups de 38 %, 40 % et, pendant ce temps-là, on a une
perte réelle du pouvoir d'achat dans nos vieux quartiers, qui, elle, est
à la négative. Ça n'apparaît pas, ça
n'apparaît nulle part. J'ai l'impression qu'il n'est pas question du
monde avec qui je travaille. C'est comme s'il y avait... En dehors de se faire
nommer, une reconnaissance d'une job spécifique à faire dans les
vieux quartiers de Montréal, ça n'apparaît pas.
Montréal ville... Et Montréal viendra le défendre
elle-même. J'ai l'impression qu'elle va être capable de le faire,
mais, nous autres, comme développeurs dans un vieux quartier de
Montréal, on a peur. Cette année, dans notre milieu
immédiat, on a perdu presque 1000 emplois aux «shops» Angus,
on est en train d'en perdre quasiment 500 chez YBL et on en a perdu au moins
250 juste dans les métaux légers, et on en a perdu je ne sais pas
combien de milliers dans la guenille, excusez, dans le vêtement.
Ça fait que quelque part je me dis: Même si, moi, je me force pour
faire du développement professionnel et de la formation auprès de
ceux qui sont assistés sociaux par le biais de quelque programme que ce
soit, je ne serai jamais capable de faire du rattrapage. Elle est où la
relation entre le développement économique et le
développement de la main-d'oeuvre qui va faire que, moi, dans mon bout,
je n'aurai pas le sentiment d'être en train de faire de l'occupationnel,
de contrôler des colères ou bien donc de maintenir du monde pour
qu'il ne s'énerve pas? Je veux avoir le sentiment que j'ai des outils.
L'énoncé ne me donne pas le sentiment que j'ai beaucoup d'outils.
(17 h 15)
En termes de structures, avec la Société
québécoise, comme les sociétés régionales,
dans la mesure où il n'y a pas de gouvernement local, où il n'y a
pas de gouvernement vraiment régional, moi, je me dis: Tout le pouvoir
est concentré sur le ministre, mais tout le pouvoir. Si je regarde, dans
le cas de la loi - et je n'ai pas l'intention d'aborder le détail de la
loi - les articles 21, 22 et 30 disent: Le ministre, c'est le
«boss» absolu de tout ce qui va se passer en développement
de la main-d'oeuvre. Si j'étais un travailleur de la CFP, j'aurais le
sentiment d'être moins équipé en autonomie que je
l'étais avant la Société. Et, comme travailleur du milieu,
un peu la même chose. de ce temps-là, j'ai comme le sentiment
qu'on m'a donné des libertés de passer à côté
d'énormément de règles pour être capable de
régler des problèmes d'emploi. là, je ne suis plus
sûr que je vais les avoir parce que le pouvoir est tout à la
même place. là-dessus, sur les mêmes propos, il y en a qui
sont contradictoires. il v a des industriels qui ont peur que le ministre ait
tout le pouvoir parce qu'il peut être victime de fa pression populaire.
moi, je dis le contraire: quand le ministre l'a tout, j'ai l'impression qu'il
n'y a plus rien qui appartient au populaire. ça fait qu'on ne s'entend
pas sur la même conception, mais, moi, je trouve que le pouvoir est
énormément centralisé. ça pose le problème,
évidemment: à qui on est redevables? présentement, les
régions et la société québécoise ne sont
redevables qu'au ministre. et, moi, je me dis: si on travaille, tout le monde
à partir de la base pour faire une vraie concertation, il faut que ce
soit redevable à ceux qui t'ont envoyé, t'ont
délégué ou t'ont élu.
En termes de structures aussi, je vais revenir à un trou qui a
sûrement été nommé par tout le monde: c'est
l'absence de ceux qui ne sont pas en emploi. Les groupes communautaires et ceux
qui représentent les assistés sociaux et les chômeurs de
longue date n'y sont pas. Quant au Forum pour l'emploi, j'ai entendu une
conversation entre M. Dufour et M. Daoust où M. Daoust disait: Si les
patrons y sont et si le syndicat y est, tout le monde y est. Moi, j'ai
«freaké». Ce n'est pas vrai. Dans mon cas, il y a 20 % de la
population qui n'y est pas, minimum. J'ai l'air agressif. C'est juste parce
que, comme je disais au début, c'est un cri du coeur. Un cri du coeur,
ça ne peut pas être tendre et doux.
Dans les exemples concrets, on parle d'un mécanisme souple et je
ne le retrouve pas dans la façon dont la structure est
énoncée. Juste à titre d'exemple, le Fonds d'adaptation de
la main-d'oeuvre, ça devait exister pour les CDEC. La décision a
été prise il y a trois ans. Elle n'a pas été
modifiée pour permettre aux nouvelles CDEC d'y avoir accès.
Ça fait trois ans de ça. Je me dis: Comment est-ce que ça
va être, la souplesse d'une structure qui est toute centralisée
à Québec? Ils ont mis 10 000 000 $ de plus pour tous les vieux
quartiers de Montréal, dans le cadre du plan Johnson, pour
l'intervention dans la création d'initiatives locales ou de corporations
intermédiaires de travail. 10 000 000 $! 2 000 000 $ par année,
ça fait 2 000 000 $ pour toute la population qu'on représente,
tous les vieux quartiers.
Dans ce sens-là, il a fallu que je fasse une demande en dedans
d'une semaine, que ça soit acheminé à Québec, au
Conseil des ministres et au Conseil du trésor, pour me faire dire si,
oui, j'y ai droit. C'est ça, une formule souple et
décentralisée? Moi, je me dis: II me semble qu'on aurait dû
avoir le minimum de capacité de régler ça dans notre
milieu et j'ai peur que la structure qu'on est en train de mettre sur pied
conserve le même danger d'avoir toujours l'approbation qui vient d'en
haut avant de savoir si on s'en sert en bas. J'ai l'impression que ça
pourrait devenir des tables de consultation ordinaires. Je sais que la CSN
participe déjà dans la province à, au minimum, 155. Avec
une par région et une centrale, ça va lui en faire 160 et
quelques. J'espère qu'elle a du courage et qu'elle a assez de monde pour
y aller.
Moi, je pense qu'il y a quelque part des choix qui n'ont pas
été faits, comme celui de permettre au monde d'avoir accès
au travail, mais à tout le monde, que ça ne se joue pas sur la
tête de ceux qui sont déjà marginalisés. La
deuxième partie, c'est une volonté ferme de sauver
Montréal, qui a été le coeur du développement
économique. C'est comme si, maintenant, on disait: Montréal,
ça n'existe plus et la périphérie va régler le
problème. On fait une statistique moyenne; ça donne un 12 %
de
chômage et tout le monde est content. Il y a un danger, là,
vous essayez de redéfinir Montréal. Et le rôle du
gouvernement, si c'est de garantir l'égalité des chances, je
trouve que ça ne se retrouve pas. Si c'est la redistribution des
richesses, de ce temps-là, dans mon quartier, la plus grosse richesse,
c'est la job. Merci.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M.
Cousineau. Maintenant, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, les interventions se suivent
et ne se ressemblent pas. Nous avons devant nous, ici, des gens de la CDEC
Ro-semont-Petite Patrie que, d'ailleurs, nous avons eu l'occasion de rencontrer
à mon bureau de comté, si j'ai bien compris mes adjoints,
récemment, là. Evidemment, c'est un point de vue totalement
différent de celui qu'on nous a présenté
précédemment.
Bien sûr, il y a, dans la région de Montréal et
à Montréal même, des poches de pauvreté
évidentes et vous oeuvrez dans un secteur défavorisé. Le
gouvernement a tenté, depuis un certain nombre d'années, quelques
années, de venir en aide de façon très concrète
à ces populations. Nous avons supporté la mise sur pied, la
fondation des CDEC. Nous continuons à le faire de plus en plus. Le
programme présenté par mon collègue, le ministre Johnson,
en décembre, continue dans cette voie-là. Nous-mêmes en
main-d'oeuvre allons continuer à subventionner cette
région-là et ces secteurs-là d'une façon
particulière. Des fonds sont ajoutés continuellement. Maintenant,
vous semblez dire que ça ne va pas assez vite. Par contre, quand on
parle de millions et de millions de dollars venant des fonds publics, on ne
peut pas non plus nous demander là d'envoyer des chèques comme
ça à chaque fols qu'une CDEC prétend en avoir besoin. Il
faut quand même avoir un minimum de normes et de critères, et nous
sommes quand même redevables devant l'Assemblée nationale des
fonds publics.
Moi, je pense que, pour des organismes qui sont récents, qui ne
fonctionnent pas depuis très longtemps, c'est parti relativement bien.
Il y a un minimum de contraintes. Enfin, si on compare avec les contraintes
qu'on connaît dans le secteur public, je trouve, moi, qu'il y a un
minimum de contraintes et que, finalement, les CDEC jouent un rôle
important. Elles sont sur la première ligne, la ligne de feu, et nous
les supportons et nous allons continuer de les supporter dans la mesure, bien
sûr, des moyens du gouvernement.
Maintenant, vous avez fait allusion à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre et
à sa représentation en nous disant que, selon vous, la
Société devrait comprendre des représentants des groupes
communautaires à son conseil d'administration. C'est une proposi- tion
qui nous a été faite par d'autres groupes avant vous, mais
j'aimerais connaître votre avis sur la façon dont ces
groupes-là devraient être nommés. Dans quels groupes
communautaires devrions-nous choisir les mandataires et quels sont les groupes
les plus représentatifs qui devraient siéger à la
Société québécoise? Je ne vous cacherai pas qu'il y
a quand même pas mal de groupes communautaires, là, dans la
Société, et plusieurs voudraient y être. Comment voyez-vous
le processus de nomination?
Quand on s'adresse, par exemple, aux syndicats, on sait où ils
sont et on demande aux principaux syndicats de déléguer ou,
enfin, de proposer plutôt - c'est le gouvernement qui va nommer - des
noms. Quand c'est le patronat aussi, il y a des organismes à qui on peut
le demander. Quand c'est des groupes communautaires, comment, d'après
vous, devrions-nous procéder?
M. Cousineau: Je m'attendais à la question. Il y a quelque
part où...
M. Bourbeau: Vous avez tout prévu.
M. Cousineau: ...vous avez dit: On va les nommer. Moi, je pense
que, dans les groupes communautaires, comme dans les autres groupes, il existe
des réseaux et des groupes carrefours qui sont capables de réunir
là les gens qui vont eux-mêmes être capables de mandater du
monde qui va les représenter. Parce qu'un conseil d'administration de ce
type-là, les seuls à qui tu as à rendre des comptes, c'est
ceux qui à quelque part t'ont nommé. Parce que, effectivement, si
j'étais au gouvernement, j'aurais de la misère à choisir:
homme, femme, autochtone, jeune, alphabétisation, c'est un choix qui ne
se fait pas. On avait donné à titre d'exemple - ce n'était
pas exclusif - que l'ICEA est un groupe carrefour qui peut jouer ce
rôle-là.
Il y a des rassemblements de corporations, maintenant, de
développement économique communautaire à la grandeur de la
province qui pourraient jouer ce rôle-là. Il y a quelque part
où ce n'est quand même pas des groupes qui ne se connaissent pas,
ça. Ils sont capables de prendre en charge la nomination. Pas plus tard
qu'hier, il y a une population qui a élu tous azimuts des
représentants sur les conseils d'administration de CLSC et, pourtant, il
n'y avait pas de liste électorale. On leur fait confiance. À
quelque part, on a dit: Le monde va le faire. J'ai au moins la même
confiance pour les groupes de mon milieu.
En ce qui a trait à l'argent, parce que vous en avez passé
un mot, la CDEC ne demande pas de chèque. La CDEC, ce qu'elle veut,
c'est être capable d'avoir des outils pour travailler avec son monde et,
en ce sens-là, l'argent peut aller aux groupes de mon milieu, peut aller
à l'industrie de mon milieu, peut aller au développe-
ment dans mon milieu, mais je ne tiens pas à l'avoir. C'est
ça que je disais quand je disais qu'on était peut-être une
CDEC prometteuse, mais qui va rester petite. Ma seule job, c'est d'asseoir tout
ce monde-là pour à quelque part se réapproprier un
développement de notre milieu, autant les groupes communautaires que les
industriels, que les gens qui font du développement municipal,
provincial, fédéral. Ça n'a pas d'importance. En ce
sens-là, ma demande, ce n'était pas d'en avoir. C'était de
dire: Comment est-ce qu'on va nous équiper comme milieu pour faire la
job? Vous avez interprété que c'était notre désir.
Moi, comme CDEC, je vais vous dire bien franchement, à date, ça
rentre à la vitesse qu'il faut. C'est comment on va faire pour
travailler avec les autres.
M. Bourbeau: Je suis content de vous l'entendre dire parce que
j'étais sur le point de «freaker», là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cousineau: Ah! Je suis sûr que, là-dessus, on
s'entend bien.
