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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 11 février 1992 - Vol. 31 N° 115

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « Partenaires pour un Québec compétent et compétitif » et sur le projet de loi n° 408, Loi sur la Société québécoise de développement et de main-d'oeuvre


Journal des débats

 

(Quatorze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je constate que nous avons quorum et je rappelle que le mandat de cette commission est le suivant. Il s'agit pour la commission de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. M. le Secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements à nous annoncer?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly (Fabre) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert), et M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témis-camingue), par Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve).

Le Président (M. Doyon): Qu'il en soit ainsi. Alors, je souhaite la bienvenue aux collègues parlementaires, M. le ministre. Je me considère dispensé de la lecture de l'ordre du jour compte tenu qu'il est affiché en avant. Je vous indique que le temps sera réparti de la façon suivante. Il y aura une heure par organisme: 30 minutes appartiendront à l'organisme, ses représentants qui feront la représentation, la lecture de leur mémoire ou un résumé, comme ils voudront bien, et après ça, la conversation s'engagera avec les membres de la commission pour une autre période de 30 minutes divisée également entre les deux formations politiques.

Institut canadien d'éducation des adultes

Alors, le premier organisme que nous avons invité est l'Institut canadien d'éducation des adultes. Je les invite donc à bien vouloir prendre place à la table de nos invités. Alors, leur souhaitant la plus cordiale des bienvenues au nom de tous les membres de la commission, je les invite tout d'abord à bien vouloir faire les présentations pour les fins du Journal des débats et ensuite à nous entretenir de leurs propos, selon les règles que j'ai indiquées précédemment. Je pense que Mme Blais est ici. Alors, je l'invite. Bonjour, Mme Blais.

Mme Blais (Madeleine): Bonjour.

Le Président (M. Doyon): Je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent.

Mme Blais: M. le Président, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Ici, à ma droite, M. Pierre Paquet, membre du conseil d'administration et de l'exécutif; à ma gauche, Mme Diane Laberge, directrice générale de l'organisme; et à mon extrême droite, Mme Marie Leclerc qui est chargée de l'information. Nous procéderons à la lecture d'un résumé de notre mémoire. l'institut canadien d'éducation des adultes, que j'appellerai maintenant icea, que nous représentons est un important carrefour de réseaux publics syndicaux et communautaires impliqués en éducation des adultes. il est, à ce titre, directement intéressé par la formation de la main-d'oeuvre, sujet qui est au centre de l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. c'est donc à partir de notre expertise en éducation des adultes et c'est sur ce qui a été oublié, nous semble-t-il, que nous réagissons à cette politique.

M. le Président, nous croyons que pour atteindre les objectifs de compétence, de compétitivité et de prospérité que le ministre Bourbeau recherche, il faut modifier l'approche même de la politique. Nous insisterons en particulier sur trois points: un premier point, sur la nécessité de modifier la visée de la politique, c'est-à-dire qu'il faut non seulement viser la compétence et la compétitivité, mais aussi l'équité; un deuxième point, sur l'importance de rendre accessible la formation à l'ensemble de la main-d'oeuvre, quel que soit son statut en regard de l'emploi; enfin, un troisième point, sur la nécessité d'élargir le partenariat. J'élabore chacun de ces points.

D'abord, viser l'équité. Il est certes essentiel que la formation de la main-d'oeuvre soit au coeur des orientations gouvernementales qui visent le développement des secteurs industriels à forte valeur ajoutée. C'est un virage que la société québécoise se doit de prendre. Mais, à notre avis, le Québec ne peut se permettre de ne viser qu'à être compétent et compétitif. Il doit aussi viser l'équité.

À l'ICEA, nous croyons qu'en insistant d'abord sur l'ajustement de l'offre et de la demande en main-d'oeuvre, comme le fait l'énoncé, cela relègue au second plan le défi d'intégration au marché du travail de toutes les personnes qui en sont exclues. Relever un tel défi est l'enjeu majeur du développement économique et social et une politique de développement de la main-d'oeuvre doit absolument y contribuer.

En fait, pour que le Québec soit compétent

et compétitif, il faut qu'il utilise la force de toutes ses ressources humaines. Il doit d'abord travailler à combler l'écart entre les personnes qui ont un emploi durable et convenable et celles qui n'y ont pas accès, à combler l'écart entre les personnes qui ont accès à une formation utile et qualifiante et celles qui en sont exclues. Il doit miser sur l'accessibilité de la formation pour toutes celles et tous ceux qui le désirent. Il faut bien sûr s'appuyer sur les secteurs économiques capables d'être des moteurs de la croissance du Québec. Mais, une société saine exige aussi l'équité, car à quoi bon tenter de relever les compétences si on ne travaille pas, en même temps, à créer des emplois pour les personnes que l'on forme. Une politique de développement de la main-d'oeuvre doit donc s'inscrire dans un objectif de plein emploi. Une politique de développement de la main-d'oeuvre ne peut se permettre d'exclure ou de marginaliser les sans-emploi, de marginaliser celles et ceux qui occupent une position précaire et vulnérable sur le marché du travail.

Viser l'équité implique qu'il faut miser sur l'accessibilité. L'énoncé de politique, tel qu'il est présenté, n'est pas suffisant pour assurer l'accès de tous et toutes aux compétences. Premièrement, il ne s'ajuste pas aux conditions réelles de la structure de l'emploi. Deuxièmement, il ne répond pas aux besoins de la main-d'oeuvre, car il privilégie les besoins en main-d'oeuvre.

J'explique. Le texte de l'énoncé analyse la transformation de plus en plus grande de la structure de l'emploi. Il nous apprend que la portion de la main-d'oeuvre dont l'emploi est précaire, c'est-à-dire à temps partiel ou temporaire, augmente sans cesse, de même que celle qui est exclue du marché du travail. Plus encore, les frontières entre le travail et le chômage sont fragiles et élastiques. Même les frontières avec l'aide sociale sont de plus en plus poreuses. En période de difficultés économiques, des personnes se retrouvent toujours plus nombreuses à rejoindre les rangs des assistés sociaux et à être précipitées dans la pauvreté. Il faut tenir compte de cette réalité. Il faut s'assurer que les mesures destinées à la main-d'oeuvre actuellement en emploi soient adéquates et que même les personnes qui occupent des emplois temporaires ou précaires fassent l'objet de programmes de relèvement des compétences, ce qui n'est pas évident dans l'énoncé. Il faut aussi s'assurer que ceux qui ont le plus de besoin de formation la reçoivent effectivement.

Une étude de l'ICEA rappelait que les gens les moins scolarisés sont ceux qui ont le moins accès à la formation. Les probabilités sont plus grandes qu'ils se trouvent dans des milieux qui ne la valorisent pas ou dans des conditions qui y font obstacle. Le Québec ne peut se permettre de consolider, via la formation de la main-d'oeuvre, la tendance maintes fois observée d'un Québec à deux vitesses avec l'approfondissement croissant des écarts sociaux et l'exclusion de larges portions de la population.

L'énoncé de politique, tel que présenté, ne nous convainc pas qu'il agira sur cette réalité. Pour ne pas consolider l'exclusion d'une partie de la main-d'oeuvre, il faut que les programmes d'employabilité soient intégrés au mandat de la Société de développement de la main-d'oeuvre et ce, afin de faciliter l'accès à la formation et au marché de l'emploi. Il faut aussi que le Québec intègre les différents programmes et services qui s'adressent à la formation de la main-d'oeuvre en un seul réseau accessible tant aux personnes en emploi qu'aux personnes en chômage et aux prestataires de la sécurité du revenu qui le désirent.

Mais s'ajuster à la structure de l'emploi ne suffit pas, il faut aussi s'ajuster aux besoins de la main-d'oeuvre. Les emplois que l'on occupe la vie durant sont de plus en plus rares, pour tous, d'ailleurs. H est donc essentiel que les travailleuses et les travailleurs aient une bonne formation de base qui leur permette de s'ajuster aux changements. À long terme, les employeurs ont également intérêt non seulement à ce que leurs employés soient polyvalents et capables d'apprendre, mais aussi à ce que l'ensemble de la main-d'oeuvre disponible possède ces caractéristiques. Il faut que le développement de la main-d'oeuvre se fasse à partir d'une vision à long terme et non seulement à partir des intérêts à court terme de chaque entreprise. Cette vision doit dessiner clairement les moyens d'obtenir une formation de base en restant en emploi, tout autant qu'une formation plus spécifique permettant de réintégrer le marché du travail. Les ponts entre les différents types de formation, entre les différents lieux susceptibles de la dispenser doivent être faciles à franchir.

Il faut l'accessibilité à une formation de base tout en restant en emploi et, aussi, une formation continue. Pourquoi? La presse écrite nous fournit plusieurs exemples de l'urgence d'un système de formation continue. Par exemple, avec la crise qui atteint les secteurs manufacturiers à forte composante de main-d'oeuvre, de nombreux travailleurs et travailleuses peu scolarisés sont menacés de déqualification. Si les besoins en formation de base, tels que l'alphabétisation, ne sont pas comblés, les travailleuses, les travailleurs tout comme les entreprises deviendront très vulnérables face au changement structurel. D'ailleurs, les derniers chiffres publiés par le MMSRFP - la presse a rapporté les données le 15 janvier dernier - laissent croire que certains d'entre eux ont déjà rejoint les rangs des assistés sociaux aptes à l'emploi. Ces personnes ont pourtant des compétences acquises par une longue expérience de travail, mais elles se retrouvent acculées brusquement à se réorienter ou à grossir le contingent des exclus. Elles subissent une déqualification qui évacue des compétences qu'elles possèdent pourtant. (14 h 30)

L'assouplissement proposé quant aux critères d'admissibilité aux divers programmes de formation nous paraît insuffisant. Les travailleuses, les travailleurs et les personnes sans emploi ont besoin d'un système capable de reconnaître les savoirs acquis au fil de leur expérience. Compte tenu des fluctuations du marché du travail et de la mobilité demandée aux travailleurs, un mécanisme efficace de reconnaissance des acquis et des compétences s'impose. Les travailleuses et les travailleurs doivent aussi pouvoir utiliser et voir reconnaître la formation obtenue lorsqu'ils se proposent de changer de poste, d'emploi ou de réintégrer le marché du travail. Et pour cela, la formation qu'ils ont reçue doit être qualifiante et transférable. Le droit d'améliorer ses compétences, même au niveau des connaissances de base, sans avoir à quitter son emploi, doit être reconnu. Des mesures plus contraignantes à l'égard des entreprises doivent être mises de l'avant pour concrétiser ce droit à la formation.

Ce qui est proposé dans l'énoncé n'a rien d'un incitatif. Qui d'entre nous, dans un contexte de rareté d'emploi, prendrait le risque de perdre son emploi pour une année de scolarité? On ne devrait pas non plus être contraint de viser le diplôme de secondaire IV ou V pour bénéficier d'une formation rapide permettant d'accéder au marché de l'emploi. En somme, la continuité entre l'école et l'entreprise doit aller au-delà des mots. Pour cela, il faut insister davantage sur les passerelles à aménager à l'école entre les niveaux de formation professionnelle, secondaire et collégiale, entre l'école et l'entreprise, c'est-à-dire entre la formation générale, la formation professionnelle de base et la formation en entreprise. Dans le but d'établir une cohérence entre les lieux et les modes de formation, il faut reconnaître leur pluralité comme leur diversité. Cependant, l'ICEA réaffirme que les réseaux publics d'éducation doivent être considérés comme des partenaires incontournables dans tout projet de développement des compétences, et non d'abord et uniquement comme des dispensateurs ou des fournisseurs de services.

Dans un autre ordre d'idées, mais toujours lié à la nécessité de s'ajuster aux besoins de la main-d'oeuvre, j'aimerais vous parler des SRAR. L'ICEA s'inquiète de l'intégration aux commissions de formation professionnelle des services régionalisés d'accueil et de référence, que l'on appelle les SRAR, aux structures régionales de la Société de développement de la main-d'oeuvre. La mise en place de guichets uniques et généraux d'accueil et de référence avait constitué au milieu des années quatre-vingt un pas dans la bonne direction pour les adultes qui faisaient face à un lot de cours et de programmes. Rappelons que, jouissant d'un statut indépendant et aucunement rattaché aux réseaux institutionnels, les SRAR étaient chargés d'aider les adultes à définir l'ensemble de leurs besoins de forma- tion, à y trouver réponse. l'icea déplore le fait que ces services unifiés soient en voie d'être transformés en guichets spécialisés en mafn-d'oeuvre. c'est là une perte importante. nous considérons que les srar ne doivent, en aucun cas, voir leur rôle réduit à la promotion de services strictement liés aux besoins du marché du travail.

Toujours pour mieux s'ajuster aux besoins de la main-d'oeuvre, il faudra réformer les pratiques de formation. Le relèvement des compétences est un défi important. Pour y arriver, il faut que les pratiques de formation, quel qu'en soit le lieu, et les conditions d'apprentissage répondent aux besoins. On a des indications que tel n'est pas toujours le cas puisqu'un décrochage important existe, notamment, au niveau de l'alphabétisation et des programmes de rattrapage scolaire.

Si le décrochage scolaire est terrible pour les jeunes, il l'est encore davantage pour les adultes pour qui cela représente souvent un second échec. Le décrochage représente des coûts humains et financiers que l'on se doit d'éviter. Il faut identifier les raisons qui mènent au décrochage chez les adultes et procéder à une évaluation des différents programmes, des pratiques et des conditions d'apprentissage, sinon on risque de perpétuer l'exclusion de personnes qui ont vécu des expériences difficiles dans le système d'éducation.

Il existe, à ce titre, des expertises que ne reconnaît pas l'énoncé de politique. Tout d'abord, il y a celle des formateurs et formatrices des réseaux publics d'éducation qui se mesurent chaque jour avec la réalité. Il y a là des acquis, des compétences, une connaissance des besoins et des milieux qui ne sont pas suffisamment mis à profit. Nous croyons que les formateurs et formatrices devraient être sollicités, notamment pour l'appréciation des facteurs de décrochage des adultes et la recherche de solutions.

Il faudra aussi s'appuyer sur l'expertise de plusieurs groupes communautaires en alphabétisation, en intégration en emploi, en développement économique local qui travaillent quotidiennement avec des gens exclus du marché du travail, des sous-scolarisés et sous-qualifiés. Ces groupes vivent avec les effets du décrochage et tentent de raccrocher ceux et celles qui le désirent. Ces groupes connaissent les mécanismes qui mènent à l'exclusion et ont mis au point des pratiques adaptées qui devraient être reconnues et qui pourraient aider à améliorer les conditions dans lesquelles se fait actuellement la formation. Peu d'intervenants en ont une connaissance aussi concrète. Donc, comme les formatrices et formateurs des milieux de l'éducation, les groupes communautaires devraient être considérés comme des partenaires essentiels dans le développement de la main-d'oeuvre.

Quelques mots maintenant sur l'élargissement du partenariat. Le développement de la

main-d'oeuvre et le relèvement des compétences doivent être un effort collectif. Tous ceux qui mettent l'épaule à la roue devraient être considérés comme des partenaires. C'est à cette condition que le Québec aura le plus de chances de réaliser son développement économique et social. Mais le projet de création d'une Société de développement de la main-d'oeuvre ne convie pas tous les partenaires sociaux.

Afin d'éviter que ne se développe en formation de la main-d'oeuvre une démarche à deux vitesses qui confinerait les plus démunis dans les programmes marginaux non intégrés à un plan d'ensemble plus cohérent, il faut que des représentants du secteur communautaire soient intégrés au conseil d'administration de la Société et à ceux des sociétés régionales. Ces représentants pourront être issus de groupes travaillant au développement de la main-d'oeuvre et à l'intégration à l'emploi et de groupes travaillant avec des populations ayant des besoins spécifiques.

L'ICEA, comme plusieurs autres groupes avec qui il s'est associé par l'entremise d'un communiqué de presse diffusé la semaine dernière, demande que soit ajoutée au Conseil d'administration de la Société une autre catégorie de membres représentant le secteur communautaire. Cette catégorie serait équivalente à la représentation patronale, syndicale ou gouvernementale. L'ICEA demande aussi qu'étant donné la diversité du secteur communautaire un processus de concertation soit mis en place. L'élaboration d'une démarche visant à regrouper les principaux intervenants en ce secteur, dans le but de proposer au gouvernement une liste de candidatures représentatives, pourrait être confiée à un organisme carrefour tel que l'ICEA.

Avant de conclure, il nous semble important de souligner certains problèmes qui s'opposent à la lecture de la structure de pouvoirs de la Société. Une confusion entre les pouvoirs du conseil d'administration, ceux du ministre et ceux du gouvernement apparaît d'emblée. Serait-ce un indice de la difficulté de partager certains pouvoirs avec le partenariat? Les diverses façons du gouvernement et du ministre d'intervenir dans la gestion même de la société ne mettront-elles pas le conseil d'administration dans une position difficile? Afin d'éviter que des conflits inutiles viennent miner l'efficacité de la future société, il nous semble impératif de clarifier les responsabilités de chacun pour permettre que le partenariat s'exerce pleinement.

En conclusion, «Pour un Québec compétent et compétitif» est un premier pas en formation de la main-d'oeuvre, mais ce n'est qu'un premier pas. Nous pensons qu'il faut mettre la priorité, comme collectivité, sur le développement de l'emploi et l'accessibilité de la formation. Il faut que l'effort collectif que représente le développement de la main-d'oeuvre mobilise tous les partenaires, tant les formateurs et formatrices, la main-d'oeuvre elle-même, qu'elle soit ou non en emploi, l'ensemble des entrepreneurs et des instances gouvernementales.

Le développement de la main-d'oeuvre se situe au carrefour, entre le développement de l'emploi et les politiques éducatives. Le relèvement des compétences implique la cohérence de toutes les interventions. C'est pourquoi l'ICEA souhaite que soit élaborée une politique globale en éducation des adultes qui encadre les mandats des ministères à vocation éducative et de ceux qui sont davantage centrés sur la main-d'oeuvre ou le marché du travail. Dix ans après la commission Jean sur la formation des adultes, n'est-il pas temps d'évaluer nos acquis en ce domaine et de nous assurer d'un meilleur arrimage des stratégies non seulement des partenaires du marché de l'emploi, comme le veut l'énoncé de politique actuel, mais des partenaires dans la formation, selon des orientations communes?

C'est pourquoi l'ICEA, tout en saluant l'effort de cohérence visé dans l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, propose que le gouvernement du Québec se donne une véritable politique d'ensemble de l'éducation des adultes, politique qui oriente et donne une cohérence à la conception et à la mise en oeuvre des politiques des ministères impliqués en éducation des adultes et en développement de la main-d'oeuvre. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Blais. M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer les représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Je vais poser une question ou deux et, si vous voulez, après on pourra reconnaître mon collègue, le député de Trois-Rivières...

Le Président (M. Doyon): Très bien.

M. Bourbeau: ...qui a également quelques questions à poser. Ma première question a trait à l'assurance-chômage. Vous savez que de plus en plus, dans les pays industrialisés, on tente de faire en sorte d'utiliser les fonds de l'assurance-chômage pour promouvoir les mesures actives de main-d'oeuvre que sont la formation, l'aide à l'emploi, etc. Vous semblez, dans votre mémoire, vous objecter à ce qu'on utilise les fonds d'assurance-chômage comme ça pour venir de façon très positive activer le dossier de la main-d'oeuvre. Vous semblez privilégier plutôt les mesures passives ou de soutien du revenu. J'ai cru comprendre de votre mémoire que vous n'étiez pas d'accord à ce qu'on utilise plus d'argent pour les mesures actives et moins pour les mesures passives ou, en tout cas, qu'on se serve de ces fonds-là comme levier pour induire la clientèle à faire des efforts de formation.

Mme Blais: Je vais demander à M. Paquet de répondre.

M. Bourbeau: Comment pouvez-vous justifier cette prise de position qui semble s'inscrire à contre-courant par rapport aux tendances disons mondiales présentement?

M. Paquet (Pierre): j'ai le plaisir de vous annoncer que nous ne sommes pas à contre-courant. on pense que les mesures actives proposées sont effectivement très positives. cependant, ce qu'on disait dans le mémoire, c'est que l'argent de la caisse d'assurance-chômage devrait servir au soutien du revenu et non pas à financer des activités de formation ou de développement des ressources humaines. que l'on utilise fa caisse d'assurance-chômage pour permettre à plus de travailleurs d'entrer en formation et d'assurer le support du revenu, nous croyons que c'est une mesure très positive et nous pensons que c'est une approche très positive. c'est le fait d'utiliser ces fonds-là, de les retirer du soutien du revenu pour les utiliser à des fins d'activités de formation ou de développement des ressources humaines qui nous questionne beaucoup. on pense que les fonds d'assurance-chômage ne devraient servir qu'au soutien du revenu et que d'autres fonds devraient être utilisés pour financer les activités de formation ou de développement des ressources humaines. on est d'accord avec l'approche des mesures proactives.

M. Bourbeau: Bien. À la page 6 du mémoire, vous affirmez que «la formation est une démarche qui ne saurait être définie en fonction des seuls besoins du marché du travail, si urgents soient-ils». Donc, vous vous inscrivez d'une façon très forte en faveur d'une formation de base, formation initiale très solide. Vous ajoutez également que la formation fondamentale doit être réaffirmée en tant que première compétence professionnelle. Comment pouvez-vous concilier ces propos-là avec ceux que vous affirmez à la page 20 du mémoire quand vous dites: «On ne devrait pas non plus être contraint de viser le diplôme de secondaire IV ou V pour bénéficier d'une formation rapide permettant d'accéder au marché de l'emploi». Il me semble y avoir une contradiction entre ces deux postulats. (14 h 45)

M. Paquet: Bien...

M. Bourbeau: En fait, peut-être que je pourrais préciser parce que...

Mme Laberge (Diane): Non, je pense que sur une des parties, ce qu'il est important pour nous de dire c'est qu'on ne devrait pas définir l'éducation des adultes uniquement par les besoins en main-d'oeuvre de l'entreprise, mais aussi par les besoins de la main-d'oeuvre au sens large. Je pense que c'était le sens du premier énoncé. Le second était aussi un appel à mettre en place un réel système d'évaluation des compétences dans le sens où on sait bien que les niveaux demandés dans les emplois sont toujours plus élevés, mais souvent il y a des compétences acquises par les travailleurs en emploi dont on ne tient pas compte parce qu'on n'a pas un système suffisant de reconnaissance des acquis et des compétences, ce qui oblige un travailleur à aller refaire deux ans de scolarité au secondaire avant d'avoir accès à une formation professionnelle et autre. Je pense que dans le deuxième énoncé, c'est dans le sens des mécanismes de reconnaissance des compétences des gens, ne pas les obliger à retourner sur les bancs de l'école quatre ans avant d'avoir accès à une formation qui permette donc d'avoir un jour un autre emploi.

Je pense qu'on s'est placé du point de vue des adultes qui sont souvent ballottés par la précarité des emplois, qui se retrouvent précipités assez rapidement au bout du chômage parce qu'on a coupé là le chômage pour faire de la formation. S'ils ne sont pas dans les pénuries de main-d'oeuvre, ils se retrouvent à l'extérieur des programmes et, au terme de leur assurance-chômage, ils se retrouvent à l'aide sociale et vraiment là, en rattrapage scolaire à l'école pour trois ans avant d'avoir accès à un métier ou à une formation professionnelle. C'est pour essayer de sortir de cette roue-là qui présente, ma foi, plus de culs-de-sac pour les travailleurs qui auraient à s'adapter qu'on a envisagé ces questionnements-là.

M. Bourbeau: Je suis content de vous l'entendre dire parce que, effectivement, parfois, certains groupes sont portés à manquer de nuances, et au nom du principe sacro-saint de la formation fondamentale, on voudrait faire en sorte d'appliquer les mêmes règles très exigeantes aux adultes, aux travailleurs en emploi, disons, que celles qu'on applique aux jeunes dans le système de formation initiale. Ça a conduit dans le passé, très souvent, à refuser de la formation d'appoint à des travailleurs en emploi parce qu'ils n'avaient pas les qualifications de base dont vous parlez: secondaire IV, secondaire V, en français ou en mathématiques, etc. On a vu très souvent, nous, au ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, nos clients, les travailleurs, se voir refuser de la formation d'appoint parce qu'ils n'avaient pas un niveau de formation de base suffisant.

Je serais porté à dire: Formation Initiale, que de crimes on commet en ton nom! Mais, à l'occasion, c'était presque criminel de condamner des travailleurs à ne pas recevoir une formation d'appoint dont ils avaient absolument besoin pour garder leur emploi, parce qu'on leur disait: Vous retournez faire deux années de français au secondaire; on ne vous enseignera même pas parce que vous n'avez pas la formation de base

suffisante. quand vous êtes père de famille avec deux, trois enfants et que vous avez un emploi, parfois vous ne pouvez tout simplement pas retourner sur les bancs d'école. c'est la nuance que je voulais faire.

Mme Laberge: Soyez assuré que s'il y a un organisme qui est pour des approches spécifiques pour les adultes, c'est bien l'Institut canadien d'éducation des adultes.

M. Bourbeau: Très content de vous l'entendre dire. Peut-être que mon collègue pourrait continuer, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Merci, M. le Président. Vous préconisez la représentation des groupes communautaires au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et vous demandez à ce que ces groupes communautaires jouissent d'une représentativité équivalente aux autres groupes, soient le syndicat, le patronat et le gouvernement. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage sur ça? Pourquoi vous proposez ça? Quel pourrait être le mode de désignation, dans un sens plus large, des groupes au sein de la Société?

Mme Laberge: Je peux peut-être prendre le premier point sur la représentation et pourquoi on en parle. Je pense que vous avez vu dans... Le questionnement fondamental, c'est de dire qu'il y a beaucoup d'exclus dans cet énoncé de politique-là. En tout cas, on ne voudrait pas, nous, que cet énoncé puisse consacrer l'exclusion de gens qui le sont déjà par rapport au marché du travail et que le partenariat qui est proposé parle quand même d'un partenariat qui représente, en grande partie, les travailleurs syndiqués, qui ne sont quand même pas à des taux extrêmement élevés au Québec par rapport au modèle de partenariat qu'on peut avoir dans d'autres pays comme la Suède, la France, ou l'Allemagne, où il y a quand même un taux de syndicalisation plus bas. Il y a une précarisation importante des emplois. Il y a des gens sans emploi, des gens non syndiqués aussi, et tous ces gens-là doivent avoir des groupes, des lieux et des personnes qui sont capables de représenter leurs intérêts aussi et leur point de vue.

C'est vraiment dans le sens où on dit: Si tous ceux qui mettent l'épaule à la roue doivent être partenaires, on pense que la majorité des gens qui sont donc sans emploi, prestataires d'aide sociale, en démarche d'intégration d'emploi dans des corporations de développement économique, dans des groupes d'intégration au travail ou dans des regroupements de non-syndiqués, doivent aussi avoir voix au partenariat et contribuer de leurs connaissances bien concrètes des problématiques touchées par les clientèles, qui ne sont pas nécessairement en emploi dans les entreprises syndiquées, et qui ne trouveront pas nécessairement une représentation parmi ceux qui siègent déjà. Donc, ça, c'est peut-être la première partie du rationnel qui, à notre avis, impose qu'on pense à ajuster tous les partenaires. Il y a des exemples de ça, que ça peut se faire, dans d'autres endroits.

L'autre aspect sur fe mécanisme... On sait bien que les gens vont dire: Dans le secteur communautaire, c'est difficile de définir qui peut être le représentant de tout le monde. Donc, on propose qu'on puisse mettre en place un mécanisme de concertation au sein des groupes communautaires nationaux qui se préoccupent d'em-ployabilité, d'intégration en emploi, de développement économique local, de façon à gérer un processus de mise en candidatures à l'intérieur du mouvement communautaire, que le mouvement communautaire reconnaîtra comme étant des candidatures représentatives en son nom. Donc, c'est...

M. Philibert: O.K. Merci. Les handicapés, les associations de handicapés ont également demandé à avoir une représentation au niveau de la Société. Est-ce que, sans vous forcer la main par ma question, vous les identifieriez davantage aux groupes communautaires?

Mme Laberge: Nous, on a mis deux catégories dans les groupes communautaires: les catégories de groupes de services et de développement économique et d'employabilité et les catégories de groupes qui représentent des clientèles. On peut dire que la proposition qu'on fart inclut déjà beaucoup de gens. Nous, on souhaite qu'il y ait un siège réservé pour le mouvement des femmes. Pour le reste des sièges, clientèle qu'on considère un peu différente, on souhaite que ce soit géré à l'intérieur du processus de l'ensemble des groupes communautaires. Jusqu'à date, je pense que les groupes jeunesse, certains groupes des communautés culturelles ont été approchés à ce niveau-là. Je ne peux pas aller plus loin dans ma réponse que ce qui est déjà convenu.

M. Philibert: Mais ça nous pose quand même des questionnements dans la mesure également où les commissions scolaires ont demandé de l'être nommément et d'occuper un siège à la Société. Est-ce que, parce qu'ils disent qu'ils sont les dispensateurs, ils pourraient également être très efficients dans l'identification des créneaux de développement? Est-ce que vous pensez qu'on devrait avoir la même ouverture pour les commissions scolaires que pour les groupes que vous privilégiez?

Mme Laberge: Nous, ce qu'on a reconnu, c'est que l'importance des réseaux publics devait dépasser le simple dispensateur de services.

Donc, les réseaux publics d'éducation devraient être là, mais il y a déjà plusieurs blocs au niveau du conseil d'administration. Il y a le bloc gouvernemental, les services d'État, le réseau public d'éducation. Donc, en ce séns-là, on croit qu'ils devraient avoir leur place dans cette section-là.

M. Philibert: mais ce sont quand même des employeurs importants aussi. entre le bloc gouvernemental et le bloc patronal, vous les identifiez davantage au bioc gouvernemental?

Mme Laberge: Nous, on parle du réseau public d'éducation, et c'est pour leur mission publique qu'on en parle. Alors, je me dis: Après, si eux autres souhaitent se définir d'une autre... Je ne peux pas définir leur représentation pour eux.

M. Philibert: O.K. Dans un autre ordre d'idées, vous proposez que la loi des normes du travail garantisse le retour en emploi des salariés qui bénéficient d'une aide au perfectionnement. Croyez-vous que cette garantie doive couvrir n'importe quel type de formation? Seriez-vous favorable à ce que certaines priorités soient établies, notamment, en fonction des besoins des entreprises? Pourrait-il exister, donc, des motifs pour lesquels un employeur pourrait être justifié de refuser un congé de formation à un salarié?

M. Paquet: Je pense qu'on demande, dans le fond, que la loi des normes du travail vienne garantir l'emploi, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle dans le projet. Le projet PROFIT de démarches individuelles va assurer une forme de revenu, un soutien du revenu, la possibilité pour des travailleurs de prendre de la formation, mais il faut aussi pouvoir garantir le retour en emploi, ce qui n'est pas le cas, actuellement, et ça semble une condition essentielle. Comme on le disait dans la présentation, il n'y a pas grand travailleurs qui pourraient se permettre, à l'heure actuelle, de prendre le risque de quitter leur emploi pour aller chercher de la formation. Je pense qu'il serait illusoire de croire que ce programme-là peut être largement utilisé s'il n'y a pas, à la fois, soutien du revenu suffisant et garantie d'emploi.

Pour ce qui est des types de formation, le sens de notre présentation générale est qu'on doit tenir compte, bien sûr, des besoins du marché du travail, de l'adaptation des travailleurs. On sait qu'on est dans un contexte économique de concurrence très forte, mais on sait aussi qu'on ne peut pas prévoir les besoins en main-d'oeuvre pour les 10 ou 15 prochaines années de façon très rigoureuse et stricte. Dans ce sens-là, si on veut limiter cette formation sur mesure à des besoins plus immédiats et seulement à des besoins immédiats répondant aux commandes de l'entreprise, on pense qu'on vise trop bas.

Dans ce sens-là, oui, on souhaite qu'il y ait possibilité de prendre autre chose que de la formation professionnelle et de prendre autre chose que de la formation pointue, étroite, c'est-à-dire que des travailleurs puissent bénéficier d'une formation plus large qui leur permettra, éventuellement, d'être susceptibles de revenir sur le marché du travail, ou recevoir en entreprise une formation plus pointue. Alors, très nettement, on souhaite que ce ne soit pas limité à de la formation professionnelle étroite ou pointue.

M. Philibert: Maintenant, en ce qui a trait au décrochage, vous soulevez un problème important, notamment ceux qui suivent des cours de formation de base en alphabétisation. Vous donnez des proportions assez significatives: 87 % des gens inscrits aux cours d'alphabétisation de 2000 heures abandonnent après 100 heures ou 500 heures. Vous avez une expertise dans ça. Quelles sont les difficultés auxquelles ils sont confrontés et qui les amènent à laisser leur perfectionnement, leurs cours? le deuxième volet. compte tenu également de votre expertise, il y a un bon nombre de clients qui sont des jeunes aussi, qui sont à l'éducation des adultes, qui ont décroché du système scolaire régulier et qui ont fait des stages plus ou moins courts ou prolongés sur le marché du travail. qu'est-ce que vous pensez du régime d'apprentissage que nous proposons à la page 61 de l'énoncé de politique en ce qui a trait à des stages rémunérés dans l'entreprise?

Mme Laberge: Je vais vous répondre sur la première partie de votre question, sur le décrochage. Ces données-là... On n'a pas été énormément plus loin pour le moment au niveau des données. C'est des données récentes du ministère de l'Éducation qu'on ne présente pas nécessairement comme étant un décrochage, mais comme étant... On sait que les gens ne continuent pas leur formation. Une des hypothèses, en tout cas, qu'on peut poser par connaissance du milieu et de la clientèle, c'est que les gens qui doivent entreprendre des processus d'employabilité ou d'intégration en emploi et qui doivent recommencer à partir de beaucoup trop loin n'ont peut-être pas, je dirais, les conditions globales pour le faire dans leur vie privée, ou alors les conditions aussi pour l'intégration dans l'école.

Au niveau du rattrapage scolaire, quand quelqu'un commence et doit se retrouver dans un groupe avec 30 personnes et recommencer l'alphabétisation et qu'il ne voit pas l'horizon même d'une formation professionnelle - je pense qu'on revient à la même question du début - nous, on suppose que ça peut créer un empêchement à poursuivre. Quand tu n'as pas déjà la motivation première, par toi-même, d'aller te former, qu'on t'oriente vers là... Dans l'ensemble des mesures d'intégration en emploi, il y a quand même une obligation pour les gens de

s'y inscrire ou, en tout cas, un incitatif financier négatif à ne pas s'y inscrire, on le sait tous. Alors, on se retrouve à envoyer des gens dans des programmes de formation qu'ils n'ont peut-être pas choisis. Ils ont peut-être été mal orientés pour le faire. C'est un sujet de recherche qui nous préoccupe et sur lequel on veut se pencher l'année prochaine. (15 heures)

Mais on est convaincu que le niveau... Ce n'est pas après 100 heures d'alphabétisation que les personnes ont acquis la formation suffisante pour aller au secondaire ou en formation professionnelle. C'est fatalement ou un décrochage ou un problème d'orientation de base. Il est parti à un mauvais niveau ou il aurait dû être aiguillonné vers un autre programme. Une des choses aussi qu'on constate, à notre connaissance de la clientèle, c'est que la clientèle tourne en rond dans une spirale de programmes d'intégration en emploi ou de stages en milieu de travail ou de réinsertion scolaire, et sans issue ou sans transformation vraiment appréciable de leurs conditions de vie sur une période de quelques années. Donc, je pense que ça, ça n'aide pas a la motivation et au maintien dans un processus quand tu n'as pas d'horizon d'emploi.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Laberge. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président... M. Philibert: Mon temps est-il épuisé?

Le Président (M. Doyon): Oui, de cinq minutes.

M. Philibert: Ah oui?

Le Président (M. Doyon): Au-delà.

M. Philibert: Alors, on continue à réfléchir sur les jeunes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Je vous en prie.

Mme Harel: M. le Président, nous entamons cette deuxième semaine de l'examen de l'énoncé de politique et je dois vous dire que nous allons devoir constater, tout au cours de la journée, que nous allons entendre aujourd'hui les oubliés de la concertation. Je dois vous dire que la semaine dernière, durant deux jours, dans le fond, le ministre avait choisi de commencer par les mémoires présentés par ceux qui avaient discuté, sinon négocié, son énoncé en tant que membres de la conférence permanente. Ça n'a pas duré très longtemps parce que même, en fait, ce n'est pas un concert unanime qu'on a entendu la semaine passée, il y a eu des exceptions. Mais cette semaine je dois vous dire que, définitive- ment, nous allons devoir réexaminer des questions, peut-être avec une amplitude plus large que celle que révèlent les questions du ministre, parce que j'ai bien peur qu'à partir de maintenant chaque fois qu'un groupe viendra devant nous, on lui demande: Vous voulez être représenté à la Société, qui d'autre devrait-on enlever? C'est un exercice qui ne nous mènera nulle part.

Finalement, la grande question reste celle de savoir: Est-ce que c'est un énoncé de politique de développement de la main-d'oeuvre active, actuellement active? Et, comme l'indiquait d'ailleurs le titre du communiqué qui coiffait la publication de l'énoncé au mois de décembre dernier: «II s'agit d'une approche sectorielle répondant aux besoins du développement industriel.» C'était ça finalement le message du communiqué de presse qui accompagnait l'énoncé: approche sectorielle répondant aux besoins du développement industriel.

Vous, vous venez nous dire: Ce n'est pas que la compétitivité, c'est aussi une question d'équité. En fait, c'est le message que je reçois de ce que vous nous dites. Et, à ce moment-là, ce que vous dites au gouvernement et au ministre: II ne s'agit pas simplement d'adopter ce qui est tant réclamé depuis le libre-échange, une politique d'adaptation de la main-d'oeuvre dans les entreprises qui sont exposées à la concurrence, mais il s'agit d'adopter une politique de la main-d'oeuvre et non pas des besoins d'entreprise en main-d'oeuvre seulement, en fait. Et c'est au nom de cette équité, si j'ai bien compris, que vous nous dites qu'il faut élargir la représentation. Et que répondez-vous à ces réponses? En fait, comment réagissez-vous à ces réponses à des questions que j'ai posées la semaine passée à des porte-parole du mouvement syndical qui me disaient que le mouvement syndical représentait la classe ouvrière active comme inactive et, à ce titre-là, qu'ils parlaient au nom de l'ensemble de la classe ouvrière?

M. Paquet: Je pense qu'on est intéressés par une perspective d'équité. On serait très heureux qu'il y ait de l'emploi pour tout le monde et que tout le monde soit syndiqué, mais on sait qu'on est très loin de ça actuellement. Et, dans ce sens-là, partant de ce qu'on constate - autour de 60 % de la main-d'oeuvre n'est pas syndiquée - on pense que les groupes qui travaillent dans le quotidien, avec les exclus du marché du travail ou les marginalisés - les travailleurs licenciés, les chômeurs de courte et de longue durée, les assistés sociaux - ont beaucoup de choses à dire, ont une expertise concrète qu'ils ont développée depuis déjà plusieurs années, et on pense qu'une politique de développement de la main-d'oeuvre devrait leur faire une place de plein droit.

On dit: Oui, on devrait réintégrer tout ce qui concerne l'employabilité. On devrait s'assurer que les programmes et les services sont actuel-

lement et officiellement accessibles à ceux qui sont marginaux sur le marché du travail, à ceux qui occupent des emplois précaires, à ceux qui ont des emplois à temps partiel - ce qui n'est pas favorable pour permettre d'avoir accès à la formation en entreprise - et permettre à ceux qui sont les exclus - assistés sociaux ou autres - d'avoir leur place au niveau de la Société, de l'orientation de la Société et des programmes qui y sont gérés, comme experts. Les groupes qui travaillent à l'intégration au marché du travail, au développement de l'emploi, à la formation professionnelle devraient aussi être reconnus comme des partenaires, à ce titre-là aussi, comme partenaires intéressés à la politique de développement de la main-d'oeuvre et de développement de l'emploi et comme partenaires souvent dispensateurs de services. Et c'est ça qu'on voit comme le quatrième bloc.

Donc, effectivement, dans une perspective d'équité, on pense qu'on ne peut pas se limiter à l'adaptation de la main-d'oeuvre, quoiqu'il soit essentiel de le faire. On ne met pas ça en cause, mais on dit: Ça ne peut pas se limiter qu'à une représentation syndicale, qu'à l'adaptation de la main-d'oeuvre, qu'à une réponse aux besoins à court terme des entreprises. Autant on est favorables à la création de la Société, autant on dit: Elle doit partir d'un bon pied et, donc, inclure un quatrième bloc qui fasse de la place à tous ceux qui sont intéressés au développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi.

Mme Harel: Mme Blais.

