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(Neuf heures cinquante-deux minutes)
Le Président (M. Philibert): À l'ordre, s'il vous
plaît. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires
sociales se réunit afin de procéder à une consultation
générale et tenir des audiences publiques sur le document de
consultation intitulé «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408 - Loi
sur la Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Houde
(Berthier) est remplacé par M. Tremblay (Rimouski); M. Joly (Fabre) par
M. Fradet (Vimont); M. Marcil (Salaberry-Soulanges) par M. Doyon
(Louis-Hébert); M. Paradis (Matapédia) par M. Maltais (Saguenay)
et M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par Mme Harel
(Hoche-laga-Maisonneuve).
Le Président (M. Philibert): Mmes et MM. les
remplaçants, bienvenue à cette commission. Maintenant, je donne
l'ordre du jour pour la journée. À 9 h 30, nous recevons le
Conseil québécois du commerce de détail; à 10 h 30,
la ville de Québec; à 11 h 30, Mme Andrée Beau-lieu-Green.
Nous suspendons à 12 h 30. Nous reprenons à 14 heures avec le
Centre de recherche-action sur les relations raciales; à 15 heures, La
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec; à 16 heures, SECODEV, groupe-conseil 1990
inc; à 17 heures, Regroupement pour la relance économique et
sociale du sud-ouest de Montréal; à 18 heures, Regroupement des
organismes-travail de la région de Québec.
Le temps pour les intervenants... Nous disposons d'une heure par
intervenant: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20
minutes à la disposition du gouvernement et 20 minutes à la
disposition de l'Opposition.
Nous allons entendre maintenant le Conseil québécois du
commerce de détail. Mme ou M. le représentant, je vous inviterais
à vous présenter d'abord et à nous indiquer les personnes
qui vous accompagnent.
Conseil québécois du commerce de
détail
M. Lafleur (Gaston): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné, à ma gauche immédiate...
Le Président (M. Philibert): Vous êtes
monsieur...
M. Lafleur: Pardon. Gaston Lafleur, du Conseil
québécois du commerce de détail. À ma gauche
immédiate, Mme Lyne Nadon, qui représente l'Association des
détaillants en alimentation; à ma gauche éloignée,
M. André Dupras, qui représente aussi le Conseil
québécois du commerce de détail, et, à ma droite,
M. Robert Lavallée, qui représente le Conseil canadien de la
distribution alimentaire.
Je tiens à vous remercier, M. le Président, ainsi que M.
le ministre et les membres de cette commission, pour nous donner
l'opportunité de vous présenter notre point de vue sur
l'important énoncé de politique fait par le gouvernement,
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif», et le projet de loi 408. Les positions qui vous
seront exprimées aujourd'hui le seront non seulement au nom du Conseil
québécois du commerce de détail, mais aussi avec l'appui,
le support et la participation des deux organismes, qui sont
représentés ici, à savoir l'Association des
détaillants en alimentation du Québec et le Conseil canadien de
la distribution alimentaire. Quant au Conseil québécois du
commerce de détail, nous représentons une grande partie de
l'ensemble du secteur du commerce de détail au Québec. Nous
sommes affiliés au Conseil canadien du commerce de détail.
Le Conseil tient à indiquer à prime abord que nous avons
eu l'occasion de participer dans l'élaboration du mémoire que le
Conseil du patronat du Québec a déjà
présenté à cette commission et nous supportons la position
que le Conseil du patronat du Québec a présentée
récemment. Nous n'avons donc pas l'intention de discuter les divers
aspects qui ont déjà été discutés par cet
organisme lors de l'audition qui a été faite ici au début
de février. Cependant, nous entendons, de notre côté,
présenter notre opinion et notre point de vue sur l'aspect fondamental
de l'orientation d'une politique de développement de main-d'oeuvre qui
implique un partenariat efficace et durable.
Le document de consultation contient dans son ensemble les quatre grands
problèmes qui ont été identifiés par le
gouvernement et qui ont amené à l'identification des quatre
grands objectifs fixés par ce dernier, c'est-à-dire: contrer le
sous-investissement dans le développement de la main-d'oeuvre; instaurer
un véritable partenariat; éliminer la lourdeur, la
complexité et la confusion des régimes de gestion des programmes
de main-d'oeuvre et, finalement, favoriser un meilleur arrimage de la formation
et du marché du travail.
Ce document, selon nous, identifie très
clairement et à juste titre l'importance d'établir un
partenariat efficace entre tous les acteurs impliqués et l'importance
majeure de la concertation. Nous sommes évidemment en accord avec ces
objectifs. Nous aimerions cependant traiter de la stratégie mise de
l'avant par l'énoncé de politique du gouvernement relativement
à l'instauration d'un véritable partenariat. C'est cet aspect qui
nous intéresse particulièrement et qui a été
présenté par le biais du projet de loi 408, par le projet de
création d'une Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre.
Il est évident que le développement de la main-d'oeuvre et
des ressources humaines, je pense qu'on le reconnaîtra, représente
un moyen et non pas une fin. En effet, le développement de notre
main-d'oeuvre est essentiel pour permettre d'atteindre un développement
durable de l'économie québécoise qui se veut ouverte sur
le monde. Les impératifs du commerce international et la mondialisation
de l'économie placent le Québec dans une situation où
l'ensemble de nos secteurs économiques doit être en mesure de
répondre rapidement au grand défi que posent ces nouveaux
phénomènes. En ce sens, nous croyons que toute politique de
développement de la main-d'oeuvre doit servir les impératifs
économiques et surtout répondre aux besoins spécifiques
ponctuels et fort différents des divers secteurs économiques.
À notre point de vue, il n'y a aucun doute qu'un partenariat
efficace et durable doit représenter la pierre angulaire et l'objectif
primordial à atteindre si l'on veut vraiment penser à une
politique de développement de fa main-d'oeuvre qui répond
vraiment aux besoins auxquels seront confrontés nos entreprises et nos
travailleurs pour relever les défis qui nous attendent. Cependant, nous
croyons que la structure préconisée par le projet de loi 408, qui
est en fait l'instrument prévu par le gouvernement, englobe d'une
manière beaucoup trop vaste et trop étendue la
problématique reliée au développement de la main-d'oeuvre.
Telle que conçue, cette structure engendrera, selon nous, une
centralisation et probablement la création d'un mégaorganisme qui
risque de ne pas répondre efficacement et adéquatement aux vrais
besoins et aux vraies priorités tels qu'identifiés par les
entreprises et les travailleurs des divers secteurs économiques.
Nous croyons que la véritable façon d'atteindre un
partenariat efficace au sein d'une structure telle que préconisée
par le projet de loi 408 devra se faire surtout par la reconnaissance
sectorielle. En d'autres mots, nous croyons qu'une société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre devra non
pas être fondée sur des sociétés régionales
de développement de la main-d'oeuvre, mais plutôt sur des
sociétés sectorielles de développement de la
maln-d'oeuvre. (10 heures)
En effet, pour nous, la création d'un véritable
partenariat ne peut se réaliser et se développer qu'à
l'intérieur d'un même secteur économique où l'on
peut vraiment tisser des liens de partenariat efficaces et durables et non
à l'intérieur d'un «melting pot» où chacun
tente de comprendre le problème de l'autre. Ainsi, à titre
d'exemple, comment peut-on concevoir qu'un employeur ou un syndiqué du
secteur minier puisse comprendre et apprécier à sa juste valeur
les problèmes de développement de la main-d'oeuvre
associés au secteur de la distribution alimentaire en termes de
compétitivité et de développement de la main-d'oeuvre? Par
contre, combien plus efficace un partenariat sectoriel qui regrouperait et les
employeurs et les syndicats, qui, selon nous, permettrait l'accomplissement
essentiel de l'objectif d'un véritable partenariat et qui permettrait,
entre autres, une implication beaucoup plus importante des entreprises et des
syndicats du même secteur.
En effet, les entreprises et les syndicats d'un secteur
économique donné sont bien mieux en mesure d'évaluer leurs
besoins en matière de développement de main-d'oeuvre et de
contribuer, dans leur industrie respective, à s'impliquer plus
intensément au développement de leur main-d'oeuvre.
deuxièmement, on peut voir un bénéfice immédiat car
la spécialisation des ressources humaines, techniques et
matérielles, du fait de la sectorisation, serait évidemment
vouée à la promotion des intérêts et du
développement de la main-d'oeuvre de ce secteur économique. la
gestion des programmes pourrait ainsi certainement être beaucoup plus
adaptée puisque les ressources disponibles seraient, en fart,
spécialisées en vue de répondre aux besoins
spécifiques du secteur économique desservi par ces ressources. il
est évident qu'une telle spécialisation permettrait aussi
certainement des économies de temps et d'argent.
Troisième élément positif de cette proposition: la
responsabilisation accrue des partenaires. On a souvent parlé, dans les
journaux du moins et au niveau des différents mémoires
présentés par les entreprises, les gens d'affaires, de
l'importance de la responsabilisation des parties. Or, l'approche sectorielle
permettra, selon nous, de faire en sorte que les partenaires soient
intéressés et responsabilisés dans tout le processus de
l'élaboration et de la gestion des programmes de formation de la
main-d'oeuvre, non seulement au niveau consultatif, mais au niveau
décisionnel, au niveau de la gestion et de l'application. En effet, les
partenaires ont un intérêt économique commun, direct et
immédiat à l'élaboration de programmes et à la
gestion de ces derniers de façon à permettre le
développement durable du secteur économique qu'iïs
représentent et assurer une participation accrue des entreprises et des
travailleurs à des programmes qui rempliront vraiment leurs besoins en
matière de développement de la main-d'oeuvre.
En dernier lieu, un autre aspect qu'il nous apparaît positif et
important de souligner, c'est l'identification optimale des priorités de
développement de la main-d'oeuvre et des outils de développement
d'une main-d'oeuvre qualifiée et compétente. Il nous
apparaît clair qu'un programme de développement de la
main-d'oeuvre doit viser à répondre aux besoins des entreprises.
En conséquence, les sociétés sectorielles seront beaucoup
mieux en mesure d'identifier les priorités de leur secteur
économique et seront aussi particulièrement en mesure
d'identifier les régions où les programmes de
développement de la main-d'oeuvre seraient à
«prioriser» s'il y a lieu. En effet, les besoins de formation de la
main-d'oeuvre sont fort différents d'un secteur économique
à l'autre et l'environnement même où oeuvrent nos
entreprises est grandement affecté par un ensemble de contraintes
variables d'un secteur à l'autre.
Nous vous avons soumis en annexe un organigramme qui représente -
en page 1 de l'annexe - la proposition d'une structure sectorielle que nous
entrevoyons avec, à l'annexe 2, une description large des missions
respectives de chacun de ces éléments-là qui formeraient
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
Nous croyons qu'une telle structure axée sur les secteurs
économiques plutôt que sur la régionalisation permettra de
concrétiser un vrai partenariat tripartite, durable et efficace. Nous
n'entendons pas définir ici, évidemment, quels seront les
secteurs - quand on parle de secteurs économiques - car, selon nous,
leur identification devra répondre aux politiques établies par le
gouvernement. Cependant, on pourrait concevoir, à titre d'exemple, les
grappes économiques qui ont été mises de l'avant par
l'honorable Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie, du Commerce et de
la Technologie, récemment, comme étant une forme d'identification
sectorielle.
En dernier lieu, nous aimerions faire un point additionnel en ce qui
concerne le crédit d'impôt remboursable à la formation.
Nous sommes d'accord avec la proposition du gouvernement dans
l'énoncé de politique qui vise à favoriser et à
inciter les entreprises à recourir au crédit d'impôt
remboursable à la formation afin de contrer le sous-investissement dans
le développement de la main-d'oeuvre. Nous aimerions, cependant,
indiquer que déjà un certain nombre d'entreprises ont
développé des programmes de formation en entreprise et qu'il y
aurait lieu d'extensionner le crédit d'impôt à la formation
aux programmes développés et dispensés en entreprise.
À titre de conclusion, le Conseil québécois et ses
partenaires, l'ADA, l'Association des détaillants en alimentation, et le
Conseil canadien de la distribution alimentaire, sont en accord avec les grands
objectifs contenus dans l'énoncé de politique et
préconisent l'instauration d'un véritable partenariat tripartite
par la constitution d'une Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre dont la mission est
spécifiée, actuellement, à l'article 16 du projet de loi
et par la mise en place de sociétés sectorielles de
développement de la main-d'oeuvre à l'intérieur de la
structure de cette Société québécoise et qui
auraient comme mandat, entre autres, d'élaborer, de mettre en oeuvre des
programmes de développement de la main-d'oeuvre affectés à
leur secteur économique et adaptés, le cas échéant,
au contexte régional. En dernier lieu, le crédit d'impôt
remboursable à la formation devrait s'étendre à tout
programme de formation de la main-d'oeuvre développé et
dispensé en entreprise.
Quant aux autres aspects qui sont reliés à
l'énoncé de politique et au projet de loi 408, le Conseil se
déclare en accord avec les positions, comme je l'ai expliqué
auparavant, qui ont été mises de l'avant par le Conseil du
patronat. Je vous remercie de nous avoir donné l'opportunité de
vous présenter notre point de vue aujourd'hui.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. Lafleur, je vous
remercie. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue à M. Lafleur et aux représentants du
Conseil québécois du commerce de détail. C'est avec
intérêt que nous avons pris connaissance du mémoire du
Conseil québécois du commerce de détail. Je dois dire que
le Conseil fait preuve d'une certaine originalité dans sa
présentation en ce sens qu'à ma connaissance c'est le seul
organisme qui propose, tout en appuyant le principe de la création d'une
société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, une structure différente de celle que nous avons
nous-mêmes. Bien sûr, c'est là-dessus que vont porter mes
questions puisque j'aimerais en savoir un peu plus long sur la façon
dont fonctionnerait vos sociétés sectorielles.
Au Québec, depuis de nombreuses années, depuis des
décennies, on a mis sur pied une structure régionale qu'on
appelle présentement les commissions de formation professionnelle et qui
ont mission d'identifier dans chacune des régions du Québec les
besoins en main-d'oeuvre, les carences et les pénuries de main-d'oeuvre
de façon à ce que nous puissions orienter dans chaque
région du Québec les efforts vers les secteurs en pénurie.
Cette façon de faire a été reconnue comme étant
excellente puisque le gouvernement fédéral, qui a fait des
études aussi poussées que les nôtres depuis quelques
années, a décidé d'imiter un peu le Québec, si je
peux m'exprimer ainsi, de copier le Québec, en instaurant partout au
Canada des structures semblables, régionales.
D'ailleurs, les provinces canadiennes, dans le document qu'elles ont
fait parvenir au gouvernement fédéral il y a deux ans, ont
justement
indiqué que la problématique du marché du travail
se présente différemment selon les régions, selon les
provinces et même selon les régions à l'intérieur
des provinces et que le marché du travail de la Gaspésie n'est
pas le même que celui de l'Outaouais et celui de la Côte-Nord
diffère sensiblement de celui de l'Est rie, par exemple. Enfin, on peut
prendre toutes les régions du Québec. Il faut donc qu'on soit en
mesure, selon cette façon de voir les choses, de prendre le pouls de
chacune des régions du Québec de façon à voir
comment diffère le marché du travail par rapport à celui
des autres régions.
Or, vous, vous venez nous dire: Ne structurez pas votre
Société québécoise en fonction des régions,
mais plutôt en fonction des secteurs. Dans notre document d'orientation
on traite de la problématique sectorielle. En fait, ça sera
certainement un des domaines où la Société
québécoise devra être la plus active. J'ai l'intention de
pousser beaucoup cette dimension sectorielle et vous avez raison de dire que
pour l'avenir il va falloir absolument que nous mettions le maximum d'efforts
dans ce domaine-là de façon à ce que nous puissions
permettre à la main-d'oeuvre d'évoluer à
l'intérieur d'un secteur donné. Sa compétence pourra
évoluer aussi rapidement que la technologie.
C'est pourquoi nous avons annoncé que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre ferait une
jonction très étroite avec la stratégie de
développement industriel qui a été proposée par mon
collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie,
et que nous cheminerions pratiquement la main dans la main avec cette
stratégie-là. La technologie va avancer à un rythme
accéléré, j'espère, avec la proposition des grappes
sectorielles et la main-d'oeuvre va également, avec les comités
sectoriels, progresser au même rythme de façon à ce que
nous soyons tous au rendez-vous de la prospérité dans quelques
années.
Vous nous dites: Mettez de côté les sociétés
régionales et formez des sociétés sectorielles. J'aimerais
vous demander comment, selon vous, vont fonctionner ces sociétés
sectorielles là. Où vont-elles loger? Prenez, par exemple, mon
collègue ici le député de Saguenay. Je lui posais la
question tout à l'heure, et il m'a dit: Moi, dans ma région,
c'est l'industrie de la forêt qui est la plus active. Qu'est-ce qu'on
fait avec l'industrie de la forêt? On forme une société
québécoise de la forêt qui va être dirigée par
des experts dans le domaine et qui aura un chef-lieu quelque part, par
exemple?
M. Maltais: Baie-Comeau.
M. Bourbeau: le chef-lieu serait à baie-comeau. c'est ce
que le député de baie-comeau propose. est-ce que vous avez
ça en tête, les sociétés sectorielles, ou vous
voulez...
M. Lafleur: Voulez-vous que je réponde, M. le ministre?
Oui? O.K.
M. Bourbeau: Oui, oui, je vous pose la question.
M. Lafleur: Voici, premièrement...
M. Bourbeau: Je termine ma question, là. Je suis en train
de vous la poser. Les sociétés sectorielles... Je présume
que, si c'est dans le secteur de la forêt, on ne mettra pas le
siège social à Montréal, on va le mettre en région.
Supposons qu'on le met à Baie-Comeau, qui est la capitale de la
forêt selon mon collègue...
M. Maltais: C'est ça.
M. Bourbeau: ...mais j'ai un autre collègue qui me dit:
Non, ce n'est pas là, c'est en Abitibi qu'est la forêt. Alors,
qu'est-ce qui va arriver avec l'Abitibi? Elle n'aura pas de
société de la forêt chez elle? Je vous pose la
question.
Le Président (M. Philibert): Oui, M. Lafleur.
M. Lafleur: Voici, M. le ministre. Moi, je dirais que ça
va être les gens du secteur qui vont déterminer où le
siège social va être établi. C'est eux qui vont
«prioriser» la mise en place d'un chef-lieu suivant l'importance de
l'industrie. Je présume qu'ils seraient en mesure de s'entendre entre
eux pour, éventuellement, déterminer un endroit.
Je tiens à vous mentionner sur votre première question au
niveau... On ne délaisse pas l'aspect régionalisation et c'est
important de l'indiquer. Ce qu'on indique, c'est que le gouvernement devrait,
en fait, «prioriser» la sectorisation. Quand on arrive avec une
structure sectorielle rien n'empêche, au contraire, d'établir,
suivant les besoins du secteur, des chefs-lieux ou des places d'affaires ou des
structures physiques qui permettront une représentation régionale
adéquate suivant les besoins. Par contre, c'est évident que si
l'on prenait le secteur des forêts, comme vous le dites si bien, on
n'aurait certainement pas une régionale du secteur des forêts
à Montréal. C'est clair. Par contre, on peut avoir plusieurs
régionales au niveau de l'industrie sectorielle qui peuvent être
déterminées par les priorités établies par le
secteur.
Pour nous, ce qui est important... Vous parlez de développement
de la main-d'oeuvre, M. le ministre, c'est vrai. On a indiqué que pour
nous le développement de la main-d'oeuvre ce n'est pas une fin, c'est un
moyen. C'est un moyen qui doit servir à quelle fin? C'est ça qui
est important. Cette fin-là est attachée, reliée au
développement économique de nos entreprises, de notre
économie. Or, ce sont les entreprises qui sont fort probablement les
mieux placées avec les
travailleurs pour déterminer et identifier les besoins
stratégiques et les besoins en développement de main-d'oeuvre.
Pour nous, si ça doit comporter que des secteurs doivent
déterminer où le chef-lieu sera établi, nous croyons que
les secteurs seraient en mesure de le faire.
Permettez-moi de vous donner un exemple parallèle qui n'est
peut-être pas un parallèle parfait, mais qui dénote un
exemple où le paritarisme fonctionne et où on ne va pas au niveau
du développement global. On prend des associations sectorielles
paritaires en matière de santé et de sécurité.
Elles font de la formation. Elles font aussi beaucoup de prévention,
mais il y a de la formation là-dedans qui se donne en entreprise. Qui
détermine le type de formation, qui est mieux placé pour la
connaître, qui est mieux placé pour mettre ces
programmes-là en vigueur si ce ne sont pas les associations sectorielles
paritaires? Moi, je pense que l'on peut faire un rapprochement entre ça
et puis peut-être la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre au niveau du développement de
la formation professionnelle. (10 h 15)
Le gouvernement désire un partenariat plus intense, plus
responsabilisé. Pour nous, il nous apparaît que cet objectif, qui
est fort louable, ne pourra être atteint que par la sectorisation. Encore
une fois, je tiens à indiquer que la sectorisation ne signifie pas
l'élimination de la régionalisation, mais la
régionalisation devient conséquente aux éléments
sectoriels.
M. Bourbeau: O.K. Là, je commence à vous
comprendre. On se rapproche un peu plus quand je vous entends parler,
là. Mais disons qu'il faut quand même être pratiques. Vous
nous dites: Nous, on privilégie, en premier lieu, l'approche
sectorielle, mais ça n'empêche pas qu'il puisse y avoir une
régionalisation.
Je reprends mon secteur de la forêt. Si la Côte-Nord est une
région de la forêt, il faudrait qu'il y ait certainement une
régionale là pour s'en occuper parce qu'il va falloir identifier
les besoins de la main-d'oeuvre à la Côte-Nord en forêt. Si
c'est en Abitibi, si le siège social est chez mon ami, le
député de Saguenay, il va falloir qu'il y ait une
régionale en Abitibi parce que c'est important l'Abitibi aussi. Alors,
il va falloir qu'on ait une régionale là qui va identifier les
besoins en main-d'oeuvre et qui va être en mesure de prendre les
décisions. Il y a aussi le Saguenay-Lac-Saint-Jean où il y a de
la forêt. Il y a d'autres régions du Québec où il y
en a pas mal aussi. En Gaspésie il y a de la forêt. Vous allez
multiplier quelques régionales dans les régions où il y a
des besoins.
Si l'on prend, disons, d'autres secteurs comme, par exemple, le secteur
du tourisme, pour n'en nommer qu'un, alors, là, mon collègue ici
me dit: Le tourisme c'est très fort chez nous aussi. Par contre, il y en
a beaucoup en Monté- régie, du tourisme. Il y en a dans l'Estrie
aussi et il y en a dans l'Outaouais. Il va falloir quelque part... La
région qui va être la principale région touristique va
avoir la société mère en tourisme et il va y avoir
quelques régionales. Mais, si vous prenez chaque secteur comme ça
et vous regardez, vous allez remarquer que chaque région du
Québec peut, à un titre ou à un autre, prétendre
avoir des besoins en main-d'oeuvre dans un secteur donné. Est-ce qu'il
n'y a pas un danger que vous vous retrouviez éventuellement avec une
vingtaine de sociétés sectorielles qui ont toutes des
régionales à peu près dans chacune des régions du
Québec? Ça va être ça, finalement, parce que chaque
région va vouloir avoir sa régionale.
Vous nous disiez tantôt que notre structure à nous
engendrera une centralisation d'un mégaorganisme. Ne pensez-vous pas que
vous allez nous faire un super méga-organisme? Chaque région va
avoir sept, huit ou dix régionales de divers secteurs, en plus d'avoir
des sociétés sectorielles et ça va prendre au-dessus de
ça, je présume, une société mère pour
chapeauter ça aussi. Vous ne pouvez pas avoir 15 sociétés
sectorielles puis pas de société mère. Je me demande si,
finalement, votre structure est moins méga que la nôtre.
M. Lafleur: Là-dessus, M. le ministre, je vous dirais
qu'elle serait probablement moins méga parce qu'il y a un
élément qui est très important qui n'est peut-être
pas souligné dans le diagramme qu'on a. C'est qu'il y a,
évidemment, un ensemble de services de support, administration, etc.,
qui peut être combiné par la société mère qui
pourrait dispenser aux sociétés régionales sectorielles
des services d'appoint ou des services administratifs ou une gamme de services
qui seraient complémentaires, utilisés, qui permettraient
probablement de concentrer.
On ne veut pas nécessairement indiquer ici qu'on doit avoir 20
bâtisses différentes à Québec pour contrôler
20 sociétés sectorielles distinctes. Ce qu'on dit, c'est qu'on
parle de structure d'application des programmes, de gestion de programmes parce
que, dans le fond, c'est de ça qu'on parle. On parle de ressources
matérielles et humaines, surtout de ressources humaines et
financières, pour faire en sorte que ces programmes-là soient
développés et mis en application dans le champ à
l'intérieur des entreprises sollicitées.
Je ne pense pas que par ce fait-là on crée un super
méga-organisme. Au contraire, il s'agit de concevoir comment la
structure de main-d'oeuvre qu'il y aura à gérer concernant ces
programmes-là va être répartie dans tout l'organigramme.
C'est un organigramme, ce n'est pas des bâtisses qu'on conçoit
ici. Ce qu'on veut, dans le fond, ce qu'on croit être une solution
certainement envisageable, c'est que la sectorisation... Le fait qu'on dise:
Oui, pensons secteur
économique. C'est ça qu'on va «prioriser».
Alors, quand on parie des comités consultatifs régionaux
sectoriels, ce n'est pas juste de la consultation qu'il faut. Si on veut un
partenariat, il faut les impliquer. En d'autres mots, les secteurs doivent
être impliqués. C'est dans ce sens-là qu'on parle,
nous.
M. Bourbeau: Là-dessus, je vous rejoins. Moi, je suis le
plus grand apôtre de la stratégie sectorielle. Je l'ai dit, et
c'est dans le document: l'avenir du Québec passe par les secteurs. Je
suis convaincu de ça. Il va falloir que dans chaque secteur on pousse le
développement de la main-d'oeuvre au maximum. Ce n'est pas
là-dessus... Sur les principes, je vous rejoins, il n'y a aucun
problème. Je suis d'accord avec vous. Je suis même en avant de
vous. Mais, concrètement parlant, il faut qu'on mette sur pied une
structure parce qu'il va y avoir des centaines de millions de dollars qui vont
passer là-dedans. Il faut que ce soit bien organisé de
façon à ce que ce ne soit pas du gaspillage, là.
Et - je reviens là-dessus - on a une société
mère. Nous, on dit qu'il va y avoir des sociétés
régionales qui, dans chaque région, vont avoir pour mission
d'identifier les besoins de main-d'oeuvre, les carences et les pénuries.
Et puis, en plus de ça, on va avoir des comités d'adaptation
sectorielle qui, eux, vont pousser à fond l'étude de la
problématique sectorielle, etc. Vous nous dites: Oubliez les
sociétés régionales, faites des sociétés
sectorielles. Alors, disons qu'on en a une vingtaine de sociétés
sectorielles qui auront leur chef-lieu aux endroits les plus
stratégiques. Forcément, il ne faut pas qu'on élimine des
autres régions du Québec la problématique sectorielle.
Donc, il va falloir que dans chaque autre région où il y a des
activités il y ait une société régionale
sectorielle.
À un moment donné, ce qui va arriver - vous l'avez dit
tantôt vous-même - dans une région donnée, par
exemple, la Côte-Nord, s'il y a cinq ou six sociétés
régionales sectorielles, on va les regrouper ensemble dans un même
lieu pour ne pas multiplier les immeubles. Là, vous allez avoir une
société régionale. Ça va être exactement la
même chose que ce qu'on propose. Nous, on propose ça aussi. Une
société régionale, par exemple, en Gaspésie...
C'est sûr que la problématique des pêches va être
très importante en Gaspésie. Le tourisme va être important
et il est probable que certains domaines... On n'y touchera même pas s'il
n'y a pas d'activité dans cette région-là. Alors, à
la fin de tout, ne proposez-vous exactement pas la même chose que
nous?
M. Lafleur: Elle est longue, celle-là. On va
répondre à deux.
Mme Nadon (Lyne): J'espère qu'on va dire la même
chose.
Le Président (M. Philibert): Mme Nadon.
Mme Nadon: Merci. La seule nuance, c'est au niveau de l'objectif
décisionnel. À l'intérieur de votre proposition, quand
vous pariez des comités sectoriels, ça ne devient que des
comités consultatifs. Dans notre proposition, on essaie de tout
simplement renverser la machine, donc de prendre la pyramide organisationnelle
et de la renverser, de rendre le milieu décisionnel, le milieu des
entreprises, le milieu qui le vit, les rendre eux, non seulement consultatifs,
mais... C'est eux qui connaissent les besoins qui sont peut-être les
mieux appropriés. Vous parliez de partenariat, vous voulez qu'ils
s'impliquent. Ne les mettez pas seulement consultatifs, vous n'aurez pas la
motivation nécessaire. Alors, renversez le triangle, donnez-leur des
pouvoirs, donc en créant un peu des sociétés
régionales sectorielles, ou sectorielles régionales, mais pour
leur laisser entre les mains des outils nécessaires où ils vont
sentir qu'ils s'impliquent.
M. Bourbeau: Oui. Je comprends ce que vous dites. Ce n'est pas
encore le temps de retirer mon gardien de but? Trois minutes? Bon.
Le Président (M. Philibert): Habituellement, c'est une
minute et demie.
M. Bourbeau: Bon. Disons que là on se rapproche. Il reste
une chose quand même. Vous semblez prétendre - en tout cas, je
l'ai vu de vos propos - que nos sociétés régionales ne
font pas place au dialogue entre le patronat et les syndicats. Nous avons
bâti la proposition sur ce partenariat-là entre ceux dont vous
dites qu'ils savent ce qui se passe dans le milieu. Alors, les patrons vont
être assis à la société régionale, les
travailleurs aussi, et on va même conserver les comités
consultatifs régionaux. Enfin, la possibilité est là.
Alors, nos sociétés régionales vont avoir accès aux
comités consultatifs régionaux et vont être
constitués pour un tiers des patrons, un tiers des syndicats. C'est
exactement la même chose que vous proposez.
Le Président (M. Philibert): M. Robert
Lavallée.
M. Lavallée (Robert): La seule nuance qui est très
importante ici c'est que dans les comités sectoriels les gens vont
parier le même langage. Vous allez mettre un secteur des mines ensemble,
un secteur aéronautique ensemble et un secteur du commerce de
détail ensemble qui vont parier le même langage et qui sont
collés aux besoins du milieu. Donc, quand vous réunissez des
patrons et des syndicats de différents secteurs économiques,
c'est sûr qu'ils ont des problèmes qui sont communs, mais
lorsqu'on va au concret, vraiment, ce dont ils ont besoin comme programme de
formation, dans les entreprises, ces gens-
là... Je suis bien sympathique aux problèmes qu'il peut y
avoir au niveau de la formation des mécaniciens d'automobiles, mais moi,
je suis dans le commerce de détail et ce que je veux avoir, c'est:
Qu'est-ce qu'on va faire comme programme de formation pour le commerce de
détail? Alors, si j'ai autour de la table, moi, des gens du commerce de
détail ou des grossistes de l'alimentation, on va parier un langage qui
est commun.
C'est ça qui est l'essentiel de notre proposition. C'est que les
gens du secteur vont parler le même langage et vont atteindre des
résultats beaucoup plus rapidement que s'il y a une intervention d'un
monsieur qui est peut-être très pertinente, mais qui a des
problèmes au niveau de la forêt, et l'autre au niveau de
l'avionique et l'autre au niveau de... Alors, c'est ça qui est
l'essentiel de la proposition, concrétiser vraiment dans l'action avec
des gens qui parlent le même langage, et donc l'action va être
beaucoup plus rapide, à notre avis, là-dessus.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer. Nous avons eu déjà dans le passé des
occasions, nombreuses aussi, de connaître votre point de vue qui
s'exprimait en commission. À chaque fois c'était toujours en
concertation avec l'ensemble du secteur. C'est ce que je constate encore une
fois ce matin. Je vous en félicite. Cependant, là où je me
pose la question c'est quand vous disiez, Mme Nadon: Renversons la structure.
L'impression que vous nous donniez, c'est que vous pensiez que le niveau
régional était décisionnel, le niveau sectoriel
étant consultatif, et votre proposition consistait à renverser
les structures et faisait du niveau sectoriel un niveau qui serait
décisionnel, et le niveau consultatif, régional.
Dans la réalité, quand on regarde de près le projet
de loi 408 on se rend compte que le niveau régional n'est pas
décisionnel. Vous savez, actuellement, par exemple, les commissions de
formation professionnelle sont des corporations, au sens du Code civil, avec
une assemblée générale, un conseil d'administration qui
choisit le directeur général et qui est redevable devant son
employeur qui est la CFP. Mais tout ça, avec le projet de loi 408,
s'évapore en fumée, là. Tout ce qui reste pour dire vrai,
c'est un groupe-conseil qui est nommé par le ministre au niveau
régional. Ça ne s'appellera pas conseil d'administration. En
fait, c'est une sorte de conseil régional qui est nommé par le
ministre. La vraie structure d'autorité, c'est le directeur
général qui est nommé, lui, par la société
mère. Alors, le lien organique il est entre le P.-D.G., si vous voulez,
de la société mère et ses directeurs régionaux,
mais le niveau régional n'est en rien décisionnel dans la
structure du projet de loi 408. Ça, c'est ma première
question.
D'autre part, c'est intéressant d'entendre - je crois que c'est
M. Dupras...
M. Lavallée: Lavallée.
Mme Harel: ...M. Lavallée, excusez-moi, plaider pour un
comité sectoriel. Ce comité sectoriel dans lequel se retrouverait
le commerce de détail, c'est un comité qui est proposé, en
fait, comme structure, comme vous le savez. J'aimerais savoir quelle est votre
pratique actuelle. Est-ce qu'il existe un tel comité? Vous savez que,
par exemple, dans le secteur de la chimie, de la pétrochimie, toutes les
entreprises du secteur industriel ont ensemble mis sur pied une association
provinciale de formation qui regroupe toutes les entreprises et qui regroupe
les quatre syndicats qui sont représentés de manière
à en faire une association paritaire. Est-ce qu'il existe telle chose
dans le commerce du détail?
M. Lavallée: Je pense qu'il existe, au niveau des CCR - M.
Dupras en fait partie des comités consultatifs régionaux...
Mme Harel: Ils sont tous éparpillés dans les
régions.
M. Lavallée: C'est ça. Exactement. Mme Harel:
Bon.
M. Lavallée: II n'y a pas d'autre organismes, à ma
connaissance, d'autres regroupements, à moins que je fasse erreur. Moi,
je n'en connais pas actuellement. (10 h 30)
Mme Harel: D'accord. On voit déjà qu'il y aurait un
pas à faire pour l'ensemble du secteur du commerce de détail qui
consisterait à mettre sur pied ce comité sectoriel au niveau de
l'ensemble du Québec où les gens pourraient, comme vous le dites,
se parler, M. Lavallée, de leurs secteurs. Est-ce que vous envisagez, M.
Lafleur, la mise en place d'un tel comité?
M. Lafleur: Actuellement, suivant la structure qui est
proposée, je dois vous dire, malheureusement, que je ne vois pas la
nécessité de ça. Ce qu'on veut donner, en termes
sectoriels, c'est un élément consultatif, essentiellement, au
niveau régional. Alors, dans le fond, ça m'ap-paraît
être...
Mme Harel: Non. En termes sectoriels, ce qui est proposé,
c'est un comité sectoriel qui relève de la société
mère. Si je ne me trompe pas, évidemment - si tant est que je le
fasse, le ministre, certainement, me corrigerait - les comités
sectoriels qui sont proposés sont des comités sectoriels au
niveau de l'ensemble du Québec.
M. Lafleur: Oui, effectivement, je pense que le projet de loi
indique que la société mère favoriserait le
développement de comités sectoriels. Mais, encore là, ce
sont des comités à nature consultative. Nous, ce que nous
proposons, c'est: Enlevons l'élément consultatif. L'aspect
régional est évidemment important, mais il doit être
canalisé par le biais d'une structure sectorielle. Si vous me parlez du
commerce de détail, maintenant, si un jour le secteur du commerce de
détail pourrait considérer l'établissement d'un
comité sectoriel dans le programme au niveau du développement de
la main-d'oeuvre, je tiens à vous dire qu'on serait certainement
intéressés à le considérer. Malheureusement, comme
vous le savez, on ne fait pas partie des 13 grappes.
Mme Harel: C'est ça. En fait, ce qu'on peut comprendre,
c'est qu'en dehors des grappes il n'y a pas tellement de salut pour les...
M. Lafleur: Bien, je vous dirais qu'il ne faut pas être
limité. C'est-à-dire que, là, on parle de 13 grappes
industrielles. Vous voyez ce que je veux dire? Alors, il y a autre chose que
l'industrie, il y a aussi le commerce. Le commerce a toujours été
un peu l'enfant délaissé, régulièrement, depuis que
le Québec existe, mais on pense que, de plus en plus, cette
situation-là devrait se corriger. C'est pour ça qu'on intervient
aujourd'hui, et c'est pour ça que vous avez la gentillesse de nous
entendre. Alors, un jour, on aura à prendre notre place, surtout qu'on
représente un secteur non seulement économique qui est
très important, mais, en termes d'emploi, c'est énormément
de gens.
Mme Harel: La seule structure décisionnelle dans le projet
de loi 408 comme tel, c'est la société mère. C'est
ça, la structure décisionnelle et, encore là, elle est un
peu en tutelle du ministre. En fait, vous savez, ici, depuis qu'on a
commencé, ce qu'on constate, c'est qu'on est en faveur de cette
société dans la mesure où on a quasi l'assurance d'en
faire partie.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Si on n'a pas cette garantie-là...
C'est-à-dire que le niveau de critique est inversement proportionnel
à la garantie d'en faire partie. Mais il y a une chose qui est
universellement critiquée, ça reste les pouvoirs de tutelle que
le ministre s'est donnés. Je pense qu'il a entendu le message et qu'il
va sûrement apporter des changements importants au moment où on
fera l'étude du projet de loi.
Ce qui est aussi l'objet d'une critique, c'est le fait qu'à
l'occasion de ce rapatriement - parce que c'est d'un rapatriement dont il est
question, qui n'est pas encore, évidemment, réalisé, mais
qui est souhaité - le modèle qui se dessine, c'est un
rapatriement centralisé dans la société mère, donc
un rapatriement, je dirais, à Québec et non pas un rapatriement
au Québec, c'est-à-dire avec des pouvoirs accrus dans les
régions. Vous, ce que vous dites, de toute façon, c'est que ces
pouvoirs accrus en région, vous ne les souhaitez pas. C'est ça
qu'il faut comprendre de votre mémoire?
M. Lafleur: Non, pas du tout. Ce qu'on dit, c'est que les
pouvoirs accrus doivent être recanalisés pour qu'ifs soient
«priorisés» en fonction des secteurs économiques qui,
évidemment, ont un rôle à jouer sur l'ensemble des
régions du Québec. Un secteur économique, ça ne
plane pas dans une certaine dimension, c'est très terre à terre.
Si on parle, par exemple, de la construction navale, on a juste à voir
de l'autre côté ce qui se passe là. On sait que, si on
parle de secteur économique de construction navale, on va savoir que, de
l'autre côté, il va y avoir quelque chose à faire. C'est un
exemple que je vous donne.
En d'autres mots, l'élément régional est toujours
permanent, est toujours présent, sauf qu'on doit l'affiner, on doit
l'associer en fonction des priorités économiques sectorielles. En
d'autres mots, ce sont les secteurs qui, entre eux, vont dire:
Écoutez... On prend l'exemple de la forêt. C'est évident
que, si on a des problèmes de développement de la main-d'oeuvre
dans la Gaspésie, il va falloir s'en occuper. Sauf qu'on prétend
que l'efficacité d'un système comme ça, de
développement de la main-d'oeuvre, risque d'être plus
concrète, plus efficace, plus efficiente, plus qualité totale si
on «priorise» l'élément. Je dis bien
«prioriser», ça ne veut pas dire exclure le régional,
mais qu'on «priorise» l'aspect sectoriel. Je dois dire aussi, en
passant, que l'Association des manufacturiers du Québec a aussi
indiqué l'importance de la «priorisation» sectorielle et
aussi le Conseil du patronat du Québec, sauf qu'ils n'en ont pas fait
nécessairement un cheval de bataille dans leur présentation.
Nous, c'est vraiment notre présentation parce qu'on y croit.
D'autre part, quand on parle de responsabilisation des parties,
lorsqu'on parle de rapatriement des pouvoirs, selon nous, la meilleure
manière de le faire, c'est par la reconnaissance sectorielle. Si on
reconnaît l'importance des secteurs économiques et leur
implication, à ce moment-là, je pense qu'on se doit
automatiquement de leur donner les pouvoirs nécessaires, les instruments
pour pouvoir décider de l'évolution des programmes de
développement et leur mise en application. Ce qui veut dire qu'à
ce moment-là, quand on parte de la superstructure en haut, elle devient
consultative et attributive, à toutes fins pratiques, de fonds
nécessaires à la gestion et à la mise en application des
programmes sectoriels définis.
Mme Harel: cependant, il y a une sorte de philosophie
cohérente, j'en conviens, derrière les propos que vous nous tenez
et le mémoire rédigé. à la page 6, notamment, vous
dites: «ii est clair qu'un programme de développement de la
main-d'oeuvre vise à répondre aux besoins des entreprises.»
en fait, ce qui est clair, c'est qu'un programme de développement de la
main-d'oeuvre doit répondre aux besoins des entreprises en
main-d'oeuvre, oui, mais doit aussi répondre aux besoins de la
main-d'oeuvre...
M. Lafleur: Oui.
Mme Harel: ...qui peut ne même pas être en
entreprise.
M. Lafleur: Oui, oui.
Mme Harel: II y a la main-d'oeuvre active et il y a la
main-d'oeuvre inactive. Au Québec, il y a 700 000 personnes qui font
partie de la main-d'oeuvre inactive et qui ne sont pas, dans le fond, prises en
compte par une politique de main-d'oeuvre sectorielle, d'une part. D'autre
part, il y a des secteurs de pointe, en croissance, ceux qui sont dans les
grappes du ministre Tremblay ou ceux qu'on voudrait être en croissance,
et il y a des secteurs qui sont moins exposés à la concurrence ou
à la mondialisation des marchés et qui vont être moins
protégés, d'une certaine façon, si vous voulez, dans leur
difficulté aussi d'adaptation - pensons au tourisme, par exemple, des
secteurs de cet ordre-là - mais qui nécessitent tout autant qu'on
s'intéresse à la...
M. Lafleur: Oui.
Mme Harel: ...formation des personnes. Est-ce que vous ne
concevez pas que l'État a une responsabilité au-delà
même des secteurs? On sait que, maintenant, un individu doit se
préparer à changer cinq fois d'emploi dans sa vie active. On sait
qu'on ne peut même pas prévoir beaucoup plus loin que le bout de
son nez. Pensez, par exemple... Justement, tantôt, je vous donnais
l'exemple du secteur de la pétrochimie, chimie. Ils ont mis sur pied un
institut, qui, de concert, avec un cégep, offre un cours de formation
professionnelle à leurs employés et aussi à des gens qui
veulent avoir accès aux emplois qui viendront. Une fois que cet institut
est mis sur pied - les premiers diplômés sont sortis
l'année passée... Là, on se rend compte que le secteur est
en crise avec la fermeture de Chemtech, les difficultés de
Pétromont, la récession. Alors, est-ce que l'État doit
tout miser uniquement en remettant complètement - parce que c'est
ça, dans le fond, que vous nous recommandez - la politique de
main-d'oeuvre aux entreprises?
M. Lafleur: Non. Effectivement, je suis d'accord avec vous. Ce
que nous voulons primer, «prioriser», sensibiliser, c'est
l'importance d'avoir une politique qui favorise la sectorisation, mais ceci
n'est pas exclusif. Il est évident que si on parle de l'arrimage entre
la formation et l'intégration au travail, qu'on parie de la
réadaptation de la main-d'oeuvre, ceux qui ne sont plus dans la
main-d'oeuvre active représentent un problème sérieux.
Mais la question que je me pose, par exemple... Effectivement, ça doit
être une responsabilité du gouvernement, mais est-ce que ça
doit être une responsabilité qui va être remise à une
société telle que celle qu'on propose? Ça, c'est une autre
question.
Mme Harel: Mais à qui, donc?
M. Lafleur: Non, au gouvernement.
Mme Harel: Oui, mais qui, dans quel cadre?
M. Lafleur: Bien, dans le cadre de politiques qui ont une
envergure beaucoup plus sociale, à certains égards. Le
développement de la main-d'oeuvre, si on le regarde sur la forme d'une
structure économique, de secteurs économiques d'entreprises,
évidemment, ça rend l'organisme un peu plus pointu que ce qui est
préconisé, au départ. Mais ce pointu-là n'est pas
exclusif, c'est-à-dire qu'on peut y greffer, évidemment, un
secteur qui serait important, mais qui serait en relation avec l'arrimage des
nouveaux arrivants ou de la réadaptation de la maln-d'oeuvre. Qu'on
pense aux personnes âgées qui souvent ont de la difficulté
à se trouver de l'emploi et qui ont des difficultés de
réadaptation. Ça, ce sont tous des éléments qui
sont importants à considérer.
Mais, encore là, il faut satisfaire, comme vous l'avez dit, la
main-d'oeuvre, il faut satisfaire aussi les impératifs
économiques, les impératifs de développement de
main-d'oeuvre de nos entreprises. L'un et l'autre ne sont pas contradictoires
et peuvent être conjugués ensemble. Mais la
«priorisation» c'est la fin. La fin c'est quoi? C'est le
développement économique de nos entreprises et
l'amélioration des compétences de notre main-d'oeuvre en fonction
de nos priorités économiques.
Mme Harel: De quoi vous avez besoin dans votre secteur du
commerce de détail? Qu'est-ce que vous identifiez comme étant
nécessaire en matière de formation pour votre main-d'oeuvre?
M. Lafleur: Là, je pense que ça prendrait plus que
20 minutes pour vous répondre. Écoutez, essentiellement...
Mme Harel: Quelles sont les difficultés? Pensons
plutôt aux difficultés...
M. Lafleur: Bien, écoutez, notre difficulté c'est
de se faire reconnaître...
Mme Harel: ...auxquelles se butent les employeurs.
M. Lafleur: ...comme un secteur «priorisé».
Ça, c'est la première chose. Ça, c'est un gros
problème. Et ça, ça va au niveau même de
l'école, au niveau de l'éducation. Les programmes qui sont
offerts actuellement au niveau de la formation professionnelle, au niveau du
ministère de l'Éducation ou à un niveau supérieur,
c'est malheureusement assez ténu. Comme on dit, on a un grand chemin
à faire, mais on est en voie de le faire. Alors, disons qu'on est
à nos premiers balbutiements. C'est particulièrement
étrange quand on considère un secteur économique et de
main-d'oeuvre aussi important que le nôtre. Mais ce n'est pas grave,
là, on s'en vient tranquillement. Le commerce a toujours
été délaissé. Ça n'a jamais
été notre point fort, nous, je pense, en tant que
Québécois. Nos industries, on les a développées. On
a mis beaucoup plus d'accent au niveau de l'industrie. Le commerce, ça
n'a pas été tellement fort.
Mme Harel: Avez-vous une pénurie de main-d'oeuvre dans
certains domaines?
M. Lafleur: Aussi étrange que ça puisse
paraître, oui. La main-d'oeuvre qualifiée, oui. Oui.
Mme Harel: Par exemple, dans quel... M. Lafleur: Bien
écoutez, ça peut être...
Mme Harel: Étalagiste ou... En fait, est-ce qu'il y a des
secteurs identifiés comme étant en pénurie?
M. Lavallée: Bien, au niveau de boulangers
qualifiés, par exemple, il y a une pénurie de ce
côté-là. Au niveau de bouchers, c'est difficile là
aussi. Il faut les former. Il faut essayer... La main-d'oeuvre tourne beaucoup
parce qu'on va leur offrir des salaires supérieurs ailleurs puisqu'ils
sont en pénurie. Ça, c'est deux secteurs où on a certaines
difficultés. Les spécialisations, dans le fond.
Mme Harel: Vous n'êtes pas en contact avec des institutions
d'enseignement présentement?
M. Lavallée: Oui.
Mme Harel: En fait, en tant que secteur.... En tant que Conseil
québécois ou chacun dans vos branches respectives?
M. Lafleur: Bien, du moins en tant que Conseil
québécois on a travaillé à l'élaboration de
certains programmes avec le ministère de l'Éducation du
Québec. On a tenté aussi certains efforts au niveau de la
Fédération des cégeps. Il y a des efforts qui se font
à ce niveau-là, mais ce sont des programmes un petit peu plus
globaux. Si on parle de programmes terre à terre, ce sont souvent les
entreprises qui sont laissées à elles-mêmes actuellement et
qui doivent, en fait, travailler soit avec les CFP, comme ça se fait
actuellement, ou avoir des ententes privées avec les cégeps, qui
sont très ouverts, d'ailleurs, à participer avec nous.
Mais c'est qu'il n'y a pas de cohérence là-dedans. Comme
je vous dis, c'est un «melting pot». Là, on est dans le
méga et, en plus de ça, je pense qu'il faut reconnaître
aussi qu'il y a une certaine situation, je ne dirais pas conflictuelle, mais il
y a un certain malaise qui existe entre certains responsables de
l'éducation, que ça soit au niveau primaire, secondaire,
collégial, universitaire ou formation de la main-d'oeuvre,
associé, évidemment, aux diverses contraintes juridictionnelles
qui existent entre deux paliers de gouvernement. Tout ça
concocté, ça fait un potage assez spectaculaire. Comment
voulez-vous que nous, dans notre secteur, nous qui sommes relativement
délaissés... Comment peut-on naviguer là-dedans?
Mme Harel: Vous avez parlé du crédit d'impôt
dans votre mémoire. Quel est l'état de la situation actuellement
en matière d'utilisation du crédit d'impôt dans votre
secteur? Avez-vous des exemples des expériences qui se sont faites?
Pensez-vous qu'avec la récession ça a décollé ou si
ça n'a pas encore été vraiment utilisé comme moyen
de soutenir l'effort de formation?
M. Dupras (André): Au niveau du crédit
d'impôt, je pense qu'il y a des expériences qui ont
été mises de l'avant et on essaie de tirer profit de cette
mesure-là du mieux qu'on peut. Par contre, il ne faut pas oublier qu'il
y a beaucoup de formation qui se fait justement, comme on le disait, à
l'intérieur des entreprises et qui permet d'atteindre...
Mme Harel: Le crédit d'impôt... Vous nous dites que
l'entreprise, lorsque la formation se fait en entreprise, ne peut pas
l'utiliser.
M. Bourbeau: C'est-à-dire que lorsque le formateur est un
formateur de la maison.
Mme Harel: De la maison. Il faudrait...
M. Bourbeau: Mais si c'est un formateur de l'extérieur...
(10 h 45)
M. Dupras: C'est ça. C'est problématique en fait
parce que les formateurs de l'intérieur de l'entreprise sont là
pour assurer le suivi et le transfert des acquis en formation par la suite.
À notre avis, il serait possible de présenter des programmes de
formation aux CFP comme le font les consultants ou les commissions
scolaires
et d'obtenir des crédits pour ces programmes-là. On se
rend compte, avec l'expérience qu'on vit en entreprise, que les
programmes de formation livrés à l'interne par des gens de
l'interne ont souvent beaucoup plus de succès parce que les gens sont
très conscients des problématiques vécues dans
l'entreprise et suivent, par la suite, les interventions de formation pour
s'assurer du transfert de l'apprentissage. Donc, je pense que ça
faciliterait probablement beaucoup... On est souvent face à des
situations où on doit former des représentants des commissions
scolaires pour qu'ils donnent des cours ensuite à nos gens pour
bénéficier du crédit d'impôt. C'est une perte de
temps et d'efficacité.
Une voix: Une autre chose...
Mme Harel: Je vais laisser mon temps...
Le Président (M. Philibert): II reste 10 secondes.
Mme Harel: ...à M. Lavallée et à Mme
Nadon.
M. Lavallée: Juste une petite intervention sur le
crédit d'impôt. L'autre chose qu'on constate pour l'entreprise que
je représente, c'est que les petits détaillants
commerçants ne sont pas nécessairement équipés,
enfin, ne connaissent pas ces choses-là. La grosse entreprise va
déléguer une personne à demi-temps pour ramasser tous les
crédits à la formation, mais les petites entreprises ont beaucoup
de difficulté, à ce moment-là. Elles oublient ça
complètement. C'est une perte de temps pour elles. Elles n'ont pas le
personnel adéquat.
Mme Nadon: C'était un peu...
Mme Harel: C'était votre intervention, Mme Nadon?
Mme Nadon: De plus, il y a un excellent exemple de ce que vous
venez de nous dire au niveau du MAPAQ. Nous avons instauré un cours de
formation en hygiène et salubrité où il y a eu
création de formateurs d'abord. Ça a été une
demande du MAPAQ, en consultation avec le ministère de
l'Éducation. Ça a été appliqué par les
commissions scolaires. Les formateurs viennent des entreprises. En tout cas, si
vous voulez avoir un bel exemple du «melting-pot» dont vous parliez
tantôt, allez-y là-dedans, ça vaut la peine.
Le Président (M. Philibert): Le temps est
épuisé. Il reste maintenant 44 secondes.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Philibert): M. le ministre.
M. Bourbeau: ...j'ai deux observations. Premièrement, en
ce qui concerne le crédit d'impôt à la formation, c'est
vrai que dans le programme on a exclu la formation donnée par des
formateurs qui sont les employés de l'entreprise. L'objectif
était d'éviter la fraude, si je peux dire, parce que c'est trop
facile d'avoir un formateur qui forme alors que les travailleurs sont sur la
ligne de montage. On ne saurait plus ce qui est production et ce qui est
formation. On regarde d'une façon très précise
présentement la possibilité quand même d'admettre la
formation en entreprise avec, évidemment, des contrôles.
