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(Quatorze heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate que nous avons quorum et je rappelle que le mandat de cette
commission est le suivant. Il s'agit pour la commission de procéder
à une consultation générale et de tenir des auditions
publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires
pour un Québec compétent et compétitif» et sur le
projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. M. le Secrétaire, est-ce que
vous avez des remplacements à nous annoncer?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly
(Fabre) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert), et M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témis-camingue), par Mme Harel
(Hochelaga-Maison-neuve).
Le Président (M. Doyon): Qu'il en soit ainsi. Alors, je
souhaite la bienvenue aux collègues parlementaires, M. le ministre. Je
me considère dispensé de la lecture de l'ordre du jour compte
tenu qu'il est affiché en avant. Je vous indique que le temps sera
réparti de la façon suivante. Il y aura une heure par organisme:
30 minutes appartiendront à l'organisme, ses représentants qui
feront la représentation, la lecture de leur mémoire ou un
résumé, comme ils voudront bien, et après ça, la
conversation s'engagera avec les membres de la commission pour une autre
période de 30 minutes divisée également entre les deux
formations politiques.
Institut canadien d'éducation des
adultes
Alors, le premier organisme que nous avons invité est l'Institut
canadien d'éducation des adultes. Je les invite donc à bien
vouloir prendre place à la table de nos invités. Alors, leur
souhaitant la plus cordiale des bienvenues au nom de tous les membres de la
commission, je les invite tout d'abord à bien vouloir faire les
présentations pour les fins du Journal des débats et
ensuite à nous entretenir de leurs propos, selon les règles que
j'ai indiquées précédemment. Je pense que Mme Blais est
ici. Alors, je l'invite. Bonjour, Mme Blais.
Mme Blais (Madeleine): Bonjour.
Le Président (M. Doyon): Je vous invite à
présenter les gens qui vous accompagnent.
Mme Blais: M. le Président, mesdames et messieurs de la
commission parlementaire, je vais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. Ici, à ma droite, M. Pierre Paquet, membre du conseil
d'administration et de l'exécutif; à ma gauche, Mme Diane
Laberge, directrice générale de l'organisme; et à mon
extrême droite, Mme Marie Leclerc qui est chargée de
l'information. Nous procéderons à la lecture d'un
résumé de notre mémoire. l'institut canadien
d'éducation des adultes, que j'appellerai maintenant icea, que nous
représentons est un important carrefour de réseaux publics
syndicaux et communautaires impliqués en éducation des adultes.
il est, à ce titre, directement intéressé par la formation
de la main-d'oeuvre, sujet qui est au centre de l'énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre. c'est donc à
partir de notre expertise en éducation des adultes et c'est sur ce qui a
été oublié, nous semble-t-il, que nous réagissons
à cette politique.
M. le Président, nous croyons que pour atteindre les objectifs de
compétence, de compétitivité et de
prospérité que le ministre Bourbeau recherche, il faut modifier
l'approche même de la politique. Nous insisterons en particulier sur
trois points: un premier point, sur la nécessité de modifier la
visée de la politique, c'est-à-dire qu'il faut non seulement
viser la compétence et la compétitivité, mais aussi
l'équité; un deuxième point, sur l'importance de rendre
accessible la formation à l'ensemble de la main-d'oeuvre, quel que soit
son statut en regard de l'emploi; enfin, un troisième point, sur la
nécessité d'élargir le partenariat. J'élabore
chacun de ces points.
D'abord, viser l'équité. Il est certes essentiel que la
formation de la main-d'oeuvre soit au coeur des orientations gouvernementales
qui visent le développement des secteurs industriels à forte
valeur ajoutée. C'est un virage que la société
québécoise se doit de prendre. Mais, à notre avis, le
Québec ne peut se permettre de ne viser qu'à être
compétent et compétitif. Il doit aussi viser
l'équité.
À l'ICEA, nous croyons qu'en insistant d'abord sur l'ajustement
de l'offre et de la demande en main-d'oeuvre, comme le fait
l'énoncé, cela relègue au second plan le défi
d'intégration au marché du travail de toutes les personnes qui en
sont exclues. Relever un tel défi est l'enjeu majeur du
développement économique et social et une politique de
développement de la main-d'oeuvre doit absolument y contribuer.
En fait, pour que le Québec soit compétent
et compétitif, il faut qu'il utilise la force de toutes ses
ressources humaines. Il doit d'abord travailler à combler l'écart
entre les personnes qui ont un emploi durable et convenable et celles qui n'y
ont pas accès, à combler l'écart entre les personnes qui
ont accès à une formation utile et qualifiante et celles qui en
sont exclues. Il doit miser sur l'accessibilité de la formation pour
toutes celles et tous ceux qui le désirent. Il faut bien sûr
s'appuyer sur les secteurs économiques capables d'être des moteurs
de la croissance du Québec. Mais, une société saine exige
aussi l'équité, car à quoi bon tenter de relever les
compétences si on ne travaille pas, en même temps, à
créer des emplois pour les personnes que l'on forme. Une politique de
développement de la main-d'oeuvre doit donc s'inscrire dans un objectif
de plein emploi. Une politique de développement de la main-d'oeuvre ne
peut se permettre d'exclure ou de marginaliser les sans-emploi, de marginaliser
celles et ceux qui occupent une position précaire et vulnérable
sur le marché du travail.
Viser l'équité implique qu'il faut miser sur
l'accessibilité. L'énoncé de politique, tel qu'il est
présenté, n'est pas suffisant pour assurer l'accès de tous
et toutes aux compétences. Premièrement, il ne s'ajuste pas aux
conditions réelles de la structure de l'emploi. Deuxièmement, il
ne répond pas aux besoins de la main-d'oeuvre, car il privilégie
les besoins en main-d'oeuvre.
J'explique. Le texte de l'énoncé analyse la transformation
de plus en plus grande de la structure de l'emploi. Il nous apprend que la
portion de la main-d'oeuvre dont l'emploi est précaire,
c'est-à-dire à temps partiel ou temporaire, augmente sans cesse,
de même que celle qui est exclue du marché du travail. Plus
encore, les frontières entre le travail et le chômage sont
fragiles et élastiques. Même les frontières avec l'aide
sociale sont de plus en plus poreuses. En période de difficultés
économiques, des personnes se retrouvent toujours plus nombreuses
à rejoindre les rangs des assistés sociaux et à être
précipitées dans la pauvreté. Il faut tenir compte de
cette réalité. Il faut s'assurer que les mesures destinées
à la main-d'oeuvre actuellement en emploi soient adéquates et que
même les personnes qui occupent des emplois temporaires ou
précaires fassent l'objet de programmes de relèvement des
compétences, ce qui n'est pas évident dans
l'énoncé. Il faut aussi s'assurer que ceux qui ont le plus de
besoin de formation la reçoivent effectivement.
Une étude de l'ICEA rappelait que les gens les moins
scolarisés sont ceux qui ont le moins accès à la
formation. Les probabilités sont plus grandes qu'ils se trouvent dans
des milieux qui ne la valorisent pas ou dans des conditions qui y font
obstacle. Le Québec ne peut se permettre de consolider, via la formation
de la main-d'oeuvre, la tendance maintes fois observée d'un
Québec à deux vitesses avec l'approfondissement croissant des
écarts sociaux et l'exclusion de larges portions de la population.
L'énoncé de politique, tel que présenté, ne
nous convainc pas qu'il agira sur cette réalité. Pour ne pas
consolider l'exclusion d'une partie de la main-d'oeuvre, il faut que les
programmes d'employabilité soient intégrés au mandat de la
Société de développement de la main-d'oeuvre et ce, afin
de faciliter l'accès à la formation et au marché de
l'emploi. Il faut aussi que le Québec intègre les
différents programmes et services qui s'adressent à la formation
de la main-d'oeuvre en un seul réseau accessible tant aux personnes en
emploi qu'aux personnes en chômage et aux prestataires de la
sécurité du revenu qui le désirent.
Mais s'ajuster à la structure de l'emploi ne suffit pas, il faut
aussi s'ajuster aux besoins de la main-d'oeuvre. Les emplois que l'on occupe la
vie durant sont de plus en plus rares, pour tous, d'ailleurs. H est donc
essentiel que les travailleuses et les travailleurs aient une bonne formation
de base qui leur permette de s'ajuster aux changements. À long terme,
les employeurs ont également intérêt non seulement à
ce que leurs employés soient polyvalents et capables d'apprendre, mais
aussi à ce que l'ensemble de la main-d'oeuvre disponible possède
ces caractéristiques. Il faut que le développement de la
main-d'oeuvre se fasse à partir d'une vision à long terme et non
seulement à partir des intérêts à court terme de
chaque entreprise. Cette vision doit dessiner clairement les moyens d'obtenir
une formation de base en restant en emploi, tout autant qu'une formation plus
spécifique permettant de réintégrer le marché du
travail. Les ponts entre les différents types de formation, entre les
différents lieux susceptibles de la dispenser doivent être faciles
à franchir.
Il faut l'accessibilité à une formation de base tout en
restant en emploi et, aussi, une formation continue. Pourquoi? La presse
écrite nous fournit plusieurs exemples de l'urgence d'un système
de formation continue. Par exemple, avec la crise qui atteint les secteurs
manufacturiers à forte composante de main-d'oeuvre, de nombreux
travailleurs et travailleuses peu scolarisés sont menacés de
déqualification. Si les besoins en formation de base, tels que
l'alphabétisation, ne sont pas comblés, les travailleuses, les
travailleurs tout comme les entreprises deviendront très
vulnérables face au changement structurel. D'ailleurs, les derniers
chiffres publiés par le MMSRFP - la presse a rapporté les
données le 15 janvier dernier - laissent croire que certains d'entre eux
ont déjà rejoint les rangs des assistés sociaux aptes
à l'emploi. Ces personnes ont pourtant des compétences acquises
par une longue expérience de travail, mais elles se retrouvent
acculées brusquement à se réorienter ou à grossir
le contingent des exclus. Elles subissent une déqualification qui
évacue des compétences qu'elles possèdent pourtant. (14 h
30)
L'assouplissement proposé quant aux critères
d'admissibilité aux divers programmes de formation nous paraît
insuffisant. Les travailleuses, les travailleurs et les personnes sans emploi
ont besoin d'un système capable de reconnaître les savoirs acquis
au fil de leur expérience. Compte tenu des fluctuations du marché
du travail et de la mobilité demandée aux travailleurs, un
mécanisme efficace de reconnaissance des acquis et des
compétences s'impose. Les travailleuses et les travailleurs doivent
aussi pouvoir utiliser et voir reconnaître la formation obtenue
lorsqu'ils se proposent de changer de poste, d'emploi ou de
réintégrer le marché du travail. Et pour cela, la
formation qu'ils ont reçue doit être qualifiante et
transférable. Le droit d'améliorer ses compétences,
même au niveau des connaissances de base, sans avoir à quitter son
emploi, doit être reconnu. Des mesures plus contraignantes à
l'égard des entreprises doivent être mises de l'avant pour
concrétiser ce droit à la formation.
Ce qui est proposé dans l'énoncé n'a rien d'un
incitatif. Qui d'entre nous, dans un contexte de rareté d'emploi,
prendrait le risque de perdre son emploi pour une année de
scolarité? On ne devrait pas non plus être contraint de viser le
diplôme de secondaire IV ou V pour bénéficier d'une
formation rapide permettant d'accéder au marché de l'emploi. En
somme, la continuité entre l'école et l'entreprise doit aller
au-delà des mots. Pour cela, il faut insister davantage sur les
passerelles à aménager à l'école entre les niveaux
de formation professionnelle, secondaire et collégiale, entre
l'école et l'entreprise, c'est-à-dire entre la formation
générale, la formation professionnelle de base et la formation en
entreprise. Dans le but d'établir une cohérence entre les lieux
et les modes de formation, il faut reconnaître leur pluralité
comme leur diversité. Cependant, l'ICEA réaffirme que les
réseaux publics d'éducation doivent être
considérés comme des partenaires incontournables dans tout projet
de développement des compétences, et non d'abord et uniquement
comme des dispensateurs ou des fournisseurs de services.
Dans un autre ordre d'idées, mais toujours lié à la
nécessité de s'ajuster aux besoins de la main-d'oeuvre,
j'aimerais vous parler des SRAR. L'ICEA s'inquiète de
l'intégration aux commissions de formation professionnelle des services
régionalisés d'accueil et de référence, que l'on
appelle les SRAR, aux structures régionales de la Société
de développement de la main-d'oeuvre. La mise en place de guichets
uniques et généraux d'accueil et de référence avait
constitué au milieu des années quatre-vingt un pas dans la bonne
direction pour les adultes qui faisaient face à un lot de cours et de
programmes. Rappelons que, jouissant d'un statut indépendant et
aucunement rattaché aux réseaux institutionnels, les SRAR
étaient chargés d'aider les adultes à définir
l'ensemble de leurs besoins de forma- tion, à y trouver réponse.
l'icea déplore le fait que ces services unifiés soient en voie
d'être transformés en guichets spécialisés en
mafn-d'oeuvre. c'est là une perte importante. nous considérons
que les srar ne doivent, en aucun cas, voir leur rôle réduit
à la promotion de services strictement liés aux besoins du
marché du travail.
Toujours pour mieux s'ajuster aux besoins de la main-d'oeuvre, il faudra
réformer les pratiques de formation. Le relèvement des
compétences est un défi important. Pour y arriver, il faut que
les pratiques de formation, quel qu'en soit le lieu, et les conditions
d'apprentissage répondent aux besoins. On a des indications que tel
n'est pas toujours le cas puisqu'un décrochage important existe,
notamment, au niveau de l'alphabétisation et des programmes de
rattrapage scolaire.
Si le décrochage scolaire est terrible pour les jeunes, il l'est
encore davantage pour les adultes pour qui cela représente souvent un
second échec. Le décrochage représente des coûts
humains et financiers que l'on se doit d'éviter. Il faut identifier les
raisons qui mènent au décrochage chez les adultes et
procéder à une évaluation des différents
programmes, des pratiques et des conditions d'apprentissage, sinon on risque de
perpétuer l'exclusion de personnes qui ont vécu des
expériences difficiles dans le système d'éducation.
Il existe, à ce titre, des expertises que ne reconnaît pas
l'énoncé de politique. Tout d'abord, il y a celle des formateurs
et formatrices des réseaux publics d'éducation qui se mesurent
chaque jour avec la réalité. Il y a là des acquis, des
compétences, une connaissance des besoins et des milieux qui ne sont pas
suffisamment mis à profit. Nous croyons que les formateurs et
formatrices devraient être sollicités, notamment pour
l'appréciation des facteurs de décrochage des adultes et la
recherche de solutions.
Il faudra aussi s'appuyer sur l'expertise de plusieurs groupes
communautaires en alphabétisation, en intégration en emploi, en
développement économique local qui travaillent quotidiennement
avec des gens exclus du marché du travail, des sous-scolarisés et
sous-qualifiés. Ces groupes vivent avec les effets du décrochage
et tentent de raccrocher ceux et celles qui le désirent. Ces groupes
connaissent les mécanismes qui mènent à l'exclusion et ont
mis au point des pratiques adaptées qui devraient être reconnues
et qui pourraient aider à améliorer les conditions dans
lesquelles se fait actuellement la formation. Peu d'intervenants en ont une
connaissance aussi concrète. Donc, comme les formatrices et formateurs
des milieux de l'éducation, les groupes communautaires devraient
être considérés comme des partenaires essentiels dans le
développement de la main-d'oeuvre.
Quelques mots maintenant sur l'élargissement du partenariat. Le
développement de la
main-d'oeuvre et le relèvement des compétences doivent
être un effort collectif. Tous ceux qui mettent l'épaule à
la roue devraient être considérés comme des partenaires.
C'est à cette condition que le Québec aura le plus de chances de
réaliser son développement économique et social. Mais le
projet de création d'une Société de développement
de la main-d'oeuvre ne convie pas tous les partenaires sociaux.
Afin d'éviter que ne se développe en formation de la
main-d'oeuvre une démarche à deux vitesses qui confinerait les
plus démunis dans les programmes marginaux non intégrés
à un plan d'ensemble plus cohérent, il faut que des
représentants du secteur communautaire soient intégrés au
conseil d'administration de la Société et à ceux des
sociétés régionales. Ces représentants pourront
être issus de groupes travaillant au développement de la
main-d'oeuvre et à l'intégration à l'emploi et de groupes
travaillant avec des populations ayant des besoins spécifiques.
L'ICEA, comme plusieurs autres groupes avec qui il s'est associé
par l'entremise d'un communiqué de presse diffusé la semaine
dernière, demande que soit ajoutée au Conseil d'administration de
la Société une autre catégorie de membres
représentant le secteur communautaire. Cette catégorie serait
équivalente à la représentation patronale, syndicale ou
gouvernementale. L'ICEA demande aussi qu'étant donné la
diversité du secteur communautaire un processus de concertation soit mis
en place. L'élaboration d'une démarche visant à regrouper
les principaux intervenants en ce secteur, dans le but de proposer au
gouvernement une liste de candidatures représentatives, pourrait
être confiée à un organisme carrefour tel que l'ICEA.
Avant de conclure, il nous semble important de souligner certains
problèmes qui s'opposent à la lecture de la structure de pouvoirs
de la Société. Une confusion entre les pouvoirs du conseil
d'administration, ceux du ministre et ceux du gouvernement apparaît
d'emblée. Serait-ce un indice de la difficulté de partager
certains pouvoirs avec le partenariat? Les diverses façons du
gouvernement et du ministre d'intervenir dans la gestion même de la
société ne mettront-elles pas le conseil d'administration dans
une position difficile? Afin d'éviter que des conflits inutiles viennent
miner l'efficacité de la future société, il nous semble
impératif de clarifier les responsabilités de chacun pour
permettre que le partenariat s'exerce pleinement.
En conclusion, «Pour un Québec compétent et
compétitif» est un premier pas en formation de la main-d'oeuvre,
mais ce n'est qu'un premier pas. Nous pensons qu'il faut mettre la
priorité, comme collectivité, sur le développement de
l'emploi et l'accessibilité de la formation. Il faut que l'effort
collectif que représente le développement de la main-d'oeuvre
mobilise tous les partenaires, tant les formateurs et formatrices, la
main-d'oeuvre elle-même, qu'elle soit ou non en emploi, l'ensemble des
entrepreneurs et des instances gouvernementales.
Le développement de la main-d'oeuvre se situe au carrefour, entre
le développement de l'emploi et les politiques éducatives. Le
relèvement des compétences implique la cohérence de toutes
les interventions. C'est pourquoi l'ICEA souhaite que soit
élaborée une politique globale en éducation des adultes
qui encadre les mandats des ministères à vocation
éducative et de ceux qui sont davantage centrés sur la
main-d'oeuvre ou le marché du travail. Dix ans après la
commission Jean sur la formation des adultes, n'est-il pas temps
d'évaluer nos acquis en ce domaine et de nous assurer d'un meilleur
arrimage des stratégies non seulement des partenaires du marché
de l'emploi, comme le veut l'énoncé de politique actuel, mais des
partenaires dans la formation, selon des orientations communes?
C'est pourquoi l'ICEA, tout en saluant l'effort de cohérence
visé dans l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre, propose que le gouvernement du
Québec se donne une véritable politique d'ensemble de
l'éducation des adultes, politique qui oriente et donne une
cohérence à la conception et à la mise en oeuvre des
politiques des ministères impliqués en éducation des
adultes et en développement de la main-d'oeuvre. Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Blais. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
saluer les représentants de l'Institut canadien d'éducation des
adultes. Je vais poser une question ou deux et, si vous voulez, après on
pourra reconnaître mon collègue, le député de
Trois-Rivières...
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Bourbeau: ...qui a également quelques questions
à poser. Ma première question a trait à
l'assurance-chômage. Vous savez que de plus en plus, dans les pays
industrialisés, on tente de faire en sorte d'utiliser les fonds de
l'assurance-chômage pour promouvoir les mesures actives de main-d'oeuvre
que sont la formation, l'aide à l'emploi, etc. Vous semblez, dans votre
mémoire, vous objecter à ce qu'on utilise les fonds
d'assurance-chômage comme ça pour venir de façon
très positive activer le dossier de la main-d'oeuvre. Vous semblez
privilégier plutôt les mesures passives ou de soutien du revenu.
J'ai cru comprendre de votre mémoire que vous n'étiez pas
d'accord à ce qu'on utilise plus d'argent pour les mesures actives et
moins pour les mesures passives ou, en tout cas, qu'on se serve de ces
fonds-là comme levier pour induire la clientèle à faire
des efforts de formation.
Mme Blais: Je vais demander à M. Paquet de
répondre.
M. Bourbeau: Comment pouvez-vous justifier cette prise de
position qui semble s'inscrire à contre-courant par rapport aux
tendances disons mondiales présentement?
M. Paquet (Pierre): j'ai le plaisir de vous annoncer que nous ne
sommes pas à contre-courant. on pense que les mesures actives
proposées sont effectivement très positives. cependant, ce qu'on
disait dans le mémoire, c'est que l'argent de la caisse
d'assurance-chômage devrait servir au soutien du revenu et non pas
à financer des activités de formation ou de développement
des ressources humaines. que l'on utilise fa caisse d'assurance-chômage
pour permettre à plus de travailleurs d'entrer en formation et d'assurer
le support du revenu, nous croyons que c'est une mesure très positive et
nous pensons que c'est une approche très positive. c'est le fait
d'utiliser ces fonds-là, de les retirer du soutien du revenu pour les
utiliser à des fins d'activités de formation ou de
développement des ressources humaines qui nous questionne beaucoup. on
pense que les fonds d'assurance-chômage ne devraient servir qu'au soutien
du revenu et que d'autres fonds devraient être utilisés pour
financer les activités de formation ou de développement des
ressources humaines. on est d'accord avec l'approche des mesures
proactives.
M. Bourbeau: Bien. À la page 6 du mémoire, vous
affirmez que «la formation est une démarche qui ne saurait
être définie en fonction des seuls besoins du marché du
travail, si urgents soient-ils». Donc, vous vous inscrivez d'une
façon très forte en faveur d'une formation de base, formation
initiale très solide. Vous ajoutez également que la formation
fondamentale doit être réaffirmée en tant que
première compétence professionnelle. Comment pouvez-vous
concilier ces propos-là avec ceux que vous affirmez à la page 20
du mémoire quand vous dites: «On ne devrait pas non plus
être contraint de viser le diplôme de secondaire IV ou V pour
bénéficier d'une formation rapide permettant d'accéder au
marché de l'emploi». Il me semble y avoir une contradiction entre
ces deux postulats. (14 h 45)
M. Paquet: Bien...
M. Bourbeau: En fait, peut-être que je pourrais
préciser parce que...
Mme Laberge (Diane): Non, je pense que sur une des parties, ce
qu'il est important pour nous de dire c'est qu'on ne devrait pas définir
l'éducation des adultes uniquement par les besoins en main-d'oeuvre de
l'entreprise, mais aussi par les besoins de la main-d'oeuvre au sens large. Je
pense que c'était le sens du premier énoncé. Le second
était aussi un appel à mettre en place un réel
système d'évaluation des compétences dans le sens
où on sait bien que les niveaux demandés dans les emplois sont
toujours plus élevés, mais souvent il y a des compétences
acquises par les travailleurs en emploi dont on ne tient pas compte parce qu'on
n'a pas un système suffisant de reconnaissance des acquis et des
compétences, ce qui oblige un travailleur à aller refaire deux
ans de scolarité au secondaire avant d'avoir accès à une
formation professionnelle et autre. Je pense que dans le deuxième
énoncé, c'est dans le sens des mécanismes de
reconnaissance des compétences des gens, ne pas les obliger à
retourner sur les bancs de l'école quatre ans avant d'avoir accès
à une formation qui permette donc d'avoir un jour un autre emploi.
Je pense qu'on s'est placé du point de vue des adultes qui sont
souvent ballottés par la précarité des emplois, qui se
retrouvent précipités assez rapidement au bout du chômage
parce qu'on a coupé là le chômage pour faire de la
formation. S'ils ne sont pas dans les pénuries de main-d'oeuvre, ils se
retrouvent à l'extérieur des programmes et, au terme de leur
assurance-chômage, ils se retrouvent à l'aide sociale et vraiment
là, en rattrapage scolaire à l'école pour trois ans avant
d'avoir accès à un métier ou à une formation
professionnelle. C'est pour essayer de sortir de cette roue-là qui
présente, ma foi, plus de culs-de-sac pour les travailleurs qui auraient
à s'adapter qu'on a envisagé ces questionnements-là.
M. Bourbeau: Je suis content de vous l'entendre dire parce que,
effectivement, parfois, certains groupes sont portés à manquer de
nuances, et au nom du principe sacro-saint de la formation fondamentale, on
voudrait faire en sorte d'appliquer les mêmes règles très
exigeantes aux adultes, aux travailleurs en emploi, disons, que celles qu'on
applique aux jeunes dans le système de formation initiale. Ça a
conduit dans le passé, très souvent, à refuser de la
formation d'appoint à des travailleurs en emploi parce qu'ils n'avaient
pas les qualifications de base dont vous parlez: secondaire IV, secondaire V,
en français ou en mathématiques, etc. On a vu très
souvent, nous, au ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, nos clients, les travailleurs, se voir
refuser de la formation d'appoint parce qu'ils n'avaient pas un niveau de
formation de base suffisant.
Je serais porté à dire: Formation Initiale, que de crimes
on commet en ton nom! Mais, à l'occasion, c'était presque
criminel de condamner des travailleurs à ne pas recevoir une formation
d'appoint dont ils avaient absolument besoin pour garder leur emploi, parce
qu'on leur disait: Vous retournez faire deux années de français
au secondaire; on ne vous enseignera même pas parce que vous n'avez pas
la formation de base
suffisante. quand vous êtes père de famille avec deux,
trois enfants et que vous avez un emploi, parfois vous ne pouvez tout
simplement pas retourner sur les bancs d'école. c'est la nuance que je
voulais faire.
Mme Laberge: Soyez assuré que s'il y a un organisme qui
est pour des approches spécifiques pour les adultes, c'est bien
l'Institut canadien d'éducation des adultes.
M. Bourbeau: Très content de vous l'entendre dire.
Peut-être que mon collègue pourrait continuer, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Philibert: Merci, M. le Président. Vous
préconisez la représentation des groupes communautaires au sein
de la Société québécoise de développement de
la main-d'oeuvre et vous demandez à ce que ces groupes communautaires
jouissent d'une représentativité équivalente aux autres
groupes, soient le syndicat, le patronat et le gouvernement. Est-ce que vous
pourriez élaborer davantage sur ça? Pourquoi vous proposez
ça? Quel pourrait être le mode de désignation, dans un sens
plus large, des groupes au sein de la Société?
Mme Laberge: Je peux peut-être prendre le premier point sur
la représentation et pourquoi on en parle. Je pense que vous avez vu
dans... Le questionnement fondamental, c'est de dire qu'il y a beaucoup
d'exclus dans cet énoncé de politique-là. En tout cas, on
ne voudrait pas, nous, que cet énoncé puisse consacrer
l'exclusion de gens qui le sont déjà par rapport au marché
du travail et que le partenariat qui est proposé parle quand même
d'un partenariat qui représente, en grande partie, les travailleurs
syndiqués, qui ne sont quand même pas à des taux
extrêmement élevés au Québec par rapport au
modèle de partenariat qu'on peut avoir dans d'autres pays comme la
Suède, la France, ou l'Allemagne, où il y a quand même un
taux de syndicalisation plus bas. Il y a une précarisation importante
des emplois. Il y a des gens sans emploi, des gens non syndiqués aussi,
et tous ces gens-là doivent avoir des groupes, des lieux et des
personnes qui sont capables de représenter leurs intérêts
aussi et leur point de vue.
C'est vraiment dans le sens où on dit: Si tous ceux qui mettent
l'épaule à la roue doivent être partenaires, on pense que
la majorité des gens qui sont donc sans emploi, prestataires d'aide
sociale, en démarche d'intégration d'emploi dans des corporations
de développement économique, dans des groupes
d'intégration au travail ou dans des regroupements de
non-syndiqués, doivent aussi avoir voix au partenariat et contribuer de
leurs connaissances bien concrètes des problématiques
touchées par les clientèles, qui ne sont pas
nécessairement en emploi dans les entreprises syndiquées, et qui
ne trouveront pas nécessairement une représentation parmi ceux
qui siègent déjà. Donc, ça, c'est peut-être
la première partie du rationnel qui, à notre avis, impose qu'on
pense à ajuster tous les partenaires. Il y a des exemples de ça,
que ça peut se faire, dans d'autres endroits.
L'autre aspect sur fe mécanisme... On sait bien que les gens vont
dire: Dans le secteur communautaire, c'est difficile de définir qui peut
être le représentant de tout le monde. Donc, on propose qu'on
puisse mettre en place un mécanisme de concertation au sein des groupes
communautaires nationaux qui se préoccupent d'em-ployabilité,
d'intégration en emploi, de développement économique
local, de façon à gérer un processus de mise en
candidatures à l'intérieur du mouvement communautaire, que le
mouvement communautaire reconnaîtra comme étant des candidatures
représentatives en son nom. Donc, c'est...
M. Philibert: O.K. Merci. Les handicapés, les associations
de handicapés ont également demandé à avoir une
représentation au niveau de la Société. Est-ce que, sans
vous forcer la main par ma question, vous les identifieriez davantage aux
groupes communautaires?
Mme Laberge: Nous, on a mis deux catégories dans les
groupes communautaires: les catégories de groupes de services et de
développement économique et d'employabilité et les
catégories de groupes qui représentent des clientèles. On
peut dire que la proposition qu'on fart inclut déjà beaucoup de
gens. Nous, on souhaite qu'il y ait un siège réservé pour
le mouvement des femmes. Pour le reste des sièges, clientèle
qu'on considère un peu différente, on souhaite que ce soit
géré à l'intérieur du processus de l'ensemble des
groupes communautaires. Jusqu'à date, je pense que les groupes jeunesse,
certains groupes des communautés culturelles ont été
approchés à ce niveau-là. Je ne peux pas aller plus loin
dans ma réponse que ce qui est déjà convenu.
M. Philibert: Mais ça nous pose quand même des
questionnements dans la mesure également où les commissions
scolaires ont demandé de l'être nommément et d'occuper un
siège à la Société. Est-ce que, parce qu'ils disent
qu'ils sont les dispensateurs, ils pourraient également être
très efficients dans l'identification des créneaux de
développement? Est-ce que vous pensez qu'on devrait avoir la même
ouverture pour les commissions scolaires que pour les groupes que vous
privilégiez?
Mme Laberge: Nous, ce qu'on a reconnu, c'est que l'importance des
réseaux publics devait dépasser le simple dispensateur de
services.
Donc, les réseaux publics d'éducation devraient être
là, mais il y a déjà plusieurs blocs au niveau du conseil
d'administration. Il y a le bloc gouvernemental, les services d'État, le
réseau public d'éducation. Donc, en ce séns-là, on
croit qu'ils devraient avoir leur place dans cette section-là.
M. Philibert: mais ce sont quand même des employeurs
importants aussi. entre le bloc gouvernemental et le bloc patronal, vous les
identifiez davantage au bioc gouvernemental?
Mme Laberge: Nous, on parle du réseau public
d'éducation, et c'est pour leur mission publique qu'on en parle. Alors,
je me dis: Après, si eux autres souhaitent se définir d'une
autre... Je ne peux pas définir leur représentation pour eux.
M. Philibert: O.K. Dans un autre ordre d'idées, vous
proposez que la loi des normes du travail garantisse le retour en emploi des
salariés qui bénéficient d'une aide au perfectionnement.
Croyez-vous que cette garantie doive couvrir n'importe quel type de formation?
Seriez-vous favorable à ce que certaines priorités soient
établies, notamment, en fonction des besoins des entreprises?
Pourrait-il exister, donc, des motifs pour lesquels un employeur pourrait
être justifié de refuser un congé de formation à un
salarié?
M. Paquet: Je pense qu'on demande, dans le fond, que la loi des
normes du travail vienne garantir l'emploi, ce qui n'est pas le cas à
l'heure actuelle dans le projet. Le projet PROFIT de démarches
individuelles va assurer une forme de revenu, un soutien du revenu, la
possibilité pour des travailleurs de prendre de la formation, mais il
faut aussi pouvoir garantir le retour en emploi, ce qui n'est pas le cas,
actuellement, et ça semble une condition essentielle. Comme on le disait
dans la présentation, il n'y a pas grand travailleurs qui pourraient se
permettre, à l'heure actuelle, de prendre le risque de quitter leur
emploi pour aller chercher de la formation. Je pense qu'il serait illusoire de
croire que ce programme-là peut être largement utilisé s'il
n'y a pas, à la fois, soutien du revenu suffisant et garantie
d'emploi.
Pour ce qui est des types de formation, le sens de notre
présentation générale est qu'on doit tenir compte, bien
sûr, des besoins du marché du travail, de l'adaptation des
travailleurs. On sait qu'on est dans un contexte économique de
concurrence très forte, mais on sait aussi qu'on ne peut pas
prévoir les besoins en main-d'oeuvre pour les 10 ou 15 prochaines
années de façon très rigoureuse et stricte. Dans ce
sens-là, si on veut limiter cette formation sur mesure à des
besoins plus immédiats et seulement à des besoins
immédiats répondant aux commandes de l'entreprise, on pense qu'on
vise trop bas.
Dans ce sens-là, oui, on souhaite qu'il y ait possibilité
de prendre autre chose que de la formation professionnelle et de prendre autre
chose que de la formation pointue, étroite, c'est-à-dire que des
travailleurs puissent bénéficier d'une formation plus large qui
leur permettra, éventuellement, d'être susceptibles de revenir sur
le marché du travail, ou recevoir en entreprise une formation plus
pointue. Alors, très nettement, on souhaite que ce ne soit pas
limité à de la formation professionnelle étroite ou
pointue.
M. Philibert: Maintenant, en ce qui a trait au décrochage,
vous soulevez un problème important, notamment ceux qui suivent des
cours de formation de base en alphabétisation. Vous donnez des
proportions assez significatives: 87 % des gens inscrits aux cours
d'alphabétisation de 2000 heures abandonnent après 100 heures ou
500 heures. Vous avez une expertise dans ça. Quelles sont les
difficultés auxquelles ils sont confrontés et qui les
amènent à laisser leur perfectionnement, leurs cours? le
deuxième volet. compte tenu également de votre expertise, il y a
un bon nombre de clients qui sont des jeunes aussi, qui sont à
l'éducation des adultes, qui ont décroché du
système scolaire régulier et qui ont fait des stages plus ou
moins courts ou prolongés sur le marché du travail. qu'est-ce que
vous pensez du régime d'apprentissage que nous proposons à la
page 61 de l'énoncé de politique en ce qui a trait à des
stages rémunérés dans l'entreprise?
Mme Laberge: Je vais vous répondre sur la première
partie de votre question, sur le décrochage. Ces
données-là... On n'a pas été
énormément plus loin pour le moment au niveau des données.
C'est des données récentes du ministère de
l'Éducation qu'on ne présente pas nécessairement comme
étant un décrochage, mais comme étant... On sait que les
gens ne continuent pas leur formation. Une des hypothèses, en tout cas,
qu'on peut poser par connaissance du milieu et de la clientèle, c'est
que les gens qui doivent entreprendre des processus d'employabilité ou
d'intégration en emploi et qui doivent recommencer à partir de
beaucoup trop loin n'ont peut-être pas, je dirais, les conditions
globales pour le faire dans leur vie privée, ou alors les conditions
aussi pour l'intégration dans l'école.
Au niveau du rattrapage scolaire, quand quelqu'un commence et doit se
retrouver dans un groupe avec 30 personnes et recommencer
l'alphabétisation et qu'il ne voit pas l'horizon même d'une
formation professionnelle - je pense qu'on revient à la même
question du début - nous, on suppose que ça peut créer un
empêchement à poursuivre. Quand tu n'as pas déjà la
motivation première, par toi-même, d'aller te former, qu'on
t'oriente vers là... Dans l'ensemble des mesures d'intégration en
emploi, il y a quand même une obligation pour les gens de
s'y inscrire ou, en tout cas, un incitatif financier négatif
à ne pas s'y inscrire, on le sait tous. Alors, on se retrouve à
envoyer des gens dans des programmes de formation qu'ils n'ont peut-être
pas choisis. Ils ont peut-être été mal orientés pour
le faire. C'est un sujet de recherche qui nous préoccupe et sur lequel
on veut se pencher l'année prochaine. (15 heures)
Mais on est convaincu que le niveau... Ce n'est pas après 100
heures d'alphabétisation que les personnes ont acquis la formation
suffisante pour aller au secondaire ou en formation professionnelle. C'est
fatalement ou un décrochage ou un problème d'orientation de base.
Il est parti à un mauvais niveau ou il aurait dû être
aiguillonné vers un autre programme. Une des choses aussi qu'on
constate, à notre connaissance de la clientèle, c'est que la
clientèle tourne en rond dans une spirale de programmes
d'intégration en emploi ou de stages en milieu de travail ou de
réinsertion scolaire, et sans issue ou sans transformation vraiment
appréciable de leurs conditions de vie sur une période de
quelques années. Donc, je pense que ça, ça n'aide pas a la
motivation et au maintien dans un processus quand tu n'as pas d'horizon
d'emploi.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Laberge. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président... M. Philibert:
Mon temps est-il épuisé?
Le Président (M. Doyon): Oui, de cinq minutes.
M. Philibert: Ah oui?
Le Président (M. Doyon): Au-delà.
M. Philibert: Alors, on continue à réfléchir
sur les jeunes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Je vous en prie.
Mme Harel: M. le Président, nous entamons cette
deuxième semaine de l'examen de l'énoncé de politique et
je dois vous dire que nous allons devoir constater, tout au cours de la
journée, que nous allons entendre aujourd'hui les oubliés de la
concertation. Je dois vous dire que la semaine dernière, durant deux
jours, dans le fond, le ministre avait choisi de commencer par les
mémoires présentés par ceux qui avaient discuté,
sinon négocié, son énoncé en tant que membres de la
conférence permanente. Ça n'a pas duré très
longtemps parce que même, en fait, ce n'est pas un concert unanime qu'on
a entendu la semaine passée, il y a eu des exceptions. Mais cette
semaine je dois vous dire que, définitive- ment, nous allons devoir
réexaminer des questions, peut-être avec une amplitude plus large
que celle que révèlent les questions du ministre, parce que j'ai
bien peur qu'à partir de maintenant chaque fois qu'un groupe viendra
devant nous, on lui demande: Vous voulez être représenté
à la Société, qui d'autre devrait-on enlever? C'est un
exercice qui ne nous mènera nulle part.
Finalement, la grande question reste celle de savoir: Est-ce que c'est
un énoncé de politique de développement de la
main-d'oeuvre active, actuellement active? Et, comme l'indiquait d'ailleurs le
titre du communiqué qui coiffait la publication de
l'énoncé au mois de décembre dernier: «II s'agit
d'une approche sectorielle répondant aux besoins du développement
industriel.» C'était ça finalement le message du
communiqué de presse qui accompagnait l'énoncé: approche
sectorielle répondant aux besoins du développement
industriel.
Vous, vous venez nous dire: Ce n'est pas que la
compétitivité, c'est aussi une question d'équité.
En fait, c'est le message que je reçois de ce que vous nous dites. Et,
à ce moment-là, ce que vous dites au gouvernement et au ministre:
II ne s'agit pas simplement d'adopter ce qui est tant réclamé
depuis le libre-échange, une politique d'adaptation de la main-d'oeuvre
dans les entreprises qui sont exposées à la concurrence, mais il
s'agit d'adopter une politique de la main-d'oeuvre et non pas des besoins
d'entreprise en main-d'oeuvre seulement, en fait. Et c'est au nom de cette
équité, si j'ai bien compris, que vous nous dites qu'il faut
élargir la représentation. Et que répondez-vous à
ces réponses? En fait, comment réagissez-vous à ces
réponses à des questions que j'ai posées la semaine
passée à des porte-parole du mouvement syndical qui me disaient
que le mouvement syndical représentait la classe ouvrière active
comme inactive et, à ce titre-là, qu'ils parlaient au nom de
l'ensemble de la classe ouvrière?
M. Paquet: Je pense qu'on est intéressés par une
perspective d'équité. On serait très heureux qu'il y ait
de l'emploi pour tout le monde et que tout le monde soit syndiqué, mais
on sait qu'on est très loin de ça actuellement. Et, dans ce
sens-là, partant de ce qu'on constate - autour de 60 % de la
main-d'oeuvre n'est pas syndiquée - on pense que les groupes qui
travaillent dans le quotidien, avec les exclus du marché du travail ou
les marginalisés - les travailleurs licenciés, les chômeurs
de courte et de longue durée, les assistés sociaux - ont beaucoup
de choses à dire, ont une expertise concrète qu'ils ont
développée depuis déjà plusieurs années, et
on pense qu'une politique de développement de la main-d'oeuvre devrait
leur faire une place de plein droit.
On dit: Oui, on devrait réintégrer tout ce qui concerne
l'employabilité. On devrait s'assurer que les programmes et les services
sont actuel-
lement et officiellement accessibles à ceux qui sont marginaux
sur le marché du travail, à ceux qui occupent des emplois
précaires, à ceux qui ont des emplois à temps partiel - ce
qui n'est pas favorable pour permettre d'avoir accès à la
formation en entreprise - et permettre à ceux qui sont les exclus -
assistés sociaux ou autres - d'avoir leur place au niveau de la
Société, de l'orientation de la Société et des
programmes qui y sont gérés, comme experts. Les groupes qui
travaillent à l'intégration au marché du travail, au
développement de l'emploi, à la formation professionnelle
devraient aussi être reconnus comme des partenaires, à ce
titre-là aussi, comme partenaires intéressés à la
politique de développement de la main-d'oeuvre et de
développement de l'emploi et comme partenaires souvent dispensateurs de
services. Et c'est ça qu'on voit comme le quatrième bloc.
Donc, effectivement, dans une perspective d'équité, on
pense qu'on ne peut pas se limiter à l'adaptation de la main-d'oeuvre,
quoiqu'il soit essentiel de le faire. On ne met pas ça en cause, mais on
dit: Ça ne peut pas se limiter qu'à une représentation
syndicale, qu'à l'adaptation de la main-d'oeuvre, qu'à une
réponse aux besoins à court terme des entreprises. Autant on est
favorables à la création de la Société, autant on
dit: Elle doit partir d'un bon pied et, donc, inclure un quatrième bloc
qui fasse de la place à tous ceux qui sont intéressés au
développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi.
Mme Harel: Mme Blais.