Mme Blais: J'aimerais peut-être ajouter qu'il est possible que certains syndicats prennent aussi le parti des personnes oubliées, des personnes non syndiquées. Pour nous, ce qui est important, c'est non pas ceux qui disent être les porte-parole, mais c'est comment les travailleurs ou les non-travailleurs se sentent représentés. Si les non-travailleurs, les chômeurs, les assistés sociaux ne se voient pas représentés dans les syndicats, je pense qu'il est important d'identifier un groupe où ils pourront se retrouver et où ils auront l'impression que leurs intérêts sont apportés en haut lieu.

Mme Harel: Vous avez développé dans votre mémoire cette évacuation presque complète du monde de l'éducation de cet énoncé de développement de la main-d'oeuvre. Vous-même, vous êtes un carrefour. Vous nous dites, dès le début de votre mémoire, que, depuis 1946, vous regroupez vraiment des gens d'horizons bien différents: des centrales syndicales, des syndicats indépendants, des institutions publiques d'enseignement, des organismes communautaires, et des groupes de femmes, etc. Quand vous nous dites qu'il ne faut plus que l'éducation soit considérée juste comme un dispensateur de services mais comme un partenaire, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Depuis le début de la commission, il m'ap-paraît maintenant que c'est sans doute là le coeur de ce fossé qui s'est élargi et qui fait que, maintenant, on est presque devant des camps adverses et on est presque mis en demeure de choisir un camp plutôt que l'autre, plutôt que de vouloir... Et vous, comment voyez-vous cette réconciliation des deux camps finalement: main-d'oeuvre et éducation? Moi, il m'apparaît que c'est un héritage qu'on n'a pas bien identifié, mais c'est un héritage de l'ingérence du gouvernement fédéral. Si, en 1966, ils n'avaient pas commencé à dépenser en main-d'oeuvre en disant que ça ne relevait pas de l'éducation, c'est possible que c'est d'une autre manière qu'on aurait envisagé ça. Mais là, maintenant, ça nous reste. Comment fait-on pour réconcilier ce monde-là?

Mme Blais: Votre question est difficile. Il est possible que ce soit le résultat d'une ingérence du gouvernement fédéral, mais c'est aussi le résultat de l'énoncé de politique de 1984 qui a consacré, à ce moment-là, le passage de presque tous les pouvoirs au ministère, au MMSR, et aux commissions de formation professionnelle. Bien sûr qu'il y avait nécessité de départager certaines responsabilités entre les ministères à mission éducative et les ministères à mission développement de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu. Peut-être que de la façon dont on l'a fait, on l'a fait brutalement et on n'a pas tenu compte des compétences de part et d'autre.

Mme Harel: En d'autres termes, vous remettez en question cette division de 1984 à l'effet que l'estimation des besoins de main-d'oeuvre se faisait dans les CFP et la dispensation des services de formation se faisait dans les institutions. C'est cette dichotomie-là que vous requestionnez.

Mme Blais: entre autres choses, d'autant plus qu'en éducation des adultes on a tendance à penser qu'il est très important que le tout soit un seul et même processus, c'est-à-dire l'identification des besoins, le développement de programmes d'activité et le suivi dans les milieux.

M. Paquet: C'est peut-être, dans le fond, de redonner un coup au balancier. On a l'impression que, depuis 1984, on est passé d'un extrême non pas à un autre extrême, mais des besoins de la main-d'oeuvre que l'éducation desservait aux besoins en main-d'oeuvre auxquels s'est attaqué prioritairement le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Je pense que le défi actuel aux plans économique et social nous montre qu'il y a eu un excellent travail de fait, mais il faut en même temps absolument rétablir un certain

équilibre. L'élargissement qu'on demande et le fait de prendre l'éducation comme partenaire nous paraît être une condition essentielle. Je pense que, depuis cinq ans, les pratiques de formation se sont beaucoup diversifiées. Les milieux de formation... Il n'y a plus de monopole de l'éducation. On pense que tous ces partenaires-là devraient être présents dans la politique qui est proposée. Le projet de loi devrait les reconnaître comme partenaires de plein droit. On pense qu'actuellement on n'atteint pas ce niveau d'équilibre avec le projet tel qu'il est. Ce qu'on demande, c'est de ramener un peu le balancier pour inclure aussi ces réseaux-là comme partenaires de plein droit.

Mme La berge: Peut-être qu'une des pistes, en tout cas, que nous, on avance, c'est la nécessité qu'il y ait un leadership clair en éducation des adultes et une concertation de l'ensemble des interventions des ministères à vocation éducative et à vocation main-d'oeuvre. On ne pense pas que ce sont des choses qui doivent s'opposer mais qui doivent faire partie d'un ensemble cohérent. Et, à date, on se demande où est la tête, si elle est partagée entre trois ministères. Je pense qu'on le dit clairement, on finit notre mémoire là-dessus. On pense qu'au gouvernement du Québec on doit savoir où est la tête en éducation des adultes pour prendre en compte l'ensemble des besoins et non pas seulement ceux des besoins en main-d'oeuvre définis par les pénuries de main-d'oeuvre de la liste qu'on reçoit du fédéral par rapport à la compétitivité internationale.

Mme Harel: Évidemment, cette liste-là, l'énoncé de politique souhaite qu'elle ne vienne plus du fédéral. Finalement, elle serait du Québec, mais le processus resterait le même, c'est-à-dire que les 300 000 000 $ dépensés par la formation professionnelle du ministère de l'Éducation, ça on n'en parie pas du tout ici. On ne touche pas à ça. Ça n'existe pas ou presque. En fait, ça relève d'autres. Nous, ici, c'est seulement les programmes de main-d'oeuvre bien restreints.

Mme Laberge: C'est sûr que s'il n'y a pas de politique globale, les passerelles dont parie M. Bourbeau dans son énoncé de politique vont être très difficiles à identifier et à établir. Les perdants, ça va être les adultes.

Mme Harel: La grande question, c'est quand vous nous dites, par exemple, qu'il faut non seulement rapatrier les budgets fédéraux, mais aussi les pleins pouvoirs. Bon! Vous savez sans doute que dans l'énoncé, c'est la demande des pouvoirs quant aux programmes d'Emploi et Immigration Canada, mais pas du pouvoir comme tel sur l'assurance-chômage, si vous voulez. La législation et la réglementation, ça resterait, à ce moment-là, du ressort de la Caisse. En fait, c'est ce que M. le ministre nous a expliqué à l'ouverture de cette commission.

Mais, finalement, est-ce qu'on ne s'en va pas dans une dynamique où on voit très bien... Par exemple, en Ontario, on est en train de mettre en place un conseil ontarien du développement et de l'adaptation de la main-d'oeuvre; d'autres provinces le font. La Société va être la structure provinciale dans laquelle les fonds vont être transférés, comme ils le seront dans les autres provinces également, mais dans une perspective où, sans doute, il y aura des critères nationaux, les propositions constitutionnelles cherchant à nous transférer des fonds. Est-ce que vous ne craignez pas que ça se produise comme ça finalement?

M. Paquet: Ce qu'on a proposé à Bélanger-Campeau, c'est que les pleins pouvoirs du Québec soient reconnus et rapatriés. Pour ce qui est de l'assurance-chômage, on demandait que la portion utilisée à des fins de formation, c'est-à-dire le soutien du revenu à des fins de formation et au développement des ressources humaines, soit rapatriée comme telle. On n'allait pas plus loin que ça du point de vue de l'ICEA.

Mme Harel: J'ai bien compris, en tout cas, la distinction que vous faisiez tantôt en réponse à la question du ministre entre le fait que vous êtes en faveur d'activités, d'une démarche active pour les personnes qui ont perdu leur emploi, mais ces démarches actives ne devraient pas être financées à même leur soutien au revenu qu'elles financent. Dans le fond, vous étiez favorables à ce que de Grandpré proposait comme mesure d'adaptation, c'est-à-dire une taxe de 1 % pour pouvoir financer comme telle la formation. C'est ce qu'il faut comprendre? (15 h 15)

M. Paquet: Pour la formation en entreprise, ce qu'on propose dans le mémoire, c'est de dire: On devrait dépasser les mesures incitatives et aller vers des mesures qui soient plus contraignantes. On n'a pas proposé de mécanisme particulier, mais on pense que tant qu'on ne dépasse pas ça... Le rapport de Grandpré le proposait. Il nous semble qu'autrement, même le crédit d'impôt est une mesure tout à fait insuffisante pour se limiter à inciter les entreprises et croire que la culture de la formation va se développer. On pense qu'on doit faire en sorte que toutes les entreprises soient sur un pied d'égalité là-dessus. Ce qu'invoquait de Grandpré, c'est que toutes les entreprises devraient contribuer pour ne pas qu'il y ait des entreprises qui profitent de ce que certains mettent en formation et viennent, en un sens, prendre les travailleurs formés par d'autres, à leur profit; donc, placer toutes les entreprises sur un pied d'égalité à ce niveau-là. D'autant plus que toutes les entreprises n'ont pas intérêt non plus à ce

que leurs travailleurs reçoivent de la formation. On sait qu'il y a tout un secteur qui se développe dans les services d'emplois précaires peu qualifiés et on se dit qu'il doit y avoir des mesures à la fois de cette nature-là et aussi vraisemblablement de type comité paritaire de formation et de développement de la main-d'oeuvre, pour faire en sorte que les besoins de formation des travailleurs soient pris en considération dans les entreprises et qu'il y ait des activités de formation, même dans les entreprises qui pourraient dire: Nous, on n'a pas besoin de formation. On est convaincu que les travailleurs ont des besoins de formation en entreprise, mais qu'il n'y a pas intérêt nécessairement convergent et complet entre l'employeur et les travailleurs, ou leurs représentants.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme la députée.

Mme Harel: II me reste encore 5 minutes, je pense, M. le Président. J'ai commencé à 15 heures.

Le Président (M. Doyon): Pas vraiment. On est rendu à 14 minutes 53 secondes.

Mme Harel: J'ai 20 minutes, alors, il m'en reste 6. C'est ça?

Le Président (M. Doyon): Non, on a donné une demi-heure aux intervenants pour partager. C'est ce qui avait été convenu.

Mme Harel: Ah bon! Très bien. De toute façon, je veux vous remercier d'avoir alerté cette commission sur la question du décrochage des adultes. On n'entend jamais parler de cette question-là, et c'est une question majeure. Vous nous rappelez l'ampleur de ce phénomène de décrochage. Que personne ne se soit encore inquiété, qu'il y ait si peu d'adaptation dans les mesures proposées à cette clientèle-là, ça devient vraiment très très inquiétant. mais, moi, ce sur quoi je voudrais surtout vous entendre avant de terminer, c'est sur cette importante question que vous nous rappelez, à savoir que, dans le fond, l'individu est oublié. c'est surtout aux pages 15 et suivantes de votre mémoire où vous nous dites que, dans le regroupement des programmes finalement, il y en a trois qui visent des collectivités, un seul s'adresse à des individus. vous nous dites que ces individus, finalement, sont sur le marché de l'emploi, que souvent ils occupent des emplois précaires, que 40 % des emplois créés sont des emplois à temps partiel, etc., que les nouveaux emplois créés sont à temps partiel. vous nous demandez, finalement: comment va-t-on répondre aux demandes de formation de ces personnes-là quand, dans les commissions scolaires, les enveloppes budgétaires sont actuellement fermées, les inscriptions contingentées quand il s'agit de suivre des cours à temps partiel? On voit ce qui se passe à temps plein, vous nous l'exprimiez il y a quelques minutes à peine.

Alors, finalement, le message qu'on envoie aux gens, qui est un message de recyclage, de perfectionnement, de relèvement de ses compétences, ce n'est pas un peu comme un mirage, quand Ils viennent pour le saisir, ça finit par s'évanouir?

Mme Laberge: C'est effectivement dans ce sens-là qu'on pose la question parce que, avec l'ensemble des politiques d'intégration en emploi et de rattrapage scolaire pour les gens qui sont prestataires d'aide sociale ou d'assurance-chômage, c'est, en fait, la clientèle majoritaire. Dans les commissions scolaires, actuellement, il y a une enveloppe ouverte pour tout ce qui est temps plein. Donc...

Mme Harel: Ceux qui sont prestataires de quelque chose.

Mme Laberge: Oui.

Mme Harel: Mais, ceux qui ont une job, là?

Mme Laberge: alors, quand tu n'as pas de chèque, que tu es travailleur, que tu décides de te former par toi-même, que tu veux faire ta formation à temps partiel, en fait, il va falloir que tu attendes d'être rendu prestataire de quelque chose pour pouvoir avoir accès à un programme en pénurie de main-d'oeuvre dans ta région, au bon moment, à la bonne semaine. c'est extrêmement dramatique pour les adultes de leur faire miroiter ça, surtout quand on ne travaille pas en même temps à une politique de plein emploi. donc, il n'y a pas d'horizon de travail. c'est un peu un mirage.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Laberge. Alors, au nom des membres de la commission, compte tenu que le temps est écoulé et même dépassé, il me reste à vous remercier et à vous permettre de vous retirer de la table.

À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile à bien vouloir s'avancer et prendre place à la table de nos invités.

J'invite tout le monde à bien vouloir s'asseoir ou à aller poursuivre les conversations à l'extérieur, s'il vous plaît! Les conversations peuvent se poursuivre à l'extérieur. À l'ordre, s'il vous plaît! Madame, en arrière!

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile. Je les invite à nous faire part de leurs remarques sur la proposition du ministre. Tout d'abord, je les invite à bien vouloir se présenter. Je pense que

M. Courchesne, le président, est ici. Je lui souhaite la bienvenue, de même qu'aux autres. Je leur indique, encore une fois, que la règle, ce qui a été convenu, finalement, c'est une demi-heure de présentation ou à peu près. Le restant du temps, un quart d'heure...

Mme Harel: C'est 20 minutes.

Le Président (M. Doyon): Bon, alors...

Mme Harel: ce qui est convenu, m. le président, c'est qu'il y a 20 minutes de présentation, 20 minutes à la partie ministérielle, 20 minutes à l'opposition.

Le Président (M. Doyon): Moi, je me réfère, Mme la députée, au document qui m'est remis ici par le secrétariat qui dit ce qui suit: II est convenu de consacrer une heure par organisme, ainsi répartie: 30 minutes pour l'exposé de leur organisme et 30 minutes pour les échanges avec la commission. Si ce n'est pas le cas, veuillez en aviser le président, parce que le président se conforme à ce à quoi il est...

Mme Harel: Ce serait un changement dans notre façon de procéder parce que la semaine passée...

Le Président (M. Doyon): Oui, je sais que la semaine dernière, c'était différent, mais on m'a indiqué que c'était... Mais si vous le préférez, on revient au statu quo ante.

M. Bourbeau: M. le Président, ce qu'on pourrait faire, on pourrait laisser aller les gens. Dans le fond, c'est...

Le Président (M. Doyon): Ça ne change rien dans le fond.

M. Bourbeau: ...la volonté de ceux qui viennent ici. S'ils veulent prendre 30 minutes, on les questionnera moins longtemps...

Mme Harel: Oui.

M. Bourbeau: ...s'ils veulent se limiter à 20 minutes, on les questionnera plus longtemps. moi, je laisserais ça à l'initiative de ceux qui viennent.

Le Président (M. Doyon): Le président est d'accord.

M. Bourbeau: Mais disons que le maximum, c'est 30 minutes.

Mme Harel: Dans la mesure, évidemment, où ils sont informés à chaque fois que ce n'est pas la règle qu'ils ont à suivre, et que s'ils veulent privilégier les échanges, il vaut mieux, à ce moment-là, ne prendre que 20 minutes. M. Bourbeau: C'est ça.

Le Président (M. Doyon): Ça a toujours été le cas d'ailleurs. Le temps qui n'est pas utilisé pour la présentation demeure disponible pour la discussion avec les membres de la commission. Alors, veuillez commencer tout en vous présentant tout d'abord, s'il vous plaît.

Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile

M. Courchesne (Roland): Alors, mon nom est Roland Courchesne, président du Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile. M. le Président, mesdames, messieurs de la commission. Si vous me permettez, je vais vous présenter mes collègues immédiatement: à ma droite, M. Marc Parson, responsable des communications; M. Jean Roy, vice-président du Conseil provincial des comités paritaires et représentant des salariés; M. Maurice Levac, secrétaire-trésorier du Conseil provincial; M. Jean Lefebvre, coordonnateur du CPCPA, et Me Diane Fortier, conseiller juridique du Conseil provincial.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci beaucoup. Vous avez la parole.

M. Courchesne: Le CPCPA, Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile, remercie la commission des affaires sociales de lui fournir l'occasion de réagir à l'énoncé de politique sur la main-d'oeuvre et au projet de loi 408, et de faire ainsi entendre la voix d'un secteur important de l'activité économique du Québec, son industrie des services automobiles. Notre présentation vous sera faite par notre responsable des communications, M. Marc Parson, pour vous dire d'abord brièvement qui nous sommes; deuxièmement, vous parler des réalisations et des projets de l'ISAQ que nous voulons protéger et développer à leur plein potentiel; vous formuler enfin notre réaction en tant qu'industrie à l'énoncé et au projet de loi.

Alors, sans plus tarder, je vais passer la parole à M. Marc Parson.

M. Parson (Marc): Merci. Si nous avons voulu agir de môme, M. le Président, c'est parce que nous croyons que les réalisations de l'industrie des services automobiles correspondent exactement aux recommandations que nous aimerions formuler ici sur l'énoncé et le projet de loi.

Alors, qui sommes-nous? Nous sommes évidemment l'industrie des services automobiles du Québec. C'est l'ensemble des établissements, des entreprises, des personnes qui travaillent à l'entretien, la vérification, l'inspection, la modi-

fication, la réparation de véhicules routiers, de leurs pièces et de leurs accessoires, ainsi qu'à la vente de pièces, de pneus, d'accessoires et de carburant pour ces véhicules. C'est un secteur d'activité important. Selon Statistique Canada, ça dépassait les 14 000 000 000 $ en 1989, pour un chiffre total de 21 500 000 000 $ environ, si on compte les retombées directes et indirectes.

Le CPCPA, le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile est un organisme à but non lucratif, créé en 1978 par les comités paritaires de l'industrie des services automobiles pour plusieurs raisons. D'abord, pour mettre en commun, harmoniser la gestion des comités paritaires qui, comme vous le savez, étaient gérés de façon régionale, selon leurs décrets, pour promouvoir le mieux-être de l'ensemble des employeurs et des salariés. Le Conseil provincial regroupe sept CPA, sept comités paritaires de l'automobile, qui desservent environ 75% de la population québécoise. Ils regroupent un total de 8850 établissements, selon les chiffres de 1991, et ces établissements emploieraient 51 939 personnes. malgré l'avènement de la loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, en 1969, les cpa ont gardé, grâce à des dispositions transitoires, leur responsabilité en matière de qualification. les cpa appliquent donc des normes d'apprentissage, administrent des examens de qualification et reconnaissent par des certificats la qualification des gens de métier: mécaniciens, débosseurs - c'est le terme du métier - peintres, commis aux pièces. les cpa ont donc confié à leur cpcpa le soin d'harmoniser, dans les limites du possible, leurs façons de faire, de façon à ce que les examens de qualification, l'apprentissage - et je fais une parenthèse ici, l'apprentissage dans notre industrie, c'est ce qu'on appelle, dans d'autres industries, la formation professionnelle que je distingue de la formation continue dont on parlera plus loin - et la reconnaissance de la qualification soient de nature provinciale. et c'est maintenant chose faite grâce au bon vouloir, toujours, de l'ensemble des parties contractantes des cpa. il faut comprendre qu'on a réussi cela grâce à la bonne volonté des parties, et non pas parce que la loi ou un décret quelconque nous le permettait.

Il y a cinq ans, devant l'accélération de la technologie et les demandes de plus en plus pressantes de l'industrie, les comités paritaires de l'automobile ont demandé au Conseil provincial de développer et de réaliser un programme de formation continue. Ce programme, qui est en place depuis près de trois ans maintenant, est donc devenu réalité. C'est un programme de formation continue dont le contenu a été élaboré par et pour l'industrie, par des experts du métier, un programme qui correspond aux besoins, dont le savoir est immédiatement applicable dans la vie de tous les jours par les mécaniciens et autres gens du métier qui suivent le programme, dans un vocabulaire et un format accessibles, avec des prérequis établis qui nous permettent de former des groupes homogènes de candidats à ces cours. Selon des principes andragogiques bien connus, les formateurs ont une formation spéciale qui leur permet de donner le contenu de ces cours-là avec le vocabulaire et, encore une fois, le format le plus accessible. Et le contenu des cours est constamment mis à jour.

À la fin de 1991, plus de 2750 personnes avaient déjà suivi le premier cours de ce programme, avec un taux de réussite et de satisfaction de plus de 90 %, ce qui est assez exceptionnel en formation professionnelle. On pense que c'est inégalé, du moins dans l'histoire de notre industrie. Il n'y a pas que la réussite ou la satisfaction, je vous signale qu'au niveau des abandons il y a un taux très très faible: sur 68 groupes, 43 groupes n'avaient connu aucun abandon. Si on calcule un ou deux abandons, ça monte en haut de 85 %, alors très faible taux d'abandon.

Ce sont des réalisations que nous considérons dues à un amalgame unique et c'est cet amalgame que nous aimerions, bien sûr, voir non seulement protégé, mais consolidé par une éventuelle politique de développement de la main-d'oeuvre. Quel est cet amalgame? C'est d'abord une planification provinciale basée sur une analyse régionale, parfois même locale, des besoins. C'est réussi, cette planification, grâce à une présence quotidienne des CPA, comme on le sait, dans toutes les entreprises, grâce aussi à des statistiques qui sont tenues à jour, des statistiques basées sur les examens, qui nous permettent de connaître, de façon très pointue, les lacunes comme les besoins de notre main-d'oeuvre en formation continue. C'est aussi grâce à la mise en place d'une organisation synergéti-que, pour utiliser un mot à la mode, par les CPA et le CPCPA et, surtout, une exemplaire souplesse, une grande capacité de réaction face à la très rapide évolution technologique de l'industrie. J'y reviendrai. (15 h 30)

Ce sont des examens et des cours: des examens de qualification d'une part, des cours de formation continue d'autre part, qui sont constamment mis à jour. Une utilisation maximale des ressources du milieu, et quand j'entends «ressources du milieu», je parle aussi bien des ressources sectorielles - pour utiliser un terme que vous utilisez souvent ici - que régionales. Par exemple, en formation continue, nous avons utilisé les services des commissions de formation professionnelle. Une quarantaine de commissions scolaires participent à l'élaboration de nos cours, c'est-à-dire à la mise en oeuvre et à la réalisation de nos cours. L'ensemble - et c'est étonnant, je pense que ça vaut la peine de le souligner - des fabricants d'automobile nous est

précieux, justement, pour nous aider à formuler des contenus qui sont à jour. Ils acceptent, de façon bénévole - si je peux utiliser l'expression - de nous donner l'ensemble de leur nouvelle technologie. Enfin, un souci constant de répondre aux véritables besoins de l'industrie, encore une fois, par l'utilisation maximale de nos statistiques, mais aussi en acceptant les experts de tous les intervenants, de tous les milieux, de toutes les régions, pour nous aider à bâtir l'ensemble de nos cours. Voici, à ce qu'il nous semble, des ingrédients concrets pour réaliser une politique de développement efficace, du moins dans notre secteur, et autant d'ingrédients qui devraient se retrouver dans un nouveau partenariat.

La nature spécifique de notre industrie. Il y a des choses spécifiques et il y en a qui le sont moins. Nous souffrons, bien sûr, du préjugé habituel ici de la dévalorisation des métiers techniques, et je pense que l'énoncé en parle abondamment et avec plein de justesse. Sans jeu de mots, c'a été longtemps, la formation professionnelle, du moins dans notre industrie, une voie de garage. Mais, de plus, nous souffrons, comme industrie, d'une révolution technologique presque sans équivalent. Je pense que l'aéronautique et l'industrie de l'informatique sont peut-être les deux industries qui ont été affectées par la révolution technologique, comme nous l'avons été.

Depuis 1980, l'invasion technologique se retrouve partout dans chaque système, dans chaque composante d'un véhicule, que ce soit le moteur, l'alimentation en essence, en air, le système d'allumage, les systèmes d'échappement, de freinage, de direction, la suspension, la transmission de puissance, l'habitacle, etc. De plus, évidemment, il y a eu augmentation du parc automobile avec l'augmentation de son cortège d'accidents, de taux d'assurances grimpants, de soins de santé, d'heures de travail perdues, etc., et également, une chose qu'on retrouve peu dans d'autres industries: l'augmentation assez impressionnante des marques et des modèles. En 1988, par exemple, vous aviez trois fabricants nord-américains qui commercialisaient 87 nouveaux modèles, et * 17 fabricants européens ou asiatiques qui en commercialisaient 79. Un total de 165 nouveaux modèles qui arrivaient chez le mécanicien comme ça, en une seule année, et avec chacun sa technologie très souvent.

L'industrie demande donc depuis quelques années au MMSRFP une réglementation à jour sur la formation et la qualification professionnelles de sa main-d'oeuvre. Elle lui demande également de continuer de prendre en charge sa formation et sa qualification professionnelles. C'est dans ce contexte que M. Bourbeau a créé, en 1990, le comité consultatif de la main-d'oeuvre et de l'industrie des services automobiles. Notre mandat était triple: proposer un programme de formation et de qualification professionnelles, proposer le règlement qui va avec, proposer les mesures administratives, enfin, pour la réalisation des deux recommandations. Étaient membres de ce comité consultatif l'ensemble des membres du conseil d'administration du CPCPA ainsi que des représentants des principales associations provinciales d'employeurs et de salariés, soient les trois principales associations syndicales du secteur - CSD, CSN, FTQ - et également les trois grands secteurs d'associations provinciales d'employeurs: les concessionnaires, les pièces et l'ensemble des autres associations.

Le rapport final a été déposé à M. le ministre Bourbeau hier matin. Je ne sais pas s'il a eu le temps de le lire hier soir, mais il a été déposé hier matin. Ce qu'il est important de souligner, je crois, c'est que les recommandations du rapport final du comité et les principes qu'elles sous-tendent - évidemment, on n'est pas allé dans la cuisine, dans la faisabilité, dans le détail de la faisabilité - ont fait l'objet d'un très large consensus de ses membres.

En gros, quelles sont ces recommandations? C'est d'abord le respect de notre structure, de nos façons de faire, paritaires et consensuelles, également, un régime d'apprentissage obligatoire, vu la nature des métiers de l'industrie - c'est un apprentissage obligatoire qui est donc sanctionné par un examen de fin d'apprentissage - un système de qualification provincial à la fois facultatif et rigoureux, des mesures administratives faites par et pour l'industrie, c'est-à-dire administrées d'abord par une structure provinciale représentative et paritaire, représentative à la fois régionalement et au niveau des associations, elle-même appuyée par une structure régionale forte, c'est-à-dire un comité consultatif régional et le comité paritaire de l'automobile régional.

Dans le fond, notre demande pourrait se résumer ainsi: faire d'une structure et d'un programme que nous avons développés seuls un système permanent d'apprentissage, de qualification et de formation continue financé à la fois par les cotisations perçues par les comités paritaires de l'automobile et, également, par l'harmonisation des budgets disponibles. C'est à la lumière de tout ceci - je m'excuse si c'a été long et si vous n'aviez pas copie de cette partie de l'exposé - que nous aimerions vous formuler, maintenant, nos brefs commentaires sur l'énoncé de politique et le projet de loi 408.

Le Président (M. Philibert): Alors, avant de continuer, j'aimerais vous informer. Tantôt, on a parié du temps disponible.

M. Parson: Oui.

Le Président (M. Philibert): Si vous décidez d'utiliser 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, il vous reste environ 7 minutes, 6 minutes et quelques secondes pour arriver à la

conclusion.

M. Parson: Très bien.

Le Président (M. Philibert): Évidemment, le règlement de l'Assemblée nationale prévoit que vous avez 30 minutes, mais, essentiellement, on a découvert, lors des autres séances, que la séance se promenait beaucoup plus rapidement dans la mesure où le questionnement pouvait se faire et qu'on pouvait faire un échange. Alors, si vous choisissez de le faire en 20 minutes, je dois vous dire que la présidence vous en serait reconnaissante.

M. Bourbeau: La séance se promenait encore mieux quand c'était le député de Trois-Rivières qui posait les questions. On l'a remarqué!

Le Président (M. Philibert): La grande humilité qui caractérise les députés m'interdit d'accréditer ce que vous dites, M. le ministre. Alors, allez-y, monsieur.

M. Parson: Je vous répondrai qu'il nous reste quatre pages et demie, alors je vais tenter de faire vite. Alors, nos réactions à l'énoncé et au projet de loi. Évidemment, nous nous réjouissons - je vais vous donner les bonnes nouvelles en premier et les nouvelles, bonnes également, mais un petit peu plus mitigées, en deuxième -d'abord, de la volonté de régler les problèmes de formation de la main-d'oeuvre et de corriger l'image de la formation professionnelle. Nous partageons le constat qu'il faille adapter nos systèmes de formation aux changements de plus en plus rapides du marché du travail. Nous partageons aussi celui de l'échec de la formation professionnelle au secondaire de 1967 à 1987 et saluons les récents efforts du ministère de l'Éducation pour corriger la situation. On se réjouit aussi de la volonté d'unifier les sources de financement et d'investir massivement dans le développement des compétences. Nous appuyons le principe d'une gestion unifiée de tous les programmes et services, mais nous l'appuyons en autant que cela ne vienne pas nuire, évidemment, au dynamisme, à la «réactique», à la pertinence des contenus de formation tels qu'élaborés par les parties de notre industrie pour correspondre véritablement à nos besoins.

Nous apprécions aussi les propos que contient l'énoncé de politique qui encouragent l'apprentissage comme procédé de formation et d'intégration au monde du travail en insistant, toutefois, sur le côté formation et non sur le côté recyclage d'une main-d'oeuvre adulte, comme semble le proposer l'énoncé. L'objectif premier de notre système d'apprentissage - c'est peut-être là qu'il faut bien s'entendre sur les mots - c'est, en effet, de corriger les erreurs du passé et de former des jeunes dont les compétences théoriques à l'école et pratiques en industrie - parce que le système d'apprentissage que nous proposons est industrie-école - soient dûment sanctionnées par un certificat de qualification de fin d'apprentissage obligatoire dans notre industrie, pour des raisons évidentes de sécurité, autant la sécurité du public que celle des travailleurs, et pour des raisons de protection du consommateur. Nous favorisons donc un apprentissage industrie-école réalisé en étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation. Nous apprécions, enfin, la volonté d'impliquer l'industrie, bien que ce soit sur ce point que nos craintes les plus fortes porteront.

Voici donc nos inquiétudes en deux pages et demie, peut-être trois minutes. Nous nous inquiétons de la nature de la nouvelle structure administrative que représenteraient ces éventuelles sociétés de développement et de ses effets négatifs sur les initiatives des employeurs et des salariés, sur sa capacité de servir, voire même de suivre les nécessités changeantes de la formation sur mesure. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un organisme gouvernemental efficace qui assurera un meilleur flot de l'argent et des ressources disponibles par une meilleure planification et ce, pour répondre à notre dynamisme. Ce dont nous n'avons pas besoin, c'est d'un nouveau palier administratif qui vienne diminuer ce dynamisme par une réponse inadéquate trop parcellaire, trop lente aux besoins et qui multiplie les intervenants, que ces derniers viennent de quelque endroit que ce soit.

Enfin, nous nous inquiétons de la nature du rôle que le projet veut accorder aux secteurs. Une consultation qui nous semble peut-être superficielle; peu de responsabilisation, peu d'initiative. Comme semble le dire l'énoncé, les comités sectoriels n'ont pour seul rôle que de fournir des renseignements à la Société de développement de la main-d'oeuvre. Vous comprendrez que nous ne pourrions nous satisfaire d'un rôle aussi passif, surtout pas avec toutes les réalisations que nous avons faites, un petit peu de nous-mêmes et avec la bonne volonté de tout le monde. En d'autres mots, nous, de l'industrie des services automobiles, qui voulons prendre notre avenir en main, qui avons prouvé notre capacité consensuelle et notre dynamisme, avons peur que le projet de création d'une telle société ne nous ramène en arrière. Nous savons, pour le vivre quotidiennement, que l'implication des partenaires dans les orientations et les décisions, pour qu'elle soit valable, demande une très bonne connaissance du secteur économique et industriel de la région et de chacun des dossiers traités.

Autre danger, tous les secteurs économiques et industriels ne pouvant être adéquatement représentés au conseil d'administration d'une de ces sociétés de développement, les décisions et les orientations prises relativement à un secteur . mal représenté risquent de ne pas être les bonnes. Nous avons peur ici que l'histoire se répète. Nous avons parlé plutôt de la loi de 1969.

La responsabilité de la formation continue qui échouait aux CPA depuis leur création leur a en effet été retirée en 1969 avec l'avènement de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre sans que les nouveaux responsables n'arrivent jamais à relever le flambeau. Ce n'est que tout récemment que, nous-mêmes, nous avons décidé de le relever.

Alors, tel que défini dans le projet de loi 408, aucun mécanisme n'est prévu au sein de la Société québécoise de développement pour responsabiliser les parties. Ceci diffère énormément et même est contraire, je dirais, à notre structure paritaire où la responsabilisation et l'imputabilité sont à tous les niveaux, de l'élaboration des contenus des examens et des cours de formation continue à l'administration des mêmes programmes. Le danger, enfin, de ne pas responsabiliser les secteurs est énorme. Le gouvernement et ses ministères ne peuvent, en effet, tout faire. Et je pense que c'est un message que nous-mêmes on entend très souvent. Le rôle, de plus en plus, devrait être celui d'une personne qui facilite les choses plutôt que d'une personne qui décide ou qui tranche, après avoir entendu toutes les parties, au meilleur de son savoir. La définition même de partenariat indique que chaque partenaire doit considérer l'autre comme son égal. Alors, que le gouvernement permette la flexibilité de la définition des programmes par l'industrie plutôt que de créer des programmes globaux qui ne correspondent pas aux besoins sectoriels, qui empêchent la réalisation des projets issus de l'industrie et qui peuvent empêcher de répondre aux besoins criants des personnes les plus importantes pour lesquelles nous sommes tous ici aujourd'hui, c'est-à-dire les salariés et les employeurs de l'industrie.

Conclusion. Donc, seul un vrai partenariat industries-gouvernement, basé sur le consensus de toutes les parties, représentant l'employeur comme représentant le salarié, dans un encadrement souple, pourra, comme le veut l'énoncé de politique du MMSRFP, permettre un Québec compétent et compétitif. Cela peut vous sembler un voeu pieux, mais nous espérons qu'au niveau des secteurs industriels, du moins, le bref portrait des premières réalisations de notre industrie pourra servir d'exemple. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Une première question au Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile. En fait, oui, j'ai reçu votre document hier et je dois dire que je suis très fier de reconnaître que vous êtes les premiers à nous avoir présenté une proposition concrète, un projet articulé d'apprentissage, qui veut d'ailleurs répondre aux besoins de votre industrie et qui s'inscrit dans une conception renouvelée de l'apprentissage, telle que nous l'évoquons dans le document d'orientation que nous avons devant nous. Pouvez-vous nous dire, selon vous, comment vous concevez l'apprentissage, l'apprentissage nouvelle vague, si je peux dire, et quels avantages voyez-vous pour les jeunes dans un système semblable? Et pour vos employés aussi? Quels avantages y voyez-vous pour votre industrie, par exemple, aussi?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): M. le ministre, il n'est pas nécessaire de revenir sur ce que M. Parson énonçait, au nom de l'industrie, quant à la nécessité pour nos apprentis d'avoir une formation de base solide parce que le métier de mécanicien est devenu un métier technique. Il nous faut absolument aussi considérer qu'en donnant un apprentissage comme ça, non seulement on va les former pour les besoins immédiats mais, à l'avenir, nos apprentis vont pouvoir survivre. Quels que soient les nouveaux problèmes technologiques qui apparaissent, ils vont être capables de... C'est dans ce sens-là qu'on a demandé et qu'on vous demande ce nouveau système d'apprentissage, qui est un système qui s'adresse à l'industrie de l'automobile mais qui, on pense, pourrait servir dans d'autres situations. (15 h 45)

Mais revenons à nos oignons. L'important, c'est qu'on doit absolument s'assurer que les apprentis, au moment où ils sont en apprentissage, on les prépare pour que ce soient des gens employables. C'est là la nécessité du mariage de l'industrie avec l'éducation. Il nous faut absolument arrêter d'avoir cette division où les élèves sont préparés pour un métier et, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils ne sont plus employables parce que c'est dépassé. On veut un apprentissage qui va se faire tout au long, complètement maillé avec l'éducation. Que l'industrie et l'éducation ne fassent qu'un pour ce qui est de l'apprentissage.

Maintenant, quand on dit ça, on ne ferme pas la porte à personne. On ne veut pas refuser des gens qui n'auront pas nécessairement suivi le système d'éducation. On va reconnaître les acquis. On va vouloir que ces gens-là, par exemple, nous démontrent qu'ils ont les mêmes connaissances de base que celles que les gens auront acquises au niveau de l'éducation. S'ils ne les ont pas, on veut qu'il soit possible pour eux d'aller les chercher tout en travaillant. Mais définitivement, et je le répète encore, on veut absolument que l'éducation et le monde du travail fonctionnent ensemble tout au long. À partir de la première journée qu'une personne décide de poursuivre des études pour venir dans notre industrie, on veut être présents, on veut absolument s'assurer de ça.

M. Bourbeau: Vous voulez être présents dans le processus d'éducation, dans l'action de la scolarisation. Ça veut dire quoi, en concret?

Vous voulez avoir un mot à dire dans les régimes pédagogiques, dans les programmes d'éducation, de formation professionnelle?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): On veut s'assurer que les programmes correspondent au profil du métier. On veut s'assurer que les gens qui fréquentent l'institution à ce moment-là acquièrent des connaissances qui vont être utilisables au moment de leur employabilité.

M. Bourbeau: Présentement, l'enseignement se fait dans les polyvalentes, dans le secteur professionnel; je ne parle pas du système d'apprentissage, je parle de l'enseignement initial. Comment, d'après vous, peut-on effectuer cette jonction-là entre vos souhaits et la situation telle qu'elle existe présentement?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Déjà, on doit dire qu'au ministère de l'Éducation, il y a eu d'énormes progrès de faits quant au contenu des cours, mais on voudrait participer plus largement à ça. On voudrait aussi que le temps passé à l'école soit partagé avec l'industrie. On veut un système complètement intégré industrie-école, où les connaissances, à mesure qu'elles sont acquises, sont aussi effectuées en milieu industriel, où, à l'école, il y ait un professeur qui soit un compagnon et, en industrie, il y ait un compagnon aussi, tous les deux se parlant et échangeant sur la possibilité de rendre la personne prête à rencontrer les défis du milieu du travail.

M. Bourbeau: Dans certains milieux, on voit l'instauration d'un régime d'apprentissage comme une menace au système d'éducation traditionnel. On a peur, on nous dit qu'on a peur que l'on crée un système d'éducation parallèle en mettant sur pied un régime d'apprentissage. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Parson: Je peux peut-être répondre à ça. Je pense que, au contraire, c'est complémentaire. Quand on vous dit «industrie-école», il est entendu que le contenu théorique de l'apprentissage demeure évidemment au ministère de l'Éducation avec qui, d'ailleurs - je pense que M. Lefebvre y a fait allusion - nous sommes déjà en contact. Enfin, on a déjà un petit peu vérifié leur volonté de participer à un tel régime d'apprentissage. Alors que nous, en industrie, évidemment, c'est le côté pratique. C'est un système que nous voulons assez structuré, dans le fond. Il y aura contrat d'apprentissage. L'apprenti n'ira pas n'importe où.' Nous allons vouloir contrôler la valeur de son apprentissage. Nous laissons le ministère de l'Éducation contrôler évidemment la valeur de l'éducation, la valeur du DEP. En, industrie, nous allons vouloir contrôler la valeur de l'apprentissage. Il y aura donc des employeurs qui seront accrédités pour recevoir des apprentis et qui auront fait la preuve que, dans tel secteur du métier, ou dans plusieurs secteurs, ils peuvent recevoir des apprentis. Le contrat d'apprentissage devient, si vous voulez, un contrôle que le professeur va remplir à l'école de façon régulière, pour nous dire combien d'heures, combien de crédits il a fait et, de la même façon, en industrie, c'est également un contrôle. Le compagnon accrédité ou le mécanicien, si on parle de la mécanique automobile, le compagnon mécanicien accrédité verra, lui également, à remplir le carnet d'apprentissage de son apprenti et à attester que l'apprenti a effectivement acquis les connaissances dans tel ou tel secteur pendant tant d'heures.

M. Bourbeau: II reste quand même qu'il y a deux filières possibles. Si un étudiant se lance dans la formation professionnelle au secondaire par la filière de l'enseignement qui se donne dans une polyvalente, par exemple, et qu'il chemine pendant deux ou trois années, bon! il peut faire des stages en industrie de temps à autre mais, finalement, il termine son cours à l'école avec un diplôme. Là, voilà un étudiant qui sort avec son diplôme et qui peut aller chez vous et se faire employer. Et on présume qu'il est qualifié en arrivant.

