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(Neuf heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Philibert): Je constate que nous avons
quorum. Nous pouvons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la
commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
audiences publiques sur le document de consultation intitulé
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Cardinal
(Châteauguay) sera remplacée par M. Bergeron (Deux-Montagnes); M.
Houde (Berthier) par M. Tremblay (Rimouski); M. Joly (Fabre) par M. Fradet
(Vimont); M. Marcil (Salaberry-Soulanges) par M. Doyon (Louis-Hébert);
M. Paradis (Matapédia) par M. Maltais (Saguenay); M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) et
M. Williams (Nelligan) par M. Hamel (Sherbrooke). C'est tout.
Le Président (M. Philibert): Alors, il y a deux
autochtones à la réunion: le président et Mme Bacon. Les
remplaçants, bienvenue.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Bonjour.
Le Président (M. Philibert): Nous allons maintenant
regarder l'ordre du jour. À 9 h 30, nous recevrons le Forum emploi
Estrie; à 10 h 30, nous recevrons Le groupe Ressources CSF inc.;
à 11 h 30, la Fondation de l'entrepre-neurship. Nous ajournerons
jusqu'à 14 heures. À 14 heures, nous recevrons le Regroupement
des collèges du Montréal métropolitain; à 15
heures, l'Association québécoise des organismes régionaux
de concertation et de développement; à 16 heures,
Intégration jeunesse du Québec inc. et, à 17 heures, le
YMCA de Montréal.
Alors, j'appelle maintenant le Forum emploi Estrie. Vous avez 20 minutes
pour nous présenter votre mémoire. Ensuite, il y aura une
période de 20 minutes qui est réservée au ministre pour
vous questionner et 20 minutes à l'Opposition. Alors, avant de nous
présenter votre mémoire, je vous demande, s'il vous plaît,
pour les fins du Journal des débats, d'identifier le porte-parole
et les personnes qui l'accompagnent. Allez-y.
Forum emploi Estrie
Mme Compagna (Monique): Monique Compa-gna, présidente de
deux petites entreprises: Bois ouvrés Waterville et Pliages Apaulo.
M. Poirier (Claude): Claude Poirier pour Forum emploi Estrie,
directeur du centre objectif travail Estrie.
M. Gendron (René): René Gendron, directeur
général, Maison régionale de l'industrie.
Le Président (M. Philibert): Ça va. Vous pouvez
procéder à la prestation de votre mémoire.
M. Poirier: D'abord, je dois dire pour les gens qui ont le
mémoire en main qu'il va probablement y avoir des passages que je vais
sauter pour entrer dans les 20 minutes. Alors, excusez-moi là-dessus.
Pour ceux qui ne l'ont pas, à ce moment-là, vous n'aurez
peut-être pas toutes les informations.
Alors, en Estrie, divers partenaires régionaux se sont
réunis pour analyser et commenter l'énoncé de politique et
le projet de loi 408. Comme nous considérons cette loi d'une importance
capitale pour le développement de la main-d'oeuvre de notre
région, nous avons décidé de soumettre ce mémoire
à la commission.
Nul ne pourrait mettre en cause l'importance du développement de
la main-d'oeuvre québécoise et la priorité qui doit
être accordée à la formation. Voilà pourquoi nous
tenons d'abord à dire que nous accueillons avec enthousiasme les
intentions du gouvernement de donner un nouvel élan à ce dossier.
L'analyse de l'énoncé de politique est, selon nous, excellente et
dépeint l'énorme complexité du problème. Nous
sommes également en accord avec les quatre objectifs qui sont
poursuivis. Nous constatons cependant un écart entre l'analyse, le plan
d'action et le projet de loi. Nous désirons apporter un concept
opératoire qui nous apparaît manquant.
Je vais passer sur la description de l'Estrie pour vous dire que, selon
nous, il importe de faire les bons choix quant à la prise en charge de
notre avenir. À vrai dire, trois questions devraient continuellement
être à notre esprit pour guider ces choix: Où en
sommes-nous actuellement? Où voulons-nous nous rendre? Comment amener
les gens de chaque région _ entreprises et personnes au travail -
à se prendre en charge pour se mettre en mouvement vers des buts
significatifs pour eux?
Comme les réponses à la première question sont
relativement connues dans l'énoncé, il importera surtout de se
centrer sur les suivantes. Répondre à la seconde question pose
déjà certains problèmes. Étant donné la
profusion de secteurs d'emploi et la complexité des expertises à
développer, il est aisé de constater rapidement qu'il n'y a pas
de solution globale aux problèmes du développement de la
main-d'oeuvre.
Je saute aussi une bonne partie de la section
«clientèles». Sans pour autant être fervents d'une
approche clientèle, nous vous soulignons, tout de même, quelques
clients auxquels s'adresse un tel projet de loi. On nomme, entre autres, toutes
sortes de personnes au travail, les cadres intermédiaires, les cadres
supérieurs, les futurs entrepreneurs, les entreprises de toutes
grosseurs, de toutes tailles et de toutes spécialisations, les personnes
sans emploi ou en voie de l'être, Les étudiants, les
immigrants.
Deux facteurs viennent complexifier encore davantage ces
problèmes. D'une part les petites et moyennes entreprises ont besoin de
formation, mais y ont peu recours. D'autre part, et sans pour autant en
affubler l'ensemble, on constate que les personnes qui sont peu
qualifiées sont peu attirées par la formation, et ce, pour toutes
sortes de raisons.
Le cours de l'histoire nous apprend que les mégasolutions aux
mégaproblèmes coûtent cher sans nécessairement
apporter les résultats escomptés. De plus, l'écroulement
récent des régimes de l'Est nous amène une leçon
évidente. Il y a un rejet des systèmes hiérarchiques et
centralisés parce qu'ils sont lents et inefficaces pour répondre
aux besoins particuliers. Il est utopique de penser solutionner nos
problèmes sans changer nos façons de faire.
Dans les pays industrialisés, on constate partout que les
structures en place sont présentement inadéquates pour penser et
offrir toutes les solutions satisfaisantes. On parle aujourd'hui de partenariat
comme nouvelle façon de faire. Ce concept répond à une
nécessité historique de mise en mouvement de notre
société pour se dégager des lourdeurs et des
rigidités institutionnelles qui inhibent l'initiative. Partout au
Québec, une foule de gens possèdent des compétences et des
expériences pertinentes suffisantes pour jouer un rôle plus
actif.
Comme le présent projet de loi préconise cette pratique,
il nous apparaît essentiel qu'il y ait l'inclusion d'une
définition très claire de la signification qu'on entend lui
accorder, non seulement pour identifier les gens qui feront partie du conseil
d'administration de la Société ainsi que ceux qui seront
appelés à siéger en région, mais aussi pour
éclairer les clients, les intervenants et acteurs du terrain quant au
rôle qu'ils peuvent et doivent jouer. Voyons donc comment se
définit le partenariat chez ceux qui utilisent cette pratique.
Le partenariat est une démarche, non une fin en soi. Quelle que
soit leur origine, on désire que des gens représentatifs de la
réalité régionale et des forces en présence
s'allient pour élaborer et mettre en oeuvre des actions conjointes.
Être partenaires, c'est entreprendre en commun quelque chose dans lequel
chacun trouve son intérêt. Les partenaires ont donc des
intérêts différents qui convergent ponctuellement sur une
aventure vécue en commun.
Derrière la volonté d'agir en partenariat, il faut garder
à l'esprit que le véritable partenariat n'appartient pas
seulement aux dirigeants et aux grands concepteurs d'idées, li n'est pas
non plus le rassemblement de personnes qui représentent des institutions
diverses. Au niveau terrain, II est le rassemblement de personnes autonomes et
sans lien hiérarchique entre elles qui se lient, contractent des
ententes et agissent en fonction des buts poursuivis, là où il y
a des problèmes à régler et des actions à mettre en
oeuvre. Le partenariat ne s'évalue pas, il se juge aux
bénéfices que chaque partenaire en tire selon sa propre
logique.
Cette démarche implique les représentants régionaux
et municipaux, les responsables de formation régionaux et locaux, les
dirigeants d'entreprises, les représentants de syndicats, d'associations
et de groupes de travailleurs et les intervenants de toutes sortes, soit ceux
qui font le boulot: les professionnels, les entrepreneurs, les
ingénieurs, les investisseurs, les praticiens, les formateurs et les
enseignants spécialisés oeuvrant dans les institutions de
formation ou de consultation privées ou publiques. N'oublions pas une
chose: les premiers partenaires, ce sont d'ailleurs les clients, soit les
entreprises et les personnes qui sont les demandeurs de services.
Les pratiques partenariales sont présentement vues comme valables
pour résoudre des problématiques de développement, de
formation et d'emploi. De nombreux programmes existent déjà pour
aider au développement de l'entreprise et de la main-d'oeuvre, mais
comment se fait-il que nous ne parvenons pas aux résultats
escomptés et que nous parlions même de retard? La réponse
à cette question nous apparaît étroitement liée
à celle que nous avons soulevée un peu plus tôt dans ce
mémoire, à savoir: Comment amener les gens du milieu à se
prendre en charge pour se mettre en mouvement vers des buts significatifs pour
eux?
Il nous semble que la seule façon est par l'implication des
partenaires et acteurs qui sont le plus près du terrain. Pour que la
Société soit efficace et ainsi crédible, il faut qu'elle
fasse appel à toutes les compétences régionales et
locales, entre autres, en utilisant les comités d'entreprise pour
canaliser l'action. Elle doit même laisser une place énorme
à ceux qui réalisent le travail ou bénéficient des
mesures afin qu'ils puissent assumer leurs responsabilités. Il ne faut
pas oublier que les difficultés, les tensions et les confrontations se
vivent surtout dans la
pratique quotidienne, souvent même de façon brutale, il
faut dès lors voir à ce que ceux qui agissent puissent rapidement
trouver et appliquer des solutions créatrices pour résoudre une
foule de problèmes, et ce, sans trop de tracasseries administratives. Si
ces acteurs ont le réel pouvoir d'influencer ou de remettre en question
l'action, il y aura efficacité. D'ailleurs, le ministre Bourbeau
affirmait que le succès de la démarche se réalisera sur le
plancher des vaches.
La clé du succès de ce projet de loi repose donc sur
l'engagement des demandeurs de formation et sur la place que pourront occuper
les acteurs qui gravitent autour d'eux. Si ces gens ne sont pas directement
impliqués, il est utopique de penser au changement et au
développement de la responsabilité car les projets pensés
ne seront pas les leurs. Il sera alors tentant pour eux de chercher à
soutirer les gains monétaires ou autres pour ensuite trouver les bons
prétextes pour pirater l'action en faisant comme bon leur semble.
Le concept de partenariat ne s'inspire pas d'une notion de
verticalité. Il s'inscrit plutôt sur une base horizontale. Puisque
le succès repose à la base, il nous apparaît logique que
nous examinions les choses autrement, soit en renversant de 90 degrés la
pyramide qui est proposée dans ce projet de loi. Tout en étant en
accord avec le quoi faire, ce qui nous importe, c'est d'examiner le comment
faire les choses. Le principe d'horizontalité permet, selon nous,
d'établir des ponts plus valables entre les niveaux de partenariat. Pour
expliquer ce modèle, nous partirons d'abord des réalités
du terrain, soit les clients-demandeurs. Pour chacun des niveaux suivants, nous
aurons le souci d'examiner dans les grandes lignes ce qui doit être fait
au niveau précédent. D'ailleurs, j'ai donné un petit texte
complémentaire à Mme Lamontagne. Vous êtes supposés
avoir le modèle sur ces feuilles-là.
Au premier niveau, on trouve les entreprises et les personnes au
travail. Les représentants d'une entreprise et les travailleurs sont les
premiers concernés par un projet de développement de la
main-d'oeuvre. Avec un ou plusieurs intervenants choisis par eux, ils
définissent ensemble une démarche où chacun apporte son
concours. Je vous fais grâce de la démarche, mais vous l'avez dans
le mémoire comme tel. (10 heures)
Au cours de cette démarche, il est essentiel de ne jamais perdre
de vue que le développement est un acte fondamentalement humain. Cet
acte se réalise dans la relation qui se crée entre consultant et
client ou entre formateur et formé. Cette relation en est une de face
à face. Ce n'est pas une entreprise qui transige avec une institution,
mais bien des personnes qui travaillent avec d'autres. Les gens se
développent parce qu'ils établissent une relation, participent et
comprennent les gains mutuels qu'ils peuvent réaliser. Ils le font aussi
parce qu'ils ont un contexte qui leur permet de le faire. Structurés et
supportés, ils risquent d'entreprendre des démarches d'abord
ponctuelles, puis de plus en plus complexes, parce qu'ils se
développeront mutuellement.
Une telle démarche est plus difficile à réaliser
dans une entreprise plus petite. On risque alors souvent de rencontrer des
contraintes plus sévères telles le manque de temps, de ressources
ou de moyens financiers ainsi que de sérieuses craintes d'affecter la
production. Une telle situation risque de rendre la PME plus dépendante
des offreurs de formation. Le moteur de notre région constitue justement
une multitude de petites et moyennes entreprises regroupées dans une
foule de secteurs qui ont tous leur importance.
Il y a déjà plusieurs initiatives qui s'amorcent en Estrie
pour amener les demandeurs à se rencontrer et se regrouper de
façon à ce qu'ensemble ils puissent se donner du pouvoir. Il est
donc important de soutenir ces démarches et même de trouver les
conditions pour les rendre encore plus efficaces.
Le deuxième niveau, les intervenants et acteurs près du
terrain. Étant donné les liens et l'interdépendance des
entreprises d'un territoire, plusieurs d'entre elles offrent des services en
sous-traitance à d'autres. Il faut aussi garder à l'esprit qu'il
existe un réseau de professionnels, praticiens, consultants,
experts-conseils qui sont continuellement en relation privilégiée
avec l'entreprise en vue de lui offrir divers services
spécialisés: informatique, comptabilité,
sécurité, gestion, etc. Les clients recherchent surtout la
meilleure personne pour solutionner le bon problème et non une instance
nommée qui doit s'occuper de leur dossier. Pour les acteurs comme pour
les clients, devoir passer continuellement par des intermédiaires ne
serait pas synonyme d'efficacité. Avec l'aide de la
société, ces courtiers de la formation sont les plus aptes
à détecter les gisements d'activité et à assister
les entreprises dans leur démarche de développement. Il ne faut
surtout pas chercher à ce que l'État se substitue à ces
services. Il faut même rechercher le soutien au développement et
à l'association d'une foule d'intervenants autonomes qui sont en contact
avec les PME.
Le troisième niveau, le niveau local. Le niveau local se veut un
lieu privilégié pour exercer un rôle d'assistance au
terrain. En Europe, certaines missions locales et chambres de commerce exercent
ce rôle. Il y a alors création de multiples groupes qui portent
leur attention sur une foule de secteurs inhérents aux activités
du terrain: métal, caoutchouc, commerce, etc. Ces rencontres ne sont pas
seulement sectorielles. Elles peuvent aussi être multisectorielles ou
même déborder sur les intérêts de la
communauté. Au début du mémoire, je décrivais qu'il
y a quand même 129 municipalités en Estrie. Je vous
fais grâce de la démarche qui est indiquée, mais il
y a une réunion de partenaires, on clarifie les rôles, etc.
Quatrième niveau, le niveau régional. Le rôle de la
société régionale est de soutenir les multiples
initiatives provenant du terrain. Elle peut jouer un rôle d'orientation -
plan régional - et de facilitates au niveau des moyens à mettre
en oeuvre pour obtenir des résultats tangibles, soit animation, conseil,
information et surtout moyens financiers. Son rôle est donc d'assister et
de coordonner l'action. Sa vocation doit être accompagnée des
pouvoirs financiers et d'une certaine liberté d'action, soit un pouvoir
de décision qui lui permettra de réaliser son plan en ayant toute
la latitude pour aller chercher en sous-traitance les ressources
appropriées. Le contrôle de la qualité de formation devrait
d'ailleurs reposer sur des experts sous-traitants en région, telle
l'université.
Cinquième niveau, la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Au niveau
national, la Société doit être le lieu
d'établissement des grandes orientations, du financement et de la
coordination des actions régionales et non un lieu de commande. Pour ce,
sa préoccupation première doit être de regarder les
résultats et non le respect des normes. S'il faut développer par
grands ensembles et grandes politiques, il faut aussi laisser la place à
l'initiative et à la créativité. Il serait peut-être
alors possible d'entrevoir des structures différentes d'une
région à l'autre en vue encore là d'une plus grande
efficacité.
Il peut s'avérer possible aussi que le national établisse
certains groupes de travail pour solutionner des questions d'importance
nationale qui préoccupent plusieurs régions. Pensons, entre
autres, à des dossiers tel le pulpe et papier. La Société
pourrait aussi accorder une importance particulière au
développement d'un système efficace de circulation d'information
entre les régions et auprès des acteurs et partenaires.
Le projet de loi et ses implications. Le rôle de la
Société. La lecture du projet de loi, tel que formulé
actuellement, nous amène des interrogations sur le rôle que veut
se donner la Société. Est-ce faire ou faire faire? En tombant
dans le piège de s'improviser comme maître d'oeuvre, elle risque
de reproduire des façons de faire qui sont actuellement inefficaces. Qui
veut trop embrasser, mal étreint. C'est un leurre de croire que les gens
du central sont plus compétents que ceux qui travaillent en
région. C'est aussi un leurre de croire que les acteurs en région
vont réaliser les plans des grands penseurs. Selon nous, le rôle
de la Société n'est pas celui de partenaire, il est plutôt
d'assister les partenaires.
La décentralisation et la régionalisation du pouvoir. Le
national est évidemment lo lieu des grandes orientations et des grands
choix politi- ques, nous en convenons. À la lumière du
modèle présenté et du concept de partenariat qui
amène la notion d'horizontalité, nous voyons, cependant, ce
pouvoir central à partir de notre région, de ses localités
et du terrain. Il faut une définition très claire des pouvoirs
dont seront imputées les sociétés régionales et,
incidemment, les acteurs locaux et du terrain.
Si, par contre, au lieu d'être attentive au niveau local et
terrain, la société régionale est continuellement
tournée vers la société nationale pour demander des
permissions, ou si encore elle dépense son énergie à
appliquer des critères et programmes inappropriés venus d'en
haut, elle perdra une quantité énorme de son efficacité
pour seulement contribuer à nourrir la machine. Au niveau
régional, on risque alors de retrouver un lieu de discussions
stériles sans pouvoir s'attaquer aux vrais problèmes.
La libéralisation du marché de la formation. Parier de
développement de la main-d'oeuvre, c'est inévitablement parler de
formation. Il serait utopique de croire qu'on pourra développer plus
adéquatement la main-d'oeuvre sans rénover l'appareil de
formation. Il nous semble que la mise en place de ce projet de loi est une
occasion idéale pour soumettre davantage l'industrie de la formation aux
lois du marché. Sans remettre en cause l'importance d'un système
public de formation qui soit performant et la qualité d'une foule de
programmes offerts par les institutions publiques ayant des ressources de
premier ordre, il est clair qu'il y a un danger de concentration
économique - monopole - de l'appareil de formation, alors qu'en
Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis et en France, on a axé
davantage les efforts à libéraliser ce marché de
façon à ce que la formation soit non seulement une industrie
performante au niveau national, mais aussi un savoir-faire qui s'exporte.
Les exigences en matière de savoir-faire, d'organisation, de
démarches pédagogiques nouvelles et de mise au point d'outils et
de techniques améliorées sont telles qu'il faudra atteindre un
certain seuil de spécialisation pour répondre à la demande
des entreprises et des pouvoirs publics en ce qui concerne le
développement des ressources humaines. La concurrence développe
la compétence et élimine les moins bons, à moins que ces
derniers ne soient eux aussi supportés dans leur développement.
L'important est que les enseignants, les formateurs et les consultants
deviennent garants de leurs produits.
Il est essentiel qu'une partie du financement de la
société régionale provienne des demandeurs de services.
C'est là, pour nous, la base de la responsabilisation en matière
de développement de main-d'oeuvre. Là comme ailleurs, tous
voudront en avoir pour leur argent. Ce fonds doit être géré
par le régional dans une caisse qui sera identifiée à la
formation de main d'oeuvre. D'autres alternatives pourraient amener
le même effet: déductions fiscales, fondations, etc. Il ne
s'agit cependant pas d'alourdir le fardeau fiscal de l'entreprise ou des
contribuables. Il faudra plutôt réviser sérieusement les
contraintes fiscales auxquelles elles sont soumises.
Les nominations dans un système administratif. Nous constatons
que les gens qui vont siéger aux conseils d'administration de la
société nationale et des sociétés régionales
sont des personnes qui seront nommées par le central après
consultation. Si nous comprenons les préoccupations reliées
à cette pratique, nous aimerions retrouver plus de précisions sur
ce mode de nomination et des mécanismes d'appel des régions en
cas de désaccord. Par ailleurs, nous constatons que la loi ne
prévoit aucunement de faire siéger des personnes du
régional à la société centrale, soit les personnes
les plus aptes pour représenter les intérêts de la
région.
Les personnes sans emploi ou en voie de le devenir. Pour être en
mesure de se reprendre en main, la plupart des personnes sans emploi ou en voie
de le devenir ont besoin d'un encadrement particulier et personnalisé,
ce que ne peuvent offrir présentement les grandes institutions.
N'oublions pas qu'une bonne partie de ces gens ont rapidement quitté les
méandres des institutions publiques de formation parce qu'elles y
rencontraient des difficultés. Il faudra donc voir à maintenir et
développer les services personnalisés offerts par le
réseau d'organismes sous-traitants qui existe actuellement sur notre
territoire et non pas chercher à ce que la Société se
substitue à ce réseau. De plus, pour avoir une politique de
main-d'oeuvre cohérente, il faudra cesser de catégoriser et de
«critérier» les clients selon leur statut, leurs
difficultés ou la couleur de chèque. Ce sont tous des
Québécois qui ne demandent pas mieux que de travailler.
En conclusion, nous vous demandons de garder une chose à
l'esprit. Près de 90 % des travailleurs et travailleuses de l'an 2000
sont déjà présentement sur le marché du travail. Il
nous apparaît clair que ce projet de loi doit être l'occasion de
faire confiance au génie local. Il doit propulser sur la scène
d'autres acteurs que l'État central, soit une multitude de partenaires
près du terrain, constitués en réseau et supportés
par des moyens appropriés. Leur rôle sera de générer
une foule d'actions adaptées à court terme, mais sur une base
continue, dans un but de plus grande efficacité à plus long
terme, soit la croissance économique. C'est d'ailleurs ce qui existe
dans les communautés européennes et américaines qui
rencontrent du succès. On tisse un réseau local dans lequel
imagination, créativité et compétence sont au pouvoir.
Étant donné le contexte socio-économique difficile,
il y a déjà plusieurs initiatives chez nous. Notons, entre
autres, la Maison régionale de l'industrie, le projet Exportateurs, le
C.A.M.O. métal, Trans-formation, Forum emploi Estrie, la table
éducation main-d'oeuvre, la table de concertation des immigrants et
plusieurs projets sous-traitants. Chacun de ces lieux est une occasion
d'exprimer des préoccupations et d'élaborer des actions. Si les
grappes nationales ont du bon, il n'en reste pas moins que la vie continue en
région. Il est essentiel de soutenir ces initiatives et de leur donner
les conditions pour mener à bien leur mandat. De toute façon, les
gens qui vivent et travaillent en région n'ont aucunement le goût
de confier leur sort ou la responsabilité du développement de
leur dossier à quelqu'un d'autre.
En terminant, nous avons quelques recommandations en vue de modifier le
projet de loi. La première, nous suggérons une modification du
préambule de la loi. C'est-à-dire que le préambule annonce
la création de la Société de la main-d'oeuvre et, à
la lumière des considérations énoncées
précédemment, le préambule devrait être
formulé de la façon suivante: Ce projet de loi institue les
sociétés régionales québécoises de
développement de la main-d'oeuvre et la Société nationale
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Les
sociétés régionales auront pour mission de promouvoir le
développement de la main-d'oeuvre de leur région et de favoriser
l'équilibre entre l'offre et la demande de formation sur la
marché du travail. Elles auront aussi la responsabilité
d'élaborer, de mettre en oeuvre et de gérer des programmes,
notamment dans les domaines de la formation professionnelle, du recyclage,
etc., ce qu'il y avait dans l'énoncé. Elles auront aussi pour
mission de favoriser le développement des réseaux de partenaires
locaux dans tous les secteurs appropriés à leur région et
verront par la suite à soutenir et assister ces réseaux.
La Société nationale aura pour mission de promouvoir le
développement de la main-d'oeuvre dans les questions nationales en
fixant les grandes orientations. Elle veillera à s'occuper de certains
dossiers nationaux: haute technologie, pâtes et papiers. Elle assistera
les sociétés régionales dans l'élaboration des
programmes et la circulation d'information interrégionale. À la
lumière de ce préambule, il faudrait, par la suite, modifier les
points de loi...
Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il y en a encore
beaucoup des modifications proposées parce que...
M. Poirier: II y en a cinq autres qui vont prendre une
minute.
Le Président (M. Philibert): ...votre temps est
épuisé. Il faudrait accélérer.
M. Poirier: Ça va. O.K. Permettre à chaque
région de se doter d'une société régionale
structurée de façon conforme à ses besoins; inscrire une
définition plus claire du partenariat; voir à
ce que les sociétés régionales puissent être
représentées à la Société nationale; voir
à ce que toute personne et tout groupe compétent puisse
être utilisé en sous-traitance pour assister les entreprises dans
le dépistage et l'analyse des besoins de formation de leur personnel, ce
qu'on appelle les courtiers de formation; à des fins de recherche et de
développement, soit des boucles de rétroaction positives, confier
le contrôle de qualité et l'évaluation de la
rentabilité à des experts indépendants, telle
l'université. Merci beaucoup.
Le Président (M. Philibert): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue au Forum emploi Estrie. Justement, comme nous avons
l'honneur d'avoir avec nous ce matin le député de Sherbrooke, je
vous prierais, M. le Président, de reconnaître le
député de Sherbrooke tout de suite.
Le Président (M. Philibert): Avec beaucoup de plaisir. M.
le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Ça fait toujours
plaisir d'accueillir en commission parlementaire ici, à
l'Assemblée nationale, les représentants de sa région. Je
suis d'autant plus fier ce matin que nos représentants de la
région de l'Estrie ont travaillé en concertation avec un certain
nombre d'organismes pour apporter une contribution, je pense, importante
à l'amélioration de ce projet de loi que nous étudions
présentement.
Vous avez pu constater comme moi-même que la prestation de nos
représentants est basée sur un pragmatisme certain et avec une
touche toute régionale. Je pense que ce sont là des aspects que
nous devons considérer avec beaucoup d'attention. J'aurais une toute
petite question peut-être à nos invités. J'aimerais que
vous élaboriez davantage sur la notion de courtier de formation, s'il
vous plaît.
M. Poirier: O.K. Ce qu'on constate présentement, c'est que
chaque institution... On dit: L'entreprise est débordée de gens
qui viennent offrir des services et chaque institution de formation, qu'elle
soit privée ou publique, évidemment, vient vendre sa salade ou
remplir son école ou son institution de formation, ce qui fait que
ça devient difficile de se retrouver et d'avoir des produits de
qualité là-dedans. Normalement, c'est ceux qui sont plus forts au
niveau de la promotion qui risquent de remplir leur salle de formation.
Alors, des courtiers de la formation... Si on regarde les exemples des
courtiers d'assurances ou des entrepreneurs en construction, il y aurait la
possibilité d'aller chercher, pour la petite entreprise, la meilleure
formation avec le meilleur formateur ou la meilleure formatrice au meilleur
coût au lieu tout simplement de chercher à vendre sa salade.
À ce niveau-là, ça accélérerait de beaucoup
l'efficacité de la formation et le développement de l'excellence.
(10 h 15)
Mme Compagna: Les besoins seraient peut-être
identifiés beaucoup plus rapidement aussi.
M. Hamel: D'accord. Merci. Moi, ça va, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Oui. Alors, M le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, on peut lire à la
page 4 du mémoire que votre concept de partenariat englobe tous les
groupes concernés, soit les entrepreneurs, les syndicats, les
élus régionaux, les formateurs, les enseignants, les
professionnels, les ingénieurs, les investisseurs, etc. Doit-on conclure
que vous proposez que chacun de ces groupes-là fasse partie des conseils
régionaux ou soit même représenté à la
Société nationale?
M. Poirier: Non. Effectivement, non. Ce qu'on vous demande tout
simplement, c'est de ne pas exclure les gens qui seraient les mieux
placés pour aider quelqu'un sur le développement d'un dossier de
formation, que ce soit pour du développement d'une entreprise ou autre.
À la limite, un entrepreneur local très actif ne devrait pas
être écarté si on en a besoin dans cette
localité-là pour s'occuper d'un dossier. Ce n'est pas du tout
dans le sens de représentativité, de nomination. On
préfère moins regarder ces questions-là. Je ne sais pas si
René, toi, tu veux...
M. Gendron (René): Oui. J'aimerais ajouter, M. le
ministre, en regard à votre question, qu'il y a déjà
depuis quelques mois un groupe de partenaires à l'intérieur de la
région qui essaie justement de regarder dans quelle mesure, en tenant
compte du portrait régional, en tenant compte des
caractéristiques régionales de notre région, autant sous
l'angle de la composition des secteurs d'affaires, des secteurs manufacturiers
ou autres que sous l'angle des travailleurs aussi, on ne pourrait pas
créer, justement, une synergie des gens qui pourraient développer
des habitudes de travail ensemble et, par le fait même, répondre
à des besoins très concrets, en assoyant progressivement autour
d'une table des gens issus d'entreprises, des gens issus aussi des travailleurs
et également des gens issus du milieu de l'éducation de
façon à travailler le plus étroitement possible, le plus
sur le terrain possible et de répondre le plus immédiatement
possible dans une relation, je dirais, comme on est habitués en
entreprise, de qualité-coût, à moindre coût et
à meilleure qualité, pour l'entreprise, de répondre
à
ces besoins le plus immédiatement possible.
Progressivement, à travers cette expérience, on se rend
compte qu'il y a une volonté des gens intéressés dans la
mesure où on assoit dans un partenariat la complémentarité
des gens, la complicité de ces personnes-là et où on
s'assure que les gens ont le goût de travailler dans un sens commun et
pour un objectif commun. Dans ce sens-là, ce n'est pas qu'il faut
retrouver dans une société régionale tous les partenaires,
mais ce qu'il faut aussi, c'est s'assurer que, dans les régions, on va
provoquer finalement des gens qui vont développer des habitudes et une
façon de faire ensemble et qui vont, par le fait même, le plus
immédiatement possible, répondre à des besoins qu'ont les
entreprises. Et les besoins sont énormes en matière de formation
et développement de la main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: Dans vos documents, vous traitez de ce que vous
appelez les courtiers de formation. On a pas mal discuté
récemment au Québec des courtiers de formation qui étaient
les groupes de coordination que le gouvernement fédéral avait
mandatés. Je pense même que, chez vous, c'a été
assez actif dans votre région. Nous, on s'est objectés à
ce qu'on mette sur pied un nouveau réseau de courtiers en formation
alors que, sur le territoire du Québec, nous avons des organismes qui
sont subventionnés par les deux ordres de gouvernement, Québec et
Ottawa, pour justement agir dans le domaine de la formation de relais entre les
formateurs et les entreprises.
S'il y un reproche qu'on peut faire au système actuel, c'est que,
justement, il y a tellement d'intermédiaires, il y a tellement de
réseaux que, finalement, il y a beaucoup d'efforts qui se gaspillent
inutilement en dédoublement puis en juxtaposition de programmes, etc. On
a même vu... M. le Président, je vous dis ça pour la petite
histoire. Dans l'est de Montréal, j'ai vu un organisme qui s'appelle le
club de sport et loisirs Roussin. C'est peut-être dans un des
comtés des députés ici. Moi, je n'ai rien contre le club
de sport et loisirs Roussin, c'est sûrement une organisation très
valable, mais, tout à coup, il est devenu courtier en formation
professionnelle, chargé de voir à ce que les besoins des
entreprises en haute technologie de la région puissent être
satisfaits. moi, j'ai trouvé ça un peu ridicule de voir que,
finalement, il s'interposait entre le gouvernement fédéral et les
entreprises dans la haute technologie. on ne parlait pas de formation banale.
on parlait de cao, fao, etc., puis, tout à coup, entre les deux,
s'interpose un club de loisirs et de sport. les courtiers comme ça, on
pourrait s'en passer, en ce sens que les 10 %, 15 % ou 20 % de commission qui
ont été payés à l'organisme auraient probablement
pu servir à d'autres fins. alors, je suis toujours un petit peu
réticent quand j'entends les mots «courtier en formation».
pourriez-vous nous expliquer un peu ce que vous entendez par ça, des
courtiers en formation?
M. Poirier: Vous savez, M. le ministre, quand on disait tout
à l'heure qu'il est question de partenariat puis qu'on parlait de
terrain... Notre vision est d'abord du terrain; avant même d'être
régionale, elle est du terrain et elle est au niveau local. Il faut
avoir la latitude de respecter les habitudes de travail. C'est-à-dire
que les gens qui ont une préoccupation de développement
technologique, par exemple, vont habituellement faire affaire avec des gens en
qui ils ont confiance. Il y a une relation privilégiée qui
s'établit. C'est la même relation privilégiée qui
s'établit lorsqu'il y a des demandes de formation.
Autrement dit, on ne fait pas affaire avec une institution. On va aller
chercher la meilleure personne, la meilleure ressource qui va s'occuper de
notre bon besoin au bon moment et, à partir de ça, c'est
là où on va pouvoir développer et entretenir cette
relation privilégiée. Habituellement, ces courtiers de formation
peuvent s'occuper de l'aspect bureaucratique ou, mettons, paperasse en rapport
avec les exigences des institutions. Ce qui est constaté, par exemple,
en Europe, pour les gens qui font ça, c'est qu'il y a beaucoup moins
besoin d'évaluation, parce que, s'il y a piètre qualité,
les gens ne renouvelleront peut-être pas avec votre club de loisirs de je
ne me rappelle pas trop où. Ils vont habituellement faire affaire avec
des gens où ils sont certains qu'il y a une bonne qualité et
où il y a une relation privilégiée.
Alors, c'est tout simplement dans un but d'efficacité. Il y a
divers gens qui sont déjà sur le terrain, qui connaissent des
gisements d'activité en termes de besoins de formation ou de
possibilités de développement de main-d'oeuvre. Il ne faut pas
exclure d'emblée ces gens-là en disant qu'il y a un fonctionnaire
quelque part qui va s'occuper des entreprises qui sont entre les lettres f et
p, supposons.
M. Bourbeau: Je n'ai pas d'objection, M. le Président - au
contraire - à ce qu'on ait recours à l'entreprise privée
dans des domaines où elle est compétente. Cependant, je voulais
simplement parler de ça tout à l'heure pour bien montrer qu'on
peut avoir des abus. Il peut aussi y avoir des abus dans ce domaine-là.
Il ne faut pas tomber dans ce genre d'abus.
À la page 5 du mémoire, vous vous référez au
concept de ce que vous appelez le partenariat horizontal que vous opposez
à la notion de verticalité. Pourriez-vous nous expliquer
concrètement le processus de prise de décision que vous envisagez
pour la Société?
Mme Compagna: M. le ministre, je pense qu'à quelque part
on a peut-être perdu les vraies raisons d'exister d'une PME, qui sont de
produire un produit de qualité avec une livraison rapide
et aussi de se retourner de bord rapidement. Alors, les gens avec qui
ont fait affaire dans un partenariat, c'est extrêmement important, pour
nous, d'avoir confiance en eux pour les sujets qu'ils traiteront avec nous. Le
partenariat est très difficile à faire parce qu'on n'impose pas
un partenaire. Je pense qu'il faut avoir certaines affinités. Je vais
vous donner un petit exemple des délais que ça nous occasionne
quand il y a beaucoup d'intermédiaires entre nous et les services qu'on
nous offre.
Les noms sont fictifs pour ne blesser personne. L'entreprise Connection
a investi pour introduire une nouvelle technologie. Elle désire
augmenter les qualifications de ses techniciens. Elle a un profil de cours qui
est déjà monté. On a trouvé le professeur externe
pour le donner et le coût, c'est 4500 $. Alors, cette entreprise fait
appel à la CFP pour avoir de l'aide. Quelques jours après, une
visite se fait pour expliquer le problème. Il y a une suggestion
à savoir de faire un PDRH. Deux semaines plus tard, le travail est
complété. La CFP donne son accord et passe une commande à
l'école Bonsecours. Quelques jours après, l'école envoie
un de ses spécialistes pour voir le plan de formation ainsi que le
niveau actuel des techniciens. Après quelques autres jours encore, il y
a une réponse positive à la demande. Le cours pourra
débuter dans six semaines. Il y a une pression de l'entreprise.
L'école Bonsecours décide d'engager, en sous-traitance, le
professeur privé trouvé par l'entreprise au départ. Une
semaine plus tard, le cours commence, mais la facture totale est maintenant
rendue à 16 000 $.
Alors, les premiers coûts étant de 4500 $ et les
délais de la demande étant de sept semaines, étaient-ce
les meilleurs coûts d'avoir eu plusieurs interventions en cours de route?
Ça, c'est à répétition, chez nous, M. le ministre,
dans la petite entreprise.
Actuellement, les programmes de formation qui existent à la CFP,
on n'y a pas accès pour la simple et bonne raison qu'on se doit d'avoir
de l'équipement à l'extérieur de la production. On se doit
d'avoir trois travailleurs en formation. Alors, moi, chez nous, j'ai une
moulurière. Elle est à l'intérieur de l'entreprise. Alors,
si je la sors dehors, j'ai des problèmes. Le matériel
utilisé pour faire de la formation ne doit pas être du
matériel de production. Alors, quand je constate que je paie 800 $ les
1000 pieds et que j'en passe 100 pieds à la minute dans la
moulurière, vous comprendrez que le coût de formation, dans le
cadre du projet de la CFP, c'est hors prix pour moi. Je ne peux pas y
accéder.
M. Bourbeau: II reste quand même que vous pouvez avoir
accès au crédit d'impôt à la formation et, pour
ça, c'est vous qui avez l'initiative. Vous pouvez choisir le formateur
que vous voulez. La seule restriction, c'est que vous ne pouvez pas prendre un
de vos employés pour former les autres, du moins pas jusqu'à
maintenant. Est-ce que vous avez essayé ce canal-là?
Mme Compagna: Oui, on a regardé cet aspect-là du
problème, sauf que, quand on a besoin d'une personne à
l'extérieur, c'est parce qu'on n'a pas à l'intérieur de
l'entreprise les qualités requises pour faire de la formation. Alors, ce
qu'on regarde présentement c'est quelqu'un qui viendrait former
quelqu'un en entreprise pour faire une formation continue a l'intérieur
même de notre entreprise. Mais ça. ce n'est pas facile.
M. Bourbeau: Là, vous auriez droit au crédit
d'impôt.
Mme Compagna: Selon certains critères.
M. Bourbeau: Est-ce que la notion de priorité que nous
accordons au réseau public d'enseignement dans le choix des formateurs
dans le cas des particuliers, ça vous crée des
problèmes?
Mme Compagna: Oui, ça nous crée des
problèmes, parce que, actuellement, les réseaux publics ne sont
pas adaptés aux besoins de la petite entreprise. Je vais vous donner un
exemple encore. En décembre, j'ai appelé au cégep et j'ai
demandé s'il y avait des finissants en technique de menuiserie, en
métal, en réparation d'équipement, des choses comme
ça... en entretien et réparation. Alors, on m'a dit: On vous
rappellera un peu plus tard et on va vous donner des renseignements. Alors,
j'ai eu, vers le 15 janvier, un téléphone de ce même
cégep et on m'a dit: On a deux places en électronique. Alors,
c'était leur besoin de combler les deux places qu'il y avait de vides
sur les sièges de leur classe et non pas les besoins que moi j'avais
à combler à l'intérieur de mon entreprise. Ça,
ça s'est passé cette année.
Alors, il faudrait vraiment que les réseaux publics fassent un
effort pour venir voir ce qui se passe dans la petite entreprise. Maintenant,
avant de créer des emplois ou avant de faire de la formation, il
faudrait peut-être voir dans la petite entreprise les emplois qu'il y a
à combler afin de faire la bonne formation.
M. Poirier: II reste aussi...
M. Bourbeau: Je partage entièrement votre point de vue,
madame.
Mme Compagna: Merci.
M. Poirier: ...que, quand on parlait de partenariat avec
rôles, pouvoirs ou responsabilités, le fonctionnaire de
première ligne qui serait, par exemple, au niveau de la
Société, il devrait quand même avoir une latitude qui est
assez
grande, avec un pouvoir de décision qui serait rapide. Si besoin
il y a, il devrait pouvoir passer par autre chose que par l'institution
publique sans exclure le fait, comme je vous le disais, qu'il y a d'excellents
cours qui se donnent en région dans l'institution publique.
Il reste que, quand on parle d'éducation des adultes, ce qu'il
faut constater, c'est que l'entreprise, elle, n'aurait pas le droit, à
travers ce qu'on voit, d'aller dans le privé pour aller chercher ce dont
elle a besoin, mais l'institution publique, elle, le fait. Il n'est pas rare de
constater qu'une entreprise aurait pu avoir un professeur, un
spécialiste qui est déjà sur le marché du travail
et qui chargerait, par exemple, 35 $ l'heure sur un cours plus rapide pour
donner quelque chose, mais, en passant par l'institution de formation, elle va
le chercher dans le privé, le même type. Alors, à ce
moment-là, ça monte à 90 $ et même 100 $ l'heure.
Ils sont où les autres 60 $? On ne compte pas les délais. C'est
quand même très important.
M. Bourbeau: C'est censé se terminer, ça. Cette
façon de faire les choses, sous-contracter, je ne crois pas qu'on va
revoir ça dans l'avenir.
M. Poirier: C'est bien.
Le Président (M. Philibert): Alors, vous avez
terminé, M. le ministre? Merci. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, avant de procéder à vos questions, quand
vous voulez prendre la parole, s'il vous plaît, je vous demanderais de me
prévenir que vous voulez prendre la parole, parce que, vous voyez, pour
gérer le temps, c'est plus facile. (10 h 30)
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je veux
saluer les gens du Forum emploi Estrie. Je pense que vous êtes, à
ma connaissance, le seul forum emploi en région qui se présente
devant la commission. Je sais que bon nombre d'expériences de
partenariat en matière de formation ont été
initiées dans la région de l'Estrie. Je vous écoutais avec
beaucoup d'intérêt, M. Duplantie, M. Poirier, Mme Compagna, je
crois? C'est bien ça? Vous savez que là où vous êtes
assis, bon nombre d'autres organismes sont venus plaider pour une organisation
de type sectoriel et non pas régional avec des arguments que j'aurais
souhaité que vous puissiez entendre, notamment les mêmes arguments
de partenariat, pour vous demander de réagir, mais sous vocable
d'efficacité. Par exemple, hier, le Conseil québécois du
commerce de détail est venu argumenter que plutôt que de se
retrouver avec toutes sottes d'autres secteurs au niveau, par exemple,
régional, ce qu'eux souhaitaient, c'était de se retrouver avec
l'ensemble de leurs branches d'activité.
Ça en est un parmi - vous vous imaginez - des dizaines et des
dizaines d'autres qui plaident pour un renversement du projet, mais sur une
base sectorielle. Est-ce que c'est un point de vue qui s'est exprimé
dans votre région? Est-ce que vous en avez déjà
discuté? Est-ce que c'a été écarté
péremptoirement ou si vous avez évalué la chose?
M. Gendron (René): Mme la députée... Mme
Harel: M. Duplantie. M. Gendron (René): Non, M. Gendron. Mme
Harel: Excusez, M. Gendron.