Deuxièmement, pour ce qui est de la problématique
sectorielle, je voudrais apporter un bémol à ce que vous avez
dit. Je ne pense pas que ça soit exact de dire que nos comités
sectoriels, actuellement, ne sont que consultatifs. Nous utilisons la formule
sectorielle. Nous avons une dizaine de comités sectoriels
présentement. Je vous donne, à titre d'exemple, le CAMAQ, le
Centre d'adaptation de la main-d'oeuvre aérospatiale du Québec,
qui a des réalisations très concrètes à son actif.
Prenez, par exemple, la formation de l'école spécialisée
dans les métiers spécialisés de l'aérospatiale que
nous avons mise sur pied à Montréal cette année. C'est une
oeuvre, un produit du CAMAQ, qui a travaillé sur ce dossier-là,
qui l'a amené à terme. Nous avons...
Mme Harel: L'école n'existe toujours pas.
M. Bourbeau: Bien non, mais qui est sur le point d'être
formée.
Mme Harel: Juste sur papier, par exemple.
M. Bourbeau: Oui, mais, enfin, elle est annoncée...
Mme Harel: Depuis deux ans.
Le Président (M. Philibert): Je vous invite à
conclure, M. le ministre.
M. Bourbeau: C'est un fait qu'elle n'est peut-être pas
ouverte encore, mais l'annonce a été faite. Alors, on va la
faire. Je pense que les comités sectoriels ont des réalisations
très concrètes - on pourrait en faire une liste impressionnante -
et, dans notre esprit, il n'est pas question de ne faire de ces
organismes-là que des organismes consultatifs. Les comités
sectoriels vont être des comités qui vont avoir du boulot à
faire et qui devront produire.
Le Président (M. Philibert): merci, m. le ministre. merci
aux représentants, madame et messieurs, du conseil
québécois du commerce de détail. je vous invite maintenant
à vous retirer.
Mme Nadon: Merci.
M. Lafleur: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Alors, nous recevons
maintenant la ville de Québec. J'invite M. le maire à nous
présenter ceux qui l'accompagnent et l'informe que le temps à
notre disposition, c'est une heure répartie en 3 périodes: 20
minutes pour la présentation du mémoire; 20 minutes pour le
gouvernement; 20 minutes pour l'Opposition. M. le maire, si vous voulez nous
présenter vos accompagnateurs.
Ville de Québec
M. L'Allier (Jean-Paul): Je vous remercie, M. le
Président, mesdames et messieurs, d'avoir accepté de nous
entendre à cette commission parlementaire des affaires sociales sur le
projet de loi 408. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Michel
Rivard, qui est le président de la Communauté urbaine de
Québec, et, à ma droite, de M. Serge Viau, qui est le directeur
de la planification à la ville de Québec.
Le Président
(M. Philibert): vous comprendrez que
vos accompagnateurs sont connus aussi, m. le maire, mais c'est pour les fins du
journal des débats.
M. L'Allier: Tout à fait. Je vous remercie encore une fois
de nous recevoir ici. Comme c'est l'usage vous pourrez, évidemment,
questionner l'un ou l'autre de ceux qui sont ici parce qu'on partage le
même point de vue sur le sujet que nous avons voulu aborder.
Peut-être que le sujet que nous allons aborder, M. le Président,
si vous me permettez de commencer maintenant, dans le temps qui nous est
imparti...
Le Président (M. Philibert): Allez y!
M. L'Allier: ...va vous - entre guillemets, mais sans vous faire
rire nécessairement - distraire des préoccupations qui vous sont
apportées par les autres intervenants qui vous parlent du contenu de la
commission. Ce qui nous intéresse, nous, c'est la consolidation toujours
extrêmement difficile des fonctions politiques centrales au coeur d'une
ville qui est la capitale et qui l'est par décision du gouvernement du
Québec, du fait qu'il a ici son siège.
Donc, c'est à titre de capitale du Québec que la ville de
Québec réagit au projet de loi 408 et revendique l'implantation
du siège social et de la principale place d'affaires de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre dans la région de la capitale et plus
spécifiquement dans la ville de Québec.
Depuis plusieurs années mais de façon plus
marquée... Avant d'aller plus loin, je vais lire des extraits de ce
mémoire, mais je voudrais vous dire que quand la ville de Québec
intervient avec un sujet comme celui-ci c'est toujours un peu agaçant
pour les députés de quelque côté qu'ils soient parce
qu'on se dit: Bon, encore Québec qui vient chialer parce que quelque
chose s'en va à Montréal. Encore Québec qui veut garder sa
petite institution parce que... Ce n'est pas du chauvinisme local. Ce n'est pas
une prétention prétentieuse de la ville de Québec. C'est
tout simplement pour que les gouvernements, quels qu'ils soient à
Québec, donnent suite au discours qui, lui, est toujours très
généreux par rapport aux fonctions réelles d'une
capitale.
C'est dans le contexte où précisément - et c'est ce
sur quoi je veux insister - il est important que ce qui est
considéré comme des fonctions centrales du gouvernement
s'implante dans la capitale comme dans n'importe quel territoire où il y
a une capitale. L'exemple le plus proche qu'on a de nous c'est celui qui est au
centre aussi du contentieux politique, la ville d'Ottawa. La ville d'Ottawa n'a
pas décidé de devenir la capitale. Elle a été
choisie par le gouvernement fédéral qui depuis une quarantaine
d'années et systématiquement depuis Laurier, à toutes fins
pratiques, construit sa capitale en prenant des décisions logiques, en
faisant en sorte que le pouvoir politique y siège dans ce qu'il a de
décisionnel, sans empêcher l'étalement des services
à la population. Je ne parie pas d'étalement urbain, je parle
d'étalement des services à la population.
Par voie de conséquence, ici, on se rend compte à
l'analyse - la commission Lapointe est un moment synthèse de tout
ça - que le discours politique a toujours été
généreux, mais que, finalement, cette capitale, on a des doutes
sur son existence. On a des doutes sur sa pertinence, on y est de passage. On
arrive le mardi midi et on s'en va le jeudi après le lunch, selon qu'on
a des rendez-vous ou pas, sauf pour les députés qui ont le
privilège, le plaisir d'habiter cette région, comme Me Doyon, que
je salue ici comme un ami personnel et dont je suis fier, et qui garde le phare
dans tout ça. Bref, c'est dans ce contexte qu'on intervient. Ce n'est
pas pour chialer. C'est pour demander à l'Assemblée nationale
d'aller, dans ses décisions, dans le sens de ses discours, d'un
côté comme de l'autre de la Chambre.
Donc, depuis plusieurs années, mais de façon plus
marquée depuis l'étude gouvernementale sur la répartition
territoriale et l'évolution des effectifs des ministères et des
organismes gouvernementaux en 1989, la ville de Québec avec tous les
intervenants de la région s'est mobilisée pour lutter contre
l'érosion de ses fonctions de capitale. Malgré les bonnes
intentions avouées du gouvernement à cet égard, force est
de constater que les pressions à l'implantation de fonctions centrales
du gouvernement à l'extérieur de sa capitale continuent de
s'exercer avec force au sein même du gouvernement.
À cet égard, la publication récente du plan de
relance de la région de Montréal confirme le
maintien de cette tendance toujours au nom du même argument, celui
du poids démographique et économique de Montréal. Et
là je cite: «La principale place d'affaires de la
Société - celle dont il est question ici - sera située
à Montréal. La forte concentration de la population active, des
entreprises, des organismes de recherche et d'information sur le marché
du travail, des associations patronales et syndicales justifie ce choix.»
Et ça, c'est tiré du document publié par le Comité
ministériel permanent de développement du Grand Montréal,
ministère du Conseil exécutif - donc, ce n'est pas un
ministère secondaire là - Gouvernement du Québec, 1991.
Suite à ça, moi, j'ai écrit à plusieurs
intervenants en disant: Écoutez, soyez attentifs. Ils nous ont dit: II
n'y a pas de décision de prise, aucune décision de prise. Venez
donc vous expliquer en commission parlementaire. Bien, nous voici.
Jamais la ville de Québec et sa région n'accepteront ce
genre d'affirmation qui, poussée un peu plus loin, implique tout
bonnement, à plus ou moins long terme, de déménager la
capitale dans la métropole. Au nom même des intérêts
du Québec incluant la région de Montréal, nous sommes
convaincus qu'il faut s'opposer à cette proposition et réclamer
vigoureusement l'implantation dans la capitale du siège social et de la
principale place d'affaires de la future Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Cette
position, nous tenons à le souligner, est endossée totalement par
la Communauté urbaine de Québec et la présence de son
président en fait foi aujourd'hui.
Comme dans plusieurs pays relativement jeunes qui ont choisi le
modèle américain pour la localisation de leur capitale, celle du
Québec est située dans une région différente de la
métropole. Que cette implantation résulte plus du cours de
l'histoire que d'une volonté politique manifeste n'y change rien.
Certains argumenteront qu'une capitale éloignée de la
métropole risque d'engendrer des politiques ou des décisions
détachées de la réalité nationale. Mais la
facilité des déplacements physiques que procurent
déjà des systèmes de transport et que le TGV,
souhaitons-le, accroîtra formidablement dans un avenir pas si lointain,
mais surtout la rapidité et l'efficacité sans cesse grandissante
des télécommunications rendent ces arguments de plus en plus
désuets. Par contre, le cadre que procure Québec à sa
capitale est le seul à pouvoir autant contribuer au caractère
distinct de la société québécoise, à lui
assurer autant de prestige, à refléter aussi clairement son
caractère de capitale de la francophonie en Amérique du Nord et
à susciter aussi vivement l'émotion et la fierté de tous
les Québécois et de toutes les Québécoises.
Par ailleurs, le développement d'une région de la capitale
forte et dynamique en dehors de la métropole québécoise
s'inscrit parfaitement dans le mouvement de décentralisation pour lequel
le présent gouvernement a opté. En effet, celui-ci, par
l'entremise de son ministre responsable du Développement
régional, M. Yvon Picotte, a récemment confirmé cette
orientation en dévoilant la nouvelle stratégie de
développement régional qu'il entend mettre de l'avant dans le
document intitulé «Développer les régions du
Québec». Dans le cadre d'une telle stratégie, le
développement du Québec passe par le développement des
complémentarités interrégionales. Dans cette perspective,
il est essentiel que la fonction de capitale demeure à
Québec.
Cependant, pour que Québec soit une capitale à part
entière et qu'elle sort efficace, elle doit être le centre de tous
les organismes centraux du Québec. Par organisme central, nous entendons
les ministères et organismes qui planifient, développent et
gèrent les grandes politiques et les programmes généraux
du gouvernement et qui constituent des centres de décision de
première importance. D'une autre façon, on pourrait
définir organisme central par opposition aux organismes, agences ou
unités administratives livrant biens, services ou programmes aux
clientèles qu'ils desservent. (11 heures)
Le caractère central de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne fait
pas de doute. Par son mandat, la future Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre constitue,
à n'en pas douter, un organisme central. De plus, par l'objet de son
mandat, c'est-à-dire le développement de la main-d'oeuvre, la
Société travaillera au coeur même des préoccupations
de développement du gouvernement et de toute la
société.
Voyons d'abord ce mandat: «À partir des politiques de
main-d'oeuvre définies par le gouvernement en concertation avec la
Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, les partenaires
engagés dans la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre partageront la responsabilité
d'identifier, de mettre en place et de gérer les mesures les plus
pertinentes et efficaces pour mieux intégrer la main-d'oeuvre à
l'économie.» On n'a pas besoin d'être collés sur les
usines pour faire ça, il faut être collés sur les centres
de décisions. Chacun des éléments de son mandat
cité en annexe confère à la Société une
vocation de planification et de développement et non pas un rôle
de livraison de services, lequel sera plutôt assuré par des
bureaux locaux, eux-mêmes encadrés par des sociétés
régionales de développement de la main-d'oeuvre.
Revenons maintenant au caractère stratégique du nouvel
organisme. L'entente fédérale-provinciale qui permet la naissance
de cette Société constitue un pas en avant important dans la
recherche du Québec pour .assurer le plein contrôle de son
développement. En effet, les questions relatives à la
main-d'oeuvre et à la formation professionnelle sont de même
impor-
tance pour le Québec que celles qui ont trait à
l'éducation. Elles en sont le prolongement, une partie
intrinsèque.
De plus, dans la perspective d'un rapatriement complet au Québec
de tous les pouvoirs et budgets fédéraux en matière de
main-d'oeuvre, tel que l'envisage le ministre M. André Bourbeau, la
future Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre chapeautera éventuellement les fonctionnaires
québécois qui s'occupent de formation professionnelle au
gouvernement, le personnel des 11 commissions de formation professionnelle et
les employés fédéraux, c'est-à-dire plus de 6000
personnes, si nos informations sont précises.
Tel que le rappelait récemment à l'émission
«Le Point» l'économiste Pierre-Paul Proulx de l'École
des hautes études commerciales, le modèle économique
québécois de première génération, le fameux
Québec inc., est en évolution rapide. Or, dans ce Québec
inc., de demain, la gestion et la formation de la main-d'oeuvre seront au coeur
de la stratégie économique du Québec. Elles risquent
d'ailleurs de s'y retrouver associées à la stratégie du
développement régional mise de l'avant par le ministre Yvon
Picotte. En fait, ce n'est pas un risque - l'expression est mal choisie -
disons qu'elles devraient se retrouver en étroite synthèse.
Bref, pour citer l'énoncé de politique du ministre
André Bourbeau, «la Société est en effet
appelée à devenir l'une des grandes organisations efficaces du
Québec moderne [...] Oui, le mandat de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre est large
et stratégique».
Mais la capitale a un statut encore précaire. Ce n'est pas ici
qu'on va être obligés d'en faire la démonstration. Ces
dernières années, le gouvernement du Québec a pu
paraître plus sensible à la situation précaire de sa
capitale. Ainsi, le gouvernement accorde maintenant à la ville de
Québec une subvention indexée de 5 000 000 $ pour compenser une
partie des dépenses que celle-ci assume à titre de capitale et il
a nommé en 1990 un secrétaire à la capitale chargé
d'élaborer un plan de mise en valeur de la capitale et de promouvoir au
sein de l'appareil gouvernemental une vision globale de celle-ci. Cependant, il
ne faut pas oublier que la croissance des organismes gouvernementaux dits
extrabudgétaires et celle des sociétés d'État s'est
faite beaucoup plus rapidement à l'extérieur de la capitale,
notamment à Montréal qu'à Québec, tel que le
relevait notre étude de 1989.
Il convient aussi de souligner le déménagement encore
récent d'une partie importante des effectifs de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Ainsi, les fonctions
de prévention, de rédaction des normes et de communication qui
regroupent environ 500 personnes ont été relocalisées
à Montréal depuis la nomination d'un nouveau président
résidant dans cette région. Je me rappelle des années
soixante-dix, quand M. Cournoyer, ministre du Travail, mon collègue dont
je suis solidaire encore aujourd'hui, poussait pour que le ministère du
Travail soit à Montréal parce que lui était à
Montréal et que ses habitudes de travail étaient là. Le
poids d'un ministre du Travail au sein du gouvernement n'est pas
négligeable, pas plus que celui d'un président d'organisme pour
la localisation de son organisme. Ces fonctions, selon les informations
fournies par la CSST, sont sous la responsabilité d'un centre
administratif partagé entre Montréal et Québec distinct,
semble-t-il, du siège social qui, lui, sera bel et bien situé
à Québec malgré ce qui est rapporté à
l'annexe 4 du rapport annuel 1990-1991 du ministère du Travail. De tels
déplacements rendent pour le moins confuse la localisation d'un
véritable centre de décision de cet organisme.
Ce déménagement s'inscrit d'ailleurs dans le comportement
général du ministère du Travail à l'égard
des organismes relevant de sa compétence qu'il autorise, le plus
souvent, à concentrer leurs effectifs dans la région de
Montréal. À cet égard, il est intéressant de noter
la différence du comportement du ministère du Travail par rapport
à celui de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle qui a vu, jusqu'ici, à ce que les
organismes relevant de sa compétence aient leur siège social et
leur principale place d'affaires dans la capitale. Malheureusement, ce
ministère semble en voie d'adopter le comportement déviant de
plusieurs autres ministères, dont celui du ministère du
Travail.
Par ailleurs, bien qu'à notre connaissance des données
précises n'existent pas sur l'affectation du temps que les
fonctionnaires de Québec doivent passer à Montréal, il est
de notoriété publique que ceux-ci, en particulier les
fonctionnaires de haute direction, exercent une bonne partie de leurs
activités, à l'instar des ministres, à leurs bureaux de
Montréal.
Un autre facteur important de l'érosion du rôle de
Québec comme capitale est le déplacement vers Montréal
d'une partie importante des négociations de l'État avec les
employés du secteur parapublic. Les négociations de la fonction
publique touchent environ 50 000 personnes, soit 11 000 professionnels et 38
000 fonctionnaires. Elles se tiennent en général à
Québec avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
et le Syndicat des professionnels du Québec.
Cependant, dans le secteur parapublic, soit les hôpitaux et les
écoles, la majorité des négociations ont lieu à
Montréal et elles impliquent près de 230 000 emplois. Je vous
rappelle que dans les années 1970-1972, quand j'étais ministre de
la Fonction publique, les négociations étaient toutes tenues
à Québec. Pas parce que je le voulais, mais parce que le
gouvernement, à l'époque, souhaitait que ce soit comme ça.
Les
syndicats concernés sont, entre autres, la
Fédération des affaires sociales, la CSN, la FTQ et la CEQ. Le
déplacement des négociations du secteur public vers
Montréal a d'importants effets pour la capitale. Non seulement la
Centrale de l'enseignement du Québec a jugé bon de
déménager son siège social de la capitale à
Montréal, mais aucune autre des grandes centrales syndicales, à
l'exception de la CSD, ne juge utile de maintenir à Québec une
délégation importante autre qu'un bureau régional.
Enfin, on ne saurait mieux illustrer la précarité de
Québec comme capitale que par le cas de la Caisse de dépôt
et placement du Québec. Celle-ci, dont le bureau de Montréal
compte 200 employés, a bel et bien son siège social à
Québec. On y dénombre effectivement quatre personnes. Pas
nécessairement au sommet du processus de décision.
La raison qu'on évoque le plus souvent pour implanter de
nouvelles unités administratives ou sièges sociaux à
Montréal en est une d'efficacité pour mieux répondre aux
clientèles particulières de la grande région
métropolitaine telles que les chômeurs, les immigrants, les
industriels et les touristes. Il est indéniable que l'augmentation de
ces clientèles dans la région de Montréal requiert un
accroissement des effectifs devant livrer à ces clientèles les
services qui leur sont destinés. De plus, nous partageons l'avis de
plusieurs à l'effet que les régions doivent pouvoir influencer
les interventions gouvernementales pour les ajuster à leur
réalité. C'est pourquoi nous sommes entièrement d'accord,
dans le cadre du présent projet de loi, avec l'idée de mettre sur
pied des sociétés régionales de développement de la
main-d'oeuvre. C'est une forme de décentralisation qui nous convient
parfaitement.
Toutefois, nous maintenons que la planification, le développement
et la gestion des politiques et programmes nationaux doivent se faire dans la
capitale, à proximité du principal centre de décision de
l'État. On présume toujours qu'il est ici. Le poids
économique et démographique de Montréal ne peut être
accepté comme argument pour y implanter le siège social de la
future Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre. Ce serait alors entériner et renforcer une attitude
que nous dénonçons avec vigueur, à savoir celle des
intervenants de Montréal qui refusent de se déplacer dans la
capitale pour y régler leurs affaires avec le gouvernement ou qui
refusent d'y maintenir une délégation suffisamment importante
pour pouvoir le faire. Washington, Ottawa et on pourrait nommer bien d'autres
capitales, pour ne nommer que celles-là, sont pourtant le siège
de la plupart de leurs organisations nationales respectives. D'ailleurs,
accepter un tel argument ne nous mène-t-il pas finalement à tout
simplement déménager la capitale à Montréal au nom
d'une plus grande efficacité?
À notre avis, le Québec tout entier, in- cluant
Montréal, y perdrait. La région de Montréal est le
principal pôle de développement du Québec et sa relance
économique est nécessaire. Nous travaillons, comme ville,
à harmoniser autant que possible les politiques qui sont de notre
ressort et la complémentarité est recherchée
régulièrement, constamment avec Montréal. Toutefois, pour
se développer, la région de Montréal ne doit pas affaiblir
la capitale ni les autres régions du Québec. Au contraire, plus
la capitale et les régions du Québec seront fortes, plus
Montréal sera en mesure de développer ses fonctions propres de
métropole qui reposent avant tout sur le support aux entreprises du
secteur privé.
Aujourd'hui, le développement des villes et des régions,
comme celui des entreprises, doit s'appuyer sur une combinaison de divers
éléments. Le potentiel touristique énorme de Québec
et de sa région, la valeur de son patrimoine naturel architectural et
historique ainsi que son statut de capitale constituent ensemble une
combinaison gagnante que l'on doit préserver et renforcer. C'est
pourquoi la ville de Québec demande au gouvernement d'implanter la
future Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre sur son territoire. Merci, M. le Président, mesdames
et messieurs.
Le Président (M. Philibert): M. le maire, merci.
Maintenant, je cède la parole au ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
le maire de Québec et ceux qui l'accompagnent. Je tiens, dans un premier
temps, à vous rassurer tout de suite sur la parfaite objectivité
du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de
la Formation professionnelle qui n'est pas un ministre représentant le
territoire de Montréal et qui n'a même pas de suite
ministérielle à Montréal. Je suis un des rares ministres
qui n'a aucun bureau ministériel à Montréal. Je ne
travaille qu'à Québec, dans le cadre de mon ministère.
Ceux qui veulent me voir en dehors de Québec doivent venir me voir
à mon bureau de comté.
Une voix: C'est correct, ça.
M. Bourbeau: Alors, c'est une mesure d'économie pour le
gouvernement aussi, bien sûr. J'aurais envie, M. le Président,
également, pour redorer mon blason, si je peux parler de la sorte, de
rappeler au maire de Québec que c'est moi, lorsque j'étais
ministre des Affaires municipales, qui ai proposé et fait adopter par le
gouvernement la subvention de 5 000 000 $ à la capitale, pour bien
démontrer l'importance que j'accorde à la capitale et au soutien
qu'on doit lui accorder.
Ceci étant dit, M. le Président, nous avons ici un
problème de taille en ce que la ville de Québec vient plaider
d'une façon très éloquente
pour la reconnaissance de son statut de capitale dans un dossier
où le gouvernement a déjà statué que, et vous
l'avez bien noté, à l'égard de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, la
principale place d'affaires sera située à Montréal.
Ça a fait l'objet d'une annonce, vous l'avez noté, dans le
document qui a été rendu public au mois de décembre et qui
porte sur le plan de redressement pour la grande région de
Montréal. Nous n'avons pas statué, cependant, sur le siège
social de la Société québécoise, et cette
décision-là sera éventuellement prise par le Conseil des
ministres, par un décret du Conseil des ministres, sur la proposition du
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle qui n'a pas encore fait une telle proposition, je
dois le dire; c'est à venir.
Maintenant, quelles sont les raisons qui ont incité le
gouvernement à agir de la sorte? Bien sûr, ce sont des raisons
pragmatiques, pratiques. J'ai bien l'intention... Ça va être
très difficile de convaincre le maire de Québec ou les
représentants de la Communauté urbaine de Québec que ces
raisons-là sont suffisantes pour faire de Montréal la principale
place d'affaires de la Société. Disons que nous avons l'intention
de rapatrier du gouvernement fédéral, comme vous le savez, les
budgets fédéraux en matière de main-d'oeuvre, ce qui
signifiera aussi le rapatriement d'un grand nombre de fonctionnaires. Le
gouvernement fédéral, présentement, a sa principale place
d'affaires, pour le Québec, à Montréal. Il y a des
centaines de travailleurs, de fonctionnaires fédéraux qui
travaillent au bureau régional de Montréal - je crois que c'est
comme ça qu'ils appellent ça; a ma connaissance, il y en a 600,
700. Nous avons, ici, nous, le ministère de la Main-d'oeuvre, à
peu près un tiers de nos fonctionnaires à Québec; il doit
y en avoir un autre bon tiers à Montréal et le reste en
région.
D'autre part, les gros problèmes de main-d'oeuvre se situent dans
la région de Montréal, ça ne fait pas l'ombre d'un doute.
Le chômage, à Montréal, est énorme; tous les
problèmes les plus importants sont là. Et quand on regarde la
région de Québec, pour nous, c'est un Eldorado. Québec est
probablement une des régions les plus dynamiques, présentement,
au Québec. Le taux de chômage est plus bas qu'ailleurs, le
développement économique est accéléré. Je ne
sais pas si la présence du député de Louis-Hébert a
quelque chose à faire là-dedans, sûrement.
M. Doyon: Déterminante. (11 h 15)
M. Bourbeau: On sent qu'il y a un dynamisme à
Québec. Les projections qui ont été faites par le
ministère de fa Main-d'oeuvre sont à l'effet que cette
situation-là va continuer dans les années à venir aussi.
On estime, chez nous, que le taux de chômage à Québec
devrait demeurer relativement inférieur à celui du reste du
Québec et, entre autres, de Montréal. La création
d'emplois, également, devrait être plus importante à
Québec qu'à Montréal. Il y a toute une série de
facteurs comme ça qui nous ont convaincus qu'il serait important de
faire en sorte que la principale place d'affaires soit là où les
problèmes présents et futurs sont localisés ou seront
localisés.
De la même façon, au gouvernement, on est en train de
modifier nos façons de faire. Autrefois, on avait des hôpitaux,
par exemple, à certains endroits et la clientèle devait se
déplacer pour venir aux hôpitaux. Maintenant, on tente de placer
les hôpitaux à l'endroit où est la clientèle. C'est
un petit peu cette philosophie-là qui nous a portés à
recommander que la principale place d'affaires soit là où est le
vrai problème.
Maintenant, je sais que je ne convaincrai certainement pas les
représentants de Québec de la justesse de cette
opinion-là. Ce que je dirai simplement, c'est que nous allons tenir
compte du point de vue de la ville de Québec et des représentants
de la Communauté urbaine de Québec lorsque viendra le temps de
décider du siège social de la Société et de
l'importance du siège social. Parce qu'il n'est pas dit que le
siège social de la Société n'aura qu'un, deux, trois ou
quatre employés. On peut certainement envisager un siège social
qui aura plus d'importance que celui de la Caisse de dépôt.
À ce moment-là, on pourra certainement tenir compte du point de
vue qui est exprimé ici, aujourd'hui.
Alors, je n'ai pas vraiment de questions à poser parce que le
sujet est clair. Vous avez mis sur la table le problème. Je vous
réponds avec les éléments que j'ai présentement
entre les mains, mais je ne sais pas si ça suscite chez vous des
commentaires. Libre à vous d'en formuler.
Le Président (M. Maltais): M. le maire.
M. L'Allier: Oui, M. le Président. Je ferai un commentaire
et peut-être que mon collègue, le président de la
Communauté urbaine, pourra aussi intervenir.
Vous avez bien mis, M. le ministre, le point sur le problème
parce que, en définitive, comme on l'a dit dans le mémoire, il ne
s'agit pas de placer à Québec les centres de services pour la
population des travailleurs et des travailleuses de Montréal. Mais comme
vous avez, dans le mandat de la Société, des fonctions centrales
qui sont des fonctions qui consistent à définir les besoins,
à conseiller le gouvernement sur les politiques et à agir,
finalement, dans la détermination de l'orientation de vos politiques de
formation, ce sont des fonctions dans les grandes entreprises qui sont souvent
liées au siège social. Ce sont des fonctions... Le siège
social est souvent le lieu, je dirais, de réflexion, d'analyse, de
prospective d'une entreprise, même si l'essentiel de
ses ressources sont ailleurs. C'est le sens des capitales dans n'importe
quel territoire. Donc, c'est ça qu'on veut garder à
Québec, ce n'est pas nécessairement en volumes pour que la
population de Montréal ou d'ailleurs doive déménager
ici.
On reconnaît la pertinence parfaite d'avoir localement, là
où sont les problèmes, les volumes de services requis; donc en
volumes, il se peut très bien, il est tout à fait acceptable que
la majorité des travailleurs qui sont destinés à servir le
bassin de Montréal et à s'y alimenter en données pour
alimenter les décisions de la Société soient là.
Mais que le centre de décision, que là où se fait la
réflexion, que le siège social soit ici, dans une région
qui va être de plus en plus accueillante aux entreprises du
quatrième type, si je peux employer cette expression, celles
précisément qui sont destinées à la formation de la
main-d'oeuvre, à la rencontre des personnes, à faire en sorte
qu'une fois qu'on a passé l'étape de la technologie, de
l'informatique, on arrive à celle ultime où c'est la personne
humaine qui va faire la différence dans tous les systèmes, dans
toutes les organisations... On aura beau avoir les meilleurs ordinateurs, si on
n'a pas les bonnes personnes pour les piloter, pour en sortir le maximum, on
n'est nulle part. Or, ça, c'est les centres de formation, c'est les
centres de recherche. Localement, ils doivent être situés
là où est le potentiel, mais, en même temps, la conception
de tout ça ne doit pas trop coller, d'une certaine façon, sur le
marché, parce que, précisément, si elle s'intègre
là où est le service, souvent, le cerveau s'affaiblit.
En ce sens-là, les capitales ont cette caractéristique
d'avoir un certain éloignement par rapport au terrain, mais, en
même temps, d'avoir une grande proximité par rapport au centre de
décision. Quand vous avez dit - je terminerai là-dessus mon petit
commentaire - qu'il n'y a pas de problème, c'est l'Eldorado, la
région de Québec, du même souffle, vous nous avez dit que
vous souhaitiez vous situer là où étaient les
problèmes, je n'ai pas voulu en déduire que, du fait qu'on n'ait
pas de problèmes, la capitale allait déménager
bientôt!
Le Président (M. Maltais): M. le président de la
Communauté urbaine.
M. Rivard (Michel): M. le Président, si vous permettez,
j'abonde, bien sûr, dans le sens du mémoire qui est
présenté par la ville de Québec. Ça a fait l'objet
d'une résolution unanime du comité exécutif. Et je suis
obligé de me souvenir qu'il y a quelques années nous avons
dû nous présenter ici pour plaider en faveur du maintien à
Québec du CRIQ, du Centre de recherche industrielle du Québec.
À ce moment-là, on avait tenté de nous rassurer en nous
disant que ça serait une filiale qui aurait peu d'employés
à Montréal et qu'en fait c'était pour se déplacer
pour aller vers la clientèle. Et selon les informations que j'ai
aujourd'hui, après six, sept ans de cette décision il y a,
présentement, plus d'employés du CRIQ à Montréal
qu'il n'y en a à Québec. Et ce me permet de craindre qu'on
s'apprête à faire le même geste dans un autre domaine.
Le Président (M. Maltais): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: oui, merci, m. le président. je n'ajouterai pas
au mot de bienvenue que le ministre vient de faire à l'endroit de nos
invités, particulièrement auprès du maire de
québec, m. l'allier. la façon dont il présente l'option
qui est celle de la ville de québec et de toute la région de
québec fait en sorte que je ne peux pas me départager de cette
présentation. je crois fermement que la ville de québec, la
région de québec a un rôle absolument essentiel qui lui
appartient en propre et qui ne peut pas être partagé. il ne peut
pas être partagé, il est indivisible, c'est celui de capitale. il
ne peut pas y avoir trois quarts de capitale quelque part et un quart de
capitale quelque part ailleurs et que ça fasse pareil. ce n'est pas
comme ça que ça marche.
Le maire de Québec nous explique, avec beaucoup de bon sens,
qu'il n'en a pas contre le service à la clientèle. Ça,
ça va de soi. Ce dont on parie ici, c'est de l'évaluation des
besoins, c'est la préparation des politiques, c'est de l'analyse des
moyens et des ressources mis à la disposition de l'organisme et
ça, ça doit se faire à l'endroit qui est l'endroit
privilégié, unique et distincfrf comme ça, de cette
façon, qui s'appelle la capitale et qui, en l'occurrence, est
Québec.
Le ministre fait état de décisions qui ont
été annoncées en ce qui concerne le centre
d'activité. On ne fera pas de sémantique. Il est certain que
compte tenu des problèmes que connaît Montréal, compte tenu
des besoins qui sont reconnus et identifiés, il y aura une forte
concentration de gens qui devront fournir des services aux gens qui sont
là et qui en ont besoin. Moi, comme député de la
région de Québec, je dois dire que ça fait 10 ans que je
me préoccupe de cet aspect des choses et je ne suis pas tout seul. Les
députés de la région de Québec, on est unanimes
là-dessus. C'est une bataille qui, M. le maire, M. le président
de la Communauté urbaine, n'est jamais gagnée. Ce n'est jamais
fini. C'est le mythe de Sisyphe. On remonte la pierre et efle redescend. C'est
fatigant, c'est long, c'est ardu, c'est à recommencer, mais c'est une
bataille qui nous échoit en tant qu'élus de la région de
Québec.
Je n'ai pas véritablement de questions non plus à votre
endroit. Tout simplement, ce que je veux vous dire c'est que vous avez, au sein
de la deputation de la région de Québec - et je pense pouvoir
parier même pour les collègues qui
sont du parti adverse - des alliés très sûrs qui
gardent les yeux ouverts et qui le font depuis longtemps. Je me souviens des
renseignements que je demandais et des inquiétudes que je manifestais -
c'était en 1982-1983 - en ce qui concerne SOQUEM, par exemple, où
il y avait des déplacements qui s'annonçaient. On ne savait pas
trop de quoi il s'agissait. Il est toujours difficile de savoir exactement ce
qui se passe dans la boîte. Ce sont des prêts de services, ce sont
des assignations, ce sont des mandats spéciaux et les choses
s'enchaînent l'une à l'autre, très souvent pour,
finalement, se retrouver dans des situations qui sont devenues permanentes et
qui le sont, très souvent, au détriment de la région de
Québec. Et, dès ce moment-là, c'est un aspect qui
m'intéressait beaucoup et j'ai gardé un intérêt.
Évidemment, ce genre de bataille, comme vous le disiez fort
à propos, n'est pas de nature à nous rendre
particulièrement populaires. Nous avons besoin, en tant que politiciens,
dans les décisions qui sont prises, de gens qui sont ailleurs
qu'à Québec. Nous avons besoin de leur appui. Nous avons besoin
d'aller chercher auprès des gens de Montréal, des ministres en
particulier, qui sont nombreux, venant de la région de Montréal,
leur soutien dans plusieurs dossiers. Ce qui fait que parfois il nous faut
livrer bataille sur un terrain qui est miné et il faut faire des
batailles de longue haleine, ne pensant pas régler la question une fois
pour toutes. Mais c'est des interventions comme celles que vous faites qui nous
permettent de faire le point sur les choses.
La situation n'est pas parfaitement satisfaisante mais finalement,
à mon avis, grâce à la vigilance dont vous faites preuve et
à celle dont les élus, ici à Québec, ont fait
preuve - et je pense particulièrement au ministre, M. Marc-Yvan
Côté - je pense qu'on a, en tout cas, fait plus que minimiser les
dégâts, ce qui ne serait pas suffisant parce que la force
d'attraction... Et moi, je conçois que la ville de Québec est
particulièrement vulnérable dans ce sens qu'elle ne peut pas
faire jouer une métropole contre une autre métropole. S'il y
avait une autre métropole qui ressemblait à Toronto, par exemple,
pour mettre Québec dans la situation de Toronto, ça serait plus
facile. Washington, c'est plus facile parce qu'il y a New York, il y a Chicago,
il y a Los Angeles, etc. On peut, comme ça, faire jouer ces
facteurs-là, tandis que Québec est la deuxième ville plus
populeuse, à part Laval... (a troisième. Et on n'a pas ce
contrepoids naturel qui nous vient. À ce moment-là, c'est plus
difficile, il y a une espèce de force d'attraction qui vient tout
simplement de la grosseur de la métropole, qui fait que cette attraction
se fait naturellement sans que personne n'y contribue vraiment.
Alors, il y a des choses, par contre, qui me consolent. Je vous annonce
que le député de Saguenay, par exemple, a maintenant feu et lieu
dans la région de Québec. Ça compense beaucoup. Des
voix: Ha, ha, ha! M. Maltais: Et mes taxes sont payées.
M. Ooyon: II m'assure que ses taxes sont payées à
Beauport en plus. Alors, c'est un acquis considérable qui compense
probablement pour quelques dizaines de fonctionnaires. Soit dit sans malice.
C'est dans ce sens-là que je voulais que mon intervention soit comprise,
M. le maire, M. le président ainsi que M. Viau. Vous aurez toujours une
oreille attentive de notre part. Nous pourrons nous faire non seulement les
avocats de votre cause mais nous sommes au-delà de ça. C'est
notre propre cause et, à ce moment-là, je pense que nous sommes
en bonne position de la défendre avec les moyens dont on dispose dans
les circonstances.
J'avais envie de vous demander (a question, et vous y avez
répondu d'avance, en ce qui concerne le service à la
clientèle. Vous n'avez pas de problème avec ça. Les
centres régionaux, c'est quelque chose que vous acceptez, vous
êtes capables de vivre avec ça et ça va amener certaines
conséquences au point de vue nombre de personnes qui vont être
appelées à rendre les services. Mais préservons à
Québec le siège social de la société et essayons
même de le faire d'une façon tellement définitive que
l'article 4 du projet de loi 408 le dise clairement. Pourquoi pas? Ça
s'est fait dans d'autres lois. J'ai proposé des amendements, je ne me
souviens pas quelle société nous étions en train de mettre
sur pied, mais nous avons adopté un amendement et nous avons
indiqué que ça serait à Québec tout simplement, que
le siège social serait à Québec. Pourquoi, s'il y a
quelque chose qui a du bon sens, le législateur ne se prononcerait-il
tout simplement pas là-dessus? Pourquoi appartiendrait-il au Conseil des
ministres de le faire par décret? Je vois très bien que l'article
4 se lise de la façon suivante: La société a son
siège social sur le territoire de la Communauté urbaine de
Québec, etc. Je pense qu'on enlèverait un élément
d'incertitude et ça n'altérerait pas la loi comme telle,
ça ne changerait rien aux centres régionaux, ça ne
changerait rien aux centres d'activités nécessités par le
nombre de personnes qui ont besoin de services'.
Je fais appel dès maintenant au ministre. Sans en faire une
proposition formelle, par papillon, etc., je lui indique que je verrais d'un
très bon oeil - et je suis sûr que les collègues de la
région de Québec seraient heureux de voir la même chose -
que l'article 4 du projet de loi 408 soit amendé en
conséquence.
Alors, c'est à peu près tout ce que je voulais faire
valoir en ce moment, M. le Président. Peut-être que M. le maire ou
M. le président de la Communauté urbaine ont des
réactions. Là-dessus...
Le Président (M. Philibert): Le temps est
épuisé. Il reste une minute que le ministre me demande
d'utiliser.
M. Doyon: Ah! C'est malheureux. (11 h 30)
M. Bourbeau: Écoutez, je ne veux pas enlever la parole
à M. le maire. Si vous voulez réagir. Moi, ce que je veux
simplement dire c'est que la question, telle que la pose le
député, c'est d'amender le projet de loi, d'ailleurs, on
n'étudie pas le projet de loi, ça ce n'est pas le temps, mais de
façon que le siège social soit à la Communauté
urbaine de Québec. Est-ce que ça rencontre les voeux du maire de
Québec cette...
M. Doyon: Sur le territoire de la Communauté urbaine de
Québec.
M. L'Allier: M. le Président, on serait tout à fait
d'accord pour que ce soit indiqué: à l'intérieur du
territoire de la Communauté urbaine de Québec. À
l'intérieur de ce territoire, la zone de la capitale est connue. C'est
dans l'intérêt du gouvernement de trouver un site. On n'est pas en
chicane dans la région là-dessus, pas plus qu'on est en chicane
avec Montréal. Je vais développer à la fin, si vous me
permettez tout à l'heure, à un moment ou l'autre, pendant une
minute sur ce point.
M. Bourbeau: En terminant, disons que je prends bonne note de la
suggestion du député de Louis-Hébert. Lorsque viendra le
temps d'étudier le projet de loi en commission parlementaire, si le
député se souvient encore de sa proposition!
M. Doyon: II va me la rappeler!
M. Bourbeau: d'ici là, on va cheminer sur cette
pensée pour voir s'il y a moyen d'accoucher d'un projet d'amendement. je
ne l'exclus pas du tout.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue M.
L'Allier, M. Rivard ainsi que M. Viau. Dois-je comprendre que ça vous
satisfait, ce jugement à la Salomon, un siège social à
Québec et la principale place d'affaires à Montréal?
M. L'Allier: Pour répondre à votre question,
madame, quand on parle de la principale place d'affaires, c'est-à-dire
le principal lieu de services, la population desservie en termes de services
est la. Ce qui est la caractéristique d'un siège social, c'est
d'être le centre de décision, là où on
réfléchit sur la gestion, l'organisation et l'orientation. Il se
peut souvent que ce ne soit pas la majorité des emplois qui sont
reliés au siège social mais ce sont des emplois qui se situent au
niveau décisionnel de l'entreprise. Comme c'est l'essence même du
siège du gouvernement d'être le centre de décision, pas
nécessairement le centre d'action, donc, notre objectif ce n'est pas de
rapatrier à Québec le plus de gens possible qui devront ensuite
reprendre la 20 pour aller servir la population de Montréal. On a bien
souligné qu'on appuyait la décentralisation des services mais on
appuyait encore plus fortement la concentration des centres de décision
autour du gouvernement lorsqu'il s'agit du gouvernement, parce que c'est
ça, une véritable capitale.
Mme Harel: Dans votre mémoire, vous dites, d'entrée
de jeu, dès la première page: «Dans le contexte
économique actuel, la ville ne peut demeurer indifférente
à l'adoption de mesures qui pourraient entraîner une diminution
des emplois gouvernementaux qu'elle possède déjà.»
Vous en faites un principe, si j'ai bien compris, d'une certaine façon?
Ne pas se voir diminuer des emplois gouvernementaux déjà en
place. Cette réflexion que vous faisiez dans votre mémoire
m'amène à vouloir échanger avec vous peut-être sur
toute cette question du rapatriement.
D'abord, je dois vous dire que j'ai fait venir le rapport du groupe de
travail sur l'étalement urbain que vous aviez mis sur pied. J'en prends
connaissance là, j'en suis encore aux premières pages, mais je me
rends compte que finalement, le modèle des conséquences
créées par l'étalement sont les mêmes. Que ce soit
à Montréal, à Québec, à Rimouski ou à
Rivière-du-Loup, finalement, c'est en macrocosme ou en microcosme, mais
les comportements, les conséquences sont les mêmes. En tout cas,
je vous félicite pour la mise sur pied de ce groupe de travail et de ce
mémoire. Je m'en fais le diffuseur à Montréal pour qu'on
puisse peut-être obtenir finalement un examen aussi exhaustif que celui
qui a été réalisé pour Québec. Mais
l'échange que je souhaitais avoir avec vous c'est sur cette question du
rapatriement, essentiellement. Vous savez que les fonctions centrales,
celles-là même que vous spécifiez comme étant des
fonctions centrales, pour le gouvernement fédéral, sont
situées à Montréal en ce qui concerne la région de
Québec, la région du Québec pour se parier plus
clairement. Pensez, par exemple, que pour l'ensemble de ce qu'est la fonction
centrale de décision pour la région du Québec qui, dans la
perspective fédérale, signifie le Québec, en
matière d'Emploi et Immigration, en matière de
Société d'hypothèques et de logement... Alors, le portrait
qui s'en dégage, c'est que, s'il y a autour d'un peu plus de 40 000
fonctionnaires fédéraux dans l'Outaouais, il y en a autour de 20
000 à Montréal et puis il y en a autour de 5000 à
Québec et puis il y en a quand même quelques milliers à
Shawinigan, à Matane
et ailleurs.
Est-ce qu'il faut comprendre que toutes ces activités de
fonctions centrales qui, jusqu'à maintenant, pour le gouvernement
fédéral, étaient en très grande partie
localisées à Montréal, vous voudriez, si tant est qu'il y
avait des transferts importants de gouvernement à gouvernement, les voir
rapatriées à Québec?
M. L'Allier: Non. Ce que vous venez de décrire comme
étant les fonctions qui sont à Montréal sont
précisément des fonctions d'exécution, même si,
à Montréal, on a la responsabilité d'exécuter les
décisions fédérales à l'échelle du
Québec. Mais, vu...
Mme Harel: Ils font des fonctions de planification?
M. L'Allier: Oui.
Mme Harel: II faut bien se comprendre. Ce ne sont pas là
des centres de services. Il y en a...
M. L'Allier: Oui.
Mme Harel: ...autant qu'il peut y en avoir dans n'importe quelle
région du Québec...
M. L'Allier: Non.
Mme Harel: ...mais les fonctions de planification, de
programmation pour le gouvernement fédéral, à peu de
choses près, sont toutes à montréal.
M. L'Allier: Y compris pour ce qui se passe à Vancouver et
à Toronto?
Mme Harel: Pour la région du Québec, on... M.
L'Allier: Bien voilà. Mme Harel: Regardez bien...
M. L'Allier; Vous venez de donner le point, madame.
Mme Harel: Mais c'est pour l'ensemble de la région du
Québec.
M. L'Allier: Mais c'est pour la région. De la même
façon qu'on ne souhaiterait pas que les fonctions de planification de
l'action de formation pour la région de Montréal soient
conçues à Québec ou à Chicoutimi ou inversement.
C'est-à-dire qu'à partir du moment où on applique le
modèle canadien à échelle du Québec ça
repose le même problème. Et la logique de ce que vous indiquez
voudrait dire que, finalement, si jamais le Québec rapatrie tous les
pouvoirs et fait l'indépendance, tout ce qui nous vient d'Ottawa devra
atterrir à Montréal puisque le gouvernement fédéral
n'a à peu près rien à Québec.
Mme Harel: C'est-à-dire que tout ce qui est à
Ottawa...
M. L'Allier: Donc, la future capitale du Québec
indépendant sera à Montréal.
Mme Harel: Je vous repose la question. Puisque, comme
vous-même vous convenez qu'il y a à peu près 40 000 emplois
peut-être et plus dans l'Outaouais, 20 000 emplois fédéraux
à Montréal, 5000 à Québec, est-ce que vous
souhaitez le rapatriement de ces emplois à Québec?
M. L'Allier: C'est-à-dire que les emplois de
décision... Pour nous, s'ils viennent à Québec, on va
être très contents. Mats il faut que le gouvernement agisse d'une
façon rationnelle. Là où sont les services à
rendre, il doit placer ses fonctionnaires. Là où il faut, pour
rendre ces services-là, avoir une fonction planification parce qu'une
région québécoise requiert de la planification à
cause de son volume, il doit les placer sur place. Mais les centres de
décision, si on rapatrie tous les pouvoirs, doivent être dans la
capitale comme actuellement les centres de décision de la main-d'oeuvre,
pour le gouvernement fédéral, sont dans la capitale
fédérale, à ma connaissance.
Mme Harel: Alors donc, à ce moment-là, je comprends
que ce qui est à Ottawa, dans cette perspective-là, est
rapatrié à Québec et ce qui est à
Montréal...
M. L'Allier: Ce qui est à Montréal reste à
Montréal.
Mme Harel: ...reste à Montréal.
M. L'Allier: Oui.
Mme Harel: C'est ça qu'il faut comprendre.
M. L'Allier: Oui.
Mme Harel: Donc, il faut comprendre que dans la perspective du
rapatriement du ministre... Mais on s'entend, hein? Ce qui est à Ottawa
peut être rapatrié à Québec, c'est très
logique, et ce qui est à Montréal reste à Montréal.
Et, donc, il faut comprendre qu'une très grande partie des effectifs
Emploi et Immigration Canada vont rester à Montréal puisque c'est
là où ils sont localisés.
M. L'Allier: Si vous me permettez de préciser, vous avez
parfaitement raison, de sorte qu'on a deux chapeaux à ce
moment-là. En volume d'emplois, comme ville qui accueille des
employés, comme toutes les villes, on essaie d'en garder le plus
grand nombre possible en présumant que s'ils sont ici c'est parce que la
logique de l'efficacité ou du rendement fait qu'ils sont ici. Ça,
c'est un point. Mais comme capitale, lorsqu'on raisonne comme capitale, c'est
des emplois qualitatifs auxquels on pense, c'est-à-dire ceux qui sont
liés à la fonction décisionnelle du gouvernement dont on
présume qu'elle-même a choisi d'être ici en faisant un choix
politique. Et, en ce sens-là, ce n'est pas donc une bataille de volume,
ce n'est pas une bataille pour s'arracher du monde.
Mme Harel: C'est très important de le préciser
parce que, à la page 4 - et je dois vous dire que votre mémoire
me laissait songeuse sur le fait, par exemple, que les fonctions de
prévention aient été déplacées, pour la
CSST, de Québec à Montréal. Mais justement, ces fonctions
de prévention ont énormément à voir avec la culture
des entreprises et, dans l'optique même de vos propos de ce matin, je
pense qu'on peut comprendre pourquoi les fonctions de prévention se font
sur le terrain.
M. L'Allier: ce qu'on a mis, m. le président, madame,
à la page 4, c'est le tableau statistique des déplacements. a
l'intérieur de ça, il y a des choses qui se justifient. mais si,
en même temps, on ne fait pas attention, on va jeter le
bébé avec l'eau du bain de ce côté-là,
c'est-à-dire qu'on va en profiter aussi pour déplacer des centres
de décision. ce n'est un secret pour personne que, si vous voulez
rencontrer efficacement le gouvernement, il faut se déplacer à
montréal, y compris pour le maire de québec. c'est devenu
ça la réalité! le dédoublement des fonctions
ministérielles fait qu'il y a deux capitales dans les faits. les
ministres y passent autant de temps. c'est leur choix, c'est leur droit. c'est
un choix politique. on peut chialer, mais on vit avec, on se déplace
à montréal. ça entraîne toute une série de
décisions. l'ex-ministre des affaires municipales le sait: l'umq est
à montréal parce que finalement, depuis quelques années,
c'est là que les rencontres ont lieu, de la même façon que
la csn, la ftq, la ceq sont à montréal parce que les choses se
font là. le même phénomène ne se produit pas
à ottawa. le premier ministre d'ottawa rencontre beaucoup de gens
à toronto, à vancouver, etc. et m. doyon a un argument
très très fort, c'est qu'une des forces d'ottawa dans les
années passées, c'est parce que le gouvernement n'a pas voulu
prendre de décision entre montréal et toronto. je vais vous
donner un autre exemple. la province d'alberta a deux villes: edmonton et
calgary, et le choix du gouvernement c'est d'équilibrer le
développement entre deux villes parce que les choix stratégiques
les plus raffinés aujourd'hui en arrivent à fa conclusion que
deux pôles urbains forts sur un grand territoire comme le Québec
font un territoire plus fort qu'un seul mégapôle et des
pôles qui vivotent autour. Donc, c'est des choix stratégiques et
ce dont on parle ici, c'est des choix stratégiques qui doivent
être faits par le gouvernement, qu'on ne doit pas arracher pièce
par pièce. Ça devrait faire partie d'une stratégie de
gouvernement de renforcer dans une ville des fonctions particulières;
à Québec, c'est la capitale et, ailleurs, c'est autre chose.
Mme Harel: Si je comprends bien, ce n'est pas une question de
volume pour vous.
M. L'Allier: Ce n'est pas une question de volume, c'est une
question de centre de décision et, quand on fait le bilan des
déplacements, il arrive que quand on met les chiffres, à un
moment donné ils n'entrent pas dans les détails. Il y a des
déplacements qui peuvent se justifier. Par contre, il y aurait des
rapatriements de centres de décision qui sont actuellement à
Montréal qui deviendraient urgents pour que le gouvernement revienne
ici.
Mme Harel: Comme par exemple?
M. L'Allier: Oh! mon Dieu! on a des exemples ici. Par
exemple...
Mme Harel: Est-ce que vous verriez le ministère de
l'Immigration rapatrié à Québec, par exemple?
M. L'Allier: Le ministère de l'Immigration, dans ses
fonctions de services, dans ses fonctions de proximité, les immigrants
sont là. C'est là que ça se passe. Mais, en même
temps, l'intégration d'une politique d'immigration avec une politique
d'éducation, avec une politique sociale, à l'intérieur de
stratégies de gouvernement, ça devrait se faire ici, à
l'abri des contraintes quotidiennes de la clientèle exclusive de
Montréal. Actuellement, l'immigration dans la région de
Québec, vous en connaissez, ça ne préoccupe personne. On
pourrait accueillir une immigration francophone dans la région, mais
toutes les ressources sont là-bas. Il faut aller plaider à
Montréal si on veut définir des stratégies. On reste ici,
on a la paix, on évite un certain nombre de problèmes sociaux
à court terme: ils se concentrent là-bas et on les a par
ricochet. C'est ça que je veux dire par concentrer les centres de
décision dans une capitale. Et les pays qui ont choisi de sortir leur
capitale de leur métropole s'en trouvent la plupart du temps plus forts,
précisément parce qu'il y a un temps de recul. Je me souviens de
la crise d'octobre, quand on était au Reine-Élizabeth, on ne
décidait rien. On a commencé à prendre des
décisions quand on est revenus à Québec, parce que
là on respirait normalement. C'est la même chose. Il faut sortir
du bassin principal à la fois
de crises, de problèmes et, quand on est des décideurs, il
faut se donner l'occasion d'en sortir pour prendre les décisions qui
sont davantage dans la perspective globale. C'est la définition d'une
capitale.
Mme Harel: Dans votre mémoire, justement vous nous parlez
des pays jeunes, en fait, qui auraient fait des choix de capitale distincte de
la métropole. En fait, il s'agit toujours de pays presque
créés à la suite de la décolonisation. Enfin, je
n'en connais pas d'autres exemples, sauf...