Mme Blais: J'aimerais peut-être ajouter qu'il est possible
que certains syndicats prennent aussi le parti des personnes oubliées,
des personnes non syndiquées. Pour nous, ce qui est important, c'est non
pas ceux qui disent être les porte-parole, mais c'est comment les
travailleurs ou les non-travailleurs se sentent représentés. Si
les non-travailleurs, les chômeurs, les assistés sociaux ne se
voient pas représentés dans les syndicats, je pense qu'il est
important d'identifier un groupe où ils pourront se retrouver et
où ils auront l'impression que leurs intérêts sont
apportés en haut lieu.
Mme Harel: Vous avez développé dans votre
mémoire cette évacuation presque complète du monde de
l'éducation de cet énoncé de développement de la
main-d'oeuvre. Vous-même, vous êtes un carrefour. Vous nous dites,
dès le début de votre mémoire, que, depuis 1946, vous
regroupez vraiment des gens d'horizons bien différents: des centrales
syndicales, des syndicats indépendants, des institutions publiques
d'enseignement, des organismes communautaires, et des groupes de femmes, etc.
Quand vous nous dites qu'il ne faut plus que l'éducation soit
considérée juste comme un dispensateur de services mais comme un
partenaire, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Depuis le début de la commission, il m'ap-paraît maintenant
que c'est sans doute là le coeur de ce fossé qui s'est
élargi et qui fait que, maintenant, on est presque devant des camps
adverses et on est presque mis en demeure de choisir un camp plutôt que
l'autre, plutôt que de vouloir... Et vous, comment voyez-vous cette
réconciliation des deux camps finalement: main-d'oeuvre et
éducation? Moi, il m'apparaît que c'est un héritage qu'on
n'a pas bien identifié, mais c'est un héritage de
l'ingérence du gouvernement fédéral. Si, en 1966, ils
n'avaient pas commencé à dépenser en main-d'oeuvre en
disant que ça ne relevait pas de l'éducation, c'est possible que
c'est d'une autre manière qu'on aurait envisagé ça. Mais
là, maintenant, ça nous reste. Comment fait-on pour
réconcilier ce monde-là?
Mme Blais: Votre question est difficile. Il est possible que ce
soit le résultat d'une ingérence du gouvernement
fédéral, mais c'est aussi le résultat de
l'énoncé de politique de 1984 qui a consacré, à ce
moment-là, le passage de presque tous les pouvoirs au ministère,
au MMSR, et aux commissions de formation professionnelle. Bien sûr qu'il
y avait nécessité de départager certaines
responsabilités entre les ministères à mission
éducative et les ministères à mission développement
de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu. Peut-être
que de la façon dont on l'a fait, on l'a fait brutalement et on n'a pas
tenu compte des compétences de part et d'autre.
Mme Harel: En d'autres termes, vous remettez en question cette
division de 1984 à l'effet que l'estimation des besoins de main-d'oeuvre
se faisait dans les CFP et la dispensation des services de formation se faisait
dans les institutions. C'est cette dichotomie-là que vous
requestionnez.
Mme Blais: entre autres choses, d'autant plus qu'en
éducation des adultes on a tendance à penser qu'il est
très important que le tout soit un seul et même processus,
c'est-à-dire l'identification des besoins, le développement de
programmes d'activité et le suivi dans les milieux.
M. Paquet: C'est peut-être, dans le fond, de redonner un
coup au balancier. On a l'impression que, depuis 1984, on est passé d'un
extrême non pas à un autre extrême, mais des besoins de la
main-d'oeuvre que l'éducation desservait aux besoins en main-d'oeuvre
auxquels s'est attaqué prioritairement le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Je pense que le défi actuel aux plans économique
et social nous montre qu'il y a eu un excellent travail de fait, mais il faut
en même temps absolument rétablir un certain
équilibre. L'élargissement qu'on demande et le fait de
prendre l'éducation comme partenaire nous paraît être une
condition essentielle. Je pense que, depuis cinq ans, les pratiques de
formation se sont beaucoup diversifiées. Les milieux de formation... Il
n'y a plus de monopole de l'éducation. On pense que tous ces
partenaires-là devraient être présents dans la politique
qui est proposée. Le projet de loi devrait les reconnaître comme
partenaires de plein droit. On pense qu'actuellement on n'atteint pas ce niveau
d'équilibre avec le projet tel qu'il est. Ce qu'on demande, c'est de
ramener un peu le balancier pour inclure aussi ces réseaux-là
comme partenaires de plein droit.
Mme La berge: Peut-être qu'une des pistes, en tout cas, que
nous, on avance, c'est la nécessité qu'il y ait un leadership
clair en éducation des adultes et une concertation de l'ensemble des
interventions des ministères à vocation éducative et
à vocation main-d'oeuvre. On ne pense pas que ce sont des choses qui
doivent s'opposer mais qui doivent faire partie d'un ensemble cohérent.
Et, à date, on se demande où est la tête, si elle est
partagée entre trois ministères. Je pense qu'on le dit
clairement, on finit notre mémoire là-dessus. On pense qu'au
gouvernement du Québec on doit savoir où est la tête en
éducation des adultes pour prendre en compte l'ensemble des besoins et
non pas seulement ceux des besoins en main-d'oeuvre définis par les
pénuries de main-d'oeuvre de la liste qu'on reçoit du
fédéral par rapport à la compétitivité
internationale.
Mme Harel: Évidemment, cette liste-là,
l'énoncé de politique souhaite qu'elle ne vienne plus du
fédéral. Finalement, elle serait du Québec, mais le
processus resterait le même, c'est-à-dire que les 300 000 000 $
dépensés par la formation professionnelle du ministère de
l'Éducation, ça on n'en parie pas du tout ici. On ne touche pas
à ça. Ça n'existe pas ou presque. En fait, ça
relève d'autres. Nous, ici, c'est seulement les programmes de
main-d'oeuvre bien restreints.
Mme Laberge: C'est sûr que s'il n'y a pas de politique
globale, les passerelles dont parie M. Bourbeau dans son énoncé
de politique vont être très difficiles à identifier et
à établir. Les perdants, ça va être les adultes.
Mme Harel: La grande question, c'est quand vous nous dites, par
exemple, qu'il faut non seulement rapatrier les budgets fédéraux,
mais aussi les pleins pouvoirs. Bon! Vous savez sans doute que dans
l'énoncé, c'est la demande des pouvoirs quant aux programmes
d'Emploi et Immigration Canada, mais pas du pouvoir comme tel sur
l'assurance-chômage, si vous voulez. La législation et la
réglementation, ça resterait, à ce moment-là, du
ressort de la Caisse. En fait, c'est ce que M. le ministre nous a
expliqué à l'ouverture de cette commission.
Mais, finalement, est-ce qu'on ne s'en va pas dans une dynamique
où on voit très bien... Par exemple, en Ontario, on est en train
de mettre en place un conseil ontarien du développement et de
l'adaptation de la main-d'oeuvre; d'autres provinces le font. La
Société va être la structure provinciale dans laquelle les
fonds vont être transférés, comme ils le seront dans les
autres provinces également, mais dans une perspective où, sans
doute, il y aura des critères nationaux, les propositions
constitutionnelles cherchant à nous transférer des fonds. Est-ce
que vous ne craignez pas que ça se produise comme ça
finalement?
M. Paquet: Ce qu'on a proposé à
Bélanger-Campeau, c'est que les pleins pouvoirs du Québec soient
reconnus et rapatriés. Pour ce qui est de l'assurance-chômage, on
demandait que la portion utilisée à des fins de formation,
c'est-à-dire le soutien du revenu à des fins de formation et au
développement des ressources humaines, soit rapatriée comme
telle. On n'allait pas plus loin que ça du point de vue de l'ICEA.
Mme Harel: J'ai bien compris, en tout cas, la distinction que
vous faisiez tantôt en réponse à la question du ministre
entre le fait que vous êtes en faveur d'activités, d'une
démarche active pour les personnes qui ont perdu leur emploi, mais ces
démarches actives ne devraient pas être financées à
même leur soutien au revenu qu'elles financent. Dans le fond, vous
étiez favorables à ce que de Grandpré proposait comme
mesure d'adaptation, c'est-à-dire une taxe de 1 % pour pouvoir financer
comme telle la formation. C'est ce qu'il faut comprendre? (15 h 15)
M. Paquet: Pour la formation en entreprise, ce qu'on propose dans
le mémoire, c'est de dire: On devrait dépasser les mesures
incitatives et aller vers des mesures qui soient plus contraignantes. On n'a
pas proposé de mécanisme particulier, mais on pense que tant
qu'on ne dépasse pas ça... Le rapport de Grandpré le
proposait. Il nous semble qu'autrement, même le crédit
d'impôt est une mesure tout à fait insuffisante pour se limiter
à inciter les entreprises et croire que la culture de la formation va se
développer. On pense qu'on doit faire en sorte que toutes les
entreprises soient sur un pied d'égalité là-dessus. Ce
qu'invoquait de Grandpré, c'est que toutes les entreprises devraient
contribuer pour ne pas qu'il y ait des entreprises qui profitent de ce que
certains mettent en formation et viennent, en un sens, prendre les travailleurs
formés par d'autres, à leur profit; donc, placer toutes les
entreprises sur un pied d'égalité à ce niveau-là.
D'autant plus que toutes les entreprises n'ont pas intérêt non
plus à ce
que leurs travailleurs reçoivent de la formation. On sait qu'il y
a tout un secteur qui se développe dans les services d'emplois
précaires peu qualifiés et on se dit qu'il doit y avoir des
mesures à la fois de cette nature-là et aussi vraisemblablement
de type comité paritaire de formation et de développement de la
main-d'oeuvre, pour faire en sorte que les besoins de formation des
travailleurs soient pris en considération dans les entreprises et qu'il
y ait des activités de formation, même dans les entreprises qui
pourraient dire: Nous, on n'a pas besoin de formation. On est convaincu que les
travailleurs ont des besoins de formation en entreprise, mais qu'il n'y a pas
intérêt nécessairement convergent et complet entre
l'employeur et les travailleurs, ou leurs représentants.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme
la députée.
Mme Harel: II me reste encore 5 minutes, je pense, M. le
Président. J'ai commencé à 15 heures.
Le Président (M. Doyon): Pas vraiment. On est rendu
à 14 minutes 53 secondes.
Mme Harel: J'ai 20 minutes, alors, il m'en reste 6. C'est
ça?
Le Président (M. Doyon): Non, on a donné une
demi-heure aux intervenants pour partager. C'est ce qui avait été
convenu.
Mme Harel: Ah bon! Très bien. De toute façon, je
veux vous remercier d'avoir alerté cette commission sur la question du
décrochage des adultes. On n'entend jamais parler de cette
question-là, et c'est une question majeure. Vous nous rappelez l'ampleur
de ce phénomène de décrochage. Que personne ne se soit
encore inquiété, qu'il y ait si peu d'adaptation dans les mesures
proposées à cette clientèle-là, ça devient
vraiment très très inquiétant. mais, moi, ce sur quoi je
voudrais surtout vous entendre avant de terminer, c'est sur cette importante
question que vous nous rappelez, à savoir que, dans le fond, l'individu
est oublié. c'est surtout aux pages 15 et suivantes de votre
mémoire où vous nous dites que, dans le regroupement des
programmes finalement, il y en a trois qui visent des collectivités, un
seul s'adresse à des individus. vous nous dites que ces individus,
finalement, sont sur le marché de l'emploi, que souvent ils occupent des
emplois précaires, que 40 % des emplois créés sont des
emplois à temps partiel, etc., que les nouveaux emplois
créés sont à temps partiel. vous nous demandez,
finalement: comment va-t-on répondre aux demandes de formation de ces
personnes-là quand, dans les commissions scolaires, les enveloppes
budgétaires sont actuellement fermées, les inscriptions
contingentées quand il s'agit de suivre des cours à temps
partiel? On voit ce qui se passe à temps plein, vous nous l'exprimiez il
y a quelques minutes à peine.
Alors, finalement, le message qu'on envoie aux gens, qui est un message
de recyclage, de perfectionnement, de relèvement de ses
compétences, ce n'est pas un peu comme un mirage, quand Ils viennent
pour le saisir, ça finit par s'évanouir?
Mme Laberge: C'est effectivement dans ce sens-là qu'on
pose la question parce que, avec l'ensemble des politiques d'intégration
en emploi et de rattrapage scolaire pour les gens qui sont prestataires d'aide
sociale ou d'assurance-chômage, c'est, en fait, la clientèle
majoritaire. Dans les commissions scolaires, actuellement, il y a une enveloppe
ouverte pour tout ce qui est temps plein. Donc...
Mme Harel: Ceux qui sont prestataires de quelque chose.
Mme Laberge: Oui.
Mme Harel: Mais, ceux qui ont une job, là?
Mme Laberge: alors, quand tu n'as pas de chèque, que tu es
travailleur, que tu décides de te former par toi-même, que tu veux
faire ta formation à temps partiel, en fait, il va falloir que tu
attendes d'être rendu prestataire de quelque chose pour pouvoir avoir
accès à un programme en pénurie de main-d'oeuvre dans ta
région, au bon moment, à la bonne semaine. c'est
extrêmement dramatique pour les adultes de leur faire miroiter ça,
surtout quand on ne travaille pas en même temps à une politique de
plein emploi. donc, il n'y a pas d'horizon de travail. c'est un peu un
mirage.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Laberge. Alors, au nom
des membres de la commission, compte tenu que le temps est écoulé
et même dépassé, il me reste à vous remercier et
à vous permettre de vous retirer de la table.
À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant le Conseil
provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile
à bien vouloir s'avancer et prendre place à la table de nos
invités.
J'invite tout le monde à bien vouloir s'asseoir ou à aller
poursuivre les conversations à l'extérieur, s'il vous
plaît! Les conversations peuvent se poursuivre à
l'extérieur. À l'ordre, s'il vous plaît! Madame, en
arrière!
Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil
provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile. Je les
invite à nous faire part de leurs remarques sur la proposition du
ministre. Tout d'abord, je les invite à bien vouloir se
présenter. Je pense que
M. Courchesne, le président, est ici. Je lui souhaite la
bienvenue, de même qu'aux autres. Je leur indique, encore une fois, que
la règle, ce qui a été convenu, finalement, c'est une
demi-heure de présentation ou à peu près. Le restant du
temps, un quart d'heure...
Mme Harel: C'est 20 minutes.
Le Président (M. Doyon): Bon, alors...
Mme Harel: ce qui est convenu, m. le président, c'est
qu'il y a 20 minutes de présentation, 20 minutes à la partie
ministérielle, 20 minutes à l'opposition.
Le Président (M. Doyon): Moi, je me réfère,
Mme la députée, au document qui m'est remis ici par le
secrétariat qui dit ce qui suit: II est convenu de consacrer une heure
par organisme, ainsi répartie: 30 minutes pour l'exposé de leur
organisme et 30 minutes pour les échanges avec la commission. Si ce
n'est pas le cas, veuillez en aviser le président, parce que le
président se conforme à ce à quoi il est...
Mme Harel: Ce serait un changement dans notre façon de
procéder parce que la semaine passée...
Le Président (M. Doyon): Oui, je sais que la semaine
dernière, c'était différent, mais on m'a indiqué
que c'était... Mais si vous le préférez, on revient au
statu quo ante.
M. Bourbeau: M. le Président, ce qu'on pourrait faire, on
pourrait laisser aller les gens. Dans le fond, c'est...
Le Président (M. Doyon): Ça ne change rien dans le
fond.
M. Bourbeau: ...la volonté de ceux qui viennent ici. S'ils
veulent prendre 30 minutes, on les questionnera moins longtemps...
Mme Harel: Oui.
M. Bourbeau: ...s'ils veulent se limiter à 20 minutes, on
les questionnera plus longtemps. moi, je laisserais ça à
l'initiative de ceux qui viennent.
Le Président (M. Doyon): Le président est
d'accord.
M. Bourbeau: Mais disons que le maximum, c'est 30 minutes.
Mme Harel: Dans la mesure, évidemment, où ils sont
informés à chaque fois que ce n'est pas la règle qu'ils
ont à suivre, et que s'ils veulent privilégier les
échanges, il vaut mieux, à ce moment-là, ne prendre que 20
minutes. M. Bourbeau: C'est ça.
Le Président (M. Doyon): Ça a toujours
été le cas d'ailleurs. Le temps qui n'est pas utilisé pour
la présentation demeure disponible pour la discussion avec les membres
de la commission. Alors, veuillez commencer tout en vous présentant tout
d'abord, s'il vous plaît.
Conseil provincial des comités paritaires de
l'industrie de l'automobile
M. Courchesne (Roland): Alors, mon nom est Roland Courchesne,
président du Conseil provincial des comités paritaires de
l'industrie de l'automobile. M. le Président, mesdames, messieurs de la
commission. Si vous me permettez, je vais vous présenter mes
collègues immédiatement: à ma droite, M. Marc Parson,
responsable des communications; M. Jean Roy, vice-président du Conseil
provincial des comités paritaires et représentant des
salariés; M. Maurice Levac, secrétaire-trésorier du
Conseil provincial; M. Jean Lefebvre, coordonnateur du CPCPA, et Me Diane
Fortier, conseiller juridique du Conseil provincial.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci beaucoup.
Vous avez la parole.
M. Courchesne: Le CPCPA, Conseil provincial des comités
paritaires de l'industrie de l'automobile, remercie la commission des affaires
sociales de lui fournir l'occasion de réagir à
l'énoncé de politique sur la main-d'oeuvre et au projet de loi
408, et de faire ainsi entendre la voix d'un secteur important de
l'activité économique du Québec, son industrie des
services automobiles. Notre présentation vous sera faite par notre
responsable des communications, M. Marc Parson, pour vous dire d'abord
brièvement qui nous sommes; deuxièmement, vous parler des
réalisations et des projets de l'ISAQ que nous voulons protéger
et développer à leur plein potentiel; vous formuler enfin notre
réaction en tant qu'industrie à l'énoncé et au
projet de loi.
Alors, sans plus tarder, je vais passer la parole à M. Marc
Parson.
M. Parson (Marc): Merci. Si nous avons voulu agir de môme,
M. le Président, c'est parce que nous croyons que les
réalisations de l'industrie des services automobiles correspondent
exactement aux recommandations que nous aimerions formuler ici sur
l'énoncé et le projet de loi.
Alors, qui sommes-nous? Nous sommes évidemment l'industrie des
services automobiles du Québec. C'est l'ensemble des
établissements, des entreprises, des personnes qui travaillent à
l'entretien, la vérification, l'inspection, la modi-
fication, la réparation de véhicules routiers, de leurs
pièces et de leurs accessoires, ainsi qu'à la vente de
pièces, de pneus, d'accessoires et de carburant pour ces
véhicules. C'est un secteur d'activité important. Selon
Statistique Canada, ça dépassait les 14 000 000 000 $ en 1989,
pour un chiffre total de 21 500 000 000 $ environ, si on compte les
retombées directes et indirectes.
Le CPCPA, le Conseil provincial des comités paritaires de
l'industrie de l'automobile est un organisme à but non lucratif,
créé en 1978 par les comités paritaires de l'industrie des
services automobiles pour plusieurs raisons. D'abord, pour mettre en commun,
harmoniser la gestion des comités paritaires qui, comme vous le savez,
étaient gérés de façon régionale, selon
leurs décrets, pour promouvoir le mieux-être de l'ensemble des
employeurs et des salariés. Le Conseil provincial regroupe sept CPA,
sept comités paritaires de l'automobile, qui desservent environ 75% de
la population québécoise. Ils regroupent un total de 8850
établissements, selon les chiffres de 1991, et ces établissements
emploieraient 51 939 personnes. malgré l'avènement de la loi sur
la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, en 1969,
les cpa ont gardé, grâce à des dispositions transitoires,
leur responsabilité en matière de qualification. les cpa
appliquent donc des normes d'apprentissage, administrent des examens de
qualification et reconnaissent par des certificats la qualification des gens de
métier: mécaniciens, débosseurs - c'est le terme du
métier - peintres, commis aux pièces. les cpa ont donc
confié à leur cpcpa le soin d'harmoniser, dans les limites du
possible, leurs façons de faire, de façon à ce que les
examens de qualification, l'apprentissage - et je fais une parenthèse
ici, l'apprentissage dans notre industrie, c'est ce qu'on appelle, dans
d'autres industries, la formation professionnelle que je distingue de la
formation continue dont on parlera plus loin - et la reconnaissance de la
qualification soient de nature provinciale. et c'est maintenant chose faite
grâce au bon vouloir, toujours, de l'ensemble des parties contractantes
des cpa. il faut comprendre qu'on a réussi cela grâce à la
bonne volonté des parties, et non pas parce que la loi ou un
décret quelconque nous le permettait.
Il y a cinq ans, devant l'accélération de la technologie
et les demandes de plus en plus pressantes de l'industrie, les comités
paritaires de l'automobile ont demandé au Conseil provincial de
développer et de réaliser un programme de formation continue. Ce
programme, qui est en place depuis près de trois ans maintenant, est
donc devenu réalité. C'est un programme de formation continue
dont le contenu a été élaboré par et pour
l'industrie, par des experts du métier, un programme qui correspond aux
besoins, dont le savoir est immédiatement applicable dans la vie de tous
les jours par les mécaniciens et autres gens du métier qui
suivent le programme, dans un vocabulaire et un format accessibles, avec des
prérequis établis qui nous permettent de former des groupes
homogènes de candidats à ces cours. Selon des principes
andragogiques bien connus, les formateurs ont une formation spéciale qui
leur permet de donner le contenu de ces cours-là avec le vocabulaire et,
encore une fois, le format le plus accessible. Et le contenu des cours est
constamment mis à jour.
À la fin de 1991, plus de 2750 personnes avaient
déjà suivi le premier cours de ce programme, avec un taux de
réussite et de satisfaction de plus de 90 %, ce qui est assez
exceptionnel en formation professionnelle. On pense que c'est
inégalé, du moins dans l'histoire de notre industrie. Il n'y a
pas que la réussite ou la satisfaction, je vous signale qu'au niveau des
abandons il y a un taux très très faible: sur 68 groupes, 43
groupes n'avaient connu aucun abandon. Si on calcule un ou deux abandons,
ça monte en haut de 85 %, alors très faible taux d'abandon.
Ce sont des réalisations que nous considérons dues
à un amalgame unique et c'est cet amalgame que nous aimerions, bien
sûr, voir non seulement protégé, mais consolidé par
une éventuelle politique de développement de la main-d'oeuvre.
Quel est cet amalgame? C'est d'abord une planification provinciale basée
sur une analyse régionale, parfois même locale, des besoins. C'est
réussi, cette planification, grâce à une présence
quotidienne des CPA, comme on le sait, dans toutes les entreprises, grâce
aussi à des statistiques qui sont tenues à jour, des statistiques
basées sur les examens, qui nous permettent de connaître, de
façon très pointue, les lacunes comme les besoins de notre
main-d'oeuvre en formation continue. C'est aussi grâce à la mise
en place d'une organisation synergéti-que, pour utiliser un mot à
la mode, par les CPA et le CPCPA et, surtout, une exemplaire souplesse, une
grande capacité de réaction face à la très rapide
évolution technologique de l'industrie. J'y reviendrai. (15 h 30)
Ce sont des examens et des cours: des examens de qualification d'une
part, des cours de formation continue d'autre part, qui sont constamment mis
à jour. Une utilisation maximale des ressources du milieu, et quand
j'entends «ressources du milieu», je parle aussi bien des
ressources sectorielles - pour utiliser un terme que vous utilisez souvent ici
- que régionales. Par exemple, en formation continue, nous avons
utilisé les services des commissions de formation professionnelle. Une
quarantaine de commissions scolaires participent à l'élaboration
de nos cours, c'est-à-dire à la mise en oeuvre et à la
réalisation de nos cours. L'ensemble - et c'est étonnant, je
pense que ça vaut la peine de le souligner - des fabricants d'automobile
nous est
précieux, justement, pour nous aider à formuler des
contenus qui sont à jour. Ils acceptent, de façon
bénévole - si je peux utiliser l'expression - de nous donner
l'ensemble de leur nouvelle technologie. Enfin, un souci constant de
répondre aux véritables besoins de l'industrie, encore une fois,
par l'utilisation maximale de nos statistiques, mais aussi en acceptant les
experts de tous les intervenants, de tous les milieux, de toutes les
régions, pour nous aider à bâtir l'ensemble de nos cours.
Voici, à ce qu'il nous semble, des ingrédients concrets pour
réaliser une politique de développement efficace, du moins dans
notre secteur, et autant d'ingrédients qui devraient se retrouver dans
un nouveau partenariat.
La nature spécifique de notre industrie. Il y a des choses
spécifiques et il y en a qui le sont moins. Nous souffrons, bien
sûr, du préjugé habituel ici de la dévalorisation
des métiers techniques, et je pense que l'énoncé en parle
abondamment et avec plein de justesse. Sans jeu de mots, c'a été
longtemps, la formation professionnelle, du moins dans notre industrie, une
voie de garage. Mais, de plus, nous souffrons, comme industrie, d'une
révolution technologique presque sans équivalent. Je pense que
l'aéronautique et l'industrie de l'informatique sont peut-être les
deux industries qui ont été affectées par la
révolution technologique, comme nous l'avons été.
Depuis 1980, l'invasion technologique se retrouve partout dans chaque
système, dans chaque composante d'un véhicule, que ce soit le
moteur, l'alimentation en essence, en air, le système d'allumage, les
systèmes d'échappement, de freinage, de direction, la suspension,
la transmission de puissance, l'habitacle, etc. De plus, évidemment, il
y a eu augmentation du parc automobile avec l'augmentation de son
cortège d'accidents, de taux d'assurances grimpants, de soins de
santé, d'heures de travail perdues, etc., et également, une chose
qu'on retrouve peu dans d'autres industries: l'augmentation assez
impressionnante des marques et des modèles. En 1988, par exemple, vous
aviez trois fabricants nord-américains qui commercialisaient 87 nouveaux
modèles, et * 17 fabricants européens ou asiatiques qui en
commercialisaient 79. Un total de 165 nouveaux modèles qui arrivaient
chez le mécanicien comme ça, en une seule année, et avec
chacun sa technologie très souvent.
L'industrie demande donc depuis quelques années au MMSRFP une
réglementation à jour sur la formation et la qualification
professionnelles de sa main-d'oeuvre. Elle lui demande également de
continuer de prendre en charge sa formation et sa qualification
professionnelles. C'est dans ce contexte que M. Bourbeau a créé,
en 1990, le comité consultatif de la main-d'oeuvre et de l'industrie des
services automobiles. Notre mandat était triple: proposer un programme
de formation et de qualification professionnelles, proposer le règlement
qui va avec, proposer les mesures administratives, enfin, pour la
réalisation des deux recommandations. Étaient membres de ce
comité consultatif l'ensemble des membres du conseil d'administration du
CPCPA ainsi que des représentants des principales associations
provinciales d'employeurs et de salariés, soient les trois principales
associations syndicales du secteur - CSD, CSN, FTQ - et également les
trois grands secteurs d'associations provinciales d'employeurs: les
concessionnaires, les pièces et l'ensemble des autres associations.
Le rapport final a été déposé à M. le
ministre Bourbeau hier matin. Je ne sais pas s'il a eu le temps de le lire hier
soir, mais il a été déposé hier matin. Ce qu'il est
important de souligner, je crois, c'est que les recommandations du rapport
final du comité et les principes qu'elles sous-tendent -
évidemment, on n'est pas allé dans la cuisine, dans la
faisabilité, dans le détail de la faisabilité - ont fait
l'objet d'un très large consensus de ses membres.
En gros, quelles sont ces recommandations? C'est d'abord le respect de
notre structure, de nos façons de faire, paritaires et consensuelles,
également, un régime d'apprentissage obligatoire, vu la nature
des métiers de l'industrie - c'est un apprentissage obligatoire qui est
donc sanctionné par un examen de fin d'apprentissage - un système
de qualification provincial à la fois facultatif et rigoureux, des
mesures administratives faites par et pour l'industrie, c'est-à-dire
administrées d'abord par une structure provinciale représentative
et paritaire, représentative à la fois régionalement et au
niveau des associations, elle-même appuyée par une structure
régionale forte, c'est-à-dire un comité consultatif
régional et le comité paritaire de l'automobile
régional.
Dans le fond, notre demande pourrait se résumer ainsi: faire
d'une structure et d'un programme que nous avons développés seuls
un système permanent d'apprentissage, de qualification et de formation
continue financé à la fois par les cotisations perçues par
les comités paritaires de l'automobile et, également, par
l'harmonisation des budgets disponibles. C'est à la lumière de
tout ceci - je m'excuse si c'a été long et si vous n'aviez pas
copie de cette partie de l'exposé - que nous aimerions vous formuler,
maintenant, nos brefs commentaires sur l'énoncé de politique et
le projet de loi 408.
Le Président (M. Philibert): Alors, avant de continuer,
j'aimerais vous informer. Tantôt, on a parié du temps
disponible.
M. Parson: Oui.
Le Président (M. Philibert): Si vous décidez
d'utiliser 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, il
vous reste environ 7 minutes, 6 minutes et quelques secondes pour arriver
à la
conclusion.
M. Parson: Très bien.
Le Président (M. Philibert): Évidemment, le
règlement de l'Assemblée nationale prévoit que vous avez
30 minutes, mais, essentiellement, on a découvert, lors des autres
séances, que la séance se promenait beaucoup plus rapidement dans
la mesure où le questionnement pouvait se faire et qu'on pouvait faire
un échange. Alors, si vous choisissez de le faire en 20 minutes, je dois
vous dire que la présidence vous en serait reconnaissante.
M. Bourbeau: La séance se promenait encore mieux quand
c'était le député de Trois-Rivières qui posait les
questions. On l'a remarqué!
Le Président (M. Philibert): La grande humilité qui
caractérise les députés m'interdit d'accréditer ce
que vous dites, M. le ministre. Alors, allez-y, monsieur.
M. Parson: Je vous répondrai qu'il nous reste quatre pages
et demie, alors je vais tenter de faire vite. Alors, nos réactions
à l'énoncé et au projet de loi. Évidemment, nous
nous réjouissons - je vais vous donner les bonnes nouvelles en premier
et les nouvelles, bonnes également, mais un petit peu plus
mitigées, en deuxième -d'abord, de la volonté de
régler les problèmes de formation de la main-d'oeuvre et de
corriger l'image de la formation professionnelle. Nous partageons le constat
qu'il faille adapter nos systèmes de formation aux changements de plus
en plus rapides du marché du travail. Nous partageons aussi celui de
l'échec de la formation professionnelle au secondaire de 1967 à
1987 et saluons les récents efforts du ministère de
l'Éducation pour corriger la situation. On se réjouit aussi de la
volonté d'unifier les sources de financement et d'investir massivement
dans le développement des compétences. Nous appuyons le principe
d'une gestion unifiée de tous les programmes et services, mais nous
l'appuyons en autant que cela ne vienne pas nuire, évidemment, au
dynamisme, à la «réactique», à la pertinence
des contenus de formation tels qu'élaborés par les parties de
notre industrie pour correspondre véritablement à nos
besoins.
Nous apprécions aussi les propos que contient
l'énoncé de politique qui encouragent l'apprentissage comme
procédé de formation et d'intégration au monde du travail
en insistant, toutefois, sur le côté formation et non sur le
côté recyclage d'une main-d'oeuvre adulte, comme semble le
proposer l'énoncé. L'objectif premier de notre système
d'apprentissage - c'est peut-être là qu'il faut bien s'entendre
sur les mots - c'est, en effet, de corriger les erreurs du passé et de
former des jeunes dont les compétences théoriques à
l'école et pratiques en industrie - parce que le système
d'apprentissage que nous proposons est industrie-école - soient
dûment sanctionnées par un certificat de qualification de fin
d'apprentissage obligatoire dans notre industrie, pour des raisons
évidentes de sécurité, autant la sécurité du
public que celle des travailleurs, et pour des raisons de protection du
consommateur. Nous favorisons donc un apprentissage industrie-école
réalisé en étroite collaboration avec le ministère
de l'Éducation. Nous apprécions, enfin, la volonté
d'impliquer l'industrie, bien que ce soit sur ce point que nos craintes les
plus fortes porteront.
Voici donc nos inquiétudes en deux pages et demie,
peut-être trois minutes. Nous nous inquiétons de la nature de la
nouvelle structure administrative que représenteraient ces
éventuelles sociétés de développement et de ses
effets négatifs sur les initiatives des employeurs et des
salariés, sur sa capacité de servir, voire même de suivre
les nécessités changeantes de la formation sur mesure. Ce dont
nous avons besoin, c'est d'un organisme gouvernemental efficace qui assurera un
meilleur flot de l'argent et des ressources disponibles par une meilleure
planification et ce, pour répondre à notre dynamisme. Ce dont
nous n'avons pas besoin, c'est d'un nouveau palier administratif qui vienne
diminuer ce dynamisme par une réponse inadéquate trop
parcellaire, trop lente aux besoins et qui multiplie les intervenants, que ces
derniers viennent de quelque endroit que ce soit.
Enfin, nous nous inquiétons de la nature du rôle que le
projet veut accorder aux secteurs. Une consultation qui nous semble
peut-être superficielle; peu de responsabilisation, peu d'initiative.
Comme semble le dire l'énoncé, les comités sectoriels
n'ont pour seul rôle que de fournir des renseignements à la
Société de développement de la main-d'oeuvre. Vous
comprendrez que nous ne pourrions nous satisfaire d'un rôle aussi passif,
surtout pas avec toutes les réalisations que nous avons faites, un petit
peu de nous-mêmes et avec la bonne volonté de tout le monde. En
d'autres mots, nous, de l'industrie des services automobiles, qui voulons
prendre notre avenir en main, qui avons prouvé notre capacité
consensuelle et notre dynamisme, avons peur que le projet de création
d'une telle société ne nous ramène en arrière. Nous
savons, pour le vivre quotidiennement, que l'implication des partenaires dans
les orientations et les décisions, pour qu'elle soit valable, demande
une très bonne connaissance du secteur économique et industriel
de la région et de chacun des dossiers traités.
Autre danger, tous les secteurs économiques et industriels ne
pouvant être adéquatement représentés au conseil
d'administration d'une de ces sociétés de développement,
les décisions et les orientations prises relativement à un
secteur . mal représenté risquent de ne pas être les
bonnes. Nous avons peur ici que l'histoire se répète. Nous avons
parlé plutôt de la loi de 1969.
La responsabilité de la formation continue qui échouait
aux CPA depuis leur création leur a en effet été
retirée en 1969 avec l'avènement de la Loi sur la formation et la
qualification professionnelles de la main-d'oeuvre sans que les nouveaux
responsables n'arrivent jamais à relever le flambeau. Ce n'est que tout
récemment que, nous-mêmes, nous avons décidé de le
relever.
Alors, tel que défini dans le projet de loi 408, aucun
mécanisme n'est prévu au sein de la Société
québécoise de développement pour responsabiliser les
parties. Ceci diffère énormément et même est
contraire, je dirais, à notre structure paritaire où la
responsabilisation et l'imputabilité sont à tous les niveaux, de
l'élaboration des contenus des examens et des cours de formation
continue à l'administration des mêmes programmes. Le danger,
enfin, de ne pas responsabiliser les secteurs est énorme. Le
gouvernement et ses ministères ne peuvent, en effet, tout faire. Et je
pense que c'est un message que nous-mêmes on entend très souvent.
Le rôle, de plus en plus, devrait être celui d'une personne qui
facilite les choses plutôt que d'une personne qui décide ou qui
tranche, après avoir entendu toutes les parties, au meilleur de son
savoir. La définition même de partenariat indique que chaque
partenaire doit considérer l'autre comme son égal. Alors, que le
gouvernement permette la flexibilité de la définition des
programmes par l'industrie plutôt que de créer des programmes
globaux qui ne correspondent pas aux besoins sectoriels, qui empêchent la
réalisation des projets issus de l'industrie et qui peuvent
empêcher de répondre aux besoins criants des personnes les plus
importantes pour lesquelles nous sommes tous ici aujourd'hui,
c'est-à-dire les salariés et les employeurs de l'industrie.
Conclusion. Donc, seul un vrai partenariat industries-gouvernement,
basé sur le consensus de toutes les parties, représentant
l'employeur comme représentant le salarié, dans un encadrement
souple, pourra, comme le veut l'énoncé de politique du MMSRFP,
permettre un Québec compétent et compétitif. Cela peut
vous sembler un voeu pieux, mais nous espérons qu'au niveau des secteurs
industriels, du moins, le bref portrait des premières
réalisations de notre industrie pourra servir d'exemple. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Une première
question au Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de
l'automobile. En fait, oui, j'ai reçu votre document hier et je dois
dire que je suis très fier de reconnaître que vous êtes les
premiers à nous avoir présenté une proposition
concrète, un projet articulé d'apprentissage, qui veut d'ailleurs
répondre aux besoins de votre industrie et qui s'inscrit dans une
conception renouvelée de l'apprentissage, telle que nous
l'évoquons dans le document d'orientation que nous avons devant nous.
Pouvez-vous nous dire, selon vous, comment vous concevez l'apprentissage,
l'apprentissage nouvelle vague, si je peux dire, et quels avantages voyez-vous
pour les jeunes dans un système semblable? Et pour vos employés
aussi? Quels avantages y voyez-vous pour votre industrie, par exemple,
aussi?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): M. le ministre, il n'est pas
nécessaire de revenir sur ce que M. Parson énonçait, au
nom de l'industrie, quant à la nécessité pour nos
apprentis d'avoir une formation de base solide parce que le métier de
mécanicien est devenu un métier technique. Il nous faut
absolument aussi considérer qu'en donnant un apprentissage comme
ça, non seulement on va les former pour les besoins immédiats
mais, à l'avenir, nos apprentis vont pouvoir survivre. Quels que soient
les nouveaux problèmes technologiques qui apparaissent, ils vont
être capables de... C'est dans ce sens-là qu'on a demandé
et qu'on vous demande ce nouveau système d'apprentissage, qui est un
système qui s'adresse à l'industrie de l'automobile mais qui, on
pense, pourrait servir dans d'autres situations. (15 h 45)
Mais revenons à nos oignons. L'important, c'est qu'on doit
absolument s'assurer que les apprentis, au moment où ils sont en
apprentissage, on les prépare pour que ce soient des gens employables.
C'est là la nécessité du mariage de l'industrie avec
l'éducation. Il nous faut absolument arrêter d'avoir cette
division où les élèves sont préparés pour un
métier et, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils ne
sont plus employables parce que c'est dépassé. On veut un
apprentissage qui va se faire tout au long, complètement maillé
avec l'éducation. Que l'industrie et l'éducation ne fassent qu'un
pour ce qui est de l'apprentissage.
Maintenant, quand on dit ça, on ne ferme pas la porte à
personne. On ne veut pas refuser des gens qui n'auront pas
nécessairement suivi le système d'éducation. On va
reconnaître les acquis. On va vouloir que ces gens-là, par
exemple, nous démontrent qu'ils ont les mêmes connaissances de
base que celles que les gens auront acquises au niveau de l'éducation.
S'ils ne les ont pas, on veut qu'il soit possible pour eux d'aller les chercher
tout en travaillant. Mais définitivement, et je le répète
encore, on veut absolument que l'éducation et le monde du travail
fonctionnent ensemble tout au long. À partir de la première
journée qu'une personne décide de poursuivre des études
pour venir dans notre industrie, on veut être présents, on veut
absolument s'assurer de ça.
M. Bourbeau: Vous voulez être présents dans le
processus d'éducation, dans l'action de la scolarisation. Ça veut
dire quoi, en concret?
Vous voulez avoir un mot à dire dans les régimes
pédagogiques, dans les programmes d'éducation, de formation
professionnelle?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): On veut s'assurer que les programmes
correspondent au profil du métier. On veut s'assurer que les gens qui
fréquentent l'institution à ce moment-là acquièrent
des connaissances qui vont être utilisables au moment de leur
employabilité.
M. Bourbeau: Présentement, l'enseignement se fait dans les
polyvalentes, dans le secteur professionnel; je ne parle pas du système
d'apprentissage, je parle de l'enseignement initial. Comment, d'après
vous, peut-on effectuer cette jonction-là entre vos souhaits et la
situation telle qu'elle existe présentement?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Déjà, on doit dire
qu'au ministère de l'Éducation, il y a eu d'énormes
progrès de faits quant au contenu des cours, mais on voudrait participer
plus largement à ça. On voudrait aussi que le temps passé
à l'école soit partagé avec l'industrie. On veut un
système complètement intégré
industrie-école, où les connaissances, à mesure qu'elles
sont acquises, sont aussi effectuées en milieu industriel, où,
à l'école, il y ait un professeur qui soit un compagnon et, en
industrie, il y ait un compagnon aussi, tous les deux se parlant et
échangeant sur la possibilité de rendre la personne prête
à rencontrer les défis du milieu du travail.
M. Bourbeau: Dans certains milieux, on voit l'instauration d'un
régime d'apprentissage comme une menace au système
d'éducation traditionnel. On a peur, on nous dit qu'on a peur que l'on
crée un système d'éducation parallèle en mettant
sur pied un régime d'apprentissage. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Parson: Je peux peut-être répondre à
ça. Je pense que, au contraire, c'est complémentaire. Quand on
vous dit «industrie-école», il est entendu que le contenu
théorique de l'apprentissage demeure évidemment au
ministère de l'Éducation avec qui, d'ailleurs - je pense que M.
Lefebvre y a fait allusion - nous sommes déjà en contact. Enfin,
on a déjà un petit peu vérifié leur volonté
de participer à un tel régime d'apprentissage. Alors que nous, en
industrie, évidemment, c'est le côté pratique. C'est un
système que nous voulons assez structuré, dans le fond. Il y aura
contrat d'apprentissage. L'apprenti n'ira pas n'importe où.' Nous allons
vouloir contrôler la valeur de son apprentissage. Nous laissons le
ministère de l'Éducation contrôler évidemment la
valeur de l'éducation, la valeur du DEP. En, industrie, nous allons
vouloir contrôler la valeur de l'apprentissage. Il y aura donc des
employeurs qui seront accrédités pour recevoir des apprentis et
qui auront fait la preuve que, dans tel secteur du métier, ou dans
plusieurs secteurs, ils peuvent recevoir des apprentis. Le contrat
d'apprentissage devient, si vous voulez, un contrôle que le professeur va
remplir à l'école de façon régulière, pour
nous dire combien d'heures, combien de crédits il a fait et, de la
même façon, en industrie, c'est également un
contrôle. Le compagnon accrédité ou le mécanicien,
si on parle de la mécanique automobile, le compagnon mécanicien
accrédité verra, lui également, à remplir le carnet
d'apprentissage de son apprenti et à attester que l'apprenti a
effectivement acquis les connaissances dans tel ou tel secteur pendant tant
d'heures.