M. Gendron (René): M. Duplantie, malheureusement, n'est
pas à ma gauche.
Mme Harel: D'accord. Excusez-moi.
M. Gendron (René): Quand vous parlez de l'approche
sectorielle... J'oserais dire qu'on a, rapidement, en même temps, deux
approches qu'on expérimente. On a initié tantôt, on a
parlé rapidement d'un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre
dans le secteur métallique. C'est une première même au
Québec parce que le secteur métallique en soi n'est pas
regroupé sous une association sectorielle provinciale. Lorsqu'on parle
de formation, lorsqu'on parle de développement des ressources humaines,
depuis un an et demi on ne fait que commencer à travailler
progressivement à intéresser et impliquer l'entrepreneur pour
qu'il investisse dans la formation et le développement de son personnel.
Il y a toute une forme progressive de l'intéresser et de l'amener
à investir, à se préoccuper, à regarder les
mécanismes qui pourraient l'intéresser.
Parallèlement, dans un autre ordre d'idées, on voudrait,
en région - vous en avez parlé tantôt, Mme la
députée... On foisonne de projets-pilotes en Estrie. On essaie
toutes sortes de choses. On est en train depuis quelques mois... On a
rencontré trois groupes différents, d'où l'importance
qu'on mentionnait tantôt, autant Mme Compagna que M. Poirier, de partir
des réalités et des préoccupations des gens des
régions, des gens du terrain.
On regarde la possibilité à travers trois groupes. On a
regardé du côté grande entreprise. On a regardé dans
un secteur - l'approche sectorielle, comme vous disiez - caoutchouc et
plastique, et on a regardé dans une approche multisectorielle
l'intérêt de propriétaires. C'est majoritairement des
petites entreprises. Il faut se souvenir que - aussi bien, je pense, en Estrie
qu'au Québec - 85 % des entreprises manufacturières chez nous ont
moins, dans le fond, de 200 employés, lorsqu'on parle des PME. 85 %...
Hein?
Mme Harel: 82 % des entreprises au Québec ont moins de 10
employés.
M. Gendron (René): C'est très petit. En Estrie,
c'est très, très petit aussi. On en a beaucoup. Dans ce
sens-là, on regarde ce que ça pourrait être
dépendamment des besoins de formation à combler des postes de
travail autant du côté sectoriel que du côté du
multisectoriel. Par exemple, on pourrait prendre cinq entreprises dans des
secteurs différents. Un commis c'est un commis. Un commis dont on veut
perfectionner le travail, ça pourrait être faisable.
Le Préskient (M. Philibert): Oui, M. Poirier.
M. Poirier: Je pourrais peut-être ajouter à
ça qu'il ne faut pas perdre de vue aussi, quand on regarde les
expériences ailleurs - et c'est le cas ici aussi - ces 90 %
d'entreprises dont on parle justement qui ont très, très peu
d'employés. Souvent ce pourquoi ils n'utilisent pas beaucoup la
formation, c'est qu'ils sont à la merci des offreurs de formation. Ces
petits patrons là, quand le grand spécialiste de la formation
arrive, évidemment, ce qui va passer c'est ce que lui peut offrir. Ce
n'est pas nécessairement ce dont l'autre a besoin parce que la grande
institution ne peut pas toujours se tourner rapidement sur les petits besoins
comme ça.
Alors, à travers les expériences dont M. Gendron parlait,
on est en train de bâtir quelque chose où on va rassembler ou
regrouper les demandeurs de formation de façon à ce qu'eux autres
puissent «caller» les «shots» - excusez l'anglais -
là-dessus, c'est-à-dire qu'eux puissent dire de quoi ils ont
besoin, dans quelles conditions, au lieu que ce soit tout simplement: Eh bien,
c'est ça que les institutions de formation offrent. Si tu n'en veux pas,
attends ou va ailleurs.
Mme Harel: Vous vouliez dire quelque chose madame...
Mme Compagna: Oui, j'aimerais ajouter qu'il faudrait faire
attention pour ne pas mettre dans un chapeau tous les gens qui ont besoin de
formation, parce qu'il y a aussi à l'intérieur de ça la
motivation des gens qui sont déjà au travail à performer
davantage. Il y a aussi les gens qui ne sont pas sur le marché du
travail et qui veulent y revenir. Il y a aussi, peut-être, une petite
catégorie de gens qui seront obligés, par les faits, de se
former, mais qui, en tout cas, seront plus difficiles à adapter au
niveau du travail. Alors, il faudrait faire attention pour ne pas brasser un
chapeau.
Mme Harel: Vous avez effleuré, je pense, à la page
5, les comités d'entreprise. Finalement, dans votre philosophie, c'est
là où ça devrait se passer, dans un comité
d'entreprise. Dans l'entreprise, donc, possiblement en partenariat... Est-ce
que vous voyez le partenariat dans l'entreprise elle-même? Vous savez
peut-être que la CSD est venue plaider ici pour l'implantation de
comités d'entreprise...
M. Poirier: Vous savez...
Mme Harel: ...pour qu'avant qu'il y ait des fonds publics qui
soient attribués - on ne parle pas des fonds que l'entreprise
elle-même investit il y ait eu déjà, dans
l'entreprise, une sorte de bonne entente entre les parties.
J'ait une autre question aussi, parce que, si c'est vraiment dans la
perspective de cette concertation que vous souhaitez... Il y a aussi tout le
modèle de la MRC qui a été abordé ici plutôt
qu'au niveau de la grande région, parce que les marchés de
travail ne sont pas nécessairement régionaux, n'est-ce pas? Vous
en êtes un bon exemple dans i'Estrie. Alors, il y a des
différences considérables d'un coin à l'autre. Il peut y
en avoir entre les deux régions du Québec. Est-ce qu'on pourrait
aller jusqu'à envisager vraiment la concertation au niveau de la
MRC?
M. Poirier: Je peux peut-être débuter pour une
chose. Quand on a parlé de comités d'entreprise, je veux vous
rappeler que, dans ce mémoire-là, on a dit: La formation, c'est
sur le terrain que ça se passe. Ça va, oui?
Mme Harel: Je ne pense pas que le député
réagissait à vos propos.
M. Doyon: Pas du tout. M. Poirier: Non? Mme Harel:
Non.
M. Poirier: O.K. Alors, quand on disait que la formation, c'est
sur le terrain que ça se passe... Quand on parle de comités
d'entreprise, il reste qu'habituellement, s'il y a un problème de
formation en quelque part qui est très clair, c'est assez facile de
trouver la solution si les gens qui sont autour de la table ont le pouvoir de
se tourner rapidement, alors que, quand c'est en dehors de l'entreprise... Je
fais partie aussi de tables de concertation. Il y a vraiment une
différence avec le partenariat où on va parler de grands
problèmes, de problèmes de chômeurs, de problèmes
d'augmenter le bassin de main-d'oeuvre et tout ça. Mais on en parle
d'une façon assez générale. On peut donner les grandes
orientations, alors que, quand on parte de comités d'entreprise, comme
je vous le disais, c'est en vue d'une solution qui est très claire. On
sait où on s'en va là-dedans.
Alors, ce qu'il doit y avoir, lorsqu'on parle de formation à un
niveau très clair et terrain comme ça, c'est le chef d'entreprise
ou ses représentants, c'est le technicien qui est spécia-
lise dans la place, c'est les travailleurs qui sont concernés -
en tout cas, certains d'entre eux -c'est le formateur spécialisé,
ça peut être aussi le courtier en formation qui va voir à
animer et faciliter ça. Le fonctionnaire de la société de
main-d'oeuvre, là-dedans, devrait être assistant, en termes de
fournir les moyens de façon à ce que le plan qui va être
décidé va être réalisé.
Dans une table qui est extérieure, on commence à tomber
plus large. On peut parler d'orientations, mais rarement, moi, j'entends des
projets concrets. C'est plus de la concertation.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. Gendron.
M. Gendron (René): Pour ce qui est de votre question
relative à aller jusqu'aux MRC, je pense que nous croyons, nous,
qu'à partir de la société régionale, étant
donné qu'il y a déjà, effectivement, des
différences dans les sous-régions mais qu'il y a
déjà beaucoup d'organisations structurées, il s'agirait
d'établir un lien formel avec des gens déjà en place, des
structures déjà en place préoccupées par la
formation et le développement, sans pour autant créer un autre
niveau. Déjà, nous, dans la région, on fait des
expériences, on vit des choses à ce niveau-là parce qu'on
s'assure d'intéresser les MRC dans le développement de projets
que l'on fait sous l'angle de la formation et, particulièrement - un
autre exemple - l'exportation sur les marchés de la
Nouvelle-Angleterre.
Mme Harel: Vous savez que, présentement, les entreprises,
lorsqu'elles utilisent leur crédit d'impôt, ont libre choix de
leur formateur. Le choix du formateur, il est déjà offert. Le
formateur n'a qu'à se faire accréditer, n'est-ce pas? Le
courtier, c'est la CFP, finalement, dans le plan, dans le projet. Alors, c'est
ce qui va rester, de toute façon, le courtier.
J'aimerais ça revenir avec vous, Mme Compagna. Si vous voulez, on
va reprendre l'exemple que vous donniez tantôt. Je pense que c'est
peut-être votre expertise-terrain qui peut être la plus utile pour
les membres de cette commission. Alors, voulez-vous nous le redonner
rapidement, votre exemple? Vous nous parliez d'une entreprise qui souhaitait...
C'était une petite PME. Voulez-vous nous le redonner très,
très rapidement pour qu'on en détecte chacune des phases?
Mme Compagna: Dans l'exemple de tantôt? Oui? Bon.
D'après une autre expérience que j'ai vécue aussi...
Mme Harel: Mais celle-là, nous la rappel-leriez-vous pour
qu'on en connaisse les implications?
Mme Compagna: De reprendre le... C'est ça? Mme Harel:
Oui.
Mme Compagna: O.K. C'est une entreprise qui a déjà
un professeur, qui a déjà trouvé une personne pour faire
la formation chez elle. C'est une entreprise qui a aussi détecté
les coûts. La soumission a été donnée: 4500 $. Donc,
pour avoir de l'aide, elle s'est adressée à la CFP.
Mme Harel: D'accord. C'est parce qu'elle n'utilise pas son
crédit d'impôt, à ce moment-là.
Une voix: C'est ça.
Mme Compagna: II faut que quelqu'un soit accrédité.
Alors, il y a tout un cheminement à faire pour être
accrédité à la CFP.
Mme Harel: Mais, si elle avait utilisé le crédit
d'impôt... C'est que le professeur n'était pas déjà
accrédité? Le professeur aurait pu se faire...
Mme Compagna: Pas nécessairement.
Mme Harel: si le professeur se faisait accréditer par la
cfp, ensuite l'entreprise pourrait l'utiliser autant qu'elle le souhaiterait,
dans la structure actuelle.
Mme Compagna: Sauf que, pour faire accréditer tout
ça, il y a un cheminement. C'est à ce cheminement-là que
la CFP donne son accord. Après, il faut que ça passe par une
école.
Mme Harel: C'est parce que ça, ce n'est pas dans le
crédit d'impôt, alors?
Mme Compagna: C'est dans le crédit d'impôt, mais il
faut que tout le cheminement soit fait pareil. Ce n'est pas facile d'aller
chercher ses crédits d'impôt.
Mme Harel: Écoutez, j'aimerais juste qu'on s'entende bien
parce que sinon on peut avoir l'impression qu'il y a des problèmes
là où il n'y en a pas. Mon rôle est plutôt d'en
trouver. Ce n'est pas parce que je cherche...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Compagna: On peut vous en fournir. Ha, ha, ha!
Mme Harel: Je voudrais aussi bien comprendre. Ce qu'on m'en dit
présentement c'est que les organismes, comme le professeur en question,
peuvent se faire accréditer...
Mme Compagna: Oui.
Mme Harel: ...depuis septembre. Il y a un an et quelques mois.
À partir de ce moment-là, dès qu'une entreprise veut
utiliser ses services, elle n'a plus besoin de passer par Pierre, Jean,
Jacques.
Mme Compagna: Si on y va par le réseau de formation qu'on
connaît, public...
Mme Harel: Ça, c'est parce qu'elle veut utiliser des fonds
publics.
M. Gendron (René): C'est ça. Elle veut utiliser des
subventions...
Mme Compagna: Si on va par les cégeps...
Mme Harel: Des subventions autres que les crédits
d'impôt.
M. Gendron (René): ...autres que les crédits
d'impôt.
Mme Harel: O.K. Là, on s'entend. Mme Compagna:
D'accord. Mme Harel: Ce n'est pas la même chose. M. Gendron
(René): Ce n'est pas pareil.
Mme Harel: Alors, si... Elle veut utiliser des subventions
publiques. O.K.
Mme Compagna: Dans les programmes qui existent actuellement
à l'intérieur de la CFP.
M. Gendron (René): C'est plus un cas de subvention
publique, ça.
Mme Compagna: C'est ça.
Mme Harel: bon. ça, c'est des... une subvention. j'aurais
aimé ça qu'on le pousse pour voir. au fond là, si on veut
apporter des bons correctifs, il faut faire le bon diagnostic du
problème.
Mme Compagna: D'accord.
Mme Harel: Le choix du formateur, vous nous le présentez
comme une solution. Elle est déjà là maintenant, la
solution, quand c'est l'entreprise qui paie. Quand c'est l'entreprise qui paie
et qu'elle se fait rembourser avec le crédit d'impôt, elle a
déjà le choix du formateur dans la mesure où le formateur
est accrédité. Ça, je pense qu'on va s'entendre pour se
dire que c'est raisonnable, dans une société, que des formateurs
soient accrédités. Sinon, je ne sais pas, moi... On peut
s'entendre sur le fait que ça vaut pour les écoles à
caractère publique même si elles sont privées.
Mme Compagna: Mme la députée, je vous ferai
remarquer que le délai qui occasionne tout ce cheminement de dossier est
quand même assez important. Nous sommes de la petite entreprise. Si on
regarde les qualités des petites entreprises, c'est d'avoir un produit
de très haute qualité. Alors, quand nous avons besoin d'un
employé chez nous, il faut qu'on prenne une décision rapidement.
Le professeur n'est pas toujours apte. Ce que j'ai vécu chez nous
l'année dernière, c'a été qu'en passant par le
réseau on m'offrait un professeur, mais qui n'était pas
formé pour notre moulurière. Alors, la fichue moulurière,
il fallait que je forme le professeur pour venir former mes employés.
Alors, c'est complètement ridicule.
Mme Harel: D'accord. Attendez, on va suivre votre exemple.
Qu'est-ce que c'est exactement, votre activité?
Mme Compagna: Dans le domaine du bois. Mme Harel: Du bois?
Mme Compagna: Oui.
Mme Harel: D'accord. Alors, à ce moment-là, vous
vous êtes adressée à une commission scolaire?
Mme Compagna: La CFP...
Mme Harel: À la CFP.
Mme Compagna: ...qui, elle, s'est adressée au
cégep.
Mme Harel: Oui.
Mme Compagna: le cégep m'est revenu. ils m'ont dit: on va
vous envoyer un professeur, sauf qu'on n'a personne de qualifié. vous
allez former notre professeur...
Mme Harel: D'accord.
Mme Compagna: ...et, après que le professeur sera
formé, il formera vos employés.
Mme Harel: D'accord.
Mme Compagna: Bien, c'est complètement ridicule.
Mme Harel: En aviez-vous un professeur déjà
formé...
Mme Compagna: Non.
Mme Harel: ...que vous auriez pu prendre en dehors du
cégep?
Mme Compagna: Non, je n'en ai pas trouvé.
Mme Harel: D'accord. Mme Compagna, c'est peut-être
ridicule, mais ça aurait été quoi la solution?
Mme Compagna: Si j'avais pu aller chercher une personne à
la retraite, par exemple, ou à la semi-retraite...
Mme Harel: Oui. Est-ce qu'il y en avait de disponible? Est-ce
qu'il y avait un professeur disponible ailleurs, déjà
formé, tout prêt, que vous connaissiez?
Mme Compagna: Non.
Mme Harel: Vous comprenez, ce que je veux dire, c'est qu'il faut
trouver des solutions. Si l'entreprise et le milieu de l'éducation ne
sont pas intimement liés, comment un formateur... Où est-ce qu'il
aurait pu se former, le formateur?
Mme Compagna: Ça aurait été quelqu'un de mon
concurrent.
Mme Harel: Ah oui!
Mme Compagna: À ce moment-là, ce n'est pas
possible. C'est ça, le problème. (10 h 45)
Mme Harel: C'est ça. Alors, ça veut donc dire qu'il
vous faut travailler très, très étroitement avec le
cégep pour que les personnes qui donnent des cours restent toujours
à point, ne soient pas déphasées par rapport aux besoins
que votre secteur du bois nécessite.
Mme Compagna: C'est ça. C'est pour ça que je disais
tantôt: II faut identifier les besoins avant de former.
Mme Harel: La question qui m'intéresse, c'est: Est-ce que
le cégep vous a offert quelque chose pour former son formateur?
Mme Compagna: J'en suis restée là parce que le
délai était déjà tellement long. À un moment
donné, tu t'écoeures et tu arrêtes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: D'accord. Vous vouliez dire quelque chose, M.
Poirier?
M. Poirier: Je voulais tout simplement rajouter qu'effectivement
il y a des gens qui peuvent se faire accréditer, mais je ne suis pas
certain que ce soit dans tous les domaines. Je vais prendre l'exemple de M.
Gendron, quand il pariait de multisecteurs. Il y avait quelques personnes qui
étaient là et qui étaient spécialisées en
boucherie. Quand on parlait d'augmenter le niveau de qualification de leur
boucher, elles n'étaient pas intéressées à aller
à l'institution publique. Ce qu'elles disaient, c'est: On connaît
les professeurs qui sont là et on ne les engagerait pas comme boucher.
Alors, elles auraient plus l'intention d'aller chercher quelqu'un
ailleurs...
Mme Harel: Oui.
M. Poirier: ...mais on n'a poussé l'investigation plus
loin.
Mme Harel: Je termine parce que le président me dit que
mon temps est écoulé. La grande question, c'est: Comment fait-on
pour rentabiliser nos équipements publics? Avec la rareté des
ressources actuelles, ou on fait travailler étroitement l'entreprise et
l'institution pour qu'il y ait aussi une culture d'entreprise dans
l'institution et une culture de la formation dans l'entreprise, sinon, M.
Poirier, ce que vous dites, c'est qu'on va continuer à être des
incompétents, au dire des entreprises, dans les institutions. Ça
va résulter en quoi au bout de la ligne? Ça va former des jeunes
qui vont arriver pas préparés non plus. Alors, du
côté où on est, nous, comment fait-on ensemble pour
rentabiliser les choses?
Mme Compagna: Je pense qu'il y a une étroite collaboration
entre les maisons d'enseignement à Sherbrooke et la maison
régionale. On essaie de plus en plus mais c'est extrêmement
difficile de parler le même langage. Ça, c'est une barrière
psychologique qui existe et on devra, dans le futur, être capables de
s'adapter aux besoins. C'est pour ça qu'on dit que de laisser le pouvoir
en région, c'est extrêmement important afin que les gens nous
écoutent. On a un langage bien particulier en entreprise et ce n'est pas
du tout le langage des enseignants. À ce niveau-là, nous faisons
un pas quand même assez rapide pour les rejoindre. Il faudra que, dans le
futur, ils fassent aussi un pas pour venir nous rejoindre.
Mme Harel: Merci beaucoup. Votre contribution est importante
à cause de l'expérience que vous en avez.
Le Président (M. Philibert): Merci pour votre
participation à la commission parlementaire. Pour conclure, on me
signale que le centre de loisirs Roussin est situé dans le comté
de Pointe-aux-Trembles, parce que ma collègue de Bourget s'en voyait
imputer la maternité, si vous me passez l'expression. Merci pour votre
mémoire. Maintenant, je vous demanderais de vous retirer de telle sorte
qu'on puisse appeler Le groupe Ressources CSF inc.
Mme Compagne: Moi, je tiens à remercier tous ceux qui nous
ont écoutés durant notre séance d'information.
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît. À l'ordre, s'il vous plaît. Je demanderais au groupe
CSF inc. de prendre place, s'il vous plaît. Alors, bienvenue à la
commission. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et
20 minutes, en principe, sont réservées au gouvernement et 20
minutes à l'Opposition pour vous questionner. Je vous invite à
nous livrer votre mémoire, mais, auparavant, à identifier votre
porte-parole et les personnes qui l'accompagnent.
Le groupe Ressources CSF inc.
M. Nault (Jean-Luc): Bonjour. Moi, mon nom, c'est Jean-Luc Nault.
Je suis directeur général du groupe CSF. On va commencer par la
gauche.
M. Rivest (Gilbert): Gilbert Rivest. Je suis directeur de la
formation.
M. Hubert (Jacques): Jacques Hubert, chargé des ventes et
marketing.
M. Amyot (Gaston): Gaston Amyot, département de
l'administration et des ressources humaines.
M. Lefebvre (Louis): Louis Lefebvre, directeur du
développement.
M. Nault: Président du conseil d'administration.
Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y avec votre
mémoire.
M. Nault: O.K. En fait, bonjour. Je suis directeur
général du groupe Ressources CSF. Je désire, au nom de
toute l'équipe, vous remercier, M. le Président, M. le ministre
Bourbeau, Mmes et MM. les parlementaires, de nous avoir donné
l'opportunité d'exprimer notre opinion sur le projet de loi 408 et
l'énoncé de politique sur un Québec compétent et
compétitif. Nous désirons vous féliciter, M. te ministre
Bourbeau, d'avoir entrepris le lancement d'un tel débat social et de
légiférer sur le sujet. Ma présentation d'aujourd'hui
consistera à vous exposer les points essentiels du mémoire,
enrichis de commentaires. À cet effet, copie de cet exposé vous a
été transmise aujourd'hui.
Quant au statut légal de l'entreprise, dans le jargon de la
formation, nous ne sommes ni du réseau public d'enseignement, ni
régis par la loi sur l'enseignement public. Nous sommes une entreprise
privée de développement de la main-d'oeuvre, issue du milieu
automobile et qui offre à sa clientèle des services de
planification des ressources humaines, de recrutement, de sélection, de
placement et de formation. Notre entreprise est présentement à
développer d'autres initiatives dans d'autres secteurs que celui de
l'automobile pour le développement de la main-d'oeuvre. Notre entreprise
est accréditée par la CFP pour effectuer des PDRH et de la
formation dans divers secteurs. Nous sommes aussi accrédités par
Emploi et Immigration Canada pour la planification des ressources humaines en
entreprise.
Notre philosophie de formation repose sur des principes d'apprentissage
en alternance entre notre centre de formation et l'employeur ou l'entreprise
d'accueil, dans le cas des groupes de coordination, dans des proportions allant
de 30 % à 50 % de l'ensemble des heures de formation. Nos programmes de
formation contiennent tous: un volet andragogique où nos participants
sont exposés aux méthodes d'apprentissage, de gestion du stress,
de motivation et de travail de groupe; un volet sur les valeurs
socio-économiques des entreprises où ils travaillent et sur les
relations du travail; des volets techniques à la fine pointe de la
technologie; des volets de formation en milieu de travail où nous avons,
au préalable, formé un formateur parrain et où un de nos
formateurs techniques supervise l'apprentissage sur les lieux.
À l'heure où je vous parle, nous avons deux de nos
formateurs techniques en industrie et une trentaine de formateurs parrains qui
veillent au bon transfert technologique et à l'intégration de nos
participants dans le milieu. Nos formateurs andragogiques sont constamment
aidant au processus d'apprentissage, en collaboration avec nos formateurs
techniques, formateurs parrains qui appartiennent à l'industrie, qui
sont dans l'industrie, et les participants.
Nous avons développé des critères de
sélection où est évalué le profit des participants
nous permettant de diminuer les risques de décrochage et d'augmenter la
réussite tout au long de la formation. Permettez-moi de vous dire que
nous avons 0 % de décrochage. Chez nous, le décrochage, on ne
connaît pas ça. Nous avons développé des
méthodes de placement qui nous ont permis d'obtenir un taux de 96 % de
réussite chez nos finissants.
Au chapitre de la création d'emplois, nous avons
créé a l'interne 21 emplois et collaboré à la
création de 63 emplois permanents dans notre industrie. Notre mandat
actuel, via les groupes de coordination et un groupe de CSST, vise à
former et à placer 90 individus chez nos clients. Laissez-moi vous dire
que les choses vont bon train. Nous avons également mené
plusieurs mandats au chapitre de la consultation dans la planification des
ressources humaines visant à mieux répondre aux besoins du milieu
de l'automobile.
Excluant l'achat de cours par des groupes
de coordination financés par EIC, le financement des programmes,
incluant les salaires, que nous avons réalisés se répartit
comme suit: en provenance du secteur privé, 44 %; en provenance d'Emploi
et Immigration Canada, 31 %; en provenance principalement des mesures de
crédit d'impôt provincial, 25 %. Excluant l'aide de la CFP
Laurentides-Lanaudière - une aide de 13 000 $ pour la formation de nos
formateurs - jamais notre entreprise n'a reçu de subvention directe.
Alors que l'industrie de l'automobile gérait une décroissance au
niveau de l'emploi, nous avons créé des partenariats où le
secteur privé participe, en moyenne, à 44 % des coûts. EIC
subventionne une partie des heures de formation à l'utilisateur du
service au même taux que celui du secteur public - on n'a pas eu de
cadeau du fédéral - après avoir dû payer un certain
pourcentage à la CFP.
Nous pouvons vous affirmer, M. le ministre, que notre action est plus
efficiente que celle du réseau public au chapitre du coût social.
Nous avons réalisé ces choses-là sans taxes scolaires,
sans l'«overhead» d'un MEQ et sans l'achat d'équipement
ultraspécialisé. À ce chapitre, nous avons
développé un système de commandite pour
l'équipement ultraspécialisé, ce qui nous permet d'avoir
dans nos laboratoires la dernière technologie du
«diagnosticage» électronique. Nous avons aussi
négocié des contrats de formation avec des entreprises qui
développent les équipements utilisés dans l'industrie.
Là encore, nous avons obtenu la participation de l'industrie dans sa
formation et laissez-moi vous dire que celle-ci est très fière de
son implication.
Le développement des programmes de formation et de la formule
d'apprentissage financée par l'entreprise privée est un autre
exemple de participation dans l'industrie à sa formation. Nous sommes en
train d'y développer une culture de formation en faisant collaborer
ensemble les principaux intervenants du secteur. La technologie,
l'équipement et les professionnels du secteur sont dans l'industrie. On
perd du temps, de l'énergie et de l'argent si on s'acharne à
vouloir former et maintenir à jour les compétences des formateurs
du réseau public et à lui payer de l'équipement et des
immobilisations alors que tous les ingrédients sont déjà
dans l'entreprise. Il suffit d'y articuler la formation et c'est ce que nous
faisons.
Nous avons fait la preuve que l'industrie est mûre pour prendre en
main sa formation quand ce sont les bons joueurs qui sont dans l'arène.
Des initiatives comme la nôtre ne vous demandent aucun investissement
d'immobilisation ou d'équipement spécialisé. Favoriser ou
privilégier le réseau public d'enseignement comme vous entendez
le faire rend plus difficile l'émergence d'initiatives nouvelles,
croyez-en notre expérience avec les CFP actuelles. Favoriser ou
privilégier le réseau public et promouvoir les initiatives
privées sont deux énoncés contradictoires.
Lorsque les fonctionnaires qui gèrent les programmes auront mis
tout leur temps et octroyé les ressources dans le secteur public, il y a
fort à parier qu'il restera peu de ressources pour promouvoir
l'initiative privée. C'est perpétuer le fonctionnement des CFP
actuelles qui, elles, utilisent un seul fournisseur de services qui est le
réseau public. Nous croyons que le premier souci de la nouvelle
Société québécoise de la main-d'oeuvre devrait
être celui de rechercher la meilleure qualité de services
disponibles sur le marché, qu'ils proviennent du public ou du
privé.
Les pistes de solution. Nous sommes ici aujourd'hui et partageons tous
le même objectif qui est celui de doter nos industries de services de
formation de qualité à des prix abordables et de les rendre de
plus en plus autonomes en matière de formation. (11 heures)
Dans l'atteinte de cet objectif, il serait plus logique que la
Société québécoise de la main-d'oeuvre favorise le
développement d'une culture de formation dans l'entreprise plutôt
que dans le réseau public d'enseignement. Ce dernier pourrait
développer des programmes académiques mieux adaptés aux
futurs apprentis. On parle de cours de français, anglais,
mathématiques appliquées, relations du travail, méthodes
d'apprentissage, économie d'entreprise. Le mandat du MEQ pour combattre
le décrochage, sélectionner et former les bons candidats à
la formation professionnelle est énorme. Disperser l'énergie dans
des mandats plus spécialisés n'assurera pas la qualité de
la formation de base nécessaire à l'apprentissage de nos futurs
apprentis.
Nous, Le groupe CSF, sommes prêts à collaborer avec tous
les intervenants de la formation. Il est évident que l'objectif
énoncé ne se fait pas à court terme. Pour l'atteindre,
pour favoriser un climat de saine compétition qui harmonisera la
transition de façon graduelle et efficace dès la formation de
l'école, lieu où il se trouve présentement, vers
l'entreprise devenant de plus en plus autonome. Un climat de saine
compétition obligera les fournisseurs de services à se surpasser,
favorisera le développement des compétences en matière de
formation au goût et à l'endroit où l'industrie les veut,
favorisera l'émergence de nouvelles stratégies de
développement de la main-d'oeuvre dans des secteurs et régions
données et injectera du dynamisme dans le dossier de
l'apprentissage.
Les partenariats s'effectueront d'eux-mêmes en puisant dans les
champs de compétence complémentaires du secteur privé et
public. Mettez du libéralisme dans vos politiques de formation.
Choisissez le virage de la libre entreprise. Gardez-vous de créer des
chasses gardées qui seront impénétrables pour les 10
prochaines années. Les chasses gardées favorisent la stagnation
et donnent peu de résultats à long terme. Depuis avril 1990, nous
avons développé une philosophie de formation applicable à
toutes
les PME et encore, je vous le répète, nous sommes
prêts à collaborer avec tous les intervenants du secteur de la
formation.
Au chapitre des recommandations, nous croyons que les
représentations des commissions scolaires régionales et des
cégeps devraient être exclues des conseils d'administration
central et régionaux afin qu'il n'y ait pas de conflit
d'intérêts dans leur rôle de fournisseurs de services. Au
sujet de la priorité à accorder au projet de main-d'?uvre
par la société régionale, il y a une petite mise en garde
qui est celle-ci. C'est qu'en industrie l'aboutissement du développement
ou l'acquisition de nouvelles technologies s'effectue souvent de façon
spontanée. Alors, il faudra un peu de souplesse dans la gestion des
priorités pour être en mesure d'aider à l'application d'une
nouvelle technologie dans un secteur quj n'est pas sur les listes de
priorités, par exemple.
Nous voudrions bannir, dans le projet de loi et dans
l'énoncé de politique, tout favoritisme à l'endroit du
réseau public d'enseignement afin de créer un climat de saine
compétition. Aussi, nous voudrions rendre effectives les mesures
transitoires entre Emploi et Immigration et les CFP afin que notre entreprise
puisse continuer son action jusqu'à ce que la nouvelle
société soit en opération. Nous avons actuellement deux
mandats de formation qui sont entre deux eaux, là. Enfin, nous
désirons participer activement dans le dossier de l'apprentissage.
Alors, voilà, nous sommes prêts à répondre à
vos questions.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le président. Je vous remercie de votre présentation. Je
demanderai maintenant à M. le ministre de commenter, s'il y a lieu, le
rapport que vous avez soumis. Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: Premièrement, M. le Président,
permettez-moi, au nom de mes collègues, de vous souhaiter la bienvenue
à la présidence de cette commission où vous venez
d'apparaître soudainement.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Ah
ouil
M. Bourbeau: Bienvenue parmi nous. En ce qui concerne le
mémoire de nos amis de l'entreprise privée, parce que c'est
vraiment un mémoire pro-entreprise privée, on entend vraiment
tous les points de vue à cette commission et c'est un point de vue qui
est très rafraîchissant que celui que vous nous faites entendre ce
matin. Vous plaidez pour une déréglementation totale du secteur,
primauté à la compétence, si je comprends bien, parmi les
formateurs ou ceux qui peuvent donner la meilleure formation au meilleur
coût. En passant, vous donnez quelques taloches, si je peux m'exprimer
ainsi, au système public d'éducation. Je ne sais pas si ça
va faire plaisir à tout le monde. Possiblement pas, mais vous
n'êtes pas là pour faire plaisir au monde, mais plutôt pour
faire connaître votre point de vue.
Vous êtes logique. Vous dites: Le réseau public, c'est un
fournisseur de services, donc il ne doit pas être en conflit
d'intérêts et siéger au conseil de la
Société. Par contre, quand on discute avec les gens du
réseau public secondaire ou collégial d'éducation, on nous
dit: Nous ne sommes pas uniquement des fournisseurs de services. Nous avons une
expertise beaucoup plus vaste que l'enseignement, que l'action de scolarisation
et, dans ce sens-là, nous avons un rôle à jouer qui va
au-delà de l'enseignement. Nous devons participer aussi pour être
en mesure de bien remplir ce rôle d'enseignant, quand on ne parle que de
ça. Nous devons participer aussi à l'estimation des besoins, par
exemple, de façon à être mieux en mesure de préparer
nos formateurs. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cet argument-là?
M. Nault: Ce que j'en pense? Nous, on aimerait appliquer le
modèle allemand, par exemple. En fait, on a eu l'occasion de jaser avec
des formateurs allemands, lors du symposium organisé en décembre,
et petit à petit... La façon dont ça se passe en
Allemagne, il y a l'État qui donne la formation de base. Dès le
secondaire III, les apprentis font de l'alternance avec l'industrie et
l'État paie la formation académique de base, et je suppose qu'il
est très compétent pour ça. Il donne des matières
qui sont complémentaires au métier. Il y a de l'alternance
après avec l'industrie et c'est l'industrie qui paie la formation
technique même à l'intérieur de ses usines. Alors, nous, on
voudrait que notre société tende vers ce modèle-là
parce que ce n'est pas payant pour une commission scolaire d'aller investir des
dizaines de milliers de dollars dans une machine à alignement et de
renouveler cette chose-là dans deux ans, et ainsi de suite.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Rivest, peut-être que vous voulez ajouter...
M. Rivest: Oui, merci. Pour répondre à votre
question concernant l'estimation des besoins qu'on fait, l'estimation des
besoins, quand on va dans l'entreprise pour élaborer un concept de
formation ou donner de la formation, on a un département, qui est un
département de consultation, qui est spécialisé dans
l'analyse des besoins de développement organisationnel et de
développement des ressources humaines. Alors, on fait ce
travail-là. Je pense que c'est très important qu'il soit fait et
que c'est très important, quand il est fait, que les gens qui font la
démarche d'estimation des besoins et les gens qui vont faire la
formation ou qui vont désigner la formation soient en contact
étroit et communi-
quent sur la même longueur d'onde, et que ce soit vite fait,
rapide.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Amyot, peut-être.
M. Amyot: M. le ministre, peut-être pour compléter
encore une fois cette réponse-là, je ne crois pas que Le groupe
CSF ait jamais renié le fait que le ministère de
l'Éducation ait de l'expertise ou de la compétence dans des
secteurs. Ce n'est pas là notre but, puis peut-être que j'essaie
d'alléger la taloche, comme vous dites. Ce qu'on conteste, nous autres,
c'est le fait que le ministère de l'Éducation croit qu'il est le
seul à avoir cette expertise-là. Si, par exemple, un entrepreneur
dans notre secteur automobile requiert les services de la CFP pour essayer de
trouver une formation qui pourrait être adéquate à son
besoin, systématiquement, la CFP va l'orientrer vers le secteur public.
Nous, ce qu'on demande, c'est que...
D'ailleurs, la mesure de crédits d'impôt que vous avez
instaurée avait pour but de stimuler les entreprises et de les inciter
à participer à leur formation. Ce qu'on demande, c'est que,
lorsque vous voyez éclore des initiatives de l'entreprise directement
pour structurer sa formation, se prendre en main, parce qu'il ne faut pas
oublier qu'on parie d'automobiles, ici, à cette table-là... Pour
ce qui est de nous autres, on est tous des anciens gars de garage; on est
vraiment tous du milieu. Ce qu'on demande, c'est: N'étouffez pas ces
initiatives-là et laissez-nous la chance de participer à cette
formation-là en tant que collaborateurs, mais en aucun temps on ne veut
renier la compétence du ministère de l'Éducation. On veut
juste dire que, nous autres aussi, on a développé une
expérience parce que, depuis les 20 dernières années,
souventefois, il a fallu former sur le tas rapidement, puisque la technologie
changeait aux six mois et qu'on n'avait crrément pas le temps d'attendre
que les différents ministères soient adaptés à nos
besoins.
M. Bourbeau: Oui, bien sûr, il est essentiel que la
formation qui est donnée soit la meilleure possible. On verrait
difficilement que le gouvernement accepterait un système où nos
travailleurs seraient formés par des formateurs qui ne seraient pas les
meilleurs. Moi, je n'accepterais pas, en tous les cas, de me faire dire: On va
prendre le deuxième meilleur ou le troisième meilleur formateur,
quand on en a un meilleur de disponible, un plus compétent. Il s'agit de
savoir qui est le plus en mesure de donner la meilleure formation possible.
Le document d'orientation qu'on a devant nous, le projet de politique,
là-dessus, je pense, fait un pas en avant par rapport à la
situation qui existait précédemment, en ce sens que, poui la
première fois, on reconnaît dans un écrit gouvernemental
qu'on donne le choix du for- mateur à l'entreprise, il n'y a aucune
restriction là-dessus, dans le document. A partir de maintenant,
l'entreprise pourra choisir le formateur de son choix, qu'il soit public ou
privé. Ça, je ne sais pas si vous avez noté cette
différence-là. C'est quand même important.
C'est la première fois qu'on laisse le choix du formateur
à l'entreprise.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, M.
Nault.
M. Nault: Oui, je suis d'accord et, en fait, je trouve ça
beau cette chose-là. Sauf que, quand vient le temps de payer la facture,
on se rend compte que le secteur public est privilégié alors que
le secteur privé ne l'est pas. En fait, c'est deux poids, deux
mesures.
M. Bourbeau: L'entreprise qui décide de choisir un
formateur privé comme vous, par exemple, plutôt qu'une commission
scolaire, ça fonctionne exactement de la même façon. Elle
va payer son formateur, vous, en l'occurrence, si c'est vous, plutôt que
de payer la commission scolaire et elle va réclamer son crédit
d'impôt au gouvernement qui va le rembourser dans un cas comme dans
l'autre. Je voudrais comprendre en quoi ce n'est pas égal.
M. Nault: Oui. Je pense que, quand une entreprise a des services
d'une commission scolaire, c'est gratuit. En fait, c'est ce qu'on dit, alors
que, nous, O.K., il y a 40 % du crédit d'impôt dont l'entrepreneur
peut bénéficier, mais la commission scolaire offre gratuitement
ses services.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Hubert, vous voulez ajouter des choses?
M. Hubert: S'il vous plaît, dans le même ordre
d'idées.
M. Bourbeau: Là, je ne vous suis pas, là, je ne
comprends pas. La commission scolaire ne donne pas ses services gratuitement
à une entreprise pour faire de la formation.
M. Hubert: Je vais vous donner un exemple. Disons qu'on va
prendre une formation en électronique-injection, pour le milieu qui nous
intéresse, offerte par une entreprise privée comme la
nôtre. Elle va se vendre approximativement 15 $ l'heure homme
participant. Ça va? Donc, on arrive à l'entrepreneur
privé, la facture totale se chiffre à 4000 $, O.K., soit 60
heures à 15 $, 900 $ par participant, si on aime mieux. Le : type se
tourne du côté du public, les gars vont aller chercher la
même formation de 60 heures i pour 15 $. Ça c'est parce que, du
côté du public, on va utiliser des fonds publics, taxes et autres,
: pour subventionner cette chose-là, tandis que, chez nous, ça
n'existe pas.
M. Bourbeau: vous allez dire que la commission scolaire va
charger moins cher. elle ne chargera pas 15 $ contre 4000 $; elle va
charger...
M. Hubert: C'est 15 $ par participant au lieu de 900 $.
M. NauK: Frais d'inscription de 15 $
M. Hubert: Frais d'inscription. La formation ne coûte
rien.
M. Bourbeau: Mais ça, c'est un cours qui se donne dans
l'institution elle-même ou...
M. Hubert: Des cours du CPA, par exemple.
M. Bourbeau: ...dans l'entreprise? Est-ce que le formateur vient
dans l'entreprise ou si la formation se donne au collège?
M. Hubert: Soit l'un ou l'autre. Majoritairement, pour ie public,
ça se donne dans le collège. Ça se donne au
collège. Chez nous, ils ont la possibilité que ce soit
donné à notre centre de formation ou a leur entreprise.
M. Bourbeau: Bon, il faudrait...
M. Hubert: Les rapports de force n'ont aucun sens.
M. Bourbeau: Oui. Il faudrait voir, là. Il est possible
que, quand ça se donne dans l'institution même par des professeurs
qui sont déjà payés par l'État, évidemment,
il y ait des économies d'échelle pour le gouvernement qui a
déjà les locaux disponibles. Les locaux sont déjà
là.
M. Hubert: La majorité de ces professeurs-là sont
des travailleurs de jour qui font de la formation à temps partiel le
soir, majoritairement, les techniciens venant chez les concessionnaires
automobiles, rémunérés le soir à 35 $ l'heure.
M. Bourbeau: Est-ce que la commission scolaire, vous êtes
en train de me dire, perd de l'argent en vous donnant le cours?
M. Hubert: J'abonderais dans votre sens. (11 h 15)
M. Bourbeau: Bon, M. le Président, il est possible qu'il y
ait des aberrations. Ça ne m'étonnerait pas. Remarquez, on en a
vu déjà quelques autres, mais on est en train, justement, de
tenter d'amener un peu d'ordre dans tout ça. C'est évident que le
réseau public a un avantage sur le privé en ce sens que les
équipements sont déjà là, mais ils ont
été payés par nous. Aussi bien s'en servir. Les
professeurs, si ce sont des professeurs réguliers, ils sont
déjà payés; si ce sont des professeurs qu'on engage
à l'extérieur, ça, c'est autre chose. Il est probable que
l'entreprise privée est désavantagée dans bien des cas.
Par contre, dans d'autres circonstances, on me dit que l'entreprise
privée réussit à faire mieux. Parfois, c'est plus
efficace, c'est moins lourd. Les équipements, bien sûr, sont chers
à acheter. Quand une commission scolaire a l'équipement, c'a
été payé par les fonds publics, c'est bien
évident.
Le Président (M. Philibert): M. Hubert.
M. Hubert: Excusez, c'est juste que vous dites faire mieux, et
ainsi de suite. Je ne voudrais pas laisser sous l'impression, un peu comme mes
collègues le disaient tantôt, que ce qui se fait au public n'est
pas bon et que tout ce qu'on fait dans le privé, c'est beaucoup mieux.
Ce n'est pas ça l'idée. C'est que, personnellement, encore la
semaine dernière... Je me rends régulièrement dans des
écoles du système public pour donner des formations d'utilisation
d'équipement aux enseignants du public. Ça va?
M. Bourbeau: Oui.
M. Hubert: II y a effectivement d'excellents équipements,
monsieur, qui ont été achetés dans le système
public. Le problème, c'est que la formation des gars qui avaient
à les utiliser pour enseigner n'est jamais venue. Je connais des
écoles, elles ont des équipements qui sont là; ça
fait un an et demi qu'ils sont attachés après le mur et le
courant 110 n'a jamais passé dans le fil.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous donner des exemples? Envoyez-moi
donc la liste de ces équipements-là et les endroits où Us
sont situés. C'est peut-être mon ministère...
