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(Neuf heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Marcil): Nous allons reprendre nos
travaux, en mentionnant que cette commission se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
audiences publiques sur le document de consultation intitulé
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Cardinal
(Châteauguay) est remplacée par M. Maltais (Saguenay); M. Joly
(Fabre), par M. Doyon (Louis-Hébert); et M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Térhiscamingue), par Mme Harel
(Hoche-laga-Maisonneuve).
Centrale des syndicats démocratiques
Le Président (M. Marcil): Bon, c'est bien, ça. On
vous souhaite la bienvenue à cette commission.
Ce matin, comme premier groupe, nous allons entendre la Centrale des
syndicats démocratiques, représentée par M. Claude
Gingras, le président. M. Gingras, on vous souhaite la bienvenue
à cette commission parlementaire. Si vous voulez nous présenter
les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, procéder à
l'énoncé ou à l'explication de votre mémoire pour
environ 15 minutes. Ensuite, on procédera aux échanges.
M. Gingras (Claude): Très bien, M. le Président.
Alors, membres de la commission parlementaire, M. le ministre, bien sûr,
je pense que c'est une occasion tout à fait spéciale pour la CSD
de témoigner devant cette commission qui est chargée justement de
l'étude d'un projet aussi important que celui qui touche la formation de
la main-d'oeuvre. Dieu sait que c'est un projet qui était très
attendu dans les milieux de travail, un projet qui, je pense, est très
important pour l'avenir compétitif du Québec, on ne le dira
jamais assez. Je pense d'ailleurs qu'on devrait dire, dès le
départ, qu'on a peut-être un petit retard à
récupérer dans ce domaine.
La politique de la main-d'oeuvre déposée par le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle était, en un mot, très attendue.
Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la formation et la
qualification professionnelle de la main- d'oeuvre, en 1968, les gouvernements
qui se sont succédé, tour à tour, ont annoncé la
parution prochaine d'une véritable politique de la main-d'oeuvre.
Cependant, c'est près de 25 ans plus tard qu'on peut se réjouir
de la décision du gouvernement actuel de rendre public un
énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre.
La CSD constate avec satisfaction que celui-ci s'appuie sur d'importants
principes auxquels elle adhère sans hésitation. Bien sûr,
la création d'un guichet unique et spécialisé pour les
politiques et programmes de main-d'oeuvre, un meilleur arrimage entre les
besoins du marché du travail et les programmes de formation et
d'éducation offerts, l'implication des partenaires dans la gestion,
l'élaboration et l'évaluation des programmes et des politiques,
la simplification des programmes et l'amélioration de l'accès
à ceux-ci pour les entreprises, les travailleuses et les travailleurs de
même que pour les chômeurs, et le développement d'une
culture de la formation sont des éléments essentiels d'une telle
politique. La CSD accueille avec satisfaction, bien sûr, l'utilisation de
ces principes pour établir la base ou les balises de l'intervention en
matière de main-d'oeuvre pour l'avenir.
Malgré cette approche intéressante, l'énoncé
de politique et le projet de loi 408 posent de nombreuses interrogations. Sans
remettre en question la pertinence, tant de l'énoncé que du
projet de loi, la CSD estime que certains de leurs aspects doivent être
précisés, bonifiés ou encore modifiés pour
s'assurer que la réforme proposée serve pleinement les objectifs
poursuivis par les partenaires impliqués. D'une part, la nouvelle
structure de gestion proposée n'a pas de racine apparente dans les
milieux de travail. Voilà ce qui, pourtant, devrait être la base
même de cette réforme. La structure provinciale proposée a
des ramifications aux niveaux régional et sectoriel. Cependant, la
politique reste muette sur la place des milieux de travail et le lien entre
ceux-ci et la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre ou les sociétés
régionales proposées dans le projet de loi.
Pour la CSD, il s'agit là, bien sûr, de la principale
faiblesse de la politique et du projet de loi. Ses expériences des 20
dernières années lui ont permis de constater que les vrais
changements doivent s'ancrer dans le quotidien et, bien sûr, avec la
participation très étroite des travailleuses et des travailleurs.
Les politiques gouvernementales n'ont un effet positif que si elles viennent
supporter les efforts des gens qui sont dans les milieux de travail et qui
oeuvrent
au service du changement.
Alors, sur ce, je voudrais vous présenter, quand même, les
gens qui m'accompagnent. Le confrère, le trésorier de la CSD, M.
Serge Tremblay qui, actuellement, est ici à Québec, à
notre siège social; M. Louis Tremblay, qui est au Service de recherche
de la CSD, est à ma gauche; à mon extrême gauche, M.
Bernard Labelle, qui est actuellement au Service de la main-d'oeuvre et qui,
dans les milieux de travail, oeuvre constamment, justement, sur des CAMO et
d'autres comités de relance des entreprises. Bien sûr, ces
personnes, c'est des personnes qui ont une expérience-terrain, qui
travaillent continuellement dans des dossiers particuliers de formation et de
relance d'entreprises, et dans des comités, justement, pour vraiment
refaire les plans d'affaires des entreprises. C'est des gens qui sont
associés constamment au développement de programmes ponctuels
dans les milieux de travail.
Alors, l'accessibilité aux programmes, bien sûr, est la
seconde question qui nous préoccupe et qui doit être
traitée plus clairement au coeur de la réforme qui est
proposée. Nos expériences dans les entreprises nous enseignent,
là encore, quelques leçons sur la difficile réalité
vécue par les travailleuses et les travailleurs et les conditions
requises pour qu'ils puissent se prévaloir des programmes de
main-d'oeuvre tout en conservant leurs emplois. Souvent, ils sont les victimes
des restructurations industrielles et de la mondialisation des marchés
parce qu'ils n'ont pas un véritable accès aux programmes de
formation. Parler d'accessibilité, bien sûr, c'est aussi et
surtout se rapprocher de la réalité des travailleuses et des
travailleurs.
Une autre interrogation subsiste quant à la
nécessité reconnue de revaloriser les métiers et les
techniques par l'élargissement du programme d'apprentissage, consacrant
ainsi, notamment, l'échec d'une approche technocratique poursuivie par
le ministère de l'Éducation. Cette approche des technocrates de
la Révolution tranquille a grandement contribué à la
dévalorisation des métiers au profit de la formation
générale aux niveaux secondaire et collégial.
Curieusement, le constat de l'échec de cette approche provient
aujourd'hui de la même institution, nommément le gouvernement, qui
se propose de mobiliser aujourd'hui les partenaires.
S'il est vrai que l'amélioration du régime d'apprentissage
doit se faire avec la participation accrue des partenaires pour mieux
répondre aux besoins des milieux de travail, il faudra également
réviser l'approche dans sa globalité. La structure administrative
proposée constitue sûrement une amélioration par rapport
à la situation actuelle. Cependant, comme pour toute structure, il faut
s'inquiéter de ce qu'elle peut provoquer comme effets pervers:
l'uniformisation des façons de faire et la standardisation des
programmes sont au nombre de ceux-ci. Il faut aussi parler, bien sûr,
à ce moment-ci, de la centralisation qui peut résulter d'un tel
exercice si on n'est pas très vigilant, et de l'absence de moyens
véritables pour vraiment prendre en charge les défis que
représente justement une réforme comme celle-là. Il faut
s'assurer qu'il y aura une place pour l'innovation et le respect des
particularités vécues dans les milieux de travail.
Un cinquième programme, en vertu de ce que je viens
d'énoncer, devrait s'ajouter aux programmes proposés et
encourager cette nécessaire innovation qui se fait bien souvent en marge
de ce qui demeure la source des grandes réalisations. Et ça, il
faut insister là-dessus, M. le Président, membres de la
commission, souvent, quand on a atteint de nouveaux résultats, c'est
qu'on a pu mettre de l'avant certaines expériences qui sortaient des
cadres traditionnels et qu'on a pu travailler dans certains cadres qui ne sont
pas nécessairement des cadres très rigides et qui laissent de la
place à l'innovation. Or, je pense que toute réforme doit
permettre, justement, de poursuivre des expériences de ce type qui,
malheureusement, jusqu'à présent, étaient surtout
initiées par les programmes du gouvernement fédéral.
Ça, on est obligés de se le dire entre nous, ici,
aujourd'hui.
La fin du dédoublement de l'intervention des gouvernements du
Québec et d'Ottawa dans le champ de la main-d'oeuvre est certainement
une condition sine qua non pour que la politique de la main-d'oeuvre soit un
réel succès. Il est évident, toutefois, que le
rapatriement des programmes et des budgets risque d'être pénible,
complexe et difficile. Ce rapatriement devra être fait de façon
ordonnée et dans le respect de certaines conditions préalables
quant à l'utilisation ultérieure par le Québec des sommes
actuellement dépensées par le gouvernement fédéral
en matière de main-d'oeuvre. Il va sans dire que cette transition n'est
pas sans poser bon nombre d'interrogations.
D'autres dédoublements, administratifs, ceux-là, existent
au Québec. D'une part, il y a le ministère de l'Éducation,
celui de l'Enseignement supérieur et de la Science, celui de la
Main-d'?uvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle et leurs réseaux respectifs qui vivent de multiples
chevauchements dans leurs interventions et dans les services offerts à
la population. La situation est aussi, parfois, confuse au niveau de leurs
pouvoirs et de leur juridiction. Il faut absolument éliminer les vaines
querelles de clocher et les guerres de pouvoir que l'appareil
techno-bureaucratique nous impose inutilement. Il en est de même des
interventions des ministères à vocation sectorielle, tels les
ministères de l'Industrie et du Commerce, de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, de l'Énergie et des Ressources et
le ministère de la Main-d'oeuvre qui cherchent de plus en plus,
isolément, à regrouper les par-
tenaires économiques à des tables sectorielles. S'il est
vrai qu'on doit prêcher par l'exemple, il est temps de faire nos devoirs
au Québec. Sur cette question, le projet gouvernemental apparaît
bien timide.
Au coeur du projet de loi et de la politique proposée, il demeure
plusieurs ambiguïtés quant aux mandats et aux relations qu'auront
les composantes de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Par exemple, quelles seront les
relations entre les comités sectoriels, les conseils régionaux et
les comités consultatifs régionaux? De plus, que signifient les
termes «associations de salariés» et
«représentatives»? Quels seront les modes de nomination aux
diverses instances? Autant de questions qui doivent trouver une réponse
avant leur création. la nouvelle structure créée par le
projet de loi se doit d'innover dans la gestion des ressources humaines afin de
donner l'exemple aux entreprises auxquelles elle offrira des services. sa
gestion doit être propice à développer une culture
organisationnelle originale et avant-gar-diste. force nous est de constater que
les structures actuelles de la fonction publique ne nous ont pas toujours
habitués à une telle culture.
Enfin, le gouvernement doit présenter un énoncé de
politique de développement de la main-d'oeuvre pour le secteur public
afin que la main-d'oeuvre de ce secteur soit en mesure d'offrir les services
qu'exigeront d'elle les entreprises et l'ensemble de la population.
La concertation et les milieux de travail. Bien sûr, les nouvelles
exigences pour les milieux de travail sont un changement de culture profond et
une nouvelle forme d'organisation du travail; une polyvalence et une
flexibilité accrues, tant des partenaires du milieu de travail que de
l'organisation et des modes de production; une amélioration de la
qualité aux différents niveaux de l'entreprise, tant dans sa
gestion que dans ses modes de production de biens et de services; un
accroissement de la productivité basé sur une définition
partagée par les partenaires de ce qu'est la productivité; une
réorganisation de la production pour qu'elle soit dynamique et
compétitive; une formation constante des travailleuses et des
travailleurs.
L'atteinte de ces exigences passe, bien sûr, par la
démocratisation des milieux de travail et par la reconnaissance des
travailleuses et des travailleurs comme partenaires à part
entière dans l'entreprise. Quand on parle de main-d'oeuvre et de
formation, l'une ne va pas sans l'autre. Quand on parle d'une approche globale
à la CSD, c'est que, déjà, on oeuvre dans les
différents CAMO et on a une vision élargie de l'entreprise,
partant du plan d'affaires, de ses besoins de main-d'oeuvre, de sa mission et
de ses orientations et, à ce moment-là, on peut définir
quels sont les besoins, à l'intérieur de cet outil qu'on appelle
les CAMO. Actuellement, c'est une façon de partager paritairement la
connaissance de la mission de l'entreprise et de ses besoins.
C'est un outil qui nous permet actuellement, dans plusieurs milieux de
travail, d'adapter une stratégie de productivité qui est
conforme, si vous voulez, à ce qui est le nouveau contexte dans lequel
doivent oeuvrer les entreprises. Si on doit éventuellement fournir des
services, il faudra s'assurer que dans les différents milieux de
travail, même si ce n'est pas par le biais des CAMO qu'on le fait, - eux
s'occupent d'une approche plus globale - qu'on compte au moins sur des
comités de formation en entreprise; des comités paritaires
où, dans chaque milieu de travail, on sera associés quand
même à l'établissement des besoins de formation, des
besoins de main-d'oeuvre et on connaîtra au moins un minimum
d'informations sur le projet de l'entreprise.
Bien sûr, il y a aussi l'ancrage de la Société de la
main-d'oeuvre avec les milieux de travail. Actuellement, on s'aperçoit
que la structure n'a pas tellement d'ancrage dans les milieux de travail. C'est
une structure qu'on met en place, mais qui n'a pas nécessairement de
ramifications directement dans les milieux de travail et n'a pas de liens
très étroits avec les milieux de travail. Nous, notre
prétention, c'est que le succès de toute structure qui sera mise
en place doit nécessairement passer par un lien très
étroit avec les milieux de travail et, ça, il faut qu'on
prévoie cette dimension d'une façon très claire dans les
orientations et dans le projet de loi comme tel, pour donner une place aux
milieux de travail et un lien très étroit avec ce qu'on
prévoit mettre en place avec la Société.
L'accessibilité à la formation. L'accès à la
formation pour les travailleuses et les travailleurs dans les entreprises du
Québec est un défi à relever. Que ce soit l'information
déficiente, la disponibilité de la formation, les
prérequis exigés, les horaires, les pertes de salaire, etc., ces
barrières se dressent sur le chemin et empêchent de profiter des
ressources existantes qui ne sont pas adaptées à leur
réalité. Le point de départ est une question de culture.
Or, une nouvelle culture doit viser, notamment, la recherche d'un haut niveau
de compétitivité de l'organisation pour améliorer la
productivité et la qualité; la reconnaissance de l'existence d'un
intérêt commun des uns et des autres dans la sauvegarde des
emplois; la reconnaissance du savoir-faire et de l'intelligence des
travailleuses et des travailleurs, de même que de leur volonté de
participer et de s'épanouir dans un milieu de travail valorisant;
l'établissement d'un partenariat efficace au sein de l'entreprise entre
la direction et les travailleuses et les travailleurs; le respect mutuel entre
les différents partenaires des milieux de travail; le
développement d'un esprit d'équipe plutôt que des relations
hiérarchiques de supérieurs à subordonnés; la
nécessité d'une flexibilité et d'une polyvalence pour
atteindre ces
objectifs, car une nouvelle culture doit viser autant les aspects
sociaux que techniques du travail. Ce premier changement est profond, car il
touche directement les valeurs véhiculées au sein de
l'entreprise.
Un second changement s'impose lui aussi et vise l'organisation du
travail: la qualité comme objectif premier pour la production;
l'introduction de nouvelles technologies pour augmenter la synergie entre le
facteur humain et le facteur technique et, par conséquent, la
compétitivité; la révision systématique des
méthodes de travail, c'est-à-dire la relation entre
opérateurs, opératrices et les outils et machines - cette
révision devra respecter l'intégrité physique et mentale
des personnes; l'amélioration de la gestion des différentes
ressources humaines, matérielles, financières de l'entreprise; le
développement d'une flexibilité et d'une polyvalence permettant
la transition vers la nouvelle organisation du travail. L'adaptation que l'on
vise par le développement d'une nouvelle culture et d'une nouvelle forme
d'organisation du travail doit se faire, certes, mais elle doit surtout
permettre de rétablir un climat de dialogue et de communication entre
les différents partenaires de l'entreprise, les travailleuses et les
travailleurs et les employeurs.
Bien sûr, quand on parle de la formation, c'est un des
éléments importants. Nous formulons beaucoup de recommandations
quant aux éléments importants que cette formation doit
privilégier et nous avons beaucoup d'attentes dans le cadre de ces
recommandations pour que, finalement, on en arrive à un projet de
structures en matière de formation professionnelle et à des
orientations qui nous permettent d'atteindre les objectifs
recherchés.
En conclusion, M. le Président et membres de la commission, nous
partageons les principes de base énoncés dans la politique de
développement de la main-d'oeuvre. La réforme permettra
d'améliorer les services rendus aux travailleuses et aux travailleurs.
Pour que cette réforme soit un succès, il est nécessaire
de rapatrier du gouvernement fédéral les sommes qu'il consacre
aux programmes de la main-d'oeuvre.
La politique proposée n'accorde pas une place suffisante au
rôle des milieux de travail. Pour la CSO, cette carence doit être
corrigée afin d'établir clairement le rôle
prépondérant des milieux de travail comme base pour le
développement de la main-d'oeuvre.
Nous soulignons que le développement des compétences de la
main-d'oeuvre sera possible si les conditions d'accès à la
formation sont améliorées pour les travailleuses et les
travailleurs, sinon l'accès à la formation restera l'affaire de
quelques-uns et ne touchera pas la majorité.
La Société québécoise de
développement de la main-d'?uvre qu'on propose doit s'engager
pleinement dans une approche globale d'interven- tion en entreprise. Cette
approche doit toucher toutes les fonctions de l'entreprise afin de
répondre aux exigences qu'elle rencontre sur les marchés
mondiaux.
Enfin, les relations entre les différents niveaux -
québécois, sectoriel, régional et local - de la
Société doivent être précisées pour s'assurer
que leur action ne se concurrence pas, mais plutôt qu'elle se
complète et se coordonne.
Nous souhaitons, M. le ministre et MM. et Mmes les membres de la
commission, que le gouvernement procède à la réforme
proposée en tenant compte des recommandations que nous formulons pour
lui permettre de mieux répondre aux enjeux qui justifient sa mise en
oeuvre.
Alors, je vous remercie. (10 heures)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
président de la CSD. Je vais reconnaître immédiatement M.
le ministre. Le partage du temps se fait comme ceci: 17 minutes de chaque
côté. Je vais faire en sorte de le respecter, parce qu'on a encore
deux autres groupes avant midi. Allez-y, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je reconnais en vous l'homme
de détail et de principes que vous êtes.
Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants de
la CSD. Je dois dire que c'est doux à mes oreilles d'entendre un langage
aussi positif que celui que j'entends ce matin. On doit avouer que les jours se
suivent et ne se ressemblent pas.
Nous avons devant nous un organisme qui siège de façon
régulière à la Conférence permanente sur la
main-d'oeuvre. Le président, M. Gingras, est un des membres fondateurs
de la Conférence et, je dois dire, un membre très actif. Je ne
crois pas qu'il ait manqué une seule réunion depuis le
début, et il est parfaitement informé de l'évolution du
dossier de la main-d'oeuvre. Parce qu'il s'agit bien du dossier de la
main-d'oeuvre, et nous avons devant nous des propositions, un
énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre.
Ça ne semble pas être compris par tout le monde, ce que
nous faisons ici, présentement. Dans le journal de ce matin, disons dans
Le Devoir, pour ne pas le nommer, on cite, par exemple, une
conférence de presse qu'a donnée hier la Chambre de commerce du
Québec, et on dit: «La Chambre s'explique mal et n'accepte pas que
la politique de formation professionnelle - déjà, là, on
voit qu'on ne se réfère pas à la bonne politique; alors
que, nous, on veut proposer une politique de développement de la
main-d'oeuvre, certains voudraient qu'on enclenche un grand débat de
société sur une politique de formation professionnelle - n'inclut
pas tout le champ de formation professionnelle offert dans le système
d'éducation.» Bien sûr, à partir du moment où
on pose ce principe-là, on nous
reproche amèrement de ne pas regarder de très près
l'enseignement professionnel, la façon dont c'est enseigné, le
contenu des cours, les régimes pédagogiques, les structures de
l'enseignement professionnel, etc, autant de débats que nous avons voulu
éviter pour nous concentrer sur les problèmes du marché du
travail. Et, bien sûr, on en profite aussi pour attaquer de plein fouet
la formation d'une société de développement de la
main-d'oeuvre qui serait le pivot de la politique en ce qui concerne la
livraison et la conception des programmes et des services.
Je voudrais demander aux gens de la CSD ce qu'ils pensent de cette prise
de position des chambres de commerce - je ne veux pas nommer un groupe en
particulier - de cette philosophie qui fart qu'on trouve regrettable cette
hâte. C'est drôle, parce que, en général, on accuse
les politiciens de se traîner les pieds alors que, dans mon cas, on me
dit que je veux aller trop vite. On dit: «II serait regrettable que cette
hâte nous contraigne à vivre ensuite dans une structure
bureaucratique qui risque de ne pas être véritablement
adaptée aux besoins.» Vous qui êtes des gens qui oeuvrez
dans le milieu du travail, peut-être plus que quiconque, qu'est-ce que
vous pensez de ce point de vue?
M. Gingras: Écoutez, M. le ministre, je pense que, quand
on vit actuellement dans les milieux de travail, la principale
préoccupation qu'on a, c'est de constater que nos ressources en
matière de formation professionnelle sont très peu
adaptées aux véritables besoins des milieux de travail.
Ça, c'est notre grande préoccupation.
Or, ceux qui tentent actuellement de retarder une réforme tout
à fait essentielle en matière de structures visant à
assurer les besoins de la main-d'oeuvre au Québec, je pense que c'est
des gens qui servent très mal l'intérêt des milieux de
travail à ce moment-ci. Parce que, écoutez, il faut être
dans les milieux de travail, il faut regarder les problèmes auxquels on
a à faire face actuellement pour, justement, bien comprendre tout ce qui
se passe, la dynamique qui se passe.
On est dans un contexte où la mondialisation est venue changer
les règles du jeu de façon très substantielle. On est dans
un contexte où la compétitivité devient de plus en plus
féroce et où, à un moment donné, les changements
organisationnels dans les entreprises se multiplient. En un mot, on est dans
une période de mutation très très substantielle et ce
qu'on a connu dans le passé est complètement interpellé de
façon constante parce qu'on s'aperçoit, premièrement, que
le principal problème avec lequel on est obligé de composer,
c'est une main-d'oeuvre qui est déjà dans les milieux de travail
et dont on s'est très peu soucié durant les années, une
main-d'oeuvre qui s'est très peu formée à ce qu'elle vit
comme période de transition à ce moment-ci. Je pense que si on
essaie de trop englober et qu'on essaie de régler tous les
problèmes au même moment, on va manquer le bateau.
J'ai l'impression qu'actuellement le Canada est en train de faire un
exercice substantiel pour essayer de s'adresser aux problèmes des
milieux de travail en matière de formation professionnelle et il est en
train de faire ses devoirs. Si le Québec n'agit pas rapidement, j'ai
l'impression qu'on va manquer le bateau. On va peut-être s'entendre sur
de belles politiques de formation professionnelle globales, de belles
orientations, mais les milieux de travail, pendant ce temps-là,
continueront d'avoir des problèmes et continueront probablement de ne
pas être compétitifs. On aura des problèmes de
déqualification de la main-d'oeuvre en place après avoir fourni
des années et des années de service dans ces
entreprises-là, et il n'y aura pas encore de ressource qui s'appliquera
à résoudre ces problèmes-là, des entreprises.
Or, actuellement, on est impliqué dans des programmes de
restructuration, de relance des entreprises. On est obligé de partir de
constats très sérieux. L'analphabétisme dans les milieux
de travail, la formation sur mesure, les phénomènes
d'introduction de nouvelles technologies qui, pour plusieurs, ne sont pas tout
à fait compatibles avec les formations qui existent dans les milieux de
travail, tout ça fait qu'on s'aperçoit actuellement que les
outils, les instruments qu'on a à notre disposition ne sont pas
satisfaisants. On est obligé, dans chaque milieu de travail,
pratiquement, d'inventer une solution originale pour se sortir de cette
situation-là. On s'aperçoit qu'on n'a pas, dans nos structures,
les équipements qu'il faut pour justement s'adresser à ces
mutations-là.
Alors, il est important qu'on trouve le moyen de réformer ce qui
existe et qu'on s'adresse aux véritables problèmes de formation
des milieux de travail pour qu'enfin les travailleurs de ces milieux-là
aient un message d'espoir qu'il y a des structures qui vont quand même
s'occuper de les rendre professionnellement plus capables d'assumer les
tâches nouvelles dans lesquelles ils vont être impliqués et,
deuxièmement, de leur procurer les outils essentiels pour le faire. Dans
ce sens-là, M. le ministre, je vous dis: il y a urgence, ici au
Québec, qu'on fasse quelque chose, qu'on change l'état actuel des
choses et qu'on s'adresse d'une façon très claire aux milieux de
travail pour corriger ce qui se passe, parce qu'on va avoir un retard qu'on ne
pourra jamais reprendre si on n'agit pas rapidement.
M. Bourbeau: En résumé, vous nous dites qu'il y a
des problèmes sérieux dans les milieux de travail, auxquels il
faut s'attaquer, et c'est ce que nous tentons de faire avec le document. Je
sais qu'il y a aussi des problèmes sérieux dans les milieux de
l'enseignement. Il va falloir qu'on
s'attaque rapidement aussi à l'enseignement, non seulement
à l'enseignement professionnel, mais à l'enseignement de
façon générale. Quant à moi, j'ai
préféré aller par étapes, pensant que «qui
trop embrasse mal étreint» et qu'il vaut mieux prendre les
dossiers un par un que de tenter de tous les prendre en même temps et de
n'en régler aucun.
Je voudrais revenir sur des points un peu plus précis. Vous avez
traité longuement dans votre mémoire des comités de
formation en entreprise. Le milieu de travail constitue, selon vous, le lieu
privilégié où le partenariat s'exerce, selon ce que vous
en dites dans le mémoire. Vous proposez donc de former des
comités de formation en entreprise pour tous les établissements
qui n'auront pas choisi de se doter d'un comité d'adaptation de la
main-d'oeuvre, un CAMO.
Une formule similaire est déjà utilisée dans le
domaine de la santé et de la sécurité au travail. Comment,
selon vous, s'apparente la formule que vous proposez à celle
utilisée dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail? Quelle est votre expérience avec de
tels comités? Comment, par exemple, peut-on s'assurer que ces
comités soient réellement en activité et qu'ils ne soient
pas tout simplement constitués pour satisfaire aux besoins
d'accès aux subventions gouvernementales? Et, d'après vous, y
aurait-il lieu d'établir des comités dans tous les secteurs, sans
égard au nombre d'employés, par exemple?
M. Gingras: Sur la question précise des comités
d'entreprise, pour nous, c'est une condition essentielle du succès de
l'opération. Actuellement, quand on fait des consultations auprès
de nos travailleurs qui travaillent dans les structures actuelles des CCR et
dans les structures de la Commission de formation professionnelle, le gros
problème qui existe, c'est la relation qu'ils peuvent avoir directement
avec les milieux de travail et les besoins des milieux de travail. Ces
gens-là sont appelés à oeuvrer pour essayer
d'établir ou de statuer sur les besoins en matière de formation
dans ces différentes instances-là, sans nécessairement
avoir un lien, sans nécessairement avoir une assise directe avec les
besoins des milieux de travail.
On s'aperçoit qu'il y a une espèce de problème pour
faire cheminer les véritables besoins et avoir un véritable
organisme de coordination des besoins en matière de formation qui
peuvent émaner des milieux de travail. Alors, on s'aperçoit que
ces gens-là vont là et, quand on les consulte, et tout ça,
ils nous disent: Bien, comment je suis capable de dire, moi, quand on me
regroupe à l'intérieur d'un grand secteur... Comment on est
capable de me demander, à moi, de donner une opinion sur les besoins en
matière de formation? On va prendre les aliments et le tabac, O.K. C'est
un beau grand secteur, et tout ça, mais le travailleur qui est dans
l'alimentation, dans le secteur du lait, en particulier, qui est obligé
de donner une opinion sur le tabac, il se dit: Écoute, c'est
peut-être trop élargi pour que je puisse donner une opinion quand
même correcte sur les besoins en matière de formation qui peuvent
exister dans une entreprise que je ne connais pas, même si je suis de ce
secteur-là. Alors, il y a un problème, à un moment
donné, de lien entre les besoins des milieux de travail qui,
actuellement, n'est pas assumé dans la structure. C'est pour ça
que, nous autres, on insiste beaucoup sur le fait que toute structure qui va
viser à répondre aux besoins des milieux de travail doit
nécessairement associer les milieux de travail.
Comment on les voit, ces comités-là? Bien sûr, le
CAMO a l'avantage d'oeuvrer, à un moment donné, sur tous les
aspects, autant les changements technologiques de l'entreprise, la mission et
la formation, enfin, tous les besoins que l'entreprise peut avoir, même
le développement de l'organisation du travail. Mais quand on parle d'un
comité de main-d'oeuvre, pour nous, c'est essentiel dans le sens qu'il
faut absolument que les partenaires partagent l'information sur le projet
d'entreprise, au départ, qu'ils puissent ensemble regarder vers
où on se dirige, identifier les besoins en matière de formation
et, paritaire-ment, s'occuper de voir à solutionner ces
besoins-là avec les équipements qui vont être en place.
Alors, ça va être le comité qui, au départ, va faire
cheminer au comité sectoriel de la région les besoins
particuliers de chacun des milieux de travail, de façon à ce
qu'eux autres puissent faire un travail intelligent et partant des
véritables besoins de la base; pas de besoins qu'on peut estimer au pif,
comme c'a été un peu fait dans le passé, mais des
véritables besoins.
Je pense qu'il faut absolument qu'on aille les saisir, ces
véritables besoins-là, par une structure qui soit vraiment
efficace. Pour nous, ça part des milieux de travail. Si on n'a pas ce
Ilen-là, étroit, avec les milieux de travail, on va encore
manquer le bateau. On va peut-être essayer de déterminer, de la
meilleure façon possible, ce qui est bien pour eux autres, mais on
n'aura pas nécessairement atteint les objectifs souhaités,
ça, on en est convaincu. On a juste à regarder ce qui se passe
actuellement: là où on réussit très bien à
adapter des programmes, c'est quand on développe des programmes partant
des véritables besoins identifiés dans les milieux de travail et
qu'on travaille avec les organismes de formation pour y répondre. Alors,
c'est dans ce sens-là qu'on propose d'intensifier ce
rôle-là.
C'est pour ça qu'on relie ça très
étroitement au fait que ces milieux de travail là puissent
bénéficier des services de la Société. On dit: Pour
qu'ils puissent bénéficier des services de la
Société, il faut absolument qu'ils forment ce genre de
comités là pour que, d'une part, les travailleurs soient
associés et, d'autre part, les
employeurs aussi et que ce ne soit pas une mission stérile d'une
partie. Quand on veut créer une culture de la formation, il faut
associer les partenaires. Si l'employeur impose la formation à qui il
veut dans l'entreprise sans associer les travailleurs à
l'établissement des besoins et à la définition des
programmes requis, à ce moment-là, on aura de la
difficulté à développer cette culture-là. Alors,
c'est pour ça que c'est important.
M. Bourbeau: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais il nous
reste très peu de temps. J'aimerais vous poser une autre question. J'ai
très bien compris le point que vous développez et je dois dire
que je trouve ce point-là fort intéressant. On va certainement
tenir compte de votre point de vue sur cette question-là et sur
d'autres, bien sûr. (10 h 15)
J'aimerais vous parler maintenant de la représentation des
syndicats au sein de la Conférence permanente. D'après vous,
est-ce qu'on devrait y faire une place aux syndicats, à la CEQ, aux
enseignants du Québec? Il y a aussi l'UPA qui demande un siège
à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Est-ce que vous croyez qu'il pourrait
y avoir d'autres groupes que le patronat, les syndicats et le gouvernement qui
pourraient siéger à la Société
québécoise?
M. Gingras: Bien, écoutez...
M. Bourbeau: D'autres blocs, disons. D'autres blocs.
M. Gingras: Oui. Le problème avec lequel on va avoir
à transiger, bien sûr, ce n'est pas...
Le Président (M. Marcil): Vous avez deux minutes pour
ça, M. Gingras.
M. Gingras: ...qu'il y ait des objections majeures à ce
que ces gens-là, si c'est des partenaires dans le sens qu'ils ont des
besoins de formation et tout ça, et qu'ils peuvent apporter certains
éléments positifs à être
représentés... ce n'est pas qu'on en a contre le fait que ces
organismes-là puissent être représentés. mais il
faut faire attention pour ne pas diluer la représentation des
véritables partenaires des milieux de travail à qui on veut
adresser, justement, les services. il faut faire attention à ça
pour qu'on ne se retrouve pas dans une situation où on sent que ce n'est
pas les véritables partenaires qui, ensemble, décident, à
un moment donné, de s'adresser au défi que représente
l'adaptation de la main-d'oeuvre dans les milieux de travail. il faut faire
attention pour ne pas trop élargir et, en même temps, qu'on
devienne un petit peu impersonnels dans le cadre de l'opération. parce
qu'il n'y a rien de pire que de vouloir la vertu à tout prix et, en
même temps, ne pas l'atteindre parce qu'on ne poursuit pas
nécessairement les mêmes objectifs, on n'a pas
nécessairement les mêmes besoins.
Alors, c'est pour ça que je vous dis: Quant à nous autres,
on n'a pas d'objection à ce qu'on crée des structures pour que
certaines personnes puissent être représentées, mais dans
la mesure où ces personnes-là pourraient tirer
bénéfice de ces structures-là et être parties
prenantes des services de ces structures-là. Pas nécessairement
pour n'importe quel motif.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Gingras.
M. Bourbeau: Je vais garder 30 secondes pour la fin, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): oui, il va vous rester à
peu près une minute, m. le ministre. je vais reconnaître mme la
députée de hochelaga-maisonneuve.
Mme Harel: II vous reste une minute sur les deux minutes qui vous
restaient il y a cinq minutes. Ha, ha, ha! Ce n'est pas grave.
M. Bourbeau: Est-ce que vous mettez en doute l'objectivité
du président?
Mme Harel: non. pas du tout.
Le Président (M. Marcil): Présentement, vous perdez
des secondes.
Mme Harel: Alors, M. Gingras, je vous salue, de même que
les personnes qui vous accompagnent. J'avais eu l'occasion, au forum sur
l'emploi, l'automne dernier, de discuter un peu, en fait, rapidement, trop
rapidement, de ces questions-là avec vous. En écoutant
l'échange que vous aviez avec le ministre, la question me venait, pour
mieux comprendre vos positions et, évidemment, le mémoire que
j'ai lu: Les salariés que vous représentez dans les entreprises,
ce sont des entreprises de quelle taille? En fait, les accréditations
que vous détenez, en moyenne, vous les détenez dans des
entreprises qui ont combien de salariés?
M. Gingras: Bien, écoutez, ça varie
énormément. On en a d'à peu près toutes les
tailles. Je vais vous donner un exemple. Chez Inglis, actuellement, où
on est dans un gros projet de transformation - c'est Whirlpool qui a fait
l'acquisition d'Inglis dans la région de Montmagny -on représente
500 travailleurs. C'est une accréditation.
Mme Harel: Oui, mais en moyenne, c'est donc des
accréditations qui couvrent des entreprises de plus de 10
employés? Oui?
M. Gingras: En moyenne, oui, parce que c'est plus de 50
salariés...
Mme Harel: 50.
M. Gingras:... en moyenne. C'est 60 et plus.
Mme Harel: Vous savez pourquoi je vous pose la question? Parce
que, ce qui me préoccupe, c'est ce qui va arriver avec 80 % des
entreprises qui comptent moins de 10 employés. Ça, c'est la
question que je me pose depuis le début de cette commission, parce que
vous avez raison quand vous dites: II ne faut pas que l'énoncé de
politique de la main-d'oeuvre, ce soit l'affaire de quelques-uns. il faut que
ça touche la majorité de la main-d'oeuvre. Comment on fait pour
toucher la majorité de la main-d'oeuvre dans une société
où 80 % des entreprises comptent 10 employés et moins et
où il n'y a aucune syndicalisation? Ça ne met pas en cause les
comités, les CAMO, ni les comités de formation en entreprise,
mais je veux revenir avec vous pour, vraiment, se demander comment on fait.
Autant, moi, je pense que, dans le fond, ce qu'on nous présente,
c'est ce qu'on aurait dû nous présenter il y a trois ans comme
projet d'adaptation de la main-d'?uvre au libre-échange, de la
main-d'oeuvre salariée. C'est finalement une sorte de négligence
d'avoir retardé. Ce qu'on a devant nous, ce n'est pas rien, mais
c'est quelque chose qui s'adresse à la main-d'oeuvre qui est dans des
entreprises bien exposées à la concurrence, etc. Bon. Et puis on
nous présente une structure qui est surtout la condition pour que le
fédéral transfère des fonds. Parce que le
fédéral a demandé à toutes les provinces de mettre
en place une structure de cette, nature-là, de nature provinciale. Mais
plus que ça, c'est finalement,.. Parlons donc de main-d'?uvre,
c'est-à-dire les personnes, 28 %, qui ont des problèmes
d'analphabétisme et de sous-scolarisation. Dans votre mémoire,
j'ai aimé ça, à la page 39, vous dites: «La CSD
réclame que la Société québécoise voie
à la coordination des services de formation et d'éducation
offerts à la population de façon à éliminer les
dépenses improductives dues aux dédoublements. » Dans le
fond, vous-même, vous dites: Ce n'est pas assez, juste les programmes de
main-d'?uvre, il faut aussi aller au-delà, vers les programmes de
formation et d'éducation. Mais comment faire ça s'il n'y a pas le
milieu de l'éducation qui siège à la
Société? Comment on va leur imposer ça? Comment faire pour
qu'on réconcilie ia formation professionnelle et la formation de la
main-d'oeuvre? Le ministre dit: Ici, on s'occupe juste de formation de la
main-d'?uvre; la formation professionnelle, ce n'est pas à moi,
ça, c'est le ministre de l'Éducation. Vous voyez quoi, vous
pensez quoi, de ça, vous?
M. Gingras: Moi, je pense qu'on devra un jour réconcilier
ces choses-là, mais il y a un problème urgent, c'est de
s'attaquer, je pense, aux milieux de travail, à la formation pour les
milieux de travail. Actuellement, il y a une absence flagrante de ressources et
il y a une absence flagrante de moyens pour le secteur de la main-d'oeuvre qui
est actuellement en emploi.
Mme Harel: On voit des entreprises qui ont besoin plus que
d'autres de la formation, d'une certaine façon, il faut bien voir, en
emploi... Par exemple, un individu, un de vos membres qui voudrait de son
propre gré améliorer son sort professionnel et essayer d'avoir un
cours de soudure ou de n'importe quoi, à temps partiel - les budgets
diminuent constamment. C'est des enveloppes fermées, les cours sont
contingentés autant au secondaire qu'au collégial. Et
l'énoncé ne propose rien à ce niveau-là.
M, Gingras: Non, je comprends, mais c'est qu'il va falloir qu'on
s'adresse prioritairement à ces besoins-là et il faut absolument
qu'on développe, justement, des moyens de faire de la formation et de
l'adaptation de la main-d'oeuvre qui soient compatibles avec les exigences
qu'on retrouve actuellement, à cause des mutations qu'on traverse. Mais
là-dedans, il y a quand même des moyens qui sont prévus; II
y a des regroupements de ces programmes-là dans un guichet unique.
Ça nous permet quand même d'avoir un endroit spécifique
où on va pouvoir profiter de l'ensemble des mesures d'adaptation de la
main-d'oeuvre.
Mme Harel: Mais trois des quatre...
M. Gingras: Et ça nous permet d'innover dans les
programmes aussi, pas nécessairement uniquement de gérer les
programmes actuels. Je pense qu'il y a de la place pour l'innovation et pour de
nouveaux programmes là-dedans.
Mme Harel: Oui, mais le ministre nous annonce qu'il a
déjà mené cette opération de simplification. Il y
aura quatre programmes; trois des quatre programmes s'adressent, finalement,
à ce qu'on appelle des collectivités. Il y en a un qui s'adresse
aux individus. Et on y spécifie que ce sera dans la vision de combler
des pénuries. Je ne vous dis pas que tout ça n'est pas
légitime, mais, finalement, tout ça ne vise qu'à combler
les besoins en main-d'oeuvre de l'entreprise. Mais la main-d'oeuvre du
Québec, elle, qu'est-ce qu'on lui offre?
M. Gingras: La main-d'oeuvre du Québec ou la main-d'oeuvre
qui est en emploi actuellement, c'est une partie de la main-d'?uvre. Quand
vous établissez ça de cette façon-là, c'est que,
bien sûr, vous nous ramenez dans le contexte général de
l'ensemble de la main-d'oeuvre, tant celle qui
aspire à un emploi que celle qui est actuellement en emploi. Je
comprends très bien votre question. Cependant, le problème avec
lequel on a à vivre quotidiennement, nous autres, actuellement, c'est le
problème de ia main-d'oeuvre qui est en emploi et qui, constamment, est
déqualifiée au profit d'une main-d'oeuvre qui veut se substituer
à elle régulièrement pour avoir accès à des
emplois. Ça ne règle pas le problème global de
l'emploi.
C'est bien sûr que s'il y avait de l'emploi pour tout le monde, on
n'aurait peut-être pas tout à fait les mêmes
problèmes. Mais là, actuellement, dans le contexte dans lequel on
oeuvre, il y a une discrimination supplémentaire qui est faite à
la main-d'oeuvre en emploi: on tente de la repousser des milieux de travail
parce qu'elle y a eu une absence chronique de moyens de se former depuis des
années. On tente de la repousser des milieux de travail au profit d'une
nouvelle main-d'oeuvre qui vient s'y substituer, et on en fait des
assistés sociaux après que ces gens-là ont fourni 18, 20
ou 30 ans de services.
Ce que je vous dis, c'est que, nous autres, on a un problème
d'urgence à agir dans les milieux de travail, et il faut absolument
qu'on adapte les programmes de formation aux véritables besoins des
milieux de travail. Et quant à la restructuration et au lien qui doit
exister avec la formation générale qui prépare à
l'entrée dans les milieux de travail, je pense qu'on fait des
propositions. Nous autres, on dit qu'on va s'adresser aux problèmes des
milieux de travail, mais on va s'adresser éventuellement aussi aux
autres problèmes. Puis il doit y avoir un lien très étroit
avec la formation que le ministère de l'Éducation va donner
éventuellement parce qu'on va l'orienter, cette formation-là.
D'ailleurs, on le dit dans notre mémoire: II faut absolument que la
Société joue un rôle auprès du ministère de
l'Éducation pour affirmer les besoins qu'elle va avoir
éventuellement et que le ministère de l'Éducation ajuste
ses programmes aussi pour former de la main-d'oeuvre dont l'industrie aura
besoin éventuellement. Mais ça, écoutez, on ne peut pas,
à ce moment-ci, tout entreprendre. J'ai l'impression que, dans le cadre
de la mission qui est actuellement prévue pour les commissions de
formation professionnelle, c'est à cette partie-là qu'on
s'adresse et c'est dans ce cadre-là qu'on le fait.
Mme Harel: À la page 8 de votre mémoire, vous
développez cette constatation des doubles chevauchements, pas tant entre
les juridictions des gouvernements fédéral et provincial qu'entre
les ministères. Vous y revenez. Comment pensez-vous que les arbitrages
vont se faire? Où est-ce qu'ils vont se faire, ces arbitrages-là?
Parce que l'énoncé n'en parle pas; la Société ne
relève que du ministre. En fait, ce n'est pas un projet de gouvernement,
le projet de développement de la main-d'oeuvre, c'est un projet du
ministre responsable. Mais ce n'est pas un projet dans le sens où
ça ne mobilise pas l'Éducation, l'Enseignement supérieur.
Quand les entreprises sont consultées... Encore dernièrement,
4000 entreprises ont signalé que la première carence venait des
problèmes de leurs travailleurs à s'exprimer par écrit et
verbalement. Alors, ce n'est pas la formation de la main-d'oeuvre qui va
pouvoir corriger de façon curative ce qui n'a pas été, si
vous voulez, à la base, ou ce qui n'est pas proposé, parce qu'il
n'y a pas de formation de base ou de formation initiale qui est prévue
dans le cadre de cet énoncé-là.
M. Gingras: Bien, écoutez, on parle beaucoup de formation
sur mesure. Pour nous autres, ça peut inclure une partie de la
formation, un certain rattrapage en formation générale comme
celui que vous mentionnez là. Ça ne veut pas dire...
L'expérience qu'on vit actuellement dans une entreprise qui s'appelle
Weston, sur la rive sud à Montréal - que vous connaissez
probablement très bien - c'est qu'on est partis d'une production
très traditionnelle... Vous savez, on est rendus maintenant, à
Boucherville, dans une entreprise tout à fait nouvelle; on a les
mêmes travailleurs dans l'entreprise. Écoutez, on n'en a pas de
nouveaux, c'est les mêmes. On est partis d'un groupe de 300 qui
étaient là, et on travaille avec 200 maintenant dans une
entreprise tout à fait nouvelle, avec des concepts de production tout
à fait nouveaux. On travaille avec un procédé par
ordinateur partout à travers l'usine et on a dû faire de la
formation à partir d'un taux d'analphabétisme de 33 % dans cette
entreprise-là, madame. Or, je vous dis que ça n'a pas
été une expérience facile, mais on a réussi
à développer un programme spécifique qui a fait qu'on a
maintenu ces travailleurs-là en emploi. De prime abord, la solution la
plus facile qui aurait été appliquée dans toute autre
entreprise, c'est qu'on aurait évacué ces travailleurs et on
aurait dit: On recommence à neuf. C'est ça, la
réalité avec laquelle on vit.
Mme Harel: Reprenons votre exemple. L'entreprise, pour
procéder à cette opération, a été chercher
des fonds du fédéral, essentiellement, si je...
M. Bourbeau: Du provincial aussi.
M. Gingras: Du provincial aussi, mais il y en a eu une partie du
fédéral, il faut le dire. Dernièrement, il y a eu une
subvention du fédéral qui est venue compléter un effort
d'investissement en matière de formation dans cette
entreprise-là, mais il y a eu aussi énormément de
formation qui s'est faite à partir du provincial. Même le
ministère de l'Éducation a été associé
à cette opération-là par un programme
d'alphabétisation des travailleurs.
Mme Harel: Est-ce qu'il ne faut pas, justement, toujours
l'associer, dans le fond? Pas simplement dire «même le
ministère de l'Éducation». Est-ce que le ministère
de l'Éducation ne devrait pas, dès le départ, être
conçu comme étant un partenaire dans cet effort gigantesque que
la Société doit faire?
M. Gingras: Je pense que personne n'a jamais dit que le
ministère de l'éducation ne jouerait plus un rôle. Je ne
pense pas qu'on doive être perçus comme ça. Le
ministère de l'Éducation va continuer à jouer un
rôle très important, à mon avis, dans là formation.
Mais je pense que, pour l'établissement des besoins, ce dont on s'est
aperçus, dans toutes les consultations qu'on a pu faire avec le
ministère de l'Éducation à venir jusqu'à
présent, c'est qu'on nous consulte beaucoup, mais on tient très
peu compte des avis. Alors, c'est pour ça que je vous dis... En tout
cas, moi, pour avoir personnellement travaillé, oeuvré dans la
formation professionnelle à l'intérieur des commissions de
formation professionnelle d'aritan dans l'industrie de la construction, je peux
vous dire que quand on a accepté de remettre nos destinées dans
les mains du ministère de l'Éducation on n'a pas tout à
fait fait un succès de l'opération. On a détruit le seul
véritable programme qui était très près des milieux
de travail - un programme de formation adaptée - et on en a fait un
programme qui a dilué les objectifs des milieux de travail d'une
façon très importante. (10h30)
Et là on est en train de faire une récupération
dans ce domaine. C'est pour ça que je vous dis qu'il faut absolument que
partant de l'expérience qu'on va faire avec la Société de
développement de la main-d'oeuvre, et aussi avec le ministère de
l'Éducation, il y ait un lien très étroit pour qu'on
corrige le tir, même au niveau de la formation initiale, et que la
formation qui est dispensée par le ministère de
l'Éducation s'adresse aux véritables besoins de l'entreprise. Ce
n'est pas exactement ce qui se passe actuellement et ça, je pense qu'il
faut corriger ça.
Mme Harel: À la page 16, vous dites... M, Gingras:
Si vous permettez... Mme Harel: Certainement.
M. Gingras:... Bernard Labelle va vous apporter un
complément.
M. Labelle (Bernard): Juste un petit complément sur cette
question. Dans les milieux de travail, lorsqu'on se retrouve dans une situation
comme celle que vient de décrire M. Gingras, par exemple chez Weston, on
n'a absolument pas, à mon sens, à souffrir de
dédoublements, quels qu'ils soient. Donc, on s'attend à ce que
les structures dûment mandatées pour donner des services à
ces gens-là fonctionnent efficacement. Ce qu'on dit ici, c'est qu'il y a
peut-être des dédoublements entre le fédéral et le
provincial, il va peut-être en subsister le jour où on va avoir
tout rapatrié ici, et il faudrait se préoccuper davantage, dans
la politique, de régler certaines de ces questions-là. Ça
ne veut pas dire que nous autres on pense qu'on aime mieux travailler avec tel
ministère ou avec tel autre. Ça veut dire que, quand on travaille
dans un dossier, on s'attend à ce que les structures fonctionnent
efficacement et quand, nous autres, on recherche, dans le secteur privé,
plus de flexibilité et de polyvalence, on s'attend aussi à ce
qu'il y en ait dans les structures gouvernementales parce qu'on répond
adéquatement aux besoins à cet égard-là. Ça,
je pense que c'est important de le considérer.
Mme Harel: II y aurait tellement à dire parce que vous
proposez ce qu'on peut appeler, dans le fond, un plan d'entreprise.
Une voix: Un plan d'affaires.
Mme Harel: Un plan auquel adhérerait l'ensemble des
personnes qui y travaillent, l'employeur comme les salariés. C'est une
idée extrêmement innovatrice, je trouve. Et vous proposez qu'il
n'y ait pas de subvention, pas de crédit d'impôt s'il n'y a pas
eu, dès le départ, cette entente-là sur cette sorte de
plan. Ce n'est pas juste un plan de ressources humaines, si j'ai bien compris.
Ça va plus loin. Ça va au-delà. Une sorte de plan
d'affaires, une sorte de contrat. Vous le dites, vous insistez beaucoup, c'est,
pour vous, une condition essentielle de la réussite de tout
ça.