M. Bourbeau: II reste quand même qu'il y a deux
filières possibles. Si un étudiant se lance dans la formation
professionnelle au secondaire par la filière de l'enseignement qui se
donne dans une polyvalente, par exemple, et qu'il chemine pendant deux ou trois
années, bon! il peut faire des stages en industrie de temps à
autre mais, finalement, il termine son cours à l'école avec un
diplôme. Là, voilà un étudiant qui sort avec son
diplôme et qui peut aller chez vous et se faire employer. Et on
présume qu'il est qualifié en arrivant.
M. Parson: Non. Excusez-moi de dire non, M. le ministre, mais il
ne sera qualifié que lorsqu'il passera son examen de qualification de
fin d'apprentissage. Ce que nous désirons comme apprentissage, c'est
à la fois théorique et pratique. C'est impossible qu'une personne
qui n'a que des connaissances théoriques, fussent-elles les meilleures
connaissances au monde, dans notre système, nous croyons que c'est
impossible que cette personne-là soit qualifiée. Jean-Jacques, tu
me corrigeras si tu veux. Je pense au métier de mécanicien. C'est
3500 tâches différentes. Je pense qu'un apprenti doit pratiquer
très souvent un certain nombre de ces tâches avant de pouvoir se
prétendre qualifié.
M. Bourbeau: Alors, prenons le cas inverse d'un individu. Prenons
un décrocheur du système scolaire. Quelqu'un qui a laissé
la filière de l'enseignement, disons, après un secondaire III
général. Il n'avait même pas bifurqué encore vers la
formation professionnelle, il décroche. Puis, un ou deux ans
après, il vient vous voir. Il dit: Moi, je voudrais devenir un apprenti
et devenir un jour mécanicien. Alors, vous allez signer un contrat avec
lui. On va lui donner des connaissances pratiques sur les lieux avec un
compagnon certifié. Il va prendre des cours théoriques en
institution, une ou deux journées par semaine, et tout ça pendant
deux, trois ou quatre années. À la fin de l'opération, un
jour, je présume, il passera un examen et, là, on certifiera
qu'il est compétent. Voilà un individu qui vient de suivre
un cheminement totalement différent de celui qui est passé
par la filière scolaire. D'abord, est-ce que c'est possible, ce que je
viens de décrire? Et est-ce que, là, il n'y a pas un
système parallèle?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): M. le ministre, c'est très
possible et ce n'est pas un système parallèle, c'est un
système complémentaire qui ouvre la porte à tout le monde.
De plus, j'aimerais vous faire remarquer que vous avez juste oublié une
petite chose, c'est que les acquis vont être vérifiés par
un test, au moment où la personne va s'en venir dans l'industrie. On va
lui accorder tout de suite des crédits, lui faire un programme pour
l'orienter vers les bons cours parce que les gens, au moment où ils vont
travailler, ça peut être deux ans... On en a même qui ont
déjà fait des cégeps, qui sont revenus chez nous. Ces
gens-là ont des acquis. On a des gens qui sont électroniciens
dans le moment, qui ont acquis ça au cégep et qui pratiquent
maintenant dans l'industrie de l'automobile. On veut reconnaître ces
apprentissages, mais ce qu'on veut surtout, c'est de rendre à
César ce qui est à César. C'est de s'assurer que la porte
soit ouverte à tout le monde. C'est possible que nos expériences
et nos acquis soient reconnus mais, à la fin, quand on déclare
quelqu'un apte à pratiquer le métier, qu'il puisse l'exercer et
que la population ait le droit, comme on l'a dit dans notre
énoncé, d'avoir des travaux sécuritaires et aussi que les
consommateurs soient protégés. On ne ferme pas la porte à
personne, on donne la chance à tout le monde, sauf qu'au bout de la
ligne tout le monde doit être compétent de la même
façon. On peut arriver de différentes façons, mais on a
l'examen de fin d'apprentissage qui vient confirmer ça.
M. Bourbeau: Ce qu'il y a d'intéressant dans la formule
dont vous parlez et dont je parie aussi, c'est qu'on peut finalement amener un
jeune, un individu a une qualification certifiée, alors qu'il ou elle
avait décroché du système scolaire. Il y a des individus
qui n'ont pas, semble-t-il, les capacités intellectuelles pour
apprendre, ou plutôt n'ont pas les aptitudes pour apprendre des
connaissances théoriques selon les méthodes traditionnelles mais
qui, en s'insérant dans un processus d'apprentissage très concret
comme celui que vous décrivez, peuvent à la longue, parce qu'ils
ont des aptitudes beaucoup plus marquées pour des tâches un peu
plus manuelles, s'intéresser à un travail et acquérir de
façon complémentaire les connaissances théoriques qu'ils
ne pouvaient acquérir autrement dans une démarche plus
traditionnelle et, finalement, arriver éventuellement au même
point, avec une certification, après avoir passé par un processus
d'apprentissage. C'est un petit peu, là, la méthode allemande qui
utilise ce système-là d'une façon très
généralisée pour produire éventuellement des gens
de métier ou des techniciens, et même éventuellement des
ingénieurs. Moi, je trouve ça intéresant de pouvoir
recycler comme ça parfois des jeunes qui autrement se seraient retrouves
totalement déqualifiés.
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Si vous me permettez, aussi, c'est
que le système qu'on préconise va aussi permettre à la
personne qui va l'utiliser d'avoir des sous dans ses poches le temps qu'elle...
Et puis, les décrocheurs, on ne les pense pas tous nécessairement
déficients. Des fois, l'école, c'est tellement plate qu'on
décide de sauter en bas du train. On pense qu'avec ces
opportunités-là ça va être possible de
récupérer les gens qui vont vouloir venir se joindre à
notre industrie. Puis, définitivement qu'à la fin les
compétences acquises vont être égales. On ne veut pas avoir
des mécaniciens à rabais de cette façon-là, on veut
tout simplement s'assurer que la porte est ouverte à tout le monde.
M. Bourbeau: Oui, c'est sûr qu'il y a des gens qui
apprennent beaucoup plus facilement dans un milieu de travail concret que sur
des bancs d'école. Par contre, il faut toujours retourner sur les bancs
d'école d'une certaine façon pour acquérir la partie
théorique, en tout cas, les connaissances théoriques dont on a
besoin pour faire le travail.
Vous avez touché la question, tout à l'heure, de la
rémunération des apprentis. Est-ce que vous pourriez me dire quel
est votre point de vue sur la rémunération des apprentis?
D'après vous, comment ou combien devraient-ils être
rémunérés? Combien devrait-on rémunérer les
apprentis? Est-ce qu'on devrait leur assurer le salaire minimum dès le
départ ou le salaire industriel moyen? Bon, à titre d'exemple, en
Allemagne, les apprentis dans le système dual reçoivent deux
marks de l'heure, ce qui est très peu, à peu près 1,50 $
de l'heure. En France, ça varie entre 15 % et 70 % du salaire minimum,
selon l'âge et l'avancement. Donc, il y a toutes sortes de
possibilités selon l'âge de l'apprenti, selon son degré de
formation au moment où il commence. Avez-vous des idées
là-dessus?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Oui, M. le ministre.
Déjà, dans notre industrie, où c'est
réglementé par décret, les apprentis ont des salaires
reconnus. Ce qu'on vous demande, dans notre mémoire, c'est que les
apprentis, au moment où ils vont venir travailler, soient
considérés comme des salariés. Maintenant, c'est
évident qu'il faudrait peut-être voir s'il n'y aurait pas une aide
à donner à l'employeur qui va consentir à employer un
apprenti mais, ça, ce sont des modalités toujours possibles.
Mais, dans le moment, l'apprentissage se fait avec une
rémunération. Maintenant, on doit vous rappeler aussi que, dans
notre système, les gens progressent à l'intérieur.
Ça veut dire que durant que
les gens seraient à l'école et qu'ils feraient de
l'apprentissage, école-industrie, il y aurait une progression.
C'est-à-dire qu'au début de son apprentissage, même s'il
fréquente l'école, il aurait un salaire qui n'est pas le salaire
minimum, qui est plus que le minimum, puis, en même temps, suivant ses
progrès, il aurait la possibilité d'avancer même pendant
qu'il est à l'école.
M. Bourbeau: Ne pensez-vous pas que si on offre à un jeune
la possibilité d'aller faire son cours et de décrocher un
diplôme en gagnant un salaire qui, dès le départ, est au
moins le salaire minimum et qui va progresser, ce ne sera pas un puissant
attrait pour multiplier encore davantage le décrochage scolaire? Un
jeune, je ne sais pas, moi, de 16 ans, 17 ans, qui peut faire son cours de
mécanicien dans la filière scolaire, en n'ayant aucun salaire,
qui verrait un autre jeune décroche, aller chez vous, faire le
même cours en milieu de travail et recevoir un salaire de 200 $, 300 $
par semaine, pensez-vous que ça ne sera pas tentant de décrocher
à ce moment-là, puis d'aller se faire payer pour étudier?
(16 heures)
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Non. Mon voisin, M. Roy, ici, me
faisait la remarque que peut-être on n'a pas été assez
clairs. On n'encourage pas le décrochage scolaire du tout. Il faut bien
comprendre que, dans notre système d'apprentissage, le DEP est aussi
obligatoire que l'expérience pratique en industrie. C'est pour ça
qu'il n'y a pas deux systèmes. Le système est très
flexible, par contre, en ce sens qu'une personne qui, à cause de toutes
sortes de conditions, voudrait ne travailler en industrie que pendant, je ne
sais pas, moi, un an et demi sans suivre un seul cours de DEP à
l'école, nous allons permettre à cette personne-là de le
faire. Mais il n'en demeure pas moins qu'avant de se présenter à
l'examen de qualification de fin d'apprentissage elle aura dû
compléter son carnet d'apprentissage au complet, c'est-à-dire
toutes les heures nécessaires au niveau pratique et, également,
le DEP en école; les deux sont nécessaires.
M. Bourbeau: Si vous dites: Le processus d'apprentissage ne
commencera pas avant qu'un étudiant ait en main son diplôme
d'études professionnelles, là je comprends que vous avez
quelqu'un qui est déjà qualifié, partiellement
qualifié et qui puisse mériter un salaire, au moins le salaire
minimum. Mais je parlais tantôt du cas du décrocheur, celui qui a
laissé sans aucun diplôme, qui est sans emploi et qui
décide de se réinsérer en emploi et d'obtenir
éventuellement un diplôme par la voie de l'apprentissage. Est-ce
que vous ne trouvez pas que, dans ce cas-là, si on paie des salaires
équivalant au salaire minimum... Ou plus même, là on va
inciter des jeunes à ne pas aller chercher leur diplôme par la
voie régulière puisqu'ils peuvent aller le faire par une voie
où ils retirent des salaires intéressants?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Encore une fois, en industrie, il ne
pourra aller chercher que la portion de son apprentissage qui est pratique. Il
devra quand même retourner à l'école pour aller chercher la
portion de son apprentissage qui est théorique, aller chercher les
connaissances du DEP, il devra le faire. Ce que notre système permet, ce
qui n'était pas permis avant, si vous voulez, c'est une
flexibilité incroyable. Quelqu'un peut alterner école et
industrie, de deux mois en deux mois ou d'année en année, etc.,
mais il n'en demeure pas moins qu'il aura dû passer à travers...
C'est justement parce qu'on ne veut pas être une voie de garage ou on ne
veut pas ramasser des gens qui sont des décro-cheurs et des
décrocheurs perpétuels, si vous voulez, parce que notre industrie
est trop de pointe dorénavant et elle implique trop la
sécurité du public, la sécurité des travailleurs et
la protection du consommateur. On exigera donc le DEP plus des connaissances
pratiques.
M. Bourbeau: M. le Président, je pense que mon temps est
écoulé, mais il y a certainement... On va devoir en rediscuter
davantage parce qu'il y a un problème de compréhension. Vous
dites: On va exiger le DEP. Si vous exigez le DEP, c'est une chose, je
comprends que c'est un étudiant qui est déjà
diplômé et qui a droit à un salaire. Mais si vous me dites:
On va prendre des décrocheurs du système scolaire... Et moi, je
pense que vous devriez en prendre parce que, chez les décrocheurs, il y
a des gens qui ont du talent et qui ont laissé souvent uniquement pour
des raisons qui n'ont rien à voir avec leur talent. On peut
récupérer, à mon avis, beaucoup de gens par le
système d'apprentissage. Mais si on leur paie, à ces
gens-là, aussi un salaire minimum et plus, à ce moment-là,
ce n'est pas vrai qu'on ne créera pas des perturbations dans le
système d'enseignement du Québec. On ne peut pas traiter sur le
même pied des étudiants qui ont décroché, qui n'ont
aucun diplôme et ceux qui ont déjà un diplôme et qui
viennent chercher un complément de formation chez vous. Enfin, on aura
l'occasion d'en reparler. M. le Président, je vais passer la parole
à quelqu'un d'autre.
Une voix:...
Le Président (M. Philibert): m. le ministre, sur ce
commentaire... le temps est écoulé, monsieur, je regrette. m. le
ministre, sur ce commentaire, nous passons la parole à mme la
députée de hochelaga-maisonneuve.
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je ne sais
pas si l'un d'entre vous voulait immédiatement faire un commentaire?
Non? Je lui donnerais mon temps de parole si tel était le
cas.
Le Président (M. Philibert): M. Parson.
M. Parson: Une précision peut-être. Il ne faut pas
oublier l'aspect test d'évaluation, l'aspect reconnaissance des acquis.
Quand je disais: Nous allons exiger le DEP, ça aurait été
plus précis de dire: Nous allons exiger les connaissances du DEP. Il y a
une possibilité de connaissances équivalentes, évidemment.
C'était la précision que je voulais faire. Merci.
Mme Harel: M. Courchesne, et vous qui accompagnez le
président du Conseil provincial des comités paritaires de
l'industrie de l'automobile, je veux d'abord vous féliciter pour votre
mémoire. J'avais lu aussi dans le journal Les Affaires un
reportage sur l'expérience qui se vit dans votre industrie, et je me
demandais, en écoutant l'échange que vous aviez avec le ministre,
si, finalement, il n'y a pas un très très important malentendu
à l'effet que, dans le système d'apprentissage, qu'est-ce que
c'est, l'objectif qu'on poursuit? Si la Société, c'est pour
rattraper des étudiants qui ont abandonné le système
scolaire, est-ce que c'est le bon moyen de le faire? Parce que ça, c'est
comme si, au bout de la ligne, on n'acceptait pas comme société
de revoir le système scolaire lui-même pour voir ce qui fait qu'en
cours de route on en échappe. Est-ce que le système
d'apprentissage ne doit pas être poursuivi pour ce qu'il est en tant que
tel, une façon d'apprendre, autant pour des gens qui n'ont pas
décroché que, éventuellement, pour ceux qui ont
décroché?
Mais, de la manière dont ce système d'apprentissage est
proposé à la page 62 de l'énoncé, comme une
manière curative, si vous voulez, plus exactement de s'adresser... Parce
qu'il s'adresse aux adultes, en plus; il ne s'adresse pas aux jeunes, le
système d'apprentissage proposé. Et on y dit, donc, que ça
va s'adresser aux adultes sans qualifications professionnelles qui ressentent
le besoin de développer en entreprise une compétence
recherchée par le marché du travail. Et on parle de personnes
qui, pour diverses raisons, se situent en marge du système scolaire.
Vous, ce que vous nous dites, c'est qu'un système d'apprentissage, c'est
un système intimement développé avec le système
scolaire. Alors, qu'on y entre par le biais de l'entreprise ou qu'on y entre
par le biais de l'école, quelle que soit la filière par laquelle
on rentre, finalement, ce ne sera pas des corridors différents; tout le
monde va se retrouver dans la même formation à un moment
donné. C'est ça que je dois donc comprendre. Puis je fais
toujours bien attention avec les comparaisons, parce que vous savez qu'en
Allemagne, finalement, c'est le système que vous décrivez qui
existe, intimement, étroitement imbriqué avec le système
d'éducation national, ce qui amène la passerelle continuelle
entre l'apprentissage de... Ce qui amène aussi l'éducation
nationale en Allemagne à, finalement, décider même du
contrôle sur les contenus, sur les formateurs et sur les conditions
d'apprentissage également. C'est là, en fait, un débat
intéressant.
Moi, j'aimerais savoir. En regard du mémoire que vous nous
présentez, les inquiétudes que vous exprimez sont à
l'effet de ne devenir qu'un comité, un parmi les autres comités
sectoriels, qui relèverait de la Société et qui serait,
à ce titre-là, consulté, mais qui n'aurait plus, comme
c'est le cas maintenant, non seulement la consultation, mais la décision
sur la façon d'opérer. C'est ça qu'il faut comprendre dans
les inquiétudes que vous exprimez?
M. Parson: Je pense qu'il faut comprendre beaucoup de choses. Je
pense qu'il faut comprendre, d'abord, notre admiration face à votre
défi. Pour reprendre ce que vous disiez sur l'apprentissage, c'est vrai
pour notre industrie. Notre industrie est devenue tellement technologique, si
vous voulez, que l'apprentissage... Et c'est vrai que ça prend une
connaissance académique solide pour faire ce métier
dorénavant. Mais c'est...
Mme Harel: Comme quoi, par exemple? Physique-chimie, physique,
mathématiques?
M. Parson: Je pense que je pourrais laisser la parole aux experts
à côté pour vous le dire plus avant. Mais ce que je veux
dire, c'est que, dans d'autres industries, par contre, je comprends fort bien
que l'apprentissage puisse... C'est effectivement et ça peut être
un bon mode de recyclage dans des industries qui sont moins techniques que la
nôtre. C'est peut-être la première remarque. La
deuxième, c'est que, oui, au niveau sectoriel, je pense qu'il est plus
important de se pencher sur la nature, et je pense que c'est le sens du vrai
partenariat, et on arrivait à le déchiffrer, si vous voulez, dans
l'énoncé de politique. Je pense que le focus sectoriel est
beaucoup plus intéressant que le focus régional, parce que les
secteurs varient tellement de l'un à l'autre. J'ai l'impression que ce
sera très difficile d'en arriver à trouver une solution globale
à un problème qui, d'une industrie à l'autre, est
tellement différent, qui est le problème de la compétence
et de la compétitivité de la main-d'oeuvre.
Mme Harel: Je vais peut-être attendre la réponse
à cette question parce qu'elle est importante. Parce que ce que vous
nous dites: II ne faut pas penser que les mécaniciens, les
débosseurs, etc., c'est comme avant, ça, quand ce n'était
pas nécessaire d'avoir une compétence technique. Vous nous dites:
II y a eu une invasion technologique - ce sont les mots que vous utilisiez -
puis tout a l'air d'être informatisé, ou
presque, maintenant. C'est ça qu'il faut comprendre? Et, donc,
vous nous dites qu'il faut des prérequis académiques. Est-ce que
ces prérequis-là, pour vous, sont déjà
identifiés?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Oui, madame, sauf qu'il ne faut pas
non plus penser que - c'est ça le dilemme - parce que c'est devenu
électronique nos gens vont tous travailler en chemisier blanc avec des
masques pour faire les opérations; ça va continuer d'être
aussi un métier. Puis il est possible... On l'a fait, d'ailleurs, avec
la main-d'oeuvre actuelle, quand on vous a parlé des cours tout à
l'heure - ce sont des cours de formation continue adressés aux gens qui
sont en situation de travail dans le moment - on a pris des personnes de tout
âge puis on leur a donné ce qui leur manquait pour les amener
à pouvoir travailler dans l'industrie. Mais c'est la même chose
avec quelqu'un de plus jeune aussi.
Vous demandiez quelles sortes d'études. C'est les études
les plus complètes possible. Si vous vous référez à
la physique - nous autres, on dirait plus spécifiquement, à ce
moment-là, l'électricité, ce qui nous amène ensuite
à la compréhension de l'informatique, - c'est oui, mais
l'ensemble de la physique, peut-être non. Mais, définitivement, il
y a d'autres notions de physique aussi qui sont applicables à votre
véhicule automobile tous les jours et qu'aujourd'hui le
mécanicien se doit de connaître pour pouvoir poser des diagnostics
et pouvoir travailler. C'est dans ce sens-là. Mais ça, ça
s'acquiert à l'école, oui, mais ça s'acquiert d'autres
façons à l'occasion. Ce qu'on vous dit, c'est que les
connaissances du DEP, il va falloir qu'elles soient là, mais ce n'est
pas nécessaire de les avoir acquises au DEP, assis à
l'école, complètement. Mais si vous ne les avez pas, on va vous
donner un programme pour que vous arriviez au même résultat.
Maintenant, ce à quoi M. Parson référait aussi,
dans votre question, je devrais dire, quand vous nous demandez dans quelle
sorte de régime et si on a peur, oui, on a peur que, dans les
sociétés de développement, quand on arrive à des
choses aussi pratiques que ce qu'on fait dans le moment... La
problématique de notre industrie face à quelqu'un qui vient d'un
milieu défavorisé, ça peut faire des soirées
très longues et très peu productives, vous savez. Quand on est
des gens comme nous autres, et qu'on doit s'occuper de la main-d'oeuvre
à chaque jour il y a des choses qui sont difficiles et longues à
subir quand on est à l'intérieur d'endroits où ça
va parler beaucoup plus de philosophie et de toutes sortes de choses comme
ça. On va espérer que les sociétés de
développement vont s'attaquer au problème de la main-d'oeuvre
directement.
Mme Harel: Vous, vous avez un comité paritaire, et tout se
passe à l'intérieur des comités paritaires. Est-ce que,
selon vous, cette façon-là de faire... Et, en plus, vous payez
une cotisation. J'aimerais ça vous entendre sur ça. Vous, comme
industrie, c'est contraignant, j'imagine, pour vos entreprises, le fait d'avoir
à financer ce système-là. Il y a déjà un
financement qui vient, je pense, des cotisations. Alors, là-dessus,
j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous considérez que le fait
d'être paritaire, c'est ce qui, jusqu'à maintenant, vous a permis
d'en arriver là où vous êtes arrivé?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Définitivement, madame. Les
contenus de cours qu'on a préparés, ça a été
préparé avec les salariés et avec les employeurs. Les
contributions ont été utilisées à ça aussi.
Il est définitif aussi que c'est le seul endroit, peut-être, je
dirais presque au monde, où les salariés ont déjà
payé... Parce que les cotisations d'un comité paritaire,
ça vient et des salariés et des employeurs. Ce qu'on vous dit,
c'est que nos réalisations ont été faites avec l'argent
des travailleurs et avec l'argent des employeurs. C'est quelque chose,
définitivement, qui est assez unique. Les salariés ont
définitivement beaucoup... Ça a été sur une base
paritaire. Ça a été complètement moitié
moitié, si vous voulez.
Mme Harel: Et de quel ordre est cette cotisation?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): C'est sur la masse salariale et
ça varie, dans le moment, d'une région à l'autre. C'est un
maximum de 0,5 % du côté salarial comme du côté
employeur. Mais, dépendamment des régions, il y a des budgets,
ça se passe avec le ministère du Travail. Ce n'est pas
égal à travers la province.
Mme Harel: Évidemment, c'est toujours difficile
d'extrapoler, mais, selon vous, pour que ce système d'apprentissage
fonctionne, il faudrait que ce soit dans des secteurs où il y a ces
comités paritaires?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Pas nécessairement, mais ce
serait peut-être bon d'en créer d'autres.
Mme Harel: En matière d'équité en emploi,
vous en êtes rendu où dans votre approche? Est-ce que c'est, pour
vous, une responsabilité que cette question d'ouvrir le champ de ce
métier-là à des femmes, par exemple? Est-ce que le
comité paritaire a déjà discuté de cette
question-là?
M. Lefebvre (Jean-Jacques): Définitivement. Au niveau
canadien, il y a eu des choses de faites. On a participé à
ça. Dans le moment, dans l'industrie, le métier de commis aux
pièces, il y a déjà beaucoup de femmes qui l'exercent. Il
y a aussi eu, en certains endroits, des femmes
mécaniciens et des femmes débosseurs. Peut-être que
M. Roy, de la partie salariale...
M. Roy (Jean): Présentement, madame, au garage Lallier
Automobile, à Québec, il y a un mécanicien ou
mécanicienne, je ne sais pas, Mme Mireille Fortin; c'est une apprentie,
troisième année, et elle est en mécanique automobile.
Une voix: II y en a d'autres aussi.
M. Roy: Puis il y en a ailleurs.
Mme Harel: Vous avez l'air d'en être fier?
M. Roy: Oui, je suis fier. Oui, on est fiers.
Mme Harel: C'est bien.
M. Roy: Ça fait drôle un peu de voir une femme avec
des coupures aux mains, puis... Mais elle s'habitue.
Mme Harel: Est-ce que c'est l'exception à la règle
masculine? (16 h 15)
M. Roy: C'est ouvert. C'est un métier ouvert, d'autant
plus que la technologie... Les nouveaux produits font que c'est un
métier qui va peut-être devenir moins difficile physiquement; je
ne veux pas dire par ça que les femmes sont moins fortes, mais elles
sont plus faibles un petit peu au niveau des muscles. Donc, en ayant des
produits moins difficiles, je pense que c'est un métier qui est encore
plus ouvert aux femmes qu'il ne l'était. Aussi, les ouvertures ne sont
pas les mêmes.
Mme Harel: Me permettez-vous de vous demander de résumer?
Cet après-midi, vous venez vous exprimer sur l'énoncé.
Vous, comme comités paritaires qui représentez toute l'industrie,
qu'est-ce que vous souhaiteriez en regard de ce qui est proposé?
Qu'est-ce que vous souhaiteriez changer en regard de ce qui est
proposé?
M. Parson: Changer? Vous savez, nous ne regardons que notre
industrie, nous sortons à peine d'un très long processus...
Mme Harel: Oui, par rapport à votre industrie.
M. Parson: Oui. O.K. On sort d'un très très long
processus de rapport final, de consensus. Je vous ai lu un petit peu les
recommandations et, en gros, évidemment, nous aimerions, bien sûr,
que ces recommandations-là soient approuvées par le ministre et
entérinées. Quelles sont-elles? Encore une fois, un
système d'apprentissage industrie-école obligatoire,
sanctionné par un examen de qualification de fin d'apprentissage. Il y
aura d'autres examens de qualification pour d'autres classes, mais qui sont,
bien sûr, facultatifs, qui permettraient, par exemple, à un
mécanicien de passer de la classe C à la classe B et à la
classe A. Également, un programme de formation continue, qu'on aimerait
permanent, c'est-à-dire qui nous permette d'officialiser ce qu'on a
déjà commencé seuls et qui nous permette,
également, d'harmoniser le financement de ce programme, encore une fois,
grâce à l'harmonisation de tous les fonds disponibles, et qu'on
puisse avoir ces fonds de façon permanente, pour assurer une formation
continue complète.
Mme Harel: mais, à ce moment-là, la réponse
à vos attentes, vous l'attendez du ministre de la main-d'oeuvre ou du
ministre de l'éducation?
M. Parson: Dans le fond, j'allais dire des trois, d'une certaine
façon, parce que la Loi sur les décrets de convention collective
relève du ministère du Travail et il a son mot à dire
là-dedans, et le MMSRFP également. Le ministère de
l'Éducation nous a déjà donné, non pas une
approbation, mais, enfin, une indication de son intérêt à
travailler avec nous. Effectivement, on attend des feux verts - pour utiliser
un terme d'automobile - de tous ces gens-là.
Mme Harel: Et l'école de l'automobile, à
Montréal, c'est un peu l'exception, je pense, par rapport à
toutes ces polyvalentes. Il nous est resté une école de
l'automobile, c'est bien le cas là, gérée par la CECM.
Quels sont les liens que vous entretenez avec cette école qui, dans le
fond, ressemble un peu à l'école de métiers à
laquelle on voudrait revenir maintenant?
M. Parson: Je vais demander à M. Levac, qui est du CPA
Montréal, de répondre à la question.
M. Levac (Maurice): Nous entretenons avec l'École des
métiers de l'automobile les mêmes relations qu'avec n'importe
quelle autre école de l'automobile. L'avantage que nous avons à
Montréal, c'est que c'est une école où on enseigne
uniquement les métiers de l'automobile, alors que, dans d'autres
commissions scolaires, le secteur de l'automobile se retrouve dans une
polyvalente. Évidemment, c'est plus avantageux parce que c'est plus
concentré et le personnel est plus fort généralement,
parce qu'il est uniquement dans le milieu de l'automobile, dans ce
secteur-là.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a un partenariat à
l'école dans la gestion de l'école de l'automobile? Pas plus que
dans n'importe quelle autre école? C'est ce qu'il faut comprendre.
M. Levac: Pas dans la gestion, mais nous entretenons avec les
différentes commissions
scolaires depuis nombre d'années des relations au niveau d'un
comité éducation-travail et, également, au niveau du
conseil provincial, nous collaborons avec les différentes commissions
scolaires pour dispenser les cours du programme dont nous avons parlé
tantôt.
Mme Harel: Quand vous dites au niveau provincial, ça se
fait par la Fédération des commissions scolaires? Par quel
mécanisme?
M. Levac: Non, ça se fait au niveau du Conseil provincial,
avec les comités paritaires régionaux et les différentes
commissions scolaires des secteurs.
Mme Harel: Je pense que vous aviez un complément de
réponse.
Le Président (M. Doyon): Un complément.
M. Lefebvre (Jean-Jacques): C'est que si on a réussi
à établir le programme qu'on a établi, c'est justement
parce que, définitivement, on a été un lien entre les
différentes parties, soit les CFP, soit les commissions scolaires. De
plus, le Conseil provincial a formé des enseignants. On a
décidé que les gens qui donneraient nos programmes seraient des
gens qu'on aurait accrédités. À ce moment-là, il y
a des enseignants à qui on a donné des cours qui sont devenus des
personnes accréditées, comme on a pris aussi des travailleurs,
des salariés et on les a formés pour devenir des formateurs.
Maintenant, vous nous demandez: Qu'est-ce qu'on désire? Ce qu'on
désire, c'est de continuer à faire ce qu'on fait en
espérant que le projet ne nous en empêche pas. Et ce qu'on dit
aussi, c'est: Méfions-nous des structures qui font que, quand on vient
pour accomplir quelque chose, on nous oppose la structure et on ne peut pas
avancer. Moi, ce que je dis, c'est: Méfions-nous d'une
société, appelez ça comme vous voulez... Mais les
contraintes, il ne faut pas qu'elles soient plus importantes que le service
qu'on veut rendre, c'est-à-dire s'assurer que le travailleur - parce
qu'on est de la main-d'oeuvre - ait droit aux services auxquels il a droit,
qu'on ne se fasse pas opposer que, bon, le cours qu'on veut donner, qui a une
durée de 60 heures, devrait en avoir 90 parce que le programme en
finance 90 et que ça a été décidé à
une table où on n'était pas présents ou par d'autres
personnes.
Et c'est vrai aussi pour d'autres secteurs. Ce qu'on demande, c'est
d'avoir de la souplesse. Ce n'est pas nécessaire, je pense, d'avoir,
à l'intérieur des organismes gouvernementaux, des choses et des
règles aussi strictes que ça. Nous, ce qu'on a demandé et
ce qu'on veut, c'est que M. le ministre nous donne l'opportunité de
continuer à avoir un conseil consultatif où l'ensemble des
intervenants sera assis au niveau provincial et aussi au niveau régional
pour notre industrie, où tout va s'harmoniser, où les
manufacturiers vont être, les gens du ministère de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur, de la Main-d'oeuvre et
du Travail: Qu'on soit tous là ensemble et, quand vient le temps d'avoir
des sous, qu'on se les répartisse pour qu'ils soient
dépensés le mieux possible pour l'intérêt de tout le
monde. On pense que c'est comme ça que la structure devrait être
pensée.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): Ceci termine le temps qui est
à notre disposition. Alors, au nom des membres de la commission, au nom
de Mme la députée, au nom de M. le ministre ainsi que des autres
membres, je tiens à vous remercier bien sincèrement de votre
participation et de la disponibilité dont vous avez fait preuve. En vous
permettant de vous retirer de la table...
Une voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): ...j'invite maintenant les
suivants à bien vouloir se préparer à prendre votre
place.
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes
au travail du Québec inc.
À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant le Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec
à bien vouloir prendre place à la table de nos invités.
Tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue à Mmes
Bégin, Robert et Leduc, et les inviter à procéder à
la présentation et à l'indication des titres qu'elles portent de
façon à ce qu'on puisse enregistrer ça dans le Journal
des débats. Ensuite, vous allez avoir une vingtaine de minutes pour
nous entretenir, après quoi suivra une discussion avec les membres de la
commission, à part égale, pour une vingtaine de minutes aussi.
Dès maintenant, vous avez la parole.
Mme Bégin (Martine): Je voudrais d'abord vous dire bonjour
et vous remercier de nous recevoir ici aujourd'hui. Je vais vous
présenter les personnes qui sont avec moi: Mme Andrée Robert, qui
est membre du comité de formation du CIAFT et ex-présidente, et
Mme Lyse Leduc, qui est directrice générale du CIAFT. Je suis
Martine Bégin, présidente, actuellement, du CIAFT. Mme Robert va
vous présenter le mémoire et, par la suite, nous serons
disponibles pour échanger avec vous dans un esprit de partenariat.
Le Président (M. Doyon): Très heureux de vous avoir
avec nous.
Mme Robert (Andrée): M. le Président, le Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec est
une association nationale qui regroupe quelque 150 membres provenant de
l'ensemble des régions du Québec et représentant environ
70 000 personnes.
Le CIAFT collabore avec différents partenaires
socio-économiques afin d'amener des changements tant législatifs
que de société permettant de réaliser
l'égalité professionnelle des femmes. Depuis 1982, le Cl AFT
intervient de façon continue et soutenue dans les champs d'action
reliés au travail, à l'éducation et à
l'économie. Nous avons contribué, par le biais de
mémoires, entre autres, à ce que des crédits
spéciaux soient alloués pour le recyclage des femmes en
mathématiques et en sciences. De plus, suite à un mémoire
du CIAFT, le MMSR mettait sur pied, en 1984, le programme de retour aux
études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. Quelque
1000 personnes se prévalent de ce programme annuellement. Nous avons
également présenté un mémoire sur la loi 119
régissant le secteur de la construction, faisant état de
recommandations afin de permettre l'intégration des femmes dans ce
secteur. Le CIAFT poursuit ses interventions sur les politiques en
éducation des adultes et en formation professionnelle parce qu'il est
convaincu que l'accès au monde du travail ne va pas sans une formation
adéquate adaptée aux femmes.
En avant-propos, nous aimerions souligner quelques idées sur la
formation. Le CIAFT ne peut dissocier la question de la formation de la
main-d'oeuvre de celle de l'emploi. Quand une femme ou un homme investit temps
et argent et fait des sacrifices pour se former, c'est nécessairement
pour en récolter les fruits au niveau de l'emploi. Tous savent que la
formation est devenue un passeport pour l'emploi. Cependant, pour le CIAFT, il
est clair que, contrairement à ce que l'on entend, ce n'est pas
uniquement parce que les gens sont insuffisamment formés qu'il existe
des problèmes graves d'emploi au Québec. C'est parce qu'il existe
de graves problèmes d'emploi depuis plusieurs années que les gens
sont devenus insuffisamment formés.
Il n'existe pas assez d'emplois pour tout le monde. Même si tous
les postes en pénurie étaient comblés, il resterait un
pourcentage élevé de chômage au Québec, 9,1 %. Dans
ce contexte, la formation doit être planifiée, arrimée au
marché du travail afin de ne pas déboucher sur des situations
plus désespérantes encore. Le maximum d'efforts doit être
consenti à la création d'emplois.
Nous croyons donc que l'effort de rationalisation et
d'amélioration de l'utilisation des ressources humaines visées
par la création de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre ne peut régler l'ensemble des
problèmes d'emploi au Québec. Toutefois, compte tenu que le
projet de loi traite d'une partie du problème, nous ferons nos
commentaires sur certains points qui y sont exposés.
Commençons par l'organisation et la composition de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Dans l'énoncé de politique, le chapitre analysant
l'état de la situation économique nous expose certaines
réalités propres à la situation des femmes, et je cite ce
qui est énoncé dans l'énoncé de politique:
«Un grand nombre de femmes se situent encore en marge du marché du
travail parce que l'économie ne leur permet pas de s'intégrer au
marché du travail. Le taux de participation des femmes à la
main-d'oeuvre active demeure lié à leur scolarisation. 70 % des
personnes travaillant à temps partiel sont des femmes» - et on les
retrouve dans des emplois dits précaires. «Les femmes sont moins
nombreuses à s'engager dans des activités de formation
qualifiante.» Fin de la citation. (16 h 30)
Devant ces multiples constatations nous démontrant
l'iniquité en matière d'emploi et de formation, nous nous serions
attendues à retrouver des pistes d'action visant la correction de cette
situation à l'intérieur du projet de loi. Serait-ce que le
gouvernement, tout en étant conscient d'une situation discriminatoire, a
envisagé de plein gré de ne recourir à aucune solution? Ou
alors, pourrait-on expliquer cette absence du fait qu'aucune
représentante des groupes de femmes ne siège dans les
comités décisionnels où sont discutées les grandes
orientations de développement de la main-d'oeuvre? Nous osons croire que
cette deuxième hypothèse explique les lacunes apparues dans
l'énoncé de politique et le projet de loi.
Nous invitons donc le gouvernement québécois à
suivre l'exemple du gouvernement ontarien qui vient de présenter son
projet de loi concernant le Conseil ontarien de formation et d'adaptation de la
main-d'oeuvre. On y prévoit une place aux représentantes des
groupes de femmes et des autres groupes cibles, dont les immigrants, dans les
structures décisionnelles nationale et régionales.
Comme l'énoncé de politique ne contient aucune mesure
visant à corriger la situation des femmes face à leur formation
professionnelle, nous nous voyons dans l'obligation de réitérer
les demandes qui ont déjà été faites par notre
regroupement en matière de formation et d'accès à la
formation.
A la lumière de l'expérience terrain de nos groupes, nous
sommes forcées de constater que la seule formation devenue accessible
pour notre clientèle est la formation sur mesure ainsi que les AES et
AEC. On sait qu'entre 1987 et 1989 la formation sur mesure a presque
doublé. Cette dernière constitue en soi une formation très
adéquate lorsqu'elle s'adresse à des personnes en emploi qui
possèdent déjà de l'expérience et des
diplômes et qui désirent un perfectionnement.
C'est une formation pointue, collée aux besoins des entreprises.
C'est également une formation qui procure une attestation de
participation et non un diplôme. Et c'est là que le bât
blesse: les femmes défavorisées au plan de l'emploi ont besoin
d'une formation qualifiante pour devenir compétitives avec les jeunes
diplômés. Il est essentiel que cette situation se
rétablisse, c'est-à-dire que l'on accorde de l'importance
à la formation générale car, au Québec, une femme
sur quatre n'a pas complété ses études de niveau
secondaire. Il est également important de préserver les
programmes qui facilitent l'accès des femmes à la formation. Nous
songeons ici aux programmes suivants: Séquence d'intervention pour les
femmes, Transition-Travail, Accès aux carrières technologiques,
et plusieurs autres. L'action positive en matière de formation est
indispensable pour aider les femmes à sortir des orientations
typiquement féminines. Des places réservées pour elles
dans les formations non traditionnelles, par exemple, doivent être
maintenues.
Nous allons maintenant passer à l'accessibilité des
services, que vous retrouvez en page 12 du mémoire. Nous constatons que
la priorité est accordée aux travailleurs et travailleuses. Le
CIAFT a toujours été en faveur d'un meilleur engagement dans la
formation continue des travailleurs et des travailleuses. Cependant, les
récentes réalisations en ce domaine nous laissent perplexes quant
au sort réservé aux femmes s'il n'y a pas de mesures de
redressement pour assurer leur participation équitable à
l'intérieur de ces programmes. Dans la revue Au courant, Mme
Judith Maxwell, présidente du Conseil économique canadien,
spécifiait: «Les employeurs n'investissent pas suffisamment dans
la formation de leurs employés et, lorsqu'ils le font, ce sont plus
souvent qu'autrement des hommes hautement qualifiés jouissant d'une
solide éducation qui en bénéficient.»
Ces dires corroborent une étude du Conseil du statut de la femme
où il est stipulé que, bien que tout en voyant sa
clientèle augmenter, la formation sur mesure en établissement,
davantage axée sur les besoins d'entreprise, rejoint un plus grand
nombre de travailleurs que de travailleuses. Les femmes représentent 43
% de la population active alors que leur participation au programme Formation
sur mesure en établissement varie entre 20 % et 30 %. Le Conseil du
statut de la femme concluait que, devant cet état de fait, il fallait
présumer que les femmes risquent de continuer à occuper des
postes d'exécutantes pour les 30 prochaines années. Est-ce bien
là la volonté du gouvernement québécois?
L'énoncé de politique décrit certaines actions
s'avérant urgentes dans le contexte économique actuel. Si
certaines clientèles y sont ciblées, d'autres, malheureusement,
sont oubliées, et nous parlons ici des personnes sans emploi. Suite aux
réformes conjointes intervenues à la sécurité du
revenu et à l'assurance-chômage, nous avons assisté
à une prolifération de programmes offerts exclusivement aux
prestataires de la sécurité du revenu ou de
l'assurance-chômage. Parallèlement, nous constatons une diminution
des fonds engagés dans les programmes offerts à tous les
sans-emploi, y compris les sans-revenu. Ce groupe de sans-revenu est
constitué majoritairement de femmes: femme mariée sans emploi,
même si le conjoint a un revenu qui est l'assurance-chômage; femme
mariée qui désire assurer sa sécurité
financière avant une séparation; femme retirant une pension
alimentaire minimale, ne pouvant avoir accès à la
sécurité du revenu; femme qui, maintenant protégée
par la loi du patrimoine familial, doit liquider son patrimoine avant d'avoir
accès à la sécurité du revenu; femme ayant perdu
son emploi à temps partiel, ce qui ne lui donne pas accès
à l'assurance-chômage.
Il y a un groupe de femmes particulièrement discriminées
par cette catégorisation, soient les femmes immigrantes. Les immigrantes
représentent un apport précieux et important à la
société québécoise. Comment espère-t-on
favoriser leur intégration si, au départ, on ne leur donne aucun
moyen, aucun outil pour le faire? Ces femmes sans chèque, sans revenu,
appelées «femmes au foyer», sont condamnées, par
l'énoncé de politique, à rester chez elles puisqu'on
refuse de leur donner accès à la première marche vers
l'autonomie, soit la formation.
Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais vous parler de la
centralisation des pouvoirs dans l'énoncé de politique. Lorsque
nous analysons les pouvoirs de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre face aux
sociétés régionales, nous constatons un écart
notoire entre la volonté traduite dans l'énoncé de
politique et le projet de loi qui en ressort. La lecture du projet de loi nous
laisse entrevoir une structure décisionnelle hiérarchique
où la participation régionale n'est que consultative. Une plus
forte centralisation ne peut qu'entraîner une superstructure qui se
caractérisera par un immobilisme quant au développement et aux
initiatives des régions. Nous croyons que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre devrait,
en fait, définir les grandes orientations et les objectifs
quantifiables. Quant aux régions, elles pourraient, à partir de
l'expertise des partenaires et de leur connaissance des besoins
régionaux, définir les actions à prendre pour les
atteindre.