M. Parson: Non. Excusez-moi de dire non, M. le ministre, mais il ne sera qualifié que lorsqu'il passera son examen de qualification de fin d'apprentissage. Ce que nous désirons comme apprentissage, c'est à la fois théorique et pratique. C'est impossible qu'une personne qui n'a que des connaissances théoriques, fussent-elles les meilleures connaissances au monde, dans notre système, nous croyons que c'est impossible que cette personne-là soit qualifiée. Jean-Jacques, tu me corrigeras si tu veux. Je pense au métier de mécanicien. C'est 3500 tâches différentes. Je pense qu'un apprenti doit pratiquer très souvent un certain nombre de ces tâches avant de pouvoir se prétendre qualifié.

M. Bourbeau: Alors, prenons le cas inverse d'un individu. Prenons un décrocheur du système scolaire. Quelqu'un qui a laissé la filière de l'enseignement, disons, après un secondaire III général. Il n'avait même pas bifurqué encore vers la formation professionnelle, il décroche. Puis, un ou deux ans après, il vient vous voir. Il dit: Moi, je voudrais devenir un apprenti et devenir un jour mécanicien. Alors, vous allez signer un contrat avec lui. On va lui donner des connaissances pratiques sur les lieux avec un compagnon certifié. Il va prendre des cours théoriques en institution, une ou deux journées par semaine, et tout ça pendant deux, trois ou quatre années. À la fin de l'opération, un jour, je présume, il passera un examen et, là, on certifiera qu'il est compétent. Voilà un individu qui vient de suivre

un cheminement totalement différent de celui qui est passé par la filière scolaire. D'abord, est-ce que c'est possible, ce que je viens de décrire? Et est-ce que, là, il n'y a pas un système parallèle?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): M. le ministre, c'est très possible et ce n'est pas un système parallèle, c'est un système complémentaire qui ouvre la porte à tout le monde. De plus, j'aimerais vous faire remarquer que vous avez juste oublié une petite chose, c'est que les acquis vont être vérifiés par un test, au moment où la personne va s'en venir dans l'industrie. On va lui accorder tout de suite des crédits, lui faire un programme pour l'orienter vers les bons cours parce que les gens, au moment où ils vont travailler, ça peut être deux ans... On en a même qui ont déjà fait des cégeps, qui sont revenus chez nous. Ces gens-là ont des acquis. On a des gens qui sont électroniciens dans le moment, qui ont acquis ça au cégep et qui pratiquent maintenant dans l'industrie de l'automobile. On veut reconnaître ces apprentissages, mais ce qu'on veut surtout, c'est de rendre à César ce qui est à César. C'est de s'assurer que la porte soit ouverte à tout le monde. C'est possible que nos expériences et nos acquis soient reconnus mais, à la fin, quand on déclare quelqu'un apte à pratiquer le métier, qu'il puisse l'exercer et que la population ait le droit, comme on l'a dit dans notre énoncé, d'avoir des travaux sécuritaires et aussi que les consommateurs soient protégés. On ne ferme pas la porte à personne, on donne la chance à tout le monde, sauf qu'au bout de la ligne tout le monde doit être compétent de la même façon. On peut arriver de différentes façons, mais on a l'examen de fin d'apprentissage qui vient confirmer ça.

M. Bourbeau: Ce qu'il y a d'intéressant dans la formule dont vous parlez et dont je parie aussi, c'est qu'on peut finalement amener un jeune, un individu a une qualification certifiée, alors qu'il ou elle avait décroché du système scolaire. Il y a des individus qui n'ont pas, semble-t-il, les capacités intellectuelles pour apprendre, ou plutôt n'ont pas les aptitudes pour apprendre des connaissances théoriques selon les méthodes traditionnelles mais qui, en s'insérant dans un processus d'apprentissage très concret comme celui que vous décrivez, peuvent à la longue, parce qu'ils ont des aptitudes beaucoup plus marquées pour des tâches un peu plus manuelles, s'intéresser à un travail et acquérir de façon complémentaire les connaissances théoriques qu'ils ne pouvaient acquérir autrement dans une démarche plus traditionnelle et, finalement, arriver éventuellement au même point, avec une certification, après avoir passé par un processus d'apprentissage. C'est un petit peu, là, la méthode allemande qui utilise ce système-là d'une façon très généralisée pour produire éventuellement des gens de métier ou des techniciens, et même éventuellement des ingénieurs. Moi, je trouve ça intéresant de pouvoir recycler comme ça parfois des jeunes qui autrement se seraient retrouves totalement déqualifiés.

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Si vous me permettez, aussi, c'est que le système qu'on préconise va aussi permettre à la personne qui va l'utiliser d'avoir des sous dans ses poches le temps qu'elle... Et puis, les décrocheurs, on ne les pense pas tous nécessairement déficients. Des fois, l'école, c'est tellement plate qu'on décide de sauter en bas du train. On pense qu'avec ces opportunités-là ça va être possible de récupérer les gens qui vont vouloir venir se joindre à notre industrie. Puis, définitivement qu'à la fin les compétences acquises vont être égales. On ne veut pas avoir des mécaniciens à rabais de cette façon-là, on veut tout simplement s'assurer que la porte est ouverte à tout le monde.

M. Bourbeau: Oui, c'est sûr qu'il y a des gens qui apprennent beaucoup plus facilement dans un milieu de travail concret que sur des bancs d'école. Par contre, il faut toujours retourner sur les bancs d'école d'une certaine façon pour acquérir la partie théorique, en tout cas, les connaissances théoriques dont on a besoin pour faire le travail.

Vous avez touché la question, tout à l'heure, de la rémunération des apprentis. Est-ce que vous pourriez me dire quel est votre point de vue sur la rémunération des apprentis? D'après vous, comment ou combien devraient-ils être rémunérés? Combien devrait-on rémunérer les apprentis? Est-ce qu'on devrait leur assurer le salaire minimum dès le départ ou le salaire industriel moyen? Bon, à titre d'exemple, en Allemagne, les apprentis dans le système dual reçoivent deux marks de l'heure, ce qui est très peu, à peu près 1,50 $ de l'heure. En France, ça varie entre 15 % et 70 % du salaire minimum, selon l'âge et l'avancement. Donc, il y a toutes sortes de possibilités selon l'âge de l'apprenti, selon son degré de formation au moment où il commence. Avez-vous des idées là-dessus?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Oui, M. le ministre. Déjà, dans notre industrie, où c'est réglementé par décret, les apprentis ont des salaires reconnus. Ce qu'on vous demande, dans notre mémoire, c'est que les apprentis, au moment où ils vont venir travailler, soient considérés comme des salariés. Maintenant, c'est évident qu'il faudrait peut-être voir s'il n'y aurait pas une aide à donner à l'employeur qui va consentir à employer un apprenti mais, ça, ce sont des modalités toujours possibles. Mais, dans le moment, l'apprentissage se fait avec une rémunération. Maintenant, on doit vous rappeler aussi que, dans notre système, les gens progressent à l'intérieur. Ça veut dire que durant que

les gens seraient à l'école et qu'ils feraient de l'apprentissage, école-industrie, il y aurait une progression. C'est-à-dire qu'au début de son apprentissage, même s'il fréquente l'école, il aurait un salaire qui n'est pas le salaire minimum, qui est plus que le minimum, puis, en même temps, suivant ses progrès, il aurait la possibilité d'avancer même pendant qu'il est à l'école.

M. Bourbeau: Ne pensez-vous pas que si on offre à un jeune la possibilité d'aller faire son cours et de décrocher un diplôme en gagnant un salaire qui, dès le départ, est au moins le salaire minimum et qui va progresser, ce ne sera pas un puissant attrait pour multiplier encore davantage le décrochage scolaire? Un jeune, je ne sais pas, moi, de 16 ans, 17 ans, qui peut faire son cours de mécanicien dans la filière scolaire, en n'ayant aucun salaire, qui verrait un autre jeune décroche, aller chez vous, faire le même cours en milieu de travail et recevoir un salaire de 200 $, 300 $ par semaine, pensez-vous que ça ne sera pas tentant de décrocher à ce moment-là, puis d'aller se faire payer pour étudier? (16 heures)

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Non. Mon voisin, M. Roy, ici, me faisait la remarque que peut-être on n'a pas été assez clairs. On n'encourage pas le décrochage scolaire du tout. Il faut bien comprendre que, dans notre système d'apprentissage, le DEP est aussi obligatoire que l'expérience pratique en industrie. C'est pour ça qu'il n'y a pas deux systèmes. Le système est très flexible, par contre, en ce sens qu'une personne qui, à cause de toutes sortes de conditions, voudrait ne travailler en industrie que pendant, je ne sais pas, moi, un an et demi sans suivre un seul cours de DEP à l'école, nous allons permettre à cette personne-là de le faire. Mais il n'en demeure pas moins qu'avant de se présenter à l'examen de qualification de fin d'apprentissage elle aura dû compléter son carnet d'apprentissage au complet, c'est-à-dire toutes les heures nécessaires au niveau pratique et, également, le DEP en école; les deux sont nécessaires.

M. Bourbeau: Si vous dites: Le processus d'apprentissage ne commencera pas avant qu'un étudiant ait en main son diplôme d'études professionnelles, là je comprends que vous avez quelqu'un qui est déjà qualifié, partiellement qualifié et qui puisse mériter un salaire, au moins le salaire minimum. Mais je parlais tantôt du cas du décrocheur, celui qui a laissé sans aucun diplôme, qui est sans emploi et qui décide de se réinsérer en emploi et d'obtenir éventuellement un diplôme par la voie de l'apprentissage. Est-ce que vous ne trouvez pas que, dans ce cas-là, si on paie des salaires équivalant au salaire minimum... Ou plus même, là on va inciter des jeunes à ne pas aller chercher leur diplôme par la voie régulière puisqu'ils peuvent aller le faire par une voie où ils retirent des salaires intéressants?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Encore une fois, en industrie, il ne pourra aller chercher que la portion de son apprentissage qui est pratique. Il devra quand même retourner à l'école pour aller chercher la portion de son apprentissage qui est théorique, aller chercher les connaissances du DEP, il devra le faire. Ce que notre système permet, ce qui n'était pas permis avant, si vous voulez, c'est une flexibilité incroyable. Quelqu'un peut alterner école et industrie, de deux mois en deux mois ou d'année en année, etc., mais il n'en demeure pas moins qu'il aura dû passer à travers... C'est justement parce qu'on ne veut pas être une voie de garage ou on ne veut pas ramasser des gens qui sont des décro-cheurs et des décrocheurs perpétuels, si vous voulez, parce que notre industrie est trop de pointe dorénavant et elle implique trop la sécurité du public, la sécurité des travailleurs et la protection du consommateur. On exigera donc le DEP plus des connaissances pratiques.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense que mon temps est écoulé, mais il y a certainement... On va devoir en rediscuter davantage parce qu'il y a un problème de compréhension. Vous dites: On va exiger le DEP. Si vous exigez le DEP, c'est une chose, je comprends que c'est un étudiant qui est déjà diplômé et qui a droit à un salaire. Mais si vous me dites: On va prendre des décrocheurs du système scolaire... Et moi, je pense que vous devriez en prendre parce que, chez les décrocheurs, il y a des gens qui ont du talent et qui ont laissé souvent uniquement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leur talent. On peut récupérer, à mon avis, beaucoup de gens par le système d'apprentissage. Mais si on leur paie, à ces gens-là, aussi un salaire minimum et plus, à ce moment-là, ce n'est pas vrai qu'on ne créera pas des perturbations dans le système d'enseignement du Québec. On ne peut pas traiter sur le même pied des étudiants qui ont décroché, qui n'ont aucun diplôme et ceux qui ont déjà un diplôme et qui viennent chercher un complément de formation chez vous. Enfin, on aura l'occasion d'en reparler. M. le Président, je vais passer la parole à quelqu'un d'autre.

Une voix:...

Le Président (M. Philibert): m. le ministre, sur ce commentaire... le temps est écoulé, monsieur, je regrette. m. le ministre, sur ce commentaire, nous passons la parole à mme la députée de hochelaga-maisonneuve.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je ne sais pas si l'un d'entre vous voulait immédiatement faire un commentaire? Non? Je lui donnerais mon temps de parole si tel était le

cas.

Le Président (M. Philibert): M. Parson.

M. Parson: Une précision peut-être. Il ne faut pas oublier l'aspect test d'évaluation, l'aspect reconnaissance des acquis. Quand je disais: Nous allons exiger le DEP, ça aurait été plus précis de dire: Nous allons exiger les connaissances du DEP. Il y a une possibilité de connaissances équivalentes, évidemment. C'était la précision que je voulais faire. Merci.

Mme Harel: M. Courchesne, et vous qui accompagnez le président du Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile, je veux d'abord vous féliciter pour votre mémoire. J'avais lu aussi dans le journal Les Affaires un reportage sur l'expérience qui se vit dans votre industrie, et je me demandais, en écoutant l'échange que vous aviez avec le ministre, si, finalement, il n'y a pas un très très important malentendu à l'effet que, dans le système d'apprentissage, qu'est-ce que c'est, l'objectif qu'on poursuit? Si la Société, c'est pour rattraper des étudiants qui ont abandonné le système scolaire, est-ce que c'est le bon moyen de le faire? Parce que ça, c'est comme si, au bout de la ligne, on n'acceptait pas comme société de revoir le système scolaire lui-même pour voir ce qui fait qu'en cours de route on en échappe. Est-ce que le système d'apprentissage ne doit pas être poursuivi pour ce qu'il est en tant que tel, une façon d'apprendre, autant pour des gens qui n'ont pas décroché que, éventuellement, pour ceux qui ont décroché?

Mais, de la manière dont ce système d'apprentissage est proposé à la page 62 de l'énoncé, comme une manière curative, si vous voulez, plus exactement de s'adresser... Parce qu'il s'adresse aux adultes, en plus; il ne s'adresse pas aux jeunes, le système d'apprentissage proposé. Et on y dit, donc, que ça va s'adresser aux adultes sans qualifications professionnelles qui ressentent le besoin de développer en entreprise une compétence recherchée par le marché du travail. Et on parle de personnes qui, pour diverses raisons, se situent en marge du système scolaire. Vous, ce que vous nous dites, c'est qu'un système d'apprentissage, c'est un système intimement développé avec le système scolaire. Alors, qu'on y entre par le biais de l'entreprise ou qu'on y entre par le biais de l'école, quelle que soit la filière par laquelle on rentre, finalement, ce ne sera pas des corridors différents; tout le monde va se retrouver dans la même formation à un moment donné. C'est ça que je dois donc comprendre. Puis je fais toujours bien attention avec les comparaisons, parce que vous savez qu'en Allemagne, finalement, c'est le système que vous décrivez qui existe, intimement, étroitement imbriqué avec le système d'éducation national, ce qui amène la passerelle continuelle entre l'apprentissage de... Ce qui amène aussi l'éducation nationale en Allemagne à, finalement, décider même du contrôle sur les contenus, sur les formateurs et sur les conditions d'apprentissage également. C'est là, en fait, un débat intéressant.

Moi, j'aimerais savoir. En regard du mémoire que vous nous présentez, les inquiétudes que vous exprimez sont à l'effet de ne devenir qu'un comité, un parmi les autres comités sectoriels, qui relèverait de la Société et qui serait, à ce titre-là, consulté, mais qui n'aurait plus, comme c'est le cas maintenant, non seulement la consultation, mais la décision sur la façon d'opérer. C'est ça qu'il faut comprendre dans les inquiétudes que vous exprimez?

M. Parson: Je pense qu'il faut comprendre beaucoup de choses. Je pense qu'il faut comprendre, d'abord, notre admiration face à votre défi. Pour reprendre ce que vous disiez sur l'apprentissage, c'est vrai pour notre industrie. Notre industrie est devenue tellement technologique, si vous voulez, que l'apprentissage... Et c'est vrai que ça prend une connaissance académique solide pour faire ce métier dorénavant. Mais c'est...

Mme Harel: Comme quoi, par exemple? Physique-chimie, physique, mathématiques?

M. Parson: Je pense que je pourrais laisser la parole aux experts à côté pour vous le dire plus avant. Mais ce que je veux dire, c'est que, dans d'autres industries, par contre, je comprends fort bien que l'apprentissage puisse... C'est effectivement et ça peut être un bon mode de recyclage dans des industries qui sont moins techniques que la nôtre. C'est peut-être la première remarque. La deuxième, c'est que, oui, au niveau sectoriel, je pense qu'il est plus important de se pencher sur la nature, et je pense que c'est le sens du vrai partenariat, et on arrivait à le déchiffrer, si vous voulez, dans l'énoncé de politique. Je pense que le focus sectoriel est beaucoup plus intéressant que le focus régional, parce que les secteurs varient tellement de l'un à l'autre. J'ai l'impression que ce sera très difficile d'en arriver à trouver une solution globale à un problème qui, d'une industrie à l'autre, est tellement différent, qui est le problème de la compétence et de la compétitivité de la main-d'oeuvre.

Mme Harel: Je vais peut-être attendre la réponse à cette question parce qu'elle est importante. Parce que ce que vous nous dites: II ne faut pas penser que les mécaniciens, les débosseurs, etc., c'est comme avant, ça, quand ce n'était pas nécessaire d'avoir une compétence technique. Vous nous dites: II y a eu une invasion technologique - ce sont les mots que vous utilisiez - puis tout a l'air d'être informatisé, ou

presque, maintenant. C'est ça qu'il faut comprendre? Et, donc, vous nous dites qu'il faut des prérequis académiques. Est-ce que ces prérequis-là, pour vous, sont déjà identifiés?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Oui, madame, sauf qu'il ne faut pas non plus penser que - c'est ça le dilemme - parce que c'est devenu électronique nos gens vont tous travailler en chemisier blanc avec des masques pour faire les opérations; ça va continuer d'être aussi un métier. Puis il est possible... On l'a fait, d'ailleurs, avec la main-d'oeuvre actuelle, quand on vous a parlé des cours tout à l'heure - ce sont des cours de formation continue adressés aux gens qui sont en situation de travail dans le moment - on a pris des personnes de tout âge puis on leur a donné ce qui leur manquait pour les amener à pouvoir travailler dans l'industrie. Mais c'est la même chose avec quelqu'un de plus jeune aussi.

Vous demandiez quelles sortes d'études. C'est les études les plus complètes possible. Si vous vous référez à la physique - nous autres, on dirait plus spécifiquement, à ce moment-là, l'électricité, ce qui nous amène ensuite à la compréhension de l'informatique, - c'est oui, mais l'ensemble de la physique, peut-être non. Mais, définitivement, il y a d'autres notions de physique aussi qui sont applicables à votre véhicule automobile tous les jours et qu'aujourd'hui le mécanicien se doit de connaître pour pouvoir poser des diagnostics et pouvoir travailler. C'est dans ce sens-là. Mais ça, ça s'acquiert à l'école, oui, mais ça s'acquiert d'autres façons à l'occasion. Ce qu'on vous dit, c'est que les connaissances du DEP, il va falloir qu'elles soient là, mais ce n'est pas nécessaire de les avoir acquises au DEP, assis à l'école, complètement. Mais si vous ne les avez pas, on va vous donner un programme pour que vous arriviez au même résultat.

Maintenant, ce à quoi M. Parson référait aussi, dans votre question, je devrais dire, quand vous nous demandez dans quelle sorte de régime et si on a peur, oui, on a peur que, dans les sociétés de développement, quand on arrive à des choses aussi pratiques que ce qu'on fait dans le moment... La problématique de notre industrie face à quelqu'un qui vient d'un milieu défavorisé, ça peut faire des soirées très longues et très peu productives, vous savez. Quand on est des gens comme nous autres, et qu'on doit s'occuper de la main-d'oeuvre à chaque jour il y a des choses qui sont difficiles et longues à subir quand on est à l'intérieur d'endroits où ça va parler beaucoup plus de philosophie et de toutes sortes de choses comme ça. On va espérer que les sociétés de développement vont s'attaquer au problème de la main-d'oeuvre directement.

Mme Harel: Vous, vous avez un comité paritaire, et tout se passe à l'intérieur des comités paritaires. Est-ce que, selon vous, cette façon-là de faire... Et, en plus, vous payez une cotisation. J'aimerais ça vous entendre sur ça. Vous, comme industrie, c'est contraignant, j'imagine, pour vos entreprises, le fait d'avoir à financer ce système-là. Il y a déjà un financement qui vient, je pense, des cotisations. Alors, là-dessus, j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous considérez que le fait d'être paritaire, c'est ce qui, jusqu'à maintenant, vous a permis d'en arriver là où vous êtes arrivé?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Définitivement, madame. Les contenus de cours qu'on a préparés, ça a été préparé avec les salariés et avec les employeurs. Les contributions ont été utilisées à ça aussi. Il est définitif aussi que c'est le seul endroit, peut-être, je dirais presque au monde, où les salariés ont déjà payé... Parce que les cotisations d'un comité paritaire, ça vient et des salariés et des employeurs. Ce qu'on vous dit, c'est que nos réalisations ont été faites avec l'argent des travailleurs et avec l'argent des employeurs. C'est quelque chose, définitivement, qui est assez unique. Les salariés ont définitivement beaucoup... Ça a été sur une base paritaire. Ça a été complètement moitié moitié, si vous voulez.

Mme Harel: Et de quel ordre est cette cotisation?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): C'est sur la masse salariale et ça varie, dans le moment, d'une région à l'autre. C'est un maximum de 0,5 % du côté salarial comme du côté employeur. Mais, dépendamment des régions, il y a des budgets, ça se passe avec le ministère du Travail. Ce n'est pas égal à travers la province.

Mme Harel: Évidemment, c'est toujours difficile d'extrapoler, mais, selon vous, pour que ce système d'apprentissage fonctionne, il faudrait que ce soit dans des secteurs où il y a ces comités paritaires?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Pas nécessairement, mais ce serait peut-être bon d'en créer d'autres.

Mme Harel: En matière d'équité en emploi, vous en êtes rendu où dans votre approche? Est-ce que c'est, pour vous, une responsabilité que cette question d'ouvrir le champ de ce métier-là à des femmes, par exemple? Est-ce que le comité paritaire a déjà discuté de cette question-là?

M. Lefebvre (Jean-Jacques): Définitivement. Au niveau canadien, il y a eu des choses de faites. On a participé à ça. Dans le moment, dans l'industrie, le métier de commis aux pièces, il y a déjà beaucoup de femmes qui l'exercent. Il y a aussi eu, en certains endroits, des femmes

mécaniciens et des femmes débosseurs. Peut-être que M. Roy, de la partie salariale...

M. Roy (Jean): Présentement, madame, au garage Lallier Automobile, à Québec, il y a un mécanicien ou mécanicienne, je ne sais pas, Mme Mireille Fortin; c'est une apprentie, troisième année, et elle est en mécanique automobile.

Une voix: II y en a d'autres aussi.

M. Roy: Puis il y en a ailleurs.

Mme Harel: Vous avez l'air d'en être fier?

M. Roy: Oui, je suis fier. Oui, on est fiers.

Mme Harel: C'est bien.

M. Roy: Ça fait drôle un peu de voir une femme avec des coupures aux mains, puis... Mais elle s'habitue.

Mme Harel: Est-ce que c'est l'exception à la règle masculine? (16 h 15)

M. Roy: C'est ouvert. C'est un métier ouvert, d'autant plus que la technologie... Les nouveaux produits font que c'est un métier qui va peut-être devenir moins difficile physiquement; je ne veux pas dire par ça que les femmes sont moins fortes, mais elles sont plus faibles un petit peu au niveau des muscles. Donc, en ayant des produits moins difficiles, je pense que c'est un métier qui est encore plus ouvert aux femmes qu'il ne l'était. Aussi, les ouvertures ne sont pas les mêmes.

Mme Harel: Me permettez-vous de vous demander de résumer? Cet après-midi, vous venez vous exprimer sur l'énoncé. Vous, comme comités paritaires qui représentez toute l'industrie, qu'est-ce que vous souhaiteriez en regard de ce qui est proposé? Qu'est-ce que vous souhaiteriez changer en regard de ce qui est proposé?

M. Parson: Changer? Vous savez, nous ne regardons que notre industrie, nous sortons à peine d'un très long processus...

Mme Harel: Oui, par rapport à votre industrie.

M. Parson: Oui. O.K. On sort d'un très très long processus de rapport final, de consensus. Je vous ai lu un petit peu les recommandations et, en gros, évidemment, nous aimerions, bien sûr, que ces recommandations-là soient approuvées par le ministre et entérinées. Quelles sont-elles? Encore une fois, un système d'apprentissage industrie-école obligatoire, sanctionné par un examen de qualification de fin d'apprentissage. Il y aura d'autres examens de qualification pour d'autres classes, mais qui sont, bien sûr, facultatifs, qui permettraient, par exemple, à un mécanicien de passer de la classe C à la classe B et à la classe A. Également, un programme de formation continue, qu'on aimerait permanent, c'est-à-dire qui nous permette d'officialiser ce qu'on a déjà commencé seuls et qui nous permette, également, d'harmoniser le financement de ce programme, encore une fois, grâce à l'harmonisation de tous les fonds disponibles, et qu'on puisse avoir ces fonds de façon permanente, pour assurer une formation continue complète.

Mme Harel: mais, à ce moment-là, la réponse à vos attentes, vous l'attendez du ministre de la main-d'oeuvre ou du ministre de l'éducation?

M. Parson: Dans le fond, j'allais dire des trois, d'une certaine façon, parce que la Loi sur les décrets de convention collective relève du ministère du Travail et il a son mot à dire là-dedans, et le MMSRFP également. Le ministère de l'Éducation nous a déjà donné, non pas une approbation, mais, enfin, une indication de son intérêt à travailler avec nous. Effectivement, on attend des feux verts - pour utiliser un terme d'automobile - de tous ces gens-là.

Mme Harel: Et l'école de l'automobile, à Montréal, c'est un peu l'exception, je pense, par rapport à toutes ces polyvalentes. Il nous est resté une école de l'automobile, c'est bien le cas là, gérée par la CECM. Quels sont les liens que vous entretenez avec cette école qui, dans le fond, ressemble un peu à l'école de métiers à laquelle on voudrait revenir maintenant?

M. Parson: Je vais demander à M. Levac, qui est du CPA Montréal, de répondre à la question.

M. Levac (Maurice): Nous entretenons avec l'École des métiers de l'automobile les mêmes relations qu'avec n'importe quelle autre école de l'automobile. L'avantage que nous avons à Montréal, c'est que c'est une école où on enseigne uniquement les métiers de l'automobile, alors que, dans d'autres commissions scolaires, le secteur de l'automobile se retrouve dans une polyvalente. Évidemment, c'est plus avantageux parce que c'est plus concentré et le personnel est plus fort généralement, parce qu'il est uniquement dans le milieu de l'automobile, dans ce secteur-là.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a un partenariat à l'école dans la gestion de l'école de l'automobile? Pas plus que dans n'importe quelle autre école? C'est ce qu'il faut comprendre.

M. Levac: Pas dans la gestion, mais nous entretenons avec les différentes commissions

scolaires depuis nombre d'années des relations au niveau d'un comité éducation-travail et, également, au niveau du conseil provincial, nous collaborons avec les différentes commissions scolaires pour dispenser les cours du programme dont nous avons parlé tantôt.

Mme Harel: Quand vous dites au niveau provincial, ça se fait par la Fédération des commissions scolaires? Par quel mécanisme?

M. Levac: Non, ça se fait au niveau du Conseil provincial, avec les comités paritaires régionaux et les différentes commissions scolaires des secteurs.

Mme Harel: Je pense que vous aviez un complément de réponse.

Le Président (M. Doyon): Un complément.

M. Lefebvre (Jean-Jacques): C'est que si on a réussi à établir le programme qu'on a établi, c'est justement parce que, définitivement, on a été un lien entre les différentes parties, soit les CFP, soit les commissions scolaires. De plus, le Conseil provincial a formé des enseignants. On a décidé que les gens qui donneraient nos programmes seraient des gens qu'on aurait accrédités. À ce moment-là, il y a des enseignants à qui on a donné des cours qui sont devenus des personnes accréditées, comme on a pris aussi des travailleurs, des salariés et on les a formés pour devenir des formateurs.

Maintenant, vous nous demandez: Qu'est-ce qu'on désire? Ce qu'on désire, c'est de continuer à faire ce qu'on fait en espérant que le projet ne nous en empêche pas. Et ce qu'on dit aussi, c'est: Méfions-nous des structures qui font que, quand on vient pour accomplir quelque chose, on nous oppose la structure et on ne peut pas avancer. Moi, ce que je dis, c'est: Méfions-nous d'une société, appelez ça comme vous voulez... Mais les contraintes, il ne faut pas qu'elles soient plus importantes que le service qu'on veut rendre, c'est-à-dire s'assurer que le travailleur - parce qu'on est de la main-d'oeuvre - ait droit aux services auxquels il a droit, qu'on ne se fasse pas opposer que, bon, le cours qu'on veut donner, qui a une durée de 60 heures, devrait en avoir 90 parce que le programme en finance 90 et que ça a été décidé à une table où on n'était pas présents ou par d'autres personnes.

Et c'est vrai aussi pour d'autres secteurs. Ce qu'on demande, c'est d'avoir de la souplesse. Ce n'est pas nécessaire, je pense, d'avoir, à l'intérieur des organismes gouvernementaux, des choses et des règles aussi strictes que ça. Nous, ce qu'on a demandé et ce qu'on veut, c'est que M. le ministre nous donne l'opportunité de continuer à avoir un conseil consultatif où l'ensemble des intervenants sera assis au niveau provincial et aussi au niveau régional pour notre industrie, où tout va s'harmoniser, où les manufacturiers vont être, les gens du ministère de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur, de la Main-d'oeuvre et du Travail: Qu'on soit tous là ensemble et, quand vient le temps d'avoir des sous, qu'on se les répartisse pour qu'ils soient dépensés le mieux possible pour l'intérêt de tout le monde. On pense que c'est comme ça que la structure devrait être pensée.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Ceci termine le temps qui est à notre disposition. Alors, au nom des membres de la commission, au nom de Mme la députée, au nom de M. le ministre ainsi que des autres membres, je tiens à vous remercier bien sincèrement de votre participation et de la disponibilité dont vous avez fait preuve. En vous permettant de vous retirer de la table...

Une voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): ...j'invite maintenant les suivants à bien vouloir se préparer à prendre votre place.

Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec inc.

À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec à bien vouloir prendre place à la table de nos invités. Tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue à Mmes Bégin, Robert et Leduc, et les inviter à procéder à la présentation et à l'indication des titres qu'elles portent de façon à ce qu'on puisse enregistrer ça dans le Journal des débats. Ensuite, vous allez avoir une vingtaine de minutes pour nous entretenir, après quoi suivra une discussion avec les membres de la commission, à part égale, pour une vingtaine de minutes aussi. Dès maintenant, vous avez la parole.

Mme Bégin (Martine): Je voudrais d'abord vous dire bonjour et vous remercier de nous recevoir ici aujourd'hui. Je vais vous présenter les personnes qui sont avec moi: Mme Andrée Robert, qui est membre du comité de formation du CIAFT et ex-présidente, et Mme Lyse Leduc, qui est directrice générale du CIAFT. Je suis Martine Bégin, présidente, actuellement, du CIAFT. Mme Robert va vous présenter le mémoire et, par la suite, nous serons disponibles pour échanger avec vous dans un esprit de partenariat.

Le Président (M. Doyon): Très heureux de vous avoir avec nous.

Mme Robert (Andrée): M. le Président, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec est une association nationale qui regroupe quelque 150 membres provenant de l'ensemble des régions du Québec et représentant environ 70 000 personnes.

Le CIAFT collabore avec différents partenaires socio-économiques afin d'amener des changements tant législatifs que de société permettant de réaliser l'égalité professionnelle des femmes. Depuis 1982, le Cl AFT intervient de façon continue et soutenue dans les champs d'action reliés au travail, à l'éducation et à l'économie. Nous avons contribué, par le biais de mémoires, entre autres, à ce que des crédits spéciaux soient alloués pour le recyclage des femmes en mathématiques et en sciences. De plus, suite à un mémoire du CIAFT, le MMSR mettait sur pied, en 1984, le programme de retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. Quelque 1000 personnes se prévalent de ce programme annuellement. Nous avons également présenté un mémoire sur la loi 119 régissant le secteur de la construction, faisant état de recommandations afin de permettre l'intégration des femmes dans ce secteur. Le CIAFT poursuit ses interventions sur les politiques en éducation des adultes et en formation professionnelle parce qu'il est convaincu que l'accès au monde du travail ne va pas sans une formation adéquate adaptée aux femmes.

En avant-propos, nous aimerions souligner quelques idées sur la formation. Le CIAFT ne peut dissocier la question de la formation de la main-d'oeuvre de celle de l'emploi. Quand une femme ou un homme investit temps et argent et fait des sacrifices pour se former, c'est nécessairement pour en récolter les fruits au niveau de l'emploi. Tous savent que la formation est devenue un passeport pour l'emploi. Cependant, pour le CIAFT, il est clair que, contrairement à ce que l'on entend, ce n'est pas uniquement parce que les gens sont insuffisamment formés qu'il existe des problèmes graves d'emploi au Québec. C'est parce qu'il existe de graves problèmes d'emploi depuis plusieurs années que les gens sont devenus insuffisamment formés.

Il n'existe pas assez d'emplois pour tout le monde. Même si tous les postes en pénurie étaient comblés, il resterait un pourcentage élevé de chômage au Québec, 9,1 %. Dans ce contexte, la formation doit être planifiée, arrimée au marché du travail afin de ne pas déboucher sur des situations plus désespérantes encore. Le maximum d'efforts doit être consenti à la création d'emplois.

Nous croyons donc que l'effort de rationalisation et d'amélioration de l'utilisation des ressources humaines visées par la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne peut régler l'ensemble des problèmes d'emploi au Québec. Toutefois, compte tenu que le projet de loi traite d'une partie du problème, nous ferons nos commentaires sur certains points qui y sont exposés.

Commençons par l'organisation et la composition de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Dans l'énoncé de politique, le chapitre analysant l'état de la situation économique nous expose certaines réalités propres à la situation des femmes, et je cite ce qui est énoncé dans l'énoncé de politique: «Un grand nombre de femmes se situent encore en marge du marché du travail parce que l'économie ne leur permet pas de s'intégrer au marché du travail. Le taux de participation des femmes à la main-d'oeuvre active demeure lié à leur scolarisation. 70 % des personnes travaillant à temps partiel sont des femmes» - et on les retrouve dans des emplois dits précaires. «Les femmes sont moins nombreuses à s'engager dans des activités de formation qualifiante.» Fin de la citation. (16 h 30)

Devant ces multiples constatations nous démontrant l'iniquité en matière d'emploi et de formation, nous nous serions attendues à retrouver des pistes d'action visant la correction de cette situation à l'intérieur du projet de loi. Serait-ce que le gouvernement, tout en étant conscient d'une situation discriminatoire, a envisagé de plein gré de ne recourir à aucune solution? Ou alors, pourrait-on expliquer cette absence du fait qu'aucune représentante des groupes de femmes ne siège dans les comités décisionnels où sont discutées les grandes orientations de développement de la main-d'oeuvre? Nous osons croire que cette deuxième hypothèse explique les lacunes apparues dans l'énoncé de politique et le projet de loi.

Nous invitons donc le gouvernement québécois à suivre l'exemple du gouvernement ontarien qui vient de présenter son projet de loi concernant le Conseil ontarien de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre. On y prévoit une place aux représentantes des groupes de femmes et des autres groupes cibles, dont les immigrants, dans les structures décisionnelles nationale et régionales.

Comme l'énoncé de politique ne contient aucune mesure visant à corriger la situation des femmes face à leur formation professionnelle, nous nous voyons dans l'obligation de réitérer les demandes qui ont déjà été faites par notre regroupement en matière de formation et d'accès à la formation.

A la lumière de l'expérience terrain de nos groupes, nous sommes forcées de constater que la seule formation devenue accessible pour notre clientèle est la formation sur mesure ainsi que les AES et AEC. On sait qu'entre 1987 et 1989 la formation sur mesure a presque doublé. Cette dernière constitue en soi une formation très adéquate lorsqu'elle s'adresse à des personnes en emploi qui possèdent déjà de l'expérience et des diplômes et qui désirent un perfectionnement.

C'est une formation pointue, collée aux besoins des entreprises. C'est également une formation qui procure une attestation de participation et non un diplôme. Et c'est là que le bât blesse: les femmes défavorisées au plan de l'emploi ont besoin d'une formation qualifiante pour devenir compétitives avec les jeunes diplômés. Il est essentiel que cette situation se rétablisse, c'est-à-dire que l'on accorde de l'importance à la formation générale car, au Québec, une femme sur quatre n'a pas complété ses études de niveau secondaire. Il est également important de préserver les programmes qui facilitent l'accès des femmes à la formation. Nous songeons ici aux programmes suivants: Séquence d'intervention pour les femmes, Transition-Travail, Accès aux carrières technologiques, et plusieurs autres. L'action positive en matière de formation est indispensable pour aider les femmes à sortir des orientations typiquement féminines. Des places réservées pour elles dans les formations non traditionnelles, par exemple, doivent être maintenues.

Nous allons maintenant passer à l'accessibilité des services, que vous retrouvez en page 12 du mémoire. Nous constatons que la priorité est accordée aux travailleurs et travailleuses. Le CIAFT a toujours été en faveur d'un meilleur engagement dans la formation continue des travailleurs et des travailleuses. Cependant, les récentes réalisations en ce domaine nous laissent perplexes quant au sort réservé aux femmes s'il n'y a pas de mesures de redressement pour assurer leur participation équitable à l'intérieur de ces programmes. Dans la revue Au courant, Mme Judith Maxwell, présidente du Conseil économique canadien, spécifiait: «Les employeurs n'investissent pas suffisamment dans la formation de leurs employés et, lorsqu'ils le font, ce sont plus souvent qu'autrement des hommes hautement qualifiés jouissant d'une solide éducation qui en bénéficient.»

Ces dires corroborent une étude du Conseil du statut de la femme où il est stipulé que, bien que tout en voyant sa clientèle augmenter, la formation sur mesure en établissement, davantage axée sur les besoins d'entreprise, rejoint un plus grand nombre de travailleurs que de travailleuses. Les femmes représentent 43 % de la population active alors que leur participation au programme Formation sur mesure en établissement varie entre 20 % et 30 %. Le Conseil du statut de la femme concluait que, devant cet état de fait, il fallait présumer que les femmes risquent de continuer à occuper des postes d'exécutantes pour les 30 prochaines années. Est-ce bien là la volonté du gouvernement québécois?

L'énoncé de politique décrit certaines actions s'avérant urgentes dans le contexte économique actuel. Si certaines clientèles y sont ciblées, d'autres, malheureusement, sont oubliées, et nous parlons ici des personnes sans emploi. Suite aux réformes conjointes intervenues à la sécurité du revenu et à l'assurance-chômage, nous avons assisté à une prolifération de programmes offerts exclusivement aux prestataires de la sécurité du revenu ou de l'assurance-chômage. Parallèlement, nous constatons une diminution des fonds engagés dans les programmes offerts à tous les sans-emploi, y compris les sans-revenu. Ce groupe de sans-revenu est constitué majoritairement de femmes: femme mariée sans emploi, même si le conjoint a un revenu qui est l'assurance-chômage; femme mariée qui désire assurer sa sécurité financière avant une séparation; femme retirant une pension alimentaire minimale, ne pouvant avoir accès à la sécurité du revenu; femme qui, maintenant protégée par la loi du patrimoine familial, doit liquider son patrimoine avant d'avoir accès à la sécurité du revenu; femme ayant perdu son emploi à temps partiel, ce qui ne lui donne pas accès à l'assurance-chômage.

Il y a un groupe de femmes particulièrement discriminées par cette catégorisation, soient les femmes immigrantes. Les immigrantes représentent un apport précieux et important à la société québécoise. Comment espère-t-on favoriser leur intégration si, au départ, on ne leur donne aucun moyen, aucun outil pour le faire? Ces femmes sans chèque, sans revenu, appelées «femmes au foyer», sont condamnées, par l'énoncé de politique, à rester chez elles puisqu'on refuse de leur donner accès à la première marche vers l'autonomie, soit la formation.

Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais vous parler de la centralisation des pouvoirs dans l'énoncé de politique. Lorsque nous analysons les pouvoirs de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre face aux sociétés régionales, nous constatons un écart notoire entre la volonté traduite dans l'énoncé de politique et le projet de loi qui en ressort. La lecture du projet de loi nous laisse entrevoir une structure décisionnelle hiérarchique où la participation régionale n'est que consultative. Une plus forte centralisation ne peut qu'entraîner une superstructure qui se caractérisera par un immobilisme quant au développement et aux initiatives des régions. Nous croyons que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre devrait, en fait, définir les grandes orientations et les objectifs quantifiables. Quant aux régions, elles pourraient, à partir de l'expertise des partenaires et de leur connaissance des besoins régionaux, définir les actions à prendre pour les atteindre.