M. Gingras: Oui, parce que je pense que c'est important qu'on
mette fin à cette espèce de situation qui fait que beaucoup
d'entreprises vont drainer des ressources en main-d'oeuvre d'autres entreprises
qui investissent dans la formation. Quand on regarde ce qui se passe, beaucoup
des petites entreprises dont vous faisiez état tout à l'heure -
de 10 employés et moins - ce qu'elles font habituellement, c'est
qu'elles vont essayer, par des conditions peut-être un peu plus
avantageuses, d'aller drainer la main-d'oeuvre qui a été
formée par d'autres entreprises qui, à un moment donné,
ont investi dans la formation, alors qu'elles-mêmes n'investissent
à peu près rien dans la formation. Alors, ce qu'on
préconise, bien sûr, c'est qu'on en arrive à un
système d'équité là-dedans. On mise beaucoup sur le
fait que les entreprises, l'ensemble des entreprises devraient,
premièrement, s'impliquer en formation, c'est-à-dire investir en
formation. Si elles n'investissent pas en formation, elles devront payer une
taxe sur la masse salariale quand même pour contribuer, et si elles ne
l'utilisent
pas pour faire de la formation, pour éviter de la payer, cette
taxe sur la masse salariale, à ce moment-là, elles contribueront
justement pour la formation qui est faite dans les autres entreprises, dans
lesquelles elles s'approvisionnent en termes de main-d'oeuvre.
Alors, c'est une espèce de système d'équité
qu'on tente d'établir et c'est une mesure, à mon avis, qui est
novatrice parce que les entreprises ici, au Québec, il faut se le dire,
n'investissent que très peu en matière de formation. Je pense
qu'on devra créer un système incitatif pour faire en sorte que
ces entreprises-là se soucient aussi de la formation parce que la
compétitivité, ce n'est pas uniquement l'affaire de la
société, et les entreprises doivent aussi contribuer et
s'impliquer dans ce financement-là. Alors, c'est pour ça qu'on
insiste beaucoup sur cette partie-là parce que je pense qu'on doit avoir
un programme incitatif pour les entreprises.
Deuxièmement, on doit faire en sorte aussi d'impliquer les
travailleurs comme des partenaires dans la formation et l'établissement
des besoins en matière de formation, et on doit être strict pour
ceux qui utiliseront des subventions ou des services, de façon à
ce que si on ne fixe pas ces exigences... Parce qu'on n'arrivera pas à
créer la culture qu'on veut créer, de la formation. Si on laisse
ça uniquement dans les mains des employeurs dans une action
unilatérale, on ne changera pas la culture actuelle, on va la maintenir
tout simplement ou on va continuer de la prolonger. Alors, il faut absolument,
si on veut changer cette culture, qu'on change les règles du jeu, et
c'est dans ce sens-là qu'on propose des règles novatrices, comme
vous dites.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: Vous savez que ce système incitatif fait aussi
partie du programme de mon parti. À la page 40, vous nous
décrivez la multiplicité des tables sectorielles mises en place,
actuellement, et vous dites: II faut convenir d'associer plusieurs
ministères autour d'une même table. Vous parlez, à ce
moment-là, de ministères qui sont en train, présentement,
de mener des consultations dans des tables sectorielles multipliées. Ne
pensez-vous pas qu'il serait souhaitable de rétablir la table nationale
de l'emploi?
M. Gingras: Bien, écoutez, c'est sûr que c'est une
de nos revendications, à la CSD. Comme vous le savez, on l'a transmise
à plusieurs occasions, on pense et on a toujours été
d'accord avec la table nationale de l'emploi qui était une mesure,
à notre avis, qui affirmait une volonté politique de s'adresser
à l'emploi et de prendre tous les moyens en associant tous les outils
nécessaires pour définir une véritable politique de
l'emploi. Bien sûr, c'était, pour nous, un objectif important,
mais si on peut, par d'autres moyens, quand même, contribuer à
l'atteinte de l'objectif de l'emploi, bien je pense qu'on est présents
à tous ces forums-là. Même si on n'est pas en face d'un
énoncé qui nous dit: On rétablit la table nationale de
l'emploi, je pense qu'il y a une situation qui peut contribuer
énormément à l'emploi et, ça, c'en est une,
actuellement, l'énoncé de politique et la structure qu'on vise
à mettre en place pour adapter la main-d'oeuvre au Québec. Alors,
dans ce sens-là, quel que soit l'organisme à l'intérieur
duquel on va devoir oeuvrer, bien, je pense que toute la perspective de
l'adaptation de l'emploi va faire partie de la stratégie. Comme vous,
nous souhaitons ardemment qu'on en vienne, au Québec, à
établir ce qu'on appelle la priorité de l'emploi et qu'on
définisse un endroit privilégié où on pourra
s'adresser vraiment à ce qu'on appelle une opération
concertée pour favoriser l'emploi au Québec. Ça, c'est
nécessaire.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le président.
Trente secondes, M. le ministre.
M. Bourbeau: C'était une minute tantôt, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Bien, moi, je suis
obligé, là... Je vous le donnerai une autre fois, à un
autre groupe.
M. Bourbeau: M. le Président, deux ou trois observations.
Je félicite la CSD pour le travail exceptionnel qu'elle a fait chez
Weston, sur la rive sud de Montréal où, comme on l'a dit, on a
réussi à faire passer les travailleurs d'un niveau de
scolarisation très bas à des compétences techniques assez
élevées sans avoir à sortir les travailleurs avec les
vieilles machines. On a fait entrer des équipements nouveaux et on a
adapté la main-d'oeuvre, exactement comme IBM l'avait fait à
Bromont, il y a quelques années: on a fait des monteurs de dactylos des
gens, maintenant, qui travaillent dans la haute technologie - les mêmes
travailleurs - sans jamais congédier un seul travailleur.
Je voudrais simplement dire que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ce n'est
pas la réponse du gouvernement du Québec à une demande du
gouvernement fédéral. C'est plutôt l'inverse qui se
produit. Le fédéral est en train, présentement,
d'instaurer, au Canada, des structures de main-d'oeuvre qui sont
copiées, en fait, sur les structures qu'on a au Québec depuis de
nombreuses années: le réseau de main-d'oeuvre à travers le
Québec que sont les commissions de formation professionnelle. C'est
l'équivalent de ce que le fédéral est en train d'instaurer
un peu partout, reconnaissant que cette structure-là est
supérieure, bien sûr, à une structure qui serait unique et
centralisée. Je pense que le Québec a été un
pionnier dans ce domaine et va l'être encore avec la
Société
québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
En ce qui concerne la Société québécoise de
développement de la main-d'?uvre, pour ceux qui veulent faire
avancer la cause de l'éducation et de renseignement professionnel au
Québec, j'aimerais simplement soumettre cette pensée, ici.
Dites-vous bien que quand la Société québécoise va
être en place, qu'elle va être organisée, qu'elle va avoir
fait son travail dans les régions - l'Identification des besoins et des
carences - elle va être beaucoup mieux placée pour interpeller,
après ça, le monde de l'éducation et même pour le
provoquer et le forcer à adapter l'enseignement professionnel aux
besoins du marché du travail que ne peut l'être un ministre de la
Main-d'oeuvre en face, évidemment, d'un ministre de l'Éducation,
étant donné, comme vous le savez, les problèmes de ce
qu'on appelle la solidarité ministérielle. Alors, moi, je pense
qu'au contraire, pour le bien de l'enseignement professionnel, du
système d'éducation, au Québec, une société
québécoise va être beaucoup mieux placée pour faire
valoir les problèmes de la main-d'?uvre et aussi les solutions
à apporter à la formation, y compris la formation initiale. Moi,
M. le Président, j'ai hâte que la Société
québécoise soit en place, qu'elle soit capable de
témoigner publiquement des besoins de la main-d'oeuvre
québécoise et qu'elle formule des propositions de façon
à améliorer l'enseignement, même l'enseignement de base et
l'enseignement initial.
Le Président (M. Marcil): merci beaucoup, m. le ministre.
merci beaucoup, m. le président, de même que les personnes qui
vous accompagnent. nous allons immédiatement appeler à la table
les représentants de l'association provinciale des commissions de
formation professionnelle.
Association provinciale des commissions de formation
professionnelle
Si vous voulez prendre place. Maintenant, nous accueillons l'Association
provinciale des commissions de formation professionnelle qui est
représentée ici par son président, M. Louis-Albert Duguay.
Bonjour, M. Duguay. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent et prendre à peu près 15 minutes pour faire
l'exposé, compte tenu que nous avons pris connaissance de tous les
mémoires, pour qu'on puisse laisser un peu plus de temps aux
échanges. Ça va? Allez-y.
M. Ouguay (Louis-Albert): Merci, M. le Président. Je vous
présente, à ma droite, Mme Alberte Caron, vice-présidente
de notre association et présidente de la Commission de formation
professionnelle de la région de Québec; M. Yvan Aubre, directeur
à l'exécutif de l'APCFP et également directeur
général de la Commission de formation professionnelle de la
région Mauricie-Bois-Francs; à ma gauche, M. Nelson Laflamme,
vice-président de notre association et directeur général
de la Commission de formation professionnelle de
l'Abitibi-Témiscaminque; et M. Denis Matte, secrétaire
général de notre association;
M. le ministre, MM. les membres de la commission permanente, nous sommes
très heureux, mes collègues et moi, ainsi que l'ensemble des 11
commissions de formation professionnelle et les quelque 1200 membres de nos
comités consultatifs régionaux de participer au processus
démocratique que le gouvernement a choisi de mettre en place. La
présente commission parlementaire revêt une grande importance pour
l'avenir de la main-d'oeuvre québécoise. La proposition
gouvernementale qui est sur la table, sans être audacieuse, est
certainement l'initiative la plus concrète qu'il nous a
été donné de voir depuis la création des CFP en
1969. Certes, il y a bien eu la politique d'éducation des adultes en
1984, mais H s'agissait surtout d'une clarification des responsabilités
entre des ministères qui se livraient alors une concurrence
féroce en matière de formation de la main-d'oeuvre. (10 h 45)
Depuis 1984, nous avons connu bien des scénarios ou des
hypothèses sur une rationalisation des interventions en matière
de développement de la main-d'oeuvre, incidemment sur le rôle
donné aux commissions. Même que nous avons nous-mêmes
contribué, à notre corps défendant, toutefois, à la
production de volumineux rapports qui probablement garnissent encore les
tablettes du MMSRFP. C'est donc depuis plusieurs années que nous nous
attendions de la part du gouvernement québécois à un geste
concret pour ne pas dire courageux, afin de fournir aux travailleurs et
travailleuses et aux entreprises les moyens nécessaires pour
accroître leur compétence et leur compétitivité. Il
faut dire que l'entrée dans les années quatre-vingt-dix a
véritablement sonné le glas de l'immobilisme et des querelles de
clocher en matière de formation et d'éducation.
Mondialisation des marchés, concurrence internationale,
innovation technologique, autant de mots d'usage fort courant maintenant qui
viennent ponctuer tous les discours sur l'économie, la
prospérité, le développement, etc. Ce ne sont pas
seulement des mots qui passent bien dans la conversation, mais des
réalités qui nous interpellent immédiatement et de
façon radicale. Sommes-nous prêts à relever le défi
d'une économie mondiale, du strict point de vue de nos ressources
humaines? La réponse est simple, mais combien lourde de
conséquences: Non. Le gouvernement l'a compris. En fait, tout le monde
l'a compris. Il était grand temps qu'un premier pas soit fait. Ce
premier pas est toujours le plus difficile, car il faut accepter de perdre
l'équilibre pendant un bref moment, mais que voulez-vous,
c'est comme cela qu'on apprend à marcher, en acceptant de perdre
l'équilibre.
La proposition gouvernementale a. reçu chez nos membres un
accueil très positif mais, vous en conviendrez, rien n'est parfait,
surtout lorsqu'on en est à ses premiers pas dans l'institutionnalisation
du partenariat de la concertation au Québec. Vous aurez sans doute
remarqué que notre mémoire traite de l'énoncé de
politique et du projet de loi de façon séparée. Ceci, pour
une raison qui nous apparaît évidente: entre, d'une part, les
objectifs et les moyens décrits dans la politique et, d'autre part, les
organisations proposées dans le projet de loi, il y a manifestement des
contradictions ou des incompatibilités. C'est donc sur ces écarts
que nous voulons insister parce que nous croyons qu'ils compromettent la
qualité des réponses aux besoins, c'est-à-dire la
qualité des services.
Nous ne voulons aucunement nous engager dans un débat
stérile de structure et de mécanique organisationnelle.
Cependant, il faut bien comprendre que la forme des organisations
proposées a une incidence directe sur la prestation des services. Les
quatre grands objectifs mis de l'avant par le gouvernement sont
littéralement des impératifs dont dépend la
compétitivité de notre main-d'oeuvre et de nos entreprises.
Développement d'une culture de la formation, accessibilité
et efficacité des programmes, adéquation entre la formation et
les besoins du marché du travail et instauration d'un partenariat
à grande échelle sont effectivement des ingrédients
nécessaires pour faire face au défi d'une économie
mondiale. Ce sont d'ailleurs ces mêmes objectifs que les CFP
défendent depuis des années sans avoir toujours eu l'attention
nécessaire des milieux intéressés. Enfin, nous avons, pour
ainsi dire, prêché dans le désert pendant un long
moment.
Partage des responsabilités. L'énoncé de politique
revendique dès le départ un virage décisif vers le
partenariat. Le véhicule proposé pour soutenir ce partenariat,
soient la Société québécoise et les
sociétés régionales, représente un modèle
auquel nous souscrivons entièrement. On peut affirmer que le virage est
amorcé. Mais nous doutons cependant que le véhicule
proposé atteigne sa vitesse de croisière si trop de pouvoirs
échappent à ceux qui doivent le conduire, notamment les
partenaires du monde du travail.
La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Trop de fonctions importantes
relatives aux politiques de développement de la main-d'oeuvre et
à la modification des programmes échappent à la
Société québécoise. La gestion des
opérations semble être la seule chose dont le gouvernement
consente à se départir au profit de la Société. Les
grandes orientations et les politiques ne touchent les partenaires que par une
voie consultative, celle de la Conférence permanente sur l'adaptation de
la main-d'oeuvre.
Le caractère permanent de cette conférence ne lui vaut
pourtant pas d'être inscrite dans le projet de loi. On assiste ici
à une forme de faire faire et de sous-traitance de la gestion des moyens
qui a nécessairement des impacts sur les sociétés
régionales.
Les sociétés régionales. Les partenaires
régionaux du monde du travail n'ont qu'une prise fort timide sur
l'administration et la direction de leurs sociétés
régionales. Nous disons bien «leurs sociétés
régionales», car nous croyons que, tout comme les CFP actuelles,
elles sont des organismes qui doivent leur appartenir. Pour ce faire, les
sociétés régionales doivent, à l'instar des CFP,
être constituées comme des corporations au sens du Code civil pour
leur garantir un minimum d'autonomie. L'énoncé de politique
souligne d'ailleurs avec une justesse qui nous étonne qu'une des
conditions manquantes actuellement à la réalisation du
partenariat est la décentralisation des responsabilités.
Dans la forme proposée, la place des partenaires du monde du
travail se résume à un conseil régional dont les fonctions
gravitent exclusivement autour de la gestion et de l'application des
programmes, dans le cadre des politiques et des directives de la
Société québécoise. Les partenaires du monde du
travail seront au nombre de huit, tous nommés par le gouvernement
après consultation des milieux concernés. Par rapport aux
organisations actuelles, les partenaires régionaux du monde du travail
ne bénéficient d'aucune véritable décentralisation
des pouvoirs; on comprend alors pourquoi le projet de loi ne prévoit pas
de véritables conseils d'administration pour diriger les
sociétés.
La transition proposée par le projet de loi consiste, à
toutes fins utiles, à passer d'organismes ayant plus de pouvoirs que de
moyens à des organismes ayant plus de moyens que de pouvoirs. Pour ceux
ou celles qui y verraient l'ombre d'un avantage, nous tenons à dire que
rien ne sert de mettre au point une batterie impressionnante de moyens si les
organisations qui ont à les utiliser sont liées par des processus
décisionnels, rigides et centralisés. Pour les CFP, qui sont
appelées à devenir ces sociétés régionales,
l'expérience nous a enseigné que, sans une véritable
imputabilité, sans un contrôle sur ses propres moyens et sans une
capacité réelle d'innovation, la distance entre le client et le
service s'accroît et les réponses aux besoins deviennent
rapidement désuètes et inadéquates.
Le lien électif CCR et approche sectorielle. On ne saurait trop
insister, par ailleurs, sur l'importance d'un lien électif entre la
structure consultative et la structure administrative. C'est ce lien organique
qui garantit une réciprocité entre l'estimation des besoins
régionaux et la gestion des réponses à ces besoins. C'est,
en fait, la réciprocité entre les services et les
clientèles. Non seulement ce lien n'existe plus dans le projet de loi,
mais, d'une part, l'admi-
nistration des sociétés échappe aux partenaires et,
d'autre part, les comités consultatifs ne constituent pas une obligation
légale, comme c'est le cas actuellement. Nous tenons aussi à
insister sur le fait que, malgré toute sa pertinence, l'approche
sectorielle né suffit pas pour rendre compte de l'ensemble des
réalités de la main-d'oeuvre. Les problématiques ne sont
pas que sectorielles, elles sont tout autant régionales, territoriales,
multisectorielles et, au surplus, traversées de clientèles
individuelles.
Soulignons ici ce que les organisations suprarégionalës
tentent d'oublier. C'est qu'en matière de services aux
clientèles, l'expertise et la connaissance des besoins se
développent sur le terrain, sur la ligne de feu, c'est-à-dire
dans les régions. À partir du moment où trop de
décisions vont à l'encontre de la loi de la gravité,
c'est-à-dire qu'elles se prennent au-dessus du terrain, des programmes
ou mesures collent de moins en moins aux besoins réels et deviennent
très coûteux parce que leur efficacité est difficile
à gérer.
Vers la conclusion. Du point de vue des régions, le fait que le
gouvernement se départisse de certaines de ses fonctions de gestion au
profit d'une société n'est pas pour autant synonyme de
décentralisation. Pour certains, cette délégation de
responsabilités peut ressembler à une décentralisation,
mais, pour nous, H ne s'agit que d'une illusion d'optique, d'un simple
déplacement horizontal des responsabilités et non d'une
véritable régionalisation. Trop de responsabilités et de
décisions demeurent au sein du gouvernement. Ceci nous amène
à tenir le raisonnement suivant, à savoir qu'une telle situation
peut générer au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre des
attitudes bureaucratiques envers les sociétés régionales,
question de suppléer elle-même aux pouvoirs que le gouvernement ne
lui a pas confiés.
L'absence d'une réelle décentralisation et d'une
imputabilité des sociétés régionales les mettra
elles-mêmes - les sociétés régionales -dans une
position indésirable que les CFP ne connaissent que trop, celle de
gérer des moyens et non des résultats. Aussi, compte tenu que, de
toute façon, la structure des services est régionale, H faut
rapprocher le plus possible les centres de décisions des
clientèles; la décentralisation ne doit pas être un enjeu
de pouvoirs entre les instances nationales et régionales, mais bien un
enjeu d'efficience et de qualité des services offerts aux entreprises et
aux individus.
Nos recommandations. Nous croyons que les écarts entre la
philosophie de l'énoncé de politique et le projet de loi sont
importants, mais qu'ils peuvent être comblés sans trop de
difficultés, c'est-à-dire sans édulcorer la
stratégie gouvernementale. Vous avez constaté, à la
lecture de notre mémoire, que des avenues de solution sont
proposées pour concilier l'esprit de l'énoncé de politique
et la mise en forme des moyens organisationnels fixés par le projet de
loi.
Je terminerai donc en résumant les recommandations que nous
adressons au gouvernement ainsi qu'aux différents partenaires qui
dirigeront la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Les sociétés
régionales doivent jouir d'une grande imputabilité dans la
gestion de leurs ressources et dans le choix de leurs interventions, ainsi que
d'une véritable responsabilisation des partenaires qui auront à
les administrer. Pour garantir cette imputabilité, les
sociétés régionales doivent être des corporations au
sens du Code civil et un lien électif doit demeurer entre les structures
consultatives et administratives. Pour ce faire, la création et la mise
en place de comités consultatifs régionaux se doivent
d'être obligatoires.
Le conseil d'administration d'une société régionale
devrait comprendre 16 membres, dont 12 seraient élus par les membres des
comités consultatifs régionaux, les 4 autres seraient
nommés et proviendraient d'organismes voués au
développement économique régional et des milieux de
l'éducation. La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre doit se préoccuper de
l'ensemble des réalités de la main-d'oeuvre et, à cet
égard, le conseil d'administration de cette société
devrait prévoir, dans sa composition, outre les représentants
gouvernementaux, des représentants des travailleurs, des
représentants des employeurs, des représentants du monde du
travail issus des sociétés régionales, des
représentants du monde agricole, des représentants de petites
entreprises, des représentants de groupes cibles. La prestation des
services aux entreprises et aux individus étant régionale, le
rôle du MMSRFP et de la SQDM devrait en être un de support et de
service par rapport aux sociétés régionales.
L'énoncé de politique de développement de la
main-d'oeuvre assoit toute sa stratégie sur le partenariat et nous
endossons totalement cette position. Pour nous, le partenariat n'est pas une
nouvelle mode de gestion. Il représente le seul levier qui puisse
efficacement mobiliser les ressources nécessaires pour que te
Québec soit compétitif sur le marché mondial. Pour que ce
partenariat soit réellement existant, il faut cependant que le
gouvernement abandonne certains pouvoirs et certaines attitudes, dont celle de
soumettre le partenariat à des processus et à des
mécanismes qui désavouent le sens des responsabilités des
représentants du milieu du travail, et qui instaurent, au départ,
un climat de méfiance incompatible avec l'implication qu'on leur
demande. Nous croyons que le Québec est prêt pour un partenariat
dynamique qui mise sur l'imputabilité, la responsabilisation et la
concertation. Ceci termine notre exposé, M. le Président. Nous
sommes prêts à répondre aux questions.
es c
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Duguay. Je
vais reconnaître M. le ministre pour 17 minutes.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement
plaisir d'accueillir ce matin, ici à la commission parlementaire, nos
partenaires de toujours dans le domaine de la main-d'oeuvre, les Commissions de
formation professionnelle. Je disais plus tôt ce matin que le
Québec est la seule province au Canada qui possède un
réseau semblable et que ce système-là a fait l'objet
d'envie de la part des autres provinces canadiennes et du gouvernement
fédéral, puisqu'on est en train, présentement, de tenter
d'instaurer, partout au Canada, une structure qui s'apparente assez bien
à celle qui existe depuis très longtemps au Québec. Donc,
on a reconnu l'importance d'avoir une structure régionalisée
comme ça qui s'occupe, dans chaque région du Québec, de
tenter de faire l'adaptation de la main-d'oeuvre, de réaliser
l'adéquation entre l'offre et la demande d'emploi, entre la demande
d'emploi et la qualification des demandeurs d'emploi aussi.
Dans la proposition que nous avons devant nous, on doit bien
réaliser que les CFP, qui vont être transformées en
sociétés régionales de main-d'oeuvre, voient leur
rôle sérieusement accru. Jusqu'à maintenant le rôle
des CFP se limitait, à toutes fins pratiques, à l'adaptation de
la main-d'oeuvre au plan de la formation. Les CFP s'occupaient de formation.
Dorénavant, les sociétés régionales vont avoir un
rôle actif dans des domaines qui étaient exclus jusqu'à
maintenant: le placement de la main-d'oeuvre, par exemple, toute la question
des comités d'adaptation, les comités de reclassement, enfin tout
ce qui fait partie des mesures actives de la main-d'oeuvre. Et je pense qu'on
ne peut pas prétendre que le projet de loi vient diminuer l'importance
ou le rôle des CFP. Au contraire, je pense que les CFP vont être
appelées à jouer un rôle beaucoup plus dynamique et
beaucoup plus large dans l'avenir. (11 heures)
On voudrait, bien sûr, que le gouvernement se départisse
davantage encore de responsabilités ou de pouvoirs au profit des
sociétés régionales, ou même, certains viennent nous
dire, au profit de la Société québécoise. Il faut
quand même réaliser que nous allons continuer à vivre dans
un système où les fonds qui vont être utilisés
à travers la structure, ce sont des fonds qui proviennent presque
exclusivement du gouvernement du Québec et que les élus du
gouvernement du Québec vont continuer à être responsables
de ces fonds-là devant l'Assemblée nationale. Et le gouvernement
ne peut pas, en tant que gestionnaire des fonds publics, se départir
totalement de toute mesure de contrôle sur ces fonds-là. On parle
de plusieurs centaines de millions de dollars, et ça serait
irresponsable de la part du gouvernement de faire un chèque en blanc,
soit à la Société québécoise ou aux
sociétés régionales en disant: Voici l'argent, nous ne
vous imposons aucune norme, aucun critère, aucun programme, faites ce
que vous voulez et, à la fin de l'année, vous viendrez nous dire
s'il vous en reste ou non. On ne vit pas dans une société
présentement qui accepterait ce genre de laisser-aller. Le gouvernement
du Québec est responsable, comme je le disais tantôt, devant les
Québécois de la bonne gestion des fonds, quand ce sont des fonds
qui proviennent du gouvernement du Québec. Il va falloir qu'on continue
à vivre avec ça, à moins qu'un jour la
Société québécoise ne soit financée par des
fonds privés. Si, un jour, on veut faire comme dans d'autres pays
où ce sont les employeurs et les travailleurs qui financent tout le
secteur de la main-d'oeuvre, là ce sera autre chose. À ce
moment-là, je ne pourrai pas tenir le même langage.
Je voudrais revenir à des questions un peu plus proches de ce que
vous traitez dans le document. Vous recommandez que les sociétés
régionales jouissent d'une plus grande imputabi-lité dans la
gestion de leurs ressources ainsi que dans le choix de leurs interventions, de
même que d'une responsabilisation concrète des partenaires qui ont
à administrer ces sociétés régionales. En quoi les
pouvoirs qui sont prévus pour les sociétés
régionales vous apparaissent-ils moins grands que ceux des CFP actuelles
en regard, notamment, de la gestion des programmes, des politiques
administratives ainsi que du budget et des choix budgétaires?
M. Duguay: Évidemment, selon l'étude qu'on peut
faire du projet de loi, vous avez peut-être raison lorsque vous nous
dites que nous avons des pouvoirs additionnels qui nous sont confiés par
le présent projet de loi. Ce que nous vous disons, c'est qu'à la
lumière de l'expérience, de l'expertise que nous avons
développée avec les années, de l'implication des gens
qu'on représente, nous sommes en mesure de prendre davantage que ce qui
nous est offert dans le projet de loi présentement, ce qui satisferait
davantage les partenaires du monde du travail qui auraient à
gérer leur propre affaire, tout en conservant à l'idée que
ce vous venez de dire est une chose réaliste, à l'effet que les
sommes d'argent viennent entièrement des fonds publics. Mais ceci
n'empêcherait pas le ministère ou le ministre d'avoir un certain
contrôle sur les dépenses qui nous seraient attribuées et
dont on pourrait avoir la gérance. Mais pour nous, ce que nous vous
disons, c'est qu'on est rendu à un tournant, de l'avis des Commissions
de formation professionnelle, où on sent qu'on a tout ce qu'il nous faut
pour donner au Québec une politique de développement de la
main-d'oeuvre qui soit cohérente et qui soit à la hauteur de la
situation. Pour ça, les Commissions de formation professionnelle
représentent l'outil - vous l'avez
mentionné tout à l'heure, c'est un outil qui est unique au
Canada - qu'on est en train de copier dans l'ensemble du Canada et on vient
même ici, au Québec, pour voir ce qui se passe et être
capable de copier encore davantage.
Ceci nous permet de dire que nous sommes rendus à ce point
où, pour avoir vraiment une politique de développement de la
main-d'oeuvre qui soit efficace, nous devons avoir des responsabilités
additionnelles. Et, d'ailleurs, ce n'est pas la première fois que nous
le réclamons. À chaque rencontre que nous avons eue avec le
ministre, dans les dernières années, nous réclamions des
modifications à la loi pour nous permettre d'avoir des
responsabilités additionnelles, ce que les gens réclament dans
les régions.
M. Bourbeau: Oui.
Mme Carôn (Alberte): Oui. J'aimerais ajouter, M. le
ministre, si vous le permettez... Quand je regarde la loi, à l'article
43, on dit qu'un conseil régional détermine les orientations et
les priorités de la société régionale, relativement
à la gestion des programmes et de ses ressources, dans le cadre des
politiques et des règlements des ressouces de la Société.
C'est sûr que ça prend des cadres et des ressources. Par contre,
au niveau régional, la société régionale va
déterminer dans son milieu les besoins particuliers de formation, compte
tenu de sa main-d'oeuvre. Qu'est-ce qui va arriver lorsqu'elle va
présenter ça à la société nationale, alors
qu'à la société nationale il n'y aura personne venant de
cette région-là qui va être là pour transmettre et
défendre les projets qu'elle veut faire aller de l'avant? Si je prends
l'article 46, on dit que c'est le président de la Société
qui peut soumettre - il n'est pas obligé - au conseil d'administration
de la Société une résolution prise par un conseil
d'administration régional; un conseil régional qui n'est pas
compatible avec les politiques et les règlements de la
Société. La décision du conseil d'administration de la
Société lie alors la société régionale.
Donc, le conseil d'administration reçoit la demande de la
société régionale. Ils vont prendre une décision.
Il n'y a personne pour parler au nom de la société
régionale. Là, la société régionale va
être liée par la décision du conseil. Donc, au niveau
régional, on est liés, dans le fond, sans aucun droit de recours,
jusqu'à un certain point. À ce moment-là, pour nous, c'est
ce en quoi on perd. Parce que vous avez posé la question: En quoi
ça vous lie, ce que vous voulez là et, avec la nouvelle loi,
est-ce que vous perdez des pouvoirs? Oui, nous perdons des pouvoirs en ce
sens-là.
M. Bourbeau: En pratique, vous savez fort bien que, si jamais il
y a divergence de vues entre la région et la société
mère, la société centrale, il va y avoir des discussions
qui vont...
Vous dites: On n'aura aucune voix. Vous savez bien que le directeur
régional va discuter avec le directeur général de la
Société pour expliquer le point de vue et pour tenter de le
convaincre. Même dans la situation actuelle, le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle a des pouvoirs à l'égard des CFP. S'il y avait,
à un moment donné, des gestes posés par des CFP qui
seraient incompatibles avec les principes que défend le gouvernement ou
le ministre, vous savez fort bien ce qui arriverait. Vos budgets viennent
entièrement, à 100 % du gouvernement. C'est uniquement pour
éviter des abus. Il peut y avoir des abus. Par exemple, vous pouvez
avoir une société régionale qui décide qu'elle se
lance dans une formation - je ne sais pas, moi - qui n'est pas jugée
prioritaire par la Société. Par exemple, supposons que vous
décidez de dépenser 1 000 000 $ pour former des chasseurs qui
vont à la chasse aux chevreuils, dans le maniement des armes à
feu. Ça se peut. On l'a vu dans le passé. Le gouvernement peut
estimer que ce n'est pas prioritaire et qu'on n'a pas d'argent pour venir en
aide aux chasseurs, qui peuvent fort bien se former eux-mêmes. Il y a
même d'autres types de formation qui ont été donnés
dans le passé, vous le savez, je n'irai pas dans les détails,
avec lesquels je n'étais absolument pas d'accord, mais pas d'accord du
tout, et le ministère non plus, forcément. On a demandé de
mettre fin à ce genre de formation parce que ce n'était pas
prioritaire. C'est sûr qu'on peut former des gens à n'importe
quoi, mais il y a des besoins de la main-d'oeuvre québécoise qui
sont urgents et auxquels on doit s'adresser en particulier. Donc, je pense que
ce n'est pas brimer les régions que de leur demander de justifier le
genre de formation qu'elles vont donner, si jamais ça apparaît
incompatible avec les programmes ou les objectifs de la
Société.
Je vous réfère à l'article 19 du projet de loi -
vous avez peut-être passé un peu vite là-dessus - qui dit
que la Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre favorise la prise en charge du développement de la
main-d'oeuvre par les sociétés régionales. Alors,
ça c'est un article qui justement fait obligation à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre de favoriser la prise en charge du développement de la
main-d'oeuvre par les sociétés régionales. Ça,
c'est un article qui justement vise à faire en sorte d'obliger la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre à tenir compte du besoin des régions et de la
diversité des régions. C'est évident que les besoins de
formation d'une région vont varier par rapport à d'autres. C'est
pour ça qu'on veut que cette possibilité soit là de
permettre à chaque région de s'adapter.
Je vous rappelle que nous avons simplifié les programmes. Nous
allons avoir quatre programmes seulement, mais des programmes très
larges qui vont permettre justement de pouvoir s'adapter à peu
près à toutes les situations. Quand on a des programmes
très pointus, forcément, c'est très facile de ne pas
entrer dans ces programmes-là parce qu'il y a toujours des cas
particuliers. Mais, si les programmes sont très larges, très
vastes - un programme pour les entreprises et un programme pour les individus,
on ne peut pas avoir plus large que ça, là - et si on
réussit, comme j'ai bien l'intention de le faire, à éviter
de tomber dans les excès de critères et de normes, on pourra
faire en sorte, localement, régionalement, de satisfaire les besoins des
entreprises. On dira: On a un programme pour les entreprises, venez nous voir
et on va voir comment on peut satisfaire à vos besoins. Moi, j'ai bien
l'intention d'éviter de tomber dans le piège des normes
excessives et des critères trop pointus.
M. Duguay: On est ici pour témoigner, bien sûr, mais
concernant l'élargissement des responsabilités, est-ce que c'est
compatible avec le rétrécissement du cadre juridique qui est
prévu dans la loi, à l'effet que les commissions de formation
professionnelle qui étaient des entités juridiques autonomes
deviennent aujourd'hui sans entité juridique? Elles seront soumises
à la société provinciale qui, elle, aura son entité
juridique. J'inverse peut-être les rôles à ce moment-ci.
C'est à vous de poser les questions.
M. Bourbeau: Non. C'est intéressant.
M. Duguay: Mais on se pose la question: Si on a des
responsabilités additionnelles dont vous nous faites part, pourquoi
est-ce qu'on rétrécit notre cadre juridique?
M. Bourbeau: Écoutez, c'est intéressant, M. le
Président. Moi, je suis absolument d'accord pour dialoguer avec nos amis
des CFP. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs. Il m'apparaît
essentiel de concentrer l'essentiel des énergies des
sociétés régionales, des CFP, vers la clientèle,
vers la livraison des programmes, pour employer une expression qu'on emploie au
gouvernement, et de ne pas s'attarder, ne pas perdre des énergies, des
efforts à faire en sorte que dans chaque région on ait des
politiques administratives qui peuvent varier d'une région à
l'autre et qui doivent être élaborées localement. Il me
semble qu'on doit tenter de simplifier au maximum l'administration et la
gestion pour faire en sorte de concentrer les efforts sur les programmes et sur
les clientèles. Et, avec une société unique et des
sociétés régionales qui sont les entités, le reflet
de la société mère, en région, il me semble que
ça va faciliter drôlement l'administration de tout le
système. Il va y avoir beaucoup plus de fluidité entre la
société mère et les sociétés
régionales que si on a des entités totalement, juridiquement
indépendantes qui ont à s'occuper de leur propre... Je ne sais
pas, moi. Par exemple, vous avez présentement à engager, à
chaque année, des vérificateurs pour faire vos rapports annuels,
etc. Tout ça, ce sont des gestes qui prennent du temps, qui
coûtent cher à part cela et qui font que sur le plan de la gestion
c'est plus compliqué pour nous de venir faire les contrôles, parce
que le gouvernement fait des contrôles présentement. Mais
contrôler 11 organismes qui fonctionnent différemment, ça
coûte de l'argent au gouvernement aussi. C'est long, c'est ardu et c'est
une perte de temps. Alors, pourquoi ne pas simplifier la gestion au profit des
programmes et de la clientèle? On va s'occuper beaucoup plus des
programmes et de la clientèle et on aura peut-être moins besoin de
s'occuper de la gestion parce que la gestion va être mieux
organisée selon ce système-là.
M. Duguay: Sur ce rapport-là, on est...
Le Président (M. Marcil): Cinq dernières
minutes.
M. Duguay: ...je pense, M. le ministre, sur la même
longueur d'onde quand on veut augmenter les services à la
clientèle. C'est notre voeu le plus cher. Parce que, pour nous, dans les
Commissions de formation professionnelle, nous existons en fonction d'une
clientèle que nous devons desservir, et il est bien sûr que nous
voulons le plus possible éliminer l'administration
générale, comme on dit, et la poutine administrative. Cependant,
il nous faut quand même avoir les pouvoirs nécessaires pour la
bien desservir, cette clientèle-là. Et c'est sur ça que
nous disons que nous devons avoir, à l'intérieur de la loi, la
souplesse nécessaire. Concernant la simplification des programmes, ils
vont être mis en application uniquement quand la loi sera
acceptée, ou est-ce qu'on va les mettre en application avant?
Le Président (M. Marcil): Merci.
M. Duguay: C'est encore une question que je pose.
M. Bourbeau: Je peux répondre à la question, M. le
Président?
Le Président (M. Marcil): Vous répondrez rapidement
à la question, M. le ministre?
M. Bourbeau: Oui. D'ailleurs, on a une tradition ici. Quand on
pose une question et que le temps est écoulé, le temps de la
réponse ne fait pas partie... Bon.
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Bourbeau: Pour ce qui est des program-
mes, présentement, on est en train de les simplifier et de les
regrouper pour avoir quatre programmes, et notre intention c'est que ces
programmes viennent en vigueur le plus tôt possible. D'ailleurs, je crois
comprendre que vous faites des pressions présentement pour que les
programmes soient mis en oeuvre même avant la mise en place de la
Société. Ce qui, d'ailleurs, me fait... Je trouve un peu
étrange que dans votre document vous nous dites que la
Société héritera de programmes prêts à porter
sans avoir pu exercer sa première responsabilité, qui est
justement de les concevoir. Il semble y avoir une contradiction entre votre
mémoire et... Vous nous dites: La Société va être
devant un fait accompli mais, par contre, vous nous pressez de mettre sur pied
les programmes. Moi, je vous dis que nous allons faire en sorte, le plus
tôt possible, de mettre en vigueur ces programmes-là de
façon à ce que quand la Société va arriver elle
n'ait pas à tout faire, qu'on soit déjà lancés dans
cette voie, cette voie qui est large et qui permet justement une adaptation
régionale très intense.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. (11 h 15)
Mme Harel: Merci M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer, M. Duguay et les personnes qui vous accompagnent, de l'Association
provinciale des CFP. Il m'a semblé qu'il y avait une sorte de malentendu
dans les propos du ministre quand il vous parlait de pouvoirs accrus. En fait,
il faudrait plutôt parler de mandats additionnels, mais avec moins de
pouvoirs, en fait, pour les réaliser. J'ai été quand
même bien contente d'entendre les motifs qui amènent le ministre
à privilégier cette façon de faire parce que je me dis
qu'à partir du moment où on échange là-dessus on
peut quand même le faire évoluer. Finalement, ce qu'il nous dit,
c'est pour des bons motifs, c'est pour simplifier au maximum l'administration
de la gestion au profit des programmes et de la clientèle. Il faudrait
peut-être aussi voir les inconvénients que ça va
présenter et les mettre dans la balance. L'inconvénient, est-ce
que ce n'est pas, non pas de simplifier au maximum, mais de confier au maximum
l'administration de la gestion à une structure centralisée?
Est-ce que ça peut, au contraire, avoir des effets pervers sur la
gestion des programmes et sur la clientèle? C'est un débat. Pour
moi, évidemment, la réponse penche dans le sens de la
décentralisation, mais, chose certaine, j'apprécie que le
ministre nous ait donné les motifs qui l'avaient amené à
privilégier cette façon de faire.
M. Duguay, dans votre mémoire, dès la présentation
que vous en faites, vous nous signalez une consultation que vous avez
menée auprès des 1200 membres des comités consultatifs
régionaux. Et il y a une information intéressante, en fait, qui
nous vient de cette consultation, c'est la répartition, finalement, des
membres de ces comités consultatifs. Vous nous dites que c'est 672
représentants des salariés et 597 représentants des
employeurs. Sur les 672 représentants des salariés, 178
proviennent de la FTQ, 91 de la CSN, 52 de la CSD et 258 d'autres groupes ou
associations professionnelles. Donc, c'est 40 % qui n'appartiennent à
aucune des trois centrales qui se trouvent à siéger à la
société mère, si vous voulez.
M. Duguay: Dans les comités consultatifs.
Mme Harel: C'est ça. Ça resté
représentatif, à ce moment-là, d'un état de
situation. D'autre part, vous nous partez des 597 membres représentant
les employeurs et, eux, on ne sait pas, finalement, s'ils appartiennent ou non
à l'AMQ ou au Conseil du patronat, à moins que vous ayez des
chiffres là-dessus. Moi, la question que je me pose, c'est: Comment
ça va se passer, puisqu'il n'y a pas de lien organique entre la
société mère - appelons-la comme ça - et les
sociétés régionales? Il n'y en a pas et je comprends le
ministre parce que, normalement, dans les autres pays où ce genre de
structure existe, c'est un va-et-vient entre les régions et
l'État, si vous voulez, parce que les associations
représentatives et les associations de salariés couvrent
complètement le territoire. Mais dans son projet de loi, à
l'article 37, par exemple, on voit bien qu'il n'y aura pas directement de lien
entre les associations patronales ou syndicales au niveau de la
Société. Ce n'est pas elles qui vont avoir, par exemple, à
recommander. On voit que quatre membres sont choisis après consultation
des associations de salariés les plus représentatives de la
région, et non pas après consultation des associations qui ont
été choisies pour siéger au niveau de la
société mère.
Là, il se pose un problème. Je pense que c'est là
où, moi, je ne vois pas très bien comment les choses vont se
passer, et je ne suis pas la seule. Dans le mémoire que Emploi et
Immigration Canada déposait devant la commission, il disait, à ce
sujet: Votre énoncé de politique ne nous semble prévoir
aucun lien entre la Société québécoise et les
sociétés régionales, chaque niveau étant
créé parallèlement à l'autre. Nous sommes bien
conscients, ajoutait Emploi et Immigration Canada, que l'approche de haut en
bas est la façon la plus rapide de mettre en place une nouvelle
stucture. Mais comment concilier cette approche avec le principe que les
programmes doivent coller aux besoins des marchés et que, dès
lors, les structures doivent permettre à ces besoins de remonter vers le
haut de façon à influencer les programmes? Il nous semblerait
donc préférable de procéder de bas en haut ou, tout au
moins, nécessaire de prévoir des processus de rétroaction
du bas vers le haut. Je ne sais pas. Je ne suis pas sûre de partager
la
recommandation. Vous, vous dites: II faut qu'il y ait des gens de la
société régionale qui siègent à la
société mère. C'est, j'imagine, votre réponse
à ce problème-là. Est-ce que c'est ça ou s'il faut
trouver une façon? Mais si je comprends bien, vous dites: II y a un
problème, là. Il y a un problème à ce qu'il n'y ait
pas de lien organique. Est-ce ça qu'il faut comprendre?
M. Duguay: Oui. En fait, il y a deux questions dans votre
présentation, Mme la députée. La première, c'est
concernant les employeurs, d'où ils viennent, de quelles associations.
Dans les régions, il est clair qu'il y a très peu d'associations
patronales qui ont des pendants dans les régions, sauf les chambres de
commerce. L'AMQ, le Conseil du patronat n'ont aucun pendant dans les
régions. Donc, les personnes qui siègent sur les
différentes instances des Commissions de formation professionnelle sont
des représentants d'employeurs qui, dans la plupart des cas, ne font pas
partie d'associations, sauf les gens qui font partie des chambres de commerce,
ou des représentants d'assurances, ou des choses comme ça, ou des
associations touristiques régionales.
Pour la deuxième partie de votre question «Est-ce qu'il y a
un lien entre les régions et le provincial?» c'est une faiblesse
que nous avons évidemment regardée dans le projet de loi et il
nous apparaît qu'il devra y avoir un geste de posé pour combler
cette lacune qui existe présentement, puisque le seul lien qui
apparaît dans le projet de loi, c'est le directeur régional de la
société qui se rapportera au P.-D.G. de la Société
québécoise. Or, sur ce, je vais laisser M. Laflamme approfondir
davantage votre question.
M. Laflamme (Nelson): Ce qu'on recommande surtout au ministre,
considérant qu'il faut accroître justement l'intérêt
des partenaires du monde du travail - représentants d'employeurs,
représentants de salariés - dans cette démarche vers une
culture de développement de la main-d'oeuvre, ce qu'on doit
privilégier, c'est le lien électif, d'une part, entre les
représentants du monde du travail et les structures consultatives et
administratives de la région.
Vous êtes conscients et conscientes aussi que nos modes
d'intervention à date ont toujours favorisé cette concertation
régionale avec l'ensemble des partenaires. Et c'est dans ce
sens-là qu'on veut justement maintenir le cap ou l'objectif de rendre
plus cohérent, bien sûr, l'ensemble des mesures, des interventions
des différents ministères en région, d'une part, pour
répondre aux besoins exprimés et, d'autre part, pour avoir un
lien avec la Société québécoise.
Mme Harel: Le moins qu'on puisse dire, en tout cas, c'est que ce
n'est pas clair et qu'il faut réexaminer ça, le fait que la
société régio- nale va perdre, en regard, donc, de ce
qu'est la réalité des cfp présentement. parce que ce n'est
pas tant le gouvernement qui se départit des pouvoirs au profit de la
société régionale, c'est plutôt le gouvernement qui
départit les sociétés régionales des pouvoirs que
détenaient les cfp. c'est ça, je pense, qu'il faut voir
là. mais dans ce sens-là, parce qu'il n'y a pas vraiment de
forum, les patrons qui vont être dans une cfp ne sont pas
nécessairement ceux qui sont en contact avec l'amq ou avec le conseil du
patronat. il n'y a pas vraiment de forum, au québec, en tout cas, par
rapport à d'autres structures dont on s'est inspiré dans d'autres
sociétés. alors, le ministre vous a dit tantôt: mais, le
directeur va pouvoir appeler, puis négocier et tout ça, mais le
directeur n'est même pas choisi parmi et par les gens de sa
région, qu'ils soient patrons ou travailleurs. alors, son plan de
carrière va être de quel côté? je pense que c'est une
bonne question à poser, hein?
M. Duguay: Le fait que le directeur siège ou se rapporte
au provincial est un lien qui est opérationnel, à notre point de
vue à nous, et qui est non politique. Donc, ses relations avec le
P.-D.G. de la Société québécoise seront de patron
à subalterne. Pour nous, il apparaît évident qu'il faut que
dans le projet de loi on crée un lien plus efficace entre les
régions et la Société québécoise pour faire
en sorte que le message des régions se transpose quelque part.
Mme Harel: À la page 19, vous résumez tout
ça en disant: Ce lien efficace, ça passe par le maintien de la
corporation de la Société au sens du Code civil, donc comme une
corporation avec une assemblée générale, un conseil
d'administration, un bureau de direction et, donc, avec un directeur qui est
choisi par son conseil d'administration. Les budgets continuent d'être
ceux qui sont attribués par la société mère et la
responsabilité à ce niveau-là est à fa
société mère. Mais, nous dites-vous, si on maintient ia
corporation au sens juridique et l'assemblée générale et
le conseil d'administration, il va y avoir une sorte d'interface qui va
permettre un peu plus de rapports égalitaires, si vous voulez, parce
que, sinon, c'est le rapport hiérarchique vertical qui va s'appliquer.
C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Duguay: Si on veut avoir des sociétés dynamiques
et qui correspondent aux besoins des gens, des partenaires du monde du travail,
il nous faut avoir des sociétés où nous avons des
assemblées générales et où nous avons des liens
entre les différents partenaires de cette structure. Sinon, c'est
purement administratif et, à moment-là, on va avoir de
sérieux problèmes au niveau de la compréhension et au
niveau de la diffusion du message qu'on aura à livrer, parce qu'il est
important le message. Je pense que le
défi que le ministre veut relever avec tous les partenaires du
Québec, il est important à relever; mais, pour ça, il faut
se donner les meilleurs outils.
C'est dans ce sens-là que nous, nous disons que pour avoir les
meilleurs outils possibles, il faut conserver des liens électifs, il
nous faut avoir une assemblée générale qui crée une
dynamique à l'intérieur d'un organisme, et il nous faut avoir des
gens qui sont élus et non des gens qui sont nommés. C'est le sens
de nos revendications.
Mme Harel: Compte tenu de votre préoccupation
clientèle... J'ai peut-être manqué, je ne sais trop, mais
je n'ai pas pris connaissance d'une position de l'Association concernant
l'exclusion d'une partie importante de la main-d'oeuvre, qui est
peut-être Inactive présentement, mais qui aurait besoin de
réintégrer le marché de l'emploi, l'exclusion des
personnes assistées sociales, que l'on garde dans des programmes
d'employabilité qui les font tourner en rond. Pensez-vous que dans le
mandat donné à la société mère et aux
sociétés régionales il doit y avoir aussi celui d'offrir
sans discrimination des programmes de formation?
M. Duguay: Je pense que pour nous, dans la mesure où nous
allons progresser à l'intérieur de la nouvelle
Société, les programmes devront s'ajouter, comme ça s'est
fait depuis quelques années à l'intérieur des Commissions
de formation professionnelle. Depuis 1984, on a continuellement ajouté
des programmes, qu'on veut simplifier en quatre parties. Depuis ce
temps-là, il s'est ajouté des programmes où les services
aux individus étaient compris. Mais pour le moment, on sait que la
priorité, c'est sur le développement de la main-d'oeuvre en
emploi. On sait qu'on a un retard qui est épouvantable dans ce
domaine-là. On se doit de le combler et, pour le combler, je pense qu'il
faut se donner les mesures nécessaires et les mesures efficaces pour le
faire. À mon avis, je ne crois pas que le fait qu'on parle presque
uniquement de politique de développement de la main-d'oeuvre, ça
exclut ceux qui ne sont pas en emploi.
Mme Harel: Mais, évidemment, l'énoncé
prévoit que les mesures d'employabilité continuent d'être
gérées par les centres Travail-Québec. Donc, une
filière pour les personnes assistées sociales, et une autre... Et
ce qu'on nous a fait valoir en commission, plusieurs groupes, notamment, hier,
nous ont dit: Le Québec ne doit pas se donner seulement un objectif de
compétitivité, mais un objectif aussi d'équité. Et
cette exclusion-là leur apparaissait contraire finalement... Tous ces
facteurs d'inégalité jouent très lourdement pour continuer
d'écarter des personnes qui ont été
déqualifiées dans les années récentes.