L'assurance-chômage en lien avec les politiques de création
d'emplois. Une politique de développement de la main-d'oeuvre est un
élément essentiel pour faire face à la mondialisation des
marchés. Bien qu'essentielle, elle n'est certes pas suffisante. Une
politique globale du marché du travail viserait une augmentation du
volume de l'emploi, rendrait l'ensemble de la main-d'oeuvre compétente
et aiderait les entre-
prises à être compétitives. Il semble clair que ce
n'est pas sur la voie de la réduction du taux de chômage que le
Québec s'engage. L'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre nous apparaît comme une
réponse partielle à un problème beaucoup plus large que la
formation de la main-d'oeuvre active. La vraie mesure du problème est le
taux actuel de sans-emploi au Québec. Plus de 20 % de la main-d'oeuvre
au Québec n'est pas utilisée. La majorité de ce bassin de
travailleurs et travailleuses est constituée de femmes. C'est pourquoi
il est primordial pour le CIAFT de pouvoir compter sur une politique de plein
emploi, élément devenu essentiel à l'efficience de
politiques d'égalité et d'équité en emploi.
Passons maintenant aux maintien et transfert des services
d'employabilité réservés aux femmes. Il est vrai que les
femmes ont réalisé des progrès dans le domaine du travail
depuis deux décennies. La participation des femmes au marché du
travail n'a cessé de croître depuis les 40 dernières
années, passant à 54,7 % en juillet 1991. Rappelons ici que les
progrès réalisés sont dus à la
persévérance et aux revendications de l'ensemble des femmes
désireuses de se tailler une place plus égale dans la
société. Il reste, cependant, beaucoup de chemin à
parcourir, puisque les femmes sont devenues plus pauvres que les hommes,
particulièrement les femmes monoparentales. Il existe, actuellement, au
Québec une vingtaine d'organismes d'intégration au travail pour
les femmes, subventionnés par Emploi et Immigration Canada ou par le
MMSRFP. Le but de ces services est d'aider les femmes
défavorisées au plan de l'emploi à se trouver un travail
afin d'améliorer leur situation économique. Parmi ces services,
plusieurs existent depuis plus de 10 ans. Ils ont donc développé
une solide expertise.
L'énoncé de politique, lorsqu'il cite !e transfert des
services fédéraux, n'aborde pas la question du statut des
sous-traitants. Les groupes de femmes estiment que les services actuels
suffisent à peine à la tâche. C'est pourquoi elles
souhaitent que ces services soient rapatriés intégralement.
Dans l'éventualité où les services
fédéraux seront rapatriés et relèveront de la
Société - car l'énoncé de politique prévoit
que les services aux prestataires de la sécurité du revenu ne
relèveront pas de la Société - on assistera à la
création de deux réseaux parallèles. Ceci aura pour effet
d'alourdir la structure et de marginaliser les prestataires de la
sécurité du revenu. Ils seront alors officiellement
relégués dans un circuit à part, avec des programmes
à part.
Nous recommandons donc que les services de développement de
l'employabilité relèvent de la même direction, celle de la
Société, et ce, sans égard au statut
socio-économique des clientèles. Nous recommandons
également que toutes les femmes, nonobstant leur statut
socio-économique, aient accès à des services de
développement de l'employabilité.
Pour conclure, il est clair pour le CIAFT que la pierre angulaire, que
représente la formation pour les femmes, passe inévitablement par
la mise en place d'une politique ferme en cette matière et qui sache
répondre aux besoins de l'ensemble de la main-d'oeuvre, notamment des
femmes. Or, les interventions gouvernementales en matière de formation
professionnelle, de sécurité du revenu et de développement
économique ne cessent de se multiplier sans que le développement
de l'emploi y soit privilégié. Les femmes sont
particulièrement concernées par les questions de formation
professionnelle et d'acquisition de compétences. Ce sont les clés
qui leur permettront d'améliorer leur situation en emploi et leurs
conditions de vie afin de se sortir de la pauvreté. Afin de permettre
à nos partenaires de bien comprendre et d'intervenir efficacement
auprès de la main-d'oeuvre féminine, qui comptera comme
déterminante dans un Québec dont la population est vieillissante,
le CIAFT est d'avis que le gouvernement se doit d'inviter les femmes comme
groupe social à s'asseoir aux tables décisionnelles avec les
grands partenaires socio-économiques.
Le Québec est à l'heure des virages. Les choix que nous
faisons doivent être pertinents pour le présent, mais aussi
garants d'un avenir dynamique. Rien ne sert d'économiser aujourd'hui en
investissant uniquement dans la catégorie de main-d'oeuvre la moins
défavorisée, donc la moins coûteuse, et sacrifier ainsi
toute une autre partie de la main-d'oeuvre potentielle parce qu'elle
coûterait trop cher. Un État visionnaire n'a pas le droit
d'oublier ou d'exclure ainsi la population qui, aujourd'hui, est mise au ban du
marché du travail en raison de mauvaises décisions dont elle
n'est pas responsable.
Comme le disait Jean-Baptiste de Foucauld, récemment, dans Le
Nouvel Observateur, l'exclusion n'est en rien une fatalité, mais de
fortes précautions sont à prendre en ce qui concerne le
fonctionnement du marché du travail. Pour le CIAFT, permettre à
tous et à toutes d'avoir accès aux mêmes services de
formation est une précaution de ce type. Les femmes qui sont aujourd'hui
particulièrement touchées par les effets néfastes du
développement anarchique de l'emploi - temps partiel, chômage
déguisé, salaire minimum, travail précaire,
pauvreté - seront condamnées, par une politique de
développement de la main-d'oeuvre «priorisant» une
main-d'oeuvre active, à rester hors du marché du travail ou dans
les mauvais emplois. Quel avenir nous réservons-nous? Après avoir
été écartées des bons emplois du marché du
travail, des possibilités de formation et de développement, nous
récolterons une main-d'oeuvre dysfonction-nelle.
Avant de terminer, j'aimerais, M. le Prési-
dent, à l'intérieur du temps qui nous est accordé,
que M. Bourbeau puisse nous donner des informations, si ce n'est des
engagements, quant à l'avenir qui attend les groupes de femmes en
employabilité sous-traitant actuellement avec le gouvernement
fédéral. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Robert. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, si vous n'avez pas
d'objection, on pourrait demander à ma collègue, la ministre
déléguée à la Famille et...
Une voix: À la Condition féminine.
M. Bourbeau: ...à la Condition féminine de poser
quelques questions à nos interlocuteurs, après quoi, l'Opposition
pourrait... Et, s'il reste quelques minutes à la fin, Je pourrais
peut-être dialoguer un peu avec nos amies et peut-être
répondre à certaines de leurs préoccupations.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Volontiers. Mme
la ministre. (16 h 45)
Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Bienvenue
aux membres du CIAFT. Dans votre présentation, dans votre
mémoire, vous nous dites que votre philosophie d'intervention est
fondée sur le principe que l'autonomie des femmes passe d'abord par
l'autonomie financière. C'est un principe avec lequel je suis en accord
total. Alors, on comprend votre intérêt à participer
à cette commission et à ce projet de politique. Vous comprendrez
notre intérêt également à vous entendre et surtout
à vouloir approfondir certains des points de votre mémoire.
Dans l'avant-propos de votre mémoire, et vous en avez fait
mention, Mme Robert, vous nous dites que la formation ne doit pas se substituer
à une politique de développement de l'emploi. C'est vrai. Je
voudrais vous rappeler, et je suis convaincue que vous êtes d'accord avec
ça aussi, mais vous ne l'avez pas mentionné comme tel, qu'il ne
faut jamais oublier, et je suis intimement convaincue de ça, que,
malgré l'idéal «plein emploi» auquel on sous-tend
toutes et tous, il restera toujours un énorme travail à faire
pour assurer aux femmes l'accès à une formation adéquate,
l'accès, je dirais, normal, entre guillemets, aux emplois,
l'accès à un salaire égal également, d'où
l'importance de ce projet. Je suis très heureuse que vous ayez accorde
une attention toute spéciale à cette nouvelle politique.
Je voudrais, très rapidement, remercier le ministre
également d'avoir associé le Secrétariat à la
Condition féminine: parfois, sollicité notre collaboration, et
parfois, accepté notre collaboration pour qu'on puisse trouver de bonnes
solutions à ce problème difficile.
Vous reprenez, au début du mémoire, quelques
éléments du constat de la situation des femmes. Je pense qu'en
gros vous êtes en accord avec ce constat-là. Vous n'avez pas
relevé d'anomalies, à ce que je crois; vous n'y êtes pas
revenues, non plus, cet après-midi. Par exemple, il y a des
bémols là, mais vous êtes en accord avec le fait qu'on vous
dise qu'il y a 54 % des femmes qui sont au travail, qu'il y a 43 % de la
main-d'oeuvre qui est féminine, que 52 % de la population, c'est des
femmes. Vous allez voir pourquoi je reviens à ça. Il y a une
présence plus marquée dans des emplois dits non standard, dans
des emplois précaires. Plus de 40 % des emplois créés
depuis 1975 sont des emplois à temps partiel et 70 % sont occupés
par des femmes. Le salaire est inférieur pour les femmes; le salaire,
c'est 62 % de celui des hommes. Je pense qu'il faut les mettre un à la
suite de l'autre, ces chiffres-là, pour comprendre l'ampleur. Le taux de
chômage, et ça vous l'avez repris, dépasse de 1 % à
2 %, et on ne compte pas le temps partiel... Je n'ose pas calculer ce que
ça donnerait si on y ajoutait le temps partiel.
On doit avoir à l'esprit aussi toute la question relative aux
responsabilités parentales. Alors, on doit avoir une flexibilité
et on doit avoir une vision beaucoup plus large. Je pense que c'est important.
Quand on dit, dans l'énoncé de politique, «ces constats qui
sous-tendent les fondements de l'équité en emploi», c'est
ça qu'on a voulu établir comme gouvernement. On est en accord
avec les constats, mais on n'est peut-être pas en accord avec les
modalités. Qu'on ait établi ces constats-là dans
l'énoncé de politique, je pense que ça démontre une
bonne volonté gouvernementale de vouloir faire quelque chose et de
trouver des solutions importantes.
Alors, vous vous seriez attendues à ce que le gouvernement aille
plus loin dans les actions, dans les pistes de solution. Vous remettez aussi en
cause le mode de représentation, ça c'est clair, et vous
n'êtes pas les seules, plusieurs l'ont fait.
Avant de vous poser la première question, je voudrais vous dire
que les femmes sont une composante de la main-d'oeuvre. Il faut arrêter
de les considérer comme une clientèle cible. Je vais toujours me
refuser à ça. Cette semaine et dans les dernières
semaines, j'ai entendu des commentaires de certains groupes qui veulent
considérer les femmes comme un groupe cible. Je fulmine quand j'entends
ça, parce qu'on est 52 % de la population et on est 43 % de la
main-d'oeuvre, 50 % dans quelques années. On est une composante de la
main-d'oeuvre au même titre que les hommes sont une composante de la
main-d'oeuvre. Alors, moi, je pense que c'est important, dans les
décisions qu'on prendra dans cette société et dans les
composantes de cette société, qu'on réussisse à
bien traduire ça et à trouver des mécanismes qui vont
tendre vers cet objectif
d'égalité.
Il y a deux créneaux dans la représentation des femmes
à la Société: la représentation équitable
des femmes dans tous les secteurs... Et là, il y a une
responsabilité gouvernementale, mais il y a une responsabilité de
société également. Moi, je ne serai pas satisfaite si,
dans la représentation syndicale, il n'y a pas de femmes, si, dans la
représentation patronale, il n'y a pas de femmes, et j'ai bien de la
difficulté à accepter une réponse comme... Je ne veux pas
harceler un groupe qui est passé avant vous, parce qu'il est parti,
mais, quand on donne comme réponse: II y a en a une, on sait
jusqu'à son nom... Puis on dit: Elle s'habitue. Mais est-ce que, eux,
s'habituent à elle, par exemple? C'était peut-être
ça, la question.
Mme Bégin (Martine): À ça, nous, on
répond, Mme la ministre: Les femmes ne comptent pas tant qu'on peut les
compter.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Trépanier: C'est ça, exactement. Alors, je
pense qu'on s'entend là-dessus. Ça, c'est un créneau de
représentation. Il y a l'autre créneau, qui est l'expertise des
groupes de femmes comme organismes, et il faut que cette expertise soit
reconnue et soit présente dans une société. Est-ce par un
poste désigné? Est-ce autrement? Mais c'est ces deux
facteurs-là que je trouve primordiaux. Il faut qu'ils soient là
et c'est essentiel. Ma première question, c'est autour de ça.
À la page 8 de votre mémoire, vous nous dites que vous avez
élaboré un mode de désignation représentatif des
groupes de femmes pour un éventuel siège à la
Société. Dites-moi comment vous feriez pour établir la
meilleure représentation? Comment feriez-vous pour établir
ça et pour définir une représentante des groupes de femmes
qui siégerait à un poste déterminé?
Mme Leduc (Lyse): Nous avons actuellement, déjà, un
embryon ou nous avons des structures. Nous avons des structures parce que les
femmes ont obtenu un siège aux tables Éducation-Main-d'oeuvre et
Accueil et Référence. Alors, ça fait quand même
quelques années que ces groupes de femmes, et il y en a dans toutes les
régions, se réunissent et elles ont convenu à leur
dernière réunion que ce serait par ce mécanisme-là.
Elles sont quand même des femmes qui représentent toutes les
régions et qui sont intéressées par la formation
professionnelle. À ces tables-là aussi, sont
représentées les cinq grandes associations nationales de femmes
qui s'intéressent à la formation professionnelle.
Alors, par ce mécanisme, on pense qu'on a des gens
représentatifs - représentatives, parce que ce sont des femmes -
des personnes représentatives de l'ensemble du Québec et aussi de
l'ensemble du groupement des femmes, et, par le biais de ce lieu-là,
elles se nommeraient une représentante qui irait siéger à
la Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Je pense qu'est réuni là l'ensemble des
intervenantes intéressées par la problématique. Alors, ce
serait le mécanisme par lequel nous pourrions nommer la
représentante à la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre.
Mme Robert: Est-ce que je peux compléter? Mme
Trépanier: Mme Robert.
Mme Robert: Les personnes qui sont actuellement à la table
Éducation-Main-d'oeuvre dans les régions sont des personnes qui
sont nommées par des tables de concertation régionales,
déjà. Donc, c'est le regroupement de ces personnes-là, qui
sont déjà nommées par les tables de concertation, qui se
retrouve à une même table avec les grands groupes nationaux qui
sont directement reliés à la formation et au développement
de l'emploi. Donc, il y a déjà un mode de représentation
qui est là. Il s'agit maintenant de consolider.
Mme Trépanier: J'ai participé, il y a quelques mois
maintenant, à la Conférence permanente de la main-d'oeuvre. La
composition de la Conférence est exclusivement masculine et les
représentants faisaient valoir en toute bonne foi, que, effectivement,
c'était un peu anormal, sauf que c'était quand même une
table masculine: les syndicats, le patronat et tous les groupes étaient
représentés par des hommes et leurs assistants étaient en
très grande majorité des hommes également. Moi, je suis
convaincue qu'on va réussir à avancer le jour où il y aura
des femmes comme représentantes syndicales, comme représentantes
patronales, etc. Est-ce que vous auriez, dans votre grande sagesse, des
suggestions? Comment pensez-vous qu'on puisse arriver... Au-delà de
susciter, d'inciter puis de dire qu'il faut en arriver à des solutions,
comment peut-on arriver à obtenir une représentation
équitable dans ces instances-là? Est-ce que vous autres, vous
pensez que vous pouvez avoir un rôle à jouer là-dedans?
Mme Leduc: Si on insiste tellement sur le fait qu'on veut un
siège pour la représentante des groupes de femmes, ce n'est pas
qu'on est contre la représentation équitable au sein de la
Société elle-même, on est même pour. C'est comme une
deuxième façon pour que les femmes soient présentes. Avant
de répondre à votre question, si j'ai une réponse, je
voudrais dire aussi que ces femmes-là, si elles sont nommées par
leur organisme, elles vont devoir... Leur première allégeance,
les intérêts qu'elles vont défendre, c'est,
premièrement, que les organismes les nomment là, même si
elles sont des femmes. Et c'est sûr qu'il y en a certaines qui,
sûrement,
tout en défendant les intérêts de leur organisme,
auraient en tête le fait de défendre aussi les
intérêts des femmes. Mais on n'est pas sûres que ce seraient
toutes des Violette Trépanier ou des Louise Harel qui seraient
nommées nécessairement, en ayant cette double
préoccupation-là constamment. Et même si elles l'avaient,
je pense que ce n'est pas tout à fait juste de leur demander cette
double tâche à l'intérieur d'une composition, de dire: Vous
allez être là; vous êtes nommées par votre organisme,
mais vous allez aussi prendre en compte les intérêts des femmes.
On ne demande pas ça aux représentants masculins qui sont
là. Ils sont là, eux, pour représenter l'organisme qui les
délègue. Alors, pour nous, ces femmes-là, on est pour une
juste représentation parce qu'on pense que ça pourrait être
des alliées. S'il y a un siège qui est donné aux
représentantes des groupes de femmes, c'est sûrement que, parmi
les représentantes, nous trouverons des alliées. Mais on ne veut
pas leur imposer quand même, on ne veut pas leur en demander plus que ce
qu'on demande aux autres représentants qui sont nommés
là.
Maintenant, comment? Pourquoi on ne s'est pas ralliées
complètement à la proposition? C'est une question qu'on se
posait: Comment? C'est un voeu exprimé par le gouvernement, mais ce
n'est pas prévu dans la loi, et on pense que si ce n'est pas
prévu, c'est parce que les mécanismes sont difficiles à
trouver. C'est sûr qu'on peut, nous, vous aider par les contacts qu'on a
avec les partenaires socio-économiques, et en les sensibilisant, mais ce
n'est pas suffisant. Et je pense que ce serait très difficile, à
moins qu'on ne décide... Et je ne vois pas qu'il y ait un programme de
discrimination positive et qu'on dise: Dans le cas des syndicats, il faut
absolument que vous ayez, sur votre représentation, tant de femmes. Mais
là, je ne sais pas comment ils vont faire. Je leur poserais la question
quand ils vont venir en commission parlementaire, si quelqu'un veut la
reprendre, à savoir quel mécanisme de
représentativité ils comptent utiliser, advenant le cas, et je
pense que ce serait à eux de le trouver. On pense que ce serait
très difficile, et c'est pour ça que, premièrement, on
souhaite avoir un siège et, deuxièmement, on souhaite que la
représentation soit équitable. Mais, à ce
moment-là, par quel mécanisme le faire? Pour nous, ça nous
apparaît, évidemment, très difficile de trouver ce
mécanisme-là, sauf par la sensibilisation qui ne donne pas de
résultats rapides.
Mme Trépanier: On pourrait en parler encore longtemps.
Mme Leduc: Oui.
Mme Trépanier: Est-ce qu'il reste quelques...
Le Président (M. Doyon): Quelques instants, quelques
minutes, si vous voulez, madame.
Mme Trépanier: Parce que je veux laisser quelques minutes
au ministre par la suite aussi.
Le Président (M. Doyon): II en resterait cinq en tout.
Mme Trépanier: O.K. On aura sûrement l'occasion d'y
revenir. Je me posais des questions sur les objectifs quantitatifs. Vous parlez
de décentralisation et d'établir des objectifs quantitatifs au
niveau des régions. Je vois ça difficile d'application et
j'aurais aimé savoir quels sont les mécanismes que vous
préconiseriez pour arriver à définir ces
objectifs-là. Peut-être que ma collègue reviendra sur cette
question. Je vous remercie, et on reviendra à la fin.
Mme Leduc: O.K. Merci bien.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue aux représentantes du CIAFT. M. le
Président, est-ce que c'est nécessaire de rappeler tous les
combats que le CIAFT a déjà livrés et gagnés? Hein?
Non seulement livrés, mais c'est encore plus intéressant de voir
tous ceux que le CIAFT, le Conseil d'intervention pour l'accès des
femmes au travail qui regroupe des organismes et des membres à travers
tout le Québec, a livrés, en fait. Notamment, je me rappelle, en
1986, de tous les efforts pour obtenir des places réservées dans
les cours de formation professionnelle non traditionnelle, cours offerts par
Emploi et Immigration Canada. (17 heures)
Je me demandais, en vous écoutant, comment nous pouvons en
être rendus à devoir maintenant encore justifier qu'il faille une
représentation spécifique des femmes dans une
société québécoise qui va s'occuper de
main-d'oeuvre. Il faut qu'il y ait eu, malgré tout, un certain recul par
rapport aux années quatre-vingt. Par exemple, je pense à la table
de l'emploi. Est-ce que je me trompe, il me semble que le mouvement des femmes
avait obtenu un siège à la table de l'emploi? Comment se fait-il
- c'est vraiment une question qui me préoccupe - qu'on ait pu
régresser par rapport à ce qui semblait une évidence il y
a a peine quelques années? Je la laisse à votre
réflexion.
Dans votre mémoire, il y a quelque chose d'extrêmement
important qui mérite d'être resouligné, si tant est qu'il
soit nécessaire de le faire. C'est quand vous nous rappelez qu'on aurait
beau combler toutes les pénuries d'emploi qui existent
présentement, même en prenant le chiffre du ministre de
l'Industrie et du Corn-
merce, M. Gérald Tremblay - c'est 73 000 emplois qui seraient
vacants faute de main-d'oeuvre spécialisée - même à
ça, il nous resterait toujours 310 000 chômeurs dûment
inscrits à l'assurance-chômage plus 300 000 chômeurs
inscrits à l'assistance chômage qui est l'aide sociale.
Finalement, même au mieux du mieux, il y a toujours un taux de
chômage qui fait les 9 %. Alors, il y a un problème. Ça,
vous nous l'apportez d'une façon tellement évidente que je pense
que ça demandait, malgré tout, à être
répété. On est en train, encore, de s'engager dans une
sorte d'illusion, qui était la nôtre il y a 30 ans, à
l'effet que, par l'éducation - là, c'est par la formation - on
allait s'ouvrir les portes de l'emploi. S'il n'y a pas autre chose - en fait,
c'est ça que vous nous dites - ce n'est pas du tout évident,
ça va faire des chômeurs instruits et ça va augmenter la
désespérance finalement.
Mais je reviens à cette question de la représentation.
Dans le fond, la question de Mme la ministre... Je pense que les
préoccupations du ministre, ça joue avec l'idée de
demander d'une façon incitative, aux parties nommées pour
siéger à la Société, d'avoir un peu de femmes parmi
eux. Vous nous dites: De toute façon, ces femmes qui seraient
nommées le seraient non pas pour porter la problématique des
femmes, mais pour porter la problématique de l'organisation à
laquelle elles appartiennent. C'est ça qu'il faut comprendre?
Mme Leduc: Oui.
Mme Harel: Ce n'est pas une voie dans laquelle vous proposez
d'engager... Finalement, ce n'est pas dans cette voie-là que vous pensez
que la problématique des femmes peut être le mieux servie?
Mme Bégin (Martine): Je pense que ce qui a
été clairement expliqué, c'est que la première
chose à faire, c'est d'obtenir un siège pour les
représentantes des groupes de femmes en tant que groupe social, pour
qu'il y ait vraiment une préoccupation de la réalité des
femmes à l'intérieur des différentes décisions ou
des différents programmes qui vont se décider dans ces
structures-là. Je pense que ce que Lyse a expliqué aussi, c'est
que c'est sûr qu'on est d'accord pour qu'il y ait une
représentation équitable des femmes à toutes ces
structures-là. D'abord, il faudrait que ce soit dans la loi, mais je
pense qu'on ne peut pas se fier uniquement sur le fait qu'il va y avoir 50 %
des femmes à ces postes décisionnels puisqu'elles sont là
pour leur organisme et qu'on n'a pas de garantie que la préoccupation de
la réalité des femmes va être présente. Alors, s'il
y a une représentante des groupes de femmes, au moins on est sûr
que la préoccupation va être présente, et on va pouvoir
trouver des alliés dans la mesure où il y a aussi une
représentation équitable.
Mme Harel: Moi, pour avoir siégé à la
commission Bélanger-Campeau, j'ai été obligée de
constater que les femmes sont non seulement une composante majoritaire de la
main-d'oeuvre, comme nous le signalait Mme la ministre, tantôt, mais
elles sont une composante majoritaire de la société. Pourtant,
elles étaient très minoritaires à la Commission parce que
les postes d'autorité dans notre société sont
occupés massivement par des hommes. Les femmes constituent une
majorité, peut-être est-il nécessaire de le rappeler, comme
l'a fait la ministre, mais c'est une majorité invisible. Alors, il y a
peut-être des minorités visibles, mais il y a une majorité
invisible. Cette majorité-là ne trouve pas, finalement, à
s'exprimer parce qu'elle est sous-représentée.
Je reviens sur la problématique parce que c'est ça
finalement qui, dans le fond, peut le mieux justifier qu'il y ait un
siège au sein de cette société occupé par quelqu'un
qui va toujours rappeler cette problématique. Vous la développez
bien aux pages 12 et suivantes. Ce que vous nous dites, vous le résumiez
d'ailleurs dans ce court mémoire préliminaire que vous aviez
déjà fait parvenir. Vous donnez des exemples. Entre autres, vous
dites: Le transfert de fonds attribués aux achats directs - c'est un des
programmes qu'on connaît bien - vers la formation sur mesure a eu pour
effet de diminuer le taux de participation des femmes aux programmes de
formation qualifiante. Voilà un effet pervers. Voilà un effet de
système qui, sans doute, n'avait même pas été
envisagé par les décideurs au moment où, pour d'autres
motifs, ils ont décidé de diminuer les budgets des achats directs
et d'augmenter ceux de la formation sur mesure. Vous nous parlez, à la
page 13, d'une étude du Conseil du statut qui a chiffré tout
ça. J'aimerais bien d'ailleurs que vous nous donniez la
référence pour que je puisse la retrouver. Cette étude,
dans le fond, démontrerait que certains programmes ont des effets de
discrimination. Hein? C'est ça que vous voulez démontrer?
Mme Bégin (Martine): On a des exemples de discrimination
systémique. Je pense que c'est des choix administratifs: on va prendre
une enveloppe et la transférer vers un autre programme sans
nécessairement avoir l'objectif de discriminer, mais par leurs effets
secondaires ou pas, ces choix ont des effets discriminatoires sur les femmes.
Pour préciser, au niveau de la formation sur mesure, c'est qu'il y a
énormément de budgets qui sont réservés à la
formation sur mesure en entreprise. Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin,
je pense que tout le monde sait que les femmes sur le marché du travail
ne sont pas présentes dans les emplois où la formation
professionnelle va leur être offerte, surtout si
elles sont dans des secteurs où ce sont des emplois
précaires, à temps partiel, etc. Ce qui fait que quand on
réserve de l'argent ou qu'on transfère de l'argent dans une
enveloppe où la formation est réservée aux personnes en
emploi, sans penser aux points suivants: Où sont les femmes, sont-elles
là, sont-elles présentes, pourront-elles avoir accès?, on
assiste à des chiffres comme... Il y a 20 % à 30 % des femmes
seulement qui se prévalent des places, des sièges au niveau de la
formation sur mesure.
Mme Harel: Donc, il y a un effet de discrimination. On ne peut
pas dire qu'il est voulu, on ne fait pas de procès d'intention, mais on
peut constater qu'il y a un effet de discrimination du fait que 72 % et plus
des travailleurs à temps partiel sont des femmes, mais aussi que c'est
dans les emplois de services où il y a le moins de formation. Ce sont
les emplois manufacturiers qui offrent une formation. Les emplois de services,
il n'y en a pas vraiment beaucoup, en tout cas, de formation, sauf dans le
système bancaire ou les institutions et tout. Mais, il reste que,
souvent, ces emplois-là sont occupés majoritairement par des
femmes.
Mme Bégin (Martine): Je pense que c'est une des raisons.
C'est un exemple qu'on peut apporter, mais il y a plusieurs autres exemples
qu'on pourrait apporter, d'où notre préoccupation d'avoir une
représentante des groupes de femmes qui va pouvoir aider les partenaires
qui vont être assis à cette table-là à
prévoir les effets. Notre pratique quotidienne nous permet d'anticiper
et de voir d'avance les effets de discrimination systémique. Donc, au
lieu de commettre des erreurs et de venir après ça essayer de les
réparer, je pense qu'on pourrait prévenir ces erreurs-là
en étant présentes à cette table-là.
Mme Harel: En d'autres termes, vous nous dites: La main-d'oeuvre
féminine, elle est soit active dans des secteurs où elle pourrait
être un peu mise de côté, compte tenu des choix qui pourront
être faits pour un type de main-d'oeuvre active dans des entreprises
où elles sont très très minoritaires ou, d'autre part -
c'est ça que vous nous dites - la main-d'oeuvre féminine est
aussi active au foyer. Arrive un moment donné où elle veut
retourner travailler sur le marché de l'emploi et là, il y a des
obstacles qui sont plus nombreux encore parce que les programmes qui...
Franchement, je vous remercie du tableau que vous nous donnez à la page
14, où vous nous dites finalement que bon nombre de ces
programmes-là ne s'adressent qu'à des femmes qui peuvent obtenir
une prestation, soit de chômage ou de sécurité du revenu.
Donc, à ce moment-là, ça écarte encore une fois
toute une catégorie de femmes qui, elles, finalement, ont soit une
pension alimentaire, soit un conjoint qui a des revenus... Elles sont
écartées de l'accès à ces programmes-là.
Mme Robert: Dernièrement, je recevais une information de
la part d'Emploi et Immigration Canada au niveau des achats directs. Je sais
que ça concerne le fédéral, mais c'est des ententes quand
même qui sont là. Au niveau des achats directs, qui reste un des
seuls programmes ouvert à toute la population, on prévoit... Il
va falloir, comme exigence, que 60 % des gens qui vont en profiter soient
prestataires d'assurance-chômage, 27 % de la sécurité du
revenu, ce qui laisse un 13 % pour des sans revenu. Même dans ces
programmes-là, qui ne sont pas exclusifs à des prestataires, on
augmente le taux de ces prestataires, ce qui fait que tous les gens qui sont
sans revenu - ils peuvent en avoir, mais de différentes autres sources -
ne sont plus éligi-bles à tous les programmes à peu
près qui sont offerts.
Mme Harel: Je pense bien qu'il n'y a pas un député,
ici, qui n'a pas reçu à son bureau de comté des personnes
qui venaient chercher un support pour retourner au travail. On s'est tous
butés aux critères qui faisaient que tel ou tel organisme de
réintégration à l'emploi ne pouvait pas les accepter,
étant donné qu'elles avaient soit un mari qui avait des revenus
ou, encore, qu'elles n'étaient pas chefs de famille monoparentale.
Alors, à la page 14, vous nous dites que les services
d'intégration au travail pour les femmes doivent donner la
priorité aux prestataires de la sécurité du revenu. Donc,
ce n'est pas simplement achats directs, c'est, en plus, un autre programme de
services d'intégration à l'emploi. Il y aussi les SEMO qui
doivent donner priorité... Alors, finalement, tous ces
programmes-là font que, au bout de la ligne, le message que les femmes
reçoivent, c'est: Si on veut faire du rattrapage scolaire, retourner au
marché de l'emploi ou aller chercher une formation, vaut mieux
être sur l'aide sociale.
Mme Robert: Oui, puis les femmes nous le disent. Je fais de
l'intervention directe, puis les femmes viennent au bureau et disent: Coudon,
est-ce qu'il va falloir que je me sépare et que je sois sur l'aide
sociale pour avoir des services? Au début, je disais: Non, non, mais,
maintenant, je réponds: Oui. Je n'ai pas le choix de répondre
ça.
Mme Harel: Ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière
aimerait échanger avec vous également.
Le Président (M. Philibert): Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière, allez-y.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. J'aurais un
commentaire aussi, puis une petite question à poser au groupe. Je
partage, sur plusieurs points, les propos de la ministre
quand elle dit qu'elle ne veut pas que les femmes soient
considérées comme un groupe marginal ou un groupe minoritaire,
j'entends, que ça la fait fulminer, quand elle dit qu'elle ne veut pas
qu'on soit des groupes cibles.
Moi, pour ma part, je vous dis que ce qui me fait fulminer,
personnellement, c'est le genre de chiffres qu'on a
énumérés tout à l'heure, le genre de pourcentages.
On dit que les femmes occupent majoritairement les emplois précaires. On
gagne 62 % du salaire des hommes. Ça descend toujours, aussi - je vous
fais remarquer -ces pourcentages-là. Alors, quand je vois des chiffres
comme ça, c'est là que je fulmine et puis je me dis: On se rend
compte que, comme groupe, même si on n'est pas une minorité ou un
groupe marginal... C'est vrai qu'on est 52 % de la population, mais il reste
qu'on a un sérieux problème et, dans ce sens-là, moi, je
n'ai rien contre ça qu'on cible un groupe pour essayer
d'améliorer une situation comme telle. Disons que je voulais vous faire
ce commentaire-là. par rapport à ce que vous avez
mentionné dans votre mémoire, je trouvais aussi
intéressant l'aspect de se soucier, si on veut, du profil, et de
demander que les femmes aient accès à des services de
«counseling». la semaine dernière, en commission, il y avait
justement un groupe qui se préoccupait de dire: ce ne sont pas seulement
les employeurs, les besoins des employeurs qu'il faut regarder. il faut aussi
regarder le profil des travailleurs, aller un peu sur les goûts et les
aptitudes. ce groupe qui nous expliquait ça, c'étaient les
conseillers d'orientation. bien sûr, c'est leur domaine et ils avaient
des choses à nous dire. ils sont très concernés, mais, de
votre part, puisque vous vous occupez des droits des femmes et tout ça,
j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus. vous voyez ça
comment, cet aspect-là, de se soucier du profil, si on veut? où
est-ce que ça pourrait s'insérer, par quel biais et comment?
Mme Bégin (Martine): Je vais répondre, j'ai une
formation comme conseillère en orientation. L'exemple que je donne...
C'est très important et je pense qu'il faut toujours avoir à
l'idée, quand on parle de formation professionnelle, d'être
directement relié au marché du travail. Ce que ça veut
dire, c'est qu'il faut tenir compte des besoins des entreprises, mais toujours
à partir de la réalité de la main-d'oeuvre. Je pense qu'au
Québec on entend beaucoup - et j'en suis très heureuse - le
discours qui dit: La matière première, la ressource
première au Québec, c'est la main-d'oeuvre. Je pense que si on
veut la traiter comme ressource première, il faut peut-être
regarder aussi comment on traite les ressources premières. Quand on
ouvre une mine de cuivre en Abitibi ou ailleurs, on regarde comment est le
minerai, les étapes qu'il faut lui faire passer avant de le fondre.
Ça ne sert à rien de se dire: J'ai du minerai là, j'ai une
matière première, puis je veux faire ça avec, sans passer
par des étapes. Moi, je pense qu'actuellement il y a une très
grande partie de la main-d'oeuvre, notamment des femmes, qui est très
loin du profil d'employabilité sur le marché du travail, qui est
demandé par les entreprises. C'est comme si, par l'énoncé
de politique actuel, on faisait fi des étapes préliminaires
nécessaires pour aider la main-d'oeuvre qui n'est pas à la fine
pointe à acquérir la formation professionnelle ou à
occuper des emplois de haute technologie, etc. C'est comme si on ne
reconnaissait pas où se trouve une partie de la main-d'oeuvre
actuellement, et qu'on voulait que la main-d'oeuvre soit à un autre
niveau.
Je pense qu'avec l'énoncé de politique on va travailler
beaucoup avec la main-d'oeuvre qui est active sur le marché du travail,
qui est plus ou moins formée, ou qui a besoin d'un coup de pouce, mais
c'est comme si on décidait d'écarter ou d'exclure une partie de
la population qui n'est pas fonctionnelle. Le grand problème, c'est,
qu'à moyen terme on est absolument certaines qu'on va se ramasser avec
une très grande partie de la main-d'oeuvre qui va être
complètement dysfonctionnelle. Et, à ce moment-là,
qu'est-ce qu'on fait avec? (17 h 15)
Mme Harel: l'expérience ontarienne dont vous nous pariiez
lors de la présentation de votre mémoire... vous nous dites
qu'une loi aurait été déposée pour créer ce
conseil onta-rien. j'ai tenté d'obtenir le plus d'informations possible.
est-ce que vous avez pu obtenir copie de ce projet de législation?
est-ce qu'il y a un livre blanc ou un document à l'appui de ce projet?
ce conseil qui serait créé aurait prévu un siège
pour les groupes de femmes? c'est ça qu'il faut comprendre?
Mme Bégin (Martine): on n'a pas en notre possession une
copie de cet avant-projet de loi là, mais je pense qu'en faisant la
demande au ministère concerné en ontario il y a sûrement
moyen d'en avoir une copie. en tout cas...
Mme Harel: Vous n'avez pas l'air d'être au courant.
Mme Bégin (Martine): on fera des recherches à ce
niveau-là. les informations qu'on a eues sont que, effectivement, le
comité ou le conseil qui va être formé en ontario, va
être formé de gens du patronat, du syndicat et des
différents groupes cibles - pardonnez-moi - dont les femmes, les
immigrants et d'autres clientèles. ce comité-là sera un
comité décisionnel, pas seulement un comité consultatif.
il semblerait aussi que, dans chacune des autres provinces du canada, le
gouvernement fédéral aurait fait la demande qu'il y ait un
comité équivalent qui soit formé avec un même type
de représentation. cependant, on soulignait qu'au québec on
res-
pecterait les disparités de composition. Alors, c'est à
peu près les informations que j'ai à ce moment-ci...
Mme Harel: Et que vous avez obtenues de...
Mme Bégin (Martine): Mais, je vous souligne que si mes
informations sont bonnes, ça voudrait dire qu'on est assuré
dorénavant, dès aujourd'hui, que dans chacune des provinces il y
aura une femme qui représentera les groupes de femmes sur les
différents comités. Mais, on n'a pas de réponse encore
pour le Québec.
Mme Harel: Ces informations, vous les avez obtenues du
Secrétariat d'État?
Mme Bégin (Martine): Non, de Mme Michèle Jean.
Mme Harel: Ah! Très bien.
Mme Bégin (Martine): D'Emploi et Immigration Canada.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé.
Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. À mon tour, il
me fait plaisir de saluer les représentantes du Conseil d'intervention
pour l'accès des femmes au travail du Québec. Tout à
l'heure, vous m'avez posé une question. Vous avez fait état de
vos préoccupations relativement aux programmes qui sont financés
par le gouvernement du Canada, qui s'adressent, entre autres, aux femmes, et
qui visent à faciliter la réinsertion sur le marché du
travail.
Je peux vous dire que nous avons l'intention de rapatrier toutes les
responsabilités du gouvernement fédéral en matière
de main-d'oeuvre ainsi que, bien sûr, tous les crédits, tous les
fonds qui y sont consacrés. Nous avons également l'intention de
confier ces crédits-là à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre dans le
cadre de la loi que nous avons proposée, que nous avons
déposée et que vous avez devant vous. Cette volonté de
rapatriement inclut évidemment tant les programmes que les fonds du
gouvernement fédéral qui sont destinés aux groupes de
femmes. Dans notre esprit, lorsque nous rapatrierons ces fonds-là et ces
programmes-là, ça sera intégré aux programmes que
nous avons présentement au Québec et qui s'adressent aussi, entre
autres, à l'intégration des femmes sur le marché du
travail. Je fais allusion, par exemple, aux programmes SEMO: il y a des SEMO
spécialisés dans l'intégration des femmes au marche du
travail. Pour nous, ça serait intéressant de pouvoir fusionner
ces deux réseaux-là en un seul de façon à avoir une
meil- leure couverture à l'endroit du Québec, d'éviter les
duplications et de renforcer, en fait, le réseau.
Mme Bégin (Martine): Le réseau dont vous parlez
relèverait nécessairement de la Société?
M. Bourbeau: Le réseau va quoi?
Mme Bégin (Martine): Le réseau dont vous
parlez...
M. Bourbeau: Oui.
Mme Bégin (Martine): ...où on intégrerait
les SEMO-femmes et les organismes qui sont actuellement subventionnés
par le fédéral qui aident des femmes relèverait de la
Société?
M. Bourbeau: Oui. Je crois que oui. Enfin, c'est notre intention
présentement, à moins que nous ne changions d'idée. Je
crois que la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre serait très bien placée
pour évaluer les besoins en main-d'oeuvre. Elle va être
certainement très bien placée - parce que ça va être
une de ses fonctions primordiales - pour évaluer les besoins en
main-d'oeuvre de clientèles comme les femmes, par exemple.
Mme Bégin (Martine): Ce qui est important... Vous dites
que vous voulez rapatrier les responsabilités, les fonds et les
programmes. Je pense que l'assurance qu'on veut avoir, c'est que tout l'argent
qui est actuellement investi dans l'intégration des femmes au
marché du travail, tant par les SEMO que par les projets qui sont
subventionnés par le fédéral, soit réservé
à la clientèle femmes. Je ne veux pas vous donner de mauvaises
idées, mais on peut rapatrier des responsabilités, des pouvoirs,
des fonds et des programmes, mais en disant: On va rationaliser et on va couper
quelques-uns des petits programmes ici et là. Nous, ce qu'on veut
entendre, c'est vraiment l'assurance que, pour l'ensemble des organismes qui
sont actuellement voués à l'intégration des femmes au
marché du travail, peu importe leur bâilleur de fonds, leur argent
et leurs services seront réservés et conservés.
M. Bourbeau: Ma compréhension, c'est que le programme
fédéral dont on parle, qui est le projet extension, c'est un
programme qui est financé en totalité par les fonds provenant de
l'assurance-chômage. Dans ces conditions, on n'aurait pas
intérêt à tenter de réduire les sommes d'argent qui
sont distribuées aux groupes de femmes par ce programme-là parce
que le gouvernement n'y trouverait aucune économie, étant
donné que les fonds de l'assurance-chômage ne peuvent pas
être détournés au profit du gouvernement, par exemple.
Alors, je ne verrais pas l'intérêt que nous aurions à
vouloir économi-
ser sur ces fonds-là.
Mme Bégin (Martine): Une spécification que je
voudrais avoir. Vous avez parlé des programmes SEMO et vous avez
parlé des programmes extension. Dans les 20 organismes, il y a aussi la
catégorie qu'on appelait, il y a quelques semaines, programmes option
pour les personnes fortement défavorisées sur le plan de
l'emploi, qui ne sont pas subventionnés dans la même enveloppe que
les projets extension qui, eux, vont chercher leur argent à trois
sources différentes: le fonds consolidé,
l'assurance-chômage et Santé et Bien-être Canada. Est-ce
que, pour ce groupe de projets de femmes, il y a des... Quand on parle des 20
organismes, on ne parle pas uniquement des extensions et des SEMO, on parle
aussi de la troisième catégorie.
