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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 26 février 1992 - Vol. 31 N° 118

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « Partenaires pour un Québec compétent et compétitif » et sur le projet de loi n° 408, Loi sur la Société québécoise de développement et de main-d'oeuvre


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Philibert): Je constate que nous avons quorum. Nous pouvons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Cardinal (Châteauguay) sera remplacée par M. Bergeron (Deux-Montagnes); M. Houde (Berthier) par M. Tremblay (Rimouski); M. Joly (Fabre) par M. Fradet (Vimont); M. Marcil (Salaberry-Soulanges) par M. Doyon (Louis-Hébert); M. Paradis (Matapédia) par M. Maltais (Saguenay); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Williams (Nelligan) par M. Hamel (Sherbrooke). C'est tout.

Le Président (M. Philibert): Alors, il y a deux autochtones à la réunion: le président et Mme Bacon. Les remplaçants, bienvenue.

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Bonjour.

Le Président (M. Philibert): Nous allons maintenant regarder l'ordre du jour. À 9 h 30, nous recevrons le Forum emploi Estrie; à 10 h 30, nous recevrons Le groupe Ressources CSF inc.; à 11 h 30, la Fondation de l'entrepre-neurship. Nous ajournerons jusqu'à 14 heures. À 14 heures, nous recevrons le Regroupement des collèges du Montréal métropolitain; à 15 heures, l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement; à 16 heures, Intégration jeunesse du Québec inc. et, à 17 heures, le YMCA de Montréal.

Alors, j'appelle maintenant le Forum emploi Estrie. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Ensuite, il y aura une période de 20 minutes qui est réservée au ministre pour vous questionner et 20 minutes à l'Opposition. Alors, avant de nous présenter votre mémoire, je vous demande, s'il vous plaît, pour les fins du Journal des débats, d'identifier le porte-parole et les personnes qui l'accompagnent. Allez-y.

Forum emploi Estrie

Mme Compagna (Monique): Monique Compa-gna, présidente de deux petites entreprises: Bois ouvrés Waterville et Pliages Apaulo.

M. Poirier (Claude): Claude Poirier pour Forum emploi Estrie, directeur du centre objectif travail Estrie.

M. Gendron (René): René Gendron, directeur général, Maison régionale de l'industrie.

Le Président (M. Philibert): Ça va. Vous pouvez procéder à la prestation de votre mémoire.

M. Poirier: D'abord, je dois dire pour les gens qui ont le mémoire en main qu'il va probablement y avoir des passages que je vais sauter pour entrer dans les 20 minutes. Alors, excusez-moi là-dessus. Pour ceux qui ne l'ont pas, à ce moment-là, vous n'aurez peut-être pas toutes les informations.

Alors, en Estrie, divers partenaires régionaux se sont réunis pour analyser et commenter l'énoncé de politique et le projet de loi 408. Comme nous considérons cette loi d'une importance capitale pour le développement de la main-d'oeuvre de notre région, nous avons décidé de soumettre ce mémoire à la commission.

Nul ne pourrait mettre en cause l'importance du développement de la main-d'oeuvre québécoise et la priorité qui doit être accordée à la formation. Voilà pourquoi nous tenons d'abord à dire que nous accueillons avec enthousiasme les intentions du gouvernement de donner un nouvel élan à ce dossier. L'analyse de l'énoncé de politique est, selon nous, excellente et dépeint l'énorme complexité du problème. Nous sommes également en accord avec les quatre objectifs qui sont poursuivis. Nous constatons cependant un écart entre l'analyse, le plan d'action et le projet de loi. Nous désirons apporter un concept opératoire qui nous apparaît manquant.

Je vais passer sur la description de l'Estrie pour vous dire que, selon nous, il importe de faire les bons choix quant à la prise en charge de notre avenir. À vrai dire, trois questions devraient continuellement être à notre esprit pour guider ces choix: Où en sommes-nous actuellement? Où voulons-nous nous rendre? Comment amener les gens de chaque région _ entreprises et personnes au travail - à se prendre en charge pour se mettre en mouvement vers des buts significatifs pour eux?

Comme les réponses à la première question sont relativement connues dans l'énoncé, il importera surtout de se centrer sur les suivantes. Répondre à la seconde question pose déjà certains problèmes. Étant donné la profusion de secteurs d'emploi et la complexité des expertises à développer, il est aisé de constater rapidement qu'il n'y a pas de solution globale aux problèmes du développement de la main-d'oeuvre.

Je saute aussi une bonne partie de la section «clientèles». Sans pour autant être fervents d'une approche clientèle, nous vous soulignons, tout de même, quelques clients auxquels s'adresse un tel projet de loi. On nomme, entre autres, toutes sortes de personnes au travail, les cadres intermédiaires, les cadres supérieurs, les futurs entrepreneurs, les entreprises de toutes grosseurs, de toutes tailles et de toutes spécialisations, les personnes sans emploi ou en voie de l'être, Les étudiants, les immigrants.

Deux facteurs viennent complexifier encore davantage ces problèmes. D'une part les petites et moyennes entreprises ont besoin de formation, mais y ont peu recours. D'autre part, et sans pour autant en affubler l'ensemble, on constate que les personnes qui sont peu qualifiées sont peu attirées par la formation, et ce, pour toutes sortes de raisons.

Le cours de l'histoire nous apprend que les mégasolutions aux mégaproblèmes coûtent cher sans nécessairement apporter les résultats escomptés. De plus, l'écroulement récent des régimes de l'Est nous amène une leçon évidente. Il y a un rejet des systèmes hiérarchiques et centralisés parce qu'ils sont lents et inefficaces pour répondre aux besoins particuliers. Il est utopique de penser solutionner nos problèmes sans changer nos façons de faire.

Dans les pays industrialisés, on constate partout que les structures en place sont présentement inadéquates pour penser et offrir toutes les solutions satisfaisantes. On parle aujourd'hui de partenariat comme nouvelle façon de faire. Ce concept répond à une nécessité historique de mise en mouvement de notre société pour se dégager des lourdeurs et des rigidités institutionnelles qui inhibent l'initiative. Partout au Québec, une foule de gens possèdent des compétences et des expériences pertinentes suffisantes pour jouer un rôle plus actif.

Comme le présent projet de loi préconise cette pratique, il nous apparaît essentiel qu'il y ait l'inclusion d'une définition très claire de la signification qu'on entend lui accorder, non seulement pour identifier les gens qui feront partie du conseil d'administration de la Société ainsi que ceux qui seront appelés à siéger en région, mais aussi pour éclairer les clients, les intervenants et acteurs du terrain quant au rôle qu'ils peuvent et doivent jouer. Voyons donc comment se définit le partenariat chez ceux qui utilisent cette pratique.

Le partenariat est une démarche, non une fin en soi. Quelle que soit leur origine, on désire que des gens représentatifs de la réalité régionale et des forces en présence s'allient pour élaborer et mettre en oeuvre des actions conjointes. Être partenaires, c'est entreprendre en commun quelque chose dans lequel chacun trouve son intérêt. Les partenaires ont donc des intérêts différents qui convergent ponctuellement sur une aventure vécue en commun.

Derrière la volonté d'agir en partenariat, il faut garder à l'esprit que le véritable partenariat n'appartient pas seulement aux dirigeants et aux grands concepteurs d'idées, li n'est pas non plus le rassemblement de personnes qui représentent des institutions diverses. Au niveau terrain, II est le rassemblement de personnes autonomes et sans lien hiérarchique entre elles qui se lient, contractent des ententes et agissent en fonction des buts poursuivis, là où il y a des problèmes à régler et des actions à mettre en oeuvre. Le partenariat ne s'évalue pas, il se juge aux bénéfices que chaque partenaire en tire selon sa propre logique.

Cette démarche implique les représentants régionaux et municipaux, les responsables de formation régionaux et locaux, les dirigeants d'entreprises, les représentants de syndicats, d'associations et de groupes de travailleurs et les intervenants de toutes sortes, soit ceux qui font le boulot: les professionnels, les entrepreneurs, les ingénieurs, les investisseurs, les praticiens, les formateurs et les enseignants spécialisés oeuvrant dans les institutions de formation ou de consultation privées ou publiques. N'oublions pas une chose: les premiers partenaires, ce sont d'ailleurs les clients, soit les entreprises et les personnes qui sont les demandeurs de services.

Les pratiques partenariales sont présentement vues comme valables pour résoudre des problématiques de développement, de formation et d'emploi. De nombreux programmes existent déjà pour aider au développement de l'entreprise et de la main-d'oeuvre, mais comment se fait-il que nous ne parvenons pas aux résultats escomptés et que nous parlions même de retard? La réponse à cette question nous apparaît étroitement liée à celle que nous avons soulevée un peu plus tôt dans ce mémoire, à savoir: Comment amener les gens du milieu à se prendre en charge pour se mettre en mouvement vers des buts significatifs pour eux?

Il nous semble que la seule façon est par l'implication des partenaires et acteurs qui sont le plus près du terrain. Pour que la Société soit efficace et ainsi crédible, il faut qu'elle fasse appel à toutes les compétences régionales et locales, entre autres, en utilisant les comités d'entreprise pour canaliser l'action. Elle doit même laisser une place énorme à ceux qui réalisent le travail ou bénéficient des mesures afin qu'ils puissent assumer leurs responsabilités. Il ne faut pas oublier que les difficultés, les tensions et les confrontations se vivent surtout dans la

pratique quotidienne, souvent même de façon brutale, il faut dès lors voir à ce que ceux qui agissent puissent rapidement trouver et appliquer des solutions créatrices pour résoudre une foule de problèmes, et ce, sans trop de tracasseries administratives. Si ces acteurs ont le réel pouvoir d'influencer ou de remettre en question l'action, il y aura efficacité. D'ailleurs, le ministre Bourbeau affirmait que le succès de la démarche se réalisera sur le plancher des vaches.

La clé du succès de ce projet de loi repose donc sur l'engagement des demandeurs de formation et sur la place que pourront occuper les acteurs qui gravitent autour d'eux. Si ces gens ne sont pas directement impliqués, il est utopique de penser au changement et au développement de la responsabilité car les projets pensés ne seront pas les leurs. Il sera alors tentant pour eux de chercher à soutirer les gains monétaires ou autres pour ensuite trouver les bons prétextes pour pirater l'action en faisant comme bon leur semble.

Le concept de partenariat ne s'inspire pas d'une notion de verticalité. Il s'inscrit plutôt sur une base horizontale. Puisque le succès repose à la base, il nous apparaît logique que nous examinions les choses autrement, soit en renversant de 90 degrés la pyramide qui est proposée dans ce projet de loi. Tout en étant en accord avec le quoi faire, ce qui nous importe, c'est d'examiner le comment faire les choses. Le principe d'horizontalité permet, selon nous, d'établir des ponts plus valables entre les niveaux de partenariat. Pour expliquer ce modèle, nous partirons d'abord des réalités du terrain, soit les clients-demandeurs. Pour chacun des niveaux suivants, nous aurons le souci d'examiner dans les grandes lignes ce qui doit être fait au niveau précédent. D'ailleurs, j'ai donné un petit texte complémentaire à Mme Lamontagne. Vous êtes supposés avoir le modèle sur ces feuilles-là.

Au premier niveau, on trouve les entreprises et les personnes au travail. Les représentants d'une entreprise et les travailleurs sont les premiers concernés par un projet de développement de la main-d'oeuvre. Avec un ou plusieurs intervenants choisis par eux, ils définissent ensemble une démarche où chacun apporte son concours. Je vous fais grâce de la démarche, mais vous l'avez dans le mémoire comme tel. (10 heures)

Au cours de cette démarche, il est essentiel de ne jamais perdre de vue que le développement est un acte fondamentalement humain. Cet acte se réalise dans la relation qui se crée entre consultant et client ou entre formateur et formé. Cette relation en est une de face à face. Ce n'est pas une entreprise qui transige avec une institution, mais bien des personnes qui travaillent avec d'autres. Les gens se développent parce qu'ils établissent une relation, participent et comprennent les gains mutuels qu'ils peuvent réaliser. Ils le font aussi parce qu'ils ont un contexte qui leur permet de le faire. Structurés et supportés, ils risquent d'entreprendre des démarches d'abord ponctuelles, puis de plus en plus complexes, parce qu'ils se développeront mutuellement.

Une telle démarche est plus difficile à réaliser dans une entreprise plus petite. On risque alors souvent de rencontrer des contraintes plus sévères telles le manque de temps, de ressources ou de moyens financiers ainsi que de sérieuses craintes d'affecter la production. Une telle situation risque de rendre la PME plus dépendante des offreurs de formation. Le moteur de notre région constitue justement une multitude de petites et moyennes entreprises regroupées dans une foule de secteurs qui ont tous leur importance.

Il y a déjà plusieurs initiatives qui s'amorcent en Estrie pour amener les demandeurs à se rencontrer et se regrouper de façon à ce qu'ensemble ils puissent se donner du pouvoir. Il est donc important de soutenir ces démarches et même de trouver les conditions pour les rendre encore plus efficaces.

Le deuxième niveau, les intervenants et acteurs près du terrain. Étant donné les liens et l'interdépendance des entreprises d'un territoire, plusieurs d'entre elles offrent des services en sous-traitance à d'autres. Il faut aussi garder à l'esprit qu'il existe un réseau de professionnels, praticiens, consultants, experts-conseils qui sont continuellement en relation privilégiée avec l'entreprise en vue de lui offrir divers services spécialisés: informatique, comptabilité, sécurité, gestion, etc. Les clients recherchent surtout la meilleure personne pour solutionner le bon problème et non une instance nommée qui doit s'occuper de leur dossier. Pour les acteurs comme pour les clients, devoir passer continuellement par des intermédiaires ne serait pas synonyme d'efficacité. Avec l'aide de la société, ces courtiers de la formation sont les plus aptes à détecter les gisements d'activité et à assister les entreprises dans leur démarche de développement. Il ne faut surtout pas chercher à ce que l'État se substitue à ces services. Il faut même rechercher le soutien au développement et à l'association d'une foule d'intervenants autonomes qui sont en contact avec les PME.

Le troisième niveau, le niveau local. Le niveau local se veut un lieu privilégié pour exercer un rôle d'assistance au terrain. En Europe, certaines missions locales et chambres de commerce exercent ce rôle. Il y a alors création de multiples groupes qui portent leur attention sur une foule de secteurs inhérents aux activités du terrain: métal, caoutchouc, commerce, etc. Ces rencontres ne sont pas seulement sectorielles. Elles peuvent aussi être multisectorielles ou même déborder sur les intérêts de la communauté. Au début du mémoire, je décrivais qu'il y a quand même 129 municipalités en Estrie. Je vous

fais grâce de la démarche qui est indiquée, mais il y a une réunion de partenaires, on clarifie les rôles, etc.

Quatrième niveau, le niveau régional. Le rôle de la société régionale est de soutenir les multiples initiatives provenant du terrain. Elle peut jouer un rôle d'orientation - plan régional - et de facilitates au niveau des moyens à mettre en oeuvre pour obtenir des résultats tangibles, soit animation, conseil, information et surtout moyens financiers. Son rôle est donc d'assister et de coordonner l'action. Sa vocation doit être accompagnée des pouvoirs financiers et d'une certaine liberté d'action, soit un pouvoir de décision qui lui permettra de réaliser son plan en ayant toute la latitude pour aller chercher en sous-traitance les ressources appropriées. Le contrôle de la qualité de formation devrait d'ailleurs reposer sur des experts sous-traitants en région, telle l'université.

Cinquième niveau, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Au niveau national, la Société doit être le lieu d'établissement des grandes orientations, du financement et de la coordination des actions régionales et non un lieu de commande. Pour ce, sa préoccupation première doit être de regarder les résultats et non le respect des normes. S'il faut développer par grands ensembles et grandes politiques, il faut aussi laisser la place à l'initiative et à la créativité. Il serait peut-être alors possible d'entrevoir des structures différentes d'une région à l'autre en vue encore là d'une plus grande efficacité.

Il peut s'avérer possible aussi que le national établisse certains groupes de travail pour solutionner des questions d'importance nationale qui préoccupent plusieurs régions. Pensons, entre autres, à des dossiers tel le pulpe et papier. La Société pourrait aussi accorder une importance particulière au développement d'un système efficace de circulation d'information entre les régions et auprès des acteurs et partenaires.

Le projet de loi et ses implications. Le rôle de la Société. La lecture du projet de loi, tel que formulé actuellement, nous amène des interrogations sur le rôle que veut se donner la Société. Est-ce faire ou faire faire? En tombant dans le piège de s'improviser comme maître d'oeuvre, elle risque de reproduire des façons de faire qui sont actuellement inefficaces. Qui veut trop embrasser, mal étreint. C'est un leurre de croire que les gens du central sont plus compétents que ceux qui travaillent en région. C'est aussi un leurre de croire que les acteurs en région vont réaliser les plans des grands penseurs. Selon nous, le rôle de la Société n'est pas celui de partenaire, il est plutôt d'assister les partenaires.

La décentralisation et la régionalisation du pouvoir. Le national est évidemment lo lieu des grandes orientations et des grands choix politi- ques, nous en convenons. À la lumière du modèle présenté et du concept de partenariat qui amène la notion d'horizontalité, nous voyons, cependant, ce pouvoir central à partir de notre région, de ses localités et du terrain. Il faut une définition très claire des pouvoirs dont seront imputées les sociétés régionales et, incidemment, les acteurs locaux et du terrain.

Si, par contre, au lieu d'être attentive au niveau local et terrain, la société régionale est continuellement tournée vers la société nationale pour demander des permissions, ou si encore elle dépense son énergie à appliquer des critères et programmes inappropriés venus d'en haut, elle perdra une quantité énorme de son efficacité pour seulement contribuer à nourrir la machine. Au niveau régional, on risque alors de retrouver un lieu de discussions stériles sans pouvoir s'attaquer aux vrais problèmes.

La libéralisation du marché de la formation. Parier de développement de la main-d'oeuvre, c'est inévitablement parler de formation. Il serait utopique de croire qu'on pourra développer plus adéquatement la main-d'oeuvre sans rénover l'appareil de formation. Il nous semble que la mise en place de ce projet de loi est une occasion idéale pour soumettre davantage l'industrie de la formation aux lois du marché. Sans remettre en cause l'importance d'un système public de formation qui soit performant et la qualité d'une foule de programmes offerts par les institutions publiques ayant des ressources de premier ordre, il est clair qu'il y a un danger de concentration économique - monopole - de l'appareil de formation, alors qu'en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis et en France, on a axé davantage les efforts à libéraliser ce marché de façon à ce que la formation soit non seulement une industrie performante au niveau national, mais aussi un savoir-faire qui s'exporte.

Les exigences en matière de savoir-faire, d'organisation, de démarches pédagogiques nouvelles et de mise au point d'outils et de techniques améliorées sont telles qu'il faudra atteindre un certain seuil de spécialisation pour répondre à la demande des entreprises et des pouvoirs publics en ce qui concerne le développement des ressources humaines. La concurrence développe la compétence et élimine les moins bons, à moins que ces derniers ne soient eux aussi supportés dans leur développement. L'important est que les enseignants, les formateurs et les consultants deviennent garants de leurs produits.

Il est essentiel qu'une partie du financement de la société régionale provienne des demandeurs de services. C'est là, pour nous, la base de la responsabilisation en matière de développement de main-d'oeuvre. Là comme ailleurs, tous voudront en avoir pour leur argent. Ce fonds doit être géré par le régional dans une caisse qui sera identifiée à la formation de main d'oeuvre. D'autres alternatives pourraient amener

le même effet: déductions fiscales, fondations, etc. Il ne s'agit cependant pas d'alourdir le fardeau fiscal de l'entreprise ou des contribuables. Il faudra plutôt réviser sérieusement les contraintes fiscales auxquelles elles sont soumises.

Les nominations dans un système administratif. Nous constatons que les gens qui vont siéger aux conseils d'administration de la société nationale et des sociétés régionales sont des personnes qui seront nommées par le central après consultation. Si nous comprenons les préoccupations reliées à cette pratique, nous aimerions retrouver plus de précisions sur ce mode de nomination et des mécanismes d'appel des régions en cas de désaccord. Par ailleurs, nous constatons que la loi ne prévoit aucunement de faire siéger des personnes du régional à la société centrale, soit les personnes les plus aptes pour représenter les intérêts de la région.

Les personnes sans emploi ou en voie de le devenir. Pour être en mesure de se reprendre en main, la plupart des personnes sans emploi ou en voie de le devenir ont besoin d'un encadrement particulier et personnalisé, ce que ne peuvent offrir présentement les grandes institutions. N'oublions pas qu'une bonne partie de ces gens ont rapidement quitté les méandres des institutions publiques de formation parce qu'elles y rencontraient des difficultés. Il faudra donc voir à maintenir et développer les services personnalisés offerts par le réseau d'organismes sous-traitants qui existe actuellement sur notre territoire et non pas chercher à ce que la Société se substitue à ce réseau. De plus, pour avoir une politique de main-d'oeuvre cohérente, il faudra cesser de catégoriser et de «critérier» les clients selon leur statut, leurs difficultés ou la couleur de chèque. Ce sont tous des Québécois qui ne demandent pas mieux que de travailler.

En conclusion, nous vous demandons de garder une chose à l'esprit. Près de 90 % des travailleurs et travailleuses de l'an 2000 sont déjà présentement sur le marché du travail. Il nous apparaît clair que ce projet de loi doit être l'occasion de faire confiance au génie local. Il doit propulser sur la scène d'autres acteurs que l'État central, soit une multitude de partenaires près du terrain, constitués en réseau et supportés par des moyens appropriés. Leur rôle sera de générer une foule d'actions adaptées à court terme, mais sur une base continue, dans un but de plus grande efficacité à plus long terme, soit la croissance économique. C'est d'ailleurs ce qui existe dans les communautés européennes et américaines qui rencontrent du succès. On tisse un réseau local dans lequel imagination, créativité et compétence sont au pouvoir.

Étant donné le contexte socio-économique difficile, il y a déjà plusieurs initiatives chez nous. Notons, entre autres, la Maison régionale de l'industrie, le projet Exportateurs, le C.A.M.O. métal, Trans-formation, Forum emploi Estrie, la table éducation main-d'oeuvre, la table de concertation des immigrants et plusieurs projets sous-traitants. Chacun de ces lieux est une occasion d'exprimer des préoccupations et d'élaborer des actions. Si les grappes nationales ont du bon, il n'en reste pas moins que la vie continue en région. Il est essentiel de soutenir ces initiatives et de leur donner les conditions pour mener à bien leur mandat. De toute façon, les gens qui vivent et travaillent en région n'ont aucunement le goût de confier leur sort ou la responsabilité du développement de leur dossier à quelqu'un d'autre.

En terminant, nous avons quelques recommandations en vue de modifier le projet de loi. La première, nous suggérons une modification du préambule de la loi. C'est-à-dire que le préambule annonce la création de la Société de la main-d'oeuvre et, à la lumière des considérations énoncées précédemment, le préambule devrait être formulé de la façon suivante: Ce projet de loi institue les sociétés régionales québécoises de développement de la main-d'oeuvre et la Société nationale québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Les sociétés régionales auront pour mission de promouvoir le développement de la main-d'oeuvre de leur région et de favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de formation sur la marché du travail. Elles auront aussi la responsabilité d'élaborer, de mettre en oeuvre et de gérer des programmes, notamment dans les domaines de la formation professionnelle, du recyclage, etc., ce qu'il y avait dans l'énoncé. Elles auront aussi pour mission de favoriser le développement des réseaux de partenaires locaux dans tous les secteurs appropriés à leur région et verront par la suite à soutenir et assister ces réseaux.

La Société nationale aura pour mission de promouvoir le développement de la main-d'oeuvre dans les questions nationales en fixant les grandes orientations. Elle veillera à s'occuper de certains dossiers nationaux: haute technologie, pâtes et papiers. Elle assistera les sociétés régionales dans l'élaboration des programmes et la circulation d'information interrégionale. À la lumière de ce préambule, il faudrait, par la suite, modifier les points de loi...

Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il y en a encore beaucoup des modifications proposées parce que...

M. Poirier: II y en a cinq autres qui vont prendre une minute.

Le Président (M. Philibert): ...votre temps est épuisé. Il faudrait accélérer.

M. Poirier: Ça va. O.K. Permettre à chaque région de se doter d'une société régionale structurée de façon conforme à ses besoins; inscrire une définition plus claire du partenariat; voir à

ce que les sociétés régionales puissent être représentées à la Société nationale; voir à ce que toute personne et tout groupe compétent puisse être utilisé en sous-traitance pour assister les entreprises dans le dépistage et l'analyse des besoins de formation de leur personnel, ce qu'on appelle les courtiers de formation; à des fins de recherche et de développement, soit des boucles de rétroaction positives, confier le contrôle de qualité et l'évaluation de la rentabilité à des experts indépendants, telle l'université. Merci beaucoup.

Le Président (M. Philibert): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au Forum emploi Estrie. Justement, comme nous avons l'honneur d'avoir avec nous ce matin le député de Sherbrooke, je vous prierais, M. le Président, de reconnaître le député de Sherbrooke tout de suite.

Le Président (M. Philibert): Avec beaucoup de plaisir. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Ça fait toujours plaisir d'accueillir en commission parlementaire ici, à l'Assemblée nationale, les représentants de sa région. Je suis d'autant plus fier ce matin que nos représentants de la région de l'Estrie ont travaillé en concertation avec un certain nombre d'organismes pour apporter une contribution, je pense, importante à l'amélioration de ce projet de loi que nous étudions présentement.

Vous avez pu constater comme moi-même que la prestation de nos représentants est basée sur un pragmatisme certain et avec une touche toute régionale. Je pense que ce sont là des aspects que nous devons considérer avec beaucoup d'attention. J'aurais une toute petite question peut-être à nos invités. J'aimerais que vous élaboriez davantage sur la notion de courtier de formation, s'il vous plaît.

M. Poirier: O.K. Ce qu'on constate présentement, c'est que chaque institution... On dit: L'entreprise est débordée de gens qui viennent offrir des services et chaque institution de formation, qu'elle soit privée ou publique, évidemment, vient vendre sa salade ou remplir son école ou son institution de formation, ce qui fait que ça devient difficile de se retrouver et d'avoir des produits de qualité là-dedans. Normalement, c'est ceux qui sont plus forts au niveau de la promotion qui risquent de remplir leur salle de formation.

Alors, des courtiers de la formation... Si on regarde les exemples des courtiers d'assurances ou des entrepreneurs en construction, il y aurait la possibilité d'aller chercher, pour la petite entreprise, la meilleure formation avec le meilleur formateur ou la meilleure formatrice au meilleur coût au lieu tout simplement de chercher à vendre sa salade. À ce niveau-là, ça accélérerait de beaucoup l'efficacité de la formation et le développement de l'excellence. (10 h 15)

Mme Compagna: Les besoins seraient peut-être identifiés beaucoup plus rapidement aussi.

M. Hamel: D'accord. Merci. Moi, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Oui. Alors, M le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, on peut lire à la page 4 du mémoire que votre concept de partenariat englobe tous les groupes concernés, soit les entrepreneurs, les syndicats, les élus régionaux, les formateurs, les enseignants, les professionnels, les ingénieurs, les investisseurs, etc. Doit-on conclure que vous proposez que chacun de ces groupes-là fasse partie des conseils régionaux ou soit même représenté à la Société nationale?

M. Poirier: Non. Effectivement, non. Ce qu'on vous demande tout simplement, c'est de ne pas exclure les gens qui seraient les mieux placés pour aider quelqu'un sur le développement d'un dossier de formation, que ce soit pour du développement d'une entreprise ou autre. À la limite, un entrepreneur local très actif ne devrait pas être écarté si on en a besoin dans cette localité-là pour s'occuper d'un dossier. Ce n'est pas du tout dans le sens de représentativité, de nomination. On préfère moins regarder ces questions-là. Je ne sais pas si René, toi, tu veux...

M. Gendron (René): Oui. J'aimerais ajouter, M. le ministre, en regard à votre question, qu'il y a déjà depuis quelques mois un groupe de partenaires à l'intérieur de la région qui essaie justement de regarder dans quelle mesure, en tenant compte du portrait régional, en tenant compte des caractéristiques régionales de notre région, autant sous l'angle de la composition des secteurs d'affaires, des secteurs manufacturiers ou autres que sous l'angle des travailleurs aussi, on ne pourrait pas créer, justement, une synergie des gens qui pourraient développer des habitudes de travail ensemble et, par le fait même, répondre à des besoins très concrets, en assoyant progressivement autour d'une table des gens issus d'entreprises, des gens issus aussi des travailleurs et également des gens issus du milieu de l'éducation de façon à travailler le plus étroitement possible, le plus sur le terrain possible et de répondre le plus immédiatement possible dans une relation, je dirais, comme on est habitués en entreprise, de qualité-coût, à moindre coût et à meilleure qualité, pour l'entreprise, de répondre à

ces besoins le plus immédiatement possible.

Progressivement, à travers cette expérience, on se rend compte qu'il y a une volonté des gens intéressés dans la mesure où on assoit dans un partenariat la complémentarité des gens, la complicité de ces personnes-là et où on s'assure que les gens ont le goût de travailler dans un sens commun et pour un objectif commun. Dans ce sens-là, ce n'est pas qu'il faut retrouver dans une société régionale tous les partenaires, mais ce qu'il faut aussi, c'est s'assurer que, dans les régions, on va provoquer finalement des gens qui vont développer des habitudes et une façon de faire ensemble et qui vont, par le fait même, le plus immédiatement possible, répondre à des besoins qu'ont les entreprises. Et les besoins sont énormes en matière de formation et développement de la main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: Dans vos documents, vous traitez de ce que vous appelez les courtiers de formation. On a pas mal discuté récemment au Québec des courtiers de formation qui étaient les groupes de coordination que le gouvernement fédéral avait mandatés. Je pense même que, chez vous, c'a été assez actif dans votre région. Nous, on s'est objectés à ce qu'on mette sur pied un nouveau réseau de courtiers en formation alors que, sur le territoire du Québec, nous avons des organismes qui sont subventionnés par les deux ordres de gouvernement, Québec et Ottawa, pour justement agir dans le domaine de la formation de relais entre les formateurs et les entreprises.

S'il y un reproche qu'on peut faire au système actuel, c'est que, justement, il y a tellement d'intermédiaires, il y a tellement de réseaux que, finalement, il y a beaucoup d'efforts qui se gaspillent inutilement en dédoublement puis en juxtaposition de programmes, etc. On a même vu... M. le Président, je vous dis ça pour la petite histoire. Dans l'est de Montréal, j'ai vu un organisme qui s'appelle le club de sport et loisirs Roussin. C'est peut-être dans un des comtés des députés ici. Moi, je n'ai rien contre le club de sport et loisirs Roussin, c'est sûrement une organisation très valable, mais, tout à coup, il est devenu courtier en formation professionnelle, chargé de voir à ce que les besoins des entreprises en haute technologie de la région puissent être satisfaits. moi, j'ai trouvé ça un peu ridicule de voir que, finalement, il s'interposait entre le gouvernement fédéral et les entreprises dans la haute technologie. on ne parlait pas de formation banale. on parlait de cao, fao, etc., puis, tout à coup, entre les deux, s'interpose un club de loisirs et de sport. les courtiers comme ça, on pourrait s'en passer, en ce sens que les 10 %, 15 % ou 20 % de commission qui ont été payés à l'organisme auraient probablement pu servir à d'autres fins. alors, je suis toujours un petit peu réticent quand j'entends les mots «courtier en formation». pourriez-vous nous expliquer un peu ce que vous entendez par ça, des courtiers en formation?

M. Poirier: Vous savez, M. le ministre, quand on disait tout à l'heure qu'il est question de partenariat puis qu'on parlait de terrain... Notre vision est d'abord du terrain; avant même d'être régionale, elle est du terrain et elle est au niveau local. Il faut avoir la latitude de respecter les habitudes de travail. C'est-à-dire que les gens qui ont une préoccupation de développement technologique, par exemple, vont habituellement faire affaire avec des gens en qui ils ont confiance. Il y a une relation privilégiée qui s'établit. C'est la même relation privilégiée qui s'établit lorsqu'il y a des demandes de formation.

Autrement dit, on ne fait pas affaire avec une institution. On va aller chercher la meilleure personne, la meilleure ressource qui va s'occuper de notre bon besoin au bon moment et, à partir de ça, c'est là où on va pouvoir développer et entretenir cette relation privilégiée. Habituellement, ces courtiers de formation peuvent s'occuper de l'aspect bureaucratique ou, mettons, paperasse en rapport avec les exigences des institutions. Ce qui est constaté, par exemple, en Europe, pour les gens qui font ça, c'est qu'il y a beaucoup moins besoin d'évaluation, parce que, s'il y a piètre qualité, les gens ne renouvelleront peut-être pas avec votre club de loisirs de je ne me rappelle pas trop où. Ils vont habituellement faire affaire avec des gens où ils sont certains qu'il y a une bonne qualité et où il y a une relation privilégiée.

Alors, c'est tout simplement dans un but d'efficacité. Il y a divers gens qui sont déjà sur le terrain, qui connaissent des gisements d'activité en termes de besoins de formation ou de possibilités de développement de main-d'oeuvre. Il ne faut pas exclure d'emblée ces gens-là en disant qu'il y a un fonctionnaire quelque part qui va s'occuper des entreprises qui sont entre les lettres f et p, supposons.

M. Bourbeau: Je n'ai pas d'objection, M. le Président - au contraire - à ce qu'on ait recours à l'entreprise privée dans des domaines où elle est compétente. Cependant, je voulais simplement parler de ça tout à l'heure pour bien montrer qu'on peut avoir des abus. Il peut aussi y avoir des abus dans ce domaine-là. Il ne faut pas tomber dans ce genre d'abus.

À la page 5 du mémoire, vous vous référez au concept de ce que vous appelez le partenariat horizontal que vous opposez à la notion de verticalité. Pourriez-vous nous expliquer concrètement le processus de prise de décision que vous envisagez pour la Société?

Mme Compagna: M. le ministre, je pense qu'à quelque part on a peut-être perdu les vraies raisons d'exister d'une PME, qui sont de produire un produit de qualité avec une livraison rapide

et aussi de se retourner de bord rapidement. Alors, les gens avec qui ont fait affaire dans un partenariat, c'est extrêmement important, pour nous, d'avoir confiance en eux pour les sujets qu'ils traiteront avec nous. Le partenariat est très difficile à faire parce qu'on n'impose pas un partenaire. Je pense qu'il faut avoir certaines affinités. Je vais vous donner un petit exemple des délais que ça nous occasionne quand il y a beaucoup d'intermédiaires entre nous et les services qu'on nous offre.

Les noms sont fictifs pour ne blesser personne. L'entreprise Connection a investi pour introduire une nouvelle technologie. Elle désire augmenter les qualifications de ses techniciens. Elle a un profil de cours qui est déjà monté. On a trouvé le professeur externe pour le donner et le coût, c'est 4500 $. Alors, cette entreprise fait appel à la CFP pour avoir de l'aide. Quelques jours après, une visite se fait pour expliquer le problème. Il y a une suggestion à savoir de faire un PDRH. Deux semaines plus tard, le travail est complété. La CFP donne son accord et passe une commande à l'école Bonsecours. Quelques jours après, l'école envoie un de ses spécialistes pour voir le plan de formation ainsi que le niveau actuel des techniciens. Après quelques autres jours encore, il y a une réponse positive à la demande. Le cours pourra débuter dans six semaines. Il y a une pression de l'entreprise. L'école Bonsecours décide d'engager, en sous-traitance, le professeur privé trouvé par l'entreprise au départ. Une semaine plus tard, le cours commence, mais la facture totale est maintenant rendue à 16 000 $.

Alors, les premiers coûts étant de 4500 $ et les délais de la demande étant de sept semaines, étaient-ce les meilleurs coûts d'avoir eu plusieurs interventions en cours de route? Ça, c'est à répétition, chez nous, M. le ministre, dans la petite entreprise.

Actuellement, les programmes de formation qui existent à la CFP, on n'y a pas accès pour la simple et bonne raison qu'on se doit d'avoir de l'équipement à l'extérieur de la production. On se doit d'avoir trois travailleurs en formation. Alors, moi, chez nous, j'ai une moulurière. Elle est à l'intérieur de l'entreprise. Alors, si je la sors dehors, j'ai des problèmes. Le matériel utilisé pour faire de la formation ne doit pas être du matériel de production. Alors, quand je constate que je paie 800 $ les 1000 pieds et que j'en passe 100 pieds à la minute dans la moulurière, vous comprendrez que le coût de formation, dans le cadre du projet de la CFP, c'est hors prix pour moi. Je ne peux pas y accéder.

M. Bourbeau: II reste quand même que vous pouvez avoir accès au crédit d'impôt à la formation et, pour ça, c'est vous qui avez l'initiative. Vous pouvez choisir le formateur que vous voulez. La seule restriction, c'est que vous ne pouvez pas prendre un de vos employés pour former les autres, du moins pas jusqu'à maintenant. Est-ce que vous avez essayé ce canal-là?

Mme Compagna: Oui, on a regardé cet aspect-là du problème, sauf que, quand on a besoin d'une personne à l'extérieur, c'est parce qu'on n'a pas à l'intérieur de l'entreprise les qualités requises pour faire de la formation. Alors, ce qu'on regarde présentement c'est quelqu'un qui viendrait former quelqu'un en entreprise pour faire une formation continue a l'intérieur même de notre entreprise. Mais ça. ce n'est pas facile.

M. Bourbeau: Là, vous auriez droit au crédit d'impôt.

Mme Compagna: Selon certains critères.

M. Bourbeau: Est-ce que la notion de priorité que nous accordons au réseau public d'enseignement dans le choix des formateurs dans le cas des particuliers, ça vous crée des problèmes?

Mme Compagna: Oui, ça nous crée des problèmes, parce que, actuellement, les réseaux publics ne sont pas adaptés aux besoins de la petite entreprise. Je vais vous donner un exemple encore. En décembre, j'ai appelé au cégep et j'ai demandé s'il y avait des finissants en technique de menuiserie, en métal, en réparation d'équipement, des choses comme ça... en entretien et réparation. Alors, on m'a dit: On vous rappellera un peu plus tard et on va vous donner des renseignements. Alors, j'ai eu, vers le 15 janvier, un téléphone de ce même cégep et on m'a dit: On a deux places en électronique. Alors, c'était leur besoin de combler les deux places qu'il y avait de vides sur les sièges de leur classe et non pas les besoins que moi j'avais à combler à l'intérieur de mon entreprise. Ça, ça s'est passé cette année.

Alors, il faudrait vraiment que les réseaux publics fassent un effort pour venir voir ce qui se passe dans la petite entreprise. Maintenant, avant de créer des emplois ou avant de faire de la formation, il faudrait peut-être voir dans la petite entreprise les emplois qu'il y a à combler afin de faire la bonne formation.

M. Poirier: II reste aussi...

M. Bourbeau: Je partage entièrement votre point de vue, madame.

Mme Compagna: Merci.

M. Poirier: ...que, quand on parlait de partenariat avec rôles, pouvoirs ou responsabilités, le fonctionnaire de première ligne qui serait, par exemple, au niveau de la Société, il devrait quand même avoir une latitude qui est assez

grande, avec un pouvoir de décision qui serait rapide. Si besoin il y a, il devrait pouvoir passer par autre chose que par l'institution publique sans exclure le fait, comme je vous le disais, qu'il y a d'excellents cours qui se donnent en région dans l'institution publique.

Il reste que, quand on parle d'éducation des adultes, ce qu'il faut constater, c'est que l'entreprise, elle, n'aurait pas le droit, à travers ce qu'on voit, d'aller dans le privé pour aller chercher ce dont elle a besoin, mais l'institution publique, elle, le fait. Il n'est pas rare de constater qu'une entreprise aurait pu avoir un professeur, un spécialiste qui est déjà sur le marché du travail et qui chargerait, par exemple, 35 $ l'heure sur un cours plus rapide pour donner quelque chose, mais, en passant par l'institution de formation, elle va le chercher dans le privé, le même type. Alors, à ce moment-là, ça monte à 90 $ et même 100 $ l'heure. Ils sont où les autres 60 $? On ne compte pas les délais. C'est quand même très important.

M. Bourbeau: C'est censé se terminer, ça. Cette façon de faire les choses, sous-contracter, je ne crois pas qu'on va revoir ça dans l'avenir.

M. Poirier: C'est bien.

Le Président (M. Philibert): Alors, vous avez terminé, M. le ministre? Merci. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, avant de procéder à vos questions, quand vous voulez prendre la parole, s'il vous plaît, je vous demanderais de me prévenir que vous voulez prendre la parole, parce que, vous voyez, pour gérer le temps, c'est plus facile. (10 h 30)

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je veux saluer les gens du Forum emploi Estrie. Je pense que vous êtes, à ma connaissance, le seul forum emploi en région qui se présente devant la commission. Je sais que bon nombre d'expériences de partenariat en matière de formation ont été initiées dans la région de l'Estrie. Je vous écoutais avec beaucoup d'intérêt, M. Duplantie, M. Poirier, Mme Compagna, je crois? C'est bien ça? Vous savez que là où vous êtes assis, bon nombre d'autres organismes sont venus plaider pour une organisation de type sectoriel et non pas régional avec des arguments que j'aurais souhaité que vous puissiez entendre, notamment les mêmes arguments de partenariat, pour vous demander de réagir, mais sous vocable d'efficacité. Par exemple, hier, le Conseil québécois du commerce de détail est venu argumenter que plutôt que de se retrouver avec toutes sottes d'autres secteurs au niveau, par exemple, régional, ce qu'eux souhaitaient, c'était de se retrouver avec l'ensemble de leurs branches d'activité.

Ça en est un parmi - vous vous imaginez - des dizaines et des dizaines d'autres qui plaident pour un renversement du projet, mais sur une base sectorielle. Est-ce que c'est un point de vue qui s'est exprimé dans votre région? Est-ce que vous en avez déjà discuté? Est-ce que c'a été écarté péremptoirement ou si vous avez évalué la chose?