M. Duguay: Ce qu'on souhaite, Mme Harel, dans notre principale
recommandation, à la page 25 de notre mémoire, on dit justement
que la Société québécoise doit se préoccuper
de l'ensemble des réalités de la main-d'oeuvre. Et, dans ce
sens-là, on recommande que soit assurée au conseil
d'administration une représentation tant de la part des travailleurs,
des employeurs, du monde agricole, des petites entreprises et, pour
répondre à votre question, des groupes cibles dont vous faites
mention. C'est là qu'on les voit.
Mme Harel: Ces groupes cibles, vous pariez en particulier,
j'imagine, de la main-d'oeuvre féminine qui a longtemps
été exclue des programmes de main-d'oeuvre.
M. Duguay: Tous les groupes cibles, toute la main-d'oeuvre.
Mme Harel: Une dernière question. À la page 21,
vous nous dites que présentement des règles de gestion sapent le
dynamisme et l'efficacité des CFP, règles de gestion qui imposent
des programmes, des budgets, du personnel. Vous considérez que les
règles en cours présentement... J'aimerais bien que vous nous
fassiez le bilan de ce que vous aimeriez voir changer.
M. Laflamme: O.K. En fait, je pense que le ministre a
commencé à toucher plus tôt en discussion, tantôt, le
regroupement et la simplification des programmes. Vous savez comment les
entreprises, les représentants d'employeurs et de salariés
souhaitent justement une simplification et aussi une souplesse dans l'ensemble
des mesures, pour favoriser justement des interventions qui répondent
davantage aux réels besoins du milieu. C'est dans ce sens-là
qu'on souhaite également que les sociétés
régionales puissent, sans aller jusqu'à définir
elles-mêmes leurs propres règles de gestion concernant les
mesures, faire en sorte que les mesures soient adaptables aux besoins des
régions. Quand on pense aux critères nationaux qu'on a
décriés jusqu'à un certain point à la commission
Bélanger-Campeau, je pense qu'il faut revenir aussi au niveau de chacune
des régions, qu'on soit capables avec nos conseils d'administration, une
partie élue et une partie nommée, qu'on soit capables ensemble,
justement, de déterminer quels sont les critères, comment on peut
faire pour répondre aux vrais besoins du marché du travail dans
chacune de nos régions. C'est dans ce sens-là qu'on a dit: Si on
laisse la marge de manoeuvre aux véritables partenaires impliqués
dans la gestion, c'est à ce moment-là qu'on va être
capables de mieux y répondre.
Le Président (M. Marcil): En conclusion.
Mme Harel: En lisant votre mémoire, ça m'a
rappelé, finalement, ce leitmotiv des porte-parole
régionaux lors de la tournée de Bélanger-Cam-peau:
rapatrier au Québec, mais pas à Québec. Finalement, ce que
vous nous dites, c'est qu'en rapatriant... Québec, c'est un peu un
modèle dangereux, qui va se présenter comme un
précédent: ça va être un rapatriement à
Québec et ce ne sera pas un rapatriement au Québec,
c'est-à-dire, donc, dans les régions. Vous nous donnez, à
la page 11, les motifs qui doivent amener un rapatriement dans les
régions. Vous nous parlez d'une réalité des marchés
du travail. Vous dites: «Le Québec a toujours invoqué
auprès du gouvernement fédéral que le marché du
travail canadien est une fiction et qu'il n'existe que des marchés du
travail qui diffèrent l'un de l'autre.» Vous ajoutez: «Cet
argument garde encore toute sa force lorsqu'on l'applique au territoire
québécois: le Québec est lui-même composé de
marchés du travail régionaux...»
On pourrait même dire que dans une même région, il
devrait y avoir, évidemment, des services locaux, parce que c'est
sûr qu'en Montérégie, par exemple, il y a tout le secteur
rural qui est bien différent de celui qui se développe au niveau
manufacturier. Donc, ce que vous craignez, c'est qu'en rapatriant, finalement,
il y ait une société mère qui, elle, finisse par tomber
dans les mêmes excès qu'à Ottawa, définir les
pénuries, etc., et que vous soyez, vous, obligés d'appliquer ces
programmes-là. C'est ça qu'il faut comprendre?
Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la
députée.
M. Duguay: Toutes les régions du Québec ont une
problématique différente au point de vue du marché du
travail. Il nous apparaîtrait assez audacieux de vouloir les uniformiser
au niveau du Québec. C'est pour ça qu'on dit qu'on doit les
conserver dans les régions, d'autant plus que, de plus en plus, les gens
réclament dans les régions des pouvoirs additionnels à
tous les niveaux.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. Laflamme:
En terminant... Le Président (M. Marcil): Oui.
M. Laflamme: ...je pense qu'on l'identifie à la page 11,
juste un petit peu plus loin. Ce qu'on veut, c'est que la stratégie
d'action repose effectivement sur le principe d'une démarche
d'accompagnement du dynamisme des régions. Je pense que ça
s'inscrit dans toute politique gouvernementale.
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup. Merci
beaucoup, M. Duguay, de même que les personnes qui vous accompagnent.
Nous allons maintenant accueillir la Centra- le de l'enseignement du
Québec. Donc, nous allons suspendre pour une minute seulement.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
(Reprise à 11 h 35)
Centrale de l'enseignement du Québec
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez vous approcher,
nous allons débuter immédiatement. Je demanderais aux
députés de revenir à leur siège, s'il vous
plaît. M. le ministre, Mme la députée, voudriez-vous
prendre place pour qu'on puisse débuter immédiatement les travaux
de cette commission? Bon. Maintenant, nous accueillons les représentants
de la Centrale de l'enseignement du Québec, dont la présidente
est Mme Pagé. Mme Pagé, si vous voulez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent et procéder immédiatement
à l'exposé de votre mémoire.
Mme Pagé (Lorraine): parfait. merci, m. le
président. alors, je suis accompagnée, à ma droite, de mme
rosette côté, vice-présidente de la centrale,
première vice-présidente responsable des dossiers
d'éducation, et, à ma gauche, de m. christian payeur, conseiller
syndical à l'unité de recherche à la centrale, qui a
travaillé plus particulièrement à la rédaction du
mémoire qui vous est soumis aujourd'hui. je voudrais tout d'abord vous
remercier de nous recevoir et de nous entendre aujourd'hui, en espérant
que nous pourrons être écoutés sur certains aspects que
nous allons porter à votre attention.
Nous avons préparé un mémoire qui prend pour acquis
que nous ne commentons pas un projet global de politique de la main-d'oeuvre
mais plutôt les premiers pas d'une démarche qui devrait nous mener
à une véritable politique de main-d'oeuvre. Parce que nous ne
pouvons pas considérer que l'énoncé de politique qui est
en circulation présentement constitue une véritable politique de
main-d'oeuvre. Il ne peut être considéré que comme les
premiers pas.
Et, à cet égard-là, la pertinence de la
Société qui est proposée pour soutenir cette
démarche va être fonction de la rigueur du partenariat qu'elle va
exprimer, mais également de l'autonomie réelle dont elle va
disposer. Il nous apparaît donc fondamental d'assurer la présence
de celles et ceux qui font la formation professionnelle, c'est-à-dire
les membres que nous représentons au sein de cette société
d'État. Je vous rappelle que les membres que nous représentons
conçoivent, élaborent, dispensent, évaluent et
administrent les différents programmes de formation de la main-d'oeuvre
et de formation professionnelle. En ce sens, leur présence est tout
à fait indispensable au sein de la société d'État
et la présence de la Centrale
également tout à fait indispensable.
Nous sommes d'accord avec les quatre axes d'intervention qui sont
Identifiés, c'est-à-dire le sous-investissement dans la formation
professionnelle, la simplification des structures, le partenariat et les
rapports formation et marché du travail. Et je m'attarderai sur chacun
de ces aspects.
Tout d'abord, quels sont les faits qui doivent nous guider dans
l'établissement de nos politiques de main-d'oeuvre? Je pense qu'il faut
constater, d'une part, que le Québec se caractérise par des
carences au plan de la scolarisation de sa population active. Si on compare le
Québec et l'Ontario, par exemple, on verra que le taux de population
active qui a moins de huit ans de scolarité est de 17, 8 % au
Québec et n'est que de 11, 9 % en Ontario. Il y a donc un effort
marqué à faire au niveau de la sous-scolarisation parce que
sous-scolarisation équivaut à sous-qualification,
sous-qualification équivaut à sous-emploi et sous-emploi
équivaut à sous-développement. Ce n'est pas pour rien
qu'on a une population inactive au Québec à près de 20
%.
C'est donc un facteur d'exclusion et c'est un facteur d'exclusion qui
joue de façon encore plus radicale pour les femmes. Le taux
d'activité des femmes qui ont moins de neuf ans de scolarité est
de 21, 7 %, alors que pour les hommes II est de 50, 5 %. Donc, les femmes moins
scolarisées sont encore plus exclues du marché du travail que les
hommes. De plus, si on faisait le portrait robot d'une femme, on verrait
qu'elle est davantage sous-scolarisée, qu'elle est davantage
frappée par la précarité d'emploi et qu'elle travaille
dans une PME de services. Ça, c'est le portrait-robot. Tous des facteurs
qui, en s'additionnant, rendent encore plus difficile l'accès à
la formation pour les femmes qui sont sur le marché du travail. La
précarité rend encore plus difficile leur accès à
la formation, le fait de travailler dans une PME rend encore plus difficile
leur accès à la formation et, à cet
égard-là, c'est donc une situation dont il faut se
préoccuper quand on parle de formation de la main-d'oeuvre. Enfin, les
besoins de formation sont accrus par la précarisation de l'emploi, qui
est la nouvelle mode dans l'organisation du travail, mais qui pose des
problèmes aigus dans l'accès à la formation.
La viabilité des PME. Nous sommes dans une société
de PME, elles sont créatrices d'emplois mais, en même temps, elles
ont une fragilité économique, une taille qui rend plus difficile
la dispensation de la formation en entreprise, même souvent, tout
à fait impensable et inorganisable et, enfin, nous faisons face à
un problème de vieillissement de la main-d'oeuvre. On ne peut pas
envisager une politique de formation de la main-d'oeuvre sans tenir compte de
ces caractéristiques particulières au Québec.
Le financement. Les propositions qui sont mises de l'avant par le
ministre, M. Bourbeau, à notre avis, ne permettent pas d'espérer
qu'on mettra fin au sous-investissement chronique en formation de la
main-d'oeuvre. Nous pensons que le Québec est mûr pour faire face
à une mesure plus contraignante dans ce domaine en obligeant l'ensemble
des entreprises à un investissement majeur, en tout cas, un
investissement important en formation. D'ailleurs, dans les pays où la
formation de la main-d'oeuvre connaît de bons résultats, il y a
des mesures qui sont plus contraignantes quant au financement de la formation.
Je rappelle, par exemple, qu'en France on impose un niveau minimum de
dépenses en proportion de la masse salariale, qui est de 1, 2 %. C'est
le niveau qui est atteint dans les petites entreprises, mais les grandes
entreprises sont déjà rendues à plus de 4 % de leur masse
salariale injectés dans la formation. Quand les entreprises ne mettent
pas ce niveau d'investissement, elles ont une taxe; ça, c'est la
situation en France. Dans d'autres pays, c'est carrément une taxe sur la
masse salariale. C'est le cas en Grande-Bretagne, au Portugal, en Grèce,
en Irlande, et j'aurais pu en citer d'autres. On pourra me répondre: Les
entreprises au Québec sont déjà trop taxées. Il y
en a qui disent ça. Il y a déjà trop d'entreprises qui
ferment, et tout ce que vous trouvez à suggérer, c'est une taxe
de plus. Je pense que ça illustre bien pourquoi il faudra faire le
débat sur la fiscalité dont nous parions. Il y a des taxes qui
sont productives et ça serait le cas de cette taxe sur la formation
professionnelle.
Enfin, notre mode de financement doit assurer un accès à
la formation, il doit favoriser la mise en place d'un véritable
congé-éducation et favoriser des choix collectifs. À cet
égard-là, je voudrais vous signaler que, pour la formation,
actuellement, même si on en parie beaucoup, même si tout le monde
est d'accord pour dire qu'il faut en faire, quand on regarde les chiffres, ils
sont très troublants. En 1986-1987, on comptait 24 707 adultes inscrits
en formation professionnelle ou générale; en 1990-1991, ils
étaient 10 934. C'est le résultat de certaines politiques.
Si on compare maintenant la formation professionnelle, en 1986-1987, il
y avait 200 433 individus inscrits dans un programme de recyclage et de
perfectionnement, comparé à 139 649 en 1990-1991; là
aussi, une baisse marquée. La formation sur mesure a aussi
diminué; on est passé de 17 824 à 14 984. Le crédit
d'impôt, ça ne donne rien. Ça l'illustre bien. Il faut
cesser de parier de faire de la formation professionnelle, il faut en faire et
il faut se donner les moyens d'en faire.
Un véritable partenariat. Vous allez dire qu'on est
obsédés, ça nous arrive parfois. Nous avons, dans le cas
de ce mémoire, une double obsession: la présence des institutions
publiques d'enseignement dans la société d'État et,
deuxièmement, la présence de la CEQ dans la nouvelle
structure proposée. Ce n'est pas une question d'enjeu relative
à un secteur ou à un groupe particulier, ce n'est pas une
question de pouvoir pour la Centrale, c'est une question qui va donner
véritablement un sens - la portée et la viabilité
signifiantes - à cette société d'État qu'on veut
créer et à l'importance du partenariat qu'on veut créer
autour de la formation professionnelle. (11 h 45)
Je dois vous dire que, pour ma part, je suis toujours très
surprise de voir qu'on appelle au partenariat, mais que les personnes qui
appellent au partenariat sont très timides sur le partenariat puisque la
place qu'on consent au monde de l'éducation et qu'on consent à la
Centrale dans le modèle qui est invoqué est inexistante. Nous
pensons qu'il faut une représentation du milieu de l'enseignement au
conseil d'administration de la Société et au sein des conseils
régionaux. Donc, une présence de la CEQ au conseil
d'administration de la Société, et une présence des
intervenantes et des intervenants - particulièrement les enseignantes et
les enseignants - aux conseils régionaux.
Sur les groupes communautaires, nous sommes d'avis qu'il faut rechercher
des mécanismes pertinents pour assurer leur représentation au
niveau national, mais il faudra vraiment trouver le mécanisme pour
désigner ce groupe communautaire qui, bien souvent, a des assises bien
plus dans les régions; mais leur présence devrait être
absolument essentielle au sein des régies régionales. nous
demandons le retrait de l'article 25 qui laisse prévoir une tarification
des services de la future société. il faut taxer la maladie, il
faut taxer la formation. je ne sais plus quand on va s'arrêter. et,
enfin, nous demandons qu'il y ait un mandat plus responsable pour les
partenaires qui vont siéger, qui vont travailler en partenariat au sein
de la société d'état.
La quatrième partie, c'est sur la formation et le marché
du travail. C'est à partir de la page 15 dans notre mémoire.
Là, je voudrais attirer votre attention de façon un peu plus
détaillée parce que, à notre avis, c'est la partie la plus
faible du projet de loi et de l'énoncé de politique, probablement
parce qu'il n'y a pas eu véritablement cette jonction avec le monde de
l'éducation et les assises du partenariat. Donc, il y a vraiment
beaucoup de faiblesses dans cet aspect-là.
Tout d'abord, le développement des stages en entreprise. Nous
pensons que ça demeurera un voeu pieux s'il n'y a pas de politique
claire, notamment des ressources nécessaires pour les institutions
publiques d'enseignement, des mesures appropriées pour inciter les
entreprises à accueillir les stagiaires. Dans ce sens, je dois vous dire
que la Centrale a déjà commencé à travailler avec
le CPQ pour élaborer ce que pourrait être une politique de stages
en entre- prise, ce que pourrait être le contrat régissant les
rapports de l'entreprise, de la maison d'enseignement, des syndicats de
travailleurs et de travailleuses dans une entreprise où on reçoit
des stagiaires.
Le deuxième élément. Nous pensons qu'on laisse
croire dans la politique de main-d'oeuvre aux vertus de la concurrence dans le
secteur de la formation et, à cet égard-là, nous reprenons
dans notre mémoire les critiques du Conseil des collèges, tout ce
qui a été fait dans la concurrence à cet
égard-là. Le Conseil des collèges montre bien comment
ça a été nocif: manque de coordination et de concertation
au niveau régional, concentration des activités dans les secteurs
les plus payants au détriment des secteurs moins payants, manque
d'efficacité. Nous pensons qu'au moment où on s'engage dans une
politique de main-d'oeuvre il faut tirer des leçons des
événements du passé et ne pas reproduire des
modèles qui déjà montrent que les résultats ne sont
pas satisfaisants.
Nous nous inquiétons aussi des propos à l'effet de vouloir
maintenir la responsabilité des institutions d'enseignement pour
répondre aux besoins de formation des individus, à moins qu'elles
ne puissent offrir cette formation ou qu'elles s'engagent à conserver
à l'entreprise le choix du formateur. Nous pensons que, là, c'est
une façon d'introduire de la formation à la carte, de
générer de la précarisation dans l'emploi, même pour
les formateurs. Cela va nécessairement avoir un effet sur la
qualité des services offerts et sur la planification des services
à offrir également. Le dogme de la concurrence pour
établir des services, pour donner une politique globale, ce n'est
certainement pas la voie qui est garante de l'avenir.
Créer des écoles de métiers
spécialisés, soit! Il y en a qui se créent dans le
réseau. Ce n'est pas la seule formule pour la CEQ. C'est une formule
à laquelle on peut recourir, mais il est essentiel que le personnel des
institutions d'enseignement soit étroitement associé à la
création de ces nouveaux centres. nous sommes d'accord pour travailler
avec tous les partenaires pour lutter contre le décrochage scolaire,
pour favoriser la fréquentation scolaire, pour valoriser la formation
professionnelle. là aussi, nous avons commencé a travailler
très étroitement avec d'autres partenaires et nous serions
intéressés à le faire avec d'autres ministères que
celui de l'éducation, si cela était possible. nous appuyons la
proposition d'entreprendre dans les meilleurs délais des études
sur l'impact du travail par rapport à l'abandon prématuré
des études.
Enfin, nous voulons vous interroger sur la question de la
flexibilité dans l'accès des adultes aux formes variées de
formation. Présentement, lorsqu'un adulte entend suivre un cours en
formation sur mesure ou tout simplement un cours, sans poursuivre l'ensemble du
programme,
il n'y a aucun prérequis exigé. Alors, quand on dit qu'il
faut avoir plus de flexibilité, qu'est-ce qu'on peut avoir de plus
qu'aucun prérequis exigé?
Le projet de développer un système d'apprentissage
soulève chez nous plusieurs questions. Quelle est la clientèle
visée par ce programme? Pour quels métiers? Comment pourra-t-on
s'inscrire à un tel régime sans avoir décroché du
système scolaire? Et est-ce que ça ne sera pas une incitation
à décrocher du système scolaire? Il nous semble que cette
voie-là semble improvisée et que les impacts n'ont pas vraiment
été mesurés. Il nous semble qu'il faudrait travailler le
développement des stages en entreprise, des formules d'alternance
école-travail, qui seraient beaucoup plus intéressantes,
plutôt que de créer une autre filière qui pourrait
constituer un incitatif au décrochage pour des jeunes qui trouveraient
que cette voie est plus facile, qu'ils pourraient être
rémunérés pour le temps où ils sont dans
l'entreprise. Il nous semble que, quand on a 4 jeunes sur 10 qui ne finissent
pas leur secondaire, on devrait d'abord s'inquiéter de ça avant
de prévoir de nouvelles filières de formation. Développons
plutôt les mesures de soutien, d'appui et d'encadrement. Il y a de grands
risques dans cette formule et beaucoup de questions restent sans
réponse. Il nous semble que le partenariat avec le système
scolaire permettrait de répondre à ça.
Je complète, puisque je suis à peu près à la
fin de la présentation, en vous disant, en conclusion, que pour nous,
pour la CEQ, une politique de formation de la main-d'oeuvre doit assurer
l'adaptation de la main-d'oeuvre, mais aussi contribuer à
l'évolution de l'emploi, à sa transformation, à sa
compétitivité, à relèvement des compétences,
de même qu'à des transformations importantes, par exemple,
liées à la sexisa-tion de l'emploi. Nous sommes d'accord pour la
mise sur pied d'une société. C'est un pas dans la bonne
direction, mais c'est essentiel que cette société repose sur un
véritable partenariat qui fait une place au monde de l'éducation,
qui fait une place à la CEQ, et nous sommes disposés à
contribuer et à travailler en collaboration avec tous les partenaires
pour vraiment faire de la formation de la main-d'oeuvre, de la formation
professionnelle un dossier d'avenir pour la société
québécoise. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme Pagé.
M. le ministre, vous avez 17 minutes.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
saluer, à nouveau, les représentants de la CEQ et la
présidente, Mme Pagé, avec qui j'ai eu l'occasion de discuter
à quelques reprises. Je pense qu'on comprend très bien que nous
n'avons pas voulu, avec le document sur la main-d'oeuvre, enclencher un grand
débat sur l'éducation nationale au Québec et sur la
façon dont l'éducation doit s'enseigner. Je pense que c'est assez
bien compris. D'ailleurs, la présidente a dit tantôt que, pour
elle, c'était un premier pas. Ce n'est pas une véritable
politique de main-d'oeuvre, mais si vous avez lu comme moi l'avant-propos du
document d'orientation, nous avons fait ces distinctions-là et nous
avons expliqué pourquoi nous n'avons pas tenté de réaliser
cette tâche impossible qui était de consigner dans un seul
document la problématique de tout ce qui peut toucher de près ou
de loin à la main-d'oeuvre et à l'enseignement, étant
donné qu'autour de l'an 2025 on serait encore à écrire le
document et que rien ne serait arrivé de concret sur la table.
Bien sûr, il faudra reparler de l'enseignement au Québec et
le plus rapidement possible. À cet effet, j'ai le goût de vous
poser une question. Vous faites état, et nous aussi, de la
désaffectation envers la formation professionnelle au Québec.
D'après vous, d'où vient cette désaffectation? Quelle est
la raison de cette désaffectation envers la formation
professionnelle?
Mme Pagé: Plusieurs raisons. Tout d'abord, je dirai qu'il
y a un rapport culturel de la société québécoise
à l'égard de la formation, qui prend des racines très loin
dans le passé, où on va à l'école pour
acquérir une formation académique. C'était ça
à l'époque où nos institutions d'enseignement
étaient surtout privées. On apprenait le métier avec son
père ou on travaillait sur la terre à la campagne, et quand on
allait à l'école, c'était nécessairement pour une
formation académique. Il y avait les écoles de métiers.
Là, il y a des nostalgiques des écoles de métiers qui nous
disent: Oui, mais quand les écoles de métiers étaient
là, c'était plus valorisé. Il faut se souvenir qu'on n'a
jamais formé plus que 20 % à 25 % de nos jeunes dans la
filière professionnelle ou technique. Donc, même à
l'époque soi-disant rose des écoles de métiers, il n'y
avait jamais cette valorisation de la formation professionnelle par la voie
scolaire, et ça explique que quand on a développé la
formation professionnelle, il y a toujours eu cette forme de
dévalorisation qui a été le fait de la majorité des
intervenants dans la société. Même les entreprises, pendant
très longtemps, ont vu la formation professionnelle comme accessoire ou
privilégiaient la formation sur le tas, une formation un peu plus
pointue, sans vraiment de compétences techniques très
développées. C'est une première raison. La deuxième
raison, c'est l'incurie gouvernementale pendant des années. On a
laissé vieillir des équipements. On n'a pas valorisé la
formation professionnelle. Et, quand je dis pendant des années, je
remonte... Il y en a pour les deux, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pagé: Je vous résume ça. Vraiment,
l'incurie...
M. Bourbeau: Je suis content que vous le disiez parce que, sans
ça, je suis convaincu qu'on aurait écopé seuls.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pagé: Vraiment les deux, là. Maintenant, la
formation professionnelle est rendue un sujet de préoccupation pour tout
le monde, mais pendant des années, ça n'a pas été
ça. Il a fallu avoir 10 000 élèves inscrits en formation
professionnelle pour qu'à un moment donné on se rende compte que
ça n'avait plus de bon sens. Alors, c'est pour vous montrer comment
même les décideurs politiques se désintéressaient de
ça.
Troisièmement, je pense qu'il n'y a pas eu véritablement
de lien structuré entre le monde du travail et le monde de
l'éducation, ce qui a développé, dans le monde du travail,
la perception que la formation professionnelle donnée dans
l'éducation n'était pas adéquate et qui a
développé, dans le monde de l'éducation, la perception que
le monde du travail voulait une formation à rabais. l_à, chacun
s'est mis dans sa bulle et ça a mené aux échecs qu'on
connaît. Là, ça vient plaider encore davantage pour un
travail concerté de valorisation professionnelle et pour un partenariat
très étroit entre le monde du travail et le monde de
l'éducation.
M. Bourbeau: Pourtant, dans les anciennes structures des
écoles d'arts et métiers et des instituts de technologie, on
avait ce lien très étroit entre les entreprises, le monde du
travail et le monde de l'enseignement, parce que le monde du travail
était très présent dans ces anciennes structures. Quand on
a fait la réforme de l'éducation au Québec, on a
évacué les entreprises et le monde du travail et de
l'enseignement professionnel en disant que l'enseignement, c'est l'affaire du
gouvernement. On a parqué, si vous me passez l'expression,
l'enseignement professionnel dans les filières traditionnelles en
évacuant totalement le marché du travail de ce système.
Ça a donné les résultats qu'on voit, aujourd'hui,
où on nous dit que les étudiants qui sortent du secondaire, ou de
l'enseignement professionnel quand c'est au général, ont à
peine la capacité de lire le diplôme qu'on leur remet; et quand
c'est dans l'enseignement professionnel, ils arrivent sur le marché du
travail et les entreprises nous disent qu'il faut les recycler en arrivant.
Parlez aux gens de Bombardier, parlez aux gens de Spar Aerospace ou d'autres
entreprises; ils nous disent: Les étudiants arrivent et il faut
immédiatement les recycler en arrivant. Ils ne sont pas capables de
faire le travail qu'on leur demande, en général.
Récemment, je rencontrais quelqu'un qui me disait: Bien oui, quand on
était au secondaire, nous, il y avait deux types d'étudiants; les
étudiants brillants étaient dans des classes en avant, ceux qui
s'en allaient au cégep ou à l'université, et les autres,
ils étaient dans le fond de l'école, dans des classes où
ils faisaient des trous dans le mur. Ça, c'étaient les
étudiants du professionnel. C'est comme ça qu'on les voyait.
Alors, un système comme celui-là, pensez-vous que c'est
vraiment un système qui revalorise l'enseignement professionnel? On a
beau dire que c'est la faute du gouvernement - peut-être, oui, je ne le
sais trop, là - mais il me semble qu'il y aurait peut-être lieu
aussi de regarder la façon dont on valorise, dans les milieux de
l'enseignement, l'enseignement professionnel. Est-ce qu'on n'a pas
écarté un peu trop vite les écoles d'arts et
métiers et les instituts de technologie? Est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de revenir vers ça, plutôt?
Mme Pagé: On vous dit qu'on est prêts à dire
qu'il faut faire certains centres spécialisés. On dit que ce
n'est pas la seule formule. C'est tout simplement là-dessus qu'on attire
votre attention. Deuxièmement, M. Bourbeau, vous me parlez d'un
système qui n'existe plus. Alors, je ne sais pas. Peut-être qu'il
y a 40 ans c'était de même, mais ça n'existe plus, ce que
vous décrivez. Selon les filières de formation professionnelle
qui se sont développées au cours des dernières
années, il y a des taux d'employabilité des jeunes de 80 %, 85 %,
90 %, 95 %. Ils trouvent un emploi dans ces proportions-là. (12
heures)
Troisièmement, on travaille avec le Conseil du patronat, avec des
patrons, et ils nous disent qu'il y a vraiment eu une adaptation importante de
beaucoup de programmes de formation. Ils sont contents de la formation qui est
dispensée présentement, mais il y a des modèles qu'on n'a
pas encore assez développés, qui permettraient de régler
certaines situations que vous avez décrites quand vous parliez de
Bombardier. Si on ne développe pas les stages en entreprise, si on ne
développe pas la formule d'alternance marché du
travail-éducation, il y a des types de formation qu'on ne pourra jamais
donner dans les institutions parce qu'on n'a pas tous les équipements
nécessaires pour le faire. Et là, quand on parle de jonction, de
collaboration, c'est justement pour permettre de régler encore des
problèmes qui peuvent exister et il faut aller dans cette
voie-là, il faut développer davantage.
Je vais laisser la parole à Christian, qui travaille de
façon un peu plus précise là-dessus avec le Conseil du
patronat, qui va vous donner les différentes formes que ça peut
prendre, ce qui permettrait de régler le problème que vous
signalez. Et si Mme Côté a des choses a ajouter, je lui laisse la
parole sur cet élément-là.
M. Payeur (Christian): Je pense qu'il faut
faire attention à la façon d'interpréter les
nombreuses choses qui se disent venant du monde du travail, en particulier du
monde des entreprises sur la formation professionnelle, parce qu'on entend des
choses qui vont dans toutes sortes de directions. Beaucoup d'intervenants du
monde du travail et du milieu de l'entreprise ont revendiqué un
relèvement significatif des seuils d'accès à la formation
professionnelle parce qu'ils revendiquaient une formation de base plus
importante, une formation générale meilleure. En même
temps, d'autres nous disent, des mêmes milieux souvent: Ces
seuils-là maintenant sont trop élevés. Donc, on ne peut
pas faire plaisir à tout le monde en même temps dans un discours
comme celui-là. Il faut surtout se rappeler, au plan historique,
pourquoi on a voulu transformer les anciennes écoles de métiers.
C'est que justement le monde du travail se plaignait de la sous-scolarisation
des jeunes qui, très souvent, sortaient de ces écoles-là.
En termes de formation générale, le bagage de formation
générale que ces jeunes-là avaient était
insuffisant. Donc, il faut toujours essayer d'établir un
équilibre entre le besoin d'en arriver à un certain niveau de
formation générale qui est reconnu de tout le monde et la
nécessité d'apprendre un métier.
Je vous rappelle, par ailleurs, qu'il y a eu beaucoup
d'expériences venant du milieu scolaire, à la fin des
années soixante et au début des années soixante-dix, qui
voulaient associer le monde du travail et le monde des entreprises à la
formation professionnelle, et on s'est fait dire très souvent que
c'était maintenant la responsabilité des écoles et
qu'elles devaient s'organiser avec ça. Il y avait donc, du
côté du monde du travail, une espèce de
déresponsabilisation qui a entraîné un ensemble de
problèmes pour les intervenants du milieu de l'éducation qui
voulaient même, à l'occasion, organiser des stages. Donc, il faut
voir... On est très conscients que, si on veut revaloriser
concrètement la formation professionnelle, il faut développer les
stages, il faut développer des formules où le monde du travail
est davantage présent. Cette bonne idée-là est
présente dans plusieurs milieux et, notamment, elle est présente
au niveau du ministère de la Main-d'oeuvre, dans le milieu scolaire, au
niveau des commissions scolaires, tant dans les programmes de formation
professionnelle qu'en insertion sociale des jeunes, et elle est présente
dans les cégeps.
Qu'est-ce que ça signifie, ça, dans nos régions?
Ça signifie que les mêmes institutions se présentent dans
les mêmes milieux de travail et c'est le premier arrivé qui
obtient le stage, parce qu'y n'y a aucune coordination dans nos régions
entre l'offre et la demande de stage. On commence à
réfléchir à partir de certaines expériences. On
peut penser à l'intervention d'AGIR dans la région de Sorel pour
mettre ensemble les gens de l'éducation et le monde du travail
là-dessus. Mais il y a des choses importantes à cet
égard...
M. Bourbeau: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le ministre.
M. Bourbeau: Je voudrais simplement dire à nos
invités qu'il faudrait quand même... C'est supposé
être un dialogue. Je ne voudrais pas provoquer des causeries avec une
question. Moi, j'ai des questions à vous poser et, si vous vous passez
la parole de l'un à l'autre et que chacun vient renchérir, dans
dix minutes, on aura terminé et je n'aurai pas...
M. Payeur: J'avais terminé.
M. Bourbeau: Bon. Alors, je ne veux pas vous empêcher de
parler, mais réalisez que vous n'en avez pas pour longtemps. Il reste
trois, quatre minutes seulement. Allez-y.
M. Payeur: Je voulais seulement terminer sur l'expérience
d'AGIR dans la région de Sorel qui est une excellente illustration du
partenariat qui peut s'établir entre l'éducation et le monde de
l'entreprise, dans l'équilibre et dans l'ouverture des milieux aux
stages.
M. Bourbeau: je voudrais maintenant vous poser des questions.
tout à l'heure, vous avez dit qu'il n'y avait pas de prérequis
d'exigés pour la formation des adultes. est-ce que je me trompe en
disant ça? est-ce que j'ai bien compris? mme pagé, c'est vous qui
avez dit ça.
Mme Pagé: J'ai dit que des adultes qui s'en vont suivre la
formation sur mesure n'ont pas de prérequis exigés. Donc, quand
vous dites...
M. Bourbeau: La formation sur mesure, ah! O.K.
Mme Pagé: ... qu'il faut assouplir encore, on dit:
Assouplir jusqu'où? Il n'y a déjà pas de prérequis
d'exigés. Alors, où voulez-vous assouplir? Dans quelle
filière de formation? C'est quoi les assouplissements auxquels vous
pensez?
M. Bourbeau: Le ministre de l'Éducation lui-même a
annoncé cette semaine qu'il voulait réduire les prérequis
dorénavant, qu'il n'exigerait que des préalables fonctionnels.
Alors, si le ministre de l'Éducation...
Mme Pagé: II ne parlait pas des adultes, M. le ministre.
Ça, c'est son projet pour réviser les prérequis en
formation professionnelle.
M. Bourbeau: Non, non. Il pariait des adultes sûrement.
Mme Pagé: Là aussi, pour les jeunes, mais nous
sommes en discussion avec lui aussi.
M. Bourbeau: Mais il parlait des adultes sûrement. Il ne
parlait pas des Jeunes.
Mme Pagé: Oui, mais pas par la filière de la
formation sur mesure.
M. Bourbeau: Des jeunes aussi, quand ils vont bifurquer vers la
formation professionnelle; d'accord, oui, O.K.
Mme Pagé: C'est ça.
M. Bourbeau: Mais il y en a des prérequis. Vous savez fort
bien qu'il y a un grand nombre...
Mme Pagé: Oui, mais dans votre texte, vous parliez des
adultes.
M. Bourbeau: ...de cours qui ont été annulés
littéralement, de cours organises pour les travailleurs, parce qu'un
grand nombre d'entre eux n'avaient pas le secondaire IV ou le secondaire V en
français ou en mathématiques. On a été
obligés d'annuler un grand nombre de cours, ce qui est très
désolant quand on se réfère à des pères de
familles de deux ou trois enfants qui ont besoin de quelques heures de
complément de formation et qui se font dire: Vous ne pouvez pas prendre
cette formation-là, vous n'avez pas un secondaire IV en français,
par exemple.
Mme Pagé: Mais dans le mémoire, on vous dit que la
voie privilégiée qu'il faut utiliser pour régler ce
problème-là, c'est une politique de reconnaissance des acquis,
des expériences, de ce qu'on appelle des acquis
«expérientiels».
M. Bourbeau: Des compétences professionnelles.
Mme Pagé: II n'y en a pas présentement de politique
à cet égard.
M. Bourbeau: Mais c'est ce qu'on propose. Vous avez lu le
document?
Mme Pagé: Oui, mais on vous dit: C'est la priorité.
Mais vous ne pourrez pas bâtir ça sans travailler en conjonction
avec le monde de l'éducation de façon très
étroite.
M. Bourbeau: C'est bien évident. C'est ce qu'on fait. On
est en train de le faire, d'ailleurs, présentement. Vous nous dites de
faire des choses qu'on est en train de faire.
Mme Côté (Rosette): M. Bourbeau, je crois que dans
votre énoncé de politique, ce n'est pas très
présent, l'importance de la reconnaissance des acquis relativement
à l'éducation des adultes. Je crois que vous avez raison quand
vous dites qu'actuellement certains adultes arrivent pour aller chercher un
cours en formation profession- nelle et on les empêche de prendre le
cours... Parce qu'il y a certains prérequis qu'ils auraient, si on
faisait une adéquation entre leur expérience et... Et, moi, je
crois que ce n'est pas très atfirmatif. Nous, on vous dit qu'on ne
pourra pas avoir un système de formation de la main-d'oeuvre et de
l'emploi qui est le même, éviter un système d'apprentissage
à double vitesse, s'il n'y a pas dans le cas de l'éducation des
adultes une vraie politique de reconnaissance des acquis qui ferait en sorte
que des adultes pourraient revendiquer de ne pas avoir des cours de
mathématiques, de français, parce qu'ils pourraient prouver que
dans leur parcours social, ils ont acquis ces expériences-là.
Nous, on trouvait que ce n'était pas très affirmatif. Si
ça l'est, bon, tant mieux. Nous, les informations que nous avons, c'est
que même au ministère de l'Éducation, c'est quelque chose
qui n'est pas nécessairement une préoccupation
première.
M. Bourbeau: Alors, détrompez-vous. On est
déjà, nous, à l'oeuvre depuis au moins deux ans au
ministère dans le développement d'un régime de
reconnaissance des compétences professionnelles. On a investi pas mal de
ressources depuis une couple d'années dans ce dossier-là, et
c'est un dossier qui évolue très rapidement et, pour nous, qui
est très important.
Mme Pagé: Vous êtes à l'oeuvre, mais on n'en
entend jamais parler. Vous ne pouvez pas vous surprendre qu'on vous dise des
affaires.
M. Bourbeau: II y en a qui passent leur temps sur la place
publique à faire des discours...
Mme Côté: Le partenariat, mais vous faites toutes
sortes d'affaires dont vous ne nous parlez pas.
M. Bourbeau: ...d'autres qui travaillent en silence. Mais le
résultat va être le même éventuellement. D'ailleurs,
c'est marqué ici. Je ne comprends pas. On l'a dit dans le document. Je
peux peut-être vous le dire maintenant, devant le micro, mais si vous
lisez le document, c'est très clair. Il y a tout un chapitre sur la
reconnaissance des compétences professionnelles.
Revenons donc au monopole, parce que vous avez traité de
ça un peu tantôt, le monopole de l'éducation sur la
formation professionnelle. Il y a des gens qui pensent qu'on devrait favoriser
en toutes circonstances le meilleur formateur pour la main-d'oeuvre et que si
le meilleur formateur, par hasard, ne se retrouve pas dans le régime
d'éducation publique, on devrait pouvoir aller ailleurs. Jusqu'à
maintenant on n'a pas pu le faire. Vous savez qu'il y a une pratique qui s'est
développée dans le système de l'éducation depuis
quelques années où quand, à la Main-d'oeuvre, chez nous,
on commande un cours, on achète des cours, si le système
d'éducation n'est pas capable
de fournir le cours, le professeur, la commission scolaire va contracter
envers nous, se retourner de bord, comme on dit en canadien, en
québécois, et va sous-contracter le contrat avec l'entreprise
privée. Et là, nous, on paie la commission scolaire; la
commission scolaire paie l'entreprise privée et ramasse sa commission au
passage, la différence entre les deux. Ce qui, évidemment, n'a
pas l'heur de nous plaire beaucoup parce qu'on se dit: SI ça coûte
moins cher dans l'entreprise privée et que la compétence est
là, pourquoi ne pourrait-on pas aller directement donner le cours a ceux
qui ont la compétence pour le donner? Et ça, ça
crée un petit peu de problèmes avec le système
d'éducation. Qu'est-ce que vous en pensez de tout ça?
Mme Pagé: Deux choses. Premièrement, la question
que vous posez trouve sa réponse dans la formation des formateurs. Or,
notre système scolaire, à cause de tout ce que j'ai décrit
tantôt, pendant des années, n'a pas fait une priorité de la
formation des formateurs. Quand tu dispenses de la formation professionnelle et
qu'il n'y a rien de conçu pour faire qu'un enseignant qui enseigne la
mécanique automobile, par exemple, ait les mesures qu'il faut pour
ajuster sa formation par un accès au recyclage, à des stages en
entreprise, bien oui, 10 ans plus tard, il n'a plus la formation
adéquate pour donner une formation qui répond à des
besoins de l'entreprise et des travailleurs et des travailleuses. Là, il
faut dispenser non pas une nouvelle affaire à côté, pour
venir introduire la concurrence, mais vraiment s'assurer qu'on fasse une
priorité de la formation des formateurs.
Deuxièmement, je vous renvoie à ce qui a été
dit au Conseil des collèges: La compétition qui existe
présentement entre les collèges, en formation professionnelle, a
donné des effets néfastes au niveau de l'efficacité, a
favorisé que l'on fasse de la formation dans les secteurs rentables et
non pas dans les secteurs qui sont moins rentables. S'imaginer qu'on
échapperait à cette logique-là parce que ce serait non
plus entre collèges, ou entre commissions scolaires que ça se
ferait, mais entre du privé et du public, c'est ne pas prendre la mesure
des expériences observées. C'est pour ces deux raisons-là
que nous pensons que la voie que vous privilégiez n'est pas la bonne. Il
faut aller davantage dans la voie de la formation des formateurs et permettre,
par les stages en entreprise, entre autres, que les formateurs soient capables
de dispenser la formation qualifiante dont les travailleurs et les
travailleuses ont besoin.
Le Président (M. Marcil): Une autre question, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Oui, je suis bien d'accord avec la formation des
formateurs, mais les travailleurs, eux, ils s'en foutent un peu de la formation
des formateurs. Ce qu'ils veulent... Mme Pagé: C'est un bon
formateur. M. Bourbeau: ...c'est un formateur qualifié. Mme
Pagé: C'est ça!
M. Bourbeau: Pourquoi on leur imposerait un formateur non
qualifié ou encore des coûts additionnels parce que le formateur
non qualifié va sous-contracter avec un formateur qualifié et va
ramasser une commission au passage?
Mme Pagé: Mais si vous avez un formateur qualifié,
vous réglez votre problème. Formez-le...
M. Bourbeau: Oui, mais... Mme Pagé: ...et il va
être qualifié.
M. Bourbeau: Je comprends, mais ce n'est pas à la
Main-d'oeuvre à former les formateurs, c'est à
l'Éducation. C'est à vous de former vos gens.
Mme Pagé: C'est au gouvernement de s'assurer...
M. Bourbeau: Bien, au gouvernement! Au gouvernement!
Mme Pagé: ...que les formateurs ont la bonne formation
pour donner la formation.
M. Bourbeau: Un instant, là. Le gouvernement! Le
gouvernement! Dans l'entreprise privée, prenez les avocats et les
notaires, quand ils ne sont pas compétents, c'est eux autres qui vont se
former, qui dépensent de leurs deniers pour se former. Si un professeur
est déqualifié après 10 ans, c'est le gouvernement qui
doit payer pour aller le former? Je ne crois pas. Je crois que c'est le
formateur lui-même qui doit s'assurer que sa formation...
Mme Pagé: Bien oui.
M. Bourbeau: ...se perpétue et qui doit faire...
Mme Pagé: Voyez-vous, là...
M. Bourbeau: ...les efforts continuellement...
Mme Pagé: M. Bourbeau...
M. Bourbeau: ...pour se garder à date.
Mme Pagé: ...il faut vivre en 1992. Quand un enseignant
est dans sa classe le jour, il ne peut pas aller, en même temps, dans une
entreprise pour avoir de la formation.
M. Bourbeau: Mais pourquoi il ne peut pas prendre des cours du
soir, par exemple?
Mme Pagé: Si vous voulez qu'il aille en entreprise pour,
entre autres, avoir accès aux nouveaux appareils, il ne peut pas le
faire la nuit quand l'entreprise est fermée. Il faut planifier des
stages en entreprise pour les formateurs, pour qu'ils soient capables d'ajuster
leur formation et de suivre l'évolution du marché de l'emploi, de
la technologie, capables d'ajuster leur formation aux besoins de la
main-d'oeuvre et aux besoins exprimés par le monde du travail. On ne
peut pas faire ça, enseigner le jour et aller en entreprise la nuit.
M. Bourbeau: en tout cas, on ne peut pas blâmer le
marché du travail de refuser de se faire former par des gens qui ne sont
pas qualifiés.
Mme Pagé: Non.
M. Bourbeau: Ça, c'est évident.
Mme Pagé: Mais il faut assurer la formation des
formateurs.
M. Bourbeau: Alors, réclamer un monopole absolu quand on
n'a pas la compétence toujours, ça m'apparaît excessif.
Mme Pagé: Où est-ce que c'est écrit,
ça?
Mme Côté: Je pense que nous, ce qu'on dit, c'est
qu'il faut se donner les conditions pour que les personnes, les formateurs qui
interviennent auprès des personnes en emploi soient capables de donner
ce qu'il faut. Nous, on fait l'hypothèse que la majorité de notre
monde est capable de le faire et qu'un employeur comme le gouvernement a la
responsabilité aussi de former son monde. Le gouvernement, c'est
à la fois celui qui s'occupe de l'économie, mais c'est aussi
celui qui est l'employeur de l'ensemble des gens qu'on a dans nos
écoles. Actuellement, en tout cas, ce que le Conseil du patronat nous
disait, c'est qu'il ne remettait pas tant en question l'incompétence de
notre monde. Il y en a, mais est-ce qu'il y a une profession au Québec
où il n'y a pas de l'incompétence de certaines personnes?
Nous croyons qu'actuellement les institutions d'enseignement ont un
nombre important de formateurs et de formatrices qui sont capables de
répondre aux besoins et qu'on est mieux de trouver les moyens pour aller
utiliser les compétences de ces personnes-là que de se
créer un autre bassin de monde à côté. Mais si vous
avez besoin, notamment, en technologie, de quelqu'un qui connaît la
technologie dans tel domaine et qu'il n'y a personne, dans le monde de
l'enseignement, qui peut le donner, bien, on ira le chercher là
où il faut. On ne s'empêchera pas de le former si on ne l'a pas,
sous prétexte que la liste dans le milieu de l'enseignement... Nous, on
dit: II y a les milieux d'enseignement. On a plein de gens là-dedans qui
sont compétents, pourquoi se créer un autre réseau?
Utilisons-les de toutes les formules: par leurs compétences, par une
formation adéquate, et ensuite, si on ne répond pas aux besoins
du marché, on changera.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme Côté.
Maintenant, je vais...
M. Bourbeau: Je suis d'accord avec vous. Dans la mesure où
ils sont compétents, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Marcil): ...reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. (12 h 15)
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue.
Vous savez, ce que les milieux d'affaires sont venus dire ici depuis le
début des travaux de cette commission - et ça, c'est sans
distinction, à l'exception de personne, de l'AMQ au Conseil du patronat,
en passant par les chambres de commerce, ceux qui sont les amis du ministre
comme ceux qui ne le sont pas - tout le monde a dit une chose: Ça n'a
pas de bon sens l'évacuation complète du monde de
l'éducation de l'énoncé de politique. Vous savez, c'est (e
milieu des affaires qui est venu dire ça et qui est venu, entre autres,
demander que la CEQ siège au sein de la Société, qui est
venu demander que le milieu de l'éducation soit mieux
représenté. En fait, il est venu demander un interface avec
l'éducation.
Dans le fond, la grande question que je me pose c'est: Pourquoi le
ministre s'entête-t-il à ne pas vous prendre comme des
alliés? Parce que, dans le fond, son argumentation, depuis le
début - je ne sais pas si ça vous a été
communiqué - c'est, en fait simplifié, à peu près:
Je ne suis pas capable de faire bouger l'éducation, mais qu'à
cela ne tienne, je vais m'organiser de mon côté et je vais me
faire des alliés, et après ça je vais les faire bouger.
Parce qu'il dit: Ici, on s'occupe juste de la main-d'oeuvre, on ne s'occupe pas
de formation professionnelle. Mais il nous a dit à plusieurs reprises:
Une fois que ma société sera créée, ce sera le fer
de lance pour, là, réclamer des changements en formation
professionnelle. Bon, ça peut se discuter. C'est une stratégie.
Elle va s'évaluer aux fruits qu'elle rapportera, aux résultats.
Mais, ceci dit, pourquoi ne pas vous prendre comme alliés dans ces
changements qui doivent être effectués? Ça, c'est
évidemment une première question.
La deuxième, c'est: Ça m'a surpris que le ministre ne
considère pas comme une responsabilité les conventions
collectives que le gouvernement signe. Il encourage, entre autres, les
enseignants en formation professionnelle à n'aller chercher que des
diplômes académiques. Si c'est
le cas, ils vont obtenir une augmentation d'échelon, mais je ne
sache pas qu'il y ait des propositions pour que les personnes qui travaillent
en formation professionnelle puissent aller se recycler en entreprise et que
ça soit aussi valorisé que si elles continuaient à aller
chercher des formations théoriques. Est-ce que, à ce
sujet-là, vous pensez que les conventions collectives doivent être
changées?
J'aimerais revenir sur cette question rapidement, par ailleurs, de la
revalorisation de la formation professionnelle. Je veux d'abord vous
féliciter pour avoir publié ce petit manuel qui me sert de guide
depuis qu'il est rendu public, qui a d'ailleurs été
réalisé par vous-même, M. Payeur, mais que la CEQ a fait
publier et qui illustre bien votre engagement à l'égard de la
formation professionnelle, depuis avant même l'énoncé, et
qui s'intitule «S'engager pour l'avenir. Formation professionnelle,
éducation et monde du travail au Québec», où vous
relatez toutes les expériences qui existent un peu partout, celles dont
on s'inspire, dit-on. Et vous nous rappelez que, notamment, dans les pays
où ça va bien, c'est parce que le travail manuel est bien
payé aussi. Je ne pense pas qu'on puisse faire l'économie de ce
débat-là. Revaloriser, ce n'est pas juste en haut des deux
oreilles. Dans la mesure où ça va permettre à des gens de
bien gagner leur vie, il est pas mal certain que ça va amener des gens
à vouloir s'Intéresser à ça.
Je reviens sur cette question de la concurrence. Est-ce que, dans le
fond, vous êtes d'accord... La Fédération des
collèges, vous l'avez citée, mais la Fédération des
collèges, ultimement, disait oui à ce que ce soient de meilleurs
formateurs, mais ce que la Fédération demandait, c'est que le
monde de l'éducation soit intimement associé à
l'évaluation des besoins. Ce que vous dites dans votre mémoire,
c'est que vous ne voulez plus de la relation de client à fournisseur.