L'assurance-chômage en lien avec les politiques de création d'emplois. Une politique de développement de la main-d'oeuvre est un élément essentiel pour faire face à la mondialisation des marchés. Bien qu'essentielle, elle n'est certes pas suffisante. Une politique globale du marché du travail viserait une augmentation du volume de l'emploi, rendrait l'ensemble de la main-d'oeuvre compétente et aiderait les entre-

prises à être compétitives. Il semble clair que ce n'est pas sur la voie de la réduction du taux de chômage que le Québec s'engage. L'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre nous apparaît comme une réponse partielle à un problème beaucoup plus large que la formation de la main-d'oeuvre active. La vraie mesure du problème est le taux actuel de sans-emploi au Québec. Plus de 20 % de la main-d'oeuvre au Québec n'est pas utilisée. La majorité de ce bassin de travailleurs et travailleuses est constituée de femmes. C'est pourquoi il est primordial pour le CIAFT de pouvoir compter sur une politique de plein emploi, élément devenu essentiel à l'efficience de politiques d'égalité et d'équité en emploi.

Passons maintenant aux maintien et transfert des services d'employabilité réservés aux femmes. Il est vrai que les femmes ont réalisé des progrès dans le domaine du travail depuis deux décennies. La participation des femmes au marché du travail n'a cessé de croître depuis les 40 dernières années, passant à 54,7 % en juillet 1991. Rappelons ici que les progrès réalisés sont dus à la persévérance et aux revendications de l'ensemble des femmes désireuses de se tailler une place plus égale dans la société. Il reste, cependant, beaucoup de chemin à parcourir, puisque les femmes sont devenues plus pauvres que les hommes, particulièrement les femmes monoparentales. Il existe, actuellement, au Québec une vingtaine d'organismes d'intégration au travail pour les femmes, subventionnés par Emploi et Immigration Canada ou par le MMSRFP. Le but de ces services est d'aider les femmes défavorisées au plan de l'emploi à se trouver un travail afin d'améliorer leur situation économique. Parmi ces services, plusieurs existent depuis plus de 10 ans. Ils ont donc développé une solide expertise.

L'énoncé de politique, lorsqu'il cite !e transfert des services fédéraux, n'aborde pas la question du statut des sous-traitants. Les groupes de femmes estiment que les services actuels suffisent à peine à la tâche. C'est pourquoi elles souhaitent que ces services soient rapatriés intégralement.

Dans l'éventualité où les services fédéraux seront rapatriés et relèveront de la Société - car l'énoncé de politique prévoit que les services aux prestataires de la sécurité du revenu ne relèveront pas de la Société - on assistera à la création de deux réseaux parallèles. Ceci aura pour effet d'alourdir la structure et de marginaliser les prestataires de la sécurité du revenu. Ils seront alors officiellement relégués dans un circuit à part, avec des programmes à part.

Nous recommandons donc que les services de développement de l'employabilité relèvent de la même direction, celle de la Société, et ce, sans égard au statut socio-économique des clientèles. Nous recommandons également que toutes les femmes, nonobstant leur statut socio-économique, aient accès à des services de développement de l'employabilité.

Pour conclure, il est clair pour le CIAFT que la pierre angulaire, que représente la formation pour les femmes, passe inévitablement par la mise en place d'une politique ferme en cette matière et qui sache répondre aux besoins de l'ensemble de la main-d'oeuvre, notamment des femmes. Or, les interventions gouvernementales en matière de formation professionnelle, de sécurité du revenu et de développement économique ne cessent de se multiplier sans que le développement de l'emploi y soit privilégié. Les femmes sont particulièrement concernées par les questions de formation professionnelle et d'acquisition de compétences. Ce sont les clés qui leur permettront d'améliorer leur situation en emploi et leurs conditions de vie afin de se sortir de la pauvreté. Afin de permettre à nos partenaires de bien comprendre et d'intervenir efficacement auprès de la main-d'oeuvre féminine, qui comptera comme déterminante dans un Québec dont la population est vieillissante, le CIAFT est d'avis que le gouvernement se doit d'inviter les femmes comme groupe social à s'asseoir aux tables décisionnelles avec les grands partenaires socio-économiques.

Le Québec est à l'heure des virages. Les choix que nous faisons doivent être pertinents pour le présent, mais aussi garants d'un avenir dynamique. Rien ne sert d'économiser aujourd'hui en investissant uniquement dans la catégorie de main-d'oeuvre la moins défavorisée, donc la moins coûteuse, et sacrifier ainsi toute une autre partie de la main-d'oeuvre potentielle parce qu'elle coûterait trop cher. Un État visionnaire n'a pas le droit d'oublier ou d'exclure ainsi la population qui, aujourd'hui, est mise au ban du marché du travail en raison de mauvaises décisions dont elle n'est pas responsable.

Comme le disait Jean-Baptiste de Foucauld, récemment, dans Le Nouvel Observateur, l'exclusion n'est en rien une fatalité, mais de fortes précautions sont à prendre en ce qui concerne le fonctionnement du marché du travail. Pour le CIAFT, permettre à tous et à toutes d'avoir accès aux mêmes services de formation est une précaution de ce type. Les femmes qui sont aujourd'hui particulièrement touchées par les effets néfastes du développement anarchique de l'emploi - temps partiel, chômage déguisé, salaire minimum, travail précaire, pauvreté - seront condamnées, par une politique de développement de la main-d'oeuvre «priorisant» une main-d'oeuvre active, à rester hors du marché du travail ou dans les mauvais emplois. Quel avenir nous réservons-nous? Après avoir été écartées des bons emplois du marché du travail, des possibilités de formation et de développement, nous récolterons une main-d'oeuvre dysfonction-nelle.

Avant de terminer, j'aimerais, M. le Prési-

dent, à l'intérieur du temps qui nous est accordé, que M. Bourbeau puisse nous donner des informations, si ce n'est des engagements, quant à l'avenir qui attend les groupes de femmes en employabilité sous-traitant actuellement avec le gouvernement fédéral. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Robert. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, on pourrait demander à ma collègue, la ministre déléguée à la Famille et...

Une voix: À la Condition féminine.

M. Bourbeau: ...à la Condition féminine de poser quelques questions à nos interlocuteurs, après quoi, l'Opposition pourrait... Et, s'il reste quelques minutes à la fin, Je pourrais peut-être dialoguer un peu avec nos amies et peut-être répondre à certaines de leurs préoccupations.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Volontiers. Mme la ministre. (16 h 45)

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Bienvenue aux membres du CIAFT. Dans votre présentation, dans votre mémoire, vous nous dites que votre philosophie d'intervention est fondée sur le principe que l'autonomie des femmes passe d'abord par l'autonomie financière. C'est un principe avec lequel je suis en accord total. Alors, on comprend votre intérêt à participer à cette commission et à ce projet de politique. Vous comprendrez notre intérêt également à vous entendre et surtout à vouloir approfondir certains des points de votre mémoire.

Dans l'avant-propos de votre mémoire, et vous en avez fait mention, Mme Robert, vous nous dites que la formation ne doit pas se substituer à une politique de développement de l'emploi. C'est vrai. Je voudrais vous rappeler, et je suis convaincue que vous êtes d'accord avec ça aussi, mais vous ne l'avez pas mentionné comme tel, qu'il ne faut jamais oublier, et je suis intimement convaincue de ça, que, malgré l'idéal «plein emploi» auquel on sous-tend toutes et tous, il restera toujours un énorme travail à faire pour assurer aux femmes l'accès à une formation adéquate, l'accès, je dirais, normal, entre guillemets, aux emplois, l'accès à un salaire égal également, d'où l'importance de ce projet. Je suis très heureuse que vous ayez accorde une attention toute spéciale à cette nouvelle politique.

Je voudrais, très rapidement, remercier le ministre également d'avoir associé le Secrétariat à la Condition féminine: parfois, sollicité notre collaboration, et parfois, accepté notre collaboration pour qu'on puisse trouver de bonnes solutions à ce problème difficile.

Vous reprenez, au début du mémoire, quelques éléments du constat de la situation des femmes. Je pense qu'en gros vous êtes en accord avec ce constat-là. Vous n'avez pas relevé d'anomalies, à ce que je crois; vous n'y êtes pas revenues, non plus, cet après-midi. Par exemple, il y a des bémols là, mais vous êtes en accord avec le fait qu'on vous dise qu'il y a 54 % des femmes qui sont au travail, qu'il y a 43 % de la main-d'oeuvre qui est féminine, que 52 % de la population, c'est des femmes. Vous allez voir pourquoi je reviens à ça. Il y a une présence plus marquée dans des emplois dits non standard, dans des emplois précaires. Plus de 40 % des emplois créés depuis 1975 sont des emplois à temps partiel et 70 % sont occupés par des femmes. Le salaire est inférieur pour les femmes; le salaire, c'est 62 % de celui des hommes. Je pense qu'il faut les mettre un à la suite de l'autre, ces chiffres-là, pour comprendre l'ampleur. Le taux de chômage, et ça vous l'avez repris, dépasse de 1 % à 2 %, et on ne compte pas le temps partiel... Je n'ose pas calculer ce que ça donnerait si on y ajoutait le temps partiel.

On doit avoir à l'esprit aussi toute la question relative aux responsabilités parentales. Alors, on doit avoir une flexibilité et on doit avoir une vision beaucoup plus large. Je pense que c'est important. Quand on dit, dans l'énoncé de politique, «ces constats qui sous-tendent les fondements de l'équité en emploi», c'est ça qu'on a voulu établir comme gouvernement. On est en accord avec les constats, mais on n'est peut-être pas en accord avec les modalités. Qu'on ait établi ces constats-là dans l'énoncé de politique, je pense que ça démontre une bonne volonté gouvernementale de vouloir faire quelque chose et de trouver des solutions importantes.

Alors, vous vous seriez attendues à ce que le gouvernement aille plus loin dans les actions, dans les pistes de solution. Vous remettez aussi en cause le mode de représentation, ça c'est clair, et vous n'êtes pas les seules, plusieurs l'ont fait.

Avant de vous poser la première question, je voudrais vous dire que les femmes sont une composante de la main-d'oeuvre. Il faut arrêter de les considérer comme une clientèle cible. Je vais toujours me refuser à ça. Cette semaine et dans les dernières semaines, j'ai entendu des commentaires de certains groupes qui veulent considérer les femmes comme un groupe cible. Je fulmine quand j'entends ça, parce qu'on est 52 % de la population et on est 43 % de la main-d'oeuvre, 50 % dans quelques années. On est une composante de la main-d'oeuvre au même titre que les hommes sont une composante de la main-d'oeuvre. Alors, moi, je pense que c'est important, dans les décisions qu'on prendra dans cette société et dans les composantes de cette société, qu'on réussisse à bien traduire ça et à trouver des mécanismes qui vont tendre vers cet objectif

d'égalité.

Il y a deux créneaux dans la représentation des femmes à la Société: la représentation équitable des femmes dans tous les secteurs... Et là, il y a une responsabilité gouvernementale, mais il y a une responsabilité de société également. Moi, je ne serai pas satisfaite si, dans la représentation syndicale, il n'y a pas de femmes, si, dans la représentation patronale, il n'y a pas de femmes, et j'ai bien de la difficulté à accepter une réponse comme... Je ne veux pas harceler un groupe qui est passé avant vous, parce qu'il est parti, mais, quand on donne comme réponse: II y a en a une, on sait jusqu'à son nom... Puis on dit: Elle s'habitue. Mais est-ce que, eux, s'habituent à elle, par exemple? C'était peut-être ça, la question.

Mme Bégin (Martine): À ça, nous, on répond, Mme la ministre: Les femmes ne comptent pas tant qu'on peut les compter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Trépanier: C'est ça, exactement. Alors, je pense qu'on s'entend là-dessus. Ça, c'est un créneau de représentation. Il y a l'autre créneau, qui est l'expertise des groupes de femmes comme organismes, et il faut que cette expertise soit reconnue et soit présente dans une société. Est-ce par un poste désigné? Est-ce autrement? Mais c'est ces deux facteurs-là que je trouve primordiaux. Il faut qu'ils soient là et c'est essentiel. Ma première question, c'est autour de ça. À la page 8 de votre mémoire, vous nous dites que vous avez élaboré un mode de désignation représentatif des groupes de femmes pour un éventuel siège à la Société. Dites-moi comment vous feriez pour établir la meilleure représentation? Comment feriez-vous pour établir ça et pour définir une représentante des groupes de femmes qui siégerait à un poste déterminé?

Mme Leduc (Lyse): Nous avons actuellement, déjà, un embryon ou nous avons des structures. Nous avons des structures parce que les femmes ont obtenu un siège aux tables Éducation-Main-d'oeuvre et Accueil et Référence. Alors, ça fait quand même quelques années que ces groupes de femmes, et il y en a dans toutes les régions, se réunissent et elles ont convenu à leur dernière réunion que ce serait par ce mécanisme-là. Elles sont quand même des femmes qui représentent toutes les régions et qui sont intéressées par la formation professionnelle. À ces tables-là aussi, sont représentées les cinq grandes associations nationales de femmes qui s'intéressent à la formation professionnelle.

Alors, par ce mécanisme, on pense qu'on a des gens représentatifs - représentatives, parce que ce sont des femmes - des personnes représentatives de l'ensemble du Québec et aussi de l'ensemble du groupement des femmes, et, par le biais de ce lieu-là, elles se nommeraient une représentante qui irait siéger à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Je pense qu'est réuni là l'ensemble des intervenantes intéressées par la problématique. Alors, ce serait le mécanisme par lequel nous pourrions nommer la représentante à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Mme Robert: Est-ce que je peux compléter? Mme Trépanier: Mme Robert.

Mme Robert: Les personnes qui sont actuellement à la table Éducation-Main-d'oeuvre dans les régions sont des personnes qui sont nommées par des tables de concertation régionales, déjà. Donc, c'est le regroupement de ces personnes-là, qui sont déjà nommées par les tables de concertation, qui se retrouve à une même table avec les grands groupes nationaux qui sont directement reliés à la formation et au développement de l'emploi. Donc, il y a déjà un mode de représentation qui est là. Il s'agit maintenant de consolider.

Mme Trépanier: J'ai participé, il y a quelques mois maintenant, à la Conférence permanente de la main-d'oeuvre. La composition de la Conférence est exclusivement masculine et les représentants faisaient valoir en toute bonne foi, que, effectivement, c'était un peu anormal, sauf que c'était quand même une table masculine: les syndicats, le patronat et tous les groupes étaient représentés par des hommes et leurs assistants étaient en très grande majorité des hommes également. Moi, je suis convaincue qu'on va réussir à avancer le jour où il y aura des femmes comme représentantes syndicales, comme représentantes patronales, etc. Est-ce que vous auriez, dans votre grande sagesse, des suggestions? Comment pensez-vous qu'on puisse arriver... Au-delà de susciter, d'inciter puis de dire qu'il faut en arriver à des solutions, comment peut-on arriver à obtenir une représentation équitable dans ces instances-là? Est-ce que vous autres, vous pensez que vous pouvez avoir un rôle à jouer là-dedans?

Mme Leduc: Si on insiste tellement sur le fait qu'on veut un siège pour la représentante des groupes de femmes, ce n'est pas qu'on est contre la représentation équitable au sein de la Société elle-même, on est même pour. C'est comme une deuxième façon pour que les femmes soient présentes. Avant de répondre à votre question, si j'ai une réponse, je voudrais dire aussi que ces femmes-là, si elles sont nommées par leur organisme, elles vont devoir... Leur première allégeance, les intérêts qu'elles vont défendre, c'est, premièrement, que les organismes les nomment là, même si elles sont des femmes. Et c'est sûr qu'il y en a certaines qui, sûrement,

tout en défendant les intérêts de leur organisme, auraient en tête le fait de défendre aussi les intérêts des femmes. Mais on n'est pas sûres que ce seraient toutes des Violette Trépanier ou des Louise Harel qui seraient nommées nécessairement, en ayant cette double préoccupation-là constamment. Et même si elles l'avaient, je pense que ce n'est pas tout à fait juste de leur demander cette double tâche à l'intérieur d'une composition, de dire: Vous allez être là; vous êtes nommées par votre organisme, mais vous allez aussi prendre en compte les intérêts des femmes. On ne demande pas ça aux représentants masculins qui sont là. Ils sont là, eux, pour représenter l'organisme qui les délègue. Alors, pour nous, ces femmes-là, on est pour une juste représentation parce qu'on pense que ça pourrait être des alliées. S'il y a un siège qui est donné aux représentantes des groupes de femmes, c'est sûrement que, parmi les représentantes, nous trouverons des alliées. Mais on ne veut pas leur imposer quand même, on ne veut pas leur en demander plus que ce qu'on demande aux autres représentants qui sont nommés là.

Maintenant, comment? Pourquoi on ne s'est pas ralliées complètement à la proposition? C'est une question qu'on se posait: Comment? C'est un voeu exprimé par le gouvernement, mais ce n'est pas prévu dans la loi, et on pense que si ce n'est pas prévu, c'est parce que les mécanismes sont difficiles à trouver. C'est sûr qu'on peut, nous, vous aider par les contacts qu'on a avec les partenaires socio-économiques, et en les sensibilisant, mais ce n'est pas suffisant. Et je pense que ce serait très difficile, à moins qu'on ne décide... Et je ne vois pas qu'il y ait un programme de discrimination positive et qu'on dise: Dans le cas des syndicats, il faut absolument que vous ayez, sur votre représentation, tant de femmes. Mais là, je ne sais pas comment ils vont faire. Je leur poserais la question quand ils vont venir en commission parlementaire, si quelqu'un veut la reprendre, à savoir quel mécanisme de représentativité ils comptent utiliser, advenant le cas, et je pense que ce serait à eux de le trouver. On pense que ce serait très difficile, et c'est pour ça que, premièrement, on souhaite avoir un siège et, deuxièmement, on souhaite que la représentation soit équitable. Mais, à ce moment-là, par quel mécanisme le faire? Pour nous, ça nous apparaît, évidemment, très difficile de trouver ce mécanisme-là, sauf par la sensibilisation qui ne donne pas de résultats rapides.

Mme Trépanier: On pourrait en parler encore longtemps.

Mme Leduc: Oui.

Mme Trépanier: Est-ce qu'il reste quelques...

Le Président (M. Doyon): Quelques instants, quelques minutes, si vous voulez, madame.

Mme Trépanier: Parce que je veux laisser quelques minutes au ministre par la suite aussi.

Le Président (M. Doyon): II en resterait cinq en tout.

Mme Trépanier: O.K. On aura sûrement l'occasion d'y revenir. Je me posais des questions sur les objectifs quantitatifs. Vous parlez de décentralisation et d'établir des objectifs quantitatifs au niveau des régions. Je vois ça difficile d'application et j'aurais aimé savoir quels sont les mécanismes que vous préconiseriez pour arriver à définir ces objectifs-là. Peut-être que ma collègue reviendra sur cette question. Je vous remercie, et on reviendra à la fin.

Mme Leduc: O.K. Merci bien.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentantes du CIAFT. M. le Président, est-ce que c'est nécessaire de rappeler tous les combats que le CIAFT a déjà livrés et gagnés? Hein? Non seulement livrés, mais c'est encore plus intéressant de voir tous ceux que le CIAFT, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail qui regroupe des organismes et des membres à travers tout le Québec, a livrés, en fait. Notamment, je me rappelle, en 1986, de tous les efforts pour obtenir des places réservées dans les cours de formation professionnelle non traditionnelle, cours offerts par Emploi et Immigration Canada. (17 heures)

Je me demandais, en vous écoutant, comment nous pouvons en être rendus à devoir maintenant encore justifier qu'il faille une représentation spécifique des femmes dans une société québécoise qui va s'occuper de main-d'oeuvre. Il faut qu'il y ait eu, malgré tout, un certain recul par rapport aux années quatre-vingt. Par exemple, je pense à la table de l'emploi. Est-ce que je me trompe, il me semble que le mouvement des femmes avait obtenu un siège à la table de l'emploi? Comment se fait-il - c'est vraiment une question qui me préoccupe - qu'on ait pu régresser par rapport à ce qui semblait une évidence il y a a peine quelques années? Je la laisse à votre réflexion.

Dans votre mémoire, il y a quelque chose d'extrêmement important qui mérite d'être resouligné, si tant est qu'il soit nécessaire de le faire. C'est quand vous nous rappelez qu'on aurait beau combler toutes les pénuries d'emploi qui existent présentement, même en prenant le chiffre du ministre de l'Industrie et du Corn-

merce, M. Gérald Tremblay - c'est 73 000 emplois qui seraient vacants faute de main-d'oeuvre spécialisée - même à ça, il nous resterait toujours 310 000 chômeurs dûment inscrits à l'assurance-chômage plus 300 000 chômeurs inscrits à l'assistance chômage qui est l'aide sociale. Finalement, même au mieux du mieux, il y a toujours un taux de chômage qui fait les 9 %. Alors, il y a un problème. Ça, vous nous l'apportez d'une façon tellement évidente que je pense que ça demandait, malgré tout, à être répété. On est en train, encore, de s'engager dans une sorte d'illusion, qui était la nôtre il y a 30 ans, à l'effet que, par l'éducation - là, c'est par la formation - on allait s'ouvrir les portes de l'emploi. S'il n'y a pas autre chose - en fait, c'est ça que vous nous dites - ce n'est pas du tout évident, ça va faire des chômeurs instruits et ça va augmenter la désespérance finalement.

Mais je reviens à cette question de la représentation. Dans le fond, la question de Mme la ministre... Je pense que les préoccupations du ministre, ça joue avec l'idée de demander d'une façon incitative, aux parties nommées pour siéger à la Société, d'avoir un peu de femmes parmi eux. Vous nous dites: De toute façon, ces femmes qui seraient nommées le seraient non pas pour porter la problématique des femmes, mais pour porter la problématique de l'organisation à laquelle elles appartiennent. C'est ça qu'il faut comprendre?

Mme Leduc: Oui.

Mme Harel: Ce n'est pas une voie dans laquelle vous proposez d'engager... Finalement, ce n'est pas dans cette voie-là que vous pensez que la problématique des femmes peut être le mieux servie?

Mme Bégin (Martine): Je pense que ce qui a été clairement expliqué, c'est que la première chose à faire, c'est d'obtenir un siège pour les représentantes des groupes de femmes en tant que groupe social, pour qu'il y ait vraiment une préoccupation de la réalité des femmes à l'intérieur des différentes décisions ou des différents programmes qui vont se décider dans ces structures-là. Je pense que ce que Lyse a expliqué aussi, c'est que c'est sûr qu'on est d'accord pour qu'il y ait une représentation équitable des femmes à toutes ces structures-là. D'abord, il faudrait que ce soit dans la loi, mais je pense qu'on ne peut pas se fier uniquement sur le fait qu'il va y avoir 50 % des femmes à ces postes décisionnels puisqu'elles sont là pour leur organisme et qu'on n'a pas de garantie que la préoccupation de la réalité des femmes va être présente. Alors, s'il y a une représentante des groupes de femmes, au moins on est sûr que la préoccupation va être présente, et on va pouvoir trouver des alliés dans la mesure où il y a aussi une représentation équitable.

Mme Harel: Moi, pour avoir siégé à la commission Bélanger-Campeau, j'ai été obligée de constater que les femmes sont non seulement une composante majoritaire de la main-d'oeuvre, comme nous le signalait Mme la ministre, tantôt, mais elles sont une composante majoritaire de la société. Pourtant, elles étaient très minoritaires à la Commission parce que les postes d'autorité dans notre société sont occupés massivement par des hommes. Les femmes constituent une majorité, peut-être est-il nécessaire de le rappeler, comme l'a fait la ministre, mais c'est une majorité invisible. Alors, il y a peut-être des minorités visibles, mais il y a une majorité invisible. Cette majorité-là ne trouve pas, finalement, à s'exprimer parce qu'elle est sous-représentée.

Je reviens sur la problématique parce que c'est ça finalement qui, dans le fond, peut le mieux justifier qu'il y ait un siège au sein de cette société occupé par quelqu'un qui va toujours rappeler cette problématique. Vous la développez bien aux pages 12 et suivantes. Ce que vous nous dites, vous le résumiez d'ailleurs dans ce court mémoire préliminaire que vous aviez déjà fait parvenir. Vous donnez des exemples. Entre autres, vous dites: Le transfert de fonds attribués aux achats directs - c'est un des programmes qu'on connaît bien - vers la formation sur mesure a eu pour effet de diminuer le taux de participation des femmes aux programmes de formation qualifiante. Voilà un effet pervers. Voilà un effet de système qui, sans doute, n'avait même pas été envisagé par les décideurs au moment où, pour d'autres motifs, ils ont décidé de diminuer les budgets des achats directs et d'augmenter ceux de la formation sur mesure. Vous nous parlez, à la page 13, d'une étude du Conseil du statut qui a chiffré tout ça. J'aimerais bien d'ailleurs que vous nous donniez la référence pour que je puisse la retrouver. Cette étude, dans le fond, démontrerait que certains programmes ont des effets de discrimination. Hein? C'est ça que vous voulez démontrer?

Mme Bégin (Martine): On a des exemples de discrimination systémique. Je pense que c'est des choix administratifs: on va prendre une enveloppe et la transférer vers un autre programme sans nécessairement avoir l'objectif de discriminer, mais par leurs effets secondaires ou pas, ces choix ont des effets discriminatoires sur les femmes. Pour préciser, au niveau de la formation sur mesure, c'est qu'il y a énormément de budgets qui sont réservés à la formation sur mesure en entreprise. Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin, je pense que tout le monde sait que les femmes sur le marché du travail ne sont pas présentes dans les emplois où la formation professionnelle va leur être offerte, surtout si

elles sont dans des secteurs où ce sont des emplois précaires, à temps partiel, etc. Ce qui fait que quand on réserve de l'argent ou qu'on transfère de l'argent dans une enveloppe où la formation est réservée aux personnes en emploi, sans penser aux points suivants: Où sont les femmes, sont-elles là, sont-elles présentes, pourront-elles avoir accès?, on assiste à des chiffres comme... Il y a 20 % à 30 % des femmes seulement qui se prévalent des places, des sièges au niveau de la formation sur mesure.

Mme Harel: Donc, il y a un effet de discrimination. On ne peut pas dire qu'il est voulu, on ne fait pas de procès d'intention, mais on peut constater qu'il y a un effet de discrimination du fait que 72 % et plus des travailleurs à temps partiel sont des femmes, mais aussi que c'est dans les emplois de services où il y a le moins de formation. Ce sont les emplois manufacturiers qui offrent une formation. Les emplois de services, il n'y en a pas vraiment beaucoup, en tout cas, de formation, sauf dans le système bancaire ou les institutions et tout. Mais, il reste que, souvent, ces emplois-là sont occupés majoritairement par des femmes.

Mme Bégin (Martine): Je pense que c'est une des raisons. C'est un exemple qu'on peut apporter, mais il y a plusieurs autres exemples qu'on pourrait apporter, d'où notre préoccupation d'avoir une représentante des groupes de femmes qui va pouvoir aider les partenaires qui vont être assis à cette table-là à prévoir les effets. Notre pratique quotidienne nous permet d'anticiper et de voir d'avance les effets de discrimination systémique. Donc, au lieu de commettre des erreurs et de venir après ça essayer de les réparer, je pense qu'on pourrait prévenir ces erreurs-là en étant présentes à cette table-là.

Mme Harel: En d'autres termes, vous nous dites: La main-d'oeuvre féminine, elle est soit active dans des secteurs où elle pourrait être un peu mise de côté, compte tenu des choix qui pourront être faits pour un type de main-d'oeuvre active dans des entreprises où elles sont très très minoritaires ou, d'autre part - c'est ça que vous nous dites - la main-d'oeuvre féminine est aussi active au foyer. Arrive un moment donné où elle veut retourner travailler sur le marché de l'emploi et là, il y a des obstacles qui sont plus nombreux encore parce que les programmes qui... Franchement, je vous remercie du tableau que vous nous donnez à la page 14, où vous nous dites finalement que bon nombre de ces programmes-là ne s'adressent qu'à des femmes qui peuvent obtenir une prestation, soit de chômage ou de sécurité du revenu. Donc, à ce moment-là, ça écarte encore une fois toute une catégorie de femmes qui, elles, finalement, ont soit une pension alimentaire, soit un conjoint qui a des revenus... Elles sont écartées de l'accès à ces programmes-là.

Mme Robert: Dernièrement, je recevais une information de la part d'Emploi et Immigration Canada au niveau des achats directs. Je sais que ça concerne le fédéral, mais c'est des ententes quand même qui sont là. Au niveau des achats directs, qui reste un des seuls programmes ouvert à toute la population, on prévoit... Il va falloir, comme exigence, que 60 % des gens qui vont en profiter soient prestataires d'assurance-chômage, 27 % de la sécurité du revenu, ce qui laisse un 13 % pour des sans revenu. Même dans ces programmes-là, qui ne sont pas exclusifs à des prestataires, on augmente le taux de ces prestataires, ce qui fait que tous les gens qui sont sans revenu - ils peuvent en avoir, mais de différentes autres sources - ne sont plus éligi-bles à tous les programmes à peu près qui sont offerts.

Mme Harel: Je pense bien qu'il n'y a pas un député, ici, qui n'a pas reçu à son bureau de comté des personnes qui venaient chercher un support pour retourner au travail. On s'est tous butés aux critères qui faisaient que tel ou tel organisme de réintégration à l'emploi ne pouvait pas les accepter, étant donné qu'elles avaient soit un mari qui avait des revenus ou, encore, qu'elles n'étaient pas chefs de famille monoparentale. Alors, à la page 14, vous nous dites que les services d'intégration au travail pour les femmes doivent donner la priorité aux prestataires de la sécurité du revenu. Donc, ce n'est pas simplement achats directs, c'est, en plus, un autre programme de services d'intégration à l'emploi. Il y aussi les SEMO qui doivent donner priorité... Alors, finalement, tous ces programmes-là font que, au bout de la ligne, le message que les femmes reçoivent, c'est: Si on veut faire du rattrapage scolaire, retourner au marché de l'emploi ou aller chercher une formation, vaut mieux être sur l'aide sociale.

Mme Robert: Oui, puis les femmes nous le disent. Je fais de l'intervention directe, puis les femmes viennent au bureau et disent: Coudon, est-ce qu'il va falloir que je me sépare et que je sois sur l'aide sociale pour avoir des services? Au début, je disais: Non, non, mais, maintenant, je réponds: Oui. Je n'ai pas le choix de répondre ça.

Mme Harel: Ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière aimerait échanger avec vous également.

Le Président (M. Philibert): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, allez-y.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. J'aurais un commentaire aussi, puis une petite question à poser au groupe. Je partage, sur plusieurs points, les propos de la ministre

quand elle dit qu'elle ne veut pas que les femmes soient considérées comme un groupe marginal ou un groupe minoritaire, j'entends, que ça la fait fulminer, quand elle dit qu'elle ne veut pas qu'on soit des groupes cibles.

Moi, pour ma part, je vous dis que ce qui me fait fulminer, personnellement, c'est le genre de chiffres qu'on a énumérés tout à l'heure, le genre de pourcentages. On dit que les femmes occupent majoritairement les emplois précaires. On gagne 62 % du salaire des hommes. Ça descend toujours, aussi - je vous fais remarquer -ces pourcentages-là. Alors, quand je vois des chiffres comme ça, c'est là que je fulmine et puis je me dis: On se rend compte que, comme groupe, même si on n'est pas une minorité ou un groupe marginal... C'est vrai qu'on est 52 % de la population, mais il reste qu'on a un sérieux problème et, dans ce sens-là, moi, je n'ai rien contre ça qu'on cible un groupe pour essayer d'améliorer une situation comme telle. Disons que je voulais vous faire ce commentaire-là. par rapport à ce que vous avez mentionné dans votre mémoire, je trouvais aussi intéressant l'aspect de se soucier, si on veut, du profil, et de demander que les femmes aient accès à des services de «counseling». la semaine dernière, en commission, il y avait justement un groupe qui se préoccupait de dire: ce ne sont pas seulement les employeurs, les besoins des employeurs qu'il faut regarder. il faut aussi regarder le profil des travailleurs, aller un peu sur les goûts et les aptitudes. ce groupe qui nous expliquait ça, c'étaient les conseillers d'orientation. bien sûr, c'est leur domaine et ils avaient des choses à nous dire. ils sont très concernés, mais, de votre part, puisque vous vous occupez des droits des femmes et tout ça, j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus. vous voyez ça comment, cet aspect-là, de se soucier du profil, si on veut? où est-ce que ça pourrait s'insérer, par quel biais et comment?

Mme Bégin (Martine): Je vais répondre, j'ai une formation comme conseillère en orientation. L'exemple que je donne... C'est très important et je pense qu'il faut toujours avoir à l'idée, quand on parle de formation professionnelle, d'être directement relié au marché du travail. Ce que ça veut dire, c'est qu'il faut tenir compte des besoins des entreprises, mais toujours à partir de la réalité de la main-d'oeuvre. Je pense qu'au Québec on entend beaucoup - et j'en suis très heureuse - le discours qui dit: La matière première, la ressource première au Québec, c'est la main-d'oeuvre. Je pense que si on veut la traiter comme ressource première, il faut peut-être regarder aussi comment on traite les ressources premières. Quand on ouvre une mine de cuivre en Abitibi ou ailleurs, on regarde comment est le minerai, les étapes qu'il faut lui faire passer avant de le fondre. Ça ne sert à rien de se dire: J'ai du minerai là, j'ai une matière première, puis je veux faire ça avec, sans passer par des étapes. Moi, je pense qu'actuellement il y a une très grande partie de la main-d'oeuvre, notamment des femmes, qui est très loin du profil d'employabilité sur le marché du travail, qui est demandé par les entreprises. C'est comme si, par l'énoncé de politique actuel, on faisait fi des étapes préliminaires nécessaires pour aider la main-d'oeuvre qui n'est pas à la fine pointe à acquérir la formation professionnelle ou à occuper des emplois de haute technologie, etc. C'est comme si on ne reconnaissait pas où se trouve une partie de la main-d'oeuvre actuellement, et qu'on voulait que la main-d'oeuvre soit à un autre niveau.

Je pense qu'avec l'énoncé de politique on va travailler beaucoup avec la main-d'oeuvre qui est active sur le marché du travail, qui est plus ou moins formée, ou qui a besoin d'un coup de pouce, mais c'est comme si on décidait d'écarter ou d'exclure une partie de la population qui n'est pas fonctionnelle. Le grand problème, c'est, qu'à moyen terme on est absolument certaines qu'on va se ramasser avec une très grande partie de la main-d'oeuvre qui va être complètement dysfonctionnelle. Et, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait avec? (17 h 15)

Mme Harel: l'expérience ontarienne dont vous nous pariiez lors de la présentation de votre mémoire... vous nous dites qu'une loi aurait été déposée pour créer ce conseil onta-rien. j'ai tenté d'obtenir le plus d'informations possible. est-ce que vous avez pu obtenir copie de ce projet de législation? est-ce qu'il y a un livre blanc ou un document à l'appui de ce projet? ce conseil qui serait créé aurait prévu un siège pour les groupes de femmes? c'est ça qu'il faut comprendre?

Mme Bégin (Martine): on n'a pas en notre possession une copie de cet avant-projet de loi là, mais je pense qu'en faisant la demande au ministère concerné en ontario il y a sûrement moyen d'en avoir une copie. en tout cas...

Mme Harel: Vous n'avez pas l'air d'être au courant.

Mme Bégin (Martine): on fera des recherches à ce niveau-là. les informations qu'on a eues sont que, effectivement, le comité ou le conseil qui va être formé en ontario, va être formé de gens du patronat, du syndicat et des différents groupes cibles - pardonnez-moi - dont les femmes, les immigrants et d'autres clientèles. ce comité-là sera un comité décisionnel, pas seulement un comité consultatif. il semblerait aussi que, dans chacune des autres provinces du canada, le gouvernement fédéral aurait fait la demande qu'il y ait un comité équivalent qui soit formé avec un même type de représentation. cependant, on soulignait qu'au québec on res-

pecterait les disparités de composition. Alors, c'est à peu près les informations que j'ai à ce moment-ci...

Mme Harel: Et que vous avez obtenues de...

Mme Bégin (Martine): Mais, je vous souligne que si mes informations sont bonnes, ça voudrait dire qu'on est assuré dorénavant, dès aujourd'hui, que dans chacune des provinces il y aura une femme qui représentera les groupes de femmes sur les différents comités. Mais, on n'a pas de réponse encore pour le Québec.

Mme Harel: Ces informations, vous les avez obtenues du Secrétariat d'État?

Mme Bégin (Martine): Non, de Mme Michèle Jean.

Mme Harel: Ah! Très bien.

Mme Bégin (Martine): D'Emploi et Immigration Canada.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Philibert): Vous avez terminé. Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de saluer les représentantes du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec. Tout à l'heure, vous m'avez posé une question. Vous avez fait état de vos préoccupations relativement aux programmes qui sont financés par le gouvernement du Canada, qui s'adressent, entre autres, aux femmes, et qui visent à faciliter la réinsertion sur le marché du travail.

Je peux vous dire que nous avons l'intention de rapatrier toutes les responsabilités du gouvernement fédéral en matière de main-d'oeuvre ainsi que, bien sûr, tous les crédits, tous les fonds qui y sont consacrés. Nous avons également l'intention de confier ces crédits-là à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre dans le cadre de la loi que nous avons proposée, que nous avons déposée et que vous avez devant vous. Cette volonté de rapatriement inclut évidemment tant les programmes que les fonds du gouvernement fédéral qui sont destinés aux groupes de femmes. Dans notre esprit, lorsque nous rapatrierons ces fonds-là et ces programmes-là, ça sera intégré aux programmes que nous avons présentement au Québec et qui s'adressent aussi, entre autres, à l'intégration des femmes sur le marché du travail. Je fais allusion, par exemple, aux programmes SEMO: il y a des SEMO spécialisés dans l'intégration des femmes au marche du travail. Pour nous, ça serait intéressant de pouvoir fusionner ces deux réseaux-là en un seul de façon à avoir une meil- leure couverture à l'endroit du Québec, d'éviter les duplications et de renforcer, en fait, le réseau.

Mme Bégin (Martine): Le réseau dont vous parlez relèverait nécessairement de la Société?

M. Bourbeau: Le réseau va quoi?

Mme Bégin (Martine): Le réseau dont vous parlez...

M. Bourbeau: Oui.

Mme Bégin (Martine): ...où on intégrerait les SEMO-femmes et les organismes qui sont actuellement subventionnés par le fédéral qui aident des femmes relèverait de la Société?

M. Bourbeau: Oui. Je crois que oui. Enfin, c'est notre intention présentement, à moins que nous ne changions d'idée. Je crois que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre serait très bien placée pour évaluer les besoins en main-d'oeuvre. Elle va être certainement très bien placée - parce que ça va être une de ses fonctions primordiales - pour évaluer les besoins en main-d'oeuvre de clientèles comme les femmes, par exemple.

Mme Bégin (Martine): Ce qui est important... Vous dites que vous voulez rapatrier les responsabilités, les fonds et les programmes. Je pense que l'assurance qu'on veut avoir, c'est que tout l'argent qui est actuellement investi dans l'intégration des femmes au marché du travail, tant par les SEMO que par les projets qui sont subventionnés par le fédéral, soit réservé à la clientèle femmes. Je ne veux pas vous donner de mauvaises idées, mais on peut rapatrier des responsabilités, des pouvoirs, des fonds et des programmes, mais en disant: On va rationaliser et on va couper quelques-uns des petits programmes ici et là. Nous, ce qu'on veut entendre, c'est vraiment l'assurance que, pour l'ensemble des organismes qui sont actuellement voués à l'intégration des femmes au marché du travail, peu importe leur bâilleur de fonds, leur argent et leurs services seront réservés et conservés.

M. Bourbeau: Ma compréhension, c'est que le programme fédéral dont on parle, qui est le projet extension, c'est un programme qui est financé en totalité par les fonds provenant de l'assurance-chômage. Dans ces conditions, on n'aurait pas intérêt à tenter de réduire les sommes d'argent qui sont distribuées aux groupes de femmes par ce programme-là parce que le gouvernement n'y trouverait aucune économie, étant donné que les fonds de l'assurance-chômage ne peuvent pas être détournés au profit du gouvernement, par exemple. Alors, je ne verrais pas l'intérêt que nous aurions à vouloir économi-

ser sur ces fonds-là.

Mme Bégin (Martine): Une spécification que je voudrais avoir. Vous avez parlé des programmes SEMO et vous avez parlé des programmes extension. Dans les 20 organismes, il y a aussi la catégorie qu'on appelait, il y a quelques semaines, programmes option pour les personnes fortement défavorisées sur le plan de l'emploi, qui ne sont pas subventionnés dans la même enveloppe que les projets extension qui, eux, vont chercher leur argent à trois sources différentes: le fonds consolidé, l'assurance-chômage et Santé et Bien-être Canada. Est-ce que, pour ce groupe de projets de femmes, il y a des... Quand on parle des 20 organismes, on ne parle pas uniquement des extensions et des SEMO, on parle aussi de la troisième catégorie.