M. L'Allier: Ça inclut l'Amérique, disons. M.
Viau (Serge): Ça inclut aussi l'Australie.
M. L'Allier: La capitale de l'État de New York est
à Albany et pas à New York.
Mme Harel: Oui.
M. L'Allier: Puis il y en a beaucoup aux États-Unis comme
ça.
Mme Harel: comme vous le mentionniez, finalement dans les pays
industrialisés, pour la plupart, leur capitale et leur métropole
sont confondues.
M. L'Allier: Je ne pense pas que ce soit le cas. La
majorité, je pense... En fait, je n'ai pas de chiffres devant moi.
Mme Harel: De toute façon, c'est juste...
M. Viau: Ce n'est pas vrai pour la Suisse; ce n'était pas
vrai de l'Allemagne jusqu'à récemment. Ce n'est pas vrai de
l'Australie.
Mme Harel: Ça dépend aussi des pays à
multiples composantes ethniques.
M. L'Allier: Si vous me permettez, madame, c'est toujours un
choix politique qui est un choix stratégique. Et, à partir du
moment où ce choix est fait, le genre de discussion qu'on a aujourd'hui
devient oiseux, parce que, finalement, on amplifie ce choix. Et je me
permettrai, c'est un commentaire qui est relié à ça, le
ministre des Affaires municipales le sait très très bien, ce
qu'on vit au niveau municipal, la balkanisation des municipalités, le
nombre énorme des municipalités cause des problèmes mais,
en même temps, à ma connaissance, il n'y a pas de ce que je
pourrais appeler une planification gouvernementale du développement
urbain. Les villes n'ont pas à recevoir des Instructions, mais, en
même temps, on ne connaît pas la vision du gouvernement par rapport
à ses pôles de développements régionaux. Nous,
depuis qu'on est au gouvernement à la ville de Québec, à
l'adminis- tration municipale, on a fait un choix, celui de rechercher la
complémentarité, notamment avec Montréal, parce que c'est
là qu'on trouve nos points les plus forts. Et on ne veut plus
dépenser d'énergie dans des formes de concurrence inutile, mais
on recherche la complémentarité. Ça va jusque dans la
définition de notre propre centre de congrès, par exemple, par
rapport à Montréal, qui est un centre qui pourrait accueillir
trois congrès de plus petite taille plutôt qu'un grand
congrès, des choses comme ça. (11 h 45)
Et cette recherche de complémentarité, on l'assume. On ne
se sent pas diminué pour autant. Au contraire, on pense que c'est ce qui
met en vedette et en valeur nos points forts. Parmi ces points forts, celui
d'être une capitale, si on se vide de l'intérieur, on perd notre
sens comme région. L'Université Laval perd son sens, comme centre
de formation. Alors que, si on est une capitale, vous venez de donner des axes
forts de développement et à la formation à Laval, et aux
colloques, aux séminaires, à tout ce qui se passe ici, parce que
c'est le lieu de rencontre. Ça donne un point fort au
développement de la muséologie, des institutions. Les Archives
nationales sont à Québec et la Bibliothèque nationale est
à Montréal. On se propose, éventuellement, de la
relocaliser. Pourquoi est-ce que la Bibliothèque nationale ne serait pas
dans la capitale? Pourquoi s'obliger à la mettre à
Montréal alors que ce n'est pas une bibliothèque municipale?
Mme Harel: Vous savez, il arrive parfois qu'il y a une sorte de
malentendu qui persiste du fait qu'on maintienne une chose et un peu son
contraire. Tantôt vous pariiez d'une entreprise de quatrième type,
etc., mais j'ai bien compris, j'ai bien saisi de ce que vous nous dites ce
matin, que vous souhaitez que tous les centres de décision comme tels...
Mais vous n'en faites pas une bataille de volume, vous n'en faites pas une
bataille d'effectifs et vous concevez que les centres de décision
doivent être transférés, mais que les personnels qui sont
actuellement en poste dans les régions du Québec, y compris
à Montréal, doivent rester à Montréal quel que soit
l'ampleur...
M. L'Allier: Oui.
Mme Harel: ...ou le volume des transferts qui peuvent se faire
entre les gouvernements.
M. L'Allier: Exact. Et, pour nous, les centres de décision
incluent, par définition, le centre où se conçoit la
planification pour l'ensemble et non pas pour la sous-région.
Mme Harel: Ça peut être, effectivement, une
poignée de personnes.
M. L'Allier: Ce n'est pas nécessairement des
gros volumes de personnes. On essaie de faire cette distinction entre
les centres de services qui, lorsqu'ils atteignent une certaine taille, ont
besoin de sous-planifier la planification globale, mais le centre de
réflexion, le centre de décision, le centre de planification pour
l'ensemble du territoire dans un équilibre doit se situer, je pense,
dans la capitale et le fait d'avoir une capitale excentrique par rapport
à la métropole, quand on regarde le profil de
développement des territoires dynamiques, est considéré
comme un plus, et non pas comme un handicap.
Ici, trop souvent, on le considère comme un handicap et on a
l'impression quelquefois qu'on s'efforce de se donner une seule grande ville
comme dans les plus petites provinces au pays.
Mme Harel: Vous souhaitez aussi, je pense, que le premier
ministre du Québec ait, de façon officielle, sa maison. En fait,
je dois comprendre que c'est là votre...
M. L'Allier: C'est-à-dire que ça fait longtemps. Ce
n'est pas commencé avec nous. Ça fait une trentaine
d'années. Sauf ceux qui venaient de Québec, toujours les premiers
ministres ont été de passage dans la capitale. Ce qui est une
caractéristique d'un État particulièrement frileux par
rapport à sa propre existence.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Je vous remercie.
M. L'Allier: Merci.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: Simplement pour dire, M. le Président, que le
message a été reçu et compris et qu'on va voir dans quelle
mesure on peut, sous l'aiguillon du député de
Louis-Hébert...
M. Doyon: Comptez sur moi.
M. Bourbeau: ...harmoniser nos politiques et nos volontés
avec les considérations tout à fait objectives et logiques que
nous a soumises le maire de québec.
M. L'Allier: Permettez-moi de vous remercier, M. le
Président, et les membres de la commission pour nous avoir donné
ce temps et pour cet échange qui a débordé le
thème, mais qui est fondamental pour nous. En particulier, je voudrais
remercier Mme Harel et M. le député de Louis-Hébert, mon
ami Réjean Doyon, et demander à M. Doyon de se faire le
porte-parole de ce filon non seulement dans ce dossier, mais dans tous les
autres et toujours dans une optique où ce n'est plus une question de
chicane et de frustration de la capitale, mais bien une action positive de
consolidation de deux pôles complémentaires.
Le Président (M. Philibert): M. le maire, je vous
remercie, de même que vos accompagnateurs.
J'invite maintenant Mme Andrée Beaulieu-Green à prendre
place.
Mme Beaulieu-Green, je vous invite à nous faire lecture de votre
mémoire, tout en vous indiquant que vous avez 20 minutes à votre
disposition.
Mme Andrée Beaulieu-Green
Mme Beaulieu-Green (Andrée): Merci, M. le
Président. On annonçait mes collègues. Malheureusement
pour nous, mais heureusement pour eux, ils travaillent. Ce sont d'anciens
étudiants que j'ai formés en infographie - c'est-à-dire
art généré par ordinateur. Donc, ifs ne sont pas ici;
c'est heureux pour M. le ministre parce que ça fait moins de
chômeurs artistes. Ce qui m'amènera aussi à ajouter quelque
chose à mon mémoire, qui est la formation professionnelle pour ce
que vous appelez les industries culturelles, ce que je trouve un très
vilain mot. Je préfère dire les industries de la culture, dans
lesquelles industries j'inclus la publicité qui est de plus en plus
visuelle et pour laquelle il y a une pénurie énorme, dans le
moment, d'infographistes.
J'ai regardé votre document. Je dois dire que dans le document
j'ai soutiré ça et là des fils de compromis que j'ai
sentis politiques, compromis faits par M. le ministre pour ses collègues
du ministère de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur
et certainement de tous les organismes qui s'y greffent. J'ai trouvé
surtout très intrigant le petit collant gris, à la page 63,
où on confie au réseau de l'enseignement la formation
professionnelle, technique générale, etc., et je me suis
demandé ce qu'il cachait. Je ne vous demande pas ce qu'il cache, ce ne
serait pas tellement utile, mais comme, heureusement, je me sens plus libre que
M. le ministre, je n'ai pas à faire de compromis, je vais donc
m'expri-mer de cette façon.
Dans le document, j'ai beaucoup parlé de la formation des
maîtres que, malheureusement, j'ai trouvé exclue dans votre
document. J'ai souligné mon expérience à l'École
normale de l'enseignement technique et je voudrais en dire un petit peu plus
sur ce qu'était l'École normale de l'enseignement technique et
comment je suis arrivée là, moi, diplômée des
Beaux-Arts, professeur d'art plastique. Comme le ministre du temps, M.
Bertrand, m'avait demandé, un jour qu'il visitait - j'étais la
seule femme professeur: Vous, madame, qu'est-ce que vous enseignez? je lui ai
dit: L'amour, M. le ministre, l'amour du métier, par l'amour des
matériaux. La raison pour laquelle je suis arrivée là,
c'est intéressant. C'est que le directeur, M. Roger Langlois, avait
obtenu
sa maîtrise du Massachusetts Institute of Technology. Dans cet
institut, depuis 1957, on offre des cours d'art aux scientifiques. Donc, ce fut
le début de mes relations avec le MIT. Je suis donc allée voir
tes professeurs et je leur ai demandé: Comment enseignez-vous? pour
m'aider à enseigner à mes techniciens. J'ai eu, de ces deux
professeurs, une idée géniale, c'est qu'ils faisaient travailler
leurs scientifiques avec les matériaux de leur laboratoire. J'ai donc
pris cette idée et comme, à l'ENET, on faisait aussi la formation
des professeurs en exercice. J'ai enseigné les arts aux professeurs des
institut» de technologie et des écoles de métiers de ta
région de Montréal, de Bonaventure, de Gaspé, de
Trois-Rivières, dé Chicoutimi. En somme, j'ai rencontré
pratiquement tous les professeurs de l'enseignement professionnel du temps. Ce
qui était intéressant, vu qu'on parte de culture, les gens se
disent: On ne peut pas former seulement des techniciens, on veut les civiliser,
jusqu'à un certain point. La culture qui était là, enfin,
que j'ai appris à donner par les arts plastiques, je demandais aux
professeurs en exercice de faire un travail de fin de cours en utilisant les
matériaux avec lesquels ils enseignaient tous les jours.
Je vais vous en donner des exemples. Un professeur pouvait faire un
travail gratuit ou un outil pédagogique. Il y en a un qui avait
coupé un moteur en deux en vue de colorer les pièces pour son
enseignement. Bien, il a dit: Ça fait 20 ans que j'enseigne que c'est de
l'acier trempé parce que c'est ce que les compagnies nous disent et, en
le coupant, je me suis bien rendu compte que ce n'était pas de l'acier
trempé. Il a dit: Maintenant, je vais mieux enseigner. Un autre, qui est
en soudure, a fait un arbre. Il a dit: Ça fait x années que
j'enseigne que tel type de soudure ne s'emploie pas avec tel alliage. En
faisant mon petit arbre, j'ai bien appris que ce n'était pas vrai. Un
plombier, lui, il a fait une sculpture pour son salon dont il était
très fier, il m'a dit: Maintenant, je regarde mes tuyaux d'une autre
façon et j'ai surtout appris à raffiner ma soudure. Un exemple
encore plus spectaculaire au MIT, c'est qu'un étudiant en physique, qui
voulait envoyer un rayon laser - je vous parle des années 1967, 1968,
donc, le laser n'était pas développé comme aujourd'hui et
ça coûtait très cher. On jetait les tubes qui s'embuaient
parce qu'on n'avait pas trouvé le moyen de les nettoyer. Comme il tenait
absolument à avoir son rayon laser, il a fait la recherche. Il a
découvert comment nettoyer les rayons laser, ce qui était une
découverte scientifique, au grand bénéfice de tout le
monde.
Je ne répéterai pas ce que je vous ai dit à l'ENET
sur les conditions d'admissibilité, les exigences. Quand je dis que je
crois - je ne veux pas avoir l'air revancharde contre les universités -
qu'il faut enlever du système d'éducation - si vous voulez
réussir votre pro- gramme du réseau d'éducation - ta
formation professionnelle ou, du moins, exiger avec fermeté le genre de
formation que vous voulez, il y a trois semaines, dans la presse, on demandait
à l'uqam un prof régulier en enseignement professionnel. quelles
étaient les exigences? premièrement, de préférence
un doctorat en formation professionnelle ou dans un domaine connexe ou une
maîtrise avec expérience de recherche. deuxième exigence,
expérience d'au moins trois ans dans le domaine de la formation
professionnelle. c'est très facile d'avoir trois ans d'expérience
en formation professionnelle. un psychologue peut fort bien enseigner en
formation professionnelle. troisième et dernière exigence,
expérience professionnelle reconnue sur le marché du travail.
quand on connaît les universités, on va choisir la personne qui
détient un doctorat et qui, certainement, va nous amener des textes
ampoulés comme je ne sais plus, je ne sais pas d'où ça
vient, mais les textes qui proviennent du ministère de
l'éducation sont illisibles - j'en ai. alors, vous voyez que vous ne
pourrez pas former vos professeurs en laissant ça aux
universités. (12 heures)
Moi quand j'ai quitté l'ENET, qui, malheureusement, a
été engloutie dans l'UQAM. je suis retournée dans mes
Beaux-Arts et je me suis ennuyée profondément, ce qui m'a
amenée à quitter, sans solde, pour aller me rafraîchir un
an au MIT. Finalement, j'y suis restée trois ans. J'ai terminé
mon doctorat pratique sur les éléments interactifs entre la
pensée artistique et la pensée scientifique. Pratique, en puisant
dans mes expériences à l'ENET, complémentaire à un
cours que j'ai donné aussi au MIT au scientifique.
De retour à l'UQAM, j'ai essayé de faire la formation
professionnelle en arts, juste pour combler le vide qu'a laissé le
balayage de 1969, quand on a tout détruit: l'Institut des arts
appliqués, l'École du meuble, l'Institut des arts graphiques.
Dans le moment, si vous lisez, on veut refaire l'Institut des arts graphiques,
tout ce qui nous a coûté excessivement cher. Donc, j'ai
essayé encore au niveau du textile. Les équipements
étaient là, tout était là. On faisait des petits
imprimés un peu bébêtes. J'ai voulu en faire un secteur
professionnel, sachant que Montréal était la capitale du textile,
sachant aussi - et maintenant c'est de plus en plus - la
créativité et la reconnaissance internationale que
reçoivent maintenant nos grands couturiers. Où
achètent-ils leurs tissus? À New York, en Italie et partout. Je
me suis dit: Si nous formions des gens du textile avec stages dans les
industries, et avec des cours de marketing pour qu'ils partent aussi leurs
petites entreprises, ce serait fantastique. Mais, en ce faisant, de mes
collègues qui enseignaient le textile, qui l'avaient appris sur le tas,
savaient fort bien que leur poste... que moi, en tant que directrice de
module
cherchant l'excellence, je ne les engagerais pas, on m'a mis des
bâtons dans les roues.
Mais encore plus important - et ceci rejoint beaucoup ce que vous voulez
faire - nous avions un technicien en sculpture, toujours à l'UQAM, un
Français, M. Loubot, spécialiste en staff, peut-être le
seul en Amérique du Nord. Qu'est-ce que c'est que le staff? Si ça
passait au feu, ceci, et que vous vouliez refaire la décoration de
plâtre qui est là, vous auriez donc besoin de quelqu'un qui
connaît le staff. Nous avions déjà débuté.
Les liens que vous cherchez avec Canadair, pour le moulage, on avait
déjà des rencontres. Le Syndicat des plâtriers. On voulait
former des maîtres d'oeuvre, des maîtres d'oeuvre qui pourraient
prendre en charge toute une rénovation ou en créer d'autres.
L'assemblée départementale n'a jamais voulu. Tout est
tombé à l'eau, et, finalement, Loubot, qui a pris sa retraite un
peu, excusez le mot, mais écoeuré comme moi, me disait, à
la fête qu'on lui a faite - il a quitté ça fait un petit
peu plus d'un an - ceci: Moi, le Québec m'a très bien
reçu. Mais, malheureusement, je n'ai pu remettre au Québec que 10
% de mon savoir. Et, pour ça, je suis amer qu'on ne m'ait pas permis de
le faire. Par contre, les gens qu'il a formés quand il était
là - il n'est plus là - se sont regroupés, des anciens
étudiants, en une industrie qui frise le million de dollars, pour faire
quoi? Les décors pour tout le cinéma, pour les édifices,
etc. Cette formation professionnelle qu'il a donnée n'existera plus.
Quand il a quitté, on a donné le cours à un prof qui ne
connaissait strictement rien et, au lieu de faire du plâtre, du staff et
des moulages, on fait de la glaise. Alors voilà une des raisons pour
lesquelles il ne faut pas laisser aux universités cette formation
professionnelle.
Devant mon échec monumental dans le jardin de mes
collègues, j'ai donc décidé de créer mon propre
jardin qui était «art et ordinateur», où j'ai fait
une proposition de recherche à Apple Canada qui m'a donné
gratuitement six ordinateurs, en 1984. On était donc au tout
début. Et les infographistes ici qui n'ont pas pu se présenter,
c'est parce qu'ils travaillaient. Et je dois dire que les femmes excellent dans
ce domaine. La personne en charge chez PMT Vidéo, si vous regardez la
télé, Télé-Métropole, Vidéotron, ce
sont de ses travaux que vous voyez. Elle a donc un poste à plein temps
dès sa sortie de l'université, au lieu de former 200 soi-disant
artistes qui augmentent le nombre de bénéficiaires sociaux.
Là, je ne dis pas beaucoup d'artistes, j'ai un fils musicien qui, lui
aussi, a été sur le B.S., malgré sa grande formation
à Boston. Mais il ne faut tout de même pas les faire
indûment augmenter justement parce qu'on ne donne pas de formation
professionnelle, qu'on a détruite en 1969 et qu'on se doit de
reconstruire, mais certainement pas à l'intérieur des
universités.
Ce que j'offrais à l'UQAM dans le cours «art et
ordinateur» sur un plateau d'argent, c'était les liens avec mit,
le média lab, pour fins de recherche afin de former les infographistes.
nous avions obtenu une reconnaissance internationale. j'ai même
organisé, à la demande de l'unesco, un congrès
international sur le sujet. peu de mes collègues sont venus. même
avec tout ça, on a réussi à tuer le cours, par manque de
fonds. j'avais encore mes petits apple 2e à 128k de mémoire; vous
vous imaginez si je vais loin avec ça! mais l'argent qu'on me refusait,
le peu d'argent que je demandais, on l'a donné à une chercheuse
en esthétique, à peu près 40 000 $, pour faire un... et
c'est ça la fonction des universités. elle n'est pas sortie
malheureusement d'une vocation romantique et je crois que la formation
professionnelle dans les universités est au même point où
était huxley, en angleterre, à la fin du xixe, où il
essayait de convaincre les universités que l'enseignement des sciences
était aussi important intellectuellement, était une fonction
intellectuelle aussi importante que la lecture des vieux textes.
C'est intéressant de voir, même aujourd'hui, pourquoi
Polytechnique est une école affiliée, pourquoi les HEC sont aussi
une école affiliée; c'est parce que les critères
d'admission ne sont pas les mêmes. Donc, les écoles
affiliées ont le loisir et la liberté de faire une formation, tel
que Polytechnique, où celui qui sort est immédiatement
employable, comme les HEC, où il y a aussi une possibilité de
continuer. Donc, si vous avez d'autres arguments pour ne pas les laisser, je
pourrais continuer, mais je vais arrêter.
Je suis donc d'accord avec l'éditorial de Mme Lise Bissonnette
qui disait que la position de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain était intenable de confier au système de
l'éducation la formation professionnelle.
L'autre chose qui est intéressante, M. le ministre, c'est que
j'aimerais bien vous donner les arguments pour être moins timide en
imposant aux industries un pourcentage de leurs revenus pour la formation
professionnelle. Mon argument. Je prends un argument de M. Paul Samuelson,
économiste au MIT et prix Nobel, qui disait: «L'organisateur d'une
entreprise qui croit s'être fait lui-même et avoir
créé sa propre firme a exploité en réalité
tout un système social préexistant qui a mis à sa
disposition des ouvriers qualifiés, des machines, un marché. S'il
est vrai que les ressources techniques et financières de la firme sont
la propriété des actionnaires, plusieurs éléments
primordiaux nécessaires à son exploitation appartiennent à
la communauté en général: les routes, l'eau, les
concessions forestières, minières, les écoles, les
hôpitaux, les aqueducs, etc. Et celle-ci, en tant que propriétaire
- donc la communauté en tant que propriétaire - de ces
ressources, est en droit d'exiger des comptes au même titre que les
actionnaires et les investisseurs.»
Donc, M. le ministre, en tant que mon
représentant vis-à-vis de ces gens et le
représentant de tous les Québécois, j'aimerais bien que
vous exigiez des entreprises leur part sociale. Ce ne serait qu'un tout petit
remboursement des taxes que je paie et que les Québécois paient,
tous, afin d'offrir à ces industries les conditions essentielles
à l'exploitation.
Une autre chose qui est très intéressante, j'en ai fait
cinq copies. C'est intéressant que le New York Times du 5 janvier
parle de Canadian Tire à Vancouver. Canadian Tire n'a pas besoin
d'école pour former des caissières, enfin, pour emballer, etc.
Mais qu'est-ce qu'ils font, à Vancouver? Ils donnent 3000 $ à
leurs employés qui veulent poursuivre des études
supérieures, surtout des jeunes dans la vingtaine. Qu'est-ce que
ça rapporte à Canadian Tire? Ceci: il n'y a pas d'union. Tous les
gens savent que vous commencez à 6 $ l'heure, la première
année; la deuxième année, c'est 7,50 $ l'heure et la
troisième année, c'est 9 $, plafonné. Mais quand on permet
le temps partiel et quand on permet aux employés de poursuivre des
études... Certains sont allés en médecine. Enfin, ils ont
le choix des études qu'ils veulent. Après leurs études,
dehors! S'il y a des gens qui veulent rester à 9 $ l'heure toute leur
vie, c'est leur problème. Qu'est-ce que ça rapporte à
Canadian Tire de donner 3000 $ à leurs employés? Ça
rapporte, premièrement, qu'ils ne paieront jamais plus que 9 $ l'heure
pour leurs employés, ça crée un climat intéressant
parmi les employés et le directeur dit: Si ça me prend, comme
directeur du personnel, beaucoup d'énergie et si des fois c'est un peu
agaçant de toujours avoir à former une main-d'oeuvre nouvelle,
par contre, on n'a pas de bois mort et on a des gens intéressés.
J'en ai fait cinq copies, je pourrais vous les donner.
Le Président (M. Philibert): Je m'excuse, madame, je vous
invite à conclure, votre temps est épuisé.
Mme Beaulieu-Green: C'est à peu près fini, tout ce
que je voulais dire, et je vais terminer avec ça, que je me pose des
questions sur la formation elle-même de la loi. J'ai toujours un peu peur
des grands permanents, d'un trop grand nombre de permanents. Je me dis plus il
y a de gens, plus il y a de jeux de coulisses. Plus on fait de compromis pour
satisfaire tous et chacun... Il me semble que cinq personnes bien
intentionnées et intelligentes seraient suffisantes, le reste, ce serait
sectoriel, pour ne pas que s'installent la grisaille et la monotonie qui sont
l'envers de la démocratie, comme l'a si bien dit de Toqueville.
Voilà!
Le Président (M. Philibert): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, voilà un
exposé original, intéressant. Vous portez, madame, un jugement
très très sévère sur notre système actuel
d'éducation. Vous recommandez à la page 8 et je vais vous citer:
«Ne pas confier au réseau public d'enseignement la
responsabilité d'offrir la formation générale de
même que les connaissances théorique et technique.» Doit-on
comprendre, de votre mémoire, que vous souhaitez une privatisation
complète de notre système d'enseignement? Est-ce que vous
pourriez être un peu plus explicite là-dessus?
Mme Beaulieu-Green: oui, m. le ministre, parce que, vous voyez la
formation générale... lorsqu'on parle de formation
générale, ce sera quoi? ce sera un p/acage? ce sera quoi? c'est
là où les jeunes s'ennuient. tandis qu'on pourrait fort bien en
privatisant... vous pouvez fort bien, vous, réquisitionner des espaces,
comme je le dis plus tard. on est toujours dans la construction en
éducation au québec mais on ne pense pas beaucoup à ce
qu'on va mettre dedans. vous pourriez réquisitionner des espaces et
être le maître d'oeuvre avec de la formation
«autoch-tale» en lien avec l'entreprise et ne pas dire: bon, on va
faire de la formation là, et la formation générale, on va
donner ça à la faculté unetelle ou au cégep, en
formation générale. il faut que cette formation soit tellement
intégrée... et la seule façon que vous allez revaloriser
l'enseignement professionnel, c'est quand ces jeunes sauront qu'il y a une
culture de rattachée a leur métier.
Je cite de Bono. Je vous ai apporté le livre «Eureka»
abondamment illustré. Avec ça, vous donnez toute une culture,
comme je l'ai dit, au lieu d'un placage. Et quel placage donne-t-on même
au général aujourd'hui? Si je suis impitoyable sur le
système d'éducation, M. le ministre, ça fait 30 ans que je
suis dedans à plusieurs niveaux. J'ai quitté et ce qui me
désole, c'est qu'après 30 ans de travail je quitte le
système pire que quand j'y suis entrée. Ça, après
une vie de travail, on est très amer de voir qu'on n'a rien
réussi.
M. Bourbeau: En ce qui concerne l'enseignement professionnel,
vous semblez déplorer que l'on ait contribué à la
dévalorisation de l'enseignement professionnel en abandonnant les
instituts de technologie, à la page 5 de votre rapport, et aussi tes
écoles de métiers. Est-ce donc dire que vous recommanderiez au
gouvernement de revenir à cette formule des écoles de
métiers et des instituts de technologie?
Mme Beaulieu-Green: Oui, M. le ministre. Cette observation que
j'ai faite, enfin, cette demande que je fais, c'est que comme j'étais
à l'UQAM, évidemment, je rencontrais souvent des anciens
étudiants, maintenant profs au professionnel du cégep du Vieux et
d'autres ex-étudiants qui se sentaient complètement
dévalorisés
en tant que profs de l'enseignement professionnel à
l'intérieur des cégeps. L'étudiant, lui... Vous avez la
même chose dans les écoles de métiers des écoles
secondaires. C'est tellement pitoyable, et je ne comprends pas que la
Fédération des commissions scolaires vienne vous demander une
place quand elle n'a absolument rien fait. Mais c'est tellement pitoyable! (12
h 15)
Je vais vous donner un exemple. Finalement, l'éducation, ce n'est
pas des grandes thèses, c'est la petite histoire du vécu, parce
que c'est dans ces lieux que vivent les jeunes et c'est dans ces lieux que
travaillent les profs. Quand le Conseil supérieur de l'éducation
avait fait une enquête sur la tâche des professeurs, il y en avait
un qui avait fait un peu de théâtre. Il est arrivé et a
dit: À 9 heures le matin, voici comment je suis habillé. Il
enseigne la géographie, quelque chose comme ça. Il était
ou en disponibilité ou il enseignait autre chose. Il a dit: À 10
h 30, je mets ma chienne blanche et, là, je m'en vais aux
métiers. Je n'y connais rien, mais j'enseigne les métiers.
Ensuite de ça, j'enlève ma chienne blanche; là, je donne
un cours de quelque chose d'autre que je ne connais pas, puis il dit: Ensuite
de ça, je remets ma chienne blanche et je termine. Eh bien! c'est
ça le secondaire professionnel, M. le ministre!
M. Bourbeau: Ce n'est pas exagéré un peu?
Mme Beaulieu-Green: Et tous ces gens-là le savent, mais
ils n'ont rien fait. Je vais vous dire plus que ça, pourquoi, comme vous
le dites, je passe un jugement sévère. J'ai même
l'intention d'écrire un livre. Eh bien! comme vous le voyez, je ramasse
des écrits depuis longtemps. En 1972, un psychologue - certainement une
recherche de mes crises universitaires ou ce que vous voulez - était
effaré des 10 % de décrocheurs. En 1972, un article du Devoir
que j'ai ici quelque part. Oh! le voilà! Non. Enfin, il est ici.
Aujourd'hui, en 1992, 20 ans après, 40 % de décrocheurs.
Mais qu'a-t-il fait; ce psychologue? A-t-il juste fait un doctorat? A-t-il
uniquement publié pour mettre dans son curriculum vitae? Mais, s'il a
fait ce constat, qu'est-ce que les universités ont fait pour enrayer le
décrochage? Il dit à la fin de cet article, je vais le citer de
mémoire: Les jeunes entre 14 et 16 ans ont besoin de concret. Il dit:
Qu'est-ce qu'on leur donne pour qu'ils s'ennuient? Ils maîtrisent assez
bien l'orthographe, ils maîtrisent assez bien les mathématiques,
on ne fait que renchérir sur ça en leur donnant un petit peu plus
et ils s'ennuient. Le concret, c'est quoi? C'est ce que les polyvalentes ont
voulu faire. J'ai enseigné à la polyvalente Vaudreuil-Soulanges.
C'était extraordinaire. J'ai dit: On va faire le lien entre le
professionnel et le général. Vous pensez! Eh bien, quand j'ai vu
l'annonce qu'à l'ENET on avait besoin de ça, je me suis dit: Je
vais aller les voir. Ça va être intéressant, la formation,
ce que je vais faire là, etc. Le directeur de la régionale ne
voulait pas l'intégration. J'ai pris un poste à mi-temps à
l'ENET, gardant mon poste à mi-temps à Vaudreuil. J'ai dit:
Ça va être fantastique. Ils m'ont mise à la porte. Les
commissaires se sont réunis. Les commissaires: pas de poste à
mi-temps. On peut redéfaire la résolution un mois après,
on ne le voulait pas. Et ça, c'est au début. Vous vous demandez
pourquoi je porte un jugement sévère? Mon vécu, le
vécu de collègues, le vécu de tous les gens que je
rencontre encore aujourd'hui me font poser ce jugement
sévère.
J'ai même lu ce que M. Paradis, je crois, a écrit sur la
formation. Le fond est très bien, mais ce que j'ai retenu, c'est les
verbes: L'université «doit tendre» - donc elle ne tend pas
-«doit s'appliquer», «devra porter», «doit
inscrire» la formation des formateurs, «devrait favoriser»
chez les professeurs un engagement. Et il termine en souhaitant que vous allez
faire une place réelle à la formation cumulative de
l'université. Je me dis: Pourquoi ne l'a-t-il pas fait avant? Ce n'est
pas vous qui devriez être en commission parlementaire aujourd'hui,
jusqu'à un certain point, pour rectifier une situation qui est tellement
pourrie que, si on ne remonte pas, on moisit. Et je crois qu'on est en train de
moisir dans le moment. Ce sont les chercheurs et les gens qui auraient dû
être le moteur du gouvernement pour vous pousser à faire ceci,
à faire cela et à changer ceci et à changer cela. Et
aujourd'hui, ce qui me surprend, ils veulent tous faire partie de votre
commission; tout le monde veut en faire partie. Mais j'ai dit: Qu'est-ce qu'ils
vont dire et qu'est-ce qu'ils vont faire?
Donc, le vrai pouls de la société, M. le ministre, ce
n'est pas parmi ces gens qui sont renfermés dans vos bureaux
gouvernementaux, tellement coupés de la réalité, ni dans
les universités, tellement coupées de la réalité.
J'ai tellement appris depuis un mois, parce que je veux partir en affaires. Je
fais à l'extérieur de l'UQAM ce que l'UQAM ne m'a pas permis. Je
suis en train de mettre sur pied un centre en infographie, avec MIT qui va
collaborer à 100 % et même envoyer des étudiants. Ce qui
est scandaleux, c'est que je sois obligée d'être à la
recherche de fonds quand les fonds sont là à l'UQAM à ne
rien faire. Mais je vais le réussir parce que je suis
entêtée. Je vais le réussir pour le Québec, je vais
finir mon engagement professionnel en dotant le Québec, avec mes anciens
étudiants, d'un centre d'excellence en infographie.
Pour vous montrer jusqu'à quel point le ministère de
l'Éducation est en dehors de tout ceci - je ne voulais pas en parler,
mais je pense bien que je peux en parler - même si la commission de
Montréal - l'étude qu'on a faite, et je pense bien qu'il y a
beaucoup de ministres là -a dit qu'il y avait une pénurie
importante d'in-
fographistes pour le secteur de la publicité, qui est un secteur
de pointe à Montréal, je vais au ministère de
l'Éducation et on me dit: On a besoin de seulement 15 infographistes. On
m'a dit ça. Et je vais vous passer les programmes qu'on m'a remis qui
sont, excusez-moi, d'une incompétence et qui sont acceptés. Je ne
parle pas de corriger le français, je ne parle pas non plus de corriger
les fautes de sens. Quand on dit que le but d'un programme, c'est que
l'infographie permet la création d'images par ordinateur, moi, je dis:
C'est la photographie qui permet l'image par l'appareil photo. Il me semble que
c'est l'inverse, c'est plutôt de la photo. Quand on me dit que le
programme est accepté et qu'on me demande de le donner, je dis non. Je
n'aurais pas quitté l'UQAM pour faire pire.
Et c'est ça le ministère de l'Éducation,
malheureusement. Ça me fait de la peine de vouloir le dire. J'aimerais
dire autre chose. Mais, pour le Québec, je ne peux pas dire autre
chose.
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous saluer, Mme Andrée Beaulieu-Green. Nous avons
déjà eu l'occasion de vous rencontrer. D'abord, vous
féliciter pour être venue devant cette commission, à vos
frais, en fait.
Mme Beaulieu-Green: Absolument.
Mme Harel: Vous savez, tout cela illustre bien votre engagement
parce que rien ne vous obligeait à venir devant nous. Vous n'en attendez
rien finalement autre que ce changement que vous souhaitez pour tous et non pas
juste pour vous.
Vous aviez déjà certainement pris connaissance du rapport
Rioux, parce qu'il faut se rappeler que ce n'est pas suite au rapport Parent,
mais je crois me rappeler que c'est suite au rapport du sociologue Marcel
Rioux.
Mme Beaulieu-Green: Ah oui, qui fut secrètement rendu
public par le gouvernement, comme on disait dans le temps, et qu'on n'a jamais
mis en application.
Mme Harel: C'est suite à ce rapport que les écoles
spécialisées dans les arts et les beaux-arts ont
été intégrées à l'université. Je ne
me trompe pas de penser cela.
Mme Beaulieu-Green: oui, mais on n'a pas... le rapport rioux n'a
jamais été «implémenté» par le
gouvernement, quelles que soient les formes de gouvernement.
Mme Harel: Vous voulez dire que le rapport Rioux allait
au-delà de ce qui a été fait finale- ment.
Mme Beaulieu-Green: Absolument. Il allait même dans la
formation professionnelle. Ce dont je parlais pour l'ENET.
Mme Harel: Vous pensez qu'il vaudrait la peine de relire le
rapport Rioux, à ce moment-ci?
Mme Beaulieu-Green: Absolument. Le rapport Rioux cite, par
exemple, l'«imaginatique». «Imaginatique», comment les
industries américaines fonctionnent. J'en ai rencontré un. Il a
dit: Ce n'est pas un ingénieur que je veux, mais c'est quelqu'un qui
joue du piano. Je le regarde. Mais qu'est-ce que vous voulez dire? Qui est
capable de se mettre les deux pieds sur une table et de penser en tant
qu'ingénieur. Pour là où j'ai besoin de techniciens, moi,
je veux des penseurs.
Le rapport Rioux avait fait une étude sur ce sujet, mais qui est
passée par-dessus la tête de tout le monde. Comme on le disait: il
fut secrètement rendu public. Alors, c'est pour ça que je viens
ici, par acquit de conscience. Mais vous dire que j'attends beaucoup... Je ne
peux pas vous dire que je suis si optimiste que ça.
Mme Harel: si j'ai bien compris, ça n'est pas tant la
privatisation que vous souhaitez que la rentabilisation des investissements
publics dans le secteur de l'éducation.
Mme Beaulieu-Green: Dans le moment, il faut les deux parce qu'il
faut qu'il y ait toujours une saine, disons, compétition. Il ne faut pas
exclure le secteur privé non plus. Vous voyez? Le secteur de
l'éducation, il est toujours trop lent. Ça prend du temps pour
planifier, ça prend du temps pour... et pendant ce temps-là,
bon... Je ne crois pas que le Québec puisse se permettre de perdre une
autre décennie de jeunes; c'est impensable.
Mme Harel: Je comprends de l'échange que vous avez eu
tantôt avec le ministre que vous souhaitez - d'ailleurs, l'exemple que
vous donniez pour Polytechnique et pour les Hautes Études commerciales -
qu'il y ait ce genre d'écoles affiliées - ça pourrait
s'imaginer, par exemple, dans différents domaines - avec...
Mme Beaulieu-Green: Voilà! Mme Harel:...
l'université.
Mme Beaulieu-Green: Ou avec les cégeps.
L'université devrait peut-être conserver son rôle de
formation. Mais il me semble que la formation professionnelle et la formation
technique, ça devrait être dans les cégeps
remodelés, renouvelés. Ils ont des laboratoires souvent mieux
équipés que les universités; il ne faut pas se leurrer
sur
ça.
Pour continuer ceci, au point de vue de la formation, je suis
arrivée hier, j'étais chez des amis qui travaillent dans le
domaine des pêcheries en tant que biologistes. Il a dit: Je suis
effaré, il ne reste qu'un gérant compétent d'usine de
poisson sur la Côte-Nord, qui va prendre sa retraite. Il a dit: Moi, je
n'ai plus de techniciens. Si leurs industries de la pêche s'en vont
où elles s'en vont, c'est qu'on n'a pas de personnes compétentes,
et ceci, depuis qu'on a enlevé toutes ces écoles
spécialisées. Il n'y a plus de main-d'oeuvre compétente.
Ces gens qui prennent leur retraite... Pourquoi êtes-vous ici en
formation professionnelle 20 ans après? En 1969, on a fait le balayage.
On est rendu en 1992. C'est justement parce que, pendant 20 ans, on a
laissé uniquement aux universités, uniquement au ministère
de l'Éducation cette formation professionnelle; il est visible que le
ministère a fait faillite, la preuve est la. Et, alors? Moi, je
trouverais plus facile de refaire à côté que de demander au
ministère de l'Éducation de changer.
Mme Harel: Mais dans un contexte de rareté de ressources
publiques, comme c'est le cas présentement, vous pensez qu'on peut faire
à côté sans rentabiliser ce qu'on fait
déjà?
Mme Beaulieu-Green: Ah, pas du tout! Moi, ce que je ferais, j'y
ai pensé: trois personnes suffiraient pour faire l'inventaire des
ressources physiques, l'inventaire des ressources humaines compétentes
et, là, de dire: Bien, voici nos acquis. Faire à
côté ce qui nous manque, construire sur nos acquis, mais en faire
des entités. Rien n'empêcherait pour un cégep que la
formation professionnelle devienne une unité à part, avec un
directeur à part et avec des projets de recherche à part. Rien
n'empêcherait de réquisitionner les écoles secondaires
où on a dépensé tellement d'argent pour faire des
ateliers; rien n'empêcherait ça. Moi, trois personnes, je
commencerais par ça, ce serait facile. Là, on regarde nos acquis
et ce qu'il nous manque, on le crée.
Nous avons la devise du Québec: Je me souviens. C'est incroyable
qu'on oublie le bon et on prend la devise canadienne: A mari usque ad mare.
Donc, on fait des raz-de-marée. Je ne comprends pas. On serait mieux de
garder «je me souviens» et de partir avec ses acquis.
Le Président (M. Philibert): Est-ce que vous avez
terminé, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: Est-ce que j'ai encore du temps?
Le Président (M. Philibert): On doit ajournera...
Mme Harel: Le président m'avait dit que ça se
terminait à 12 h 30.
Le Président (M. Philibert): On doit ajourner à 12
h 30, effectivement. Alors, Mme Beaulieu-Green, je vous remercie de votre
participation à cette commission parlementaire et je suspends les
travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 14 h 12)
Le Président (M. Philibert): La commission reprend ses
travaux. J'inviterais le Centre de recherche-action sur les relations raciales
à prendre place, s'il vous plaît.
Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire; 20 minutes sont attribuées au gouvernement et 20 minutes
à l'Opposition. Je vous invite, avant de débuter la lecture de
votre mémoire, à vous identifier pour les fins du Journal des
débats, de même que le porte-parole et la personne qui
l'accompagne.
CRARR
Mme Girard (Suzanne): Suzanne Girard, administratrice au CRARR,
et M. Fo Niemi, directeur général du CRARR.
Mesdames et messieurs, permettez-moi, au nom du CRARR, de vous remercier
d'avoir accepté de nous entendre sur le dossier du projet de loi 408.
Avant de parler du mémoire proprement dit, j'aimerais vous
présenter sommairement le CRARR. Le CRARR est un organisme qui a
été fondé en 1983. C'est un organisme à but non
lucratif dont le mandat est de favoriser et de promouvoir l'intégration
des communautés ethniques dans tous les secteurs de la
société. Ses activités sont des activités de
recherche, de sensibilisation et d'analyse. Le CRARR est soutenu
financièrement par le gouvernement du Québec, le gouvernement
fédéral et les grandes entreprises.
L'objet de l'intervention d'aujourd'hui est double. À la lecture
du projet de loi 408, notre organisme a constaté encore une fois les
difficultés de la prise en considération par le
législateur des besoins et des préoccupations des membres des
communautés ethnoculturelles, particulièrement des immigrants et
des membres des minorités visibles, en ce qui a trait à la
formation professionnelle, au recyclage et à l'emploi.
Nous tenons aussi à ce que les membres des communautés
culturelles soient assurés d'une meilleure représentation, ainsi
que tous les autres groupes socio-économiques défavorisés,
au sein du conseil d'administration de la future Société et des
sociétés régionales.
Depuis sa fondation, le CRARR a et est toujours préoccupé
de l'intégration des membres
des communautés ethnoculturelles dans tous les secteurs de la
société, et surtout en ce qui a trait à l'aspect
socio-économique et au marché du travail.
Les priorités. L'accès à l'égalité
est une des premières priorités au CRARR, la concertation
patronale, syndicale, gouvernementale, et des groupes socio-économiques.
Nos nombreuses activités de recherche, de sensibilisation et d'analyse
sur la question de la formation et de l'accès au travail nous permettent
de constater que les membres des communautés ethnoculturelles du
Québec font face à de sérieux défis.
Malheureusement, ces défis ne sont pas toujours pris en
considération et reconnus par les décideurs publics et même
privés et ce, dans leur politique pour stimuler l'économie
québécoise.
Tout ceci mène le CRARR à soumettre ce mémoire et
à proposer des modifications au projet de loi 408 pour combler ces
lacunes et éviter, nous l'espérons, d'autres omissions graves. Si
vous le permettez, je vais laisser la parole à M. Fo Niemi qui vous fera
part de nos constats et de nos recommandations.
M. Niemi (Fo): Comme nous avons...
Mme Harel: Excusez-moi, monsieur. Vraiment, là, je
considère que c'est un bruit qui devrait exiger une intervention parce
qu'on a de la difficulté à vous entendre. Et puis je trouve qu'on
ne vous donne pas un traitement adéquat cet après-midi si on ne
fait pas cesser ce bruit. Peut-être est-il moins évident là
où vous êtes, mais, de notre siège, je vous assure
que...
Le Président (M. Philibert): Vous avez raison, madame.
Alors, on va faire en sorte que le message soit véhiculé aux
autorités. Est-ce que vous préférez qu'on suspende
quelques minutes?
Mme Harel: Bien là, on dirait qu'on a été
entendus.
Le Président (M. Philibert): Alors, allez y!
M. Niemi: Comme nous l'avons mentionné dans notre
mémoire, nous trouvons que l'énoncé de politique ne
mentionne nulle part l'immigration comme étant l'un des moyens
principaux pour dynamiser notre marché du travail.
Nous constatons que cette omission constitue une des lacunes les plus
graves de l'énoncé de politique actuel et qu'elle reflète
un certain manque de coordination et de concertation chez les architectes de la
nouvelle politique de main-d'oeuvre et les responsables de la politique
québécoise en matière d'immigration.
Or, il suffit de rappeler que le gouvernement du Québec, dans son
Plan d'action en matière d'immigration et d'intégration
adopté en juin dernier, a soulevé sans équivoque le
rôle essentiel que jouera l'immigration dans l'épanouissement de
la société québécoise, tant sur le plan domestique
qu'international, surtout face à des défis majeurs par rapport au
vieillissement de la population, à la pénurie de main-d'oeuvre et
à l'affaiblissement de notre base économique, autant à
Montréal qu'en région.
Il est bien connu qu'un grand nombre d'immigrants affrontent
actuellement des barrières quasi insurmontables quant à leur
réintégration sur le marché du travail. Celles-ci
résultent souvent des disparités de nos politiques d'immigration
et d'emploi et représentent des coûts absolument injustifiables
pour nos divers programmes de sécurité du revenu. À titre
d'exemple, notons la non-reconnaissance de la formation et de
l'expérience professionnelle provenant de leurs pays d'origine, un
problème majeur pour plusieurs, qui n'est même pas abordé
dans la partie de l'énoncé de politique portant sur la
reconnaissance des compétences professionnelles.
Une autre omission frappante qui s'avérera sans doute
coûteuse à long terme pour le Québec est l'absence de
référence aux problèmes d'emploi spécifiques aux
communautés ethnoculturelles. Par exemple - et je cite ici quelques
statistiques basées sur le recensement de 1986 - les minorités
visibles constituent à peu près 9 % de la population adulte de
Montréal, mais comptent 14 % de prestataires d'assurance-chômage;
alors que les jeunes, en général - là, il faut se
référer encore à 1986 - avaient un taux de chômage
de 20 %, celui des jeunes des minorités visibles variait de 30 %, chez
les Asiatiques et les Latino-Américains, à 60 % chez les jeunes
Antillais.
Les immigrants issus des minorités visibles peuvent s'attendre
à avoir un revenu moyen de 14 % inférieur au revenu moyen des
immigrants d'origine européenne. En particulier, la dégringolade
de notre secteur manufacturier est peut-être l'une des tragédies
industrielles qui frappe le plus fort plusieurs communautés,
notamment les femmes immigrantes. Ces emplois, on le sait tous, sont en chute
libre.
Le secteur du textile et du vêtement, qui représente
quelque 22 % des emplois de tout le secteur manufacturier à
Montréal, revêt une importance spéciale pour les
communautés ethniques, et les femmes immigrantes en particulier, car il
est le plus durement touché par la récession, le renouvellement
trop tardif de notre base manufacturière et, surtout, la mondialisation
du marché.
L'éventuel traité de libre-échange avec le Mexique,
où le coût de la main-d'oeuvre demeure plus faible et plus
concurrentiel par rapport au coût de la main-d'oeuvre
québécoise, constitue une autre menace sérieuse pour les
femmes immigrantes. Dans cette optique, nous avons tenu la semaine
dernière à Montréal une table ronde pour discuter de cette
problématique. Je pourrai
revenir plus tard pour vous faire part d'une recommandation majeure que
les participantes ont faite à la table ronde.
Il faut souligner ici que la plupart des débats, tant sur la
question du renouvellement de la base manufacturière que sur le
développement de la main-d'oeuvre, ne se réfèrent
même pas à ces femmes immigrantes et à ces immigrants en
général qui travaillent dans ce secteur. C'est pour ça que
nous trouvons important que l'énoncé de politique sur la
main-d'oeuvre, tel que proposé actuellement, tienne compte des
travailleurs et des travailleuses immigrants issus des minorités
ethniques et visibles, dont les besoins doivent faire partie intégrante
des préoccupations et des stratégies nationales du
développement de la main-d'oeuvre.
Pour cette raison, nous recommandons, premièrement, que
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre soit corrigé afin d'assurer que la problématique
des communautés ethnoculturelles, et plus particulièrement celle
des minorités visibles et des immigrants, soit mieux prise en
considération et intégrée de manière globale dans
l'ensemble des programmes et politiques en cette matière.
Deuxième recommandation: Que toute politique
québécoise sur le développement de la main-d'oeuvre soit
cohérente et concordante avec les objectifs et les priorités de
la politique d'immigration et d'intégration du gouvernement du
Québec de 1991.
Nous avons aussi signalé dans le mémoire une
deuxième lacune majeure en ce qui concerne la composition et la
structure de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Comme l'ensemble des groupes
socio-économiques, les femmes, les personnes handicapées, les
groupes voués à la formation professionnelle et à
l'éducation des adultes l'ont signalé auparavant, ces groupes
n'ont pas de place au sein de la Société, tel que proposé
par le projet de loi. Les communautés autochtones sont
déjà mentionnées dans l'énoncé de politique,
et là il faut encore souligner le fait que nulle part n'a-t-on
réservé une place spécifiquement destinée au groupe
socio-économique le plus touché par cette question.
Ceci nous mène à nous demander si le gouvernement est en
train de substituer à ses traditions démocratiques d'inclure les
groupes socio-économiques au sein du conseil des organismes
gouvernementaux une approche d'un corporatisme qui contredit en soi, entre
guillemets, les impératifs de partenariat que préconise
l'énoncé de politique, il faut se poser cette question-ci: Qui
pourra mieux définir et élaborer, dans un souci
d'efficacité et de productivité, les programmes de formation de
la main-d'oeuvre que les usagers desdits programmes, ces clients volontaires et
involontaires qui doivent en être les premiers concepteurs et
bénéficiaires?
Un meilleur exemple se présente au niveau fédéral
sous la forme de la Commission canadienne de mise en valeur de la
main-d'oeuvre. Cet organisme reconnaît la nécessité de
concertation et de partenariat et le gouvernement a décidé de
favoriser la participation de tous les partenaires principaux du marché
du travail, soit le patronat, les syndicats, le secteur de l'éducation
et, en plus, les groupes les plus défavorisés dans le
marché du travail, notamment les femmes, les minorités visibles,
les personnes handicapées et les peuples autochtones. Ce sont aussi des
groupes désignés par la Loi sur l'équité en
matière d'emploi. Et afin d'assurer que ces groupes cibles puissent
participer activement et non symboliquement à ces travaux, la Commission
canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre leur a même
alloué des fonds de soutien annuels. Ainsi, ces groupes peuvent former
un comité de soutien à leurs représentants respectifs qui
siègent sur le conseil d'administration de cette commission. Le CRARR
fait partie de ce comité de soutien pour les représentants des
minorités visibles.
En somme, nous trouvons que le modèle fédéral
préconise une véritable participation dans le processus,
même si le boycottage de la Commission canadienne par les milieux
patronaux, syndicaux et gouvernemental du Québec diminuerait sa
portée et son efficacité.
Il faut souligner que le gouvernement québécois a
également adopté des politiques d'accessibilité à
l'emploi pour les femmes, les communautés culturelles, les personnes
handicapées et les peuples autochtones. Ces groupes représentent
collectivement plus de 50 % de la main-d'oeuvre québécoise.
Toutefois, et là encore, il faut porter à votre attention que
l'accès à l'égalité ne semble pas encore avoir
été considéré comme faisant partie
intégrante des politiques de formation de la main-d'oeuvre. Tout comme
l'immigration, il a été omis de l'énoncé de
politique.
Qui plus est, les quatre groupes désignés, qui ont besoin
de mesures de redressement adaptées à leur condition, ne sont
même pas pris en considération dans la composition de la nouvelle
structure. Bien que l'énoncé de politique garantisse la
représentation équitable des femmes parmi les membres
nommés des milieux patronal, syndical et éducatif, il est
carrément impossible d'y assurer la diversité culturelle et
raciale. Les membres de ces communautés n'arrivent pas encore à
accéder à des postes de direction au sein des institutions
patronales, syndicales et enseignantes du Québec, et, si nous nous
limitons à ces trois secteurs seulement, nous n'allons pas avoir la
diversité culturelle parmi les membres du conseil d'administration de
cette nouvelle Société de développement de la
main-d'oeuvre.
Il n'est certainement pas dans l'intérêt des
autorités gouvernementales, des groupes socio-économiques
défavorisés et de l'économie québécoise en
général d'écarter des programmes de
développement de la main-d'oeuvre les premiers
bénéficiaires et usagers, car ceux-ci sont les plus
vulnérables aux remous du marché du travail à cause de
leur origine ethnique, de leur sexe, de leur âge et de leur
capacité physique ou mentale. Il ne faudrait pas, surtout, qu'au nom de
l'efficacité ou d'une meilleure autonomie les intérêts et
les besoins particuliers des citoyens et des citoyennes soient compromis,
surtout lorsqu'il s'agit de leur destin économique.
Nous croyons que, si le Québec compte rapatrier
éventuellement tous les pouvoirs fédéraux en
matière de formation de la main-d'oeuvre, il devra également
adopter le modèle idéal du gouvernement fédéral en
ce domaine, en l'occurrence, la Commission canadienne de mise en valeur de la
main-d'oeuvre. Pour cette raison, le CRARR vous soumet trois autres
recommandations spécifiques. 1° Que les objectifs d'accès
à l'égalité en matière d'emploi pour les quatre
groupes cibles, soit les femmes, les communautés ethnoculturelles et les
minorités visibles, les personnes handicapées et les peuples
autochtones, soient intégrés dans tous les programmes, politiques
et initiatives en matière de main-d'oeuvre que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre sera
appelée à promouvoir. 2° Que les articles 5 et 37 du projet
de loi soient modifiés afin d'assurer la représentation
adéquate des jeunes et des groupes socio-économiques
défavorisés, tel que cité précédemment,
surtout ceux qui font déjà l'objet de programmes d'accès
à l'égalité en matière d'emploi. 3° Que le
personnel de la Société soit nommé et embauché en
conformité avec la politique d'accès à
l'égalité en matière d'emploi du gouvernement du
Québec à l'égard des quatre groupes cibles ci-haut
mentionnés.