M. Bourbeau: Écoutez, vous venez de faire la preuve que
c'est compliqué. Voyez-vous...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bégin (Martine): Très compliqué.
M. Bourbeau: Vous m'en apprenez. J'avais entendu parler de ce
programme-là, mais je ne savais pas que le financement provenait de
trois sources différentes. Ça prouve qu'il est temps de mettre un
peu d'ordre là-dedans.
Mme Bégin (Martine): On devrait se rencontrer pour vous
expliquer la spécificité de ce programme-là.
M. Bourbeau: Oui, je sais que vous, vous devez être
très au courant de ce programme-là puisque vous y participez.
Disons, en gros, que l'exercice que nous allons faire n'a pas pour but de
réduire les fonds destinés aux clientèles. Au contraire,
nous pensons qu'en rapatriant tous les budgets, les programmes et les pouvoirs,
bien sûr, en réduisant les frais d'administration, les
dépenses d'opération à une somme inférieure par le
fait que nous aurions un seul réseau plutôt que deux, les
économies que nous pourrions faire sont plutôt des
économies de type administratif. En n'ayant qu'un seul réseau
plutôt que deux, notre intention n'était pas de réduire les
fonds aux clientèles, mais d'augmenter ces fonds-là, entre
autres, en générant des économies au niveau administratif.
C'est ce que nous disons, je pense, un peu partout, ici aussi, et c'est ce que
je dis aussi dans mes interventions publiques. Alors, l'intention est
plutôt, s'il y a des économies à faire, de les faire
à partir des frais d'administration, des dépenses
d'opération et non pas des programmes.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, étant donné que
la partie ministérielle dépassait son temps, elle m'a
signifié son acceptation d'un consentement pour dépasser le
temps, tout en requérant également quelques...
Mme Harel: II me restait une minute.
Le Président (M. Philibert): ...courts moments pour
conclure.
Mme Harel: Simplement, M. le Président, je voudrais
relever les derniers propos du ministre à l'effet que son intention
était d'augmenter les fonds aux clientèles et non pas de les
diminuer. Mais la question, c'est à quelles clientèles?
Ça, je pense bien qu'on reste quand même avec cette
question-là en terminant l'échange qu'on a avec vous. À la
page 14 de votre mémoire, ce que vous signaliez, c'est que le
rapatriement, ça ne règle pas tout parce que si, auparavant, il y
avait deux politiques qui se partageaient les compétences en
matière de formation de main-d'oeuvre, là, il pourrait y avoir
deux réseaux qui se partagent les clientèles identifiées
par leur statut socio-économique. Finalement, c'est à une
politique intégrée de main-d'oeuvre à laquelle vous nous
conviez.
Le Président (M. Philibert): Alors, merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée de
Dorion, pour les civilités d'usage de conclusion.
Mme Trépanier: Je pense, M. le Président, que la
dernière intervention de Mme Bégin nous démontre la
précieuse et l'importante expertise du CIAFT, un groupe que je
considérerais, entre guillemets, un peu comme missionnaire. C'est un peu
désolant d'avoir à dire qu'on doit favoriser encore
l'émergence et le soutien d'organismes comme les vôtres pour
assurer une meilleure justice sociale. Je peux vous assurer que vous pouvez
compter sur mon appui, sur notre appui, pour que les intérêts des
travailleuses actuelles et futures soient non seulement protégés,
mais bonifiés au cours des prochaines années. Je vous remercie de
votre précieuse intervention.
Le Président (M. Philibert): Sur ce constat d'espoir,
mesdames, je vous remercie, au nom des membres de cette commission, de la
brillante prestation que vous avez effectuée. Je vous prierais de vous
retirer maintenant pour faire place au Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration.
Mesdames, les représentantes du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration, je demanderais... Pardon?
Mme Harel: Monsieur aussi.
Le Président (M. Philibert): Et monsieur? Oui, monsieur.
Je vous demanderais donc de vous identifier.
Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration
Mme Folco (Raymonde): Merci, M. le Président. Je suis
Raymonde Folco, la présidente du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration. Je suis ici avec M. Jean-François
Manègre, agent de recherche au Conseil. Malheureusement, nous n'avons
pas pu avoir la présentation de M. Raymond Paquin, vice-président
au secteur de l'immigration, pour des raisons de santé.
Le Président (M. Philibert): Madame, je vous invite
maintenant à nous faire part de votre mémoire en vous indiquant
que vous pouvez, selon ce qu'on a développé comme fonctionnement
depuis le début, utiliser environ 20 minutes pour votre prestation. Si
vous dépassez, ce sera du temps de moins autant du côté
gouvernemental que de l'Opposition pour vous poser des questions au sujet de
votre mémoire. Alors, allez-y.
Mme Folco: Je vous remercie, M. le Président. Tout
d'abord, un mot de présentation sur le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration qui a été créé le
20 décembre 1984 par une loi de l'Assemblée nationale, et qui est
un organisme permanent et autonome de consultation et de recherche. Sa
principale fonction est de conseiller la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration dans la planification, la coordination et la
mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives aux communautés
culturelles et à l'immigration. Il a aussi pour mandat de contribuer
à faire connaître l'apport économique, social, culturel et
politique des immigrants et des Québécois des communautés
culturelles, et de favoriser l'acceptation mutuelle et l'intégration
harmonieuse au sein de la société québécoise et,
plus particulièrement, de la majorité francophone. C'est en vertu
de ce mandat que nous a confié le gouvernement que nous intervenons
aujourd'hui devant cette commission. (17 h 30)
Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a pris
connaissance avec beaucoup d'intérêt de l'énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Il s'agit, selon
nous, d'un document très valable, dont les orientations
générales sont intéressantes et susceptibles de
répondre aux préoccupations des intervenants dans le domaine de
la main-d'oeuvre. Bien que nous ne soyons pas à proprement parler un
organisme spécialiste de cette question, nous jugeons approprié
le constat fait par le document quant au sous-investissement dans le
développement des ressources humaines, quant à la
nécessité d'amorcer une réduction de la complexité
des programmes et quant à l'arrimage plutôt problématique
de la formation et du marché du travail.
Également, nous sommes d'accord, dans l'ensemble, avec la
stratégie proposée pour redresser la situation. Nous souscrivons,
notamment, à l'idée d'un engagement accru des entreprises dans le
processus de développement des ressources humaines et nous souhaitons
l'instauration d'un véritable partenariat entre les entreprises et les
institutions publiques engagées dans la formation de la main-d'oeuvre.
Nous appuyons aussi l'idée de rapatrier au Québec la gestion de
la totalité des sommes consacrées à des mesures de
main-d'oeuvre, y compris l'administration de l'assurance-chômage, de
même que le principe d'une gestion unifiée des programmes de
main-d'oeuvre et l'idée de combattre la lourdeur et la complexité
administratives actuelles. Nous voyons cependant une exception à ce
principe: il s'agit de la francisation des immigrants, qui constitue un cas
particulier. Elle doit demeurer l'objet d'un programme distinct pour diverses
raisons dont nous discuterons plus loin.
Nous avons aussi quelques remarques et suggestions sur des points qui
nous préoccupent particulièrement en tant qu'organisme
mandaté pour conseiller le gouvernement sur les questions relatives aux
communautés culturelles et à l'immigration. Nous avons
évidemment remarqué l'absence, dans cet énoncé de
politique, de toute référence à la problématique
des immigrants et des immigrantes sur le marché du travail. Nulle part
il n'est fait mention des difficultés qu'ils doivent surmonter à
leur arrivée au Québec et parfois même après
plusieurs années de résidence. Nos premières remarques
viseront donc à apporter un éclairage à ces questions.
Elles porteront notamment sur les besoins de formation linguistique, la
difficulté de faire reconnaître les acquis académiques et
expérientiels et sur le besoin d'informer les immigrants sur le
fonctionnement et les institutions du marché du travail
québécois.
Nous soulignerons ensuite la nécessité, non seulement
d'harmoniser les programmes de formation de main-d'oeuvre, mais aussi d'assurer
la cohérence des politiques de développement économique,
de main-d'oeuvre et d'immigration, et de bien clarifier les objectifs
dévolus à chacune. Une lecture parallèle des
énoncés de politique sur l'immigration, sur le Grand
Montréal et sur le développement de la main-d'oeuvre nous laisse
croire qu'une certaine ambiguïté subsiste. Nous ferons quelques
commentaires sur la véritable nature du mouvement d'immigration au
Québec et sur le rôle que peuvent jouer les travailleuses et les
travailleurs immigrants.
Finalement, nous rappellerons l'importance d'assurer une
représentation adéquate des Québécois des
communautés culturelles et des minorités visibles dans toutes les
instances de concertation dont on projette la mise sur pied, et plus
particulièrement à l'intérieur même de la
Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre.
Les travaux de recherche et les consultations réalisés par
le Conseil depuis plusieurs années nous ont permis d'identifier un
certain nombre de besoins très spécifiques aux immigrants dans le
champ de la formation professionnelle. En premier lieu, des besoins importants
et croissants de francisation existent chez les immigrants et les membres des
communautés culturelles, c'est-à-dire des nouveaux arrivants et
des personnes établies depuis longtemps au Québec. Malgré
les efforts accomplis depuis quelques années, l'énoncé de
politique sur l'immigration et l'intégration, adopté
l'année dernière par le gouvernement, rappelle que 40 % seulement
de la clientèle potentielle bénéficie des mesures de
francisation.
L'accès de tous les immigrants et immigrantes aux mesures de
francisation devient de plus en plus important car, au Québec, il est
difficile d'obtenir des emplois bien rémunérés sans
connaître le français. Ceci est encore plus vrai pour les
personnes très qualifiées. Sans la connaissance du
français, elles ne peuvent accéder au marché du travail
que par des tâches exigeant peu de qualifications et pouvant être
accomplies sans qu'il soit nécessaire de lire ou de comprendre des
directives élaborées.
En plus de ce besoin de francisation, une proportion significative
d'immigrants et de membres des communautés culturelles, à
l'instar des Québécois de vieille souche, ont aussi besoin
d'être alphabétisés. Pour la seule période
1986-1990, plus de 16 000 adultes immigrants ayant moins de sept ans de
scolarité ont été admis au Québec. Dans l'avis que
nous venons de réaliser sur ce sujet, nous avons montré qu'en
plus des difficultés habituelles liées à
l'analphabétisme, les personnes analphabètes ont une série
d'autres problèmes qui leur sont spécifiques, à commencer,
pour bon nombre d'entre elles, par l'incapacité de s'exprimer dans la
langue de la société d'accueil, si ce n'est que très
minimale-ment.
Ceci dit, nous croyons que les mesures de francisation destinées
aux immigrants doivent demeurer un volet distinct, sous la
responsabilité du ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration. Même si l'apprentissage du français est un
prérequis indispensable à l'acquisition de toute autre formation,
elle ne doit pas faire partie d'un programme plus global de formation
professionnelle, comme c'était le cas il y a quelques années.
Avec le nouvel accord Canada-Québec relatif à
l'immigration, la formation linguistique fait maintenant l'objet d'un transfert
de fonds spécifique. Cette situation est préférable
à celle qui prévalait auparavant, pour diverses raisons. Il y a
bien sûr le fait qu'une grande partie de l'expertise et des ressources
humaines et matérielles consacrées à la francisation des
immi- grants soit déjà regroupée au MCCI. Il faut aussi
éviter de mettre directement en concurrence, pour l'obtention des
ressources budgétaires, les programmes traditionnels de formation
professionnelle et l'apprentissage du français.
Nous pensons que cette distinction entre les programmes doit être
conservée et ce, d'autant plus que le gouvernement du Québec, qui
a adopté l'année dernière une politique d'accroissement
graduel du niveau d'immigration au cours des prochaines années, annonce
depuis quelque temps sa volonté de contrôler davantage le niveau
de ses dépenses. Or, comme les besoins de francisation iront en
s'accroissant au cours des prochaines années, ils ne doivent pas
être satisfaits au détriment des autres aspects de la formation
professionnelle. Une enveloppe budgétaire séparée,
calculée de façon à tenir compte des orientations retenues
en matière d'accueil des immigrants, nous semble la meilleure
façon d'assurer la réalisation d'objectifs qui autrement
pourraient devenir concurrents. Nous recommandons donc que la francisation des
immigrants continue de faire l'objet d'un volet administratif et
budgétaire distinct de la formation professionnelle et demeure sous la
responsabilité du MCCI.
Nous reviendrons dans un prochain chapitre sur la
nécessité d'harmoniser les politiques relatives à
l'immigration et au développement de la main-d'oeuvre.
Le travail est un des lieux fondamentaux où s'effectue
l'intégration des immigrants à la société
d'accueil. En bonne partie à cause de leur non-connaissance du
français oral et de leur faible scolarisation, les allophones
analphabètes se trouvent en grand nombre dans les secteurs fragiles de
l'économie exigeant peu de formation, offrant une faible
rémunération et des possibilités minimes d'avancement: la
bonneterie, l'habillement, le textile, le meuble, l'entretien. Il importe
d'offrir à ces travailleuses et travailleurs faiblement
scolarisés la formation indispensable leur permettant d'acquérir
les qualifications nécessaires pour exercer leur travail avec
compétence et avec des chances normales de mobilité
professionnelle.
Les intervenants du milieu soulignent tous l'importance de
considérer une formation d'alphabétisation ou de francisation en
milieu de travail comme faisant partie intégrante d'une démarche
de formation professionnelle. Il importe donc que cela soit reconnu
officiellement par toutes les instances concernées, notamment par le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle, les commissions de formation professionnelle
et le ministère du Revenu.
Considérant que les mesures de qualification, de francisation et
d'alphabétisation de la main-d'oeuvre allophone peuvent difficilement se
réaliser sans l'intervention concertée du gouvernement, du
patronat et des syndicats, le Conseil a donc recommandé à la
ministre des Commu-
nautés culturelles et de l'Immigration, dans son récent
avis sur l'alphabétisation, d'inviter le ministre de la Main-d'oeuvre,
de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, le
ministre du Travail et le ministre du Revenu du Québec à prendre
des mesures incitatives auprès des entreprises afin d'encourager
l'émergence de cours d'alphabétisation et de francisation en
milieu de travail, à l'intention des travailleurs allophones, et en
particulier des femmes; de créer aussi une table de concertation
réunissant syndicats, entreprises, associations patronales et
communautés culturelles pour la mise en place de cours
d'alphabétisation et de francisation en milieu de travail.
Les travailleuses et travailleurs immigrants font aussi face à
d'autres difficultés qui leur sont particulières. Il s'agit
d'abord des problèmes liés au manque d'information sur le
fonctionnement du marché du travail, sur les possibilités qu'il
offre, la façon de trouver un emploi, etc. Le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration répond du mieux qu'il
peut à ces besoins grâce à une petite équipe de
conseillers et conseillères en orientation et en main-d'oeuvre, mais il
doit faire face à l'accroissement important du volume de la
clientèle et à une conjoncture économique plutôt
difficile.
Également, les travailleurs immigrants ont souvent besoin
d'adapter leurs qualifications aux particularités
québécoises ou montréalaises. Ils doivent acquérir
la maîtrise du vocabulaire technique français propre à leur
profession ou bien compléter leur formation acquise à
l'étranger par des éléments particuliers au
Québec.
L'exercice de plusieurs professions requiert aussi que l'on connaisse
les institutions et leur fonctionnement. Citons comme exemple le domaine du
droit ou celui des institutions financières. Les activités de
formation permettant de combler ces besoins devraient être
considérées comme de la formation professionnelle et donner
éventuellement droit aux mêmes avantages, notamment le
crédit d'impôt et le programme d'aide à la formation.
Parmi toutes les difficultés auxquelles font face les nouveaux
arrivés, la reconnaissance des acquis est certainement une de celles qui
leur causent les plus grandes frustrations. On comprendra aisément ce
que peuvent ressentir des personnes qui ont étudié, puis
travaillé durant de nombreuses années, et qui se retrouvent dans
la même situation qu'un jeune diplômé nouvellement
arrivé sur le marché du travail. Elles doivent à nouveau
faire la preuve de leurs qualifications et accepter une
rémunération inférieure à celle à laquelle
elles estiment avoir droit. Mais ce n'est là qu'une partie de leurs
difficultés.
D'autres problèmes surgissent lorsque les immigrants doivent
faire la preuve de leur expérience de travail ou faire reconnaître
une formation acquise à l'étranger, soit pour obtenir un emploi
ou une promotion, ou encore pour poursuivre leurs études dans une
institution québécoise. Dans certains cas, le processus
d'attribution d'équivalences d'études peut être
particulièrement long et complexe - il nécessite souvent
plusieurs mois - et rendre plus difficile l'intégration des nouveaux
venus au marché du travail. Des progrès notables ont toutefois
été accomplis au MCCI depuis quelques années. Ainsi,
lorsqu'un employeur exige une équivalence pour embaucher un candidat, le
dossier est traité en priorité.
Malgré ces améliorations, des difficultés
subsistent et if serait nécessaire d'intégrer une
préoccupation «immigration» dans le système de
reconnaissance des acquis que l'on projette de mettre en place sous la gouverne
du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu
et de la Formation professionnelle de façon à ce qu'il puisse
aussi servir à l'évaluation des qualifications des nouveaux
immigrants. Nous recommandons donc que le système de reconnaissance des
acquis que l'on projette de mettre en place intègre une
préoccupation à l'égard de la clientèle immigrante
et qu'il soit conçu de façon à faciliter
l'évaluation des qualifications acquises à l'étranger.
Nous souscrivons à l'idée de rendre le crédit
d'impôt plus facilement accessible et de limiter le plus possible la
quantité de renseignements demandés aux employeurs. Nous
souhaitons aussi que l'on fasse preuve de la même souplesse et que l'on
applique les mêmes règles lorsque les employeurs
défraieront une partie des coûts liés à la
francisation ou à l'alphabétisation de leurs employés sur
les lieux de travail ou à l'extérieur de l'entreprise. La
francisation et l'alphabétisation, en milieu de travail ou en
institution et payées par l'employeur, doivent être
encouragées.
De nombreux immigrants n'ont pas les moyens d'étudier à
temps plein dans un COFI. Ils doivent souvent, dès leur arrivée
au Québec, commencer rapidement à travailler pour subvenir
à leurs besoins. Les cours offerts en collaboration avec l'employeur
deviennent alors un moyen efficace de les rejoindre et de faciliter leur
intégration à la société d'accueil. C'est pourquoi
nous recommandons que le gouvernement du Québec encourage les employeurs
à contribuer à la francisation et à
l'alphabétisation des immigrants en milieu de travail ou en institution
et, qu'à cette fin il considère les mesures de francisation et
d'alphabétisation au même titre que la formation professionnelle
traditionnelle et leur applique les mêmes règles et les
mêmes mesures d'encouragement.
Également, toujours pour favoriser et faciliter l'apprentissage
du français chez les immigrants, nous souhaitons que la francisation et
l'alphabétisation soient des activités admissibles dans le cadre
du programme d'aide à la formation annoncé dans
l'énoncé de politique. Cela supposera la cohérence avec
des programmes d'aide financière qui existent déjà pour
les
immigrants et immigrantes qui s'inscrivent dans un COFI. Il y aura sans
doute une augmentation de la clientèle si une telle mesure est
appliquée et il faudra prévoir des ressources en
conséquence. (17 h 45)
Le dernier point dont nous voulons ici discuter concerne la
nécessité d'harmoniser diverses politiques mises de l'avant par
le gouvernement du Québec depuis un an. Nous pensons plus
spécifiquement à l'énoncé de politique sur
l'immigration et l'intégration, «Au Québec pour bâtir
ensemble», au plan stratégique du Grand Montréal,
«Pour un redressement durable» et, bien sûr, au
présent énoncé sur la politique de main-d'oeuvre.
Le document consacré au plan de redressement de la région
de Montréal traite de l'immigration d'un point de vue strictement
économique. Il la présente comme un moyen de combler les
pénuries de main-d'oeuvre et d'attirer de nouveaux entrepreneurs. On y
propose, entre autres mesures, et je cite: «lier étroitement le
recrutement ou la sélection des immigrants indépendants avec les
besoins des industries de haute technologie. À cette fin, il faudra
ajuster le répertoire des professions en demande, le Guide de l'emploi
au Québec - ou le GEQ -qui sert de référence obligatoire
aux conseillers pour la sélection des candidats immigrants.»
Dans les faits, une proportion importante des travailleurs immigrants
indépendants arrivés au Québec en 1990 et 1991 n'ont pas
été choisis en fonction de leur capacité à
répondre aux besoins immédiats du marché du travail, mais
plutôt en raison de leur capacité d'adaptation personnelle. Ainsi,
beaucoup de travailleurs ont été acceptés même s'ils
n'avaient pas de qualification en demande parce qu'ils avaient une promesse
d'emploi, dite «emploi attesté», d'un parent, proche ou
éloigné, déjà établi au Québec. Quant
aux autres travailleurs immigrants, beaucoup sont arrivés comme
réfugiés ou comme revendicateurs du statut de
réfugié, dont un certain nombre faisait partie de la
catégorie de la famille. Ces personnes n'ont d'aucune façon
été choisies pour combler des besoins de main-d'oeuvre. Ce sont
essentiellement des motifs humanitaires qui ont justifié leur
admission.
Cela dit, il n'en demeure pas moins que beaucoup d'immigrants qui
arrivent au Québec sont des travailleuses et travailleurs
qualifiés qui peuvent répondre à une partie des besoins de
main-d'oeuvre. C'est pourquoi il nous semble très important que le
processus d'évaluation des besoins de formation intègre les
prévisions concernant l'apport de la main-d'oeuvre immigrante. Si tel
n'est pas le cas, il pourrait en résulter des surplus de main-d'oeuvre
à court terme qui remettraient en question la pertinence des programmes
de formation.
La planification des programmes et des politiques est d'autant plus
nécessaire que le gouvernement du Québec a annoncé son
intention d'accueillir un nombre croissant d'immigrants au cours des prochaines
années. La définition d'objectifs compatibles et une gestion bien
coordonnée des divers programmes feront en sorte de favoriser
l'intégration harmonieuse de ces nouveaux arrivants à la
société québécoise. Nous recommandons donc que le
processus d'évaluation des besoins de formation intègre les
prévisions concernant l'apport de la main-d'oeuvre immigrante de
façon à ne pas provoquer de surplus de main-d'oeuvre à
court terme qui remettraient en question la pertinence des programmes de
formation.
Cette préoccupation à l'égard de
l'évaluation des besoins et de la concertation des intervenants devra
aussi être très présente au niveau régional, du
moins dans les régions où le gouvernement envisage d'encourager
l'établissement des immigrants au cours des prochaines années. La
taille parfois réduite du marché du travail et la
spécialisation dans certains types d'activité économique
peuvent en effet susciter des déséquilibres et nuire à
l'efficacité tant des mesures de formation qu'à celle des actions
destinées à favoriser la régionalisation de
l'immigration.
Les futurs conseils régionaux devront travailler en collaboration
avec les organismes du milieu qui oeuvrent déjà en région
pour favoriser la venue d'un plus grand nombre d'immigrants. En Estrie, par
exemple, des projets en ce sens ont déjà été mis
sur pied par diverses associations locales. Celles-ci, nous semble-t-il,
devraient être invitées à participer au processus
régional d'évaluation des besoins de main-d'oeuvre et de
formation professionnelle. Le Conseil recommande donc que les organismes
voués à l'accueil des immigrants en région soient
associés au processus d'évaluation des besoins de main-d'oeuvre
et de formation professionnelle, en particulier dans les régions
où le gouvernement veut encourager davantage Cétab//ssemenf des
immigrants.
En conclusion, il reste un point que nous voudrions maintenant aborder,
à savoir la présence des immigrants et des membres des
communautés culturelles dans les instances gouvernementales. Notre
organisme, vous le savez, s'intéresse tout particulièrement
à l'intégration des immigrants et des personnes issues des
communautés culturelles dans notre société. Depuis
plusieurs années, comme beaucoup d'autres intervenants, nous faisons
valoir qu'un des éléments qui facilitent et témoignent
concrètement de cette intégration est la présence et la
participation de ces personnes aux différentes instances consultatives
et décisionnelles de l'appareil gouvernemental et de ses
institutions.
Nous désirons donc vous rappeler à quel point il est
important que des personnes des communautés culturelles ou issues de
l'immigration fassent partie des mécanismes de consulta-
tion et de décision qui seront mis sur pied avec la
création de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, à commencer par le conseil
d'administration de la Société et les conseils régionaux
qui seront créés.
Le gouvernement et ses partenaires...
Le Président (M. Philibert): Madame, je m'excuse de vous
interrompre.
Mme Folco: Oui.
Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il vous en reste
pour longtemps?
Mme Folco: J'ai exactement cinq lignes, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Ah! Bien, c'est bien...
Mme Folco: Je conclus.
Le Président (M. Philibert): Alors, nous attendons votre
conclusion.
Mme Folco: Je vous remercie. Je reprends donc. Le gouvernement et
ses partenaires, tant patronaux que syndicaux, devront tenir compte de cette
préoccupation lorsqu'ils procéderont au choix de leurs
représentants, de façon à ce que, parmi ceux-ci, il s'en
trouve qui soient en mesure de percevoir les besoins particuliers des
immigrants, des immigrantes et des personnes issues des communautés
culturelles et d'en faire part aux autres intervenants. Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): Merci, Mme Folco. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
m'adresser aux représentants du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration qui viennent de nous faire lecture d'un
document très bien étoffé. Il est difficile de choisir,
parmi tout ce que vous avez dit, les points qui apparaîtraient les plus
importants parce qu'ils sont tous importants, mais je veux m'attarder à
une remarque.
Vous dites quelque part que le document d'orientation ne fait pas
référence à la problématique des immigrants et des
immigrantes sur le marché du travail. Vous avez raison, vous avez
absolument raison. Nous avons volontairement choisi de ne pas traiter des
problèmes des clientèles prises individuellement. En fait, on dit
quelque part là-dedans que nous avons choisi de ne pas choisir justement
une approche clientèle, mais plutôt de considérer les
besoins de main-d'oeuvre dans leur globalité. C'est une approche
plutôt universelle que nous avons utilisée en disant: Nous allons
bâtir des programmes généraux, des programmes de type
universel et les composantes de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les
composantes régionales pourront adapter ces programmes-là aux
réalités de chacune des régions du Québec.
J'ai bien l'impression que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre de
Montréal devra - le phénomène de l'immigration est
très fort à Montréal, par exemple - certainement en tenir
compte dans l'application des programmes sur son territoire et, peut-être
même ailleurs, au Québec, si le besoin s'en fait sentir. Alors,
c'est un peu la raison pour laquelle, dans le document, vous ne trouvez pas de
références très spécifiques au problème ou
à la problématique des immigrants.
Mme Folco: Oui, je vous remercie, M. le ministre. Notre
préoccupation, évidemment, c'est de nous assurer que les
problèmes que vivent les immigrants en ce qui concerne la
difficulté à se trouver un emploi ou à se former davantage
pour pouvoir se recycler dans d'autres emplois, que les problèmes qui
sont spécifiques aux personnes immigrantes ou aux personnes issues de
l'immigration, que ces problèmes-là ne soient pas perdus quelque
part dans le processus, n'est-ce pas. D'autres groupes que nous se sont
adressés à ce problème par rapport à d'autres
sous-groupes dans la société québécoise. Ce qui
nous concerne, nous aussi, c'est de pouvoir vous présenter les
problématiques qui sont spécifiques à cette
partie-là de la population. Bien entendu, parmi les immigrants et parmi
les membres des communautés culturelles, on retrouve des jeunes, on
retrouve des femmes, on retrouve des personnes handicapées et ainsi de
suite. Nous ne nous sommes pas attardés à ces
problèmes-là puisque ce sont des problèmes qui vont
être pris en compte. Il était important pour nous de souligner
qu'il y avait des problèmes qui étaient spécifiques
à des clientèles qui nous préoccupent plus
particulièrement.
M. Bourbeau: D'accord. M. le Président, la
députée de Bourget était particulièrement
intéressée par ce dossier-là. Si vous n'avez pas
d'objection, on pourrait la reconnaître maintenant.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Bourget.
Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord saluer Mme Raymonde Folco, présidente, que j'ai eu d'ailleurs
l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises. Votre mémoire,
vous le soulignez, est très court et très concentré. Il
présente vraiment les problèmes spécifiques des
immigrants, problèmes auxquels vous faites face vraiment pour
l'intégration des immigrants dans la société d'accueil. Je
vous en félicite.
Mais, au tout début, vous avez remis une
petite feuille de résumé où vous faites mention que
vous avez pris connaissance de l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre. Vous estimez qu'il s'agit d'un
document valable, dont les orientations générales sont
intéressantes et susceptibles de répondre aux
préoccupations des intervenants dans le domaine de la main-d'oeuvre.
À travers tout ce petit résumé, vous faites des
remarques et quelques recommandations. Quoique vous sembliez d'accord avec les
stratégies proposées dans l'énoncé de politique, le
Conseil que vous représentez ne se prononce pas explicitement sur la
question de la création de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Est-ce
que, dans sa globalité, le Conseil appuie cette initiative?
Mme Folco: Oui. Nous appuyons cette initiative. Nous avons aussi
dit - j'insiste un peu là-dessus - que notre organisme, comme vous le
savez très bien, n'est pas un organisme qui a été
mandaté ou qui s'est mandaté pour bien connaître les
problèmes de la main-d'oeuvre. Nous n'avons pas l'expertise qui nous
permettrait d'aller dans les détails sur la création d'une telle
société ou sur l'arrimage entre la société
elle-même et les sociétés régionales à
travers le Québec. C'est pourquoi nous n'avons pas abordé ces
sujets. Nous avons plutôt choisi d'aborder des sujets sur lesquels nous
pouvons, je pense, apporter des idées et des façons de
procéder non seulement par rapport à l'énoncé, mais
à la réalisation des mesures, lorsque viendra le temps, par
rapport aux immigrants et aux membres des communautés culturelles. On
aurait pu aussi toucher les femmes, bien entendu, mais d'autres groupes,
évidemment, sont bien mieux placés que nous pour en parler.
Mme Boucher Bacon: Merci. Maintenant, quand vous dites que vous
n'avez pas beaucoup d'expertise, moi, j'ai lu votre mémoire et je trouve
que vos recommandations sont très pertinentes. D'ailleurs, en page 5,
lorsque vous mentionnez la formation linguistique et l'alphabétisation
en milieu de travail, vous faites un parallèle à l'effet que vous
venez du ministère des Communautés culturelles, que vous avez
demandé de faire des recommandations au ministre de la Main-d'oeuvre, de
créer une table. En plus, en page 7, lorsque vous parlez de la
reconnaissance des acquis, vous stipulez que dans le système de
reconnaissance des acquis - que je juge, à mon sens, très
important - que l'on procède à la mise en place... Vous dites:
«qu'il soit conçu de façon à faciliter
l'évaluation des qualifications acquises à
l'étranger». En page 9, lorsqu'on parle de crédits
d'impôt, vous souscrivez à ce que «le gouvernement du
Québec encourage les employeurs à contribuer à la
francisation et à l'alphabétisation des immigrants en milieu de
travail». Enfin, il y a d'autres recommandations, en page 11, et on peut
en retrouver un résumé vers la fin. Mais, est-ce que le Conseil
croit que les services d'emploi - soit l'information, le "counseling", le
placement -destinés aux personnes immigrantes devraient relever de la
Société ou être maintenus séparés au sein du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration?
Mme Folco: Écoutez, de façon
générale, pour répondre à la question... C'est une
question qui nous est posée souvent par rapport à d'autres
domaines, n'est-ce pas? Les immigrants, les membres des communautés
culturelles sont des Québécois et on doit répondre
à leurs besoins comme on répond à tous les autres
Québécois ici, sur le territoire. Il y a des structures, au
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui
existent pour aider les immigrants lorsqu'ils arrivent, et aussi pour les aider
à l'intégration dans la société d'accueil.
Cependant, nous savons qu'il y a des ministères qui sont bien
placés, qui connaissent bien la problématique, qui ont
répondu à des besoins et qui ont des structures pour
répondre aux besoins des citoyens québécois. Je ne vois
pas pourquoi une partie de cette population-là serait - je m'excuse
d'utiliser le mot - «ghet-toïsée» ou
«parquée» dans un autre ministère quand, très
clairement, les responsabilités reviennent à un ministère
qui répond aux besoins de toute la clientèle
québécoise, y inclus les immigrants et les membres des
communautés culturelles. Alors, pour répondre à la
question de façon très courte: Non, je souhaiterais qu'on
réponde à ces besoins, comme on répond aux besoins
spécifiques d'autres sous-groupes à l'intérieur de la
société, et par les mêmes types de moyens. (18 heures)
Mme Boucher Bacon: Même si on parle de main-d'oeuvre?
Mme Folco: Même si on parte de main-d'oeuvre, tout à
fait, en autant qu'on réponde au type de besoins dont nous avons fait
état tout à l'heure.
Mme Boucher Bacon: Je vous remercie beaucoup. Maintenant, il y a
une dernière question que j'aimerais vous poser. Comment les besoins,
les intérêts et les points de vue des personnes immigrantes ou
membres de votre communauté culturelle peuvent-ils être pris en
compte le plus efficacement possible par la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre? Quels
seraient les mécanismes qui devraient être mis en place pour y
arriver?
Mme Folco: Nous y référons de façon
très brève à la toute fin de notre mémoire lorsque,
disons, en parlant de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, nous deman-
dons justement que le conseil d'administration de la
Société inclue des personnes des communautés culturelles.
Dans l'énoncé de politique, on dit bien, à la page 40,
qu'il est tout à fait normal... On parle ici de s'assurer d'une
représentation équitable des hommes et des femmes au sein du
conseil d'administration. C'est très louable, n'est-ce-pas? Nous sommes
arrivés dans une société, maintenant, où, de
façon tout à fait normale, de façon tout à fait
régulière, si j'ose dire, on pense à avoir des
représentants au moins des deux sexes.
Mais il me semble aussi que, dans notre société, il serait
temps qu'on ajoute cette préoccupation par rapport à la
représentation des membres des communautés culturelles dans les
instances gouvernementales. Ce que nous demandons, c'est que lorsque viendra le
temps de penser à la nomination des membres du conseil d'administration
de cette Société, on ne se préoccupe pas seulement d'une
représentation équitable des hommes et des femmes - ceci est
important - mais qu'on s'occupe aussi d'une représentation
équitable des membres des communautés culturelles qui ont, eux
aussi, leur place et qui ont aussi besoin de faire valoir leurs besoins et
leurs attentes.
Mme Boucher Bacon: Merci beaucoup. Mme Folco: Merci.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vais vous
souhaiter la bienvenue, Mme Folco et M. Manègre. Vous savez que je
m'attribue, en grande partie, la maternité du Conseil. Alors, je suis
d'autant plus intéressée à connaître votre point de
vue que j'ai souhaité, lors de l'adoption de la loi constituant le
Conseil, que le Conseil puisse jouir d'une très grande liberté de
parole et d'expression.
Vous avez dit tantôt que les membres des commautés
culturelles et les immigrants étaient des citoyens
québécois. Vous nous avez rappelé qu'il fallait
répondre à leurs besoins comme à ceux de tous les autres
Québécois. En regard de la recommandation que vous faites
à la page 9, je crois, de votre mémoire, à l'effet
d'inviter le gouvernement du Québec à encourager les employeurs
à contribuer à la francisation et à
l'alphabétisation des immigrants en milieu de travail... Vous nous
rappelez, d'ailleurs, à la page 5 du même mémoire, que les
intervenants du milieu et, i'imagine, des communautés culturelles
soulignent l'importance de considérer une formation
d'alphabétisation et de francisation en milieu de travail comme faisant
partie intégrante d'une démarche de formation
professionnelle.
En regard d'une réalité incontournable - 23 % à 28
% de la main-d'oeuvre québécoi- se a des problèmes
d'analphabétisme fonctionnel - comment envisager, par exemple, que, dans
une entreprise, des cours de formation, d'alphabétisation ou de
francisation ne soient offerts qu'à des immigrants, pendant qu'une
partie importante des confrères ou consoeurs ont des problèmes
d'alphabétisation et de francisation? Non seulement il y a 23 % à
28 % de la main-d'oeuvre qui a des problèmes de francisation, mais il y
a aussi une sous-scolarisation qui est consternante pour l'ensemble de la
main-d'oeuvre. Donc, oui, à une problématique spécifique,
mais peut-on envisager des solutions spécifiques où on dirait,
comme vous le faites dans votre mémoire, à l'employeur d'offrir
des cours pour ceux de ses travailleurs qui sont immigrants, alors que ces
cours-là ne seraient pas offerts en milieu de travail, ne seraient pas
offerts à l'ensemble?
Mme Folco: Oui, tout à fait. C'est un problème que
nous avons souvent. Souvent, les gens dans le public nous disent: Pourquoi
faire ceci pour les immigrants ou les membres des communautés
culturelles quand, de toute façon, tous les Québécois ont
ce même problème? Effectivement, les immigrants ne sont pas
différents des autres. Ils ont aussi les problèmes qu'ont les
Québécois. Les Québécois aussi, comme vous venez de
le souligner, ont souvent des problèmes d'analphabétisme. C'est
un taux très élevé pour le Québec. Nous n'avons pas
voulu dire, dans notre mémoire, que ceci doit se faire seulement pour
les immigrants ou pour les membres des communautés culturelles en milieu
de travail. Ce que nous avons voulu dire, c'est que ces immigrants ont un
problème, ils ont un problème double. Je pense que la
réponse est un peu là. C'est-à-dire que, pour le
Québécois de vieille souche qui est en milieu de travail, s'il
est analphabète, il devrait lui aussi avoir droit à des cours
d'alphabétisation en milieu de travail qui sont axés sur le
milieu de travail. Ça c'est une chose. Mais ce Québécois
de vieille souche, lui ou elle, parle déjà le français.
Donc, les cours d'alphabétisation vont se faire par rapport à une
langue qu'il maîtrise déjà. C'est sa langue, il la
maîtrise déjà bien.
En ce qui concerne les immigrants et les membres des communautés
culturelles, ces cours d'alphabétisation ne peuvent pas être de la
même nature, pensons-nous, que les cours qui seraient offerts aux
Québécois de vieille souche puisqu'il y a un autre
problème qui surgit. C'est justement le fait que leur langue maternelle
à eux n'est pas le français et, dans certains cas, ils ne le
parlent que très peu. Donc, ce que nous avons proposé, dans notre
avis à la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, c'est justement de trouver une formule qui permettrait
d'apporter des cours d'alphabétisation aux immigrants et aux membres des
communautés culturelles, en alphabétisant et en francisant en
même temps. Il y a une formule qui devrait être
trouvée. Nous n'avons pas la réponse exacte, mais nous
avons certainement cette orientation que nous avons proposée à la
ministre.
Mme Harel: Mme Folco, pour tout de suite, il n'y a aucun cours
d'alphabétisation ou de francisation qui est offert à qui que ce
soit. Tantôt vous me disiez...
Mme Folco: Puis-je vous interrompre, Mme Harel?
Mme Harel: ...oui, mais cette personne qui est analphabète
est de souche, elle maîtrise déjà bien son français.
Il n'en est rien. Vous savez que des délégués syndicaux
m'apprenaient cette semaine que bon nombre de travailleurs licenciés
s'inscrivent à des cours d'alphabétisation, de français
langue seconde, des cours qui, normalement, devraient être offerts aux
immigrants. Mais, ils s'inscrivent et font un peu comme ces travailleuses qui
sont venues me voir en me disant que la seule manière de se faire
engager dans certaines industries à Montréal, c'est de dire:
«No habla francés, no habla inglés». Comme ça,
l'employeur est sûr que, ne parlant ni français ni anglais, les
personnes sont moins informées de leurs droits. Mais ces travailleurs,
ce qu'ils font, c'est qu'ils se présentent comme étant des
travailleurs immigrants de manière à pouvoir aller chercher des
cours d'alphabétisation en français. Je ne sais pas si ça
a été porté à votre connaissance. Il y a donc
là un problème. Le problème, ce n'est pas qu'ils prennent
la place seulement de ceux à qui cela devrait être offert, le
problème, c'est qu'il n'y a rien qui leur est offert.
Mme Folco: Je voudrais vous corriger, peut-être, sur une
partie de ce que vous venez de nous dire. C'est qu'il y a présentement
un projet-pilote, parrainé par la CSN, au centre Sheraton à
Montréal, un projet-pilote auprès - ce sont surtout des femmes -
des personnes immigrantes et des membres des communautés culturelles: 30
employés reçoivent des cours de francisation. Ce que nous avons
essayé de dire, c'est qu'il y a un projet-pilote qui existe pour les
cours de francisation, très bien. Il faudrait maintenant tirer une
leçon de ce projet-pilote et généraliser davantage ce
projet-pilote, non seulement dans l'hôtellerie, mais dans d'autres
industries, et élargir ce projet pour qu'il comprenne non seulement des
cours de francisation, mais aussi des cours d'alphabétisation. Mais nous
avons pu repérer quelques exemples isolés de cours qui sont
offerts sur le marché du travail.
Mme Harel: Évidemment, avec tous ces cours qui sont
offerts, vous avez dû sûrement avoir accès à ce
document préparé par la Direction de la formation professionnelle
au secondaire ef qui fait un bon rappel de tous ces programmes et mesures des
gouvernements, tant fédéral que provincial, et de l'ensemble de
leurs ministères, à l'intention de la main-d'oeuvre. on y voit,
entre autres, le crédit d'impôt, dans la partie où il peut
être financé par la sdi. ce crédit d'impôt à
l'entreprise auquel vous fartes référence, pour tout de suite il
ne peut être financé avec un prêt participatif de la sdi que
si l'entreprise démontre que le projet privilégie l'utilisation
d'une technologie permettant aux produits fabriqués d'être
compétitifs. donc, c'est vraiment très très restreint au
cadre limité, si vous voulez, des entreprises qui sont exposées
à la concurrence et qui doivent donc s'inscrire dans cette belle course
qui s'appelle la compétitivité. pour les personnes... vous
proposez également que le programme d'aide à la formation soit
ouvert aussi à l'apprentissage du français - «nous
souhaitons que la francisation et l'alphabétisation soient des
activités admissibles dans le cadre du programme d'aide à la
formation» - mais le programme d'aide à la formation, c'est
d'abord un programme de prêts. je ne sais pas combien de nouveaux
arrivants sont prêts à s'endetter, parce que la mesure,
exactement, ce qu'elle prévoit, c'est un prêt maximal
représentant 40 % du revenu. donc, il faut que la personne s'endette.
elle pourra avoir une période de remboursement du prêt qui peut
être étalée sur 10 ans mais, dans un contexte où
l'emploi est précaire, c'est quand même peu d'offrir à
quelqu'un, en fait, de s'endetter pour pouvoir se franciser.