Pour ne pas camper des positions trop extrêmes, est-ce que, dans le fond,
je dois comprendre ou j'ai tort de comprendre que vous voulez être
associés à l'estimation des besoins de formation dans
l'entreprise, mais que votre propos n'est pas de dire: II faut uniquement que
ce soit le secteur public qui y réponde?
Mme Pagé: Deux observations, et Mme Côté et
M. Payeur compléteront en réponse sur la concurrence et le
changement des conventions collectives. Je veux signaler que peut-être le
monde de l'éducation a été lent à bouger, c'est
possible, mais je peux vous dire que si, présentement, dans les
régions, H y a des stages en entreprise, ce n'est ni à cause du
ministère de l'Éducation, ni à cause du ministère
de la Main-d'oeuvre, c'est à cause de personnels de l'éducation
qui, sur leur temps et en dehors de leur temps, en ont organisé avec des
entreprises et ont fait des filières de formation qui marchent, dont les
employeurs sont contents, dont les élèves sont contents et
où il y a un bon taux d'emploi. Il y a peut-être des fois des
structures qui sont dures à bouger, mais le vrai monde, le monde en bas
qui fait la formation professionnelle, il a commencé à bouger
avant que les deux ministres bougent et ça, depuis des
années.
Deuxièmement, quand vous citez notre recherche, c'est un
succès de librairie chez les employeurs: le CPQ, l'Association des
manufacturiers... Ils ont tous demandé des rencontres avec la CEQ pour
parler de ce qu'il y a dans cette recherche parce qu'ils trouvent
intéressants à la fois les données, les modèles qui
sont présentés et les voies d'exploration. On a plus de
succès avec les milieux d'affaires et le monde du patronat de ce
temps-là pour expliquer que la CEQ, c'est un partenaire
intéressant quand on parle de formation de la main-d'oeuvre et de
formation professionnelle. Alors, ça vous montre un peu... On part de
loin quand on vient expliquer qu'il faut qu'on soit là, même si on
nous fait des appels au partenariat.
Sur la concurrence, M. Payeur va en faire un bout, et Mme
Côté, sur le changement dans les conventions collectives.
M. Payeur: Veux-tu y aller en premier?
Mme Côté: Oui, je vais y aller en premier parce que,
en même temps, je vais répondre... D'abord, trois choses, et je
veux compléter. Moi, je pense qu'actuellement, qu'il soit question de
l'éducation ou du monde du travail, parce qu'on pense qu'il y a un
arrimage important, à mon avis, le gouvernement se coupe... S'il se
coupe de l'expertise du monde de l'éducation, de ses compétences,
à mon avis, il investira en doublant les coûts pour le même
service. Nous, c'est l'analyse qu'on fait à la fois comme expertise,
comme ressource, comme compétence, comme connaissance du milieu aussi.
C'est un des messages qu'on tient. Nous l'avons cette expertise. Nous ne sommes
pas parfaits. Dans nos champs de responsabilités et de pouvoirs, on est
capables d'apporter quelque chose d'important parce que, nous-mêmes on le
dit, il y a un virage important à prendre pour arrimer formation
générale de base, formation professionnelle de base, formation de
la main-d'oeuvre, emploi, travail. Bon!
Sur l'autre bout, actuellement, les enseignants et le monde de
l'éducation sont associés au contenu de formation. Cependant,
nous croyons qu'il faut participer à l'évaluation des besoins,
mais pas juste des besoins pointus. Il faut avoir une conception non pas juste
des besoins de la main-d'oeuvre actuellement, mais de l'ensemble des besoins de
l'emploi pour éviter, avec la vitesse avec laquelle le monde du travail
se réorganise, qu'on forme des gens qui, dans quatre ou cinq ans d'ici,
seront déqualifiés et viendront grossir le nombre de personnes
qui se
ramasseront sans emploi et, alors, il y aura eu un déversement de
coûts sociaux.
Une troisième chose sur la valorisation. Il faut prendre acte que
la société a dévalorisé les métiers et que,
s'il y a une valorisation qu'il faut prendre, c'est toute la valorisation des
métiers. Il y a une valorisation assez grande des techniques. Il y a une
valorisation de la formation générale et de la scolarisation.
Mais la valorisation des métiers a souvent eu une forme qui a
été la transmission des savoirs
«expérien-tiels» de personne à personne. Je pense
qu'il faut valoriser les métiers dans un nouveau rapport
éducatif. On n'est pas juste intelligent parce qu'on pense de la
tête, on peut être intelligent par l'approche pratique des
questions. Je pense que c'est ça qu'il faut mettre de l'avant.
finalement, l'an passé, dans la dernière convention, il y a eu
des sommes de consacrées au perfectionnement des enseignants en
formation professionnelle, à la fois pour répondre à
l'évolution du marché de l'emploi, à la fois pour
répondre à certains secteurs qui ont été
fermés où les profs se trouvaient sans travail; il y a eu des
sommes importantes. et je termine là-dessus. quand on parle de formation
des gens qui travaillent en formation professionnelle, c'est une formation qui
tient compte des besoins anticipés de l'économie, c'est une
formation qui tient compte de la nouvelle technologie. c'est une formation qui
tient compte aussi des besoins des deux types d'économie au
québec. la grande entreprise qui, elle, demande plus de formation
générale et qui est capable de faire sa propre formation,
dit-elle, sur le reste, et la pme qui, elle, demande une formation pointue,
mais qui dit aussi de plus en ptus, avec la scolarisation en montée: ii
faudra que les gens soient capables non pas juste de réparer un moteur,
mais de parler avec le monde aussi. alors, il y a une culture
générale qui est nécessaire quand on exerce un
métier. ce n'est pas quelque chose qui est juste pour le monde
scolarisé.
Même au Conseil du patronat du Québec, ils nous l'ont dit:
Oui, il faut que quelqu'un répare tel type de mécanique, mais il
faut qu'en même temps... Un client, il ne faut pas juste lui parier de la
pluie et du beau temps. Il y a de l'évolution dans la
société. C'est ça, former du monde qui est capable de
travailler dans la vie. On ne fait pas juste travailler pour un métier,
on travaille dans une société, on joue un rôle. Je pense
que le monde de l'éducation... Finalement, faisons attention dans tout
ce qu'on va mettre de l'avant pour créer au Québec à la
fin, deux systèmes d'apprentissage et deux systèmes de formation,
deux vitesses: jeune-adulte, femme-homme, travail précaire-travail
stable, grande économie-petite économie, région
favorisée-moins favorisée, enfant qui décroche-personne
qui... Alors, tout ça.
Mme Harel: Personne assistée sociale et...
Mme Côté: Exact. Je crois que le virage est
important à prendre, mais il faut faire attention, dans toutes nos
planifications à la fois d'orientation et de stratégie, de faire
en sorte qu'au nom d'un emploi et d'une économie qui va être
restructurée on en arrive, dans cinq ans d'ici, avec deux
systèmes de formation et deux systèmes d'apprentissage. On ne
serait pas gagnants au Québec. On ne répondrait même pas
à la compétition internationale.
Mme Harel: Oui. Et je veux juste vous signaler que c'est le
milieu des affaires qui est venu dire au ministre: Attention, c'est en fonction
des emplois à venir qu'il faut aussi former les gens et pas uniquement,
comme la simplification des programmes semble l'indiquer, en fonction de la
pénurie d'emplois maintenant.
M. Payeur: Peut-être pour compléter un peu sur la
question de la concurrence. De la concurrence, il y en a et on est très
conscients qu'il va continuer à y en avoir dans le secteur de la
formation. Ce qu'on dit, c'est que l'important, ce n'est pas de dire: II faut
qu'il y ait de la concurrence, l'important c'est de planifier l'offre de
formation et de s'assurer qu'elle correspond aux besoins. Pour ça, on
souscrit d'emblée a ce qui est dit dans l'énoncé de
politique, et je cite: «II est essentiel de créer une nouvelle
dynamique où les parties ne font pas qu'exprimer des demandes, mais
doivent travailler ensemble à l'identification des moyens de satisfaire
ces demandes.» On dit: On est d'accord, faites-le. Faites-le, ça
veut dire, ça, qu'on y est. Donc, ça veut dire qu'il y a une
certaine planification dans les régions qui implique les organismes qui
sont les plus appropriés pour y répondre. Peut-être qu'ils
ne sont pas capables d'y répondre en tout mais, au moins, sur le gros,
sur l'essentiel, sur ce qui est déterminant, on pense qu'on est
capables. J'ajouterais aussi: Ce qu'on demande en termes de perfectionnement
des formateurs, c'est au gouvernement d'agir comme employeur, comme il demande
aux autres employeurs d'agir en regard de leurs employés,
c'est-à-dire de développer une culture de la formation pour ses
propres employés.
Mme Pagé: Parce qu'il est un employeur, le
gouvernement.
Mme Harel: En d'autres termes, vous dites que c'est assez
paradoxal que le gouvernement demande aux entreprises, comme employeurs, de
s'intéresser à la formation continue, mais que lui-même ne
s'y intéresse plus. C'est ça que vous nous dites.
Mme Pagé: Ne s'y intéresse plus ou dit même
que ce n'est pas de sa responsabilité, comme le ministre nous l'a dit
tantôt. Parce qu'il est un employeur et...
M. Bourbeau: Mettons des nuances, un peu, là.
Mme Pagé: ...comme employeur, il doit avoir le souci de la
formation de ses travailleurs et de ses travailleuses.
M. Bourbeau: Un peu de nuances, là. Des voix: Ha,
ha, ha!
Mme Harel: En fait, le ministre fait toujours un peu... C'est
toujours un peu le même scénario: il fait des grandes
déclarations intempestives et il les nuance. Soit dans la soirée,
ça viendra définitivement...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: ...ou demain, dans la journée. Non, on ne
siège pas. Mais ça sera...
M. Bourbeau: C'est qu'on interprète mes paroles sans
nuance.
Mme Harel: ...d'ici la fin de la journée,
définitivement. Sauf qu'on voit bien à quel point... Je ne veux
pas trop lui en faire grief parce que, vous savez, moi, j'ai comme principe
d'en vouloir plus à ceux qui ne bougent pas qu'à ceux qui font
des erreurs en bougeant. Cependant, il reste qu'il y a deux problèmes.
Il y a vraiment deux problèmes de fond. Avec l'appui de tout le monde,
il veut rapatrier au Québec mais, à ce moment-là, il ne va
pas rapatrier dans les régions du Québec, il va rapatrier dans
une structure centralisée. Il y a vraiment un premier problème de
modèle. Est-ce que c'est comme ça qu'on veut rapatrier? Le
deuxième modèle: Est-ce qu'on veut rapatrier avec
l'héritage constitutionnel qu'on nous a laissé,
c'est-à-dire le fédéral qui intervient dans le champ de la
main-d'oeuvre en disant que ça ne relève pas de
l'éducation? Parce que c'est ça aussi qu'on est en train de
faire.
Finalement, est-ce qu'on ne nous amène pas dans des
filières où on a des ornières plutôt que de
rebrasser, à l'occasion de ce rapatriement, les manières de faire
qui ont conduit au gaspillage qu'on connaît et de les rebrasser vraiment?
Évidemment, c'est une question de fond qui est assez incontournable. Et
pour ce rebrassage, moi, je dis au ministre que s'il veut vraiment le
réussir, H faut qu'il vous implique là-dedans parce qu'il a plus
de chances de réussir à ce que vous soyez un allié en
étant là qu'en n'étant pas là. S'il vous renvoie,
avec toute la lourdeur ou la lenteur institutionnalisée et
bureaucratique, dit-il, de l'appareil et de l'éducation, s'il ne vous a
pas comme alliés, c'est lui qui va s'en priver. Est-ce que je me
trompe?
Mme Pagé: Vous savez, on est un partenaire pas toujours
commode. Ça, je le conçois. On ne demande pas d'être un
partenaire pour dire nécessairement ce que les gens veulent entendre, on
est là pour atteindre un objectif qui nous semble fondamental pour le
développement de la société québécoise et
pour mettre au service d'une collectivité notre expérience, notre
expertise, nos compétences, notre présence dans toutes les
régions du Québec, dans toutes les institutions d'enseignement.
Il nous semble que c'est quelque chose qu'on ne peut pas ignorer quand on voit
l'ampleur du défi, quand on voit l'urgence d'agir et quand on voit
à quel point cela est déterminant pour notre avenir
collectif.
Il y a au moins un grief qu'on ne peut pas faire au ministre, c'est
qu'avec lui, c'est sûr qu'on débat. Il y a au moins cette
considération qu'il faut remarquer: Chaque fois que j'ai
rencontré M. Bourbeau, on a vraiment débattu de plusieurs
questions. C'est complexe, la question de la formation de la main-d'oeuvre. On
forme des gens qui sont en emploi, qui ont besoin d'évoluer dans
l'emploi; il faut former des gens qui ne sont pas encore en emploi, qui vont
occuper des emplois qui n'existent pas encore et il faut former des gens qui ne
sont pas en emploi parce qu'ils ne sont plus qualifiés pour être
en emploi. On ne peut régler ça en trois coups de pinceau et en
deux coups de truelle, pour prendre des expressions de métier. Il faut
prendre le temps de regarder ça et de le regarder avec les partenaires
qui peuvent vraiment jouer un rôle clé là-dedans.
Je pense que c'est là-dessus qu'il faut conclure. Et la formation
professionnelle, ça ne peut pas être conçu juste en haut,
à Québec. Il faut qu'il y ait des pôles parce qu'il y a des
liens à faire entre formation de la main-d'oeuvre et
développement régional également. On a des régions
qui se vident, des régions qui meurent et qui agonisent, dans certains
cas. Pourtant, on voit que dans certains milieux il y a eu des
expériences heureuses. M. Payeur donnait AGIR dans la région de
Sorel. Il y en a ailleurs. Il y a une vitalité. Donc, il faut s'arranger
aussi pour avoir un concept de régionalisation qui est vivant.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Marcil): Deux petites secondes.
M. Bourbeau: Le mot de la fin, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Pour le mot de la fin, oui.
M. Bourbeau: Simplement pour dire deux choses aux gens de la CEQ,
pour les laisser au moins sur une note un peu plus optimiste. En ce qui
concerne la formation des formateurs, bon,
peut-être qu'ils manquent de temps, mais j'ai cru comprendre qu'il
existe des choses qu'on appelle des «journées
pédagogiques». il y en a un grand grand nombre, semble-t-il, dans
une année scolaire. peut-être qu'on pourrait utiliser ça
pour les formateurs. en ce qui concerne l'implication de la ceq au sein...
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, je ne voudrais
pas que vous partiez un débat, là.
M. Bourbeau: Non, non, non!
Le Président (M. Marcil): Parce que je viens
également du secteur de l'enseignement. J'ai été directeur
d'une polyvalente et je vais vous dire ce qu'on faisait avec nos
journées pédagogiques: On faisait de la planification et de
l'évaluation aussi.
M. Bourbeau: Je sais que vous aimez beaucoup le ski, M. le
Président, vous me l'avez dit.
Mme Pagé: Pardon?
M. Bourbeau: J'ai dit au président qu'il aime beaucoup le
ski.
Mme Pagé: Je dois avoir mal compris, M. le ministre. Vous
n'avez certainement pas dit que les enseignants prenaient leurs journées
pédagogiques pour faire du ski, je n'ai pas bien entendu?
M. Bourbeau: Non, non, je parle du président ici, du
président qui aime beaucoup le ski. En ce qui concerne la CEQ et son
implication au sein de la Société québécoise, je
sais qu'on en a discuté beaucoup avec Mme Pagé. Remarquez que,
moi, j'aime bien la controverse. Je n'ai aucune difficulté à
avoir des discussions animées avec qui que ce soit pourvu que la bonne
foi y soit, et je ne mets absolument pas en cause votre bonne foi. Au
contraire, elle est patente, évidente.
Le paragraphe 1° de l'article 5 dit que la Société
québécoise va être composée de six membres
après consultation des associations de salariés les plus
représentatives. Bon, il faudrait peut-être regarder si vous vous
qualifiez là-dedans. Je pense qu'on peut peut-être en discuter. En
ce qui concerne votre présence, je ne vous ai pas dit oui, mais je suis
très loin de vous avoir dit non, non plus.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup M. le ministre,
Mme la députée et MM. les députés. Mme Pagé,
de même que les autres représentants, on vous remercie beaucoup de
vous être présentés à cette commission.
Mme Pagé: Merci.
Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre à
cet après-midi, 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 14)
Conseil permanent de la jeunesse
Le Président (M. Maltais): Mmes, MM. les membres de la
commission, M. le ministre, la commission reprend ses travaux. Dans un premier
temps, tel que prévu, nous allons entendre le Conseil permanent de la
jeunesse, qui sera représenté par M. Alain Perreault,
président, M. Serge Fleury, vice-président, et M. René
Simard, agent de recherche. Alors, on va demander à tout ce beau
monde-là de venir prendre place ici à la table.
Alors, M. Perreault, si vous voulez bien nous présenter vos deux
collègues. Vous avez la parole pour le nombre de minutes qui vous sont
allouées, 20 minutes, et le questionnement sera fait par les deux
côtés par après. Ça vous va?
M. Perreault (Alain): Oui. Merci, M. le Président. Pour
débuter, il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. Donc, à ma droite, M. Serge Fleury, qui est
vice-président du Conseil et, à ma gauche, M. René Simard,
agent de recherche au Conseil permanent de la jeunesse. Mon nom est Alain
Perreault. Je suis président du Conseil. M. le Président, nous
désirons saluer les membres de la commission qui ont bien voulu nous
accorder un peu de temps pour leur présenter nos positions et
échanger sur ces dernières.
M. le ministre, nous aurions bien voulu ajouter notre voix au concert
d'éloges portant sur votre initiative visant à créer la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Nous aurions bien voulu également vous féliciter
de votre clairvoyance en rapport avec l'analyse de la situation de l'emploi
élaborée dans l'énoncé de politique.
Malheureusement, les jeunes ne peuvent être en accord ni avec la
création de la Société québécoise, ni avec
votre énoncé de politique dans sa forme actuelle.
Les raisons principales. Premièrement, votre analyse de la
situation des jeunes sur le marché du travail est erronée et
personne ne peut prétendre représenter les intérêts
des non-syndiqués et des sans-emploi. Ce qui nous choque
particulièrement, M. Bourbeau, et vous l'aurez deviné, c'est ce
passage de l'énoncé de politique, en page 18, où il est
fait mention que les entreprises ont longtemps compté sur les jeunes
pour faire face aux pénuries de main-d'oeuvre compétente, mais le
fléchissement de la croissance démographique rend plus
problématique le recrutement de jeunes personnes qualifiées. Pour
répondre à leurs besoins croissants de main-
d'oeuvre spécialisée, les entreprises doivent donc
recycler leur personnel en lui donnant les moyens de relever le niveau de ses
compétences, dixtt l'énoncé de politique du
ministère concernant les pénuries de main-d'oeuvre.
Ce qui nous dérange particulièrement, M. le ministre,
c'est que ce constat est à la base même de votre politique.
Puisque les jeunes ne sont plus suffisamment nombreux, mettons tout le paquet
dans la formation des travailleurs et travailleuses déjà en
emploi, afin de combler un tant soit peu les pénuries de main-d'oeuvre
qualifiée qui minent tellement la compétitivité des
entreprises québécoises.
M. le ministre, nous devons encore vous rappeler, comme nous le
rappelons continuellement au gouvernement, qu'à l'heure actuelle il y a
plus de 171 000 jeunes de moins de 30 ans qui sont prestataires de
l'assurance-chômage, qu'il y a environ 100 000 prestataires de la
sécurité du revenu de moins de 30 ans que vous jugez aptes au
travail, que le quart des jeunes qui travaillent le font à temps partiel
et que les trois quarts de toutes les personnes qui travaillent au salaire
minimum au Québec sont des jeunes. M. le ministre, nous ne vous
parlerons pas de tous ceux et celles qui ne reçoivent ni chômage,
ni prestations de sécurité du revenu et qui voudraient bien
intégrer le marché du travail.
Alors, baisse démographique, oui, nous sommes d'accord, mais
absence de jeunes prêts à occuper des emplois, non, nous ne sommes
pas d'accord. De plus, votre analyse de ta situation des jeunes est
étroitement reliée au postulat selon lequel il y a pénurie
de main-d'oeuvre qualifiée au Québec. M. le ministre, nous
attendons les preuves. Dans une publication de votre ministère qui
s'intitule «Surplus et pénurie de main-d'oeuvre prévus au
Québec et dans ses régions pour 1991», on affirme que la
relativité des diagnostics présentés dans ces pages
demeure l'élément le plus important à retenir, donc, que
le ministère et les chercheurs qui sont chargés d'évaluer
les pénuries et les surplus de main-d'oeuvre au Québec ne sont
pas capables de quantifier précisément les professions qui sont
en pénurie ou en surplus. Il y a toutes sortes de facteurs,
également, relatifs à la région et à
('interrelation entre les professions, qui minent le constat de la
pénurie.
M. le ministre, donc, nous ne partageons pas vos idées
là-dessus. À nos yeux, il y a surplus de main-d'oeuvre au
Québec, une main-d'oeuvre jeune, souvent qualifiée ou prête
à investir dans l'acquisition de compétences
complémentaires, mais à la condition qu'on lui parle d'emplois.
Par ailleurs, nous nous réjouissons à l'idée de voir
paraître une politique de développement de la main-d'?uvre
québécoise. Nous misions sur le fait que cette politique allait
nous parler d'avenir, de formation, de création d'emplois, de
développement régional, d'intégration au travail et de
concertation entre tous les partenaires actifs sur le marché du travail.
Malheureusement, encore là, nos espoirs se sont estompés.
M. le ministre, puisque vous considérez que la relève est
désormais absente et qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre
qualifiée, on comprend mieux pourquoi vous considérez comme
étant vos seuls partenaires les associations patronales et les syndicats
du secteur privé. Vous êtes aussi cohérent avec votre
vision et vos choix, puisque les programmes et mesures mis de l'avant dans
votre politique s'adressent prioritairement aux employeurs et aux travailleurs
déjà en emploi. L'exclusion des programmes de
développement de l'employabilité dans l'énoncé de
politique le confirme aussi de façon éloquente.
Mais M. le ministre, comment pouvez-vous nommer votre politique
«politique de développement de la main-d'oeuvre» si une
grande partie de cette main-d'oeuvre est exclue de la Société et
risque ainsi de constituer une clientèle marginale des programmes
gérés par cette société? Pour le Conseil, les
sans-emploi et les travailleurs et travailleuses non syndiqués, parmi
lesquels on retrouve bon nombre de jeunes qui travaillent dans le secteur
tertiaire et qui sont à statut précaire, n'ont aucune voix au
chapitre. Vous avez délibérément évacué des
centaines de milliers de jeunes de la Société et de votre
politique. La situation des jeunes est-elle à ce point méconnue
que le gouvernement est prêt maintenant à reléguer aux
oubliettes un tel bassin de personnes?
On ne peut pas appuyer cette politique, pas plus que l'on ne peut
appuyer les syndicats ou le patronat dans leur désir de
représenter les sans-emploi et les non-syndiqués. Ces organismes
ne sont pas mandatés pour le faire. À ce que nous sachions, leur
membership n'est pas constitué de non-syndiqués et de
sans-emploi, à moins, bien sûr, que la politique de
développement de la main-d'oeuvre prévoie une syndicali-sation
massive de ce type de personnes sur le marché du travail. Mais
permettez-nous d'en douter. vous avouerez, m. le ministre, qu'il n'y a qu'un
pas entre la non-représentation au sein de la société et
l'accessibilité limitée aux programmes et mesures de
main-d'oeuvre. c'est inquiétant, surtout lorsque la future
société et les programmes sont financés à partir
des fonds publics. d'un autre côté, nous croyons que la politique
de développement de la main-d'oeuvre pèche par excès de
volontariat, ce qui m/ne grandement ses chances d'être efficace.
laissez-nous vous expliquer notre scepticisme.
Plusieurs objectifs de votre énoncé de politique sont fort
louables. On espère stimuler les entreprises à investir davantage
en formation et encourager les individus à s'y engager. On compte
rapatrier du gouvernement fédéral la maîtrise d'oeuvre
complète des programmes de main-d'oeuvre et l'on se propose
également
d'assurer un meilleur arrimage entre le monde de la formation et celui
du travail. À cet égard, M. le ministre, vous visez juste. Par
contre, rien n'indique que ces objectifs seront atteints.
Afin de remédier au sous-investissement des entreprises dans le
développement des compétences de leurs employés, le
gouvernement maintient une approche incitative auprès des entreprises en
s'engageant, entre autres, à promouvoir davantage l'utilisation du
crédit d'impôt remboursable à la formation. Cette approche
est très comprehensive et fort généreuse, d'autant plus
qu'il est reconnu maintenant que le sous-investissement en formation mine
grandement la compétitivité des entreprises et que cette perte de
compétitivité se traduit plus souvent qu'autrement par des pertes
d'emplois, ce qui relègue à l'ensemble de la
société les coûts des mauvaises pratiques de gestion de
certaines entreprises. Cela fait des années que nous entendons les
associations patronales nous dire que d'ici trois ou quatre ans les employeurs
n'auront pas le choix: ils devront investir en formation. Cela fait des
années, également, que nous entendons dire de la part des
employeurs que les jeunes qui sortent des écoles sont malformés
et sont inemployables.
M. le ministre, jusqu'à quand allons-nous attendre?
Jusqu'à quand le gouvernement, donc, la collectivité va-t-elle
payer pour l'irresponsabilité de certaines entreprises? Pourtant, en ce
qui concerne les individus, les mesures incitatives ont été
rayées des programmes de la sécurité du revenu. On
n'accorde pas le bénéfice du doute aux prestataires de la
sécurité du revenu reconnus aptes au travail. Vous savez fort
bien que, s'ils n'investissent pas dans leur employabilité, on les
pénalise en réduisant leurs maigres prestations.
La comparaison peut peut-être sembler déplacée, mais
elle illustre assez bien une équité qui règne en ce
domaine. Alors, pour établir une certaine équité et
surtout pour contrer efficacement et véritablement le
sous-investissement en formation de la main-d'oeuvre, nous croyons que le
gouvernement se doit d'exiger des entreprises l'atteinte d'objectifs
précis en ce qui a trait à l'investissement en formation et ce,
selon un échéancier strict. Ces objectifs quantitatifs devraient
d'ailleurs être établis avec tous les partenaires du marché
du travail. Un manquement au devoir justifierait pleinement que le gouvernement
réclame une compensation financière aux entreprises fautives.
D'autre part, le gouvernement entend rapatrier du gouvernement
fédéral les budgets consacrés au secteur de la
main-d'oeuvre et devenir ainsi le seul maître d'oeuvre en la
matière sur le sol québécois. Ce contrôle complet
des budgets permettrait d'offrir les différents programmes et services
par l'entremise de guichets uniques. Permettez-nous de mentionner que plusieurs
écueils se dressent sur la voie de l'unification de la gestion des
programmes de main-d'oeuvre. Outre certaines considérations politiques
relevant d'un contentieux constitutionnel plus vaste, le rapatriement du
secteur de la main-d'oeuvre ne nous apparaît pas chose faite.
L'appui unanime des partenaires, en fait, favorables au rapatriement
sera-t-il suffisant pour convaincre le gouvernement fédéral de
vous abandonner la gestion des mesures actives de main-d'oeuvre? Un
récent discours prononcé par M. Valcourt, dans le cadre des
activités de l'OCDE, laisse entrevoir que bien peu de
possibilités se présentent au Québec. De plus, Emploi et
Immigration Canada vient de réviser ses programmes de main-d'oeuvre, le
mandat des centres d'emploi et le régime de l'assurance-chômage.
Même selon le scénario optimiste où le gouvernement
fédéral accepterait de transférer la gérance des
fonds destinés aux mesures actives, il n'est pas dit que le
réseau des centres d'emploi du Canada disparaîtrait, compromettant
du même coup l'instauration de guichets uniques.
De toute façon, cette idée d'instaurer des guichets
uniques, vous la remettez vous-même en question en maintenant le
réseau des centres Travail-Québec.
En résumé, disons que ce projet louable repose en quelque
sorte sur le volontariat du gouvernement fédéral, et sans la
collaboration du fédéral, les politiques et mesures de
main-d'oeuvre connaîtront le même éparpillement, le
même fouillis et les mêmes problèmes d'accessibilité.
Bref, cela remet en question une dimension essentielle de votre projet de
politique de développement de la main-d'oeuvre.
Finalement, nous constatons avec bonheur que le monde de l'enseignement
est interpellé par votre politique. De plus, des représentants de
ce secteur sont partie prenante de la délégation gouvernementale
au sein de la Société et des sociétés
régionales. La contribution du monde de l'enseignement est
déterminante; elle est elle-même bien amorcée et se trouve
ainsi concrétisée. Par contre, et vous le soulignez, il reste
encore beaucoup à faire. La rencontre du monde de l'enseignement avec
celui du monde du travail au sein de la Société et des
sociétés régionales suffira-t-elle? Encore une fois, nous
ne pouvons que laisser la chance au coureur. nous terminons cette allocution en
vous énonçant nos principales recommandations. nous osons
espérer que vous y accorderez toute l'attention qu'elles
méritent. avant de les aborder, nous réitérons ici notre
demande au gouvernement du québec de se doter d'une véribable
politique de plein emploi et, donc, que la politique de développement de
la main-d'oeuvre en soit l'une des assises. à cet effet, la
société québécoise doit être prête
à obtenir un mandat relatif au développement de l'emploi.
Donc, le Conseil recommande au ministre de revoir le mode de
représentativité au sein de la Société
québécoise de développement de la main-
d'oeuvre et des sociétés régionales, de
façon à favoriser l'instauration d'un partenariat plus
respectueux de l'ensemble des personnes qui font partie ou aspirent à
faire partie de la main-d'oeuvre active. À cet effet, nous souhaitons
voir ajouter un quatrième type de partenaire à la
Société, soient les regroupements nationaux d'organismes
communautaires actifs au niveau du travail, au niveau national et, au niveau
régional, leurs pendants respectifs.
Le Conseil recommande au ministère d'établir un
échéancier strict, précis qui fixerait un objectif
d'utilisation des programmes, notamment du programme de crédits
d'impôt remboursables à la formation. Ce calendrier devrait
prévoir l'application de mesures coercit'rves à l'égard
des entreprises, dans le cas où celles-ci n'atteindraient pas l'objectif
visé. Le Conseil recommande au ministre, en concertation avec ses
partenaires patronaux et syndicaux, de garantir la protection de l'emploi
à toute personne qui se prévaudra du programme d'aide à la
formation des personnes actives sur le marché du travail. Des mesures
qui garantissent l'emploi doivent être instaurées avant que le
programme soit implanté et offert.
Le Conseil recommande au ministre d'intégrer les programmes de
développement de l'employabilité aux programmes de
développement de la main-d'oeuvre, ceci afin de permettre une meilleure
accessibilité à tous les programmes pour les personnes les plus
démunies sur le plan de l'emploi. Le Conseil recommande au ministre
également de profiter de la mise en place de la Société
pour formaliser et standardiser les pratiques qui exigent un partenariat entre
le monde de l'enseignement et celui de la main-d'oeuvre, notamment en ce qui a
trait aux stages en milieu de travail, à l'orientation scolaire et
professionnelle de même qu'au placement.
Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président. Nous sommes
prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Perreault.
Maintenant, je vais procéder immédiatement aux échanges.
Je vais reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: oui, m. le président. je ne vous aurais pas
permis de l'oublier, puisque vous êtes mon adjoint parlementaire et que
vous portez le même titre que moi. c'est toujours stimulant de rencontrer
des représentants des jeunes qui nous obligent, en quelque sorte,
à rester jeune et à faire des efforts pour ne pas vieillir trop
vite. le document est intéressant. vous portez des jugements toujours
assez enthousiastes, parfois critiques, parfois un peu plus flatteurs, mais
plus souvent critiques que flatteurs. c'est assez normal d'ailleurs quand on
vient critiquer quelque chose. Ce qui est bon, on le dit, et ce qui est
mauvais, on le dit et on le redit. (14 h 30)
Je voudrais commencer par parler de votre impression, enfin votre
lecture du document par rapport au rôle des jeunes dans le milieu du
travail. Vous nous faites dire... Enfin, vous lisez des choses que nous, nous
ne pensons pas avoir écrites. Quand vous dites que nous ne pensons pas
que la jeunesse... Enfin, je ne voudrais pas non plus vous mettre des mots dans
la bouche. Je retiens de ce que vous avez dit que nous penserions, par exemple,
au ministère ou au gouvernement, soit que les jeunes ne sont pas assez
compétents, soit qu'ils ne peuvent pas occuper les postes qui deviennent
disponibles, et donc, qu'on ne fait pas assez confiance aux jeunes.
En gros, c'est à peu près ça que j'ai compris.
Possiblement que moi aussi je manque de nuances. Alors, vous me corrigerez si
c'est le cas, là. Moi, je peux dire que nous, nous faisons confiance aux
jeunes. Nous pensons que les jeunes vont devoir occuper ces places-là.
Ils sont plus ou moins bien préparés; ça varie beaucoup
selon les jeunes et peut-être aussi selon les écoles qu'ils
fréquentent. Le système d'éducation n'est pas parfait, on
le sait. Il y a de la place pour de l'amélioration là aussi mais,
par contre, ici, on n'est pas en train de faire l'étude d'une politique
d'enseignement de la formation - on y viendra, j'espère, très
bientôt à ce débat-là - et il arrive - vous en avez
parié tantôt - qu'à cause des problèmes de
démographie on puisse penser que dans un avenir assez court, on n'ait
pas assez de jeunes pour prendre toutes les places qui pourraient devenir
disponibles et que, si on discarte systématiquement toute la
main-d'oeuvre en emploi dès le moment où une entreprise se
modernise, on va rapidement manquer de main-d'oeuvre.
On ne peut pas écarter systématiquement toute la
main-d'oeuvre en emploi dès qu'un nouvel équipement est
acheté par une entreprise. Il faut faire l'effort de recycler la
main-d'oeuvre en emploi. C'est sûr que si on mettait à la porte
tous les travailleurs en emploi et qu'on les remplaçait par des jeunes,
on placerait peut-être rapidement tous les jeunes sur le marché du
travail. En tout cas, on en placerait plus, mais on ne réglerait pas un
autre problème quand même. Je pense qu'il faut être juste et
équitable envers tout le monde. Il y a des pères de famille qui
sont en emploi, qui sont recyclables, et il n'y a pas de raison de ne pas le
faire même si on veut privilégier les jeunes. Je pense qu'il faut
faire en sorte d'inciter toutes les classes de la société, toutes
les couches de la société, quel que soit leur âge - je ne
veux pas parler de classes, mais disons d'âges de la
société - à devenir les plus compétentes possible
et faire en sorte que les jeunes puissent accéder aux emplois qui
deviennent disponibles à cause de leur
compétence, bien sûr.
Moi, je ne pense pas que, dans le document qu'on a écrit, on ait
voulu jeter le moindre discrédit sur les jeunes. Je pense qu'on a
simplement tenté de faire le constat qu'il y a moins de jeunes qu'il y
en avait - on le voit aujourd'hui dans le nombre d'écoles, la
clientèle scolaire - et, en conséquence, on ne peut pas se
dispenser de toute la main-d'oeuvre active présentement dès
qu'elle devient le moindrement déqualifiée. On risquerait
rapidement de se trouver en situation de pénurie de main-d'oeuvre
importante.
En gros, je pense que c'est ce qu'on dit, et il ne faudrait pas voir
là-dedans en aucune façon, de la part du gouvernement en tous les
cas, la moindre allusion malveillante envers la qualité des jeunes et la
qualité de leur éducation, leur bonne volonté aussi
à se trouver un emploi.
M. Perreault: Est-ce que je peux répondre à votre
question?
Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y.
M. Perreault: Pour répondre à votre question, M.
Bourbeau, je trouve un peu inquiétant que provenant d'un
ministère chargé d'évaluer les surplus et les
pénuries de main-d'oeuvre et d'évaluer également où
va la situation de l'emploi, au Québec, on arrive à mal
identifier la situation de l'emploi chez les jeunes. Parce qu'effectivement
c'est un problème de diagnostic auquel on se confronte. La chute
démographique des jeunes ne créera pas des pénuries de
main-d'oeuvre parce qu'il y a actuellement 300 000 jeunes qui se cherchent un
emploi au Québec. Donc, la chute démographique, oui, mais le
manque de jeunes prêts à occuper des emplois, c'est faux.
Également, on ne fait pas mention, dans l'énoncé de
politique, de la difficulté d'intégration des jeunes au
marché du travail. Le marché du travail québécois,
présentement, se polarise. Entre 1981 et 1986, un nouvel emploi
créé sur deux était de type atypique, de type
précaire, et ça, on ne l'aborde pas. C'est vrai qu'il faut
prendre en considération les besoins des gens qui sont
déjà en emploi, des gens qui sont syndiqués, etc. Il faut
les rendre plus compétents, mais le gouvernement se doit de prendre en
charge les gens qui, à cause des forces du libre marché, tombent
dans le milieu de ces forces-là. C'est des gens qui se retrouvent dans
des emplois avec des mauvaises conditions de travail, des emplois
précaires et à temps partiel. Ça, c'est la
responsabilité du gouvernement, quand vient le temps d'élaborer
une politique de développement de la main-d'oeuvre, de s'occuper de ce
grand bassin de main-d'oeuvre là, qui aspire à faire partie des
emplois productifs et valorisants.
Donc, c'est ça qui nous inquiète, nous, au niveau du
Conseil permanent de la jeunesse. C'est de ne voir, dans l'énoncé
de politique, aucune analyse sérieuse quant à la situation des
jeunes sur le marché du travail. Ça, c'est un fardeau beaucoup
plus grand, cette situation-là, que fa perte de
compétitivité des entreprises due à une mauvaise
qualification de leur personnel. Il faut s'attarder à cette
question-là. Il faut analyser bien comme il faut les implications de
cette structure du marché du travail qui se polarise, sinon, on
n'arrivera pas à l'objectif fondamental qui est de rendre le
Québec plus compétent et compétitif. On va permettre
uniquement à 20 % de la main-d'oeuvre d'accéder à cette
compétence-là, mais il y aura 80 % qui n'y accéderont pas.
Ce n'est pas de cette façon-là qu'on va accéder à
la prospérité collective.
Donc, je pense qu'il y a un travail à faire au niveau de
l'analyse du marché du travail, et on espère que le
ministère qui sera chargé de le faire pourra donner des chiffres
sur la question, donner une analyse de la situation. L'analyse est
erronée. C'est ça qui est inquiétant. Dans un
énoncé de politique qui donne les orientations du gouvernement,
on donne une analyse erronée. Nous, ça nous inquiète et on
demande de revoir cet élément-là de façon
précise.
M. Bourbeau: Bon, nous, on ne partage pas ce point de
vue-là, que l'analyse est erronée. C'est vrai que dans un
document d'orientation, qu'on avait voulu relativement succinct pour ne pas
décourager tout lecteur, on a voulu se résumer dans 85 pages, en
tout. Par contre, ce document-là est basé sur des tonnes de
recherches et d'études qui portent sur l'ensemble des problèmes
du marché du travail. Entre autres, on a des analyses très
sérieuses de faites sur la question des jeunes, la problématique
des jeunes. Je vais même tenter d'avoir les documents. Je ne sais pas si
je pourrai les avoir d'ici à la fin de la séance, mais on vous en
fera parvenir copie et vous allez voir qu'il n'est pas exact de dire qu'on n'a
pas fait d'analyse de la situation. On en a, des analyses de la situation. On
pourra vous les communiquer.
Maintenant, on peut peut-être passer à autre chose. Vous
avez parlé tantôt du guichet unique et vous avez mis en doute le
fait que la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre constituerait un véritable
guichet unique. Vous nous avez dit, essentiellement: Vous conservez les centres
Travail-Québec et vous conservez même la responsabilité du
développement de l'employabilité des bénéficiaires,
disons, de l'aide sociale, comme on les appelait autrefois, dans les centres
Travail-Québec. Donc, ce n'est pas un guichet unique. Puis vous avez
même mis en doute le fait que le fédéral pourrait ou non se
retirer.
Bien, nous, là-dessus, nous prenons pour acquis que le
fédéral devrait se retirer. Enfin, nous demandons le retrait du
gouvernement
fédéral et le rapatriement au Québec des pouvoirs
et des budgets de main-d'oeuvre. Je ne peux pas prédire ce que l'avenir
nous réserve. Par contre, je ne peux pas non plus demeurer absolument
immobile et attendre que, possiblement, le fédéral nous
transfère ces budgets-là parce que, s'il le fait et qu'au moment
du transfert on n'est pas prêts, on n'a rien de préparé, on
va nous accuser de ne pas avoir été prévoyants.
Alors, nous, nous disons qu'il faut regrouper les programmes. Il faut
aussi regrouper les portes d'entrée à ces programmes-là,
tant pour les entreprises que pour les individus et, en conséquence, il
est important de n'avoir qu'un seul guichet. Nous le faisons pour le
Québec, en tout cas. Alors, les sociétés de
développement régional vont devenir le guichet unique pour les
programmes de main-d'oeuvre, et si le fédéral accepte de nous
transférer ces responsabilités-là, on aura vraiment un
guichet unique. Si le fédéral reste dans le décor, bien,
ce sera un peu malheureux. Il y aura plus d'un guichet; il y en aura au moins
deux. Il y aura le guichet fédéral et il y aura le guichet
québécois, ce qui sera moins intéressant, mais encore plus
intéressant que s'il y avait quatre ou cinq guichets.
D'autre part, pourquoi a-t-on décidé de garder les centres
Travail-Québec pour les assistés sociaux? Si on avait voulu
fondre dans un même réseau les centres Travail-Québec,
là aussi, on aurait vraiment eu peur de se faire accuser de prendre les
bouchées un peu grosses et de créer un monstre administratif.
Ça va être déjà assez délicat, sur le plan du
fonctionnement, de fusionner le réseau fédéral et le
réseau québécois de la main-d'oeuvre.
Je pense que, pour une première bouchée, ça va
être déjà assez important qu'on n'a certainement pas voulu,
dans un premier temps en tout cas, déléguer en plus à la
Société québécoise tout le dossier de
l'employabilité des assistés sociaux, ce qui aurait ajouté
encore à la complexité de l'opération. Je ne dis pas que
ça ne viendra pas un jour, mais je pense que la prudence
élémentaire en matière de gestion fait en sorte qu'on va
tenter, dans un premier temps, de digérer le premier regroupement,
c'est-à-dire le regroupement du réseau fédéral et
du réseau québécois de main-d'oeuvre et,
subséquemment, quand on aura bien assumé et assimilé ces
responsabilités-là, peut-être qu'on pourra s'adresser
là à un regroupement encore plus important qui pourrait
comprendre l'employabilité et, qui sait, peut-être même un
jour le réseau Travail-Québec lui-même. Mais, je pense que,
pour l'instant, ce serait hasardeux et ce serait mettre en péril
l'opération que de vouloir prendre une bouchée de cette
ampleur-là.
M. Perreault: II y aura donc guichet unique pour les entreprises
et non pas pour les individus. Au niveau du centre d'Emploi et Im- migration
Canada, les récents discours de M. Valcourt portent à croire que
le gouvernement fédéral n'est pas prêt à se
désengager de ses actions en matière de mesures actives à
l'égard de la main-d'oeuvre. Le réseau des centres d'Emploi et
Immigration Canada est le seul réseau pancanadien du gouvernement
fédéral de services directement à l'individu. Le
fédéral n'acceptera pas de laisser ces réseaux-là
au profit du réseau québécois. Ça me surprendrait
énormément des discussions que j'ai eues.
M. Bourbeau: Avez-vous un mandat pour parler pour le gouvernement
fédéral, là, vous?
M. Perreault: Pardon?
M. Bourbeau: Avez-vous un mandat pour parler au nom du
gouvernement fédéral?
M. Perreault: Non, mais j'ai contacté plusieurs experts
sur la question et il est fort peu probable, à notre avis - et c'est
pour ça qu'on expose notre opinion ici - que le gouvernement
fédéral se retire de la province de Québec, retire ses
seuls centres de services directement aux entreprises. Il y a des gens qui ont
analysé les politiques de main-d'oeuvre depuis les interventions du
gouvernement à l'égard de la main-d'oeuvre et, selon eux et selon
nous, il est fort probable que le réseau demeure, d'une part.
D'autre part, pour l'individu qui se retrouve à un moment
donné à la sécurité du revenu ou qui se retrouve...
Bon, il lui manque un peu de temps pour être chômeur, donc, il
devient prestataire de la sécurité du revenu, lui, il est
confronté à plusieurs réseaux, à plusieurs
guichets, et c'est ça qu'on voulait souligner dans le mémoire.
C'est que, malheureusement, l'idée du guichet unique peut s'appliquer
uniquement aux entreprises et non pas aux individus. Ça, il faut
être très clair auprès de la population et c'est ce qu'on
voulait souligner.
M. Bourbeau: Écoutez, c'est votre point de vue à
vous; ce n'est pas le nôtre. Je ne sais pas où vous prenez vos
renseignements du côté du gouvernement fédéral. Mais
si vous relisez le discours du premier ministre du Canada, qui doit avoir
certainement un mot à dire là-dedans... M. Mulroney, au mois de
novembre à Montréal, dans un discours, est allé beaucoup
plus loin dans ses offres au gouvernement du Québec que dans les offres
du mois de septembre dernier, que dans les propositions du mois de septembre.
M. Mulroney, dans son discours devant la Chambre de commerce de
Montréal, a clairement dit, et je peux peut-être même vous
lire l'extrait, si* vous le permettez...
Mme Harel: Ce n'est pas bien clair quand vous le lisez.
M. Bourbeau: Non? Bon. Vous permettez que je le lise? Alors, on
va peut-être voir, là, si je me retrouve. M. Mulroney a dit:
«Nous offrons également de céder aux provinces le pouvoir
résiduel pour les matières qui ne sont pas déjà
attribuées dans la Constitution. Nous avons accédé
à une demande historique du Québec en reconnaissant aux provinces
la compétence exclusive dans le domaine de la formation et de la
main-d'oeuvre.» Or, vous vous souvenez que dans les propositions du mois
de septembre, le gouvernement fédéral ne proposait que la
formation. M. Muroney a ajouté «de la main-d'oeuvre» ce qui
est beaucoup plus vaste que la formation, et «nous sommes prêts
à dégager des ressources nécessaires pour opérer ce
transfert». Ça non plus, ce n'était pas dans les
propositions du mois de septembre, le transfert de fonds, d'argent. (14 h
45)
Alors, moi, je peux vous dire que, dans ce discours-là du mois de
novembre, M. Mulroney a fait un pas en avant. Après avoir offert en
septembre ia formation, au mois de novembre, il est allé jusqu'à
dire que la main-d'oeuvre, tout le dossier de la main-d'oeuvre, ce qui comprend
les mesures actives de main-d'oeuvre - on n'est plus seulement dans la
formation... Également, il a parlé des transferts fiscaux qui
vont avec. Alors, je ne partage pas, inutile de vous le dire, votre pessimisme
en cette matière-là et moi, je crois, au contraire, que le
gouvernement fédéral va certainement offrir de transférer
au Québec l'exclusivité du champ de juridiction dans le domaine
de la main-d'oeuvre. Alors, là-dessus, on diverge d'opinion. On verra.
Mais je trouve ça étonnant que vous affirmiez des choses
semblables, alors que ça semble contredire les propos du premier
ministre.
M. PerreauK: II faut être très clair. Nous, on
souhaite le rapatriement complet des budgets reliés à la
main-d'oeuvre. Toutefois, le rapatriement uniquement de la gestion de mesures
actives empêche la marge de manoeuvre nécessaire pour
accroître les mesures actives au profit des mesures passives. De toute
façon, même dans le scénario optimiste, selon votre
revendication auprès du gouvernement fédéral, il y a une
marge de manoeuvre quand même assez limitée, étant
donné que vous allez avoir accès à la gestion d'une partie
des fonds destinés aux mesures actives de main-d'oeuvre. Donc,
ça, c'est l'analyse que l'on a faite de la situation, mais on vous
encourage, on vous souhaite bonne chance dans cette activité-là,
et ce qu'on souhaiterait, c'est d'aller un peu plus loin et de rapatrier tous
les fonds consacrés à la gestion de la main-d'oeuvre, tel que
nous l'avons énoncé dans notre mémoire.
M. Bourbeau: Bien, alors, là-dessus, on s'entend. Je suis
content de voir que vous partagez notre optimisme, enfin, nos objectifs,
plutôt - peut-être pas notre optimisme, nos objectifs. Je compte
sur vous pour épauler le gouvernement du Québec dans ses
demandes. Pas seulement le gouvernement du Québec, toute la population
du Québec, je dois dire, dans ses demandes pour faire en sorte qu'il n'y
ait plus qu'un seul maître d'oeuvre dans ce domaine-là au
Québec, pour éviter les dédoublements et le gaspillage que
constitue la surimposition des juridictions et des programmes.
Le Président (M. Marcil): II reste deux minutes et
demie.
M. Bourbeau: M. le Président, il reste deux minutes et
demie. Alors, savez-vous, je vais... Sur le plan stratégique, je vais
passer la parole à ma collègue...
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
M. Bourbeau: ...et garder un peu de temps pour ça.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je veux
également vous souhaiter la bienvenue, M. Perreault, et souhaiter la
bienvenue aux personnes qui vous accompagnent, vous dire que votre
mémoire est un des plus substantiels que nous ayons reçus devant
cette commission.
Vous nous rappelez un certain nombre de réalités qui sont
passées sous silence dans l'énoncé de politique - et vous
avez insisté dès la présentation de votre mémoire -
notamment le fait qu'il faut préparer également les jeunes et les
adultes à occuper des emplois qui n'existent pas encore, donc, des
emplois à venir. Quand vous nous parliez de pénurie, vous nous
rappeliez qu'une politique qui ne consiste qu'à combler les besoins en
main-d'oeuvre des entreprises, c'est une politique à très,
très, très courte vue parce qu'elle ne répond pas aux
besoins de la main-d'oeuvre. Dans cette main-d'oeuvre, vous nous rappeliez
qu'il y a les jeunes, également, qui ne sont pas pris en compte. Mais
même si tous les emplois en pénurie étaient
comblés... Il y a un organisme qui est venu, hier, nous démontrer
qu'il y aurait malgré tout encore 310 000 chômeurs et
chômeuses inscrits à l'assurance-chômage, mais 200 000
personnes aptes - des chômeurs sur l'assistance-chômage, en fait,
qui est devenue l'aide sociale - et que le taux de chômage serait encore
à 9,1 %, même en comblant les emplois en pénurie.