M. Bourbeau: Ha, ha, ha!
M. Cousineau: Bien, en même temps, j'en profite: Merci pour
le support. Effectivement, il y a du support. Pour la nomination, comme je vous
dis, moi, je pense que je ferais confiance aux groupes qui sont capables
eux-même de donner une forme de délégation et de
représentation, et ils seraient en mesure aussi de demander à
leurs représentants de rendre des comptes.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, merci beaucoup.
Mme la députée...
M. Boisclair: Peut-être avec votre consentement, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Ça va définitivement
prendre le mien et celui de la commission.
M. Boisclair: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Joly): Alors, je demande aux membres de
cette commission si on permet à M. le député de
Gouin...
M. Bourbeau: On nous disait en Chambre, tout à l'heure,
demain. C'est ce qu'on se faisait répondre tantôt: Demain.
Le Président (M. Joly): Oui, mais en Chambre, c'est
ça.
M. Bourbeau: Consentement demain. C'est ça?
Le Président (M. Joly): Alors, je ne le sais pas. Moi, je
pensais même que le député était déjà
parti.
M. Bourbeau: Consentement demain. Est-ce que les membres sont
d'accord? Oui.
Le Président (M. Joly): À ce que le
député de Gouin puisse intervenir?
M. Bourbeau: On va donner le consentement aujourd'hui, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Consentement. Alors, merci, M. le
ministre. Alors, M. le député de Gouin, on vous
reconnaît.
M. Boisclair: M. le ministre, M. le Président, vous
pourrez peut-être remercier le ministre de son aimable
générosité. À tout le moins, si on sollicite le
consentement, c'est qu'on a des choses qui, certainement, peuvent, dans le
contexte actuel, être pertinentes et non pas pour discuter sur des
motions tous azimuts qui avaient comme seul objectif d'entretenir le temps de
la Chambre.
Le Président (M. Joly): Je vous demanderais plutôt
d'être pertinent, si vous voulez.
Des voix: Ah!
Le Président (M. Joly): Parce que, là, le
consentement va vous être retiré.
Une voix: Je peux m'en aller tout de suite.
Le Président (M. Joly): Je pense que vous commencez mal,
là. Moi, je suis neutre, mais j'ai un jugement aussi.
M. Bourbeau: II me semble que ça allait bien, M. le
Président, jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
député.
M. Boisclair: non, blague à part, m. le président,
je crois que... j'aimerais, d'une part, faire une brève intervention, y
aller de quelques questions et peut-être rappeler au ministre que le
discours qu'il a entendu, même s'il ne l'a pas apprécié ou
s'il l'a, à tout le moins, surpris en ce sens qu'il a pu se distinguer
du discours qu'il a pu entendre précédemment, c'est
peut-être parce que les gens qui sont à la table devant nous sont
confrontés à des réalités qui sont certes
différentes de celles de ceux qui sont venus nous parier tout à
l'heure.
J'ai le privilège de représenter une bonne partie du
territoire qui est desservi par les gens de - la Corporation de
développement économique, la CDEC, Rosemont-Petite Patrie et, M.
le
Président, malgré la sensibilité des Intervenants
et des membres de cette commission à l'égard de la
réalité de Montréal, je pense, qu'il faut parfois le vivre
de façon quotidienne pour voir jusqu'à quel point le cri du coeur
dont on nous a fait part aujourd'hui était pertinent. Rencontrer des
gens qui viennent nous voir et qui nous disent que ça va prendre un mois
avant d'avoir un rendez-vous avec la commission de formation professionnelle,
avoir des gens qui s'adressent au guichet multiservices et qui se font
répondre que ce n'est pas avant le 20 avril qu'ils vont pouvoir avoir un
rendez-vous, je peux comprendre la préoccupation qui nous est
adressée cet après-midi à l'effet qu'on ne sent pas
véritablement, dans l'énoncé de politique, une
préoccupation de faire appel à ces gens qui sont à
l'extérieur des réseaux traditionnels et qui, pourtant, font
preuve comme peu de gens le font d'une certaine volonté, d'une
volonté évidente plutôt de réintégrer le
marché du travail.
Peut-être aussi, M. le Président, souligner, tant
qu'à souligner un discours certainement qui prend différentes
couleurs, le fait que le ministre se plaise à invoquer sa
redevabilité devant l'Assemblée nationale lorsqu'il s'adresse
à des organisations communautaires. Mais, tout à l'heure, lorsque
venait le temps de discuter des sommes qui pourraient être consenties
à des partenaires privés qui pourraient s'associer aux
démarches du ministère, il ne soulevait certainement pas ce
même genre de préoccupation.
Je pense que ce qu'il faut retenir du mémoire et de la
présentation, c'est essentiellement cette volonté, d'une part,
d'associer d'autres partenaires, dont ceux du milieu communautaire. Je ne
voudrais pas présumer, moi non plus, des choix que le ministre fera.
C'est sûr qu'on pourra questionner le processus qui l'amènera
à choisir des représentants du milieu communautaire dans la
mesure où il retient cette recommandation. Bien sûr, il y a des
réseaux qui existent. Il y a différentes formules aussi qui
peuvent être retenues, comme celle du collège électoral,
une formule qui a fait ses preuves et qui a certainement été
efficace dans le passé, mais, certainement, on peut s'entendre sur la
pertinence d'avoir certaines têtes de réseau qui pourraient
contribuer au développement de la société et à
l'accomplissement de ces objectifs. Peut-être même aller plus loin
et souligner jusqu'à quel point peut-être l'ICEA est un organisme
qui, je crois, a à maintes reprises démontré sa
capacité de regrouper les intervenants alentour d'une même
table.
Moi, la question que je voudrais vous poser est un peu de regarder
à l'heure actuelle comment les choses vont. Bien sûr, vous
travaillez avec des partenaires qui sont importants. Mais parlons
particulièrement de la commission de formation professionnelle. Vous, un
organisme communautaire qui est appelé à répondre à
des besoins qui sont de plus en plus urgents - le cri de coeur que vous nous
avez lancé, je pense, en témoigne bien - comment cette
volonté-là et cette sensibilité que, je crois, vous
êtes à même de démontrer, compte tenu de votre
composition, des gens qui sont sur votre conseil d'administration et des
besoins, finalement, de votre proximité du milieu, comment cette
même sensibilité que vous ressentez ou à laquelle vous
êtes confrontés de façon quotidienne est ressentie lorsque
vient le temps de s'adresser aux gens du réseau et particulièment
ceux de la commission de formation professionnelle? (17 h 30)
M. Cousineau: Ça demande une réponse double. Nos
rapports avec les fonctionnaires de la commission de formation professionnelle
sont excellents. Une espèce de volonté mutuelle de
réaliser ensemble des choses sur notre territoire, ça, il n'y a
pas de problème. Mais c'est sûr qu'on est confrontés,
là comme ailleurs, à des structures rigides où la marge de
manoeuvre, Ils ne la possèdent pas nécessairement. Chaque fols
qu'on arrive avec des propositions qui doivent faire en sorte d'intégrer
des gens depuis longtemps marginalisés, pour faire en sorte que
ça passe à côté des normes, à
côté des programmes et qu'on fasse des entorses, je ne dis pas que
ça ne se fait pas. On a rien qu'à tricoter pour que, des fois,
ça se réalise, mais ce n'est pas facile et, spontanément,
Ils n'ont pas une marge de manoeuvre à toute épreuve.
Dans ce sens-là, d'un bord, on est confrontés aux normes
parce qu'un ministère, par définition, ça administre.
Ça part d'en haut, ça émet des directives et on ne change
pas ça sans permission. Il y a quelque part où, effectivement,
s'il y avait des marges de manoeuvre plus larges au local, on pourrait
effectivement régler plus vite au local, mais c'est la contrainte
actuelle d'une structure où les pouvoirs sont limités.
Mme Harel: Une de vos collègues, Mme Paiement, de la
corporation du Centre-Sud, a publié, dans les grands journaux nationaux,
une analyse de la situation du développement local. Ce qu'elle
constatait, c'était le danger, dans l'énoncé de politique,
que les corporations en soient plutôt réduites au programme de
développement de l'employabilité sans garantie quant au programme
de développement de l'emploi.
Vous-même, vous reprenez ça dans votre mémoire,
d'ailleurs. Dans votre préambule, dans votre présentation, vous
dites: «La CDEC oeuvre d'abord au développement de la
main-d'oeuvre et à l'amélioration de
l'employabilité». Quant au développement économique,
vous jugez nécessaire de soutenir les entreprises. Est-ce que vous avez
des garanties qu'à ce niveau-là il y aura un support financier
qui vous permettra de réaliser ce deuxième volet de
développement économique?
M. Cousineau: Posé comme ça, il n'y a aucune
garantie pour personne, jamais, nulle
part, dans la mesure où c'est des subventions annuelles
versées aussi, entre autres, à des questions de résultats.
Oui, c'est dangereux et, moi, j'ai toujours...
Mme. Harel: En avez-vous des subventions? Elles sont de quel
ordre, celles qui concernent le développement économique?
M. Cousineau: En ce qui a trait à la CDEC Rosemont-Petite
Patrie, je ne peux pas le poser parce qu'on va faire nos demandes incessamment.
Quelque part, dans l'ordre où on s'est associés aux gens qui
avaient des besoins réels, qui étaient ceux qui voulaient avoir
accès à l'emploi, donc à des programmes
d'employabilité, on a une superbe table de concertation sur le
développement de l'employabilité et de l'emploi. Le support aux
entreprises, ça, on est loin de ça. Puis, là aussi,
ça va demander des préalables pour lesquels le gouvernement va
avoir à nous aider. Je ne suis pas sûr qu'il va avoir tendance
à vouloir le faire spontanément.
On va avoir besoin d'une analyse de territoire qui va nous permettre de
travailler. On a une zone industrielle dans Rosemont-Petite Patrie: c'est la
voie ferrée qui descend tout le long jusqu'aux «shops»
Angus. Si on nous interdit les sommes d'argent nécessaires pour faire
l'analyse qu'il nous faut, c'est sûr que du développement,
ça ne s'invente pas. Si je veux aller chercher des partenaires
industriels, il faut qu'à quelque part j'arrive avec des propositions
à leur faire, il faut que j'arrive avec une analyse claire. Il faut que
je connaisse suffisamment le tissu industriel de mon milieu. Tout ce que je
sais par rapport à mon milieu - parce que je suis comme tout le monde,
je vais fouiner -c'est le nombre de pertes d'emplois. Ça, c'est
clair.
Mais comment on va être capables, ensemble, le milieu industriel,
les développeurs autant de la CIDEM, du MIC ou d'ailleurs, de
revitaliser notre quartier, ça va nous prendre à quelque part de
l'argent pour faire une analyse convenable et faire du développement.
Déjà, sur une première demande de CAMO, d'analyse de
territoire, on sent de la résistance. Moi, je me dis que ça va
nous en prendre et c'est ça que j'appelais de l'argent pour du
développement. Ce n'était pas de l'argent à la CDEC,
c'était de l'argent pour ce type de développement là.
En oui, c'est vrai que c'est dangereux qu'on utilise
éventuellement les CDEC pour ne faire que de l'intervention
auprès des individus, des groupes d'intervention employabilité
sociocommunautaires. Oui, il y a un danger. C'est là-dessus que, moi, je
me dis que, ça non plus, ça n'arrivera pas et peu importe les
sommes qu'on va nous donner, notre milieu nous a clairement mandatés
pour supporter le milieu pour du développement économique.
Développement de l'employabilité dans la mesure où il y a
du développement de l'emploi, et développement de l'emploi dans
la mesure où il y a du développement économique; sinon,
ça n'a pas de sens. Je ne ferai pas juste regarder les entreprises se
vider et se fermer dans mon milieu. Sinon, je n'ai pas besoin d'exister, je
vais retourner dans le centre où j'étais avant, qui était
un centre d'intervention sociale où on s'occupait des jeunes 18-30 et
des femmes qui veulent entrer sur le marché du travail. On ne faisait
pas du développement économique.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Cousineau. M.
te ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il nous reste simplement
à remercier les représentants de la CDEC Rosemont-Petite Patrie
pour leur contribution.
M. Cousineau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.
M. Cousineau: À une prochaine.
Le Président (M. Joly): Je demanderais maintenant au
Mouvement Action-chômage de Montréal de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît.
Alors, bienvenue à cette commission. Mme Rainville, je
présume?
Mouvement Action-chômage de Montréal Mme Rainville
(Diane): C'est ça.
Le Président (M. Joly): Oui, s'il vous plaît, Mme
Rainville, nous introduire les gens qui vous accompagnent.
Mme Rainville: Ici, à ma droite, vous avez Me Georges
Campeau, de l'étude légale Campeau, Ouellet, Nadon et
Barabé.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, s'il vous
plaît, j'entends mal! S'il vous plaît, madame.