M. Gendron (René): Mme la députée... Mme Harel: M. Duplantie. M. Gendron (René): Non, M. Gendron. Mme Harel: Excusez, M. Gendron.

M. Gendron (René): M. Duplantie, malheureusement, n'est pas à ma gauche.

Mme Harel: D'accord. Excusez-moi.

M. Gendron (René): Quand vous parlez de l'approche sectorielle... J'oserais dire qu'on a, rapidement, en même temps, deux approches qu'on expérimente. On a initié tantôt, on a parlé rapidement d'un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre dans le secteur métallique. C'est une première même au Québec parce que le secteur métallique en soi n'est pas regroupé sous une association sectorielle provinciale. Lorsqu'on parle de formation, lorsqu'on parle de développement des ressources humaines, depuis un an et demi on ne fait que commencer à travailler progressivement à intéresser et impliquer l'entrepreneur pour qu'il investisse dans la formation et le développement de son personnel. Il y a toute une forme progressive de l'intéresser et de l'amener à investir, à se préoccuper, à regarder les mécanismes qui pourraient l'intéresser.

Parallèlement, dans un autre ordre d'idées, on voudrait, en région - vous en avez parlé tantôt, Mme la députée... On foisonne de projets-pilotes en Estrie. On essaie toutes sortes de choses. On est en train depuis quelques mois... On a rencontré trois groupes différents, d'où l'importance qu'on mentionnait tantôt, autant Mme Compagna que M. Poirier, de partir des réalités et des préoccupations des gens des régions, des gens du terrain.

On regarde la possibilité à travers trois groupes. On a regardé du côté grande entreprise. On a regardé dans un secteur - l'approche sectorielle, comme vous disiez - caoutchouc et plastique, et on a regardé dans une approche multisectorielle l'intérêt de propriétaires. C'est majoritairement des petites entreprises. Il faut se souvenir que - aussi bien, je pense, en Estrie qu'au Québec - 85 % des entreprises manufacturières chez nous ont moins, dans le fond, de 200 employés, lorsqu'on parle des PME. 85 %... Hein?

Mme Harel: 82 % des entreprises au Québec ont moins de 10 employés.

M. Gendron (René): C'est très petit. En Estrie, c'est très, très petit aussi. On en a beaucoup. Dans ce sens-là, on regarde ce que ça pourrait être dépendamment des besoins de formation à combler des postes de travail autant du côté sectoriel que du côté du multisectoriel. Par exemple, on pourrait prendre cinq entreprises dans des secteurs différents. Un commis c'est un commis. Un commis dont on veut perfectionner le travail, ça pourrait être faisable.

Le Préskient (M. Philibert): Oui, M. Poirier.

M. Poirier: Je pourrais peut-être ajouter à ça qu'il ne faut pas perdre de vue aussi, quand on regarde les expériences ailleurs - et c'est le cas ici aussi - ces 90 % d'entreprises dont on parle justement qui ont très, très peu d'employés. Souvent ce pourquoi ils n'utilisent pas beaucoup la formation, c'est qu'ils sont à la merci des offreurs de formation. Ces petits patrons là, quand le grand spécialiste de la formation arrive, évidemment, ce qui va passer c'est ce que lui peut offrir. Ce n'est pas nécessairement ce dont l'autre a besoin parce que la grande institution ne peut pas toujours se tourner rapidement sur les petits besoins comme ça.

Alors, à travers les expériences dont M. Gendron parlait, on est en train de bâtir quelque chose où on va rassembler ou regrouper les demandeurs de formation de façon à ce qu'eux autres puissent «caller» les «shots» - excusez l'anglais - là-dessus, c'est-à-dire qu'eux puissent dire de quoi ils ont besoin, dans quelles conditions, au lieu que ce soit tout simplement: Eh bien, c'est ça que les institutions de formation offrent. Si tu n'en veux pas, attends ou va ailleurs.

Mme Harel: Vous vouliez dire quelque chose madame...

Mme Compagna: Oui, j'aimerais ajouter qu'il faudrait faire attention pour ne pas mettre dans un chapeau tous les gens qui ont besoin de formation, parce qu'il y a aussi à l'intérieur de ça la motivation des gens qui sont déjà au travail à performer davantage. Il y a aussi les gens qui ne sont pas sur le marché du travail et qui veulent y revenir. Il y a aussi, peut-être, une petite catégorie de gens qui seront obligés, par les faits, de se former, mais qui, en tout cas, seront plus difficiles à adapter au niveau du travail. Alors, il faudrait faire attention pour ne pas brasser un chapeau.

Mme Harel: Vous avez effleuré, je pense, à la page 5, les comités d'entreprise. Finalement, dans votre philosophie, c'est là où ça devrait se passer, dans un comité d'entreprise. Dans l'entreprise, donc, possiblement en partenariat... Est-ce que vous voyez le partenariat dans l'entreprise elle-même? Vous savez peut-être que la CSD est venue plaider ici pour l'implantation de comités d'entreprise...

M. Poirier: Vous savez...

Mme Harel: ...pour qu'avant qu'il y ait des fonds publics qui soient attribués - on ne parle pas des fonds que l'entreprise elle-même investit — il y ait eu déjà, dans l'entreprise, une sorte de bonne entente entre les parties.

J'ait une autre question aussi, parce que, si c'est vraiment dans la perspective de cette concertation que vous souhaitez... Il y a aussi tout le modèle de la MRC qui a été abordé ici plutôt qu'au niveau de la grande région, parce que les marchés de travail ne sont pas nécessairement régionaux, n'est-ce pas? Vous en êtes un bon exemple dans i'Estrie. Alors, il y a des différences considérables d'un coin à l'autre. Il peut y en avoir entre les deux régions du Québec. Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à envisager vraiment la concertation au niveau de la MRC?

M. Poirier: Je peux peut-être débuter pour une chose. Quand on a parlé de comités d'entreprise, je veux vous rappeler que, dans ce mémoire-là, on a dit: La formation, c'est sur le terrain que ça se passe. Ça va, oui?

Mme Harel: Je ne pense pas que le député réagissait à vos propos.

M. Doyon: Pas du tout. M. Poirier: Non? Mme Harel: Non.

M. Poirier: O.K. Alors, quand on disait que la formation, c'est sur le terrain que ça se passe... Quand on parle de comités d'entreprise, il reste qu'habituellement, s'il y a un problème de formation en quelque part qui est très clair, c'est assez facile de trouver la solution si les gens qui sont autour de la table ont le pouvoir de se tourner rapidement, alors que, quand c'est en dehors de l'entreprise... Je fais partie aussi de tables de concertation. Il y a vraiment une différence avec le partenariat où on va parler de grands problèmes, de problèmes de chômeurs, de problèmes d'augmenter le bassin de main-d'oeuvre et tout ça. Mais on en parle d'une façon assez générale. On peut donner les grandes orientations, alors que, quand on parte de comités d'entreprise, comme je vous le disais, c'est en vue d'une solution qui est très claire. On sait où on s'en va là-dedans.

Alors, ce qu'il doit y avoir, lorsqu'on parle de formation à un niveau très clair et terrain comme ça, c'est le chef d'entreprise ou ses représentants, c'est le technicien qui est spécia-

lise dans la place, c'est les travailleurs qui sont concernés - en tout cas, certains d'entre eux -c'est le formateur spécialisé, ça peut être aussi le courtier en formation qui va voir à animer et faciliter ça. Le fonctionnaire de la société de main-d'oeuvre, là-dedans, devrait être assistant, en termes de fournir les moyens de façon à ce que le plan qui va être décidé va être réalisé.

Dans une table qui est extérieure, on commence à tomber plus large. On peut parler d'orientations, mais rarement, moi, j'entends des projets concrets. C'est plus de la concertation.

Le Président (M. Philibert): Alors, M. Gendron.

M. Gendron (René): Pour ce qui est de votre question relative à aller jusqu'aux MRC, je pense que nous croyons, nous, qu'à partir de la société régionale, étant donné qu'il y a déjà, effectivement, des différences dans les sous-régions mais qu'il y a déjà beaucoup d'organisations structurées, il s'agirait d'établir un lien formel avec des gens déjà en place, des structures déjà en place préoccupées par la formation et le développement, sans pour autant créer un autre niveau. Déjà, nous, dans la région, on fait des expériences, on vit des choses à ce niveau-là parce qu'on s'assure d'intéresser les MRC dans le développement de projets que l'on fait sous l'angle de la formation et, particulièrement - un autre exemple - l'exportation sur les marchés de la Nouvelle-Angleterre.

Mme Harel: Vous savez que, présentement, les entreprises, lorsqu'elles utilisent leur crédit d'impôt, ont libre choix de leur formateur. Le choix du formateur, il est déjà offert. Le formateur n'a qu'à se faire accréditer, n'est-ce pas? Le courtier, c'est la CFP, finalement, dans le plan, dans le projet. Alors, c'est ce qui va rester, de toute façon, le courtier.

J'aimerais ça revenir avec vous, Mme Compagna. Si vous voulez, on va reprendre l'exemple que vous donniez tantôt. Je pense que c'est peut-être votre expertise-terrain qui peut être la plus utile pour les membres de cette commission. Alors, voulez-vous nous le redonner rapidement, votre exemple? Vous nous parliez d'une entreprise qui souhaitait... C'était une petite PME. Voulez-vous nous le redonner très, très rapidement pour qu'on en détecte chacune des phases?

Mme Compagna: Dans l'exemple de tantôt? Oui? Bon. D'après une autre expérience que j'ai vécue aussi...

Mme Harel: Mais celle-là, nous la rappel-leriez-vous pour qu'on en connaisse les implications?

Mme Compagna: De reprendre le... C'est ça? Mme Harel: Oui.

Mme Compagna: O.K. C'est une entreprise qui a déjà un professeur, qui a déjà trouvé une personne pour faire la formation chez elle. C'est une entreprise qui a aussi détecté les coûts. La soumission a été donnée: 4500 $. Donc, pour avoir de l'aide, elle s'est adressée à la CFP.

Mme Harel: D'accord. C'est parce qu'elle n'utilise pas son crédit d'impôt, à ce moment-là.

Une voix: C'est ça.

Mme Compagna: II faut que quelqu'un soit accrédité. Alors, il y a tout un cheminement à faire pour être accrédité à la CFP.

Mme Harel: Mais, si elle avait utilisé le crédit d'impôt... C'est que le professeur n'était pas déjà accrédité? Le professeur aurait pu se faire...

Mme Compagna: Pas nécessairement.

Mme Harel: si le professeur se faisait accréditer par la cfp, ensuite l'entreprise pourrait l'utiliser autant qu'elle le souhaiterait, dans la structure actuelle.

Mme Compagna: Sauf que, pour faire accréditer tout ça, il y a un cheminement. C'est à ce cheminement-là que la CFP donne son accord. Après, il faut que ça passe par une école.

Mme Harel: C'est parce que ça, ce n'est pas dans le crédit d'impôt, alors?

Mme Compagna: C'est dans le crédit d'impôt, mais il faut que tout le cheminement soit fait pareil. Ce n'est pas facile d'aller chercher ses crédits d'impôt.

Mme Harel: Écoutez, j'aimerais juste qu'on s'entende bien parce que sinon on peut avoir l'impression qu'il y a des problèmes là où il n'y en a pas. Mon rôle est plutôt d'en trouver. Ce n'est pas parce que je cherche...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Compagna: On peut vous en fournir. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je voudrais aussi bien comprendre. Ce qu'on m'en dit présentement c'est que les organismes, comme le professeur en question, peuvent se faire accréditer...

Mme Compagna: Oui.

Mme Harel: ...depuis septembre. Il y a un an et quelques mois. À partir de ce moment-là, dès qu'une entreprise veut utiliser ses services, elle n'a plus besoin de passer par Pierre, Jean, Jacques.

Mme Compagna: Si on y va par le réseau de formation qu'on connaît, public...

Mme Harel: Ça, c'est parce qu'elle veut utiliser des fonds publics.

M. Gendron (René): C'est ça. Elle veut utiliser des subventions...

Mme Compagna: Si on va par les cégeps...

Mme Harel: Des subventions autres que les crédits d'impôt.

M. Gendron (René): ...autres que les crédits d'impôt.

Mme Harel: O.K. Là, on s'entend. Mme Compagna: D'accord. Mme Harel: Ce n'est pas la même chose. M. Gendron (René): Ce n'est pas pareil.

Mme Harel: Alors, si... Elle veut utiliser des subventions publiques. O.K.

Mme Compagna: Dans les programmes qui existent actuellement à l'intérieur de la CFP.

M. Gendron (René): C'est plus un cas de subvention publique, ça.

Mme Compagna: C'est ça.

Mme Harel: bon. ça, c'est des... une subvention. j'aurais aimé ça qu'on le pousse pour voir. au fond là, si on veut apporter des bons correctifs, il faut faire le bon diagnostic du problème.

Mme Compagna: D'accord.

Mme Harel: Le choix du formateur, vous nous le présentez comme une solution. Elle est déjà là maintenant, la solution, quand c'est l'entreprise qui paie. Quand c'est l'entreprise qui paie et qu'elle se fait rembourser avec le crédit d'impôt, elle a déjà le choix du formateur dans la mesure où le formateur est accrédité. Ça, je pense qu'on va s'entendre pour se dire que c'est raisonnable, dans une société, que des formateurs soient accrédités. Sinon, je ne sais pas, moi... On peut s'entendre sur le fait que ça vaut pour les écoles à caractère publique même si elles sont privées.

Mme Compagna: Mme la députée, je vous ferai remarquer que le délai qui occasionne tout ce cheminement de dossier est quand même assez important. Nous sommes de la petite entreprise. Si on regarde les qualités des petites entreprises, c'est d'avoir un produit de très haute qualité. Alors, quand nous avons besoin d'un employé chez nous, il faut qu'on prenne une décision rapidement. Le professeur n'est pas toujours apte. Ce que j'ai vécu chez nous l'année dernière, c'a été qu'en passant par le réseau on m'offrait un professeur, mais qui n'était pas formé pour notre moulurière. Alors, la fichue moulurière, il fallait que je forme le professeur pour venir former mes employés. Alors, c'est complètement ridicule.

Mme Harel: D'accord. Attendez, on va suivre votre exemple. Qu'est-ce que c'est exactement, votre activité?

Mme Compagna: Dans le domaine du bois. Mme Harel: Du bois? Mme Compagna: Oui.

Mme Harel: D'accord. Alors, à ce moment-là, vous vous êtes adressée à une commission scolaire?

Mme Compagna: La CFP...

Mme Harel: À la CFP.

Mme Compagna: ...qui, elle, s'est adressée au cégep.

Mme Harel: Oui.

Mme Compagna: le cégep m'est revenu. ils m'ont dit: on va vous envoyer un professeur, sauf qu'on n'a personne de qualifié. vous allez former notre professeur...

Mme Harel: D'accord.

Mme Compagna: ...et, après que le professeur sera formé, il formera vos employés.

Mme Harel: D'accord.

Mme Compagna: Bien, c'est complètement ridicule.

Mme Harel: En aviez-vous un professeur déjà formé...

Mme Compagna: Non.

Mme Harel: ...que vous auriez pu prendre en dehors du cégep?

Mme Compagna: Non, je n'en ai pas trouvé.

Mme Harel: D'accord. Mme Compagna, c'est peut-être ridicule, mais ça aurait été quoi la solution?

Mme Compagna: Si j'avais pu aller chercher une personne à la retraite, par exemple, ou à la semi-retraite...

Mme Harel: Oui. Est-ce qu'il y en avait de disponible? Est-ce qu'il y avait un professeur disponible ailleurs, déjà formé, tout prêt, que vous connaissiez?

Mme Compagna: Non.

Mme Harel: Vous comprenez, ce que je veux dire, c'est qu'il faut trouver des solutions. Si l'entreprise et le milieu de l'éducation ne sont pas intimement liés, comment un formateur... Où est-ce qu'il aurait pu se former, le formateur?

Mme Compagna: Ça aurait été quelqu'un de mon concurrent.

Mme Harel: Ah oui!

Mme Compagna: À ce moment-là, ce n'est pas possible. C'est ça, le problème. (10 h 45)

Mme Harel: C'est ça. Alors, ça veut donc dire qu'il vous faut travailler très, très étroitement avec le cégep pour que les personnes qui donnent des cours restent toujours à point, ne soient pas déphasées par rapport aux besoins que votre secteur du bois nécessite.

Mme Compagna: C'est ça. C'est pour ça que je disais tantôt: II faut identifier les besoins avant de former.

Mme Harel: La question qui m'intéresse, c'est: Est-ce que le cégep vous a offert quelque chose pour former son formateur?

Mme Compagna: J'en suis restée là parce que le délai était déjà tellement long. À un moment donné, tu t'écoeures et tu arrêtes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: D'accord. Vous vouliez dire quelque chose, M. Poirier?

M. Poirier: Je voulais tout simplement rajouter qu'effectivement il y a des gens qui peuvent se faire accréditer, mais je ne suis pas certain que ce soit dans tous les domaines. Je vais prendre l'exemple de M. Gendron, quand il pariait de multisecteurs. Il y avait quelques personnes qui étaient là et qui étaient spécialisées en boucherie. Quand on parlait d'augmenter le niveau de qualification de leur boucher, elles n'étaient pas intéressées à aller à l'institution publique. Ce qu'elles disaient, c'est: On connaît les professeurs qui sont là et on ne les engagerait pas comme boucher. Alors, elles auraient plus l'intention d'aller chercher quelqu'un ailleurs...

Mme Harel: Oui.

M. Poirier: ...mais on n'a poussé l'investigation plus loin.

Mme Harel: Je termine parce que le président me dit que mon temps est écoulé. La grande question, c'est: Comment fait-on pour rentabiliser nos équipements publics? Avec la rareté des ressources actuelles, ou on fait travailler étroitement l'entreprise et l'institution pour qu'il y ait aussi une culture d'entreprise dans l'institution et une culture de la formation dans l'entreprise, sinon, M. Poirier, ce que vous dites, c'est qu'on va continuer à être des incompétents, au dire des entreprises, dans les institutions. Ça va résulter en quoi au bout de la ligne? Ça va former des jeunes qui vont arriver pas préparés non plus. Alors, du côté où on est, nous, comment fait-on ensemble pour rentabiliser les choses?

Mme Compagna: Je pense qu'il y a une étroite collaboration entre les maisons d'enseignement à Sherbrooke et la maison régionale. On essaie de plus en plus mais c'est extrêmement difficile de parler le même langage. Ça, c'est une barrière psychologique qui existe et on devra, dans le futur, être capables de s'adapter aux besoins. C'est pour ça qu'on dit que de laisser le pouvoir en région, c'est extrêmement important afin que les gens nous écoutent. On a un langage bien particulier en entreprise et ce n'est pas du tout le langage des enseignants. À ce niveau-là, nous faisons un pas quand même assez rapide pour les rejoindre. Il faudra que, dans le futur, ils fassent aussi un pas pour venir nous rejoindre.

Mme Harel: Merci beaucoup. Votre contribution est importante à cause de l'expérience que vous en avez.

Le Président (M. Philibert): Merci pour votre participation à la commission parlementaire. Pour conclure, on me signale que le centre de loisirs Roussin est situé dans le comté de Pointe-aux-Trembles, parce que ma collègue de Bourget s'en voyait imputer la maternité, si vous me passez l'expression. Merci pour votre mémoire. Maintenant, je vous demanderais de vous retirer de telle sorte qu'on puisse appeler Le groupe Ressources CSF inc.

Mme Compagne: Moi, je tiens à remercier tous ceux qui nous ont écoutés durant notre séance d'information.

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît. Je demanderais au groupe CSF inc. de prendre place, s'il vous plaît. Alors, bienvenue à la commission. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes, en principe, sont réservées au gouvernement et 20 minutes à l'Opposition pour vous questionner. Je vous invite à nous livrer votre mémoire, mais, auparavant, à identifier votre porte-parole et les personnes qui l'accompagnent.

Le groupe Ressources CSF inc.

M. Nault (Jean-Luc): Bonjour. Moi, mon nom, c'est Jean-Luc Nault. Je suis directeur général du groupe CSF. On va commencer par la gauche.

M. Rivest (Gilbert): Gilbert Rivest. Je suis directeur de la formation.

M. Hubert (Jacques): Jacques Hubert, chargé des ventes et marketing.

M. Amyot (Gaston): Gaston Amyot, département de l'administration et des ressources humaines.

M. Lefebvre (Louis): Louis Lefebvre, directeur du développement.

M. Nault: Président du conseil d'administration.

Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y avec votre mémoire.

M. Nault: O.K. En fait, bonjour. Je suis directeur général du groupe Ressources CSF. Je désire, au nom de toute l'équipe, vous remercier, M. le Président, M. le ministre Bourbeau, Mmes et MM. les parlementaires, de nous avoir donné l'opportunité d'exprimer notre opinion sur le projet de loi 408 et l'énoncé de politique sur un Québec compétent et compétitif. Nous désirons vous féliciter, M. te ministre Bourbeau, d'avoir entrepris le lancement d'un tel débat social et de légiférer sur le sujet. Ma présentation d'aujourd'hui consistera à vous exposer les points essentiels du mémoire, enrichis de commentaires. À cet effet, copie de cet exposé vous a été transmise aujourd'hui.

Quant au statut légal de l'entreprise, dans le jargon de la formation, nous ne sommes ni du réseau public d'enseignement, ni régis par la loi sur l'enseignement public. Nous sommes une entreprise privée de développement de la main-d'oeuvre, issue du milieu automobile et qui offre à sa clientèle des services de planification des ressources humaines, de recrutement, de sélection, de placement et de formation. Notre entreprise est présentement à développer d'autres initiatives dans d'autres secteurs que celui de l'automobile pour le développement de la main-d'oeuvre. Notre entreprise est accréditée par la CFP pour effectuer des PDRH et de la formation dans divers secteurs. Nous sommes aussi accrédités par Emploi et Immigration Canada pour la planification des ressources humaines en entreprise.

Notre philosophie de formation repose sur des principes d'apprentissage en alternance entre notre centre de formation et l'employeur ou l'entreprise d'accueil, dans le cas des groupes de coordination, dans des proportions allant de 30 % à 50 % de l'ensemble des heures de formation. Nos programmes de formation contiennent tous: un volet andragogique où nos participants sont exposés aux méthodes d'apprentissage, de gestion du stress, de motivation et de travail de groupe; un volet sur les valeurs socio-économiques des entreprises où ils travaillent et sur les relations du travail; des volets techniques à la fine pointe de la technologie; des volets de formation en milieu de travail où nous avons, au préalable, formé un formateur parrain et où un de nos formateurs techniques supervise l'apprentissage sur les lieux.

À l'heure où je vous parle, nous avons deux de nos formateurs techniques en industrie et une trentaine de formateurs parrains qui veillent au bon transfert technologique et à l'intégration de nos participants dans le milieu. Nos formateurs andragogiques sont constamment aidant au processus d'apprentissage, en collaboration avec nos formateurs techniques, formateurs parrains qui appartiennent à l'industrie, qui sont dans l'industrie, et les participants.

Nous avons développé des critères de sélection où est évalué le profit des participants nous permettant de diminuer les risques de décrochage et d'augmenter la réussite tout au long de la formation. Permettez-moi de vous dire que nous avons 0 % de décrochage. Chez nous, le décrochage, on ne connaît pas ça. Nous avons développé des méthodes de placement qui nous ont permis d'obtenir un taux de 96 % de réussite chez nos finissants.

Au chapitre de la création d'emplois, nous avons créé a l'interne 21 emplois et collaboré à la création de 63 emplois permanents dans notre industrie. Notre mandat actuel, via les groupes de coordination et un groupe de CSST, vise à former et à placer 90 individus chez nos clients. Laissez-moi vous dire que les choses vont bon train. Nous avons également mené plusieurs mandats au chapitre de la consultation dans la planification des ressources humaines visant à mieux répondre aux besoins du milieu de l'automobile.

Excluant l'achat de cours par des groupes

de coordination financés par EIC, le financement des programmes, incluant les salaires, que nous avons réalisés se répartit comme suit: en provenance du secteur privé, 44 %; en provenance d'Emploi et Immigration Canada, 31 %; en provenance principalement des mesures de crédit d'impôt provincial, 25 %. Excluant l'aide de la CFP Laurentides-Lanaudière - une aide de 13 000 $ pour la formation de nos formateurs - jamais notre entreprise n'a reçu de subvention directe. Alors que l'industrie de l'automobile gérait une décroissance au niveau de l'emploi, nous avons créé des partenariats où le secteur privé participe, en moyenne, à 44 % des coûts. EIC subventionne une partie des heures de formation à l'utilisateur du service au même taux que celui du secteur public - on n'a pas eu de cadeau du fédéral - après avoir dû payer un certain pourcentage à la CFP.

Nous pouvons vous affirmer, M. le ministre, que notre action est plus efficiente que celle du réseau public au chapitre du coût social. Nous avons réalisé ces choses-là sans taxes scolaires, sans l'«overhead» d'un MEQ et sans l'achat d'équipement ultraspécialisé. À ce chapitre, nous avons développé un système de commandite pour l'équipement ultraspécialisé, ce qui nous permet d'avoir dans nos laboratoires la dernière technologie du «diagnosticage» électronique. Nous avons aussi négocié des contrats de formation avec des entreprises qui développent les équipements utilisés dans l'industrie. Là encore, nous avons obtenu la participation de l'industrie dans sa formation et laissez-moi vous dire que celle-ci est très fière de son implication.

Le développement des programmes de formation et de la formule d'apprentissage financée par l'entreprise privée est un autre exemple de participation dans l'industrie à sa formation. Nous sommes en train d'y développer une culture de formation en faisant collaborer ensemble les principaux intervenants du secteur. La technologie, l'équipement et les professionnels du secteur sont dans l'industrie. On perd du temps, de l'énergie et de l'argent si on s'acharne à vouloir former et maintenir à jour les compétences des formateurs du réseau public et à lui payer de l'équipement et des immobilisations alors que tous les ingrédients sont déjà dans l'entreprise. Il suffit d'y articuler la formation et c'est ce que nous faisons.

Nous avons fait la preuve que l'industrie est mûre pour prendre en main sa formation quand ce sont les bons joueurs qui sont dans l'arène. Des initiatives comme la nôtre ne vous demandent aucun investissement d'immobilisation ou d'équipement spécialisé. Favoriser ou privilégier le réseau public d'enseignement comme vous entendez le faire rend plus difficile l'émergence d'initiatives nouvelles, croyez-en notre expérience avec les CFP actuelles. Favoriser ou privilégier le réseau public et promouvoir les initiatives privées sont deux énoncés contradictoires.

Lorsque les fonctionnaires qui gèrent les programmes auront mis tout leur temps et octroyé les ressources dans le secteur public, il y a fort à parier qu'il restera peu de ressources pour promouvoir l'initiative privée. C'est perpétuer le fonctionnement des CFP actuelles qui, elles, utilisent un seul fournisseur de services qui est le réseau public. Nous croyons que le premier souci de la nouvelle Société québécoise de la main-d'oeuvre devrait être celui de rechercher la meilleure qualité de services disponibles sur le marché, qu'ils proviennent du public ou du privé.

Les pistes de solution. Nous sommes ici aujourd'hui et partageons tous le même objectif qui est celui de doter nos industries de services de formation de qualité à des prix abordables et de les rendre de plus en plus autonomes en matière de formation. (11 heures)

Dans l'atteinte de cet objectif, il serait plus logique que la Société québécoise de la main-d'oeuvre favorise le développement d'une culture de formation dans l'entreprise plutôt que dans le réseau public d'enseignement. Ce dernier pourrait développer des programmes académiques mieux adaptés aux futurs apprentis. On parle de cours de français, anglais, mathématiques appliquées, relations du travail, méthodes d'apprentissage, économie d'entreprise. Le mandat du MEQ pour combattre le décrochage, sélectionner et former les bons candidats à la formation professionnelle est énorme. Disperser l'énergie dans des mandats plus spécialisés n'assurera pas la qualité de la formation de base nécessaire à l'apprentissage de nos futurs apprentis.

Nous, Le groupe CSF, sommes prêts à collaborer avec tous les intervenants de la formation. Il est évident que l'objectif énoncé ne se fait pas à court terme. Pour l'atteindre, pour favoriser un climat de saine compétition qui harmonisera la transition de façon graduelle et efficace dès la formation de l'école, lieu où il se trouve présentement, vers l'entreprise devenant de plus en plus autonome. Un climat de saine compétition obligera les fournisseurs de services à se surpasser, favorisera le développement des compétences en matière de formation au goût et à l'endroit où l'industrie les veut, favorisera l'émergence de nouvelles stratégies de développement de la main-d'oeuvre dans des secteurs et régions données et injectera du dynamisme dans le dossier de l'apprentissage.

Les partenariats s'effectueront d'eux-mêmes en puisant dans les champs de compétence complémentaires du secteur privé et public. Mettez du libéralisme dans vos politiques de formation. Choisissez le virage de la libre entreprise. Gardez-vous de créer des chasses gardées qui seront impénétrables pour les 10 prochaines années. Les chasses gardées favorisent la stagnation et donnent peu de résultats à long terme. Depuis avril 1990, nous avons développé une philosophie de formation applicable à toutes

les PME et encore, je vous le répète, nous sommes prêts à collaborer avec tous les intervenants du secteur de la formation.

Au chapitre des recommandations, nous croyons que les représentations des commissions scolaires régionales et des cégeps devraient être exclues des conseils d'administration central et régionaux afin qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts dans leur rôle de fournisseurs de services. Au sujet de la priorité à accorder au projet de main-d'?uvre par la société régionale, il y a une petite mise en garde qui est celle-ci. C'est qu'en industrie l'aboutissement du développement ou l'acquisition de nouvelles technologies s'effectue souvent de façon spontanée. Alors, il faudra un peu de souplesse dans la gestion des priorités pour être en mesure d'aider à l'application d'une nouvelle technologie dans un secteur quj n'est pas sur les listes de priorités, par exemple.

Nous voudrions bannir, dans le projet de loi et dans l'énoncé de politique, tout favoritisme à l'endroit du réseau public d'enseignement afin de créer un climat de saine compétition. Aussi, nous voudrions rendre effectives les mesures transitoires entre Emploi et Immigration et les CFP afin que notre entreprise puisse continuer son action jusqu'à ce que la nouvelle société soit en opération. Nous avons actuellement deux mandats de formation qui sont entre deux eaux, là. Enfin, nous désirons participer activement dans le dossier de l'apprentissage. Alors, voilà, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président. Je vous remercie de votre présentation. Je demanderai maintenant à M. le ministre de commenter, s'il y a lieu, le rapport que vous avez soumis. Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Premièrement, M. le Président, permettez-moi, au nom de mes collègues, de vous souhaiter la bienvenue à la présidence de cette commission où vous venez d'apparaître soudainement.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Ah

ouil

M. Bourbeau: Bienvenue parmi nous. En ce qui concerne le mémoire de nos amis de l'entreprise privée, parce que c'est vraiment un mémoire pro-entreprise privée, on entend vraiment tous les points de vue à cette commission et c'est un point de vue qui est très rafraîchissant que celui que vous nous faites entendre ce matin. Vous plaidez pour une déréglementation totale du secteur, primauté à la compétence, si je comprends bien, parmi les formateurs ou ceux qui peuvent donner la meilleure formation au meilleur coût. En passant, vous donnez quelques taloches, si je peux m'exprimer ainsi, au système public d'éducation. Je ne sais pas si ça va faire plaisir à tout le monde. Possiblement pas, mais vous n'êtes pas là pour faire plaisir au monde, mais plutôt pour faire connaître votre point de vue.

Vous êtes logique. Vous dites: Le réseau public, c'est un fournisseur de services, donc il ne doit pas être en conflit d'intérêts et siéger au conseil de la Société. Par contre, quand on discute avec les gens du réseau public secondaire ou collégial d'éducation, on nous dit: Nous ne sommes pas uniquement des fournisseurs de services. Nous avons une expertise beaucoup plus vaste que l'enseignement, que l'action de scolarisation et, dans ce sens-là, nous avons un rôle à jouer qui va au-delà de l'enseignement. Nous devons participer aussi pour être en mesure de bien remplir ce rôle d'enseignant, quand on ne parle que de ça. Nous devons participer aussi à l'estimation des besoins, par exemple, de façon à être mieux en mesure de préparer nos formateurs. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cet argument-là?

M. Nault: Ce que j'en pense? Nous, on aimerait appliquer le modèle allemand, par exemple. En fait, on a eu l'occasion de jaser avec des formateurs allemands, lors du symposium organisé en décembre, et petit à petit... La façon dont ça se passe en Allemagne, il y a l'État qui donne la formation de base. Dès le secondaire III, les apprentis font de l'alternance avec l'industrie et l'État paie la formation académique de base, et je suppose qu'il est très compétent pour ça. Il donne des matières qui sont complémentaires au métier. Il y a de l'alternance après avec l'industrie et c'est l'industrie qui paie la formation technique même à l'intérieur de ses usines. Alors, nous, on voudrait que notre société tende vers ce modèle-là parce que ce n'est pas payant pour une commission scolaire d'aller investir des dizaines de milliers de dollars dans une machine à alignement et de renouveler cette chose-là dans deux ans, et ainsi de suite.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. Rivest, peut-être que vous voulez ajouter...

M. Rivest: Oui, merci. Pour répondre à votre question concernant l'estimation des besoins qu'on fait, l'estimation des besoins, quand on va dans l'entreprise pour élaborer un concept de formation ou donner de la formation, on a un département, qui est un département de consultation, qui est spécialisé dans l'analyse des besoins de développement organisationnel et de développement des ressources humaines. Alors, on fait ce travail-là. Je pense que c'est très important qu'il soit fait et que c'est très important, quand il est fait, que les gens qui font la démarche d'estimation des besoins et les gens qui vont faire la formation ou qui vont désigner la formation soient en contact étroit et communi-

quent sur la même longueur d'onde, et que ce soit vite fait, rapide.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Amyot, peut-être.

M. Amyot: M. le ministre, peut-être pour compléter encore une fois cette réponse-là, je ne crois pas que Le groupe CSF ait jamais renié le fait que le ministère de l'Éducation ait de l'expertise ou de la compétence dans des secteurs. Ce n'est pas là notre but, puis peut-être que j'essaie d'alléger la taloche, comme vous dites. Ce qu'on conteste, nous autres, c'est le fait que le ministère de l'Éducation croit qu'il est le seul à avoir cette expertise-là. Si, par exemple, un entrepreneur dans notre secteur automobile requiert les services de la CFP pour essayer de trouver une formation qui pourrait être adéquate à son besoin, systématiquement, la CFP va l'orientrer vers le secteur public. Nous, ce qu'on demande, c'est que...

D'ailleurs, la mesure de crédits d'impôt que vous avez instaurée avait pour but de stimuler les entreprises et de les inciter à participer à leur formation. Ce qu'on demande, c'est que, lorsque vous voyez éclore des initiatives de l'entreprise directement pour structurer sa formation, se prendre en main, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on parie d'automobiles, ici, à cette table-là... Pour ce qui est de nous autres, on est tous des anciens gars de garage; on est vraiment tous du milieu. Ce qu'on demande, c'est: N'étouffez pas ces initiatives-là et laissez-nous la chance de participer à cette formation-là en tant que collaborateurs, mais en aucun temps on ne veut renier la compétence du ministère de l'Éducation. On veut juste dire que, nous autres aussi, on a développé une expérience parce que, depuis les 20 dernières années, souventefois, il a fallu former sur le tas rapidement, puisque la technologie changeait aux six mois et qu'on n'avait crrément pas le temps d'attendre que les différents ministères soient adaptés à nos besoins.

M. Bourbeau: Oui, bien sûr, il est essentiel que la formation qui est donnée soit la meilleure possible. On verrait difficilement que le gouvernement accepterait un système où nos travailleurs seraient formés par des formateurs qui ne seraient pas les meilleurs. Moi, je n'accepterais pas, en tous les cas, de me faire dire: On va prendre le deuxième meilleur ou le troisième meilleur formateur, quand on en a un meilleur de disponible, un plus compétent. Il s'agit de savoir qui est le plus en mesure de donner la meilleure formation possible.

Le document d'orientation qu'on a devant nous, le projet de politique, là-dessus, je pense, fait un pas en avant par rapport à la situation qui existait précédemment, en ce sens que, poui la première fois, on reconnaît dans un écrit gouvernemental qu'on donne le choix du for- mateur à l'entreprise, il n'y a aucune restriction là-dessus, dans le document. A partir de maintenant, l'entreprise pourra choisir le formateur de son choix, qu'il soit public ou privé. Ça, je ne sais pas si vous avez noté cette différence-là. C'est quand même important.

C'est la première fois qu'on laisse le choix du formateur à l'entreprise.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, M. Nault.

M. Nault: Oui, je suis d'accord et, en fait, je trouve ça beau cette chose-là. Sauf que, quand vient le temps de payer la facture, on se rend compte que le secteur public est privilégié alors que le secteur privé ne l'est pas. En fait, c'est deux poids, deux mesures.

M. Bourbeau: L'entreprise qui décide de choisir un formateur privé comme vous, par exemple, plutôt qu'une commission scolaire, ça fonctionne exactement de la même façon. Elle va payer son formateur, vous, en l'occurrence, si c'est vous, plutôt que de payer la commission scolaire et elle va réclamer son crédit d'impôt au gouvernement qui va le rembourser dans un cas comme dans l'autre. Je voudrais comprendre en quoi ce n'est pas égal.

M. Nault: Oui. Je pense que, quand une entreprise a des services d'une commission scolaire, c'est gratuit. En fait, c'est ce qu'on dit, alors que, nous, O.K., il y a 40 % du crédit d'impôt dont l'entrepreneur peut bénéficier, mais la commission scolaire offre gratuitement ses services.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Hubert, vous voulez ajouter des choses?

M. Hubert: S'il vous plaît, dans le même ordre d'idées.

M. Bourbeau: Là, je ne vous suis pas, là, je ne comprends pas. La commission scolaire ne donne pas ses services gratuitement à une entreprise pour faire de la formation.

M. Hubert: Je vais vous donner un exemple. Disons qu'on va prendre une formation en électronique-injection, pour le milieu qui nous intéresse, offerte par une entreprise privée comme la nôtre. Elle va se vendre approximativement 15 $ l'heure homme participant. Ça va? Donc, on arrive à l'entrepreneur privé, la facture totale se chiffre à 4000 $, O.K., soit 60 heures à 15 $, 900 $ par participant, si on aime mieux. Le : type se tourne du côté du public, les gars vont aller chercher la même formation de 60 heures i pour 15 $. Ça c'est parce que, du côté du public, on va utiliser des fonds publics, taxes et autres, : pour subventionner cette chose-là, tandis que, chez nous, ça n'existe pas.

M. Bourbeau: vous allez dire que la commission scolaire va charger moins cher. elle ne chargera pas 15 $ contre 4000 $; elle va charger...

M. Hubert: C'est 15 $ par participant au lieu de 900 $.

M. NauK: Frais d'inscription de 15 $

M. Hubert: Frais d'inscription. La formation ne coûte rien.

M. Bourbeau: Mais ça, c'est un cours qui se donne dans l'institution elle-même ou...

M. Hubert: Des cours du CPA, par exemple.

M. Bourbeau: ...dans l'entreprise? Est-ce que le formateur vient dans l'entreprise ou si la formation se donne au collège?

M. Hubert: Soit l'un ou l'autre. Majoritairement, pour ie public, ça se donne dans le collège. Ça se donne au collège. Chez nous, ils ont la possibilité que ce soit donné à notre centre de formation ou a leur entreprise.

M. Bourbeau: Bon, il faudrait...

M. Hubert: Les rapports de force n'ont aucun sens.

M. Bourbeau: Oui. Il faudrait voir, là. Il est possible que, quand ça se donne dans l'institution même par des professeurs qui sont déjà payés par l'État, évidemment, il y ait des économies d'échelle pour le gouvernement qui a déjà les locaux disponibles. Les locaux sont déjà là.

M. Hubert: La majorité de ces professeurs-là sont des travailleurs de jour qui font de la formation à temps partiel le soir, majoritairement, les techniciens venant chez les concessionnaires automobiles, rémunérés le soir à 35 $ l'heure.

M. Bourbeau: Est-ce que la commission scolaire, vous êtes en train de me dire, perd de l'argent en vous donnant le cours?

M. Hubert: J'abonderais dans votre sens. (11 h 15)

M. Bourbeau: Bon, M. le Président, il est possible qu'il y ait des aberrations. Ça ne m'étonnerait pas. Remarquez, on en a vu déjà quelques autres, mais on est en train, justement, de tenter d'amener un peu d'ordre dans tout ça. C'est évident que le réseau public a un avantage sur le privé en ce sens que les équipements sont déjà là, mais ils ont été payés par nous. Aussi bien s'en servir. Les professeurs, si ce sont des professeurs réguliers, ils sont déjà payés; si ce sont des professeurs qu'on engage à l'extérieur, ça, c'est autre chose. Il est probable que l'entreprise privée est désavantagée dans bien des cas. Par contre, dans d'autres circonstances, on me dit que l'entreprise privée réussit à faire mieux. Parfois, c'est plus efficace, c'est moins lourd. Les équipements, bien sûr, sont chers à acheter. Quand une commission scolaire a l'équipement, c'a été payé par les fonds publics, c'est bien évident.

Le Président (M. Philibert): M. Hubert.

M. Hubert: Excusez, c'est juste que vous dites faire mieux, et ainsi de suite. Je ne voudrais pas laisser sous l'impression, un peu comme mes collègues le disaient tantôt, que ce qui se fait au public n'est pas bon et que tout ce qu'on fait dans le privé, c'est beaucoup mieux. Ce n'est pas ça l'idée. C'est que, personnellement, encore la semaine dernière... Je me rends régulièrement dans des écoles du système public pour donner des formations d'utilisation d'équipement aux enseignants du public. Ça va?