Je me rappelle avoir entendu, lors de l'émission du midi de
Radio-Canada, M. Tremblay expliquer sur les ondes qu'il y avait une
pénurie d'emplois. Deux personnes de bonne foi, dont une jeune femme a
téléphoné en disant: Écoutez, moi, je suis
prête à retourner au travail. Je veux justement m'inscrire
à des cours. Seriez-vous assez gentil de me dire quels cours je
devrais
choisir pour avoir plus de garanties d'avoir un emploi? Il n'avait pas
été capable de lui en préciser. Alors, ça illustre
bien ce que vous disiez tantôt.
Dans votre mémoire, vous nous parlez d'une réforme
importante de nos pratiques. Je ne sais pas si c'est voulu. J'ai beaucoup
aimé votre mémoire, moi. J'aime le ton, j'aime le fond. Vous nous
parlez d'une réforme des pratiques plus que d'une réforme de
structures. Est-ce que c'est un choix délibéré?
M. Perreault: Je laisserais M. Serge Fleury,
vice-président du Conseil, répondre à cette question.
M. Fleury (Serge): Effectivement, les choix du Conseil vont dans
le sens d'être proche des préoccupations des jeunes et des
réseaux qui représentent ces jeunes-là. Ce qu'on a
constaté, dans la démarche qui a amené à la
rédaction de ce mémoire-là, c'est que les jeunes en
avaient un peu assez justement de ne pas être capables de s'identifier
à une structure ou à une autre, quelle qu'elle soit et peu
importe la validité et la valeur des objectifs qui sont proposés.
C'est pour ça qu'on parle effectivement de pratiques. On parle de
réformer ce qui a un impact concret sur le terrain de l'emploi, sur le
terrain de la formation, et donc, on parie de réformer des pratiques
plutôt que de réformer uniquement des structures. C'est aussi
à l'image, je pense, des réseaux de jeunes - vous avez
reçu copie des lettres d'appui - qui, spontanément donc, nous ont
signifié leur intérêt à ce qui était
développé comme position par le Conseil permanent.
Mme Harel: Dans le résumé du mémoire que
vous nous présentez, vous nous dites, en peu de mots, pourquoi il faut
revoir la représentativité de la Société. Vous
dites que dans les pays qui ont inspiré le modèle de
société devant laquelle on est... Vous nous dites: «Dans
ces pays, le plein emploi est soit une orientation politique claire, soit un
état de fait confirmé par un faible taux de chômage».
De plus, les associations patronales et syndicales y sont réellement
représentatives des entreprises et de la main-d'oeuvre. Au
Québec, le partenariat n'est pas complet ni significatif s'il se limite
aux associations patronales et syndicales. Nous devons reconnaître que la
main-d'oeuvre, d'une part, n'est pas syndiquée et, d'autre part, que les
associations d'entreprises ont peu d'influence sur leurs membres...
Alors, dans le fond, ce que vous dites au ministre, c'est que s'il ne
prend pas en compte d'autres organisations que celles qu'il a
déjà choisies pour sa société, ça n'est
finalement qu'une partie de ta main-d'oeuvre dont il veut s'occuper. C'est bien
ça qu'il faut comprendre?
M. Fleury: Oui. exactement. D'ailleurs, encore une fois, je me
réfère à la liste d'organismes nous appuyant, dont vous
avez reçu copie. Vous remarquerez que bon nombre de ces
organismes-là sont des organismes nationaux qui interviennent à
un niveau ou à un autre sur la question de l'emploi et de la formation.
On sait que, souvent, une des critiques ou un des commentaires faciles qui
peuvent être adressés à la représentativité
du milieu communautaire, c'est son éclatement, c'est sa
diversité, c'est sa difficile cohésion également. Alors,
vous pouvez le constater alentour des appuis qui ont été
déposés, mais on est également en mesure de vous annoncer
que, d'ici la fin de la période de la commission parlementaire, une
coalition des organismes communautaires, qui s'adresse aux non-syndiqués
et aux sans-emploi, sera en mesure de statuer sur une
représentativité au niveau national et également sur les
pendants régionaux de la Société de développement
de la main-d'oeuvre. Suite à la démarche qui a été
initiée, les organismes ont décidé d'adhérer
massivement à cette coalition, de l'appuyer même, et donc, une
fois de plus, de démontrer que le quatrième partenaire
n'était pas superflu, n'était pas difficile à organiser,
et était également prêt à reconnaître
l'urgence d'agir, au même titre que tous les autres partenaires
associés à la démarche de la Société de la
main-d'oeuvre. Alors, le Conseil est heureux d'annoncer cette
initiative-là.
Mme Harel: Et vous nous dites dans votre mémoire, à
la page 33, pour qualifier finalement le choix qui est fait dans le projet:
«Un choix clair et posé en faveur des personnes en emploi dont on
peut supposer qu'elles doivent être syndiquées et à
l'emploi d'entreprises engagées dans le défi de la
compétitivité.» Alors, c'est pour essayer d'ouvrir,
finalement, l'horizon à une main-d'oeuvre plus élargie, si j'ai
bien compris, que vous demandez ce quatrième partenaire.
M. Perreault: Cette recommandation-là fait
référence à un manquement de l'énoncé de
politique concernant certains emplois qui existent et certains individus qui
occupent des emplois qui nécessitent de la formation. Il y a
énormément d'emplois au Québec qui sont à statut
précaire, à temps partiel, qui sont dans des PME, et ces
gens-là qui travaillent dans ces entreprises-là n'ont pas
accès à la formation. Ça, j'ai pris ça de la revue
Le Marché du travail, publiée par le ministère de
la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. À l'intérieur de la revue, on dit clairement que
l'accessibilité à la formation est réduite dans les
emplois à statut précaire ou dans les emplois que la PME offre
aux jeunes... Serge me dit que c'est dans le numéro de janvier 1992.
Donc, ce qu'on veut dire par ça, c'est qu'il faut trouver une
façon de répondre aux besoins de certaines entreprises et de
certains individus
qui occupent des emplois qui ne sont pas concernés actuellement
par l'énoncé de politique. Et ça, c'est un défi,
c'est sûr. Ça sera difficile, mais je pense qu'on est capable au
Québec d'innover socialement et de trouver des modes d'intervention qui
soient adaptés à notre réalité, à notre
contexte économique.
Mme Harel: D'autant plus que plus de 80 % des entreprises au
Québec comptent 10 employés et moins et qu'il est presque
impensable, dans un contexte où 80 % d'entreprises comptent 10
employés et moins, d'imaginer que la formation va se faire dams
l'entreprise. C'est d'autant plus important d'envisager, comme vous le faites
finalement, une société qui se préoccupe de ça
même si les entreprises, les employeurs ou les organisations syndicales
qui y siègent ne représentent pas ces personnes-là. C'est
ça dans le fond que vous nous dites.
Vous mentionnez à la page 33 qu'une des raisons qui aurait pu
amener le ministre à exclure du bénéfice des programmes de
formation les personnes assistées sociales aptes au travail, c'est le
fait qu'il aurait sans doute fallu négocier un nouveau partage avec le
régime d'assistance publique du Canada, étant entendu que le
financement des prestations de la sécurité du revenu
relève pour moitié, dans le cadre de ce régime-là.
J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus et également,
vous entendre sur les comités locaux que vous préconisez.
J'aimerais, en fait-Ce matin, la CSD est venue également nous parler de
l'importance d'avoir des comités localement organisés, mais ces
comités locaux pour l'emploi et la formation, j'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Fleury: D'abord, sur la question du fameux régime
d'assistance publique du Canada, effectivement - et ça va
également dans le sens du commentaire de M. Perreault un peu plus
tôt - lorsqu'on parle de rapatriement de l'ensemble des budgets
destinés à la main-d'oeuvre... Lorsque le Conseil parle de
main-d'oeuvre, on parle de main-d'oeuvre active ou non active sur le
marché de l'emploi. C'est une précision qui est importante
à apporter. Donc, nous, lorsqu'on parle de rapatriement de budgets
destinés a la main-d'oeuvre, on parle aussi des budgets qui sont
accordés en vertu du régime d'assistance publique du Canada. Il
nous apparaît important, sinon impératif, si le Québec veut
se doter d'une véritable politique de développement de la
main-d'oeuvre, de rapatrier l'ensemble des budgets et l'ensemble des pratiques
de gestion reliées à la main-d'oeuvre et non pas uniquement,
malheureusement, comme vous l'identifiiez, M. Bourbeau, en début de
commission, les budgets destinés aux mesures actives.
C'est également la crainte qu'on exprimait à
l'égard de la multiplication des guichets uniques, puisqu'on
maintiendrait une structure pour les mesures passives, le régime
d'assurance-chômage en tant que tel. On développerait un guichet
pour les mesures actives. C'est ce dont il est question par le biais de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, et on maintiendrait un troisième guichet unique qui
serait celui du réseau Travail-Québec pour les mesures
d'employabilité. Alors, nous avons des craintes et nous
considérons, quant à nous, qu'effectivement il devrait y avoir
comme perspective à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre de vraiment rassembler et de vraiment
développer une approche concertée à l'égard de ces
différents niveaux de développement de la main-d'oeuvre. Qu'elle
soit en emploi ou bien qu'elle ne soit pas en emploi, on parle toujours d'une
main-d'oeuvre qui est active et prête à jouer un rôle actif
au sein du marché du travail québécois.
Mme Harel: Je ne sais pas si ça va vous rassurer, M.
Perreault, mais vous n'êtes pas le seul à penser que c'est peu
probable, le rapatriement des mesures passives, parce que c'est ça que
le ministre souhaite aussi. Il souhaite rapatrier les prestations
d'assurance-chômage pour se donner un guichet local, parce que les
centres d'emploi du Canada, c'est au niveau local. C'est là où
pourrait se faire du placement. C'est là où il pourrait se faire
une politique intégrée. Mais vous n'êtes pas le seul, parce
que même Ghislain Dufour qui, pourtant, parcourt avec son bâton de
pèlerin le Canada anglais pour essayer de le faire accoucher de
propositions constitutionnelles qui se tiennent, n'a pas l'air, lui non plus,
de penser qu'en ce qui concerne l'assurance-chômage... Je ne vous dis pas
qu'en ce qui concerne les budgets du ministère fédéral
Emploi et Immigration ça ne viendra pas. À défaut qu'il
ait la compétence, sans doute les fonds. Mais même Emploi et
Immigration Canada, qui déposait un mémoire devant notre
commission, disait ceci au ministre: Vous n'ignorez certes pas que la
priorité des programmes fédéraux de main-d'oeuvre est
accordée aux travailleurs sans emploi et que les fonds de
l'assurance-chômage consacrés aux mesures actives sont
entièrement dédiés aux prestataires
d'assurance-chômage. C'est dire que dans l'hypothèse du
rapatriement au Québec des programmes fédéraux et, en
particulier, des fonds d'assurance-chômage, des ajustements devraient
être requis aux priorités énoncées par le
gouvernement du Québec. En d'autres termes, ce qui est dit, c'est que
vous allez devoir vous ajuster aux choix qu'on fait et non l'inverse. (15
heures)
Alors, on verra, finalement, ce qu'il en sera, vous comme moi. Je ne
sais pas lequel de nous trois est réaliste, pessimiste ou optimiste,
mais, quoi qu'il en soit, ce qu'on peut se dire - ce que vous dites,
d'ailleurs, et vous le dites très clairement - c'est que la
souveraineté du
Québec peut, finalement, mettre fin à tout cet
inextricable chevauchement. Est-ce ça qu'il faut comprendre?
M. Perreault: On espère, en fait, que les moyens soient
donnés au Québec pour effectivement avoir des actions
concrètes en matière de main-d'?uvre. Si on est juste un
gestionnaire comptable puis qu'on a une partie du budget, il y a de bonnes
chances qu'on ne puisse pas avoir une approche intégrée en
matière de main-d'oeuvre. Donc, nous, on dit: Rapatrions l'ensemble des
budgets qui y sont consacrés et l'ensemble des pouvoirs
nécessaires pour les gérer efficacement. C'est sûr qu'il y
a des contraintes qu'on ne connaît pas; on n'est pas dans les secrets
gouvernementaux. Mais il y a, à notre avis, possibilité de voir
plus loin que la simple dimension comptable et de voir l'efficacité que
ça pourrait engendrer d'avoir la gestion complète des budgets
consacrés à la main-d'oeuvre.
Mme Harel: c'est assez intéressant, ce que vous nous dites
à propos de l'étude que vous avez complétée l'an
dernier sur la collaboration entre les milieux scolaires et les milieux du
travail. vous savez que tous les milieux d'affaires qui sont venus ici, l'amq,
le conseil du patronat, les chambres de commerce, ce qu'ils sont venus dire au
ministre, c'est: amenez l'éducation au sein de votre
société. les reproches les plus virulents des milieux d'affaires
consistent à reprocher l'évacuation complète de
l'éducation dans le projet du développement de la main-d'oeuvre
et dans le projet de la société. vous avez dû
évidemment en être informés. vous, vous avez mené
une étude là-dessus. c'est encore plus intéressant.
Il est arrivé souvent que le ministre remette des documents aux
personnes qui venaient, le ministre croyant que les personnes n'étaient
pas bien informées des recherches que son ministère avait faites.
Moi, je vous propose de nous envoyer copie de votre étude puis d'en
envoyer copie au ministre aussi; je pense qu'il va en bénéficier
pour la réflexion qu'il va avoir à poursuivre avant de
déposer son projet de loi. En fait, ce que vous dites, c'est qu'il faut
un rapprochement. C'est ça qu'il faut comprendre, finalement.
M. Perreault: Oui, c'est effectivement ça. La conclusion
des études qu'on a menées sur la question nous amenait à
croire que la création de centrales locales pour l'emploi et la
formation, à l'intérieur des écoles, cependant,
était requise et que la présence du monde de l'éducation,
les deux sièges réservés au monde de l'éducation,
était souhaitable. Et, à notre avis, c'était une
façon de raffermir, disons, le lien entre les différents
ministères. Mais on espère que les ministères vont se
parler et on croit que c'est le début d'un dialogue - espérons-le
-fructueux entre deux ministères qui, traditionnellement, je crois,
selon ce que j'ai lu, étaient plutôt en guerre de
tranchées. Donc, espérons qu'il y aura plus de collaboration
entre ces ministères à l'égard de la formation. Il est
clair qu'il faut que le ministère de l'Éducation du Québec
ait un rôle actif de partenaire au sein de la Société et
non pas un rôle de client fournisseur. Et ça, l'action nous le
dira.
Mme Harel: Vous avez sûrement pris connaissance du projet
d'apprentissage qui est contenu dans l'énoncé. Ce projet
d'apprentissage, tel que formulé, ne s'adresse qu'aux adultes sans
qualification professionnelle qui veulent réintégrer le
marché du travail. Même le Conseil du patronat est venu rappeler
que, dans les pays - ils ont même cité l'Autriche, je pense, et
l'Allemagne, en particulier - où ces systèmes d'apprentissage
sont performants, ils s'adressent d'abord aux jeunes. Vous avez une idée
sur cette question?
M. Perreault: Oui. D'ailleurs, c'est tout à fait en lien
et en logique avec les études qui ont été menées
par le Conseil permanent de la jeunesse sur les questions de formation
professionnelle initiale. On parle effectivement d'un raffermissement des liens
entre te monde de l'éducation et le monde du travail, et ce, dès
l'étape de la formation professionnelle initiale. Il y a certainement
lieu d'apporter là beaucoup d'améliorations. Quant à la
possibilité pour des jeunes décrocheurs de raccrocher par
l'entremise d'un programme d'apprentissage, évidemment, le Conseil ne
peut qu'applaudir à une telle possibilité, toujours au nom de la
réponse aux besoins et aux intérêts des jeunes.
Mme Harel: Vous avez également abordé la question
du crédit d'impôt et cette question de l'aide qui pourrait
être offerte, l'aide à la formation des personnes actives. Vous
semblez croire que ce n'est pas encore en vigueur parce que vous souhaitez
qu'il y ait un retour à l'emploi garanti avant que la mesure ne soit
offerte, avant que le programme ne soit offert. Vous savez, ça s'est
fait un peu en catimini, mais c'est en vigueur depuis le 1er janvier dernier.
C'est donc dire que, depuis le 1er janvier, toute personne, dit-on, peut se
prévaloir de l'aide octroyée. Mais l'aide consiste en un
prêt, un prêt maximal représentant 40 % du revenu, et la
période de remboursement de ce prêt peut s'étaler sur 10
ans. Puis il y a d'autres mesures de subventions aussi, mais c'est un
prêt qui fait quand même 40 % du revenu, plus la subvention.
Mais il reste une chose - je ne sais pas si vous avez lu les
critères - pour que la personne puisse s'en prévaloir, il faut
qu'elle ait été active sur le marché du travail durant les
six
dernières années précédant sa demande
d'admission. Moi, ça me semble, par rapport, entre autres, aux
clientèles-femmes et par rapport aux clientèles-jeunes, dans une
certaine mesure, de la discrimination systémique. Être depuis six
ans activement impliqué dans le marché du travail, j'imagine que
ça doit écarter pas mal de monde, ça.
Et ma dernière question: Est-ce que le Conseil entend mener des
études un peu plus fouillées sur l'importante question
incontournable de la «sexisation» des politiques de formation
professionnelle et de main-d'oeuvre et de la nécessaire
«désexisation» de ces politiques?
M. Perreault: Concernant votre première question, ce
critère-là confirme, en fait, les craintes que l'on avait quant
à l'inaccessibilité de la formation pour les jeunes qui font
partie de certaines catégories d'emplois. Donc, ça confirme nos
craintes, et vous nous informez de cette situation-là qui nous
apparaît très problématique. Et on sait, d'ailleurs, que
les programmes de formation sont peu utilisés à l'heure actuelle.
Bien sûr, ils sont en fonction depuis très peu de temps, mais il
va falloir absolument voir à cette question-là.
Le deuxième élément. Il y a plusieurs
activités au Conseil qui démarrent et qui sont en cours,
notamment au niveau de la formation, de la pauvreté, etc., et
sûrement qu'il y aura des préoccupations qui seront prises en
considération concernant votre deuxième question.
Mme Harel: M. le Président, vous allez me permettre de les
féliciter encore une fois. Je le dis sincèrement. Je trouve que
votre mémoire et votre connaissance de toute la problématique au
regard du développement et de la formation de la main-d'oeuvre sont
vraiment exceptionnels, puis je vous remercie de votre contribution.
Le Président (M. Marcil): Surtout que ça vient
toujours d'un secrétariat qui n'a pas de parti pris, contrairement
à d'autres groupes...
Mme Harel: C'est ça.
Le Président (M. Marcil): ...qui sont passés avant
vous. M. le ministre, en conclusion.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais, pour le
bénéfice de la députée de Hochelaga-Maisonneuve,
lui dire que, oui, j'ai pris connaissance du rapport du Conseil permanent de la
jeunesse sur le dossier de la formation de la main-d'oeuvre. J'ai même
rencontré, d'ailleurs, les dirigeants à mon bureau il y a
quelques mois. On s'est même écrit, je vous ai même
écrit après. Alors, il ne faudrait pas penser qu'on n'est pas au
courant de ce qui se passe de ce côté-là.
Pour ce qui est de nos ministères, de l'Éducation, de la
Main-d'oeuvre ou de l'Enseignement supérieur et de la Science, je vous
rassure, tout le monde, nous nous parlons et nous nous parlons de plus en plus,
d'ailleurs, je dois dire; et nous nous comprenons aussi. Alors, je pense que,
de ce côté-là, on peut aussi être optimiste.
D'ailleurs, nous nous parlons beaucoup plus qu'on se parlait du temps où
nos amis d'en face étaient là. Nous nous comprenons beaucoup plus
aussi, à ce qu'on me dit, du moins.
Maintenant, pour ce qui est de l'assurance-chômage et du
rapatriement souhaité de la gestion du régime
d'assurance-chômage, il est bien évident que
l'assurance-chômage, c'est des fonds qui appartiennent aux
chômeurs; ce sont même des fonds qui sont cotisés
exclusivement par les employeurs et les chômeurs, et ça serait
pratiquement un détournement de fonds publics que de prendre les fonds
des chômeurs et de les utiliser à des fins autres. C'est
évident que si nous rapatrions la gestion de l'assurance-chômage
on va devoir ajuster notre comportement, nos politiques, du moins en ce qui
concerne ces fonds-là, pour faire en sorte que ces fonds-là
soient destinés aux chômeurs. C'est normal, c'est une assurance
qu'ils ont payée. Alors, moi, je n'ai absolument pas de crainte ni de
honte à dire que, oui, on va ajuster - comme le demande, d'ailleurs,
Emploi et Immigration Canada dans son mémoire - nos politiques.
Ça serait de l'aberration que de ne pas le faire. Nous sommes là
pour prévoir les besoins de toute la clientèle, y compris la
clientèle des chômeurs.
Alors, il me reste, M. le Président, moi aussi, à
féliciter le Conseil permanent de la jeunesse pour un document
très bien rédigé et pour une présentation, je dois
dire, exceptionnelle de la part de son président et de ceux qui
l'accompagnent. Nous avons là des interlocuteurs qui, manifestement,
sont bien renseignés, au courant des dossiers, et je pense qu'on peut
dire que ça promet bien pour l'avenir. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.
M. Perreault: Merci infiniment à tous les commissaires. Il
nous a fait plaisir d'exposer nos opinions. Espérons que nos
recommandations seront prises en considération. Merci.
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup.
Maintenant, nous allons appeler à la table le Comité national des
jeunes du Parti québécois.
Comité national des jeunes du Parti
québécois
Nous allons reprendre immédiatement nos travaux. S'il vous
plaît! Donc, j'inviterais M. Loungnarath, président, à
faire la présentation de la personne qui l'accompagne et à
procéder immédiatement à l'exposé de votre
mémoire, tout
en vous disant que nous vous souhaitons la bienvenue à cette
commission parlementaire.
M. Loungnarath (Vilaysoun): Merci, M. le Président. Je
m'appelle Vilaysoun Loungnarath. Je suis le président du Comité
national des jeunes. Mon collègue s'appelle Cari Cloutier et il est
secrétaire...
Le Président (M. Marcil): Parlez un peu plus fort.
M. Loungnarath: ...du Comité national des jeunes du Parti
québécois. Merci de donner au Comité l'occasion de se
faire entendre et de présenter la position officielle du Comité
national des jeunes sur le développement de la main-d'?uvre.
Tout d'abord, permettez-moi de faire une remarque préliminaire.
Le mémoire que nous présentons aujourd'hui porte sur un volet
spécifique du projet ministériel, soit l'enseignement
professionnel et technique. Par «enseignement professionnel et
technique», nous entendons - c'est à la page 1 du mémoire -
la formation professionnelle et technique destinée aux jeunes et
actuellement dispensée dans les écoles secondaires et dans les
cégeps.
Notre réflexion est partie d'un constat. Les institutions
éducatives héritées de la Révolution tranquille se
révèlent inadéquates pour relever les défis actuels
du développement de la main-d'oeuvre et doivent être
repensées. Le discours dominant issu de la Révolution tranquille
a conduit à une dévalorisation des filières
professionnelle et technique, celles-ci étant perçues comme ta
voie de garage de ceux ayant échoué à l'enseignement
général. L'appareil de formation technico-professionnelle actuel
ne parvient pas à réaliser l'adéquation entre les
formations offertes et les emplois disponibles. Sauf quelques heureuses
exceptions, le système n'a pas réussi à construire des
passerelles durables entre l'école et le milieu du travail. C'est ainsi
que seulement 39,1 % des programmes de techniques comportaient, en 1990, pour
l'année scolaire 1989-1990, un stage en milieu de travail. Donc, il faut
que nos institutions éducatives qui font de la formation professionnelle
et technique soient repensées.
Cela étant dit, quels sont les objectifs que nous devrions nous
fixer dans cette entreprise de modernisation de l'enseignement professionnel et
technique? Selon nous, cette réforme devrait d'abord être
motivée par deux objectifs de nature économique. D'abord,
combattre le fléau du chômage, particulièrement le
chômage chez les jeunes, qui est toujours extrêmement
élevé, plus élevé que la moyenne nationale et,
deuxièmement, renforcer la compétitivité du Québec
dans une économie mondialisée. Le deuxième objectif que
nous devrions nous fixer, eh bien, nous pensons que le système
d'enseignement technico-profes- sionnel devrait se rapprocher de l'entreprise.
Troisièmement, nous devrions essayer de favoriser des initiatives qui
conduiraient à introduire plus de souplesse dans le système. Il
nous faut minimiser le temps de réaction entre l'identification des
besoins des opérateurs économiques et, d'autre part, la mise en
oeuvre de programmes d'enseignement professionnel et technique. Et, finalement,
il nous faut favoriser le pluralisme, la diversité des programmes de
formation. (15 h 15)
En cette fin de siècle, la technologie est éclectique. Les
besoins et stratégies des entreprises changent rapidement, se modifiant
sous la pression des percées technologiques ou des manoeuvres des
concurrents étrangers. Le pluralisme s'installe dans la conception des
produits, les techniques de production et de gestion, les plans de distribution
et de mise en marché. Cette situation commande que l'on introduise des
mécanismes susceptibles de libérer les énergies
créatrices, tant des agents économiques que des
pédagogues, et que l'on génère une pluralité de
formules et de concepts de formation. Il nous semble que ces objectifs aient
bien peu de chances d'être atteints si l'enseignement professionnel et
technique continue de faire l'objet d'un monopole lourd, réducteur, et
que persistent les rigidités inhérentes à la logique
politico-bureaucratique de l'administration scolaire actuelle.
Je le dis en toute déférence pour vous, M. Bourbeau, je ne
pense pas que le projet que vous nous présentez va réussir
à transformer radicalement nos façons de faire et de penser
l'enseignement professionnel et technique au Québec. Nous avons deux
reproches à adresser à votre projet. Le premier - et ça a
été soulevé, je présume, par d'autres organismes -
est l'absence de représentativité des premiers
intéressés, soient les usagers du système, les
étudiants, ceux qui reçoivent la formation professionnelle et
technique. On pense qu'un système d'enseignement professionnel et
technique devrait placer l'étudiant, l'usager au centre. deuxième
critique. écoutez, pour nous, le projet que vous nous proposez, c'est
une modification d'organigramme, une modification de structure, et nous
estimons que votre projet souffre de l'absence d'un véritable plan
d'action. votre projet se propose comme une mécanique fringante, mais on
semble y avoir omis les bougies d'allumage. donc, il faut un plan d'action, et
nous avons proposé dans notre mémoire quelques principes qui
pourraient inspirer un plan d'action. c'est à la page, je crois...
enfin, il y a six principes qui commencent à être
énoncés à la page 14, et je vais m'attarder à
certains d'entre eux, si vous me le permettez.
La principale proposition du plan d'action que nous proposons gravite
autour de l'idée d'effectuer une privatisation partielle de l'en
seignement professionnel et technique au Québec.
II s'agit de permettre aux entreprises qui le désirent
d'administrer, de concevoir ou de mettre en oeuvre des programmes
d'études professionnelles et techniques menant à l'obtention d'un
diplôme d'études professionnelles ou collégiales. Donc, une
entreprise pourrait offrir, en totalité ou partiellement, des programmes
d'enseignement professionnel bu technique menant à l'obtention d'un
diplôme d'études reconnu et officiel.
Il faut parler de privatisation partielle. D'abord, le sens du mot
«privatisation». Il faut parler de privatisation, et il y a
privatisation en ce sens que, dans le schéma que nous proposons,
l'entreprise exercerait des fonctions qui sont présentement
dévolues aux maisons d'enseignement. Maintenant, il faut parler de
privatisation partielle. Partielle parce que, d'abord, ces fonctions seraient
assumées par l'entreprise, concurremment ou conjointement avec les
maisons d'enseignement. Deuxièmement, parce que tout programme serait
soumis à un processus d'accréditation, quelle que soit la
provenance du programme. Troisièmement, surtout, parce que tout
ça demeurerait gratuit. Qu'on s'entende, hein! Dans le schéma que
nous proposons, les études professionnelles et techniques demeureraient
gratuites et financées par l'État. Nous proposons un
système de bons d'études, et je reviendrai plus tard
là-dessus.
Si vous le voulez bien, examinons brièvement la mécanique
de cette privatisation partielle. Cette mécanique est articulée
autour de trois éléments. D'abord, nous proposons d'abolir ce
quasi-monopole de l'État qui prévaut actuellement - qu'on a
hérité de la Révolution tranquille - dans l'enseignement
professionnel et technique. Il faut parler de quasi-monopole parce que,
effectivement, à l'heure actuelle, certains programmes de formation
professionnelle et technique - surtout technique - sont offerts par certains
collèges privés ou certains instituts privés de techniques
spécialisées comme Teccart, par exemple. Nous proposons, dans un
premier temps, d'abolir ce quasi-monopole de l'État. Premier pilier de
notre privatisation partielle.
Deuxièmement, votre société, la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre à qui nous confierions la fonction d'accréditation
des programmes de formation professionnelle et technique. Donc, la
Société de développement de la main-d'oeuvre remplacerait,
dans la fonction d'accréditation des programmes de formation
professionnelle et technique, le ministère de l'Éducation au
secondaire, et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science au collégial. Ce serait maintenant une fonction exercée
par la Société de développement de la main-d'oeuvre. Par
contre, il faudrait effectivement renforcer la présence du milieu de
l'éducation à cette instance. Ça, on s'entend
là-dessus, et c'est effectivement soulevé dans notre
mémoire.
Donc, lorsqu'on parle de marché de la formation professionnelle
et technique, entendons-nous, ce n'est pas un marché laissé
à lui-même; ce n'est pas la loi de la jungle; ce n'est pas les
forces du marché qui viennent bouffer la social-démocratie
québécoise, parce que le marché de la formation
professionnelle et technique est encadré par un organisme administratif,
entre guillemets, soit votre société de développement de
la main-d'oeuvre.
Et, troisième pilier, le financement serait effectué par
un système de bons d'études qui est décrit aux pages 24
à 26 dans notre mémoire. Ce système de bons
d'études assurerait la gratuité des études
professionnelles et techniques. Je peux peut-être vous décrire
brièvement ce système: chaque participant à un programme
d'études professionnelles ou techniques se verrait attribuer un bon
d'études qu'il remettrait au pourvoyeur de la formation professionnelle
ou technique, que ce soit une école, une entreprise ou une association
école-entreprise. Ce dernier, ce pourvoyeur, se ferait octroyer par
l'État des fonds pour financer ses programmes en fonction du nombre de
bons d'études qui lui auraient été remis par les
participants. Donc, l'effet net de tout cela - enfin, l'effet probable - c'est
que ce système se traduirait par un transfert de fonds du
ministère de l'Éducation vers l'entreprise.
J'aimerais maintenant faire un peu de prospective et me demander comme
ça: Quelle sorte de portrait on pourrait avoir avec l'implantation du
schéma que nous proposons? Eh bien, je pense que nous aurions un
système de formation professionnelle et technique pluraliste. La formule
que nous présentons ne signifie pas l'abolition de la formation
professionnelle dans les écoles secondaires et de la formation technique
dans les cégeps. Elle se traduirait cependant par l'émergence
d'une pluralité de formations professionnelles et techniques. Ainsi, on
pourrait imaginer que des programmes offerts dans leur totalité en
maison d'enseignement coexisteraient avec des programmes scolaires avec stages
en milieu de travail, des formations dispensées en entreprise et des
programmes mixtes.
J'aimerais peut-être m'attarder sur ces fameux programmes mixtes
parce que, à mon avis, ce serait le modèle qui émergerait,
ce serait le modèle dominant. Au niveau de la formation professionnelle
et technique, je pense qu'on peut identifier trois fonctions: la fonction
administration du programme, la fonction conception du programme et la fonction
mise en oeuvre du programme. Or, ce que nous disons, c'est qu'une entreprise
peut décider d'exercer les trois fonctions, peut-être, mais aussi,
elle peut décider d'exercer une seule des fonctions; et, dans ces
programmes mixtes, une entreprise pourrait décider d'administrer un
programme. C'est donc dire que l'argent, le financement public irait à
l'entreprise et, par la suite, celle-ci pourrait décider de contracter
avec des maisons d'enseignement, ou bien de contracter pour la fonction
conception des programmes. cette entreprise pourrait s'associer à
un cégep, par exemple, pour concevoir conjointement un programme, ou
encore contracter pour mettre en oeuvre un programme. je pense que cette
formule va émerger parce que l'entreprise et l'école devraient
s'ordonner de manière à pouvoir tirer avantage, de manière
à pouvoir mettre en valeur leur complémentarité. et nous
pensons que c'est ce modèle qui va émerger. enfin, ça va
être le modèle dominant qui va émerger de l'implantation de
notre système. donc, je pense qu'une foule de réseaux
contractuels pourraient se tisser avec l'instauration de ce marché de la
formation professionnelle et technique.
À notre avis, la substitution de la logique
politico-bureaucratique sous-jacente au système éducatif actuel
par une dynamique de marché aurait des effets bénéfiques:
le marché élargirait l'éventail des choix tant pour les
étudiants que pour les opérateurs économiques; il
accroîtrait la souplesse des mécanismes d'adaptation de
l'enseignement technico-professionnel à des réalités
économiques et technologiques évolutives; il stimulerait la
coopération entre l'entreprise et le monde de l'éducation, car
ces intervenants devraient naturellement s'ordonner de façon à
mettre en valeur leur complémentarité. À terme, une saine
émulation devrait s'installer dans la gamme des programmes offerts et
des concepts développés, avec pour effet de rehausser leur
qualité moyenne et, qui sait, de favoriser l'éclo-sion de centres
d'excellence de formation professionnelle et technique dans des champs
spécifiques. En définitive, les jeunes Québécois et
Québécoises seront les grands gagnants de ce chambardement
tranquille, car celui-ci leur donnera des chances réelles de
succès.
Ce qui m'amène maintenant à un deuxième jeu de
propositions, et là je me trouve à la page 26 du mémoire;
je vais couvrir les titres de la page 26 et de la page 29 ensemble. Nous
proposons aussi de réorganiser le réseau des écoles
secondaires et le réseau des écoles collégiales de
façon à favoriser la création d'écoles
professionnelles et techniques spécialisées, c'est-à-dire
des écoles offrant, à toutes fins utiles, exclusivement de la
formation professionnelle et technique. Nous pensons qu'H faudrait donner une
autonomie, H faudrait responsabiliser ces écoles, ces nouvelles
écoles professionnelles ou techniques. Nous suggérons aussi de
moduler leur financement en fonction de critères de performance,
incluant au premier chef le taux de placement des diplômés.
Et, troisième proposition qui s'inscrit dans cet axe, nous
suggérons qu'il y ait, dans chacune de ces institutions, des services de
placement, mais que ces services de placement relèvent de
l'administration de l'école et non pas du ministère de ta
Main-d'oeuvre, qu'il soit fédéral ou québécois. Que
le service de placement relève de la maison d'enseignement professionnel
et tech- nique et que cette fonction de placement des étudiants et des
diplômés devienne aussi importante que la sélection des
étudiants ou la conception des programmes. Il faut sensibiliser tes
administrations scolaires à l'importance du placement des
diplômés.
Enfin, troisième axe de propositions - et là je me trouve
à la page 32 de notre mémoire - il faut mettre en oeuvre une
réforme de l'enseignement général au Québec. Je
pense qu'on ne peut pas prétendre à la compétence et
à la compétitivité si on ne rehausse pas le niveau moyen
de l'enseignement général au Québec. Le système
d'éducation québécois est dangereusement malade et les
rigidités internes le grevant ont neutralisé sa capacité
de renouvellement. Au sortir de l'école secondaire, une minorité
d'étudiants écrivent le français convenablement. Le
commerce se libéralise, les échanges culturels s'intensifient,
mais les étudiants québécois ont une maîtrise
dérisoire des langues étrangères. Les programmes de
sciences et de mathématiques sont bien peu robustes lorsque
comparés à leurs pendants européens et japonais. La
maîtrise des savoirs de base constitue pourtant un prérequis
incontournable à l'acquisition d'une compétence
spécialisée. Les techniques, les méthodes, les usages se
complexifient, et leur compréhension commande un niveau de connaissances
générales plus élevé. À une époque
où bien peu de choses sont immuables, les diplômés doivent
être en mesure de s'ajuster rapidement aux changements. Une solide
formation générale aiguise la faculté d'adaptation.
L'accroissement de la compétence et de la
compétitivité de la main-d'oeuvre québécoise est
subordonnée à l'amélioration de la qualité des
programmes du secteur général au secondaire et au
collégial. Ce serait faire fausse route que de vouloir faire divorcer la
réorganisation de l'enseignement technico-professionnel d'avec une
réforme du secteur de l'enseignement général. Les beaux
discours sur la compétence et la compétitivité demeureront
vains si le système d'éducation ne parvient pas à
inculquer aux cadres, aux techniciens et aux ouvriers spécialisés
les rudiments de leur langue maternelle et les raisonnements
mathématiques élémentaires.
Pour ne pas que votre stratégie québécoise du
développement de ta main-d'oeuvre tourne dans le vide, une
réforme de l'enseignement général au Québec est
nécessaire. Elle devrait être axée, d'après nous,
sur l'accroissement des exigences académiques, une meilleure
qualité des programmes, la recherche de l'excellence et un recentrage du
projet académique autour des disciplines de base. (15 h 30)
En guise de conclusion, si vous me le permettez, deux commentaires
rapides. Le premier, c'est que, bon, on dit, avec raison, je crois, que le
Québec forme une société distincte où les
Québécois constituent un peuple. Enfin,
c'est une conviction qui anime la majorité d'entre nous, je
pense. Et nous disons - et je pense, avec fierté et avec raison - que
cette originalité ou ce caractère distinct ne se limite pas
à la culture ou à la langue mais qu'il couvre aussi nos
institutions économiques. Je pense que ce que nous proposons pourrait -
et là je le dis en toute humilité et sans vouloir être ou
paraître présomptueux - peut-être constituer un autre rouage
de ce Québec inc.
Dans le champ de l'enseignement technico-professionnel, il est, à
notre avis, urgent d'amorcer un virage majeur. À la structure
bureaucratique installée à la faveur de la Révolution
tranquille il faut substituer une structure de marché. La logique
politique animant présentement le projet d'enseignement
technico-profes-sionnel doit se vassaliser à une logique
économique portée par les défis inhérents à
la situation de l'emploi au Québec et à la mondialisation de
l'économie. Et la philosophie de la standardisation et du nivellement,
hélas sous-jacente au système actuel, doit être
écartée au bénéfice d'une approche favorisant
l'excellence de même que le pluralisme des programmes et des approches
pédagogiques.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, merci de votre attention.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Maintenant, je
vais reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: m. le président, je tiens à saluer les
membres du comité national des jeunes du parti québécois
pour un mémoire qui est original, qui sort des sentiers battus et qui
donne une vision de l'enseignement professionnel qui est intéressante,
je dois le dire. je ne peux pas relire le mémoire au complet, mais je
voudrais, si vous n'avez pas d'objection, revenir à la partie de votre
mémoire où vous parlez des structures de l'enseignement
professionnel au québec présentement. à la page 26, et
suivantes, par exemple, vous proposez de «réorganiser le
réseau secondaire et le réseau collégial de façon
à créer des écoles secondaires dispensant exclusivement de
la formation professionnelle et des institutions collégiales dispensant
exclusivement de la formation technique». si je comprends bien, vous
faites une analyse des chambardements qu'ont amenés la révolution
tranquille, le rapport parent, etc., et vous avez un peu la nostalgie des
anciennes écoles d'arts et métiers.
M. Loungnarath: Je n'étais pas né à cette
époque. Vous savez, moi, je suis né en 1963, alors...
M. Bourbeau: Oui, bon, tant pis pour vous. Ha, ha, ha! Ce
n'était pas une mauvaise époque, mais celle d'aujourd'hui n'est
pas mauvaise non plus, remarquez.
M. Loungnarath: Ah, non.
M. Bourbeau: Dans le fond, on vous envie toujours, non pas
d'être né à cette époque-là, mais
peut-être d'avoir une espérance de vie plus longue; vous allez
pouvoir être là plus longtemps. Mais, à cette
époque-là, on a évacué le monde du travail,
à toutes fins pratiques, de l'enseignement professionnel en disant que
l'enseignement professionnel, c'était une affaire de gouvernement et on
a fusionné tout ça dans une même filière. Et vous
portez un jugement assez sévère sur cette
filière-là en disant qu'on devrait constituer «deux
réseaux d'écoles secondaires, l'un offrant les programmes du
secteur général et l'autre, exclusivement des formations
professionnelles.» Ça, c'est au secondaire. Et au cégep,
vous dites que vous proposez de «réaménager le
réseau collégial en créant deux catégories
d'institutions: des collèges offrant des programmes préparatoires
à l'université - ça, c'est la partie
générale, je présume - et des collèges dispensant
exclusivement de la formation technique.»
Ça fait beaucoup de collèges, ça,
évidemment, beaucoup de maisons d'enseignement tant au secondaire qu'au
collégial. C'est une opinion qui est émise présentement
par pas mal de monde, à savoir d'avoir fait loger à la même
enseigne l'enseignement général et l'enseignement professionnel;
ce n'était peut-être pas, finalement, la meilleure des solutions,
d'autant plus qu'il n'y a pas d'autres sociétés
nord-américaines qui ont suivi ce modèle-là. Est-ce que
vous pensez qu'il serait essentiel de conserver l'enseignement
général, par exemple, au cégep? quand on observe ce qui se
fait aux états-unis ou dans le reste du canada, par exemple, on a
tendance, du moins du côté de l'enseignement
général, à ne pas avoir le palier cégep,
c'est-à-dire à faire en sorte que le secondaire soit un petit peu
plus long - une année de plus - et que l'universitaire soit un petit peu
plus long aussi. donc, on partage les deux années du
général au cégep; on entrerait une année plus
tôt à l'université et on ferait une année de plus au
secondaire. finalement, il n'y aurait plus d'enseignement général
au cégep. la structure pourrait être dégagée pour de
l'enseignement professionnel et de l'enseignement technique. enfin, vous
semblez aller dans cette direction-là. j'aimerais que vous
précisiez un petit peu votre pensée là-dessus.
M. Loungnarath: Effectivement, M. le ministre. Première
remarque, il faut bien s'entendre quand on parle de filières
professionnelle et technique. Ça ne veut pas dire qu'à
l'intérieur de ces filières-là on ne fait plus de
français, on ne fait plus d'histoire, on ne fait plus de philosophie. Je
pense que le technicien en génie mécanique, par exemple, doit
suivre des cours de français, des cours de philosophie de même
que
des cours de mathématiques.
Maintenant, il faudrait voir. Il faudrait peut-être chercher
à adapter les cours de français, d'histoire et de philosophie
à sa formation, à ses attentes, à ses futures exigences
professionnelles. C'est ma première remarque. C'est un objectif. Je
pense qu'on devrait réorganiser de façon à favoriser la
création d'écoles professionnelles dispensant exclusivement (a
formation professionnelle et technique.
Maintenant, favoriser, il faut voir, aussi. Dans les régions, par
exemple, où la population étudiante est moins importante, il
serait peut-être difficile sur le plan administratif de créer un
cégep offrant un enseignement préparatoire à
l'université et un cégep dispensant de la formation technique.
Donc, c'est un objectif: favoriser autant que faire se peut. Dans les
régions où il existe des bassins de population étudiante
considérable, je ne vois pas de difficultés.
Enfin, il y a effectivement des rigidités qui nous contraignent.
Par exemple, prenons le cas de Montréal. Pourquoi ne pas décider
que le cégep Ahuntsic n'offrirait que de l'enseignement technique, alors
que le cégep Maisonneuve ou le cégep Saint-Laurent, qui n'est pas
très loin d'Ahuntsic, lui, n'offrirait qu'un enseignement
préparatoire à l'université? Dans la mesure où il y
a des correspondances au niveau des populations étudiantes, cela peut se
faire sans nécessairement engendrer des montagnes de coûts. C'est
ce qu'on a fait, d'ailleurs, dans les années soixante. Je n'y
étais pas, mais ce qu'on a fait, c'est qu'on a déboulonné
le système qui existait pour créer des institutions polyvalentes
ou des institutions fourre-tout. Alors, la démarche inverse pourrait
être envisagée. Il faudrait cependant se donner effectivement un
certain nombre d'années. Je pense qu'il ne doit pas non plus y avoir de
précipitation; il ne faut surtout pas pécher par
précipitation.
M. Bourbeau: Cette filière professionnelle, qui serait un
petit peu en marge de la filière générale, vous la
rattacheriez où?
M. Loungnarath: Vous voulez dire au niveau des cégeps ou
au niveau du secondaire?
M. Bourbeau: Non, au niveau du gouvernement.
M. Loungnarath: Moi, personnellement, ce n'est pas quelque chose
qu'on a abordé dans le mémoire, mais je la ferais relever de
votre ministère, pas du ministère de l'Éducation.
Maintenant, je pense que la Société de développement de la
main-d'oeuvre aurait un rôle important à jouer ici, et le monde de
l'éducation y serait représenté. Je vais mettre un
bémol à ce que je viens de dire. Comme je le disais tantôt,
dans les écoles professionnelles et techniques, l'on se doit d'offrir un
certain enseignement général: français, histoire,
géographie. Effectivement, le ministère de l'Éducation a
un mot à dire là-dedans. Donc, il faudrait favoriser un
arrangement. Écoutez, ça se fait dans les autres pays du monde.
On est une des rares sociétés où on offre sous un
même toit une formation générale ou préparatoire
à l'université et une formation professionnelle ou technique.
Il y a un autre point important que j'aimerais soulever. Vous savez, ce
qui est arrivé - c'est une opinion du Comité - avec la
Révolution tranquille, c'est que dans les maisons d'enseignement, ce
sont les cadres issus du secteur général qui ont pris le pouvoir.
D'après nous, ça a conduit à une certaine... C'a
été un des facteurs expliquant - ce n'est pas le seul facteur -
ce phénomène de la dévalorisation de la formation
professionnelle et technique. Ce n'est pas normal qu'aujourd'hui, en 1992, il y
ait seulement 15 000 étudiants sur, quoi, 500 000 au secondaire qui
soient dans les filières de la formation professionnelle.
À mon sens, le fait que les gens qui ont le pouvoir dans les
écoles secondaires et les cégeps soient des gens issus des
filières générales, qui ont une espèce de
préjugé inconscient vis-à-vis de la culture humaniste et
de l'éducation libérale, est un facteur expliquant la
dévalorisation de l'enseignement professionnel et technique. Alors,
nous, ce qu'on veut - et c'est au bénéfice des gens de
l'enseignement professionnel et technique - c'est que l'enseignement
professionnel et technique redevienne maître chez lui et qu'il
contrôle sa destinée.
Le Président (M. Marcil): Qui avait une question à
poser? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Ça va.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Philibert (trois-rivières): dans votre mémoire,
à la page 11, vous indiquez que le gouvernement doit exercer un
rôle de leadership dans l'exercice du partenariat. je comprends que ce
leadership-là, donc, s'exercerait à partir du gouvernement aux
entreprises, ou enfin à des instances régionales. alors, comment
voyez-vous le rôle du gouvernement par rapport à la
société de développement de la main-d'oeuvre?
M. Loungnarath: En fait, ce qu'on a voulu dire, c'est que - je ne
veux pas être trop vicieux dans mes critiques du projet
ministériel -avec ce projet-là, ce qu'on tente, c'est de
créer une structure. On élabore de façon assez vague un
mandat puis, là, on leur dit: Débrouillez-vous pour relancer le
développement de la main-d'oeuvre. Nous, ce qu'on dit, c'est que le
gouvernement doit faire preuve de leadership et
préciser un plan d'action. Et nous avons dégagé six
grands principes autour desquels pourrait s'articuler un plan d'action. Nous,
ce qu'on demande au gouvernement, c'est de faire ce que je viens de vous dire,
c'est-à-dire de créer un marché de la formation
professionnelle et technique, de permettre aux entreprises qui le
désirent - on ne forcera personne - d'offrir des programmes
d'études professionnelles et techniques menant à l'obtention d'un
diplôme reconnu et de leur donner le financement pour faire ça.
C'est une des propositions, un des principes que nous suggérons pour
articuler un véritable plan d'action.
M. Philibert (Trois-Rivières): Vous dites que le
gouvernement crée une structure puis leur dit: Débrouillez-vous!
Quand on regarde la structure et qu'on regarde les intentions du gouvernement,
par exemple, de meubler cette structure-là avec des représentants
du patronat, des représentants des syndicats, des représentants
du gouvernement, d'autres groupes, dont vous...
M. Loungnarath: Nous autres, ce qu'on dit, c'est que la
structure...
M. Philibert (Trois-Rivières): Laissez-moi terminer ma
question.
M. Loungnarath: Oh! Excusez-moi. Oui.
M. Philibert (Trois-Rivières): D'autres groupes, comme
vous l'avez d'ailleurs réclamé tantôt, demandent que les
jeunes soient nommément identifiés à l'intérieur de
cette représentativité; d'autres groupes, les groupes
communautaires, les groupes de femmes, la CEQ, les commissions scolaires ont
demandé à être représentés. Mais, dans ce que
vous nous dites de la Société, dans ce que vous voyez du
dynamisme qu'elle pourrait avoir, vous la voyez comme étant inefficace
et non efficiente. Est-ce que...
M. Loungnarath: Voyons! On n'a pas dit ça.
M. Philibert (Trois-Rivières): Est-ce que c'est un manque
de confiance dans les représentants éventuels qui pourraient
siéger sur ces comités-là?
M. Loungnarath: Absolument pas. On confie un rôle pivot
à cette société; on lui confie le rôle, la
tâche d'accréditer les programmes d'enseignement professionnel et
technique et de dire: Oui, ce programme-là, on le rend admissible au
financement public, ou: Non, ce programme-là ne nous convient pas. Parce
que c'est simplement du «cheap labor» que vous irez chercher avec
ce programme-là; vous allez former des gens pour des tâches trop
spécialisées pour les besoins du lendemain, et les gens qui
seront formés ne seront pas employables dans d'autres secteurs
industriels ou dans d'autres entreprises du même secteur industriel.
Alors, pour éviter ça, on crée un processus
d'accréditation et, au coeur de ce processus d'accréditation, il
y a la Société de développement de la main-d'oeuvre.