M. Bourbeau: Écoutez, vous venez de faire la preuve que c'est compliqué. Voyez-vous...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bégin (Martine): Très compliqué.

M. Bourbeau: Vous m'en apprenez. J'avais entendu parler de ce programme-là, mais je ne savais pas que le financement provenait de trois sources différentes. Ça prouve qu'il est temps de mettre un peu d'ordre là-dedans.

Mme Bégin (Martine): On devrait se rencontrer pour vous expliquer la spécificité de ce programme-là.

M. Bourbeau: Oui, je sais que vous, vous devez être très au courant de ce programme-là puisque vous y participez. Disons, en gros, que l'exercice que nous allons faire n'a pas pour but de réduire les fonds destinés aux clientèles. Au contraire, nous pensons qu'en rapatriant tous les budgets, les programmes et les pouvoirs, bien sûr, en réduisant les frais d'administration, les dépenses d'opération à une somme inférieure par le fait que nous aurions un seul réseau plutôt que deux, les économies que nous pourrions faire sont plutôt des économies de type administratif. En n'ayant qu'un seul réseau plutôt que deux, notre intention n'était pas de réduire les fonds aux clientèles, mais d'augmenter ces fonds-là, entre autres, en générant des économies au niveau administratif. C'est ce que nous disons, je pense, un peu partout, ici aussi, et c'est ce que je dis aussi dans mes interventions publiques. Alors, l'intention est plutôt, s'il y a des économies à faire, de les faire à partir des frais d'administration, des dépenses d'opération et non pas des programmes.

Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, étant donné que la partie ministérielle dépassait son temps, elle m'a signifié son acceptation d'un consentement pour dépasser le temps, tout en requérant également quelques...

Mme Harel: II me restait une minute.

Le Président (M. Philibert): ...courts moments pour conclure.

Mme Harel: Simplement, M. le Président, je voudrais relever les derniers propos du ministre à l'effet que son intention était d'augmenter les fonds aux clientèles et non pas de les diminuer. Mais la question, c'est à quelles clientèles? Ça, je pense bien qu'on reste quand même avec cette question-là en terminant l'échange qu'on a avec vous. À la page 14 de votre mémoire, ce que vous signaliez, c'est que le rapatriement, ça ne règle pas tout parce que si, auparavant, il y avait deux politiques qui se partageaient les compétences en matière de formation de main-d'oeuvre, là, il pourrait y avoir deux réseaux qui se partagent les clientèles identifiées par leur statut socio-économique. Finalement, c'est à une politique intégrée de main-d'oeuvre à laquelle vous nous conviez.

Le Président (M. Philibert): Alors, merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée de Dorion, pour les civilités d'usage de conclusion.

Mme Trépanier: Je pense, M. le Président, que la dernière intervention de Mme Bégin nous démontre la précieuse et l'importante expertise du CIAFT, un groupe que je considérerais, entre guillemets, un peu comme missionnaire. C'est un peu désolant d'avoir à dire qu'on doit favoriser encore l'émergence et le soutien d'organismes comme les vôtres pour assurer une meilleure justice sociale. Je peux vous assurer que vous pouvez compter sur mon appui, sur notre appui, pour que les intérêts des travailleuses actuelles et futures soient non seulement protégés, mais bonifiés au cours des prochaines années. Je vous remercie de votre précieuse intervention.

Le Président (M. Philibert): Sur ce constat d'espoir, mesdames, je vous remercie, au nom des membres de cette commission, de la brillante prestation que vous avez effectuée. Je vous prierais de vous retirer maintenant pour faire place au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration.

Mesdames, les représentantes du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, je demanderais... Pardon?

Mme Harel: Monsieur aussi.

Le Président (M. Philibert): Et monsieur? Oui, monsieur. Je vous demanderais donc de vous identifier.

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration

Mme Folco (Raymonde): Merci, M. le Président. Je suis Raymonde Folco, la présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Je suis ici avec M. Jean-François Manègre, agent de recherche au Conseil. Malheureusement, nous n'avons pas pu avoir la présentation de M. Raymond Paquin, vice-président au secteur de l'immigration, pour des raisons de santé.

Le Président (M. Philibert): Madame, je vous invite maintenant à nous faire part de votre mémoire en vous indiquant que vous pouvez, selon ce qu'on a développé comme fonctionnement depuis le début, utiliser environ 20 minutes pour votre prestation. Si vous dépassez, ce sera du temps de moins autant du côté gouvernemental que de l'Opposition pour vous poser des questions au sujet de votre mémoire. Alors, allez-y.

Mme Folco: Je vous remercie, M. le Président. Tout d'abord, un mot de présentation sur le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration qui a été créé le 20 décembre 1984 par une loi de l'Assemblée nationale, et qui est un organisme permanent et autonome de consultation et de recherche. Sa principale fonction est de conseiller la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration dans la planification, la coordination et la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives aux communautés culturelles et à l'immigration. Il a aussi pour mandat de contribuer à faire connaître l'apport économique, social, culturel et politique des immigrants et des Québécois des communautés culturelles, et de favoriser l'acceptation mutuelle et l'intégration harmonieuse au sein de la société québécoise et, plus particulièrement, de la majorité francophone. C'est en vertu de ce mandat que nous a confié le gouvernement que nous intervenons aujourd'hui devant cette commission. (17 h 30)

Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Il s'agit, selon nous, d'un document très valable, dont les orientations générales sont intéressantes et susceptibles de répondre aux préoccupations des intervenants dans le domaine de la main-d'oeuvre. Bien que nous ne soyons pas à proprement parler un organisme spécialiste de cette question, nous jugeons approprié le constat fait par le document quant au sous-investissement dans le développement des ressources humaines, quant à la nécessité d'amorcer une réduction de la complexité des programmes et quant à l'arrimage plutôt problématique de la formation et du marché du travail.

Également, nous sommes d'accord, dans l'ensemble, avec la stratégie proposée pour redresser la situation. Nous souscrivons, notamment, à l'idée d'un engagement accru des entreprises dans le processus de développement des ressources humaines et nous souhaitons l'instauration d'un véritable partenariat entre les entreprises et les institutions publiques engagées dans la formation de la main-d'oeuvre. Nous appuyons aussi l'idée de rapatrier au Québec la gestion de la totalité des sommes consacrées à des mesures de main-d'oeuvre, y compris l'administration de l'assurance-chômage, de même que le principe d'une gestion unifiée des programmes de main-d'oeuvre et l'idée de combattre la lourdeur et la complexité administratives actuelles. Nous voyons cependant une exception à ce principe: il s'agit de la francisation des immigrants, qui constitue un cas particulier. Elle doit demeurer l'objet d'un programme distinct pour diverses raisons dont nous discuterons plus loin.

Nous avons aussi quelques remarques et suggestions sur des points qui nous préoccupent particulièrement en tant qu'organisme mandaté pour conseiller le gouvernement sur les questions relatives aux communautés culturelles et à l'immigration. Nous avons évidemment remarqué l'absence, dans cet énoncé de politique, de toute référence à la problématique des immigrants et des immigrantes sur le marché du travail. Nulle part il n'est fait mention des difficultés qu'ils doivent surmonter à leur arrivée au Québec et parfois même après plusieurs années de résidence. Nos premières remarques viseront donc à apporter un éclairage à ces questions. Elles porteront notamment sur les besoins de formation linguistique, la difficulté de faire reconnaître les acquis académiques et expérientiels et sur le besoin d'informer les immigrants sur le fonctionnement et les institutions du marché du travail québécois.

Nous soulignerons ensuite la nécessité, non seulement d'harmoniser les programmes de formation de main-d'oeuvre, mais aussi d'assurer la cohérence des politiques de développement économique, de main-d'oeuvre et d'immigration, et de bien clarifier les objectifs dévolus à chacune. Une lecture parallèle des énoncés de politique sur l'immigration, sur le Grand Montréal et sur le développement de la main-d'oeuvre nous laisse croire qu'une certaine ambiguïté subsiste. Nous ferons quelques commentaires sur la véritable nature du mouvement d'immigration au Québec et sur le rôle que peuvent jouer les travailleuses et les travailleurs immigrants.

Finalement, nous rappellerons l'importance d'assurer une représentation adéquate des Québécois des communautés culturelles et des minorités visibles dans toutes les instances de concertation dont on projette la mise sur pied, et plus particulièrement à l'intérieur même de la

Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Les travaux de recherche et les consultations réalisés par le Conseil depuis plusieurs années nous ont permis d'identifier un certain nombre de besoins très spécifiques aux immigrants dans le champ de la formation professionnelle. En premier lieu, des besoins importants et croissants de francisation existent chez les immigrants et les membres des communautés culturelles, c'est-à-dire des nouveaux arrivants et des personnes établies depuis longtemps au Québec. Malgré les efforts accomplis depuis quelques années, l'énoncé de politique sur l'immigration et l'intégration, adopté l'année dernière par le gouvernement, rappelle que 40 % seulement de la clientèle potentielle bénéficie des mesures de francisation.

L'accès de tous les immigrants et immigrantes aux mesures de francisation devient de plus en plus important car, au Québec, il est difficile d'obtenir des emplois bien rémunérés sans connaître le français. Ceci est encore plus vrai pour les personnes très qualifiées. Sans la connaissance du français, elles ne peuvent accéder au marché du travail que par des tâches exigeant peu de qualifications et pouvant être accomplies sans qu'il soit nécessaire de lire ou de comprendre des directives élaborées.

En plus de ce besoin de francisation, une proportion significative d'immigrants et de membres des communautés culturelles, à l'instar des Québécois de vieille souche, ont aussi besoin d'être alphabétisés. Pour la seule période 1986-1990, plus de 16 000 adultes immigrants ayant moins de sept ans de scolarité ont été admis au Québec. Dans l'avis que nous venons de réaliser sur ce sujet, nous avons montré qu'en plus des difficultés habituelles liées à l'analphabétisme, les personnes analphabètes ont une série d'autres problèmes qui leur sont spécifiques, à commencer, pour bon nombre d'entre elles, par l'incapacité de s'exprimer dans la langue de la société d'accueil, si ce n'est que très minimale-ment.

Ceci dit, nous croyons que les mesures de francisation destinées aux immigrants doivent demeurer un volet distinct, sous la responsabilité du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Même si l'apprentissage du français est un prérequis indispensable à l'acquisition de toute autre formation, elle ne doit pas faire partie d'un programme plus global de formation professionnelle, comme c'était le cas il y a quelques années.

Avec le nouvel accord Canada-Québec relatif à l'immigration, la formation linguistique fait maintenant l'objet d'un transfert de fonds spécifique. Cette situation est préférable à celle qui prévalait auparavant, pour diverses raisons. Il y a bien sûr le fait qu'une grande partie de l'expertise et des ressources humaines et matérielles consacrées à la francisation des immi- grants soit déjà regroupée au MCCI. Il faut aussi éviter de mettre directement en concurrence, pour l'obtention des ressources budgétaires, les programmes traditionnels de formation professionnelle et l'apprentissage du français.

Nous pensons que cette distinction entre les programmes doit être conservée et ce, d'autant plus que le gouvernement du Québec, qui a adopté l'année dernière une politique d'accroissement graduel du niveau d'immigration au cours des prochaines années, annonce depuis quelque temps sa volonté de contrôler davantage le niveau de ses dépenses. Or, comme les besoins de francisation iront en s'accroissant au cours des prochaines années, ils ne doivent pas être satisfaits au détriment des autres aspects de la formation professionnelle. Une enveloppe budgétaire séparée, calculée de façon à tenir compte des orientations retenues en matière d'accueil des immigrants, nous semble la meilleure façon d'assurer la réalisation d'objectifs qui autrement pourraient devenir concurrents. Nous recommandons donc que la francisation des immigrants continue de faire l'objet d'un volet administratif et budgétaire distinct de la formation professionnelle et demeure sous la responsabilité du MCCI.

Nous reviendrons dans un prochain chapitre sur la nécessité d'harmoniser les politiques relatives à l'immigration et au développement de la main-d'oeuvre.

Le travail est un des lieux fondamentaux où s'effectue l'intégration des immigrants à la société d'accueil. En bonne partie à cause de leur non-connaissance du français oral et de leur faible scolarisation, les allophones analphabètes se trouvent en grand nombre dans les secteurs fragiles de l'économie exigeant peu de formation, offrant une faible rémunération et des possibilités minimes d'avancement: la bonneterie, l'habillement, le textile, le meuble, l'entretien. Il importe d'offrir à ces travailleuses et travailleurs faiblement scolarisés la formation indispensable leur permettant d'acquérir les qualifications nécessaires pour exercer leur travail avec compétence et avec des chances normales de mobilité professionnelle.

Les intervenants du milieu soulignent tous l'importance de considérer une formation d'alphabétisation ou de francisation en milieu de travail comme faisant partie intégrante d'une démarche de formation professionnelle. Il importe donc que cela soit reconnu officiellement par toutes les instances concernées, notamment par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, les commissions de formation professionnelle et le ministère du Revenu.

Considérant que les mesures de qualification, de francisation et d'alphabétisation de la main-d'oeuvre allophone peuvent difficilement se réaliser sans l'intervention concertée du gouvernement, du patronat et des syndicats, le Conseil a donc recommandé à la ministre des Commu-

nautés culturelles et de l'Immigration, dans son récent avis sur l'alphabétisation, d'inviter le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, le ministre du Travail et le ministre du Revenu du Québec à prendre des mesures incitatives auprès des entreprises afin d'encourager l'émergence de cours d'alphabétisation et de francisation en milieu de travail, à l'intention des travailleurs allophones, et en particulier des femmes; de créer aussi une table de concertation réunissant syndicats, entreprises, associations patronales et communautés culturelles pour la mise en place de cours d'alphabétisation et de francisation en milieu de travail.

Les travailleuses et travailleurs immigrants font aussi face à d'autres difficultés qui leur sont particulières. Il s'agit d'abord des problèmes liés au manque d'information sur le fonctionnement du marché du travail, sur les possibilités qu'il offre, la façon de trouver un emploi, etc. Le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration répond du mieux qu'il peut à ces besoins grâce à une petite équipe de conseillers et conseillères en orientation et en main-d'oeuvre, mais il doit faire face à l'accroissement important du volume de la clientèle et à une conjoncture économique plutôt difficile.

Également, les travailleurs immigrants ont souvent besoin d'adapter leurs qualifications aux particularités québécoises ou montréalaises. Ils doivent acquérir la maîtrise du vocabulaire technique français propre à leur profession ou bien compléter leur formation acquise à l'étranger par des éléments particuliers au Québec.

L'exercice de plusieurs professions requiert aussi que l'on connaisse les institutions et leur fonctionnement. Citons comme exemple le domaine du droit ou celui des institutions financières. Les activités de formation permettant de combler ces besoins devraient être considérées comme de la formation professionnelle et donner éventuellement droit aux mêmes avantages, notamment le crédit d'impôt et le programme d'aide à la formation.

Parmi toutes les difficultés auxquelles font face les nouveaux arrivés, la reconnaissance des acquis est certainement une de celles qui leur causent les plus grandes frustrations. On comprendra aisément ce que peuvent ressentir des personnes qui ont étudié, puis travaillé durant de nombreuses années, et qui se retrouvent dans la même situation qu'un jeune diplômé nouvellement arrivé sur le marché du travail. Elles doivent à nouveau faire la preuve de leurs qualifications et accepter une rémunération inférieure à celle à laquelle elles estiment avoir droit. Mais ce n'est là qu'une partie de leurs difficultés.

D'autres problèmes surgissent lorsque les immigrants doivent faire la preuve de leur expérience de travail ou faire reconnaître une formation acquise à l'étranger, soit pour obtenir un emploi ou une promotion, ou encore pour poursuivre leurs études dans une institution québécoise. Dans certains cas, le processus d'attribution d'équivalences d'études peut être particulièrement long et complexe - il nécessite souvent plusieurs mois - et rendre plus difficile l'intégration des nouveaux venus au marché du travail. Des progrès notables ont toutefois été accomplis au MCCI depuis quelques années. Ainsi, lorsqu'un employeur exige une équivalence pour embaucher un candidat, le dossier est traité en priorité.

Malgré ces améliorations, des difficultés subsistent et if serait nécessaire d'intégrer une préoccupation «immigration» dans le système de reconnaissance des acquis que l'on projette de mettre en place sous la gouverne du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle de façon à ce qu'il puisse aussi servir à l'évaluation des qualifications des nouveaux immigrants. Nous recommandons donc que le système de reconnaissance des acquis que l'on projette de mettre en place intègre une préoccupation à l'égard de la clientèle immigrante et qu'il soit conçu de façon à faciliter l'évaluation des qualifications acquises à l'étranger.

Nous souscrivons à l'idée de rendre le crédit d'impôt plus facilement accessible et de limiter le plus possible la quantité de renseignements demandés aux employeurs. Nous souhaitons aussi que l'on fasse preuve de la même souplesse et que l'on applique les mêmes règles lorsque les employeurs défraieront une partie des coûts liés à la francisation ou à l'alphabétisation de leurs employés sur les lieux de travail ou à l'extérieur de l'entreprise. La francisation et l'alphabétisation, en milieu de travail ou en institution et payées par l'employeur, doivent être encouragées.

De nombreux immigrants n'ont pas les moyens d'étudier à temps plein dans un COFI. Ils doivent souvent, dès leur arrivée au Québec, commencer rapidement à travailler pour subvenir à leurs besoins. Les cours offerts en collaboration avec l'employeur deviennent alors un moyen efficace de les rejoindre et de faciliter leur intégration à la société d'accueil. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement du Québec encourage les employeurs à contribuer à la francisation et à l'alphabétisation des immigrants en milieu de travail ou en institution et, qu'à cette fin il considère les mesures de francisation et d'alphabétisation au même titre que la formation professionnelle traditionnelle et leur applique les mêmes règles et les mêmes mesures d'encouragement.

Également, toujours pour favoriser et faciliter l'apprentissage du français chez les immigrants, nous souhaitons que la francisation et l'alphabétisation soient des activités admissibles dans le cadre du programme d'aide à la formation annoncé dans l'énoncé de politique. Cela supposera la cohérence avec des programmes d'aide financière qui existent déjà pour les

immigrants et immigrantes qui s'inscrivent dans un COFI. Il y aura sans doute une augmentation de la clientèle si une telle mesure est appliquée et il faudra prévoir des ressources en conséquence. (17 h 45)

Le dernier point dont nous voulons ici discuter concerne la nécessité d'harmoniser diverses politiques mises de l'avant par le gouvernement du Québec depuis un an. Nous pensons plus spécifiquement à l'énoncé de politique sur l'immigration et l'intégration, «Au Québec pour bâtir ensemble», au plan stratégique du Grand Montréal, «Pour un redressement durable» et, bien sûr, au présent énoncé sur la politique de main-d'oeuvre.

Le document consacré au plan de redressement de la région de Montréal traite de l'immigration d'un point de vue strictement économique. Il la présente comme un moyen de combler les pénuries de main-d'oeuvre et d'attirer de nouveaux entrepreneurs. On y propose, entre autres mesures, et je cite: «lier étroitement le recrutement ou la sélection des immigrants indépendants avec les besoins des industries de haute technologie. À cette fin, il faudra ajuster le répertoire des professions en demande, le Guide de l'emploi au Québec - ou le GEQ -qui sert de référence obligatoire aux conseillers pour la sélection des candidats immigrants.»

Dans les faits, une proportion importante des travailleurs immigrants indépendants arrivés au Québec en 1990 et 1991 n'ont pas été choisis en fonction de leur capacité à répondre aux besoins immédiats du marché du travail, mais plutôt en raison de leur capacité d'adaptation personnelle. Ainsi, beaucoup de travailleurs ont été acceptés même s'ils n'avaient pas de qualification en demande parce qu'ils avaient une promesse d'emploi, dite «emploi attesté», d'un parent, proche ou éloigné, déjà établi au Québec. Quant aux autres travailleurs immigrants, beaucoup sont arrivés comme réfugiés ou comme revendicateurs du statut de réfugié, dont un certain nombre faisait partie de la catégorie de la famille. Ces personnes n'ont d'aucune façon été choisies pour combler des besoins de main-d'oeuvre. Ce sont essentiellement des motifs humanitaires qui ont justifié leur admission.

Cela dit, il n'en demeure pas moins que beaucoup d'immigrants qui arrivent au Québec sont des travailleuses et travailleurs qualifiés qui peuvent répondre à une partie des besoins de main-d'oeuvre. C'est pourquoi il nous semble très important que le processus d'évaluation des besoins de formation intègre les prévisions concernant l'apport de la main-d'oeuvre immigrante. Si tel n'est pas le cas, il pourrait en résulter des surplus de main-d'oeuvre à court terme qui remettraient en question la pertinence des programmes de formation.

La planification des programmes et des politiques est d'autant plus nécessaire que le gouvernement du Québec a annoncé son intention d'accueillir un nombre croissant d'immigrants au cours des prochaines années. La définition d'objectifs compatibles et une gestion bien coordonnée des divers programmes feront en sorte de favoriser l'intégration harmonieuse de ces nouveaux arrivants à la société québécoise. Nous recommandons donc que le processus d'évaluation des besoins de formation intègre les prévisions concernant l'apport de la main-d'oeuvre immigrante de façon à ne pas provoquer de surplus de main-d'oeuvre à court terme qui remettraient en question la pertinence des programmes de formation.

Cette préoccupation à l'égard de l'évaluation des besoins et de la concertation des intervenants devra aussi être très présente au niveau régional, du moins dans les régions où le gouvernement envisage d'encourager l'établissement des immigrants au cours des prochaines années. La taille parfois réduite du marché du travail et la spécialisation dans certains types d'activité économique peuvent en effet susciter des déséquilibres et nuire à l'efficacité tant des mesures de formation qu'à celle des actions destinées à favoriser la régionalisation de l'immigration.

Les futurs conseils régionaux devront travailler en collaboration avec les organismes du milieu qui oeuvrent déjà en région pour favoriser la venue d'un plus grand nombre d'immigrants. En Estrie, par exemple, des projets en ce sens ont déjà été mis sur pied par diverses associations locales. Celles-ci, nous semble-t-il, devraient être invitées à participer au processus régional d'évaluation des besoins de main-d'oeuvre et de formation professionnelle. Le Conseil recommande donc que les organismes voués à l'accueil des immigrants en région soient associés au processus d'évaluation des besoins de main-d'oeuvre et de formation professionnelle, en particulier dans les régions où le gouvernement veut encourager davantage Cétab//ssemenf des immigrants.

En conclusion, il reste un point que nous voudrions maintenant aborder, à savoir la présence des immigrants et des membres des communautés culturelles dans les instances gouvernementales. Notre organisme, vous le savez, s'intéresse tout particulièrement à l'intégration des immigrants et des personnes issues des communautés culturelles dans notre société. Depuis plusieurs années, comme beaucoup d'autres intervenants, nous faisons valoir qu'un des éléments qui facilitent et témoignent concrètement de cette intégration est la présence et la participation de ces personnes aux différentes instances consultatives et décisionnelles de l'appareil gouvernemental et de ses institutions.

Nous désirons donc vous rappeler à quel point il est important que des personnes des communautés culturelles ou issues de l'immigration fassent partie des mécanismes de consulta-

tion et de décision qui seront mis sur pied avec la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, à commencer par le conseil d'administration de la Société et les conseils régionaux qui seront créés.

Le gouvernement et ses partenaires...

Le Président (M. Philibert): Madame, je m'excuse de vous interrompre.

Mme Folco: Oui.

Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il vous en reste pour longtemps?

Mme Folco: J'ai exactement cinq lignes, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Ah! Bien, c'est bien...

Mme Folco: Je conclus.

Le Président (M. Philibert): Alors, nous attendons votre conclusion.

Mme Folco: Je vous remercie. Je reprends donc. Le gouvernement et ses partenaires, tant patronaux que syndicaux, devront tenir compte de cette préoccupation lorsqu'ils procéderont au choix de leurs représentants, de façon à ce que, parmi ceux-ci, il s'en trouve qui soient en mesure de percevoir les besoins particuliers des immigrants, des immigrantes et des personnes issues des communautés culturelles et d'en faire part aux autres intervenants. Je vous remercie.

Le Président (M. Philibert): Merci, Mme Folco. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de m'adresser aux représentants du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration qui viennent de nous faire lecture d'un document très bien étoffé. Il est difficile de choisir, parmi tout ce que vous avez dit, les points qui apparaîtraient les plus importants parce qu'ils sont tous importants, mais je veux m'attarder à une remarque.

Vous dites quelque part que le document d'orientation ne fait pas référence à la problématique des immigrants et des immigrantes sur le marché du travail. Vous avez raison, vous avez absolument raison. Nous avons volontairement choisi de ne pas traiter des problèmes des clientèles prises individuellement. En fait, on dit quelque part là-dedans que nous avons choisi de ne pas choisir justement une approche clientèle, mais plutôt de considérer les besoins de main-d'oeuvre dans leur globalité. C'est une approche plutôt universelle que nous avons utilisée en disant: Nous allons bâtir des programmes généraux, des programmes de type universel et les composantes de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les composantes régionales pourront adapter ces programmes-là aux réalités de chacune des régions du Québec.

J'ai bien l'impression que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre de Montréal devra - le phénomène de l'immigration est très fort à Montréal, par exemple - certainement en tenir compte dans l'application des programmes sur son territoire et, peut-être même ailleurs, au Québec, si le besoin s'en fait sentir. Alors, c'est un peu la raison pour laquelle, dans le document, vous ne trouvez pas de références très spécifiques au problème ou à la problématique des immigrants.

Mme Folco: Oui, je vous remercie, M. le ministre. Notre préoccupation, évidemment, c'est de nous assurer que les problèmes que vivent les immigrants en ce qui concerne la difficulté à se trouver un emploi ou à se former davantage pour pouvoir se recycler dans d'autres emplois, que les problèmes qui sont spécifiques aux personnes immigrantes ou aux personnes issues de l'immigration, que ces problèmes-là ne soient pas perdus quelque part dans le processus, n'est-ce pas. D'autres groupes que nous se sont adressés à ce problème par rapport à d'autres sous-groupes dans la société québécoise. Ce qui nous concerne, nous aussi, c'est de pouvoir vous présenter les problématiques qui sont spécifiques à cette partie-là de la population. Bien entendu, parmi les immigrants et parmi les membres des communautés culturelles, on retrouve des jeunes, on retrouve des femmes, on retrouve des personnes handicapées et ainsi de suite. Nous ne nous sommes pas attardés à ces problèmes-là puisque ce sont des problèmes qui vont être pris en compte. Il était important pour nous de souligner qu'il y avait des problèmes qui étaient spécifiques à des clientèles qui nous préoccupent plus particulièrement.

M. Bourbeau: D'accord. M. le Président, la députée de Bourget était particulièrement intéressée par ce dossier-là. Si vous n'avez pas d'objection, on pourrait la reconnaître maintenant.

Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la députée de Bourget.

Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer Mme Raymonde Folco, présidente, que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises. Votre mémoire, vous le soulignez, est très court et très concentré. Il présente vraiment les problèmes spécifiques des immigrants, problèmes auxquels vous faites face vraiment pour l'intégration des immigrants dans la société d'accueil. Je vous en félicite.

Mais, au tout début, vous avez remis une

petite feuille de résumé où vous faites mention que vous avez pris connaissance de l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Vous estimez qu'il s'agit d'un document valable, dont les orientations générales sont intéressantes et susceptibles de répondre aux préoccupations des intervenants dans le domaine de la main-d'oeuvre.

À travers tout ce petit résumé, vous faites des remarques et quelques recommandations. Quoique vous sembliez d'accord avec les stratégies proposées dans l'énoncé de politique, le Conseil que vous représentez ne se prononce pas explicitement sur la question de la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Est-ce que, dans sa globalité, le Conseil appuie cette initiative?

Mme Folco: Oui. Nous appuyons cette initiative. Nous avons aussi dit - j'insiste un peu là-dessus - que notre organisme, comme vous le savez très bien, n'est pas un organisme qui a été mandaté ou qui s'est mandaté pour bien connaître les problèmes de la main-d'oeuvre. Nous n'avons pas l'expertise qui nous permettrait d'aller dans les détails sur la création d'une telle société ou sur l'arrimage entre la société elle-même et les sociétés régionales à travers le Québec. C'est pourquoi nous n'avons pas abordé ces sujets. Nous avons plutôt choisi d'aborder des sujets sur lesquels nous pouvons, je pense, apporter des idées et des façons de procéder non seulement par rapport à l'énoncé, mais à la réalisation des mesures, lorsque viendra le temps, par rapport aux immigrants et aux membres des communautés culturelles. On aurait pu aussi toucher les femmes, bien entendu, mais d'autres groupes, évidemment, sont bien mieux placés que nous pour en parler.

Mme Boucher Bacon: Merci. Maintenant, quand vous dites que vous n'avez pas beaucoup d'expertise, moi, j'ai lu votre mémoire et je trouve que vos recommandations sont très pertinentes. D'ailleurs, en page 5, lorsque vous mentionnez la formation linguistique et l'alphabétisation en milieu de travail, vous faites un parallèle à l'effet que vous venez du ministère des Communautés culturelles, que vous avez demandé de faire des recommandations au ministre de la Main-d'oeuvre, de créer une table. En plus, en page 7, lorsque vous parlez de la reconnaissance des acquis, vous stipulez que dans le système de reconnaissance des acquis - que je juge, à mon sens, très important - que l'on procède à la mise en place... Vous dites: «qu'il soit conçu de façon à faciliter l'évaluation des qualifications acquises à l'étranger». En page 9, lorsqu'on parle de crédits d'impôt, vous souscrivez à ce que «le gouvernement du Québec encourage les employeurs à contribuer à la francisation et à l'alphabétisation des immigrants en milieu de travail». Enfin, il y a d'autres recommandations, en page 11, et on peut en retrouver un résumé vers la fin. Mais, est-ce que le Conseil croit que les services d'emploi - soit l'information, le "counseling", le placement -destinés aux personnes immigrantes devraient relever de la Société ou être maintenus séparés au sein du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration?

Mme Folco: Écoutez, de façon générale, pour répondre à la question... C'est une question qui nous est posée souvent par rapport à d'autres domaines, n'est-ce pas? Les immigrants, les membres des communautés culturelles sont des Québécois et on doit répondre à leurs besoins comme on répond à tous les autres Québécois ici, sur le territoire. Il y a des structures, au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui existent pour aider les immigrants lorsqu'ils arrivent, et aussi pour les aider à l'intégration dans la société d'accueil.

Cependant, nous savons qu'il y a des ministères qui sont bien placés, qui connaissent bien la problématique, qui ont répondu à des besoins et qui ont des structures pour répondre aux besoins des citoyens québécois. Je ne vois pas pourquoi une partie de cette population-là serait - je m'excuse d'utiliser le mot - «ghet-toïsée» ou «parquée» dans un autre ministère quand, très clairement, les responsabilités reviennent à un ministère qui répond aux besoins de toute la clientèle québécoise, y inclus les immigrants et les membres des communautés culturelles. Alors, pour répondre à la question de façon très courte: Non, je souhaiterais qu'on réponde à ces besoins, comme on répond aux besoins spécifiques d'autres sous-groupes à l'intérieur de la société, et par les mêmes types de moyens. (18 heures)

Mme Boucher Bacon: Même si on parle de main-d'oeuvre?

Mme Folco: Même si on parte de main-d'oeuvre, tout à fait, en autant qu'on réponde au type de besoins dont nous avons fait état tout à l'heure.

Mme Boucher Bacon: Je vous remercie beaucoup. Maintenant, il y a une dernière question que j'aimerais vous poser. Comment les besoins, les intérêts et les points de vue des personnes immigrantes ou membres de votre communauté culturelle peuvent-ils être pris en compte le plus efficacement possible par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre? Quels seraient les mécanismes qui devraient être mis en place pour y arriver?

Mme Folco: Nous y référons de façon très brève à la toute fin de notre mémoire lorsque, disons, en parlant de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, nous deman-

dons justement que le conseil d'administration de la Société inclue des personnes des communautés culturelles. Dans l'énoncé de politique, on dit bien, à la page 40, qu'il est tout à fait normal... On parle ici de s'assurer d'une représentation équitable des hommes et des femmes au sein du conseil d'administration. C'est très louable, n'est-ce-pas? Nous sommes arrivés dans une société, maintenant, où, de façon tout à fait normale, de façon tout à fait régulière, si j'ose dire, on pense à avoir des représentants au moins des deux sexes.

Mais il me semble aussi que, dans notre société, il serait temps qu'on ajoute cette préoccupation par rapport à la représentation des membres des communautés culturelles dans les instances gouvernementales. Ce que nous demandons, c'est que lorsque viendra le temps de penser à la nomination des membres du conseil d'administration de cette Société, on ne se préoccupe pas seulement d'une représentation équitable des hommes et des femmes - ceci est important - mais qu'on s'occupe aussi d'une représentation équitable des membres des communautés culturelles qui ont, eux aussi, leur place et qui ont aussi besoin de faire valoir leurs besoins et leurs attentes.

Mme Boucher Bacon: Merci beaucoup. Mme Folco: Merci.

Le Président (M. Philibert): Alors, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vais vous souhaiter la bienvenue, Mme Folco et M. Manègre. Vous savez que je m'attribue, en grande partie, la maternité du Conseil. Alors, je suis d'autant plus intéressée à connaître votre point de vue que j'ai souhaité, lors de l'adoption de la loi constituant le Conseil, que le Conseil puisse jouir d'une très grande liberté de parole et d'expression.

Vous avez dit tantôt que les membres des commautés culturelles et les immigrants étaient des citoyens québécois. Vous nous avez rappelé qu'il fallait répondre à leurs besoins comme à ceux de tous les autres Québécois. En regard de la recommandation que vous faites à la page 9, je crois, de votre mémoire, à l'effet d'inviter le gouvernement du Québec à encourager les employeurs à contribuer à la francisation et à l'alphabétisation des immigrants en milieu de travail... Vous nous rappelez, d'ailleurs, à la page 5 du même mémoire, que les intervenants du milieu et, i'imagine, des communautés culturelles soulignent l'importance de considérer une formation d'alphabétisation et de francisation en milieu de travail comme faisant partie intégrante d'une démarche de formation professionnelle.

En regard d'une réalité incontournable - 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre québécoi- se a des problèmes d'analphabétisme fonctionnel - comment envisager, par exemple, que, dans une entreprise, des cours de formation, d'alphabétisation ou de francisation ne soient offerts qu'à des immigrants, pendant qu'une partie importante des confrères ou consoeurs ont des problèmes d'alphabétisation et de francisation? Non seulement il y a 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre qui a des problèmes de francisation, mais il y a aussi une sous-scolarisation qui est consternante pour l'ensemble de la main-d'oeuvre. Donc, oui, à une problématique spécifique, mais peut-on envisager des solutions spécifiques où on dirait, comme vous le faites dans votre mémoire, à l'employeur d'offrir des cours pour ceux de ses travailleurs qui sont immigrants, alors que ces cours-là ne seraient pas offerts en milieu de travail, ne seraient pas offerts à l'ensemble?

Mme Folco: Oui, tout à fait. C'est un problème que nous avons souvent. Souvent, les gens dans le public nous disent: Pourquoi faire ceci pour les immigrants ou les membres des communautés culturelles quand, de toute façon, tous les Québécois ont ce même problème? Effectivement, les immigrants ne sont pas différents des autres. Ils ont aussi les problèmes qu'ont les Québécois. Les Québécois aussi, comme vous venez de le souligner, ont souvent des problèmes d'analphabétisme. C'est un taux très élevé pour le Québec. Nous n'avons pas voulu dire, dans notre mémoire, que ceci doit se faire seulement pour les immigrants ou pour les membres des communautés culturelles en milieu de travail. Ce que nous avons voulu dire, c'est que ces immigrants ont un problème, ils ont un problème double. Je pense que la réponse est un peu là. C'est-à-dire que, pour le Québécois de vieille souche qui est en milieu de travail, s'il est analphabète, il devrait lui aussi avoir droit à des cours d'alphabétisation en milieu de travail qui sont axés sur le milieu de travail. Ça c'est une chose. Mais ce Québécois de vieille souche, lui ou elle, parle déjà le français. Donc, les cours d'alphabétisation vont se faire par rapport à une langue qu'il maîtrise déjà. C'est sa langue, il la maîtrise déjà bien.

En ce qui concerne les immigrants et les membres des communautés culturelles, ces cours d'alphabétisation ne peuvent pas être de la même nature, pensons-nous, que les cours qui seraient offerts aux Québécois de vieille souche puisqu'il y a un autre problème qui surgit. C'est justement le fait que leur langue maternelle à eux n'est pas le français et, dans certains cas, ils ne le parlent que très peu. Donc, ce que nous avons proposé, dans notre avis à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, c'est justement de trouver une formule qui permettrait d'apporter des cours d'alphabétisation aux immigrants et aux membres des communautés culturelles, en alphabétisant et en francisant en même temps. Il y a une formule qui devrait être

trouvée. Nous n'avons pas la réponse exacte, mais nous avons certainement cette orientation que nous avons proposée à la ministre.

Mme Harel: Mme Folco, pour tout de suite, il n'y a aucun cours d'alphabétisation ou de francisation qui est offert à qui que ce soit. Tantôt vous me disiez...

Mme Folco: Puis-je vous interrompre, Mme Harel?

Mme Harel: ...oui, mais cette personne qui est analphabète est de souche, elle maîtrise déjà bien son français. Il n'en est rien. Vous savez que des délégués syndicaux m'apprenaient cette semaine que bon nombre de travailleurs licenciés s'inscrivent à des cours d'alphabétisation, de français langue seconde, des cours qui, normalement, devraient être offerts aux immigrants. Mais, ils s'inscrivent et font un peu comme ces travailleuses qui sont venues me voir en me disant que la seule manière de se faire engager dans certaines industries à Montréal, c'est de dire: «No habla francés, no habla inglés». Comme ça, l'employeur est sûr que, ne parlant ni français ni anglais, les personnes sont moins informées de leurs droits. Mais ces travailleurs, ce qu'ils font, c'est qu'ils se présentent comme étant des travailleurs immigrants de manière à pouvoir aller chercher des cours d'alphabétisation en français. Je ne sais pas si ça a été porté à votre connaissance. Il y a donc là un problème. Le problème, ce n'est pas qu'ils prennent la place seulement de ceux à qui cela devrait être offert, le problème, c'est qu'il n'y a rien qui leur est offert.

Mme Folco: Je voudrais vous corriger, peut-être, sur une partie de ce que vous venez de nous dire. C'est qu'il y a présentement un projet-pilote, parrainé par la CSN, au centre Sheraton à Montréal, un projet-pilote auprès - ce sont surtout des femmes - des personnes immigrantes et des membres des communautés culturelles: 30 employés reçoivent des cours de francisation. Ce que nous avons essayé de dire, c'est qu'il y a un projet-pilote qui existe pour les cours de francisation, très bien. Il faudrait maintenant tirer une leçon de ce projet-pilote et généraliser davantage ce projet-pilote, non seulement dans l'hôtellerie, mais dans d'autres industries, et élargir ce projet pour qu'il comprenne non seulement des cours de francisation, mais aussi des cours d'alphabétisation. Mais nous avons pu repérer quelques exemples isolés de cours qui sont offerts sur le marché du travail.

Mme Harel: Évidemment, avec tous ces cours qui sont offerts, vous avez dû sûrement avoir accès à ce document préparé par la Direction de la formation professionnelle au secondaire ef qui fait un bon rappel de tous ces programmes et mesures des gouvernements, tant fédéral que provincial, et de l'ensemble de leurs ministères, à l'intention de la main-d'oeuvre. on y voit, entre autres, le crédit d'impôt, dans la partie où il peut être financé par la sdi. ce crédit d'impôt à l'entreprise auquel vous fartes référence, pour tout de suite il ne peut être financé avec un prêt participatif de la sdi que si l'entreprise démontre que le projet privilégie l'utilisation d'une technologie permettant aux produits fabriqués d'être compétitifs. donc, c'est vraiment très très restreint au cadre limité, si vous voulez, des entreprises qui sont exposées à la concurrence et qui doivent donc s'inscrire dans cette belle course qui s'appelle la compétitivité. pour les personnes... vous proposez également que le programme d'aide à la formation soit ouvert aussi à l'apprentissage du français - «nous souhaitons que la francisation et l'alphabétisation soient des activités admissibles dans le cadre du programme d'aide à la formation» - mais le programme d'aide à la formation, c'est d'abord un programme de prêts. je ne sais pas combien de nouveaux arrivants sont prêts à s'endetter, parce que la mesure, exactement, ce qu'elle prévoit, c'est un prêt maximal représentant 40 % du revenu. donc, il faut que la personne s'endette. elle pourra avoir une période de remboursement du prêt qui peut être étalée sur 10 ans mais, dans un contexte où l'emploi est précaire, c'est quand même peu d'offrir à quelqu'un, en fait, de s'endetter pour pouvoir se franciser.