M. Bourbeau: Oui.

M. Hubert: II y a effectivement d'excellents équipements, monsieur, qui ont été achetés dans le système public. Le problème, c'est que la formation des gars qui avaient à les utiliser pour enseigner n'est jamais venue. Je connais des écoles, elles ont des équipements qui sont là; ça fait un an et demi qu'ils sont attachés après le mur et le courant 110 n'a jamais passé dans le fil.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous donner des exemples? Envoyez-moi donc la liste de ces équipements-là et les endroits où Us sont situés. C'est peut-être mon ministère...

M. Hubert: Je vais vous dire, honnêtement, que ça me ferait plaisir.

M. Bourbeau: C'est peut-être mon ministère qui les a payés. On en paye parfois. On va aller...

M. Hubert: Non, non, mais c'est un fait.

M. Bourbeau: ...les chercher et on va les envoyer ailleurs.

M. Hubert: C'est un fait. La première qui me passe par la tête, si quelqu'un veut vérifier, c'est l'école d'automobile de Rivière-du-Loup; ils ont de l'équipement, là, tout sur ordinateur, et ça fait environ un an qu'elle est arrêtée.

Mme Harel: L'école d'automobile... Je n'ai pas compris.

M. Hubert: À Rivière-du-Loup. Mme Harel: À Rivière-du-Loup.

M. Hubert: Je ne sais pas si vous l'appelez l'école d'automobile ou le cégep, mais où les cours de... O.K.? Ce n'est pas pour critiquer; c'est un fait. Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement a bien agi à l'achat des équipements qui étaient excellents, mais la formation des formateurs n'est pas venue.

M. Bourbeau: Je comprends bien, oui.

M. Hubert: Ça va?

M. Bourbeau: Oui, oui, je comprends.

M. Hubert: À ce niveau-là, c'est là que mon collègue, M. Nault, disait tantôt: C'est beau acheter les équipements, aller chercher les budgets, ces choses-là, mais les formateurs, il faut les former. Ça fait que, dans la même ligne de pensée, on dit: Les équipements à date, de dernière technologie, les équipements de pointe sont déjà dans l'industrie chez les concessionnaires, ces choses-là. C'est beaucoup plus facile de faire de la formation de formateurs dans l'industrie où on n'a aucun investissement d'équipements à la base. À ce moment-là, on développe, à l'intérieur de l'entreprise privée, le concessionnaire automobile ou le garage au coin de la rue, de la formation continue. Ces gens-là financent leur propre équipement. Ce qu'ils veulent avoir, c'est l'expertise et le support financier à certains niveaux.

M. Bourbeau: Vous vous êtes référé tantôt au système DUAL de formation...

M. Hubert: Quoi? Je m'excuse. Une voix: DUAL

M. Bourbeau: Vous vous êtes référé au système DUAL de formation qui est en vigueur en Allemagne où, effectivement, à partir de la troisième année, après la troisième année du secondaire, les étudiants peuvent cheminer dans un processus d'apprentissage jusqu'à ce qu'ils obtiennent éventuellement une qualification. C'est un système qui fait l'admiration de bien des nations rivales, qui donne d'excellents résultats, semble-t-il aussi, d'après ce que j'ai pu en voir et ce qu'on en dit. Dans ce système-là, les entreprises défraient la totalité des coûts de la formation. Le gouvernement n'intervient pas. Bon, peut-être dans la partie théorique de l'enseignement qui se donne en institution, mais pour ce qui est de la partie pratique, ce sont les entreprises et les entreprises déboursent pas mal d'argent pour cette formation-là. Elles ont à payer pour les formateurs, qui sont leurs propres employés, mais qu'elles doivent dégager; elles doivent fournir les équipements, elles doivent payer un salaire. Le salaire n'est pas très élevé, si ma mémoire est fidèle. C'est deux marks l'heure. Ça fait combien, M. le Président? 1,50 $ l'heure pour des jeunes. Quand même, ce sont des jeunes de 16 et 17 ans.

Vous, est-ce que vous pensez que les entreprises québécoises sont prêtes à consentir cet effort-là pour un système de formation?

Une voix: Gilbert.

M. Rivest: Je pense que, quand on parle du système DUAL en Allemagne, l'Allemagne est un pays où il y a une culture de formation, où toutes les parties de la société sont impliquées quelque part au niveau de la formation et de la formation professionnelle, où le ministère de l'Éducation offre des services d'éducation jusqu'au secondaire V et, ensuite de ça, c'est pris en charge par différentes instances sociales telles que les chambres de commerce, les entreprises elles-mêmes et d'autres organismes, comme ici on pourrait parler des MRC, si on faisait la même relation, où il y a plusieurs organismes qui sont déjà impliqués au niveau de la formation.

Je ne pense pas que l'entreprise, actuellement... Ce n'est pas ce qu'on dit non plus. Actuellement, l'entreprise ne serait pas en mesure de prendre toute la responsabilité de la formation professionnelle sur ses épaules. Par ailleurs, on croit, de la façon dont on part le scénario de ça, qu'il faut que ça se fasse dans un moyen terme, même dans un long terme, mais il faut commencer quelque part pour avoir accès à ça. On voudrait que les portes nous soient ouvertes de manière à ce qu'on puisse commencer à mettre en place des structures et l'organisation et dynamiser ce qui est déjà là pour permettre à ça de voir le jour éventuellement. Je pense qu'on est dans un...

Même en Allemagne, actuellement, ils ont des problèmes parce que la technologie s'est tellement transformée qu'ils ont des problèmes à se réadapter, et ils sont déjà organisés. Nous autres, n'étant pas organisés dans ce sens-là, on a une brèche, là, actuellement, comme société, je pense, qui peut nous permettre d'établir le scénario et la culture de la formation en entreprise.

Le Président (M. Philibert): Alors, vous avez terminé, M. le ministre? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse de vous saluer, M. Nault, et les personnes qui vous accompagnent. Le groupe est installé, je pense, dans la région de Terrebonne. Donc, vous avez une clientèle qui va plus chercher, disons, la région métropolitaine du Grand Montréal. C'est ce qu'il faut comprendre?

Une voix: Oui, oui.

Mme Harel: J'écoutais cet échange que vous aviez avec le ministre concernant l'expérience allemande. Il faut aussi se rappeler qu'en Allemagne la structure industrielle est très étroitement développée dans la très grande entreprise, à l'inverse du Québec où la très grande majorité des emplois, au-delà de 80 %, le sont dans la petite et moyenne entreprise de moins de 10 employés. Alors, il y a sans doute des façons de faire qui ne peuvent pas être nécessairement les mêmes, à ce moment-là. Je ne sais pas. Vous vous êtes rendu au symposium. Est-ce que ça a été discuté, cette différence même dans la structure industrielle de nos sociétés?

M. Nault: En fait, on n'a pas eu de discussions à cet effet, mais, moi, je peux vous dire que l'entreprise qu'on sert, c'est une PME. Si vous prenez les concessionnaires automobiles ou les garages du coin, ce sont de petites entreprises et la formule que nous avons trouvée, elle sert bien les PME.

Mme Harel: Tantôt, vous parliez, donc, de cette formule d'alternance. Vous savez sûrement que le comité paritaire sur l'industrie de l'automobile est venu ici, devant la commission. Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance de leur mémoire.

M. Nault: Non, malheureusement pas.

Mme Harel: Maintenant, il est public, étant donné qu'il a été déposé devant la commission. Le comité paritaire est venu plaider pour un système d'apprentissage. Essentiellement, ce que le comité paritaire souhaite, c'est une plus grande implication du secteur de l'éducation et du secteur de l'industrie de l'automobile dans un système d'apprentissage. Donc, quelque part, ça peut peut-être également vous rejoindre dans le système d'alternance.

M. Nault: Effectivement.

Mme Harel: Est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre?

M. Nault: Effectivement.

M. Hubert: C'est le système qu'on applique chez nous depuis au-delà de deux ans et demi...

Mme Harel: C'est-à-dire?

M. Hubert: ...dans l'entreprise privé, formation à l'école chez nous pendant, exemple, quatre, cinq, six semaines, dépendant de la session andragogique ou théorique. Après ça, le jeune va dans l'industrie pour deux, trois ou quatre semaines, revient à l'école. O.K.? C'est ça qu'on fait. On n'a pas besoin de réinventer ia roue. On le fait depuis deux ans et demi.

Mme Harel: Et quels sont vos liens avec le comité paritaire?

M. Hubert: Pardon?

Mme Harel: Quels sont vos liens avec le comité paritaire de l'industrie de l'automobile?

M. Hubert: II faut comprendre que, dans certaines régions, le comité paritaire est inexistant aussi. Ce n'est pas à la grandeur du Québec et dans tous les secteurs. Il y a des endroits au Québec où il n'y a pas de comité paritaire.

Le Président (M. Philibert): M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Louis): Oui, je vais répondre à cette question-là sur nos liens avec le comité paritaire. En fait, c'est un organisme qui vient chez nous, O.K., pour informer les apprentis sur ce qu'est le comité paritaire. Ça, c'est des liens directs qu'on appelle. O.K.? C'est une personne, un conseiller du comité paritaire qui vient expliquer aux apprentis qu'est-ce que c'est le comité paritaire et c'est quoi son décret. O.K.?

Maintenant, pour l'expertise qu'ils ont développée en formation, naturellement, j'ai participé, il y a trois ans, à l'évolution de leur programme, un très beau programme, très crédible, lancé dans le ministère de l'Éducation public où on a aidé aussi à la formation de formateurs. Tout allait très bien jusqu'au niveau où, là, on a voulu présenter un principe de formation en alternance, dû à la complexité de la machine. C'est une grosse machine, le ministère de l'Éducation du public, on en est tous conscients.

Alors, c'est pour ça que je me suis joint à l'entreprise privée où le dynamisme... On dit: L'entreprise privée se revire souvent sur un trente-sous et c'est vrai. Alors, on a mis en marche ce principe d'alternance là, d'apprentissage surveillé en entreprise pour témoigner ici, devant vous aujourd'hui, des résultats obtenus. On parlait tantôt de 96 % de taux de placement; c'est réel. On parlait de décrochage, qu'on ne connaissait pas ça chez nous; c'est réel aussi. Alors, c'est cette bonne nouvelle, si vous voulez, qu'on vient vous annoncer au niveau de l'entreprise privée et de l'expertise qu'elle a développée dans l'alternance ici, au Québec, dans votre région.

Mme Harel: Je vous félicite d'être venus, de vous être déplacés pour nous présenter l'expérience qui se vit à Terrebonne. Mais, évidemment, la commission a aussi reçu la représentation du comité paritaire qui faisait valoir qu'une partie importante du financement était assurée...

Je me demande si c'est 2 % ou 3 %. Enfin, c'était considérable la contribution des... Je pense qu'elle est paritaire, de toute façon, employeurs et employés. Oui, effectivement, une contribution pour la formation. En vous écoutant, je me disais, finalement, que chaque... Dans le milieu des affaires, vous savez que le propos qui s'est entendu depuis le début, l'ouverture de nos travaux, c'est un propos assez différent, dépen-damment du secteur d'activité. Autant la Chambre de commerce de Québec que celle de Montréal, autant l'Association des manufacturiers du Québec que le Conseil du patronat sont venus dire au ministre qu'il lui fallait désigner des sièges pour le milieu de l'éducation sur sa société. Voyez. C'est ça le point de vue, si vous voulez, du milieu des affaires, là, exprimé ici.

D'autre part, quand on regarde, dépendam-ment du secteur d'activité... Par exemple, on prend le secteur de la chimie, pétrochimie, de l'aéronautique ou du plastique et on voit la mise en place d'une structure provinciale des entreprises qui réclament du ministère de l'Éducation public des écoles spécialisées. Le secteur de l'industrie chimie et pétrochimie, c'est 36 entreprises qui ont créé un institut avec le cégep de Maisonneuve. Le secteur de l'aéronautique veut avoir son école. Comme vous le savez, le ministre a accepté. Ça a été annoncé.

Vous savez que le secteur du plastique... Il y a aussi eu, avant Noël, l'annonce d'une école du plastique. Il y a aussi eu, je pense, l'annonce d'une école, pas en infographie, mais une école dans le secteur du graphisme. On s'en va plutôt vers un modèle d'école de métiers au niveau secondaire ou d'institut spécialisé au niveau collégial. Si vous me disiez - peut-être pour simplifier, mais ça représente pas mal le point de vue des gens d'affaires: Qu'est-ce qu'ils veulent? Dans le fond, ce qu'ils veulent, c'est avoir des écoles spécialisées dans le réseau public. En tout cas, c'est ça qui nous a été exprimé.

M. Rivest: J'aimerais, s'il vous plaît...

Mme Harel: Alors, je ne sais pas comment vous réagissez à ça.

Le Président (M. Philibert): M. Rivest.

M. Rivest: J'aimerais réagir à ça. Évidemment, quand, dans une société, on ne peut reconnaître que la formation professionnelle ou quand la formation, l'éducation, l'instruction, on met tout ça dans un même bloc et que c'est institutionnalisé, que ça relève toujours de l'institution publique, quand il n'y a pas eu de culture au niveau privé à ce niveau-là, qu'on n'a jamais encouragé la culture et qu'on a même découragé la culture de la formation au niveau privé, c'est évident que les gens, qu'ils soient des chambres de commerce ou autres - j'écoutais l'allocution de M. Dufour à ce niveau-là - ne peuvent pas faire autrement que de dire: Si ça n'existe pas, il faut aller là où ça existe, où on peut avoir une réponse à nos besoins. Mais ce n'est peut-être pas nécessairement la façon de faire non plus pour les années qui s'en viennent. Ce n'est peut-être pas la seule façon de faire pour les années qui s'en viennent et ce n'est peut-être pas ça qui va répondre le plus adéquatement, le plus rapidement et le plus efficacement, pour être efficient, aux besoins qu'on a dans le domaine des affaires, dans le domaine de l'industrie et le domaine des affaires en général. Mais si c'est seulement ça qui existe, évidemment, on ne peut pas se retourner vers quelque chose qui n'existe pas. (11 h 30)

Le Président (M. Philibert): Oui, M. Amyot.

M. Amyot: Merci. Mme la députée, il est évident que le monde des affaires va demander que le ministère de l'Éducation ou tous les autres services qui y sont greffés soient plus présents dans le phénomène de la formation proprofessionnelle. Comme disait Gilbert - M. Rivest - c'est le moyen qu'on connaît présentement, mais ce n'est pas le seul moyen. Il faut bien comprendre le message essentiel qu'on veut passer à travers tout ça. C'est que, nous autres aussi, on veut bien que le ministère de l'Éducation soit directement et très sérieusement impliqué dans tout ce programme de formation professionnelle là, mais on veut par-dessus tout qu'il y ait de la place pour d'autres types d'initiatives.

Si on regarde, par exemple, dans le secteur de l'automobile, où des gens comme nous autres sont aptes à former des formateurs pour, par exemple, le comité paritaire de l'automobile, si on dirige certains de nos clients à la CFP pour savoir comment appliquer la mesure du crédit d'impôt ou aller chercher d'autres sources de formation, à ce moment-là, la même CFP, qui va nous employer pour faire de la formation de formateurs, va dire qu'on n'est pas aptes à faire de la formation de participants.

Moi, à quelque part, je ne comprends plus le système, à ce moment-là, et c'est à ce niveau-là, je pense, qu'on tient très fort à faire passer le message. Oui, il faut que le ministère de l'Éducation soit là, on n'a jamais eu l'intention de se partir un ministère de l'Éducation privé - ça serait la pire des choses qui pourrait m'arriver personnellement; j'ai déjà assez de problèmes comme ça - mais il faut aider chacune des initiatives qui vont venir d'une entreprise privée.

On demandait tantôt: Est-ce que l'entreprise privée est prête à payer pour ça? L'entreprise privée, oui, elle est prête à payer, mais elle ne sait pas combien encore et comment elle va payer. Mais, pour la faire payer, il va falloir l'impliquer. Il va falloir lui dire pourquoi elle

paie, qui elle paie, quand, comment et qu'est-ce qu'elle va avoir en échange. Pas payer un organisme qui la représente sans même avoir accès à cet organisme-là. Faites embarquer les gens, du plus petit travailleur là-dedans au plus grand, et vous aurez finalement à long terme une culture de formation. Parce que c'est ce qu'on cherche, en fait. Une culture, ce n'est pas une subvention. C'est une culture qu'on veut.

Mme Harel: Je pense que M. Nault avait quelque chose à ajouter.

M. Nault: Oui. Je voudrais rajouter une chose. En Infographie, par exemple, ou dans les plastiques, c'est des secteurs technologiques qui évoluent très rapidement. On parie, en infographie, qu'une génération de logiciels et d'équipement, c'est six mois. Alors, c'est rapide. Maintenant, comment... Disons dans une école de pensée où ce serait l'école publique qui subventionnerait la formation des formateurs ou la mise à jour des formateurs du réseau public et la mise à jour des équipements, à notre idée, vous allez vous embarquer dans un projet qui va coûter excessivement cher alors que, nous, on vous donne une solution ici qui...

Mme Harel: M. Nault...

M. Nault: ...ne compte pas d'immobilisation ni d'équipement.

Mme Harel: ...mais, moi, je ne cherche pas à vous dire qu'il y a une autre solution hypothétique. Je vous parle simplement, si vous voulez, d'expériences actuelles. Il y a la vôtre qui est très intéressante, mais il y en a d'autres, si vous voulez, qui ont été voulues par l'entreprise et qui existent. Je vous donne l'exemple de l'Institut de chimie et pétrochimie. Les 36 grandes entreprises qui ont formé l'Association provinciale de formation, qui ont fait alliance - c'est ce qu'on pourrait appeler - qui ont collaboré très, très intimement avec le cégep finalement, fournissent l'équipement. Vous savez sans doute que c'est l'industrie qui fournit l'équipement et l'industrie ne cherche pas à former sa propre école. L'industrie, dans le fond, souhaitait qu'il y ait cette espèce de contrat à deux entre l'industrie et le cégep, si vous voulez, chacun amenant sa contribution. Ça, c'est un autre modèle. Ce que je veux dire par là, c'est que votre modèle doit trouver sa place, mais il ne faut pas non plus, de votre modèle, extrapoler qu'il doit être le modèle dans tous les secteurs d'activité industrielle.

M. Hubert: Ça n'a jamais été notre prétention. On parlait plus particulièrement du secteur où on en est...

Mme Harel: De l'automobile.

M. Hubert: ...du secteur de l'automobile. Mme Harel: D'accord.

M. Amyot: Je m'excuse. Ce n'est pas notre prétention. Par contre, on ne croit pas non plus que le modèle du ministère de l'Éducation soit le seul. Ça aussi, ça deviendrait une prétention à ce moment-là.

Mme Harel: Donc, les secteurs d'activité doivent trouver une façon plus souple de travailler. Par exemple, dans le domaine du plastique, vous savez qu'ils veulent obtenir une école, ce qui leur a été annoncé. Mais ce qu'ils veulent, ce n'est pas nécessairement ouvrir une école ou qu'une école s'ouvre. Ce qu'Hs veulent, c'est que le secteur de l'éducation, en partenariat avec eux, ouvre une école. Alors, ça, c'est un autre modèle aussi.

Le Président (M. Philibert): M. Hubert.

M. Hubert: Merci, M. le Président. Un petit point. J'aimerais reculer un peu en arrière. Vous parliez tantôt du comité, du CPA avec la formation en alternance. O.K.? C'est une belle théorie, la formation en alternance à l'école, chez l'employeur, et ainsi de suite. Deux choses à surveiller, par contre. Quand les gens vont du côté entreprise, que ces gens-là ne deviennent pas du «cheap labour». O.K.?

À ce moment-là, j'aimerais ça savoir dans un... Chez nous, on a des gens qui vont sur la route de façon régulière à toutes les semaines visiter les gens qui sont dans l'entreprise pour s'assurer que, si le gars est là dans une formation de freins, par exemple, on ne lui fera pas laver l'auto du propriétaire ou balayer le plancher. Il faut qu'on s'assure que le type est là à faire des freins.

Il y a tout un suivi à ça. Il y a tout un échelonnage. C'est beau de dire: On fait la formation en alternance; venez à l'école le soir au CPA pendant 10 semaines puis, après ça, vous irez dans l'industrie. Ça ne finit pas là.

Mme Harel: Malheureusement, le président m'envoie un mot comme quoi mon temps est écoulé. Mais je vais vous remercier pour votre contribution.

M. Nault: Au plaisir.

Le Président (M. Philibert): Au nom des membres de la commission, permettez-moi de vous remercier de votre participation à cette commission. Je vous inviterais maintenant à vous retirer de telle sorte qu'on puisse appeler la Fondation de l'entrepreneurship.

Alors, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et le reste du temps est réparti moitié-moitié entre le gouvernement et

l'Opposition. Alors, je vous invite, dès maintenant, à nous livrer votre mémoire. Auparavant, pour les fins du Journal des débats, pourriez-vous identifier le porte-parole de même que les personnes qui l'accompagnent?

Fondation de l'entrepreneurship du Québec

M. Fortin (Paul-Arthur): Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Paul-Arthur Fortin. Je suis président-directeur général de la Fondation de l'entrepreneurship. À ma droite, Mme Tremblay, qui, elle aussi, est à la Fondation de l'entrepreneurship, M. Louis Drouin et, à ma gauche, à mon extrême gauche, M. Yvon Gasse, de l'Université Laval, et M. Laval Morin, de la commission scolaire de la Vallée de la Matapédia.

M. le Président, je vais partager les 20 minutes avec trois autres collègues qui vont mettre en relief un certain nombre de points. D'abord, en deux mots, je dois dire que la Fondation de l'entrepreneurship est un organisme sans but lucratif qui existe depuis 1980. On s'est donné comme objectifs d'identifier, de libérer et de former - et je souligne former - le potentiel entrepreneurial. Comme deuxième objectif, on veut créer des conditions favorables et propices au plein épanouissement des ressources humaines.

Au fond, comme organisme, on a un certain nombre de croyances assez fondamentales et je les résume rapidement. La première - et, moi aussi, je pense que c'est des bonnes nouvelles - c'est que, nous, on est convaincus que le potentiel entrepreneurial existe chez nous pour créer les entreprises et les emplois qui nous sont nécessaires. C'est dit, si vous voulez, sans aucune restriction par rapport à des entreprises qui peuvent venir de l'extérieur, mais on est convaincus que le potentiel entrepreneurial existe au Québec pour créer les emplois et les entreprises dont on a besoin.

Deuxièmement, et ça, c'est un peu nouveau ces dernières années, c'est les petites entreprises et les nouvelles qui créent surtout les emplois. Ça veut dire que c'est beaucoup plus accessible quand c'est des petites et quand c'est des nouvelles. La troisième bonne nouvelle... Et je pense à une parenthèse par rapport à ça. Vous avez certainement vu dans les journaux d'hier qu'une étude de Price Waterhouse a déterminé que, maintenant, la moyenne des emplois par entreprise au Québec est de 13. Donc, quand on parle de moyenne, c'est très bas et c'est une moyenne qui s'en va en baissant et qui va s'en aller en baissant, d'ailleurs. Les grandes entreprises emploient de moins en moins de monde et il y a de plus en plus de petites entreprises qui naissent.

La troisième bonne nouvelle, c'est que les entrepreneurs créent les entreprises et ils sont nombreux, au Québec, à se manifester. Vous avez, dans le mémoire, une annexe qui reste peut-être à être validée pour une partie, mais, enfin, on fait référence à des statistiques publiées par la Commission des normes du travail. Il se serait créé, au Québec, 75 000 nouvelles entreprises au cours des neuf derniers mois. C'est donc dire, au fond, qu'on est au-delà de 100 000 nouvelles entreprises qui se créent. Évidemment, la question est: Est-ce que ces gens-là qui ont le goût de prendre des initiatives ont les connaissances nécessaires? Sinon, pourquoi? C'est ce dont on va parler tout à l'heure.

Quatrièmement, c'est que l'entrepreneurship, ça s'apprend et la complexité actuelle de l'entreprise exige de plus en plus des apprentissages adaptés, de qualité et respectueux des contraintes et des exigences des entrepreneurs.

Notre position, par rapport à la politique qui a été rendue publique, c'est que, d'abord, on applaudit à l'énoncé de politique. On ne se prononce pas sur les structures. Je pense qu'on n'a pas la compétence pour le faire et on ne demande pas non plus d'être représentés dans ces structures-là. Tout ce qu'on voudrait, par exemple, c'est que l'entrepreneurship soit là. (11 h 45)

On souscrit à l'idée qu'il faut développer intégralement les ressources humaines et on soumet respectueusement que le concept d'em-ployabilité, sans son pendant d'«entrepreneuriabi-lité» - c'est un nouveau mot, j'espère que vous allez l'accepter - ne satisfait pas pleinement l'objectif visé, soit le développement intégral de la ressource humaine québécoise.

Pour élaborer davantage sur notre position, je vais demander d'abord à un collègue à ma gauche, qui est Laval Morin. Il est le directeur général de la commission scolaire de la Vallée de la Matapédia. En passant, M. Morin a initié le premier cours de création d'entreprises au Canada en 1983-1984. Or, M. Morin a certainement des choses à dire sur l'«entrepreneuriabili-té» dans des régions éloignées.

Le Président (M. Philibert): M. Morin.

M. Morin (Laval): Merci, M. Fortin. Bonjour. La politique de la main-d'oeuvre privilégie des objectifs qui, selon nous, gravitent uniquement ou presque uniquement autour de l'employa-bilité. C'est intéressant en soi et, comme M. Fortin le mentonnait, nous n'interrogeons pas cette dimension. À notre avis, il manque à cette politique un objectif fondamental et non un moyen, un objectif fondamental qui mettrait l'accent sur le développement de l'entrepreneurship, et nulle part dans le document de la politique de la main-d'oeuvre cet objectif n'est mentionné. Alors, nous croyons que cet objectif du développement de la dimension entrepre-neuriale de la personne devrait même faire partie d'un projet de société et devrait s'inscrire ou s'intégrer à la présente politique.

Donc, selon nous, une réelle politique de main-d'oeuvre ne doit pas mettre l'accent sur une seule dimension de la personne, si impor-

tante soit-elle, soit celle de l'employabilité. Une réelle politique doit mettre l'accent sur le sens entrepreneurial de la personne en insistant sur le développement, dans chaque milieu, d'une culture entrëpreneurlale. Les réglons du Québec ne pourront se développer sans que nous mettions l'accent sur un développement endogène, lequel fait appel à la capacité d'entreprendre des gens, sur l'instrumentation des entrepreneurs à l'égard de la gestion d'entreprise, à l'égard également de l'acquisition de connaissances qui sont liées aux transferts technologiques, à l'extension de ce que nous appelons la recherche fondamentale.

Pourquoi la formation des entrepreneurs serait-elle exclue d'une politique de développement de la main-d'oeuvre qui cherche à rendre le Québec compétitif sur tous les plans? Si nous voulons que la présente politique de main-d'oeuvre ait un impact à moyen et à long terme sur les régions du Québec, elle doit mettre l'accent sur le soutien à l'entrepreneurship par des programmes de formation adaptés, sur le développement de services d'extension et de transferts technologiques, comme je le mentionnais tantôt, sur la récurrence du soutien à l'entrepreneurship. Trop souvent, les programmes durent ce que dure l'idée. Les régions, en l'absence d'actions pour soutenir le développement de l'entrepreneurship, serviront de pépinière ou d'incubateur pour les régions centrales du Québec, ce qui nous conduira inévitablement à un affaiblissement du Québec.

Le problème que nous vivons actuellement au Québec n'est pas uniquement relié aux manques que nous décelons dans la formation de la main-d'oeuvre; il est également et beaucoup relié à l'absence de formation d'entrepreneurs. Le fait que la présente politique ignore cette dimension fondamentale de la formation de la main-d'oeuvre nous inquiète grandement. À défaut d'apporter les correctifs qui s'imposent, cette politique va nous conduire, à moyen et à long terme, à un appauvrissement évident des régions du Québec.

En conclusion, une politique axée uniquement sur le développement de l'employabilité ne fait que maintenir ce déséquilibre que nous observons actuellement au Québec. Il faut agir sur les multiplicateurs que sont les entrepreneurs actuels et les entrepreneurs potentiels. Sinon, nous aurons bâti un Québec sans régions.

M. Fortin: Merci beaucoup, M. Morin. Je pense que vous avez très bien rempli votre tâche. Sans l'entrepreneurship, c'est le désert régional qui s'installe. Maintenant, je demanderais à M. Louis Drouin, directeur de l'éducation des adultes du cégep de Limoilou... Il a mis sur pied, il y a sept ans, un centre de création d'entreprises. Ce centre répond aux besoins des futurs et nouveaux entrepreneurs selon un certain nombre de caractéristiques. Or, je voudrais que M. Drouin nous dise que la forma- tion des entrepreneurs, ça donne des résultats.

Le Président (M. Philibert): M. Drouin, vous avez la parole.

M Drouin (Louis): Merci, M. le Président. Dans la même foulée que mon collègue Laval, je voudrais mentionner aussi qu'on est conscients., on pense qu'il est absolument essentiel que l'on s'attaque aussi à la formation des entrepreneurs et de ne pas considérer uniquement la formation de la main-d'?uvre. Pour ce faire, on dit qu'on a les expertises et les outils nécessaires pour former adéquatement les entrepreneurs et je pense qu'on l'a démontré.

On a mené, dans la région de Québec, une expérience-pilote qui a été financée par votre ministère, M. le ministre, qui a donné des résultats, je crois, probants. Pendant trois ans, soit de 1988-1989 jusqu'à 1990-1991, nous avons formé, nous avons reçu une moyenne de 200 candidats entrepreneurs par année. Nous avons réussi avec ces candidats à partir un minimum de 50 entreprises par année à un coût de 3705 $ par candidat, alors qu'il en coûte à peu près 20 000 $, dans les programmes traditionnels, pour former les entrepreneurs.

Je crois que ce n'est pas très élevé comme coût si on considère que ces petites entreprises créent au moins deux emplois. Cette approche que l'on a développée, on l'a faite avec l'appui de votre ministère pendant trois ans et, malgré les résultats probants, on en vient maintenant à délaisser un peu cette préoccupation qu'on avait réussi à insuffler chez vous pour former des entrepreneurs. On veut essayer de raviver cette flamme, qui était née chez vous comme chez nous, parce qu'on croit que c'est la façon de créer des emplois au Québec, une façon, de toute façon, rentable.

Notre approche de formation, elle est exportable dans toutes les régions du Québec. Elle est centrée sur les besoins de l'entrepreneur. Cette formation, elle est sur mesure. Ça comprend un diagnostic des individus, des candidats entrepreneurs qui est suivi d'un profil de formation, qui est à la fois collectif et individuel, et ça implique aussi un encadrement et un suivi de ces entrepreneurs-là pour donner par la suite des entreprises qui existent actuellement sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. On en a une multitude. On peut même vous amener les visiter et demander des témoignages de ces gens-là afin qu'ils puissent dire si la formation reçue est adéquate et s'ils ont acquis des connaissances et développé des habiletés nécessaires pour mener à bien une entreprise.

M. Fortin:merci beaucoup, m. drouin. j'ai compris aussi que, dans l'énoncé de politique, ce n'était pas clair que la chaleur dont vous parliez au ministère était revenue ou allait revenir.

M. Drouin: On ne l'a pas vue.

M. Fortin: Vous ne l'avez pas vue. Je voudrais demander à M. Yvon Gasse... M. Yvon Gasse est un chercheur reconnu à travers le monde en matière d'entrepreneurship. Il est professeur à l'Université Laval. Dès le début, il a été très impliqué dans la Fondation de l'entre-preneurship. Je pense qu'Yvon Gasse peut parler à la fois des caractéristiques des entrepreneurs, mais surtout qu'un entrepreneur, ça se forme.

Le Président (M. Philibert): M. Gasse.

M. Gasse (Yvon): Merci, M. le Président. Je pense que, comme universitaires, on est souvent mêlés à toutes sortes de débats. Il y a des débats qu'on appelle souvent académiques. Il y a aussi des débats qu'on appelle de faux débats. Il y en a peut-être un qui touche l'entrepreneurship où on dit qu'être entrepreneur c'est inné. En fait, je pense que c'est un faux débat. On peut développer des entrepreneurs à condition que, évidemment, on mette en place les différents éléments de développement dans les milieux qui vont permettre de développer les caractéristiques principales des entrepreneurs.

Je ne veux pas vous faire une longue présentation ici de ce qu'on appelle, nous, le profil entrepreneurial ou les caractéristiques psychosociologiques des entrepreneurs. Mais j'aimerais tout simplement vous en nommer quelques-unes qu'on va retrouver très souvent chez l'entrepreneur typique, comme, par exemple, l'accomplissement, le sentiment de réussite, la créativité, l'initiative, la prise de risques modérés, la fixation d'objectifs, la confiance en soi, l'autonomie, l'indépendance, la motivation et l'engagement.

Ces caractéristiques-là, il est possible de les développer chez les gens, principalement chez les jeunes. Quand on regarde les principaux milieux de développement, évidemment, on remarque immédiatement la famille. Cependant, il est difficile d'intervenir dans le milieu familial. Par ailleurs, on peut, je pense, intervenir jusqu'à un certain point dans le système d'éducation. Je pense qu'il faut introduire dans le système d'éducation, et ça très tôt, des mesures, par exemple au primaire, de sensibilisation à l'entrepreneurship.

Il y a plusieurs expériences qui se sont faites un peu partout à travers le monde, entre autres aux États-Unis, sur ce qu'on appelle les mini-entreprises. Alors, c'est un concept qui est très, très intéressant et je pourrai, si vous voulez, le développer un peu plus tout à l'heure.

Au niveau du secondaire, vous êtes probablement au courant qu'il existe aussi des simulations d'entreprises, qu'on appelle le programme Jeunes Entrepreneurs, par exemple, qui est un programme volontaire, mais qui amène les jeunes, effectivement, à créer des entreprises et à développer leur sens des affaires. Je pense que ce sont là des mesures, des expériences qu'il faut encourager et même les intégrer un peu plus, si vous voulez, au système.

Au niveau du collégial et de l'université, évidemment, il y a tout l'aspect de la formation. Il faut de plus en plus créer des cours. Il faut que les projets que les étudiants développent - parce que la plupart des étudiants, que ce soit en génie, en administration ou dans d'autres domaines, développent des projets - il faut que ces projets-là puissent, éventuellement, devenir des projets qui pourraient faire l'objet d'une entreprise. Il faut aussi développer un certain nombre de programmes.

Finalement, il y a le milieu socio-économique qui influence beaucoup, je pense, l'entrepreneurship et le développement de l'entrepreneur. Qu'on pense, par exemple, aux infrastructures d'accueil. Mes collègues en ont nommé un certain nombre, comme les incubateurs. Il y a la réglementation qui, évidemment, doit favoriser. Il faut que ia fiscalité soit encourageante, mais il y a aussi tout l'aspect de la promotion et de la reconnaissance des entrepreneurs par les médias, par exemple. Je pense qu'au Québec on a fait un bon bout de chemin là-dedans; il faut continuer à encourager ça. Mais il y a aussi, je pense, la mise en place de mesures d'accompagnement qui sont nécessaires, comme les fonds de capital, le conseil en gestion, des outils de gestion.

Mais, encore une fois, on revient toujours sur le fameux concept de formation continue, que ce soit au niveau des connaissances techniques, technologiques, au niveau des techniques et habiletés dont les entrepreneurs ont besoin lorsqu'ils veulent créer des entreprises ou aussi au niveau de ce qu'on appelle, nous, le savoir-être, c'est-à-dire des attitudes et des mentalités qui vont faire que les gens vont devenir plus autonomes. C'est-à-dire qu'on doit axer, en partie, la formation non pas sur le fait de devenir un bon employé, mais possiblement, éventuellement, de devenir quelqu'un qui peut être un employeur ou, du moins, qui peut être à son compte. La plupart des études démontrent qu'il y a à peu près 10 % de la population qui a le potentiel de création d'entreprise, mais, en réalité, quand on regarde les possibilités qu'on a au niveau du développement des caractéristiques que j'ai mentionnées tantôt, il y a un nombre beaucoup plus grand de personnes qui peuvent développer ces caractéristiques dans la population en général. Je pense que ça, ce sont des mesures qu'il faut regarder de plus en plus. Merci.

Le Président (M. Philibert): M. Fortin.

M. Fortin:oui, merci beaucoup, m. gasse. m. le président, ce qu'on essaie de dire, c'est que, les entreprises ne sont jamais plus fortes que leurs dirigeants. dans les périodes difficiles,

c'est important de renforcer les dirigeants dans leurs connaissances, dans leurs habiletés, dans leur expertise.

La deuxième chose qu'on essaie de dire, c'est qu'il y a toute une partie du potentiel humain au Québec qui est latent, particulièrement, si vous voulez, au niveau du potentiel entrepreneurial. Il manque 70 000 entreprises au Québec pour être capable, si vous voulez, d'obtenir les emplois adaptés aux clientèles qui sont actuellement aptes à travailler. Les 70 000 entrepreneurs potentiels, ils existent au Québec. Le savoir, pour être capable de former et de préparer ces gens-là, H existe au Québec. Ça dépend, si vous voulez, comme société, d'abord, si on y croit. Est-ce qu'on a le goût de régler le problème du sous-emploi et d'utiliser l'expertise existante pour justement dépister ces gens-là, apporter l'épaulement, apporter la formation et les aider à créer les entreprises et les emplois qui nous manquent?

Or, dans notre mémoire - et je termine avec ce dernier paragraphe là, en conclusion - on dit que la Fondation de l'entrepre-neurship invite la commission à imaginer une société dans laquelle les 70 000 entrepreneurs potentiels manquants se reconnaissent, se forment à l'action et développent des entreprises saines, respectueuses des ressources humaines et de l'environnement, centrées sur le client et jouant un rôle de citoyen corporatif exemplaire.

Pourquoi ne pas rêver d'un Québec où les 700 000 personnes aptes au travail trouvent les emplois qui leur conviennent? Dans un Québec du plein emploi, le PIB - ça, c'est tiré d'une étude qui a été faite à Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu, non pas au niveau 700 000, mais au niveau de 555 000 - fera un bond de plus de 40 %, car l'État aura réuni les conditions essentielles au plein épanouissement de la ressource humaine: d'abord, des entrepreneurs adéquatement formés; ensuite, une main-d'oeuvre compétente et, surtout, une main-d'oeuvre à l'ouvrage.

On va certainement répondre à vos questions, M. le ministre. (12 heures)

Le Président (M. Philibert): Merci, M. Fortin. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait toujours plaisir de revoir les représentants de la Fondation de l'entrepreneurship et son président-directeur général, M. Paul-A. Fortin, qui oeuvre depuis plusieurs années, tel un missionnaire, dans ce domaine. Je dois dire que c'est toujours intéressant de reprendre la réflexion sur ce sujet-là. Il y a des gens qui ne font que ça ou, enfin, qui se spécialisent là-dedans. D'autres, malheureusement, ont parfois tendance à oublier l'importance qu'on doit donner à cette activité de promotion de l'entrepreneurship. D'ailleurs, on vient d'entendre une véritable ode à l'entrepreneurship dans une espèce de cours magistral dispensé par d'éminents professeurs d'université, dans le mode collégial. Je dois dire que votre présentation est particulièrement intéressante sous la présidence du P.-D.G. qui a réparti les rôles à tous ses adjoints.

Bref, il ne fait pas de doute dans mon esprit que la création d'emplois, c'est la solution, bien sûr, pour l'avenir, pour que le Québec devienne plus prospère, mais ce n'est certainement pas le gouvernement qui va créer lui-même les emplois. Quand le gouvernement crée des emplois, ce sont des emplois de fonctionnaires - je n'ai rien contre les fonctionnaires, M. le Président, il y en a d'excellents, je dirais même que la plupart sont excellents - sauf que ce n'est pas moteur dans l'économie. Ce n'est pas moteur et ce n'est pas en soi générateur d'autres emplois. Les emplois de fonctionnaires, on tente plutôt de les limiter que de les augmenter. Donc, il ne faut pas regarder de ce côté-là pour créer l'emploi. Les sociétés qui se sont spécialisées dans la création d'emplois de fonctionnaires, il y en a une qui vient de s'écrouler dans l'Est de l'Europe, il n'y a pas tellement longtemps, où la moitié des travailleurs étaient des fonctionnaires et où l'État était en faillite. Donc, probablement et certainement que vous avez raison de nous inciter à regarder du côté de l'entrepreneurship privé.

J'ai pris quelques notes ici tout à l'heure. J'entendais M. Gasse qui nous disait que, finalement, être un entrepreneur, ce n'est pas nécessairement un don de la nature qu'on a ou qu'on n'a pas en naissant. Ça peut s'apprendre. D'ailleurs, vous êtes là pour nous dire que vous êtes capables de nous le montrer. Un peu, d'ailleurs, comme le don de la parole. Qu'est-ce qu'on nous enseignait autrefois? Nascuntur poetae, fiunt oratores. M. le Président, vous vous souvenez de ça dans vos études?

Le Président (M. Philibert): On souhaite ardemment que vous traduisiez.

M. Bourbeau: Pour le Journal des débats? Le Président (M. Philibert): Oui.

M. Bourbeau: On naît poète, on devient orateur. Vous, vous me dites: On devient entrepreneur. Moi aussi, je crois bien qu'on a beau avoir des talents d'entrepreneur à la naissance, il faut que ce soit complété par des connaissances techniques, sans ça les meilleurs, ceux qui ont le don de l'entrepreneurship, peuvent très bien, entre guillemets, se casser la gueule, M. le Président, s'ils n'ont pas des connaissances techniques, des connaissances de base qui sont ajoutées à leur don naturel.