M. Hubert: Je vais vous dire, honnêtement, que ça me
ferait plaisir.
M. Bourbeau: C'est peut-être mon ministère qui les a
payés. On en paye parfois. On va aller...
M. Hubert: Non, non, mais c'est un fait.
M. Bourbeau: ...les chercher et on va les envoyer ailleurs.
M. Hubert: C'est un fait. La première qui me passe par la
tête, si quelqu'un veut vérifier, c'est l'école
d'automobile de Rivière-du-Loup; ils ont de l'équipement,
là, tout sur ordinateur, et ça fait environ un an qu'elle est
arrêtée.
Mme Harel: L'école d'automobile... Je n'ai pas
compris.
M. Hubert: À Rivière-du-Loup. Mme Harel:
À Rivière-du-Loup.
M. Hubert: Je ne sais pas si vous l'appelez l'école
d'automobile ou le cégep, mais où les cours de... O.K.? Ce n'est
pas pour critiquer; c'est un fait. Ce que je veux dire, c'est que le
gouvernement a bien agi à l'achat des équipements qui
étaient excellents, mais la formation des formateurs n'est pas
venue.
M. Bourbeau: Je comprends bien, oui.
M. Hubert: Ça va?
M. Bourbeau: Oui, oui, je comprends.
M. Hubert: À ce niveau-là, c'est là que mon
collègue, M. Nault, disait tantôt: C'est beau acheter les
équipements, aller chercher les budgets, ces choses-là, mais les
formateurs, il faut les former. Ça fait que, dans la même ligne de
pensée, on dit: Les équipements à date, de dernière
technologie, les équipements de pointe sont déjà dans
l'industrie chez les concessionnaires, ces choses-là. C'est beaucoup
plus facile de faire de la formation de formateurs dans l'industrie où
on n'a aucun investissement d'équipements à la base. À ce
moment-là, on développe, à l'intérieur de
l'entreprise privée, le concessionnaire automobile ou le garage au coin
de la rue, de la formation continue. Ces gens-là financent leur propre
équipement. Ce qu'ils veulent avoir, c'est l'expertise et le support
financier à certains niveaux.
M. Bourbeau: Vous vous êtes référé
tantôt au système DUAL de formation...
M. Hubert: Quoi? Je m'excuse. Une voix: DUAL
M. Bourbeau: Vous vous êtes référé au
système DUAL de formation qui est en vigueur en Allemagne où,
effectivement, à partir de la troisième année,
après la troisième année du secondaire, les
étudiants peuvent cheminer dans un processus d'apprentissage
jusqu'à ce qu'ils obtiennent éventuellement une qualification.
C'est un système qui fait l'admiration de bien des nations rivales, qui
donne d'excellents résultats, semble-t-il aussi, d'après ce que
j'ai pu en voir et ce qu'on en dit. Dans ce système-là, les
entreprises défraient la totalité des coûts de la
formation. Le gouvernement n'intervient pas. Bon, peut-être dans la
partie théorique de l'enseignement qui se donne en institution, mais
pour ce qui est de la partie pratique, ce sont les entreprises et les
entreprises déboursent pas mal d'argent pour cette formation-là.
Elles ont à payer pour les formateurs, qui sont leurs propres
employés, mais qu'elles doivent dégager; elles doivent fournir
les équipements, elles doivent payer un salaire. Le salaire n'est pas
très élevé, si ma mémoire est fidèle. C'est
deux marks l'heure. Ça fait combien, M. le Président? 1,50 $
l'heure pour des jeunes. Quand même, ce sont des jeunes de 16 et 17
ans.
Vous, est-ce que vous pensez que les entreprises
québécoises sont prêtes à consentir cet
effort-là pour un système de formation?
Une voix: Gilbert.
M. Rivest: Je pense que, quand on parle du système DUAL en
Allemagne, l'Allemagne est un pays où il y a une culture de formation,
où toutes les parties de la société sont impliquées
quelque part au niveau de la formation et de la formation professionnelle,
où le ministère de l'Éducation offre des services
d'éducation jusqu'au secondaire V et, ensuite de ça, c'est pris
en charge par différentes instances sociales telles que les chambres de
commerce, les entreprises elles-mêmes et d'autres organismes, comme ici
on pourrait parler des MRC, si on faisait la même relation, où il
y a plusieurs organismes qui sont déjà impliqués au niveau
de la formation.
Je ne pense pas que l'entreprise, actuellement... Ce n'est pas ce qu'on
dit non plus. Actuellement, l'entreprise ne serait pas en mesure de prendre
toute la responsabilité de la formation professionnelle sur ses
épaules. Par ailleurs, on croit, de la façon dont on part le
scénario de ça, qu'il faut que ça se fasse dans un moyen
terme, même dans un long terme, mais il faut commencer quelque part pour
avoir accès à ça. On voudrait que les portes nous soient
ouvertes de manière à ce qu'on puisse commencer à mettre
en place des structures et l'organisation et dynamiser ce qui est
déjà là pour permettre à ça de voir le jour
éventuellement. Je pense qu'on est dans un...
Même en Allemagne, actuellement, ils ont des problèmes
parce que la technologie s'est tellement transformée qu'ils ont des
problèmes à se réadapter, et ils sont déjà
organisés. Nous autres, n'étant pas organisés dans ce
sens-là, on a une brèche, là, actuellement, comme
société, je pense, qui peut nous permettre d'établir le
scénario et la culture de la formation en entreprise.
Le Président (M. Philibert): Alors, vous avez
terminé, M. le ministre? Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse
de vous saluer, M. Nault, et les personnes qui vous accompagnent. Le groupe est
installé, je pense, dans la région de Terrebonne. Donc, vous avez
une clientèle qui va plus chercher, disons, la région
métropolitaine du Grand Montréal. C'est ce qu'il faut
comprendre?
Une voix: Oui, oui.
Mme Harel: J'écoutais cet échange que vous aviez
avec le ministre concernant l'expérience allemande. Il faut aussi se
rappeler qu'en Allemagne la structure industrielle est très
étroitement développée dans la très grande
entreprise, à l'inverse du Québec où la très grande
majorité des emplois, au-delà de 80 %, le sont dans la petite et
moyenne entreprise de moins de 10 employés. Alors, il y a sans doute des
façons de faire qui ne peuvent pas être nécessairement les
mêmes, à ce moment-là. Je ne sais pas. Vous vous êtes
rendu au symposium. Est-ce que ça a été discuté,
cette différence même dans la structure industrielle de nos
sociétés?
M. Nault: En fait, on n'a pas eu de discussions à cet
effet, mais, moi, je peux vous dire que l'entreprise qu'on sert, c'est une PME.
Si vous prenez les concessionnaires automobiles ou les garages du coin, ce sont
de petites entreprises et la formule que nous avons trouvée, elle sert
bien les PME.
Mme Harel: Tantôt, vous parliez, donc, de cette formule
d'alternance. Vous savez sûrement que le comité paritaire sur
l'industrie de l'automobile est venu ici, devant la commission. Je ne sais pas
si vous avez pu prendre connaissance de leur mémoire.
M. Nault: Non, malheureusement pas.
Mme Harel: Maintenant, il est public, étant donné
qu'il a été déposé devant la commission. Le
comité paritaire est venu plaider pour un système
d'apprentissage. Essentiellement, ce que le comité paritaire souhaite,
c'est une plus grande implication du secteur de l'éducation et du
secteur de l'industrie de l'automobile dans un système d'apprentissage.
Donc, quelque part, ça peut peut-être également vous
rejoindre dans le système d'alternance.
M. Nault: Effectivement.
Mme Harel: Est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre?
M. Nault: Effectivement.
M. Hubert: C'est le système qu'on applique chez nous
depuis au-delà de deux ans et demi...
Mme Harel: C'est-à-dire?
M. Hubert: ...dans l'entreprise privé, formation à
l'école chez nous pendant, exemple, quatre, cinq, six semaines,
dépendant de la session andragogique ou théorique. Après
ça, le jeune va dans l'industrie pour deux, trois ou quatre semaines,
revient à l'école. O.K.? C'est ça qu'on fait. On n'a pas
besoin de réinventer ia roue. On le fait depuis deux ans et demi.
Mme Harel: Et quels sont vos liens avec le comité
paritaire?
M. Hubert: Pardon?
Mme Harel: Quels sont vos liens avec le comité paritaire
de l'industrie de l'automobile?
M. Hubert: II faut comprendre que, dans certaines régions,
le comité paritaire est inexistant aussi. Ce n'est pas à la
grandeur du Québec et dans tous les secteurs. Il y a des endroits au
Québec où il n'y a pas de comité paritaire.
Le Président (M. Philibert): M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Louis): Oui, je vais répondre à cette
question-là sur nos liens avec le comité paritaire. En fait,
c'est un organisme qui vient chez nous, O.K., pour informer les apprentis sur
ce qu'est le comité paritaire. Ça, c'est des liens directs qu'on
appelle. O.K.? C'est une personne, un conseiller du comité paritaire qui
vient expliquer aux apprentis qu'est-ce que c'est le comité paritaire et
c'est quoi son décret. O.K.?
Maintenant, pour l'expertise qu'ils ont développée en
formation, naturellement, j'ai participé, il y a trois ans, à
l'évolution de leur programme, un très beau programme,
très crédible, lancé dans le ministère de
l'Éducation public où on a aidé aussi à la
formation de formateurs. Tout allait très bien jusqu'au niveau
où, là, on a voulu présenter un principe de formation en
alternance, dû à la complexité de la machine. C'est une
grosse machine, le ministère de l'Éducation du public, on en est
tous conscients.
Alors, c'est pour ça que je me suis joint à l'entreprise
privée où le dynamisme... On dit: L'entreprise privée se
revire souvent sur un trente-sous et c'est vrai. Alors, on a mis en marche ce
principe d'alternance là, d'apprentissage surveillé en entreprise
pour témoigner ici, devant vous aujourd'hui, des résultats
obtenus. On parlait tantôt de 96 % de taux de placement; c'est
réel. On parlait de décrochage, qu'on ne connaissait pas
ça chez nous; c'est réel aussi. Alors, c'est cette bonne
nouvelle, si vous voulez, qu'on vient vous annoncer au niveau de l'entreprise
privée et de l'expertise qu'elle a développée dans
l'alternance ici, au Québec, dans votre région.
Mme Harel: Je vous félicite d'être venus, de vous
être déplacés pour nous présenter
l'expérience qui se vit à Terrebonne. Mais, évidemment, la
commission a aussi reçu la représentation du comité
paritaire qui faisait valoir qu'une partie importante du financement
était assurée...
Je me demande si c'est 2 % ou 3 %. Enfin, c'était
considérable la contribution des... Je pense qu'elle est paritaire, de
toute façon, employeurs et employés. Oui, effectivement, une
contribution pour la formation. En vous écoutant, je me disais,
finalement, que chaque... Dans le milieu des affaires, vous savez que le propos
qui s'est entendu depuis le début, l'ouverture de nos travaux, c'est un
propos assez différent, dépen-damment du secteur
d'activité. Autant la Chambre de commerce de Québec que celle de
Montréal, autant l'Association des manufacturiers du Québec que
le Conseil du patronat sont venus dire au ministre qu'il lui fallait
désigner des sièges pour le milieu de l'éducation sur sa
société. Voyez. C'est ça le point de vue, si vous voulez,
du milieu des affaires, là, exprimé ici.
D'autre part, quand on regarde, dépendam-ment du secteur
d'activité... Par exemple, on prend le secteur de la chimie,
pétrochimie, de l'aéronautique ou du plastique et on voit la mise
en place d'une structure provinciale des entreprises qui réclament du
ministère de l'Éducation public des écoles
spécialisées. Le secteur de l'industrie chimie et
pétrochimie, c'est 36 entreprises qui ont créé un institut
avec le cégep de Maisonneuve. Le secteur de l'aéronautique veut
avoir son école. Comme vous le savez, le ministre a accepté.
Ça a été annoncé.
Vous savez que le secteur du plastique... Il y a aussi eu, avant
Noël, l'annonce d'une école du plastique. Il y a aussi eu, je
pense, l'annonce d'une école, pas en infographie, mais une école
dans le secteur du graphisme. On s'en va plutôt vers un modèle
d'école de métiers au niveau secondaire ou d'institut
spécialisé au niveau collégial. Si vous me disiez -
peut-être pour simplifier, mais ça représente pas mal le
point de vue des gens d'affaires: Qu'est-ce qu'ils veulent? Dans le fond, ce
qu'ils veulent, c'est avoir des écoles spécialisées dans
le réseau public. En tout cas, c'est ça qui nous a
été exprimé.
M. Rivest: J'aimerais, s'il vous plaît...
Mme Harel: Alors, je ne sais pas comment vous réagissez
à ça.
Le Président (M. Philibert): M. Rivest.
M. Rivest: J'aimerais réagir à ça.
Évidemment, quand, dans une société, on ne peut
reconnaître que la formation professionnelle ou quand la formation,
l'éducation, l'instruction, on met tout ça dans un même
bloc et que c'est institutionnalisé, que ça relève
toujours de l'institution publique, quand il n'y a pas eu de culture au niveau
privé à ce niveau-là, qu'on n'a jamais encouragé la
culture et qu'on a même découragé la culture de la
formation au niveau privé, c'est évident que les gens, qu'ils
soient des chambres de commerce ou autres - j'écoutais l'allocution de
M. Dufour à ce niveau-là - ne peuvent pas faire autrement que de
dire: Si ça n'existe pas, il faut aller là où ça
existe, où on peut avoir une réponse à nos besoins. Mais
ce n'est peut-être pas nécessairement la façon de faire non
plus pour les années qui s'en viennent. Ce n'est peut-être pas la
seule façon de faire pour les années qui s'en viennent et ce
n'est peut-être pas ça qui va répondre le plus
adéquatement, le plus rapidement et le plus efficacement, pour
être efficient, aux besoins qu'on a dans le domaine des affaires, dans le
domaine de l'industrie et le domaine des affaires en général.
Mais si c'est seulement ça qui existe, évidemment, on ne peut pas
se retourner vers quelque chose qui n'existe pas. (11 h 30)
Le Président (M. Philibert): Oui, M. Amyot.
M. Amyot: Merci. Mme la députée, il est
évident que le monde des affaires va demander que le ministère de
l'Éducation ou tous les autres services qui y sont greffés soient
plus présents dans le phénomène de la formation
proprofessionnelle. Comme disait Gilbert - M. Rivest - c'est le moyen qu'on
connaît présentement, mais ce n'est pas le seul moyen. Il faut
bien comprendre le message essentiel qu'on veut passer à travers tout
ça. C'est que, nous autres aussi, on veut bien que le ministère
de l'Éducation soit directement et très sérieusement
impliqué dans tout ce programme de formation professionnelle là,
mais on veut par-dessus tout qu'il y ait de la place pour d'autres types
d'initiatives.
Si on regarde, par exemple, dans le secteur de l'automobile, où
des gens comme nous autres sont aptes à former des formateurs pour, par
exemple, le comité paritaire de l'automobile, si on dirige certains de
nos clients à la CFP pour savoir comment appliquer la mesure du
crédit d'impôt ou aller chercher d'autres sources de formation,
à ce moment-là, la même CFP, qui va nous employer pour
faire de la formation de formateurs, va dire qu'on n'est pas aptes à
faire de la formation de participants.
Moi, à quelque part, je ne comprends plus le système,
à ce moment-là, et c'est à ce niveau-là, je pense,
qu'on tient très fort à faire passer le message. Oui, il faut que
le ministère de l'Éducation soit là, on n'a jamais eu
l'intention de se partir un ministère de l'Éducation privé
- ça serait la pire des choses qui pourrait m'arriver personnellement;
j'ai déjà assez de problèmes comme ça - mais il
faut aider chacune des initiatives qui vont venir d'une entreprise
privée.
On demandait tantôt: Est-ce que l'entreprise privée est
prête à payer pour ça? L'entreprise privée, oui,
elle est prête à payer, mais elle ne sait pas combien encore et
comment elle va payer. Mais, pour la faire payer, il va falloir l'impliquer. Il
va falloir lui dire pourquoi elle
paie, qui elle paie, quand, comment et qu'est-ce qu'elle va avoir en
échange. Pas payer un organisme qui la représente sans même
avoir accès à cet organisme-là. Faites embarquer les gens,
du plus petit travailleur là-dedans au plus grand, et vous aurez
finalement à long terme une culture de formation. Parce que c'est ce
qu'on cherche, en fait. Une culture, ce n'est pas une subvention. C'est une
culture qu'on veut.
Mme Harel: Je pense que M. Nault avait quelque chose à
ajouter.
M. Nault: Oui. Je voudrais rajouter une chose. En Infographie,
par exemple, ou dans les plastiques, c'est des secteurs technologiques qui
évoluent très rapidement. On parie, en infographie, qu'une
génération de logiciels et d'équipement, c'est six mois.
Alors, c'est rapide. Maintenant, comment... Disons dans une école de
pensée où ce serait l'école publique qui subventionnerait
la formation des formateurs ou la mise à jour des formateurs du
réseau public et la mise à jour des équipements, à
notre idée, vous allez vous embarquer dans un projet qui va coûter
excessivement cher alors que, nous, on vous donne une solution ici qui...
Mme Harel: M. Nault...
M. Nault: ...ne compte pas d'immobilisation ni
d'équipement.
Mme Harel: ...mais, moi, je ne cherche pas à vous dire
qu'il y a une autre solution hypothétique. Je vous parle simplement, si
vous voulez, d'expériences actuelles. Il y a la vôtre qui est
très intéressante, mais il y en a d'autres, si vous voulez, qui
ont été voulues par l'entreprise et qui existent. Je vous donne
l'exemple de l'Institut de chimie et pétrochimie. Les 36 grandes
entreprises qui ont formé l'Association provinciale de formation, qui
ont fait alliance - c'est ce qu'on pourrait appeler - qui ont collaboré
très, très intimement avec le cégep finalement,
fournissent l'équipement. Vous savez sans doute que c'est l'industrie
qui fournit l'équipement et l'industrie ne cherche pas à former
sa propre école. L'industrie, dans le fond, souhaitait qu'il y ait cette
espèce de contrat à deux entre l'industrie et le cégep, si
vous voulez, chacun amenant sa contribution. Ça, c'est un autre
modèle. Ce que je veux dire par là, c'est que votre modèle
doit trouver sa place, mais il ne faut pas non plus, de votre modèle,
extrapoler qu'il doit être le modèle dans tous les secteurs
d'activité industrielle.
M. Hubert: Ça n'a jamais été notre
prétention. On parlait plus particulièrement du secteur où
on en est...
Mme Harel: De l'automobile.
M. Hubert: ...du secteur de l'automobile. Mme Harel:
D'accord.
M. Amyot: Je m'excuse. Ce n'est pas notre prétention. Par
contre, on ne croit pas non plus que le modèle du ministère de
l'Éducation soit le seul. Ça aussi, ça deviendrait une
prétention à ce moment-là.
Mme Harel: Donc, les secteurs d'activité doivent trouver
une façon plus souple de travailler. Par exemple, dans le domaine du
plastique, vous savez qu'ils veulent obtenir une école, ce qui leur a
été annoncé. Mais ce qu'ils veulent, ce n'est pas
nécessairement ouvrir une école ou qu'une école s'ouvre.
Ce qu'Hs veulent, c'est que le secteur de l'éducation, en partenariat
avec eux, ouvre une école. Alors, ça, c'est un autre
modèle aussi.
Le Président (M. Philibert): M. Hubert.
M. Hubert: Merci, M. le Président. Un petit point.
J'aimerais reculer un peu en arrière. Vous parliez tantôt du
comité, du CPA avec la formation en alternance. O.K.? C'est une belle
théorie, la formation en alternance à l'école, chez
l'employeur, et ainsi de suite. Deux choses à surveiller, par contre.
Quand les gens vont du côté entreprise, que ces gens-là ne
deviennent pas du «cheap labour». O.K.?
À ce moment-là, j'aimerais ça savoir dans un...
Chez nous, on a des gens qui vont sur la route de façon
régulière à toutes les semaines visiter les gens qui sont
dans l'entreprise pour s'assurer que, si le gars est là dans une
formation de freins, par exemple, on ne lui fera pas laver l'auto du
propriétaire ou balayer le plancher. Il faut qu'on s'assure que le type
est là à faire des freins.
Il y a tout un suivi à ça. Il y a tout un
échelonnage. C'est beau de dire: On fait la formation en alternance;
venez à l'école le soir au CPA pendant 10 semaines puis,
après ça, vous irez dans l'industrie. Ça ne finit pas
là.
Mme Harel: Malheureusement, le président m'envoie un mot
comme quoi mon temps est écoulé. Mais je vais vous remercier pour
votre contribution.
M. Nault: Au plaisir.
Le Président (M. Philibert): Au nom des membres de la
commission, permettez-moi de vous remercier de votre participation à
cette commission. Je vous inviterais maintenant à vous retirer de telle
sorte qu'on puisse appeler la Fondation de l'entrepreneurship.
Alors, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
mémoire et le reste du temps est réparti
moitié-moitié entre le gouvernement et
l'Opposition. Alors, je vous invite, dès maintenant, à
nous livrer votre mémoire. Auparavant, pour les fins du Journal des
débats, pourriez-vous identifier le porte-parole de même que
les personnes qui l'accompagnent?
Fondation de l'entrepreneurship du
Québec
M. Fortin (Paul-Arthur): Merci beaucoup, M. le Président.
Mon nom est Paul-Arthur Fortin. Je suis président-directeur
général de la Fondation de l'entrepreneurship. À ma
droite, Mme Tremblay, qui, elle aussi, est à la Fondation de
l'entrepreneurship, M. Louis Drouin et, à ma gauche, à mon
extrême gauche, M. Yvon Gasse, de l'Université Laval, et M. Laval
Morin, de la commission scolaire de la Vallée de la
Matapédia.
M. le Président, je vais partager les 20 minutes avec trois
autres collègues qui vont mettre en relief un certain nombre de points.
D'abord, en deux mots, je dois dire que la Fondation de l'entrepreneurship est
un organisme sans but lucratif qui existe depuis 1980. On s'est donné
comme objectifs d'identifier, de libérer et de former - et je souligne
former - le potentiel entrepreneurial. Comme deuxième objectif, on veut
créer des conditions favorables et propices au plein
épanouissement des ressources humaines.
Au fond, comme organisme, on a un certain nombre de croyances assez
fondamentales et je les résume rapidement. La première - et, moi
aussi, je pense que c'est des bonnes nouvelles - c'est que, nous, on est
convaincus que le potentiel entrepreneurial existe chez nous pour créer
les entreprises et les emplois qui nous sont nécessaires. C'est dit, si
vous voulez, sans aucune restriction par rapport à des entreprises qui
peuvent venir de l'extérieur, mais on est convaincus que le potentiel
entrepreneurial existe au Québec pour créer les emplois et les
entreprises dont on a besoin.
Deuxièmement, et ça, c'est un peu nouveau ces
dernières années, c'est les petites entreprises et les nouvelles
qui créent surtout les emplois. Ça veut dire que c'est beaucoup
plus accessible quand c'est des petites et quand c'est des nouvelles. La
troisième bonne nouvelle... Et je pense à une parenthèse
par rapport à ça. Vous avez certainement vu dans les journaux
d'hier qu'une étude de Price Waterhouse a déterminé que,
maintenant, la moyenne des emplois par entreprise au Québec est de 13.
Donc, quand on parle de moyenne, c'est très bas et c'est une moyenne qui
s'en va en baissant et qui va s'en aller en baissant, d'ailleurs. Les grandes
entreprises emploient de moins en moins de monde et il y a de plus en plus de
petites entreprises qui naissent.
La troisième bonne nouvelle, c'est que les entrepreneurs
créent les entreprises et ils sont nombreux, au Québec, à
se manifester. Vous avez, dans le mémoire, une annexe qui reste
peut-être à être validée pour une partie, mais,
enfin, on fait référence à des statistiques
publiées par la Commission des normes du travail. Il se serait
créé, au Québec, 75 000 nouvelles entreprises au cours des
neuf derniers mois. C'est donc dire, au fond, qu'on est au-delà de 100
000 nouvelles entreprises qui se créent. Évidemment, la question
est: Est-ce que ces gens-là qui ont le goût de prendre des
initiatives ont les connaissances nécessaires? Sinon, pourquoi? C'est ce
dont on va parler tout à l'heure.
Quatrièmement, c'est que l'entrepreneurship, ça s'apprend
et la complexité actuelle de l'entreprise exige de plus en plus des
apprentissages adaptés, de qualité et respectueux des contraintes
et des exigences des entrepreneurs.
Notre position, par rapport à la politique qui a
été rendue publique, c'est que, d'abord, on applaudit à
l'énoncé de politique. On ne se prononce pas sur les structures.
Je pense qu'on n'a pas la compétence pour le faire et on ne demande pas
non plus d'être représentés dans ces structures-là.
Tout ce qu'on voudrait, par exemple, c'est que l'entrepreneurship soit
là. (11 h 45)
On souscrit à l'idée qu'il faut développer
intégralement les ressources humaines et on soumet respectueusement que
le concept d'em-ployabilité, sans son pendant
d'«entrepreneuriabi-lité» - c'est un nouveau mot,
j'espère que vous allez l'accepter - ne satisfait pas pleinement
l'objectif visé, soit le développement intégral de la
ressource humaine québécoise.
Pour élaborer davantage sur notre position, je vais demander
d'abord à un collègue à ma gauche, qui est Laval Morin. Il
est le directeur général de la commission scolaire de la
Vallée de la Matapédia. En passant, M. Morin a initié le
premier cours de création d'entreprises au Canada en 1983-1984. Or, M.
Morin a certainement des choses à dire sur
l'«entrepreneuriabili-té» dans des régions
éloignées.
Le Président (M. Philibert): M. Morin.
M. Morin (Laval): Merci, M. Fortin. Bonjour. La politique de la
main-d'oeuvre privilégie des objectifs qui, selon nous, gravitent
uniquement ou presque uniquement autour de l'employa-bilité. C'est
intéressant en soi et, comme M. Fortin le mentonnait, nous
n'interrogeons pas cette dimension. À notre avis, il manque à
cette politique un objectif fondamental et non un moyen, un objectif
fondamental qui mettrait l'accent sur le développement de
l'entrepreneurship, et nulle part dans le document de la politique de la
main-d'oeuvre cet objectif n'est mentionné. Alors, nous croyons que cet
objectif du développement de la dimension entrepre-neuriale de la
personne devrait même faire partie d'un projet de société
et devrait s'inscrire ou s'intégrer à la présente
politique.
Donc, selon nous, une réelle politique de main-d'oeuvre ne doit
pas mettre l'accent sur une seule dimension de la personne, si impor-
tante soit-elle, soit celle de l'employabilité. Une réelle
politique doit mettre l'accent sur le sens entrepreneurial de la personne en
insistant sur le développement, dans chaque milieu, d'une culture
entrëpreneurlale. Les réglons du Québec ne pourront se
développer sans que nous mettions l'accent sur un développement
endogène, lequel fait appel à la capacité d'entreprendre
des gens, sur l'instrumentation des entrepreneurs à l'égard de la
gestion d'entreprise, à l'égard également de l'acquisition
de connaissances qui sont liées aux transferts technologiques, à
l'extension de ce que nous appelons la recherche fondamentale.
Pourquoi la formation des entrepreneurs serait-elle exclue d'une
politique de développement de la main-d'oeuvre qui cherche à
rendre le Québec compétitif sur tous les plans? Si nous voulons
que la présente politique de main-d'oeuvre ait un impact à moyen
et à long terme sur les régions du Québec, elle doit
mettre l'accent sur le soutien à l'entrepreneurship par des programmes
de formation adaptés, sur le développement de services
d'extension et de transferts technologiques, comme je le mentionnais
tantôt, sur la récurrence du soutien à l'entrepreneurship.
Trop souvent, les programmes durent ce que dure l'idée. Les
régions, en l'absence d'actions pour soutenir le développement de
l'entrepreneurship, serviront de pépinière ou d'incubateur pour
les régions centrales du Québec, ce qui nous conduira
inévitablement à un affaiblissement du Québec.
Le problème que nous vivons actuellement au Québec n'est
pas uniquement relié aux manques que nous décelons dans la
formation de la main-d'oeuvre; il est également et beaucoup relié
à l'absence de formation d'entrepreneurs. Le fait que la présente
politique ignore cette dimension fondamentale de la formation de la
main-d'oeuvre nous inquiète grandement. À défaut
d'apporter les correctifs qui s'imposent, cette politique va nous conduire,
à moyen et à long terme, à un appauvrissement
évident des régions du Québec.
En conclusion, une politique axée uniquement sur le
développement de l'employabilité ne fait que maintenir ce
déséquilibre que nous observons actuellement au Québec. Il
faut agir sur les multiplicateurs que sont les entrepreneurs actuels et les
entrepreneurs potentiels. Sinon, nous aurons bâti un Québec sans
régions.
M. Fortin: Merci beaucoup, M. Morin. Je pense que vous avez
très bien rempli votre tâche. Sans l'entrepreneurship, c'est le
désert régional qui s'installe. Maintenant, je demanderais
à M. Louis Drouin, directeur de l'éducation des adultes du
cégep de Limoilou... Il a mis sur pied, il y a sept ans, un centre de
création d'entreprises. Ce centre répond aux besoins des futurs
et nouveaux entrepreneurs selon un certain nombre de caractéristiques.
Or, je voudrais que M. Drouin nous dise que la forma- tion des entrepreneurs,
ça donne des résultats.
Le Président (M. Philibert): M. Drouin, vous avez la
parole.
M Drouin (Louis): Merci, M. le Président. Dans la
même foulée que mon collègue Laval, je voudrais mentionner
aussi qu'on est conscients., on pense qu'il est absolument essentiel que l'on
s'attaque aussi à la formation des entrepreneurs et de ne pas
considérer uniquement la formation de la main-d'?uvre. Pour ce
faire, on dit qu'on a les expertises et les outils nécessaires pour
former adéquatement les entrepreneurs et je pense qu'on l'a
démontré.
On a mené, dans la région de Québec, une
expérience-pilote qui a été financée par votre
ministère, M. le ministre, qui a donné des résultats, je
crois, probants. Pendant trois ans, soit de 1988-1989 jusqu'à 1990-1991,
nous avons formé, nous avons reçu une moyenne de 200 candidats
entrepreneurs par année. Nous avons réussi avec ces candidats
à partir un minimum de 50 entreprises par année à un
coût de 3705 $ par candidat, alors qu'il en coûte à peu
près 20 000 $, dans les programmes traditionnels, pour former les
entrepreneurs.
Je crois que ce n'est pas très élevé comme
coût si on considère que ces petites entreprises créent au
moins deux emplois. Cette approche que l'on a développée, on l'a
faite avec l'appui de votre ministère pendant trois ans et,
malgré les résultats probants, on en vient maintenant à
délaisser un peu cette préoccupation qu'on avait réussi
à insuffler chez vous pour former des entrepreneurs. On veut essayer de
raviver cette flamme, qui était née chez vous comme chez nous,
parce qu'on croit que c'est la façon de créer des emplois au
Québec, une façon, de toute façon, rentable.
Notre approche de formation, elle est exportable dans toutes les
régions du Québec. Elle est centrée sur les besoins de
l'entrepreneur. Cette formation, elle est sur mesure. Ça comprend un
diagnostic des individus, des candidats entrepreneurs qui est suivi d'un profil
de formation, qui est à la fois collectif et individuel, et ça
implique aussi un encadrement et un suivi de ces entrepreneurs-là pour
donner par la suite des entreprises qui existent actuellement sur le territoire
de la Communauté urbaine de Québec. On en a une multitude. On
peut même vous amener les visiter et demander des témoignages de
ces gens-là afin qu'ils puissent dire si la formation reçue est
adéquate et s'ils ont acquis des connaissances et
développé des habiletés nécessaires pour mener
à bien une entreprise.
M. Fortin:merci beaucoup, m. drouin. j'ai compris aussi que, dans
l'énoncé de politique, ce n'était pas clair que la chaleur
dont vous parliez au ministère était revenue ou allait
revenir.
M. Drouin: On ne l'a pas vue.
M. Fortin: Vous ne l'avez pas vue. Je voudrais demander à
M. Yvon Gasse... M. Yvon Gasse est un chercheur reconnu à travers le
monde en matière d'entrepreneurship. Il est professeur à
l'Université Laval. Dès le début, il a été
très impliqué dans la Fondation de l'entre-preneurship. Je pense
qu'Yvon Gasse peut parler à la fois des caractéristiques des
entrepreneurs, mais surtout qu'un entrepreneur, ça se forme.
Le Président (M. Philibert): M. Gasse.
M. Gasse (Yvon): Merci, M. le Président. Je pense que,
comme universitaires, on est souvent mêlés à toutes sortes
de débats. Il y a des débats qu'on appelle souvent
académiques. Il y a aussi des débats qu'on appelle de faux
débats. Il y en a peut-être un qui touche l'entrepreneurship
où on dit qu'être entrepreneur c'est inné. En fait, je
pense que c'est un faux débat. On peut développer des
entrepreneurs à condition que, évidemment, on mette en place les
différents éléments de développement dans les
milieux qui vont permettre de développer les caractéristiques
principales des entrepreneurs.
Je ne veux pas vous faire une longue présentation ici de ce qu'on
appelle, nous, le profil entrepreneurial ou les caractéristiques
psychosociologiques des entrepreneurs. Mais j'aimerais tout simplement vous en
nommer quelques-unes qu'on va retrouver très souvent chez l'entrepreneur
typique, comme, par exemple, l'accomplissement, le sentiment de
réussite, la créativité, l'initiative, la prise de risques
modérés, la fixation d'objectifs, la confiance en soi,
l'autonomie, l'indépendance, la motivation et l'engagement.
Ces caractéristiques-là, il est possible de les
développer chez les gens, principalement chez les jeunes. Quand on
regarde les principaux milieux de développement, évidemment, on
remarque immédiatement la famille. Cependant, il est difficile
d'intervenir dans le milieu familial. Par ailleurs, on peut, je pense,
intervenir jusqu'à un certain point dans le système
d'éducation. Je pense qu'il faut introduire dans le système
d'éducation, et ça très tôt, des mesures, par
exemple au primaire, de sensibilisation à l'entrepreneurship.
Il y a plusieurs expériences qui se sont faites un peu partout
à travers le monde, entre autres aux États-Unis, sur ce qu'on
appelle les mini-entreprises. Alors, c'est un concept qui est très,
très intéressant et je pourrai, si vous voulez, le
développer un peu plus tout à l'heure.
Au niveau du secondaire, vous êtes probablement au courant qu'il
existe aussi des simulations d'entreprises, qu'on appelle le programme Jeunes
Entrepreneurs, par exemple, qui est un programme volontaire, mais qui
amène les jeunes, effectivement, à créer des entreprises
et à développer leur sens des affaires. Je pense que ce sont
là des mesures, des expériences qu'il faut encourager et
même les intégrer un peu plus, si vous voulez, au
système.
Au niveau du collégial et de l'université,
évidemment, il y a tout l'aspect de la formation. Il faut de plus en
plus créer des cours. Il faut que les projets que les étudiants
développent - parce que la plupart des étudiants, que ce soit en
génie, en administration ou dans d'autres domaines, développent
des projets - il faut que ces projets-là puissent,
éventuellement, devenir des projets qui pourraient faire l'objet d'une
entreprise. Il faut aussi développer un certain nombre de
programmes.
Finalement, il y a le milieu socio-économique qui influence
beaucoup, je pense, l'entrepreneurship et le développement de
l'entrepreneur. Qu'on pense, par exemple, aux infrastructures d'accueil. Mes
collègues en ont nommé un certain nombre, comme les incubateurs.
Il y a la réglementation qui, évidemment, doit favoriser. Il faut
que ia fiscalité soit encourageante, mais il y a aussi tout l'aspect de
la promotion et de la reconnaissance des entrepreneurs par les médias,
par exemple. Je pense qu'au Québec on a fait un bon bout de chemin
là-dedans; il faut continuer à encourager ça. Mais il y a
aussi, je pense, la mise en place de mesures d'accompagnement qui sont
nécessaires, comme les fonds de capital, le conseil en gestion, des
outils de gestion.
Mais, encore une fois, on revient toujours sur le fameux concept de
formation continue, que ce soit au niveau des connaissances techniques,
technologiques, au niveau des techniques et habiletés dont les
entrepreneurs ont besoin lorsqu'ils veulent créer des entreprises ou
aussi au niveau de ce qu'on appelle, nous, le savoir-être,
c'est-à-dire des attitudes et des mentalités qui vont faire que
les gens vont devenir plus autonomes. C'est-à-dire qu'on doit axer, en
partie, la formation non pas sur le fait de devenir un bon employé, mais
possiblement, éventuellement, de devenir quelqu'un qui peut être
un employeur ou, du moins, qui peut être à son compte. La plupart
des études démontrent qu'il y a à peu près 10 % de
la population qui a le potentiel de création d'entreprise, mais, en
réalité, quand on regarde les possibilités qu'on a au
niveau du développement des caractéristiques que j'ai
mentionnées tantôt, il y a un nombre beaucoup plus grand de
personnes qui peuvent développer ces caractéristiques dans la
population en général. Je pense que ça, ce sont des
mesures qu'il faut regarder de plus en plus. Merci.
Le Président (M. Philibert): M. Fortin.
M. Fortin:oui, merci beaucoup, m. gasse. m. le président,
ce qu'on essaie de dire, c'est que, les entreprises ne sont jamais plus fortes
que leurs dirigeants. dans les périodes difficiles,
c'est important de renforcer les dirigeants dans leurs connaissances,
dans leurs habiletés, dans leur expertise.
La deuxième chose qu'on essaie de dire, c'est qu'il y a toute une
partie du potentiel humain au Québec qui est latent,
particulièrement, si vous voulez, au niveau du potentiel
entrepreneurial. Il manque 70 000 entreprises au Québec pour être
capable, si vous voulez, d'obtenir les emplois adaptés aux
clientèles qui sont actuellement aptes à travailler. Les 70 000
entrepreneurs potentiels, ils existent au Québec. Le savoir, pour
être capable de former et de préparer ces gens-là, H existe
au Québec. Ça dépend, si vous voulez, comme
société, d'abord, si on y croit. Est-ce qu'on a le goût de
régler le problème du sous-emploi et d'utiliser l'expertise
existante pour justement dépister ces gens-là, apporter
l'épaulement, apporter la formation et les aider à créer
les entreprises et les emplois qui nous manquent?
Or, dans notre mémoire - et je termine avec ce dernier paragraphe
là, en conclusion - on dit que la Fondation de l'entrepre-neurship
invite la commission à imaginer une société dans laquelle
les 70 000 entrepreneurs potentiels manquants se reconnaissent, se forment
à l'action et développent des entreprises saines, respectueuses
des ressources humaines et de l'environnement, centrées sur le client et
jouant un rôle de citoyen corporatif exemplaire.
Pourquoi ne pas rêver d'un Québec où les 700 000
personnes aptes au travail trouvent les emplois qui leur conviennent? Dans un
Québec du plein emploi, le PIB - ça, c'est tiré d'une
étude qui a été faite à Main-d'oeuvre et
Sécurité du revenu, non pas au niveau 700 000, mais au niveau de
555 000 - fera un bond de plus de 40 %, car l'État aura réuni les
conditions essentielles au plein épanouissement de la ressource humaine:
d'abord, des entrepreneurs adéquatement formés; ensuite, une
main-d'oeuvre compétente et, surtout, une main-d'oeuvre à
l'ouvrage.
On va certainement répondre à vos questions, M. le
ministre. (12 heures)
Le Président (M. Philibert): Merci, M. Fortin. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait toujours plaisir
de revoir les représentants de la Fondation de l'entrepreneurship et son
président-directeur général, M. Paul-A. Fortin, qui oeuvre
depuis plusieurs années, tel un missionnaire, dans ce domaine. Je dois
dire que c'est toujours intéressant de reprendre la réflexion sur
ce sujet-là. Il y a des gens qui ne font que ça ou, enfin, qui se
spécialisent là-dedans. D'autres, malheureusement, ont parfois
tendance à oublier l'importance qu'on doit donner à cette
activité de promotion de l'entrepreneurship. D'ailleurs, on vient
d'entendre une véritable ode à l'entrepreneurship dans une
espèce de cours magistral dispensé par d'éminents
professeurs d'université, dans le mode collégial. Je dois dire
que votre présentation est particulièrement intéressante
sous la présidence du P.-D.G. qui a réparti les rôles
à tous ses adjoints.
Bref, il ne fait pas de doute dans mon esprit que la création
d'emplois, c'est la solution, bien sûr, pour l'avenir, pour que le
Québec devienne plus prospère, mais ce n'est certainement pas le
gouvernement qui va créer lui-même les emplois. Quand le
gouvernement crée des emplois, ce sont des emplois de fonctionnaires -
je n'ai rien contre les fonctionnaires, M. le Président, il y en a
d'excellents, je dirais même que la plupart sont excellents - sauf que ce
n'est pas moteur dans l'économie. Ce n'est pas moteur et ce n'est pas en
soi générateur d'autres emplois. Les emplois de fonctionnaires,
on tente plutôt de les limiter que de les augmenter. Donc, il ne faut pas
regarder de ce côté-là pour créer l'emploi. Les
sociétés qui se sont spécialisées dans la
création d'emplois de fonctionnaires, il y en a une qui vient de
s'écrouler dans l'Est de l'Europe, il n'y a pas tellement longtemps,
où la moitié des travailleurs étaient des fonctionnaires
et où l'État était en faillite. Donc, probablement et
certainement que vous avez raison de nous inciter à regarder du
côté de l'entrepreneurship privé.
J'ai pris quelques notes ici tout à l'heure. J'entendais M. Gasse
qui nous disait que, finalement, être un entrepreneur, ce n'est pas
nécessairement un don de la nature qu'on a ou qu'on n'a pas en naissant.
Ça peut s'apprendre. D'ailleurs, vous êtes là pour nous
dire que vous êtes capables de nous le montrer. Un peu, d'ailleurs, comme
le don de la parole. Qu'est-ce qu'on nous enseignait autrefois? Nascuntur
poetae, fiunt oratores. M. le Président, vous vous souvenez de ça
dans vos études?
Le Président (M. Philibert): On souhaite ardemment que
vous traduisiez.
M. Bourbeau: Pour le Journal des débats? Le
Président (M. Philibert): Oui.
M. Bourbeau: On naît poète, on devient orateur.
Vous, vous me dites: On devient entrepreneur. Moi aussi, je crois bien qu'on a
beau avoir des talents d'entrepreneur à la naissance, il faut que ce
soit complété par des connaissances techniques, sans ça
les meilleurs, ceux qui ont le don de l'entrepreneurship, peuvent très
bien, entre guillemets, se casser la gueule, M. le Président, s'ils
n'ont pas des connaissances techniques, des connaissances de base qui sont
ajoutées à leur don naturel.
Moi, j'ai le goût de vous demander... Vous nous avez fait un
plaidoyer pour l'entrepreneurship, et ça, j'en suis. Dans le fond, nous,
on n'en a pas vraiment traité dans le document
parce qu'on s'adressait plutôt à la main-d'oeuvre en emploi
ou à la recherche d'emploi. Vous, vous regardez de l'autre
côté. Vous allez, en fait, un peu plus loin que nous. Vous dites:
Avant d'avoir des emplois, il faut bien qu'il y ait des employeurs et ces
employeurs-là aussi il faut les former. Moi, je vous reçois
très bien ici, ce matin, mais, dans notre esprit, en tout cas, on
était plutôt porté à penser que c'était une
responsabilité qui devrait plutôt loger à l'enseigne de
l'Industrie et du Commerce, le ministère de l'Industrie et du Commerce.