Peut-être qu'ici il faudrait que nous ajoutions une autre
recommandation qui a été soulevée lors de notre table
ronde - et j'aimerais peut-être y revenir plus tard - c'est la
nécessité de choisir Montréal comme siège social de
cette nouvelle structure.
En conclusion, permettez-nous de dire que nous ne pouvons pas parler de
mobilisation collective ou de valeur ajoutée dans notre quête pour
devenir plus compétents et compétitifs si, dans notre vision
commune, nous laissons de côté, par omission ou par commission,
toute une proportion significative de notre société. Nous croyons
que, dorénavant, toute stratégie nationale de mise en
valorisation et de rentabilisation de nos ressources humaines doit
nécessairement tenir compte des caractéristiques et des besoins
distincts des couches les plus défavorisées de notre
collectivité. Je vous remercie de votre attention. Nous sommes
prêts maintenant à répondre aux questions.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. Fo Niemi. M. le
ministre.
M. Bourbeau: m. le président, il me fait plaisir de
recevoir à la commission le centre de recherche-action sur les relations
raciales, qui a tenu, au cours des derniers jours, une table ronde sur les
femmes immigrantes dans le secteur manufacturier à montréal. le
ministère était représenté par une de nos plus
éminentes fonctionnaires qui m'a fait rapport de la réunion. mme
francine bélanger, du ministère, était là, elle y
siégeait. elle est directrice des services aux individus, au
ministère. elle était sur le panel, secteur gouvernemental. j'ai
eu l'occasion, d'ailleurs, d'obtenir un rapport de mme bélanger sur les
discussions. on m'a dit que c'était très intéressant.
Votre mémoire suggère que le personnel de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre soit nommé et embauché en conformité avec la
politique d'accès à l'égalité en matière
d'emploi du gouvernement du Québec à l'égard des groupes
cibles. Selon vous, devrait-on appliquer cette politique-là aux nouveaux
employés de la Société et aussi l'appliquer au personnel
des CFP, par exemple, ou du ministère de la Main-d'oeuvre ou d'Emploi et
Immigration Canada qui seront transférés à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre? (14 h 30)
M. Niemi: Lors de ta table ronde de la semaine dernière,
l'une des recommandations, l'une des constatations qui a été
formulée par les participants, c'est que, dans le personnel actuel des
commissions de formation professionnelle, il n'y a pas assez de
représentation des membres des communautés ethnoculturelles et,
parmi les effectifs aussi, il n'y a pas assez de connaissance approfondie des
problématiques que vivent les femmes immigrantes ou que vivent les
communautés ethnoculturelles. Pour cette raison, nous avons
discuté du sujet que vous avez soulevé. Nous trouvons important
que, pour le personnel que vous allez reprendre des autres ministères ou
des commissions de formation professionnelle, ou pour le personnel nouvellement
embauché ou nommé par cette nouvelle structure, on tienne compte
du principe d'accès à l'égalité pour s'assurer non
seulement d'une représentation adéquate, d'un reflet de
l'ensemble des clientèles du réseau, mais aussi pour s'assurer
que, dans les affectations, il n'y aura pas, peut-être, une transposition
ou juste un transfert du nombre de personnes existant; il faut que les nouveaux
personnels de la Société reflètent les clientèles
auprès desquelles ils vont travailler.
M. Bourbeau: Je pense qu'on risque d'avoir un petit
problème pratique. Étant donné qu'on va certainement
donner la priorité d'embauché au personnel existant des CFP et du
ministère de la Main-d'oeuvre, si, dans le nombre de fonctionnaires
qu'on transfère, on n'a pas les quotas qui sont prévus par la
politique d'accès à l'égalité en matière
d'emploi, à ce moment-là, iriez-vous
jusqu'à dire qu'on devrait congédier des fonctionnaires
pour faire place à d'autres qui seraient engagés en
conformité avec la politique?
Mme Girard: M. le ministre, je ne pense pas que ce soit les
attentes du Centre de recherche. Je pense que c'est vraiment en termes... La
position du Centre, c'est de dire: La qualité des services offerts, la
qualité de la compréhension de la problématique des hommes
et des femmes membres des communautés ethnoculturelles devra passer par
un personnel qui est beaucoup plus représentatif de ceux-ci. Je suis
bien consciente, M. le ministre, des contraintes que le gouvernement a dans un
contexte de réaffectation de professionnels et d'employés
cléricaux. Je suis aussi très consciente des difficultés
de développer des programmes d'équité ou d'accès
à l'égalité dans un milieu de travail quand il y a
déjà des gens en place et que les perspectives d'embauché
sont très limitées.
Mais si je ne me trompe, depuis plusieurs années, c'est un mode
de fonctionnement que les commissions de formation professionnelle ont à
l'intérieur du Québec: on fait régulièrement appel
à des postes de contractuels pour combler des mandats ou autres. Si
cette approche de gestion continue, il se peut qu'on l'entrevoie comme une
possibilité. Les femmes présentes la semaine dernière
à la table ronde ont vraiment manifesté l'intérêt et
l'importance qu'elles accordaient à avoir un service qui était
aussi dispensé par des gens qui connaissaient bien leur
réalité.
Et j'ai le goût, M. le ministre - si vous permettez, 10 secondes -
de vous dire que je suis intervenue pendant plusieurs années en
formation professionnelle avec des femmes, avec des femmes immigrantes et des
femmes non immigrantes. Et les difficultés que je rencontrais à
titre de personne qui n'avait pas nécessairement un vécu et un
quotidien, elles étaient accolées à des aspects qui
m'étaient inconnus. Je pense que l'accès à la formation et
la qualité doivent aussi dépendre du type de service qu'on rend.
Ces hommes et ces femmes ont peut-être besoin d'un service enrichi et qui
tienne compte des différences qu'ils ont. Merci.
M. Bourbeau: Dans l'éventualité où le
gouvernement se rendrait à votre suggestion, votre proposition de
représentation des groupes cibles au conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, quel mécanisme de désignation prendriez-vous?
Comment devrait-on procéder pour choisir les représentants des
groupes cibles au conseil d'administration? Et quels seraient les groupes
cibles qui devraient être représentés, selon vous, au
conseil d'administration?
M. Niemi: Je pense qu'il y a déjà quelques
propositions. Premièrement, il y a une proposition de la part de l'ICEA,
comme quoi elle pourrait jouer un rôle, peut-être une sorte de
mécanisme de rassemblement de l'ensemble de ces milieux
socio-économiques pour arriver peut-être à des candidats et
candidates idéaux. D'autre part, si on se base un peu sur le
modèle de la Commission canadienne de mise en valeur de la
main-d'oeuvre, on demanderait à des organismes de regroupements qui
représentent les femmes - dans ce cas-ci, peut-être le CIAFT, dans
le milieu des personnes handicapées, ce sera la COPHAN, ainsi de suite -
pour que, parmi ces organismes, ils arrivent eux-mêmes à une
méthode ou une approche pour choisir le représentant ou le
délégué qui représente leur intérêt au
sein du conseil d'administration de la nouvelle Société.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous accueillir M. Fo Niemi ainsi que Mme Girard. Je sais
l'excellent travail que le CRARR fait dans les dossiers qui concernent les
communautés ethnoculturelles et les minorités, visibles en
particulier. Dans votre mémoire vous soulignez qu'il y a exclusion des
groupes défavorisés; et ces groupes, vous les identifiez comme
étant les groupes cibles retenus par Emploi et Immigration Canada pour
une sorte d'action positive en matière de formation. En fait, dans
l'énoncé de politique, la seule exclusion nommément
explicite est celle des personnes assistées sociales, qui sont exclues
de la gestion des programmes de la future Société et puis
laissées aux mesures d'employabilité qui continueraient
d'être gérées par les centres Travail-Québec. Mais,
finalement, l'approche est essentiellement une approche sectorielle.
Je ne sais si vous avez pris connaissance du titre qui coiffait le
communiqué de presse qui accompagnait la publication de
l'énoncé au mois de décembre dernier, mais le
communiqué de presse s'intitulait: «Une approche sectorielle
répondant aux besoins du développement industriel». Donc,
c'est dans ce cadre extrêmement étroit qui fait plus appel
à une sorte de politique d'adaptation de la main-d'oeuvre dans le cadre
du libre-échange, de la mondialisation des marchés ou de la
croissance des grappes industrielles qu'à une politique
véritablement de main-d'oeuvre.
Comme vous l'avez signalé, il n'est pas question de la
main-d'oeuvre immigrante mais il n'est pas question non plus de la
main-d'oeuvre féminine. En fait, il n'est pas question de toutes ces
personnes qui se voient souvent mises de côté par les tendances
lourdes. C'est ça, en fait, que ne retient pas l'énoncé:
ces tendances lourdes, dans le domaine de la main-d'oeuvre, à n'utiliser
que des personnes déjà activement impliquées, ces
tendances lourdes à écarter les gens d'âge moyen pour les
changements tech-
nologiques ou à écarter les femmes des emplois
traditionnellement bien rémunérés, ou à
écarter les jeunes faute d'expérience, etc., ces tendances
lourdes que vous mentionniez aussi.
Ce que vous plaidez, c'est pour une approche non pas simplement en
fonction des besoins des entreprises en main-d'oeuvre mais, si j'ai bien
compris, vous plaidez pour une approche plus large en fonction des besoins de
la main-d'oeuvre. Et vous nous dites dans votre mémoire que cette
main-d'oeuvre rencontre, quand elle est immigrante, des problèmes
d'emploi spécifiques. Alors, j'aimerais vous entendre parler sur ces
problèmes d'emploi spécifiques.
Mme Girard: Effectivement, les femmes immigrantes rencontrent des
problèmes d'emploi qui sont spécifiques et qui sont souvent
reliés à l'accès. Les problèmes de langue, je pense
qu'on en a beaucoup parlé; ces problèmes-là semblent
s'être amenuisés au cours des derniers mois avec une augmentation
des facilités d'accès. Mais on se retrouve avec une
clientèle immigrante qui a deux types: très scolarisée ou
peu scolarisée, majoritairement dans le secteur manufacturier, le
secteur du textile - vous savez fort bien qu'il est en nette
décroissance - et qui vit dans un milieu isolé. Elles sont,
depuis près de deux, trois ans, les victimes de la décroissance
du secteur manufacturier: 22 000 emplois se seraient perdus. Et on dit que,
maintenant, il y a 22 000 femmes qui travaillent au noir au Québec, dans
le secteur des textiles. On peut faire une adéquation entre ces deux
données-là. les problèmes qu'elles ont, c'est qu'elles
n'ont pas nécessairement les connaissances ou les acquis pour
s'intégrer dans de nouveaux secteurs d'emploi. il y a deux
problèmes chez les femmes immigrantes dans le secteur manufacturier
actuellement. il y a malheureusement un problème d'âge,
c'est-à-dire qu'une partie de cette population-là pourrait
être qualifiée de «travailleuses âgées»;
et je n'ose pas utiliser cette expression-là parce qu'on n'a pas encore
mis la ligne sur ce qu'est un travailleur ou une travailleuse
âgée. j'ai le goût de raconter une anecdote: la semaine
passée, on parlait des travailleurs et des travailleuses
âgés de 40 ans; j'étais un peu inconfortable. donc, on va
passer outre.
Il y aussi les femmes immigrantes qui sont...
Mme Harel: C'est un peu paradoxal parce qu'on est jeune
jusqu'à 30 ans et on commence à être vieux à 40
ans.
Mme Girard: Oui.
Mme Harel: Alors, ça ne dure pas très longtemps
maintenant, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Girard: Non. C'est un peu angoissant.
Il y a aussi celles qui sont plus jeunes, qui sont très
scolarisées et qui, quand l'usine ferme, se retrouvent soit au noir ou
chez elle. C'est un problème qui est majeur. C'est une main-d'oeuvre qui
est importante. Il faut regarder, je pense. Oui, il y a des problèmes
qu'on appelle à tendance lourde, mais une partie de la main-d'oeuvre
dont on aura besoin pour faire le virage économique, elle n'est pas sur
le marché du travail. Elle est à l'extérieur du
marché du travail. Et cette partie de la main-d'oeuvre, on l'a dit plus
d'une fois, c'est les femmes immigrantes, c'est les hommes immigrants et c'est
les jeunes aussi, qui n'ont pas nécessairement les connaissances et les
compétences pour faire partie de la future main-d'oeuvre.
Il ne s'agit que de penser à l'étude qui a
été faite par l'institut Hudson et la firme Towers Perrin sur les
perspectives de l'an 2000. Quand on parle des travailleurs et des
travailleuses, on va parler des communautés ethnoculturelles, on va
parler des femmes, on va parier des personnes handicapées. Et ces
gens-là on ne les voit pas encore comme étant sur le
marché du travail. Donc, c'est évident que les problèmes
sont reliés à un problème de compétence. On sait
que le phénomène de «drop-out», à
Montréal, il est important, mais, quand on décortique les
analyses et les données, ce sont les membres des minorités
visibles, les jeunes membres des minorités visibles qui
décrochent beaucoup plus à Montréal. Les dernières
données qu'on nous a fournies, c'est ça. Non?
Mme Harel: Ah non, non, non. Mme Girard: On y
reviendra.
Mme Harel: c'est assez dramatique. je dois vous dire que pour
avoir vraiment fait \a recherche attentivement sur ces 40 % de
décro-cheurs, d'abord, il y a une réalité incontournable,
ce sont surtout des garçons. moi, je dis, d'ailleurs, à mes
collègues, si c'étaient des filles il y a longtemps que le
conseil du statut de la femme, la fédération des femmes et
moi-même nous nous serions mobilisées pour exiger des mesures de
redressement. au contraire, sur ces 40 % il y a au-delà de 54 % qui sont
des garçons et c'est vraiment à peine 30 % chez les filles.
alors, on est en train de connaître une croissance de la
fréquentation scolaire continue chez les filles et retrouver le taux de
fréquentation scolaire des années soixante chez les
garçons; et c'est particulièrement chez les garçons qui
sont québécois de souche. pour le groupe majoritaire, dont je
suis, c'est très inquiétant. au contraire, les membres des
communautés culturelles ont un taux de rétention beaucoup plus
élevé.
Mme Girard: Mme Harel, je ne faisais pas référence
seulement...
Mme Harel: Remarquez que ça me passionne. Alors, je suis
allée au fond des chiffres.
Mme Girard: ...aux filles et aux jeunes filles, je faisais
référence aux gars. On sait que chez les Jamaïcains, les
gens d'origine jamaïcaine, c'est nettement élevé.
Mme Harel: c'est une exception à la règle parce
que, pour la majorité des membres des communautés
ethnoculturelles, le taux de fréquentation scolaire est de loin
supérieur à celui des québécois d'origine. en tout
cas, je vous laisse continuer; je ne veux pas ...
Mme Girard: globalement, la semaine passée, les
données qui nous ont été fournies à la table ronde
divergeaient un peu mais ce n'est pas...
Mme Harel: ...en particulier, mais pas pour l'ensemble.
Mme Girard: Donc, les problèmes, ce sont les
problèmes reliés à une partie de la main-d'oeuvre qui
n'est pas ou qui a été exclue du marché du travail au
cours des dernières années en raison de la situation
économique et des fermetures d'usines. Cette clientèle-là
dont font partie les femmes immigrantes et les membres des groupes
socio-économiques n'a pas toutes les compétences pour pouvoir
faire partie de la démarche de mise en marche de l'économie.
C'est dans ce contexte-là, je pense, qu'il faut le voir. (14 h 45)
II y a aussi une question de philosophie. Je pense que, quand un
gouvernement, de quelque niveau qu'il soit, entérine une politique
d'accès à l'égalité ou d'équité en
matière d'emploi, cet aspect-là doit être présent
dans l'ensemble de ses interventions. Et ça, pour moi, c'est un principe
de base. Je suis encore extrêmement étonnée qu'on retrouve
encore des documents, des encadrements, des règlements ou quoi que ce
soit qui ne tiennent pas compte d'une trame de fond, parce qu'une politique
d'accès à l'égalité, c'est une philosophie qu'un
gouvernement se donne. Et, selon moi, il faut la retrouver dans l'ensemble de
ses interventions.
Mme Harel: Ce que vous nous dites, c'est qu'il faut que cette
politique de formation de la main-d'oeuvre s'inspire de cette philosophie de
l'accès à l'égalité pour être conforme,
finalement, aux autres programmes du gouvernement. C'est ça qu'il faut
comprendre?
M. Niemi: En fait, c'est la nécessité de voir
l'accès à l'égalité, le développement de la
main-d'oeuvre et la formation comme un ensemble, comme faisant partie
intégrante et fondamentale de toute politique d'emploi. Et ce qui arrive
souvent à tous les paliers du gouvernement, c'est qu'on a tendance
à aborder la problématique de façon très
fragmentée et très divisée, ce qui crée
peut-être des problèmes parallèles ou des politiques
parallèles en matière d'emploi pour des couches sociales
différentes.
Il y a aussi un autre sujet qui a été soulevé
à notre table ronde et qui a été discuté avec
beaucoup d'intérêt. C'est le fait qu'il y a beaucoup de femmes
dans les communautés ethniques qui ne sont pas à
l'assurance-chômage, qui ne sont pas des prestataires de la
sécurité du revenu, donc, qui n'ont pas accès à des
programmes de formation professionnelle et de recyclage. Et ce sont des gens
qu'on laisse échapper aussi dans le système actuel.
L'autre question, c'est la formation linguistique pour plusieurs de ces
femmes. Ces femmes, on leur donne une formation linguistique et, une fois
qu'elles maîtrisent un peu la langue française, c'est le
rattrapage technologique qu'elles doivent faire! Donc, peut-être qu'il
faut trouver un moyen de formation qui combine la formation linguistique avec
la formation technologique.
Mme Harel: Ce que vous mettez en lumière dans votre
mémoire, c'est finalement une réflexion qui peut s'adresser
à l'ensemble des clientèles autres que tout simplement celle dont
vous nous parlez qui, pour l'instant, est constituée, par exemple, des
femmes immigrantes. Mais, ce que vous dites, notamment ce que vous venez de
dire, M. Niemi, c'est qu'il y a une sorte de catégorisation à
l'admissibilité selon la couleur du chèque. Et ça,
ça va rester. Ça va rester, parce que M. le ministre nous disait,
par exemple, il y a deux semaines: Étant donné que les programmes
qui sont financés à même les fonds
d'assurance-chômage nous viennent de la caisse d'assurance-chômage
dans laquelle il n'y a pas de fonds publics maintenant - puisqu'elle est
financée seulement par les employeurs et les employés - ces
programmes vont rester dédiés, si vous me permettez cette
expression, aux prestataires d'assurance-chômage.
Et, d'autre part, il y a une tendance, à quelque niveau que ce
soit, à transférer des fonds qui étaient dans des
programmes jusqu'à maintenant ouverts à des personnes en emploi,
mais qui n'étaient pas dans des entreprises qui avaient des plans de
ressources humaines ou qui les avaient désignées dans ces plans
pour aller chercher de la formation. En fait, il y a une tendance dans tous les
programmes. Que ce soient les transferts - peut-être les connaissez-vous
- achats directs, ou les programmes de formation sur mesure, vous voyez, c'est
des transferts de fonds. Ou encore, au ministère de l'Éducation,
avec des enveloppes fermées pour les personnes qui n'ont pas encore
perdu leur emploi et qui ne peuvent donc pas suivre des cours à temps
plein, mais qui pourraient les suivre à temps partiel. Maintenant, les
enveloppes sont fermées, les places sont contingentées. La
Fédération des cégeps est venue nous dire que la
formation professionnelle à temps partiel se terminait au mois de juin
qui vient.
Alors, on voit très bien une tendance très très
forte à prendre l'argent des fonds publics pour essayer de corriger le
sous-investissement des entreprises elles-mêmes dans la formation de
leurs employés. Comme il y a un sous-investissement - tout le monde le
reconnaît - vous voyez, ces fonds-là, jusqu'à maintenant,
servaient pour les achats directs ou pouvaient servir pour des cours de toutes
sortes comme, par exemple, Recyclage et perfectionnement de la main-d'oeuvre
qui était un programme québécois offert à des
personnes qui voulaient améliorer leur sort professionnel. Mais, cette
année et depuis 1986, c'est en réduction constante; le nombre de
participants est en diminution également. Puis on voit une sorte de
transfert des fonds pour faire en sorte, par exemple, que, les prochains
programmes regroupés, trois des quatre programmes s'adressent aux
entreprises ou à des collectivités, soit parce qu'elles vont
licencier du personnel, soit parce qu'elles ont des pénuries, soit parce
qu'elles ont besoin de spécialisation. Mais, finalement, aux personnes
comme telles il resterait un seul programme.
Alors, c'est une tendance qui est inquiétante, finalement, parce
que c'est vos clientèles, mais c'est aussi toute la clientèle des
personnes qui ont encore le bonheur de travailler, donc qui n'ont pas perdu
leur emploi, qui ne sont pas sur l'assurance-chômage, qui ne sont pas
dans des entreprises qui participent à des plans de gestion de
ressources humaines ou qui ne sont pas, dans leur entreprise,
désignées à ce titre-là.
On prend l'exemple du textile. On dit que le tiers des travailleuses ont
moins de huit ans de scolarité. Ça me surprendrait que les
crédits d'impôt remboursables à la formation, dans ces
entreprises du secteur du textile, soient utilisés pour ces
personnes-là. Ils vont d'abord être utilisés pour mieux
former les gens déjà formés. Et ça, c'est une
tendance qui va aller en s'ac-centuant, étant donné le cadre
sectoriel dans lequel, finalement, l'énoncé est
élaboré.
En lisant votre mémoire, je me disais qu'il rejoignait, dans le
fond, la même philosophie que les groupes de femmes sont venus exprimer,
que les groupes de jeunes sont venus exprimer. Et c'est peut-être un peu
de ça surtout dont il faut parler, parce que ça rejoint,
finalement, les Québécois de souche tout autant que les
clientèles que vous représentez.
M. Niemi: Oui. Je pense que le problème de fond, et je
pense que c'est la question ici, c'est la nécessité d'avoir une
vision et une philosophie totalement différentes de celles auxquelles on
est habitué. Il faut peut-être voir les groupes
socio-communautaires, surtout ceux qui oeuvrent dans le domaine de
l'employabilité ou de l'intégration au marché du travail,
comme des partenaires à part entière indispensables dans toute
action collective pour nous rendre beaucoup plus compétitifs sur la
scène internationale. Je sais que, dans le milieu d'affaires, on a
parfois tendance à voir ces groupes socio-communautaires comme des
irritants, des gens qui contestent à gauche et à droite, des
alliés peut-être trop hâtifs du milieu syndical ou des
revendications trop sociales, mais ce n'est pas du tout le genre de
mobilisation collective dont on a besoin au Québec pour vraiment
dynamiser notre marché du travail. Je crois que sans ce changement de
philosophie de base on arrivera toujours avec ce genre de classification, de
marginalisation de ces groupes socio-économiques, surtout les plus
défavorisés.
Mme Harel: peut-être, à ce moment-là, dans la
ligne de pensée que vous élaboriez, tout en reconnaissant la
nécessité de s'occuper des besoins de main-d'oeuvre des
entreprises, faut-il avoir un souci des politiques de la main-d'oeuvre comme
telles, indépendamment des pénuries, par exemple. un groupe qui
vous a précédé if y a deux semaines disait: on comblerait
tous les besoins de pénurie et il nous resterait 9,1 % de chômage.
alors, on aurait encore à travailler très très fort.
Dans votre mémoire, notamment à la page 4, vous dites que
le secteur du textile était «traditionnellement le "secteur de
prédilection" et la porte d'entrée de l'économie
québécoise pour plusieurs immigrants et immigrantes». Puis
vous nous parlez beaucoup du déclin manufacturier dans la région
du Grand Montréal, qui reçoit 90 % des nouveaux arrivants et
où se trouvent la moitié des emplois du secteur manufacturier,
qui a perdu 10 fois plus d'emplois que le reste du Québec. Est-ce que
cela vous amène à reconsidérer les recommandations que
vous feriez à la ministre de l'Immigration quant au niveau
d'immigration? En fait, la question que je me suis posée après
avoir pris connaissance de votre mémoire, c'est: Compte tenu de ces
réalités nouvelles depuis à peine quelques années
dans la région de Montréal - vous nous parlez des cinq
dernières années - où on a connu un déclin
vertigineux, et compte tenu que les emplois traditionnellement occupés,
comme vous nous le mentionniez, à la «porte d'entrée»
l'étaient par des nouveaux arrivants, est-ce que, pour vous, ça
signifierait que vous recommanderiez à la ministre de l'Immigration de
poursuivre la progression qu'elle entend introduire dans les niveaux
d'immigration ou si vous lui recommanderiez de geler les effectifs à ce
qu'ils sont présentement: 42 000, je crois, hein?
Le Président (M. Philibert): Je vous invite à
répondre de façon succincte. Il reste une minute.
M. Niemi: D'accord. Non, la politique d'immigration continue
comme telle parce qu'elle
met de plus en plus l'accent sur les immigrants indépendants;
ça veut dire les professionnels, les expertises recherchées et
aussi les gens d'affaires, les immigrants investisseurs qui sont
extrêmement nécessaires pour Montréal. Les personnes
immigrantes qui se retrouvent dans le secteur dont on parle, je pense que ce
dont elles ont besoin, c'est une politique de formation de la main-d'oeuvre et
de recyclage professionnel pour leur permettre d'avoir une mobilité
horizontale sans aller ailleurs, si le secteur est là.
Mme Harel: Oui. Pour ceux qui y sont déjà, oui.
Mais pour ceux qui viennent occuper ces emplois qui n'existent plus...
M. Niemi: Ceux qui viennent... Je pense que si nous
arrêtons le genre de discrimination sys-témique ou de
barrière dans l'emploi qui sous-valorisent leur compétence
professionnelle - parce qu'on sait que la plupart des immigrants ont des
compétences professionnelles beaucoup plus élevées que la
population québécoise en général - je ne pense pas
qu'avec ce genre d'approche on va les canaliser dans le secteur manufacturier.
D'où la nécessité d'avoir une approche très
cohérente entre la politique d'immigration et la politique d'emploi. Et
tant et aussi longtemps que nous nous en allons dans deux directions
très différentes, parallèles, sans se parier, sans se
rejoindre, on continuera à avoir le genre de situation que nous avons
actuellement.
Le Président (M. Philibert): Alors, c'est la plus grande
exemplarité. Vous avez pris exactement vos 20 minutes. Alors, je vous
remercie de votre prestation devant la commission. Je vous invite à vous
retirer, de telle sorte que l'on puisse appeler à la table la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire; 20 minutes sont à la disposition
du gouvernement et 20 minutes à la disposition de l'Opposition. Pardon?
Et je vous demanderais de vous identifier, bien sûr, pour les fins du
Journal des débats, de même que les personnes qui vous
accompagnent.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. Béland (Claude): Alors merci, M. le Président.
Je suis Claude Béiand, président du Mouvement des caisses
Desjardins, ou de la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins. À ma gauche, je suis accompagné par
Mme Hélène Lafleur, qui est directrice des services de la gestion
à la Confédération. Et à ma droite, Mme Ginette
Blais, qui est conseillère en gestion. Notre mémoire vous a
été déposé il y a déjà quelques
semaines. Évidemment, je vais me limiter à faire ressortir les
pistes de réflexion qui inspirent davantage le Mouvement Desjardins dans
le débat sur le développement de la main-d'oeuvre
québécoise.
Desjardins est intéressé, évidemment, au
développement économique du Québec. Dans ce
sens-là, le développement de la main-d'oeuvre constitue pour nous
une problématique cruciale, et on pense que les contextes actuels
imposent plus que jamais l'urgence d'agir, d'autant plus qu'il existe
déjà, il nous semble, un consensus sur les
phénomènes de main-d'oeuvre auquels il faut s'attaquer. Ma
participation au Forum pour l'emploi m'en a largement convaincu. Je pense qu'on
sait tous maintenant que le défi permanent de l'emploi suppose
l'harmonie entre les compétences de notre main-d'oeuvre et les exigences
nouvelles de la technologie, des procédés de travail et des modes
de gestion. (15 heures)
On sait tous qu'il faut revaloriser la formation professionnelle et
technique auprès des jeunes et auprès des adultes qui se
recyclent. On sait tous enfin que la lourdeur actuelle des infrastructures
politiques et administratives est source de confusion et d'inefficacité,
ce qui fait que, lorsqu'on regarde l'énoncé de politique, on
pense qu'il comporte des stratégies gagnantes. L'implantation d'une
culture de la formation continue en est assurément une. On n'a pas le
choix, du moins dans les entreprises comme les nôtres, nous sommes
condamnés à consacrer des efforts constants à la formation
de la main-d'oeuvre afin qu'elle s'adapte au contexte nouveau. D'ailleurs,
nous, chez les caisses Desjardins, on investit actuellement environ 1,5 % de la
masse salariale dans fa formation, et les caisses savent qu'elles devront
accroître leurs efforts. La main-d'oeuvre de Desjardins est
également conviée à se recycler constamment. Nous sommes
en période où nous savons que l'avantage concurrentiel
maintenant, ce n'est plus tellement sur les taux ou sur la gamme des produits,
mais sur la qualité, sur la qualité totale. Or, la qualité
totale, c'est évident, ça passe par la formation.
Nous savons tous que le renouvellement permanent des compétences
fait partie dorénavant de nos règles du jeu. La proposition d'un
guichet unique est aussi, à notre avis, une stratégie gagnante.
Dans ce sens-là, le projet de loi vise à corriger la
multiplicité des approches et des points de service. La simplification
et les arrimages proposés pourront assurer une meilleure
accessibilité aux programmes que les clientèles fuient à
force de se perdre dans les dédales de leur complexité. Le
Mouvement Desjardins appuie la proposition d'un guichet unique. Pour le domaine
de la main-d'oeuvre, il signifie au gouvernement son accord à l'endroit
du rapatriement des fonds que le gouvernement
fédéral alloue à la formation professionnelle sur
le territoire du Québec.
La présence institutionnalisée du partenariat constitue
également une initiative heureuse. La conclusion, d'ailleurs, du Forum
pour l'emploi nous amenait à parler largement de la concertation. Les
partenaires sont invités à accorder ainsi le développement
de la main-d'oeuvre au rythme des évolutions sectorielles
«priorisées» et en fonction des nécessités de
la compétitivité. Les partenaires sont invités à
installer une meilleure synergie entre les milieux d'éducation et les
milieux de travail. Dans ce sens-là, les caisses Oesjardins savent que
c'est possible. Elles ont contribué et elles contribuent encore,
d'ailleurs avec les cégeps, à rendre accessible un diplôme
de niveau collégial qu'on appelle l'attestation d'études
collégiales des agents-conseils de Desjardins; ça marche,
ça fonctionne et ça nous produit de bons agents-conseils pour
notre réseau de caisses.
Les partenaires sont invités également à se
rapprocher des enjeux régionaux qui se concrétisent dans des
réalités spécifiques. Cette dernière
considération pour les enjeux régionaux suppose le rapprochement
nécessaire des clientèles et, donc, la décentralisation
des services. Ce qu'on voulait vous proposer, cependant, c'est de partager
notre réflexion et notre expérience de la
décentralisation. Le Mouvement, vous le savez, est une structure
à trois paliers. Nous sommes à trois paliers depuis 1932, donc
depuis 60 ans. Ce que le projet de loi nous propose, c'est aussi une structure
à trois paliers: le gouvernement, la Société et les
sociétés régionales.
Je pense que les gens du Québec connaissent le rôle
prépondérant des caisses qui, toutes proches de leurs membres,
comprennent et identifient leurs besoins les plus particuliers. Les gens du
Québec, cependant, connaissent un peu moins le rôle de support des
fédérations régionales auprès de leurs caisses.
Pourtant, celles-ci offrent les meilleurs services avec la plus grande
efficacité possible. Les gens du Québec connaissent probablement
plus mal encore le rôle de la Confédération chargée
de préciser les grandes orientations et de développer les outils
susceptibles de faire profiter les caisses de l'effet de levier des
synergies.
C'est clair que le Mouvement Desjardins reconnaît les bienfaits de
la décentralisation. D'ailleurs, c'est tellement bénéfique
que nos concurrents nous envient et cherchent à nous imiter. De plus en
plus, comme nous, ils se donnent des structures de support au niveau
régional. Il est heureux de constater que, dans le projet de loi, les
sociétés régionales ont précisément le
mandat d'identifier les besoins prioritaires et d'adapter la mise en oeuvre des
programmes aux réalités des milieux régionaux. Mais le
Mouvement Desjardins a appris et continue d'apprendre, parce que ce n'est
jamais fini, que la décentralisation a aussi ses limites et ses
obligations. la décentralisation oblige à rechercher constamment
un équilibre entre l'autonomie affirmée et les concertations
nécessaires. nous savons dans desjardins qu'il ne s'agit pas là
d'une entreprise facile et évidente. par ailleurs, l'urgence de la
situation interdit les solos et les cacophonies, il faut réaliser
ensemble la même symphonie; il faut jouer, en somme, si ce n'est pas
à l'unisson, au moins en harmonie.
Il s'agit là d'un impératif de toute première
importance dans le contexte actuel, où l'on met l'emphase sur la
restructuration de notre économie et où l'on recadre nos
stratégies de développement industriel et régional. Nous
savons que la décentralisation oblige surtout à clarifier les
rôles et les responsabilités de chaque palier. À cet
égard, certaines zones d'ambiguïté persistent dans le projet
de loi et sont susceptibles de compromettre, à notre avis, la
réalisation des objectifs recherchés. Par exemple, le ministre
peut, à maintes reprises, entrer en conflit de rôles avec la
Société québécoise; il peut s'introduire dans le
développement des programmes ou encore mettre fin à des
programmes, par ailleurs, jugés prioritaires dans certains milieux. Le
rôle et les pouvoirs attribués aux sociétés
régionales ne sont pas toujours clairs et peuvent parfois s'opposer aux
responsabilités de la Société québécoise.
à notre avis, le ministère doit être responsable des
orientations et des grandes politiques. il doit exprimer clairement ses
attentes à l'endroit de la société. son rôle devrait
se limiter à cela, car, à notre avis, la société
québécoise doit avoir le mandat du développement de la
main-d'oeuvre pour l'ensemble du québec et de l'établissement des
stratégies appropriées et les sociétés
régionales devraient être responsables de la qualité de la
mise en oeuvre des programmes et des mesures offertes aux différentes
clientèles. il est impératif, à notre avis, de s'assurer
que les sociétés régionales prennent des décisions
et engagent des actions régionales en synergie et en harmonie avec les
grandes stratégies nationales que, par ailleurs, elles contribueront
constamment à préciser.
Il faut clarifier, également, le rôle des différents
ministères concernés par la formation, les ministères de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Enfin, la
décentralisation oblige à la pertinence des représentants
locaux. Dans Desjardins, nous n'avons pas de difficulté à cet
égard, seule la démocratie peut garantir autant la pertinence de
la représentativité. Nous souhaitons que soient conviés au
sein des C.A. les groupes les plus compétents à transmettre les
besoins des clientèles. Je pense qu'en région ce n'est pas
nécessairement les mêmes qu'au niveau national.
La mise sur pied des sociétés invite également
à rappeler certains impératifs modernes de gestion. Il faut
responsabiliser les partenaires et
les rendre imputables. Le mandat a une portée globale, celle du
développement de la main-d'oeuvre québécoise, mais, en
plus d'un mandat global, il faut une délégation globale et des
pouvoirs véritables. Nous comprenons que le gouvernement a l'intention
de responsabiliser les partenaires, mais il nous semble que les moyens
proposés auraient été davantage convaincants s'ils avaient
favorisé le plein contrôle des actions et des mesures par les
partenaires, s'ils n'avaient pas permis de nombreuses intrusions du monde
politique, s'ils avaient permis aux partenaires réunis en conseil
d'administration de nommer leur président et les officiers
supérieurs de la Société québécoise, s'ils
avaient permis aux partenaires de nommer les membres des conseils
régionaux. Il faut faire place à l'im-putabilité, car des
partenaires responsables doivent rendre compte au ministre, au gouvernement et,
en définitive, à l'ensemble de la population. À notre
avis, seuls des partenaires pleinement responsables pourront
véritablement s'engager dans le développement de la
compétitivité de la main-d'oeuvre. Il ne faut pas qu'ils soient
de simples exécutants.
Dans le projet actuel, les conseils d'administration risquent de
n'être, en réalité, que des comités consultatifs. On
ne les rend pas vraiment imputables des résultats de leur action. En
résumé, nous sommes d'accord avec la politique mise de l'avant,
mais, si le ministre ne veut que savoir ce que le milieu pense au niveau des
grands intervenants, qu'il conserve le statu quo en institutionnalisant la
consultation, mais qu'il ne crée pas de nouvelles structures
coûteuses qui, je le crains, vont faire renaître les
dédoublements et la confusion. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. Béland. M.
le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
M. Béland et les représentants du Mouvement Desjardins. J'ai
l'occasion de traiter de ces sujets-là avec M. Béland,
régulièrement, à la Conférence permanente sur la
main-d'oeuvre de sorte qu'aujourd'hui j'ai l'impression de revivre une autre
page d'une discussion qui est déjà élaborée depuis
un certain temps. M. Béland vient de terminer sur une note, en nous
disant que, si le ministre ne veut que consulter, il ne fasse aucun changement
et qu'il nous consulte. C'était la conclusion d'une lettre que j'ai
écrite, vous vous en souviendrez, M. Béland, à un certain
moment, à certains groupes qui faisaient des objections à
l'endroit de la création de la Société
québécoise. Je leur disais: Si vous ne voulez pas de la
Société, je vous consulterai, à l'occasion. Mais, à
l'inverse, il faut penser que, si on crée la Société,
c'est qu'on a l'intention de faire d'autre chose que de consulter. Je me sens
assez bien à l'aise pour le dire, sans ça j'aurais suivi vos
conseils. Le simple fait que le ministère soit disposé à
aliéner ses responsabilités, d'une certaine façon,
à la Société indique bien la volonté
gouvernementale d'aller beaucoup plus loin qu'une simple consultation.
J'ai lu attentivement votre mémoire. Je suis satisfait de voir
que, finalement, en gros, le Mouvement Desjardins appuie la démarche
gouvernementale et c'est un appui de taille. Je dois dire que je suis
très heureux que le Mouvement Desjardins ait décidé
d'appuyer la politique du gouvernement en matière de main-d'oeuvre.
C'est un appui qui n'est pas, disons, inconditionnel ni à 100 %, mais
c'est certainement un des bons appuis que nous avons reçus. Je
considère le Mouvement Desjardins comme étant un bon partenaire
à ce sujet-là. D'ailleurs, ce n'est pas un partenaire inconnu du
ministère de la Main-d'oeuvre puisque nous traitons souvent avec le
Mouvement Desjardins dans certains de nos programmes. Nous avons, par exemple,
eu recours aux services de Desjardins dans l'administration du programme PATA
à plusieurs reprises. Et ce n'est pas fini. Nous avons sur la planche
à dessin d'autres collaborations et je dois dire que nous sommes
toujours très satisfaits de nos relations avec le Mouvement
Desjardins.
Mais, pour revenir à l'objet de la discussion et aux remarques,
tout à l'heure il m'est venu à l'esprit cette phrase qui disait
que les fruits n'auraient pas rempli la promesse des fleurs, si je comprends
bien, et que le projet de loi que nous présentons se situe en retrait de
ce que le Mouvement Desjardins aurait souhaité par rapport aux pouvoirs
du conseil d'administration de la Société. Bon. Il ne s'agit que
d'un projet. Alors, il est perfectible. Est-ce qu'au cours des prochains mois
on pourra l'améliorer dans le sens souhaité par le Mouvement
Desjardins, c'est-à-dire accorder à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre des
pouvoirs accrus par rapport au gouvernement? Vous savez que l'objection
fondamentale à un transfert massif de pouvoirs à la
Société tient au fait que le financement de la
Société va être assuré, à toutes fins
pratiques, presque à 100 % par le gouvernement et qu'il est bien
difficile de demander à un gouvernement élu, responsable et qui
doit rendre compte à l'Assemblée nationale, de
déléguer la totalité de ses pouvoirs dans un domaine...
Même s'il fait bien confiance aux mandataires, il est bien difficile de
demander à un gouvernement de déléguer ces
pouvoirs-là sans aucun contrôle.
Tout à l'heure, vous disiez: Le ministère devrait exprimer
ses intentions à la Société et son rôle devrait se
terminer là. Enfin, j'ai pris quelques notes tantôt en vous
écoutant parler. Il me semble que, si le ministère ou le
gouvernement exprimait à la Société ses objectifs ou ses
intentions et que son rôle se terminait là, qu'arriverait-il si la
Société ne livrait pas la marchandise? Il va falloir qu'à
un moment donné... Il faudrait que le gouvernement puisse
intervenir, ou le ministre, avec des directives, avec une certaine
autorité pour remettre la Société à sa place ou
pour lui demander des comptes ou pour peut-être même apporter des
correctifs. Et c'est un peu ça que nous avons en tête, que j'ai en
tête. Peut-être que le projet de loi ne traduit pas ce que j'ai en
tête. Alors là on pourrait peut-être l'améliorer.
L'intention n'est pas, selon ce que je comprends du projet de loi - et c'est
moi qui l'ai inspiré, donc j'espère que je le comprends bien - de
s'ingérer dans l'administration journalière de la
Société, au contraire, mais de garder des contrôles pour
s'assurer que la Société va aller dans la direction
recherchée. Là-dessus, je vous passe la parole, sachant
très bien que vous avez vos propres arguments qu'on peut rendre publics.
(15 h 15)
M. Béland: Non. Peut-être qu'on est
évidemment biaises par, comme je vous disais tout à l'heure,
l'histoire du Mouvement Desjardins que nous vivons à trois paliers.
Quand je lisais l'énoncé de politique ici, je me disais: Si la
Confédération, par exemple, des caisses suggérait à
ses fédérations - et je regarde le rôle ici qu'on confie
à la Société québécoise - de définir,
conseiller, proposer, favoriser, soutenir, etc., je pense que mes
fédérations diraient: Dans ce cas-là, faites donc
l'ouvrage et, nous autres, on est finalement simplement des gens qui
définissent, qui conseillent, qui proposent. Nulle part on ne voit
où les fédérations décident. Dans ce
sens-là, il n'y a pas possibilité de rendre les gens responsables
et, puisque la politique vise à la responsabilisation, ce n'est pas
possible de rendre des gens responsables si on ne les rend pas imputables. Les
gens vont dire: J'ai proposé, j'ai défini, j'ai conseillé,
mais le gouvernement a disposé. Dans ce sens-là, je pense que le
gouvernement... Vous me dites: Qu'est-ce qu'on fait quand on ne livre pas la
marchandise? Qu'est-ce qu'on fait quand un gouvernement ne livre pas la
marchandise? On le change. Quand un conseil d'administration, dans des holdings
comme les nôtres, ne livre pas la marchandise, on le change. Je me
demande pourquoi on ne profiterait pas, dans cette vague de responsabilisation
des gens, de prise en charge par les gens dans les régions - c'est le
grand discours qu'on entend partout - de l'occasion pour innover un peu et ne
pas rester dans le vieux modèle de l'État qui, ayant la
responsabilité ultime, ne peut rien déléguer? Je pense
qu'on a une belle occasion d'innover - ce n'est pas défendu - et,
surtout, si je me réfère aux principes de gestion maintenant
généralement reconnus.... quand on est au niveau des holdings ou
des entreprises où il y a plusieurs composantes, on sait tous qu'on fait
la distinction entre la direction et les opérations. le gouvernement est
le chef de la direction, je ne discute pas ça. mais, une fois qu'on a
indiqué les directions et qu'on veut responsabiliser des gens, pourquoi
ne leur dit-on pas: Voici la direction, voici votre budget, voici les moyens
que je vous donne, maintenant réglez le problème du
développement de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle?
C'est ça le mandat que je vous donne et je vous donne tant de temps pour
le faire. Si vous ne livrez pas la marchandise au holding en haut, au chef de
la direction, vous le savez, je vais vous changer, on va en trouver des
meilleurs que vous. Si ce n'est pas ça, si l'imputa-bilité reste
au niveau du ministère, institutionnalisons la consultation, continuons
comme ça. Ça marche. Ce que je crains, c'est de mettre sur place
de grandes structures coûteuses. Je sais les risques... La graine
d'autonomie, c'est très fort, ça pousse très vite et
ça fait des plantes très coriaces. On prend le risque de se
réveiller avec des paliers qui tirent la couverture de leur
côté et qui veulent absolument avoir leur façon de voir et,
à ce moment-là, tout le monde est chef de la direction, tout le
monde est chef des opérations et on arrive dans la plus pure confusion.
La réaction qu'on a eue quand on a lu la politique, c'est de dire: La
politique est correcte, elle est gagnante, mais les moyens qu'on se donne,
malheureusement, à notre avis, ne livreront pas la marchandise.
M. Bourbeau: Là, vous me dites: Donnons une large mesure
d'autonomie et, si ça ne fait pas l'affaire, on changera les
têtes. Par contre, vous demandez aussi le pouvoir de nommer les
têtes vous-mêmes. Vous nous blâmez de vouloir nommer
nous-mêmes les têtes...
M. Béland: C'est ça.
M. Bourbeau: ...le pouvoir de nommer les officiers et même
de nommer les représentants aux conseils régionaux. Si, aussi, on
ne nomme pas les gens, comment va-t-on pouvoir les changer?
M. Béland: Vous changez tout le conseil, vous changez tout
le monde qui est là...
M. Bourbeau: Oui, mais...
M. Béland: ...autrement... Je vis dans d'autres
sociétés de la couronne. Quand on ne nomme pas le
président qui est au bout de la table, quand on ne choisit pas les
structures, en bout de ligne, le vrai patron, on sait bien qu'il n'est pas
autour de la table, c'est-à-dire qu'on sait très bien que... Je
vis ça dans d'autres corporations et je ne suis pas le seul. J'ai
beaucoup de mes collègues autour de la table de la Conférence
permanente de la main-d'oeuvre qui vous diraient la même chose. C'est
juste dans ce sens-là. Quand le gouvernement, comme chef de la
direction, fait le ménage, évidemment il fait aussi le
ménage du président qui a été choisi par les
membres du conseil d'administra-
tion. Ça, c'est évident.
M. Bourbeau: écoutez, je veux bien comprendre quand
même. il me semble que vous demandez que ce soit la société
qui nomme les officiers...
M. Béland: Les officiers supérieurs, oui.
M. Bourbeau: ...et qu'elle nomme aussi les représentants
aux différents conseils régionaux. Est-ce que vous ne demandez
pas aussi, quelque part, que ce soit la Société qui nomme le
président-directeur général? Je pense que oui.
M. Béland: Oui, c'est ça, le directeur
général. Ça veut dire qu'on est dans le domaine des
opérations. Si on ne fait pas la distinction entre la direction et
l'exécution, je pense qu'on crée des conflits.
M. Bourbeau: Finalement, le gouvernement ne nommerait que les
membres du conseil de la Société elle-même?
M. Béland: C'est ça.
M. Bourbeau: Écoutez, c'est un point de vue
intéressant. On en a discuté à quelques reprises. Moi,
philosophiquement, je vous suis, sauf que, quand je vais voir ceux qui vont
avancer les 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000 $ OU 600 000 000 $
à la Société, il y a des us et coutumes au gouvernement
où on me dit: Nous, on avance 500 000 000 $ ou 600 000 000 $, on veut
avoir certains contrôles au moins d'ordre général sur les
normes, etc. Je suis un peu pris entre l'arbre et l'écorce, entre ma
volonté avouée de responsabiliser la Société, Oui,
comme vous le dites, et de faire en sorte de rendre des comptes à
l'Assemblée nationale et au gouvernement sur l'utilisation de ces fonds.
Mais le message est reçu. Moi, je suis ouvert à l'innovation.
Disons que, dans les prochaines semaines, on va reprendre les discussions
à tous les niveaux pour voir si on ne pourrait pas avancer un peu plus
dans la direction que vous souhaitez.
J'aimerais revenir à votre mémoire, à la page 10.
Il y a un chapitre où je n'ai pas très bien compris. J'aimerais
que vous me précisiez le dernier paragraphe de la page 10. Vous dites:
«II serait souhaitable également que, pour atteindre efficacement
les objectifs souhaités, les partenaires soient identifiés en
fonction des problématiques les plus urgentes et les plus prioritaires
du milieu. À cet égard et particulièrement au niveau des
sociétés régionales, le projet de loi 408 convie au
partenariat des groupes socio-économiques désignés, sans
référence aux réalités particulières des
régions et sans se pencher sur la nécessité d'impliquer
les intervenants les plus pertinents et les plus actifs au regard de ces
problématiques.» je n'ai pas souvenance que, dans le projet de
loi, nous, on ait prévu des groupes socio-économiques dans les
sociétés régionales. est-ce que je saisis mal ce que vous
dites ou...
M. Béland: C'est peut-être qu'on a mal compris.
Nous, on avait compris que le modèle de la société
générale se retrouvait dans les sociétés
régionales.
M. Bourbeau: Oui, mais, dans la société
mère, il n'y a pas de groupe socio-économique de
prévu.
M. Béland: II y a une partie d'employeurs et une partie de
syndiqués. C'est ça?
M. Bourbeau: Oui, oui, très bien.
M. Béland: Alors, dans ce sens-là, on voit mal
qu'au niveau des sociétés régionales,
systématiquement, on s'encarcane dans un modèle qui fait qu'on
ait un représentant de chambre de commerce, un représentant du
Conseil du patronat du Québec et un représentant FTQ-CSN. Je ne
suis pas certain que ça corresponde à des réalités
régionales et aux problèmes régionaux. C'est ça, le
sens de ce paragraphe.
M. Bourbeau: c'est l'expression «groupe
socio-économique». moi, je ne vois pas le patronat et les
syndicats comme étant des groupes socio-économiques.
Une voix: Nous, oui.
M. Bourbeau: Vous, oui. Ah bon! O.K. Très bien. On a eu
des groupes qui sont venus nous voir, qui veulent être
représentés au conseil, soit de la société
mère ou aux conseils régionaux, et qui sont ce qu'on appelle des
groupes socio-économiques. Vous, comment voyez-vous...
M. Béland: On a, par exemple, une fédération
qui est dans la région de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine. C'est bien sûr qu'eux trouvent que... Le
groupe des pêcheurs, les gens qui sont dans la pêche, les gens qui
sont dans ces domaines-là, ils savent de quoi ils parlent quand ils
parlent de la formation professionnelle. Ils se disent: On ne sera pas
là parce qu'on n'est pas syndiqués à la FTQ, on n'est pas
membres de la chambre de commercé et on n'est pas membres du Conseil du
patronat du Québec. Où est-ce qu'on va s'asseoir, nous?
M. Bourbeau: Je comprends, mais j'ai peur que...
M. Béland: C'est un exemple.
M. Bourbeau: Oui. J'avais en tête, par exemple, les verts,
les groupes des minorités
visibles, les groupes de personnes handicapées, les femmes.
Enfin, tous ces groupes sont venus et ils ont demandé d'être
nommément représentés à la Société
québécoise. C'est pour ça. Je lisais votre texte et cette
définition-là.
M. Béland: Non, ce n'est pas dans ce sens-là.
M. Bourbeau: Cette définition là, oui.
M. Béland: C'est dans le sens du mécanisme de
nomination pour ne pas le calquer nécessairement sur le modèle de
la Société québécoise.
M. Bourbeau: Dans les régions, il n'est pas dit que le
modèle qui va être utilisé à la
société mère soit nécessairement utilisé
comme une copie conforme dans les régions. Par exemple, si un syndicat
est totalement absent dans une région et qu'il y a un autre syndicat qui
est... Je ne sais pas, prenez la région de la Gaspésie en
supposant que la FTQ est totalement absente - je donne un exemple qui n'est pas
possible - et qu'il y a un syndicat de pêcheurs très actif, il me
semblerait tout à fait normal que, dans une région comme
celle-là, on introduise un syndicat qui est plus présent qu'un
autre. La même règle pourrait certainement prévaloir au
niveau du patronat. Je n'ai pas de problème...
M. Béland: C'est le sens du paragraphe.
M. Bourbeau: Mais est-ce que vous seriez favorable, vous,
à la présence au conseil d'administration de la
société mère de groupes socio-économiques comme les
femmes, les jeunes, les minorités visibles, etc., en tant que groupes
cibles et représentés comme tels au conseil?
M. Béland: Au niveau régional?
M. Bourbeau: Non, au niveau central.
M. Béland: Au niveau central. Sur le plan de la
théorie, évidemment, la réponse, c'est facile de dire oui,
mais sur le plan de l'efficacité... Je prends l'exemple du Forum pour
l'emploi. On en est venu, chez nous, finalement... On est parti de cette
prémisse qu'on a eue autour de la table, tous les groupes, les femmes,
les communautés culturelles, les autochtones. On les a tous. Sauf qu'on
a finalement débouché sur un exécutif où on
retrouve la partie patronale, la partie syndicale et le milieu de
l'enseignement. La participation des autres est quand même très
spécialisée et, j'allais dire, elle est ponctuelle. Elle se
manifeste à certains égards, mais pas à l'égard de
la formation continue en entreprise ou en milieu... Dans ce sens-là, on
a presque été contraints à ramener l'opération
à un niveau d'un exécutif. Il faut penser à
l'efficacité de la Société aussi. Il faudrait
peut-être trouver un mécanisme pour les entendre. Je ne veux pas
les exclure. Mais, là, on parle d'un conseil d'administration qui a
à administrer des programmes pour atteindre des objectifs très
précis dans un climat d'urgence. Dans ce sens-là, je pense qu'il
faut se donner des mécanismes efficaces.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, si je décode bien ce
que vous dites, vous ne seriez pas opposé à un conseil
d'administration élargi par la présence de divers groupes pris
individuellement, les représentants des groupes cibles, mais, dans ces
conditions-là, vous seriez d'avis qu'on devrait avoir un comité
exécutif restreint, axé sur...