Moi, j'ai le goût de vous demander... Vous nous avez fait un plaidoyer pour l'entrepreneurship, et ça, j'en suis. Dans le fond, nous, on n'en a pas vraiment traité dans le document

parce qu'on s'adressait plutôt à la main-d'oeuvre en emploi ou à la recherche d'emploi. Vous, vous regardez de l'autre côté. Vous allez, en fait, un peu plus loin que nous. Vous dites: Avant d'avoir des emplois, il faut bien qu'il y ait des employeurs et ces employeurs-là aussi il faut les former. Moi, je vous reçois très bien ici, ce matin, mais, dans notre esprit, en tout cas, on était plutôt porté à penser que c'était une responsabilité qui devrait plutôt loger à l'enseigne de l'Industrie et du Commerce, le ministère de l'Industrie et du Commerce. Vous nous avez fait un petit peu le reproche d'avoir délaissé un peu ce domaine-là. Il y a la formation de l'entrepreneur. Il est possible qu'on ait intérêt ou qu'on devrait regarder de nouveau, plus attentivement encore, cet aspect-là. Mais est-ce que vous ne pensez pas que ce domaine-là de la création d'emplois via l'entrepreneurship, c'est plutôt une responsabilité du ministère de l'Industrie et du Commerce que du ministère de la Main-d'oeuvre?

M. Fortin: M. le Président, je suis très content que M. Bourbeau pose cette question-là parce que, ayant participé comme auditeur à quelques autres présentations, on a parlé, ce matin, de culture. Je pense que c'est très, très clair et très net - je pense, M. Bourbeau, que vous le savez aussi - que la culture du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie est une culture d'entreprise manufacturière performante. Lors du rendez-vous économique qui a été organisé par le Conseil du patronat, on a posé à M. Tremblay, qui a participé à cette rencontre-là, je dirais, la question de l'entrepreneurship. Il a reconnu que c'était important au Québec et il a reconnu que l'entrepreneurship était orphelin. Il n'y a personne au gouvernement qui porte la responsabilité de l'entrepreneurship.

Vous savez bien, M. Bourbeau, qu'au-delà de l'entreprise manufacturière performante, qui occupe peut-être 10 % de la main-d'oeuvre au Québec, il y a 90 % qui peuvent être de la main-d'oeuvre au niveau des services, qui peuvent être de la main-d'oeuvre au niveau des commerces, qui peuvent être de la main-d'oeuvre dans le domaine de la forêt - II faut dire aussi que, dans l'entreprise manufacturière, les entreprises qui relèvent, par exemple, de la forêt, relèvent plutôt du ministère des Forêts - de sorte que ce serait peut-être intéressant que le ministère de l'Industrie et du Commerce prenne la responsabilité.

Je pense que vous avez parfaitement raison en disant qu'il faut se poser la question. Le développement du Québec, dorénavant et de plus en plus, va passer par le développement de sa ressource humaine intégrale - c'est l'un des objectifs, si tu veux, du mémoire - et la ressource humaine intégrale du Québec ne peut pas, si vous voulez, ignorer, je dirais, le potentiel entrepreneurial d'une partie de cette clientèle-là.

Maintenant, est-ce que c'est quelqu'un d'autre qui doit s'en occuper parce que c'est entrepreneurial ou est-ce que c'est le même ministère? Je pense que c'est vraiment une question de fond, qui mérite certainement d'être posée et d'être répondue. Moi, je croirais, parce qu'on voulait - si vous voulez avoir une sorte de guichet unique - avoir une sorte de réponse de formation un petit peu plus intégrée, je penserais que ça devrait être intégré dans votre politique. Les expériences, d'ailleurs, comme celle qui a été mentionnée par Louis Drouin au cégep de Limoilou, celle aussi qui a été supportée dans la vallée de la Matapédia il y a huit ou neuf ans, ça a été supporté par des programmes qui relevaient de votre ministère, de sorte que je me dis: Vous êtes déjà dedans; peut-être qu'on pourrait, si vous voulez, l'annoncer davantage, le prendre à pleins bras et, bien sûr, nous nous offrons pour être capables, si vous voulez, de donner de la forme à ça si on peut être utiles. Déjà, il y a des choses extraordinaires que votre ministère a faites dans ce domaine-lâ et, à mon avis, vous êtes les mieux placés pour continuer de le faire dans le cadre de cette nouvelle politique.

Le Président (M. Philibert): M. Morin, vous avez montré un intérêt pour intervenir.

M. Morin (Laval): Oui, M. le Président. M. Bourbeau, je crois que c'est dans la conjugaison de l'intervention de trois ministères. Je pense qu'on pourrait donner un souffle important au développement de l'entrepreneurship; Je pense à votre ministère, je pense au ministère de l'Éducation et je pense au ministère de l'Industrie et du Commerce effectivement. Je ne pense pas qu'il faille se déresponsabiliser pour dire: Le ministère de l'Industrie et du Commerce devrait en faire une préoccupation fondamentale. En conjuguant nos efforts dans le maintien et dans le développement d'un objectif comme celui-là, je pense qu'on enrichirait le Québec. Merci.

M. Bourbeau: Quel rôle votre Fondation joue-t-elle exactement dans le développement de l'entrepreneurship? Est-ce que vous organisez vous-mêmes des activités de formation? Est-ce que votre action se limite uniquement à la région de Québec? Est-ce qu'il y a un réseau pan-québécois d'organisé? Pouvez-vous nous entretenir un peu de ça?

M. Fortin: Oui. Disons qu'on a des objectifs qui sont grands comme le monde. On a des ressources évidemment qui sont très limitées. D'abord, on couvre l'ensemble du Québec. Nous, le rôle qu'on essaie de jouer, c'est d'abord peut-être au niveau d'une certaine idéologie qu'on a résumée dans 20 articles, qui sont d'ailleurs dans le deuxième chapitre de notre mémoire, où on donne un petit peu nos croyances en matière d'entrepreneurship. On pense, par exemple, qu'il

n'y a pas de limites à la créativité humaine, qu'il n'y a pas de limites aux besoins humains quant à la diversité.

Enfin, on croit que le potentiel entrepreneururial existe au Québec. On à 20 croyances qu'on a résumées et qu'on essaie, si vous voulez, de diffuser par les tribunes qui nous sont offertes. D'abord, on fait un colloque annuellement. On a eu Un colloque les 5 et 6 février, à Montréal, qui a réuni 571 personnes. On travaille surtout à travers, si vous voulez, les intervenants en entrepreneurship. Pour nous, les intervenants en entrepreneurship, ce sont les commissaires industriels, les centres d'aide aux entreprises, les groupes de soutien, les CAE, mais aussi les CFP, les cégeps et les commissions scolaires au niveau de la formation professionnelle, de l'éducation des adultes, des gens qui sont dans le capital de risque. On en a identifié 1500 au Québec. À travers eux, un peu comme un grossiste, on essaie de donner des piqûres de stimulation, on essaie de donner certaines idées, on essaie de faire du support et de l'accompagnement.

Dans le cadre peut-être un petit peu plus direct de la formation, directement on n'en fait pas, sauf qu'on a identifié dans nos tournées régionales qu'il y avait une centaine de questions que les gens se posent et pour lesquelles il n'y a pas de réponse adaptée. On est actuellement à produire une collection qu'on appelle la collection «Entreprendre», qui est surtout au niveau de documents écrits pour le moment, où il y a cinq titres de parus. Il y en a 22 qui sont dans le processus et il y en a, évidemment, 75, peut-être une autre centaine à faire. Donc, au rythme où on va, on en a pour quatre ou cinq ans à les produire. Évidemment, à partir du moment où, comme société, on dirait: Ça a du bon sens qu'on se prenne en main, ça a du bon sens qu'on développe ce potentiel-là, peut-être qu'on pourrait les produire dans deux ou trois ans, parce que l'expertise existe au Québec pour répondre' à toutes les questions. Évidemment, le marché est tellement petit, 5 000 000 d'habitants comparativement à 300 000 000 pour les anglophones, que la multiplicité des instruments n'est pas là, au niveau du français, adaptée à notre clientèle.

Donc, on joue un rôle là. On essaie de travailler aussi à développer des logiciels sur l'évaluation de potentiel entrepreneurial; c'est le professeur Gasse qui travaille sur ça. On a aussi, si vous voulez, du matériel audiovisuel, des audiocassettes qu'on veut préparer et, là, on se cherche un partenaire. On est intéressé à te faire avec vous autres si vous décidez de couvrir ce marché-là, mais, enfin, on n'est pas directement dans la formation.

On travaille beaucoup au niveau du discours. Par exemple, on travaille avec les MRC. On a fait une expérience-pilote avec 6 MRC où on est en train de développer une sorte de modèle ou de guide: «Comment intervenir au niveau du développement territorial». Je dois dire qu'au niveau des MRC c'est très clair et c'est très net qu'à partir du moment où les gens veulent se prendre en main il faut immédiatement que tu puisses faire intervenir des programmes de formation, parce que tu veux changer des mentalités, tu veux changer des attitudes dans un milieu. Nous, on leur dit que les instruments sont déjà dans le milieu, pour l'essentiel, il y a déjà des écoles qui sont là, il y a déjà de la formation aux adultes, des commissions scolaires. Enfin, tous les instruments sont là. C'est comment on les utilise qu'il reste à modifier. Enfin.

Alors, tout ça pour vous dire qu'on est quatre personnes à temps plein. Donc, les miracles qu'on fait sont très minimes. Mais si on réussissait à vous convaincre, M. le ministre, qu'il faut ajouter un objectif sur I'entrepreneur-ship dans cette politique-là et que ça fait partie du projet, je vous garantis que vous venez de nous faire une récompense pour les 12 premières années de notre existence.

M. Bourbeau: Une dernière question, M. le Président. L'action d'enseignement de l'entrepreneurship, au Québec présentement, qui donne l'entrepreneurship? Qui donne l'enseignement? Est-ce que c'est le réseau public? Cest subventionné par qui? Vous, vous faites la promotion des idées.

M. Fortin: Oui.

M. Bourbeau: Vous vendez l'importance de l'entrepreneurship. Mais, sur le plan de l'enseignement, de la scolarisation, quand des jeunes décident qu'ils veulent prendre un cours d'entrepreneurship, etc., comment ça se fait sur le plan concret?

M. Fortin: Je vais répondre à une première partie et mes collègues vont ajouter. A notre colloque des 5 et 6 février, on a eu la présence du ministre de l'Éducation qui a rendu publics trois documents, dont un était un programme préliminaire sur un cours de création d'entreprises qui sera offert dans le cadre de l'enseignement professionnel au niveau secondaire, donc qui est un document préliminaire. Il y a deux autres documents, et je les nomme rapidement, qui étaient un document et un guide pour la présence d'un entrepreneur qui visite une classe. Donc, le guide de l'entrepreneur, le guide de l'enseignant et le guide de l'intervention. Il y avait un autre document qui portait sur un comité conjoint enseignement professionnel-entreprise, comment on met ça sur pied au niveau local. Maintenant, je sais qu'au niveau collégial et à d'autres niveaux... (12 h 15)

M. Drouin: Pour le niveau collégial, M. le ministre, il y a au moins 35 collèges qui, jusqu'à

maintenant, se sont préoccupés de façon assez forte de la formation des entrepreneurs. Jusqu'à maintenant, le ministère qui a été le plus facilitant pour nous pour réaliser ces actions et pour former des entrepreneurs, c'est votre ministère, M. le ministre. Dans les 35 collèges, on ne peut pas dire que les 35 sont impliqués de la même façon. On pourrait parler d'au moins une dizaine de collèges au Québec qui sont impliqués de façon très active dans la formation des entrepreneurs. Mon collège en est un. Je suis dans la région de Québec, le cégep de Limoilou. Je vous mentionnais tout à l'heure l'expérience-pilote que nous avons menée et nous l'avons menée avec votre ministère.

Je crois que c'est le moyen le plus facilitant jusqu'à maintenant et où il y a le plus de cohérence pour la formation de nos entrepreneurs. Ces approches qui se sont développées peuvent également s'étendre à toutes les régions du Québec. Elles sont en disponibilité et on a déjà commencé à contaminer quelques régions qui ont le même type d'approche. Pour vous donner un exemple, l'an dernier, on a mené un concours au Québec. On est des maillons de la chaîne que j'appelle la «chaîne Paul-Arthur Fortin de la Fondation de l'entrepreneurship» et on a mené un concours d'excellence à travers le Québec. Il y a eu au-delà de 1200 candidats qui ont mené des projets d'entreprise à terme. On a couronné les gagnants provinciaux ici, au château Frontenac.

Il y a quand même au-delà de 30 cégeps, 35 cégeps si je me souviens bien, qui ont participé de façon très active à la formation de ces entrepreneurs pour les aider à monter leur plan d'affaires.

M. Bourbeau: Seulement une remarque, M. le Président. Écoutez, je prends acte de votre plaidoyer. Vous nous faites état que l'entrepreneurship est un petit peu en état d'orphelinat présentement, entre deux ou trois ministères. Votre présence n'aura pas été inutile. Je pense que ça nous a portés à réfléchir un peu sur la très grosse importance que doivent prendre l'entrepreneurship et la création d'emplois par la promotion, justement, de la PME et de l'esprit d'entrepreneurship. Moi, tout ce que je peux vous dire, c'est: Ne vous découragez pas. On va regarder ça. Vous avez, comme vous dites, ravivé fa flamme. «On a vu parfois renaître le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux», disait le chansonnier! Alors, peut-être qu'on va regarder ça de nouveau pour voir si on ne pourrait pas souffler sur la flamme.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait vraiment plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition, M. Fortin, et les personnes qui vous accompagnent. J'ai eu l'occasion, au Forum pour l'emploi, l'automne dernier, de prendre connaissance, pour la première fois, du projet d'incubateurs dans les MRC. Depuis, en fait, j'en ai parlé à beaucoup de gens dans mon milieu en rappelant cette espèce d'évidence qu'on a souvent oubliée, à savoir que la création d'emplois, ça passe par la création d'entreprises. C'était comme une vérité de La Palice que vous rappeliez dans un petit document peut-être de deux ou trois pages qui avait été distribué avec le gros cahier du Forum pour l'emploi.

Dans le mémoire que vous nous soumettez aujourd'hui, vous nous dites qu'il y a, dans n'importe quelle société, je crois comprendre, environ 10 % des hommes et des femmes qui ont ce talent inné, potentiel, en tout cas, d'entrepreneurship et qui doivent trouver un terrain propice pour qu'il puisse se développer, ce talent. Si je comprends bien, ce talent n'a rien à voir avec le diplôme. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Fortin: C'est ça.

Mme Harel: Ce n'est pas un diplôme qui donne la garantie de la combinaison gagnante pour être entrepreneur. Vous nous rappelez même, je pense que c'est à la page 18 de votre mémoire, qu'il y a de 25 % à 33 % des entreprises récemment créées au Québec qui le sont par des personnes ayant une formation professionnelle du secondaire.

M. Fortin: Oui.

Mme Harel: Alors, vous voyez, on ne peut quasiment même plus se faire embaucher dans une usine avec un secondaire V maintenant, mais on peut créer une entreprise. Ça, je pense que c'est important parce que vous le signalez pour rappeler que ce n'est pas suffisant de confier ça à l'université ou de confier ça à des politiques, comme vous dites, de développement des secteurs technologique, industriel ou international. Quand j'ai lu votre mémoire, j'ai senti une inquiétude à la page 17, notamment, où vous dites: «La majorité des futurs entrepreneurs ou des dirigeants n'auront plus accès à des formules de soutien, et ce, d'autant plus si, aux termes de la politique, on cesse de financer des services de formation et de suivi au démarrage actuellement offerts par les collèges et les autres organismes communautaires qui ont une préoccupation de développement économique.»

Il y a une question à laquelle vous n'avez pas répondu, tantôt, ou peut-être que c'est moi qui n'ai pas bien saisi votre réponse. Moi, l'impression que j'ai, c'est que c'est beaucoup les fonds fédéraux qui ont servi. Je ne le dis pas de façon négative, pas du tout, mais c'est beaucoup des fonds fédéraux qui ont servi au développement, soit au démarrage des centres d'entrepre-

neurship dans les collèges, soit aux comités d'aide pour le développement des collectivités locales sur le terrain, soit au soutien des organismes communautaires. Alors, ce que vous nous dites, finalement, c'est qu'en transférant - est-ce ce que je dois comprendre ou ce que la commission doft comprendre? - les fonds à la société mère, fonds qui seront gérés par des personnes qui sont intéressées par leur secteur d'activité déjà en opération ou par des gens qui représentent sur le plan syndical, qui sont déjà en emploi, il ne faudrait pas oublier le volet de ces programmes qui sont déjà en opération. Est-ce ça que nous devons comprendre?

M. Fortin: Je pense, madame, qu'on veut quand même aller plus loin, c'est-à-dire que, même avec les programmes existants, il reste que le taux d'inoccupation, enfin le manque d'emplois, au Québec, est trop élevé, c'est clair, et ces programmes sont déjà là. Alors, ce qu'on sent très bien, si vous voulez, dans l'énoncé de politique... Enfin, certains de nos collaborateurs étaient moins sûrs que ce qui existe allait être maintenu. Nous, si vous voulez, non seulement on veut que ce soit maintenu, mais on veut qu'il y ait un acte de foi nouveau qui dise: Si tu veux que le potentiel entrepreneurial existe au Québec puis si c'est vrai qu'il existe, si on y croit, qu'on développe des comportements cohérents. Qu'est-ce qu'on fait quand on croit à des choses? D'abord on en parle, on soutient, on fait de l'épaulement, on fait de la formation, enfin. Yvon Gasse arrive d'Europe et d'Afrique parce qu'il va enseigner comment développer l'entre-preneurship dans ces pays-là, puis, nous, au Québec, on est en manque d'entrepreneurs. Au fond, on va le montrer aux autres puis on ne le fait pas chez nous. Alors, je me dis qu'il y a un comportement cohérent et beaucoup plus fort que juste maintenir.

Mme Harel: Vous avez sûrement pris connaissance du regroupement, de la simplification des programmes: quatre sont prévus. J'aurais aimé vous entendre sur ce fait. Est-ce que vous vous retrouvez dans ces programmes? Il y en a deux qui concernent vraiment plus l'entreprise, soit pour développer ses ressources humaines en entreprise, donc, déjà en opération ou encore qui s'adressent à des entreprises qui vont licencier des personnes. C'est un programme d'aide aux personnes licenciées. Ensuite, il y en a un qui concerne les interventions individuelles en développement de main-d'oeuvre, mais c'est plus en rapport avec la pénurie d'emplois. Le dernier, finalement, c'est un programme d'aide aux organismes du milieu engagés dans le développement de l'emploi. Est-ce que c'est là que devrait se situer l'intervention? Mais, à ce moment-là, c'est plus pour financer des organismes. Est-ce que vous nous dites qu'il faut aller au-delà de ça et qu'est-ce que vous souhaitez? Un cinquième programme ou une bonification du quatrième?

M. Fortin: Je pense bien qu'il faudrait revoir... À partir du moment où cette nouvelle réalité est acceptée et où on veut l'intégrer, il faudrait peut-être revoir, dans un autre moment, comment ça s'intègre. Peut-être pour simplifier ce qu'on pense, si c'est vrai que les entreprises ne sont jamais plus fortes que les dirigeants puis si c'est vrai qu'au Québec c'est des petites entreprises en très grande majorité, je pense qu'il y a une question: Qu'est-ce qu'on fait pour renforcer nos dirigeants, comme système, selon leurs critères à eux? Ce ne sont pas des gens qu'on va amener sur des bancs d'école, ce n'est pas des gens qui vont aller suivre des cours facilement, mais ils sont atteignables quand même. Qu'est-ce qu'on fait pour développer des moyens pour que nos entrepreneurs... Je vous donne juste un exemple: au mois de mai l'an dernier, on a collaboré avec le gouvernement fédéral à faire à travers le Canada - nous, on s'occupait du Québec - un forum qui s'appelait «Mieux réussir», qui s'adressait aux PME. Dans le cadre de ce forum-là, il y a un questionnaire qu'on a administré, puis on avait 464 dirigeants de PME qui sont venus au forum dans cinq endroits au Québec. C'était par satellite, enfin on avait cinq lieux. Dans le questionnaire, par exemple, ce que les gens nous ont dit touchant les marchés, c'est: On trouve que c'est très important, le développement des marchés, mais on ne comprend pas. On ne comprend pas.

Nous, on a réuni, le 2 octobre, des gens du ministère de l'Éducation, de la Télé-université, des consultants, des gens de CFP, enfin tous ceux et toutes celles qui sont dans ce domaine-là. On leur a dit: Voici ce que les gens disent. C'est quoi, la réponse qu'on donne à des gens, comme entrepreneurs, qui disent: C'est important de comprendre le développement des marchés en 1992, parce que ça nous pète dans la face, mais, nous, on ne comprend pas? C'est quoi, la réponse du système?

Après une discussion d'une demi-journée, les gens nous ont dit: Écoutez, le produit pour former ces gens-là ou pour les informer, en tout cas pour les familiariser, il existe, mais on a un problème de distribution. Comment va-t-on être capable de rejoindre ces gens-là? Évidemment, je n'ai pas de réponse à donner. Nous, pour le moment, ce qu'on essaie de développer, c'est de l'audiocassette. On a vu le Groupement québécois d'entreprises. Ils ont essayé des vidéos. Il y a des complexités avec les vidéos. On travaille sur des audiocassettes. On a dit: Si on produisait des audiocassettes... Tout le monde, au Québec, fait de la voiture. Si tu es à Rimouski, tu viens à Québec; si tu es à Québec, tu vas à Montréal; si tu es à Montréal, tu entres sur les ponts, tu sors des ponts. De sorte qu'à un moment donné on a dit: Peut-être que les gens vont utiliser cette cassette-là et vont écouter des choses.

Mais ce n'est peut-être pas la réponse non plus. Nous, on voudrait que ça fasse partie des projets. Ça, c'est pour celles existantes.

Mme Harel: Ça, c'est pour celles qui sont existantes.

M. Fortin: Mais il y a aussi toutes les entreprises inexistantes. Je suis convaincu que des entrepreneurs potentiels au Québec, on va peut-être en trouver, si vous voulez, qui sont sur le chômage, sur le bien-être social. Mais je ne pense pas qu'elle soit là, la clientèle la plus facile. Probablement que les entrepreneurs potentiels, c'est des gens qui sont déjà en emploi dans des entreprises où ils s'ennuient, où le plafond est très bas, où le corridor est trop étroit, sauf qu'on ne leur a jamais demandé: Qu'est-ce que tu dirais si tu partais ton entreprise? Surtout, il n'y a aucun incitatif.

Je parlais, par exemple, à un ancien député qui est commissaire industriel à Charlesbourg. Je pense que M. Bourbeau le connaît. Lui me disait: C'est drôle, moi, j'ai été professeur; après ça, j'ai été député. Il a dit: Comme c'est important être député, quand j'ai laissé le professorat, on m'a donné des congés sans solde. Après avoir été élu deux fois - il a été six ans député, je pense - il aurait pu retourner comme professeur. Il a dit: Après ça, je ne suis pas retourné comme professeur. Je suis allé comme commissaire industriel.

Avant, il avait fait de l'action syndicale où, là aussi, il a eu des congés sans solde, parce que c'est important, l'action syndicale. Mais, s'il avait voulu partir son entreprise... Là, il n'a plus rien. C'est comme si on disait: Écoute, si tu veux faire le fou, c'est à tes risques. Les chômeurs, les assistés sociaux... Il y a un programme fédéral sur lequel on a été consulté, où on disait - par exemple, je ne sais pas s'il est opérationnel - que les gens qui rentrent sur le chômage peuvent utiliser, je pense, l'équivalent de l'assurance-chômage à venir pour partir leur entreprise. Moi, je trouve que c'est bon, mais je dis: Pourquoi ne pas offrir la même chose aux gens qui sont déjà en emploi et dire: Écoutez, vous êtes déjà en emploi, vous auriez aimé ça partir une entreprise, ça fait 20 ans que vous payez de l'assurance-chômage, pour vous donner une chance de faire le saut, on va vous donner le bénéfice, comme si vous étiez un chômeur, pour vous aider à démarrer votre entreprise? On ne fait pas de signe à ces gens-là. Comme ça ne fait pas partie de la culture de se poser la question, il y a des gens qui ont du potentiel entrepreneurial et qui vont passer leur vie à avoir ce potentiel-là en l'ignorant ou, s'ils ne l'ignorent pas, si vous voulez, qui vont avoir peur; s'ils n'ont pas peur, ils vont développer peut-être 10 % de leurs possibilités. Alors nous, on dit: II faut déclencher ça.

Mme Harel: Ah, mon Dieu! C'est tellement intéressant et on me fait signe qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.

M. Fortin: On va se donner rendez-vous.

Mme Harel: Je vous les pose en vrac, mes questions. Vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire, que c'est une source de grand malaise que des services de soutien ne soient offerts que dans le secteur de la production et non pas dans les secteurs des services. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Ensuite, est-ce que vous pensez que c'est vraiment au niveau des MRC que ça doit se passer? Là, il y a une expérience qui se fait dans six MRC. Quand prévoyez-vous les résultats, etc.? Est-ce que vous pensez que, pour conjuguer... Je pense que c'est vous qui disiez qu'il fallait conjuguer trois ministères. Est-ce que le grand maître d'oeuvre, ça ne devrait pas être un ministère de l'emploi?

M. Fortin: Peut-être pour répondre à la première question, moi, si vous voulez, en 1961, quand j'ai terminé l'université, contrairement à ce qu'il fallait faire dans ce temps-là, c'était fou, mais je suis parti en entreprise. Quand tu pars une entreprise et que tu es jeune, que tu n'as pas d'expérience et que tu n'as pas d'argent, tu n'as pas le choix de partir dans les services, mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas en sortir. C'est-à-dire qu'à un moment donné, effectivement, dans mon projet, moi, c'est devenu une entreprise manufacturière. Je n'en suis plus là, remarquez que ça a été vendu depuis, mais ça existe encore. Donc, je pense qu'il faut s'occuper de toutes les entreprises. Il n'y a pas des belles et des moins belles. Je pense que chaque personne qui bouge, qui a le goût de bouger, qui a le goût de faire des choses, on devrait être capable de lui donner les outils parce qu'on ne sait pas où ça va aller. Quand Armand Bombardier a commencé, si vous voulez, à faire son catinage dans son garage, on ne savait pas que ça deviendrait le Bombardier qu'on connaît maintenant. Je pense que tous les projets, tous les gens qui bougent doivent être supportés, peu importe la forme que ça prend au départ. Il manque beaucoup de support. Il y a eu une initiative, je le signale en passant, qui a été partie par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui était au niveau des groupes de soutien. Je pense que, dans un projet de soutien en entrepreneurship, les groupes de soutien qui sont là pour donner de l'aide technique s'intégreraient très bien dans un projet comme celui-là.

Maintenant, au niveau des conjugaisons, en termes de structure, on a beaucoup de difficultés, nous en tout cas...

Mme Harel: je m'excuse. les groupes de soutien, ce sont les groupes qui avaient été initiés au ministère de la main-d'oeuvre, mais qui ont été transférés au ministère de l'industrie et du commerce...

M. Fortin: Oui.

Mme Harel: ...et, ensuite, subordonnés au diktat de la vision de l'Industrie et du Commerce, donc le secteur manufacturier, etc.

M. Fortin: Enfin, je pense que vous le dites, madame. Je vous le laisse dire.

Mme Harel: Non...

M. Fortin: Mais, quand la culture d'un ministère est de s'occuper des entreprises manufacturières existantes...

Mme Harel: C'est ça.

M. Fortin: ...évidemment il y a une cohérence qui s'établit. Je pense que les groupes de soutien, dans leur vocation première, c'est en train de disparaître malheureusement.

Au niveau des structures comme telles - parce que vous posez une question sur les structures - je ne sais pas si un ministère de l'emploi ferait plus ou ferait moins. Nous, en tout cas moi pour un, je pense que, si M. Bourbeau acceptait d'ajouter un objectif d'«en-trepreneuriabilité» et qu'on essayait de voir comment on incarnerait ça, nous, on serait parfaitement satisfaits, parce que les gens travaillent beaucoup avec le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et, à date, ça va très bien.

Le Président (M. Philibert): Merci, M. Fortin. M. le ministre, est-ce que...

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai tout dit tantôt ce que j'avais à dire. Il reste simplement à remercier les gens de la Fondation en leur disant que...

Mme Harel: Moi, je vais simplement vous signaler que je vais rappeler au ministre la nécessité de procéder à ce que vous souhaitez.

Le Président (M. Philibert): Alors, mesdames et messieurs...

M. Bourbeau: Pour une fois qu'on aura le support de l'Opposition, M. le Président, ça va être plus facile.

Le Président (M. Philibert): ...de la Fondation de l'entrepreneurship, au nom des membres de la commission je vous remercie de votre participation à nos travaux. Je suspends les travaux, maintenant, jusqu'à 14 heures. (Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise à 14 h 25)

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, sïl vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant le Regroupement des collèges du Montréal métropolitain. Je vous souhaite la bienvenue. Avant de faire la lecture de votre mémoire, j'aimerais que vous présentiez votre porte-parole et que vous identifiiez également les personnes qui vous accompagnent. Le déroulement de la séance est le suivant: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes sont réservées à la partie gouvernementale pour les questions et 20 minutes à l'Opposition. Si vous voulez vous identifier et nous faire la présentation de votre mémoire.

Regroupement des collèges du Montréal métropolitain

M. Leduc (Pierre): Avec plaisir. Je vous présente mes collègues: à ma droite ici, M. André Campagna, directeur des services pédagogiques du collège de Bois-de-Boulogne; à ma gauche, M. Pascal Nadon, directeur du service de l'éducation des adultes du collège du Vieux-Montréal; à l'extrême gauche, M. Pierre Lupien, directeur du Regroupement des collèges du Montréal métropolitain, et moi-même, Pierre Leduc, directeur général du cégep de Maisonneuve. Nous quatre sommes du conseil d'administration du Regroupement des collèges du Montréal métropolitain.

Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, nous vous remercions, mes collègues et moi, d'avoir reçu notre avis sur l'énoncé de politique et de nous avoir invités à venir vous le présenter. Permettez-moi tout d'abord, cependant, de vous présenter très brièvement notre organisme. Le Regroupement des collèges du Montréal métropolitain regroupe 10 collèges de l'île de Montréal et le collège Montmorency à Laval. Nous nous définissons comme un organisme de gestion concertée, entre autres, du dossier de l'éducation des adultes de niveau collégial dans la région de Montréal, mais aussi comme un organisme qui entend mieux camper les cégeps dans le paysage socio-économique de Montréal, les rendre collectivement plus visibles au sein des organismes communautaires des regroupements d'entreprises.

Par le biais du RCMM, les collèges de la région de Montréal font en sorte que leur présence agissante prenne une ampleur agrandie sur ce territoire où nous organisons pour plus de 30 000 000 $ par année d'activités de formation aux adultes et aux entreprises, où nous accueillons environ 75 000 inscriptions-cours et où nous

entrons en relations d'affaires, en termes de formation et de services connexes, avec plus d'un millier d'entreprises clientes différentes par année. Nous ne sommes donc pas indifférents à un énoncé de politique comme celui qui nous est proposé maintenant parce que nous avons développé une longue pratique avec la formation de la main-d'oeuvre. Nous avons acquis, par nos services aux adultes et aux entreprises notamment, une expertise certaine. Nous avons créé, littéralement créé, des approches, des pédagogies, des formats, des formules, des programmes, des partenariats qui ont su faire leur marque et qui constituent maintenant un volet de la mission des cégeps qu'on entrevoyait à peine il y a 20 ans.

C'est forts de cette expérience que nous voulons donc réagir à l'énoncé de politique pour vous dire, d'abord, que nous sommes globalement d'accord avec l'essentiel du projet. Nous sommes d'accord avec les lectures, les constats que l'on y fait sur la situation de la main-d'oeuvre au Québec. Nous sommes d'accord avec la stratégie visant à développer une culture de la formation dans les entreprises, stratégie qui mise également sur un partenariat renouvelé entre les parties pour atteindre cet objectif.

Nous sommes d'accord aussi avec la pièce maîtresse de l'énoncé de politique, à savoir la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et des sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre à titre d'instruments privilégiés pour assumer tout le dossier de la main-d'oeuvre et, notamment, tous les programmes à récupérer du fédéral.

C'est d'ailleurs notre sentiment que cette Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre constitue le noyau dur de l'énoncé qui est peut-être un peu moins une politique et un peu plus un projet de structure renouvelée comparativement aux CFP, un nouveau cadre, un véhicule plus approprié pour les nouveaux dossiers qui sont à l'horizon. À l'occasion de cette mise en place d'une structure nouvelle, le gouvernement en profite pour affirmer ou pour réaffirmer, pour appeler des orientations, pour renouveler des objectifs, pour faire ou refaire des solidarités et cela est bon.

Mais, au-delà de cet accord global, nous soulignons dans notre avis quelques interrogations, quelques réserves, quelques appréhensions. J'en retiens une, pour fins de présentation, qui nous apparaît importante. Il s'agit de l'harmonisation entre l'éducation et la main-d'oeuvre. Quand je dis «éducation», j'entends évidemment tout le monde de l'éducation en général, donc celui de l'enseignement supérieur et de la science dont nous sommes, nous, les collèges. Nous comprenons très bien la situation évoquée au début de l'énoncé, à savoir qu'une véritable politique d'ensemble de la main-d'oeuvre doit englober tellement de perspectives, concilier tellement de points de vue qu'il a été pratiquement impossible d'en définir une au cours des 20 dernières années. Par ailleurs, le contexte des années quatre-vingt-dix nous impose de faire rapidement des pas significatifs. Il y a urgence. Dans les circonstances, le gouvernement s'en tient à une stratégie de développement de la main-d'oeuvre, quitte à ce que d'autres pans d'une politique globale viennent ensuite. C'était peut-être la meilleure orientation dans ce contexte-là. Sauf qu'il y a des dangers à faire de ces raccourcis. Il est dangereux, à notre avis, de bien placer, de bien structurer, de bien outiller un système de formation continue, de perfectionnement, ou de recyclage, ou de développement de la main-d'oeuvre sans l'intégrer dans une politique unifiée englobant nommément la formation initiale avec ses caractéristiques, sans doute, mais aussi avec ses correspondances nécessaires et obligées avec la formation continue.

Il y a dans l'énoncé de bonnes volontés d'exprimées relativement à ce rapprochement. Ce n'est pas un divorce que j'évoque ici, en tout cas pas encore, mais on n'est pas pour autant témoin d'une union intégrée et prometteuse. Cela est frustrant. Cela confirme un certain parallélisme appauvrissant, un parallélisme ou un isolationnisme qui risque même d'être renforcé avec la mise en place de la structure de la Société. Nous trouvons important de souligner cela ici, car il s'agit, de fait, d'un problème latent, d'un problème persistant qui ne semble pas sur le point de recevoir une solution satisfaisante.

Je vais illustrer mon propos un peu mieux, même si je risque, pour fins de démonstration, d'exagérer l'importance d'un phénomène ou d'un autre en le mettant en relief. Il y a comme une solution de continuité entre l'éducation et la main-d'oeuvre. À plus d'une reprise dans l'énoncé, nous sommes décrits comme des dispensateurs de services, des fournisseurs de services. Dans le domaine de la formation, nous ne pensons pas que les formateurs ne sont que les exécutants de mandats conçus et établis par d'autres. Il n'y a pas d'étanchéité entre la conception d'un programme et la prestation d'un programme. D'ailleurs, c'est ainsi que ça se passe dans la vraie vie. Pour la très grosse majorité de projets de formation sur mesure en établissement, ce sont les collèges et les entreprises elles-mêmes qui sont directement à l'origine de ces projets, ce qui est souvent source d'irritation pour les gens de la main-d'oeuvre et occasion de dédoublements, de recommencements inutiles, de concurrence stérile, car nous ne sommes officiellement que des pourvoyeurs, des prestataires de services le plus souvent.

Restons donc sur ce terrain justement. Nous n'avons pas réussi, jusqu'ici, à créer de synergie pleinement satisfaisante entre l'éducation et la main-d'oeuvre. La table de concertation éducation-main d'oeuvre qu'on évoque dans l'énoncé de politique, au moins dans la région de Montréal en tout cas, elle n'a jamais levé, pourrait-on

dire. Et, aujourd'hui, elle est bien morte.

Deuxièmement, les modalités administratives entre les CFP et les cégeps depuis qu'on travaille ensemble, elles n'ont pas encore été modulées d'une façon intéressante pour les deux. Le mode de remboursement des dépenses de formation effectuées par les cégeps laisse à désirer. Il y a des pertes d'intérêt sur les sommes parfois considérables avancées par les cégeps. Les tarifs de formation sont déterminés indépendamment d'autres contraintes qui, elles, évoluent, comme, par exemple, les taux horaires définis dans les conventions collectives.

Troisièmement, le MMSRFP se désinvestit des programmes de recyclage et de perfectionnement de la main-d'oeuvre au profit de commandes de cours très ciblés sur des besoins ponctuels, pour ne pas dire pointus, et cela, en dépit d'un besoin manifeste, surtout dans une région urbaine comme Montréal, de formation qualifiante pour des personnes qui veulent, par leur propre volonté, se donner une employabilité accrue et mieux reconnue. De 75 % à 80 % de notre clientèle sont justement une main-d'oeuvre active qui s'investit personnellement dans des activités de formation qui sont comme une plus-value pour elle. Comme nos enveloppes sont fermées d'un côté et comme elles se vident dangereusement de l'autre, les cégeps, de Montréal surtout, ont été amenés à assumer à leurs frais ces clientèles qui débordent des quotas fixés.

Un autre signe des deux solitudes des collèges et des gens de la main-d'oeuvre: des collèges souhaiteraient développer le plus possible des programmes autofinancés directement avec l'entreprise, indépendamment des CFP, tellement la machine des CFP ne semble pas toujours facilitante.

Or, dans l'énoncé de politique, il n'y a pas, à notre avis, assez de déterminants qui viendraient corriger ces lacunes, rectifier ces pratiques, combler ces manques, des mesures qui viendraient confirmer de façon presque nécessaire un changement de perspective. Prenez la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Voici un instrument majeur, un poids lourd sur lequel peut s'appesantir à loisir la volonté gouvernementale de gérer dune façon neuve et unifiée tout le dossier de la main-d'oeuvre en misant, notamment, sur une nouvelle dynamique entre les partenaires. Mais, mutatis mutandis, on ne trouve pas d'équivalent pour ranimer, pour renouveler le partenariat nécessaire entre l'éducation et la main-d'oeuvre, qui laisse pourtant beaucoup à désirer. Les irritants actuels risquent de se développer dans la mesure où la nouvelle Société sera forcément plus envahissante avec ses larges mandats.

Nous sommes des entrepreneurs en formation. Nous avons mis au point des formules novatrices. Nous sommes devenus des partenaires socio-économiques régionaux plus visibles et plus performants. Nous avons organisé avec l'entre- prise des colloques, des concours, des forums, mais, dans l'énoncé de politique, cette reconnaissance, comme on parle d'un vol de reconnaissance, est plutôt timide. Bien sûr, aurons-nous droit de cité au sein des C.A. des sociétés de développement de la main-d'oeuvre. En tout cas, nous le tenons pour acquis, sauf erreur. Mais, en deçà ou au-delà de cette présence formelle à ces instances, l'énoncé de politique devrait forcer la note en faveur de l'éducation, partout où le dossier s'y prête, pour bien marquer un changement de régime, une nouvelle ère de collaboration. Pourquoi la Main-d'oeuvre ne demanderait-elle pas à l'Éducation, par exemple, de prendre le leadership dans le dossier litigieux des apprentissages en industrie ou de la reconnaissance des compétences et de proposer des formules satisfaisantes?

En somme, M. le Président, nous avons le sentiment d'avoir fait la preuve de notre volonté non équivoque de collaborer, de notre sens de l'innovation, de notre entrepreneurship, mais nous ne retrouvons pas, dans l'énoncé, un rôle correspondant à notre feuille de route pourtant éloquente. Voilà une de nos réserves assez générale que nous estimions importante de rappeler à l'occasion de la mise en place de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il s'agit là, par cette mise en place, d'un développement qui a toutes les chances d'être prometteur, mais au sein duquel nous voudrions être davantage perçus et ressentis comme une partie prenante, une force vivante et intégrée, et nous vous remercions de nous avoir permis de vous le dire.

Le Président (M. Philibert): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants des cégeps de la région de Montréal pour leur prestation au sujet de la politique de main-d'oeuvre, leur mémoire. J'ai lu votre mémoire; également, j'ai lu la lettre qu'avait fait parvenir à Mme Lamon-tagne, au mois de janvier, M. Lupien pour expliquer pourquoi il ne pouvait pas faire de mémoire. Ha, ha, ha! Or, il semble que, depuis ce temps-là, vous ayez trouvé le temps d'en faire un.

Je dois dire que je suis un peu surpris de certaines des remarques que j'entends de la part de certains milieux d'éducation, des cégeps à l'endroit des CFP. Vous êtes critiques à l'endroit des CFP et j'ai l'impression qu'on se retrouve en présence de la poutre et de la paille. Vous ne voyez pas, j'ai l'impression, que, dans votre propre oeil, il y a aussi une paille qui pourrait peut-être passer pour une poutre dans l'esprit des CFP aussi. Vous n'êtes pas à l'abri de toute critique non plus relativement à vos relations avec les CFP, le fonctionnement du marché du travail. Je parle en général: collèges et milieux

de l'éducation tout confondus. Vous savez, ce n'est pas donné non plus, les coûts de l'enseignement professionnel par les cégeps. Vous dites que vous voulez avoir l'exclusivité, que vous ne voulez pas voir le secteur privé se mettre le nez là-dedans. Pourtant, moi, quand je discute avec le gouvernement fédéral, ce qui les scandalise, eux, c'est qu'il faille investir 40 % de l'argent. Quand le fédéral vient au Québec avec ses fonds de formation, il y a 40 % qui vont en subventions de frais de base dans les cégeps et les commissions scolaires. Je rencontre parfois des gens qui me disent: C'est scandaleux, au Québec, le gaspillage; il y a 40 % de l'argent qui vont dans les frais d'administration. Je me fais dire ça: C'est scandaleux de mettre 40 % dans les frais d'administration. Je dois reconnaître qu'effectivement quand le fédéral arrive avec ses 139 000 000 $ pour le secteur de la main-d'oeuvre, il y en a 40 % qui s'en vont pour les frais d'administration des cégeps, des commissions scolaires. Tant mieux, on paie beaucoup de choses avec ça, je présume, probablement même plus que ce que ça coûte, parce qu'il n'y a pas longtemps, quand le fédéral a décidé de passer à côté de la structure québécoise et de mettre sur pied le réseau des groupes de coordination - vous savez, les fameux groupes de coordination auxquels on s'est objecté tout le monde et, finalement, on a fait reculer le fédéral - les groupes de coordination, eux, avaient accepté de faire le travail pour 15 %. Ils étaient très heureux de prendre 15 % de frais d'administration et ils faisaient de l'argent avec ça.