Mme Rainville: Je répète: Me Georges Campeau, de
l'étude légale Campeau, Ouellet, Nadon et Barabé.
M. Campeau (Georges): Bonjour.
Mme Rainville: Ici, à ma gauche, vous avez Claude Girard,
qui est membre et militant au Mouvement Action-chômage. Moi, c'est Diane
Rainville, vice-présidente du Mouvement Action-chômage.
Le Président (M. Joly): Alors, comme vous savez, nous
avons déjà reçu votre mémoire.
Mme Rainville: Oui.
Le Président (M. Joly): C'est déjà pris en
considération, c'est déjà lu. Si vous voulez le relire,
c'est libre à vous. Si vous voulez échanger immédiatement,
vous avez une vingtaine de minutes à votre disposition et, par
après, nécessairement, les membres de . cette commission pourront
échanger avec vous.
Mme Rainville: O.K., je vais commencer par la présentation
du MAC de Montréal, le Mouvement Action-chômage. Fondé il y
a plus de 20 ans, le Mouvement Action-chômage de Montréal est un
organisme sans but lucratif oeuvrant dans la région de Montréal.
Son objectif: la défense des sans-emploi et des chômeurs et, de
façon générale, des droits des travailleurs et des
travailleuses. Concrètement, notre action principale a porté sur
l'assurance-chômage. Depuis 1970, nous avons été de toutes
les batailles visant à sauvegarder le droit des chômeurs et des
travailleurs aux bénéfices de la Loi sur
l'assurance-chômage, soit la réforme de l'assurance-chômage
en novembre 1990, la réforme de 1977 et celle de 1974. Nous participons
à différentes tables de concertation dont celle du Forum pour
l'emploi. Tout récemment, nous avons pris l'initiative d'organiser un
colloque dont l'objet visait à se questionner sur l'avenir du
régime d'assurance-chômage. Plusieurs associations de
salariés et organismes communautaires et populaires y ont
assisté.
En marge de la défense des droits, nous avons
développé un volet d'éducation populaire qui vise à
rendre les travailleurs et travailleuses autonomes sur le marché du
travail et face à l'assurance-chômage, et un volet de
défense individuelle des droits des chômeurs qui consiste à
représenter les prestataires devant les différentes instances de
la Commission de l'emploi et de l'immigration. Actuellement, nous comptons
à notre service quatre employés permanents, deux personnes sur
des programmes de développement d'emplois, des stagiaires en droit de
l'Université du Québec à Montréal et de
l'Université de Montréal, ainsi qu'une équipe de
bénévoles et de militants.
Nous travaillons en étroite collaboration avec l'étude
légale spécialisée Campeau, Ouellet, Nadon et
Barabé. En 1991, nous avons donné des informations à plus
de 12 000 personnes et représenté plus de 1 000 prestataires
devant les différentes instances de la Commission de l'emploi et de
l'immigration, ce qui représente une augmentation par rapport à
l'an dernier où on a évalué à 11 125 le nombre de
personnes qui ont reçu des services du MAC de Montréal. Nous
considérons que cette augmentation de clientèle est due aux
politiques monétaires du gouvernement qui sont la cause de milliers de
pertes d'emplois et de fermetures d'entreprises.
Compte tenu de notre histoire et de notre mandat, nous ne pouvons
ignorer l'énoncé de politique sur la formation professionnelle
qui a été déposé en novembre 1991. Ce projet
gouvernemental risque de modifier substantiellement la dynamique du
marché du travail et d'avoir d'importants effets sur le régime
d'assurance-chômage. Nous ne pouvons accepter que ces changements se
fassent au détriment des travailleurs et des travailleuses et aussi des
prestataires de l'assurance-chômage. Nous avons lu et
étudié avec attention l'énoncé de politique du
ministre Bourbeau et le projet de loi 408. Nous appuyons les efforts du
ministère de la Main-d'oeuvre dans sa volonté de rapatrier sous
sa juridiction la gestion de l'ensemble des programmes de formation
professionnelle et nous sommes d'avis qu'il est nécessaire de
développer une action concertée.
Toutefois, cet endossement ne signifie pas que notre organisation appuie
sans réserve l'énoncé de politique et le projet de loi
408. Le document comporte des lacunes suffisamment importantes pour
compromettre les objectifs qu'il s'est fixés. Nous nous proposons
d'aborder brièvement l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre dans ses effets sur I
employabilité, sur les travailleurs et les travailleuses et, enfin, sur
l'emploi.
L'employabilité. Ce qui nous frappe au niveau du
développement des compétences, c'est la mise à
l'écart à peu près complète des ministères
de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Nous croyons qu'il
faudrait saisir l'occasion du débat sur le développement de la
main-d'oeuvre pour intégrer la formation générale et la
formation plus spécialisée. Seule une bonne formation de base
permet de s'adapter à plus long terme. Nous jugeons essentiel
d'élargir le débat sur l'adaptation de la main-d'oeuvre à
la fois à l'éducation et au soutien de l'État aux
sans-emploi. L'énoncé de politique voit à mettre sur pied
des programmes tels que le développement des ressources humaines en
entreprise, l'aide aux personnes licenciées et l'intervention
individuelle en développement de la main-d'oeuvre. On ne met pas en
doute la nécessité de ces programmes présentés par
le ministre, mais nous nous interrogeons sur la portée limitée de
ces programmes.
En ce qui concerne l'employabilité, nous faisons les
recommandations suivantes au ministre: faire en sorte que le secteur public
d'enseignement soit le principal intervenant en matière de formation;
associer de plein droit à la démarche de formation et
d'adaptation de la main-d'oeuvre les ministères de l'Éducation et
de l'Enseignement supérieur; de concert avec ces deux ministères,
établir une politique de formation de la main-d'oeuvre
intégrée destinée à l'ensemble des travailleurs et
des travailleuses et non pas aux seuls travailleurs en emploi ou aux personnes
assistées sociales; compléter l'apprentissage des
compétences professionnelles plus
spécifiques à un emploi par l'acquisition d'une formation
générale; éliminer les aspects régressifs et la
coercition du programme intervention individuelle en développement de la
main-d'oeuvre afin qu'ils ne renforcent pas la précarité des
travailleurs sans emploi; revoir l'actuel régime d'aide sociale et en
corriger les lacunes et les aspects régressifs. en ce qui concerne
l'affirmation que la formation égale emploi, on voit à la page 19
de l'énoncé de politique que c'est écrit, et je cite:
«la formation, sans être le garant absolu d'un accès
à l'emploi, n'en représente pas moins le meilleur moyen de lutter
contre le chômage et devient de plus en plus une condition
déterminante de la création d'emplois». une telle
affirmation ne saurait tenir lieu de politique de l'emploi. passe encore que la
formation soit un élément important, mais que ce soit le meilleur
moyen et la condition déterminante de lutte au chômage et de la
création d'emplois, permettez-nous d'en douter.
L'énoncé de politique du ministre Bourbeau manque
nettement de perspective et il réaffirme la volonté
gouvernementale d'accroître son contrôle et de réduire ses
coûts sur le dos des chômeurs. Si les chômeurs n'ont pas de
travail, c'est qu'ils n'ont pas eu une bonne formation. Encore faut-il que les
emplois existent et se maintiennent si l'on veut atteindre l'objectif qui est
la lutte contre le chômage. On passe complètement sous silence ce
dont Québec a le plus urgent besoin, une politique de l'emploi. les
recommandations au ministre: adopter immédiatement une politique
d'ensemble de création d'emplois avec un objectif de réaliser le
plein emploi; la pleine utilisation des leviers dont l'état dispose pour
intervenir dans l'économie; rejeter immédiatement les politiques
économiques actuelles et créatrices de chômage et de
pauvreté; cesser de faire croire que la formation est l'unique
façon de contrer le chômage. «Le gouvernement a l'intention
de créer, par voie législative - on l'a vu dans le projet de loi
408 - un organisme public responsable de la gestion des programmes de
développement de la main-d'oeuvre sur le territoire du
Québec.» On parle de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
«Cette Société [...] sera dirigée par un conseil
d'administration constitué en f irts égales de
représentants des associations patronales, des syndicats oeuvrant dans
le secteur privé et du gouvernement.» Dans l'énoncé
de politique, on précise que la Société
bénéficiera d'une grande autonomie «à partir des
politiques de main-d'oeuvre définies par le gouvernement en concertation
avec la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre.» Mais,
après une lecture attentive de l'énoncé de politique du
ministre Bourbeau et du projet de loi 408, ici, rien n'est moins sûr. (17
h 45)
Je vous réfère à la page 40 de
l'énoncé de politique où on dit que la
Société aura à «proposer au gouvernement, mettre en
place et gérer des programmes et des activités qui permettent
d'appliquer les politiques de main-d'oeuvre élaborées par le
gouvernement et les rendre accessibles». On dit aussi, à l'article
24 du projet de loi 408: «La Société gère
également tout programme que le gouvernement lui demande d'administrer
et exécute tout autre mandat que celui-ci lui confie dans le domaine de
la main-d'oeuvre, dans celui du remplacement du revenu [...] ou dans tout autre
domaine connexe.»
Le mandat de la conférence de développement de la
main-d'oeuvre n'est pas clairement identifié. Est-ce qu'il y aura deux
organismes parallèles ou l'un prendra les décisions et l'autre
les appliquera? Pour nous, ce n'est pas clair. On recommande au ministre de
s'assurer que la nouvelle Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre ait une réelle autonomie par
rapport au gouvernement et particulièrement au ministre; renforcer la
représentativité de la Société et faire en sorte
que le mouvement populaire soit présent à son conseil
d'administration et au conseil des sociétés régionales;
intégrer à la Société le travail de la
Conférence permanente sur la main-d'oeuvre de façon à ce
que les orientations soient déterminées par la
Société et non pas seulement les grandes lignes de leur mise en
valeur. dans l'énoncé de politique, on parle aussi du
rapatriement au québec de l'assurance-chômage. avant d'entrer dans
le vif du sujet, soit le rapatriement par le ministère de la
main-d'oeuvre du régime d'assurance-chômage, nous croyons qu'il
est important de préciser l'objet de la loi sur
l'assurance-chômage, qui est présentement sous l'administration du
gouvernement fédéral, et les effets de la réforme du
régime d'assurance-chômage.
L'objet de la loi. La loi de 1940 sur l'assurance-chômage
créait un régime d'assurance qui visait à protéger
les Canadiens du risque social de la perte de leur emploi. La jurisprudence a
à maintes reprises confirmé cet aspect assurance du régime
de l'assurance-chômage. Dernièrement, on a vu dans la cause
Tétreault-Gadoury, que par une décision de la Cour suprême
du 6 juillet 1991, le juge LaForest déterminait l'objet de la loi comme
tel: «L'objet de la loi est et a toujours été
d'établir un régime d'assurance sociale aux fins d'indemniser les
chômeurs pour la perte des revenus provenant de leur emploi et d'assurer
leur sécurité économique et sociale pendant un certain
temps, et les aider ainsi à retourner sur le marché du
travail.»
Les effets de la réforme de la Loi sur l'assurance-chômage.
Dans les années quatre-vingt, le discours gouvernemental
fédéral étant axé sur le libre-échange, les
lois du marché, de l'interdépendance économique et sociale
et de la technologie mondiale, on comprend l'empressement du gouvernement
fédéral à implanter les
changements technologiques et sa volonté d'adapter la
main-d'oeuvre canadienne. De là, la nécessité de la
réforme de l'assurance-chômage de 1990 qui annonçait la
stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre. On a vu dans
l'énoncé de politique que Québec a appuyé sans
réserve la réforme de l'assurance-chômage, ce qui voulait
dire un durcissement des critères d'admissibilité, une diminution
de la période de prestations pour les chômeurs, un
désengagement total du gouvernement au soutien du chômage
régional et un financement des programmes de main-d'oeuvre à
même la réduction des prestations.
Nos prétentions sont à l'effet que le gouvernement
fédéral, par sa réforme, en détournant les fonds de
la caisse d'assurance-chômage pour défrayer les coûts
relatifs à la formation professionnelle, est en contravention avec
l'objet de la loi. Compte tenu de la jurisprudence, il y a lieu de croire qu'il
faut interpréter restrictive-ment l'article 91.2A de la Loi
constitutionnelle de 1867 qui donnait les pouvoirs au fédéral de
légiférer en matière d'assurance-chômage. Il en sera
de même pour le ministère de la Main-d'oeuvre s'il se sert
à même la caisse d'assurance-chômage pour défrayer
ses nouveaux programmes de formation de la main-d'oeuvre.
J'aimerais rappeler que, dans le rapport du Conseil consultatif sur
l'adaptation, «S'adapter pour gagner», présidé par M.