Dans le contexte, la formation doit mener à l'obtention d'un diplôme dans l'année où elle est poursuivie. Il y a peut-être un critère, qui est le plus discriminatoire, finalement, en regard de votre clientèle, autant pour les femmes, c'est que la personne, pour y avoir droit, doit avoir été active sur le marché du travail durant les six dernières années. Alors, il y a finalement, comme ça, des obstacles qui sont tellement nombreux. Ça vaut pour les femmes aussi, parce que «actives durant les six dernières années», ce n'est pas évident. Il faut ensuite que la personne ait déjà un bon bagage, puisque la formation ne peut excéder 12 mois et doit donner lieu, si vous voulez, à un diplôme. Alors, je ne sais pas s'il n'y aurait pas lieu d'être plus explicite en regard de tous ces changements que vous souhaitez.

Mme Folco: Écoutez, ce que nous avons demandé dans une des recommandations, c'est que ces activités de formation soient considérées comme de la formation professionnelle et donnent droit aux mêmes avantages, notamment le crédit d'impôt et le programme d'aide à la formation. Maintenant, ce que vous soulignez est tout à fait juste dans le sens où il n'est pas dit que - je parle des immigrants, c'est-à-dire des personnes qui sont arrivées au Québec depuis très peu longtemps - ces personnes-là aient comme pre-

mier souci de se franciser. malgré toute la bonne volonté qu'on peut avoir, lorsqu'on est père ou mère de famille, la première chose qu'on veut faire, c'est de se trouver un emploi pour subvenir aux besoins de la famille. donc, il est important qu'on incite les entreprises, par toutes sortes de moyens, à aider les immigrants et les demandes des communautés culturelles sur ce chemin. parce que d'eux-mêmes, malgré leur bonne volonté, si les conditions économiques ne sont pas favorables, ils ne pourront pas le faire.

Mme Harel: Donc, finalement, c'est l'énoncé de politique lui-même, vous savez, parce que cet énoncé s'adresse beaucoup plus au relèvement de la compétence des personnes qui travaillent dans des entreprises de secteurs industriels bien définis. Alors, dans la mesure où c'est ça, si vous voulez, la vision de l'énoncé de politique - d'ailleurs, je citais le titre du communiqué de presse qui accompagnait l'énoncé - une vision sectorielle pour une approche de développement industriel, dans ce contexte-là, vraisemblablement, vous dites qu'il faut élargir, et vous demandez que les entreprises défraient une partie des coûts liés à la francisation et à l'alphabétisation. Il va falloir, à ce moment-là, penser pour l'ensemble de la main-d'oeuvre.

Mme Folco: Tout à fait. Quand on regarde la main-d'oeuvre des immigrants et des membres des communautés culturelles, il y a un nombre important - nous n'avons pas de statistiques exactes pour appuyer ceci - de ces personnes-là qui travaillent dans des PME qui sont elles-mêmes gérées ou qui sont la propriété d'anciens immigrants ou de membres des communautés culturelles. Ces personnes-là - ce sont des petites et moyennes entreprises - n'ont pas les moyens économiques de créer des programmes de francisation ou d'alphabétisation pour leurs employés. Donc, ces employés-là restent, pendant des années, tant et aussi longtemps qu'ils sont employés dans des petites et moyennes entreprises, sans les avantages de pouvoir se franciser ou s'alphabétiser.

Mme Harel: Ça ne va pas aller en...

Mme Folco: Donc, c'est pour élargir le champ.

Mme Harel: C'est ça, et ça ne va pas aller en s'améliorant parce que les budgets consacrés à des cours à temps partiel sont contingentés. Ces budgets ont des enveloppes fermées et diminuent constamment au profit de budgets de formation sur mesure, pour permettre aux entreprises de se lancer dans la concurrence en regard de la mondialisation des marchés, etc. On est dans un contexte où l'ensemble des visions... Par exemple, trois des quatre programmes qui sont présentés dans l'énoncé de politique concer- nent les entreprises ou les collectivités. Il n'y en a qu'un seul qui s'adresse à des individus, et on prend bien soin de dire que ce sera plus en termes de pénurie qu'on va investir dans ce programme pour les individus. Alors, si ce n'est pas pour combler une pénurie, si ça n'est pas pour répondre à un besoin en main-d'oeuvre de l'entreprise, il n'y a pas, comme telle, une approche qui se dégagerait dans le sens où vous le souhaitez.

Mme Folco: Tout dépend si l'approche est curative ou si elle est préventive.

Mme Harel: Voilà!

Mme Folco: Je pense que ce que nous proposons ici, c'est du curatif certainement, mais c'est du préventif très important.

Mme Harel: Tout à fait. Mais encore faut-il que ce soit préventif pour l'ensemble de la main-d'oeuvre. Je pense qu'on partage cette opinion que, s'il fallait qu'une entreprise, par exemple, théoriquement, soit tenue de ne défrayer des cours d'alphabétisation ou de francisation qu'à ses travailleurs immigrants, ça provoquerait un tollé de protestations qui ne serait pas injustifié de la part de ceux qui voudraient pouvoir les suivre aussi. Vous partagez cet...

Mme Folco: Je ne peux qu'acquiescer. Il faut toujours voir les immigrants comme ayant les mêmes problèmes que les Québécois, mais avec une certaine coloration, si vous voulez, un certain nombre de problèmes qui viennent s'ajouter et qui viennent complexifier la situation.

Mme Harel: Vous nous mentionnez dans votre mémoire que le gouvernement a décidé d'une augmentation graduelle du niveau d'immigration depuis 1985. Mais je dois comprendre que, pour la présente année, le niveau d'immigration a été gelé par rapport au niveau de l'an dernier, compte tenu de l'état de la situation économique. Je ne me trompe pas en croyant cela?

Mme Folco: Je vais passer la parole à M. Manègre.

M. Manègre (Jean-François): C'est la conclusion que je tire en examinant les statistiques du ministère. Par exemple, en 1991, on va avoir atteint, à toutes fins utiles, le même niveau qu'en 1990, c'est-à-dire autour de 42 000. En tout cas, les dernières données que j'ai vues, ce sont celles des neuf premiers mois de 1991 que le ministère vient de publier.

Pour 1992, vous êtes mieux informée que moi. Je n'ai pas vu encore, officiellement, de déclaration à l'effet que le niveau était gelé.

Peut-être que je ne l'ai pas reçue ou peut-être que Mme Folco en est informée?

Mme Harel: Non, c'est l'été dernier, en fait. C'est la décision qui avait été communiquée par voie de communiqué de presse, par le ministre, au mois d'août passé.

M. Manègre: C'est ça. Dans le sens que le niveau...

Mme Harel: Au mois de juillet, excusez-moi, plus exactement. Au début juillet.

M. Manègre: D'accord. Si c'est ce que vous voulez dire, oui. C'est exact.

Mme Harel: Cependant, on se rend compte, avec les données que vous nous fournissez, qu'il n'y a que 37 % de l'immigration qui peut être considérée comme ayant une dimension main-d'oeuvre. N'est-ce pas, Mme Folco? Vous nous rappelez...

Mme Folco: Qui a été choisie par rapport à cela. Oui.

Mme Harel: Voilà, parce que 63 % sont choisis, nous dites-vous, pour d'autres motifs: motifs humanitaires, motifs de réunification des familles, etc. Donc, on pourrait dire que deux personnes sur trois sont choisies pour des motifs autres que ceux concernant la main-d'oeuvre. N'est-ce pas? C'est ça qu'il faut comprendre?

Mme Folco: Oui.

Mme Harel: Vous nous rappelez les difficultés que connaissent les allophones analphabètes. À la page 5 de votre mémoire, vous nous rappelez que ces allophones analphabètes se trouvent en grand nombre dans des secteurs fragiles exigeant peu de formation, offrant une faible rémunération, donc plus susceptibles d'occuper des emplois précaires qui sont touchés par les crises conjoncturelles - d'autant plus qu'elles sont structurelles, comme dans les secteurs du textile, de la chaussure, du vêtement et autres. Moi, j'ai les chiffres que le ministre nous fournissait lors des engagements financiers, il y a quelques jours à peine, où il faisait état aussi d'une aggravation de ta situation des sans-emploi chez les réfugiés. Les chiffres qu'il nous donnait indiquaient, par exemple, que, pour 1985-1986, 3014 personnes en attente du statut de réfugié, en attente d'un refuge...

Mme Folco: Des revendicateurs du statut de réfugié.

Mme Harel: Revendicateurs du statut, plutôt. 3014 étaient bénéficiaires de l'aide sociale tandis que cette année - vous voyez, cinq ans, six ans - c'est 12 785. Année après année, on se rend compte que c'est une progression absolument vertigineuse: 3000 en 1985, 5400 en 1986, 7800 en 1987, 9000 en 1988, 8000, etc. Ça augmente constamment, même dans les années où il y a eu une bonne croissance économique continue. Je me suis demandé si le Conseil avait fait des études là-dessus. Quel est l'état de la situation dans chacune des catégories? Par exemple, la catégorie des indépendants qui, eux, sont choisis justement du fait de pouvoir faire partie de la main-d'oeuvre. Quelle est la situation dans les autres catégories, soient les réfugiés, la réunification de la famille? Est-ce qu'on assiste à une augmentation aussi considérable du taux des sans-emploi?

Le Président: (M. Philibert): Mme Falco, je vous invite à une réponse assez succincte parce que le temps est écoulé.

Mme Folco: Merci, M. le Président. Je vais laisser la parole à M. Manègre, puisque c'est lui qui a rédigé le portrait que nous avons fait, justement, des revendicateurs du statut de réfugié, que nous avons présenté à la ministre tout récemment.

M. Manègre: La réponse à la question, elle est claire. C'est non. On n'a pas fait de telles études. Cependant, il y en a qui sont en cours au ministère. Il y a une recherche qui est en cours sur l'insertion et l'intégration des immigrants en général. L'aspect de l'emploi est un des éléments qui est étudié et qui va répondre à ces questions-là, au cours des prochains mois, probablement.

Mme Harel: En fait, ma question, Mme Folco, c'est: Est-ce que le Conseil envisage, à un moment donné, compte tenu de la situation, de... J'ai de l'inquiétude à penser que des personnes qui sont venues - par exemple, 16 000 en cinq ans - étaient analphabètes. A moins qu'on ne trouve des moyens de leur permettre de franchir ces obstacles-là, qu'est-ce qu'on peut leur offrir comme société, sinon la misère?

Le Président (M. Philibert): Encore une fois, rapidement, parce que le temps est écoulé.

Mme Folco: Écoutez, je ne peux pas vous répondre en deux mots. Ce que je peux vous dire vraiment - ça va peut-être être un cliché, mais c'est un cliché important - c'est que la société québécoise a toujours été une société humanitaire. Ces revendicateurs du statut de réfugié qui arrivent au Québec, ils revendiquent le statut pour des raisons extrêmement importantes pour eux - c'est-à-dire la survie - puisqu'ils ne pourront pas survivre dans leur pays, selon eux et...

Mme Harel: Survie économique, vous voulez dire?

Mme Folco: ...survie physique, Mme Harel, très souvent.

Mme Harel: Physique? D'accord. Je voulais être certaine.

Mme Folco: Mais la réponse que je peux vous donner ne peut pas être une réponse brève. Alors, je m'abstiens.

Le Président (M. Philibert): Alors, merci, madame. M. le ministre, pour la conclusion.

M. Bourbeau: Alors, M. le Président, je tiens à remercier les représentants de nos visiteurs du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration pour une présentation bien faite et un document bien étoffé, que nous allons continuer à analyser au cours des prochaines semaines, et dont nous tiendrons certainement compte dans les décisions que nous prendrons éventuellement. Merci.

Mme Folco: Je vous remercie, M. le ministre.

Le Président (M. Philibert): merci, m. le ministre. merci de votre prestation. je vous souhaite un bon retour là où vous demeurez, et j'appelle la suspension des travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 23)

(Reprise à 20 h 6)

Chambre de commerce du Québec

Le Président (M. Philibert): Je veux souhaiter la bienvenue à la Chambre de commerce du Québec et demander tout de suite à M. Mercier de présenter les gens qui l'accompagnent.

M. Mercier (Denis): Merci. Mesdames et messieurs, je désire vous remercier de nous offrir l'occasion de vous exprimer notre point de vue sur l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre et le projet de loi 408 créant la Société québécoise de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Philibert): Vous avez à présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Mercier: J'y arrive. Tout d'abord, on a créé un comité de la main-d'oeuvre, mis sur pied au début de janvier afin d'étudier le projet de loi et l'énoncé de politique. Ce comité était présidé par le président du conseil, M. John Dinsmore, à ma gauche, qui m'accompagne ce soir. Un autre membre du comité, M. Robert-Georges Paradis, qui est à ma droite, est vice-doyen de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal. Est aussi avec moi, à ma droite immédiate, M. Claude Descôteaux qui est vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec.

Le Président (M. Philibert): Vous avez 20 minutes environ pour présenter votre mémoire, et il y aura 20 minutes à la disposition du ministre pour vous questionner et 20 minutes à la disposition de l'Opposition. Alors, allez-y pour votre mémoire.

M. Mercier: Je vous remercie. La Chambre de commerce est préoccupée par la question de la formation professionnelle et de l'adaptation de la main-d'oeuvre, depuis de nombreuses années. Elle devait d'ailleurs profiter, entre autres, de sa rencontre annuelle avec le premier ministre, le Conseil des ministres et le chef de l'Opposition officielle, en 1990, afin de réitérer ses préoccupations dans ce domaine en déposant un document à cet effet. L'institution d'une conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre démontre une volonté d'agir du gouvernement et son intention de trouver une solution durable à ce véritable défi de la société. Nous nous sommes cependant rapidement inquiétés de l'accent qui a été si vite placé sur la création d'une nouvelle institution avant d'avoir arrêté une politique définissant les objectifs sur lesquels on doit d'abord se mettre d'accord. Cette politique n'était-elle pas, d'ailleurs, l'objectif primordial de la concertation tant souhaitée?

La Chambre de commerce a eu l'occasion, tout au long du processus de consultation mis en place par le ministre, de faire part de ses réserves quant à la présentation d'une loi qui viendrait modifier les structures actuelles avant même que nous soyons dotés d'une politique de la formation de la main-d'oeuvre. Le dépôt par le ministre d'un document, le 11 décembre dernier, quelques heures avant le dépôt à l'Assemblée nationale et quelques jours seulement avant Noël, de même que la nécessité de déposer notre mémoire avant le 17 juillet témoignent, selon nous, d'une conception étonnante de la concertation requise de l'ensemble des partenaires impliqués dans le processus de consultation que le ministre avait lui-même mis en place.

De nombreuses interventions ont déjà été faites par les partenaires du monde du travail et de la formation professionnelle sur les lacunes identifiées dans le projet de loi actuellement à l'étude. Nous ferons plutôt porter notre intervention sur la question plus générale de la politique de développement de la main-d'oeuvre québécoise que nous réclamons depuis plusieurs années et dont l'énoncé actuellement à l'étude ne semble qu'une timide ébauche.

On ne peut s'en prendre au diagnostic

présenté par M. le ministre puisqu'il rejoint en grande partie les résultats de nombreux travaux réalisés sur cette question par le gouvernement et les divers regroupements comme le Forum sur la main-d'oeuvre. Il est toutefois inquiétant de constater que le gouvernement se limite à nous communiquer un diagnostic connu de tous plutôt que de s'attaquer aux réalités concrètes et proposer de réelles solutions à ce défi de société.

Ce n'est pas du cadre de la gestion des programmes que nous souhaitons discuter, mais bien des besoins des individus et des entreprises afin de maintenir notre compétitivité. Tant de ressources ont été dépensées au gré des nombreuses réformes mises de l'avant depuis 30 ans, sans résultat permanent, que nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'en voilà encore une autre. Comment envisager des solutions durables et efficaces si l'incohérence gouvernementale continue à se perpétuer? On parle ici de la formation de la main-d'oeuvre alors que, au même moment, le ministre de l'Éducation envisage une nouvelle réforme de la formation professionnelle au sein du réseau de l'éducation, réforme qui ne semble faire l'objet d'aucun arrimage avec les travaux du ministère de la Formation professionnelle.

L'incohérence est pour nous synonyme de gaspillage de ressources financières et, encore plus, de ressources humaines. Elle risque également d'être la source de problèmes d'intégration des jeunes diplômés au monde du travail et d'accroître encore plus l'écart qui sépare les entreprises des institutions de formation. Comment s'étonner d'ailleurs de cet écart, alors que trois ministères ont une mission de formation de la main-d'oeuvre? Une politique de développement de la main-d'oeuvre est indispensable pour le maintien de notre prospérité. Elle ne doit pas viser à offrir des solutions à court terme pour améliorer nos statistiques des sans-emploi, mais il faut mettre l'emphase sur la force au travail. Son objectif doit être plutôt de nous assurer, d'une part, que chaque individu disposera de la formation de base la plus complète possible afin de pouvoir s'adapter à un environnement professionnel de plus en plus exigeant et, d'autre part, bénéficiera d'une formation continue qui lui permettra de mettre à jour ses connaissances afin de relever les défis nouveaux qu'impose l'évolution des techniques et des outils de travail.

L'urgence de la situation - et nous n'insisterons jamais assez là-dessus - ne doit pas, toutefois, nous imposer de vivre avec des solutions Insatisfaisantes, d'autant plus que l'énoncé de politique ne répond que très partiellement aux questions et aux préoccupations exprimées par la Chambre de commerce du Québec. L'ampleur du problème et les implications du projet gouvernemental sont trop importantes pour que nous acceptions des décisions précipitées qui nous apparaissent trop partielles.

C'est en ce sens que nous proposons la collaboration de la Chambre de commerce du Québec afin de procéder conjointement, avec les partenaires du monde du travail, de l'éducation et de la formation professionnelle, à une consultation élargie sur la problématique, qui permettra la rédaction, par le gouvernement, d'une véritable politique de la main-d'oeuvre. Ce n'est qu'alors que nous pourrons examiner la meilleure structure nécessaire. La rédaction de cette politique devrait être précédée d'une réflexion approfondie des aspects suivants, qui nous semblent négligés dans l'énoncé: l'analyse et l'inventaire des ressources humaines et financières actuellement consacrées par le gouvernement du Québec à la formation professionnelle. Quels sont, par exemple, les coûts de fonctionnement des CFP? Et pourquoi veut-on transformer de fond en comble le système actuel? Quels sont les objectifs que nous pourrions atteindre ou les besoins qui pourraient être rencontrés avec le système actuel modifié et non chambardé? Le gouvernement veut-il et peut-il généraliser le cas d'espèce que constitue la formation adaptée aux besoins de l'industrie aérospatiale? Ce qui nous apparaît comme un exemple concret d'adaptation aux besoins de l'industrie découle d'une initiative de la base où s'est regroupé l'ensemble des personnes concernées. Cela diffère largement d'une structure centralisée où les programmes sont définis dans une optique provinciale et doivent s'adapter par la suite à des réalités différentes.

Les initiatives en faveur du développement économique local sont de plus en plus nombreuses. Celles-ci s'appuient sur des groupes sociaux qui y ont consacré beaucoup d'énergie et qui sont à la base du dynamisme de ces initiatives. Ces groupes sociaux nous semblent peu présents, pas plus d'ailleurs qu'on ne semble prendre en compte leur sensibilité et leur expérience des réalités locales, comme leur capacité de structurer et de mener des projets qui répondent aux véritables besoins. (20 h 15)

Nous savons tous que la majorité des travailleurs et des personnes aptes au travail qui seront à l'oeuvre en l'an 2000 sont déjà sur le marché du travail. Comment entend-on adapter nos programmes et nos structures aux besoins de ces personnes qui sont souvent les plus démunies au chapitre de la formation de base? L'individu est trop souvent oublié dans cet énoncé, alors que c'est sur lui-même que reposent le développement et la compétitivité de nos entreprises. Cet individu, dont la formation de base a trop souvent été insuffisante, sera appelé de plus en plus à changer de travail et d'employeur - jusqu'à cinq fois, estime-t-on, durant sa vie active. Comment lui assurer la nécessaire capacité d'adaptation qui présuppose une bonne formation

de base et le développement préalable de l'aptitude d'apprendre à apprendre, fondement de Ja formation continue?

L'énoncé ne propose guère d'inventaire des formations offertes dans le cadre des programmes actuels. Il n'offre pas non plus de diagnostic qui permettrait d'évaluer les carences des programmes qui existent actuellement et n'identifie pas les correctifs possibles. Il ne fait surtout pas la preuve qu'il ne serait pas avantageux d'apporter des correctifs dans le cadre actuel. L'énoncé n'apporte rien de nouveau qui nous permette de croire qu'une nouvelle structure améliorerait la définition ou la gestion de ces programmes. Il importe, par ailleurs, de rompre avec la tendance naturelle des bureaucraties à mettre sur pied des programmes pour lesquels on cherchera par la suite des clients. Une structure centralisée ne nous offre que peu d'espoir de voir se modifier ces pratiques.

L'énoncé ne s'interroge jamais, à savoir si le Québec dispose de formateurs compétents et en nombre suffisant pour assurer la formation initiale et la formation continue des individus dans les domaines clés pour le développement de l'économie québécoise. On ne s'y intéresse pas non plus à la formation des formateurs, pourtant centrale. On sait que 40 % des nouveaux emplois de l'an 2000 requerront une formation universitaire. On sait également que le développement de nombreux emplois se fera majoritairement dans les domaines des services et de la moyenne et haute technologie.

On sait enfin qu'il faut recycler une partie étonnante de la main-d'oeuvre spécialisée en poste actuellement, et il est pour le moins étonnant, dès lors, de constater que l'université est, à toutes fins utiles, absente du projet ministériel.

Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt, de même que les membres qui ont siégé au comité sur la formation professionnelle, à répondre à vos questions.

Le Président (M. Philibert): Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir d'accueillir les membres de la Chambre de commerce du Québec, d'autant plus que j'ai eu l'occasion de siéger, au cours de la dernière année, avec un représentant de la Chambre de commerce du Québec à la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre. C'était d'ailleurs à la suite d'une rencontre au cabinet du premier ministre, il y a deux ans, où la Chambre de commerce du Québec se plaignait justement de ne pas avoir de forum sur la main-d'oeuvre au Québec ou d'endroit où les partenaires du marché du travail pourraient se rencontrer, que j'avais indiqué mon intention de former cette conférence permanente. La Chambre de commerce du Québec, depuis ce temps, siège régulièrement aux réunions de la

Conférence permanente. Elle a été présente, je crois, à toutes les réunions au cours de la dernière année, réunions au cours desquelles nous avons discuté régulièrement du projet de politique de main-d'oeuvre. Nous avons soumis des textes, des documents régulièrement; nous avons fait en sorte de prendre le pouls des partenaires, tant syndicaux que patronaux ou du mouvement coopératif. Nous avons également fait cheminer à travers cette table de concertation les documents préparatoires au projet de loi sur la société québécoise de main-d'oeuvre, de sorte qu'on peut dire que la Chambre a été très bien informée, au cours de la dernière année, du cheminement du dossier.

C'est pourquoi je suis un peu étonné de lire dans le document de la Chambre que l'énoncé de politique semble arriver en dernière heure, comme une performance commandée et requise pour avoir droit à une société. La Chambre s'est élevée tôt contre cet exercice qui lui apparaissait tronqué. C'est des propos qui m'apparaissent un peu étonnants, compte tenu de la participation très étroite de la Chambre de commerce du Québec à tous les travaux préparatoires à la politique de main-d'oeuvre qu'on a devant nous. Ça date d'au moins un an, les réunions que nous avons tenues ensemble là-dessus. On ne peut certainement pas dire que la Chambre a été prise par surprise, ayant eu accès à toute la documentation et ayant participé à toutes les réunions.

Il y a également un autre paragraphe qui m'étonne encore plus, c'est quand on dit que nous ne retrouvons aucune analyse approfondie de la situation actuelle. Là, vraiment, je dois dire qu'il y a des gens autour de moi qui acceptent difficilement de se faire dire qu'ils n'ont pas très bien analysé la situation actuelle. D'ailleurs, la majorité des mémoires que nous recevons sont plutôt flatteurs à l'égard du ministère pour ce qui concerne l'analyse qui a été faite de toute la situation du marché du travail au Québec.

Au cas où la Chambre en douterait, les gens qui m'entourent m'ont remis une série de documents qui ont servi de base à la rédaction du document. Je vais vous en faire la nomenclature, si vous voulez. Vous les avez ici. Un document de juin 1991, «Le développement des compétences, le défi des années quatre-vingt-dix»; c'est un document très intéressant qui porte sur toute la problématique; «Les perspectives sectorielles du marché du travail au Québec et dans ses régions, 1991, 1992 et 1995»; le rapport de la consultation du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu sur l'adaptation de la main-d'oeuvre aux impacts de l'Accord de libre-échange canado-américain, de février 1989. Je pourrais vous citer également «Partenaires pour l'avenir. Stratégie d'adaptation et de mise en valeur des ressources humaines pour les années quatre-vingt-dix»; c'est la

position commune des provinces du Canada et des territoires, novembre 1989. J'aimerais dire que c'est le Québec qui était la province-pilote cette année-!à, en 1989, et le document qui a été rédigé par toutes les provinces canadiennes avait comme inspiration le Québec. Ici, «Le développement des compétences... Alors, c'est le même que tantôt, je m'excuse. Je ne veux pas vous en donner deux copies. Si vous n'avez pas d'objection, je vais vous les envoyer, les documents; je vais vous les faire parvenir. On va aller vous les porter. Vous pourrez au moins dire que vous en avez eu copie et vous pourrez peut-être, à tête reposée, en faire la lecture pour vous assurer que le ministère n'a pas improvisé dans la rédaction de ces documents.

Changement de propos, le mémoire que vous avez proposé est, je crois, écrit au nom de la Chambre de commerce du Québec, et il y a une série de chambres de commerce qui sont indiquées comme faisant partie du comité sur la formation professionnelle. Nous avons reçu, au cours des derniers jours... Enfin, j'ai vu une lettre - je ne sais pas s'il y en a eu d'autres - d'une chambre de commerce qui protestait parce qu'on avait indiqué son nom ici, et elle se déclarait totalement en désaccord; je crois que c'est la Chambre de commerce de Sainte-Foy. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette lettre-là, M. le président?

M. Mercier: Nous avons pris connaissance de cette lettre, oui, M. le ministre. Maintenant, j'aimerais vous rappeler peut-être le processus que l'on suit à la Chambre de commerce du Québec, et on y adhère aussi religieusement que possible. On a eu un comité qui a été formé et les représentants de cette même chambre ont participé aux délibérations. Le rapport a été rédigé et préparé, a circulé parmi toutes les chambres, et chacune avait le loisir de nous informer et de proposer des corrections. Je dois vous avouer que cette lettre est arrivée en toute fin de journée hier et nous n'avons pas eu d'autres commentaires, antérieurement à cette lettre, de cette même chambre.

M. Bourbeau: Parce que la Chambre de commerce de Sainte-Foy n'y va pas de main morte. On a pensé que c'était une dénonciation du mémoire.

M. Mercier: Je pense qu'on pourrait regarder le texte. J'ai lu la lettre, et ce n'était pas si drastique que ça. On parlait de...

M. Bourbeau: De toute façon, on comprend qu'elle se désolidarise du mémoire. Je présume que c'est la seule qui a ce point de vue là.

M. Mercier: C'est la seule qui a manifesté une telle chose, et toutes les chambres de commerce ont été consultées à cet effet.

M. Bourbeau: Alors, on ne mettra pas en doute votre représentativité, M. le président. Disons que c'est une exception qui n'est pas la règle.

Mme Harel: II y a combien de chambres locales? Il y en a 220, je pense, hein?

M. Mercier: 225. Mme Harel: 225, hein?

M. Bourbeau: C'est certainement une exception, j'en conviens.

Tout à l'heure, vous avez fait allusion à une annonce récente du ministre de l'Éducation et vous avez semblé dire que l'annonce qu'a faite le ministre de l'Éducation d'une politique visant à établir, pour les personnes qui ont dépassé l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire, des préalables fonctionnels qui soient reliés directement à l'exercice d'un métier, ça ne semblait pas être très bien coordonné avec la politique de main-d'oeuvre que nous avons devant nous. Le ministre de l'Éducation a annoncé justement une relaxation, si je peux dire, des critères qui vont présider, à l'égard des adultes, à leur admission à la formation en faisant en sorte que les préalables académiques qui étaient jusqu'ici plutôt très rigoureux, très stricts, vont être remplacés par des préalables fonctionnels.

Je ne vois pas pourquoi vous dites que ça ne s'articule pas bien avec la politique parce que, si vous regardez dans notre document d'orientation en page 61, le gouvernement s'engage, à l'alinéa 3.4.1, à «établir, pour les personnes qui ont dépassé l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire, des préalables fonctionnels reliés directement à l'exercice d'un métier». Et dans le document on explique pourquoi il est préférable de baisser, si vous voulez, les prérequis à l'égard des adultes pour faciliter aux adultes l'accès à la formation.

Qu'est-ce qui vous autorise à dire, par exemple, qu'il n'y a pas de relation ou que le ministère de l'Éducation et celui de la Main-d'oeuvre ne sont pas coordonnés dans leurs annonces, puisque ce que le gouvernement s'est engagé à faire, le ministre de l'Éducation, avant même que la commission parlementaire soit terminée, annonce son intention de le faire? Ça m'apparaît, au contraire, être une action du gouvernement qui est très cohérente avec la politique de main-d'oeuvre.

M. Mercier: Peut-être qu'il y a eu confusion dans les termes. Moi, je dois vous avouer que je n'ai vu que ce matin un tel document, qui a été déposé ou que j'ai reçu, qui parle de la formation de la main-d'oeuvre, issu du ministère de l'Éducation où, encore une fois, on voit une déclaration de M. Pagé qui parle de formation professionnelle et qui parle de recyclage là-

dedans. On voit une direction générale de la formation professionnelle sous ce ministère-là et je dois vous avouer, comme simple citoyen que, parfois, on est drôlement confus vis-à-vis des actions qui sont prises par le ministère de l'Éducation, votre ministère ou le ministère de l'éducation supérieure. Et c'est dans ce sens-là qu'on exprimait notre point de vue.

M. Bourbeau: Est-ce que vous êtes au courant si le ministère de la Main-d'oeuvre - en tant que ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle - est-ce que ce ministère-là fait de l'enseignement professionnel? Êtes-vous au courant?

M. Mercier: Que si votre...

M. Bourbeau: si le ministère de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle fait de l'enseignement professionnel?

M. Mercier: Selon moi, non.

M. Bourbeau: Bon, alors, vous avez bien raison, on n'en fait pas\ Et ce n'est pas dans nos responsabilités non plus. Alors, ce n'est pas étonnant. Il ne faudrait pas que vous vous étonniez que le ministère de l'Éducation, qui s'occupe d'enseignement général et d'enseignement professionnel, fasse des annonces relatives à l'enseignement professionnel. C'est son métier, c'est sa vocation. Je ne vois pas pourquoi on viendrait s'étonner que le ministère de l'Éducation prenne des dispositions ou fasse des annonces relativement à des modifications dans l'enseignement, de même que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour ce qui est de l'enseignement professionnel au cégep. C'est des ministères qui enseignent. Donc, il est tout à fait normal que des annonces comme ça soient faites. Et, en général, quand elles sont faites, nous, on applaudit, surtout quand c'est des mesures qui ont pour effet de relaxer, si je peux dire, les règles peut-être un peu trop rigides à l'occasion, qui pourraient empêcher ou qui auraient pu empêcher l'accès à l'enseignement professionnel des adultes.

Si vous voulez, on pourrait peut-être passer au document lui-même. L'énoncé de politique...

M. Mercier: Est-ce que je pourrais, M. le ministre...

M. Bourbeau: Oui, allez-y, je souhaitais un commentaire de vous. Il n'y a pas de problème. (20 h 30)

M. Mercier: Est-ce que je pourrais, à ce moment-ci... Vous avez, au tout début, mentionné notre participation à la Conférence permanente.

M. Dinsmore a participé à un très grand nombre de ces rencontres-là, et j'aimerais peut-être qu'il vous fasse part de ses commentaires. À ma connaissance, on a été partie aux discussions, bien entendu. Mais l'énoncé de politique, comme tel, n'avait jamais été déposé, n'avait jamais été discuté à fond. On a parlé, à la toute fin, d'une société, et c'est à ce moment-là qu'on s'est objectés pour dire que ce que nous préférerions faire, c'est d'abord discuter d'une politique de formation pour, ensuite, trouver les moyens. M. Dinsmore.

M. Dinsmore (John): M. le ministre, je pense que vous avez certainement raison. J'ai assisté à presque toutes les réunions de la Conférence permanente. J'ai suivi l'évolution de la pensée du ministère. J'ai reconnu et j'ai même appuyé votre initiative pour faire valoir tout l'effort de la formation professionnelle dans l'entreprise autant que pour d'autres personnes actives qui ne sont pas actuellement à l'emploi... Mais vous savez que nous étions conditionnés, comme membres de la Conférence permanente, à ne pas dévoiler les activités qui étaient discutées autour de la table. je pense que m. mercier a déjà indiqué la nature propre du mouvement des chambres de commerce. c'est un groupement de différentes chambres de commerce et, à un moment donné, c'est important de les consulter. ce que nous voulons, comme chambres de commerce, c'est la possibilité de permettre à votre projet d'être analysé, évalué, commenté et peut-être amélioré avant que ce soit adopté. et c'est pour ça que nous sommes ici ce soir. c'est pour vous demander de retarder la présentation de votre projet de loi afin de permettre que nous soyons tous confortables, à l'aise, certains que ça va répondre vraiment aux besoins de la formation professionnelle.

Et surtout, comme vous parlez dans votre document d'un Québec compétent et compétitif, il faut miser, peut-être avant toute autre catégorie de la population, sur les personnes en emploi actuellement. Et il faut s'assurer que ces personnes soient qualifiées, capables de mener le succès économique du Québec afin de permettre que les autres puissent aussi avoir accès à des emplois dans l'avenir. Le fer de lance de la compétitivité du Québec, c'est les personnes en emploi actuellement, et c'est surtout la formation des personnes présentement dans les entreprises qui est la préoccupation de la Chambre de commerce du Québec et de ses chambres membres. Et nous ne voyons pas, à l'heure actuelle, des politiques claires à cet égard dans votre énoncé.

M. Bourbeau: Qu'est-ce qui manque dans l'énoncé, selon vous, pour que ce soit satisfaisant aux yeux de la Chambre, à l'égard de ce dont vous venez de parler, là, les politiques claires qui manquent?

M. Dinsmore: Je suis, dans ma vie professionnelle, responsable d'un organisme qui s'appelle Forum entreprises-universités et cette activité s'occupe du mariage, des préoccupations communes au monde des affaires et au secteur universitaire. Nous menons actuellement une étude sur les pratiques dans la formation professionnelle auprès de nos membres, soit universitaires, soit en entreprises. Et je trouve, depuis quelques semaines - parce que c'est tout récemment que j'ai commencé cette étude, mais j'avais déjà des indications - qu'il y a un dynamisme très très marqué au sein des entreprises concernant la formation professionnelle. Il y a une réforme substantielle qui se pratique actuellement, surtout dans la grande entreprise. Ce que nous cherchons, c'est comment généraliser cette expérience au profit de la petite et de la moyenne entreprise.

Je pense qu'il y a besoin, dans votre politique, de vous assurer que la structure que vous proposez est en mesure réellement de répondre aux vrais besoins de l'entreprise. Je ne peux pas vous dire si ça se fait actuellement, mais c'est de chercher et confirmer que ça se fait. Et c'est pour ça que nous croyons que c'est mieux de laisser un peu de temps pour permettre aux entreprises d'examiner, de réagir et de répondre a votre document, avant de l'adopter sous forme de loi.

M. Bourbeau: Pourtant, on nous presse d'agir rapidement, partout. On nous dit que le Québec est en retard, qu'il faut rattraper le temps. Est-ce que vous connaissez, vous, des structures ailleurs, dans d'autres pays - parce qu'on nous dit que les structures actuelles sont inefficaces - autres que celles que nous proposons, disons, et qui pourraient faire l'affaire, selon vous? Est-ce que vous en avez, des structures, à proposer, autres?

M. Dinsmore: Je pense que la crainte, c'est que nous allons créer quelque chose d'assez formel et rigide avant même d'avoir déterminé si ça répond véritablement aux besoins. Peut-être que c'est absolument parfait, mais il faut laisser à l'entreprise le temps de réagir, et ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Du 11 décembre jusqu'en février, c'est trop court.

M. Bourbeau: Écoutez, c'est vrai que, pour ceux qui sont arrivés là-dedans en décembre, ça a peut-être l'air court, mais pour ceux qui réfléchissent à ça depuis longtemps, ça fait quand même un bon bout de temps. À la Conférence permanente, ça fait au moins un an qu'on travaille là-dessus.

M. Dinsmore: C'est sûr.

M. Bourbeau: Nous, ça fait plusieurs années.

On a quand même fait un travail important. Quand vous allez vous taper les documents que je vous ai fait parvenir, vous allez voir que, quand même, on n'est pas parti de rien. Alors, je comprends ce point de vue. Je vais aller à autre chose.

Vous dites dans vos documents que nous ne faisons pas assez de place au secteur de l'éducation dans la Société québécoise de développement. D'après vous, ce serait quoi, une place correcte au secteur de l'éducation au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre?

M. Dinsmore: ii faut d'abord comprendre que le réseau éducatif est organisé sur /'ensemble du territoire du québec et que la situation régionale diffère d'un endroit à l'autre. je pense que le ministère de l'éducation, par son réseau scolaire, est en mesure de s'adapter davantage, dans les différentes régions du québec, aux besoins locaux. c'est un peu ça qui est manifesté dans le document de m. pagé, que nous venons de recevoir. peut-être qu'on a intérêt... je ne sais pas encore, parce que le temps passe vite pour examiner ça dans la réalité, mais il y a probablement un potentiel pour développer des conseils régionaux impliquant le réseau scolaire dans le milieu d'affaires et institutionnel pour développer des activités qui seront vraiment en mesure de répondre à la situation dans ces régions-là.

Le risque, je pense, dans votre projet, si je peux le définir, c'est qu'on part d'une superstructure vers les régions plutôt que de monter ça de la base vers le centre. Une activité coordonnatrice des opérations régionales, je pense, va mieux répondre à la situation actuelle que le contraire, où tout le pouvoir est au centre. Je pense que ça peut créer des difficultés réelles en termes d'articulation des activités sur le plan régional.

M. Mercier: M. le ministre, j'aimerais rajouter simplement un ou deux commentaires à ce que M. Dinsmore vient de dire. Je n'ai sûrement pas la proposition précise pour dire quelle devrait être l'implication du ministère de l'Éducation dans la structure que vous proposez, mais je tiens à dire qu'il faut absolument que le ministère de l'Éducation soit de plus en plus présent pour discuter des besoins de formation de base qui vont permettre à nos individus qui vont arriver sur le marché du travail à partir d'aujourd'hui de faire face à la situation de demain. Cette préoccupation-là est fondamentale chez nous et on pense que, même si on a une très belle société, si on n'a pas les bons individus, bien formés pour être capables d'apprendre à apprendre, encore une fois, comme on l'a dit dans notre mémoire, on se met la tête dans le sable.

M. Bourbeau: Mais il n'y a rien dans le document qui contredit ça, au contraire. Le document s'inscrit tout à fait en faveur d'une formation initiale la plus solide et la plus longue possible, et je ne vois pas du tout en quoi le document contredit ça. Cependant, je pense qu'on doit faire une distinction entre la formation de base qu'on doit exiger d'un jeune qui fait sa formation initiale et celle d'un père de famille de 50 ans qui est sur le point de perdre son travail et qui doit prendre un complément de recyclage ou d'adaptation pour maintenir son emploi. Je ne crois pas qu'on doive renvoyer un père de famille deux ans sur les bancs d'école pour faire son secondaire V en français s'il doit prendre quelques cours de recyclage pour apprendre à briqueter une maison, par exemple. On a vu ça souvent dans le passé, des adultes qui se sont fait refuser carrément des cours.

Et je peux témoigner que nous, on en a «au char» au ministère, chez nous, des cas comme ça, de cours qui ont été cancellés par l'Éducation parce que les adultes qui faisaient partie des cours n'avaient pas un secondaire IV ou un secondaire V en français ou en mathématiques. Donc, les types sont restés chez eux et n'ont pas eu le complément de formation; et ils ont peut-être perdu leur job aussi, l'année suivante, parce qu'ils ne pouvaient plus faire le travail, alors que ça aurait été très facile d'être moins exigeant en termes de préalables. Et c'est ça que le ministre de l'Éducation, finalement, décide de faire maintenant. Tant mieux, et j'en suis content. Il ne faut pas exiger les mêmes préalables, donc la même formation de base, d'un adulte de 50 ans qui est en fin de carrière que d'un étudiant qui commence.