Vous nous avez fait un petit peu le reproche d'avoir délaissé un
peu ce domaine-là. Il y a la formation de l'entrepreneur. Il est
possible qu'on ait intérêt ou qu'on devrait regarder de nouveau,
plus attentivement encore, cet aspect-là. Mais est-ce que vous ne pensez
pas que ce domaine-là de la création d'emplois via
l'entrepreneurship, c'est plutôt une responsabilité du
ministère de l'Industrie et du Commerce que du ministère de la
Main-d'oeuvre?
M. Fortin: M. le Président, je suis très content
que M. Bourbeau pose cette question-là parce que, ayant participé
comme auditeur à quelques autres présentations, on a
parlé, ce matin, de culture. Je pense que c'est très, très
clair et très net - je pense, M. Bourbeau, que vous le savez aussi - que
la culture du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie
est une culture d'entreprise manufacturière performante. Lors du
rendez-vous économique qui a été organisé par le
Conseil du patronat, on a posé à M. Tremblay, qui a
participé à cette rencontre-là, je dirais, la question de
l'entrepreneurship. Il a reconnu que c'était important au Québec
et il a reconnu que l'entrepreneurship était orphelin. Il n'y a personne
au gouvernement qui porte la responsabilité de l'entrepreneurship.
Vous savez bien, M. Bourbeau, qu'au-delà de l'entreprise
manufacturière performante, qui occupe peut-être 10 % de la
main-d'oeuvre au Québec, il y a 90 % qui peuvent être de la
main-d'oeuvre au niveau des services, qui peuvent être de la
main-d'oeuvre au niveau des commerces, qui peuvent être de la
main-d'oeuvre dans le domaine de la forêt - II faut dire aussi que, dans
l'entreprise manufacturière, les entreprises qui relèvent, par
exemple, de la forêt, relèvent plutôt du ministère
des Forêts - de sorte que ce serait peut-être intéressant
que le ministère de l'Industrie et du Commerce prenne la
responsabilité.
Je pense que vous avez parfaitement raison en disant qu'il faut se poser
la question. Le développement du Québec, dorénavant et de
plus en plus, va passer par le développement de sa ressource
humaine intégrale - c'est l'un des objectifs, si tu veux, du
mémoire - et la ressource humaine intégrale du Québec ne
peut pas, si vous voulez, ignorer, je dirais, le potentiel entrepreneurial
d'une partie de cette clientèle-là.
Maintenant, est-ce que c'est quelqu'un d'autre qui doit s'en occuper
parce que c'est entrepreneurial ou est-ce que c'est le même
ministère? Je pense que c'est vraiment une question de fond, qui
mérite certainement d'être posée et d'être
répondue. Moi, je croirais, parce qu'on voulait - si vous voulez avoir
une sorte de guichet unique - avoir une sorte de réponse de formation un
petit peu plus intégrée, je penserais que ça devrait
être intégré dans votre politique. Les expériences,
d'ailleurs, comme celle qui a été mentionnée par Louis
Drouin au cégep de Limoilou, celle aussi qui a été
supportée dans la vallée de la Matapédia il y a huit ou
neuf ans, ça a été supporté par des programmes qui
relevaient de votre ministère, de sorte que je me dis: Vous êtes
déjà dedans; peut-être qu'on pourrait, si vous voulez,
l'annoncer davantage, le prendre à pleins bras et, bien sûr, nous
nous offrons pour être capables, si vous voulez, de donner de la forme
à ça si on peut être utiles. Déjà, il y a des
choses extraordinaires que votre ministère a faites dans ce
domaine-lâ et, à mon avis, vous êtes les mieux placés
pour continuer de le faire dans le cadre de cette nouvelle politique.
Le Président (M. Philibert): M. Morin, vous avez
montré un intérêt pour intervenir.
M. Morin (Laval): Oui, M. le Président. M. Bourbeau, je
crois que c'est dans la conjugaison de l'intervention de trois
ministères. Je pense qu'on pourrait donner un souffle important au
développement de l'entrepreneurship; Je pense à votre
ministère, je pense au ministère de l'Éducation et je
pense au ministère de l'Industrie et du Commerce effectivement. Je ne
pense pas qu'il faille se déresponsabiliser pour dire: Le
ministère de l'Industrie et du Commerce devrait en faire une
préoccupation fondamentale. En conjuguant nos efforts dans le maintien
et dans le développement d'un objectif comme celui-là, je pense
qu'on enrichirait le Québec. Merci.
M. Bourbeau: Quel rôle votre Fondation joue-t-elle
exactement dans le développement de l'entrepreneurship? Est-ce que vous
organisez vous-mêmes des activités de formation? Est-ce que votre
action se limite uniquement à la région de Québec? Est-ce
qu'il y a un réseau pan-québécois d'organisé?
Pouvez-vous nous entretenir un peu de ça?
M. Fortin: Oui. Disons qu'on a des objectifs qui sont grands
comme le monde. On a des ressources évidemment qui sont très
limitées. D'abord, on couvre l'ensemble du Québec. Nous, le
rôle qu'on essaie de jouer, c'est d'abord peut-être au niveau d'une
certaine idéologie qu'on a résumée dans 20 articles, qui
sont d'ailleurs dans le deuxième chapitre de notre mémoire,
où on donne un petit peu nos croyances en matière
d'entrepreneurship. On pense, par exemple, qu'il
n'y a pas de limites à la créativité humaine, qu'il
n'y a pas de limites aux besoins humains quant à la
diversité.
Enfin, on croit que le potentiel entrepreneururial existe au
Québec. On à 20 croyances qu'on a résumées et qu'on
essaie, si vous voulez, de diffuser par les tribunes qui nous sont offertes.
D'abord, on fait un colloque annuellement. On a eu Un colloque les 5 et 6
février, à Montréal, qui a réuni 571 personnes. On
travaille surtout à travers, si vous voulez, les intervenants en
entrepreneurship. Pour nous, les intervenants en entrepreneurship, ce sont les
commissaires industriels, les centres d'aide aux entreprises, les groupes de
soutien, les CAE, mais aussi les CFP, les cégeps et les commissions
scolaires au niveau de la formation professionnelle, de l'éducation des
adultes, des gens qui sont dans le capital de risque. On en a identifié
1500 au Québec. À travers eux, un peu comme un grossiste, on
essaie de donner des piqûres de stimulation, on essaie de donner
certaines idées, on essaie de faire du support et de
l'accompagnement.
Dans le cadre peut-être un petit peu plus direct de la formation,
directement on n'en fait pas, sauf qu'on a identifié dans nos
tournées régionales qu'il y avait une centaine de questions que
les gens se posent et pour lesquelles il n'y a pas de réponse
adaptée. On est actuellement à produire une collection qu'on
appelle la collection «Entreprendre», qui est surtout au niveau de
documents écrits pour le moment, où il y a cinq titres de parus.
Il y en a 22 qui sont dans le processus et il y en a, évidemment, 75,
peut-être une autre centaine à faire. Donc, au rythme où on
va, on en a pour quatre ou cinq ans à les produire. Évidemment,
à partir du moment où, comme société, on dirait:
Ça a du bon sens qu'on se prenne en main, ça a du bon sens qu'on
développe ce potentiel-là, peut-être qu'on pourrait les
produire dans deux ou trois ans, parce que l'expertise existe au Québec
pour répondre' à toutes les questions. Évidemment, le
marché est tellement petit, 5 000 000 d'habitants comparativement
à 300 000 000 pour les anglophones, que la multiplicité des
instruments n'est pas là, au niveau du français, adaptée
à notre clientèle.
Donc, on joue un rôle là. On essaie de travailler aussi
à développer des logiciels sur l'évaluation de potentiel
entrepreneurial; c'est le professeur Gasse qui travaille sur ça. On a
aussi, si vous voulez, du matériel audiovisuel, des audiocassettes qu'on
veut préparer et, là, on se cherche un partenaire. On est
intéressé à te faire avec vous autres si vous
décidez de couvrir ce marché-là, mais, enfin, on n'est pas
directement dans la formation.
On travaille beaucoup au niveau du discours. Par exemple, on travaille
avec les MRC. On a fait une expérience-pilote avec 6 MRC où on
est en train de développer une sorte de modèle ou de guide:
«Comment intervenir au niveau du développement territorial».
Je dois dire qu'au niveau des MRC c'est très clair et c'est très
net qu'à partir du moment où les gens veulent se prendre en main
il faut immédiatement que tu puisses faire intervenir des programmes de
formation, parce que tu veux changer des mentalités, tu veux changer des
attitudes dans un milieu. Nous, on leur dit que les instruments sont
déjà dans le milieu, pour l'essentiel, il y a déjà
des écoles qui sont là, il y a déjà de la formation
aux adultes, des commissions scolaires. Enfin, tous les instruments sont
là. C'est comment on les utilise qu'il reste à modifier.
Enfin.
Alors, tout ça pour vous dire qu'on est quatre personnes à
temps plein. Donc, les miracles qu'on fait sont très minimes. Mais si on
réussissait à vous convaincre, M. le ministre, qu'il faut ajouter
un objectif sur I'entrepreneur-ship dans cette politique-là et que
ça fait partie du projet, je vous garantis que vous venez de nous faire
une récompense pour les 12 premières années de notre
existence.
M. Bourbeau: Une dernière question, M. le
Président. L'action d'enseignement de l'entrepreneurship, au
Québec présentement, qui donne l'entrepreneurship? Qui donne
l'enseignement? Est-ce que c'est le réseau public? Cest
subventionné par qui? Vous, vous faites la promotion des
idées.
M. Fortin: Oui.
M. Bourbeau: Vous vendez l'importance de l'entrepreneurship.
Mais, sur le plan de l'enseignement, de la scolarisation, quand des jeunes
décident qu'ils veulent prendre un cours d'entrepreneurship, etc.,
comment ça se fait sur le plan concret?
M. Fortin: Je vais répondre à une première
partie et mes collègues vont ajouter. A notre colloque des 5 et 6
février, on a eu la présence du ministre de l'Éducation
qui a rendu publics trois documents, dont un était un programme
préliminaire sur un cours de création d'entreprises qui sera
offert dans le cadre de l'enseignement professionnel au niveau secondaire, donc
qui est un document préliminaire. Il y a deux autres documents, et je
les nomme rapidement, qui étaient un document et un guide pour la
présence d'un entrepreneur qui visite une classe. Donc, le guide de
l'entrepreneur, le guide de l'enseignant et le guide de l'intervention. Il y
avait un autre document qui portait sur un comité conjoint enseignement
professionnel-entreprise, comment on met ça sur pied au niveau local.
Maintenant, je sais qu'au niveau collégial et à d'autres
niveaux... (12 h 15)
M. Drouin: Pour le niveau collégial, M. le ministre, il y
a au moins 35 collèges qui, jusqu'à
maintenant, se sont préoccupés de façon assez forte
de la formation des entrepreneurs. Jusqu'à maintenant, le
ministère qui a été le plus facilitant pour nous pour
réaliser ces actions et pour former des entrepreneurs, c'est votre
ministère, M. le ministre. Dans les 35 collèges, on ne peut pas
dire que les 35 sont impliqués de la même façon. On
pourrait parler d'au moins une dizaine de collèges au Québec qui
sont impliqués de façon très active dans la formation des
entrepreneurs. Mon collège en est un. Je suis dans la région de
Québec, le cégep de Limoilou. Je vous mentionnais tout à
l'heure l'expérience-pilote que nous avons menée et nous l'avons
menée avec votre ministère.
Je crois que c'est le moyen le plus facilitant jusqu'à maintenant
et où il y a le plus de cohérence pour la formation de nos
entrepreneurs. Ces approches qui se sont développées peuvent
également s'étendre à toutes les régions du
Québec. Elles sont en disponibilité et on a déjà
commencé à contaminer quelques régions qui ont le
même type d'approche. Pour vous donner un exemple, l'an dernier, on a
mené un concours au Québec. On est des maillons de la
chaîne que j'appelle la «chaîne Paul-Arthur Fortin de la
Fondation de l'entrepreneurship» et on a mené un concours
d'excellence à travers le Québec. Il y a eu au-delà de
1200 candidats qui ont mené des projets d'entreprise à terme. On
a couronné les gagnants provinciaux ici, au château Frontenac.
Il y a quand même au-delà de 30 cégeps, 35
cégeps si je me souviens bien, qui ont participé de façon
très active à la formation de ces entrepreneurs pour les aider
à monter leur plan d'affaires.
M. Bourbeau: Seulement une remarque, M. le Président.
Écoutez, je prends acte de votre plaidoyer. Vous nous faites état
que l'entrepreneurship est un petit peu en état d'orphelinat
présentement, entre deux ou trois ministères. Votre
présence n'aura pas été inutile. Je pense que ça
nous a portés à réfléchir un peu sur la très
grosse importance que doivent prendre l'entrepreneurship et la création
d'emplois par la promotion, justement, de la PME et de l'esprit
d'entrepreneurship. Moi, tout ce que je peux vous dire, c'est: Ne vous
découragez pas. On va regarder ça. Vous avez, comme vous dites,
ravivé fa flamme. «On a vu parfois renaître le feu d'un
ancien volcan qu'on croyait trop vieux», disait le chansonnier! Alors,
peut-être qu'on va regarder ça de nouveau pour voir si on ne
pourrait pas souffler sur la flamme.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait vraiment
plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition, M. Fortin, et les personnes
qui vous accompagnent. J'ai eu l'occasion, au Forum pour l'emploi, l'automne
dernier, de prendre connaissance, pour la première fois, du projet
d'incubateurs dans les MRC. Depuis, en fait, j'en ai parlé à
beaucoup de gens dans mon milieu en rappelant cette espèce
d'évidence qu'on a souvent oubliée, à savoir que la
création d'emplois, ça passe par la création
d'entreprises. C'était comme une vérité de La Palice que
vous rappeliez dans un petit document peut-être de deux ou trois pages
qui avait été distribué avec le gros cahier du Forum pour
l'emploi.
Dans le mémoire que vous nous soumettez aujourd'hui, vous nous
dites qu'il y a, dans n'importe quelle société, je crois
comprendre, environ 10 % des hommes et des femmes qui ont ce talent
inné, potentiel, en tout cas, d'entrepreneurship et qui doivent trouver
un terrain propice pour qu'il puisse se développer, ce talent. Si je
comprends bien, ce talent n'a rien à voir avec le diplôme. C'est
ça qu'il faut comprendre.
M. Fortin: C'est ça.
Mme Harel: Ce n'est pas un diplôme qui donne la garantie de
la combinaison gagnante pour être entrepreneur. Vous nous rappelez
même, je pense que c'est à la page 18 de votre mémoire,
qu'il y a de 25 % à 33 % des entreprises récemment
créées au Québec qui le sont par des personnes ayant une
formation professionnelle du secondaire.
M. Fortin: Oui.
Mme Harel: Alors, vous voyez, on ne peut quasiment même
plus se faire embaucher dans une usine avec un secondaire V maintenant, mais on
peut créer une entreprise. Ça, je pense que c'est important parce
que vous le signalez pour rappeler que ce n'est pas suffisant de confier
ça à l'université ou de confier ça à des
politiques, comme vous dites, de développement des secteurs
technologique, industriel ou international. Quand j'ai lu votre mémoire,
j'ai senti une inquiétude à la page 17, notamment, où vous
dites: «La majorité des futurs entrepreneurs ou des dirigeants
n'auront plus accès à des formules de soutien, et ce, d'autant
plus si, aux termes de la politique, on cesse de financer des services de
formation et de suivi au démarrage actuellement offerts par les
collèges et les autres organismes communautaires qui ont une
préoccupation de développement économique.»
Il y a une question à laquelle vous n'avez pas répondu,
tantôt, ou peut-être que c'est moi qui n'ai pas bien saisi votre
réponse. Moi, l'impression que j'ai, c'est que c'est beaucoup les fonds
fédéraux qui ont servi. Je ne le dis pas de façon
négative, pas du tout, mais c'est beaucoup des fonds
fédéraux qui ont servi au développement, soit au
démarrage des centres d'entrepre-
neurship dans les collèges, soit aux comités d'aide pour
le développement des collectivités locales sur le terrain, soit
au soutien des organismes communautaires. Alors, ce que vous nous dites,
finalement, c'est qu'en transférant - est-ce ce que je dois comprendre
ou ce que la commission doft comprendre? - les fonds à la
société mère, fonds qui seront gérés par des
personnes qui sont intéressées par leur secteur d'activité
déjà en opération ou par des gens qui représentent
sur le plan syndical, qui sont déjà en emploi, il ne faudrait pas
oublier le volet de ces programmes qui sont déjà en
opération. Est-ce ça que nous devons comprendre?
M. Fortin: Je pense, madame, qu'on veut quand même aller
plus loin, c'est-à-dire que, même avec les programmes existants,
il reste que le taux d'inoccupation, enfin le manque d'emplois, au
Québec, est trop élevé, c'est clair, et ces programmes
sont déjà là. Alors, ce qu'on sent très bien, si
vous voulez, dans l'énoncé de politique... Enfin, certains de nos
collaborateurs étaient moins sûrs que ce qui existe allait
être maintenu. Nous, si vous voulez, non seulement on veut que ce soit
maintenu, mais on veut qu'il y ait un acte de foi nouveau qui dise: Si tu veux
que le potentiel entrepreneurial existe au Québec puis si c'est vrai
qu'il existe, si on y croit, qu'on développe des comportements
cohérents. Qu'est-ce qu'on fait quand on croit à des choses?
D'abord on en parle, on soutient, on fait de l'épaulement, on fait de la
formation, enfin. Yvon Gasse arrive d'Europe et d'Afrique parce qu'il va
enseigner comment développer l'entre-preneurship dans ces
pays-là, puis, nous, au Québec, on est en manque d'entrepreneurs.
Au fond, on va le montrer aux autres puis on ne le fait pas chez nous. Alors,
je me dis qu'il y a un comportement cohérent et beaucoup plus fort que
juste maintenir.
Mme Harel: Vous avez sûrement pris connaissance du
regroupement, de la simplification des programmes: quatre sont prévus.
J'aurais aimé vous entendre sur ce fait. Est-ce que vous vous retrouvez
dans ces programmes? Il y en a deux qui concernent vraiment plus l'entreprise,
soit pour développer ses ressources humaines en entreprise, donc,
déjà en opération ou encore qui s'adressent à des
entreprises qui vont licencier des personnes. C'est un programme d'aide aux
personnes licenciées. Ensuite, il y en a un qui concerne les
interventions individuelles en développement de main-d'oeuvre, mais
c'est plus en rapport avec la pénurie d'emplois. Le dernier, finalement,
c'est un programme d'aide aux organismes du milieu engagés dans le
développement de l'emploi. Est-ce que c'est là que devrait se
situer l'intervention? Mais, à ce moment-là, c'est plus pour
financer des organismes. Est-ce que vous nous dites qu'il faut aller
au-delà de ça et qu'est-ce que vous souhaitez? Un
cinquième programme ou une bonification du quatrième?
M. Fortin: Je pense bien qu'il faudrait revoir... À partir
du moment où cette nouvelle réalité est acceptée et
où on veut l'intégrer, il faudrait peut-être revoir, dans
un autre moment, comment ça s'intègre. Peut-être pour
simplifier ce qu'on pense, si c'est vrai que les entreprises ne sont jamais
plus fortes que les dirigeants puis si c'est vrai qu'au Québec c'est des
petites entreprises en très grande majorité, je pense qu'il y a
une question: Qu'est-ce qu'on fait pour renforcer nos dirigeants, comme
système, selon leurs critères à eux? Ce ne sont pas des
gens qu'on va amener sur des bancs d'école, ce n'est pas des gens qui
vont aller suivre des cours facilement, mais ils sont atteignables quand
même. Qu'est-ce qu'on fait pour développer des moyens pour que nos
entrepreneurs... Je vous donne juste un exemple: au mois de mai l'an dernier,
on a collaboré avec le gouvernement fédéral à faire
à travers le Canada - nous, on s'occupait du Québec - un forum
qui s'appelait «Mieux réussir», qui s'adressait aux PME.
Dans le cadre de ce forum-là, il y a un questionnaire qu'on a
administré, puis on avait 464 dirigeants de PME qui sont venus au forum
dans cinq endroits au Québec. C'était par satellite, enfin on
avait cinq lieux. Dans le questionnaire, par exemple, ce que les gens nous ont
dit touchant les marchés, c'est: On trouve que c'est très
important, le développement des marchés, mais on ne comprend pas.
On ne comprend pas.
Nous, on a réuni, le 2 octobre, des gens du ministère de
l'Éducation, de la Télé-université, des
consultants, des gens de CFP, enfin tous ceux et toutes celles qui sont dans ce
domaine-là. On leur a dit: Voici ce que les gens disent. C'est quoi, la
réponse qu'on donne à des gens, comme entrepreneurs, qui disent:
C'est important de comprendre le développement des marchés en
1992, parce que ça nous pète dans la face, mais, nous, on ne
comprend pas? C'est quoi, la réponse du système?
Après une discussion d'une demi-journée, les gens nous ont
dit: Écoutez, le produit pour former ces gens-là ou pour les
informer, en tout cas pour les familiariser, il existe, mais on a un
problème de distribution. Comment va-t-on être capable de
rejoindre ces gens-là? Évidemment, je n'ai pas de réponse
à donner. Nous, pour le moment, ce qu'on essaie de développer,
c'est de l'audiocassette. On a vu le Groupement québécois
d'entreprises. Ils ont essayé des vidéos. Il y a des
complexités avec les vidéos. On travaille sur des audiocassettes.
On a dit: Si on produisait des audiocassettes... Tout le monde, au
Québec, fait de la voiture. Si tu es à Rimouski, tu viens
à Québec; si tu es à Québec, tu vas à
Montréal; si tu es à Montréal, tu entres sur les ponts, tu
sors des ponts. De sorte qu'à un moment donné on a dit:
Peut-être que les gens vont utiliser cette cassette-là et vont
écouter des choses.
Mais ce n'est peut-être pas la réponse non plus. Nous, on
voudrait que ça fasse partie des projets. Ça, c'est pour celles
existantes.
Mme Harel: Ça, c'est pour celles qui sont existantes.
M. Fortin: Mais il y a aussi toutes les entreprises inexistantes.
Je suis convaincu que des entrepreneurs potentiels au Québec, on va
peut-être en trouver, si vous voulez, qui sont sur le chômage, sur
le bien-être social. Mais je ne pense pas qu'elle soit là, la
clientèle la plus facile. Probablement que les entrepreneurs potentiels,
c'est des gens qui sont déjà en emploi dans des entreprises
où ils s'ennuient, où le plafond est très bas, où
le corridor est trop étroit, sauf qu'on ne leur a jamais demandé:
Qu'est-ce que tu dirais si tu partais ton entreprise? Surtout, il n'y a aucun
incitatif.
Je parlais, par exemple, à un ancien député qui est
commissaire industriel à Charlesbourg. Je pense que M. Bourbeau le
connaît. Lui me disait: C'est drôle, moi, j'ai été
professeur; après ça, j'ai été
député. Il a dit: Comme c'est important être
député, quand j'ai laissé le professorat, on m'a
donné des congés sans solde. Après avoir été
élu deux fois - il a été six ans député, je
pense - il aurait pu retourner comme professeur. Il a dit: Après
ça, je ne suis pas retourné comme professeur. Je suis allé
comme commissaire industriel.
Avant, il avait fait de l'action syndicale où, là aussi,
il a eu des congés sans solde, parce que c'est important, l'action
syndicale. Mais, s'il avait voulu partir son entreprise... Là, il n'a
plus rien. C'est comme si on disait: Écoute, si tu veux faire le fou,
c'est à tes risques. Les chômeurs, les assistés sociaux...
Il y a un programme fédéral sur lequel on a été
consulté, où on disait - par exemple, je ne sais pas s'il est
opérationnel - que les gens qui rentrent sur le chômage peuvent
utiliser, je pense, l'équivalent de l'assurance-chômage à
venir pour partir leur entreprise. Moi, je trouve que c'est bon, mais je dis:
Pourquoi ne pas offrir la même chose aux gens qui sont déjà
en emploi et dire: Écoutez, vous êtes déjà en
emploi, vous auriez aimé ça partir une entreprise, ça fait
20 ans que vous payez de l'assurance-chômage, pour vous donner une chance
de faire le saut, on va vous donner le bénéfice, comme si vous
étiez un chômeur, pour vous aider à démarrer votre
entreprise? On ne fait pas de signe à ces gens-là. Comme
ça ne fait pas partie de la culture de se poser la question, il y a des
gens qui ont du potentiel entrepreneurial et qui vont passer leur vie à
avoir ce potentiel-là en l'ignorant ou, s'ils ne l'ignorent pas, si vous
voulez, qui vont avoir peur; s'ils n'ont pas peur, ils vont développer
peut-être 10 % de leurs possibilités. Alors nous, on dit: II faut
déclencher ça.
Mme Harel: Ah, mon Dieu! C'est tellement intéressant et on
me fait signe qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.
M. Fortin: On va se donner rendez-vous.
Mme Harel: Je vous les pose en vrac, mes questions. Vous dites,
à un moment donné, dans votre mémoire, que c'est une
source de grand malaise que des services de soutien ne soient offerts que dans
le secteur de la production et non pas dans les secteurs des services.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Ensuite, est-ce que vous pensez que c'est vraiment au niveau des MRC que
ça doit se passer? Là, il y a une expérience qui se fait
dans six MRC. Quand prévoyez-vous les résultats, etc.? Est-ce que
vous pensez que, pour conjuguer... Je pense que c'est vous qui disiez qu'il
fallait conjuguer trois ministères. Est-ce que le grand maître
d'oeuvre, ça ne devrait pas être un ministère de
l'emploi?
M. Fortin: Peut-être pour répondre à la
première question, moi, si vous voulez, en 1961, quand j'ai
terminé l'université, contrairement à ce qu'il fallait
faire dans ce temps-là, c'était fou, mais je suis parti en
entreprise. Quand tu pars une entreprise et que tu es jeune, que tu n'as pas
d'expérience et que tu n'as pas d'argent, tu n'as pas le choix de partir
dans les services, mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas en
sortir. C'est-à-dire qu'à un moment donné, effectivement,
dans mon projet, moi, c'est devenu une entreprise manufacturière. Je
n'en suis plus là, remarquez que ça a été vendu
depuis, mais ça existe encore. Donc, je pense qu'il faut s'occuper de
toutes les entreprises. Il n'y a pas des belles et des moins belles. Je pense
que chaque personne qui bouge, qui a le goût de bouger, qui a le
goût de faire des choses, on devrait être capable de lui donner les
outils parce qu'on ne sait pas où ça va aller. Quand Armand
Bombardier a commencé, si vous voulez, à faire son catinage dans
son garage, on ne savait pas que ça deviendrait le Bombardier qu'on
connaît maintenant. Je pense que tous les projets, tous les gens qui
bougent doivent être supportés, peu importe la forme que ça
prend au départ. Il manque beaucoup de support. Il y a eu une
initiative, je le signale en passant, qui a été partie par le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle, qui était au niveau des groupes de
soutien. Je pense que, dans un projet de soutien en entrepreneurship, les
groupes de soutien qui sont là pour donner de l'aide technique
s'intégreraient très bien dans un projet comme
celui-là.
Maintenant, au niveau des conjugaisons, en termes de structure, on a
beaucoup de difficultés, nous en tout cas...
Mme Harel: je m'excuse. les groupes de soutien, ce sont les
groupes qui avaient été initiés au ministère de la
main-d'oeuvre, mais qui ont été transférés au
ministère de l'industrie et du commerce...
M. Fortin: Oui.
Mme Harel: ...et, ensuite, subordonnés au diktat de la
vision de l'Industrie et du Commerce, donc le secteur manufacturier, etc.
M. Fortin: Enfin, je pense que vous le dites, madame. Je vous le
laisse dire.
Mme Harel: Non...
M. Fortin: Mais, quand la culture d'un ministère est de
s'occuper des entreprises manufacturières existantes...
Mme Harel: C'est ça.
M. Fortin: ...évidemment il y a une cohérence qui
s'établit. Je pense que les groupes de soutien, dans leur vocation
première, c'est en train de disparaître malheureusement.
Au niveau des structures comme telles - parce que vous posez une
question sur les structures - je ne sais pas si un ministère de l'emploi
ferait plus ou ferait moins. Nous, en tout cas moi pour un, je pense que, si M.
Bourbeau acceptait d'ajouter un objectif
d'«en-trepreneuriabilité» et qu'on essayait de voir comment
on incarnerait ça, nous, on serait parfaitement satisfaits, parce que
les gens travaillent beaucoup avec le ministère de la Main-d'oeuvre et
de la Sécurité du revenu et, à date, ça va
très bien.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. Fortin. M. le
ministre, est-ce que...
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai tout dit tantôt
ce que j'avais à dire. Il reste simplement à remercier les gens
de la Fondation en leur disant que...
Mme Harel: Moi, je vais simplement vous signaler que je vais
rappeler au ministre la nécessité de procéder à ce
que vous souhaitez.
Le Président (M. Philibert): Alors, mesdames et
messieurs...
M. Bourbeau: Pour une fois qu'on aura le support de l'Opposition,
M. le Président, ça va être plus facile.
Le Président (M. Philibert): ...de la Fondation de
l'entrepreneurship, au nom des membres de la commission je vous remercie de
votre participation à nos travaux. Je suspends les travaux, maintenant,
jusqu'à 14 heures. (Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise à 14 h 25)
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, sïl
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant
le Regroupement des collèges du Montréal métropolitain. Je
vous souhaite la bienvenue. Avant de faire la lecture de votre mémoire,
j'aimerais que vous présentiez votre porte-parole et que vous
identifiiez également les personnes qui vous accompagnent. Le
déroulement de la séance est le suivant: vous avez 20 minutes
pour présenter votre mémoire, 20 minutes sont
réservées à la partie gouvernementale pour les questions
et 20 minutes à l'Opposition. Si vous voulez vous identifier et nous
faire la présentation de votre mémoire.
Regroupement des collèges du Montréal
métropolitain
M. Leduc (Pierre): Avec plaisir. Je vous présente mes
collègues: à ma droite ici, M. André Campagna, directeur
des services pédagogiques du collège de Bois-de-Boulogne;
à ma gauche, M. Pascal Nadon, directeur du service de l'éducation
des adultes du collège du Vieux-Montréal; à
l'extrême gauche, M. Pierre Lupien, directeur du Regroupement des
collèges du Montréal métropolitain, et moi-même,
Pierre Leduc, directeur général du cégep de Maisonneuve.
Nous quatre sommes du conseil d'administration du Regroupement des
collèges du Montréal métropolitain.
Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, nous vous
remercions, mes collègues et moi, d'avoir reçu notre avis sur
l'énoncé de politique et de nous avoir invités à
venir vous le présenter. Permettez-moi tout d'abord, cependant, de vous
présenter très brièvement notre organisme. Le Regroupement
des collèges du Montréal métropolitain regroupe 10
collèges de l'île de Montréal et le collège
Montmorency à Laval. Nous nous définissons comme un organisme de
gestion concertée, entre autres, du dossier de l'éducation des
adultes de niveau collégial dans la région de Montréal,
mais aussi comme un organisme qui entend mieux camper les cégeps dans le
paysage socio-économique de Montréal, les rendre collectivement
plus visibles au sein des organismes communautaires des regroupements
d'entreprises.
Par le biais du RCMM, les collèges de la région de
Montréal font en sorte que leur présence agissante prenne une
ampleur agrandie sur ce territoire où nous organisons pour plus de 30
000 000 $ par année d'activités de formation aux adultes et aux
entreprises, où nous accueillons environ 75 000 inscriptions-cours et
où nous
entrons en relations d'affaires, en termes de formation et de services
connexes, avec plus d'un millier d'entreprises clientes différentes par
année. Nous ne sommes donc pas indifférents à un
énoncé de politique comme celui qui nous est proposé
maintenant parce que nous avons développé une longue pratique
avec la formation de la main-d'oeuvre. Nous avons acquis, par nos services aux
adultes et aux entreprises notamment, une expertise certaine. Nous avons
créé, littéralement créé, des approches, des
pédagogies, des formats, des formules, des programmes, des partenariats
qui ont su faire leur marque et qui constituent maintenant un volet de la
mission des cégeps qu'on entrevoyait à peine il y a 20 ans.
C'est forts de cette expérience que nous voulons donc
réagir à l'énoncé de politique pour vous dire,
d'abord, que nous sommes globalement d'accord avec l'essentiel du projet. Nous
sommes d'accord avec les lectures, les constats que l'on y fait sur la
situation de la main-d'oeuvre au Québec. Nous sommes d'accord avec la
stratégie visant à développer une culture de la formation
dans les entreprises, stratégie qui mise également sur un
partenariat renouvelé entre les parties pour atteindre cet objectif.
Nous sommes d'accord aussi avec la pièce maîtresse de
l'énoncé de politique, à savoir la création de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre et des sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre à titre d'instruments
privilégiés pour assumer tout le dossier de la main-d'oeuvre et,
notamment, tous les programmes à récupérer du
fédéral.
C'est d'ailleurs notre sentiment que cette Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre constitue
le noyau dur de l'énoncé qui est peut-être un peu moins une
politique et un peu plus un projet de structure renouvelée
comparativement aux CFP, un nouveau cadre, un véhicule plus
approprié pour les nouveaux dossiers qui sont à l'horizon.
À l'occasion de cette mise en place d'une structure nouvelle, le
gouvernement en profite pour affirmer ou pour réaffirmer, pour appeler
des orientations, pour renouveler des objectifs, pour faire ou refaire des
solidarités et cela est bon.
Mais, au-delà de cet accord global, nous soulignons dans notre
avis quelques interrogations, quelques réserves, quelques
appréhensions. J'en retiens une, pour fins de présentation, qui
nous apparaît importante. Il s'agit de l'harmonisation entre
l'éducation et la main-d'oeuvre. Quand je dis
«éducation», j'entends évidemment tout le monde de
l'éducation en général, donc celui de l'enseignement
supérieur et de la science dont nous sommes, nous, les collèges.
Nous comprenons très bien la situation évoquée au
début de l'énoncé, à savoir qu'une véritable
politique d'ensemble de la main-d'oeuvre doit englober tellement de
perspectives, concilier tellement de points de vue qu'il a été
pratiquement impossible d'en définir une au cours des 20
dernières années. Par ailleurs, le contexte des années
quatre-vingt-dix nous impose de faire rapidement des pas significatifs. Il y a
urgence. Dans les circonstances, le gouvernement s'en tient à une
stratégie de développement de la main-d'oeuvre, quitte à
ce que d'autres pans d'une politique globale viennent ensuite. C'était
peut-être la meilleure orientation dans ce contexte-là. Sauf qu'il
y a des dangers à faire de ces raccourcis. Il est dangereux, à
notre avis, de bien placer, de bien structurer, de bien outiller un
système de formation continue, de perfectionnement, ou de recyclage, ou
de développement de la main-d'oeuvre sans l'intégrer dans une
politique unifiée englobant nommément la formation initiale avec
ses caractéristiques, sans doute, mais aussi avec ses correspondances
nécessaires et obligées avec la formation continue.
Il y a dans l'énoncé de bonnes volontés
d'exprimées relativement à ce rapprochement. Ce n'est pas un
divorce que j'évoque ici, en tout cas pas encore, mais on n'est pas pour
autant témoin d'une union intégrée et prometteuse. Cela
est frustrant. Cela confirme un certain parallélisme appauvrissant, un
parallélisme ou un isolationnisme qui risque même d'être
renforcé avec la mise en place de la structure de la
Société. Nous trouvons important de souligner cela ici, car il
s'agit, de fait, d'un problème latent, d'un problème persistant
qui ne semble pas sur le point de recevoir une solution satisfaisante.
Je vais illustrer mon propos un peu mieux, même si je risque, pour
fins de démonstration, d'exagérer l'importance d'un
phénomène ou d'un autre en le mettant en relief. Il y a comme une
solution de continuité entre l'éducation et la main-d'oeuvre.
À plus d'une reprise dans l'énoncé, nous sommes
décrits comme des dispensateurs de services, des fournisseurs de
services. Dans le domaine de la formation, nous ne pensons pas que les
formateurs ne sont que les exécutants de mandats conçus et
établis par d'autres. Il n'y a pas d'étanchéité
entre la conception d'un programme et la prestation d'un programme. D'ailleurs,
c'est ainsi que ça se passe dans la vraie vie. Pour la très
grosse majorité de projets de formation sur mesure en
établissement, ce sont les collèges et les entreprises
elles-mêmes qui sont directement à l'origine de ces projets, ce
qui est souvent source d'irritation pour les gens de la main-d'oeuvre et
occasion de dédoublements, de recommencements inutiles, de concurrence
stérile, car nous ne sommes officiellement que des pourvoyeurs, des
prestataires de services le plus souvent.
Restons donc sur ce terrain justement. Nous n'avons pas réussi,
jusqu'ici, à créer de synergie pleinement satisfaisante entre
l'éducation et la main-d'oeuvre. La table de concertation
éducation-main d'oeuvre qu'on évoque dans l'énoncé
de politique, au moins dans la région de Montréal en tout cas,
elle n'a jamais levé, pourrait-on
dire. Et, aujourd'hui, elle est bien morte.
Deuxièmement, les modalités administratives entre les CFP
et les cégeps depuis qu'on travaille ensemble, elles n'ont pas encore
été modulées d'une façon intéressante pour
les deux. Le mode de remboursement des dépenses de formation
effectuées par les cégeps laisse à désirer. Il y a
des pertes d'intérêt sur les sommes parfois considérables
avancées par les cégeps. Les tarifs de formation sont
déterminés indépendamment d'autres contraintes qui, elles,
évoluent, comme, par exemple, les taux horaires définis dans les
conventions collectives.
Troisièmement, le MMSRFP se désinvestit des programmes de
recyclage et de perfectionnement de la main-d'oeuvre au profit de commandes de
cours très ciblés sur des besoins ponctuels, pour ne pas dire
pointus, et cela, en dépit d'un besoin manifeste, surtout dans une
région urbaine comme Montréal, de formation qualifiante pour des
personnes qui veulent, par leur propre volonté, se donner une
employabilité accrue et mieux reconnue. De 75 % à 80 % de notre
clientèle sont justement une main-d'oeuvre active qui s'investit
personnellement dans des activités de formation qui sont comme une
plus-value pour elle. Comme nos enveloppes sont fermées d'un
côté et comme elles se vident dangereusement de l'autre, les
cégeps, de Montréal surtout, ont été amenés
à assumer à leurs frais ces clientèles qui
débordent des quotas fixés.
Un autre signe des deux solitudes des collèges et des gens de la
main-d'oeuvre: des collèges souhaiteraient développer le plus
possible des programmes autofinancés directement avec l'entreprise,
indépendamment des CFP, tellement la machine des CFP ne semble pas
toujours facilitante.
Or, dans l'énoncé de politique, il n'y a pas, à
notre avis, assez de déterminants qui viendraient corriger ces lacunes,
rectifier ces pratiques, combler ces manques, des mesures qui viendraient
confirmer de façon presque nécessaire un changement de
perspective. Prenez la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Voici un instrument majeur, un poids
lourd sur lequel peut s'appesantir à loisir la volonté
gouvernementale de gérer dune façon neuve et unifiée tout
le dossier de la main-d'oeuvre en misant, notamment, sur une nouvelle dynamique
entre les partenaires. Mais, mutatis mutandis, on ne trouve pas
d'équivalent pour ranimer, pour renouveler le partenariat
nécessaire entre l'éducation et la main-d'oeuvre, qui laisse
pourtant beaucoup à désirer. Les irritants actuels risquent de se
développer dans la mesure où la nouvelle Société
sera forcément plus envahissante avec ses larges mandats.
Nous sommes des entrepreneurs en formation. Nous avons mis au point des
formules novatrices. Nous sommes devenus des partenaires
socio-économiques régionaux plus visibles et plus performants.
Nous avons organisé avec l'entre- prise des colloques, des concours, des
forums, mais, dans l'énoncé de politique, cette reconnaissance,
comme on parle d'un vol de reconnaissance, est plutôt timide. Bien
sûr, aurons-nous droit de cité au sein des C.A. des
sociétés de développement de la main-d'oeuvre. En tout
cas, nous le tenons pour acquis, sauf erreur. Mais, en deçà ou
au-delà de cette présence formelle à ces instances,
l'énoncé de politique devrait forcer la note en faveur de
l'éducation, partout où le dossier s'y prête, pour bien
marquer un changement de régime, une nouvelle ère de
collaboration. Pourquoi la Main-d'oeuvre ne demanderait-elle pas à
l'Éducation, par exemple, de prendre le leadership dans le dossier
litigieux des apprentissages en industrie ou de la reconnaissance des
compétences et de proposer des formules satisfaisantes?
En somme, M. le Président, nous avons le sentiment d'avoir fait
la preuve de notre volonté non équivoque de collaborer, de notre
sens de l'innovation, de notre entrepreneurship, mais nous ne retrouvons pas,
dans l'énoncé, un rôle correspondant à notre feuille
de route pourtant éloquente. Voilà une de nos réserves
assez générale que nous estimions importante de rappeler à
l'occasion de la mise en place de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il s'agit
là, par cette mise en place, d'un développement qui a toutes les
chances d'être prometteur, mais au sein duquel nous voudrions être
davantage perçus et ressentis comme une partie prenante, une force
vivante et intégrée, et nous vous remercions de nous avoir permis
de vous le dire.
Le Président (M. Philibert): Merci. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
les représentants des cégeps de la région de
Montréal pour leur prestation au sujet de la politique de main-d'oeuvre,
leur mémoire. J'ai lu votre mémoire; également, j'ai lu la
lettre qu'avait fait parvenir à Mme Lamon-tagne, au mois de janvier, M.
Lupien pour expliquer pourquoi il ne pouvait pas faire de mémoire. Ha,
ha, ha! Or, il semble que, depuis ce temps-là, vous ayez trouvé
le temps d'en faire un.
Je dois dire que je suis un peu surpris de certaines des remarques que
j'entends de la part de certains milieux d'éducation, des cégeps
à l'endroit des CFP. Vous êtes critiques à l'endroit des
CFP et j'ai l'impression qu'on se retrouve en présence de la poutre et
de la paille. Vous ne voyez pas, j'ai l'impression, que, dans votre propre
oeil, il y a aussi une paille qui pourrait peut-être passer pour une
poutre dans l'esprit des CFP aussi. Vous n'êtes pas à l'abri de
toute critique non plus relativement à vos relations avec les CFP, le
fonctionnement du marché du travail. Je parle en général:
collèges et milieux
de l'éducation tout confondus. Vous savez, ce n'est pas
donné non plus, les coûts de l'enseignement professionnel par les
cégeps. Vous dites que vous voulez avoir l'exclusivité, que vous
ne voulez pas voir le secteur privé se mettre le nez là-dedans.
Pourtant, moi, quand je discute avec le gouvernement fédéral, ce
qui les scandalise, eux, c'est qu'il faille investir 40 % de l'argent. Quand le
fédéral vient au Québec avec ses fonds de formation, il y
a 40 % qui vont en subventions de frais de base dans les cégeps et les
commissions scolaires. Je rencontre parfois des gens qui me disent: C'est
scandaleux, au Québec, le gaspillage; il y a 40 % de l'argent qui vont
dans les frais d'administration. Je me fais dire ça: C'est scandaleux de
mettre 40 % dans les frais d'administration. Je dois reconnaître
qu'effectivement quand le fédéral arrive avec ses 139 000 000 $
pour le secteur de la main-d'oeuvre, il y en a 40 % qui s'en vont pour les
frais d'administration des cégeps, des commissions scolaires. Tant
mieux, on paie beaucoup de choses avec ça, je présume,
probablement même plus que ce que ça coûte, parce qu'il n'y
a pas longtemps, quand le fédéral a décidé de
passer à côté de la structure québécoise et
de mettre sur pied le réseau des groupes de coordination - vous savez,
les fameux groupes de coordination auxquels on s'est objecté tout le
monde et, finalement, on a fait reculer le fédéral - les groupes
de coordination, eux, avaient accepté de faire le travail pour 15 %. Ils
étaient très heureux de prendre 15 % de frais d'administration et
ils faisaient de l'argent avec ça.