Jean de Grandpré, il recommandait de financer les nouveaux programmes au
moyen d'une taxe imputée aux entreprises. Donc, aucuns frais nouveaux ni
augmentation du déficit fédéral. On aurait pu revoir
l'efficacité de la planification de l'emploi et augmenter son budget
sans toucher à l'assurance-chômage, mais un autre choix a
été fait.
En ce qui concerne les modalités de rapatriement, le document
propose de conclure une entente administrative. Est-ce que c'est suffisant ou
devrons-nous procéder à un amendement constitutionnel? Faut-il
rappeler que la première tentative du gouvernement fédéral
pour légiférer en matière de...
Le Président (M. Joly): Excusez. Non. Ça devrait
passer par ici, s'il vous plaît, avant distribution. S'il vous
plaît. M. le secrétaire se doit de décider si... Allez,
madame.
Mme Rainville: Bon. Faut-il rappeler que la première
tentative du gouvernement fédéral pour légiférer en
matière d'assurance-chômage, d'assurance sociale, s'est
soldée par un échec? En 1940, un amendement constitutionnel
permettait au gouvernement fédéral de légiférer en
matière d'assurance-chômage.
Le financement. D'un côté, on veut maintenir le paiement
des cotisations par les employeurs et les salariés au
fédéral et, de l'autre côté, on veut se servir des
fonds pour le développement des programmes de formation sur le
territoire québécois. On peut s'interroger sur l'intention du
ministre quant au maintien de la participation des employeurs et des
salariés au régime canadien. Le solde du compte étant
favorable au Québec, il est peu probable que les autres provinces
canadiennes acceptent ce genre de proposition. Par ailleurs, dans
l'énoncé de politique, on voit que le ministre Bourbeau a
l'intention de confier à sa nouvelle Société la gestion
unifiée de l'assurance-chômage et des programmes d'adaptation sur
le territoire québécois.
Paradoxalement, l'administration de l'aide sociale continue de relever
des centres Travail-Québec, malgré la mise en oeuvre, là
aussi, d'importants programmes de recyclage. Le fait de ne pas vouloir changer
une formule gagnante pour le gouvernement justifie sans doute ce choix. Mais,
en proposant la gestion intégrée de l'assurance-chômage et
de la formation, il est également plus facile pour ce dernier de puiser
dans la caisse du régime et de financer ses nouveaux programmes de
formation. Pour le MAC de Montréal et l'ensemble des travailleurs et
travailleuses au Québec, cette attitude est inadmissible de la part de
Québec.
Pour terminer ce volet sur l'assurance-chômage, rapatrié ou
non, Québec ou Ottawa doivent respecter l'intégrité du
régime. Nous réitérons notre opposition au financement des
programmes d'adaptation à même cette caisse, d'abord, parce que
cela appauvrit et envoie prématurément nombre de travailleurs sur
l'aide sociale, mais aussi parce que cette décision prélude
à la transformation profonde du régime.
Les recommandations. Définir plus clairement comment le
gouvernement entend rapatrier le régime d'assurance-chômage.
S'engager à maintenir un régime d'assurance-chômage
distinct de tout programme d'adaptation de la main-d'oeuvre et de l'entreprise.
Refuser catégoriquement d'utiliser les cotisations
d'assurance-chômage et la caisse du régime à des fins
autres que le paiement des prestations. Dénoncer et faire en sorte que
la réforme du régime, en 1990, soit revue et corrigée de
ses aspects répressifs. Je pense que la question capitale, pour le
Mouvement Action-chômage, c'est la question du rapatriement du
régime d'assurance-chômage auprès du ministère de la
Main-d'oeuvre.
Le Président (M. Joly): Me Campeau.
M. Campeau: M. le Président, j'aimerais ajouter quelques
commentaires à ce que disait Mme Rainville. Mon nom est Georges Campeau.
Je suis avocat. Comme ça a été mentionné,
c'était marqué: une étude légale
spécialisée en assurance-chômage. On ne fait pratiquement
que de ça et un peu de sécurité du revenu. On est en train
d'étudier la nouvelle... pas la nouvelle, mais la législation qui
est en vigueur depuis 1988.
Pour en revenir à la réforme de l'assurance-chômage,
j'aimerais dire ceci. Le changement capital qui a été
opéré par cette réforme-là, c'est que le
gouvernement fédéral, l'État, a retiré son
financement de la caisse d'assurance-chômage. L'État
fédéral assumait un pourcentage de financement d'environ 20 % de
la caisse d'assurance-chômage. À l'intérieur de ces 20 %
là, il assumait une part de formation, c'est-à-dire que tous les
budgets qui relevaient de la formation professionnelle au niveau
fédéral étaient pris à même les 20 % qui
étaient la contribution de l'État au financement.
Qu'est-ce qui s'est produit avant la réforme? Ce qu'il faut dire,
c'est que, un mois avant que la réforme ait été
annoncée par la ministre Barbara McDougall, M. de Grandpré a
déposé un rapport sur la formation professionnelle - très
important de le dire - un rapport qui avait une orientation politique
complètement contraire à celle que met de l'avant actuellement le
gouvernement du Québec. Ce rapport disait de façon
concrète que les entreprises canadiennes, l'Etat canadien ne
finançaient pas adéquatement la formation professionnelle. Il
disait que les entreprises canadiennes n'avalent pas une mentalité au
niveau de la formation, qu'il fallait inciter les entreprises et qu'il fallait
plus que les inciter, il fallait plus que les exhorter, il fallait tout
simplement leur Imposer une mesure coercitive, qui était une taxe de 1
%.
Le rapport de Grandpré a été déposé
en mars 1989. Comme par hasard, un mois plus tard, Mme McDougall, la ministre
de l'époque, dépose son projet de réforme de
l'assurance-chômage et on a fait disparaître cette
notion-là. Nous, ce qu'on croit, c'est qu'on a dit tout simplement aux
employeurs: Vous contribuez au régime d'assurance-chômage. Ce sont
des mesures passives, ce ne sont pas des mesures actives; on n'est pas pour
vous contraindre à financer le régime. Vous contribuez
déjà au régime d'assurance-chômage. On va augmenter
les cotisations et on va se servir de ces cotisations-là pour financer
l'assurance-chômage.
Or, avec la réforme, on a fait d'une pierre deux coups: la
première chose qu'on a faite, c'est qu'au niveau du financement
l'État a retiré son financement et a pris de l'argent qui
était directement dans la caisse pour des fins de formation. Comment il
a fait ça? En coupant. Les estimés du ministère
fédéral étaient de 30 000 personnes à la grandeur
du Canada. Le CTC, le Conseil du travail du Canada, a fait des estimés
qui parlaient plutôt de 30 000 au niveau du Québec, et le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu,
dans un document interne d'avril 1989, parlait qu'il était pour y avoir
10 000 à 12 000 - je pense que c'était 10 700 - personnes qui
étaient pour devenir bénéficiaires de l'aide sociale
à cause qu'on coupait dans la couverture du régime. Alors,
ça, ça s'est produit dans le cadre, donc, de la réforme de
l'assurance-chômage.
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, M. Campeau.
M. Campeau: On a pris de l'argent...
Le Président (M. Joly): Je vous ai laissé
dépasser déjà largement, là.
M. Campeau: Oui.
Le Président (M. Joly): Alors, peut-être en
conclusion.
M. Campeau: Non, c'est parce que ça nous paraît
important. C'est le financement de la Société et c'est
important.
Le Président (M. Joly): Mais vous pourrez sûrement,
disons, apporter des détails supplémentaires sur cet
aspect-là. J'aimerais reconnaître M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, je tiens à remercier
les représentants du Mouvement Action-chômage de Montréal
pour leur présentation. On vient de faire état de la
réforme de l'assurance-chômage du gouvernement
fédéral et de la petite histoire de la réforme. C'est bien
évident que, lors de cette réforme-là, le gouvernement
fédéral s'est retiré du financement de
l'assurance-chômage et en même temps a convenu que,
dorénavant, une certaine proportion de la caisse
d'assurance-chômage pourrait être utilisée pour des fins de
formation.
Ce qui est malheureux un peu pour eux, c'est qu'au même moment
nous sommes entrés en récession et, donc, en plus de commander
des sommes additionnelles pour la fonction assurance, il a fallu des sommes
additionnelles pour la fonction formation, de sorte que ça a requis une
ponction énorme sur la caisse, et la caisse est passée, de 12 000
000 000 $ à 13 000 000 000 $, à 20 000 000 000 $ cette
année; d'où la nécessité d'augmenter les
cotisations.
Mais ceci étant dit, M. le Président, bien sûr, la
conjoncture n'a pas aidé le gouvernement fédéral. Si on
avait été en pleine période de progression
économique plutôt que de récession, probablement qu'on
n'aurait pas été obligé d'augmenter les cotisations, mais,
malheureusement, c'est le contraire qui est arrivé. Il reste quand
même que le fait d'utiliser une partie de la caisse
d'assurance-chômage pour des fins de formation, c'est une mesure qui va
dans le sens de ce qui est préconisé présentement par de
nombreux pays progressistes. Les fonds d'assurance-chômage dans plusieurs
pays occidentaux servent de plus en plus à, justement, financer la
formation. On lie de plus en plus l'accessibilité à
l'assurance-chômage à l'obligation de faire un effort pour se
former. C'est comme ça que, dans
certains pays, on a eu beaucoup de succès et, moi,
personnellement, je partage cette phlloso-phie-là. C'est d'ailleurs la
même philosophie qu'on a appliquée à la réforme de
l'aide sociale quand on a lié d'une certaine façon les
prestations aux mesures d'employabilité en faisant en sorte que ceux qui
font des efforts additionnels pour augmenter leur employabillté voient
leurs efforts supportés par des prestations accrues. (18 heures)
Alors, vous vous dites en faveur, dans votre mémoire, d'une
politique de l'emploi. Selon votre mémoire, une politique de formation
est insuffisante, si je lis bien. Vous ajoutez que le régime
d'assurance-chômage ne devrait pas financer autre chose que les
prestations aux chômeurs. Mais une politique de l'emploi met l'accent sur
la formation plutôt que sur le soutien passif du revenu.
D'ailleurs, le Conseil économique du Canada, dans son rapport,
«L'emploi au futur», soutenait à cet effet que le
régime d'assurance-chômage devrait être transformé en
un régime d'assurance-emploi. Le Conseil appuyait donc la réforme
de l'assurance-chômage. Les mesures de formation, malgré qu'elles
n'assurent pas un emploi, faciliteront grandement l'accès au
marché du travail, ce qui est un des objectifs d'une politique de
l'emploi, si je ne me trompe pas. Alors, quels sont, a vos yeux, les
éléments de l'énoncé qui sont contraires à
la politique de l'emploi que vous préconisez? Quels sont les
éléments qu'il faudrait ajouter, si c'est le cas, afin de le
compléter?
M. Girard (Claude): Je vais répondre. Le
Président (M. Joly): M. Girard.
M. Girard: Oui, c'est ça. Ce n'est pas tant ce qu'il y a
dans l'énoncé que ce qu'il n'y a pas, c'est-à-dire qu'une
politique de l'emploi... Ce qu'on a voulu dire en réalité, quand
on parle d'une politique de plein emploi, ce n'est pas juste... Ce qu'on
voulait surtout combattre, c'est ce que le ministre dit dans
l'énoncé, c'est-à-dire que formation égale emploi
automatiquement. Il nous semble, en tout cas, que c'est ça que...
M. Bourbeau: Je ne crois pas avoir dit ça, là.
M. Girard: C'est ce qui est beaucoup véhiculé,
entre autres, par votre ministère, puis aussi par les gens qui
défendent les règles du marché à tout prix. Ce
qu'on a voulu mettre en perspective, c'est que, si la formation est
effectivement importante dans la réduction du chômage, ce n'est
pas la seule chose. Il y a d'autres politiques et, entre autres, ce qu'on a
voulu essayer de dire dans notre mémoire, c'est qu'il y a
également des politiques monétaires, des politiques
économiques, de façon générale, qui ont une
incidence encore plus grande sur l'emploi. Actuellement, les politiques qui
sont menées et appuyées au niveau du gouvernement
fédéral et appuyées par le gouvernement du Québec
jusqu'à un certain point - ça, c'est notre analyse, notre point
de vue - créent du chômage. Et là, on se revire de bord, on
arrive avec une politique, un énoncé de politique de formation et
on dit: Formez-vous, les gens qui sont sur l'aide sociale etc., formez-vous,
suivez des cours de formation, vous êtes sûrs d'avoir un emploi au
bout de la ligne. C'est ça qui est véhiculé et c'est
ça qu'on veut dénoncer. Mais quand même, on ne dit pas que
la formation, éventuellement, n'améliore pas ses chances de
trouver un emploi. Ce n'est pas ça qu'on dit. C'est que miser uniquement
là-dessus, comme il semble que le gouvernement mise uniquement
là-dessus, en tout cas, d'après notre analyse de
l'énoncé, on trouve donc que c'est insuffisant. C'est une
réponse.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Girard. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais faire un
commentaire. Mol, je veux bien que vous disiez ce que vous voulez, que vous
fassiez voir votre point de vue, mais il ne faudrait pas nous faire dire ce
qu'on ne dit pas. Nulle part dans le document nous n'avons dit: Formez-vous,
vous êtes sûrs d'avoir un emploi. Jamais on n'a dit ça.