Dans le contexte, la formation doit mener à l'obtention d'un
diplôme dans l'année où elle est poursuivie. Il y a
peut-être un critère, qui est le plus discriminatoire, finalement,
en regard de votre clientèle, autant pour les femmes, c'est que la
personne, pour y avoir droit, doit avoir été active sur le
marché du travail durant les six dernières années. Alors,
il y a finalement, comme ça, des obstacles qui sont tellement nombreux.
Ça vaut pour les femmes aussi, parce que «actives durant les six
dernières années», ce n'est pas évident. Il faut
ensuite que la personne ait déjà un bon bagage, puisque la
formation ne peut excéder 12 mois et doit donner lieu, si vous voulez,
à un diplôme. Alors, je ne sais pas s'il n'y aurait pas lieu
d'être plus explicite en regard de tous ces changements que vous
souhaitez.
Mme Folco: Écoutez, ce que nous avons demandé dans
une des recommandations, c'est que ces activités de formation soient
considérées comme de la formation professionnelle et donnent
droit aux mêmes avantages, notamment le crédit d'impôt et le
programme d'aide à la formation. Maintenant, ce que vous soulignez est
tout à fait juste dans le sens où il n'est pas dit que - je parle
des immigrants, c'est-à-dire des personnes qui sont arrivées au
Québec depuis très peu longtemps - ces personnes-là aient
comme pre-
mier souci de se franciser. malgré toute la bonne volonté
qu'on peut avoir, lorsqu'on est père ou mère de famille, la
première chose qu'on veut faire, c'est de se trouver un emploi pour
subvenir aux besoins de la famille. donc, il est important qu'on incite les
entreprises, par toutes sortes de moyens, à aider les immigrants et les
demandes des communautés culturelles sur ce chemin. parce que
d'eux-mêmes, malgré leur bonne volonté, si les conditions
économiques ne sont pas favorables, ils ne pourront pas le faire.
Mme Harel: Donc, finalement, c'est l'énoncé de
politique lui-même, vous savez, parce que cet énoncé
s'adresse beaucoup plus au relèvement de la compétence des
personnes qui travaillent dans des entreprises de secteurs industriels bien
définis. Alors, dans la mesure où c'est ça, si vous
voulez, la vision de l'énoncé de politique - d'ailleurs, je
citais le titre du communiqué de presse qui accompagnait
l'énoncé - une vision sectorielle pour une approche de
développement industriel, dans ce contexte-là, vraisemblablement,
vous dites qu'il faut élargir, et vous demandez que les entreprises
défraient une partie des coûts liés à la
francisation et à l'alphabétisation. Il va falloir, à ce
moment-là, penser pour l'ensemble de la main-d'oeuvre.
Mme Folco: Tout à fait. Quand on regarde la main-d'oeuvre
des immigrants et des membres des communautés culturelles, il y a un
nombre important - nous n'avons pas de statistiques exactes pour appuyer ceci -
de ces personnes-là qui travaillent dans des PME qui sont
elles-mêmes gérées ou qui sont la propriété
d'anciens immigrants ou de membres des communautés culturelles. Ces
personnes-là - ce sont des petites et moyennes entreprises - n'ont pas
les moyens économiques de créer des programmes de francisation ou
d'alphabétisation pour leurs employés. Donc, ces
employés-là restent, pendant des années, tant et aussi
longtemps qu'ils sont employés dans des petites et moyennes entreprises,
sans les avantages de pouvoir se franciser ou s'alphabétiser.
Mme Harel: Ça ne va pas aller en...
Mme Folco: Donc, c'est pour élargir le champ.
Mme Harel: C'est ça, et ça ne va pas aller en
s'améliorant parce que les budgets consacrés à des cours
à temps partiel sont contingentés. Ces budgets ont des enveloppes
fermées et diminuent constamment au profit de budgets de formation sur
mesure, pour permettre aux entreprises de se lancer dans la concurrence en
regard de la mondialisation des marchés, etc. On est dans un contexte
où l'ensemble des visions... Par exemple, trois des quatre programmes
qui sont présentés dans l'énoncé de politique
concer- nent les entreprises ou les collectivités. Il n'y en a qu'un
seul qui s'adresse à des individus, et on prend bien soin de dire que ce
sera plus en termes de pénurie qu'on va investir dans ce programme pour
les individus. Alors, si ce n'est pas pour combler une pénurie, si
ça n'est pas pour répondre à un besoin en main-d'oeuvre de
l'entreprise, il n'y a pas, comme telle, une approche qui se dégagerait
dans le sens où vous le souhaitez.
Mme Folco: Tout dépend si l'approche est curative ou si
elle est préventive.
Mme Harel: Voilà!
Mme Folco: Je pense que ce que nous proposons ici, c'est du
curatif certainement, mais c'est du préventif très important.
Mme Harel: Tout à fait. Mais encore faut-il que ce soit
préventif pour l'ensemble de la main-d'oeuvre. Je pense qu'on partage
cette opinion que, s'il fallait qu'une entreprise, par exemple,
théoriquement, soit tenue de ne défrayer des cours
d'alphabétisation ou de francisation qu'à ses travailleurs
immigrants, ça provoquerait un tollé de protestations qui ne
serait pas injustifié de la part de ceux qui voudraient pouvoir les
suivre aussi. Vous partagez cet...
Mme Folco: Je ne peux qu'acquiescer. Il faut toujours voir les
immigrants comme ayant les mêmes problèmes que les
Québécois, mais avec une certaine coloration, si vous voulez, un
certain nombre de problèmes qui viennent s'ajouter et qui viennent
complexifier la situation.
Mme Harel: Vous nous mentionnez dans votre mémoire que le
gouvernement a décidé d'une augmentation graduelle du niveau
d'immigration depuis 1985. Mais je dois comprendre que, pour la présente
année, le niveau d'immigration a été gelé par
rapport au niveau de l'an dernier, compte tenu de l'état de la situation
économique. Je ne me trompe pas en croyant cela?
Mme Folco: Je vais passer la parole à M.
Manègre.
M. Manègre (Jean-François): C'est la conclusion que
je tire en examinant les statistiques du ministère. Par exemple, en
1991, on va avoir atteint, à toutes fins utiles, le même niveau
qu'en 1990, c'est-à-dire autour de 42 000. En tout cas, les
dernières données que j'ai vues, ce sont celles des neuf premiers
mois de 1991 que le ministère vient de publier.
Pour 1992, vous êtes mieux informée que moi. Je n'ai pas vu
encore, officiellement, de déclaration à l'effet que le niveau
était gelé.
Peut-être que je ne l'ai pas reçue ou peut-être que
Mme Folco en est informée?
Mme Harel: Non, c'est l'été dernier, en fait. C'est
la décision qui avait été communiquée par voie de
communiqué de presse, par le ministre, au mois d'août
passé.
M. Manègre: C'est ça. Dans le sens que le
niveau...
Mme Harel: Au mois de juillet, excusez-moi, plus exactement. Au
début juillet.
M. Manègre: D'accord. Si c'est ce que vous voulez dire,
oui. C'est exact.
Mme Harel: Cependant, on se rend compte, avec les données
que vous nous fournissez, qu'il n'y a que 37 % de l'immigration qui peut
être considérée comme ayant une dimension main-d'oeuvre.
N'est-ce pas, Mme Folco? Vous nous rappelez...
Mme Folco: Qui a été choisie par rapport à
cela. Oui.
Mme Harel: Voilà, parce que 63 % sont choisis, nous
dites-vous, pour d'autres motifs: motifs humanitaires, motifs de
réunification des familles, etc. Donc, on pourrait dire que deux
personnes sur trois sont choisies pour des motifs autres que ceux concernant la
main-d'oeuvre. N'est-ce pas? C'est ça qu'il faut comprendre?
Mme Folco: Oui.
Mme Harel: Vous nous rappelez les difficultés que
connaissent les allophones analphabètes. À la page 5 de votre
mémoire, vous nous rappelez que ces allophones analphabètes se
trouvent en grand nombre dans des secteurs fragiles exigeant peu de formation,
offrant une faible rémunération, donc plus susceptibles d'occuper
des emplois précaires qui sont touchés par les crises
conjoncturelles - d'autant plus qu'elles sont structurelles, comme dans les
secteurs du textile, de la chaussure, du vêtement et autres. Moi, j'ai
les chiffres que le ministre nous fournissait lors des engagements financiers,
il y a quelques jours à peine, où il faisait état aussi
d'une aggravation de ta situation des sans-emploi chez les
réfugiés. Les chiffres qu'il nous donnait indiquaient, par
exemple, que, pour 1985-1986, 3014 personnes en attente du statut de
réfugié, en attente d'un refuge...
Mme Folco: Des revendicateurs du statut de
réfugié.
Mme Harel: Revendicateurs du statut, plutôt. 3014
étaient bénéficiaires de l'aide sociale tandis que cette
année - vous voyez, cinq ans, six ans - c'est 12 785. Année
après année, on se rend compte que c'est une progression
absolument vertigineuse: 3000 en 1985, 5400 en 1986, 7800 en 1987, 9000 en
1988, 8000, etc. Ça augmente constamment, même dans les
années où il y a eu une bonne croissance économique
continue. Je me suis demandé si le Conseil avait fait des études
là-dessus. Quel est l'état de la situation dans chacune des
catégories? Par exemple, la catégorie des indépendants
qui, eux, sont choisis justement du fait de pouvoir faire partie de la
main-d'oeuvre. Quelle est la situation dans les autres catégories,
soient les réfugiés, la réunification de la famille?
Est-ce qu'on assiste à une augmentation aussi considérable du
taux des sans-emploi?
Le Président: (M. Philibert): Mme Falco, je vous invite
à une réponse assez succincte parce que le temps est
écoulé.
Mme Folco: Merci, M. le Président. Je vais laisser la
parole à M. Manègre, puisque c'est lui qui a rédigé
le portrait que nous avons fait, justement, des revendicateurs du statut de
réfugié, que nous avons présenté à la
ministre tout récemment.
M. Manègre: La réponse à la question, elle
est claire. C'est non. On n'a pas fait de telles études. Cependant, il y
en a qui sont en cours au ministère. Il y a une recherche qui est en
cours sur l'insertion et l'intégration des immigrants en
général. L'aspect de l'emploi est un des éléments
qui est étudié et qui va répondre à ces
questions-là, au cours des prochains mois, probablement.
Mme Harel: En fait, ma question, Mme Folco, c'est: Est-ce que le
Conseil envisage, à un moment donné, compte tenu de la situation,
de... J'ai de l'inquiétude à penser que des personnes qui sont
venues - par exemple, 16 000 en cinq ans - étaient analphabètes.
A moins qu'on ne trouve des moyens de leur permettre de franchir ces
obstacles-là, qu'est-ce qu'on peut leur offrir comme
société, sinon la misère?
Le Président (M. Philibert): Encore une fois, rapidement,
parce que le temps est écoulé.
Mme Folco: Écoutez, je ne peux pas vous répondre en
deux mots. Ce que je peux vous dire vraiment - ça va peut-être
être un cliché, mais c'est un cliché important - c'est que
la société québécoise a toujours été
une société humanitaire. Ces revendicateurs du statut de
réfugié qui arrivent au Québec, ils revendiquent le statut
pour des raisons extrêmement importantes pour eux - c'est-à-dire
la survie - puisqu'ils ne pourront pas survivre dans leur pays, selon eux
et...
Mme Harel: Survie économique, vous voulez dire?
Mme Folco: ...survie physique, Mme Harel, très
souvent.
Mme Harel: Physique? D'accord. Je voulais être
certaine.
Mme Folco: Mais la réponse que je peux vous donner ne peut
pas être une réponse brève. Alors, je m'abstiens.
Le Président (M. Philibert): Alors, merci, madame. M. le
ministre, pour la conclusion.
M. Bourbeau: Alors, M. le Président, je tiens à
remercier les représentants de nos visiteurs du Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration pour une présentation
bien faite et un document bien étoffé, que nous allons continuer
à analyser au cours des prochaines semaines, et dont nous tiendrons
certainement compte dans les décisions que nous prendrons
éventuellement. Merci.
Mme Folco: Je vous remercie, M. le ministre.
Le Président (M. Philibert): merci, m. le ministre. merci
de votre prestation. je vous souhaite un bon retour là où vous
demeurez, et j'appelle la suspension des travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 23)
(Reprise à 20 h 6)
Chambre de commerce du Québec
Le Président (M. Philibert): Je veux souhaiter la
bienvenue à la Chambre de commerce du Québec et demander tout de
suite à M. Mercier de présenter les gens qui l'accompagnent.
M. Mercier (Denis): Merci. Mesdames et messieurs, je
désire vous remercier de nous offrir l'occasion de vous exprimer notre
point de vue sur l'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre et le projet de loi 408 créant
la Société québécoise de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Philibert): Vous avez à
présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Mercier: J'y arrive. Tout d'abord, on a créé un
comité de la main-d'oeuvre, mis sur pied au début de janvier afin
d'étudier le projet de loi et l'énoncé de politique. Ce
comité était présidé par le président du
conseil, M. John Dinsmore, à ma gauche, qui m'accompagne ce soir. Un
autre membre du comité, M. Robert-Georges Paradis, qui est à ma
droite, est vice-doyen de la Faculté de l'éducation permanente de
l'Université de Montréal. Est aussi avec moi, à ma droite
immédiate, M. Claude Descôteaux qui est vice-président
exécutif de la Chambre de commerce du Québec.
Le Président (M. Philibert): Vous avez 20 minutes environ
pour présenter votre mémoire, et il y aura 20 minutes à la
disposition du ministre pour vous questionner et 20 minutes à la
disposition de l'Opposition. Alors, allez-y pour votre mémoire.
M. Mercier: Je vous remercie. La Chambre de commerce est
préoccupée par la question de la formation professionnelle et de
l'adaptation de la main-d'oeuvre, depuis de nombreuses années. Elle
devait d'ailleurs profiter, entre autres, de sa rencontre annuelle avec le
premier ministre, le Conseil des ministres et le chef de l'Opposition
officielle, en 1990, afin de réitérer ses préoccupations
dans ce domaine en déposant un document à cet effet.
L'institution d'une conférence permanente sur l'adaptation de la
main-d'oeuvre démontre une volonté d'agir du gouvernement et son
intention de trouver une solution durable à ce véritable
défi de la société. Nous nous sommes cependant rapidement
inquiétés de l'accent qui a été si vite
placé sur la création d'une nouvelle institution avant d'avoir
arrêté une politique définissant les objectifs sur lesquels
on doit d'abord se mettre d'accord. Cette politique n'était-elle pas,
d'ailleurs, l'objectif primordial de la concertation tant souhaitée?
La Chambre de commerce a eu l'occasion, tout au long du processus de
consultation mis en place par le ministre, de faire part de ses réserves
quant à la présentation d'une loi qui viendrait modifier les
structures actuelles avant même que nous soyons dotés d'une
politique de la formation de la main-d'oeuvre. Le dépôt par le
ministre d'un document, le 11 décembre dernier, quelques heures avant le
dépôt à l'Assemblée nationale et quelques jours
seulement avant Noël, de même que la nécessité de
déposer notre mémoire avant le 17 juillet témoignent,
selon nous, d'une conception étonnante de la concertation requise de
l'ensemble des partenaires impliqués dans le processus de consultation
que le ministre avait lui-même mis en place.
De nombreuses interventions ont déjà été
faites par les partenaires du monde du travail et de la formation
professionnelle sur les lacunes identifiées dans le projet de loi
actuellement à l'étude. Nous ferons plutôt porter notre
intervention sur la question plus générale de la politique de
développement de la main-d'oeuvre québécoise que nous
réclamons depuis plusieurs années et dont l'énoncé
actuellement à l'étude ne semble qu'une timide
ébauche.
On ne peut s'en prendre au diagnostic
présenté par M. le ministre puisqu'il rejoint en grande
partie les résultats de nombreux travaux réalisés sur
cette question par le gouvernement et les divers regroupements comme le Forum
sur la main-d'oeuvre. Il est toutefois inquiétant de constater que le
gouvernement se limite à nous communiquer un diagnostic connu de tous
plutôt que de s'attaquer aux réalités concrètes et
proposer de réelles solutions à ce défi de
société.
Ce n'est pas du cadre de la gestion des programmes que nous souhaitons
discuter, mais bien des besoins des individus et des entreprises afin de
maintenir notre compétitivité. Tant de ressources ont
été dépensées au gré des nombreuses
réformes mises de l'avant depuis 30 ans, sans résultat permanent,
que nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'en voilà encore une
autre. Comment envisager des solutions durables et efficaces si
l'incohérence gouvernementale continue à se perpétuer? On
parle ici de la formation de la main-d'oeuvre alors que, au même moment,
le ministre de l'Éducation envisage une nouvelle réforme de la
formation professionnelle au sein du réseau de l'éducation,
réforme qui ne semble faire l'objet d'aucun arrimage avec les travaux du
ministère de la Formation professionnelle.
L'incohérence est pour nous synonyme de gaspillage de ressources
financières et, encore plus, de ressources humaines. Elle risque
également d'être la source de problèmes
d'intégration des jeunes diplômés au monde du travail et
d'accroître encore plus l'écart qui sépare les entreprises
des institutions de formation. Comment s'étonner d'ailleurs de cet
écart, alors que trois ministères ont une mission de formation de
la main-d'oeuvre? Une politique de développement de la main-d'oeuvre est
indispensable pour le maintien de notre prospérité. Elle ne doit
pas viser à offrir des solutions à court terme pour
améliorer nos statistiques des sans-emploi, mais il faut mettre
l'emphase sur la force au travail. Son objectif doit être plutôt de
nous assurer, d'une part, que chaque individu disposera de la formation de base
la plus complète possible afin de pouvoir s'adapter à un
environnement professionnel de plus en plus exigeant et, d'autre part,
bénéficiera d'une formation continue qui lui permettra de mettre
à jour ses connaissances afin de relever les défis nouveaux
qu'impose l'évolution des techniques et des outils de travail.
L'urgence de la situation - et nous n'insisterons jamais assez
là-dessus - ne doit pas, toutefois, nous imposer de vivre avec des
solutions Insatisfaisantes, d'autant plus que l'énoncé de
politique ne répond que très partiellement aux questions et aux
préoccupations exprimées par la Chambre de commerce du
Québec. L'ampleur du problème et les implications du projet
gouvernemental sont trop importantes pour que nous acceptions des
décisions précipitées qui nous apparaissent trop
partielles.
C'est en ce sens que nous proposons la collaboration de la Chambre de
commerce du Québec afin de procéder conjointement, avec les
partenaires du monde du travail, de l'éducation et de la formation
professionnelle, à une consultation élargie sur la
problématique, qui permettra la rédaction, par le gouvernement,
d'une véritable politique de la main-d'oeuvre. Ce n'est qu'alors que
nous pourrons examiner la meilleure structure nécessaire. La
rédaction de cette politique devrait être
précédée d'une réflexion approfondie des aspects
suivants, qui nous semblent négligés dans l'énoncé:
l'analyse et l'inventaire des ressources humaines et financières
actuellement consacrées par le gouvernement du Québec à la
formation professionnelle. Quels sont, par exemple, les coûts de
fonctionnement des CFP? Et pourquoi veut-on transformer de fond en comble le
système actuel? Quels sont les objectifs que nous pourrions atteindre ou
les besoins qui pourraient être rencontrés avec le système
actuel modifié et non chambardé? Le gouvernement veut-il et
peut-il généraliser le cas d'espèce que constitue la
formation adaptée aux besoins de l'industrie aérospatiale? Ce qui
nous apparaît comme un exemple concret d'adaptation aux besoins de
l'industrie découle d'une initiative de la base où s'est
regroupé l'ensemble des personnes concernées. Cela diffère
largement d'une structure centralisée où les programmes sont
définis dans une optique provinciale et doivent s'adapter par la suite
à des réalités différentes.
Les initiatives en faveur du développement économique
local sont de plus en plus nombreuses. Celles-ci s'appuient sur des groupes
sociaux qui y ont consacré beaucoup d'énergie et qui sont
à la base du dynamisme de ces initiatives. Ces groupes sociaux nous
semblent peu présents, pas plus d'ailleurs qu'on ne semble prendre en
compte leur sensibilité et leur expérience des
réalités locales, comme leur capacité de structurer et de
mener des projets qui répondent aux véritables besoins. (20 h
15)
Nous savons tous que la majorité des travailleurs et des
personnes aptes au travail qui seront à l'oeuvre en l'an 2000 sont
déjà sur le marché du travail. Comment entend-on adapter
nos programmes et nos structures aux besoins de ces personnes qui sont souvent
les plus démunies au chapitre de la formation de base? L'individu est
trop souvent oublié dans cet énoncé, alors que c'est sur
lui-même que reposent le développement et la
compétitivité de nos entreprises. Cet individu, dont la formation
de base a trop souvent été insuffisante, sera appelé de
plus en plus à changer de travail et d'employeur - jusqu'à cinq
fois, estime-t-on, durant sa vie active. Comment lui assurer la
nécessaire capacité d'adaptation qui présuppose une bonne
formation
de base et le développement préalable de l'aptitude
d'apprendre à apprendre, fondement de Ja formation continue?
L'énoncé ne propose guère d'inventaire des
formations offertes dans le cadre des programmes actuels. Il n'offre pas non
plus de diagnostic qui permettrait d'évaluer les carences des programmes
qui existent actuellement et n'identifie pas les correctifs possibles. Il ne
fait surtout pas la preuve qu'il ne serait pas avantageux d'apporter des
correctifs dans le cadre actuel. L'énoncé n'apporte rien de
nouveau qui nous permette de croire qu'une nouvelle structure
améliorerait la définition ou la gestion de ces programmes. Il
importe, par ailleurs, de rompre avec la tendance naturelle des bureaucraties
à mettre sur pied des programmes pour lesquels on cherchera par la suite
des clients. Une structure centralisée ne nous offre que peu d'espoir de
voir se modifier ces pratiques.
L'énoncé ne s'interroge jamais, à savoir si le
Québec dispose de formateurs compétents et en nombre suffisant
pour assurer la formation initiale et la formation continue des individus dans
les domaines clés pour le développement de l'économie
québécoise. On ne s'y intéresse pas non plus à la
formation des formateurs, pourtant centrale. On sait que 40 % des nouveaux
emplois de l'an 2000 requerront une formation universitaire. On sait
également que le développement de nombreux emplois se fera
majoritairement dans les domaines des services et de la moyenne et haute
technologie.
On sait enfin qu'il faut recycler une partie étonnante de la
main-d'oeuvre spécialisée en poste actuellement, et il est pour
le moins étonnant, dès lors, de constater que l'université
est, à toutes fins utiles, absente du projet ministériel.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt, de même
que les membres qui ont siégé au comité sur la formation
professionnelle, à répondre à vos questions.
Le Président (M. Philibert): Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir
d'accueillir les membres de la Chambre de commerce du Québec, d'autant
plus que j'ai eu l'occasion de siéger, au cours de la dernière
année, avec un représentant de la Chambre de commerce du
Québec à la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre.
C'était d'ailleurs à la suite d'une rencontre au cabinet du
premier ministre, il y a deux ans, où la Chambre de commerce du
Québec se plaignait justement de ne pas avoir de forum sur la
main-d'oeuvre au Québec ou d'endroit où les partenaires du
marché du travail pourraient se rencontrer, que j'avais indiqué
mon intention de former cette conférence permanente. La Chambre de
commerce du Québec, depuis ce temps, siège
régulièrement aux réunions de la
Conférence permanente. Elle a été présente,
je crois, à toutes les réunions au cours de la dernière
année, réunions au cours desquelles nous avons discuté
régulièrement du projet de politique de main-d'oeuvre. Nous avons
soumis des textes, des documents régulièrement; nous avons fait
en sorte de prendre le pouls des partenaires, tant syndicaux que patronaux ou
du mouvement coopératif. Nous avons également fait cheminer
à travers cette table de concertation les documents préparatoires
au projet de loi sur la société québécoise de
main-d'oeuvre, de sorte qu'on peut dire que la Chambre a été
très bien informée, au cours de la dernière année,
du cheminement du dossier.
C'est pourquoi je suis un peu étonné de lire dans le
document de la Chambre que l'énoncé de politique semble arriver
en dernière heure, comme une performance commandée et requise
pour avoir droit à une société. La Chambre s'est
élevée tôt contre cet exercice qui lui apparaissait
tronqué. C'est des propos qui m'apparaissent un peu étonnants,
compte tenu de la participation très étroite de la Chambre de
commerce du Québec à tous les travaux préparatoires
à la politique de main-d'oeuvre qu'on a devant nous. Ça date d'au
moins un an, les réunions que nous avons tenues ensemble
là-dessus. On ne peut certainement pas dire que la Chambre a
été prise par surprise, ayant eu accès à toute la
documentation et ayant participé à toutes les
réunions.
Il y a également un autre paragraphe qui m'étonne encore
plus, c'est quand on dit que nous ne retrouvons aucune analyse approfondie de
la situation actuelle. Là, vraiment, je dois dire qu'il y a des gens
autour de moi qui acceptent difficilement de se faire dire qu'ils n'ont pas
très bien analysé la situation actuelle. D'ailleurs, la
majorité des mémoires que nous recevons sont plutôt
flatteurs à l'égard du ministère pour ce qui concerne
l'analyse qui a été faite de toute la situation du marché
du travail au Québec.
Au cas où la Chambre en douterait, les gens qui m'entourent m'ont
remis une série de documents qui ont servi de base à la
rédaction du document. Je vais vous en faire la nomenclature, si vous
voulez. Vous les avez ici. Un document de juin 1991, «Le
développement des compétences, le défi des années
quatre-vingt-dix»; c'est un document très intéressant qui
porte sur toute la problématique; «Les perspectives sectorielles
du marché du travail au Québec et dans ses régions, 1991,
1992 et 1995»; le rapport de la consultation du ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu sur l'adaptation de la
main-d'oeuvre aux impacts de l'Accord de libre-échange
canado-américain, de février 1989. Je pourrais vous citer
également «Partenaires pour l'avenir. Stratégie
d'adaptation et de mise en valeur des ressources humaines pour les
années quatre-vingt-dix»; c'est la
position commune des provinces du Canada et des territoires, novembre
1989. J'aimerais dire que c'est le Québec qui était la
province-pilote cette année-!à, en 1989, et le document qui a
été rédigé par toutes les provinces canadiennes
avait comme inspiration le Québec. Ici, «Le développement
des compétences... Alors, c'est le même que tantôt, je
m'excuse. Je ne veux pas vous en donner deux copies. Si vous n'avez pas
d'objection, je vais vous les envoyer, les documents; je vais vous les faire
parvenir. On va aller vous les porter. Vous pourrez au moins dire que vous en
avez eu copie et vous pourrez peut-être, à tête
reposée, en faire la lecture pour vous assurer que le ministère
n'a pas improvisé dans la rédaction de ces documents.
Changement de propos, le mémoire que vous avez proposé
est, je crois, écrit au nom de la Chambre de commerce du Québec,
et il y a une série de chambres de commerce qui sont indiquées
comme faisant partie du comité sur la formation professionnelle. Nous
avons reçu, au cours des derniers jours... Enfin, j'ai vu une lettre -
je ne sais pas s'il y en a eu d'autres - d'une chambre de commerce qui
protestait parce qu'on avait indiqué son nom ici, et elle se
déclarait totalement en désaccord; je crois que c'est la Chambre
de commerce de Sainte-Foy. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette
lettre-là, M. le président?
M. Mercier: Nous avons pris connaissance de cette lettre, oui, M.
le ministre. Maintenant, j'aimerais vous rappeler peut-être le processus
que l'on suit à la Chambre de commerce du Québec, et on y
adhère aussi religieusement que possible. On a eu un comité qui a
été formé et les représentants de cette même
chambre ont participé aux délibérations. Le rapport a
été rédigé et préparé, a
circulé parmi toutes les chambres, et chacune avait le loisir de nous
informer et de proposer des corrections. Je dois vous avouer que cette lettre
est arrivée en toute fin de journée hier et nous n'avons pas eu
d'autres commentaires, antérieurement à cette lettre, de cette
même chambre.
M. Bourbeau: Parce que la Chambre de commerce de Sainte-Foy n'y
va pas de main morte. On a pensé que c'était une
dénonciation du mémoire.
M. Mercier: Je pense qu'on pourrait regarder le texte. J'ai lu la
lettre, et ce n'était pas si drastique que ça. On parlait
de...
M. Bourbeau: De toute façon, on comprend qu'elle se
désolidarise du mémoire. Je présume que c'est la seule qui
a ce point de vue là.
M. Mercier: C'est la seule qui a manifesté une telle
chose, et toutes les chambres de commerce ont été
consultées à cet effet.
M. Bourbeau: Alors, on ne mettra pas en doute votre
représentativité, M. le président. Disons que c'est une
exception qui n'est pas la règle.
Mme Harel: II y a combien de chambres locales? Il y en a 220, je
pense, hein?
M. Mercier: 225. Mme Harel: 225, hein?
M. Bourbeau: C'est certainement une exception, j'en conviens.
Tout à l'heure, vous avez fait allusion à une annonce
récente du ministre de l'Éducation et vous avez semblé
dire que l'annonce qu'a faite le ministre de l'Éducation d'une politique
visant à établir, pour les personnes qui ont
dépassé l'âge de la fréquentation scolaire
obligatoire, des préalables fonctionnels qui soient reliés
directement à l'exercice d'un métier, ça ne semblait pas
être très bien coordonné avec la politique de main-d'oeuvre
que nous avons devant nous. Le ministre de l'Éducation a annoncé
justement une relaxation, si je peux dire, des critères qui vont
présider, à l'égard des adultes, à leur admission
à la formation en faisant en sorte que les préalables
académiques qui étaient jusqu'ici plutôt très
rigoureux, très stricts, vont être remplacés par des
préalables fonctionnels.
Je ne vois pas pourquoi vous dites que ça ne s'articule pas bien
avec la politique parce que, si vous regardez dans notre document d'orientation
en page 61, le gouvernement s'engage, à l'alinéa 3.4.1, à
«établir, pour les personnes qui ont dépassé
l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire, des
préalables fonctionnels reliés directement à l'exercice
d'un métier». Et dans le document on explique pourquoi il est
préférable de baisser, si vous voulez, les prérequis
à l'égard des adultes pour faciliter aux adultes l'accès
à la formation.
Qu'est-ce qui vous autorise à dire, par exemple, qu'il n'y a pas
de relation ou que le ministère de l'Éducation et celui de la
Main-d'oeuvre ne sont pas coordonnés dans leurs annonces, puisque ce que
le gouvernement s'est engagé à faire, le ministre de
l'Éducation, avant même que la commission parlementaire soit
terminée, annonce son intention de le faire? Ça m'apparaît,
au contraire, être une action du gouvernement qui est très
cohérente avec la politique de main-d'oeuvre.
M. Mercier: Peut-être qu'il y a eu confusion dans les
termes. Moi, je dois vous avouer que je n'ai vu que ce matin un tel document,
qui a été déposé ou que j'ai reçu, qui parle
de la formation de la main-d'oeuvre, issu du ministère de
l'Éducation où, encore une fois, on voit une déclaration
de M. Pagé qui parle de formation professionnelle et qui parle de
recyclage là-
dedans. On voit une direction générale de la formation
professionnelle sous ce ministère-là et je dois vous avouer,
comme simple citoyen que, parfois, on est drôlement confus
vis-à-vis des actions qui sont prises par le ministère de
l'Éducation, votre ministère ou le ministère de
l'éducation supérieure. Et c'est dans ce sens-là qu'on
exprimait notre point de vue.
M. Bourbeau: Est-ce que vous êtes au courant si le
ministère de la Main-d'oeuvre - en tant que ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle - est-ce que ce ministère-là fait de
l'enseignement professionnel? Êtes-vous au courant?
M. Mercier: Que si votre...
M. Bourbeau: si le ministère de la main-d'oeuvre, de la
sécurité du revenu et de la formation professionnelle fait de
l'enseignement professionnel?
M. Mercier: Selon moi, non.
M. Bourbeau: Bon, alors, vous avez bien raison, on n'en fait pas\
Et ce n'est pas dans nos responsabilités non plus. Alors, ce n'est pas
étonnant. Il ne faudrait pas que vous vous étonniez que le
ministère de l'Éducation, qui s'occupe d'enseignement
général et d'enseignement professionnel, fasse des annonces
relatives à l'enseignement professionnel. C'est son métier, c'est
sa vocation. Je ne vois pas pourquoi on viendrait s'étonner que le
ministère de l'Éducation prenne des dispositions ou fasse des
annonces relativement à des modifications dans l'enseignement, de
même que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science pour ce qui est de l'enseignement professionnel au cégep. C'est
des ministères qui enseignent. Donc, il est tout à fait normal
que des annonces comme ça soient faites. Et, en général,
quand elles sont faites, nous, on applaudit, surtout quand c'est des mesures
qui ont pour effet de relaxer, si je peux dire, les règles
peut-être un peu trop rigides à l'occasion, qui pourraient
empêcher ou qui auraient pu empêcher l'accès à
l'enseignement professionnel des adultes.
Si vous voulez, on pourrait peut-être passer au document
lui-même. L'énoncé de politique...
M. Mercier: Est-ce que je pourrais, M. le ministre...
M. Bourbeau: Oui, allez-y, je souhaitais un commentaire de vous.
Il n'y a pas de problème. (20 h 30)
M. Mercier: Est-ce que je pourrais, à ce moment-ci... Vous
avez, au tout début, mentionné notre participation à la
Conférence permanente.
M. Dinsmore a participé à un très grand nombre de
ces rencontres-là, et j'aimerais peut-être qu'il vous fasse part
de ses commentaires. À ma connaissance, on a été partie
aux discussions, bien entendu. Mais l'énoncé de politique, comme
tel, n'avait jamais été déposé, n'avait jamais
été discuté à fond. On a parlé, à la
toute fin, d'une société, et c'est à ce moment-là
qu'on s'est objectés pour dire que ce que nous
préférerions faire, c'est d'abord discuter d'une politique de
formation pour, ensuite, trouver les moyens. M. Dinsmore.
M. Dinsmore (John): M. le ministre, je pense que vous avez
certainement raison. J'ai assisté à presque toutes les
réunions de la Conférence permanente. J'ai suivi
l'évolution de la pensée du ministère. J'ai reconnu et
j'ai même appuyé votre initiative pour faire valoir tout l'effort
de la formation professionnelle dans l'entreprise autant que pour d'autres
personnes actives qui ne sont pas actuellement à l'emploi... Mais vous
savez que nous étions conditionnés, comme membres de la
Conférence permanente, à ne pas dévoiler les
activités qui étaient discutées autour de la table. je
pense que m. mercier a déjà indiqué la nature propre du
mouvement des chambres de commerce. c'est un groupement de différentes
chambres de commerce et, à un moment donné, c'est important de
les consulter. ce que nous voulons, comme chambres de commerce, c'est la
possibilité de permettre à votre projet d'être
analysé, évalué, commenté et peut-être
amélioré avant que ce soit adopté. et c'est pour ça
que nous sommes ici ce soir. c'est pour vous demander de retarder la
présentation de votre projet de loi afin de permettre que nous soyons
tous confortables, à l'aise, certains que ça va répondre
vraiment aux besoins de la formation professionnelle.
Et surtout, comme vous parlez dans votre document d'un Québec
compétent et compétitif, il faut miser, peut-être avant
toute autre catégorie de la population, sur les personnes en emploi
actuellement. Et il faut s'assurer que ces personnes soient qualifiées,
capables de mener le succès économique du Québec afin de
permettre que les autres puissent aussi avoir accès à des emplois
dans l'avenir. Le fer de lance de la compétitivité du
Québec, c'est les personnes en emploi actuellement, et c'est surtout la
formation des personnes présentement dans les entreprises qui est la
préoccupation de la Chambre de commerce du Québec et de ses
chambres membres. Et nous ne voyons pas, à l'heure actuelle, des
politiques claires à cet égard dans votre
énoncé.
M. Bourbeau: Qu'est-ce qui manque dans l'énoncé,
selon vous, pour que ce soit satisfaisant aux yeux de la Chambre, à
l'égard de ce dont vous venez de parler, là, les politiques
claires qui manquent?
M. Dinsmore: Je suis, dans ma vie professionnelle, responsable
d'un organisme qui s'appelle Forum entreprises-universités et cette
activité s'occupe du mariage, des préoccupations communes au
monde des affaires et au secteur universitaire. Nous menons actuellement une
étude sur les pratiques dans la formation professionnelle auprès
de nos membres, soit universitaires, soit en entreprises. Et je trouve, depuis
quelques semaines - parce que c'est tout récemment que j'ai
commencé cette étude, mais j'avais déjà des
indications - qu'il y a un dynamisme très très marqué au
sein des entreprises concernant la formation professionnelle. Il y a une
réforme substantielle qui se pratique actuellement, surtout dans la
grande entreprise. Ce que nous cherchons, c'est comment
généraliser cette expérience au profit de la petite et de
la moyenne entreprise.
Je pense qu'il y a besoin, dans votre politique, de vous assurer que la
structure que vous proposez est en mesure réellement de répondre
aux vrais besoins de l'entreprise. Je ne peux pas vous dire si ça se
fait actuellement, mais c'est de chercher et confirmer que ça se fait.
Et c'est pour ça que nous croyons que c'est mieux de laisser un peu de
temps pour permettre aux entreprises d'examiner, de réagir et de
répondre a votre document, avant de l'adopter sous forme de loi.
M. Bourbeau: Pourtant, on nous presse d'agir rapidement, partout.
On nous dit que le Québec est en retard, qu'il faut rattraper le temps.
Est-ce que vous connaissez, vous, des structures ailleurs, dans d'autres pays -
parce qu'on nous dit que les structures actuelles sont inefficaces - autres que
celles que nous proposons, disons, et qui pourraient faire l'affaire, selon
vous? Est-ce que vous en avez, des structures, à proposer, autres?
M. Dinsmore: Je pense que la crainte, c'est que nous allons
créer quelque chose d'assez formel et rigide avant même d'avoir
déterminé si ça répond véritablement aux
besoins. Peut-être que c'est absolument parfait, mais il faut laisser
à l'entreprise le temps de réagir, et ce n'est pas quelque chose
qui se fait du jour au lendemain. Du 11 décembre jusqu'en
février, c'est trop court.
M. Bourbeau: Écoutez, c'est vrai que, pour ceux qui sont
arrivés là-dedans en décembre, ça a peut-être
l'air court, mais pour ceux qui réfléchissent à ça
depuis longtemps, ça fait quand même un bon bout de temps.
À la Conférence permanente, ça fait au moins un an qu'on
travaille là-dessus.
M. Dinsmore: C'est sûr.
M. Bourbeau: Nous, ça fait plusieurs années.
On a quand même fait un travail important. Quand vous allez vous
taper les documents que je vous ai fait parvenir, vous allez voir que, quand
même, on n'est pas parti de rien. Alors, je comprends ce point de vue. Je
vais aller à autre chose.
Vous dites dans vos documents que nous ne faisons pas assez de place au
secteur de l'éducation dans la Société
québécoise de développement. D'après vous, ce
serait quoi, une place correcte au secteur de l'éducation au sein de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre?
M. Dinsmore: ii faut d'abord comprendre que le réseau
éducatif est organisé sur /'ensemble du territoire du
québec et que la situation régionale diffère d'un endroit
à l'autre. je pense que le ministère de l'éducation, par
son réseau scolaire, est en mesure de s'adapter davantage, dans les
différentes régions du québec, aux besoins locaux. c'est
un peu ça qui est manifesté dans le document de m. pagé,
que nous venons de recevoir. peut-être qu'on a intérêt... je
ne sais pas encore, parce que le temps passe vite pour examiner ça dans
la réalité, mais il y a probablement un potentiel pour
développer des conseils régionaux impliquant le réseau
scolaire dans le milieu d'affaires et institutionnel pour développer des
activités qui seront vraiment en mesure de répondre à la
situation dans ces régions-là.
Le risque, je pense, dans votre projet, si je peux le définir,
c'est qu'on part d'une superstructure vers les régions plutôt que
de monter ça de la base vers le centre. Une activité
coordonnatrice des opérations régionales, je pense, va mieux
répondre à la situation actuelle que le contraire, où tout
le pouvoir est au centre. Je pense que ça peut créer des
difficultés réelles en termes d'articulation des activités
sur le plan régional.
M. Mercier: M. le ministre, j'aimerais rajouter simplement un ou
deux commentaires à ce que M. Dinsmore vient de dire. Je n'ai
sûrement pas la proposition précise pour dire quelle devrait
être l'implication du ministère de l'Éducation dans la
structure que vous proposez, mais je tiens à dire qu'il faut absolument
que le ministère de l'Éducation soit de plus en plus
présent pour discuter des besoins de formation de base qui vont
permettre à nos individus qui vont arriver sur le marché du
travail à partir d'aujourd'hui de faire face à la situation de
demain. Cette préoccupation-là est fondamentale chez nous et on
pense que, même si on a une très belle société, si
on n'a pas les bons individus, bien formés pour être capables
d'apprendre à apprendre, encore une fois, comme on l'a dit dans notre
mémoire, on se met la tête dans le sable.
M. Bourbeau: Mais il n'y a rien dans le document qui contredit
ça, au contraire. Le document s'inscrit tout à fait en faveur
d'une formation initiale la plus solide et la plus longue possible, et je ne
vois pas du tout en quoi le document contredit ça. Cependant, je pense
qu'on doit faire une distinction entre la formation de base qu'on doit exiger
d'un jeune qui fait sa formation initiale et celle d'un père de famille
de 50 ans qui est sur le point de perdre son travail et qui doit prendre un
complément de recyclage ou d'adaptation pour maintenir son emploi. Je ne
crois pas qu'on doive renvoyer un père de famille deux ans sur les bancs
d'école pour faire son secondaire V en français s'il doit prendre
quelques cours de recyclage pour apprendre à briqueter une maison, par
exemple. On a vu ça souvent dans le passé, des adultes qui se
sont fait refuser carrément des cours.
Et je peux témoigner que nous, on en a «au char» au
ministère, chez nous, des cas comme ça, de cours qui ont
été cancellés par l'Éducation parce que les adultes
qui faisaient partie des cours n'avaient pas un secondaire IV ou un secondaire
V en français ou en mathématiques. Donc, les types sont
restés chez eux et n'ont pas eu le complément de formation; et
ils ont peut-être perdu leur job aussi, l'année suivante, parce
qu'ils ne pouvaient plus faire le travail, alors que ça aurait
été très facile d'être moins exigeant en termes de
préalables. Et c'est ça que le ministre de l'Éducation,
finalement, décide de faire maintenant. Tant mieux, et j'en suis
content. Il ne faut pas exiger les mêmes préalables, donc la
même formation de base, d'un adulte de 50 ans qui est en fin de
carrière que d'un étudiant qui commence.