Bon. Je me dis: Dans le fond, on a réussi à mettre fin
à ça. Il faut être un peu masochiste, d'ailleurs, pour
dire: On va mettre fin à un système qui nous coûte 15 % de
frais d'administration, pour le remplacer par un qui nous en coûte 40 %.
En tout cas, on a sauvegardé le sacro-saint principe qu'il faut qu'on
fasse affaire avec chez nous, avec notre propre système
d'éducation. Mais il ne faudra pas non plus pousser trop, trop loin dans
les revendications. À mon avis, il faut donner la meilleure formation
possible aux travailleurs et, j'espère, au meilleur coût possible
aussi.
Alors, vous ne devriez pas avoir peur de la compétition, à
mon avis. Vous êtes très bien placés. Vous avez des
équipements qui sont déjà payés par l'État.
Vous avez des laboratoires déjà en place. Vous êtes
superbement bien équipés pour compétitionner avec
l'entreprise privée qui, elle, doit tout fournir ces
équipements-là. Alors, voilà quand même, je pense,
un point que je voulais faire.
L'autre, c'est que vous nous dites... Les CFP, ça ne fonctionne
pas tellement bien, votre expérience avec eux. Moi, quand je parle aux
CFP, on me raconte des histoires d'horreur aussi qui ne sont pas à votre
avantage. Quand je dis «vous», je parle autant des commissions
scolaires. Par exemple, les sous-contrats. Combien de fois une entreprise
décide de demander de la formation afin... Enfin, on organise un cours,
disons, le ministère, le CFP organise un cours de formation et une
commission scolaire ou un cégep prend le contrat. D'ailleurs, on n'a pas
le choix, on doit aller absolument dans le secteur public. Là, la maison
de formation se retourne, comme on dit, de bord, entre guillemets, et
sous-contracte avec l'entreprise privée. (14 h 45)
Je peux vous nommer des cas multiples comme ça. L'entreprise
privée vient faire le travail de formation auprès de nos gens et
l'institution publique, elle, ramasse sa commission au passage. Je ne pense pas
que ce soit - vous connaissez la formule - non plus très, très,
très productif, cette façon de procéder. Ça
n'encourage certainement pas, en tout cas, une saine émulation.
Qu'est-ce que j'ai à part ça comme note? Tant qu'à y
être, je vais vider mon sac.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Oui, les fameuses autorisations spécifiques.
On a des contrats, on a des montants d'argent prévus pour des cours.
Mais c'est rendu qu'une fois sur deux on nous menace de ne pas donner le cours
si on n'ajoute pas des dizaines et des dizaines de milliers de dollars.
Récemment, à Sept-îles, j'ai eu un cas concret, où -
je ne donnerai pas les détails - on voulait organiser un cours pour 15
personnes; le coût était de 300 000 $ auprès de la
commission scolaire, ce qui était jugé, par nos gens, excessif et
même scandaleux. Mais, là, on n'a pas le choix, on n'a qu'un seul
fournisseur, il faut aller au système public. Alors, les gens de la CFP
se retournent vers le cégep; le cégep dit: Nous, on ne coupe pas
les prix, c'est 300 000 $ aussi. Alors, le résultat, c'est que le cours
ne s'est pas donné. Bien, ça a pris un an avant de finir de
négocier; il a fallu ajouter des autorisations spécifiques. Mes
informations, c'est qu'on a payé quelque 200 000 $. Moi, je dois dire
que, des reproches, il peut s'en faire des deux côtés. Je ne
blâme pas du tout les CFP d'essayer, très souvent, de faire
baisser les coûts et d'obtenir de meilleurs prix. Si ça retarde,
parfois, c'est autant de la faute des institutions scolaires qui, avec des
chinoiseries semblables et des normes aussi restrictives, empêchent que
la formation se donne facilement. Donc, là-dessus, les reproches, on
peut les faire des deux côtés. Je ne sais pas si vous voulez
réagir, mais je vous donne l'occasion de le faire.
Le Président (M. Philibert): M. Leduc.
M. Leduc: Oui. Écoutez, ça n'a jamais
été notre idée de faire des reproches aux CFP, encore
moins à la CFP de Montréal, puisque nous travaillons dans la
région de Montréal. Ce que
nous avons essayé de démontrer, c'a été
qu'il y avait un manque d'harmonisation entre l'éducation et la
main-d'oeuvre et nous souhaiterions qu'à l'occasion d'une nouvelle
politique et d'une nouvelle ère de développement, nous puissions
mettre de côté les irritants. S'il y a des irritants mutuels,
qu'on les mette de côté, les deux. Mais on ne trouvait pas, dans
cette politique-là, de façon évidente, une reconnaissance
intéressante, quant à nous, de notre rôle, sinon le simple
rôle de pourvoyeur, de dispensateur de services. Nous estimions que nous
avions une feuille de route qui méritait mieux que cela.
Par ailleurs, relativement au point très précis que M. le
ministre vient de mettre sur la table, je ne voudrais évidemment pas
qu'on fasse ici une querelle de chiffres, sauf que. dans nos chiffres à
nous, c'est vrai qu'il y a peut-être 40 % qui débarquent, mais,
sur ces 40 %, il y en a 30 % qui vont au ministère de la Main-d'oeuvre,
au ministère de l'Enseignement supérieur et au ministère
de l'Éducation. Les cégeps comme tels, comme
établissements, il y a 10 %. Alors, peut-être qu'il y a 40 % de la
facture du fédéral qui tombent dans des coffres, qui ne vont pas
directement à la formation mais dans les coffres des cégeps,
cependant, pour faire de l'encadrement pour les millions de dollars par
année qu'on vous donne en formation, il y en a 10 %.
Pour les sous-contrats, c'est une pratique que nous essayons
d'éviter dans la mesure du possible. Qu'il y en ait à profusion,
il faudrait voir; il ne faut pas mêler, cependant, un sous-contrat avec
un professeur, un individu qui s'incorpore pour donner un cours. Si on assimile
cela à des sous-contrats, effectivement, mais c'est un professeur, c'est
un chargé de cours qui, cependant, s'incorpore pour donner un cours
donné. On sous-contracte avec lui, bien sûr, ça s'appelle
Louis Sauriol inc., sauf que c'est un individu qui reçoit son T4 comme
n'importe quel individu, même s'il est incorporé. Ça, ce
n'est pas ce que j'appelle un sous-contrat. Ça, il y en a beaucoup.
Par ailleurs, mes collègues, M. Lupien et M. Nadon, entre autres,
peuvent sûrement corroborer ou compléter ces
informations-là, notamment pour les autorisations spécifiques. M.
Nadon, vous avez des chiffres là-dessus.
M. Nadon (Pascal): Oui. juste pour illustrer, depuis 1985, dans
les 11 collèges de Montréal, jusqu'à 1990-1991, il y a eu
786 000 $ d'investis pour 30 000 000 $ de formation par année. Je veux
bien que les autorisations spécifiques soient considérables, mais
je pense qu'il peut y avoir, dans certains cas, une mise à jour
d'équipement ou une situation particulière. Je pense qu'on fait
la preuve que, dans l'ensemble, c'est, effectivement, du renouvellement
d'équipement, mais sur une base quand même, somme toute, qui
m'ap-paraissait raisonnable.
M. Bourbeau: Les chiffres que vous me donnez sur les
autorisations spécifiques ne correspondent pas du tout à ceux que
j'ai au ministère. Alors, si ce n'est pas chez vous que ça va, je
me demande bien où ça va. Je sais que, chez nous, la facture des
autorisations spécifiques est assez élevée.
M. Nadon: Remarquez que je parle uniquement des cégeps de
Montréal.
M. Bourbeau: Évidemment, je m adresse à vous et,
à travers vous, j'ai visé bien du monde. D'ailleurs, je l'ai dit
à deux ou trois reprises, peut-être que vos collèges
à vous ne font pas d'excès dans les autorisations
spécifiques, mais c'est une partie qui devient de plus en plus
importante.
Maintenant, un autre point sur lequel je voudrais revenir, c'est le
supposé conflit d'intérêts. Vous dites, dans votre lettre -
je vais citer la lettre parce que ça fait partie, en fait, de votre
pensée: «Lorsque le ministère de la Main-d'oeuvre, le
MMSRFP, propose que les CFP actuelles ou les futures sociétés
générales soient directement impliquées dans le choix des
formateurs ou des établissements de formation, il faudrait d'abord
s'assurer qu'il n'y a aucun danger réel de conflit
d'intérêts. À première vue, cependant, on peut
considérer qu'il est pour le moins délicat de confier à un
même organisme la responsabilité d'accorder des subventions et de
contribuer au choix de l'intervenant.»
Je suis étonné un petit peu que vous souleviez cette
notion de conflit d'intérêts. Moi, je ne sais pas là.
Est-ce que le conflit d'intérêts n'est pas plutôt celui
qu'auraient les maisons d'enseignement si elles avaient à estimer les
besoins et, après ça, à fournir les services pour ces
besoins-là? Là, on pourrait dire qu'il y a un danger que le
formateur soit tenté d'ajuster à la baisse les besoins du client
pour utliser ses formateurs à lui. Supposons qu'un formateur a tant de
professeurs qui savent enseigner telle chose, il serait peut-être
porté à faire en sorte d'enseigner ce qu'il sait, ce qu'il peut
enseigner plutôt que d'enseigner vraiment selon les besoins réels
du client. Et c'est ça que le gouvernement du Québec a
réalisé, en 1984, quand il a décidé de la politique
qui a fait en sorte que le ministère de la Main-d'oeuvre est devenu
autonome avec ses budgets et ses responsabilités d'estimation des
besoins.
Moi, je vois bien plus le danger de conflit d'intérêts
là-dedans, du formateur qui en même temps estime les besoins et
qui ajuste l'un selon ce qu'il peut enseigner, que de la CFP qui, elle, n'a pas
d'intérêts là-dedans. Elle n'est pas enseignante, elle.
Elle, elle choisit... Enfin, elle a des fonds. Elle donne une subvention. Elle
paie pour. C'est normal que, dans un marché ordinaire, celui qui paie
choisisse non pas son client, mais son formateur, en tout cas son
profession-
nel. Il me semble que, quand j'engage quelqu'un, je paie, j'ai le choix
de qui j'engage. Enfin, c'est une notion qui est très répandue
dans notre société, que l'employeur choisit et paie celui qu'il
engage. Conflit d'intérêts pour conflit d'intérêts,
j'aurais beaucoup moins peur de ce deuxième conflit
d'intérêts que du premier. Pas vous?
M. Leduc: M. Lupien va vous...
M. Lupien (Pierre): Vu que c'est moi qui ai écrit la
lettre, peut-être que le terme était ma! choisi, mais je pourrais
peut-être l'illustrer par un exemple. Quand un professionnel de la
main-d'oeuvre arrive dans une entreprise et qu'il menace l'entrepreneur de
dire: Si tu ne fais pas affaire avec telle entreprise, je ne te supporte pas en
termes de subvention, c'est peut-être plus ça que je voulais dire.
Et ça se produit à l'occasion. C'est rare, mais ça se
produit.
M. Bourbeau: Ça, c'est autre chose. Ce n'est pas le
système, à ce moment-là, qui ne marche pas bien. C'est des
invididus...
M. Lupien: C'est ça.
M. Bourbeau: ...qui n'agissent pas correctement...
M. Lupien: II reste...
M. Bourbeau: ...qui n'agiraient pas correctement. C'est
hypothétique, votre question.
M. Lupien: II reste quand même que, quand on dit: C'est des
fonds publics, et qu'on n'a pas de contrainte à poser, je voudrais
peut-être tout simplement rappeler ici que, sur une évaluation qui
a été commandée par les trois ministères sur la
satisfaction des entreprises, il y a quand même 92 % des entreprises qui
se sont dites satisfaites ou très satisfaites du service qui a
été donné par les collèges, à deux niveaux
principalement: au niveau de la qualité de la formation en termes
d'adaptation aux besoins de l'entreprise et, la deuxième, en termes de
qualité des formateurs. Donc, ça m'apparait être un peu
difficile... Il me semble que, quand il y a des fonds publics, il y a quand
même certaines contraintes qu'on peut exiger à l'occasion. Bon.
Peut-être qu'on n'est pas les seuls comme réseau public, mais on
doit aussi être présents au même titre que les autres.
«Conflit d'intérêts», je pense que c'était
peut-être un mauvais terme, mais dans le sens beaucoup plus qu'il y a
déjà eu des expertises dans le passé où... Ce
risque-là est présent, c'est sûr que c'est des individus,
mais le risque est là quand même.
M. Bourbeau: On ne peut garantir personne contre un hold-up non
plus. Si quelqu'un décide d'agir d'une façon incorrecte... Il y
en a partout. Il y a déjà eu dans le monde de l'éducation,
aussi, des gens qui se sont conduits d'une façon étonnante, il y
en a partout. On n'a rien qu'à en parier à mon collègue,
le ministre de l'Éducation, qui a déjà dû
répondre à quelques questions au cours des dernières
sermaines de la session sur des agissements de ses fonctionnaires. Ça
arrive partout, alors ce n'est pas unique. Ça peut arriver n'importe
où.
Là-dessus, maintenant que j'ai dit ça, je dois dire - je
vous posais des questions, mais, à travers vous, je questionnais bien
d'autre monde - qu'en général nous avons une assez bonne opinion
des performances des cégeps dans le domaine de la formation de la
main-d'oeuvre. Sur le territoire que je représente, j'ai un cégep
qui est très actif dans le domaine, c'est le cégep
Édouard-Montpetit. Je dois dire que je suis assez impressionné
par la façon de procéder des cégeps qui sont dynamiques,
qui vont au-devant des entreprises, qui font même du démarchage
actif pour tenter de porter, dans les entreprises, la bonne nouvelle de la
formation. Je pense qu'effectivement vous avez une attitude très
ouverte, très agressive et très contemporaine, même que
j'entends dire que, dans certaines régions du Québec, il y a des
entreprises qui se plaignent qu'elles sont littéralement assaillies par
les cégeps, par les commissions scolaires, par la CFP, par le
gouvernement fédéral. Il y a des entreprises qui disent que c'est
comme des vagues de gens qui vont les voir pour leur offrir les services de
formation. D'une certaine façon, je réponds: Tant mieux, au moins
on ne manque pas de formateurs, c'est mieux d'en avoir plus que d'en manquer.
D'autre part, je dois aussi reconnaître que ce n'est pas un
système qui est normal que de voir comme ça toute une
série d'intervenants frapper à la porte des entreprises pour leur
proposer, un peu comme des commis voyageurs, des produits. On a besoin
d'organiser le système un peu mieux. C'est ce qu'on tente de faire avec
la proposition qu'on a devant nous, d'amener un peu d'ordre dans un domaine qui
est passablement désordonné présentement. C'est l'objectif
recherché par la politique, de tenter de coordonner nos actions tant
avec le gouvernement fédéral, qui agit dans ce domaine-là,
qu'entre les différents ministères qui oeuvrent dans le domaine
de la formation et de la main-d'oeuvre.
Cela étant dit, maintenant que les messages sont passés,
j'aimerais vous poser une question. Vous pariez de formation continue. Il y a
plusieurs organismes qui sont venus nous voir ici et qui nous ont fait part de
l'importance d'un débat à tenir sur la formation professionnelle
au Québec, sur l'enseignement, sur l'action de scolarisation de la
formation professionnelle au Québec, tant au niveau collégial
qu'au niveau secondaire, disons. Est-ce que vous pensez, vous, que cette
question doit aussi être discutée rapidement et que, même,
on devrait retarder la
mise en application de la stratégie que nous avons là
jusqu'à ce qu'on ait tenu ce grand débat sur la formation
professionnelle et l'enseignement de la formation?
M. Leduc: Oui, nous estimons qu'effectivement il faudrait qu'il y
ait un grand débat sur la formation professionnelle, non pas au point,
cependant, d'arrêter toute la vie parce que le débat n'a pas eu
lieu. C'est essentiellement le sens de ce qu'on disait, à savoir que
c'est le danger de foncer en mettant une structure de formation continue
importante en place, la Société de développement de la
main-d'oeuvre, sans avoir auparavant cherché à intégrer
à l'intérieur d'une même politique tout le domaine de la
formation professionnelle. Il y a un danger là-dedans. Ça ne veut
pas dire pour autant qu'il faille arrêter la vie et qu'il faille
arrêter la mise en place de cette structure-là tant que le
débat n'aura pas eu lieu. Oui, il faut réévaluer et c'est
ce que nous ne faisons peut-être pas assez vite. De toute façon,
le monde est mûr pour cela maintenant. Tout le monde le requiert, il faut
qu'on repense la formation professionnelle. (15 heures)
Cela dit, les problèmes sont très différents si
vous vous adressez à la formation professionnelle de niveau secondaire
et à la formation professionnelle de niveau collégial. Il y a eu
une très grosse désaffection dans le secondaire. Le gouvernement
y a mis beaucoup d'argent pour faire une campagne de publicité; je pense
que ça va finir par aboutir. Mais il n'y a pas un niveau, cependant, il
n'y a pas un ordre qui a plus fait pour la valorisation, la création
d'un niveau d'enseignement technique supérieur que l'ordre
collégial. La formation professionnelle que nous donnons au
collégial, elle a actuellement acquis ses lettres de créance.
Est-ce que ça veut dire qu'il faut continuer sur cette lancée
sans se questionner? Mais pas du tout. Les entreprises ont
développé également de nouvelles approches, de nouvelles
attentes. Le marché est différent. Il faut concevoir
différemment les programmes aujourd'hui que ceux que nous concevions il
y a 20 ans. La façon dont les programmes sont révisés au
collégial actuellement, elle est inadéquate. Il faut la
réviser. Il faut prendre une autre approche pour concevoir des
programmes. On l'a fait à certains égards, dans certains
programmes particuliers, comme en pétrochimie, à Montréal,
avec une correspondance très étroite avec le monde de
l'entreprise. Des choses comme celle-là doivent se
généraliser.
Ça veut dire qu'il y a, donc, une redéfinition de la
formation professionnelle à faire, mais pas au point, cependant, de dire
qu'on part de zéro, mais pas du tout. Allez voir le taux de placement de
nos grands finissants qui sortent des collèges, il est
extraordinairement élevé. Allez voir le taux de satisfaction des
employeurs, il est relativement très bon dans la plupart de nos
programmes. On n'a sûrement pas manque notre coup. On a des
problèmes, cependant, avec une formation un petit peu plus
générale, de base, plus polyvalente en enseignement
professionnel. On a des problèmes pour attirer dans l'enseignement
professionnel de niveau collégial d'aussi bonnes candidatures que celles
qui postulent pour l'enseignement préuniversitaire. Bien sûr! Cela
dit, la feuille de route est quand même éloquente. Et
voilà.
M. Campagna, pourriez-vous ajouter quelque chose là-dessus?
Le Président (M. Philibert): Je vous informe que notre
temps est écoulé. Il faudrait synthétiser votre
dernière intervention pour qu'on puisse donner justice à Mme la
représentante de l'Opposition qui a également des questions
à vous poser. Alors, vous aviez entamé une phrase.
Mme Harel: Non, allez-y.
M. Campagna (André): Non, ça va.
M. Leduc: Ça va, monsieur.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le président,
je voudrais tout de suite rendre hommage, en fait, à ce que vous faites
dans la région de Montréal. Je connais de nombreux exemples de
partenariat avec l'entreprise mis en place par le réseau que vous
représentez cet après-midi. Vous avez abordé dans votre
mémoire, à mon point de vue, trois questions bien distinctes. Il
y en a une que le ministre a éludée. J'aimerais bien, tout de
suite, d'entrée de jeu, reprendre cette question-là avec vous en
espérant qu'il puisse peut-être non pas écouter la
question, mais au moins la réponse.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: C'est certainement, en tout cas, cette question de
l'offre sur une base individuelle de la formation continue, de la formation
dans la perspective d'une formation continue à des hommes et des femmes
qui n'ont pas perdu leur emploi, donc qui ne peuvent pas
bénéficier des programmes d'assurance-chômage, qui ne sont
pas bénéficiaires d'aide sociale - malgré que vous savez
sans doute que l'énoncé prévoit que ces
personnes-là vont rester dans les mesures d'employabilité
gérées dans les CTQ, mais enfin - qui ne sont pas non plus dans
des entreprises qui ont des plans de développement des ressources
humaines ou qui ne sont pas désignés dans ces plans de
développement des ressources humaines comme étant des personnes
que l'entreprise choisit pour suivre de la formation, enfin qui sont sans doute
le commun de nos
concitoyens qui occupent - je le dis souvent au ministre - des emplois
dans des secteurs qui ne sont pas nécessairement exposés à
la mondialisation des marchés; ils peuvent être
réceptionniste, ou téléphoniste, ou chauffeur de taxi,
enfin votre clientèle. Celle-là, elle m'inquiète
énormément parce que rien ne lui est proposé, et
j'aimerais vous entendre là-dessus.
Moi, ce que je crains vraiment, je le dis, là, c'est qu'il y ait
tout un discours médiatique, radio, télé, journaux,
partout, un discours pour justement promouvoir la formation professionnelle et
qu'au moment où des gens, sur une base individuelle, parce qu'ils
n'auront pas un contexte de travail qui leur offre de faire autrement, se
présentront, là, il n'y ait quasiment rien. C'est comme un
mirage. C'est comme si ça s'évanouissait devant eux. Mais
j'aimerais vous entendre là-dessus et puis voir ce que vous
suggéreriez au ministre.
M. Leduc: Vous avez bien raison, madame, de soulever ce
point-là. Nous l'avions évoqué un petit peu, quand
même, dans notre mémoire. Effectivement, c'est un problème,
le fait que, pour les individus qui s'inscrivent d'eux-mêmes à des
formations professionnelles de niveau collégial, eh bien, le
véhicule pour les recevoir, il disparaît au fur et à mesure
que les années s'avancent. D'un côté, c'est le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science qui, lui,
nous donne une enveloppe fermée; d'un autre côté cette
enveloppe est pleine et elle se vide.
Mme Harel: Est-ce qu'elle diminue, cette enveloppe?
M. Leduc: Oui.
Mme Harel: D'année en année?
M. Leduc: Oui.
Mme Harel: La Fédération des cégeps nous
laissait entendre, quand elle est venue, que c'était presque
terminé, même.
M. Leduc: Non. Mme Harel: Non?
M. Leduc: Là, on parle de l'enveloppe qui vient du
ministère de l'Enseignement supérieur. Ce n'est pas
terminé, mais il y a des orientations qui laisseraient entendre que
ça finirait par être terminé, puisque le ministère
dit: Moi, ma loi m'autorise à ne financer que les étudiants
à temps plein. Mais alors, quoi? Comme si les adultes avaient le temps,
le soir, de s'inscrire à des cours à temps plein. Bon, ça
ne marche pas. De l'autre côté, il y a le ministère de la
Main-d'oeuvre qui, lui, habituellement, avait coutume, sur une base historique,
de permettre l'accès à une formation professionnelle qualifiante
à des individus. Mais cette coutume-là, elle disparaît. 50
% de moins à Montréal - au moins, en tout cas - en trois ans, et
plus de 50 %. Elle disparaît au profit de quoi? Au profit de commandes de
cours qui nous viennent des CFP, des commandes de cours très
ciblés, très pointus. C'est 30 heures par ici, 45 heures de cela
et pour des clientèles autant ciblées, donc.
Alors, nous autres, la clientèle ordinaire, celle à
laquelle vous faisiez allusion tantôt, eh bien, elle n'a plus de place.
Nous autres, on est obligés de la refuser. C'est rare, mais c'est ce qui
arrive, cependant. Cet hiver, en 1992, nous avons été
obligés de refuser du monde parce que nous n'avions plus de
disponibilité. Puis, en plus, depuis quelques années, les
collèges assumaient par eux-mêmes des quotas
supplémentaires pour permettre à ces gens-là de continuer
à se scolariser.
Alors, oui, il y a un problème majeur. Nous le soulevons dans
notre mémoire, et je l'ai rappelé tantôt dans la
présentation. La solution? Écoutez, si on l'avait, je pense que
les gens du ministère l'auraient aussi. Mais une chose est certaine, il
va falloir penser, à un moment donné, du côté de
l'Enseignement supérieur, à ouvrir une enveloppe
budgétaire - si c'est de ce côté-là qu'on veut aller
- en disant... Le ministère de la Formation professionnelle dit: Moi, ma
job, ce n'est pas de scolariser le monde. O.K. Peut-être que ce n'est pas
sa job à lui, mais c'est la job d'un autre. Mais, quand je parlais
tantôt du manque d'harmonisation entre l'Education et la Main-d'oeuvre,
c'est à des choses comme celle-là que je faisais allusion.
Mme Harel: Vous savez, ce qui est autrement plus
inquiétant aussi, c'est que, comme il y a sous-investissement de
l'entreprise - l'énoncé en parle nommément, du
sous-investissement des entreprises dans la formation - mais qu'il y a un
besoin bien identifié d'adaptation de la main-d'oeuvre en emploi pour
permettre à l'entreprise de faire face à la concurrence, à
ce moment-là, c'est comme s'il y avait de plus en plus un transfert de
fonds. C'est presque un détournement, dans le fond. Les fonds publics
qui, jusqu'à maintenant, étaient beaucoup utilisés dans
des programmes comme Recyclage et perfectionnement de la main-d'oeuvre, qui
s'adressait à toute la population, de plus en plus, ces fonds publics
vont servir à compenser le sous-investissement des entreprises pour la
formation de leur propre main-d'oeuvre. Et je crains très fort l'effet
pervers que ça va avoir, parce que ce qu'on va faire d'une main pour
soigner, si vous voulez, ce qui est curatif, on va le perdre de façon
préventive dans les années à venir parce que ces gens
auxquels vous ne pouvez pas répondre adéquatement en hiver 1992,
éventuellement, ils feront aussi partie des gens qui auront à
changer d'emploi dans quelques années.
M. Leduc: Voilà!
Mme Harel: Et là, on aura peut-être à
investir encore trop par rapport à ce qui aurait pu se faire
maintenant.
M. Leduc: Là-dessus, M. Campagna aurait quelques
commentaires.
M. Campagna: Ça me paraît un problème
majeur.
Mme Harel: Merci.
M. Campagna: II faudrait peut-être que le ministère
de l'Enseignement supérieur l'entende, mais on l'a dit, aussi, au
ministère de l'Enseignement supérieur, ce
problème-là. Là, on parle des citoyens, massivement, qui
travaillent. Ce n'est pas une minorité qui ne travaille pas, c'est,
massivement, les citoyens qui travaillent et qui, actuellement, n'ont pas toute
l'accessibilité qu'ils pourraient avoir - on ne dit pas
«gratuité» mais «accessibilité» - au
niveau collégial, ce qu'ils ont sans nuance au niveau secondaire, ce
qu'ils ont sans nuance au niveau universitaire. Ce n'est pas le cas au niveau
collégial.
Mme Harel: Ils ne l'ont plus au niveau secondaire. Je m'excuse.
Ils ne l'ont plus maintenant, parce que c'est en diminution constante.
M. Campagna: Oui, c'est ça. Exactement. Mme Harel:
Depuis cinq ans.
M. Campagna: Ce que j'ajouterais - et c'est une donnée que
je prends dans l'énoncé de politique - c'est que la
création massive d'emplois au Québec, ça passe par la
petite entreprise. Si vous regardez l'énoncé de politique, les
petites entreprises, de 0 à 19 employés, c'est là qu'a eu
lieu, durant les 10 dernières années, la création massive
d'emplois. Or, ces gens-là, ces petites entreprises-là,
évidemment, ne peuvent pas toujours se permettre de connaître tous
les programmes gouvernementaux, etc. Alors, on peut imaginer que, pour elles,
ce qui est le plus simple, le plus facile, c'est que les individus, les
employés de ces petites entreprises où se fait massivement la
création d'emplois puissent avoir accès à des cours du
soir, des cours de fin de semaine, etc., tout ce genre de cours que nous
offrons, les commissions scolaires, les cégeps et un peu les
universités aussi. C'est d'avoir accès à tous ces
cours-là. Or, avec nos enveloppes fermées, actuellement, ils
n'ont pas accès à ça. Ils ont un accès très
limité. C'est un contingentement.
M. Leduc: Si je peux ajouter quelque chose, madame, on ne pense
pas que c'est le programme SPRINT qui va régler ce problème non
plus, le programme d'accès individuel des gens, s'il n'est pas
adapté à ce genre de problématique.
Mme Harel: Oui, parce qu'il s'adresse, ce programme individuel,
à des pénuries en main-d'oeuvre, aussi.
M. Leduc: Et surtout, c'est des conditions... Il faut, je pense,
qu'il ait déjà été employé six ans. À
part ça, ça met l'employé dans la mauvaise situation de
demander à son employeur d'aller se chercher une job, ou il va quitter
son emploi après. En tout cas, ce n'est pas par là que les gens
vont se qualifier.
Mme Harel: Je sais que le temps passe, mais je reviendrai, si on
a le temps, sur cette question de la formation initiale et de la formation de
la main-d'oeuvre avec les deux réseaux parallèles. C'est un
héritage, à mon point de vue, des dédoublements de
compétence parce qu'il faut se rappeler que le fédéral est
intervenu le premier, en 1966. Maurice Bellemare, en 1967. a réagi en
voulant aller chercher un partage des fonds fédéraux et,
là, de part et d'autre, ça faisait l'affaire de tout le monde de
dire que ça ne relevait pas de l'Éducation; sinon, ça
avait l'air d'une ingérence.
Alors, on en est, 25 ans après, à ne plus se poser de
questions sur cet héritage-là. C'est ce que je souhaite,
finalement, un débat où on se repose la question. À mon
point de vue, si on avait été une société normale,
c'est l'Éducation qui aurait certainement, il y a 25 ans...
Une voix: Assumé.
Mme Harel: ...à bras-le-corps, entrepris cette question de
la formation de la main-d'oeuvre, comme dans toutes les autres
sociétés dont on s'inspire pour toutes les structures qu'on veut
mettre en place, sauf pour l'essentiel.
Cependant, il y a une chose qui est bien, bien importante dans votre
mémoire et, là-dessus, je pense que le ministre aussi souscrit
à cet objectif-là. La question, c'est de savoir comment. Et cette
question importante, c'est celle du lien direct entre le demandeur de services
et le fournisseur de services. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus, sur l'intermédiaire. Parce que c'est le ministre qui
gère l'intermédiaire. Alors, comme on est dans des
systèmes où chacun gère son appareil et prend, donc, la
défense de son appareil, quelle sorte d'intermédiaire faut-ii?
Qu'est-ce qu'il doit faire, l'intermédiaire? Comment, par exemple,
peut-on faciliter les choses pour l'entreprise? Si l'entreprise a un besoin,
elle va s'adresser à un fournisseur de services. Je dois comprendre,
à ce moment-là, que, pour vous, le fournisseur de services peut
être le réseau scolaire public ou privé. Ce fournisseur de
services, est-ce qu'il est en mesure, sans autre forme d'intermédiaire,
de faire
affaire directement avec le demandeur de services? (15 h 15)
C'est un peu ça, finalement, le coeur du problème, parce
qu'il y a nécessairement une difficulté qui peut se
présenter, à savoir: Le demandeur de services, est-ce qu'il ne
trouverait pas la machine trop lourde, trop bureaucratique, trop
institutionnelle, trop rigide s'il n'y avait pas le courtier - parce que la
CFP, c'est comme un courtier, finalement, n'est-ce pas? Est-ce qu'il a besoin
de ce courtier pour lui ouvrir les portes? Par exemple, s'il n'y avait pas eu
le fonds d'initiative locale dans l'est, est-ce que le MESS n'aurait pas pris
deux ans avant d'accorder les cours à l'institut de pétrochimie?
Vous voyez un peu, là?
M. Leduc: Oui, je vois très bien. Mais il faut bien
comprendre aussi, il faut bien se rendre compte également que, dans les
faits, les innombrables projets de formation sur mesure en
établissements que nous avons réalisés dans les
cégeps - de Montréal, à tout le moins, en tout cas -
depuis quelques années, 80 % d'entre eux ont été faits en
lien direct entre le collège - rétablissement - et l'entreprise;
soit que c'est l'entreprise qui s'est adressée au collège, soit
que c'est le collège qui s'est adressé à l'entreprise dans
une démarche de marketing. Mais, enfin, l'étincelle initiale de
la formation, c'est là que ça a eu lieu.
Vous évoquiez tantôt que peut-être l'entreprise peut
avoir peur d'être écrasée par une machine. Ce n'est
sûrement pas avec le cégep que l'entreprise va avoir peur
d'être écrasée par une machine.
Mme Harel: Non, mais ça peut être avec le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, non?
M. Leduc: Non, c'est avec un cégep que l'entreprise fait
affaire.
Mme Harel: Mais les deux, par la suite, sont en butte au MESS,
non?
M. Leduc: Non. On peut s'arranger. Évidemment, le
ministère de la Formation et de la Main-d'oeuvre, c'est sa
responsabilité d'établir des priorités, de définir
les grandes lignes, mais pourquoi faut-il qu'il se sente obligé de
reprendre ce que nous avons fait? Ça ne se peut pas qu'on reçoive
une commande de la CFP: Organise 45 heures de cours en je ne sais trop quelle
matière pour telle compagnie. Qu'est-ce que nous allons faire? On va
retourner voir la compagnie, on va refaire un devis de formation adapté
à ses besoins. C'est ce que le conseiller de la CFP était
censé avoir fait au point de départ. Il y a des
dédoublements inutiles et des concurrences stériles.
Mme Harel: Pourquoi avez-vous besoin de retourner? C'est
ça que j'aimerais que vous expliquiez.
M. Leduc: Parce qu'on ne fait pas de la formation en
général dans des formats établis pour tout le monde. Ce
n'est pas du prêt-à-porter que nous offrons, c'est des
«custom-made» faits pour des individus, des entreprises, avec
parfois de la reconnaissance des acquis pour de la formation manquante. Alors,
ça ne se peut pas qu'on ne soit qu'un simple et unique dispensateur ou
pourvoyeur de services. Nous sommes un concepteur de formation, et la
formation, c'est un tout où il n'y a pas d'étapes qui sont
étan-ches l'une par rapport à l'autre. Tu rencontres le client,
tu établis les besoins, tu établis un devis de formation, tu le
fais valider et tu donnes la formation, puis tu fais l'évaluation
à la fin. Alors, il faut que la CFP aille dans l'entreprise au point de
départ, il faut qu'elle aille dans l'entreprise à la fin. Tout le
monde fait du suivi. Nous autres, c'est dans notre intérêt d'aller
dans l'entreprise après, parce qu'on veut savoir si ça marche,
notre affaire, et on veut surtout que l'entreprise revienne nous voir, parce
qu'on veut améliorer notre système et on veut s'investir dans la
formation sur mesure. C'est ça, de la formation.
Il me semble qu'il y a là un manque d'harmonisation flagrant et
une utilisation des ressources un petit peu abusive qui génère
beaucoup d'irritants. Beaucoup. Moins entre les instances supérieures
qu'entre les instances sur le terrain.
Mme Harel: En fait, c'est un gaspillage... M. Leduc: C'est
ce que nous croyons.
Mme Harel: ...parce qu'il y a des devis de formation qui sont
préparés par la CFP puis il y a aussi un devis de formation par
le formateur...
M. Leduc: Exact.
Mme Harel: ...qui s'ajuste, en fait, le plus étroitement
possible à la demande. Mais, à ce moment-là, il faut
distinguer le fait que l'entreprise, quand elle s'adresse à un
établissement de formation - qu'il soit public ou privé; je n'en
suis pas là - elle n'aurait pas, selon vous, à s'adresser en plus
à la CFP. C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Leduc: En effet. En effet. M. Campagna.
M. Campagna: Vous utilisiez tout à l'heure le mot
«courtier»; je pense que c'est le mot juste. La CFP joue un
rôle de courtier, donc d'intermédiaire. Il me semble qu'il y
aurait moyen de penser, de concevoir une formule ou elle se comporterait
plutôt comme un organisme subven-
tlonnaire. C'est par la CFP, par le MMSRFP qu'arrivent, dans le fond,
les subventions, les fonds de l'État pour favoriser la formation, le
développement de la main-d'oeuvre dans les entreprises. Je pense que
c'est bien, et l'État doit s'assurer, par le ministère
approprié, le ministère de la Main-d'oeuvre, que c'est bien fait,
que les fonds sont dépensés pour des pénuries, etc.
Bon.
Mais, cela étant dit, il y aurait peut-être des
façons de faire où l'entreprise et la maison de formation
conviendraient de quelque chose et où la CFP, après, dirait:
O.K., on finance ça, on ne finance pas ça parce que ça
correspond à nos politiques, etc. À ce moment-là, elle
jouerait plus un rôle d'organisme subventionnais à la formation,
au développement de la main-d'oeuvre au Québec, qu'un rôle
de courtier où, là, il y a plus risque de dédoublement, me
paraît-il. En tout cas, il y a peut-être là un filon qu'il
faudrait regarder pour trouver une solution au problème que vous
posez.
Mme Harel: Le président m'indique que mon temps se termine
bientôt. Mais, quand le ministre dit qu'il veut mettre de l'ordre, ma
crainte, à moi, c'est qu'il n'y en ait pas, d'ordre qui s'introduise, si
on ne règle pas ces questions-là.
M. Leduc: Oui, effectivement. L'ordre nouveau, à mon avis,
devrait mieux intégrer les gens de l'Éducation. Et c'est
ça qui ne paraît pas de façon évidente dans
l'énoncé de politique qu'il y a là. Il y a moyen de mettre
de l'ordre, bien sûr, entre les gens de la Main-d'oeuvre entre eux et de
prendre plus de dossiers, plus de terrain. Ce n'est pas mauvais en soi. Nous
autres, nous disons cependant que ce serait meilleur si l'ordre en question
intégrait davantage les gens de l'Éducation pour éviter
les dédoublements et pour améliorer notre efficacité
commune.
Mme Harel: En fait, il faut se dire une chose. Même la
formation professionnelle serait administrée par le MMSRFP. Pensons
à ça juste pour une minute et demie seulement. Mais la perception
serait tout à fait différente. C'est parce que vous appartenez
à un autre réseau que la perception se fait concurrente. Il y a
quelque chose que je trouve vraiment absurde dans cette façon de voir.
Finalement, au bout de la ligne, ce que je crains, c'est qu'on brasse beaucoup,
mais qu'il n'y ait pas vraiment de changement.
Parce que ce changement qu'on souhaite, ce serait fondamentalement un
changement qui supposerait que l'entreprise et l'éducation fassent des
rapprochements d'intimité qui, jusqu'à maintenant, ne se sont pas
révélés vraiment...
M. Leduc: Féconds. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: ...présents. C'est ça.
M. Campagna: C'est ça, et ça coûte cher
aussi. M. Bourbeau parlait tout à l'heure de 40 %. Bien, ça
coûte très cher.
Mme Harel: J'ai bien retenu que. sur ces 40 %, vous, vous ne
touchez que 10 %.
M. Campagna: C'est ça. M. Leduc: Voilà,
madame.
Mme Harel: Vous êtes moins chers que les groupes de
coordination du fédéral.
M. Leduc: Bien oui!
Mme Harel: Le ministre n'a pas l'air...
M. Leduc: Non.
Mme Harel: ...d'en convenir. Alors, chose certaine, donc, vous ne
touchez pas les 40 %.
M. Leduc: Mais non.
Mme Harel: Vous n'en touchez que 10 %.
M. Leduc: Oui.
M. Bourbeau: 25 %.
Mme Harel: Ils en touchent 25 %?
M. Leduc: Le MESS.
Mme Harel: Le MESS. Ah bon, bon, bon!
M. Lupien: Les 25 %, c'est dans un cas bien particulier. C'est
dans le dossier de la formation sur mesure seulement, qui vient du
ministère. Et, là-dessus, il y a plus de 40 %, même, qui
vont en encadrement, si on veut aller là, parce qu'il y a des
pourcentages pour les autorisations spécifiques qui sont
conservés au niveau de ta main-d'oeuvre ou dans les CFP. On ne sait pas
trop où ils vont.
Mme Harel: Bon. Je termine, M. le Président, en disant
à nos invités: N'abdiquez pas. Même si vous pouvez partir
avec un sentiment de ne pas avoir été entendus ou
écoutés, dites-vous bien que ce n'est pas possible que ça
ne fasse pas son chemin. Je vous remercie.
M. Leduc: C'est nous qui vous remercions.
M. Bourbeau: M. le Président, oui, je vais prendre une
minute pour faire le mot de la fin parce que je dois revenir sur un point. Je
vous ai entendu tantôt dire que ce n'était pas correct, enfin que
ça ne fonctionnait pas bien que
vous fassiez l'évaluation des besoins et la CFP aussi; double
emploi. Et, évidemment, le langage que vous tenez, c'est que c'est
préférable que vous fassiez l'évaluation des besoins, le
service à la clientèle, le suivi, etc.
Moi, l'expérience que j'ai dans le monde des affaires - puis
ça comprend à peu près tout - c'est que ce n'est jamais
très bon de faire faire le devis par le même qui donne le service
après coup, et encore moins par celui qui fait l'évaluation
après. J'aime autant faire faire le devis par une tierce personne
compétente, qui va être capable, après ça, de juger
de la qualité de la formation donnée, que de mettre - vous
parliez de conflit d'intérêts tantôt; on peut en parler,
là - le même fournisseur de services à faire le devis, la
soumission, l'enseignement et l'évaluation. Si on a des gens qui sont
très honnêtes, très compétents et qui ont exactement
ce qu'il faut, ça peut très bien marcher, mais c'est un
système qui, au départ, à mon avis, est très
dangereux. Je continue à penser qu'on est bien mieux de faire faire les
devis par la CFP, par les experts de la CFP qui ne sont pas, eux, en conflit
d'intérêts, qui sont probablement mieux capables de juger
après coup. Voilà!
Mme Harel: Vous avez une réponse à ça,
oui?
Le Président (M. Philibert): Alors, très,
très rapidement.
M. Campagna: Seulement là-dessus, dans le fond, ce que
vous dites, c'est que l'intermédiaire, la CFP, joue le rôle
d'arbitre; à ce moment-là, il y a plus de chances que ce soit
juste. Nous, ce qu'on dit, dans le fond, c'est que les lois du marché
peuvent aussi faire ce travail-là. Si nous desservons mal l'entreprise
où on forme la main-d'oeuvre, elle ne sera pas satisfaite, elle ne
reviendra pas. Ça n'empêche pas...
M. Bourbeau: Je comprends.
M. Leduc: Ce que j'ajoute, c'est que, dans les faits, c'est ce
que nous faisons.
M. Bourbeau: Pendant ce temps-là, elle a perdu son temps
et son argent, cependant, si ça arrive.
Mme Harel: Sauf que si c'était l'entreprise qui
finançait, moi, je peux vous dire qu'elle n'aimerait pas bien bien
ça financer un intermédiaire.
M. Bourbeau: Oui, mais elles vont le savoir après,
cependant.
Mme Harel: Ce qu'on peut souhaiter de mieux, c'est qu'un jour
l'entreprise soit obligée d'en mettre un peu plus qu'elle n'en met;
mais, à ce moment-là, elle aura, elle, la possibilité
d'aller choisir.
M. Leduc: De toute façon, madame, c'est nous qui le
faisons, le devis de formation; c'est nous qui faisons le suivi; c'est nous qui
faisons la formation et les gens sont très satisfaits.
M. Campagna: Sont très satisfaits. Mme Harel:
Oui.
Le Président (M. Philibert): Alors, sur les savants propos
de chacun et chacune, je vous remercie, d'abord, de votre participation
à la commission parlementaire...