M. Girard: Vous le dites à la page 19.
M. Bourbeau: Je vous cite au texte. Vous venez de dire ça:
Formez-vous, vous êtes sûrs d'avoir un emploi. Nous, ni dans le
document qui est ici, ni dans la réforme de l'aide sociale, on n'a dit
aux gens: Venez prendre des mesures d'employabilité, vous êtes
sûrs d'avoir un emploi. Ce n'est jamais ce qu'on a dit. Mais ce qu'on a
dit toujours, c'est que, si vous êtes assisté social et que vous
participez aux mesures d'employabilité, vos chances de vous trouver un
emploi sont meilleures. C'est ça qu'on dit. Elles sont meilleures que si
vous ne faites rien. Si vous retournez à l'école et si vous allez
en rattrapage scolaire ou dans une autre mesure d'employabilité, vous
améliorez vos chances de vous trouver un emploi. Ça, c'est une
nuance importante dont vous vous dispensez facilement, je trouve.
Alors, moi, je peux vous répéter, au cas où il y
aurait un doute dans votre esprit, que jamais je n'ai dit, ou le
ministère: Vous êtes sûrs d'avoir un emploi si vous
participez à des mesures d'employabilité ou encore, dans le
document: Vous êtes sûrs d'avoir un emploi si vous vous formez
mieux. Dans les deux cas, c'est la même chose, c'est la même
philosophie qui prévaut: quand on fait des efforts pour se former ou
pour améliorer l'employabilité, on a de meilleures chances de se
trouver un emploi. Mais il est bien évident, et je pense que c'est
l'évi-
dence même, qu'on ne peut pas garantir d'emploi. En aucune
façon, à ma connaissance, on n'a dit ça.
Le Président (M. Joly): M. Girard.
M. Girard: Pour répliquer peut-être, quand on prend
la page 19 - on l'a d'ailleurs citée dans notre mémoire - on dit
que la formation, bien sûr, «sans être le garant absolu - et
je cite - d'un accès à l'emploi, n'en représente pas moins
le meilleur moyen... » Enfin.
M. Bourbeau: C'est ça, vous avez la réponse. C'est
exactement ça.
Le Président (M. Joly): Garant veut dire garantie.
M. Girard: non, mais aussi la «condition
déterminante de la création d'emplois». ce qu'on dit, c'est
une condition, ce n'est pas nécessairement la condition
déterminante.
M. Bourbeau: Oui, mais écoutez... M. Girard: En
tout cas, de toute façon...
M. Bourbeau:... il faut faire les nuances. nous, on les a faites,
les nuances, dans le document. je vous saurais gré de les faire
aussi.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
Mme Harel: Déjà, M. le Président. Je vous
remercie. Je suis très heureuse de vous recevoir en commission
parlementaire. Je sais l'Importance que le Mouvement Action-chômage
représente pour un grand nombre de mes concitoyens montréalais.
J'ai eu l'occasion de participer à une partie du colloque que vous avez
organisé et où se trouvait représentée la
majorité des organismes socio-économiques qui comptent à
Montréal.
Vous posez des bonnes questions. Je vous remercie pour l'historique. Le
fait est que c'est la première fois qu'on le retrouve dans un
mémoire présenté devant cette commission. Ça
explique, oui, l'initiative du gouvernement fédéral, le premier,
en 1966. Ce n'est pas indifférent de savoir que cette initiative a
conduit à la mise en place du ministère fédéral de
la main-d'oeuvre et que Québec a réagi. Maurice Bellemare,
ensuite, qui était le ministre du Travail, a mis sur pied une Direction
de la main-d'oeuvre, mais c'est toujours un peu en réaction. Tout
ça nous laisse maintenant un héritage constitutionnel où
il y a eu divorce entre la formation de la main-d'oeuvre et l'éducation.
C'est parce que le fédéral est intervenu - il plaidait que
c'était légitime, son intervention; pas de l'ingérence,
parce que ce n'était pas de l'éducation, l'éducation
étant une compétence provinciale - qu'on en est là
où on en est présentement.
Vous posez de très bonnes questions. Je pense que le ministre, il
se les pose lui-même. À la page 8, vous dites: «Pourquoi ne
pas saisir l'occasion du débat sur le développement de la
main-d'oeuvre pour revoir les finalités et le fonctionnement de notre
système public d'enseignement? Pourquoi ne pas tenter d'intégrer
formation générale et celle, plus spécialisée, que
requièrent l'entreprise et l'évolution de
l'économie?» Vous posez des bonnes questions dans votre
mémoire, sur tous ces aspects-là. Vous avez raison de
considérer que le meilleur moyen de lutter contre le chômage,
c'est de créer de l'emploi.
Là, le problème, c'est qu'on comblerait toutes les
pénuries de main-d'oeuvre et savez-vous qu'on resterait avec un taux de
chômage de 9, 1 %? Le taux de chômage est actuellement de presque
12 %. Les 83 000 pénuries de main-d'oeuvre identifiées par
Gérald Tremblay seraient toutes comblées du jour au lendemain et
on aurait encore un chômage de 9 %. C'est acceptable? Tout ça est
bien dit. Moi, je trouve que votre mémoire est inspirant.
Ce que je voudrais discuter avec vous, c'est la question des mesures
actives et passives. Le fait est que, présentement, il y a une taxe sur
la masse salariale. C'est une taxe sur la masse salariale parce que la
cotisation employeur-employé à l'assurance-chômage, c'est
une taxe sur la masse salariale. Mais une partie de cette taxe-là, c'est
pour financer de la formation professionnelle pour des travailleurs et
travailleuses licenciés ou mis à pied. Finalement, ce qu'il n'y a
pas, c'est une taxe sur la masse salariale pour de la formation professionnelle
pour des personnes, des travailleurs en emploi. Donc, il n'y a pas,
actuellement, le financement requis pour que l'entreprise fasse l'adaptation de
la main-d'oeuvre qui aurait dû suivre le traité de
libre-échange.
Le grand danger que tout ça représente,
évidemment... Comme vous l'avez bien dit d'ailleurs, comme le
gouvernement s'est servi... Un peu à l'envers de Robin des bois, il n'a
pas pris aux riches pour donner aux pauvres, lui. Il a pris dans la poche des
chômeurs pour financer la formation. Il ne faudrait quand même pas
jeter le bébé avec l'eau du bain. D'abord, il faut commencer
à dissocier le soutien du revenu de la formation professionnelle. Le
danger, c'est qu'à confondre les deux on offre de la formation
professionnelle selon le type de soutien de revenu auquel vous avez droit. Si
vous avez droit à l'assurance-chômage, ce sera telle sorte de
programme, un peu plus chromé. Si vous avez droit à
l'assistance-chômage, qui est de l'aide sociale, vous avez droit à
des programmes occupationnels, à des mesures d'employabilité
pas
chromées du tout. Si vous êtes une femme au foyer, en fait,
vous avez quasiment droit à rien comme c'est parti.
Alors, la question que je vous pose, c'est que dans votre mémoire
- vous avez cette expertise en matière de chômage, que vous dites
- à la page 12, vous dites que, dans «Bâtir ensemble
l'avenir du Canada», ce que le gouvernement fédéral dit,
c'est que l'offre fédérale serait «d'inclure dans la
constitution une clause générale de délégation de
pouvoirs législatifs entre le Parlement et les provinces». On a vu
que c'était encore pire avec Beaudoin-Dobbie. Je ne sais pas si le
ministre a renversé sa tasse de café quand il a lu ça le
matin, mais, dans Beaudoin-Dobbie, c'est la chicane permanente, c'est
multiplier par un coefficient à l'infini ce qui s'est passé
depuis 1984. Alors, vous, vous pensez...
M. Bourbeau: Ce n'est pas le dernier mot.
Mme Harel: Bon, une chance que... C'est quasiment un joviallste,
le ministre, c'est quasiment un jovialiste!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ceci dit, vous, vous voyez ça comment, le
transfert? De toute façon, il y a une loi, la loi qui gère la
caisse de l'assurance-chômage. Par cette loi-là,
déjà, il n'y a aucuns fonds publics. Le financement, c'est des
travailleurs de tout le Canada et des employeurs. Vous dites qu'ils vont voir
d'un bien mauvais oeil de passer ça à Québec pour lui
laisser carte blanche. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Joly): M. Campeau.
M. Campeau: Première remarque que j'aimerais faire - je
vais m'avancer un peu parce qu'on travaille actuellement, à ce
niveau-là, au niveau de mon contentieux: nous croyons que -je parle
strictement au niveau du gouvernement fédéral - le fait de se
servir des cotisations d'assurance-chômage à des fins autres que
le soutien du revenu est inconstitutionnel, est illégal. Les gens qui
cotisent à l'assurance-chômage cotisent d'abord pour s'assurer
contre la perte éventuelle de revenus découlant de la perte d'un
emploi. Ce qui se produit avec la réforme, au niveau
fédéral, c'est qu'on se sert des cotisations de ces
personnes-là. Je pense, entre autres, aux gens qui, pour x raison -
travail précaire - ne peuvent pas accumuler suffisamment de semaines
d'emploi assurables et ne sont pas capables d'atteindre la norme
d'admissibilité minimum. Donc, on fait cotiser ces gens-là. Ces
gens-là ne peuvent pas se qualifier au régime; ils sont
obligés de faire appel à la sécurité du revenu. On
se sert de cet argent-là pour financer de la formation à des gens
qui ne sont pas chômeurs. Alors, ça nous semble poser un
problème d'ordre constitutionnel majeur au départ.
Mme Harel: Peut-être que je me trompe, mais, moi, je crois
comprendre que tout l'argent qui vient de la caisse de
i'assurance-chômage est dédié, comme on dit, à des
programmes pour les prestataires d'assurance-chômage. J'ai même
appelé à la CFP de mon territoire parce que j'aurais
souhaité que des personnes assistées sociales puissent
bénéficier de certains programmes. On m'a dit: Non, maintenant,
il y a un nouveau vocabulaire. Ils appellent ça PAC - ça veut
dire prestataire d'assurance-chômage - puis il y a un petit mot avant, en
tout cas. Tout ça pour vous dire que c'est uniquement pour les
prestataires d'assurance-chômage. Mais vous avez raison de dire qu'il y a
plein de gens qui cotisent et qui n'y auront jamais droit parce qu'ils ne
peuvent pas se rendre admissibles à I'assurance-chômage.
M. Campeau: L'Information qu'on a, nous, il me semble, sur des
listes qu'on a obtenues de l'intérieur, comme on dit, est à
l'effet qu'effectivement il y a des entreprises qui reçoivent de
l'argent de formation par le biais de ce budget-là. Oui, Claude.
Le Président (M. Joly): M. Girard, vous voulez ajouter
quelque chose? Brièvement, s'il vous plaît!
M. Girard: Oui, brièvement. Il y a deux choses. C'est vrai
qu'il y a un nouvel article 26.1 dans la Loi sur l'assurance-chômage.
C'est vrai qu'il faut être prestataire de l'assurance-chômage pour,
éventuellement, embarquer sur les cours de formation. Mais ce qu'il faut
dire, c'est qu'il y a deux choses. Quand un prestataire
d'assurance-chômage embarque sur un cours, il a le soutien du revenu -
c'est la caisse qui le donne - mais il est admissible déjà aux
prestations. Ça, ça ne pose pas de problème. Mais, avant
la réforme de 1991, les cours, quand le gouvernement achetait un cours
au cégep ou dans n'importe quelle école
spécialisée, c'était payé par les fonds
généraux. Maintenant, on fait payer ça par la caisse.
Donc, on s'interroge sur l'illégalité de ça; c'est
là-dessus, pas sur le soutien du revenu comme tel à des gens qui
suivent la formation.
Mme Harel: C'est ça. D'accord.
M. Girard: D'ailleurs, on n'est pas contre. Mais c'est
plutôt sur l'achat de cours, l'allocation de voyage, etc. Lancer son
entreprise, on est d'accord avec ça, peut-être, mais ne prenez
surtout pas l'argent dans la poche des chômeurs. Là, c'est les
chômeurs qui paient ça.