M. Béland: Et qui regroupe les actionnaires qui sont dans
l'action quotidienne.
M. Bourbeau: Alors, on n'a pas prévu un comité
exécutif.
M. Béland: Non, je sais.
M. Bourbeau: II faudrait qu'on regarde ça attentivement.
Vous ne faites aucune mention, dans votre mémoire, du congé de
formation qui est un programme dont on a parlé abondamment
récemment. J'aimerais vous demander, en tant qu'un des employeurs
importants au Québec, quelle est votre position à l'égard
du congé de formation. Est-ce que vous voyez des limites à
l'exercice du droit d'un travailleur au congé de formation et quels
types de formation, selon vous, devrait-on couvrir avec ce
congé-là?
M. Béland: Quand on arrive au niveau de l'entreprise,
ça m'apparaît évident qu'on est dans un contexte de
partenariat, partenariat entre l'employeur et l'employé. Dans ce
sens-là, il ne nous apparaît pas que la formation soit un droit
qu'une ou l'autre des parties pourrait exiger, de la même façon
que l'employeur ne pourrait pas exiger que son employé aille se former
et qu'à défaut il serait congédié, de la même
façon, je ne pense pas que l'employé puisse dire: Moi, j'ai droit
à la formation, j'ai droit à un congé, je m'en vais. On
pense que ça se fait en partenariat, donc ça se fait en fonction
de la mission de l'entreprise, des objectifs que poursuit l'entreprise. C'est
dans ce cadre-là, je pense, que la formation en entreprise doit se
faire. Quant à nous aussi, c'est de la formation par rapport à la
mission de l'entreprise. C'est de la formation en emploi. C'est celle-là
dont on parle quand on s'adresse à nos propres collaborateurs, à
nos propres employés.
M. Bourbeau: Un instant. Ça finit à quelle heure,
la prestation? Ça finit à 16 heures?
Le Président (M. Philibert): Oui.
(15 h 30)
M. Bourbeau: Mon temps est écoulé
déjà?
Le Président (M. Philibert): Non, c'est que le temps de la
prestation du mémoire a été huit minutes de moins. Alors,
je pense que pour respecter le temps...
M. Bourbeau: O.K., je vais passer la parole à Mme Harel.
Peut-être qu'à la fin, s'il reste du temps...
Le Président (M. Philibert): A la fin, s'il reste du
temps, on pourra se le diviser.
M. Bourbeau: Oui, c'est ça. On s'entend très bien
avec l'Opposition. Il ne s'agit pas de...
Mme Harel: On ne s'entend pas sur l'énoncé ni sur
le projet de loi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Sur le reste, on s'entend parfaitement.
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve, allez-y.
M. Bourbeau: On s'entend sur le partage du temps.
Le Président (M. Philibert): Allez-y.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer et d'échanger avec vous cet après-midi sur cette
question importante. Vous avez d'ailleurs signalé, d'entrée de
jeu, l'urgence d'agir et nous y souscrivons également. Vous mentionniez
tantôt qu'à défaut d'une structure de décision qui
serait finalement adéquate il vaudrait mieux institutionnaliser la
consultation. En fait, je simplifie peut-être, je caricature un peu.
M. Béland: Non, non, c'est ça.
Mme Harel: C'est un peu ça. Est-ce que, finalement, on
n'est pas devant cette structure qu'est la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre telle que
prévue au projet de loi 408, pour tout simplement permettre la
constitution d'une structure provinciale comme dans les autres provinces on
assiste à la mise en place de structures provinciales: le Conseil
ontarien de développement de la main-d'oeuvre... Semble-t-il que
d'autres provinces sont en train d'envisager justement de mettre sur pied un
tel type de structure. Est-ce que ce n'est pas, finalement, le prix à
payer pour que des sommes d'argent soient transférées en
provenance du fédéral? Est-ce que, finalement, le motif pour
lequel une telle structure est créée n'est pas simplement de
servir de réceptacle à des sommes d'argent qui ne seraient pas
transférées si tant est qu'elle n'était pas mise en place?
Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus?
M. Béland: C'est sûr qu'on préfère la
création d'un société, mais on ne voudrait pas qu'en la
créant et en ne délimitant pas clairement les compétences
de chacun des paliers, finalement, l'argent qu'on va rapatrier, on va le
gaspiller plus en structures qu'en programmes qui vont favoriser le
développement de la main-d'oeuvre. C'est ça, le risque qu'on
prend. Ce qu'on voulait signaler, parce qu'on le vit quand même dans le
Mouvement Desjardins, les trois paliers... Je le répète: c'est
extrêmement difficile à opérer sur ce plan-là. Ce
n'est pas simple. Si les compétences de chacun des paliers ne sont pas
bien... C'est mené par des humains, ce n'est pas mené par des
machines, ce n'est pas automatique et, dans ce sens-là, on peut passer
plus de temps à essayer de délimiter les pouvoirs, les
juridictions, les compétences de chacun des paliers qu'à avancer
dans le programme qu'on veut mettre en place. C'est ça.
Mme Harel: En fait, d'une certaine façon, l'empressement
du gouvernement du Québec à vouloir mettre en place sa structure
est un peu proportionnel au désir, je pense, de souscrire à une
exigence qui serait posée par Ottawa pour transférer des fonds,
mais on revient à votre réflexion et il y a...
M. Bourbeau: C'est de la haute voltige, ça, M. le
Président. On nous prête des intentions. Vraiment! D'aucune
façon on n'a...
Mme Harel: De toute façon, il y a deux choses qu'on ne
peut pas prêter au ministre, c'est le fait qu'il dise que ce sont des
fonds publics: 500 000 000 $, 600 000 000 $, mais ce n'est pas 500 000 000 $,
600 000 000 $ qui viennent de Québec. En fait, comme tel, 80 % des fonds
viendraient d'Ottawa parce que, tout compte fait, c'est à peu
près 135 000 000 $ comme tels. Si l'argent ne vient pas d'Ottawa, c'est
un peu une coquille vide, tout ça. C'est 135 000 000 $. C'est bien loin,
même, des sommes que le ministère de l'Éducation y
consacre. C'est presque 200 000 000 $ que le ministère de
l'Éducation consacre à ses filières de formation et qui ne
sont pas du tout concernées par le projet de société. Mais
j'ai deux questions à vous poser: une concernant le sous-investissement.
L'énoncé en parle. Vous vous dites favorable à
l'énoncé. Il y a un sous-investissement des entreprises en
matière de développement de la main-d'oeuvre. Le projet de loi ne
vient en rien corriger ce sous-investisssement. Avez-vous des propositions
à faire pour y remédier?
D'autre part, en termes de structure, est-ce qu'il n'y a pas un danger
qu'on s'inspire de modèles de concertation, de partenariat, venus
de pays sociaux-démocrates comme la Suède ou l'Autriche
où la représentativité patronale et syndicale est bien
supérieure à celle qu'on connaît dans notre propre
société? Dans notre société, le secteur
privé est, me dit-on - j'ai de la difficulté à avoir des
vrais chiffres depuis le début de la commission - c'est entre 18 %
à 21 %. Le secteur privé. Quand on dit qu'il y a 40 % de la
main-d'oeuvre qui sont syndiqués au Québec, c'est parce
qu'à 80 % et plus c'est dans les secteurs public et parapublic. Dans le
secteur privé, c'est à peine 18 % à 21 %. Donc, il y a
au-delà de 80 % qui ne le sont pas. Et la représentativité
patronale, quand on s'inspire de structures de concertation, il faut voir que
c'est dans des sociétés où il y a des cartes de membre et
il y a les patrons, il y a des élections. Avec toute l'estime et
l'affection que j'ai développées pour Ghislain Dufour à
l'occasion de Bélanger-Campeau, je n'ai pas assisté, jamais, moi,
à des élections où il y avait eu des bulletins de
candidature où il y a un adversaire qui se serait fait
connaître.
C'est difficile d'imaginer confier à la société
mère l'administration, pour l'ensemble de la société, de
programmes de main-d'oeuvre sans avoir de garantie sur la
représentativité. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Béland: Oui, mais juste pour répondre à
ça... Je regarde chez nous, quand on fait cette distinction, ce que
j'appelle la direction et l'opération, ceux qui sont chargés de
l'opération, on engage les gens les plus compétents possible. On
ne les élit pas. Ce n'est pas nécessairement une formule
élective. Le gouvernement est élu, lui. Il sait les politiques
qu'il a à mettre sur place. Mais, quand il veut opérationaliser
une de ses politiques, je ne pense pas qu'il ait besoin de passer par des
élus. Il passe par les gens qu'il considère les plus
compétents possible sur le plan de la province, d'une part, et ensuite
sur le plan régional.
Mme Harel: Attendez là, M. Béland, pour qu'on se
comprenne bien.
M. Béland: On ne procédera pas par
démocratie.
Mme Harel: On ne va pas choisir quand même des personnes.
On va choisir des organismes. Le projet de loi parle précisément
de personnes membres d'associations de salariés, mais on ne va pas
choisir à l'intérieur de la FTQ. On sait bien que, si Fernand
Daoust veut venir, c'est lui. Il n'aura pas été
nécessairement choisi par le gouvernement, il aura été
choisi par ses membres.
M. Béland: C'est ça. C'est ce qu'on fait.
Mme Harel: Alors, on s'en remet à la structure
élective.
M. Béland: Non, non, mais je pense que les travailleurs de
la FTQ sont, eux aussi, assez intéressés à ce que
ça marche pour déléguer quelqu'un qui va être le
plus compétent possible. Je ne peux pas croire qu'on endurerait, qu'on
tolérerait quelqu'un qui n'aurait pas les compétences.
Mme Harel: Vous nous parlez, donc, d'opération. Vous nous
faites...
M. Béland: Oui, je fais la distinction.
Mme Harel: Vous nous faites une comparaison avec vous, votre
structure entre l'opération et la direction. Vous, vous êtes un
élu à la direction...
M. Béland: Oui.
Mme Harel: ...et, vous, vous engagez des gens à
l'opération. Mais les personnes que le ministre va nommer seront des
élues à ce titre-là qui siégeront.
M. Béland: C'est pour ça qu'on faisait la
distinction dans notre mémoire. C'est là qu'on pense qu'il y
aurait une amélioration si on fait très nettement cette
distinction entre ce que j'appelle la direction, savoir ce qu'on veut...
Ensuite, sachant ce qu'on veut parce qu'on en a la responsabilité comme
élu, on dit à des gens: Vous allez nous rendre ça
opérationnel. Vous allez nous livrer la marchandise. Si vous ne le
faites pas, on changera. On trouvera des meilleurs que vous.
Mme Harel: Qui voyez-vous à la direction? M.
Béland: À la direction de quoi?
Mme Harel: Vous faites une distinction entre la direction et
l'opération.
M. Béland: La direction, c'est le gouvernement.
Mme Harel: La direction, c'est le gouvernement.
M. Béland: C'est le gouvernement. Mme Harel: Et
l'opérationalisation... M. Béland: C'est la
Société.
Mme Harel: Donc, vous verriez une représentation qui se
jouerait comment?
M. Béland: Au niveau de la Société
québécoise, je n'ai pas d'objection à la
représentativité qui est suggérée: monde patronal,
monde syndical. Je n'ai pas de problème avec ça, pas du
tout. Quand on arrive dans les régions, on dit: Là, il
faudrait quand même être plus souple, plus nuancé pour
permettre de s'ajuster aux couleurs locales. C'est tout.
Mme Harel: Mais vous dites, dans votre mémoire, à
la page 10: «Le gouvernement a-t-il si peu confiance aux
représentants du milieu pour vouloir nommer lui-même tous les
représentants aux différents conseils régionaux, comme il
le mentionne à l'article 37?» Vous les souhaitez nommés par
qui, les représentants régionaux?
M. Béland: Par la Société. Mais, ça,
c'est à voir. On disait...
Mme Harel: Par la société mère.
M. Béland: Peut-être que Mme Lafleur pourrait
compléter.
Mme Lafleur (Hélène): par la société,
mais on s'est interrogé beaucoup là-dessus, sur quoi vous faire
comme suggestion, au-delà de critiques. on retenait une chose, c'est que
les personnes, les agents socio-économiques, qui qu'ils soient, ceux qui
sont les plus engagés dans le développement de la main-d'oeuvre,
ce sont, à notre avis, les mieux placés pour intervenir et pour
orienter les programmes en développement de la main-d'oeuvre. donc, on
dit: essayons de privilégier les acteurs les plus pertinents et les
mieux concernés dans les régions.
Maintenant, comment faire pour les nommer? Nous, on a une structure
élective parce qu'on ne pourrait pas trouver un mécanisme
quelconque qui permettrait, un peu comme le CCR, finalement, qui permet
d'identifier des gens et, en assemblée générale, c'est eux
qui sont conviés.
Mme Harel: Si je comprends, cette structure élective, vous
la souhaitez en régions?
Mme Lafleur: Quelque part, il faut trouver une formule. On ne l'a
pas trouvée pour vous, je vous dirai. On s'est interrogé et il
faudrait trouver une formule quelconque pour permettre qu'en région
soient nommés, comme représentants, comme administrateurs, les
mieux placés.
Mme Harel: Mais peut-être que la première chose
à savoir de vous, c'est: Est-ce que vous préférez un mode
nominatif ou un mode électif, avant de savoir qui va nommer ou qui va
élire?
M. Béland: C'est clair que c'est nominatif. C'est clair
qu'il faut que ce soit nominatif parce qu'on n'est pas pour organiser des
élections en région pour savoir qui va aller... On voit ce que
ça fait dans d'autres domaines, de toute façon.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'actuellement c'est un mode
électif. L'Association des CFP... Mme Lafleur: Oui.
Mme Harel: ...demande que ce soit un mode électif. Ce sont
les CCR, assemblées générales, conseils d'administration
avec directeur général. Vous, vous dites: C'est un mode
nominatif. Là, il y a deux possibilités: soit nommé par le
gouvernement, soit nommé par la société mère. Le
danger, c'est que la société mère nomme en fonction de sa
composition, et c'est là que le bât blesse, si vous voulez, dans
la représentation. Sur le terrain, il est possible que la
représentation de la société mère ne veuille plus
rien dire du tout, en matière de représentation, par exemple, du
Conseil du patronat, mettons, non pas parce que j'ai une fixation, au
contraire, parce que je pense qu'on peut s'en interroger. Ou encore, à
l'inverse, on voit bien qu'avec le mode électif, actuellement, les CCR
élisent 40 % de représentants syndicaux qui ne font pas partie
des centrales. Alors, comment va-t-on faire pour assurer la
représentation? Avez-vous une...
M. Béland: Je ne voudrais pas toujours citer notre
modèle, mais c'est le seul que je connais, malheureusement. Dans ce
sens-là, nous aussi, on est pris avec des régions et on a
à nommer des conseils qui ne sont pas nécessairement des conseils
de 11, et on a plusieurs entreprises, on en a une quarantaine. Ce qu'on fait,
c'est qu'on se donne un bassin de candidatures. Chaque région nous dit:
Voici, c'est moi qui ai le meilleur candidat. Il a telle compétence,
telle compétence. Et tout ça est décidé par la
société mère qui regarde toutes les candidatures et qui,
en fonction de la direction qu'elle veut donner à l'entreprise, choisit
les meilleures candidatures.
Mme Harel: Pour les régions.
M. Béland: Pour nos comités régionaux, oui,
pour nos sociétés filiales.
Mme Harel: D'accord. Dans votre modèle, la
société mère choisirait, pour les régions
administratives...
M. Béland: Dans un bassin qui est suggéré
par les régions.
Mme Lafleur: C'est ça, et qui, là, peut
procéder de la même façon.
M. Béland: Mais est-ce que ça convient à une
société de la main-d'oeuvre? Ça reste à voir. On
n'est pas des experts là-dedans.
Mme Harel: Vous connaissez le reproche qui est formulé par
la majorité des groupes qui se sont succédé là
où vous êtes, c'est-à-dire un reproche d'une structure
corporatiste. Je ne sais
pas si vous avez pris connaissance de ce reproche-là. On parle du
groupe - je ne sais pas si vous connaissez ce mot fameux de M. Proulx - le G7,
le groupe des sept, celui que certains appelaient le club privé du
ministre. Finalement, c'est assez intéressant parce que, en
siégeant ici, je me suis rendu compte que la critique de la
Société - je le disais ce matin - c'est, en
général, inversement proportionnel à l'assurance d'y
participer - Ha, ha, ha! - ce qui est un fait d'évidence. Il faut juste
avoir passé quelques journées ici pour s'en être rendu
compte. Le problème est d'autant, disons, incontournable que la
représentativité des organismes fait, par exemple, si... Les
problèmes ne s'étaient pas posés, mais, si vous voulez, si
on parle de discrimination systémique dans la société,
c'est parce qu'il y a des tendances lourdes à contrecarrer, en termes
d'exclusion de groupes, par exemple, des femmes des emplois traditionnellement
bien rémunérés, des jeunes des emplois qui demandent de
l'expérience, des gens d'âge moyen des changements technologiques,
des groupes ethnoculturels, immigrants, etc. Et les personnes qui demandent
à gérer, actuellement, la formation de la main-d'oeuvre sont
là en place depuis des décennies. Je ne dis pas qu'elles sont
parties prenantes aux problèmes. Plusieurs sont conscien-tisées,
mais le fait est que, s'il n'y a pas une poussée d'un quatrième
partenaire, les tendances lourdes peuvent simplement se consolider.
Mme Lafleur: Nous comprenons, nous, et c'est pour ça qu'on
dit que le gouvernement doit donner les grandes orientations. Nous comprenons
que le gouvernement donne les grandes administrations. Il se donne un
instrument pour gérer ces grandes orientations-là. Alors, je ne
suis pas naïve, mais, quelque part, les administrateurs, autour de la
table de la Société, seront conviés à
dépasser leurs propres intérêts corporatifs et seront
conviés à assumer un mandat et à respecter les attentes
qui auront été formulées par le gouvernement. En plus, il
y a effectivement différents programmes, déjà, qui
s'adressent à différentes clientèles et sous
différents angles; on est conscient de ça.
Mme Harel: C'est ça qui est questionné. Quand on
regarde le regroupement des programmes, on se rend compte que trois des quatre
programmes concernent l'entreprise, soit parce qu'elle licencie, soit parce
qu'elle est en pénurie, soit parce qu'elle cherche à être
en croissance.
Mme Lafleur: Deux.
Mme Harel: Ce dont on se rend compte, c'est que l'ensemble... Et
c'est une autre question que je voulais vous poser. Il n'est question que de
compétitivité, dans l'énoncé. C'est l'oubli complet
du programme d'équité. Jamais même le mot n'est
mentionné. Pourtant, des objectifs d'équité de la
main-d'oeuvre sont toujours apparus comme étant indispensables, en
matière de formation, simplement pour maintenir un projet de
développement et de démocratisation sociale. Si tout n'est
centré que sur la compétitivité et si on oublie
l'équité, avez-vous idée, avec les tendances qui
s'accentuent présentement, à quel point, finalement,
l'énoncé nous amène à ne privilégier qu'une
partie de la main-d'oeuvre? Ça n'inquiète pas le Mouvement?
M. Béland: C'est-à-dire qu'on est dans une
situation quand même d'urgence, Mme Harel. Je pense qu'il faut tout de
même commencer quelque part. C'est toujours le même
problème, on essaie de poser des gestes et, là, on voudrait tout
régler en même temps. Il y a des besoins, vous le savez; le Forum
pour l'emploi nous a dénoncé des situations, j'allais dire
ridicules, d'inadaptation entre Coffre et la demande, des situations qui sont
absolument inacceptables et c'est simplement parce que la formation
professionnelle ne s'est pas adaptée. Mais, au moins, réglons
ça! Ça nous donnera ie temps, ensuite, d'aller plus loin. Mais,
à vouloir tout faire en même temps, je pense qu'on ne fait rien,
finalement.
Mme Harel: En fait, on a, avec trois ans de retard, ce qu'il
aurait fallu faire au moment...
M. Béland: Ah, peut-être!
Mme Harel: ...du libre-échange: l'adaptation de la
main-d'oeuvre. Mais on parle bien... Vous vous situez bien dans un contexte des
besoins de l'entreprise en main-d'oeuvre. On ne parle pas, à ce
moment-là, des besoins de la main-d'oeuvre, on ne parie pas des 40 % de
personnes qui occupent des emplois à temps partiel créés
depuis un an, qui auront très, très peu de chances de faire
partie des programmes que l'on sait être ceux centrés sur
l'adaptation.
M. Béland: Mais ça n'exclut pas ça. Je me
dis qu'au moins on aura réglé les problèmes les plus
criants et qui nous font apparaître un peu comme en retard par rapport
aux objectifs qu'on poursuit. Je pense...
Mme Harel: C'est intéressant.
M. Béland: ...qu'il faut commencer.
Mme Harel: Oui, vous avez raison. La grande question, c'est:
Faut-il seulement une approche curative, comme celle qu'on a entretenue dans
notre société, ou faut-il aussi se donner une vision
préventive?
M. Béland: Je pense qu'on est malade, dans le moment. Il
faut commencer par soigner et, quand on sera en bonne santé... (15 h
45)
Mme Harel: Oui.
M. Béland: ...là, on essaiera de grandir.
Mme Harel: Le danger, évidemment, vous savez, c'est que,
comme on a... Cette approche curative se régénère par
elle-même. Comme on n'a jamais fait de prévention, on arrive
toujours dans des urgences où on n'est jamais en mesure de faire de la
prévention.
M. Béland: On attendait quand même une politique de
la main-d'oeuvre depuis 25 ans; on en a une. Je me dis: Au moins, travaillons
là-dessus, pour une fois.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'on a une politique
d'adaptation, vous l'avez dit vous-même...
M. Béland: Oui.
Mme Harel: ...de main-d'oeuvre. Il faudrait avoir une vision un
petit peu plus ample.
M. Béland: Bien, on la poursuivra, on la poursuivra quand
les experts seront assis autour de la table et avec toute l'autonomie qu'on
leur accordera.
Mme Harel: Alors, le guichet unique, c'est ma dernière
question, vous en avez parlé, à la page 8, je pense,
également, de votre mémoire. Est-ce que vous souscrivez à
l'exclusion des personnes assistées sociales, 225 000 exclues, des
personnes aptes au travail qui sont exclues des programmes de formation que va
offrir la Société? Vous parlez d'un guichet unique, mais c'est un
guichet unique pour la main-d'oeuvre en entreprise...
M. Béland: Exact.
Mme Harel: ...pour la main-d'oeuvre active, mais c'est comme si,
dans la main-d'oeuvre, maintenant on oubliait ceux qui s'étaient
déqualifiés depuis quelques années, 55 % d'entre ces
personnes ont été victimes de fermeture, elles sont exclues des
programmes de formation. Vous avez un point de vue là-dessus?
M. Béland: Je ne sais pas si elles sont exclues ou si
c'est par le fait du mécanisme qu'elles ne peuvent pas emprunter,
qu'elles ne peuvent pas se prévaloir d'obtenir des fonds qu'elles vont
être exclues, mais je ne pense pas qu'elles soient exclues comme
telles.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'elles sont dans les programmes
d'employabilité qui vont continuer d'être gérés par
les centres Travail-Québec...
M. Béland: Ah bien, d'accord!
Mme Harel: ...alors, ça maintient deux réseaux, un
réseau centres Travail-Québec...
M. Béland: D'accord.
Mme Harel: ...alors, on revient un peu au québec
cassé, deux québec dans un ou un québec cassé en
deux: un réseau pour les personnes assistées sociales aptes au
travail et un autre réseau pour les autres.
M. Béland: C'est la situation actuelle, mais je pense
qu'il faut faire des efforts par rapport au premier réseau dont vous
parlez; je pense qu'il faut en faire.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je vais revenir sur un
sujet. Tout à l'heure, je vous écoutais parler, Mme la
députée de l'Opposition et M. le président du Mouvement
Desjardins, vous expliquiez comment vous procédez à
l'intérieur du Mouvement Desjardins pour faire les nominations. Vous
disiez que, finalement, c'est la société mère chez vous
qui fait les nominations à partir d'un certain nombre de noms qui sont
suggérés par les régions. Mais, quand on regarde
ça, par analogie, la société mère Desjardins par
rapport au dossier que l'on a devant nous, c'est l'équivalent du
gouvernement.
M. Béland:...
M. Bourbeau: Vous, vous êtes le gouvernement...
M. Béland: Je n'oserais pas le dire. M. Bourbeau:
...du Mouvement Desjardins. M. Béland: Gardons ça
entre nous! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Donc, quand vous faites les nominations, vous nous
dites que, si on voulait faire la même chose que vous pour vous copier,
c'est donc le gouvernement qui doit faire les nominations et non pas...
M. Béland: Par rapport à la Société?
M. Bourbeau: Par rapport à la Société.
M. Béland: Ah oui! Je n'ai pas d'objection à
ça, moi.
M. Bourbeau: Non? M. Béland: Non.
M. Bourbeau: Quelque part dans le mémoire, vous disiez
que, sur le plan régional, peut-être qu'on pourrait laisser les
nominations...
M. Béland: Oui, oui, mais vous parlez à la
Société québécoise. Moi, je ne nomme pas dans les
fédérations, je nomme dans les filiales qui appartiennent... La
Confédération aussi s'est donné des corporations pour
réaliser certains de nos objectifs, dans le domaine de la fiducie, dans
le domaine des valeurs mobilières, etc. C'est là. Par contre,
dans nos sociétés régionales c'est le mode de la
démocratie, c'est le mode électif par la base, mais je pense
qu'il n'est pas question de ça ici.
M. Bourbeau: La Conférence permanente sur la
main-d'oeuvre, selon vous, est-ce qu'on devrait la maintenir ou l'abolir? Il y
a des organismes qui sont venus devant nous et qui ont dit: On devrait
l'abolir. D'autres suggéraient plutôt qu'on la garde. Vous
connaissez le rôle de la Conférence permanente qui est d'aviser le
ministre et le gouvernement sur les grandes orientations. Dans la politique
qu'on a devant nous, le gouvernement, évidemment, se réserve la
responsabilité des grandes politiques, des grandes orientations.
D'après vous, est-ce qu'on devrait maintenir la Conférence
permanente?
M. Béland: évidemment, on ne s'est pas
prononcé là-dessus dans le mémoire. une réaction
simplement personnelle comme membre de la table et ayant travaillé dans
ce dossier-là: je pense que, si on donne à la
société le mandat qu'on souhaite, on n'a plus besoin de la
conférence. le gouvernement est capable d'établir lui-même,
en s'inspirant des recommandations que lui fera la société,
puisqu'elle a aussi, la société, le rôle de conseiller le
chef de la direction. dans ce sens-là, je pense qu'on n'a plus besoin de
la conférence sur l'adaptation de la main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: Moi, je n'en suis pas aussi sûr que vous. J'en
serai peut-être aussi sûr que vous quand je verrai qui le patronat
et les syndicats vont déléguer à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Je ne
sais pas encore qui on va déléguer. Si on délègue
les Claude Béland et les Ghislain Dufour, de ce monde, à ce
moment-là, possiblement que la Conférence permanente aura moins
d'utilité.
M. Béland: Quoique je pensais qu'elle
disparaîtrait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je vais voir à quoi m'en tenir. Je reviens
à votre mémoire. Vous avez parlé dans votre mémoire
de certaines zones d'ambiguïté qui persistent entre le mandat du
ministère et celui de la Société. Est-ce que vous pourriez
préciser davantage où vous voyez les zones
d'ambiguïté dans le projet de loi?
M. Béland: On n'a pas voulu, dans notre mémoire,
entrer dans les articles article par article, mais...
M. Bourbeau: En gros.
M. Béland: J'ai cité l'exemple, quand le ministre
peut faire lui-même des programmes, quand il peut lui-même
intervenir pour modifier des programmes ou exiger des programmes, je pense que,
là, on est dans le domaine de la double juridiction, des
compétences partagées. Dans ce sens-là, on a un peu
d'hésitation devant ça.
M. Bourbeau: évidemment, je comprends ce que vous voulez
dire. ce n'est pas l'intention du gouvernement de faire des programmes.
cependant, il peut arriver, dans des circonstances exceptionnelles... le
ministre des finances, par exemple, décide d'introduire un crédit
d'impôt à la formation et ça s'annonce à l'occasion
d'un budget. à ce moment-là, c'est l'équivalent d'un
programme le gouvernement annoncerait un programme. c'est ça. quand on
parie de programmes dans le projet de loi, on vise ce genre de truc. mais je ne
pense pas que le gouvernement va avoir l'intention ni même l'expertise
pour dessiner des programmes puisqu'on va virer à la
société québécoise l'essentiel de la matière
grise qu'il y a au gouvernement en matière de main-d'oeuvre. le
gouvernement sera assez mal pris, après ça, pour commencer
à dessiner des programmes alors que toute l'expertise va être
à la société. ce serait donc plutôt au niveau de
trucs fiscaux, enfin, d'annonces fa/tes dans le cadre d'un budget qu'on
pourrait voir ce genre de pouvoir exercé par le gouvernement. c'est
comme les directives dont on parie dans le projet de loi. la plupart des
organismes - je pense la totalité même des lois qui gouvernent les
organismes - ont cette clause de directives. enfin, j'en ai vu plusieurs dans
les organismes dont j'ai été le ministre titulaire. je n'ai
jamais vu encore de directives être déposées à
l'assemblée nationale. en 10 ans de vie parlementaire, je n'ai jamais vu
un ministre déposer des directives. je ne sais pas si la
députée de hochelaga-maisonneuve en a vu. la loi dit toujours,
dans tous ces cas-là: le ministre doit déposer à
l'assemblée nationale les directives. c'est une espèce de soupape
de sécurité que le gouvernement se donne dans ces cas-là,
au cas où, à un moment donné, une société
commencerait à s'égarer, disons, sur des chemins un peu cahoteux
et que le gouvernement voudrait la ramener à l'ordre en utilisant une
autre méthode que de changer les normes du conseil d'administration dont
vous parliez. alors, c'est ce genre... je voulais simplement vous donner
ces
explications-là pour qu'on ne voie pas, dans ces
articles-là, nécessairement, le mauvais gouvernement qui veut
mettre la bride sur le cou du conseil d'administration, à coups de
directives et de programmes dessinés par le gouvernement, venir mettre
en tutelle une société. C'est un commentaire que je faisais.
M. Béland: Je souhaiterais qu'à la page 40 on
emploie peut-être des mots où il y a plus d'imputabillté
que simplement des mots comme dire: Le rôle, le mandat de la
Société, c'est de définir, de conseiller, de proposer, de
favoriser, de soutenir. Nulle part je ne vois qu'elle décide quelque
chose. C'est seulement ça.
M. Bourbeau: En tout cas, M. le Président, je sais...
Le Président (M. Philibert): Vos commentaires pour
terminer, M. le ministre.
M. Bourbeau: ...que mon temps est terminé, alors je
voudrais simplement remercier le Mouvement Desjardins et M. Béland pour
ce mémoire et cette prestation. Je comprends très bien les points
qu'on voudrait améliorer. J'ai l'intention, au cours des prochaines
semaines, de regarder attentivement chacune de vos suggestions et de voir dans
quelle mesure on peut améliorer le projet de loi, à la
lumière de ce que vous nous proposez. J'espère qu'on pourra se
rapprocher un tantinet de vos objectifs et que vous allez également
comprendre nos contraintes de façon à ce qu'on puisse en arriver
à une Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre qui soit efficace et capable d'entrer
en action dans les meilleurs délais. Je vous remercie.
M. Béland: M. le Président, merci.
Le Président (M. Philibert): Merci de votre prestation. Je
vous inviterais maintenant à céder la place à SECODEV
groupe conseil.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Philibert): Avant de procéder
maintenant en entendant le groupe SECODEV, je vous rappelle que vous avez 20
minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour le
gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition. Pour débuter, je vous
inviterais à vous identifier pour fins du Journal des
débats.
SECODEV groupe conseil
M. Allard (Pierre J.): Alors, je vous remercie, M. le
Président. Pierre Allard. Je suis vice- président exécutif
du groupe SECODEV groupe conseil. Nous sommes une petite société
qui se spécialise depuis maintenant des années et des
années. Mes collègues et moi sommes actifs depuis une vingtaine
d'années dans le domaine de la formation professionnelle et des
ressources humaines, non seulement ici au Québec, mais un peu partout
dans le monde. Ce qui fait que ce que nous pouvons vous apporter aujourd'hui
est un témoignage beaucoup plus au niveau technique, au niveau du
travail des ouvriers sur le terrain beaucoup plus qu'au niveau des grands
principes qui peuvent avoir à présider à
l'élaboration du document lui-même. Or, c'est à ce
niveau-là que nous aimerions intervenir.
Maintenant, avant de plonger au fond du débat, j'aimerais
peut-être faire une petite parenthèse personnelle. J'étais
très ému tout à l'heure quand j'entendais M.
Béland, mon ancien confrère de classe, parler de ces questions
auxquelles on attendait une réponse depuis 25 ans, parce qu'il y a
exactement 25 ans aujourd'hui que j'ai été nommé directeur
général de la main-d'oeuvre par Maurice Bellemare. J'étais
donc le premier directeur général de la main-d'oeuvre, et c'est
amusant de voir qu'après 25 ans, M. le ministre, vous nous apportez
aujourd'hui une réponse à une bonne partie des questions qu'on se
posait déjà à cette époque-là. Alors,
ça a été long, mais nous y sommes arrivés.
Bon, comme je le disais, nous sommes ici pour apporter un
témoignage au niveau plutôt de la technique du travail sur le
terrain, et dans ce domaine-là, dans notre mémoire, nous avons
fait allusion à certaines des questions auxquelles peut-être on
essayait d'apporter une réponse, mais où on allait
peut-être jusqu'au bout de la logique des raisonnements qui les
sous-tendaient.
La plus importante de ces questions-là est celle de la gestion
unifiée ou du guichet unique, où le mémoire... et nous
pensons que c'est un pas en avant extraordinaire que nous supportons
entièrement. Nous pensons que le gouvernement a entièrement
raison de vouloir ramener au niveau du gouvernement du Québec l'ensemble
des responsabilités concernant la planification des ressources humaines
et de la main-d'oeuvre. Cependant, nous sommes conscients, parce que nous
sommes justement des praticiens de la formation professionnelle et de la
main-d'oeuvre, qu'au Québec, comme dans tous les pays du monde,
d'ailleurs, un problème se pose éternellement entre les
intervenants, au niveau de la formation professionnelle, entre ce que sont
souvent des philosophies plus contradictoires que complémentaires entre
le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre, ou, ici, le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle, et le ou les ministères de
l'Éducation.
Vous avez deux visions de l'homme qui devraient se compléter. Le
ministère de l'Éduca-
tion voudrait lui donner sa formation générale, en faire
un être complet, voudrait l'amener au plein développement de ses
possibilités. C'est une chose, c'est un objectif avec lequel on ne peut
être qu'entièrement d'accord. Simultanément, vous avez dans
tous les pays du monde un ministère orienté vers la main-d'oeuvre
dont l'objectif premier est de faire en sorte que le potentiel humain puisse
servir, à son intérêt comme à celui de la
société, au secteur de production, de façon à
rencontrer nos objectifs de production. Bon.
Ici, nous avons depuis deux décennies ce débat entre ce
qui doit être fait par le ministère de l'Éducation et ce
qui doit être fait par le ministère de la Main-d'oeuvre. Nous
voyons que le document tel que présenté ne règle pas
encore définitivement ce débat, c'est-à-dire que ce
guichet unique auquel nous faisons allusion sera un guichet unique dans la
mesure où c'est le Québec seul qui prendra les décisions,
mais, pour l'intervenant, pour l'utilisateur, pour le travailleur, pour
l'employeur, la question demeurera ouverte de savoir quelle est la part qui
revient au ministère de la Main-d'oeuvre et quelle est la part qui
revient au ministère de l'Éducation.
C'est un phénomène qui est courant - nous le voyons tous
les jours - il y a duplication des efforts en ce qui a trait, par exemple,
à la préparation des analyses de tâche dans les
entreprises, en ce qui a trait à la préparation des devis
pédagogiques, en ce qui a trait même aux procédures de
démarchage auprès des entreprises. Nous voyons que, dans bien des
régions, des représentants des cégeps, des
représentants des commissions scolaires, des représentants, donc,
du secteur de l'enseignement sont en démarchage auprès des
entreprises. Nous ne nions pas que, dans beaucoup de cas, ceci mène
à des réalisations concrètes tout à fait
souhaitables, mais nous pensons qu'en termes de l'élaboration d'une
politique globale il est parfois un peu difficile pour les utilisateurs de
faire la part des choses dans ce que sont ces propositions qui leur viennent au
niveau de la formation elle-même et qui, en fait, font le détour
de ce qui est fa structure traditionnelle passant maintenant par les
commissions de formation professionnelle, mais dont nous espérons
qu'à l'avenir elle passera par ce guichet unique auquel on se
réfère et qui serait justement le ministère de la
Formation professionnelle dirigeant l'opération et, finalement, la
Société de développement dont on veut promouvoir la
création. Bon.
Nous suggérons donc - et c'est le premier point sur lequel nous
aimerions insister - que tout en reconnaissant que le premier pas en avant est
celui-ci - il est là et nous sommes d'accord - il faut ramener,
rapatrier les compétences au Québec. Mais nous suggérons
qu'immédiatement après il faudrait, le plus rapidement possible,
faire en sorte qu'il n'y ait aussi qu'un seul intervenant au Québec
quant à ces questions de main-d'oeuvre et quant à ces questions
de formation professionnelle.
Nous aimerions qu'il y ait véritablement un guichet unique. Dans
la mesure surtout où l'intervention de nouvelles sociétés
de développement paritaires viendrait inévitablement
résoudre certains problèmes, mais aussi compliquer certaines
décisions au niveau planification, nous pensons que, dans cette mesure,
il serait important qu'au moins, tout en haut de l'échelle, ce
débat éternel entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre soit
résolu et que nous puissions penser qu'il n'existe qu'une tête,
même s'il y a deux bras pour réaliser cette politique. Bon. Alors
donc, première recommandation que nous faisons, M. le ministre.
Nous aimerions que, le plus rapidement possible, on accorde l'attention
nécessaire à ce qu'il faut pour que toute la politique de la
main-d'oeuvre soit sous ce guichet unique que l'on désire et que le
rôle du ministère de l'Éducation devienne ce qu'il aurait
toujours dû être, c'est-à-dire celui disposant de la
compétence sur le plan pédagogique et didactique, celui qui,
souvent, pour une raison d'opportunité ou une raison historique plus que
pour des raisons de logique, est actuellement le détenteur des
ressources de l'éducation, aussi bien des ressources humaines que des
ressources techniques, mais sans que ceci ne remette en cause le fait que le
ministère de la Main-d'oeuvre, qui est lui-même l'interlocuteur
privilégié des partenaires sociaux, aussi bien les syndicats que
les employeurs... Nous pensons que le ministère de la Main-d'oeuvre
devrait être celui qui préside aux destinées de la
formation professionnelle et à tous les niveaux. Bon. C'est la
première recommandation que nous voulions faire.
Dans un deuxième temps, nous voulions attirer l'attention sur la
question d'image de la formation professionnelle et sur la question d'image des
métiers. Nous avons l'occasion d'intervenir souvent dans les
différentes régions du Québec. Nous avons l'occasion
également d'intervenir à l'étranger. Un peu partout, nous
voyons qu'il y a cette dévalorisation des métiers,
dévalorisation des activités manuelles, des activités
professionnelles, qui est un problème grave. Vous savez que nous avons
pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans la plupart des
régions de la province. Dans certaines des régions, c'est
à l'état critique et simultanément en haut, si on peut
dire en haut, et en bas, si on peut dire en bas, de l'échelle de la
profession et de la qualification, nous avons des surplus qui nous laissent
tout de même avec 23 % de la population active qui est inoccupée
au Québec, soit bien-être social, soit chômage. Nous avons
donc un problème où nous devons rétablir
l'équilibre et donc revaloriser cette image des métiers, cette
image de la formation professionnelle comme une option valable pour ceux qui
veulent se développer.
Nous avons introduit dans ce mémoire quelques recommandations
à ce sujet qui nous semblent reposer sur ce qui, sous ce nom ou sous un
autre, est en train de se réaliser dans la plupart des pays du monde,
c'est-à-dire une distinction claire entre les volets professionnel et
culturel de l'éducation. Ce sont des objectifs distincts. Ce sont des
méthodes didactiques distinctes. Il ne faut pas remonter jusqu'à
Carrard pour comprendre qu'on n'enseigne pas de la même façon un
métier que l'on enseigne une philosophie. Ce sont des choses
différentes.
Actuellement, cette confusion que l'on a et qui permet d'introduire
à tous les niveaux de la formation et à tous les niveaux de
l'éducation un saupoudrage de culture sur la formation professionnelle
et un saupoudrage de connaissances techniques à travers le contenu
culturel, ne crée que des inconvénients et augmente
considérablement le coût de l'éducation. Vous savez, nous
savons tous qu'une formation professionnelle, à cause des
équipements et pour une foule d'autres raisons, coûte beaucoup
plus cher qu'une formation générale. Lorsque nous prenons un
cours de niveau cégep dont la vocation première est de former
à un métier ou à une profession, si moins de 50 % du
contenu de cette formation est, en fait, véritablement professionnel et
si le reste consiste en un complément à la formation
générale qui aurait sans doute dû être donnée
à l'élève longtemps avant qu'il n'accède à
ce niveau, nous augmentons proportionnellement les coûts de la formation
et nous créons également une confusion regrettable entre ce qui
doit servir un métier et ce qui n'est en fait qu'un instrument - Dieu
merci, extrêmement important - pour le développement personnel de
l'individu.
Ce que nous suggérons dans ce domaine, c'est d'abord, donc, qu'il
y ait une distinction très claire entre volet professionnel et volet
culturel et, surtout, que l'obtention d'un diplôme professionnel ne soit
pas conditionnelle à l'obtention de certains volets culturels qui
écartent de l'apprentissage vers les métiers une partie
significative de la population. Nous avons créé une situation
où nous avons rendu très mince la couche de la population qui
peut être intéressée par l'apprentissage d'un
métier. Ceux qui ont l'intérêt pour les choses abstraites
que l'on introduit dans les programmes actuels ont tendance,
généralement, à choisir d'autres vocations et se dirigent
vers l'université en grand nombre ou vers des professions qui sont
parfois plus gratifiantes, sur le plan de la valorisation sociale, mais pour
lesquelles nous n'avons pas toujours un besoin professionnel et social
évident au Québec.
À l'opposé, nous avons des gens qui seraient d'excellents
ouvriers de métier et qui n'auraient aucune difficulté à
assumer un rôle social utile, mais que nous privons d'un accès
raisonnable aux professions parce que nous exigeons, avant de leur donner le
diplôme qui leur permettrait d'être embauchés à ce
titre, des considérations et des formes d'éducation qui sont
culturelles, qui sont valables, je n'en disconviens pas, mais qui ne sont pas
essentielles pour occuper ce métier. C'est un problème
sérieux.
La solution que nous préconisons est d'ouvrir largement la porte
à la culturation de la personne le plus haut possible dans le
système d'enseignement, indépendamment du métier ou de la
profession qu'elle a choisi. En d'autres mots, il n'y a pas de raison pour
qu'une personne qui, en un an ou en deux ans, obtiendrait la qualification
nécessaire pour devenir plombier, menuisier, mécanicien,
électrotechnicien, etc., ne puisse pas, simultanément ou
subséquemment, suivre des cours qui lui permettraient d'accéder
aux niveaux supérieurs de la maîtrise ou même du doctorat.
Rien n'empêche - et je le dis peut-être avec un peu... une certaine
façon de parler là-dedans. Je dis: II n'est pas prouvé que
nos plombiers ne nous donneraient pas des thèses qui seraient tout aussi
intéressantes que celles que nous avons dans certaines disciplines
universitaires. Alors, je pense que nous devrions ouvrir la porte de la culture
largement à ceux qui accepteraient de remplir ces postes et ces
métiers pour lesquels nous avons un besoin criant au Québec.
Donc, c'est une recommandation que nous faisons.
Nous reprenons et nous approuvons entièrement l'ouverture que
fait le ministère et l'énoncé de politique vers les
écoles spécialisées. Nous savons que, lorsqu'il y a eu
cette réforme de l'éducation qui date maintenant d'une
génération, les écoles de métiers ont
été plus ou moins laissées pour compte au profit des
"comprehensive schools" américaines qui nous ont donné les
cégeps. Les remarques, aujourd'hui, si nous prenons certains exemples
d'écoles spécialisées, nous voyons que le taux de
placement et le taux de satisfaction des employeurs face à ces
gradués est largement supérieur à celui que nous avons
dans la moyenne des gens formés au niveau des cégeps.
Le meilleur exemple - je ne veux faire de publicité à qui
que ce soit - le fait que l'institut Teccart se spécialise en
électronique et crée à l'intérieur de ses murs une
dimension ou une façon de penser qui soit tout entière
orientée vers un métier fait que ces diplômés sont
placés à 100 % sur le marché, ce qui n'est pas le cas pour
les diplômés du cégep qui sortent de la même
occupation. Il y là quelque chose dont il faut tenir compte. Les
écoles spécialisées sectorielles auxquelles fait allusion
l'énoncé de politique nous semblent donc un pas en avant
remarquable, et nous l'approuvons.
Nous parlons un peu plus loin de la formation charnière. C'est
aussi un problème universel qu'entre l'élève, pour
brillant qu'il soit, qui sort de l'université avec le diplôme que
l'on voudra, et un travailleur capable d'occuper valablement
un poste dans le secteur de la production et d'être rentable pour
son employeur il y a un espace, il y a une discontinuité. Cette
discontinuité fait que lorsque nous considérons aujourd'hui...
Nous avons souvent l'occasion de parler avec les employeurs de la petite et
moyenne entreprise, ils ne considèrent même pas comme une
possibilité valable le fait d'engager directement un
diplômé de l'école secondaire avec un D.E.C. ou un D.E.S.
pour remplir un poste en entreprise. La petite et moyenne entreprise ne
considère pas la possibilité d'employer qui que ce soit sauf un
ouvrier d'expérience.
Vous avez donc ce trou béant, cet hiatus entre la formation,
entre l'élève qui sort de sa formation professionnelle en
institution et le marché du travail qui ne prend que des employés
avec expérience. Entre les deux, il y a un trou. Ce trou, dans la
plupart des pays du monde, est couvert par une formation
accélérée, une formation sur le tas, une formation
d'apprentissage. Nous avons ici, au Québec, ce problème d'avoir
énormément de programmes de formation qui peuvent servir à
cette fin, que ce soit les programmes de formation en entreprises, les
programmes d'achats directs, les programmes d'achats locaux, les programmes de
formation sur mesure, mais tous ces programmes ont toujours eu le grand tort
d'être extrêmement difficiles d'accès, difficiles
d'accès, en grande partie, je le reconnais, à cause de ce
problème qui existait de partage des pouvoirs entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec, menant donc à
la création de la CFP à celle d'autres intermédiaires qui
intervenaient à tous les paliers de décision. C'est un
problème. Ce problème sera en partie résolu par la
nouvelle structure proposée par le ministère. Bon.
Nous pensons, d'autre part, qu'en s'ap-propriant l'ensemble des
programmes qui viendront du fédéral - il y en a qui sont
extrêmement valables et qui se comparent avantageusement à ce
qu'on voit dans le monde à ce sujet - le ministère devrait
profiter de cette occasion pour restructurer l'ensemble de ses programmes
d'aide à l'emploi, pour leur donner une dimension qui soit celle d'un
apprentissage, c'est-à-dire un volet charnière indispensable
entre le système de formation en institution et le programme de travail
dans le système de production. Il y a un gouffre entre les deux, il y a
un espace a remplir et l'ensemble des programmes, qu'on appelle aujourd'hui
d'aide à l'emploi, pourraient devenir simplement des programmes
d'insertion dans le milieu du travail qui s'adresseraient aussi bien aux jeunes
diplômés des écoles qu'aux personnes en recyclage, qu'aux
personnes en reclassement et, naturellement - je le soulige parce que c'est la
priorité de tous les employeurs du Québec - aux employés
qui sont déjà en poste, mais dont il est urgent et absolument
indispensable de parfaire continuellement la formation si on veut qu'ils
puissent faire face au virage technologique de demain. Bon.
Donc, lorsque nous parlons d'apprentissage - et c'est le dernier sujet
que nous traitons dans notre mémoire - nous ne voulons pas dire
l'apprentissage comme régime, par exemple, comme nous le faisons en
Ontario, nous ne parions pas d'un apprentissage avec ce que ceci implique sur
le plan légal, comme statut pour celui qui y est affecté. Nous
parlons d'apprentissage dans le sens de l'apprentissage d'une connaissance, de
l'apprentissage d'un métier dans le milieu du travail, dans le sens des
guildes du Moyen Âge, dans le sens où la véritable
façon d'apprendre, c'est d'être à côté d'un
maître, d'être un apprenti jusqu'à ce qu'on devienne un
compagnon. nous pensons que cette façon qui semblait
vétusté d'apprendre et qu'on a presque laissée à
l'abandon, il y a une génération, est en train maintenant de nous
prouver qu'elle était une sagesse traditionnelle et ancestrale à
laquelle h faudrait revenir. nous avons beaucoup apprécié, au
niveau de l'énoncé de politique, le fait qu'on ouvre la porte
justement vers la formation en entreprises, vers l'apprentissage qui ne devrait
pas pour nous, disons, être en opposition à la formation en
institution, mais le complément nécessaire de toute formation en
institution. je ne voudrais pas excéder le temps qui m'est
alloué, m. le président.
Mme Harel: C'est très, très intéressant.
Vous pouvez continuer.
Le Président (M. Philibert): II vous reste quatre minutes
et demie si vous voulez continuer, mais si avez terminé...
M. Allard: Écoutez, j'aime toujours jeter un pavé
dans la mare. Dans les quatre minutes qui restent, j'aimerais revenir sur
quelques points que je souligne dans mon mémoire et qui me semblent
intéressants. D'ici 20 ans, il ne restera pas 10 % de la main-d'oeuvre
dans le secteur industriel. Il faudrait y penser tout de suite. Il y a des
secteurs, des pans entiers de notre économie où tout le monde
devrait être en reclassement d'ici quelques années. Il faudrait y
penser. C'est extrêmement sérieux. Il faut penser aussi que dans
une économie de services - et les faits le prouvent - comme je le dis
quelque part, les petits piranhas sont en train de bouffer les requins. 80 % de
la main-d'oeuvre est en train de se créer dans les PME et il n'y a pas
de création d'emplois dans les grandes entreprises.
Un poste dans le secteur industriel de pointe coûte 2 000 000 $.
Nous n'avons pas les moyens d'en faire beaucoup. Nous devons donc
immédiatement penser à recycler notre main-d'oeuvre vers des
activités du tertiaire, ce qui n'implique pas une diminution de notre
production. Au contraire, c'est notre richesse. Mais la même richesse
peut être faite sans que nous
considérions que le secteur industriel est le seul endroit
possible où nous puissions localiser notre main-d'oeuvre. Il faut le
comprendre.
Dernier point, peut-être, à ce sujet. Dans une
économie de services, ne l'oublions pas, il y a de moins en moins
d'emplois et il y a de plus en plus de postes où il faut être
autonome, où il faut être créateur, où il faut
être, enfin, l'employé de soi-même. Il faut donc penser
à une structure sociale et économique, au cours des prochaines
décennies, où il y aura de plus en plus de travailleurs
autonomes, et tous ces gens-là devront s'intégrer dans notre
politique. Merci.
Le Président (M. Philibert): merci, m. allard. je
cède maintenant la parole à m. le ministre de la main-d'oeuvre,
de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
M. Allard, du groupe SECODEV, qui vient nous donner un rappel, avant même
de commencer la question, à la demande de ma collègue. Je
regardais les Jeux olympiques, hier, et on avait un patineur qui venait faire
sa prestation. Après ça, il est revenu faire une deuxième
prestation. Alors, c'est ce que M. Allard a fait à la demande de ma
collègue. Mais remarquez que c'était très
intéressant, et la première partie et la deuxième.
Dites donc, M. Allard, parlez-nous donc un peu de votre organisme,
SECODEV. Vous faites quoi exactement dans le milieu du travail?
M. Allard: Puisque vous me le demandez, M. le ministre,
j'hésiterais à ne pas le faire, n'est-ce pas? Nous sommes une
petite société dont les principaux partenaires sont M. Robert
Robitaille, qui est l'ancien vice-président, ressources humaines, du
groupe SNC, Richard Whalen, du gouvernement fédéral et autrefois
également de Pepsi Cola, donc, ingénieur industriel
spécialisé dans le domaine de la formation. Nous avons
également Mme Beverly Lopez, qui s'occupe depuis longtemps de formation
et d'adaptation au travail, votre humble serviteur, bien sûr, qui en fait
partie, et quelques autres personnes avec lesquelles nous collaborons.
Particulièrement à l'étranger, nous avons des
représentants avec lesquels nous collaborons en France, en Côte
d'Ivoire et au Mexique.
Donc, nous avons le plus clair de nos activités à
l'extérieur du pays. Nous avons récemment, d'autre part, fait
quelques projets au Québec, dont sur la région de la
Côte-Nord, où nous avons été enthousiasmés
par l'accueil de la population et par la volonté de la population de
vouloir vraiment régler ses problèmes de main-d'oeuvre et passer
au XXIe siècle tous ensemble.
M. Bourbeau: Mais vous faites quoi exactement comme travail dans
ces pays-là ou même au Québec?
M. Allard: Nous travaillons sur trois volets. Le premier volet,
généralement, est l'identification des besoins. Chaque fois que
l'on met en place une politique de main-d'oeuvre - et c'est un des aspects que
nous soulevons brièvement dans ce rapport - chaque fois qu'il faut
établir une politique de main-d'oeuvre, il faudrait d'abord
évaluer et identifier de la façon la plus précise possible
quels sont les deux ensembles entre lesquels on veut faire l'appariement. Or,
si souvent on se donne beaucoup de peine pour définir quels sont les
postes disponibles, faire l'analyse des tâches des emplois - et je
souligne que nous avons ici au Québec probablement le meilleur
système d'analyse des tâches au monde - simultanément, il
faut aussi faire une identification de cette main-d'oeuvre.