Je vais laisser la parole à l'Opposition, M. le
Président.
Le Président (M. Philibert): Alors, merci, M. le ministre.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition, ce soir, M. Mercier, M.
Descôteaux, M. Dinsmore. Vous avez été tous les deux,
d'ailleurs, M. Dinsmore et M. Descôteaux, des sous-ministres
chevronnés. Vous avez connu ce qu'est l'administration publique à
partir, donc, d'ici même, ainsi que M. Paradis. J'écoutais
tantôt l'échange. Je me demandais si ça allait continuer.
Heureusement que ça a bifurque à un moment donné, parce
que j'étais plutôt mal à l'aise de voir qu'on vous
accusait, pas d'un crime de lèse-majesté, mais d'un crime de
lèse-énoncé.
M. Bourbeau: Vous avez mal compris.
Mme Harel: Finalement, je me demandais pourquoi, parce que vous
n'êtes pas les seuls à le critiquer. Vous savez, toute la
journée, aujourd'hui, on a reçu des personnes qui
représentaient des organismes - par exemple, l'Institut canadien
d'éducation des adultes, bien connu pour son expertise ou le CIAFT,
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, et bien
d'autres - qui sont venus dire la même chose que vous. Et je n'arrive pas
encore à m'expliquer pourquoi on vous a tant reproché vos
positions. La seule explication que j'ai trouvée, c'est que finalement
les vôtres avaient porté. Alors, vous avez peut-être une
influence qui est plus grande que celle que vous imaginez, et c'est
peut-être ce qui a permis, de toute façon, l'automne passé,
qu'on ait le dépôt de l'énoncé. Peut-être
n'aurions-nous eu qu'un projet de société, si votre voix n'avait
pas porté. Moi, je suis assez contente que votre voix ait porté.
Remarquez que, comme vous et comme le ministre, je partage aussi l'urgence
d'agir dans ce domaine. Il est évident qu'il faut certainement agir, pas
juste pour rebrasser des structures, mais agir pour obtenir du changement. Je
pense que c'est ça, notre objectif.
Je dois dire que nous avons très attentivement pris connaissance
de vos positions, dans l'Opposition officielle, y compris le chef de
l'Opposition et, je vous le dis bien simplement, ça nous interpelle,
ça nous fait réfléchir, notamment quand vous appelez
à une vision intégrée de l'éducation et de la
formation de la main-d'oeuvre. Moi, je le prends de façon positive.
C'est ce que vous nous recommandez, donc, d'aller chercher cette vision
intégrée.
Le ministre, tantôt, vous faisait grief, là, de parler
d'enseignement professionnel. Toute la question est de savoir -
évidemment, tout le monde est pour la vertu; on est tous pour que
l'éducation s'occupe de la formation de base - si la formation continue
à laquelle on aspire, ce n'est pas, finalement, une suite de la
formation de base et de la formation initiale? C'est d'ailleurs ma
première question. (20 h 45)
À la page 7, vous dites, entre autres, appuyer
énergiquement la volonté de rapatrier les pouvoirs et les
programmes touchant la main-d'oeuvre au niveau québécois et vous
dites regretter que le gouvernement n'en profite pas pour harmoniser les
mécanismes et les programmes sur lesquels il a présentement
juridiction. Bien, moi, je suis obligée de vous donner raison. Mais je
me demande si, finalement, ce n'est pas un héritage, tout ça, un
héritage de la Constitution, puisque la formation de la main-d'oeuvre a,
dès le départ, été dissociée de
l'éducation étant donné que le fédéral y
contribuait pour 80 %, tout en n'ayant pas la compétence dans
l'éducation. Alors, on a fait une sorte de divorce au départ
entre la formation de la main-d'oeuvre et l'éducation. Ça a
même amené le ministre à nous dire, la semaine
passée, qu'ici on discutait de formation de main-d'oeuvre mais pas de
formation professionnelle au sens de formation de base
initiale, etc.
Je suis contente que le milieu d'affaires que vous représentez se
préoccupe de l'ensemble des besoins de la main-d'oeuvre, d'une
main-d'oeuvre qui, au Québec, à 23 % ou 28 %, connaît des
problèmes d'analphabétisme et connaît des problèmes
de sous-scolarisation. Moi, je suis plutôt portée à vous
applaudir d'avoir à coeur cette vision intégrée de
l'éducation et de la formation de la main-d'oeuvre. Je ne sais pas si
vous voulez réagir à ça tout de suite ou si vous voulez
que je poursuive.
M. Mercier: À ce moment-ci, je pourrais demander à
M. Paradis de vous indiquer pourquoi la formation continue, la formation qui va
évoluer, qui va nous permettre de progresser est aussi importante de nos
jours et dans l'avenir. M. Paradis.
Le Président (M. Philibert): M. Paradis.
M. Paradis (Robert-Georges): Oui, merci. M. le ministre a
parlé tout à l'heure de l'individu de 50 ans qui perdait son
emploi et auquel il fallait offrir des correctifs rapides qui lui permettent de
se retrouver un emploi, de garder un emploi dans son entreprise ou d'aller dans
une autre.
Je pense que c'est là une partie du problème. Il y a
beaucoup de gens qui ont des problèmes très immédiats et
qui ont besoin d'une formation que les Américains appellent soit
«just in time» ou soit «quick fix». Fort bien, c'est
là un volet du dossier de la formation continue. Mais je pense que ce
qui est plus important dans un dossier tel que celui-ci, c'est d'habituer
à la fois les entreprises et les institutions d'enseignement à
une vision à moyen et à long terme des besoins de formation et
des solutions à ces besoins de formation là. Si on ne fait pas
ça, on sera toujours continuellement, collectivement dans une
opération d'urgence; il faudra boucher un trou ici, boucher un trou
là et, à terme, ça sera toujours à recommencer.
On a parlé de formation initiale, on a parlé de formation
continue, je pense que les deux éléments sont en continuum. On
peut dire: Ça n'est pas la même chose de former un jeune et de
former un adulte en situation de travail, mais je pense que, dans tous les cas,
il y a des acquisitions de connaissances fondamentales, il y a des acquisitions
de compétence, de méthodologie, d'instruments et de langage. Et,
pour quelqu'un qui pressent un changement, dont l'entreprise pressent un
changement, Je pense qu'il est important qu'il puisse s'adresser à une
institution d'enseignement, à des formateurs, à son entreprise,
etc., et dire: J'ai le sentiment qu'on s'en va par là. D'ici deux,
trois, quatre ou cinq ans, il y aurait lieu de nous préparer à
être à point, à être au fait des connaissances, des
compétences, etc.
C'est l'espèce de chaînon manquant qui m'apparaît un
peu dramatique dans cet exercice-là. Il serait abusif, bien sûr,
de dire ou de prétendre que le système d'éducation, les
institutions d'éducation ont toujours livré la marchandise. Je
pense que ça serait une vaste fumisterie. Elles ont leurs structures,
elles ont leur lourdeur, elles ne sont pas toujours ni d'accord ni
instrumentées pour livrer la marchandise que l'on attend d'elles, et
c'est un tort. Elles aussi devront faire des adaptations.
On demande dans l'énoncé de politique - et c'est fort bien
- aux entreprises et aux individus de développer une mentalité de
la formation continue. J'en suis. Je pense qu'il va falloir faire le même
exercice auprès des institutions d'enseignement; elles aussi doivent
développer cette mentalité-là. Je pense que les
collèges l'ont fait infiniment plus, à date, que le niveau
secondaire et le niveau universitaire. Je pense que les besoins se situent tout
le long du continuum, et particulièrement au niveau universitaire, pour
une foule d'emplois qui sont déjà là et une
majorité d'emplois qui seront là dans la prochaine
décennie.
Mme Harel: D'ailleurs, à cet effet, vous nous rappelez
qu'un travailleur ou une travailleuse aura en moyenne à changer cinq
fois d'emploi et d'employeurs durant sa vie active et qu'il nous faut penser
à un système intégré qui prépare les
travailleurs aux emplois à venir aussi, sinon, ça sera un
perpétuel recommencement. C'est finalement cette vision-là que
nous applaudissons.
À moins que l'un d'entre vous ne veuille faire des commentaires,
j'aimerais ça, peut-être, examiner dans votre mémoire,
particulièrement aux pages 9 et suivantes, les inquiétudes que
vous exprimez, soit à l'égard de la définition des
clientèles visées ou encore de la mise à jour des
programmes et compléter avec l'accent sur les nouvelles structures.
Abordons les clientèles visées. Vous nous dites, à
la page 10: «L'individu est trop souvent oublié dans cet
énoncé...» Je ne saurais que vous inviter à la
lecture des mémoires qui nous ont été
présentés aujourd'hui, parce qu'on nous a donné
énormément d'illustrations pour expliquer à quel point le
travailleur ou la travailleuse qui n'est pas prestataire de quelque chose ni,
donc, prestataire d'assurance-chômage ou de la sécurité du
revenu, est l'oublié dans tout ce système. Les programmes ne lui
sont pas accessibles s'il n'est pas admissible à un chèque,
très souvent, ou encore parce que tous les budgets de formation à
temps partiel sont en voie de diminution; les cours sont contingentés,
les enveloppes sont fermées. Vous nous dites: On doit s'adresser
simultanément à l'ensemble des clientèles et des besoins.
Remarquez que j'ai trouvé ça ambitieux, s'adresser
simultanément. Tout de suite, je vous pose la question parce que, dans
certains milieux, on a tenté de discréditer votre position en
disant: La Chambre de commerce, dans le fond, ce qu'elle défend,
c'est le fait que tout s'en aille à l'Éducation pour que ce soit
payé par les impôts des gens et que les entreprises n'aient pas,
elles, à assumer leur part par des contributions à venir. Est-ce
que vous avez entendu aussi ce...
M. Mercier: Je ne l'ai peut-être pas entendu dans ce
sens-là, mais si ça a été dit, j'aimerais le nier
fortement. Ce que nous tenons à avoir, c'est qu'en examinant les
clientèles - bien entendu, on a dit, comme M. Dinsmore l'a
répété tout à l'heure - on regarde aussi des
personnes en emploi actuellement, de sorte qu'elles soient prêtes demain
à répondre aux besoins de leur entreprise et qu'elles ne soient
pas mises à la porte ou remises dans le réseau. Ça, c'est
fondamental, selon nous. Donc, il y a plusieurs clientèles. Il y a
définitivement les gens en devenir pour accéder au marché
du travail. Il y a des gens qui sont en difficulté avec le marché
du travail. Il y a des gens, principalement, qui sont au travail et dont on
doit améliorer la compétence continuellement pour que les
entreprises soient de plus en plus compétitives, de sorte qu'on fasse
marcher cette roue-là. Si nos entreprises ne sont pas
compétitives avec leur force au travail, bien, on va perdre du terrain,
on va reculer et on va disparaître de la carte.
Mme Harel: Mais il y a aussi des gens qui sont tout simplement
dans des emplois, qui travaillent mais dans des secteurs qui ne sont pas de
pointe. Je ne sais pas, moi, une caissière dans une pharmacie ou dans
une épicerie, si on suit l'énoncé, ne faisant pas partie
d'un secteur identifié comme susceptible d'être dans la dynamique
de la compétitivité, pourrait, par exemple, ne pas voir son
employeur lui offrir de la formation sur mesure, etc. Et avec la vision qui est
retenue, finalement, très peu est laissé à l'individu qui,
de son propre gré, veut améliorer son sort professionnel.
M. Mercier: Vous avez raison là-dessus. Je dois vous dire
que, par exemple, dans les entreprises - et non pas les moindres; je peux
parler un peu pour Northern Telecom - il y a des besoins immédiats de
formation pour être prêt à faire face à la situation
de demain chez ces employés-là. Même si nous faisons de la
formation qui est ponctuelle, qui est déterminée par les besoins
de l'entreprise, l'individu se pose généralement la question
suivante: Mais, dans trois ans, qu'est-ce que je vais faire? Comment faut-il
que je me prépare pour être capable de faire face à la
situation dans trois ans? Trois ans, ce n'est pas dans l'an 2000.
Mme Harel: Vous faisiez référence à votre
entreprise qui est une grande entreprise. Dans votre mémoire, vous nous
dites: II faut que les petites et les moyennes entreprises puissent participer
à cette vision. J'ai l'impression - peut-être à tort, vous
me corrigerez - que la grande entreprise y est arrivée, à cette
vision plus intégrée. Je pense à tout le secteur de la
chimie, de la pétrochimie, par exemple, qui s'est associé avec le
cégep Maisonneuve dans le cadre de l'Institut, ou à
l'aéronautique. Mais comment amener la petite et la moyenne entreprise
à penser que son profit, elle peut le trouver pas juste dans le court
terme, mais elle peut le trouver dans le moyen ou le long terme, ce qui est
peut-être plus le cas de l'entreprise de grande taille?
M. Mercier: Les convaincre, c'est définitivement une chose
qu'on va tenter de faire de plus en plus en parlant à nos membres, mais
je pense que la situation économique, la situation compétitive
à laquelle ces entreprises doivent faire face va avoir encore plus de
poids, encore plus d'effets que nos messages ne vont en avoir. Ce n'est pas une
question de choix; il faut que les entreprises le fassent le plus rapidement
possible et, si elles ne le font pas, avec la compétition qui est
arrivée avec le libre-échange et la compétition qui vient
du reste du monde, bien vite, les personnes ou les organisations qui ne le
feront pas vont vite être en situation dangereuse.
Mme Harel: Dans l'interface que vous souhaitez entre
l'éducation et l'entreprise, vous pensez être capables de faire
bouger la lourdeur institutionnelle de l'éducation?
M. Mercier: Je demanderais, à ce moment-ci,
peut-être à...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mercier: C'est toi qui as parlé de lourdeur, tout
à l'heure.
M. Paradis (Robert-Georges): Écoutez, je pense que les
institutions d'enseignement - et c'est vrai dans à peu près tous
les pays du monde, du moins en formation initiale - ont des traditions qui sont
très longues et des traditions qui appellent lourdeur, lenteur et faible
rapidité de réaction à des problématiques du jour.
Je pense qu'on peut se mettre la tête dans le sable.
Généralement, les choses qui sont le plus de pointe sont les
recherches; et on sait qu'entre 8 % et 10 % des produits de la recherche
fondamentale retournent en application à des usages, entre guillemets,
comestibles pour la population, pour un ensemble ou un autre.
Donc, au plan de la formation, les habitudes sont plutôt longues
à changer et il est évident que ce n'est pas demain que
l'ensemble des acteurs du système, qu'ils soient des professeurs du
secondaire, du collégial ou de l'universitaire,
vont se mettre à valoriser spontanément la formation
continue. Ils n'ont pas été formés à ça,
sauf les gens qui sont carrément dans les filières
professionnelles. Mais les gens qui font de la formation fondamentale, laquelle
pourrait être adaptée, bien souvent, n'ont pas cette
habitude-là. Je pense qu'il convient qu'ils la développent
rapidement parce que, d'une part, les populations étudiantes en
formation initiale vont avoir tendance à décroître, c'est
bien connu, et ils vont devoir se trouver un autre public cible pour donner de
la formation. Et cette formation-là va devoir être adaptée,
changée, intégrée, synthétisée pour faire
face aux intérêts de cette population-là parce que les gens
n'y trouveront pas leur compte et vont aller ailleurs; ils vont se trouver des
systèmes parallèles pour rechercher ce qui fait leur affaire.
C'est le client qui est roi dans une démarche de formation continue, il
ne faut pas l'oublier.
Mme Harel: Vous posez la question dans votre mémoire:
Pourquoi de nouvelles structures? Et vous ajoutez un point d'interrogation.
Moi, je trouve une explication, en tout cas. C'est que, dans l'ensemble du
calendrier constitutionnel, il y aura des propositions, possiblement, de
transferts. Ça nous a d'abord été communiqué
dès l'automne dernier en matière de formation, et je sais que le
fédéral active les autres provinces pour qu'elles mettent sur
pied, notamment en Ontario... Vous savez sûrement qu'il y a ce projet de
conseil ontarien de développement et de formation de la main-d'oeuvre.
Alors, chacune des provinces aurait sa structure dite provinciale. La
Société québécoise de développement
servirait, j'imagine, à cet usage-là, et c'est une structure qui
pourrait se voir transférer des fonds. Ce n'est pas là une
explication qui vous est venue, en fait, à votre propre question?
M. Descôteaux (Claude): Je pense qu'on a posé la
question, mais on n'a toujours pas la réponse. (21 heures)
Mme Harel: En fait, les événements vont
peut-être nous la donner plus rapidement qu'on pense. Vous connaissez la
mise en place, actuellement, du conseil ontarien? Vous suivez cette
expérience en Ontario?
M. Mercier: Je ne suis pas au courant. Peut-être que
John...
M. Dinsmore: Vous parlez de la société ontarienne
de formation?
Mme Harel: Oui, qui...
M. Dinsmore: Oui, oui. On est très au courant de cette
activité.
Mme Harel: Et c'est une structure qui aura aussi à
gérer les programmes de développement de la main-d'oeuvre en
Ontario?
M. Dinsmore: C'est construit surtout pour encourager le
développement de méthodologies, de programmes et
développer une banque d'informations qui va permettre à
l'entreprise de trouver des sources de formation appropriées, à
sa mesure.
Mme Harel: Alors, elle a des mandats que vous jugez bien
différents de ceux que l'on veut voir attribuer à la
Société, notre société
québécoise?
M. Dinsmore: Oui, oui. L'activité ontarienne, à
l'heure actuelle, peut être orientée surtout vers les besoins
pratiques des entreprises et l'activité de formation est initiée
en fonction de besoins déterminés à la base. Je crois
qu'au Québec on a besoin d'instruments, c'est certain, pour stimuler,
pour aider, même pour orienter les employeurs et les employés dans
leur formation continue. Mais est-ce que nous avons besoin d'une grande
superstructure qui va absorber les institutions existantes, les centres de
formation professionnelle, etc.? Ça reste à examiner. Ce que l'on
cherche, enfin, c'est d'optimiser la situation selon les vrais besoins de
l'entreprise. on m'a dit l'autre jour que, dans une entreprise d'une certaine
taille, on avait l'option de poursuivre une démarche dans un programme
gouvernemental pour aller chercher 500 000 $ pour la formation. on avait le
choix, par contre, d'organiser ça à l'interne pour 200 000 $. on
a décidé de payer à même nos propres sous dans cette
entreprise-là, parce que la lourdeur bureaucratique pour avoir
accès aux 500 000 $ était trop pesante. on insiste, dans la
nouvelle structure, sur le fait que ça va réduire les vrais
coûts de fonctionnement avec un guichet unique, etc. mais il reste
à faire la preuve de cela avant de sauter, je pense, dans cette nouvelle
activité.
Mme Harel: Mais ces 200 000 $ que l'entreprise allait
dépenser pouvaient être crédités par un
crédit d'impôt - en tout cas, une partie, tout au moins 30 % -
parce que c'était une grande entreprise?
M. Dinsmore: Encore là, j'ai entendu des critiques sur la
difficulté d'avoir accès vraiment à ces
crédits-là. La paperasse qu'il faut pour en avoir, c'est
très difficile pour la plupart des entreprises, même les
grandes.
Mme Harel: Votre position, c'est un débat sur la formation
professionnelle, un débat pas simplement sur le développement de
la main-d'oeuvre, comme celui qu'on poursuit, un débat sur la formation
professionnelle pour se donner une vision intégrée
éducation-main-d'oeuvre avant de mettre sur pied une structure? C'est
ce
qu'il faut comprendre, si je résume et simplifie? Votre position,
c'est ça?
M. Dinsmore: Oui.
Mme Harel: II y a une centrale syndicale, la CSN, pour ne pas la
nommer, qui a demandé qu'un débat de fond sur la question de la
formation professionnelle, de l'éducation des adultes et de la formation
continue soit lancé et qui demande au ministère de
l'Éducation de mener ce débat public, mais qui n'en fait pas une
condition, si vous voulez, pour son appui à la création de la
Société québécoise. Vous, vous jugez que c'est
indispensable et vous ne nous dites pas, par exemple, qu'il faudrait que la
Fédération des cégeps ou que les commissions scolaires
siègent à la Société, si elle était mise sur
pied.
M. Dinsmore: si, enfin, la structure est confirmée, nous
croyons que les instances éducatives devraient être
présentes au niveau du conseil d'administration.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, madame.
Mme Harel: bien, en conclusion, m. le président, je veux
remercier la chambre de commerce du québec à laquelle
adhèrent, je pense, volontairement, 6500 sociétés membres
ainsi que 220 chambres locales. je veux la remercier pour cette
réflexion qu'elle poursuit au sein de son organisation et dont elle nous
a fait part ce soir.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, il vous reste deux minutes.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On vient de parler de
cette vision intégrée de la main-d'oeuvre, de l'importance de
l'éducation permanente, de la formation continue. Personne n'est plus en
faveur de ça que moi, que nous. Il est bien évident que je
souscris aux propos que tenait tout à l'heure M. Paradis à
l'effet que ça prend des vues à moyen et à long terme et
que ce n'est pas avec des vues à court terme qu'on va régler les
problèmes.
Le problème qui se pose, cependant, c'est que lancer un
débat semblable, non pas seulement sur le développement de la
main-d'oeuvre mais sur l'ensemble du dossier de la formation professionnelle au
Québec, nous aurait fatalement lancés dans une opération
qui aurait fait en sorte que le débat, aujourd'hui, ne serait même
pas encore entamé. On n'aurait même pas encore réussi
à sortir un document comme ça, pour le moment. Et la preuve,
c'est que ça fait 20 ans qu'au ministère, chez nous, enfin, que
le ministère de la Main-d'oeuvre essaie de produire un document
semblable.
Mme Harel: Non, non.
M. Bourbeau: Non, non. 20 ans, c'est le mot. Écoutez,
depuis...
Mme Harel: Oui, mais c'est parce que le ministère
n'existait pas, là!
M. Bourbeau: Le ministère, chez nous, ou les
prédécesseurs, les ministres du Travail. Depuis 1969, le ministre
du Travail du Québec, la Main-d'Oeuvre et les fonctionnaires qui sont
ici - il y en a qui sont là depuis très longtemps - essaient de
faire un consensus dans l'appareil gouvernemental sur ce que pourrait
être une politique globale. Et c'est impossible. Si vous avez lu
l'avant-propos du document, il y est très clairement indiqué
pourquoi le ministère que je dirige a choisi de limiter le spectre de
son étude à un champ beaucoup moins étendu,
c'est-à-dire le développement de la main-d'oeuvre dans un premier
temps, sans perdre de vue, en aucune façon, l'importance des propos que
vous tenez sur l'éducation permanente et sur l'importance aussi de faire
en sorte que le système d'éducation soit très
intégré au marché du travail. Mais, mieux vaut faire un
pas en avant, même un petit pas, que de ne pas en faire du tout. Et, moi,
je suis partisan de la maxime qui dit «qui trop embrasse mal
étreint». Je vous assure que si nous avions voulu suivre vos
conseils, le Québec n'aurait pas encore, dans cinq ans d'ici, une
politique de main-d'oeuvre ou encore moins une politique dans le domaine de la
formation professionnelle.
Le débat sur la formation professionnelle va se faire. Il va se
faire et, j'espère, très bientôt. À mon avis,
aussitôt qu'on va avoir terminé le débat sur la
main-d'oeuvre, on pourra enclencher le débat sur la formation
professionnelle. Mais là ça va être un débat qui va
être très long. Ça va remettre en cause les structures de
l'enseignement. Ça va remettre en cause la façon dont
l'enseignement est fait au Québec, tant au primaire, au secondaire,
à l'université que sous le régime collégial. Est-ce
qu'on a encore besoin, oui ou non, de cégeps? Est-ce que les
cégeps devraient enseigner le général et le professionnel?
Est-ce que la filière professionnelle devrait loger où elle est
présentement ou dans une filière différente? Est-ce qu'on
pourrait valoriser la formation professionnelle davantage si elle avait ses
propres structures comme en Ontario, etc.? Et vous allez voir tous les
professeurs d'université, les professeurs de cégep, les
professeurs du secondaire monter aux barricades, la CEQ en tête. Et
là on va s'amuser comme des petits fous pendant très
longtemps.
Mais, pendant ce temps-là, les travailleurs du Québec ont
besoin d'être formés et ont surtout besoin de pouvoir s'adapter
aux réalités
changeantes du marché du travail. Et c'est pour ça - je
termine, M. le Président - que je vous incite à relire la page 9
et la page 10 - la page 9, surtout - du document d'orientation, et vous allez
comprendre pourquoi, volontairement, on a choisi de ne pas faire ce que vous
nous demandiez de faire. Parce que même si vous avez raison
théoriquement, en pratique, on n'y serait jamais arrivés et vous
nous auriez blâmés de n'avoir rien fait. Alors, vous êtes
probablement un homme d'action comme moi. Quand on est dans l'action, parfois,
on est mieux...
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, en concluant, M. le Président. Quand on
est dans l'action, on est peut-être mieux parfois de prendre les
bouchées un peu moins grosses et d'avancer que de faire du sur place. Et
c'est la seule raison pour laquelle on n'a pas procédé comme vous
le souhaitiez.
Le Président (M. Marcil): M. Mercier, je vais vous donner
peut-être deux petites minutes pour réagir.
M. Mercier: Oh, ça va être très bref. On vous
remercie de nous avoir entendus. Encore une fois, nous avons exprimé
notre point de vue qui a été consistant depuis de nombreuses
années. On insiste pour une politique de base d'abord et, ensemble, pour
trouver les meilleurs moyens. Maintenant, nous ne pouvons aussi que souscrire
et vous féliciter de l'initiative. Au moins, vous avez tenté de
faire quelque chose. Nous tentons, nous, de notre part, de vous influencer pour
qu'on aille dans la meilleure direction possible.
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie, M. Mercier.
Merci beaucoup de votre présence à cette commission et nous vous
souhaitons un bon voyage de retour.
M. Mercier: Merci.
Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre une
minute.
(Suspension de la séance à 21 h 10)
(Reprise à 21 h 14)
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
Le Président (M. Marcil): Nous reprenons nos travaux et je
voudrais souhaiter aux membres de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain la bienvenue à cette commission sur
l'énoncé de politique sur la formation de la main-d'oeuvre.
J'inviterais M. Guibault, président, à nous présenter les
gens qui l'accompagnent, pour les besoins du Journal des débats.
Ensuite, nous pourrons vous entendre pour 10 à 15 minutes et,
après, nous procéderons aux échanges.
Mme Filiatrault (Denise): Si vous me permettez, M. le
Président, j'ai été déléguée pour
être la porte-parole pour débuter.
Le Président (M. Marcil): Vous êtes madame?
Mme Filiatrault: Denise Filiatrault. Je représente la
Chambre de commerce de Laval. J'y suis directrice générale. Je
vais en profiter pour présenter les collègues. Vous avez,
à mon extrême droite, M. Hervé Pilon, qui est
administrateur à la Chambre de commerce de l'Est du Grand
Montréal; M. Alex Harper, qui est président du Bureau de commerce
de Montréal; M. Marcel Valois, président de la Chambre de
commerce de Saint-Laurent; M. Jean Guibault, président de la Chambre de
commerce de Montréal et M. Jean-Pierre Lamy, président ex-officio
de la Chambre de commerce du West Island.
Alors, permettez-moi aussi de vous mentionner que nous sommes solidaires
du mémoire de la Chambre de commerce du Québec, en plus de celui
du COPIMM. Les chambres de commerce de la région métropolitaine
de Montréal, regroupées à l'intérieur du
Comité permanent d'initative du Montréal métropolitain
désigné sous le nom de «COPIMM», ont une
représentativité incontestable en matière de
main-d'oeuvre. En effet, pratiquement la moitié de la main-d'oeuvre
québécoise travaille sur le territoire qu'elles
représentent.
Par ailleurs, on retrouve dans cette vaste région, qui forme
aussi le coeur économique du Québec, des assistés sociaux
et des chômeurs en nombre très important. De plus, ces
travailleurs, mis à l'écart du marché du travail bien
malgré eux, et souvent depuis longtemps dans de nombreux cas, sont
victimes de la restructuration industrielle massive qui a frappé des
quartiers entiers de la métropole. C'est donc avec un grand
intérêt que les milieux d'affaires de la région de
Montréal se sont penchés sur le document du ministère de
la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, d'autant plus que ce document était attendu depuis
très longtemps. En effet, l'absence chez nous d'une véritable
politique de main-d'oeuvre a certainement contribué à amplifier
les problèmes de main-d'oeuvre avec lesquels le Québec est aux
prises depuis plusieurs années. Tous les intervenants dans le dossier le
reconnaissent. L'effort déployé par votre ministère pour
développer un énoncé de politique mérite donc
d'être souligné. En ce sens, il s'agit certainement d'une heureuse
initiative.
Les commentaires qui font l'objet de notre
mémoire visent donc essentiellement un objectif: le milieu
d'affaires montréalais veut contribuer à pousser plus avant la
réflexion afin que tous puissent agir avec célérité
en unissant leurs efforts dans la bonne direction. Pour nous, il s'agit de
mettre en oeuvre les moyens les plus pertinents pour solutionner les graves
problèmes de main-d'oeuvre maintes fois soulignés, notamment par
nos entreprises membres. C'est précisément au nom même de
l'urgence d'agir que nous tenons à nous assurer que les moyens les plus
appropriés seront utilisés, et ce, dans les meilleurs
délais.
D'entrée de jeu, nous tenons à manifester notre accord
avec les quatre principes de base qui sous-tendent le document gouvernemental.
Il faut développer une culture de formation continue dans les milieux de
travail. Il est urgent d'instaurer à plusieurs niveaux et sous plusieurs
facettes un véritable partenariat entre le gouvernement, le patronat et
les syndicats en faveur du développement de la main-d'oeuvre. La
simplification et une plus grande efficacité de l'administration des
programmes de main-d'oeuvre s'imposent. Les réseaux d'enseignement
doivent contribuer à la recherche de l'équilibre entre l'offre et
la demande d'emploi sur le marché du travail. Nous voulons nous assurer,
par notre intervention, que le système qui sera mis en place favorisera
la mise en application de ces principes auxquels nous croyons.
Je veux maintenant céder la parole à M. Jean-Pierre Lamy
qui va continuer l'exposé.
M. Lamy (Jean-Pierre): Merci. À la lecture du document
à l'étude, les milieux d'affaires montréalais, d'une part,
restent sur leur appétit et, d'autre part, ressentent beaucoup
d'inquiétude. Le document présenté comme étant un
énoncé de politique demeure étonnamment muet quant
à un certain nombre d'éléments qui étayent
habituellement une telle réflexion.
Les auteurs du document affirment, et nous sommes tout à fait
d'accord avec eux là-dessus: «Une politique de main-d'oeuvre
interroge en effet les politiques, les pratiques et les structures mêmes
du système scolaire, la politique d'éducation des adultes, le
rôle de l'État dans l'économie, la problématique de
l'emploi, les interventions du gouvernement en faveur du développement
régional, le soutien du revenu et les diverses formes d'aide offerte aux
chômeurs et autres personnes à la recherche d'emploi,
l'équité salariale, les normes du travail, certains volets de la
politique familiale et tout l'univers des relations de travail.» Nous
retrouvons cette affirmation à la page 9 du document.
Bien sûr, une telle tâche est colossale et l'ampleur de
cette tâche est probablement responsable, en bonne partie, de l'absence
de politique de main-d'oeuvre au Québec jusqu'à maintenant.
Toutefois, entre autres, ni la complexité de la tâche à
accomplir ni les difficultés qu'elle représente au plan politique
ne peuvent justifier qu'on garde le silence sur des pans entiers des
interrelations qui doivent soutenir une politique de développement de la
main-d'oeuvre. Nous insistons là-dessus. Au nom même de l'urgence
d'agir, nous soutenons que nous ne pouvons, en tant que société,
prendre le risque de mettre toutes nos ressources dans des moyens qui ne
seraient pas étayés par une analyse serrée de la situation
et parfaitement en ligne avec les objectifs précis que nous nous serions
fixés comme société en matière de
développement de la main-d'oeuvre. D'où la source de notre
Inquiétude quant à la proposition mise de l'avant pour
solutionner les problèmes de main-d'oeuvre au Québec.
À notre avis, la mise sur pied d'une structure, que ce soit celle
suggérée ou toute autre, est prématurée dans
l'état actuel du dossier. Entendons-nous bien. Nous ne prétendons
pas que les moyens proposés soient inappropriés. Nous soutenons
que le document préparé par votre ministère ne fait pas la
démonstration de la nécessité de la mise en place de la
Société proposée en fonction d'une analyse serrée
de la situation en vue d'atteindre des objectifs bien cernés. En fait,
nous croyons que le document est incomplet et que la proposition
extrêmement lourde de conséquences qu'il renferme ne repose pas
sur des bases suffisamment solides pour que le Québec se lance
actuellement dans cette direction à l'échelle de tout le
territoire, en investissant toutes nos ressources en formation dans un tel
véhicule.
Voilà, résumées en quelques mots, les
appréhensions des milieux d'affaires montréalais face à la
direction que s'apprête à prendre le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Qu'on s'entende bien, les chambres de commerce de la
région métropolitaine de Montréal ne demandent pas au
ministre de retourner étudier et analyser les dossiers pendant des
années. Il n'en est pas question. Nous le répétons, le
temps presse et il va falloir passer à l'action dans les plus brefs
délais. C'est pourquoi nos commentaires ne visent nullement à
stopper ni même à ralentir le processus. Bien au contraire, nous
voulons nous assurer que l'action sera entreprise dans les plus brefs
délais, mais une action orientée vers de vraies solutions
à nos graves problèmes de main-d'oeuvre.
J'aimerais passer la parole à M. Jean Guibault, président
de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui va
poursuivre la lecture du document.
M. Guibautt (Jean): M. le Président, quelles sont les
principales failles que comporte le document? Selon les chambres de commerce de
la région montréalaise, l'un des principaux arrimages que doit
réaliser une politique de main-d'oeuvre reste malheureusement à
faire. Il s'agit
du rôle irremplaçable que doit jouer tout le réseau
de l'éducation à différentes étapes de l'approche
de la formation professionnelle. Nous comprenons parfaitement la
répartition des rôles qui a été faite entre le
ministère de l'Éducation et votre ministère. Nous ne
souhaitons pas revenir là-dessus. Il n'en reste pas moins qu'une
politique de main-d'oeuvre ne peut être élaborée en mettant
de côté, à toutes fins utiles, ces intervenants
indispensables que sont les spécialistes de l'éducation. Et nous
n'entendons pas par là les fonctionnaires aux divers niveaux du
ministère de l'Éducation. Lorsque nous parions de
spécialistes de l'éducation nous pensons plus
particulièrement à tous ceux et celles qui oeuvrent de
façon concrète auprès de la clientèle. Une
séparation des rôles aussi étan-che que le laisse entrevoir
le projet à l'étude risque d'entraîner une
conséquence des plus dommageables pour la clientèle que l'on veut
former.
En effet, les bénéfices qui devraient découler
d'une approche de formation continue risquent de nous échapper.
L'éducation est un processus qui se poursuit tout au long d'une vie. De
la maternelle à l'université, des bancs de l'école
jusqu'au bureau ou à l'usine, l'individu acquiert des connaissances qui
se complètent, qui se multiplient et qui constituent le bagage le plus
précieux qui l'accompagnera tout au long de sa vie. Or, pour tirer le
maximum de bénéfices de ce long processus d'acquisition de
connaissances et de développement d'habiletés, il faut absolument
que l'ensemble du processus soit coordonné et que toute la
démarche soit véritablement conçue dans une approche de
formation continue.
Les chambres de commerce membres du COPIMM demeurent inquiètes
à la lecture du document présenté par le ministre. Nous ne
retrouvons pas dans ces pages la volonté de mettre en commun les efforts
déployés aux différents niveaux afin de donner à
notre main-d'oeuvre la possibilité de parfaire sa formation de
façon continue. Une hypothèse se pose d'elle-même: les
interminables querelles entre responsables de l'éducation et de la
formation professionnelle des travailleurs relèvent du secret de
Polichinelle. Ceux et celles qui travaillent sur le terrain à organiser
des cours de formation destinés aux travailleurs peuvent en dire long
sur ce sujet. Malgré les difficultés réelles qui entourent
les relations entre les responsables, à divers niveaux, de
l'éducation et de la formation professionnelle, il apparaît,
à la lecture du document, que certains arbitrages n'ont toujours pas
été faits. Les chambres sont conscientes de soulever là un
problème dont on préfère ne pas parler sur la place
publique. Nous sommes d'avis que le nécessaire arbitrage qui
déterminera qui fait quoi et quand représente un préalable
indispensable au bon fonctionnement d'une politique globale de
main-d'oeuvre.
Nous mentionnons simplement, à titre d'exemple pour illustrer
notre propos, les nombreux conflits qui ont, jusqu'à maintenant,
coûté très cher à des centaines sinon à des
milliers de travailleurs en termes de formation différée ou
même ratée. Nous ne pouvons nous permettre pareil gaspillage de
ressources humaines. Nous ne pouvons infliger, en tant que
société évoluée, pareil traitement à des
individus qui ne demandent pas mieux que d'enrichir leur formation. Et que dire
des entreprises qui attendent, souvent en vain, les hypothétiques
déblocages? Pendant ce temps, c'est toute notre société
qui y perd. Or, à la lecture du document, nous ne sommes pas
persuadés que ces problèmes, qui ont fait plus de tort à
la formation dans le passé que la rareté des ressources, sont
réglés et que le moyen proposé élimine pour de bon
ces obstacles à la formation.
Ce qui nous apparaît comme un manque d'arrimage entre
l'éducation et les responsables de la formation professionnelle risque
d'entraîner un autre problème très important. Les chambres
craignent, en effet, que les travailleurs en processus de formation n'aient
droit qu'à des compléments de formation pour satisfaire aux
besoins immédiats. Nous croyons, au contraire, que, dans le monde dans
lequel nous vivons, tout individu doit parfaire son éducation, au sens
large du terme, tout au long de sa vie. Injecter des doses de formation au
besoin ne suffit malheureusement plus.
C'est là où un meilleur appartement avec le monde de
l'éducation nous semble essentiel. Les chefs d'entreprise savent
jusqu'à quel point il est devenu important de former des individus
capables de penser, de s'exprimer et de comprendre les interrelations entre les
différentes fonctions à l'intérieur d'un organisme
complexe. La polyvalence des tâches fait partie de plus en plus de la
réalité. Dans un tel contexte, un système de formation
globale qui permet au travailleur d'évoluer avec l'entreprise qui
l'emploie est devenu une nécessité pour concurrencer efficacement
sur la scène mondiale. C'est notamment cet aspect capital de la
formation professionnelle que nous ne retrouvons par nécessairement dans
le document gouvernemental. Nous croyons que tout système de formation
qui n'évolue pas en très étroite collaboration avec le
réseau d'éducation risque de mener à des échecs
coûteux, particulièrement pour les hommes et les femmes qui en
feront les frais. En tant que société, nous n'aurions ni le temps
ni les ressources pour corriger les erreurs de fond qui pourraient bien
découler d'un manque de vision, au moment même où nous
investissons dans une structure appliquée immédiatement à
l'échelle du Québec.
Je demanderais maintenant à M. Marcel Valois, président de
la Chambre de commerce de Saint-Laurent, de bien vouloir poursuivre, s'il vous
plaît.
M. Valois (Marcel): Les chambres de commerce de la région
de Montréal croient que c'est en fonction des emplois à venir
qu'il faut former nos travailleurs. Cet exercice exigeant repose d'abord et
avant tout sur une meilleure éducation de base, non seulement pour nos
jeunes mais également pour nos travailleurs en emploi. Nous sommes
d'avis que le rôle des spécialistes de l'éducation ne peut
être réduit à celui de fournisseurs de services. Ils ont,
au contraire, un rôle important à jouer, compte tenu de leur
expertise et de leur compétence, à toutes les étapes de la
définition de la démarche même. (21 h 30)
Par ailleurs, au plan de l'analyse, il eût été
intéressant que les auteurs du document gouvernemental offrent un
minimum de réflexions concernant non seulement les aspects quantitatifs
du système d'éducation mais également ses résultats
qualitatifs. Nous trouvons souvent ces questions au coeur d'une démarche
globale de développement de la main-d'oeuvre. La même remarque
s'applique à la dévalorisation inquiétante qu'a connue le
secteur professionnel au cours des dernières années.
Au-delà des chiffres, il eût été certainement
très utile d'essayer de cerner les causes du problème. Nous nous
serions attendus à trouver dans le document du ministère un
inventaire complet des ressources disponibles en formation professionnelle, une
évaluation de l'état de ces ressources et des besoins auxquels le
système proposé tente de répondre. Les objectifs que l'on
vise ne sont pas particulièrement clairs dans le document. Pourtant, il
nous semble que de préciser des objectifs représente une
étape très importante du processus. Il est étonnant de
constater qu'aucune analyse de coûts n'accompagne le projet. Pourtant,
des ressources considérables lui seront consacrées.
Autant de questions importantes qui nous laissent sur notre
appétit et auxquelles nous n'avons pas trouvé de réponses
dans le document. En fait, toute l'approche semble consister à mettre en
place une nouvelle structure dans l'espoir que ce changement majeur
réglera, à lui seul, les nombreux et importants problèmes
que nous connaissons tous. Malheureusement, l'histoire nous apprend que ce ne
sont pas les changements de structure qui amènent les changements de
mentalité dont nous avons besoin en matière de formation. Sauf
erreur, il nous semble que toute la démarche consiste à mettre en
place une structure et à attendre que de la structure émane une
politique de main-d'oeuvre. Si tel était le cas, nous ne pourrions
souscrire à une telle approche, compte tenu des besoins
extrêmement importants que nous éprouvons dans le domaine de la
formation.
Je demanderais à M. Pilon de prendre la relève.
M. Pilon (Hervé): Merci. À titre de
représentants des milieux d'affaires de la région de
Montréal, nous ne pouvons passer sous silence un des oublis qui
nous apparaissent les plus importants. La région de Montréal, le
coeur économique du Québec, malgré les nombreuses
caractéristiques qui lui sont propres dans le domaine de la formation,
ne fait l'objet d'aucune attention particulière. Nous croyons pourtant
que l'importance des problèmes rencontrés dans la région
de Montréal, notamment dans certains quartiers de la ville même de
Montréal particulièrement touchés par des problèmes
reliés au chômage, aurait justifié une réflexion
plus poussée sur les instruments à mettre en place pour
répondre aux besoins propres à une grande ville affectée
durement par une restructuration industrielle en profondeur.