M. Leduc: Je vous en prie.
Le Président (M. Philibert): ...et je vous invite à
vous retirer, de telle sorte qu'on puisse recevoir l'Association
québécoise des organismes régionaux de concertation et de
développement.
M. Leduc: Merci.
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association
québécoise des organismes régionaux de concertation et de
développement. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
mémoire; le gouvernement, le ministre, a 20 minutes pour vous
questionner, de même qu'il y a 20 minutes pour l'Opposition.
Avant de débuter, j'aimerais que vous nous présentiez
votre porte-parole et que ce porte-parole là nous identifie les
personnes qui l'accompagnent.
Association québécoise des
organismes
régionaux de concertation
et de développement
Mme Griffin (Paulette): Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les commissaires, il me fait plaisir de vous
présenter les personnes qui m'accompagnent. Mon nom, d'abord, c'est
Paulette Griffin. Je suis présidente de l'AQORCD. Parmi les personnes
qui sont avec moi aujourd'hui, vous avez M. Jean Morasse qui est
vice-président du CRD de l'Estrie...
Une voix: Directeur général.
Mme Griffin: ...directeur général, pardon, de
l'Estrie...
Une voix: Mauricie-Bois-Francs.
Mme Griffin: ...c'est vrai, Maurice-Bois-Francs, je m'excuse; M.
Gilles Gagné, qui est de la région de l'Outaouais; M. Janvier
Cliche; Janvier est bien de l'Estrie, du CRD de l'Estrie,
et M. Normand Thériault, qui est le directeur
général de l'organisme que je représente.
L'Association québécoise des organismes régionaux
de concertation et de développement remercie chaleureusement la
commission des affaires sociales d'avoir accepté de recevoir ses
porte-parole pour entendre son point de vue sur l'énoncé de
politique «Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et le projet de loi 408. (15 h 30)
II est utile de rappeler aux membres de cette commission que l'AQORCD
regroupe la plupart des organismes régionaux de concertation et de
développement antérieurement connus sous le vocable de
«CRD», lesquels poursuivent des objectifs de développement.
Leur «membership» comprend l'ensemble des intervenants politiques
et socio-économiques de leur région.
M. le Président, quand nous avons pris connaissance de cet
énoncé de politique sur l'orientation à privilégier
pour l'accroissement des compétences de la main-d'oeuvre
québécoise, nous avons été heureux de constater
qu'il s'appuyait fondamentalement sur la participation de tous les partenaires
concernés par ces préoccupations. Le premier mot du titre de
l'énoncé nous envoie d'ailleurs un message non équivoque
à cet égard.
Dans sa lettre de présentation, le ministre Bourbeau souligne
également l'importance de travailler en partenariat. Puis, à la
fin de cette même lettre, le ministre formule le souhait que cet
énoncé donne lieu à un débat public au
Québec, que sa publication soit l'occasion pour les personnes et les
groupes qui interviennent directement ou indirectement sur le marché du
travail de s'interroger sur les défis qui se posent à
l'économie du Québec. C'est ce que nous sommes venus faire ici
aujourd'hui. En effet, il nous est apparu important de participer à ce
débat public pour exprimer à la fois nos satisfactions et nos
désaccords.
Avant d'aborder le contenu de notre mémoire, permettez-nous une
petite parenthèse pour signaler au ministre Bourbeau que nous avons
fermement appuyé la démarche du Forum pour l'emploi, dont nous
sommes l'un des partenaires, dans sa proposition de rapatrier d'Ottawa tous les
pouvoirs en matière de développement de la main-d'oeuvre.
Revenons maintenant à la présentation de notre
mémoire. Dans un premier temps, nous allons faire part de notre
appréciation de l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre intitulé «Partenaires
pour un Québec compétent et compétitif». Dans un
deuxième temps, nous allons identifier et commenter les articles du
projet de loi 408 qui, d'une part, sont contradictoires avec l'esprit de
l'énoncé de politique et, de l'autre, ne se situent pas dans
l'esprit d'un sain partenariat gouvernement-régions. À ce sujet,
notre message est très clair. Nous ne pouvons accepter qu'au nom d'une
plus grande efficacité les régions du Québec se voient
retirer des pouvoirs qu'elles détiennent présentement dans les
commissions de formation professionnelle pour les confier à la future
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
Le gouvernement peut compter sur notre appui pour rapatrier d'Ottawa
tous les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre, mais il doit s'attendre
à une opposition très vive de notre réseau s'il entend en
rapatrier d'autres qui sont présentement gérés par les
régions du Québec. Il est à noter à cet
égard que toutes les commissions de formation professionnelle sont
membres de notre réseau d'organismes régionaux et y jouent un
rôle des plus significatifs dans chacune des régions du
Québec.
Le développement régional et le développement de la
main-d'oeuvre. Un énoncé de politique satisfaisant. À la
page 46, l'énoncé de politique propose: «Une imbrication
des politiques et interventions en matière de main-d'oeuvre avec celles
du développement régional pour le développement de
l'emploi.» Et le texte poursuit: «Pour que le partenariat en
matière de main-d'oeuvre prenne toute sa signification, il faut qu'il
s'exerce avec le plus grand dynamisme dans chaque région.»
Voilà des propos d'une grande justesse et des plus prometteurs pour
réaliser la symbiose souhaitée entre le développement
régional et le développement de la main-d'oeuvre. C'est dans cet
esprit, d'ailleurs, que notre réseau d'organismes régionaux a
travaillé avec celui des commissions de formation professionnelle pour
réaliser les forums régionaux préparatoires à la
tenue du Forum pour l'emploi en 1990 et les divers travaux ou activités
de suivi qui, depuis ce temps, découlent de cette initiative.
Nous souscrivons également au contenu des divers
éléments de problématique sur la question de l'emploi en
région, tel que formulé aux pages 46 et 48 de
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. Particulièrement, au dernier paragraphe de la page 47,
nous adhérons totalement à l'énoncé suivant:
«En disposant d'un mandat élargi, non seulement à la
formation professionnelle mais à l'ensemble des questions relatives
à la main-d'oeuvre, les sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre vont, de toute évidence,
devenir le lieu de convergence des informations, projets et interventions dans
ce domaine.»
En conclusion, au chapitre 3.2.3, à la page 48, le document
étale en quatre points les intentions gouvernementales relativement au
rôle que devraient jouer les sociétés régionales.
Nous tenons à exprimer notre appui ferme en faveur de ces intentions et
en particulier pour les deux premières qui se lisent comme suit:
«...confier aux sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre la responsabilité de coordonner
les diverses actions régionales de concertation en
faveur du développement des compétences et de
l'équilibre du marché régional du travail; accorder aux
sociétés régionales le pouvoir de déterminer
elles-mêmes la priorité à accorder aux projets de
main-d'oeuvre élaborés par les organismes locaux et
régionaux dans le cadre des exercices de coordination et de
planification du développement régional.»
Cette dernière intention, d'ailleurs, va dans le sens de la
nouvelle politique de développement régional adoptée par
le Conseil des ministres en décembre dernier. En effet, il est
prévu dans cette politique que l'exercice de planification
stratégique, dont la maîtrise d'oeuvre est confiée aux
instances régionales, associe tous les intervenants impliqués
dans le développement socio-économique régional. En ce
sens, notre association est satisfaite des orientations et intentions
gouvernementales contenues dans l'énoncé de politique:
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif».
Cependant, il en va tout autrement du projet de loi 408 sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre qui s'éloigne, parfois de façon substantielle, des
orientations retenues dans l'énoncé de politique.
Un projet de loi inquiétant. Les membres de la commission des
affaires sociales comprendront notre inquiétude face au projet de loi
408. En effet, une lecture attentive du contenu des divers articles de ce
projet de loi permet de se rendre compte qu'il ne respecte pas toujours les
orientations et intentions formulées dans l'énoncé de
politique. On y découvre, de plus, que des mesures importantes ont
été tout simplement ignorées.
Compte tenu de nos préoccupations, nous avons choisi d'examiner
de façon plus particulière un certain nombre d'articles du
chapitre III qui portent sur la composition et le rôle des
sociétés régionales et des conseils régionaux.
L'article 31 stipule que «la Société établit,
à l'intérieur de sa structure, une entité pour chacune des
régions que le gouvernement détermine». Ainsi donc, ce type
de formulation ne permet pas d'entrevoir que toutes les régions
disposeront d'une société régionale. Qu'une région
soit privée de sa société régionale, il s'agirait
là d'un accroc important au principe de l'équité
interrégionale. L'article 31 ne dit pas non plus que les limites
territoriales de chacune des 16 régions administratives seront
respectées comme le gouvernement s'est engagé à le faire
par décret en 1987. De plus, il nous apparaît essentiel que les
sociétés régionales soient dotées d'un conseil
d'administration dans chacune des régions administratives du
Québec.
Les dispositions de l'article 33 relativement à la nomination du
directeur de la société régionale devraient être
modifiées dans le but de tes rendre davantage conformes à
l'esprit de l'énoncé de politique. Par comparaison, il s'agit
d'un net recul par rapport au pouvoir conféré aux régions
par le ministère de la Santé et des Services sociaux de choisir
le directeur des régies régionales. En effet, l'article 414 du
projet de loi 120, sanctionné le 4 septembre 1991, stipule que
«les membres du conseil d'administration d'une régie
régionale nomment le directeur général de la
régie». Il est également important de savoir qu'en vertu de
l'article 419 du même projet de loi les membres du conseil
d'administration d'une régie régionale sont élus par une
assemblée régionale. Pour l'AQORCD, il est impératif que
ce modèle soit retenu pour la mise en place et le fonctionnement des
sociétés régionales de développement de la
main-d'oeuvre.
L'article 35 stipule que le directeur régional d'une
société est placé sous l'autorité de la
société mère. En dotant chaque société
régionale d'un conseil d'administration, comme nous le recommandons, il
nous apparaît que cette disposition de l'article 35 deviendra caduque. La
nouvelle formulation indiquera plutôt que le directeur d'une
société régionale sera placé sous l'autorité
de son propre conseil d'administration. Autrement, la tâche du directeur
sera source de tensions inutiles compte tenu des attentes signifiées par
un patron extérieur à la région et celles d'un conseil
d'administration conscient des besoins immédiats de son milieu. Pour
l'AQORCD, il est fondamental de confier à un conseil d'administration en
région la responsabilité d'articuler la gestion de la
société régionale.
À la place des conseils régionaux, l'article 37 devrait
prévoir la constitution, en région, de collèges
électoraux qui auraient pour mandat de désigner l'ensemble des
membres d'un conseil d'administration d'une société
régionale. Cette façon de faire serait plus respectueuse de
l'objectif visé par l'énoncé de politique relativement au
développement d'un partenariat démocratique entre les
représentants des travailleurs, des patrons, du monde de la formation et
du gouvernement.
L'article 44 évacue le mandat le plus significatif
suggéré par l'énoncé de politique. En effet,
à la page 41 de l'énoncé de politique, on peut lire que le
conseil régional assumera, entre autres mandats, celui
d'«établir les priorités régionales de formation et
de développement de la main-d'oeuvre». Sans ce mandat clé
prévu pour les conseils régionaux, il est évident que le
rôle des partenaires régionaux perd beaucoup de son sens. Si, par
ailleurs, le gouvernement retenait notre proposition d'instituer un conseil
d'administration pour la société régionale, c'est à
ce dernier qu'il faudrait confier le mandat d'établir les
priorités régionales.
Qu'il nous soit permis, en terminant, d'exprimer notre inquiétude
relativement au contenu des articles 22 et 30 de l'actuel projet de loi.
L'article 22 se lit comme suit: «La Société doit soumettre
ses programmes à l'approbation du gouvernement et ne peut les modifier
ou y
mettre fin sans une telle approbation. Elle doit, de plus, mettre fin
à un programme existant à la demande du gouvernement.»
Autrement dit, la Société ne sera pas maître dans sa
propre cuisine. Et, pour être bien certain que rien ne lui
échappe, le gouvernement prévoit, à l'article 30, que
«le ministre peut, dans le cadre des responsabilités et des
pouvoirs qui lui sont confiés, émettre des directives portant sur
les objectifs de la Société, ses orientations et
l'exécution de ses fonctions. Ces directives doivent être soumises
au gouvernement pour approbation. Si elles sont ainsi approuvées, elles
lient la Société qui est tenue de s'y conformer.»
Entre cela et une tutelle permanente, nous ne voyons pas beaucoup de
différence. Que dire, alors, des sociétés
régionales qui relèvent de la Société dont les
administrateurs sont choisis par le gouvernement? Sur ce dernier point,
permettez-nous de suggérer que des membres des conseils d'administration
des sociétés régionales puissent siéger au C.A. de
la Société.
Si on additionne à ce pouvoir discrétionnaire la
prérogative du ministre de nommer les membres des conseils
régionaux de la main-d'oeuvre ainsi que la prérogative de la
Société québécoise de nommer les directeurs
régionaux des sociétés régionales, vous comprendrez
qu'on ne s'identifie plus beaucoup à ces sociétés
régionales ou, peut-être davantage, que ces sociétés
régionales risquent de se sentir peu d'attache avec leur région
respective. C'est un écueil sérieux qui a de fortes teintes de
centralisation.
Nous formulons, en terminant, le souhait que la commission des affaires
sociales examine attentivement le projet de loi 408 à la lumière
de nos commentaires et suggestions.
Recommandations. Dans le respect des partenaires régionaux,
l'AQORCD formule les recommandations qui suivent:
Que le gouvernement revoir en bonne partie la formulation du projet de
loi 408 en respectant le plus possible la philosophie et l'articulation de son
propre énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre au Québec;
Que le gouvernement dote chacune des régions administratives du
Québec d'une société régionale de
développement de la main-d'oeuvre;
Que chaque société régionale soit dotée d'un
conseil d'administration dont les membres sont désignés par des
collèges électoraux;
Que le directeur de la société régionale soit
désigné par le conseil d'administration de la
société régionale et qu'il relève de ce
conseil;
Que le mandat d'établir les priorités régionales de
formation et de développement de la main-d'oeuvre ainsi que tous les
autres mandats prévus pour les sociétés régionales,
à la page 41 de l'énoncé de politique, soient
confiés au conseil d'administration de la société
régio- nale, (15 h 45)
Que le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle fasse preuve d'une plus grande
transparence face à la future Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, lui
laissant une totale autonomie en termes de définition d'orientations,
d'objectifs et de programmes. À notre avis, l'intervention
ministérielle ne doit pas se situer au niveau des opérations mais
au niveau de l'évaluation des résultats;
Que le gouvernement prévoie la participation de
représentants des régions au conseil d'administration de la
Société dans le but de permettre à cette dernière
de recevoir un éclairage direct sur les réalités
régionales. Cette ouverture d'esprit à l'égard des
partenaires régionaux nous apparaît indispensable au sujet de la
réforme proposée.
En conclusion, l'AQORCD estime que le développement de la
main-d'oeuvre au Québec doit, de plus en plus, s'appuyer sur l'expertise
régionale et locale. À nos yeux, cette expertise confère
aux intervenants des régions un pouvoir encore plus important que celui
d'un gouvernement qui intervient avec des capitaux pour l'implantation de
nouvelles structures régionales qui ne correspondent pas aux besoins et
aspirations de ceux et celles à qui on les destine.
À ce sujet, nous invitons, de plus, à prendre en
considération ces quelques paroles du ministre Gil Rémillard en
réplique au président du CRCD du Saguenay-Lac-Saint-Jean, M. Jean
Wauthier, devant la commission Bélanger-Cam-peau: «...ce
témoignage éloquent d'exiger la reconnaissance du
développement économique régional fondé, non pas
seulement sur une déconcentration, mais sur une
décentralisation», parce qu'on confond malheureusement trop
souvent les deux choses. Lorsqu'on crée un bureau en région, on
pense qu'on décentralise, alors que, finalement, c'est la Grande
Allée qui prend la décision.
Nous concluons en rappelant cet énoncé que notre conseil
d'administration proposait à la réflexion des invités du
congrès de l'AQORCD en 1990: «La concertation permanente entre le
gouvernement du Québec et les régions est essentielle dans la
définition des grandes politiques nationales ayant une incidence sur le
développement régional.»
Je vous remercie de nous avoir entendus.
Le Président (M. Philibert): Merci, madame. Maintenant,
nous passons à la période de questions. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il est intéressant de
voir que l'Association québécoise des organismes régionaux
de concertation et de développement, communément appelée
l'AQORCD,
a jugé bon de venir faire connaître son point de vue sur
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. Nous avons voulu, dans le document d'orientation que nous avons
présenté, tenir compte, justement, de cet aspect très
important de la question que constitue la politique de développement
régional. Et c'est pourquoi nous avons maintenu cette dimension
régionale de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Il y a des organismes qui sont venus
ici et qui nous ont demandé de se construire une société
sur une base sectorielle plutôt que régionale, de faire des
sociétés sectorielles. Alors, on aurait pu avoir une
Société québécoise et, sous la
Société québécoise, on aurait eu le secteur du
vêtement, le secteur de l'automobile, le secteur des pâtes et
papiers. On aurait eu des sociétés sectorielles de la
main-d'oeuvre plutôt que des sociétés régionales de
la main-d'oeuvre. Ce n'est pas notre intention de modifier le document dans ce
sens-là.
Il est très important qu'on soit en mesure de faire l'estimation
des besoins et d'établir les priorités régionales à
tout coup. Le marché du travail est un marché qui varie beaucoup
d'une région à l'autre; ce n'est pas vrai que le marché du
travail du Saguenay-Lac-Saint-Jean est le même que celui de l'Outaouais
ou que celui du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Donc, il faut
être en mesure d'avoir sur place un organisme qualifié,
compétent, qui soit capable d'identifier les besoins réels de
chacune des régions du Québec, d'adapter les programmes aux
réalités de la région et de faire en sorte que les fonds
publics dont la société régionale disposera puissent
être utilisés pour influencer la formation de la main-d'oeuvre ou
diriger la main-d'oeuvre vers les secteurs en pénurie, par exemple, ou
en développement. C'est l'objectif recherché. Et, dans ce
sens-là, je pense que la proposition que nous avons devant nous est
susceptible de faire en sorte que l'on puisse tenir compte réellement
des besoins des régions.
Maintenant, vous nous faites un certain nombre de suggestions quant
à des amendements à apporter à la composition des
sociétés régionales, au mode de nomination des membres,
aux pouvoirs, etc. Ça, bien sûr, c'est ouvert à discussion.
C'est ouvert pour une discussion qui, j'en suis convaincu, sera
constructive.
Mais j'avais l'intention de vous poser une question. Vous souhaitez que
les membres soient nommés à partir de collèges
électoraux choisis, formés localement, régionalement, mais
j'avais l'intention de vous demander cette question-ci: En quoi le fait que ce
soit le gouvernement qui nomme les membres des conseils régionaux
à partir des bassins de partenariat qui sont identifiés - le
patronat, les syndicats et le gouvernement - en quoi ce mode de nomination
contrevient-il à l'objectif de développement régional?
Mme Griffin: Bon. Moi, si je regarde un petit peu ce que les
régions craignaient dans cette façon de faire, c'est que - on ne
dit pas que ça se ferait - il y aurait une chance peut-être qu'on
arrive à ce qu'il y ait un petit peu de paternalisme là-dedans ou
des nominations qui seraient faites là peut-être partisanes un
petit peu. Actuellement, il y a un danger. On craint ça. Ça ne
veut pas dire que ça se ferait, mais il y a un danger qu'il y ait un
petit peu de partisanerie là-dedans. Peut-être qu'il y aurait des
nominations excellentes qui seraient faites et peut-être aussi qu'il y
aurait des nominations qui seraient faites où ce n'est pas sûr que
ce serait la bonne personne qui serait «priorisée» en
région pour siéger sur ce conseil. Tandis que, si ce sont des
gens de la région, à partir de différents secteurs qu'on
pourrait «prioriser»... L'enseignement, tantôt, on y faisait
allusion; les universités, les cégeps, le monde du travail, les
syndicats, différents groupes proposent des personnes. Je pense bien
qu'ils vont aller chercher des gens qui ont des connaissances des besoins des
milieux et aussi qui sont peut-être, d'une façon, moins prises ou
moins rattachées aux gouvernements qui sont en place. Et là ce
n'est pas nécessairement... Vous faites actuellement une politique de
développement, toute la revue du développement ou de la formation
professionnelle. Mais les gouvernements, ça change, des fois, alors que,
quand c'est écrit, c'est écrit pour longtemps, souvent.
M. Bourbeau: En page 41 de l'énoncé de politique -
d'ailleurs, vous le notez à la page 12 de votre mémoire - on dit
que l'un des mandats, un des objectifs des sociétés
régionales sera «d'établir les priorités
régionales de formation et de développement de la
main-d'oeuvre». C'est en haut de la page 41, le deuxième
sous-paragraphe: «...établir les priorités
régionales de formation et de développement de la
main-d'oeuvre».
Vous nous dites, en page 12 de votre mémoire, que l'article 44 du
projet de loi évacue ce mandat-là. Alors, je vous demande, moi,
en quoi l'article 44 signifie-t-il que nous abandonnons le mandat des
sociétés régionales d'établir les priorités
régionales de formation et de développement de la
main-d'oeuvre?
M. Thériault (Normand): C'est que, tout simplement, M. le
ministre, on ne retrouve pas, dans les six alinéas de l'article 44, le
mandat qu'on retrouvait, comme vous dites, à la page 41. La page 41
disait: «...établir les priorités régionales de
formation et de développement de la main-d'oeuvre». Ça,
ça nous apparaît fort intéressant, dans
l'énoncé. Et on ne le retrouve pas dans...
M. Bourbeau: Je pourrais attirer votre attention sur l'article 43
du projet de loi. Est-ce que vous avez le projet de loi devant vous?
M. Thériault: Oui.
M. Bourbeau: Pourriez-vous lire l'article 43?
M. Thériault: Oui, on dit très bien: «Un
conseil régional détermine les orientations et les
priorités de la société régionale». Mais, M.
le ministre, il le restreint à «la gestion des programmes et de
ses ressources, dans le cadre des politiques et des règlements de la
Société». Donc, il lui enlève beaucoup de force;
ça le rend dépendant de ce qui sera déterminé au
central. Ça veut dire, à ce moment-là, que la marge de
manoeuvre de la société régionale est drôlement
restreinte par la formulation de l'article 43.
Dans son début d'énoncé, l'article 43
apparaît généreux, M. le ministre, mais, quand on le lit au
complet, on découvre qu'il enlève beaucoup de choses.
M. Bourbeau: Je comprends ce que vous voulez dire.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Rimouski, vous avez demandé la parole.
M. Tremblay (Rimouski): Oui. Alors, Mme la présidente, je
vous remercie d'être venue à cette auguste assemblée nous
présenter votre rapport, au nom de la formation que vous
représentez, c'est-à-dire du regroupement des CRD, si je peux
m'exprimer ainsi, des comités régionaux de
développement.
Vous connaissant comme étant une dame très
impliquée dans notre milieu régional du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, ayant affaire à vous
régulièrement, Mme Griffin, votre appréhension au sujet
des fameuses sociétés régionales, au sujet de la
nomination des personnes qui y participeront, je ne sais pas jusqu'à
quel point elle est bien préoccupante, dans ce sens que, que ce soient
les organismes ou les conseils électoraux régionaux qui les
nomment ou que ce soit le gouvernement - suite à des recommandations, je
présume, du milieu - finalement, ça va être le même
monde. C'est-à-dire que nous pourrons avoir dans nos régions au
moins un conseil régional de la main-d'?uvre et,
déjà, je pense que c'est un pas énorme dans la bonne
direction. Moi, en tout cas, je ne sais pas jusqu'à quel point votre
appréhension pourrait être retenue.
Vous semblez être très soucieuse de ne pas politiser ces
nominations-là. Mais, moi, le vécu que j'ai dans ma région
me dit ceci ou me laisse entendre que, quand c'est le gouvernement qui les
nomme, ce n'est pas bon puis que, quand c'est les organismes régionaux,
c'est bon. Mais, des fois, quand on regarde à l'exercice,
peut-être que c'est aussi bon que ce soit le gouvernement qui les nomme
que le milieu régional parce que, finalement, on a les mêmes buts,
les mêmes objectifs. On veut que la formation professionnelle dans nos
régions soit une préoccupation régionale, et ce sont les
gens du milieu qui vont la faire à partir de l'inventaire de la
main-d'oeuvre, d'une part, des besoins de formation de la main-d'oeuvre, et ces
gens-là, dans une espèce de conseil qui sera formé,
décideront des orientations.
Mme Griffin: Moi, M. le député Tremblay, je suis
contente de votre question. C'est sûr que ce n'est peut-être pas ma
préoccupation première dans ma région. Mais, moi, ici,
aujourd'hui, je représente quand même les régions du
Québec et, dans certaines régions, il y a des
préoccupations. Quand vous mentionnez que ce seraient des nominations
à partir de recommandations des gens de la région, au fond,
ça pourrait ne pas être si mal, mais on ne le voit pas
là-dedans, on ne lit pas ça là-dedans. On ne lit pas qu'il
pourrait y avoir des gens de la région, qu'on recommande des personnes
et, après ça, que le gouvernement fait les nominations. Le
résultat: le gouvernement donne la réponse. Ça,
là-dessus, ce serait bien.
M. Tremblay (Rimouski): On est au moins sûr d'une chose,
que ce seraient des gens de la région, sur ce
côté-là. Vous êtes d'accord?
Mme Griffin: Oui, Gilles.
M. Gagné (Gilles): En fait, pour, justement, que les deux
parties soient satisfaites, je pense que {es régions peuvent, à
ce moment-là, avec des collèges électoraux,
désigner des personnes. Mais le gouvernement, après, a la
prérogative de les nommer à partir de ceux qui ont
été désignés. Je pense que les deux parties, que
chacun est respecté dans la démarche.
M. Tremblay (Rimouski): Autre chose, au sujet de l'article 43.
Vous semblez dire que les sociétés régionales auront un
pouvoir restreint et que le ministre aura un pouvoir discrétionnaire de
décider des grandes politiques. Mais, quand on regarde - je ne sais pas,
moi, si je me place du côté gouvernemental et, forcément,
je suis obligé de le faire - si on ne veut pas avoir, s'il y a 16
régions administratives, 16 modes de fonctionnement différents,
je pense que ça prend une espèce de coordination en haut lieu. Le
pouvoir discrétionnaire du ministre viendra, à un moment
donné, chapeauter tout ça. Il pourra y avoir des
particularités régionales, et c'est bien ainsi, mais, moi, je
pense que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être
maintenu. Si on veut, à un moment donné, dans une région,
pour toutes sortes de raisons, s'écarter d'une formation et vouloir
répondre aux besoins de la formation dans les régions, je pense
que le ministre, à ce moment-là, devrait intervenir puis dire:
Minute! Ce n'est pas comme ça que la formation va se donner. Je pense
que c'est un pouvoir qui est en bout de ligne. Il ne sera peut-être
jamais utilisé,
mais c'est bon de l'avoir parce que le gouvernement doit avoir une
espèce de vue d'ensemble de la formation qui se donne dans la province
de Québec. Je ne sais pas si l'article 43... En tout cas, moi, je pense
qu'il est acceptable dans sa formulation actuelle. (16 heures)
M. Thériault: Si vous me permettez, M. le
Président, je vais répondre à ce questionnement-là.
Il est bien clair qu'on ne s'est pas prononcé dans notre mémoire
contre tout pouvoir aux mains du ministre. Ça, c'est bien clair qu'on
reconnaît qu'une coordination au niveau de l'ensemble du Québec
est fondamentale. On n'en est pas là-dessus. Ce qu'on reconnaît au
ministre et à la société mère, qu'on appelle, la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, c'est de déterminer les grands objectifs de formation
pour tout le Québec. Mais, à partir du moment où on confie
à des instances régionales certains mandats, je pense qu'il est
important de bien spécifier que le mandat d'une société
régionale, c'est d'établir les priorités de sa
région et, tel que formulé, en tout cas... On le retrouvait dans
l'énoncé de politique, il n'y a pas de problème. C'est
pour ça que, quand on en a pris connaissance, on l'a partagé,
nous autres, on a dit: Bien, bravo! On trouvait l'énoncé de
politique tellement intéressant qu'on se disait: Bien, ce n'est
peut-être pas la peine d'aller à cette commission parlementaire.
Mais, quand le projet de loi est débarqué, je vous jure qu'on a
changé d'avis. On s'est consultés et on s'est dit: Bien, il y a
quelque chose à faire là parce qu'on a l'impression que ça
ne concorde pas.
Donc, l'article 43, on trouve qu'il est effectivement restrictif. Il ne
reconnaît pas à la société régionale le
privilège de déterminer ses priorités, mais toujours en
fonction des grandes orientations et objectifs formulés par la
société mère et, ultimement, le ministre. Ça, on ne
conteste pas ça. Ça, c'est clair.
M. Tremblay (Rimouski): Moi, je m'imagine un peu comment
ça va fonctionner. Il y aura nécessairement la
Société nationale, la société qui sera
québécoise, et il y aura les sociétés
régionales. Mais ça va être le principe des vases
communicants; ces gens-là vont communiquer. Puis il y aura les
particularités régionales. Mais il faudra bien qu'il y ait une
espèce de coordination provinciale de tout ce beau monde pour pouvoir
avoir une action la plus concertée possible dans le développement
de la main-d'oeuvre et la formation de la main-d'oeuvre. C'est un peu comme
ça que je le vois, moi.
Le Président (M. Philibert): M. Gagné.
M. Gagné: Oui, merci. Je pense qu'il y a deux niveaux. Il
y a, bien sûr, une concertation provinciale au niveau de la formation de
la main-d'oeuvre, mais il y a aussi une concertation qui est absolument
nécessaire en région...
M. Tremblay (Rimouski): Ah! forcément.
M. Gagné: ...surtout quand on mentionnait, avec la
nouvelle politique... pas la nouvelle politique, mais, disons, la nouvelle
régionalisation qui s'amorce, entre autres avec la réforme de M.
Picotte... La question de la main-d'oeuvre devient très importante en
fonction des priorités que la région se donne. Au fond, ce qu'on
dit, c'est que la région doit avoir la marge de manoeuvre suffisante
pour bien arrimer ses priorités de développement
économique, entre autres, avec, en complément, une formation de
la main-d'oeuvre qui va suivre, c'est-à-dire que ça va pouvoir
permettre, justement, une planification vers du développement et non
pas, des fois comme ça se fait, une planification par rapport au
passé.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien, M. le Président.
Moi, ça me suffit, mais soyez assurés que je vais vérifier
avec M. le ministre si, vraiment, l'article 43 ne lui donne pas trop de
pouvoirs, mais juste assez pour pouvoir intervenir.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Rimouski, merci. Est-ce que vous aviez demandé la parole, M. le
député de Deux-Montagnes?
M. Bergeron: S'il vous plaît, oui.
Le Président (M. Philibert): Très rapidement, il
nous reste une minute.
M. Bergeron: Très bien, M. le Président. Madame, il
y a quelque chose qui m'a chicoté un petit peu, un peu ce que le
député de Rimouski a dit tout à l'heure, à savoir
que, si c'était nommé par le gouvernement, bon, ce n'était
peut-être pas la fin du monde. Et vous avez dit que vous auriez plus
d'assurance, parce que vos nominations seraient probablement meilleures, si
elles étaient faites au niveau régional. Ça, je ne suis
pas convaincu de ça, moi. Ce que je veux dire, c'est parce que,
habituellement, lorsqu'il y a un choix à faire, souvent il y a des
batailles qui se font, et c'est tout à fait normal, et, souvent, ce
n'est pas la meilleure personne qui est choisie.
Une voix: Ça dépend.
Mme Griffin: Moi, je ne pense pas avoir dit - en tout cas, on
verra un peu plus tard - que c'est les meilleures si vous nommez...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Griffin: Je n'ai pas dit que c'étaient les
meilleures.
Une voix: C'est plus démocratique.
M. Bergeron: C'est parce que vous avez dit: Les bonnes personnes.
Moi, j'ai écrit: Les meilleures.
Mme Griffin: C'est peut-être plus démocratique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bergeron: Vous, vous avez dit: Les bonnes personnes.
Le Président (M. Philibert): Rapidement, s'il vous
plaît! Le temps passe. Si vous voulez conclure rapidement.
Mme Griffin: C'est peut-être, en tout cas pour nous autres,
un petit peu plus démocratique. On peut choisir... En tout cas, il reste
qu'en région, si on veut développer à partir des
problèmes, on vit en région, on les connaît, on les vit
tous les jours; on a le quotidien. On connaît aussi les gens qui sont
prêts à faire des choses dans nos régions. On a des
ressources en région capables de développer et de nous aider
à faire des choses. Bien sûr que, les connaissant, on peut vous en
suggérer. C'est ce qu'on voudrait, au fond, vous en suggérer.
Qu'il y ait une nomination par après...
Une voix: Pas de problème.
Mme Griffin: ...pas de problème là-dessus. puis
vous pouvez nous en suggérer et c'est ensemble qu'on pourrait
peut-être les nommer aussi.
Le Président (M. Philibert): Alors, sur ces
lumières, je cède la parole à Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous saluer, Mme Griffin, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent, de l'AQORCD. En vous écoutant, je me suis rappelé
quel sentiment de perte était ressenti en région du fait que les
CFP actuelles sont des corporations au sens du Code civil, ont leur propre
assemblée générale, élisent leur conseil
d'administration qui choisit leur directeur général. Là,
on en est à se demander si, éventuellement, les personnes qui
seront nommées par le ministre - vous savez que celui-ci... Et, comme
vous l'avez si bien dit, les lois ne sont pas que pour les parrains qui les
font adopter. Alors, elle vaudra pour ses successeurs et, à ce
moment-là, on en est à se demander si, hypothétiquement,
ils feront les bons choix. Mais il y a une réalité qui est
incontournable, c'est que ce n'est plus la région qui va faire son
choix. Alors, ça, c'est une réalité qui nous amène
aussi à un autre constat.
Je comprends difficilement l'intervention de mon collègue, le
député de Rimouski, qui disait: La région va avoir au
moins un conseil régional de la main-d'oeuvre. Mais, actuellement, la
région a une commission de formation professionnelle. Est-ce que la
région est perdante ou gagnante? C'est une question que je pense
pertinente. Le ministre, de son point de vue, ça fait des années
qu'il a l'impression que les CFP font leurs quatre volontés,
n'écoutent pas ce que...
M. Bourbeau: La députée de Hochelaga-Maisonneuve
met des paroles dans ma bouche, M. le Président.
Mme Harel: Non.
M. Bourbeau: Je ne voudrais pas qu'elle me cite.
Mme Harel: Je ne cite pas.
M. Bourbeau: Je n'ai jamais dit ça, moi.
Mme Harel: II ne l'a pas dit, mais il le pense quand
même.
M. Bourbeau: Ah bien! franchement, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Franchement! La députée de
Hochelaga-Maisonneuve qui est avocate, M. le Président...
Le Président (M. Philibert): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourbeau: ...devrait savoir qu'on ne prête pas
d'intention comme ça aux autres. Je demanderais à la
députée de retirer ses paroles, M. le Président. Je
m'inscris en faux. J'ai défendu les CFP tout à l'heure, envers et
contre tous. Au contraire, M. le Président, mes paroles
témoignent de ma pensée.
Mme Harel: De toute façon, je pense qu'on peut convenir
d'une chose, le ministre lui-même va d'ailleurs en convenir, que,
souvent, si ce n'est lui, du moins les gens de son ministère lui font
valoir à quel point ce serait plus simple si... Lui-même en a
déjà parlé, d'ailleurs, dans des commissions, que les CFP,
on a beau leur envoyer des directives, ça n'écoute pas tout le
temps, ces gens-là, en région.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: m. le président, pouvez-vous demander
à la députée de hochelaga-maisonneuve de sortir les
galées des endroits où j'aurais pu déclarer des choses
aussi énormes. m. le prési-
dent, je m'inscris en faux. on me cite à tort et à
travers, m. le président.
Mme Harel: Alors, écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Harel: ...j'essaierai de les retrouver pour le
bénéfice du ministre...
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Harel: ...mais on ne se reverra pas avant 10 jours.
J'essaierai de les retrouver.
M. Bourbeau: La députée de Hochelaga-Mai-sonneuve
pourrait se limiter à citer ses propres pensées et non pas celles
du ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît! En vertu du règlement, évidemment, on ne peut...
Mme Harel: II n'y a pas de règlement en commission, de
toute façon, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Oui, enfin, mais j'essaie de
m'inspirer de certaines règles qui vont nous permettre de continuer
à faire en sorte que l'on puisse bénéficier des savants
propos des gens qui sont nos invités.
Mme Harel: Très bien. De toute façon, j'ai une
première question. Alors, je vous laisse réagir. Vous avez
déjà une réponse, je pense.
Mme Griffin: si j'ai bien compris votre question, c'est qu'avec
le nouveau conseil régional, bon, vous semblez dire qu'on va avoir une
perte, comparativement à la cfp qu'on a maintenant, au niveau du
service. c'est sûr que la commission de formation professionnelle,
actuellement, a des pouvoirs, des pouvoirs de décision en région.
elle a un budget et, quand elle décide qu'elle fait telle chose, elle ne
consulte pas nécessairement les gens du milieu pour faire ça. il
y a quand même des choses qui se font quand on en initie. c'est sûr
que, là, on pourrait peut-être voir une perte. par contre, si on
donne à notre conseil régional, à notre organisme
régional de développement ou de formation de la main-d'oeuvre
certains pouvoirs de décision et de recommandation, je pense que
ça nous permet d'avoir, en tout cas, ce qu'on appelle chez nous, une
espèce de poigne sur notre avenir, le développement de notre
qualité de travail, de notre main-d'oeuvre, et on peut l'arrimer aux
besoins régionaux.
Mme Harel: Mais ils vont rendre des comptes à qui?
Mme Griffin: On pourrait peut-être faire des choses.
Mme Harel: Ils rendraient des comptes à qui? Par exemple,
je comprends et je souscris - je dois vous dire ceci, pour y avoir
réfléchi depuis plusieurs semaines et en avoir discuté au
niveau de ma formation politique - nous allons souscrire à ce que les
conseils régionaux demeurent des corporations au sens du Code civil -
vous savez toute l'implication que ça veut dire, ça - avec un
conseil d'administration et le choix d'un directeur. On va souscrire à
ça. Mais, dans votre structure, j'ai de la misère à...
Là, vous dites: II faudrait qu'il y ait des pouvoirs - là, je
vous suis - non seulement le pouvoir de gérer les orientations de la
société mère, non seulement le pouvoir de définir
des priorités régionales à l'intérieur - c'est
ça, en fait, actuellement, le projet de loi - des orientations de la
société mère. Alors, vous comprenez que les orientations
de la société mère vont plus aller dans le sens sectoriel,
et il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de lien organique non plus,
contrairement à ce que le député de Rimouski croit, entre
les gens qui vont siéger sur la société mère et
ceux qui vont siéger... Même s'ils viennent du milieu des
affaires, même s'ils viennent du milieu syndical, il n'est pas
évident que, dans les régions, ce sera du milieu des affaires qui
appartiennent aux mêmes associations que le Conseil du patronat ou
l'Association des manufacturiers. Il est possible que ce soient des gens
d'affaires en région qui n'appartiennent à aucune de ces
associations patronales qui siègent à la société
mère. Il est possible aussi que ce soient des représentants
syndicaux - pensons à l'Alcan avec son syndicat indépendant - qui
n'appartiennent pas à une centrale qui siège. Il n'y a pas de
lien organique pour autant. Et, là, la question c'est: S'il y a plus de
pouvoirs au niveau des régions - et ça, j'y souscris - si tous
ces gens-là ne relèvent que du ministre, celui qui est en place
ou celui qui va lui succéder, mais ils vont rendre des comptes à
qui?
M. Thériault: Pour répondre
précisément à votre question, je vous réfère
aux recommandations 3 et 7 de notre mémoire. La recommandation 3 dit:
«Que chaque société régionale soit dotée d'un
conseil d'administration dont les membres sont désignés par des
collèges électoraux». Ce que ça veut dire, c'est
qu'on remplace les conseils régionaux par des collèges
électoraux et le conseil d'administration de la société
régionale, si vous voulez, devient une instance imputable. Donc, on
maintient aussi le statut actuel des CFP qui ont un conseil d'administration,
qui ont une assemblée générale, qui
ont un bureau de direction et qui ont une loi particulière les
mandatant. Alors, on demande que cet acquis-là soit conservé via
la recommandation 3. On aurait peut-être pu le formuler encore de
façon plus claire, mais c'est l'esprit de notre recommandation 3.
Puis notre recommandation 7 dit: «Que le gouvernement
prévoie la participation de représentants des régions au
conseil d'administration de la Société», justement, pour
que la Société soit sensibilisée aux besoins
régionaux. Parce que, s'il y a seulement des représentants du
sectoriel à la société mère, qui siègent
là, on craint, et avec raison, je crois, que les préoccupations
régionales n'y soient pas véhiculées, c'est-à-dire
que la synthèse des préoccupations... Parce que, si vous prenez,
secteur par secteur, les besoins de formation en main-d'oeuvre, ça peut
être intéressant, mais il n'y a pas, comment dirais-je, de lien
organique qui s'établit de cette façon-là. Puis, on pense
qu'avec les représentants des régions à ce conseil
d'administration de la société mère on viendrait corriger
ce danger-là ou cette situation-là qui risque, évidemment,
de perturber tous les besoins. Je ne sais pas si je réponds... Je crois
que ça résume assez bien nos préoccupations
là-dessus.
Mme Harel: Tout à fait.
M. Gagné: En fait, il y a aussi la dimension que, si c'est
des corporations indépendantes puis qu'il y a une société
mère, il faut quand même voir à ce moment-là le lien
qui permet d'articuler ensemble des grandes orientations au niveau des
politiques de main-d'oeuvre. Évidemment, en définissant
très clairement les champs de compétence de chacun, en
reconnaissant que, pour la société mère et, bien
sûr, évidemment, pour le ministre, c'est des grandes orientations
au niveau de la région, il faut quand même reconnaître
à ce moment-là qu'en région on doit respecter ces grandes
lignes là, et c'est dans cette mesure-là, au niveau des
résultats aussi qui viennent s'ajuster avec chacune des régions,
mais toujours dans le cadre d'une grande orientation provinciale. Puis il y a
peut-être une autre dimension aussi, c'est par rapport aux comités
sectoriels, parce que, là aussi, les comités sectoriels, ce n'est
pas évident que... parce qu'il y a le central, mais le national, ce
n'est pas nécessairement la même situation. C'est-à-dire
qu'il peut y avoir des secteurs dont les industries sont un peu partout au
niveau de la province, mais il faut s'assurer aussi que, dans les
recommandations que ces comités-là feraient, les régions
qui sont impliquées aient aussi un mot à dire, sinon, si ce n'est
pas le cas, les recommandations que ces comités-là feraient, il
faudrait qu'elles reviennent aussi dans des comités régionaux
pour avoir l'avis et, là, la société mère pourrait
refaire des recommanda- tions plus générales.
Mme Harel: Tel que rédigé dans le projet de loi,
les comités sectoriels vont faire rapport à la
société mère. La société mère,
prenons ies pâtes et papiers, qui est un exemple
d'actualité...
M. Gagné: Un peu partout, oui. (16 h 15)
Mme Harel: ...serait amenée, par exemple, à
«prioriser» et, à ce moment-là, les budgets dans les
régions, évidemment, devraient tenir compte de cette
priorité de la société mère. Et, dans le contexte
actuel, le directeur régional est le seul qui a un lien organique avec
la société mère parce que, finalement, les conseils
régionaux ne sont pas des conseils d'administration au sens strict, ce
sont des comités-conseils qui conseillent le directeur. Mais,
finalement, c'est le directeur, lui, qui rend des comptes à la
société mère et le directeur de la région peut
être tenté de voir sa carrière devant lui en étant
plus attentif aux désirs de la société mère
qu'à ceux de son comité-conseil qui, de toute façon, ne le
choisit pas et devant lequel il n'a pas à rendre de comptes. C'est
ça, dans le fond, que vous nous dites.