Alors, malheureusement, nous avons encore tendance à le faire par
grandes catégories. On dit encore, au niveau des statistiques: Nous
avons x professionnels, nous avons x employés, etc. Mais nous en sommes
à un point où il n'est plus possible de traiter la main-d'oeuvre
comme une armée d'individus interchangeables. Chaque personne devient de
plus en plus spécifique et nous allons rapidement vers la situation
où à peu près tout le monde ne fera partie que de tout
petits groupes à l'intérieur desquels les gens seront
pratiquement irremplaçables.
Dans ce contexte-là, il faut faire une formation sur mesure et il
est important de pouvoir identifier nos ressources. Il y a 25 ans, avec Fernand
Jolicoeur, qui était à ce moment-là directeur
général de la formation professionnelle et de l'éducation,
nous avions décidé de faire une priorité d'abord de
l'analyse de tâches - c'a été fait - et,
deuxièmement, d'un enregistrement professionnel. Nous voulions à
cette époque - et les débuts de l'informatique nous permettaient
de le faire, même si, à ce moment-là, il nous aurait fallu
énormément d'espace pour l'ordinateur - avoir sur fiche tous les
travailleurs du Québec avec leur profil professionnel, ce qui aurait
permis de faire l'appariement de la façon la plus efficace possible.
En 1967, c'était une idée novatrice. Depuis, cette
idée a été réalisée dans la province
d'Osaka, au Japon, où elle fonctionne parfaitement. Elle a
été réalisée dans différents projets-pilotes
à travers le monde. C'est une réalité concrète.
Aujourd'hui, au lieu de parler en général de x travailleurs ou de
n travailleuses qui pourraient remplir Dieu sait quel poste, nous pourrions
faire l'appariement exact entre les compétences pour chaque poste de
travail disponible et les gens qui ont les compétences pour les remplir.
C'est quelque chose qui peut être fait en quelques mois. C'est une
solution que je propose, M. le ministre. (16 h 30)
Lorsque nous avons fait cette identification des besoins, nous passons
à établir les priorités. Subséquemment, nous
procédons à identifier
quelles sont les ressources disponibles, techniques, ressources
humaines, ressources financières et nous montons un système qui
tient compte des différentes alternatives: formation en institution,
formation en entreprise, formation par correspondance, formation à
distance, de façon à répondre le mieux possible aux
besoins. Par la suite, nous faisons le suivi des cours de formation qui sont
donnés, la mise en place des systèmes et,
généralement, notre mandat se termine par un rappel, un an ou
deux ans plus tard, pour voir comment l'enfant a vécu ça. C'est
ce que nous faisons depuis 20 ans.
M. Bourbeau: Bon, vous recommandez... Tout à l'heure, j'ai
pris quelques notes pendant que vous parliez. Vous recommandez que le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle préside aux destinées de la
formation professionnelle. Fin de la citation.
M. Al lard: Oui.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous estimez que le
ministère devrait être le seul interlocuteur auprès des
partenaires patronaux et syndicaux en matière de formation
professionnelle. Est-ce que vous pouvez visualiser les vagues qu'une
proposition comme celle-là pourrait soulever dans la
société québécoise et pourriez-vous expliciter un
peu davantage?
M. Allard: Je les visualise très bien, M. le ministre, et
je cours rapidement pour les fuir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: vous voulez faire en sorte que, moi, je reste
là pour le savoir?
M. Allard: Exactement. Ha, ha, ha! Vous savez, j'ai bien
précisé tout à l'heure que ce que je recommandais, ce
n'était pas pour qu'on attaque ce problème immédiatement
et encore moins pour qu'on en fasse une condition préalable à la
réalisation de ce rapport. Au contraire, ce rapport doit être
réalisé immédiatement et le plus rapidement possible.
D'autre part, je suis persuadé, M. le ministre, que dès
que la nouvelle société sera en place, dont le caractère
paritaire ne nous échappe pas, lorsque ce seront les employeurs et les
travailleurs qui, traditionnellement, ont toujours insisté pour que la
formation professionnelle puisse servir à des fins utiles, pratiques,
immédiates, concrètes, applicables, il ne fart aucun doute que la
nouvelle société prendra immédiatement un virage en
insistant pour que la formation qui est donnée le soit
immédiatement d'une façon plus pratique, plus applicable, plus
concrète et plus utilisable et pour des postes plus ponctuels.
Bon, si nous voulons éviter qu'il y ait peut-être un refus
qui nous mène à des exagérations dans ce domaine, il
serait peut-être opportun de clarifier d'entrée de jeu quelles
seront les responsabilités respectives de chacun. Alors, si nous ne
voulons pas qu'une future société de planification et de
développement de la main-d'oeuvre en arrive au point où elle
rejettera tout ce qui est culture pour en arriver finalement à ce qui
serait l'équivalent des CSC actuels - ils ont une formation purement
pragmatique, qui sera une perte pour la société
québécoise - il faudra dès le départ dire: Voici,
ce qui est sacré, ce qui est d'éducation et ce qui est
nécessaire au citoyen québécois, nous le gardons à
l'éducation.
D'autre part, lorsque nous parlons de former quelqu'un pour occuper un
poste dans la société, lorsque nous parlons de
rentabilité, de travail, d'emploi, de plein-emploi, de chômage,
vous avez un mandat, faites en sorte que notre main-d'oeuvre, que nos
ressources humaines soient formées de façon à ce qu'elles
correspondent aux postes qui sont disponibles. Parce que à quoi sert de
nous former suffisamment d'anthropologues pour répondre aux besoins
mondiaux puisque nous n'avons ici qu'une toute petite partie des artefacts
à trouver.
Donc, si nous voulons ici au Québec répondre à nos
besoins, nous devons pouvoir coller l'oreille sur les besoins de l'entreprise
et sur ce que la nouvelle société fera, que ce soit au niveau des
régions ou au niveau des MRC, comme j'en parlais quelque part. Mais, si
cette nouvelle société est à l'écoute du milieu, on
lui présentera des demandes très précises. Il me faut un
électrotechnicien qui sache x, y et z. Je voudrais un plombier qui sache
telle et telle chose. Je veux x soudeurs-monteurs. C'est le genre de domaines
qu'on va lui présenter. Si cette société revient sur le
système d'enseignement traditionnel et tente d'ouvrir des options
à travers la province pour répondre à ce besoin, notre
déficit l'an prochain se comparera à celui du Brésil.
C'est-à-dire qu'il est impossible de répondre à tous les
besoins de formation professionnelle qui deviennent de plus en plus urgents et
qui deviennent surtout de plus en plus ponctuels, il est impossible de
répondre à tous ces besoins dans une structure extrêmement
coûteuse de formation en institution. C'est une aberration.
Alors, si nous voulons répondre aux besoins correctement, il faut
mettre en place une structure dont les premières caractéristiques
sont de réagir rapidement et d'être simple d'accès. Il faut
pouvoir prendre une décision à 30 jours parce que, si l'on attend
un an, il est trop tard. Il est trop tard parce qu'il y a déjà eu
substitution sur le marché du travail, et la main-d'oeuvre a
déjà résolu le problème elle-même en mettant
une ressource de deuxième choix là où il aurait fallu une
personne de premier choix. Si l'Éducation se concentre sur son
rôle de forma-
tion générale et si le ministère de la
Main-d'oeuvre assume ses responsabilités de chapeauter l'orientation de
notre société vers ce besoin que nous avons de faire en sorte que
nos ressources humaines répondent à nos besoins comme
société, à nos besoins en tant que société
de production, nous avons réglé le problème. Et ça,
je pense que nous devrions le faire de la façon la plus rapide possible
et je pense qu'inévitablement les nouvelles sociétés de
développement régional s'orienteront dans cette voie. Je pense
qu'il est bon d'attirer l'attention sur le fait qu'il faille en tenir compte
avant même que le processus ne démarre.
M. Bourbeau: Si je comprends bien ce que vous dites, là,
vous parlez du volet culturel, du volet professionnel...
M. Allard: Tout à fait.
M. Bourbeau: ...bon, disons, l'éducation nationale, selon
vous, devrait s'occuper du volet culturel, c'est-à-dire l'enseignement
général...
M. Allard: C'est ça.
M. Bourbeau: ...de façon à ce que chaque
Québécois ait la tête la mieux faite possible et,
parallèlement à ça, mais à côté, un
autre volet professionnel qui ne serait pas chapeauté par le
ministère de l'Éducation, mais, si je comprends bien, par le
ministère de la Main-d'oeuvre ou, enfin, un ministère du Travail
et qui, lui, verrait à former les travailleurs ou les étudiants
vers les métiers et les techniques, quoi. C'est vraiment une
révolution par rapport à ce qui existe présentement
puisque nous avons actuellement les deux volets, culturel et professionnel,
dans la même structure d'enseignement secondaire ou cégep,
collégial.
Vous, est-ce que vous maintiendriez, à ce moment-là, la
structure collégiale dans le secteur culturel ou dans le secteur
professionnel? Parce que la structure collégiale, elle est pas mal
impliquée dans le secteur professionnel, présentement.
M. Allard: Oui.
M. Bourbeau: Comment verriez-vous ça?
M. Allard: D'abord, M. le ministre, peut-être une petite
parenthèse, au départ. Ce que je propose aujourd'hui semble
révolutionnaire, mais il y a déjà plus de 40 ans, n'est-ce
pas, que le rapport Robbins d'Angleterre précisait qu'il y avait
toujours ce «push» et ce «pull» en éducation,
cette poussée sociale qui demandait de plus en plus d'éducation
culturelle et cette demande des entreprises et de l'économie qui
demandait des ressouces de plus en plus qualifiées. Donc, le fait de
vouloir scinder ce qui est culturel de ce qui est professionnel est, en fait,
dans la tête de tous les gens qui travaillent, sur le plan pratique, dans
le domaine de la formation professionnelle. Je veux dire, si vous appelez les
gens ou si vous communiquez avec les gens qui travaillent dans vos bureaux de
main-d'oeuvre, tous ces gens ont cette idée en tête depuis des
décennies. Alors, ce n'est pas une idée qui, en soi, est
nouvelle. Tout le monde a toujours reculé devant l'énorme
complexité de la tâche qui essaierait justement de séparer
ces frères siamois.
Comme vous l'avez mentionné, au niveau du cégep, où
nous avons réuni du professionnel et du général, qu'est-ce
que nous faisons? Il me semble évident qu'il ne s'agit pas de
déplacer physiquement les ressouces qui seraient un casse-tête et
un coût extraordinaire, mais rien n'empêche qu'à
l'intérieur d'une structure comme un cégep, par exemple, tout ce
qui a trait à l'aspect professionnel soit dépendant d'un
directeur des études professionnelles relevant, dans sa structure, du
ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre, et qui s'occupe de
répondre à ce qui est la demande qui lui vient de
l'industrie.
Donc, inutile d'orienter les élèves en quantité n
plus 10 dans telle et telle spécialité, si nous savons
pertinemment que nous n'avons, pour leur donner accès, lorsqu'ils auront
fini leurs études, que x plus 5. Donc, essayons de répondre
à la demande. C'est le but d'une formation professionnelle. Peu de gens
font de la formation professionnelle, même si on peut le regretter,
uniquement pour parfaire leur culture; peu de gens le font.
Si nous formons et si nous faisons une formation professionnelle, c'est
pour répondre à un besoin; obéissons au besoin. Il faut
donc que, dans un cégep, on puisse mettre en place une structure qui
dira: Les ateliers, les laboratoires, ce qui est cours professionnel,
dépendent de nous et nous nous en occupons dans x pour cent du temps de
l'élève. D'autre part, ça, c'est une décision
sociale, c'est une décision de société, nous
considérons que x pour cent du temps de toute personne pour obtenir tel
diplôme devrait être en formation culturelle et devrait lui donner
accès à un volet où il aurait appris tel et tel
apprentissage qui devient pour nous soit l'histoire, la géographie ou
quoi que ce soit, mais qui n'a rien à voir avec l'exécution de
ses tâches quotidiennes. Surtout, ne nions pas les deux parce qu'en
faisant ceci, sous prétexte de donner une culture aux gens qui ont un
métier, on les en a privés.
M. Bourbeau: On les a quoi? M. Allard: On les en a
privés. M. Bourbeau: Oui.
M. Allard: Parce que, justement... Il est devenu, aujourd'hui,
péjoratif de dire: Vous êtes
un homme de métier, ce qui veut dire pratiquement: Vous n'avez
pas de culture.
M. Bourbeau: Vous êtes un inculte.
M. Allard: C'est ça. Alors, il n'y a pas de raison pour
que quelqu'un puisse faire 85 000 $ par année, ce qui arrive souvent
dans l'industrie de la construction aujourd'hui... Il n'y a pas de cachette
là-dedans. Alors, lorsque vous avez des employés de la
construction qui, au prix d'avoir un peu de graisse au bout des doigts, se font
deux fois le salaire d'un fonctionnaire moyen, ces gens-là ont bien le
droit aussi de lire Verlaine, Baudelaire ou qui ils veulent. N'est-ce pas?
Alors, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas ouvrir largement les portes
de la culture à ces gens-là qui ont déjà le
prestige social qui va avec l'argent, alors qu'on leur refuse
obstinément le prestige qui irait avec l'éducation et qu'au prix
de ce refus on se prive, nous, comme société, d'avoir les
ressources dont on a besoin là où on en a besoin?
M. Bourbeau: Bon, voilà...
M. Allard: C'est un peu l'image... Mais en termes de
réalisation pratique, M. le ministre, il est évident qu'on ne
peut pas simplement faire cette migration des laboratoires et aller les planter
au champ à 100 kilomètres du cégep. Nous les
opérons dans la même structure, mais, sur le plan administratif,
nous pourrions faire en sorte que qui gère cette formation, surtout qui
détermine les besoins et qui passe l'information professionnelle aux
élèves, c'est bien celui qui le sait, celui donc qui est en
contact avec cette société de développement de la
main-d'oeuvre, société paritaire, qui connaît les besoins
de l'économie.
M. Bourbeau: II reste quand même qu'avant de s'engager dans
une formation professionnelle il faut une base. Il faut quand même qu'on
sache lire et écrire pour pouvoir commencer à étudier un
métier. Alors, il faudrait quand même que les jeunes, les
étudiants qui veulent aller dans le secteur professionnel fassent un
bout de chemin dans la structure culturelle. Jusqu'à quel niveau les
voyez-vous évoluer dans la structure culturelle avant de bifurquer vers
la structure professionnelle?
M. Allard: Ce qui est très important, M. le ministre...
Disons, pour répondre rapidement à votre question, secondaire
III, 16 ans. Mais la véritable réponse, c'est que ce n'est pas
une question de niveau, c'est une question d'âge. C'est-à-dire que
lorsqu'une personne en arrive à 15 ans ou 16 ans - et ça, c'est
aussi un choix de société qui dépend d'un certain nombre
d'autres facteurs économiques - mais, vers 15 ou 16 ans, il est toujours
préférable qu'une personne commence sa sensibilisation au
marché du travail. Il peut la faire comme camelot pour La Presse
ou Le Journal de Québec, il peut la faire en travaillant
durant ses vacances, il peut travailler chez un dépanneur, mais il
faudrait qu'il s'initie au fait que la vie consiste aussi à essayer de
remplir certaines fonctions, à obéir à certaines
directives et à recevoir un salaire. Bon.
Lorsqu'on ne leur donne pas assez vite, on a de graves problèmes
par la suite, ce qui nous donne parfois la situation que nous avons
aujourd'hui. Nous pouvons avoir des gens qui sont d'éternels
universitaires, mais qui voient très mal un peu comment on pourrait
régler tout ça pour en faire une utilisation concrète sur
le marché. Si, vers l'âge de 16 ans, vous avez, par exemple, au
niveau du secondaire, une prise de position où on dit: Voici, il y a
maintenant des secteurs professionnels et il y a des secteurs de formation
générale qui mèneront éventuellement à
d'autres secteurs professionnels, les choix se font.
Nous savons tous aujourd'hui qu'il y a un secondaire professionnel
court, qu'il y a un secondaire professionnel long. Nous savons qu'il
obéit à des règles qui dépendent largement des
circonstances particulières et souvent de l'arbitraire des gens, mais
parfois aussi des circonstances familiales. Bon. Si, d'autre part, nous avons
une situation où, à 16 ans, la personne qui est au secondaire II,
au secondaire III ou secondaire IV, selon la façon dont ses
études ont évolué, a l'opportunité de faire un
stage d'orientation de trois mois en entreprise - et là avec un vrai
marteau, des vrais clous, il va travailler pendant trois mois, et c'est un
crédit, on le lui crédite pour ses études - lorsqu'il
revient, il a une meilleure connaissance de ce que c'est que le marché
du travail et il peut s'orienter. Peut-être veut-il, à tout crin,
continuer dans la voie professionnelle et devenir un menuisier. Tant mieux.
Nous en avons besoin. Peut-être revient-il totalement
dégoûté en disant: S'il vous plaît, je ne veux faire
rien d'autre qu'un avocat. Bon. C'est un autre problème. Nous le
réglerons plus tard.
Mais cette personne, donc, qui a eu cette initiation au marché du
travail dès l'âge de 16 ans peut commencer son orientation et il
suit immédiatement, lorsqu'il revient après ce stage
d'orientation, un nombre, qui peut varier selon un individu ou l'autre, de
cours professionnels. Dans la mesure où il suit un cours professionnel,
il est sous l'égide du ministère de la Main-d'oeuvre qui lui
donne des instructions et le traite comme quelqu'un qui fait de la formation
professionnelle, donc, comme un travailleur en puissance. Pendant ce
temps-là, il continue sa formation générale.
Le fait qu'il passe, à 16 ans, 80 % de sa formation au
général et 20 % au professionnel, ou 60 % versus 40 %, ou 30 %
versus 70 %, c'est
d'abord un choix de société pour ce qui est de la moyenne
et c'est un choix pédagogique lorsqu'on traite des capacités, des
aptitudes et des goûts de chacun des individus concernés. Mais le
principe demeure le même. Vous commencez dans le système
général. Vous faites votre école primaire. Vous rentrez au
secondaire et, lorsque vous avez 16 ans, vous essayez de vous initier au
marché du travail et commencez à insérer dans votre plan
de carrière, dans votre curriculum de plus en plus de volets
professionnels.
Au départ, ce que nous suggérons là-dedans, c'est
que le ministère de l'Éducation soit toujours responsable de
donner un premier cours d'initiation à la technologie. C'est un cours
qui est théorique, c'est un cours qui est général, c'est
un cours qui fait appel à une capacité d'abstraction et
d'universalisation, qu'il soit donné par l'Éducation et qu'il
soit même, dans un deuxième temps, peut-être sectoriel,
c'est-à-dire que le ministère de l'Éducation donne un
crédit en disant: Voici ce qui se passe dans tel secteur industriel. Je
dis bien un secteur industriel, non pas famille d'occupation.
Donc, par secteur, on sensibilise l'élève à ce que
sont ses possibilités de choix de carrière comme travailleur.
Aussitôt qu'il a fait ce choix, aussitôt que son orientation s'est
précisée, ce qui arrive d'autant plus vite qu'il a fait ce stage
d'orientation en entreprise, il oriente une partie de ses travaux vers la
formation professionnelle et s'il n'est vraiment pas très doué
sur le plan abstraction, mais très doué au contraire sur le plan
dextérité, il pourra, dès l'âge de 17 ans, avoir une
formation qui lui permettra d'aller gagner sa vie honorablement. Rien
n'empêche, si on enlève le volet culturel, que, sur le plan
strictement professionnel, on puisse avoir en un an quelqu'un qui serait
formé comme plombier, comme menuisier, comme électrotechnicien et
qui pourrait remplir un rôle utile dans la société.
J'ai vu personnellement en Espagne des gens qui sortaient de leur champ;
ils avaient fait leur école et, en quatre mois, on en faisait des
soudeurs et des monteurs tout à fait compétents, avant qu'ils ne
montent à Madrid travailler. On les formait sur le tas et sur le champ.
Ces gens-là avaient un minimum d'alphabétisation. Alors, je ne
dis pas qu'il faut revenir à être inculte. Au contraire, donnons
le plus de culture possible à tout le monde, mais n'en faisons pas une
condition préalable au travail. Ça nous donne 23 % de
sans-emploi. (16 h 45)
M. Bourbeau: Vous traitez dans votre document du système
d'apprentissage. Or, il y a plusieurs formules qu'on peut trouver sur le
marché du travail Vous avez traité tout à l'heure de la
formule alternance école-travail, où, en général,
l'étudiant est aux études et il fait des stages . dans
l'entreprise, mais il revient toujours poursuivre ses études en
institution. Il y a aussi le système allemand où on chemine
carrément dans l'entreprise jusqu'à la fin de la formation. Il y
a le système ontarien où on a aussi, en Ontario, un
système d'apprentissage qui évolue parallèlement au
système de formation professionnelle et où un élève
peut aller de l'un à l'autre, soit dans le système d'enseignement
professionnel, soit dans le système d'apprentissage. Il y a des
passerelles à tous les niveaux et on crédite les cours à
tous les niveaux.
Nous, nous proposons un système d'apprentissage aussi qui serait
en marge du système d'enseignement, mais qui ne serait utilisé
que dans les métiers, là, ou enfin... Ce n'est pas un
système tout à fait généralisé pour
l'instant, en tous les cas. Comment voyez-vous ça, vous, dans le
contexte actuel? Quel serait, d'après vous, le meilleur système
d'apprentissage et comment devrait-on traiter les apprentis? Comme des
travailleurs, des salariés? À quel niveau de salaire, par
exemple, ou de rémunération devraient-ils se situer?
M. Allard: Bon. Reprenons vos points dans l'ordre. Si on regarde,
par exemple, le système allemand, on s'aperçoit que nous avons
quelque chose qui est en fait le résultat d'une longue tradition et
qu'il serait extrêmement difficile d'exporter. C'est un peu comme essayer
d'organiser un système à la japonaise en Amérique du Nord.
On a toujours des problèmes. Donc, je ne recommande pas, je ne
préconise pas que nous prenions quelque système que ce soit
ailleurs. En Ontario, lorsqu'on parle d'apprentissage, on parle beaucoup plus
d'un régime, sur le plan légal. Il y a un régime
d'apprentissage comme il y en a déjà eu, comme il y en a encore
dans certains métiers au Québec. Ce n'est pas ce que nous
recommandons.
À la page 32 de notre rapport, nous disons:
«L'apprentissage, largement défini comme une période
où l'on travaille pour apprendre, peut être ce volet
charnière omnivalent, le chaînon manquant entre la formation
professionnelle en institution et le marché du travail.» Donc, je
ne pense pas à un régime d'apprentissage, mais au fait que, sous
quelque forme que ce soit, lorsque l'étudiant étudie, sur le plan
professionnel, il devrait passer une partie claire de sa période de
formation en entreprise.
Pour répondre au dernier volet de votre question, le statut qu'il
devrait avoir serait variable selon qu'on est au début ou à la
fin de cette période. En Colombie-Britannique, par exemple, on a un
certain nombre d'expériences où on traite l'apprenti - et je
pense à West Kootenay Power, par exemple - où nous avons un
régime différent selon que l'apprenti est au début ou
à la fin de son programme d'apprentissage. Au départ, il est un
étudiant, il est traité comme un étudiant et, lorsqu'il
arrive à la fin, il est vraiment un apprenti qui touche finalement le
salaire minimum pour ce genre de profession.
Il est impossible d'établir des normes
strictes pour l'ensemble des professions à ce sujet parce que la
situation est tellement différente dans chaque cas. Mais le principe de
base, et celui qui devrait régir, disons, l'ensemble de la
démarche, l'ensemble de la pensée dans ce domaine, c'est que,
lorsque l'étudiant veut aller vers la formation professionnelle - et la
majorité des gens devraient vouloir y aller - il devrait, au cours de sa
formation, avoir des périodes qu'il passe en entreprise et ça
devrait faire partie intégrante de sa formation.
D'autre part, lorsqu'il est en entreprise, il faut faire attention
à deux problèmes. Il ne faut pas, d'une part, l'amener dans une
situation où il est productif sans être
rémunéré, pour plusieurs raisons. D'abord, parce que c'est
injuste; deuxièmement, parce que les syndicats ne le permettraient pas
et, troisièmement, parce que ce n'est vraiment pas l'exploitation qu'on
veut. Nous voulons parvenir à la monarchie de juillet. Bon!
D'autre part, lorsque l'étudiant, donc, devient productif sur le
marché du travail ou pour l'employeur où il reçoit sa
formation, il faut qu'il soit payé, ça, c'est clair, ne serait-ce
que pour forcer l'employeur à rémunérer ses services qu'il
obtient. D'autre part, dans la période antérieure à sa
véritable rentabilité, il faut naturellement pouvoir motiver cet
étudiant à apprendre. Est-ce qu'il est nécessaire de lui
donner une prime au travail, une prime à l'embauche? Ce sont des
questions qui doivent varier d'un secteur à l'autre et surtout d'une
occupation à l'autre. La situation n'est pas la même pour un
informaticien qu'elle l'est pour un plombier zingueur.
Le Président (M. Philibert): Le temps est
écoulé, M. le ministre.
M. Bourbeau: Hélas!
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. C'est certainement un des
mémoires les plus substantiels que l'on ait eu à examiner ici,
devant cette commission. Je vous en remercie, M. Allard. Je vous avais
moi-même posé, d'entrée de jeu, avant que nous
débutions nos travaux, les questions que le ministre vous a
posées sur ce qu'était SECODEV, sur ce que vous faisiez. Je me
rendais compte que vous aviez une expérience ici même, au
Québec. Vous en faites d'ailleurs mention dans votre mémoire,
à la page 7. Notamment, cette gestion de main-d'oeuvre que vous faites
de Sept-lles à Baie-Comeau présentement. Vous ajoutez
conjointement celle de Chambly, de Valleyfield et de Sorel. Est-ce que vous
êtes aussi...
M. Allard: C'est un exemple. C'est que j'ai soulevé le
problème. C'est un peu en dehors et j'hésite peut-être
à avancer dans cette ligne.
Mme Harel: Non, j'étais contente que vous le souleviez. Le
problème des MRC.
M. Allard: Oui.
Mme Harel: Vous vous demandez si ce n'est pas à ce
niveau-là que tout devrait se passer.
M. Allard: Bon. Vous savez, je voudrais... Avant de
répondre à cette question, je voudrais dire encore une fois que
je considère que le mémoire, tel qu'il est fait, et la
désignation des sociétés régionales sont un
énorme pas en avant. Maintenant, est-ce qu'on va assez loin? Je me pose
la question. Il est évident que dans un territoire de la grandeur du
Québec, ce qui constitue un pays, entre guillemets, au sens
français du terme, un milieu à l'intérieur duquel on peut
penser qu'il y a une mobilité raisonnable de la main-d'oeuvre, un milieu
à l'intérieur duquel les gens ont une appartenance, un sentiment
d'être ensemble, de faire une grande famille, un consensus, bon, tout
ça ne peut pas exister au niveau d'une région comme nous les
avons définies au Québec. Il est évident - et je pense
à la question de la Côte-Nord - que Baie-Comeau et
Sept-îles, c'est deux mondes. On ne peut pas vraiment prendre l'autobus
le matin à Sept-îles et aller travailler à Baie-Comeau.
Donc, le fait de traiter une concertation et d'essayer de monter une
concertation efficace entre les partenaires sociaux à l'échelle
d'une région va être quelque chose d'extrêmement
compliqué et qui peut créer des inégalités,
c'est-à-dire que l'endroit qui est la capitale ou le centre, si vous
voulez, de la région va se retrouver plus largement doté ou plus
harmonieusement doté que ne le serait les gens des
périphéries. Alors, créer des périphéries
dans les périphéries, ça devient doublement injurieux,
vous savez. Bon.
Mme Harel: ...vous croyez. Ça me rappelait la proposition
qu'on retrouve dans le mémoire déposé, non pas
présenté mais seulement déposé devant cette
commission par Emploi et Immigration Canada qui, lui, rappelle qu'il y a des
marchés locaux à l'intérieur des marchés
régionaux, des marchés de travail et qui, donc, rappelait que ses
établissements sont au niveau des MRC, en fait. Les centres locaux
d'Emploi et Immigration Canada qui dispensent les services, mais où se
prennent aussi maintenant des décisions en matière
d'employabilrté, etc., sont positionnés pour la plupart des MRC.
C'est là, évidemment, une considération
intéressante.
Il y en avait une autre sur laquelle je voudrais vous entendre avant
d'aller sur le fond, sur une question que vous soulevez dans votre
mémoire, qui est celle d'une culture qui joue toujours un rôle
discriminant. C'est ce que vous
nous dites. C'est le rôle que la culture joue dans notre
société et j'aimerais ça revenir avec vous avant que nous
terminions.
Mais juste avant, à la page 8 du mémoire, vous pariez
d'une «émulation fratricide» entre les ministères
québécois qui ont une mission dans le développement des
ressources humaines. J'ai aimé cette expression. Ha, ha, ha! C'est la
première fois que je l'entends, mais elle m'apparalt assez
intéressante: «émulation fratricide». Et vous dites,
à la page 9 de votre mémoire: «Nous considérons
comme déplorable que le MEQ ait établi un réseau de
collaboration avec le marché du travail sans passer toujours par le
canal du MMSRFP, et comme particulièrement nocif, dans le cadre de la
volonté affirmée d'une gestion unifiée des programmes de
main-d'oeuvre, que les commissions scolaires implantent des services aux
entreprises - on a vu qu'il y en avait une soixantaine qui avaient ce genre de
services - et que les cégeps effectuent des démarches proactives
d'offres de formation auprès des entreprises, sans que le
ministère - de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu
et de la Formation professionnelle - dont c'est la responsabilité
première ne coordonne ni ne puisse contrôler ces
initiatives.» Ça me rappelait un séjour récent
à Baie-Comeau, justement il y a trois semaines à peine, où
des employeurs me disaient faire l'objet d'un siège constant de toutes
sortes de gens qui viennent leur offrir des cours soit de la commission
scolaire, soit du cégep, soit de la CFP, soit d'Emploi et Immigration
Canada et, en fait, dans les trois mois, ils avaient reçu cinq ou six
personnes, sinon sept, il me semble, et pourtant, leur problème
n'était pas réglé.
Alors, là où j'ai de la difficulté à vous
suivre, c'est quand vous ajoutez: «Le rôle dévolu au secteur
de l'enseignement devrait être uniquement celui de pourvoyeur, à
titre contractuel.» Là, la difficulté qui se
présente, c'est: Comment un pourvoyeur comme ça, sur papier, peut
être un bon formateur s'il est déphasé par rapport à
la réalité? Quand ils viennent s'en expliquer, autant les
commissions scolaires que la Fédération des cégeps disent:
Pour être formateur, il faut avoir aussi quelque chose à voir avec
l'estimation des besoins. On ne peut pas être seulement le pourvoyeur au
bout de la ligne parce qu'il faut être impliqué dans le processus
d'estimation des besoins, il faut être en contact avec l'entreprise.
J'ai juste une expérience sur mon territoire. C'est un institut
de chimie et de pétrochimie avec le cégep de Maisonneuve. Je les
suis, je les rencontre souvent et c'est extrêmement créateur,
autant pour les ingénieurs qui étaient dans les entreprises que
pour les professeurs qui enseignaient la chimie et d'autres cours au
cégep, parce que les uns et les autres sont pour la première fois
confrontés, dans une sorte d'interface, au milieu de l'entreprise et au
milieu de la formation et c'est enrichissant, mais, s'il n'y avait pas cette
interface et cette connexion, comment ça pourrait se présenter,
l'évolution constante des formateurs, des pourvoyeurs?
M. Allard: Vous savez, la réalité, c'est que toutes
les ressources, toutes les ressources dont nous pouvons disposer pour faire de
la formation - je parle des ressources gouvernementales - elles sont toutes au
ministère de l'Éducation. Lorsqu'on veut former, si on veut faire
une analyse de tâche... Prenons-le d'une autre façon. Lorsque vous
avez un programme à faire en entreprise, pour quelque raison que ce
soit, vous avez fonctionnellement trois phases: vous avez l'analyse de
tâche elle-même, vous avez l'enseignement, si on peut dire, et vous
avez, finalement, l'aspect docimologique ou, en fait, l'analyse du
résultat.
Les ressources qui font ces trois fonctions-là sont toutes les
trois des ressources du ministère de l'Éducation, actuellement.
Donc, le fait que la ressource actuellement se présente avec le chapeau
du ministère de l'Éducation, du cégep ou d'une commission
scolaire en disant: Voici, je viens ici au nom de la commission scolaire, au
nom du cégep, au nom du ministère ou du MEQ, etc., faire votre
travail, ne serait pas fondamentalement modifié si la même
personne se présentait en disant: Je suis la ressource que vous envoie
le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu
et de la Formation professionnelle.
Mme Harel: II lui en envoie une, actuellement, une ressource,
celle du service aux entreprises, les CFP.
M. Allard: C'est ça.
Mme Harel: Et elle va sur place faire l'estimation des
besoins...
M. Allard: En double, oui.
Mme Harel: ...et, ensuite, elle revient et là elle propose
souvent à l'entreprise tel ou tel formateur.
M. Allard: Oui.
Mme Harel: Alors là, il y a une sorte de concurrence.
Alors, tout le monde se positionne pour que ses formateurs restent dans le
marché, si vous voulez. Comment vous faites pour que les formateurs
soient toujours en lien direct avec les besoins de l'entreprise?
M. Allard: Bon. Dans le système que nous
préconisons, je vais vous donner un cas concret. Vous avez une
entreprise qui a des besoins. Elle veut former des gens. Elle communiquerait
avec la société régionale de développement, quelle
qu'elle soit, en disant: Voici, j'ai un problème.
La société régionale de développement ne
devrait pas devenir pléthorique et commencer tout à coup à
avoir des centaines de ressources travaillant pour elle; on n'en sortirait pas.
La société régionale de développement, qui est un
organisme de décision en même temps qu'un organisme de
consultation, n'en déplaise à M. Béland, pourrait à
ce moment-là s'adresser à ce que sont ses ressources en termes de
formation, en termes d'analyse de tâche, en termes de docimologie, et
c'est toujours actuellement le ministère de l'Éducation.
Mme Harel: Alors, elle ne devrait pas les faire elle-même?
C'est ce que vous nous dites?
M. Allard: Elle ne peut pas. Elles sont là. On n'est pas
pour reformer en double; on a déjà une duplication. Il ne faut
pas faire une quadru-plication. C'est-à-dire que lorsque...
Mme Harel: Donc, la société régionale ne
devrait pas envoyer dans l'entreprise des gens qui vont aller faire
l'estimation des besoins et qui vont ensuite dire, par exemple, au
cégep: Voilà l'estimation des besoins. Mais, comme le
cégep doit faire une sorte de contre-vérification pour être
sûr que c'est bien ça, il va lui-même envoyer des gens dans
l'entreprise pour vérifier si c'est de ça dont il s'agit,
etc.
M. Allard: Le processus que vous mentionnez là est
exactement le même qui se reproduit à l'échelle nationale,
dans Québec, c'est-à-dire que vous avez, au niveau du
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle... on fabrique des devis de formation.
Simultanément, vous avez un autre document qui est publié, au
niveau de la DGFPEQ, à la Direction générale de la
formation professionnelle de l'éducation. Ces deux documents-là
sont impeccables, c'est généralement les mêmes; ils ont
été faits deux fois, ils ont été payés deux
fois. Généralement, les gens sont suffisamment compétents
qu'il y a à peine des contradictions entre les deux documents qui sont
produits.
Vous avez le même phénomène lorsque vous arrivez au
niveau de la région.
M. Bourbeau: Vous en oubliez un troisième. Il y a le
fédéral qui en fait un aussi.
M. Allard: Je n'en parlais plus.
Mme Harel: Vous n'en parliez plus. Vous preniez ça pour
acquis. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Allard: Alors, lorsque vous arrivez au niveau de la Direction
régionale, que fait-elle? Elle envoie naturellement une ressource dans
l'entreprise. Est-ce que cette ressource dans l'entreprise viendrait des corps
constitués? Est-ce que ça vient du ministère de la
Formation professionnelle? Est-ce que ça vient du cégep? Cette
ressource-là envoyée dans l'entreprise devrait toujours, pour la
société régionale de développement, être
obtenue sous contrat. Elle n'a pas les moyens de se munir d'une équipe.
Il faudrait des centaines de personnes pour faire cette analyse de tâche
là.
Donc, la société régionale de développement
doit toujours, lorsqu'elle a un besoin, se retourner et aller à ses
sources, qui seront les institutions d'enseignement de la région:
cégeps, écoles privées, si vous voulez, écoles
secondaires, en disant: Voici, vous avez dans votre liste monsieur X, monsieur
Y, monsieur Z, compétents en telle matière. Peut-il être
libéré à telle période pour faire une analyse de
tâche? Cette personne se présente - et, Dieu merci, ne recommence
pas à zéro - elle a devant elle tous les documents du GIPEX,
documents extraordinairement bien faits. Elle part des documents du GIPEX du
ministère de l'Éducation. Elle part des devis qui ont
été faits par le ministère de la Formation
professionnelle. Elle regarde le poste de travail et,
généralement, en une journée ou deux de travail, elle a un
programme sur mesure impeccable. On exporte cette technologie-là; nous
l'exportons au Maroc, au Portugal, en Côte-d'lvoire.
Mme Harel: C'est quoi, le problème? (17 heures)
M. Allard: Le problème, c'est qu'on ne fait pas...
c'est-à-dire qu'actuellement vous avez le GIPEX. C'est un instrument
extrêment utile et efficace qui marche. Vous avez un instrument similaire
au ministère du Travail. Les deux travaillent et se parlent par
téléphone parce que ce sont des gens très bien. Mais la
structure elle-même ne permet pas d'éviter cette duplication.
Lorsque vous arrivez au niveau de la région elle-même, chaque
institution d'enseignement à qui on a donné cette liberté
d'action se considère comme la concurrente commerciale de toutes les
autres institutions d'enseignement. Vous avez des devis qui sont offerts
à la CFP locale, dans les régions, de trois institutions
d'enseignement différentes qui se coupent les prix les unes et les
autres. Vous avez l'impression d'être en train d'acheter des tapis. Donc,
ce n'est pas une façon d'opérer le système. alors, si la
société régionale de développement cherche sa
ressource qu'elle considère compétente, elle l'envoie à
l'entreprise, elle fait l'analyse de tâches. lorsqu'on arrive au niveau
de la formation, elle peut assigner la même ressource ou une autre, aucun
problème. mais c'est toujours la société régionale
qui est le maître d'oeuvre. c'est toujours elle qui est l'interlocuteur.
c'est toujours elle qui décide. c'est elle qui évite que tant de
gens disparaissent tout à coup dans les branches. on ne sait
plus si telle personne... Au niveau, par exemple, du bien-être
social et du chômage, c'est incroyable. Vous avez des gens qui suivent
des cours à une place, qui suivent des cours à une autre. On ne
sait plus où on en est rendu. Le fait d'avoir tous ces gens sous une
seule responsabilité serait un gain net pour le monde ordinaire, il n'y
aucun doute. Je ne sais pas si je réponds bien à votre
question.
Mme Harel: J'esssaie le plus possible, en tout cas, de
répondre à ma préoccupation!
M. Allard: Vous avez un maître d'oeuvre et il va chercher
les ressources. Ces ressources, dans 95 % du temps...
Mme Harel: Mais l'estimation des besoins se fait par qui,
à ce moment-là?
M. Allard: L'estimation globale des besoins ou l'analyse du
poste?
Mme Harel: L'estimation des besoins en formation de
l'entreprise.
M. Allard: Bon, O.K.
Mme Harel: Quand une entreprise appelle, elle n'appelle pas en
sachant que le problème est là. Elle appelle souvent pour un
autre problème que celui qu'elle découvrira avec quelqu'un qui
viendra la voir.
M. Allard: II y a trois réponses à ça. La
première réponse, c'est que lorsqu'on parle d'estimation des
besoins il faut toujours faire très attention à l'estimation du
besoin à court terme et l'estimation du besoin à long terme. Si
vous pensez en termes d'évaluation du besoin à long terme, ce que
l'on fait quand on fait une planification ou une politique de main-d'oeuvre,
considérez que vous ne pouvez pas avoir des renseignements valables
au-delà de deux ans en touchant les entreprises. Les entreprises n'ont
aucune idée de leurs besoins à plus de deux ans. Ça,
ça a été prouvé par l'INSEE, ça a
été prouvé par tous les ministères du monde. On
sait, qu'après deux ans ça devient totalement du hasard. Elles
n'en ont aucune idée. Donc, une planification à long terme se
fait à partir des grandes catégories économiques, si vous
voulez, à partir de la comptabilité nationale, à partir
des prévisions, à partir de la finance et des modèles de
Tinbergen. Vous ne faites pas une prévision à long terme en
allant parler aux employeurs, "forget it".
Lorsque vous voulez faire une préparation ou une prévision
à court terme dans l'entreprise - donc, entre zéro et deux ans,
préférable-ment six mois - l'entrepreneur sait très bien
ce qu'il veut. C'est quelque chose pour un poste ponctuel. Il le veut tout de
suite, c'est vite et c'est ça qu'il veut. Si vous voulez prendre ce
besoin de l'employeur, qui est un besoin ponctuel bien identifié, et le
traduire en une demande sur le système de formation en institution, vous
êtes complètement en dérapage parce que ce n'est pas de
ça qu'il a besoin. Quand vous allez l'avoir formé, après
trois ou quatre ans, ce n'est plus de ça qu'il va avoir besoin, de toute
façon. Donc, il faut éviter ça. Il faut briser ça
tout de suite.
La société régionale que vous allez mettre en place
doit être à l'écoute... Il ne s'agit pas de faire comme la
CFP actuelle, de faire passer des questionnaires où il y a 18 % de
réponses, et de faire des élucubrations sur ce que sera le besoin
de main-d'oeuvre dans deux ans, ça ne donne strictement rien. La
société régionale doit savoir, en
téléphonant tous les matins à ses clients principaux...
Georges, ce matin, de quoi as-tu besoin? Georges dit: Dans deux mois, je pense
que j'aurai besoin d'un soudeur. Là, on se prépare tout de suite
pour former le soudeur pour quand Georges en aura besoin. Ce sont des besoins
ponctuels, il faut être à l'écoute de l'entreprise.
L'avantage d'un système paritaire comme celui qu'on va mettre en place
ici - j'en félicite encore une fois le ministère - c'est que ce
système va être à l'écoute des employeurs et il va
être à l'écoute des syndicats. Il va permettre de
régler l'arrimage avant que le besoin ne devienne urgent. On va pouvoir
commencer à former enfin avant que le besoin ne devienne crucial.
Mme Harel: Qui va s'occuper du besoin à long terme?
M. Allard: Le besoin à long terme dans la vision du
monde... Le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle, qui ne devrait pas disparaître
mais continuer à exister, devrait exister comme un organisme de
planification qui verrait à long terme, avec les autres intervenants
économiques et avec les autres instances gouvernementales, quelle est
l'évolution à long terme de la société
québécoise.
Je parlais tout à l'heure d'un problème qui est terrible,
auquel personne ne semble vouloir faire face. La moitié des gens qui
sont dans le secteur secondaire devront en sortir d'ici quelques années.
Qu'est-ce qu'on va en faire? Comment va-t-on les recycler? Est-ce qu'on va
attendre que ces gens-là soient mis à pied, papetière par
papetière, ou est-ce qu'on peut prévoir tout de suite où
va être la crise dans cinq ans? Tout le monde savait, ou tout le monde
aurait dû savoir, il y a cinq ans, qu'on aurait un problème dans
les papetières. On le sait où ils sont les problèmes. Ce
ne sont pas des secrets. Nous savons où l'industrie est
vétusté. Nous savons où l'équipement n'est pas
à la hauteur de la situation, et nous savons là où
la quantité de main-d'oeuvre que nous utilisons est
disproportionnée à cause, justement, de la vétusté
de l'équipement par rapport aux normes internationales.
Au prix des salaires que nous payons au Québec, on ne peut pas se
permettre de mettre trois Québécois là où il y a
deux Japonais. On n'arrive pas. Alors, il faut mettre l'équipement en
place, il faut aider les entreprises à être à la fine
pointe de la technologie. Si ça implique des mises à pied,
n'attendons pas que peu a peu ces gens-là soient mis à pied au
moment où la loto ou le loto les marque de leur numéro comme
quand on joue à la bouteille en disant: C'est ton tour, tu es en
chômage technologique. Ce n'est pas la façon de procéder.
Prévoyons d'avance que des secteurs entiers de l'économie, comme
le textile et la confection l'ont été, comme les
papetières le sont aujourd'hui, on le sait, on les voit venir,
prévoyons d'avance et faisons un plan de recyclage global...
Mme Harel: C'est à la société mère
que vous confiez ce plan de recyclage global?
M. Allard: Non, non, non. C'est pour ça qu'il y a un
ministère de la Main-d'oeuvre. C'est pour ça que la
société qui est mise en place est une société
d'opération. Elle ne devrait pas - je pense que M. le ministre l'a dit
tout à l'heure - remplacer le ministère dans sa
responsabilité face à la population, ni s'arroger le droit
d'établir les politiques de main-d'oeuvre à long terme. Vous
comprenez! Mais elle doit appliquer. Pour appliquer, c'est un organisme, un
outil incroyable.
Mme Harel: Ce n'était pas encore clair clair comme vous
venez de l'exprimer, par exemple! Mais on va certainement discuter...
M. Allard: ...tout le document.
Mme Harel: Est-ce qu'il me reste encore du temps?
Le Président (M. Philibert): II vous reste environ deux
minutes et demie.
Mme Harel: Vous avez parlé dans votre mémoire des
formations courtes. En fait, ce que vous dites ou ce que j'en ai saisi, c'est
qu'il vous semble que l'énoncé va amener le rapatriement ou le
transfert de ce qu'on peut appeler les formations courtes. Il y a une
propension à aller vers les C.E.C., par exemple, plutôt que vers
les D.E.C. etc. Vous faites une distinction entre le volet culturel et le volet
professionnel. Si j'ai bien compris, ce n'est pas pour réduire l'offre
du volet culturel dans la société. C'est ça? Mais, ce que
vous dites, c'est que l'offre du volet professionnel devrait être
scindée par rapport à l'offre du volet culturel. Ça m'a
rappelé qu'en Allema- gne 69 %, je pense, des ingénieurs ont
d'abord été des ouvriers qualifiés. Quand j'avais eu cette
information, je m'étais dit: Est-ce que c'est assez extraordinaire,
finalement, la connaissance concrète qu'ils peuvent donc avoir de leur
métier? Mais l'écart salarial est de un à deux.
Vous, ce que vous dites dans toute votre thèse, c'est que ce
n'est pas pour des questions de rémunération que les gens
essaient d'avoir plus du volet culturel, c'est pour des questions de
valorisation sociale. C'est ça qui est valorisé dans notre
société, c'est ça qui est gratifiant, c'est ça qui
est présenté comme étant gratifiant. Ce que vous dites,
c'est après le secondaire III? C'est ça qu'il faudrait
comprendre? Vous le voyez vraiment associé étroitement avec
l'entreprise, si j'ai bien compris. Pas de formation professionnelle sans stage
en entreprise.
M. Allard: Ce n'est pas tellement le secondaire III que
l'âge de 16 ans qui me semble critique. Donc, c'est l'âge. Selon le
développement de l'élève, il peut très bien
être rendu en secondaire V ou en secondaire I, à cet
âge-là, mais c'est l'âge. Quelle que soit sa formation,
quelles que soient ses aptitudes, à 16 ans il devrait être
initié au marché du travail.
Maintenant, lorsqu'on parle d'insérer une formation en alternance
dès le départ, je pense, oui, que nous devrions le faire pour
tous les métiers où c'est possible. Ce n'est pas toujours
possible. Il y a des métiers, par exemple, où le danger, le
problème de sécurité, le problème de
responsabilité font qu'on ne peut pas, dès le départ... On
ne peut pas, par exemple, demander à un jeune élève de 16
ans d'aller travailler comme contrôleur aérien pour se former. Je
prends des avions, vous savez! Ce que je veux dire, c'est qu'on peut l'initier
au milieu du travail, lui faire faire un stage d'orientation, et voir au moins
comment lui-même s'insère, comme individu, dans ce genre de
travail. Ce dont les employeurs se plaignent très souvent, c'est qu'on
leur envoie des gens, et ils nous disent: Lorsque le type commence à
travailler vraiment en entreprise, il s'aperçoit que ce n'est pas
ça qu'il veut faire. Il n'aime pas ça travailler. Il n'aime pas
ça, il s'en va. Il aime mieux faire autre chose. Donc, on a formé
quelqu'un pendant des années pour un métier qu'en fait il n'est
pas prêt à assumer. Ça arrive souvent.
Le Président (M. Philibert): Très rapidement,
madame, je m'excuse. Le temps est écoulé.
Mme Harel: Parfait. Ça supposerait que l'offre du volet
culturel serait maintenue de façon continue, ce qui n'est pas le cas
présentement. Il faut penser, par exemple, que, si la personne ne
complète pas à temps complet son volet culturel, il faut qu'elle
le paie. À temps partiel, les cours au cégep sont des cours qui
doivent être payés par les personnes. Au niveau
secondaire, la loi introduit, en tout cas, la possibilité de
charger pour l'usager. Ça veut donc dire qu'il faudra avoir des
idées claires sur l'accessibilité au volet culturel, quel que
soit le volet professionnel qui a été complété, et
que ce volet culturel devra être offert pas simplement dans une
filière qui soit à temps complet, comme étudiant
régulier, etc., mais que ce soit un volet continu, toute (a vie, qui
soit accessible.
M. Allard: C'est ce qui est prévu, d'ailleurs, dans le
mémoire lorsque nous disons: Lorsque la personne aura terminé sa
formation en alternance et qu'elle sera devenue un ouvrier professionnel, elle
continuera à être libérée pendant une période
de son temps pour continuer en institution son volet culturel jusqu'à ce
qu'elle obtienne le diplôme qu'elle vise. Nous pensons, à ce
moment-là, naturellement, qu'elle doit être traitée avec la
même générosité par le système que le
système manifeste envers l'étudiant à plein temps. Nous
pensons, d'ailleurs, que c'est un problème grave que ce retour aux
études soit souvent contrecarré par des considérations
économiques, alors que l'argent est mis sur des élèves
dont nous savons que leur persistance à suivre des études peut
parfois les empêcher de travailler.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. Allard, merci. Je
vous inviterais, maintenant, à céder la place au Regroupement
pour la relance économique et sociale du sud-ouest de
Montréal.
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue
au Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de
Montréal. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire, que 20 minutes sont à la
disposition, également, du gouvernement pour vous interroger et que 20
minutes sont à la disposition de l'Opposition...
Une voix: Officielle. (17 h 15)
Le Président (M. Philibert): ...officielle, oui,
l'Opposition officielle. Maintenant, je vous invite à vous
présenter, à vous identifier pour les fins du Journal des
débats et à procéder immédiatement après
à la lecture de votre mémoire.
RESO
Mme Neamtan (Nancy): Alors, je me présente. Je m'appelle
Nancy Neamtan. Je suis directrice générale du RESO, le
Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de
Montréal. À ma droite, j'ai Mme Michèle Soutiè-re,
directrice du service employabilité, et M. Guy Biron, responsable de ce
qu'on appelle les initiatives locales dans le sud-ouest de Montréal. Ils
travaillent au sein du RESO.
Je dois dire, en partant, que nous venons en toute modestie, comme
acteurs de terrain devant cette commission. Bien que nous soyons une
organisation locale, nous tenons à présenter notre
témoignage devant cette commission parce que nous sommes conscients que
les enjeux qui sont débattus ici sont déterminants pour
réaliser notre mandat qui est la relance économique et sociale du
sud-ouest de Montréal. Pour ceux et celles qui ne nous ne connaissent
pas, le RESO est une corporation de développement économique et
communautaire qui a comme mission la relance économique et sociale de
l'arrondissement sud-ouest de Montréal, un arrondissement qui
était anciennement le coeur industriel du Canada et qui, aujourd'hui, a
une population de 69 000 personnes, dont une main-d'oeuvre active de 31 000
habitants, parmi lesquels ont retrouve 17 000 sans-emploi.
En 1987, la population du sud-ouest, avec l'appui des élus
locaux, a décidé d'entreprendre une démarche de
revitalisation économique et sociale de son territoire. Le Comité
pour la relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal,
le CREESOM, un comité territorial de la main-d'oeuvre composé de
partenaires privés, syndicaux, communautaires et gouvernementaux, a
posé un diagnostic de la situation sur notre territoire et a
proposé une stratégie et des actions concrètes pour
réaliser sa relance. Sans équivoque, le choix prioritaire du
CREESOM a été de miser sur les ressources du milieu. Le RESO est
né de cette démarche de développement local. Le conseil
d'administration est composé de représentants des milieux
communautaire, syndical et des affaires qui sont élus, en passant, par
leur collège électoral respectif. Le personnel du RESO travaille
en étroite collaboration avec l'ensemble des partenaires publics,
communautaires, syndicaux et du monde des affaires pour réaliser son
mandat de relance économique et sociale.
En plus de travailler d'une façon intense au maintien et à
la création d'emplois sur notre territoire, nous sommes au coeur d'une
stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre locale. Nous collaborons
sur une base constante avec tous les partenaires du milieu pour mettre sur pied
des projets de formation professionnelle et de formation générale
à l'intention des sans-emploi et, plus récemment, des gens en
entreprise. Nous faisons la promotion de la main-d'oeuvre locale et le soutien
aux initiatives locales de formation et de développement de
l'employabilité au sein des organismes communautaires de notre milieu.