Ce qu'on dit, c'est qu'il faut lui dire quoi faire, à la
Société de développement de la main-d'oeuvre, puis
ça, c'est au gouvernement d'établir les objectifs et de lui
préciser les moyens d'action, sinon ça va être une autre
coquille vide, ça va être encore l'argent du contribuable qu'on va
mettre là-dedans et ça ne va servir à rien. C'est
ça, le danger; c'est qu'on crée une structure vide, ou pire, une
espèce de gros forum politique où les intérêts
particuliers vont jouer du coude pour faire valoir leur agenda ou faire valoir
leur plate-forme de groupes organisés. Pour éviter ça, je
pense qu'il faut préciser certaines balises et proposer des moyens
d'action. Et c'est ce que nous faisons dans notre mémoire. (15 h 45)
M. Philibert (Trois-Rivières): Alors, vous
réhabilitez dans mon esprit la Société de
développement de la main-d'oeuvre. Mais, quand vous dites qu'elle aura
un rôle d'accréditation, c'est quand même majeur comme
orientation, comme changement. Quel rôle, maintenant, vous prêtez
au ministre de l'Éducation et au ministre de l'Enseignement
supérieur?
M. Loungnarath: Dans l'enseignement professionnel ou technique ou
dans...? Écoutez, le ministère...
M. Philibert (Trois-Rivières): Dans la dynamique de votre
mémoire...
M. Loungnarath: Oui.
M. Philibert (Trois-Rivières): ...parce que je pense que
ça pourrait vous aider à nous répondre...
M. Loungnarath: II ne faut pas se le cacher, son rôle, le
rôle du ministère...
M. Philibert (Trois-Rivières): ...parce que votre
mémoire...
M. Loungnarath: ...de l'Éducation serait, dans notre
schéma, réduit au profit du ministère de la Main-d'oeuvre,
au profit de la Société de développement de la
main-d'oeuvre et au profit de l'entreprise. Il ne faut pas se le cacher. Et
l'argent suivrait; il ne faut pas se le cacher non plus. Maintenant, le
ministère de l'Éducation serait quand même présent
dans le processus. Je pense qu'il faut renforcer sa présence au sein de
la Société de développement de la main-d'oeuvre. Il faut
lui garantir plus que deux postes: quatre postes, cinq postes... Il faut quand
même l'impliquer au niveau de la Société de
développement de la main-d'oeuvre. Écoutez, ça demeure,
ça fait partie du gouvernement. Vous savez, pour le
contribuable, pour le citoyen, que le chapeau soit porté par le
ministère de la Main-d'oeuvre ou par le ministère de
l'Éducation, le citoyen sur la rue, avec tout le respect que je dois
à tout le monde, n'en a rien à cirer. Mors, ce qui compte, c'est
qu'on ait des systèmes qui soient efficaces et qui répondent aux
besoins de la population.
Le Président (M. Marcil): ...M. le
député
M. Philibert (Trois-Rivières): Pardon? Le temps est-il
écoulé?
Le Président (M. Marcil): Oui. Je vais passer à Mme
la députée de Hochelaga-Maison-neuve. Je reviendrai à la
fin pour voir.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous recevoir cet après-midi. Évidemment, vous connaissez la
formule éprouvée. Vous êtes vous-même avocat, je
pense; vous connaissez cette formule éprouvée qui veut que rien
de ce que vous dites, en fait, ne peut être retenu contre le Parti
québécois étant donné que la position que vous
exprimez, comme vous le savez, n'est ni conforme au programme du Parti
québécois ni conforme aux orientations de l'Opposition.
Ce qui m'intéresse, c'est: Est-ce que c'est souhaité par
ceux pour qui vous voulez un tel chambardement, parce que vous intitulez votre
mémoire «Un chambardement». Le Conseil permanent, juste
avant vous, avait rappelé qu'il était peut-être plus
souhaitable de réformer les pratiques que les structures. Vous, vous
nous proposez une réforme des structures et vous nous la proposez en
nous disant qu'il s'agit d'effectuer une privatisation partielle de
l'enseignement technicho-professionnel en permettant aux entreprises d'offrir
des programmes d'études professionnelles et techniques menant à
l'obtention d'un diplôme reconnu.
La question que je me suis demandée, c'est: On peut leur
permettre, mais l'ont-elles demandé? Et moi, je dois vous dire que
l'ensemble des milieux économiques qui sont venus devant cette
commission, que ce soit l'Association des manufacturiers du Québec, Je
Conseil du patronat, les chambres de commerce, l'ensemble des milieux
d'affaires ne le demandent pas. Alors, pourquoi faudrait-il tout chambarder -
en fait, je vais utiliser votre titre - pour quelque chose que le milieu ne
souhaite même pas?
M. Loungnarath: Mme la députée, on n'oblige pas
l'entreprise à faire ça. Si l'entreprise ne veut pas, bien,
écoutez, la formation, l'enseignement professionnel et technique restera
seulement dans les écoles. On n'oblige personne à offrir des
programmes de formation professionnelle et technique. Mais pourquoi devrait-on
l'interdire à une entreprise ou à un regroupement d'entreprises?
On en parle aussi dans notre mé- moire. Si toute la PME du meuble, par
exemple, est intéressée à créer une école du
meuble, pourquoi devrait-on l'en empêcher? Si c'est un programme qui
répond aux normes, si c'est un programme qui donne une bonne formation
aux jeunes, si les jeunes peuvent, par la suite, avoir un emploi dans
l'entreprise où ils auront été formés, où
ils auront eu des stages, pourquoi devrait-on empêcher une entreprise ou
un secteur industriel de faire cela? On n'enlève rien à personne.
Au pire, madame, si ça ne marche pas, notre histoire, c'est le statu quo
qu'on maintiendrait. Au pire. Excusez-moi, deuxième remarque...
Mme Harel: Ah, bon. C'est parce qu'on ne souhaite pas le statu
quo. Ha, ha, ha!
M. Loungnarath: Juste une deuxième remarque importante.
Vous savez, effectivement, je l'ai dit au début, cette position, c'est
la position du Comité national des jeunes du Parti
québécois. Elle a été adoptée à notre
réunion du 17 janvier 1992, et elle a été adoptée
à l'unanimité avec une abstention. c'était une abstention
technique sur laquelle je ne veux pas m'attarder. ce n'est pas la position,
effectivement, du parti québécois, pour l'instant.
Maintenant, je ne suis pas d'accord avec vous. J'ai relu le programme
et, à mon sens, notre projet n'est nullement incompatible avec les
dispositions de notre programme portant sur l'enseignement professionnel et
technique. Il n'y a aucune disposition de notre schéma qui soit
incompatible avec notre programme. Notre objectif, et nous le disons, ce sera
d'intégrer à notre programme politique ces propositions à
notre prochain congrès qui sera tenu, je pense, en 1993. c'est notre
objectif. ça, c'est la position officielle du comité national des
jeunes du parti québécois.
Mme Harel: si je comprends bien, vous nous dites: pourquoi, en
fait, ne pas le leur offrir? je ne sais pas si vous avez des contacts avec les
entreprises. à dire vrai, je ne suis pas certaine, parce que ce qu'elles
sont venues demander ici, c'est tout à fait autre chose. ce qu'elles
sont venues demander, c'est un rapprochement avec le monde de
l'éducation, mais elles veulent que fa formation générale,
la formation initiale, la formation de base soit donnée dans le
système d'éducation et qu'il y ait un rapprochement dans une
sorte de vision intégrée éducation-main-d'oeuvre.
Savez-vous ce qu'elles veulent faire, les entreprises? Elles veulent
produire, les entreprises. Elles veulent fabriquer, les entreprises. Elles
veulent compétitionner avec leurs concurrents, les entreprises. Elles ne
veulent pas donner des cours, les entreprises. Elles donnent des cours
uniquement parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement. Si elles pouvaient
faire autrement, elles ne le feraient pas, sauf que, maintenant,
elles sont prêtes. Elles ont quand même évolué
beaucoup, et là elles sont prêtes à bouger quand même
beaucoup. Je pense que le milieu syndical est prêt à bouger
également. Mais vous savez ce qui les intéresse, dans le fond?
C'est de produire, au bout de la ligne. Alors, c'est évident que
c'est... La grande entreprise dit, d'ailleurs, en général:
Formez-les comme il faut et, nous, on leur donnera la formation sur mesure qui
est nécessaire. Et la PME demande au système d'éducation
d'offrir à la fois la formation de base et la formation sur mesure. Ce
n'est que la grande entreprise qui, souvent, est prête à offrir la
formation sur mesure.
Alors, c'est quand même important qu'on se dise la
réalité des choses. Présentement, au Québec, plus
de 80 % des entreprises sont des entreprises de moins de 10 employés, et
c'est évident aussi que 40 % des emplois créés sont
à temps partiel et que ce sont souvent des emplois dans les services.
Alors, il va falloir penser à un développement de la
main-d'oeuvre qui soit autre chose qu'une construction théorique.
M. Loungnarath: Je pense que c'est plus qu'une construction
théorique. Je pense qu'on sort des sentiers battus. Avec les
problèmes qu'on a actuellement, il faut sortir des sentiers battus.
Notre chef parle souvent de faire une deuxième révolution
tranquille et, moi, je suis tout à fait d'accord avec lui. Je pense que
ce qu'on propose, ce n'est peut-être pas une révolution
tranquille, c'est un chambardement tranquille. Je pense qu'il ne faut pas avoir
peur d'avoir des idées nouvelles. C'est ma première remarque.
Ma deuxième remarque, Mme la députée, c'est que,
vous savez, dans le schéma qu'on propose, l'entreprise ne serait pas
obligée d'offrir des cours. Elle pourrait dire: Moi, je vais me
contenter d'administrer un cours et je vais contracter avec l'école
secondaire qui est à trois coins de rue de chez moi pour une formation
ayant tel type de cours, tel type d'enseignement, tel type de stage et les gens
qui voudront recevoir ce genre de formation-là viendront chez moi pour
apprendre à maîtriser tel type de machinerie, tel type
d'ordinateur ou tel type de procédure administrative. Vous voyez?
Mme Harel: C'est ce qu'on fait présentement.
M. Loungnarath: Dans notre schéma...
Mme Harel: Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais
ça se fait présentement.
M. Loungnarath: Oui. Mais, nous, on dit: II faut aller plus loin
dans cette voie-là, madame. Et dans le schéma qu'on propose,
comme je vous le dis, on ne force personne. Une entreprise ne serait donc pas
obligée d'offrir des cours. Elle pourrait se contenter d'administrer un
programme ou de concevoir le programme.
Dernière remarque concernant la petite et la moyenne entreprise.
Vous avez raison, et je pense que notre schéma est tout à fait
approprié pour la petite et la moyenne entreprise, que la formule
mixte... Nous le disons, d'ailleurs, dans notre mémoire, quelque part
entre les pages 16 et 24 - à la page 21: «Les petites et moyennes
entreprises québécoises pourraient aussi être
invitées à se regrouper sectoriellement afin d'élaborer
des profils de formation communs, en collaboration avec les maisons
d'enseignement et les syndicats.» Il n'y a pas à douter que
«la Société québécoise saura imaginer une
série d'arrangements contractuels féconds et audacieux entre
milieux d'enseignement, entreprises d'un même secteur industriel et
syndicats, pour peu que les querelles de clocher et les contraintes
bureaucratiques n'étouffent pas l'esprit d'initiative et la
créativité des acteurs locaux.»
Mme Harel: Écoutez, sur une autre...
M. Loungnarath: Moi, je pense que nous pouvons inviter...
Mme Harel: Oui, d'accord.
M. Loungnarath: ...les petites et les moyennes entreprises
à se regrouper - oui, je suis désolé - pour qu'elles
élaborent des profils de formation qui leur conviennent.
Mme Harel: J'espère qu'il me reste encore un peu de temps.
Combien de temps reste-t-il?
Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y, madame.
Mme Harel: Oui. Vous indiquez combien l'objectif de
compétitivité est important. Ce qui m'a surprise, c'est que vous
n'ajoutez pas également combien l'objectif d'équité est
important. À ne voir que la compétitivité, est-ce qu'on ne
s'éloigne pas considérablement de l'ensemble des positions
exprimées, notamment dans le programme du Parti québécois?
Dans ce programme, justement, on conçoit que cet objectif
d'équité en matière de développement de la
main-d'oeuvre est un objectif aussi important que celui de la
compétitivité, parce qu'il va falloir contrecarrer les facteurs
d'inégalité. C'est un facteur de démocratisation, c'est un
facteur de développement des clientèles qui sont exclues du
marché du travail qu'une politique de main-d'oeuvre. Votre
mémoire n'en parle pas.
M. Loungnarath: Nous disons que ce projet de moderniser et de
relancer l'enseignement professionnel et technique doit être guidé
par deux objectifs. Le premier, et c'est le premier, c'est de combattre le
fléau du chômage. Moi, je
pense que l'équité, elle passe par le plein emploi.
L'équité, ça veut d'abord dire, en 1992, au Québec,
que tous les jeunes puissent avoir un emploi à l'intérieur duquel
ils pourront se réaliser. Je pense que...
Mme Harel: Oui.
M. Loungnarath: ...là-dessus, nous sommes sur la
même longueur d'onde, Mme Harel.
Mme Harel: Mais ça, c'est un objectif.
M. Loungnarath: Le deuxième objectif, c'est la
compétitivité de notre économie. Moi, je pense que les
deux vont ensemble. Si notre économie n'est pas compétitive, les
usines vont continuer à fermer.
Mme Harel: Oui. Cet objectif de compétitivité et de
plein emploi est intéressant, mais il y a aussi la
nécessité de mettre en place des mesures pour contrecarrer
l'inégalité des chances à l'emploi. Dans une politique de
développement de la main-d'oeuvre, le fait, de façon
systématique, d'assurer des programmes avec des quotas pour avoir une
perspective de réussite pour des groupes qui, systématiquement,
ont été écartés d'emplois traditionnellement bien
rémunérés, etc., c'est aussi un objectif important.
L'objectif d'égalité des chances dans l'emploi, ça passe
par la formation de la main-d'oeuvre.
M. Loungnarath: Oui, je suis d'accord. Écoutez,
maintenant, nous, notre projet consistait à critiquer le document
ministériel, pas à écrire une thèse sur la
main-d'oeuvre et sur la formation professionnelle. Il faut être aussi
conscient des limites des ressources qu'on a ici, au Comité des
jeunes.
Mme Harel: Écoutez, le document ministériel,
malheureusement, n'en dit pas mot, de cet objectif d'équité. Ce
que les groupes sont venus nous dire, c'est que le Québec doit se
donner, de façon absolue, un projet de compétitivité et un
projet d'équité, d'égalité des chances à
l'emploi.
M. Loungnarath: Mme la députée, je partage vos
préoccupations à cet égard-là, croyez-moi, et le
Comité aussi.
Mme Harel: Vous savez que, de plus en plus, avec les
modifications intervenues sur le marché de l'emploi, l'entreprise
réclame des personnes, elle va embaucher des personnes qui ont une
formation générale de plus en plus substantielle. On le voit,
d'ailleurs; ça se passe comme ça dans tous les pays. C'est une
sorte d'élargissement des qualifications qui sont requises, il y a une
sorte de renforcement des contenus théoriques. On est venu nous dire,
par exemple, hier, que dans le secteur de l'automo- bile, depuis 10 ans, ce
secteur a connu une invasion technologique. Les débosseurs et les
mécaniciens, c'est souvent des gens qui travaillent aussi dans la
technologie, ils vont travailler avec des systèmes de plus en plus
complexes; c'est presque des électrotechniciens que ça va
nécessiter.
Alors, ça, c'est une réalité qui est incontournable
et c'est dans l'interface de l'éducation et de l'entreprise que
ça peut être pris en compte, parce que l'entreprise, on ne peut
pas le lui reprocher, son mandat, ce n'est pas un mandat d'éducation
nationale. Son mandat, c'est de faire des profits, entre autres, et de
concurrencer son voisin qui peut être ici ou à l'étranger.
Alors, son projet de formation, dans la construction que vous en faites, est-ce
qu'il n'y a pas danger qu'il soit à très courte portée?
(16 heures)
M. Loungnarath: Non. Écoutez, moi, je ne pense pas. Je
suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que, de plus en plus - et
on le dit d'ailleurs dans notre mémoire, c'est la dernière
idée que j'ai développée - il va falloir renforcer
l'enseignement général. Et moi, je pense que le ministère
de l'Éducation du Québec devrait se mettre là-dessus. Je
pense que la vocation première du ministère de
l'Éducation, ça devrait être l'enseignement
général, et il devrait mettre en oeuvre tous les moyens possibles
pour rehausser le niveau de l'enseignement général. Cela
étant dit, et on ne l'a pas abordé dans le mémoire, je
maintiens et j'estime que le ministère de l'Éducation, que M.
Ryan a fait une erreur en élevant au niveau secondaire IV
l'entrée de l'enseignement professionnel au secondaire.
Maintenant, cela étant dit, je pense qu'il va falloir miser
beaucoup plus qu'actuellement sur le secteur technique au niveau
collégial, parce que vous avez raison de dire... Prenez une voiture
automobile; il y a 30 ans, une voiture automobile c'était de la
mécanique, seulement de la mécanique, 95 % de mécanique,
à part votre radio et peut-être quelques pièces
électriques. Aujourd'hui, une voiture automobile, notamment les
européennes ou les japonaises, est bourrée d'électronique.
Il y a des microprocesseurs là-dessus, non seulement dans la partie pour
les passagers, mais aussi dans le moteur, dans les systèmes entre le
moteur, etc.
Mme Harel: Bon, très bien. Ha, ha, ha!
M. Loungnarath: Donc, vous avez tout à fait raison de
soulever cette question. Et ce qui fait la force, par exemple, de la
main-d'oeuvre allemande, c'est que son maillon intermédiaire, la
main-d'oeuvre intermédiaire est extrêmement bien
formée.
Mme Harel: Oui, ce qui fait la force de la main-d'oeuvre
allemande, c'est que...
M. Loungnarath: Donc, je pense que, là-dessus, on est sur
la même longueur d'onde, Mme Harel.
Mme Harel: Oui. Mais ce qui fait la force de la main-d'oeuvre
allemande, c'est que 63 % de ses ingénieurs ont d'abord
été des ouvriers qualifiés, que 100 % de ses
contremaîtres ont d'abord été des ouvriers
qualifiés. Vous savez, dans les projets qui se font, s'il y a une chose
sur laquelle on peut s'entendre, c'est la suivante: l'absolue
nécessité de faire rencontrer et de réconcilier
l'entreprise et le secteur de l'éducation. Mais tous les projets
performants présentement - je pense à l'Institut de chimie et
pétrochimie - mis en place par l'ensemble de l'industrie
pétrochimique au Québec, 36 entreprises, 4 syndicats, c'est de
concert, étroitement concerté avec le cégep de
Maisonneuve. Il n'y a pas une de ces entreprises - et pourtant, c'est un
secteur clé - qui a prétendu vouloir donner la formation.
M. Loungnarath: Mais c'est ce qu'on propose, madame, dans notre
schéma. On propose de rapprocher l'entreprise et l'école. On
propose un moyen pour rapprocher l'entreprise et l'école.
Mme Harel: Alors, il va falloir, à ce
moment-là...
M. Loungnarath: On s'entend pour l'objectif.
Mme Harel: Peut-être que vous le disiez d'une autre
façon que vous le dites. Parce que - je termine là-dessus, M. le
Président - «chambarder», dans le dictionnaire, ça
veut dire «mettre en désordre». C'est la définition
que le dictionnaire en donne. Il y a une chose importante, qui est le
résultat de la réflexion de gens qui travaillent dans ce
secteur-là depuis bien des années et qui viennent s'exprimer ici,
c'est, sans doute, faut-il mettre fin à cette espèce de dogme de
la concurrence dans le secteur de la formation professionnelle, que c'est tout
à fait contraire... Quand vous parlez d'une privatisation, ce n'est pas
du tout de ça dont on vient nous parler. Quel que soit le milieu qui
vient nous en parler, on vient nous parler de concertation, on vient nous
parier de partenariat, mais personne ne nous parle de privatisation et, au
contraire, ce qu'on nous demande, c'est de planifier beaucoup mieux que ce qui
est présentement, de planifier l'offre de formation, de la planifier et
non plus de laisser les forces débridées comme c'est le cas
présentement. Parce que, actuellement, il peut y avoir des firmes qui se
fassent accréditer par les CFP pour donner de la formation,
peut-être le savez-vous également, et ce qu'on vient nous dire
c'est, finalement, qu'il n'y a pas de vertu à la concurrence. Ça
nous donne le système qu'on connaît. Ça nous donne des
employeurs qui viennent nous dire être sollicités par trois,
quatre, cinq, six vendeurs de cours, qu'ils soient des commissions scolaires,
qu'ils soient du cégep, qu'ils soient des CFP, qu'ils soient d'Emploi et
Immigration Canada, qu'ils soient de firmes privées. Ça donne un
gaspillage dont, finalement, les hommes et les femmes font les frais.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la
députée. En conclusion, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, vous m'avez dit tout
à l'heure que j'avais quatre minutes.
Le Président (M. Marcil): Bien oui, vous avez une
conclusion qui va durer quatre minutes.
M. Bourbeau: Non, pas vraiment. Je vais poser une question; je
conclurai après. On n'a pas traité, je crois, avec vous du
rapatriement de l'assurance-chômage, enfin peut-être dans votre
mémoire. Est-ce que vous êtes d'avis que le Québec devrait
rapatrier la gestion de l'assurance-chômage et continuer à
participer à la péréquation canadienne en matière
d'assurance-chômage ou si le Québec devrait rapatrier aussi la
compétence en assurance-chômage et, en conséquence,
instituer son propre programme de péréquation
québécois en matière d'assurance-chômage?
M. Loungnarath: Le Québec devrait être souverain,
point. C'est notre réponse. Écoutez, nous, on est dans le Parti
québécois.
M. Bourbeau: Alors, ça veut dire, ça, vous
êtes...
M. Loungnarath: L'objectif du Parti québécois,
c'est la souveraineté du Québec...
M. Bourbeau: Oui, je comprends bien. Alors, vous...
M. Loungnarath: ...donc, j'estime que nous devrions avoir notre
propre programme d'assurance-chômage.
M. Bourbeau: Et qu'est-ce que vous feriez du 1 000 000 000 $ que
les Québécois perdraient en perdant l'avantage de la
péréquation dans le système canadien
d'assurance-chômage parce que ça coûterait 1 000 000 000 $
en pertes? Étant donné que le taux de chômage au
Québec est plus élevé que dans le reste du Canada, les
travailleurs québécois retirent depuis 10 ans 1 000 000 000 $ de
plus par année du système canadien d'assurance-chômage
qu'ils ne paient en cotisations. Est-ce que ça ne vous attriste pas un
peu ou...
M. Loungnarath: Mais selon vos chiffres, M. le ministre,
ça nous coûterait environ
200 000 000 $ seulement en termes de dédoublement au niveau de la
formation de la main-d'oeuvre. Alors, si on additionne toutes les
économies que nous réaliserons grâce à
l'élimination des chevauchements et dédoublements, je crois qu'on
va en avoir amplement pour combler ce trou de 1 000 000 000 $.
M. Bourbeau: Moi, je préférerais additionner 1 000
000 000 $ aux 250 000 000 $...
M. Loungnarath: Ah bien...
M. Bourbeau: ...ce serait encore plus rentable, bien sûr.
Mais, enfin, ça, c'est une...
M. Loungnarath: C'est un autre débat, cette
histoire-là.
M. Bourbeau: II y a déjà eu un ministre
fédéral qui, il y a 30 ans, disait: «What is a
million?» Vous, vous me dites: «What is a billion?»
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Ce n'est pas plus important que ça.
M. Loungnarath: Avec notre schéma, le chômage
baisserait, donc ça nous coûterait moins cher.
M. Bourbeau: Ah bon! Bon! Bon! Bon!
Mme Harel: Voilà! On récupérerait 1 000 000
000 $ et plus en biens et services que le fédéral n'achète
pas au Québec et qui nous rend...
M. Loungnarath: Absolument.
Mme Harel: ...au dernier rang de tous les investissements
fédéraux créateurs d'emplois.
M. Bourbeau: Mais, M. le Président, je pensais que j'avais
encore la parole.
Le Président (M. Marcil): Oui, c'est à M. le
ministre à...
M. Loungnarath: Nous vous rejoignons, Mme Harel.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!
M. Bourbeau: Je vois que la députée de
Hochelaga-Maisonneuve...
Le Président (M. Marcil): Allez-y, M. le ministre.
M. Bourbeau: ...après avoir morigéné ces
jeunes, décide maintenant de tenter de se faire pardonner. M. le
Président...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Loungnarath: ce n'était pas un débat,
c'était une discussion. le parti est un parti d'idées.
M. Bourbeau: M. le Président, je tiendrais à dire,
en terminant, que, personnellement, je trouve que votre mémoire est
intéressant, très intéressant. Il est original, je l'ai
dit tantôt. Vous avez une vision des choses qui est différente de
celle de la plupart de ceux qui sont venus ici, mais qui n'est pas vraiment
différente de ce qu'on peut observer, par exemple, à travers le
monde dans les pays qui ont un peu de succès dans la construction du
marché du travail et dans la façon de faire en sorte de
régler les problèmes du marché du travail.
Vous dites: C'est un chambardement tranquille. Moi, j'avais compris ce
que ça voulait dire dans le sens traditionnel du mot. Je ne pense pas
que vous vouliez mettre du désordre dans le système.
Là-dessus, vous pardonnerez à ma collègue de
Hochelaga-Maisonneuve qui a eu un écart de...
Mme Harel: Non, non.
M. Bourbeau: Je suis convaincu qu'elle ne pense pas vraiment ce
qu'elle dit.
Mme Harel: J'ai lu le dictionnaire.
M. Bourbeau: Oui, mais il y a plusieurs sortes de dictionnaires,
vous comprenez, il y a le «Petit Robert» qui est, en
général, un bon dictionnaire et il y en a d'autres qui
sont...
Mme Harel: C'était justement le «Petit
Robert».
M. Bourbeau: Mais on a tous compris que ce n'est pas le
désordre, bien sûr, que vous voulez instaurer là-dedans,
c'est plutôt un nouvel ordre qui ferait en sorte de privilégier
l'enseignement général, avec une structure qui serait
dédiée à l'enseignement général et qui
pourrait peut-être obtenir de meilleurs résultats, et de
spécialiser l'enseignement professionnel dans une structure qui ne
ferait que ça et, donc, qui valoriserait l'enseignement professionnel.
Je trouve que c'est un point de vue qui est extrêmement
intéressant et qui vaut la peine d'être poussé, et je vous
félicite pour avoir eu le courage de le dire. J'espère, quant
à moi, que vous aurez, dans les mois à venir, l'audience qu'il
faut dans vos instances pour que vos idées puissent progresser. Je vous
remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Merci beaucoup, Mme la députée.
M. Loungnarath: Merci. Merci à tous.
Mme Harel: Comptez bien sur moi que non, hein? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de vous
être présentés à cette commission parlementaire.
Maintenant, j'inviterais la Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec à s'avancer à la table.
Nous allons reprendre nos travaux en souhaitant la bienvenue,
naturellement, aux membres de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec dont le président est Mario Dumont. Nous vous souhaitons
la bienvenue. Je vais vous demander de présenter les personnes qui vous
accompagnent. Cependant, j'ai une petite remarque qui est spéciale. On a
rencontré, jusqu'à maintenant, le Conseil permanent de la
jeunesse, le Comité national des jeunes du Parti québécois
et, maintenant, la Commission-Jeunesse du Parti libérai du Québec
et on a l'impression que la jeunesse au Québec est...
Une voix; Masculine.
Le Président (M. Marcil): ...masculine. Ha, ha, ha!
Allez-y, M. Dumont.
Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec
M. Dumont (Mario): Bonjour. Ça me fait plaisir
d'être à la commission parlementaire aujourd'hui sur
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. Je suis accompagné d'Éric Montigny, à ma
gauche, qui est le coordonnateur aux affaires politiques à la
Commission-Jeunesse, et de Michel Philibert, qui est le représentant de
la région de Lanaudière et qui a travaillé sur le dossier
de la formation professionnelle au sein de notre groupe.
Le gouvernement libéral et les gouvernements libéraux dans
le passé ont doté le Québec, on le sait, d'un grand nombre
d'outils économiques et la question dont on discute aujourd'hui, la mise
en place d'une politique de développement de la main-d'oeuvre, je pense
que c'est encore un outil économique extrêmement important avec
lequel le gouvernement, un gouvernement libéral veut enrichir la force
économique du Québec. Évidemment, on accueille très
favorablement la mise en place de cette politique au Québec, qu'on a
essayé durant longtemps de structurer, et on appuie fermement les grands
principes, entre autres, plus spécialement celui du développement
d'un partenariat au Québec entre les travailleurs, les entreprises et le
gouvernement, un partenariat en faveur du développement de notre
main-d'oeuvre.
Un des principes qui fait certainement consensus au Québec, et
qui est aussi un des principes importants du document sur lequel je voudrais
élaborer en commençant, c'est celui du rapatriement de tous les
pouvoirs nécessaires, de tous les leviers nécessaires au
développement de la main-d'oeuvre au gouvernement du Québec. Le
sens des orientations de l'énoncé de politique se
réfère, évidemment, au rapatriement, justement, de tous
les pouvoirs, au rapatriement de l'ensemble des leviers au sein du gouvernement
du Québec pour intervenir. Nous sommes, évidemment, en accord
avec cette position du gouvernement du Québec.
Une réserve, cependant, et c'est au niveau de
l'assurance-chômage où on propose, à l'intérieur du
document, d'y aller par voie d'entente administrative, une entente
administrative qui permettrait au Québec d'obtenir la gestion du
régime. On est certainement d'accord avec l'idée que le
Québec ait la gestion du régime d'assurance-chômage. On est
certainement d'accord avec l'idée de guichet unique qui en
découle, qui est une proposition qu'on a maintes fois amenée
à la Commission-Jeunesse. On est d'accord, donc, avec les objectifs.
Cependant, on croit peu en la formule des ententes administratives dont le
caractère, d'une part, est toujours temporaire, ni plus ni moins
incertain, soumis, finalement, à la volonté politique des
gouvernements qui sont en place à un moment précis. Selon nous,
avec le partenariat qu'on est en train de mettre en place et tous les efforts
qu'on investit en faveur de la formation professionnelle dans la politique qui
est sur la table présentement, il nous apparaît qu'il serait
risqué de compromettre le succès de cette politique par voie
d'entente de cette nature-là, d'autant plus que l'administration du
programme ou la gestion du régime comme tel, c'est, finalement, un
contrôle et, là-dessus, le document d'orientation n'est pas
extrêmement précis. Mais l'administration n'est qu'un
contrôle partiel du programme d'assurance-chômage,
c'est-à-dire qu'au niveau des cotisations, au niveau de la
législation sur i'assurance-chômage, il y a des pans importants
qui restent hors du contrôle du Québec. (16 h 15)
II y a évidemment un désavantage, je pense, significatif
pour le gouvernement du Québec à détenir l'ensemble des
leviers qui sont relatifs aux politiques d'emploi. Si on veut donner une
cohérence à nos politiques de main-d'oeuvre, si on veut donner
une cohérence à une politique d'emploi québécoise,
il y a une série de responsabilités qui sont toutes
interreliées, qui sont toutes très fortement
interdépendantes et qu'on a intérêt à voir dans les
mains d'une même autorité responsable: le salaire minimum, la
formation, le placement de la main-d'oeuvre, les mesures de soutien, autant
l'aide sociale que l'assurance-chômage. Donc, toutes ces
mesures-là sont fortement interreliées et les coûts qui en
décou-
lent, comme les avantages qui en découlent, doivent, selon nous,
être assumés par une même autorité responsable. Or,
dans le cas de l'assurance-chômage présentement, il y a certains
de ces éléments-là qui échappent au
Québec.
Un principe aussi qu'on tient de plus en plus à
«prioriser» au Québec et un peu partout, c'est celui de la
responsabilité fiscale, c'est-à-dire que le gouvernement qui
perçoit des sommes doit être celui, autant que possible, qui
dépense ces sommes-là. En termes de gestion des finances
publiques, le principe de la responsabilité fiscale est reconnu et on a
eu d'ailleurs récemment, dans le domaine de l'assurance-chômage,
un exemple des conséquences de la situation actuelle, puisque le
fédéral a pu pelleter, finalement, un certain nombre de frais
dans la cour du Québec en réduisant, en
rétrécissant les normes de l'assurance-chômage, ce qui
fait, on le sait, des assistés sociaux supplémentaires. Donc,
presque au même titre, ou à peu près au même titre
mais sous une forme différente, qu'on a coupé les subventions
dans l'enseignement supérieur ou dans la santé, on a fait ce
même genre de pelletage dans le domaine de l'emploi. Ça, c'est
parce que le système actuel contrevient au principe de la
responsabilité fiscale dans plusieurs domaines, et l'inclusion dans
l'assurance-chômage d'une entente administrative comme celle-là
contreviendrait, encore là, à ce principe-là.
Évidemment, les jeunes du Parti libéral ne sont pas sans
être préoccupés par l'économie et par les finances
du gouvernement et le 1 000 000 000 $ dont on a souvent parlé, le 1 000
000 000 $ que le Québec est allé chercher dans le passé,
dans la péréquation, dans ce domaine-là, il nous
apparaît plus opportun, et particulièrement au moment où on
se donne une stratégie industrielle, où on se donne une
stratégie dans le développement de la main-d'oeuvre, de miser, au
Québec, sur la récupération de l'ensemble des outils que
de miser sur la mutualisation des risques. Pour faire une comparaison
très Imagée, quand une voiture sur la route est en très
mauvais état, il nous apparaît plus opportun d'avoir les outils
pour l'améliorer et pour la réparer le mieux possible que
d'augmenter ses assurances. Donc, dans notre approche, il nous apparaît
plus pertinent de récupérer au Québec tous les outils pour
améliorer les politiques d'emploi que de fonder nos orientations sur une
mutualisation des risques. Cela étant dit, il existe des formules qui
sont possibles. Si l'ensemble des intervenants sur le marché
économique canadien sont intéressés à avoir une
péréquation, il existe évidemment des mécanismes de
péréquation qui sont possibles pour avoir un effet redistributeur
entre des gens qui n'ont pas nécessairement le même régime
d'assurance-chômage.
Pour conclure ce sujet, évidemment, la recommandation de la
Commission-Jeunesse, c'est le rapatriement de l'exclusivité des
pouvoirs, donc tous les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre, de
formation de la main-d'oeuvre en général, et
d'assurance-chômage au Québec.
Autre sujet, la représentativité du conseil
d'administration de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Selon nous, certains partenaires - on
parle de partenariat -sont oubliés dans le conseil d'administration de
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, tel que proposé. En tant que groupe qui représente
des jeunes, vous comprendrez notre préoccupation, à savoir que
les jeunes, justement, soient représentés au sein de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, et à la société régionale, ça
va de soi. Le milieu étudiant, en termes de représentation des
jeunes, nous apparaissait un groupe de jeunes qu'il pourrait être
intéressant d'intégrer à la structure, d'autant plus si on
y va avec le milieu étudiant impliqué dans la formation
professionnelle, ce qui donne à la Société une
rétroaction directe de ceux qui vivent la formation professionnelle sur
le conseil d'administration de la Société.
Également, on a deux travailleurs sur trois au Québec, et
peut-être même un petit peu plus, qui sont non syndiqués.
Or, il va de soi que le raisonnement le plus simple a priori, c'est de dire:
Les travailleurs les plus faciles à représenter sont les
travailleurs syndiqués. Je pense que, là-dessus, c'est assez
facile d'en arriver à un consensus. Néanmoins, on ne croit pas
qu'on puisse oublier l'autre deux tiers des travailleurs, les travailleurs non
syndiqués, qui vivent parfois une réalité qui peut
être différente et qui, selon nous, mériteraient
d'être intégrés au conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. en ce qui concerne le milieu scolaire, préoccupés,
évidemment, par les liens entre l'éducation et la formation
professionnelle, on considère que le milieu scolaire, le milieu de
l'éducation devrait être, lui aussi, davantage
intégré et davantage représenté au sein des
sociétés.
Je vais passer la parole à Éric pour la suite.
M. Montigny (Éric): Merci, Mario. Comme l'a dit Mario tout
à l'heure, la Commission-Jeunesse appuie fermement l'instauration des
sociétés régionales comme mode de développement de
la main-d'oeuvre. Néanmoins, on veut s'assurer tout simplement que la
création des sociétés régionales entraîne une
véritable décentralisation décisionnelle vers les
régions et non une simple déconcentration administrative, comme
ça a été trop souvent le cas. Les sociétés
régionales, selon nous, doivent devenir de véritables leviers de
développement régional en établissant les priorités
d'action de leur région en matière de main-d'oeuvre. Pour ce
faire, à
notre avis, ce qu'il faut faire, c'est de permettre aux
sociétés régionales d'avoir une large latitude pour
adapter les programmes nationaux largement définis aux
particularités de leur région. C'est donc dans ce sens-là
qu'on dit qu'elles doivent participer pleinement aux prises de décisions
quant aux mesures à prendre en matière de main-d'oeuvre dans leur
région.
La mise sur pied de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre et des sociétés
régionales entraîne un autre problème, celui des
dédoublements administratifs possibles et la venue d'un monstre
bureaucratique supplémentaire dont on n'a pas besoin, étant
donné les problèmes sérieux auxquels on doit faire face en
matière de finances publiques. Ce qu'on dit tout simplement, c'est que
les mandats de chacune des sociétés doivent être
établis de façon claire afin d'éviter un peu ce qu'on
reproche actuellement au système actuel de main-d'oeuvre: des
chevauchements entre le niveau fédéral et le niveau
québécois.
La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre doit aussi être près des
entreprises, c'est-à-dire être branchée sur les
entreprises. Pour ce faire, ce qu'on dit, et je pense que, déjà
là, dans l'énoncé de politique, c'est clair, avec le
conseil d'administration qui regroupe des personnalités de
différentes origines, ce qu'on dit, c'est que les employés de
cette société-là doivent être aussi près des
réalités du secteur privé pour assurer, d'une part, une
meilleure efficacité et une souplesse accrue dans les procédures
administratives. Tout ça, ça nous amène à* proposer
que les employés de la Société proposée ne soient
pas assujettis à la Loi sur la fonction publique et donc que les
dirigeants de la Société aient une plus grande marge de manoeuvre
pour, justement, s'assurer que les activités de la Société
correspondent adéquatement aux besoins des entreprises et de la
société québécoise en général en
matière de main-d'oeuvre. Néanmoins, même si on dit que les
employés de la Société ne doivent pas être
assujettis à la Loi sur la fonction publique, je pense qu'il est
important de ne pas minimiser le rôle et l'importance des fonctionnaires
présents à l'emploi du ministère de M. Bourbeau. Ce que
nous proposons, c'est justement de «prioriser» l'embauche de ces
fonctionnaires-là, tout en n'étant pas assujettis à la Loi
sur la fonction publique, au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
En matière de formation professionnelle plus
spécifiquement, la Commission-Jeunesse croit, et le dit depuis
longtemps, que la meilleure formation qui soit, c'est celle qui est
branchée directement sur le marché du travail. En ce sens, il
faut privilégier l'intégration de la formation professionnelle en
entreprise pour assurer un arrimage essentiel entre la formation et les besoins
des entreprises. Nous suggérons deux types et nous les retrouvons dans
l'énoncé de politique que vous avez ici.
Le premier type, c'est les stages en milieu de travail, et nous sommes
parfaitement en accord avec la volonté du ministre d'étendre ce
type de formation là. Néanmoins, ce qu'on pense, c'est que les
entreprises, actuellement, ne sont pas tout à fait prêtes à
étendre ce type de formation là. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut
mettre en place des incitatifs temporaires, le temps d'enraciner cette
pratique-là pour, justement, aider les entreprises à s'adapter
aux stages en milieu de travail.
L'autre type de formation que nous retenons, c'est le modèle de
l'apprentissage. L'apprentissage, c'est un modèle qui réussit. Je
pense à l'exemple allemand et à ce qu'on voit en Ontario,
où il y a 600 métiers qui peuvent être appris ou qui
entraînent une formation qui se fait en entreprise. Nous sommes d'accord
avec le ministre sur l'importance de ce type de formation; néanmoins,
nous jugeons qu'il devrait y avoir certaines modifications dans l'application
de ces principes-là qui guident l'instauration de l'apprentissage.
D'abord, ce qu'on propose, c'est que le système d'apprentissage
soit carrément imbriqué dans le système d'éducation
comme tel. Ça doit être une option offerte aux étudiants
à l'intérieur du réseau scolaire avant qu'ils quittent les
bancs d'école, c'est-à-dire que l'étudiant qui est au sein
même du réseau scolaire doit pouvoir envisager d'aller dans ce
type de formation là, en apprentissage directement. Il y a aussi un
autre avantage, si on jumelle l'apprentissage, si on l'imbrique
carrément dans le système d'éducation, c'est celui de la
formation de base. Ce qui est important aussi dans l'apprentissage et qu'il ne
faut pas négliger, c'est vraiment que l'étudiant doit
acquérir une formation de base importante en français, en anglais
et en mathématiques - toutes les matières fondamentales -et le
fait d'avoir ça au ministère de l'Éducation, ça
facilite, justement, les interrelations entre ces deux niveaux de formation.
Là aussi, encore, sur la question de l'apprentissage, nous croyons que
c'est important d'avoir des incitatifs temporaires pour étendre
rapidement ce type de formation, comme c'était le cas pour les stages en
milieu de travail.
En résumé, ce qu'on propose en matière
d'apprentissage, c'est que le réseau d'apprentissage doit s'adresser
avant tout aux jeunes du niveau secondaire, comme une option au sein même
du réseau, et qu'il doit relever du ministère de
l'Éducation du Québec, tout en associant naturellement le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle. Alors, ça résume un peu sur
l'apprentissage.
Je vais laisser Michel continuer sur les centres d'emploi sur les
campus.
M. Philibert (Michel): II y a 55 des 62
établissements postsecondaires qui bénéficient des
services d'un centre d'emploi sur leur campus. Cette situation fait en sorte
qu'on peut rejoindre 90 % des étudiants en assurant une liaison entre le
marché du travail et les milieux d'enseignement. Ça permet aussi
une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre,
en fournissant des services spécialisés aux employeurs dans leur
recrutement et aux étudiants dans leur recherche d'emploi.
Le gouvernement fédéral annonçait, en août
dernier, son retrait du financement du programme entraînant la fermeture
des centres d'emploi. Vu le retrait du gouvernement fédéral, il
importera d'intégrer ce service à la politique de formation
professionnelle, lorsque le Québec aura les pleins pouvoirs dans cette
juridiction. Je suis persuadé, M. le ministre, que vous ne voudrez
surtout pas débrancher les liens entre les milieux de l'éducation
et les milieux des entreprises. Donc, les centres d'emploi sont à
conserver et même à améliorer.
Au Québec, il n'y a pas de culture de formation continue comme il
en existe en Allemagne et en Europe. Donc, il faut, au Québec, assister
à un changement de mentalité. Pour atteindre l'objectif,
ça prend une concertation entre les partenaires, mais il faut surtout
que la formation des ressources humaines devienne une priorité au sein
même de l'entreprise, surtout dans cette période de globalisation
des marchés où nos entreprises auront à concurrencer avec
des Allemands, des Français et des Japonais qui, eux, consacrent entre
100 et 200 heures de formation par employé par année,
comparativement aux minces 2 heures que le Québec consacre à ses
ressources humaines. les entreprises du québec, comme je le disais
tantôt, n'investissent que 0,3 % de la masse salariale, ce qui laisse
présager un sérieux coup de barre de la part du gouvernement et
des entreprises. côté gouvernemental, on a procédé
à des incitatifs d'ordre fiscal dont on ne connaît pas encore les
résultats, et vous l'avez cité, m. le ministre, vu qu'il s'agit
d'un programme qui est assez nouveau. maintenant, l'entreprise doit faire sa
part, car c'est elle qui, en quelque sorte, bénéficie de la
formation de ses ressources humaines. elle en retire deux principaux avantages:
une productivité accrue de la main-d'oeuvre et elle minimise aussi
l'impact sur la société lors des licenciements, car les
employés, vu qu'ils sont mieux formés, vont pouvoir se trouver un
emploi plus facilement. donc, on s'aperçoit que les incitatifs sont mal
connus ou mal utilisés par les entrepreneurs québécois. je
pense que c'est un peu normal parce qu'on doit encore les convaincre des
bénéfices que peut apporter la formation dans leur entreprise. on
est un peu déçus du manque de résultats du programme.
alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, si on ne constate pas des mouvements,
comment dire, une vague vers la formation, il faudrait réfléchir,
en concertation quand même avec les intervenants, à une solution
coercitive pour créer la bougie d'allumage au changement de
mentalité qui doit s'opérer. C'est donc ce que je disais, la
politique du ministre ne saurait être utile si on n'a pas un mouvement en
faveur de la formation. (16 h 30)
Donc, nous suggérons l'instauration d'une législation pour
que les entreprises soient amenées à investir 1 % de leur masse
salariale en formation, sous peine d'être imposées du même
montant en cas de non-investissement. En France, en 1971, une telle loi fut
adoptée. Bien sûr, les patrons ont soulevé des
tollés, ils ont dit au gouvernement que ça augmentait leurs
charges sociales, que les investissements dans la formation pourraient... Les
entrepreneurs craignaient de se faire voler leur main-d'oeuvre nouvellement
formée; en tout cas, finalement, toutes les réticences que
probablement le milieu des affaires pourrait avoir en ce moment. Mais, 20 ans
plus tard, on constate que les entreprises françaises investissent 2,92
% de leur masse salariale alors que le minimum est de 1,2 %. Donc, c'est un
exemple qui est assez éloquent.
Les grandes entreprises du Québec, elles, sont déjà
convaincues du bienfait de la formation. Desjardins, IBM, Bell Canada, ce sont
toutes des entreprises qui consacrent des sommes importantes à la
formation de leurs ressources humaines. Elles ont compris qu'en investissant
dans les ressources humaines, ça rapporte en productivité et
aussi en qualité des produits. Donc, qu'est-ce qu'il nous reste? Le
défi que nous avons, c'est justement d'y amener toutes les autres
entreprises qui forment notre tissu économique ici, au
Québec.
Donc, en conclusion, M. le Président, M. le ministre, il ne faut
surtout pas que la formation professionnelle ne soit qu'un discours politique
à la mode. Il faut vraiment faire entrer la formation dans notre
culture, dans nos actes de tous les jours, pour pouvoir enfin
bénéficier d'une main-d'oeuvre qui est formée et qui est
productive. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Merci de votre prestation. Maintenant, le député de
Berthier s'apprête à vous poser des questions.
M. Houde: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de saluer les gens de la Commission-Jeunesse, Éric, et Michel,
son président. C'est avec plaisir que je vous ai entendus cet
après-midi. Je pense que vous avez un mémoire qui est très
très enrichissant pour nous. Certainement, on va prendre des choses, on
va pouvoir retenir des choses de ce que vous avez dit cet
après-midi.
Vous avez d'abord beaucoup insisté sur l'apprentissage. Vous vous
dites très favorables à l'élargissement du régime
d'apprentissage. Vous souhaitez que le programme s'adresse avant tout
aux jeunes, mais un grand nombre d'entre eux sont fortement
défavorisés sur le plan de l'emploi, de sorte qu'une intervention
est nécessaire afin de les rendre concurrentiels sur le marché du
travail. Il y a deux possibilités, soit d'offrir une aide incitative
à l'entreprise, soit d'ajuster la rémunération de
l'apprenti de manière à tenir compte de sa situation. Quels
devraient être le statut et la rémunération des jeunes
apprentis, à votre avis, et quel type de mesures incitatives
proposeriez-vous? Également, quelle différence voyez-vous entre
les stagiaires et les apprentis, et les deux régimes qui relèvent
du ministère de l'Éducation?
M. Montigny: Je tiens d'abord à vous remercier pour votre
question qui va nous permettre de faire le point un petit peu sur ce qui peut
être nébuleux, la différence entre les stages en milieu de
travail et le système d'apprentissage. Je vais vous répondre
d'abord là-dessus.
Les stages en milieu de travail, selon nous et selon ce qu'on voit dans
le réseau de l'éducation, c'est vraiment d'allier à une
formation professionnelle théorique une formation pratique, donc de
faire alterner des cours théoriques en classe sur la matière
d'enseignement et une formation sur le terrain. Au point de vue de
l'apprentissage, la différence, c'est que, globalement, l'ensemble de la
formation, tant théorique que pratique, se retrouve dans le secteur
privé, c'est-à-dire au sein des entreprises, un peu comme
ça se fait en Allemagne, et les cours de base, la formation - on parle
de mathématiques, de français, d'anglais ou d'informatique - on
doit retrouver ça dans le milieu scolaire. Alors, c'est la
première différence qu'on note entre les deux types, et je pense
que les deux types sont à favoriser. Il appartiendra aux
étudiants de choisir lequel correspond le plus à leurs
aspirations et à leur volonté d'obtenir un certain type de
formation. l'autre point concernant la rémunération, là,
vous posez une autre question intéressante. on sait qu'en allemagne les
apprentis qui sont dans le système d'apprentissage sont
rémunérés. alors, ici, on ne parle pas d'avoir une
rémunération qui est égale à ce que les autres
travailleurs de l'entreprise obtiennent. nous, ce que nous pensons, c'est que,
un peu comme ce qui se passe en allemagne, les jeunes qui étudient
là-dedans doivent être rémunérés parce qu'ils
sont un plus pour l'entreprise, ils produisent quelque chose pour l'entreprise,
et cette rémunération devrait évoluer en fonction de
l'expérience qu'ils auront.
Au point de vue des incitatifs maintenant, je pense qu'on n'est
peut-être pas aussi optimistes que l'énoncé de politique
quant à la volonté des entreprises de participer pleinement tant
au système d'apprentissage qu'au système des stages en milieu de
travail, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, souvent, les entreprises ne
voient pas nécessairement l'intérêt d'avoir des
étudiants au sein même de leur lieu de travail ou ne voient pas
les avantages que cela procure. Il y a aussi le fait que, souvent, ça
entraîne des coûts, c'est-à-dire que ça prend
quelqu'un pour superviser l'ensemble des stagiaires. Donc, ce qu'on dit, c'est
qu'il faut que le gouvernement mette des incitatifs à la disposition des
entreprises, pour celles qui embarquent dans ce système de formation
là, et c'est important. Ces incitatifs, on le dit, doivent être
temporaires, c'est-à-dire le temps que les entreprises voient les
avantages que ce type de formation là apporte, tant à leur
main-d'oeuvre qu'au bénéfice de l'entreprise comme telle. Je ne
sais pas si ça répond à votre question.