Je vais laisser la parole à l'Opposition, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Alors, merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition, ce soir, M. Mercier, M. Descôteaux, M. Dinsmore. Vous avez été tous les deux, d'ailleurs, M. Dinsmore et M. Descôteaux, des sous-ministres chevronnés. Vous avez connu ce qu'est l'administration publique à partir, donc, d'ici même, ainsi que M. Paradis. J'écoutais tantôt l'échange. Je me demandais si ça allait continuer. Heureusement que ça a bifurque à un moment donné, parce que j'étais plutôt mal à l'aise de voir qu'on vous accusait, pas d'un crime de lèse-majesté, mais d'un crime de lèse-énoncé.

M. Bourbeau: Vous avez mal compris.

Mme Harel: Finalement, je me demandais pourquoi, parce que vous n'êtes pas les seuls à le critiquer. Vous savez, toute la journée, aujourd'hui, on a reçu des personnes qui représentaient des organismes - par exemple, l'Institut canadien d'éducation des adultes, bien connu pour son expertise ou le CIAFT, Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, et bien d'autres - qui sont venus dire la même chose que vous. Et je n'arrive pas encore à m'expliquer pourquoi on vous a tant reproché vos positions. La seule explication que j'ai trouvée, c'est que finalement les vôtres avaient porté. Alors, vous avez peut-être une influence qui est plus grande que celle que vous imaginez, et c'est peut-être ce qui a permis, de toute façon, l'automne passé, qu'on ait le dépôt de l'énoncé. Peut-être n'aurions-nous eu qu'un projet de société, si votre voix n'avait pas porté. Moi, je suis assez contente que votre voix ait porté. Remarquez que, comme vous et comme le ministre, je partage aussi l'urgence d'agir dans ce domaine. Il est évident qu'il faut certainement agir, pas juste pour rebrasser des structures, mais agir pour obtenir du changement. Je pense que c'est ça, notre objectif.

Je dois dire que nous avons très attentivement pris connaissance de vos positions, dans l'Opposition officielle, y compris le chef de l'Opposition et, je vous le dis bien simplement, ça nous interpelle, ça nous fait réfléchir, notamment quand vous appelez à une vision intégrée de l'éducation et de la formation de la main-d'oeuvre. Moi, je le prends de façon positive. C'est ce que vous nous recommandez, donc, d'aller chercher cette vision intégrée.

Le ministre, tantôt, vous faisait grief, là, de parler d'enseignement professionnel. Toute la question est de savoir - évidemment, tout le monde est pour la vertu; on est tous pour que l'éducation s'occupe de la formation de base - si la formation continue à laquelle on aspire, ce n'est pas, finalement, une suite de la formation de base et de la formation initiale? C'est d'ailleurs ma première question. (20 h 45)

À la page 7, vous dites, entre autres, appuyer énergiquement la volonté de rapatrier les pouvoirs et les programmes touchant la main-d'oeuvre au niveau québécois et vous dites regretter que le gouvernement n'en profite pas pour harmoniser les mécanismes et les programmes sur lesquels il a présentement juridiction. Bien, moi, je suis obligée de vous donner raison. Mais je me demande si, finalement, ce n'est pas un héritage, tout ça, un héritage de la Constitution, puisque la formation de la main-d'oeuvre a, dès le départ, été dissociée de l'éducation étant donné que le fédéral y contribuait pour 80 %, tout en n'ayant pas la compétence dans l'éducation. Alors, on a fait une sorte de divorce au départ entre la formation de la main-d'oeuvre et l'éducation. Ça a même amené le ministre à nous dire, la semaine passée, qu'ici on discutait de formation de main-d'oeuvre mais pas de formation professionnelle au sens de formation de base

initiale, etc.

Je suis contente que le milieu d'affaires que vous représentez se préoccupe de l'ensemble des besoins de la main-d'oeuvre, d'une main-d'oeuvre qui, au Québec, à 23 % ou 28 %, connaît des problèmes d'analphabétisme et connaît des problèmes de sous-scolarisation. Moi, je suis plutôt portée à vous applaudir d'avoir à coeur cette vision intégrée de l'éducation et de la formation de la main-d'oeuvre. Je ne sais pas si vous voulez réagir à ça tout de suite ou si vous voulez que je poursuive.

M. Mercier: À ce moment-ci, je pourrais demander à M. Paradis de vous indiquer pourquoi la formation continue, la formation qui va évoluer, qui va nous permettre de progresser est aussi importante de nos jours et dans l'avenir. M. Paradis.

Le Président (M. Philibert): M. Paradis.

M. Paradis (Robert-Georges): Oui, merci. M. le ministre a parlé tout à l'heure de l'individu de 50 ans qui perdait son emploi et auquel il fallait offrir des correctifs rapides qui lui permettent de se retrouver un emploi, de garder un emploi dans son entreprise ou d'aller dans une autre.

Je pense que c'est là une partie du problème. Il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes très immédiats et qui ont besoin d'une formation que les Américains appellent soit «just in time» ou soit «quick fix». Fort bien, c'est là un volet du dossier de la formation continue. Mais je pense que ce qui est plus important dans un dossier tel que celui-ci, c'est d'habituer à la fois les entreprises et les institutions d'enseignement à une vision à moyen et à long terme des besoins de formation et des solutions à ces besoins de formation là. Si on ne fait pas ça, on sera toujours continuellement, collectivement dans une opération d'urgence; il faudra boucher un trou ici, boucher un trou là et, à terme, ça sera toujours à recommencer.

On a parlé de formation initiale, on a parlé de formation continue, je pense que les deux éléments sont en continuum. On peut dire: Ça n'est pas la même chose de former un jeune et de former un adulte en situation de travail, mais je pense que, dans tous les cas, il y a des acquisitions de connaissances fondamentales, il y a des acquisitions de compétence, de méthodologie, d'instruments et de langage. Et, pour quelqu'un qui pressent un changement, dont l'entreprise pressent un changement, Je pense qu'il est important qu'il puisse s'adresser à une institution d'enseignement, à des formateurs, à son entreprise, etc., et dire: J'ai le sentiment qu'on s'en va par là. D'ici deux, trois, quatre ou cinq ans, il y aurait lieu de nous préparer à être à point, à être au fait des connaissances, des compétences, etc.

C'est l'espèce de chaînon manquant qui m'apparaît un peu dramatique dans cet exercice-là. Il serait abusif, bien sûr, de dire ou de prétendre que le système d'éducation, les institutions d'éducation ont toujours livré la marchandise. Je pense que ça serait une vaste fumisterie. Elles ont leurs structures, elles ont leur lourdeur, elles ne sont pas toujours ni d'accord ni instrumentées pour livrer la marchandise que l'on attend d'elles, et c'est un tort. Elles aussi devront faire des adaptations.

On demande dans l'énoncé de politique - et c'est fort bien - aux entreprises et aux individus de développer une mentalité de la formation continue. J'en suis. Je pense qu'il va falloir faire le même exercice auprès des institutions d'enseignement; elles aussi doivent développer cette mentalité-là. Je pense que les collèges l'ont fait infiniment plus, à date, que le niveau secondaire et le niveau universitaire. Je pense que les besoins se situent tout le long du continuum, et particulièrement au niveau universitaire, pour une foule d'emplois qui sont déjà là et une majorité d'emplois qui seront là dans la prochaine décennie.

Mme Harel: D'ailleurs, à cet effet, vous nous rappelez qu'un travailleur ou une travailleuse aura en moyenne à changer cinq fois d'emploi et d'employeurs durant sa vie active et qu'il nous faut penser à un système intégré qui prépare les travailleurs aux emplois à venir aussi, sinon, ça sera un perpétuel recommencement. C'est finalement cette vision-là que nous applaudissons.

À moins que l'un d'entre vous ne veuille faire des commentaires, j'aimerais ça, peut-être, examiner dans votre mémoire, particulièrement aux pages 9 et suivantes, les inquiétudes que vous exprimez, soit à l'égard de la définition des clientèles visées ou encore de la mise à jour des programmes et compléter avec l'accent sur les nouvelles structures.

Abordons les clientèles visées. Vous nous dites, à la page 10: «L'individu est trop souvent oublié dans cet énoncé...» Je ne saurais que vous inviter à la lecture des mémoires qui nous ont été présentés aujourd'hui, parce qu'on nous a donné énormément d'illustrations pour expliquer à quel point le travailleur ou la travailleuse qui n'est pas prestataire de quelque chose ni, donc, prestataire d'assurance-chômage ou de la sécurité du revenu, est l'oublié dans tout ce système. Les programmes ne lui sont pas accessibles s'il n'est pas admissible à un chèque, très souvent, ou encore parce que tous les budgets de formation à temps partiel sont en voie de diminution; les cours sont contingentés, les enveloppes sont fermées. Vous nous dites: On doit s'adresser simultanément à l'ensemble des clientèles et des besoins. Remarquez que j'ai trouvé ça ambitieux, s'adresser simultanément. Tout de suite, je vous pose la question parce que, dans certains milieux, on a tenté de discréditer votre position en

disant: La Chambre de commerce, dans le fond, ce qu'elle défend, c'est le fait que tout s'en aille à l'Éducation pour que ce soit payé par les impôts des gens et que les entreprises n'aient pas, elles, à assumer leur part par des contributions à venir. Est-ce que vous avez entendu aussi ce...

M. Mercier: Je ne l'ai peut-être pas entendu dans ce sens-là, mais si ça a été dit, j'aimerais le nier fortement. Ce que nous tenons à avoir, c'est qu'en examinant les clientèles - bien entendu, on a dit, comme M. Dinsmore l'a répété tout à l'heure - on regarde aussi des personnes en emploi actuellement, de sorte qu'elles soient prêtes demain à répondre aux besoins de leur entreprise et qu'elles ne soient pas mises à la porte ou remises dans le réseau. Ça, c'est fondamental, selon nous. Donc, il y a plusieurs clientèles. Il y a définitivement les gens en devenir pour accéder au marché du travail. Il y a des gens qui sont en difficulté avec le marché du travail. Il y a des gens, principalement, qui sont au travail et dont on doit améliorer la compétence continuellement pour que les entreprises soient de plus en plus compétitives, de sorte qu'on fasse marcher cette roue-là. Si nos entreprises ne sont pas compétitives avec leur force au travail, bien, on va perdre du terrain, on va reculer et on va disparaître de la carte.

Mme Harel: Mais il y a aussi des gens qui sont tout simplement dans des emplois, qui travaillent mais dans des secteurs qui ne sont pas de pointe. Je ne sais pas, moi, une caissière dans une pharmacie ou dans une épicerie, si on suit l'énoncé, ne faisant pas partie d'un secteur identifié comme susceptible d'être dans la dynamique de la compétitivité, pourrait, par exemple, ne pas voir son employeur lui offrir de la formation sur mesure, etc. Et avec la vision qui est retenue, finalement, très peu est laissé à l'individu qui, de son propre gré, veut améliorer son sort professionnel.

M. Mercier: Vous avez raison là-dessus. Je dois vous dire que, par exemple, dans les entreprises - et non pas les moindres; je peux parler un peu pour Northern Telecom - il y a des besoins immédiats de formation pour être prêt à faire face à la situation de demain chez ces employés-là. Même si nous faisons de la formation qui est ponctuelle, qui est déterminée par les besoins de l'entreprise, l'individu se pose généralement la question suivante: Mais, dans trois ans, qu'est-ce que je vais faire? Comment faut-il que je me prépare pour être capable de faire face à la situation dans trois ans? Trois ans, ce n'est pas dans l'an 2000.

Mme Harel: Vous faisiez référence à votre entreprise qui est une grande entreprise. Dans votre mémoire, vous nous dites: II faut que les petites et les moyennes entreprises puissent participer à cette vision. J'ai l'impression - peut-être à tort, vous me corrigerez - que la grande entreprise y est arrivée, à cette vision plus intégrée. Je pense à tout le secteur de la chimie, de la pétrochimie, par exemple, qui s'est associé avec le cégep Maisonneuve dans le cadre de l'Institut, ou à l'aéronautique. Mais comment amener la petite et la moyenne entreprise à penser que son profit, elle peut le trouver pas juste dans le court terme, mais elle peut le trouver dans le moyen ou le long terme, ce qui est peut-être plus le cas de l'entreprise de grande taille?

M. Mercier: Les convaincre, c'est définitivement une chose qu'on va tenter de faire de plus en plus en parlant à nos membres, mais je pense que la situation économique, la situation compétitive à laquelle ces entreprises doivent faire face va avoir encore plus de poids, encore plus d'effets que nos messages ne vont en avoir. Ce n'est pas une question de choix; il faut que les entreprises le fassent le plus rapidement possible et, si elles ne le font pas, avec la compétition qui est arrivée avec le libre-échange et la compétition qui vient du reste du monde, bien vite, les personnes ou les organisations qui ne le feront pas vont vite être en situation dangereuse.

Mme Harel: Dans l'interface que vous souhaitez entre l'éducation et l'entreprise, vous pensez être capables de faire bouger la lourdeur institutionnelle de l'éducation?

M. Mercier: Je demanderais, à ce moment-ci, peut-être à...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mercier: C'est toi qui as parlé de lourdeur, tout à l'heure.

M. Paradis (Robert-Georges): Écoutez, je pense que les institutions d'enseignement - et c'est vrai dans à peu près tous les pays du monde, du moins en formation initiale - ont des traditions qui sont très longues et des traditions qui appellent lourdeur, lenteur et faible rapidité de réaction à des problématiques du jour. Je pense qu'on peut se mettre la tête dans le sable. Généralement, les choses qui sont le plus de pointe sont les recherches; et on sait qu'entre 8 % et 10 % des produits de la recherche fondamentale retournent en application à des usages, entre guillemets, comestibles pour la population, pour un ensemble ou un autre.

Donc, au plan de la formation, les habitudes sont plutôt longues à changer et il est évident que ce n'est pas demain que l'ensemble des acteurs du système, qu'ils soient des professeurs du secondaire, du collégial ou de l'universitaire,

vont se mettre à valoriser spontanément la formation continue. Ils n'ont pas été formés à ça, sauf les gens qui sont carrément dans les filières professionnelles. Mais les gens qui font de la formation fondamentale, laquelle pourrait être adaptée, bien souvent, n'ont pas cette habitude-là. Je pense qu'il convient qu'ils la développent rapidement parce que, d'une part, les populations étudiantes en formation initiale vont avoir tendance à décroître, c'est bien connu, et ils vont devoir se trouver un autre public cible pour donner de la formation. Et cette formation-là va devoir être adaptée, changée, intégrée, synthétisée pour faire face aux intérêts de cette population-là parce que les gens n'y trouveront pas leur compte et vont aller ailleurs; ils vont se trouver des systèmes parallèles pour rechercher ce qui fait leur affaire. C'est le client qui est roi dans une démarche de formation continue, il ne faut pas l'oublier.

Mme Harel: Vous posez la question dans votre mémoire: Pourquoi de nouvelles structures? Et vous ajoutez un point d'interrogation. Moi, je trouve une explication, en tout cas. C'est que, dans l'ensemble du calendrier constitutionnel, il y aura des propositions, possiblement, de transferts. Ça nous a d'abord été communiqué dès l'automne dernier en matière de formation, et je sais que le fédéral active les autres provinces pour qu'elles mettent sur pied, notamment en Ontario... Vous savez sûrement qu'il y a ce projet de conseil ontarien de développement et de formation de la main-d'oeuvre. Alors, chacune des provinces aurait sa structure dite provinciale. La Société québécoise de développement servirait, j'imagine, à cet usage-là, et c'est une structure qui pourrait se voir transférer des fonds. Ce n'est pas là une explication qui vous est venue, en fait, à votre propre question?

M. Descôteaux (Claude): Je pense qu'on a posé la question, mais on n'a toujours pas la réponse. (21 heures)

Mme Harel: En fait, les événements vont peut-être nous la donner plus rapidement qu'on pense. Vous connaissez la mise en place, actuellement, du conseil ontarien? Vous suivez cette expérience en Ontario?

M. Mercier: Je ne suis pas au courant. Peut-être que John...

M. Dinsmore: Vous parlez de la société ontarienne de formation?

Mme Harel: Oui, qui...

M. Dinsmore: Oui, oui. On est très au courant de cette activité.

Mme Harel: Et c'est une structure qui aura aussi à gérer les programmes de développement de la main-d'oeuvre en Ontario?

M. Dinsmore: C'est construit surtout pour encourager le développement de méthodologies, de programmes et développer une banque d'informations qui va permettre à l'entreprise de trouver des sources de formation appropriées, à sa mesure.

Mme Harel: Alors, elle a des mandats que vous jugez bien différents de ceux que l'on veut voir attribuer à la Société, notre société québécoise?

M. Dinsmore: Oui, oui. L'activité ontarienne, à l'heure actuelle, peut être orientée surtout vers les besoins pratiques des entreprises et l'activité de formation est initiée en fonction de besoins déterminés à la base. Je crois qu'au Québec on a besoin d'instruments, c'est certain, pour stimuler, pour aider, même pour orienter les employeurs et les employés dans leur formation continue. Mais est-ce que nous avons besoin d'une grande superstructure qui va absorber les institutions existantes, les centres de formation professionnelle, etc.? Ça reste à examiner. Ce que l'on cherche, enfin, c'est d'optimiser la situation selon les vrais besoins de l'entreprise. on m'a dit l'autre jour que, dans une entreprise d'une certaine taille, on avait l'option de poursuivre une démarche dans un programme gouvernemental pour aller chercher 500 000 $ pour la formation. on avait le choix, par contre, d'organiser ça à l'interne pour 200 000 $. on a décidé de payer à même nos propres sous dans cette entreprise-là, parce que la lourdeur bureaucratique pour avoir accès aux 500 000 $ était trop pesante. on insiste, dans la nouvelle structure, sur le fait que ça va réduire les vrais coûts de fonctionnement avec un guichet unique, etc. mais il reste à faire la preuve de cela avant de sauter, je pense, dans cette nouvelle activité.

Mme Harel: Mais ces 200 000 $ que l'entreprise allait dépenser pouvaient être crédités par un crédit d'impôt - en tout cas, une partie, tout au moins 30 % - parce que c'était une grande entreprise?

M. Dinsmore: Encore là, j'ai entendu des critiques sur la difficulté d'avoir accès vraiment à ces crédits-là. La paperasse qu'il faut pour en avoir, c'est très difficile pour la plupart des entreprises, même les grandes.

Mme Harel: Votre position, c'est un débat sur la formation professionnelle, un débat pas simplement sur le développement de la main-d'oeuvre, comme celui qu'on poursuit, un débat sur la formation professionnelle pour se donner une vision intégrée éducation-main-d'oeuvre avant de mettre sur pied une structure? C'est ce

qu'il faut comprendre, si je résume et simplifie? Votre position, c'est ça?

M. Dinsmore: Oui.

Mme Harel: II y a une centrale syndicale, la CSN, pour ne pas la nommer, qui a demandé qu'un débat de fond sur la question de la formation professionnelle, de l'éducation des adultes et de la formation continue soit lancé et qui demande au ministère de l'Éducation de mener ce débat public, mais qui n'en fait pas une condition, si vous voulez, pour son appui à la création de la Société québécoise. Vous, vous jugez que c'est indispensable et vous ne nous dites pas, par exemple, qu'il faudrait que la Fédération des cégeps ou que les commissions scolaires siègent à la Société, si elle était mise sur pied.

M. Dinsmore: si, enfin, la structure est confirmée, nous croyons que les instances éducatives devraient être présentes au niveau du conseil d'administration.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, madame.

Mme Harel: bien, en conclusion, m. le président, je veux remercier la chambre de commerce du québec à laquelle adhèrent, je pense, volontairement, 6500 sociétés membres ainsi que 220 chambres locales. je veux la remercier pour cette réflexion qu'elle poursuit au sein de son organisation et dont elle nous a fait part ce soir.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée. M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On vient de parler de cette vision intégrée de la main-d'oeuvre, de l'importance de l'éducation permanente, de la formation continue. Personne n'est plus en faveur de ça que moi, que nous. Il est bien évident que je souscris aux propos que tenait tout à l'heure M. Paradis à l'effet que ça prend des vues à moyen et à long terme et que ce n'est pas avec des vues à court terme qu'on va régler les problèmes.

Le problème qui se pose, cependant, c'est que lancer un débat semblable, non pas seulement sur le développement de la main-d'oeuvre mais sur l'ensemble du dossier de la formation professionnelle au Québec, nous aurait fatalement lancés dans une opération qui aurait fait en sorte que le débat, aujourd'hui, ne serait même pas encore entamé. On n'aurait même pas encore réussi à sortir un document comme ça, pour le moment. Et la preuve, c'est que ça fait 20 ans qu'au ministère, chez nous, enfin, que le ministère de la Main-d'oeuvre essaie de produire un document semblable.

Mme Harel: Non, non.

M. Bourbeau: Non, non. 20 ans, c'est le mot. Écoutez, depuis...

Mme Harel: Oui, mais c'est parce que le ministère n'existait pas, là!

M. Bourbeau: Le ministère, chez nous, ou les prédécesseurs, les ministres du Travail. Depuis 1969, le ministre du Travail du Québec, la Main-d'Oeuvre et les fonctionnaires qui sont ici - il y en a qui sont là depuis très longtemps - essaient de faire un consensus dans l'appareil gouvernemental sur ce que pourrait être une politique globale. Et c'est impossible. Si vous avez lu l'avant-propos du document, il y est très clairement indiqué pourquoi le ministère que je dirige a choisi de limiter le spectre de son étude à un champ beaucoup moins étendu, c'est-à-dire le développement de la main-d'oeuvre dans un premier temps, sans perdre de vue, en aucune façon, l'importance des propos que vous tenez sur l'éducation permanente et sur l'importance aussi de faire en sorte que le système d'éducation soit très intégré au marché du travail. Mais, mieux vaut faire un pas en avant, même un petit pas, que de ne pas en faire du tout. Et, moi, je suis partisan de la maxime qui dit «qui trop embrasse mal étreint». Je vous assure que si nous avions voulu suivre vos conseils, le Québec n'aurait pas encore, dans cinq ans d'ici, une politique de main-d'oeuvre ou encore moins une politique dans le domaine de la formation professionnelle.

Le débat sur la formation professionnelle va se faire. Il va se faire et, j'espère, très bientôt. À mon avis, aussitôt qu'on va avoir terminé le débat sur la main-d'oeuvre, on pourra enclencher le débat sur la formation professionnelle. Mais là ça va être un débat qui va être très long. Ça va remettre en cause les structures de l'enseignement. Ça va remettre en cause la façon dont l'enseignement est fait au Québec, tant au primaire, au secondaire, à l'université que sous le régime collégial. Est-ce qu'on a encore besoin, oui ou non, de cégeps? Est-ce que les cégeps devraient enseigner le général et le professionnel? Est-ce que la filière professionnelle devrait loger où elle est présentement ou dans une filière différente? Est-ce qu'on pourrait valoriser la formation professionnelle davantage si elle avait ses propres structures comme en Ontario, etc.? Et vous allez voir tous les professeurs d'université, les professeurs de cégep, les professeurs du secondaire monter aux barricades, la CEQ en tête. Et là on va s'amuser comme des petits fous pendant très longtemps.

Mais, pendant ce temps-là, les travailleurs du Québec ont besoin d'être formés et ont surtout besoin de pouvoir s'adapter aux réalités

changeantes du marché du travail. Et c'est pour ça - je termine, M. le Président - que je vous incite à relire la page 9 et la page 10 - la page 9, surtout - du document d'orientation, et vous allez comprendre pourquoi, volontairement, on a choisi de ne pas faire ce que vous nous demandiez de faire. Parce que même si vous avez raison théoriquement, en pratique, on n'y serait jamais arrivés et vous nous auriez blâmés de n'avoir rien fait. Alors, vous êtes probablement un homme d'action comme moi. Quand on est dans l'action, parfois, on est mieux...

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, en concluant, M. le Président. Quand on est dans l'action, on est peut-être mieux parfois de prendre les bouchées un peu moins grosses et d'avancer que de faire du sur place. Et c'est la seule raison pour laquelle on n'a pas procédé comme vous le souhaitiez.

Le Président (M. Marcil): M. Mercier, je vais vous donner peut-être deux petites minutes pour réagir.

M. Mercier: Oh, ça va être très bref. On vous remercie de nous avoir entendus. Encore une fois, nous avons exprimé notre point de vue qui a été consistant depuis de nombreuses années. On insiste pour une politique de base d'abord et, ensemble, pour trouver les meilleurs moyens. Maintenant, nous ne pouvons aussi que souscrire et vous féliciter de l'initiative. Au moins, vous avez tenté de faire quelque chose. Nous tentons, nous, de notre part, de vous influencer pour qu'on aille dans la meilleure direction possible.

Le Président (M. Marcil): Je vous remercie, M. Mercier. Merci beaucoup de votre présence à cette commission et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

M. Mercier: Merci.

Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 21 h 10)

(Reprise à 21 h 14)

Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Le Président (M. Marcil): Nous reprenons nos travaux et je voudrais souhaiter aux membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain la bienvenue à cette commission sur l'énoncé de politique sur la formation de la main-d'oeuvre. J'inviterais M. Guibault, président, à nous présenter les gens qui l'accompagnent, pour les besoins du Journal des débats. Ensuite, nous pourrons vous entendre pour 10 à 15 minutes et, après, nous procéderons aux échanges.

Mme Filiatrault (Denise): Si vous me permettez, M. le Président, j'ai été déléguée pour être la porte-parole pour débuter.

Le Président (M. Marcil): Vous êtes madame?

Mme Filiatrault: Denise Filiatrault. Je représente la Chambre de commerce de Laval. J'y suis directrice générale. Je vais en profiter pour présenter les collègues. Vous avez, à mon extrême droite, M. Hervé Pilon, qui est administrateur à la Chambre de commerce de l'Est du Grand Montréal; M. Alex Harper, qui est président du Bureau de commerce de Montréal; M. Marcel Valois, président de la Chambre de commerce de Saint-Laurent; M. Jean Guibault, président de la Chambre de commerce de Montréal et M. Jean-Pierre Lamy, président ex-officio de la Chambre de commerce du West Island.

Alors, permettez-moi aussi de vous mentionner que nous sommes solidaires du mémoire de la Chambre de commerce du Québec, en plus de celui du COPIMM. Les chambres de commerce de la région métropolitaine de Montréal, regroupées à l'intérieur du Comité permanent d'initative du Montréal métropolitain désigné sous le nom de «COPIMM», ont une représentativité incontestable en matière de main-d'oeuvre. En effet, pratiquement la moitié de la main-d'oeuvre québécoise travaille sur le territoire qu'elles représentent.

Par ailleurs, on retrouve dans cette vaste région, qui forme aussi le coeur économique du Québec, des assistés sociaux et des chômeurs en nombre très important. De plus, ces travailleurs, mis à l'écart du marché du travail bien malgré eux, et souvent depuis longtemps dans de nombreux cas, sont victimes de la restructuration industrielle massive qui a frappé des quartiers entiers de la métropole. C'est donc avec un grand intérêt que les milieux d'affaires de la région de Montréal se sont penchés sur le document du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, d'autant plus que ce document était attendu depuis très longtemps. En effet, l'absence chez nous d'une véritable politique de main-d'oeuvre a certainement contribué à amplifier les problèmes de main-d'oeuvre avec lesquels le Québec est aux prises depuis plusieurs années. Tous les intervenants dans le dossier le reconnaissent. L'effort déployé par votre ministère pour développer un énoncé de politique mérite donc d'être souligné. En ce sens, il s'agit certainement d'une heureuse initiative.

Les commentaires qui font l'objet de notre

mémoire visent donc essentiellement un objectif: le milieu d'affaires montréalais veut contribuer à pousser plus avant la réflexion afin que tous puissent agir avec célérité en unissant leurs efforts dans la bonne direction. Pour nous, il s'agit de mettre en oeuvre les moyens les plus pertinents pour solutionner les graves problèmes de main-d'oeuvre maintes fois soulignés, notamment par nos entreprises membres. C'est précisément au nom même de l'urgence d'agir que nous tenons à nous assurer que les moyens les plus appropriés seront utilisés, et ce, dans les meilleurs délais.

D'entrée de jeu, nous tenons à manifester notre accord avec les quatre principes de base qui sous-tendent le document gouvernemental. Il faut développer une culture de formation continue dans les milieux de travail. Il est urgent d'instaurer à plusieurs niveaux et sous plusieurs facettes un véritable partenariat entre le gouvernement, le patronat et les syndicats en faveur du développement de la main-d'oeuvre. La simplification et une plus grande efficacité de l'administration des programmes de main-d'oeuvre s'imposent. Les réseaux d'enseignement doivent contribuer à la recherche de l'équilibre entre l'offre et la demande d'emploi sur le marché du travail. Nous voulons nous assurer, par notre intervention, que le système qui sera mis en place favorisera la mise en application de ces principes auxquels nous croyons.

Je veux maintenant céder la parole à M. Jean-Pierre Lamy qui va continuer l'exposé.

M. Lamy (Jean-Pierre): Merci. À la lecture du document à l'étude, les milieux d'affaires montréalais, d'une part, restent sur leur appétit et, d'autre part, ressentent beaucoup d'inquiétude. Le document présenté comme étant un énoncé de politique demeure étonnamment muet quant à un certain nombre d'éléments qui étayent habituellement une telle réflexion.

Les auteurs du document affirment, et nous sommes tout à fait d'accord avec eux là-dessus: «Une politique de main-d'oeuvre interroge en effet les politiques, les pratiques et les structures mêmes du système scolaire, la politique d'éducation des adultes, le rôle de l'État dans l'économie, la problématique de l'emploi, les interventions du gouvernement en faveur du développement régional, le soutien du revenu et les diverses formes d'aide offerte aux chômeurs et autres personnes à la recherche d'emploi, l'équité salariale, les normes du travail, certains volets de la politique familiale et tout l'univers des relations de travail.» Nous retrouvons cette affirmation à la page 9 du document.

Bien sûr, une telle tâche est colossale et l'ampleur de cette tâche est probablement responsable, en bonne partie, de l'absence de politique de main-d'oeuvre au Québec jusqu'à maintenant. Toutefois, entre autres, ni la complexité de la tâche à accomplir ni les difficultés qu'elle représente au plan politique ne peuvent justifier qu'on garde le silence sur des pans entiers des interrelations qui doivent soutenir une politique de développement de la main-d'oeuvre. Nous insistons là-dessus. Au nom même de l'urgence d'agir, nous soutenons que nous ne pouvons, en tant que société, prendre le risque de mettre toutes nos ressources dans des moyens qui ne seraient pas étayés par une analyse serrée de la situation et parfaitement en ligne avec les objectifs précis que nous nous serions fixés comme société en matière de développement de la main-d'oeuvre. D'où la source de notre Inquiétude quant à la proposition mise de l'avant pour solutionner les problèmes de main-d'oeuvre au Québec.

À notre avis, la mise sur pied d'une structure, que ce soit celle suggérée ou toute autre, est prématurée dans l'état actuel du dossier. Entendons-nous bien. Nous ne prétendons pas que les moyens proposés soient inappropriés. Nous soutenons que le document préparé par votre ministère ne fait pas la démonstration de la nécessité de la mise en place de la Société proposée en fonction d'une analyse serrée de la situation en vue d'atteindre des objectifs bien cernés. En fait, nous croyons que le document est incomplet et que la proposition extrêmement lourde de conséquences qu'il renferme ne repose pas sur des bases suffisamment solides pour que le Québec se lance actuellement dans cette direction à l'échelle de tout le territoire, en investissant toutes nos ressources en formation dans un tel véhicule.

Voilà, résumées en quelques mots, les appréhensions des milieux d'affaires montréalais face à la direction que s'apprête à prendre le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Qu'on s'entende bien, les chambres de commerce de la région métropolitaine de Montréal ne demandent pas au ministre de retourner étudier et analyser les dossiers pendant des années. Il n'en est pas question. Nous le répétons, le temps presse et il va falloir passer à l'action dans les plus brefs délais. C'est pourquoi nos commentaires ne visent nullement à stopper ni même à ralentir le processus. Bien au contraire, nous voulons nous assurer que l'action sera entreprise dans les plus brefs délais, mais une action orientée vers de vraies solutions à nos graves problèmes de main-d'oeuvre.

J'aimerais passer la parole à M. Jean Guibault, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui va poursuivre la lecture du document.

M. Guibautt (Jean): M. le Président, quelles sont les principales failles que comporte le document? Selon les chambres de commerce de la région montréalaise, l'un des principaux arrimages que doit réaliser une politique de main-d'oeuvre reste malheureusement à faire. Il s'agit

du rôle irremplaçable que doit jouer tout le réseau de l'éducation à différentes étapes de l'approche de la formation professionnelle. Nous comprenons parfaitement la répartition des rôles qui a été faite entre le ministère de l'Éducation et votre ministère. Nous ne souhaitons pas revenir là-dessus. Il n'en reste pas moins qu'une politique de main-d'oeuvre ne peut être élaborée en mettant de côté, à toutes fins utiles, ces intervenants indispensables que sont les spécialistes de l'éducation. Et nous n'entendons pas par là les fonctionnaires aux divers niveaux du ministère de l'Éducation. Lorsque nous parions de spécialistes de l'éducation nous pensons plus particulièrement à tous ceux et celles qui oeuvrent de façon concrète auprès de la clientèle. Une séparation des rôles aussi étan-che que le laisse entrevoir le projet à l'étude risque d'entraîner une conséquence des plus dommageables pour la clientèle que l'on veut former.

En effet, les bénéfices qui devraient découler d'une approche de formation continue risquent de nous échapper. L'éducation est un processus qui se poursuit tout au long d'une vie. De la maternelle à l'université, des bancs de l'école jusqu'au bureau ou à l'usine, l'individu acquiert des connaissances qui se complètent, qui se multiplient et qui constituent le bagage le plus précieux qui l'accompagnera tout au long de sa vie. Or, pour tirer le maximum de bénéfices de ce long processus d'acquisition de connaissances et de développement d'habiletés, il faut absolument que l'ensemble du processus soit coordonné et que toute la démarche soit véritablement conçue dans une approche de formation continue.

Les chambres de commerce membres du COPIMM demeurent inquiètes à la lecture du document présenté par le ministre. Nous ne retrouvons pas dans ces pages la volonté de mettre en commun les efforts déployés aux différents niveaux afin de donner à notre main-d'oeuvre la possibilité de parfaire sa formation de façon continue. Une hypothèse se pose d'elle-même: les interminables querelles entre responsables de l'éducation et de la formation professionnelle des travailleurs relèvent du secret de Polichinelle. Ceux et celles qui travaillent sur le terrain à organiser des cours de formation destinés aux travailleurs peuvent en dire long sur ce sujet. Malgré les difficultés réelles qui entourent les relations entre les responsables, à divers niveaux, de l'éducation et de la formation professionnelle, il apparaît, à la lecture du document, que certains arbitrages n'ont toujours pas été faits. Les chambres sont conscientes de soulever là un problème dont on préfère ne pas parler sur la place publique. Nous sommes d'avis que le nécessaire arbitrage qui déterminera qui fait quoi et quand représente un préalable indispensable au bon fonctionnement d'une politique globale de main-d'oeuvre.

Nous mentionnons simplement, à titre d'exemple pour illustrer notre propos, les nombreux conflits qui ont, jusqu'à maintenant, coûté très cher à des centaines sinon à des milliers de travailleurs en termes de formation différée ou même ratée. Nous ne pouvons nous permettre pareil gaspillage de ressources humaines. Nous ne pouvons infliger, en tant que société évoluée, pareil traitement à des individus qui ne demandent pas mieux que d'enrichir leur formation. Et que dire des entreprises qui attendent, souvent en vain, les hypothétiques déblocages? Pendant ce temps, c'est toute notre société qui y perd. Or, à la lecture du document, nous ne sommes pas persuadés que ces problèmes, qui ont fait plus de tort à la formation dans le passé que la rareté des ressources, sont réglés et que le moyen proposé élimine pour de bon ces obstacles à la formation.

Ce qui nous apparaît comme un manque d'arrimage entre l'éducation et les responsables de la formation professionnelle risque d'entraîner un autre problème très important. Les chambres craignent, en effet, que les travailleurs en processus de formation n'aient droit qu'à des compléments de formation pour satisfaire aux besoins immédiats. Nous croyons, au contraire, que, dans le monde dans lequel nous vivons, tout individu doit parfaire son éducation, au sens large du terme, tout au long de sa vie. Injecter des doses de formation au besoin ne suffit malheureusement plus.

C'est là où un meilleur appartement avec le monde de l'éducation nous semble essentiel. Les chefs d'entreprise savent jusqu'à quel point il est devenu important de former des individus capables de penser, de s'exprimer et de comprendre les interrelations entre les différentes fonctions à l'intérieur d'un organisme complexe. La polyvalence des tâches fait partie de plus en plus de la réalité. Dans un tel contexte, un système de formation globale qui permet au travailleur d'évoluer avec l'entreprise qui l'emploie est devenu une nécessité pour concurrencer efficacement sur la scène mondiale. C'est notamment cet aspect capital de la formation professionnelle que nous ne retrouvons par nécessairement dans le document gouvernemental. Nous croyons que tout système de formation qui n'évolue pas en très étroite collaboration avec le réseau d'éducation risque de mener à des échecs coûteux, particulièrement pour les hommes et les femmes qui en feront les frais. En tant que société, nous n'aurions ni le temps ni les ressources pour corriger les erreurs de fond qui pourraient bien découler d'un manque de vision, au moment même où nous investissons dans une structure appliquée immédiatement à l'échelle du Québec.

Je demanderais maintenant à M. Marcel Valois, président de la Chambre de commerce de Saint-Laurent, de bien vouloir poursuivre, s'il vous plaît.

M. Valois (Marcel): Les chambres de commerce de la région de Montréal croient que c'est en fonction des emplois à venir qu'il faut former nos travailleurs. Cet exercice exigeant repose d'abord et avant tout sur une meilleure éducation de base, non seulement pour nos jeunes mais également pour nos travailleurs en emploi. Nous sommes d'avis que le rôle des spécialistes de l'éducation ne peut être réduit à celui de fournisseurs de services. Ils ont, au contraire, un rôle important à jouer, compte tenu de leur expertise et de leur compétence, à toutes les étapes de la définition de la démarche même. (21 h 30)

Par ailleurs, au plan de l'analyse, il eût été intéressant que les auteurs du document gouvernemental offrent un minimum de réflexions concernant non seulement les aspects quantitatifs du système d'éducation mais également ses résultats qualitatifs. Nous trouvons souvent ces questions au coeur d'une démarche globale de développement de la main-d'oeuvre. La même remarque s'applique à la dévalorisation inquiétante qu'a connue le secteur professionnel au cours des dernières années. Au-delà des chiffres, il eût été certainement très utile d'essayer de cerner les causes du problème. Nous nous serions attendus à trouver dans le document du ministère un inventaire complet des ressources disponibles en formation professionnelle, une évaluation de l'état de ces ressources et des besoins auxquels le système proposé tente de répondre. Les objectifs que l'on vise ne sont pas particulièrement clairs dans le document. Pourtant, il nous semble que de préciser des objectifs représente une étape très importante du processus. Il est étonnant de constater qu'aucune analyse de coûts n'accompagne le projet. Pourtant, des ressources considérables lui seront consacrées.

Autant de questions importantes qui nous laissent sur notre appétit et auxquelles nous n'avons pas trouvé de réponses dans le document. En fait, toute l'approche semble consister à mettre en place une nouvelle structure dans l'espoir que ce changement majeur réglera, à lui seul, les nombreux et importants problèmes que nous connaissons tous. Malheureusement, l'histoire nous apprend que ce ne sont pas les changements de structure qui amènent les changements de mentalité dont nous avons besoin en matière de formation. Sauf erreur, il nous semble que toute la démarche consiste à mettre en place une structure et à attendre que de la structure émane une politique de main-d'oeuvre. Si tel était le cas, nous ne pourrions souscrire à une telle approche, compte tenu des besoins extrêmement importants que nous éprouvons dans le domaine de la formation.

Je demanderais à M. Pilon de prendre la relève.

M. Pilon (Hervé): Merci. À titre de représentants des milieux d'affaires de la région de

Montréal, nous ne pouvons passer sous silence un des oublis qui nous apparaissent les plus importants. La région de Montréal, le coeur économique du Québec, malgré les nombreuses caractéristiques qui lui sont propres dans le domaine de la formation, ne fait l'objet d'aucune attention particulière. Nous croyons pourtant que l'importance des problèmes rencontrés dans la région de Montréal, notamment dans certains quartiers de la ville même de Montréal particulièrement touchés par des problèmes reliés au chômage, aurait justifié une réflexion plus poussée sur les instruments à mettre en place pour répondre aux besoins propres à une grande ville affectée durement par une restructuration industrielle en profondeur.