Tous les intervenants dans le domaine de la formation professionnelle - que ce
soit du MMSR, de la CFP, d'Emploi et Immigration, etc. - se réunissent
régulièrement au sein du «comité facilitateur»
du sud-ouest pour coordonner les mesures de formation sur le territoire.
L'énoncé de politique. À la lecture de
l'énoncé de politique, nous étions très heureux de
constater les nombreux éléments de cette politique.
Premièrement, la question du par-
tenariat qui est la base même de la proposition du gouvernement.
Nous étions aussi contents de sentir une intention ferme de trouver des
solutions aux lenteurs, dédoublements et incohérence dans le
système de formation professionnelle actuel. La simplification des
programmes, l'insistance sur des approches sectorielles, la reconnaissance du
rôle des organismes de développement local, la revalorisation de
la formation professionnelle sont tous des éléments très
positifs contenus dans les propositions gouvernementales.
Mais, au-delà des grandes orientations politiques, des grands
consensus et des nouvelles structures, les vrais changements doivent se faire
sentir sur le terrain, dans le quotidien. La formation de notre main-d'oeuvre
se fait entreprise par entreprise, groupe par groupe, individu par individu.
L'impact de la nouvelle Société québécoise de la
main-d'oeuvre doit se faire sentir, non pas avant tout dans des modifications
de structure, bien que nous ne nous sommes pas opposés, mais surtout par
des changements de pratique si nous voulons qu'elle soit significative.
Ainsi, nous regardons, à partir des préoccupations qui
viennent de la pratique, les grandes questions qu'on a par rapport à
cette politique. La première préoccupation du RESO étant
de permettre aux 17 000 sans-emploi de réintégrer le
marché du travail, nous sommes heureux de retrouver dans ce document
l'énoncé dans lequel on dit que «toute personne sans
emploi, apte au travail, quelle que soit la source de revenu dont elle
dépend, devrait, pour peu qu'elle y consente elle-même des
efforts, recevoir les services qui lui donnent une nouvelle chance
d'accéder ou de reconquérir le marché du
travail.»
Nous avons consacré, dans les dernières années, des
efforts substantiels pour défendre ce principe et le mettre en
application. Malgré les pratiques habituelles des institutions de
formation, nous avons pris pour parti, dans le sud-ouest de Montréal, de
permettre à des dizaines de personnes assistées sociales, n'ayant
pas les prérequis académiques exigés, de suivre des cours
de formation dans les métiers en pénurie. Nous avons
également insisté pour avoir le droit de faire une
sélection des candidats basée, non pas sur les diplômes
reconnus, mais sur la motivation et les habiletés, et pour avoir le
droit de les accompagner en groupe tout le long de la démarche. Nous
avons travaillé avec des commissions scolaires pour adapter la
pédagogie aux groupes. Nous avons encouragé et supporté
des personnes assistées sociales pour qu'elles obtiennent les
équivalences d'une formation de niveau secondaire en même temps
qu'elles suivaient le cours de formation professionnelle avec la CFP. Nous
avons constaté également qu'en permettant aux gens, sans ces
préalables, de prendre des cours de formation professionnelle ça
les motive à finir le secondaire, à aller chercher leur
diplôme. Tout au long de ces démarches, nous avons connu un taux
de succès tant au niveau de la formation qu'au niveau du placement en
emploi de ces personnes.
Mais, pour y arriver, combien de règles, de normes, de
procédures bureaucratiques nous avons dû contester! À
chaque fois, nous étions hors normes, à un niveau ou un autre.
À chaque fois, nous avons eu à adapter des programmes à
notre réalité. Il nous semble que toute réforme
substantielle dans le domaine de la main-d'oeuvre doit apporter des changements
concrets et significatifs à l'égard des difficultés de ce
genre rencontrées sur le terrain. Cette volonté de changement, on
la ressent dans l'énoncé de politique mais, par contre, il y a
certaines difficultés qu'on pressent en lisant le document.
La première difficulté qu'on a, c'est par rapport au
maintien d'une double structure. On est fort inquiet de ce choix de maintenir
les programmes d'employabiiité à l'extérieur de la
juridiction de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Nous comprenons mal comment on peut
simplifier et faciliter la démarche de formation et de
réinsertion sur le marché du travail des personnes
assistées sociales tout en les maintenant dans une structure
complètement séparée. ce choix risque de maintenir deux
structures et même de consacrer une vision de la main-d'oeuvre
québécoise divisée en deux, c'est-à-dire ceux et
ce//es qui sont en emploi ou qui viennent tout récemment d'être
mis à pied, et ceux et celles qui sont en quelque sorte - il y a du
monde, à montréal, qui utilise souvent et trop souvent, à
notre goût, ce mot - «irrécupérables», des gens
qui sont mis de côté ou, tout au plus, «tenus
occupés» en attendant l'âge de la retraite. nous croyons
que, en tant que société, nous ne pouvons pas nous payer ce luxe
- moi, je ne dirais pas un luxe - ces mises à l'écart de dizaines
et même de centaines de milliers de personnes.
Ainsi, nous recommandons que le mandat de définir les
orientations, de gérer la formation professionnelle et les programmes en
employabi-lité soit réalisé à l'intérieur
d'une seule et même structure.
Une autre préoccupation du réseau concerne la notion de
partenariat. Pour nous, c'est évident que le partenariat est le
fondement même de nos activités. C'est grâce aux efforts
consentis par un ensemble d'acteurs, entreprises privées, syndicats,
groupes communautaires, élus locaux, fonctionnaires, qui ont
accepté de travailler ensemble que nous avons entrepris une
démarche fort prometteuse.
Nous croyons qu'une structure partenariale est essentielle aussi bien au
niveau de tout le Québec qu'aux niveaux régional et local. Mais
nous craignons, par contre, que la définition de partenariat soit trop
restreinte. Le problème de la formation professionnelle, croyez-nous,
est
une préoccupation constante non seulement des syndicats et des
représentants d'entreprises, mais également d'une foule
d'organismes qui travaillent quotidiennement avec de larges couches de la
population qui sont exclues ou marginalisées du marché de
l'emploi et qui ont des besoins et des cheminements spécifiques. Des
organismes ont acquis, au cours des ans, une vaste expérience dans le
domaine de la formation et de la réintégration au marché
du travail de ces populations. Pourtant, on ne les retrouve nulle part dans les
instances décisionnelles ni dans les instances de consultation comme la
Conférence permanente qui doit continuer, en principe - à moins
que la décision soit autre - à guider le ministre à
définir ses grandes orientations. On ne les voit pas non plus dans la
Société québécoise, dont la mission est de
promouvoir, soutenir le développement de toute la main-d'oeuvre
québécoise, de mettre en oeuvre et de gérer tous les
programmes de main-d'oeuvre.
Nous croyons que la présence de représentants de ces
couches de la population, à travers des organismes qui ont une
connaissance concrète de leur réalité et une pratique dans
le domaine de la formation, est essentielle pour relever le défi auquel
nous sommes confrontés.
L'expérience du sud-ouest de Montréal est concluante
à cet égard. Ce sont des organismes communautaires du secteur qui
ont lancé, en 1984, le premier cri d'alarme pour signaler les
problèmes d'emploi et de main-d'oeuvre. Ce sont eux qui ont
travaillé à bâtir le partenariat dans le milieu parce que
c'était la seule issue possible pour des milliers de sans-emploi du
secteur. Aujourd'hui, ce sont les organismes communautaires du milieu qui
s'engagent à fond de train dans le défi pour relever les
compétences de la main-d'oeuvre locale. L'expérience acquise par
les groupes communautaires dans le domaine de l'alphabétisation, par
exemple, et du rattrapage scolaire chez les sans-emploi du secteur est
maintenant en train d'être transférée dans les entreprises
du secteur. Ce sont ces mêmes groupes communautaires qui travaillent
à la formation de nombreux licenciés des dernières
années dans le sud-ouest.
Nous croyons que la nouvelle Société se prive d'un
partenaire essentiel en n'identifiant pas d'une façon claire les groupes
communautaires du Québec comme membres à part entière.
Ainsi, nous appuyons les propositions qui, nous le savons, ont
été amenées devant cette commission à l'effet de
créer un quatrième bloc, celui des clientèles cibles et du
secteur communautaire.
Nous pensons que ce même principe doit s'appliquer au sein des
sociétés régionales, bien que la définition des
partenaires sociocommunau-taires devrait nécessairement varier selon la
réalité de chaque région. Nous soulignons
évidemment qu'à Montréal ta présence des
communautés culturelles est une réalité qui doit
être intégrée dans la composition de la
Société.
Une autre question qui nous préoccuppe, c'est la place
laissée à la souplesse et à l'initiative dans le cadre de
la nouvelle Société. Bien que les enjeux de la formation
professionnelle soient des enjeux qui concernent toute la
société, l'identification des besoins, les mesures d'adaptation,
les efforts de formation se réaliseront avant tout à travers des
approches sectorielles, régionales et locales. L'énoncé de
politique du ministre Identifie clairement la nécessité de
raffermir l'approche sectorielle, d'imbriquer politiques et interventions avec
celle du développement régional et de soutenir les
collectivités locales dans le développement de l'emploi.
Pourtant, le projet de loi laisse supposer une assez grande
centralisation des pouvoirs et une assez faible marge de manoeuvre pour la
société régionale. Dans le cas de la région
administrative de l'île de Montréal, par exemple, avec ses
multiples réalités, ses quartiers déstructurés et
défavorisés, ses différentes concentrations de
communautés culturelles, il est déjà difficile d'imaginer
comment, au niveau régional, il sera possible d'établir des
programmes standards qui répondront adéquatement aux besoins de
tous. Il est encore plus fallacieux, d'après nous, de prétendre
pouvoir réussir à formuler et normer efficacement l'ensemble des
programmes à partir d'une entité centrale. Il nous semble
beaucoup plus pertinent d'offrir aux sociétés régionales
une plus grande latitude dans l'établissement de programmes et
d'initiatives adaptés à la réalité de leur
région. Il faut surtout éviter d'étouffer des initiatives
venant de cette nouvelle structure partenariale.
Depuis deux ans, nous avons vécu dans le sud-ouest de
Montréal une expérience fort intéressante à cet
égard. Le fonds d'adaptation de la main-d'oeuvre du sud-ouest de
Montréal, accordé par le gouvernement du Québec dans le
cadre des mesures de relance de notre secteur, a permis de voir le jour
à une foule d'initiatives hors normes de formation et de
développement de l'employabilité. Ce fonds, géré
grâce à une étroite collaboration du milieu avec la CFP,
est une pratique qui pourrait facilement être appliquée ailleurs.
Tout au moins, l'expérience du sud-ouest illustre bien qu'il est
possible de confier le pouvoir de mettre sur pied des initiatives en
matière de formation professionnelle aux niveaux régional et
local, et donne un aperçu de tout le potentiel que cette pratique peut
nous amener.
Quelques autres commentaires avant de conclure. C'est évident
qu'on aurait pu commenter beaucoup d'éléments dans
l'énoncé de politique qui est très riche en nouvelles
idées et en analyses, mais il y a quand même certains
éléments, à partir d'une pratique quotidienne, qu'on
voulait amener.
Le premier de ces enjeux est la valorisation de la formation
professionnelle. Nous sommes
fort heureux de voir l'emphase mise pour revaloriser la formation
professionnelle. Nous sommes particulièrement contents d'apprendre qu'il
y a une discussion amorcée entre le ministère de
l'Éducation et le MMSRFP pour régler le problème
d'accessibilité à la formation professionnelle. Ceci est un
obstacle de taille pour les milliers de travailleurs et de sans-emploi qui
n'ont pas complété leur secondaire III, IV ou V et qui ne
répondent pas aux critères d'admissibilité aux
métiers les plus simples, tels qu'aide-cuisinier, boucher... Je pourrais
donner beaucoup d'exemples. Nous applaudissons la volonté d'instaurer un
système de préalables fonctionnels pour les adultes. Nous
estimons même que la mise en place de cette mesure est urgente. Pendant
que des milliers de travailleurs à la CIP de Trois-Rivières, aux
Shops Angus de Montréal, à Sid-bec-Dosco et ailleurs se trouvent
dans un processus de reclassement, nous avons le devoir en tant que
société de leur ouvrir toutes grandes les portes de la formation
professionnelle, même s'ils n'ont pas de diplômes reconnus par le
ministère de l'Éducation. Peut-on leur refuser la
possibilité d'apprendre un nouveau métier? Exigerons-nous qu'ils
retournent sur les bancs d'école avec leurs enfants avant de s'inscrire
dans un processus de formation professionnelle? Ils n'ont pas à payer
les lacunes d'un système qui n'a pas prévu de formation continue,
lacunes que nous déplorons tous aujourd'hui, pas plus, d'ailleurs, que
les milliers de sans-emploi qui se sont vu refuser le droit de participer
à des cours de formation, faute d'un diplôme de secondaire IV ou
V. Le système de préalables fonctionnels est essentiel et urgent.
(17 h 30)
Nous sommes également fort heureux de voir la volonté
exprimée par le ministre d'instaurer un système d'apprentissage
et de reconnaissance des compétences professionnelles à
l'intention des personnes actives sur le marché du travail. Nous avons
pu valider le potentiel énorme de ce type d'intervention dans le cadre
d'un programme expérimental de reconnaissance des compétences que
nous avons mis en place en collaboration avec le Syndicat des wagonniers et le
Canadien National dans notre quartier. Nous sommes convaincus de la
nécessité de maximiser ce type d'action. Il est également
essentiel, d'après nous, d'assurer que ces démarches
débouchent sur des attestations de qualification ou des diplômes
reconnus non seulement par leur employeur, mais aussi transférables.
Nous croyons que ce régime d'apprentissage et de reconnaissance des
compétences professionnelles doive être ouvert aux travailleurs
licenciés, aux sans-emploi et aux immigrants dont l'expérience de
travail et les diplômes reçus dans leur pays d'origine ne sont pas
reconnus. Nous sommes cependant inquiets à ce sujet. Nous savons tous
que le MMSR et le MEQ ne s'entendent pas à ce chapitre. Nous aurions
souhaité une véritable politique de reconnaissance des acquis et
des compétences professionnelles. Les propositions du gouvernement
à ce sujet méritent d'être précisées par des
engagements et des échéanciers clairs.
D'ailleurs, nous voulons souligner, aujourd'hui, un malaise très
profond. Je pense que celui qui a présenté le mémoire
avant nous a soulevé la même inquiétude, d'une façon
peut-être plus éloquente, à savoir comment, dans l'avenir,
nous allons gérer des visions parfois fort différentes entre les
milieux de l'éducation, du travail et des entreprises au sujet du
rôle des institutions d'éducation dans le développement de
la main-d'oeuvre.
L'énoncé de politique du ministre ne fait qu'effleurer ce
conflit. Par contre, notre incapacité de trouver un consensus à
ce sujet risque, d'après nous, de mettre en péril tout effort de
réforme de notre système de main-d'oeuvre. Le débat sur
cet enjeu si fondamental ne doit pas se terminer avec cette commission
parlementaire, ni se limiter à des débats entre fonctionnaires
limitant le problème à un simple problème de structure. Il
s'agit d'un débat de société auquel tous doivent
être appelés à participer.
Finalement, nous nous interrogeons sur les moyens proposés pour
instaurer une culture de la formation continue en entreprise. Les
expériences de travail avec les grandes, moyennes et petites entreprises
de notre secteur nous indiquent que nous sommes loin du jour où cette
culture sera acquise. Le crédit d'impôt remboursable est
intéressant comme mesure d'incitation. Mais, même avec cette
mesure, il est inquiétant de voir les efforts énormes de
promotion et de persuasion que nous avons dû consacrer avec nos
partenaires de la CFP pour réussir à développer des
projets de formation en entreprise, particulièrement dans les PME de la
région. Nous nous permettons donc de poser la question, à savoir
si le crédit d'impôt est suffisamment structurant comme mesure
pour développer cette nouvelle culture de la formation. N'y a-t-il pas
d'autres mesures encore plus dynamiques et proactives pour assurer que les
entreprises québécoises, y inclus les PME, assument pleinement
leurs responsabilités au niveau de la formation professionnelle?
Pour conclure. Aujourd'hui, il y a un consensus au Québec
à l'effet que la formation de la main-d'oeuvre est un des maillons
clés dans toute stratégie pour rétablir la situation de
l'emploi. Il y a également un consensus pour que des changements majeurs
s'imposent dans les façons traditionnelles d'aborder cette question.
compte tenu de l'importance de cette réforme, on ne peut se permettre,
en tant que société, de commettre des erreurs dans sa conception
et dans sa mise en place, alors que dès expériences pratiques
nous mettent en garde. nous sommes déjà très en retard
dans le domaine de la formation. une réforme majeure qui
raterait son coup nous retarderait encore davantage. C'est pourquoi,
nous invitons le gouvernement du Québec à écouter avec
sérieux et ouverture nos commentaires et ceux des autres intervenants
qui s'expriment sur ce dossier afin d'y apporter des changements
importants.
Nous devons nous assurer que le virage s'effectue non seulement dans le
discours et dans les structures, mais aussi dans la réalité
quotidienne des individus et des entreprises à travers le Québec.
Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): Merci, madame. J'invite
maintenant la députée de Saint-Henri à vous poser des
questions.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Vraiment, je suis
très contente de vous retrouver à cette commission parlementaire
et de vous retrouver autour de cette table de discussions et d'échanges.
Je ne prendrai pas beaucoup de temps parce que je sais que, nous, on a la
chance d'échanger sur une base régulière, alors je vais
laisser le ministre discuter avec vous.
Je pense qu'on n'a pas toujours l'occasion de lancer des fleurs, de dire
à des regroupements comme le vôtre le travail exceptionnel que
vous faites. En tant que citoyenne du sud-ouest, en tant qu'élue pour le
sud-ouest de Montréal, je veux vous rendre hommage aujourd'hui, vous
dire qu'en très peu de temps vous avez su créer au sein de la
population du sud-ouest de Montréal un vouloir collectif de s'en sortir.
Du même souffle, vous avez établi un partenariat, le concept du
partenariat qui n'existait pas dans le quartier du sud-ouest de
Montréal, au niveau des entreprises, au niveau des syndicats, au niveau
de tous les intervenants des milieux communautaires, sociaux. Tout ça,
dans le but collectif de relancer, de façon économique et
sociale, le sud-ouest de Montréal. Alors, je vous dis: Chapeau et
merci!
Une première question. À la page 17, quand vous parlez de
la valorisation de la formation professionnelle, vous parlez des lacunes du
système. J'aimerais peut-être, pour le bénéfice des
membres de cette commission, que vous donniez des exemples types de gens de
votre clientèle qui se sont vu refuser l'accessibilité à
des cours étant donné qu'ils n'avaient pas le secondaire V ou
qu'ils avaient seulement le secondaire III. Vraiment, sur le terrain, qu'est-ce
qui se passe dans la vie de tous les jours?
Mme Soutière (Michèle): C'est moi qui m'occupe
surtout de ce domaine. Ce que je peux vous dire, c'est qu'à cause de ces
critères ou de ces normes, chaque fois qu'on publie une annonce qu'une
formation va débuter dans le mois qui vient, et qu'on procède
à la sélection... Par exemple, pour choisir 12 commis-bouchers,
il vient en moyenne 100 ou 150 personnes. Ce qu'on évalue, c'est la
motivation des personnes plus que leur degré de formation
générale. La plupart des gens ont la motivation, mais ce qu'ils
n'ont pas, c'est justement tous ces préalables nécessaires pour
aller chercher un diplôme d'études professionnelles.
La majorité des gens, on les refuse parce qu'il leur manque cet
aspect-là. Quand c'est trop bas, on se retrouve avec des gens qui ont
parfois une cinquième année ou une sixième année.
Il y en a d'autres qui ont un secondaire II ou un secondaire III, alors c'est
plus facile de se rattraper. Mais, pour une grande partie, la lumière au
bout du tunnel est vraiment trop loin et on leur ferait vivre des échecs
supplémentaires.
Nous, ce qu'on a favorisé, c'est la formation de type formation
sur mesure en établissement scolaire, ce qui nous permet de ne pas
être pris avec toute cette question de préalables et tout
ça. On peut choisir des gens sur la base de la motivation puis des
habiletés en relation avec le métier. On fait une
sélection très serrée, des tests et tout ça. Les
gens qui sont retenus - ce qui se passe, ce qu'on voit maintenant - c'est
qu'ils se rendent au bout de leur formation avec très peu d'abandons.
Ils se rendent au bout et, rendus au bout, disent: Je veux mon D.E.P. et je
vais aller chercher mes équivalences. Le fait de commencer une formation
leur donne le goût de continuer à apprendre.
Mais on pense, comme monsieur le disait tantôt, celui qui est
passé, M. Allard, que ce n'est pas nécessaire non plus de prendre
des années et des années à un travailleur qui a
été chez Simmons Bed pendant 25 ans, qui a travaillé et
qui a été efficace pendant toutes ces années; ce n'est pas
nécessaire qu'il retourne à l'école pendant 10 ans avant
de redevenir capable de travailler.
Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la
députée de Saint-Henri. M. le ministre.
M. Bourbeau: Voilà qui est très intéressant,
M. le Président. La députée de Saint-Henri m'avait fait
l'éloge du réseau et mes fonctionnaires aussi. Mais je vois,
à votre mémoire et par ce que vous nous dites
présentement, comme vous avez vraiment une expérience
concrète des milieux les plus défavorisés et des
problèmes qu'ils vivent en matière d'adaptation aux
réalités du marché du travail. C'est peut-être une
des premières fois qu'on a un groupe qui est vraiment sur le terrain,
qui vit des expériences concrètes. Vous me permettrez de pousser
un peu plus loin le questionnement de ma collègue. Quand vous oeuvrez
sur le terrain comme ça, que vous annoncez des... vous avez vraiment une
ruée, si je comprends bien, vous me dites, de gens qui souhaitent...
Est-ce que vous pouvez nous confirmer que chez les sans-emploi, chez les gens
défavorisés, il y a vraiment une volonté de participer
à ces cours, à cette formation?
Mme Soutière: M. Bourbeau, je vous invite, lorsqu'on fera
notre prochaine annonce, à venir voir. On reçoit le double de
téléphones, environ 300 ou 350 appels
téléphoniques. De ça, s'en présentent la
moitié pour des entrevues de sélection. Il y a une formation
où on a eu 75 demandes, c'est la formation de camionneur. Alors, c'est
très spécial. Mais les autres, c'est en haut de 100, 125, 150 et
beaucoup de personnes assistées sociales, majoritairement. On a plus de
personnes assistées sociales que de chômeurs. Ça a tendance
à s'équilibrer. Actuellement, c'est moitié-moitié.
Dans chaque cours, ce qu'on essaie de faire, c'est de mixer les deux
clientèles. Ça donne des résultats. La clientèle
qui est chômeuse est moins loin du milieu du travail. C'est un moteur,
c'est la locomotive dans nos formations. Mais je vous certifie qu'il n'y a
jamais eu un cours en bas de 125, sauf les camionneurs.
M. Bourbeau: Les travailleurs - les candidats, pas
nécessairement les travailleurs - les gens sans emploi, en chômage
ou assistés sociaux que vous enlignez sur un cours et qui se font
refuser la formation pour des questions de qualification, de
préqualification ou de prérequis académiques, est-ce que
c'est un phénomène qui arrive occasionnellement, souvent,
fréquemment, très souvent ou...
Mme Soutière: toujours, toujours. on est obligé de
favoriser le type formation sur mesure en établissement parce que,
là, on peut jouer sur les critères. mais, les achats directs, on
n'a quasimement jamais de gens qui ont tous les préalables pour suivre
ces cours-là, dans la majorité de nos cours.
M. Bourbeau: Disons, sur un lot de 100 personnes que vous
soumettez pour prendre un cours, il y en a combien, d'après votre
expérience, qui se voient refuser la formation pour des raisons de
prérequis académiques?
Mme Soutière: On n'a jamais réussi à partir
un cours en achats directs, par exempte. Pour un D.E.P., ça demande un
secondaire IV. Alors, on n'a jamais réussi à partir un achat
direct. On n'essaie même plus.
M. Bourbeau: Vous voulez dire que, dans 100 % des cas, vous vous
faites refuser... le ministère de l'Éducation refuse de donner le
cours parce que vos clients n'ont pas la formation de base?
Mme Soutière: C'est-à-dire que pour avoir droit
à ce cours, ça demande, par exemple, un secondaire IV. Alors,
nous, on ne réussit pas à faire un groupe de 15 qui ont leur
secondaire IV.
M. Bourbeau: Un groupe de 15 sur 100?
Mme Soutière: Oui, monsieur.
M. Bourbeau: Donc, à toutes fins pratiques, ce que vous
nous dites, c'est qu'il n'y a pas moyen d'organiser la formation de votre
clientèle selon les critères existants?
Mme Soutière: On n'est pas capable. On va toujours dans le
«hors normes» et le fonds d'adaptation de la main-d'oeuvre nous a
aidés beaucoup dans ce sens-là. On a procédé en
prenant des cours sur le modèle de formation sur mesure en
établissement où, là, on peut jouer sur les
critères. On a des carrossiers, par exemple. Ça prend un
secondaire III, pour les carrossiers. On a des carrossiers qui avaient un
secondaire I pas terminé, qui sont aujourd'hui carrossiers, qui
travaillent, mais qui ont suivi le cours «formation sur mesure en
établissement» en étudiant le soir pour être capables
de hausser leur niveau académique. Ça a donné aux gens le
goût de retourner étudier et d'en faire un peu plus que ce qu'on
leur demande dans le cours FME comme tel.
M. Bourbeau: ce détour que vous prenez... est-ce que
ça vous satisfait de prendre ce détour-là ou si vous
préférez aller directement avec les achats directs?
M. Biron (Guy): En fait, le détour, il est
nécessaire pour la clientèle qu'on vise parce qu'on se rend
compte qu'en focussant sur les besoins des gens, c'est-à-dire en ayant
une approche qui tient compte globalement, qui tient compte des besoins, en
ayant une approche qui s'inspire non seulement des intérêts et des
aptitudes des gens, mais qui dit que la motivation des gens doit correspondre
directement à la revalorisation personnelle et aussi professionnelle...
C'est ce qui nous permet d'affirmer que les gens qu'on constitue en groupes,
à l'intérieur de la formation professionnelle, dans le cadre des
programmes de formation sur mesure tiennent le coup. Un des
éléments de notre intervention qui est aussi intéressant
et qui permet aux gens de faire un cheminement adéquat et de franchir
toutes les étapes, toutes les épreuves et toutes les exigences
aussi qu'une formation commande, c'est le suivi qu'on accorde à ces
gens-là au quotidien. Alors, c'est le support à la formation
qu'on accorde. Quand il y a des gens qui s'inscrivent en formation
professionnelle, chez nous, il y en a pour qui on a peur qu'ils ne tiennent pas
le coup. Mais, avec notre support, notre appui et le suivi quotidien qu'on
donne au réseau, les gens arrivent à se classer. À la fin
de la formation qu'on dispense, les gens, généralement - comme
Michel le disait tantôt - ont envie d'aller plus loin et, parfois,
ça va jusqu'à aller chercher leur diplôme.
M. Bourbeau: Si on s'entendait pour abolir
les préalables académiques et qu'on ne se contentait que
de préalables fonctionnels, est-ce que ça réglerait votre
problème?
Mme Soutière: Ça réglerait
énormément notre problème.
Mme Neamtan: Je pense que ça réglerait
peut-être un autre problème. Nous, on a aidé une
soixantaine de personnes qui sont en train d'aller chercher leur diplôme
d'études secondaires à travers - je sais qu'il ne faut pas
mentionner de noms ici - des groupes de coordination. Ce qui est
intéressant, c'est qu'on a fait faire les tests pour voir à quel
niveau les gens se plaçaient. Il y avait des femmes dans la trentaine
qui avaient fini... qui avaient des enfants plus grands... dans la quarantaine,
qui avaient un poste, qui avaient juste, en principe, une septième
année. Sur les tests de classement, elles se classaient secondaire III,
à peu près. Il ne restait pas grand-chose pour avoir leur
diplôme de secondaire. Des jeunes qui avaient dans leurs poches un
diplôme supposément de secondaire III se classaient
analphabètes fonctionnels. Alors, quand on parle de préalables,
je dis que c'est vraiment fonctionnel, il faut aussi le voir, malheureusement,
à cause de certains des cas dans notre système
d'éducation, ça ne veut pas nécessairement dire la
même chose que d'avoir un diplôme de nos jours. Alors, pour nous,
oui, le système de préalables fonctionnels serait urgent
puisqu'il y a cette volonté-là et un potentiel de motiver des
gens. On peut, évidemment, faire des choses parce qu'on a le fonds
d'adaptation de la main-d'oeuvre. On a cette chance-là de pouvoir passer
hors normes, mais, si c'était plus normal, je pense qu'on pourrait
répandre cette expérience. (17 h 45)
M. Bourbeau: D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que
vous nous tenez ce langage-là. Si je me souviens bien, vous nous
écriviez la même chose l'an dernier et il y a deux ans. À
partir de vos constatations sur le terrain, on a pu cheminer dans nos
discussions avec le ministère de l'Éducation.
Je voudrais revenir sur un autre aspect de votre mémoire. En
créant la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, le gouvernement entend confier des
pouvoirs très importants aux partenaires du marché du travail,
ceux qui sont évidemment mentionnés dans le projet de loi. Nous
sommes conscients que ces partenaires-là vont se préoccuper
surtout de la main-d'oeuvre en emploi, celle qui peut intégrer ou
réintégrer facilement, rapidement le marché du
travail.
Si on confiait à ces partenaires la responsabilité
d'accueillir les clients de la Sécurité du revenu, est-ce que
vous ne croyez pas que ces clients-là, finalement, deviendraient un peu
des gens qui seraient dans le deuxième ordre de priorité pour la
Société québécoise de développe- ment de la
main-d'oeuvre? C'est la question que je vous pose, mais je vous donne notre
réponse à nous, en tous les cas. Nous avons plutôt choisi
de contracter, de faire des contrats avec la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre en ce qui
a trait à cette clientèle-là afin qu'elle puisse offrir
des services aux clients de la Sécurité du revenu, plutôt
que d'en faire une clientèle de base. On se dit que si on paie, si la
Société paie pour ces services-là, plutôt, si le
ministère paie pour les services rendus à la clientèle de
la Sécurité du revenu, la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre va
peut-être se préoccuper davantage et faire en sorte d'avoir des
programmes encore plus spécifiques et accessibles aux clients de la
Sécurité du revenu, puisqu'elle leur a fait faire un contrat avec
le ministère.
C'est notre point de vue à nous, maintenant, peut-être que
vous...
Mme Neamtan: Je pense qu'il y a une certaine logique dans votre
approche; il y a une certaine logique aussi dans nos recommandations. C'est
évident, pour nous. Si on recommande que les prestataires d'aide sociale
soient considérés comme des clients de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, à
part entière, ça veut dire que ça va de pair avec le
concept d'un partenariat élargi; donc, que les gens qui connaissent
cette réalité-là, qui travaillent avec ces gens-là,
soient également représentés au sein de la
Société. Ça va aussi de pair avec, je crois, la
décentralisation d'un certain nombre de pouvoirs. On peut appeler
ça une marge de manoeuvre. On peut trouver le nom qu'on voudra, je pense
que c'est là qu'on peut voir qu'il y a un genre de maillage qui est fort
intéressant. Sur notre terrain, on le voit quand on a des gens en
entreprise, des gens sans emploi et des entreprises présentes. Il y a
toutes sortes de maillages qui peuvent se faire, qui peuvent amener des gens
sans emploi vers une situation d'emploi, et qui peuvent amener les entreprises
à être sensibilisées à l'importance des stages en
entreprise, de voir, finalement, tout le potentiel qu'il y a.
C'est un peu pour ça qu'on trouve ça dommage de
séparer trop cet élément-là parce qu'on risque,
effectivement, d'établir, de constituer, de consacrer une vision
à deux vitesses. Nous, nous croyons fermement qu'on doit marcher tous
ensemble.
M. Bourbeau: II y a aussi, bien sûr, le fait que
démarrer une Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, dont le mandat va être beaucoup
plus large, avec les sociétés régionales, que celui des
CFP présentement, avec la perspective du rapatriement des crédits
ou des fonds fédéraux, des pouvoirs et des programmes, c'est
déjà une bouchée assez grosse à prendre pour la
Société québécoise de développement de
la main-d'oeuvre. J'hésiterais à leur donner, en plus, une
clientèle additionnelle qui est la clientèle de l'aide sociale,
l'employabilité de la clientèle de l'aide sociale. En tous les
cas, certainement dans un premier temps, par prudence, je
préférerais laisser la Société
québécoise digérer un peu la première vague de
responsabilités qu'on va lui confier avant de lui confier d'autres
responsabilités. Ça serait aussi, disons, dans mon esprit, une
mesure de prudence que de ne pas, dans un premier temps, surcharger la
Société québécoise.
Je voudrais revenir sur la question de la double structure. Tout
à l'heure, vous nous parliez du réseau Travail-Québec et
de la Société québécoise de développement de
la main-d'oeuvre, mais vous êtes muets, dans votre mémoire, sur la
double structure ou la double... avec le gouvernement fédéral, le
fait que le gouvernement fédéral et nous, on occupe le champ de
la main-d'oeuvre et qu'il y a un peu une dualité entre les deux
gouvernements, double emploi, si je peux dire, dans le secteur. Est-ce que vous
avez une opinion là-dessus, sur la volonté du gouvernement de
rapatrier les pouvoirs et les budgets de main-d'oeuvre au Québec de
façon à ce qu'il n'y ait qu'un seul maître d'oeuvre?
Mme Neamtan: Je pense que nous souscrivons. Nous, on a fait
attention dans notre mémoire, mais, étant une organisation
locale, on est prudents dans les grands enjeux constitutionnels. C'est
évident, on est membres du Forum pour l'emploi et on souscrit à
la prise de position, je pense, de tous nos partenaires à cet effet. Le
moins de dédoublement qu'on peut avoir dans les structures... Mais,
toujours, notre préoccupation, c'est qu'une fois le pouvoir
rapatrié il faut vraiment s'assurer qu'il y a de la souplesse dans la
structure et dans la décentralisation de... et que, finalement, le
pouvoir d'initiative soit reconnu. L'urgence, pour nous, c'est dans ce
sens-là.
Je voudrais aussi revenir sur la question d'avoir deux étapes. Je
suis consciente que ça peut être lourd de créer une
structure tout de suite et de tout mettre dans un même bateau dans une
première étape. C'est peut-être des questions qui
dépassent un peu notre compétence. Par contre, la question du
partenariat reste essentielle pour nous autres. Il reste qu'à
Montréal, comme ailleurs, on a une forte proportion de gens non
syndiqués. On a une forte proportion de gens sans emploi. On a une forte
proportion de gens qui sont marginalisés par rapport à ce qu'on
appelle les partenaires majeurs. Si cette réalité n'est pas
là maintenant, moi je crains pour l'avenir. Je pense qu'il faut voir nos
stratégies. Nous, par exemple, dans le sud-ouest de Montréal, on
a dit: Effectivement, dans la dernière année, la priorité
- les groupes communautaires, les représentants des sans-emploi
étaient d'accord - était le maintien des emplois. Le plus
d'emplois on perd, plus on crée de chômage. Il n'y avait pas de
problème à chercher un consensus, mais c'est toujours de dire
qu'on a une stratégie à long terme. Ça, il ne faut pas
mettre de côté une si forte proportion de notre population. On ne
pourrait même pas se payer la société qu'on veut
bâtir si on doit traîner toujours ce fardeau qui est un fardeau
financier et social en plus de toute la souffrance humaine que ça
comporte. Alors, c'est plus une philosophie pour nous. Si ça se passe
par étape, on peut peut-être le comprendre, mais on trouve
ça important que tous les partenaires soient autour de la table au
départ.
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux souscrire aux
propos de ma collègue, la députée de Saint-Henri, sur
l'excellent travail que vous réalisez. Il y a un M. Desharnais qui
travaille au ministère de la Main-d'oeuvre et qui est venu accompagner
le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec lors du
dépôt de son mémoire, qui nous avait d'ailleurs
parié, du siège que vous occupez, du travail qu'il
réalisait avec le sud-ouest.
Mme Neamtan: Oui, on l'a vu dans nos bureaux quelques jours
après.
Mme Harel: Je vous écoutais, tantôt, échanger
avec le ministre sur la question du partenariat, de la
représentativité. Ça m'amène à penser que,
si le ministre veut sincèrement passer d'une première
étape à une deuxième étape où tous les
programmes seraient offerts sans distinction aux personnes assistées
sociales, la meilleure façon d'y arriver, ce serait d'abord de vous
nommer, pas vous comme personnes, individus ou groupe, mais de nommer ce
quatrième partenaire, appelons-le n'importe comment, qui
représente la main-d'oeuvre inactive ou les sans-emploi ou les groupes
cibles ou les groupes défavorisés. Enfin, quoi qu'il en soit,
ça serait la meilleure garantie que ce quatrième partenaire
rappellera toujours la nécessité de passer à la
deuxième étape. Sinon, il est possible qu'on n'en franchisse
jamais le fil d'arrivée, d'une part.
D'autre part, je ne veux pas lui en faire grief, mais ça
m'apparaît un drôle d'argument de dire - parce que vous savez que
la société mère va gérer 500 000 000 $ à 600
000 000 $ de fonds publics - que cela n'est pas suffisant pour convaincre ceux
qui vont gérer qu'il faut qu'ils s'intéressent à la
main-d'oeuvre pas seulement active, mais aussi inactive, qu'il faut, en plus,
qu'il y ait des contrats qui soient donnés pour que de l'argent, si j'ai
bien compris, autre que celui que gérerait la Société,
vienne servir d'incitatif. Alors, là, ce dont j'ai peur, c'est que, dans
le contexte de rareté des ressources dans
lequel nous sommes, il n'y ait jamais cet argent-là pour passer
les contrats et puis qu'on en soit malheureusement à constater que - ce
qui existe, d'ailleurs, dans la plupart des pays industrialisés -
l'argent de la formation professionnelle sert à former des gens
déjà formés. Ça accroît les écarts et
non l'inverse. Ça ne permet pas de faire du rattrapage. Je vous invite
à continuer à... avec d'autres. Je pense que vous faisiez partie
du groupe de l'ICEA? J'ai cru comprendre, dans le document que l'ICEA avait
rendu public, qu'il y a une sorte de coalition qui réclame ce
quatrième partenaire.
Une question très rapide là-dessus. Vous qui travaillez
très étroitement de concert avec les syndicats et les employeurs,
vous concevez, à ce moment-là, que les centrales syndicales ne
peuvent pas représenter cette main-d'oeuvre inactive qui est
constituée de sans-emploi? Est-ce que c'est là votre opinion?
Mme Neamtan: Je pense que nous, on le voit d'une façon...
On est des praticiens et praticiennes, et on dit: II faut trouver des
solutions, des approches de formation pour les gens en emploi, pour les
entreprises et pour les gens sans emploi. C'est notre objectif. Pour toutes
sortes de raisons historiques, moi, je pense que les syndicats ont beaucoup de
boulot pour développer des approches de formation avec leurs membres,
dans les «shops». Chez nous, on a même amorcé
certaines approches dans les entreprises, puis on les relançait aux
syndicats parce qu'on trouvait qu'il y avait beaucoup de choses à faire.
On s'est dit: Qu'ils fassent ces «jobs». Mais il y a une autre
«job» à faire aussi et ils n'ont ni les structures pour...
Une fois qu'on est mis à pied, après un an ou avant, on n'est
plus membre du syndicat. Alors, ce n'est pas une réalité
quotidienne qu'ils connaissent et les solutions... Comme on dit, la culture de
la formation, elle se développe entreprise par entreprise, groupe par
groupe, personne par personne. À partir de la vérité, on
va développer cette culture-la. C'est pour ça qu'on trouve que
les organismes qui travaillent quotidiennement avec des gens, ils doivent...
Ils ont la compétence, la réalité quotidienne pour pouvoir
développer cette culture-là.
Mme Harel: Moi, je m'en voudrais de ne pas profiter de votre
expérience concrète pour continuer avec vous l'échange que
le ministre avait entrepris sur les programmes que vous utilisez le plus.
Tantôt, vous nous disiez: 31 000 personnes qui font partie de la
main-d'oeuvre, dont 17 000 qui sont sans emploi.
Mme Neamtan: Sans emploi.
Mme Harel: Donc, il y en a 14 000 qui, elles, sont en emploi.
Est-ce qu'il y a des programmes de formation qui s'adressent à ces
personnes-là aussi? Indépendamment de leur entreprise. Des
programmes qui s'adressent à elles en tant que personnes qui veulent
améliorer leur niveau de qualification ou leur sort.
Mme Neamtan: Mais, écoutez. Comme on a dit, on a
commencé assez récemment à travers l'entreprise. Encore
une fois, ce n'est pas vraiment...
Mme Harel: Nancy, je ne parle pas simplement du travail avec les
entreprises. Il y a des personnes qui travaillent en dehors du quartier...
Mme Neamtan: O.K.
Mme Harel: ...dans le sud-ouest, qui travaillent ailleurs,
peut-être même à l'extérieur de l'île. Mais
est-ce qu'il y a un plan de formation pour relever le niveau de qualification
de la population, y compris celle qui est en emploi?
Mme Neamtan: Mais nous, c'est fait plus entreprise par entreprise
et projet par projet. Je dois dire que c'est plus dans ce sens-là. C'est
d'identifier, par exemple, les entreprises qui sont en difficulté
à l'heure actuelle et qui n'ont pas vraiment d'avenir. Je ne les
nommerai pas parce que je ne veux pas partir de rumeurs. Mais il y en a et on
peut... On parle de tendance. L'autre, c'est la réalité. Alors,
c'est de travailler pour au moins développer une culture de formation
continue dans ces entreprises-là, développer le désir des
travailleurs. Par exemple, on commence à travailler avec des petites
entreprises dans un édifice multilocatif. Il y a des employeurs qui sont
prêts à embarquer dans un projet de formation, dans le même
bâtiment, de plusieurs petites entreprises. Ce sont des genres d'approche
comme ça qu'on travaille. Mais c'est vraiment entreprise par entreprise
ou par groupe de sans-emploi qu'on travaille, pas dans une approche plus
globale.
Mme Harel: C'est parce que je me pose la question.
Présentement, s'il y a la promotion d'une culture de formation qui fait
que, à la télé, dans les journaux, à la radio, nos
concitoyens apprennent qu'il faut vraiment qu'ils fassent un effort, qu'ils
s'en convainquent, et qu'ils se motivent, qu'est-ce qu'on leur offre? S'ils ne
sont pas dans une entreprise où il y a un plan de gestion des ressources
humaines, s'ils ne sont pas désignés dans ce plan pour y
participer, ou s'ils ne sont pas sans emploi... Ma question - je vous la
relance - est-ce que ce que vous avez à votre disposition, ce sont des
instruments qui viennent des programmes fédéraux surtout? Quelle
est la proportion des programmes fédéraux par rapport aux
programmes provinciaux? Ces programmes fédéraux, est-ce que c'est
pour, essentiellement, des personnes sans emploi, c'est-à-dire soit
prestataires de
('assurance-chômage... Est-ce que l'admissibilité
dépend, finalement, du chèque que l'on reçoit? Enfin, je
reviendrai après. (18 heures)
Mme Soutière: C'est ça, exactement. On a le
problème. Les personnes qui ne reçoivent pas de chèque,
c'est très difficile de leur fournir de la formation. Heureusement qu'on
a le fonds d'Adaptation, qu'on va pouvoir aller gruger pour rejoindre cette
partie, je pense aux femmes, aux femmes dont le seul péché, c'est
d'avoir un mari qui travaille au salaire minimum bien souvent. Alors, elles
sont mal prises, elles veulent retourner sur le marché du travail.
Alors, moi, je pense qu'on doit...
Mme Harel: II n'y a pas de programme présentement à
part ceux que vous avez à cause de votre statut particulier? Mais ce
serait comme...
Mme Soutière: II y en a très peu, mais il y en
a.
Mme Harel: Comme quoi? Qu'est-ce que vous avez pu leur
offrir?
Mme Soutière: Jusqu'à maintenant, c'est une des
priorités. Les cours devraient démarrer en avril, avec les
nouveaux budgets. Il y a une catégorie, on fait l'étude
actuellement, c'est à l'étude: Qu'est-ce qu'on fart avec ces 11 %
de femmes qui viennent nous consulter? C'est quoi leurs besoins? L'étude
est en cours présentement pour leur offrir une formation qui les
intéresse.
Mme Harel: parce qu'il y a la catégorie de personnes qui
ne peuvent pas recevoir de l'aide sociale parce qu'elles ont un conjoint qui
travaille.
Mme Soutière: C'est ça.
Mme Harel: Mais qui ne peuvent pas avoir de
l'assurance-chômage parce qu'elles n'ont pas complété le
nombre de semaines requises.
Mme Soutière: C'est ça. C'est exact. Mme Harel:
Elles sont où? Une voix: Nulle part.
Mme Soutière: C'est ça, elles sont nulle part.
Mme Harel: Elles sont nulle part.
Une voix: Dans nos bureaux. Ha, ha, ha!
Mme Soutière: Elles sont dans nos bureaux, elles demandent
des services et nous, on dit:
Oui, avec le fonds d'Adaptation de la main-d'oeuvre, on fait une
étude actuellement: C'est quoi les besoins de ces gens-là en
matière de formation? Qu'est-ce qu'elles veulent? C'est surtout des
femmes, et on va proposer des cours en avril, mai. L'étude est en cours
avec ces femmes-là.
Mme Neamtan: Je pense qu'une des choses qui les motivent
beaucoup, c'est que leur mari est dans des emplois précaires, peu
payants et elles ont peur de tomber, comme on dit, sur le bien-être.
Alors, elles s'activent pour pouvoir réintégrer le marché
du travail, mais avec très très peu de qualifications.
Mme Harel: II y avait un bon article, d'ailleurs, qui
révélait une progression accrue du travail à temps partiel
des femmes à cause des problèmes de fiscalité, entre
autres.
Mme Neamtan: C'est ça.
Mme Harel: Je reviens à ce que vous disiez tantôt.
Donc, vous utilisez essentiellement, vous disiez, Formation sur mesure.
Mme Soutière: Jusqu'à maintenant, on a
utilisé surtout...
Mme Harel: Ça, c'est le programme fédéral
Formation sur mesure.
Mme Soutière: Oui, mais nous, ce qu'on a fait... Quand on
a commencé, le RESO, quand on a eu une reconnaissance et qui est
arrivée avec une reconnaissance financière, tous les budgets
étaient épuisés. Alors, on s'est basé sur ce
modèle-là pour prendre l'argent dans le fonds d'Adaptation de la
main-d'oeuvre et donner des cours de formation sur mesure en
établissement, comme il s'en donnait par le fédéral. La
deuxième année, le fédéral nous a donné cinq
formations et on peut compléter pour d'autres qui nous manquent, on les
prend dans le fonds d'Adaptation de la main-d'oeuvre.
Mme Harel: En fait, juste une chose que je veux vraiment
vérifier: Achats directs, c'est le programme qui ne demande que des
préalables fonctionnels.
M. Biron: Oui.
Mme Harel: C'est Formation sur mesure-Achats directs, dans
l'accord Canada-Québec, c'est certains préalables fonctionnels
à la formation.
M. Biron: Non.
Mme Soutière: Pas dans les faits, en tout cas.
M. Biron: Achats directs, les préalables
académiques exigés sont nécessaires pour pouvoir y avoir
accès parce qu'il s'agit d'inscrire des gens dans des programmes
réguliers.
Mme Harel: C'est ce qu'on dit en tout cas... Il y a un beau
document préparé par le ministère de l'Éducation
qui vient juste juste d'être rendu public, tous les programmes de tous
les ministères, de tous les gouvernements, et on dit pour Achats
directs: «Aucune condition d'admission sauf pour certains
préalables fonctionnels à la formation recherchée.»
À l'inverse, pour Formation sur mesure, on dit: «Préalables
si le programme mène à l'obtention d'un C.E.P. - donc d'un
certificat - ou d'un D.E.P. - c'est-à-dire d'un diplôme
d'enseignement professionnel - ou d'un A.S.P.» - ça, c'est
attestation, j'imagine, hein?
M. Biron: Oui, c'est ça.
Mme Harel: On dit le contraire.
M. Biron: Mais je ne comprends pas parce que, récemment
encore, Emploi et Immigration Canada nous demandait de participer avec lui
à un suivi ou à un support à la formation pour des gens
inscrits dans le programme Achats directs, et on nous a bien
spécifié que la clientèle, c'étaient des gens qui
avaient les préalables académiques correspondant au métier
choisi.
Mme Harel: Bon. Alors, il va falloir faire une
vérification.
M. Biron: II y a un problème.
Mme Harel: À ce moment-là, c'est seulement des
prestataires d'assurance-chômage à qui vous pouvez offrir ces
cours, ou des prestataires d'aide sociale, cours de Formation sur mesure ou
d'Achats directs.
Mme Soutière: De plus en plus, ça devient un gros
problème. C'est tellement super-ciblé qu'on fait des ghettos de
formation, à mon avis, et le mixage des deux est tellement riche, a
tellement un effet entraînant sur les deux groupes en présence que
c'est dommage de limiter...
Mme Harel: Parce que ça ne changera pas avec la loi et
l'énoncé.
Mme Soutière: Mais avec le fonds d'Adaptation de la
main-d'oeuvre, nous, on peut. Mais, quand on n'aura plus le fonds d'Adaptation
de la main-d'oeuvre...
M. Biron: C'est un problème.
Mme Soutière: ...ça va être un gros
problè- me.
Mme Harel: Quand se termine-t-il?
Mme Neamtan: mais, s'il y avait une marge de manoeuvre pour les
sociétés régionales, par exemple, ce serait le genre de
chose qu'on pourrait faire.
Mme Soutière: C'est ça, la marge de manoeuvre. Et
voilà.
Mme Harel: Quand se termine le fonds d'Adaptation dans le
sud-ouest?
Mme Soutière: On a encore trois ans, nous.
Mme Harel: Bon. Et vous avez combien à chaque
année?
Mme Soutière: Bien, cette année, on va avoir autour
de 1 800 000 $. L'année passée, c'était 1 400 000 $.
Mme Harel: Donc, ça, ça vous permet, à ce
moment-là, d'aller compléter...
Mme Soutière: C'est ça.
Mme Harel: ...pour des clientèles qui ne sont pas
admissibles à cause de tous ces critères-là.
Mme Soutière: Mais ce n'est pas juste des cours, non plus,
comment on dit? des cours magistraux ou des cours de formation professionnelle,
de 9 à 5. Il y a tout le volet des initiatives locales, des groupes
déjà existants qui vont se chercher des formations, dont Guy
pourrait parler, et qui vont arriver à démarrer peut-être
une entreprise avec ce qu'ils ont appris et à créer leurs propres
emplois.
Mme Harel: Je ne sais pas, Guy, si vous voulez nous en parler.
Est-ce qu'il me reste encore du temps?
Le Président (M. Philibert): Oui, madame. Mme Harel:
Très bien.
M. Biron: Oui. Bien, je dirais juste un mot sur un groupe qu'on
est en train de constituer en ce moment. Ça consiste à
réunir des gens qui ont des problèmes de formation de base, de
lecture et d'écriture, donc qui sont analphabètes fonctionnels.
Et si on les inscrit dans la filière traditionnelle prévue par le
ministère de l'Éducation et tous les programmes existants, ces
gens-là vont se ramasser trop tard disponibles sur le marché du
travail. On en a parlé précédemment, il s'agit des
travailleurs licenciés qui ont, aujourd'hui, peut-être 40 ans et
peut-être 25
années d'expérience sur le marché du travail, mais
qui ont une 7e ou une 8e année et qui se sont toujours
débrouillés avec ça. Maintenant, on essaie de faire, pas
des programmes à rabais, je tiens à le dire, c'est qu'il n'y a
pas juste une façon d'apprendre, il n'y a pas juste une façon de
pouvoir... Et je pense, d'ailleurs, que le système d'apprentissage
pourrait jouer un rôle à ce niveau-là, et le système
de reconnaissance des compétences professionnelles. Mais on essaie de
lier l'apprentissage des connaissances de base, de l'alphabétisation,
à l'apprentissage d'un métier et donc de la formation
professionnelle. Actuellement, on essaie de mettre dans le coup des commissions
scolaires sur notre territoire qui sont prêtes à être
complices avec nous dans des expériences-pilotes pour arriver à
démontrer qu'il y a moyen, outre le système d'éducation et
ce qui est prévu, le système de certification et de diplomation
actuel, de faire des apprentissages et de devenir des bons travailleurs.
Mme Harel: Ces expériences-là, elles se font dans
le cadre d'initiatives locales...
M. Biron: Oui.
Mme Harel: ...donc, dans le cadre de projets qui sont
gérés par des organismes communautaires?
M. Biron: Oui, toujours. C'est-à-dire que nous autres, on
stimule énormément ça et on s'associe tout le temps avec
les ressources disponibles dans le milieu pour réaliser tous nos
projets.
Mme Neamtan: Mais où les commissions scolaires sont
appelées, évidemment, à livrer une formation, mais on
travaille sur la pédagogie pour l'adapter. Et je pense que c'est pour
ça que nous, l'inquiétude qu'on a, c'est de dire: II faut qu'il y
ait un enjeu de fond dans la vision du développement de (a
main-d'oeuvre: une vision éducation versus main-d'oeuvre. Il faut qu'on
règle ça. Ce n'est pas pour prendre pour une partie ou pour
l'autre. Il faut qu'on règle cette question-là, sinon je pense
qu'on ne pourrait plus avancer.
M. Biron: Notre rôle, ce n'est pas de se substituer
à ce qui existe déjà. On ne voudrait pas remplacer le
ministère de l'Éducation et les commissions scolaires par
d'autres choses. Mais, par ailleurs, on tient a ce que les commissions
scolaires, puis l'école, dans son essence, jouent leur rôle,
c'est-à-dire d'apprendre aux gens, de les rendre disponibles aux
métiers existants, etc.