L'autre affaire, la passe-passe du fédéral - et je vais
être rapide là-dessus, c'est le
rapport du comité sénatorial, du Sénat, qui disait
ça sur ta réforme de l'assurance-chômage - c'est que, dans
la loi, c'est possible de faire passer des dépenses de formation en
entreprise - Bell Canada ou GM, par exemple, prend tous ses travailleurs et les
recycle sur un nouveau procédé, peu importe - suite à une
entente administrative entre Emploi et Immigration et GM, par exemple. Ce
serait donc une entente de nature administrative. Le budget, l'argent qui
serait donné à même le fonds d'assurance-chômage
passerait comme si c'était de l'administration du régime. Donc,
cela n'entrerait pas... C'est assez flou, mais ce serait une manière de
puiser dans la caisse de l'assurance-chômage, de faire passer ça
par l'administration d'Emploi et Immigration, et de verser ça à
GM pour qu'elle fasse de la formation. Ça, c'est dans le rapport du
Sénat, si vous voulez le consulter.
Mme Harel: Je ne pense pas que ce soit en vigueur, par
exemple.
M. Girard:je ne le sais pas, non. là, je ne le sais pas,
mais c'était une crainte, en tout cas, que le comité
sénatorial soulevait. elle est fondée, pour notre part.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Girard. M. le
ministre.
Mme Harel: Peut-être monsieur... Le Président (M.
Joly): M. Campeau.
M. Campeau: Oui, je voudrais juste ajouter quelque chose.
L'énoncé de politique prévoit qu'éventuellement II
y aura une entente administrative de conclue entre Emploi et Immigration Canada
et le ministère de la Main-d'oeuvre, Sécurité du revenu,
Formation professionnelle. On aimerait ça avoir plus de renseignements
de la part du ministre à ce niveau-là. Je pense - on a quand
même réfléchi sur le sujet - qu'il est impossible d'arriver
à une telle entente administrative vu qu'il s'agit d'un champ de
compétence exclusif au fédéral en matière
d'assurance-chômage. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'on n'est pas
en matière d'immigration, on n'est pas en matière de
main-d'oeuvre. Il s'agit d'un champ de compétence exclusif du
gouvernement fédéral. Ça nécessite, à notre
point de vue, minimalement - sans parler peut-être d'un amendement
constitutionnel - un changement législatif à la Loi sur
l'assurance-chômage comme telle. Compte tenu du contexte dont vous avez
parlé tantôt, en tout cas, on est porté à douter que
le Parlement du Canada amenderait sa législation pour permettre cette
entente administrative.
M. Bourbeau: Non, il n'y a pas de problème. C'est
sûr que, si jamais on en venait à une décision à
l'effet qu'il y a volonté de procéder par voie d'entente
administrative, on amenderait les lois qu'il faut, puis les chartes qu'il faut
pour en arriver à ça. Si c'est une délégation
législative ou une primauté législative - le
fédéral a évoqué plusieurs possibilités - on
ajustera les lois en conséquence. Je ne vols pas le problème.
M. Campeau: Donc, ça prendrait un amendement à la
Loi sur l'assurance-chômage.
M. Bourbeau: Écoutez, moi, je ne suis pas un avocat, ici,
en train de donner des consultations. Mais ce que je dis, c'est que, si, sur le
plan politique, les gouvernements s'entendent pour faire quelque chose, les
lois vont s'adapter,
Mme Harel: II y a le «si» avant, par exemple!
M. Campeau: Un «si» important.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Nous allons
suspendre nos travaux pour quelques minutes, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 18 h 18)
(Reprise à 18 h 33)
Le Président (M. Joly): La commission des affaires
sociales reprend ses travaux. Je remarque que les membres de la Corporation de
développement communautaire des Bois-Francs ont déjà pris
place. J'apprécierais que la personne responsable du groupe puisse
s'identifier et aussi identifie les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Corporation de développement communautaire des
Bois-Francs
M. Lapointe (Claude): Oui, M. le Président. Mon nom est
Claude Lapointe. Je suis coordon-nateur de la Corporation de
développement communautaire des Bois-Francs qui est située
à Victoriaville. Je suis accompagné, en commençant
à mon extrême, gauche, de Mme Carmen Houde, Mme Madeleine Lebeau
et Mme Marie-Hélène Méthé, respectivement
trésorière, administratrice et agente de formation de la
Corporation. À ma droite, M. Jean Laforêt, qui est
trésorier du Comité des droits des personnes assistées
sociales de Victoriaville.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. Lapointe. Je
vous donne le temps nécessaire pour nous livrer votre mémoire.
Par après, les parlementaires échangeront avec vous. S'il vous
plaît !
M. Lapointe: Merci beaucoup. Effectivement, nous sommes
très heureux de l'opportunité qui nous est donnée
d'intervenir ce soir en commission parlementaire. Partout au Québec, le
mouvement communautaire a, en plus de son impact social évident, un
impact économique trop souvent négligé. Dans les
Bois-Francs, la Corporation de développement communautaire, qui est un
regroupement intersectoriel sous-régional, représente 89 groupes
communautaires, 570 personnes qui siègent sur les conseils
d'administration, 244 emplois permanents pour une masse salariale de 3 847 000
$, ceci n'incluant pas la quarantaine de projets temporaires impliquant tout
près de 200 personnes. Elle compte également plus de 3500
bénévoles, militantes et militants, près de 9800 membres,
des actifs nets gérés totalisant près de 9 500 000 $ et
des revenus annuels de plus de 9 500 000 $ dont à peine 43 % proviennent
de subventions. Leur contribution à la réduction des coûts
sociaux est absolument incalculable.
Nous avons la ferme conviction que notre intervention en
développement communautaire doit être reconnue à la fois
pour son impact économique et pour son impact social, et que les deux
impacts son peu dissociables.
Le mouvement communautaire, partout au Québec et,
particulièrement celui des Bois-Francs, est préoccupé
depuis longtemps par le domaine du développement global de la
main-d'oeuvre et de toute la main-d'oeuvre. Ces milieux constituent des
laboratoires diversifiés de formation originaux, efficaces et,
disons-le, peu coûteux. La Corporation de développement
communautaire des Bois-Francs y joue un rôle très actif. Que ce
soit la formation à la démocratie et à la prise en charge
individuelle et collective par le biais de l'éducation populaire, la
formation professionnelle, par le biais, entre autres, d'une entente
privilégiée avec le cégep de Victorlaville pour le
Programme d'attestation d'études collégiales en organisation
communautaire ou, encore, l'intégration et l'encadrement au travail par
des mesures de développement de l'employabilité.
C'est ainsi que nous soumettons nos recommandations à la
commission en regard de l'étude du projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, et sur l'Énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre «Partenaires pour un
Québec compétent et compétitif». Cette loi aura un
impact direct et profond sur un grand nombre de nos organisations
communautaires, sur le personnel, sur leurs militants, et leurs militantes et
sur les usagers et les usagères de leurs services.
Je cède maintenant la parole à Mme Madeleine Lebeau.
Mme Lebeau (Madeleine): Alors, l'approche globale et
équilibrée de l'intervention communautaire nous permet de
souscrire à l'énoncé selon lequel «une politique de
main-d'oeuvre interroge en effet les objectifs, les pratiques et les structures
mêmes du système scolaire, la politique d'éducation des
adultes, le rôle de l'État dans l'économie, la
problématique de l'emploi, les interventions du gouvernement en faveur
du développement régional, le soutien du revenu et les diverses
formes d'aide offerte aux chômeurs et autres personnes à la
recherche d'emploi, l'équité salariale, les normes du travail,
certains volets de la politique familiale et tout l'univers des relations du
travail.»
Ce sont des champs où plusieurs organismes communautaires et
leurs regroupements Intersectoriels sous-régionaux, c'est-à-dire
les corporations de développement communautaire, soit les CDC, et les
corporations de développement économique communautaire, les CDEC,
ont souvent développé, à partir de leur expérience,
une expertise originale et trop souvent sous-estimée. Il nous
apparaît essentiel que le mouvement communautaire du Québec soit
mis activement à contribution dans tout processus relatif à une
politique de main-d'oeuvre et impératif que lui soient dévolues
les ressources nécessaires pour le faire.
Nous recommandons donc que les organismes communautaires, que les
groupes de femmes et que les organismes représentant les groupes cibles,
soit les personnes handicapées, les jeunes, les autochtones et les
travailleuses et travailleurs sans emploi - quand je parle de travailleuses et
travailleurs sans emploi, je pense aux chômeuses, aux chômeurs, aux
prestataires d'aide sociale et aux personnes qui sont écartées du
marché du travail - soient partie intégrante des instances
décisionnelles, à la fois de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre et des
sociétés régionales, et ce, en tenant compte des
réalités régionales.
Nous recommandons aussi que des dispositions concrètes soient
inscrites dans le texte de loi afin de traduire la volonté
exprimée en page 40 de l'énoncé de politique, qu'on
s'assurera d'une représentation équitable des hommes et des
femmes.
Je cède maintenant la parole à M. Jean Laforêt.
Le Président (M. Joly): M. Laforêt.
M. Laforêt (Jean): Bonjour, M. le Président. Le
mouvement communautaire québécois est un témoin et un
acteur de plus en plus important face aux mutations socio-économiques
dans notre société et dans le monde. Ses préoccupations et
actions portent autant sur les causes que sur les conséquences de ces
mutations. La mondialisation des échanges et la libéralisation
des marchés, ainsi que les lois qui en découlent viennent souvent
accélérer un processus de désintégration
socio-économique pour des couches de plus en plus larges de la
population. Ce phénomène est
aussi trop souvent très localisé. L'appauvrissement qui
est découle n'est pas seulement économique, mais aussi social,
culturel et intellectuel.
Les défis posés par les exigences de la
compétitivité mondiale ne doivent cependant pas occulter ceux
posés par l'appauvrissement, l'occupation et le développement de
notre territoire. Le défi du plein emploi doit passer par le
développement endogène, c'est-à-dire qui émerge des
forces vives du milieu. Ce type de développement n'écarte
évidemment pas les objectifs de compétence de la main-d'oeuvre,
mais notre vécu quotidien auprès des nombreux et nombreuses
sans-emploi nous révèle la nécessité de relever ce
défi dans la justice, l'équité et la dignité.
L'énoncé de politique, en mettant d'abord l'accent sur
l'ajustement de l'offre et de la demande en main-d'oeuvre, et en
reléguant au second plan le défi de l'intégration au
marché du travail de toutes les personnes qui en sont exclues, qui
vivent d'emplois précaires ou qui sont prises dans l'engrenage trop
souvent sans issue des programmes de développement de
l'employabilité, accentue la tendance maintes fois observée d'un
Québec à deux vitesses. Le Québec ne peut se permettre
d'être compétent et compétitif en faisant abstraction d'une
partie importante de sa population. Nous recommandons que la politique de
développement de la main-d'oeuvre soit directement liée à
une stratégie de développement économique visant le plein
emploi et l'équité.
Je cède maintenant la parole à Mme
Marie-Hélène Méthé.
Le Président (M. Joly): Mme Méthé, s'il vous
plaît.
Mme Méthé (Marie-Hélène): le
mouvement communautaire a déploré, avant bien d'autres, la
complexité, la lourdeur et la confusion des régimes de gestion
des programmes de main-d'oeuvre. nous avons, depuis longtemps, identifié
les effets néfastes du dédoublement administratif, et ce, dans
bien d'autres domaines également. en l'absence d'une politique
adéquate de financement des organismes communautaires, nous vivons
quotidiennement les interminables parties de ping-pong
fédérales-provinciales auxquelles sont soumis et soumises les
bénéficiaires des programmes liés aux politiques de
remplacement ou de soutien du revenu de l'assurance-chômage et de l'aide
sociale.
Les objectifs de formation et de développement de la
main-d'oeuvre sont entravés par la durée insuffisante des mesures
et des critères davantage dictés par les statistiques que par la
réalité. Ceci entraîne une absence de continuité
dans le processus de développement de l'employabilité et celui de
la formation professionnelle, un taux de rotation très
élevé dans les organismes communautaires et un effort
d'encadrement et de formation excessivement lourd pour eux. La contribution des
organismes communautaires à cet égard est inestimable depuis
quelques décennies.
Bien sûr, ces divers programmes ne visaient pas à
répondre aux objectifs de financement des organismes communautaires,
mais ces derniers ont souvent été les seuls à tenter
activement qu'ils servent à l'atteinte des objectifs de
développement de l'employabilité et de la main-d'oeuvre. Il
s'agit d'un effort pour lier théorie et pratique rarement
égalé ailleurs.
L'arrimage entre la formation et le marché du travail est donc
aussi difficile pour les activités non soumises aux impératifs
internationaux que pour celles qui le sont. Mais «prioriser» les
premières nous apparaît nécessaire et préalable.