Bon. Je me dis: Dans le fond, on a réussi à mettre fin à ça. Il faut être un peu masochiste, d'ailleurs, pour dire: On va mettre fin à un système qui nous coûte 15 % de frais d'administration, pour le remplacer par un qui nous en coûte 40 %. En tout cas, on a sauvegardé le sacro-saint principe qu'il faut qu'on fasse affaire avec chez nous, avec notre propre système d'éducation. Mais il ne faudra pas non plus pousser trop, trop loin dans les revendications. À mon avis, il faut donner la meilleure formation possible aux travailleurs et, j'espère, au meilleur coût possible aussi.

Alors, vous ne devriez pas avoir peur de la compétition, à mon avis. Vous êtes très bien placés. Vous avez des équipements qui sont déjà payés par l'État. Vous avez des laboratoires déjà en place. Vous êtes superbement bien équipés pour compétitionner avec l'entreprise privée qui, elle, doit tout fournir ces équipements-là. Alors, voilà quand même, je pense, un point que je voulais faire.

L'autre, c'est que vous nous dites... Les CFP, ça ne fonctionne pas tellement bien, votre expérience avec eux. Moi, quand je parle aux CFP, on me raconte des histoires d'horreur aussi qui ne sont pas à votre avantage. Quand je dis «vous», je parle autant des commissions scolaires. Par exemple, les sous-contrats. Combien de fois une entreprise décide de demander de la formation afin... Enfin, on organise un cours, disons, le ministère, le CFP organise un cours de formation et une commission scolaire ou un cégep prend le contrat. D'ailleurs, on n'a pas le choix, on doit aller absolument dans le secteur public. Là, la maison de formation se retourne, comme on dit, de bord, entre guillemets, et sous-contracte avec l'entreprise privée. (14 h 45)

Je peux vous nommer des cas multiples comme ça. L'entreprise privée vient faire le travail de formation auprès de nos gens et l'institution publique, elle, ramasse sa commission au passage. Je ne pense pas que ce soit - vous connaissez la formule - non plus très, très, très productif, cette façon de procéder. Ça n'encourage certainement pas, en tout cas, une saine émulation. Qu'est-ce que j'ai à part ça comme note? Tant qu'à y être, je vais vider mon sac.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Oui, les fameuses autorisations spécifiques. On a des contrats, on a des montants d'argent prévus pour des cours. Mais c'est rendu qu'une fois sur deux on nous menace de ne pas donner le cours si on n'ajoute pas des dizaines et des dizaines de milliers de dollars. Récemment, à Sept-îles, j'ai eu un cas concret, où - je ne donnerai pas les détails - on voulait organiser un cours pour 15 personnes; le coût était de 300 000 $ auprès de la commission scolaire, ce qui était jugé, par nos gens, excessif et même scandaleux. Mais, là, on n'a pas le choix, on n'a qu'un seul fournisseur, il faut aller au système public. Alors, les gens de la CFP se retournent vers le cégep; le cégep dit: Nous, on ne coupe pas les prix, c'est 300 000 $ aussi. Alors, le résultat, c'est que le cours ne s'est pas donné. Bien, ça a pris un an avant de finir de négocier; il a fallu ajouter des autorisations spécifiques. Mes informations, c'est qu'on a payé quelque 200 000 $. Moi, je dois dire que, des reproches, il peut s'en faire des deux côtés. Je ne blâme pas du tout les CFP d'essayer, très souvent, de faire baisser les coûts et d'obtenir de meilleurs prix. Si ça retarde, parfois, c'est autant de la faute des institutions scolaires qui, avec des chinoiseries semblables et des normes aussi restrictives, empêchent que la formation se donne facilement. Donc, là-dessus, les reproches, on peut les faire des deux côtés. Je ne sais pas si vous voulez réagir, mais je vous donne l'occasion de le faire.

Le Président (M. Philibert): M. Leduc.

M. Leduc: Oui. Écoutez, ça n'a jamais été notre idée de faire des reproches aux CFP, encore moins à la CFP de Montréal, puisque nous travaillons dans la région de Montréal. Ce que

nous avons essayé de démontrer, c'a été qu'il y avait un manque d'harmonisation entre l'éducation et la main-d'oeuvre et nous souhaiterions qu'à l'occasion d'une nouvelle politique et d'une nouvelle ère de développement, nous puissions mettre de côté les irritants. S'il y a des irritants mutuels, qu'on les mette de côté, les deux. Mais on ne trouvait pas, dans cette politique-là, de façon évidente, une reconnaissance intéressante, quant à nous, de notre rôle, sinon le simple rôle de pourvoyeur, de dispensateur de services. Nous estimions que nous avions une feuille de route qui méritait mieux que cela.

Par ailleurs, relativement au point très précis que M. le ministre vient de mettre sur la table, je ne voudrais évidemment pas qu'on fasse ici une querelle de chiffres, sauf que. dans nos chiffres à nous, c'est vrai qu'il y a peut-être 40 % qui débarquent, mais, sur ces 40 %, il y en a 30 % qui vont au ministère de la Main-d'oeuvre, au ministère de l'Enseignement supérieur et au ministère de l'Éducation. Les cégeps comme tels, comme établissements, il y a 10 %. Alors, peut-être qu'il y a 40 % de la facture du fédéral qui tombent dans des coffres, qui ne vont pas directement à la formation mais dans les coffres des cégeps, cependant, pour faire de l'encadrement pour les millions de dollars par année qu'on vous donne en formation, il y en a 10 %.

Pour les sous-contrats, c'est une pratique que nous essayons d'éviter dans la mesure du possible. Qu'il y en ait à profusion, il faudrait voir; il ne faut pas mêler, cependant, un sous-contrat avec un professeur, un individu qui s'incorpore pour donner un cours. Si on assimile cela à des sous-contrats, effectivement, mais c'est un professeur, c'est un chargé de cours qui, cependant, s'incorpore pour donner un cours donné. On sous-contracte avec lui, bien sûr, ça s'appelle Louis Sauriol inc., sauf que c'est un individu qui reçoit son T4 comme n'importe quel individu, même s'il est incorporé. Ça, ce n'est pas ce que j'appelle un sous-contrat. Ça, il y en a beaucoup.

Par ailleurs, mes collègues, M. Lupien et M. Nadon, entre autres, peuvent sûrement corroborer ou compléter ces informations-là, notamment pour les autorisations spécifiques. M. Nadon, vous avez des chiffres là-dessus.

M. Nadon (Pascal): Oui. juste pour illustrer, depuis 1985, dans les 11 collèges de Montréal, jusqu'à 1990-1991, il y a eu 786 000 $ d'investis pour 30 000 000 $ de formation par année. Je veux bien que les autorisations spécifiques soient considérables, mais je pense qu'il peut y avoir, dans certains cas, une mise à jour d'équipement ou une situation particulière. Je pense qu'on fait la preuve que, dans l'ensemble, c'est, effectivement, du renouvellement d'équipement, mais sur une base quand même, somme toute, qui m'ap-paraissait raisonnable.

M. Bourbeau: Les chiffres que vous me donnez sur les autorisations spécifiques ne correspondent pas du tout à ceux que j'ai au ministère. Alors, si ce n'est pas chez vous que ça va, je me demande bien où ça va. Je sais que, chez nous, la facture des autorisations spécifiques est assez élevée.

M. Nadon: Remarquez que je parle uniquement des cégeps de Montréal.

M. Bourbeau: Évidemment, je m adresse à vous et, à travers vous, j'ai visé bien du monde. D'ailleurs, je l'ai dit à deux ou trois reprises, peut-être que vos collèges à vous ne font pas d'excès dans les autorisations spécifiques, mais c'est une partie qui devient de plus en plus importante.

Maintenant, un autre point sur lequel je voudrais revenir, c'est le supposé conflit d'intérêts. Vous dites, dans votre lettre - je vais citer la lettre parce que ça fait partie, en fait, de votre pensée: «Lorsque le ministère de la Main-d'oeuvre, le MMSRFP, propose que les CFP actuelles ou les futures sociétés générales soient directement impliquées dans le choix des formateurs ou des établissements de formation, il faudrait d'abord s'assurer qu'il n'y a aucun danger réel de conflit d'intérêts. À première vue, cependant, on peut considérer qu'il est pour le moins délicat de confier à un même organisme la responsabilité d'accorder des subventions et de contribuer au choix de l'intervenant.»

Je suis étonné un petit peu que vous souleviez cette notion de conflit d'intérêts. Moi, je ne sais pas là. Est-ce que le conflit d'intérêts n'est pas plutôt celui qu'auraient les maisons d'enseignement si elles avaient à estimer les besoins et, après ça, à fournir les services pour ces besoins-là? Là, on pourrait dire qu'il y a un danger que le formateur soit tenté d'ajuster à la baisse les besoins du client pour utliser ses formateurs à lui. Supposons qu'un formateur a tant de professeurs qui savent enseigner telle chose, il serait peut-être porté à faire en sorte d'enseigner ce qu'il sait, ce qu'il peut enseigner plutôt que d'enseigner vraiment selon les besoins réels du client. Et c'est ça que le gouvernement du Québec a réalisé, en 1984, quand il a décidé de la politique qui a fait en sorte que le ministère de la Main-d'oeuvre est devenu autonome avec ses budgets et ses responsabilités d'estimation des besoins.

Moi, je vois bien plus le danger de conflit d'intérêts là-dedans, du formateur qui en même temps estime les besoins et qui ajuste l'un selon ce qu'il peut enseigner, que de la CFP qui, elle, n'a pas d'intérêts là-dedans. Elle n'est pas enseignante, elle. Elle, elle choisit... Enfin, elle a des fonds. Elle donne une subvention. Elle paie pour. C'est normal que, dans un marché ordinaire, celui qui paie choisisse non pas son client, mais son formateur, en tout cas son profession-

nel. Il me semble que, quand j'engage quelqu'un, je paie, j'ai le choix de qui j'engage. Enfin, c'est une notion qui est très répandue dans notre société, que l'employeur choisit et paie celui qu'il engage. Conflit d'intérêts pour conflit d'intérêts, j'aurais beaucoup moins peur de ce deuxième conflit d'intérêts que du premier. Pas vous?

M. Leduc: M. Lupien va vous...

M. Lupien (Pierre): Vu que c'est moi qui ai écrit la lettre, peut-être que le terme était ma! choisi, mais je pourrais peut-être l'illustrer par un exemple. Quand un professionnel de la main-d'oeuvre arrive dans une entreprise et qu'il menace l'entrepreneur de dire: Si tu ne fais pas affaire avec telle entreprise, je ne te supporte pas en termes de subvention, c'est peut-être plus ça que je voulais dire. Et ça se produit à l'occasion. C'est rare, mais ça se produit.

M. Bourbeau: Ça, c'est autre chose. Ce n'est pas le système, à ce moment-là, qui ne marche pas bien. C'est des invididus...

M. Lupien: C'est ça.

M. Bourbeau: ...qui n'agissent pas correctement...

M. Lupien: II reste...

M. Bourbeau: ...qui n'agiraient pas correctement. C'est hypothétique, votre question.

M. Lupien: II reste quand même que, quand on dit: C'est des fonds publics, et qu'on n'a pas de contrainte à poser, je voudrais peut-être tout simplement rappeler ici que, sur une évaluation qui a été commandée par les trois ministères sur la satisfaction des entreprises, il y a quand même 92 % des entreprises qui se sont dites satisfaites ou très satisfaites du service qui a été donné par les collèges, à deux niveaux principalement: au niveau de la qualité de la formation en termes d'adaptation aux besoins de l'entreprise et, la deuxième, en termes de qualité des formateurs. Donc, ça m'apparait être un peu difficile... Il me semble que, quand il y a des fonds publics, il y a quand même certaines contraintes qu'on peut exiger à l'occasion. Bon. Peut-être qu'on n'est pas les seuls comme réseau public, mais on doit aussi être présents au même titre que les autres. «Conflit d'intérêts», je pense que c'était peut-être un mauvais terme, mais dans le sens beaucoup plus qu'il y a déjà eu des expertises dans le passé où... Ce risque-là est présent, c'est sûr que c'est des individus, mais le risque est là quand même.

M. Bourbeau: On ne peut garantir personne contre un hold-up non plus. Si quelqu'un décide d'agir d'une façon incorrecte... Il y en a partout. Il y a déjà eu dans le monde de l'éducation, aussi, des gens qui se sont conduits d'une façon étonnante, il y en a partout. On n'a rien qu'à en parier à mon collègue, le ministre de l'Éducation, qui a déjà dû répondre à quelques questions au cours des dernières sermaines de la session sur des agissements de ses fonctionnaires. Ça arrive partout, alors ce n'est pas unique. Ça peut arriver n'importe où.

Là-dessus, maintenant que j'ai dit ça, je dois dire - je vous posais des questions, mais, à travers vous, je questionnais bien d'autre monde - qu'en général nous avons une assez bonne opinion des performances des cégeps dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Sur le territoire que je représente, j'ai un cégep qui est très actif dans le domaine, c'est le cégep Édouard-Montpetit. Je dois dire que je suis assez impressionné par la façon de procéder des cégeps qui sont dynamiques, qui vont au-devant des entreprises, qui font même du démarchage actif pour tenter de porter, dans les entreprises, la bonne nouvelle de la formation. Je pense qu'effectivement vous avez une attitude très ouverte, très agressive et très contemporaine, même que j'entends dire que, dans certaines régions du Québec, il y a des entreprises qui se plaignent qu'elles sont littéralement assaillies par les cégeps, par les commissions scolaires, par la CFP, par le gouvernement fédéral. Il y a des entreprises qui disent que c'est comme des vagues de gens qui vont les voir pour leur offrir les services de formation. D'une certaine façon, je réponds: Tant mieux, au moins on ne manque pas de formateurs, c'est mieux d'en avoir plus que d'en manquer. D'autre part, je dois aussi reconnaître que ce n'est pas un système qui est normal que de voir comme ça toute une série d'intervenants frapper à la porte des entreprises pour leur proposer, un peu comme des commis voyageurs, des produits. On a besoin d'organiser le système un peu mieux. C'est ce qu'on tente de faire avec la proposition qu'on a devant nous, d'amener un peu d'ordre dans un domaine qui est passablement désordonné présentement. C'est l'objectif recherché par la politique, de tenter de coordonner nos actions tant avec le gouvernement fédéral, qui agit dans ce domaine-là, qu'entre les différents ministères qui oeuvrent dans le domaine de la formation et de la main-d'oeuvre.

Cela étant dit, maintenant que les messages sont passés, j'aimerais vous poser une question. Vous pariez de formation continue. Il y a plusieurs organismes qui sont venus nous voir ici et qui nous ont fait part de l'importance d'un débat à tenir sur la formation professionnelle au Québec, sur l'enseignement, sur l'action de scolarisation de la formation professionnelle au Québec, tant au niveau collégial qu'au niveau secondaire, disons. Est-ce que vous pensez, vous, que cette question doit aussi être discutée rapidement et que, même, on devrait retarder la

mise en application de la stratégie que nous avons là jusqu'à ce qu'on ait tenu ce grand débat sur la formation professionnelle et l'enseignement de la formation?

M. Leduc: Oui, nous estimons qu'effectivement il faudrait qu'il y ait un grand débat sur la formation professionnelle, non pas au point, cependant, d'arrêter toute la vie parce que le débat n'a pas eu lieu. C'est essentiellement le sens de ce qu'on disait, à savoir que c'est le danger de foncer en mettant une structure de formation continue importante en place, la Société de développement de la main-d'oeuvre, sans avoir auparavant cherché à intégrer à l'intérieur d'une même politique tout le domaine de la formation professionnelle. Il y a un danger là-dedans. Ça ne veut pas dire pour autant qu'il faille arrêter la vie et qu'il faille arrêter la mise en place de cette structure-là tant que le débat n'aura pas eu lieu. Oui, il faut réévaluer et c'est ce que nous ne faisons peut-être pas assez vite. De toute façon, le monde est mûr pour cela maintenant. Tout le monde le requiert, il faut qu'on repense la formation professionnelle. (15 heures)

Cela dit, les problèmes sont très différents si vous vous adressez à la formation professionnelle de niveau secondaire et à la formation professionnelle de niveau collégial. Il y a eu une très grosse désaffection dans le secondaire. Le gouvernement y a mis beaucoup d'argent pour faire une campagne de publicité; je pense que ça va finir par aboutir. Mais il n'y a pas un niveau, cependant, il n'y a pas un ordre qui a plus fait pour la valorisation, la création d'un niveau d'enseignement technique supérieur que l'ordre collégial. La formation professionnelle que nous donnons au collégial, elle a actuellement acquis ses lettres de créance. Est-ce que ça veut dire qu'il faut continuer sur cette lancée sans se questionner? Mais pas du tout. Les entreprises ont développé également de nouvelles approches, de nouvelles attentes. Le marché est différent. Il faut concevoir différemment les programmes aujourd'hui que ceux que nous concevions il y a 20 ans. La façon dont les programmes sont révisés au collégial actuellement, elle est inadéquate. Il faut la réviser. Il faut prendre une autre approche pour concevoir des programmes. On l'a fait à certains égards, dans certains programmes particuliers, comme en pétrochimie, à Montréal, avec une correspondance très étroite avec le monde de l'entreprise. Des choses comme celle-là doivent se généraliser.

Ça veut dire qu'il y a, donc, une redéfinition de la formation professionnelle à faire, mais pas au point, cependant, de dire qu'on part de zéro, mais pas du tout. Allez voir le taux de placement de nos grands finissants qui sortent des collèges, il est extraordinairement élevé. Allez voir le taux de satisfaction des employeurs, il est relativement très bon dans la plupart de nos programmes. On n'a sûrement pas manque notre coup. On a des problèmes, cependant, avec une formation un petit peu plus générale, de base, plus polyvalente en enseignement professionnel. On a des problèmes pour attirer dans l'enseignement professionnel de niveau collégial d'aussi bonnes candidatures que celles qui postulent pour l'enseignement préuniversitaire. Bien sûr! Cela dit, la feuille de route est quand même éloquente. Et voilà.

M. Campagna, pourriez-vous ajouter quelque chose là-dessus?

Le Président (M. Philibert): Je vous informe que notre temps est écoulé. Il faudrait synthétiser votre dernière intervention pour qu'on puisse donner justice à Mme la représentante de l'Opposition qui a également des questions à vous poser. Alors, vous aviez entamé une phrase.

Mme Harel: Non, allez-y.

M. Campagna (André): Non, ça va.

M. Leduc: Ça va, monsieur.

Le Président (M. Philibert): Alors, M. la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le président, je voudrais tout de suite rendre hommage, en fait, à ce que vous faites dans la région de Montréal. Je connais de nombreux exemples de partenariat avec l'entreprise mis en place par le réseau que vous représentez cet après-midi. Vous avez abordé dans votre mémoire, à mon point de vue, trois questions bien distinctes. Il y en a une que le ministre a éludée. J'aimerais bien, tout de suite, d'entrée de jeu, reprendre cette question-là avec vous en espérant qu'il puisse peut-être non pas écouter la question, mais au moins la réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: C'est certainement, en tout cas, cette question de l'offre sur une base individuelle de la formation continue, de la formation dans la perspective d'une formation continue à des hommes et des femmes qui n'ont pas perdu leur emploi, donc qui ne peuvent pas bénéficier des programmes d'assurance-chômage, qui ne sont pas bénéficiaires d'aide sociale - malgré que vous savez sans doute que l'énoncé prévoit que ces personnes-là vont rester dans les mesures d'employabilité gérées dans les CTQ, mais enfin - qui ne sont pas non plus dans des entreprises qui ont des plans de développement des ressources humaines ou qui ne sont pas désignés dans ces plans de développement des ressources humaines comme étant des personnes que l'entreprise choisit pour suivre de la formation, enfin qui sont sans doute le commun de nos

concitoyens qui occupent - je le dis souvent au ministre - des emplois dans des secteurs qui ne sont pas nécessairement exposés à la mondialisation des marchés; ils peuvent être réceptionniste, ou téléphoniste, ou chauffeur de taxi, enfin votre clientèle. Celle-là, elle m'inquiète énormément parce que rien ne lui est proposé, et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Moi, ce que je crains vraiment, je le dis, là, c'est qu'il y ait tout un discours médiatique, radio, télé, journaux, partout, un discours pour justement promouvoir la formation professionnelle et qu'au moment où des gens, sur une base individuelle, parce qu'ils n'auront pas un contexte de travail qui leur offre de faire autrement, se présentront, là, il n'y ait quasiment rien. C'est comme un mirage. C'est comme si ça s'évanouissait devant eux. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus et puis voir ce que vous suggéreriez au ministre.

M. Leduc: Vous avez bien raison, madame, de soulever ce point-là. Nous l'avions évoqué un petit peu, quand même, dans notre mémoire. Effectivement, c'est un problème, le fait que, pour les individus qui s'inscrivent d'eux-mêmes à des formations professionnelles de niveau collégial, eh bien, le véhicule pour les recevoir, il disparaît au fur et à mesure que les années s'avancent. D'un côté, c'est le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science qui, lui, nous donne une enveloppe fermée; d'un autre côté cette enveloppe est pleine et elle se vide.

Mme Harel: Est-ce qu'elle diminue, cette enveloppe?

M. Leduc: Oui.

Mme Harel: D'année en année?

M. Leduc: Oui.

Mme Harel: La Fédération des cégeps nous laissait entendre, quand elle est venue, que c'était presque terminé, même.

M. Leduc: Non. Mme Harel: Non?

M. Leduc: Là, on parle de l'enveloppe qui vient du ministère de l'Enseignement supérieur. Ce n'est pas terminé, mais il y a des orientations qui laisseraient entendre que ça finirait par être terminé, puisque le ministère dit: Moi, ma loi m'autorise à ne financer que les étudiants à temps plein. Mais alors, quoi? Comme si les adultes avaient le temps, le soir, de s'inscrire à des cours à temps plein. Bon, ça ne marche pas. De l'autre côté, il y a le ministère de la Main-d'oeuvre qui, lui, habituellement, avait coutume, sur une base historique, de permettre l'accès à une formation professionnelle qualifiante à des individus. Mais cette coutume-là, elle disparaît. 50 % de moins à Montréal - au moins, en tout cas - en trois ans, et plus de 50 %. Elle disparaît au profit de quoi? Au profit de commandes de cours qui nous viennent des CFP, des commandes de cours très ciblés, très pointus. C'est 30 heures par ici, 45 heures de cela et pour des clientèles autant ciblées, donc.

Alors, nous autres, la clientèle ordinaire, celle à laquelle vous faisiez allusion tantôt, eh bien, elle n'a plus de place. Nous autres, on est obligés de la refuser. C'est rare, mais c'est ce qui arrive, cependant. Cet hiver, en 1992, nous avons été obligés de refuser du monde parce que nous n'avions plus de disponibilité. Puis, en plus, depuis quelques années, les collèges assumaient par eux-mêmes des quotas supplémentaires pour permettre à ces gens-là de continuer à se scolariser.

Alors, oui, il y a un problème majeur. Nous le soulevons dans notre mémoire, et je l'ai rappelé tantôt dans la présentation. La solution? Écoutez, si on l'avait, je pense que les gens du ministère l'auraient aussi. Mais une chose est certaine, il va falloir penser, à un moment donné, du côté de l'Enseignement supérieur, à ouvrir une enveloppe budgétaire - si c'est de ce côté-là qu'on veut aller - en disant... Le ministère de la Formation professionnelle dit: Moi, ma job, ce n'est pas de scolariser le monde. O.K. Peut-être que ce n'est pas sa job à lui, mais c'est la job d'un autre. Mais, quand je parlais tantôt du manque d'harmonisation entre l'Education et la Main-d'oeuvre, c'est à des choses comme celle-là que je faisais allusion.

Mme Harel: Vous savez, ce qui est autrement plus inquiétant aussi, c'est que, comme il y a sous-investissement de l'entreprise - l'énoncé en parle nommément, du sous-investissement des entreprises dans la formation - mais qu'il y a un besoin bien identifié d'adaptation de la main-d'oeuvre en emploi pour permettre à l'entreprise de faire face à la concurrence, à ce moment-là, c'est comme s'il y avait de plus en plus un transfert de fonds. C'est presque un détournement, dans le fond. Les fonds publics qui, jusqu'à maintenant, étaient beaucoup utilisés dans des programmes comme Recyclage et perfectionnement de la main-d'oeuvre, qui s'adressait à toute la population, de plus en plus, ces fonds publics vont servir à compenser le sous-investissement des entreprises pour la formation de leur propre main-d'oeuvre. Et je crains très fort l'effet pervers que ça va avoir, parce que ce qu'on va faire d'une main pour soigner, si vous voulez, ce qui est curatif, on va le perdre de façon préventive dans les années à venir parce que ces gens auxquels vous ne pouvez pas répondre adéquatement en hiver 1992, éventuellement, ils feront aussi partie des gens qui auront à changer d'emploi dans quelques années.

M. Leduc: Voilà!

Mme Harel: Et là, on aura peut-être à investir encore trop par rapport à ce qui aurait pu se faire maintenant.

M. Leduc: Là-dessus, M. Campagna aurait quelques commentaires.

M. Campagna: Ça me paraît un problème majeur.

Mme Harel: Merci.

M. Campagna: II faudrait peut-être que le ministère de l'Enseignement supérieur l'entende, mais on l'a dit, aussi, au ministère de l'Enseignement supérieur, ce problème-là. Là, on parle des citoyens, massivement, qui travaillent. Ce n'est pas une minorité qui ne travaille pas, c'est, massivement, les citoyens qui travaillent et qui, actuellement, n'ont pas toute l'accessibilité qu'ils pourraient avoir - on ne dit pas «gratuité» mais «accessibilité» - au niveau collégial, ce qu'ils ont sans nuance au niveau secondaire, ce qu'ils ont sans nuance au niveau universitaire. Ce n'est pas le cas au niveau collégial.

Mme Harel: Ils ne l'ont plus au niveau secondaire. Je m'excuse. Ils ne l'ont plus maintenant, parce que c'est en diminution constante.

M. Campagna: Oui, c'est ça. Exactement. Mme Harel: Depuis cinq ans.

M. Campagna: Ce que j'ajouterais - et c'est une donnée que je prends dans l'énoncé de politique - c'est que la création massive d'emplois au Québec, ça passe par la petite entreprise. Si vous regardez l'énoncé de politique, les petites entreprises, de 0 à 19 employés, c'est là qu'a eu lieu, durant les 10 dernières années, la création massive d'emplois. Or, ces gens-là, ces petites entreprises-là, évidemment, ne peuvent pas toujours se permettre de connaître tous les programmes gouvernementaux, etc. Alors, on peut imaginer que, pour elles, ce qui est le plus simple, le plus facile, c'est que les individus, les employés de ces petites entreprises où se fait massivement la création d'emplois puissent avoir accès à des cours du soir, des cours de fin de semaine, etc., tout ce genre de cours que nous offrons, les commissions scolaires, les cégeps et un peu les universités aussi. C'est d'avoir accès à tous ces cours-là. Or, avec nos enveloppes fermées, actuellement, ils n'ont pas accès à ça. Ils ont un accès très limité. C'est un contingentement.

M. Leduc: Si je peux ajouter quelque chose, madame, on ne pense pas que c'est le programme SPRINT qui va régler ce problème non plus, le programme d'accès individuel des gens, s'il n'est pas adapté à ce genre de problématique.

Mme Harel: Oui, parce qu'il s'adresse, ce programme individuel, à des pénuries en main-d'oeuvre, aussi.

M. Leduc: Et surtout, c'est des conditions... Il faut, je pense, qu'il ait déjà été employé six ans. À part ça, ça met l'employé dans la mauvaise situation de demander à son employeur d'aller se chercher une job, ou il va quitter son emploi après. En tout cas, ce n'est pas par là que les gens vont se qualifier.

Mme Harel: Je sais que le temps passe, mais je reviendrai, si on a le temps, sur cette question de la formation initiale et de la formation de la main-d'oeuvre avec les deux réseaux parallèles. C'est un héritage, à mon point de vue, des dédoublements de compétence parce qu'il faut se rappeler que le fédéral est intervenu le premier, en 1966. Maurice Bellemare, en 1967. a réagi en voulant aller chercher un partage des fonds fédéraux et, là, de part et d'autre, ça faisait l'affaire de tout le monde de dire que ça ne relevait pas de l'Éducation; sinon, ça avait l'air d'une ingérence.

Alors, on en est, 25 ans après, à ne plus se poser de questions sur cet héritage-là. C'est ce que je souhaite, finalement, un débat où on se repose la question. À mon point de vue, si on avait été une société normale, c'est l'Éducation qui aurait certainement, il y a 25 ans...

Une voix: Assumé.

Mme Harel: ...à bras-le-corps, entrepris cette question de la formation de la main-d'oeuvre, comme dans toutes les autres sociétés dont on s'inspire pour toutes les structures qu'on veut mettre en place, sauf pour l'essentiel.

Cependant, il y a une chose qui est bien, bien importante dans votre mémoire et, là-dessus, je pense que le ministre aussi souscrit à cet objectif-là. La question, c'est de savoir comment. Et cette question importante, c'est celle du lien direct entre le demandeur de services et le fournisseur de services. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur l'intermédiaire. Parce que c'est le ministre qui gère l'intermédiaire. Alors, comme on est dans des systèmes où chacun gère son appareil et prend, donc, la défense de son appareil, quelle sorte d'intermédiaire faut-ii? Qu'est-ce qu'il doit faire, l'intermédiaire? Comment, par exemple, peut-on faciliter les choses pour l'entreprise? Si l'entreprise a un besoin, elle va s'adresser à un fournisseur de services. Je dois comprendre, à ce moment-là, que, pour vous, le fournisseur de services peut être le réseau scolaire public ou privé. Ce fournisseur de services, est-ce qu'il est en mesure, sans autre forme d'intermédiaire, de faire

affaire directement avec le demandeur de services? (15 h 15)

C'est un peu ça, finalement, le coeur du problème, parce qu'il y a nécessairement une difficulté qui peut se présenter, à savoir: Le demandeur de services, est-ce qu'il ne trouverait pas la machine trop lourde, trop bureaucratique, trop institutionnelle, trop rigide s'il n'y avait pas le courtier - parce que la CFP, c'est comme un courtier, finalement, n'est-ce pas? Est-ce qu'il a besoin de ce courtier pour lui ouvrir les portes? Par exemple, s'il n'y avait pas eu le fonds d'initiative locale dans l'est, est-ce que le MESS n'aurait pas pris deux ans avant d'accorder les cours à l'institut de pétrochimie? Vous voyez un peu, là?

M. Leduc: Oui, je vois très bien. Mais il faut bien comprendre aussi, il faut bien se rendre compte également que, dans les faits, les innombrables projets de formation sur mesure en établissements que nous avons réalisés dans les cégeps - de Montréal, à tout le moins, en tout cas - depuis quelques années, 80 % d'entre eux ont été faits en lien direct entre le collège - rétablissement - et l'entreprise; soit que c'est l'entreprise qui s'est adressée au collège, soit que c'est le collège qui s'est adressé à l'entreprise dans une démarche de marketing. Mais, enfin, l'étincelle initiale de la formation, c'est là que ça a eu lieu.

Vous évoquiez tantôt que peut-être l'entreprise peut avoir peur d'être écrasée par une machine. Ce n'est sûrement pas avec le cégep que l'entreprise va avoir peur d'être écrasée par une machine.

Mme Harel: Non, mais ça peut être avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, non?

M. Leduc: Non, c'est avec un cégep que l'entreprise fait affaire.

Mme Harel: Mais les deux, par la suite, sont en butte au MESS, non?

M. Leduc: Non. On peut s'arranger. Évidemment, le ministère de la Formation et de la Main-d'oeuvre, c'est sa responsabilité d'établir des priorités, de définir les grandes lignes, mais pourquoi faut-il qu'il se sente obligé de reprendre ce que nous avons fait? Ça ne se peut pas qu'on reçoive une commande de la CFP: Organise 45 heures de cours en je ne sais trop quelle matière pour telle compagnie. Qu'est-ce que nous allons faire? On va retourner voir la compagnie, on va refaire un devis de formation adapté à ses besoins. C'est ce que le conseiller de la CFP était censé avoir fait au point de départ. Il y a des dédoublements inutiles et des concurrences stériles.

Mme Harel: Pourquoi avez-vous besoin de retourner? C'est ça que j'aimerais que vous expliquiez.

M. Leduc: Parce qu'on ne fait pas de la formation en général dans des formats établis pour tout le monde. Ce n'est pas du prêt-à-porter que nous offrons, c'est des «custom-made» faits pour des individus, des entreprises, avec parfois de la reconnaissance des acquis pour de la formation manquante. Alors, ça ne se peut pas qu'on ne soit qu'un simple et unique dispensateur ou pourvoyeur de services. Nous sommes un concepteur de formation, et la formation, c'est un tout où il n'y a pas d'étapes qui sont étan-ches l'une par rapport à l'autre. Tu rencontres le client, tu établis les besoins, tu établis un devis de formation, tu le fais valider et tu donnes la formation, puis tu fais l'évaluation à la fin. Alors, il faut que la CFP aille dans l'entreprise au point de départ, il faut qu'elle aille dans l'entreprise à la fin. Tout le monde fait du suivi. Nous autres, c'est dans notre intérêt d'aller dans l'entreprise après, parce qu'on veut savoir si ça marche, notre affaire, et on veut surtout que l'entreprise revienne nous voir, parce qu'on veut améliorer notre système et on veut s'investir dans la formation sur mesure. C'est ça, de la formation.

Il me semble qu'il y a là un manque d'harmonisation flagrant et une utilisation des ressources un petit peu abusive qui génère beaucoup d'irritants. Beaucoup. Moins entre les instances supérieures qu'entre les instances sur le terrain.

Mme Harel: En fait, c'est un gaspillage... M. Leduc: C'est ce que nous croyons.

Mme Harel: ...parce qu'il y a des devis de formation qui sont préparés par la CFP puis il y a aussi un devis de formation par le formateur...

M. Leduc: Exact.

Mme Harel: ...qui s'ajuste, en fait, le plus étroitement possible à la demande. Mais, à ce moment-là, il faut distinguer le fait que l'entreprise, quand elle s'adresse à un établissement de formation - qu'il soit public ou privé; je n'en suis pas là - elle n'aurait pas, selon vous, à s'adresser en plus à la CFP. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Leduc: En effet. En effet. M. Campagna.

M. Campagna: Vous utilisiez tout à l'heure le mot «courtier»; je pense que c'est le mot juste. La CFP joue un rôle de courtier, donc d'intermédiaire. Il me semble qu'il y aurait moyen de penser, de concevoir une formule ou elle se comporterait plutôt comme un organisme subven-

tlonnaire. C'est par la CFP, par le MMSRFP qu'arrivent, dans le fond, les subventions, les fonds de l'État pour favoriser la formation, le développement de la main-d'oeuvre dans les entreprises. Je pense que c'est bien, et l'État doit s'assurer, par le ministère approprié, le ministère de la Main-d'oeuvre, que c'est bien fait, que les fonds sont dépensés pour des pénuries, etc. Bon.

Mais, cela étant dit, il y aurait peut-être des façons de faire où l'entreprise et la maison de formation conviendraient de quelque chose et où la CFP, après, dirait: O.K., on finance ça, on ne finance pas ça parce que ça correspond à nos politiques, etc. À ce moment-là, elle jouerait plus un rôle d'organisme subventionnais à la formation, au développement de la main-d'oeuvre au Québec, qu'un rôle de courtier où, là, il y a plus risque de dédoublement, me paraît-il. En tout cas, il y a peut-être là un filon qu'il faudrait regarder pour trouver une solution au problème que vous posez.

Mme Harel: Le président m'indique que mon temps se termine bientôt. Mais, quand le ministre dit qu'il veut mettre de l'ordre, ma crainte, à moi, c'est qu'il n'y en ait pas, d'ordre qui s'introduise, si on ne règle pas ces questions-là.

M. Leduc: Oui, effectivement. L'ordre nouveau, à mon avis, devrait mieux intégrer les gens de l'Éducation. Et c'est ça qui ne paraît pas de façon évidente dans l'énoncé de politique qu'il y a là. Il y a moyen de mettre de l'ordre, bien sûr, entre les gens de la Main-d'oeuvre entre eux et de prendre plus de dossiers, plus de terrain. Ce n'est pas mauvais en soi. Nous autres, nous disons cependant que ce serait meilleur si l'ordre en question intégrait davantage les gens de l'Éducation pour éviter les dédoublements et pour améliorer notre efficacité commune.

Mme Harel: En fait, il faut se dire une chose. Même la formation professionnelle serait administrée par le MMSRFP. Pensons à ça juste pour une minute et demie seulement. Mais la perception serait tout à fait différente. C'est parce que vous appartenez à un autre réseau que la perception se fait concurrente. Il y a quelque chose que je trouve vraiment absurde dans cette façon de voir. Finalement, au bout de la ligne, ce que je crains, c'est qu'on brasse beaucoup, mais qu'il n'y ait pas vraiment de changement.

Parce que ce changement qu'on souhaite, ce serait fondamentalement un changement qui supposerait que l'entreprise et l'éducation fassent des rapprochements d'intimité qui, jusqu'à maintenant, ne se sont pas révélés vraiment...

M. Leduc: Féconds. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...présents. C'est ça.

M. Campagna: C'est ça, et ça coûte cher aussi. M. Bourbeau parlait tout à l'heure de 40 %. Bien, ça coûte très cher.

Mme Harel: J'ai bien retenu que. sur ces 40 %, vous, vous ne touchez que 10 %.

M. Campagna: C'est ça. M. Leduc: Voilà, madame.

Mme Harel: Vous êtes moins chers que les groupes de coordination du fédéral.

M. Leduc: Bien oui!

Mme Harel: Le ministre n'a pas l'air...

M. Leduc: Non.

Mme Harel: ...d'en convenir. Alors, chose certaine, donc, vous ne touchez pas les 40 %.

M. Leduc: Mais non.

Mme Harel: Vous n'en touchez que 10 %.

M. Leduc: Oui.

M. Bourbeau: 25 %.

Mme Harel: Ils en touchent 25 %?

M. Leduc: Le MESS.

Mme Harel: Le MESS. Ah bon, bon, bon!

M. Lupien: Les 25 %, c'est dans un cas bien particulier. C'est dans le dossier de la formation sur mesure seulement, qui vient du ministère. Et, là-dessus, il y a plus de 40 %, même, qui vont en encadrement, si on veut aller là, parce qu'il y a des pourcentages pour les autorisations spécifiques qui sont conservés au niveau de ta main-d'oeuvre ou dans les CFP. On ne sait pas trop où ils vont.

Mme Harel: Bon. Je termine, M. le Président, en disant à nos invités: N'abdiquez pas. Même si vous pouvez partir avec un sentiment de ne pas avoir été entendus ou écoutés, dites-vous bien que ce n'est pas possible que ça ne fasse pas son chemin. Je vous remercie.

M. Leduc: C'est nous qui vous remercions.

M. Bourbeau: M. le Président, oui, je vais prendre une minute pour faire le mot de la fin parce que je dois revenir sur un point. Je vous ai entendu tantôt dire que ce n'était pas correct, enfin que ça ne fonctionnait pas bien que

vous fassiez l'évaluation des besoins et la CFP aussi; double emploi. Et, évidemment, le langage que vous tenez, c'est que c'est préférable que vous fassiez l'évaluation des besoins, le service à la clientèle, le suivi, etc.

Moi, l'expérience que j'ai dans le monde des affaires - puis ça comprend à peu près tout - c'est que ce n'est jamais très bon de faire faire le devis par le même qui donne le service après coup, et encore moins par celui qui fait l'évaluation après. J'aime autant faire faire le devis par une tierce personne compétente, qui va être capable, après ça, de juger de la qualité de la formation donnée, que de mettre - vous parliez de conflit d'intérêts tantôt; on peut en parler, là - le même fournisseur de services à faire le devis, la soumission, l'enseignement et l'évaluation. Si on a des gens qui sont très honnêtes, très compétents et qui ont exactement ce qu'il faut, ça peut très bien marcher, mais c'est un système qui, au départ, à mon avis, est très dangereux. Je continue à penser qu'on est bien mieux de faire faire les devis par la CFP, par les experts de la CFP qui ne sont pas, eux, en conflit d'intérêts, qui sont probablement mieux capables de juger après coup. Voilà!

Mme Harel: Vous avez une réponse à ça, oui?

Le Président (M. Philibert): Alors, très, très rapidement.

M. Campagna: Seulement là-dessus, dans le fond, ce que vous dites, c'est que l'intermédiaire, la CFP, joue le rôle d'arbitre; à ce moment-là, il y a plus de chances que ce soit juste. Nous, ce qu'on dit, dans le fond, c'est que les lois du marché peuvent aussi faire ce travail-là. Si nous desservons mal l'entreprise où on forme la main-d'oeuvre, elle ne sera pas satisfaite, elle ne reviendra pas. Ça n'empêche pas...

M. Bourbeau: Je comprends.

M. Leduc: Ce que j'ajoute, c'est que, dans les faits, c'est ce que nous faisons.

M. Bourbeau: Pendant ce temps-là, elle a perdu son temps et son argent, cependant, si ça arrive.

Mme Harel: Sauf que si c'était l'entreprise qui finançait, moi, je peux vous dire qu'elle n'aimerait pas bien bien ça financer un intermédiaire.