C'est dans la région de Montréal également que l'on retrouve l'immense majorité des membres des différentes communautés ethniques qui, eux aussi, éprouvent des besoins tout à fait particuliers en matière de formation. C'est aussi dans notre région que se retrouve la plus forte concentration des personnes démunies attirées vers le grand centre par la présence d'infrastructures propres à une grande ville pour venir en aide à ce type de citoyens et à leur famille. Encore là, les besoins spécifiques justifient des préoccupations particulières que nous croyons relever d'un énoncé de politique. Nous croyons que l'on ne peut laisser à une structure à mettre en place le soin de développer des pans entiers de politique. À notre avis, ce rôle déborde largement celui que l'on peut confier à une structure qui doit d'abord être fonctionnelle.

Les chambres de la région de Montréal jugent important qu'un énoncé de politique sur la formation et le développement de la main-d'oeuvre tienne compte de ces dossiers spécifiques en relation avec les clientèles particulières qui se trouvent dans la région de Montréal. Nous croyons que ce n'est pas là qu'une affaire parmi d'autres à discuter au niveau des tables régionales. C'est d'abord une question d'approche fondamentale à développer dans un énoncé de politique.

Par ailleurs, nous croyons que certains intervenants ont été oubliés dans la démarche proposée. Nous pensons, par exemple, aux milieux sociaux qui, dans plusieurs cas, ont réussi, en collaboration avec les intervenants engagés dans les domaines de la formation, certaines percées très importantes au cours des dernières années. Nous croyons que ces intervenants ont un rôle des plus importants à jouer. Ce sont eux qui sont les plus près des clientèles particulièrement difficiles à rejoindre et qui constituent souvent les milieux qui offrent le plus de problèmes en matière d'employabilité.

Je demanderai à M. Harper, du Bureau de commerce, de conclure.

M. Harper (Alex): Merci. Ça achève, parce que je n'ai personne à présenter après que

j'aurai fait ma présentation. Donc, ça ne pourra être très long. En fait, les chambres de commerce de la région métropolitaine de Montréal ont jugé plus important de souligner les lacunes de l'énoncé de politique que de s'attarder à commenter les détails du projet de loi créant la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Nous croyons qu'il est prioritaire de consolider les fondations sur lesquelles reposera tout le système avant de discuter des moyens à mettre en place.

Bien que nous soyons très conscients des difficultés que représente la tâche à accomplir, nous croyons que l'enjeu en vaut la peine et nous souhaitons vivement voir compléter l'énoncé de politique avant la mise en place des moyens qui en découleront alors naturellement. À titre d'exemple de sujets que nous aimerions voir traiter plus en profondeur dans un énoncé global de politique, voici une liste non exhaustive d'éléments que nous suggérons: une réflexion de fond sur la formation continue; les responsabilités et le partage des rôles des différents intervenants comme, par exemple, celui dévolu au patronat, aux syndicats et aux organismes sociaux; une analyse des lacunes que présente le système actuel et des moyens d'y remédier; un inventaire des compétences et des ressources disponibles accompagné d'une analyse des qualifications en fonction des besoins identifiés; les objectifs précis à atteindre; une analyse des coûts de la solution proposée; une articulation des moyens proposés pour atteindre les objectifs fixés, parmi d'autres.

Par ailleurs, certains prérequis à mettre en place doivent clairement être établis. Par exemple, la planification du développement sur une base locale et régionale par des organismes représentatifs de même niveau; l'évaluation des besoins de formation et de recyclage à court et à moyen terme, de façon à bien établir les priorités; l'importance du partenariat entre les divers milieux socio-économiques; le suivi et l'évaluation efficace des structures et des mécanismes de formation professionnelle; la nécessité d'une grande flexibilité d'ajustement dans les programmes, les politiques et les mécanismes gouvernementaux voués à la formation, notamment par une meilleure concertation; la reconnaissance nationale des acquis et programmes en matière de formation; la complémentarité essentielle entre les programmes d'éducation de base et la formation professionnelle.

En conclusion, les chambres de commerce - et j'ajouterais le Bureau de commerce, parce que nous sommes le seul; j'ai de la chance, à la fin - de la région métropolitaine de Montréal tiennent à rappeler que l'exercice auquel elles demandent au ministre de se livrer ne doit pas constituer un frein dans la poursuite de la mise en place des moyens les plus appropriés pour solutionner nos problèmes de formation professionnelle. Les chambres et le Bureau de commerce sont convaincus que la très grande majorité des pièces manquantes à l'actuel énoncé de politique sont déjà disponibles, au ministère ou ailleurs, et qu'il ne suffit que de les rendre disponibles dans les plus brefs délais. Il nous semble impensable, en effet, que l'on ait développé toute une structure qui sera implantée à l'échelle du Québec sans disposer d'un seul élément essentiel.

Nous apprécierions beaucoup entendre aujourd'hui même, de la bouche du ministre, les réponses à la plupart des questions que nous avons soulevées au cours de cet exposé, d'autant plus que le ministre a déclaré récemment avoir en main pratiquement tous les éléments pour répondre à la plupart de ces questions.

Nous vous remercions de l'attention que vous avez apportée à notre présentation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais demander immédiatement votre consentement pour pouvoir dépasser 22 heures et se rendre à 22 h 10, pour pouvoir compléter l'heure. Ça va?

Des voix: Consentement.

M. Bourbeau: Ah sûrement! il est 21 h 40.

Le Président (M. Marcil): Donc, à ce moment-ià, M. le ministre, vous allez avoir 15 minutes et Mme la députée, 15 minutes.

M. Bourbeau: C'est peu.

Le Président (M. Marcil): C'est peu. C'est tout le temps. On a donné un peu plus de temps à nos invités pour faire leur exposé.

M. Bourbeau: Alors, les 15 minutes commencent maintenant, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Elles commencent maintenant.

M. Bourbeau: Une remarque en partant. Vous avez dit tout à l'heure que vous représentiez 50 % de la main-d'oeuvre, à peu près. C'est drôle, mais la FTQ, la CSN et la CSD, dans leurs mémoires, prétendent représenter aussi au-delà de 50 % de la main-d'oeuvre - enfin, une bonne partie de la main-d'oeuvre - et elles ne partagent pas votre point de vue sur plusieurs aspects du dossier, entre autres, sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Donc, il faudrait quand même être un peu prudent quand on invoque avoir des mandats pour représenter beaucoup de gens. Il y a beaucoup d'organismes au Québec qui prétendent représenter un grand nombre de travailleurs ou de patrons et qui ne partagent pas nécessairement le même point de vue.

À tout événement, en lisant votre mémoire

et le texte que vous nous avez présenté tout à l'heure, je constate que votre déception, pour utiliser un euphémisme, tient beaucoup au fait que nous n'avons pas embrassé tout le secteur de l'éducation dans le document d'orientation. Et vous citez dans votre mémoire une partie de l'avant-propos, à la page 9, où nous disons ce que pourrait être une politique de main-d'oeuvre élargie. Mais, ce que vous ne dites pas - je vous le reproche un peu - c'est que nous expliquons très bien dans le document pourquoi nous avons jugé bon de ne pas élargir l'étude à tout le secteur de l'éducation, par exemple, et nous faisons la preuve, je pense, que si nous avions voulu embrasser aussi large que ça, en vertu du principe «qui trop embrasse mal étreint», on aurait accouché de rien du tout.

Ça fait 23 ans au Québec, depuis 1969, qu'on essaie, année après année, de concevoir une politique de main-d'oeuvre qui aurait cette ampleur-là, et la tâche est tellement compliquée, tellement difficile qu'il est pratiquement impossible de faire, dans une même analyse, l'analyse de tous ces secteurs-là: l'éducation, la main-d'oeuvre, le marché du travail, les relations de travail, etc. Donc, selon nous, comme on est des gens d'action qui veulent avancer et non pas rester sur place, on estime qu'il est préférable de prendre les bouchées un peu moins grosses et d'y aller avec un énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, dans un premier temps, quitte, après ça, à revenir à une discussion qui pourra porter sur toutes les structures de l'éducation et sur la façon dont l'enseignement professionnel pourrait être dispensé. Maintenant, j'ai fait ce discours-là tantôt. Je ne vais pas le reprendre. Je l'ai fait à la fin de l'autre présentation. Vous avez peut-être entendu.

Vous dites également que l'énoncé de politique ne constitue qu'une présentation sommaire, dont la justification ne repose sur aucune analyse. Dans votre mémoire, en page 6, vous dites également qu'il manque l'analyse. Pourtant, quand on regarde le document d'orientation, si vous l'avez lu, vous voyez qu'à la fin du document, à la page 69, il y a une annexe où on cite toutes les études qui ont été faites, enfin, une partie des études sur lesquelles on s'est basés, les analyses pour concevoir la politique. Je pense que quand on regarde ça, et quand on connaît la réputation du ministère de la Main-d'oeuvre pour ce qui est de ses recherches, ses études et ses analyses - nous avons la réputation d'être un des ministères qui publient le plus, dont les études font autorité et sont citées partout, études sur la main-d'oeuvre, etc. - ça m'étonne qu'on puisse prétendre qu'un document comme ça ne repose sur aucune analyse.

Je vais, si vous voulez bien, pour votre édification, vous faire parvenir tout à l'heure une série de documents qui sont ici, certains des documents d'analyse et d'étude sur lesquels repose le document d'orientation. Vous pourrez vous les taper en retournant ce soir. Vous allez constater qu'affirmer que le document d'orientation ne repose sur aucune analyse, c'est un peu gratuit.

D'ailleurs, si l'énoncé de politique vous inspire ce genre de rejet, imaginez-vous les réactions que ça devrait susciter dans le milieu de l'éducation si, vraiment, ça ne reposait sur aucune analyse. Or, le Conseil scolaire de l'île de Montréal - on parle d'un organisme scolaire - est venu nous dire ici, la semaine dernière, et je cite: «Le Conseil scolaire tient à souligner la qualité du document soumis à la consultation du milieu.» Je ne cite pas un organisme patronal ou un organisme d'un autre milieu. C'est un organisme scolaire. On parle d'éducation - la qualité du document soumis à la consultation du milieu. «Bien structuré, appuyé sur une analyse fouillée de la situation actuelle de la main-d'oeuvre au Québec, il présente clairement la stratégie que le gouvernement du Québec entend poursuivre dans les prochaines années pour assurer le développement de la main-d'oeuvre.»

Laissez-moi vous citer maintenant l'Association des cadres scolaires, qui a reconnu pour sa part que «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif est un document bien structuré et solidement étayé». Quant à la Fédération des cégeps - toujours un organisme du milieu scolaire - tout en réclamant plus de place pour le réseau de l'enseignement, plus de place a la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre - ça, c'est une constante qu'on voit chez tous ceux qui se présentent ici - elle considère que l'énoncé de politique «représente un pas important dans la bonne direction» et elle souhaite «la concrétisation de la politique annoncée». Fin de la citation.

Je ne voudrais pas prétendre que tous ces représentants du milieu de l'éducation endossent inconditionnellement toutes et chacune de nos propositions, mais ils reconnaissent au moins que nous avons produit un document sérieux, valable et concret. Je ne peux pas tirer la même conclusion du mémoire présenté par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Mais vous avez droit, bien sûr, à votre point de vue, qui diffère du point de vue énoncé par plusieurs des organismes du milieu de l'éducation. (21 h 45)

Maintenant, j'aimerais, si vous voulez, passer à des questions peut-être un peu plus précises après ces mises au point. Je vois dans le document, ici et là, des points qui pourraient faire l'objet de discussions. Il n'y a pas grand-chose dans votre mémoire qui me donne l'occasion de discuter de points concrets, parce que le mémoire est assez négatif en ce qui concerne l'énoncé. Mais disons, pour être constructif, que le gouvernement fédéral, dans ses offres constitutionnelles, a ouvert la possibilité à ce qu'il

appelle une délégation législative. D'après vous, est-ce que cette délégation pourrait s'appliquer à l'assurance-chômage et, si oui, quels avantages pourraient en retirer les partenaires du marché du travail?

M. Guibault: Selon - et je parle de façon plutôt personnelle - mon point de vue, cette délégation de pouvoirs que comprend l'énoncé de politique fédéral ne devrait pas s'appliquer à des pouvoirs de juridiction exclusive qui appartiennent aux provinces. Selon nous, la Chambre du Québec et la Chambre de Montréal, le pouvoir en matière d'éducation et en matière de formation de la main-d'oeuvre devrait être un pouvoir exclusivement provincial et, en conséquence, ce pouvoir exclusivement provincial ne devrait pas faire ultérieurement l'objet d'une délégation de la part d'un gouvernement fédéral supérieur. Et nous voyons, nous, dans le pouvoir de délégation du gouvernement fédéral, une possibilité pour le gouvernement fédéral de déléguer des pouvoirs à certaines provinces qui les voudraient ou à certains secteurs qui seraient propres au fédéral, mais certainement pas en matière de formation qui, comme je vous le disais, est un secteur strictement provincial.

M. Bourbeau: Vous m'avez mal compris. Je n'ai pas parié d'éducation et de main-d'oeuvre. J'ai parlé d'assurance-chômage. Ça, c'est une responsabilité strictement fédérale en vertu de...

M. Guibault: Absolument.

M. Bourbeau: ...la Constitution canadienne. Or, vous savez, il est question de rapatrier au Québec la gestion de l'assurance-chômage; il y a plusieurs formules pour le faire. La formule qui a été évoquée dans les propositions d'une délégation législative, est-ce que ça vous apparaît une bonne formule par rapport à, disons, des arrangements administratifs?

M. Guibault: Certainement que ce serait une bonne formule, ça. Au niveau de l'assurance-chômage, il n'y a pas de problème.

M. Bourbeau: Bon, tant mieux! Dans le document, on parle de plusieurs sujets, bien sûr, assez concrets. Il y a là-dedans une proposition pour la mise en place d'un régime de reconnaissance des compétences, qui compléterait le système actuel de reconnaissance des acquis. Qu'est-ce que vous pensez d'une proposition comme celle-là?

M. Guibault: Je pense que c'est important d'arriver à mettre en place un système de reconnaissance des compétences et également un système de reconnaissance des acquis. Mais ce phénomène-là, cette reconnaissance-là va se faire de concert avec le ministère de l'Éducation. Je pense que c'est un point très important.

Vous avez souligné à plusieurs reprises, M. le ministre, les difficultés qu'on retrouvait, par exemple, au ministère de l'Éducation pour, justement, qu'il y ait reconnaissance de certains acquis. Alors, je pense que c'est fondamental, si on veut régler des problèmes de formation, qu'il y ait une cohésion et une interrelation entre, justement, le ministère de la Formation professionnelle et le ministère de l'Éducation.

M. Bourbeau: Bon. Bien, disons que, présentement, un système de reconnaissance des acquis académiques, ça existe déjà au ministère de l'Éducation, au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, et la proposition qu'on fait, ce serait de compléter ce système-là par un système de reconnaissance des compétences professionnelles pour les métiers qui ne seraient pas déjà couverts par le système de reconnaissance des acquis.

Un autre point. D'après vous, quel lien fonctionnel devrait s'établir entre l'approche sectorielle et l'approche régionale proposées dans le document?

M. Lamy: M. le ministre, pourriez-vous reposer votre question? Je n'ai pas vraiment compris, exactement.

M. Bourbeau: Bien, dans le document, on propose une approche régionale, les sociétés québécoises, et aussi une approche sectorielle. D'après vous, quel lien fonctionnel devrait être établi entre ces deux approches-là?

M. Lamy: Vas-y.

M. Guibault: o.k. il est fondamental, d'après nous - et vous touchez également un autre point important - que ce lien d'approche sectorielle se fasse. et vous avez raison. on a besoin que ce lien se fasse. par exemple, vous avez votre collègue, le ministre tremblay, qui est arrivé avec un projet très intéressant de développement et de synergie à l'intérieur de grappes industrielles. il va falloir que, justement en matière de formation professionnelle, on soit capable de faire cette interrelation-là et qu'on puisse la rattacher aux grappes qui ont été suggérées par votre collègue, m. tremblay. et c'est cette absence de lien là qui nous frappe un peu dans le document que vous avez présenté, c'est-à-dire, par exemple, dans le développement régional de montréal, et on le souligne, cette absence de lien entre le développement sectoriel dont vous faites mention et les grappes industrielles de m. tremblay. je pense que c'est fondamental qu'on puisse rattacher tout ça et faire les liens qui sont importants en matière, également, de formation professionnelle.

M. Bourbeau: Mais j'ai de la difficulté à

vous comprendre, parce que dans le document d'orientation on fait ce lien-là entre la politique de développement industriel annoncée par mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, et la politique sectorielle, les comités d'adaptation sectorielle que nous proposons. Ça va exactement dans la même direction, c'est interrelié. Et la politique sectorielle de main-d'oeuvre va s'unir ou s'ajouter ou se relier, si vous voulez, à la politique de développement industriel de sorte que, dans nos comités sectoriels, on pourra faire des analyses prospectives des besoins du marché du travail en relation avec les organisations sectorielles qui auront été identifiées dans les grappes industrielles. Je ne vois pas vraiment le point.

M. Guibault: Mais comment ça va se faire? Quel va être le rôle de chacun? Ça, on ne le définit pas.

M. Bourbeau: Écoutez, les comités d'adaptation de la main-d'oeuvre, c'est connu, on en a plusieurs, on en a une dizaine au Québec. Il y en a un, d'ailleurs, qui est très connu, le CAMAQ; c'est nous qui l'avons formé, au ministère; c'est nous qui le subventionnons à coups de 100 000 $ par année. Vous savez les réalisations du CAMAQ dans le domaine de l'aéronautique?

M. Guibault: Absolument.

M. Bourbeau: Alors, on n'est pas en terrain nouveau avec les comités sectoriels. C'est un des fers de lance de la politique que nous proposerons. Alors, il me semble qu'il est évident que ces comités sectoriels vont exactement dans le même sens que la politique de développement industriel proposée par le ministère de l'Industrie et du Commerce. C'est interrelié.

M. Guibault: Ce n'est pas si évident que ça, d'après nous, dans le document.

M. Bourbeau: C'est marqué... Je pourrais vous dire à quelle page. Je vais laisser la parole à l'Opposition et je vous donnerai la page tantôt.

M. Guibault: D'accord.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: C'est bien gentil. Il lui reste combien de temps, au ministre, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Deux minutes à peu près.

Mme Harel: II lui reste deux minutes. M. Bourbeau: À peu près.

Mme Harel: Ça me fait d'autant plus plaisir que je sais combien vous vous êtes impliqués activement dans l'analyse de cet énoncé de politique. J'ai lu très attentivement votre mémoire et, finalement, quand le ministre, de façon un petit peu dérisoire, vous a proposé de vous faire parvenir les études et recherches effectuées par son ministère - vous les avez déjà reçues - je me suis demandé s'il y avait une étude aussi - peut-être, M. Guibault, que vous pouvez me le dire - sur les problèmes d'arbitrage avec le ministère de l'Éducation. J'ai l'impression que celle-là n'a pas été déposée et c'est celle-là qui nous manque. Je ne sais pas si c'est votre impression aussi. Toutes ces études sur les problèmes de la main-d'oeuvre sont indéniablement intéressantes, mais les problèmes qui sont créés du fait de l'absence d'arrimage ou de l'absence d'arbitrage entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre... Je ne sais pas. Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de lire une étude semblable? J'ai l'impression que c'est de ça dont vous parlez et c'est de ça dont le ministre ne veut pas parier. Parce que, finalement, ce qu'il nous dit, c'est: Écoutez, prenez en considération mes contraintes gouvernementales. Prenez en considération mes contraintes institutionnelles, ministérielles ou bureaucratiques et sachez que j'ai tout livré; c'est le maximum que j'ai pu aller chercher. Si j'avais voulu aller chercher ce que vous me demandez, je n'aurais pas pu vous le livrer. Moi, c'est le message que je reçois, moi.

Mais la question reste posée. Est-ce que c'est autre chose que ce qui est livré qui aurait dû être livré? Et, finalement, est-ce qu'il faut, nous aussi, souscrire au fait qu'il y avait des obstacles qui étaient infranchissables? Mais, alors, pourquoi le ministre ne nous dit pas quels obstacles étaient infranchissables? Je pense que c'est une question légitime et je vous félicite de la poser. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire.

M. La my: M. le Président, moi, je suis de la petite entreprise et je n'ai pas l'habitude du jargon technique et compliqué. Et puis, je n'ai malheureusement pas pu répondre au ministre tantôt, à sa question. J'ai transféré la parole à mon ami Guibault qui est avocat et qui a l'habitude. Ce que je peux vous dire, c'est que, comme président de chambre de commerce et comme gars de la petite entreprise, ce que j'entends, c'est que les gens demandent des jeunes correctement formés au niveau du cégep. Et il y a beaucoup d'entreprises qui demandent des gens qui savent écrire et qui savent lire. On parle de la base, on parle de la fondation. Et puis, je pense que c'est légitime pour des gens d'affaires de vouloir avoir du monde qui sait exactement comment lire un «label», comment lire une directive.

Peut-être que ce n'est pas nécessairement

la formation professionnelle ou une politique de main-d'oeuvre, mais vraiment, dans l'éducation, à la base, il y a quelque chose quelque part qui ne marche pas. Il y a des besoins... Il y a quelques jours, à notre chambre de commerce, on a eu un colloque et puis ces questions ont été posées publiquement. Et puis, je vous citais quelqu'un qui demandait des gens formés au cégep; c'est la directrice du personnel de chez Mack Trucks, une compagnie de Dorval. Elle a dit: Tout ce qu'on demande aux cégeps, c'est qu'ils nous donnent des gens bien formés, avec une bonne formation générale. C'est un peu le commentaire que j'ai pour l'instant.

M. Valois: Je vais peut-être essayer de renchérir. Je suis un homme d'affaires, je suis un entrepreneur de PME, j'ai 75 employés. Je pourrais peut-être vous amener un cas vécu qui énonce bien ce qu'on veut dire quand on parle de vouloir l'éducation en formation. Chez nous, c'est arrivé à deux occasions l'année dernière que, suite à des approches faites avec le collège Ahuntsic pour la formation en infographie, tout baignait dans l'huile; les gens avaient cédulé leurs soirées libres et leurs samedis pour aller prendre des cours en infographie. J'étais bien content. J'avais 200 000 $ d'équipement qui attendait des bons opérateurs. Ou côté du cégep Ahuntsic, ça allait très bien. Tout était cédulé et, à une semaine d'avis, on nous a dit que la Commission de formation professionnelle n'avait plus de sous. On voit la nécessité qu'il y ait une association, un jumelage entre le ministère de l'Éducation et celui de la Formation professionnelle.

Si vous me demandez ce que je pense de la Commission de formation professionnelle et ce que la nouvelle Société va m'apporter, à moi: Est-ce que ça va répondre à ces problèmes-là qu'on vit en entreprise? Vous pourrez demander à mes employés ce qu'ils en pensent, de la formation, de se faire bousculer faute de budget. Ce qu'on recherche, nous autres, premièrement, c'est des politiques claires: une politique gouvernementale, et non seulement d'un ministère, en formation. (22 heures)

M. le ministre me disait hier que c'est la phase I, et que la phase II va incorporer l'Éducation à ça. Ce n'est pas clair que ça va être fait et quand ça va être fait. Ce serait peut-être au premier ministre de dire à la population l'importance de la formation, de dire à nos travailleurs que le Québec va les supporter dans leur formation. Ces gens-là sont obligés d'investir beaucoup de leur temps libre. J'ai même des employés - j'en ai 18 - qui se sont acheté un ordinateur de 3500 $ pour parfaire leur éducation chez eux. Ils l'ont acheté de leur poche et ils paient ça avec de l'argent imposé parce qu'on ne voit pas où on peut avoir de l'aide. Je pense qu'il est nécessaire, et rapidement, d'amener l'Éducation là-dedans. Je fais des démarches à l'Éducation et à la Commission de formation professionnelle. Est-ce que la nouvelle Société va me permettre d'avoir confiance au système de formation dans le futur? J'ai de la misère à y croire parce que je n'ai pas vu cette aide-là.

Dans un autre temps, je vais féliciter le gouvernement québécois de ses crédits d'impôt à la formation. J'aimerais ça que ce soit en double avec le fédéral; ça m'aurait coûté deux fois moins cher l'année dernière. Mais je peux vous dire que j'ai juste une PME de 75 employés et j'ai dépensé 75 000 $ en formation de main-d'oeuvre l'année dernière. Je l'ai financée avec les crédits d'impôt. Je n'ai pas attendu après la Commission de formation professionnelle pour le faire.

Donc, je pense qu'il est important, et rapidement, que l'Éducation embarque dans la parade. Je pense que c'est au gouvernement, et non seulement au ministre, de mettre le pas et de dire à la population qu'ils ont un «commitment» envers la formation, qu'elle soit continue ou de base. C'est bien beau de faire de la formation, mais faire de la formation chez des gens qui ne savent pas lire ni écrire, qui travaillent chez vous depuis 10, 15 ans, ce n'est pas naturel. Les gens ont peur de l'informatique, ont peur de tout. Il faut commencer graduellement et il faut que ce soit dans l'esprit de nos gens que c'est important et que, toutes les années, pour le restant de leur vie, il faut qu'ils retournent à l'école.

Mme Harel: L'infographie dont vous parliez tantôt, justement, lors même que nous recevions la Fédération des cégeps, on nous faisait valoir que ça avait été identifié comme étant en pénurie. Alors, comme c'était en pénurie et que c'est identifié - vous voyez comment c'est institutionnel - tout le monde a donné, à ce moment-là...

M. Valois: Nos employés commencent à donner des cours aux professeurs.

Mme Harel: Tout le monde a donné des cours. Les cégeps ont donné des cours d'infographie et, finalement, il y a eu un surplus. Alors, peut-être, vous, êtes-vous arrivé, au moment où vous aviez besoin que votre propre main-d'oeuvre soit formée, où le couperet est tombé en disant: Non, on en a assez. Mais ce n'étaient pas les bons parce que ce n'étaient pas les vôtres, ça.

M. Valois: Mais je n'avais pas le choix. Il faut que je garde mes employés. Je ne suis pas pour les mettre dehors pour engager ceux qui sont allés à l'école, ça ne se fait pas.

Mme Harel: Mais on voit à quel point il faut qu'il y ait un arrimage entre...

M. Valois: L'éducation.

Mme Harel: ...l'éducation et l'entreprise. À la page 8, dans votre mémoire, quand vous parlez d'objectifs à atteindre, est-ce que vous voulez indiquer par là que ce sont des objectifs qu'on veut atteindre comme société, par exemple, diminuer la sous-scolarisation de la main-d'oeuvre, diminuer l'analphabétisme, augmenter l'intégration des sans-emploi ou adapter les personnes déjà en emploi? En fait, il n'y en a pas, d'objectifs, dans l'énoncé non plus. On n'en retrouve pas; on ne retrouve pas ces objectifs-là, comme société.

D'autre part...

Le Président (M. Marcil): Madame, vous vouliez intervenir?

Mme Filiatrault: Oui. Je voulais juste mentionner que la formation, c'est tellement important que plusieurs chambres de commerce, cette année, sans se l'être dit au départ, avaient toutes comme thème la formation. Nous, à la Chambre de commerce de Laval, on a notre propre comité de formation où on met en relation les gens du domaine de l'éducation, des entreprises et, aussi, de certains ministères. Au sein de COPIMM on a formé un sous-comité qui est le COPIMM de formation où, encore là, on retrouve les mêmes intervenants des différentes chambres de commerce, mais des gens qui sont plus spécialisés dans leur domaine. Tout ça, indépendamment de la Société québécoise de la main-d'oeuvre, pour poursuivre nos recherches et notre consultation et, justement, donner à nos entreprises la possibilité d'obtenir la formation qu'elles désirent. C'est notre rôle en tant que chambres de commerce envers les mouvements d'entreprises que nous représentons.

Je voulais juste apporter une nuance. Le ministre mentionnait tantôt qu'on dit dans notre mémoire qu'on représente 50 % de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on a mentionné; c'est qu'on compte, dans le Montréal métropolitain, 50 % de la main-d'oeuvre.

Mme Harel: Oui, oui. J'ai bien...

Mme Filiatrault: Ça ne veut pas dire que c'est nous qui les représentons en tant que tels, mais on les compte.

Mme Harel: II y a eu un malentendu. Mme Filiatrault: Oui.

Mme Harel: Vous n'avez jamais exprimé dans votre mémoire que vous les représentiez.

Mme Filiatrault: Non, absolument. C'est un état de fait.

Mme Harel: C'est ça.

Mme Filiatrault: Exact.

Mme Harel: À quelques reprises il y a eu cette espèce de discrédit sur votre position en laissant entendre que, dans le fond, c'était une manière de ne pas vouloir faire dépenser de l'argent aux entreprises pour faire de la formation. Donc, une manière de faire épargner l'entreprise en lui évitant de payer sa part, en allant chercher uniquement de la formation à l'Éducation. Je ne sais pas si vous l'avez entendue, cette version-là, mais j'aimerais avoir votre point de vue. Est-ce que, vous aussi, vous pensez qu'il y a du sous-investissement? Je ne parle pas de vous, là; avec l'exemple que vous nous avez donné, évidemment pas. Par exemple, chez vos concurrents, est-ce qu'il y a du sous-investissement, selon vous, et un effort à faire du côté des entreprises? Et comment doit-il se faire, cet effort financier?

M. Guibault: II y a certainement un effort à faire de la part des entreprises, c'est indéniable. Les entreprises se doivent de se mettre à l'heure de la formation si elles veulent demeurer compétitives. Par contre, les entreprises en font, de la formation. Les entreprises tentent d'en faire, de la formation. Par contre, on sait qu'actuellement en matière de formation professionnelle, au niveau, par exemple, des Commissions de formation professionnelle, vous avez entre 45 % et 50 % des budgets de formation professionnelle qui restent dans le tuyau, qui restent dans la structure et qui ne servent pas à la formation proprement dite. Alors, on se dit: II y en a, de l'argent de disponible. Il y en a également qui vient du fonds d'assurance-chômage, de l'argent. Alors, lorsqu'on aura démontré que l'argent est adéquatement employé et que les entreprises, par la suite, doivent également faire un effort, je pense que les entreprises vont faire cet effort-là.

Mme Harel: Dans le mémoire de la Fédération des cégeps on nous a dit que 50 % des coûts de formation - ministère de la Main-d'oeuvre et cégep - passaient en coûts d'administration. C'est énorme! 50 %, ça, c'est sûr que c'est dans le mémoire de la Fédération des cégeps. Ce qu'on me disait au cégep de Maison-neuve, c'est qu'au départ il y a 30 % qui s'en vont à la CFP et le cégep, lui aussi, a ses propres coûts qu'il doit ajouter, qui sont à peu près de 20 %. Donc, au total, c'est 50 %. Je ne sais pas, le ministre n'a pas l'air d'être au courant.

M. Bourbeau: Ah oui, je suis très au courant.

Mme Harel: Ça serait assez inquiétant qu'il ne le soit pas.

M. Bourbeau: II l'est très.

M. Lamy: Je voudrais juste rajouter un point. Je vous l'ai dit tantôt, je suis de la petite entreprise. Beaucoup de petits entrepreneurs ne savent pas où se diriger, ne savent pas où regarder, où chercher des programmes de formation. Ce n'est pas qu'ils ne voudraient pas investir dans cette formation-là, mais ils sont un peu comme dans une jungle. Il y a toutes sortes d'avenues qui se présentent à eux et il ne savent pas. Autre chose, c'est que ...

Mme Harel: C'est parce qu'il y en a trop?

M. Lamy: Je ne pourrais pas vous répondre.

Mme Harel: Un employeur me racontait en fin de semaine qu'en trois mois il avait eu six offres. Il en avait eu des vendeurs de cours, d'une certaine façon, de commissions scolaires, du cégep de sa région - c'était sur la Côte-Nord - d'Emploi et Immigration Canada, de la CFP, puis il y avait aussi des firmes privées.

M. Lamy: Je ne pourrais pas vous répondre.

Mme Harel: Puis, il n'a rien eu, finalement, parce que rien ne convenait à ce dont il avait besoin.

M. Lamy: Je ne pourrais pas vous répondre, mais disons que ça va un petit peu dans la veine que vous avez employée en partant, en disant: Ce serait peut-être parce que les entrepreneurs ne veulent pas souscrire à de la formation et qu'ils veulent laisser le ministère de l'Éducation payer. Je ne penserais pas que ce soit vrai, cette affirmation-là. Moi, en tout cas, je ne peux pas dire que j'ai entendu quelqu'un dans mon milieu ou dans mon entourage en parler et vouloir essayer de se soustraire à investir dans la formation. Moi, j'ai mentionné personnellement il n'y a pas tellement longtemps dans un meeting, qu'au Québec c'est ce qu'il y a de primordial en ce moment, le dossier de la formation. C'est la réponse, peut-être, à notre future compétitivité et à notre positionnement sur un marché mondial. Il ne faut pas passer quelque chose en vitesse juste parce qu'il faut le passer. Je suis persuadé qu'il faut absolument prendre le temps de faire les choses correctement. Je me sentirais très mal à l'aise de voir - le terme anglais, c'est «railroad something in» - pousser à toute vitesse, à toute vapeur, qu'il manque des éléments et qu'on soit obligé d'y revenir dans cinq ans. Il me semble qu'on n'a plus le temps de faire ça.

Mme Harel: Plus précisément, les coûts de gestion de la formation qui étaient identifiés dans le mémoire de la Fédération des cégeps, c'est plus de la moitié des budgets de la forma- tion des adultes cégeps-CFP... Ah, c'est CFP-cégeps. Là, les gouvernements peuvent s'en laver les mains, parce que Québec va dire: C'est la faute à Ottawa, et Ottawa va dire: C'est la faute à Québec. Mais ça coûte quand même 50 %, finalement.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, Mme la députée.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 11 - dernière question - on lit ceci: «Le document consacre [...] le fait que la formation professionnelle des travailleurs n'aurait rien à voir avec le monde de l'éducation, sinon pour acheter des "morceaux de formation", selon les spécifications de "spécialistes" apparentés à d'autres réseaux qu'à celui de l'éducation.» Tantôt, dans votre exposé, M. Guibault en particulier a repris cette idée que les rôles devaient être ceux que l'on connaît maintenant, c'est-à-dire l'estimation des besoins à la Main-d'oeuvre et la dispensation de la formation à l'Éducation. Si les rôles restent exactement ce qu'ils sont, comment on peut penser que les choses vont pouvoir changer entre l'entreprise et l'Éducation?

M. Guibault: Vous avez raison, et c'est une de nos préoccupations de voir qu'il n'y a pas cette intégration-là et cet échange-là. Cette vision globale que devrait être la formation, c'est vrai que c'est un défi de taille, c'est un défi important; c'est sans doute un défi de société. Qu'on demande aux entreprises de faire de la formation, c'est une chose, mais qu'on s'assure que les entreprises qui font de la formation vont être capables, par la suite, de garder leur main-d'oeuvre formée et que ça n'ira pas vers le premier voisin qui, lui, n'en a pas fait et n'a pas dépensé un sou en matière de formation. Vous avez tous les secteurs de la PME, qui sont quand même 80 % de l'ensemble de nos employeurs au Québec, qui sont actuellement en situation très difficile et très serrée.

Alors, je pense que c'est tout ce défi de société qui devra être relevé. On devra intégrer tout le monde et s'assurer que tout le monde jouera un rôle très important en matière de formation.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, en conclusion, deux minutes ou deux minutes et demie, pas plus.

M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez de faire quelques remarques. C'est un peu paradoxal, ce que j'entends. On nous dit: C'est urgent, il faut aller de l'avant; par contre, on a dit: II ne faut pas aller trop vite pour ne pas se tromper. Moi, je suis content parce que, finalement, je suis quelqu'un... Normalement, on se fait accuser de se traîner les pieds. Le

gouvernement se traîne toujours les pieds. Mais aujourd'hui, le reproche qu'on me fait, c'est d'aller trop vite. Alors, entre les deux, je dois dire que j'aime peut-être mieux me faire accuser d'aller un petit peu trop vite que de me traîner les pieds, sachant que, de toute façon, comme la machine gouvernementale a nécessairement beaucoup de frictions, ça va retarder et qu'on va probablement arriver dans le bon temps. C'est une chose de dire aux Québécois qu'on veut rapatrier les fonds fédéraux et les programmes, mais il faut être capable de dire ce qu'on va faire avec parce que, si le fédéral nous fait des offres au mois d'avril et qu'on négocie, il va falloir qu'on soit prêt à recevoir ces fonds-là et ces programmes-là. maintenant, pour ce qui est des frais, des coûts d'administration et des coûts de formation, alors, là, on entend des chiffres extraordinaires: 40 %, 50 % en frais d'administration. la vérité, c'est que, quand on regarde tout le marché du travail au québec actuellement et les 6 800 000 000 $ qui sont dépensés dans les mesures passives et les mesures actives, les vrais coûts d'administration sont de 10,6 %. tous les coûts d'administration, c'est 730 000 000 $, le fédéral et nous, les deux. la moyenne des pays de l'ocde, c'est 6,8 %. cela veut dire que, si on rapatriait au québec tous les pouvoirs de la main-d'oeuvre, les dossiers de la main-d'oeuvre et les budgets, et qu'on n'avait qu'une seule structure, on pourrait très certainement atteindre les mêmes coûts d'administration que les 24 pays de l'ocde - il y en a quand même plusieurs - et là il y aurait une économie d'échelle de 250 000 000 $, seulement sur les frais d'administration.

Maintenant, les 40 % dont parlent les cégeps, c'est que le fédéral, dans les subventions qu'il nous donne pour le réseau de l'enseignement secondaire et collégial, accepte d'affecter 40 % de la subvention aux frais, disons, de soutien du réseau de base de la formation des adultes au Québec. Ça paie les salles de cours, ça paie le chauffage, ça paie tout. 40 %, c'est énorme, d'ailleurs. C'est tellement énorme que les chambres de commerce, quand elles ont contracté avec le fédéral dans les groupes de coordination, ont accepté 15 % de frais de base. C'était la norme dans les contrats. Vous savez, vous en avez signé quelques-uns, madame de Laval; c'était 15 %. Donc, quand c'est l'entreprise privée et le fédéral, c'est 15 %; quand c'est le gouvernement, ils ont accepté de donner 40 %.

Mme Harel: 50 %.

M. Bourbeau: Non, c'est 40 %. Les coûts fixes, c'est 40 %. Alors, la conclusion de ça, ce n'est pas que ça coûte 40 %, c'est que le fédéral a accepté de subventionner le système d'éducation du Québec, par ce biais-là, de 25 % de plus que la réalité.

Maintenant, monsieur disait tantôt que c'est une jungle, les programmes. Vous avez raison, c'est une vraie jungle; c'est ce que je n'arrête pas de dire depuis que je suis là. C'est tellement une jungle qu'on ne s'y retrouve pas. C'est le constat qu'on a fait, nous aussi. C'est pour ça qu'on propose un guichet unique. C'est ça que les entreprises veulent avoir, plutôt que d'aller frapper à cinq, six portes actuellement, que ce soient les cégeps, les commissions scolaires, la CFP, le fédéral ou le MMSR. Les entreprises, elles ne savent plus où aller, ni les particuliers, d'ailleurs. Avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, après avoir rapatrié les budgets fédéraux, il y aura une porte d'entrée. Ça, ça va venir en aide aux entreprises et aux particuliers. C'est pour ça qu'il faut mettre la Société sur pied le plus tôt possible, pour mettre fin à ce fouillis indescriptible que constitue la main-d'oeuvre au Québec...

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...et tout le système de l'adaptation de la main-d'oeuvre au marché du travail.

M. le Président, on peut être d'accord, on peut ne pas être d'accord, on peut dire qu'on va trop vite, mais quand je regarde tout ça, j'aime mieux être accusé d'aller trop vite que de me traîner les pieds pendant des années. Et je pense que les Québécois m'en voudraient pas mal plus de n'avoir rien fait que d'avoir décidé de faire quelque chose, après avoir fait des études assez longues, je dois le dire, avec le ministère de la Main-d'oeuvre et les partenaires du marché du travail. Je vous remercie.

Mme Harel: Ce n'est pas d'aller vite qu'on vous reproche, c'est de ne pas aller dans la bonne direction. Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Non, je ne pense pas.

Le Président (M. Marcil): Ha, ha, ha! Merci beaucoup. Donc, on a réussi à avoir exactement le même temps, aux environs de 18 minutes.

Mme Filiatrault, de même que les personnes qui vous accompagnent, on vous remercie beaucoup de vous être dérangés pour participer à cette commission qui doit normalement corriger une lacune importante au Québec. Grâce à votre participation, on va pouvoir probablement trouver des solutions qui vont s'appliquer le mieux possible à cette situation de la formation de la main-d'oeuvre. Merci beaucoup.

Mme Filiatrault: Merci de nous avoir entendus.

M. Guibault: Merci beaucoup de votre accueil. Au plaisir!

Le Président (M. Marcil): J'ajourne les travaux à demain, 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 17)

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