Le décrochage scolaire n'est souvent qu'un pâle reflet,
sinon une corrélation plus ou moins directe, du décrochage
socio-économique d'une partie de plus en plus importante de la
population marginalisée dans une économie et une
société duale. nous recommandons que les programmes
d'employabilité soient clairement intégrés au mandat de la
société de développement de la main-d'oeuvre, à
l'article 17, afin de faciliter l'accès à la formation et au
marché de l'emploi; que le québec intègre les
différents programmes et services qui s'adressent à la
main-d'oeuvre, plus particulièrement au niveau de la formation, en un
seul réseau accesssible tant aux personnes en emploi qu'aux personnes en
chômage ou prestataires de la sécurité du revenu et qu'aux
personnes sans emploi.
Je cède maintenant la parole à Mme Carmen Houde.
Le Président (M. Joly): Madame.
Mme Houde (Carmen): Nous constatons également le
sous-investissement dans le développement de la main-d'oeuvre, notamment
de la part des entreprises. Le choix de l'État d'investir dans le
développement de la main-d'oeuvre par des mesures fiscales,
c'est-à-dire des abris fiscaux ou crédit d'impôt
remboursable, nous laisse perplexes. Leur comptabilisation n'est pas
particulièrement transparente, sinon nébuleuse, parfois
même obscure. Les principes d'évaluation, voire
d'imputabilité, apparaissent difficiles. En fait, les résultats
tangibles de la panoplie d'abris fiscaux qui existent déjà pour
les entreprises privées traditionnelles n'ont jamais pu être
évalués clairement et simplement. Ceci constitue, à notre
avis, un contrepoids majeur à l'effet incitatif visé. De plus,
ces mesures ne sont pas accessibles aux organismes communautaires qui ont
généralement un statut légal d'organisme sans but lucratif
en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies ou de la
Loi sur les coopératives.
L'objectif étant le développement de la
main-d'oeuvre et non l'émulation des experts-comptables, nous
recommandons des programmes adéquats, souples et cohérents d'aide
au développement de la main-d'oeuvre pour l'ensemble du secteur
privé, incluant les organismes communautaires et liant la contribution
active, significative et évaluable des entreprises.
Nous émettons aussi certaines réserves face à la
création de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre et des sociétés
régionales. Le rapprochement avec la commission de formation
professionnelle et son personnel est évidemment facile. Le changement du
nom d'une structure ne change pas les individus, les partenaires et surtout les
attitudes.
De plus, une mise en garde se doit d'être faite concernant la
formation sur mesure qui est dispensée à même les fonds
publics par des bureaux ou des firmes privés. Loin de vouloir minimiser
le besoin de formation professionnelle pointue des entreprises, nous croyons
néanmoins que, lorsqu'il s'agit d'une formation pointue qui a peu de
chance d'être reconnue et transférable dans un autre champ
d'activité du marché du travail, les entreprises devraient alors
en assumer la responsabilité. (18 h 45)
Une formation générale de base devrait s'inscrire dans une
démarche de formation continue. Cela affirmerait d'autant les formations
plus spécifiques et répondrait également aux besoins des
personnes auxquelles elles s'adressent. Les connaissances et les
habiletés acquises avec des programmes de formation devraient être
reconnues et transférables sur le marché du travail. Pour que la
formation acquise soit qualifiante et reconnue sur le marché du travail,
il est important que les institutions publiques d'enseignement continuent de
jouer leur rôle de concert avec le milieu.
Pour conclure, je cède la parole à M. Lapointe.
Le Président (M. Joly): M. Lapointe, s'il vous
plaît.
M. Lapointe: La contribution concertée de tous les
partenaires devient donc imperative dans la mise en place de moyens souples,
à savoir des programmes, pour que la Société puisse
remplir son mandat. Le communautaire ne peut être exclu de cette
démarche, surtout si des sociétés régionales se
voient confier le mandat d'établir les priorités
régionales de développement de la main-d'oeuvre et de
l'emploi.
En attribuant aux conseils régionaux des sociétés
régionales de développement de la main-d'oeuvre un rôle de:
«...coordination des actions régionales de concertation des
partenaires patronaux, syndicaux, gouvernementaux et communautaires afin de
mettre en chantier des projets et des interventions favorisant l'orientation
professionnelle, l'intégration au marché du tra- vail, le
développement de l'emploi, la planification des besoins de main-d'oeuvre
dans les entreprises, de même que les activités de placement, de
formation, de recyclage et d'apprentissage», il deviendra
impératif que ces conseils régionaux harmonisent leur action avec
les éventuels conseils régionaux de développement
annoncés dans le cadre de la nouvelle stratégie en matière
de développement régional par le ministre responsable du
Développement régional en décembre 1991. En effet, il ne
faudrait pas que les partenaires invités à se concerter soient
piégés par deux colosses bureaucratiques régionaux.
Nous approuvons certes l'énoncé selon lequel: «Les
sociétés régionales pourront apporter un soutien technique
et financier aux organismes qui travaillent au développement local de
l'emploi et aux corporations de développement économique et
communautaire», mais nous devons préciser que le modèle
nommément cité de «corporation de développement
économique et communautaire», soit les CDEC, est un modèle
presque uniquement montréalais, mais que des «corporations de
développement communautaire» ailleurs au Québec tendent
à poursuivre des objectifs similaires.
Les corporations de développement communautaire connaissent
actuellement un développement rapide. Nous en comptons
présentement une quinzaine au Québec. La table des corporations
de développement communautaire nous a mandatés comme porte-parole
afin d'exprimer ici notre désir d'être considérés
partenaires au même titre que les corporations de développement
économique et communautaire.
M. le Président, ceci termine notre présentation.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
les représentants de la Corporation de développement
communautaire des Bois-Francs qui nous ont présenté un
mémoire très, très bien préparé, bien
étoffé aussi, et qui a été présenté
par une panoplie de gens pour montrer vraiment qu'il s'agit d'un travail qui
est communautaire, disons, certainement...
M. Lapointe: Effectivement.
M. Bourbeau: ...d'équipe. Vous portez un jugement un peu
sévère - je pense que je n'exagère pas en disant ça
- sur la CFP, la commission de formation professionnelle; manifestement, vous
avez des difficultés avec elle. Dans le résumé de votre
mémoire, vous formulez le voeu que la Société
québécoise vous fasse oublier la CFP. J'aimerais savoir
rapidement quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées
avec la CFP, chez vous. Est-ce que vous avez des exemples concrets à
nous donner
de ces difficultés-là? En quoi la proposition que nous
faisons ne serait pas susceptible d'apporter les correctifs aux
problèmes que vous soulevez?
M. Lapointe: Je pense que ce qu'il est important de retenir,
c'est le manque de souplesse dans l'application des programmes qui, fait
étonnant, fait consensus, notamment, au comité d'aide au
développement des collectivités de la MRC d'Arthabaska: les
partenaires autour de la table, que ce soit le communautaire, le monde
syndical, le monde de l'éducation, également le monde des
corporations de développement économique, des chambres de
commerce, font un rare consensus sur l'absence de souplesse dans l'application
des programmes de la CFP, notamment dans notre région. Il s'agit d'un
commentaire unanime répété deux fois lors des colloques de
positionnement du CADC de la MRC d'Arthabaska. Alors, c'est un rare consensus
et on parle du manque de souplesse ou, encore, d'un certain arbitraire à
l'intérieur de la région ou de sous-régions. On nous
parlait, dans certains cas, du nombre de personnes nécessaires pour un
programme particulier de formation, d'une application totalement
différente à Drummondville de celle qui s'est faite à
Victoriaville; des gens n'ont pas pu bénéficier du programme
compte tenu qu'on s'était limité à un nombre plus
restreint. Il y a des exemples comme ça qui pourraient être
davantage documentés, mais l'absence de souplesse est assez
rébarbative pour l'utilisation des programmes actuellement.
M. Bourbeau: Un commentaire, M. le Président. Je crois
déceler, à travers ce que vous dites, certains des
problèmes que nous-mêmes avons décelés en ce qui
concerne les relations que nous pouvons avoir avec le monde de
l'éducation. Je ne voudrais pas venir à la défense des CFP
plus qu'il ne le faut, mais si, parfois, elles vous ont paru rigides dans leurs
décisions, c'est qu'elles-mêmes sont tenues ou étaient
tenues d'observer des critères qui leur sont imposés par le
système. Par exemple, pour l'admission à des cours de formation
dans le réseau scolaire: cette admission-là est
contingentée ou réglementée très
sévèrement par des normes qui nous lient avec le milieu scolaire,
comme le nombre d'élèves, les prérequis
académiques, etc. Alors, il m'apparaît que ce dont vous parlez
tient plutôt de ce genre de contraintes auxquelles les CFP doivent se
soumettre. À moins que je ne me trompe, est-ce que ce n'est pas
plutôt ça?
M. Lapointe: Mme Méthé aurait probablement un
complément.
Le Président (M. Joly): Mme Méthé, s'il vous
plaît.
Mme Méthé: Ce n'est pas tellement au niveau de la
problématique vécue avec les trois. Souvent, quand on faisait
affaire avec la CFP, on faisait également affaire avec des institutions,
avec les cégeps beaucoup plus qu'avec les commissions scolaires. Ce
n'est pas tellement dans ces termes-là parce qu'on n'avait pas de
problème avec les gens, avec les prestataires d'assurance-chômage
ou même, à la rigueur, avec les prestataires d'aide sociale. On a
fini par gagner ça. Là où il y avait très peu de
souplesse et où le mouvement communautaire, les corporations de
développement communautaire, entre autres, vivent une énorme
problématique, c'est, qu'on ne peut se situer nulle part. On n'entre
nulle part. Donc, on n'entrait pas plus avec la CFP et, pourtant, Dieu sait que
des gens, on en a à former. Souvent, on essaie d'intégrer ces
gens-là après, malgré le financement qui nous est
très difficile.
Il n'y avait donc pas de souplesse. On a dû défoncer des
portes pour essayer d'entrer. On a rencontré des gens qui,
effectivement, étaient très, très sympathiques. On a fini
par y avoir accès, mais il a fallu se battre et rencontrer plusieurs
personnes avant d'arriver sur la bonne personne.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Trois-Rivières, s'il vous plaît.
M. Philibert: l'énoncé propose la mise en place
d'un programme d'aide aux organismes du milieu qui s'occupent de
développement de l'emploi. vous dites qu'il est important de procurer un
support gouvernemental aux organismes communautaires, mais vous n'allez pas
plus loin. vous ne commentez pas cette proposition. alors, quels sont, à
votre avis, les éléments positifs de ce programme? que
pourra-t-on faire, éventuellement, pour bonifier la proposition à
partir de votre expérience?
M. Lapointe: Je pense que ce qu'on doit retenir de
l'énoncé et qu'on souligne, d'ailleurs, dans notre
présentation, c'est que les corporations de développement
économique et communautaire ou tout organisme préoccupé du
développement de l'emploi dans des communautés locales, c'est une
avenue qui nous apparaît très, très intéressante. On
pense que des structures comme les corporations de développement
communautaire, qui se sont implantées de plus en plus dans
différentes sous-régions au Québec, sont susceptibles
d'être des partenaires privilégiés pour favoriser le
développement et de l'emploi et de la main-d'oeuvre ainsi que le
développement de l'employabilité. On veut effectivement que les
corporations de développement communautaire, davantage en milieux
semi-urbain et semi-rural, soient reconnues comme partenaires au même
titre que les CDEC en milieu davantage urbain. L'avenue nous apparaît
inté-
ressante, mais on veut aussi être associés, au même
titre que les cdec, dans les questions de développement de l'emploi dans
les différentes sous-régions.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Philibert: ce qui réglerait, à votre avis, le
problème que vous avez d'inflexibilité des programmes,
dites-vous, dans l'interprétation qu'en fait la cfp.
M. Lapointe: Ce qui pourrait contribuer, en tout cas, chose
certaine, au développement de l'emploi. On nous annonce,
l'énoncé nous dit: Les programmes seront moins nombreux,
probablement plus souples, moins de dédoublement. On dit: Bravo, si
ça peut le permettre, mais c'est bien certain qu'on veut que ça
se traduise concrètement et que ça puisse nous faire oublier
certaines mauvaises aventures avec la CFP.
M. Philibert: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Nous avons avec nous M. le député d'Arthabaska qui n'est pas
membre de cette commission et qui voudrait intervenir. Il demande si on
consent.
Une voix: Consentement conditionnel.
M. Bourbeau: M. le Président, on a eu une très
mauvaise expérience précédemment avec le
député de Gouin.
Le Président (M. Joly): Mais, on me dit que ce n'est pas
tout à fait la même approche.
M. Bourbeau: On peut peut-être l'accepter sous condition,
M. le Président.
Une voix: On peut lui faire confiance, je pense.
Le Président (M. Joly): Mais, mon problème... M. le
ministre, vous admettrez avec moi que je ne peux pas juger de la pertinence
tant et aussi longtemps qu'il n'a pas ouvert la bouche!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Étant donné que c'est un des rares
collègues qui est producteur agricole comme moi, M. le Président,
je vais lui faire confiance.