Mme Harel: Et vous travaillez avec quelles commissions
scolaires?
Mme Soutière: On travaille avec la commis- sion scolaire
de Montréal et la commission scolaire de Verdun, du Sault-Saint-Louis.
On est chanceux, on est près. Et je dois dire, en passant, qu'avec des
petites commissions scolaires c'est beaucoup plus facile d'agir rapidement et
de se retourner de bord vite pour partir une formation qu'avec des grosses
commissions scolaires. Et ça me dit, en même temps, que la
société régionale pour Montréal est bien grosse et
je ne pense pas que ça va régler tous les problèmes qu'on
avait, par exemple, avec la CFP. Parce que c'est gros. Ce n'est pas parce
qu'ils ne sont pas bons, c'est parce qu'ils sont trop gros.
Mme Harel: Parlez-nous-en, des problèmes. Il nous reste
peu de temps, mais parlez-nous des problèmes avec la CFP.
Mme Soutière: Alors, c'est toute la bureaucratie qu'une
grande institution comme ça peut entraîner. Ça fait
qu'à la base ce n'est pas... Si les gens n'avaient pas le RESO
actuellement pour dire: On est 15 qui devenons commis-boucher... Nous,
ça nous prend à peu près un mois. Entre la première
annonce dans le journal et le début du cours, c'est à peu
près un mois, six semaines. Six semaines, parce qu'on fait une
sélection très serrée. Mais, quand c'est à la CFP,
ça peut aller jusqu'à six mois. Alors, la CFP, elle
téléphone au bout de six mois et elle dit...
M. Biron: II nous manque des crédits.
Mme Soutière: ...le cours auquel vous vous êtes
inscrit voilà six mois, ça commencerait. Mais il dit: Je
m'excuse, je travaille déjà. Et, là, c'est toujours
à recommencer et c'est à annuler, ces cours-là. Alors, ce
qui me fait peur dans la société régionale pour la
question de Montréal, c'est que c'est tellement énorme qu'on va
avoir les mêmes problèmes bureaucratiques puis on va être
obligés d'appeler M. Labelle à notre secours. Ha, ha, ha! On l'a
déjà fait. À un moment donné, la lourdeur, c'est
effrayant.
Mme Harel: Mais, à ce moment-là, est-ce que vous
avez pris connaissance d'une recommandation qui vient d'une autre corporation
de développement économique communautaire comme la vôtre,
mais qui est dans l'est de Montréal, à l'effet de demander
à la CFP de créer non pas seulement des comités sectoriels
selon les activités industrielles, mais de créer aussi
l'équivalent de comités, mais sur une base territoriale? Je ne
sais pas si vous êtes informés de ça. Qu'est-ce que vous en
pensez?
Mme Neamtan: Je pense qu'il faut trouver une façon de
permettre une plus grande flexibilité localement; c'est pour ça
qu'on soulève dans notre mémoire l'exemple du fonds
d'Adaptation
de la main-d'oeuvre; on trouve ça intéressant comme outil.
c'est sûr qu'on ne règle pas tous les problèmes avec
ça, mais c'est un outil qui est intéressant.
Mme Harel: Qu'est-ce que vous pouvez proposer au ministre pour
alléger la lourdeur de sa structure centralisée à
Montréal?
Mme Neamtan: Je pense que les fonds... En tout cas, il s'agit de
définir c'est quoi le territoire. Je dois dire, on vient en toute
modestie. On n'a pas essayé de régler tous les problèmes.
On a assez de problèmes chez nous. Mais je pense que d'avoir des outils
qui sont flexibles par rapport à des entités sur l'île de
Montréal, ce serait quelque chose d'intéressant, ce serait
intéressant dans notre cas. Je pense que ce seraient des choses à
continuer. Puis, quand M. Béland parlait de responsabiliser les gens,
les entreprises aussi. Quand ils sentent qu'ils peuvent avoir un mot à
dire, puis que quelque chose peut bouger, puis qu'ils peuvent... Le
problème des normes, etc., les entreprises, elles l'expriment aussi.
C'est une motivation, ça responsabilise les gens et, nous, on croit que
c'est un modèle à regarder.
Mme Soutière: Dans le mémoire de la CFP, il est dit
quelque part - je ne sais pas si c'est juste, mais j'ai l'intuition que c'est
juste - que la moitié de la main-d'oeuvre québécoise se
retrouve à Montréal.
Mme Neamtan: Montréal-Laval.
Mme Soutière: Montréal-Laval. Et moi, je trouve
qu'il va y avoir...
M. Bourbeau: II ne faudrait pas oublier la rive sud aussi,
hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Soutière; Alors, il va y avoir combien de
sociétés régionales?
Mme Harel: On ne le sait pas.
Mme Soutière: Une, en tout cas, pour toute la grande
région, puis...
M. Bourbeau: Ah non! sûrement pas. Il va y en avoir plus
que ça.
Mme Soutière: Pardon?
M. Bourbeau: II n'y en aura pas une pour Laval, la rive sud et
Montréal. Il va y en avoir plus que ça.
Mme Harel: Mais il y en a déjà plus que ça,
d'ailleurs. Il y en a déjà une sur la rive sud, il y en a
déjà une à Laval, il y en a déjà une
à Montréal. Vous, vous voulez dire une seule pour l'île de
Montréal. C'est ça?
Mme Neamtan: Même celle pour l'île de
Montréal, c'est gros.
Mme Soutière: C'est très gros. M. Biron:
C'est ça.
M. Bourbeau: II n'y en a pas une à Laval,
Laval-Montréal.
Mme Soutière: Non, c'est Laval-Montréal.
Actuellement, ils sont ensemble.
Mme Harel: Ah! c'est vrai, c'est vrai, c'est vrai. Alors, on peut
penser des propos du ministre qu'il y en aurait une à Laval. Mais est-ce
qu'une sur l'île de Montréal...
M. Bourbeau: Je n'ai pas dit ça. Mme Harel: Non? Il
ne l'a pas dit.
M. Bourbeau: Mais j'ai dit qu'il y en aura une sur la rive sud,
par exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: On peut penser... Mais on reviendra juste sur
l'île. Est-ce qu'une sur 111e, c'est trop ou si c'est...
Mme Soutière: Ça m'apparaît très
gros.
Mme Neamtan: Ça paraît très gros. Je pense
que la question, c'est qu'il faut qu'à quelque part il y ait des outils
qui soient plus petits. Si on choisit de dire: On va faire une structure pour
I'île - mais, encore une fois, c'est la question du pouvoir d'initiative
- il faut qu'au niveau local les gens aient un pouvoir d'initiative.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a une belle émulation entre vous
et...
Le Président (M. Philibert): Je vous invite à faire
rapidement, le temps est écoulé.
Mme Harel: La dernière. Est-ce que c'est une question
d'émulation entre vous et la CFP, ou vous sentez que c'est une
collaboration inconditionnelle? C'est une collaboration. La CFP vous accorde
une collaboration...
Mme Soutière: Actuellement, les relations avec la CFP sont
bonnes.
Mme Harel:... active? M. Bourbeau:...
Mme Soutière: Pardon?
M. Bourbeau: On vous écoute attentivement.
Mme Soutière: Actuellement, les relations sont bonnes,
ça va bien. Nos projets sont écoutés. Au début, la
CFP se disait: On se réserve le droit, quand on n'est pas d'accord avec
vos projets - parce qu'on insistait beaucoup, nous autres, pour démarrer
nos projets hors normes, on est très entêtés - on se
réserve le droit d'écrire en bas de chaque protocole que nous, on
n'est pas d'accord. Mais je dois vous dire que ça n'a jamais
été écrit, parce que je pense qu'il y a des gens qui ont
eu peur que ça marche, puis d'avoir l'air un peu fou d'avoir
signé ces choses-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Soutière: Ils n'en ont pas signé des comme
ça, mais je dois dire qu'à force d'expériences et de
discussions avec la CFP on a gagné un certain respect. On l'a
gagné.
Mme Neamtan: C'est ça que je veux dire. C'est que nous,
ça marche bien, parce que notre communauté... et Nicole Loiselle
peut en témoigner. On s'est organisés puis on s'est battus, puis
les gens se tiennent, tout le monde. Mais, dans le fond, est-ce qu'il faut
faire ça à chaque fois? Il me semble qu'il y a une façon
plus simple et plus directe.
Mme Harel: C'est l'énergie que ça exige, hein?
Mme Soutière: Oui, c'est ça.
Mme Neamtan: Nous, on ne le fait que depuis 1984-1985, ces
affaires-là. Des fois, on se dit: «C'est-u» à
recommencer...
Le Président (M. Philibert): Voulez-vous conclure? On
dépasse votre temps largement.
Mme Harel: Je vais vous remercier de votre contribution, puis ne
pensez pas qu'elle n'a pas touché l'ensemble des enjeux auxquels on
devra répondre comme commission. Merci.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre, est-ce que
vous voulez faire un commentaire de conclusion, rapidement? (18 h 15)
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. J'aimerais simplement
dire un mot pour féliciter les gens du RESO d'une contribution qui est
exceptionnelle, qui est basée sur des expériences
concrètes et pratiques. Je peux vous assurer que nous suivons de
très près l'expérience qui se déroule chez vous et
dans les autres CDEC et que, jusqu'à maintenant en tout cas, nous
n'avons qu'à nous réjouir de ce que nous voyons et ça
augure très bien pour l'avenir, je dois dire. Je vous remercie.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Philibert): Au nom des membres de la
commission, je vous remercie de votre participation à la commission et
je vous invite à vous retirer de façon à ce qu'on puisse
appeler le Regroupement des organismes-travail de la région de
Québec.
À l'ordre, s'il vous plaît! Vous avez, le groupe, 20
minutes pour présenter votre mémoire; 20 minutes sont
dévolues au gouvernement et 20 minutes à l'Opposition. Avant de
présenter votre mémoire, je vous demanderais, pour les fins du
Journal des débats, de vous identifier, s'il vous
plaît.
Regroupement des organismes-travail de la
région de Québec
M. Vachon (Marco): Mon nom est Marco Vachon. Je suis des Ateliers
jeunesse Rive-Sud, à Lévis, et membre du Regroupement... La
corporation des Ateliers est membre du Regroupement des organismes-travail de
la région de Québec. Mme Brigitte Thériault est de
l'organisme Option-Travail, Sainte-Foy, qui est également un organisme
membre du Regroupement des organismes-travail de la région de
Québec.
Le Président (M. Philibert): Alors, allez-y avec votre
mémoire.
M. Vachon: Merci, M. Philibert. Ça nous fait plaisir
d'être le deuxième groupe terrain à venir ici ce soir
échanger, puisqu'on a des choses, évidemment, à dire et
aussi des questions, sans doute, à poser. J'aimerais souligner la
présence de certains collègues derrière nous qui sont des
membres. Il y a déjà une douzaine de personnes, je pense, qui
sont avec nous ce soir et qui sont désireuses de venir constater
elles-mêmes la réceptivité face au mémoire du
Regroupement des organismes-travail de la région de Québec.
Alors, dans un premier temps, je vous présenterai le Regroupement
des organismes-travail et, par la suite, Brigitte parlera de la substance
même du mémoire que l'on a déposé.
Qu'est-ce que le Regroupement des organismes-travail? C'est un
regroupement dont la mission est d'intégrer au marché du travail
des clientèles qui ont, à un moment ou un autre de leur vie,
éprouvé des difficultés face à l'intégration
au marché du travail. Ce Regroupement existe dans la région de
Québec depuis 1984. Il regroupe, en 1992, 20 organismes communautaires
issus de différents milieux, tant du Québec
Rive-Nord que Québec métro, si on parle de la
région Rive-Sud, Lévis.
Le Regroupement des organismes-travail répond annuellement
à 7000 demandes de différentes clientèles. C'est 7000
personnes par année qui appellent dans nos organismes dans la
région de Québec. C'est 7000 personnes qui veulent avoir des
renseignements et avoir des services dans la région. De ces 7000
personnes-là, 3500 personnes ont droit ou peuvent avoir accès
à nos services. Vous comprendrez qu'avec les ressources
financières dont on dispose on ne peut pas répondre,
évidemment, à 7000 personnes. Par contre, il y en a quand
même 3500 qui viennent chez nous, dans nos organismes, et
reçoivent des services.
J'aimerais vous parler de l'originalité de notre Regroupement
puisque c'est le seul regroupement au Québec qui réunit des
organismes communautaires voués à l'intégration au
marché du travail qui sont promoteurs de programmes tant
fédéraux, provinciaux que multiples. Il y a différents
programmes qui existent. Évidemment, le MMSR connaît bien les
programmes que sont les SEMO, les Services externes de main-d'oeuvre; il y en a
quatre dans la région de Québec qui sont membres de notre
Regroupement. Il existe d'autres programmes également qui sont issus du
gouvernement fédéral. Je pense également au programme
Extension que vous connaissez sans doute bien, m'a-t-on dit; il y a quatre
organismes qui sont de nature Extension dans la région de Québec
qui sont également membres chez nous. Il y a six organismes qui sont
financés ou, enfin, qui sont promoteurs de programmes, que l'on appelle
OPFD, qui sont un autre type de programme fédéral. Il y a deux
autres organismes qui sont promoteurs de programmes intitulés
Intégration professionnelle, qui font de la formation professionnelle.
Il y a deux autres organismes qui sont promoteurs en tant que clubs de
recherche d'emploi, donc des personnes qui sont en recherche active d'emploi,
qui sont membres chez nous. Deux autres organismes sont également
membres et dont le financement est multiple.
C'est 20 organismes qui sont issus, promoteurs de programmes tant
fédéraux que provinciaux ou autres - et ça, c'est vraiment
une originalité puisqu'il n'y a aucun autre regroupement d'organismes
dans la province - s'assoient autour d'une même table pour discuter de
points communs. À l'intérieur de ces 20 organismes de travail
dans la région de Québec, on retrouve une expertise
professionnelle qui totalise environ 150 personnes, une centaine de conseillers
en main-d'oeuvre, évidemment, qui sont quotidiennement sur le terrain
avec nos clients, évidemment des soutiens administratifs, coordonnateurs
de projets, et tout ça. Vous conviendrez, à la lumière de
ces informations-là, que l'originalité de ce Regroupement est
quand même peu rencontrée.
Je vous parle brièvement des clientèles que l'on dessert,
pour que vous puissiez bien vous les représenter. Le regroupement qui
nous précédait a su mettre en lumière certaines
caractéristiques de différentes clientèles. Je me permets,
en deux minutes, de vous en soumettre quelques-unes. Ce sont des femmes qui
sont clientes dans plusieurs organismes qui sont membres chez nous, des femmes
qui sont absentes du marché du travail depuis un certain nombre
d'années, des femmes qui vivent souvent dans des conditions
précaires, sous le seuil de la pauvreté, qui éprouvent,
évidemment, des difficultés à intégrer le
marché du travail y ayant été absentes depuis fort
longtemps.
Ce sont des hommes également, des hommes âgés de 30
ans, de 45 ans et plus, qui sont parfois bénéficiaires de l'aide
sociale, sans emploi, évidemment, ou même sans revenu puisqu'il y
a des personnes qui sont sans revenu. Ces hommes sont souvent aussi soutien de
famille, donc vivent dans des conditions précaires au niveau
pécuniaire évidemment.
Des jeunes. Six organismes au sein de notre Regroupement sont
voués à la cause des jeunes, les jeunes de 16, 17 ans que l'on
nomme les décrocheurs scolaires, les jeunes de 18 à 29 ans qui
sont sans revenu ou, encore, sur l'aide sociale, qui sont souvent peu
scolarisés, qui ont assurément une grande détermination,
une grande volonté, une grande motivation à vouloir travailler,
mais pour qui ça représente certaines difficultés puisque
peu scolarisés parfois.
Ce sont aussi des handicapés physiques, intellectuels,
émotifs. Ce sont des anciens détenus, des personnes aux prises
avec des difficultés avec la justice, d'anciens toxicomanes ou
alcooliques. Il y a deux organismes qui oeuvrent auprès des
immigrés dans la région de Québec. Ce sont des gens tout
à fait ordinaires, comme vous et moi, qui ont perdu un emploi et qui se
retrouvent dans des clubs de recherche d'emploi. Vous voyez, on touche vraiment
un grand groupe, une grande représentativité de la population en
général.
En terminant, pour bien vous situer par rapport à ce qu'est le
Regroupement des organismes-travail, j'aimerais vous entretenir de
l'implication du Regroupement dans notre milieu. Le Regroupement des
organismes-travail est un regroupement qui est reconnu par les
différents partenaires du marché du travail, tel qu'écrit
dans l'énoncé de politique aux pages 25 et 26. On parle de la
reconnaissance des partenaires que sont le CREECQ, par exemple, qui est le
Comité pour la relance de l'économie et de l'emploi du centre de
Québec; le Regroupement des organismes-travail siège à
titre de représentant clientèles au sein du CREECQ à
Québec. Le Forum régional pour l'emploi, nous occupons
également un siège clientèle à l'intérieur
de cet organisme. La Table régionale d'information et de concertation en
éducation et main-d'oeuvre, la
TRICEMO, que vous connaissez sans doute, nous occupons également
un siège clientèle à l'intérieur de cette instance.
Le SRAR, le Secrétariat régional en accueil et
référence, nous occupons également un siège
clientèle à l'intérieur de cette instance. Finalement, il
y a la Table régionale d'échange sur la qualité des
services du MMSR elle-même, qui nous reconnaît comme étant
des interlocuteurs valables en occupant un siège clientèle.
Alors, vous conviendrez avec moi que la représentativité de notre
Regroupement n'est certainement pas à discuter.
Alors, je laisse ma collègue, Brigitte, vous présenter la
substance même de notre mémoire et, ensuite, on se prêtera
à l'échange.
Le Président (M. Philibert): Mme Thériault.
Mme Thériault (Brigitte): Merci. Dans le mémoire
qui vous est présenté, le Regroupement des organismes-travail de
la région de Québec vous exprime brièvement son
désaccord devant la non-reconnaissance comme partenaire d'une partie de
la population active, soit celle des travailleurs et des travailleuses sans
emploi, et, conséquemment, il s'inquiète, à juste titre,
des services que pourront recevoir ces personnes.
À la page 9 du document d'énoncé de politique, vous
affirmez que le développement de la main-d'oeuvre concerne l'ensemble de
la population active et qu'il n'exclut personne. Par contre, à la page
56 du document, vous reconnaissez aussi que les interventions de l'État
en matière de main-d'oeuvre doivent être orientées vers les
personnes en emploi. Donc, c'est là où on voit les
priorités. On se questionne, on dit: Comment prétendre destiner
une politique à l'ensemble de la population active du Québec
alors que, du même coup, on «priorise» la distribution de
programmes et de services aux personnes qui exercent déjà un
emploi? Cette orientation qui semble sous-tendre l'énoncé de
politique de développement de la main-d'oeuvre nous inquiète
grandement, d'autant plus que nos organismes travaillent essentiellement et
exclusivement avec des personnes qui n'ont pas d'emploi, donc qui, à
l'heure actuelle, ne sont pas actives sur le marché du travail, bien
qu'elles soient en recherche d'emploi. Donc, on peut dire que ce sont des
travailleurs, ou une main-d'oeuvre, qui désireraient travailler.
Ces personnes-là aussi, si elles ne sont pas en emploi, c'est
qu'il y a un manque chronique d'emplois au niveau de notre
société et ils sont aussi dans un contexte qui est structurel,
disons, et conjoncturel, une structure et une conjoncture économiques
qui sont difficiles. Quand je parle à la fois de structure... On a dit:
La conjoncture n'est pas favorable, on va attendre, le marché de
l'emploi va revenir meilleur et les gens vont se remettre à trouver du
travail. On sait très bien que, de 1982 à 1990, la conjoncture
s'est améliorée, mais disons que les emplois n'ont pas
nécessairement été créés, le taux de
chômage est resté élevé. Ce qui nous amène
à conclure qu'aujourd'hui on parle probablement plus de conjoncture du
marché du travail qui est non favorable, donc, ce qui va faire en sorte
que les gens qui, maintenant, accèdent au marché de l'emploi vont
accéder à des emplois qui sont dits précaires, et
précaires dans le sens où on va occuper notre emploi environ six
mois, des fois trois mois, des fois deux semaines, et on va être mis
à pied parce que l'employeur n'a plus besoin de nous autres
temporairement; des emplois qui sont non syndiqués, majoritairement,
pour ne pas dire exclusivement pour notre clientèle; et, souvent, des
emplois qui sont mal rémunérés, où les conditions
de travail aussi sont exécrables et où, majoritairement, les
normes minimales du travail ne sont pas respectées. On en profite pour
passer le message.
Donc, comme vous voyez, nos clientèles, on les maintient dans la
précarité à l'heure actuelle. Ces personnes-là,
bien sûr, il y en a plusieurs d'entre elles qui sont peu
qualifiées et leur manque de qualifications va contribuer, d'ailleurs,
à les déqualifier ou à les rendre inemployables en regard
du marché du travail. Ces gens-là, d'ailleurs,
désireraient retourner aux études pour améliorer leurs
chances d'employabilité, mais ils rencontrent différentes
difficultés qui font qu'ils ont, à toutes fins pratiques, peu de
possibilités d'accéder à certaines formations. Entre
autres, actuellement, on sait que les portes où aller frapper pour avoir
de l'information, pour être en mesure de s'inscrire à
différents programmes, sont nombreuses; et ça, ça
décourage plusieurs personnes, d'autant plus que, souvent, les
clientèles avec lesquelles on fait affaire ne sont pas des
clientèles très articulées. Ce sont des gens qui sont
capables d'exprimer leurs besoins, mais qui auraient éventuellement
besoin d'un bac pour être capables d'intégrer une formation et
d'exprimer réellement leurs besoins dans le contexte qu'on
connaît. (18 h 30)
Le délai d'attente aussi pour participer aux formations est
très long. Il y a des délais qui vont être d'un an. Donc,
ces personnes-là sont aussi en urgence au niveau de leur situation
financière; elles n'ont souvent pas le moyen d'attendre un an avant
d'accéder à une formation. Au moment où le poste ou le
siège leur est ouvert, elles ont changé d'objectif de
carrière ou elles ont réussi à occuper un emploi
temporaire. Leur survie première va passer avant leur formation. Elles
se voient aussi refuser l'accès à des formations parce qu'il y a
des sièges... Bon, je pense, entre autres, aux personnes qui sont sans
revenu. On est porté à croire que, dans notre
société, ces gens-là n'existent pas ou qu'ils sont chose
rare ou encore que, s'ils existent, c'est qu'il y a sûrement quelqu'un
quelque part qui est une bonne âme charitable et qui s'occupe d'eux
autres, qui leur donne l'argent pour subve-
nir à leurs besoins.
Je dois vous dire que ces dernières années,
particulièrement dans les cinq dernières années, une bonne
partie de la population du Québec s'est appauvrie. Il y a des gens qui
n'ont pas de revenus et qui sont totalement exclus du soutien financier de
l'aide sociale, qui ne peuvent pas avoir accès à
l'assurance-chômage parce qu'ils n'ont pas suffisamment travaillé,
qui se retrouvent dans des conditions où ils doivent être
hébergés par des connaissances, hébergés aussi par
des maisons d'hébergement temporaire, etc., et qui ont une urgence de
besoins financiers. Ces gens-là, quand ils vont demander accès
à des programmes de formation, souvent ne seront pas
«priorisés» parce qu'on réserve des sièges
à la fois à des clientèles qui sont prestataires de
l'assurance-chômage et prestataires de la sécurité du
revenu. Donc, souvent, ces clientèles-là sont
évincées de la possibilité d'être
formées.
Par la création des sociétés régionales, le
gouvernement compte instaurer un point de services où seront
regroupés tous les services de première ligne en matière
de main-d'oeuvre. Bon, c'est une bonne idée, le guichet unique;
ça fait longtemps qu'on en parle et qu'on dit que les clientèles
devraient frapper juste à une même porte. Cependant, ce qu'on
constate, c'est que ce n'est pas la même mesure pour tout le monde. Quand
tu es prestataire de la sécurité du revenu, tu n'as pas le droit
à une porte, ça t'en prend absolument au moins deux: celle
où tu vas aller chercher ton chèque et où on va
évaluer ton besoin et celle où, peut-être, on y
répondra si la personne qui a évalué ton besoin juge que
c'est là où on devra répondre à la
société. Donc, dès lors, on réalise que le guichet
unique n'est pas, en tout cas, un programme universel, pour tout le monde.
Ce qu'on réalise aussi dans l'énoncé de politique,
c'est qu'il contribue à maintenir l'état actuel des choses quant
aux difficultés que rencontrent les personnes sans revenu dans
l'admissibilité aux programmes et services en matière de
développement de la main-d'oeuvre. On sait que la
«priorisation» de la main-d'oeuvre en emploi, si elle ne
s'accompagne pas d'argent supplémentaire, doit donc laisser supposer une
réduction des services pour les personnes sans emploi. Donc, on suppose
qu'à partir du moment où la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre dit que
les personnes «priorisées» dans les services seront les gens
en emploi, si vous n'injectez pas d'argent nouveau, ça veut dire que
l'argent qui pouvait éventuellement servir à ceux qui
étaient sans emploi va maintenant servir à ceux qui sont en
emploi. Donc, réduction possible de services pour ces
gens-là.
Par ailleurs, ce qu'on peut dire, c'est que pour les travailleurs qui
sont sans emploi l'ouverture qui est démontrée par le
gouvernement va se situer à la fois au niveau des prestataires de la
sécurité du revenu... Parce que vous élaborez dans votre
document qu'il y a des ouvertures, mais cette ouverture est assortie d'une
condition; c'est qu'il doit y avoir établissement de ce que vous appelez
des modalités de compensation financière pour les services que la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre serait appelée à rendre aux prestataires - en tout
cas, on en conclut - les prestataires doivent appartenir, j'imagine, au centre
Travail-Québec à ce moment-là. Cette pratique de
changement de dire: On est prêts à donner des services à
une clientèle qui appartient au voisin dans la mesure où elle
nous paie pour qu'on les donne, on sait que sur le terrain ça
crée des difficultés majeures pour nos clientèles et que,
souvent, ça ne répondra pas à leurs besoins.
Par ailleurs, le gouvernement se montre aussi ouvert à desservir
une autre catégorie de personnes sans emploi qui sont les prestataires
de l'assurance-chômage. Mais, encore là, c'est dans la mesure
où il pourra rapatrier les pouvoirs et les budgets
fédéraux. Est-ce à dire que les Québécois
prestataires de l'assurance-chômage demeureront une
propriété fédérale si ce dernier refuse de
transférer les pouvoirs? Donc, ce qu'on constate, c'est que les
clientèles sont vues par propriété. On est la
propriété d'un gouvernement si on est prestataire de
l'assurance-chômage; on est la propriété du MMSR si on est
prestataire de l'aide sociale. Par conséquent, c'est le
propriétaire qui doit déterminer l'urgence de nos besoins et des
services qu'on devra avoir. Vous constaterez là-dedans que les
travailleurs et les travailleuses qui sont sans emploi et sans revenu, eux,
n'ont pas, à l'heure actuelle, de propriétaire attitré.
Est-ce que la société sera son propriétaire?
D'autre part, il nous apparaît essentiel de soumettre à
l'attention de cette commission une lacune importante dans cet
énoncé de politique. En effet, comment peut-on actualiser une
politique de développement de la main-d'oeuvre sans y adjoindre une
politique de création d'emplois? Si on s'attaque essentiellement aux
personnes en emploi, ce n'est pas un problème en soi. Mais, si on vise
la main-d'oeuvre sans emploi, il importe que les gens que nous formons aient un
emploi pour appliquer la formation qu'ils ont reçue, sinon à quoi
bon les former? Vous savez, dans nos organismes on en rencontre des gens qui
ont suivi une formation dans un métier qui est dit en pénurie,
qui a été identifié formellement en pénurie par le
milieu de l'éducation, par la CFP. Ces gens-là ne peuvent pas
exercer leur métier parce qu'ils ne peuvent pas avoir leur carte de
compétence pour l'exercer. On a eu un exemple très flagrant, il y
a quelques semaines, des menuisiers-charpentiers dans la région de
Québec, qui ne peuvent pas avoir leur carte de compétence bien
qu'ils soient formés. Donc, ça, c'est une réalité
à l'heure actuelle avec laquelle on compose au niveau des
clientèles. Probablement que la pénurie a changé
entre le début du cours et la fin du cours et ça fait que
le métier n'est plus en pénurie, en tout cas il a dû se
passer de quoi sûrement pour ne pas qu'on ait les cartes de
compétence en main.
Par ailleurs, on réalise aussi que plusieurs clientèles
ont des formations techniques et se retrouvent sans emploi, parce qu'elles
n'ont pas leur place sur le marché du travail. Ces gens-là, ce
n'est pas parce qu'ils ne sont pas formés. On sait maintenant qu'il y a
des diplômés universitaires qui sont prestataires de l'aide
sociale, on ne peut pas supposer qu'ils ont besoin de développer leur
employabilité ou leur formation. Le problème pour ces
gens-là, c'est qu'il y a un manque chronique d'emplois et qu'ils ne
peuvent pas exercer leurs compétences. Ce qui est triste dans notre
société, c'est que ces gens-là, parce qu'on ne met pas en
place une politique de création d'emplois, vont probablement,
bientôt, avoir des compétences qui seront totalement
désuètes et nous allons les rendre inemployables, alors
qu'aujourd'hui ils sont encore employables.
Le Président (M. Philibert): Je vous invite, madame,
à...
Mme Thériault: À conclure?
Le Président (M. Philibert): ...conclure. Il vous reste
deux minutes.
Mme Thériault: Deux phrases et je conclus. Dans ce
contexte, on déplore que le gouvernement décide d'exclure
volontairement toute une partie de la main-d'oeuvre comme partenaire, les
travailleurs et les travailleuses sans emploi. Quand on parle des partenaires,
c'est au niveau des décisions. On aimerait que les travailleurs et les
travailleuses sans emploi soient dûment représentés au sein
des sociétés. Mais on sait pertinemment que cette main-d'oeuvre,
si elle est reconnue partenaire, risque de bouleverser la structure car les
personnes sans emploi n'ont actuellement rien à perdre mais tout
à gagner.
A notre avis, cependant, si on veut que le Québec prenne le
virage adéquatement pour devenir compétent et compétitif,
il faut que soient considérés les intérêts de
l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise. Donc, à quand
le véritable partenariat? Merci.
Le Président (M. Philibert): Merci, madame. M. le ministre
de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Les organismes qui sont
membres du Regroupement des organismes-travail de la région de
Québec ont, si je comprends bien, une très bonne connaissance des
difficultés vécues par les personnes qui désirent
intégrer ou réintégrer le marché du travail.
L'énoncé de politique exprime la volonté du gouvernement
de rapatrier les budgets fédéraux qui sont alloués aux
mesures actives de main-d'oeuvre et de confier, en conséquence, à
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre l'ensemble des programmes de main-d'oeuvre. Estimez-vous que la
mise sur pied d'un tel guichet, la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, un
guichet unique, permettra de mieux répondre aux besoins de la
clientèle que vous desservez?
Mme Thériault: J'aurais tendance à vous relancer
par une question. Quand on parle de rapatriement des pouvoirs, on ne vous le
cache pas sûrement, les trois quarts des organismes communautaires qui
travaillent au développement de l'employabilité, à
l'insertion en emploi des clientèles sans emploi, sont, à l'heure
actuelle, financés par des programmes fédéraux. À
notre avis, la question est à se poser. Dans la mesure où les
programmes ou l'argent du fédéral sont
récupérés par le gouvernement du Québec, notre
inquiétude - et c'est la réponse qu'on aimerait obtenir - c'est:
Est-ce que les services que nos clientèles ont vont continuer à
être obtenus et est-ce que les organismes communautaires qui dispensent
très bien ces services-là vont continuer à pouvoir les
dispenser? Quand je parle de ces organismes, vous connaissez un peu Extension,
il y a aussi les OPFD, Intégration professionnelle, donc il y a quand
même de multiples formes de financement fédéral qui
pourraient être rapatriées et ce sont, en réalité,
des entités parce que ce sont tous des organismes dûment
incorporés qui bénéficient de ces financements-là
et qui oeuvrent auprès de clientèles sans emploi. Donc, je vous
relance par la question.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je dois
répondre à la question?
Le Président (M. Philibert): Ah! c'est vous qui allez
choisir.
M. Bourbeau: Dans la mesure où ces organismes-là ne
font pas double emploi, où il n'y a pas de superimposition des
programmes, où il n'y a pas de dédoublement de ce qu'on fait
déjà, nous, et que ces programmes-là sont utiles et
rendent des services à la population, je ne vois pas pourquoi on ne
maintiendrait pas ces services-là. Présentement, il y a deux
réseaux: vous parliez du réseau Extension; nous, on a des SEMO.
C'est sûr que, si on rapatrie tous les budgets fédéraux, on
va regarder l'ensemble de ces deux réseaux-là et on va s'assurer
qu'il y ait une harmonisation qui soit faite de façon à ce qu'il
n'y ait pas dédoublement, bien sûr.
Ceci étant dit, pour ce qui est du reste, l'opération n'a
pas pour but de permettre au gouvernement de récupérer des fonds
pour d'autres choses. Je pense qu'on a besoin de beaucoup de fonds publics pour
des fins d'adap-
tation de la main-d'oeuvre. Il s'agit simplement de s'assurer qu'il y
ait une meilleure cohésion entre les actions qui sont financées
par le gouvernement fédéral et celles qui sont financées
par le gouvernement du Québec. Alors, je vous repose la question.
Mme ThériauH: Je dois vous dire qu'au départ, dans
nos représentations régionales, le Regroupement s'est toujours
positionné en faveur d'un guichet unique. Ce qu'on dit, c'est que les
clientèles ont besoin d'avoir une porte et une seule porte où
aller frapper quand elles ont besoin de services en regard de leur insertion
sur le marché du travail ou de la formation professionnelle. En ce sens,
il y a une tentative qui a été faite par le biais des CRA,
où ce service était un service de première ligne
d'information au niveau des programmes d'insertion en emploi et des
différents programmes de formation qui étaient donnés dans
la région. Malheureusement, disons que cette initiative-là a,
d'une certaine façon, été récupérée
ou, dans certains milieux, n'existe plus parce qu'il y a eu changement au
niveau de la mesure accueil et référence.
M. Vachon: II n'en demeure pas moins qu'au niveau des programmes
subventionnés par le provincial, soit les SEMO, ces personnes-là
ne pourront pas se prévaloir du guichet unique de façon
prépondérante. Elles devront passer, en premier lieu, par le CTQ
où elles doivent aller rendre des comptes à leur agent et, dans
un deuxième temps, si possibilité il y a, elles pourront faire
affaire. Alors, nous, ça nous préoccupe grandement parce que
l'accessibilité à ce guichet unique pour cette
clientèle-là... d'aucune façon.
M. Bourbeau: Bien sûr, j'ai expliqué tantôt
qu'en ce qui concerne la clientèle de la sécurité du
revenu nous avons choisi de maintenir les mesures d'employabilité sous
la responsabilité du réseau Travail-Québec, en tout cas,
pour l'instant, pour une phase initiale, parce que, pour les raisons que j'ai
expliquées tantôt - je crois que vous étiez présents
quand j'en ai parlé - nous pensons que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre va avoir
beaucoup de boulot dans ses premiers mois, premières années,
même. D'abord, élargir le mandat des CFP actuelles à toutes
les mesures de développement de l'emploi, les responsabilités
nouvelles pourront comprendre tout ce qui aide à l'emploi, reclassement,
les comités d'adaptation, le placement, voilà des fonctions
nouvelles que les CFP n'occupent pas présentement, pour lesquelles elles
ne sont pas compétentes. - Déjà, ça va augmenter
passablement leur charge de travail et, en plus de ça, s'il y a
rapatriement des fonds fédéraux, d'abord il y aura beaucoup plus
de travail qu'avant, en ce sens qu'on va devoir augmenter le volume pour
prendre la relève du fédéral, et il y aura aussi la
question de l'assurance-chômage si tant est que le Québec se voit
confier la responsabilité de gérer le programme
d'assurance-chômage. Je pense que ça va faire beaucoup de boulot
pour la Société québécoise du développement
de la main-d'oeuvre, dans un premier temps, et je ne voudrais pas risquer
d'ajouter à ça, dans un premier temps, la clientèle de la
sécurité du revenu, enfin, comme responsabilité initiale.
J'aime autant laisser le réseau Travail-Québec, qui, lui, est
déjà établi, s'occuper de ça, quitte à faire
des contrats de services avec la Société québécoise
du développement de la main-d'oeuvre pour ce qui est de I
employabilité.
Je voudrais maintenant parler de la représentation au sein de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Vous revendiquez pour les travailleurs et les travailleuses sans
emploi des postes au sein du conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre ainsi qu'aux conseils régionaux. Maintenant, vous savez
que d'autres organismes qui sont venus ici ont aussi dans leur mémoire
demandé que les femmes, par exemple, les personnes salariées non
syndiquées, les autochtones, les personnes immigrantes, les personnes
handicapées soient aussi représentés au conseil
d'administration ainsi qu'aux conseils régionaux. J'aimerais que vous me
disiez ce que vous pensez de cette proposition d'inclure tous ces
groupes-là à la Société
québécoise.
M. Vachon: C'est bien évident qu'on n'est pas contre le
fait que les femmes, les minorités visibles et tous ceux dont vous avez
parlé soient représentés. Il n'en demeure pas moins que
ça ne nous assure pas que ces gens-là sont des personnes sans
emploi. Ce n'est pas évident que, si vous reconnaissez un siège
à ces personnes-là, elles vont représenter, elles, les
personnes sans emploi. Alors, à ce compte-là, pour nous, c'est
bien clair qu'il y a comme une insatisfaction s'il n'y a pas un poste, un
siège qui est voué uniquement et essentiellement à une
personne sans emploi ou à un regroupement de personnes qui
représente les sans-emploi. (18 h 45)
M. Bourbeau: D'après vous, qui devrait représenter
les personnes sans emploi?
M. Vachon: Excellente question.
Mme Thériault: La proposition qui a été
faite, à l'heure actuelle, dans le mémoire, c'est à
l'effet qu'il y a un réseau qui est organisé et qui travaille
auprès des personnes sans emploi. C'est sûr que c'est le
réseau des organismes communautaires. Nous nous croyons des partenaires
tout aussi valables que le milieu syndical ou patronal pour représenter
ces gens-là parce que nous sommes un réseau organisé, au
départ, et aussi parce que vous avez devant vous une
application régionale du partenariat où, comme
Regroupement des organismes-travail, nous sommes considérés par
les partenaires syndicaux et patronaux, et aussi gouvernementaux, comme
étant des porte-parole très valables des personnes qui sont sans
emploi. Donc, si le terrain nous reconnaît, je me demande pourquoi ce ne
serait pas applicable à un niveau national.
M. Bourbeau: Vous, vous êtes de la région de
Québec.
Mme Thériault: Oui.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a un réseau semblable, un
regroupement semblable dans chacune des régions du Québec?
Mme Thériault: Non. À l'heure actuelle, nous sommes
le seul regroupement. L'innovation s'est faite à Québec, mais on
peut vendre des franchises, si ça vous intéresse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Alors, comment devrait-on procéder pour
choisir le représentant ou la représentante des sans-emploi dans
les autres régions du Québec?
Mme Thériault: J'aurais tendance à vous dire, M. le
ministre, que cette question vous revient. Vous avez vous-même
décidé de la procédure pour choisir les
représentants patronaux et syndicaux, j'imagine que vous pourriez
décider de la procédure pour choisir les représentants des
sans-emploi.
M. Bourbeau: C'est parce que les syndicaux et les patronaux, ils
sont organisés, eux. Alors, c'est facile; ils ont des structures.
Mme Harel: II y en a eu une proposition. L'ICEA vous en a fait
une.
Mme Thériault: Oui, vous en avez sur la table d'ailleurs,
des propositions.
M. Vachon: J'aimerais rajouter à cela qu'il y a des
regroupements...
Mme Thériault: Nationaux.
M. Vachon: ...qui sont faits par catégorie de promoteurs,
en ce sens qu'il existe des associations de SEMO, il existe le regroupement des
OPFD, l'association des programmes Extension. Ce sont là des structures
bien organisées qui sont représentatives des organismes
voués à l'intégration des sans-emploi.
Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé, M.
le ministre. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance
avec intérêt de votre mémoire. Vous étiez là
au moment où nous avons échangé avec le groupe qui vous a
précédés, RESO, des mêmes questions, finalement, que
vous abordez dans votre présentation. Vous nous mentionnez les
différents organismes où vous siégez comme Regroupement,
notamment la Table régionale d'échange sur la qualité des
services du MMSR-FP. C'est une table qui a été mise sur pied
à l'initiative du ministère?
Mme Thériault: Exactement. M. Vachon: Depuis
peu.
Mme Harel: C'est vraiment une table dont je n'avais jamais
entendu parler jusqu'à maintenant. Est-ce qu'elle existe dans d'autres
régions du Québec?
Mme Thériault: Oui. Bien, selon ce qu'on en connaît
naturellement, elle est supposée avoir été
implantée dans chacune des régions où il y a un bureau
régional du ministère et il est supposé y avoir aussi une
table nationale d'échange.
Mme Harel: Ah oui! d'accord. À ce moment-là...
Mme Thériault: Donc, nous, nous avons un
représentant officiel sur la Table d'échange de Québec
Rive-Nord, et nous avons des membres du Regroupement qui siègent sur la
Table d'échange de la Rive-Sud de Québec.
Mme Harel: Moi, je vous félicite d'être venus devant
la commission présenter un mémoire parce que les sans-emploi,
étant donné qu'ils ne sont pas organisés, c'est d'autant
plus difficile d'entendre leur voix. J'aurais souhaité que le Front
commun des personnes assistées sociales puisse venir présenter un
mémoire. Par ailleurs, le peu de ressources financières, le peu
de ressources humaines à leur disposition ne les amène pas
toujours à pouvoir être partout où il serait souhaitable
que la voix des personnes qu'ils représentent soit entendue. Alors,
c'est d'autant plus important qu'un regroupement comme le vôtre puisse,
finalement, venir parler, d'une certaine façon, comme un partenaire qui
rappelle sa présence au ministère.
Il y a un élément de votre mémoire, je crois que
c'est à la page 7, sur lequel j'aimerais revenir. Vous dites que le
ministère «reconnaît par ailleurs que les interventions de
l'État en matière de main-d'oeuvre doivent être
orientées davantage vers les personnes en emploi.» On peut avoir
cette impression-là de prime abord, après une première
lecture, mais le fait est que les personnes en emploi mais dans des emplois
précaires, à temps partiel, ou dans des emplois dans des
secteurs qui ne sont pas parmi ceux désignés dans les grappes
industrielles ou dans des secteurs qui n'auront pas de plan de ressources
humaines ou des personnes qui ne sont pas désignées dans les
plans de ressources humaines de leur entreprise, une caissière, une
réceptionniste, une téléphoniste, un chauffeur de taxi,
enfin, on pourrait en nommer... Ce million d'activités pour lesquelles
il y a des employés, mais qui ne sont pas nécessairement des
personnes en pénurie d'emploi ou des personnes dans des secteurs
d'activité en licenciement, etc., elles n'ont pas plus que les personnes
sans revenu une offre de formation. J'ai l'impression que c'est important de ne
pas les oublier aussi, parce que c'est une partie de la main-d'oeuvre qui va
avoir le message de l'importance de la formation professionnelle, qui va le
prendre au sérieux, puis qui va se retrouver le bec à l'eau pour
à peu près, finalement, tous les projets qu'elle pourrait avoir
et qui va en ressentir beaucoup beaucoup d'amertume. Parce que c'est souvent
une personne qui se dit: Bien, moi, je ne peux quand même pas attendre
d'avoir perdu ma job pour essayer de m'améliorer. Alors qu'il n'est dans
aucune des filières que rend admissible la couleur du chèque,
puis qu'il n'est pas non plus dans aucune filière de pénurie
d'emplois ou de secteur qui est exposé à la mondialisation des
marchés et pour lesquels on est prêts à rendre la
compétitivité plus élevée... En fait, vous savez,
la majorité de nos concitoyens qui prennent au sérieux ce qu'ils
entendent, mais qui, finalement, ont l'impression que c'est des mirages qui ne
mènent à rien. J'imagine que ça, ce n'est pas les
clientèles qui font affaire avec vos services, hein? C'est ce que je
dois constater.
Mme Thériault: Moi, j'aurais tendance à vous dire
que le marché que vous nous décrivez, c'est un peu le
marché auquel nos clientèles auront accès
éventuellement. Quand on parle de ces emplois-là qui sont:
caissier, caissière, vendeur, vendeuse, commis d'entrepôt, et
compagnie, quand je vous parlais de toute la précarité du
marché du travail, c'est l'accès actuel. C'est là
où on peut se trouver un emploi, aussi précaire soit-il, pour
être capable de mettre du beurre sur notre pain. Donc, c'est la
réalité aussi de nos clientèles parce que c'est là
qu'on vise qu'elles aboutissent éventuellement.
Mme Harel: Vous voyez, ça, c'est 40 % des nouveaux emplois
qui sont créés qui sont à temps partiel. Mais il est peu
probable qu'une entreprise va utiliser un crédit d'impôt à
la formation ou va utiliser ce genre d'instrument pour pouvoir former ces
clientèles-là. Alors, moi, je crains toujours, dans une
société où on brandit des objectifs que l'on vend, en
fait, au sens le plus littéral du terme, et que les gens ne peuvent pas
acheter parce qu'à un moment donné ce n'est pas accessible, je
crains toujours cette espèce, je dirais, de désespoir qui vient
du fait de l'inac-cessibilité, parce que des gens s'imaginent que c'est
accessible aux autres et que ça ne l'est pas... En fait, ils ne peuvent
pas toujours être placés pour se rendre compte que ce n'est pas
accessible à la majorité, mais ils s'imaginent que c'est
accessible à d'autres et pas à eux, ils ont un sentiment
d'injustice, de ressentiment, et ça, je trouve que ça peut
être très très inquiétant, finalement, comme,
disons, aggravation de la déception que les gens ont par rapport
à ce qu'il est possible pour eux d'envisager pour améliorer,
finalement, leur situation.
M. Vachon: J'aimerais vous faire part d'une crainte que l'on vit
quotidiennement depuis qu'on a pris connaissance de l'énoncé de
politique. Je ne sais pas si vous pourriez répondre pour le ministre.
Vous allez me dire sans doute que non. Peut-être que lui pourra
répondre. Le fait qu'il n'y ait pas de reconnaissance de cette
main-d'oeuvre qui est potentiellement présente et avec laquelle, nous,
on vit quotidiennement, ça nous fout un peu les jetons de voir qu'encore
une fois on va prendre les 7000 personnes de la région de Québec
- ce qui est 15 %... de la populace au niveau provincial, alors faites le
calcul pour le plan national - et on va dire à ces gens-là: Vous
ne serez pas reconnus dans les décisions qui seront prises lorsque
viendra le temps de décider des orientations politiques nationales au
niveau de la Société de développement de la main-d'oeuvre.
La définition de la main-d'oeuvre. Vous la définissez comment la
main-d'oeuvre au Québec? Nulle part on a retrouvé ce qu'est la
main-d'oeuvre comme définition. Nous, on présuppose, on
prétend que les gens qui sont sans emploi sont des gens potentiellement,
évidemment, employables, donc qui font partie de la main-d'oeuvre. Mais
quelle place on leur reconnaîtra dans cette
Société-là lorsque viendra le temps de prendre les
décisions avec les patrons et les syndicats qui, eux, évidemment,
vont prêcher pour leur paroisse, à juste titre? Quelle voie ces
gens-là auront-ils? Nous, ça nous pose de grandes questions.
Mme Harel: J'imagine qu'on vous répondra: À ce
moment-là, ils peuvent se tourner du côté du
ministère de l'Éducation. Est-ce que vous avez des
clientèles qui vont... parce que, au ministère de
l'Éducation, évidemment, je sais bien que la réponse qu'on
nous donne, c'est qu'il faut quasiment être un étudiant
régulier, comme un jeune à temps plein, pour que ce soit un peu
simple de rentrer là-dedans, sinon ça devient assez
compliqué, surtout en formation professionnelle. Je regardais les
chiffres pour l'an dernier; il y a 4425 bénéficiaires de l'aide
sociale qui ont pu suivre les cours de formation professionnelle donnés
par le ministère de l'Éducation, à temps plein, sur 225
000 bénéficiaires aptes qui ne sont
pas dans les non-disponibles. C'est, théoriquement, des gens qui
auraient pu aller chercher un niveau de qualification professionnelle. Or,
c'est infime. C'est quoi? Ce n'est pas...
M. Vachon: Êtes-vous en train de nous dire que ces
gens-là devraient s'en remettre à la
représentativité du ministère de l'Éducation pour
faire valoir leur point de vue lorsqu'il sera temps de planifier et de
décider des orientations que prendra le développement de la
main-d'oeuvre au Québec?
Mme Harel: Non, pas du tout, mais ce que je veux simplement
constater comme vous, c'est qu'en les laissant dans les mesures
d'employabi-lité, les mesures d'employabilité sont
gérées par le ministère de l'Éducation... En fait,
pas gérées, excusez-moi, je m'exprime mal. Les mesures
d'employabilité, à part celles qui sont de la nature que l'on
connaît, mais celles qui donnent une formation, Rattrapage scolaire,
à l'intérieur duquel il peut y avoir une formation
générale ou une formation professionnelle, ça c'est sur
les budgets du ministère de l'Éducation, tandis que les autres
mesures que la Société va offrir vont être des mesures de
formation continue, des mesures main-d'oeuvre, si vous voulez, de Formation sur
mesure plus. Ça fait une différence - tantôt, vous
l'exprimiez très très bien, c'est la première fois que je
la vois si bien illustrée - ça dépend qui est votre
propriétaire.
Alors, là, j'imagine qu'il faudrait faire des arbitrages entre le
ministère de la Main-d'oeuvre et le ministère de
l'Éducation pour aller chercher ces sommes-là, ou aller les
chercher au RAPC peut-être, au Régime d'assistance publique du
Canada. Mais vous savez que le RAPC se fait tirer l'oreille pour tout ce qui
est innovation en termes de pleine activité des personnes
assistées sociales. Par exemple, PAIE n'est toujours pas partagé;
APPORT n'est toujours pas partagé. À ce que je sache, SEMO, sauf
pour des catégories bien particulières comme personnes
handicapées, n'est toujours pas partagé par le Régime
d'assistance publique du Canada, qui partage pour la moitié des sommes
à dépenser en matière d'aide sociale, mais qui n'est pas
très intéressé à partager quand les gens sont en
activité, parce que c'est supposé être des personnes qui,
finalement, sont sans activité qui sont soutenues. Ça confirme
juste ce que vous dites. C'est que, finalement, il y a des arbitrages qui ne se
sont pas faits entre les propriétaires des différentes
clientèles. Mais, au bout de la ligne, ce qui va arriver, c'est que,
finalement, les gens sont entraînés dans des filières, non
pas en fonction de leurs besoins, en fonction du fait qu'il y a quelqu'un qui
finance, qui est différent de celui qui les introduit dans la
filière.
Mme Thériault: Je pense que les travailleurs et les
travailleuses sans emploi auront véritable- ment réponse à
leurs besoins le jour où ils seront leur véritable
propriétaire et ce, peu importe le chèque qu'ils ont dans leur
poche. Ce qui est désolant, c'est que la première chose qu'on
fait à l'heure actuelle, c'est d'identifier à qui ils
appartiennent avant de donner un service.
M. Vachon: Je n'étais pas là quand M. Béland
a parlé, mais semble-t-il que M. Béland a parlé de la
responsabilisation des individus. J'ose espérer que vous saurez
reconnaître que ces gens-là sont capables de se responsabiliser.
La preuve, ils viennent chez nous, ils viennent se prévaloir des
services qu'on leur offre et tout ce qu'ils demandent, ces gens-là,
c'est d'être reconnus également lorsqu'il est temps de prendre des
décisions.
Mme Harel: En fait, M. Béland parlait plutôt de la
responsabilisation de ceux qui sont déjà désignés
comme allant faire partie de la Société, pour avoir plus de
pouvoirs que ceux que le ministre veut leur confier. Mais il ne parlait pas
d'un quatrième partenaire.
M. Vachon: Alors, vous ajoutez d'autant plus à
l'argumentation qu'on souhaite apporter à cette commission.
Mme Harel: Mais vous pouvez peut-être le rencontrer pour le
convaincre.
M. Vachon: En fait, je pense que c'est vous, les
décideurs, qui devez être convaincus.
Mme Harel: Oui. J'espère que le ministre le deviendra
puisqu'il y a, malgré tout, une évidence qui s'impose. On ne peut
pas s'inspirer juste des modèles européens parce que les
organisations patronales et syndicales ne correspondent pas à la
même représentativité que dans ces pays-là.
Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre, est-ce que
vous avez des considérations pour la fin?
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. On termine cette
journée, à 19 heures, en remerciant le Regroupement des
organismes-travail de la région de Québec pour un mémoire
intéressant qu'on a eu l'occasion de discuter. Je peux vous dire que ce
que vous nous avez dit, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. On
va mettre ça avec les autres recommandations qu'on a eues et on va
tenter de dégager de tout ça des décisions qui,
certainement, iront dans le sens de l'intérêt de la main-d'oeuvre
québécoise, y compris celle
qui est sans emploi et dont on doit s'occuper aussi, qui doit être
entendue. Maintenant, je ne sais pas si on va pouvoir en arriver à faire
un siège spécifique pour cette clientèle-là. Ce
n'est pas impossible. On va rediscuter de tout ça quand on aura fini
d'entendre le point de vue de tout le monde. Je vous remercie beaucoup et bon
retour à la maison.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Alors,
au nom des membres de la commission, je vous remercie et j'ajourne les travaux
à demain, mercredi, 26 février, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 19 h 2)