M. Bourbeau: Oui, mais elles vont le savoir après, cependant.

Mme Harel: Ce qu'on peut souhaiter de mieux, c'est qu'un jour l'entreprise soit obligée d'en mettre un peu plus qu'elle n'en met; mais, à ce moment-là, elle aura, elle, la possibilité d'aller choisir.

M. Leduc: De toute façon, madame, c'est nous qui le faisons, le devis de formation; c'est nous qui faisons le suivi; c'est nous qui faisons la formation et les gens sont très satisfaits.

M. Campagna: Sont très satisfaits. Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Philibert): Alors, sur les savants propos de chacun et chacune, je vous remercie, d'abord, de votre participation à la commission parlementaire...

M. Leduc: Je vous en prie.

Le Président (M. Philibert): ...et je vous invite à vous retirer, de telle sorte qu'on puisse recevoir l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement.

M. Leduc: Merci.

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire; le gouvernement, le ministre, a 20 minutes pour vous questionner, de même qu'il y a 20 minutes pour l'Opposition.

Avant de débuter, j'aimerais que vous nous présentiez votre porte-parole et que ce porte-parole là nous identifie les personnes qui l'accompagnent.

Association québécoise des organismes

régionaux de concertation

et de développement

Mme Griffin (Paulette): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Mon nom, d'abord, c'est Paulette Griffin. Je suis présidente de l'AQORCD. Parmi les personnes qui sont avec moi aujourd'hui, vous avez M. Jean Morasse qui est vice-président du CRD de l'Estrie...

Une voix: Directeur général.

Mme Griffin: ...directeur général, pardon, de l'Estrie...

Une voix: Mauricie-Bois-Francs.

Mme Griffin: ...c'est vrai, Maurice-Bois-Francs, je m'excuse; M. Gilles Gagné, qui est de la région de l'Outaouais; M. Janvier Cliche; Janvier est bien de l'Estrie, du CRD de l'Estrie,

et M. Normand Thériault, qui est le directeur général de l'organisme que je représente.

L'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement remercie chaleureusement la commission des affaires sociales d'avoir accepté de recevoir ses porte-parole pour entendre son point de vue sur l'énoncé de politique «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et le projet de loi 408. (15 h 30)

II est utile de rappeler aux membres de cette commission que l'AQORCD regroupe la plupart des organismes régionaux de concertation et de développement antérieurement connus sous le vocable de «CRD», lesquels poursuivent des objectifs de développement. Leur «membership» comprend l'ensemble des intervenants politiques et socio-économiques de leur région.

M. le Président, quand nous avons pris connaissance de cet énoncé de politique sur l'orientation à privilégier pour l'accroissement des compétences de la main-d'oeuvre québécoise, nous avons été heureux de constater qu'il s'appuyait fondamentalement sur la participation de tous les partenaires concernés par ces préoccupations. Le premier mot du titre de l'énoncé nous envoie d'ailleurs un message non équivoque à cet égard.

Dans sa lettre de présentation, le ministre Bourbeau souligne également l'importance de travailler en partenariat. Puis, à la fin de cette même lettre, le ministre formule le souhait que cet énoncé donne lieu à un débat public au Québec, que sa publication soit l'occasion pour les personnes et les groupes qui interviennent directement ou indirectement sur le marché du travail de s'interroger sur les défis qui se posent à l'économie du Québec. C'est ce que nous sommes venus faire ici aujourd'hui. En effet, il nous est apparu important de participer à ce débat public pour exprimer à la fois nos satisfactions et nos désaccords.

Avant d'aborder le contenu de notre mémoire, permettez-nous une petite parenthèse pour signaler au ministre Bourbeau que nous avons fermement appuyé la démarche du Forum pour l'emploi, dont nous sommes l'un des partenaires, dans sa proposition de rapatrier d'Ottawa tous les pouvoirs en matière de développement de la main-d'oeuvre.

Revenons maintenant à la présentation de notre mémoire. Dans un premier temps, nous allons faire part de notre appréciation de l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif». Dans un deuxième temps, nous allons identifier et commenter les articles du projet de loi 408 qui, d'une part, sont contradictoires avec l'esprit de l'énoncé de politique et, de l'autre, ne se situent pas dans l'esprit d'un sain partenariat gouvernement-régions. À ce sujet, notre message est très clair. Nous ne pouvons accepter qu'au nom d'une plus grande efficacité les régions du Québec se voient retirer des pouvoirs qu'elles détiennent présentement dans les commissions de formation professionnelle pour les confier à la future Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Le gouvernement peut compter sur notre appui pour rapatrier d'Ottawa tous les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre, mais il doit s'attendre à une opposition très vive de notre réseau s'il entend en rapatrier d'autres qui sont présentement gérés par les régions du Québec. Il est à noter à cet égard que toutes les commissions de formation professionnelle sont membres de notre réseau d'organismes régionaux et y jouent un rôle des plus significatifs dans chacune des régions du Québec.

Le développement régional et le développement de la main-d'oeuvre. Un énoncé de politique satisfaisant. À la page 46, l'énoncé de politique propose: «Une imbrication des politiques et interventions en matière de main-d'oeuvre avec celles du développement régional pour le développement de l'emploi.» Et le texte poursuit: «Pour que le partenariat en matière de main-d'oeuvre prenne toute sa signification, il faut qu'il s'exerce avec le plus grand dynamisme dans chaque région.» Voilà des propos d'une grande justesse et des plus prometteurs pour réaliser la symbiose souhaitée entre le développement régional et le développement de la main-d'oeuvre. C'est dans cet esprit, d'ailleurs, que notre réseau d'organismes régionaux a travaillé avec celui des commissions de formation professionnelle pour réaliser les forums régionaux préparatoires à la tenue du Forum pour l'emploi en 1990 et les divers travaux ou activités de suivi qui, depuis ce temps, découlent de cette initiative.

Nous souscrivons également au contenu des divers éléments de problématique sur la question de l'emploi en région, tel que formulé aux pages 46 et 48 de l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Particulièrement, au dernier paragraphe de la page 47, nous adhérons totalement à l'énoncé suivant: «En disposant d'un mandat élargi, non seulement à la formation professionnelle mais à l'ensemble des questions relatives à la main-d'oeuvre, les sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre vont, de toute évidence, devenir le lieu de convergence des informations, projets et interventions dans ce domaine.»

En conclusion, au chapitre 3.2.3, à la page 48, le document étale en quatre points les intentions gouvernementales relativement au rôle que devraient jouer les sociétés régionales. Nous tenons à exprimer notre appui ferme en faveur de ces intentions et en particulier pour les deux premières qui se lisent comme suit: «...confier aux sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre la responsabilité de coordonner les diverses actions régionales de concertation en

faveur du développement des compétences et de l'équilibre du marché régional du travail; accorder aux sociétés régionales le pouvoir de déterminer elles-mêmes la priorité à accorder aux projets de main-d'oeuvre élaborés par les organismes locaux et régionaux dans le cadre des exercices de coordination et de planification du développement régional.»

Cette dernière intention, d'ailleurs, va dans le sens de la nouvelle politique de développement régional adoptée par le Conseil des ministres en décembre dernier. En effet, il est prévu dans cette politique que l'exercice de planification stratégique, dont la maîtrise d'oeuvre est confiée aux instances régionales, associe tous les intervenants impliqués dans le développement socio-économique régional. En ce sens, notre association est satisfaite des orientations et intentions gouvernementales contenues dans l'énoncé de politique: «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif».

Cependant, il en va tout autrement du projet de loi 408 sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui s'éloigne, parfois de façon substantielle, des orientations retenues dans l'énoncé de politique.

Un projet de loi inquiétant. Les membres de la commission des affaires sociales comprendront notre inquiétude face au projet de loi 408. En effet, une lecture attentive du contenu des divers articles de ce projet de loi permet de se rendre compte qu'il ne respecte pas toujours les orientations et intentions formulées dans l'énoncé de politique. On y découvre, de plus, que des mesures importantes ont été tout simplement ignorées.

Compte tenu de nos préoccupations, nous avons choisi d'examiner de façon plus particulière un certain nombre d'articles du chapitre III qui portent sur la composition et le rôle des sociétés régionales et des conseils régionaux.

L'article 31 stipule que «la Société établit, à l'intérieur de sa structure, une entité pour chacune des régions que le gouvernement détermine». Ainsi donc, ce type de formulation ne permet pas d'entrevoir que toutes les régions disposeront d'une société régionale. Qu'une région soit privée de sa société régionale, il s'agirait là d'un accroc important au principe de l'équité interrégionale. L'article 31 ne dit pas non plus que les limites territoriales de chacune des 16 régions administratives seront respectées comme le gouvernement s'est engagé à le faire par décret en 1987. De plus, il nous apparaît essentiel que les sociétés régionales soient dotées d'un conseil d'administration dans chacune des régions administratives du Québec.

Les dispositions de l'article 33 relativement à la nomination du directeur de la société régionale devraient être modifiées dans le but de tes rendre davantage conformes à l'esprit de l'énoncé de politique. Par comparaison, il s'agit d'un net recul par rapport au pouvoir conféré aux régions par le ministère de la Santé et des Services sociaux de choisir le directeur des régies régionales. En effet, l'article 414 du projet de loi 120, sanctionné le 4 septembre 1991, stipule que «les membres du conseil d'administration d'une régie régionale nomment le directeur général de la régie». Il est également important de savoir qu'en vertu de l'article 419 du même projet de loi les membres du conseil d'administration d'une régie régionale sont élus par une assemblée régionale. Pour l'AQORCD, il est impératif que ce modèle soit retenu pour la mise en place et le fonctionnement des sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre.

L'article 35 stipule que le directeur régional d'une société est placé sous l'autorité de la société mère. En dotant chaque société régionale d'un conseil d'administration, comme nous le recommandons, il nous apparaît que cette disposition de l'article 35 deviendra caduque. La nouvelle formulation indiquera plutôt que le directeur d'une société régionale sera placé sous l'autorité de son propre conseil d'administration. Autrement, la tâche du directeur sera source de tensions inutiles compte tenu des attentes signifiées par un patron extérieur à la région et celles d'un conseil d'administration conscient des besoins immédiats de son milieu. Pour l'AQORCD, il est fondamental de confier à un conseil d'administration en région la responsabilité d'articuler la gestion de la société régionale.

À la place des conseils régionaux, l'article 37 devrait prévoir la constitution, en région, de collèges électoraux qui auraient pour mandat de désigner l'ensemble des membres d'un conseil d'administration d'une société régionale. Cette façon de faire serait plus respectueuse de l'objectif visé par l'énoncé de politique relativement au développement d'un partenariat démocratique entre les représentants des travailleurs, des patrons, du monde de la formation et du gouvernement.

L'article 44 évacue le mandat le plus significatif suggéré par l'énoncé de politique. En effet, à la page 41 de l'énoncé de politique, on peut lire que le conseil régional assumera, entre autres mandats, celui d'«établir les priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre». Sans ce mandat clé prévu pour les conseils régionaux, il est évident que le rôle des partenaires régionaux perd beaucoup de son sens. Si, par ailleurs, le gouvernement retenait notre proposition d'instituer un conseil d'administration pour la société régionale, c'est à ce dernier qu'il faudrait confier le mandat d'établir les priorités régionales.

Qu'il nous soit permis, en terminant, d'exprimer notre inquiétude relativement au contenu des articles 22 et 30 de l'actuel projet de loi. L'article 22 se lit comme suit: «La Société doit soumettre ses programmes à l'approbation du gouvernement et ne peut les modifier ou y

mettre fin sans une telle approbation. Elle doit, de plus, mettre fin à un programme existant à la demande du gouvernement.»

Autrement dit, la Société ne sera pas maître dans sa propre cuisine. Et, pour être bien certain que rien ne lui échappe, le gouvernement prévoit, à l'article 30, que «le ministre peut, dans le cadre des responsabilités et des pouvoirs qui lui sont confiés, émettre des directives portant sur les objectifs de la Société, ses orientations et l'exécution de ses fonctions. Ces directives doivent être soumises au gouvernement pour approbation. Si elles sont ainsi approuvées, elles lient la Société qui est tenue de s'y conformer.»

Entre cela et une tutelle permanente, nous ne voyons pas beaucoup de différence. Que dire, alors, des sociétés régionales qui relèvent de la Société dont les administrateurs sont choisis par le gouvernement? Sur ce dernier point, permettez-nous de suggérer que des membres des conseils d'administration des sociétés régionales puissent siéger au C.A. de la Société.

Si on additionne à ce pouvoir discrétionnaire la prérogative du ministre de nommer les membres des conseils régionaux de la main-d'oeuvre ainsi que la prérogative de la Société québécoise de nommer les directeurs régionaux des sociétés régionales, vous comprendrez qu'on ne s'identifie plus beaucoup à ces sociétés régionales ou, peut-être davantage, que ces sociétés régionales risquent de se sentir peu d'attache avec leur région respective. C'est un écueil sérieux qui a de fortes teintes de centralisation.

Nous formulons, en terminant, le souhait que la commission des affaires sociales examine attentivement le projet de loi 408 à la lumière de nos commentaires et suggestions.

Recommandations. Dans le respect des partenaires régionaux, l'AQORCD formule les recommandations qui suivent:

Que le gouvernement revoir en bonne partie la formulation du projet de loi 408 en respectant le plus possible la philosophie et l'articulation de son propre énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre au Québec;

Que le gouvernement dote chacune des régions administratives du Québec d'une société régionale de développement de la main-d'oeuvre;

Que chaque société régionale soit dotée d'un conseil d'administration dont les membres sont désignés par des collèges électoraux;

Que le directeur de la société régionale soit désigné par le conseil d'administration de la société régionale et qu'il relève de ce conseil;

Que le mandat d'établir les priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre ainsi que tous les autres mandats prévus pour les sociétés régionales, à la page 41 de l'énoncé de politique, soient confiés au conseil d'administration de la société régio- nale, (15 h 45)

Que le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle fasse preuve d'une plus grande transparence face à la future Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, lui laissant une totale autonomie en termes de définition d'orientations, d'objectifs et de programmes. À notre avis, l'intervention ministérielle ne doit pas se situer au niveau des opérations mais au niveau de l'évaluation des résultats;

Que le gouvernement prévoie la participation de représentants des régions au conseil d'administration de la Société dans le but de permettre à cette dernière de recevoir un éclairage direct sur les réalités régionales. Cette ouverture d'esprit à l'égard des partenaires régionaux nous apparaît indispensable au sujet de la réforme proposée.

En conclusion, l'AQORCD estime que le développement de la main-d'oeuvre au Québec doit, de plus en plus, s'appuyer sur l'expertise régionale et locale. À nos yeux, cette expertise confère aux intervenants des régions un pouvoir encore plus important que celui d'un gouvernement qui intervient avec des capitaux pour l'implantation de nouvelles structures régionales qui ne correspondent pas aux besoins et aspirations de ceux et celles à qui on les destine.

À ce sujet, nous invitons, de plus, à prendre en considération ces quelques paroles du ministre Gil Rémillard en réplique au président du CRCD du Saguenay-Lac-Saint-Jean, M. Jean Wauthier, devant la commission Bélanger-Cam-peau: «...ce témoignage éloquent d'exiger la reconnaissance du développement économique régional fondé, non pas seulement sur une déconcentration, mais sur une décentralisation», parce qu'on confond malheureusement trop souvent les deux choses. Lorsqu'on crée un bureau en région, on pense qu'on décentralise, alors que, finalement, c'est la Grande Allée qui prend la décision.

Nous concluons en rappelant cet énoncé que notre conseil d'administration proposait à la réflexion des invités du congrès de l'AQORCD en 1990: «La concertation permanente entre le gouvernement du Québec et les régions est essentielle dans la définition des grandes politiques nationales ayant une incidence sur le développement régional.»

Je vous remercie de nous avoir entendus.

Le Président (M. Philibert): Merci, madame. Maintenant, nous passons à la période de questions. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il est intéressant de voir que l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement, communément appelée l'AQORCD,

a jugé bon de venir faire connaître son point de vue sur l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Nous avons voulu, dans le document d'orientation que nous avons présenté, tenir compte, justement, de cet aspect très important de la question que constitue la politique de développement régional. Et c'est pourquoi nous avons maintenu cette dimension régionale de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il y a des organismes qui sont venus ici et qui nous ont demandé de se construire une société sur une base sectorielle plutôt que régionale, de faire des sociétés sectorielles. Alors, on aurait pu avoir une Société québécoise et, sous la Société québécoise, on aurait eu le secteur du vêtement, le secteur de l'automobile, le secteur des pâtes et papiers. On aurait eu des sociétés sectorielles de la main-d'oeuvre plutôt que des sociétés régionales de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas notre intention de modifier le document dans ce sens-là.

Il est très important qu'on soit en mesure de faire l'estimation des besoins et d'établir les priorités régionales à tout coup. Le marché du travail est un marché qui varie beaucoup d'une région à l'autre; ce n'est pas vrai que le marché du travail du Saguenay-Lac-Saint-Jean est le même que celui de l'Outaouais ou que celui du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Donc, il faut être en mesure d'avoir sur place un organisme qualifié, compétent, qui soit capable d'identifier les besoins réels de chacune des régions du Québec, d'adapter les programmes aux réalités de la région et de faire en sorte que les fonds publics dont la société régionale disposera puissent être utilisés pour influencer la formation de la main-d'oeuvre ou diriger la main-d'oeuvre vers les secteurs en pénurie, par exemple, ou en développement. C'est l'objectif recherché. Et, dans ce sens-là, je pense que la proposition que nous avons devant nous est susceptible de faire en sorte que l'on puisse tenir compte réellement des besoins des régions.

Maintenant, vous nous faites un certain nombre de suggestions quant à des amendements à apporter à la composition des sociétés régionales, au mode de nomination des membres, aux pouvoirs, etc. Ça, bien sûr, c'est ouvert à discussion. C'est ouvert pour une discussion qui, j'en suis convaincu, sera constructive.

Mais j'avais l'intention de vous poser une question. Vous souhaitez que les membres soient nommés à partir de collèges électoraux choisis, formés localement, régionalement, mais j'avais l'intention de vous demander cette question-ci: En quoi le fait que ce soit le gouvernement qui nomme les membres des conseils régionaux à partir des bassins de partenariat qui sont identifiés - le patronat, les syndicats et le gouvernement - en quoi ce mode de nomination contrevient-il à l'objectif de développement régional?

Mme Griffin: Bon. Moi, si je regarde un petit peu ce que les régions craignaient dans cette façon de faire, c'est que - on ne dit pas que ça se ferait - il y aurait une chance peut-être qu'on arrive à ce qu'il y ait un petit peu de paternalisme là-dedans ou des nominations qui seraient faites là peut-être partisanes un petit peu. Actuellement, il y a un danger. On craint ça. Ça ne veut pas dire que ça se ferait, mais il y a un danger qu'il y ait un petit peu de partisanerie là-dedans. Peut-être qu'il y aurait des nominations excellentes qui seraient faites et peut-être aussi qu'il y aurait des nominations qui seraient faites où ce n'est pas sûr que ce serait la bonne personne qui serait «priorisée» en région pour siéger sur ce conseil. Tandis que, si ce sont des gens de la région, à partir de différents secteurs qu'on pourrait «prioriser»... L'enseignement, tantôt, on y faisait allusion; les universités, les cégeps, le monde du travail, les syndicats, différents groupes proposent des personnes. Je pense bien qu'ils vont aller chercher des gens qui ont des connaissances des besoins des milieux et aussi qui sont peut-être, d'une façon, moins prises ou moins rattachées aux gouvernements qui sont en place. Et là ce n'est pas nécessairement... Vous faites actuellement une politique de développement, toute la revue du développement ou de la formation professionnelle. Mais les gouvernements, ça change, des fois, alors que, quand c'est écrit, c'est écrit pour longtemps, souvent.

M. Bourbeau: En page 41 de l'énoncé de politique - d'ailleurs, vous le notez à la page 12 de votre mémoire - on dit que l'un des mandats, un des objectifs des sociétés régionales sera «d'établir les priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre». C'est en haut de la page 41, le deuxième sous-paragraphe: «...établir les priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre».

Vous nous dites, en page 12 de votre mémoire, que l'article 44 du projet de loi évacue ce mandat-là. Alors, je vous demande, moi, en quoi l'article 44 signifie-t-il que nous abandonnons le mandat des sociétés régionales d'établir les priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre?

M. Thériault (Normand): C'est que, tout simplement, M. le ministre, on ne retrouve pas, dans les six alinéas de l'article 44, le mandat qu'on retrouvait, comme vous dites, à la page 41. La page 41 disait: «...établir les priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre». Ça, ça nous apparaît fort intéressant, dans l'énoncé. Et on ne le retrouve pas dans...

M. Bourbeau: Je pourrais attirer votre attention sur l'article 43 du projet de loi. Est-ce que vous avez le projet de loi devant vous?

M. Thériault: Oui.

M. Bourbeau: Pourriez-vous lire l'article 43?

M. Thériault: Oui, on dit très bien: «Un conseil régional détermine les orientations et les priorités de la société régionale». Mais, M. le ministre, il le restreint à «la gestion des programmes et de ses ressources, dans le cadre des politiques et des règlements de la Société». Donc, il lui enlève beaucoup de force; ça le rend dépendant de ce qui sera déterminé au central. Ça veut dire, à ce moment-là, que la marge de manoeuvre de la société régionale est drôlement restreinte par la formulation de l'article 43.

Dans son début d'énoncé, l'article 43 apparaît généreux, M. le ministre, mais, quand on le lit au complet, on découvre qu'il enlève beaucoup de choses.

M. Bourbeau: Je comprends ce que vous voulez dire.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Rimouski, vous avez demandé la parole.

M. Tremblay (Rimouski): Oui. Alors, Mme la présidente, je vous remercie d'être venue à cette auguste assemblée nous présenter votre rapport, au nom de la formation que vous représentez, c'est-à-dire du regroupement des CRD, si je peux m'exprimer ainsi, des comités régionaux de développement.

Vous connaissant comme étant une dame très impliquée dans notre milieu régional du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, ayant affaire à vous régulièrement, Mme Griffin, votre appréhension au sujet des fameuses sociétés régionales, au sujet de la nomination des personnes qui y participeront, je ne sais pas jusqu'à quel point elle est bien préoccupante, dans ce sens que, que ce soient les organismes ou les conseils électoraux régionaux qui les nomment ou que ce soit le gouvernement - suite à des recommandations, je présume, du milieu - finalement, ça va être le même monde. C'est-à-dire que nous pourrons avoir dans nos régions au moins un conseil régional de la main-d'?uvre et, déjà, je pense que c'est un pas énorme dans la bonne direction. Moi, en tout cas, je ne sais pas jusqu'à quel point votre appréhension pourrait être retenue.

Vous semblez être très soucieuse de ne pas politiser ces nominations-là. Mais, moi, le vécu que j'ai dans ma région me dit ceci ou me laisse entendre que, quand c'est le gouvernement qui les nomme, ce n'est pas bon puis que, quand c'est les organismes régionaux, c'est bon. Mais, des fois, quand on regarde à l'exercice, peut-être que c'est aussi bon que ce soit le gouvernement qui les nomme que le milieu régional parce que, finalement, on a les mêmes buts, les mêmes objectifs. On veut que la formation professionnelle dans nos régions soit une préoccupation régionale, et ce sont les gens du milieu qui vont la faire à partir de l'inventaire de la main-d'oeuvre, d'une part, des besoins de formation de la main-d'oeuvre, et ces gens-là, dans une espèce de conseil qui sera formé, décideront des orientations.

Mme Griffin: Moi, M. le député Tremblay, je suis contente de votre question. C'est sûr que ce n'est peut-être pas ma préoccupation première dans ma région. Mais, moi, ici, aujourd'hui, je représente quand même les régions du Québec et, dans certaines régions, il y a des préoccupations. Quand vous mentionnez que ce seraient des nominations à partir de recommandations des gens de la région, au fond, ça pourrait ne pas être si mal, mais on ne le voit pas là-dedans, on ne lit pas ça là-dedans. On ne lit pas qu'il pourrait y avoir des gens de la région, qu'on recommande des personnes et, après ça, que le gouvernement fait les nominations. Le résultat: le gouvernement donne la réponse. Ça, là-dessus, ce serait bien.

M. Tremblay (Rimouski): On est au moins sûr d'une chose, que ce seraient des gens de la région, sur ce côté-là. Vous êtes d'accord?

Mme Griffin: Oui, Gilles.

M. Gagné (Gilles): En fait, pour, justement, que les deux parties soient satisfaites, je pense que {es régions peuvent, à ce moment-là, avec des collèges électoraux, désigner des personnes. Mais le gouvernement, après, a la prérogative de les nommer à partir de ceux qui ont été désignés. Je pense que les deux parties, que chacun est respecté dans la démarche.

M. Tremblay (Rimouski): Autre chose, au sujet de l'article 43. Vous semblez dire que les sociétés régionales auront un pouvoir restreint et que le ministre aura un pouvoir discrétionnaire de décider des grandes politiques. Mais, quand on regarde - je ne sais pas, moi, si je me place du côté gouvernemental et, forcément, je suis obligé de le faire - si on ne veut pas avoir, s'il y a 16 régions administratives, 16 modes de fonctionnement différents, je pense que ça prend une espèce de coordination en haut lieu. Le pouvoir discrétionnaire du ministre viendra, à un moment donné, chapeauter tout ça. Il pourra y avoir des particularités régionales, et c'est bien ainsi, mais, moi, je pense que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être maintenu. Si on veut, à un moment donné, dans une région, pour toutes sortes de raisons, s'écarter d'une formation et vouloir répondre aux besoins de la formation dans les régions, je pense que le ministre, à ce moment-là, devrait intervenir puis dire: Minute! Ce n'est pas comme ça que la formation va se donner. Je pense que c'est un pouvoir qui est en bout de ligne. Il ne sera peut-être jamais utilisé,

mais c'est bon de l'avoir parce que le gouvernement doit avoir une espèce de vue d'ensemble de la formation qui se donne dans la province de Québec. Je ne sais pas si l'article 43... En tout cas, moi, je pense qu'il est acceptable dans sa formulation actuelle. (16 heures)

M. Thériault: Si vous me permettez, M. le Président, je vais répondre à ce questionnement-là. Il est bien clair qu'on ne s'est pas prononcé dans notre mémoire contre tout pouvoir aux mains du ministre. Ça, c'est bien clair qu'on reconnaît qu'une coordination au niveau de l'ensemble du Québec est fondamentale. On n'en est pas là-dessus. Ce qu'on reconnaît au ministre et à la société mère, qu'on appelle, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, c'est de déterminer les grands objectifs de formation pour tout le Québec. Mais, à partir du moment où on confie à des instances régionales certains mandats, je pense qu'il est important de bien spécifier que le mandat d'une société régionale, c'est d'établir les priorités de sa région et, tel que formulé, en tout cas... On le retrouvait dans l'énoncé de politique, il n'y a pas de problème. C'est pour ça que, quand on en a pris connaissance, on l'a partagé, nous autres, on a dit: Bien, bravo! On trouvait l'énoncé de politique tellement intéressant qu'on se disait: Bien, ce n'est peut-être pas la peine d'aller à cette commission parlementaire. Mais, quand le projet de loi est débarqué, je vous jure qu'on a changé d'avis. On s'est consultés et on s'est dit: Bien, il y a quelque chose à faire là parce qu'on a l'impression que ça ne concorde pas.

Donc, l'article 43, on trouve qu'il est effectivement restrictif. Il ne reconnaît pas à la société régionale le privilège de déterminer ses priorités, mais toujours en fonction des grandes orientations et objectifs formulés par la société mère et, ultimement, le ministre. Ça, on ne conteste pas ça. Ça, c'est clair.

M. Tremblay (Rimouski): Moi, je m'imagine un peu comment ça va fonctionner. Il y aura nécessairement la Société nationale, la société qui sera québécoise, et il y aura les sociétés régionales. Mais ça va être le principe des vases communicants; ces gens-là vont communiquer. Puis il y aura les particularités régionales. Mais il faudra bien qu'il y ait une espèce de coordination provinciale de tout ce beau monde pour pouvoir avoir une action la plus concertée possible dans le développement de la main-d'oeuvre et la formation de la main-d'oeuvre. C'est un peu comme ça que je le vois, moi.

Le Président (M. Philibert): M. Gagné.

M. Gagné: Oui, merci. Je pense qu'il y a deux niveaux. Il y a, bien sûr, une concertation provinciale au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, mais il y a aussi une concertation qui est absolument nécessaire en région...

M. Tremblay (Rimouski): Ah! forcément.

M. Gagné: ...surtout quand on mentionnait, avec la nouvelle politique... pas la nouvelle politique, mais, disons, la nouvelle régionalisation qui s'amorce, entre autres avec la réforme de M. Picotte... La question de la main-d'oeuvre devient très importante en fonction des priorités que la région se donne. Au fond, ce qu'on dit, c'est que la région doit avoir la marge de manoeuvre suffisante pour bien arrimer ses priorités de développement économique, entre autres, avec, en complément, une formation de la main-d'oeuvre qui va suivre, c'est-à-dire que ça va pouvoir permettre, justement, une planification vers du développement et non pas, des fois comme ça se fait, une planification par rapport au passé.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien, M. le Président. Moi, ça me suffit, mais soyez assurés que je vais vérifier avec M. le ministre si, vraiment, l'article 43 ne lui donne pas trop de pouvoirs, mais juste assez pour pouvoir intervenir.

Le Président (M. Philibert): M. le député de Rimouski, merci. Est-ce que vous aviez demandé la parole, M. le député de Deux-Montagnes?

M. Bergeron: S'il vous plaît, oui.

Le Président (M. Philibert): Très rapidement, il nous reste une minute.

M. Bergeron: Très bien, M. le Président. Madame, il y a quelque chose qui m'a chicoté un petit peu, un peu ce que le député de Rimouski a dit tout à l'heure, à savoir que, si c'était nommé par le gouvernement, bon, ce n'était peut-être pas la fin du monde. Et vous avez dit que vous auriez plus d'assurance, parce que vos nominations seraient probablement meilleures, si elles étaient faites au niveau régional. Ça, je ne suis pas convaincu de ça, moi. Ce que je veux dire, c'est parce que, habituellement, lorsqu'il y a un choix à faire, souvent il y a des batailles qui se font, et c'est tout à fait normal, et, souvent, ce n'est pas la meilleure personne qui est choisie.

Une voix: Ça dépend.

Mme Griffin: Moi, je ne pense pas avoir dit - en tout cas, on verra un peu plus tard - que c'est les meilleures si vous nommez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Griffin: Je n'ai pas dit que c'étaient les meilleures.

Une voix: C'est plus démocratique.

M. Bergeron: C'est parce que vous avez dit: Les bonnes personnes. Moi, j'ai écrit: Les meilleures.

Mme Griffin: C'est peut-être plus démocratique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bergeron: Vous, vous avez dit: Les bonnes personnes.

Le Président (M. Philibert): Rapidement, s'il vous plaît! Le temps passe. Si vous voulez conclure rapidement.

Mme Griffin: C'est peut-être, en tout cas pour nous autres, un petit peu plus démocratique. On peut choisir... En tout cas, il reste qu'en région, si on veut développer à partir des problèmes, on vit en région, on les connaît, on les vit tous les jours; on a le quotidien. On connaît aussi les gens qui sont prêts à faire des choses dans nos régions. On a des ressources en région capables de développer et de nous aider à faire des choses. Bien sûr que, les connaissant, on peut vous en suggérer. C'est ce qu'on voudrait, au fond, vous en suggérer. Qu'il y ait une nomination par après...

Une voix: Pas de problème.

Mme Griffin: ...pas de problème là-dessus. puis vous pouvez nous en suggérer et c'est ensemble qu'on pourrait peut-être les nommer aussi.

Le Président (M. Philibert): Alors, sur ces lumières, je cède la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous saluer, Mme Griffin, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, de l'AQORCD. En vous écoutant, je me suis rappelé quel sentiment de perte était ressenti en région du fait que les CFP actuelles sont des corporations au sens du Code civil, ont leur propre assemblée générale, élisent leur conseil d'administration qui choisit leur directeur général. Là, on en est à se demander si, éventuellement, les personnes qui seront nommées par le ministre - vous savez que celui-ci... Et, comme vous l'avez si bien dit, les lois ne sont pas que pour les parrains qui les font adopter. Alors, elle vaudra pour ses successeurs et, à ce moment-là, on en est à se demander si, hypothétiquement, ils feront les bons choix. Mais il y a une réalité qui est incontournable, c'est que ce n'est plus la région qui va faire son choix. Alors, ça, c'est une réalité qui nous amène aussi à un autre constat.

Je comprends difficilement l'intervention de mon collègue, le député de Rimouski, qui disait: La région va avoir au moins un conseil régional de la main-d'oeuvre. Mais, actuellement, la région a une commission de formation professionnelle. Est-ce que la région est perdante ou gagnante? C'est une question que je pense pertinente. Le ministre, de son point de vue, ça fait des années qu'il a l'impression que les CFP font leurs quatre volontés, n'écoutent pas ce que...

M. Bourbeau: La députée de Hochelaga-Maisonneuve met des paroles dans ma bouche, M. le Président.

Mme Harel: Non.

M. Bourbeau: Je ne voudrais pas qu'elle me cite.

Mme Harel: Je ne cite pas.

M. Bourbeau: Je n'ai jamais dit ça, moi.

Mme Harel: II ne l'a pas dit, mais il le pense quand même.

M. Bourbeau: Ah bien! franchement, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Franchement! La députée de Hochelaga-Maisonneuve qui est avocate, M. le Président...

Le Président (M. Philibert): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: ...devrait savoir qu'on ne prête pas d'intention comme ça aux autres. Je demanderais à la députée de retirer ses paroles, M. le Président. Je m'inscris en faux. J'ai défendu les CFP tout à l'heure, envers et contre tous. Au contraire, M. le Président, mes paroles témoignent de ma pensée.

Mme Harel: De toute façon, je pense qu'on peut convenir d'une chose, le ministre lui-même va d'ailleurs en convenir, que, souvent, si ce n'est lui, du moins les gens de son ministère lui font valoir à quel point ce serait plus simple si... Lui-même en a déjà parlé, d'ailleurs, dans des commissions, que les CFP, on a beau leur envoyer des directives, ça n'écoute pas tout le temps, ces gens-là, en région.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: m. le président, pouvez-vous demander à la députée de hochelaga-maisonneuve de sortir les galées des endroits où j'aurais pu déclarer des choses aussi énormes. m. le prési-

dent, je m'inscris en faux. on me cite à tort et à travers, m. le président.

Mme Harel: Alors, écoutez, M. le Président...

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Harel: ...j'essaierai de les retrouver pour le bénéfice du ministre...

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Harel: ...mais on ne se reverra pas avant 10 jours. J'essaierai de les retrouver.

M. Bourbeau: La députée de Hochelaga-Mai-sonneuve pourrait se limiter à citer ses propres pensées et non pas celles du ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous plaît! En vertu du règlement, évidemment, on ne peut...

Mme Harel: II n'y a pas de règlement en commission, de toute façon, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Oui, enfin, mais j'essaie de m'inspirer de certaines règles qui vont nous permettre de continuer à faire en sorte que l'on puisse bénéficier des savants propos des gens qui sont nos invités.

Mme Harel: Très bien. De toute façon, j'ai une première question. Alors, je vous laisse réagir. Vous avez déjà une réponse, je pense.

Mme Griffin: si j'ai bien compris votre question, c'est qu'avec le nouveau conseil régional, bon, vous semblez dire qu'on va avoir une perte, comparativement à la cfp qu'on a maintenant, au niveau du service. c'est sûr que la commission de formation professionnelle, actuellement, a des pouvoirs, des pouvoirs de décision en région. elle a un budget et, quand elle décide qu'elle fait telle chose, elle ne consulte pas nécessairement les gens du milieu pour faire ça. il y a quand même des choses qui se font quand on en initie. c'est sûr que, là, on pourrait peut-être voir une perte. par contre, si on donne à notre conseil régional, à notre organisme régional de développement ou de formation de la main-d'oeuvre certains pouvoirs de décision et de recommandation, je pense que ça nous permet d'avoir, en tout cas, ce qu'on appelle chez nous, une espèce de poigne sur notre avenir, le développement de notre qualité de travail, de notre main-d'oeuvre, et on peut l'arrimer aux besoins régionaux.

Mme Harel: Mais ils vont rendre des comptes à qui?

Mme Griffin: On pourrait peut-être faire des choses.

Mme Harel: Ils rendraient des comptes à qui? Par exemple, je comprends et je souscris - je dois vous dire ceci, pour y avoir réfléchi depuis plusieurs semaines et en avoir discuté au niveau de ma formation politique - nous allons souscrire à ce que les conseils régionaux demeurent des corporations au sens du Code civil - vous savez toute l'implication que ça veut dire, ça - avec un conseil d'administration et le choix d'un directeur. On va souscrire à ça. Mais, dans votre structure, j'ai de la misère à... Là, vous dites: II faudrait qu'il y ait des pouvoirs - là, je vous suis - non seulement le pouvoir de gérer les orientations de la société mère, non seulement le pouvoir de définir des priorités régionales à l'intérieur - c'est ça, en fait, actuellement, le projet de loi - des orientations de la société mère. Alors, vous comprenez que les orientations de la société mère vont plus aller dans le sens sectoriel, et il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de lien organique non plus, contrairement à ce que le député de Rimouski croit, entre les gens qui vont siéger sur la société mère et ceux qui vont siéger... Même s'ils viennent du milieu des affaires, même s'ils viennent du milieu syndical, il n'est pas évident que, dans les régions, ce sera du milieu des affaires qui appartiennent aux mêmes associations que le Conseil du patronat ou l'Association des manufacturiers. Il est possible que ce soient des gens d'affaires en région qui n'appartiennent à aucune de ces associations patronales qui siègent à la société mère. Il est possible aussi que ce soient des représentants syndicaux - pensons à l'Alcan avec son syndicat indépendant - qui n'appartiennent pas à une centrale qui siège. Il n'y a pas de lien organique pour autant. Et, là, la question c'est: S'il y a plus de pouvoirs au niveau des régions - et ça, j'y souscris - si tous ces gens-là ne relèvent que du ministre, celui qui est en place ou celui qui va lui succéder, mais ils vont rendre des comptes à qui?

M. Thériault: Pour répondre précisément à votre question, je vous réfère aux recommandations 3 et 7 de notre mémoire. La recommandation 3 dit: «Que chaque société régionale soit dotée d'un conseil d'administration dont les membres sont désignés par des collèges électoraux». Ce que ça veut dire, c'est qu'on remplace les conseils régionaux par des collèges électoraux et le conseil d'administration de la société régionale, si vous voulez, devient une instance imputable. Donc, on maintient aussi le statut actuel des CFP qui ont un conseil d'administration, qui ont une assemblée générale, qui

ont un bureau de direction et qui ont une loi particulière les mandatant. Alors, on demande que cet acquis-là soit conservé via la recommandation 3. On aurait peut-être pu le formuler encore de façon plus claire, mais c'est l'esprit de notre recommandation 3.

Puis notre recommandation 7 dit: «Que le gouvernement prévoie la participation de représentants des régions au conseil d'administration de la Société», justement, pour que la Société soit sensibilisée aux besoins régionaux. Parce que, s'il y a seulement des représentants du sectoriel à la société mère, qui siègent là, on craint, et avec raison, je crois, que les préoccupations régionales n'y soient pas véhiculées, c'est-à-dire que la synthèse des préoccupations... Parce que, si vous prenez, secteur par secteur, les besoins de formation en main-d'oeuvre, ça peut être intéressant, mais il n'y a pas, comment dirais-je, de lien organique qui s'établit de cette façon-là. Puis, on pense qu'avec les représentants des régions à ce conseil d'administration de la société mère on viendrait corriger ce danger-là ou cette situation-là qui risque, évidemment, de perturber tous les besoins. Je ne sais pas si je réponds... Je crois que ça résume assez bien nos préoccupations là-dessus.

Mme Harel: Tout à fait.

M. Gagné: En fait, il y a aussi la dimension que, si c'est des corporations indépendantes puis qu'il y a une société mère, il faut quand même voir à ce moment-là le lien qui permet d'articuler ensemble des grandes orientations au niveau des politiques de main-d'oeuvre. Évidemment, en définissant très clairement les champs de compétence de chacun, en reconnaissant que, pour la société mère et, bien sûr, évidemment, pour le ministre, c'est des grandes orientations au niveau de la région, il faut quand même reconnaître à ce moment-là qu'en région on doit respecter ces grandes lignes là, et c'est dans cette mesure-là, au niveau des résultats aussi qui viennent s'ajuster avec chacune des régions, mais toujours dans le cadre d'une grande orientation provinciale. Puis il y a peut-être une autre dimension aussi, c'est par rapport aux comités sectoriels, parce que, là aussi, les comités sectoriels, ce n'est pas évident que... parce qu'il y a le central, mais le national, ce n'est pas nécessairement la même situation. C'est-à-dire qu'il peut y avoir des secteurs dont les industries sont un peu partout au niveau de la province, mais il faut s'assurer aussi que, dans les recommandations que ces comités-là feraient, les régions qui sont impliquées aient aussi un mot à dire, sinon, si ce n'est pas le cas, les recommandations que ces comités-là feraient, il faudrait qu'elles reviennent aussi dans des comités régionaux pour avoir l'avis et, là, la société mère pourrait refaire des recommanda- tions plus générales.

Mme Harel: Tel que rédigé dans le projet de loi, les comités sectoriels vont faire rapport à la société mère. La société mère, prenons ies pâtes et papiers, qui est un exemple d'actualité...

M. Gagné: Un peu partout, oui. (16 h 15)

Mme Harel: ...serait amenée, par exemple, à «prioriser» et, à ce moment-là, les budgets dans les régions, évidemment, devraient tenir compte de cette priorité de la société mère. Et, dans le contexte actuel, le directeur régional est le seul qui a un lien organique avec la société mère parce que, finalement, les conseils régionaux ne sont pas des conseils d'administration au sens strict, ce sont des comités-conseils qui conseillent le directeur. Mais, finalement, c'est le directeur, lui, qui rend des comptes à la société mère et le directeur de la région peut être tenté de voir sa carrière devant lui en étant plus attentif aux désirs de la société mère qu'à ceux de son comité-conseil qui, de toute façon, ne le choisit pas et devant lequel il n'a pas à rendre de comptes. C'est ça, dans le fond, que vous nous dites.