M. Houde: Merci. Ma deuxième question touche le service
d'emploi étudiant. Pourriez-vous nous rappeler les raisons qui ont
amené le ministère de l'Emploi et de l'Immigration à
mettre un terme au financement des centres de placement étudiant?
Voyez-vous des améliorations possibles au réseau? Ce
réseau devrait-il être rattaché à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre ou aux sociétés régionales que vous avez
touchées dans votre mémoire à plusieurs reprises?
M. Dumont: Oui. Pour ce qui est des raisons pour lesquelles le
gouvernement fédéral s'est retiré des centres d'emploi,
c'est peut-être difficile à expliquer. Selon nous, ces centres
d'emploi doivent être maintenus, d'autant plus que le gouvernement du
Québec, à l'heure actuelle, se donne une politique de
développement de la main-d'oeuvre et, comme le disait Michel tout
à l'heure, au moment même où on se donne une politique, on
ne veut surtout pas enlever des outils qui sont déjà là
pour rapprocher la formation de la main-d'oeuvre et le placement en
matière de main-d'oeuvre des institutions d'enseignement. Les centres
d'emploi sur les campus ont un rôle qui est double, c'est-à-dire
qu'ils permettent, d'une part, aux entreprises d'aller chercher de la
main-d'oeuvre et, en même temps, de donner de l'information aux
institutions sur les besoins de main-d'oeuvre. Et, en retour, ils permettent
évidemment aux étudiants de se placer quand ils ont obtenu leur
diplôme ou même de se trouver des emplois à temps partiel
durant leurs études. Alors, il y a là un rôle de lien entre
le marché du travail et les établissements d'enseignement, un
rôle qui est extrêmement important.
À mon sens, dans la nouvelle structure qui est proposée,
il y aurait intérêt à relier ces centres d'emploi, en les
intégrant dans la politique, aux sociétés
régionales de développement de la main-d'oeuvre. On pense en
particulier à l'importance des institutions d'enseignement - et c'est
peut-être encore plus vrai
dans les régions périphériques - au lien direct
qu'il y a entre les établissements d'enseignement et les secteurs
économiques qui sont forts dans la région. Dans ce
sens-là, je pense qu'il y a une pertinence de relier les centres
d'emploi sur les campus aux sociétés régionales qui
connaissent ces particularités-là.
M. Houde: Merci beaucoup, M. le Président. La parole est
à vous, M. le ministre.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
M. le ministre.
M. Bourbeau: oui, m. le président, il me fait plaisir de
saluer les jeunes du parti libéral du québec. je voudrais revenir
sur un point, la question de l'assurance-chômage. vous avez, tout
à l'heure, comparé le programme d'assurance-chômage
à une voiture et vous avez dit: aussi bien se donner les outils, la
boîte à outils pour réparer nous-mêmes la voiture
plutôt que de payer une prime d'assurance qui serait plus importante.
d'ailleurs, je crois comprendre que vous faites un peu tout le monde dans
l'automobile puisque votre collègue a parlé tantôt de
bougie d'allumage, aussi. alors, c'est un domaine qui vous passionne,
l'automobile. remarquez que c'est un domaine intéressant.
Pour revenir à l'assurance-chômage, en fait, ce que vous
nous dites, c'est que: Nous souhaitons pouvoir contrôler le régime
d'assurance-chômage et, donc, pour le contrôler, il faut le
rapatrier, et, si ça coûte 1 000 000 000 $, tant pis, à
long terme on va y gagner. C'est sûr qu'à long terme... Ce n'est
pas sûr, c'est possible qu'à long terme on pourra y gagner. Pour
citer l'économiste Keynes, il disait: À long terme, nous serons
tous morts. Mais, à court terme, évidemment, on va y perdre 1 000
000 000 $ par année, puis probablement qu'aujourd'hui, en 1992,
ça va excéder 1 000 000 000 $ parce que le fonds
d'assurance-chômage a augmenté d'à peu près 50 %
depuis deux ans. la moyenne, c'était 1 000 000 000 $ quand le fonds
d'assurance-chômage tournait autour de 12 000 000 000 $ ou 13 000 000 000
$ par année. là, il touche 20 000 000 000 $ et probablement que
la différence va être encore plus importante. je risquerais
facilement 1 500 000 000 $ de gains cette année pour le
québec.
Il y a une formule qui a été évoquée dans
les propositions du gouvernement fédéral de septembre dernier,
c'est de transférer aux provinces ce qu'on appelle la primauté
législative. Ça voudrait dire que, si c'était
adopté pour l'assurance-chômage, le fédéral dirait
aux provinces: 51 vous voulez gérer l'assurance-chômage, vous
pourrez le faire, non seulement gérer, mais vous pourrez même
légiférer en matière d'assurance-chômage; donc, on
vous donne même le coffre à outils, dont vous parliez
tantôt, si vous voulez l'exercer; sinon, le fédéral
conserverait la légis- lation, donc le droit de légiférer.
Ça veut dire que les provinces pourraient légiférer si
elles le veulent, sinon, le fédéral conserve le droit de
légiférer. Dans ces conditions-là, est-ce que ce ne serait
pas une bonne façon, si on pouvait négocier cette primauté
législative, d'atteindre les objectifs que vous recherchez tout en
conservant les bénéfices de la péréquation que
donne le régime pancanadien d'assurance-chômage?
M. Dumont: Oui. Je vais essayer de répondre à
l'ensemble des questions. D'une part, je pense qu'il faut tenir compte du fait
que la situation économique en Ontario versus les mesures d'emploi qui
sont mises en place au Québec, tout ça est de nature à
rétrécir l'écart qui, présentement et
circonstanciellement, au moment où on se parle, donne au Québec
un avantage dans la mutualisation des risques, dont la
péréquation. Premier élément.
Quant à la primauté législative, ça ne
m'apparaît pas régler la question du fonds, donc des sommes.
Évidemment, je soulevais tout a l'heure une formule. S'il y a
volonté de tout le monde qu'il y ait péréquation, donc,
nécessairement, il y a une formule qui existe qui est une formule de
péréquation entre des régimes d'assurance-chômage.
Donc, le Québec a son propre régime d'assurance-chômage et
il y a une péréquation qui peut s'exercer de cette
façon-là. Quant à la primauté législative,
il resterait à voir au niveau des budgets, au niveau des transferts de
budgets, comment ça, ça pourrait s'opérer. Il faut
toujours voir aussi la position qu'on prend dans ce dossier-là par
rapport au gouvernement fédéral. Si on prend comme position de
négociation de dire au fédéral: Vous continuez à
percevoir les cotisations, mais nous autres, on va décider comment
l'argent sera dépensé, je ne suis pas persuadé qu'ils vont
embarquer dans cette dynamique-là. Donc, c'est pour cette
raison-là, nous autres aussi, qu'on préconisait que le
gouvernement du Québec détienne les leviers de
l'assurance-chômage, tout en tenant compte que la primauté
législative est une hypothèse, comme d'autres hypothèses
constitutionnelles dans le futur sont devant nous.
M. Bourbeau: En tout cas, la formule dont je viens de parler
n'est pas une formule révolutionnaire, c'est la formule qui est en
vigueur aux États-Unis présentement. Le gouvernement central
perçoit les cotisations et les prestations sont versées par les
administrations des États qui peuvent moduler le programme selon
certaines balises, minimales et maximales, mais il y a quand même une
marge de manoeuvre qui leur permet, dans chaque État américain,
de moduler le programme selon la réalité propre à chaque
État. Donc, ce n'est pas quand même aussi révolutionnaire
qu'on pourrait penser.
M. le Président, me reste-WI encore du temps?
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Oui, M. le ministre, il vous reste sept minutes et...
M. Bourbeau: On a un président qui est très
sévère, comme vous voyez.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Sept minutes.
M. Bourbeau: C'est un homme de détail, qui compte
même ça au compte-gouttes.
La taxe sur la masse salariale. Vous dites dans votre mémoire,
vous préconisez, en fait, l'instauration d'une taxe sur la masse
salariale si les entreprises ne font pas les efforts qu'il faut pour
dépenser des sommes d'argent suffisantes en vertu du programme qui
existe présentement, le crédit d'impôt à la
formation, le programme incitatif. Et vous suggérez un taux de taxe de 1
%. J'aimerais vous demander: Est-ce que vous avez en tête la formule de
taxe soi-disant punitive qui avait été préconisée
par le comité de Grandpré? Si c'est ça, est-ce que vous
pensez que ce serait préférable une formule comme
celle-là, plutôt qu'une formule incitative comme celle que nous
avons suggérée et à l'égard de laquelle on ne peut
pas porter de jugement présentement parce qu'on n'a pas encore vraiment
une pleine année d'opération? Par contre, je dois dire que, de
plus en plus, on a des informations qui nous laissent penser que les
entreprises québécoises, rapidement, se mettent à l'heure
de la formation. (16 h 45)
Maintenant, vous faites référence à
l'expérience française qui démontrerait, disons, le
succès de cette formule-là. Pourtant, une étude
récente de l'OCDE sur la France nous apprend que le gouvernement
français s'apprête à réviser la formule, en fait, le
système lui-même au complet. Je ne sais pas si vous connaissez les
reproches qu'on adresse généralement au système
français, mais l'étude de l'OCDE a émis des critiques
assez sévères sur le système, portant sur la
complexité administrative excessive, l'absence de contrôle de la
qualité et une participation exagérément
élevée de personnes disposant déjà d'un emploi et
d'une bonne formation au détriment des personnes qui, elles, sont au
chômage ou qui manquent de qualifications. Il semble, d'après le
document de l'OCDE, que, justement, l'essentiel des sommes
bénéficie à des personnes déjà
qualifiées, très qualifiées même, comme les cadres
supérieurs ou les ingénieurs, et il n'existe guère de
suivi visant à s'assurer que les avantages qu'on en retire sont
substantiels au regard des frais encourus. D'ailleurs, on indique dans le
document de l'OCDE, le document de 1990-1991, que les pouvoirs publics ont
l'intention de réformer la loi de 1970 qui porte sur la formation
continue dans les entreprises. Donc, dans ces conditions-là, est-ce
qu'on ne devrait pas attendre pour voir ce que va donner le système
incitatif québécois avant d'opter pour une formule en vigueur en
France, où on émet aussi des réserves?
M. Philibert (Michel): Pour répondre au premier volet de
votre question, M. le ministre, je n'aime pas tellement le terme
«punitif». Moi, j'appelle ça plutôt
«incitatif». C'est effectivement la formule de Grandpré qui
a été aussi discutée au forum de l'emploi.
J'ai mal compris le deuxième volet de votre question, à
cause du bruit en arrière, mais je peux vous répondre tout de
suite pour la France. Le modèle français, je vais être
franc avec vous, je ne le connais pas sur le bout des doigts. J'ai fait
quelques stages en France et ce système-là m'a été
vanté par les entreprises chez lesquelles j'ai fait des stages. C'est
pour ça qu'on a trouvé l'idée intéressante. Mais ce
que je voulais plutôt illustrer, c'est qu'en obligeant les entrepreneurs
à dépenser en formation, ils y prennent goût, ils se
rendent compte que c'est payant et, ensuite, ils investissent plus que le
minimum. C'est ce que je voulais vraiment montrer. Je pense que les
Québécois sont un petit peu moins portés sur la
bureaucratisation que les Français. On sait que les Français sont
très bureaucratisés, c'est épouvantable. Je l'ai
même constaté, ça aussi. Au Québec, je pense qu'on
est capable de faire des choses meilleures qu'en France. Je ne veux pas copier
non plus le système français parce que ce n'est pas vrai que ce
qui s'applique dans les autres pays peut s'appliquer au Québec.
La dernière partie. Oui, comme vous, avant de préconiser
des mesures coercitives, je souhaite très ardemment que le sytème
d'incitatifs fonctionne.
M. Bourbeau: Très bien. Alors, on s'entend
là-dessus. Enfin, nous, nous allons certainement essayer de voir si le
système incitatif ne fonctionnera pas, d'abord. Si jamais on se rend
compte qu'il n'y a pas moyen de convaincre la PME québécoise de
l'importance d'investir dans la formation, peut-être que dans un
deuxième temps on sera obligé de faire autre chose. Mais il nous
apparaît bien préférable d'utiliser la méthode
incitative, celle qu'on a présentement, les crédits
d'impôt, étant donné que les entreprises n'ont pas toutes
les mêmes besoins de formation et qu'il peut arriver parfois qu'une
entreprise n'ait pas besoin de dépenser 1 % de son chiffre d'affaires,
de sa masse salariale; ça pourrait être des dépenses
futiles. On a vu des entreprises financer des cours de macramé pour
faire le 1 %. Alors, ce n'est peut-être pas nécessairement
essentiel. Une dernière question, M. le Président?
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Allez-y.
M. Bourbeau: au sujet de la représentation du milieu
étudiant au conseil d'administration de la société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ou des
représentants des non-syndiqués ici, vous n'êtes pas sans
savoir que plusieurs groupes sont venus faire le même genre de demande.
en fait, une foule de groupes pourraient se déclarer aux prises avec des
problèmes spécifiques de main-d'oeuvre et réclamer leur
intégration au conseil d'administration de la société.
à titre d'exemple, je peux vous donner le cas des handicapés, des
travailleurs âgés, des communautés ethniques, des groupes
communautaires, des familles monoparentales, et j'en passe. alors, où
pensez-vous qu'on devrait tracer la ligne, nous, comme gouvernement, à
l'égard des demandes de tous les groupes qui souhaitent avoir une
participation autonome au conseil d'administration?
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Alors, vous avez une minute et demie pour répondre.
M. Dumont: Oui. Pour ce qui est de tracer la ligne, je pense
qu'au niveau des travailleurs, à la base même de l'idée de
la Société et de la politique, il y a un partenariat entre les
entreprises, les travailleurs et le gouvernement. Pour ce qui est de la
représentation des travailleurs présentement, on a choisi
uniquement les syndicats. Pour nous, les syndicats ne représentent pas
la totalité des travailleurs et, en réalité, ils
représentent un tiers des travailleurs. Effectivement, ils sont une
représentation plus facile à cibler, à asseoir à
une table, mais on considère qu'il y a d'autres associations -
associations de travailleurs, de métiers, peu importe - qui pourraient
être ciblées pour représenter les travailleurs qui sont
déjà là et qui font partie du partenariat.
Pour ce qui est des jeunes impliqués dans la formation
professionnelle, dans la mesure où la politique de main-d'oeuvre est
là pour la formation continue, je dirais, mais aussi pour la formation
de la main-d'oeuvre, ça me paraît essentiel que ceux qui sont en
train de se préparer à entrer sur le marché du travail et
qui sont en train de subir, si vous voulez, ou de participer à la
formation de la main-d'oeuvre puissent amener une rétroaction sur ce qui
se passe et participer aux décisions.
M. Bourbeau: Est-ce que vous verriez les jeunes à
l'intérieur des structures patronales, syndicales ou gouvernementales,
ou dans un groupe à part, dans une représentation autre que ces
trois groupes-là?
M. Dumont: Bien, c'est-à-dire qu'à
l'intérieur de ces trois groupes-là il y aurait peut-être
moyen de faire des sous-catégories, ce qui n'est pas
nécessairement évident. Mais ça pourrait être
davantage un troisième niveau.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: merci, m. le président. if me fait plaisir de
vous saluer. vous ne parlez pas d'emploi ou d'une politique de plein emploi,
sauf à l'égard des centres d'emp/oi - j'y reviendrai -sur les
campus. est-ce que vous avez réfléchi à cette question?
est-ce que vous envisagez une façon, pour le gouvernement, de travailler
à se donner une politique d'emploi? des groupes qui vous ont
précédés nous ont dit qu'actuellement des
ministères sectoriels élaborent des politiques, consultent, mais
qu'il n'y a aucun forum où la politique de développement
régional, celle de formation de la main-d'oeuvre, celle des grappes
industrielles, finalement, prend forme.
M. Dumont: Je pense que la trame de fond du mémoire, c'est
la question de l'emploi. Je parlais, tout à l'heure, de la
récupération des leviers. Je disais: II faut intégrer, au
sein d'une même autorité responsable, des mêmes
gouvernements, les leviers qui concernent le salaire minimum, les mesures de
formation, de placement de la main-d'oeuvre, les mesures de soutien,
d'assurance-chômage et d'aide sociale. Alors, je pense que, s'il faut
intégrer tous ces leviers ensemble, s'il faut les réunir, c'est
justement pour avoir une politique d'emploi qui soit efficace, où il ne
puisse pas se faire de jeu de ping-pong entre un programme de soutien et
l'autre, mais que vraiment les mesures soient autant que possible actives pour
remettre les gens en emploi. L'ensemble de ces idées-là, je
pense, sous-tend la volonté d'avoir une politique d'emploi. Le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle, dans cet esprit-là, a un rôle qui
est évidemment prépondérant, et toute la trame de fond de
notre document... Michel, je pense, parlait de licenciements, donc de
l'importance de former la main-d'oeuvre en entreprise pour minimiser les
coûts des licenciements. On parle aussi d'emplois, donc, de donner aux
gens les moyens de retourner le plus facilement possible en emploi.
Mme Harel: Tantôt, le ministre nous faisait part d'une
certaine analyse très critique que l'OCDE aurait faite des programmes
français. Je ne sais pas s'il a pris connaissance des études
faites sur les programmes canadiens ou québécois. Mais en regard
des organismes qui viennent devant nous, les mêmes critiques sont faites,
à savoir que ces mesures incitatives ont comme effet d'amener
l'entreprise à choisir la formation la plus courte possible. En fait, ce
sont les mesures de crédits d'impôt. Si on regarde, d'ailleurs,
les critères d'attribution, c'est très, très, très
restreint. Vous savez sans doute que
ces programmes prévoient, à l'égard du programme...
Par exemple, pour la PME, la SDI peut accorder un prêt participatif
lorsque la PME veut faire du développement; à ce
moment-là, c'est évidemment dans un cadre extrêmement
restreint, les crédits remboursables à la formation. On y parle,
finalement, d'une formation qui est centrée souvent sur des nouvelles
technologies et qui peut même avoir comme effet de diminuer l'emploi dans
l'entreprise, il faut bien le comprendre aussi. D'autre part, pour la formation
individuelle, il faut avoir été sur le marché du travail
depuis 6 ans, il faut que cette formation-là n'excède pas 12 mois
et il faut qu'ultimement elle conduise à l'obtention d'une sanction.
Vous voyez, finalement, c'est une main-d'oeuvre assez spécialisée
qui peut bénéficier de cette formation qui est offerte dans le
cadre des crédits d'impôt. C'est souvent centré sur l'usage
d'une nouvelle technique ou d'une nouvelle machine dans l'entreprise. Bon,
ça se comprend évidemment. Mais est-ce que c'est là la
vision qu'on doit avoir du développement de la main-d'oeuvre quand 28 %
de la main-d'oeuvre connaît des problèmes
d'alphabétisation, quand il y a une sous-scolarisation? Est-ce qu'il ne
faut pas ouvrir aussi à une formation autre que celle qui, dans le fond,
est conduite par l'utilisation du crédit d'impôt?
M. Dumont: Vous me présentez des problèmes avec le
crédit d'impôt, vous me dites qu'il est restreint. On a, dans le
document, je pense, émis justement certaines inquiétudes par
rapport aux résultats des incitatifs. Je pourrais ajouter à
ça un sondage dans la revue Bilan, des comptables du
Québec; environ les deux tiers des comptables disaient, dans un sondage,
ne pas bien connaître ces mesures-là. Donc, si les comptables les
connaissent mal, il y a déjà là un problème dans
l'utilisation. C'est pour cette raison-là que, d'une part, on dit: Si
cette politique-là n'est pas soutenue par des investissements dans
l'entreprise, parce que c'est là que ça se passe finalement, donc
si ce n'est pas soutenu par des investissements monétaires dans les
entreprises, tout le reste devient artificiel. Or, pour cette raison-là,
il doit y avoir des investissements. S'il n'est pas possible de les avoir par
le biais des incitatifs, et là on va le voir dans les prochains mois,
les prochaines années, il nous apparaît important comme point de
départ, pour lancer la formation professionnelle et pour donner
naissance à toute la démarche, d'obliger les entreprises,
justement, à financer. Et, comme le disait Michel, l'exemple
français démontre, en tout cas dans le cas français, que
les gens se sont aperçus, après que l'obligation d'un certain
montant eut été fixée, qu'il valait mieux investir encore
davantage que le minimum. Ça nous donne, là aussi, une
référence quant à l'importance d'investir dans la
formation de la main-d'oeuvre.
Mme Harel: Et, tout compte fait, que ce soit sous la forme d'un
crédit d'impôt ou sous une autre forme, quand c'est strictement
dans le cadre de la formation en entreprise, ce qu'on doit conclure, c'est que
l'entreprise choisit, finalement, souvent les plus performants au sein de
l'entreprise, c'est une donnée qui est très connue, qui ne vaut
pas que pour la France, elle vaut pour ici aussi. Les sommes d'argent
consacrées au cours des dernières années l'ont
été d'abord pour les cadres, pour les gestionnaires, pour les
administrateurs, et je pense que le ministre souscrit à cette
constatation-là également. Donc, ça suppose une vision de
développement de la main-d'oeuvre qui soit plus large et qui prenne en
compte d'autres considérations et qui vienne, dans le fond, remettre en
place la responsabilité de l'État, n'est-ce pas, pas simplement
de l'entreprise, comme vous le signaliez.
Donc, si je comprends bien, votre proposition, à la page 34 de
votre mémoire, d'investir un minimum de 1 %, c'est seulement lorsqu'on
aura eu la démonstration finale que les mesures incitatives ne
fonctionnent pas? C'est ça qu'il faut comprendre? Et est-ce qu'on a le
temps d'attendre? En attendant, est-ce qu'on n'aura pas eu du gaspillage? (17
heures)
M. Dumont: c'est-à-dire que les incitatifs qui ont
été mis, c'est très récent. je pense qu'il faut
avoir au moins le temps d'avoir des résultats pour pouvoir mesurer leur
impact concret. mais je peux vous dire que, de notre côté, ces
réflexions-là vont sûrement se poursuivre. on en parle et,
comme on le disait plus tôt, on a le désir que la formation
professionnelle devienne un discours dont on parlera toujours dans le futur et
non pas un discours à la mode d'un moment. alors, ce dossier-là
va évidemment être suivi de près et il ne nous
apparaît pas qu'il faille attendre cinq ou dix ans avant de tirer des
constats d'échec, si tel est le cas. il faudra que ça se fasse
rapidement. d'ailleurs, c'est tout le succès de la politique de
développement de la main-d'oeuvre qui repose là-dessus. comme je
le mentionnais plus tôt, s'il n'y a pas sur le terrain des
investissements, donc, des sommes qui sont investies, tout le reste devient des
structures, des organismes artificiels.
Mme Harel: Les centres d'emploi sur les campus, dont vous parlez,
peuvent-ils se rapprocher de la proposition du Conseil permanent de la
jeunesse, de centres locaux d'emploi et de formation? Est-ce que vous pensez
que cette proposition-là pourrait ressembler à la vôtre
où vous vous associeriez à celle du Conseil permanent de la
jeunesse?
M. Dumont: C'est-à-dire, comme on le disait, ce n'est pas
tant à la formule actuelle qu'on tient. Il existe une formule qui permet
d'avoir des centres d'emploi sur les campus. On a
dit: Ils peuvent être améliorés. Donc, c'est
vraiment, nous autres, sur le principe de maintenir sur chacun des campus
collégiaux et universitaires des centres d'emploi. La forme... Il y a
une proposition du Conseil permanent de la jeunesse, vous me dites. Sur ces
choses-là, ça peut sûrement être conciliable.
Maintenant, dans la mesure où on fait une nouvelle politique de la
main-d'oeuvre au Québec, on considérerait incohérent avec
la mise en place d'une nouvelle politique le retrait d'un outil essentiel qui
est déjà en place dans les établissements d'enseignement
du Québec.
Mme Harel: Ces établissements, ils ne sont pas seulement
sur les campus universitaires. Vous les voyez aussi aux niveaux
collégial et secondaire?
M. Dumont: Principalement collégial et universitaire.
Mme Harel: Avez-vous réfléchi à cette
question des écoles de métiers rattachées aux commissions
scolaires? Avez-vous réfléchi à cette question des
instituts spécialisés, des instituts techniques? Est-ce que vous
avez un point de vue là-dessus?
M. Dumont: C'est-à-dire que dans notre mémoire,
comme vous voyez, on ne développe pas comme telle la question du
réseau de l'éducation. On s'est attaqués principalement
à la politique de développement de la main-d'oeuvre.
Évidemment, à l'intérieur de ça, quand on parle
d'apprentissage, quand on parle de stages en milieu de travail, il y a
là une philosophie de formation, dans le milieu de l'éducation,
bien branchée sur les entreprises, bien branchée sur le
marché du travail, qui oriente nos idées. Maintenant, sur les
structures, sur les institutions du réseau de l'éducation, dans
le cadre de cette réflexion-là sur la formation de la
main-d'oeuvre on n'a pas amené d'autres propositions.
Mme Harel: À la page 28 de votre mémoire, vous nous
parlez du système d'apprentissage et vous recommandez, contrairement
à l'énoncé de politique, que ce système s'adresse
à des jeunes du secondaire et non seulement aux adultes. Vous avez
échangé là-dessus avec le député de
Ber-thier. Vous insistez sur le fait qu'un tel système doit relever du
ministère de l'Éducation. J'aimerais vous entendre
là-dessus, parce que ce n'est pas vraiment évident, je pense,
actuellement, pour le ministre de la Main-d'oeuvre. Je lui avais montré,
d'ailleurs, à la page 63... Vous avez vu aussi, j'imagine, le collant
qui a été ajouté. Quelqu'un de mon bureau s'est
amusé à décoller tout ça avec de la vapeur pour se
rendre compte que ce qui avait été ajouté qui n'y
était pas, c'était le ministère de l'Éducation.
Auparavant, ce système-là ne relevait que du ministère de
la
Main-d'oeuvre. Ceci dit, vous avez tranché, vous. Est-ce que vous
pouvez nous expliquer pourquoi?
M. Bourbeau: Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve ne s'y connaît pas en collage, M. le
Président. C'est évident.
M. Montigny: On tranche clairement en faveur du réseau de
l'éducation, et ça, on l'a expliqué tout à l'heure.
Néanmoins, je pense que ce qu'il faut dire, c'est que le
ministère de la Main-d'oeuvre a un rôle très important
à jouer en ce qui a trait au suivi auprès des entreprises. C'est
surtout là, à notre avis, que le ministère a un rôle
primordial à jouer.
Mme Harel: Est-ce que vous envisagez que le ministère de
l'Éducation devrait siéger également à la
Société québécoise?
M. Montigny: Je pense que Mario en a parié tout à
l'heure, que le système de l'éducation devrait avoir un poids
plus important au sein du conseil d'administration de la Société.
Cela dit, si je peux revenir sur le système d'apprentissage comme tel,
un des effets bénéfiques, je pense, de le laisser au
système d'éducation, c'est d'imbriquer, justement, le
système d'apprentissage au sein même du ministère de
l'Éducation comme formule possible offerte aux jeunes au sein du
réseau secondaire. Je pense que ça va permettre justement
à ces jeunes-là de poursuivre une formation de qualité et
d'éviter de décrocher, alors que ce qu'on peut percevoir dans
l'énoncé, c'est de dire: Vous pouvez aller en apprentissage si
ça vous convient, mais ne pensez pas quand même à demeurer
dans le réseau de l'éducation. Je pense que c'est fondamental que
ça soit une option envisageable pour l'étudiant de continuer sa
formation au sein même du système d'apprentissage, qui est un
modèle qui a fait ses preuves, notamment en Allemagne.
Mme Harel: En tout cas, M. Dumont, je vous félicite pour
la cohérence de votre point de vue, notamment en matière de
maîtrise d'oeuvre québécoise à l'égard de
l'assurance-chômage. C'est évidemment dans la ligne de ce que vous
nous dites depuis longtemps, la Commission-Jeunesse du Parti libéral. Je
pense que votre option est déjà connue. Je crois comprendre que
c'est une option qui donnerait au Québec les pleins pouvoirs en ces
matières et, je crois, en toutes matières. Je ne crois pas me
tromper que ça reste l'option de la souveraineté.
M. Dumont: Le rapport Allaire. Mme Harel: Le rapport
Allaire.
M. Dumont: Dans toutes les matières dont le Québec
a besoin pour son développement.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Bon. Le ministre, tantôt, vous
faisait la démonstration que le chômage, c'est payant. En fait,
ça revient à ça. II essayait de faire la
démonstration que le chômage était vraiment payant et que,
finalement, c'était parce que le chômage était payant qu'il
fallait rester dans le régime canadien, étant donné qu'on
en tirait le bénéfice de 1 000 000 000 $ en regard de ce qu'on y
mettait. Je ne sais pas si vous ne pourriez pas lui dire qu'il pourrait,
finalement, obtenir le même résultat en cherchant, par exemple,
des compensations fiscales équivalentes et peut-être obtenir les
mêmes résultats en exigeant que le gouvernement
fédéral achète en biens et services ici au Québec
au moins l'équivalent de ce que nous représentons comme
population. Quand on pense à l'an dernier, on a eu un manque à
gagner de beaucoup plus que 1 000 000 000 $ parce que le fédéral,
sur les 30 000 000 000 $ qu'il dépense chaque année, a finalement
acheté au Québec pour à peu près 5 500 000 000 $,
c'est-à-dire à peine 17 % de l'ensemble de ses achats quand nous
représentons 23 % de la population.
Alors, finalement, ce dont on se rend compte, c'est qu'avec 23 % de la
population on a 30 % de chômeurs, mais qu'avec 23 % de la population on
n'a que 17 % ou 18 % des achats en biens et services, 19 % de la recherche et
du développement. Évidemment, la liste est impressionnante de
l'ensemble des dossiers dans lesquels il y a un manque à gagner. Dans fa
balance, finalement, ce qu'il faudrait rappeler au ministre, c'est que
peut-être il est en train de faire une grave erreur en ne
réclamant pas l'entière et la pleine juridiction. Même dans
sa thèse fédéraliste, il serait mieux servi en allant
chercher des points d'impôt. Il serait mieux servi en allant chercher des
transferts de compensation qu'en restant accroché au fait que le
chômage, c'est payant.
M. Bourbeau: Je n'ai pas dit ça, que le chômage
c'est payant.
M. Dumont: Est-ce une question? Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Est-ce que vous partagez mon point de vue? J'aimerais
avoir votre réponse.
M. Dumont: Je pense que j'ai déjà exprimé ma
position sur ce sujet-là. Pour nous, principalement, en regard d'un
principe que vous n'avez pas souligné mais qui est celui de la
responsabilité fiscale, le gouvernement qui perçoit des sommes
doit idéalement être le même - et ce, en termes de finances
publiques et d'efficacité de la gestion des fonds publics, c'est
important - que celui qui les dépense. Les différents
systèmes d'ententes administratives qui ont été
imbriqués dans les relations entre le québec et le canada dans le
passé n'ont pas toujours eu des résultats concluants en termes
d'efficacité. donc, il ne nous apparaît pas pertinent, en mettant
en place une nouvelle formule, une nouvelle politique de développement
de la main-d'oeuvre, d'y inclure une formule comme celle-là.
Mme Harel: C'est pour vous une condition essentielle, la
présence d'un quatrième partenaire au sein de la
Société. Vous proposez donc, dans le même sens que le
Conseil permanent de la jeunesse, qu'un jeune siège à la
société mère, à la Société
québécoise. C'est pour vous une condition essentielle de votre
appui? C'est important pour vous?
M. Dumont: Une condition essentielle... Je pense que l'ensemble
des propositions qu'on fait à l'intérieur de ce mémoire
est pour améliorer la structure. Évidemment, c'est une des
propositions auxquelles on tient le plus. Je pense que pour les groupes de
jeunes qui ont participé, qui sont préoccupés par la place
des jeunes et le rôle des jeunes dans ce genre d'organismes-là,
qui ont une incidence directe sur la jeunesse, sur son placement en emploi,
c'est une recommandation qui est des plus importantes.
Mme Harel: Le Conseil permanent de la jeunesse nous a
annoncé au début de l'après-midi une vaste coalition qui
allait se mobiliser d'ici la fin de nos travaux pour obtenir qu'il y ait
finalement un siège qui soit octroyé aux jeunes, je pense, et aux
non-syndiqués. -Entendez-vous en faire partie également?
M. Dumont: On sera de concert avec cette coalition-là dans
les idées.
Mme Harel: Combien y a-t-il de jeunes femmes qui sont membres de
la Commission-Jeunesse?
M. Dumont: Un peu plus de la moitié. Mme Harel:
Plus de la moitié? M. Dumont: Oui.
Mme Harel: Oui? C'est parce qu'aucun, finalement, des
mémoires présentés par les organismes jeunesses n'a
traité de cette question qui est pourtant extrêmement cruciale en
matière de main-d'oeuvre et de formation. Le fait qu'historiquement les
femmes ont toujours été exclues des emplois traditionnellement
bien rémunérés et que la formation continue très
souvent dans cette voie-là, votre mémoire n'en parle pas non
plus. Est-ce que c'est une omission volontaire ou est-ce que c'est un
oubli?
M. Dumont: Si aucun des groupes de jeunes
ne l'a souligné, c'est peut-être parce que - j'improvise
là; on n'a pas traité de la question - ces
réalités-là dans la jeunesse s'estompent. On regarde la
présence de filles dans les facultés comme le génie, ou
dans des emplois qui sont intéressants. La proportion de fiHes
s'accroît, et même dans certains secteurs est supérieure.
Les filles qui militent au sein des groupes de jeunes ne sentent pas cette
réalité-là aussi présente. C'est une
hypothèse.
Mine Harel: Vous nous dites finalement que vous pensez que vous
n'en parlez plus parce que ce problème-là n'existe plus?
M. Dùmorrt: Je n'ai pas dit ça. Je fais une
hypothèse sur le fait que si les filles qui militent au sein des groupes
de jeunes défendent les mêmes points que les garçons et que
ces questions-là ne sont pas soulevées fors des activités,
c'est peut-être parce que ça tend à s'estomper,
effectivement.
Mme Harel: Pourtant, à l'inverse, ce que l'on peut
constater, c'est qu'à diplôme égal c'est la première
fois cette année, depuis l'après-guerre, que la
rémunération des femmes, à diplôme égal, a
diminué en regard de celle des hommes. C'est la première fois.
Elle était de 65 % et elle est maintenant de 62 %. On peut penser que
ça allait bon train. Il faut se rappeler qu'au début du
siècle la rémunération des femmes à diplôme
égal et à travail égal était de 55 %. Donc, en
l'espace de 90 ans, on avait réussi une percée d'à peu
près 10 %. Là, on est en train de reculer. On se rend compte
aussi que parmi les emplois créés 40 % sont des emplois à
temps partiel et que 70 % des personnes qui travaillent à temps partiel
sont des femmes. Bon. Je n'ai pas à vous la citer, mais s'il faut le
faire, je citerai l'étude du Conseil du statut de la femme, et
également...
Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: ...celle du Conseil économique canadien, qui
révèlent - des études récentes -que les employeurs
n'investissent pas suffisamment dans la formation de leurs employés.
Lorsqu'ils le font, ce sont plus souvent qu'autrement des hommes
qualifiés qui en bénéficient. Alors, il y aurait
peut-être intérêt, n'est-ce pas, M. le
Président...
Le Président (M. Marcil): Je vous appuie sur ça,
madame.
Mme Harel: ...à vous inviter, autant vous que ceux qui
vous ont précédés, à peut-être être
plus sensibles à cette réalité.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup,
Mme la députée. Le mot de la fin pour vous, M. le
ministre. Quelques secondes...
M. Bourbeau: Oui, M. le Président...
Le Président (M. Marcil): ...pour équilibrer le
temps.
M. Bourbeau: ...tout en soulignant à la
députée de Hochelaga-Maisonneuve qu'elle aurait profit à
parler à son chef qui, lui, à plusieurs reprises, a
affirmé que le programme d'assurance-chômage n'était pas un
programme à frais partagés. Donc, on ne pourrait certainement pas
réclamer des points d'impôt, comme le dit la députée
de Hochelaga-Maisonneuve, si on rapatriait le programme
d'assurance-chômage parce que le fédéral n'y met pas un sou
présentement. Si le gouvernement du Québec rapatriait le
programme, on ne pourrait pas dire au fédéral: On perd 1 000 000
000 $, donc, donnez-nous 1 000 000 000 $. Le fédéral nous
répondrait: On n'y met pas un sou, donc, on ne vous doit rien. Alors, il
n'est pas question de transférer des points d'impôt. Il faut dire
les choses telles qu'elles sont. Ce serait vraiment une perte sèche pour
le Québec de 1 000 000 000 $, 1 500 000 000 $. Il faut y penser et on va
continuer à y penser, voir si on a les moyens de se payer ça.
Peut-être qu'on les aura, effectivement, un jour.
Moi, je tiens à remercier les jeunes du Parti libéral du
Québec qui nous ont montré encore une fois le sérieux de
leur réflexion, leur détermination à faire passer leurs
idées. Je vous incite à continuer à nous alimenter le plus
souvent possible du fruit de vos travaux et de vos réflexions.
Merci.
Le Président (M. Marcil): M. Dumont, merci beaucoup de
vous être présentés à cette commission. Nous allons
suspendre une minute pour permettre à la Fédération des
commissions scolaires du Québec de s'avancer à la table.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 20)
Fédération des commissions scolaires du
Québec
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez prendre place.
Nous sommes heureux d'accueillir la Fédération des commissions
scolaires du Québec dont la présidente générale est
Mme Diane Drouin. Bienvenue à cette commission, madame. Si vous voulez
nous présenter les personnes qui vous accompagnent et nous allons vous
écouter pour 15 à 20 minutes. Ensuite, on pourra procéder
aux échanges.
Mme Drouin (Diane): D'accord, merci beaucoup. Alors, ça me
fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, la première
vice-présidente, Mme Lise Lemieux, et le deuxième
vice-président, M. Marc Sabourin. À ma droite, vous avez M.
Ber-thier Dolbec, qui est le professionnel au dossier et M. Fernand Paradis,
qui est le directeur général de la Fédération.
La Fédération des commissions scolaires. Peut-être
une brève présentation au départ. Je veux vous dire que
c'est un organisme provincial qui regroupe, je dirais, toutes les commissions
scolaires francophones, sauf deux, la CECM à Montréal et Chomedey
à Laval. Alors, depuis 45 ans que nous existons, nous avons
particulièrement comme intérêt de promouvoir
l'éducation et aussi, bien sûr, de défendre
l'intérêt de nos membres.
Les commissions scolaires, comme vous savez, sont des structures qui ont
à leur tête des élus qui ont particulièrement la
responsabilité de l'éducation primaire, secondaire,
générale et professionnelle des jeunes et des adultes de leur
territoire. Alors, vous avez reçu notre mémoire. Si vous me
permettez un résumé du contenu, je procéderai d'abord par
un résumé des deux premiers chapitres et ensuite, on pourra y
aller avec des commentaires sur chacun des objectifs. Ça vous va?
Le Président (M. Marcil): Ça va.
Mme Drouin: Alors, nous avons examiné
l'énoncé de politique qui s'intitule «Partenaires pour un
Québec compétent et compétitif» et aussi le projet
de loi 408, en compagnie de nos partenaires du réseau: les commissaires
d'écoles, les directeurs généraux, les directrices
générales et aussi des gestionnaires de l'éducation des
adultes et particulièrement des gens de la Table des responsables de
l'éducation des adultes du Québec, qu'on appelle la TREAQ. Nous
avons conclu que la Fédération des commissions scolaires et le
réseau des commissions scolaires et des établissements publics de
formation qu'elle représente étaient méconnus du
gouvernement et de certains partenaires québécois. Il nous a donc
semblé important et nécessaire de faire connaître
l'évolution de notre réseau, son niveau d'implication dans la
formation de la main-d'oeuvre, ainsi que l'utilité de notre
participation au projet du gouvernement.
Les commissions scolaires interviennent depuis quelque 25 ans dans la
formation de la main-d'oeuvre au Québec. En plus de prendre le relais
des écoles de métiers, les commissions scolaires ont
répondu à la demande du gouvernement fédéral et des
entreprises en organisant des services de formation de la main-d'oeuvre, en
entreprise aussi bien qu'en établissement. Ainsi, influencées par
cet aspect de leur mission depuis la fin des années soixante, les
commissions scolaires se sont inscrites dans une perspective de
développement régional en interrelation avec leur milieu
socio-économique.
Pour répondre plus adéquatement aux besoins de cette
clientèle de travailleuses et de travailleurs, de chômeuses et de
chômeurs, les commissions scolaires ont adapté leurs pratiques
pédagogiques et leurs modes organisationnels en développant
l'enseignement individualisé, en situant le client au centre des
interventions par une approche andragogique. La formation à temps
partiel, comme celle dispensée selon des horaires de soir ou
saisonniers, et le recours à des formatrices et des formateurs en
provenance de l'industrie ont permis de donner une formation mieux
adaptée aux réalités du marché du travail.
Si vous permettez, je vais vous donner quelques exemples de ce que les
commissions scolaires font, par quelques chiffres. En 1990-1991, 37 280
élèves, jeunes et adultes, étaient inscrits à temps
plein dans un programme de formation professionnelle, alors que 14 000 adultes
y étaient inscrits à temps partiel pour la même
année. Par ailleurs, dans le cadre des mesures et programmes
gouvernementaux de formation de la main-d'oeuvre, les commissions scolaires ont
donné une formation professionnelle à temps plein à plus
de 6000 personnes sans emploi, en 1990-1991, et à temps partiel à
plus de 75 300 personnes en emploi, en plus des 17 076 travailleurs et
travailleuses ayant bénéficié d'une formation
professionnelle dite autofinancée, c'est-à-dire
généralement financée par les entreprises qui les
emploient. Ceci, sans compter un nombre important de personnes en emploi ayant
bénéficié, dans les commissions scolaires, d'une formation
sur mesure non creditable, également autofinancée.
La formation sur mesure était donc née dans les
commissions scolaires bien avant qu'elle occupe le haut du discours, comme elle
le fait ces dernières années. Aujourd'hui, sur les 82 commissions
scolaires qui gèrent un service d'éducation des adultes, une
soixantaine ont investi le champ des services aux entreprises en y offrant des
services de formation et de consultation, en effectuant des analyses de besoins
de formation et en élaborant des plans de développement en
ressources humaines.
Là aussi, j'ai quelques exemples. À titre indicatif,
mentionnons l'Alcan, General Motors ou Toyota qui, toutes grandes entreprises
qu'elles soient, font affaire avec des commissions scolaires pour acheter des
services de formation. Mais comme le tissu des entreprises au Québec est
surtout constitué de PME, c'est principalement avec celles-ci que les
commissions scolaires transigent, et les nommer constituerait une
opération considérable. Toutefois, il y a un exemple
récent observé auprès de 5 commissions scolaires en
Montérégie. En 1991-1992, ces 5 commissions scolaires
réalisent un total de 71 projets de formation sur mesure en
établissement. Le budget total dépasse 1 000 000 $ et 82 % de
ces projets ont été initiés par les services aux
entreprises des commissions scolaires. 95 % de ces projets ont
été élaborés dans le cadre de l'analyse de besoins,
d'abord par les commissions scolaires et les entreprises.
De tels exemples se rencontrent dans chacune des régions du
Québec comme autant de modèles variés de partenariat entre
des établissements de formation et des entreprises. C'est pourquoi nous
soulignons aussi notre grande déception de voir le gouvernement proposer
un énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre, limitant délibérément le propos et l'action
éventuelle. Nous rappelons pourtant que le Québec a besoin d'une
véritable politique de ressources humaines, une politique de la
main-d'oeuvre.
Comment s'accommoder d'une visée partielle, alors que toutes les
analyses nous commandent de développer les habiletés
fondamentales des personnes afin qu'elles s'adaptent plus facilement à
l'évolution socio-politique, économique et technologique? La
Fédération recommande donc que la politique de
développement de la main-d'oeuvre que le gouvernement adoptera prenne
appui sur la formation globale des personnes comme outil de
développement de l'économie et de la société
québécoise, puisque les personnes sont les véritables
agents de changement.
Alors, pour chacun des commentaires sur les objectifs, on pourra se
référer au document principal, notre mémoire. J'irai tout
de suite à la page 18 où nous avons nos quatre objectifs. Le
premier objectif: Développer une culture de la formation continue dans
les milieux de travail. La Fédération et les commissions
scolaires ont ressenti cette nécessité depuis longtemps. En
effet, il est reconnu que les établissements de formation ont rencontre
de grandes difficultés pour organiser des stages pratiques en formation
professionnelle. De plus, le milieu du travail étant
irremplaçable, nos efforts pour nous doter d'ateliers et
d'équipements ainsi que de membres du personnel compétents ne
remplaceront jamais le contact direct avec le milieu de l'entreprise. on parle
de développer une culture de la formation continue dans les milieux de
travail. il faudrait même aller plus loin. il faudrait aussi parler,
peut-être, de développer une culture du travail et de l'entreprise
dans la formation professionnelle ou à l'école. ça nous
apparaît tout aussi important, l'inverse. le sondage «vers l'an
2000», réalisé par towers perrin et l'institut hudson du
canada il y a quelques mois, illustre que 65 % des entreprises canadiennes font
appel à des institutions d'enseignement ou de formation pour appuyer
leurs stratégies de recrutement et que jusqu'à 88 % comptent sur
des institutions d'enseignement ou de formation pour la formation et le
recyclage de la main-d'oeuvre.
Les efforts du gouvernement par des mesures comme le crédit
d'impôt à la formation - c'est très bien - ou les efforts
des commissions scolaires par l'instauration de services aux entreprises - ce
qui est très bien aussi - devront être appuyés d'une
réelle implication des entreprises québécoises. C'est
pourquoi il nous semble que le gouvernement devra consentir d'importants
efforts à des activités de promotion et de sensibilisation
à la formation auprès des entreprises.
Le deuxième objectif poursuivi: Instaurer un véritable
partenariat - en faveur du développement de la main-d'oeuvre.
Étant donné la teneur de la politique déposée et
les objectifs proposés pour la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, nous
affirmons que les réseaux publics d'établissements de formation
constituent des partenaires indispensables au développement des
compétences puisque c'est leur mission fondamentale: le
développement des personnes. La mission de formation concerne donc le
développement des ressources humaines en tenant compte non seulement des
personnes elles-mêmes, mais aussi de leur action dans les
communautés locales et régionales. (17 h 30)
Le gouvernement du Québec a affirmé, dans son plan
d'action «À l'heure de l'entreprise régionale», sa
confiance dans un développement endogène des réglons. Le
développement régional endogène passe par l'exploitation
optimale de l'ensemble des ressources de la région. C'est pourquoi il
touche l'ensemble de la vie d'une région dans ses aspects
économiques, sociaux, culturels, politiques et environnementaux. La
commission scolaire et le cégep, comme l'université, d'ailleurs,
font partie des agents du développement socio-économique
régional. Par son action de formation de main-d'oeuvre,
l'établissement public de formation contribue aussi à retenir les
citoyens dans les régions.
La Fédération des commissions scolaires reconnaît
donc que l'implication des établissements d'éducation dans le
développement régional est indispensable et fait partie de la
mission des commissions scolaires et des cégeps. La
Fédération des commissions scolaires souligne aussi les
conditions et les effets de cette mission. Il faudra que la commission scolaire
et le cégep s'y engagent comme organismes impliqués dans le
milieu, selon un aspect prioritaire de leur mission; qu'ils s'y engagent en
concertation afin de développer une synergie. bien sûr que cette
orientation va exiger des attitudes appropriées: être
présents et actifs auprès des agents socio-économiques; se
préparer à réagir selon le besoin, et adapter ses services
au tissu économique local; ouvrir ses portes, accepter d'être
influencés; développer des formules novatrices d'alternance
école-travail; utiliser des équipements industriels à des
fins de formation; s'impliquer dans tous les moyens de concertation avec
l'industrie; supporter l'entre-preneurship. on est prêts à faire
notre part.
Quant à l'approche sectorielle, nous constatons que le
gouvernement entend conjuguer deux approches obéissant à des
logiques différentes, soient l'approche sectorielle et l'approche
régionale. Une imbrication des politiques et des interventions en
harmonisant secteurs et régions ne semble pas aller de soi. Nous
incitons fortement le gouvernement à mûrir la réflexion
à ce sujet et à procéder aux études requises, car
si l'approche sectorielle semble nécessaire pour revitaliser le
développement industriel, notre cheminement de société est
bien dirigé vers la structure régionale et même locale.
Nonobstant ce que nous dirons du projet de loi 408 - on y reviendra un
petit peu plus tard - nous affirmons qu'il est nécessaire d'instituer
une structure de concertation à tous les niveaux afin de canaliser la
coopération des différents partenaires québécois.
C'est pourquoi nous recommandons au gouvernement que les réseaux
d'établissements publics de formation soient impliqués,
participent aux paliers national, régional et local de la structure de
concertation projetée, mais aussi aux autres mécanismes de
planification et de concertation qui seront mis en oeuvre, les comités
sectoriels notamment.
Quant au troisième objectif, rendre plus efficace
l'administration des programmes de main-d'oeuvre et les simplifier, comme nous
l'avons déjà soutenu devant la commission
Bélanger-Campeau, la Fédération des commissions scolaires
endosse la démarche du gouvernement en vue de rapatrier au Québec
la responsabilité de l'ensemble des programmes de main-d'oeuvre. Les
économies réalisées en termes d'unification et de
rationalisation des structures et des services devraient se traduire par une
augmentation des services directs à la clientèle, puisque
l'infrastructure sera nécessairement allégée.
Toutefois, pour que ces économies soient réelles et pour
que le système soit efficace, une étape reste à franchir:
celle de préciser comment cette gestion unifiée va se
concrétiser au Québec. Comment les zones grises, les
ambiguïtés qui existent à l'heure actuelle entre les
responsabilités des divers ministères et leur réseau
respectif seront amoindries, voire éliminées et quelle solution
aura été apportée au diagnostic posé en page 30 du
projet de politique? Si vous permettez, je vais le citer: «De plus, on
déplore qu'il n'y ait pas suffisamment de liens entre les institutions
chargées de concevoir et d'administrer, d'une part, les programmes de
main-d'oeuvre et, d'autre part, les services d'éducation et de
formation.»