Le Président (M. Joly): Alors, M. le député
d'Arthabaska, nous vous reconnaissons.
M. Baril: On va faire l'unanimité là-dessus, sur un
consentement. Je remercie mes collègues de me donner cette
opportunité. Si je suis venu à cette commission, d'abord,
c'était pour appré- cier le mémoire que le groupe
communautaire des Bois-Francs s'est donné la peine de monter à
partir des expériences qu'il a. Le mouvement communautaire dans les
Bois-Francs, ça fait déjà tout près de 20 ans qu'il
fait un travail acharné. Je me souviens, vers l'année 1974,
d'avoir travaillé avec eux autres à élaborer, mettre en
place une coopérative de consommation de boeuf local. Ça remonte
déjà à longtemps. A l'époque, c'était le
Centre de relèvement et d'information sociale qui était la
tête dirigeante de ce réseau communautaire. Ce qui est
impressionnant, c'est que, dans notre milieu, vous avez réussi à
démontrer que le mouvement communautaire n'a pas juste un rôle
social à jouer, mais a un rôle économique aussi à
jouer. Au début de votre mémoire, vous l'avez très bien
démontré. Dans le milieu, vous avez su imposer votre respect,
à ce niveau-là, également.
En prenant connaissance de l'énoncé de politique du
ministre, j'ai été étonné de constater que, sur le
conseil d'administration de la nouvelle Société
québécoise, il n'y avait pas de place pour le mouvement
communautaire. J'ai été étonné, j'ai
été renversé. On m'a informé qu'il y aurait six
représentants patronaux, six représentants syndicaux et six
représentants du gouvernement. Quand on parle de développement
des régions, de décentralisation des régions, j'ai souvent
dit qu'on essaie de faire régler le problème des pauvres ou des
gens qui sont défavorisés par des gens qui connaissent moins
l'état de la situation, l'état des gens
défavorisés. Les groupes communautaires sont les premiers au
front à connaître les problèmes que ces gens-là
vivent.
Je souhaite et je demande au ministre d'avoir une oreille très
attentive pour demander, sinon imposer, à ces autres groupes-là
de reconnaître l'importance du milieu communautaire dans cette nouvelle
Société. C'est pareil comme si le ministre me demandait, demain
matin, de commencer à faire une recherche pour prévenir les
maladies du coeur. Moi qui ne connais rien là-dedans, je chercherais
longtemps! Quand tu veux régler un problème, améliorer une
situation, je pense que c'est idéal d'avoir les gens du milieu qui
vivent ces problèmes-là tous les jours.
On a parlé tout à l'heure de la commission de formation
professionnelle. Ça fait plus de 12 ans que je suis en politique et
ça fait plus de 12 ans que j'entends parler négativement de cette
commission dans ma région. On dit souvent que, quand on a des budgets,
on n'a pas assez de participants, puis, quand on a les participants, on n'a
plus de budgets. Puis, parce qu'on ne les a pas dépensés,
ensuite, on est coupé. C'est le chiard un peu partout. Selon les
chiffres qu'on m'a fournis, tout près de 60 % des budgets dont la
commission de formation professionnelle dispose sont là pour
l'administration. Donc, il reste à peine 40 % pour remplir la mission
qu'est la formation comme telle.
Mais, ceci dit, comment vous voyez-vous dans l'énoncé de
politique? Est-ce que vous avez une place quelque part? Est-ce qu'on vous a
fait une place quelque part, sinon au niveau du conseil d'administration de la
Société qui sera formée? Est-ce que vous retrouvez quelque
part, dans cet énoncé de politique, un projet qui va
répondre aux besoins des personnes que vous défendez? Il me
semble qu'on parle souvent qu'on va faire de la formation pour la main-d'oeuvre
active. Mais la main-d'oeuvre, je ne sais pas si je peux dire inactive, les
gens qui sont sur l'aide sociale, est-ce qu'ils ont leur place dans cette
réforme-là ou bien s'ils ne l'ont pas? ^(19 heures)
Le Président (M. Joly): M. Lapointe.
M. Lapointe: II y a un certain nombre de questions à
l'intérieur de ça. Pour ce qui est de la place dans les
structures, présentement, l'énoncé de politique ne nous en
fait pas vraiment. On peut noter également que, dans
l'énoncé de politique, on souhaite une présence
équitable des hommes et des femmes dans les structures
décisionnelles, mais il n'y a aucune mesure concrète pour le
réaliser au sein de la foi. Ça nous a un peu
étonnés qu'il n'y ait pas nécessairement concordance entre
l'énoncé de politique et la loi, de ce
côté-là. Donc, on souhaite ardemment avoir une place pour
les organismes communautaires au sein de ces structures-là.
De quelle façon on peut devenir partenaire à
l'intérieur de ça? Ça reste à mesurer sauf que,
nous autres, on veut, évidemment, être associés au
même titre que les CDEC dans le développement de l'emploi et de
l'employabilité. Puisqu'on en vient à cette question du
développement de l'employabilité, les personnes assistées
sociales ont, dans le passé, fondé énormément
d'espoir sur une réforme de l'aide sociale, une politique
I de sécurité du revenu. Ces personnes-là, je pense
qu'on peut constater qu'elles se sentent captives de l'aide sociale, des
programmes qui y sont * afférents, dits de développement de
l'employabilité. Le fait que ces programmes de développement de
l'employabilité ne soient pas intégrés à
l'intérieur du mandat de la Société, ça
inquiète énormément les personnes assistées
sociales qui ont la conviction qu'elles sont un peu évincées
dudit circuit qui doit être compétent et compétitif sur les
marchés mondiaux. Madeleine Lebeau aurait un complément de
réponse à apporter.
Mme Lebeau: Bien, je trouve que le député
d'Arthabaska a tout à fait raison quand il s'inquiète du fait que
les personnes qui ne sont pas en emploi, qui ne reçoivent pas de
chèque d'assurance-chômage ou qui ne reçoivent pas de
chèque d'aide sociale, ne semblent pas présentes dans
l'énoncé. C'est à se demander si elles ont le droit de
recevoir des services. Évidemment, dans cette
catégorie-là, se retrouvent majoritai- rement les femmes et les
jeunes qui n'ont pas encore eu d'emploi. Alors, c'est une catégorie
où nous demandons, les femmes en tout cas, que les femmes soient
représentées parce que c'est une problématique qui est
particulière.
M. Baril: Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Merci, madame. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous
plaît.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai déjà
eu l'occasion de visiter un certain nombre des organismes que vous
représentez. Je lisais, avec énormément
d'intérêt, le bilan que vous faites de l'intervention
communautaire dans les Bois-Francs, c'est à la page 8 de votre
mémoire. C'est très impressionnant. Je pense que, de plus en
plus, un bilan semblable doit se faire région par région,
localité par localité. Dans le cas du mouvement communautaire
dans les Bois-Francs, c'est presque 200 personnes, 3500
bénévoles, 9800 membres actifs, des actifs nets
générés totalisant près de 9 500 000 $, des revenus
annuels de plus de 9 500 000 $, dont à peine 43 % proviennent de
subventions.
Dans ce contexte, est-ce que l'idée vous est venue de vous
transformer en corporation de développement économique et
communautaire, ou si vous souhaitez maintenir votre mission comme en
étant une de développement communautaire? Quelle distinction
faites-vous avec la corporation de développement économique?
Est-ce que vous avez déjà l'assurance que le quatrième
programme... Vous connaissez parfaitement bien l'énoncé, je le
vois par la facilité avec laquelle vous passez d'un chapitre à
l'autre. Mais, vous savez que le quatrième programme, un des quatre
programmes prévus, est celui qui consiste à financer des
corporations. Est-ce que vous en constituez une? Avez-vous eu cette
garantie-là? D'autre part, quelles sont les relations que vous
entretenez avec les comités d'aide au développement des
collectivités locales qui sont financés par le programme
fédéral? Est-ce que ces comités sont en place? Qu'est-ce
que vous en pensez? Est-ce qu'ils devraient être maintenus?
M. Laforêt: C'est une excellente question-parapluie. Dans
un premier temps, il est évident que, chez nous, nous étions fort
probablement la première corporation de développement
communautaire à voir le jour au Québec en 1984. Il n'est pas
nécessaire, pour pratiquer du développement économique
communautaire, d'être une corporation de développement
économique communautaire. Nous sommes une corporation de
développement communautaire et c'est la structure que nous avons
choisie, à cette époque-là, afin de permettre le
regroupement des organismes communautaires, des groupes populaires et de
services, ainsi que des coopératives tant de
consommation et d'habitation que de travail. Sous l'aspect du
développement de l'emploi, la formule que nous privilégions,
c'est évidemment les coopératives de travail. On s'est aussi
préoccupés du développement de l'entrepreneuriat-jeunesse
en mettant sur pied, chez nous et en bénéficiant du programme des
groupes de soutien aux Initiatives-Jeunesse. Par ce biais-là, on a
assuré notre présence au niveau du développement de
l'entrepreneuriat-jeunesse.
La différence entre une CDEC et une corporation de
développement communautaire peut se situer principalement dans le
«membership», à cette différence près que,
dans les quartiers montréalais, les CDEC, souvent on ne connaît
pas ce qu'on appelle une corporation de développement économique,
ce qui existe dans la plupart des régions. Chez nous, il y a une
corporation de développement économique dont la vocation a
été davantage de faire de la prospection à
l'étranger dans le but de trouver le mégaprojet du siècle.
On l'attend toujours! Ce qu'on pense qui est Important, et c'est pour ça
qu'on parle du développement endogène, il faut faire des
activités avec, par et pour les gens du milieu, ce qui n'empêche
pas d'être compétents et compétitifs, même sur le
plan international. On trouve des éléments excessivement
novateurs dans différents champs d'activité, chez nous, dans les
Bois-Francs.
Mme Harel: Comme le Festival de musique actuelle?
M. Lapointe: Effectivement, c'en est un qui dépasse nos
frontières. On peut penser à la Coopérative des
travailleuses et travailleurs de théâtre des Bois-Francs, le
Parminou que tout le monde doit connaître et dont la réputation a
traversé les frontières également. Les exemples pourraient
se multiplier. Dans le domaine agroalimentaire, on pense à la ferme
Tournevent qui est excessivement innovatrice au niveau des produits caprins, au
niveau du fromage de chèvre qui est en train d'exercer une percée
sur les marchés.
Donc, il est possible, nécessaire et beaucoup plus accessible
pour les personnes d'une région de pratiquer du développement
endogène et de permettre aux gens qui sont sans emploi et qui sont
prisonniers de programmes de développement d'employabilité,
d'être davantage proches d'activités potentiellement
émancipatrices pour ces personnes-là. De plus en plus, les
personnes assistées sociales, chez nous comme ailleurs, le disent. Je
pense que Jean porte un tee shirt qui le dit: «J'ai ma place et je la
prends». Ces personnes-là veulent être partie prenante du
Québec de demain.
Je pense que les formules du développement endogène, du
développement économique communautaire ou, encore, du
développement local, comme on l'appelle, sont des pistes
intéressantes qui doivent être encouragées par le
gouvernement. On espère être associés au même titre
que les CDEC dans des moyens et des outils pour faire du développement
chez nous.
En termes d'outils, il y en a un qu'on identifie, qu'on critique parce
qu'on pense qu'il est parfois un peu obscur, c'est le crédit
d'impôt remboursable. Ce qu'on déplore, c'est que le crédit
d'impôt remboursable ne soit pas accessible aux organismes
communautaires. On a entendu des intervenants, précédemment, qui
nous disaient qu'ils se sentaient défavorisés par rapport au
système public d'enseignement mais, d'autre part, les organismes
communautaires, nous autres, on ne bénéficie pas du crédit
d'impôt remboursable. Ça, c'est un outil qui nous manque. Je pense
que, justement, l'intervenant de la CDEC Rosemont-Petite Patrie parlait du
coffre à outils. Oui, on veut avoir un coffre à outils pour
permettre aux gens de devenir compétents et compétitifs à
partir du développement endogène. On pourra identifier, en cours
de route, des créneaux importants où on pourra faire face aussi
bien que possible à la concurrence et à la globalisation des
marchés. C'est bien certain que, dans un contexte trilatéral de
libre-échange, si on est aussi perdants que la première fois, on
a beaucoup de travail et vous allez avoir besoin de nous autres.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lapointe. Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Bourbeau: Simplement, M. le Président, pour remercier
la Corporation de développement communautaire des Bois-Francs.
Étant originaire moi-même des Bois-Francs, comme le sait
très bien le député d'Arthabaska - nous avons des origines
communes - il me fait plaisir de saluer les gens qui viennent de ma
région. Merci.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, à mon tour, je vous remercie. La commission ajourne ses
travaux à demain, 9 h 30, dans cette même salle.
(Fin de la séance à 19 h 11)