Mme Griffin: Oui, c'est ça.

Mme Harel: Et les CCR, les comités consultatifs régionaux, tels qu'ils existent actuellement, vous en pensez quoi?

M. Gagné: Oisons que les comités consultatifs en région jouent quand même un rôle assez important dans chacun des secteurs. J'imagine que ça peut être variable d'une région à l'autre, mais ces comités-là devraient pouvoir se poursuivre avec les changements annoncés avec la nouvelle politique parce que, justement, ça permet, pour chacun des secteurs, en tout cas, d'avoir un bon son de cloche de tous les intervenants. En fait, cette dynamique-là que la plupart, je pense, des CFP ont amorcée depuis quelques années, c'est une dynamique assez intéressante. Au fond, dans la mesure où on la formaliserait, c'est très important. Donc ça, lié peut-être, après ça, à des comités provinciaux, ça a peut-être aussi son importance, mais, pour chacune des régions, c'est très important aussi.

Mme Harel: Vous savez que certains porte-parole d'organismes qui ont une sorte d'assurance de siéger à la société mère sont venus dire au ministre de ne pas choisir, de ne pas nommer, plutôt, lui-même les membres des conseils régionaux, comme le prévoit la loi, mais de confier à la société mère le soin de nommer les conseils régionaux. C'était même encore, si vous voulez, la recommandation de M. Béland, du Mouvement Desjardins, qui occupait le siège que vous occupez, justement, hier après-midi. Alors,

la recommandation, c'était de dire que la société mère pourrait se charger de la nomination des conseils régionaux.

Mme Griffin: Moi, si je peux répondre à ça, en tout cas, la crainte qu'on aurait... Tout à l'heure, on disait qu'on ne voulait pas une nomination gouvernementale. Je pense qu'on aurait plus peur de l'autre encore, une nomination par la société mère. Ce serait une nomination à partir de fonctionnaires, j'imagine, et je n'ai rien contre les fonctionnaires, mais là je ne suis pas sûre...

Mme Harel: Attendez!

Mme Griffin: Je préférerais encore le gouvernement, je pense, dans ce cas-là.

Mme Harel: C'est des nominations, je suis contente de vous entendre là-dessus.

Mme Griffin: Là, ce n'est pas mieux.

Mme Harel: j'espère que ça se rend au ministre, la réponse que vous faites. mais ce ne sont pas des fonctionnaires à la société mère. ce sont...

Mme Griffin: Bien...

Mme Harel: ...et vous connaissez les organismes, essentiellement, ceux qui sont à la conférence permanente d'adaptation de la main-d'oeuvre: le conseil du patronat, le mouvement desjardins, la csn, la ftq, la csd. alors, vous préféreriez, à ce moment-là, encore plus la nomination ministérielle que celle de la société mère. c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Gagné: C'est parce que c'est centralisé encore à ce moment-là, et ce n'est pas ça qu'on dit. On dit que la démarche doit se faire en région.

M. Thériault: C'est le respect, en somme, des attentes régionales qu'on demande, parce qu'on les connaît, les gens en région, qui ont une expertise, que ce soit dans les secteurs ou à un niveau plus polyvalent. On les connaît les têtes d'affiche. Bon. Alors, on dit: On devrait les proposer, quitte à ce que le ministre, ensuite, nomme parmi ceux que l'on désigne ainsi. Puis, s'il y a des désaccords, il peut y avoir négociation. Mais, au moins, on a une poignée sur ce qui va se décider, parce que ces gens-là vont avoir des fonctions extrêmement importantes.

Mme Harel: En autant, évidemment, que le reste s'ensuit...

M. Thériault: Oui.

Mme Harel: ...c'est-à-dire le choix des orientations, le conseil, l'assemblée générale, et tout.

M. Thériault: Exactement. Mme Griffin: C'est ça.

Mme Harel: Très bien. Je vous remercie. Ah! peut-être une dernière remarque.

M. Morasse (Jean): Oui, je voulais faire juste un petit commentaire. Moi, je me réfère à la politique de développement régional que le gouvernement du Québec vient d'adopter, dans laquelle on exprime clairement la volonté du gouvernement dorénavant d'accompagner les régions dans leur développement et non pas d'être en avant. Je pense que l'esprit de cette loi-ci va un peu dans le sens inverse, c'est-à-dire que, dans un domaine où, avant, on avait passablement d'initiatives et de prérogatives, là on en aurait beaucoup moins. Donc, dans ce cas-là, le gouvernement ne serait plus accompagnateur, mais, je pense, plus direct if.

Le Président (M. Philibert): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Bourbeau: Je voudrais remercier les gens de l'Association qui sont venus nous rencontrer, les groupes de développement régional, en vous disant que la loi ne dit pas qu'il est interdit au ministre de consulter avant de faire ces nominations et que j'ai bien l'intention de consulter largement avant de faire les nominations.

D'autre part, j'aimerais vous informer que, dans le système actuel, c'est vrai que les CCR, les comités consultatifs régionaux, élisent les membres de la CFP, mais c'est le ministre qui nomme les membres du CCR dans le système actuel. Donc, ce qu'on propose, ce n'est pas un gros changement parce que, actuellement, on nomme tous les membres des CCR qui, eux, font les élections après. On pourrait très bien contrôler maintenant aussi, ce qu'on ne fait pas.

D'autre part, dans le système actuel encore, c'est le ministre qui contrôle la nomination des directeurs généraux des CFP, puisque, dans le processus de nomination, il y a un collège de trois, dont un est le sous-ministre adjoint du ministère et le deuxième, une personne nommée par le ministre. Alors, vous savez, il n'y a pas trop, trop de grands changements dans ce qu'on propose par rapport à la situation actuelle.

Mme Harel: Sauf la corporation au sens du Code civil...

M. Bourbeau: Exact.

Mme Harel: ...qui est fondamentale.

M. Bourbeau: Exact. C'est un changement.

Le Président (M. Philibert): Alors, le temps étant épuisé, je me permets de remercier les représentants de l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement et de leur souhaiter un bon retour. J'invite maintenant le groupe Intégration jeunesse du Québec inc.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant entendre le groupe Intégration jeunesse du Québec. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, que le ministre a 20 minutes pour vous questionner et l'Opposition, également 20 minutes.

M. Bourbeau: Pas le ministre, le parti ministériel. (16 h 30)

Le Président (M. Philibert): Le parti ministériel, effectivement, 20 minutes. Je vous invite maintenant à identifier votre porte-parole de même que les personnes qui l'accompagnent.

Intégration jeunesse du Québec inc.

M. Francoeur (Pierre): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Pierre Francoeur, je suis le directeur général d'Intégration jeunesse du Québec et je suis le porte-parole. Je suis accompagné de Mme Sylvie Baillargeon, qui est directrice de nos programmes d'apprentissage à Montréal, ainsi que de M. Martin Caron, directeur des programmes d'apprentissage à Québec.

Le Président (M. Philibert): Très bien. Allez-y pour la lecture de votre mémoire.

M. Francoeur: On n'en fera pas lecture, on vous le présentera succinctement, peut-être pour le rendre un peu plus vivant. Premièrement, je vais vous présenter Intégration jeunesse. On est une entreprise régie par la Loi sur les compagnies en vertu de la troisième partie. Nous sommes incorporés depuis 1980. Nous offrons des services à des jeunes adultes sans diplôme, sans qualification et sans emploi. L'ensemble des services que nous dispensons est sous un modèle qui est celui d'un concept de services intégrés d'accès au marché du travail. C'est-à-dire que bon nombre de jeunes se présentent chez nous sans diplôme, sans qualification et sans emploi et requièrent un coup de main pour intégrer le marché du travail; ils ont des expériences, ils ont des qualifications qui sont diverses. Nous avons implanté à Québec et à Montréal une gamme de services qu'on a intégrés, mais qui permettent à des jeunes, dans un même lieu, de recevoir une gamme de services. En lien avec l'expertise que nous avons développée depuis 1980, on a jugé bon de témoigner de ce que nous faisons, mais aussi de ce que l'avenir nous réserve dans la mesure où la Société sera créée.

Ce qui a attiré notre intérêt, c'est que la Société, lorsqu'on lit l'article 17 au deuxième paragraphe, veut embrasser large, c'est-à-dire veut, dans le fond, permettre à des individus d'amorcer une démarche d'intégration au marché dû travail jusqu'à cette conclusion-là et même, en emploi, de pouvoir obtenir un tel soutien de la Société en pouvant bénéficier de programmes de formation continue. Intégration jeunesse, de par son concept de services intégrés d'accès au marché du travail, préconise une telle approche. Par contre, compte tenu que la Société veut maximiser la force de la main-d'oeuvre québécoise, nous, on a un petit parti pris en faveur des sans-emploi, qui est notre niche - et, à ce titre-là, c'est pour cela que la corporation a été fondée, pour s'adresser à des gens sans emploi - et on veut attirer l'attention des gens ici présents, à savoir que, lorsqu'on parle d'une société, compte tenu qu'il y a des gens sur le terrain, y compris nous, qui dispensent des services à ces sans-emploi là et qu'il faudrait que ces sans-emploi là puissent aussi bénéficier d'une certaine visibilité, d'une certaine écoute, on recommande, à ce moment-là, qu'au sein de la Société il y ait des places réservées pour représenter les gens des organismes communautaires qui offrent des services directs aux sans-emploi; donc, on pense que c'est important. On considère que le modèle qui a été préconisé à ce jour, c'est un modèle qui relève davantage des relations du travail. On y est, on est d'accord dans la mesure où la clientèle potentielle, à ce moment-là, était déjà en emploi. Mais, si on veut s'adresser davantage aux sans-emploi, les gens qui interviennent principalement auprès d'eux, ce sont les organismes communautaires.

Ceci dit, un autre élément qu'on a jugé pertinent de signifier, c'est la flexibilité, c'est-à-dire que, nous, on intervient à tous les jours avec des gens à partir des programmes existants, des programmes qui sont issus du fédéral comme du provincial, et qu'il faut adapter les différentes règles de conduite de ces programmes-là, les adapter aux clients à qui nous nous adressons. On s'aperçoit souvent que l'intention est pure, mais, dans les faits, ça devient un peu plus étriqué, c'est-à-dire qu'on nous donne un certain nombre de moyens, mais on les rend tellement conditionnels qu'on perd toute la souplesse et, dans le fond, qu'on arrive à nous faire perdre le jugement dont on pourrait faire preuve pour aider les jeunes à mieux intégrer le marché du travail. Donc, ce qu'on souhaiterait, dans la mesure où la Société verra à édicter des politiques, c'est qu'elle donne l'élan, qu'elle donne le sens de ce qui devrait être fait, mais qu'elle laisse aux partenaires, qu'ils soient régionaux ou qu'ils soient prestataires des services, l'autonomie voulue pour faire preuve de jugement et adapter l'ensemble des règles de conduite. Par contre, tous les gens, qu'ils soient au niveau régional ou au niveau local, devront, bien sûr,

être imputables; on considère qu'on doit rendre des comptes, et ce, de la façon la plus transparente. Mais il faut, par contre, ne pas mêler les moyens et les résultats. Les moyens, ce sont les gens qui dispensent les services qui devraient être le plus en mesure de les évaluer.

Un autre élément qu'on aimerait signaler concerne la régionalisation. Intégration jeunesse intervient à Québec ainsi qu'à Montréal. Là, on veut faire peut-être un petit crochet par Montréal pour signifier que Montréal, c'est un petit peu particulier, en tout cas du moins ce qu'on vit, nous. Présentement, on souhaiterait avoir une société régionale pour l'île de Montréal, c'est-à-dire la Communauté urbaine de Montréal. On a lu le document du gouvernement du Québec concernant un redressement durable pour Montréal et, là, on englobe le Grand Montréal, qui comprend la rive sud, Laval... On considère que ce serait un territoire un peu trop vaste. Donc, on recommande que le conseil régional de Montréal relève davantage du territoire de la CUM.

Autre élément qui est une particularité de Montréal depuis quelque temps, c'est l'implantation de corporations de développement économique et communautaire à Montréal. Présentement, c'est tout feu tout flamme. Il y a des corporations qui ont le vent dans les voiles, d'autres moins. L'évaluation que nous faisons présentement des corporations de développement économique et communautaire à Montréal, c'est que où il n'y avait pas d'organisme qui dispensait des services directs, entre autres à des gens sans emploi, le besoin s'y est fait vivement ressentir et ce qui a été mis sur pied répond, semble-t-il, adéquatement aux besoins. Où les corporations de développement économique et communautaire ont plus de difficultés, c'est lorsqu'elles cherchent à se substituer à des organismes déjà existants. Nous, on a présentement un certain nombre d'indices, sinon de faits, qui nous permettent de voir que les CDEC, ce n'est pas nécessairement la solution idéale à propager à travers tout le territoire de Montréal. On fait une mise en garde à cet égard-là. Ce n'est pas parce qu'il y a un projet qui marche bien dans un quartier de Montréal qu'il faut nécessairement prendre ça et faire du mur à mur, loin de là. Donc, on a peur qu'à la rigueur les CDEC deviennent un autre lieu d'arbitrage. On considère que la société régionale devrait être l'entité où les gens nommés verraient à prendre les décisions pour adapter le tout à la région, mais ne pas créer des bureaux ou créer d'autres entités locales qui seraient encore des lieux de sous-arbitrage. Nous, sur le terrain, ce qu'on requiert dans le fond, c'est d'avoir des lignes directes avec les gens qui requièrent nos services et de ne pas s'empêtrer dans trop de médiations. Ce à quoi on se bute quotidiennement, c'est à des négociations constantes avec les différents responsables des différents programmes et on passe beaucoup de temps à cet égard. Donc, on apprécierait que la société régionale puisse, à ce moment-là, gérer le tout et de ne pas mettre trop d'intermédiaires entre elle et les gens sur le terrain.

Un dernier élément qu'on aimerait souligner, c'est la juridiction ministérielle. On dit que, présentement, la compréhension que nous avons et les faits sont qu'entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle il y a, en tout cas, certaines zones grises, pour le moins, et on souhaiterait que, peut-être, ces zones grises puissent être clarifiées avant la création. On ne veut pas retarder le processus de façon indue. Tout à l'heure, vous posiez la question, M. le ministre, aux gens des cégeps de la région de Montréal, leur demandant s'ils étaient en faveur de retarder le processus d'implantation pour tenir un débat sur la formation professionnelle. Je souscris à leur réponse en disant: Non, il ne faut pas retarder le tout, mais, par contre, il y a quand même une urgence de clarifier un certain nombre de choses, et, si cela n'est pas clarifié, vous risquez probablement de vous buter à des chicanes de clocher où certaines élites verront à tirer la couverte et, finalement, encore là, on va se retrouver sur le terrain avec des imbroglios qui vont pénaliser les clientèles qui devraient être desservies par de tels programmes.

Pour terminer, on aimerait aussi souligner que, dans notre petit mémoire on mentionne que, dans l'énoncé de politique, vous faites mention d'un régime d'apprentissage. À ma connaissance, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle travaille depuis plusieurs années, sinon plusieurs décennies, sur un concept de régime d'apprentissage et on trouvait un peu maigre ce qu'on retrouvait comme contenu dans l'énoncé de politique. Nous, on a développé, à Intégration jeunesse du Québec, un mode d'apprentissage particulier, un mode d'apprentissage qui s'adresse aux sans-emploi et, à cet égard-là, on pense qu'on a une formule qui n'est pas une formule européenne, mais qui est une formule qui peut quand même obtenir des bons résultats. On a une méthode qui est un mode d'alternance travail-études. Ce n'est pas l'alternance entre la précarité et le chômage. C'est l'alternance entre le travail et les études, c'est-à-dire permettre à des gens d'acquérir un bagage théorique au sein de notre organisation, valider le tout en stage et le tout en collaboration étroite avec les entreprises.

Tout à l'heure, M. le ministre, vous mentionniez aux gens, encore des cégeps, que, dans l'entreprise privée, vous préféreriez voir les gens, un tiers faire l'estimation des besoins, un tiers dispenser la formation et un autre tiers faire l'évaluation. On souscrit à cette approche-là. On pense que l'évaluation des besoins devrait être faite par les structures sectorielles. On pense que les entreprises regroupées dans des

structures sectorielles seraient les plus adaptées pour déterminer ces besoins-là, les organismes, comme nous, pourraient les dispenser et les évaluations pourraient être faites ultimement par les sociétés régionales. Mais nous, on croit fermement à un modèle de société où on développe des liens étroits avec les entreprises, et les liens que nous développons, ce n'est pas sur une base locale. Le développement de la main-d'oeuvre, c'est sur une base régionale et on pense qu'on peut développer, ce que nous avons fait à ce jour, des liens étroits avec les entreprises.

Pour conclure, je passerais la parole à ma collègue, Sylvie BaiHargeon, pour vous étayer un peu ce qu'on entend par régime d'apprentissage et quelles sont les limites, les avantages qu'on y voit. Si vous permettez, pour terminer notre allocution.

Le Président (M. Philibert): Mme BaiHargeon.

Mme BaiHargeon (Sylvie): Bonjour. Dans l'énoncé de politique, au niveau du régime d'apprentissage, on s'adresse principalement aux catégories de travailleurs qui sont déjà en emploi et qui sont régis par un certain nombre de règles au niveau des métiers, entre autres les métiers de la construction. Nous, la conception qu'on a du régime d'apprentissage à travers les programmes qui sont mis de l'avant et qui sont dispensés à Montréal et à Québec, c'est qu'ils sont axés, dans un premier temps, au niveau de la nouvelle main-d'oeuvre, donc des jeunes qui sont sans emploi, et qu'ils sont construits de façon à permettre aux gens d'acquérir des connaissances, de maîtriser des habiletés et d'obtenir un emploi qui est directement relié à leur formation. Donc, les programmes d'apprentissage sont construits en tenant compte des besoins et des particularités des jeunes sans emploi dans leur façon d'apprendre et aussi en tenant compte des qualifications professionnelles qui sont recherchées sur le marché du travail.

Il y a donc différentes caractéristiques qui définissent, je dirais, un peu le régime ou les programmes d'apprentissage, comment on les voit. C'est d'abord, effectivement, la question de l'alternance études-travail, le fait qu'ils puissent mettre en application directement les connaissances et les habiletés qu'ils ont acquises en formation, le suivi qui est fait en entreprise, donc les stages pratiques auxquels sont associées directement les entreprises et l'emploi, ce qui fait que les approches sectorielles qu'on a développées avec les entreprises avec lesquelles on travaille dans les différents programmes, elles sont partie prenante à la fois au niveau de la validation des besoins de formation qui sont I identifiés, de l'identification des qualifications professionnelles qui sont recherchées, de la validation des contenus qui sont élaborés, de la participation des entreprises au niveau des stages en entreprise, le but de l'organisme étant, en bout de ligne, de faire en sorte que les jeunes qui terminent la formation aient un emploi directement dans le domaine. Alors, c'est un peu ça.

Dans ce sens-là, nous, on serait prêts à s'associer avec le ministère pour peut-être améliorer cette formule ou, en tout cas, l'étendre dans d'autres secteurs. On sait qu'il y a différentes façons d'entrevoir la formation par alternance études-travail. Le statut d'apprenti, par exemple, comme ça existe dans les métiers réglementés, c'est quelque chose qui est intéressant. Actuellement, les participants qui sont dans le programme, ils ont le statut de stagiaire qui est quelque chose d'un peu ambigu parce qu'ils ne sont pas employés, mais, en même temps, ils ne sont pas non plus reconnus, comme ce n'est pas des métiers réglementés dans lesquels on travaille... Disons que le statut est un peu ambigu. Dans ce sens-là, on pourrait définir de façon plus concrète le rôle qu'ils ont à jouer, renforcer également l'encadrement pédagogique et l'encadrement qui est fait dans les entreprises pour faire en sorte que les apprentissages qui sont réalisés débouchent véritablement sur des qualifications qui sont recherchées et que ces qualifications-là soient reconnues par les entreprises. Nous, les formations qu'on donne dans plusieurs des secteurs où on est implantés, elles sont effectivement validées par les associations d'entreprises qui, dans ce sens-là, reconnaissent les qualifications professionnelles qui sontf'K transmises dans le cadre des programmes.

Alors, ça complète un peu. Je ne sais pas, Martin, si tu as autre chose que tu veux rajouter par rapport à ça?

Le Président (M. Philibert): M. Caron? Mme BaiHargeon: Martin Caron, oui.

M. Caron (Martin): Martin Caron. J'aimerais surtout attirer votre attention sur le service qu'on préconise aussi, qui est un service intégré d'accès au marché du travail. Ce qui est intéressant là-dedans, c'est que, auparavant... Bon, si je prend plus la région de Québec, on a démarré des programmes. On s'est rendu compte que, dans les programmes qu'on démarrait, on a eu énormément d'inscriptions. Donc, pour un programme, par exemple, où il y avait 16 places disponibles, on a eu au-delà de 130 inscriptions. Donc, il n'y a pas moins de 115 à 120 personnes qu'on laisse de côté. Donc, ces jeunes-là subissent un échec, donc se dévalorisent, et ce qui s'ensuit. Ce qui est intéressant dans le service qu'on propose, c'est qu'il y a possibilité, par la suite, de référer les gens dans différents autres volets du service. Donc, c'est une aide qu'on peut assurer à ces gens-là. On ne les rejette pas encore, ces jeunes-là. On sait aussi qu'actuellement, à

l'intérieur de toutes les institutions publiques, il n'y a aucun service intégré d'accès au marché du travail. Donc, les jeunes se butent souvent à différentes portes. C'est vraiment difficile pour eux autres d'aller chercher de l'information. Donc, c'est un modèle qui, je pense, peut être très intéressant. (16 h 45)

Le Président (M. Philibert): Oui.

M. Francoeur: Non, on conclut sur ces propos, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Alors, je vous remercie. Maintenant, M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, une question. Vous avez parlé, tantôt, des zones grises qui existent entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Pouvez-vous nous dire, en ce qui vous concerne, quelles sont ces zones grises, de façon concrète, et en quoi ça peut vous causer des problèmes?

M. Francoeur: Lorsqu'on identifie un secteur en pénurie de main-d'oeuvre, on prépare des devis de formation qu'on soumet aux entreprises, on les fait valider par les entreprises et, ensuite, on les soumet aux CFP. Si on veut aller chercher la collaboration des institutions scolaires, la réponse, c'est non. Il n'y a absolument aucune reconnaissance de nous comme partenaires, parce que eux ont pour leur dire qu'ils sont mandatés pour faire l'ensemble de ce qui a trait à la formation professionnelle. Donc, il existe, d'une part, une volonté de notre part d'établir des partenariats avec différents acteurs, y compris des acteurs de formation, et, dans la mesure où on est interpellés, entre autres, par votre ministère, pour offrir des services, lorsqu'on cherche à aller établir des liens, on ne peut pas les établir. Lorsqu'on sait que, dans les commissions scolaires, il y a des structures d'accueil et de référence, lorsqu'on cherche à établir des contacts et des contrats d'entente avec les institutions scolaires, ce n'est pas reçu nécessairement d'une façon très cordiale. Donc, à cet égard-là, lorsque vient le temps de s'associer... Parce que, nous, pour aider des gens à intégrer le marché du travail, on ne peut pas y arriver seuls. Il faut développer des partenariats, il faut développer des collaborations et c'est avec le ministère de l'Éducation et ses institutions que la difficulté se présente. Donc, pour nous, c'est un frein au développement de la formation professionnelle qui est de courte durée, parce que les formations que nous dispensons, règle générale, sont en moyenne de six mois. Le ministère de l'Éducation exige, dans certains créneaux, 900 heures et, des fois, 1200 heures et, à ce moment-là, c'est très très difficile pour lui d'arriver à accepter que, nous, on puisse faire un programme avec des résultats à peu près équivalents dans des durées moindres. C'est-à-dire qu'on est, pour lui, un peu marginal, et cette marginalité-là n'est pas très bien perçue.

Nous, ce qui prédomine, c'est notre capacité d'établir des interactions avec les entreprises, de développer des programmes, de les ajuster en fonction de leurs besoins, et c'est là que le hiatus se fait entre le ministère de l'Éducation et la structure de la main-d'oeuvre et on pense qu'il devrait y avoir une certaine harmonisation. Lorsqu'on a présenté des projets au ministère de l'Éducation en formation professionnelle, on nous a dit: II n'est pas question que vous déposiez quoi que ce soit parce que vous n'êtes pas une commission scolaire. À toutes les fois qu'on fait des demandes au ministère de l'Éducation pour développer des programmes de formation professionnelle selon un mode autre que celui qu'on retrouve dans le milieu de l'éducation, on se bute à un refus.

Ce qu'il faut voir, ce que, nous, on met de l'avant comme principe, c'est la diversification des lieux de formation, c'est-à-dire qu'on pense que les gens peuvent acquérir différentes qualifications dans différents lieux, que ce soit en entreprise, dans un organisme communautaire comme le nôtre ou à l'école. L'école, elle, son slogan, c'est davantage de dire: Nous allons diversifier l'école, c'est-à-dire que l'école, on va essayer de lui donner plusieurs couleurs. Mais l'école ne peut pas répondre à toutes les clientèles, et la clientèle à laquelle on s'adresse, c'est une clientèle de sans-emploi qui, règle générale, ont décroché depuis un certain temps des institutions scolaires et qui ne sont pas prêts à y revenir. Donc, on n'est pas capables, pour répondre à votre question, de faire le pont entre ce qui est main-d'oeuvre et ce qui est éducation, se butant à des juridictions déjà bien scellées.

M. Bourbeau: Êtes-vous mieux reçus par les CFP?

M. Francoeur: Les CFP, mes collègues pourront répondre mieux que moi parce qu'ils négocient quotidiennement avec elles, mais, règle générale, nos collaborations sont bonnes. C'est-à-dire que, dans la mesure où on a identifié une pénurie de main-d'oeuvre, qu'on a eu des discussions, qu'on a élaboré des devis de formation avec les entreprises, on soumet nos devis de formation aux CFP et, règle générale, il y a une très bonne entente. À la fin des formations, les CFP interviennent pour vérifier si ce qu'on a dit, on l'a effectivement réalisé et si le placement est réellement acquis. Dans ce sens-là, oui, nos relations sont bonnes avec les CFP parce qu'on vise la même chose: c'est l'obtention d'un emploi. Le ministère de l'Éducation, sa priorité n'est pas l'obtention d'un emploi; c'est de faire en sorte que la personne puisse prendre plus de bagage. Mais les gens à qui on s'adresse, qui

ont, en moyenne, 25 ans, qui n'ont pas complété leurs études secondaires, ce qu'ils veulent, c'est un travail. Nous, on leur dit: Oui, vous pouvez accéder au marché du travail, vous devez accroître vos compétences, mais, par contre, on va vous donner quelque chose à votre mesure quitte à vous insérer ensuite dans un processus de formation continue qui va vous amener éventuellement à un retour aux études. Mais, a priori, c'est du pain et du beurre et c'est là-dessus qu'on travaille. Le ministère de l'Éducation est moins ouvert à ça.

Autre petite anecdote. C'est qu'on a eu, à un moment donné, une entente avec le ministère de l'Éducation pour écrire un livre, qui invitait les gens à un retour aux études et qui soutenait ce retour aux études pour des jeunes adultes sans emploi. On a soumis le document au ministère de l'Éducation et il a été refusé sur la base, entre autres, que le langage qui avait été utilisé pour écrire le livre était un langage oral, que ce n'était pas un langage littéraire, ce qui est le critère no 1 pour le ministère de l'Éducation. On a dit: Écoutez, c'est vrai, on ne nie pas ça, sauf que les gens à qui on s'adresse, qui ne lisent à peu près même pas Le Journal de Montréal ou Le Journal de Québec, ne leur demandez pas d'aller lire Céline ou Proust. On se bute quotidiennement à cet écart-là avec le ministère de l'Éducation, à cette incompréhension-là de la clientèle ou de ses besoins. Il nous ramène avec ce que le ministre a dit par rapport aux politiques qui disent que... Ça, quelque part, ça devient lourd et on n'a pas la souplesse nécessaire pour intervenir de façon adéquate.

M. Bourbeau: Je vous ai compris.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Merci, M. le ministre. M. le député de Deux-Montagnes, vous avez une question?

M. Bergeron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Allez-y donc, monsieur.

M. Bergeron: Ça ne vous dérange pas, j'espère? Voici, ce matin, les CFP sont venues ici, puis on les a entendues. C'est sûr que je vois vos objectifs généraux, c'est louable: marché du travail, les jeunes adultes sans diplôme dans le besoin, etc. Ce qu'on avait trouvé intéressant ce matin, lorsque les CFP sont venues, c'est qu'elles nous ont donné des statistiques, à savoir qu'une fois que des jeunes étaient embarqués, le taux de réussite... Je n'ai pas votre rapport ici devant moi, mais est-ce que vous avez ça, votre taux de réussite? Les gens que vous placez, est-ce que le taux de réussite est intéressant? Est-ce que le suivi se fait par après? Quelqu'un que vous allez chercher comme ça sans diplôme, sans rien et que vous envoyez sur le marché du travail, est-ce qu'il continue à travailler sur le marché ou bien si c'est tout simplement passager ou quelque chose comme ça? Je pense que, si on avait eu des statistiques là-dessus... Peut-être qu'elles sont dans votre rapport, mais, moi, je ne l'ai pas ici. Enfin, on pourrait peut-être trouver ça intéressant.

M. Francoeur: D'accord.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Francoeur.

M. Francoeur: Oui, rapidement. Plus de 80 % des gens qui terminent leur formation se trouvent un emploi dans le secteur pour lequel ils ont été formés; il y en a d'autres qui se trouvent des emplois, mais pas dans le secteur où ils ont été formés, et c'est des gens qui restent en emploi. Nous, on nous demande de faire en sorte que les gens restent en emploi pour au moins 13 semaines. Règle générale, les gens qui viennent chez nous, comme je vous l'ai mentionné, n'ont pas de qualification. On leur permet ce qu'on appelle, nous, de la semi-qualification, dans le fond, des connaissances que les gens, la moyenne des gens ne possèdent pas, qu'eux vont acquérir par la formation, ce qui va faire en sorte qu'ils vont pouvoir rester en emploi et occuper des niches. Exemple, on forme des techniciens et vendeurs d'articles de sport. Ça ne se forme pas. Présentement, on donne une formation en bicyclette. On est les seuls au Canada à donner cette formation-là en bicyclette. Donc, les gens qu'on forme chez nous, c'est des gens pour lesquels il y a effectivement une pénurie de main-d'oeuvre. L'Association des détaillants en articles de sport nous a reconnus, nous soutient, valide, certifie, met le sceau sur nos diplômes. C'est-à-dire qu'on forme des gens où il y a un besoin. Donc, lorsque les gens sont en processus de formation, ils savent qu'en bout de ligne ils sont attendus par les entreprises parce qu'elles en ont besoin. Puis les entreprises les voient en cours de stage. Ça fait qu'il y a toujours un dialogue qui s'établit entre nous et les entreprises et le jeune voit que le dialogue est là et voit qu'il y a un avenir. Donc, les jeunes accrochent.

On a d'autres services qui sont un service de recherche d'emploi personnalisé, c'est-à-dire que c'est des jeunes qui, eux, ne veulent pas s'inscrire dans une démarche d'apprentissage, mais veulent intégrer le marché du travail immédiatement avec ce qu'ils ont comme bagage. À ce moment-là, ce qu'on fait, c'est une démarche d'orientation professionnelle et on les guide vers des secteurs où il y a des emplois disponibles. On ne parle pas de pénurie nécessairement de main-d'oeuvre. Ça veut dire secrétaire dans un secteur donné, aide-camionneur, aide-cuisinier, technicien en informatique, etc. C'est des gens qui ont décidé de faire un métier, de

l'exercer et, nous, on arrive à les soutenir. Ce qu'on fait, c'est du soutien à la démarche des jeunes dans leur intégration au marché du travail. Ce qu'on s'aperçoit, c'est que souvent les gens qui arrivent chez nous, c'est des gens qui n'ont pas obtenu ce soutien-là. On les a délaissés. Les parents les ont abandonnés, ils ont dit: À 18 ans, tu dois faire un homme ou une femme de toi; arrange-toi tout seul. Ils ont dit: L'école, 16 ans, scolarité obligatoire finie, va-t'en. Ils sont comme laissés à eux-mêmes. Ce qu'on leur offre, nous, comme d'autres organismes communautaires, c'est une écoute, un soutien, mais un soutien pas à la bonne franquette, un soutien avec une méthodologie particulière, avec des techniques particulières. On ne fait pas de l'improvisation. L'ensemble des ressources qu'on retrouve dans nos organisations, c'est des gens qui ont des formations universitaires dans différents secteurs, qui ont de l'expérience. Donc, on n'improvise pas. On a des méthodes particulières et c'est ces méthodes-là, et surtout la forme de soutien qu'on met de l'avant qui est la garantie de nos succès.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la députée de Bourget, vous avez... M. le député de Deux-Montagnes, est-ce que vous avez fini?

M. Bergeron: non, j'ai juste une petite question. est-ce que votre champ d'intervention est large ou s'il se trouve à être limité étant donné ia clientèle?

M. Francoeur: Les gens ont entre 18 et 30 ans. On forme des poissonniers, des commis aux pièces automobiles, des techniciens en articles de sport, des commis en alimentation et des conseillers vendeurs en quincaillerie et matériaux de construction. Pour ces cinq métiers-là, il y a pénurie de main-d'oeuvre et il y a des liens étroits avec les entreprises de ces secteurs-là.

Il y a aussi autre chose à mentionner, c'est qu'ici on est accrédités par les CFP comme société privée de formation. Donc, on offre du perfectionnement. Exemple, on a signé un contrat avec le groupe Ro-Na Dismat pour dispenser du perfectionnement à tous ses marchands affiliés pour l'ensemble du territoire du Québec. Donc, on se trimbale à travers le Québec pour donner du perfectionnement à des gens en emploi. Mais notre vocation première étant de s'adresser à des sans-emploi, compte tenu de l'expertise que nous avons développée, à ce moment-là on peut la faire fructifier auprès des gens qui sont en emploi. Donc, on touche les deux secteurs, en emploi et sous-emploi.

M. Bergeron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Mme la députée de Bourget.

Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. Je tiens à féliciter Intégration jeunesse du Québec pour son travail dans la rue auprès d'adolescents. Parce qu'on sait qu'à un moment donné un jeune décroche du système scolaire - et c'est là ma question, le but est d'arriver à vous poser cette question - et, après le décrochage, les parents, bien souvent, le rejettent; l'enfant fugue, il y a la drogue et la prostitution. Alors, vous faites un travail remarquable.

J'ai lu votre mémoire et ce que je voudrais savoir... On a vu plusieurs formations venir exposer leur mémoire et parler de décrochage scolaire. Vous qui êtes vraiment sur le terrain, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les principales raisons pourquoi un jeune décroche?

M. Francoeur: Je ne veux pas me répéter, mais ce que j'ai dit à monsieur, je vais vous le redire parce que je pense que c'est la cause première: c'est des gens qui sont laissés à eux-mêmes. Moi, je pense que le décrochage scolaire, c'est, quelque part, des adultes en milieu familial, en milieu scolaire ou dans l'environnement proche qui ont tout simplement décroché, c'est-à-dire qui n'ont plus cru, qui n'ont plus eu foi dans le soutien accordé à un jeune. Et le jeune laissé à lui-même, devant les choix qu'il doit faire, et souvent sous-équipé, il ne peut pas les faire adéquatement, ces choix-là, et, quelque part, c'est une source de décrochage, il n'y a pas d'objectif. Il n'y a pas de stimulation. Il n'y a pas d'outils...

Mme Boucher Bacon: Vous pariez à quel endroit qu'il n'y a pas de...

M. Francoeur: Pardon?

Mme Boucher Bacon: Vous parlez à quel endroit qu'il n'y a pas d'objectif ni de stimulation?

M. Francoeur: Comme individu. Si je ne me suis pas fixé d'objectif ou, si vous voulez, un plan de carrière, ou dis: Dans cinq ans, j'aimerais être là; j'aimerais devenir mécanicien, j'aimerais devenir avocat, j'aimerais devenir plombier... Si tu n'es pas capable comme individu d'articuler un projet professionnel, tu n'arriveras pas à te maintenir dans une institution d'enseignement, quelle qu'elle soit. Donc, ce que nous, on cherche à faire, c'est à les amener à formuler un choix: Qu'est-ce que tu as le goût de faire à partir de ce que tu as? Veux-tu tout de suite aller sur le marché du travail avec le bagage que tu as ou aller te chercher quelque chose de supplémentaire, et là on va t'aider là-dedans ou on va te référer à d'autres institutions existantes? Mais le décrochage, c'est dû à l'absence de vision et à l'absence de moyens des individus.

Pour faire le métier que vous faites, vous

avez une détermination et une volonté, vous croyez en des choses, sinon vous ne feriez pas ce que vous faites, avec les heures que vous y passez. L'individu qui n'a pas cette vision, cette volonté-là ne pourra pas consacrer autant d'énergie qu'il devrait pour réussir.

Mme Boucher Bacon: Oui, mais, en page 9, vous avez quand même des ressources humaines, des gens qui aident à ce qu'un jeune se retrouve.

M. Francoeur: Oui.

Mme Boucher Bacon: Mais, au secondaire, ne croyez-vous pas qu'il y a des conseillers pédagogiques qui peuvent orienter ces jeunes-là avant de penser au décrochage scolaire?

M. Francoeur: Madame, nous, on est un organisme communautaire. On existe parce qu'on voit à satisfaire des besoins qui n'ont pas été satisfaits par le milieu scolaire. Je ne veux pas répondre pour le milieu scolaire. Je pense que le milieu scolaire serait mieux placé que moi pour répondre à une telle question. Ce que je peux vous dire, c'est que, moi, je me retrouve avec des gens qui ont moins de 25 ans, qui ont «bummé», qui n'ont pas réussi à articuler un projet de vie et qui ont besoin quelque part d'une place où on peut les écouter et où on peut les aider à formuler ces choix-là et à prendre les moyens nécessaires.

Pour ce qui est du milieu scolaire, j'aime autant ne pas me prononcer, mais, par contre, sinon pour dire qu'il ne faut pas penser qu'une société comme la nôtre peut remettre tout son avenir aux mains des écoles en termes de formation. L'école est faite pour répondre à des besoins de M. et Mme Tout-le-Monde, de la moyenne. Mais les écarts, qu'ils soient en bas ou en haut... Nous, on s'occupe plus des écarts par en bas. Ils sont laissés a eux-mêmes. Il n'y a personne. Présentement, on parle, dans le décrochage, d'une moyenne de 39 % dans les écoles secondaires. C'est-à-dire que 39 % des étudiants dans les écoles secondaires ne terminent pas leur secondaire V. C'est catastrophique. Qui s'en occupe de ces jeunes-là? Certains vont retourner à l'éducation des adultes, mais, encore là, le modèle qui leur est offert n'est pas un modèle, règle générale, qui arrive à les accrocher.

Mme Boucher Bacon: Vous qui avez quand même entendu plusieurs confessions, quels seraient les moyens à prendre pour remédier, justement, au décrochage scolaire à ce niveau-là? Parce que vous parlez des 15 ans à peu près, 15-18 ans. (17 heures)

M. Francoeur: II y a un âge terrible qui est 17 ans; 16, 17 ans, c'est un âge terrible pour bien des jeunes. C'est un âge où ils pensent qu'ils sont à la veille de devenir des adultes de plein droit. Ils ont quand même acquis un peu d'expérience. Ils ont de bonnes connaissances et, des fois, ils prennent des envolées sans mesurer la portée de l'élan. On met beaucoup de pression sur eux pour qu'ils réussissent l'enjambée qu'ils ont enclenchée. Souvent, l'enjambée qu'ils ont enclenchée ne donne pas les résultats escomptés. Souvent, quand ils tombent, au lieu de les aider à se relever, on leur dit: Je t'avais dit que tu te casserais la gueule. Là, on met beaucoup de pression. Ce qu'on aperçoit, c'est que la pression est trop forte sur les adolescents à 17, 18 ans. Elle est tellement forte qu'au lieu de sentir une écoute, un soutien, qu'ils recherchent, ils sentent plus de pression et, là, ils paniquent. Compte tenu, comme je l'ai dit, qu'ils ont peu de moyens, peu de vision, ils ne sont pas capables de gérer tout ça et ils s'écrasent. Ils se mettent sur le bord de la bande et, là, ils sont comme laissés aux quatre vents.

Nous, la force de notre organisation, c'est d'être capable de les... Quand ils sont chez nous, ils ne sont pas toujours faciles. Ils ne sont pas toujours des plus fins avec nous autres, non plus. Sauf que, pendant la période où ils sont chez nous, ce qu'ils peuvent faire comme comportement qu'on pourrait juger déviant dans une entreprise ou dans une institution scolaire, nous, on est quand même un peu plus tolérants à cet égard-là. On n'accepte pas ça pour autant, mais on est plus tolérant et on ajuste nos modes d'intervention. Ce qui fait en sorte qu'au lieu de lui dire qu'il est dehors, on va lui dire: Viens, on va se parler, et on va prendre les moyens. En bout de ligne, il y a un objectif, c'est l'obtention d'un emploi. Si tu n'as pas d'emploi, tu es condamné à une misère sans fin. Donc, peut-être ce qui fait notre force, c'est notre souplesse et notre flexibilité de s'ajuster en fonction des individus, ce que les institutions scolaires ont un peu plus de difficultés à faire, compte tenu aussi de la mission qu'elles ont et du volume de personnes qu'elles doivent gérer.

Mme Boucher Bacon: Est-ce que vous me permettez une autre question?

Le Président (M. Philibert): Le temps est écoulé.

Mme Harel: Vous pouvez prendre de mon temps.

Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y madame.