Pour ce qui est du quatrième objectif, obtenir un meilleur
arrimage de la formation et du marché du travail, la revalorisation de
la formation professionnelle, malgré les moyens proposés dans le
projet de politique, ne peut que passer par la revalorisation des
établissements publics de formation dans le développement de la
main-d'oeuvre. La situation décrite comme normale, à nos yeux est
anormale. Elle consiste à confiner l'éducation en bout de
processus en lui demandant de dispenser des services conçus par d'autres
sans récupérer l'expertise éducative et la connaissance
des clientèles que les établissements de formation
détiennent de par l'exercice de leur rôle exclusif. Une telle
approche est difficilement conciliable avec un contexte de revalorisation,
d'autant plus que c'est à l'initiative de plusieurs commissions
scolaires, qui ont pris le risque d'investir dans le développement de
services aux entreprises et dans le développement économique de
leur région, que la culture de la formation gagne progressivement du
terrain.
Recommandation: Étant donné l'expertise à nulle
autre pareille dont disposent les réseaux d'établissements
publics de formation, nous trouvons essentiel que, dans un souci de
rentabilité et de partenariat, cette expertise soit réinvestie
autant aux niveaux décisionnels et consultatifs qu'organisationnels des
structures de développement de la main-d'oeuvre
québécoise, afin de participer au développement d'une
main-d'oeuvre compétente, responsable et autonome.
Quant à la répartition des opérations entre les
organismes de main-d'oeuvre et les organismes d'éducation, nous avons
aussi une recommandation. L'accueil de la clientèle, l'analyse de ses
besoins de formation, incluant la reconnaissance des compétences qu'elle
détient déjà - et là-dessus je ne m'attarderai pas
particulièrement, mais c'est une préoccupation importante pour
nous; on en a pour une page et demie dans notre mémoire - sont des
opérations que les commissions scolaires font naturellement
auprès des clientèles qui les sollicitent. Elles sont
habilitées à les accomplir. Bien sûr, l'idée du
guichet unique vient à l'esprit lorsqu'on évoque ce genre de
situation, mais, jusqu'à présent, rien ne dit que le concours des
établissements publics de formation sera sollicité, ni que leur
expertise sera mise à contribution. Nous rappelons que la mission de
formation comporte plusieurs aspects complémentaires qu'il faudra garder
en relation. La Fédération recommande donc que les réseaux
d'établissements publics de formation participent à tous les
aspects de la mission de formation, notamment à ces guichets uniques
définis dans l'énoncé.
Quant au régime d'apprentissage, bien que l'énoncé
de politique manifeste d'abord et avant tout l'intention du gouvernement de
procéder à la création d'un régime d'apprentissage
sans en développer davantage les composantes, il nous apparaît,
à ce moment-ci, qu'une réflexion d'ensemble des partenaires
concernés doit être faite pour arrimer ce système avec les
autres modes d'acquisition de compétences actuellement en vigueur et
reconnus, de même que pour en définir les objets.
Ainsi, les points d'ancrage d'un tel système avec celui de la
formation professionnelle de base, avec le système de reconnaissance
des
acquis ou des compétences sont autant de points à
clarifier avant d'avancer dans la confection proprement dite des
éléments qui composeront le régime d'apprentissage. dans
ces conditions, les commissions scolaires reconnaissent la pertinence de la
création d'un régime d'apprentissage qui se situerait en
complémentarité aux types de formation que nous connaissons
déjà: la formation dé base en formation
générale et en formation professionnelle en établissement;
la formation à temps partiel en établissement ou en entreprise;
l'alternance travail-formation; les stages de longue durée; les stages
de courte durée; la formation sur mesure en établissement ou en
entreprise; les activités de recyclage et de perfectionnement. un tel
régime répondrait aux besoins de formation d'un nombre important
d'adultes et un tel régime devrait de plus contribuer à favoriser
l'intérêt et l'implication des entreprises dans la formation.
La Fédération des commissions scolaires recommande donc
que le réseau des commissions scolaires soit directement associé
aux ministères et organismes voués au développement de la
main-d'oeuvre pour le développement et la mise en oeuvre d'un
régime d'apprentissage et d'un système de reconnaissance des
compétences.
Pour ce qui est de la concertation, la Fédération
recommande que le gouvernement inventorie les expériences locales et
régionales de concertation entre différents partenaires du
développement de la main-d'oeuvre et s'en inspire pour susciter le
développement de la concertation aux niveaux local et régional,
tout en laissant aux milieux une latitude suffisante pour respecter leurs
habitudes de travail.
On arrive au projet de loi 408. À l'heure où les
solidarités et le partenariat se développent aux niveaux local,
régional et national, alors que les organismes patronaux, syndicaux,
coopératifs et communautaires partagent de plus en plus une vision
commune de la situation et des moyens à prendre - qu'il suffise de
mentionner le Forum pour l'emploi pour s'en convaincre - et étant
donné les difficultés d'harmonisation que rencontrent les
principaux ministères concernés, la Fédération
recommande que le gouvernement du Québec laisse à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre une réelle autonomie. Elle ne devrait pas être
assujettie à la tutelle d'un ministre en particulier. Elle devrait
rendre compte de son mandat à l'Assemblée nationale du
Québec.
En ce qui a trait au conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, les réseaux d'établissements de formation qui
dotent les entreprises de travailleuses et de travailleurs compétents
disposent d'une expertise spécifique dont ne saurait se passer la
nouvelle Société. Ces réseaux disposent
d'intérêts et de capacités bien différents des
ministères qui les encadrent, étant donné leur niveau
d'activités et leur présence dans les milieux
socio-économiques locaux et régionaux. La
Fédération recommande donc que le gouvernement du Québec
réserve un siège pour la Fédération des
cégeps et un siège pour la Fédération des
commissions scolaires du Québec au conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
Pour ce qui est des sociétés régionales, notre
recommandation est à l'effet que, comme le développement
économique des régions repose sur une stratégie
endogène, il est essentiel que chacun des réseaux
d'établissements de formation soit représenté au conseil
d'administration de la société régionale ainsi qu'au sein
des comités sectoriels existants et à créer. De plus, il
sera primordial que la société régionale puisse
élaborer des programmes et des stratégies répondant mieux
aux besoins et au dynamisme de la région. en conclusion, pour le
développement de la main-d'oeuvre québécoise et fa
progression de notre économie, le développement des
compétences constitue une priorité incontournable. toutes les
approches comporteront donc le recours à des processus de formation plus
ou moins longs, en établissement ou en entreprise. l'ampleur de ce
défi requerra l'apport de toutes les énergies, de toutes les
ressources. rappelons-nous que le réseau des commissions scolaires
intervient depuis quelque 25 ans dans la formation de la main-d'oeuvre
québécoise et qu'il contribue grandement au développement
de cette culture de la formation qui conduira les entreprises à prendre
de plus en plus leur place dans la formation et le perfectionnement de la
main-d'oeuvre.
L'expertise des réseaux publics d'établissements de
formation et leur présence dans tous les milieux, auprès des
entreprises aussi bien que des autres partenaires socio-économiques,
gouvernementaux ou syndicaux, commandent leur implication au sein des
sociétés régionales, des comités sectoriels et de
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Aussi, rappelons-nous ce choix du gouvernement du Québec
à l'heure de l'entreprise régionale de privilégier un
développement endogène des régions. Permettons ainsi aux
partenaires des régions de prendre en main ce défi
québécois et d'imprimer la direction appropriée au
développement de la main-d'oeuvre dans la région.
Ainsi, il devient évident qu'on doive appeler le gouvernement
à décentraliser largement les ressources et les
responsabilités afin que l'engagement de tous les partenaires, qui se
sentent maintenant interpellés, ne se bute pas aux luttes de pouvoir
interministérielles ou à la lourdeur de l'appareil
gouvernemental.
Nous avons porté possiblement un jugement sévère
sur plusieurs aspects de l'énoncé de politique et du projet de
loi 408. Toutefois, vous ne devez pas perdre de vue que nous nous
présentons devant vous dans un esprit de collaboration. Sans
prétention, sans fausse modestie,
nous vous redisons notre ferme conviction qu'un représentant ou
une représentante de notre organisme aurait sa juste place au sein de la
future Société et qu'elle ou il apporterait une contribution
très précieuse. De plus, nous vous offrons notre
disponibilité pour toute consultation que vous jugerez utile.
Enfin, nous vous rappelons, ainsi qu'à tous les partenaires
concernés, que les changements de mentalités, les changements de
valeurs et d'attitudes obéissent à des processus longs.
Développer une culture de la formation continue ou instaurer un
véritable partenariat sont au nombre de ces changements qui
dépendent des mentalités et des attitudes. Souhaitons que les
objectifs qui nous rassemblent soient empreints d'ouverture d'esprit, de
respect et de patience. Merci.
Le Président (M. Marcil): merci beaucoup, mme drouin. il
vous restera 18 minutes de chaque côté pour procéder
à la période d'échange. m. le ministre.
M. Bourbeau: Dix-huit minutes juste ou quelques secondes de
plus?
Le Président (M. Marcil): Juste.
M. Bourbeau: Juste. M. le Président, ça me fait
extrêmement plaisir de revoir les représentants de la
Fédération des commissions scolaires du Québec et sa
présidente, Mme Drouin. C'est un mémoire extrêmement
intéressant encore une fois.
Si je comprends bien votre mémoire... Je voudrais
référer à la page 14 de votre mémoire. Vous estimez
que le partage des responsabilités entre le ministère de
l'Éducation et celui de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité
du revenu et de la Formation professionnelle, tel qu'il a été
défini par le gouvernement du Québec à l'époque -
l'ancien gouvernement du Québec, rappelons-le, en 1984 - a eu pour effet
de freiner les initiatives des commissions scolaires en matière de
services aux entreprises. Vous ajoutez cependant, du même souffle, que
les réseaux d'éducation ont malgré cela poursuivi le
développement de services aux entreprises, en dépit des
décisions gouvernementales que contenait cette politique, dupliquant
ainsi les services offerts par les commissions de formation
professionnelle.
Je dois avouer que je suis un peu étonné de cette
affirmation-là parce que, si on la prend à la lettre même,
vous nous annoncez en fait que le réseau d'éducation est, depuis
1984, en pleine désobéissance civile. Est-ce ça que vous
êtes en train de nous dire? (17 h 45)
Mme Drouin: Vous avez des accusations qui sont importantes. Ce
que je veux dire, c'est que finalement je pense que les commissions scolaires,
étant près des milieux et près souvent des entreprises...
On est dans tous les coins de la province. Dès qu'il y avait des besoins
qui se faisaient sentir, je pense qu'il se créait une certaine
coordination entre ces gens-là. Ces gens-là étaient
capables de se parler. Il y a eu des mises sur pied de formations ponctuelles
pour certaines entreprises. Je ne sais pas si M. Dolbec peut ajouter quelque
chose là-dessus, mais c'était vraiment une volonté des
milieux de le faire. Ce n'était pas pour désobéir.
M. Bourbeau: Je vais vous rassurer tout de suite. Moi, je ne
pense pas que vous êtes en pleine désobéissance civile. Ce
n'est pas mon interprétation à moi. Alors, je ne lance pas
d'accusation. Ce n'est pas notre interprétation à nous de la
politique de 1984. Nous ne pensons pas que le gouvernement ait voulu
éloigner les commissions scolaires des entreprises. Ce n'est pas notre
interprétation de cette politique-là.
Aujourd'hui encore, je suis le premier à souhaiter un
rapprochement très étroit entre les entreprises et les
commissions scolaires. Je vous dirai même qu'à chaque fois que je
sais qu'une commission scolaire fait affaire avec une entreprise, même si
on ne passe pas par la CFP, je suis très content. Ça fait
ça de moins dont on a à s'occuper. Quant à moi, si tous
les cégeps du Québec veulent entrer dans les entreprises et si
toutes les commissions scolaires veulent faire des affaires avec elles, tant
mieux. Ce sera ça de fait. Tout ce secteur-là sera couvert. On
s'occupera des entreprises qui ne se préoccupent pas de faire de la
formation et on ira les déranger, celles-là. Ça, c'est la
philosophie qui nous anime chez nous.
Moi, en aucune façon, je ne vous reprocherais d'aller voir les
entreprises. Au contraire. Plus il y aura de mariages avec les entreprises,
mieux ça sera. Quand chaque entreprise sera ploguée avec une
commission scolaire du Québec - excusez l'expression, vous venez du
milieu de l'éducation, alors je retire le mot
«plogué» pour dire...
Le Président (M. Marcil): Branché.
M. Bourbeau: ...branché, M. le Président -
là au moins on sera dans une société qui sera vraiment
à l'heure de la formation.
Mme Drouin: On peut vous montrer... C'est exactement ça.
C'est que même s'il y avait des contraintes, je pense que le besoin
était là et les commissions scolaires ont toujours
été prêtes à collaborer, même s'il y avait des
contraintes. Alors, on va dans le même sens. C'est ce qu'on vous
démontre, que malgré toutes ces contraintes, on était
là et on a quand même réussi à fonctionner, et que
c'est important qu'on y soit encore et qu'on y soit toujours.
M. Bourbeau: En fait, ce que le gouverne-
ment du Québec a voulu faire en 1984, il a voulu faire en sorte
de confier à la Main-d'oeuvre certains budgets et également il
lui a demandé de s'occuper de faire les estimations de besoins dans les
régions du Québec en faisant en sorte d'utiliser ces
budgets-là afin de privilégier un type de formation qui
correspondait aux besoins. Autrement dit, le gouvernement n'a pas voulu
disperser ses crédits de façon à ce qu'on en vienne
à financer des formations qui n'étaient pas jugées
prioritaires ou même intéressantes. On pourrait, à la
rigueur, penser que dans un monde où un gouvernement aurait beaucoup
beaucoup d'argent, on pourrait financer n'importe quelle sorte de formation,
même la formation qu'on veut bien se donner par souci de rehausser sa
culture personnelle. C'est intéressant, mais ce n'est pas une
priorité. Si quelqu'un veut aller prendre un cours, je ne sais pas... Si
un architecte veut prendre un cours de littérature, c'est très
bien, mais je ne pense pas qu'on doive utiliser en priorité les fonds
publics pour le faire.
Donc, notre interprétation à nous, c'est que
c'était ça, la politique de 1984. Le ministère de la
Main-d'oeuvre, enfin, les CFP ont pour mission d'établir les
priorités et je reconnais qu'avec l'aide des commissions scolaires, si
on peut le faire, c'est encore mieux. Vous avez une certaine expertise
là-dedans. Les commissions scolaires - enfin, le milieu scolaire -
doivent adapter leurs programmes à la réalité qui est
observée. Il doit y avoir une synergie entre les deux groupes, entre la
Main-d'oeuvre et l'Éducation. On estimera peut-être mieux les
besoins si l'Éducation met son nez là-dedans et probablement
qu'on fera de meilleurs programmes si la Main-d'oeuvre se met le nez dans les
programmes aussi. Je ne sais pas si vous souscrivez à cette façon
de voir les choses.
Mme Drouin: M. Dolbec.
M. Dolbec (Bert hier): En complément, si vous me
permettez, ce que la Fédération des commissions scolaires veut
signifier ici, c'est qu'on comprend que la maîtrise d'oeuvre peut changer
d'une période de 10 ans à une autre. Ce qu'on a
déploré depuis 1984, c'est que l'action des CFP a souvent
contribué à empêcher les commissions scolaires d'être
adéquatement informées de l'évolution des besoins. Faire
la cueillette des besoins, c'est une opération qui consiste aussi
à acquérir de l'information sur l'évolution des besoins
des citoyens. Si le réseau des commissions scolaires en est un de
formation, alors vous comprendrez facilement, M. le ministre, qu'il est
très important de rester aux aguets, de rester alerte sur
l'évolution des besoins des personnes dans une région
donnée.
On a déploré encore très récemment, dans
votre région même, M. le ministre, que des employés de
certaines CFP pouvaient dire à des entreprises: Oui, je vais appuyer ton
projet d'élaboration d'un plan de développement des ressources
humaines, mais pas avec une commission scolaire. Ou encore: Ah, tu as un plan
de développement des ressources humaines? Ça a été
fait avec une commission scolaire? Tu reviendras. Je caricature à peine.
Ce sont des exemples flagrants qu'on a. Dans toute réforme qui serait
envisagée, si on compte mettre à contribution le réseau
des commissions scolaires, il faudra penser que l'harmonisation, ça
consiste à rester en contact avec l'identification des besoins et
l'évolution du marché aussi.
M. Bourbeau: vous savez, si je vous racontais tout ce que
j'entends dans les milieux des cfp sur les commissions scolaires, vous seriez
aussi très, très scandalisés de ce qui m'est
rapporté sur certains représentants des commissions scolaires en
région, qui posent des gestes à l'endroit des cfp qui sont assez
étonnants aussi. on refuse continuellement des cours. on bloque des
cours pour des raisons qui, souvent, ne sont pas très bien comprises par
les travailleurs. pourquoi un cours est-il cancellé? pourquoi
achète-t-on des cours? plutôt que ce soit la commission scolaire
la plus proche des travailleurs qui la donne, on assigne le cours à une
autre commission scolaire qui est située à des milles et des
milles plus loin, des dizaines de kilomètres plus loin, parce qu'une
redistribution équitable des cours doit se faire nécessairement
entre les commissions scolaires. ce n'est pas toujours au profit des
travailleurs, ça aussi.
Alors, disons que, de part et d'autre, il y a peut-être beaucoup
d'incompréhension. Il faut faire tomber ces obstacles-là qui
peuvent exister entre les deux réseaux. Justement, êtes-vous au
courant, à ce sujet-là, de l'offre que j'ai faite au ministre de
l'Éducation de faire participer des représentants des commissions
scolaires aux conseils d'administration des CFP, en attendant, bien sûr,
que les sociétés régionales soit mises en vigueur?
Mme Drouin: Je n'en ai pas entendu parler.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas entendu parler de ça?
Mme Drouin: Je n'en ai pas entendu parler. M. Bourbeau:
Bon. Alors, je... Mme Drouin: Pas à date.
M. Bourbeau: Ça m'étonne. Je l'ai fait par
écrit, il y a un certain temps d'ailleurs, et aux commissions scolaires
et aux cégeps - depuis quelques mois, même. Depuis combien de
mois?
Des voix: Novembre.
M. Bourbeau: Depuis le mois de novembre, nous avons,
officiellement, par écrit, sollicité la présence des
commissions scolaires aux conseils d'administration des CFP. Elles peuvent
assister à toutes les réunions. Alors, vous pouvez dès
maintenant appeler votre CFP et demander de participer aux réunions.
Ça me fait plaisir de vous ouvrir les portes.
Mme Drouin: C'est une excellente information. On va aller aux
nouvelles.
M. Bourbeau: Bon. Possiblement aussi, si vous voulez inviter les
gens des CFP à regarder un peu l'élaboration de vos programmes,
ils vont peut-être être intéressés à le faire.
Alors, voilà! Voyez-vous, on est en train d'évoluer vers un
partenariat, un nouveau partenariat.
Maintenant, j'aimerais passer à un autre sujet: le choix des
formateurs. Vous savez que, quand le gouvernement a annoncé le
crédit d'impôt à la formation pour les entreprises, on a,
à ce moment-là, laissé aux entreprises le choix du
formateur. Ce principe-là est repris, d'ailleurs, dans le document
d'orientation. Je crois comprendre, d'après ce que vous dites, que,
finalement, ça ne vous dérange pas trop parce que vous avez eu le
temps, au cours des années, d'apprivoiser les entreprises. Est-ce qu'on
peut comprendre que cette politique-là, maintenant, est acceptée
par la Fédération des commissions scolaires?
M. Dolbec: En gros, ce que les commissions scolaires disent,
c'est: Avoir les mêmes conditions qu'une autre entreprise privée,
ça convient à une commission scolaire. Il n'y a pas d'attitude de
monopole, d'avoir des champs réservés.
M. Bourbeau: En ce qui concerne la formation des individus, par
exemple, disons, les programmes qui sont organisés par le
ministère que je dirige - on s'adresse toujours au réseau de
l'éducation - seriez-vous d'accord aussi pour qu'il y ait une meilleure
compétition qui s'installe entre l'entreprise privée et le
réseau public d'enseignement à ce sujet-là?
Mme Drouin: Écoutez, je pense qu'on favorisera toujours le
réseau public au départ, parce qu'on a quand même les
équipements, on a quand même les formateurs, on a l'expertise.
Bien sûr qu'on ne veut pas fermer toutes les portes à une
compétition non plus, mais vous comprendrez qu'on va favoriser
particulièrement, nous autres, notre réseau public.
M. Bourbeau: Oui, je comprends bien. Oui, j'imagine. Je m'en
doutais bien. Est-ce que vous suggérez que le réseau
d'enseignement public soit représenté au sein des comités
sectoriels existants et à créer? Seriez-vous également
favora- bles à ce que le ministère de la main-d'oeuvre, de la
sécurité du revenu et de la formation professionnelle s'implique
dans les activités des organismes d'éducation?
Mme Drouin: Pourquoi pas? Si on doit avoir une concertation dans
des choses qui regardent la formation et l'éducation, bien sûr...
Je pense que si on parle de collaboration, écoutez... Il reste que je ne
suis peut-être pas dans la formation des enseignants du
préscolaire et du primaire, mais je pense que là où on
peut se rejoindre on est ouverts à une concertation.
M. Bourbeau: Bon, eh bien, je suis très content
d'apprendre ça. Il me semble qu'on a intérêt à se
parler, hein? Il me semble qu'on se rapproche un peu. Vous avez parlé de
votre souhait de voir les réseaux d'éducation
représentés au conseil d'administration de la
société centrale, la Société de
développement de la main-d'oeuvre, ainsi que dans les conseils
régionaux. Vous savez qu'on a déjà prévu dans le
projet de loi la participation du milieu scolaire tant à la
Société québécoise qu'aux sociétés
régionales. Est-ce que ça vous satisfait, les
éléments du projet de loi qui portent là-dessus, ou est-ce
que vous souhaiteriez ajouter de nouveaux sièges ou attribuer autrement
les sièges qui sont déjà prévus pour le secteur de
l'éducation?
Mme Drouin: Ce qu'on a compris de la participation dans votre
projet de loi, c'est que les sièges étaient
réservés au secteur de l'éducation,
particulièrement après consultation des ministres. Nous, ce qu'on
souhaite, c'est que ce soient des gens des réseaux qui fassent partie de
cette société-là plutôt, peut-être, que des
gens du ministère. Parce que, bon, on comprend que le ministère,
lui, peut-être que son devoir c'est d'établir des normes et tout
ça, alors que les gens du réseau, ce sont des gens de terrain,
des gens qui ont le nez collé à la réalité. Ce sont
des gens qui sont plus prêts, peut-être, pour répondre aux
besoins des personnes, des entreprises parce qu'on est sur le terrain, on est
partout. Alors, il nous apparaît que notre expertise, de ce
côté-là, serait très valable.
M. Bourbeau: En tout cas, en ce qui concerne les
sociétés régionales, ça m'apparaît assez
clair, là. Sur les quatre membres qui forment, disons, la
délégation gouvernementale, deux, donc 50 %, doivent provenir du
milieu des commissions scolaires et un autre du milieu des collèges
d'enseignement général et professionnel. Donc...
Mme Drouin: Ça va.
M. Bourbeau: ...je pense que c'est vous, ça.
Mme DroUin: Oui.
M. Bourbeau: Alors, pour ce qui est de la Société
québécoise, la société mère, là, je
ne crois pas qu'on exclue les collèges et les commissions scolaires. On
dit: Le secteur secondaire et le secteur collégial. Le secteur, c'est
plus vaste, mais ça ne m'apparaît pas exclure les commissions
scolaires.
Mme Drouin: Ce n'est pas exclu, mais ce n'est pas défini
non plus.
M. Bourbeau: Je suis bien d'accord avec vous que ce n'est pas
exclusif, là, mais...
Mme Drouin: Vous voulez nous dire qu'on devra faire la bataille
avec le ministère de l'Éducation pour avoir le siège?
M. Bourbeau: Ah, bataille? Non. Je ne vous suggère pas de
faire une bataille avec le ministère de l'Éducation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Ce n'est pas de tout repos.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je suis le dernier à vous... Ha, ha, ha!
Une voix: Une façon de la faire, c'est de nous donner le
siège.
Mme Drouin: Alors, nous, on vous réclame un siège.
Écoutez, si c'est la seule alternative que vous nous laissez...
M. Bourbeau: N'allez surtout pas dire au ministre de
l'Éducation que je vous ai incités à faire une bataille
avec lui. Non, mais, peut-être que vous pouvez faire valoir votre point
de vue et convaincre qui de droit de l'importance pour la
Fédération des commissions scolaires d'être
représentée à la Société
québécoise. Si je comprends bien le projet de loi, je devrai
consulter le ministre concerné.
Mme Drouin: C'est ce que vous avez écrit.
M. Bourbeau: alors, je le consulterai et peut-être que de
ma consultation il ressortira que le ministre suggérera que ce soit
quelqu'un de chez vous. on pourrait peut-être voir.
Mme Drouin: Je vous répète que nous
préférerions - c'est pour ça qu'on s'adresse à vous
d'abord...
M. Bourbeau: Oui, je comprends.
Mme Drouin: ...avoir un siège réservé aux
gens du réseau, qui soit déterminé par la
Fédération des commissions scolaires. Nous, on verra quelle
personne ira là parce que, pour nous, c'est important que ce soient des
gens du réseau. Comme je vous dis, si c'est la seule autre alternative
que vous nous laissez... On est décidé à avoir ce
siège-là parce que, pour nous, ça nous apparaît
important, pas pour nous comme pour les gens qu'on doit desservir et pour les
entreprises. On est étendu à travers toute la province et je
pense que notre expertise est reconnue. C'est pour ça que ça nous
apparaît important et c'est pour ça qu'on le réclame
d'abord, ce siège, auprès de vous. (18 heures)
M. Bourbeau: Bon. Alors, je consulterai le ministre et il vous
restera à faire vos représentations. M. le Président,
est-ce que je peux passer la parole à Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve? Je reviendrai tout à l'heure.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Certainement, M. le ministre. Alors, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup
d'intérêt votre mémoire. J'avais pris connaissance, ce
matin, d'ailleurs, dans les journaux également, de la conférence
de presse que vous faisiez hier à ce sujet. Le titre était bien
clair: «Les commissions scolaires veulent être associées de
plus près au projet de formation de la main-d'oeuvre».
Déjà vous êtes devenues membres du Forum pour l'emploi.
Mme Drouin: Oui, c'est exact.
Mme Harel: Je vous en félicite, d'ailleurs.
Mme Drouin: Merci.
Mme Harel: J'aimerais poursuivre avec vous l'échange que
vous avez eu avec le ministre. J'allais moi-même vous interroger sur ce
qui a été introduit de neuf après 1984. Ce que le ministre
a indiqué, grosso modo, c'est cette attribution des rôles -
comment pourrions-nous dire? - cette espèce de dichotomie: à
l'estimation des besoins, les CFP, et à la dispensation des formations,
les commissions scolaires. Ce que vous nous dites, enfin, ce que j'ai compris
dans la réponse que vous donniez, c'est que vous avez besoin
d'être impliquées aussi dans l'estimation des besoins parce que
vous ne pouvez pas répondre aux besoins si, dans le fond, vous
n'êtes pas capables de suivre le besoin. Dans le fond, vous ne voulez pas
une relation client-fournisseur...
Mme Drouin: Exactement.
Mme Harel: ...parce que vous ne pourrez pas
fournir le bon produit. C'est ça que je dois comprendre?
Mme Drouin: Exactement. Écoutez, on ne veut pas être
perçus simplement comme des dispensateurs de services, on veut
être vraiment reconnus comme des partenaires à part
entière. Pour nous, simplement dispenser des services, on pense qu'on
sera moins efficaces si on n'est pas là pour l'identification de la
clientèle, l'analyse des besoins, le développement des
programmes, la réalisation de formation, l'évaluation. Je pense
que c'est important qu'on soit là pour tout le processus de formation
globale.
Mme Harel: Bon. M. le ministre vient de vous dire: Vous allez
dorénavant siéger au niveau régional. Est-ce que ça
vous satisfait? Est-ce que c'est à ce niveau-là, au niveau de la
société régionale, éventuellement au niveau de la
société mère, la Société
québécoise... Au niveau de la société
régionale, les commissions scolaires comme telles vont-elles avoir voix
au chapitre en matière d'estimation des besoins, par exemple, en
siégeant?
Mme Drouin: Écoutez, on sait que les
sociétés régionales vont être quand même des
ramifications de la société mère, comme vous l'appelez.
Alors, c'est pour ça que, nous, on souhaite être et à la
société mère et aux sociétés
régionales.
Mme Harel: Oui.
Mme Drouin: Si on n'est qu'aux sociétés
régionales, si on a des directives qui nous viennent d'une
société mère dont on ne fait pas partie, on sera encore
à la remorque de quelqu'un.
Mme Harel: De toute façon, je reviens. Il va y avoir
plusieurs commissions scolaires qui vont se retrouver dans le champ...
Mme Drouin: Oui. Dans chacune des régions, oui.
Mme Harel: ...du territoire couvert par les CFP. Vous nous disiez
tantôt: Sur les 80 commissions scolaires qui ont un service
d'éducation des adultes, il y en a 60 qui ont un service...
Mme Drouin: Aux entreprises.
Mme Harel: ...aux entreprises. Donc, dans le champ, il y a
comme... La question que je vous pose: Est-ce qu'il y a moyen de faire en sorte
qu'il n'y ait pas de concurrence entre les services aux entreprises et qu'il y
ait concertation? Il y a un service aux entreprises dans les services
d'éducation des adultes au niveau des commissions scolaires. Il y a un
service aux entreprises maintenant au niveau des cégeps et il y a un
service aux entreprises à la Commission de formation professionnelle. Il
y avait un service aux entreprises à Emploi et Immigration Canada - on
verra ce qui se passera... Les firmes privées, maintenant, ont aussi des
vendeurs qui sont, en fait, des services aux entreprises pour aller leur vendre
des cours qui peuvent être susceptibles d'un crédit d'impôt.
Il y a sur la route des gens qui se font concurrence présentement.
Mme Drouin: Oui.
Mme Harel: Alors, comment on fait pour qu'il y ait une dynamique
de concertation plutôt que de concurrence?
Mme Drouin: Une belle question. Je pense qu'il y a quand
même... On sait qu'au niveau des régions il y aura les
sociétés régionales. Vous avez expliqué que les
ramifications vont aller un petit peu partout parce qu'il y a plusieurs
commissions scolaires dans une région qui dispensent des services. Oui,
il devrait y avoir de la concertation. C'est sûr qu'on est restreints par
ce qu'on appelle la carte des options professionnelles. M. le ministre faisait
mention tout à l'heure que... Bon, nous autres aussi on est
obligés de vivre avec ça. Chaque commission scolaire ne peut pas
donner toutes les options professionnelles et, bien sûr, ça nous
cause des embarras plus souvent qu'à notre tour.
Mme Harel: Ça, c'est défini par le ministère
de l'Éducation, de toute façon, la carte.
Mme Drouin: Oui. C'est établi périodiquement.
Mme Harel: Là, on parle des entreprises, mais si on
parlait des individus, de nos concitoyens québécois. S'il y a
cette promotion dont vous nous parlez, cet effort accru qui suppose, selon
vous, une promotion, c'est aussi pour engager les personnes elles-mêmes
dans la dynamique de formation continue. À ce niveau-là, au
niveau des individus, je ne vois pas de bilan. Ça m'a peut-être
échappé, mais est-ce qu'il n'y a pas une faille
présentement? Il y a des responsables de services d'éducation des
adultes, par exemple, qui me disent que systématiquement les budgets
diminuent pour qu'on offre du recyclage ou du perfectionnement à temps
partiel. Systématiquement, la formation générale à
temps partiel diminue. Systématiquement, la formation professionnelle
à temps partiel diminue.
Donc, pour les individus qui ne sont pas nécessairement, si vous
voulez, dans un syndicat qui va pouvoir leur négocier, dans leur
entreprise qui est exposée à la compétitivité, pour
des millions de personnes, dans le fond, qui travaillent dans des secteurs qui
ne sont pas néces-
sairement de pointe, des services, des commerces, et qui croient au
relèvement de leurs compétences, il arrive quoi?
Mme Drouin: M. Dolbec.
M. Dolbec: Vous savez que les commissions scolaires disposent
d'un budget alloué annuellement par le gouvernement du Québec.
Ça dépend des priorités que le gouvernement du
Québec veut faire en matière de développement des
ressources humaines. Si on croit au relèvement des compétences
des citoyens, à ce moment-là, on devrait peut-être cesser
de faire décroître les budgets des commissions scolaires.
Mme Harel: Quelle est la proportion? Avez-vous des chiffres
là-dessus? On me dit: C'est des enveloppes fermées, c'est
contingenté et ça diminue d'année en année. Vous
savez, le citoyen, lui, quelque part, il ne se retrouve pas là-dedans,
là. On dit que c'est bien important la formation. Il y en a qui vont
aller s'inscrire d'eux-mêmes et, là, on dit: On ne peut pas
t'offrir le cours cette année. Dans l'est, l'inscription avait lieu les
6, 7 et 8. Le 6 au soir, les groupes étaient
complétés.
Mme Drouin: C'est sûr qu'on a subi des gels au niveau des
enveloppes. On a eu une fermeture des enveloppes au niveau des adultes et,
ça, ça fait mal. Actuellement, c'est l'enveloppe à temps
partiel...
M. Paradis (Fernand): En formation générale.
Mme Drouin: ...en formation générale qui est
fermée.
Mme Harel: L'enveloppe à temps partiel en formation
générale est fermée. L'enveloppe à temps partiel en
formation professionnelle était fermée également.
Mme Drouin: Je pense. Non. On me dit que le perfectionnement et
le recyclage au niveau des enveloppes, c'est fermé.
Mme Harel: On m'indiquait ici même, par exemple... Un
membre du groupe des cadres scolaires me disait que, dans sa commission
scolaire, c'est passé de 200 000 $ à 100 000 $. Et à la
commission scolaire que j'ai consultée, Anjou, dans l'est,
c'était passé de 400 000 $ à 40 000 $ en deux ans.
Mme Drouin: M. Paradis, vous pouvez peut-être
compléter.
M. Paradis (Fernand): Je voudrais revenir, madame, sur un point
que vous avez abordé tout à l'heure, soit la question de la
concertation et en même temps d'une certaine rivalité entre les
différents groupes qui donnent des services. je voudrais d'abord
signaler qu'il y a une concertation qui n'est pas tellement apparente: les
cartes d'options. les milieux et les commissions scolaires font des tentatives
pour s'entendre sur la distribution des options, il faut dire que dans bon
nombre de milieux cela se fait en harmonie. c'en est déjà une
concertation qui n'est pas évidente, qui n'est pas spectaculaire.
ça se fait.
Mme Harel: Entre commissions scolaires.
M. Paradis (Fernand): Entre commissions scolaires.
Mme Harel: Et avec le cégep?
M. Paradis (Fernand): Ça amène cependant comme
conséquence - et je reviens aux propos de M. le ministre tout à
l'heure - que, parfois, lorsqu'un citoyen veut obtenir du perfectionnement,
comme on s'est réparti la carte des options, du même coup,
ça amène le citoyen à se déplacer. Alors, ce qu'on
gagne sur un terrain, on le perd de l'autre.
La deuxième réflexion, c'est la concertation avec les
autres. Les commissions scolaires tentent de se concerter avec les
cégeps, mais il s'agit de deux instances tout à fait
différentes. Personnellement, je pense que c'est à une
autorité supérieure qu'il appartiendrait d'examiner les
dualités de programmes et des choses comme ça. Nous, on veut bien
tenter de le faire, mais on constitue un réseau complet en soi où
on tente de se concerter. Il y a des concertations qui nous échappent et
il faut reconnaître que, de ce côté-là, il y a des
progrès à faire. Par ailleurs, s'il y a une certaine
rivalité entre les groupes, bien, ça ne m'apparaît pas
mauvais en soi, à la condition que ça ne prenne pas des allures
de démolissage. Ça, je le souligne au passage.
M. Dolbec: Pour compléter, on reconnaît qu'il y a
certains arrimages de missions qui sont mal faits et ça relève du
gouvernement de le faire. C'est une des raisons pour lesquelles on a
recommandé au gouvernement de rattacher la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre à
l'Assemblée nationale, parce que, à notre humble avis, dans les
10 dernières années, différents ministres à
l'Éducation, à l'Enseignement supérieur, n'ont pas
réussi à harmoniser les missions interordres. C'est ce qui
crée une déperdition d'énergie actuellement dans plusieurs
régions. Par ailleurs, on reconnaît...
M. Bourbeau: M. Dolbec, est-ce que je vous surprendrais si je
vous disais que je n'ai pas l'intention de retenir cette
suggestion-là?
M. Dolbec: Je n'ai pas compris.
M. Bourbeau: Est-ce que je vous surprendrais si je vous disais
que je n'ai pas l'intention de retenir cette suggestion-là?
M. Dolbec: Non, non.
Mme Drouin: Ce n'est pas une surprise, c'est une
déception.
M. Dolbec: Ce qu'on peut vous dire en complément, c'est
que dans le milieu il existe de plus en plus des exemples de concertation entre
des cégeps et des commissions scolaires. On pourrait en donner
quelques-uns, comme des attestations de compétence émises
conjointement, des programmes offerts par des commissions scolaires
dispensés dans des locaux de cégeps. Ça existe en
formation de main-d'oeuvre. Vous allez voir de plus en plus se multiplier ces
exemples-là, mais on ne croit pas actuellement que ce que les
établissements peuvent faire peut compenser pour le manque
d'harmonisation au niveau des missions.
Mme Harel: Est-ce que l'effet pervers de tout ça n'est pas
que, sur le terrain, on s'en va de plus en plus en matière de formation
professionnelle vers des attestations les plus courtes possible, vers des
formations les plus restreintes possible? Est-ce qu'on ne va pas passer
à côté de la nécessité de former une
main-d'oeuvre qui aura peut-être à changer cinq fois d'employeur
et de travail dans le courant de sa vie active?
Mme Drouin: Quand on parle de formation de la main-d'oeuvre, pour
nous, c'est beaucoup plus global que ce qui nous apparaît ici. Quand on
voit que pour plusieurs entreprises finalement ce dont elles ont besoin, ce
n'est pas d'un fonctionnement de robot ou comment dévisser un
écrou. Les gens souvent, pour une bonne part... On a 28 %
d'analphabètes, on a des gens qui ne savent pas communiquer, qui ont de
la difficulté à compter. Alors, je pense que, quand on parle de
formation d'une main-d'oeuvre, c'est toute cette formation globale là et
il ne faudrait pas penser simplement à une formation pointue,
technologique. On ne pourra pas réaliser une formation technologique si
les gens n'ont pas de formation de base; on devra changer de personnel. On a un
bon exemple, je pense, avec la Weston. M. Dolbec peut vous en faire part.
Mme Harel: Peut-être juste avant, Mme Drouin, parce que je
pense que le président va m'interrompre à un moment
donné... Vous avez dit quelque chose de très important
tantôt. On parle beaucoup d'une culture de formation dans l'entreprise.
Vous avez dit: une culture du travail et de l'entreprise dans l'école,
finalement.
Mme Drouin: Oui.
Mme Harel: Ça, c'est vraiment presque
révolutionnaire. Je ne sais pas si vous avez des idées
là-dessus, mais j'ai l'impression que c'est quelque chose
d'extraordinaire. En tout cas, peut-être après l'exemple de
Weston, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Drouin: D'accord.
M. Dolbec: En fait, on est tous un peu conscients du virage
technologique pris par la compagnie Weston, bien connue dans la région
de la Montérégie.
Mme Harel: On se l'est fait raconter ce matin par la CSD.
Mme Drouin: Ah bon. Vous la connaissez? C'est la même.
Mme Harel: C'est ça, on la connaît. Ha, ha, ha!
M. Dolbec: ce qu'on vous rappelle dans l'expérience de
weston, c'est qu'on a eu besoin de prendre des personnes qui avaient perdu
conscience qu'elles étaient même des analphabètes et de
leur fournir les habiletés fondamentales pour les rendre capables
d'apprendre et de s'adapter. il ne faut pas compter sur des miracles à
chaque semaine. ce qui a été un succès chez weston...
regardé à courte vue comme un strict perfectionnement d'ordre
technologique, c'aurait pu devenir un vaste échec.
Mme Harel: Mais d'une certaine façon ça vaut, ces
expériences-là, comme on dit pour les femmes: Les femmes ne vont
pas compter tant qu'on va les compter. Alors, c'est un peu la même chose.
Tant qu'on va pouvoir se conter ces expériences-là, en fait, on
ne sera pas dans une dynamique, mais c'est quand même intéressant
comme modèle, en tout cas, pour voir que ça a eu lieu et que
ça pourrait avoir lieu.
M. Bourbeau: Ce n'est pas le premier cas. La même chose est
arrivée à Bromont, il y a quatre ou cinq ans, où on a fait
exactement la même chose. Je dirais que le saut était encore plus
haut, parce qu'on a fait de gens qui fabriquaient des dactylos, qui
assemblaient des dactylos, des gens qui travaillent aujourd'hui à
fabriquer des puces, des micropuces... (18 h 15)
Mme Harel: Processeurs.
M. Bourbeau: ...pour vendre à travers le monde. C'est une
technologie très élevée. Alors, la marche est encore plus
haute. On n'a pas congédié un seul employé, à
Bromont, pas un seul.
Mme Harel: Alors, donc, la culture du travail, dans
l'école...
Mme Drouin: Bon. Finalement, ce qu'on veut dire, c'est que, bien
sûr, c'est important qu'on puisse développer une culture de la
formation continue dans les milieux de travail, mais quand on dit
développer aussi une culture du travail et de l'entreprise au milieu
scolaire, je pense que ça doit aller dans les deux sens. Le jour
où les entreprises trouveront important d'avoir une formation continue
de leurs employés... Il faut qu'au niveau scolaire, nous aussi, on... En
tout cas, on souhaiterait avoir tous les moyens possibles pour demeurer
toujours en contact avec les entreprises.
Il y a des exercices qui se font au niveau des stages en entreprises
pour les jeunes qui sont en formation professionnelle. On souhaiterait qu'il y
ait une formation, un recyclage ou un perfectionnement de nos formateurs,
aussi, en formation professionnelle, qu'ils puissent aller, à
l'occasion, dans les entreprises. C'est un petit peu tout ça qu'on veut
dire... Si on veut vraiment un développement de la main-d'oeuvre, il
faudra que de part et d'autre on puisse développer cette culture de
pouvoir se maintenir toujours à la fine pointe. Bien sûr que c'est
toujours les moyens financiers qui sont un arrêt à tous ces
élans-là, mais au moins, les intentions sont là et on
entend bien continuer dans ce sens-là.
Mme Harel: C'est dans ce sens-là que vous souhaiteriez
participer à la Société québécoise.
Mme Drouin: Bien sûr. Aussi.
Mme Harel: je ne sais pas si vous vouliez faire un commentaire,
sinon, je continuerais avec vous sur la question de la formation des
formateurs.
Mme Drouin: Oui.
Mme Harel: C'est un reproche qui est fait fréquemment, le
fait que les enseignants en formation professionnelle ne sont pas à
date, enseignent encore comme ça se passait il y a peut-être 15
ans. Il y a 15 ans, c'est comme si c'était dans le temps de l'Arche de
Noé, maintenant, avec tous les changements technologiques, les
bouleversements qu'on a connus. Lors des négociations, est-ce que vous
envisagez d'introduire dans les conventions collectives des façons
différentes pour pouvoir valoriser ce recyclage permanent?
Mme Drouin: écoutez, c'est une préoccupation, je
pense, qu'on a, parce que... Bon. Nos enseignants ne sont peut-être pas
si loin que ça non plus. On a quand même encore de très
bons formateurs parce que quand on acquiert de nouveaux équipements,
bien sûr qu'ils reçoivent aussi la formation en même temps.
Il reste qu'actuellement les budgets de formation des enseignants, ça,
c'est global et on ne fait pas de distinction entre un enseignant en formation
professionnelle et un enseignant régulier. Alors, on doit conjuguer avec
tous ces budgets-là. Bien sûr que si on avait un supplément
pour nos enseignants en formation professionnelle...
Les commissions scolaires tentent de plus en plus d'essayer de diriger
le perfectionnement des enseignants, particulièrement les enseignants en
formation professionnelle parce qu'on est conscients qu'il y a du rattrapage
à faire. Mais, comme je vous dis, c'est un budget global de formation
des enseignants. Il y a d'autres besoins ailleurs également et on doit
partager. Mais c'est une préoccupation qu'on a.
Mme Harel: Une petite dernière parce que...
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Une dernière, rapidement, parce que le temps est presque
écoulé. Une minute pour la question, une minute pour la
réponse.
Mme Harel: Dans votre mémoire, vous nous parlez de cette
réforme de la formation professionnelle intervenue en 1987 et vous avez
l'air d'en être satisfaits. Dans la présentation du
mémoire, la Fédération a l'air d'en être contente.
Moi, j'avais des chiffres ici, entre 1985-1986 et 1990-1991, de baisses
absolument vertigineuses de jeunes dans l'enseignement professionnel. Au total
- ça comprend les commissions scolaires, les établissements hors
réseau et les établissements privés - c'est passé
de 50 000 à 14 000.
Le ministre de l'Éducation aurait annoncé, semble-t-il,
dernièrement, qu'il entendait revoir les préalables
académiques qui donnent accès à la formation
professionnelle. Il se satisferait des préalables fonctionnels. Je pense
que ça vaut autant pour les jeunes que pour les adultes. Je ne sais pas
si... Pour les adultes, en fait, pour les adultes seulement. Est-ce que cette
réforme de 1987 vous satisfait? Est-ce qu'il n'y a pas une
réflexion à faire? Est-ce que vous la poursuivez sur la question
des écoles de métiers qui pourraient être rattachées
aux commissions scolaires?
Mme Drouin: Écoutez, au sujet de la réforme de la
formation professionnelle, on ne s'est pas prononcés comme tel. Ce qu'on
a demandé au ministre, c'est de surseoir actuellement à
l'idée de vouloir modifier les critères parce que, pour nous,
ça ne fait que commencer à s'appliquer, finalement, et on veut
voir tout l'ensemble du problème avant de dire si c'est bon ou si ce
n'est pas bon. Il y a cette partie-là, au départ. Écoutez,
en éducation, on y va toujours de longue main. Ce n'est pas des choses
à court terme. Avant de mettre une réforme en place et de juger
six mois après ou un an après - il y a des jeunes qui sont
à peine sortis de cette nouvelle formule des certificats et des
diplômes - on a demandé au ministre de surseoir au
niveau des régimes pédagogiques de ce
côté-là.
Vous aviez une deuxième question concernant les écoles de
métiers. Écoutez, les écoles de métiers, tant
qu'elles seront complémentaires à ce qui se donne dans le
réseau - je pense que ça existe d'ailleurs actuellement, il y en
a quelques exemples - on n'est pas contre.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Alors, le temps est épuisé. Avec consentement, on peut
continuer jusqu'à très tard ce soir si vous voulez, mais je
requiers le consentement.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aurais consentement pour
poser une dernière question.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières): il
vous reste d'ailleurs... le temps de l'opposition est épuisé,
mais il vous reste quelques minutes, m. le ministre.
M. Bourbeau: Bon, très bien, ce ne sera pas long. Il a
été question tout à l'heure de la carte des enseignements
et j'en ai traité un petit peu en citant certains problèmes. Vous
avez parlé de ça en disant qu'il y avait des consultations qui se
faisaient entre certaines commissions scolaires sur la répartition des
cours. Moi, je croyais que c'était le ministère de
l'Éducation qui établissait la carte des enseignements. Est-ce
que c'est le ministère de l'Éducation qui l'établit ou si
c'est les commissions scolaires qui négocient ça entre elles?
Mme Drouin: Le ministère donne le temps aux commissions
scolaires dans une région donnée de s'entendre et c'est lui qui
tranche finalement. Si les commissions scolaires dans un milieu donné
s'entendent, ça va; si elles ne s'entendent pas, c'est lui qui va
trancher.
M. Bourbeau: Donc, il y a un processus de consultation des
commissions scolaires, et après ça, si...
Mme Drouin: C'est ça.
M. Bourbeau: ...on ne s'entend pas, le ministère tranche.
Ah, bon.
Mme Drouin: À l'intérieur de balises. Bien
sûr qu'on ne peut pas... Je veux dire que les commissions scolaires
pourraient s'entendre facilement si on n'avait pas de balises, mais il y a
quand même des balises très précises et souvent c'est ce
qui crée les difficultés. Les commissions scolaires, en tout cas,
entre elles, à travers ces balises-là, souvent c'est difficile.
Dans certains milieux, on est arrivé à des ententes, mais c'est
plutôt rare, à coups de beaucoup de concessions.
M. Bourbeau: M. le Président, il me reste à
remercier la Fédération des commissions scolaires pour leur
contribution. Ce sont des partenaires majeurs du gouvernement dans le domaine
de la main-d'oeuvre. On a tenté, au cours des dernières semaines,
des derniers mois, dans certains milieux, de dresser le milieu de
l'éducation contre celui de la main-d'oeuvre en faisant allusion
à des luttes possibles et potentielles qui existent ou qui existeraient
quelque part. Moi, je peux vous assurer, et d'ailleurs je pense qu'on peut le
déduire des propos que j'ai tenus aujourd'hui, que, dans notre esprit
à nous, les milieux de l'éducation sont des partenaires majeurs
du secteur de la main-d'oeuvre.
Nous avons prévu, dans le projet de loi, une place
spécifique aux gens de l'éducation dans la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. J'avais
déjà, il y a quelques mois, fait des ouvertures importantes, je
pense, pour faire en sorte de faire admettre les gens de l'éducation aux
conseils d'administration des CFP. J'espère que la réciproque
sera possible en ce sens que le milieu des entreprises pourra aussi avoir
accès à ce qui se passe dans les milieux de l'éducation,
que ce soit dans la question des régimes pédagogiques ou des
programmes.
Je ne pense pas qu'on puisse élaborer des programmes en vase clos
en ne se préoccupant pas des besoins réels du marché du
travail, et ce n'est que dans la mesure où le milieu du travail et le
milieu de l'éducation pourront travailler en parfaite harmonie qu'on en
arrivera à solutionner les problèmes qu'on observe sur le
marché du travail. Moi, je le souhaite ardemment et je peux vous assurer
que je vais continuer à travailler dans ce sens-là.
Mme Drouin: M. le ministre, je vous remercie de nous avoir
reçus et je vous répète notre disponibilité
à toute consultation que vous voudrez bien faire avant d'arrêter
définitivement votre plan et votre loi.
M. Bourbeau: Très bien.
Le Président (M. Philibert, Trois-Rivières):
Alors, j'ajourne. La commission ajourne ses travaux au mardi 25
février 1992, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 24)