Mme Griffin: Oui, c'est ça.
Mme Harel: Et les CCR, les comités consultatifs
régionaux, tels qu'ils existent actuellement, vous en pensez quoi?
M. Gagné: Oisons que les comités consultatifs en
région jouent quand même un rôle assez important dans chacun
des secteurs. J'imagine que ça peut être variable d'une
région à l'autre, mais ces comités-là devraient
pouvoir se poursuivre avec les changements annoncés avec la nouvelle
politique parce que, justement, ça permet, pour chacun des secteurs, en
tout cas, d'avoir un bon son de cloche de tous les intervenants. En fait, cette
dynamique-là que la plupart, je pense, des CFP ont amorcée depuis
quelques années, c'est une dynamique assez intéressante. Au fond,
dans la mesure où on la formaliserait, c'est très important. Donc
ça, lié peut-être, après ça, à des
comités provinciaux, ça a peut-être aussi son importance,
mais, pour chacune des régions, c'est très important aussi.
Mme Harel: Vous savez que certains porte-parole d'organismes qui
ont une sorte d'assurance de siéger à la société
mère sont venus dire au ministre de ne pas choisir, de ne pas nommer,
plutôt, lui-même les membres des conseils régionaux, comme
le prévoit la loi, mais de confier à la société
mère le soin de nommer les conseils régionaux. C'était
même encore, si vous voulez, la recommandation de M. Béland, du
Mouvement Desjardins, qui occupait le siège que vous occupez, justement,
hier après-midi. Alors,
la recommandation, c'était de dire que la société
mère pourrait se charger de la nomination des conseils
régionaux.
Mme Griffin: Moi, si je peux répondre à ça,
en tout cas, la crainte qu'on aurait... Tout à l'heure, on disait qu'on
ne voulait pas une nomination gouvernementale. Je pense qu'on aurait plus peur
de l'autre encore, une nomination par la société mère. Ce
serait une nomination à partir de fonctionnaires, j'imagine, et je n'ai
rien contre les fonctionnaires, mais là je ne suis pas sûre...
Mme Harel: Attendez!
Mme Griffin: Je préférerais encore le gouvernement,
je pense, dans ce cas-là.
Mme Harel: C'est des nominations, je suis contente de vous
entendre là-dessus.
Mme Griffin: Là, ce n'est pas mieux.
Mme Harel: j'espère que ça se rend au ministre, la
réponse que vous faites. mais ce ne sont pas des fonctionnaires à
la société mère. ce sont...
Mme Griffin: Bien...
Mme Harel: ...et vous connaissez les organismes, essentiellement,
ceux qui sont à la conférence permanente d'adaptation de la
main-d'oeuvre: le conseil du patronat, le mouvement desjardins, la csn, la ftq,
la csd. alors, vous préféreriez, à ce moment-là,
encore plus la nomination ministérielle que celle de la
société mère. c'est ça qu'il faut comprendre?
M. Gagné: C'est parce que c'est centralisé encore
à ce moment-là, et ce n'est pas ça qu'on dit. On dit que
la démarche doit se faire en région.
M. Thériault: C'est le respect, en somme, des attentes
régionales qu'on demande, parce qu'on les connaît, les gens en
région, qui ont une expertise, que ce soit dans les secteurs ou à
un niveau plus polyvalent. On les connaît les têtes d'affiche. Bon.
Alors, on dit: On devrait les proposer, quitte à ce que le ministre,
ensuite, nomme parmi ceux que l'on désigne ainsi. Puis, s'il y a des
désaccords, il peut y avoir négociation. Mais, au moins, on a une
poignée sur ce qui va se décider, parce que ces gens-là
vont avoir des fonctions extrêmement importantes.
Mme Harel: En autant, évidemment, que le reste
s'ensuit...
M. Thériault: Oui.
Mme Harel: ...c'est-à-dire le choix des orientations, le
conseil, l'assemblée générale, et tout.
M. Thériault: Exactement. Mme Griffin: C'est
ça.
Mme Harel: Très bien. Je vous remercie. Ah!
peut-être une dernière remarque.
M. Morasse (Jean): Oui, je voulais faire juste un petit
commentaire. Moi, je me réfère à la politique de
développement régional que le gouvernement du Québec vient
d'adopter, dans laquelle on exprime clairement la volonté du
gouvernement dorénavant d'accompagner les régions dans leur
développement et non pas d'être en avant. Je pense que l'esprit de
cette loi-ci va un peu dans le sens inverse, c'est-à-dire que, dans un
domaine où, avant, on avait passablement d'initiatives et de
prérogatives, là on en aurait beaucoup moins. Donc, dans ce
cas-là, le gouvernement ne serait plus accompagnateur, mais, je pense,
plus direct if.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre, le mot de la
fin.
M. Bourbeau: Je voudrais remercier les gens de l'Association qui
sont venus nous rencontrer, les groupes de développement
régional, en vous disant que la loi ne dit pas qu'il est interdit au
ministre de consulter avant de faire ces nominations et que j'ai bien
l'intention de consulter largement avant de faire les nominations.
D'autre part, j'aimerais vous informer que, dans le système
actuel, c'est vrai que les CCR, les comités consultatifs
régionaux, élisent les membres de la CFP, mais c'est le ministre
qui nomme les membres du CCR dans le système actuel. Donc, ce qu'on
propose, ce n'est pas un gros changement parce que, actuellement, on nomme tous
les membres des CCR qui, eux, font les élections après. On
pourrait très bien contrôler maintenant aussi, ce qu'on ne fait
pas.
D'autre part, dans le système actuel encore, c'est le ministre
qui contrôle la nomination des directeurs généraux des CFP,
puisque, dans le processus de nomination, il y a un collège de trois,
dont un est le sous-ministre adjoint du ministère et le deuxième,
une personne nommée par le ministre. Alors, vous savez, il n'y a pas
trop, trop de grands changements dans ce qu'on propose par rapport à la
situation actuelle.
Mme Harel: Sauf la corporation au sens du Code civil...
M. Bourbeau: Exact.
Mme Harel: ...qui est fondamentale.
M. Bourbeau: Exact. C'est un changement.
Le Président (M. Philibert): Alors, le temps étant
épuisé, je me permets de remercier les représentants de
l'Association québécoise des organismes régionaux de
concertation et de développement et de leur souhaiter un bon retour.
J'invite maintenant le groupe Intégration jeunesse du Québec
inc.
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant entendre
le groupe Intégration jeunesse du Québec. Je vous rappelle que
vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, que le
ministre a 20 minutes pour vous questionner et l'Opposition, également
20 minutes.
M. Bourbeau: Pas le ministre, le parti ministériel. (16 h
30)
Le Président (M. Philibert): Le parti ministériel,
effectivement, 20 minutes. Je vous invite maintenant à identifier votre
porte-parole de même que les personnes qui l'accompagnent.
Intégration jeunesse du Québec
inc.
M. Francoeur (Pierre): Bonjour, M. le Président. Mon nom
est Pierre Francoeur, je suis le directeur général
d'Intégration jeunesse du Québec et je suis le porte-parole. Je
suis accompagné de Mme Sylvie Baillargeon, qui est directrice de nos
programmes d'apprentissage à Montréal, ainsi que de M. Martin
Caron, directeur des programmes d'apprentissage à Québec.
Le Président (M. Philibert): Très bien. Allez-y
pour la lecture de votre mémoire.
M. Francoeur: On n'en fera pas lecture, on vous le
présentera succinctement, peut-être pour le rendre un peu plus
vivant. Premièrement, je vais vous présenter Intégration
jeunesse. On est une entreprise régie par la Loi sur les compagnies en
vertu de la troisième partie. Nous sommes incorporés depuis 1980.
Nous offrons des services à des jeunes adultes sans diplôme, sans
qualification et sans emploi. L'ensemble des services que nous dispensons est
sous un modèle qui est celui d'un concept de services
intégrés d'accès au marché du travail.
C'est-à-dire que bon nombre de jeunes se présentent chez nous
sans diplôme, sans qualification et sans emploi et requièrent un
coup de main pour intégrer le marché du travail; ils ont des
expériences, ils ont des qualifications qui sont diverses. Nous avons
implanté à Québec et à Montréal une gamme de
services qu'on a intégrés, mais qui permettent à des
jeunes, dans un même lieu, de recevoir une gamme de services. En lien
avec l'expertise que nous avons développée depuis 1980, on a
jugé bon de témoigner de ce que nous faisons, mais aussi de ce
que l'avenir nous réserve dans la mesure où la
Société sera créée.
Ce qui a attiré notre intérêt, c'est que la
Société, lorsqu'on lit l'article 17 au deuxième
paragraphe, veut embrasser large, c'est-à-dire veut, dans le fond,
permettre à des individus d'amorcer une démarche
d'intégration au marché dû travail jusqu'à cette
conclusion-là et même, en emploi, de pouvoir obtenir un tel
soutien de la Société en pouvant bénéficier de
programmes de formation continue. Intégration jeunesse, de par son
concept de services intégrés d'accès au marché du
travail, préconise une telle approche. Par contre, compte tenu que la
Société veut maximiser la force de la main-d'oeuvre
québécoise, nous, on a un petit parti pris en faveur des
sans-emploi, qui est notre niche - et, à ce titre-là, c'est pour
cela que la corporation a été fondée, pour s'adresser
à des gens sans emploi - et on veut attirer l'attention des gens ici
présents, à savoir que, lorsqu'on parle d'une
société, compte tenu qu'il y a des gens sur le terrain, y compris
nous, qui dispensent des services à ces sans-emploi là et qu'il
faudrait que ces sans-emploi là puissent aussi bénéficier
d'une certaine visibilité, d'une certaine écoute, on recommande,
à ce moment-là, qu'au sein de la Société il y ait
des places réservées pour représenter les gens des
organismes communautaires qui offrent des services directs aux sans-emploi;
donc, on pense que c'est important. On considère que le modèle
qui a été préconisé à ce jour, c'est un
modèle qui relève davantage des relations du travail. On y est,
on est d'accord dans la mesure où la clientèle potentielle,
à ce moment-là, était déjà en emploi. Mais,
si on veut s'adresser davantage aux sans-emploi, les gens qui interviennent
principalement auprès d'eux, ce sont les organismes communautaires.
Ceci dit, un autre élément qu'on a jugé pertinent
de signifier, c'est la flexibilité, c'est-à-dire que, nous, on
intervient à tous les jours avec des gens à partir des programmes
existants, des programmes qui sont issus du fédéral comme du
provincial, et qu'il faut adapter les différentes règles de
conduite de ces programmes-là, les adapter aux clients à qui nous
nous adressons. On s'aperçoit souvent que l'intention est pure, mais,
dans les faits, ça devient un peu plus étriqué,
c'est-à-dire qu'on nous donne un certain nombre de moyens, mais on les
rend tellement conditionnels qu'on perd toute la souplesse et, dans le fond,
qu'on arrive à nous faire perdre le jugement dont on pourrait faire
preuve pour aider les jeunes à mieux intégrer le marché du
travail. Donc, ce qu'on souhaiterait, dans la mesure où la
Société verra à édicter des politiques, c'est
qu'elle donne l'élan, qu'elle donne le sens de ce qui devrait être
fait, mais qu'elle laisse aux partenaires, qu'ils soient régionaux ou
qu'ils soient prestataires des services, l'autonomie voulue pour faire preuve
de jugement et adapter l'ensemble des règles de conduite. Par contre,
tous les gens, qu'ils soient au niveau régional ou au niveau local,
devront, bien sûr,
être imputables; on considère qu'on doit rendre des
comptes, et ce, de la façon la plus transparente. Mais il faut, par
contre, ne pas mêler les moyens et les résultats. Les moyens, ce
sont les gens qui dispensent les services qui devraient être le plus en
mesure de les évaluer.
Un autre élément qu'on aimerait signaler concerne la
régionalisation. Intégration jeunesse intervient à
Québec ainsi qu'à Montréal. Là, on veut faire
peut-être un petit crochet par Montréal pour signifier que
Montréal, c'est un petit peu particulier, en tout cas du moins ce qu'on
vit, nous. Présentement, on souhaiterait avoir une société
régionale pour l'île de Montréal, c'est-à-dire la
Communauté urbaine de Montréal. On a lu le document du
gouvernement du Québec concernant un redressement durable pour
Montréal et, là, on englobe le Grand Montréal, qui
comprend la rive sud, Laval... On considère que ce serait un territoire
un peu trop vaste. Donc, on recommande que le conseil régional de
Montréal relève davantage du territoire de la CUM.
Autre élément qui est une particularité de
Montréal depuis quelque temps, c'est l'implantation de corporations de
développement économique et communautaire à
Montréal. Présentement, c'est tout feu tout flamme. Il y a des
corporations qui ont le vent dans les voiles, d'autres moins.
L'évaluation que nous faisons présentement des corporations de
développement économique et communautaire à
Montréal, c'est que où il n'y avait pas d'organisme qui
dispensait des services directs, entre autres à des gens sans emploi, le
besoin s'y est fait vivement ressentir et ce qui a été mis sur
pied répond, semble-t-il, adéquatement aux besoins. Où les
corporations de développement économique et communautaire ont
plus de difficultés, c'est lorsqu'elles cherchent à se substituer
à des organismes déjà existants. Nous, on a
présentement un certain nombre d'indices, sinon de faits, qui nous
permettent de voir que les CDEC, ce n'est pas nécessairement la solution
idéale à propager à travers tout le territoire de
Montréal. On fait une mise en garde à cet égard-là.
Ce n'est pas parce qu'il y a un projet qui marche bien dans un quartier de
Montréal qu'il faut nécessairement prendre ça et faire du
mur à mur, loin de là. Donc, on a peur qu'à la rigueur les
CDEC deviennent un autre lieu d'arbitrage. On considère que la
société régionale devrait être l'entité
où les gens nommés verraient à prendre les
décisions pour adapter le tout à la région, mais ne pas
créer des bureaux ou créer d'autres entités locales qui
seraient encore des lieux de sous-arbitrage. Nous, sur le terrain, ce qu'on
requiert dans le fond, c'est d'avoir des lignes directes avec les gens qui
requièrent nos services et de ne pas s'empêtrer dans trop de
médiations. Ce à quoi on se bute quotidiennement, c'est à
des négociations constantes avec les différents responsables des
différents programmes et on passe beaucoup de temps à cet
égard. Donc, on apprécierait que la société
régionale puisse, à ce moment-là, gérer le tout et
de ne pas mettre trop d'intermédiaires entre elle et les gens sur le
terrain.
Un dernier élément qu'on aimerait souligner, c'est la
juridiction ministérielle. On dit que, présentement, la
compréhension que nous avons et les faits sont qu'entre le
ministère de l'Éducation et le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle il y a, en tout cas, certaines zones grises, pour le moins, et
on souhaiterait que, peut-être, ces zones grises puissent être
clarifiées avant la création. On ne veut pas retarder le
processus de façon indue. Tout à l'heure, vous posiez la
question, M. le ministre, aux gens des cégeps de la région de
Montréal, leur demandant s'ils étaient en faveur de retarder le
processus d'implantation pour tenir un débat sur la formation
professionnelle. Je souscris à leur réponse en disant: Non, il ne
faut pas retarder le tout, mais, par contre, il y a quand même une
urgence de clarifier un certain nombre de choses, et, si cela n'est pas
clarifié, vous risquez probablement de vous buter à des chicanes
de clocher où certaines élites verront à tirer la couverte
et, finalement, encore là, on va se retrouver sur le terrain avec des
imbroglios qui vont pénaliser les clientèles qui devraient
être desservies par de tels programmes.
Pour terminer, on aimerait aussi souligner que, dans notre petit
mémoire on mentionne que, dans l'énoncé de politique, vous
faites mention d'un régime d'apprentissage. À ma connaissance, le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle travaille depuis plusieurs années, sinon
plusieurs décennies, sur un concept de régime d'apprentissage et
on trouvait un peu maigre ce qu'on retrouvait comme contenu dans
l'énoncé de politique. Nous, on a développé,
à Intégration jeunesse du Québec, un mode d'apprentissage
particulier, un mode d'apprentissage qui s'adresse aux sans-emploi et, à
cet égard-là, on pense qu'on a une formule qui n'est pas une
formule européenne, mais qui est une formule qui peut quand même
obtenir des bons résultats. On a une méthode qui est un mode
d'alternance travail-études. Ce n'est pas l'alternance entre la
précarité et le chômage. C'est l'alternance entre le
travail et les études, c'est-à-dire permettre à des gens
d'acquérir un bagage théorique au sein de notre organisation,
valider le tout en stage et le tout en collaboration étroite avec les
entreprises.
Tout à l'heure, M. le ministre, vous mentionniez aux gens, encore
des cégeps, que, dans l'entreprise privée, vous
préféreriez voir les gens, un tiers faire l'estimation des
besoins, un tiers dispenser la formation et un autre tiers faire
l'évaluation. On souscrit à cette approche-là. On pense
que l'évaluation des besoins devrait être faite par les structures
sectorielles. On pense que les entreprises regroupées dans des
structures sectorielles seraient les plus adaptées pour
déterminer ces besoins-là, les organismes, comme nous, pourraient
les dispenser et les évaluations pourraient être faites ultimement
par les sociétés régionales. Mais nous, on croit fermement
à un modèle de société où on
développe des liens étroits avec les entreprises, et les liens
que nous développons, ce n'est pas sur une base locale. Le
développement de la main-d'oeuvre, c'est sur une base régionale
et on pense qu'on peut développer, ce que nous avons fait à ce
jour, des liens étroits avec les entreprises.
Pour conclure, je passerais la parole à ma collègue,
Sylvie BaiHargeon, pour vous étayer un peu ce qu'on entend par
régime d'apprentissage et quelles sont les limites, les avantages qu'on
y voit. Si vous permettez, pour terminer notre allocution.
Le Président (M. Philibert): Mme BaiHargeon.
Mme BaiHargeon (Sylvie): Bonjour. Dans l'énoncé de
politique, au niveau du régime d'apprentissage, on s'adresse
principalement aux catégories de travailleurs qui sont
déjà en emploi et qui sont régis par un certain nombre de
règles au niveau des métiers, entre autres les métiers de
la construction. Nous, la conception qu'on a du régime d'apprentissage
à travers les programmes qui sont mis de l'avant et qui sont
dispensés à Montréal et à Québec, c'est
qu'ils sont axés, dans un premier temps, au niveau de la nouvelle
main-d'oeuvre, donc des jeunes qui sont sans emploi, et qu'ils sont construits
de façon à permettre aux gens d'acquérir des
connaissances, de maîtriser des habiletés et d'obtenir un emploi
qui est directement relié à leur formation. Donc, les programmes
d'apprentissage sont construits en tenant compte des besoins et des
particularités des jeunes sans emploi dans leur façon d'apprendre
et aussi en tenant compte des qualifications professionnelles qui sont
recherchées sur le marché du travail.
Il y a donc différentes caractéristiques qui
définissent, je dirais, un peu le régime ou les programmes
d'apprentissage, comment on les voit. C'est d'abord, effectivement, la question
de l'alternance études-travail, le fait qu'ils puissent mettre en
application directement les connaissances et les habiletés qu'ils ont
acquises en formation, le suivi qui est fait en entreprise, donc les stages
pratiques auxquels sont associées directement les entreprises et
l'emploi, ce qui fait que les approches sectorielles qu'on a
développées avec les entreprises avec lesquelles on travaille
dans les différents programmes, elles sont partie prenante à la
fois au niveau de la validation des besoins de formation qui sont I
identifiés, de l'identification des qualifications professionnelles qui
sont recherchées, de la validation des contenus qui sont
élaborés, de la participation des entreprises au niveau des
stages en entreprise, le but de l'organisme étant, en bout de ligne, de
faire en sorte que les jeunes qui terminent la formation aient un emploi
directement dans le domaine. Alors, c'est un peu ça.
Dans ce sens-là, nous, on serait prêts à s'associer
avec le ministère pour peut-être améliorer cette formule
ou, en tout cas, l'étendre dans d'autres secteurs. On sait qu'il y a
différentes façons d'entrevoir la formation par alternance
études-travail. Le statut d'apprenti, par exemple, comme ça
existe dans les métiers réglementés, c'est quelque chose
qui est intéressant. Actuellement, les participants qui sont dans le
programme, ils ont le statut de stagiaire qui est quelque chose d'un peu ambigu
parce qu'ils ne sont pas employés, mais, en même temps, ils ne
sont pas non plus reconnus, comme ce n'est pas des métiers
réglementés dans lesquels on travaille... Disons que le statut
est un peu ambigu. Dans ce sens-là, on pourrait définir de
façon plus concrète le rôle qu'ils ont à jouer,
renforcer également l'encadrement pédagogique et l'encadrement
qui est fait dans les entreprises pour faire en sorte que les apprentissages
qui sont réalisés débouchent véritablement sur des
qualifications qui sont recherchées et que ces qualifications-là
soient reconnues par les entreprises. Nous, les formations qu'on donne dans
plusieurs des secteurs où on est implantés, elles sont
effectivement validées par les associations d'entreprises qui, dans ce
sens-là, reconnaissent les qualifications professionnelles qui
sontf'K transmises dans le cadre des programmes.
Alors, ça complète un peu. Je ne sais pas, Martin, si tu
as autre chose que tu veux rajouter par rapport à ça?
Le Président (M. Philibert): M. Caron? Mme BaiHargeon:
Martin Caron, oui.
M. Caron (Martin): Martin Caron. J'aimerais surtout attirer votre
attention sur le service qu'on préconise aussi, qui est un service
intégré d'accès au marché du travail. Ce qui est
intéressant là-dedans, c'est que, auparavant... Bon, si je prend
plus la région de Québec, on a démarré des
programmes. On s'est rendu compte que, dans les programmes qu'on
démarrait, on a eu énormément d'inscriptions. Donc, pour
un programme, par exemple, où il y avait 16 places disponibles, on a eu
au-delà de 130 inscriptions. Donc, il n'y a pas moins de 115 à
120 personnes qu'on laisse de côté. Donc, ces jeunes-là
subissent un échec, donc se dévalorisent, et ce qui s'ensuit. Ce
qui est intéressant dans le service qu'on propose, c'est qu'il y a
possibilité, par la suite, de référer les gens dans
différents autres volets du service. Donc, c'est une aide qu'on peut
assurer à ces gens-là. On ne les rejette pas encore, ces
jeunes-là. On sait aussi qu'actuellement, à
l'intérieur de toutes les institutions publiques, il n'y a aucun
service intégré d'accès au marché du travail. Donc,
les jeunes se butent souvent à différentes portes. C'est vraiment
difficile pour eux autres d'aller chercher de l'information. Donc, c'est un
modèle qui, je pense, peut être très intéressant.
(16 h 45)
Le Président (M. Philibert): Oui.
M. Francoeur: Non, on conclut sur ces propos, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Alors, je vous remercie.
Maintenant, M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, une question. Vous avez parlé,
tantôt, des zones grises qui existent entre le ministère de
l'Éducation et le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
Pouvez-vous nous dire, en ce qui vous concerne, quelles sont ces zones grises,
de façon concrète, et en quoi ça peut vous causer des
problèmes?
M. Francoeur: Lorsqu'on identifie un secteur en pénurie de
main-d'oeuvre, on prépare des devis de formation qu'on soumet aux
entreprises, on les fait valider par les entreprises et, ensuite, on les soumet
aux CFP. Si on veut aller chercher la collaboration des institutions scolaires,
la réponse, c'est non. Il n'y a absolument aucune reconnaissance de nous
comme partenaires, parce que eux ont pour leur dire qu'ils sont mandatés
pour faire l'ensemble de ce qui a trait à la formation professionnelle.
Donc, il existe, d'une part, une volonté de notre part d'établir
des partenariats avec différents acteurs, y compris des acteurs de
formation, et, dans la mesure où on est interpellés, entre
autres, par votre ministère, pour offrir des services, lorsqu'on cherche
à aller établir des liens, on ne peut pas les établir.
Lorsqu'on sait que, dans les commissions scolaires, il y a des structures
d'accueil et de référence, lorsqu'on cherche à
établir des contacts et des contrats d'entente avec les institutions
scolaires, ce n'est pas reçu nécessairement d'une façon
très cordiale. Donc, à cet égard-là, lorsque vient
le temps de s'associer... Parce que, nous, pour aider des gens à
intégrer le marché du travail, on ne peut pas y arriver seuls. Il
faut développer des partenariats, il faut développer des
collaborations et c'est avec le ministère de l'Éducation et ses
institutions que la difficulté se présente. Donc, pour nous,
c'est un frein au développement de la formation professionnelle qui est
de courte durée, parce que les formations que nous dispensons,
règle générale, sont en moyenne de six mois. Le
ministère de l'Éducation exige, dans certains créneaux,
900 heures et, des fois, 1200 heures et, à ce moment-là, c'est
très très difficile pour lui d'arriver à accepter que,
nous, on puisse faire un programme avec des résultats à peu
près équivalents dans des durées moindres.
C'est-à-dire qu'on est, pour lui, un peu marginal, et cette
marginalité-là n'est pas très bien perçue.
Nous, ce qui prédomine, c'est notre capacité
d'établir des interactions avec les entreprises, de développer
des programmes, de les ajuster en fonction de leurs besoins, et c'est là
que le hiatus se fait entre le ministère de l'Éducation et la
structure de la main-d'oeuvre et on pense qu'il devrait y avoir une certaine
harmonisation. Lorsqu'on a présenté des projets au
ministère de l'Éducation en formation professionnelle, on nous a
dit: II n'est pas question que vous déposiez quoi que ce soit parce que
vous n'êtes pas une commission scolaire. À toutes les fois qu'on
fait des demandes au ministère de l'Éducation pour
développer des programmes de formation professionnelle selon un mode
autre que celui qu'on retrouve dans le milieu de l'éducation, on se bute
à un refus.
Ce qu'il faut voir, ce que, nous, on met de l'avant comme principe,
c'est la diversification des lieux de formation, c'est-à-dire qu'on
pense que les gens peuvent acquérir différentes qualifications
dans différents lieux, que ce soit en entreprise, dans un organisme
communautaire comme le nôtre ou à l'école. L'école,
elle, son slogan, c'est davantage de dire: Nous allons diversifier
l'école, c'est-à-dire que l'école, on va essayer de lui
donner plusieurs couleurs. Mais l'école ne peut pas répondre
à toutes les clientèles, et la clientèle à laquelle
on s'adresse, c'est une clientèle de sans-emploi qui, règle
générale, ont décroché depuis un certain temps des
institutions scolaires et qui ne sont pas prêts à y revenir. Donc,
on n'est pas capables, pour répondre à votre question, de faire
le pont entre ce qui est main-d'oeuvre et ce qui est éducation, se
butant à des juridictions déjà bien scellées.
M. Bourbeau: Êtes-vous mieux reçus par les CFP?
M. Francoeur: Les CFP, mes collègues pourront
répondre mieux que moi parce qu'ils négocient quotidiennement
avec elles, mais, règle générale, nos collaborations sont
bonnes. C'est-à-dire que, dans la mesure où on a identifié
une pénurie de main-d'oeuvre, qu'on a eu des discussions, qu'on a
élaboré des devis de formation avec les entreprises, on soumet
nos devis de formation aux CFP et, règle générale, il y a
une très bonne entente. À la fin des formations, les CFP
interviennent pour vérifier si ce qu'on a dit, on l'a effectivement
réalisé et si le placement est réellement acquis. Dans ce
sens-là, oui, nos relations sont bonnes avec les CFP parce qu'on vise la
même chose: c'est l'obtention d'un emploi. Le ministère de
l'Éducation, sa priorité n'est pas l'obtention d'un emploi; c'est
de faire en sorte que la personne puisse prendre plus de bagage. Mais les gens
à qui on s'adresse, qui
ont, en moyenne, 25 ans, qui n'ont pas complété leurs
études secondaires, ce qu'ils veulent, c'est un travail. Nous, on leur
dit: Oui, vous pouvez accéder au marché du travail, vous devez
accroître vos compétences, mais, par contre, on va vous donner
quelque chose à votre mesure quitte à vous insérer ensuite
dans un processus de formation continue qui va vous amener
éventuellement à un retour aux études. Mais, a priori,
c'est du pain et du beurre et c'est là-dessus qu'on travaille. Le
ministère de l'Éducation est moins ouvert à ça.
Autre petite anecdote. C'est qu'on a eu, à un moment
donné, une entente avec le ministère de l'Éducation pour
écrire un livre, qui invitait les gens à un retour aux
études et qui soutenait ce retour aux études pour des jeunes
adultes sans emploi. On a soumis le document au ministère de
l'Éducation et il a été refusé sur la base, entre
autres, que le langage qui avait été utilisé pour
écrire le livre était un langage oral, que ce n'était pas
un langage littéraire, ce qui est le critère no 1 pour le
ministère de l'Éducation. On a dit: Écoutez, c'est vrai,
on ne nie pas ça, sauf que les gens à qui on s'adresse, qui ne
lisent à peu près même pas Le Journal de Montréal
ou Le Journal de Québec, ne leur demandez pas d'aller lire
Céline ou Proust. On se bute quotidiennement à cet
écart-là avec le ministère de l'Éducation, à
cette incompréhension-là de la clientèle ou de ses
besoins. Il nous ramène avec ce que le ministre a dit par rapport aux
politiques qui disent que... Ça, quelque part, ça devient lourd
et on n'a pas la souplesse nécessaire pour intervenir de façon
adéquate.
M. Bourbeau: Je vous ai compris.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Merci, M. le ministre. M. le député de Deux-Montagnes,
vous avez une question?
M. Bergeron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Allez-y donc, monsieur.
M. Bergeron: Ça ne vous dérange pas,
j'espère? Voici, ce matin, les CFP sont venues ici, puis on les a
entendues. C'est sûr que je vois vos objectifs généraux,
c'est louable: marché du travail, les jeunes adultes sans diplôme
dans le besoin, etc. Ce qu'on avait trouvé intéressant ce matin,
lorsque les CFP sont venues, c'est qu'elles nous ont donné des
statistiques, à savoir qu'une fois que des jeunes étaient
embarqués, le taux de réussite... Je n'ai pas votre rapport ici
devant moi, mais est-ce que vous avez ça, votre taux de réussite?
Les gens que vous placez, est-ce que le taux de réussite est
intéressant? Est-ce que le suivi se fait par après? Quelqu'un que
vous allez chercher comme ça sans diplôme, sans rien et que vous
envoyez sur le marché du travail, est-ce qu'il continue à
travailler sur le marché ou bien si c'est tout simplement passager ou
quelque chose comme ça? Je pense que, si on avait eu des statistiques
là-dessus... Peut-être qu'elles sont dans votre rapport, mais,
moi, je ne l'ai pas ici. Enfin, on pourrait peut-être trouver ça
intéressant.
M. Francoeur: D'accord.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Francoeur.
M. Francoeur: Oui, rapidement. Plus de 80 % des gens qui
terminent leur formation se trouvent un emploi dans le secteur pour lequel ils
ont été formés; il y en a d'autres qui se trouvent des
emplois, mais pas dans le secteur où ils ont été
formés, et c'est des gens qui restent en emploi. Nous, on nous demande
de faire en sorte que les gens restent en emploi pour au moins 13 semaines.
Règle générale, les gens qui viennent chez nous, comme je
vous l'ai mentionné, n'ont pas de qualification. On leur permet ce qu'on
appelle, nous, de la semi-qualification, dans le fond, des connaissances que
les gens, la moyenne des gens ne possèdent pas, qu'eux vont
acquérir par la formation, ce qui va faire en sorte qu'ils vont pouvoir
rester en emploi et occuper des niches. Exemple, on forme des techniciens et
vendeurs d'articles de sport. Ça ne se forme pas. Présentement,
on donne une formation en bicyclette. On est les seuls au Canada à
donner cette formation-là en bicyclette. Donc, les gens qu'on forme chez
nous, c'est des gens pour lesquels il y a effectivement une pénurie de
main-d'oeuvre. L'Association des détaillants en articles de sport nous a
reconnus, nous soutient, valide, certifie, met le sceau sur nos diplômes.
C'est-à-dire qu'on forme des gens où il y a un besoin. Donc,
lorsque les gens sont en processus de formation, ils savent qu'en bout de ligne
ils sont attendus par les entreprises parce qu'elles en ont besoin. Puis les
entreprises les voient en cours de stage. Ça fait qu'il y a toujours un
dialogue qui s'établit entre nous et les entreprises et le jeune voit
que le dialogue est là et voit qu'il y a un avenir. Donc, les jeunes
accrochent.
On a d'autres services qui sont un service de recherche d'emploi
personnalisé, c'est-à-dire que c'est des jeunes qui, eux, ne
veulent pas s'inscrire dans une démarche d'apprentissage, mais veulent
intégrer le marché du travail immédiatement avec ce qu'ils
ont comme bagage. À ce moment-là, ce qu'on fait, c'est une
démarche d'orientation professionnelle et on les guide vers des secteurs
où il y a des emplois disponibles. On ne parle pas de pénurie
nécessairement de main-d'oeuvre. Ça veut dire secrétaire
dans un secteur donné, aide-camionneur, aide-cuisinier, technicien en
informatique, etc. C'est des gens qui ont décidé de faire un
métier, de
l'exercer et, nous, on arrive à les soutenir. Ce qu'on fait,
c'est du soutien à la démarche des jeunes dans leur
intégration au marché du travail. Ce qu'on s'aperçoit,
c'est que souvent les gens qui arrivent chez nous, c'est des gens qui n'ont pas
obtenu ce soutien-là. On les a délaissés. Les parents les
ont abandonnés, ils ont dit: À 18 ans, tu dois faire un homme ou
une femme de toi; arrange-toi tout seul. Ils ont dit: L'école, 16 ans,
scolarité obligatoire finie, va-t'en. Ils sont comme laissés
à eux-mêmes. Ce qu'on leur offre, nous, comme d'autres organismes
communautaires, c'est une écoute, un soutien, mais un soutien pas
à la bonne franquette, un soutien avec une méthodologie
particulière, avec des techniques particulières. On ne fait pas
de l'improvisation. L'ensemble des ressources qu'on retrouve dans nos
organisations, c'est des gens qui ont des formations universitaires dans
différents secteurs, qui ont de l'expérience. Donc, on
n'improvise pas. On a des méthodes particulières et c'est ces
méthodes-là, et surtout la forme de soutien qu'on met de l'avant
qui est la garantie de nos succès.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la
députée de Bourget, vous avez... M. le député de
Deux-Montagnes, est-ce que vous avez fini?
M. Bergeron: non, j'ai juste une petite question. est-ce que
votre champ d'intervention est large ou s'il se trouve à être
limité étant donné ia clientèle?
M. Francoeur: Les gens ont entre 18 et 30 ans. On forme des
poissonniers, des commis aux pièces automobiles, des techniciens en
articles de sport, des commis en alimentation et des conseillers vendeurs en
quincaillerie et matériaux de construction. Pour ces cinq
métiers-là, il y a pénurie de main-d'oeuvre et il y a des
liens étroits avec les entreprises de ces secteurs-là.
Il y a aussi autre chose à mentionner, c'est qu'ici on est
accrédités par les CFP comme société privée
de formation. Donc, on offre du perfectionnement. Exemple, on a signé un
contrat avec le groupe Ro-Na Dismat pour dispenser du perfectionnement à
tous ses marchands affiliés pour l'ensemble du territoire du
Québec. Donc, on se trimbale à travers le Québec pour
donner du perfectionnement à des gens en emploi. Mais notre vocation
première étant de s'adresser à des sans-emploi, compte
tenu de l'expertise que nous avons développée, à ce
moment-là on peut la faire fructifier auprès des gens qui sont en
emploi. Donc, on touche les deux secteurs, en emploi et sous-emploi.
M. Bergeron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Mme la députée de Bourget.
Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. Je tiens
à féliciter Intégration jeunesse du Québec pour son
travail dans la rue auprès d'adolescents. Parce qu'on sait qu'à
un moment donné un jeune décroche du système scolaire - et
c'est là ma question, le but est d'arriver à vous poser cette
question - et, après le décrochage, les parents, bien souvent, le
rejettent; l'enfant fugue, il y a la drogue et la prostitution. Alors, vous
faites un travail remarquable.
J'ai lu votre mémoire et ce que je voudrais savoir... On a vu
plusieurs formations venir exposer leur mémoire et parler de
décrochage scolaire. Vous qui êtes vraiment sur le terrain,
pouvez-vous nous indiquer quelles sont les principales raisons pourquoi un
jeune décroche?
M. Francoeur: Je ne veux pas me répéter, mais ce
que j'ai dit à monsieur, je vais vous le redire parce que je pense que
c'est la cause première: c'est des gens qui sont laissés à
eux-mêmes. Moi, je pense que le décrochage scolaire, c'est,
quelque part, des adultes en milieu familial, en milieu scolaire ou dans
l'environnement proche qui ont tout simplement décroché,
c'est-à-dire qui n'ont plus cru, qui n'ont plus eu foi dans le soutien
accordé à un jeune. Et le jeune laissé à
lui-même, devant les choix qu'il doit faire, et souvent
sous-équipé, il ne peut pas les faire adéquatement, ces
choix-là, et, quelque part, c'est une source de décrochage, il
n'y a pas d'objectif. Il n'y a pas de stimulation. Il n'y a pas d'outils...
Mme Boucher Bacon: Vous pariez à quel endroit qu'il n'y a
pas de...
M. Francoeur: Pardon?
Mme Boucher Bacon: Vous parlez à quel endroit qu'il n'y a
pas d'objectif ni de stimulation?
M. Francoeur: Comme individu. Si je ne me suis pas fixé
d'objectif ou, si vous voulez, un plan de carrière, ou dis: Dans cinq
ans, j'aimerais être là; j'aimerais devenir mécanicien,
j'aimerais devenir avocat, j'aimerais devenir plombier... Si tu n'es pas
capable comme individu d'articuler un projet professionnel, tu n'arriveras pas
à te maintenir dans une institution d'enseignement, quelle qu'elle soit.
Donc, ce que nous, on cherche à faire, c'est à les amener
à formuler un choix: Qu'est-ce que tu as le goût de faire à
partir de ce que tu as? Veux-tu tout de suite aller sur le marché du
travail avec le bagage que tu as ou aller te chercher quelque chose de
supplémentaire, et là on va t'aider là-dedans ou on va te
référer à d'autres institutions existantes? Mais le
décrochage, c'est dû à l'absence de vision et à
l'absence de moyens des individus.
Pour faire le métier que vous faites, vous
avez une détermination et une volonté, vous croyez en des
choses, sinon vous ne feriez pas ce que vous faites, avec les heures que vous y
passez. L'individu qui n'a pas cette vision, cette volonté-là ne
pourra pas consacrer autant d'énergie qu'il devrait pour
réussir.
Mme Boucher Bacon: Oui, mais, en page 9, vous avez quand
même des ressources humaines, des gens qui aident à ce qu'un jeune
se retrouve.
M. Francoeur: Oui.
Mme Boucher Bacon: Mais, au secondaire, ne croyez-vous pas qu'il
y a des conseillers pédagogiques qui peuvent orienter ces
jeunes-là avant de penser au décrochage scolaire?
M. Francoeur: Madame, nous, on est un organisme communautaire. On
existe parce qu'on voit à satisfaire des besoins qui n'ont pas
été satisfaits par le milieu scolaire. Je ne veux pas
répondre pour le milieu scolaire. Je pense que le milieu scolaire serait
mieux placé que moi pour répondre à une telle question. Ce
que je peux vous dire, c'est que, moi, je me retrouve avec des gens qui ont
moins de 25 ans, qui ont «bummé», qui n'ont pas
réussi à articuler un projet de vie et qui ont besoin quelque
part d'une place où on peut les écouter et où on peut les
aider à formuler ces choix-là et à prendre les moyens
nécessaires.
Pour ce qui est du milieu scolaire, j'aime autant ne pas me prononcer,
mais, par contre, sinon pour dire qu'il ne faut pas penser qu'une
société comme la nôtre peut remettre tout son avenir aux
mains des écoles en termes de formation. L'école est faite pour
répondre à des besoins de M. et Mme Tout-le-Monde, de la moyenne.
Mais les écarts, qu'ils soient en bas ou en haut... Nous, on s'occupe
plus des écarts par en bas. Ils sont laissés a eux-mêmes.
Il n'y a personne. Présentement, on parle, dans le décrochage,
d'une moyenne de 39 % dans les écoles secondaires. C'est-à-dire
que 39 % des étudiants dans les écoles secondaires ne terminent
pas leur secondaire V. C'est catastrophique. Qui s'en occupe de ces
jeunes-là? Certains vont retourner à l'éducation des
adultes, mais, encore là, le modèle qui leur est offert n'est pas
un modèle, règle générale, qui arrive à les
accrocher.
Mme Boucher Bacon: Vous qui avez quand même entendu
plusieurs confessions, quels seraient les moyens à prendre pour
remédier, justement, au décrochage scolaire à ce
niveau-là? Parce que vous parlez des 15 ans à peu près,
15-18 ans. (17 heures)
M. Francoeur: II y a un âge terrible qui est 17 ans; 16, 17
ans, c'est un âge terrible pour bien des jeunes. C'est un âge
où ils pensent qu'ils sont à la veille de devenir des adultes de
plein droit. Ils ont quand même acquis un peu d'expérience. Ils
ont de bonnes connaissances et, des fois, ils prennent des envolées sans
mesurer la portée de l'élan. On met beaucoup de pression sur eux
pour qu'ils réussissent l'enjambée qu'ils ont enclenchée.
Souvent, l'enjambée qu'ils ont enclenchée ne donne pas les
résultats escomptés. Souvent, quand ils tombent, au lieu de les
aider à se relever, on leur dit: Je t'avais dit que tu te casserais la
gueule. Là, on met beaucoup de pression. Ce qu'on aperçoit, c'est
que la pression est trop forte sur les adolescents à 17, 18 ans. Elle
est tellement forte qu'au lieu de sentir une écoute, un soutien, qu'ils
recherchent, ils sentent plus de pression et, là, ils paniquent. Compte
tenu, comme je l'ai dit, qu'ils ont peu de moyens, peu de vision, ils ne sont
pas capables de gérer tout ça et ils s'écrasent. Ils se
mettent sur le bord de la bande et, là, ils sont comme laissés
aux quatre vents.
Nous, la force de notre organisation, c'est d'être capable de
les... Quand ils sont chez nous, ils ne sont pas toujours faciles. Ils ne sont
pas toujours des plus fins avec nous autres, non plus. Sauf que, pendant la
période où ils sont chez nous, ce qu'ils peuvent faire comme
comportement qu'on pourrait juger déviant dans une entreprise ou dans
une institution scolaire, nous, on est quand même un peu plus
tolérants à cet égard-là. On n'accepte pas
ça pour autant, mais on est plus tolérant et on ajuste nos modes
d'intervention. Ce qui fait en sorte qu'au lieu de lui dire qu'il est dehors,
on va lui dire: Viens, on va se parler, et on va prendre les moyens. En bout de
ligne, il y a un objectif, c'est l'obtention d'un emploi. Si tu n'as pas
d'emploi, tu es condamné à une misère sans fin. Donc,
peut-être ce qui fait notre force, c'est notre souplesse et notre
flexibilité de s'ajuster en fonction des individus, ce que les
institutions scolaires ont un peu plus de difficultés à faire,
compte tenu aussi de la mission qu'elles ont et du volume de personnes qu'elles
doivent gérer.
Mme Boucher Bacon: Est-ce que vous me permettez une autre
question?
Le Président (M. Philibert): Le temps est
écoulé.
Mme Harel: Vous pouvez prendre de mon temps.
Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y madame.