C'est dans la région de Montréal également que l'on
retrouve l'immense majorité des membres des différentes
communautés ethniques qui, eux aussi, éprouvent des besoins tout
à fait particuliers en matière de formation. C'est aussi dans
notre région que se retrouve la plus forte concentration des personnes
démunies attirées vers le grand centre par la présence
d'infrastructures propres à une grande ville pour venir en aide à
ce type de citoyens et à leur famille. Encore là, les besoins
spécifiques justifient des préoccupations particulières
que nous croyons relever d'un énoncé de politique. Nous croyons
que l'on ne peut laisser à une structure à mettre en place le
soin de développer des pans entiers de politique. À notre avis,
ce rôle déborde largement celui que l'on peut confier à une
structure qui doit d'abord être fonctionnelle.
Les chambres de la région de Montréal jugent important
qu'un énoncé de politique sur la formation et le
développement de la main-d'oeuvre tienne compte de ces dossiers
spécifiques en relation avec les clientèles particulières
qui se trouvent dans la région de Montréal. Nous croyons que ce
n'est pas là qu'une affaire parmi d'autres à discuter au niveau
des tables régionales. C'est d'abord une question d'approche
fondamentale à développer dans un énoncé de
politique.
Par ailleurs, nous croyons que certains intervenants ont
été oubliés dans la démarche proposée. Nous
pensons, par exemple, aux milieux sociaux qui, dans plusieurs cas, ont
réussi, en collaboration avec les intervenants engagés dans les
domaines de la formation, certaines percées très importantes au
cours des dernières années. Nous croyons que ces intervenants ont
un rôle des plus importants à jouer. Ce sont eux qui sont les plus
près des clientèles particulièrement difficiles à
rejoindre et qui constituent souvent les milieux qui offrent le plus de
problèmes en matière d'employabilité.
Je demanderai à M. Harper, du Bureau de commerce, de
conclure.
M. Harper (Alex): Merci. Ça achève, parce que je
n'ai personne à présenter après que
j'aurai fait ma présentation. Donc, ça ne pourra
être très long. En fait, les chambres de commerce de la
région métropolitaine de Montréal ont jugé plus
important de souligner les lacunes de l'énoncé de politique que
de s'attarder à commenter les détails du projet de loi
créant la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Nous croyons qu'il est prioritaire de
consolider les fondations sur lesquelles reposera tout le système avant
de discuter des moyens à mettre en place.
Bien que nous soyons très conscients des difficultés que
représente la tâche à accomplir, nous croyons que l'enjeu
en vaut la peine et nous souhaitons vivement voir compléter
l'énoncé de politique avant la mise en place des moyens qui en
découleront alors naturellement. À titre d'exemple de sujets que
nous aimerions voir traiter plus en profondeur dans un énoncé
global de politique, voici une liste non exhaustive d'éléments
que nous suggérons: une réflexion de fond sur la formation
continue; les responsabilités et le partage des rôles des
différents intervenants comme, par exemple, celui dévolu au
patronat, aux syndicats et aux organismes sociaux; une analyse des lacunes que
présente le système actuel et des moyens d'y remédier; un
inventaire des compétences et des ressources disponibles
accompagné d'une analyse des qualifications en fonction des besoins
identifiés; les objectifs précis à atteindre; une analyse
des coûts de la solution proposée; une articulation des moyens
proposés pour atteindre les objectifs fixés, parmi d'autres.
Par ailleurs, certains prérequis à mettre en place doivent
clairement être établis. Par exemple, la planification du
développement sur une base locale et régionale par des organismes
représentatifs de même niveau; l'évaluation des besoins de
formation et de recyclage à court et à moyen terme, de
façon à bien établir les priorités; l'importance du
partenariat entre les divers milieux socio-économiques; le suivi et
l'évaluation efficace des structures et des mécanismes de
formation professionnelle; la nécessité d'une grande
flexibilité d'ajustement dans les programmes, les politiques et les
mécanismes gouvernementaux voués à la formation, notamment
par une meilleure concertation; la reconnaissance nationale des acquis et
programmes en matière de formation; la complémentarité
essentielle entre les programmes d'éducation de base et la formation
professionnelle.
En conclusion, les chambres de commerce - et j'ajouterais le Bureau de
commerce, parce que nous sommes le seul; j'ai de la chance, à la fin -
de la région métropolitaine de Montréal tiennent à
rappeler que l'exercice auquel elles demandent au ministre de se livrer ne doit
pas constituer un frein dans la poursuite de la mise en place des moyens les
plus appropriés pour solutionner nos problèmes de formation
professionnelle. Les chambres et le Bureau de commerce sont convaincus que la
très grande majorité des pièces manquantes à
l'actuel énoncé de politique sont déjà disponibles,
au ministère ou ailleurs, et qu'il ne suffit que de les rendre
disponibles dans les plus brefs délais. Il nous semble impensable, en
effet, que l'on ait développé toute une structure qui sera
implantée à l'échelle du Québec sans disposer d'un
seul élément essentiel.
Nous apprécierions beaucoup entendre aujourd'hui même, de
la bouche du ministre, les réponses à la plupart des questions
que nous avons soulevées au cours de cet exposé, d'autant plus
que le ministre a déclaré récemment avoir en main
pratiquement tous les éléments pour répondre à la
plupart de ces questions.
Nous vous remercions de l'attention que vous avez apportée
à notre présentation.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais demander
immédiatement votre consentement pour pouvoir dépasser 22 heures
et se rendre à 22 h 10, pour pouvoir compléter l'heure. Ça
va?
Des voix: Consentement.
M. Bourbeau: Ah sûrement! il est 21 h 40.
Le Président (M. Marcil): Donc, à ce
moment-ià, M. le ministre, vous allez avoir 15 minutes et Mme la
députée, 15 minutes.
M. Bourbeau: C'est peu.
Le Président (M. Marcil): C'est peu. C'est tout le temps.
On a donné un peu plus de temps à nos invités pour faire
leur exposé.
M. Bourbeau: Alors, les 15 minutes commencent maintenant, M. le
Président?
Le Président (M. Marcil): Elles commencent maintenant.
M. Bourbeau: Une remarque en partant. Vous avez dit tout à
l'heure que vous représentiez 50 % de la main-d'oeuvre, à peu
près. C'est drôle, mais la FTQ, la CSN et la CSD, dans leurs
mémoires, prétendent représenter aussi au-delà de
50 % de la main-d'oeuvre - enfin, une bonne partie de la main-d'oeuvre - et
elles ne partagent pas votre point de vue sur plusieurs aspects du dossier,
entre autres, sur la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Donc, il faudrait quand même
être un peu prudent quand on invoque avoir des mandats pour
représenter beaucoup de gens. Il y a beaucoup d'organismes au
Québec qui prétendent représenter un grand nombre de
travailleurs ou de patrons et qui ne partagent pas nécessairement le
même point de vue.
À tout événement, en lisant votre
mémoire
et le texte que vous nous avez présenté tout à
l'heure, je constate que votre déception, pour utiliser un
euphémisme, tient beaucoup au fait que nous n'avons pas embrassé
tout le secteur de l'éducation dans le document d'orientation. Et vous
citez dans votre mémoire une partie de l'avant-propos, à la page
9, où nous disons ce que pourrait être une politique de
main-d'oeuvre élargie. Mais, ce que vous ne dites pas - je vous le
reproche un peu - c'est que nous expliquons très bien dans le document
pourquoi nous avons jugé bon de ne pas élargir l'étude
à tout le secteur de l'éducation, par exemple, et nous faisons la
preuve, je pense, que si nous avions voulu embrasser aussi large que ça,
en vertu du principe «qui trop embrasse mal étreint», on
aurait accouché de rien du tout.
Ça fait 23 ans au Québec, depuis 1969, qu'on essaie,
année après année, de concevoir une politique de
main-d'oeuvre qui aurait cette ampleur-là, et la tâche est
tellement compliquée, tellement difficile qu'il est pratiquement
impossible de faire, dans une même analyse, l'analyse de tous ces
secteurs-là: l'éducation, la main-d'oeuvre, le marché du
travail, les relations de travail, etc. Donc, selon nous, comme on est des gens
d'action qui veulent avancer et non pas rester sur place, on estime qu'il est
préférable de prendre les bouchées un peu moins grosses et
d'y aller avec un énoncé de politique sur le développement
de la main-d'oeuvre, dans un premier temps, quitte, après ça,
à revenir à une discussion qui pourra porter sur toutes les
structures de l'éducation et sur la façon dont l'enseignement
professionnel pourrait être dispensé. Maintenant, j'ai fait ce
discours-là tantôt. Je ne vais pas le reprendre. Je l'ai fait
à la fin de l'autre présentation. Vous avez peut-être
entendu.
Vous dites également que l'énoncé de politique ne
constitue qu'une présentation sommaire, dont la justification ne repose
sur aucune analyse. Dans votre mémoire, en page 6, vous dites
également qu'il manque l'analyse. Pourtant, quand on regarde le document
d'orientation, si vous l'avez lu, vous voyez qu'à la fin du document,
à la page 69, il y a une annexe où on cite toutes les
études qui ont été faites, enfin, une partie des
études sur lesquelles on s'est basés, les analyses pour concevoir
la politique. Je pense que quand on regarde ça, et quand on
connaît la réputation du ministère de la Main-d'oeuvre pour
ce qui est de ses recherches, ses études et ses analyses - nous avons la
réputation d'être un des ministères qui publient le plus,
dont les études font autorité et sont citées partout,
études sur la main-d'oeuvre, etc. - ça m'étonne qu'on
puisse prétendre qu'un document comme ça ne repose sur aucune
analyse.
Je vais, si vous voulez bien, pour votre édification, vous faire
parvenir tout à l'heure une série de documents qui sont ici,
certains des documents d'analyse et d'étude sur lesquels repose le
document d'orientation. Vous pourrez vous les taper en retournant ce soir. Vous
allez constater qu'affirmer que le document d'orientation ne repose sur aucune
analyse, c'est un peu gratuit.
D'ailleurs, si l'énoncé de politique vous inspire ce genre
de rejet, imaginez-vous les réactions que ça devrait susciter
dans le milieu de l'éducation si, vraiment, ça ne reposait sur
aucune analyse. Or, le Conseil scolaire de l'île de Montréal - on
parle d'un organisme scolaire - est venu nous dire ici, la semaine
dernière, et je cite: «Le Conseil scolaire tient à
souligner la qualité du document soumis à la consultation du
milieu.» Je ne cite pas un organisme patronal ou un organisme d'un autre
milieu. C'est un organisme scolaire. On parle d'éducation - la
qualité du document soumis à la consultation du milieu.
«Bien structuré, appuyé sur une analyse fouillée de
la situation actuelle de la main-d'oeuvre au Québec, il présente
clairement la stratégie que le gouvernement du Québec entend
poursuivre dans les prochaines années pour assurer le
développement de la main-d'oeuvre.»
Laissez-moi vous citer maintenant l'Association des cadres scolaires,
qui a reconnu pour sa part que «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif est un document bien structuré et
solidement étayé». Quant à la
Fédération des cégeps - toujours un organisme du milieu
scolaire - tout en réclamant plus de place pour le réseau de
l'enseignement, plus de place a la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre -
ça, c'est une constante qu'on voit chez tous ceux qui se
présentent ici - elle considère que l'énoncé de
politique «représente un pas important dans la bonne
direction» et elle souhaite «la concrétisation de la
politique annoncée». Fin de la citation.
Je ne voudrais pas prétendre que tous ces représentants du
milieu de l'éducation endossent inconditionnellement toutes et chacune
de nos propositions, mais ils reconnaissent au moins que nous avons produit un
document sérieux, valable et concret. Je ne peux pas tirer la même
conclusion du mémoire présenté par la Chambre de commerce
du Montréal métropolitain. Mais vous avez droit, bien sûr,
à votre point de vue, qui diffère du point de vue
énoncé par plusieurs des organismes du milieu de
l'éducation. (21 h 45)
Maintenant, j'aimerais, si vous voulez, passer à des questions
peut-être un peu plus précises après ces mises au point. Je
vois dans le document, ici et là, des points qui pourraient faire
l'objet de discussions. Il n'y a pas grand-chose dans votre mémoire qui
me donne l'occasion de discuter de points concrets, parce que le mémoire
est assez négatif en ce qui concerne l'énoncé. Mais
disons, pour être constructif, que le gouvernement fédéral,
dans ses offres constitutionnelles, a ouvert la possibilité à ce
qu'il
appelle une délégation législative. D'après
vous, est-ce que cette délégation pourrait s'appliquer à
l'assurance-chômage et, si oui, quels avantages pourraient en retirer les
partenaires du marché du travail?
M. Guibault: Selon - et je parle de façon plutôt
personnelle - mon point de vue, cette délégation de pouvoirs que
comprend l'énoncé de politique fédéral ne devrait
pas s'appliquer à des pouvoirs de juridiction exclusive qui
appartiennent aux provinces. Selon nous, la Chambre du Québec et la
Chambre de Montréal, le pouvoir en matière d'éducation et
en matière de formation de la main-d'oeuvre devrait être un
pouvoir exclusivement provincial et, en conséquence, ce pouvoir
exclusivement provincial ne devrait pas faire ultérieurement l'objet
d'une délégation de la part d'un gouvernement
fédéral supérieur. Et nous voyons, nous, dans le pouvoir
de délégation du gouvernement fédéral, une
possibilité pour le gouvernement fédéral de
déléguer des pouvoirs à certaines provinces qui les
voudraient ou à certains secteurs qui seraient propres au
fédéral, mais certainement pas en matière de formation
qui, comme je vous le disais, est un secteur strictement provincial.
M. Bourbeau: Vous m'avez mal compris. Je n'ai pas parié
d'éducation et de main-d'oeuvre. J'ai parlé
d'assurance-chômage. Ça, c'est une responsabilité
strictement fédérale en vertu de...
M. Guibault: Absolument.
M. Bourbeau: ...la Constitution canadienne. Or, vous savez, il
est question de rapatrier au Québec la gestion de
l'assurance-chômage; il y a plusieurs formules pour le faire. La formule
qui a été évoquée dans les propositions d'une
délégation législative, est-ce que ça vous
apparaît une bonne formule par rapport à, disons, des arrangements
administratifs?
M. Guibault: Certainement que ce serait une bonne formule,
ça. Au niveau de l'assurance-chômage, il n'y a pas de
problème.
M. Bourbeau: Bon, tant mieux! Dans le document, on parle de
plusieurs sujets, bien sûr, assez concrets. Il y a là-dedans une
proposition pour la mise en place d'un régime de reconnaissance des
compétences, qui compléterait le système actuel de
reconnaissance des acquis. Qu'est-ce que vous pensez d'une proposition comme
celle-là?
M. Guibault: Je pense que c'est important d'arriver à
mettre en place un système de reconnaissance des compétences et
également un système de reconnaissance des acquis. Mais ce
phénomène-là, cette reconnaissance-là va se faire
de concert avec le ministère de l'Éducation. Je pense que c'est
un point très important.
Vous avez souligné à plusieurs reprises, M. le ministre,
les difficultés qu'on retrouvait, par exemple, au ministère de
l'Éducation pour, justement, qu'il y ait reconnaissance de certains
acquis. Alors, je pense que c'est fondamental, si on veut régler des
problèmes de formation, qu'il y ait une cohésion et une
interrelation entre, justement, le ministère de la Formation
professionnelle et le ministère de l'Éducation.
M. Bourbeau: Bon. Bien, disons que, présentement, un
système de reconnaissance des acquis académiques, ça
existe déjà au ministère de l'Éducation, au
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, et la
proposition qu'on fait, ce serait de compléter ce
système-là par un système de reconnaissance des
compétences professionnelles pour les métiers qui ne seraient pas
déjà couverts par le système de reconnaissance des
acquis.
Un autre point. D'après vous, quel lien fonctionnel devrait
s'établir entre l'approche sectorielle et l'approche régionale
proposées dans le document?
M. Lamy: M. le ministre, pourriez-vous reposer votre question? Je
n'ai pas vraiment compris, exactement.
M. Bourbeau: Bien, dans le document, on propose une approche
régionale, les sociétés québécoises, et
aussi une approche sectorielle. D'après vous, quel lien fonctionnel
devrait être établi entre ces deux approches-là?
M. Lamy: Vas-y.
M. Guibault: o.k. il est fondamental, d'après nous - et
vous touchez également un autre point important - que ce lien d'approche
sectorielle se fasse. et vous avez raison. on a besoin que ce lien se fasse.
par exemple, vous avez votre collègue, le ministre tremblay, qui est
arrivé avec un projet très intéressant de
développement et de synergie à l'intérieur de grappes
industrielles. il va falloir que, justement en matière de formation
professionnelle, on soit capable de faire cette interrelation-là et
qu'on puisse la rattacher aux grappes qui ont été
suggérées par votre collègue, m. tremblay. et c'est cette
absence de lien là qui nous frappe un peu dans le document que vous avez
présenté, c'est-à-dire, par exemple, dans le
développement régional de montréal, et on le souligne,
cette absence de lien entre le développement sectoriel dont vous faites
mention et les grappes industrielles de m. tremblay. je pense que c'est
fondamental qu'on puisse rattacher tout ça et faire les liens qui sont
importants en matière, également, de formation
professionnelle.
M. Bourbeau: Mais j'ai de la difficulté à
vous comprendre, parce que dans le document d'orientation on fait ce
lien-là entre la politique de développement industriel
annoncée par mon collègue, le ministre de l'Industrie et du
Commerce, et la politique sectorielle, les comités d'adaptation
sectorielle que nous proposons. Ça va exactement dans la même
direction, c'est interrelié. Et la politique sectorielle de
main-d'oeuvre va s'unir ou s'ajouter ou se relier, si vous voulez, à la
politique de développement industriel de sorte que, dans nos
comités sectoriels, on pourra faire des analyses prospectives des
besoins du marché du travail en relation avec les organisations
sectorielles qui auront été identifiées dans les grappes
industrielles. Je ne vois pas vraiment le point.
M. Guibault: Mais comment ça va se faire? Quel va
être le rôle de chacun? Ça, on ne le définit pas.
M. Bourbeau: Écoutez, les comités d'adaptation de
la main-d'oeuvre, c'est connu, on en a plusieurs, on en a une dizaine au
Québec. Il y en a un, d'ailleurs, qui est très connu, le CAMAQ;
c'est nous qui l'avons formé, au ministère; c'est nous qui le
subventionnons à coups de 100 000 $ par année. Vous savez les
réalisations du CAMAQ dans le domaine de l'aéronautique?
M. Guibault: Absolument.
M. Bourbeau: Alors, on n'est pas en terrain nouveau avec les
comités sectoriels. C'est un des fers de lance de la politique que nous
proposerons. Alors, il me semble qu'il est évident que ces
comités sectoriels vont exactement dans le même sens que la
politique de développement industriel proposée par le
ministère de l'Industrie et du Commerce. C'est interrelié.
M. Guibault: Ce n'est pas si évident que ça,
d'après nous, dans le document.
M. Bourbeau: C'est marqué... Je pourrais vous dire
à quelle page. Je vais laisser la parole à l'Opposition et je
vous donnerai la page tantôt.
M. Guibault: D'accord.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: C'est bien gentil. Il lui reste combien de temps, au
ministre, M. le Président?
Le Président (M. Marcil): Deux minutes à peu
près.
Mme Harel: II lui reste deux minutes. M. Bourbeau:
À peu près.
Mme Harel: Ça me fait d'autant plus plaisir que je sais
combien vous vous êtes impliqués activement dans l'analyse de cet
énoncé de politique. J'ai lu très attentivement votre
mémoire et, finalement, quand le ministre, de façon un petit peu
dérisoire, vous a proposé de vous faire parvenir les
études et recherches effectuées par son ministère - vous
les avez déjà reçues - je me suis demandé s'il y
avait une étude aussi - peut-être, M. Guibault, que vous pouvez me
le dire - sur les problèmes d'arbitrage avec le ministère de
l'Éducation. J'ai l'impression que celle-là n'a pas
été déposée et c'est celle-là qui nous
manque. Je ne sais pas si c'est votre impression aussi. Toutes ces
études sur les problèmes de la main-d'oeuvre sont
indéniablement intéressantes, mais les problèmes qui sont
créés du fait de l'absence d'arrimage ou de l'absence d'arbitrage
entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre... Je ne sais pas. Est-ce que vous
avez déjà eu l'occasion de lire une étude semblable? J'ai
l'impression que c'est de ça dont vous parlez et c'est de ça dont
le ministre ne veut pas parier. Parce que, finalement, ce qu'il nous dit,
c'est: Écoutez, prenez en considération mes contraintes
gouvernementales. Prenez en considération mes contraintes
institutionnelles, ministérielles ou bureaucratiques et sachez que j'ai
tout livré; c'est le maximum que j'ai pu aller chercher. Si j'avais
voulu aller chercher ce que vous me demandez, je n'aurais pas pu vous le
livrer. Moi, c'est le message que je reçois, moi.
Mais la question reste posée. Est-ce que c'est autre chose que ce
qui est livré qui aurait dû être livré? Et,
finalement, est-ce qu'il faut, nous aussi, souscrire au fait qu'il y avait des
obstacles qui étaient infranchissables? Mais, alors, pourquoi le
ministre ne nous dit pas quels obstacles étaient infranchissables? Je
pense que c'est une question légitime et je vous félicite de la
poser. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire.
M. La my: M. le Président, moi, je suis de la petite
entreprise et je n'ai pas l'habitude du jargon technique et compliqué.
Et puis, je n'ai malheureusement pas pu répondre au ministre
tantôt, à sa question. J'ai transféré la parole
à mon ami Guibault qui est avocat et qui a l'habitude. Ce que je peux
vous dire, c'est que, comme président de chambre de commerce et comme
gars de la petite entreprise, ce que j'entends, c'est que les gens demandent
des jeunes correctement formés au niveau du cégep. Et il y a
beaucoup d'entreprises qui demandent des gens qui savent écrire et qui
savent lire. On parle de la base, on parle de la fondation. Et puis, je pense
que c'est légitime pour des gens d'affaires de vouloir avoir du monde
qui sait exactement comment lire un «label», comment lire une
directive.
Peut-être que ce n'est pas nécessairement
la formation professionnelle ou une politique de main-d'oeuvre, mais
vraiment, dans l'éducation, à la base, il y a quelque chose
quelque part qui ne marche pas. Il y a des besoins... Il y a quelques jours,
à notre chambre de commerce, on a eu un colloque et puis ces questions
ont été posées publiquement. Et puis, je vous citais
quelqu'un qui demandait des gens formés au cégep; c'est la
directrice du personnel de chez Mack Trucks, une compagnie de Dorval. Elle a
dit: Tout ce qu'on demande aux cégeps, c'est qu'ils nous donnent des
gens bien formés, avec une bonne formation générale. C'est
un peu le commentaire que j'ai pour l'instant.
M. Valois: Je vais peut-être essayer de renchérir.
Je suis un homme d'affaires, je suis un entrepreneur de PME, j'ai 75
employés. Je pourrais peut-être vous amener un cas vécu qui
énonce bien ce qu'on veut dire quand on parle de vouloir
l'éducation en formation. Chez nous, c'est arrivé à deux
occasions l'année dernière que, suite à des approches
faites avec le collège Ahuntsic pour la formation en infographie, tout
baignait dans l'huile; les gens avaient cédulé leurs
soirées libres et leurs samedis pour aller prendre des cours en
infographie. J'étais bien content. J'avais 200 000 $ d'équipement
qui attendait des bons opérateurs. Ou côté du cégep
Ahuntsic, ça allait très bien. Tout était
cédulé et, à une semaine d'avis, on nous a dit que la
Commission de formation professionnelle n'avait plus de sous. On voit la
nécessité qu'il y ait une association, un jumelage entre le
ministère de l'Éducation et celui de la Formation
professionnelle.
Si vous me demandez ce que je pense de la Commission de formation
professionnelle et ce que la nouvelle Société va m'apporter,
à moi: Est-ce que ça va répondre à ces
problèmes-là qu'on vit en entreprise? Vous pourrez demander
à mes employés ce qu'ils en pensent, de la formation, de se faire
bousculer faute de budget. Ce qu'on recherche, nous autres,
premièrement, c'est des politiques claires: une politique
gouvernementale, et non seulement d'un ministère, en formation. (22
heures)
M. le ministre me disait hier que c'est la phase I, et que la phase II
va incorporer l'Éducation à ça. Ce n'est pas clair que
ça va être fait et quand ça va être fait. Ce serait
peut-être au premier ministre de dire à la population l'importance
de la formation, de dire à nos travailleurs que le Québec va les
supporter dans leur formation. Ces gens-là sont obligés
d'investir beaucoup de leur temps libre. J'ai même des employés -
j'en ai 18 - qui se sont acheté un ordinateur de 3500 $ pour parfaire
leur éducation chez eux. Ils l'ont acheté de leur poche et ils
paient ça avec de l'argent imposé parce qu'on ne voit pas
où on peut avoir de l'aide. Je pense qu'il est nécessaire, et
rapidement, d'amener l'Éducation là-dedans. Je fais des
démarches à l'Éducation et à la Commission de
formation professionnelle. Est-ce que la nouvelle Société va me
permettre d'avoir confiance au système de formation dans le futur? J'ai
de la misère à y croire parce que je n'ai pas vu cette
aide-là.
Dans un autre temps, je vais féliciter le gouvernement
québécois de ses crédits d'impôt à la
formation. J'aimerais ça que ce soit en double avec le
fédéral; ça m'aurait coûté deux fois moins
cher l'année dernière. Mais je peux vous dire que j'ai juste une
PME de 75 employés et j'ai dépensé 75 000 $ en formation
de main-d'oeuvre l'année dernière. Je l'ai financée avec
les crédits d'impôt. Je n'ai pas attendu après la
Commission de formation professionnelle pour le faire.
Donc, je pense qu'il est important, et rapidement, que
l'Éducation embarque dans la parade. Je pense que c'est au gouvernement,
et non seulement au ministre, de mettre le pas et de dire à la
population qu'ils ont un «commitment» envers la formation, qu'elle
soit continue ou de base. C'est bien beau de faire de la formation, mais faire
de la formation chez des gens qui ne savent pas lire ni écrire, qui
travaillent chez vous depuis 10, 15 ans, ce n'est pas naturel. Les gens ont
peur de l'informatique, ont peur de tout. Il faut commencer graduellement et il
faut que ce soit dans l'esprit de nos gens que c'est important et que, toutes
les années, pour le restant de leur vie, il faut qu'ils retournent
à l'école.
Mme Harel: L'infographie dont vous parliez tantôt,
justement, lors même que nous recevions la Fédération des
cégeps, on nous faisait valoir que ça avait été
identifié comme étant en pénurie. Alors, comme
c'était en pénurie et que c'est identifié - vous voyez
comment c'est institutionnel - tout le monde a donné, à ce
moment-là...
M. Valois: Nos employés commencent à donner des
cours aux professeurs.
Mme Harel: Tout le monde a donné des cours. Les
cégeps ont donné des cours d'infographie et, finalement, il y a
eu un surplus. Alors, peut-être, vous, êtes-vous arrivé, au
moment où vous aviez besoin que votre propre main-d'oeuvre soit
formée, où le couperet est tombé en disant: Non, on en a
assez. Mais ce n'étaient pas les bons parce que ce n'étaient pas
les vôtres, ça.
M. Valois: Mais je n'avais pas le choix. Il faut que je garde mes
employés. Je ne suis pas pour les mettre dehors pour engager ceux qui
sont allés à l'école, ça ne se fait pas.
Mme Harel: Mais on voit à quel point il faut qu'il y ait
un arrimage entre...
M. Valois: L'éducation.
Mme Harel: ...l'éducation et l'entreprise. À la
page 8, dans votre mémoire, quand vous parlez d'objectifs à
atteindre, est-ce que vous voulez indiquer par là que ce sont des
objectifs qu'on veut atteindre comme société, par exemple,
diminuer la sous-scolarisation de la main-d'oeuvre, diminuer
l'analphabétisme, augmenter l'intégration des sans-emploi ou
adapter les personnes déjà en emploi? En fait, il n'y en a pas,
d'objectifs, dans l'énoncé non plus. On n'en retrouve pas; on ne
retrouve pas ces objectifs-là, comme société.
D'autre part...
Le Président (M. Marcil): Madame, vous vouliez
intervenir?
Mme Filiatrault: Oui. Je voulais juste mentionner que la
formation, c'est tellement important que plusieurs chambres de commerce, cette
année, sans se l'être dit au départ, avaient toutes comme
thème la formation. Nous, à la Chambre de commerce de Laval, on a
notre propre comité de formation où on met en relation les gens
du domaine de l'éducation, des entreprises et, aussi, de certains
ministères. Au sein de COPIMM on a formé un sous-comité
qui est le COPIMM de formation où, encore là, on retrouve les
mêmes intervenants des différentes chambres de commerce, mais des
gens qui sont plus spécialisés dans leur domaine. Tout ça,
indépendamment de la Société québécoise de
la main-d'oeuvre, pour poursuivre nos recherches et notre consultation et,
justement, donner à nos entreprises la possibilité d'obtenir la
formation qu'elles désirent. C'est notre rôle en tant que chambres
de commerce envers les mouvements d'entreprises que nous
représentons.
Je voulais juste apporter une nuance. Le ministre mentionnait
tantôt qu'on dit dans notre mémoire qu'on représente 50 %
de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on a
mentionné; c'est qu'on compte, dans le Montréal
métropolitain, 50 % de la main-d'oeuvre.
Mme Harel: Oui, oui. J'ai bien...
Mme Filiatrault: Ça ne veut pas dire que c'est nous qui
les représentons en tant que tels, mais on les compte.
Mme Harel: II y a eu un malentendu. Mme Filiatrault:
Oui.
Mme Harel: Vous n'avez jamais exprimé dans votre
mémoire que vous les représentiez.
Mme Filiatrault: Non, absolument. C'est un état de
fait.
Mme Harel: C'est ça.
Mme Filiatrault: Exact.
Mme Harel: À quelques reprises il y a eu cette
espèce de discrédit sur votre position en laissant entendre que,
dans le fond, c'était une manière de ne pas vouloir faire
dépenser de l'argent aux entreprises pour faire de la formation. Donc,
une manière de faire épargner l'entreprise en lui évitant
de payer sa part, en allant chercher uniquement de la formation à
l'Éducation. Je ne sais pas si vous l'avez entendue, cette
version-là, mais j'aimerais avoir votre point de vue. Est-ce que, vous
aussi, vous pensez qu'il y a du sous-investissement? Je ne parle pas de vous,
là; avec l'exemple que vous nous avez donné, évidemment
pas. Par exemple, chez vos concurrents, est-ce qu'il y a du
sous-investissement, selon vous, et un effort à faire du
côté des entreprises? Et comment doit-il se faire, cet effort
financier?
M. Guibault: II y a certainement un effort à faire de la
part des entreprises, c'est indéniable. Les entreprises se doivent de se
mettre à l'heure de la formation si elles veulent demeurer
compétitives. Par contre, les entreprises en font, de la formation. Les
entreprises tentent d'en faire, de la formation. Par contre, on sait
qu'actuellement en matière de formation professionnelle, au niveau, par
exemple, des Commissions de formation professionnelle, vous avez entre 45 % et
50 % des budgets de formation professionnelle qui restent dans le tuyau, qui
restent dans la structure et qui ne servent pas à la formation
proprement dite. Alors, on se dit: II y en a, de l'argent de disponible. Il y
en a également qui vient du fonds d'assurance-chômage, de
l'argent. Alors, lorsqu'on aura démontré que l'argent est
adéquatement employé et que les entreprises, par la suite,
doivent également faire un effort, je pense que les entreprises vont
faire cet effort-là.
Mme Harel: Dans le mémoire de la Fédération
des cégeps on nous a dit que 50 % des coûts de formation -
ministère de la Main-d'oeuvre et cégep - passaient en coûts
d'administration. C'est énorme! 50 %, ça, c'est sûr que
c'est dans le mémoire de la Fédération des cégeps.
Ce qu'on me disait au cégep de Maison-neuve, c'est qu'au départ
il y a 30 % qui s'en vont à la CFP et le cégep, lui aussi, a ses
propres coûts qu'il doit ajouter, qui sont à peu près de 20
%. Donc, au total, c'est 50 %. Je ne sais pas, le ministre n'a pas l'air
d'être au courant.
M. Bourbeau: Ah oui, je suis très au courant.
Mme Harel: Ça serait assez inquiétant qu'il ne le
soit pas.
M. Bourbeau: II l'est très.
M. Lamy: Je voudrais juste rajouter un point. Je vous l'ai dit
tantôt, je suis de la petite entreprise. Beaucoup de petits entrepreneurs
ne savent pas où se diriger, ne savent pas où regarder, où
chercher des programmes de formation. Ce n'est pas qu'ils ne voudraient pas
investir dans cette formation-là, mais ils sont un peu comme dans une
jungle. Il y a toutes sortes d'avenues qui se présentent à eux et
il ne savent pas. Autre chose, c'est que ...
Mme Harel: C'est parce qu'il y en a trop?
M. Lamy: Je ne pourrais pas vous répondre.
Mme Harel: Un employeur me racontait en fin de semaine qu'en
trois mois il avait eu six offres. Il en avait eu des vendeurs de cours, d'une
certaine façon, de commissions scolaires, du cégep de sa
région - c'était sur la Côte-Nord - d'Emploi et Immigration
Canada, de la CFP, puis il y avait aussi des firmes privées.
M. Lamy: Je ne pourrais pas vous répondre.
Mme Harel: Puis, il n'a rien eu, finalement, parce que rien ne
convenait à ce dont il avait besoin.
M. Lamy: Je ne pourrais pas vous répondre, mais disons que
ça va un petit peu dans la veine que vous avez employée en
partant, en disant: Ce serait peut-être parce que les entrepreneurs ne
veulent pas souscrire à de la formation et qu'ils veulent laisser le
ministère de l'Éducation payer. Je ne penserais pas que ce soit
vrai, cette affirmation-là. Moi, en tout cas, je ne peux pas dire que
j'ai entendu quelqu'un dans mon milieu ou dans mon entourage en parler et
vouloir essayer de se soustraire à investir dans la formation. Moi, j'ai
mentionné personnellement il n'y a pas tellement longtemps dans un
meeting, qu'au Québec c'est ce qu'il y a de primordial en ce moment, le
dossier de la formation. C'est la réponse, peut-être, à
notre future compétitivité et à notre positionnement sur
un marché mondial. Il ne faut pas passer quelque chose en vitesse juste
parce qu'il faut le passer. Je suis persuadé qu'il faut absolument
prendre le temps de faire les choses correctement. Je me sentirais très
mal à l'aise de voir - le terme anglais, c'est «railroad something
in» - pousser à toute vitesse, à toute vapeur, qu'il manque
des éléments et qu'on soit obligé d'y revenir dans cinq
ans. Il me semble qu'on n'a plus le temps de faire ça.
Mme Harel: Plus précisément, les coûts de
gestion de la formation qui étaient identifiés dans le
mémoire de la Fédération des cégeps, c'est plus de
la moitié des budgets de la forma- tion des adultes cégeps-CFP...
Ah, c'est CFP-cégeps. Là, les gouvernements peuvent s'en laver
les mains, parce que Québec va dire: C'est la faute à Ottawa, et
Ottawa va dire: C'est la faute à Québec. Mais ça
coûte quand même 50 %, finalement.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 11 -
dernière question - on lit ceci: «Le document consacre [...] le
fait que la formation professionnelle des travailleurs n'aurait rien à
voir avec le monde de l'éducation, sinon pour acheter des "morceaux de
formation", selon les spécifications de "spécialistes"
apparentés à d'autres réseaux qu'à celui de
l'éducation.» Tantôt, dans votre exposé, M. Guibault
en particulier a repris cette idée que les rôles devaient
être ceux que l'on connaît maintenant, c'est-à-dire
l'estimation des besoins à la Main-d'oeuvre et la dispensation de la
formation à l'Éducation. Si les rôles restent exactement ce
qu'ils sont, comment on peut penser que les choses vont pouvoir changer entre
l'entreprise et l'Éducation?
M. Guibault: Vous avez raison, et c'est une de nos
préoccupations de voir qu'il n'y a pas cette
intégration-là et cet échange-là. Cette vision
globale que devrait être la formation, c'est vrai que c'est un
défi de taille, c'est un défi important; c'est sans doute un
défi de société. Qu'on demande aux entreprises de faire de
la formation, c'est une chose, mais qu'on s'assure que les entreprises qui font
de la formation vont être capables, par la suite, de garder leur
main-d'oeuvre formée et que ça n'ira pas vers le premier voisin
qui, lui, n'en a pas fait et n'a pas dépensé un sou en
matière de formation. Vous avez tous les secteurs de la PME, qui sont
quand même 80 % de l'ensemble de nos employeurs au Québec, qui
sont actuellement en situation très difficile et très
serrée.
Alors, je pense que c'est tout ce défi de société
qui devra être relevé. On devra intégrer tout le monde et
s'assurer que tout le monde jouera un rôle très important en
matière de formation.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, en conclusion,
deux minutes ou deux minutes et demie, pas plus.
M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez de faire
quelques remarques. C'est un peu paradoxal, ce que j'entends. On nous dit:
C'est urgent, il faut aller de l'avant; par contre, on a dit: II ne faut pas
aller trop vite pour ne pas se tromper. Moi, je suis content parce que,
finalement, je suis quelqu'un... Normalement, on se fait accuser de se
traîner les pieds. Le
gouvernement se traîne toujours les pieds. Mais aujourd'hui, le
reproche qu'on me fait, c'est d'aller trop vite. Alors, entre les deux, je dois
dire que j'aime peut-être mieux me faire accuser d'aller un petit peu
trop vite que de me traîner les pieds, sachant que, de toute
façon, comme la machine gouvernementale a nécessairement beaucoup
de frictions, ça va retarder et qu'on va probablement arriver dans le
bon temps. C'est une chose de dire aux Québécois qu'on veut
rapatrier les fonds fédéraux et les programmes, mais il faut
être capable de dire ce qu'on va faire avec parce que, si le
fédéral nous fait des offres au mois d'avril et qu'on
négocie, il va falloir qu'on soit prêt à recevoir ces
fonds-là et ces programmes-là. maintenant, pour ce qui est des
frais, des coûts d'administration et des coûts de formation, alors,
là, on entend des chiffres extraordinaires: 40 %, 50 % en frais
d'administration. la vérité, c'est que, quand on regarde tout le
marché du travail au québec actuellement et les 6 800 000 000 $
qui sont dépensés dans les mesures passives et les mesures
actives, les vrais coûts d'administration sont de 10,6 %. tous les
coûts d'administration, c'est 730 000 000 $, le fédéral et
nous, les deux. la moyenne des pays de l'ocde, c'est 6,8 %. cela veut dire que,
si on rapatriait au québec tous les pouvoirs de la main-d'oeuvre, les
dossiers de la main-d'oeuvre et les budgets, et qu'on n'avait qu'une seule
structure, on pourrait très certainement atteindre les mêmes
coûts d'administration que les 24 pays de l'ocde - il y en a quand
même plusieurs - et là il y aurait une économie
d'échelle de 250 000 000 $, seulement sur les frais
d'administration.
Maintenant, les 40 % dont parlent les cégeps, c'est que le
fédéral, dans les subventions qu'il nous donne pour le
réseau de l'enseignement secondaire et collégial, accepte
d'affecter 40 % de la subvention aux frais, disons, de soutien du réseau
de base de la formation des adultes au Québec. Ça paie les salles
de cours, ça paie le chauffage, ça paie tout. 40 %, c'est
énorme, d'ailleurs. C'est tellement énorme que les chambres de
commerce, quand elles ont contracté avec le fédéral dans
les groupes de coordination, ont accepté 15 % de frais de base.
C'était la norme dans les contrats. Vous savez, vous en avez
signé quelques-uns, madame de Laval; c'était 15 %. Donc, quand
c'est l'entreprise privée et le fédéral, c'est 15 %; quand
c'est le gouvernement, ils ont accepté de donner 40 %.
Mme Harel: 50 %.
M. Bourbeau: Non, c'est 40 %. Les coûts fixes, c'est 40 %.
Alors, la conclusion de ça, ce n'est pas que ça coûte 40 %,
c'est que le fédéral a accepté de subventionner le
système d'éducation du Québec, par ce biais-là, de
25 % de plus que la réalité.
Maintenant, monsieur disait tantôt que c'est une jungle, les
programmes. Vous avez raison, c'est une vraie jungle; c'est ce que je
n'arrête pas de dire depuis que je suis là. C'est tellement une
jungle qu'on ne s'y retrouve pas. C'est le constat qu'on a fait, nous aussi.
C'est pour ça qu'on propose un guichet unique. C'est ça que les
entreprises veulent avoir, plutôt que d'aller frapper à cinq, six
portes actuellement, que ce soient les cégeps, les commissions
scolaires, la CFP, le fédéral ou le MMSR. Les entreprises, elles
ne savent plus où aller, ni les particuliers, d'ailleurs. Avec la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, après avoir rapatrié les budgets
fédéraux, il y aura une porte d'entrée. Ça,
ça va venir en aide aux entreprises et aux particuliers. C'est pour
ça qu'il faut mettre la Société sur pied le plus tôt
possible, pour mettre fin à ce fouillis indescriptible que constitue la
main-d'oeuvre au Québec...
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le
ministre.
M. Bourbeau: ...et tout le système de l'adaptation de la
main-d'oeuvre au marché du travail.
M. le Président, on peut être d'accord, on peut ne pas
être d'accord, on peut dire qu'on va trop vite, mais quand je regarde
tout ça, j'aime mieux être accusé d'aller trop vite que de
me traîner les pieds pendant des années. Et je pense que les
Québécois m'en voudraient pas mal plus de n'avoir rien fait que
d'avoir décidé de faire quelque chose, après avoir fait
des études assez longues, je dois le dire, avec le ministère de
la Main-d'oeuvre et les partenaires du marché du travail. Je vous
remercie.
Mme Harel: Ce n'est pas d'aller vite qu'on vous reproche, c'est
de ne pas aller dans la bonne direction. Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Non, je ne pense pas.
Le Président (M. Marcil): Ha, ha, ha! Merci beaucoup.
Donc, on a réussi à avoir exactement le même temps, aux
environs de 18 minutes.
Mme Filiatrault, de même que les personnes qui vous accompagnent,
on vous remercie beaucoup de vous être dérangés pour
participer à cette commission qui doit normalement corriger une lacune
importante au Québec. Grâce à votre participation, on va
pouvoir probablement trouver des solutions qui vont s'appliquer le mieux
possible à cette situation de la formation de la main-d'oeuvre. Merci
beaucoup.
Mme Filiatrault: Merci de nous avoir entendus.
M. Guibault: Merci beaucoup de votre accueil. Au plaisir!
Le Président (M. Marcil): J'ajourne les travaux à
demain, 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 17)