Mme Boucher Bacon: Merci. En page 10, vous avez parié de mesures actives. Les deux ordres de gouvernement privilégient de plus en plus des mesures dites actives, c'est-à-dire, entre autres, des mesures d'intégration à l'emploi, de formation professionnelle, de développement à

l'employabilité comme modes d'intervention sur le marché du travail. Seriez-vous d'accord pour que de plus grandes parties de fonds soient consacrées à la politique du marché du travail, soient investies dans telle mesure active, quitte à réduire les fonds consacrés au soutien du revenu?

M. Francoeur: je ne répondrai pas l'un ou l'autre. je pense qu'on a un régime de sécurité du revenu qui doit satisfaire ce pourquoi il a été créé. par contre, ce n'est pas parce qu'on reçoit un chèque d'aide sociale que, pour autant, même si c'est peu, il va nous inciter nécessairement à trouver un emploi. si on regarde la création de l'aide sociale, au départ, c'est qu'on incitait les gens à retourner au marché du travail, compte tenu du peu d'argent qu'on leur remettait, en disant: bien là, vu que tu as peu d'argent, si tu en veux plus, va travailler. maintenant, pour accéder au marché du travail, compte tenu de la compétition qui y règne et des exigences qu'on y met, ce n'est pas vrai qu'un prestataire de la sécurité du revenu va nécessairement faire le saut immédiatement de l'aide sociale au marché du travail. la période de transition entre l'inactivité et l'activité est de plus en plus grande. lorsqu'on parlait des adolescents ou même des jeunes qui finissent des études, qu'ils les complètent ou pas, l'écart entre l'école et le marché du travail, cette période de transition est de plus en plus longue et de plus en plus difficile. il y a de plus en plus de gens qui se cassent la gueule.

Donc, il ne faut pas penser que tu passes automatiquement d'un statut de prestataire de la sécurité du revenu à celui d'employé d'une entreprise. Il y a des phases de transition, et ce pourquoi nous existons, comme d'autres organismes existent, c'est pour faire en sorte que cette transition-là puisse s'exercer le plus rapidement et le plus agréablement possible pour maintenir la personne en emploi par la suite. Il ne faut pas juste lui permettre d'y accéder, il faut lui donner les moyens pour qu'elle puisse y demeurer et, ultimement, améliorer sa condition, sinon elle va relâcher. C'est ça, la difficulté. Il ne faut pas juste penser à court terme, il faut penser à moyen terme, à long terme, et on peut faire un bout, comme d'autres peuvent le faire.

Mme Boucher Bacon: Peut-être que Mme Harel va poser la question. Dans votre clientèle, combien avez-vous de femmes, soit droguées ou prostituées, qui ont réintégré le marché du travail?

M. Francoeur: Je dirais, proportionnellement, que 40 % de l'ensemble des personnes qui viennent chez nous sont des femmes, 60 % sont des hommes. On a à peu près, à Montréal, quelque chose comme entre 20 % et 25 % aussi des jeunes qui sont issus des communautés culturelles qui viennent chez nous. Ça dépend, il y a des cycles aussi, mais c'est autour de 20 %, c'est sûr. Des fois, on va jusqu'à 25 %, ça dépend. Ce qu'il faut voir aussi, c'est que, si on regarde dans le milieu scolaire, si on regarde le secteur d'adaptation scolaire au secondaire, à 95 % c'est des gars.

Mme Boucher Bacon: Est-ce qu'on réintègre plus facilement une jeune fille qu'un jeune homme? Ha, ha, ha!

Mme Baillargeon: Bien, elles décrochent moins en tout cas.

Mme Boucher Bacon: Elles décrochent moins.

Mme Baillargeon: Ce qui est bien, c'est les groupes mixtes, quoi. C'est bien qu'il y ait des groupes mixtes. Nous, ce qu'on favorise toujours, c'est que, dans les programmes d'apprentissage, il y ait une mixité. C'est plus favorable et les gens apprennent davantage que quand ils se retrouvent juste entre gars ou juste entre filles. Mais je ne dirais pas, a priori, que c'est plus facile pour une fille.

M. Francoeur: ce qu'on constate, c'est que les gars sont plus impulsifs dans leur choix. ils sont sans emploi et, rendus chez nous, c'est: je veux être ça ou ça. puis là, bing, bing, bing. là, on s'aperçoit qu'après une couple de semaines ce n'est pas nécessairement ça qu'il voulait faire, mais compte tenu que son «chum» faisait ça, ou son père, ou son oncle... les filles vont être moins impulsives. elles vont regarder, elfes vont prendre plus de temps, mais, lorsqu'elles vont faire leur choix, règle générale, elles vont le tenir davantage. elles vont être plus conséquentes par rapport à leur choix.

Le Président (M. Philibert): Alors, merci. La générosité de la députée de Hochelaga-Maison-neuve ayant sa limite, elle réclame maintenant le temps imparti qu'il lui reste.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous salue, M. Francoeur, Mme Baillargeon et M, Caron. Est-ce que vous êtes devenus un groupe de coordination pour le fédéral?

M. Francoeur: Ha, ha, ha! Non. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Francoeur: À Montréal, c'est que la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada a reçu un certain nombre de dossiers assez volumineux. On a été retenu...

Mme Harel: Trop tard, après le 19 novembre.

M. Francoeur: Non, on a été retenus, on est dans le dossier. On est dans la pile de candidats qui ont été transférés à la CFP, mais le contentieux entre la CFP et Emploi et Immigration Canada, du moins à Montréal, aux dernières nouvelles, n'a pas encore été réglé, et ça, pour avoir discuté avec le directeur général de la CFP de Montréal. Il nous a mentionné, il y a un mois, que le contentieux n'était pas encore réglé à cet égard-là.

Par contre, ce qu'on a vu à Montréal et ce qui nous a irrités quelque peu, c'est que ce qui était institution scolaire a reçu le feu vert très, très rapidement. Nous, on a vu la CECM obtenir de l'argent pour former des conseillers vendeurs en quincaillerie et matériaux de construction. Nous, on en forme depuis 1985. La CECM n'en a jamais formé à ce jour et n'avait pas de programme. Ils ont engagé quelqu'un qu'on connaissait à la pige. Le gars nous a appelés et a demandé: Pouvez-vous monter le programme pour nous? Ça fait qu'on a trouvé comme un peu cavalier, encore là, les gens des institutions scolaires, dans le fond, qu'ils aient profité de ce qu'ils sont pour chercher les moyens et ne pas être capables de les gérer adéquatement.

Mme Harel: La CECM n'était quand même pas devenue un groupe de coordination.

M. Francoeur: Pardon?

Mme Harel: La CECM n'est quand même pas devenue un groupe de coordination.

M. Francoeur: Oui, les cégeps. Il y a le cégep André-Laurendeau, Antonio-Barrette, etc. Il y a plein de cégeps et de...

Mme Harel: Mais la CECM, l'exemple que vous nous donniez...

M. Francoeur: Oui.

Mme Baillargeon: Un centre de formation de la CECM.

M. Francoeur: Bien oui, Antonio-Barrette.

Mme Harel: Un centre de formation, c'est intéressant. Je suis certaine que le ministre va faire enquête là-dessus.

M. Bourbeau: C'est déjà fait.

Mme Harel: Oui?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Sur Antonio-Barrette?

M. Bourbeau: J'ai déjà placé la commande.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ah! excellent. J'espère qu'il va pouvoir me donner la réponse.

M. Francoeur: On connaît aussi des cégeps dans la région de Montréal qui ont reçu de l'argent dans le cadre de ces groupes de coordination là.

Mme Harel: II y a des organismes qui ont élaboré avec des cégeps des projets d'entrepre-neurship à l'intention de jeunes entrepreneurs, ces groupes de soutien que l'on connaît, et qui attendaient aussi des réponses, À ce moment-là, ce sont des groupes de soutien qui ont fait la demande, mais le cours se donne dans le cadre d'un cégep.

M. Francoeur: Oui, mais, nous, on a fait la même chose à Montréal qu'à Québec, à Québec, on a développé des liens avec le cégep de Lévis-Lauzon. À Montréal, on avait développé des approches avec la CECM pour donner un cours de commis aux pièces automobiles et on avait obtenu la participation de la CECM à ce projet-là. On était prêts à travailler de pair avec les institutions scolaires. C'est ça que je mentionnais dans la réponse du ministre tantôt. On est prêts à travailler, mais, lorsque vient le temps des grandes décisions, on est comme évincés des fois. C'est ça.

Mme Harel: Je vois que 40 % de votre budget relèvent du fédéral, dans le cadre du programme de l'intégration professionnelle. Ça, c'est pour tout ce qui est l'apprentissage?

M. Francoeur: Exact.

Mme Harel: Pour ce qui est de l'apprentissage, ça, le budget vient du fédéral.

M. Francoeur: Exact.

Mme Harel: Le budget qui vient de Québec, c'est essentiellement dans le cadre des SEMO.

M. Francoeur: Exact. Mme Harel: C'est 20 %. M. Francoeur: Exact. Mme Harel: C'est bien ça? M. Francoeur: Exact.

Mme Harel: II y aurait encore 20 % qui, en fait, consistent en un revenu généré par les ateliers de réparation...

M. Francoeur: Exact.

Mme Harel: ...donc, autonomes, hein? M. Francoeur: Oui.

Mme Harel: II y a 10 % qui proviennent de la formation achetée par des entreprises.

M. Francoeur: Exact.

Mme Harel: Puis, il y a 10 % qui sont de nulle part.

M. Francoeur: Les dons.

Mme Harel: Où sont-ils?

M. Francoeur: Je vous invite. On a...

Mme Harel: Ah! les dons.

M. Francoeur: ...une conférence-bénéfice le 23 mars à Montréal avec Guy Corneau.

Mme Harel: Je sais...

M. Francoeur: On fait aussi des activités de levées de fonds. C'est beaucoup d'énergie et on souhaiterait peut-être en faire moins, mais c'est quand même une façon de sensibiliser le grand public sur ce que nous sommes et aussi la cause pour laquelle nous travaillons.

Mme Harel: Alors, vous demandez une représentativité des organismes qui sont représentatifs eux-mêmes des sans-emploi.

M. Francoeur: Oui. Nous, on pense qu'une société qui veut voir à développer sa main-d'oeuvre ne peut pas passer à côté des gens qui sont sans emploi. Toutes les tribunes... On a parlé de l'emploi dans les 10 dernières années puis les écrits mentionnent qu'il faut quelque part que tout le monde puisse participer à ce projet de société là, qui est de faire en sorte qu'il y ait un plein emploi ou qu'on tende vers ce plein emploi là. Il ne faut pas délaisser des gens qui oeuvrent sur le terrain depuis un certain nombre d'années, qui ont une expertise, surtout auprès des sans-emploi. C'est notre crainte de les voir délaissés qui nous amène à formuler une recommandation - pas nécessairement nous - qu'on voit... Je pense que l'ICA a proposé quelque chose, Au Bas de l'échelle va proposer quelque chose et je pense que d'autres organismes l'ont aussi soulevé.

Mme Harel: Le Conseil permanent de la jeunesse également.

M. Francoeur: le conseil permanent... nous, on considère que peu importe le mode électif ou le mode de représentation, quelque part, il y a quelqu'un qui doit prendre la parole pour les sans-emploi puis inviter les gens à regarder ce qui se passe. là, on est sur un dossier, on le négocie avec la ftq puis québécor. c'est un projet particulier d'alternance travail-études et je peux vous dire qu'à la ftq ce n'est pas évident la réceptivité aux sans-emploi quand vient le temps de se mettre à table. on peut la retrouver dans les discours, on peut retrouver une certaine sensibilité, une certaine écoute, mais, encore, comme avec les institutions scolaires, quand vient le temps de prendre les décisions, les sans-emploi ne sont pas toujours les premiers... ce qu'on déclare, nous, c'est que les sans-emploi sont souvent utilisés comme boucliers ou comme gourdins, mais jamais considérés comme étant des acteurs de plein droit.

Mme Harel: Gourdins, vous voulez dire pour remplacer ceux qui sont déjà en emploi?

M. Francoeur: Comme vous voulez.

Mme Harel: Quand vous parliez tantôt d'une politique, en voie d'élaboration depuis 10 ans, en matière d'apprentissage, vous trouviez que l'énoncé était bien...

M. Francoeur: Effectivement. Mme Harel: ...discret.

M. Francoeur: À ma connaissance, Jean Cournoyer, le ministre du Travail de 1971 jusqu'à 1973, avait même, je pense, élaboré un projet de politique d'apprentissage. Je ne l'ai jamais vu, mais c'est ce qu'on m'a dit, si ces ragots-là s'avèrent véridiques. Je sais qu'au ministère il y a des gens...

Mme Harel: Étiez-vous né à ce moment-là?

M. Francoeur: Oui, depuis nombre d'années.

Mme Harel: Ah oui? Ah bon!

M. Francoeur: À cet effet-là, on sait qu'il y a du travail qui s'est fait intensivement dans les dernières années et on sait qu'il y a quand même des choses et des hypothèses qui sont sur la table. On regrettait que, dans un énoncé de politique qui va marquer le terrain, on puisse, dans le fond, n'en parler qu'à la toute fin et de façon aussi mince. Il y a une richesse qui existe en ce qui concerne le projet d'apprentissage qui n'est pas rendu transparent. On aurait souhaité voir cet énoncé-là.

Mme Harel: pourquoi vos, comment dit-on... je n'aime pas le mot «client». quelle utilisation faites-vous des gens à qui vous dispensez des services? vos usagers, vos bénéficiaires, vos clients?

M. Francoeur: Les jeunes.

Mme Harel: Aux jeunes. Bon. Si tant est qu'on l'est toujours à 25 ans... Bon, oui, dit-on, on l'est, en tout cas jusqu'à 30 ans.

M. Bourbeau: Ça dépend de l'individu.

Mme Harel: Pourquoi est-ce que, progressivement, au fil des années récentes, l'âge des jeunes à qui vous dispensez des services s'est haussé? Quels sont les facteurs qui expliquent ça selon vous?

M. Francoeur: Le premier facteur, c'est...

Mme Harel: À l'origine, c'était beaucoup plus jeune. Moi, j'ai connu Intégration jeunesse...

M. Francoeur: Oui. Mme Harel: ...autour de... M. Francoeur: 15-18. Mme Harel: Oui, c'est ça.

M. Francoeur: La clientèle première était les 15 à 18, ensuite elle est passée de 15 à 24 et, là, elle est de 18 à 30.

Mme Harel: Est-ce que c'est à cause des financements...

M. Francoeur: C'est à cause...

Mme Harel: ...des gouvernements? En d'autres termes, le gouvernement ne finance que lorsque le jeune n'est plus d'âge scolaire. Pensez, par exemple... Moi, j'ai un organisme dans mon quartier, REVDEC, qui va offrir à des jeunes décrocheurs de 9 ans, 10 ans, 11 ans, 12 ans, 13 ans... J'y ai amené le ministre de l'Éducation et il l'ignorait, parce qu'il disait que la loi est à l'effet que tout le monde doit fréquenter l'école. Mais, il y a des milliers de jeunes qui ne fréquentent pas l'école. Ils ne peuvent recevoir aucun financement de personne parce que la loi est ainsi faite que ce n'est pas supposé se passer comme ça. (17 h 15)

M. Francoeur: Non. Ce qui a motivé le choix de l'organisation, c'est qu'il y a eu une loi d'aide sociale qui a été modifiée il y a quelques années et qui a mis un groupe d'âge, qui est les 18-30 ans. Donc, c'est des gens qui recevaient des prestations de niveau x et qui étaient référés par leurs agents à notre organisation. Donc, ce qu'on a voulu faire à l'époque, c'est de considérer un concept qui est fe concept de jeunes adultes, c'est-à-dire un écart qui existe entre l'école et le marché du travail ou une période d'inactivité qui se prolonge, qui est due au fait que tu n'as pas accumulé suffisamment d'expérience, suffisamment d'ancienneté, suffisamment de connaissances pour pouvoir t'implanter. Donc, le concept de jeunes adultes fait état de cette transition-là qui s'allonge de plus en plus. Probablement, si on continue, à 35 ans, on va être encore jeune, d'ici 5 ans. Dans le fond, le concept...

Mme Harel: Mais on est déjà trop vieux à 40 ans, par exemple.

M. Francoeur: Nous, on travaille avec les gens qui n'ont pas pu, dans le fond, s'ancrer, minimalement pour eux, une fois sur le marché du travail, des gens qui sont en alternance entre le travail précaire et le chômage. Les jeunes, à quelque part... On arrivera jusqu'à 65 ans s'il le faut, mais, si on arrive, dans une société comme la nôtre, à ne pas pouvoir s'ancrer sur le marché du travail minimalement à notre âge, dans nos bas âges, on a des petits problèmes. Nous, on est réceptifs aux jeunes qui ne sont pas capables de s'ancrer pour une première fois sur le marché du travail. C'est les gens à qui on s'adresse.

Mme Harel: Très bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Philibert): Alors, au nom des membres de la commission, permettez-moi de vous remercier pour votre participation à cette commission parlementaire. Je vous demanderais maintenant de vous retirer, de telle sorte qu'on puisse accueillir le YMCA de Montréal.

Mme la représentante du YMCA de Montréal, bienvenue à cette commission. Je vous demanderais, pour les fins du Journal des débats, de vous identifier. Je vous signale que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que le représentant ministériel a également le même temps ou, enfin, le temps qui lui convient pour vous interroger, de même que l'Opposition officielle. Alors, madame, si vous voulez vous identifier et nous gratifier de votre mémoire.

YMCA de Montréal

Mme Anania (Silvana): Oui. Moi, je suis Silvana Anania. Je suis la porte-parole du YMCA de Montréal, toute seule, et au nom du YMCA et en mon nom, j'aimerais remercier la commission des affaires sociales de nous accorder la possibilité de présenter la position du YMCA de Montréal concernant l'énoncé. J'espère que notre représentation fera la lumière sur nos préoccupations contre l'énoncé proposé.

Premièrement, j'aimerais prononcer quelques mots sur notre organisme. Il va sans dire que le YMCA de Montréal est déjà connu dans les domaines de l'éducation physique et du développement communautaire. Néanmoins, nos antécé-

dents historiques dans le développement des mesures de rechange pour répondre aux lacunes du réseau institutionnel sont dignes de mention. En effet, au cours des années vingt, le YMCA de Montréal a reconnu que le système d'éducation ne répondait guère aux besoins des employés qui désiraient adhérer à des programmes de formation en vue de se recycler ou de se resituer sur le marché du travail. À cette époque, les collèges et les universités étaient exclusivement réservés aux personnes qui pouvaient bien se permettre le luxe d'étudier à temps plein. Nous avons donc été considérés comme des pionniers lorsque nous avons mis de l'avant des programmes d'études en soirée dans des domaines variés. Cette initiative est devenue le collège Sir George Williams, aujourd'hui connu sous le nom d'Université Concordia, dont le YMCA est le fondateur.

Notre engagement actuel envers les sans-emploi... Notons, entre autres, que les jeunes, les personnes ayant eu des démêlés avec la justice, les minorités ethniques et culturelles, les bénéficiaires de l'aide sociale et de l'assurance-chômage témoignent de notre expérience dans la création et la prestation des mesures en em-ployabilité. Notre plus récente initiative s'adresse plus spécifiquement aux décrocheurs scolaires potentiels au niveau secondaire et nous a permis de définir un cadre de travail pour tenter de comprendre et d'élucider à un stade précoce les problèmes des jeunes sans-emploi.

Pour être plus précis, le YMCA de Montréal a trois grands projets. Il y en a un qui vise les jeunes sans-emploi issus des minorités visibles, qui est financé par le fédéral. Nous avons un programme qui vise les ex-détenus qui sont bénéficiaires de l'aide sociale financé par le programme SEMO et nous avons aussi un programme, qui s'appelle le Centre Entreprise Jeunesse, qui vise les jeunes sans-emploi qui désirent créer leur emploi ou une entreprise. Il est aussi financé par le gouvernement fédéral. par ailleurs, le ymca est également un employeur. à ce titre, il comprend les besoins d'élaborer une politique concernant la formation des employés, et ce, à partir d'une position avantageuse. en effet, en considérant que le ymca compte plus de 250 employés à temps plein et presque 1000 employés à temps partiel, le ymca est confronté quotidiennement à des problèmes reliés à la revalorisation des postes occupés par ses employés.

Permettez-moi maintenant de me prononcer plus spécifiquement sur l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. En général, nous sommes d'accord avec les principes stipulés dans l'énoncé. Le contexte dans lequel s'insère le document est excellent. Néanmoins, nous sommes d'avis que certains éléments importants ont été omis dans ledit document.

Premièrement, en 1987, le gouvernement provincial lui-même a admis que le programme de prestation de l'aide sociale était devenu incon- trôlable, ce qui était imputable principalement au fait que le programme était érodé par le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale considérés comme aptes au travail. Cette perspective s'est concrétisée par l'élaboration de la réforme de l'aide sociale. Cette réforme a créé des mesures incitatives pour les personnes qui prendraient part à des programmes gouvernementaux en vue de les aider à entrer sur le marché du travail et, parallèlement, des mesures punitives envers les personnes qui n'y prendraient pas part. Nous ne voulons pas débattre notre opinion sur la réforme de l'aide sociale. Nous avons déjà fait ça aux audiences publiques. Cependant, nous soulignons ce contexte dans la mesure où le gouvernement lui-même a transformé son système de sécurité du revenu pour s'engager davantage dans le développement des aptitudes afin de répondre aux besoins en emploi des bénéficiaires de l'aide sociale.

Maintenant, dans vos propres mots, à la page 57 de l'énoncé, vous référez à ce programme comme à un programme social. Nous considérons cette approche un peu contradictoire. Quelques années plus tard, le gouvernement fédéral, à son tour, décidait d'étudier son programme d'assurance-chômage et est parvenu au même genre de conclusion. Subséquemment, le programme d'assurance-chômage a été modifié de la façon suivante. Le gouvernement fédéral ne contribue plus financièrement à ce programme et, d'autre part, la création de nouvelles lignes directrices a permis d'investir massivement dans la formation des bénéficiaires de l'assurance-chômage en vue de favoriser leur intégration au marché du travail.

Par ailleurs, nous pouvons difficilement omettre que d'autres fonds sont déjà alloués par le gouvernement fédéral par le biais du Programme de développement de l'emploi destiné non seulement aux sans-emploi mais également aux bénéficiaires de l'aide sociale, aux personnes fortement défavorisées sur le plan de l'emploi, aux femmes qui souhaitent réintégrer le marché du travail, etc. Pourtant, l'énoncé, pour nous, s'intéresse très peu à toute la question de la formation des sans-emploi, mais parle beaucoup du rapatriement des pouvoirs fédéraux dans la formation.

D'autre part, tel que stipulé dans notre mémoire, nous sommes d'avis que le partenariat entre les principaux intervenants concernés par le développement de la main-d'oeuvre engendré par la création de la Société doit être également responsable de développer des programmes d'employabilité destinés à la main-d'oeuvre défavorisée. Nous devons mobiliser et préparer cette ressource inexploitée afin qu'elle adhère activement au marché du travail du Québec. Cela pourra se produire dans la mesure où le gouvernement du Québec accordera la même priorité pour former les sans-emploi que celle accordée pour la formation de la main-d'oeuvre active.

J'aimerais maintenant soulever la question des partenaires représentatifs autres que le gouvernement, les associations patronales et les syndicats. Historiquement, les organismes communautaires ont joué un rôle prépondérant et dispensent aujourd'hui un service important de formation aux personnes désavantagées sur le marché du travail. Ces organismes ont le potentiel pour accroître la participation et la prestation de programmes de formation.

De plus, les organismes communautaires sont une source indéniable de représentation pour plusieurs personnes à la recherche de mesures équitables pour intégrer le marché du travail. Ces organismes travaillent quotidiennement auprès de ce public cible et sont sensibilisés aux barrières que cette population doit franchir pour répondre aux exigences du marché du travail.

Les corporations de développement économique et communautaire et les organismes communautaires engagés dans les différents mouvements de la masse ont démontré leur habileté à répondre aux besoins locaux des communautés. De plus, ils ont assuré l'accessibilité aux programmes de formation à l'emploi destinés aux personnes qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas prendre part aux programmes de formation offerts par une institution publique d'éducation.

Il est donc impératif que le secteur communautaire soit directement représenté à l'échelle provinciale et régionale à titre d'intervenant à la formation et de représentant des Québécois qui démontrent de sérieuses lacunes dans l'acquisition des compétences. On note, entre autres, les femmes, les autochtones, les personnes ayant une déficience, les minorités visibles, les bénéficiaires de l'aide sociale, etc.

En outre, nous exhortons le gouvernement à désigner des sièges à la Société, aux deux paliers susmentionnés, pour des représentants des organismes communautaires, et ce, dans une proportion égale à celle concédée aux associations patronales et aux syndicats oeuvrant dans le secteur privé. Nous aimerions ajouter que nous appuyons les positions émises par d'autres organismes concernés, notamment l'Institut canadien d'éducation des adultes, les CEDEC, etc., et que nous sommes prêts à octroyer à l'Institut canadien d'éducation des adultes le mandat de procéder à la consultation des organismes communautaires en vue de désigner des représentants qui siégeront à la Société.

Il y a aussi la référence à la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre qui est faite dans l'énoncé qui parle de la Commission comme d'un modèle de concertation. Même à la Commission canadienne, il y a quatre sièges qui sont désignés pour les quatre groupes d'équité, c'est-à-dire les femmes, les minorités visibles, les autochtones et les handicapés. Alors, en tant que modèle qui existe déjà, je pense que la Commission canadienne a donné des sièges à des groupes cibles qui sont des groupes d'équité.

Dans notre mémoire, nous avons également souligné l'importance d'investir dans la formation d'entrepreneurs qui désirent démarrer leur propre entreprise. Le Centre Entreprise Jeunesse du YMCA de Montréal et bon nombre de programmes destinés aux entrepreneurs au Québec et ailleurs ont fait preuve de succès en offrant des services au démarrage d'entreprises. La formation doit être disponible pour répondre aux besoins des aspirants entrepreneurs, y compris les personnes défavorisées sur le marché du travail.

L'emploi autonome n'est pas identifié comme une option valable dans le document sur l'énoncé de politique alors qu'il devrait l'être. Cette option est d'autant plus pertinente alors que le gouvernement s'apprête à s'approprier le budget fédéral qui alloue présentement une somme à des programmes d'aide à l'emploi autonome.

En guise de conclusion, le YMCA de Montréal est encouragé par l'initiative de changement énoncé à la politique et l'importance particulière accordée au développement de la main-d'oeuvre, une importance fondamentale qui s'inscrit dans l'histoire et dans la mission du YMCA. Nous exhortons néanmoins le gouvernement à considérer les propositions élaborées au présent document. Merci beaucoup.

Le Président (M. Philibert): Merci, madame. M. le ministre. (17 h 30)

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement plaisir de recevoir la représentante du YMCA de Montréal, un organisme éminemment représentatif et qui a un passé assez glorieux dont les réalisations sont connues. Je vais passer la parole tout à l'heure à certains de mes collègues qui souhaiteraient poser quelques questions à notre invitée.

J'aimerais simplement revenir sur la représentation à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Vous nous avez exprimé tout à l'heure l'opinion que nous devrions admettre, comme membres de la Société, des représentants des groupes cibles: les femmes, les autochtones, les handicapés et les communautés culturelles. Par contre, il y a d'autres groupes qui sont venus ici et qui nous ont demandé aussi d'admettre les organismes communautaires, les travailleurs non syndiqués, les jeunes. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'on devrait admettre ces groupes-là dont je viens de parier aussi?

Mme Anania: Moi, je n'ai pas d'opinion si ça devrait être par groupes cibles ou par domaines d'activité au niveau des organismes communautaires. Je pense que l'esprit, c'est qu'il y a des organismes communautaires qui représentent les intérêts des sans-emploi, les intérêts de certaines personnes, comme les femmes et les minorités visibles. En ce sens, que ce soit la

formule des groupes cibles, comme le gouvernement canadien a fait avec la Commission canadienne, ou que ce soit une autre formule, je n'ai pas d'opinion fixe sur ça. Je veux quand même que la Société représente toute cette partie qui défend les intérêts des sans-emploi et qui défend les intérêts de certains groupes cibles qui devraient peut-être être présents au niveau de la Société.

M. Bourbeau: Est-ce que, selon vous, le YMCA devrait avoir un siège à la Société québécoise?

Mme Anania: non, je ne pense pas que c'est le ymca de montréal qui devrait avoir un siège. le ymca peut avoir un siège en tant qu'organisme communautaire. ça se peut que le ymca pose sa candidature si les sièges existent, mais...

M. Bourbeau: Vous n'auriez pas d'objection, quoi.

Mme Anania: Non, pas du tout. Je pense qu'on peut défendre les intérêts, mais je ne présente pas cette perspective pour que le YMCA soit là, je la présente pour les organismes communautaires plutôt.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense que nous avons des collègues qui voudraient poser des questions.

Le Président (M. Philibert): Oui. Alors, M. le député de Deux-Montagnes. Mme la députée de Bourget, également.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Premièrement, je voudrais vous féliciter. Vous avez fait l'historique de votre organisme qui, depuis 1921, comme vous le mentionniez, se dévoue pour nos jeunes. Dans vos moyens d'action, il y a quelque chose qui me surprend ici, qui me surprend heureusement, je dois dire, c'est le programme de préparation à l'emploi. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus? Ça me surprend énormément. Moi, je pensais que le YMCA, c'était plutôt un regroupement de jeunes pour éviter la délinquance, le décrochage, et tout ça. Vous avez un programme de préparation à l'emploi. En quoi ça consiste, ça?

Mme Anania: Comme je l'ai dit, nous avons deux programmes de préparation à l'emploi: un qui vise les jeunes de 18 à 30 ans qui sont issus des minorités visibles et un autre qui vise les ex-détenus qui sortent de prison. Ce sont des programmes qui aident précisément à changer certains comportements et certaines habilités au niveau de leur capacité de s'intégrer dans un environnement qui est le marché du travail; par exemple, un jeune qui a une très mauvaise estime de soi, un jeune qui n'est pas capable de prendre des décisions, un jeune qui aurait des problèmes de communication, un jeune qui ne sait pas comment se fixer un horaire de 9 à 5. C'est un programme préparatoire dans le sens que ça ne l'aide pas au niveau d'une formation professionnelle, mais plutôt au niveau de la formation à la base pour qu'il apprenne certains comportements qui vont l'aider à mieux s'intégrer dans le marché.

M. Bergeron: Merci. J'ai une autre question ici. Justement, ça rejoint un peu la question du ministre tout à l'heure qui demandait si vous vouliez avoir un siège au conseil d'administration. En fait, tout à l'heure on avait Intégration jeunesse du Québec qui demande un siège. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus. On a le YMCA, on a les clubs optimistes, on a les clubs Kiwanis, on a des organismes communautaires. Je pense qu'on n'a pas assez de nos dix doigts pour tous les compter. Comment pourrait-on arriver à une solution pour qu'il y ait un représentant de ces organismes-là? Je pense bien que chacun des organismes ne peut pas être représenté sur ces conseils-là. De quelle façon on pourrait avoir un représentant qui représenterait tous les organismes communautaires? Premièrement, est-ce que c'est faisable de faire un genre de réunion où vous auriez un porte-parole qui pourrait siéger sur ce comité-là?

Mme Anania: Je peux vous donner l'exemple que le gouvernement fédéral a utilisé quand il voulait avoir les quatre personnes au niveau de la Commission canadienne. Au niveau des femmes, c'est le Conseil national du statut de la femme qui a fait les consultations auprès des groupes de femmes et qui a envoyé, si vous voulez, des candidats qui étaient intéressés à siéger. C'est le Conseil national qui a choisi le candidat qui avait les meilleures qualifications pour le faire.

Alors, je pense qu'il faut avoir des critères. Ce n'est pas d'envoyer quelqu'un qui n'aurait pas nécessairement d'expérience dans la formation, qui n'aurait pas une certaine qualification. Ça, ça peut se faire au niveau des critères du candidat idéal pour le siège. Comme j'ai expliqué, vous pouvez demander à un organisme comme l'Institut canadien d'éducation des adultes s'il est prêt à être, si vous voulez, l'organisme qui consulte d'autres organismes à propos de ce choix des candidats.

M. Bergeron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Mme la députée de Bourget.

Mme Boucher Bacon: Je remercie Mme du YMCA de Montréal. J'ai commencé mes premières armes dans le développement communautaire et le développement de l'enfance chez vous. Alors, il y

a de ça 25 ans. On travaillait sur le Plateau-Mont-Royal. À l'époque, ce n'était pas drogue et prostitution, c'était violence conjugale et alcoolisme. Pour bien connaître votre organisme, je vous félicite pour votre travail.

Pour revenir à un problème plus pointu, vu que vous avez de l'expérience sur le terrain en ce qui concerne la formation professionnelle, vous n'êtes pas assez explicite pour les entreprises - ce n'est pas une question-piège, là - sur le crédit d'impôt comme mesure incitative. Est-ce que vous pourriez élaborer là-dessus?

Mme Anania: Moi, je suis complètement en accord avec un système qui peut aider les entreprises à investir dans la formation. Je vois une autre façon qui serait d'avoir une taxe de 1 % sur chaque employé de l'entreprise, comme l'assurance-maladie, qui au moins assurerait que l'argent soit là pour faire la formation auprès des entreprises privées. Alors, je suis pour le principe. La modalité... Je pense qu'il y a beaucoup de façons de le faire.

Mme Boucher Bacon: O.K. En plus, vous demandez des clarifications des pouvoirs de la Société du gouvernement au sujet de certains programmes qui seront assujettis à la tarification. Avez-vous des suggestions à ce sujet?

Mme Anania: Je pense que la crainte que nous avons c'est plutôt que la tarification s'applique aux programmes qui sont financés par le gouvernement. Si c'est une tarification qui est applicable aux programmes de formation financés par l'entreprise privée, il n'y aura pas de question. Mais, quand vous parlez de tarification, les programmes qui sont issus de fonds publics, il y aura des préoccupations face à ce genre d'affaire.

Mme Boucher Bacon: Je vous remercie.

Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous salue, Mme Anania. Le YMCA francophone est dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. J'ai le plaisir et le privilège d'utiliser les services de ce YMCA deux fois par semaine. Ce qui est intéressant c'est que ce sont des centres où on retrouve des personnes de tout âge, de toute condition sociale. Les services qui sont offerts le sont d'une façon «intergénérationnelle». Ça brise l'espèce de ségrégation selon l'âge qu'on retrouve beaucoup dans la société nord-américaine où, finalement, on a peu d'occasion, comme c'est encore le cas, par exemple... Les communautés culturelles nous donnent souvent l'occasion de constater à quel point elles offrent des activités qui s'adressent aux membres de la communauté de tout âge. Alors, c'est quand même un aspect très spécifique du YMCA. C'est très heureux qu'il en soit ainsi, à moins que ce soit juste celui qui est dans mon secteur qui agit de cette façon, mais j'imagine que c'est comme ça partout.

En plus du fait de la représentation des sans-emploi que vous souhaitez voir confirmer au sein de la Société, tout au long de votre mémoire, vous insistez sur le fait que, dans les transferts qui se feront éventuellement de budgets fédéraux vers la gestion par le Québec... Ces budgets fédéraux jusqu'à maintenant étaient dirigés surtout vers la formation destinée aux sans-emploi et aux groupes fortement défavorisés, tandis que l'énoncé de politique, finalement, s'attaque plus particulièrement à la formation de la main-d'oeuvre active. Vous voyez peut-être là une difficulté qui peut se présenter. Je crois comprendre qu'il y a là une inquiétude, tout au moins, que vous exprimez. Est-ce que c'est bien le cas?

Mme Anania: Je pense qu'une des craintes c'est l'utilisation des fonds de l'assurance-chômage. Si le gouvernement du Québec, avec succès, rapatriait ces fonds, ce n'est pas clair dans l'énoncé, mais il y a quand même des sections qui parlent de l'utilisation de ces fonds pour des clientèles autres que les chômeurs, comme, par exemple, pour les employés qui ont des emplois précaires. La crainte... C'est que les fonds qui ont été créés par les coupures des bénéficiaires de l'assurance-chômage doivent être réinvestis vers les bénéficiaires de l'assurance-chômage, parce que ce sont eux qui ont souffert des coupures. Je pense que c'est pour eux autres qu'on doit investir dans le futur.

Mme Harel: Les fonds qui originent de la caisse d'assurance-chômage sont dédiés à des prestataires d'assurance-chômage. Ici, en commission, le ministre a confirmé que, de toute façon, si tant est qu'il en obtienne la gestion, il n'aurait pas le transfert pour autant de la juridiction. Ce n'est pas ce qui est recherché par le ministre. Donc, ces fonds continueraient à être, pour ceux-là, dédiés, si vous voulez, aux prestataires de l'assurance-chômage.

Si on examine les fonds qui, eux, viennent d'Emploi et Immigration Canada et qui, eux, très souvent, étaient utilisés pour les groupes cibles dont vous nous parlez, donc pour les clientèles fortement défavorisées, ce qui est réclamé par Québec, nous a dit le ministre, c'est l'ensemble des compétences, des juridictions et des fonds. À ce moment-là, la grande question, c'est: Est-ce que les clientèles qui, jusqu'à maintenant, pouvaient bénéficier d'un certain nombre de programmes se verront écarter du fait que les programmes retenus dans l'énoncé sont essentiellement ceux qui s'adressent à des pénuries de main-d'oeuvre pour les entreprises, ou encore à des travailleurs licenciés, ou a des personnes qui, individuellement, nous dit-on, auraient une

demande de formation, mais que c'est encore dans un contexte de pénurie?

Ça, ça reste un élément qui exige peut-être encore plus une représentation des sans-emploi au sein de la société mère pour faire en sorte que tous ces transferts ne se passent pas en oubliant des clientèles qui sont les plus fortement défavorisées. Dans l'énoncé, par ailleurs... Le YMCA, quand vous offrez ses dffférents services, c'est toujours dans le cadre de programmes qui sont financés, je pense, hein?

Mme Anania: Oui.

Mme Harel: Par le fédéral, essentiellement?

Mme Anania: Comme je l'ai dit, nous en avons deux par le fédéral et un par le provincial. C'est un SEMO.

Mme Harel: C'est un SEMO.

Mme Anania: Oui.

Mme Harel: Un SEMO pour les détenus?

Mme Anania: Oui.

Mme Harel: Les deux autres le sont par les programmes d'intégration du fédéral. C'est dans le cadre du programme d'intégration?

Mme Anania: Oui, l'intégration professionnelle.

Mme Harel: Les cours qui sont offerts à des personnes qui veulent améliorer leur sort et qui sont dans des emplois, le YMCA offre aussi ce genre de cours, des cours du soir, ou des cours de langue, ou des cours de perfectionnement?

Mme Anania: Nous offrons actuellement des cours de langue à deux endroits, au centre-ville et dans l'est de Montréal. Nous commençons actuellement à regarder des cours de formation professionnelle, par exemple les cours sur les systèmes informatiques. Le problème, c'est qu'il y a une grande expansion avec les commissions scolaires dans ce qu'on appelle l'éducation permanente. Pour nous, commencer à compéti-tionner avec tout ça, ce serait trop difficile. Alors, c'est quelque chose qu'on doit regarder.

Mme Harel: Avez-vous cherché, vous aussi, à devenir un groupe de coordination?

Mme Anania: Oui.

Mme Harel: L'êtes-vous devenu?

Mme Anania: Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Anania: On a essayé dans le sud-ouest de Montréal. En tout cas, ça a été arrêté au moment où nous avons commencé à négocier à cause des problèmes entre le fédéral et le provincial, alors nous avons décidé de nous désister.

Mme Harel: Le mémoire que vous nous présentez laisse croire que la main-d'oeuvre active se verra offrir de la formation. Vous savez que, depuis le début des travaux de cette commission, ce que l'on se fait identifier comme problème, c'est justement que la main-d'oeuvre active, qui n'est pas dans des entreprises de pointe qui ont des plans de ressources humaines ou, encore, qui n'est pas désignée pour participer à ces plans de ressources, même si elle est dans ces entreprises, a relativement peu d'offres de formation ou de perfectionnement parce que presque tous les budgets sont en décroissance, autant les budgets des réseaux d'éducation que les budgets de main-d'oeuvre. Est-ce que cette clientèle vous sollicite au YMCA pour répondre à des demandes de formation?

Mme Anania: La seule demande que nous avons eue actuellement, c'est dans l'entreprise privée et c'est pour les programmes d'alphabétisation dans l'entreprise. Ce n'est pas un secteur où nous avons beaucoup d'expérience. C'est une demande qui commence actuellement à arriver au YMCA, mais c'est pour des programmes qui sont donnés dans l'entreprise elle-même. Alors, c'est un autre secteur qu'on va probablement regarder parce que le grand problème avec les analphabètes, c'est qu'ils ne veulent pas aller vers les institutions. Alors, si les programmes de formation peuvent se faire sur place, il y aura probablement un plus grand succès pour rejoindre cette population.

Mme Harel: À ce moment-là, le programme sera offert pendant les heures de travail ou à l'occasion de...

Mme Anania: Ça, c'est à l'entreprise à décider, mais la volonté est là, chez certaines entreprises, de commencer à regarder ce phénomène.

Mme Harel: Je veux vous remercier d'être venue, Mme Anania. Vous savez, votre point de vue est important et il a été repris par un certain nombre d'organismes. J'ai eu le sentiment, cette semaine, que ça avait traversé, d'une certaine façon... Moi, je m'attends à une réponse positive du ministre au moment où nous étudierons le projet de loi.

Le Président (M. Philibert): Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Pour l'instant, M. le Prési-

dent, on écoute et on réfléchira après. De toute façon, votre point de vue est intéressant et il a été très bien reçu. Je vous remercie.

Mme Anania: Merci.

Le Président (M. Philibert): Madame, vous avez dignement représenté le YMCA de Montréal. Au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation et je vous souhaite un bon retour à Montréal. Nous ajournons maintenant les travaux au 10 mars 1992, à 15 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 51 )

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