Mme Boucher Bacon: Merci. En page 10, vous avez parié de
mesures actives. Les deux ordres de gouvernement privilégient de plus en
plus des mesures dites actives, c'est-à-dire, entre autres, des mesures
d'intégration à l'emploi, de formation professionnelle, de
développement à
l'employabilité comme modes d'intervention sur le marché
du travail. Seriez-vous d'accord pour que de plus grandes parties de fonds
soient consacrées à la politique du marché du travail,
soient investies dans telle mesure active, quitte à réduire les
fonds consacrés au soutien du revenu?
M. Francoeur: je ne répondrai pas l'un ou l'autre. je
pense qu'on a un régime de sécurité du revenu qui doit
satisfaire ce pourquoi il a été créé. par contre,
ce n'est pas parce qu'on reçoit un chèque d'aide sociale que,
pour autant, même si c'est peu, il va nous inciter nécessairement
à trouver un emploi. si on regarde la création de l'aide sociale,
au départ, c'est qu'on incitait les gens à retourner au
marché du travail, compte tenu du peu d'argent qu'on leur remettait, en
disant: bien là, vu que tu as peu d'argent, si tu en veux plus, va
travailler. maintenant, pour accéder au marché du travail, compte
tenu de la compétition qui y règne et des exigences qu'on y met,
ce n'est pas vrai qu'un prestataire de la sécurité du revenu va
nécessairement faire le saut immédiatement de l'aide sociale au
marché du travail. la période de transition entre
l'inactivité et l'activité est de plus en plus grande. lorsqu'on
parlait des adolescents ou même des jeunes qui finissent des
études, qu'ils les complètent ou pas, l'écart entre
l'école et le marché du travail, cette période de
transition est de plus en plus longue et de plus en plus difficile. il y a de
plus en plus de gens qui se cassent la gueule.
Donc, il ne faut pas penser que tu passes automatiquement d'un statut de
prestataire de la sécurité du revenu à celui
d'employé d'une entreprise. Il y a des phases de transition, et ce
pourquoi nous existons, comme d'autres organismes existent, c'est pour faire en
sorte que cette transition-là puisse s'exercer le plus rapidement et le
plus agréablement possible pour maintenir la personne en emploi par la
suite. Il ne faut pas juste lui permettre d'y accéder, il faut lui
donner les moyens pour qu'elle puisse y demeurer et, ultimement,
améliorer sa condition, sinon elle va relâcher. C'est ça,
la difficulté. Il ne faut pas juste penser à court terme, il faut
penser à moyen terme, à long terme, et on peut faire un bout,
comme d'autres peuvent le faire.
Mme Boucher Bacon: Peut-être que Mme Harel va poser la
question. Dans votre clientèle, combien avez-vous de femmes, soit
droguées ou prostituées, qui ont réintégré
le marché du travail?
M. Francoeur: Je dirais, proportionnellement, que 40 % de
l'ensemble des personnes qui viennent chez nous sont des femmes, 60 % sont des
hommes. On a à peu près, à Montréal, quelque chose
comme entre 20 % et 25 % aussi des jeunes qui sont issus des communautés
culturelles qui viennent chez nous. Ça dépend, il y a des cycles
aussi, mais c'est autour de 20 %, c'est sûr. Des fois, on va
jusqu'à 25 %, ça dépend. Ce qu'il faut voir aussi, c'est
que, si on regarde dans le milieu scolaire, si on regarde le secteur
d'adaptation scolaire au secondaire, à 95 % c'est des gars.
Mme Boucher Bacon: Est-ce qu'on réintègre plus
facilement une jeune fille qu'un jeune homme? Ha, ha, ha!
Mme Baillargeon: Bien, elles décrochent moins en tout
cas.
Mme Boucher Bacon: Elles décrochent moins.
Mme Baillargeon: Ce qui est bien, c'est les groupes mixtes, quoi.
C'est bien qu'il y ait des groupes mixtes. Nous, ce qu'on favorise toujours,
c'est que, dans les programmes d'apprentissage, il y ait une mixité.
C'est plus favorable et les gens apprennent davantage que quand ils se
retrouvent juste entre gars ou juste entre filles. Mais je ne dirais pas, a
priori, que c'est plus facile pour une fille.
M. Francoeur: ce qu'on constate, c'est que les gars sont plus
impulsifs dans leur choix. ils sont sans emploi et, rendus chez nous, c'est: je
veux être ça ou ça. puis là, bing, bing, bing.
là, on s'aperçoit qu'après une couple de semaines ce n'est
pas nécessairement ça qu'il voulait faire, mais compte tenu que
son «chum» faisait ça, ou son père, ou son oncle...
les filles vont être moins impulsives. elles vont regarder, elfes vont
prendre plus de temps, mais, lorsqu'elles vont faire leur choix, règle
générale, elles vont le tenir davantage. elles vont être
plus conséquentes par rapport à leur choix.
Le Président (M. Philibert): Alors, merci. La
générosité de la députée de
Hochelaga-Maison-neuve ayant sa limite, elle réclame maintenant le temps
imparti qu'il lui reste.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous salue, M.
Francoeur, Mme Baillargeon et M, Caron. Est-ce que vous êtes devenus un
groupe de coordination pour le fédéral?
M. Francoeur: Ha, ha, ha! Non. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas
essayé. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Francoeur: À Montréal, c'est que la Commission
de l'emploi et de l'immigration du Canada a reçu un certain nombre de
dossiers assez volumineux. On a été retenu...
Mme Harel: Trop tard, après le 19 novembre.
M. Francoeur: Non, on a été retenus, on est dans le
dossier. On est dans la pile de candidats qui ont été
transférés à la CFP, mais le contentieux entre la CFP et
Emploi et Immigration Canada, du moins à Montréal, aux
dernières nouvelles, n'a pas encore été
réglé, et ça, pour avoir discuté avec le directeur
général de la CFP de Montréal. Il nous a mentionné,
il y a un mois, que le contentieux n'était pas encore
réglé à cet égard-là.
Par contre, ce qu'on a vu à Montréal et ce qui nous a
irrités quelque peu, c'est que ce qui était institution scolaire
a reçu le feu vert très, très rapidement. Nous, on a vu la
CECM obtenir de l'argent pour former des conseillers vendeurs en quincaillerie
et matériaux de construction. Nous, on en forme depuis 1985. La CECM
n'en a jamais formé à ce jour et n'avait pas de programme. Ils
ont engagé quelqu'un qu'on connaissait à la pige. Le gars nous a
appelés et a demandé: Pouvez-vous monter le programme pour nous?
Ça fait qu'on a trouvé comme un peu cavalier, encore là,
les gens des institutions scolaires, dans le fond, qu'ils aient profité
de ce qu'ils sont pour chercher les moyens et ne pas être capables de les
gérer adéquatement.
Mme Harel: La CECM n'était quand même pas devenue un
groupe de coordination.
M. Francoeur: Pardon?
Mme Harel: La CECM n'est quand même pas devenue un groupe
de coordination.
M. Francoeur: Oui, les cégeps. Il y a le cégep
André-Laurendeau, Antonio-Barrette, etc. Il y a plein de cégeps
et de...
Mme Harel: Mais la CECM, l'exemple que vous nous donniez...
M. Francoeur: Oui.
Mme Baillargeon: Un centre de formation de la CECM.
M. Francoeur: Bien oui, Antonio-Barrette.
Mme Harel: Un centre de formation, c'est intéressant. Je
suis certaine que le ministre va faire enquête là-dessus.
M. Bourbeau: C'est déjà fait.
Mme Harel: Oui?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Sur Antonio-Barrette?
M. Bourbeau: J'ai déjà placé la
commande.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ah! excellent. J'espère qu'il va pouvoir me
donner la réponse.
M. Francoeur: On connaît aussi des cégeps dans la
région de Montréal qui ont reçu de l'argent dans le cadre
de ces groupes de coordination là.
Mme Harel: II y a des organismes qui ont élaboré
avec des cégeps des projets d'entrepre-neurship à l'intention de
jeunes entrepreneurs, ces groupes de soutien que l'on connaît, et qui
attendaient aussi des réponses, À ce moment-là, ce sont
des groupes de soutien qui ont fait la demande, mais le cours se donne dans le
cadre d'un cégep.
M. Francoeur: Oui, mais, nous, on a fait la même chose
à Montréal qu'à Québec, à Québec, on
a développé des liens avec le cégep de
Lévis-Lauzon. À Montréal, on avait développé
des approches avec la CECM pour donner un cours de commis aux pièces
automobiles et on avait obtenu la participation de la CECM à ce
projet-là. On était prêts à travailler de pair avec
les institutions scolaires. C'est ça que je mentionnais dans la
réponse du ministre tantôt. On est prêts à
travailler, mais, lorsque vient le temps des grandes décisions, on est
comme évincés des fois. C'est ça.
Mme Harel: Je vois que 40 % de votre budget relèvent du
fédéral, dans le cadre du programme de l'intégration
professionnelle. Ça, c'est pour tout ce qui est l'apprentissage?
M. Francoeur: Exact.
Mme Harel: Pour ce qui est de l'apprentissage, ça, le
budget vient du fédéral.
M. Francoeur: Exact.
Mme Harel: Le budget qui vient de Québec, c'est
essentiellement dans le cadre des SEMO.
M. Francoeur: Exact. Mme Harel: C'est 20 %. M.
Francoeur: Exact. Mme Harel: C'est bien ça? M. Francoeur:
Exact.
Mme Harel: II y aurait encore 20 % qui, en fait, consistent en un
revenu généré par les ateliers de réparation...
M. Francoeur: Exact.
Mme Harel: ...donc, autonomes, hein? M. Francoeur:
Oui.
Mme Harel: II y a 10 % qui proviennent de la formation
achetée par des entreprises.
M. Francoeur: Exact.
Mme Harel: Puis, il y a 10 % qui sont de nulle part.
M. Francoeur: Les dons.
Mme Harel: Où sont-ils?
M. Francoeur: Je vous invite. On a...
Mme Harel: Ah! les dons.
M. Francoeur: ...une conférence-bénéfice le
23 mars à Montréal avec Guy Corneau.
Mme Harel: Je sais...
M. Francoeur: On fait aussi des activités de levées
de fonds. C'est beaucoup d'énergie et on souhaiterait peut-être en
faire moins, mais c'est quand même une façon de sensibiliser le
grand public sur ce que nous sommes et aussi la cause pour laquelle nous
travaillons.
Mme Harel: Alors, vous demandez une
représentativité des organismes qui sont représentatifs
eux-mêmes des sans-emploi.
M. Francoeur: Oui. Nous, on pense qu'une société
qui veut voir à développer sa main-d'oeuvre ne peut pas passer
à côté des gens qui sont sans emploi. Toutes les
tribunes... On a parlé de l'emploi dans les 10 dernières
années puis les écrits mentionnent qu'il faut quelque part que
tout le monde puisse participer à ce projet de société
là, qui est de faire en sorte qu'il y ait un plein emploi ou qu'on tende
vers ce plein emploi là. Il ne faut pas délaisser des gens qui
oeuvrent sur le terrain depuis un certain nombre d'années, qui ont une
expertise, surtout auprès des sans-emploi. C'est notre crainte de les
voir délaissés qui nous amène à formuler une
recommandation - pas nécessairement nous - qu'on voit... Je pense que
l'ICA a proposé quelque chose, Au Bas de l'échelle va proposer
quelque chose et je pense que d'autres organismes l'ont aussi
soulevé.
Mme Harel: Le Conseil permanent de la jeunesse
également.
M. Francoeur: le conseil permanent... nous, on considère
que peu importe le mode électif ou le mode de représentation,
quelque part, il y a quelqu'un qui doit prendre la parole pour les sans-emploi
puis inviter les gens à regarder ce qui se passe. là, on est sur
un dossier, on le négocie avec la ftq puis québécor. c'est
un projet particulier d'alternance travail-études et je peux vous dire
qu'à la ftq ce n'est pas évident la réceptivité aux
sans-emploi quand vient le temps de se mettre à table. on peut la
retrouver dans les discours, on peut retrouver une certaine sensibilité,
une certaine écoute, mais, encore, comme avec les institutions
scolaires, quand vient le temps de prendre les décisions, les
sans-emploi ne sont pas toujours les premiers... ce qu'on déclare, nous,
c'est que les sans-emploi sont souvent utilisés comme boucliers ou comme
gourdins, mais jamais considérés comme étant des acteurs
de plein droit.
Mme Harel: Gourdins, vous voulez dire pour remplacer ceux qui
sont déjà en emploi?
M. Francoeur: Comme vous voulez.
Mme Harel: Quand vous parliez tantôt d'une politique, en
voie d'élaboration depuis 10 ans, en matière d'apprentissage,
vous trouviez que l'énoncé était bien...
M. Francoeur: Effectivement. Mme Harel: ...discret.
M. Francoeur: À ma connaissance, Jean Cournoyer, le
ministre du Travail de 1971 jusqu'à 1973, avait même, je pense,
élaboré un projet de politique d'apprentissage. Je ne l'ai jamais
vu, mais c'est ce qu'on m'a dit, si ces ragots-là s'avèrent
véridiques. Je sais qu'au ministère il y a des gens...
Mme Harel: Étiez-vous né à ce
moment-là?
M. Francoeur: Oui, depuis nombre d'années.
Mme Harel: Ah oui? Ah bon!
M. Francoeur: À cet effet-là, on sait qu'il y a du
travail qui s'est fait intensivement dans les dernières années et
on sait qu'il y a quand même des choses et des hypothèses qui sont
sur la table. On regrettait que, dans un énoncé de politique qui
va marquer le terrain, on puisse, dans le fond, n'en parler qu'à la
toute fin et de façon aussi mince. Il y a une richesse qui existe en ce
qui concerne le projet d'apprentissage qui n'est pas rendu transparent. On
aurait souhaité voir cet énoncé-là.
Mme Harel: pourquoi vos, comment dit-on... je n'aime pas le mot
«client». quelle utilisation faites-vous des gens à qui vous
dispensez des services? vos usagers, vos bénéficiaires, vos
clients?
M. Francoeur: Les jeunes.
Mme Harel: Aux jeunes. Bon. Si tant est qu'on l'est toujours
à 25 ans... Bon, oui, dit-on, on l'est, en tout cas jusqu'à 30
ans.
M. Bourbeau: Ça dépend de l'individu.
Mme Harel: Pourquoi est-ce que, progressivement, au fil des
années récentes, l'âge des jeunes à qui vous
dispensez des services s'est haussé? Quels sont les facteurs qui
expliquent ça selon vous?
M. Francoeur: Le premier facteur, c'est...
Mme Harel: À l'origine, c'était beaucoup plus
jeune. Moi, j'ai connu Intégration jeunesse...
M. Francoeur: Oui. Mme Harel: ...autour de... M.
Francoeur: 15-18. Mme Harel: Oui, c'est ça.
M. Francoeur: La clientèle première était
les 15 à 18, ensuite elle est passée de 15 à 24 et,
là, elle est de 18 à 30.
Mme Harel: Est-ce que c'est à cause des
financements...
M. Francoeur: C'est à cause...
Mme Harel: ...des gouvernements? En d'autres termes, le
gouvernement ne finance que lorsque le jeune n'est plus d'âge scolaire.
Pensez, par exemple... Moi, j'ai un organisme dans mon quartier, REVDEC, qui va
offrir à des jeunes décrocheurs de 9 ans, 10 ans, 11 ans, 12 ans,
13 ans... J'y ai amené le ministre de l'Éducation et il
l'ignorait, parce qu'il disait que la loi est à l'effet que tout le
monde doit fréquenter l'école. Mais, il y a des milliers de
jeunes qui ne fréquentent pas l'école. Ils ne peuvent recevoir
aucun financement de personne parce que la loi est ainsi faite que ce n'est pas
supposé se passer comme ça. (17 h 15)
M. Francoeur: Non. Ce qui a motivé le choix de
l'organisation, c'est qu'il y a eu une loi d'aide sociale qui a
été modifiée il y a quelques années et qui a mis un
groupe d'âge, qui est les 18-30 ans. Donc, c'est des gens qui recevaient
des prestations de niveau x et qui étaient référés
par leurs agents à notre organisation. Donc, ce qu'on a voulu faire
à l'époque, c'est de considérer un concept qui est fe
concept de jeunes adultes, c'est-à-dire un écart qui existe entre
l'école et le marché du travail ou une période
d'inactivité qui se prolonge, qui est due au fait que tu n'as pas
accumulé suffisamment d'expérience, suffisamment
d'ancienneté, suffisamment de connaissances pour pouvoir t'implanter.
Donc, le concept de jeunes adultes fait état de cette
transition-là qui s'allonge de plus en plus. Probablement, si on
continue, à 35 ans, on va être encore jeune, d'ici 5 ans. Dans le
fond, le concept...
Mme Harel: Mais on est déjà trop vieux à 40
ans, par exemple.
M. Francoeur: Nous, on travaille avec les gens qui n'ont pas pu,
dans le fond, s'ancrer, minimalement pour eux, une fois sur le marché du
travail, des gens qui sont en alternance entre le travail précaire et le
chômage. Les jeunes, à quelque part... On arrivera jusqu'à
65 ans s'il le faut, mais, si on arrive, dans une société comme
la nôtre, à ne pas pouvoir s'ancrer sur le marché du
travail minimalement à notre âge, dans nos bas âges, on a
des petits problèmes. Nous, on est réceptifs aux jeunes qui ne
sont pas capables de s'ancrer pour une première fois sur le
marché du travail. C'est les gens à qui on s'adresse.
Mme Harel: Très bien. Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): Alors, au nom des membres de
la commission, permettez-moi de vous remercier pour votre participation
à cette commission parlementaire. Je vous demanderais maintenant de vous
retirer, de telle sorte qu'on puisse accueillir le YMCA de Montréal.
Mme la représentante du YMCA de Montréal, bienvenue
à cette commission. Je vous demanderais, pour les fins du Journal des
débats, de vous identifier. Je vous signale que vous avez 20 minutes
pour la présentation de votre mémoire et que le
représentant ministériel a également le même temps
ou, enfin, le temps qui lui convient pour vous interroger, de même que
l'Opposition officielle. Alors, madame, si vous voulez vous identifier et nous
gratifier de votre mémoire.
YMCA de Montréal
Mme Anania (Silvana): Oui. Moi, je suis Silvana Anania. Je suis
la porte-parole du YMCA de Montréal, toute seule, et au nom du YMCA et
en mon nom, j'aimerais remercier la commission des affaires sociales de nous
accorder la possibilité de présenter la position du YMCA de
Montréal concernant l'énoncé. J'espère que notre
représentation fera la lumière sur nos préoccupations
contre l'énoncé proposé.
Premièrement, j'aimerais prononcer quelques mots sur notre
organisme. Il va sans dire que le YMCA de Montréal est
déjà connu dans les domaines de l'éducation physique et du
développement communautaire. Néanmoins, nos
antécé-
dents historiques dans le développement des mesures de rechange
pour répondre aux lacunes du réseau institutionnel sont dignes de
mention. En effet, au cours des années vingt, le YMCA de Montréal
a reconnu que le système d'éducation ne répondait
guère aux besoins des employés qui désiraient
adhérer à des programmes de formation en vue de se recycler ou de
se resituer sur le marché du travail. À cette époque, les
collèges et les universités étaient exclusivement
réservés aux personnes qui pouvaient bien se permettre le luxe
d'étudier à temps plein. Nous avons donc été
considérés comme des pionniers lorsque nous avons mis de l'avant
des programmes d'études en soirée dans des domaines
variés. Cette initiative est devenue le collège Sir George
Williams, aujourd'hui connu sous le nom d'Université Concordia, dont le
YMCA est le fondateur.
Notre engagement actuel envers les sans-emploi... Notons, entre autres,
que les jeunes, les personnes ayant eu des démêlés avec la
justice, les minorités ethniques et culturelles, les
bénéficiaires de l'aide sociale et de l'assurance-chômage
témoignent de notre expérience dans la création et la
prestation des mesures en em-ployabilité. Notre plus récente
initiative s'adresse plus spécifiquement aux décrocheurs
scolaires potentiels au niveau secondaire et nous a permis de définir un
cadre de travail pour tenter de comprendre et d'élucider à un
stade précoce les problèmes des jeunes sans-emploi.
Pour être plus précis, le YMCA de Montréal a trois
grands projets. Il y en a un qui vise les jeunes sans-emploi issus des
minorités visibles, qui est financé par le fédéral.
Nous avons un programme qui vise les ex-détenus qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale financé par le programme
SEMO et nous avons aussi un programme, qui s'appelle le Centre Entreprise
Jeunesse, qui vise les jeunes sans-emploi qui désirent créer leur
emploi ou une entreprise. Il est aussi financé par le gouvernement
fédéral. par ailleurs, le ymca est également un employeur.
à ce titre, il comprend les besoins d'élaborer une politique
concernant la formation des employés, et ce, à partir d'une
position avantageuse. en effet, en considérant que le ymca compte plus
de 250 employés à temps plein et presque 1000 employés
à temps partiel, le ymca est confronté quotidiennement à
des problèmes reliés à la revalorisation des postes
occupés par ses employés.
Permettez-moi maintenant de me prononcer plus spécifiquement sur
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. En général, nous sommes d'accord avec les
principes stipulés dans l'énoncé. Le contexte dans lequel
s'insère le document est excellent. Néanmoins, nous sommes d'avis
que certains éléments importants ont été omis dans
ledit document.
Premièrement, en 1987, le gouvernement provincial lui-même
a admis que le programme de prestation de l'aide sociale était devenu
incon- trôlable, ce qui était imputable principalement au fait que
le programme était érodé par le nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale considérés comme
aptes au travail. Cette perspective s'est concrétisée par
l'élaboration de la réforme de l'aide sociale. Cette
réforme a créé des mesures incitatives pour les personnes
qui prendraient part à des programmes gouvernementaux en vue de les
aider à entrer sur le marché du travail et, parallèlement,
des mesures punitives envers les personnes qui n'y prendraient pas part. Nous
ne voulons pas débattre notre opinion sur la réforme de l'aide
sociale. Nous avons déjà fait ça aux audiences publiques.
Cependant, nous soulignons ce contexte dans la mesure où le gouvernement
lui-même a transformé son système de sécurité
du revenu pour s'engager davantage dans le développement des aptitudes
afin de répondre aux besoins en emploi des bénéficiaires
de l'aide sociale.
Maintenant, dans vos propres mots, à la page 57 de
l'énoncé, vous référez à ce programme comme
à un programme social. Nous considérons cette approche un peu
contradictoire. Quelques années plus tard, le gouvernement
fédéral, à son tour, décidait d'étudier son
programme d'assurance-chômage et est parvenu au même genre de
conclusion. Subséquemment, le programme d'assurance-chômage a
été modifié de la façon suivante. Le gouvernement
fédéral ne contribue plus financièrement à ce
programme et, d'autre part, la création de nouvelles lignes directrices
a permis d'investir massivement dans la formation des
bénéficiaires de l'assurance-chômage en vue de favoriser
leur intégration au marché du travail.
Par ailleurs, nous pouvons difficilement omettre que d'autres fonds sont
déjà alloués par le gouvernement fédéral par
le biais du Programme de développement de l'emploi destiné non
seulement aux sans-emploi mais également aux bénéficiaires
de l'aide sociale, aux personnes fortement défavorisées sur le
plan de l'emploi, aux femmes qui souhaitent réintégrer le
marché du travail, etc. Pourtant, l'énoncé, pour nous,
s'intéresse très peu à toute la question de la formation
des sans-emploi, mais parle beaucoup du rapatriement des pouvoirs
fédéraux dans la formation.
D'autre part, tel que stipulé dans notre mémoire, nous
sommes d'avis que le partenariat entre les principaux intervenants
concernés par le développement de la main-d'oeuvre
engendré par la création de la Société doit
être également responsable de développer des programmes
d'employabilité destinés à la main-d'oeuvre
défavorisée. Nous devons mobiliser et préparer cette
ressource inexploitée afin qu'elle adhère activement au
marché du travail du Québec. Cela pourra se produire dans la
mesure où le gouvernement du Québec accordera la même
priorité pour former les sans-emploi que celle accordée pour la
formation de la main-d'oeuvre active.
J'aimerais maintenant soulever la question des partenaires
représentatifs autres que le gouvernement, les associations patronales
et les syndicats. Historiquement, les organismes communautaires ont joué
un rôle prépondérant et dispensent aujourd'hui un service
important de formation aux personnes désavantagées sur le
marché du travail. Ces organismes ont le potentiel pour accroître
la participation et la prestation de programmes de formation.
De plus, les organismes communautaires sont une source indéniable
de représentation pour plusieurs personnes à la recherche de
mesures équitables pour intégrer le marché du travail. Ces
organismes travaillent quotidiennement auprès de ce public cible et sont
sensibilisés aux barrières que cette population doit franchir
pour répondre aux exigences du marché du travail.
Les corporations de développement économique et
communautaire et les organismes communautaires engagés dans les
différents mouvements de la masse ont démontré leur
habileté à répondre aux besoins locaux des
communautés. De plus, ils ont assuré l'accessibilité aux
programmes de formation à l'emploi destinés aux personnes qui ne
peuvent pas ou qui ne veulent pas prendre part aux programmes de formation
offerts par une institution publique d'éducation.
Il est donc impératif que le secteur communautaire soit
directement représenté à l'échelle provinciale et
régionale à titre d'intervenant à la formation et de
représentant des Québécois qui démontrent de
sérieuses lacunes dans l'acquisition des compétences. On note,
entre autres, les femmes, les autochtones, les personnes ayant une
déficience, les minorités visibles, les
bénéficiaires de l'aide sociale, etc.
En outre, nous exhortons le gouvernement à désigner des
sièges à la Société, aux deux paliers
susmentionnés, pour des représentants des organismes
communautaires, et ce, dans une proportion égale à celle
concédée aux associations patronales et aux syndicats oeuvrant
dans le secteur privé. Nous aimerions ajouter que nous appuyons les
positions émises par d'autres organismes concernés, notamment
l'Institut canadien d'éducation des adultes, les CEDEC, etc., et que
nous sommes prêts à octroyer à l'Institut canadien
d'éducation des adultes le mandat de procéder à la
consultation des organismes communautaires en vue de désigner des
représentants qui siégeront à la
Société.
Il y a aussi la référence à la Commission
canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre qui est faite dans
l'énoncé qui parle de la Commission comme d'un modèle de
concertation. Même à la Commission canadienne, il y a quatre
sièges qui sont désignés pour les quatre groupes
d'équité, c'est-à-dire les femmes, les minorités
visibles, les autochtones et les handicapés. Alors, en tant que
modèle qui existe déjà, je pense que la Commission
canadienne a donné des sièges à des groupes cibles qui
sont des groupes d'équité.
Dans notre mémoire, nous avons également souligné
l'importance d'investir dans la formation d'entrepreneurs qui désirent
démarrer leur propre entreprise. Le Centre Entreprise Jeunesse du YMCA
de Montréal et bon nombre de programmes destinés aux
entrepreneurs au Québec et ailleurs ont fait preuve de succès en
offrant des services au démarrage d'entreprises. La formation doit
être disponible pour répondre aux besoins des aspirants
entrepreneurs, y compris les personnes défavorisées sur le
marché du travail.
L'emploi autonome n'est pas identifié comme une option valable
dans le document sur l'énoncé de politique alors qu'il devrait
l'être. Cette option est d'autant plus pertinente alors que le
gouvernement s'apprête à s'approprier le budget
fédéral qui alloue présentement une somme à des
programmes d'aide à l'emploi autonome.
En guise de conclusion, le YMCA de Montréal est encouragé
par l'initiative de changement énoncé à la politique et
l'importance particulière accordée au développement de la
main-d'oeuvre, une importance fondamentale qui s'inscrit dans l'histoire et
dans la mission du YMCA. Nous exhortons néanmoins le gouvernement
à considérer les propositions élaborées au
présent document. Merci beaucoup.
Le Président (M. Philibert): Merci, madame. M. le
ministre. (17 h 30)
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement
plaisir de recevoir la représentante du YMCA de Montréal, un
organisme éminemment représentatif et qui a un passé assez
glorieux dont les réalisations sont connues. Je vais passer la parole
tout à l'heure à certains de mes collègues qui
souhaiteraient poser quelques questions à notre invitée.
J'aimerais simplement revenir sur la représentation à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Vous nous avez exprimé tout à l'heure l'opinion
que nous devrions admettre, comme membres de la Société, des
représentants des groupes cibles: les femmes, les autochtones, les
handicapés et les communautés culturelles. Par contre, il y a
d'autres groupes qui sont venus ici et qui nous ont demandé aussi
d'admettre les organismes communautaires, les travailleurs non
syndiqués, les jeunes. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'on
devrait admettre ces groupes-là dont je viens de parier aussi?
Mme Anania: Moi, je n'ai pas d'opinion si ça devrait
être par groupes cibles ou par domaines d'activité au niveau des
organismes communautaires. Je pense que l'esprit, c'est qu'il y a des
organismes communautaires qui représentent les intérêts des
sans-emploi, les intérêts de certaines personnes, comme les femmes
et les minorités visibles. En ce sens, que ce soit la
formule des groupes cibles, comme le gouvernement canadien a fait avec
la Commission canadienne, ou que ce soit une autre formule, je n'ai pas
d'opinion fixe sur ça. Je veux quand même que la
Société représente toute cette partie qui défend
les intérêts des sans-emploi et qui défend les
intérêts de certains groupes cibles qui devraient peut-être
être présents au niveau de la Société.
M. Bourbeau: Est-ce que, selon vous, le YMCA devrait avoir un
siège à la Société québécoise?
Mme Anania: non, je ne pense pas que c'est le ymca de
montréal qui devrait avoir un siège. le ymca peut avoir un
siège en tant qu'organisme communautaire. ça se peut que le ymca
pose sa candidature si les sièges existent, mais...
M. Bourbeau: Vous n'auriez pas d'objection, quoi.
Mme Anania: Non, pas du tout. Je pense qu'on peut défendre
les intérêts, mais je ne présente pas cette perspective
pour que le YMCA soit là, je la présente pour les organismes
communautaires plutôt.
M. Bourbeau: M. le Président, je pense que nous avons des
collègues qui voudraient poser des questions.
Le Président (M. Philibert): Oui. Alors, M. le
député de Deux-Montagnes. Mme la députée de
Bourget, également.
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Premièrement,
je voudrais vous féliciter. Vous avez fait l'historique de votre
organisme qui, depuis 1921, comme vous le mentionniez, se dévoue pour
nos jeunes. Dans vos moyens d'action, il y a quelque chose qui me surprend ici,
qui me surprend heureusement, je dois dire, c'est le programme de
préparation à l'emploi. Est-ce que vous pourriez élaborer
un peu là-dessus? Ça me surprend énormément. Moi,
je pensais que le YMCA, c'était plutôt un regroupement de jeunes
pour éviter la délinquance, le décrochage, et tout
ça. Vous avez un programme de préparation à l'emploi. En
quoi ça consiste, ça?
Mme Anania: Comme je l'ai dit, nous avons deux programmes de
préparation à l'emploi: un qui vise les jeunes de 18 à 30
ans qui sont issus des minorités visibles et un autre qui vise les
ex-détenus qui sortent de prison. Ce sont des programmes qui aident
précisément à changer certains comportements et certaines
habilités au niveau de leur capacité de s'intégrer dans un
environnement qui est le marché du travail; par exemple, un jeune qui a
une très mauvaise estime de soi, un jeune qui n'est pas capable de
prendre des décisions, un jeune qui aurait des problèmes de
communication, un jeune qui ne sait pas comment se fixer un horaire de 9
à 5. C'est un programme préparatoire dans le sens que ça
ne l'aide pas au niveau d'une formation professionnelle, mais plutôt au
niveau de la formation à la base pour qu'il apprenne certains
comportements qui vont l'aider à mieux s'intégrer dans le
marché.
M. Bergeron: Merci. J'ai une autre question ici. Justement,
ça rejoint un peu la question du ministre tout à l'heure qui
demandait si vous vouliez avoir un siège au conseil d'administration. En
fait, tout à l'heure on avait Intégration jeunesse du
Québec qui demande un siège. Il y a plusieurs intervenants qui
sont venus. On a le YMCA, on a les clubs optimistes, on a les clubs Kiwanis, on
a des organismes communautaires. Je pense qu'on n'a pas assez de nos dix doigts
pour tous les compter. Comment pourrait-on arriver à une solution pour
qu'il y ait un représentant de ces organismes-là? Je pense bien
que chacun des organismes ne peut pas être représenté sur
ces conseils-là. De quelle façon on pourrait avoir un
représentant qui représenterait tous les organismes
communautaires? Premièrement, est-ce que c'est faisable de faire un
genre de réunion où vous auriez un porte-parole qui pourrait
siéger sur ce comité-là?
Mme Anania: Je peux vous donner l'exemple que le gouvernement
fédéral a utilisé quand il voulait avoir les quatre
personnes au niveau de la Commission canadienne. Au niveau des femmes, c'est le
Conseil national du statut de la femme qui a fait les consultations
auprès des groupes de femmes et qui a envoyé, si vous voulez, des
candidats qui étaient intéressés à siéger.
C'est le Conseil national qui a choisi le candidat qui avait les meilleures
qualifications pour le faire.
Alors, je pense qu'il faut avoir des critères. Ce n'est pas
d'envoyer quelqu'un qui n'aurait pas nécessairement d'expérience
dans la formation, qui n'aurait pas une certaine qualification. Ça,
ça peut se faire au niveau des critères du candidat idéal
pour le siège. Comme j'ai expliqué, vous pouvez demander à
un organisme comme l'Institut canadien d'éducation des adultes s'il est
prêt à être, si vous voulez, l'organisme qui consulte
d'autres organismes à propos de ce choix des candidats.
M. Bergeron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Bourget.
Mme Boucher Bacon: Je remercie Mme du YMCA de Montréal.
J'ai commencé mes premières armes dans le développement
communautaire et le développement de l'enfance chez vous. Alors, il
y
a de ça 25 ans. On travaillait sur le Plateau-Mont-Royal.
À l'époque, ce n'était pas drogue et prostitution,
c'était violence conjugale et alcoolisme. Pour bien connaître
votre organisme, je vous félicite pour votre travail.
Pour revenir à un problème plus pointu, vu que vous avez
de l'expérience sur le terrain en ce qui concerne la formation
professionnelle, vous n'êtes pas assez explicite pour les entreprises -
ce n'est pas une question-piège, là - sur le crédit
d'impôt comme mesure incitative. Est-ce que vous pourriez élaborer
là-dessus?
Mme Anania: Moi, je suis complètement en accord avec un
système qui peut aider les entreprises à investir dans la
formation. Je vois une autre façon qui serait d'avoir une taxe de 1 %
sur chaque employé de l'entreprise, comme l'assurance-maladie, qui au
moins assurerait que l'argent soit là pour faire la formation
auprès des entreprises privées. Alors, je suis pour le principe.
La modalité... Je pense qu'il y a beaucoup de façons de le
faire.
Mme Boucher Bacon: O.K. En plus, vous demandez des clarifications
des pouvoirs de la Société du gouvernement au sujet de certains
programmes qui seront assujettis à la tarification. Avez-vous des
suggestions à ce sujet?
Mme Anania: Je pense que la crainte que nous avons c'est
plutôt que la tarification s'applique aux programmes qui sont
financés par le gouvernement. Si c'est une tarification qui est
applicable aux programmes de formation financés par l'entreprise
privée, il n'y aura pas de question. Mais, quand vous parlez de
tarification, les programmes qui sont issus de fonds publics, il y aura des
préoccupations face à ce genre d'affaire.
Mme Boucher Bacon: Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous salue, Mme
Anania. Le YMCA francophone est dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. J'ai le
plaisir et le privilège d'utiliser les services de ce YMCA deux fois par
semaine. Ce qui est intéressant c'est que ce sont des centres où
on retrouve des personnes de tout âge, de toute condition sociale. Les
services qui sont offerts le sont d'une façon
«intergénérationnelle». Ça brise
l'espèce de ségrégation selon l'âge qu'on retrouve
beaucoup dans la société nord-américaine où,
finalement, on a peu d'occasion, comme c'est encore le cas, par exemple... Les
communautés culturelles nous donnent souvent l'occasion de constater
à quel point elles offrent des activités qui s'adressent aux
membres de la communauté de tout âge. Alors, c'est quand
même un aspect très spécifique du YMCA. C'est très
heureux qu'il en soit ainsi, à moins que ce soit juste celui qui est
dans mon secteur qui agit de cette façon, mais j'imagine que c'est comme
ça partout.
En plus du fait de la représentation des sans-emploi que vous
souhaitez voir confirmer au sein de la Société, tout au long de
votre mémoire, vous insistez sur le fait que, dans les transferts qui se
feront éventuellement de budgets fédéraux vers la gestion
par le Québec... Ces budgets fédéraux jusqu'à
maintenant étaient dirigés surtout vers la formation
destinée aux sans-emploi et aux groupes fortement
défavorisés, tandis que l'énoncé de politique,
finalement, s'attaque plus particulièrement à la formation de la
main-d'oeuvre active. Vous voyez peut-être là une
difficulté qui peut se présenter. Je crois comprendre qu'il y a
là une inquiétude, tout au moins, que vous exprimez. Est-ce que
c'est bien le cas?
Mme Anania: Je pense qu'une des craintes c'est l'utilisation des
fonds de l'assurance-chômage. Si le gouvernement du Québec, avec
succès, rapatriait ces fonds, ce n'est pas clair dans
l'énoncé, mais il y a quand même des sections qui parlent
de l'utilisation de ces fonds pour des clientèles autres que les
chômeurs, comme, par exemple, pour les employés qui ont des
emplois précaires. La crainte... C'est que les fonds qui ont
été créés par les coupures des
bénéficiaires de l'assurance-chômage doivent être
réinvestis vers les bénéficiaires de
l'assurance-chômage, parce que ce sont eux qui ont souffert des coupures.
Je pense que c'est pour eux autres qu'on doit investir dans le futur.
Mme Harel: Les fonds qui originent de la caisse
d'assurance-chômage sont dédiés à des prestataires
d'assurance-chômage. Ici, en commission, le ministre a confirmé
que, de toute façon, si tant est qu'il en obtienne la gestion, il
n'aurait pas le transfert pour autant de la juridiction. Ce n'est pas ce qui
est recherché par le ministre. Donc, ces fonds continueraient à
être, pour ceux-là, dédiés, si vous voulez, aux
prestataires de l'assurance-chômage.
Si on examine les fonds qui, eux, viennent d'Emploi et Immigration
Canada et qui, eux, très souvent, étaient utilisés pour
les groupes cibles dont vous nous parlez, donc pour les clientèles
fortement défavorisées, ce qui est réclamé par
Québec, nous a dit le ministre, c'est l'ensemble des compétences,
des juridictions et des fonds. À ce moment-là, la grande
question, c'est: Est-ce que les clientèles qui, jusqu'à
maintenant, pouvaient bénéficier d'un certain nombre de
programmes se verront écarter du fait que les programmes retenus dans
l'énoncé sont essentiellement ceux qui s'adressent à des
pénuries de main-d'oeuvre pour les entreprises, ou encore à des
travailleurs licenciés, ou a des personnes qui, individuellement, nous
dit-on, auraient une
demande de formation, mais que c'est encore dans un contexte de
pénurie?
Ça, ça reste un élément qui exige
peut-être encore plus une représentation des sans-emploi au sein
de la société mère pour faire en sorte que tous ces
transferts ne se passent pas en oubliant des clientèles qui sont les
plus fortement défavorisées. Dans l'énoncé, par
ailleurs... Le YMCA, quand vous offrez ses dffférents services, c'est
toujours dans le cadre de programmes qui sont financés, je pense,
hein?
Mme Anania: Oui.
Mme Harel: Par le fédéral, essentiellement?
Mme Anania: Comme je l'ai dit, nous en avons deux par le
fédéral et un par le provincial. C'est un SEMO.
Mme Harel: C'est un SEMO.
Mme Anania: Oui.
Mme Harel: Un SEMO pour les détenus?
Mme Anania: Oui.
Mme Harel: Les deux autres le sont par les programmes
d'intégration du fédéral. C'est dans le cadre du programme
d'intégration?
Mme Anania: Oui, l'intégration professionnelle.
Mme Harel: Les cours qui sont offerts à des personnes qui
veulent améliorer leur sort et qui sont dans des emplois, le YMCA offre
aussi ce genre de cours, des cours du soir, ou des cours de langue, ou des
cours de perfectionnement?
Mme Anania: Nous offrons actuellement des cours de langue
à deux endroits, au centre-ville et dans l'est de Montréal. Nous
commençons actuellement à regarder des cours de formation
professionnelle, par exemple les cours sur les systèmes informatiques.
Le problème, c'est qu'il y a une grande expansion avec les commissions
scolaires dans ce qu'on appelle l'éducation permanente. Pour nous,
commencer à compéti-tionner avec tout ça, ce serait trop
difficile. Alors, c'est quelque chose qu'on doit regarder.
Mme Harel: Avez-vous cherché, vous aussi, à devenir
un groupe de coordination?
Mme Anania: Oui.
Mme Harel: L'êtes-vous devenu?
Mme Anania: Non.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Anania: On a essayé dans le sud-ouest de
Montréal. En tout cas, ça a été arrêté
au moment où nous avons commencé à négocier
à cause des problèmes entre le fédéral et le
provincial, alors nous avons décidé de nous désister.
Mme Harel: Le mémoire que vous nous présentez
laisse croire que la main-d'oeuvre active se verra offrir de la formation. Vous
savez que, depuis le début des travaux de cette commission, ce que l'on
se fait identifier comme problème, c'est justement que la main-d'oeuvre
active, qui n'est pas dans des entreprises de pointe qui ont des plans de
ressources humaines ou, encore, qui n'est pas désignée pour
participer à ces plans de ressources, même si elle est dans ces
entreprises, a relativement peu d'offres de formation ou de perfectionnement
parce que presque tous les budgets sont en décroissance, autant les
budgets des réseaux d'éducation que les budgets de main-d'oeuvre.
Est-ce que cette clientèle vous sollicite au YMCA pour répondre
à des demandes de formation?
Mme Anania: La seule demande que nous avons eue actuellement,
c'est dans l'entreprise privée et c'est pour les programmes
d'alphabétisation dans l'entreprise. Ce n'est pas un secteur où
nous avons beaucoup d'expérience. C'est une demande qui commence
actuellement à arriver au YMCA, mais c'est pour des programmes qui sont
donnés dans l'entreprise elle-même. Alors, c'est un autre secteur
qu'on va probablement regarder parce que le grand problème avec les
analphabètes, c'est qu'ils ne veulent pas aller vers les institutions.
Alors, si les programmes de formation peuvent se faire sur place, il y aura
probablement un plus grand succès pour rejoindre cette population.
Mme Harel: À ce moment-là, le programme sera offert
pendant les heures de travail ou à l'occasion de...
Mme Anania: Ça, c'est à l'entreprise à
décider, mais la volonté est là, chez certaines
entreprises, de commencer à regarder ce phénomène.
Mme Harel: Je veux vous remercier d'être venue, Mme Anania.
Vous savez, votre point de vue est important et il a été repris
par un certain nombre d'organismes. J'ai eu le sentiment, cette semaine, que
ça avait traversé, d'une certaine façon... Moi, je
m'attends à une réponse positive du ministre au moment où
nous étudierons le projet de loi.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: Pour l'instant, M. le Prési-
dent, on écoute et on réfléchira après. De
toute façon, votre point de vue est intéressant et il a
été très bien reçu. Je vous remercie.
Mme Anania: Merci.
Le Président (M. Philibert): Madame, vous avez dignement
représenté le YMCA de Montréal. Au nom des membres de la
commission, je vous remercie de votre présentation et je vous souhaite
un bon retour à Montréal. Nous ajournons maintenant les travaux
au 10 mars 1992, à 15 h 30.
(Fin de la séance à 17 h 51 )